Avis consultatif du 8 juillet 1996

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095-19960708-ADV-01-00-EN
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INTERNATIONAL COF JUSTICE

REPORTS OF JUDGMENTS,
ADVISORY OPINIONS AND ORDERS

LEGALITY OF THE THREAT OR USE
OF NUCLEAR WEAPONS

ADVISORY OPINION OF 8 JULY 1996

COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

RECUEIL DES ARRÊTS,
AVIS CONSULTATIFS ET ORDONNANCES

LICÉITÉ DE LA MENACE OU DE L'EMPLOI

D'ARMES NUCLÉAIRES

AVIS CONSULTATIFDU 8 JUILLET 1996 Officia1cit:tion
Legality of the Threat or Use of Nuclear Weapons,
Advisory Opinion,J. Reports 1996, p. 226

Mode officiel de citation:
Licéitéde la menace ou de l'emploi d'armesnucléaires,
avis consultatif, C.I.J. Recueil 1996, p. 226

Sales number
ISSN 0074-4441 Node vente:679 1
ISBN 92-1-070743-5 COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

1996
8juillet
Rôle général
8 juillet1996 no95

LICÉITÉ DE LA MENACE OU DE L'EMPLOI

D'ARMES NUCLÉAIRES

Compétencede la Courpour donner l'avis consultatif demandé - Article 65,
paragraphe 1, du Statut - Organe autorisé à solliciter un avis - Article 96,
paragraphes 1 et 2, de la Charte - Activités de l'Assembléegénérale -

((Questionjuridique ))- Aspects politiques de la questionposée - Mobiles qui
auraient inspiré la requêteet implications politiques quepourrait avoir l'avis.

Pouvoir discrétionnaire de la Courde décidersi elle doit donner un avis -
Article 65, paragraphe 1, du Statut - Raisons décisives - Questionfloue et

abstraite - Fins auxquelles l'avis est demandé - Effets possibles de l'avissur
des négociationsen cours - Devoir dela Cour de ne pas légiférer.
Libelléde la questionposée - Versionsfrançaise et anglaise - Objectif clair
- Charge de la preuve.

Droit applicable - Pacte international relatif aux droits civils et politiques
- Privation arbitraire de la vie - Conventionpour la préventionet la répres-
sion du crime de génocide - Intentionnalité enversun groupe comme tel -
Normes en vigueur enmatière de sauvegardeet deprotection de l'environnement
- Considérations écologiquee sn tant qu'élément à prendre en compte dans la

mise en Œuvre dudroit applicabledans les conflits armés - Application du droit
le plus directement pertinent; droit de la Charte et droit applicable dans les
conflits armés.
Caractéristiques propresaux armes nucléaires.

Dispositions de la Charte ayant trait à la menace ou à l'emploide laforce -
Article 2, paragraphe 4 - La Charte n'interdit ni ne permet expressément
l'emploi d'aucunearme particulière - Article 51 - Conditions de nécessitéet
deproportionnalité - Les notions de ((menace))et d'«emploi» de laforce vont
de pair - Possession d'armes nucléaires,dissuasion et menace.

Règles spécijïques régissant la licéitéou l'illicéitédu recours aux armes
nucléairesen tant que telles - Absence de prescription spéci$queautorisant la
menace ou l'emploid'armes nucléaires - Illicéitéper se: droit conventionnel -
Instruments interdisant l'emploi d'armes empoisonnées - Instruments prohi-

bant expressémentl'emploide certaines armes de destruction massive - Traités
conclus en vue de limiter Iacquisition, lafabrication et la possession d'armes
nucléaires,le déploiementd'armes nucléaireset les essais nucléaires - Traité
de Tlatelolco - Traitéde Rarotonga - Déclarationsfaites par les Etats dotésd'armes nucléaires à l'occasion delaprorogation du traitéde non-prolifëration
- Absence d'interdiction conventionnellecomplète et universelled'emploi ou de

menace d'emploi des armes nucléairesen tant que telles- Illicéitéper se: droit
coutumier - Pratique constante de non-utilisation des armes nucléaire- Poli-
tique de dissuasion- Résolutionsde l'Assembléegénéraleaffirmant l'illicéité
des armes nucléaires - Tensions subsistant entre une opinio juris naissante et
une adhésionencoreforte à lapratique de la dissuasion.
Principes et règles du droit international humanitaire - Interdiction des
méthodes et moyens de guerre ne permettant pas de distinguer entre cibles

civiles et cibles militaires ou ayant pour effet de causer aux combattants des
souffrances inutiles- Clause de Martens - Principe de neutralit- Applica-
bilitéde cesprincipes et règlesaux armes nucléaires - Conséquences.
Droit d'un Etat à la survie et droit de recourira la légitimedéfen-e Poli-
tique de dissuasion- Réserves à des engagementspris par certains Etats dotés
d'armes nucléaires de ne pasrecourir à ces armes.
Etat actuel du droit international et éléments dfait à la disposition de la

Cour - Emploi d'armes nucléaires dans une circonstanceextrêmede légitime
défense danslaquelle la surviemêmed'un Etat serait en cause.
Article VI du traitéde non-prolifération- Obligation de négocier debonne
foi et de parvenir audésarmementnucléaire danstous ses aspects.

AVIS CONSULTATIF

Présents : M. BEDJAOUP I,résident;M. SCHWEBEV Li,ce-Président; MM. ODA,
GUILLAUME S,HAHABUDDEE W NE,ERAMANTR RYN, JEVA,HERCZEGH,
SHI, FLEISCHHAUE KRO,ROMA, VERESHCHETIN FE, RRARIBRAVO,
MmeHIGGINS, juges; M. VALENCIA-OSPIN Gre,ffier.

Sur la licéitéde la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires,

ainsi composée,

donne l'avis consultatifsuivant.

1. La question sur laquelle un avis consultatif est demandé à la Cour est
énoncéedans la résolution49175 K que l'Assembléegénérale desNations Unies
(ci-après dénommée l'«Assembléegénérale)))a adoptée le 15 décembre 1994.
Par une lettre en date du 19 décembre 1994, reçue au Greffe par télécopiele
20 décembre1994et dont l'original a été enregistré le 6janvier 1995, le Secré-
taire général del'organisation des Nations Unies a officiellement communiqué
au Greffier la décision prisepar l'Assemblée générale dseoumettre cette ques-

tion à la Cour pour avis consultatif. La résolution 49/75K, dont le texte anglais
étaitjoint àcette lettre, se lit comme suit:
((L'Assembléegénérale,

Considérant que l'existence des armes nucléaireset la poursuite de leur
mise au point font courir de graves dangers à l'humanité,

Sachant que les Etats ont en vertu de la Charte des Nations Unies l'obli-gation de s'abstenir de recouriràla menace ou àl'emploi dela force contre
l'intégritéterritoriale ou l'indépendance politique detout Etat,
Rappelant ses résolutions1653(XVI) du 24 novembre 1961, 33/71B du
14 décembre 1978, 34183 G du 11 décembre 1979, 351152D du 12 dé-
cembre 1980,36192 1du 9 décembre 1981,45159B du 4 décembre1990et
46/37 D du 6 décembre1991, dans lesquelles elle a déclaréque l'emploi
d'armes nucléairesconstituerait une violation de la Charte et un crime

contre l'humanité,
Se félicitant des progrès accomplisen ce qui concerne I'interdiction et
l'élimination des armes dedestruction massive, notamment la conclusion
de la convention sur I'interdiction dela mise au point, de la fabrication et
du stockage des armes bactériologiques (biologiques)ou à toxines et sur
leur destruction 'et de la convention sur I'interdiction de la mise au point,
de la fabrication, du stockage et de l'utilisation d'armes chimiques et sur
leur destruction2,

Convaincue que l'élimination complète des armes nucléaires esla t seule
garantie contre la menace d'une guerre nucléaire,
Notant l'inquiétude expriméleors de la quatrième conférence des parties
chargée de l'examendu traité sur la non-proliférationdes armes nucléaires
devant le peu de progrès accomplisvers l'élimination complète des armes
nucléairesdans les meilleurs délais,

Rappelant que, convaincue qu'il faut renforcer la primauté du droit
dans les relations internationales, elle a déclaré lapériode 1990-1999
Décennie desNations Unies pour le droit international3,
Notant qu'elle peut, en vertu du paragraphe 1 de l'article 96 de la
Charte, demander à la Cour internationale de Justice un avis consultatif
sur toute question juridique,
Rappelant que, dans son rapport intitulé«Un agenda pour la paix»4, le

Secrétaire généraal recommandéaux organes des Nations Unies qui sont
autorisés à demander des avis consultatifs à la Cour internationale de Jus-
tice de s'adresser plus souventà la Cour pour obtenir d'ellede tels avis,

Se félicitant de la résolution 46140 de l'Assemblée del'organisation
mondiale de la Santé,en date du 14mai 1993,dans laquelle l'organisation
demande à la Cour internationale de Justice de donner un avis consultatif
sur la question de savoir si l'utilisation d'armes nucléairespar un Etat au
cours d'une guerre ou d'un autre conflit armé constituerait une violation
de ses obligations au regard du droit international,y compris la Constitu-

tion de l'organisation mondiale de la Santé,
Décide,conformémentau paragraphe 1 de l'article 96 dela Charte des
Nations Unies, de demander à la Cour internationale de Justice de rendre
dans les meilleurs délais un avis consultatif sur la question suivante:
«Est-il permis en droit international de recourirà la menace ou à l'emploi
d'armes nucléairesen toute circonstance?»

' Résolution2826 (XXVI), annexe.
Voir Documents officiels de l'Assembléegénérale, quarante-septième session,
supplémentn" 27 (A/47/27), appendice 1.
Résolution44123.
A1471277-Sl24111). MENACEOU EMPLOI D'ARMES NUCLÉAIRES (AVISCONSULTATIF)

2. Conformément à l'articl65, paragraphe 2, du Statut,leSecrétairegéné-
ral de l'organisation des Nations Unies a communiqué à la Cour un dossier
contenant des documents pouvant servir à élucider la question.

3. Par deslettresen date du 21 décembre 1994,le Greffiera notifiéla requête
pour avis consultatif a tous les Etatsadmis a esterdevant la Cour, conformé-
ment a l'article66, paragraphe 1, du Statut.
4. Par une ordonnance en date du 1"'février 1995,la Coura décidé que les
Etats admis a esterdevant elle et l'organisatiodes Nations Unies étaientsus-
ceptibles de fournir des renseignements sur la question, conformément a l'ar-
ticle66, paragraphe 2, du Statut. Par la mêmeordonnance, la Cour a fixé,
respectivement, au 20 juin 1995 la date d'expiration du délai dans lequel des
exposésécritspourraient lui êtreprésentés sur cette question eau 20 septembre
1995 la dated'expiration du délaidans lequeltes Etatsou organisationsayant
présentéun exposéécritpourraient présenter des observations écrites sur les
autres exposés écrits conformément a l'articl66, paragraphe 4, du Statut.
Dans ladite ordonnance, il étaitnotamment fait étatde ce que l'Assemblée
générale avait demandéque l'avis consultatifde la Cour soit rendu adans les
meilleurs délais»; ily étaitpar ailleurs fait référencaux délaisde procédure
déjà fixésaux finsde la demande d'avisconsultatif antérieurement soumise à la
Cour par l'organisation mondiale de la Santé sur laquestion de la Licéité de
Z'lrtilisntiondearmes nucléaires par un Etat dans un confliarmé.
Le 8février1995,le Greffiera adressé aux Etats admis à ester devant la Cour
et àI'Organisation des Nations Unies la communication spéciale et directe pré-
vue a l'articl66, paragraphe 2, du Statut.
5. Des exposésécritsont été déposés par lesEtats suivants: Allemagne, Bos-
nie-Herzégovine,Burundi, Egypte, Equateur, Etats-Unis d'Amérique, Fédéra-
tion de Russie, Finlande, France, IlesMarshall, Iles Salomon, Inde, Répu-
blique islamique d'Iran, Irlande, Italie, Japon, Lesotho, Malaisie, Mexique,
Nauru, Nouvelle-Zélande,Pays-Bas,Qatar, République populaire démocratique
de Corée, Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, Saint-Marin,
Samoa etSuède.Par ailleurs, des observations écritessur ces exposéécritont

étéprésentées par lesEtats suivants:Egypte, IlesSalomon et Nauru. Dès récep-
tion de ces exposés et de cesobservations, le Greffieren a transmis letexte à
tous les Etatsayant prispart a la procédureécrite.
6. La Cour a décidé de tenir,à compter du 30 octobre 1995, des audiences
publiques au cours desquelles des exposésoraux pourraient être faitsdevant
ellepar tout Etat et toute organisation ayant étéjugéssusceptibles de fournir
des renseignements sur la question à elle soumise. Par des lettresen date du
23 juin 1995,le Greffiera prieles Etatsadmis a esterdevant la Cour et l'Orga-
nisation des Nations Unies de lui faire savois'ilsavaient l'intention de parti-
ciper à la procédure orale; il étaitindiqué,dans ces lettresque la Cour avait
décidé d'entendre au cours d'une seuleséried'audiences publiques les exposés
oraux relatifà la demande d'avis consultatifde l'Assemblée générale et ceux
concernant la demande d'avisconsultatifsusmentionnée dont la Cour avait été
saisie par l'organisationmondiale de la Santé, étant entendu que l'Organisa-
tion desNations Unies ne seraithabilitéeà prendre la parolequ'à propos de la
demande soumisepar l'Assemblée général eetil y étaitpar ailleurs précique
lesparticipants àla procédure oralen'ayant pas pris partà la procédure écrite
se verraient communiquer le textedes exposés et observations produits dans le
cadre de cettedernière procédure.
7. Par une lettreen date du 20 octobre 1995, la République de Nauru a
demandé ala Cour l'autorisation de retirer lobservations écritesqui avaient été présentées esnon nom dans un document intitulé «Réponse aux conclu-
sions des autresEtats)). La Cour a accédé à cette demande et, par des lettres en
date du 30 octobre 1995,le Greffier adjoint en a informéles Etats qui avaient
reçu communication de ce document, en précisant que leditdocument ne faisait
en conséquence paspartie du dossier dont la Cour étaitsaisie.
8. Conformément à l'article 106 du Règlement,la Cour a décidé derendre
accessible au public le texte des exposés écritset des observations écrites à la
date d'ouverture de la procédure orale.
9. Au cours d'audiences publiques tenues du 30 octobre 1995 au 15 no-
vembre 1995, la Cour a entendu en leurs exposésoraux et dans l'ordre sui-

vant:
pour le Commonwealth M. Gavan Griffith, Q.C., Solicitor-General
d'Australie: d'Australie, conseil,

l'honorable Gareth Evans, Q.C., sénateur, mi-
nistre des affaires étrangères,conseil;
pour laRépubliquearabe M. Georges Abi-Saab, professeur de droit inter-
d'Egypte : national à l'Institut universitaire de hautes
étudesinternationales de Genève, membre de
l'Institut de droit international;

pour la République française: M. Marc Perrin de Brichambaut, directeur des
affaires juridiques au ministère des affaires
étrangères,
M. Alain Pellet, professeur de droit internatio-
nal à l'université de Paris X et à l'Institut
d'études politiques deParis;

pour laRépublique fédérale M. Hartmut Hillgenberg, directeur général des
d'Allemagne : affaires juridiques du ministère des affaires
étrangères ;

pour l'Indonésie : S. Exc. M. Johannes Berchmans Soedarmanto
Kadarisman, ambassadeur d'Indonésie aux
Pays-Bas ;
pour le Mexique: S. Exc. M. Sergio Gonzalez Galvez, ambas-
sadeur, ministre adjoint des affaires étran-
gères ;

pour la République islamique S.Exc. M. Mohamrnad J. Zarif, ministre adjoint
d'Iran: aux affaires juridiques et internationales, mi-
nistère des affairesétrangères;

pour l'Italie M. Umberto Leanza, professeur de droit inter-
national à la facultéde droit de l'université
de Rome «Tor Vergata)), chef du service du
contentieux diplomatique du ministère des
affaires étrangères;

pour leJapon: S. Exc. M. Takekazu Kawamura, ambassadeur,
directeur généralau contrôle des armements
et aux affaires scientifiques, ministère des
affaires étrangères,
M. Takashi Hiraoka, maire d'Hiroshima,
M. Iccho Itoh, maire de Nagasaki;pour la Malaisie: S. Exc. M. Tan Sri Razali Ismail, ambassadeur,
représentant permanent de la Malaisie auprès
de l'organisation des Nations Unies,

Dato' Mohtar Abdullah, Attorney-General;
pour la Nouvelle-Zélande: l'honorable Paul East, Q.C., Attorney-General
de Nouvelle-Zélande,
M. Allan Bracegirdle, directeur adjoint de la
division juridique du ministère des affaires
étrangèreset du commerce extérieur deNou-
velle-Zélande;

pour les Philippines: S. Exc. M. Rodolfo S. Sanchez, ambassadeur
des Philippines aux Pays-Bas,
M. Merlin M. Magallona, professeur,doyen de la
facultédedroit de l'universitédes Philippines;

pour Qatar: S. Exc. M. Najeeb ibn Mohammed Al-Nauimi,
ministre de la justice;
pour la Fédération M. A. G. Khodakov, directeur du service juri-
de Russie: dique du ministère des affaires étrangères;

pour Saint-Marin Mme Federica Bigi, conseiller d'ambassade,
fonctionnaire en charge de la direction poli-
tique au ministère des affaires étrangères;
pour le Samoa S. Exc. M. Neroni Slade, ambassadeur, repré-
sentant permanent du Samoa auprès de
l'organisation des Nations Unies,
Ml1"Laurence Boisson de Chazournes, chargée

d'enseignement a l'Institut universitaire de
hautes étudesinternationales de Genève,
M. Roger S. Clark, professeur à la faculté de
droit de l'université Rutgers, Camden, New
Jersey;
pour les ZlesMarshall: l'honorable Theodore G. Kronmiller, conseiller
juridique de l'ambassade des Iles Marshall
aux Etats-Unis d'Amérique,
Mme Lijon Eknilang, membre du conseil, gou-

vernement local de l'atoll de Rongelap;
pour les ZlesSalomon: S. Exc. l'honorable Victor Ngele, ministre de la
police et de la sécuriténationale,
M. Jean Salmon, professeur de droit àl'univer-
sité libre de Bruxelles,
M. Eric David, professeur de droit à l'univer-
sité libre de Bruxelles,
M. Philippe Sands, chargé de cours a la School

of Oriental and African Studies de 1'Univer-
sitéde Londres et directeur juridique de la
Foundation for International Environmental
Law and Development,
M. James Crawford, professeur de droit inter-
national, titulaire de la chaire Whewell a
l'université de Cambridge; MENACE OU EMPLOI D'ARMESNUCLÉAIRES (AVISCONSULTATIF) 232

pour le Costa Rica: M. Carlos Vargas-Pizarro, conseillerjuridique
et envoyéspécialdu Gouvernementdu Costa
Rica ;
pour leRoyaume- Unide
Grande-Bretagneet le très honorablesir Nicholas Lyell,Q.C., M.P.,
d'Irlande du Nord: Attorney-General;

pour les Etats-Unis M. Conrad K. Harper, conseillerjuridique du
d'Amérique: départementd'Etat,
M. Michael J. Matheson, conseiller juridique
adjoint principal du départementd'Etat,
M. John H. McNeill,conseillerjuridique adjoint
principal du départementde la défense;
pour leZimbabwe: M. Jonathan Wutawunashe, chargéd'affaires
ai. de l'ambassade du Zimbabwe aux Pays-
Bas.

Des membres de la Cour ont posé desquestions àcertains participantsà
la procédure oraleet ceux-ciy ont répondupar écrit, ainsiqu'ils en avaient
été priés,dans les délais prévàscet effet; la Cour ayant décique les autres
participants pourraient égalementrépondreà ces questions dans les mêmes
conditions, plusieurs d'entre eux l'ont fait. D'autres questionsposéespar des
membres de la Cour ont été adressées, plus généralement, à tout participant
à la procédureorale; plusieurs d'entreeux y ont répondupar écrit, ainsi qu'ils
en avaient été priésd,ans les délais prévàcet effet.

10. La Cour examinera en premier lieu la question de savoir si elle a
compétence pour donner une réponse à la demande d'avis consultatif

dont l'a saisie l'Assembléegénérale et,dans l'affirmative, s'il existerait
des raisons pour elle de refuser d'exercer une telle compétence.
La Cour tire sa compétence pour donner des avis consultatifs de l'ar-
ticle65, paragraphe 1, de son Statut. Aux termes de cette disposition, la
Cour

((peut donner un avis consultatif sur toute question juridique, à la
demande de tout organe ou institution qui aura été autorisépar la

Charte des Nations Unies ou conformément à ses dispositions à
demander cet avis ».

11. Pour que la Cour ait compétence aux fins de donner un avis
consultatif, il faut donc toutd'abord que l'organe qui sollicite l'avis soit
((autorisépar la Charte des Nations Unies ou conformément à ses dispo-
sitionsà demander cet avis». La Charte, à l'article 96,paragraphe 1,dis-
pose: « L'Assemblée générale ou le Conseil de sécuritépeut demander à

la Cour internationale de Justice un avis consultatif sur toute question
juridique.»
Certains Etats qui se sont opposés à ce que la Cour rende un avis en
l'espèceont soutenu que l'Assembléegénéraleet le Conseil de sécurité nesont pas habilités à demander des avis sur des questions sans rapport
aucun avec leurs travaux. Ils ont donné à entendre que, comme dans le
cas d'organes ou d'institutions agissant en vertu de l'article 96,para-
graphe 2, de la Charte, et nonobstant les différencesde rédaction entre
cette disposition et leparagraphe 1du mêmearticle, l'Assemblée générale
et le Conseil de sécuriténe peuvent demander d'avis consultatif sur une
question juridique que si celle-ci sepose dans le cadre de leur activité.
De l'avis de la Cour, peu importe que cette interprétation de l'ar-
ticle 96, paragraphe 1, soit ou non correcte; en l'espèce, l'Assemblée gé-
néralea compétenceen tout état decause pour saisir la Cour. En effet,

l'article 10de la Charte a conféréàl'Assemblée générau lne compétence
relative à ((toutes questions ou affaires)) entrant dans le cadre de la
Charte. L'article 11 lui a expressément attribué compétence aux fins
d'«étudierlesprincipes généraux pour lemaintien de la paix et de la sécu-
rité internationales,y compris les principes régissantle désarmementet la
réglementation des armements)). Enfin, selon l'article 13, l'Assemblée
générale((provoque des étudeset fait des recommandations en vue ...
[d']encourager le développementprogressif du droit international et sa
codification».
12. La question posée à la Cour est pertinente au regard de maints
aspectsdesactivités et préoccupationsde l'Assemblée généralen,otamment
en ce qui concerne la menace ou l'emploide la force dans les relations
internationales, le processus de désarmement etle développement progres-

sif du droit international. L'Assemblée générap leorte de longue date un
intérêtà cesmatières età leur relation aveclesarmes nucléaires. Cet intérêt
a trouvéson expression dans les débatsannuels de la Première Commis-
sion et les résolutionsde l'Assemblée généralse ur les armes nucléaires;
dans la tenue par l'Assembléegénérale de trois sessionsextraordinaires sur
le désarmement(1978, 1982et 1988)et, depuis 1978,de réunionsannuelles
de la commission du désarmement;ainsi que dans la commande d'études
sur les effets de l'emploi d'armes nucléaires. ans ce contexte, il importe
peu que des activitésimportantes relatives au désarmement nucléaire,
récentes ouen cours, aient étéou soient menéesdans d'autres enceintes.
L'article 96,paragraphe 1,de la Charte ne saurait enfin être interprété
comme limitant la facultéqu'a l'Assemblée générad le demander un avis
aux seules circonstances dans lesquelles elle peut prendre des décisions
caractère exécutoire.Que les activitésde l'Assembléedans les matières

susmentionnées ne laconduisent à formuler que des recommandations
est dèslors indifférentaux fins d'appréciersi elle avait compétencepour
poser à la Cour la question dont elle l'a saisie.
13. La Cour doit par ailleurs s'assurer que l'avis consultatif demandé
porte bien sur une ((question juridique)) au sens de son Statut et de la
Charte des Nations Unies.
La Cour a déjàeu l'occasion d'indiquer que les questions

«libellées en termesjuridiques etsoul[evant] des problèmes de droit
international...sont, par leur nature même, susceptiblesde recevoir une réponse fondéeen droit ...[et]ont en principe un caractère juri-
dique » (Sahara occidental, avis consultut$ C.I.J. Recueil 1975,
p. 18, par. 15).

La question que l'Assembléegénéralea posée à la Cour constitue effec-
tivement une questionjuridique, car la Cour est priéede seprononcer sur
le point de savoir si la menace ou l'emploi d'armes nucléairesest compa-
tible avec les principes et règlespertinents du droit international. Pour ce
faire, la Cour doit déterminer les principes et règlesexistants, les inter-
préter et les appliquer à la menace ou à l'emploi d'armes nucléaires,
apportant ainsi à la question poséeune réponse fondéeen droit.
Que cette question revêtepar ailleurs des aspects politiques, comme
c'est, par la nature des choses, le cas de bon nombre de questions qui
viennent àse poser dans la vie internationale, ne suffit paàla priver de
son caractère de ((questionjuridique)) et à ((enleverà la Cour une com-
pétencequi lui est expressément conféréepar son Statut)) (Demande de

réformationdu jugement no 158 du Tribunal administratif des Nations
Unies, avis consultat$ C.I.J. Recueil 1973, p. 172, par. 14). Quels que
soient les aspects politiques de la question posée, laCour ne saurait refu-
ser un caractère juridique à une question qui l'inviteà s'acquitter d'une
tâche essentiellementjudiciaire, à savoir l'appréciation dela licéité de la
conduite éventuelle d'Etats au regard des obligations que le droit inter-
national leur impose (voir Conditions de l'udmission d'un Etat comme
Membre desNations Unies (article 4 de laCharte), avisconsultat$ 1948,
C.I.J. Recueil 1947-1948, p. 61-62; Compétencede l'Assembléegénérale
pour l'udmission d'un Etat aux Nations Unies, avis consultut$ C.I.J.
Recueil 1950, p. 6-7; Certaines dépensesdes Nations Unies (article 17,
paragraphe 2, de laCharte), avis consultat$ C.I.J. Recueil 1962,p. 155).
Au demeurant, comme la Cour l'a dit dans l'avis qu'elle a donné en
1980au sujet de l'Interprétationde l'uccorddu 25 mars 1951entre l'OMS

et I'Egypte:
«En fait, lorsque des considérations politiquesjouent un rôle mar-
quant il peut êtreparticulièrement nécessaire à une organisation
internationale d'obtenir un avis consultatif de la Cour sur les prin-
cipes juridiques applicables à la matière en discussion ..» (C.I.J.

Recueil 1980, p. 87, par. 33.)
La Cour considère en outre que la nature politique des mobiles qui
auraient inspiré la requête etles implications politiques que pourrait
avoir l'avis donnésont sans pertinence au regard de l'établissement de sa
compétencepour donner un tel avis.

14. L'article65,paragraphe 1,du Statut dispose :((La Cour peut donner
un avis consultatif..» (Les italiques sont de la Cour.) Il ne s'agit pas là
seulement d'une disposition présentant le caractère d'une habilitation.Comme la Cour l'a souligné à maintes reprises, sonStatut lui laisseaussi le
pouvoir discrétionnairede décidersi elledoit ou non donner l'avis consul-
tatif qui lui a été demandé, une fois qu'elleétablisa compétencepour ce
faire. Dans ce contexte, la Cour a déjà eu l'occasion denoter ce qui suit:

((L'avis est donné par la Cour non aux Etats, mais à l'organe
habilitépour le lui demander; la réponse constitue uneparticipation
de la Cour, elle-même ((organe des Nations Unies)), à l'action de
l'organisation et, en principe, elle ne devrait pas être refusée.))
(Interprétationdes traitésde paix conclus avecla Bulgarie, la Hon-
grie et la Roumanie, première phase, avis consultut$ C.I.J. Recueil
1950,p. 71 ;voir aussi Réserves à la convention pourlapréventionet
la répressiondu crime de génocide,avis consultat$ C.I.J. Recueil
1951, p. 19; Jugements du Tribunal administratif de l'OIT sur re-
quêtescontre l'Unesco, avis consultatg C.I.J. Recueil 1956, p. 86;
Certaines dépensesdes Nations Unies (article 17, paragraphe 2, de
la Charte), avis consultut$ C.I.J. Recueil 1962,p. 155,et Applicabi-
lité de lasection 22 de l'article VI de laconvention sur lesprivilèges

et immunitésdes Nations Unies,avis consultut$ C.I.J. Recueil 1989,
p. 189.)
La Cour a toujours été conscientede sesresponsabilitésen tant qu'«or-
gane judiciaire principal des Nations Unies)) (Charte, art. 92). Lors de
l'examen de chaque demande, elle garde à l'esprit qu'elle nedevrait pas,
en principe, refuser de donner un avis consultatif. Conformément à sa

jurisprudence constante, seules des ((raisons décisives))pourraient l'y
inciter (Jugements du Tribunal administratif de l'OIT sur requêtes contre
l'Unesco,avis consultut$ C.I.J. Recueil 1956, p. 86; Certaines dépenses
des Nations Unies (article 17, paragraphe 2, de la Charte), avis consul-
tatg C.I.J. Recueil 1962, p. 155; Conséquencesjuridiques pour leE stats
de laprésencecontinue de l'Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest afri-
cain) nonobstant la résolution276 (1970) du Conseil de sécurité,avis
consultut$ C.I.J. Recueil 1971, p. 27; Demande de réformationdujuge-
ment no158 du Tribunal administratif des Nations Unies,avis consultut$
C.I.J. Recueil 1973, p. 183; Sahara occidental, avis consultut$ C.I.J.
Recueil 1975, p. 21 ;et Applicabilitéde la section 22 de l'article VI de la
convention sur les privilèges et immunités des Nations Unies, C.I.J.
Recueil 1989, p. 191).Aucun refus, fondé surle pouvoir discrétionnaire

de la Cour, de donner suite àune demande d'avisconsultatif n'a été enre-
gistrédans l'histoire de la présenteCour; dans l'affaire de la Licéitéde
l'utilisationdes armes nucléairespar un Etat dans un conflit armé,le refus
de donner àl'Organisation mondiale de la Santél'avisconsultatif sollicité
par elle a été justifpar le défautde compétence dela Cour en l'espèce.
La Cour permanente de Justice internationale a une seule fois estimé
qu'elle nepouvait répondre à la question qui lui avait été posée, ugard
aux circonstances toutes particulières de l'espèce,à savoir, notamment,
que cette question concernait directement un différenddéjà né auquel
était partieun Etat qui n'avait pas adhéréau Statut de la Cour perma-nente, n'était pasmembre de la Société des Nations, s'opposait à la pro-
cédureet refusait d'yprendre part de quelque manièreque ce soit (Statut
de la Carélieorientale, C.P.J.I. sérieB no 5).
15. La plupart des motifs invoqués en l'espècepour convaincre la
Cour qu'elledevrait, dans l'exercicede son pouvoir discrétionnaire, refu-
ser de donner l'avis demandépar 1'Asçembléegénéraledans sa résolu-
tion 49/75K, ont été résumés dans la déclaration suivante faitepar un Etat
dans la procédure écrite:

«La question posée est floueet abstraite et soulève des problèmes
complexes qui sont à l'examen entre les Etats intéresséset au sein
d'autres organes ou institutions des Nations Unies ayant mandat
exprès de les traiter. En donnant un avis sur la question posée,la
Cour n'apporterait aucune aide concrète à l'Assembléegénérale
pour accomplir les fonctions qui lui ont été conférép esar la Charte.
Un tel avis serait susceptible de compromettre les progrès déjà réa-

lisésou en cours sur cesujet délicat et serait en conséquencontraire
aux intérêtsde l'organisation des Nations Unies.)) (Etats-Unis
d'Amérique,exposé écritp , . 1-2; voir aussi p. 3-7, Voir également
Royaume-Uni, exposé écrit,p. 9-20, par. 2.23-2.45; France, exposé
écrit,p. 13-20, par. 5-9; Finlande, exposé écrit,p. 1-2; Pays-Bas,
exposé écrit,p. 3-4, par. 6-13; et Allemagne, exposé écrit,p. 3-6,
par. 2 b).)

En soutenant que la question posée à la Cour serait floue et abstraite,
certains Etats ont sembléentendre au'il n'existerait aucun différend
précisportant sur l'objet de la question. En vue de répondre àcet argu-
ment, il convient d'opérerune distinction entre les conditions qui régis-
sent la procédurecontentieuse et celles qui s'appliquent aux avis consul-
tatifs. La finalitéde la fonction consultative n'est pas de régler - du
moins pas directement - des différendsentre Etats, mais de donner des
conseils d'ordre juridique aux organes et institutions qui en font la
demande (voir Interprétation destraitésdepaix conclus avecla Bulgarie,
la Hongrie et la Roumanie, premièrephase, C.I.J. Recueil 1950, p. 71).
Le fait que la question poséeà la Cour n'ait pas trait a un différend précis
ne saurait par suite amener la Cour à refuser de donner l'avis sollicité.
Par ailleurs, la Cour a clairement affirméque l'allégation selon laquelle

elle ne pourrait connaître d'une question poséeen termes abstraits n'est
qu'«une pure affirmation dénuéede toute justification)), et qu'elle «peut
donner un avis consultatif sur toute question juridique, abstraite ouon»
(Conditions de l'admission d'unEtat comme Membre des Nations Unies
(article 4 de la Charte), avis consultatif; 1948, C.I.J. Recueil 1947-1948,
p. 61;voir aussi Effet dejugements du Tribunal administratif des Nations
Unies accordant indemnité,avis consultatif; C.I.J. Recueil 1954, p. 51,
et Conséquences juridiques pourles Etats de la présence continue de
l'Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la résolu-
tion276 (1970) du Conseildesécurité, avis consultut$ C.I.J. Recueil 1971,
p. 27, par. 40). MENACEOU EMPLOI D'ARMESNUCLÉAIRES (AVISCONSULTATIF) 237

Certains Etats ont cependant exprimé la crainte que le caractère abs-
trait de la question nepuisseconduire la Courseprononcer surdeshypo-
thèsesou à entrer dans des conjectures sortant du cadre de sa fonction
judiciaire. La Cour ne considère pas qu'en rendant un avis consultatif
en l'espèceelle serait nécessairement amenée à écriredes «scénarios»,
à étudierdivers types d'armes nucléaireset à évaluerdes informations

technologiques, stratégiques et scientifiques extrêmementcomplexes et
controversées.La Cour examinera simplement lesquestions qui seposent,
sous tous leurs aspects, en appliquant les règles de droit appropriées
en la circonstance.
16. Certains Etats ont observé que l'Assemblée généraln e'a pas
expliqué à la Cour à quelles fins préciseselle sollicitait l'avisconsultatif.
Toutefois, il n'appartient pas la Cour de prétendredécidersi I'Assem-
bléea ou non besoin d'un avis consultatif pour s'acquitter de ses fonc-
tions. L'Assemblée "énérale est habilitée décider elle-mêmd ee l'utilité
d'un avis au regard de ses besoins propres.
De mêmed , èslors quel'Assembléea demandéun avisconsultatif sur une
question juridique par la voie d'une résolution qu'ellea adoptée,la Cour

ne prendra pas en considération,pour déterminers'il existe des raisons
décisivesde refuser dedonner cet avis,lesorigines ou l'histoire politique de
la demande, ou la répartitiondes voix lors de l'adoption de la résolution.
17. Il a aussi étésoutenu qu'une réponsede la Cour en l'espècepour-
rait êtrepréjudiciableaux négociationssur le désarmementet serait, en
conséquence,contraire à l'intérêdte l'organisation des Nations Unies.
La Cour sait que, quelles que soient les conclusions auxquelles elle pour-
rait parvenir dans l'avis qu'elle donnerait, ces conclusions seraient perti-
nentes au regard du débat qui se poursuit à l'Assemblée générale e,t
apporteraient dans les négociationssur la question un élémentsupplé-
mentaire. Mais, au-delà de cette constatation, l'effetqu'aurait cet avis est
une question d'appréciation. Desopinions contraires ont étéexposées
devant la Cour et il n'est pas de critèreévidentqui permettrait celle-ci

de donner la préférence à une position plutôt qu'à une autre. Dans ces
conditions. la Cour ne saurait considérerce facteur comme une raison
décisivede refuser d'exercersa compétence.
18. Enfin, certains Etats ont fait valoir qu'en répondaàtla question
poséela Cour dépasseraitsa fonction judiciaire pour s'arroger une fonc-
tion législative.La Cour ne saurait certes légiférer, , ans les circons-
tances de l'espèce, elle n'estnullement appeléele faire. Il lui appartient
seulement de s'acquitter de sa fonction judiciaire normale en s'assurant
de l'existenceou de la non-existence de principes et de règlesjuridiques
applicables à la menace ou à l'emploi d'armes nucléaires.L'argument
selon lequel la Cour,pour répondre à la question posée,serait obligéede

légiférer,e fonde sur la supposition que leorpus juris existant ne com-
porterait pas de règlepertinente en la matière. La Cour ne saurait sous-
crireà cet argument; elle dit le droit existant et ne légifèrepoint. Cela est
vrai mêmesi la Cour, en disant et en appliquant le droit, doit nécessai-
rement en préciserla portéeet, parfois, en constater l'évolution. 19. A la lumière de ce qui précède, laCour conclut qu'elle a compé-
tence pour donner un avis sur la question qui lui a étéposéepar I'Assem-
bléegénéraleet qu'in l'existeaucune ((raison décisive))pour qu'elleuse de
son pouvoir discrétionnaire dene pas donner cet avis.
Un tout autre point est celuide savoir si la Cour, compte tenu des exi-
gences qui pèsentsur elle en tant qu'organe judiciaire, sera en mesure de
donner une réponse complète àla question qui lui a été poséec;e qui, en
tout état de cause, est différentd'un refus de répondre.

20. La Cour doit aborder àprésent certains problèmessoulevés parle
libelléde la question qui lui a étéposéepar l'Assembléegénérale. En
anglais, ce libelléest le suivant:(1sthe threat or use of nuclear weapons
in any circumstancepermitted under international law?» Le texte français
de la question poséese lit comme suit: «Est-il permis en droit internatio-
nal de recourir à la menace ou àl'emploi d'armes nucléairesen toute cir-

constance?)) Il a étésuggéré que l'Assembléegénéraledemanderait ainsi
à la Cour si l'emploi d'armes nucléairesest permis en droit international
dans toutes les circonstances et il a été expoqu'une telle question appel-
lerait inévitablement unesimple réponse négative.
La Cour n'estime pas nécessairede se prononcer sur les divergences
possibles entre versions française et anglaise de la question posée.Celle-ci
l'a été avec un objecticflair: déterminerce qu'il enest de la licéitou de
l'illicéide la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires.
21. L'utilisation du mot «permis»dans la question poséepar 1'Assem-
bléegénéralea fait l'objet, devant la Cour, de critiques de certains Etats
au motif que cetteutilisation supposaitque la menace ou l'emploi d'armes
nucléairesne seraient permis que s'ilsétaient autoriséspar une disposi-
tion conventionnelle ou par le droit international coutumier. Selon ces
Etats. une telle rém missseerait incom~atible avec les fondements mêmes
du droit international, qui repose sur les principes de souverainetéet de

consentement des Etats; par voie de conséquence,et contrairement à ce
que sous-entend l'emploi du mot les Etats seraient libres de
menacer d'employer ou d'employer effectivementdes armes nucléaires à
moins qu'il ne soit démontréqu'ils doivent s'en abstenir en vertu d'une
interdiction contenue dans le droit international conventionnel ou coutu-
mier. A l'appui de cette thèseont été invoqués des dicta de la Cour per-
manente de Justice internationale dans l'affaire du Lotus, selon lesquels
d'une part «les limitations de l'indépendance desEtats ne seprésument ...
pas» et d'autre part le droit international laisse aux Etats «une large
liberté, quin'est limitéeque dans quelques cas par des règlesprohibi-
tives» (C.P.J.I. sérieA no10, p. 18et 19),ainsi qu'un dictum de la Cour
actuelle dans l'affaire des Activités militaires etparamilitaires au Nicava-
gua et contre celui-ci(Nicaragua c. Etats-Unis d'Amérique),selonlequel :

«il n'existepas en droit international de règles,autres que cellesque
1'Etatintéressépeut accepter, par traitéou autrement, imposant la limitation du niveau d'armement d'un Etat souverain)) (C.I.J.
Recueil 1986,p. 135,par. 269).

D'autres Etats ont jugé hors de propos ce renvoi aux dicta tirés de
l'affaire du Lotus et ont mis en cause leur portée dans le droit interna-
tional contemporain ainsi que leur applicabilitéaux circonstances, fort
différentes, del'espèce.Il a en outre étésoutenu que le dictum susmen-
tionnéde la présenteCour se rapporte à la possession d'armements, et
n'est pas pertinent du point de vue de la menace ou de l'emploi d'armes
nucléaires.
Il a enfin été avancéque si la Cour devait répondreà la question posée
par l'Assembléegénérale,il y aurait lieu de remplacer le mot «permis»
par ((interdit.
22. La Cour prend note du fait que les Etats dotésd'armes nucléaires
qui se sont présentés devantelle soit ont reconnu soit n'ont pas niéque
leur liberté d'agirétaiteffectivementrestreinte par les principes et règles
du droit international et plus particulièrement du droit humanitaire (voir
paragraphe 86 ci-après). Il en a été demême desautres Etats présents

devant la Cour.
Dès lors, ni l'argument visant les conclusions juridiques à tirer de
l'emploi du mot «permis» ni les questions de charge de la preuve qui en
découleraientne présentent d'importance particulièreaux finsde trancher
les problèmes dont la Cour est saisie.

23. Pour répondre à la question que lui a poséel'Assemblée générale,
la Cour doit déterminer,après examen du large ensemble de normes de
droit international qui s'offre elle, quel pourrait êtrele droit pertinent
applicable.

24. Plusieurs tenants de l'illicéitde l'emploi d'armes nucléairesont
allégué qu'untel emploi violerait le droità la vie tel que le garantissent
l'article du pacte international relatif aux droits civilset politiques ainsi
que certains instruments de protection des droitsde l'homme de caractère
régional. L'article 6, paragraphe 1, du pacte international relatif aux
droits civils et politiques dispose ce qui suit: droit àla vie est inhé-
rent à la personne humaine. Ce droit doit êtreprotégépar la loi. Nul ne

peut être arbitrairementprivé de la vie.))
A cela, d'autres Etats ont répondu quele pacte international relatif aux
droits civils et politiques ne mentionne ni la guerre ni les armes et que
l'on n'a jamaisenvisagéque cet instrument régissela question de la licéité
des armes nucléaires. Selon eux,le pacte vise la protection des droits de
l'homme en temps de paix, alors que les questions relativesà la privation
illicite de la vie au cours d'hostilitéssont régiespar le droit international
applicable dans les conflits armés. 25. La Cour observe que la protection offerte par le pacte internatio-
nal relatif aux droits civils et politiques ne cesse pas en temps de guerre,
si ce n'est par l'effet de l'article 4 du pacte, qui prévoit qu'il peut être
dérogé,en cas de danger public, à certaines des obligations qu'impose cet
instrument. Le respect du droit àla vie ne constitue cependant pas une
prescription à laquelle il peut être dérogé.n principe, le droit de ne pas

êtrearbitrairement privéde la vie vaut aussi pendant des hostilités. C'est
toutefois, en pareil cas,à la lexspecialis applicable,à savoir le droit
applicable dans les conflits armés, conçupour régirla conduite des hos-
tilités, qu'ilappartient de déterminerce qui constitue une privation arbi-
traire de la vie. Ainsi, c'est uniquement au regard du droit applicable
dans les conflits armés,et non au regard des dispositions du pacte lui-
même,que l'on pourra dire si tel cas de décèsprovoquépar l'emploi d'un
certain type d'armes au cours d'un conflit armé doit être considéré
comme une privation arbitraire de la vie contraire à l'article 6 du pacte.
26. Certains Etats ont aussi avancé l'argument selon lequel l'interdic-
tion du nénocide.formuléedans la convention du 9 décembre1948 Dour
u
la prévention et la répressiondu crime de génocide,serait une règleper-
tinente du droit international coutumier que la Cour devrait appliquer en
l'espèce.La Cour rappellera que le génocide est défini à l'article II de la
convention comme
((l'un quelconque des actes ci-après, commis dans l'intention de
détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial

ou religieux, comme tel:
a) meurtre de membres du groupe;
b) atteinte grave à l'intégritéphysique ou mentale de membres du
groupe;
c) soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence
devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle;
d) mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe;

e) transfert forcé d'enfants du groupe à un autre groupe)).
Il a étésoutenu devant la Cour que le nombre de morts que causerait
l'emploi d'armes nucléaires serait norme; quel'on pourrait, dans certains
cas, compter parmi les victimes des membres d'un groupe national, eth-
nique, racial ou religieux particulier; et que l'intention dedétruirede tels
groupes pourrait êtreinféréedu fait que l'utilisateur de l'arme nucléaire

aurait omis de tenir compte des effets bienconnus de l'emploi decesarmes.
La Cour relèvera à cet égardque l'interdiction du génocide serait une
règlepertinente en l'occurrence s'il étaitétablique le recours aux armes
nucléaires comporte effectivement l'élémentd'intentionnalité, dirigé
contre un groupe comme tel, que requiert la disposition sus-citée.Or, de
l'avis de la Cour, il ne serait possible de parvenirune telle conclusion
qu'après avoir pris dûment en considération les circonstances propres à
chaque cas d'espèce. MENACEOU EMPLOI D'ARMESNUCLÉAIRES (AVIS CONSULTATIF) 241

27. Dans leurs exposés écrits etoraux, certains Etats ont en outre
soutenu que tout emploi d'armes nucléairesserait illicite au regard des

normes en vigueur en matière de sauvegarde et deprotection de l'environ-
nement, compte tenu de leur importance fondamentale.
Divers traitéset instruments internationaux en vigueur ont été expres-
sément citésd ,ont le protocoleadditiotlnel 1de 1977aux conventions de
Genèvede 1949 - qui, àson article 35,paragraphe 3, interdit l'emploide
((méthodesoumoyens de guerre qui sont conçus pour causer, ou dont on
peut attendre qu'ilscauseront, des dommages étendus,durables et graves
à l'environnement naturel))- et la convention du 18 mai 1977sur l'inter-
diction d'utiliser des techniquesde modification de l'environnement àdes
finsmilitaires outoutes autres finshostile- quiinterdit l'emploi d'armes

((ayant des effets étendus, durables ou graves)) sur l'environnement (ar-
ticle premier). Ont égalementétécitéesla déclaration de Stockholm de
1972 (principe 21) et la déclaration deRio de 1992 (principe 2) - qui
expriment la conviction commune des Etats concernés qu'ilsont le devoir

«de faire en sorte que les activités exercéedans les limites de leur
juridiction ou sous leur contrôle ne causent pas de dommages à
l'environnement dans d'autres Etats ou dans des régions [zones]ne
relevant d'aucune juridiction nationale)).
Ces instruments, de mêmeque d'autres dispositions relatives à la protec-

tion et à la sauvegarde de l'environnement, s'appliqueraient à tout
moment, en temps de guerre comme en temps de paix, et seraient violés
par l'emploi d'armes nucléairesayant des effets étendus et transfron-
taliers.
28. D'autres Etats ont soit mis en question le caractère contraignant
de ces dispositions du droit de l'environnement, soit contesté que la
convention sur l'interdiction d'utiliser destechniques de modification de
l'environnement à des fins militaires ou toutes autres fins hostiles ait un
quelconque rapport avec l'emploi d'armes nucléaires dans un conflit

armé,soit encore niéêtreliésde façon généralepar les dispositions du
protocole additionnel 1, ou bien rappeléqu'ils avaient réservé leur posi-
tion sur l'article 35, paragraphe 3, de celui-ci.
Certains Etatsont égalementsoutenuque l'objet principal des traitéset
normes relatifs à l'environnement est de protéger l'environnement en
temps de paix; que ces traités nementionnent pas les armes nucléaires;
qu'ils nese réfèrentni à la guerre en général ni à la guerre nucléaire en
particulier; et que ce serait fragiliser l'empire du droit et la confiance
nécessaireaux négociations internationales que de faire dire aujourd'hui
à ces traitésqu'ils interdisent le recours aux armes nucléaires.

29. La Cour est consciente de ce que l'environnement est menacé jour
aprèsjour et de ce que l'emploid'armesnucléairespourrait constituer une
catastrophe pour le milieu naturel. Elle a également conscienceque l'envi-
ronnement n'estpas une abstraction, mais bien l'espaceoù vivent lesêtres
humains et dont dépendentla qualitéde leur vie et leur santé, ycomprispour les générations à venir. L'obligation généralequ'ont les Etats de
veilleràce que les activitésexercéesdans les limites de leur juridiction ou
sous leur contrôle respectent l'environnement dans d'autres Etats ou dans
deszones ne relevant d'aucunejuridiction nationale fait maintenant partie
du corps de règlesdu droit international de l'environnement.
30. La Cour est toutefois d'avis que la question n'est pas de savoir si
les traitésrelatifà la protection de l'environnement sont ou non appli-

cables en périodede conflit armé,mais bien de savoir si les obligations
néesde ces traitésont étéconçues comme imposant une abstention totale
pendant un conflit armé.
La Cour n'estime pas que les traitésen question aient entendu priver
un Etat de l'exercicede son droit de légitime défense envertu du droit
international, au nom des obligations qui sont les siennes de protéger
l'environnement. Néanmoins,les Etats doivent aujourd'hui tenir compte
des considérationsécologiques lorsqu'ils décidendte ce qui est nécessaire
et proportionné dans la poursuite d'objectifs militaires légitime. e res-
pect de l'environnement est l'un des élémentq sui permettent de juger si
une action est conforme aux principes de nécessité ete proportionnalité.
Ce point de vue trouve d'ailleurs un appui dans le principe 24 de la
déclaration deRio, qui dispose:

«La guerre exerce une action intrinsèquement destructrice sur le
développement durable. Les Etats doivent donc respecter le droit
international relatif la protection de l'environnement en temps de
conflit arméetparticiperà son développement,selon que de besoin.»

31. La Cour observera par ailleurs que l'article 35, paragraphe 3, et
l'article 55du protocole additionnel 1offrentà l'environnement une pro-
tection supplémentaire. Considérées ensemble, cesdispositions consa-
crent une obligation généralede protéger l'environnementnaturel contre
des dommages étendus, durableset graves; une interdiction d'utiliser des
méthodes et moyens de guerre conçus pour causer, ou dont on peut
attendre qu'ilscauseront, de tels dommages; et une interdiction de mener
des attaques contre l'environnement naturel à titre de représailles.
Ce sont là de puissantes contraintes pour tous les Etats qui ont souscrit
à ces dispositions.
32. La résolution47/37 de l'Assembléegénérale du 25 novembre 1992,

intitulée((Protection de l'environnement en période de conflitrmé»,pré-
sente égalementun intérêt à cet égard.Elle consacre l'opinion générale
selon laquelle les considérations écologiquesonstituent l'un des éléments
à prendre en compte dans la mise en Œuvredes principes du droit appli-
cable dans les conflits armés.Elle précise en effetque«la destruction de
l'environnement non justifiéepar des nécessitésmilitaires et ayant un
caractère gratuit est manifestement contraire au droit international en
vigueur)).Tenant compte de ce que certains instruments ne sont pas encore
contraignants pour tous les Etats, l'Assembléegénérale,ans ladite résolu-
tion, «[l]ance un appel à tous les Etats qui ne l'ont pas encore fait pour
qu'ils deviennent partiesaux conventions internationales pertinentes)). Dans l'ordonnance qu'ellea rendue récemmentau sujet de la Demande
d'examen de la situation au titre duparagraphe 63 de l'arrêtendupar la
Cour le20 décembre1974 dans l'affaire des Essais nucléaires (Nouvelle-
Zélandec. France), la Cour a déclaréque la conclusion à laquelle elle
était parvenue était«sans préjudice desobligations des Etats concernant
le respect et la protection de l'environnement naturel)) (ordonnance du

22 septembre 1995, C.Z.J Recueil 1995,p. 306,par. 64). Cette déclaration
s'inscrivait certesdans le contexte des essais nucléaires; mais elle s'ap-
plique à l'évidenceaussià l'emploid'armes nucléairesdans un conflitarmé.
33. La Cour constate ainsi que, si le droit international existant relatif
à la protection età la sauvegarde de l'environnement n'interdit pas spé-
cifiquement l'emploi d'armes nucléaires,il met en avant d'importantes
considérations d'ordre écologique qui doivent êtredûment prises en
compte dans le cadre de la mise en Œuvre des principes etrèglesdu droit
applicable dans les conflits armés.

34. A la lumièrede ce qui précède, laCour conclut que le droit appli-

cable à la question dont elle a étésaisie qui est le plus directement perti-
nent est le droit relatifà l'emploi de la force, tel que consacrépar la
Charte des Nations Unies, et le droit applicable dans les conflits armés,
qui régitla conduite des hostilités, ainsique tous traitésconcernant spé-
cifiquement l'arme nucléaire quela Cour pourrait considérer comme per-
tinents.

35. En faisant application de ce droit en l'espèce,la Cour ne saurait
cependant omettre de tenir compte de certaines caractéristiques propres
aux armes nucléaires.
La Cour a pris note des définitionsqui ont étédonnées des armes
nucléairesdans divers traités et accords. Elle observe en outre que les

armes nucléairessont des engins explosifs dont l'énergieprocède de la
fusion ou de la fissionde l'atome. Par sa nature même,ce processus, dans
le cas des armes nucléaires telles qu'elles existentaujourd'hui, libèrenon
seulement d'énormes quantités dechaleur et d'énergie, mais aussi un
rayonnement puissant et prolongé. Selonles éléments en possession de la
Cour, les deux premières sourcesde dommages sont bien plus puissantes
qu'elles nele sont dans lecas d'autres armes, cependant que lephénomène
du rayonnement est considéré comme particuliea rux armes nucléaires.De
par ces caractéristiques,l'arme nucléaire est potentiellementd'une nature
catastrophique. Le pouvoir destructeur des armes nucléaires nepeut être
endigué nidans l'espace ni dans le temps. Ces armes ont le pouvoir de
détruiretoute civilisation, ainsi que l'écosystètout entier de la planète.
Le rayonnement libéré par une explosion nucléaireaurait des effets pré-

judiciables sur la santé,l'agriculture, les ressources naturelles et lagraphie, et cela sur des espaces considérables. De plus,l'emploi d'armes
nucléairesferaitcourir les dangers les plus graves aux générations futures.
Le rayonnement ionisant est susceptiblede porter atteinte à l'environne-
ment, à la chaîne alimentaire età l'écosystèmemarin dans l'avenir, et de
provoquer des tares et des maladies chez les générations futures.
36. En conséquence,pour appliquer correctement, en l'espèce,le droit
de la Charte concernant l'emploide la force, ainsi que le droit applicable
dans les conflits armés,et notamment le droit humanitaire, il est impé-
ratif que la Cour tienne compte des caractéristiques uniques de l'arme
nucléaire, et en particulier de sa puissance destructrice, de sa capacité

d'infliger dessouffrances indicibles l'homme, ainsi que de son pouvoir
de causer des dommages aux générations à venir.

37. La Cour examinera maintenant la question de la licéitéou de l'illi-
céitéd'un recours aux armes nucléaires àla lumière des dispositions de la
Charte qui ont traità la menace ou à l'emploi de la force.
38. La Charte contient plusieurs dispositions relativeàla menace et à
l'emploi de la force. L'article 2, paragraphe 4, interdit la menace ou
l'emploi de la force contre l'intégrité territorialeou l'indépendance poli-
tique de tout Etat, ou de toute autre manière incompatible avec les buts
des Nations Unies. Ce paragraphe est ainsi libellé:

«Les Membres de l'organisation des Nations Unies s'abstiennent,
dans leurs relations internationales, de recourir la menace ou à
l'emploi de la force, soit contre l'intégritéterritoriale ou l'indépen-
dance politique de tout Etat, soit de toute autre manière incompa-

tible avec les buts des Nations Unies.)
L'interdiction de l'em~loide la force esà examiner à la lumièred'autres
dispositions pertinentes de la Charte. En son article 51, celle-cireconnaît

le droit naturel de légitimedéfense, individuelle ou collective, en cas
d'agression armée.Un autre recours licite à la force est envisagéà l'ar-
ticle 42, selon lequel le Conseil de sécurité peutprendre des mesures
coercitives d'ordre militaire conformément au chapitreVI1de la Charte.
39. Ces dispositions ne mentionnent pas d'armes particulières. Elles
s'appliquent à n'importe quel emploi de la force, indépendamment des
armes employées.La Charte n'interdit ni ne permet expressémentl'emploi
d'aucune arme particulière, qu'ils'agisseou non de l'arme nucléaire.Une
arme qui est déjàpar elle-même illicite, ue ce soit du fait d'un traitéou
de la coutume, ne devient pas licite du fait qu'elle estemployéedans un
but légitime envertu de la Charte.

40. Le droit de recourir à la légitimedéfense conformément à l'ar-
ticle 51 est soumis à des restrictions. Certaines de ces restrictions sont
inhérentes à la notion mêmede légitimedéfense.D'autres sont précisées
à l'article 51. 41. La soumission de l'exercicedu droit de légitimedéfenseaux condi-
tions de nécessité edte proportionnalité est une règledu droit internatio-
nal coutumier. Ainsi que la Cour l'a déclaré dans l'affaire desActivités
militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua
c. Etats-Unis d'Amérique), il existe une ((règlespécifique..bien établie
en droit international coutumier)) selon laquelle «la légitime défensene
justifierait que des mesures proportionnées à l'agression armée subie,et

nécessairespour y riposter)) (C.I.J. Recueil 1986, p.94, par. 176). Cette
double condition s'applique égalementdans le cas de l'article 51 de la
Charte, quels que soient les moyens mis en Œuvre.
42. Le principe de proportionnalité ne peut pas, par lui-même, exclure
le recours aux armes nucléaires en légitimedéfenseen toutes circons-
tances. Mais, en mêmetemps, un emploi de la force qui serait propor-
tionné conformémentau droit de la légitimedéfensedoit, pour êtrelicite,
satisfaire aux exigencesdu droit applicable dans les conflits armés,dont
en particulier les principes et règlesdu droit humanitaire.
43. Certains Etats ont avancédans leurs exposés écrits etoraux que,

dans le cas des armes nucléaires, la condition de proportionnalité doit
êtreappréciéeau regard d'autres facteurs encore. Ils soutiennent que la
nature mêmede ces armes et la forte ~robabilitéd'une escaladedans les
échanges nucléaires engendrent des risquesde dévastation extrêmement
élevésL . e facteur risque exclut selon eux toute possibilité de respecter la
condition de proportionnalité. La Cour n'a pas à se livrerà une étude
quantitative de tels risques; elle n'a pas davantage à s'interroger sur le
point de savoir s'ilexistedes armes nucléairestactiques suffisammentpré-
cisespour limiter ces risques: il lui suffira de relever que la nature même
de toute arme nucléaireet les risques graves qui lui sont associéssont des

considérations supplémentairesque doivent garder à l'esprit les Etats qui
croient pouvoir exercer une riposte nucléaireen légitimedéfenseen res-
pectant les exigencesde la proportionnalité.
44. Hormis les conditions de nécessitéet de ~ro1ortLonnalité. l'ar-
ticle51 exige spécifiquementque les mesures prises par les Etats dans
l'exercicedu droit de légitime défense soient immédiatement portées à la
connaissance du Conseil de sécurité;cet article dispose en outre que ces
mesures n'affectent en rien le pouvoir et le devoir qu'a le Conseil, en
vertu de la Charte, d'agirà tout moment de la manière qu'iljuge néces-
saire pour maintenir ou rétablir la paix et la sécurité internationales.Ces

prescriptions de l'article1 s'appliquent quels que soient les moyens uti-
lisésen légitimedéfense.
45. La Cour relèvera quele Conseil de sécurité,dans le contexte de la
prorogation du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires,a
adoptéle 11 avril 1995 la résolution 984 (1995),aux termes de laquelle,
d'une part, il

«[p]rend acte avecsatisfaction des déclarations faitespar chacun des
Etats dotésde l'arme nucléaire (SI1995126 1,S119951262 S,I19951263,

S119951264 S,11995/265)d,ans lesquellesceux-ciont donné auxEtats non dotésd'armes nucléairesqui sont parties au traité sur la non-
prolifération des armes nucléaires desgaranties de sécuritécontre

l'emploi de telles armes»
et, d'autre part, il

«[s]e féliciteque certains Etats aient exprimél'intention de venir
immédiatement en aide ou de prêter immédiatementun appui,
conformément à la Charte, à tout Etat non doté d'armes nucléaires

partie au traité sur la non-prolifération des armes nucléaires qui
serait victime d'un acte d'agression avec l'emploid'armes nucléaires
ou serait menacé d'une telle agression)).

46. Certains Etats ont soutenu que l'emploi d'armes nucléaires à titre
de représailles serait licite. La Cour n'a pas à se pencher, dans ce
contexte, sur la question des représaillesarméesen temps de paix, qui
sont considéréescomme illicites. Elle n'a pas davantage à se prononcer
sur la question des représailles en temps de conflit armé, sinon pour
observer qu'en tout état de cause tout droit de recourir à de telles repré-
sailles serait, comme le droit de légitime défense, régi,otamment, par le
principe de proportionnalité.
47. En vue de diminuer ou d'éliminerles risques d'agression illicite,les

Etats font parfois savoir qu'ils détiennent certaines armes destinées être
employéesen légitime défensecontre tout Etat qui violerait leur intégrité
territoriale ou leur indépendance politique.La question de savoir si une
intention affichéede recourirà la force, dans le cas où certains événements
seproduiraient, constitue ou non une «menace» au sensde l'article 2,para-
graphe 4, de la Charte est tributaire de divers facteurs. Si l'emploi de la
force envisagé est lui-mêmiellicite, se déclarer prêt y recourir constitue
une menace interdite en vertu de l'article 2, paragraphe 4. Ainsi serait-il
illicite pour un Etat de menacer un autre Etat de recourir à la force pour

obtenir de lui un territoire ou pour l'obligerà suivre ou à ne pas suivre
certaines orientations politiques ou économiques.Lesnotions de «menace»
et d'«emploi» de la force au sens de l'article, paragraphe 4, de la Charte
vont de pair, en ce sens que si, dans un cas donné,l'emploi mêmede la
force est illicite pour quelque raison que ce soit- la menace d'y recou-
rir le sera également. En bref, unEtat ne peut, de manièrelicite, sedéclarer
prêt àemployer la force que si cet emploi est conforme aux dispositions de
la Charte. Du reste, aucun Etat - qu'ilait défenduou non la politique de
dissuasion - n'a soutenu devant la Cour qu'il serait licite de menacer
d'employer la force au cas où l'emploi de la force envisagé serait illicite.

48. Certains Etats ont avancé la thèse selon laquelle la possession
d'armes nucléaires estpar elle-mêmeune menace illicite de recourir à la
force. Il peut en effet êtrejustifié d'inférerde la possession d'armes
nucléairesqu'on est prêt à utiliser celles-ci.Pour êtreefficace,la politique
de dissuasion, par laquelle les Etats qui détiennent des armes nucléaires
ou qui se trouvent sous leur protection cherchent à décourager l'agres-
sion militaire en démontrant que cette dernière ne servira aucun objectif,nécessiteque l'intention d'employer des armes nucléaires soit crédible.
Qu'il y aitlà une «menace» contraire à l'article 2, paragraphe 4, dépend
du fait de savoir si l'emploiprécisde la force envisagéserait dirigécontre
l'intégritéterritoriale ou l'indépendance politique d'un Etat ou irait à
l'encontre desbuts des Nations Unies, ou encore si, dans l'hypothèse où

il serait conçu comme un moyen de défense,il violerait nécessairementles
principes de nécessitéet de proportionnalité. Dans l'un et l'autre cas, non
seulement l'emploi de la force, mais aussi la menace de l'employer,
seraient illicites selon le droit de la Charte.
49. Par ailleurs, le Conseil de sécurité peutprendre des mesures coer-
citives en vertu du chapitre VI1 de la Charte. Au vu des exposésqui lui
ont été présentés, Claour n'estimepas nécessairede traiter des questions
que pourrait soulever, dans un cas donné,l'application du chapitre VII.
50. Les termes de la question posée à la Cour par l'Assembléegénérale
dans la résolution49/75K pourraient aussi, en principe, couvrir la menace
ou l'emploi d'armes nucléairespar un Etat à l'intérieur deses propres
frontières. En l'espèce,aucun Etat n'a cependant traitéde cet aspect par-
ticulier de la question dans ses écrituresou lors des audiences. La Cour

considère qu'elle n'est pas appelée à examiner la question d'un emploi
d'armes nucléairesau plan interne.

51. La Cour, après avoir examinéles dispositions de la Charte rela-

tivesà la menace ou à l'emploi dela force, se penchera maintenant sur le
droit applicable dans les situations de conflit armé.Elle traitera d'abord
de la question de savoir s'ilexiste en droit international des règles spéci-
fiques qui régissentla licéiou l'illicéitdu recours aux armes nucléaires
en tant que telles; elle passera ensuiàel'examen de la question qui lui a
étéposée à la lumièredu droit applicable dans les conflits arméspropre-
ment dit, c'est-à-dire des principes et règlesdu droit humanitaire appli-
cable dans lesdits conflits ainsi que du droit de la neutralité.

52. La Cour rappellera àtitre liminaire qu'il n'existe aucune prescrip-
tion spécifiquede droit international coutumier ou conventionnel qui
autoriserait la menace ou l'emploi d'armes nucléairesou de quelque autre
arme, en générao l u dans certaines circonstances, en particulier lorsqu'il y
a exercicejustifiéde la légitimedéfense.Il n'existecependant pas davan-
tage de principe ou de règle de droit international qui ferait dépendre
d'une autorisation particulière la licéitéde la menace ou de l'emploi
d'armes nucléaires oude toute autre arme. La pratique des Etats montre

que l'illicéitde l'emploi de certaines armes en tant que telles ne résulte
pas d'une absenced'autorisation, mais se trouve au contraire formuléeen
termes de prohibition. MENACEOU EMPLOI D'ARMES NUCLÉAIRES (AVISCONSULTATIF)248

53. La Cour doit donc se pencher sur la question de savoir s'il existe
une interdiction de recourir aux armes nucléaires entant que telles; elle
recherchera d'abord s'ilexiste une prescription conventionnelleà cet effet.
54. A cet égard,il a étéavancéque les armes nucléairesdevraient être
traitées dela mêmemanière que les armes empoisonnées. Auquel cas,
elles seraient prohibées:

a) par la deuxièmedéclaration deLa Haye du 29juillet 1899qui interdit
«l'emploi de projectiles qui ont pour but unique de répandredes gaz
asphyxiants ou délétères));
b) par l'article 23 a) du règlementconcernant les lois et coutumes de la
guerre sur terre, annexéà la convention IV de La Haye du 18octobre

1907, selon lequel «il est notamment interdit : ..d'employer du poi-
son ou des armes empoisonnées »;
c) par le protocole de Genèvedu 17juin 1925qui interdit ((l'emploi à la
guerre de gaz asphyxiants, toxiques ou similaires, ainsi que de tous
liquides, matières ou procédésanalogues)).

55. La Cour fera observer que le règlementannexé à la convention IV
de La Haye ne définitpas ce qu'il faut entendre par «du poison ou des
armes empoisonnées))et que des interprétations divergentes existent sur
ce point. Le protocole de 1925ne précisepas davantage le sens à donner
aux termes ((matières ou procédésanalogues)). Dans la pratique des
Etats. ces termes ont étéentendus dans leur sens ordinaire comme cou-
vrant des armes dont l'effet premier,ou même exclusif,estd'empoisonner
ou d'asphyxier. Ladite pratique est claire et les parties a ces instruments
ne les ont pas considéréscomme visant les armes nucléaires.
56. En considérationde ce qui précède,il n'apparaît pas à la Cour que

l'emploi d'armes nucléaires puisseêtre regardé commespécifiquement
interdit sur la base des dispositions susmentionnéesdela deuxième décla-
ration de 1899,du règlement annexé à la convention IV de 1907 ou du
protocole de 1925(voir paragraphe 54 ci-dessus).
57. La tendance a été jusqu'à présent,en ce qui concerne les armes de
destruction massive, de les déclarer illicites grâceà l'adoption d'instru-
ments spécifiques. Les plus récents de ces instruments sont la convention
du 10avril 1972sur l'interdiction de la mise au point, de la fabricationet
du stockage des armes bactériologiques(biologiques) ou à toxines et sur
leur destruction- qui interdit la détention d'armes bactériologiquesou à

toxines et renforce l'interdiction de leur utilisat-onet la convention du
13janvier 1993sur l'interdiction dela mise au point, de la fabrication, du
stockage et de l'emploi desarmes chimiques et sur leur destruction - qui
interdit tout recours aux armes chimiques et exige la destruction des
stocks existants.Chacun de cesinstruments a été négocié et adoptédans un
contexte propre et pour desmotifs propres. La Cour ne trouve pas d'inter-
diction spécifiquedu recours aux armes nucléairesdans lestraités quipro-
hibent expressément l'emploi de certaines armes de destruction massive.
58. Au cours des deux dernières décennies,de nombreuses négocia-

tions ont étémenéesau sujet des armes nucléaires;ellesn'ont pas aboutià un traitéd'interdiction générale du mêmetype que pour les armes bac-
tériologiques et chimiques. Cependant, plusieurs traités spécifiquesont
étéconclus en vue de limiter:

a) l'acquisition, la fabrication et la possession d'armes nucléaires (traités
de paix du 10février1947; traitéd'Etat du 15mai 1955portant réta-
blissement d'une Autriche indépendante et démocratique; traité de
Tlatelolco du 14février1967visant l'interdiction des armes nucléaires
en Amérique latine,et sesprotocoles additionnels; traité du le'juillet
1968 sur la non-prolifération des armes nucléaires;traité de Raro-
tonga du 6 août 1985sur la zone dénucléariséd eu Pacifique Sud, et
sesprotocoles; traité du 12septembre 1990portant règlementdéfinitif
concernant l'Allemagne) ;
b) le déploiement d'armes nucléaires (traité du le' décembre 1959 sur
l'Antarctique; traité du 27janvier 1967sur les principes régissantles
activités desEtats en matière d'exploration et d'utilisation del'espace

extra-atmosphérique, y compris la Lune et les autres corps célestes;
traitéde Tlatelolco du 14 février1967visant l'interdiction des armes
nucléaires en Amérique latine,et ses protocoles additionnels; traité
du 11 février 1971 interdisant de placer des armes nucléaires et
d'autres armes de destruction massive sur le fond des mers et des
océans ainsique dans leur sous-sol; traité de Rarotonga du 6 août
1985sur la zone dénucléariséd eu Pacifique Sud, et ses protocoles);

c) les essais nucléaires(traité du le' décembre1959 sur l'Antarctique;
traité du 5 août 1963 interdisant les essais d'armes nucléairesdans
l'atmosphère, dans l'espace extra-atmosphérique et sous l'eau; traité

du 27janvier 1967sur les principes régissantles activités desEtats en
matière d'exploration et d'utilisation de l'espace extra-atmosphérique,
y compris la Lune et les autres corps célestes;traitéde Tlatelolco du
14février1967visant l'interdiction des armes nucléairesen Amérique
latine, et ses protocoles additionnels; traité de Rarotonga du 6 août
1985sur la zone dénucléariséd eu Pacifique Sud, et ses protocoles).

59. Il a ététraité directement du recours aux armes nucléairesdans
deux de ces conventions, ainsi que dans le contexte de la prorogation illi-
mitéedu traitéde 1968sur la non-prolifération des armes nucléaires:

a) Le traité de Tlatelolco du 14 février 1967 visant l'interdiction des
armes nucléairesen Amérique latine prohibe, en son article premier,
l'emploi des armes nucléairespar les parties contractantes; il com-
porte en outre un protocole additionnel II ouvert aux Etats dotés
d'armes nucléaires extérieursà la région,dont l'article 3 dispose:
«Les gouvernements représentéspar les plénipotentiaires sous-
signéss'engagent en outre a ne recourir ni à l'emploi d'armes
nucléairesni à la menace de leur emploi contre les parties contrac-

tantes au traitévisant l'interdiction des armes nucléairesen Amé-
rique latine)> MENACE OU EMPLOI D'ARMES NUCLÉAIRES (AVICSONSULTATIF) 250

Le protocole a étésignéet ratifiépar les cinq Etats dotés d'armes nu-
cléaires. Sa ratification a été accompagnée de déclarations diverses.
Le Royaume-Uni, par exemple, a déclaréque, «dans le cas d'un acte
d'agression quelconque commis par une partie contractante au traité
avec l'appui d'un Etat doté d'armes nucléaires)),le Gouvernement
britannique ((serait libre de reconsidérer la mesure dans laquelle il
pourrait êtreréputé engagé par les dispositions du protocole addi-
tionnel II)). Les Etats-Unis ont fait une déclaration similaire. Le
Gouvernement français a pour sa part déclaré qu'i(l(interprètel'enga-
gement énoncé à l'article 3 du protocole comme ne faisant pas obs-
tacle au plein exercicedu droit de légitimedéfense confirmépar l'ar-
ticle 51de la Charte)). La Chine a réaffirméson engagement dene pas

êtrela première à faire usage des armes nucléaires. L'Union sovié-
tique s'est réservé«le droit de réexaminer))les obligations que lui
impose le protocole additionnel II, notamment en cas d'agression
perpétréepar un Etat partie au traité «soit conjointement avec un
Etat doté d'armes nucléaires, soitpour aider un tel Etat.Aucune de
ces déclarations n'a suscité de commentaire ni d'objectionde la part
des parties au traitéde Tlatelolco.
b) Le traitéde Rarotonga du 6 août 1985créedans le Pacifique Sud une
zone dénucléariséd eans laquelle les parties s'engagentne pas fabri-
quer, acquérirou posséder quelque dispositifexplosif nucléaireque ce
soit (art.). A la différencedu traitéde Tlatelolco, le traitéde Raro-

tonga ne prohibe pas expressément l'emploide ces armes. Mais une
telle prohibition est pour les Etats parties la conséquence nécessaire
des interdictions prononcées par le traité. Le traité comporte divers
protocoles. Le protocole 2, ouvert aux cinq Etats dotés d'armes
nucléaires,précise, enson article premier, que:
«Chaque partie s'engage à ne pas utiliser ou menacer d'utiliser
un dispositif explosif nucléaire quelconquecontre:

a) des parties au traité; ou
b) tout territoire situà l'intérieur dela zone dénucléarisée du
Pacifique Sud dont un Etat qui est devenu partie au protocole 1
est internationalement responsable.))

La Chine et la Russie sont parties à ce protocole. En le signant, la
Chine et l'Union soviétique ont chacune fait une déclaration par
laquelle elles se sont réservéle «droit de réexaminer)) leurs obliga-
tions en vertu dudit protocole; l'Union soviétique s'est en outre
référée à certaines circonstances dans lesquelles elle se considérerait
comme dégagée deces obligations. Les Etats-Unis, la France et le
Royaume-Uni ont, pour leur part, signéle protocole 2 le 25 mars
1996,mais ne l'ont pas encore ratifié.A cette occasion, la France a
déclaré, d'unepart, qu'aucune disposition de ce protocolene saurait
porter atteinte au plein exercice du droit naturel de légitimedéfense
prévu à l'article 51 de la Charte)),et, d'autre part, que ((l'engagement
énoncé à l'article premier [dudit] protocole équivaut aux garanties négatives de sécurité accordéep sar la France aux Etats non dotés
d'armes nucléaires partiesau traité sur la non-prolifération)), et que
«ces garanties ne sauraient s'appliqueà des Etats non parties))à ce
traité.Quant au Royaume-Uni, il a fait une déclarationpar laquelle il
a préciséles circonstances dans lesquelles ilne serait pas liépar ses
engagements au titre de l'article premier)) du mêmeprotocole.
c) En ce qui concerne le traité sur la non-prolifération des armes nu-
cléaires,les Etats-Unis, le Royaume-Uni et l'URSS avaient donné,
lors de la signature du traitéen 1968,diversesgaranties de sécurité aux
Etats non dotés d'armes nucléaires quiy étaient parties. Dans sa

résolution255 (1968),le Conseil de sécuritéavait accueilli avec satis-
faction l'intention expriméepar ces trois Etats
«de fournir ou d'appuyer une assistance immédiate, conformément
àla Charte, àtout Etat non dotéd'armes nucléaires partieau traité
sur la non-prolifération...qui serait victime d'un acte ou l'objet
d'une menace d'agression avec emploi d'armes nucléaires».

A l'occasion de la prorogation du traité en 1995, les cinq Etats
dotés d'armes nucléaires ont, par des déclarations unilatérales dis-
tinctes des 5 et 6 avril 1995. donné à leurs arte en airesnon dotés
d'armes nucléaires des garanties de sécurité positives et négatives
contre l'emploi de telles armes. Les cinq Etats dotés d'armes nu-
cléairesse sont tous, en premier lieu, engagéàne pas utiliser d'armes
nucléaires contre des Etats non dotés de telles armes, parties au
traité sur la non-prolifération des armes nucléaires. Toutefois ces

Etats, hormis la Chine, ont formuléune exception concernant le cas
d'une invasion ou de toute autre attaque menéeou soutenue contre
eux, leur territoire, leurs forces armées ou leurs alliés,ou contre un
Etat envers lequel ils auraient un engagement de sécurité,par un
Etat non dotéd'armes nucléaires,partie au traité sur la non-proli-
fération. en alliance ou en association avec un Etat doté d'armes
nucléaires.En tant que membre permanent du conseil de sécurité,
chacun des Etats dotésd'armes nucléairess'est engagéen deuxième
lieu, en cas d'agression avec emploi d'armes nucléaires,ou de menace
d'une telle agression à l'encontre d'un Etat non doté d'armes nu-
cléaires,à saisir sans délaile Conseil de sécuritéeàagir en son sein

pour que celui-ci prenne des mesures immédiates en vue de fournir,
conformément à la Charte, l'assistance nécessaireà 1'Etat victime
(les formules employéesvariant légèrement). Le Conseilde sécurité,
en adoptant à l'unanimité sa résolution984 (1995)précitéedu 11avril
1995,a pris acte avec satisfaction de ces déclarations.l a également
reconnu
«que les Etats dotésd'armes nucléairesqui sont membres perma-

nents du Conseil de sécuritéporteront immédiatement la question à
l'attention du Conseil et s'emploierontà obtenir que celui-ci four-
nisse, conformément à la Charte, l'assistancenécessairà1'Etatvic-
time )) et s'est félicde ce
«que certains Etats aient exprimél'intention de venir immédiate-
ment en aide ou de prêter immédiatemenu t n appui, conformément

à la Charte,à tout Etat non dotéd'armes nucléairespartie au traité
sur la non-prolifération des armes nucléairesqui serait victime d'un
acte d'agression avec emploid'armes nucléairesou serait menacé
d'une telle agression».
60. Les Etats qui estiment que le recours aux armes nucléaires est illi-

cite soulignent que lesconventions qui comportent diversesrèglesde limi-
tation ou d'élimination de l'armenucléairedans des espaces déterminés
(comme le traitéde 1959sur l'Antarctique qui interdit le déploiementdes
armes nucléairesdans l'Antarctique, ou le traitéde Tlatelolco de 1967qui
créeune zone exempte d'armes nucléaires en Amérique latine) et les
conventions qui appliquent des mesures de contrôle et de limitation à
l'existence desarmes nucléaires (commele traitéde 1963sur l'interdiction
partielle desessaisnucléairesou le traité surla non-proliférationdes armes
nucléaires)fixent toutes des limitesà l'emploi d'armes nucléaires. Selon
eux, ces traités témoignentà leur manière de l'émergencd e'une norme de
prohibition juridique complète detoute utilisation d'armes nucléaires.
61. Les Etats qui soutiennent que le recours aux armes nucléaires est
licite dans certaines circonstances voient une contradiction logique dans

une telleconclusion. Selon euxcestraités,tel le traité surla non-proliféra-
tion des armes nucléaires, demêmeque les résolutions255 (1968)et 984
(1995)du Conseil de sécurité, quiprennent acte des garanties de sécurité
donnéespar les Etats dotésd'armes nucléairesaux Etats qui n'ensont pas
dotés en cas d'agression nucléairc eontre ces derniers, ne sauraient être
compris commeprohibant l'emploid'armesnucléaires;et une tellepréten-
tion serait contrairà la lettre même decesinstruments. Pour lespartisans
de la licéitdu recours aux armes nucléairesdans certaines circonstances,il
n'existeaucune interdiction absolue d'utiliser detellesarmes. La logique et
la structure mêmesdu traité surla non-proliférationdes armes nucléaires
le confirment. Ce traité,aux termes duquel, soutiennent-ils, la possession
d'armes nucléairespar les cinq Etats qui en sont dotésa été acceptée n,e
saurait êtreregardé comme untraitéqui en proscrirait l'emploi par ces
mêmesEtats; admettre le fait que ces Etats possèdent l'arme nucléaire

reviendraità reconnaître que cette arme peut être employéd eans certaines
circonstances. Quant aux garanties de sécurité donnéepsar les Etats dotés
d'armes nucléaires en1968 et, plus récemment,dans le contexte de la
conférence de1995des parties au traité surla non-proliférationdes armes
nucléaires chargée d'examinelre traitéet la question de sa prorogation,
ellesne pourraient davantage être conçues sans présupposer qu'eixl iste des
circonstances dans lesquellesdes armes nucléairespourraient êtreutilisées
de manière licite.Pour les défenseursde la licéité du recours aux armes
nucléairesdans certaines circonstances, l'acceptation desinstruments sus-
viséspar les différentsEtats non dotésd'armes nucléaires confirmerait et
renforcerait la logique évidentesur laquelle se fondent ces instruments. MENACEOU EMPLOI D'ARMES NUCLÉAIRES (AVISCONSULTATIF)253

62. La Cour note que les traités quiportent exclusivementsur l'acquisi-
tion, la fabrication, la possession, le déploiement et la mise à l'essai
d'armes nucléairess,anstraiter spécifiquementde la menace ou de l'emploi
de cesarmes, témoignent manifestement despréoccupations quecesarmes
inspirent de plus en plusà la communauté internationale; elle en conclut
que ces traités pourraient en conséquenceêtreperçus comme annonçant
une future interdiction généralede l'utilisation desdites armes, mais ne

comportent pas en eux-mêmes une telleinterdiction. Pour ce qui est des
traités de Tlatelolco et de Rarotonga et leurs protocoles, ainsi que des
déclarationsfaites dans le contextede la prorogation illimitéedu traité sur
la non-prolifération des armes nucléaires,il ressort de ces instruments:
a) qu'un certain nombre d'Etats se sont engagés à ne pas employer
d'armes nucléairesdans certaines zones (Amérique latine, Pacifique

Sud) ou contre certains autres Etats (Etatsnon dotés d'armes nucléaires
parties au traité sur la non-prolifération des armes nucléaires);
b) que toutefois, mêmedans ce cadre, les Etats dotésd'armes nucléaires
se sont réservéle droit de recourirces armes dans certaines circons-
tances;
c) que ces réservesn'ont suscitéaucune objection de la part des parties
aux traitésde Tlatelolco ou deRarotonga, ou de la part du Conseil de
sécurité.

63. Ces deux traités,les garanties de sécuritédonnéesen 1995par les
Etats dotés d'armesnucléaireset le fait que le Conseil de sécurité enait
pris acte avec satisfaction montrent quel'on se rend de mieux en mieux
compte de la nécessité d'affranchir la communauté des Etats et le grand
public international des dangers qui résultent de l'existence des armes
nucléaires.La Cour relève d'ailleursque tout récemmentencore ont été
signés,le 15décembre1995, à Bangkok, un traité surla dénucléarisation
du Sud-Est asiatique, et le 11avril 1996,au Caire, un traité sur une zone
exempte d'armes nucléaires enAfrique. Ellene regarde cependant pas ces
élémentscomme constitutifd s'uneinterdiction conventionnelle complète et
universelled'emploi ou de menace d'emploi decesarmes en tant que telles.

64. La Cour passera maintenant à l'examen du droit international
coutumier à l'effet d'établirsi on peut tirer de cette source de droit une
interdiction de la menace ou de l'emploi desarmes nucléaires entant que
telles. Ainsi que la Cour l'a déclaré, lasubstance du droit international
coutumier doit ((êtrerecherchéeen premier lieu dans la pratique effective
et l'opinio juris des Etats» (Plateau continental (Jarnahiriyu arabe
libyenne/Malte), arrêt, C.I.J. Recueil 1985, p. 29, par. 27).
65. Les Etats qui soutiennent que l'utilisation d'armes nucléaires est
illicite se sont employésà démontrer l'existence d'une règlecoutumière
portant interdiction de cette utilisation. Ils se réfèreàtune pratique
constante de non-utilisation des armes nucléairespar les Etats depuis MENACE OU EMPLOID'ARMES NUCLÉAIRES (AVISCONSULTATIF)254

1945et veulent voir dans cette pratique l'expression d'une opiniojuris des
détenteurs deces armes.
66. Certains autres Etats, qui affirment la licéitéde la menace et de
l'emploi d'armes nucléairesdans certaines circonstances, ont invoqué à
l'appui de leur thèsela doctrine et la pratique de la dissuasion. Ils rappel-
lent qu'ils se sont toujours réservé, deconcert avec certains autres Etats,

le droit d'utiliser ces armes dans l'exercice du droit de légitime défense
contre une agression arméemettant en danger leurs intérêtsvitaux en
matièrede sécuritéA . leurs yeux, si les armes nucléairesn'ont pas étéuti-
liséesdemis 1945. ce n'est Dasen raison d'une coutume existante ou en
voie de création, mais simplement parce que les circonstances susceptibles
de justifier leur emploi ne se sont heureusement pas présentées.
67. La Cour n'entend pas se prononcer ici sur la pratique dénommée
((politique de dissuasion)). Elle constate qu'il est de fait qu'un certain
nombre d'Etats ont adhéré àcette pratique pendant la plus grandepartie
de la guerre froide et continuent d'y adhérer.De surcroît, lesmembres de
la communauté internationale sont ~rofondémentdiviséssur le oint de
savoir si le non-recours aux armes nucléairespendant les cinquante der-
nières années constitue l'expression d'une opiniojuris. Dans ces condi-
tions, la Cour n'estime pas pouvoir conclure à l'existence d'une telleopi-

niojuris.
68. Selon certains Etats, l'abondante sériede résolutions de l'Assem-
bléegénéralequi, depuis la résolution 1653(XVI) du 24 novembre 1961,
ont trait aux armes nucléaireset affirment avec une constante régularité
l'illicéité desarmes nucléaires traduit l'existence d'une règlede droit
international coutumier qui prohibe le recoursà cesarmes. Selon d'autres
Etats, cependant, ces résolutions n'ont aucun caractère obligatoire par
elles-mêmes et ne sont déclaratoiresd'aucune rè"lecoutumière d'interdic-
tion de l'arme nucléaire; certainsde ces Etats ont égalementfait observer
que cette sériede résolutionsnon seulement n'a pas étéapprouvéepar la
totalitédes Etats dotésd'armes nucléaires,mais ne l'a pas davantage été
par de nombreux autres Etats.
69. Les Etats qui considèrent que l'emploi d'armes nucléaires estilli-

cite ont indiquéque cesrésolutions ne prétendaientpas créerde nouvelles
règles,mais se bornaient à confirmer le droit coutumier relatifà la pro-
hibition des moyens ou méthodes de guerrequi excèdent,par leur utilisa-
tion, leslimites de ce qui est autorisé dans la conduite d'hostilités. Ilssont
d'avis que les résolutions considéréesn'ont fait qu'appliquer aux armes
nucléairesles règles existantes du droit international applicable dans les
conflits armés; elles n'auraient constituéque l'«enveloppe» ou l'instru-
mentum contenant des règlescoutumières de droit international déjàexis-
tantes. Pour ces Etats, il importerait donc peu que l'instrumentum se soit
heurté à des votes négatifs,qui ne peuvent avoir pour effet d'annihiler ces
règlescoutumières, confirméespar le droit conventionnel.
70. La Cour rappellera que les résolutions de l'Assemblée générale,
mêmesi ellesn'ont pas force obligatoire, peuvent parfois avoirune valeur
normative. Elles peuvent, dans certaines circonstances, fournir des élé- MENACEOU EMPLOI D'ARMESNUCLÉAIRES (AVISCONSULTATIF) 255

ments de preuve importants pour établirl'existenced'une règleou l'émer-
gence d'une opinio juris. Pour savoir si cela est vrai d'une résolution
donnée del'Assembléegénéralei,l faut en examiner le contenu ainsi que
les conditions d'adoption; il faut en outre vérifiers'il existe une opinio

juris quant à son caractère normatif. Par ailleurs des résolutionssucces-
sives peuvent illustrer l'évolution progressivede l'opiniojuris nécessàire
l'établissementd'une règlenouvelle.
71. Si on les considèredans leur ensemble, les résolutionsde 1'Assem-
bléegénérale invoquéed sevant la Cour déclarent que l'emploi d'armes
nucléaires serait«une violation directe de la Charte)) et, dans certaines
versions, que cet emploi «doit ...êtreinterdit)); dans ces résolutions,
l'Assembléegénéralea parfois mis l'accent, plutôt, sur diversesquestions
connexes.Plusieurs résolutionsdont il est question en l'espèceont cepen-
dant étéadoptées avec un nombre non négligeablede voix contre et
d'abstentions. Ainsi, bien que lesditesrésolutionsconstituent la manifes-

tation claire d'une inquiétudeprofonde à l'égarddu problème des armes
nucléaires, elles n'établissent pas encore l'existence d'une opinio juris
quant à l'illicéde l'emploi de ces armes.
72. La Cour note par ailleurs que la première des résolutions de
l'Assembléegénérale à avoir proclamé expressémentl'illicéitédu recours
à l'arme nucléaire- la résolution 1653 (XVI) du 24 novembre 1961
(mentionnéedans des résolutions ultérieures) -, après avoir fait réfé-
rence à certaines déclarations internationales eà certains accords obli-
gatoires allant de la déclaration de Saint-Pétersbourgde 1868au proto-
cole de Genève de 1925, a procédé à une qualification de la nature
juridique de l'arme nucléaire, à une détermination de ses effets et à
l'application de règlesgénéraledu droit international coutumierà l'arme

nucléaireen particulier. Cette application par l'Assembléede règles géné-
rales du droit coutumier au cas particulier de l'arme nucléaire indique
qu'à sesyeux il n'existait pas de règle spécifide droit coutumier inter-
disant l'emploi del'arme nucléaire;siune telle règleavait existé,ssem-
bléegénérale aurait, en effet, pu se contenter de s'yréférer etn'aurait pas
eu à se livrerà un tel exercice de qualification juridique.
73. Cela étant, la Cour observera que l'adoption chaque année par
l'Assembléegénérale, à une large majorité, de résolutionsrappelant le
contenu de la résolution 1653 (XVI) et priant les Etats Membres de
conclure une convention interdisant l'emploi d'armes nucléaires entoute
circonstance est révélatricedu désir d'une trèsgrande partie de la com-

munauté internationale de franchir, par une interdiction spécifiqueet
expressede l'emploide l'arme nucléaire, uneétapesignificativesur leche-
min menant au désarmement nucléaire complet.L'apparition, en tant
que lex lata, d'une règlecoutumière prohibant spécifiquement l'emploi
des armes nucléairesen tant que telles sehenrte aux tensions qüi sdbsis-
tent entre, d'une part, une opinio juris naissante et, d'autre part, une
adhésion encoreforte à la pratique de la dissuasion. 74. La Cour n'ayant'pas trouvéde règleconventionnellede portéegéné-
rale,ni derèglecoutumièreinterdisantspécifiquemenlta menaceou l'emploi
des armes nucléairesen tant aue telles. elleabordera maintenant la aues-
tion de savoir si lerecours aux armes nucléairesdoit êtreconsidéré comme
illiciteau regard des principes etrèglesdu droit international humanitaire
applicable dans les conflits armés, ainsique du droit de la neutralité.
75. De nombreuses règlescoutumières se sont développées,de par la
pratique des Etats, et font partie intégrantedu droit international perti-
nent en l'espèce.Il s'agit des«lois et coutumes de la guerre» - selon

l'expressiontraditionnelle - qui furent l'objet desefforts de codification
entrepris à La Haye (conventions de 1899 et de 1907notamment) et se
fondaient partiellement sur la déclaration de Saint-Pétersbourg de 1868
ainsi que sur les résultats dela conférencede Bruxellesde 1874.Ce ((droit
de La Haye)), et notamment le règlementconcernant les lois et coutumes
de la guerre sur terre, fixeles droits et les devoirs des belligérantsdans la
conduite des opérationset limite le choix des moyens de nuire à l'ennemi
dans lesconflits armésinternationaux. Il convient d'y ajouter le «droit de
Genève))(les conventions de 1864,de 1906,de 1929et de 1949),qui pro-
tège les victimesde la guerre et viseà sauvegarder les membres des forces
arméesmis hors de combat et lespersonnes qui ne participent pas aux hos-

tilités. Ces deuxbranches du droit applicable dans les conflits armésont
développé desrapports si étroits qu'elles sont regardéescomme ayant
fondé graduellementun seul systèmecomplexe,qu'on appelle aujourd'hui
droit international humanitaire. Les dispositions des protocoles addition-
nels de 1977expriment et attestent l'unitéet la complexitéde ce droit.
76. Dèsle débutdu siècle,l'apparition de nouveaux moyens de com-
bat a - sans pour autant remettre en question les anciens principes et
règlesdu droit international - rendu nécessaires desinterdictions spéci-
fiques concernant l'emploi de certaines armes telles que les projectiles
explosifs d'un poids inférieur à 400 grammes, les balles dum-dum et les
gaz asphyxiants. Puis le protocole de Genève de 1925a portéprohibition
des armes chimiques et bactériologiques. Plus récemment, l'emploi

d'armes produisant des ((éclatsnon localisables», de certains types de
«mines, piègeset autres dispositifs)), ainsi que d'carmes incendiaires))a
été, selon les casi,nterdit ou limitépar la convention du 10octobre 1980
sur l'interdiction ou la limitation de l'emploi de certaines armes clas-
siques qui peuvent êtreconsidérées comme produisant des effets trauma-
tiques excessifs ou comme frappant sans discrimination. Les disposi-
tions de la convention concernant les ((mines,piègeset autres dispositifs))
viennent d'êtreamendéesle 3 mai 1996 et réglemententdésormaisplus
en détail,notamment, l'emploi des minesterrestres antipersonnel.
77. Il ressort de ce qui précèdeque la conduite d'opérationsmilitaires
est soumise a un ensemble de prescriptions juridiques. Il en est ainsi car

«les belligérantsn'ont pas un droit illimitéquant au choix desmoyens de
nuire à l'ennemi)),comme le précise l'article 22du règlementde La Haye
de 1907concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre. La déclara-
tion de Saint-Pétersbourg avait déjàcondamné l'«emploi d'armes quiaggraveraient inutilement les souffrances des hommes mis hors de com-
bat, ou rendraient leur mort inévitable)).Lerèglementconcernant les lois
et coutumes de la guerre sur terre évoquéci-dessus, qui est annexé à la
convention IV de La Haye de 1907,interdit d'«employer des armes, des
projectiles ou des matièrespropres à causer desmaux superflus))(art. 23).
78. Les principes cardinaux contenus dans les textes formant le tissu
du droit humanitaire sont les suivants. Le premier principe est destiné à
protéger la population civile et les biens de caractère civil, et établitla
distinction entre combattants et non-combattants; les Etats ne doivent

jamais prendre pour cible des civils,ni en conséquence utiliser desarmes
qui sont dans l'incapacité de distinguerentre cibles civileset cibles mili-
taires. Selon le second principe, il ne faut pas causer des maux superflus
aux combattants: il est donc interdit d'utiliser desarmes leur causant de
tels maux ou aggravant inutilement leurs souffrances; en application de
ce second principe, lesEtats n'ont pas un choix illimitéquant aux armes
au'ils em~loient.
La Cour citera également, enrelation avec ces principes, la clause de
Martens, énoncée pour la premièrefois dans la convention II de La Haye
de 1899concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre et qui s'est
révéléê e treun moyen efficace pour faire face à l'évolution rapidedes
techniques militaires. Une version contemporaine de ladite clause se
trouve à l'article premier, paragraphe 2, du protocole additionnel 1 de
1977,qui se lit comme suit:

«Dans les cas non prévuspar le présent protocole ou par d'autres
accords internationaux, les personnes civileset les combattants res-
tent sous la sauvegarde et sous l'empire des principesdu droit des
gens, tels qu'ils résultentdes usages établis,des principes de l'huma-
nitéet des exigence5de la conscience publique. ))

Conformément aux principes susmentionnés,le droit humanitaire a très
tôt banni certaines armes, soit parce qu'elles frappaient de façon indis-
criminéeles combattants et les populations civiles, soit parce qu'elles
causaient aux combattants des souffrances inutiles, c'est-à-dire dessouf-
frances supérieuresaux maux inévitablesque suppose la réalisationd'ob-
jectifs militaires légitimes.Dans le cas où l'emploi envisad'une arme ne
satisferait pas aux exigencesdu droit humanitaire, la menace d'un tel em-
ploi contreviendrait elle aussià ce droit.

79. C'est sans doute parce qu'un grand nombre de règles du droit
humanitaire applicable dans les conflitsarméssont sifondamentales pour
le respect de la personne humaine et pour des «considérations élémen-
taires d'humanité)),selon l'expression utilisear la Cour dans son arrêtdu
9 avril 1949rendu en l'affaire du Détroitde Corfou (C.I.J. Recueil 1949,
p. 22), que la convention IV de La Haye et lesconventions de Genèveont
bénéficidé'une largeadhésiondesEtats. Cesrèglesfondamentales s'impo-
sent d'ailleursà tous les Etats, qu'ils aient ou non ratifié lesinstruments
conventionnels qui les expriment, parce qu'ellesconstituent des principes
intransgressibles du droit international coutumier. MENACE OU EMPLOI D'ARMES NUCLÉAIRES (AVISCONSULTATIF)
258

80. Déjà en 1945, le Tribunal militaire international de Nuremberg
avait jugéque lesrègleshumanitaires contenues dans le règlementannexé
à la convention IV de La Haye de 1907 ((étaientadmises par tous les
Etats civiliséset regardéespar eux comme l'expression, codifiée, des lois
et coutumes de la guerre)) (Procèsdes grands criminels de guerre devant
le Tribunal militaire international, Nuremberg, 14 novembre 1945-
1"'octobre 1946, Nuremberg, 1947,vol. 1, p. 267).
81. Dans le rapport qu'il a établien application du paragraphe 2 de la
résolution808(1993)du Conseil de sécuritép ,ar lequel il présentaitle sta-
tut du tribunal international chargé de poursuivrelespersonnes présumées
responsables de violations gravesdu droit international humanitaire com-

mises sur le territoire de l'ex-Yougoslavie depuis1991 - rapport unani-
mement approuvépar le Conseil de sécurité (résolutio8 n27 (1993)) -, le
Secrétaire général déclara ciet qui suit:
«De l'avis du Secrétaire générall' ,application du principe nullum
crimen sine lege exige que le Tribunal international applique des
règlesdu droit international humanitaire qui font partie sans aucun
doute possible du droit coutumier ...

La partie du droit international humanitaire conventionnel qui est
sans aucun doute devenue partie du droit international coutumier
est le droit applicable aux conflits armésqui fait l'objet des instru-
ments suivants: les conventions de Genèvedu 12août 1949pour la
protection des victimes de la guerre; la convention de La Haye (IV)
concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre et les règlesy
annexéesdu 18 octobre 1907; la convention pour la préventionet la
répressiondu crime de génocidedu 9 décembre1948et le statut du
Tribunal militaire international du 8 août 1945.»

82. La large codification du droit humanitaire et l'étendue de l'adhé-
sion aux traités qui en ont résulté, ainsique le fait que les clauses de
dénonciation contenuesdans les instruments de codification n'ont jamais
été utiliséeso,nt permis àla communauté internationale de disposer d'un
corps de règlesconventionnelles qui étaient déjàdevenues coutumières
dans leur grande majoritéet qui correspondaient aux principes humani-
taires les plus universellement reconnus. Ces règlesindiquent ce que sont
les conduites et comportements normalement attendus des Etats.
83. Il a étsoutenu au cours de la présente procédureque cesprincipes
et règlesdu droit humanitaire font partie dujus cogenstel que le définit ,
l'article 53 de la convention de Vienne sur le droit des traitésdu 23 mai

1969.La question de savoir si une règlefait partie du jus cogensa trait a
la nature juridique de cette règle.La demande que l'Assemblée généraa le
adressée à la Cour soulèvela question de l'applicabilité des principes et
règlesdu droit humanitaire en cas de recours aux armes nucléaires,et
celle des conséquences que cette applicabilité aurait sur la licéitédu
recours à ces armes; mais elle ne soulèvepas la question de savoir quelle
serait la nature du droit humanitaire qui s'appliquerait a l'emploi des
armes nucléaires.La Cour n'a donc pas à se prononcer sur ce point. 84. La Cour n'a pas non plus à s'étendresur la question de l'applica-
bilitéaux armes luc clé aidrusprotocole additionnel 1de 1977.Il lui suf-
fira d'observer que, si la conférence diplomatique de 1974-1977 n'a
consacréaucun débat de fond à la question nucléaire et si aucune solu-
tion spécifiqueconcernant cette question n'y a été avancéel,e protocole
additionnel 1n'a en aucune manière remplacéles règlesgénéralescoutu-

mièresqui s'appliquaient à tous les moyens et à toutes les méthodes de
combat, y compris les armes nucléaires.La Cour rappellera en particulier
que tous les Etats sont liéspar celles des règlesdu protocole addition-
nel1qui ne représentaient,au moment de leur adoption, que l'expressiondu
droit coutumier préexistant, commec'est le cas de la clause de Martens,
réaffirméeà l'article premierdudit protocole. Le fait que la conférencede
1974-1977n'ait pas traité spécifiquement de certains types d'armes ne
permet de tirer aucune conclusionjuridique quant aux problèmesde fond
que le recours àces armes soulèverait.
85. Passant ensuite à la question de l'applicabilité des principes et
règlesdu droit humanitaire à la menace ou à l'emploi éventuels d'armes
nucléaires,la Cour note que des doutes ont parfois été exprimés suc re

point, au motif que les principes et règles enquestion se sont développés
avant l'invention des armes nucléaireset que les conférencesde Genève
de 1949 et de 1974-1977, qui ont adopté, respectivement, les quatre
conventions de Genève de 1949et les deux roto col esadditionnels v rela-
tifs, n'ont pas spécifiquementtraitédes armes nucléaires.Ce point de vue
est toutefois très minoritaire. De l'avis de la grande majorité desEtats et
de la doctrine, il ne fait aucun doute que le droit humanitaire s'applique
aux armes nucléaires.
86. La Cour partage cet avis. Certes les armes nucléaires ont été
inventéesaprès l'apparition de la plupart des principes et règlesdu droit
humanitaire applicable dans les conflits armés,les conférencesde 1949et

de 1974-1977n'ont pas traité deces armes et celles-cisont différentes des
armes classiques tant sur le plan qualitatif que sur leplan quantitatif.On
ne peut cependant en conclure que les principes et règlesétablisdu droit
humanitaire applicable dans les conflits armés nes'appliquent pas aux
armes nucléaires.Une telle conclusion méconnaîtrait la nature intrinsè-
quement humanitaire des principes juridiques en jeu, qui imprègnent
tout le droit des conflits armés et s'appliquentà toutes les formes de
guerre età toutes les armes, celles du passé, commecelles du présent et
de l'avenir. Il est significaàicet égardque la thèse selon laquelle les
règlesdu droit humanitaire ne s'appliqueraient pas aux armes nouvelles,
en raison mêmede leur nouveauté, n'ait pas été invoquée en l'espèce.

Tout au contraire, l'argument suivant lequel ces armes échapperaient
par leur nouveauté au droit international humanitaire a été expressé-
ment rejetéen ces termes:

«De manière générale,le droit international humanitaire s'ap-
pliqueà la menace ou à l'emploi d'armes nucléaires commeil s'ap-
plique à d'autres armes. Le droit international humanitaire a évolué pour tenir compte des
circonstances et son application ne se limite pas aux armements du
passé.Les principes fondamentaux de ce droit demeurent: atténuer
et limiter la cruauté de la guerre pour des raisons humanitaires.))
(Nouvelle-Zélande, exposé écritp,. 15, par. 63-64.)

Aucun des exposés présentés à la Cour n'a préconisé de quelque façon
que ce soit la libertéde recourir aux armes nucléaires endehors de toute
contrainte humanitaire. Bien au contraire, il a été soutenuexpressément
ce qui suit:
«Les restrictions imposéespar les règlesapplicables aux conflits
armésen ce qui concerne les moyens et méthodes de guerre s'éten-

dent assurément aux armes nucléaires)) (Fédération de Russie,
CR 95129,p. 52);
«En ce qui concerne le droit coutumier de la guerre, le Royaume-
Uni a toujours admis que l'emploi d'armes nucléaires est assujetti
aux principes générauxdu jus in belle))(Royaume-Uni, CR95134,
P 45);

((Cela fait longtemps que les Etats-Unis pensent que le droit des
conflits armés régit l'emploid'armes nucléaires comme il régit

d'ailleurs celui d'armes classiques)) (Etats-Unis d'Amérique,
CR 95134,p. 85).
87. Enfin, la Cour voit dans la clause de Martens, qui continue indu-
bitablement d'exister et d'être applicable, la confirmation que les prin-
cipes et règlesdu droit humanitaire s'appliquent aux armes nucléaires.

88. La Cour abordera maintenant l'examen du principe de neutralité,
qui a été évoqué pa certains Etats. Dans le cadre de la procédure consul-
tative engagéedevant la Cour par l'OMS au sujet de la Licéitéde I'uti-
lisation des armes nucléairespar un Etat dansun conflit armé,la situation
a étéprésentée comme suitpar un Etat:
«Dans sa portéeclassique, le principe de neutralité étaitdestiné à
prévenir l'incursionde forces belligérantessur le territoire d'un Etat

neutre, ou bien les attaques dirigéescontre les personnes ou les na-
viresd'Etats neutres. C'est ainsi que «le territoire des puissances
neutres est inviolable))(articlepremier dela conventionV de La Haye
concernant les droits et devoirs des puissances et des personnes
neutres en cas de guerre sur terre, conclue le 18octobre 1907); «les
belligérantssont tenus de respecter les droits souverains des puis-
sances neutres..» (article premier de la convention XII1 de La Haye
concernant les droits et devoirs des puissances neutres en cas de
guerre maritime, conclue le 18octobre 1907); ((lesEtats neutres ont le mêmeintérê t ce que leurs droits soient respectéspar les belligé-
rants...» (préambule à la convention concernant la neutralité mari-
time, conclue le 20 février 1928). Il est évident, cependant, que le
principe de neutralités'applique avec une force égaleaux incursions
transfrontières de forces arméeset aux dommages transfrontières
causés àun Etat neutre par l'utilisation d'unearme dans un Etat bel-
ligérant.))(Nauru, exposé écrit(1), p. 35, IV E.)

Le principe ainsi circonscrit est présenté commeun élément établd i u
droit international coutumier.
89. La Cour estime que, comme dans le cas des principes du droit
humanitaire applicable dans les conflits armés,le droit international ne
laisse aucun doute quant au fait que le principe de neutralité - quel
qu'en soitle contenu -, qui a un caractèrefondamental analogue à celui
des principes et règleshumanitaires, s'applique (sous réservedes disposi-
tions pertinentes de la Charte des Nations Unies)à tous les conflitsarmés
internationaux, quel que soit le type d'arme utilisé.

90. Si l'applicabilitéaux armes nucléaires des principes et règlesdu
droit humanitaire ainsi que du principe de neutralité n'est guère contes-
tée,les conséquences qu'ily a lieu de tirer de cette applicabilitésont en

revanche controversées.
91. Selon un point de vue, le fait que le recours aux armes nucléaires
soit régipar le droit des conflitsarmés nesignifiepas nécessairementqu'il
soit interdit en tant que tel. Comme un Etat l'a dit devant la Cour:

«A supposer que l'emploi d'armes nucléairespar un Etat réponde
aux exigencesde la légitime défensee,ncore faut-il considérers'il res-

pecte les principes fondamentaux du droit des conflits armésrégis-
sant la conduite des hostilités)) (Royaume-Uni, exposé écritp , . 40,
par. 3.44);
«la licéitde l'utilisation d'armes nucléairesdoit donc s'apprécierau
regard desprincipesapplicablesdu droit international concernant l'em-
ploi de la force et la conduite des hostilités, comme c'est le cas pour
les autres méthodeset moyens de guerre» (ibid p. ,5, par. 4.2, 3);

«en réalité,les armes nucléaires peuvent êtreutilisées dans une
large variété de circonstances, avec des résultats très différentsu
point de vue des pertes civiles probables. Dans certains cas, tel
l'emploi d'une arme nucléaire de faible puissancecontre des navires
de guerre en haute mer ou sur des troupes dans une région à la
population très clairsemée,il est possible d'envisager une attaque
nucléaireproduisant relativement peu de pertes civiles.Il n'est abso-
lument pas exact que toute utilisation d'armes nucléairescontre un objectif militaire s'accompagnerait inévitablement de très lourdes
pertes civiles.))(Royaume-Uni, exposé écrit,p. 53, par. 3.70; voir
égalementEtats-Unis d'Amérique,CR 95/34, p. 89-90.)

92. Selon un autre point de vue, le recours aux armes nucléairesne
pourrait en aucun cas être compatibleavec les principes et règlesdu droit
humanitaire, et est donc interdit. Dans le cas où elles seraient employées,
les armes nucléairesseraient en toute hypothèsedans l'incapacitéde faire
la distinction entre population civile et combattants ou entre biens de

caractère civil et objectifs militaires, et leurs effets,largement incontrô-
lables, ne pourraient êtrerestreints, ni dans letemps ni dans l'espace,àdes
cibles militaires légitimes. Cesarmes tueraient et détruiraient d'une façon
nécessairement indiscriminée du fait du souffle,de la chaleur et du rayon-
nement provoquéspar l'explosion nucléaireet des effets induits de celle-
ci; et le nombre de victimesqui s'ensuivrait seraiténorme.L'utilisation de
l'arme nucléaire seraitdonc prohibéeen toute circonstance, et cela même
en l'absence d'une interdiction conventionnelle explicite. C'est précisé-
ment en s'appuyant surcette idéeque certains Etats ont indiqué à la Cour
que les armes nucléairessont par leur nature illicites au regard du droit
international coutumier, en vertu du principe fondamental d'humanité.

93. Une opinion analogue a été exprimép eour ce qui est des effets du
principe de neutralité. Il a ainsi étésoutenu par certains que ce principe,
comme les principes et règlesdu droit humanitaire, prohiberait l'emploi
d'une arme dont les effets ne pourraient êtrelimités entoute certitude
aux territoires des Etats en conflit.
94. La Cour relèvera qu'aucun des Etats qui soutiennent qu'il serait
licited'utiliser desarmes nucléairesdans certainescirconstances, etnotam-
ment d'utiliser ((proprement» des armes nucléaires plus petites,de faible
puissance ou tactiques, n'a indiquéquelles seraient - à supposer que cet
emploi limité soit réellement possible - les circonstances précises justi-
fiant un tel emploi, ni démontré quecet emploi limiténe conduirait pas à

une escalade vers un recours généralisé aux armes nucléairesde forte
puissance. En l'état,la Cour n'estime pas disposer des bases nécessaires
pour pouvoir se prononcer sur le bien-fondéde cette thèse.
95. La Cour ne peut davantage se prononcer sur le bien-fondé dela
thèse selon laquellele recours aux armes nucléairesserait illicite en toute
circonstance du fait de l'incompatibilité inhérenteet totale de ces armes
avecle droit applicable dans les conflitsarmés. Certes, commela Cour l'a
déjà indiqué,les principes et règlesdu droit applicable dans les conflits
armés - qui reposent essentiellement sur le principe primordial d'huma-
nité - soumettent la conduite des hostilitésarmées à un certain nombre
d'exigencesstrictes. Ainsi, les méthodeset moyens de guerre qui ne per-

mettraient pas de distinguer entre cibles civileset cibles militaires, ou qui
auraient pour effet de causer des souffrances inutiles aux combattants,
sont interdits. Eu égardaux caractéristiques uniquesdes armes nucléaires
auxquelles la Cour s'est référée ci-dessuls', tilisation de cesarmes n'appa-
raît effectivementguère conciliableaveclerespectde telles exigences.Néan-moins, la Cour considère qu'ellene dispose pas des éléments suffisants
pour pouvoir conclure avec certitude que l'emploi d'armes nucléaires
serait nécessairementcontraire aux principes et règlesdu droit applicable
dans les conflits armésen toute circonstance.
96. La Cour ne saurait au demeurant perdre de vue le droit fondamen-
tal qu'a tout Etatàla survie, et donc le droit qu'il a de recoàrla légi-
time défense,conformément à l'article 51 de la Charte, lorsque cette
survie est en cause.
Elle ne peut davantage ignorer la pratique dénommée((politique de
dissuasion» à laquelle une partie appréciable dela communauté interna-
tionale a adhérépendant des années.La Cour note aussi les réservesque

certains Etats dotésd'armes nucléairesont apportées aux engagements
qu'ils ont pris, en vertu, notamment, des protocoles aux traitésdelate-
lolco et de Rarotonga, ainsi que des déclarations faites par eux dans le
cadre de la prorogation du traité sur la non-prolifération des armes
nucléaires,dg ne pas recourirà ces armes.
97. En conséquence,au vu de l'état actueldu droit international pris
dans son ensemble, tel qu'elle l'a examinéci-dessus, ainsi que des élé-
ments de fait àsa disposition, la Cour est amenée à constater qu'elle ne
saurait conclure de façon définitive la licéitéouà l'illicéide l'emploi
d'armes nucléairespar un Etat dans une circonstance extrêmede légitime
défensedans laquelle sa survie mêmeserait en cause.

98. Compte tenu des questions éminemment difficiles que soulève
l'applicationà l'arme nucléairedu droit relatià l'emploi de la force, et
surtout du droit applicable dans les conflitsarmés, laCour estime devoir
examiner maintenant un autre aspect de la question posée, dans un
contexte plus large.

A terme, le droit international et avec lui la stabilité del'ordre inter-
national qu'il a pour vocation de régirne peuvent que souffrir des diver-
gencesde vues qui subsistent aujourd'hui quant au statut juridique d'une
arme aussi meurtrière que l'arme nucléaire.Il s'avèrepar conséquent
important de mettre fin à cet état de choses: le désarmement nucléaire
complet promis de longue date se présente commele moyen privilégié de
parvenir à ce résultat.
99. La Cour mesure dans ces circonstances toute l'importance de la
consécrationpar l'article VI du traité surla non-prolifération des armes
nucléaires d'une obligationde négocier de bonne foi un désarmement
nucléaire. Cette disposition est ainsi libellée:

((Chacune des parties au traités'engageàpoursuivre de bonne foi
des négociations sur des mesuresefficacesrelativeà la cessation de
la course aux armements nucléaires à une date rapprochée et au
désarmement nucléaireet sur un traité de désarmement général et
complet sous un contrôle international strict et efficace.»La portéejuridique de l'obligation considéréedépassecelle d'une simple
obligation de comportement; l'obligation encause ici est cellede parvenir
à un résultatprécis- le désarmement nucléairedans tous ses aspects -
par l'adoption d'un comportement déterminé, à savoir la poursuite de
bonne foi de négociationsen la matière.
100. Cette double obligation de négocier etde conclure concerne for-
mellement les cent quatre-vingt-deux Etats parties au traité sur la non-
proliférationdes armes nucléaires, c'est-à-direla trèsgrande majorité de

la communauté internationale.
C'est d'ailleurspratiquement l'ensemble de cette communauté qui a
paru concernéelorsqu'à diverses reprises des résolutionsde l'Assemblée
générale des Nations Unies concernant le désarmement nucléaireont été
adoptées à l'unanimité.De fait, toute recherche réalisted'un désarme-
ment générae lt complet, en particulier nucléaire, nécessitlea coopération
de tous les Etats.
101. Déjà, la toute première résolution de l'Assemblée générale,
adoptée à l'unanimitéle 24janvier 1946 à la session de Londres, portait
création d'unecommission dont l'un desmandats consistait à présenter
des propositions en vue notamment d'«éliminer,des armements natio-

naux, les armes atomiques et toutes autres armes importantes permettant
des destructions massives». Dans un grand nombre de résolutionsulté-
rieures, l'Assemblée généraa leréaffirméla nécessitéde ce désarmement
nucléaire. Ainsi,dans sa résolution 808A (IX) du 4 novembre 1954,
adoptéeégalement à l'unanimité,elle a estimé

«qu'un nouvel effort [devait] être faiten vue d'aboutià un accord
sur des propositions complètes et coordonnéesqui seraient incorpo-
réesdans un projet de convention internationale sur le désarmement
prévoyant: ...b) L'interdiction complète de l'utilisation et de la
fabrication des armes nucléaires et desarmes de destruction massive
de toute sorte, ainsi que la transformation des fins pacifiques des
stocks d'armes nucléairesexistants.

La mêmeconviction a été exprimée ed nehors du cadre des Nations
Unies dans divers instruments.
102. L'obligation expriméeà l'article VI du traité sur la non-proliféra-
tion des armes nucléairesinclut sa propre exécutionconformément au
principe de bonne foi. Ce principe de base est énoncéà l'article 2, para-
graphe 2, de la Charte. Il a été refléans la déclaration surles relations

amicales entre Etats (résolution2625 (XXV) du 24 octobre 1970) ainsi
que dans l'acte final dela conférenced'Helsinki du ler août 1975; il a
aussi étéincorporé à l'article 26 de la convention de Vienne sur le droit
des traitésdu 23 mai 1969,aux termes duquel «[tlout traitéen vigueur lie
les parties et doit êtreexécutpar elles de bonne foi».

La Cour n'a pasnon plus manquéd'évoquer ledit principe en cestermes:

«L'un des principes de base qui présidentà la créationet àl'exé- MENACEOU EMPLOI D'ARMESNUCLÉAIRES (AVISCONSULTATIF)265

cution d'obligations juridiques, quelle qu'en soit la source, est celui
de la bonne foi. La confiance réciproqueest une condition inhérente
dela coopérationinternationale, surtout une époqueoù, dans bien
des domaines, cette coopération est de plus en plus indispensable.
(Essais nucléaires(Australie c. France), arrêt,C.I.J. Recueil 1974,
p. 268, par. 46.)

103. Dans sa résolution984 (1995)en date du 11avril 1995,le Conseil
de sécuritéa tenu à réaffirmer qu'ilétait((nécessaireque tous les Etats
parties au traité surla non-prolifération des armes nucléairess'acquittent
pleinement de toutes leurs obligations et a exhorté

«tous les Etatsà poursuivre de bonne foi, comme il est stipulé à
l'article VI du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires,
des négociationssur des mesures efficacesrelatives au désarmement
nucléaire etsur un traitéde désarmementgénéralet complet sous un
contrôle international strict et efficace, qui demeure un objectif uni-
versel».

L'importance de l'exécutionde l'obligation exprimée à l'article VI du
traité surla non-prolifération des armes nucléairesa aussi étéréaffirmée
dans le document final de la conférence desparties au traité sur la non-
prolifération des armes nucléaires chargéed'examiner le traitéet la ques-
tion de sa prorogation, qui s'est tenue du7avril au 12 mai 1995.
De l'avisde la Cour, ils'agitindubitablement d'un objectifqui demeure
vital pour l'ensemble de la communauté internationale aujourd'hui.

104. Au terme du présentavis, la Cour tieàtsouligner que sa réponse

à la question qui lui a été posée par l'Assemblée générale reposs eur
l'ensemble desmotifs qu'elle a exposés ci-dessus(paragraphes 20à 103),
lesquels doivent êtrelusà la lumière les uns des autres. Certains de ces
motifs ne sontpas de nature àfaire l'objet de conclusions formelles dans
le paragraphe final de l'avis; ils n'en gardent pas moins, aux yeux de la
Cour, toute leur importance.

105. Par ces motifs,

1) Par treize voix contre une,
Décidede donner suite à la demande d'avis consultatif;

POUR: M. Bedjaoui,Président;M. Schwebel,Vice-Président; M. Guil-
laume, Shahabuddeen,Weeramantry, RanjevaH , erczegh, Shi,Fleisch-
hauer, Koroma, Vereshchetin,Ferrari BravoMme Higgins,juges;
CONTRE: M. Oda,juge;2) Répondde la manière suivante à la question poséepar l'Assemblée
générale :

A. A l'unanimité,
Ni le droit international coutumier ni le droit international
conventionnel n'autorisent spécifiquement la menace ou l'emploi

d'armes nucléaires ;
B. Par onze voix contre trois,

Ni le droit international coutumier ni le droit international
conventionnel ne comportent d'interdiction complète et universelle
de la menace ou de l'emploi desarmes nucléaires entant que telles;

POURM : .Bedjaoui,Président;M. Schwebel, Vice-Président;MM.Oda,
Guillaume,Ranjeva,Herczegh, Shi,Fleischhauer,Vereshchetin,Fer-
rari Bravo,MmeHiggins, juges;
CONTRM E:M. Shahabuddeen, Weeramantry,Koroma, juges;

C. A l'unanimité,

Est illicite la menace ou l'emploi de la force au moyen d'armes
nucléaires qui serait contraire à l'article 2, paragraphe 4, de la
Charte des Nations Unies et qui ne satisferait pas a toutes les pres-
criptions de son article51 ;

D. A l'unanimité,
La menace ou l'emploi d'armes nucléairesdevrait aussi être com-
patible avec les exigences du droit international applicable dans les

conflits armés, spécialementcelles des principes et règlesdu droit
international humanitaire, ainsi qu'avec lesobligations particulières
en vertu des traitéset autres engagementsqui ont expressémenttrait
aux armes nucléaires ;

E. Par sept voix contre sept, par la voix prépondérantedu Président,
Il ressort des exigencessusmentionnéesquela menace ou l'emploi
d'armes nucléaires seraitgénéralementcontraire aux règlesdu droit

international applicable dans les conflits armés,et spécialementaux
principes et règlesdu droit humanitaire;
Au vu de l'état actueldu droit international, ainsi que des élé-
ments de fait dont elle dispose, la Cour ne peut cependant conclure
de façon définitiveque la menace ou l'emploi d'armes nucléaires
serait licite ou illicite dans une circonstance extrêmede légitime
défensedans laquelle la survie mêmed'un Etat serait en cause;

POURM : . Bedjaoui,résident; MM. Ranjeva, Herczegh, Shi,Fleisch-
hauer, Vereshchetin,Ferrari Bravo,juges;
CONTRE :M.Schwebel, Vice-Puésiden;MM.Oda,Guillaume,Shahabud-
deen,Weeramantry,Koroma, MmeHiggins, juges; F. A l'unanimité,

Il existe une obligation de poursuivre de bonne foi et àe mener
terme des nbgociations conduisant au désarmement nucléairedans
tous ses aspects, sous un contrôle international strict et efficace.

Fait en anglais et en français, le texte anglais faisant foi, au Palais de la
Paix,à La Haye, le huit juillet mil neuf cent quatre-vingt-seize, en deux
exemplaires, dont l'un restera déposéaux archives de la Cour et l'autre
sera transmis au Secrétaire génle l'organisation des Nations Unies.

Le Président,

(SignéM )ohammed BEDJAOUI.

Le Greffier,
(SignéE )duardo VALENCIA-OSPINA.

M. BEDJAOUP I,résident, et MM. HERCZEGH S,HI,VERESHCHETIeN t
FERRARB IRAVO , ges, joignent des déclarationsvis consultatif.

MM. GUILLAUME R,ANJEVAet FLEISCHHAUE jg,es, joignentl'avis
consultatif les exposésde leur opinion individuelle.

M. SCHWEBEV Li,ce-Président,et MM. ODA,SHAHABUDDEW ENE,ERA-
MANTRK Y, ROMA et MmeHIGGINSj,uges, joignenà l'avis consultatif les
exposésde leur opinion dissidente.

(Paraphé) M.B.

(Paraphé) E.V.O.

Bilingual Content

INTERNATIONAL COF JUSTICE

REPORTS OF JUDGMENTS,
ADVISORY OPINIONS AND ORDERS

LEGALITY OF THE THREAT OR USE
OF NUCLEAR WEAPONS

ADVISORY OPINION OF 8 JULY 1996

COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

RECUEIL DES ARRÊTS,
AVIS CONSULTATIFS ET ORDONNANCES

LICÉITÉ DE LA MENACE OU DE L'EMPLOI

D'ARMES NUCLÉAIRES

AVIS CONSULTATIFDU 8 JUILLET 1996 Officia1cit:tion
Legality of the Threat or Use of Nuclear Weapons,
Advisory Opinion,J. Reports 1996, p. 226

Mode officiel de citation:
Licéitéde la menace ou de l'emploi d'armesnucléaires,
avis consultatif, C.I.J. Recueil 1996, p. 226

Sales number
ISSN 0074-4441 Node vente:679 1
ISBN 92-1-070743-5 INTERNATIONAL COURT OF JUSTICE

1996 YEAR 1996
8 July

General List
No. 95 8 July1996

LEGALITY OF THE THREAT OR USE

OF NUCLEAR WEAPONS

Jurisdiction of the Court to give the advisory opinion requested - Article 65,
paragraph 1, of the Statute - Body authorized to request an opinion -

Article 96, paragraphs 1 and 2, of the Charter - Activities of the General
Assembly - "Legal question" - Political aspects of the question posed -
Motives said to have inspired the request and political implicationsthat the
opinion might have.
Discretion of the Court as to whether or not it will give an opinion -

Article 65, paragraph 1, of the Statute - Compelling reasons - Vague and
abstract question - Purposesfor whichthe opinionis sought - Possibleeffects
of the opinion on current negotiations - Duty of the Court not to legislate.
Formulation of the question posed - English and French texts - Clear
objective - Burden of proof:
Applicable law - International Covenant on Civil and Political Rights -

Arbitrary deprivation of life - Convention on the Prevention and Punishment
of the Crime of Genocide - Intent against a group assuch - Existing norms
relating to the safeguarding andprotection of the environment - Environmen-
ta1considerationsas an element to be taken into account in the implernentation
of the law applicable in armed conflict - Application of most directly relevant

law: law of the Charter and law applicable in armed conflict.

Unique characteristicsof nuclear weapons.
Provisions of the Charter relating to the threat ou use offorce - Article 2,
paragraph 4 - The Charter neitherexpressly prohibits, norpermits, the use of

any specijîc weapon - Article 51 - Conditionsof necessity andproportionality
- The notions of "threat" and "use" of force stand together - Possession of
nuclear weapons,deterrence and threat.
Speczjîc rules regulating the lawfulness or unlawfulness of the recourse to
nuclear weapons as such - Absence of specijïc prescription authorizing the

threat or use of nuclear weapons - Unlawfulnessper se: treaty law - Instru-
ments prohibifing the use of poisoned weapons - Instruments expressly pro-
hibiting the use of certain weapons ofmass destruction - Treaties concluded
in order to limit the acquisition, manufacture andpossessionof nuclear weapons,
the deployment and testing of nuclear weapons - Treaty of Tlatelolco -

Treaty of Rarotonga - Declarations made by nuclear-weapon States on the COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

1996
8juillet
Rôle général
8 juillet1996 no95

LICÉITÉ DE LA MENACE OU DE L'EMPLOI

D'ARMES NUCLÉAIRES

Compétencede la Courpour donner l'avis consultatif demandé - Article 65,
paragraphe 1, du Statut - Organe autorisé à solliciter un avis - Article 96,
paragraphes 1 et 2, de la Charte - Activités de l'Assembléegénérale -

((Questionjuridique ))- Aspects politiques de la questionposée - Mobiles qui
auraient inspiré la requêteet implications politiques quepourrait avoir l'avis.

Pouvoir discrétionnaire de la Courde décidersi elle doit donner un avis -
Article 65, paragraphe 1, du Statut - Raisons décisives - Questionfloue et

abstraite - Fins auxquelles l'avis est demandé - Effets possibles de l'avissur
des négociationsen cours - Devoir dela Cour de ne pas légiférer.
Libelléde la questionposée - Versionsfrançaise et anglaise - Objectif clair
- Charge de la preuve.

Droit applicable - Pacte international relatif aux droits civils et politiques
- Privation arbitraire de la vie - Conventionpour la préventionet la répres-
sion du crime de génocide - Intentionnalité enversun groupe comme tel -
Normes en vigueur enmatière de sauvegardeet deprotection de l'environnement
- Considérations écologiquee sn tant qu'élément à prendre en compte dans la

mise en Œuvre dudroit applicabledans les conflits armés - Application du droit
le plus directement pertinent; droit de la Charte et droit applicable dans les
conflits armés.
Caractéristiques propresaux armes nucléaires.

Dispositions de la Charte ayant trait à la menace ou à l'emploide laforce -
Article 2, paragraphe 4 - La Charte n'interdit ni ne permet expressément
l'emploi d'aucunearme particulière - Article 51 - Conditions de nécessitéet
deproportionnalité - Les notions de ((menace))et d'«emploi» de laforce vont
de pair - Possession d'armes nucléaires,dissuasion et menace.

Règles spécijïques régissant la licéitéou l'illicéitédu recours aux armes
nucléairesen tant que telles - Absence de prescription spéci$queautorisant la
menace ou l'emploid'armes nucléaires - Illicéitéper se: droit conventionnel -
Instruments interdisant l'emploi d'armes empoisonnées - Instruments prohi-

bant expressémentl'emploide certaines armes de destruction massive - Traités
conclus en vue de limiter Iacquisition, lafabrication et la possession d'armes
nucléaires,le déploiementd'armes nucléaireset les essais nucléaires - Traité
de Tlatelolco - Traitéde Rarotonga - Déclarationsfaites par les Etats dotés occasion of theextension of the Non-Proliferation Treaty- Absence of compre-
hensive and universal conventional prohibitionof the use or the threat of use of
nuclear weaponsas such - Unlawfulnessper se: custornary law - Consistent
practice of non-utilization ofnuclear weapons - Policy of deterrence - Gen-
eral Assembly resolutions afjr~ning the illegality of nuclear weapons - Con-

tinuing tensions between the nascentopinio juris and the still strong adherence
to thepractice of deterrence.
Principles and rules of international humanitarian law - Prohibition of
methods and means of warfareprecluding any distinction between civilian and
militarj targets or resulting in unnecessary suffering tocombatants- Martens
Clause - Principleof neutrality- Applicability of thesepvinciples and rules to
nuclear weapons - Conclusions.
Right of a State to survival and right to resort to self-defence Policy of

deterreizce - Reservations to undertakings given by certain nuclear-weapon
States not to resort tosuch weapons.
Current state of international law andelements offact available to the Court
- Useof nuclear weapons in an extreme circumstance of self-defence in which
the very survival of a States at stake.
ArticleVI of the Non-Proliferation Treaty - Obligation to negotiate ingood
faith and to achieve nuclear disavmament in al1its aspects.

ADVISORY OPINION

Present : President BEDJAOU ; I Vice-President SCHWEB ELJudges ODA,
GUILLAUME, SHAHABUDDEE WNE,ERAMANTRR YA, NJEVAH, ERCZEGH,
SHI, FLEISCHHAUEK RO, ROMA, VERESHCHETIN FE, RRARIBRAVO,
HIGGIN SRegistrar VALENCIA-OSPINA.

On the legality of the threat or use of nuclear weapons,

composed as above,

gives thefollowing Advisory Opinion:

1. The question upon which the advisory opinion of the Court has been
requested is set forth in resolution 49/75K adopted by the General Assembly of
the United Nations (hereinafter called the "General Assembly") on 15 Decem-
ber 1994. By a letter dated 19 December 1994, received in the Registry by
facsimile on 20 December 1994 and filed in the original on 6 January 1995,
the Secretary-General of the United Nations officially communicated to the
Registrar the decision taken by the General Assembly to submit the question
to the Court for an advisory opinion. Resolution 49/75K, the English text of

which was enclosed with the letter, reads as follows:
"The GeneralAssembly,

Conscious that the continuing existence and development of nuclear
weapons pose serious risks to humanity,
Mindful that States have an obligation under the Charter of the Unitedd'armes nucléaires à l'occasion delaprorogation du traitéde non-prolifëration
- Absence d'interdiction conventionnellecomplète et universelled'emploi ou de

menace d'emploi des armes nucléairesen tant que telles- Illicéitéper se: droit
coutumier - Pratique constante de non-utilisation des armes nucléaire- Poli-
tique de dissuasion- Résolutionsde l'Assembléegénéraleaffirmant l'illicéité
des armes nucléaires - Tensions subsistant entre une opinio juris naissante et
une adhésionencoreforte à lapratique de la dissuasion.
Principes et règles du droit international humanitaire - Interdiction des
méthodes et moyens de guerre ne permettant pas de distinguer entre cibles

civiles et cibles militaires ou ayant pour effet de causer aux combattants des
souffrances inutiles- Clause de Martens - Principe de neutralit- Applica-
bilitéde cesprincipes et règlesaux armes nucléaires - Conséquences.
Droit d'un Etat à la survie et droit de recourira la légitimedéfen-e Poli-
tique de dissuasion- Réserves à des engagementspris par certains Etats dotés
d'armes nucléaires de ne pasrecourir à ces armes.
Etat actuel du droit international et éléments dfait à la disposition de la

Cour - Emploi d'armes nucléaires dans une circonstanceextrêmede légitime
défense danslaquelle la surviemêmed'un Etat serait en cause.
Article VI du traitéde non-prolifération- Obligation de négocier debonne
foi et de parvenir audésarmementnucléaire danstous ses aspects.

AVIS CONSULTATIF

Présents : M. BEDJAOUP I,résident;M. SCHWEBEV Li,ce-Président; MM. ODA,
GUILLAUME S,HAHABUDDEE W NE,ERAMANTR RYN, JEVA,HERCZEGH,
SHI, FLEISCHHAUE KRO,ROMA, VERESHCHETIN FE, RRARIBRAVO,
MmeHIGGINS, juges; M. VALENCIA-OSPIN Gre,ffier.

Sur la licéitéde la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires,

ainsi composée,

donne l'avis consultatifsuivant.

1. La question sur laquelle un avis consultatif est demandé à la Cour est
énoncéedans la résolution49175 K que l'Assembléegénérale desNations Unies
(ci-après dénommée l'«Assembléegénérale)))a adoptée le 15 décembre 1994.
Par une lettre en date du 19 décembre 1994, reçue au Greffe par télécopiele
20 décembre1994et dont l'original a été enregistré le 6janvier 1995, le Secré-
taire général del'organisation des Nations Unies a officiellement communiqué
au Greffier la décision prisepar l'Assemblée générale dseoumettre cette ques-

tion à la Cour pour avis consultatif. La résolution 49/75K, dont le texte anglais
étaitjoint àcette lettre, se lit comme suit:
((L'Assembléegénérale,

Considérant que l'existence des armes nucléaireset la poursuite de leur
mise au point font courir de graves dangers à l'humanité,

Sachant que les Etats ont en vertu de la Charte des Nations Unies l'obli-Nations to refrain from the threat or use of force against the territorial
integrity or political independence of any State,
Recalling its resolutions 1653 (XVI) of 24 November 1961, 33/71B of
14December 1978, 34/83G of 11December 1979, 351152D of 12Decem-
ber 1980, 361921 of 9 December 1981, 45/59B of 4 December 1990 and

46/37D of 6 December 1991,in which it declared that the use of nuclear
weapons would be a violation of the Charter and a crime against
humanity,
Welcoming the progress made on the prohibition and elimination of
weapons of mass destruction, including the Convention on the Prohibition
of the Development, Production and Stockpiling of Bacteriological (Bio-
logical) and Toxin Weapons and on Their Destruction 'and the Conven-
tion on the Prohibition of the Development, Production, Stockpiling and
Use of Chemical Weapons and on Their Destruction2,

Convincedthat the complete elimination of nuclear weapons is the only
guarantee against the threat of nuclear war,
Noting the concerns expressed in the Fourth Review Conference of the
Parties to the Treaty on the Non-Proliferation of Nuclear Weapons that
insufficient progress had been made towards the complete elimination of
nuclear weapons at the earliest possible time,

Recalling that, convinced of the need to strengthen the rule of law in
international relations, it has declared the period 1990-1999the United
Nations Decade of International Law 3,
Noting that Article 96, paragraph 1, of the Charter empowers the
General Assembly to request the International Court of Justice to give an
advisory opinion on any legal question,
Recalling the recommendation of the Secretary-General, made in his

report entitled 'An Agenda for Pea~e'~,that United Nations organs that
are authorized to take advantage of the advisory competence of the Inter-
national Court of Justice turn to the Court more frequently for such
opinions,
Welcoming resolution 46/40 of 14 May 1993 of the Assembly of the
World Health Organization, in which the organization requested the Inter-
national Court of Justice to givean advisory opinion on whether the use of
nuclear weapons by a State in war or other armed conflict would be a
breach of its obligations under international law, including the Constitu-
tion of the World Health Organization,

Decides, pursuant to Article 96, paragraph 1, of the Charter of the
United Nations, to request the International Court of Justice urgently to
render its advisory opinion on the following question: '1sthe threat or use
of nuclear weapons in any circumstance permitted under international
law ?'

l Resolution 2826 (XXVI), annex.
See Official Records of the General Assembly, Forty-seventh Session, Supple-
ment No. 27 (A/47/27),appendix 1.
Resolution 44123.
N471277-Sl24111."gation de s'abstenir de recouriràla menace ou àl'emploi dela force contre
l'intégritéterritoriale ou l'indépendance politique detout Etat,
Rappelant ses résolutions1653(XVI) du 24 novembre 1961, 33/71B du
14 décembre 1978, 34183 G du 11 décembre 1979, 351152D du 12 dé-
cembre 1980,36192 1du 9 décembre 1981,45159B du 4 décembre1990et
46/37 D du 6 décembre1991, dans lesquelles elle a déclaréque l'emploi
d'armes nucléairesconstituerait une violation de la Charte et un crime

contre l'humanité,
Se félicitant des progrès accomplisen ce qui concerne I'interdiction et
l'élimination des armes dedestruction massive, notamment la conclusion
de la convention sur I'interdiction dela mise au point, de la fabrication et
du stockage des armes bactériologiques (biologiques)ou à toxines et sur
leur destruction 'et de la convention sur I'interdiction de la mise au point,
de la fabrication, du stockage et de l'utilisation d'armes chimiques et sur
leur destruction2,

Convaincue que l'élimination complète des armes nucléaires esla t seule
garantie contre la menace d'une guerre nucléaire,
Notant l'inquiétude expriméleors de la quatrième conférence des parties
chargée de l'examendu traité sur la non-proliférationdes armes nucléaires
devant le peu de progrès accomplisvers l'élimination complète des armes
nucléairesdans les meilleurs délais,

Rappelant que, convaincue qu'il faut renforcer la primauté du droit
dans les relations internationales, elle a déclaré lapériode 1990-1999
Décennie desNations Unies pour le droit international3,
Notant qu'elle peut, en vertu du paragraphe 1 de l'article 96 de la
Charte, demander à la Cour internationale de Justice un avis consultatif
sur toute question juridique,
Rappelant que, dans son rapport intitulé«Un agenda pour la paix»4, le

Secrétaire généraal recommandéaux organes des Nations Unies qui sont
autorisés à demander des avis consultatifs à la Cour internationale de Jus-
tice de s'adresser plus souventà la Cour pour obtenir d'ellede tels avis,

Se félicitant de la résolution 46140 de l'Assemblée del'organisation
mondiale de la Santé,en date du 14mai 1993,dans laquelle l'organisation
demande à la Cour internationale de Justice de donner un avis consultatif
sur la question de savoir si l'utilisation d'armes nucléairespar un Etat au
cours d'une guerre ou d'un autre conflit armé constituerait une violation
de ses obligations au regard du droit international,y compris la Constitu-

tion de l'organisation mondiale de la Santé,
Décide,conformémentau paragraphe 1 de l'article 96 dela Charte des
Nations Unies, de demander à la Cour internationale de Justice de rendre
dans les meilleurs délais un avis consultatif sur la question suivante:
«Est-il permis en droit international de recourirà la menace ou à l'emploi
d'armes nucléairesen toute circonstance?»

' Résolution2826 (XXVI), annexe.
Voir Documents officiels de l'Assembléegénérale, quarante-septième session,
supplémentn" 27 (A/47/27), appendice 1.
Résolution44123.
A1471277-Sl24111). 2. Pursuant to Article 65, paragraph 2, of the Statute, the Secretary-General
of the United Nations communicated to the Court a dossier of documents
likely to throw light upon the question.
3. By letters dated21 December 1994,the Registrar, pursuant to Article 66,
paragraph 1, of the Statute, gave notice of the request for an advisory opinion
to al1States entitled to appear before the Court.
4. By an Order dated 1 February 1995 the Court decided that the States
entitled to appear before it and the United Nations were likely to be able tour-
nish information on the question, in accordance with Article 66,paragraph 2, of
the Statute. By the same Order, the Court fixed, respectively, 20 June 1995as
the time-limit within which written statements might be submitted to it on the
question, and 20 September 1995 as the time-limit within which States and
organizations having presented written statements might submit written com-
ments on the other written statements in accordance with Article 66, para-

graph 4, of the Statute. In the aforesaid Order, it was stated in particular that
the General Assembly had requested that the advisory opinion of the Court be
rendered "urgently"; reference was also made to the procedural time-limits
already fixed for the request for an advisory opinion previously submitted to
the Court by the World Health Organization on the question of the Legality of
the Use by a State of Nuclear Weapons in Avrned Conflict.

On 8 February 1995,the Registrar addressed to the States entitled to appear
before the Court and to the United Nations the special and direct communica-
tion provided for in Article 66, paragraph 2, of the Statute.
5. Written statements were filed by the following States: Bosnia and Herze-
govina, Burundi, Democratic People's Republic of Korea, Ecuador, Egypt,
Finland, France, Germany, India, Ireland, Islamic Republic of Iran, Italy,
Japan, Lesotho, Malaysia, Marshall Islands, Mexico, Nauru, Netherlands,

New Zealand, Qatar, Russian Federation, Samoa, San Marino, Solomon
Islands, Sweden, United Kingdom of Great Britain and Northern Ireland, and
United States of America. In addition, written comments on those written
statements were submitted by the following States: Egypt, Nauru and Solomon
Islands. Upon receipt of those statements and comments, the Registrar com-
municated the text to al1States having taken part in the written proceedings.
6. The Court decided to hold public sittings, opening on 30October 1995,at
which oral statements might be submitted to the Court by any State or organi-
zation which had been considered likely to be able to furnish information on
the question before the Court. By letters dated 23 June 1995, the Registrar
requested the States entitled to appear before the Court and the United
Nations to inform him whether they intended to take part in the oral proceed-
ings; it was indicated, in those letters, that the Court had decided to hear,
during the same public sittings, oral statements relating to the request for an
advisory opinion from the General Assembly as well as oral statements con-

cerning the above-mentioned request for an advisory opinion laid before the
Court by the World Health Organization, on the understanding that the United
Nations would be entitled to speak only in regard to the request submitted by
the General Assembly, and it was further specifiedtherein that the participants
in the oral proceedings which had not taken part in the written proceedings
would receive the text of the statements and comments produced in the course
of the latter.
7. By a letter dated 20 October 1995, the Republic of Nauru requested the
Court's permission to withdraw the written comments submitted on its behalf MENACEOU EMPLOI D'ARMES NUCLÉAIRES (AVISCONSULTATIF)

2. Conformément à l'articl65, paragraphe 2, du Statut,leSecrétairegéné-
ral de l'organisation des Nations Unies a communiqué à la Cour un dossier
contenant des documents pouvant servir à élucider la question.

3. Par deslettresen date du 21 décembre 1994,le Greffiera notifiéla requête
pour avis consultatif a tous les Etatsadmis a esterdevant la Cour, conformé-
ment a l'article66, paragraphe 1, du Statut.
4. Par une ordonnance en date du 1"'février 1995,la Coura décidé que les
Etats admis a esterdevant elle et l'organisatiodes Nations Unies étaientsus-
ceptibles de fournir des renseignements sur la question, conformément a l'ar-
ticle66, paragraphe 2, du Statut. Par la mêmeordonnance, la Cour a fixé,
respectivement, au 20 juin 1995 la date d'expiration du délai dans lequel des
exposésécritspourraient lui êtreprésentés sur cette question eau 20 septembre
1995 la dated'expiration du délaidans lequeltes Etatsou organisationsayant
présentéun exposéécritpourraient présenter des observations écrites sur les
autres exposés écrits conformément a l'articl66, paragraphe 4, du Statut.
Dans ladite ordonnance, il étaitnotamment fait étatde ce que l'Assemblée
générale avait demandéque l'avis consultatifde la Cour soit rendu adans les
meilleurs délais»; ily étaitpar ailleurs fait référencaux délaisde procédure
déjà fixésaux finsde la demande d'avisconsultatif antérieurement soumise à la
Cour par l'organisation mondiale de la Santé sur laquestion de la Licéité de
Z'lrtilisntiondearmes nucléaires par un Etat dans un confliarmé.
Le 8février1995,le Greffiera adressé aux Etats admis à ester devant la Cour
et àI'Organisation des Nations Unies la communication spéciale et directe pré-
vue a l'articl66, paragraphe 2, du Statut.
5. Des exposésécritsont été déposés par lesEtats suivants: Allemagne, Bos-
nie-Herzégovine,Burundi, Egypte, Equateur, Etats-Unis d'Amérique, Fédéra-
tion de Russie, Finlande, France, IlesMarshall, Iles Salomon, Inde, Répu-
blique islamique d'Iran, Irlande, Italie, Japon, Lesotho, Malaisie, Mexique,
Nauru, Nouvelle-Zélande,Pays-Bas,Qatar, République populaire démocratique
de Corée, Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, Saint-Marin,
Samoa etSuède.Par ailleurs, des observations écritessur ces exposéécritont

étéprésentées par lesEtats suivants:Egypte, IlesSalomon et Nauru. Dès récep-
tion de ces exposés et de cesobservations, le Greffieren a transmis letexte à
tous les Etatsayant prispart a la procédureécrite.
6. La Cour a décidé de tenir,à compter du 30 octobre 1995, des audiences
publiques au cours desquelles des exposésoraux pourraient être faitsdevant
ellepar tout Etat et toute organisation ayant étéjugéssusceptibles de fournir
des renseignements sur la question à elle soumise. Par des lettresen date du
23 juin 1995,le Greffiera prieles Etatsadmis a esterdevant la Cour et l'Orga-
nisation des Nations Unies de lui faire savois'ilsavaient l'intention de parti-
ciper à la procédure orale; il étaitindiqué,dans ces lettresque la Cour avait
décidé d'entendre au cours d'une seuleséried'audiences publiques les exposés
oraux relatifà la demande d'avis consultatifde l'Assemblée générale et ceux
concernant la demande d'avisconsultatifsusmentionnée dont la Cour avait été
saisie par l'organisationmondiale de la Santé, étant entendu que l'Organisa-
tion desNations Unies ne seraithabilitéeà prendre la parolequ'à propos de la
demande soumisepar l'Assemblée général eetil y étaitpar ailleurs précique
lesparticipants àla procédure oralen'ayant pas pris partà la procédure écrite
se verraient communiquer le textedes exposés et observations produits dans le
cadre de cettedernière procédure.
7. Par une lettreen date du 20 octobre 1995, la République de Nauru a
demandé ala Cour l'autorisation de retirer lobservations écritesqui avaient in a document entitled "Response to submissions of other States". The Court
granted the request and, by letters dated 30 October 1995, the Deputy-Regis-
trar notified the States to which the document had been communicated, speci-
fying that the document consequently did not form part of the record before
the Court.
8. Pursuant to Article 106of the Rules of Court, the Court decided to make
the written statements and comments submitted to the Court accessible to the
public, with effect from the opening of the oral proceedings.

9. In the course of public sittings held from 30 October 1995to 15Novem-
ber 1995,the Court heard oral statements in the following order by:

for the Commonwealth Mr. Gavan Griffith, Q.C., Solicitor-General of
of Australia : Australia, Counsel,
The Honourable Gareth Evans, Q.C., Senator,
Minister for Foreign Affairs, Counsel;
for the Arab Republic Mr. George Abi-Saab, Professor of International
Law, Graduate Institute of International Stud-
of E~YP~ :
ies, Geneva, Member of the Institute of Interna-
tional Law;
for the French Republic: Mr. Marc Perrin de Brichambaut, Director of Legal
Affairs, Ministry of Foreign Affairs,

Mr. Alain Pellet, Professor of International Law,
University of Paris X and Institute of Political

Studies, Paris;
for the Federal Republic Mr. Hartmut Hillgenberg, Director-General of
of Germany : Legal Affairs, Ministry of Foreign Affairs;

for Indonesia : H.E. Mr. Johannes Berchmans Soedarmanto
Kadarisman, Ambassador of Indonesia to the
Netherlands ;
for Mexico:
H.E. Mr. Sergio Gonzalez Galvez, Ambassador,
Under-Secretary of Foreign Relations;

for the Islamic H.E. Mr. Mohammad J. Zarif, Deputy Minister,
Republic of Iran: Legal and International Affairs, Ministry of
Foreign Affairs ;

for Ztaly: Mr. Umberto Leanza, Professor of International
Law at the Faculty of Law at the University of
Rome "Tor Vergata", Head of the Diplomatie
Legal Serviceat the Ministry of Foreign Affairs;

for Japan: H.E. Mr. Takekazu Kawamura, Ambassador,
Director General for Arms Control and Scien-
tific Affairs, Ministry of Foreign Affairs,

Mr. Takashi Hiraoka, Mayor of Hiroshima,
Mr. Iccho Itoh, Mayor of Nagasaki; été présentées esnon nom dans un document intitulé «Réponse aux conclu-
sions des autresEtats)). La Cour a accédé à cette demande et, par des lettres en
date du 30 octobre 1995,le Greffier adjoint en a informéles Etats qui avaient
reçu communication de ce document, en précisant que leditdocument ne faisait
en conséquence paspartie du dossier dont la Cour étaitsaisie.
8. Conformément à l'article 106 du Règlement,la Cour a décidé derendre
accessible au public le texte des exposés écritset des observations écrites à la
date d'ouverture de la procédure orale.
9. Au cours d'audiences publiques tenues du 30 octobre 1995 au 15 no-
vembre 1995, la Cour a entendu en leurs exposésoraux et dans l'ordre sui-

vant:
pour le Commonwealth M. Gavan Griffith, Q.C., Solicitor-General
d'Australie: d'Australie, conseil,

l'honorable Gareth Evans, Q.C., sénateur, mi-
nistre des affaires étrangères,conseil;
pour laRépubliquearabe M. Georges Abi-Saab, professeur de droit inter-
d'Egypte : national à l'Institut universitaire de hautes
étudesinternationales de Genève, membre de
l'Institut de droit international;

pour la République française: M. Marc Perrin de Brichambaut, directeur des
affaires juridiques au ministère des affaires
étrangères,
M. Alain Pellet, professeur de droit internatio-
nal à l'université de Paris X et à l'Institut
d'études politiques deParis;

pour laRépublique fédérale M. Hartmut Hillgenberg, directeur général des
d'Allemagne : affaires juridiques du ministère des affaires
étrangères ;

pour l'Indonésie : S. Exc. M. Johannes Berchmans Soedarmanto
Kadarisman, ambassadeur d'Indonésie aux
Pays-Bas ;
pour le Mexique: S. Exc. M. Sergio Gonzalez Galvez, ambas-
sadeur, ministre adjoint des affaires étran-
gères ;

pour la République islamique S.Exc. M. Mohamrnad J. Zarif, ministre adjoint
d'Iran: aux affaires juridiques et internationales, mi-
nistère des affairesétrangères;

pour l'Italie M. Umberto Leanza, professeur de droit inter-
national à la facultéde droit de l'université
de Rome «Tor Vergata)), chef du service du
contentieux diplomatique du ministère des
affaires étrangères;

pour leJapon: S. Exc. M. Takekazu Kawamura, ambassadeur,
directeur généralau contrôle des armements
et aux affaires scientifiques, ministère des
affaires étrangères,
M. Takashi Hiraoka, maire d'Hiroshima,
M. Iccho Itoh, maire de Nagasaki;for Malaysia: H.E. Mr. Tan Sri Razali Ismail, Ambassador, Per-
manent Representative of Malaysia to the United
Nations,
Dato' Mohtar Abdullah, Attorney-General;
for New Zealand: The Honourable Paul East, Q.C., Attorney-General
of New Zealand,
Mr. Allan Bracegirdle, Deputy Director of Legal
Division of the New Zealand Ministry for For-

eign Affairs and Trade;

for the Philippines: H.E. Mr. Rodolfo S. Sanchez, Ambassador of the
Philippines to the Netherlands,
Professor Merlin N. Magallona, Dean, College of
Law, University of the Philippines ;

for Qatar: H.E. Mr. Najeeb ibn Mohammed Al-Nauimi,
Minister of Justice;
for the Russian Mr. A. G. Khodakov, Director, Legal Department,
Federation : Ministry of Foreign Affairs;

for San Marino: Mrs. Federica Bigi, Embassy Counsellor, Officia1
in Charge of Political Directorate, Department
of Foreign Affairs;
for Samoa: H.E. Mr. Neroni Slade, Ambassador and Perma-

nent Representative of Samoa to the United
Nations,
Miss Laurence Boisson de Chazournes, Assistant
Professor, Graduate Institute of International
Studies, Geneva,
Mr. Roger S.Clark, DistinguishedProfessor of Law,
Rutgers University School of Law, Camden, New
Jersey;
for the Marshall Islands: The Honourable Theodore G. Kronmiller, Legal

Counsel, Embassy of the Marshall Islands to the
United States of America,
Mrs. Lijon Eknilang, Council Member, Rongelap
Atoll Local Government;
for Solomon Islands: The Honourable Victor Ngele, Minister of Police
and National Security,
Mr. Jean Salmon, Professor of Law, Université
libre de Bruxelles,
Mr. Eric David, Professor of Law, Université libre

de Bruxelles,
Mr. Philippe Sands, Lecturer in Law, School of
Oriental and African Studies, London Univer-
sity, and Legal Director, Foundation for Inter-
national Environmental Law and Development,

Mr. James Crawford, Whewell Professor of Inter-
national Law, University of Cambridge;pour la Malaisie: S. Exc. M. Tan Sri Razali Ismail, ambassadeur,
représentant permanent de la Malaisie auprès
de l'organisation des Nations Unies,

Dato' Mohtar Abdullah, Attorney-General;
pour la Nouvelle-Zélande: l'honorable Paul East, Q.C., Attorney-General
de Nouvelle-Zélande,
M. Allan Bracegirdle, directeur adjoint de la
division juridique du ministère des affaires
étrangèreset du commerce extérieur deNou-
velle-Zélande;

pour les Philippines: S. Exc. M. Rodolfo S. Sanchez, ambassadeur
des Philippines aux Pays-Bas,
M. Merlin M. Magallona, professeur,doyen de la
facultédedroit de l'universitédes Philippines;

pour Qatar: S. Exc. M. Najeeb ibn Mohammed Al-Nauimi,
ministre de la justice;
pour la Fédération M. A. G. Khodakov, directeur du service juri-
de Russie: dique du ministère des affaires étrangères;

pour Saint-Marin Mme Federica Bigi, conseiller d'ambassade,
fonctionnaire en charge de la direction poli-
tique au ministère des affaires étrangères;
pour le Samoa S. Exc. M. Neroni Slade, ambassadeur, repré-
sentant permanent du Samoa auprès de
l'organisation des Nations Unies,
Ml1"Laurence Boisson de Chazournes, chargée

d'enseignement a l'Institut universitaire de
hautes étudesinternationales de Genève,
M. Roger S. Clark, professeur à la faculté de
droit de l'université Rutgers, Camden, New
Jersey;
pour les ZlesMarshall: l'honorable Theodore G. Kronmiller, conseiller
juridique de l'ambassade des Iles Marshall
aux Etats-Unis d'Amérique,
Mme Lijon Eknilang, membre du conseil, gou-

vernement local de l'atoll de Rongelap;
pour les ZlesSalomon: S. Exc. l'honorable Victor Ngele, ministre de la
police et de la sécuriténationale,
M. Jean Salmon, professeur de droit àl'univer-
sité libre de Bruxelles,
M. Eric David, professeur de droit à l'univer-
sité libre de Bruxelles,
M. Philippe Sands, chargé de cours a la School

of Oriental and African Studies de 1'Univer-
sitéde Londres et directeur juridique de la
Foundation for International Environmental
Law and Development,
M. James Crawford, professeur de droit inter-
national, titulaire de la chaire Whewell a
l'université de Cambridge;for Costa Rica: Mr. Carlos Vargas-Pizarro, Legal Counsel and
SpecialEnvoyofthe Government of Costa Rica;

for the United Kingdom
of Great Britain and TheRt. Honourable SirNicholasLyell,Q.C.,M.P.,
Nortlzern Ireland: Her Majesty'sAttorney-General;
for the United States Mr. Conrad K. Harper, Legal Adviser, United
of America: States Department of State,
Mr. Michael J. Matheson, Principal Deputy Legal
Adviser, United States Department of State,

Mr. John H. McNeill, Senior Deputy General
Counsel, United States Department of Defense;
for Zimbabwe: Mr. Jonathan Wutawunashe, Chargéd'affairesai.,
Embassy of the Republic of Zimbabwe in the
Netherlands.
Questionswereput by Membersof the Court to particular participants in the
oral proceedings, who replied in writing,as requested, within the prescribed

time-limits; the Court having decided that the other participants could also
reply to those questions on the sameterms, severalof them did so. Other ques-
tions put by Mernbersof the Court wereaddressed,more generally,to any par-
ticipant in the oral proceedings;veralof them replied inwriting,as requested,
within the prescribed time-limits.

10. The Court must first consider whether it has the jurisdiction to
give a reply to the request of the General Assembly for an advisory
opinion and whether, should the answer be in the affirmative, there is any
reason it should decline to exercise any such jurisdiction.
The Court draws its competence in respect of advisory opinions from

Article 65, paragraph 1,of its Statute. Under this Article, the Court

"may give an advisory opinion on any legal question at the request
of whatever body may be authorized by or in accordance with the
Charter of the United Nations to make such a request".

11. For the Court to be competent to give an advisory opinion, it is
thus necessary at the outset for the body requesting the opinion to be
"authorized by or in accordance with the Charter of the United Nations
to make such a request". The Charter provides in Article 96, para-
graph 1, that: "The General Assembly or the Security Council may

request the International Court of Justice to give an advisory opinion on
any legal question."
Some States which oppose the giving of an opinion by the Court
argued that the General Assembly and Security Council are not entitled MENACE OU EMPLOI D'ARMESNUCLÉAIRES (AVISCONSULTATIF) 232

pour le Costa Rica: M. Carlos Vargas-Pizarro, conseillerjuridique
et envoyéspécialdu Gouvernementdu Costa
Rica ;
pour leRoyaume- Unide
Grande-Bretagneet le très honorablesir Nicholas Lyell,Q.C., M.P.,
d'Irlande du Nord: Attorney-General;

pour les Etats-Unis M. Conrad K. Harper, conseillerjuridique du
d'Amérique: départementd'Etat,
M. Michael J. Matheson, conseiller juridique
adjoint principal du départementd'Etat,
M. John H. McNeill,conseillerjuridique adjoint
principal du départementde la défense;
pour leZimbabwe: M. Jonathan Wutawunashe, chargéd'affaires
ai. de l'ambassade du Zimbabwe aux Pays-
Bas.

Des membres de la Cour ont posé desquestions àcertains participantsà
la procédure oraleet ceux-ciy ont répondupar écrit, ainsiqu'ils en avaient
été priés,dans les délais prévàscet effet; la Cour ayant décique les autres
participants pourraient égalementrépondreà ces questions dans les mêmes
conditions, plusieurs d'entre eux l'ont fait. D'autres questionsposéespar des
membres de la Cour ont été adressées, plus généralement, à tout participant
à la procédureorale; plusieurs d'entreeux y ont répondupar écrit, ainsi qu'ils
en avaient été priésd,ans les délais prévàcet effet.

10. La Cour examinera en premier lieu la question de savoir si elle a
compétence pour donner une réponse à la demande d'avis consultatif

dont l'a saisie l'Assembléegénérale et,dans l'affirmative, s'il existerait
des raisons pour elle de refuser d'exercer une telle compétence.
La Cour tire sa compétence pour donner des avis consultatifs de l'ar-
ticle65, paragraphe 1, de son Statut. Aux termes de cette disposition, la
Cour

((peut donner un avis consultatif sur toute question juridique, à la
demande de tout organe ou institution qui aura été autorisépar la

Charte des Nations Unies ou conformément à ses dispositions à
demander cet avis ».

11. Pour que la Cour ait compétence aux fins de donner un avis
consultatif, il faut donc toutd'abord que l'organe qui sollicite l'avis soit
((autorisépar la Charte des Nations Unies ou conformément à ses dispo-
sitionsà demander cet avis». La Charte, à l'article 96,paragraphe 1,dis-
pose: « L'Assemblée générale ou le Conseil de sécuritépeut demander à

la Cour internationale de Justice un avis consultatif sur toute question
juridique.»
Certains Etats qui se sont opposés à ce que la Cour rende un avis en
l'espèceont soutenu que l'Assembléegénéraleet le Conseil de sécurité neto ask for opinions on matters totally unrelated to their work. They
suggested that, as in the case of organs and agencies acting under
Article 96,paragraph 2, of the Charter, and notwithstanding the difference
in wording between that provision and paragraph 1 of the same Article,
the General Assembly and Security Council may ask for an advisory
opinion on a legal question only within the scope of their activities.

In the view of the Court, it matters little whether this interpretation of
Article 96,paragraph 1,is or is not correct; in the present case, the Gen-
eral Assembly has competence in aily event to seise the Court. Indeed,
Article 10 of the Charter has conferred upon the General Assembly a
competence relating to "any questions or any matters" within the scope
of the Charter. Article 11 has specificallyprovided it with a competence
to "consider the general principles . . in the maintenance of international
peace and security, including the principles governing disarmament and
the regulation of armaments". Lastly, according to Article 13, the Gen-
eral Assemblv "shall initiate studies and make recommendations for the

purpose of. .. encouraging the progressive development of international
law and its codification".
12. The question put to the Court has a relevance to many aspects of
the activities and concerns of the General Assembly including those relat-
ing to the threat or use of force in international relations, the disarma-
ment process, and the progressive development ofinternational law. The
General Assembly has a long-standing interest in these matters and in
their relation to nuclear weapons. This interest has been manifested inthe
annual First Committee debates, and the Assemblyresolutions on nuclear
weapons; in the holding of three special sessions on disarmament (1978,
1982and 1988)bythe General Assembly, and the annual meetings of the
Disarmament Commission since 1978; and also in the commissioning of
studies on the effects of the use of nuclear weapons. In this context, it
does not matter that important recent and current activities relating to
nuclear disarmament are being pursued in other fora.

Finally, Article 96, paragraph 1, of the Charter cannot be read as

limiting the ability of the Assembly to request an opinion only in those
circumstances in which it can take binding decisions. The fact that the
Assembly's activities inthe above-mentioned field have led it only to the
making of recommendations thus has no bearing on the issue of whether
it had the competence to put to the Court the question of which it is
seised.
13. The Court must furthermore satisfy itself that the advisory opinion
requested does indeed relate to a "legal question" within the meaning of
its Statute and the United Nations Charter.
The Court has already had occasion to indicate that questions

"framed in terms of law and rais[ing]problems of international law
. . are by their very nature susceptible of a reply based on law . . .sont pas habilités à demander des avis sur des questions sans rapport
aucun avec leurs travaux. Ils ont donné à entendre que, comme dans le
cas d'organes ou d'institutions agissant en vertu de l'article 96,para-
graphe 2, de la Charte, et nonobstant les différencesde rédaction entre
cette disposition et leparagraphe 1du mêmearticle, l'Assemblée générale
et le Conseil de sécuriténe peuvent demander d'avis consultatif sur une
question juridique que si celle-ci sepose dans le cadre de leur activité.
De l'avis de la Cour, peu importe que cette interprétation de l'ar-
ticle 96, paragraphe 1, soit ou non correcte; en l'espèce, l'Assemblée gé-
néralea compétenceen tout état decause pour saisir la Cour. En effet,

l'article 10de la Charte a conféréàl'Assemblée générau lne compétence
relative à ((toutes questions ou affaires)) entrant dans le cadre de la
Charte. L'article 11 lui a expressément attribué compétence aux fins
d'«étudierlesprincipes généraux pour lemaintien de la paix et de la sécu-
rité internationales,y compris les principes régissantle désarmementet la
réglementation des armements)). Enfin, selon l'article 13, l'Assemblée
générale((provoque des étudeset fait des recommandations en vue ...
[d']encourager le développementprogressif du droit international et sa
codification».
12. La question posée à la Cour est pertinente au regard de maints
aspectsdesactivités et préoccupationsde l'Assemblée généralen,otamment
en ce qui concerne la menace ou l'emploide la force dans les relations
internationales, le processus de désarmement etle développement progres-

sif du droit international. L'Assemblée générap leorte de longue date un
intérêtà cesmatières età leur relation aveclesarmes nucléaires. Cet intérêt
a trouvéson expression dans les débatsannuels de la Première Commis-
sion et les résolutionsde l'Assemblée généralse ur les armes nucléaires;
dans la tenue par l'Assembléegénérale de trois sessionsextraordinaires sur
le désarmement(1978, 1982et 1988)et, depuis 1978,de réunionsannuelles
de la commission du désarmement;ainsi que dans la commande d'études
sur les effets de l'emploi d'armes nucléaires. ans ce contexte, il importe
peu que des activitésimportantes relatives au désarmement nucléaire,
récentes ouen cours, aient étéou soient menéesdans d'autres enceintes.
L'article 96,paragraphe 1,de la Charte ne saurait enfin être interprété
comme limitant la facultéqu'a l'Assemblée générad le demander un avis
aux seules circonstances dans lesquelles elle peut prendre des décisions
caractère exécutoire.Que les activitésde l'Assembléedans les matières

susmentionnées ne laconduisent à formuler que des recommandations
est dèslors indifférentaux fins d'appréciersi elle avait compétencepour
poser à la Cour la question dont elle l'a saisie.
13. La Cour doit par ailleurs s'assurer que l'avis consultatif demandé
porte bien sur une ((question juridique)) au sens de son Statut et de la
Charte des Nations Unies.
La Cour a déjàeu l'occasion d'indiquer que les questions

«libellées en termesjuridiques etsoul[evant] des problèmes de droit
international...sont, par leur nature même, susceptiblesde recevoir [and] appear . . . to be questions of a legal character" (Western
Sahara, Advisory Opinion,I.C.J. Reports 1975, p. 18, para. 15).

The question put to the Court by the General Assembly is indeed a

legal one, since the Court is asked to rule on the compatibility of the
threat or use of nuclear weapons with the relevant principles and rules of
international law. To do this, the Court must identify the existing prin-
ciples and rules, interpret them and apply them to the threat or use of
nuclear weapons, thus offering a reply to the question posed based on
law.
The fact that this question also has political aspects, as, in the nature
of things, is the case with so many questions which arise in international
life,does not sufficeto deprive it of its character as a "legal question" and
to "deprive the Court of a competence expressly conferred on it by its
Statute" (Application for Review of Judgement No. 158 of the United
Nations Administrative Tribunal, Advisory Opinion,1.C.J. Reports 1973,
p. 172, para. 14). Whatever its political aspects, the Court cannot refuse
to admit the legal character of a question which invites it to discharge an
essentiallyjudicial task, namely, an assessment of the legality of the pos-
sible conduct of States with regard to the obligations imposed upon them
by international law (cf. Conditions of Admission of a State to Member-
ship in the United Nations (Article 4 of Charter), Advisory Opinion,

1948, I.C.J. Reports 1947-1948, pp. 61-62; Competence of the General
Assembly for the Admission of a State to the United Nations, Advisory
Opinion, I.C.J. Reports 1950, pp. 6-7; Certain Expenses of the United
Nations (Article 17, paragraph 2, of the Charter), Advisory Opinion,
I.C.J. Reports 1962, p. 155).
Furthermore, as the Court said in the Opinion it gave in 1980concern-
ing the Interpretation of the Agreement of 25 March 1951 between the
WHO and Egypt:

"Indeed, in situations in which political considerations are promi-
nent it may be particularly necessary for an international organiza-
tion to obtain an advisory opinion from the Court as to the legal
principles applicable with respect to the matter under debate . .."
(I.C.J. Reports 1980, p. 87, para. 33.)
The Court moreover considers that the political nature of the motives

which may be said to have inspired the request and the political implica-
tions that the opinion given might have are of no relevance in the estab-
lishment of its jurisdiction to give such an opinion.

14. Article 65, paragraph 1, of the Statute provides: "The Court may
give an advisory opinion . . ."(Emphasis added.) This is more than an
enabling provision. As the Court has repeatedly emphasized, the Statute une réponse fondéeen droit ...[et]ont en principe un caractère juri-
dique » (Sahara occidental, avis consultut$ C.I.J. Recueil 1975,
p. 18, par. 15).

La question que l'Assembléegénéralea posée à la Cour constitue effec-
tivement une questionjuridique, car la Cour est priéede seprononcer sur
le point de savoir si la menace ou l'emploi d'armes nucléairesest compa-
tible avec les principes et règlespertinents du droit international. Pour ce
faire, la Cour doit déterminer les principes et règlesexistants, les inter-
préter et les appliquer à la menace ou à l'emploi d'armes nucléaires,
apportant ainsi à la question poséeune réponse fondéeen droit.
Que cette question revêtepar ailleurs des aspects politiques, comme
c'est, par la nature des choses, le cas de bon nombre de questions qui
viennent àse poser dans la vie internationale, ne suffit paàla priver de
son caractère de ((questionjuridique)) et à ((enleverà la Cour une com-
pétencequi lui est expressément conféréepar son Statut)) (Demande de

réformationdu jugement no 158 du Tribunal administratif des Nations
Unies, avis consultat$ C.I.J. Recueil 1973, p. 172, par. 14). Quels que
soient les aspects politiques de la question posée, laCour ne saurait refu-
ser un caractère juridique à une question qui l'inviteà s'acquitter d'une
tâche essentiellementjudiciaire, à savoir l'appréciation dela licéité de la
conduite éventuelle d'Etats au regard des obligations que le droit inter-
national leur impose (voir Conditions de l'udmission d'un Etat comme
Membre desNations Unies (article 4 de laCharte), avisconsultat$ 1948,
C.I.J. Recueil 1947-1948, p. 61-62; Compétencede l'Assembléegénérale
pour l'udmission d'un Etat aux Nations Unies, avis consultut$ C.I.J.
Recueil 1950, p. 6-7; Certaines dépensesdes Nations Unies (article 17,
paragraphe 2, de laCharte), avis consultat$ C.I.J. Recueil 1962,p. 155).
Au demeurant, comme la Cour l'a dit dans l'avis qu'elle a donné en
1980au sujet de l'Interprétationde l'uccorddu 25 mars 1951entre l'OMS

et I'Egypte:
«En fait, lorsque des considérations politiquesjouent un rôle mar-
quant il peut êtreparticulièrement nécessaire à une organisation
internationale d'obtenir un avis consultatif de la Cour sur les prin-
cipes juridiques applicables à la matière en discussion ..» (C.I.J.

Recueil 1980, p. 87, par. 33.)
La Cour considère en outre que la nature politique des mobiles qui
auraient inspiré la requête etles implications politiques que pourrait
avoir l'avis donnésont sans pertinence au regard de l'établissement de sa
compétencepour donner un tel avis.

14. L'article65,paragraphe 1,du Statut dispose :((La Cour peut donner
un avis consultatif..» (Les italiques sont de la Cour.) Il ne s'agit pas là
seulement d'une disposition présentant le caractère d'une habilitation.leaves a discretion as to whether or not it will give an advisory opinion
that has been requested of it, once it has established its competence to do
so. In this context, the Court has previously noted as follows:

"The Court's Opinion is given not to the States, but to the organ
which is entitled to request it; the reply of the Court, itself an 'organ
of the United Nations', represents its participation in the activities of
the Organization, and, in principle, should not be refused." (Inter-

pretation of Peace Treaties with Bulgaria, Hungary and Romania,
First Phase, Advisory Opinion,I.C.J. Reports 1950, p. 71 ;see also
Reservations to the Conventionon the Prevention and Punishment of
the Crime of Genocide, Advisory Opinion, 1.C.J. Reports 1951,
p. 19; Judgments of the Administrative Tribunal of the IL0 upon
Complaints Made against Unesco,Advisory Opinion,I. C.J. Reports
1956, p. 86; CertainExpenses of the UnitedNations (Article 17,para-
graph 2, of the Charter), Advisory Opinion, I.C.J. Reports 1962,
p. 155;and Applicability of Article VI, Section 22, of the Convention
on the Privileges and Immunities of the United Nations, Advisory
Opinion, I.C.J. Reports 1989, p. 189.)

The Court has constantly been mindful of its responsibilities as "the
principal judicial organ of the United Nations" (Charter, Art. 92). When
considering each request, it is mindful that it should not, in principle,
refuse to give an advisory opinion. In accordance with the consistent
jurisprudence of the Court, only "compelling reasons" could lead it to
such a refusa1 (Judgments of the Administrative Tribunal of the IL0
upon CornplaintsMade against Unesco,Advisory Opinion,I.C.J. Reports
1956, p. 86; Certain Expenses of the United Nations (Article 17, para-
graph 2, of the Charter), Advisory Opinion,I.C.J. Reports 1962, p. 155;
Legal Consequencesfor States of the ContinuedPresence of South Africa
in Namibia (South WestAfrica) notwithstanding Security CouncilReso-
lution 276 (1970), Advisory Opinion,I.C.J. Reports 1971, p. 27; Applica-
tionfor Review of Judgement No. 158 of the UnitedNations Administra-
tive Tribunal, Advisory Opinion,I.C.J. Reports 1973, p. 183; Western

Sahara, Advisory Opinion, I.C.J. Reports 1975, p. 21 ;and Applicability
of Article VI, Section 22, of the Convention on the Privileges andImmu-
nities of the United Nations, Advisory Opinion, I. C.J. Reports 1989,
p. 191).There has been no refusal, based on the discretionary power of
the Court, to actupon a request for advisory opinion in the history of the
present Court; in the case concerning the Legality of the Useby a State
of Nuclear Weapons in Arrned Conflict, the refusa1 to give the World
Health Organization the advisory opinion requested by it was justified by
the Court's lack of jurisdiction in that case. The Permanent Court of
International Justice took the viewon only one occasion that it could not
reply to a question put to it, having regard to the very particularcircum-
stances of the case, among which were that the question directly con-
cerned an already existing dispute, one of the Statesparties to which wasComme la Cour l'a souligné à maintes reprises, sonStatut lui laisseaussi le
pouvoir discrétionnairede décidersi elledoit ou non donner l'avis consul-
tatif qui lui a été demandé, une fois qu'elleétablisa compétencepour ce
faire. Dans ce contexte, la Cour a déjà eu l'occasion denoter ce qui suit:

((L'avis est donné par la Cour non aux Etats, mais à l'organe
habilitépour le lui demander; la réponse constitue uneparticipation
de la Cour, elle-même ((organe des Nations Unies)), à l'action de
l'organisation et, en principe, elle ne devrait pas être refusée.))
(Interprétationdes traitésde paix conclus avecla Bulgarie, la Hon-
grie et la Roumanie, première phase, avis consultut$ C.I.J. Recueil
1950,p. 71 ;voir aussi Réserves à la convention pourlapréventionet
la répressiondu crime de génocide,avis consultat$ C.I.J. Recueil
1951, p. 19; Jugements du Tribunal administratif de l'OIT sur re-
quêtescontre l'Unesco, avis consultatg C.I.J. Recueil 1956, p. 86;
Certaines dépensesdes Nations Unies (article 17, paragraphe 2, de
la Charte), avis consultut$ C.I.J. Recueil 1962,p. 155,et Applicabi-
lité de lasection 22 de l'article VI de laconvention sur lesprivilèges

et immunitésdes Nations Unies,avis consultut$ C.I.J. Recueil 1989,
p. 189.)
La Cour a toujours été conscientede sesresponsabilitésen tant qu'«or-
gane judiciaire principal des Nations Unies)) (Charte, art. 92). Lors de
l'examen de chaque demande, elle garde à l'esprit qu'elle nedevrait pas,
en principe, refuser de donner un avis consultatif. Conformément à sa

jurisprudence constante, seules des ((raisons décisives))pourraient l'y
inciter (Jugements du Tribunal administratif de l'OIT sur requêtes contre
l'Unesco,avis consultut$ C.I.J. Recueil 1956, p. 86; Certaines dépenses
des Nations Unies (article 17, paragraphe 2, de la Charte), avis consul-
tatg C.I.J. Recueil 1962, p. 155; Conséquencesjuridiques pour leE stats
de laprésencecontinue de l'Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest afri-
cain) nonobstant la résolution276 (1970) du Conseil de sécurité,avis
consultut$ C.I.J. Recueil 1971, p. 27; Demande de réformationdujuge-
ment no158 du Tribunal administratif des Nations Unies,avis consultut$
C.I.J. Recueil 1973, p. 183; Sahara occidental, avis consultut$ C.I.J.
Recueil 1975, p. 21 ;et Applicabilitéde la section 22 de l'article VI de la
convention sur les privilèges et immunités des Nations Unies, C.I.J.
Recueil 1989, p. 191).Aucun refus, fondé surle pouvoir discrétionnaire

de la Cour, de donner suite àune demande d'avisconsultatif n'a été enre-
gistrédans l'histoire de la présenteCour; dans l'affaire de la Licéitéde
l'utilisationdes armes nucléairespar un Etat dans un conflit armé,le refus
de donner àl'Organisation mondiale de la Santél'avisconsultatif sollicité
par elle a été justifpar le défautde compétence dela Cour en l'espèce.
La Cour permanente de Justice internationale a une seule fois estimé
qu'elle nepouvait répondre à la question qui lui avait été posée, ugard
aux circonstances toutes particulières de l'espèce,à savoir, notamment,
que cette question concernait directement un différenddéjà né auquel
était partieun Etat qui n'avait pas adhéréau Statut de la Cour perma-neither a party to the Statute of the Permanent Court nor a Member of
the League of Nations, objected to the proceedings, and refused to take
part in any way (Status of Eastern Carelia, P.C.I.J., Series B, No. 5).
15. Most of the reasons adduced in these proceedings in order to per-
suade the Court that in the exercise of its discretionary power it should
decline to render the opinion requested by General Assembly resolu-
tion 49175K were summarized in the following statement made by one
State in the written proceedings :

"The question presented is vague and abstract, addressing complex
issueswhich are the subject of consideration among interested States
and within other bodies of the United Nations which have an express
mandate to address these matters. An opinion by the Court in regard
to the question presented would provide no practical assistance to
the General Assembly in carrying out its functions under the Char-
ter. Such an opinion has the potential of undermining progress
already made or being made on this sensitive subject and, therefore,
is contrary to the interests of the United Nations Organization."
(United States of America,Written Statement, pp. 1-2;cf.pp. 3-7,II.

See also United Kingdom, Written Statement, pp. 9-20, paras. 2.23-
2.45; France, Written Statement, pp. 13-20, paras. 5-9; Finland,
Written Statement, pp. 1-2;Netherlands,Written Statement, pp. 3-4,
paras. 6-13 ;Germany, Written Statement, pp. 3-6, para. 2 (b) .)
In contending that the question put to the Court is vague and abstract,
some Statesappeared to mean by this that there existsno specificdispute
on the subject-matter of the question. In order to respond to this argu-

ment, it is necessary to distinguish between requirements governing con-
tentious procedure and those applicable to advisory opinions. The pur-
pose of the advisory function is not to settle - at least directly -
disputes between States, but to offer legal advice to the organs and insti-
tutions requesting the opinion (cf. Interpretation of Peace Treaties with
Bulgaria, Hungary and Romania, First Phase, Advisory Opinion,I.C.J.
Reports 1950, p. 71).The fact that the question put to the Court does not
relate to a specific dispute should consequently not lead the Court to
decline to give the opinion requested.
Moreover, it is the clear position of the Court that to contend that it
should not deal with a question couched in abstract terms is "a mere
affirmation devoid of anyjustification", and that "the Court may give an
advisory opinion on any legal question, abstract or otherwise" (Condi-
tions of Admission of a State to Membership in the United Nations

(Article 4 of Charter), Advisory Opinion, 1948,I.C.J. Reports 1947-1948,
p. 61; see also Effect of Awards of Compensation Made by the United
Nations Administrative Tribunal, Advisory Opinion, I.C.J. Reports 1954,
p. 51; and Legal Consequences for States of the Continued Presence of
South Africa in Narnibia (South West Africa) notwithstanding Security
Council Resolution 276 (1970), Advisory Opinion, I.C.J. Reports 1971,
p. 27, para. 40).nente, n'était pasmembre de la Société des Nations, s'opposait à la pro-
cédureet refusait d'yprendre part de quelque manièreque ce soit (Statut
de la Carélieorientale, C.P.J.I. sérieB no 5).
15. La plupart des motifs invoqués en l'espècepour convaincre la
Cour qu'elledevrait, dans l'exercicede son pouvoir discrétionnaire, refu-
ser de donner l'avis demandépar 1'Asçembléegénéraledans sa résolu-
tion 49/75K, ont été résumés dans la déclaration suivante faitepar un Etat
dans la procédure écrite:

«La question posée est floueet abstraite et soulève des problèmes
complexes qui sont à l'examen entre les Etats intéresséset au sein
d'autres organes ou institutions des Nations Unies ayant mandat
exprès de les traiter. En donnant un avis sur la question posée,la
Cour n'apporterait aucune aide concrète à l'Assembléegénérale
pour accomplir les fonctions qui lui ont été conférép esar la Charte.
Un tel avis serait susceptible de compromettre les progrès déjà réa-

lisésou en cours sur cesujet délicat et serait en conséquencontraire
aux intérêtsde l'organisation des Nations Unies.)) (Etats-Unis
d'Amérique,exposé écritp , . 1-2; voir aussi p. 3-7, Voir également
Royaume-Uni, exposé écrit,p. 9-20, par. 2.23-2.45; France, exposé
écrit,p. 13-20, par. 5-9; Finlande, exposé écrit,p. 1-2; Pays-Bas,
exposé écrit,p. 3-4, par. 6-13; et Allemagne, exposé écrit,p. 3-6,
par. 2 b).)

En soutenant que la question posée à la Cour serait floue et abstraite,
certains Etats ont sembléentendre au'il n'existerait aucun différend
précisportant sur l'objet de la question. En vue de répondre àcet argu-
ment, il convient d'opérerune distinction entre les conditions qui régis-
sent la procédurecontentieuse et celles qui s'appliquent aux avis consul-
tatifs. La finalitéde la fonction consultative n'est pas de régler - du
moins pas directement - des différendsentre Etats, mais de donner des
conseils d'ordre juridique aux organes et institutions qui en font la
demande (voir Interprétation destraitésdepaix conclus avecla Bulgarie,
la Hongrie et la Roumanie, premièrephase, C.I.J. Recueil 1950, p. 71).
Le fait que la question poséeà la Cour n'ait pas trait a un différend précis
ne saurait par suite amener la Cour à refuser de donner l'avis sollicité.
Par ailleurs, la Cour a clairement affirméque l'allégation selon laquelle

elle ne pourrait connaître d'une question poséeen termes abstraits n'est
qu'«une pure affirmation dénuéede toute justification)), et qu'elle «peut
donner un avis consultatif sur toute question juridique, abstraite ouon»
(Conditions de l'admission d'unEtat comme Membre des Nations Unies
(article 4 de la Charte), avis consultatif; 1948, C.I.J. Recueil 1947-1948,
p. 61;voir aussi Effet dejugements du Tribunal administratif des Nations
Unies accordant indemnité,avis consultatif; C.I.J. Recueil 1954, p. 51,
et Conséquences juridiques pourles Etats de la présence continue de
l'Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la résolu-
tion276 (1970) du Conseildesécurité, avis consultut$ C.I.J. Recueil 1971,
p. 27, par. 40). Certain States have however expressed the fear that the abstract nature
of the question might lead the Court to make hypothetical or speculative
declarations outside the scope of itsjudicial function. TheCourt does not
consider that, in giving an advisory opinion in the present case, it would
necessarily have to write "scenarios", to study various types of nuclear
weapons and to evaluate highly complex and controversial technological,
strategic and scientific information. The Court will simply address the
issuesarisingin al1their aspects by applying the legal rules relevant to the
situation.

16. Certain States have observed that the General Assembly has not
explained to the Court for what precise purposes it seeks the advisory
opinion. Nevertheless, it is not for the Court itself to purport to decide
whether or not an advisory opinion is needed by the Assembly for the per-
formance of its functions. The General Assembly has the right to decide

for itself on the usefulness of an opinion in the light of its own needs.
Equally, once the Assembly has asked, by adopting a resolution, for an
advisory opinion on a legal question, the Court, in determining whether
there are any compelling reasons for it to refuse to give such an opinion,
will not have regard to the origins or to the political history of the
request, or to the distribution of votes in respect of the adopted resolution.
17. It has also been submitted that a reply from the Court in this case
might adversely affect disarmament negotiations and would, therefore,
be contrary to the interest of the United Nations. The Court is aware
that, no matter what might be its conclusions in any opinion it might
give, they would have relevance for the continuing debate on the matter
in the General Assembly and would present an additional element in the
negotiations on the matter. Beyond that, the effect of the opinion is a
matter of appreciation. TheCourt has heard contrary positions advanced
and there are no evident criteria by which it can prefer one assessment to
another. That being so, the Court cannot regard this factor as a compel-
ling reason to decline to exercise its jurisdiction.

18. Finally, it has been contended by some States that in answeringthe
question posed, the Court would be going beyond its judicial role and
would be taking upon itself a law-making capacity. It is clear that the
Court cannot legislate, and, in the circumstances of the present case, it is
not called upon to do so. Rather its task is to engage in its normal judi-
cial function of ascertaining the existence or otherwise of legal principles
and rules applicable to the threat or use of nuclear weapons. The conten-
tion that the giving of an answer to the question posed would require the
Court to legislateis based on a supposition that the present corpusjuris is
devoid of relevant rules in this matter. TheCourt could not accede to this
argument; it states the existing law and does not legislate. This is so even
if, in stating and applying the law, the Court necessarily has to specifyits
scope and sometimes note its general trend. MENACEOU EMPLOI D'ARMESNUCLÉAIRES (AVISCONSULTATIF) 237

Certains Etats ont cependant exprimé la crainte que le caractère abs-
trait de la question nepuisseconduire la Courseprononcer surdeshypo-
thèsesou à entrer dans des conjectures sortant du cadre de sa fonction
judiciaire. La Cour ne considère pas qu'en rendant un avis consultatif
en l'espèceelle serait nécessairement amenée à écriredes «scénarios»,
à étudierdivers types d'armes nucléaireset à évaluerdes informations

technologiques, stratégiques et scientifiques extrêmementcomplexes et
controversées.La Cour examinera simplement lesquestions qui seposent,
sous tous leurs aspects, en appliquant les règles de droit appropriées
en la circonstance.
16. Certains Etats ont observé que l'Assemblée généraln e'a pas
expliqué à la Cour à quelles fins préciseselle sollicitait l'avisconsultatif.
Toutefois, il n'appartient pas la Cour de prétendredécidersi I'Assem-
bléea ou non besoin d'un avis consultatif pour s'acquitter de ses fonc-
tions. L'Assemblée "énérale est habilitée décider elle-mêmd ee l'utilité
d'un avis au regard de ses besoins propres.
De mêmed , èslors quel'Assembléea demandéun avisconsultatif sur une
question juridique par la voie d'une résolution qu'ellea adoptée,la Cour

ne prendra pas en considération,pour déterminers'il existe des raisons
décisivesde refuser dedonner cet avis,lesorigines ou l'histoire politique de
la demande, ou la répartitiondes voix lors de l'adoption de la résolution.
17. Il a aussi étésoutenu qu'une réponsede la Cour en l'espècepour-
rait êtrepréjudiciableaux négociationssur le désarmementet serait, en
conséquence,contraire à l'intérêdte l'organisation des Nations Unies.
La Cour sait que, quelles que soient les conclusions auxquelles elle pour-
rait parvenir dans l'avis qu'elle donnerait, ces conclusions seraient perti-
nentes au regard du débat qui se poursuit à l'Assemblée générale e,t
apporteraient dans les négociationssur la question un élémentsupplé-
mentaire. Mais, au-delà de cette constatation, l'effetqu'aurait cet avis est
une question d'appréciation. Desopinions contraires ont étéexposées
devant la Cour et il n'est pas de critèreévidentqui permettrait celle-ci

de donner la préférence à une position plutôt qu'à une autre. Dans ces
conditions. la Cour ne saurait considérerce facteur comme une raison
décisivede refuser d'exercersa compétence.
18. Enfin, certains Etats ont fait valoir qu'en répondaàtla question
poséela Cour dépasseraitsa fonction judiciaire pour s'arroger une fonc-
tion législative.La Cour ne saurait certes légiférer, , ans les circons-
tances de l'espèce, elle n'estnullement appeléele faire. Il lui appartient
seulement de s'acquitter de sa fonction judiciaire normale en s'assurant
de l'existenceou de la non-existence de principes et de règlesjuridiques
applicables à la menace ou à l'emploi d'armes nucléaires.L'argument
selon lequel la Cour,pour répondre à la question posée,serait obligéede

légiférer,e fonde sur la supposition que leorpus juris existant ne com-
porterait pas de règlepertinente en la matière. La Cour ne saurait sous-
crireà cet argument; elle dit le droit existant et ne légifèrepoint. Cela est
vrai mêmesi la Cour, en disant et en appliquant le droit, doit nécessai-
rement en préciserla portéeet, parfois, en constater l'évolution. 19. In view ofwhat is stated above, the Court concludes that it has the

authority to deliver an opinion on the question posed by the General
Assembly, and that there exist no "compellingreasons" which would lead
the Court to exercise its discretion not to do so.
An entirely different question is whether the Court, under the con-
straints placed upon it as a judicial organ, will be able to give a complete
answer to the question asked of it. However, that is a different matter
from a refusa1to answer at all.

20. The Court must next address certain matters arising in relation to
the formulation of the question put to it by the General Assembly. The
English text asks: "1sthe threat or use of nuclear weapons in any circum-
stance permitted under international law?" The French text of the ques-
tion reads as follows: "Est-il permis en droit international de recourirà la
menace ou à l'emploi d'armes nucléairesen toute circonstance?" It was
suggested that the Court was being asked by the General Assembly
whether it was permitted to have recourse to nuclear weapons in every
circumstance, and it was contended that such a question would inevitably
invite a simple negative answer.
The Court finds it unnecessary to pronounce on the possible diver-
gences between the English and French texts of the question posed. Its
real objective is clear: to determine the legality or illegality of the threat
or use of nuclear weapons.

21. The use of the word "permitted" in the question put by the Gen-
eral Assembly was criticized before the Court by certain States on the
ground that this implied that the threat or the use of nuclear weapons
would only be permissible if authorization could be found in a treaty pro-
vision or in customary international law. Such a starting point, those
States submitted, was incompatible with the very basis of international
law, which rests upon the principles of sovereignty and consent; accord-
ingly, and contrary to what was implied by use of the word "permitted",
States are free to threaten or use nuclear weapons unless it can be shown
that they are bound not to do so by reference to a prohibition in either
treaty law or customary international law. Support for this contention
was found in dicta of the Permanent Court of International Justice in the
"Lotus" case that "restrictions upon the independence of States cannot
. . .be presumed" and that international law leaves to States "a wide
measure of discretion which is only limited in certain cases by prohibitive
rules" (P.C.I.J., Series A, No. IO, pp. 18 and 19). Reliance was also
placed on the dictum of the present Court in the case concerning Military
and Pavamilitary Activities in and against Nicaragua (Nicaragua

v. United States of America) that:

"in international law there are no rules, other than such rules as may
be accepted by the State concerned, by treaty or otherwise, whereby 19. A la lumière de ce qui précède, laCour conclut qu'elle a compé-
tence pour donner un avis sur la question qui lui a étéposéepar I'Assem-
bléegénéraleet qu'in l'existeaucune ((raison décisive))pour qu'elleuse de
son pouvoir discrétionnaire dene pas donner cet avis.
Un tout autre point est celuide savoir si la Cour, compte tenu des exi-
gences qui pèsentsur elle en tant qu'organe judiciaire, sera en mesure de
donner une réponse complète àla question qui lui a été poséec;e qui, en
tout état de cause, est différentd'un refus de répondre.

20. La Cour doit aborder àprésent certains problèmessoulevés parle
libelléde la question qui lui a étéposéepar l'Assembléegénérale. En
anglais, ce libelléest le suivant:(1sthe threat or use of nuclear weapons
in any circumstancepermitted under international law?» Le texte français
de la question poséese lit comme suit: «Est-il permis en droit internatio-
nal de recourir à la menace ou àl'emploi d'armes nucléairesen toute cir-

constance?)) Il a étésuggéré que l'Assembléegénéraledemanderait ainsi
à la Cour si l'emploi d'armes nucléairesest permis en droit international
dans toutes les circonstances et il a été expoqu'une telle question appel-
lerait inévitablement unesimple réponse négative.
La Cour n'estime pas nécessairede se prononcer sur les divergences
possibles entre versions française et anglaise de la question posée.Celle-ci
l'a été avec un objecticflair: déterminerce qu'il enest de la licéitou de
l'illicéide la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires.
21. L'utilisation du mot «permis»dans la question poséepar 1'Assem-
bléegénéralea fait l'objet, devant la Cour, de critiques de certains Etats
au motif que cetteutilisation supposaitque la menace ou l'emploi d'armes
nucléairesne seraient permis que s'ilsétaient autoriséspar une disposi-
tion conventionnelle ou par le droit international coutumier. Selon ces
Etats. une telle rém missseerait incom~atible avec les fondements mêmes
du droit international, qui repose sur les principes de souverainetéet de

consentement des Etats; par voie de conséquence,et contrairement à ce
que sous-entend l'emploi du mot les Etats seraient libres de
menacer d'employer ou d'employer effectivementdes armes nucléaires à
moins qu'il ne soit démontréqu'ils doivent s'en abstenir en vertu d'une
interdiction contenue dans le droit international conventionnel ou coutu-
mier. A l'appui de cette thèseont été invoqués des dicta de la Cour per-
manente de Justice internationale dans l'affaire du Lotus, selon lesquels
d'une part «les limitations de l'indépendance desEtats ne seprésument ...
pas» et d'autre part le droit international laisse aux Etats «une large
liberté, quin'est limitéeque dans quelques cas par des règlesprohibi-
tives» (C.P.J.I. sérieA no10, p. 18et 19),ainsi qu'un dictum de la Cour
actuelle dans l'affaire des Activités militaires etparamilitaires au Nicava-
gua et contre celui-ci(Nicaragua c. Etats-Unis d'Amérique),selonlequel :

«il n'existepas en droit international de règles,autres que cellesque
1'Etatintéressépeut accepter, par traitéou autrement, imposant la the level of armaments of a sovereign State can be limited" (1C ..J.
Reports 1986, p. 135,para. 269).
For other States, the invocation of these dicta in the "Lotus" case was
inapposite; their status in contemporary international law and applica-
bility in the very different circumstances of the present case were chal-
lenged. It was also contended that the above-mentioned dictum of
the present Court was directed to the possession of armaments and was
irrelevant to the threat or use of nuclear weapons.

Finally, it was suggested that, were the Court to answer the question
put by the Assembly, the word "permitted" should be replaced by "pro-
hibited".
22. The Court notes that the nuclear-weapon States appearing before
it either accepted, or did not dispute, that their independence to act was
indeed restricted by the principles and rules of international law, more
particularly humanitarian law (seebelow, paragraph 86),as did the other
States which took part in the proceedings.

Hence, the argument concerning the legal conclusions to be drawn
from the use of the word "permitted", and the questions of burden of
proof to which it was said to give rise, are without particular significance
for the disposition of the issues before the Court.

23. In seeking to answer the question put to it by the General
Assembly, the Court must decide, after consideration of the great
corpus of international law norms available to it, what might be the
relevant applicable law.

24. Some of the proponents of the illegality of the use of nuclear
weapons have argued that such use would violate the right to life as guar-
anteed in Article 6 of the International Covenant on Civil and Political

Rights, as well as in certain regional instruments for the protection of
human rights. Article 6, paragraph 1,of the International Covenant pro-
vides as follows: "Every human being has the inherent right to life. This
right shall be protected by law. No one shall be arbitrarily deprived of his
life."
In reply, others contended that the International Covenant on Civil
and Political Rights made no mention of war or weapons, and it had
never been envisaged that the legality of nuclear weapons was regulated
by that instrument. It was suggested that the Covenant was directed to
the protection of human rights in peacetime, but that questions relating
to unlawful loss of life in hostilities were governed by the law applicable
in armed conflict. limitation du niveau d'armement d'un Etat souverain)) (C.I.J.
Recueil 1986,p. 135,par. 269).

D'autres Etats ont jugé hors de propos ce renvoi aux dicta tirés de
l'affaire du Lotus et ont mis en cause leur portée dans le droit interna-
tional contemporain ainsi que leur applicabilitéaux circonstances, fort
différentes, del'espèce.Il a en outre étésoutenu que le dictum susmen-
tionnéde la présenteCour se rapporte à la possession d'armements, et
n'est pas pertinent du point de vue de la menace ou de l'emploi d'armes
nucléaires.
Il a enfin été avancéque si la Cour devait répondreà la question posée
par l'Assembléegénérale,il y aurait lieu de remplacer le mot «permis»
par ((interdit.
22. La Cour prend note du fait que les Etats dotésd'armes nucléaires
qui se sont présentés devantelle soit ont reconnu soit n'ont pas niéque
leur liberté d'agirétaiteffectivementrestreinte par les principes et règles
du droit international et plus particulièrement du droit humanitaire (voir
paragraphe 86 ci-après). Il en a été demême desautres Etats présents

devant la Cour.
Dès lors, ni l'argument visant les conclusions juridiques à tirer de
l'emploi du mot «permis» ni les questions de charge de la preuve qui en
découleraientne présentent d'importance particulièreaux finsde trancher
les problèmes dont la Cour est saisie.

23. Pour répondre à la question que lui a poséel'Assemblée générale,
la Cour doit déterminer,après examen du large ensemble de normes de
droit international qui s'offre elle, quel pourrait êtrele droit pertinent
applicable.

24. Plusieurs tenants de l'illicéitde l'emploi d'armes nucléairesont
allégué qu'untel emploi violerait le droità la vie tel que le garantissent
l'article du pacte international relatif aux droits civilset politiques ainsi
que certains instruments de protection des droitsde l'homme de caractère
régional. L'article 6, paragraphe 1, du pacte international relatif aux
droits civils et politiques dispose ce qui suit: droit àla vie est inhé-
rent à la personne humaine. Ce droit doit êtreprotégépar la loi. Nul ne

peut être arbitrairementprivé de la vie.))
A cela, d'autres Etats ont répondu quele pacte international relatif aux
droits civils et politiques ne mentionne ni la guerre ni les armes et que
l'on n'a jamaisenvisagéque cet instrument régissela question de la licéité
des armes nucléaires. Selon eux,le pacte vise la protection des droits de
l'homme en temps de paix, alors que les questions relativesà la privation
illicite de la vie au cours d'hostilitéssont régiespar le droit international
applicable dans les conflits armés. 25. The Court observes that the protection of the International Cov-
enant of Civil and Political Rights does not cease in times of war, except
by operation of Article 4 of the Covenant whereby certain provisions
may be derogated from in a time of national emergency. Respect for the
right to life is not, however,such a provision. In principle, the right not
arbitrarily to be deprived of one's life applies also in hostilities. The test
of what is an arbitrary deprivation of life, however, then falls to be deter-
mined by the applicable lex specialis, namely, the law applicable in
armed conflict which is designed to regulate the conduct of hostilities.
Thus whether a particular loss of life, through the use of a certain
weapon in warfare, is to be considered an arbitrary deprivation of life
contrary to Article 6 of the Covenant, can only be decided by reference to
the law applicable in armed conflict and not deduced from the terms of
the Covenant itself.

26. Some States also contended that the prohibition against genocide,
contained in the Convention of 9 December 1948on the Prevention and

Punishment of the Crime of Genocide, is a relevant rule of customary
international law which the Court must apply. The Court recalls that in
Article II of the Convention genocide is defined as

"any of the following acts committed with intent to destroy, in
whole or in part, a national, ethnical, racial or religious group, as
such :

(a) Killing members of the group;
(b) Causing serious bodily or mental harm to members of the
group ;
(c) Deliberately inflicting on the group conditions of life calculated
to bring about its physical destruction in whole or in part;
(d) Imposing measures intended to prevent births within the group;
(e) Forcibly transferring children of the group to another group."

It was maintained before the Court that the number of deaths occasioned
by the use of nuclear weapons would be enormous; that the victims could,
in certain cases, include persons of a particular national,ethnic, racial or
religious group; and that the intention to destroy such groups could be
inferred from the fact that the user of the nuclear weapon would have
omittedto take account ofthe well-knowneffectsof the useof suchweapons.
The Court would point out in that regard that the prohibition of geno-
cide would be pertinent in this case if the recourse to nuclear weapons did
indeed entai1the element of intent, towards a group as such, required by
the provision quoted above. In the view of the Court, it would only be
possible to arrive atsuch a conclusion after having taken due account of
the circumstances specificto each case. 25. La Cour observe que la protection offerte par le pacte internatio-
nal relatif aux droits civils et politiques ne cesse pas en temps de guerre,
si ce n'est par l'effet de l'article 4 du pacte, qui prévoit qu'il peut être
dérogé,en cas de danger public, à certaines des obligations qu'impose cet
instrument. Le respect du droit àla vie ne constitue cependant pas une
prescription à laquelle il peut être dérogé.n principe, le droit de ne pas

êtrearbitrairement privéde la vie vaut aussi pendant des hostilités. C'est
toutefois, en pareil cas,à la lexspecialis applicable,à savoir le droit
applicable dans les conflits armés, conçupour régirla conduite des hos-
tilités, qu'ilappartient de déterminerce qui constitue une privation arbi-
traire de la vie. Ainsi, c'est uniquement au regard du droit applicable
dans les conflits armés,et non au regard des dispositions du pacte lui-
même,que l'on pourra dire si tel cas de décèsprovoquépar l'emploi d'un
certain type d'armes au cours d'un conflit armé doit être considéré
comme une privation arbitraire de la vie contraire à l'article 6 du pacte.
26. Certains Etats ont aussi avancé l'argument selon lequel l'interdic-
tion du nénocide.formuléedans la convention du 9 décembre1948 Dour
u
la prévention et la répressiondu crime de génocide,serait une règleper-
tinente du droit international coutumier que la Cour devrait appliquer en
l'espèce.La Cour rappellera que le génocide est défini à l'article II de la
convention comme
((l'un quelconque des actes ci-après, commis dans l'intention de
détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial

ou religieux, comme tel:
a) meurtre de membres du groupe;
b) atteinte grave à l'intégritéphysique ou mentale de membres du
groupe;
c) soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence
devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle;
d) mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe;

e) transfert forcé d'enfants du groupe à un autre groupe)).
Il a étésoutenu devant la Cour que le nombre de morts que causerait
l'emploi d'armes nucléaires serait norme; quel'on pourrait, dans certains
cas, compter parmi les victimes des membres d'un groupe national, eth-
nique, racial ou religieux particulier; et que l'intention dedétruirede tels
groupes pourrait êtreinféréedu fait que l'utilisateur de l'arme nucléaire

aurait omis de tenir compte des effets bienconnus de l'emploi decesarmes.
La Cour relèvera à cet égardque l'interdiction du génocide serait une
règlepertinente en l'occurrence s'il étaitétablique le recours aux armes
nucléaires comporte effectivement l'élémentd'intentionnalité, dirigé
contre un groupe comme tel, que requiert la disposition sus-citée.Or, de
l'avis de la Cour, il ne serait possible de parvenirune telle conclusion
qu'après avoir pris dûment en considération les circonstances propres à
chaque cas d'espèce. 27. In both their written and oral statements, some States furthermore
argued that any use of nuclear weapons would be unlawful by reference
to existing norms relating to the safeguarding and protection of the envi-
ronment, in view of their essential importance.
Specificreferences were made to various existing international treaties
and instruments. These included Additional Protocol 1 of 1977 to the
Geneva Conventions of 1949,Article 35,paragraph 3, of which prohibits
the employment of "methods or means of warfare which are intended, or
may be expected, to cause widespread, long-term and severe damage to
the natural environment"; and the Convention of 18 May 1977 on the
Prohibition of Military or Any Other Hostile Use of Environmental
Modification Techniques, which prohibits the use of weapons which have

"widespread, long-lasting or severe effects" on the environment (Art. 1).
Also cited were Principle 21 of the Stockholm Declaration of 1972 and
Principle 2 of the Rio Declaration of 1992 which express the common
conviction of the States concerned that they have a duty
"to ensure that activities within their jurisdiction or control do not
cause damage to the environment of other States or of areas beyond
the limits of national jurisdiction".

These instruments and other provisions relating to the protection and
safeguarding of the environment were said to apply at al1times, in war as
well as in peace, and it was contended that they would be violated by the
use of nuclear weapons whose consequences would be widespread and
would have transboundary effects.
28. Other States questioned the binding legal quality of these precepts
of environmental law; or, in the context of the Convention on the Pro-
hibition of Military or Any Other Hostile Use of Environmental Modi-
fication Techniques, denied that it was concerned at al1with the use of

nuclear weapons in hostilities; or, in the case of Additional Protocol 1,
denied that they were generally bound by its terms, or recalled that they
had reserved their position in respect of Article35, paragraph 3, thereof.

It was also argued by some States that the principal purpose of envi-
ronmental treaties and norms was the protection of the environment in
time of peace. It was said that those treaties made no mention of nuclear
weapons. It was also pointed out that warfare in general, and nuclear
warfare in particular, were not mentioned in their texts and that it would
be destabilizing to the rule of law and to confidence in international
negotiations if those treaties were now interpreted in such a way as to
prohibit the use of nuclear weapons.
29. The Court recognizes that the environment is under daily threat
and that the use of nuclear weapons could constitute a catastrophe for
the environment. The Court also recognizes that the environment is not
an abstraction but represents the living space, the quality of life and
the very health of human beings, including generations unborn. The MENACEOU EMPLOI D'ARMESNUCLÉAIRES (AVIS CONSULTATIF) 241

27. Dans leurs exposés écrits etoraux, certains Etats ont en outre
soutenu que tout emploi d'armes nucléairesserait illicite au regard des

normes en vigueur en matière de sauvegarde et deprotection de l'environ-
nement, compte tenu de leur importance fondamentale.
Divers traitéset instruments internationaux en vigueur ont été expres-
sément citésd ,ont le protocoleadditiotlnel 1de 1977aux conventions de
Genèvede 1949 - qui, àson article 35,paragraphe 3, interdit l'emploide
((méthodesoumoyens de guerre qui sont conçus pour causer, ou dont on
peut attendre qu'ilscauseront, des dommages étendus,durables et graves
à l'environnement naturel))- et la convention du 18 mai 1977sur l'inter-
diction d'utiliser des techniquesde modification de l'environnement àdes
finsmilitaires outoutes autres finshostile- quiinterdit l'emploi d'armes

((ayant des effets étendus, durables ou graves)) sur l'environnement (ar-
ticle premier). Ont égalementétécitéesla déclaration de Stockholm de
1972 (principe 21) et la déclaration deRio de 1992 (principe 2) - qui
expriment la conviction commune des Etats concernés qu'ilsont le devoir

«de faire en sorte que les activités exercéedans les limites de leur
juridiction ou sous leur contrôle ne causent pas de dommages à
l'environnement dans d'autres Etats ou dans des régions [zones]ne
relevant d'aucune juridiction nationale)).
Ces instruments, de mêmeque d'autres dispositions relatives à la protec-

tion et à la sauvegarde de l'environnement, s'appliqueraient à tout
moment, en temps de guerre comme en temps de paix, et seraient violés
par l'emploi d'armes nucléairesayant des effets étendus et transfron-
taliers.
28. D'autres Etats ont soit mis en question le caractère contraignant
de ces dispositions du droit de l'environnement, soit contesté que la
convention sur l'interdiction d'utiliser destechniques de modification de
l'environnement à des fins militaires ou toutes autres fins hostiles ait un
quelconque rapport avec l'emploi d'armes nucléaires dans un conflit

armé,soit encore niéêtreliésde façon généralepar les dispositions du
protocole additionnel 1, ou bien rappeléqu'ils avaient réservé leur posi-
tion sur l'article 35, paragraphe 3, de celui-ci.
Certains Etatsont égalementsoutenuque l'objet principal des traitéset
normes relatifs à l'environnement est de protéger l'environnement en
temps de paix; que ces traités nementionnent pas les armes nucléaires;
qu'ils nese réfèrentni à la guerre en général ni à la guerre nucléaire en
particulier; et que ce serait fragiliser l'empire du droit et la confiance
nécessaireaux négociations internationales que de faire dire aujourd'hui
à ces traitésqu'ils interdisent le recours aux armes nucléaires.

29. La Cour est consciente de ce que l'environnement est menacé jour
aprèsjour et de ce que l'emploid'armesnucléairespourrait constituer une
catastrophe pour le milieu naturel. Elle a également conscienceque l'envi-
ronnement n'estpas une abstraction, mais bien l'espaceoù vivent lesêtres
humains et dont dépendentla qualitéde leur vie et leur santé, ycompris existence of the general obligation of States to ensure that activities
within their jurisdiction and control respect the environment of other
States or of areas beyond national control is now part of the corpus
of international law relating to the environment.

30. However, the Court is of the view that the issue is not whether the
treaties relating to the protection of the environment are or arenot appli-
cable during an armed conflict, but rather whether the obligations
stemming from these treaties were intended to be obligations of total
restraint during military conflict.

The Court does not consider that the treaties in question could have
intended to deprive a State of the exercise of its right of self-defence
under international law because of its obligations to protect the environ-
ment. Nonetheless, States must take environmental considerations into
account when assessing what is necessary and proportionate in the pur-
suit of legitimate military objectives. Respect for the environment is one
of the elements that go to assessing whether an action is in conformity
with the principles of necessity and proportionality.
This approach is supported, indeed, by the terms of Principle 24 of the
Rio Declaration, which provides that :

"Warfare is inherently destructive of sustainable development.
States shall therefore respect international law providing protection
for the environment in times of armed conflict and cooperate in its
further development, as necessary."
31. The Court notes furthermore that Articles 35, paragraph 3, and 55
of Additional Protocol 1 provide additional protection for the environ-
ment. Taken together, these provisions embody a general obligation to

protect the natural environment against widespread,long-term and severe
environmental damage; the prohibition of methods and means of war-
fare which are intended, or may be expected, to cause such damage; and
the prohibition of attacks against the natural environment by way of
reprisals.
These are powerful constraints for al1the States having subscribed to
these provisions.
32. General Assembly resolution 47/37 of 25 November 1992 on the
"Protection of the Environment in Times of Armed Conflict" is also of
interest in this context. It affirms the general view according to which
environmental considerations constitute one of the elements to be taken
into account in the implementation of the principles of the law applicable
in armed conflict: it states that "destruction of the environment, not jus-
tified by military necessity and carried out wantonly, is clearly contrary
to existing international law". Addressing the reality that certain instru-
ments are not yet binding on al1 States, the General Assembly in this
resolution "[aJppeals to al1States that have not yet done so to consider

becoming parties to the relevant international conventions".pour les générations à venir. L'obligation généralequ'ont les Etats de
veilleràce que les activitésexercéesdans les limites de leur juridiction ou
sous leur contrôle respectent l'environnement dans d'autres Etats ou dans
deszones ne relevant d'aucunejuridiction nationale fait maintenant partie
du corps de règlesdu droit international de l'environnement.
30. La Cour est toutefois d'avis que la question n'est pas de savoir si
les traitésrelatifà la protection de l'environnement sont ou non appli-

cables en périodede conflit armé,mais bien de savoir si les obligations
néesde ces traitésont étéconçues comme imposant une abstention totale
pendant un conflit armé.
La Cour n'estime pas que les traitésen question aient entendu priver
un Etat de l'exercicede son droit de légitime défense envertu du droit
international, au nom des obligations qui sont les siennes de protéger
l'environnement. Néanmoins,les Etats doivent aujourd'hui tenir compte
des considérationsécologiques lorsqu'ils décidendte ce qui est nécessaire
et proportionné dans la poursuite d'objectifs militaires légitime. e res-
pect de l'environnement est l'un des élémentq sui permettent de juger si
une action est conforme aux principes de nécessité ete proportionnalité.
Ce point de vue trouve d'ailleurs un appui dans le principe 24 de la
déclaration deRio, qui dispose:

«La guerre exerce une action intrinsèquement destructrice sur le
développement durable. Les Etats doivent donc respecter le droit
international relatif la protection de l'environnement en temps de
conflit arméetparticiperà son développement,selon que de besoin.»

31. La Cour observera par ailleurs que l'article 35, paragraphe 3, et
l'article 55du protocole additionnel 1offrentà l'environnement une pro-
tection supplémentaire. Considérées ensemble, cesdispositions consa-
crent une obligation généralede protéger l'environnementnaturel contre
des dommages étendus, durableset graves; une interdiction d'utiliser des
méthodes et moyens de guerre conçus pour causer, ou dont on peut
attendre qu'ilscauseront, de tels dommages; et une interdiction de mener
des attaques contre l'environnement naturel à titre de représailles.
Ce sont là de puissantes contraintes pour tous les Etats qui ont souscrit
à ces dispositions.
32. La résolution47/37 de l'Assembléegénérale du 25 novembre 1992,

intitulée((Protection de l'environnement en période de conflitrmé»,pré-
sente égalementun intérêt à cet égard.Elle consacre l'opinion générale
selon laquelle les considérations écologiquesonstituent l'un des éléments
à prendre en compte dans la mise en Œuvredes principes du droit appli-
cable dans les conflits armés.Elle précise en effetque«la destruction de
l'environnement non justifiéepar des nécessitésmilitaires et ayant un
caractère gratuit est manifestement contraire au droit international en
vigueur)).Tenant compte de ce que certains instruments ne sont pas encore
contraignants pour tous les Etats, l'Assembléegénérale,ans ladite résolu-
tion, «[l]ance un appel à tous les Etats qui ne l'ont pas encore fait pour
qu'ils deviennent partiesaux conventions internationales pertinentes)). In its recent Order in the Request for an Examination of the Situation
in Accordance with Paragraph 63 of the Court's Judgment of 20 Decem-
ber 1974 inthe Nuclear Tests (New Zealand v.France) Case, the Court
stated that its conclusion was "without prejudice to the obligations of
States to respect and protect the natural environment" (Order of 22 Sep-
tember 1995,I. C.J. Reports 1995, p. 306, para. 64). Although that state-
ment was made in the context of nuclear testing, it naturally also applies
to the actual use of nuclear weapons in armed conflict.

33. The Court thus finds that while the existing international law
relating to the protection and safeguarding of the environment does not
specificallyprohibit the use of nuclear weapons, it indicates important
environmental factors that are properly to be taken into account
in the context of the implementation of the principles and rules of the law
applicable in armed conflict.

34. In the light of the foregoing the Court concludes that the most
directly relevant applicable law governing the question of which it was
seised,is that relating to the use of force enshrined in the United Nations
Charter and the law applicable in armed conflict which regulates the con-
duct of hostilities, together with any specifictreaties on nuclear weapons
that the Court might determine to be relevant.

35. In applying this law to the present case, the Court cannot how-
ever fail to take into account certain unique characteristics of nuclear
weapons.
The Court has noted the definitions of nuclear weapons contained in
various treaties and accords. It also notes that nuclear weapons are

explosive devices whose energy results from the fusion or fission of the
atom. By its very nature, that process, in nuclear weapons as they exist
today, releases not only immense quantities of heat and energy, but also
powerful and prolonged radiation. According to the material before the
Court, the first two causes of damage are vastly more powerful than the
damage caused by other weapons, while the phenomenon of radiation is
said to be peculiar to nuclear weapons. These characteristics render the
nuclear weapon potentially catastrophic. The destructive power of
nuclear weapons cannot be contained in either space or time. They have
the potential to destroy al1civilization and the entire ecosystem of the
planet.

The radiation released by a nuclear explosion would affect health,
agriculture, natural resources and demography over a very wide area. Dans l'ordonnance qu'ellea rendue récemmentau sujet de la Demande
d'examen de la situation au titre duparagraphe 63 de l'arrêtendupar la
Cour le20 décembre1974 dans l'affaire des Essais nucléaires (Nouvelle-
Zélandec. France), la Cour a déclaréque la conclusion à laquelle elle
était parvenue était«sans préjudice desobligations des Etats concernant
le respect et la protection de l'environnement naturel)) (ordonnance du

22 septembre 1995, C.Z.J Recueil 1995,p. 306,par. 64). Cette déclaration
s'inscrivait certesdans le contexte des essais nucléaires; mais elle s'ap-
plique à l'évidenceaussià l'emploid'armes nucléairesdans un conflitarmé.
33. La Cour constate ainsi que, si le droit international existant relatif
à la protection età la sauvegarde de l'environnement n'interdit pas spé-
cifiquement l'emploi d'armes nucléaires,il met en avant d'importantes
considérations d'ordre écologique qui doivent êtredûment prises en
compte dans le cadre de la mise en Œuvre des principes etrèglesdu droit
applicable dans les conflits armés.

34. A la lumièrede ce qui précède, laCour conclut que le droit appli-

cable à la question dont elle a étésaisie qui est le plus directement perti-
nent est le droit relatifà l'emploi de la force, tel que consacrépar la
Charte des Nations Unies, et le droit applicable dans les conflits armés,
qui régitla conduite des hostilités, ainsique tous traitésconcernant spé-
cifiquement l'arme nucléaire quela Cour pourrait considérer comme per-
tinents.

35. En faisant application de ce droit en l'espèce,la Cour ne saurait
cependant omettre de tenir compte de certaines caractéristiques propres
aux armes nucléaires.
La Cour a pris note des définitionsqui ont étédonnées des armes
nucléairesdans divers traités et accords. Elle observe en outre que les

armes nucléairessont des engins explosifs dont l'énergieprocède de la
fusion ou de la fissionde l'atome. Par sa nature même,ce processus, dans
le cas des armes nucléaires telles qu'elles existentaujourd'hui, libèrenon
seulement d'énormes quantités dechaleur et d'énergie, mais aussi un
rayonnement puissant et prolongé. Selonles éléments en possession de la
Cour, les deux premières sourcesde dommages sont bien plus puissantes
qu'elles nele sont dans lecas d'autres armes, cependant que lephénomène
du rayonnement est considéré comme particuliea rux armes nucléaires.De
par ces caractéristiques,l'arme nucléaire est potentiellementd'une nature
catastrophique. Le pouvoir destructeur des armes nucléaires nepeut être
endigué nidans l'espace ni dans le temps. Ces armes ont le pouvoir de
détruiretoute civilisation, ainsi que l'écosystètout entier de la planète.
Le rayonnement libéré par une explosion nucléaireaurait des effets pré-

judiciables sur la santé,l'agriculture, les ressources naturelles et laFurther, the use of nuclear weapons would be a serious danger to future
generations. Ionizing radiation has the potential to damage the future
environment, food and marine ecosystem, and to cause genetic defects
and illness in future generations.

36. In consequence, in order correctly to apply to the present case the
Charter law on the use of force and the law applicable in armed conflict,
in particular humanitarian law, it is imperative for the Court to take
account of the unique characteristics of nuclear weapons, and in particu-
lar their destructive capacity, their capacity to cause untold human suf-
fering, and their ability to cause damage to generations to come.

37. TheCourt will now address the question of the legality or illegality
of recourse to nuclear weapons in the light of the provisions of the Char-
ter relating to the threat or use of force.

38. The Charter contains several provisions relating to the threat and
use of force. In Article 2, paragraph 4, the threat or use of force against
the territorial integrity or political independence of another State or in
any other manner inconsistent with the purposes of the United Nations is
prohibited. That paragraph provides :

"Al1 Members shall refrain in their international relations from
the threat or use of force against the territorial integrity or political
independence of any State, or in any other manner inconsistent with
the Purposes of the United Nations."

This prohibition of the use of force is to be considered in the light of
other relevant provisions of the Charter. In Article 51, the Charter
recognizes the inherent right of individual or collective self-defence if
an armed attack occurs. A further lawful use of force is envisaged in
Article 42, whereby the Security Council may take military enforcement
measures in conformity with Chapter VI1 of the Charter.
39. These provisions do not refer to specific weapons. They apply to
any use of force, regardless of the weapons employed. The Charter
neither expressly prohibits, nor permits, the use of any specificweapon,
including nuclear weapons. A weapon that is already unlawful per se,
whether by treaty or custom, does not become lawful by reason of its
being used for a legitimate purpose under the Charter.

40. The entitlement to resort to self-defence under Article 51 is subject
to certain constraints. Some of these constraints are inherent in the very
concept of self-defence. Other requirements are specified in Article 51.graphie, et cela sur des espaces considérables. De plus,l'emploi d'armes
nucléairesferaitcourir les dangers les plus graves aux générations futures.
Le rayonnement ionisant est susceptiblede porter atteinte à l'environne-
ment, à la chaîne alimentaire età l'écosystèmemarin dans l'avenir, et de
provoquer des tares et des maladies chez les générations futures.
36. En conséquence,pour appliquer correctement, en l'espèce,le droit
de la Charte concernant l'emploide la force, ainsi que le droit applicable
dans les conflits armés,et notamment le droit humanitaire, il est impé-
ratif que la Cour tienne compte des caractéristiques uniques de l'arme
nucléaire, et en particulier de sa puissance destructrice, de sa capacité

d'infliger dessouffrances indicibles l'homme, ainsi que de son pouvoir
de causer des dommages aux générations à venir.

37. La Cour examinera maintenant la question de la licéitéou de l'illi-
céitéd'un recours aux armes nucléaires àla lumière des dispositions de la
Charte qui ont traità la menace ou à l'emploi de la force.
38. La Charte contient plusieurs dispositions relativeàla menace et à
l'emploi de la force. L'article 2, paragraphe 4, interdit la menace ou
l'emploi de la force contre l'intégrité territorialeou l'indépendance poli-
tique de tout Etat, ou de toute autre manière incompatible avec les buts
des Nations Unies. Ce paragraphe est ainsi libellé:

«Les Membres de l'organisation des Nations Unies s'abstiennent,
dans leurs relations internationales, de recourir la menace ou à
l'emploi de la force, soit contre l'intégritéterritoriale ou l'indépen-
dance politique de tout Etat, soit de toute autre manière incompa-

tible avec les buts des Nations Unies.)
L'interdiction de l'em~loide la force esà examiner à la lumièred'autres
dispositions pertinentes de la Charte. En son article 51, celle-cireconnaît

le droit naturel de légitimedéfense, individuelle ou collective, en cas
d'agression armée.Un autre recours licite à la force est envisagéà l'ar-
ticle 42, selon lequel le Conseil de sécurité peutprendre des mesures
coercitives d'ordre militaire conformément au chapitreVI1de la Charte.
39. Ces dispositions ne mentionnent pas d'armes particulières. Elles
s'appliquent à n'importe quel emploi de la force, indépendamment des
armes employées.La Charte n'interdit ni ne permet expressémentl'emploi
d'aucune arme particulière, qu'ils'agisseou non de l'arme nucléaire.Une
arme qui est déjàpar elle-même illicite, ue ce soit du fait d'un traitéou
de la coutume, ne devient pas licite du fait qu'elle estemployéedans un
but légitime envertu de la Charte.

40. Le droit de recourir à la légitimedéfense conformément à l'ar-
ticle 51 est soumis à des restrictions. Certaines de ces restrictions sont
inhérentes à la notion mêmede légitimedéfense.D'autres sont précisées
à l'article 51. 41. The submission of the exercise of the right of self-defence to the
conditions of necessity and proportionality is a rule of customary inter-
national law. As the Court stated in the case concerning Military and
Paramilitary Activities in and against Nicaragua (Nicaragua v. United
States of Arnerica) : there is a "specific rule whereby self-defencewould
warrant only measures which are proportional to the armed attack and

necessary to respond to it, a rule well established in customary inter-
national law" (I. C.J. Reports 1986, p. 94,para. 176).This dual condition
applies equally to Article 51 of the Charter, whatever the means of force
employed.
42. The proportionality principle may thus not in itself exclude the use
of nuclear weapons in self-defencein al1circumstances. But at the same
time, a use of force that is proportionate under the law of self-defence,
must, in order to be lawful, also meet the requirements of the law appli-
cable in armed conflict which comprise in particular the principles and
rules of humanitarian law.
43. Certain States have in their written and oral pleadings suggested
that in the case of nuclear weapons, the condition of proportionality
must be evaluated in the light of still further factors. They contend that
the very nature of nuclear weapons, and the high probability of an esca-
lation of nuclear exchanges, mean that there is an extremely strong risk
of devastation. The risk factor issaid to negate the possibility of the con-
dition of proportionality being complied with. The Court does not find it
necessary to embark upon the quantification of such risks; nor does it

need to enquire into the question whether tactical nuclear weapons exist
which are sufficientlyprecise to limit those risks: it sufficesfor the Court
to note that the very nature of al1nuclear weapons and the profound
risks associated therewith are further considerations to be borne in mind
by States believing they can exercise a nuclear response in self-defencein
accordance with the requirements of proportionality.
44. Beyond the conditions of necessity and proportionality, Article 51
specificallyrequires that measures taken by States in the exercise of the
right of self-defenceshall be immediately reported to the Security Coun-
cil; this article further provides that these measures shall not in any way
affect the authority and responsibility of the Security Council under the
Charter to take at any time such action as it deems necessary in order to
maintain or restore international peace and security. These requirements
of Article 51 apply whatever the means of force used in self-defence.

45. The Court notes that the Security Council adopted on 11 April
1995, in the context of the extension of the Treaty on the Non-Prolifera-
tion of Nuclear Weapons, resolution 984(1995)by the terms of which, on

the one hand, it

"[tlakes note with appreciation of the statements made by each
of the nuclear-weapon States (S119951261,S119951262,S119951263,
S119951264,S/19951265),in which they give security assurances

23 41. La soumission de l'exercicedu droit de légitimedéfenseaux condi-
tions de nécessité edte proportionnalité est une règledu droit internatio-
nal coutumier. Ainsi que la Cour l'a déclaré dans l'affaire desActivités
militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua
c. Etats-Unis d'Amérique), il existe une ((règlespécifique..bien établie
en droit international coutumier)) selon laquelle «la légitime défensene
justifierait que des mesures proportionnées à l'agression armée subie,et

nécessairespour y riposter)) (C.I.J. Recueil 1986, p.94, par. 176). Cette
double condition s'applique égalementdans le cas de l'article 51 de la
Charte, quels que soient les moyens mis en Œuvre.
42. Le principe de proportionnalité ne peut pas, par lui-même, exclure
le recours aux armes nucléaires en légitimedéfenseen toutes circons-
tances. Mais, en mêmetemps, un emploi de la force qui serait propor-
tionné conformémentau droit de la légitimedéfensedoit, pour êtrelicite,
satisfaire aux exigencesdu droit applicable dans les conflits armés,dont
en particulier les principes et règlesdu droit humanitaire.
43. Certains Etats ont avancédans leurs exposés écrits etoraux que,

dans le cas des armes nucléaires, la condition de proportionnalité doit
êtreappréciéeau regard d'autres facteurs encore. Ils soutiennent que la
nature mêmede ces armes et la forte ~robabilitéd'une escaladedans les
échanges nucléaires engendrent des risquesde dévastation extrêmement
élevésL . e facteur risque exclut selon eux toute possibilité de respecter la
condition de proportionnalité. La Cour n'a pas à se livrerà une étude
quantitative de tels risques; elle n'a pas davantage à s'interroger sur le
point de savoir s'ilexistedes armes nucléairestactiques suffisammentpré-
cisespour limiter ces risques: il lui suffira de relever que la nature même
de toute arme nucléaireet les risques graves qui lui sont associéssont des

considérations supplémentairesque doivent garder à l'esprit les Etats qui
croient pouvoir exercer une riposte nucléaireen légitimedéfenseen res-
pectant les exigencesde la proportionnalité.
44. Hormis les conditions de nécessitéet de ~ro1ortLonnalité. l'ar-
ticle51 exige spécifiquementque les mesures prises par les Etats dans
l'exercicedu droit de légitime défense soient immédiatement portées à la
connaissance du Conseil de sécurité;cet article dispose en outre que ces
mesures n'affectent en rien le pouvoir et le devoir qu'a le Conseil, en
vertu de la Charte, d'agirà tout moment de la manière qu'iljuge néces-
saire pour maintenir ou rétablir la paix et la sécurité internationales.Ces

prescriptions de l'article1 s'appliquent quels que soient les moyens uti-
lisésen légitimedéfense.
45. La Cour relèvera quele Conseil de sécurité,dans le contexte de la
prorogation du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires,a
adoptéle 11 avril 1995 la résolution 984 (1995),aux termes de laquelle,
d'une part, il

«[p]rend acte avecsatisfaction des déclarations faitespar chacun des
Etats dotésde l'arme nucléaire (SI1995126 1,S119951262 S,I19951263,

S119951264 S,11995/265)d,ans lesquellesceux-ciont donné auxEtats against the use of nuclear weapons to non-nuclear-weapon States
that are Parties to the Treaty on the Non-Proliferation of Nuclear
Weapons",

and, on the other hand, it
"[w]elcomes the intention expressed by certain States that they will
provide or support immediate assistance, in accordance with the
Charter, to any non-nuclear-weapon State Party to the Treaty on the

Non-Proliferation of Nuclear Weapons that is a victim of an act of,
or an object of a threat of, aggression in which nuclear weapons are
used".

46. Certain States asserted that the use of nuclear weapons in the con-
duct of reprisals would be lawful. The Court does not have to examine, in
this context, the question of armed reprisals in time of peace, which are
considered to be unlawful. Nor does it have to pronounce on the ques-
tion of belligerent reprisals save to observe that in any case any right of
recourse to such reprisals would, like self-defence, be governed inter alia
by the principle of proportionality.

47. In order to lessen or eliminate the risk of unlawful attack, States
sometimes signal that they possess certain weapons to use in self-defence
against any State violating their territorial integrity or political inde-

pendence. Whether a signalled intention to use force if certain events
occur is or is not a "threat" within Article 2, paragraph 4, of the Charter
depends upon various factors. If the envisaged use of force is itself un-
lawful, the stated readiness to use it would be a threat prohibited under
Article 2, paragraph 4. Thus it would be illegal for a State to threaten
force to secure territory from another State, or to cause it to follow or
not follow certain political or economic paths. The notions of "threat"
and "use" of force under Article 2, paragraph 4, of the Charter stand
together in the sense that if the use of force itself in a given case is illegal
- for whatever reason - the threat to use such force will likewise be
illegal. In short, if its to be lawful, the declared readiness of a State to
use force must be a use of force that is in conformity with the Charter.

For the rest, no State - whether or not it defended the policy of deter-
rence - suggested to the Court that it would be lawful to threaten to use
force if the use of force contemplated would be illegal.

48. Some States put forward the argument that possession of nuclear
weapons is itself an unlawful threat to use force. Possession of nuclear
weapons may indeed justify an inference of preparedness to use them. In
order to be effective, the policy of deterrence, by which those States pos-
sessing or under the umbrella of nuclear weapons seek to discourage mili-
tary aggression by demonstrating that it will serve no purpose, necessi-
tates that the intention to use nuclear weapons be credible. Whether this non dotésd'armes nucléairesqui sont parties au traité sur la non-
prolifération des armes nucléaires desgaranties de sécuritécontre

l'emploi de telles armes»
et, d'autre part, il

«[s]e féliciteque certains Etats aient exprimél'intention de venir
immédiatement en aide ou de prêter immédiatementun appui,
conformément à la Charte, à tout Etat non doté d'armes nucléaires

partie au traité sur la non-prolifération des armes nucléaires qui
serait victime d'un acte d'agression avec l'emploid'armes nucléaires
ou serait menacé d'une telle agression)).

46. Certains Etats ont soutenu que l'emploi d'armes nucléaires à titre
de représailles serait licite. La Cour n'a pas à se pencher, dans ce
contexte, sur la question des représaillesarméesen temps de paix, qui
sont considéréescomme illicites. Elle n'a pas davantage à se prononcer
sur la question des représailles en temps de conflit armé, sinon pour
observer qu'en tout état de cause tout droit de recourir à de telles repré-
sailles serait, comme le droit de légitime défense, régi,otamment, par le
principe de proportionnalité.
47. En vue de diminuer ou d'éliminerles risques d'agression illicite,les

Etats font parfois savoir qu'ils détiennent certaines armes destinées être
employéesen légitime défensecontre tout Etat qui violerait leur intégrité
territoriale ou leur indépendance politique.La question de savoir si une
intention affichéede recourirà la force, dans le cas où certains événements
seproduiraient, constitue ou non une «menace» au sensde l'article 2,para-
graphe 4, de la Charte est tributaire de divers facteurs. Si l'emploi de la
force envisagé est lui-mêmiellicite, se déclarer prêt y recourir constitue
une menace interdite en vertu de l'article 2, paragraphe 4. Ainsi serait-il
illicite pour un Etat de menacer un autre Etat de recourir à la force pour

obtenir de lui un territoire ou pour l'obligerà suivre ou à ne pas suivre
certaines orientations politiques ou économiques.Lesnotions de «menace»
et d'«emploi» de la force au sens de l'article, paragraphe 4, de la Charte
vont de pair, en ce sens que si, dans un cas donné,l'emploi mêmede la
force est illicite pour quelque raison que ce soit- la menace d'y recou-
rir le sera également. En bref, unEtat ne peut, de manièrelicite, sedéclarer
prêt àemployer la force que si cet emploi est conforme aux dispositions de
la Charte. Du reste, aucun Etat - qu'ilait défenduou non la politique de
dissuasion - n'a soutenu devant la Cour qu'il serait licite de menacer
d'employer la force au cas où l'emploi de la force envisagé serait illicite.

48. Certains Etats ont avancé la thèse selon laquelle la possession
d'armes nucléaires estpar elle-mêmeune menace illicite de recourir à la
force. Il peut en effet êtrejustifié d'inférerde la possession d'armes
nucléairesqu'on est prêt à utiliser celles-ci.Pour êtreefficace,la politique
de dissuasion, par laquelle les Etats qui détiennent des armes nucléaires
ou qui se trouvent sous leur protection cherchent à décourager l'agres-
sion militaire en démontrant que cette dernière ne servira aucun objectif,is a "threat" contrary to Article 2, paragraph 4, depends upon whether
the particular use of force envisaged would be directed against the terri-
torial integrity or political independence of a State, or against the Pur-

poses of the United Nations or whether, in the event that it were
intended as a means of defence, it would necessarily violate the principles
of necessity and proportionality. In any of these circumstances the use of
force, and the threat to use it, would be unlawful under the law of the
Charter.

49. Moreover, the Security Council may take enforcement measures
under Chapter VI1 of the Charter. From the statements presented to it
the Court does not consider it necessary to address questions which
might, in a given case, arise from the application of Chapter VII.
50. The terms of the question put to the Court by the General Assem-
bly in resolution 49175K could in principle also cover a threat or use of
nuclear weapons by a State within its own boundaries. However, this
particular aspect has not been dealt with by any of the States which
addressed the Court orally or in writing in these proceedings. The Court

finds that it is not called upon to deal with an interna1 use of nuclear
weapons.

51. Having dealt with the Charter provisions relating to the threat or

use of force, the Court willnow turn to the law applicable in situations of
armed conflict. It willfirst address the question whether there are specific
rules in international law regulating the legality or illegality ofrecourse to
nuclear weapons pev se; it will then examine the question put to it in the
light of the law applicable in armed conflict proper, i.e. the principles and
rules of humanitarian law applicable in armed conflict, and the law of
neutrality.

52. The Court notes by way ofintroduction that international custom-
ary and treaty law does not contain any specificprescription authorizing
the threat or use of nuclear weapons or any other weapon in general or in
certain circumstances, in particular those of the exercise oflegitimate self-
defence. Nor, however, is there any principle or rule of international law
which would make the legality of the threat or use of nuclear weapons or
of any other weapons dependent on a specificauthorization. State prac-
tice shows that the illegality of the use of certain weapons as such does
not result from an absence of authorization but, on the contrary, is

formulated in terms of prohibition.nécessiteque l'intention d'employer des armes nucléaires soit crédible.
Qu'il y aitlà une «menace» contraire à l'article 2, paragraphe 4, dépend
du fait de savoir si l'emploiprécisde la force envisagéserait dirigécontre
l'intégritéterritoriale ou l'indépendance politique d'un Etat ou irait à
l'encontre desbuts des Nations Unies, ou encore si, dans l'hypothèse où

il serait conçu comme un moyen de défense,il violerait nécessairementles
principes de nécessitéet de proportionnalité. Dans l'un et l'autre cas, non
seulement l'emploi de la force, mais aussi la menace de l'employer,
seraient illicites selon le droit de la Charte.
49. Par ailleurs, le Conseil de sécurité peutprendre des mesures coer-
citives en vertu du chapitre VI1 de la Charte. Au vu des exposésqui lui
ont été présentés, Claour n'estimepas nécessairede traiter des questions
que pourrait soulever, dans un cas donné,l'application du chapitre VII.
50. Les termes de la question posée à la Cour par l'Assembléegénérale
dans la résolution49/75K pourraient aussi, en principe, couvrir la menace
ou l'emploi d'armes nucléairespar un Etat à l'intérieur deses propres
frontières. En l'espèce,aucun Etat n'a cependant traitéde cet aspect par-
ticulier de la question dans ses écrituresou lors des audiences. La Cour

considère qu'elle n'est pas appelée à examiner la question d'un emploi
d'armes nucléairesau plan interne.

51. La Cour, après avoir examinéles dispositions de la Charte rela-

tivesà la menace ou à l'emploi dela force, se penchera maintenant sur le
droit applicable dans les situations de conflit armé.Elle traitera d'abord
de la question de savoir s'ilexiste en droit international des règles spéci-
fiques qui régissentla licéiou l'illicéitdu recours aux armes nucléaires
en tant que telles; elle passera ensuiàel'examen de la question qui lui a
étéposée à la lumièredu droit applicable dans les conflits arméspropre-
ment dit, c'est-à-dire des principes et règlesdu droit humanitaire appli-
cable dans lesdits conflits ainsi que du droit de la neutralité.

52. La Cour rappellera àtitre liminaire qu'il n'existe aucune prescrip-
tion spécifiquede droit international coutumier ou conventionnel qui
autoriserait la menace ou l'emploi d'armes nucléairesou de quelque autre
arme, en générao l u dans certaines circonstances, en particulier lorsqu'il y
a exercicejustifiéde la légitimedéfense.Il n'existecependant pas davan-
tage de principe ou de règle de droit international qui ferait dépendre
d'une autorisation particulière la licéitéde la menace ou de l'emploi
d'armes nucléaires oude toute autre arme. La pratique des Etats montre

que l'illicéitde l'emploi de certaines armes en tant que telles ne résulte
pas d'une absenced'autorisation, mais se trouve au contraire formuléeen
termes de prohibition. 53. The Court must therefore now examine whether there is any pro-
hibition of recourse to nuclear weapons as such; it will first ascertain
whether there is a conventional prescription to this effect.
54. In this regard, the argument has been advanced that nuclear
weapons should be treated in the same way as poisoned weapons. In that
case, they would be prohibited under:
(a) the Second Hague Declaration of 29 July 1899,which prohibits "the
use of projectiles theobject of which is the diffusion of asphyxiating

or deleterious gases" ;
(b) Article 23 (a) of the Regulations respecting the laws and customs of
war on land annexed to the Hague Convention IV of 18 October
1907,whereby "it is especially forbidden: . .. to employ poison or
poisoned weapons" ; and
(c) the Geneva Protocol of 17June 1925which prohibits "the use in war
of asphyxiating, poisonous or other gases, and of al1 analogous
liquids, materials or devices".

55. The Court will observe that the Regulations annexed to the Hague
Convention IV do not define what is to be understood by "poison or
poisoned weapons" and that different interpretations exist on the issue.
Nor does the 1925Protocol specify the meaning to be given to the term
"analogous materials or devices". The terms have been understood, in
the practice of States, in their ordinarysense as covering weapons whose
prime, or even exclusive, effectis to poison or asphyxiate. This practice is
clear, and the parties to those instruments have not treated them as refer-
ring to nuclear weapons.
56. In view of this. it does not seem to the Court that the use of
nuclear weapons can bé regarded as specificallyprohibited on the basis of
the above-mentioned provisions of the Second Hague Declaration of
1899,the Regulations annexed to the Hague Convention IV of 1907 or

the 1925Protocol (see paragraph 54 above).
57. Thepattern until now has been for weapons of mass destruction to
be declared illegal by specificinstruments. The most recent such instru-
ments are the Convention of 10 April 1972 on the Prohibition of the
Development, Production and Stockpiling of Bacteriological (Biological)
and Toxin Weapons and on Their Destruction - which prohibits the
possession of bacteriological and toxic weapons and reinforces the pro-
hibition of their use - and the Convention of 13 January 1993 on the
Prohibition of the Development, Production, Stockpiling and Use of
Chemical Weapons and on Their Destruction - which prohibits al1use
of chemicalweapons and requires the destruction of existingstocks. Each
of these instruments has been negotiated and adopted in its own context
and for its own reasons. The Court does not find any specificprohibition
of recourse to nuclear weapons in treaties expresslyprohibiting the use of
certain weaDons of mass destruction.

58. In the last two decades, a great many negotiations have been con-
ducted regarding nuclear weapons; they have not resulted in a treaty of MENACEOU EMPLOI D'ARMES NUCLÉAIRES (AVISCONSULTATIF)248

53. La Cour doit donc se pencher sur la question de savoir s'il existe
une interdiction de recourir aux armes nucléaires entant que telles; elle
recherchera d'abord s'ilexiste une prescription conventionnelleà cet effet.
54. A cet égard,il a étéavancéque les armes nucléairesdevraient être
traitées dela mêmemanière que les armes empoisonnées. Auquel cas,
elles seraient prohibées:

a) par la deuxièmedéclaration deLa Haye du 29juillet 1899qui interdit
«l'emploi de projectiles qui ont pour but unique de répandredes gaz
asphyxiants ou délétères));
b) par l'article 23 a) du règlementconcernant les lois et coutumes de la
guerre sur terre, annexéà la convention IV de La Haye du 18octobre

1907, selon lequel «il est notamment interdit : ..d'employer du poi-
son ou des armes empoisonnées »;
c) par le protocole de Genèvedu 17juin 1925qui interdit ((l'emploi à la
guerre de gaz asphyxiants, toxiques ou similaires, ainsi que de tous
liquides, matières ou procédésanalogues)).

55. La Cour fera observer que le règlementannexé à la convention IV
de La Haye ne définitpas ce qu'il faut entendre par «du poison ou des
armes empoisonnées))et que des interprétations divergentes existent sur
ce point. Le protocole de 1925ne précisepas davantage le sens à donner
aux termes ((matières ou procédésanalogues)). Dans la pratique des
Etats. ces termes ont étéentendus dans leur sens ordinaire comme cou-
vrant des armes dont l'effet premier,ou même exclusif,estd'empoisonner
ou d'asphyxier. Ladite pratique est claire et les parties a ces instruments
ne les ont pas considéréscomme visant les armes nucléaires.
56. En considérationde ce qui précède,il n'apparaît pas à la Cour que

l'emploi d'armes nucléaires puisseêtre regardé commespécifiquement
interdit sur la base des dispositions susmentionnéesdela deuxième décla-
ration de 1899,du règlement annexé à la convention IV de 1907 ou du
protocole de 1925(voir paragraphe 54 ci-dessus).
57. La tendance a été jusqu'à présent,en ce qui concerne les armes de
destruction massive, de les déclarer illicites grâceà l'adoption d'instru-
ments spécifiques. Les plus récents de ces instruments sont la convention
du 10avril 1972sur l'interdiction de la mise au point, de la fabricationet
du stockage des armes bactériologiques(biologiques) ou à toxines et sur
leur destruction- qui interdit la détention d'armes bactériologiquesou à

toxines et renforce l'interdiction de leur utilisat-onet la convention du
13janvier 1993sur l'interdiction dela mise au point, de la fabrication, du
stockage et de l'emploi desarmes chimiques et sur leur destruction - qui
interdit tout recours aux armes chimiques et exige la destruction des
stocks existants.Chacun de cesinstruments a été négocié et adoptédans un
contexte propre et pour desmotifs propres. La Cour ne trouve pas d'inter-
diction spécifiquedu recours aux armes nucléairesdans lestraités quipro-
hibent expressément l'emploi de certaines armes de destruction massive.
58. Au cours des deux dernières décennies,de nombreuses négocia-

tions ont étémenéesau sujet des armes nucléaires;ellesn'ont pas aboutigeneral prohibition of the same kind as for bacteriological and chemical
weapons. However, a number of specifictreaties have been concluded in
order to limit:

(a) the acquisition, manufacture and possession of nuclear weapons
(Peace Treaties of 10February 1947; State Treaty for the Re-estab-
lishment of an Independent and Democratic Austria of 15 May
1955; Treaty of Tlatelolco of 14 February 1967for the Prohibition
of Nuclear Weapons in Latin America, and its Additional Proto-
cols; Treaty of 1 July 1968 on the Non-Proliferation of Nuclear

Weapons; Treaty of Rarotonga of 6 August 1985 on the Nuclear-
Weapon-FreeZone of the South Pacific,and its Protocols; Treaty of
12September 1990on the Final Settlement with respect to Germany);
(b) the deployment of nuclear weapons (AntarcticTreaty of 1December
1959;Treaty of 27 January 1967on Principles Governing the Activi-
ties of States in the Exploration and Use of Outer Space, including
the Moon and Other CelestialBodies; Treaty of Tlatelolco of 14Feb-
ruary 1967for the Prohibition of Nuclear Weapons in Latin America,
and its Additional Protocols; Treaty of 11 February 1971 on the
Prohibition of the Emplacement of Nuclear Weapons and Other
Weapons of Mass Destruction on the Sea-Bed and the Ocean Floor
and in the Subsoil Thereof; Treaty of Rarotonga of 6 August 1985
on the Nuclear-Weapon-Free Zone of the South Pacific,and its Pro-

tocols); and
(c) the testing of nuclear weapons (Antarctic Treaty of 1 December
1959; Treaty of 5 August 1963 Banning Nuclear Weapon Tests in
the Atmosphere, in Outer Space and under Water; Treaty of 27 Jan-
uary 1967 on Principles Governing the Activities of States in the
Exploration and Use of Outer Space, including the Moon and Other
Celestial Bodies; Treaty of Tlatelolco of 14 February 1967 for the
Prohibition of Nuclear Weapons in Latin America, and its Addi-
tional Protocols; Treaty of Rarotonga of 6 August 1985 on the
Nuclear-Weapon-Free Zone of the South Pacific, and its Protocols).

59. Recourse to nuclear weapons is directly addressed by two of these
Conventions and also in connection with the indefinite extension of the
Treaty on the Non-Proliferation of Nuclear Weapons of 1968 :

(a) the Treaty of Tlatelolco of 14 February 1967for the Prohibition of
Nuclear Weapons in Latin America prohibits, in Article 1,the use of
nuclear weapons by the Contracting Parties. It further includes an
Additional Protocol II open to nuclear-weapon States outside the
region, Article 3 of which provides:
"The Governments represented by the undersigned Plenipo-
tentiaries also undertake not to use or threaten to use nuclear
weapons against the Contracting Parties of the Treaty for the

Prohibition of Nuclear Weapons in Latin America."à un traitéd'interdiction générale du mêmetype que pour les armes bac-
tériologiques et chimiques. Cependant, plusieurs traités spécifiquesont
étéconclus en vue de limiter:

a) l'acquisition, la fabrication et la possession d'armes nucléaires (traités
de paix du 10février1947; traitéd'Etat du 15mai 1955portant réta-
blissement d'une Autriche indépendante et démocratique; traité de
Tlatelolco du 14février1967visant l'interdiction des armes nucléaires
en Amérique latine,et sesprotocoles additionnels; traité du le'juillet
1968 sur la non-prolifération des armes nucléaires;traité de Raro-
tonga du 6 août 1985sur la zone dénucléariséd eu Pacifique Sud, et
sesprotocoles; traité du 12septembre 1990portant règlementdéfinitif
concernant l'Allemagne) ;
b) le déploiement d'armes nucléaires (traité du le' décembre 1959 sur
l'Antarctique; traité du 27janvier 1967sur les principes régissantles
activités desEtats en matière d'exploration et d'utilisation del'espace

extra-atmosphérique, y compris la Lune et les autres corps célestes;
traitéde Tlatelolco du 14 février1967visant l'interdiction des armes
nucléaires en Amérique latine,et ses protocoles additionnels; traité
du 11 février 1971 interdisant de placer des armes nucléaires et
d'autres armes de destruction massive sur le fond des mers et des
océans ainsique dans leur sous-sol; traité de Rarotonga du 6 août
1985sur la zone dénucléariséd eu Pacifique Sud, et ses protocoles);

c) les essais nucléaires(traité du le' décembre1959 sur l'Antarctique;
traité du 5 août 1963 interdisant les essais d'armes nucléairesdans
l'atmosphère, dans l'espace extra-atmosphérique et sous l'eau; traité

du 27janvier 1967sur les principes régissantles activités desEtats en
matière d'exploration et d'utilisation de l'espace extra-atmosphérique,
y compris la Lune et les autres corps célestes;traitéde Tlatelolco du
14février1967visant l'interdiction des armes nucléairesen Amérique
latine, et ses protocoles additionnels; traité de Rarotonga du 6 août
1985sur la zone dénucléariséd eu Pacifique Sud, et ses protocoles).

59. Il a ététraité directement du recours aux armes nucléairesdans
deux de ces conventions, ainsi que dans le contexte de la prorogation illi-
mitéedu traitéde 1968sur la non-prolifération des armes nucléaires:

a) Le traité de Tlatelolco du 14 février 1967 visant l'interdiction des
armes nucléairesen Amérique latine prohibe, en son article premier,
l'emploi des armes nucléairespar les parties contractantes; il com-
porte en outre un protocole additionnel II ouvert aux Etats dotés
d'armes nucléaires extérieursà la région,dont l'article 3 dispose:
«Les gouvernements représentéspar les plénipotentiaires sous-
signéss'engagent en outre a ne recourir ni à l'emploi d'armes
nucléairesni à la menace de leur emploi contre les parties contrac-

tantes au traitévisant l'interdiction des armes nucléairesen Amé-
rique latine)> The Protocol was signed and ratified by the five nuclear-weapon
States. Its ratification was accompanied by a variety of declarations.
The United Kingdom Government, for example, stated that "in the
event of any act of aggression by a Contracting Party to the Treaty
in which that Party was supported by a nuclear-weapon State", the
United Kingdom Government would "be free to reconsider the
extent to which they could be regarded as committed by the provi-
sions of Additional Protocol II". The United States made a similar

statement.The French Government, for its part, stated that it "inter-
prets the undertaking made in article 3 of the Protocol as being with-
out prejudice to the full exercise of the right of self-defence con-
firmed by Article 51 of the Charter". China reaffirmed its commit-
ment not to be the first to make use of nuclear weapons. The Soviet
Union reserved "the right to review" the obligations imposed upon it
by Additional Protocol II, particularly in the event of an attack by a
State party either "in support of a nuclear-weapon State or jointly
with that State".None of these statements drew comment or objec-
tion from the parties to the Treaty of Tlatelolco.

(b) the Treaty of Rarotonga of 6 August 1985 establishes a South
Pacific Nuclear Free Zone in which the Parties undertake not to
manufacture, acquire or possess any nuclear explosive device
(Art. 3). Unlike the Treaty of Tlatelolco, the Treaty of Rarotonga
does not expresslyprohibit the use of such weapons. But such a pro-
hibition is for the States parties the necessary consequence of the

prohibitions stipulated by the Treaty. The Treaty has a number of
protocols. Protocol2, open to the fivenuclear-weapon States, speci-
fies in its Article 1 that:
"Each Party undertakes not to use or threaten to use any
nuclear explosive device against :

(a) Parties to the Treaty; or
(b) any territory within the South Pacific Nuclear Free Zone for
which a State that has become a Party to Protocol 1is inter-
nationally responsible."
China and Russia are parties to that Protocol. In signing it, China
and the SovietUnion each made a declaration by which they reserved
the "right to reconsider" their obligations under the said Protocol;
the Soviet Union also referred to certain circumstances in which it
would consider itself released from those obligations. France, the
United Kingdom and the United States, for their part, signed Pro-
tocol 2 on 25 March 1996,but have not yet ratified it. On that occa-

sion, France declared, on the one hand, that no provision in that
Protocol "shall impair the full exercise of the inherent right of self-
defence provided for in Article 51 of the . . Charter" and, on the
other hand, that "the commitment set out in Article 1 of [that] Pro-
tocol amounts to the negative securityassurances givenby France to MENACE OU EMPLOI D'ARMES NUCLÉAIRES (AVICSONSULTATIF) 250

Le protocole a étésignéet ratifiépar les cinq Etats dotés d'armes nu-
cléaires. Sa ratification a été accompagnée de déclarations diverses.
Le Royaume-Uni, par exemple, a déclaréque, «dans le cas d'un acte
d'agression quelconque commis par une partie contractante au traité
avec l'appui d'un Etat doté d'armes nucléaires)),le Gouvernement
britannique ((serait libre de reconsidérer la mesure dans laquelle il
pourrait êtreréputé engagé par les dispositions du protocole addi-
tionnel II)). Les Etats-Unis ont fait une déclaration similaire. Le
Gouvernement français a pour sa part déclaré qu'i(l(interprètel'enga-
gement énoncé à l'article 3 du protocole comme ne faisant pas obs-
tacle au plein exercicedu droit de légitimedéfense confirmépar l'ar-
ticle 51de la Charte)). La Chine a réaffirméson engagement dene pas

êtrela première à faire usage des armes nucléaires. L'Union sovié-
tique s'est réservé«le droit de réexaminer))les obligations que lui
impose le protocole additionnel II, notamment en cas d'agression
perpétréepar un Etat partie au traité «soit conjointement avec un
Etat doté d'armes nucléaires, soitpour aider un tel Etat.Aucune de
ces déclarations n'a suscité de commentaire ni d'objectionde la part
des parties au traitéde Tlatelolco.
b) Le traitéde Rarotonga du 6 août 1985créedans le Pacifique Sud une
zone dénucléariséd eans laquelle les parties s'engagentne pas fabri-
quer, acquérirou posséder quelque dispositifexplosif nucléaireque ce
soit (art.). A la différencedu traitéde Tlatelolco, le traitéde Raro-

tonga ne prohibe pas expressément l'emploide ces armes. Mais une
telle prohibition est pour les Etats parties la conséquence nécessaire
des interdictions prononcées par le traité. Le traité comporte divers
protocoles. Le protocole 2, ouvert aux cinq Etats dotés d'armes
nucléaires,précise, enson article premier, que:
«Chaque partie s'engage à ne pas utiliser ou menacer d'utiliser
un dispositif explosif nucléaire quelconquecontre:

a) des parties au traité; ou
b) tout territoire situà l'intérieur dela zone dénucléarisée du
Pacifique Sud dont un Etat qui est devenu partie au protocole 1
est internationalement responsable.))

La Chine et la Russie sont parties à ce protocole. En le signant, la
Chine et l'Union soviétique ont chacune fait une déclaration par
laquelle elles se sont réservéle «droit de réexaminer)) leurs obliga-
tions en vertu dudit protocole; l'Union soviétique s'est en outre
référée à certaines circonstances dans lesquelles elle se considérerait
comme dégagée deces obligations. Les Etats-Unis, la France et le
Royaume-Uni ont, pour leur part, signéle protocole 2 le 25 mars
1996,mais ne l'ont pas encore ratifié.A cette occasion, la France a
déclaré, d'unepart, qu'aucune disposition de ce protocolene saurait
porter atteinte au plein exercice du droit naturel de légitimedéfense
prévu à l'article 51 de la Charte)),et, d'autre part, que ((l'engagement
énoncé à l'article premier [dudit] protocole équivaut aux garanties251 THREAT OR USE OF NUCLEAR WEAPONS (ADVISOR OPINION)

non-nuclear-weapon States which are parties to the Treaty on . ..
Non-Proliferation", and that "these assurances shall not apply to
States which arenot parties" to that Treaty. For its part, the United
Kingdom made a declaration setting out the precise circumstances in
which it "will not be bound by [its]undertaking under Article 1" of

the Protocol.
(c) as to the Treaty on the Non-Proliferation of Nuclear Weapons, at
the time of its signing in 1968the United States, the United King-
dom and the USSR gave various security assurances to the non-
nuclear-weapon States that were parties to the Treaty. In resolu-
tion 255 (1968)the Security Council took note with satisfaction of
the intention expressed by those three States to
"provide or support immediate assistance, in accordance with the
Charter, to any non-nuclear-weapon State Party to the Treaty on
the Non-Proliferation .. .that is a victim of an act of, or an object
of a threat of, aggression in which nuclear weapons are used".

On the occasion of the extension of the Treaty in 1995, the five
nuclear-weapon States gave their non-nuclear-weapon partners, by
means of separate unilateral statements on 5 and 6 April 1995,
positive and negative security assurances against the use of such
weapons. Al1the five nuclear-weapon States first undertook not to
use nuclear weapons against non-nuclear-weapon States that were
parties to the Treaty on the Non-Proliferation of Nuclear Weap-
ons. However, these States, apart from China, made an exception
in the case of an invasion or any other attack against them, their
territories, armed forces or allies, or on a State towards which they
had a security commitment, carried out or sustained by a non-

nuclear-weapon State party to the Non-Proliferation Treaty in
association or alliance with a nuclear-wea~on State. Each of the
nuclear-weapon States further undertook, as a permanent member
of the Security Council, in the event of an attack with the use of
nuclear weapons, or threat of such attack, against a non-nuclear-
weapon State, to refer the matter to the Security Council without
delay and to act within it in order that it might take immediate
measures with a view to supplying, pursuant to the Charter, the
necessary assistance to the victim State (the commitments assumed
comprising minor variations in wording). The Security Council, in
unanimously adopting resolution 984 (1995) of 11April 1995,cited
above, took note of those statements with appreciation. It also
recognized

"that the nuclear-weapon State permanent members of the Secu-
rity Council will bring the matter immediately to the attention of
the Council and seek Council action to provide, in accordance
with the Charter, the necessary assistance to the State victim"; négatives de sécurité accordéep sar la France aux Etats non dotés
d'armes nucléaires partiesau traité sur la non-prolifération)), et que
«ces garanties ne sauraient s'appliqueà des Etats non parties))à ce
traité.Quant au Royaume-Uni, il a fait une déclarationpar laquelle il
a préciséles circonstances dans lesquelles ilne serait pas liépar ses
engagements au titre de l'article premier)) du mêmeprotocole.
c) En ce qui concerne le traité sur la non-prolifération des armes nu-
cléaires,les Etats-Unis, le Royaume-Uni et l'URSS avaient donné,
lors de la signature du traitéen 1968,diversesgaranties de sécurité aux
Etats non dotés d'armes nucléaires quiy étaient parties. Dans sa

résolution255 (1968),le Conseil de sécuritéavait accueilli avec satis-
faction l'intention expriméepar ces trois Etats
«de fournir ou d'appuyer une assistance immédiate, conformément
àla Charte, àtout Etat non dotéd'armes nucléaires partieau traité
sur la non-prolifération...qui serait victime d'un acte ou l'objet
d'une menace d'agression avec emploi d'armes nucléaires».

A l'occasion de la prorogation du traité en 1995, les cinq Etats
dotés d'armes nucléaires ont, par des déclarations unilatérales dis-
tinctes des 5 et 6 avril 1995. donné à leurs arte en airesnon dotés
d'armes nucléaires des garanties de sécurité positives et négatives
contre l'emploi de telles armes. Les cinq Etats dotés d'armes nu-
cléairesse sont tous, en premier lieu, engagéàne pas utiliser d'armes
nucléaires contre des Etats non dotés de telles armes, parties au
traité sur la non-prolifération des armes nucléaires. Toutefois ces

Etats, hormis la Chine, ont formuléune exception concernant le cas
d'une invasion ou de toute autre attaque menéeou soutenue contre
eux, leur territoire, leurs forces armées ou leurs alliés,ou contre un
Etat envers lequel ils auraient un engagement de sécurité,par un
Etat non dotéd'armes nucléaires,partie au traité sur la non-proli-
fération. en alliance ou en association avec un Etat doté d'armes
nucléaires.En tant que membre permanent du conseil de sécurité,
chacun des Etats dotésd'armes nucléairess'est engagéen deuxième
lieu, en cas d'agression avec emploi d'armes nucléaires,ou de menace
d'une telle agression à l'encontre d'un Etat non doté d'armes nu-
cléaires,à saisir sans délaile Conseil de sécuritéeàagir en son sein

pour que celui-ci prenne des mesures immédiates en vue de fournir,
conformément à la Charte, l'assistance nécessaireà 1'Etat victime
(les formules employéesvariant légèrement). Le Conseilde sécurité,
en adoptant à l'unanimité sa résolution984 (1995)précitéedu 11avril
1995,a pris acte avec satisfaction de ces déclarations.l a également
reconnu
«que les Etats dotésd'armes nucléairesqui sont membres perma-

nents du Conseil de sécuritéporteront immédiatement la question à
l'attention du Conseil et s'emploierontà obtenir que celui-ci four-
nisse, conformément à la Charte, l'assistancenécessairà1'Etatvic-
time )) and welcomed the fact that
"the intention expressed by certain States that they willprovide or
support immediate assistance, in accordance with the Charter, to
any non-nuclear-weapon State Party to the Treaty on the Non-

Proliferation of Nuclear Weapons that is a victim of an act of, or
an object of a threat of, aggression in which nuclear weapons are
used".
60. Those States that believe that recourse to nuclear weapons is illegal

stress that the conventions that include various rules providing for the
limitation or elimination of nuclear weapons in certain areas (such as the
Antarctic Treaty of 1959 which prohibits the deployment of nuclear
weapons in the Antarctic, or the Treaty of Tlatelolco of 1967which cre-
ates a nuclear-weapon-free zone in Latin America) or the conventions
that apply certain measures of control and limitation to the existence of
nuclear weapons (such as the 1963Partial Test-Ban Treaty or the Treaty
on the Non-Proliferation of Nuclear Wea~oLs) a11set limits to the use of
nuclear weapons. In their view, these treaties bear witness, in their own
way, to the emergence of a rule of complete legal prohibition of al1uses
of nuclear weapons.

61. Those States who defend the position that recourse to nuclear
weapons is legal in certain circumstances see a logical contradiction in
reaching such a conclusion. According to them, those Treaties, such as
the Treaty on the Non-Proliferation of Nuclear Weapons, as well as
Security Council resolutions 255 (1968) and 984 (1995)which take note
of the security assurances given by the nuclear-weapon States to the non-
nuclear-weapon States in relation to any nuclear aggression against the
latter, cannot be understood as prohibiting the use of nuclear weapons,
and such a claim is contrary to the very text of those instruments. For
those who support the legality in certain circumstances of recourse to
nuclear weapons, there is no absolute prohibition against the use of such
weapons. The very logic and construction of the Treaty on the Non-Pro-

liferation of Nuclear Weapons, they assert, confirm this. This Treaty,
whereby, they contend, the possession of nuclear weapons by the five
nuclear-weapon Stateshas been accepted, cannot be seen as a treaty ban-
ning their use by those States; to accept the fact that those States possess
nuclear weapons is tantamount to recognizing that such weapons may be
used in certain circumstances. Nor, they contend, could the security
assurances given by the nuclear-weapon States in 1968,and more recently
in connection with the Review and Extension Conference of the Parties
to the Treaty on the Non-Proliferation of Nuclear Weapons in 1995,
have been conceived without its being supposed that there were circum-
stances in which nuclear weapons could be used in a lawful manner. For

those who defend the legality of the use, in certain circumstances, of
nuclear weapons, the acceptance of those instruments by the different
non-nuclear-weapon States confirms and reinforces the evident logic
upon which those instruments are based. et s'est félicde ce
«que certains Etats aient exprimél'intention de venir immédiate-
ment en aide ou de prêter immédiatemenu t n appui, conformément

à la Charte,à tout Etat non dotéd'armes nucléairespartie au traité
sur la non-prolifération des armes nucléairesqui serait victime d'un
acte d'agression avec emploid'armes nucléairesou serait menacé
d'une telle agression».
60. Les Etats qui estiment que le recours aux armes nucléaires est illi-

cite soulignent que lesconventions qui comportent diversesrèglesde limi-
tation ou d'élimination de l'armenucléairedans des espaces déterminés
(comme le traitéde 1959sur l'Antarctique qui interdit le déploiementdes
armes nucléairesdans l'Antarctique, ou le traitéde Tlatelolco de 1967qui
créeune zone exempte d'armes nucléaires en Amérique latine) et les
conventions qui appliquent des mesures de contrôle et de limitation à
l'existence desarmes nucléaires (commele traitéde 1963sur l'interdiction
partielle desessaisnucléairesou le traité surla non-proliférationdes armes
nucléaires)fixent toutes des limitesà l'emploi d'armes nucléaires. Selon
eux, ces traités témoignentà leur manière de l'émergencd e'une norme de
prohibition juridique complète detoute utilisation d'armes nucléaires.
61. Les Etats qui soutiennent que le recours aux armes nucléaires est
licite dans certaines circonstances voient une contradiction logique dans

une telleconclusion. Selon euxcestraités,tel le traité surla non-proliféra-
tion des armes nucléaires, demêmeque les résolutions255 (1968)et 984
(1995)du Conseil de sécurité, quiprennent acte des garanties de sécurité
donnéespar les Etats dotésd'armes nucléairesaux Etats qui n'ensont pas
dotés en cas d'agression nucléairc eontre ces derniers, ne sauraient être
compris commeprohibant l'emploid'armesnucléaires;et une tellepréten-
tion serait contrairà la lettre même decesinstruments. Pour lespartisans
de la licéitdu recours aux armes nucléairesdans certaines circonstances,il
n'existeaucune interdiction absolue d'utiliser detellesarmes. La logique et
la structure mêmesdu traité surla non-proliférationdes armes nucléaires
le confirment. Ce traité,aux termes duquel, soutiennent-ils, la possession
d'armes nucléairespar les cinq Etats qui en sont dotésa été acceptée n,e
saurait êtreregardé comme untraitéqui en proscrirait l'emploi par ces
mêmesEtats; admettre le fait que ces Etats possèdent l'arme nucléaire

reviendraità reconnaître que cette arme peut être employéd eans certaines
circonstances. Quant aux garanties de sécurité donnéepsar les Etats dotés
d'armes nucléaires en1968 et, plus récemment,dans le contexte de la
conférence de1995des parties au traité surla non-proliférationdes armes
nucléaires chargée d'examinelre traitéet la question de sa prorogation,
ellesne pourraient davantage être conçues sans présupposer qu'eixl iste des
circonstances dans lesquellesdes armes nucléairespourraient êtreutilisées
de manière licite.Pour les défenseursde la licéité du recours aux armes
nucléairesdans certaines circonstances, l'acceptation desinstruments sus-
viséspar les différentsEtats non dotésd'armes nucléaires confirmerait et
renforcerait la logique évidentesur laquelle se fondent ces instruments. 62. The Court notes that the treaties dealing exclusivelywith acquisi-
tion, manufacture, possession, deployment and testing of nuclear
weapons, without specifically addressing their threat or use, certainly
point to an increasing concern in the international community with these
weapons; the Court concludes from this that these treaties could there-
fore be seen as foreshadowing a future general prohibition of the use
of such weapons, but they do not constitute such a prohibition by them-
selves.As to the treaties of Tlatelolco and Rarotonga and their Protocols,

and also the declarations made in connection with the indefinite extension
of the Treaty on the Non-Proliferation of Nuclear Weapons, it emerges
from these instruments that :
(a) a number of States have undertaken not to use nuclear weapons in
specificzones (Latin America; the South Pacific) or against certain
other States (non-nuclear-weapon States which are parties to the

Treaty on the Non-Proliferation of Nuclear Weapons) ;
(b) nevertheless, even within this framework, the nuclear-weapon States
have reserved the right to use nuclear weapons in certain circum-
stances; and
(c) these reservations met with no objection from the parties to the
Tlatelolco or Rarotonga Treaties or from the Security Council.

63. These two treaties, the security assurances given in 1995 by the
nuclear-weapon States and the fact that the Security Council took note of
them with satisfaction, testify to a growing awareness of the need to
liberate the community of States and the international public from the
dangers resultingfrom the existenceof nuclear weapons. The Court more-
over notes the signing, even more recently, on 15 December 1995, at
Bangkok, of a Treaty on the Southeast Asia Nuclear-Weapon-Free Zone,
and on 11April 1996,at Cairo, of a treaty on the creation of a nuclear-
weapons-free zone in Africa. It does not, however, viewthese elements as
amounting to a comprehensive and universal conventional prohibition
on the use, or the threat of use, of those weapons as such.

64. The Court will now turn to an examination of customary interna-
tional law to determine whether a prohibition of the threat or use of
nuclear weapons as such flowsfrom that source of law. As the Court has
stated, the substance of that law must be "looked for primarily in the
actual practice and opinio juris of States" (Continental Shelf (Libyan
Arab Jarnahiriya/Malta), Judgment, 1.C.J. Reports 1985, p. 29,
para. 27).
65. States which hold the view that the use of nuclear weapons is ille-
gal have endeavoured to demonstrate the existence of a customary rule
prohibiting this use. They refer to a consistent practice of non-utilization
of nuclear weapons by States since 1945and they would see in that prac- MENACEOU EMPLOI D'ARMES NUCLÉAIRES (AVISCONSULTATIF)253

62. La Cour note que les traités quiportent exclusivementsur l'acquisi-
tion, la fabrication, la possession, le déploiement et la mise à l'essai
d'armes nucléairess,anstraiter spécifiquementde la menace ou de l'emploi
de cesarmes, témoignent manifestement despréoccupations quecesarmes
inspirent de plus en plusà la communauté internationale; elle en conclut
que ces traités pourraient en conséquenceêtreperçus comme annonçant
une future interdiction généralede l'utilisation desdites armes, mais ne

comportent pas en eux-mêmes une telleinterdiction. Pour ce qui est des
traités de Tlatelolco et de Rarotonga et leurs protocoles, ainsi que des
déclarationsfaites dans le contextede la prorogation illimitéedu traité sur
la non-prolifération des armes nucléaires,il ressort de ces instruments:
a) qu'un certain nombre d'Etats se sont engagés à ne pas employer
d'armes nucléairesdans certaines zones (Amérique latine, Pacifique

Sud) ou contre certains autres Etats (Etatsnon dotés d'armes nucléaires
parties au traité sur la non-prolifération des armes nucléaires);
b) que toutefois, mêmedans ce cadre, les Etats dotésd'armes nucléaires
se sont réservéle droit de recourirces armes dans certaines circons-
tances;
c) que ces réservesn'ont suscitéaucune objection de la part des parties
aux traitésde Tlatelolco ou deRarotonga, ou de la part du Conseil de
sécurité.

63. Ces deux traités,les garanties de sécuritédonnéesen 1995par les
Etats dotés d'armesnucléaireset le fait que le Conseil de sécurité enait
pris acte avec satisfaction montrent quel'on se rend de mieux en mieux
compte de la nécessité d'affranchir la communauté des Etats et le grand
public international des dangers qui résultent de l'existence des armes
nucléaires.La Cour relève d'ailleursque tout récemmentencore ont été
signés,le 15décembre1995, à Bangkok, un traité surla dénucléarisation
du Sud-Est asiatique, et le 11avril 1996,au Caire, un traité sur une zone
exempte d'armes nucléaires enAfrique. Ellene regarde cependant pas ces
élémentscomme constitutifd s'uneinterdiction conventionnelle complète et
universelled'emploi ou de menace d'emploi decesarmes en tant que telles.

64. La Cour passera maintenant à l'examen du droit international
coutumier à l'effet d'établirsi on peut tirer de cette source de droit une
interdiction de la menace ou de l'emploi desarmes nucléaires entant que
telles. Ainsi que la Cour l'a déclaré, lasubstance du droit international
coutumier doit ((êtrerecherchéeen premier lieu dans la pratique effective
et l'opinio juris des Etats» (Plateau continental (Jarnahiriyu arabe
libyenne/Malte), arrêt, C.I.J. Recueil 1985, p. 29, par. 27).
65. Les Etats qui soutiennent que l'utilisation d'armes nucléaires est
illicite se sont employésà démontrer l'existence d'une règlecoutumière
portant interdiction de cette utilisation. Ils se réfèreàtune pratique
constante de non-utilisation des armes nucléairespar les Etats depuistice the expression of an opinio juris on the part of those who possess
such weapons.
66. Some other States, which assert the legality of the threat and use of
nuclear weapons in certain circumstances, invoked the doctrine and prac-
tice of deterrence in support of their argument. They recall that they have
always, in concert with certain other States, reserved the right to use
those weapons in the exercise of the right to self-defence against an
armed attack threatening their vital security interests. In their view, if
nuclear weapons have not been used since 1945,it is not on account of an
existing or nascent custom but merely because circumstances that might
justify their use have fortunately not arisen.

67. The Court does not intend to pronounce here upon the practice
known as the "policy of deterrence". It notes that it is a fact that a
number of States adhered to that practice during the greater part of the
Cold War and continue to adhere to it. Furthermore, the members of the
international community are profoundly divided on the matter of whether
non-recourse to nuclear weapons over the past 50 years constitutes the
expression of an opiniojuris. Under these circumstances the Court does
not consider itself able to find that there is such an opiniojuris.

68. According to certain States, the important seriesof General Assem-
bly resolutions, beginning with resolution 1653 (XVI) of 24 November
1961, that deal with nuclear weapons and that affirm, with consistent
regularity, the illegality of nuclear weapons, signify the existence of a
rule of international customary law which prohibits recourse to those
weapons. According to other States, however, the resolutions in question
have no binding character on their own account and are not declaratory
of any customary rule of prohibition of nuclear weapons; some of these
States have also pointed out that this series of resolutions not only did

not meet with the approval of al1 of the nuclear-weapon States but of
many other States as well.
69. States which consider that the use of nuclear weapons is illegal
indicated that those resolutions did not claim to create any new rules, but
were confined to a confirmation of customary law relating to the prohibi-
tion of means or methods of warfare which, by their use, overstepped the
bounds of what is permissible in the conduct of hostilities. In their view,
the resolutions in question did no more than apply to nuclear weapons
the existing rules of international law applicable in armed conflict; they
were no more than the "envelope" or instrumentum containing certain
pre-existing customary rules of international law. For those States it is
accordingly of little importance that the instrumentum should have occa-
sioned negative votes, which cannot have the effect of obliterating those
customary rules which have been confirmed by treaty law.
70. The Court notes that General Assembly resolutions, even if they
are not binding, may sometimes have normative value. They can, in cer-
tain circumstances, provide evidence important for establishing the exist- MENACE OU EMPLOID'ARMES NUCLÉAIRES (AVISCONSULTATIF)254

1945et veulent voir dans cette pratique l'expression d'une opiniojuris des
détenteurs deces armes.
66. Certains autres Etats, qui affirment la licéitéde la menace et de
l'emploi d'armes nucléairesdans certaines circonstances, ont invoqué à
l'appui de leur thèsela doctrine et la pratique de la dissuasion. Ils rappel-
lent qu'ils se sont toujours réservé, deconcert avec certains autres Etats,

le droit d'utiliser ces armes dans l'exercice du droit de légitime défense
contre une agression arméemettant en danger leurs intérêtsvitaux en
matièrede sécuritéA . leurs yeux, si les armes nucléairesn'ont pas étéuti-
liséesdemis 1945. ce n'est Dasen raison d'une coutume existante ou en
voie de création, mais simplement parce que les circonstances susceptibles
de justifier leur emploi ne se sont heureusement pas présentées.
67. La Cour n'entend pas se prononcer ici sur la pratique dénommée
((politique de dissuasion)). Elle constate qu'il est de fait qu'un certain
nombre d'Etats ont adhéré àcette pratique pendant la plus grandepartie
de la guerre froide et continuent d'y adhérer.De surcroît, lesmembres de
la communauté internationale sont ~rofondémentdiviséssur le oint de
savoir si le non-recours aux armes nucléairespendant les cinquante der-
nières années constitue l'expression d'une opiniojuris. Dans ces condi-
tions, la Cour n'estime pas pouvoir conclure à l'existence d'une telleopi-

niojuris.
68. Selon certains Etats, l'abondante sériede résolutions de l'Assem-
bléegénéralequi, depuis la résolution 1653(XVI) du 24 novembre 1961,
ont trait aux armes nucléaireset affirment avec une constante régularité
l'illicéité desarmes nucléaires traduit l'existence d'une règlede droit
international coutumier qui prohibe le recoursà cesarmes. Selon d'autres
Etats, cependant, ces résolutions n'ont aucun caractère obligatoire par
elles-mêmes et ne sont déclaratoiresd'aucune rè"lecoutumière d'interdic-
tion de l'arme nucléaire; certainsde ces Etats ont égalementfait observer
que cette sériede résolutionsnon seulement n'a pas étéapprouvéepar la
totalitédes Etats dotésd'armes nucléaires,mais ne l'a pas davantage été
par de nombreux autres Etats.
69. Les Etats qui considèrent que l'emploi d'armes nucléaires estilli-

cite ont indiquéque cesrésolutions ne prétendaientpas créerde nouvelles
règles,mais se bornaient à confirmer le droit coutumier relatifà la pro-
hibition des moyens ou méthodes de guerrequi excèdent,par leur utilisa-
tion, leslimites de ce qui est autorisé dans la conduite d'hostilités. Ilssont
d'avis que les résolutions considéréesn'ont fait qu'appliquer aux armes
nucléairesles règles existantes du droit international applicable dans les
conflits armés; elles n'auraient constituéque l'«enveloppe» ou l'instru-
mentum contenant des règlescoutumières de droit international déjàexis-
tantes. Pour ces Etats, il importerait donc peu que l'instrumentum se soit
heurté à des votes négatifs,qui ne peuvent avoir pour effet d'annihiler ces
règlescoutumières, confirméespar le droit conventionnel.
70. La Cour rappellera que les résolutions de l'Assemblée générale,
mêmesi ellesn'ont pas force obligatoire, peuvent parfois avoirune valeur
normative. Elles peuvent, dans certaines circonstances, fournir des élé-ence of a rule or the emergence of an opiniojuris. To establish whether
this is true of a given General Assembly resolution, it is necessary to look
at its content and the conditions of its adoption; it is also necessary to see
whether an opiniojuris exists as to its normative character. Or a series of
resolutions may show the gradua1 evolution of the opinio juris required
for the establishment of a new rule.

71. Examined in their totality, the General Assembly resolutions put
before the Court declare that the use of nuclear weapons would be "a
direct violation of the Charter of the United Nations7';and in certain for-
mulations that such use "should be prohibited". The focus of these reso-
lutions has sometimesshifted to diverserelated matters; however, several
of the resolutions under consideration in the present case have been

adopted with substantial numbers of negative votes and abstentions;
thus, although those resolutions are a clear sign of deep concern regard-
ing the problem of nuclear weapons, they still fa11short of establish-
ing the existence of an opinio juvis on the illegality of the use of such
weapons.
72. The Court further notes that the first of the resolutions of the Gen-
eral Assembly expressly proclaiming the illegality of the use of nuclear
weapons, resolution 1653(XVI) of 24November 1961(mentioned in sub-
sequent resolutions), after referring to certain international declarations
and binding agreements, from the Declaration of St. Petersburg of 1868
to the Geneva Protocol of 1925,proceeded to qualify the legal nature of
nuclear weapons, determine their effects, and apply general rules of cus-
tomary international law to nuclear weapons in particular. That applica-
tion by the General Assembly of general rules of customary law to the
particular case of nuclear weapons indicates that, in its view, there was
no specific rule of customary law which prohibited the use of nuclear
weapons; if such a rule had existed, the General Assembly could simply
have referred to it and would not have needed to undertake such an exer-
cise of legal qualification.

73. Having said this, the Court points out that the adoption each year
by the General Assembly, by a large majority, of resolutions recalling the
content of resolution 1653 (XVI), and requesting the member States to
conclude a convention prohibiting the use of nuclear weapons in any cir-
cumstance, reveals the desire of a very large section of the international
community to take, by a specific and express prohibition of the use of
nuclear weapons, a significant step forward along the road to complete
nuclear disarmament. The emergence, as lex lata, of a customary rule
specificallyprohibiting the use of nuclear weapons as such is hampered
by the continuing tensions between the nascent opinio juris on the one
hand, and the still strong adherence to the practice of deterrence on the
other. MENACEOU EMPLOI D'ARMESNUCLÉAIRES (AVISCONSULTATIF) 255

ments de preuve importants pour établirl'existenced'une règleou l'émer-
gence d'une opinio juris. Pour savoir si cela est vrai d'une résolution
donnée del'Assembléegénéralei,l faut en examiner le contenu ainsi que
les conditions d'adoption; il faut en outre vérifiers'il existe une opinio

juris quant à son caractère normatif. Par ailleurs des résolutionssucces-
sives peuvent illustrer l'évolution progressivede l'opiniojuris nécessàire
l'établissementd'une règlenouvelle.
71. Si on les considèredans leur ensemble, les résolutionsde 1'Assem-
bléegénérale invoquéed sevant la Cour déclarent que l'emploi d'armes
nucléaires serait«une violation directe de la Charte)) et, dans certaines
versions, que cet emploi «doit ...êtreinterdit)); dans ces résolutions,
l'Assembléegénéralea parfois mis l'accent, plutôt, sur diversesquestions
connexes.Plusieurs résolutionsdont il est question en l'espèceont cepen-
dant étéadoptées avec un nombre non négligeablede voix contre et
d'abstentions. Ainsi, bien que lesditesrésolutionsconstituent la manifes-

tation claire d'une inquiétudeprofonde à l'égarddu problème des armes
nucléaires, elles n'établissent pas encore l'existence d'une opinio juris
quant à l'illicéde l'emploi de ces armes.
72. La Cour note par ailleurs que la première des résolutions de
l'Assembléegénérale à avoir proclamé expressémentl'illicéitédu recours
à l'arme nucléaire- la résolution 1653 (XVI) du 24 novembre 1961
(mentionnéedans des résolutions ultérieures) -, après avoir fait réfé-
rence à certaines déclarations internationales eà certains accords obli-
gatoires allant de la déclaration de Saint-Pétersbourgde 1868au proto-
cole de Genève de 1925, a procédé à une qualification de la nature
juridique de l'arme nucléaire, à une détermination de ses effets et à
l'application de règlesgénéraledu droit international coutumierà l'arme

nucléaireen particulier. Cette application par l'Assembléede règles géné-
rales du droit coutumier au cas particulier de l'arme nucléaire indique
qu'à sesyeux il n'existait pas de règle spécifide droit coutumier inter-
disant l'emploi del'arme nucléaire;siune telle règleavait existé,ssem-
bléegénérale aurait, en effet, pu se contenter de s'yréférer etn'aurait pas
eu à se livrerà un tel exercice de qualification juridique.
73. Cela étant, la Cour observera que l'adoption chaque année par
l'Assembléegénérale, à une large majorité, de résolutionsrappelant le
contenu de la résolution 1653 (XVI) et priant les Etats Membres de
conclure une convention interdisant l'emploi d'armes nucléaires entoute
circonstance est révélatricedu désir d'une trèsgrande partie de la com-

munauté internationale de franchir, par une interdiction spécifiqueet
expressede l'emploide l'arme nucléaire, uneétapesignificativesur leche-
min menant au désarmement nucléaire complet.L'apparition, en tant
que lex lata, d'une règlecoutumière prohibant spécifiquement l'emploi
des armes nucléairesen tant que telles sehenrte aux tensions qüi sdbsis-
tent entre, d'une part, une opinio juris naissante et, d'autre part, une
adhésion encoreforte à la pratique de la dissuasion. 74. The Court not having found a conventional rule of general scope,
nor a customary rule specificallyproscribing the threat or use of nuclear
weapons pev se, it will now deal with the question whether recourse to
nuclear weapons must be considered as illegal in the light of the prin-
ciples and rules of international humanitarian law applicable in armed
conflict and of the law of neutrality.
75. A large number of customary rules have been developed by the
practice of States and are an integral part of the international law rele-

vant to the question posed. The "laws and customs of war" - as they
were traditionally called - were the subject of efforts at codification
undertaken in The Hague (including the Conventions of 1899and 1907),
and were based partly upon the St. Petersburg Declaration of 1868 as
well as the results of theBrussels Conference of 1874.This "Hague Law"
and, more particularly, the Regulations Respecting the Laws and Cus-
toms of War on Land, fixed the rights and duties of belligerents in their
conduct of operations and limited the choice of methods and means of
injuring the enemy in an international armed conflict. One should add to
this the "Geneva Law" (the Conventions of 1864, 1906, 1929and 1949),
which protects the victims of war and aims to provide safeguards for

disabled armed forces personnel and persons not taking part in the hos-
tilities. These two branches of the law applicable in armed conflict have
become so closely interrelated that they are considered to have gradually
formed one singlecomplex system, known today as international humani-
tarian law. The provisions of the Additional Protocols of 1977 give
expression and attest to the unity and complexity of that law.
76. Since the turn of the century, the appearance of new means of
combat has - without calling into question the longstanding principles
and rules of international law - rendered necessary some specificprohi-
bitions of the use of certain weapons, such as explosive projectiles under
400 grammes, dum-dum bullets and asphyxiating gases. Chemical and

bacteriological weapons were then prohibited by the 1925Geneva Proto-
col. More recently, the use of weapons producing "non-detectable frag-
ments", of other types of "mines, booby traps and other devices", and
of "incendiary weapons", was either prohibited or limited, depending on
the case, by the Convention of 10 October 1980 on Prohibitions or
Restrictions on the Use of Certain Conventional Weapons Which May
BeDeemed to Be ExcessivelyInjurious or to Have Indiscriminate Effects.
The provisions of the Convention on "mines, booby traps and other
devices" have just been amended, on 3 May 1996, and now regulate in
greater detail, for example, the use of anti-personnel land mines.

77. Al1this shows that the conduct of military operations is governed
by a body of legal prescriptions. This is so because "the right of belli-
gerents to adopt means of injuring the enemy is not unlimited" as stated
in Article 22 of the 1907 Hague Regulations relating to the laws and
customs of war on land. The St. Petersburg Declaration had already
condemned the use of weapons "which uselesslyaggravate the suffering of 74. La Cour n'ayant'pas trouvéde règleconventionnellede portéegéné-
rale,ni derèglecoutumièreinterdisantspécifiquemenlta menaceou l'emploi
des armes nucléairesen tant aue telles. elleabordera maintenant la aues-
tion de savoir si lerecours aux armes nucléairesdoit êtreconsidéré comme
illiciteau regard des principes etrèglesdu droit international humanitaire
applicable dans les conflits armés, ainsique du droit de la neutralité.
75. De nombreuses règlescoutumières se sont développées,de par la
pratique des Etats, et font partie intégrantedu droit international perti-
nent en l'espèce.Il s'agit des«lois et coutumes de la guerre» - selon

l'expressiontraditionnelle - qui furent l'objet desefforts de codification
entrepris à La Haye (conventions de 1899 et de 1907notamment) et se
fondaient partiellement sur la déclaration de Saint-Pétersbourg de 1868
ainsi que sur les résultats dela conférencede Bruxellesde 1874.Ce ((droit
de La Haye)), et notamment le règlementconcernant les lois et coutumes
de la guerre sur terre, fixeles droits et les devoirs des belligérantsdans la
conduite des opérationset limite le choix des moyens de nuire à l'ennemi
dans lesconflits armésinternationaux. Il convient d'y ajouter le «droit de
Genève))(les conventions de 1864,de 1906,de 1929et de 1949),qui pro-
tège les victimesde la guerre et viseà sauvegarder les membres des forces
arméesmis hors de combat et lespersonnes qui ne participent pas aux hos-

tilités. Ces deuxbranches du droit applicable dans les conflits armésont
développé desrapports si étroits qu'elles sont regardéescomme ayant
fondé graduellementun seul systèmecomplexe,qu'on appelle aujourd'hui
droit international humanitaire. Les dispositions des protocoles addition-
nels de 1977expriment et attestent l'unitéet la complexitéde ce droit.
76. Dèsle débutdu siècle,l'apparition de nouveaux moyens de com-
bat a - sans pour autant remettre en question les anciens principes et
règlesdu droit international - rendu nécessaires desinterdictions spéci-
fiques concernant l'emploi de certaines armes telles que les projectiles
explosifs d'un poids inférieur à 400 grammes, les balles dum-dum et les
gaz asphyxiants. Puis le protocole de Genève de 1925a portéprohibition
des armes chimiques et bactériologiques. Plus récemment, l'emploi

d'armes produisant des ((éclatsnon localisables», de certains types de
«mines, piègeset autres dispositifs)), ainsi que d'carmes incendiaires))a
été, selon les casi,nterdit ou limitépar la convention du 10octobre 1980
sur l'interdiction ou la limitation de l'emploi de certaines armes clas-
siques qui peuvent êtreconsidérées comme produisant des effets trauma-
tiques excessifs ou comme frappant sans discrimination. Les disposi-
tions de la convention concernant les ((mines,piègeset autres dispositifs))
viennent d'êtreamendéesle 3 mai 1996 et réglemententdésormaisplus
en détail,notamment, l'emploi des minesterrestres antipersonnel.
77. Il ressort de ce qui précèdeque la conduite d'opérationsmilitaires
est soumise a un ensemble de prescriptions juridiques. Il en est ainsi car

«les belligérantsn'ont pas un droit illimitéquant au choix desmoyens de
nuire à l'ennemi)),comme le précise l'article 22du règlementde La Haye
de 1907concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre. La déclara-
tion de Saint-Pétersbourg avait déjàcondamné l'«emploi d'armes quidisabled men or make their death inevitable". The aforementioned Regu-
lations relating to the laws and customs of war on land, annexed to the
Hague Convention IV of 1907, prohibit the use of "arms, projectiles, or
material calculated to cause unnecessary suffering" (Art. 23).

78. The cardinal principles contained in the texts constituting the
fabric of humanitarian law are the following.The first is aimed at the pro-
tection of the civilian population and civilianobjects and establishes the
distinction between combatants and non-combatants; States must never
make civilians the object of attack and must consequently never use
weapons that are incapable of distinguishing between civilian and mili-
tary targets. According to the second principle, it is prohibited to cause
unnecessary suffering to combatants: it is accordingly prohibited to use
weapons causing them such harm or uselesslyaggravating their suffering.
In application of that second principle, States do not have unlimited free-
dom of choice of means in the weapons they use.
The Court would likewise refer, in relation to these principles, to the
Martens Clause, which was first included in the Hague Convention II
with Res~ect to the Laws and Customs of War on Land of 1899 and
which has proved to be an effectivemeans of addressing the rapid evolu-
tion of military technology. A modern version of that clause is to be
found in Article 1,paragraph 2, of Additional Protocol 1of 1977,which

reads as follows:
"In cases not covered by this Protocol or by other international
agreements, civilians and combatants remain under the protection
and authority of the principles of international law derived from
established custom, from the principles of humanity and from the
dictates of public conscience."

In conformity with the aforementioned principles, humanitarian law, at a
very early stage, prohibited certain types of weapons either because of
their indiscriminate effect on combatants and civilians or because of the
unnecessary suffering caused to combatants, that is to Say, a harm
greater than that unavoidable to achievelegitimate military objectives. If
an envisageduse of weapons would not meet the requirements of humani-
tarian law, a threat to engage in such use would also be contrary to that
law .
79. It is undoubtedly because a great many rules of humanitarian law
applicable in armed conflict are so fundamental to the respect of the
human person and "elementary considerations of humanity" as the Court

put it in its Judgment of 9 April 1949in the Covfu Channel case (1.C.J.
Reports 1949, p. 22), that the Hague and Geneva Conventions have
enjoyed a broad accession. Further these fundamental rules are to be
observed by al1States whether or not they have ratified the conventions
that contain them, because they constitute intransgressible principles of
international customary law.aggraveraient inutilement les souffrances des hommes mis hors de com-
bat, ou rendraient leur mort inévitable)).Lerèglementconcernant les lois
et coutumes de la guerre sur terre évoquéci-dessus, qui est annexé à la
convention IV de La Haye de 1907,interdit d'«employer des armes, des
projectiles ou des matièrespropres à causer desmaux superflus))(art. 23).
78. Les principes cardinaux contenus dans les textes formant le tissu
du droit humanitaire sont les suivants. Le premier principe est destiné à
protéger la population civile et les biens de caractère civil, et établitla
distinction entre combattants et non-combattants; les Etats ne doivent

jamais prendre pour cible des civils,ni en conséquence utiliser desarmes
qui sont dans l'incapacité de distinguerentre cibles civileset cibles mili-
taires. Selon le second principe, il ne faut pas causer des maux superflus
aux combattants: il est donc interdit d'utiliser desarmes leur causant de
tels maux ou aggravant inutilement leurs souffrances; en application de
ce second principe, lesEtats n'ont pas un choix illimitéquant aux armes
au'ils em~loient.
La Cour citera également, enrelation avec ces principes, la clause de
Martens, énoncée pour la premièrefois dans la convention II de La Haye
de 1899concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre et qui s'est
révéléê e treun moyen efficace pour faire face à l'évolution rapidedes
techniques militaires. Une version contemporaine de ladite clause se
trouve à l'article premier, paragraphe 2, du protocole additionnel 1 de
1977,qui se lit comme suit:

«Dans les cas non prévuspar le présent protocole ou par d'autres
accords internationaux, les personnes civileset les combattants res-
tent sous la sauvegarde et sous l'empire des principesdu droit des
gens, tels qu'ils résultentdes usages établis,des principes de l'huma-
nitéet des exigence5de la conscience publique. ))

Conformément aux principes susmentionnés,le droit humanitaire a très
tôt banni certaines armes, soit parce qu'elles frappaient de façon indis-
criminéeles combattants et les populations civiles, soit parce qu'elles
causaient aux combattants des souffrances inutiles, c'est-à-dire dessouf-
frances supérieuresaux maux inévitablesque suppose la réalisationd'ob-
jectifs militaires légitimes.Dans le cas où l'emploi envisad'une arme ne
satisferait pas aux exigencesdu droit humanitaire, la menace d'un tel em-
ploi contreviendrait elle aussià ce droit.

79. C'est sans doute parce qu'un grand nombre de règles du droit
humanitaire applicable dans les conflitsarméssont sifondamentales pour
le respect de la personne humaine et pour des «considérations élémen-
taires d'humanité)),selon l'expression utilisear la Cour dans son arrêtdu
9 avril 1949rendu en l'affaire du Détroitde Corfou (C.I.J. Recueil 1949,
p. 22), que la convention IV de La Haye et lesconventions de Genèveont
bénéficidé'une largeadhésiondesEtats. Cesrèglesfondamentales s'impo-
sent d'ailleursà tous les Etats, qu'ils aient ou non ratifié lesinstruments
conventionnels qui les expriment, parce qu'ellesconstituent des principes
intransgressibles du droit international coutumier. 80. The Nuremberg International Military Tribunal had already found

in 1945that the humanitarian rules included in the Regulations annexed
to the Hague Convention IV of 1907 "were recognized by al1civilized
nations and were regarded as being declaratory of the laws and customs
of war" (Trial of the Major War Criminals, 14 November 1945-1 October
1946, Nuremberg, 1947,Vol. 1, p. 254).

81. The Report of the Secretary-General pursuant to paragraph 2 of
Security Council resolution 808 (1993), with which he introduced the
Statute of the International Tribunal for the Prosecution of Persons
Responsible for Serious Violations of International Humanitarian Law
Committed in the Territory of the Former Yugoslavia since 1991, and
which was unanimously approved by the Security Council (resolution
827 (1993)), state:

"In the view of the Secretary-General, the application of the prin-
ciplenullum crimen sine lege requires that the international tribunal
should apply rules of international humanitarian law which are
beyond any doubt part of customary law . . .
The part of conventional international humanitarian law which
has beyond doubt become part of international customary law is the
law applicable in armed conflict as embodied in: the Geneva Con-
ventions of 12 August 1949 for the Protection of War Victims; the
Hague Convention (IV) Respecting the Laws and Customs of War
on Land and the Regulations annexed thereto of 18October 1907;
the Convention on the Prevention and Punishment of the Crime of
Genocide of 9 December 1948; and the Charter of the International
Military Tribunal of 8 August 1945."

82. The extensive codification of humanitarian law and the extent of
the accession to the resultant treaties, as well as the fact that thenun-
ciation clauses that existed in the codification instruments have never
been used, have provided the international community with a corpus of
treaty rules the great majority of which had already become customary
and which reflected the most universally recognized humanitarian prin-
ciples. These rules indicate the normal conduct and behaviour expected
of States.

83. It has been maintained in these proceedings that these principles
and rules of humanitarian law are part of jus cogens as defined in
Article 53 of the Vienna Convention on the Law of Treaties of 23 May
1969.The question whether a norm is part of the jus cogens relates to the
legal character of the norm. The request addressed to the Court by the
General Assembly raises the question of the applicability of the principles
and rules of humanitarian law in cases of recourse to nuclear weapons
and the consequences of that applicability for the legality of recourse to
these weapons. But it does not raise the question of the character of the
humanitarian law which would apply to the use of nuclear weapons.
There is, therefore, no need for the Court to pronounce on this matter. MENACE OU EMPLOI D'ARMES NUCLÉAIRES (AVISCONSULTATIF)
258

80. Déjà en 1945, le Tribunal militaire international de Nuremberg
avait jugéque lesrègleshumanitaires contenues dans le règlementannexé
à la convention IV de La Haye de 1907 ((étaientadmises par tous les
Etats civiliséset regardéespar eux comme l'expression, codifiée, des lois
et coutumes de la guerre)) (Procèsdes grands criminels de guerre devant
le Tribunal militaire international, Nuremberg, 14 novembre 1945-
1"'octobre 1946, Nuremberg, 1947,vol. 1, p. 267).
81. Dans le rapport qu'il a établien application du paragraphe 2 de la
résolution808(1993)du Conseil de sécuritép ,ar lequel il présentaitle sta-
tut du tribunal international chargé de poursuivrelespersonnes présumées
responsables de violations gravesdu droit international humanitaire com-

mises sur le territoire de l'ex-Yougoslavie depuis1991 - rapport unani-
mement approuvépar le Conseil de sécurité (résolutio8 n27 (1993)) -, le
Secrétaire général déclara ciet qui suit:
«De l'avis du Secrétaire générall' ,application du principe nullum
crimen sine lege exige que le Tribunal international applique des
règlesdu droit international humanitaire qui font partie sans aucun
doute possible du droit coutumier ...

La partie du droit international humanitaire conventionnel qui est
sans aucun doute devenue partie du droit international coutumier
est le droit applicable aux conflits armésqui fait l'objet des instru-
ments suivants: les conventions de Genèvedu 12août 1949pour la
protection des victimes de la guerre; la convention de La Haye (IV)
concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre et les règlesy
annexéesdu 18 octobre 1907; la convention pour la préventionet la
répressiondu crime de génocidedu 9 décembre1948et le statut du
Tribunal militaire international du 8 août 1945.»

82. La large codification du droit humanitaire et l'étendue de l'adhé-
sion aux traités qui en ont résulté, ainsique le fait que les clauses de
dénonciation contenuesdans les instruments de codification n'ont jamais
été utiliséeso,nt permis àla communauté internationale de disposer d'un
corps de règlesconventionnelles qui étaient déjàdevenues coutumières
dans leur grande majoritéet qui correspondaient aux principes humani-
taires les plus universellement reconnus. Ces règlesindiquent ce que sont
les conduites et comportements normalement attendus des Etats.
83. Il a étsoutenu au cours de la présente procédureque cesprincipes
et règlesdu droit humanitaire font partie dujus cogenstel que le définit ,
l'article 53 de la convention de Vienne sur le droit des traitésdu 23 mai

1969.La question de savoir si une règlefait partie du jus cogensa trait a
la nature juridique de cette règle.La demande que l'Assemblée généraa le
adressée à la Cour soulèvela question de l'applicabilité des principes et
règlesdu droit humanitaire en cas de recours aux armes nucléaires,et
celle des conséquences que cette applicabilité aurait sur la licéitédu
recours à ces armes; mais elle ne soulèvepas la question de savoir quelle
serait la nature du droit humanitaire qui s'appliquerait a l'emploi des
armes nucléaires.La Cour n'a donc pas à se prononcer sur ce point. 84. Nor is there any need for the Court to elaborate on the question of

the applicability of Additional Protocol 1of 1977to nuclear weapons. It
need only observe that while, at the Diplomatic Conference of 1974-1977,
there was no substantivedebate on the nuclear issue andno specificsolu-
tion concerning this question was put forward, Additional Protocol 1in
no way replaced the general customary rules applicable to al1means and
methods of combat including nuclear weapons. In particular, the Court
recalls thatal1States are bound by those rules in Additional Protocol 1
which, when adopted, were merely the expression of the pre-existing
customary law, such as the Martens Clause, reaffirmed in the first
article of Additional Protocol 1. The fact that certain types of weapons
were not specifically dealt with by the 1974-1977 Conference does not
permit the drawing of any legal conclusions relating to the substantive
issues which the use of such weapons would raise.

85. Turning now to the applicability of the principles and rules of
humanitarian law to a possible threat or use of nuclear weapons, the
Court notes that doubts in this respect have sometimes been voiced on

the ground that these principles and rules had evolved prior to the inven-
tion of nuclear weapons and that the Conferences of Geneva of 1949and
1974-1977 which respectively adopted the four Geneva Conventions of
1949and the two Additional Protocols thereto did not deal with nuclear
weapons specifically. Such views, however, are only held by a small
minority. In the view of the vastmajority of States as wellas writers there
can be no doubt as to the applicability of humanitarian law to nuclear
weapons.
86. The Court shares that view.Indeed, nuclear weapons were invented
after most of the principles and rules of humanitarian law applicable in
armed conflict had already come into existence; the Conferences of 1949
and 1974-1977left these weapons aside, and there is a qualitative as well
as quantitative difference between nuclear weapons and al1conventional
arms. However. it cannot be concluded from this that the established
principles and rules of humanitarian law applicable in armed conflict did
not apply to nuclear weapons. Such a conclusion would be incompatible
with the intrinsically humanitarian character of the legal principles in
question which permeates the entire law of armed conflict and applies to

al1forms of warfare and to al1kinds of weapons, those of the past, those
of the present and those of the future. In this respect it seems significant
that the thesis that the rules of humanitarian law do not apply to the new
weaponry, because of the newness of the latter, has not been advocated
in the present proceedings. On the contrary, the newness of nuclear
weapons has been expressly rejected as an argument against the applica-
tion to them of international humanitarian law :

"In general, international humanitarian law bears on the threat or
use ofnuclear weapons as it does of other weapons. 84. La Cour n'a pas non plus à s'étendresur la question de l'applica-
bilitéaux armes luc clé aidrusprotocole additionnel 1de 1977.Il lui suf-
fira d'observer que, si la conférence diplomatique de 1974-1977 n'a
consacréaucun débat de fond à la question nucléaire et si aucune solu-
tion spécifiqueconcernant cette question n'y a été avancéel,e protocole
additionnel 1n'a en aucune manière remplacéles règlesgénéralescoutu-

mièresqui s'appliquaient à tous les moyens et à toutes les méthodes de
combat, y compris les armes nucléaires.La Cour rappellera en particulier
que tous les Etats sont liéspar celles des règlesdu protocole addition-
nel1qui ne représentaient,au moment de leur adoption, que l'expressiondu
droit coutumier préexistant, commec'est le cas de la clause de Martens,
réaffirméeà l'article premierdudit protocole. Le fait que la conférencede
1974-1977n'ait pas traité spécifiquement de certains types d'armes ne
permet de tirer aucune conclusionjuridique quant aux problèmesde fond
que le recours àces armes soulèverait.
85. Passant ensuite à la question de l'applicabilité des principes et
règlesdu droit humanitaire à la menace ou à l'emploi éventuels d'armes
nucléaires,la Cour note que des doutes ont parfois été exprimés suc re

point, au motif que les principes et règles enquestion se sont développés
avant l'invention des armes nucléaireset que les conférencesde Genève
de 1949 et de 1974-1977, qui ont adopté, respectivement, les quatre
conventions de Genève de 1949et les deux roto col esadditionnels v rela-
tifs, n'ont pas spécifiquementtraitédes armes nucléaires.Ce point de vue
est toutefois très minoritaire. De l'avis de la grande majorité desEtats et
de la doctrine, il ne fait aucun doute que le droit humanitaire s'applique
aux armes nucléaires.
86. La Cour partage cet avis. Certes les armes nucléaires ont été
inventéesaprès l'apparition de la plupart des principes et règlesdu droit
humanitaire applicable dans les conflits armés,les conférencesde 1949et

de 1974-1977n'ont pas traité deces armes et celles-cisont différentes des
armes classiques tant sur le plan qualitatif que sur leplan quantitatif.On
ne peut cependant en conclure que les principes et règlesétablisdu droit
humanitaire applicable dans les conflits armés nes'appliquent pas aux
armes nucléaires.Une telle conclusion méconnaîtrait la nature intrinsè-
quement humanitaire des principes juridiques en jeu, qui imprègnent
tout le droit des conflits armés et s'appliquentà toutes les formes de
guerre età toutes les armes, celles du passé, commecelles du présent et
de l'avenir. Il est significaàicet égardque la thèse selon laquelle les
règlesdu droit humanitaire ne s'appliqueraient pas aux armes nouvelles,
en raison mêmede leur nouveauté, n'ait pas été invoquée en l'espèce.

Tout au contraire, l'argument suivant lequel ces armes échapperaient
par leur nouveauté au droit international humanitaire a été expressé-
ment rejetéen ces termes:

«De manière générale,le droit international humanitaire s'ap-
pliqueà la menace ou à l'emploi d'armes nucléaires commeil s'ap-
plique à d'autres armes. International humanitarian law has evolved to meet contempo-
rary circumstances, and is not limited in its application to weaponry
of an earlier time. The fundamental principles of this law endure:
to mitigate and circumscribe the cruelty of war for humanitarian
reasons." (New Zealand, Written Statement, p. 15,paras. 63-64.)

None of the statements made before the Court in any way advocated a
freedom to use nuclear weapons without regard to humanitarian con-
straints. Quite the reverse; it has been explicitly stated,

"Restrictions set by the rules applicable to armed conflicts in
respect of means and methods of warfare definitely also extend to

nuclear weapons" (Russian Federation, CR 95129,p. 52);

"So far as the customary law of war is concerned, the United
Kingdom has always accepted that the use of nuclear weapons is
subject to the general principles of the jus in bello" (United King-
dom, CR 95134,p. 45);

and
"The United States has long shared the view that the law of armed

conflict governs the use of nuclear weapons - just as it governs the
use of conventional weapons" (United States of America, CR 95134,
p. 85).
87. Finally, the Court points to the Martens Clause, whose continuing
existence and applicability is not to be doubted, asan affirmation that the
principles and rules of humanitarian law apply to nuclear weapons.

88. The Court will now turn to the principle of neutrality which was
raised by several States. In the context of the advisory proceedings
brought before the Court by the WHO concerning the Legality of the
Use by a State of Nuclear Weapons in Armed Conflict, the position was
put as follows by one State:
"The principle of neutrality, in its classic sense, was aimed at pre-
venting the incursion of belligerent forces into neutral territory, or

attacks on the persons or ships of neutrals. Thus: 'the territory of
neutral powers is inviolable' (Article 1of the Hague Convention (V)
Respecting the Rights and Duties of Neutral Powers and Persons in
Case of War on Land, concluded on 18October 1907);'belligerents
are bound to respect the sovereign rights of neutral powers . . .'
(Article 1to the Hague Convention (XIII) Respecting the Rights and
Duties of Neutral Powers in Naval War. concluded on 18 October
1907), 'neutral states have equal inter& in having their rights
respected by belligerents . ..' (Preamble to Convention on Maritime Le droit international humanitaire a évolué pour tenir compte des
circonstances et son application ne se limite pas aux armements du
passé.Les principes fondamentaux de ce droit demeurent: atténuer
et limiter la cruauté de la guerre pour des raisons humanitaires.))
(Nouvelle-Zélande, exposé écritp,. 15, par. 63-64.)

Aucun des exposés présentés à la Cour n'a préconisé de quelque façon
que ce soit la libertéde recourir aux armes nucléaires endehors de toute
contrainte humanitaire. Bien au contraire, il a été soutenuexpressément
ce qui suit:
«Les restrictions imposéespar les règlesapplicables aux conflits
armésen ce qui concerne les moyens et méthodes de guerre s'éten-

dent assurément aux armes nucléaires)) (Fédération de Russie,
CR 95129,p. 52);
«En ce qui concerne le droit coutumier de la guerre, le Royaume-
Uni a toujours admis que l'emploi d'armes nucléaires est assujetti
aux principes générauxdu jus in belle))(Royaume-Uni, CR95134,
P 45);

((Cela fait longtemps que les Etats-Unis pensent que le droit des
conflits armés régit l'emploid'armes nucléaires comme il régit

d'ailleurs celui d'armes classiques)) (Etats-Unis d'Amérique,
CR 95134,p. 85).
87. Enfin, la Cour voit dans la clause de Martens, qui continue indu-
bitablement d'exister et d'être applicable, la confirmation que les prin-
cipes et règlesdu droit humanitaire s'appliquent aux armes nucléaires.

88. La Cour abordera maintenant l'examen du principe de neutralité,
qui a été évoqué pa certains Etats. Dans le cadre de la procédure consul-
tative engagéedevant la Cour par l'OMS au sujet de la Licéitéde I'uti-
lisation des armes nucléairespar un Etat dansun conflit armé,la situation
a étéprésentée comme suitpar un Etat:
«Dans sa portéeclassique, le principe de neutralité étaitdestiné à
prévenir l'incursionde forces belligérantessur le territoire d'un Etat

neutre, ou bien les attaques dirigéescontre les personnes ou les na-
viresd'Etats neutres. C'est ainsi que «le territoire des puissances
neutres est inviolable))(articlepremier dela conventionV de La Haye
concernant les droits et devoirs des puissances et des personnes
neutres en cas de guerre sur terre, conclue le 18octobre 1907); «les
belligérantssont tenus de respecter les droits souverains des puis-
sances neutres..» (article premier de la convention XII1 de La Haye
concernant les droits et devoirs des puissances neutres en cas de
guerre maritime, conclue le 18octobre 1907); ((lesEtats neutres ont Neutrality, concluded on 20 February 1928). It is clear, however,

that the principle of neutrality applies with equal force to trans-
border incursions of armed forces and to the transborder damage
caused to a neutral State by the use of a weapon in a belligerent
State." (Nauru, Written Statement (1),p. 35, IV E.)

The principle so circumscribed is presented as an established part of the
customary international law.

89. The Court finds that as in the case of the principles ofhumanitar-
ian law applicable in armed conflict, international law leaves no doubt
that the principle of neutrality, whatever its content, which is of a fun-
damental character similar to that of the humanitarian principles and
rules, is applicable (subject to the relevant provisions of the United
Nations Charter), to al1international armed conflict, whatever type of
weapons might be used.

90. Although the applicability of the principles and rules of humani-
tarian law and of the principle of neutrality to nuclear weapons is hardly
disputed, the conclusions to be drawn from this applicability are, on the
other hand, controversial.
91. According to one point of view, the fact that recourse to nuclear
weapons is subject to and regulated by the law of armed conflict does not
necessarily mean that such recourse is as such prohibited. As one State
put it to the Court:

"Assuming that a State'suse of nuclear weapons meets the require-
ments of self-defence, it must then be considered whether it con-
forms to the fundamental principles of the law of armed conflict
regulating the conduct of hostilities" (United Kingdom, Written
Statement, p. 40, para. 3.44);
"the legality of the use of nuclear weapons must therefore be assessed
in the light of the applicable principles of international law regarding
the use of force and the conduct of hostilities, as is the case with
other methods and means of warfare" (ibid p..75, para. 4.2 (3));

and

"The reality . . is that nuclear weapons might be used in a wide
variety of circumstances with very different results in terms of likely
civilian casualties. In some cases, such as the use of a low yield
nuclear weapon against warships on the High Seas or troops in
sparsely populated areas, it is possible to envisage a nuclear attack
which caused comparatively fewcivilian casualties. It is by no means
the case that every use of nuclear weapons against a military objec-
tive would inevitably cause very great collateral civilian casualties." le mêmeintérê t ce que leurs droits soient respectéspar les belligé-
rants...» (préambule à la convention concernant la neutralité mari-
time, conclue le 20 février 1928). Il est évident, cependant, que le
principe de neutralités'applique avec une force égaleaux incursions
transfrontières de forces arméeset aux dommages transfrontières
causés àun Etat neutre par l'utilisation d'unearme dans un Etat bel-
ligérant.))(Nauru, exposé écrit(1), p. 35, IV E.)

Le principe ainsi circonscrit est présenté commeun élément établd i u
droit international coutumier.
89. La Cour estime que, comme dans le cas des principes du droit
humanitaire applicable dans les conflits armés,le droit international ne
laisse aucun doute quant au fait que le principe de neutralité - quel
qu'en soitle contenu -, qui a un caractèrefondamental analogue à celui
des principes et règleshumanitaires, s'applique (sous réservedes disposi-
tions pertinentes de la Charte des Nations Unies)à tous les conflitsarmés
internationaux, quel que soit le type d'arme utilisé.

90. Si l'applicabilitéaux armes nucléaires des principes et règlesdu
droit humanitaire ainsi que du principe de neutralité n'est guère contes-
tée,les conséquences qu'ily a lieu de tirer de cette applicabilitésont en

revanche controversées.
91. Selon un point de vue, le fait que le recours aux armes nucléaires
soit régipar le droit des conflitsarmés nesignifiepas nécessairementqu'il
soit interdit en tant que tel. Comme un Etat l'a dit devant la Cour:

«A supposer que l'emploi d'armes nucléairespar un Etat réponde
aux exigencesde la légitime défensee,ncore faut-il considérers'il res-

pecte les principes fondamentaux du droit des conflits armésrégis-
sant la conduite des hostilités)) (Royaume-Uni, exposé écritp , . 40,
par. 3.44);
«la licéitde l'utilisation d'armes nucléairesdoit donc s'apprécierau
regard desprincipesapplicablesdu droit international concernant l'em-
ploi de la force et la conduite des hostilités, comme c'est le cas pour
les autres méthodeset moyens de guerre» (ibid p. ,5, par. 4.2, 3);

«en réalité,les armes nucléaires peuvent êtreutilisées dans une
large variété de circonstances, avec des résultats très différentsu
point de vue des pertes civiles probables. Dans certains cas, tel
l'emploi d'une arme nucléaire de faible puissancecontre des navires
de guerre en haute mer ou sur des troupes dans une région à la
population très clairsemée,il est possible d'envisager une attaque
nucléaireproduisant relativement peu de pertes civiles.Il n'est abso-
lument pas exact que toute utilisation d'armes nucléairescontre un (Ibid., p. 53, para. 3.70; see also United States of America, CR951
34, pp. 89-90.)

92. Another view holds that recourse to nuclear weapons could never
be compatible with the principles and rules of humanitarian law and is
therefore prohibited. In the event of their use, nuclear weapons would in
al1circumstances be unable to draw any distinction between the civilian
population and combatants, or between civilian objects and military
objectives, and their effects,largelyuncontrollable, could not be restricted,

either in time or in space, to lawful military targets.uch weapons would
kill and destroy in a necessarily indiscriminate manner, on account of the
blast, heat and radiation occasioned by the nuclear explosion and the
effects induced; and the number of casualties which would ensue would
be enormous. The use of nuclear weapons would therefore be prohibited
in any circumstance, notwithstanding the absence of any explicit conven-
tional prohibition. That view lay at the basis of the assertions by certain
States before the Court that nuclear weapons are by their nature illegal
under customary international law, by virtue of the fundamental prin-
ciple of humanity.
93. A similar view has been expressedwith respect to the effects of the
principle of neutrality. Like the principles andrules of humanitarian law,
that principle has therefore been considered by some to rule out the use
of a weapon the effects of which simply cannot be contained within the

territories of the contending States.
94. The Court would observe that none of the States advocating the
legality of the use of nuclear weapons under certain circumstances,
including the "clean" use of smaller, low yield, tactical nuclear weapons,
has indicated what, supposing such limited use were feasible, would be
the precise circumstances justifying such use; nor whether such limited
use would not tend to escalate into the all-out use of high yield nuclear
weapons. This being so, the Court does not consider that it has a suffi-
cient basis for a determination on the validity of this view.

95. Nor can the Court make a determination on the validity of the
view that the recourse to nuclear weapons would be illegal in any circum-
stance owing to their inherent and total incompatibility with the law
applicable in armed conflict. Certainly, as the Court has already indi-

cated, the principles and rules of law applicable in armed conflict - at
the heart of which is the overriding consideration of humanity - make
the conduct of armed hostilities subject to a number of strict require-
ments. Thus, methods and means of warfare, which would preclude any
distinction between civilian and military targets, or which would result in
unnecessary suffering to combatants, are prohibited. In view of the
unique characteristics of nuclear weapons, to which the Court has referred
above, the use of such weapons in fact seems scarcely reconcilable with
respect for such requirements. Nevertheless, the Court considers that it objectif militaire s'accompagnerait inévitablement de très lourdes
pertes civiles.))(Royaume-Uni, exposé écrit,p. 53, par. 3.70; voir
égalementEtats-Unis d'Amérique,CR 95/34, p. 89-90.)

92. Selon un autre point de vue, le recours aux armes nucléairesne
pourrait en aucun cas être compatibleavec les principes et règlesdu droit
humanitaire, et est donc interdit. Dans le cas où elles seraient employées,
les armes nucléairesseraient en toute hypothèsedans l'incapacitéde faire
la distinction entre population civile et combattants ou entre biens de

caractère civil et objectifs militaires, et leurs effets,largement incontrô-
lables, ne pourraient êtrerestreints, ni dans letemps ni dans l'espace,àdes
cibles militaires légitimes. Cesarmes tueraient et détruiraient d'une façon
nécessairement indiscriminée du fait du souffle,de la chaleur et du rayon-
nement provoquéspar l'explosion nucléaireet des effets induits de celle-
ci; et le nombre de victimesqui s'ensuivrait seraiténorme.L'utilisation de
l'arme nucléaire seraitdonc prohibéeen toute circonstance, et cela même
en l'absence d'une interdiction conventionnelle explicite. C'est précisé-
ment en s'appuyant surcette idéeque certains Etats ont indiqué à la Cour
que les armes nucléairessont par leur nature illicites au regard du droit
international coutumier, en vertu du principe fondamental d'humanité.

93. Une opinion analogue a été exprimép eour ce qui est des effets du
principe de neutralité. Il a ainsi étésoutenu par certains que ce principe,
comme les principes et règlesdu droit humanitaire, prohiberait l'emploi
d'une arme dont les effets ne pourraient êtrelimités entoute certitude
aux territoires des Etats en conflit.
94. La Cour relèvera qu'aucun des Etats qui soutiennent qu'il serait
licited'utiliser desarmes nucléairesdans certainescirconstances, etnotam-
ment d'utiliser ((proprement» des armes nucléaires plus petites,de faible
puissance ou tactiques, n'a indiquéquelles seraient - à supposer que cet
emploi limité soit réellement possible - les circonstances précises justi-
fiant un tel emploi, ni démontré quecet emploi limiténe conduirait pas à

une escalade vers un recours généralisé aux armes nucléairesde forte
puissance. En l'état,la Cour n'estime pas disposer des bases nécessaires
pour pouvoir se prononcer sur le bien-fondéde cette thèse.
95. La Cour ne peut davantage se prononcer sur le bien-fondé dela
thèse selon laquellele recours aux armes nucléairesserait illicite en toute
circonstance du fait de l'incompatibilité inhérenteet totale de ces armes
avecle droit applicable dans les conflitsarmés. Certes, commela Cour l'a
déjà indiqué,les principes et règlesdu droit applicable dans les conflits
armés - qui reposent essentiellement sur le principe primordial d'huma-
nité - soumettent la conduite des hostilitésarmées à un certain nombre
d'exigencesstrictes. Ainsi, les méthodeset moyens de guerre qui ne per-

mettraient pas de distinguer entre cibles civileset cibles militaires, ou qui
auraient pour effet de causer des souffrances inutiles aux combattants,
sont interdits. Eu égardaux caractéristiques uniquesdes armes nucléaires
auxquelles la Cour s'est référée ci-dessuls', tilisation de cesarmes n'appa-
raît effectivementguère conciliableaveclerespectde telles exigences.Néan-does not have sufficient elements to enable it to conclude with certainty
that the use of nuclear weapons would necessarily be at variance with the
principles and rules of law applicable in armed conflict in any circum-
stance.
96. Furthermore, the Court cannot lose sight of the fundamental right
of every State to survival, and thus its right to resort to self-defence, in

accordance with Article 51 of the Charter. when its survival is at stake.

Nor can it ignore the practice referred to as "policy of deterrence", to
which an appreciable section of the international community adhered for
many years. The Court also notes the reservations which certain nuclear-
weapon States have appended to the undertakings they have given,
notably under the Protocols to the Treaties of Tlatelolco and Rarotonga,
and also under the declarations made by them in connection with the
extension of the Treaty on the Non-Proliferation of Nuclear Weapons,
not to resort to such weapons.
97. Accordingly, in view of the present state of international law
viewed as a whole, as examined above by the Court, and of the elements
of fact at its disposal, the Court is led to observe that it cannot reach a
definitive conclusion as to the legality or illegality of the use of nuclear
weapons by a State in an extreme circumstance of self-defence,in which
its very survival would be at stake.

98. Given the eminently difficult issues that arise in applying the law
on the use of force and above al1the law applicable in armed conflict to
nuclear weapons, the Court considers that it now needs to examine one
further aspect of the question before it, seen in a broader context.

In the long run, international law, and with it the stability of the inter-
national order which it is intended to govern, are bound to suffer from

the continuing difference of views with regard to the legal status of
weapons as deadly as nuclear weapons. It is consequently important to
put an end to this state of affairs: the long-promised complete nuclear
disarmament appears to be the most appropriate means of achieving
that result.
99. In these circumstances, the Court appreciates the full importance
of the recognition by ArticleVI of the Treaty on the Non-Proliferation of
Nuclear Weapons of an obligation to negotiate in good faith a nuclear
disarmament. This provision is worded as follows:

"Each of the Parties to the Treaty undertakes to pursue negotia-
tions in good faith on effectivemeasures relating to cessation of the
nuclear arms race at an early date and to nuclear disarmament, and
on a treaty on general and complete disarmament under strict and
effective international control."moins, la Cour considère qu'ellene dispose pas des éléments suffisants
pour pouvoir conclure avec certitude que l'emploi d'armes nucléaires
serait nécessairementcontraire aux principes et règlesdu droit applicable
dans les conflits armésen toute circonstance.
96. La Cour ne saurait au demeurant perdre de vue le droit fondamen-
tal qu'a tout Etatàla survie, et donc le droit qu'il a de recoàrla légi-
time défense,conformément à l'article 51 de la Charte, lorsque cette
survie est en cause.
Elle ne peut davantage ignorer la pratique dénommée((politique de
dissuasion» à laquelle une partie appréciable dela communauté interna-
tionale a adhérépendant des années.La Cour note aussi les réservesque

certains Etats dotésd'armes nucléairesont apportées aux engagements
qu'ils ont pris, en vertu, notamment, des protocoles aux traitésdelate-
lolco et de Rarotonga, ainsi que des déclarations faites par eux dans le
cadre de la prorogation du traité sur la non-prolifération des armes
nucléaires,dg ne pas recourirà ces armes.
97. En conséquence,au vu de l'état actueldu droit international pris
dans son ensemble, tel qu'elle l'a examinéci-dessus, ainsi que des élé-
ments de fait àsa disposition, la Cour est amenée à constater qu'elle ne
saurait conclure de façon définitive la licéitéouà l'illicéide l'emploi
d'armes nucléairespar un Etat dans une circonstance extrêmede légitime
défensedans laquelle sa survie mêmeserait en cause.

98. Compte tenu des questions éminemment difficiles que soulève
l'applicationà l'arme nucléairedu droit relatià l'emploi de la force, et
surtout du droit applicable dans les conflitsarmés, laCour estime devoir
examiner maintenant un autre aspect de la question posée, dans un
contexte plus large.

A terme, le droit international et avec lui la stabilité del'ordre inter-
national qu'il a pour vocation de régirne peuvent que souffrir des diver-
gencesde vues qui subsistent aujourd'hui quant au statut juridique d'une
arme aussi meurtrière que l'arme nucléaire.Il s'avèrepar conséquent
important de mettre fin à cet état de choses: le désarmement nucléaire
complet promis de longue date se présente commele moyen privilégié de
parvenir à ce résultat.
99. La Cour mesure dans ces circonstances toute l'importance de la
consécrationpar l'article VI du traité surla non-prolifération des armes
nucléaires d'une obligationde négocier de bonne foi un désarmement
nucléaire. Cette disposition est ainsi libellée:

((Chacune des parties au traités'engageàpoursuivre de bonne foi
des négociations sur des mesuresefficacesrelativeà la cessation de
la course aux armements nucléaires à une date rapprochée et au
désarmement nucléaireet sur un traité de désarmement général et
complet sous un contrôle international strict et efficace.»The legal import of that obligation goes beyond that of a mere obligation
of conduct ; the obligation involved here is an obligation to achieve a pre-
ciseresult - nuclear disarmament in al1its aspects - by adopting a par-
ticular course of conduct, namely, the pursuit of negotiations on the
matter in good faith.
100. This twofold obligation to pursue and to conclude negotiations
formally concerns the 182 States parties to the Treaty on the Non-
Proliferation of Nuclear Weapons, or, in other words, the vast majority
of the international community.
Virtually the whole of this community appears moreover to have been
involved when resolutions of the United Nations General Assembly con-
cerningnuclear disarmament have repeatedly been unanimously adopted.

Indeed, any realistic search for general and complete disarmament, espe-
cially nuclear disarmament, necessitates the CO-operationof al1States.

101. Even the very first General Assembly resolution, unanimously
adopted on 24 January 1946at the London session, set up a commission
whose terms of reference included making specificproposals for, among
other things, "the elimination from national armaments of atomic
weapons and of al1other major weapons adaptable to mass destruction".
In a large number of subsequent resolutions,the General Assemblyhas re-
affirmedthe need for nuclear disarmament. Thus, in resolution 808A (IX)
of 4 November 1954, which was likewiseunanimously adopted, it con-
cluded

"that a further effort should be made to reach agreement on com-
prehensive and CO-ordinatedproposals to be embodied in a draft
international disarmament convention providing for: . . .(b) The
total prohibition of the use and manufacture of nuclear weapons
and weapons of mass destruction of every type, together with the
conversion of existing stocks of nuclear weapons for peaceful pur-
poses."

The same conviction has been expressed outside the United Nations
context in various instruments.
102. The obligation expressed in Article VI of the Treaty on the Non-
Proliferation of Nuclear Weapons includes its fulfilment in accordance
with the basic principle of good faith. This basic principle is set forth in

Article 2, paragraph 2, of the Charter. It was reflectedin the Declaration
on Friendly Relations between States (resolution 2625(XXV) of 24 Octo-
ber 1970) and in the Final Act of the Helsinki Conference of 1 August
1975.It is also embodied in Article 26 of the Vienna Convention on the
Law of Treaties of 23 May 1969, according to which "[elvery treaty in
force is binding upon the parties to it and must be performed by them in
good faith".
Nor has the Court omitted to draw attention to it, as follows:

"One of the basic principles governing the creation and perform-La portéejuridique de l'obligation considéréedépassecelle d'une simple
obligation de comportement; l'obligation encause ici est cellede parvenir
à un résultatprécis- le désarmement nucléairedans tous ses aspects -
par l'adoption d'un comportement déterminé, à savoir la poursuite de
bonne foi de négociationsen la matière.
100. Cette double obligation de négocier etde conclure concerne for-
mellement les cent quatre-vingt-deux Etats parties au traité sur la non-
proliférationdes armes nucléaires, c'est-à-direla trèsgrande majorité de

la communauté internationale.
C'est d'ailleurspratiquement l'ensemble de cette communauté qui a
paru concernéelorsqu'à diverses reprises des résolutionsde l'Assemblée
générale des Nations Unies concernant le désarmement nucléaireont été
adoptées à l'unanimité.De fait, toute recherche réalisted'un désarme-
ment générae lt complet, en particulier nucléaire, nécessitlea coopération
de tous les Etats.
101. Déjà, la toute première résolution de l'Assemblée générale,
adoptée à l'unanimitéle 24janvier 1946 à la session de Londres, portait
création d'unecommission dont l'un desmandats consistait à présenter
des propositions en vue notamment d'«éliminer,des armements natio-

naux, les armes atomiques et toutes autres armes importantes permettant
des destructions massives». Dans un grand nombre de résolutionsulté-
rieures, l'Assemblée généraa leréaffirméla nécessitéde ce désarmement
nucléaire. Ainsi,dans sa résolution 808A (IX) du 4 novembre 1954,
adoptéeégalement à l'unanimité,elle a estimé

«qu'un nouvel effort [devait] être faiten vue d'aboutià un accord
sur des propositions complètes et coordonnéesqui seraient incorpo-
réesdans un projet de convention internationale sur le désarmement
prévoyant: ...b) L'interdiction complète de l'utilisation et de la
fabrication des armes nucléaires et desarmes de destruction massive
de toute sorte, ainsi que la transformation des fins pacifiques des
stocks d'armes nucléairesexistants.

La mêmeconviction a été exprimée ed nehors du cadre des Nations
Unies dans divers instruments.
102. L'obligation expriméeà l'article VI du traité sur la non-proliféra-
tion des armes nucléairesinclut sa propre exécutionconformément au
principe de bonne foi. Ce principe de base est énoncéà l'article 2, para-
graphe 2, de la Charte. Il a été refléans la déclaration surles relations

amicales entre Etats (résolution2625 (XXV) du 24 octobre 1970) ainsi
que dans l'acte final dela conférenced'Helsinki du ler août 1975; il a
aussi étéincorporé à l'article 26 de la convention de Vienne sur le droit
des traitésdu 23 mai 1969,aux termes duquel «[tlout traitéen vigueur lie
les parties et doit êtreexécutpar elles de bonne foi».

La Cour n'a pasnon plus manquéd'évoquer ledit principe en cestermes:

«L'un des principes de base qui présidentà la créationet àl'exé- ance of legalobligations,whatever their source,isthe principle of good
faith. Trust and confidenceare inherent in international CO-operation,
in particular in an agewhen this CO-operationin many fields is becom-
ing increasingly essential." (Nuclear Tests (Australia v. France),
Judgment, I.C.J. Reports 1974, p. 268, para. 46.)

103. In its resolution 984 (1995) dated 11 April 1995, the Security
Council took care to reaffirm "the need for al1 States Parties to the
Treaty on the Non-Proliferation of Nuclear Weapons to comply fully
with al1their obligations" and urged

"al1 States, as provided for in Article VI of the Treaty on the Non-
Proliferation of Nuclear Weapons, to pursue negotiations in good
faith on effectivemeasures relating to nuclear disarmament and on a

treaty on general and complete disarmament under strict and effec-
tive international control which remains a universal goal".

The importance of fulfilling the obligation expressed in Article VI of

the Treaty on the Non-Proliferation of Nuclear Weapons was also
reaffirmed in the final document of the Review and Extension Conference
of the parties to the Treaty on the Non-Proliferation of Nuclear Weapons,
held from 17 April to 12 May 1995.
In the view of the Court, it remains without any doubt an objective of
vital importance to the whole of the international community today.

104. At the end of the present Opinion, the Court emphasizes that its
reply to the question put to it by the General Assembly rests on the total-
ity of the legal grounds set forth by the Court above (paragraphs 20 to
103),each of which is to be read in the light of the others. Some of these

grounds are not such as to form the object of forma1 conclusions in the
final paragraph of the Opinion; they nevertheless retain, in the view of
the Court, al1their importance.

105. For these reasons,

(1) By thirteen votes to one,

Decides to comply with the request for an advisory opinion;

IN FAVOUR : President Bedjaoui ; Vice-President Schwebe ;l Judges
Guillaume, Shahabuddeen, Weeramantry,Ranjeva, Herczegh, Shi,
Fleischhauer,Koroma, Vereshchetin,Ferrari Bravo,Higgins;
AGAINST :Judge Oda ; MENACEOU EMPLOI D'ARMESNUCLÉAIRES (AVISCONSULTATIF)265

cution d'obligations juridiques, quelle qu'en soit la source, est celui
de la bonne foi. La confiance réciproqueest une condition inhérente
dela coopérationinternationale, surtout une époqueoù, dans bien
des domaines, cette coopération est de plus en plus indispensable.
(Essais nucléaires(Australie c. France), arrêt,C.I.J. Recueil 1974,
p. 268, par. 46.)

103. Dans sa résolution984 (1995)en date du 11avril 1995,le Conseil
de sécuritéa tenu à réaffirmer qu'ilétait((nécessaireque tous les Etats
parties au traité surla non-prolifération des armes nucléairess'acquittent
pleinement de toutes leurs obligations et a exhorté

«tous les Etatsà poursuivre de bonne foi, comme il est stipulé à
l'article VI du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires,
des négociationssur des mesures efficacesrelatives au désarmement
nucléaire etsur un traitéde désarmementgénéralet complet sous un
contrôle international strict et efficace, qui demeure un objectif uni-
versel».

L'importance de l'exécutionde l'obligation exprimée à l'article VI du
traité surla non-prolifération des armes nucléairesa aussi étéréaffirmée
dans le document final de la conférence desparties au traité sur la non-
prolifération des armes nucléaires chargéed'examiner le traitéet la ques-
tion de sa prorogation, qui s'est tenue du7avril au 12 mai 1995.
De l'avisde la Cour, ils'agitindubitablement d'un objectifqui demeure
vital pour l'ensemble de la communauté internationale aujourd'hui.

104. Au terme du présentavis, la Cour tieàtsouligner que sa réponse

à la question qui lui a été posée par l'Assemblée générale reposs eur
l'ensemble desmotifs qu'elle a exposés ci-dessus(paragraphes 20à 103),
lesquels doivent êtrelusà la lumière les uns des autres. Certains de ces
motifs ne sontpas de nature àfaire l'objet de conclusions formelles dans
le paragraphe final de l'avis; ils n'en gardent pas moins, aux yeux de la
Cour, toute leur importance.

105. Par ces motifs,

1) Par treize voix contre une,
Décidede donner suite à la demande d'avis consultatif;

POUR: M. Bedjaoui,Président;M. Schwebel,Vice-Président; M. Guil-
laume, Shahabuddeen,Weeramantry, RanjevaH , erczegh, Shi,Fleisch-
hauer, Koroma, Vereshchetin,Ferrari BravoMme Higgins,juges;
CONTRE: M. Oda,juge;(2) Replies in the following manner to the question put by the General
Assembly :

A. Unanimously,
There is in neither customary nor conventional international law

any specificauthorization of the threat or use of nuclear weapons;

B. By eleven votes to three,
There is in neither customary nor conventional international law
any comprehensive and universal prohibition of the threat or use

of nuclear weapons as such;
IN FAVOU Rresident Bedjaoui; Vice-PresidentSchwebel; Judges Oda,
Guillaume, Ranjeva, Herczegh, Shi,Fleischhauer, Vereshchetin,
Ferrari Bravo,Higgins;
AGAINST: Judges Shahabuddeen,Weeramantry,Koroma;

C. Unanimously,

A threat or use of force by means of nuclear weapons that
is contrary to Article 2, paragraph 4, of the United Nations
Charter and that fails to meet al1the requirements of Article 51, is
unlawful ;

D. Unanimously,

A threat or use of nuclear weapons should also be compatible
with the requirements of the international law applicable in armed
conflict, particularlythose of the principles and rules of interna-
tional humanitarian law, as well as with specificobligations under
treaties and other undertakings which expressly deal with nuclear
weapons ;

E. By seven votes to seven, by the President's casting vote,

It follows from the above-mentioned requirements that the threat
or use of nuclear weapons would generally be contrary to the rules
of international law applicable in armed conflict, and in particular
the principles and rules of humanitarian law;

However, in view of the current state of international law, and of
the elements of fact at its disposal, the Court cannot conclude
definitively whether the threat or use of nuclear weapons would be
lawful or unlawful in an extreme circumstance of self-defence, in
which the very survival of a State would be at stake;

IN FAVOUR :PresidentBedjaoui ;JudgesRanjeva,Herczegh,Shi,Fleisch-
hauer, Vereshchetin,Ferrari Bravo;
AGAINST : Vice-President Schwebel ; Judges Oda, Guillaume, Sha-
habuddeen,Weeramantry,Koroma,Higgins;2) Répondde la manière suivante à la question poséepar l'Assemblée
générale :

A. A l'unanimité,
Ni le droit international coutumier ni le droit international
conventionnel n'autorisent spécifiquement la menace ou l'emploi

d'armes nucléaires ;
B. Par onze voix contre trois,

Ni le droit international coutumier ni le droit international
conventionnel ne comportent d'interdiction complète et universelle
de la menace ou de l'emploi desarmes nucléaires entant que telles;

POURM : .Bedjaoui,Président;M. Schwebel, Vice-Président;MM.Oda,
Guillaume,Ranjeva,Herczegh, Shi,Fleischhauer,Vereshchetin,Fer-
rari Bravo,MmeHiggins, juges;
CONTRM E:M. Shahabuddeen, Weeramantry,Koroma, juges;

C. A l'unanimité,

Est illicite la menace ou l'emploi de la force au moyen d'armes
nucléaires qui serait contraire à l'article 2, paragraphe 4, de la
Charte des Nations Unies et qui ne satisferait pas a toutes les pres-
criptions de son article51 ;

D. A l'unanimité,
La menace ou l'emploi d'armes nucléairesdevrait aussi être com-
patible avec les exigences du droit international applicable dans les

conflits armés, spécialementcelles des principes et règlesdu droit
international humanitaire, ainsi qu'avec lesobligations particulières
en vertu des traitéset autres engagementsqui ont expressémenttrait
aux armes nucléaires ;

E. Par sept voix contre sept, par la voix prépondérantedu Président,
Il ressort des exigencessusmentionnéesquela menace ou l'emploi
d'armes nucléaires seraitgénéralementcontraire aux règlesdu droit

international applicable dans les conflits armés,et spécialementaux
principes et règlesdu droit humanitaire;
Au vu de l'état actueldu droit international, ainsi que des élé-
ments de fait dont elle dispose, la Cour ne peut cependant conclure
de façon définitiveque la menace ou l'emploi d'armes nucléaires
serait licite ou illicite dans une circonstance extrêmede légitime
défensedans laquelle la survie mêmed'un Etat serait en cause;

POURM : . Bedjaoui,résident; MM. Ranjeva, Herczegh, Shi,Fleisch-
hauer, Vereshchetin,Ferrari Bravo,juges;
CONTRE :M.Schwebel, Vice-Puésiden;MM.Oda,Guillaume,Shahabud-
deen,Weeramantry,Koroma, MmeHiggins, juges; F. Unanimously,
There exists an obligation toue in good faith and bring to a
conclusion negotiations leading to nuclear disarmament in al1its
aspects under strict and effectiveinternational control.

Done in English and in French, the English text being authoritative, at
the Peace Palace, The Hague, this eighth day of July, one thousand nine
hundred and ninety-six, in two copies, one of which will beplaced in the
archives of the Court and the other transmitted to the Secretary-General
of the United Nations.

(Signed) Mohammed BEDJAOUI,

President.
(Signed) Eduardo VALENCIA-OSPINA,

Registrar.

President BEDJAOUJu,dges HERCZEGSH, I,VERESHCHET aId FERRARI
BRAVO append declarations to the Advisory Opinion of the Court.

Judges GUILLAUME ,ANJEVA AND FLEISCHHAUE append separate
opinions to the Advisory Opinion of the Court.

Vice-PresidentCHWEBE Ju, ges ODA,SHAHABUDDEW ENE, RAMANTRY,
KOROMa And HIGGINaSppend dissentingopinionsto the Advisory Opinion
of the Court.

(Initialled) M.B.
(Initialled) E.V.O. F. A l'unanimité,

Il existe une obligation de poursuivre de bonne foi et àe mener
terme des nbgociations conduisant au désarmement nucléairedans
tous ses aspects, sous un contrôle international strict et efficace.

Fait en anglais et en français, le texte anglais faisant foi, au Palais de la
Paix,à La Haye, le huit juillet mil neuf cent quatre-vingt-seize, en deux
exemplaires, dont l'un restera déposéaux archives de la Cour et l'autre
sera transmis au Secrétaire génle l'organisation des Nations Unies.

Le Président,

(SignéM )ohammed BEDJAOUI.

Le Greffier,
(SignéE )duardo VALENCIA-OSPINA.

M. BEDJAOUP I,résident, et MM. HERCZEGH S,HI,VERESHCHETIeN t
FERRARB IRAVO , ges, joignent des déclarationsvis consultatif.

MM. GUILLAUME R,ANJEVAet FLEISCHHAUE jg,es, joignentl'avis
consultatif les exposésde leur opinion individuelle.

M. SCHWEBEV Li,ce-Président,et MM. ODA,SHAHABUDDEW ENE,ERA-
MANTRK Y, ROMA et MmeHIGGINSj,uges, joignenà l'avis consultatif les
exposésde leur opinion dissidente.

(Paraphé) M.B.

(Paraphé) E.V.O.

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Document Long Title

Avis consultatif du 8 juillet 1996

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