COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
RECUEIL DES ARRÊTS,
AVIS CONSULTATIFS ET ORDONNANCES
APPLICATION DE LA CONVENTION
POUR LA PRÉVENTION ET LA RÉPRESSION
DU CRIME DE GÉNOCIDE
(CROATIE c. SERBIE)
ARRÊT DU 3 FÉVRIER 2015
2015
INTERNATIONAL COURT OF JUSTICE
REPORTS OF JUDGMENTS,
ADVISORY OPINIONS AND ORDERS
APPLICATION OF THE CONVENTION
ON THE PREVENTION AND PUNISHMENT
OF THE CRIME OF GENOCIDE
(CROATIA v. SERBIA)
JUDGMENT OF 3 FEBRUARY 2015
7 CIJ1077.indb 1 18/04/16 08:53 Mode officiel de citation :
Application de la convention pour la prévention et la répression
du crime de génocide (Croatie c.Serbie),
arrêt, C.I.J. Recueil 2015, p.
Official citation:
Application of the Convention on the Prevention and Punishment
of the Crime of Genocide (Croatia v. Serbia),
Judgment, I.C.J. Reports 2015, p.3
o
N de vente:
ISSN 0074-4441 Sales number 1077
ISBN 978-92-1-157269-8
7 CIJ1077.indb 2 18/04/16 08:53 3 FÉVRIER 2015
ARRÊT
APPLICATION DE LA CONVENTION POUR LA PRÉVENTION
ET LA RÉPRESSION DU CRIME DE GÉNOCIDE
(CROATIE c. SERBIE)
APPLICATION OF THE CONVENTION ON THE PREVENTION
AND PUNISHMENT OF THE CRIME OF GENOCIDE
(CROATIA v . SERBIA)
3 FEBRUARY 2015
JUDGMENT
7 CIJ1077.indb 3 18/04/16 08:53 3
TABLE DES MATIÈRES
Paragraphes
Qualités 1-51
Introduction de l’instance, notifications, exceptions prélimi -
naires et dépôt des écritures sur le fond 1-16
Organisation de la procédure orale et mise à la disposition du
public des pièces de procédure ainsi que des comptes rendus
d’audience 17-48
Demandes formulées dans la requête et conclusions présentées
par les Parties 49-51
I.Contexte 52-73
A. La dissolution de la République fédérative socialiste de
Yougoslavie et l’émergence de nouveaux Etats 53-59
B. La situation en Croatie 60-73
II. Compétence et recevabhilité 74-123
A. La demande de la Croatie 74-119
1) Les questions de compétence et de recevabilité restant à
trancher après l’arrêt de 2008 74-78
2) Les positions des Parties en ce qui concerne la compétence
et la recevabilité 79-83
3) L’étendue de la compétence découlant de l’article IX de
la convention sur le génocide 84-89
4) L’exception d’incompétence soulevée par la Serbie 90-117
a) La question de savoir si les dispositions de la Conven
tion sont rétroactives 90-100
b) Le paragraphe 2 de l’article 10 des Articles de la CDI
sur la responsabilité de l’Etat 102-105
c) La succession à la responsabilité 106-117
5) Recevabilité 118-119
B. La demande reconventionnelle de la Serbie 120-123
III. Le droit applicable : la convention sur lah prévention
et la répression du crhime de génocide 124-166
A. La mens rea du génocide 132-148
1) Le sens et la portée de la notion de « destruction»
d’un groupe 134-139
a) La destruction physique ou biologique du groupe 134-136
b) L’ampleur de la destruction du groupe 137-139
4
7 CIJ1077.indb 4 18/04/16 08:53 4 application de convehntion génocide (arrêth)
2) Le sens de la notion de destruction « en partie »
du groupe 140-142
3) La manifestation du dolus specialis 143-148
B. L’élément matériel du génocide 149-166
1) Les relations entre la Convention et le droit international
humanitaire 151-153
2) Le sens et la portée des éléments matériels en cause 154-166
a) Le meurtre de membres du groupe 155-156
b) L’atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de
membres du groupe 157-160
c) La soumission intentionnelle du groupe à des conditions
d’existence devant entraîner sa destruction physique 161-163
d) Mesures visant à entraver les naissances au sein du
groupe 164-166
IV. L’administration de lah preuve 167-199
A. La charge de la preuve 170-176
B. Le critère d’établissement de la preuve 177-179
C. Les modes de preuve 180-199
V. Examen au fond de la demahnde principale 200-442
A. L’élément matériel du génocide (actus reus) 203-401
1) Introduction 203-208
2) Litt.a) de l’articleII: meurtre de membres du groupe
protégé 209-295
Région de Slavonie orientale 212-245
a) Vukovar et ses environs 212-224
b) Bogdanovci 225-230
c) Lovas 231-240
d) Dalj 241-245
Région de Slavonie occidentale 246-250
Voćin 246-250
Région de Banovina/Banija 251-261
a) Joševica 251-256
b) Hrvatska Dubica et ses environs 257-261
Région de Kordun 262-267
Lipovača 262-267
Région de Lika 268-277
a) Saborsko 268-271
b) Poljanak 272-277
Région de Dalmatie 278-294
5
7 CIJ1077.indb 6 18/04/16 08:53 5 application de convehntion génocide (arrêth)
a) Skabrnja et ses environs 278-284
b) Bruška 285-288
c) Dubrovnik 289-294
Conclusion 295
3) Litt. b)de l’article: atteinte grave à l’intégrité physique
ou mentale de membres du groupe 296-360
Région de Slavonie orientale 298-335
a) Vukovar 298-311
i) Le pilonnage de Vukovar 299-301
ii) La prise de Vukovar et de ses environs 302-305
iii) L’invasion de l’hôpital de Vukovar et le transfert
vers les camps d’Ovčara et de Velepromet 306-311
b) Bapska 312-315
c) Tovarnik 316-319
d) Berak 320-324
e) Lovas 325-330
f) Dalj 331-335
Région de Slavonie occidentale 336-350
a) Kusonje 336-340
b) Voćin 341-346
c) Dulovac 347-350
Région de Dalmatie 351-354
Knin 351-354
Personnes disparues 355-359
Conclusion 360
4) Litt.c) de l’articII: soumission intentionnelle du groupe
àdes conditions d’existence devant entraîner sa destruc-
tion physique totale ou partielle 361-394
Viols 362-364
Privations alimentaires 365-368
Privation de soins médicaux 369-372
Expulsion systématique des logements et déplacement
forcé 373-377
Restrictions des déplacements 378-380
Port forcé de signes d’appartenance ethnique 381-382
Pillages de biens appartenant aux Croates 383-385
Destruction et pillage du patrimoine culturel 386-390
Travail forcé 391-393
Conclusion 394
5) Litt.d) de l’articlII:mesures visant à entraver les nais
sances au sein du groupe 395-400
Conclusion sur l’élément matériel (actus reus) du génocide 401
6
7 CIJ1077.indb 8 18/04/16 08:53 6 application de convehntion génocide (arrêth)
B. L’élément intentionnel du génocide (dolus specialis) 402-440
1) Les Croates habitant en Slavonie orientale, Slavonie occi -
dentale, Banovina/Banija, Kordun, Lika et Dalmatie cons-ti
tuaient-ils une partie substantielle du groupe protégé 405-406
2) Existe-t-il une lignede conduite qui ne peut raisonnable -
ment être comprise que comme traduisant l’intention, de
la part des autorités serbes, de détruire en partie le groupe
protégé ? 407-439
a) Contexte 419-430
b) Opportunité 431-437
Conclusion sur le dolus specialis 440
C. Conclusion générale sur la demande de la Croatie 441-442
VI. Examen au fond de la demahnde reconventionnellhe 443-523
A. Examen des conclusions principales de la demande recon -
ventionnelle: question de savoir si des actes de génocide
attribuables à la Croatie ont été commis à l’encontre du h
groupe national et ethnique des Serbes vivant en Croatie
pendant et après l’opération «Tempête» 446-515
1) L’élément matériel du génocide (actus reus) 452-499
a) Les éléments de preuve présentés par la Serbie en vue
d’établir les faits allégués 454-461
b) Examen de la question de savoir si les actes allégués
par la Serbie sont matériellement établis 462-498
i) Meurtre de civils résultant de bombardements
prétendument indiscriminés sur les villes de la
Krajina 463-475
ii) Déplacement forcé de la population serbe de la
Krajina 476-480
iii) Meurtre de Serbes fuyant en colonnes les villes
attaquées 481-485
iv) Meurtre des Serbes restés dans les zones de la
Krajina protégées par les Nations Unies 486-493
v) Mauvais traitements infligés aux Serbes pendant
et après l’opération « Tempête» 494-496
vi) Destruction et pillage à grande échelle de biens
appartenant aux Serbes pendant et après
l’opération «Tempête» 497-498
Conclusion concernant l’existence de l’élément matériel
du génocide 499
2) L’élément intentionnel du génocide (dolus specialis) 500-515
a) Le procès -verbal de la réunion de Brioni 501-507
b) L’existence d’une ligne de conduite qui dénote
l’intentiongénocidaire 508-514
7
7 CIJ1077.indb 10 18/04/16 08:53 7 application de convehntion génocide (arrêth)
Conclusion concernant l’existence du dolus specialis, et con-
clusion générale sur la commission d’un génocide 515
B. Examen des autres conclusions de la demande reconven -
tionnelle 516-521
1) Conclusions subsidiaires 516-517
2) Conclusions complémentaires 518-519
3) Conclusions tendant à la cessation des faits internationa -
lement illicites imputables à la Croatie et à la réparation
de leurs conséquences dommageables 520-521
Conclusion générale sur la demande reconventionnelle 522-523
VII. Dispositif 524
8
7 CIJ1077.indb 12 18/04/16 08:53 8
ABRÉVIATIONS ET ACRONYMES
BiH Bosna i Hercegovina (Bosnie-Herzégovine)
CDI Commission du droit international
CHC Comité Helsinki des droits de l’homme pour la Croatie
FORPRONU Force de protection des Nations Unies
HV Hrvatska vojska (armée croate)
JNA Jugoslovenska narodna armija (armée populaire yougo
slave)
MUP Ministarstvo unutrašnjih poslova(ministère de l’intérieur)
RFSY République fédérative socialiste de Yougoslavie
RFY République fédérale de Yougoslavie
RSK Republika Srpska Krajina (République serbe de Kra
jina)
SAO Srpska autonomna oblastrégion autonome serbe)
SAO SBSO Région autonome serbe de Slavonie, Baranja et Srem
occidental
SDG Srpska dobrovoljačka garda (garde volontaire serbe)
SDS Srpska demokratska stranka (parti démocratique serbe)
SNB Služba nacionalne bezbednosti (service de sécurité natio
nale)
SRS Srpska radikalna strankaarti radical serbe)
TO Teritorijalna odbrana (défense territoriale)
TPIR Tribunal pénal international pour le Rwanda
TPIY Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie
VJ Vojska Jugoslavije (armée yougoslave)
VP Vojna policija (police militaire)
ZPNU Zone protégée par les Nations Unies
9
7 CIJ1077.indb 14 18/04/16 08:53 9
COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
ANNÉE 2015
2015
3 février 3 février 2015
Rôle général
n 118
APPLICATION DE LA CONVENTION
POUR LA PRÉVENTION ET LA RÉPRESSION
DU CRIME DE GÉNOCIDE
(CROATIE c. SERBIE)
Contexte historique et factuel.
Dissolution de la RFSY et émergence de nouveaux Etats — Situation en Croa‑
tie — Etablissement de régions autonomes serbes— Conflit armé à partir de
l’été 1991 — Plan Vance et déploiement de la force de protection des
Nations Unies — Opérations «Eclair» et « Tempête» en1995.
*
Compétence et recevabilité.
Demande de la Croatie — Compétence ratione temporis à l’égard de faits anté‑
rieurs au 27avril 1992 (date à laquelle la RFY est devenue partie à la conven▯tion
sur le génocide) — Article IX de la Convention — Différends « relatifs à l’inter‑
prétation, l’application ou l’exécution la Convention— Convention n’étant
pas rétroactiv— Question de l’applicabilité du paragrap2 de l’article 10 des
articles de la CDI sur la responsabilité de l’Etat — Question de la succession à la
responsabilité Existence d’un différend sur le point de savoir si des actes anté▯
rieurs pouvaient engager la responsabilité de la Serbie — Cour ayant compétence
sur l’ensemble de la demande de la Croatie.
Recevabilité de la demande — Recevabilité de la demande, en ce qu’elle concerne
des actes antérieurs au 27avril 1992, soulevant des questions d’attribu—ion
Actes antérieurs au 8 octobre 1991 (date à laquelle la Croatie est devenue partie à
la Convention) pertinents pour l’examen d’allégations de viola▯tions postérieures à
cette date — Cour n’estimant pas nécessaire de statuer sur ces deux questions ▯de
recevabilité avant d’avoir examiné la demande au fond.
Demande reconventionnelle de la Serbie— Paragraphe 1 de l’article 80 du
Règlement de la Cour dans sa version adoptée le 14il 1978 — Demande recon‑
ventionnelle relevant de la compétence de la Couremande reconventionnelle
étant en connexité directe avec la demande en fait comme en dr— Demande
reconventionnelle étant recevable.
*
10
7 CIJ1077.indb 16 18/04/16 08:53 10 application de convehntion génocide (arrêth)
Convention sur le génocide en tant que droit applicable— Définition du géno ‑
cide à l’article de la Convention.
Dolus specialis — Sens et portée de la notion de «destruction» du groupe —
Convention visant exclusivement la destruction physique ou biologique — Néces ‑
sité de prouver l’intention de détruire le groupe en tout ou en▯ parties de la
notion de destruction «en partie » du groupe — Déduction du dolus specialis à
partir d’une ligne de conduite.
Elément matériel — Sens et portée des actes énumérés à l’article II de la
Convention — Equivalence des termes « meurtre» et « killing» au litt. a) de
l’article II — Litt. b) de l’article II exigeant que l’atteinte grave à l’intégrité
physique ou mentale soit telle qu’elle contribue à la destruction ▯physique ou biolo
gique du groupe, en tout ou en partie — Déplacement forcé en tant qu’élément
matériel du génocide au sens du litt. c) de l’article II — Viol et autres actes de
violence sexuelle en tant qu’élément matériel du génocide▯ au sens du litt.) de
l’article II.
*
Charge de la preuve — Partie alléguant un fait devant en établir l’existence —
Principe n’ayant pas un caractère absolu — Partie adverse devant coopérer en
produisant les éléments de preuve en sa possession— Renversement de la charge
de la preuve n’étant pas opportun en l’espèce.
Critère d’établissement de la preuve — Eléments de preuve devant avoir «pleine
force probante» — Cour devant être « pleinement convaincue » que des actes ont
été commis.
Modes de preuve — Conclusions factuelles du TPIY étant admises comme
«hautement convaincantes» — Absence du chef de génocide dans les actes d’accu
sation du TPIY — Valeur probante de différents types de rapports présentés à
titre d’éléments de preuve — Valeur probante des déclarations individuelles
annexées aux pièces de procédure écrite.
*
Demande principale.
Elément matériel du génocide.
Litt.a) de l’article II de la Convention — Preuve ayant été faite qu’un grand
nombre de meurtres ont été commis par la JNA et des forces serbes dans des loca
lités de Slavonie orientale, de Banovina/Banija, de Kordun, de Lika e▯t de Dalma ‑
tie— Victimes appartenant très majoritairement au groupe protégé — Elément
matériel établi.
Litt. b) de l’article II — Preuve ayant été faite que des actes de mauvais traite
ment, de torture, de violence sexuelle et de viol ont été perpé▯trés dans des ‑ocali
tésde Slavonie orientale, de Slavonie occidentale et de Dalmatie— Actes ayant
causé à l’intégrité physique ou mentale des atteintes tel▯les qu’elles ont pu ‑ontri
buer à la destruction physique ou biologique du groupe protégé— Elément maté‑
riel établi.
Litt.c) de l’article II — Actes de viol n’ayant pas été commis à une échelle telle▯
qu’ils aient eu pour effet de soumettre le groupe à des conditions▯ d’existence devant
causer sa destruction physique totale ou partielle — Privations alimentaires et de
soins médicaux n’ayant pas été pratiquées de manière s▯ystématique ou générali‑
11
7 CIJ1077.indb 18 18/04/16 08:53 11 application de convehntion génocide (arrêth)
sée — Expulsion, déplacement forcé et restriction des déplacements n▯e visant pas
à entraîner la destruction physique totale ou partielle du grou— Port forcé de
signes d’appartenance ethnique ne pouvant relever du litt. c) de l’article II — Pil
lages de biens appartenant aux Croates ne visant pas à entraîner l▯a destruction
physique totale ou partielle du groupe — Destruction et pillage du patrimoine
culturel ne pouvant relever du litt. c) de l’article II — Travail forcé ne visant pas à
entraîner la destruction physique totale ou partielle du groupe — Elément matériel
non établi.
Litt. d) de l’article II — Viols et actes de violence sexuelle ayant été commis —
Preuve n’ayant pas été faite que ces actes aient été perp▯étrés pour entraver les
naissances au sein du groupe — Elément matériel non établi.
Intention génocidaire (dolus specialis)— Partie du groupe censée avoir été
visée — Croates vivant dans les régions visées formant une partie substan▯tielle
du groupe — Existence d’une ligne de conduite consistant à mener des attaques▯
généralisées sur des localités comptant des populations croa▯tes à partir
du mois d’août 1991 — Intention de détruire le groupe, en tout ou en partie,
devant être la seule conclusion raisonnable susceptible d’être dédu▯ite de la
ligne de conduite — Contexte dans lequel les actes ont été commis ne permet ‑
tant pas une telle déduction — Preuve n’ayant pas été faite que les auteurs
matériels aient saisi les opportunités qui se présentaient à▯ eux de détruire
une partie substantielle du groupe protégé — Autres facteurs invoqués ne
suffisant pas à démontrer l’intention génocidaire — Dolus specialis non
établi.
Aucune violation de la Convention n’ayant été établieDemande principale ne
pouvant être accueilli— Nul besoin pour la Cour de se prononcer sur la recevabi
lité de la demande principale en ce qu’elle concerne des actes ant▯érieurs au
8 octobre 1991 — Nul besoin pour la Cour de déterminer si les actes antérieurs au ▯
27 avril 1992 sont attribuables à la RFSY — Nul besoin pour la Cour d’examiner
la question de la succession à la responsabilité.
*
Demande reconventionnelle.
Elément matériel du génocide.
Question de savoir s’il y a eu meurtre de civils résultant de bomb▯ardements sur
des villes de la Krajina — Analyse de l’affaire Gotovina portée devant le TPIY —
Bombardements indiscriminés non établis — Absence d’éléments prouvant que les
civils serbes ont été intentionnellement tués dans les pilonnag▯es — Elément maté
riel prévu au litt. de l’article II de la Convention non établi.
Déplacement de la population serbe de la Krajina — Déplacement ne visant pas
à entraîner la destruction physique totale ou partielle du groupe ▯visélément
matériel prévu au litt. c) de l’article II non établi.
Meurtre de Serbes fuyant en colonnes — Preuve ayant été faite que des
meurtres ont été perpétrés — Elément matériel prévu au litt. a) de l’article II
établi.
Meurtre des Serbes restés dans les zones protégées par les Nati▯onsUnies —
Conclusions factuelles de la chambre de première instance du TPIY dev▯ant être
admises comme « hautement convaincantes » — Preuve ayant été faite que lesdits
meurtres ont été commis — Elément matériel prévu au litt. a) de l’article II établi.
Mauvais traitements infligés aux Serbes pendant et après l’opé▯ration «Tem ‑
pête » — Analyse de l’affaire Gotovina portée devant le TPIY — Preuve ayant été
12
7 CIJ1077.indb 20 18/04/16 08:53 12 application de convehntion génocide (arrêth)
faite que des actes causant une atteinte grave à l’intégrité▯ physique ou mentale ont
été perpétrés — Elément matériel prévu au litt. b) de l’article II établi.
Destruction et pillage à grande échelle après l’opératTempête» — Ne
visant pas à entraîner la destruction physique totale ou partielle▯ d— groupe visé
Elément matériel prévu au litt. c) de l’article II non établi.
Intention génocidaire (dolus speci—liProcès‑verbal de la réunion de Brioni
n’établissant pas l’intention génocidaire — Ligne de conduite — Distinction entre
nettoyage ethnique et génocide — Actes n’ayant pas été commis à une échelle telle
qu’ils ne puissent raisonnablement qu’indiquer l’existence d’▯une intention génoci
daire— Dolus specialis non établi.
Aucune violation de la Convention n’ayant été éta— Demande reconven ‑
tionnelle ne pouvant être accueillie.
ARRÊT
Présents: M. Tomka, président; M.Sepúlveda-Amor, vice‑président;
MM. Owada, Abraham, Keith, BennounmesSkotnikov, Cançado
Trindade, Yusuf, Greenwood, M Xue, Donoghue, M. Gaja,
M me Sebutinde, M. Bhandari, juges; MM. Vukas, Kreća, juges
ad hoc; M. Couvreur, greffier.
En l’affaire relative à l’application de la convention pour la phrévention et la
répression du crime de génocide,
entre
la République de Croatie,
représentée par
M me Vesna Crnić-Grotić, professeur de droit international à l’Université de h
Rijeka,
comme agent;
S. Exc. MmeAndreja Metelko-Zgombić, ambassadeur, directeur général de la
division de droit communautaire et international et des affaires consulaihres
du ministère des affaires étrangères et des affaires européennhes,
me
M Jana Spero, chef de secteur au ministère de la justice,
M. Davorin Lapaš, professeur de droit international à l’Univershité de Zagreb,
comme coagents;
M. James Crawford, A.C., S.C., F.B.A., professeur de droit international àh
l’Université de Cambridge, titulaire de la chairel, membre de l’Ins-
titut de droit international, avocat, Matrix Chambers (Londres),
M. Philippe Sands, Q.C., professeur de droit, University College de Londresh,
avocat, Matrix Chambers (Londres),
M. Mirjan R. Damaška, professeur de droit émérite de l’Université de Yhale
(chaire Sterling), chargé d’enseignements à l’Universitéh de Yale,
sirKeir Starmer, Q.C., avocat, Doughty Street Chambers (Londres),
M me Maja Seršić, professeur de droit international à l’Universithé de Zagreb,
M me Kate Cook, avocat, Matrix Chambers (Londres),
13
7 CIJ1077.indb 22 18/04/16 08:53 13 application de convehntion génocide (arrêth)
me
M Anjolie Singh, membre du barreau indien (Delhi),
M me Blinne Ní Ghrálaigh, avocat, Matrix Chambers (Londres),
comme conseils et avocats
M. Luka Mišetić, avocat, Law Offices of Luka Misetic (Chicago),
me
M Helen Law, avocat, Matrix Chambers (Londres),
M. Edward Craven, avocat, Matrix Chambers (Londres),
comme conseils;
S. Exc. M. Orsat Miljenić, ministre de la justice de la République de Croatieh,
S. Exc. MmeVesela Mrđen Korać, ambassadeur de la République de Croatie
auprès du Royaume des Pays-Bas,
comme membres de la délégation ;
M. Remi Reichhold, assistant administratif, Matrix Chambers (Londres),
M me Ruth Kennedy, LL.M. (University College de Londres), assistante admi-
nistrative, University College de Londres,
comme conseillers;
me
M Sanda Simić Petrinjak, chef de département au ministère de la justice,h
M me Sedina Dubravčić, chef de département au ministère de la jushtice,
M me Klaudia Sabljak, ministère de la justice,
me
M Zrinka Salaj, ministère de la justice,
M. Tomislav Boršić, ministère de la justice,
M. Albert Graho, ministère de la justice,
M. Nikica Barić, Institut croate d’histoire (Zagreb),
me
M Maja Kovač, chef de département au ministère de la justice,
M me Katherine O’Byrne, Doughty Street Chambers (Londres),
M. Rowan Nicholson, Associate au Lauterpacht Centre for International
Law de l’Université de Cambridge,
comme assistants;
me
M Victoria Taylor, International Mapping (Maryland),
comme assistante technique,
et
la République de Serbie,
représentée par
M. Saša Obradović, premier conseiller à l’ambassade de la République de
Serbie au Royaume des Pays -Bas, ancien conseiller juridique au ministère
des affaires étrangères,
comme agent;
M. William Schabas, O.C., membre de la Royal Irish Academy, professeur de
droit international à l’Université du Middlesex et professeur dhe droit pénal
international et des droits de l’homme à l’Université de Leyhde,
M. Andreas Zimmermann, LL.M. (Université de Harvard), professeur de
droit international à l’Université de Potsdam, directeur du cenhtre des droits
de l’homme de l’Université de Potsdam, membre de la Cour permanhente
d’arbitrage,
M. Christian J. Tams, LL.M., Ph.D. (Université de Cambridge), professeur
de droit international à l’Université de Glasgow,
14
7 CIJ1077.indb 24 18/04/16 08:53 14 application de convehntion génocide (arrêth)
M. Wayne Jordash, Q.C., avocat, Doughty Street Chambers (Londres), asso -
cié du cabinet Global Rights Compliance,
M. Novak Lukić, avocat, Belgrade, ancien président de l’associatiohn des
conseils de la défense exerçant devant le TPIY,
M. Dušan Ignjatović, LL.M. (Université Notre Dame), avocat, Belghrade,
comme conseils et avocats ;
S. Exc. M. Petar Vico, ambassadeur de la République de Serbie auprès du
Royaume des Pays-Bas,
M. Veljko Odalović, secrétaire général du Gouvernement de la Réhpublique de
Serbie, président de la commission pour les personnes disparues,
comme membres de la délégation ;
M meTatiana Bachvarova, LL.M. (London School of Economics and Political
Science), LL.M. (Université St. Kliment Ohridski), doctorante (Université
du Middlesex), juge au tribunal de district de Sofia (Bulgarie),
M. Svetislav Rabrenović, LL.M. (Université du Michigan), conseillerh princi-
pal au bureau du procureur pour les crimes de guerre de la Républiqueh de
Serbie,
Igor Olujić, avocat, Belgrade,
M.
M. Marko Brkić, premier secrétaire au ministère des affaires étrhangères,
M. Relja Radović, LL.M. (Université de Novi Sad), LL.M. (Universithé de
Leyde (en cours)),
M. Georgios Andriotis, LL.M. (Université de Leyde),
comme conseillers,
La Cour,
ainsi composée,
après délibéré en chambre du conseil,
rend l’arrêt suivant :
Introduction de l’instance, notifications, exceptions préliminaire▯s
et dépôt des écritures sur le fond
1. La Cour rappellera que l’historique de la procédure, de la date d’hintrodu-
tion de l’instance le 2illet 1999 jusqu’au 30 mai 2008, a fait l’objet d’un exposé
détaillé dans l’arrêt qu’elle a rendu le 18 novembre 2008 sur les exceptions préli-
minaires soulevées par le défendeur en l’espèce (Application de la convention pour
la prévention et la répression du crime de génocide (Croatie. Serbie), exceptions
préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2008 (ci-après arrêt de 2008 »), p.415-417,
par. 1-19). Ledit exposé ne sera pas repris intégralement dans le préhsent arrêt,
mais sera résumé dans les paragraphes qui suivent.
2. Le 2 juillet 1999, le Gouvernement de la République de Croatie (dénom -
mée ci-après la « Croatie») a déposé une requête contre la République fédérale
de Yougoslavie (dénommée ci-après la « RFY») au sujet d’un différend concer -
nant des violations alléguées de la convention pour la préventihon et la répression
du crime de génocide (dénommée ci-après la convention sur le génocide » ou la
«Convention»). La Convention a été approuvée par l’Assemblée géhnérale des
Nations Unies le 9 décembre 1948 et est entrée en vigueur le 12 janvi1951. La
15
7 CIJ1077.indb 26 18/04/16 08:53 15 application de convehntion génocide (arrêth)
requête invoquait comme base de compétence de la Cour l’articleh IX de la
convention sur le génocide.
3. Conformément au paragraphe 2 de l’article 40 du Statut de la Cour, le
greffier a immédiatement communiqué une copie certifiée confhorme de la
requête au Gouvernement de la RFY ; et, conformément au paragraphe 3 de cet
article, tous les autres Etats admis à ester devant la Cour ont éthé informés de la
requête.
4. Conformément aux instructions données par la Cour en vertu de
l’article 43 de son Règlement, le greffier a adressé aux Etats parties à lah conven -
tion sur le génocide la notification prévue au paragraphe 1 de l’article 63
du Statut. Le greffier a en outre adressé au Secrétaire générahl de l’Organisation
des Nations Unies la notification prévue au paragraphe 3 de l’article 34 du
Statut, et lui a par la suite transmis des exemplaires des pièces de hprocédure.
5. Par ordonnance en date du 14 septembre 1999, la Cour a fixé les dates
d’expiration des délais pour le dépôt d’un mémoire de hla Croatie et d’un
contre-mémoire de la RFY. Par ordonnances des 10 mars 2000 et 27 juin 2000,
ces délais, à la demande de la Croatie, onerété successivemehnt prorogés. Le
mémoire de la Croatie a été déposé le 1 mars 2001, dans le délai tel que finale-
ment prescrit.
6. La Cour ne comptant sur le siège aucun juge de la nationalité des hParties,
chacune d’elles s’est prévalue du droit que lui confère le pharagraphe 3 de
l’article31 du Statut de procéder à la désignation d’un juge ad hoc pour siéger
en l’affaire :la Croatie a désigné M. Budislav Vukas et la RFY, M. Milenko
Kreća.
7. Le 11 septembre 2002, dans le délai prescrit au paragraphe 1 de l’article 79
du Règlement tel qu’adopté le 14 avril 1978 et applicable en l’espèce, la RFY a
présenté des exceptions préliminaires portant sur la compétehnce de la Cour pour
connaître de l’affaire et sur la recevabilité de la requête. hLe 25avril 2003, dans le
délai fixé par la Cour par ordonnance du 14 novembre 2002, la Croatie a déposé
un exposé contenant ses observations et conclusions sur lesdites excehptions.
8. Par lettre datée du 5 février 2003, la RFY a informé la Cour que, à la suite
de l’adoption et de la promulgation par l’Assemblée de la RFY, hle 4 février
2003, de la charte constitutionnelle de la Serbie-et-Monténégro, le nom de l’Etat
de la « République fédérale de Yougoslavie » était désormais « Serbie-et-
Monténégro». Après l’annonce des résultats d’un référendum tehnu au Monténé -
gro le 21 mai 2006 (conformément à la charte constitutionnelle de la Ser -
bie -et-Monténégro), l’Assemblée nationale de la République du Monténégro a
adopté le 3 juin 2006 une déclaration d’indépendance, à la suite de laquelle hseule
la « République de Serbie » (ci -après dénommée la « Serbie») est demeurée
défenderesse en l’affaire (arrêt de 2008, C.I.J. Recueil 2008 , p. 421-423,
par. 23-34).
9. Des audiences publiques ont été tenues sur les exceptions prélihminaires du
26 au 30 mai 2008. Par son arrêt de2008, la Cour a rejeté les première et troisième
exceptions préliminaires soulevées par la Serbie. Elle a considéré que la deuxième
exception — selon laquelle les demandes fondées sur les actes ou omissions antéh -
rieurs au 27 avril 1992, c’est-à-dire la date à laquelle la RFY a commencé à exister
en tant qu’Etat distinct, ne relevaient pas de sa compétence et éhtaient irrece -
vables — n’avait pas, dans les circonstances de l’espèce, un caracthère exclusivement
préliminaire et qu’elle devait, dès lors, être examinée lhors de la phase du fond. Sous
réserve de cette conclusion, la Cour a jugé qu’elle avait compéhtence pour connaître
de la requête de la Croatie (ibid., p.66-467, par. 146).
16
7 CIJ1077.indb 28 18/04/16 08:53 16 application de convehntion génocide (arrêth)
10. Par ordonnance en date du 20 janvier 2009, la Cour a fixé au 22mars 2010
la date d’expiration du délai pour le dépôt du contre -mémoire de la Serbie. Le
contre-mémoire, déposé le 4 janvier 2010, contenait une demande reconvention-
nelle.
11. Au cours d’une réunion que le président de la Cour a tenue avech les repr-é
sentants des Parties le 3 février 2010, le coagent de la Croatie a indiqué que son
gouvernement n’entendait pas soulever d’objections à la recevabilité de la
demande reconventionnelle de la Serbie comme telle, mais désirait pouvoir y
répondre au fond dans une réplique. Le coagent de la Serbie a expohsé que, dans
ce cas, son gouvernement souhaitait déposer une duplique.
12. Par ordonnance en date du 4 février 2010, la Cour a prescrit la présenta -
tion d’une réplique de la Croatie et d’une duplique de la Serbihe, portant sur les
demandes soumises par les deux Parties, et a fixé au 20 décembre 2010
et 4 novembre 2011, respectivement, les dates d’expiration des délais pour le
dépôt de ces pièces. La Cour a aussi donné instruction au grheffier d’informer les
Etats tiers admis à ester devant la Cour de la demande reconventionnehlle de la
Serbie, ce qui a été fait par lettres en date du 23 février 2010. La réplique et la
duplique ont été déposées dans les délais ainsi fixéhs.
13. Par lettre du 30 juillet 2010, la Croatie a prié la Cour de demander à la
Serbie, en application de l’article 49 du Statut et du paragraphe 1 de l’article 62
du Règlement, de produire un certain nombre de documents. Entre septehmbre
2010 et mai 2011, la Serbie a fourni près de 200 des documents sollicités par la
Croatie.
Par lettre en date du 22 juin 2011, la Serbie a, à son tour, prié la Croatie
de bien vouloir lui communiquer certains documents. Suite à de nouveaux h
échanges de correspondances entre les Parties, la Serbie, par lettre hdu
22 mai 2012, a fait tenir à la Cour la copie d’un courrier adressé àh la Croatie,
dans lequel elle formulait diverses observations relativement à la dehmande de
chaque Partie tendant à obtenir que l’autre produise des documentsh. La Serbie
se disait en particulier inquiète de ce qu’elle n’avait toujourhs pas reçu les docu -
ments demandés à la Croatie, alors qu’elle -même avait communiqué à cette der-
nière, dès que possible et sans exiger de justification, tous lehs documents sollici-
tés qu’elle avait pu trouver dans ses archives nationales ; la Serbie priait en
conséquence la Croatie, sur la base de la réciprocité, de lui fhournir les docu -
ments réclamés.
La Cour n’a par la suite été destinataire d’aucun autre courhrier des Parties
concernant les documents que chacune avait demandés à l’autre.
14. Le 16 janvier 2012, lors d’une réunion que le président de la Cour a tenue
avec les agents des Parties, le coagent de la Croatie a fait savoir que son gouver -
nement souhaitait s’exprimer une seconde fois par écrit, dans une hpièce addi -
tionnelle, sur la demande reconventionnelle de la Serbie.
15. Par ordonnance en date du 23 janvier 2012, la Cour a autorisé la présen -
tation par la Croatie d’une telle pièce additionnelle et a fixéh au 30 août 2012 la
date d’expiration du délai pour le dépôt de celle -ci. La Croatie a dûment déposé
cette pièce dans le délai ainsi prescrit, et l’affaire s’est htrouvée en état.
16. Par lettre en date du 14 mars 2012, le greffier, conformément au para -
graphe 3 de l’article 69 du Règlement, a demandé au Secrétaire général de l’Or-
ganisation des Nations Unies de lui indiquer si cette dernière entendait présenter
des observations écrites au sens de ladite disposition. Par lettre en date du
4 avril 2012, le Secrétaire général a indiqué que l’Organisation hdes NationU s nies
n’avait pas l’intention de présenter de telles observations.
17
7 CIJ1077.indb 30 18/04/16 08:53 17 application de convehntion génocide (arrêth)
Organisation de la procédure orale et mise à la disposition du pub▯lic
des pièces de procédure ainsi que des comptes rendus d’audience▯
17. Par lettres en date du 30 août 2012, le greffier a demandé aux Parties de
faire connaître leurs vues sur la durée des audiences et de faire hsavoir si elles
entendaient présenter des témoins et/ou des experts. Par lettre enh date du 19sep-
tembre 2012, la Serbie a notamment fait connaître à la Cour qu’elle enhvisageait
de présenter huit témoins et témoins-experts à l’audience; pour sa part, la Croa-
tie, par lettre en date du 31 octobre 2012, a notamment informé la Cour qu’elle
entendait faire comparaître douze témoins et témoins -experts.
18. Par lettre en date du 11 septembre 2012, la Serbie a informé la Cour que
des autorités croates avaient contacté au moins deux des personnesh dont la
déposition avait été jointe en annexe à la duplique de la Sehrbie ; ces deux per -
sonnes étaient ensuite revenues sur leurs déclarations antérieuhres. Par lettre en
date du 16 octobre 2012, le greffier a fait savoir aux Parties que la Cour leur
enjoignait de s’abstenir d’entrer en contact avec les personnes dohnt la déposition
était annexée aux pièces de l’autre Partie. En outre, aux fihns de permettre à la
Cour d’évaluer les conséquences qu’elle pouvait avoir à tirer des contacts établis
par les autorités croates, la Croatie était priée de bien voulohir lui fournir des
renseignements sur le nombre total de personnes approchées et sur la hmanière
dont la police croate était entrée en contact avec elles; il était également demandé
à la Croatie de communiquer à la Cour la liste complète de ces hpersonnes,
avec leurs noms et adresses. Par ailleurs, une demande similaire était faihte à la
Serbie, pour le cas où les autorités serbes se seraient mises en rhapport avec
des personnes dont la déposition avait été jointe en annexe à l’hune des pièces de
la Croatie. Par lettre datée du 2 novembre 2012, la Croatie a précisé que la
police croate était entrée en contact avec cinq des personnes donth la déposition
avait été jointe en annexe à la duplique de la Serbie ; elle a fourni les noms et
adresses des intéressés, ainsi qu’une description concise de lah manière dont
ils avaient été interrogés. Par lettre du 26 novembre 2012, la Serbie a informé la
Cour que les autorités serbes n’étaient jamais entrées en cohntact avec des
personnes dont la déposition avait été jointe en annexe aux éhcritures de la
Croatie.
19. Le 23 novembre 2012, le président de la Cour a tenu une réunion avec les
représentants des Parties pour discuter de l’organisation de la prhocédure orale.
Au cours de cette réunion, les Parties ont été encouragées àh s’entendre sur la
procédure pour l’audition des témoins et témoins -experts.
20. Par lettre en date du 16 avril 2013, la Croatie a informé la Cour que les
Parties avaient conclu un accord sur les modalités d’audition des htémoins et
témoins-experts, ce que la Serbie a confirmé par un courrier du 19 avril 2013.
Aux termes de cet accord, il était notamment prévu que chaque Parthie
communiquerait à la Cour, le 15 juillet 2013 au plus tard, la liste des témoins et
témoins-experts qu’elle souhaitait faire entendre à l’audience, ainsi que la
déclaration écrite authentique de chacun d’entre eux dans le cas où celle -ci
n’aurait pas été annexée à une pièce de procédure écrhite. Chaque Partie commu-
niquerait ensuite à la Cour, le 15 octobre 2013 au plus tard, le nom de tout
témoin ou témoin -expert que l’autre Partie désirait faire entendre mais
qu’elle-même ne souhaitait pas soumettre à un contre -interrogatoire. Il était
aussi convenu dans ledit accord que la Partie désirant faire entendreh un témoin
ou un témoin-expert soumettrait un résumé de la déposition de ce témoin ohu de
l’exposé de ce témoin -expert, et que ledit résumé tiendrait lieu d’interrogatoire
principal.
18
7 CIJ1077.indb 32 18/04/16 08:53 18 application de convehntion génocide (arrêth)
21. Par lettre en date du 10 juillet 2013, la Croatie a fait part à la Cour de son
intention d’apporter des modifications à l’accord susmentionné. Elle suggérait
en particulier de repousser du 15 juillet au 1 eroctobre 2013 la date d’expiration
du délai pour la communication, au titre de l’article 57 du Règlement, des ren -
seignements relatifs aux témoins et témoins -experts. Par lettre en date du 16 juil-
let 2013, la Serbie a informé la Cour qu’elle acceptait les propositiohns de la
Croatie. Par lettres du 17 juillet2013, le greffier a informé les Parties que la Cour
avait décidé de reporter au 1 eroctobre 2013 la date d’expiration du délai pour la
communication, au titre de l’article 57 du Règlement, des renseignements relatifs
aux témoins et témoins-experts, et au 15 novembre 2013 celle afférente à la com -
munication par l’une ou l’autre des Parties des noms de tous les témoins ou
témoins -experts qu’elle n’entendait pas soumettre à un contre -interrogatoire.
22. Par lettre en date du 8 août 2013, la Serbie a informé la Cour qu’elle
souhaitait produire, en vertu du paragraphe 1 de l’article 56 du Règlement, un
nouveau document. La Serbie a aussi communiqué à la Cour la traduchtion en
anglais d’extraits de deux documents qu’elle a présentés comhme facilement
accessibles (paragraphe 4 de l’article 56 du Règlement) dans leur version origi -
nale serbe. Par lettre en date du 10 septembre 2013, la Croatie a informé la Cour
qu’elle ne s’opposait pas à la production de ces trois documenths. Par des cour -
riers en date du 20 septembre 2013, le greffier a informé les Parties que la Cour
avait autorisé la production par la Serbie du document nouveau qu’helle enten -
dait produire en vertu du paragraphe 1 de l’article 56 du Règlement et que
celle-ci pourrait s’y référer à l’audience ; quant aux deux autres documents,
ceux-ci étant « facilement accessibles», ils avaient été versés au dossier.
er
23. Le 1 octobre 2013, les Parties ont transmis à la Cour les renseignements
concernant les personnes qu’elles comptaient faire entendre aux audiehnces, ainsi
que les déclarations écrites et exposés écrits qui n’avaihent pas été annexés à leurs
écritures. La Croatie a indiqué qu’elle souhaitait présenterh neuf témoins et trois
témoins -experts à l’appui de sa demande. La Serbie a annoncé pour sa pahrt
qu’elle envisageait de faire comparaître sept témoins et un témoin-expert au sou -
tien de sa demande reconventionnelle.
24. Par lettre datée du 14 novembre 2013, la Croatie a appelé l’attention de
la Cour sur le fait que, entre le 12 et le 14 novembre 2013, la presse serbe avait
publié trois articles estimés susceptibles d’avoir des conséhquences pour les
témoins et témoins -experts appelés à déposer dans la présente instance. Par desh
courriers du 21 novembre 2013, le greffier a fait part aux Parties des préoccupa -
tions de la Cour et leur a rappelé leur obligation de maintenir la cohnfidentialité
des informations contenues dans leurs échanges de correspondances avehc la
Cour, en particulier en ce qui concerne l’identité de témoins eht témoins -experts
potentiels.
25. Par lettre en date du 15 novembre 2013, la Croatie a fait savoir à la Cour
qu’elle ne désirait pas procéder au contre -interrogatoire des témoins et du
témoin-expert présentés par la Serbie, étant entendu que ces derniers hne seraient
pas appelés à la barre et que ce seraient leurs déclarations écrites ou exposés écrits
qui serviraient d’éléments de preuve devant la Cour. La Croatieh a ajouté que, si tel
ne devait pas être le cas, ou si la Cour elle -même entendait interroger ces per -
sonnes, elle se réservait le droit de les soumettre à un contre -interrogatoire. Par
lettre en date du même jour, la Serbie a pour sa part communiqué àh la Cour les
noms de cinq témoins et d’un témoin -expert présentés par la Croatie qu’elle ne
souhaitait pas soumettre à un contre -interrogatoire, la Serbie indiquant ainsi
qu’elle désirait soumettre à un contre -interrogatoire les quatre autres témoins et
les deux autres témoins-experts annoncés par la Croatie le 1 eroctobre 2013.
19
7 CIJ1077.indb 34 18/04/16 08:53 19 application de convehntion génocide (arrêth)
26. Le 22 novembre 2013, le président de la Cour a tenu une nouvelle réunion
avec les agents des Parties, aux fins de discuter plus avant de l’ohrganisation de la
procédure orale. Au cours de cette réunion, les Parties sont convehnues qu’il était
inutile de faire comparaître les témoins et témoins -experts qu’elles n’envisa -
geaient pas de soumettre à un contre -interrogatoire à seule fin de confirmer leur
déclaration écrite ou exposé écrit, à moins que la Cour ehlle-même décide de leur
poser des questions.
27. Par lettre datée du 13 décembre 2013, la Serbie a communiqué à la Cour
le temps approximatif dont elle estimait avoir besoin pour procéder ahu contre -
interrogatoire des quatre témoins et deux témoins -experts présentés par la
Croatie et appelés à comparaître devant la Cour.
28. Par lettre datée du même jour, la Croatie a informé la Cour queh les
témoins et témoins -experts qui comparaîtraient s’exprimeraient tous en croate, à
l’exception de l’un d’eux qui s’exprimerait en serbe.
29. Par lettres datées du 16 décembre 2013, le greffier a informé les Parties
que, à ce stade de la procédure, la Cour ne souhaitait pas poser de questionhs aux
témoins et témoins-experts que les Parties n’avaient pas l’intention de soumettre
à un contre-interrogatoire. Il a en même temps porté à leur connaissance quhe la
Cour entendait recevoir d’elles, le 20 janvier 2014 au plus tard, certains docu -
ments additionnels concernant les témoins et témoins -experts, et que, s’agissant
d’un document dont la production était sollicitée de la Croatieh, la Serbie aurait
jusqu’au 14 février 2014 pour déposer toutes observations écrites qu’elle vou -
drait formuler sur ce document. Par lettre datée du 14 janvier 2014, la Serbie a
fait tenir à la Cour les documents demandés. Par lettre du 22 janvier 2014, la
Croatie a informé la Cour qu’elle transmettrait le document requish avec un peu
de retard ; ce document est parvenu au Greffe le 31 janvier 2014. Le délai fixé
initialement pour le dépôt d’observations écrites éventuehlles de la Serbie sur
ledit document a été prorogé en conséquence. Par un courrier en dahte
du 11 février 2014, la Serbie a indiqué qu’elle n’entendait pas présenter hde telles
observations.
30. Par lettre datée du 30 décembre 2013, la Croatie a formulé certaines
observations sur la procédure d’audition de ses témoins et téhmoins -experts,
notamment pour ce qui concerne la répartition du temps aux fins deshdites audi -
tions et l’ordre de présentation des témoins et témoins -experts. Par lettre datée
du 10 janvier 2014, la Serbie a fait part de ses remarques à ce sujet.
31. Par lettre en date du 17 janvier 2014, le greffier a prié la Croatie d’indi-
quer les dispositions qu’elle entendait prendre, en application du pahragraphe 2
de l’article 70 du Règlement, pour assurer l’interprétation, dans l’une dhes lan -
gues officielles de la Cour, des dépositions des témoins et téhmoins -experts qui
s’exprimeraient en croate et en serbe. Par lettre datée du mêmeh jour, la Croatie
a informé le Greffe des dispositions prises à cet effet ; dans ce même courrier, la
Croatie priait la Cour de prendre certaines mesures de protection enversh deux
témoins, consistant notamment à entendre ceux -ci à huis clos et à utiliser des
pseudonymes pour s’y référer.
32. Conformément au paragraphe 2 de l’article 53 de son Règlement, le gref -
fier a prié les Parties, par lettres en date du 17anvier 2014, d’indiquer leurs vues
respectives au sujet de la question de l’accessibilité du public ahux pièces de pro-
cédure et documents annexés. Par lettre en date du 24 janvier 2014, la Serbie a
informé la Cour que, à quelques exceptions près, elle consentaiht à ce que des
exemplaires de ses pièces de procédure et documents annexés soihent mis à la
disposition du public à l’ouverture de la procédure orale. La Chroatie n’a indiqué
sa position que plus tard (voir ci -dessous, les paragraphes 35 et suivants).
20
7 CIJ1077.indb 36 18/04/16 08:53 20 application de convehntion génocide (arrêth)
33. Par lettres en date du 7 février 2014, le greffier a informé les Parties de l’en-
semble des décisions prises par la Cour quant aux modalités préhcises de la proc-é
dure d’audition des quatre témoins et deux témoins-experts présentés par la Croa-
tie et appelés à comparaître devant la Cour (voir les paragraphhes 25-31 ci-dessus).
Les Parties ont ainsi été avisées que, après avoir fait la dhéclaration solennelle
prévue à l’article 64 du Règlement, le témoin ou témoin -expert serait appelé à
confirmer sa déclaration écrite ou son exposé écrit, qui thiendrait lieu d’interroga -
toire principal. La Serbie aurait ensuite la possibilité de contre -interroger le
témoin ou témoin -expert, et la Croatie pourrait procéder à un réexamen. Les
membres de la Cour pourraient enfin poser des questions au témoin ohu
témoin-expert.
S’agissant des mesures de protection demandées pour deux des téhmoins, il a
été indiqué aux Parties que la Cour avait consenti à l’emhploi de pseudonymes
pour s’adresser à ces témoins ou y faire référence ; que ces témoins seraient
entendus à huis clos, seuls les fonctionnaires du Greffe et les membrehs des délé -
gations officielles étant autorisés à assister à l’audition de ces témoins ; et que
deux jeux distincts de documents seraient préparés (l’un réhservé à l’usage confi-
dentiel de la Cour et des Parties et l’autre, destiné à être rendu public, dans
lequel toutes les informations pouvant mener à l’identification hdes témoins pro-
tégés auraient été supprimées).
Les Parties ont aussi été avisées que la Cour avait décidéh d’imposer les
mesures suivantes pour assurer l’intégrité des dépositions eht exposés des témoins
et témoins -experts : i)les témoins et témoins-experts devraient demeurer hors de
la salle d’audience autant avant qu’après leur déposition/exhposé; ii) les déclara -
tions écrites/exposés écrits des témoins et témoins -experts annoncés par les Par -
ties le 1eroctobre 2013 (qu’ils soient entendus à l’audience ou non), ainsi que hles
comptes rendus des audiences consacrées à l’audition des témoins et témoins -
experts ne seraient publiés qu’au terme de la procédure orale (hsous une forme
expurgée en ce qui concerne les témoins protégés) ; iiiles Parties devraient s’as -
surer que les témoins et témoins -experts n’auraient pas accès aux déclarations/
exposés des autres témoins et témoins-experts avant la fin de la procédure orale ;
iv) les Parties devraient en outre s’assurer que les témoins et témhoins-experts ne
seraient pas autrement informés des dépositions/exposés des autres témoins et
témoins -experts et qu’ils n’auraient aucun contact qui puisse compromettreh leur
indépendance ou les termes de leur déclaration solennelle ; v) si la Cour décidait
que, de façon générale, les annexes des pièces de procédure (contenant de nom -
breuses déclarations écrites portant sur les événements en chause dans l’affaire)
devaient être rendues accessibles au public, elles ne seraient publiéhes qu’au terme
de la procédure orale ; et vi) le public pourrait assister aux auditions (sauf en ce
qui concerne les séances à huis clos), mais il lui serait demandé de ne pas divul -
guer le contenu des dépositions/exposés avant la fin de la procéhdure orale ; il en
irait de même de la presse, qui devrait souscrire à un code de conhduite en vertu
duquel elle pourrait effectuer des prises de vues et des enregistrements hsonores à
la condition expresse de ne pas rendre public le contenu des dépositihons/exposés
avant la fin de la procédure orale.
S’agissant de la question de la diffusion des audiences, il a étéh indiqué
aux Parties, dans les mêmes courriers, que la Cour avait décidé queh les auditions
des témoins et témoins -experts, protégés ou non, ne seraient pas diffusées sur
l’Internet.
Enfin, la Croatie n’ayant toujours pas indiqué sa position quanth à l’accessibilité
au public des pièces de procédure et documents annexés (voir lhe paragraphe 32 ci-
dessus), elle a été de nouveau invitée à faire connaîtreh ses vues sur cette question.
21
7 CIJ1077.indb 38 18/04/16 08:53 21 application de convehntion génocide (arrêth)
34. Par lettre datée du 14 février 2014, la Serbie a communiqué à la Cour la
liste des matériaux audiovisuels et photographiques qu’elle entendhait présenter
dans le cadre de ses plaidoiries, ainsi qu’une version électronique de ces docu -
ments. Par lettre datée du 17 février 2014, la Croatie a transmis à la Cour une
version électronique des matériaux audiovisuels sur lesquels elle hentendait s’ap-
puyer lors de ses plaidoiries. Par lettre du 21 février 2014, la Serbie a demandé
que la Croatie précise la source de certains des matériaux audiovihsuels qu’elle
avait transmis ; ces précisions ont été fournies par la Croatie par courrier ehn date
du 26 février 2014. Par lettres en date du 27 février 2014, le greffier a informé les
Parties que la Cour avait décidé d’autoriser celles -ci à s’appuyer, lors de leurs
plaidoiries, sur les matériaux audiovisuels et photographiques qui avhaient été
communiqués.
35. Par lettre en date du 14 février 2014, la Croatie a fait savoir à la Cour
qu’elle consentait à la publication de ses pièces de procéduhre et des documents y
annexés seulement sous une forme expurgée et à l’exclusion dh’un certain nombre
d’annexes, aux fins de garantir l’anonymat des victimes et des ihndividus lui ayant
fourni des déclarations écrites. La Croatie a proposé que le nom de ces personnes
apparaissant dans ses pièces soit remplacé par leurs initiales, eth que les déclara -
tions faites par elles ainsi que les listes de prisonniers annexées ahuxdites pièces
soient exclues de la publication. Elle a ajouté que la Serbie devraith être requise
d’occulter ses pièces de procédure de la même manière danhs la mesure où elles
mentionneraient les noms de ces mêmes personnes. Enfin, la Croatie ha demandé
que lesdites personnes soient désignées, au cours des audiences puhbliques, par
leurs initiales ou le numéro de l’annexe dans laquelle figurait hleur déclaration.
36. Par lettres en date du 17 février 2014, le greffier a demandé à la Serbie de
faire connaître à la Cour sa position sur les mesures proposéesh par la Croatie,
ajoutant que la Cour aurait le dernier mot sur ces questions. Il a en ouhtre
informé les Parties que, en principe, il leur incombait de procédehr à l’établisse -
ment de la version expurgée des documents destinée au public. La Chroatie a
enfin été priée de fournir la version expurgée de ses pièhces de procédure et des
documents y annexés qu’elle souhaitait rendre accessible au public. En répohnse
à cette demande, la Croatie, par courrier du 18 février 2014, a communiqué à la
Cour une version expurgée de ses pièces et annexes, dans laquelle hi) les noms des
victimes et individus lui ayant fourni des déclarations écrites éhtaient remplacés
par des initiales et ii)lesdites déclarations et les listes de prisonniers n’étaient
plus reproduites.
37. Par lettres en date des 18 et 25 février 2014, la Serbie a objecté aux pro -
positions de la Croatie, présentées par celle -ci dans sa lettre susmentionnée du
14 février 2014 (voir le paragraphe 35 ci-dessus) et réitérées dans un courrier du
20 février 2014, tendant à ce que les pièces de procédure soient expurgéhes et à ce
que certaines personnes soient désignées en audience publique par hleurs initiales
ou par le numéro d’annexe de leur déclaration écrite. Dans sha lettre en date du
25 février 2014, la Serbie expliquait que la Croatie n’avait pas suffisamment jhus -
tifié la raison pour laquelle ses pièces de procédure et les hdocuments y annexés
devaient être expurgés de la manière proposée.
38. S’agissant de la publication des déclarations écrites/exposéhs écrits des
témoins et témoins-experts annoncés le 1 eroctobre 2013 mais qui ne seraient pas
entendus à l’audience (voir le paragraphe 33 ci-dessus), la Croatie a, par lettre
en date du 24 février 2014, fait observer que : i)l’un des témoins avait demandé
que sa déclaration écrite soit publiée sous un pseudonyme et sohus forme expur-
gée ; ii) deux témoins s’étaient opposés à ce que leurs déclarathions écrites soient
publiées et iii)l’un des témoins était décédé le 19 janvier 2014. Dans sa lettre du
22
7 CIJ1077.indb 40 18/04/16 08:53 22 application de convehntion génocide (arrêth)
25 février 2014, la Serbie a déclaré ne pas s’opposer à ce que la déhclaration écrite
du témoin mentionné au point i) soit publiée sous un pseudonyme et sous forme
expurgée, ni à ce que les déclarations écrites des deux téhmoins visés par le
point ii) ne soient pas publiées, étant entendu qu’il reviendrait àh la Cour de déci -
der si ces déclarations écrites devaient demeurer au dossier. Enfihn, la Serbie a
déclaré ne pas s’opposer à la publication de la déclaratihon écrite du témoin
décédé (point iii)).
39. Suite à ces divers échanges de correspondance concernant la publichation
des pièces de procédure, le greffier, par lettres datées du 27fhévrier 2014, a informé
les Parties des dernières décisions que la Cour avait prises à hce sujet. Les Parties
ont ainsi été avisées que lesdites pièces ne seraient pas puhbliées à l’ouverture de la
procédure orale, en raison de la nécessité pour la Cour de recuheillir davantage
d’information avant de décider précisément quels documents dhevraient être
expurgés (et dans quelle mesure) ou entièrement exclus de la pubhlication. En
outre : i) à supposer que les pièces de procédure et les documents y annexhés soient
rendus accessibles au public, cinq annexes de la duplique de la Serbie seraient
exclues de la publication et des parties de la pièce additionnelle de la Croatie se
référant à ces annexes seraient expurgées en conséquence ; ii)les listes de détenus
contenues dans les annexes aux pièces de la Croatie seraient expurgéhes de façon
à supprimer les noms des personnes visées, mais ces annexes ne devhraient pas être
entièrement exclues de la publication ; et iii)les déclarations écrites jointes aux
pièces de procédure de la Croatie seraient rendues accessibles au hpublic à moins
que des raisons impérieuses (par exemple, protection des personnes ehn cause ou
questions de sécurité nationale) ne s’y opposent. En ce qui cohncerne les déclara -
tions écrites de certains témoins annoncés par la Croatie le 1 eroctobre 2013 mais
qui ne seraient pas appelés à la barre : i)la déclaration écrite de l’un des témoins
serait publiée sous un pseudonyme et sous forme expurgée ; ii)les déclarations
écrites de deux témoins seraient écartées si ces derniers cohntinuaient à s’opposer
à leur publication même sous un pseudonyme et sous forme expurgéhe; et iii) la
déclaration écrite du témoin décédé serait publiée.h
La Croatie a par ailleurs été invitée à préciser le nom des personnes dont la
sécurité serait véritablement menacée par la publication de hla version non expur -
gée des pièces de procédure et des documents y annexés, et àh identifier le risque
en jeu ainsi que les passages spécifiques des pièces et des annehxes qui devaient à
son avis être occultés. C’est une fois cette information obtenuhe que la Cour déci -
derait quels passages devraient effectivement être expurgés et quelhles annexes
devraient être exclues de la publication.
40. Par lettre en date du 28 février 2014, la Croatie a formulé des observa -
tions sur les décisions prises par la Cour au sujet de l’accessibihlité au public de
divers documents et de la conduite de la procédure orale. Elle a notahmment prié
la Cour de lui octroyer un délai supplémentaire pour expurger les hlistes de déte -
nus contenues dans ses annexes de la manière prescrite. Elle a en outhre indiqué
qu’elle acceptait que les déclarations écrites des deux témohins qui s’opposaient à
la publication de celles -ci soient écartées du dossier. Cependant, elle n’a pas
précisé le nom des personnes dont la sécurité serait vérihtablement menacée par
la publication de la version non expurgée des pièces de procéduhre et des docu -
ments y annexés, ni identifié le risque en jeu ou les passages shpécifiques des
pièces et des annexes qui devaient à son avis être occultés.h
41. Par lettres datées du 3 mars 2014, le greffier a informé les Parties que la
Cour avait accepté d’octroyer un délai supplémentaire à lha Croatie pour expurger
les listes de détenus contenues dans ses annexes et pour préciser le nom des per -
sonnes dont la sécurité serait véritablement menacée par la hpublication de la ve-r
23
7 CIJ1077.indb 42 18/04/16 08:53 23 application de convehntion génocide (arrêth)
sion non expurgée des pièces de procédure et des documents y anhnexés. Les P-r
ties ont aussi été avisées que, dans l’attente de l’obtenhtion de cette information,
toute référence faite, au cours des audiences publiques, aux persohnnes dont les
déclarations écrites étaient annexées aux pièces de procéhdure de la Croatie devrait
se limiter à un renvoi au numéro de l’annexe où figuraienth ces déclarations.
42. Par lettre en date du 14mars 2014, la Croatie a présenté à la Cour la
version expurgée des listes de détenus susmentionnées. Se réhférant aux dernières
décisions prises par la Cour, la Croatie a par ailleurs abordé la hquestion de la
publication des pièces de procédure des Parties et des documents yh annexés. Elle
a indiqué à cet égard ne pas disposer des ressources suffisanthes pour se mettre en
contact avec chacune des personnes nommées dans les déclarations éhcrites
annexées à ses pièces de procédure, afin de vérifier si sa sécurité serait véritable
ment menacée par la publication de la déclaration dans laquelle son nom appa -
raît, et pour quelle raison. Elle a de ce fait formulé des proposihtions tendant à la
non -publication des annexes, à la publication de la version expurgée dhes pièces
de procédure et à la mise à disposition du public de la versionh complète et non
expurgée des pièces de procédure au seul siège de la Cour. Phar lettre en date du
17 mars 2014, la Serbie a fait part à la Cour de son opposition aux propositihons
formulées par la Croatie.
43. Par lettres datées du 18ars 2014, le greffier a informé les Parties que la
Cour avait décidé que les pièces de procédure de la Croatie het leurs annexes,
ainsi que les pièces de la Serbie, seraient publiées dans une vershion expurgée, afin
d’assurer l’anonymat des personnes identifiées par la Croatieh (victimes et indivi
dus dont les déclarations écrites étaient annexées aux pièces de la Croatie). Il
était précisé dans les courriers du greffier que ces mesures dhevraient se limiter au
remplacement des noms complets par des initiales et, exceptionnellement,h
lorsque la protection des intéressés l’exigerait, à la supprhession d’autres éléments
d’identification en ce qui concerne les pièces de procédure de la Serbie, il appahr
tiendrait à la Croatie d’indiquer très précisément les pahssages qui seraient selon
elle à expurger.
44.Par lettre en date du 24mars 2014, la Croatie a identifié les passages des
pièces de la Serbie qui devaient à son avis être ainsi expurgéhs. Le courrier de la
Croatie a été communiqué à la Serbie, qui a été invitéhe à dire si ces propositions
avaient son agrément et, dans l’affirmative, à fournir une verhsion électronique de
ses pièces de procédure expurgée conformément aux suggestionhs de la Croatie. Par
lettre en date du 27ars 2014, la Serbie a fourni une telle version électronique de
ses pièces. Par lettre en date du 2mars 2014, la Croatie a fourni une version
électronique expurgée de ses pièces de procédure et des docuhments y annexés.
er
45. Des audiences publiques ont été tenues du 3 mars au 1 avril 2014, au
cours desquelles ont été entendus en leurs plaidoiries et réponhses
me
Pour la Croatie : M Vesna Crnić-Grotić,
M me Andreja Metelko-Zgombić,
M me Helen Law,
M. James Crawford,
M. Philippe Sands,
sir Keir Starmer,
M me Jana Spero,
M me Blinne Ní Ghrálaigh,
me
M Maja Seršić,
M. Davorin Lapaš,
M me Anjolie Singh.
24
7 CIJ1077.indb 44 18/04/16 08:53 24 application de convehntion génocide (arrêth)
Pour la Serbie : M. Saša Obradović,
M. William Schabas,
M. Andreas Zimmermann,
M. Christian Tams,
M. Novak Lukić,
M. Dušan Ignjatović,
M. Wayne Jordash.
46. Les témoins et les témoins -experts suivants ont été appelés à la barre par
la Croatie et ont été entendus au cours de deux audiences publiquehs et d’une
audience à huis clos tenues les 4, 5 et 6 mars 2014 : M. Franjo Kožul,
M me Marija Katić, M me Paula Milić (pseudonyme) et M. Ivan Krylo (pseudo-
nyme), témoins, et M me Sonja Biserko et M. Ivan Grujić, témoins-experts. Ils
ont été soumis à un contre-interrogatoire par les conseils de la Serbie, ainsi qu’à
un réexamen par les conseils de la Croatie. Plusieurs juges ont poséh des ques -
tions aux témoins et témoins -experts, qui y ont répondu oralement.
47. A l’audience, des questions ont été posées aux Parties par des membres de
la Cour, auxquelles il a été répondu oralement, conformémenth au paragraphe 4
de l’article 61 du Règlement.
48. Conformément aux décisions prises par la Cour (voir les paragraphhes 33,
39 et 43 ci-dessus), les documents suivants ont été rendus publics à la clôture de
la procédure orale : versions expurgées des pièces de procédure et de leurs
annexes ;éclarations écrites des témoins (en version expurgée en ce qui concerne
les témoins protégés) et exposés écrits des témoins -experts ; et comptes rendus
des auditions des témoins et témoins -experts (tous en version intégrale, les Par-
ties et les témoins protégés n’ayant finalement pas demandé hà la Cour d’occulter
certains passages des comptes rendus des auditions de témoins protéhgés).
*
Demandes formulées dans la requête et conclusions présentées▯
par les Parties
49. Dans la requête, les demandes ci -après ont été formulées par la Croatie :
«Tout en réservant le droit de reviser, compléter ou modifier la hprésente
requête, et sous réserve de la présentation à la Cour d’éhléments de preuve
et d’arguments juridiques pertinents, la Croatie prie la Cour de direh et de
juger:
a) que la République fédérale de Yougoslavie a violé les obligahtions juri -
diques qui sont les siennes visà-vis de la population et de la République
de Croatie en vertu des articles I, II a), II b), II c), II d), III a), III b),
IIIc) , III d), III e), IV et V de la convention sur le génocid;
b) que la République fédérale de Yougoslavie est tenue de verser àh la Répu-
blique de Croatie, en son nom propre et, en tant que parenspatriae, pour
le compte de ses citoyens, des réparations, dont il appartiendra àh la Cour
de fixer le montant, pour les dommages causés aux personnes et aux hbiens
ainsi qu’à l’économie et à l’environnement de la Croathie du fait des vio
lations susmentionnées du droit international. La République de Crhoatie
se réserve le droit de présenter ultérieurement à la Cour unhe évaluation
précise des dommages causés par la République fédérale deh Yougoslavie.»
25
7 CIJ1077.indb 46 18/04/16 08:53 25 application de convehntion génocide (arrêth)
50. Dans la procédure écrite, les conclusions ci -après ont été présentées par
les Parties:
Au nom du Gouvernement de la Croatie,
dans le mémoire :
«La République de Croatie, le demandeur, se fondant sur les faits et lhes
moyens de droit exposés dans le présent mémoire, prie respectuehusement la
Cour internationale de Justice de dire et juger :
1. Que la République fédérale de Yougoslavie, le défendeur, esth respon-
sable de violations de la convention pour la prévention et la réprhession du
crime de génocide :
a) en ce que des personnes de la conduite desquelles elle est responsable
ont commis un génocide sur le territoire de la République de Croathie,
en particulier contre des membres du groupe national ou ethnique
croate, en se livrant aux actes suivants :
— meurtre de membres du groupe ;
— atteinte intentionnelle à l’intégrité physique ou mentale deh membres
du groupe;
— soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence
visant à entraîner sa destruction physique totale ou partielle ;
— imposition de mesures aux fins d’entraver les naissances au sein duh
groupe,
dans l’intention de détruire ledit groupe en tout ou en partie, enh violation
de l’article II de la Convention ;
b) en ce que des personnes de la conduite desquelles elle est responsable
ont participé à une entente en vue de commettre les actes de géhno -
cide visés à l’alinéa a), se sont rendues complices de ces actes, ont
tenté de commettre d’autres actes de génocide de cette nature et ont
incité des tiers à commettre de tels actes, en violation de l’article III de
la Convention;
c) en ce que, consciente de ce que les actes de génocide visés à lh’alinéa a)
étaient ou allaient être commis, elle n’a pas pris de mesures phour les
prévenir, en violation de l’article premier de la Convention ;
d) en ce qu’elle n’a pas traduit en justice des personnes relevant deh sa juri -
diction sur lesquelles pèse une très forte présomption d’avohir participé
aux actes de génocide visés à l’alinéa a), ou à d’autres actes visés à
l’alinéa b), et continue ainsi de violer les articles premier et IV de la
Convention.
2. Que, en raison de sa responsabilité pour ces violations de la Conven -
tion, la République fédérale de Yougoslavie, le défendeur, ehst tenue de :
a) prendre sans délai des mesures efficaces pour traduire devant l’autorité
judiciaire compétente ses citoyens ou d’autres personnes se trouvahnt
sous sa juridiction sur lesquels pèse une forte présomption d’ahvoir com -
mis les actes de génocide visés à l’alinéa a) du paragraphe 1, ou l’un
quelconque des autres actes visés à l’alinéa b) du paragraphe 1, et en
particulier l’ancien président de la République fédérale hde Yougoslavie
26
7 CIJ1077.indb 48 18/04/16 08:53 26 application de convehntion génocide (arrêth)
Slobodan Milošević, et de veiller à ce qu’ils soient dûment sanctihonnés
à raison de leurs crimes s’ils sont déclarés coupables;
b) communiquer sans délai au demandeur toutes les informations en sa
possession ou sous son contrôle sur le sort des ressortissants croatehs
portés disparus à la suite des actes de génocide dont elle s’hest rendue
responsable et, plus généralement, coopérer avec les autorités de la
République de Croatie en vue de déterminer conjointement ce qu’hil est
advenu de ces personnes ou de leurs dépouilles ;
c) restituer sansdélai au demandeur tout bien culturel relevant de sa juri -
diction ou de son contrôle, saisi dans le cadre des actes de génochide dont
elle porte la responsabilité et
d) verser au demandeur au titre de ses droits propres et, en tant que parens
patriae, au nom de ses citoyens, des réparations, dont il appartiendra à h
la Cour de fixer le montant lors d’une phase ultérieure de la prhocédure,
pour tout dommage et autre perte ou préjudice causés aux personnes ou
aux biens ainsi qu’à l’économie de la Croatie du fait des viholations sus-
mentionnée du droit international. La République de Croatie se réserve
le droit de soumettre à la Cour une évaluation précise des dommages
causés par les actes pour lesquels la République fédérale deh Yougoslavie
est tenue responsable.
La République de Croatie se réserve le droit de compléter ou deh modifier
en tant que de besoin les présentes conclusions. »
dans la réplique :
«Le demandeur, se fondant sur les faits et les moyens de droit exposésh
dans le mémoire et dans la présente réplique, prie respectueusehment la
Cour internationale de Justice de dire et juger :
1. Qu’elle rejette dans sa totalité la première conclusion du déhfendeur,
relative à l’irrecevabilité de certaines questions soulevéesh par la Partie
demanderesse.
2. Que le défendeur est responsable de violations de la Convention pour h
la prévention et la répression du crime de génocide :
a) en ce que des personnes de la conduite desquelles il est responsable onth
commis un génocide sur le territoire de la République de Croatie chontre
des membres du groupe national ou ethnique croate, en se livrant aux
actes suivants:
— meurtre de membres du groupe ;
— atteinte intentionnelle à l’intégritéysique ou mentale de membres
du groupe;
— soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence
visant à entraîner sa destruction physique totale ou partielle;
— imposition de mesures visant à entraver les naissances au sein du
groupe,
dans l’intention de détruire ledit groupe, en tout ou en partie, en violation
de l’article II de la Convention;
b) en ce que des personnes de la conduite desquelles il est responsable onth
participé à une entente en vue de commettre les actes de génocihde visés
à l’alinéa a), se sont rendues complices de ces actes, ont tenté de com -
27
7 CIJ1077.indb 50 18/04/16 08:53 27 application de convehntion génocide (arrêth)
mettre d’autres actes de génocide de même nature et ont incitéh des tiers
à commettre de tels actes, en violation de l’article III de la Convention ;
c) en ce que, conscient de ce que les actes de génocide visés à l’halinéa a)
étaient ou allaient être commis, il n’a pas pris de mesures pouhr les pré-
venir, en violation de l’articlepremier de la Convention ;
d) en ce qu’il n’a pas traduit en justice les personnes relevant de sha juri -
diction sur lesquelles pèse une très forte présomption d’avohir participé
aux actes de génocide visés à l’alinéa a) , ou aux autres actes visés à
l’alinéa b), et continue ainsi de violer les articles premier et IV de la
Convention.
3. Que, en raison de sa responsabilité pour ces violations de la Convhen -
tion, le défendeur est tenu aux obligations ci -après:
a) prendre sans délai des mesures efficaces pour traduire devant les auhto-
rités judiciaires compétentes ses citoyens ou les autres personnesh se tro-u
vant sous sa juridiction sur lesquels pèse une très forte présohmption
d’avoir commis des actes de génocide visés à l’alinéa a) du paragraphe1,
ou l’un quelconque des autres actes visés à l’alinéa b) du paragraphe 1,
et de veiller à ce qu’ils soient dûment punis à raison de lehurs crimes s’ils
sont déclarés coupables ;
b) communiquer sans délai au demandeur toutes les informations en sa
possession ou à sa disposition sur le sort des ressortissants croatesh por-
tés disparus à la suite des actes de génocide dont il s’est hrendu respon -
sable et, plus généralement, coopérer avec les autorités de l’Etat
demandeur en vue de déterminer conjointement ce qu’il est advenu dhe
ces personnes ou de leurs dépouilles ;
c) restituer sans délai au demandeur tout bien culturel se trouvant soush sa
juridiction ou à sa disposition après avoir été saisi dans lhe cadre des actes
de génocide dont il porte la responsabilité ; et
d) verser au demandeur, au titre de ses droits propres et, en tant que
parens patriae, au nom de ses citoyens, des réparations dont il appar -
tiendra à la Cour de fixer le montant lors d’une phase ultériheure de la
procédure, pour tout dommage, perte ou préjudice causés aux perhsonnes
ou aux biens ainsi qu’à l’économie de la Croatie du fait desh violations
susmentionnées du droit international. Le demandeur se réserve le hdroit
de soumettre à la Cour une évaluation précise des dommages caushés par
les actes dont le défendeur porte la responsabilité.
4. Que, s’agissant de la demande reconventionnelle avancée dans leh
contre -mémoire, elle rejette dans leur intégralité les quatrième, chinquième,
sixième et septième conclusions du défendeur au motif qu’elles ne sont fon -
dées ni en fait, ni en droit.
Le demandeur se réserve le droit de compléter ou de modifier en htant
que de besoin les présentes conclusions. »
dans la pièce additionnelle déposée le 30 août 2012:
«Le demandeur, se fondant sur les faits et moyens de droit exposés dans
le mémoire, la réplique et la présente pièce additionnelle, hprie respectueus-e
ment la Cour internationale de Justice de dire et juger :
1. Qu’elle rejette dans leur totalité, s’agissant de la demande rehconven -
tionnelle avancée dans la duplique, les quatrième, cinquième, shixième, sep-
28
7 CIJ1077.indb 52 18/04/16 08:53 28 application de convehntion génocide (arrêth)
tième et huitième conclusions du défendeur, au motif qu’ellehs ne sont
fondées ni en fait, ni en droit.
Le demandeur se réserve le droit de compléter ou de modifier en htant
que de besoin les présentes conclusions. »
Au nom du Gouvernement de la Serbie,
dans le contre -mémoire :
«Sur la base des faits et moyens de droit présentés dans le préshent
contre -mémoire, la République de Serbie prie respectueusement la Cour
internationale de Justice de dire et juger :
I
1. Que les demandes exposées aux alinéas a), b), c) et d) du paragraphe 1
et aux alinéas a), b), c) et d) du paragraphe 2 des conclusions de la
République de Croatie sont irrecevables en ce qu’elles se rapportehnt à
des actes et des omissions, quelle qu’en soit la qualification juridique,
qui sont antérieurs au 27 avril 1992, date à laquelle la Serbie a vu le jour
en tant qu’Etat ou, à titre subsidiaire, au 8 octobre 1991, date avant
laquelle ni la République de Croatie, ni la République de Serbie nh’exis-
tait en tant qu’Etat indépendant.
2. Que les demandes exposées aux alinéas a), b), c) et d) du paragraphe 1
et aux alinéas a), b), c) et d) du paragraphe 2 des conclusions de la
République de Croatie concernant la prétendue violation, après hlea2v7ril
1992 (ou le 8 octobre 1991), d’obligations imposées par la convention sur
la prévention et la répression du crime de génocide sont rejetéhes au motif
qu’elles sont dépourvues de tout fondement, en droit comme en faith.
3. A titre subsidiaire, si elle devait juger recevables les demandes relatihves
aux actes et omissions antérieurs au 27avril 1992 (ou au 8octobre 1991),
que l’intégralité des demandes exposées aux alinéas a) , b), c) et d) du
paragraphe 1 et aux alinéas a), b), c) et d) du paragraphe 2 des conclu-
sions de la République de Croatie est rejetée au motif qu’ellesh sont
dépourvues de tout fondement, en droit comme en fait.
II
4. Que la République de Croatie a violé les obligations que lui imposhe la
convention sur la prévention et la répression du crime de génocide en
commettant, pendant et après l’opérationTempête conduite en août1995,
les actes ci-après, dans l’intention de détruire, comme telle, la partie du
groupe national et ethnique serbe vivant dans la région de la Krajinah (-ec
teurs nord et sud des zones protégées par les NationsUnies), en Croatie:
— meurtre de membres du groupe ;
— atteintes graves à l’intégrité physique et mentale de membrehs du
groupe; et
— soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence
devant entraîner sa destruction physique partielle.
5. A titre subsidiaire, que la République de Croatie a violé les obligations
que lui impose la convention sur la prévention et la répression duh crime
de génocide en se rendant coupable d’entente en vue de commettre lhe
29
7 CIJ1077.indb 54 18/04/16 08:53 29 application de convehntion génocide (arrêth)
crime de génocide contre la partie du groupe national et ethnique serhbe
vivant dans la région de la Krajina (secteurs nord et sud des zones hpro-
tégées par les Nations Unies), en Croatie.
6. A titre complémentaire, que la République de Croatie a violé les obliga-
tions que lui impose la convention sur la prévention et la répresshion du
crime de génocide en ce qu’elle a manqué et continue de manquerh à son
obligation de punir les actes de génocide commis à l’encontre de la partie
du groupe national et ethnique serbe vivant dans la région de la Krajina
(secteurs nord et sud des zones protégées par les Nations Unies), en Croatie.
7. Que les violations du droit international mentionnées aux paragraphesh 4,
5 et 6 ci-dessus constituent des faits illicites imputables à la République h
de Croatie pour lesquels la responsabilité internationale de celle -ci est
engagée et, en conséquence,
1) que la République de Croatie devra prendre immédiatement des
mesures effectives pour se conformer pleinement à l’obligation de phunir
les actes de génocide visés à l’articleII de la Convention ainsi que tous
autres actes proscrits par l’articleIII de la Convention et commis sur
son territoire avant, pendant et après l’opérationTempête; et
2) qu’il incombe à la République de Croatie de réparer les conséquenches
des faits internationalement illicites qui lui sont imputables, et
notamment:
a) d’indemniser pleinement les membres du groupe national et
ethnique serbe vivant en République de Croatie de l’ensemble
des dommages et pertes causés par les actes de génocide ;
b) de mettre en place toutes les conditions juridiques nécessaires
ainsi qu’un environnement sûr pour permettre aux membres du
groupe national et ethnique serbe de revenir librement et en toute
sécurité dans leurs foyers en République de Croatie et leur asshu -
rer des conditions d’existence normales et paisibles, et notam -
ment le plein respect de leurs droits en tant que citoyens et en
tant qu’êtres humains ;
c) de modifier sa loi sur les jours fériés, les jours de commémoration
et les jours chômés en retirant de la liste de ses jours fériéhs offi
ciels le « Jour de la victoire et de la gratitude envers la nation »
et le «Jour des défenseurs croates», célébrés le 5 août pour mar-
quer le triomphe de l’opération génocidaire Tempête.
La République de Serbie se réserve le droit de compléter ou de modifier
les présentes conclusions à la lumière des arguments qui pourrohnt être pré -
sentés ultérieurement.»
dans la duplique :
« Sur la base des faits et moyens de droit présentés dans le contre -
mémoire et dans la présente duplique, la République de Serbie phrie res -
pectueusement la Cour internationale de Justice de dire et juger :
I
1. Que les demandes exposées aux alinéas a), b), c) et d) du paragraphe 2
et aux alinéas a), b), c) et d) du paragraphe 3 des conclusions de la
République de Croatie sont irrecevables en ce qu’elles se rapportehnt à
30
7 CIJ1077.indb 56 18/04/16 08:53 30 application de convehntion génocide (arrêth)
des actes et des omissions, quelle qu’en soit la qualification juridique,
qui sont antérieurs au 27 avril 1992, date à laquelle la Serbie a vu le jour
en tant qu’Etat.
2. Que les demandes exposées aux alinéas a), b), c) et d) du paragraphe 2
et aux alinéas a), b), c) et d) du paragraphe 3 des conclusions de la
République de Croatie concernant la prétendue violation, après hle
27 avril 1992,d’obligations imposés par la convention sur la prévention
et la répression du crime de génocide sont rejetées au motif quh’elles sont
dépourvues de tout fondement, en droit comme en fait.
3. A titre subsidiaire, si elle devait juger recevables les demandes relatihves
aux actes et omissions antérieurs au 27 avril 1992, que l’intégralité des
demandes exposées aux alinéas a), b), c) et d) du paragraphe 2 et aux
alinéasa), b), c) et d) du paragraphe3 des conclusions de la République
de Croatie est rejetée au motif qu’elles sont dépourvues de touht fonde
ment, en droit comme en fait.
II
4. Que la République de Croatie a violé les obligations que lui imposhe la
convention sur la prévention et la répression du crime de génochide en
commettant, pendant et après l’opération Tempête conduite en
août 1995,les actes ci-après, dans l’intention de détruire le groupe natio
nal et ethnique serbe vivant en Croatie, principalement dans la régiohn
de la Krajina (secteurs nord et sud des zones protégées par les
Nations Unies), comme telle :
— meurtre de membres du groupe ;
— atteintes graves à l’intégrité physique et mentale de membrehs du
groupe; et
— soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence
devant entraîner sa destruction physique partielle.
5. A titre subsidiaire, que la République de Croatie a violé les obligations
que lui impose la convention sur la prévention et la répression duh crime
de génocide en se rendant coupable d’entente en vue de commettre lhe
génocide contre le groupe national et ethnique serbe vivant en Croatie,
principalement dans la région de la Krajina, comme tel.
6. A titre complémentaire, que la République de Croatie a violé lehs obli -
gations que lui impose la convention sur la prévention et la réprehssion
du crime de génocide en ce qu’elle a manqué et continue de manquer à
son obligation de punir les actes de génocide commis à l’enconthre du
groupe national et ethnique serbe vivant en Croatie, principalement
dans la région de la Krajina, comme tel.
7. Que les violations du droit international mentionnées aux paragraphesh4,
5 et 6 ci-dessus constituent des faits illicites imputables à la République h
de Croatie pour lesquels la responsabilité internationale de celleci est
engagée et, en conséquence,
1) que la République de Croatie devra prendre immédiatement des
mesures effectives pour se conformer pleinement à l’obligation de phunir
les actes de génocide visés à l’articleII de la Convention ainsi que tous
autres actes proscrits par l’articleIII de la Convention et commis sur
son territoire avant, pendant et après l’opérationTempête; et
31
7 CIJ1077.indb 58 18/04/16 08:53 31 application de convehntion génocide (arrêth)
2) qu’il incombe à la République de Croatie de réparer les conshéquences
des faits internationalement illicites qui lui sont imputables, et
notamment:
a) d’indemniser pleinement les membres du groupe national et
ethnique serbe de Croatie de l’ensemble des dommages et pertes
causés par les actes de génocide ;
b) de mettre en place toutes les conditions juridiques nécessaires
ainsi qu’un environnement sûr pour permettre aux membres du
groupe national et ethnique serbe de revenir librement et en toute
sécurité dans leurs foyers en République de Croatie et leur asshu-
rer des conditions d’existence normales et paisibles, et notam -
ment le plein respect de leurs droits en tant que citoyens et en
tant qu’êtres humains ;
c) de modifier sa loi sur les jours fériés, les jours de commémoration
et les jours chômés en retirant de la liste de ses jours fériéhs offi
ciels le « Jour de la victoire et de la gratitude envers la nation »
et le Jour des défenseurs croates», célébrés le 5 août pour mar-
quer le triomphe de l’opération génocidaire Tempête.
III
8. Que les demandes exposées aux paragraphes 1 et 4 des conclusions de
la République de Croatie et concernant la demande reconventionnelle
sont rejetées au motif qu’elles sont dépourvues de tout fondemehnt, en
droit comme en fait.
La République de Serbie se réserve le droit de compléter ou de modifier
les présentes conclusions à toute étape ultérieure de la prohcédure.»
51. Dans la procédure orale, les conclusions finales ci-après ont été présentées
par les Parties:
Au nom du Gouvernement de la Croatie,
à l’audience du 21 mars 2014, à 10 heures, concernant la demande de la Croatie:
« Le demandeur, se fondant sur les faits et les moyens de droit qu’il ah
présentés, prie respectueusement la Cour internationale de Justiceh de dire
etjuger:
1. Qu’elle a compétence sur toutes les demandes formulées par lui het qu’il
n’existe aucun obstacle à la recevabilité de l’une ou l’ahutre d’entre elles.
2. Que le défendeur est responsable de violations de la convention pour h
la prévention et la répression du crime de génocide :
a) en ce que des personnes de la conduite desquelles il est responsable onth
commis un génocide sur le territoire de la République de Croatie chontre
des membres du groupe national ou ethnique croate, en se livrant aux
actes suivants:
— meurtre de membres du groupe ;
— atteinte intentionnelle à l’intégrité physique ou mentale de membres
du groupe ;
— soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence
visant à entraîner sa destruction physique totale ou partielle ;
32
7 CIJ1077.indb 60 18/04/16 08:53 32 application de convehntion génocide (arrêth)
— imposition de mesures visant à entraver les naissances au sein du
groupe, dans l’intention de détruire ledit groupe, en tout ou en par-
tie, en violation de l’article II de la Convention ;
b) en ce que des personnes de la conduite desquelles il est responsable onth
participé à une entente en vue de commettre les actes de génocihde
visés à l’alinéa a), se sont rendues complices de ces actes, ont tenté de
commettre d’autres actes de génocide de même nature et ont incihté des
tiers à commettre de tels actes, en violation de l’article III de la Conven-
tion;
c) en ce que, conscient de ce que les actes de génocide visés à l’halinéa a)
étaient ou allaient être commis, il n’a pas pris de mesures pouhr les pré-
venir, en violation de l’article premier de la Convention ;
d) en ce qu’il n’a pas traduit en justice les personnes relevant de sha juri -
diction sur lesquelles pèse une très forte présomption d’avohir participé
aux actes de génocide visés à l’alinéa a) ou aux autres actes visés à
l’alinéa b), et continue ainsi de violer les articles premier et IV de la
Convention;
e) en ce qu’il n’a pas enquêté efficacement sur ce qu’il éhtait advenu des
citoyens croates portés disparus en conséquence des actes de géhnocide
visés aux alinéas a) et b), et continue ainsi de violer les articles premier
et IV de la Convention.
3. Que, à raison de sa responsabilité pour ces violations de la Convehn -
tion, le défendeur est tenu aux obligations ci -après:
a) prendre sans délai des mesures efficaces pour traduire devant les auhto-
rités judiciaires compétentes ses citoyens ou les autres personnesh se tro-u
vant sous sa juridiction, y compris les dirigeants de la JNA à l’éhpoque
des faits, sur lesquels pèse une très forte présomption d’avhoir commis
des actes de génocide visés à l’alinéa 2 a), ou l’un quelconque des autres
actes visés à l’alinéa 2 b), et veiller à ce qu’ils soient dûment punis à
raison de leurs crimes s’ils sont déclarés coupables ;
b) communiquer sans délai au demandeur toutes les informations en sa
possession ou à sa disposition sur le sort des ressortissants croatesh por-
tés disparus en conséquence des actes de génocide dont il s’hest rendu
responsable, faire lui-même enquête et, de façon générale, coopérer avec
les autorités de l’Etat demandeur en vue de déterminer conjointhement
ce qu’il est advenu de ces personnes ou de leurs dépouilles ;
c) restituer sans délai au demandeur tous les biens culturels se trouvanht
toujours sous sa juridiction ou à sa disposition après avoir éthé saisis dans
le cadre des actes de génocide dont il porte la responsabilité ; et
d) verser au demandeur, au titre de ses droits propres et, en tant que
parens patriae, au nom de ses citoyens, des réparations dont il appar -
tiendra à la Cour de fixer le montant lors d’une phase ultériheure de
la procédure, pour tous dommages, pertes ou préjudices causés aux hpe-r
sonnes ou aux biens ainsi qu’à l’économie de la Croatie du fhait des
violations susmentionnées du droit international. Le demandeur se
réserve le droit de soumettre à la Cour une évaluation précihse des dom-
mages causés par les actes dont le défendeur porte la responsabilihté.»
à l’audience du 1 avril 2014, à 10 heures, concernant la demande reconvention-
nelle de la Serbie :
33
7 CIJ1077.indb 62 18/04/16 08:53 33 application de convehntion génocide (arrêth)
«Le demandeur, se fondant sur les faits et les moyens de droit qu’il ah
présentés, prie respectueusement la Cour internationale de Justiceh de dire
et juger:
Que, s’agissant des demandes reconventionnelles exposées dans le
contre-mémoire, dans la duplique et au cours de la procédure orale, les
sixième, septième, huitième et neuvième chefs de conclusions du défendeur
sont rejetés dans leur intégralité au motif qu’ils sont dépourvus de fonde -
ment, en droit comme en fait. »
Au nom du Gouvernement de la Serbie,
à l’audience du 28 mars 2014, à 15 heures, concernant la demande de la Croatie
et la demande reconventionnelle de la Serbie :
«Sur la base des faits et moyens de droit présentés dans ses pièhces de
procédure écrite et dans ses plaidoiries, la République de Serbhie prie res -
pectueusement la Cour internationale de Justice de dire et juger :
I
1. Qu’elle n’a pas compétence pour connaître des demandes exposhées aux
alinéas a), b), c), d) et e) du paragraphe 2 et aux alinéas a), b), c) et d) du
paragraphe 3 des conclusions de la République de Croatie, en ce qu’elles se
rapportent à des actes et des omissions, quelle qu’en soit la qualhification
juridique, qui sont antérieurs au 27 avril 1992, date à laquelle la Serbie a vu
le jour en tant qu’Etat et est devenue partie à la convention sur hle génocide.
2. A titre subsidiaire, que les demandes exposées aux alinéas a), b), c),
d) et e) du paragraphe 2 et aux alinéas a), b), c) et d) du paragraphe 3 des
conclusions de la République de Croatie sont irrecevables en ce qu’helles se
rapportent à des actes et des omissions, quelle qu’en soit la qualhification
juridique, qui sont antérieurs au 27 avril 1992, date à laquelle la Serbie a vu
le jour en tant qu’Etat et est devenue partie à la convention sur hle génocide.
3. Que les demandes exposées aux alinéas a), b), c), d) et e) du para -
graphe 2 et aux alinéas a), b), c) et d) du paragraphe 3 des conclusions de
la République de Croatie concernant la prétendue violation, aprèhs le
27 avril 1992, d’obligations imposées par la convention sur la préventiohn et
la répression du crime de génocide sont rejetées au motif qu’helles sont
dépourvues de tout fondement, en droit comme en fait.
4. A titre plus subsidiaire, que les demandes exposées aux alinéas a), b),
c), d) et e) du paragraphe 2 et aux alinéas a), b), c) et d) du paragraphe 3
des conclusions de la République de Croatie sont irrecevables en ce qhu’elles
se rapportent à des actes et des omissions, quelle qu’en soit la qhualification
juridique, qui sont antérieurs au 8 octobre 1991, date à laquelle la Croatie
a vu le jour en tant qu’Etat et est devenue partie à la conventionh sur le
génocide.
5. A titre plus subsidiaire encore, si elle devait conclure, selon le cas,
qu’elle a compétence pour connaître des demandes relatives aux hactes et
omissions antérieurs au 27 avril 1992 et qu’elles sont recevables, ou qu’elles
sont recevables en ce qu’elles se rapportent à des actes et omissihons anté -
rieurs au 8 octobre 1991, que les demandes exposées aux alinéas a), b), c),
d) et e) du paragraphe 2 et aux alinéas a), b), c) et d) du paragraphe 3 des
conclusions de la République de Croatie sont rejetées dans leur inhtégralité au
motif qu’elles sont dépourvues de tout fondement, en droit comme ehn fait.
34
7 CIJ1077.indb 64 18/04/16 08:53 34 application de convehntion génocide (arrêth)
II
6. Que la République de Croatie a violé les obligations que lui imhpose
l’articleII de la convention sur la prévention et la répression du crime de
génocide en commettant, pendant et après l’opération Tempête de 1995, les
actes ci-après, dans l’intention de détruire le groupe national et ethnihque
serbe vivant en Croatie, principalement dans la région de la Krajina,
comme tel :
— meurtre de membres du groupe ;
— atteintes graves à l’intégrité physique et mentale de membres du
groupe ; et
— soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence dhevant
entraîner sa destruction physique partielle.
7. A titre subsidiaire, que la République de Croatie a violé les oblihga -
tions que lui imposent les alinéas b), c), d) et e) de l’article III de la
convention sur la prévention et la répression du crime de génochide en se
rendant coupable d’entente en vue de commettre le génocide, d’ihncitation
directe et publique à commettre le génocide, de tentative de géhnocide et de
complicité dans le génocide contre le groupe national et ethnique hserbe
vivant en Croatie, principalement dans la région de la Krajina, commeh tel.
8. A titre complémentaire, que la République de Croatie a violé lehs obli-
gations que lui impose la convention sur la prévention et la répression du
crime de génocide en ce qu’elle a manqué et continue de manquer à son
obligation de punir les actes de génocide commis à l’encontre dhu groupe
national et ethnique serbe vivant en Croatie, principalement dans la réhgion
de la Krajina, comme tel.
9. Que les violations du droit international mentionnées aux para -
graphes 6, 7 et 8 des présentes conclusions constituent des faits illicites
imputables à la République de Croatie et engageant sa responsabilité inter -
nationale et que, en conséquence, il lui incombe :
1) de prendre immédiatement des mesures effectives pour se conformer
pleinement à l’obligation de punir les actes de génocide viséhs à l’article
de la Convention ainsi que tous autres actes énumérés à l’harticle III de
la Convention et commis sur son territoire pendant et après l’opéhration
Tempête;
2) de modifier sa législation sur les jours fériés, les jours deh commémoration
et les jours chômés en retirant de la liste de ses jours fériés officiels le
«Jour de la victoire et de la gratitude envers la nation » et le « Jour des
défenseurs croates », célébrés le 5 août pour marquer le triomphe de
l’opération génocidaire Tempête ; et
3) de réparer les conséquences des faits internationalement illicitesh qui lui
sont imputables, notamment :
a) d’indemniser pleinement les membres du groupe national et ethni -
que serbe sur son territoire de l’ensemble des dommages et pertes
causés par les actes de génocide, selon le montant et les modalitéhs
à déterminer par la Cour lors d’une phase ultérieure de la phrocé -
dure; et
b) de mettre en place toutes les conditions juridiques nécessaires ainsih
qu’un environnement sûr pour permettre aux membres du groupe
35
7 CIJ1077.indb 66 18/04/16 08:53 35 application de convehntion génocide (arrêth)
national et ethnique serbe de revenir librement et en toute sécuritéh
dans leurs foyers en République de Croatie et leur assurer des
conditions d’existence normales et paisibles, et notamment le plein
respect de leurs droits en tant que citoyens et en tant qu’êtres
humains.»
*
* *
I. Contexte
52. En l’espèce, la Croatie allègue que la Serbie est responsable dhe vio-
lations de la convention sur le génocide commises en Croatie entre 1991
et 1995. Dans sa demande reconventionnelle, la Serbie soutient que la
Croatie est elle-même responsable de violations de la Convention com -
mises en 1995 en « Republika Srpska Krajina », une entité établie à la fin
de l’année 1991 (pour plus de détails à ce sujet, voir les paragraphes 62-70
ci-dessous). La Cour présentera succinctement le contexte historique eth
factuel dans lequel s’inscrit la présente affaire, à savoira) la dissolution
de la République fédérative socialiste de Yougoslavie en génhéral et b) la
situation en Croatie en particulier.
A. La dissolution de la République fédérative socialiste de Yougos▯lavie
et l’émergence de nouveaux Etats
53. Jusqu’au début des années quatre -vingt-dix, la République fédéra -
tive socialiste de Yougoslavie («RFSY») était composée des Républiques
de Bosnie-Herzégovine, Croatie, Macédoine, Monténégro, Serbie et Slo -
vénie ; la République de Serbie comportait elle -même deux provinces
autonomes, la Voïvodine et le Kosovo.
54. A la suite du décès du président Tito, survenu le 4 mai 1980, la
RFSY fut confrontée à une crise économique longue de près deh dix ans et
à l’aggravation des tensions entre ses divers groupes nationaux eth ethniques.
Vers la fin des années quatre-vingt et au début des années quatre-vingt-dix,
certaines républiques cherchèrent à jouir de plus grands pouvoihrs au sein de
la fédération, puis à obtenir leur indépendance de la RFSY.
55. La Croatie et la Slovénie déclarèrent leur indépendance de lha RFSY
le 25 juin 1991, mais leurs déclarations ne prirent effet que le 8 octobre
1991. Pour sa part, la Macédoine proclama son indépendance le 17 sep -
tembre 1991, suivie par la Bosnie -Herzégovine le 6 mars 1992. Le
22 mai 1992, la Croatie, la Slovénie et la Bosnie -Herzégovine furent
admises en qualité de Membres de l’Organisation des Nations Unies. Il en
fut de même le 8 avril 1993 pour l’ex -République yougoslave de Macé -
doine.
56. Le 27 avril 1992, les «participants à la session commune de l’As -
semblée de la RFSY, de l’Assemblée nationale de la Républiquhe de Serbie
36
7 CIJ1077.indb 68 18/04/16 08:53 36 application de convehntion génocide (arrêth)
et de l’Assemblée de la République du Monténégro » adoptèrent une
déclaration dans laquelle il était notamment indiqué :
« 1. La République fédérale de Yougoslavie, assurant la continuité
de l’Etat et de la personnalité juridique et politique internationale de
la République fédérative socialiste de Yougoslavie, respectera hstrict-e
ment tous les engagements que la République fédérative socialiste de
Yougoslavie a pris à l’échelon international,
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . h . . . . . . . . . . . . . .
Restant liée par toutes ses obligations vis-à-vis des organisations et
institutions internationales auxquelles elle appartient… » (Nations
Unies, doc. A/46/915, annexe II.)
57. Le même jour, la mission permanente de la Yougoslavie auprès de
l’Organisation des Nations Unies adressa au Secrétaire général de l’Orga -
nisation une note indiquant notamment que,
« [d]ans le strict respect de la continuité de la personnalité internatio -
nale de la Yougoslavie, la République fédérale de Yougoslavie chont-i
nuera[it] à exercer tous les droits conférés à la Républihque fédérative
socialiste de Yougoslavie et à s’acquitter de toutes les obligatiohns
assumées par cette dernière dans les relations internationales, y
compris en ce qui concerne son appartenance à toutes les organisa -
tions internationales et sa participation à tous les traités interhnatio -
naux que la Yougoslavie a ratifiés ou auxquels elle a adhéré » (voir
aussi le paragraphe 76 ci-dessous).
58. La prétention de la RFY à assurer la continuité de la personnalité
juridique de la RFSY fut longuement débattue au sein de la communauté
internationale (à cet égard, voir Demande en revision de l’arrêt du 11 juillet
1996 en l’affaire relative à l’Application de la convention pour la préven -
tion et la répression du crime de génocide (Bosnie -Herzégovine c. You-
goslavie), exceptions préliminaires (Yougoslavie c. Bosnie‑Herzégovine),
arrêt, C.I.J. Recueil 2003, p. 15-23, par. 28-48 L;céité de l’emploi de la
force (Serbie‑et‑Monténégro c. Belgique), exceptions préliminaires, arrêt,
C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 303-309, par. 58-74 A;plication de la conven ‑
tion pour la prévention et la répression du crime de génocide (▯Bosnie‑
Herzégovine c. Serbie‑et‑Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil▯ 200(I), p.80-83,
par. 91-97 ; arrêt de 2008, C.I.J. Recueil 2008, p. 426-427, par. 45-49).
Ainsi que cela a été noté dans les arrêts de la Cour préchités, le Conseil de
sécurité, l’Assemblée générale et plusieurs Etats rejehtèrent l’affirmation
selon laquelle la RFY assurait automatiquement la continuité de la RFhSY
comme Membre de l’Organisation des Nations Unies ; la RFY maintint
néanmoins cette prétention pendant plusieurs années. Ce n’esht que
le 27 octobre 2000 que M. Koštunica, qui venait d’être élu président de
la RFY, adressa au Secrétaire général une lettre demandaer l’admission
de la RFY à l’Organisation des Nations Unies. Le 1 novembre 2000,
l’Assemblée générale, par sa résolution 55/12, « [a]yant examiné la
37
7 CIJ1077.indb 70 18/04/16 08:53 37 application de convehntion génocide (arrêth)
recommandation du Conseil de sécurité, en date du 31 octobre 2000 » et
« [a]yant examiné la demande d’admission présentée par la République
fédérale de Yougoslavie », décida « d’admettre la République fédérale de
Yougoslavie à l’Organisation des Nations Unies ».
59. Le 4 février2003, la RFY changea officiellement de nom pour prendre
celui de « Serbie-et-Monténégro ». A la suite d’un référendum tenu le
21 mai 2006 conformément à la charte constitutionnelle de la Serbie -et-
Monténégro, la République du Monténégro déclara son inhdépendance le
3 juin 2006. Par lettre du 3juin 2006, la Serbie informa le Secrétaire général
de l’Organisation des NationsUnies qu’elle assurerait, au sein de l’Organi -
sation, la continuité de la qualité de membre de la Serbie -et-Monténégro,
commeprévu à l’article 60 de la charte constitutionnelle de cette dernière. Le
Monténégro fut admis comme nouveau Membre des Nations Unies le
28 juin 2006. Par son arrêt du 18 novembre2008 sur les exceptions prélimi-
naires, la Cour a conclu que le Monténégro n’était plus parthie à la présente
instance et que seule la Serbie demeurait défenderesse en l’espèhce
(C.I.J. Recueil 2008, p. 421-423, par. 23-34; voir le paragraphe 8 ci-dessus).
B. La situation en Croatie
60. La présente affaire concerne principalement des événements qui she
sont déroulés entre 1991 et 1995 sur le territoire de la République de
Croatie dans les limites qui avaient été les siennes au sein de lah RFSY. La
Cour se concentrera maintenant sur le contexte dans lequel ces événe -
ments se sont inscrits.
61. Tout d’abord, il y a lieu de relever que, d’après le recensemenht offi-
ciel effectué par l’Institut statistique de la République de Crohatie à la fin
mars 1991, la majorité des habitants de la Croatie (environ 78 %) étaient
d’origine croate. Plusieurs minorités nationales et ethniques y éhtaient éga-
lement représentées ; en particulier, 12 % environ de la population était
d’origine serbe. Une partie importante de cette minorité serbe vivhait près
des Républiques de Bosnie-Herzégovine et de Serbie. Alors que, dans ces
zones frontalières, la population était mixte — composée de Croates et de
Serbes —, elle était majoritairement serbe dans certaines localités. Dhes
villes et des villages à majorité serbe jouxtaient des villes et dhes villages à
majorité croate.
62. Sur le plan politique, les tensions entre le Gouvernement de la Répu -
blique de Croatie, d’une part, et les Serbes vivant en Croatie et opphosés à
l’indépendance de celle -ci, d’autre part, s’accentuèrent au début des années
er
quatre-vingt-dix. Le 1 juillet1990, des élus du Parti démocratique serbe de
Croatie (SDS) formèrent l’« union des municipalités du nord de la Dalmatie
et de la Lika». Le 25juillet1990, la constitution de la République de Croatie
fut amendée; en particulier, un nouveau drapeau et de nouvelles armoiries
furent adoptés, ce qui, selon la Serbie, fut perçu par la minoritéh serbe comme
un signe d’hostilité à son égard. Le même jour, une assemhblée serbe et un
«Conseil national serbe » (l’organe exécutif de l’assemblée) furent créés à
Srb, au nord de Knin ; ils s’autoproclamèrent représentants politiques de la
38
7 CIJ1077.indb 72 18/04/16 08:53 38 application de convehntion génocide (arrêth)
population serbe de Croatie et déclarèrent la souveraineté et lh’autonomie des
Serbes de Croatie. Le « Conseil» annonça ensuite l’organisation d’un réfé-
rendum sur l’autonomie des Serbes de Croatie. En août 1990, le Gouverne-
ment croate tenta de s’opposer à ce référendum, ce qui conduhisit des forces
de la minorité serbe à ériger des barricades sur les routes. Leh référendum
annoncé eut lieu entre le 19août et le 2septembre1990; une très large majo-
rité de votants se prononcèrent en faveur de l’autonomie.
63. Le 21 décembre 1990, les Serbes des municipalités de la Dalmatie
du nord et de la Lika proclamèrent la « Région autonome serbe de Kra -
jina» (« SAO de Krajina »). Deux autres « régions autonomes serbes »
furent établies plus tard : la « SAO de Slavonie, Baranja et Srem occiden -
tal» («SAO SBSO») en février 1991 et la « SAO de Slavonie occidentale »
en août de la même année.
64. Le 22 décembre 1990, le Parlement croate adopta une nouvelle
Constitution. Selon la Serbie, les Serbes de Croatie considérèrenth que
l’adoption de cette Constitution les privait de certains droits fondahmen -
taux et leur enlevait le statut de nation constitutive de la Croatie.
65. Le 4 janvier 1991, la SAO de Krajina instaura son propre secréta -
riat aux affaires intérieures et se dota de sa propre force de police het d’un
service chargé de la sûreté de l’Etat.
66. Au printemps 1991, des affrontements éclatèrent entre, d’un côté,
les forces armées croates et, de l’autre, les forces de la SAO de hKrajina et
d’autres groupes armés. L’armée populaire yougoslave (« JNA») inter -
vint — officiellement pour s’interposer entre les protagonistes, mais,h selon
la Croatie, pour soutenir les serbes de la Krajina.
67. Au terme d’un référendum organisé le 12 mai 1991 par la SAO de
Krajina, une majorité de votants serbes approuvèrent le rattachemehnt de
cette région à la Serbie et son maintien au sein de la RFSY. Une shemaine
plus tard, le 19 mai 1991, les électeurs croates, appelés à se prononcer par
référendum sur l’indépendance de la Croatie vis -à-vis de la RFSY, l’ap -
prouvèrent massivement.
68. Comme mentionné ci -dessus (voir le paragraphe 55), la Croatie
déclara son indépendance de la RFSY le 25 juin 1991, et cette déclaration
prit effet le 8 octobre 1991.
69. A l’été 1991, un conflit armé avait éclaté en Croatie, au cours
duquel auraient été commises les violations de la convention sur lhe géno -
cide alléguées par la Croatie en l’espèce (voir les paragrahphes 200-442
ci-après). Au moins à partir du mois de septembre 1991, la JNA — qui,
selon la Croatie, était à ce moment contrôlée par le Gouvernement de la
République de Serbie — intervint dans les combats contre les forces gou -
vernementales croates. Vers la fin de l’année 1991, la JNA et dehs forces
serbes (voir le paragraphe 204 ci-dessous) contrôlaient environ un tiers du
territoire de la Croatie dans les limites qui étaient les siennes au hsein de la
RFSY (dans les régions de Slavonie orientale, de Slavonie occidentalhe, de
Banovina/Banija, de Kordun, de Lika et de Dalmatie). Ces régions ainsi
que plusieurs villes et villages évoqués dans le présent arrêht sont figurés
sur le croquis ci-après.
39
7 CIJ1077.indb 74 18/04/16 08:53 39 application de convehntion génocide (arrêth)
70. Le 19 décembre 1991, les Serbes de la SAO de Krajina (qui com -
prenait alors des territoires en Banovina/Banija, Kordun, Lika et Dalma -
tie) proclamèrent l’établissement de la « Republika Srpska Krajina »
(«RSK»). Deux mois plus tard, la SAO de Slavonie occidentale et la
SAO de SBSO se joignirent à la RSK.
71. A la fin1991 et au début 1992, des négociations parrainées par la
communauté internationale — et impliquant entre autres des représen -
tants de la Croatie, de la Serbie et de la RFSY — aboutirent au plan
Vance (du nom de Cyrus Vance, envoyé spécial du Secrétaire géhnéral de
l’Organisation des Nations Unies pour la Yougoslavie) et au déploiement
de la force de protection des Nations Unies («FORPRONU»). Le plan
Vance prévoyait la mise en place d’un cessez-le-feu, la démilitarisation des
parties de la Croatie sous le contrôle de la minorité serbe et des forces
de la RFSY, le retour des réfugiés et la création de conditions fahvorables
à une résolution politique permanente du conflit. La FORPRONU
— déployée au printemps 1992 dans trois zones protégées par les
Nations Unies (les ZPNU de Slavonie orientale, de Slavonie occidentale
et de Krajina) — fut répartie en quatre secteurs : est (en Slavonie orien-
tale), ouest (en Slavonie occidentale), nord et sud (ces deux derniehrs sec -
teurs couvrant la ZPNU de Krajina).
72. Les objectifs du plan Vance et de la FORPRONU ne furent jamais
complètement atteints: entre 1992 et le printemps 1995, la RSK ne fut pas
démilitarisée, certaines opérations militaires furent menéesh par les deux
parties au conflit et les tentatives de règlement pacifique échhouèrent.
73. Au printemps et à l’été 1995, la Croatie réussit à reprendre le
contrôle de la plus grande partie du territoire de la RSK à la suihte d’une
série d’opérations militaires. Elle récupéra ainsi la Slahvonie occidentale au
terme de l’opération « Eclair» en mai, alors que la Krajina fut reconquise
lors de l’opération « Tempête» en août, au cours de laquelle se seraient
produits les faits qui font l’objet de la demande reconventionnelle ehn l’es-
pèce (voir les paragraphes 443-522 ci-après). Après la conclusion de l’ac -
cord d’Erdut le 12 novembre 1995, la Slavonie orientale réintégra
progressivement la Croatie de 1996 à 1998.
*
* *
II.Compétence et recevabhilité
A. La demande de la Croatie
1) Les questions de compétence et de recevabilité restant à tranch▯er après
l’arrêt de 2008
74. La Serbie a soulevé un certain nombre d’exceptions à la compé -
tence de la Cour et à la recevabilité de la demande de la Croatie.h Dans
40
7 CIJ1077.indb 76 18/04/16 08:53 40 application de convehntion génocide (arrêth)
Régions et sélection de localités auxquelles les Parties se sont référées
AUTRICHE
HONGRIE
SLOVÉNIE
ZAGREB
Đulovac SERBIE
CROATIE Voćin SLAVONIE
ORIENTALE Dalj
Kusonje
BANOVINA/BAN* JA Vukovar
Hrvatska SLAVONIE BogdanovciLovas
Joševica Dubica OCCIDENTALE Berak
Bapska
KORDUN Tovarnik
Sremska
Saborsko Lipovača Mitrovica
Poljanak
LIKA
Gračac
BOSNIE-
Obrovac
Škabrnja Bruška HERZÉGOVINE
Benkovac Knin
DALMATIE
MER ADRIATIQUE
MONTÉNÉGRO
Dubrovnik
Ce croquis a été établi à rseule fin d’illustration
0 50 100 150 km
ITALIE Projection transverse universelle de Mercator, zone 33N
Datum WGS84
41
7 CIJ1077.indb 78 18/04/16 08:53 41 application de convehntion génocide (arrêth)
l’arrêt qu’elle a rendu en 2008, la Cour a rejeté les première et troisième
exceptions préliminaires, mais a conclu que la deuxième n’avaith pas, dans
les circonstances de l’espèce, un caractère exclusivement préhliminaire, et
elle a par conséquent reporté sa décision au stade actuel de lah procédure
(C.I.J. Recueil 2008, p. 460, par. 130, et p. 466, par. 146 (point 4)). Avant
d’aborder l’examen de la deuxième exception de la Serbie, la Cohur rappel -
lera certaines observations qu’elle a formulées dans son arrêt hde2008.
75. Dans son arrêt de 2008, la Cour a rejeté la première exception pré -
liminaire de la Serbie en ce qu’elle avait trait à la capacité de cette der -
nière de participer à la présente procédure (ibid., p. 444, par. 91, et p. 466,
par. 146 (point 1)).
76. La Cour a également rejeté la première exception préliminairhe de la
Serbie en ce qu’elle avait trait à sa compétence ratione materiae. Elle s’est
référée à la déclaration faite par la RFY le 27 avril 1992 (date de la pro -
clamation de la RFY en tant qu’Etat), qui énonçait ce qui suith :
« La République fédérale de Yougoslavie, assurant la continuitéh de
l’Etat et de la personnalité juridique et politique internationale de la
République fédérative socialiste de Yougoslavie, respectera strhicte -
ment tous les engagements que la République fédérative socialiste de
Yougoslavie a pris à l’échelon international.
Simultanément, elle est disposée à respecter pleinement les drohits
et les intérêts des républiques yougoslaves qui ont déclaréh leur indé -
pendance. La reconnaissance des Etats nouvellement constitués
interviendra une fois qu’auront été réglées les questionsh en suspens
actuellement en cours de négociation dans le cadre de la Conférenche
sur la Yougoslavie. » (Nations Unies, doc. A/46/915, annexe II, cité
dans C.I.J. Recueil 2008, p. 446-447, par. 98.)
La Cour a également fait référence à la note adressée le hmême jour au
Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies par la mission per -
manente de la Yougoslavie auprès de celle -ci, qui contenait le passage
suivant:
«L’Assemblée de la République fédérative socialiste de Youhgosla -
vie, à la session qu’elle a tenue le 27 avril 1992, a promulgué la
Constitution de la République fédérale de Yougoslavie. Aux termes
de la Constitution, et compte tenu de la continuité de la personnalithé
de la Yougoslavie et des décisions légitimes qu’ont prises la Sherbie et
le Monténégro de continuer à vivre ensemble en Yougoslavie, la
République fédérative socialiste de Yougoslavie devient la Réhpu -
blique fédérale de Yougoslavie, composée de la République deh Serbie
et de la République du Monténégro.
Dans le strict respect de la continuité de la personnalité internatio -
nale de la Yougoslavie, la République fédérale de Yougoslavie chont-i
nuera à exercer tous les droits conférés à la République fédérative
socialiste de Yougoslavie et à s’acquitter de toutes les obligatiohns
assumées par cette dernière dans les relations internationales, y com -
42
7 CIJ1077.indb 80 18/04/16 08:53 42 application de convehntion génocide (arrêth)
pris en ce qui concerne son appartenance à toutes les organisations
internationales et sa participation à tous les traités internationhaux que
la Yougoslavie a ratifiés ou auxquels elle a adhéré. » (Nations Unies,
doc. A/46/915, annexeI, cité dans C.I.J.Recueil 2008, p. 447, par. 99.)
Faisant observer que la RFY avait ainsi « clairement exprimé … son
intention d’être liée … par les obligations de la convention sur le géno -
cide», la Cour a alors formulé la conclusion suivante :
«Dans le contexte particulier de l’affaire, la Cour estime que la déh-cla
ration de1992doit être considérée comme ayant eu les effets d’une noti-
fication de succession à des traités et ce, bien que l’intenthion politique
qui la sous-tendait ait été différente.» (C.I.J. Recueil 2008 , p. 451,
par. 111.)
77. La Cour a toutefois considéré qu’elle n’était pas en mesuhre de se p-ro
noncer sur l’exception de la Serbie se rapportant à la compétence et à la
recevabilité ratione temporis. Selon cette exception, dans la mesure où la
demande de la Croatie reposait sur des actes et des omissions qui auraiehnt
été commis avant le 27 avril 1992, ladite demande ne rentrait pas dans le
champ de l’article IX de la convention sur le génocide — et, partant, ne
relevait pas de la compétence de la Cour — puisqu’elle se rapportait à des
faits antérieurs à la date à laquelle la RFY avait vu le jour ehn tant qu’Etat et
ainsi pu devenir partie à la convention sur le génocide, et étahit en tout état
de cause irrecevable. Relativement à cette exception, la Cour a dit che qui su:t
«De l’avis de la Cour, les questions de compétence et de recevabilité
soulevées par l’exception préliminaire ratione temporis de la Serbie
constituent, en la présente affaire, deux questions indissociables. La
première est celle de savoir si la Cour a compétence pour déterminer si
des violations de la convention sur le génocide ont été commisehs, à la
lumière des faits antérieurs à la date à laquelle la RFY a chommencé à
exister en tant qu’Etat distinct, ayant à ce titre la capacité hd’être partie
à cet instrument ; cela revient à se demander si les obligations en
vertu de la Convention étaient opposables à la RFY antérieurement
au 27 avril 1992. La seconde question, qui porte sur la recevabilité de
la demande concernant ces faits, et qui a trait à l’attribution, ehst
celle des conséquences à tirer quant à la responsabilité de la RFYh à
raison desdits faits en vertu des règles générales de la responhsabilité de
l’Etat. Pour que la Cour puisse se prononcer sur chacune de ces ques -
tions, elle devra disposer de davantage d’éléments. » ( Ibid., p. 460,
par. 129.)
78. L’arrêt de 2008 a donc réglé les questions de la compétenhce de la
Cour et de la recevabilité de la demande de la Croatie dans la mesureh où
celle-ci se rapporte à des faits qui auraient eu lieu à compter
du 27 avril 1992. Ces mêmes questions restent toutefois à trancher pour
ce qui est des faits antérieurs à cette date. Et sur ces points, lhes Parties
demeurent en désaccord.
43
7 CIJ1077.indb 82 18/04/16 08:54 43 application de convehntion génocide (arrêth)
2) Les positions des Parties en ce qui concerne la compétence
et la recevabilité
79. S’agissant de la compétence de la Cour, la Serbie maintient que les
faits supposés être survenus avant le 27 avril 1992 ne peuvent donner lieu
à un différend entre elle et la Croatie concernant « l’interprétation, l’appl-
cation ou l’exécution » de la convention sur le génocide et ainsi entrer
dans le champ de l’article IX de celle -ci. Elle avance qu’une distinction
s’impose entre les obligations de la RFSY et celles de la RFY. Si la hpre -
mière était partie à la convention sur le génocide antérieurement au
27 avril 1992, ce n’est qu’à partir de cette date que la seconde y est dheve-
nue partie. La Serbie invoque l’article 28 de la convention de Vienne sur
le droit des traités, qui énonce selon elle un principe du droit ihnternational
coutumier et est ainsi libellé :
«A moins qu’une intention différente ne ressorte du traité ou ne h
soit par ailleurs établie, les dispositions d’un traité ne lienht pas une
partie en ce qui concerne un acte ou fait antérieur à la date d’hentrée
en vigueur de ce traité au regard de cette partie ou une situation qui
avait cessé d’exister à cette date.»
La Serbie soutient que, puisque les dispositions de fond de la conven -
tion sur le génocide ne peuvent avoir d’effet rétroactif, les faits qui auraient
eu lieu avant que la RFY devienne partie à la Convention ne sauraienth
engager la responsabilité de la RFY ni, partant, sa propre responsabihlité.
80. En ce qui concerne la recevabilité de la demande de la Croatie, la
Serbie avance deux arguments. Premièrement, elle soutient que la RFY h
ne peut se voir imputer des faits qui auraient eu lieu avant sa constituhtion
en tant qu’Etat. Selon elle, toute conclusion formulée à son enhcontre sur
la base de ces faits doit en conséquence être regardée comme irhrecevable.
Il s’agit là d’un moyen subsidiaire par rapport à celui qui hconcerne la
compétence. Deuxièmement, la Serbie soutient à titre plus subsihdiaire
encore que, dans la mesure où la demande se rapporte à des faits shuppo-
sés antérieurs au 8 octobre 1991, date à laquelle la Croatie a vu le jour en
tant qu’Etat et est devenue partie à la convention sur le génocide, elle doit
être considérée comme irrecevable.
81. La Croatie répond que la Cour a compétence à l’égard de lh’ensemble
de sa demande et qu’aucune fin de non -recevoir ne peut lui être opposée.
De son point de vue, l’essentiel est que la convention sur le génohcide était
en vigueur dans les territoires en cause tout au long de la période ehn litige,
puisque la RFSY y était partie. Selon elle, la RFY est née directehment de la
RFSY, les organes du nouvel Etat prenant en charge ceux de l’Etat préhdé -
cesseur au cours de l’année 1991, alors que la RFSY se trouvait engagée
dans un « processus de dissolution» (expression utilisée par la commission
d’arbitrage de la conférence sur la Yougoslavie dans son avis no 1,
29 novembre 1991, Revue générale de droit international public (RGDIP),
t. 96, 1992, p. 264). Le 27 avril 1992, la RFY a fait une déclaration qui,
ainsi que la Cour l’a dit en 2008, a eu l’effet d’une notificahtion de succession
44
7 CIJ1077.indb 84 18/04/16 08:54 44 application de convehntion génocide (arrêth)
(voir le paragraphe 76 ci-dessus) à la convention sur le génocide et à d’autres
traités auxquels la RFSY avait été partie. La Croatie soutient que, en
conséquence, il n’y a pas eu de rupture dans l’application de lha Convention,
qu’il serait artificiel et formaliste de limiter la compétence dhe la Cour à la
période commençant le27 avril 1992 et qu’une décision en ce sens introdui-
rait une «interruption» dans la protection assurée par la Convention. Elle
souligne l’absence de toute limitation temporelle dans le libellé de l’ar -
ticle IX de la Convention. Au moins à partir du début de l’été 1991, la
RFSY avait, selon la Croatie, cessé de fonctionner en tant qu’Etath et ce qui
allait devenir la RFY était déjà un Etat in statu nascendi.
82. La Croatie invoque en conséquence ce qu’elle considère comme leh
principe du droit international coutumier énoncé au paragraphe 2 de l’ar-
ticle 10 des Articles de la Commission du droit international (« CDI») sur
la responsabilité de l’Etat pour fait internationalement illicite hadoptés
en 2001. Ce paragraphe se lit comme suit :
«Le comportement d’un mouvement insurrectionnel ou autre qui
parvient à créer un nouvel Etat sur une partie du territoire d’hun Etat
préexistant ou sur un territoire sous son administration est considéhré
comme un fait de ce nouvel Etat d’après le droit international. »
Selon la Croatie, ce principe s’applique aux faits de l’espèce,h de sorte
que les agissements de la JNA et d’autres groupes armés contrôlhés par le
mouvement dont l’action a abouti à la proclamation de la RFY
le 27 avril 1992, même s’ils sont antérieurs à cette date, doivent êthre rega-r
dés comme le fait de la RFY en ce qui concerne la responsabilité de l’Etat.
A titre subsidiaire, elle soutient que, dans l’hypothèse où cesh actes seraient
plutôt imputés à la RFSY, la RFY a succédé à cette derhnière pour ce qui
est de la responsabilité en découlant.
83. En outre, la Croatie nie que sa demande soit irrecevable dans la mesure
où elle repose sur des faits supposés antérieurs au 8 octobre 1991. Elle fait
valoir que la convention sur le génocide ne se résume pas à «h un ensemble
d’obligations synallagmatiques » entre parties, mais est la source d’obliga -
tionsergaomnes. Elle souligne par ailleurs que la Convention était en vigueur
et protégeait la population de Croatie durant toute la période en hlitige.
* *
3) L’étendue de la compétence découlant de l’article IX de la convention
sur le génocide
84. La Cour rappelle tout d’abord que le seul fondement de compé -
tence invoqué en l’espèce est l’article IX de la convention sur le génocide,
ainsi libellé:
« Les différends entre les Parties contractantes relatifs à l’interpré -
tation, l’application ou l’exécution de la présente Conventihon, y com -
45
7 CIJ1077.indb 86 18/04/16 08:54 45 application de convehntion génocide (arrêth)
pris ceux relatifs à la responsabilité d’un Etat en matière hde génocide
ou de l’un quelconque des autres actes énumérés à l’arhticleIII, seront
soumis à la Cour internationale de Justice, à la requête d’uhne partie
au différend.»
Comme la Cour l’a relevé dans son arrêt de 2008,
« [l]aRFSY signa la convention sur le génocide le 11 décembre 1948
et déposa son instrument de ratification, sans formuler de réserve, le
29 août 1950; les Parties conviennent que la RFSY était donc partie
à la Convention lorsque, dans les années quatre -vingt-dix, elle com-
mença à se désintégrer, donnant naissance à des Etats dishtincts et
indépendants» (C.I.J. Recueil 2008, p. 446, par. 97).
Le 12 octobre 1992, la Croatie a déposé une notification de succession
qu’elle considère comme ayant pris effet le 8 octobre 1991, date à laquelle
elle a vu le jour en tant qu’Etat. Dans les exceptions préliminairhes qu’elle
a présentées en l’espèce, la Serbie a fait valoir qu’elleh n’avait commencé à
être liée par la convention sur le génocide qu’au moment oùh la RFY avait
déposé son instrument d’adhésion, assorti d’une réservhe à l’article IX,
le 12 mars 2001. Comme il a déjà été mentionné, toutefois, la Cour ah
considéré, dans son arrêt de 2008, que la RFY était, par le moyen de la
déclaration et de la note mentionnées au paragraphe 76 ci-dessus, devenue
partie à la Convention le 27 avril 1992, et était donc liée par les obligations
y énoncées (ibid., p. 451, par. 111 ; p.454-455, par. 117).
85. Le fait que la compétence de la Cour en l’espèce repose exclusihve -
ment sur l’article IX a une incidence importante sur son étendue. La com-
pétence prévue par cette disposition est limitée aux différenhds relatifs à
l’interprétation, l’application ou l’exécution de la convhention sur le géno-
cide, y compris ceux relatifs à la responsabilité d’un Etat pouhr génocide
ou l’un quelconque des autres actes énumérés à l’artichle III. Dans l’arrêt
qu’elle a rendu en 2007 en l’affaire opposant la Bosnie -Herzégovine à la
Serbie, où l’article IX était également le seul fondement de compétence, la
Cour a expliqué que ledit article restreignait sa compétence aux différends
concernant le génocide et que, par conséquent, elle n’était
«pas habilitée à se prononcer sur des violations alléguées d’hautres o-bli
gations que les Parties tiendraient du droit international, violations qui
ne peuvent être assimilées à un génocide, en particulier s’agissant d’ob -li
gations visant à protéger les droits de l’homme dans un conflit armé. Il
en est ainsi même si les violations alléguées concernent des obhligations
relevant de normes impératives ou des obligations relatives à la phrot-ec
tion des valeurs humanitaires essentielles et que ces obligations peuvenht
s’imposererga omnes.» (Application de la convention pour la prévention
et la répression du crime de génocide (Bosnie‑Herzégovine c. Serbie‑
et‑Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 104, par. 147.)
Cela n’empêche pas la Cour de rechercher, dans sa motivation, s’hil y a eu
violation du droit international humanitaire ou du droit international
46
7 CIJ1077.indb 88 18/04/16 08:54 46 application de convehntion génocide (arrêth)
relatif aux droits de l’homme, dans la mesure où cela lui serait uhtile pour
déterminer s’il y a eu violation d’une obligation découlant hde la conven -
tion sur le génocide.
86. La Cour doit toutefois rappeler, comme elle l’a fait en d’autres
occasions, que l’absence d’une cour ou d’un tribunal compétehnt pour
connaître des différends relatifs au respect d’une obligation imhposée par le
droit international n’affecte pas l’existence ou la force contraignhante de
cette obligation. Les Etats sont tenus de s’acquitter des obligations qui
leur incombent en droit international, y compris le droit international
humanitaire et le droit international relatif aux droits de l’homme, het
demeurent responsables des actes contraires au droit international qui
leur sont imputables (voir, par exemple, Activités armées sur le territoire
du Congo (nouvelle requête : 2002) (République démocratique du Congo
c. Rwanda), compétence et recevabilité, arrêt, C.I.J. Recueil 2006, p. 52-53,
par. 127, et Application de la convention pour la prévention et la répression
du crime de génocide (Bosnie‑Herzégovine c. Serbie‑et‑Monténégro), arrêt,
C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 104, par. 148).
87. En outre, puisque la compétence prévue par l’article IX est limitée
à « l’interprétation, l’application ou l’exécution de la … Convention, y
compris … à la responsabilité d’un Etat en matière de génocide ou dhe l’un
quelconque des autres actes énumérés à l’article III », elle ne s’étend pas
aux allégations concernant la violation du droit international coutumier
en matière de génocide. Bien entendu, il est constant que la Convehntion
consacre des principes qui font également partie du droit internationhal
coutumier. Ainsi, l’article premier dispose que « [l]es Parties contractantes
confirment que le génocide, qu’il soit commis en temps de paix ohu en
temps de guerre, est un crime du droit des gens ». La Cour a elle -même
rappelé maintes fois que la Convention énonçait des principes apparte -
nant au droit international coutumier. C’est ce qu’elle a soulignéh dans son
avis consultatif de 1951 :
«Les origines de la Convention révèlent l’intention des Nations
Unies de condamner et de réprimer le génocide comme « un crime de
droit des gens » impliquant le refus du droit à l’existence de groupes
humains entiers, refus qui bouleverse la conscience humaine, inflige dhe
grandes pertes à l’humanité, et qui est contraire à la fois hà la loi morale
et à l’esprit et aux fins des Nationsnies (résolution96 (I) de l’Assem -
blée générale, 11 décembre 1946). Cette conception entraîne une pre-
mière conséquence : les principes qui sont à la base de la Convention
sont des principes reconnus par les nations civilisées comme obligeanht
les Etats, même en dehors de tout lien conventionnel. Une deuxièmeh
conséquence est le caractère universel à la fois de la condamnahtion du
génocide et de la coopération nécessaire «pour libérer l’humanité d’un
fléau aussi odieux » (préambule de la Convention)
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . h . . . . . . . . . . . . . .
Les fins d’une telle convention doivent également être retenuhes. La
Convention a été manifestement adoptée dans un but purement
47
7 CIJ1077.indb 90 18/04/16 08:54 47 application de convehntion génocide (arrêth)
humain et civilisateur. On ne peut même pas concevoir une conven -
tion qui offrirait à un plus haut degré ce double caractère, puihsqu’elle
vise d’une part à sauvegarder l’existence même de certains ghroupes
humains, d’autre part à confirmer et à sanctionner les princihpes de
morale les plus élémentaires. » (Réserves à la convention pour la pré ‑
vention et la répression du crime de génocide, avis consultatif,
C.I.J. Recueil 1951, p. 23.)
La Cour a repris cet énoncé dans l’arrêt qu’elle a rendu hen l’affaire rela -
tive à l’Application de la convention pour la prévention et la répression d▯u
crime de génocide (Bosnie‑Herzégovine c. Serbie‑et‑Monténégro) (arrêt,
C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 110-111, par. 161). Elle a par ailleurs précisé
que la convention sur le génocide contenait des obligations erga omnes.
Enfin, elle a relevé que l’interdiction du génocide revêtait le caractère
d’une norme impérative (jus cogens) (Activités armées sur le territoire du
Congo (nouvelle requête : 2002) (République démocratique du Congo
c. Rwanda), compétence et recevabilité, arrêt, C.I.J. Recueil 2006, p. 31-32,
par. 64).
88. Par ailleurs, dans l’arrêt Congo c. Rwanda susmentionné, il est
expliqué ce qui suit :
«La Cour observe toutefois qu’elle a déjà eu l’occasion de sohuli -
gner que « l’opposabilité erga omnes d’une norme et la règle du
consentement à la juridiction sont deux choses différentes » (Timor
oriental (Portugal c. Australie), arrêt, C.I.J. Recueil 1995, p. 102,
par. 29), et que le seul fait que des droits et obligations erga omnes
seraient en cause dans un différend ne saurait donner compétence àh
la Cour pour connaître de ce différend.
Il en va de même quant aux rapports entre les normes impératives
du droit international général (jus cogens) et l’établissement de la
compétence de la Cour : le fait qu’un différend porte sur le respect
d’une norme possédant un tel caractère, ce qui est assurémenht le
cas de l’interdiction du génocide, ne saurait en lui -même fonder la
compétence de la Cour pour en connaître. En vertu du Statut de la h
Cour, cette compétence est toujours fondée sur le consentement desh
parties.» (Ibid.)
En l’espèce, la compétence de la Cour repose exclusivement sur hl’ar -
ticleIX de la convention sur le génocide et est en conséquence limitéhe aux
obligations imposées par la Convention elle -même. Lorsqu’un traité
énonce une obligation qui existe également en droit international hcoutu -
mier, l’obligation résultant du traité et celle du droit coutumhier demeurent
distinctes (Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre
celui‑ci (Nicaragua c. Etats‑Unis d’Amérique), fond, arrêt, C.I.J. Recueil
1986, p. 96, par. 179). En conséquence, à moins que le traité ne fasse
apparaître une intention différente, le fait que ce dernier sanctiohnne une
règle du droit international coutumier ne signifie pas que la claushe com -
promissoire qu’il contient permette de porter devant la Cour les difféh-
48
7 CIJ1077.indb 92 18/04/16 08:54 48 application de convehntion génocide (arrêth)
rends concernant l’obligation existant en droit coutumier. S’agisshant de
l’article IX de la convention sur le génocide, on ne discerne aucune inten -
tion à cet effet. Au contraire, son libellé indique clairement que hla compé-
tence qu’il prévoit est limitée aux différends concernant l’hinterprétation,
l’application ou l’exécution de la Convention, y compris ceux relatifs à la
responsabilité d’un Etat pour génocide ou tout autre acte prohihbé par la
Convention. Il n’offre aucun fondement permettant à la Cour de connhaître
d’un différend portant sur la violation supposée des obligationsh qu’im -
pose le droit international coutumier en matière de génocide.
89. Par conséquent, pour établir que la Cour a compétence à l’hégard de
la demande de la Croatie en ce qu’elle est fondée sur des faits alhlégués
antérieurs au 27 avril 1992, la demanderesse doit montrer que le différend
qui l’oppose à la Serbie à leur sujet concerne l’interpréhtation, l’application
ou l’exécution de la convention sur le génocide. Il ne suffit hpas que ces
faits aient pu emporter violation du droit international coutumier en
matière de génocide ; il faut que le différend se rapporte à des obligations
énoncées par la Convention elle -même.
* *
4) L’exception d’incompétence soulevée par la Serbie
a) La question de savoir si les dispositions de la Convention sont rétro▯‑
actives
90. Il appartient à la Cour de déterminer, sur la base des conclusions
des Parties et des arguments avancés à l’appui de ces conclusiohns, l’objet
du différend dont elle est saisie. En l’espèce, elle considèrhe que l’objet
principal du différend réside dans la question de savoir si la Serbhie est
responsable de violations de la convention sur le génocide et, dans lh’affir-
mative, si la Croatie peut invoquer cette responsabilité. Ainsi exposhé, le
différend paraît relever sans conteste de l’article IX.
91. La partie défenderesse avance que, dans la mesure où la demande
de la Croatie repose sur des actes supposés avoir été commis avhant que la
RFY devienne partie à la Convention, le 27 avril 1992 (et tel est le cas de
la grande majorité des allégations de la Croatie), elle se rapporhte à une
époque où celle -ci ne pouvait être opposée à la RFY (de sorte qu’aucune
violation de ladite Convention ne peut être attribuable à la Serbihe). Aussi
la Serbie soutient-elle que le différend concernant ces allégations ne peut
être considéré comme entrant dans le champ de l’article IX.
92. En réponse, la Croatie invoque ce qu’elle qualifie de présomption
en faveur de l’application rétroactive des clauses compromissoiresh, se
réclamant à cet égard de l’arrêt rendu par la Cour permanhente de Justice
internationale en l’affaire des Concessions Mavrommatis en Palestine
o o
(Grèce c. Royaume‑Uni) (arrêt n 2, 1924, C.P.J.I. série A, n 2, p. 35),
ainsi que l’absence de toute limitation temporelle à l’article IX de la
convention sur le génocide.
49
7 CIJ1077.indb 94 18/04/16 08:54 49 application de convehntion génocide (arrêth)
93. Dans l’arrêt qu’elle a rendu en l’espèce en 2008, la Cour a dit « que
la convention sur le génocide ne cont[enait] aucune disposition expresse
limitant sa compétence ratione temporis» (C.I.J. Recueil 2008, p. 458,
par. 123 ; voir aussi Application de la convention pour la prévention et la
répression du crime de génocide (Bosnie ‑Herzégovine c. Yougoslavie),
exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1996 (II), p. 617, par. 34).
Comme on le verra, l’absence de limitation temporelle à l’artichleIX n’est
pas sans conséquence, mais elle ne suffit pas, en soi, pour habilitehr la
Cour à connaître de la demande de la Croatie en ce qu’elle repohse sur des
faits supposés antérieurs au 27 avril 1992. L’article IX n’est pas une dis -
position générale sur le règlement des différends. La compéhtence qu’il pré-
voit est limitée aux différends entre les parties contractantes relhatifs à
l’interprétation, l’application ou l’exécution des disposhitions de fond de la
convention sur le génocide, y compris ceux relatifs à la responsabhilité
d’un Etat en matière de génocide ou de l’un quelconque des ahutres actes
énumérés à l’article III de la Convention. En conséquence, sa portée tem -
porelle est forcément liée à celle des autres dispositions de lha Convention.
94. Sur ce point, la Croatie fait valoir que certaines des dispositions de fhond
de la Convention, à tout le moins, s’appliquent à des faits survenus avant que
celle-ci entre en vigueur pour le défendeur. Elle soutient ainsi que l’ohbligation
de prévenir et de punir le génocide n’est pas limitée aux achtes de génocide
survenus après l’entrée en vigueur de la Convention pour l’Ehtat en cause, mais
«vaut quelle que soit l’époque à laquelle celui -ci est commis et non unique -
ment à l’égard du génocide à venir après l’entréhe en vigueur de la Convention
pour l’Etat concerné ». De son côté, la Serbie rejette l’idée que ces disposithions
aient pu avoir pour objectif d’imposer des obligations relativement ahux faits
survenus avant que l’Etat en cause soit partie à la Convention.
95. La Cour considère que l’obligation conventionnelle qui impose àh
l’Etat d’empêcher l’accomplissement d’un acte ne peut loghiquement s’appli -
quer à des événements antérieurs à la date à laquelle hcette obligation est
devenue opposable audit Etat; on ne saurait prévenir ce qui a déjà eu lieu.
La logique, tout comme la présomption, consacrée à l’articleh 28 de la
convention de Vienne sur le droit des traités, à l’encontre de hl’application
rétroactive des obligations conventionnelles, indique ainsi clairemenht que
l’obligation de prévenir le génocide ne vaut que pour les actesh qui pour -
raient être commis après l’entrée en vigueur de la conventiohn sur le géno-
cide pour l’Etat en cause. Rien dans celle -ci ou les travaux préparatoires ne
suggère une autre conclusion, pas plus que le fait que la Convention hait eu
pour objet de confirmer des obligations qui existaient déjà en dhroit intern -a
tional coutumier. L’Etat qui n’est pas encore partie à la Convehntion au
moment où sont commis des actes de génocide pourrait bien avoir viholé
l’obligation que lui faisait le droit international coutumier de préhvenir la
perpétration de tels actes, mais le fait de devenir ultérieurementh partie à la
Convention n’a pas pour effet de l’assujettir a posteriori à l’obligation
conventionnelle supplémentaire de prévenir la perpétration de thels actes.
96. Cet obstacle logique n’existe pas relativement à l’obligation chonven -
tionnelle de punir les actes accomplis avant l’entrée en vigueur dhu traité
50
7 CIJ1077.indb 96 18/04/16 08:54 50 application de convehntion génocide (arrêth)
pour l’Etat concerné, et on trouve une telle obligation dans certains trai -
tés. Par exemple, la convention sur l’imprescriptibilité des crhimes de
guerre et des crimes contre l’homanité de 1968 (résolution de l’Assemblée
générale des Nations Unies n 2391 (XXIII); Nations Unies, Recueil des
traités (RTNU), vol. 754, p. 73) dispose en son article premier qu’elle
s’applique aux crimes qui en font l’objet, « quelle que soit la date à laquelle
ils ont été commis ». De même, le paragraphe 2de l’article2 de la conven-
tion européenne sur l’imprescriptibilité des crimes contre l’humanité et
des crimes de guerre de 1974 (Série des traités européens, n o 82) prévoit
que celle -ci s’applique aux infractions commises avant son entrée en
vigueur dans les cas où le délai de prescription n’est pas encohre venu à
expiration à cette date. Dans les deux cas, cependant, l’application du
texte en question aux actes survenus avant son entrée en vigueur faith l’ob -
jet d’une disposition expresse. Or on ne trouve rien de comparable dahns la
convention sur le génocide. Par ailleurs, les dispositions obligeant les
Etats à punir les actes de génocide (art. I et IV) sont nécessairement liées
à celles qui concernent l’obligation faite à chacun d’eux deh légiférer pour
donner effet aux dispositions de la Convention (art. V). Rien n’indique
que celle-ci visait à obliger les Etats à adopter des textes rétroactifs.h
97. L’historique des négociations ayant abouti à la Convention donnhe
également à penser que l’obligation de punir les actes de géhnocide, tout
comme les autres dispositions de fond de la Convention, était censéhe
valoir pour l’avenir et non pour les actes commis au cours de la secohnde
guerre mondiale ou à d’autres époques révolues. Ainsi, le rehprésentant de
la Tchécoslovaquie avait alors déclaré que la Convention devaith « conte -
nir des dispositions expresses affirmant la volonté des peuples de phunir
tous ceux qui seraient tentés à l’avenir de répéter les crimes atroces qui
ont été perpétrés » (Nations Unies, Documents officiels de l’Assemblée
générale, première partie, troisième session, Sixième Com▯mission, comptes
rendus analytiques de la 66 e séance, doc. A/C.6/SR.66, p. 30; les italiques
sont de la Cour). De même, le représentant des Philippines avait hajouté
qu’il « fa[llait] donc qu’ils puissent être châtiés à l’avenir » (ibid., comptes
rendus analytiques de la 95 eséance, doc. A/C.6/SR.95, p. 340; les italiques
sont de la Cour), tandis que celui du Pérou faisait valoir que le tehxte en
cours de négociation était destiné à « punir ceux qui, à l’avenir, se ren -
draient coupables d’infractions aux dispositionsede cette convention »
(ibid., comptes rendus analytiques de la 109 séance, doc. A/C.6/SR.109,
p. 498 ; les italiques sont de la Cour). Par contraste et malgré les évéhne -
ments qui ont précédé immédiatement l’adoption de la Convhention et
auxquels il a été abondamment fait référence, jamais n’a hété évoquée
l’idée que le texte à l’étude visait à obliger les Etahts à punir les actes de
génocide commis par le passé.
98. Enfin, la Cour rappelle que, dans l’arrêt qu’elle a rendu réhcemment
en l’affaire relative à des Questions concernant l’obligation de poursuivre ou
d’extrader (Belgique c. Sénégal) (arrêt, C.I.J. Recueil 2012 (II), p. 422),
elle a estimé que les dispositions analogues de la convention contre hla
torture, qui font aux Etats parties l’obligation de traduire devant lheurs
51
7 CIJ1077.indb 98 18/04/16 08:54 51 application de convehntion génocide (arrêth)
autorités compétentes les personnes soupçonnées d’actes dhe torture, ne
s’appliquaient qu’aux actes commis après l’entrée en viguheur de la conve-n
tion pour l’Etat concerné, et ce, même si les actes en question étaient déjà
considérés comme des crimes au regard du droit international coutuhmier
(C.I.J. Recueil 2012 (II), p. 457, par. 99-100).
99. Pour soutenir que certaines des obligations de fond imposées par la
Convention sont rétroactives, la Croatie s’est intéressée auhx obligations
de prévenir et de punir le génocide. Or c’est la responsabilité de l’Etat, au
titre de la Convention, pour commission de génocide qui se trouve au h
cœur de la demande de la Croatie. La Cour estime que la Convention
n’est pas rétroactive à cet égard non plus. Soutenir le conthraire reviendrait
à ne tenir aucun compte de la règle énoncée à l’articlhe 28 de la conven -
tion de Vienne sur le droit des traités. Rien ne le permet, que ce soit
dans le texte de la Convention ou dans l’historique des négociations
de celle-ci.
100. La Cour conclut en conséquence que les dispositions de fond de la
Convention n’imposent, relativement aux actes censés avoir étéh commis
avant que l’Etat concerné ne devienne partie à celle -ci, aucune obligation
à ce dernier.
* *
101. Etant parvenue à cette conclusion, la Cour en vient à présent àh la
question de savoir si le différend concernant les actes supposés avhoir été
commis avant le 27 avril 1992 entre néanmoins dans le champ de la com -
pétence prévue à l’article IX. Comme elle l’a déjà mentionné (voir le para-
graphe 82 ci-dessus), la Croatie fait valoir deux moyens subsidiaires pour
établir que tel est bien le cas. Elle invoque à cet égard, d’hune part, le
paragraphe 2 de l’article 10 des Articles de la CDI sur la responsabilité de
l’Etat et, d’autre part, le droit relatif à la succession d’hEtats. La Cour
examinera successivement chacun de ces moyens.
b) Le paragraphe 2 de l’article 10 des Articles de la CDI sur la respon
sabilité de l’Etat
102. Le paragraphe 2 de l’article 10 des Articles de la CDI sur la res -
ponsabilité de l’Etat est reproduit ci-dessus au paragraphe 82. D’après la
Croatie, cette disposition fait partie du droit international coutumier.h Elle
soutient que, même si la RFY n’a vu le jour en tant qu’Etat queh le
27 avril 1992, sa proclamation n’a fait qu’officialiser une situation de fhait
déjà bien établie. Selon la Croatie, au cours de l’année 1991, les dirigeants
de la République de Serbie et autres partisans de ce qu’elle appelhle le
mouvement de la « Grande Serbie » auraient pris le contrôle de la JNA et
d’autres institutions de la RFSY, tout en assurant le commandement deh
leurs propres forces armées territoriales et diverses formations de milice et
de paramilitaires. C’est ce mouvement qui serait finalement parvenuh à
mettre en place un Etat distinct, la RFY. La Croatie soutient que, en ceh
52
7 CIJ1077.indb 100 18/04/16 08:54 52 application de convehntion génocide (arrêth)
qui concerne les événements antérieurs au 27 avril 1992, sa demande
repose sur les agissements de la JNA et de ces autres formations et forches
armées, ainsi que des autorités politiques serbes, agissements atthribuables
au mouvement en question et, par application du principe énoncé auh
paragraphe 2 de l’article 10, à la RFY.
103. La Serbie rétorque que le paragraphe 2 de l’article 10 est le fruit
du développement progressif du droit et ne faisait pas partie du droiht
international coutumier en 1991-1992, ce qui le rend inapplicable en l’es -
pèce. En outre, même dans l’hypothèse contraire, il ne saurahit trouver
d’application dans les faits de l’espèce puisqu’il n’a exhisté aucun «mouve-
ment » qui soit parvenu à créer un nouvel Etat. Elle nie égalemenht que les
actes qui sous -tendent la demande de la Croatie puissent être imputés à
quelque entité pouvant être considérée comme un Etat serbe in statu nas‑
cendi au cours de la période précédant le 27 avril 1992. Enfin, elle soutient
que, même si le paragraphe 2 de l’article 10 pouvait trouver à s’appliquer,
il ne suffirait pas pour faire entrer dans le champ de l’article IX la partie
de la demande de la Croatie qui repose sur des faits qui auraient eu liehu
avant le 27 avril 1992. D’après elle, le paragraphe 2 de l’article 10 ne fait
qu’énoncer un principe d’attribution et n’a aucune incidenceh sur la
question de savoir quelles obligations s’imposent au nouvel Etat ou au
« mouvement» qui l’a précédé, et ne saurait donner aux obligations
conventionnelles contractées par l’Etat nouvellement constitué hun effet
rétroactif en y assujettissant les actes du « mouvement» prédécesseur,
même à considérer ces actes comme imputables au nouvel Etat. Elle
allègue en conséquence que, à supposer qu’un « mouvement» ait pu exis -
ter avant le 27 avril 1992, il n’était pas partie à la convention sur le géno-
cide et, partant, n’aurait pu être lié que par l’interdictiohn du génocide
existant en droit international coutumier.
104. La Cour considère que, même si le paragraphe 2 de l’article 10 des
Articles de la CDI sur la responsabilité de l’Etat pouvait êtreh regardé
comme déclaratoire du droit international coutumier à l’époqhue des faits,
ladite disposition ne concerne que l’attribution d’actes à l’hEtat nouvelle -
ment constitué; elle n’engendre pas d’obligations s’imposant à ce dernier h
ou au mouvement qui est parvenu à le créer. Elle est par ailleurs hsans effet
sur le principe énoncé à l’article 13 des mêmes Articles : «Le fait de l’Etat
ne constitue pas une violation d’une obligation internationale à mhoins
que l’Etat ne soit lié par ladite obligation au moment où le fahit se pro -
duit.»
En l’espèce, la RFY n’était pas liée par les obligations hénoncées dans la
convention sur le génocide tant qu’elle n’était pas devenue hpartie à cel-leci.
Dans son arrêt de 2008, la Cour a jugé que la succession avait été opérée
par la déclaration faite par la RFY le 27 avril 1992 et par la note portant
la même date (voir ci-dessus, le paragraphe 76). La date que porte la noti -
fication de succession a coïncidé avec celle de la constitution du nouvel
Etat. La Cour a déjà conclu, dans son arrêt de 2008, que la déclaration et
la note en date du 27 avril 1992 avaient eu le résultat suivant : «à compter
de cette date , la RFY serait liée, en tant que partie, par les obligations
53
7 CIJ1077.indb 102 18/04/16 08:54 53 application de convehntion génocide (arrêth)
découlant de toutes les conventions multilatérales auxquelles la RFSY
était partie au moment de sa dissolution » (.I.J. Recueil 2008, p. 454-455,
par. 117 (les italiques sont de la Cour)).
105. La RFY n’a donc été liée par la convention sur le génocidhe qu’à
compter du 27 avril 1992. Par conséquent, même si les actes antérieurs
au 27 avril 1992 et allégués par la Croatie étaient imputables à un «hmou -
vement» au sens du paragraphe 2 de l’article 10 des Articles de la CDI et
pouvaient, par application du principe y énoncé, être attribuéhs à la RFY,
ils ne sauraient être regardés comme contrevenant aux dispositions de la
convention sur le génocide, mais tout au plus comme violant seulementh
l’interdiction du génocide existant en droit international coutumiher.
Le paragraphe 2 de l’article 10 ne peut donc servir à faire entrer le diffé -
rend concernant ces actes dans le champ de l’article IX de la Convention.
Etant parvenue à cette conclusion, la Cour n’a pas besoin d’exahminer la
question de savoir si le paragraphe 2 de l’article 10 énonce un principe qui
faisait partie du droit international coutumier en 1991-1992 (ou par la
suite, du reste) ou si, dans l’affirmative, les conditions néceshsaires à son
application sont remplies en l’espèce.
* *
c) La succession à la responsabilité
106. La Cour abordera à présent le moyen subsidiaire de la Croatie
selon lequel la RFY a succédé à la responsabilité de la RFSYh. Ce moyen
présuppose que les actes antérieurs au 27 avril 1992 qu’invoque la Croatie
étaient imputables à la RFSY et contrevenaient aux obligations que la
convention sur le génocide imposait à cette dernière, laquelle hy était partie
à l’époque en cause. La Croatie soutient que, lorsque la RFY a succédé
aux obligations conventionnelles de la RFSY le 27 avril 1992, elle a éga -
lement succédé à la responsabilité déjà encourue par chelle -ci pour les vio-
lations de la Convention qui auraient été commises.
107. La Croatie invoque deux arguments distincts à l’appui de sa concl-uh
sion selon laquelle la RFY aurait succédé à la responsabilitéh de la RFSY.
En premier lieu, elle soutient que cette succession a eu lieu par applichation
des principes du droit international général concernant la successhion
d’Etats. Sur ce point, elle se fonde sur la sentence arbitrale rendue en l’Af ‑
faire relative à la concession des phares de l’Empire ottoman (Grè ▯ ce, France),
os
réclamations n 11 et 4, 24 juillet1956 (NationsUnies, Recueildes sentences
arbitrales (RSA), vol. XII, p. 155), qui a affirmé que la responsabilité de
l’Etat pouvait être dévolue au successeur lorsque les faits éhtaient tels qu’il
paraissait opportun de rendre ce dernier responsable des agissements rephro -
chés au premier. Le tribunal s’était alors dit d’avis que lah question de savoir
s’il y avait eu succession à la responsabilité dépendait desh faits propres à
chaque affaire. La Croatie soutient que les faits de l’espèce, marqhués par la
dissolution progressive de la RFSY dans le cadre d’un conflit arméh oppo -
54
7 CIJ1077.indb 104 18/04/16 08:54 54 application de convehntion génocide (arrêth)
sant des entités qui allaient devenir Etats successeurs de celle -ci, dont les
forces armées, au cours de sa dernière année d’existence forhmelle, étaient en
grande partie contrôlées par l’une de ces entités ayant éhmergé comme Etat
successeur (la RFY), justifient la succession de la RFY à la resphonsabilité
encourue par la RFSY pour les actes des forces armées qui sont ultéhrieur -e
ment devenues des organes de la RFY. En second lieu, elle affirme que
celleci, par la déclaration du 27 avril 1992 dont il a déjà été question, a
indiqué qu’elle succédait non seulement aux obligations conventhionnelles
de la RFSY, mais aussi à la responsabilité encourue par cette dernhière pour
la violation de ces obligations conventionnelles.
108. La Serbie avance que ce moyen subsidiaire constitue une nouvelle
demande que la Croatie a introduite seulement à l’étape de la phrocédure
orale et qui, partant, est irrecevable. Dans l’hypothèse où la hCour accepte -
rait de l’examiner, elle fait valoir que, puisque ni l’article IX ni aucune
autre disposition de la convention sur le génocide ne traite de la déhvolu -
tion de responsabilité par succession, toute succession éventuelleh aurait été
régie par des principes extérieurs à ce texte, de sorte que le différend
concernant ceux-ci n’entrerait pas dans le champ de l’article IX. En tout
état de cause, elle soutient qu’il n’existe aucun principe de shuccession à la
responsabilité en droit international général. Elle fait valoirh que l’affaire
des Phares concernait la violation de droits privés découlant d’un accord
de concession et ne présente aucun intérêt pour ce qui est de lha responsa -
bilité résultant de prétendues violations de la convention sur le génocide.
Selon elle, la déclaration du 27 avril 1992 ne concerne que la succession
aux traités eux-mêmes et non la succession à la responsabilité. La Serbie
soutient par ailleurs que la succession aux droits et obligations de la hRFSY
est en tous points régie par l’accord sur les questions de successhion d2 e001
(RTNU, vol. 2262, p. 296), qui établit une procédure d’examen des récla -
mations pendantes contre la RFSY. Enfin, elle affirme que la Cour devhrait,
en tout état de cause, refuser d’exercer sa compétence sur le fhondement du
moyen subsidiaire avancé par la Croatie, en raison du principe énohncé
dans les arrêts rendus en l’affaire de l’Or monétaire pris à Rome en 1943
(Italie c. France, Royaume‑Uni et Etats‑Unis d’Amérique) ( question préli ‑
minaire, arrêt, C.I.J. Recueil 1954, p. 19) et en l’affaire relative au Timor
oriental (Portugal c. Australie) (arrêt, C.I.J. Recueil 1995, p. 90).
109. La Cour a déjà dit clairement qu’une partie demanderesse étahit
irrecevable à présenter une nouvelle demande qui aurait pour effet hde
modifier l’objet du différend ( Différend territorial et maritime entre le
Nicaragua et le Honduras dans la mer des Caraïbes (Nicaragua c. Hondu ‑
ras), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (II), p. 695, par. 108). Elle n’est toutefois
pas convaincue que, en avançant son argument fondé sur la successihon
d’Etats, la Croatie ait introduit en l’espèce une nouvelle demahnde. Elle a
déjà conclu que l’objet du différend résidait dans la queshtion de savoir si
la Serbie était responsable de violations de la convention sur le géhnocide
(voir le paragraphe 90 ci-dessus), notamment celles qui auraient été com -
mises avant le 27 avril 1992. Cette question doit être distinguée de la
manière dont cette responsabilité est censée avoir été enhgagée. La Croatie
55
7 CIJ1077.indb 106 18/04/16 08:54 55 application de convehntion génocide (arrêth)
a initialement soutenu — et cela demeure son argument principal — que,
si la responsabilité de la RFY (et, partant, celle de la Serbie) avhait été
engagée à raison d’agissements qu’elle tient pour contraires à la Conven -
tion, c’était parce que ces agissements lui étaient directementh imputables.
Or ce que la Croatie avance à titre subsidiaire, c’est que, si lesdits agisse -
ments étaient imputables à la RFSY, la responsabilité de la RFY (et, par -
tant, celle de la Serbie) serait par ailleurs engagée par voie de succession.
La Croatie n’a donc pas introduit de nouvelle demande, mais fait valohir,
à l’appui de sa demande initiale, un nouveau moyen se rapportant à la
manière dont la responsabilité de la Serbie est censée avoir éhté engagée.
En outre, il s’agit non pas d’un nouveau titre de compétence, mhais seule -
ment de l’interprétation et de l’application du titre de compétence invo -
qué dans la requête, à savoir l’article IX de la convention sur le génocide.
110. Comme il est mentionné au paragraphe 77 ci-dessus, la Cour a fait
observer en 2008, lorsqu’elle a décidé que les exceptions soulevées par hla
Serbie relativement à la compétence et à la recevabilité ratione temporis
n’avaient pas un caractère exclusivement préliminaire, que les hquestions de
compétence et de fond étaient étroitement liées et qu’il hlui fallait disposer
d’éléments complémentaires pour être en mesure de se pronhoncer sur les
unes comme sur les autres. Maintenant que, après avoir pris connaissahnce
des pièces de procédure subséquentes des Parties et entendu leuhrs plaidoi -
ries, elle dispose de ces éléments supplémentaires, la Cour esth en mesure de
distinguer les questions auxquelles elle doit répondre afin de stathuer sur sa
compétence de celles qui ne relèvent que du fond à proprement pharler.
111. S’agissant de la compétence, la question à trancher se résumhe à
celle de savoir si le différend qui oppose les Parties relève de lah compé -
tence de la Cour en vertu de l’article IX de la convention sur le génocide.
Tel ne sera le cas que s’il concerne l’interprétation, l’apphlication ou l’exé-
cution de celle -ci, ce qui comprend la question de la responsabilité de
l’Etat pour génocide ou tout autre acte énuméré à l’harticle III de la
Convention.
112. Dans le cadre du différend, tel qu’il est analysé aux paragraphehs 90
et 109 ci-dessus, il est possible de définir un certain nombre de questions
en litige. Ainsi, en ce qui concerne le moyen subsidiaire de la Croatie,h il
incomberait à la Cour, afin de déterminer si la Serbie est respohnsable de
violations de la Convention, de décider :
1) si les actes allégués par la Croatie ont été commis et, le chas échéant,
s’ils contrevenaient à la Convention ;
2) dans l’affirmative, si ces actes étaient attribuables à la RFShY au
moment où ils ont été commis et ont engagé la responsabilitéh de cette
dernière ; et
3) à supposer que la responsabilité de la RFSY ait été engagéhe, si la RFY
a succédé à cette responsabilité.
S’il est admis de part et d’autre que bon nombre des actes alléhgués par la
Croatie (mais pas tous) ont effectivement eu lieu, les Parties ne s’haccordent
pas sur le point de savoir s’ils contrevenaient à la Convention. Ehn outre,
56
7 CIJ1077.indb 108 18/04/16 08:54 56 application de convehntion génocide (arrêth)
la Serbie rejette l’argument de la Croatie selon lequel sa responsabihlité
serait engagée pour ces actes, à un titre ou à un autre.
113. La question qu’il faut trancher afin de déterminer si la Cour esht
compétente pour connaître de la demande concernant les actes qui
auraient été commis avant le 27 avril 1992 est celle de savoir si le différend
qui oppose les Parties sur les trois points exposés au paragraphe préhcé -
dent relève de l’article IX. Les points en litige concernent l’interprétation,
l’application et l’exécution des dispositions de la convention hsur le géno-
cide. Il n’est pas question ici de donner un effet rétroactif à hces disposi -
tions. Les deux Parties conviennent que la RFSY était liée par la h
Convention à l’époque où les actes pertinents sont censés avoir été com -
mis. Les questions de savoir si ces actes contrevenaient aux dispositionhs
de la Convention et, le cas échéant, s’ils étaient attribuabhles à la RFSY et
ont donc engagé sa responsabilité, entrent sans contredit dans le hchamp
de la compétence ratione materiae prévue à l’article IX.
114. S’agissant du troisième point en litige, la question que la Cour ehst
invitée à trancher est celle de savoir si la RFY — et donc la Serbie — est
responsable d’actes de génocide et d’autres actes énuméréhs à l’articlI eII de
la Convention dont il est allégué qu’ils sont imputables à lha RFSY. L’ar-
ticle IX prévoit que la Cour a compétence pour connaître des « différends…
relatifs à l’interprétation, l’application ou l’exécuthion de … Convention,
y compris ceux relatifs à la responsabilité d’un Etat en matièhre de génocide
ou de l’un quelconque des autres actes énumérés à l’arhticle ». La Croatie
soutient que la Serbie est responsable des violations de la convention shur le
génocide qui, d’après elle, auraient été commises avant lhe 27 avril 1992.
Selon son moyen principal, cette responsabilité résulterait de l’hattribution
directe de ces violations à la RFY et, partant, à la Serbie, tandihs que, selon
son moyen subsidiaire (sur lequel porte la présente partie de l’ahrrêt), elle
aurait été dévolue par succession. La Cour relève que l’ahrticle IX aborde la
responsabilité de l’Etat de manière générale et ne contiehnt aucune limitation
s’agissant de la manière dont cette responsabilité est susceptihble d’être en-a
gée. Si les arguments avancés par la Croatie concernant la troisième ques -
tion définie au paragraphe112 ci-dessus soulèvent de sérieuses questions de
droit et de fait, ces questions relèvent de l’examen au fond. Ellehs n’auront
besoin d’être tranchées que si la Cour parvient à la conclushion que les actes
allégués par la Croatie contrevenaient à la Convention et éthaient, au
moment de leur commission, attribuables à la RFSY.
115. Certes, la question de savoir si, comme le soutient la Croatie,
l’Etat défendeur succède à la responsabilité de son Etat prédécesseur pour
violation de la Convention, est régie non pas par celle -ci, mais par les
règles du droit international général. Cela n’a néanmoinsh pas pour
effet d’exclure du champ de l’article IX le différend relatif au troisième
point. C’est ce qu’a expliqué la Cour dans l’arrêt qu’helle a rendu en 2007
en l’affaire Bosnie‑Herzégovine c. Serbie‑et‑Monténégro:
«Que la Cour tire sa compétence de l’article IX de la Convention
et que les différends qui relèvent de cette compétence portent shur
57
7 CIJ1077.indb 110 18/04/16 08:54 57 application de convehntion génocide (arrêth)
«l’interprétation, l’application ou l’exécution » de la Convention n’a
pas nécessairement pour conséquence que seule doive entrer en lignhe
de compte cette Convention. Afin de déterminer si, comme le sou -
tient le demandeur, le défendeur a violé l’obligation qu’il htient de la
Convention et, s’il y a eu violation, d’en déterminer les conséhquences
juridiques, la Cour fera appel non seulement à la Convention propre-
ment dite, mais aussi aux règles du droit international généralh qui
régissent l’interprétation des traités et la responsabilitéh de l’Etat pour
fait internationalement illicite. » ( C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 105,
par. 149.)
La Cour considère que les règles de succession susceptibles d’ehntrer en jeu
en l’espèce sont du même ordre que celles qui régissent l’hinterprétation
des traités et la responsabilité de l’Etat, et dont il est queshtion dans le
passage précité. La Convention elle -même ne précise pas les circonstances
dans lesquelles la responsabilité de l’Etat est engagée, qui dohivent dès lors
être déterminées au regard du droit international généralh. Le différend
relevant de l’articleIX ne cesse pas de faire partie de la catégorie des « dif-
férends … relatifs à l’interprétation, l’application ou l’exécution de la …
Convention, y compris ceux relatifs à la responsabilité d’un Ethat en
matière de génocide », en raison de la contestation, si vive soit-elle, dont
fait l’objet l’application, voire l’existence même d’une hrègle concernant tel
ou tel aspect de la responsabilité de l’Etat ou de la succession dh’Etats dans
le contexte d’allégations de génocide. Puisque le moyen subsidiaire de la
Croatie impose de trancher le point de savoir si la RFSY était responh -
sable d’actes de génocide qui auraient été commis alors qu’helle était partie
à la Convention, la conclusion de la Cour concernant la portée temhporelle
de l’articleIX ne constitue pas un obstacle à la compétence.
116. S’agissant des arguments de la Serbie tirés des arrêts rendus ehn
l’affaire de l’r monétaire pris à Rome en 1943 (Italie c. France, Royaume‑
Uni et Etats‑Unis d’Amérique) (question préliminaire, arrêt, C.I.J. Recueil
1954, p. 19) et en l’affaire relative au Timor oriental (Portugal c. Austra ‑
lie) (arrêt, C.I.J.Recueil 1995, p. 90), la Cour rappelle que ces arrêts ont
trait à un aspect de « l’un des principes fondamentaux de son Statut[, à
savoir] qu’elle ne peut trancher un différend entre des Etats sans que
ceux -ci aient consenti à sa juridiction » (ibid., p101, par. 26). Dans ces
deux affaires, elle a refusé d’exercer sa compétence pour statuehr sur la
demande, estimant que cela aurait été contraire au droit d’un Etat non
partie à l’instance à ce que la Cour ne se prononce pas sur sonh comporte-
ment sans son consentement. On ne saurait tenir pareil raisonnement en
ce qui concerne un Etat qui a cessé d’exister, comme c’est le chas de la
RFSY, puisque pareil Etat n’est plus titulaire d’aucun droit et n’ha plus la
capacité de donner ou de refuser de donner son consentement à la chom -
pétence de la Cour. Quant à la position des autres Etats successeuhrs de la
RFSY, la Cour n’a pas à se prononcer sur leur situation juridique pour
statuer sur la présente demande. Le principe évoqué par la Courh dans
l’affaire de l’Or monétaire ne s’applique donc pas (cf. Certaines terres à
58
7 CIJ1077.indb 112 18/04/16 08:54 58 application de convehntion génocide (arrêth)
phosphates à Nauru (Nauru c. Australie), exceptions préliminaires, arrêt,
C.I.J. Recueil 1992, p. 261-262, par. 55).
117. Ayant conclu dans son arrêt de 2008 que le présent différend rele-
vait de l’articleIX de la convention sur le génocide dans la mesure où il
se rapporte à des actes supposés avoir été commis après lhe 27 avril 1992,
la Cour en vient à présent à la conclusion que le différend ehntre également
dans le champ dudit article dans la mesure où il se rapporte à desh actes
qui seraient antérieurs à cette date, et qu’elle a compétenche pour connaître
de la demande de la Croatie dans son ensemble. Point n’est besoin, pohur
parvenir à cette conclusion, de trancher la question de savoir si la hRFY
et, partant, la Serbie ont effectivement succédé à la responsabihlité qu’au-
rait pu encourir la RFSY, ni de se prononcer sur celle de savoir si des h
actes contrevenant à la convention sur le génocide ont été chommis avant
le 27 avril 1992 ou, dans l’affirmative, à qui ils étaient imputables. Cesh
questions relèvent du fond et seront examinées, en tant que de beshoin,
dans les sections suivantes du présent arrêt.
* *
5) Recevabilité
118. La Cour en vient donc aux deux arguments subsidiaires avancés
par la Serbie concernant la recevabilité de la demande. Selon le premhier
de ces arguments, toute demande reposant sur des événements supposhés
être survenus avant que la RFY ne voie le jour en tant qu’Etat, leh
27 avril 1992, serait irrecevable. La Cour rappelle qu’elle a déjà conclhu,
dans son arrêt de 2008, que cet argument faisait intervenir des questions
relatives à l’attribution. Elle constate à présent qu’ellhe n’a pas à se pro -
noncer sur celles-ci avant d’avoir examiné au fond les actes allégués par la
Croatie.
119. Selon le second argument subsidiaire de la Serbie, à supposer
recevable une demande reposant sur des faits censés être survenus havant
que la RFY ne voie le jour en tant qu’Etat, la Croatie ne saurait invhoquer
des événements supposés antérieurs à la date à laquellhe elle est devenue
partie à la convention sur le génocide, soit au 8 octobre 1991. La Cour
fait observer que la Croatie n’a pas formulé des demandes distincthes pour
les événements survenus avant et après le 8 octobre 1991 ; elle a au
contraire présenté une demande unique faisant état d’une lighne de
conduite se durcissant au cours de l’année 1991, et a fait référence, pour
nombre de villes et de villages, à des actes de violence commis aussih bien
juste avant que juste après le 8octobre 1991. Dans ce contexte, il convient,
en tout état de cause, de tenir compte de ce qui s’est produit avahnt cette
date pour trancher la question de savoir si les événements survenuhs par la
suite ont emporté violation de la convention sur le génocide. Dèhs lors, la
Cour estime qu’il n’est point besoin de statuer sur le second arguhment
subsidiaire de la Serbie avant d’avoir examiné et apprécié lh’ensemble des
éléments de preuve fournis par la Croatie.
59
7 CIJ1077.indb 114 18/04/16 08:54 59 application de convehntion génocide (arrêth)
B. La demande reconventionnelle de la Serbie
120. En ce qui a trait à la demande présentée à titre reconventiohnnel
par la Serbie, le paragraphe 1 de l’article 80 du Règlement de la Cour,
dans sa version adoptée le 14 avril 1978, laquelle, ainsi que la Cour l’a
déjà fait observer (voir le paragraphe 7 ci-dessus), s’applique en l’espèce
puisque la requête a été déposée avant le 1 er février 2001, est ainsi libellé :
«Une demande reconventionnelle peut être présentée pourvu qu’elle soit
en connexité directe avec l’objet de la demande de la partie adverhse et
qu’elle relève de la compétence de la Cour. »
121. Dans sa demande reconventionnelle, la Serbie soutient que la
Croatie a violé les obligations que lui imposait la convention sur leh géno-
cide par ses agissements envers la population serbe de la région de la Kra-
jina, en Croatie, et en omettant de punir ces agissements. La demande
reconventionnelle se rapporte exclusivement aux combats qui ont eu lieu h
à l’été1995 dans le cadre de ce que la Croatie a appelé l’opération «h Tem-
pête», et aux événements qui ont suivi. Au moment où ladite opéhration
«Tempête» a eu lieu, la Croatie comme la RFY étaient parties à la
Convention depuis plusieurs années. La Croatie ne conteste pas que la
demande reconventionnelle relève de ce fait de la compétence de lah Cour
en vertu de l’article IX de la Convention.
122. En ce qui concerne l’exigence de connexité directe de la demande
reconventionnelle avec l’objet de la demande principale, la Serbie sohutient
que sa demande pose « des questions de droit ayant trait à l’interprétation
de la convention sur le génocide … et d’autres questions connexes rela -
tives à la responsabilité de l’Etat découlant de la Conventihon et du droit
international général qui sont pour ainsi dire identiques» à celles que sou-
lève la demande principale, et que la demande principale et la demandhe
reconventionnelle se rapportent au même conflit armé et partagenht un
«cadre territorial et temporel commun ». La Croatie nie que la demande
reconventionnelle s’inscrive dans le même « cadre factuel» que celui de la
demande principale et relève ce qu’elle considère comme des diffhérences
notables, notamment le fait que les événements auxquels se rapporthe la
demande principale se sont déroulés dans une zone géographique bien
plus étendue et que la plupart ont eu lieu plus de deux ans avant lesh faits
sur lesquels repose la demande reconventionnelle.
123. La Cour fait néanmoins observer que la Croatie ne conteste pas la
recevabilité de la demande reconventionnelle, les différences factuhelles
invoquées visant plutôt à étayer les arguments qu’elle avance quant au
bien-fondé de ladite demande (sur lequel la Cour reviendra dans la par -
tieVI du présent arrêt). La Cour estime que la demande reconvention-
nelle est en connexité directe avec l’objet de la demande principahle, en fait
comme en droit. La convention sur le génocide constitue le fondement h
juridique de la demande principale comme de la demande reconvention -
nelle. En outre, à supposer établies les différences factuelles invoquées par
la Croatie, les hostilités qui se sont déroulées sur le territohire croate en
1991-1992 et auxquelles se rapportent la plupart des allégations figuranht
60
7 CIJ1077.indb 116 18/04/16 08:54 60 application de convehntion génocide (arrêth)
dans la demande principale restent directement liées à celles de lh’été1995,
ne serait-ce que parce que l’opération «Tempête» a été lancée en réponse
à ce que la Croatie considérait comme l’occupation d’une parhtie de son
territoire par suite des affrontements antérieurs. La Cour conclut en h
conséquence que les exigences énoncées au paragraphe 1 de l’article 80 de
son Règlement sont remplies. L’article IX étant le seul fondement de
compétence invoqué pour ce qui concerne la demande reconventionnelhle,
les observations formulées aux paragraphes 85 à 88 ci-dessus valent aussi
bien pour cette dernière.
* * *
III. Le droit applicable : la convention sur lah prévention
et la répression du crhime de génocide
124. La convention sur le génocide, qui lie les Parties et sur la seule
base de laquelle la Cour est compétente pour connaître de la préhsente
affaire, constitue le droit applicable en l’espèce. Parconséquent, la Cour
n’a à se prononcer que sur les violations alléguées de cetteh Convention
(voir les paragraphes 85-88 ci-dessus).
125. En se prononçant sur des différends relatifs à l’interprétation, à
l’application ou à l’exécution de la Convention, y compris lha responsabi -
lité d’un Etat en matière de génocide, la Cour s’appuie shur la Convention
mais également sur les autres règles pertinentes du droit internathional, en
particulier celles régissant l’interprétation des traités eth la responsabilité
de l’Etat pour fait internationalement illicite. Par ailleurs, comme helle l’a
souligné dans son arrêt du 18 novembre 2008 relatif aux exceptions préli -
minaires dans la présente instance,
«[e]n règle générale — à moins qu’elle n’estime que des raisons très
particulières doivent la conduire à le faire —, la Cour ne s’écarte …
pas de sa jurisprudence, notamment lorsque des questions compa -
rables à celles qui se posent à elle ont été examinées dans des déci-
sions antérieures» (C.I.J. Recueil 2008, p. 449, par. 104).
A cet égard, la Cour rappelle qu’elle a examiné, dans son arrêht du
26 février 2007 en l’affaire Bosnie‑Herzégovine c. Serbie‑et‑Monténégro,
certaines questions comparables à celles dont elle est saisie en l’espèce.
Elle prendra cet arrêt en compte dans la mesure nécessaire au raishonne -
ment juridique dans la présente affaire. Cela ne l’empêchera cephendant
pas de compléter cette jurisprudence, en tant que de besoin, en foncthion
de l’argumentation échangée par les Parties dans la présenteh affaire.
126. Dans ses conclusions finales, la Croatie prie la Cour de conclure àh
la responsabilité de la Serbie pour des violations alléguées deh la Conven -
tion. Selon le demandeur, il faut distinguer la question de la détermhination
de la responsabilité internationale de cet Etat pour un ensemble de chrimes,
61
7 CIJ1077.indb 118 18/04/16 08:54 61 application de convehntion génocide (arrêth)
qui revient à la Cour dans cette affaire, de celle de l’établisshement d’une
éventuelle responsabilité individuelle pour des crimes donnés, hfonction
dévolue au Tribunal pénal international pour l’ex -Yougoslavie
(«TPIY»).
127. De son côté, la Serbie a relevé que l’arrêt rendu par la hCour
en 2007 s’est appuyé sur la jurisprudence du TPIY et que son analyse ha
pris comme point de départ la responsabilité pénale individuellhe et non la
responsabilité de l’Etat.
128. La Cour rappelle que, dans son arrêt de 2007, elle a souligné que,h
«pour que la responsabilité d’un Etat soit engagée pour violatiohn de
l’obligation luiincombant de ne pas commettre de génocide, encore doit-il
avoir été démontré qu’un génocide, tel que définih dans la Convention, a
été commis » ( C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 119, par. 180). Il peut s’agir
d’actes, attribuables à l’Etat, commis par une personne ou un ghroupe de
personnes, dont la responsabilité pénale individuelle a été hétablie au pré-
alable. Mais la Cour a envisagé aussi un autre cas de figure, celuih où «un
Etat peut voir sa responsabilité engagée en vertu de la Conventionh pour
génocide et complicité de génocide, sans qu’un individu ait hété reconnu
coupable de ce crime ou d’un crime connexe » ( ibid., p. 120, par. 182).
Dans l’une et l’autre de ces situations, la Cour applique les règles du
droit international général relatives à la responsabilité deh l’Etat pour fait
internationalement illicite. En particulier, aux termes de l’article 3 des
Articles de la CDI sur la responsabilité de l’Etat, qui reflèhte une règle
coutumière, « la qualification du fait d’un Etat comme internationalement
illicite relève du droit international. »
129. La responsabilité de l’Etat et la responsabilité pénale indihviduelle
obéissent à des régimes juridiques et poursuivent des objectifsh différents.
Dans le premier cas, il s’agit des conséquences de la violation pahr un Etat
des obligations que lui impose le droit international, alors que, dans lhe
second, il s’agit de la responsabilité d’un individu, établie en vertu des
règles de droit pénal, international et interne, et des sanctions hqui en
découlent pour lui.
Il appartient à la Cour, lorsqu’elle applique la Convention, de déhcider
si des actes de génocide ont été commis, mais il ne lui revienth pas de sta -
tuer sur la responsabilité pénale individuelle pour de tels actes.h Cette
tâche relève des tribunaux pénaux habilités à cet effet, dhans le respect de
procédures appropriées. Cela étant, la Cour prendra en considéhration, le
cas échéant, les décisions des tribunaux pénaux internationahux, en parti-
culier celles du TPIY, comme elle l’a fait en 2007, lorsqu’elle examinera
en l’espèce les éléments constitutifs du génocide. S’ihl est établi qu’un gén-o
cide a été commis, la Cour s’attachera à apprécier la reshponsabilité de
l’Etat, sur la base des règles de droit international général relatives à la
responsabilité de l’Etat pour fait internationalement illicite.
130. L’article II de la Convention définit le génocide dans les termes
suivants:
« Dans la présente Convention, le génocide s’entend de l’un quhel -
62
7 CIJ1077.indb 120 18/04/16 08:54 62 application de convehntion génocide (arrêth)
conque des actes ci -après, commis dans l’intention de détruire, en
tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux,
comme tel:
a) Meurtre de membres du groupe ;
b) Atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres hdu
groupe;
c) Soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence
devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ;
d) Mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe ;
e) Transfert forcé d’enfants du groupe à un autre groupe. »
Selon cette disposition, le génocide comporte deux éléments conhstitu -
tifs, l’élément matériel, soit les actes qui ont été chommis ou l’actus reus, et
l’élément moral ou la mens rea. Bien que distincts pour les besoins de
l’analyse, ces deux éléments sont liés. La détermination de l’actus reus
peut nécessiter un examen de l’intention. En outre, la caractérhisation des
actes et leur articulation les uns par rapport aux autres peuvent contrih -
buer à la déduction de l’intention.
131. La Cour définira tout d’abord l’intention de commettre le géhno -
cide avant d’analyser les questions juridiques soulevées par les ahctes visés
à l’articleII de la Convention.
A. La mens rea du génocide
132. L’«intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national,
ethnique, racial ou religieux, comme tel » est la composante propre du
génocide, qui le distingue d’autres crimes graves.
Elle est considérée comme dolus specialis, soit une intention spécifique
qui s’ajoute à celle propre à chacun des actes incriminés, phour constituer
le génocide (C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 121, par. 187).
133. En l’espèce, les Parties se sont opposées sur le sens et la porhtée de
la notion de « destruction» d’un groupe (1), sur le sens de la notion de
destruction « en partie » d’un groupe (2) et enfin sur la manifestation du
dolus specialis (3).
1) Le sens et la portée de la notion de « destruction» d’un groupe
a) La destruction physique ou biologique du groupe
134. La Croatie a soutenu que l’intention requise n’est pas limitée hà
celle de détruire physiquement le groupe en question, mais englobe auhssi
l’intention de faire en sorte qu’il cesse de fonctionner en tant qhu’entité.
Ainsi, selon la Croatie, un génocide, au sens de l’article II de la Conven -
tion, ne devrait pas nécessairement prendre la forme d’une destruchtion
physique du groupe. Elle en veut pour preuve le fait que certains des achtes
de génocide énumérés à l’article II de la Convention n’impliquent pas la
63
7 CIJ1077.indb 122 18/04/16 08:54 63 application de convehntion génocide (arrêth)
destruction physique du groupe. A titre d’exemples, elle renvoie àh
l’«atteinte grave à l’intégrité … mentale de membres du groupe », prévue
au litt. b) de l’article II, et au « transfert forcé d’enfants du groupe à un
autre groupe », prévu au litt. e) dudit article.
135. La Serbie, au contraire, rejette cette approche fonctionnelle de la
destruction du groupe, estimant que c’est l’intention de détruihre, au sens
physique, le groupe qui doit prévaloir même si les actes énuméhrés à l’ar -
ticle II peuvent parfois ne pas aller jusque -là.
136. La Cour constate que les travaux préparatoires de la Convention
révèlent que les rédacteurs ont envisagé à l’origine dheux types de géno -
cide, le génocide physique ou biologique, et le génocide culturel,h mais que
ce dernier concept a finalement été abandonné dans ce contexthe (Rapport
du comité spécial sur le génocide, 5 avril au 10 mai 1948, Nations Unies,
Procès‑verbaux officiels du Conseil économique et social, septiè▯me session,
supplément no 6, doc. E/794, et Nations Unies, Documents officiels de l’As‑
semblée générale, première partie, troisième session, Six▯ième Commission,
comptes rendus analytiques de la 83 e séance, doc. A/C.6/SR.83, p. 193-207).
Il a été décidé, en conséquence, de limiter le champ d’happlication de la
Convention à la destruction physique ou biologique du groupe (Rapporht
de la CDI sur les travaux de sa quarante -huitième session, Annuaire de la
Commission du droit international, 1996, vol. II, deuxième partie, p. 48,
par. 12, cité par la Cour dans son arrêt de 2007, C.I.J. Recueil 2007 (I),
p. 186, par. 344).
Il s’ensuit que la notion d’« atteinte grave à l’intégrité … mentale de
membres du groupe », au sens du litt. b) de l’article II, même si elle ne
concerne pas directement la destruction physique ou biologique de
membres du groupe, doit être considérée comme ne visant que lesh actes
accomplis dans l’intention de parvenir à la destruction physique ohu biolo -
gique du groupe, en tout ou en partie.
Quant au transfert forcé d’enfants d’un groupe à un autre, ahu sens du
litt.e) de l’article II, il peut également participer de l’intention de détruire
physiquement le groupe, en tout ou en partie, puisqu’il peut avoir dehs
conséquences sur sa capacité à se renouveler et, partant, à assurer à terme
sa pérennité.
b) L’ampleur de la destruction du groupe
137. La Croatie soutient que l’extermination du groupe n’est pas
requise selon la définition figurant à l’article II de la Convention. Elle
avance qu’il faut démontrer que l’auteur a l’intention de déhtruire le
groupe, en tout ou en partie, et que cette intention ne se traduit pas nhéces -
sairement par l’extermination de celui -ci. Elle a même soutenu qu’il suffi -
rait à cet égard d’un petit nombre de victimes, membres du groupe. Elle
s’est appuyée à cette fin sur les travaux préparatoires eth, en particulier, sur
la proposition d’amendement présentée par la délégation fhrançaise à la
Sixième Commission de l’Assemblée générale (Nations Unies, Documents
officiels de l’Assemblée générale, première partie, trois▯ième session, Sixième
64
7 CIJ1077.indb 124 18/04/16 08:54 64 application de convehntion génocide (arrêth)
Commission, comptes rendus analytiques de la 73 e séance, p. 90-91,
doc. A/C.6/SR.73, et ibid., Annexe aux comptes rendus analytiques de la
224 e séance, p. 22, doc. A/C.6/224), même si cette proposition a finale -
ment été retirée.
Selon la Serbie, l’extermination, en tant que crime contre l’humanhité, peut
être apparentée au génocide en ce qu’ils visent tous les deuhx un nombre élevé
de victimes. La Serbie admet que, pour démontrer l’existence d’hun génocide,
il est nécessaire de prouver que les actes ont été commis dans hl’intention de
détruire physiquement le groupe. Elle avance néanmoins que, en préhsence de
preuves d’extermination du groupe, il est « bien plus aisé d’en déduire l’in-
tention de détruire physiquement le groupe pris pour cible »; à l’inverse,
lorsqu’aucun élément ne démontre qu’il y a eu exterminatihon, elle estime
qu’il «sera très difficile, à défaut d’autres éléments de preuve convaincants»,
de démontrer l’existence d’une intention génocidaire.
138. Selon la Cour, l’article II de la Convention, y compris les termes
«commis dans l’intention de détruire », «doit être interprété de bonne foi
suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans lehur contexte
et à la lumière de son objet et de son but », ainsi que le prévoit la règle
coutumière reflétée à l’article 31 de la convention de Vienne sur le droit
des traités.
139. Le préambule de la convention sur le génocide souligne que le
«génocide a infligé de grandes pertes à l’humanité » et que les parties
contractantes se fixent pour objectif de « libérer l’humanité d’un fléau
aussi odieux ». Comme la Cour l’a relevé en 1951 et rappelé en 2007, la
Convention vise notamment à sauvegarder « l’existence même de certains
groupes humains » (éserves à la convention pour la prévention et la répres ‑
sion du crime de génocide, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1951, p. 23,
et Application de la convention pour la prévention et la répression d▯u crime
de génocide (Bosnie‑Herzégovine c. Serbie‑et‑Monténégro), arrêt, C.I.J.
Recueil 2007 (I), p. 125, par. 194).
La Cour rappelle qu’elle a jugé, en 2007, que l’intention de détruire un
groupe national, ethnique, racial ou religieux comme tel est spécifihque au
génocide, et le distingue d’autres crimes qui lui sont apparentéhs comme les
crimes contre l’humanité et la persécution (C.I.J. Recueil 2007 (I),
p. 121-122, par. 187-188).
Dans la mesure où c’est le groupe, en tout ou en partie, qui est lh’objet
de l’intention génocidaire, la Cour considère qu’une telle intention peut
difficilement être établie par la commission d’actes isolésh. Elle estime que,
en l’absence de preuve directe, il doit exister suffisamment d’actes qui
démontrent non seulement l’intention de viser certaines personnes,h en rai -
son de leur appartenance à un groupe particulier, mais aussi celle deh
détruire, en tout ou en partie, le groupe lui -même.
2) Le sens de la notion de destruction « en partie» du groupe
140. La Croatie admet que, selon la jurisprudence de la Cour et des
tribunaux pénaux internationaux, « l’intention de détruire … en partie l»
65
7 CIJ1077.indb 126 18/04/16 08:54 65 application de convehntion génocide (arrêth)
groupe protégé concerne une partie substantielle de celui -ci. Mais elle
conteste l’approche purement quantitative de ce critère, en considérant
qu’il faut mettre l’accent sur la localisation géographique de hla partie du
groupe, dans une région, une sous -région ou une communauté, ainsi que
sur l’opportunité qui s’offre aux auteurs du crime de la détrhuire.
141. La Serbie s’en tient au critère selon lequel la partie visée duh groupe
doit être substantielle et à la jurisprudence établie à ce shujet, même
si elle convient qu’il pourrait être pertinent d’examiner la question de
l’opportunité.
142. La Cour rappelle que la destruction « en partie» du groupe au
sens de l’article II de la Convention doit être appréciée en fonction de
plusieurs critères. A cet égard, elle a estimé en 2007 que « l’intention doit
être de détruire au moins une partie substantielle du groupe »
(C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 126, par. 198), et qu’il s’agit d’un critère
«déterminant» (ibid., p. 127, par. 201). Elle a également relevé « qu’il est
largement admis qu’il peut être conclu au génocide, lorsque l’intention est
de détruire le groupe au sein d’une zone géographique précishe » (ibid.,
p. 126, par. 199) et que, par conséquent, « [l]a zone dans laquelle l’auteur
du crime exerce son activité et son contrôle doit être prise enh considéra -
tion » (ibid., p. 126-127, par. 199). Il convient également de prendre en
compte la place de la partie du groupe qui serait visée au sein du grhoupe
tout entier. En ce qui concerne ce critère, la chambre d’appel du hTPIY a
précisé dans l’arrêt rendu en l’affaire Krstić que,
«[s]i une portion donnée du groupe est représentative de l’ensemhble
du groupe, ou essentielle à sa survie, on peut en conclure qu’elleh est
substantielle au sens de l’article 4 du Statut [du TPIY, dont le para -
graphe 2 reprend pour l’essentiel l’article II de la Convention] »
(IT-98-33-A, arrêt du 19 avril 2004, par. 12, note de bas de page
omise, cité dans C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 127, par. 200).
La Cour, en 2007, a estimé qu’il revient au juge d’apprécier ces éléh -
ments dans chaque espèce (ibid., p. 127, par. 201). Il en découle que, afin
de décider si la partie qui serait visée était substantielle pahr rapport à
l’ensemble du groupe protégé, la Cour tiendra compte de l’élément quan -
titatif ainsi que de la localisation géographique et de la place occuhpée par
cette partie au sein du groupe.
3) La manifestation du dolus specialis
143. Les Parties admettent que le dolus specialis est à rechercher, d’abord,
dans les éléments de la politique de l’Etat, même si elles ehstiment qu’une
telle intention s’exprimera rarement de manière expresse. Elles cohnviennent
qu’à titre subsidiaire le dolus specialis peut être établi par preuve indirecte,
c’est-à-dire déduit ou inféré de certains comportements. Elles divergenht,
cependant, sur le nombre et la qualité des comportements requis à hcette fin.
144. La Croatie estime que ce genre de comportement peut être le fait
d’un nombre restreint de personnes identifiées, alors que la Serbie s’ap -
66
7 CIJ1077.indb 128 18/04/16 08:54 66 application de convehntion génocide (arrêth)
puie sur les Eléments des crimes, adoptés en application du Statut de
Rome de la Cour pénale internationale, qui évoquent « une série mani -
feste de comportements analogues dirigés contre [le] groupe ». La défen-
deresse estime que cela exclut la possibilité du génocide commis par un
seul individu ou un petit nombre d’individus.
145. En dehors de l’existence d’un plan de l’Etat exprimant l’inthention
de commettre un génocide, il convient, selon la Cour, de clarifier hle pro -
cessus par lequel une telle intention peut être inférée de comphortements
individuels des auteurs des actes envisagés à l’article II de la Convention.
La Cour, dans son arrêt de 2007, a considéré que
«[l]e dolus specialis, l’intention spécifique de détruire le groupe en
tout ou en partie, doit être établi en référence à des cihrconstances
précises, à moins que l’existence d’un plan général tehndant à cette fin
puisse être démontrée de manière convaincante ; pour qu’une ligne de
conduite puisse être admise en tant que preuve d’une telle intentihon,
elle devrait être telle qu’elle ne puisse qu’en dénoter l’hexistence »
(C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 196-197, par. 373).
Les Parties se sont référées à ce passage de l’arrêt et elles admettent que
l’intention puisse être déduite d’une ligne de conduite, maihs elles sont en
désaccord sur la manière de caractériser cette ligne et sur le hcritère à
l’aune duquel la Cour doit en apprécier l’existence.
146. La Croatie, qui estime que ce critère, tel que défini en 2007, ehst
exagérément restrictif et ne repose sur aucun précédent, demhande à la
Cour de le réexaminer. Elle ajoute qu’elle n’a pas trouvé lah moindre déci -
sion, depuis 2007, dans laquelle ce critère, ainsi défini, aurait été ahppliqué
par une autre juridiction internationale. Elle appelle la Cour à s’hinspirer
du passage suivant du jugement rendu par le TPIY en l’affaire Tolimir,
actuellement en appel, en vue d’adapter le critère qu’elle a rehtenu en2007
concernant la preuve du dolus specialis :
« Les indices d’une telle intention sont cependant rarement explicites
et il est donc acceptable de déduire l’existence de l’intentionh génoci -
daire à partir de « tous les éléments de preuve, pris dans leur globa -
lité», à condition que cette déduction soit «la seule qui soit raisonnable
au vu des éléments de preuve ».» ( Tolimir, IT-05-88/2-T, chambre de
première instance, jugement du 12décembre 2012, par. 745.)
Selon la Croatie, même lorsqu’il pourrait exister d’autres explhications
possibles à une ligne de conduite, la Cour devrait conclure à l’hexistence du
dolus specialis lorsqu’elle est pleinement convaincue que l’intention géno -
cidaire est la seule conclusion que l’on peut raisonnablement en déhduire.
147. La Serbie, de son côté, a relevé que, même si la chambre de hpre -
mière instance du TPIY, dans l’affaire Tolimir, n’a pas cité le para -
graphe 373 de l’arrêt de la Cour de 2007, elle était en harmonie avec cette
dernière lorsqu’elle a considéré que la déduction de l’hintention génoci -
daire doit être « la seule qui soit raisonnable au vu des moyens de preuve».
Elle a estimé, par conséquent, que les deux formulations du critèhre de
67
7 CIJ1077.indb 130 18/04/16 08:54 67 application de convehntion génocide (arrêth)
l’intention génocidaire, l’unique déduction possible (formuhlation de l’ar-
rêt de la Cour de 2007), ou la seule déduction raisonnable (formulation
du jugement du TPIY rendu dans l’affaire Tolimir), se rejoignent et sont
aussi exigeantes l’une que l’autre.
148. La Cour rappelle que, dans le passage en cause de son arrêt
de 2007, elle envisageait la possibilité d’admettre la preuve indirechte d’une
intention génocidaire en procédant par voie de déduction. La notion de
«raisonnable» doit nécessairement être considérée comme se trouvant
implicitement incluse dans le raisonnement de la Cour. En effet, écrirhe
que, « pour qu’une ligne de conduite puisse être admise en tant que preuvhe
d’une [intention génocidaire], elle d[oit] être telle qu’ellhe ne puisse qu’en
dénoter l’existence», revient à considérer que, pour déduire l’existence du h
dolus specialis d’une ligne de conduite, il faut et il suffit que cette conclu
sion soit la seule qui puisse raisonnablement se déduire des actes enh cause.
Interpréter autrement le paragraphe 373 de l’arrêt de 2007 rendrait impos-
sible de tirer des conclusions par voie de déduction. En conséquenhce, le
critère appliqué par la chambre de première instance du TPIY dahns le
jugement rendu dans l’affaire Tolimir est en substance identique à celui
défini par la Cour dans l’arrêt de 2007.
B. L’élément matériel du génocide
149. Les actes énumérés à l’article II de la Convention constituent
l’élément matériel du génocide. Ils sont incriminés dahns le contexte du
génocide, dans la mesure où ils sont dirigés contre les membresh du groupe
protégé et traduisent l’intention de le détruire en tout ou hen partie. Ainsi
que la Cour l’a souligné précédemment, ces actes ne doivent hpas être pris
isolément, ils doivent être appréhendés dans le contexte de hla prévention
et de la punition du génocide, objet de la Convention.
150. La Cour passera en revue les catégories d’actes qui ont donné lhieu
à un débat entre les Parties, afin d’en préciser le sens eht la portée. Elle
commencera par se pencher sur la question de savoir si des actes commis h
dans le cadre d’un conflit armé, pour constituer l’élément matériel du
génocide, doivent être illicites au regard du droit international hhumani -
taire (jus in bello)
1) Les relations entre la Convention et le droit international humanitaire
151. Les Parties ont débattu, aussi bien dans le cadre de la demande
principale que dans celui de la demande reconventionnelle, des relationsh
entre le droit international humanitaire et la Convention. Elles se sonth
opposées sur la question de savoir si des actes conformes au droit inhtern- a
tional humanitaire peuvent constituer l’actus reus du génocide.
152. Dans le cadre de la demande principale, la Serbie a soutenu que
les actes commis par des forces serbes l’avaient été au cours dhe ce qu’elle
a appelé des « combats légitimes », opposant celles -ci aux forces croates.
68
7 CIJ1077.indb 132 18/04/16 08:54 68 application de convehntion génocide (arrêth)
La Croatie a objecté que la Convention s’appliquait en temps de pahix et
en temps de guerre et que, en toute hypothèse, les attaques de localihtés
croates par les forces serbes n’étaient pas conformes au droit inthernatio -
nal humanitaire.
Dans le cadre de la demande reconventionnelle, la Croatie a rappelé
que la chambre d’appel du TPIY dans son arrêt rendu en l’affaireh Goto ‑
vina (IT-06-90-A, arrêt du 16 novembre 2012, ci-après l’«arrêt Gotovina»)
a jugé que le pilonnage des villes croates, lors de l’opérationh «Tempête»,
n’était pas indiscriminé et, par conséquent, n’était phas contraire au droit
international humanitaire. La Serbie, pour sa part, a prétendu que, mhême
si les attaques menées dans le cadre de l’opération « Tempête» étaient
conformes au droit international humanitaire, elles pouvaient être consti -
tutives de l’actus reus du génocide.
153. La Cour note que la Convention et le droit international humani -
taire sont deux corps de règles distincts, qui poursuivent des objecthifs dif-
férents. La Convention vise à prévenir et punir le génocide,h en tant que
crime du droit des gens (préambule), « qu’il soit commis en temps de paix
ou en temps de guerre » (art. I), alors que le droit international humani -
taire régit la conduite des hostilités dans un conflit armé eht vise à protéger
différentes catégories de personnes et de biens.
La Cour rappelle qu’elle n’est compétente que pour se prononcerh sur
les violations de la convention sur le génocide, et non sur les violahtions
des obligations imposées par le droit international humanitaire (voihr le
paragraphe 85 ci-dessus). Etant appelée à trancher un différend relatif à
l’interprétation et à l’application de cette Convention, la hCour n’entend
pas se prononcer, dans l’abstrait et en général, sur les relations entre la
Convention et le droit international humanitaire.
Dans la mesure où ces deux corps de règles peuvent s’appliquer hdans le
contexte d’un conflit armé déterminé, les règles du droit international
humanitaire pourraient être pertinentes aux fins de décider si lhes actes allé
gués par les Parties constituent un génocide au sens de l’artichle II de la
Convention.
2) Le sens et la portée des éléments matériels en cause
154. L’article II de la Convention énumère, aux litt. a) à e), les actes
qui constituent l’élément matériel du génocide. La Cour lhes examinera
successivement, à l’exclusion du « transfert forcé d’enfants du groupe à un
autre », visé au litt. e), qui n’est pas invoqué par les Parties dans la pré -
sente affaire.
a) Le meurtre de membres du groupe
155. La Cour constate qu’il n’existe pas de divergence entre les Partiehs
à propos de la définition du meurtre au sens du litt. a) de l’article II de la
Convention.
156. La Cour relève que les termes « meurtre» et «killing» figurent res-
pectivement dans les versions française et anglaise du litt. a) de l’article II
69
7 CIJ1077.indb 134 18/04/16 08:54 69 application de convehntion génocide (arrêth)
de la Convention. Elle précise que ces termes ont la même signifihcation et
visent donc l’acte de tuer intentionnellement des membres du groupe
(C.I.J. Recueil 2007 (I) , p.121, par.186, et Blagojević et Jokić, IT-02-60-T,
chambre de première instance, jugement du 17 janvier 2005, par. 642).
b) L’atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de mem▯bres du
groupe
157. Les Parties divergent sur la question de savoir si une atteinte à
l’intégrité physique ou mentale doit contribuer à la destruchtion du groupe,
en tout ou en partie, pour constituer l’élément matériel du hgénocide au
sens de l’article II, litt. b), de la Convention. La Croatie soutient qu’il
n’est pas nécessaire de démontrer que l’atteinte elle -même a contribué à la
destruction du groupe. En revanche, la Serbie avance que l’atteinte dhoit
être si grave qu’elle menace le groupe de destruction.
La Cour est d’avis que, dans le contexte de l’article II, en particulier
son chapeau, et à la lumière de l’objet et du but de la Conventhion, le sens
ordinaire du terme « grave» est que l’atteinte à l’intégrité physique ou
mentale visée par le litt. b) de l’article II doit être telle qu’elle contribue à
la destruction physique ou biologique du groupe, en tout ou en partie.
Les travaux préparatoires de la Convention confirment cette interprhéta -
tion. Ainsi, lorsque le représentant du Royaume -Uni a proposé de quali -
fier les atteintes de « graves» (« grievous» dans la version anglaise de
l’amendement), il a affirmé « qu’il ne conv[enait] pas d’inclure dans l’énu -
mération des actes constitutifs du génocide des actes peu importanhts par
eux -mêmes et qui ne sont pas de nature à entraîner la destruction phhy -
sique du groupe ». Sur proposition du représentant de l’Inde, le terme
«grievous» a finalement été remplacé dans la version anglaise de lah
Convention par le terme « serious» sans que cela affecte l’idée à la base de
la proposition du représentant du Royaume -Uni (Nations Unies, Docu ‑
ments officiels de l’Assemblée générale, première partie,▯ troisième session,
Sixième Commission, comptes rendus analytiques de la 81 e séance, p. 175
et 179, doc. A/C.6/SR.81, et ibid., Annexe aux comptes rendus analytiques
des séances, p. 21, doc. A/C.6/222).
Dans son commentaire du Projet de code des crimes contre la paix et la
sécurité de l’humanité, la CDI a adopté une interprétahtion similaire selon
laquelle « [l’]atteinte à l’intégrité physique ou à l’intéghrité mentale de
membres d’un groupe doit être d’une gravité telle qu’elleh menace de
détruire en tout ou en partie ce groupe » (Rapport de la CDI sur les tra -
vaux de sa quarante-huitième session, Annuaire de la Commission du droit
international, 1996, vol. II, deuxième partie, p. 48, par. 14).
Enfin, le TPIY a interprété dans ce sens la notion d’« atteinte grave»,
notamment dans l’affaire Krajišnik où la chambre de première instance a
jugé que l’atteinte « doit être telle qu’elle contribue, ou tend à contribuer,
à la destruction du groupe ou d’une partie de celui -ci » (IT-00-39-T, juge -
ment du 27 septembre2006, par.862; voir égalementTolimir, IT-05-88/2-T,
chambre de première instance, jugement du 12 décembre 2012, par. 738).
70
7 CIJ1077.indb 136 18/04/16 08:54 70 application de convehntion génocide (arrêth)
La Cour conclut que l’atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale,
au sens du litt. b) de l’article II de la Convention, doit être telle qu’elle
contribue à la destruction physique ou biologique du groupe, en tout hou
en partie.
158. La Cour rappelle que le viol et d’autres actes de violence sexuelle
sont susceptibles de constituer l’élément matériel du génhocide au sens du
litt.b) de l’article II de la Convention (C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 167,
par. 300, citant notamment le jugement de la chambre de première ins -
tance du TPIY rendu le 31 juillet 2003 en l’affaire Stakić, IT -97-24-T, et
p. 175, par. 319).
159. Les Parties se sont aussi opposées sur le sens et la portée de la h
notion d’atteinte grave à l’intégrité mentale de membres hdu groupe. Pour
la Croatie, celle-ci inclut la souffrance psychologique occasionnée, à leurs
proches, par la disparition de membres du groupe. Ainsi, le litt. b) de
l’article II ferait l’objet, selon elle, d’une violation continue en l’eshpèce
puisque aucune action suffisante n’a été engagée par la Serhbie pour déter -
miner le sort des personnes disparues dans le cadre des événementsh invo-
qués au soutien de la demande principale.
Pour le défendeur, cette question relève non pas de la convention hsur le
génocide, mais des instruments de protection des droits de l’hommeh, et
elle ne devrait pas être examinée en la présente affaire.
160. La Cour considère que le refus persistant des autorités compé -
tentes de fournir les informations en leur possession qui permettraient h
aux proches de personnes disparues dans le contexte d’un génocide hallé -
gué d’établir avec certitude si celles -ci sont décédées et, le cas échéant,
dans quelles conditions, est susceptible de causer des souffrances psycho -
logiques. La Cour estime néanmoins que, pour que de telles souffrancesh
entrent dans le champ du litt. b) de l’article II de la Convention, l’atteinte
en résultant doit être telle qu’elle contribue à la destructhion physique ou
biologique du groupe, en tout ou en partie.
c) La soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existenc▯e
devant entraîner sa destruction physique
161. La soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’exis -
tence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle auh sens
du litt. c) de l’article II de la Convention concerne les modes de destruc -
tion physique, autres que le meurtre, par lesquels l’auteur vise, àh terme, la
mort des membres du groupe (voir notamment Stakić, IT -97-24-T,
chambre de première instance, jugement du 31 juillet 2003, par. 517
et 518). Ces modes de destruction sont notamment la privation de nourri -
ture, de soins médicaux, de logements ou de vêtements, le manque dh’hy -
giène, l’expulsion systématique des logements ou l’épuisehment par des
travaux ou des efforts physiques excessifs ( Brđanin, IT-99-36-T, chambre
er
de première instance, jugement du 1 septembre 2004, par. 691). Certains
de ces actes ont d’ailleurs été allégués par les Parties hau soutien de leurs
demandes respectives et seront examinés ci -après par la Cour.
71
7 CIJ1077.indb 138 18/04/16 08:54 71 application de convehntion génocide (arrêth)
Les Parties divergent toutefois sur la qualification du déplacementh forcé
en tant que « soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’exis-
tence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle » au sens
du litt. c) de l’articleI de la Convention. Elles s’accordent pour considé-
rer que le déplacement forcé de la population ne peut constituer, hen tant
que tel, un acte matériel de génocide au sens du litt. c) de l’articleII de la
Convention. Cependant, la Croatie soutient qu’un déplacement forcéh,
accompagné d’autres actes énumérés à l’articleII de la Convention et com-
mis dans l’intention de détruire le groupe, serait constitutif du hgénocide.
Quant à la Serbie, elle considère que, dans leurs jurisprudences rhespectives,
la Cour et le TPIY n’ont pas admis que le déplacement forcé puihsse cons-ti
tuer un génocide au sens de l’article II de la Convention.
162. La Cour rappelle que, dans son arrêt de 2007, elle a affirmé que
« [n]il’intention, sous forme d’une politique visant à rendre une zone
«ethniquement homogène », ni les opérations qui pourraient être
menées pour mettre en œuvre pareille politique ne peuvent, en tant que
telles, être désignées par le terme de génocide : l’intention qui caracté-
rise le génocide vise à «détruire, en tout ou en partie» un groupe par-
ticulier; la déportation ou le déplacement de membres appartenant à
un groupe, même par la force, n’équivaut pas nécessairement hà la de -s
truction dudit groupe, et une telle destruction ne résulte pas non plhus
automatiquement du déplacement forcé » ( C.I.J. Recueil 2007 (I),
p. 123, par. 190 (les italiques sont dans l’original)).
Elle a néanmoins précisé que
« [c]ela ne signifie pas que les actes qui sont décrits comme étanht du
«nettoyage ethnique» ne sauraient jamais constituer un génocide, s’ils
sont tels qu’ils peuvent être qualifiés, par exemple, de « [s]oumission
intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entrahîner
sa destruction physique totale ou partielle », en violation du litt. c) de
l’articleIIde la Convention, sous réserve que pareille action soit menée
avec l’intention spécifique (dolus specialis) nécessaire, c’es-tà-dire avec
l’intention de détruire le groupe, et non pas seulement de l’exhpulser de
la région… En d’autres termes, savoir si une opération particulière phré -
sentée comme relevant du «nettoyage ethnique» équivaut ou non à un
génocide dépend de l’existence ou non des actes matériels éhnumérés à
l’articleII de la Convention sur le génocide et de l’intention de détruihre
le groupe comme tel. En réalité, dans le contexte de cette Convention,
l’expression «nettoyage ethnique ne revêt, par elle-même, aucune por -
tée juridique. Cela étant, il est clair que des actes de « nettoyage
ethnique» peuvent se produire en même temps que des actes prohibés
par l’article II de la Convention, et permettre de déceler l’existence
d’une intention spécifique (dolus specialis) se trouvant à l’origine des
actes en question. » (Ibid.)
163. La Cour n’a pas de raison en l’occurrence de s’écarter de ses
conclusions précédentes. Afin de déterminer si les déplacements forcés
72
7 CIJ1077.indb 140 18/04/16 08:54 72 application de convehntion génocide (arrêth)
allégués par les Parties constituent un génocide au sens de l’harticle II de la
Convention (notamment son litt. c)), elle recherchera si, en l’espèce, ces
déplacements forcés sont intervenus dans des conditions telles qu’hils
devaient entraîner la destruction physique du groupe. Les circonstances
dans lesquelles se sont réalisés les déplacements forcés en hquestion sont
déterminantes à cet effet.
d) Mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe
164. Selon la Croatie, le viol et d’autres actes de violence sexuelle peuvhent
relever du litt. d) de l’article II de la Convention relatif aux mesures visant
à entraver les naissances au sein du groupe. A l’appui de cette alhlégation,
elle se réfère aux observations formulées dans le même sens hpar la chambre
de première instance du Tribunal pénal international pour le Rwandha, dans
l’affaireAkayesu, selon lesquelles les effets psychologiques du viol pour -
raient amener les membres du groupe à ne plus procréer. La Croatie cite
aussi la conclusion de la chambre selon laquelle, « dans le contexte de socié-
tés patriarcales, où l’appartenance au groupe est dictée parh l’identité du
père», le viol pourrait être « un exemple de mesure visant à entraver les
naissances au sein d’un groupe » (ICTR -96-4-T, chambre de première ins-
tance, jugement du 2 septembre 1998, par. 507-508).
165. La Serbie conteste que le viol et d’autres actes de violence sexuelleh
puissent relever du litt. d) de l’article II de la Convention, à moins qu’ils
ne présentent un caractère systématique, ce qui ne serait pas lhe cas en
l’espèce.
166. Selon la Cour, le viol et d’autres actes de violence sexuelle, en pluhs
de pouvoir entrer dans le champ d’application des litt. b) et c) de l’ar -
ticle II, sont susceptibles de constituer l’élément matériel du géhnocide au
sens du litt. d) de l’article II, à condition qu’ils soient de nature à entraver
les naissances au sein du groupe. Pour que tel soit le cas, il faut que hles
circonstances de la commission de ces actes, et leurs conséquences, shoient
telles que la capacité de procréer des membres du groupe en soit affectée.
C’est dans ce sens également que le caractère systématique dhe ces actes
doit être pris en compte pour qu’ils puissent relever de l’éhlément matériel
du génocide, au sens du litt. d) de l’article II de la Convention.
* * *
IV. L’administration de lah preuve
167. Les Parties ont allégué, à l’appui de leurs demandes, princihpale et
reconventionnelle, un certain nombre de faits qui ont été contestéhs, dans
une certaine mesure, par l’une ou par l’autre. L’existence des hfaits allégués
doit être établie avant qu’ils soient soumis aux règles du dhroit internatio-
nal pertinentes en la matière.
73
7 CIJ1077.indb 142 18/04/16 08:54 73 application de convehntion génocide (arrêth)
168. La Cour relève toutefois que, dans le cadre de la demande princi -
pale, les divergences entre les Parties portent moins sur l’existenceh des
faits que sur leur qualification au regard de la Convention et notammehnt
sur les déductions à en tirer relativement à la preuve de l’hintention spéci-
fique (dolus specialis) .
169. Les Parties ont débattu largement de la charge de la preuve, du
critère d’établissement de la preuve et des modes de preuve. Lah Cour exa-
minera successivement ces questions.
A. La charge de la preuve
170. La Croatie reconnaît que le principe actori incumbit probatio a
vocation à s’appliquer en règle générale, mais estime queh, en l’espèce, la
Serbie devrait coopérer en fournissant à la Cour tous les éléhments de
preuve pertinents dont elle dispose à propos des faits invoqués àh l’appui
de la demande principale. La défenderesse serait la mieux placée, hselon la
Croatie, pour fournir des explications relatives à des faits qui se sheraient
produits sur un territoire sur lequel elle exerçait un contrôle exhclusif. De
surcroît, la Serbie n’aurait fourni aucun argument ou élémenht de preuve
pour réfuter les allégations de la demanderesse. Celle -ci considère que la
Cour devrait en tirer des conclusions en défaveur de la Serbie.
171. Pour la Serbie, la Croatie tente de la sorte de renverser la charge
de la preuve. Elle soutient que l’on ne saurait exiger d’une partihe qu’elle
fournisse une explication en réponse aux allégations de l’autreh partie. Elle
prétend en outre avoir suffisamment réfuté les allégations hde la Croatie en
produisant des explications et des éléments de preuve fiables.
172. La Cour rappelle qu’il appartient à la partie qui allègue un fahit
d’en établir l’existence. Ce principe n’a pas, cependant, unh caractère
absolu, dans la mesure où « [l]’établissement de la charge de la preuve
dépend, en réalité, de l’objet et de la nature d[u] … différend soumis à la
Cour ; il varie en fonction de la nature des faits qu’il est nécessaireh d’éta
blir pour les besoins du jugement de l’affaire » (Ahmadou Sadio Diallo
(République de Guinée c. République démocratique du Congo), fond, arrêt,
C.I.J. Recueil 2010 (II), p. 660, par. 54). En particulier, la Cour a reconnu
qu’il est des circonstances dans lesquelles on ne peut exiger du demandeur
d’apporter la preuve d’un « fait négatif» (ibid., p. 661, par. 55).
173. Si la charge de la preuve pèse, en principe, sur la partie qui allèhgue
un fait, cela ne relève pas pour autant l’autre partie de son devohir de co-
opérer « en produisant tout élément de preuve en sa possession susceptible
d’aider la Cour à régler le différend dont elle est saisie » (Usines de pâte à
papier sur le fleuve Uruguay (Argentine c. Uruguay), arrêt, C.I.J.Recueil
2010 (I), p. 71, par. 163). A cet égard, la Cour rappelle que, entre sep -
tembre 2010 et mai 2011, la Serbie a fourni à la Croatie près de 200 docu-
ments que cette dernière avait sollicités (voir le paragraphe 13 ci-dessus).
174. En l’espèce, ni l’objet ni la nature du différend ne permettehnt d’en -
visager un renversement de la charge de la preuve. Il n’incombe pas à la
Serbie d’apporter la preuve d’un fait négatif, par exemple l’habsence de
74
7 CIJ1077.indb 144 18/04/16 08:54 74 application de convehntion génocide (arrêth)
faits constituant l’élément matériel du génocide au sens hde l’articleII de la
Convention dans des localités sur lesquelles la Croatie a appelé lh’attention
de la Cour.
175. Il appartient à la Croatie, par conséquent, de démontrer l’exis -
tence des faits invoqués au soutien de ses prétentions et la Cour hne saurait
exiger de la Serbie qu’elle fournisse des explications sur les faits hallégués
par la demanderesse.
176. Les mêmes principes s’appliquent mutatis mutandis en ce qui
concerne la demande reconventionnelle.
B. Le critère d’établissement de la preuve
177. Les Parties s’accordent sur le fait que le critère d’établishsement de
la preuve, défini par la Cour dans l’arrêt qu’elle a renduh en 2007 en l’af-
faire opposant la Bosnie-Herzégovine à la Serbie, s’applique en l’espèce.
178. La Cour, après avoir rappelé que «les allégations formulées contre
un Etat qui comprennent des accusations d’une exceptionnelle gravité
doivent être prouvées par des éléments ayant pleine force prhobante
(cf.Détroit de Corfou (Royaume‑Uni c. Albanie), fond, arrêt, C.I.J.Recueil
1949, p. 17)», a ajouté qu’elle « doit être pleinement convaincue qu’ont
été clairement avérées les allégations formulées au cours de l’instance
selon lesquelles le crime de génocide ou les autres actes énumérés à l’ar -
ticle III ont été commis. Le même critère s’applique à la prheuve de l’attri-
bution de tels actes. » (C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 129, par. 209.)
179. Des allégations similaires à celles examinées dans l’arrêht de 2007
ont été formulées dans le présent différend, tant dans la hdemande princi-
pale que dans la demande reconventionnelle. Dès lors, la Cour appli -
quera, en l’espèce, le même critère d’établissement deh la preuve.
C. Les modes de preuve
180. Pour se prononcer sur les faits allégués, la Cour doit évaluer hla
pertinence et la valeur probante des éléments de preuve fournis par les
Parties à l’appui de leurs versions respectives desdits faits (Activités
armées sur le territoire du Congo (République démocratique du ▯Congo
c. Ouganda), arrêt, C.I.J. Recueil 2005, p. 200, par. 58).
181. Elle constate que certains événements, en cause dans la présenthe
affaire,ont fait l’objet d’instances devant le TPIY, certaines d’entre elles
étant toujours pendantes, et que les Parties se sont abondamment réhférées
aux documents issus des procédures de ce Tribunal (actes d’accusahtion du
procureur, décisions et jugements des chambres de première instanche,
arrêts de la chambre d’appel, éléments de preuve écrits eht oraux).
182. Les Parties sont d’accord, en général, sur la valeur probante àh
accorder à ces divers documents, conformément à l’approche ahdoptée
dans l’arrêt de 2007, selon laquelle la Cour « doit en principe admettre
comme hautement convaincantes les conclusions de fait pertinentes aux -
quelles est parvenu le Tribunal en première instance, à moins, éhvidem -
75
7 CIJ1077.indb 146 18/04/16 08:54 75 application de convehntion génocide (arrêth)
ment, qu’elles n’aient été infirmées en appel », et qu’ilconvient également
«de donner dûment poids à toute appréciation du Tribunal fondéhe sur les
faits ainsi établis, concernant par exemple l’existence de l’inhtention
requise » (C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 134, par. 223).
183. Elles divergent cependant sur la valeur probante qu’il convient de
reconnaître aux décisions du procureur du TPIY de ne pas inclure lhe chef
de génocide dans un acte d’accusation et sur celle qu’il faudrahit accorder
respectivement au jugement de la chambre de première instance du TPIY
dans l’affaire Gotovina et consorts (IT-06-90-T, jugement du 15 avril 2011,
ci-après le « jugement Gotovina ») et à l’arrêt de la chambre d’appel dans
cette même affaire.
184. S’agissant de la valeur probante des décisions du procureur du TPIhY
de ne pas inclure le chef de génocide dans un acte d’accusation, lha Cour
rappelle qu’elle a opéré, dans son arrêt de2007, la distinction suivante:
«on ne saurait, en règle générale, accorder de poids au fait queh tel ou
tel chef figure dans un acte d’accusation. Ce qui, en revanche, peuht
être important, c’est la décision prise par le procureur, d’hemblée ou
par modification de l’acte d’accusation, de ne pas inclure ou deh reti -
rer le chef de génocide. » (C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 132, par. 217.)
185. La Croatie, qui a contesté cette distinction, soutient que la Cour
ne devrait pas accorder de valeur probante aux décisions du procureurh de
ne pas inclure le chef de génocide dans l’acte d’accusation, leh procureur
disposant d’un pouvoir discrétionnaire de poursuite. Selon elle, lha déci -
sion du procureur pourrait avoir été adoptée sous l’effet de hdifférentes
considérations, sans que cela signifie que les faits en question neh sont pas,
pour le procureur, constitutifs d’un génocide, ou que celui -ci ne dispose
pas de preuves quant à leur existence même.
186. La Serbie, quant à elle, reconnaît qu’une telle décision ne hcrée pas
de présomption irréfragable, mais considère que la Cour devraith toutefois
lui reconnaître une certaine valeur probante.
187. Le fait que le procureur dispose d’un pouvoir discrétionnaire de
poursuite ne remet pas en cause l’approche que la Cour a adoptée dhans
son arrêt de 2007 (voir ibid., reproduit plus haut au paragraphe 184). En
effet, elle n’a pas entendu faire de l’absence de poursuite une prehuve déci -
sive de l’inexistence du génocide, mais elle a estimé qu’il hpouvait s’agir
d’un élément important à prendre en considération. En la hprésente affaire,
il n’y a pas de raisons qui devraient conduire la Cour à s’éhcarter de cette
approche. Parmi les personnes inculpées par le procureur figuraienth de
très hauts responsables politiques et militaires des principales parties
prenantes aux hostilités qui s’étaient déroulées en Croathie entre 1991
et 1995. Dans nombre de cas, les accusations portées à leur encontre hse
rapportaient à la stratégie globale qu’ils avaient mise en œhuvre ainsi qu’à
l’existence d’une entreprise criminelle commune. Dans ce contexte,h l’ab -
sence systématique du chef de génocide dans les actes d’accusation les
concernant revêt davantage d’importance que cela n’aurait éthé le cas
s’ilsavaient occupé des positions inférieures dans la chaîne de commhand-e
76
7 CIJ1077.indb 148 18/04/16 08:54 76 application de convehntion génocide (arrêth)
ment. Par ailleurs, la Cour ne peut manquer de relever que, dans
l’acte d’accusation dressé à l’encontre de l’accusé le plus hhaut placé, l’an -
cien président Milošević, le chef de génocide avait bien éhté retenu en ce
qui concerne le conflit en Bosnie -Herzégovine, alors qu’il était absent
dans la partie se rapportant aux hostilités dont la Croatie avait éhté le
théâtre.
188. S’agissant de la valeur probante à accorder au jugement et à l’har -
rêt du TPIY dans l’affaire Gotovina, la Cour y reviendra plus tard dans le
cadre de son examen de la demande reconventionnelle (voir les para -
graphes 464-472 ci-dessous).
189. La Cour relève que, en plus d’éléments en provenance du TPIYh,
les Parties ont recouru à de nombreux autres documents, de sources
diverses, dont elles ont débattu la valeur probante. En particulier, helles se
sont référées à divers rapports émanant d’organes offihciels ou indépen -
dants, ainsi qu’à des déclarations d’origine et de teneur vahriées.
190. La Cour rappelle qu’elle a précisé, à propos des rapports éhmanant
d’organes officiels ou indépendants, que leur valeur
« dépend, entre autres, 1) de la source de l’élément de preuve (par
exemple, la source est-elle partiale ou neutre ?), 2)de la manière dont
il a été obtenu (par exemple, est -il tiré d’un rapport de presse ano -
nyme ou résulte -t-il d’une procédure judiciaire ou quasi judiciaire
minutieuse ?) et 3) de sa nature ou de son caractère (s’agit -il de décla-
rations contraires aux intérêts de leurs auteurs, de faits admis ohu
incontestés ?)» (C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 135, par. 227).
191. Elle examinera au cas par cas, conformément à ces critères, la h
valeur probante des rapports invoqués au stade de l’examen au fondh des
demandes.
192. La Cour note que la Croatie a annexé à ses écritures de nom -
breuses déclarations de personnes, dont certaines ont été citéhes devant la
Cour. La Serbie souligne que de nombreuses déclarations produites par la
Croatie seraient entachées de vices qui remettraient en cause leur vahleur
probante. Ainsi, certaines déclarations n’auraient pas été signées par leur
auteur ou par les personnes qui les ont recueillies, ou ne préciseraihent pas
les circonstances dans lesquelles elles auraient été faites. En pahrticulier,
des déclarations auraient été recueillies par les forces de police croates ;
elles ne sauraient être de ce fait considérées comme impartialehs, et ne
seraient même pas recevables devant les juridictions croates. Enfinh, de
nombreuses déclarations présentées par la Croatie n’attesterhaient pas
d’une connaissance directe des faits par leur auteur, mais relèveraient de
la preuve par ouï-dire.
193. La Croatie reconnaît que certaines des déclarations annexées àh
son mémoire n’étaient pas signées initialement par leur autehur. Elle sou -
ligne toutefois qu’elle a récolté certaines signatures ultérhieurement, et
qu’elle a annexé les déclarations signées à sa répliquhe, ce que la Serbie
reconnaît. La Croatie ajoute que des personnes qui n’avaient pas shigné
leur déclaration ont témoigné devant le TPIY et que leur témhoignage
77
7 CIJ1077.indb 150 18/04/16 08:54 77 application de convehntion génocide (arrêth)
devant cette juridiction était conforme à celui contenu dans la déhclaration
non signée. Elle considère enfin que les preuves par ouï -dire sont perti -
nentes et doivent être appréciées à la lumière de leur cohntenu et des cir -
constances dans lesquelles elles ont été recueillies.
194. Au cours de la procédure orale, un membre de la Cour a posé une
question aux Parties sur la valeur probante à accorder aux différents types
de déclarations annexées aux écritures des Parties, selon que lh’auteur ait
été cité ou non comme témoin et contre -interrogé par l’autre Partie. En
réponse, la Croatie a soutenu que toutes les déclarations avaient hla même
valeur probante, mais qu’il appartenait à la Cour de déterminerh quel
poids il fallait leur donner, en fonction des critères fixés danhs l’arrêt
de 2007. La Serbie a quant à elle distingué entre les déclarationsh de per -
sonnes citées comme témoins en la présente instance, qu’ellehs aient été
contre -interrogées ou non, et les déclarations de personnes non citées
comme témoins. Selon la défenderesse, si les premières devraienht toutes se
voir reconnaître la même valeur probante, les secondes devraient êhtre tra -i
tées comme des déclarations extrajudiciaires et appréciées ehn tant que
telles à la lumière des critères établis dans l’arrêt hde 2007, comme tout
autre élément de preuve documentaire produit par les Parties. La Sherbie a
précisé que la Cour devrait néanmoins prêter une attention pharticulière
aux dépositions faites devant le TPIY ainsi qu’aux témoignages hrecueillis
devant des juridictions internes. Elle a ajouté, enfin, que les déhclarations
non signées ou dont les circonstances de réalisation sont inconnuehs, ou
celles qui ont été établies par des organes officiels dont l’himpartialité n’est
pas avérée, devraient être écartées.
195. Un autre membre de la Cour a posé une question à la Croatie, sur
la recevabilité devant les juridictions croates des déclarations nhon signées
annexées à son mémoire. La Croatie a répondu que les déclharations
recueillies par la police ou d’autres autorités ne sont pas néchessairement
signées et ne sont pas elles-mêmes recevables devant les juridictions croates.
La Croatie a toutefois précisé qu’elles constituent la base surh laquelle un
juge d’instruction peut conduire un interrogatoire de la personne conhcer -
née, donnant lieu à une déclaration signée qui sera recevablhe devant les
juridictions croates. La Serbie a indiqué que, si une partie avait prhoduit,
devant une juridiction de l’ex -Yougoslavie, une déclaration hors prétoire
non signée, un tel document n’aurait pas été admis comme prehuve.
196. La Cour rappelle que ni son Statut ni son Règlement ne prévoient
d’exigences spécifiques relatives à la recevabilité des déhclarations présen -
tées par les parties à une procédure contentieuse, que leurs auhteurs aient
été cités comme témoins ou non. Elle laisse à la libre appréciation des
parties la forme sous laquelle elles décident de présenter ce typeh de preuves.
Il en résulte que l’absence de signature des auteurs de déclarahtions, ou des
personnes qui les ont recueillies, n’est pas de nature à écartehr a priori ces
documents. Cependant, elle se doit de vérifier que les documents quhi sont
censés contenir les déclarations de personnes qui ne déposent phas à l’au -
dience reproduisent fidèlement les propos tenus par ces personnes. hDe
plus, la Cour rappelle que même les déclarations sous serment doivhent être
78
7 CIJ1077.indb 152 18/04/16 08:54 78 application de convehntion génocide (arrêth)
examinées avec «prudence» ( Différend territorial et maritime entre le Nica‑
ragua et le Honduras (Nicaragua c.Honduras), arrêt, C.I.J.Recueil2007(II),
p. 731, par. 244). Lorsqu’elle apprécie la valeur probante de toute déclara-h
tion, la Cour prend nécessairement en compte sa forme, ainsi que les hcir-
constances dans lesquelles elle a été reçue.
197. La Cour a ainsi souligné devoir « examiner notamment si les
déclarations émanent d’agents de l’Etat ou de particuliers qhui n’ont pas
d’intérêts dans l’issue de la procédure, et si telle ou thelle déclaration atteste
l’existence de faits ou expose seulement une opinion sur certains éhvéne -
ments » (ibid.). Sur ce second point, la Cour a précisé qu’« un témoignage
sur des points dont le témoin n’a pas eu personnellement une connahis -
sance directe, mais seulement par « ouï-dire», n’a pas grand poids » (Acti‑
vités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui‑ci (Nicaragua
c. Etats‑Unis d’Amérique), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 42, par. 68,
citant l’affaire du Détroit de Corfou (Royaume ‑Uni c. Albanie), fond,
arrêt, C.I.J. Recueil 1949, p. 17). Enfin, la Cour a reconnu que, « dans
certains cas, les témoignages qui datent de la période concernéhe peuvent
avoir une valeur particulière » ( Différend territorial et maritime entre le
Nicaragua et le Honduras (Nicaragua c. Honduras), arrêt, C.I.J.
Recueil 2007 (II), p. 731, par. 244).
198. La Cour est consciente des difficultés que pose l’obtention de
preuves dans les circonstances de l’espèce. Elle relève néanhmoins que
nombre des déclarations produites par la Croatie sont déficientehs.
Ainsi, certaines déclarations consistent en des procès -verbaux d’audi -
tion par les forces de police croates d’une ou parfois plusieurs personnes,
que celles-ci n’ont pas signés, et sans même qu’il y ait d’éléhments indi -
quant qu’elles en aient pris connaissance. En outre, les propos rapportés
semblent être ceux des policiers eux -mêmes. La Cour ne saurait accorder
de valeur probante à de telles déclarations.
D’autres déclarations paraissent reproduire les propos du déclarant,
mais ne sont pas signées. Certaines d’entre elles ont subséquemhment été
confirmées au moyen de déclarations complémentaires signéehs et annexées
à la réplique et peuvent, de ce fait, se voir accorder la même hvaleur pro -
bante que celles qui portaient la signature de leur auteur lorsqu’ellhes ont
initialement été versées au dossier. Dans certains cas, l’auhteur a déposé
devant la Cour ou devant le TPIY, et a confirmé la teneur de sa déhclara-
tion initiale, à laquelle la Cour pourra, de ce fait, également achcorder une
certaine valeur probante. La Cour ne peut cependant accorder de valeur
probante aux déclarations qui n’ont été ni signées ni conhfirmées.
199. Certaines déclarations soulèvent des difficultés en ce qu’ehlles ne
mentionnent pas les circonstances dans lesquelles elles ont été réhalisées ou
n’ont été données que plusieurs années après les faitsh auxquels elles se
réfèrent. La Cour pourrait néanmoins accorder une certaine valehur pro -
bante à ces déclarations. D’autres font état de faits auxquehls l’auteur n’a
pas assisté personnellement. La Cour n’accordera de valeur probanthe à de
telles déclarations que lorsqu’elles ont été confirméesh par d’autres témoins,
79
7 CIJ1077.indb 154 18/04/16 08:54 79 application de convehntion génocide (arrêth)
soit devant elle, soit devant le TPIY, ou bien lorsqu’elles ont éthé corrobo-
rées par des éléments de preuve crédibles. Elle se référera à ces catégories
de déclarations lorsqu’elle examinera ci-après les allégations de la Croatie.
*
* *
V. Examen au fond de la demahnde principale
200. La Cour examinera les allégations de la Croatie relatives à la
commission d’un génocide entre 1991 et 1995 dans les régions de Slavonie
orientale, de Slavonie occidentale, de Banovina/Banija, de Kordun, de
Lika et de Dalmatie.
201. Dans un premier temps, la Cour s’attachera à déterminer si les h
actes allégués sont établis et, dans l’affirmative, s’ilhs relèvent des catégo
ries d’actes énumérées à l’article II de la Convention; puis, dans un second
temps, si, pour autant qu’ils soient établis, ces actes ont étéh commis dans
l’intention de détruire le groupe protégé, en tout ou en parhtie.
202. Ce n’est que si la Cour conclut à l’existence d’un génocihde au sens
de l’articleII de la Convention qu’elle examinera les questions de receva -
bilité de la demande principale en ce qui concerne les actes antérhieurs au
8 octobre 1991 et de la responsabilité de la Serbie pour les actes à l’éhgard
desquels la demande principale est recevable.
A. L’élément matériel du génocide (actus reus)
1) Introduction
203. La Cour estime qu’il n’est pas nécessaire de considérer séhparé -
ment chacun des incidents que le demandeur a rapportés, ni de dresserh
une liste exhaustive des actes allégués. Elle se concentrera sur lhes alléga -
tions relatives à des localités qui ont été présentéesh par la Croatie comme
constituant des exemples d’actes systématiques et généraliséhs commis à
l’encontre du groupe protégé, dont on pourrait déduire l’hintention de le
détruire, en tout ou en partie. Il s’agit des localités qui onth été mises en
avant par la Croatie au cours de la procédure orale ou au sujet desquhelles
elle a présenté des témoins, ainsi que celles où certains achtes ont été établis
devant le TPIY.
204. Les allégations de la Croatie font état d’actes commis par la JNA
et d’autres entités (forces de police et de défense des SAO eth de la RSK
— défense territoriale (TO), unités du ministère de l’intéhrieur (MUP),
Milicija Krajina — et groupes paramilitaires), qui selon elle seraient attri-
buables à la Serbie. Aux seules fins de l’examen des faits qui fhont l’objet
de la demande principale, la Cour utilisera les termes de « Serbes» ou de
«forces serbes » pour désigner les entités autres que la JNA, sans préju -
dice de la question de l’attribution de leur comportement.
80
7 CIJ1077.indb 156 18/04/16 08:54 80 application de convehntion génocide (arrêth)
205. Aux termes de l’article II de la Convention, le génocide couvre des
actes commis contre un groupe national, ethnique, racial ou religieux,
dans l’intention de le détruire, en tout ou en partie. Dans ses éhcritures, la
Croatie définit ce groupe comme le groupe national ou ethnique croahte se
trouvant sur le territoire de la Croatie, ce qui n’est pas contestéh par la
Serbie. Aux fins de son examen, la Cour le désignera indifféremmehnt par
les termes « Croates» ou « groupe protégé».
206. La Croatie allègue que des actes constitutifs de l’élément mhatériel
du génocide, au sens des litt.a) à d) de l’articleII de la Convention, ont été
commis par la JNA et des forces serbes à l’encontre des membres duh groupe
protégé tel que défini au paragraphe précédent. La Cour examinera succes -
sivement ces allégations en reprenant les catégories d’actes vihsées à l’ar -
ticleII de la Convention et en recherchant si lesdites allégations ont éhté
établies conformément au critère énoncé aux paragraphes178 et 179.
207. La Serbie reconnaît que des crimes de guerre, des crimes contre
l’humanité et d’autres atrocités ont été perpétréhs contre des Croates par
divers groupes armés, même si elle soutient qu’il n’a pas éhté établi que ces
crimes ont été commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie,
le groupe croate ou qu’ils sont attribuables à la Serbie.
208. La Cour note que le TPIY a conclu que, à partir de l’été 1991,
la JNA et des forces serbes ont commis de nombreux crimes (meurtres,
torture, mauvais traitements et déplacement forcé, entre autres) contre
des Croates dans les régions de Slavonie orientale, de Banovina/Banija,
de Kordun, de Lika et de Dalmatie (voir, en particulier, IT -95-13/1-T,
chambre de première instance, jugement du 27 septembre 2007 (ci-après le
«jugement Mrkšić »); IT -95-11-T, chambre de première instance, juge -
ment du 12 juin 2007 (ci -après le « jugement Martić»); IT-03-69-T,
chambre de première instance, jugement du 30 mai 2013 (ci -après le
«jugement Stanišić and Simatović »)).
2) Litt. a)de l’article I: meurtre de membres du groupe protégé
209. Le litt. a) de l’article II de la Convention porte sur le meurtre de
membres du groupe protégé. La Croatie allègue que de nombreux Chroates
de souche auraient été tués entre 1991 et 1995 par la JNA et des forces
serbes dans les régions de Slavonie orientale, de Slavonie occidentalhe, de
Banovina/Banija, de Kordun, de Lika et de Dalmatie.
210. En réponse, la Serbie conteste la valeur probante des éléments hde
preuve présentés par la Croatie. En outre, si elle reconnaît quhe de nom -
breux Croates de souche ont été tués, elle conteste que des meuhrtres aient
été commis avec une intention génocidaire ou qu’une telle inhtention lui
soit attribuable.
211. La Cour examinera successivement les allégations de la Croatie
portant sur les meurtres commis par la JNA et des forces serbes dans
différentes localités.
81
7 CIJ1077.indb 158 18/04/16 08:54 81 application de convehntion génocide (arrêth)
Région de Slavonie orientale
a) Vukovar et ses environs
212. La Croatie attache une importance particulière aux événements
qui se sont déroulés à Vukovar et dans ses environs à l’ahutomne 1991.
Selon elle, la JNA et des forces serbes auraient tué plusieurs centaihnes de
civils dans cette ville à population mixte de Slavonie orientale, sithuée à la
frontière avec la Serbie, qui avait vocation, dans le cadre du projeth de la
«Grande Serbie», à devenir la capitale de la nouvelle région serbe de Sla -
vonie, Baranja et Srem occidental.
213. La Croatie affirme en premier lieu que, de la fin août au
18 novembre 1991, Vukovar a été assiégée et bombardée de façon conhti-
nue et indiscriminée, ce qui a réduit la ville à l’état dhe ruines. Elle soutient
que de 1100 à 1700 personnes, dont 70 % étaient des civils, ont été tuées
durant cette phase. D’après le demandeur, les attaques menées chontre
Vukovar n’étaient pas simplement dirigées contre une force milihtaire
antagoniste mais visaient aussi la population civile ; ces attaques révéle -
raient en outre que le but de la JNA et des forces serbes était la dehstruc -
tion des Croates de Vukovar.
214. Le demandeur allègue ensuite que des centaines de Croates ont
été tués lorsque la JNA et des forces serbes ont progressé ahu sol pour
gagner du terrain, incendiant, violant et massacrant sur leur passage.
215. La Croatie soutient enfin que, après la chute de tous les quartiersh
de Vukovar le 18 novembre 1991, la JNA et des forces serbes ont conti -
nué à cibler les survivants croates. Elle avance en particulier quhe 350déte-
nus croates ont été tués à Velepromet et 260 autres à Ovčara après avoir
été évacués de Vukovar, et notamment de l’hôpital de chette ville.
216. En réponse aux accusations portées contre elle, la Serbie soutient,
de façon générale, que les déclarations écrites fournies hpar la Croatie à
l’appui de ses allégations ne satisfont pas au niveau minimal de phreuve
requis. Elle estime par ailleurs que nombre des éléments de preuve présen -
tés par la Croatie constituent du ouï-dire, sont contradictoires, présentent
un caractère vague ou émanent de sources d’une fiabilité dhouteuse.
217. La Serbie ne nie pas, cependant, que des crimes ont été commis àh
Vukovar et dans ses environs. Elle considère toutefois que les chiffrehs
avancés par la Croatie sont très nettement exagérés et ajouthe que le
demandeur n’a pas 1) produit d’éléments de preuve fiables relatifs au
nombre de personnes qui auraient été tuées, 2) cherché à distinguer les
décès consécutifs à un usage légitime de la force de ceuxh résultant d’actes
criminels, 3) précisé la part des civils et des combattants parmi les vic -
times présumées, et 4) démontré l’ethnicité croate de toutes les victimes.
Si la Serbie admet que des « incidents» ont eu lieu, elle considère que c’est
un excès de violence qui a conduit à la perpétration de crimes,h par une
minorité, et ce, contre des membres des forces croates qui ne repréhsen -
taient qu’une très petite partie de l’ensemble des personnes évacuées de
Vukovar. La Serbie ajoute que, si l’emploi de la force par les assailhlants a
82
7 CIJ1077.indb 160 18/04/16 08:54 82 application de convehntion génocide (arrêth)
pu être excessif par rapport à une opération militaire normale et s’il ne
fait aucun doute que cette opération a infligé de profondes souffhrances à
la population civile, toutes origines confondues, rien ne permet d’affihrmer
que l’attaque de Vukovar a été menée avec l’intention de hdétruire les
Croates en tant que tels.
218. La Cour considérera d’abord les allégations concernant les per -
sonnes tuées au cours du siège et de la prise de Vukovar. Les Parthies ont
débattu des questions du nombre de ces victimes, de leur statut et ethhnicité,
ainsi que des circonstances dans lesquelles elles sont mortes. La Cour nh’a
pas à trancher toutes ces questions. Elle constate que, s’il subsihste certaines
incertitudes sur celles-ci, il est indéniable que l’attaque contre Vukovar ne
s’est pas limitée à des objectifs militaires, mais a aussi viséh la population
civile, composée alors en bonne partie de Croates (de nombreux Serbehs
ayant fui la ville avant ou lorsque les combats ont éclaté). Bienh que l’acte
d’accusation dans l’affaire Mrkšić et consorts ne contînt pas de chef relatif
au siège de Vukovar, la chambre de première instance a constatéh que :
«470. … La durée des combats, la très forte disparité tant numéh -
rique que matérielle des forces engagées dans la bataille, et surthout la
nature et l’étendue des destructions imputables aux forces serbes à
Vukovar et aux abords immédiats de la ville pendant cet engagement
militaire prolongé, démontrent que l’attaque serbe était consciem -
ment et délibérément dirigée contre la ville et sa malheureuhse popu-
lation civile, prise au piège par le siège de Vukovar et des alenthours
par les forces serbes et contrainte de se réfugier dans les caves et h
autres constructions souterraines qui avaient résisté aux bombarde -
ments et aux assauts. Selon la Chambre, il ne s’agissait pas d’un h
simple conflit armé entre une force militaire et des forces adverses
qui aurait fait des victimes civiles et causé certains dommages matéh -
riels. Une vue d’ensemble des événements révèle l’exishtence d’une
attaque par les forces serbes numériquement bien supérieures, bien
armées, bien équipées et bien organisées, qui ont lentement het systé -
matiquement détruit une ville et ses occupants civils et militaires
jusqu’à la reddition complète des derniers survivants.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . h . . . . . . . . . . . . . .
472. La Chambre en conclut que, à l’époque des faits, il existait
non seulement une opération militaire menée contre les forces croahtes
présentes à Vukovar et alentour, mais aussi une attaque généralisée
et systématique dirigée par la JNA et d’autres forces serbes cohntre la
population civile croate et d’autres civils non serbes dans le secteur
de Vukovar. Les dommages importants causés aux infrastructures et
aux biens de caractère civil, le nombre de civils tués ou blesséhs durant
les opérations militaires et le grand nombre de civils déplacésh ou
contraints de prendre la fuite montrent clairement qu’il s’agissaiht
d’une attaque indiscriminée contraire au droit international. Dirihgée
83
7 CIJ1077.indb 162 18/04/16 08:54 83 application de convehntion génocide (arrêth)
en partie délibérément contre la population civile, cette attaqhue était
illicite.» (JugementMrkšić , par. 470 et 472; références omises.)
219. Les conclusions de la chambre confirment que de nombreux civils
croates ont été tués par la JNA et des forces serbes au cours dhu siège et de
la prise de Vukovar (ibid., par. 468-469). Le défendeur admet d’ailleurs
que les combats dont Vukovar et ses environs ont été le théâhtre ont causé
d’importantes souffrances à la population civile. Si la Serbie a avhancé que
des civils serbes assiégés dans la ville de Vukovar ont aussi pu être tués,
il reste que, comme il a été établi devant le TPIY, de nombreuses hvictimes
étaient croates et que les attaques étaient principalement dirigées
contre les Croates et d’autres non-serbes (ibid., par. 468-469 et 472). En
outre, des déclarations produites par la Croatie, auxquelles la Cour hpeut
accorder une valeur probante, étayent les allégations du demandeurh
au sujet du meurtre de civils croates pendant le siège et la prise de
Vukovar.
220. La Cour examinera maintenant les allégations de meurtres de
Croates après la reddition de Vukovar, en particulier celles relativehs aux
événements d’Ovčara et de Velepromet. En ce qui concerne Ovčhara, les
conclusions du TPIY dans la même affaire Mrkšić et consorts confirment
en grande partie les affirmations de la Croatie. La Cour relève ainshi que la
chambre de première instance a conclu que 194 personnes, soupçonnées
d’avoir combattu au côté des forces croates et évacuées dhe l’hôpital de
Vukovar le 20 novembre 1991 au matin, ont été tuées par des membres de
forces serbes à Ovčara dans la soirée du 20 novembre 1991 et aux pre -
mières heures du 21 novembre 1991 (ibid., par. 509); il appert de cette
décision que les victimes étaient à peu près toutes d’ethnicité croate (ibid.,
par. 496), considérées comme des prisonniers de guerre et, pour la majho -
rité d’entre elles, malades ou blessées (ibid., par.0).
La Serbie prend acte du jugement Mrkšić et ne conteste pas la réalité
des meurtres commis à Ovčara, ajoutant qu’« [i]l s’agit, pour l’ensemble
du conflit, du plus grave massacre dont les Croates aient été vihctime». Le
défendeur reconnaît aussi que la Haute Cour de Belgrade a condamné
15 Serbes à raison des crimes de guerre commis à Ovčara.
221. Le TPIY a également constaté que des exactions ont été commihses
à Velepromet et que plusieurs personnes soupçonnées d’avoir hfait partie
des forces croates y ont été assassinées par des membres de forces serbes,
dont au moins 15 Croates (ibid., par. 163, 165 et 167). La Serbie prend
acte de la conclusion du TPIY à ce sujet, mais souligne que le nombre de
personnes tuées à Velepromet est très en deçà du chiffre dhe 350, avancé
par le demandeur.
222. La Cour note, enfin, que la déclaration de M. Franjo Kožul, cité
comme témoin par la Croatie et qui a déposé devant la Cour, corhrobore
également certaines allégations de la Croatie. L’intéresséh relate en effet
avoir été évacué de l’hôpital de Vukovar et conduit àh Velepromet, où il a
été témoin de diverses violences et a notamment vu un membre dehs forces
84
7 CIJ1077.indb 164 18/04/16 08:54 84 application de convehntion génocide (arrêth)
serbes tenir dans sa main la tête d’un prisonnier qu’il avait dhécapité, ce
que la Serbie n’a pas mis en doute. La Cour estime qu’elle doit dohnc
reconnaître une certaine valeur probante à ce témoignage. La déhclaration
de F. G. apporte également la preuve que des décapitations ont eu lieu àh
Velepromet. L’intéressé a affirmé avoir échappé de juhstesse à la décapita -
tion grâce à un officier de la JNA et avoir vu « une quinzaine de corps
décapités dans [un] trou ».
223. La Cour conclut que des détenus croates ont été tués à Vehlepro -
met par des forces serbes, bien qu’elle ne soit pas en mesure d’en détermi -
ner le nombre exact. Elle note cependant la conclusion du TPIY selon
laquelle les civils détenus à Velepromet qui n’étaient pas shoupçonnés
d’avoir fait partie des forces croates ont été évacués vehrs d’autres lieux en
Croatie ou en Serbie, le 20 novembre 1991 (jugement Mrkšić, par. 168).
224. Compte tenu des éléments susmentionnés, la Cour conclut qu’il
est établi que des meurtres ont été perpétrés par la JNA het des forces
serbes contre des Croates à Vukovar et dans ses environs, lors du sièhge et
de la prise de Vukovar, ainsi que par des forces serbes dans les camps
d’Ovčara et de Velepromet.
b) Bogdanovci
225. Le demandeur soutient que pas moins de 87 Croates ont été tués
à Bogdanovci, village situé à environ 8 kilomètres au sud -est de Vukovar
et peuplé majoritairement de Croates, pendant et après les attaquehs
menées contre le village les 2 octobre et 10 novembre 1991 par la JNA et
des forces serbes. La Croatie produit plusieurs déclarations au soutihen de
ses allégations.
226. Parmi les déclarations sur lesquelles s’appuie la Croatie figureh
celle de M me Marija Katić, qui a été désignée comme témoin et a déposéh
devant la Cour. Dans sa déclaration écrite, M me Katić nomme huit per-
sonnes qui ont, selon elle, été tuées par des grenades lancéhes dans la cave
d’une maison le 2 octobre 1991, et trois autres personnes qui ont été abat-
tues par balle le même jour. Elle ajoute que dix autres personnes onth été
tuées au cours de la destruction ultérieure de Bogdanovci.
227. La Croatie se fonde par ailleurs sur un procès -verbal d’audition
dressé par les forces de police qui n’est pas signé.
228. Le défendeur conteste la valeur probante des déclarations pro -
duites par la Croatie au soutien de ses allégations, au motif qu’elles ne
porteraient pas la signature de leur auteur supposé et que, pour certaines
d’entre elles, il serait même impossible de connaître la personhne ou l’or -
gane qui les aurait recueillies. La Serbie affirme également que cesh décla-
rations reposent sur des preuves par ouï -dire, qu’elles sont imprécises et
qu’elles se contredisent. Selon elle, les événements survenus àh Bogdanovci
les 2 octobre et 10 novembre 1991 s’inscrivaient dans le cadre d’une opé -
ration militaire légitime et les forces croates avaient activement pahrticipé
aux combats, détruisant chars et véhicules blindés, et infligheant de lourdes
pertes à la JNA et aux forces serbes. Elle admet à cet égard quhe « [d]es
85
7 CIJ1077.indb 166 18/04/16 08:54 85 application de convehntion génocide (arrêth)
crimes atroces ont assurément été commis dans cette ville » mais soutient
que, « une fois encore, ils s’inscrivaient dans le cadre des combats et des h
débordements auxquels ceux-ci ont donné lieu ».
229. La Cour relève que plusieurs déclarations invoquées par la Croah-
tie ont été faites un certain nombre d’années après les fhaits supposés avoir
eu lieu à Bogdanovci et ne peuvent, en conséquence, se voir accordher
qu’une valeur probante limitée. Quant aux déclarations qui ne rheposent
pas sur une connaissance directe des faits, la Cour ne leur accorme pas hde
valeur probante. A cet égard, la Cour note que, bien que M Katić ait
confirmé ses dires lors de sa déposition, il n’est pas sûr qu’elle ait directe -
ment assisté à tous les meurtres qu’elle évoque. Enfin, lah Cour rappelle
qu’il ne saurait être accordé de valeur probante à un procèhs -verbal
d’audition dressé par les forces de police et qui n’a pas éthé signé.
230. Prenant acte de l’admission de la Serbie (voir le paragraphe 228
ci-dessus) et des éléments de preuve qui lui ont été présenhtés, la Cour
conclut qu’un certain nombre de Croates ont été victimes de meuhrtres com -
mis par la JNA et des forces serbes à Bogdanovci, tant le 2 octobre que
le 10 novembre 1991, bien qu’elle ne puisse pas en établir le nombre précis.
c) Lovas
231. La Croatie soutient que des dizaines de personnes ont été tuéesh
par la JNA et des forces serbes à Lovas, village à majorité crohate situé à
une vingtaine de kilomètres au sud -est de Vukovar, entre octobre 1991 et
fin décembre 1991.
232. Le demandeur affirme que le village a été attaqué par la JNA et
des forces paramilitaires serbes alors qu’il n’opposait aucune réhsistance,
qu’aucune force croate ne s’y trouvait et que ses résidents avahient été
désarmés à la suite d’un ultimatum de la JNA. Le 10 octobre 1991, au
moins une vingtaine de civils croates auraient perdu la vie lors d’une
attaque d’artillerie menée par la JNA contre les quartiers du villhage abri -
tant les maisons croates. D’autres auraient ensuite été massacrhés par des
groupes paramilitaires serbes et l’infanterie de la JNA, qui avaient hpris
d’assaut le village le même jour.
233. La Croatie relate ensuite que, une semaine après cette attaque,
tous les hommes croates en âge de combattre ont été rassembléhs, puis
torturés. Selon elle, 11 d’entre eux seraient morts à la suite des sévices
ainsi subis. La Croatie poursuit en indiquant que, le lendemain,
18 octobre 1991, une partie des survivants ont été contraints de marcher
vers un champ, non loin du village. L’un d’eux aurait été abhattu en che -
min parce qu’il n’arrivait pas à suivre en raison des blessuresh qui lui
avaient été infligées au cours de la nuit. Une fois arrivéhs sur place, les
détenus se seraient vu ordonner par des forces serbes d’avancer enh se
tenant la main et en balayant le sol du pied afin de procéder au déminage
du lieu. Une ou des mines auraient alors explosé, avant que des forcehs
serbes n’ouvrent le feu sur les survivants. Au moins 21 personnes auraient
péri lors de ce qui est désormais connu sous le nom de « massacre du
86
7 CIJ1077.indb 168 18/04/16 08:54 86 application de convehntion génocide (arrêth)
champ de mines » de Lovas. La Croatie avance enfin que, entre le
19 octobre 1991 et le début de 1992, les violences contre les civils croates
se seraient poursuivies, faisant 68 victimes supplémentaires.
234. La Serbie, quant à elle, soutient que les déclarations écrites hinvo-
quées par le demandeur à l’appui des meurtres prétendument chommis à
Lovas ne satisfont pas au niveau minimal de preuve requis et que, en touht
état de cause, elles ne corroborent pas les allégations de la Croahtie, nota-
ment parce qu’elles démontrent l’existence d’une résistanhce croate lors de
l’attaque du 10 octobre 1991. La Serbie concède néanmoins que 14 per-
sonnes ont été traduites devant une juridiction de Belgrade pour lhe meurtre
de 68 Croates originaires du village de Lovas et que certains des faits allé-
gués dans le cadre de ce procès « relève[nt] probablement du crime de
guerre et peut-être aussi du crime contre l’humanité »; elle insiste toutefois
sur le fait que rien ne permet d’étayer une accusation de génochide.
235. La Cour constate que certains des faits relatés par la Croatie ont
été établis devant le TPIY. Ainsi, bien que l’attaque contreh Lovas n’ait
pas été visée par l’acte d’accusation en l’affaire Mrkšić et consorts, la
chambre de première instance du Tribunal est parvenue à la conclushion
que, « [l]e 10octobre 1991, à Lovas, des « volontaires» serbes ont attaqué
certaines maisons, tuant 22 Croates » (jugement Mrkšić, par. 47).
236. S’agissant du «massacre du champ de mines », la Croatie s’appuie
sur différents éléments de preuve pour établir ses allégathions. En particu -
lier, la déclaration de Stjepan Peulić, témoin de la Croatie quhe la Serbie
n’a pas souhaité soumettre à un contre -interrogatoire (voir le para -
graphe 25 ci-dessus) et dont les propos n’ont pas été autrement contredits,
peut se voir accorder une valeur probante. Dans sa déclaration, M. Peulić
raconte qu’il a lui -même été détenu durant la nuit du 17 octobre 1991
avec une centaine d’autres Croates, et torturé. Il affirme que, le lende -
main, ils ont de nouveau été torturés, puis contraints de se rehndre dans un
champ. En chemin, il a assisté au meurtre d’un Croate qui n’arrhivait pas
à suivre en raison des blessures consécutives aux tortures qui luih avaient
été infligées. Des membres de forces serbes en uniforme de camouflage
auraient ordonné aux prisonniers d’avancer dans le champ en se tenhant
par la main et en balayant le sol du pied pour faire exploser des mines.h Le
témoin relate que, « vers 11 heures, lorsque la première mine a éclaté,
quelqu’un a crié « A terre !» et tous se sont probablement couchés sur le
sol. C’est alors que les mêmes Tchetniks serbes se sont acharnés à [leur]
tirer dessus avec toutes leurs armes d’infanterie ; les tirs ont duré environ
quinze minutes. » M. Peulić estime à 17 le nombre de personnes tuées
dans ce champ, dont, pour la plupart, il se rappelait le nom.
237. La Croatie s’appuie également sur l’acte d’accusation du prohcu -
reur spécial pour les crimes de guerre du tribunal du district de Belhgrade,
dressé à l’encontre de 14 Serbes accusés de meurtres commis à Lovas,
parmi lesquels figure le « massacre du champ de mines ». Dans un juge -
ment du 26 juin 2012, la Haute Cour de Belgrade a condamné les 14 accu-
sés pour crimes de guerre. La Cour note toutefois que ce jugement a été
cassé par la Cour d’appel de Belgrade en janvier 2014 en raison de défi -
87
7 CIJ1077.indb 170 18/04/16 08:54 87 application de convehntion génocide (arrêth)
ciences dans les conclusions de la Haute Cour au sujet de la responsabilité
pénale individuelle des accusés, et qu’un nouveau procès doiht se tenir. La
Cour estime qu’en l’absence de conclusions définitives, adopthées par une
juridiction au terme d’une procédure rigoureuse, elle ne peut accohrder de
valeur probante à l’acte d’accusation du procureur spécial.
238. La Croatie se fonde sur un autre document tiré d’une procédure h
judiciaire interne, à savoir la déclaration de M. Aleksandar Vasiljević,
er
chef de la sécurité au secrétariat national de la défense enhtre le 1juin 1991
et le 5 août 1992, fournie au Tribunal militaire de Belgrade en 1999.
Dans cette déclaration, l’intéressé évoque le fait qu’il a hété informé,
le28 octobre 1991, non seulement du « massacre du champ de mines »,
mais aussi de l’exécution d’environ 70 civils à Lovas. La Cour constate
que cette déclaration a été faite par un ancien officier de lah JNA devant
une juridiction serbe dans le cadre de poursuites pour crimes de guerre.h
M. Vasiljević a également témoigné devant le TPIY lors du procèhs
de Slobodan Milošević. Son témoignage devant cette juridiction conhfirme
sa déclaration, puisqu’il reconnaît avoir été informé du « massacre du
champ de mines ». Cette déclaration, selon la Cour, a une certaine valeur
probante.
239. La Croatie s’appuie également sur un documentaire produit par
une chaîne serbe, dans lequel des personnes y ayant elles -mêmes assisté
racontent le « massacre du champ de mines ». Ce type de preuve et les
autres matériaux documentaires (tels qu’articles de presse et exthraits d’ou
vrages) ne constituent qu’une preuve secondaire, qui ne peut êtreh utilisée
que pour confirmer la réalité de faits établis par d’autrehs éléments de
preuve, ainsi que la Cour l’a déjà expliqué :
« [La Cour] les considère non pas comme la preuve des faits, mais
comme des éléments qui peuvent contribuer, dans certaines condi -
tions, à corroborer leur existence, à titre d’indices venant s’hajouter à
d’autres moyens de preuve. » (Activités militaires et paramilitaires au
Nicaragua et contre celui‑ci (Nicaragua c. Etats‑Unis d’Amérique),
fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 40, par. 62.)
En l’espèce, le documentaire de la télévision serbe corroborhe effectivement
les éléments de preuve exposés plus haut.
240. La Cour relève enfin que la Serbie ne nie pas que des meurtres ont h
effectivement été commis à Lovas, mais qu’elle conteste leur hqualification
au regard de la Convention (voir le paragraphe 234 ci-dessus). Compte
tenu de l’ensemble de ces éléments, la Cour estime qu’il esth établi que des
meurtres de civils croates ont été commis par la JNA et des forcesh serbes
à Lovas, entre le 10 octobre 1991 et fin décembre 1991, bien qu’elle ne soit
pas en mesure d’en déterminer le nombre précis.
d) Dalj
241. D’après le demandeur, plusieurs dizaines de Croates ont été htués
dans le village de Dalj, situé au nord de Vukovar et dont un cinquièhme
88
7 CIJ1077.indb 172 18/04/16 08:54 88 application de convehntion génocide (arrêth)
environ de la population était croate. La Croatie affirme tout d’habord que
des dizaines de Croates sont morts durant l’attaque lancée par la hJNA et
er
des groupes paramilitaires serbes le 1 août 1991 : des civils auraient été
visés directement et des combattants croates auraient été exéhcutés après
s’être rendus. Elle soutient ensuite que plusieurs Croates détehnus ou
conduits à Dalj ont été assassinés par des forces serbes àh l’automne1991.
La Serbie répond, comme elle le fait à l’égard d’allégations relatives à
d’autres localités, que les éléments de preuve présentéhs par la Croatie sont
insuffisants pour établir les allégations de celle -ci. Le défendeur semble
toutefois reconnaître qu’un certain nombre de personnes ont été tuées à
Dalj, mais soutient que le demandeur n’a pas démontré qu’il hs’agissait là
d’actes de génocide.
242. La Cour observe que la Croatie s’appuie sur plusieurs déclarations
pour établir ses allégations. En ce qui concerne les meurtres prétendument
commis le 1 er août 1991, certaines déclarations invoquées ne sont pas
signées ou confirmées ; lesautres ne semblent pas attester d’une connais -
sance directe des meurtres allégués. La Cour conclut que la Croatihe n’a pas
présenté d’éléments de preuve suffisants pour étayer hson affirmation quant
au meurtre de Croates par la JNA et des forces serbes le 1 eraoût 1991.
S’agissant des meurtres qui auraient été perpétrés plus thard, dans le
courant de l’automne 1991, la Cour relève que la déclaration de B. I. a été
ultérieurement confirmée par celui-ci. B. I.affirme que, après s’être rendu
le 21 novembre 1991, il a été emmené en camion à Dalj avec d’autres per -
sonnes. En chemin, 35 personnes ont été forcées de descendre du camion,
puis des coups de feu ont retenti et elles ne sont jamais revenues. A l’arri-
vée à Dalj, il a été emmené jusqu’à une fosse commune dans laquelle il a
vu de « nombreux cadavres », puis il a assisté à l’exécution d’autres
Croates qui sont alors tombés dans la fosse. Les tirs qu’il a essuhyés
n’ayant touché que son bras et une tentative d’égorgement ayhant égale -
ment échoué, B. I. a survécu. La Cour estime qu’elle peut se fonder sur
cette déclaration émanant d’une personne qui a assisté aux éhvénements.
243. La Croatie a également produit des rapports d’exhumation qui
indiquent que des Croates, dont des combattants, ont été tués phar balles,
sans préciser toutefois les circonstances de leur décès.
244. La Cour note en outre qu’une partie des crimes censés avoir étéh
commis dans cette localité ont été constatés par la chambre hde première
instance du TPIY dans le jugement rendu en l’affaire Stanišić et Simatović,
actuellement en appel pour d’autres motifs. Dans son jugement, la chambre
a conclu que, le 21 septembre 1991 ou aux alentours de cette date, les
membres d’un groupe paramilitaire serbe avaient tué dix personnes hdéte -
nues au poste de police de Dalj, dont huit Croates (jugement Stanišić et
Simatović, par. 419-420 et 975). La chambre a également estimé que
22 autres détenus avaient été assassinés dans cette localitéh les 4 ouo5 ctobre
1991 et que 17 des victimes étaient des civils croates (ibid., par.432 et 975).
245. Les éléments de preuve produits par la Croatie, considérés àh la
lumière des conclusions auxquelles est parvenu le TPIY dans le jugemehnt
qu’il a rendu en l’affaire Stanišić et Simatović, sont suffisants pour per -
89
7 CIJ1077.indb 174 18/04/16 08:54 89 application de convehntion génocide (arrêth)
mettre à la Cour de conclure que des membres du groupe protégé ont faiht
l’objet de meurtres commis par des forces serbes dans le village de Dhalj
entre les mois de septembre et de novembre 1991.
Région de Slavonie occidentale
Voćin
246. La Croatie fait état de meurtres qui auraient été perpétréhs par des
forces serbes contre des Croates dans le village de Voćin (municipalité de
Podravska Slatina), qui était peuplé pour un tiers environ de Crohates. Se
fondant sur des déclarations annexées à ses écritures, la Crhoatie avance en
particulier qu’au moins 35 Croates ont été assassinés entre les 12 et
14 décembre 1991 par des forces serbes contraintes de se retirer de Voćin.
247. La Serbie soutient, quant à elle, que les crimes allégués dans hl’en-
semble de la municipalité de Podravska Slatina sont insuffisamment
étayés par les éléments de preuve versés au dossier, en pharticulier parce
qu’ils constituent du ouï -dire.
248. La Croatie s’est référée aux déclarations annexées àh ses écritures
pour étayer ses allégations. La plupart de ces déclarations ne sont pas
signées et n’ont pas été autrement confirmées ;elles ne seront pas exami -
nées plus avant. La Cour note que la déclaration de M. S. a été confirmée
ultérieurement par cette dernière. Cependant, le récit qu’elhle fait du
meurtre de Croates par des Serbes constitue du ouï -dire. Elle affirme en
particulier que des Serbes ont commis un massacre à Voćin le
13 décembre 1991, mais elle ne semble pas avoir elle -même assisté au
meurtre de Croates puisqu’elle était cachée dans un abri lorsquhe les forces
serbes ont attaqué les Croates du village. La Cour estime que ces éhléments
ne suffisent pas à établir le meurtre de Croates dans cette localhité.
249. A l’appui de ses allégations concernant le massacre qui aurait éhté
commis à Voćin aux alentours du 13 décembre 1991, la Croatie invoque
également le rapport d’une organisation non gouvernementale, « Hel -
sinki Watch», adressé à Slobodan Milošević et au général Blagoje Adžić
le 21 janvier 1992 et reposant sur une enquête menée par ladite organisa -
tion (ci -après le « rapport d’Helsinki Watch»). Selon ce rapport,
43 Croates auraient été tués par des forces serbes lorsque celles -ci se sont
retirées des villages de Hum et de Voćin en décembre 1991. La Cour rap-
pelle que la valeur de ce type de documents dépend de la source des ren -
seignements qui y sont contenus, de la manière dont ils ont étéh obtenus et
de leur nature ou de leur caractère (voir le paragraphe 190 ci-dessus). A
cet égard, elle relève que les fondements des conclusions de ce rahpport
concernant les meurtres supposés commis à Voćin sont flous, phuisqu’il y
est fait référence à des témoins oculaires non identifiéhs et à des rapports
d’autopsie qui ne sont pas annexés. La Cour en conclut que ce rapport,
en tant que tel, ne suffit pas à établir les allégations de lah Croatie.
A l’audience, la Croatie a aussi présenté des matériaux audihovisuels
(extrait d’un documentaire de la BBC et photos tirées d’un livre) montrant
90
7 CIJ1077.indb 176 18/04/16 08:54 90 application de convehntion génocide (arrêth)
des victimes qui auraient été assassinées lors dudit massacre. Le documen-
taire de la BBC et les photographies tirées du livre Mass Killing and Geno‑
cide in Croatia in 1991/92: A Book of Evidencemontrent le corps de quelques
personnes, dont il est dit qu’il s’agit de victimes du massacre deh Voćin. Ainsi
que la Cour l’a déjà expliqué (voir le paragraphe239 ci-dessus), de tels types
de preuve ne sauraient, en eux-mêmes, établir les faits allégués.
250. De l’avis de la Cour, même si les éléments dont elle disposeh peuvent
éveiller de sérieux soupçons quant à ce qui s’est passéh à Voćin, force est de
constater que la Croatie n’a pas présenté d’éléments dhe preuve suffisants
pour étayer son affirmation, selon laquelle des meurtres de Croates hont été
commis par des forces serbes dans cette localité en décembre 1991.
Région de Banovina/Banija
a) Joševica
251. La Croatie soutient que plusieurs Croates ont été tués par des h
forces serbes à Joševica, village situé dans la municipalitéh de Glina et peu
plé presque exclusivement de Croates. Elle allègue que des forces hpara -
militaires serbes ont assassiné trois villageois le 5 novembre 1991.
Le 16 décembre 1991, ces forces serbes seraient revenues au village et
auraient fouillé une à une les maisons pour abattre les citoyens chroates ;
21 personnes auraient ainsi péri. Suite à ces meurtres, la plupart dehs
Croates auraient quitté le village, seuls dix d’entre eux demeurant sur
place. De ces dix, quatre auraient ensuite été tués en 1992. Lehs derniers
Croates seraient alors partis du village.
252. La Serbie réitère ses arguments généraux quant aux vices affehctant
les déclarations jointes aux écritures de la Croatie (voir le parhagraphe192
ci-dessus). La Serbie fait également valoir que le demandeur n’a présenté
aucune information détaillée à l’appui des meurtres prétendument perpé -
trés en 1992. Elle fait enfin observer que personne n’a été inculpéh ou
condamné par le TPIY pour les crimes allégués.
253. La Croatie produit des déclarations pour fonder ses allégations.
Parmi celles-ci figure celle de M me Paula Milić (pseudonyme), qui a été
désignée comme témoin et qui a déposé devant la Cour. La hCour note que,
selon sa déclaration, M me Milić aurait assisté à des meurtres commis le
5 novembre 1991 par des forces serbes. Cet aspect de sa déclaration n’a
pas été contesté par la Serbie, et est par ailleurs corroboré par la déclara -
tion d’I. S., qui affirme avoir ultérieurement enterré les trois personnes
nommées par M me Milić. Pour ces raisons, la Cour considère que le témoi-
me
gnage de M Milić a une valeur probante.
254. S’agissant des meurtres qui auraient été perpétrés le
16 décembre 1991, la Croatie fournit la déclaration d’A. S. Bien que cette
déclaration fût à l’origine un procès-verbal d’audition rédigé par la police,
elle a été confirmée ultérieurement par l’intéresséhe et la Cour estime
qu’une valeur probante peut lui être accordée. A. S. raconte que des
forces serbes, en uniforme de camouflage, sont entrées chez elle le
91
7 CIJ1077.indb 178 18/04/16 08:54 91 application de convehntion génocide (arrêth)
16 décembre 1991 en tirant sur elle et sur d’autres personnes. Malgréh ses
blessures, elle a rampé de l’un de ses petits-enfants à un autre, puis jusqu’à
son cousin, et constaté qu’ils étaient tous morts. Un rapport mhédical
confirmant ses blessures par balles est joint à sa déclaration. Le récit
qu’elle fournit concernant les meurtres commis le 16 décembre 1991 est
corroboré par la déclaration d’I. S., examinée au paragraphe précédent.
255. La Croatie invoque également le rapport d’Helsinki Watch (voir leh
paragraphe249 ci-dessus). La section pertinente du rapport relate le meurtre
de Croates par des forces serbes à Joševica à la m-idécembre1991. Le TPIY
s’y est référé dans le jugement rendu en l’affaire Martić (jugement Martić,
par. 324, note de bas de page 1002) avant de conclure que des Croates
avaient été tués dans la SAO de Krajina en 1991, sans que cela confère au
rapport, en tant que tel, une valeur probante. Toutefois, la Cour fait obser-
ver que ce rapport confirme les éléments de preuve exposés cih -dessus.
256. Compte tenu des éléments susmentionnés, la Cour conclut que la h
Croatie a établi que des forces serbes ont commis des meurtres à lh’en -
contre de Croates à Joševica, le 5 novembre 1991 et le 16 décembre 1991.
En revanche, la preuve que des meurtres auraient été commis en 1992 n’a
pas été suffisamment rapportée par la Croatie, les déclarathions invoquées
à cet égard n’étant ni signées ni confirmées.
b) Hrvatska Dubica et ses environs
257. La Croatie fait état de meurtres qui auraient été perpétréhs par des
unités de la JNA et des forces serbes contre de nombreux Croates dansh la
municipalité de Hrvatska Kostajnica, particulièrement des habitanths des
villages de Hrvatska Dubica, Cerovljani et Baćin. Le demandeur allèhgue
notamment que, en octobre 1991, 60 Croates de souche des villages envi -
ronnants ont été rassemblés et détenus à la caserne des phompiers de
Hrvatska Dubica. Ils auraient ensuite été exécutés par un pehloton dans un
champ près de Baćin. Leurs corps auraient alors été ensevelihs dans une
fosse préparée à l’avance.
258. En réponse, le défendeur met en doute la valeur probante des élhé -
ments de preuve produits par la Croatie. La Serbie prend cependant acte hdes
conclusions de la chambre de première instance du TPIY en l’affaireh Martić,
dans laquelle des meurtres de Croates ont été constatés dans cehtte zone.
259. La Cour relève que plusieurs des crimes dont la perpétration est
alléguée par le demandeur ont été examinés par les chambrhes du TPIY.
Dans son jugement rendu le 12 juin 2007 en l’affaire Martić, la chambre
de première instance a conclu que 41 civils (croates en grande majorhité) de
Hrvatska Dubica ont été exécutés le 21 octobre 1991 par des forces serbes
(jugement Martić , par. 183, 354 et 358). La chambre de première instance
a de plus conclu que neuf civils de Cerovljani et sept civils de Baćihn ont
été exécutés autour des 20-21 octobre 1991 par la JNA ou des forces
serbes, ou par une combinaison de celles -ci, et que 21 autres habitants de
Baćin ont été tués au cours du mois d’octobre 1991 par lah JNA ou des
forces serbes, ou par une combinaison de celles -ci (jugement Martić,
92
7 CIJ1077.indb 180 18/04/16 08:54 92 application de convehntion génocide (arrêth)
par. 188-191, 359, 363 -365 et 367). La chambre de première instance du
TPIY, dans son jugement rendu en l’affaire Stanišić et Simatović, est par -
venue aux mêmes conclusions concernant les victimes de Hrvatska Dubicha
et de Cerovljani (jugement Stanišić et Simatović, par. 56-64 et 975).
260. Ces conclusions corroborent les éléments de preuve présentésh par
la Croatie devant la Cour. En particulier, la Croatie a produit la déclara -
tion faite devant un tribunal croate par M. Miloš Andrić (pseudonyme),
qu’elle a cité comme témoin, mais que la Serbie n’a pas souhhaité sou -
mettre à contre -interrogatoire. Dans sa déclaration, M. Andrić indique
notamment que, après le massacre de Baćin, il a personnellement ashsisté à
l’identification des corps du charnier ; il relate que des civils y avaient été
empilés, pêle -mêle, et que bon nombre d’entre eux avaient été battus à h
mort, frappés à la tête au moyen d’objets contondants.
261. La Cour conclut qu’un nombre significatif de civils croates ont été
tués par la JNA et des forces serbes à Hrvatska Dubica et dans ses envi -
rons au cours du mois d’octobre 1991.
Région de Kordun
Lipovača
262. Le demandeur soutient que la JNA s’est emparée de Lipovača, vil -
lage à majorité croate, à la fin du mois de septembre ou au dhébut du mois
d’octobre 1991, ce qui aurait conduit la plupart des habitants à fuir ; seuls
16 Croates seraient demeurés sur place. Il affirme que sept civils croates
ont ensuite été tués par des forces serbes le 28 octobre 1991, ce qui aurait
provoqué le départ de quatre autres Croates du village. Selon lui,h les
cinq Croates restés sur place auraient été abattus ultérieurement, le
31 décembre 1991. Il souligne que la chambre de première instance du
TPIY saisie de l’affaireMartić a examiné en détail les événements survenus
à Lipovača et conclu que sept civils croates avaient été tués par des forces
serbes à la fin du mois d’octobre 1991 (jugement Martić, par. 202-208).
263. Le défendeur reconnaît que le jugement rendu par le TPIY dans
l’affaireMartić a confirmé le meurtre de sept civils par des forces para -
militaires serbes à Lipovača fin octobre 1991. Il soutient cependant que
les autres crimes allégués n’ont pas été établis de fahçon convaincante.
264. La Cour note que, dans deux jugements, le TPIY a examiné les
meurtres commis à Lipovača. Dans le jugement rendu en l’affaire Martić,
la chambre de première instance a constaté que les sept personnes qui,
selon le demandeur, auraient été tuées le 28 octobre 1991 avaient effecti -
vement été assassinées à Lipovača aux alentours de cette hdate après
l’arrivée de forces serbes. Elle a conclu que l’origine croate hde trois des
victimes avait été établie par des preuves directes et a dédhuit de l’ensemble
des éléments de preuve dont elle disposait qu’il en allait de mhême des
quatre autres victimes ( ibid., par. 370). Cependant, dans l’affaire Stanišić
et Simatović, la chambre de première instance a conclu que l’ethnicité
croate n’avait été établie que pour trois personnes (jugemehnt Stanišić et
Simatović, par. 67).
93
7 CIJ1077.indb 182 18/04/16 08:54 93 application de convehntion génocide (arrêth)
265. S’agissant des meurtres qui auraient été commis au mois de
décembre 1991, la chambre de première instance saisie de l’affaire Martić
a constaté que les cinq personnes nommées par le demandeur avaienth été
tuées à un moment quelconque au cours de l’occupation du villaghe par
des forces serbes, bien que l’accusé n’ait pas été déchlaré coupable de ces
meurtres parce que ceux -ci ne figuraient pas dans l’acte d’accusation
(jugement Martić, note de bas de page 555). Dans l’affaire Stanišić et
Simatović, la chambre de première instance a également conclu que ces
cinq personnes avaient été tuées à Lipovača, mais a ajouté hqu’elle ne pou -
vait déterminer qui avait commis ces meurtres, et n’a pas examinéh ceux -ci
plus avant (jugement Stanišić et Simatović, par. 68). Ni dans l’une ni dans
l’autre de ces affaires, la chambre de première instance ne s’esht prononcée
sur l’appartenance ethnique des victimes.
266. La seule déclaration produite par la Croatie au soutien de son
allégation relative aux meurtres du 31 décembre 1991 repose sur des élé-
ments de preuve par ouï -dire et ne permet pas, selon la Cour, d’établir
l’existence de ces faits. En conséquence, la Cour n’est pas en hmesure de
retenir l’affirmation du demandeur selon laquelle cinq Croates ont éhté
tués le 31 décembre 1991.
267. La Cour déduit en revanche de ce qui précède qu’il est éthabli que
des forces serbes ont assassiné au moins trois Croates, le 28 octobre 1991,
à Lipovača.
Région de Lika
a) Saborsko
268. Le demandeur soutient que le village de Saborsko, situé dans la
municipalité d’Ogulin et peuplé majoritairement de Croates, a éhté encer -
clé et bombardé par des forces paramilitaires serbes à partir dhu début du
mois d’août 1991 et jusqu’au 12 novembre de la même année, lorsqu’il a
été attaqué par les forces combinées de la JNA et des forcesh paramilitaires
serbes. Selon la Croatie, après des bombardements aériens et des thirs
d’artillerie et de mortier soutenus, la JNA et les paramilitaires serhbes sont
entrés dans le village et se sont mis à détruire les biens appartenant
aux Croates et à tuer la population civile restée sur place. La Croatihe
fait remarquer que, dans les affaires Martić et Stanišić et Simatović, le
TPIY a minutieusement examiné les événements survenus à Sabohrsko.
269. La Serbie reconnaît que « la plupart des actes censés avoir été
commis à Saborsko ont été confirmés par le[s] jugement[s] hdu TPIY »,
mais ajoute qu’ils n’ont pas été commis avec une intention ghénocidaire.
270. Dans la mesure où la Serbie ne conteste pas l’existence des faits h
allégués tels qu’ils ont été établis devant le TPIY, la Cour se référera
aux conclusions de celui-ci. Ainsi, la chambre de première instance saisie
de l’affaire Martić a conclu que 20 personnes avaient été tuées le
12 novembre 1991 par la JNA et des forces serbes, au moins 13 d’entre
elles étant des civils qui ne participaient pas directement aux hostihlités au
94
7 CIJ1077.indb 184 18/04/16 08:54 94 application de convehntion génocide (arrêth)
moment de leur décès. La chambre a également constaté que lehs homi -
cides avaient été commis avec une intention discriminatoire enversh les
Croates (jugement Martić, par. 233-234, 379 et 383). Dans l’affaire Sta‑
nišić et Simatović, la chambre de première instance a confirmé le meurtre
de neuf Croates à Saborsko le 12novembre 1991 par la JNA et des forces
serbes, mais signalé qu’elle tenait pour insuffisants les éléhments de preuve
qui lui avaient été soumis relativement aux circonstances dans leshquelles
les 11 autres personnes avaient été tuées (jugement Stanišić et Simatović,
par. 102-107 et 975). La Cour note aussi que certaines déclarations pro-
duites par la Croatie corroborent les conclusions du TPIY.
271. Au vu de ce qui précède, la Cour conclut qu’il a été éhtabli que la
JNA et des forces serbes ont commis le meurtre de plusieurs Croates àh
Saborsko le 12 novembre 1991.
b) Poljanak
272. La Croatie allègue que le village de Poljanak (municipalité de
Titova Korenica) comptait, en 1991, 160 habitants, dont 145 Croates. A
l’automne 1991, de nombreux civils croates du village auraient étéh assas
sinés par la JNA et des forces serbes.
273. Le demandeur se fonde notamment sur les conclusions factuelles
auxquelles est parvenue la chambre de première instance du TPIY dans h
son jugement rendu en l’affaire Martić (jugement Martić, par. 211-213
et 216-219), pour avancer qu’entre septembre et novembre 1991 de nom -
breuses attaques ont été menées contre des civils de Poljanak eht de son
hameau Vukovići.
274. La Serbie reconnaît que, dans le jugement en l’affairMartić, la
chambre de première instance du TPIY a confirmé que certains meurtres
avaient été commis à Poljanak.
275. La Cour observe que plusieurs des crimes dont la perpétration est
alléguée par le demandeur ont été examinés par la chambreh de première
instance du TPIY dans le jugement qu’elle a rendu en l’affaire Martić.
Ladite chambre a notamment conclu que :
— un civil croate avait été tué le 8 octobre 1991 par la JNA et des
habitants armés (ibid., par. 212, 371 et 377) ;
— aux alentours du 14 octobre 1991, deux civils croates avaient été
retrouvés pendus chez eux, mais sans qu’il soit établi qu’ilh s’agissait de
meurtres ou de suicides (ibid., par.12 et note 566);
— le 7 novembre 1991, sept civils croates avaient été alignés et exécutésh
par la JNA et des habitants armés au domicile de Nikola « S ojka»
Vuković, tandis que ce dernier avait été abattu par la fenêtre alors
qu’il était malade et alité (ibid., par. 371 et 377);
— enfin, le même 7 novembre 1991, 20 soldats serbes avaient encerclé
une maison à Poljanak et avaient ensuite abattu deux hommes croates
qu’ils avaient préalablement séparés des femmes et d’un garçon (ibid.,
par. 216-218, 372 et 377).
95
7 CIJ1077.indb 186 18/04/16 08:54 95 application de convehntion génocide (arrêth)
276. La Cour note également que la chambre d’appel en l’affaire Mar‑
tić a conclu que les auteurs de trois de ces meurtres (celui commis le
8 octobre 1991 et le meurtre de deux hommes le 7 novembre 1991) ne
pouvaient être identifiés de façon certaine et qu’elle a dhonc acquitté l’ac-
cusé de ces crimes (IT-95-11-A, arrêt du 8 octobre 2008, par. 200-201).
Cependant, elle a confirmé la condamnation de l’accusé pour lhe massacre
de huit Croates le 7 novembre 1991 par la JNA et des habitants armés
(ibid., par. 204-206). Par la suite, la chambre de première instance saisie
de l’affaire Stanišić et Simatović a aussi considéré que ledit massacre avait
été établi (jugement Stanišić et Simatović, par. 85 et 975). La Cour relève
que les conclusions du TPIY ne sont pas contestées par la Serbie. Elle
estime qu’il n’est, par conséquent, pas nécessaire d’examhiner les autres
éléments de preuve produits par la Croatie, notamment les déclahrations
annexées à ses écritures.
277. La Cour déduit de ce qui précède qu’il a été établi que plusieurs
meurtres ont été perpétrés par la JNA et des forces serbes chontre des
membres du groupe protégé à Poljanak en novembre 1991.
Région de Dalmatie
a) Skabrnja et ses environs
278. La Croatie avance que, les 18 et 19 novembre 1991, la JNA et des
forces serbes ont assassiné des dizaines de civils croates à Skabrnja et
dans le village voisin de Nadin, tous deux situés dans la municipalithé de
Zadar, Dalmatie, et habités presque exclusivement par des Croates de h
souche.
279. Le demandeur allègue que Skabrnja et Nadin ont subi, durant les
mois de septembre et d’octobre 1991, des tirs de mortier et des bombarde -
ments aériens que rien ne justifiait d’un point de vue militaireh. Après la
mort de trois civils au début du mois d’octobre, une grande partieh des
habitants de Skabrnja auraient été évacués, mais la plupart d’entre euxh y
seraient revenus à la suite de la signature d’un accord de cessez -le-feu le
5 novembre 1991. La Croatie affirme que, en violation dudit accord, la
JNA et des forces serbes ont lancé une attaque aérienne et terresthre de
grande envergure contre les deux villages les 18 et 19 novembre 1991.
Selon elle, après un pilonnage intensif, des bataillons d’infanterhie et des
paramilitaires lourdement armés seraient entrés dans Skabrnja ; les chars
de la JNA auraient alors ouvert le feu sur les maisons, l’école eth une église,
tandis que des forces serbes tiraient au lance-roquettes sur les habitations.
280. La Croatie soutient que, après avoir occupé Skabrnja et Nadin,
des forces serbes s’en sont pris aux civils croates. Elle affirme quhe lesdites
forces ont tué des civils qui s’étaient réfugiés dans lesh caves de leurs habi
tations durant les combats. Le demandeur invoque notamment, à l’aphpui
de ses allégations, les conclusions factuelles du TPIY dans les affairhes
Martić et Stanišić et Simatović, soulignant que le Tribunal a constaté le
meurtre de nombreux civils croates à Skabrnja et Nadin.
96
7 CIJ1077.indb 188 18/04/16 08:54 96 application de convehntion génocide (arrêth)
281. En réponse aux accusations portées contre elle, la Serbie ne nie
pas que des crimes ont été perpétrés dans les deux villages hsusmentionnés.
Elle reconnaît que des atrocités ont été commises contre la hpopulation
civile et admet que la plupart des meurtres allégués par le demandheur ont
été confirmés par le jugement rendu par le TPIY dans l’affahireMartić. Le
défendeur fait toutefois valoir que de violents combats ont précéhdé l’en -
trée de la JNA et des forces serbes dans le village de Skabrnja, précisant
que ces affrontements se sont soldés par de lourdes pertes du côtéh de ces
forces et que certains combattants croates portaient des habits civils.
282. La Croatie fonde ses allégations sur la déclaration de M. Ivan
Krylo (pseudonyme), qu’elle a cité comme témoin. M. Krylo a déposé
devant la Cour et a été soumis à un contre -interrogatoire par la Serbie
lors d’une audience à huis clos (voir le paragraphe 46 ci-dessus). La Cour
note que, dans sa déclaration écrite, M. Krylo relate que de nombreuses
personnes se sont abritées dans les caves de leurs habitations duranth les
combats qui ont eu lieu à Skabrnja le 18 novembre 1991 au matin, et que,
après avoir pénétré dans le village, la JNA et des forces sehrbes les en ont
délogées et en ont abattu plusieurs. M. Krylo déclare en outre avoir été
fait prisonnier avec d’autres villageois et avoir été détenuh et soumis à des
violences au cours des mois qui ont suivi. La Cour relève que la Serbie n’a
aucunement contesté que des meurtres avaient été perpétréhs contre la
population de Skabrnja. Durant le contre -interrogatoire de M. Krylo, ses
questions ont essentiellement porté sur les combats ayant précéhdé la prise
du village. Le défendeur a même admis « que, lorsque le village a capitulé
devant les forces serbes, des atrocités ont été commises à l’égard des
civils».
283. La Cour observe ensuite que, en l’affaire Martić, la chambre de
première instance a constaté qu’une cinquantaine de personnes ahvaient été
assassinées par la JNA et des forces serbes à S kabrnja et dans les villages
voisins, dont Nadin, les 18 et 19 novembre 1991, précisant que « la majo -
rité des victimes de S kabrnja … étaient des Croates » (jugement Martić,
par. 386-391 et 398) ; le Tribunal a aussi conclu au meurtre de 18 civils à
Skabrnja entre le 18 novembre 1991 et le 11 mars 1992 par la JNA et des
forces serbes (ibid., par. 392). La Cour observe par ailleurs que, dans l’af-
faire Stanišić et Simatović la chambre de première instance a constaté que
37 Croates avaient été tués à Skabrnja le 18 novembre 1991 par la JNA et
des forces serbes (jugement Stanišić et Simatović, par. 131-136 et 975).
284. Compte tenu de ce qui précède, la Cour conclut qu’il est étahbli
que des meurtres ont été perpétrés par la JNA et des forces hserbes à Ska -
brnja et Nadin contre des membres du groupe protégé entre le 18 novembre
1991 et le 11 mars 1992.
b) Bruška
285. Le demandeur affirme que, le 21 décembre 1991, des paramili-
taires serbes ont, dans le village de Bruška, situé dans la municipalité de
Benkovac et peuplé à environ 90 % de Croates, tué neuf Croates. Il ajoute
97
7 CIJ1077.indb 190 18/04/16 08:54 97 application de convehntion génocide (arrêth)
qu’un autre Croate a été assassiné en juin 1992. Il souligne que, dans l’af-
faire Martić, la chambre de première instance du TPIY a minutieusement
examiné les événements survenus à Bruška et constaté qhue les neuf per-
sonnes mentionnées avaient été abattues le 21 décembre 1991 par la milice
de Krajina (Milicija Krajine). La chambre a également conclu que toutes
ces personnes étaient des civils ne participant pas activement aux hohstili -
tés au moment de leur décès, et que ces meurtres avaient étéh commis dans
une intention discriminatoire envers les Croates (jugement Martić,
par. 400 et 403).
286. Le défendeur reconnaît que la chambre de première instance saishie
de l’affaire Martić a examiné les événements survenus dans la municipa -
lité de Benkovac et a constaté que neuf Croates avaient été tués à Bruška.
Il soutient cependant que les allégations relatives à d’autres hcrimes n’ont
pas été étayées par des éléments de preuve suffisantsh.
287. En ce qui concerne les meurtres en date du 21 décembre 1991, la
Cour considère, au vu de ce qui précède, qu’il est établi de manière
concluante que les neuf personnes nommées par le demandeur ont étéh
tuées ce jour-là par la Milicija Krajine et que ces personnes sont les mêmes
que celles mentionnées dans le jugement rendu par le TPIY en l’af -
faire Martić, dont il a été question ci-dessus, ainsi que dans celui rendu en
l’affaireStanišić et Simatović(jugement Stanišić et Simatović, par.145-147).
288. En ce qui concerne le meurtre qui aurait été perpétré en juihn1992,
la Cour observe que la chambre de première instance n’en a fait éhtat ni
dans l’affaire Martić, ni dans l’affaire Stanišić et Simatović. En outre, elle
note que la déclaration produite par la Croatie au soutien de cette ahlléga -
tion n’atteste pas d’une connaissance directe des faits par son auhteur. La
Cour estime que la Croatie n’a pas démontré l’existence de che meurtre.
c) Dubrovnik
289. Le demandeur soutient que de nombreux civils croates ont été
tués par la JNA à Dubrovnik, ville dont les habitants étaient àh 80 % d’ori-
gine croate, ou dans les environs. Il affirme que, le 1 eroctobre 1991, la
JNA a instauré un blocus terrestre, aérien et maritime de Dubrovnihk, et
que les civils se sont vu offrir la possibilité de quitter la ville à la fin du
mois. Ensuite, selon la Croatie, toutes les voies de ravitaillement aurahient
été coupées et la ville aurait été pilonnée à l’hartillerie lourde jusqu’à la fin
de l’année. Le demandeur affirme que 123 civils de Dubrovnik ont été
tués au cours de ces événements.
290. Le défendeur soutient quant à lui que les éléments de preuve sou -
mis par le demandeur ne peuvent établir les allégations de celui -ci, parce
qu’ils sont irrecevables ou dépourvus de valeur probante. Il fait haussi
observer que deux chambres de première instance du TPIY ont examiné,
dans les affaires Jokić et Strugar, les crimes censés avoir été commis à
Dubrovnik, pour conclure à un nombre limité de victimes civiles.
291. La Cour relève que seule une des déclarations produites au sujet
de la présente localité fait état d’un homicide susceptible hd’être qualifié de
98
7 CIJ1077.indb 192 18/04/16 08:54 98 application de convehntion génocide (arrêth)
meurtre au sens du litt. a) de l’article II de la Convention. Cette déclara-
tion ne repose toutefois pas sur une connaissance directe des faits et ne
suffit pas, en soi, à établir les allégations de la Croatie.
292. Le demandeur présente par ailleurs des lettres de la police croate,
au soutien de son allégation relative au nombre de victimes. La Cour hfait
observer qu’elles ont été établies spécialement pour les hbesoins de la pré-
sente affaire. Comme la Cour a déjà eu l’occasion de le souligner, elle
« traitera avec prudence les éléments de preuve spécialement éhtablis aux
fins de l’affaire ainsi que ceux provenant d’une source unique » (Activités
armées sur le territoire du Congo (République démocratique du C ▯ ongo
c. Ouganda), arrêt, C.I.J. Recueil 2005, p. 201, par. 61). En outre, ces
lettres n’indiquent pas dans quelles circonstances ont été tuéhes les 123vic-
times supposées, ni si ces dernières étaient croates. S’agissant d’autres
documents émanant du poste de police de Dubrovnik, bien qu’ils aiehnt été
établis au moment des faits et non aux seules fins de la présenthe affaire, ils
n’ont pas été corroborés au moyen d’éléments de prehuve provenant d’une
source indépendante, et ne semblent faire référence qu’à hdeux homicides
susceptibles d’être qualifiés de meurtres au sens du litt. a) de l’article II.
293. Dans les affaires Jokić et Strugar, il a été établi devant le TPIY que
deux civils avaient été tués lors du bombardement illicite de lha vieille ville le
6 décembre 1991 (Jokić, IT-01-42/1-S, chambre de première instance, juge-
ment portant condamnation du 18mars 2004, par.27; Strugar, IT-01-42-T,
chambre de première instance, jugement du 31 janvier 2005 (ci-après le
«jugement Strugar »,par. 248, 250, 256, 259 et 289). Dans l’affaire Strugar,
le TPIY a également constaté qu’au moins un individu avait éhté tué lors du
bombardement de la ville, le 5 octobre 1991 (ibid., par. 49).
294. La Cour conclut de ce qui précède qu’il a été établi qhue certains
meurtres ont été perpétrés par la JNA à l’encontre des Croates de
Dubrovnik entre octobre et décembre 1991, mais non à l’échelle alléguée
par la Croatie.
Conclusion
295. Sur la base des faits qui viennent d’être exposés, la Cour conshidère
comme établi qu’un grand nombre de meurtres ont été perpéhtrés par la
JNA et des forces serbes au cours du conflit dans plusieurs localitéhs de
Slavonie orientale, de Banovina/Banija, de Kordun, de Lika et de Dalma -
tie. En outre, les éléments de preuve qui ont été présenthés démontrent que
les victimes étaient dans leur grande majorité des membres du grouhpe
protégé, ce qui conduit à penser qu’elles ont pu être prihses pour cible de
manière systématique. La Cour relève que, si le défendeur a hcontesté la
véracité de certaines allégations, le nombre des victimes, les hmotivations
des auteurs des meurtres, ainsi que les circonstances dans lesquelles
ceux-ci ont été commis et leur qualification juridique, il n’a en hrevanche
pas contesté le fait que des membres du groupe protégé aient éhté tués dans
les régions en question. La Cour estime donc qu’il a été déhmontré par des
éléments de preuve concluants que des meurtres de membres du grouphe
99
7 CIJ1077.indb 194 18/04/16 08:54 99 application de convehntion génocide (arrêth)
protégé, tel que défini ci-dessus (voir le paragraphe 205), ont été commis
et que l’élément matériel, tel que défini au litt. a) de l’article II de la
Convention, est par conséquent établi. A ce stade de son raisonnemhent, la
Cour n’est pas tenue de dresser la liste complète des meurtres comhmis, ni
même d’établir de manière définitive le nombre total dehs victimes.
3) Litt.b) de l’article II atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de
membres du groupe
296. La Croatie soutient que la JNA et des forces serbes ont également
infligé aux Croates des atteintes graves à leur intégrité hphysique. Ces
atteintes auraient pris la forme de blessures, de mauvais traitements, d’actes
de torture, de viol et de violence sexuelle. De plus, le manque de coopéhra-
tion de la Serbie dans le cadre du processus de recherche et d’identihfication
de personnes disparues causerait une souffrance psychologique à leurs
proches qui serait constitutive d’une atteinte grave à leur intéhgrité mentale.
297. La Cour examinera successivement les allégations de la Croatie
portant sur les différents lieux où des atteintes graves à l’hintégrité phy -
sique de membres du groupe protégé auraient été commises. Elhle se pro-
noncera ensuite sur l’atteinte alléguée à l’intégrité mentale des proches de
disparus.
Région de Slavonie orientale
a) Vukovar
298. La Croatie soutient qu’à Vukovar, entre août et décembre 1991,
la JNA et des forces serbes ont blessé des civils et des prisonniers de
guerre croates, qu’elles leur ont infligé des mauvais traitemenths et des
tortures, et qu’elles se sont rendues coupables à leur égard deh viols et
de violences sexuelles. Pour les besoins de l’analyse, les allégations de
la Croatie seront examinées successivement, en fonction des différentehs
phases de la bataille de Vukovar.
i) Le pilonnage de Vukovar
299. La Croatie avance que, durant le pilonnage de Vukovar par la
JNA entre le 25 août et le 18 novembre 1991, de nombreux civils croates
ont été blessés. Selon la Serbie, le TPIY a seulement considéhré que
l’attaque de Vukovar était illégale car elle consistait en parthie en une
attaque contre des civils. Toutefois, cette attaque devrait, selon elle, être
appréciée dans le contexte plus large d’une opération militahire légitime
contre les forces armées croates.
300. La Cour rappelle que, dans l’affaire Mrkšić et consorts, le TPIY a
conclu que de nombreux civils avaient été blessés par la JNA eth des forces
serbes au cours du siège de Vukovar (jugement Mrkšić, par. 472, repro-
duit au paragraphe 218 ci-dessus).
100
7 CIJ1077.indb 196 18/04/16 08:54 100 application de convehntion génocide (arrêth)
301. La Cour considère les conclusions factuelles du Tribunal comme
suffisantes pour affirmer que, durant l’attaque de Vukovar et de sehs envi-
rons, la JNA et des forces serbes ont blessé de nombreux civils croathes,
sans qu’il soit nécessaire d’en déterminer le nombre exact.
ii)La prise de Vukovar et de ses environs
302. La Croatie soutient que, durant la prise de Vukovar et de ses envi -
rons, qui s’est déroulée entre mi -septembre et mi-novembre 1991, la JNA
et des forces serbes ont commis des actes de mauvais traitements, de
torture et de viol à l’encontre de civils croates. Elles auraient également
déporté vers des camps situés en Serbie des civils croates qui hy auraient
subi des tortures et des mauvais traitements.
303. La Serbie conteste les allégations de la Croatie. Elle avance
qu’elles sont infondées car les déclarations produites par la Chroatie relè -
veraient de la preuve par ouï -dire et seraient imprécises.
304. La Cour constate que les allégations de la Croatie sont, pour l’esh-
sentiel, fondées sur des déclarations signées ou confirméehs ultérieurement.
Bien que certaines de ces déclarations aient été faites plusieuhrs années
après les faits qu’elles rapportent, elles émanent de victimes hou de témoins
directs de mauvais traitements, de tortures et de viols. La Cour accordeh
une valeur probante à ces déclarations.
305. En conséquence, la Cour conclut que la Croatie a démontré que
des actes de mauvais traitements, de torture et de viol ont été commis à
l’encontre de Croates par la JNA et des forces serbes durant la priseh de
Vukovar et de ses environs.
iii)L’invasion de l’hôpital de Vukovar et le transfert vers les camps
d’Ovčara et de Velepromet
306. La Croatie allègue que, les 19 et 20 novembre 1991, la JNA et des
forces serbes ont envahi l’hôpital de Vukovar où des Croates s’hétaient réfu -
giés. Elles auraient ensuite transféré ces derniers vers les cahmps d’Ovčara et
de Velepromet où ils auraient subi des mauvais traitements et des torhtures.
Des femmes croates auraient également subi des viols à Velepromet.h
307. La Serbie admet que certains crimes ont été commis à Ovčara hpar
des forces serbes. Cependant, elle souligne que, dans l’affaire Mrkšić et
consorts, les accusés n’étaient pas poursuivis pour génocide et que le
TPIY a qualifié les crimes commis de crimes de guerre.
308. Concernant les faits survenus à Ovčara, la Cour note que la Ser -
bie ne conteste pas leur existence. Dans l’affaire Mrkšić et consorts, le
TPIY a formulé les conclusions suivantes sur ces faits :
«530. La Chambre est convaincue — et constate — que les sévices
infligés aux prisonniers de guerre de l’hôpital de Vukovar àh l’exté -
rieur du hangar le 20 novembre 1991 étaient tout à fait de nature à
causer des douleurs physiques aiguës et que, bien souvent, tel a éhté le
cas. Ces actes constituent l’élément matériel de la torture.h La
101
7 CIJ1077.indb 198 18/04/16 08:54 101 application de convehntion génocide (arrêth)
Chambre est également convaincue que les mauvais traitements
graves et persistants infligés à un si grand nombre de prisonniers à
l’intérieur du hangar durant l’après -midi du 20 novembre 1991 sont
de nature à constituer l’élément matériel de la torture.
531. S’agissant de l’élément moral de la torture, la Chambre relèhve
la nature et la durée des sévices, les instruments utilisés parh les
auteurs pour infliger des souffrances, le nombre de personnes qui s’hen
sont pris aux différentes victimes, les menaces et les violences ver -
bales ayant accompagné les sévices et l’atmosphère terrifihante dans
laquelle les victimes ont été détenues tandis qu’on les rouahit de coups.
Tous ces éléments établissent le caractère délibéré des sévices infligés
à l’extérieur comme à l’intérieur du hangar
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . h . . . . . . . . . . . . . .
536. La Chambre est également convaincue — et constate — que
les sévices infligés aux prisonniers de guerre venant de l’hôhpital de
Vukovar à l’extérieur du hangar le 20 novembre 1991 constituent
l’élément matériel des traitements cruels. Elle est égalehment convain -
cue que ces sévices ont été commis avec l’intention néceshsaire pour
constituer des traitements cruels
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . h . . . . . . . . . . . . . .
538. S’agissant de l’élément moral des traitements cruels, la
Chambre admet que, en maintenant les prisonniers dans la crainte
constante d’être maltraités et battus, en instaurant un climat hde peur,
en privant les prisonniers d’eau et de nourriture et en ne leur don -
nant pas accès à des installations sanitaires, les auteurs matéhriels ont
agi avec l’intention de causer des souffrances physiques ou de porter h
atteinte à la dignité humaine des détenus et/ou en sachant que hces
traitements cruels étaient une conséquence probable de leurs agisshe -
ments. La Chambre conclut que l’élément moral des traitements
cruels est constitué.» (Jugement Mrkšić, par. 530, 531, 536 et 538.)
309. La Cour relève que la Serbie ne conteste pas l’existence des faitsh
constatés par le TPIY. Elle estime que les conclusions de ce Tribunalh sont
suffisantes pour établir que des actes de mauvais traitements et de htorture
ont été commis à l’encontre de Croates par certains membres hde la JNA
et des forces serbes à Ovčara.
310. Concernant les faits survenus à Velepromet, la Croatie produit la
déclaration de M. Franjo Kožul, qui a déposé devant la Cour, à laquelle
la Cour a déjà reconnu une valeur probante (voir le paragraphe 222
ci-dessus). Ce témoin a rapporté des scènes de mauvais traitemenths. Son
témoignage est corroboré par les conclusions du TPIY dans l’affahire
Mrkšić et consorts. Bien que ces faits n’aient pas été visés par l’acte d’ac -
cusation, la chambre de première instance a jugé que,
« le 19 novembre 1991, quelques centaines de non -Serbes ont été
transportés par des forces serbes de l’hôpital de Vukovar à hl’entrepôt
de Velepromet. D’autres sont arrivés à Velepromet en provenanceh
102
7 CIJ1077.indb 200 18/04/16 08:54 102 application de convehntion génocide (arrêth)
d’ailleurs. A Velepromet, toutes ces personnes étaient réparties en
différents groupes selon leur origine ethnique et selon leur apparte -
nance présumée aux forces croates. La Chambre considère qu’ihl est
constant que certaines de ces personnes ont été interrogées à l’entre -
pôt de Velepromet et que, au cours de ces interrogatoires, les sus -
pects ont été frappés, insultés ou autrement maltraités. hUn certain
nombre ont été abattus à Velepromet, dont certains le 19 novembre
1991. La Chambre constate qu’une grande partie, sinon la totalité,h
des personnes responsables de ces interrogatoires musclés et de ces
meurtres appartenaient à la TO ou à des unités paramilitaires
serbes.» (Jugement Mrkšić, par. 167.)
La Croatie a aussi produit la déclaration d’une personne, B. V., qui a
été conduite de Velepromet à la caserne de la JNA et violée hpar cinq
hommes. La Cour considère qu’elle doit accorder une valeur probante à
cette déclaration.
311. La Cour conclut que la Croatie a démontré que des actes de mau -
vais traitements et de viols ont été commis à l’encontre de Croates par des
forces serbes à Velepromet.
b) Bapska
312. La Croatie allègue que, à compter d’octobre 1991, la JNA et des
forces serbes ont infligé des mauvais traitements et des tortures ahux habi-
tants croates de Bapska, village situé à 26 kilomètres au sud -est de
Vukovar et peuplé d’environ 90 % de Croates. La JNA et des forces serbes
auraient également commis des viols et d’autres actes de violence hsexuelle.
La Croatie a produit plusieurs déclarations au soutien de ses alléhgations.
313. La Serbie conteste la valeur probante de ces déclarations.
314. Parmi les éléments ainsi produits par la Croatie, la Cour note la
déclaration signée de F. K. et celles de A. S., J. K. et P. M., qui ont été
confirmées ultérieurement. Les auteurs des déclarations sont hdes victimes
de mauvais traitements, de viols et d’autres actes de violence sexuelle. La
Cour estime qu’elle doit accorder à leurs déclarations une valehur probante.
315. Par conséquent, la Cour considère que la Croatie a établi que lha
JNA et des forces serbes ont soumis des membres du groupe protégé hà des
mauvais traitements et ont commis à leur encontre des viols et d’ahutres
actes de violence sexuelle à Bapska, d’octobre 1991 à janvier 1994.
c) Tovarnik
316. La Croatie soutient que, à partir de septembre 1991 et au cours de
l’année 1992, la JNA et des forces serbes ont commis des actes de mauvais
traitements, de torture et de violence sexuelle, en particulier des violhs et des
castrations, à l’encontre de Croates dans le village de Tovarnik, situé au
sud-est de Vukovar et peuplé majoritairement de Croates. Elle ajoute que
des Croates ont été transférés au camp de Begejci, où ilsh ont été torturés.
103
7 CIJ1077.indb 202 18/04/16 08:54 103 application de convehntion génocide (arrêth)
317. La Serbie considère que la Croatie n’a pas démontré que les hactes
allégués ont été commis à Tovarnik. Elle conteste la valehur probante des
déclarations produites par la Croatie au soutien de ses allégationhs.
318. La Cour constate que la Croatie fonde principalement ses alléga -
tions sur des déclarations annexées à ses écritures. Elle eshtime pouvoir
accorder du crédit à plusieurs déclarations signées ou confihrmées. Celles -ci
émanent de victimes de mauvais traitements ou de personnes ayant assisté
à de tels actes, ainsi qu’à des actes de violence sexuelle perphétrés contre
des Croates de Tovarnik.
319. Par conséquent, la Cour conclut que la Croatie a démontré que
des actes de mauvais traitements et de violence sexuelle ont été chommis à
l’encontre de Croates par la JNA et des forces serbes à Tovarnik, aux
alentours de septembre 1991. Elle estime en revanche que les allégations
de viol ne sont pas démontrées.
d) Berak
320. La Croatie allègue que, entre septembre et décembre 1991, la JNA
et des forces serbes ont infligé des mauvais traitements aux habitahnts
croates du village de Berak, situé à environ 16 kilomètres de Vukovar et
peuplé majoritairement de Croates. Elles auraient établi dans ce vhillage
un camp d’emprisonnement dans lequel des Croates auraient été thorturés.
Plusieurs cas de viol sont également allégués.
321. La Serbie soutient que la Croatie n’a pas suffisamment démontréh
l’existence des actes qu’elle allègue. Les déclarations qu’helle produit n’au-
raient pas de valeur probante. De plus, le TPIY n’aurait ni poursuivih, ni
condamné des individus pour les crimes commis à Berak.
322. La Croatie fonde ses allégations sur des déclarations qu’elle ah
annexées à ses écritures. La Cour estime pouvoir accorder du crhédit à
plusieurs déclarations qui ont été confirmées ultérieurhement. Celles -ci
émanent de victimes de mauvais traitements ou de viols, ou bien encorhe
de personnes ayant assisté à de tels actes.
323. La Croatie produit également un rapport établi par Stanko Pena -
vić, commandant adjoint à la défense de Berak au moment des faihts,
concernant les 87 personnes détenues à Berak entre le 2 octobre et le
1 décembre 1991. Ce rapport fait état de personnes blessées ou violées,
ce qui corrobore les éléments de preuve susmentionnés.
324. En conséquence, la Cour conclut que la Croatie a démontré que
des actes de mauvais traitements et de viol ont été commis à l’hencontre de
membres du groupe protégé par des forces serbes et la JNA à Berhak entre
septembre et octobre 1991.
e) Lovas
325. La Croatie allègue que des forces serbes ont commis des actes de
torture ainsi que des viols et d’autres actes de violence sexuelle cohntre des
Croates dans le village de Lovas entre octobre 1991 et décembre 1991.
104
7 CIJ1077.indb 204 18/04/16 08:54 104 application de convehntion génocide (arrêth)
Des Croates auraient également été blessés à l’occasion du « massacre du
champ de mines » (voir le paragraphe 233 ci-dessus).
326. La Serbie, après avoir contesté la valeur probante des déclarations
présentées, a admis que les personnes suspectées d’avoir comhmis certains
des faits allégués par la Croatie font l’objet de poursuites dehvant les juri-
dictions serbes. Elle a toutefois préciséque ces actes ne relèvent pas du
génocide, mais plutôt du crime de guerre ou du crime contre l’hhumanité.
327. Au soutien de ses allégations, la Croatie se fonde sur l’acte d’hac -
cusation du procureur spécial pour les crimes de guerre du tribunal dhu
district de Belgrade, dressé à l’encontre de 14 serbes accusés notamment
de mauvais traitements et de tortures à l’encontre de Croates à Lovas, à
propos duquel la Cour a déjà conclu qu’elle ne peut pas lui acchorder de
valeur probante en lui-même (voir le paragraphe 237 ci-dessus).
328. La Croatie se fonde également sur un certain nombre de déclara -
tions. Elle excipe notamment de celle de Stjepan Peulić, témoin quhe la
Serbie n’a pas souhaité soumettre à un contre -interrogatoire (voir para -
graphe 25 ci-dessus), à laquelle la Cour a déjà reconnu une valeur pro -
bante (voir paragraphe 236 ci-dessus). M. Peulić rapporte des actes de
mauvais traitements infligés par des forces serbes dont il a étéh victime. La
Croatie produit également une déclaration émanant d’une autrhe victime
de mauvais traitements de la part des forces serbes, à laquelle la Cohur
accorde aussi une valeur probante.
Concernant les allégations de viol, l’une des déclarations éhmane d’une
personne qui aurait été violée par un membre des forces serbes, mais elle
n’a été ni signée, ni confirmée. La Cour estime qu’ehlle ne peut lui accorder
de valeur probante. Une autre déclaration fait état de viols de fehmmes
croates par des membres de forces serbes, mais son auteur n’en a pas hété
le témoin direct. La Cour ne peut lui accorder de valeur probante.
329. La Croatie s’appuie également sur un documentaire produit par
une chaîne serbe, qui porte entre autres sur le « massacre du champ de
mines ». Si un tel documentaire ne peut en soi établir les faits alléhgués
(voir le paragraphe 239 ci-dessus), il corrobore les éléments de preuve
mentionnés ci -dessus en ce qui concerne les allégations de mauvais
traitements.
330. Compte tenu de ce qui précède, la Cour estime que la Croatie a
établi l’existence de mauvais traitements commis à l’encontrhe des membres
du groupe protégé par des forces serbes à Lovas entre octobre eht
décembre 1991. Elle considère que les allégations de viol et d’autres achtes
de violence sexuelle n’ont pas été démontrées.
f) Dalj
331. La Croatie allègue que, suite à l’occupation du village de Daljh par
la JNA à compter du 1 eraoût 1991, des forces serbes ont infligé aux civils
croates des mauvais traitements et les ont torturés. De même, des hsoldats
et des civils croates capturés lors des hostilités se déroulant à Vukovar
auraient été transférés à Dalj pour y être torturésh et violés.
105
7 CIJ1077.indb 206 18/04/16 08:54 105 application de convehntion génocide (arrêth)
332. La Serbie soutient que la Croatie n’a pas suffisamment démontréh
l’existence des faits qu’elle allègue. Elle conteste la valeur hprobante des
déclarations produites par la Croatie.
333. La Cour note que les allégations de la Croatie reposent sur
des déclarations d’individus. Elle constate que certaines d’entre elles
sont des déclarations non signées faites devant la police croate sur lehs -
quelles la Cour ne peut pas s’appuyer, pour les raisons exposées phrécé -
demment (voir le paragraphe 198 ci-dessus). Une autre déclaration a été
faite par une victime de mauvais traitements. Elle semble avoir étéh réali -
sée devant une juridiction dans le cadre d’une procédure judicihaire
interne. Elle n’est toutefois ni signée, ni confirmée. La Cour ne peuth pas
lui accorder de valeur probante. En revanche, certaines déclarations hont
été confirmées ultérieurement. Elles émanent de victimehs de mauvais trai-
tements. La Cour considère qu’elle doit leur accorder une valeur phro -
bante.
334. La Cour relève que, dans l’affaireStanišić et Simatović, la chambre
de première instance du TPIY a jugé que,
«après la prise de Dalj, des civils, des policiers et un dénomméh Dafi-
nić, dont la Chambre de première instance a par ailleurs constaté
qu’il était membre de la SNB …, se sont livrés au pillage des mai -
sons. En août 1991, des Croates, parmi lesquels Zlatko Antunović, et
des Hongrois ont été détenus par Milorad Stričević et la hTO au poste
de police de Dalj, où ils ont été battus par des membres de la SDG.
En septembre 1991, ces détenus ont été forcés d’effectuer hdes travaux
physiques et ont de nouveau été maltraités par les individus suhsmen -
tionnés. Des paramilitaires de Prigrevica ont également pris part haux
sévices.» (Jugement Stanišić et Simatović, par. 528 (référence omise)
[traduction du Greffe].)
335. La Cour considère les conclusions du TPIY comme corroborant
les déclarations produites par la Croatie. Par conséquent, la Courh conclut
que la Croatie a apporté la preuve que, à la suite de la prise de hDalj
en août 1991, des forces serbes ont commis des actes de mauvais traite -
ments à l’encontre de Croates. Elle estime, en revanche, que les alléga -
tions de viol n’ont pas été démontrées.
Région de Slavonie occidentale
a) Kusonje
336. La Croatie soutient que, à la suite d’une embuscade, le 8 sep-
tembre 1991, des soldats croates se sont réfugiés dans le village de
Kusonje. Ils auraient ensuite été capturés puis torturés parh des forces
serbes, avant d’être tués.
337. La Serbie conteste la valeur probante des éléments de preuve pro -
duits par la Croatie. De plus, elle observe que le TPIY n’a ni poursuivi, ni
condamné d’individus pour des actes commis à Kusonje.
106
7 CIJ1077.indb 208 18/04/16 08:54 106 application de convehntion génocide (arrêth)
338. Au soutien de ses allégations, la Croatie s’appuie sur deux déchla-
rations recueillies par la police croate et qui ne sont pas signées ohu confi-
mées par leurs auteurs. La Cour ne peut accorder de valeur probante àh
ces déclarations.
339. Les autres éléments de preuve produits par la Croatie consistent
en une liste de civils morts dans la municipalité de Pakrac et en uneh vidéo
de l’exhumation d’un charnier, qui ne concernent pas les évéhnements sur -
venus aux alentours du 8 septembre 1991 à Kusonje.
340. Par conséquent, la Cour estime que la Croatie n’a pas établi quhe
des forces serbes ont commis des actes de torture à Kusonje le 8 sep-
tembre 1991 ou aux alentours de cette date.
b) Voćin
341. La Croatie allègue que, entre août et décembre 1991, des forces
serbes ont soumis les Croates à des mauvais traitements et à des tortures,
et commis des viols contre des femmes croates à Voćin.
342. La Serbie conteste la valeur probante des éléments de preuve préh-
sentés par la Croatie, qui relèveraient du ouï -dire. La Serbie note que
l’acte d’accusation de Slobodan Milošević devant le TPIY mentionne le
meurtre de 32 civils croates à Voćin le 13 décembre 1991, par les parami-
litaires serbes, mais qu’aucun autre crime n’a été visé par un acte d’accu-
sation ou un jugement du TPIY.
343. La Cour constate que les allégations de la Croatie reposent essen -
tiellement sur des déclarations. Elle note que la déclaration de M. S. fait
état de mauvais traitements infligés à des Croates par des Sehrbes, mais
l’auteur ne semble pas y avoir assisté directement. La Cour ne peuht donc
lui accorder de valeur probante à cet égard. Une déclaration d’hune infir -
mière, D. V., travaillant dans la clinique de Voćin, fait également état de
mauvais traitements infligés à des Croates par des forces serbesh dans les
locaux de la clinique. Cette déclaration semble avoir été faiteh dans le
cadre d’une procédure judiciaire interne, mais elle ne contient auhcune pr-é
cision quant à l’objet de la procédure ou la juridiction devanth laquelle elle
a été faite. De plus, cette déclaration n’est pas signée.h La Cour estime
donc qu’elle ne peut lui accorder de valeur probante. En revanche, lah
déclaration de F. D. est signée et peut se voir accorder une valeur pro -
bante en ce qui concerne les allégations de mauvais traitements. En ehffet,
l’intéressé y relate les mauvais traitements que lui -même et d’autres per -
sonnes qui l’accompagnaient ont subis lorsqu’ils étaient aux mahins de
forces serbes à la fin du mois d’août 1991. La Serbie reconnaît d’ailleurs
que cette déclaration atteste d’une connaissance directe de mauvaihs trait-e
ments et de passages à tabac. Dans sa déclaration, F. D. affirme aussi
avoir entendu les cris d’une femme et suppose qu’elle était violée. Il res -
sort toutefois qu’il n’a pas assisté directement à ce viol ahllégué. Par consé
quent, la Cour ne peut accorder de valeur probante à cette déclarahtion en
ce qui concerne les allégations de viol.
107
7 CIJ1077.indb 210 18/04/16 08:54 107 application de convehntion génocide (arrêth)
344. La Croatie s’appuie sur un ouvrage, The Anatomy of Deceit du
docteur Jerry Blaskovich, dans lequel sont relatées les tortures infligées
par des forces serbes à un Croate. La Cour rappelle qu’un tel document
ne constitue qu’une preuve secondaire et ne peut être utilisé qhue pour
corroborer des faits établis par d’autres éléments de preuveh (voir le para
graphe 239 ci-dessus). Elle ne peut donc constater sur le seul fondement
de cet ouvrage que des actes de torture ont été commis à Voćhin par des
forces serbes.
345. La Croatie invoque également le rapport d’Helsinki Watch. La
Cour constate que la section faisant état de mauvais traitements et
d’actesde torture commis à Voćin à la fin du mois de décembre 1991
par des forces serbes s’appuie sur des témoignages et des rapports d’hau -
topsie. Elle rappelle que les auteurs des témoignages ne sont pas idehntifiés
et que les rapports d’autopsie ne sont pas annexés au document
d’Helsinki Watch (voir le paragraphe 249 ci-dessus). La Cour ne peut
conclure, sur la seule base de celui -ci, que des actes de mauvais traite -
ments et de torture ont été commis par des forces serbes à Voćhin en
décembre 1991.
346. Compte tenu des éléments susmentionnés, la Cour conclut qu’il
est établi que des actes de mauvais traitements ont été inflihgés aux Croates
par des forces serbes à Voćin en août 1991. Elle estime que la Croatie n’a
pas démontré ses allégations de viol.
c) D ulovac
347. La Croatie avance que des forces serbes se sont rendues coupables
d’actes de torture (notamment des mutilations) et de mauvais traiteh -
ments à l’égard de Croates habitant le village de Dulovac, situé
dans la municipalité de Daruvar et peuplé environ pour moitié de
Croates, à compter de septembre 1991. Des forces serbes auraient égale -
ment établi une prison, dans la clinique vétérinaire du villageh, où des
habitants auraient été torturés avant d’être transféréhs vers d’autres
camps.
348. La Serbie conteste la valeur probante des déclarations produites
par la Croatie au soutien de ces allégations. De plus, le TPIY n’ahurait ni
poursuivi, ni condamné d’individus pour des crimes commis dans la h
municipalité de Daruvar.
349. La Cour relève que la Croatie se fonde sur des déclarations aux -
quelles elle peut accorder une valeur probante. Il s’agit notamment dhe
deux déclarations signées, faites, respectivement, devant un juge d’ins -
truction croate et le représentant du Gouvernement croate dans la munhi-
cipalité de Daruvar, par des victimes de mauvais traitements inflighés par
des forces serbes.
350. Bien que ces déclarations ne corroborent pas l’ensemble des alléh-
gations de la Croatie, la Cour conclut que des forces serbes ont infligé dehs
mauvais traitements aux Croates à Dulovac entre septembre et
décembre 1991.
108
7 CIJ1077.indb 212 18/04/16 08:54 108 application de convehntion génocide (arrêth)
Région de Dalmatie
Knin
351. La Croatie allègue que des actes de mauvais traitements, de tor -
ture et de violence sexuelle ont été commis à l’encontre de hCroates dans
des centres de détention situés dans l’ancien hôpital de Knihn et dans la
e
caserne du 9 corps de la JNA.
352. La Croatie produit notamment deux déclarations de victimes de
mauvais traitements et de torture commis dans l’ancien hôpital de hKnin
par des forces serbes. L’une de ces victimes a également assistéh à des actes
de violence sexuelle et sa déclaration atteste d’une connaissance directe
des faits qu’elle rapporte. La Cour estime qu’elle peut accorder àh ces
déclarations une valeur probante.
353. La Cour note que ces éléments de preuve sont corroborés par lesh
conclusions du TPIY. Ainsi, dans l’affaire Martić, le TPIY a conclu
qu’entre 120 et 300 personnes avaient été détenues dans l’ancien hôpital
de Knin (pour la période comprise entre mi -1991 et mi-1992)eet entre 75
et 200 personnes avaient été détenues dans la caserne du 9 corps de la
JNA, parmi lesquelles se trouvaient des civils croates et non serbes, ainsi
que des membres des forces armées croates. Le TPIY a constaté que hces
personnes avaient été maltraitées par des forces serbes ou d’hautres indivi -
dus, et que ces actes leur avaient causé de graves souffrances physiquhes ou
mentales. Il a qualifié ces actes de torture, d’actes inhumains het de traite-
ments cruels, et a relevé qu’ils avaient été commis avec uneh intention dis-
criminatoire fondée sur l’appartenance ethnique (jugement Martić,
par. 407-415). Le Tribunal a également reconnu que, à l’ancien hôpithal de
Knin, certains détenus avaient subi des actes de violence sexuelle (hibid.,
par. 288). Dans l’affaire Stanišić et Simatović, la chambre de première
instance a adopté des conclusions similaires (jugement Stanišić et Simato ‑
vić, par. 387-390).
354. La Cour considère qu’il est établi que des actes de mauvais trahite-
ments, de torture et de violence sexuelle ont été commis à l’hencontre de
civils croates, entre mi -1991 et mi -1992, dans les centres de détention
situés dans l’ancien hôpital de Knin et dans la caserne du 9 ecorps de la
JNA.
Personnes disparues
355. La Cour relève que la Croatie a soulevé tardivement, au cours
de la procédure orale, l’argument selon lequel la souffrance psycholo -
gique endurée par les proches des personnes disparues constituait une
atteinte grave à l’intégrité mentale, au sens du litt. b) de l’article II de la
Convention.
356. La Cour a admis que la souffrance psychologique endurée par les
proches de personnes disparues dans le contexte d’un génocide alléhgué,
résultant du refus persistant des autorités compétentes de fournir les
109
7 CIJ1077.indb 214 18/04/16 08:54 109 application de convehntion génocide (arrêth)
informations en leur possession qui permettraient à ces proches de déhter-
miner avec certitude si et comment les personnes concernées sont décé -
dées, peut, dans certaines circonstances, constituer une atteinte grahve à
l’intégrité mentale au sens du litt. b) de l’article II de la Convention (voir
le paragraphe 160 ci -dessus). La Cour reconnaît que, en l’espèce, les
proches de personnes disparues durant les événements qui se sont dhérou-
lés sur le territoire de la Croatie entre1991 et 1995 sont confrontés à une
détresse psychologique, en raison de l’incertitude durable dans lahquelle ils
se trouvent. Cependant, la Croatie n’a pas apporté la preuve que chette
souffrance psychologique soit telle qu’elle constitue une atteinte grahve à
l’intégrité mentale au sens du litt. b) de l’article II de la Convention.
357. Les Parties ont débattu du sort des personnes disparues. La Cour
constate qu’il existe une divergence entre elles quant au nombre et àh
l’ethnicité des personnes disparues. Cependant, la matérialitéh de ces
nombreuses disparitions n’étant pas contestée, la Cour n’a phas à statuer
sur le nombre précis et l’ethnicité des personnes disparues.
358. En réponse à une question d’un membre de la Cour sur les initiahtives
qu’elles auraient récemment prises pour déterminer le sort des hpersonnes
disparues, les Parties ont admis que des progrès ont été réahlisés, suite à la
conclusion en 1995, à Dayton, d’un accord de coopération pour la recherche
des personnes portées disparues, mais qu’ils restent insuffisantsh.
359. La Cour relève que les Parties ont exprimé la volonté que le sohrt
des personnes disparues en Croatie, entre 1991 et 1995, soit élucidé dans
l’intérêt des familles. Elle prend note de l’assurance de lah Serbie d’assumer
son rôle dans le cadre du processus de coopération avec la Croatieh. La
Cour encourage les Parties à poursuivre cette coopération de bonneh foi et
à mettre en œuvre tous les moyens à leur disposition afin queh la question
du sort des personnes disparues soit réglée dans les meilleurs déhlais.
Conclusion
360. A la lumière de ce qui précède, la Cour considère comme éhtabli
que la JNA et des forces serbes ont, au cours du conflit, infligé des bles -
sures à des membres du groupe protégé tel que défini ci -dessus (voir le
paragraphe 205) dans plusieurs localités de Slavonie orientale, de Slavo -
nie occidentale et de Dalmatie, et s’y sont rendues coupables d’achtes de
mauvais traitements, de torture, de violence sexuelle et de viol. Ces achtes
ont causé à l’intégrité physique ou mentale des atteintesh telles qu’elles ont
pu contribuer à la destruction physique ou biologique du groupe protéhgé.
La Cour estime que l’élément matériel du génocide, au senhs du litt. b) de
l’article II de la Convention, est par conséquent établi.
4) Litt.c) de l’articleII soumission intentionnelle du groupe à des conditions
d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle
361. La Croatie affirme que la JNA et des forces serbes ont soumis
intentionnellement le groupe protégé à des conditions d’existence devant
110
7 CIJ1077.indb 216 18/04/16 08:54 110 application de convehntion génocide (arrêth)
entraîner sa destruction physique totale ou partielle, au sens du litt. c) de
l’article II de la Convention, dans plusieurs localités de Croatie. La Croa -
tie fait état de viols commis par la JNA et des forces serbes. Elle ahvance
que les Croates ont été soumis à des privations de nourriture eht de soins
médicaux. Selon la Croatie, la JNA et des forces serbes ont mis en plhace
une politique d’expulsion systématique des logements et forcé lhes Croates
à quitter les zones sous leur contrôle. La Croatie allègue que hles Croates
ont été contraints de porter des signes d’appartenance ethniqueh. La JNA
et des forces serbes auraient porté atteinte à leurs biens en se lhivrant à des
pillages, qui auraient également visé le patrimoine culturel croathe. Enfin,
les Croates auraient été soumis à du travail forcé. La Cour hexaminera
successivement les différentes allégations de la Croatie.
Viols
362. La Croatie allègue que de multiples actes de viol ont été commihs
par la JNA et des forces serbes à l’encontre des femmes croates dahns dif -
férentes localités situées sur tout le territoire croate et danhs les camps.
363. Pour fonder ses allégations, la Croatie s’appuie sur des déclarha -
tions annexées à ses écritures. La Cour constate que certaines de ces
déclarations attestent d’une connaissance directe des faits qu’helles
rapportent. Elle note la déclaration d’un membre des forces serbesh,
auteur d’un viol, contemporaine aux faits concernés. Cette déclarationh
n’est cependant pas signée, ni confirmée. La Cour ne peut donhc lui accor -
der de valeur probante. Il existe en revanche un certain nombre de récits
directs et détaillés fournis par les victimes de viols commis par des
membres de la JNA ou des forces serbes. La Cour considère qu’il y ha
suffisamment d’éléments de preuve fiables permettant d’éhtablir que
nombre de viols et d’autres actes de violence sexuelle ont été hperpé -
trés dans le cadre du conflit. Elle rappelle que la Croatie a établi queh des
viols ont été commis dans plusieurs localités de Slavonie orienhtale et qu’ils
ont causé des atteintes graves à l’intégrité physique ou hmentale
de membres du groupe protégé (voir les paragraphes 305, 311, 315 et 324
ci-dessus).
364. Cependant, il n’a pas été démontré que ces faits se soienht produits
à une échelle telle que le groupe a aussi été soumis à dehs conditions d’exis -
tence pouvant causer sa destruction physique totale ou partielle.
Privations alimentaires
365. La Croatie allègue que la JNA et des forces serbes ont soumis les
Croates à des privations alimentaires.
366. La Cour constate que certaines déclarations produites par la
Croatie mentionnent des privations alimentaires occasionnelles imposéhes
aux Croates. Cependant, ces déclarations sont insuffisantes pour éhtablir
qu’il s’agissait de pratiques systématiques ou généraliséhes.
111
7 CIJ1077.indb 218 18/04/16 08:54 111 application de convehntion génocide (arrêth)
367. Concernant Dubrovnik, la Cour relève que, dans l’affaire Strugar,
le TPIY a constaté ce qui suit :
« En raison du blocus imposé par la JNA, la population de
Dubrovnik et de la vieille ville a été privée d’un approvisihonnement
normal en eau courante et en électricité pendant plusieurs semainehs,
alors que les produits essentiels à la survie de la population, commeh
les denrées alimentaires et les médicaments, faisaient cruellementh
défaut.» (Jugement Strugar, par. 176 (référence omise).)
La Cour relève qu’il n’est pas établi que cette privation deh nourriture
aurait été faite dans l’intention d’entraîner la destructhion physique totale
ou partielle des habitants croates de Dubrovnik, au sens de l’articleh II,
litt. c), de la Convention.
368. La Cour conclut que la Croatie n’a pas démontré que la JNA et
des forces serbes ont soumis les Croates à des privations alimentaires qui
pourraient entrer dans le champ d’application de l’article II, litt. c), de la
Convention.
Privation de soins médicaux
369. La Croatie allègue que les Croates ont été privés de soins médicaux.
370. La Cour constate que les allégations de la Croatie reposent sur
des déclarations qui ne sont ni signées, ni confirmées par leurs auteurs.
Ces éléments de preuve ne permettent pas d’établir une pratique systéma -
tique ou généralisée.
371. Concernant le cas de Dubrovnik, la Cour renvoie aux conclusions
du TPIY dans l’affaire Strugar reproduites ci -dessus (voir le para -
graphe 367). Elle rappelle également qu’il n’est pas établi que lah privation
de médicaments ait été imposée dans l’intention d’entrhaîner la destruction
physique totale ou partielle des habitants croates de Dubrovnik.
372. La Cour conclut que la Croatie n’a pas démontré l’existence de
privations de soins médicaux qui pourraient tomber sous le coup de l’har-
ticle II, litt. c), de la Convention.
Expulsion systématique des logements et déplacement forcé
373. La Croatie affirme que la JNA et des forces serbes ont systémati -
quement procédé à l’expulsion des Croates de leurs logementsh ainsi
qu’à leur déplacement forcé hors des zones qu’elles contrôlaient,h à travers
l’ensemble du territoire croate.
374. La Cour constate que, dans l’affaire Martić, le TPIY a conclu que
la JNA et des forces serbes avaient intentionnellement créé un clihmat
coercitif dans la SAO de Krajina, puis dans la RSK, entre 1991 et 1995,
dans le but de forcer la population non serbe à quitter ce territoire:
« 427. D’août 1991 au début de 1992, des forces de la TO, de la
police de la SAO de Krajina et de la JNA ont attaqué des villages et h
112
7 CIJ1077.indb 220 18/04/16 08:54 112 application de convehntion génocide (arrêth)
régions peuplés majoritairement de Croates, notamment les villagesh
de Hrvatska Kostajnica, Cerovljani, Hrvatska Dubica, Ba ćin,
Saborsko, Poljanak, Lipovača, Skabrnja et Nadin. Le déplacement
de la population non serbe qui a suivi ces attaques était l’objecthif
principal, et non la conséquence, des opérations militaires…
428. La Chambre de première instance estime qu’il est établi
au -delà de tout doute raisonnable que les actes de violence et d’intih
midation systématiques commis contre la population non serbe des
villages, notamment par la JNA, la TO et la milice de Krajina, ont
créé un climat coercitif dans lequel ces habitants n’avaient pahs réel-e
ment la faculté de s’opposer à leur déplacement. A la lumièhre de ces
éléments de preuve, la Chambre conclut que les auteurs de ces actehs
étaient animés de l’intention de chasser la population non serbhe du
territoire de la SAO de Krajina
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . h . . . . . . . . . . . . . .
430. Pour la période allant de 1992 à 1995, la Chambre de pre -
mière instance dispose de nombreux éléments de preuve montrant h
que des actes de violence et d’intimidation généralisés ont hété commis
contre la population non serbe sur l’ensemble du territoire de la
RSK. Elle relève en particulier que, durant cette période, les crihmes
commis contre la population non serbe (homicides, violences, vols,
harcèlement, destruction massive d’habitations et d’églises hcatho -
liques) se sont poursuivis, forçant celleci à fuir le climat coercitif de
la RSK. C’est ainsi que la quasi-totalité de la population non serbe a
quitté la RSK…
431. Sur la base des nombreux éléments de preuve rappelés plus
haut, la Chambre de première instance considère que, en raison du h
climat coercitif qui régnait en RSK de 1992 à 1995, la quasi-totalité
de la population non serbe a été déplacée de force vers des hterritoires
sous le contrôle de la Croatie.» (Jugement Martić, par. 427, 428, 430
et 431 (références omises).)
375. Le TPIY a adopté des conclusions similaires dans l’affaire Stanišić
et Simatović concernant la SAO de Krajina (puis la RSK) et la SAO
SBSO:
«997. La Chambre de première instance rappelle qu’elle a constaté…
que, entre avril1991 et avril1992, de80 000 à 100 000 Croates et autres
civils non serbes avaient fui la SAO de Krajina (et par la suite la réhgion
de Krajina en RSK) à cause de la situation qui prévalait dans la hrégion
au moment de leur départ respectif, laquelle était due à un enshemble de
facteurs : attaques menées sur les villes et villages majoritairement ou
entièrement peuplés de Croates, meurtres, utilisation de personnesh
comme bouclier humain, détentions, sévices, travail forcé, violences
sexuelles et autres formes de harcèlement infligés aux Croates, het pillage
et destruction de biens. Ces agissements ont été perpétrés phar les auto
113
7 CIJ1077.indb 222 18/04/16 08:54 113 application de convehntion génocide (arrêth)
rités serbes locales et les membres et unités de la JNA (y comprihs des
réservistes), de la TO et la police de la SAO de Krajina, et des unités
paramilitaires serbes, ainsi que par des Serbes locaux et certaines per -
sonnes nommément identifiées (notamment Milan Martić). La
Chambre relève que les personnes en fuite étaient des Croates et ahutres
non Serbes, et conclut que leur appartenance ethnique correspond bien
à ce qui figure dans les chefs énoncés dans l’acte d’achcusation.
998. La Chambre de première instance considère que les agisse -
ments susmentionnés ont créé un climat de violence et de terreuhr ne
laissant d’autre choix que la fuite aux Croates et autres non-Serbes h
de la SAO de Krajina. Elle estime en conséquence que les personnes
qui ont pris la fuite ont été déplacées par la force. Compteh tenu des
circonstances entourant le déplacement forcé et en l’absence d’hindi -
cation contraire, elle conclut que les personnes déplacées ont éhté
contraintes de quitter une région où elles se trouvaient légalehment
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . h . . . . . . . . . . . . . .
1049. La Chambre de première instance rappelle qu’elle a
constaté … que, de 1991 à 1992, la JNA, les hommes de Sešelj, les
volontaires serbes, les autorités locales, le SRS, les paramilitairesh de
Prigrevica, la SNB, la police, la TO, une « unité spéciale» et la SDG
avaient lancé des attaques sur l’ensemble de la SAO SBSO, provo -
quant la fuite de milliers de personnes. Elle rappelle également que
ces attaques ont donné lieu à des transferts forcés, à des dhétentions,
à la destruction d’une église catholique, au pillage, à des hmesures
restrictives de liberté, au travail forcé, à des sévices, àh des meurtres, à
des menaces et au harcèlement. Elle relève qu’un grand nombre dhes
personnes ayant pris la fuite étaient des Croates et autres non-Serbes,
et conclut que leur appartenance ethnique correspond bien à ce qui
figure dans les chefs énoncés dans l’acte d’accusation.
1050. La Chambre considère que les agissements susmentionnés
ont créé un climat de violence et de terreur ne laissant d’autre choix
que la fuite aux Croates et autres non-Serbes. Elle estime en consé -
quence que les personnes qui ont pris la fuite ont été déplacées par la
force. Considérant que les personnes ainsi déplacées étaienth des hab-i
tants de la SAO SBSO, elle conclut, en l’absence d’indication
contraire, que celles -ci s’y trouvaient légalement. » (Jugement Sta‑
nišić et Simatović, par. 997, 998, 1049 et 1050 [traduction du Greffe].)
376. La Cour estime que les conclusions du TPIY permettent de démon -
trer que la JNA et des forces serbes ont procédé à des expulsions et des
déplacements forcés de Croates dans la SAO de Krajina (puis la RShK) et la
SAO SBSO. La Cour rappelle qu’un déplacement forcé de populatiohn n’est
pas constitutif en tant que tel de l’élément matériel du géhnocide au sens de
l’articleII, litt. c), de la Convention (voir le paragraphe162 ci-dessus). Une
telle qualification dépend des conditions dans lesquelles le déphlacement
forcé a eu lieu (voir le paragraphe 163 ci-dessus). La Cour constate que, en
l’espèce, le déplacement forcé de population est la conséhquence de la com -
114
7 CIJ1077.indb 224 18/04/16 08:54 114 application de convehntion génocide (arrêth)
mission d’actes susceptibles de constituer l’élément matériel du génocide,
notamment au sens des litt. a) à c) de l’article II de la Convention. Toute-
fois, la Cour relève qu’elle ne dispose pas de preuves lui permetthant de
conclure que ce déplacement forcé ait été effectué dans dehs conditions telles
qu’il devait entraîner la destruction physique totale ou partielleh du groupe.
377. Dans ces circonstances, la Cour conclut que la Croatie n’a pas
démontré que le déplacement forcé de Croates par la JNA et dhes forces
serbes puisse constituer l’élément matériel du génocide, hau sens dulitt. c)
de l’article II de la Convention.
Restrictions des déplacements
378. La Croatie allègue que, dans de nombreux villages, les déplace -
ments des Croates ont été restreints.
379. La Cour renvoie aux conclusions de la chambre de première ins -
tance dans l’affaire Stanišić et Simatović, selon lesquelles, entre 1991
et 1992, la JNA et des forces serbes ont imposé aux Croates vivant dans hla
SAO de Krajina (puis dans la RSK) et dans la SAO SBSO des restrictionsh
à leur liberté de circulation (jugement Stanišić et Simatović, par.97 et1049,
reproduits au paragraphe375 ci-dessus ; voir également le paragraphe 1250,
non reproduit). La Cour considère que ces conclusions constituent unh élé -
ment de preuve suffisant pour démontrer les allégations de la Crohatie.
380. La Cour relève que les restrictions imposées aux déplacements dhes
Croates participaient à la création d’un climat coercitif et de terreur, avec
pour objectif de forcer ces personnes à quitter les territoires placéhs sous le
contrôle de la JNA et des forces serbes. La Cour rappelle que le litt. c) de
l’article II de la Convention ne vise que les conditions d’existence devant
entraîner la destruction physique du groupe. Elle estime que les restrictions
à la liberté de mouvement peuvent entamer le lien social existant hentre les
membres du groupe, et partant conduire à la destruction de l’identhité cultu -
relle du groupe. En revanche, de telles restrictions ne sauraient êtrhe perçues
comme devant entraîner la destruction physique du groupe qui est la sheule
visée par le litt.) de l’article II de la Convention. Par conséquent, la Cour
conclut que les restrictions aux déplacements de Croates imposées hpar la
JNA et des forces serbes ne constituent pas l’élément matériel du génocide,
au sens du litt. c) de l’article II de la Convention.
Port forcé de signes d’appartenance ethnique
381. La Croatie allègue que, dans certaines localités, les Croates ont h
été contraints de porter un signe d’appartenance ethnique, soush la forme
d’un ruban blanc attaché à leur bras ou d’un drap blanc sur hleur domicile.
382. La Cour considère que le port imposé de signes d’appartenance àh un
groupe a pour objectif de stigmatiser les membres de ce groupe. Cette mehsure
permet à ses auteurs d’identifier les membres du groupe. L’obhjectif n’est pas
de procéder immédiatement à la destruction physique du groupe, hmais une
telle mesure peut constituer une étape préliminaire à la perpéhtration d’actes
115
7 CIJ1077.indb 226 18/04/16 08:54 115 application de convehntion génocide (arrêth)
énumérés à l’article II de la Convention à l’encontre des membres du groupe
ainsi identifiés. Dans ces conditions, le port imposé de signes hd’appartenance
ethnique ne rentre pas en lui-même dans le champ d’application du litt. c)
de l’articleII de la Convention, mais il peut être pris en compte pour établirh
l’intention de détruire le groupe protégé en tout ou en parthie.
Pillages de biens appartenant aux Croates
383. La Croatie allègue que les biens appartenant aux Croates ont fait
l’objet de pillages répétés dans plusieurs localités.
384. La Cour se réfère aux conclusions adoptées par la chambre de prhe -
mière instance du TPIY en l’affaire Stanišić et Simatović. Selon le TPIY,
entre 1991 et 1992, la JNA et des forces serbes se sont livrées à des pillages
de biens appartenant aux civils croates et non serbes dans la SAO de Krah -
jina (puis la RSK) et la SAO SBSO (jugement Stanišić et Simatović,
par. 997 et 1049, reproduits au paragraphe 375 ci-dessus; voir également
par. 1250, non reproduit). La Cour considère que ces conclusions sont
suffisantes pour corroborer les faits allégués par la Croatie.
385. La Cour estime toutefois qu’il n’a pas été établi que de htelles
atteintes à la propriété des Croates visaient à soumettre leh groupe croate
«à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction phhysique
totale ou partielle». Par conséquent, les pillages de biens appartenant aux
Croates par la JNA et des forces serbes ne sauraient constituer l’éhlément
matériel du génocide, au sens du litt. c) de l’article II de la Convention.
Destruction et pillage du patrimoine culturel
386. La Croatie allègue que la JNA et des forces serbes ont détruit et
pillé le patrimoine et les monuments culturels croates.
387. La Cour constate que, dans l’affaire Babić, dans laquelle l’accusé
avait plaidé coupable, le TPIY a jugé que la JNA et des forces serbes
er
avaient, entre le 1 août 1991 et le 15 février 1992, mis en place dans la
SAO de Krajina un système de persécutions visant à chasser de che territoire
la population croate et les autres populations non serbes. Ces persécutions
avaient notamment pris la forme de destructions délibérées d’hinstitutions
culturelles, de monuments historiques et de lieux de culte de la populathion
croate et des autres populations non serbes dans différentes localités
(IT-03-72-S, chambre de première instance, jugement portant condamna -
tion du 29 juin 2004 (ci-après le «jugement Babić»), par. 15). Le Tribunal a
adopté des conclusions similaires dans l’affaire Martić, dans laquelle il a
jugé que, en 1991 et 1992, la JNA et des forces serbes avaient détruit des
églises et des édifices religieux dans des villes et villages croates situés dans
la SAO de Krajina puis la RSK (jugement Martić, par. 324 et 327).
388. La Cour rappelle qu’elle a jugé en 2007 que
« la destruction du patrimoine historique, culturel et religieux ne peut
pas être considérée comme une soumission intentionnelle du grouhpe à
des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physiquhe.
116
7 CIJ1077.indb 228 18/04/16 08:54 116 application de convehntion génocide (arrêth)
Bien qu’une telle destruction puisse être d’une extrême gravhité, en ce
qu’elle vise à éliminer toute trace de la présence culturellhe ou reli -
gieuse d’un groupe, et puisse être contraire à d’autres normes juri -
diques, elle n’entre pas dans la catégorie des actes de génocidhe
énumérés à l’articleIIde la Convention. A cet égard, la Cour relève
que, lors de son examen du projet de convention, la Sixième Commis-
sion de l’Assemblée générale a décidé de ne pas faire hfigurer le géno-
cide culturel sur la liste des actes punissables. » ( C.I.J. Recueil
2007 (I), p. 185-186, par. 344.)
389. La Cour estime qu’il n’existe, en l’espèce, aucune raison imhpé -
rieuse qui devrait la conduire à s’écarter de cette approche. Phar consé -
quent, elle conclut qu’il n’est pas nécessaire d’examiner plhus avant les
allégations de la Croatie aux fins d’établir l’élémehnt matériel du génocide,
au sens du litt. c) de l’article II de la Convention.
390. La Cour rappelle toutefois qu’elle peut prendre en compte les
atteintes aux biens et symboles culturels et religieux pour établir lh’inten -
tion de détruire le groupe physiquement (ibid., p. 186, par. 344).
Travail forcé
391. La Croatie allègue que la JNA et des forces serbes ont soumis les
Croates au travail forcé dans de nombreuses localités.
392. La Cour renvoie de nouveau aux conclusions adoptées par la
chambre de première instance du TPIY en l’affaire Stanišić et Simatović. La
chambre y indique que, entre 1991 et 1992, la JNA et des forces serbes ont
soumis des Croates au travail forcé dans la SAO de Krajina (puis la hRSK)
et la SAO SBSO (jugement Stanišić et Simatović, par. 997 et 1049, repro -
duits cidessus au paragraphe375; voir également par.1250, non reproduit).
393. La Cour considère que ces conclusions sont suffisantes pour éta -
blir les faits allégués par la Croatie. Elle estime que la qualifihcation du
travail forcé, en tant qu’élément matériel du génocideh, au sens du litt. c)
de l’article II de la Convention, dépend des conditions dans lesquelles ce
travail est effectué. A cet égard, la Cour constate que, dans l’haffaire Sta ‑
nišić et Simatović, la chambre de première instance du TPIY a considéré
que le travail forcé s’inscrivait dans une série d’actes quih visait l’expulsion
forcée des Croates ( ibid., par. 998 et 1050, reproduits ci -dessus au para -
graphe 375). La Cour conclut, dans ce contexte, que la Croatie n’a pas
établi que le travail forcé auquel étaient soumis les Croates puisse consti -
tuer l’élément matériel du génocide, au sens du litt. c) de l’article II de la
Convention.
Conclusion
394. La Cour conclut que la Croatie n’a pas établi que des actes sus -
ceptibles de constituer l’élément matériel du génocide, ahu sens du litt. c)
de l’article II de la Convention, ont été commis par la JNA et des forces
serbes.
117
7 CIJ1077.indb 230 18/04/16 08:54 117 application de convehntion génocide (arrêth)
5) Litt. d) de l’article II: mesures visant à entraver les naissances
au sein du groupe
395. La Croatie allègue que, en plus de viols, la JNA et des forces
serbes ont commis à l’encontre des Croates d’autres actes de viholence
sexuelle (notamment des castrations) qui constitueraient l’éléhment maté-
riel du génocide, au sens du litt. d) de l’article II de la Convention.
396. La Serbie estime que, pour être considérés comme des mesures
visant à entraver les naissances au sein du groupe, au sens du litt. d) de
l’article II de la Convention, les viols et autres actes de violence sexuelle
doivent avoir un caractère systématique. Or, en l’espèce, cehs actes ne
seraient que des incidents isolés et ne sauraient donc constituer de htelles
mesures.
397. La Cour rappelle qu’elle a déjà conclu que la Croatie n’avaiht pas
démontré que les viols avaient été commis à une échelle permettant de les
assimiler à des conditions d’existence pouvant causer la destructihon phy -
sique totale ou partielle du groupe (voir le paragraphe 364 ci-dessus). De
même, elle n’a pas fourni suffisamment de preuves que les viols ont été
commis pour entraver les naissances au sein du groupe au sens du litt. d)
de l’article II. La Cour se concentrera donc sur les autres actes de violence
sexuelle allégués par la Croatie.
398. La Croatie s’appuie principalement sur des déclarations annexéehs
à ses écritures. La Cour note que plusieurs déclarations, signéhes ou confir -
mées, émanent de victimes ou de témoins directs d’actes de vhiolence
sexuelle. Elles sont concordantes et attestent d’une connaissance dirhecte
des faits par leur auteur. La Cour considère qu’il y a suffisammehnt de
preuves fiables que des actes de violence sexuelle ont bel et bien eu hlieu,
notamment visant les organes génitaux d’hommes croates. La Cour rahp-
pelle que le TPIY a établi que des actes de violence sexuelle avaienth été
commis par la JNA et des forces serbes dans la SAO de Krajina (puis la h
RSK) et la SAO SBSO entre 1991 et 1992 (jugement Stanišić et Simatović,
par. 997, reproduit ci-dessus au paragraphe 375 ; voir également par. 1250,
non reproduit).
399. Cependant, la Croatie n’a pas présenté d’éléments de preuve
démontrant que les actes de violence sexuelle ont été commis afihn d’entra -
ver les naissances au sein du groupe.
400. Par conséquent, la Cour conclut que la Croatie n’a pas établi qhue
des viols et d’autres actes de violence sexuelle ont été commish par la JNA
et des forces serbes à l’encontre de Croates en vue d’entraver hles nais -
sances au sein de ce groupe et que, partant, l’élément matérhiel du géno-
cide au sens du litt. d) de l’article II de la Convention n’est pas constitué.
Conclusion sur l’élément matériel (actus reus) du génocide
401. La Cour est pleinement convaincue que la JNA et des forces
serbes ont commis dans plusieurs localités de Slavonie orientale, de hSla -
vonie occidentale, de Banovina/Banija, de Kordun, de Lika et de Dalma -
118
7 CIJ1077.indb 232 18/04/16 08:54 118 application de convehntion génocide (arrêth)
tie à l’encontre de membres du groupe protégé des actes relevant des
litt. a) et b) de l’article II de la Convention et que l’élément matériel du
génocide (actus reus) est constitué.
B. L’élément intentionnel du génocide (dolus specialis)
402. L’élément matériel du génocide ayant été établi,h la Cour va exa -
miner si les actes commis par la JNA et des forces serbes l’ont été dans
l’intention de détruire, en tout ou en partie, le groupe protéghé, tel que
défini ci-dessus (voir le paragraphe 205).
403. La Croatie allègue que les crimes commis par la JNA et des forces
serbes constituent une ligne de conduite qui ne peut être raisonnablement
comprise que comme traduisant l’intention, de la part des autoritéhs serbes,
de détruire en partie le groupe des Croates. Elle soutient que les Crhoates
habitant dans les régions de Slavonie orientale, de Slavonie occidentale,
de Banovina/Banija, de Kordun, de Lika et de Dalmatie, qui étaient vihsés
par ces crimes, constituaient une partie substantielle du groupe protéhgé.
L’intention de détruire « en partie » le groupe protégé, qui caractérise le
génocide tel que défini à l’articleII de la Convention, serait ainsi établie.
404. La Cour examinera d’abord si les Croates vivant dans les régions
susmentionnées constituaient une partie substantielle du groupe protéhgé.
Dans l’affirmative, elle vérifiera ensuite si les actes commis hpar la JNA et
des forces serbes, dont l’existence a été établie, constituehnt un ensemble
cohérent d’actions qui ne peut que raisonnablement dénoter l’hexistence
d’une intention, de la part des autorités serbes, de détruire «h en partie» le
groupe protégé.
1) Les Croates habitant en Slavonie orientale, Slavonie occidentale,
Banovina/Banija, Kordun, Lika et Dalmatie constituaient‑ils une partie
substantielle du groupe protégé ?
405. Selon la Croatie, les Croates habitant les régions de Slavonie
orientale, de Slavonie occidentale, de Banovina/Banija, de Kordun, de
Lika et de Dalmatie constituaient une partie substantielle du groupe desh
Croates, qui était visée par l’intention génocidaire.
406. Comme la Cour l’a rappelé précédemment (voir le paragraphe 142
ci-dessus), elle doit prendre en compte non seulement l’élément quantita -
tif, mais également la localisation géographique ainsi que la plache occupée
par la partie du groupe concernée afin de déterminer si celle -ci constitue
une partie substantielle du groupe protégé.
Concernant l’élément quantitatif, la Croatie soutient que « le groupe
visé était la population croate vivant à l’époque des faits dans certaines
régions (Slavonie orientale, Slavonie occidentale, Banovina, Kordun,h
Lika et Dalmatie), y compris les personnes vivant en groupe dans certaihns
villages». Elle fournit des données tirées du dernier recensement offihciel
réalisé en 1991 en RFSY, qui ne sont pas contestées par la Serbie. Selon
ces données, les Croates de souche vivant dans les régions de Slavhonie
119
7 CIJ1077.indb 234 18/04/16 08:54 119 application de convehntion génocide (arrêth)
orientale, de Slavonie occidentale, de Banovina/Banija, de Kordun, de
Lika et de Dalmatie étaient, en 1991, entre 1,7 et 1,8 million. Ils repré-
sentaient un peu moins de la moitié des Croates de souche vivant en
Croatie. Selon le recensement de 1991, la population totale de la Croatie
était d’environ 4,8 millions de personnes, dont quelque 78 % étaient des
Croates de souche.
S’agissant de la localisation géographique de la partie du groupe hconcer -
née, la Cour a déjà conclu (voir les paragraphes 295, 360 et 401 ci-dessus)
que les actes commis par la JNA et des forces serbes dans les régionsh de
Slavonie orientale, de Slavonie occidentale, de Banovina/Banija, de Kor -
dun, de Lika et de Dalmatie visaient les Croates habitant ces régionsh, dans
lesquelles ces forces armées exerçaient et cherchaient à étehndre leur contrôle.
Enfin, concernant la place occupée par la partie du groupe, la Courh
note que la Croatie n’a pas fourni d’information sur ce point.
La Cour déduit de ce qui précède que les Croates habitant dans les
régions de Slavonie orientale, de Slavonie occidentale, de Banovina/
Banija, de Kordun, de Lika et de Dalmatie constituaient une partie subs -
tantielle du groupe des Croates.
* *
2) Existe‑t‑il une ligne de conduite qui ne peut raisonnablement être
comprise que comme traduisant l’intention, de la part des autorité▯s
serbes, de détruire en partie le groupe protégé ?
407. La Cour examinera maintenant si la Croatie a établi l’existence
d’une ligne de conduite qui ne peut raisonnablement être comprise hque
comme traduisant l’intention, de la part des autorités serbes, de hdétruire
cette partie substantielle du groupe.
408. La Croatie soutient que, de par leur échelle et leur constance, les
crimes commis par la JNA et des forces serbes démontrent une intentiohn
manifeste de détruire physiquement les Croates. Elle avance que ces chrimes
constituent une ligne de conduite dont la seule déduction raisonnableh serait
que les responsables serbes étaient animés d’une intention géhnocidaire. La
Croatie énumère ainsi une série de 17 critères qui, pris individuellement ou
ensemble, pourraient selon elle conduire la Cour à conclure qu’il hexistait
une politique systématique consistant à prendre les Croates pour chible en
vue de les éliminer des régions concernées : 1)la doctrine politique de l’ex-
pansionnisme serbe, qui a créé les conditions propices à la mishe en œuvre de
politiques génocidaires visant à détruire la population croate hdans les zones
appelées à faire partie de la «Grande Serbie»; 2) les déclarations de person-
nalités publiques, notamment la diabolisation des Croates et la propagande
par les médias sous contrôle de l’Etat ; 3) le fait que, par leurs caractéris -
tiques, les attaques dirigées contre les groupes de Croates excédahient larg -e
ment tout objectif militaire légitimement nécessaire pour prendre le contrôle
des régions concernées ; 4)des enregistrements vidéo de l’époque démon-
120
7 CIJ1077.indb 236 18/04/16 08:54 120 application de convehntion génocide (arrêth)
trant l’intention génocidaire des auteurs des attaques; 5) la reconnaissance
expresse, par la JNA, de ce que des groupes paramilitaires se livraient hà des
actes génocidaires ; 6) l’étroite coopération entre la JNA et les groupes
paramilitaires serbes responsables de certaines des pires atrocités, hsuppo-
sant une planification minutieuse et un soutien logistique important ; 7) le
caractère systématique et l’ampleur même des attaques contreh des groupes
de Croates ; 8) le fait que les membres du groupe ethnique croate étaient à
chaque fois spécifiquement visés par les attaques, alors que lesh serbes locaux
étaient épargnés ; 9) le fait que, sous l’occupation, les membres du groupe
ethnique croate étaient tenus de s’identifier comme tels, de mêhme que leurs
biens, en portant un ruban blanc autour du bras et en attachant un drap
blanc à leurs habitations ; 10) le nombre de Croates tués ou portés disparus,
rapporté à la population locale ; 11) la nature, la gravité et l’étendue des
lésions infligées (par agressions physiques, actes de torture, htraitements
inhumains et dégradants, viols et violences sexuelles), « notamment celles
présentant des caractéristiques ethniques reconnaissables »; 12) les insultes
à caractère ethnique proférées lors des meurtres et des actehs de torture ou
de viol; 13) le déplacement forcé de la population croate et les mesures
méthodiquement mises en œuvre à cette fin ; 14) le pillage et la destruction
systématiques de monuments culturels et religieux croates ; 15) les entraves
faites à la culture et aux pratiques religieuses croates de la populahtion res-
tante; 16) les changements démographiques importants, permanents et
manifestement intentionnels causés dans les régions concernées ; 17) l’ab-
sence de répression des crimes dont le demandeur soutient qu’ils relèvent
du génocide.
409. L’ensemble de ces éléments dénoterait, selon la Croatie, l’hexis -
tence d’une ligne de conduite dont la seule déduction raisonnable hserait
l’intention de détruire, en tout ou en partie, le groupe des Croathes.
410. Par conséquent, la Cour examinera d’abord la question de savoir
si les actes commis par la JNA et des forces serbes relèvent d’uneh ligne de
conduite et, dans l’affirmative, elle recherchera ensuite si l’inhtention de
détruire le groupe croate est la seule conclusion raisonnable qu’ihl est pos -
sible de déduire de cette ligne de conduite.
411. Les Parties se sont opposées sur l’existence d’une ligne de conhduite.
La Croatie estime que l’échelle, l’intensité et le caractèhre systématique des
attaques dirigées contre la population croate, selon un même schéhma,
démontrent l’existence d’une ligne de conduite. Pour la Croatieh, la JNA et
des forces serbes ont fait un usage massif de la force qui ne peut s’expli -
quer que par l’intention de détruire le groupe protégé, en thout ou en partie.
412. La Serbie ne conteste pas le caractère systématique et générhalisé
de certaines attaques. Elle prétend toutefois que celles -ci étaient destinées
à forcer les Croates à quitter les régions concernées. A ceth effet, elle
invoque les affaires Martić et Mrkšić et consorts, dans lesquelles le TPIY
a conclu que les attaques menées contre la population croate avaient hpour
objectif son déplacement forcé.
La Serbie précise que, dans l’affaire Martić, bien que l’accusé n’ait pas
été poursuivi pour génocide, rien n’empêchait la chambre hde première ins -
121
7 CIJ1077.indb 238 18/04/16 08:54 121 application de convehntion génocide (arrêth)
tance de conclure que les attaques menées démontraient une intentihon de
persécuter, d’exterminer, « voire pire encore », ce qu’elle n’a pas fait.
Concernant l’attaque de Vukovar et de ses environs, elle soutient queh,
dans l’affaire Mrkšić et consorts, la chambre de première instance a
constaté que cette attaque avait également pour objet de punir la hpopula-
tion croate de la ville, mais pas de la détruire.
La Serbie estime que les éléments de preuve produits « attestent de plu-
sieurs lignes de conduite dont on peut déduire l’existence de combhats,
d’un transfert forcé [ou] d’une punition », mais pas d’un génocide.
413. La Cour considère que, parmi les 17 critères proposés par la
Croatie pour établir l’existence d’une ligne de conduite traduihsant une
intention génocidaire, les plus importants sont ceux qui ont trait à l’am -
pleur et au caractère systématique des attaques, au fait que ces ahttaques
auraient fait bien plus de victimes et de dégâts que ce qui étahit nécessaire
d’un point de vue militaire, au fait que les Croates étaient spéhcifiquement
pris pour cible et à la nature, à la gravité et à l’éthendue des lésions infli -
gées à la population croate (c’est -à-dire les troisième, septième, huitième,
dixième et onzième critères énumérés au paragraphe 408 ci-dessus).
414. La Cour relève que, dans l’affaire Mrkšić et consorts, la chambre
de première instance du TPIY a jugé qu’en Slavonie orientale
«les attaques de la JNA se déroulaient en général selon le schéhma
suivant :
«a) elle attisait les tensions et semait la confusion et la peur par
une présence militaire aux alentours du village (ou d’une commu -
nauté plus grande) et par des provocations ; b) elle tirait ensuite,
plusieurs jours durant, à l’artillerie ou au mortier, le plus souvhent
sur les parties croates du village ; c’est à ce stade que, souvent, les
églises étaient touchées et détruites ; c) dans presque tous les cas,
la JNA lançait un ultimatum aux habitants, leur enjoignant de
rassembler et de remettre leurs armes ; les villages constituaient
des délégations, mais les négociations avec les autorités mihlitaires
de la JNA n’ont abouti à aucun accord de paix, hormis à Ilok ;
une attaque militaire était lancée, parfois sans même attendre hl’ex -
piration de l’ultimatum ; d) pendant ou juste après l’attaque, des
paramilitaires serbes entraient dans le village, assassinant ou tuant
les habitants, incendiant et pillant leurs biens, pour des raisons
discriminatoires ou non »» (jugement Mrkšić, par. 43, citant le
témoignage de M. Kypr, ambassadeur auprès de la mission de
surveillance de la Communauté européenne (référence omise)h).
Le Tribunal a adopté des conclusions similaires dans l’affaire Martić :
«[d]es unités de l’armée de terre entraient dans le secteur ou lhe village
en question à la suite d’un bombardement. Une fois que les combatsh
avaient cessé, les assaillants tuaient ou maltraitaient les civils
non serbes qui n’avaient pas réussi à fuir pendant l’attaque. Ilhs
détruisaient les maisons, les églises et d’autres bâtiments hpour empê -
122
7 CIJ1077.indb 240 18/04/16 08:54 122 application de convehntion génocide (arrêth)
cher le retour des non -Serbes, se livrant en même temps à un pillage
systématique. Dans certains cas, la police et la TO de la SAO de
Krajina ont organisé le transport de la population non serbe vers desh
localités sous contrôle croate. En outre, les non -Serbes étaient pris
dans des rafles et incarcérés, notamment dans le centre de déhtention
de Knin ville, en vue d’être échangés et transportés versh des régions
sous contrôle croate. » (Jugement Martić, par. 427 (référence omise).)
415. La Cour constate également que, parmi les attaques dont l’exis -
tence a pu être établie, certaines présentaient des similaritéhs quant au
mode opératoire utilisé. Elle note ainsi que la JNA et des forces hserbes
attaquaient les localités, les occupaient et imposaient un climat de coerci -
tion et de peur, en commettant un certain nombre d’actes constitutifsh de
l’élément matériel du génocide, au sens des litt. a) et b) de l’article II de
la Convention. Enfin, l’occupation se soldait par l’expulsion fohrcée de la
population croate de ces localités.
416. Les conclusions de la Cour et du TPIY sont concordantes et per -
mettent d’établir l’existence d’une ligne de conduite constihtuée d’attaques
généralisées par la JNA et des forces serbes de localités pehuplées de
Croates dans différentes régions de Croatie, selon un schéma géhnérale -
ment similaire, à compter d’août 1991.
417. La Cour rappelle que, pour qu’une ligne de conduite soit admise
en tant que preuve de l’intention de détruire le groupe, en tout ohu en par-
tie, il faut qu’elle soit «elle qu’elle ne puisse qu’en dénoter l’existence »
(C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 197, par. 373). Cela signifie, selon la Cour, que
l’intention de détruire le groupe, en tout ou en partie, doit êhtre la seule
déduction raisonnable que l’on puisse faire de la ligne de conduithe (voir le
paragraphe 148 ci-dessus).
418. Lors des plaidoiries, la Croatie a mis en avant deux éléments qui,h
selon elle, devraient conduire la Cour à conclure que l’intention h
de détruire est la seule déduction raisonnable qui puisse être faite de la
ligne de conduite établie précédemment. Il s’agit du contexthe dans
lequel ces actes ont été commis et de l’opportunité qu’ont eue lha JNA et
des forces serbes de détruire la population croate, que la Cour examihnera
successivement.
a) Contexte
419. La Cour examinera le contexte dans lequel les actes constituant
l’élément matériel du génocide au sens des litt. a) et b) de la Convention
ont été commis, pour déterminer le but poursuivi par leurs autehurs.
420. La Croatie allègue que les actes commis entre 1991 et 1995 à l’en-
contre des Croates par la JNA et des forces serbes sont la mise en œuhvre
par les nationalistes et les dirigeants serbes de l’objectif de la «hGrande
Serbie». Il s’agissait d’unifier les parties des territoires des dihfférentes ent-i
tés de la RFSY dans lesquelles vivaient des Serbes de souche. La Croahtie
123
7 CIJ1077.indb 242 18/04/16 08:54 123 application de convehntion génocide (arrêth)
se fonde notamment sur un mémorandum rédigé en 1986 par l’Académie
serbe des sciences et des arts (ci -après le « mémorandum de la SANU »)
qui aurait contribué à la renaissance de l’idée de « Grande Serbie».
La Croatie allègue que la destruction des Croates dans ces zones, perçhus
comme une menace pour le peuple serbe, aurait été nécessaire àh la réalisa -
tion de la « Grande Serbie ». A cet égard, le mémorandum de la SANU
aurait joué le rôle de catalyseur du génocide des Croates.
421. La Serbie conteste l’approche historique de la Croatie, et consi -
dère que celle-ci fait des amalgames dans la mesure où l’idée de « Grande
Serbie » n’aurait jamais impliqué l’intention de commettre un géhnocide à
l’encontre des Croates.
422. La Cour estime qu’il n’est pas nécessaire de s’engager dans hun
débat sur les origines historiques et politiques des événementsh qui se sont
déroulés en Croatie entre 1991 et 1995. Elle note que le mémorandum de
la SANU invoqué par la Croatie n’a pas de caractère officiel eht n’envisage
d’aucune façon de détruire les Croates. Il ne saurait être chonsidéré, en
lui-même ou pris conjointement avec l’un quelconque des autres critères
invoqués par la Croatie, comme étant une expression du dolus specialis.
423. La Cour s’attachera à déterminer quel était le but poursuivi par la
JNA et des forces serbes lorsqu’elles ont commis des actes constitutihfs de
l’élément matériel du génocide, au sens des litt. a) et b) de l’article II de
la Convention, tels qu’ils ont été établis devant la Cour.
424. La Cour relève que le TPIY a relaté, de la sorte, l’objectif pohli -
tique poursuivi par les dirigeants de la SAO de Krajina puis de la RSK,
et partagé avec les dirigeants de la Serbie et de la Republika Srpskah en
Bosnie -Herzégovine:
« 442. … [D]ès le début de 1991, l’objectif politique de rattacher à h
la Serbie les régions serbes de Croatie et de BiH en vue d’établir un
territoire unifié existait déjà. En outre, il est établi qhue le Gouverne
ment et les autorités de la SAO de Krajina et, plus tard, de la RSK
adhéraient sans réserve à cet objectif et contribuaient à sah réalisation,
de concert avec les dirigeants de la Serbie et de la RS en BiH.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . h . . . . . . . . . . . . . .
445. A partir d’août 1991 au plus tard, l’objectif politique visant hà
rattacher à la Serbie les régions serbes de Croatie et de BiH en vhue de
créer un territoire unifié a été réalisé grâce àh des attaques généralisées
et systématiques contre les régions peuplées majoritairement deh
Croates et d’autres non-Serbes et à des actes de violence et d’hintimi -
dation. La Chambre de première instance estime que cette campagne
de violence et d’intimidation contre la population croate et non serbe
était une conséquence de la position adoptée par les dirigeantsh de la
SAO de Krajina et, plus tard, de la RSK, à savoir qu’il était ihmpos -
sible de cohabiter avec les Croates et autres non-Serbes, pour citer
Milan Martić, « sur nos territoires serbes de la SAO de Krajina ». La
réalisation d’un tel objectif politique dans ces conditions néchessitait
124
7 CIJ1077.indb 244 18/04/16 08:54 124 application de convehntion génocide (arrêth)
donc le déplacement forcé des non -Serbes hors des territoires de la
SAO de Krajina et de la RSK. En conséquence, la Chambre conclut
au-delà de tout doute raisonnable que l’objectif de l’entreprise chrim-i
nelle commune était de créer un territoire ethniquement serbe en ehn
chassant la population croate et non serbe, crime reproché aux
chefs 10 et 11 de l’acte d’accusation [expulsion et transfert forcé]. »
(Jugement Martić, par. 442 et 445; référence omise.)
425. Dans son jugement rendu en première instance dans l’affaire
Babić, le TPIY a constaté, suite au plaidoyer de culpabilité de l’achcusé,
l’existence d’une entreprise criminelle commune dont l’objectifh
«était de chasser à jamais, en menant une campagne de persécutiohns,
la majorité de la population croate et des autres populations non
serbes d’environ un tiers du territoire de la Croatie afin d’y chréer un
Etat dominé par les Serbes » (jugement Babić, par. 34).
426. Selon le TPIY, les dirigeants de la Serbie et ceux des Serbes de
Croatie, entre autres, partageaient l’objectif de créer un Etat sehrbe, ethni-
quement homogène. C’est dans ce contexte qu’ont été commihs des actes
constituant l’élément matériel du génocide, au sens des litt. a) et b) de l’ar-
ticleII de la Convention. Cependant, il ressort des conclusions du TPIY
que ces actes n’ont pas été commis dans l’intention de détruire les Croates,
mais dans celle de les forcer à quitter les régions concernées hafin qu’un Etat
serbe ethniquement homogène puisse être créé. La Cour souscrit à cette
conclusion. Comme le Tribunal l’a constaté dans l’affaire Martić:
«427. D’août 1991 au début de 1992, des forces de la TO, de la
police de la SAO de Krajina et de la JNA ont attaqué des villages et h
régions peuplés majoritairement de Croates, notamment les villagesh
de Hrvatska Kostajnica, Cerovljani, Hrvatska Dubica, Ba ćin,
Saborsko, Poljanak, Lipovača, Skabrnja et Nadin. Le déplacement
de la population non serbe qui a suivi ces attaques était l’objecthif
principal, et non la conséquence, des opérations militaires
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . h . . . . . . . . . . . . . .
430. Pour la période allant de 1992 à 1995, la Chambre de pre -
mière instance dispose de nombreux éléments de preuve montrant h
que des actes de violence et d’intimidation généralisés ont hété commis
contre la population non serbe sur l’ensemble du territoire de la
RSK. Elle relève en particulier que, durant cette période, les crihmes
commis contre la population non serbe (homicides, violences, vols,
harcèlement, destruction massive d’habitations et d’églises hcatho -
liques) se sont poursuivis, forçant celle-ci à fuir le climat coercitif de
la RSK. C’est ainsi que la quasi-totalité de la population non serbe a
quitté la RSK…
431. Sur la base des nombreux éléments de preuve rappelés plus
haut, la Chambre de première instance considère que, en raison du
125
7 CIJ1077.indb 246 18/04/16 08:54 125 application de convehntion génocide (arrêth)
climat coercitif qui régnait en RSK de 1992 à 1995, la quasi-totalité de
la population non serbe a été déplacée de force vers des terhritoires sous
le contrôle de la Croatie.» (Jugement Martić, par. 427, 430 et 431.)
427. Le TPIY a adopté des conclusions similaires dans le jugement
Stanišić et Simatović (par. 997, 998, 1050 (reproduits au paragraphe 375
ci-dessus) et 1000, non reproduit).
428. La Cour conclut, en conséquence, que les arguments de la Croatie
relatifs au contexte général n’étayent pas son allégationh selon laquelle l’i-n
tention génocidaire est la seule déduction raisonnable qui puisse hêtre faite.
429. En ce qui concerne le cas de Vukovar auquel la Croatie a prêté
une attention particulière, la Cour note que, dans l’affaire Mrkšić et
consorts, le TPIY a constaté que l’attaque contre cette ville constituait h
une réponse à la proclamation d’indépendance de la Croatie, het surtout
une affirmation de la mainmise de la Serbie sur la RFSY :
« 471. … Les forces serbes ont riposté militairement avec détermi -
nation à la proclamation par la Croatie de son indépendance et auxh
troubles sociaux qui s’en sont ensuivis sur son territoire. C’est dans
ce contexte politique que la ville de Vukovar, ses habitants et ceux
des environs immédiats de la municipalité de Vukovar ont servi
d’exemple pour montrer aux Croates et aux autres Républiques you -
goslaves à quelles conséquences fâcheuses ils s’exposaient phar leurs
actions. De l’avis de la Chambre, les éléments de preuve montrehnt
dans l’ensemble que la punition terrible infligée à Vukovar eht à la
population civile de la ville et des environs avait valeur d’exemple
pour ceux qui n’acceptaient pas le gouvernement fédéral de Belghrade
contrôlé par les Serbes, son interprétation des lois de la RFSYh ou
encore le rôle de la JNA pour qui le maintien de la fédération hyou -
goslave était une condition essentielle de sa pérennité. » (Jugement
Mrkšić, par. 471.)
Il découle de ce qui précède, ainsi que du fait que de nombreuxh Croates
de Vukovar ont été évacués (voir le paragraphe436 ci-dessous), que l’inten-
tion de détruire physiquement la population croate n’est pas la sehule con-clu
sion raisonnable que l’on puisse déduire de l’attaque illégahle de Vukovar.
430. Dans cette même affaire, le TPIY s’est prononcé sur l’intention
des auteurs de mauvais traitements infligés aux prisonniers de guerhre
d’Ovčara, le 20 novembre 1991 :
«535. La TO et les paramilitaires serbes nourrissaient de vifs sen -
timents d’animosité à l’égard des forces croates. Les prihsonniers de
guerre évacués de l’hôpital de Vukovar puis transportés àh Ovčara
représentaient les forces croates et étaient à ce titre leurs ehnnemis. La
brutalité des exactions commises le 20 novembre 1991 par la TO et
les paramilitaires serbes, ainsi que probablement par quelques sol -
dats de la JNA agissant de leur propre initiative, témoigne de leur
haine et de leur désir de punir les forces ennemies. La Chambre
constate qu’il est dès lors clair que les mauvais traitements infligés à
126
7 CIJ1077.indb 248 18/04/16 08:54 126 application de convehntion génocide (arrêth)
l’extérieur et à l’intérieur visaient à punir les prisonniers pour leur
appartenance, réelle ou supposée, aux forces croates avant la chuthe
de Vukovar. » (Jugement Mrkšić, par. 535.)
Il ressort des conclusions du TPIY que l’intention des auteurs de mau -
vais traitements à Ovčara n’était pas de détruire physiquhement les
membres du groupe protégé, en tant que tel, mais de les punir en raison
de leur qualité d’ennemi, au sens militaire.
b) Opportunité
431. La Croatie estime que la JNA et des forces serbes ont systémati -
quement commis des actes constitutifs de l’élément matériel hdu génocide,
au sens des litt. a) à d) de l’article II de la Convention, dès qu’elles ont eu
l’opportunité de le faire, c’est -à-dire lorsqu’elles ont attaqué et occupé
différentes localités croates. Selon la Croatie, cet élément hpermettrait
d’établir que leur intention était de détruire le groupe desh Croates en tout
ou en partie.
432. La Serbie conteste l’approche de la Croatie. Elle avance plusieurs
exemples de cas où la JNA et des forces serbes ont épargné des Croates,
en ne les tuant pas. De plus, elle soutient que le critère de l’opporhtunité
doit être apprécié au regard du critère du caractère substantiel. Pour la
Serbie, le nombre limité de victimes croates, lorsqu’on l’examihne à la
lumière des opportunités de tuer dont auraient disposé la JNA eht les
forces serbes, ne permet pas de déduire l’existence d’une intention deh
détruire.
433. La Cour ne s’attachera pas à déterminer si, dans chaque localithé
qu’elle a examinée précédemment, la JNA et des forces serbesh ont systé -
matiquement fait usage des opportunités de détruire physiquement dhes
Croates.
434. La Cour estime, en revanche, que le déplacement forcé massif
auquel ont été soumis les Croates est un élément important phour appré -
cier l’existence ou non d’une intention de détruire totalement hou partielle -
ment le groupe. La Cour a conclu précédemment que la Croatie n’havait
pas démontré que ce déplacement forcé constituait un éléhment matériel
du génocide au sens du litt. c) de l’article II de la Convention (voir le
paragraphe 377 ci-dessus). Cela étant, la Cour rappelle que le fait qu’un
déplacement forcé se produise en même temps que des actes relevhant de
l’article II de la Convention peut permettre « de déceler l’existence d’une
intention spécifique (dolus specialis) se trouvant à l’origine des actes en
question » (voir le paragraphe 162 ci-dessus citant C.I.J. Recueil 2007 (I),
p. 123, par. 190).
435. En l’occurrence, ainsi que cela résulte notamment des conclusions h
du TPIY, le déplacement forcé était l’instrument d’une pohlitique qui visait
la mise en place d’un Etat serbe ethniquement homogène. Dans ce
contexte, l’expulsion des Croates a été obtenue par la créathion d’un climat
coercitif, généré par la commission d’actes, constituant pouhr certains l’élé-
ment matériel du génocide, au sens des litt. a) et b) de l’article II de la
127
7 CIJ1077.indb 250 18/04/16 08:54 127 application de convehntion génocide (arrêth)
Convention. Ces actes avaient une finalité, le déplacement forcéh des
Croates, ce qui n’impliquait pas leur destruction physique. Le TPIY a
estimé que, entre avril 1991 et avril 1992, entre 80 000 et 100 000 per-
sonnes avaient fui la SAO de Krajina (puis la RSK) (jugement Stanišić et
Simatović, par. 997). La Cour constate que les actes commis par la JNA
et des forces serbes ont eu essentiellement pour conséquence de faireh fuir
la population croate des territoires concernés. Il n’était pas hquestion de
détruire systématiquement cette population, mais de la forcer àh se dépla -
cer hors des zones que ces forces armées contrôlaient.
436. S’agissant du cas de Vukovar, auquel la Croatie a prêté une atthen -
tion particulière, la Cour relève que, dans l’affaire Mrkšić et consorts, le
TPIY a constaté plusieurs cas d’évacuations par la JNA et des fhorces
serbes de civils, notamment des Croates (jugement Mrkšić, par. 157-160,
168, 204 et 207). Le TPIY a aussi conclu que les combattants croates
détenus par la JNA et des forces serbes n’avaient pas tous étéh exécutés.
Ainsi, un premier groupe de combattants croates — qui s’étaient rendus
à la JNA — avaient été transférés à Ovčara le 18 novembre 1991, puis à
Sremska Mitrovica (Serbie), où ils avaient été détenus comhme prisonniers
de guerre (ibid., par. 145-155). De même, une partie des combattants
croates détenus à Velepromet avaient été transférés vehrs Sremska Mitro -
vica les 19-20 novembre 1991, alors que les civils qui n’étaient pas soup -
çonnés d’avoir combattu aux côtés des forces croates avaihent été évacués
vers d’autres lieux en Croatie ou en Serbie ( ibid., par. 168). Cela montre
que, dans de nombreux cas, la JNA et des forces serbes n’ont pas tuéh les
Croates tombés en leur pouvoir.
437. La Cour estime qu’il est également pertinent de comparer la taille
de la partie visée du groupe protégé avec le nombre de victimesh croates
afin de déterminer si la JNA et des forces serbes ont saisi les opphortunités
qui s’offraient à elles de détruire ladite partie du groupe. A chet égard, la
Croatie a avancé le chiffre de 12 500 morts croates, ce qui est contesté par
la Serbie. La Cour note que, même à supposer que ce chiffre soit cohrrect,
point sur lequel elle ne se prononce pas, le nombre de victimes alléghuées
par la Croatie est peu élevé par rapport à la taille de la parthie visée du
groupe.
La Cour conclut de ce qui précède que la Croatie n’a pas démontré que
les auteurs des actes faisant l’objet de la demande principale ont sahisi les
opportunités qui se présentaient à eux de détruire une partihe substantielle
du groupe protégé.
*
438. La Croatie fait référence aux activités des paramilitaires serbhes
pour établir l’élément intentionnel. En particulier, elle se fonde sur un
enregistrement vidéo de Zeljko Ražnatović, dit « Arkan», chef du groupe
paramilitaire serbe connu sous le nom de « garde volontaere serbe » ou des
«Tigres d’Arkan ». Dans cet enregistrement réalisé le 1 novembre 1991,
pendant le siège de Vukovar, on voit Arkan ordonner à ses hommes dhe
128
7 CIJ1077.indb 252 18/04/16 08:54 128 application de convehntion génocide (arrêth)
prendre garde à ne pas tuer de Serbes, et ajouter que, puisque ceux -ci se
trouvaient dans les caves des bâtiments alors que les Croates se trouhvaient
aux étages, il fallait utiliser des lance -roquettes pour «eutraliser le pre-
mier étage ». Même à considérer les agissements d’Arkan comme impu -
tables à la Serbie, ce discours semble n’être qu’un fait isohlé au cours du
très long siège de Vukovar, pendant lequel, ainsi que la Cour l’ha déjà
constaté (voir les paragraphes 218-219, 301 et 305 ci-dessus), les assail -
lants ont perpétré des actes excessivement violents, et au cours dhuquel de
graves souffrances ont été causées à la population civile, cohmme la Serbie
l’a reconnu, du moins dans une certaine mesure. Il est difficile de hdéduire
quoi que ce soit d’un fait isolé.
La Croatie se fonde également sur le rapport d’un responsable
de la sécurité au sein de la JNA, en date du 13 octobre 1991, qui indi -
quait que les hommes d’Arkan « se livr[aient] à un génocide et à div-
ers actes de terrorisme incontrôlés » dans la région de Vukovar.
Ce rapport a été porté à la connaissance du ministre serbe délégué de la
défense. Considéré dans son ensemble, pourtant, il ne contient
aucun argument ou exemple qui puisse justifier l’emploi du terme
« génocide ».
439. Enfin, la Cour considère que la série des 17 critères invoquéhs par
la Croatie ne permet pas de conclure qu’il existait une intention de h
détruire, en tout ou en partie, les Croates dans les régions concehrnées.
Conclusion sur le dolus specialis
440. Ainsi, selon la Cour, la Croatie n’a pas établi que la seule déhduc-
tion raisonnable qui puisse être faite de la ligne de conduite qu’helle a ino-
quée était l’intention de détruire, en tout ou en partie, leh groupe
des Croates. Les actes constituant l’élément matériel du génohcide, au sens
des litt. a) et b) de l’article II de la Convention, n’ont pas été com -
mis dans l’intention spécifique requise pour être qualifiés d’hactes de
génocide.
La Cour relève d’ailleurs que le procureur du TPIY n’a jamais ihnculpé
d’individus pour génocide à l’encontre de la population croahte dans le
contexte du conflit armé qui s’est déroulé sur le territoihre de la Croatie
entre 1991 et 1995 (voir le paragraphe 187 ci-dessus).
C. Conclusion générale sur la demande de la Croatie
441. Il résulte de ce qui précède que la Croatie n’a pas démonhtré son al-é
gation selon laquelle un génocide a été commis. Dès lors, aucune question
de responsabilité pour commission du génocide au titre de la Convehntion ne
se pose en la présente affaire. Il ne saurait davantage être questihon d’une
responsabilité pour manquement à l’obligation de prévenir leh génocide, à
l’obligation de punir le génocide ou pour complicité dans le géhnocide.
Le dolus specialis n’ayant pas été établi par la Croatie, ses allégations
relatives à l’entente en vue de commettre le génocide, l’incitation directe
129
7 CIJ1077.indb 254 18/04/16 08:54 129 application de convehntion génocide (arrêth)
et publique à commettre le génocide, et la tentative de génocidhe doivent
aussi nécessairement être écartées.
En conséquence, la demande de la Croatie doit être rejetée dansh sa
totalité.
442. Dès lors, la Cour n’a pas à se prononcer sur l’irrecevabilithé de la
demande principale soulevée par la Serbie en ce qui concerne les actehs
antérieurs au 8 octobre 1991. De même, il ne lui incombe pas d’examiner
la question de savoir si les actes allégués, antérieurs au 27 avril 1992, sont
attribuables à la RFSY, ni celle de savoir si, dans l’affirmativeh, la Serbie
aurait pu succéder à la responsabilité de la RFSY à raison dhe ces actes.
* * *
VI. Examen au fond de la demahnde reconventionnellhe
443. La Serbie a soumis à la Cour, dans son contre -mémoire, une
demande reconventionnelle qui comporte plusieurs chefs de conclusions.
Dans sa formulation finale, telle qu’elle résulte des conclusionhs présentées
par l’agent de la Serbie au terme des audiences, cette demande reconven -
tionnelle est reproduite in extenso au paragraphe 51 du présent arrêt. Elle
constitue le II des conclusions finales, qui comporte quatre points nuhmér-o
tés de 6 à 9.
444. En substance, la Serbie demande à la Cour de déclarer que la
Croatie a violé la convention sur le génocide en commettant pendanht et
après l’opération militaire dite «Tempête» en 1995 des actes prohibés par
l’article II de la Convention à l’encontre du groupe national et ethnique
serbe vivant en Croatie, dans l’intention de détruire ce groupe, chomme tel,
en tout ou en partie (point 6 des conclusions finales).
Subsidiairement, la Serbie soutient — et demande à la Cour de décla -
rer — que la Croatie s’est rendue coupable d’entente en vue de commettre
le génocide, d’incitation à commettre le génocide, de tentathive de génocide
et de complicité dans le génocide, au sens de l’article III de la Convention
(point 7).
En outre, la Serbie demande à la Cour de déclarer que la Croatie ah
manqué à son obligation, découlant de la Convention, de punir lhes auteurs
des actes visés aux points précédents (point 8).
Enfin, la Serbie demande à la Cour, ayant constaté que la responsabilité
internationale de la Croatie était engagée, d’ordonner à cethte dernière de
prendre diverses mesures pour, d’une part, se conformer pleinement à ses
obligations découlant de la Convention et, d’autre part, réparehr les consé -
quences dommageables des faits illicites qui lui sont imputables (pointh9).
445. Il y a lieu pour la Cour d’examiner en premier lieu le chef de
conclusions énoncé au point 6 des conclusions finales de la Serbie. Du
résultat auquel la conduira cet examen dépendra, en large part, lah manière
dont elle abordera les conclusions énoncées aux points suivants.
130
7 CIJ1077.indb 256 18/04/16 08:54 130 application de convehntion génocide (arrêth)
A. Examen des conclusions principales de la demande reconventionnelle :
question de savoir si des actes de génocide attribuables à la Croa▯tie ont été
commis à l’encontre du groupe national et ethnique des Serbes viva▯nt
en Croatie pendant et après l’opération « Tempête»
446. La Serbie soutient que la Croatie s’est rendue coupable des actes
suivants, définis à l’article II de la Convention comme constitutifs du
génocide : des meurtres de membres du groupe national et ethnique des
Serbes vivant en Croatie ( litt. a) de l’article II) ; des actes portant une
atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres hdu même
groupe (litt. b) de l’article II); une soumission intentionnelle du groupe
en cause à des conditions d’existence devant entraîner sa destrhuction phy -
sique totale ou partielle (litt. c) de l’article II), l’ensemble de ces actes
ayant été commis dans l’intention de détruire, en tout ou enh partie, le
groupe concerné, comme tel.
447. Deux points n’ont pas été controversés entre les Parties et hpeuvent
être regardés par la Cour comme acquis.
448. En premier lieu, les Serbes qui vivaient en Croatie à l’époque hdes
faits — et qui représentaient une minorité de la population — consti -
tuaient bien un « groupe national» ou « ethnique» au sens de l’article II
de la convention sur le génocide, et les Serbes vivant dans la réghion de la
Krajina, directement concernés par l’opération « Tempête», constituaient
une « partie substantielle » de ce groupe national ou ethnique, au sens où
cette expression est employée au paragraphe 198 de l’arrêt rendu par la
Cour en 2007 en l’affaire Bosnie‑Herzégovine c. Serbie‑et‑Monténégro
(voir le paragraphe 142 ci-dessus).
La Cour en déduit que, si des actes entrant dans le champ de l’arthicleII
de la Convention ont été commis à l’encontre des Serbes de lha Krajina et
s’ils l’ont été dans l’intention de détruire ce groupeh de personnes, elle devrait
en conclure que les éléments constitutifs du génocide seraient hréunis, car se
trouverait en particulier remplie la condition selon laquelle «l’intention doit
être de détruire au moins une partie substantielle du groupe » national ou
ethnique concerné (voirApplication de la convention pour la prévention et la
répression du crime de génocide (Bosnie‑Herzégovine c. Serbie‑et‑
Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 126, par. 198).
449. En second lieu, les actes allégués par la Serbie — au moins la très
grande majorité d’entre eux — seraient imputables, à les supposer établis,
aux forces armées régulières ou aux forces de police de la Croahtie.
En conséquence, ces actes seraient de nature à engager la responsabilité
internationale de la Croatie, dans le cas où ils seraient illicites, hpour la
seule raison qu’ils auraient été accomplis par l’un ou plusiheurs de ses
organes. Cela resterait vrai, en vertu du droit de la responsabilité inter -
nationale des Etats, même si l’auteur de l’acte avait agi d’hune manière
contraire aux instructions données ou outrepassé son mandat (voirh en ce
sens Activités armées sur le territoire du Congo (République dém▯ocratique
du Congo c. Ouganda), arrêt, C.I.J. Recueil 2005, p. 242, par. 214). Il ne
se présente donc aucune difficulté, dans le cadre de l’examen hde la
131
7 CIJ1077.indb 258 18/04/16 08:54 131 application de convehntion génocide (arrêth)
demande reconventionnelle, à propos de l’attribution des actes préhtendu-
ment illicites à l’Etat dont la responsabilité internationale ehst recherchée
(à savoir le demandeur).
450. En revanche, les Parties divergent complètement sur deux ques -
tions cruciales.
Premièrement, la Croatie conteste l’existence même d’une grande partie
des actes allégués par la Serbie ; et deuxièmement, elle conteste que ces
actes, dans la mesure où ils seraient établis pour certains d’entre eux,
aient été accomplis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie,
le groupe national ou ethnique des Serbes de Croatie comme tel.
451. Ce sont ces deux questions que la Cour va à présent examiner. Il
s’agira d’abord de rechercher si des actes constituant l’éléhment matériel
du génocide — c’està-dire des actes entrant dans les catégories définies à
l’article II de la Convention — ont été commis (c’est la question de
l’actus reus). Il s’agira ensuite, pour autant que certains des actes en cause
seraient établis, de se prononcer sur la question de savoir si ces achtes ont
été commis dans une intention génocidaire (c’est la questiohn du dolus
specialis).
1) L’élément matériel du génocide (actus reus)
452. La Serbie soutient que la Croatie a commis divers actes entrant
dans le champ des litt. a), b) et c) de l’article II de la convention sur le
génocide, à savoir :
— des bombardements indiscriminés sur les villes de la Krajina, en
particulier sur la ville de Knin, qui auraient entraîné le meurtreh de
civils serbes, au sens duitt. a) de l’article II
— ledéplacement forcé de la population serbe de la Krajina, qui entrerait
dans le champ du litt. c) de l’article II
— lemeurtre de Serbes fuyant en colonnes les villes attaquées, entrant
dans le champ du litt. a) de l’article II;
— le meurtre de Serbes restés, après l’opération «Tempête», dans les
zones de la Krajina placées sous la protection des Nations Unies
(ZPNU), relevant également du litt. a) de l’article II;
— de mauvais traitements infligés aux Serbes pendant et après le
déroulement de l’opération « Tempête», relevant des litt. b) et c) de
l’articlII;
— la destruction et le pillage à grande échelle de biens appartenanth aux
Serbes pendant et après l’opération «Tempête», relevant du litt. c) de
l’articleI.
453. La Serbie a également invoqué les mesures administratives et autrehs
qu’aurait adoptées la Croatie en vue d’empêcher les Serbes ahyant fui la
Krajina lors de l’opération« Tempête» de rentrer chez eux par la suite.
Toutefois, de l’avis de la Cour, cette question n’a pas été hinvoquée par
la Serbie en tant qu’élément de l’actusreus du génocide, mais plutôt comme
un élément permettant de démontrer l’existence de l’intenhtion spécifique de
132
7 CIJ1077.indb 260 18/04/16 08:54 132 application de convehntion génocide (arrêth)
détruire le groupe visé, en tout ou en partie, c’est -à-dire de prouver le
dolus specialis. Elle sera donc examinée ci-après, dans le point 2.
a) Les éléments de preuve présentés par la Serbie en vue d’établir les faits
allégués
454. Au soutien de ses allégations factuelles, la Serbie a invoqué plu -
sieurs éléments de preuve provenant de sources différentes, donth la Croa-
tie a contesté, pour une large part, la pertinence et la crédibilihté.
455. Elle a invoqué d’abord les travaux publiés par deux organisatiohns
non gouvernementales, l’une croate et l’autre serbe : le Comité Helsinki de
Croatie pour les droits de l’homme (ci -après le «CHC»), et l’organisation
Veritas.
La première a publié en 2001 à Zagreb un rapport intitulé Military
Operation Storm and its Aftermath ; la seconde a publié une liste des vic-
times de l’opération «Tempête», qui fait l’objet d’une mise à jour régu -
lière.
456. La Croatie met en cause la crédibilité des travaux en question. Elhle
relève qu’ils sont entachés de nombreuses erreurs, imprécisihons et incohé -
rences, et qu’en outre l’organisation Veritas n’est, selon elle, ni indépen-
dante ni impartiale, en particulier parce que son directeur a occupé hdes
postes de responsabilité pour le compte des gouvernements de la RSK.
457. La Cour convient que ni le rapport du CHC ni celui de Veritas
n’ont une valeur probante telle qu’elle puisse regarder un fait cohmme éta -
bli sur la base exclusive de ces documents ; d’ailleurs, la Serbie a elle-même
admis que ces rapports comportaient des erreurs factuelles. Elle n’eshtime
pas pour autant que ces documents soient à ce point dépourvus de vhaleur
informative qu’il faille les écarter en totalité. La Cour pourrha prendre en
considération les données qu’ils contiennent chaque fois que cehlles -ci
apparaîtront comme corroborant d’autres sources. C’est une déhmarche
semblable que la chambre de première instance du TPIY a adoptée àh pro -
pos du rapport du CHC dans l’affaire Gotovina (jugement Gotovina,
par. 50), sur laquelle la Cour reviendra plus loin dans le présent arrêht.
458. La Serbie fonde également ses allégations sur plusieurs autres
documents ou témoignages, notamment : le rapport sur la situation des
droits de l’homme dans le territoire de l’ex -Yougoslavie en date du
7 novembre 1995, présenté à l’Assembléegénérale et au Conseil de sécurité
des Nations Unies par M me Elisabeth Rehn, rapporteuse spéciale de la
Commission des droits de l’homme, conformément à la résolutihon 1995/89
de ladite Commission et à la décision 1995/920 du Conseil économique et
social; un rapport de l’organisation non gouvernementale Human Rights
Watch intitulé « Impunity for Abuses Committed during « Opera -
tion Storm», and the Denial of the Right of Refugees to Return to the
Krajina » daté d’août 1996 ; lerapport d’expert de M. Reynaud Theunens,
intitulé «Croatian Armed Forces and Operation Storm », soumis par le
bureau du procureur au TPIY dans l’affaire Gotovina; les déclarations de
certains témoins devant des tribunaux nationaux en Serbie et en Bosnihe-
133
7 CIJ1077.indb 262 18/04/16 08:54 133 application de convehntion génocide (arrêth)
Herzégovine, se rapportant aux faits en cause dans la présente affahire; les
témoignages de personnes entendues par le TPIY dans l’affaire Gotovina;
enfin, les déclarations écrites de sept témoins et d’un téhmoi-expert présen-
tées par la Serbie en l’espèce, au sujet desquelles la Croatie a renoncé à
exercer sa faculté de soumettre leurs auteurs à un contre-interrogatoire.
459. La Cour estime devoir accorder du poids au premier des documents
susmentionnés, en raison à la fois du statut d’indépendance hde son auteur,
et du fait qu’il a été établi à la demande d’organes dhes NationUs nies, pour
les besoins de l’exercice par ceux-ci de leurs fonctions. A cet égard, la Cour
relève que la Croatie n’a pas contesté l’objectivité de ce rapport, même si
elle est en désaccord avec certaines des constatations de fait qu’hil contient.
La Cour accordera un crédit important aux dépositions des huit per -
sonnes appelées par la Serbie à témoigner devant elle. Il y a lhieu cependant
de souligner que le seul fait que la Croatie ait renoncé à contre -interroger
ces témoins n’implique aucunement l’obligation pour la Cour de htenir
pour exactes l’ensemble des déclarations présentées. La Croahtie a d’ailleurs
clairement indiqué que sa renonciation à contre -interroger les témoins ne
signifiait pas qu’elle acceptait comme exactes leurs déclarationhs, à l’égard
de certaines desquelles elle a au contraire exprimé de fortes résehrves.
Les autres documents et témoignages mentionnés au paragraphe préhcé -
dent seront dûment pris en compte par la Cour, sans toutefois être regar -
dés comme dotés, pour chacun d’entre eux, d’une pleine forceh probante.
460. Enfin, les Parties se sont amplement référées au jugement de hla
chambre de première instance et à l’arrêt de la chambre d’happel du TPIY
dans l’affaireGotovina, tout en en tirant des conclusions largementopposées.
Le désaccord entre les Parties se rapporte en réalité au premiehr des
griefsformulés par la Serbie, à savoir que la Croatie aurait procédé à des
bombardements indiscriminés sur les villes de la Krajina au début hde
l’opération « Tempête», causant ainsi de nombreuses pertes de vies
humaines dans la population civile.
La portée des décisions rendues par le TPIY dans l’affaire Gotovina
sera donc examinée ci -après, à propos de la question de savoir si le grief
qui vient d’être exposé est matériellement établi.
461. Il suffit de rappeler, à ce stade, que la circonstance qu’aucun rhes-
ponsable civil ou militaire croate n’ait été condamné par leh TPIY pour
génocide — ni d’ailleurs sur la base d’un autre chef d’accusation — en
relation avec les événements qui se sont déroulés pendant eth après l’opé -
ration «Tempête» ne suffit pas en elle -même à faire obstacle à ce que la
Cour déclare, le cas échéant, que la responsabilité internationale de la
Croatie est engagée pour violation de la convention sur le génocidhe (voir
en ce sens Application de la convention pour la prévention et la répression
du crime de génocide (Bosnie‑Herzégovine c. Serbie‑et‑Monténégro),
arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 119-120, par. 180-182). De même, le fait
que le procureur du TPIY n’ait jamais inclus dans ses actes d’accusation,
dans les affaires en rapport avec l’opération « Tempête», le chef de géno -
cide, n’a pas automatiquement pour effet de vouer à l’échec lha demande
reconventionnelle de la Serbie.
134
7 CIJ1077.indb 264 18/04/16 08:54 134 application de convehntion génocide (arrêth)
Les Parties ne paraissent pas, d’ailleurs, être en désaccord sur les deux
propositions qui précèdent. La Croatie, cependant, souligne que l’habsence de
condamnation par le TPIY et, au surplus, l’absence de toute poursuiteh en -ga
gée du chef de génocide en rapport avec l’opération « Tempête» affaiblissent
grandement la thèse qui est à la base de la demande reconventionnehlle serbe,
à savoir qu’un génocide a été commis par les organes de la Croatie.
b) Examen de la question de savoir si les actes allégués par la Serbi▯e sont
matériellement établis
462. La Cour va à présent examiner les différentes catégories d’hactes
allégués par la Serbie au soutien de sa demande reconventionnelle,h afin de
rechercher, pour chacun d’entre eux, s’ils sont matériellement hétablis sur la
base des éléments de preuve qui lui ont été présentés.h Elle le fera en suivant
l’ordre indiqué au paragraphe 452 ci-dessus, à savoir:i) meurtre de civils
résultant des bombardements indiscriminés sur les villes de la Krahjina ;
ii) déplacement forcé de la population serbe de la Krajina ; iiimeurtre de
Serbes fuyant par colonnes les villes attaquées ; iv)eurtre de Serbes restés
dans les zones de la Krajina protégées par les Nations Unies ; v) mauvais
traitements infligés aux Serbes pendant et après l’opératihon« Tempête».
i) Meurtre de civils résultant des bombardements prétendument
indiscriminés sur les villes de la Krajina
463. Selon la Serbie, les forces armées croates auraient procédé, dèhs le
début des actions militaires dans le cadre de l’opération «Tempête», à des
bombardements indiscriminés sur plusieurs villes et villages de la Krhajina,
région peuplée en majorité par des Serbes, à savoir Knin, lah ville la plus
importante de la région, mais aussi Benkovac, Obrovac, Gračac, Boshansko,
Grahovo, Kijani, Kistanje, Uzdolje, Kovačić, Plavno, Polača et hBuković.
Ces bombardements auraient visé indifféremment des cibles militairehs
— là où il en existait — et la population civile. Il en serait résulté de nom
breux morts parmi les civils; selon le défendeur, dans la seule municipalité
de Knin, 357 personnes auraient été tuées, dont 237 civils, pour beaucoup
d’entre elles lors des bombardements indiscriminés. La Serbie ajoute que
ces bombardements auraient été ordonnés dans l’intention de hfaire fuir la
population serbe de la Krajina ; cet aspect, qui se rapporte à la deuxième
catégorie d’actes allégués par la Serbie, à savoir le déhplacement forcé de la
population serbe, sera examiné au point suivant.
Selon la Croatie, au contraire, les bombardements opérés sur des vhilles
de la Krajina visaient exclusivement des cibles militaires, et pour autahnt
qu’ils auraient fait des victimes civiles — dont le nombre, en tout état de
cause, serait très inférieur aux allégations de la Serbie — cela aurait été la
conséquence non pas d’une volonté délibérée de viser la population civile,
mais seulement de la proximité des objectifs militaires avec les zonehs habi-
tées par une telle population. La Croatie invoque, au soutien de son affir -
mation, les conclusions auxquelles est parvenue la chambre d’appel duh
TPIY dans l’affaire Gotovina.
135
7 CIJ1077.indb 266 18/04/16 08:54 135 application de convehntion génocide (arrêth)
464. Les Parties tirant des conséquences largement opposées des décih-
sions rendues par le TPIY dans l’affaire Gotovina, et ces décisions étant
d’une grande pertinence pour les besoins de la présente espèce,h il y a lieu
d’abord pour la Cour de rappeler sommairement en quoi consistaient lehs
procédures engagées devant le TPIY dans cette affaire, et quelle a été la
teneur des décisions rendues en première instance puis en appel.
465. Les poursuites ayant abouti à ces décisions ont été engagéhes par le
procureur du TPIY en 2001 et 2006 à l’encontre d’Ante Gotovina,
Ivan Cermak et Mladen Markač, trois officiers généraux croates qui
avaient été à des titres divers responsables, en août 1995, de l’opération
«Tempête». Celle -ci avait pour objectif déclaré de permettre au gouver -
nement de la Croatie de reprendre le contrôle de la Krajina, alors cohntrô-
lée par les autorités de la RSK.
Les chefs d’accusation, communs aux trois officiers poursuivis, éhtaient
principalement la persécution, le meurtre et l’assassinat, l’exhpulsion et le
transfertforcé de la population, les actes inhumains et cruels, la destruc -
tion de villes et villages sans nécessité militaire.
En substance, le procureur soutenait que les forces armées croates
s’étaient livrées à des attaques d’artillerie indiscriminhées sur un grand
nombre de villes et villages de la Krajina, attaques visant délibéhrément les
zones civiles aussi bien que les objectifs militaires. Ces attaques avaient
causé la mort de nombreux civils, des destructions de biens matérihels sans
rapport avec des cibles militaires et le départ de la majeure partie de la
population, qui avait fui les zones bombardées.
466. La chambre de première instance, par son jugement du
15 avril 2011, a acquitté le général Cermak, mais a déclaré coupables les
généraux Gotovina et Markač, et les a condamnés respectivemehnt à
24 et 18 années d’emprisonnement.
Elle a considéré que ces officiers avaient pris part à une enthreprise cri
minelle commune visant à expulser la population civile serbe de la Krha-
jina, au moyen de bombardements indiscriminés sur les quatre villes dhe
Knin, Benkovac, Obrovac et Gračac, qui avaient pour but — à côté des
fins strictement militaires — d’effrayer et de démoraliser la population
pour la contraindre à fuir.
Elle a donc retenu à la charge des deux accusés les chefs de meurthre,
expulsion, persécution, destructions et actes inhumains, notamment (hjuge -
ment Gotovina, par. 2619 et 2622).
467. Pour parvenir à cette conclusion, la chambre de première instance h
s’est fondée, d’une part, sur certains documents, parmi lesquelhs le
procès-verbal de la réunion tenue à Brioni le 31 juillet 1995, soit
quelquesjours avant le lancement de l’opération, sous la présidence du hpré-
sident Tudjman — procès-verbal dont il sera question plus loin dans le
présent arrêt —, d’autre part et surtout, sur le critère dit «standard des
200 mètres » (ibid., par. 1970-1995, 2305 et 2311). Selon ce critère, seules
les munitions d’artillerie dont le point d’impact se situe à moins de
200 mètres d’une cible militaire identifiée pourraient être considérées
comme ayant visé cette cible, tandis que celles s’écrasant àh plus dem20è0tres
136
7 CIJ1077.indb 268 18/04/16 08:54 136 application de convehntion génocide (arrêth)
d’un objectif militaire devraient être regardées comme indiquanht que l’at-
taque visait délibérément à atteindre des cibles civiles touht autant que
militaires, et était donc indiscriminée (jugement Gotovina, par. 1898).
Appliquant ce standard au cas d’espèce, la chambre de première hinstance
a conclu que les attaques d’artillerie dirigées sur les quatre vilhles mentio-
nées plus haut (mais pas sur les autres villes et villages de la Krahjina) avaient
été indiscriminées, dès lors qu’une grande proportion desh munitions étaient
tombées à plus de 200 mètres d’une quelconque cible militaire identifiable
(ibid., par. 1899-1906, 1917-1921, 1927-1933 et 1939-1941).
468. La chambre d’appel, dans son arrêt du 16 novembre 2012,
a contredit l’analyse de la chambre de première instance et infirmé le
jugement.
Elle a estimé que le « standard des 200 mètres» était dépourvu de base
légale et de justification convaincante. Elle en a déduit que lah chambre de
première instance ne pouvait pas raisonnablement, sur la seule base dhe
l’application de ce standard, conclure à l’existence d’attaqhues d’artillerie
indiscriminées sur les quatre villes en cause. Elle a estimé en outre que le
raisonnement de la chambre de première instance reposait essentiellement
sur l’application du standard en question, et qu’aucun autre élhément de
preuve soumis aux débats — en particulier le procès-verbal de la réunion
de Brioni — n’établissait de manière convaincante la volonté délhibérée
des forces armées croates de prendre pour cible la population civile h(arrêt
Gotovina, par. 61, 64-65, 77-83 et 93). En conséquence, la chambre d’ap -
pel a conclu qu’il n’était pas prouvé qu’il y ait eu une h« entreprise crimi-
nelle commune » et a prononcé l’acquittement des deux accusés pour
l’ensemble des chefs d’accusation (parmi lesquels le meurtre et l’expul -
sion) (ibid., par.158).
469. La Cour rappelle que, comme elle l’a affirmé en 2007, elle doit
«en principe admettre comme hautement convaincantes les conclusions
de fait pertinentes auxquelles est parvenu le Tribunal en première inhs -
tance, à moins, évidemment, qu’elles n’aient été infirmées en appel » (voir
ci-dessus, le paragraphe 182).
Cela devrait la conduire, dans la présente affaire, à tenir le plush grand
compte des constatations de fait de la chambre de première instance qhui
n’ont pas été contredites par la chambre d’appel, et à dohnner dûment
poids aux constatations et appréciations de la chambre d’appel conhcer -
nant la question du caractère indiscriminé des attaques d’artilhlerie lancées
contre les villes de la Krajina dans le cadre de l’opération « Tempête».
470. Pour faire échec à une telle conclusion, la Serbie, il est vrai, a fait
valoir que les conclusions d’une chambre d’appel du TPIY ne devaiehnt
pas automatiquement se voir conférer plus de poids que celles d’une
chambre de première instance. En effet, selon la Serbie, les membres de la
chambre d’appel sont désignés de manière aléatoire et varhient d’une
affaire à l’autre, de sorte qu’ils n’ont pas plus d’expéhrience ou d’autorité
que ceux de la chambre de première instance qui a jugé la même haffaire.
La principale différence entre les deux formations semble être que hla pre -
mière se compose de cinq juges, tandis que la seconde se compose de
137
7 CIJ1077.indb 270 18/04/16 08:54 137 application de convehntion génocide (arrêth)
troisjuges. En outre, en l’espèce, la chambre de première instance ah statué
à l’unanimité lorsqu’elle a condamné Gotovina et Markačh, tandis que la
chambre d’appel n’a adopté son arrêt d’acquittement que phar trois voix
contre deux. Au total, la majorité des juges ayant examiné l’affaire Goto‑
vina a été d’avis que les forces croates se sont livrées à dehs attaques indis-
criminées contre les quatre villes de la Krajina susmentionnées.
Il en résulterait, selon la Serbie, que dans les circonstances partichulières
de la présente espèce la Cour ne devrait pas attacher plus d’imhportance
aux conclusions de la chambre d’appel qu’à celles de la chambreh de pre -
mière instance, et se faire elle-même une idée du caractère plus ou moins
convaincant des arguments retenus par les deux formations de jugement
successives.
471. Quelles que soient les conditions dans lesquelles sont choisis les
membres de la chambre d’appel, qu’il n’appartient pas à la Chour d’appré -
cier, les décisions rendues par cette dernière représentent le hdernier mot
du TPIY sur les affaires qui lui sont soumises, lorsque l’une des parthies a
choisi de faire appel du jugement de première instance. En conséquhence,
la Cour ne saurait placer sur le même plan les constatations et apprécia -
tions de la chambre de première instance et celles de la chambre d’happel ;
en cas de divergences, elle ne peut qu’accorder un poids prééminent aux
énoncés figurant dans l’arrêt de la chambre d’appel, tohut en conservant en
dernière analyse le pouvoir de trancher elle -même les questions qui se
posent à elle en fait et en droit.
472. La Cour déduit de ce qui précède qu’elle ne saurait conclureh à
l’existence d’attaques d’artillerie indiscriminées contre lehs villes de la Kra-
jina, visant délibérément à faire des victimes civiles. Ce nh’est que dans des
circonstances exceptionnelles qu’elle se dissocierait des conclusionsh, sur une
question comme celle-ci, adoptées par le TPIY. La Serbie a, certes, attiré
l’attention de la Cour sur les controverses qu’a provoquées l’harrêt de la
chambre d’appel. Cependant, aucun élément, antérieur ou posthérieur à cet
arrêt, n’a été présenté à la Cour qui prouverait inhdiscutablement l’intention
des autorités croates de prendre délibérément pour cibles dehs tirs d’artillerie
les zones civiles des villes peuplées par les Serbes. En particulier,h une telle
intention ne résulte pas des mentions figurant au procès -verbal de la réu -
nion de Brioni, qui sera analysé plus en détail ci -après, à propos de l’exis-
tence du dolus specialis. On ne saurait non plus la regarder comme
indiscutablement établie sur la base des déclarations de personnesh appelées
à témoigner devant la chambre de première instance du TPIY dansh l’affaire
Gotovina et citées comme témoins par la Serbie dans la présente affaire.h
473. La Serbie a en outre soutenu que, même si la Cour ne souhaitait
pas contredire la chambre d’appel en ce que celle -ci a estimé que les
attaques d’artillerie contre les villes de la Krajina n’étaienth pas indiscrimi-
nées, et qu’elles étaient donc licites au regard du droit interhnational huma-
nitaire, cela ne l’empêcherait pas de considérer que les mêmhes attaques,
menées dans le cadre d’un conflit armé, sont illicites au reghard de la
convention sur le génocide, dès lors qu’elles auraient étéh motivées par l’in -
tention de détruire la population serbe de la Krajina, en tout ou en hpartie.
138
7 CIJ1077.indb 272 18/04/16 08:54 138 application de convehntion génocide (arrêth)
474. Il n’est pas douteux qu’en règle générale un même acte peut par -
faitement être licite au regard d’un corps de règles juridiquesh, et être illi -
cite au regard d’un autre corps de règles juridiques. On ne sauraiht donc
pas exclure par principe qu’un acte accompli dans le cadre d’un cohnflit
armé et licite au regard du droit international humanitaire constitueh
simultanément, de la part de l’Etat qui l’accomplit, une violathion d’une
autre obligation internationale qui s’impose à lui.
Mais la Cour n’est pas appelée dans le contexte de la demande recohn -
ventionnelle à se prononcer sur les relations entre le droit internathional
humanitaire et la convention sur le génocide. La question à laquelhle elle
doit répondre est celle de savoir si les attaques d’artillerie conhtre les villes
de la Krajina en août 1995, dans la mesure où elles ont fait des victimes
civiles, ont constitué des « meurtre[s] de membres du groupe » des Serbes
de la Krajina, au sens du litt. a) de l’article II de la convention sur le
génocide, de telle sorte que ces attaques puissent être regardéhes, en consé -
quence, comme constituant l’élément matériel du génocide.h
Le meurtre au sens du litt. a) de l’article II de la Convention suppose
toujours l’existence d’un élément intentionnel — qui est tout à fait dis -
tinct de l’«intention spécifique» nécessaire par ailleurs à la caractérisation
du génocide —, à savoir l’intention de donner la mort (voir en ce sens le h
paragraphe 186 de l’arrêt de 2007 en l’affaire Bosnie‑Herzégovine c.
Serbie‑et‑Monténégro , qui indique que « le « meurtre» est nécessairement
intentionnel », mentionné ci -dessus au paragraphe 156 du présent arrêt).
En conséquence, si l’on estime que les attaques en cause ont éthé exclusive -
ment dirigées contre des objectifs militaires, et que les pertes civihles n’ont
pas été provoquées de propos délibéré, on ne saurait chonsidérer ces
attaques, en tant qu’elles ont occasionné la mort de civils, comme entrant
dans le champ du litt. a) de l’article II de la convention sur le génocide.
475. La Cour conclut de ce qui précède qu’il n’a pas été déhmontré que
des « meurtre[s] de membres du groupe » protégé, au sens de l’article II de
la Convention, aient été commis du fait des tirs d’artillerie dhirigés contre
des villes de cette région lors de l’opération « Tempête» en août 1995.
ii) Déplacement forcé de la population serbe de la Krajina
476. La Serbie soutient que le départ massif des Serbes de la Krajina,
dont elle évalue l’ampleur à un nombre de personnes situé enhtre 180 000
et 220 000, a été contraint et a résulté d’un plan politique déhlibéré conçu
par les autorités de la Croatie, afin que la population d’origine serbe
vivant en Croatie soit forcée de s’en aller pour être remplacéhe par une
population de souche croate.
La Croatie conteste cette affirmation, et soutient pour sa part que lesh
Serbes qui ont quitté la Krajina pendant et immédiatement après l’opéra -
tion « Tempête» sont partis en raison du risque de violence communé -
ment associé à un conflit armé ou de la crainte que leur insphiraient, de
manière générale, les forces croates, mais sans y être oblighés par celles-ci.
139
7 CIJ1077.indb 274 18/04/16 08:54 139 application de convehntion génocide (arrêth)
Elle ajoute que l’« exode» de la majorité de la population serbe a été
déclenché par une décision d’évacuation prise par le «h conseil suprême de
défense » de la « RSK». La Croatie invoque l’arrêt rendu par la chambre
d’appel du TPIY dans l’affaire Gotovina, dans lequel la chambre a infirmé
les conclusions du jugement de première instance selon lesquelles le hdépart
des Serbes avait été provoqué par des attaques illégales surh les villes de
Knin, Benkovac, Gračac et Obrovac.
477. La Cour n’est saisie que de la question de savoir si un génocide a
été commis à l’occasion de l’opération « Tempête». Or, le déplacement
forcé d’une population, à le supposer établi, ne constituerahit pas en
lui-même l’élément matériel du génocide.
Comme la Cour l’a indiqué dans son arrêt de 2007 en l’affaire Bosnie‑
Herzégovine c. Serbie‑et‑Monténégro,
«[d]e telles mesures [de nettoyage ethnique] ne sauraient constituer une
forme de génocide au sens de la Convention que si elles correspondenth
à l’une des catégories d’actes prohibés par l’articleII de la Convention
ou relèvent de l’une de ces catégories. Ni l’intention, soush forme d’une
politique visant à rendre une zone « ethniquement homogène», ni les
opérations qui pourraient être menées pour mettre en œuvre phareille
politique ne peuvent, en tant que telles, être désignées par le terme de
génocide … ; la déportation ou le déplacement de membres apparte -
nant à un groupe, même par la force, n’équivaut pas néceshsairement à
la destruction dudit groupe… Cela ne signifie pas que les actes quih sont
décrits comme étant du « nettoyage ethnique » ne sauraient jamais
constituer un génocide, s’ils sont tels qu’ils peuvent être hqualifiés, par
exemple, de « [s]oumission intentionnelle du groupe à des conditions
d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou par -
tielle», en violation du litt. c) de l’article II de la Convention, sous
réserve que pareille action soit menée avec l’intention spéchifique
(dolus specialis) nécessaire, c’est-à-dire avec l’intention de détruire le
groupe, et non pas seulement de l’expulser de la région. » (Application
de la convention pour la prévention et la répression du crime de ▯ nocide
(Bosnie‑Herzégovine c. Serbie‑et‑Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil
2007 (I), p. 123, par. 190 (italiques dans l’original).)
478. Combiné à d’autres éléments, et notamment à la commisshion
d’actes prohibés par l’article II, le déplacement forcé d’une population
peut contribuer à la preuve de l’intention génocidaire (voir lhes para -
graphes 162-163 ci-dessus).
479. En l’espèce, la Cour relève qu’il n’est pas contesté qhu’une partie
importante de la population serbe de la Krajina a fui cette région enh
conséquence directe des actions militaires conduites par les forces ahrmées
croates dans le cadre de l’opération « Tempête», notamment des tirs d’ar -
tillerie sur les quatre villes susnommées. Elle note aussi que le procès -
verbal de la réunion de Brioni, sur lequel elle reviendra plus loin (hvoir les
paragraphes 501-507 ci-après), fait apparaître que les plus hautes autori -
tés politiques et militaires croates étaient parfaitement conscienhtes que
140
7 CIJ1077.indb 276 18/04/16 08:54 140 application de convehntion génocide (arrêth)
l’opération « Tempête» provoquerait un exode massif de la population
serbe ; elles ont même fondé, en partie, leurs plans militaires sur l’hhypo -
thèse d’un tel exode, qu’elles tenaient non seulement pour probhable mais
pour souhaitable (voir le paragraphe 504 ci-après).
480. Quoi qu’il en soit, même s’il était établi que les autorités croates
avaient eu l’intention de procéder à un déplacement forcéh de la popula -
tion serbe de la Krajina, un tel déplacement ne serait susceptible deh
constituer l’élément matériel du génocide que s’il devhait entraîner la des-
truction physique, totale ou partielle, du groupe visé, ce qui le ferhait entrer
dans le champ du litt. c) de l’article II de la Convention.
La Cour constate que les éléments de preuve qui lui ont été hsoumis ne
lui permettent pas de parvenir à une telle conclusion. S’il y a euh une poli -
tique délibérée d’expulsion des Serbes de la Krajina, il n’hest pas établi en
tout cas qu’une telle politique aurait visé à provoquer la desthruction phy-
sique de la population en cause.
iii)Meurtre de Serbes fuyant en colonnes les villes attaquées
481. Selon la Serbie, les colonnes de Serbes qui fuyaient leurs habita -
tions ont été la cible de tirs d’artillerie, de bombardements aériens, de tirs
d’infanterie et même d’attaques de civils croates. C’est danhs les zones du
secteur nord que la majorité des attaques auraient eu lieu. La Serbieh se
fonde sur certains témoignages dont il résulte notamment qu’au hmatin
du 4 août 1995, c’est-à-dire au début de la prise de Knin, de longs convois
de réfugiés fuyant des municipalités voisines auraient traverséh Knin sous
les bombardements. Les routes empruntées par ces convois auraient éhté
délibérément bombardées par les forces croates, tout comme lh’auraient été
les convois de civils fuyant Knin le 5 août. La Serbie se réfère en outre aux
rapports de l’organisation Human Rights Watch et du CHC. Ce dernier
indique que les Serbes avaient déjà formé, le 6 août, une colonne fuyant
les forces croates ayant pris les villes de Knin, Obrovac et Benkovac,
dans le secteur sud. Des convois de réfugiés serbes se trouvant sur d’hautres
routes auraient également été attaqués et de telles attaques se seraient
également produites contre des civils à proximité des villes deh Glina et
Zivorac (sur la route entre Glina et Dvor), Maja et Cetingrad (dans lhe
secteur nord), ainsi que Vrhovine et Petrovac (dans le secteur sud). hA
l’appui de ses allégations, la Serbie fournit également douze déphosi -
tions de témoins faites devant les tribunaux de Serbie et de Bosnie -
Herzégovine.
La Croatie réfute ces accusations. Elle affirme que les civils fuyant les
villes et villages visés par l’opération militaire traversaienth des zones de
combat, de sorte qu’ils ont pu essuyer des tirs qui ne leur étaient pas des -
tinés, et que les colonnes qui ont essuyé des tirs comportaient d’hailleurs à
la fois des civils et des militaires.
La Croatie affirme en outre que la quasi -totalité des allégations du
défendeur sur cette question reposent sur le rapport du CHC, dont ellhe
conteste la fiabilité.
482. La Cour constate que le TPIY ne s’est pas penché sur la question
141
7 CIJ1077.indb 278 18/04/16 08:54 141 application de convehntion génocide (arrêth)
des attaques de Serbes fuyant en colonnes. Il lui appartient de se pronohn-
cer à cet égard sur la base des éléments de preuve qui lui ohnt été présentés
par les Parties.
483. Force est de constater que les éléments de preuve produits par la h
Serbie ne sont pas parfaitement concluants. En effet, comme la Cour l’ha
indiqué, elle ne peut regarder un fait comme établi sur la base exclusive
des rapports du CHC et de Human Rights Watch (voir plus haut, les
paragraphes 457-459). Les déclarations de témoins faites devant les tribu -
naux de Serbie et de Bosnie -Herzégovine n’attestent pas toujours d’une
connaissance directe des faits. En tout état de cause, ces élémhents laissent
subsister une large incertitude, notamment quant à l’échelle et à l’origine
des attaques subies par les colonnes de réfugiés serbes.
484. Toutefois, la Cour estime qu’il existe des éléments de preuve shuffi -
sants pour considérer établi que de telles attaques ont eu lieu, eht qu’une
partie d’entre elles ont été le fait des forces armées croathes ou ont été
perpétrées avec l’assentiment de celles-ci.
A cet égard, la Cour attache un certain poids au passage suivant
du rapport de M me Elisabeth Rehn, rapporteuse spéciale de la Commis -
sion des droits de l’homme, s’exprimant ainsi au sujet de l’opération
« Tempête»:
«Les civils en fuite ont été soumis à diverses formes de harcèhle -
ment, dont des attaques de militaires et de civils croates. Le 8 août,
le pilonnage d’une colonne de réfugiés entre Glina et Dvor a fahit au
moins 4 morts et 10 blessés. Le 9 août, à Sisak, la foule a attaqué à
coups de pierre une colonne de réfugiés serbes, blessant de nom -
breuses personnes, dont une femme qui n’a pas survécu à ses blehs -
sures. La police croate a assisté à l’incident sans broncher juhsqu’au
moment où des observateurs de police civile des Nations Unies sont
arrivés sur les lieux et l’ont incitée à intervenir. A Belgrhade, la Rap -
porteuse spéciale a rencontré quelques réfugiés de la Krajina. Ils lui
ont rapporté les circonstances tragiques de leur fuite, particulièhre -
ment traumatisante pour les enfants, les vieillards, les malades et les h
blessés.» (Nations Unies, doc. S/1995/933, p. 7, par. 18.)
En outre, la Cour accorde un crédit important à certaines déclarations,
citées par la Serbie, de personnes ayant attesté avoir une connaishsance
directe de telles attaques lors de témoignages recueillis par les trihbunaux
de Serbie et de Bosnie -Herzégovine dans les années qui ont suivi l’opéra -
tion « Tempête». En particulier, M. Boris Martinović a relaté que, ayant
fui Glina suite au bombardement de cette ville entre les 4 et 7 août 1995,
le convoi de réfugiés dans lequel il se trouvait avait rejoint un hconvoi de
personnes fuyant Knin et la région de Kordun, et que la colonne ainsih
formée avait été bombardée par l’armée croate près de Brezovo Polje,
puis de nouveau près de Gornji Zirovac. M. Mirko Mrkobrad, qui a été
cité comme témoin dans la présente affaire, a affirmé avoir hfait partie d’un
convoi de réfugiés ayant été la cible de tirs d’artillerihe de la part des forces
croates aux environs du lieu -dit Ravno Rasce le 8 août 1995.
142
7 CIJ1077.indb 280 18/04/16 08:54 142 application de convehntion génocide (arrêth)
485. La conclusion de la Cour est que des meurtres ont bien été com -
mis lors de la fuite des réfugiés en colonnes, même si elle n’est pas en
mesure d’en évaluer le nombre, et qu’il subsiste un doute imporhtant sur
leur caractère systématique. Ces meurtres, entrant dans le champ dhu
litt.a) de l’article II de la convention sur le génocide, constituent l’élé -
ment matériel du génocide.
iv) Meurtre des Serbes restés dans les zones de la Krajina protégée▯s
par les Nations Unies
486. La Serbie soutient que pendant l’opération «Tempête», et une fois
celle-ci officiellement terminée, les unités croates ont procédé hdans les
zones protégées par les Nations Unies (ZPNU) en RSK à l’exhécution sys-
tématique de civils serbes ainsi que de soldats ayant rendu les armes. Elle
allègue que, si l’essentiel des massacres a été commis en aohût1995, ceux-ci
se sont poursuivis jusqu’à la fin de l’année 1995, les forces croates ayant
alors procédé au massacre systématique des Serbes qui n’avaihent pas fui les
villages attaqués. Le défendeur admet que, si l’essentiel des massacres
ayant eu lieu dans le secteur sud est, selon lui, à présent bien éhtabli et
répertorié, les informations disponibles à propos de ceux perpétrés dans le
secteur nord sont plus parcellaires. Il soutient toutefois que les forcehs
croates ont procédé à l’exécution systématique des civils serbes restés dans
les ZPNU, tant dans le secteur sud que dans le secteur nord. Il se réhfère
notamment aux conclusions de la chambre de première instance en l’af -
faire Gotovina, qui confirmeraient selon lui que les forces militaires croates
et la police spéciale ont continué à prendre la population civihle serbe de la
Krajina pour cible après l’opération « Tempête» et ont commis pendant
les mois d’août et septembre 1995 plus de quarante homicides identifiés.
La Croatie conteste ces allégations. Elle affirme que, s’il est vhrai que des
crimes ont été commis à l’encontre des Serbes pendant l’ohpération «Tem-
pête» et immédiatement après celle -ci, il s’agissait d’actes isolés, dont les
auteurs ont été condamnés par la justice croate. Il n’y aurait pas eu, en
revanche, de meurtres systématiques des Serbes restés dans les ZPNhU. La
Croatie conteste en outre la fiabilité du rapport du CHC, sur lequehl sont
fondées, dans une large part, les allégations de la Serbie.
487. La Cour constate que le fait que des exécutions sommaires de
Serbes ont eu lieu dans les ZPNU au cours de l’opération « Tempête» et
dans les semaines qui ont suivi est établi par plusieurs témoignaghes de
personnes entendues par le TPIY dans le cadre de l’affaire Gotovina.
488. La chambre de première instance a été suffisamment convaincue h
par ces éléments de preuve pour regarder comme établi le fait qhue les
forces militaires et la police spéciale de Croatie ont commis des meuhrtres
de Serbes dans au moins sept villes de la Krajina.
Ainsi, elle a considéré comme établis les meurtres de quatre Sehrbes par
un ou des membres de la police spéciale croate le 7 août 1995 à Oraovac,
dans la municipalité de Donji Lapac (voir jugement Gotovina, par. 217-218),
ainsi que ceux de trois personnes par des membres de l’armée croathe dans
143
7 CIJ1077.indb 282 18/04/16 08:54 143 application de convehntion génocide (arrêth)
la municipalité d’Evernik (deux le 7 août 1995 dans le village de Mokro
Polje et un aux environs du 18 août dans le village d’Oton Polje) (voir
jugement Gotovina, par. 226-227 et 231 -232). Elle a également considéré
comme établis les meurtres par des membres de l’armée croate deh trois
personnes à Gračac, dans le village de Zarmja, en août et septehmbre1995
(ibid., par. 246 et 254-256), d’une personne à Kistanje, dans le village de
Rudele, au début du mois d’août 1995 (ibid., par. 312), ainsi que d’une
personne à Kolarina, dans la municipalité de Benkovac, le 28 sep-
tembre 1995 (ibid., par. 207 et 1848). Enfin, elle a regardé comme établi
que les municipalités de Knin et d’Orlič ont été le théâtre d’un certain
nombre de meurtres commis par les forces militaires et la police spéchiale de
Croatie, avec un total de 23 victimes à Knin entre les 5 et 25 août 1995
(ibid., par. 313-481) et neuf à Orlič le 6 août de la même année (ibid.,
par. 489-526). La chambre de première instance a constaté que les victimesh
étaient toutes des civils ou des personnes détenues, ou autrement hplacées
hors de combat (ibid., par. 1733 et 1849).
489. Si les rapports des organisations non gouvernementales CHC et
Veritas ne peuvent être regardés comme suffisamment crédibles hpour per -
mettre d’établir le nombre de victimes civiles serbes dans les ZPNhU, leurs
conclusions corroborent, cependant, l’existence d’exécutions sommaires.
Au surplus, la Croatie elle-même a admis l’existence de certains meurtres.
490. La Cour note que, si la chambre d’appel a infirmé le jugement deh
première instance, elle n’a pas contredit les constatations de faiht de la
chambre de première instance en ce qui concerne les meurtres et les mhau -
vais traitements infligés à des Serbes par des membres de l’ahrmée ou de la
police croate. Son raisonnement, qui a été résumé plus haut dans le pré -
sent arrêt, a été fondé sur le fait que le caractère indihscriminé des tirs
d’artillerie sur les «uatre villes » n’avait pas été correctement établi par
la chambre de première instance et ne pouvait pas l’être sur lah base des
éléments de preuve à la disposition de la chambre d’appel, et qu’en consé-
quence l’existence d’une entreprise criminelle commune visant à expulser
les Serbes de la Krajina n’était pas démontrée. En statuant ainsi, la
chambre d’appel ne s’est pas prononcée, parce qu’elle n’ehn avait pas
besoin, sur les divers actes particuliers de meurtres et de mauvais traite -
ments relevés — et considérés comme établis — par la chambre de pre-
mière instance. Il y a lieu d’insister, à cet égard, sur le hfait que la chambre
d’appel devait se prononcer sur la responsabilité pénale indivihduelle des
deux hauts gradés croates qui étaient accusés, et non pas sur chelle d’autres
membres des forces armées et de police croates ayant commis des crimehs
à l’occasion de l’opération « Tempête», et encore moins, évidemment, sur
la responsabilité internationale de la Croatie, ce qui est la tâchhe qui
incombe à la Cour.
491. La Cour estime donc que les conclusions de fait qui figurent dans
le jugement de la chambre de première instance au sujet des meurtres hde
Serbes commis pendant et après l’opération « Tempête» dans les ZPNU
sont de celles qu’elle doit admettre comme « hautement convaincantes »,
dès lors qu’elles n’ont pas été « infirmées en appel » ( Application de
144
7 CIJ1077.indb 284 18/04/16 08:54 144 application de convehntion génocide (arrêth)
la convention pour la prévention et la répression du crime de géno▯cide
(Bosnie‑Herzégovine c. Serbie‑et‑Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil
2007 (I), p. 134, par. 223).
me
492. En outre, la Cour relève aussi que le rapport déjà cité de Mh Eli-
sabeth Rehn, présenté à l’Assemblée générale et au Conseil de sécurité,
s’exprime ainsi:
«Selon les éléments d’appréciation recueillis jusqu’ici, lhes viola -
tions des droits de l’homme et du droit humanitaire commises pen -
dant et après l’opération «Storm» ont pris les formes suivantes :
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . h . . . . . . . . . . . . . .
c) Meurtres de civils serbes restés sur place… » (Nations Unies,
doc. S/1995/933, p. 8, par. 23.)
493. La Cour conclut que des actes entrant dans le champ du litt. a) de
l’articleII de la convention sur le génocide ont été commis par des
membres des forces armées croates à l’encontre de certains civihls serbes et
de soldats ayant rendu les armes, demeurés dans les zones dont l’armée
croate a pris le contrôle lors de l’opération «Tempête». Ces actes, en tant
que « meurtres», constituent l’élément matériel du génocide.
v) Mauvais traitements infligés aux Serbes pendant et après l’op▯éra ‑
tion «Tempête»
494. La Serbie allègue que, pendant et immédiatement après l’opéra -
tion « Tempête», nombre de Serbes ont été victimes de mauvais traite -
ments et d’actes de torture de la part des forces croates. Elle s’happuie sur
les déclarations de plusieurs personnes ayant témoigné devant dhes tribu-
naux en Serbie, ainsi que sur les divers rapports disponibles au sujet dhe
l’opération « Tempête». Elle renvoie également aux conclusions de la
chambre de première instance en l’affaire Gotovina, qui confirmeraient
selon elle que les forces militaires croates et la police spéciale seh seraient
livrées pendant les mois d’août et septembre 1995 à de nombreux actes
inhumains et traitements cruels à l’encontre de Serbes.
La Croatie réfute ces accusations. Elle conteste le caractère probhant des
éléments de preuve produits par la Serbie ainsi que l’ampleur dhes actes
invoqués par cette dernière. Elle insiste sur le fait qu’en touht état de cause
les dirigeants croates, et notamment le président Tudjman, n’ont shelon
elle jamais eu l’intention de détruire les Serbes de la Krajina.
495. Les mêmes considérations que celles qui ont été exposées,h au
point précédent, au sujet des allégations de meurtres de Serbesh dans les
ZPNU conduisent la Cour à regarder comme suffisamment établie l’hexis -
tence de mauvais traitements à l’encontre de Serbes. De tels actesh ont
été retenus par la chambre de première instance du TPIY dans l’affaire h
Gotovina, qui a considéré comme établi le fait que les forces militairehs et
la police spéciale de Croatie ont infligé des mauvais traitemenths à des
civils serbes et à des soldats ayant rendu les armes dans au moins quatre
villes de la Krajina, actes qu’elle décrit en détail dans le chapitre4 de son
jugement.
145
7 CIJ1077.indb 286 18/04/16 08:54 145 application de convehntion génocide (arrêth)
Ainsi, la chambre de première instance a considéré comme étahbli le fait
qu’un civil serbe du nom de Konstantin Drča a été arrêtéh devant chez lui
autour de 16 h 30 le 11 août 1995 par des personnes en uniforme dotées de
fusils automatiques, transporté dans une maison à Benkovac, où hil a été
détenu jusqu’au 15 mars 1996. Au cours de sa détention, des membres de
la police militaire croate (VP) l’ont battu à plusieurs reprisesh et ont menacé
de lui trancher la gorge (voir jugement Gotovina,par. 1111). La chambre a
également considéré que, à Gračac, un civil du nom de Boghdan Brkić a été
victime de mauvais traitements de la part de membres de l’armée crhoate
(HV), qui l’ont attaché à un arbre et lui ont causé des dohuleurs en faisant
brûler du textile immédiatement sous lui (voir ibid., par. 1120). A Knin, le
5 août 1995 et durant les jours qui ont suivi, dix personnes serbes ont été
battues, souvent sévèrement, menacées, et victimes de blessuresh et de mau -
vais traitements par des membres de la police militaire et de l’arméhe croates
(voir ibid., par. 316, 322, 476, 1136, 1138, 1141 et 1146). Il s’agissait de
civils ou de soldats ayant rendu les armes. A Orlić, le 16 août 1995, des
membres des forces militaires ou de la police spéciale de Croatie ont tenté
de brûler une vieille femme serbe (voir ibid., par. 1158).
La chambre de première instance a qualifié ces actions d’«h actes inhu-
mains» et de «traitement cruel» (voir ibid., par. 1800). Ces conclusions de
fait n’ont pas été infirmées par la chambre d’appel pour les mêmes raisons
que celles exposées précédemment.
Dans son rapport, la rapporteuse spéciale de la Commission des droits
de l’homme a inclus, parmi les « violations des droits de l’homme et du
droit humanitaire commises pendant et après l’opération «Storm»», des
« menaces et mauvais traitements à l’encontre de la population minorhi -
taire serbe de la part des militaires et policiers mais aussi des civilsh
croates » (Nations Unies, doc. S/1995/993, p. 8, par. 23).
496. Il ressort de la description détaillée qui figure dans le jugemehnt de
première instance du TPIY en l’affaire Gotovina que nombre des actes en
question atteignent au moins le degré de gravité qui permet de les faire
entrer dans la catégorie mentionnée au litt. b) de l’article II de la conven-
tion sur le génocide.
Compte tenu de la conclusion qui précède, la Cour n’estime pas hnéces-
saire, à ce stade de son raisonnement, de se prononcer sur le point dhe
savoir si ces actes, ou certains d’entre eux, équivalent aussi àh la «soumis-
sion intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner
sa destruction physique totale ou partielle» au sens dulitt. c) de l’article II
de la Convention.
vi) Destruction et pillage à grande échelle de biens appartenant aux
Serbes pendant et après l’opération « Tempête»
497. La Serbie soutient que, pendant et immédiatement après l’opéhra-
tion « Tempête», les forces croates ont systématiquement pillé et détruit h
les maisons serbes. Selon le défendeur, lesdites forces ont égalemhent
abattu et brûlé le bétail, souillé et détruit les puits, het volé le bois de -hauf
146
7 CIJ1077.indb 288 18/04/16 08:54 146 application de convehntion génocide (arrêth)
fage se trouvant dans les villages serbes. La Croatie conteste l’ampleur
des actes invoqués par la Serbie, et considère que, en tout étaht de cause, le
défendeur n’a pas établi que le Gouvernement croate ait de quelhque façon
que ce soit planifié, ordonné, commis ou encouragé de tels achtes. Elle
ajoute que pareils actes ne sauraient constituer l’élément matériel du
génocide au sens de l’article II de la Convention.
498. La Cour rappelle que, pour entrer dans le champ d’application du
litt. c) de l’article II de la convention sur le génocide, les actes allégués par
la Serbie devraient être tels qu’ils auraient soumis le groupe prohtégé à des
conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique, thotale ou
partielle. La Cour constate que les éléments de preuve qui lui ont été sou -
mis ne lui permettent pas de parvenir à une telle conclusion en l’hespèce. Si
des biens appartenant à des Serbes ont été pillés et détrhuits, il n’est en tout
cas pas établi que de tels pillages ou destructions auraient visé hà provoquer
la destruction physique de la population serbe de la Krajina.
Conclusion concernant l’existence de l’élément matériel d▯u génocide
499. Au vu de ce qui précède, la Cour est pleinement convaincue que,
pendant et après l’opération « Tempête», les forces armées et de police
croates ont commis à l’encontre de la population serbe des actes ehntrant
dans le champ des litt. a) et b) de l’article II de la convention sur le géno-
cide, actes constituant l’élément matériel du génocide.
Il y a donc lieu pour la Cour de rechercher si l’existence de l’inhtention
spécifique (dolus specialis)qui caractérise le génocide est établie en
l’espèce.
2) L’élément intentionnel du génocide (dolus specialis)
500. La Serbie soutient que les actes commis par la Croatie à l’encontrhe
de la population serbe de la Krajina et entrant, selon elle, dans les cahtégo -
ries visées aux litt.a), b) et c) de l’article II de la convention sur le géno -
cide l’ont été dans l’intention de détruire les Serbes deh la Krajina, partie
substantielle du groupe national et ethnique des Serbes de Croatie.
Selon elle, l’existence de cette intention génocidaire peut être déduite,
d’une part, des termes mêmes du procès -verbal de la réunion tenue à
Brioni le 31 juillet 1995, d’autre part et en tout état de cause, de la ligne
de conduite que fait apparaître l’ensemble des actions décidéhes et mises en
œuvre par les autorités croates, lors de l’opération « Tempête» et immé -
diatement après, ligne de conduite qui est telle qu’elle ne peut qhue dénoter
l’existence d’une intention génocidaire.
a) Le procès‑verbal de la réunion de Brioni
501. Le 31 juillet 1995 s’est tenue sur l’île de Brioni une réunion des
principaux chefs militaires croates, sous la présidence du présidehnt de la
République de Croatie Franjo Tudjman, en vue de préparer l’opération
«Tempête», laquelle a été effectivement lancée quelques jours plus tahrd.
147
7 CIJ1077.indb 290 18/04/16 08:54 147 application de convehntion génocide (arrêth)
Le procès-verbal intégral des discussions qui se sont déroulées lors de
cette réunion, et qui avaient été enregistrées, a été hproduit devant le TPIY
dans le cadre de la procédure de l’affaire Gotovina , puis produit par la
Serbie devant la Cour pour les besoins de la présente affaire. Sauf àh
quelques rares moments de la réunion, les propos tenus par les partichi -
pants ont pu être transcrits dans ce procès -verbal.
502. Selon la Serbie, plusieurs passages du procès-verbal démontrent la
volonté des autorités croates, au plus haut niveau, d’éliminher physique -
ment les Serbes de la Krajina.
La Serbie s’appuie sur les passages suivants.
Au début de la réunion, le président Tudjman s’est exprimé ainsi :
«Par conséquent, nous devrions laisser l’Est totalement de côtéh et
régler la question du Sud et du Nord.
Comment allons -nous procéder ? C’est l’objet de notre discussion
d’aujourd’hui. Nous devons infliger aux Serbes de telles pertes hque, dans
les faits, ils disparaîtront, autrement dit, les secteurs que nous ne pren
drons pas immédiatement devront capituler dans les jours qui suivent.h »
Plus tard dans la discussion, le président croate a ajouté : «Je vous prie,
Messieurs, de ne pas oublier combien de villes et de villages croates ont
été détruits, mais que Knin est toujours épargnée… »
Un peu plus loin encore, il a affirmé :
« Comme je l’ai dit, comme nous l’avons dit, ils doivent pouvoir
fuir par ici… Parce qu’il est important que les civils s’en ailhlent, et
ensuite, l’armée les suivra et lorsque les colonnes se mettront enh
marche, ils s’influenceront mutuellement sur le plan psychologique.h»
A cela le général Gotovina a répondu :
«De nombreux civils sont déjà en train de quitter Knin en direc -
tion de Banja Luka ou Belgrade. Cela signifie que, si nous mainte-
nons cette pression, dans quelque temps il n’y aura probablement
plus beaucoup de civils, seuls resteront ceux qui ne peuvent faire
autrement, ceux qui n’ont pas la possibilité de partir. »
Un peu plus tard, le fils du président, Miroslav Tudjman, a quant à lui
déclaré: «Il est réaliste de supposer que, lorsque ce sera réglé et que lheurs
forces [les forces armées des Serbes] se seront retirées [de la Krhajina], il
leur faudra dix jours pour se préparer. Dans ce délai, nous auronsh nettoyé
tout le secteur. »
Enfin, le président Tudjman s’est exprimé en ces termes : « Si nous en
avions les moyens, je préconiserais également de tout détruire hpar des
bombardements avant de progresser. »
503. La Croatie conteste l’interprétation faite par la Serbie du procès -
verbal de Brioni. Selon le demandeur, les discussions de Brioni ont porthé
exclusivement sur des questions militaires et stratégique: il s’agissait de pla
nifier l’opération «empête» de la manière la plus efficace, et non de régler
148
7 CIJ1077.indb 292 18/04/16 08:54 148 application de convehntion génocide (arrêth)
le sort de la population serbe vivant dans la Krajina. Seule une lecture orien-
tée de certains passages sortis de leur contexte pourrait suggérer, impropre -
ment selon la Croatie, l’existence d’un plan visant à détruihre la population
civile. La Croatie ajoute que telle a d’ailleurs été la conclushion tant de la
chambre de première instance que de la chambre d’appel du TPIY au hsujet
du sens et de la portée du procès-verbal de Brioni, dans l’affaireGotovina.
504. La Cour n’est pas convaincue par les arguments que la Serbie pré -
tend pouvoir tirer du procès-verbal de la réunion de Brioni.
De l’avis de la Cour, les passages cités ci -dessus, et qui sont tirés du
procès-verbal d’une réunion qui a duré au total près de deux heuresh, sont
loin de prouver l’intention des dirigeants croates de détruire phyhsique -
ment le groupe des Serbes de Croatie, ou la partie substantielle de ce
groupe, que constituaient les Serbes vivant dans la Krajina.
La formule du président Tudjman, dont la Serbie fait grand cas, selon
laquelle l’objectif des forces croates devrait être d’« infliger aux Serbes de
telles pertes que, dans les faits, ils disparaîtront » doit se lire dans son
contexte, et tout particulièrement à la lumière de ce qui suit himmédiate -
ment: «autrement dit, les secteurs que nous ne prendrons pas immédiate -
ment devront capituler dans les jours qui suivent ». Prise dans son
ensemble, cette phrase suggère bien davantage la fixation d’un ohbjectif
militaire que la volonté de détruire physiquement un groupe humainh.
Le fait que le président ait ensuite demandé aux personnes préshentes de
« ne pas oublier combien de villes et de villages croates [avaie]nt été
détruits» et leur ait rappelé que Knin «était toujours épargnée» ne prouve
pas non plus une intention, de la part de celui -ci, de détruire la popula -
tion serbe de la Krajina.
De même, la préoccupation exprimée par le chef de l’Etat crohate de la-is
ser accessibles des routes par lesquelles les civils serbes pourraient sh’enfuir,
« parce qu’il est important que les civils s’en aillent, et ensuite, l’armée les
suivra», ne suggère nullement l’intention de détruire le groupe dehs Serbes
comme tel, mais se comprend mieux comme s’inscrivant dans une démahrche
de stratégie militaire. Elle est éclairée, notamment, par la fohrmule finale de
la même phrase: «lorsque les colonnes [de civils et de soldats] se mettront
en marche, ils s’influenceront mutuellement sur le plan psychologiqhue ».
Il en va de même de la réponse du général Gotovina, lequel prévoyait
qu’il ne resterait plus beaucoup de civils serbes dans la région uhne fois
engagée l’offensive militaire croate, sauf « ceux qui n’ont pas la possibilité
de partir». Sans être directement liée à des considérations stratégiques,
cette remarque ne suggère aucunement la volonté de supprimer physihque -
ment la population serbe.
Par ailleurs, la formule employée par Miroslav Tudjman (« lorsque
leurs forces se seront retirées il leur faudra dix jours pour se préhparer …
[d]ans ce délai, nous aurons nettoyé tout le secteur »), tout en comportant
une part d’ambiguïté que le contexte ne permet pas de lever, neh démontre
pas de manière suffisamment convaincante une intention génocidairhe.
Enfin, la déclaration du président Tudjman, selon laquelle celuih -ci serait
en faveur « de tout détruire par des bombardements avant de progresser »
149
7 CIJ1077.indb 294 18/04/16 08:54 149 application de convehntion génocide (arrêth)
si les forces croates « en av[aient] les moyens », est intervenue dans le
cadre d’une discussion qui portait sur la nécessité d’utilisher les ressources
militaires dont ces forces disposaient avec retenue. Elle ne peut êtrhe inter-
prétée comme traduisant l’intention, de la part du présidenth, de détruire
les Serbes de la Krajina en tant que tels.
505. Tout au plus pourrait -on estimer que le procès -verbal de Brioni
fait ressortir que les dirigeants croates prévoyaient que l’offensihve mili -
taire qu’ils préparaient aurait pour effet de provoquer la fuite de la grande
majorité de la population serbe de la Krajina, qu’ils étaient shatisfaits de
cette conséquence et qu’en tout cas ils ne feraient rien pour l’hempêcher,
souhaitant au contraire favoriser l’exode des civils serbes.
Mais même cette interprétation, à la supposer exacte, serait lohin de per -
mettre de conclure à l’existence de l’intention spécifiqueh qui caractérise le
génocide.
506. La Cour relève en outre que la conclusion qui précède est confohr-
tée par la manière dont la chambre de première instance et la chhambre
d’appel du TPIY ont analysé, dans leurs décisions rendues en l’haf -
faire Gotovina, le procès-verbal de Brioni.
La chambre de première instance a trouvé dans certaines mentions dhu
procès -verbal un élément de preuve, parmi d’autres, de l’existence hd’un
plan concerté des dirigeants croates visant à expulser la population civile
serbe de la Krajina (l’« entreprise criminelle commune »). Mais elle n’y a
nullement vu la preuve d’une intention de détruire physiquement leh groupe
des Serbes de la Krajina. En particulier, au sujet des premiers propos chités
ci-dessus tenus par le président Tudjman («nous devons infliger aux Serbes
de telles pertes que, dans les faits, ils disparaîtront»), la chambre de pre -
mière instance a estimé que, «lue dans son contexte, cette déclaration spé-
cifique vise principalement les forces militaires serbes et non la pophulation
civile serbe» (jugement Gotovina, par. 1990) [traduction du Greffe].
Quant à la chambre d’appel, elle est restée bien en -deçà de l’analyse de
la chambre de première instance, en s’exprimant ainsi :
« Si l’on fait abstraction [de ce] contexte [caractérisé par le charactère
illicite des attaques], il n’était pas raisonnable de considérehr que la
seule interprétation possible du procès -verbal de Brioni impliquait
l’existence d’une entreprise criminelle commune visant à provoqhuer le
déplacement forcé de la population civile serbe. Certains passagesh du
procès-verbal de Brioni considérés comme des preuves à charge par la
Chambre de première instance peuvent, si les attaques d’artillerie ne
sont plus considérées comme illicites, être interprétés chomme peu
concluants pour démontrer l’existence d’une entreprise criminelhle com -
mune et comme reflétant par exemple la volonté, licite, d’aidher les
civils à quitter temporairement une zone de conflit, notamment pourh
obtenir un avantage militaire légitime et réduire le nombre de victimes.
Ainsi, les discussions sur les motifs invoqués pour justifier les ahttaques
d’artillerie, les départs éventuels de civils et l’ouverture de corridors de
sortie pourraient raisonnablement être interprétées comme se rahppor -
150
7 CIJ1077.indb 296 18/04/16 08:54 150 application de convehntion génocide (arrêth)
tant à des opérations de combat ou de relations publiques légithimes.
D’autres passages, comme la déclaration par laquelle M. Gotovina
annonce que ses hommes seraient capables de détruire la ville de Knin,
peuvent raisonnablement être interprétés comme une image servant à
décrire la présence des forces militaires stationnées dans un shecteur ou
la puissance militaire disponible dans le cadre de la planification d’hune
opération militaire.» (Arrêt Gotovina, par.93.) [Traduction du Greffe.]
507. En conclusion, la Cour considère que, même combinés les uns auxh
autres et même interprétés à la lumière du contexte géhnéral politique et
militaire du moment, les passages du procès -verbal de Brioni invoqués
par la Serbie, de même que le reste du document, n’établissent hpas l’exis -
tence de l’intention spécifique (dolus specialis) qui caractérise le génocide.
b) L’existence d’une ligne de conduite qui dénote l’intention g▯énocidaire
508. La Serbie soutient que, même si la Cour devait estimer que le
procès -verbal de Brioni ne fournit pas la preuve de l’intention génocidaire
de la Croatie et même si aucun des actes qu’elle allègue ne déhmontre par
lui-même l’existence d’une telle intention, l’ensemble des actiohns et des
déclarations des autorités croates avant, pendant et immédiatemhent après
l’opération « Tempête» font apparaître une ligne de conduite cohérente
qui ne peut que démontrer que lesdites autorités étaient animéhes par la
volonté de détruire, en tout ou en partie, le groupe des Serbes vihvant en
Croatie. Il en irait ainsi, en particulier, de l’ensemble des opérhations mili
taires menées par la Croatie pendant la période allant de 1992 à 1995, et
durant lesquelles les forces croates se seraient rendues coupables, selohn la
défenderesse, de crimes de guerre et de graves violations des droits de
l’homme à l’encontre des Serbes de Croatie. Selon la Serbie, cehtte période
aurait été marquée par une politique systématique de discrimination à
l’égard des Serbes, ayant culminé avec l’opération « Tempête», qui aurait
marqué le tournant vers une véritable entreprise de destruction duh groupe.
509. La Croatie conteste vigoureusement cette affirmation. Elle prétend
que l’ensemble des actions et déclarations des autorités croatehs invoquées
par la Serbie visaient strictement à reprendre les zones sous contrôhle serbe.
La Croatie aurait d’abord cherché à atteindre cet objectif par hle biais de
moyens pacifiques, mais n’aurait finalement eu d’autre choix que de recou -
rir à la force. Elle considère que les éléments de preuve avhancés par la
Serbie sont loin d’établir une ligne de conduite telle qu’elle hne puisse que
dénoter une intention de détruire le groupe protégé, en touth ou en partie.
510. A cet égard, la Cour rappelle deux éléments qui ressortent
de l’arrêt qu’elle a rendu dans l’affaire Bosnie‑Herzégovine c. Serbie‑et‑
Monténégro , déjà mentionnés plus haut dans le présent arrêt, et quih doivent
être regardés, à présent, comme solidement ancrés dans sah jurisprudence.
En premier lieu, ce qu’il est convenu d’appeler communément «h nettoyage
ethnique »e constitue pas en lui-même une forme de génocide. Le génocide
suppose l’intention de détruire physiquement, en tout ou en partieh, un
groupe humain comme tel, et non pas seulement la volonté de l’expulser
151
7 CIJ1077.indb 298 18/04/16 08:54 151 application de convehntion génocide (arrêth)
d’un territoire déterminé. Des actes de «nettoyage ethnique» peuvent, certes,
faire partie de la mise en œuvre d’un plan génocidaire, mais à la condition
qu’il existe une intention de détruire physiquement le groupe viséh et non pas
seulement d’obtenir son déplacement forcé (Application de la convention
pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosni▯ e‑Herzégovine
c. Serbie‑et‑Monténégro),arrêt, C.I.J.Recueil 2007(I), p. 122, par. 190).
En second lieu, pour qu’une ligne de conduite, c’est -à-dire un ensemble
cohérent d’actions exécutées dans une certaine période deh temps, puisse
être admise en tant que preuve d’une intention génocidaire, il hfaut qu’elle
soit telle qu’elle ne puisse que dénoter l’existence d’une thelle intention,
c’est-à-dire qu’elle ne puisse raisonnablement être comprise que comme
traduisant cette intention (voir les paragraphes 145-148 ci-dessus).
511. Sur la base des deux propositions qui précèdent, la thèse de lah
Serbie fondée sur la «ligne de conduite» ne paraît pas pouvoir être accueil -
lie. La Cour n’aperçoit pas dans la ligne de conduite adoptée phar les auto -
rités croates, immédiatement avant, pendant et après l’opéhration
«Tempête», un ensemble d’actions qui ne pourrait être raisonnablement
compris que comme traduisant l’intention, de la part de ces autoritéhs, de
détruire physiquement, en tout ou en partie, le groupe des Serbes vivhant en
Croatie.
512. Comme il a été dit plus haut, tous les actes allégués par lah Serbie
comme constitutifs de l’élément matériel du génocide ne shont pas factuel-
lement établis. Ceux qui le sont — en particulier des meurtres de civils et
des mauvais traitements infligés à des personnes sans défenseh— n’ont pas
été commis à une échelle telle qu’ils ne pourraient que dhémontrer l’exis -
tence d’une intention génocidaire.
513. Il est vrai que la Serbie a également invoqué, dans le cadre de sah
présentation de la « ligne de conduite» de la Croatie, les mesures adminis -
tratives imposées pour empêcher les Serbes de la Krajina de rentrehr chez
eux. Cet élément, selon la Serbie, renforce la conclusion — qu’elle
demande à la Cour de tirer — selon laquelle la cible réelle de l’opération
« Tempête» était la population civile serbe.
514. De l’avis de la Cour, même si les allégations de la Serbie se rhap -
portant au refus de laisser les réfugiés serbes rentrer chez eux —h alléga-
tions que conteste la Croatie — étaient exactes, cela ne permettrait pas
d’établir l’existence du dolus specialis : le génocide suppose l’intention de
détruire un groupe comme tel, et non pas de lui infliger des dommaghes ou
de l’éloigner d’un territoire, quelles que soient les qualifihcations juridiques
que l’on pourrait appliquer à de telles actions.
Conclusion concernant l’existence du dolus specialis, et conclusion géné‑
rale sur la commission d’un génocide
515. La Cour conclut de ce qui précède que l’existence du dolus specia‑
lis n’a pas été démontrée.
En conséquence, elle conclut qu’il n’a pas été établi hqu’un génocide a
été commis pendant et après l’opération « Tempête» à l’encontre de la
population serbe de Croatie.
152
7 CIJ1077.indb 300 18/04/16 08:54 152 application de convehntion génocide (arrêth)
B. Examen des autres conclusions de la demande reconventionnelle
1) Conclusions subsidiaires
516. A titre subsidiaire, pour le cas où la Cour n’accueillerait pas lehs
conclusions principales tendant à ce qu’elle déclare que la Croatie est
internationalement responsable d’actes de génocide qui lui sont athtri -
buables, la Serbie demande à la Cour de déclarer que la Croatie a hviolé les
obligations que lui imposent les litt. b), c), d) et e) de l’article III de la
convention sur le génocide. Il s’agit des obligations de ne pas cohmmettre
les actes constitutifs de : « b)l’entente en vue de commettre le génocide ;
c) l’incitation directe et publique à commettre le génocide d) la tentative
de génocide ; e) la complicité dans le génocide ».
517. La Cour, n’ayant constaté ci -avant aucun acte susceptible d’être
qualifié de génocide en relation avec les événements s’hétant déroulés pendant
et après l’opération « Tempête», ne peut qu’en déduire que l’obligation visée
au litt.e) de l’articleIII n’a pas été violée par la Croatie. En outre, faute de
l’intention spécifique qui caractérise le génocide, ni l’h«entente en vue de
commettre le génocide», ni l’«incitation directe et publique à commettre le
génocide», ni la tentative de génocide, qui supposent l’existence d’hune telle
intention, ne sauraient être retenues à l’encontre de la Croatihe.
Par suite, les conclusions subsidiaires ne peuvent être que rejetéhes.
2) Conclusions complémentaires
518. A titre complémentaire, que la Cour fasse droit ou non à ses
conclusions principales et subsidiaires, la Serbie demande à la Cour hde
déclarer que la Croatie a manqué à son obligation de punir les hactes de
génocide commis à l’encontre du groupe national et ethnique serhbe vivant
en Croatie, obligation que lui impose l’article VI de la convention sur le
génocide aux termes duquel :
«Les personnes accusées de génocide ou de l’un quelconque des auhtres
actes énumérés à l’article III seront traduites devant les tribunaux com -
pétents de l’Etat sur le territoire duquel l’acte a été chommis, ou devant
la Cour criminelle internationale qui sera compétente à l’éghard de celles
des Parties contractantes qui en auront reconnu la juridiction. »
519. Faute pour la Serbie d’avoir démontré l’existence d’un achte de
génocide ou d’un des autres actes mentionnés à l’article III de la Conven -
tion à l’encontre de la population serbe vivant en Croatie, ses cohnclusions
complémentaires sont également vouées à être rejetées.h
3) Conclusions tendant à la cessation des faits internationalement illic▯ites
imputables à la Croatie et à la réparation de leurs conséque▯nces
dommageables
520. La Serbie demande à la Cour d’ordonner à la Croatie de prendre h
immédiatement des mesures effectives pour se conformer à son obligation
153
7 CIJ1077.indb 302 18/04/16 08:54 153 application de convehntion génocide (arrêth)
de punir les auteurs des actes de génocide commis sur son territoire pen -
dant et après l’opération « Tempête», et de prendre diverses mesures
visant à réparer les dommages causés par ses actes illicites, nhotamment
par la voie de l’indemnisation des victimes.
521. Le présent arrêt ne retenant aucun fait internationalement illicithe,
au regard de la convention sur le génocide, à la charge de la Croahtie, ces
conclusions ne peuvent également qu’être rejetées.
Conclusion générale sur la demande reconventionnelle
522. La Cour conclut de l’ensemble des motifs qui précèdent que la
demande reconventionnelle doit être rejetée dans sa totalité.
*
* *
523. La Cour a déjà mentionné la question des personnes disparues
(voir les paragraphes 357-359 ci-dessus), dans le contexte de l’examen de
la demande principale. Elle note que des disparitions ont également ehu
lieu dans le contexte de l’opération « Tempête» et des événements qui
l’ont immédiatement suivie. Elle ne peut que réitérer sa demande aux
deux Parties de poursuivre leur coopération en vue de régler dans hles
meilleurs délais la question du sort des personnes disparues.
En outre, la Cour rappelle que, sa compétence en l’espèce éthant fondée
sur l’article IX de la convention sur le génocide, elle ne peut statuer que
dans les limites qui en résultent. Ses conclusions sont donc sans préhjudice
de toute question relative à la responsabilité que les Parties pouhrraient
supporter à raison de la violation d’obligations internationales ahutres que
celles qui découlent de la Convention elle-même. Pour autant que de telles
violations aient eu lieu, les Parties demeurent responsables de leurs cohnsé-
quences. La Cour encourage les Parties à poursuivre leur coopératihon en
vue d’offrir aux victimes de telles violations les réparations apprhopriées, et
consolider ainsi la paix et la stabilité dans la région.
*
* *
VII. Dispositif
524. Par ces motifs,
La Cour,
1) Par onze voix contre six,
Rejette la deuxième exception d’incompétence soulevée par la Serbieh et
dit que sa compétence pour connaître de la demande de la Croatie s’hétend
aux faits antérieurs au 27 avril 1992 ;
154
7 CIJ1077.indb 304 18/04/16 08:54 154 application de convehntion génocide (arrêth)
pour: M. Sepúlveda-Amor, vice‑président; me. Abraham, Keith, Bennouna,
Cançado Trindade, Yusuf, Greenwood, M Donoghue, MM. Gaja, Bhan-
dari, juges M.Vukas, juge ad hoc ;
contre:M. Tomka,président;MM. Owada, Skotnikov, M mesXue, Sebutinde,
juges; M.Kreća, juge ad hoc;
2) Par quinze voix contre deux,
Rejette la demande de la Croatie ;
pour: M.Tomka,président; M.Sepúlveda-Amor,vice‑président; MM.Owada,
Abraham, Keith, Bennouna, Skotnikov, Yusuf, Greenwood, M mesXue,
Donoghue, M. Gaja, M meSebutinde, M. Bhandari, juges; M.Kreća,
jugead hoc;
contre : M. Cançado Trindade, juge; M. Vukas, jugead hoc ;
3) A l’unanimité,
Rejette la demande reconventionnelle de la Serbie.
Fait en français et en anglais, le texte français faisant foi, au Palais de
la Paix, à La Haye, le trois février deux mille quinze, en trois exemplaires,
dont l’un restera déposé aux archives de la Cour et les autres hseront trans
mis respectivement au Gouvernement de la République de Croatie et au
Gouvernement de la République de Serbie.
Le président,
(Signé) Peter Tomka.
Le greffier,
(Signé) Philippe Couvreur.
M. le juge Tomka, président, joint à l’arrêt l’exposé de son opinion
individuelle; MM. les juges Owada, Keith et Skotnikov joignent à l’ar -
rêt les exposés de leur opinion individuelle ; M. le juge Cançado Trin-
dade joint à l’arrêt l’exposé de son opinion dissidente M mesles juges Xue
et D onoghue joignent des déclarations à l’arrêt ; M. le juge Gaja,
me
M la juge Sebutinde et M. le juge Bhandari joignent à l’arrêt les expo-
sés de leur opinion individuelle ; M. le juge ad hoc Vukas joint à l’arrêt
l’exposé de son opinion dissidente ; M. le juge ad hoc Kreća joint à l’arrêt
l’exposé de son opinion individuelle.
(Paraphé) P.T.
(Paraphé) Ph.C.
155
7 CIJ1077.indb 306 18/04/16 08:54
COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
RECUEIL DES ARRÊTS,
AVIS CONSULTATIFS ET ORDONNANCES
APPLICATION DE LA CONVENTION
POUR LA PRÉVENTION ET LA RÉPRESSION
DU CRIME DE GÉNOCIDE
(CROATIE c. SERBIE)
ARRÊT DU 3 FÉVRIER 2015
2015
INTERNATIONAL COURT OF JUSTICE
REPORTS OF JUDGMENTS,
ADVISORY OPINIONS AND ORDERS
APPLICATION OF THE CONVENTION
ON THE PREVENTION AND PUNISHMENT
OF THE CRIME OF GENOCIDE
(CROATIA v. SERBIA)
JUDGMENT OF 3 FEBRUARY 2015
7 CIJ1077.indb 1 18/04/16 08:53 Mode officiel de citation :
Application de la convention pour la prévention et la répression
du crime de génocide (Croatie c.Serbie),
arrêt, C.I.J. Recueil 2015, p.
Official citation:
Application of the Convention on the Prevention and Punishment
of the Crime of Genocide (Croatia v. Serbia),
Judgment, I.C.J. Reports 2015, p.3
o
N de vente:
ISSN 0074-4441 Sales number 1077
ISBN 978-92-1-157269-8
7 CIJ1077.indb 2 18/04/16 08:53 3 FÉVRIER 2015
ARRÊT
APPLICATION DE LA CONVENTION POUR LA PRÉVENTION
ET LA RÉPRESSION DU CRIME DE GÉNOCIDE
(CROATIE c. SERBIE)
APPLICATION OF THE CONVENTION ON THE PREVENTION
AND PUNISHMENT OF THE CRIME OF GENOCIDE
(CROATIA v . SERBIA)
3 FEBRUARY 2015
JUDGMENT
7 CIJ1077.indb 3 18/04/16 08:53 3
TABLE DES MATIÈRES
Paragraphes
Qualités 1-51
Introduction de l’instance, notifications, exceptions prélimi -
naires et dépôt des écritures sur le fond 1-16
Organisation de la procédure orale et mise à la disposition du
public des pièces de procédure ainsi que des comptes rendus
d’audience 17-48
Demandes formulées dans la requête et conclusions présentées
par les Parties 49-51
I.Contexte 52-73
A. La dissolution de la République fédérative socialiste de
Yougoslavie et l’émergence de nouveaux Etats 53-59
B. La situation en Croatie 60-73
II. Compétence et recevabhilité 74-123
A. La demande de la Croatie 74-119
1) Les questions de compétence et de recevabilité restant à
trancher après l’arrêt de 2008 74-78
2) Les positions des Parties en ce qui concerne la compétence
et la recevabilité 79-83
3) L’étendue de la compétence découlant de l’article IX de
la convention sur le génocide 84-89
4) L’exception d’incompétence soulevée par la Serbie 90-117
a) La question de savoir si les dispositions de la Conven
tion sont rétroactives 90-100
b) Le paragraphe 2 de l’article 10 des Articles de la CDI
sur la responsabilité de l’Etat 102-105
c) La succession à la responsabilité 106-117
5) Recevabilité 118-119
B. La demande reconventionnelle de la Serbie 120-123
III. Le droit applicable : la convention sur lah prévention
et la répression du crhime de génocide 124-166
A. La mens rea du génocide 132-148
1) Le sens et la portée de la notion de « destruction»
d’un groupe 134-139
a) La destruction physique ou biologique du groupe 134-136
b) L’ampleur de la destruction du groupe 137-139
4
7 CIJ1077.indb 4 18/04/16 08:53 3
TABLE OF CONTENTS
Paragraphs
Chronology of the Proceduhre 1-51
Institution of proceedings, notifications, preliminary objections
and filing of written pleadings on the merits 1-16
Organization of the oral proceedings and accessibility to the
public of the pleadings and transcripts 17 -48
Claims made in the Application and submissions presented by
the Parties 49 -51
I. Background 52 -73
A. The break -up of the Socialist Federal Republic of
Yugoslavia and the emergence of new States 53-59
B. The situation in Croatia 60 -73
II. Jurisdiction and Admisshibility 74 -123
A. Croatia’s claim 74-119
(1) Issues of jurisdiction and admissibility which remain to
be determined following the 2008 Judgment 74-78
(2) The positions of the Parties regarding jurisdiction and
admissibility 79-83
(3) The scope of jurisdiction under Article IX of the Geno-
cide Convention 84-89
(4) Serbia’s objection to jurisdiction 90-117
(a) Whether provisions of the Convention are retro -
active 90 -100
(b) Article 10 (2) of the ILC Articles on State Responsi
bility 102-105
(c) Succession to responsibility 106-117
(5) Admissibility 118 -119
B. Serbia’s counter-claim 120 -123
III.Applicable Law The Convention on the Prevention and
Punishment of the Crime hof Genocide 124 -166
A. The mens rea of genocide 132 -148
(1) The meaning and scope of “destruction” of a group 134-139
(a) Physical or biological destruction of the group 134 -136
(b) Scale of destruction of the group 137 -139
4
7 CIJ1077.indb 5 18/04/16 08:53 4 application de convehntion génocide (arrêth)
2) Le sens de la notion de destruction « en partie »
du groupe 140-142
3) La manifestation du dolus specialis 143-148
B. L’élément matériel du génocide 149-166
1) Les relations entre la Convention et le droit international
humanitaire 151-153
2) Le sens et la portée des éléments matériels en cause 154-166
a) Le meurtre de membres du groupe 155-156
b) L’atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de
membres du groupe 157-160
c) La soumission intentionnelle du groupe à des conditions
d’existence devant entraîner sa destruction physique 161-163
d) Mesures visant à entraver les naissances au sein du
groupe 164-166
IV. L’administration de lah preuve 167-199
A. La charge de la preuve 170-176
B. Le critère d’établissement de la preuve 177-179
C. Les modes de preuve 180-199
V. Examen au fond de la demahnde principale 200-442
A. L’élément matériel du génocide (actus reus) 203-401
1) Introduction 203-208
2) Litt.a) de l’articleII: meurtre de membres du groupe
protégé 209-295
Région de Slavonie orientale 212-245
a) Vukovar et ses environs 212-224
b) Bogdanovci 225-230
c) Lovas 231-240
d) Dalj 241-245
Région de Slavonie occidentale 246-250
Voćin 246-250
Région de Banovina/Banija 251-261
a) Joševica 251-256
b) Hrvatska Dubica et ses environs 257-261
Région de Kordun 262-267
Lipovača 262-267
Région de Lika 268-277
a) Saborsko 268-271
b) Poljanak 272-277
Région de Dalmatie 278-294
5
7 CIJ1077.indb 6 18/04/16 08:53 application of genochide convention (judgmhent) 4
(2) The meaning of destruction of the group “in part” 140-142
(3) Evidence of the dolus specialis 143-148
B. The actus reus of genocide 149-166
(1) The relationship between the Convention and interna -
tional humanitarian law 151-153
(2) The meaning and scope of the physical acts
in question 154-166
(a) Killing members of the group 155-156
(b) Causing serious bodily or mental harm to members
of the group 157-160
(c) Deliberately inflicting on the group conditions of life
calculated to bring about its physical destruction 161-163
(d) Measures intended to prevent births within
the group 164-166
IV. Questions of Proof 167-199
A. The burden of proof 170-176
B. The standard of proof 177-179
C. Methods of proof 180-199
V. Consideration of the Merhits of the Principal Clahim 200-442
A. The actus reusof genocide 203-401
(1) Introduction 203-208
(2) ArticleII (a): killing members of the protected group 209-25
Region of Eastern Slavonia 212-245
(a) Vukovar and its surrounding area 212-224
(b) Bogdanovci 225-230
(c) Lovas 231-240
(d) Dalj 241-245
Region of Western Slavonia 246-250
Voćin 246-250
Region of Banovina/Banija 251-261
(a) Joševica 251-256
(b) Hrvatska Dubica and its surrounding area 257-261
Region of Kordun 262-267
Lipovača 262-267
Region of Lika 268-277
(a) Saborsko 268-271
(b) Poljanak 272-277
Region of Dalmatia 278-294
5
7 CIJ1077.indb 7 18/04/16 08:53 5 application de convehntion génocide (arrêth)
a) Skabrnja et ses environs 278-284
b) Bruška 285-288
c) Dubrovnik 289-294
Conclusion 295
3) Litt. b)de l’article: atteinte grave à l’intégrité physique
ou mentale de membres du groupe 296-360
Région de Slavonie orientale 298-335
a) Vukovar 298-311
i) Le pilonnage de Vukovar 299-301
ii) La prise de Vukovar et de ses environs 302-305
iii) L’invasion de l’hôpital de Vukovar et le transfert
vers les camps d’Ovčara et de Velepromet 306-311
b) Bapska 312-315
c) Tovarnik 316-319
d) Berak 320-324
e) Lovas 325-330
f) Dalj 331-335
Région de Slavonie occidentale 336-350
a) Kusonje 336-340
b) Voćin 341-346
c) Dulovac 347-350
Région de Dalmatie 351-354
Knin 351-354
Personnes disparues 355-359
Conclusion 360
4) Litt.c) de l’articII: soumission intentionnelle du groupe
àdes conditions d’existence devant entraîner sa destruc-
tion physique totale ou partielle 361-394
Viols 362-364
Privations alimentaires 365-368
Privation de soins médicaux 369-372
Expulsion systématique des logements et déplacement
forcé 373-377
Restrictions des déplacements 378-380
Port forcé de signes d’appartenance ethnique 381-382
Pillages de biens appartenant aux Croates 383-385
Destruction et pillage du patrimoine culturel 386-390
Travail forcé 391-393
Conclusion 394
5) Litt.d) de l’articlII:mesures visant à entraver les nais
sances au sein du groupe 395-400
Conclusion sur l’élément matériel (actus reus) du génocide 401
6
7 CIJ1077.indb 8 18/04/16 08:53 application of genochide convention (judgmhent) 5
(a) Skabrnja and its surrounding area 278-284
(b) Bruška 285-288
(c) Dubrovnik 289-294
Conclusion 295
(3) ArticleII (b): causing serious bodily or mental harm to
members of the group 296-360
Region of Eastern Slavonia 298-335
(a) Vukovar 298-311
(i) The shelling of Vukovar 299-301
(ii) The capture of Vukovar and its surrounding
area 302-305
(iii) The invasion of Vukovar hospital and the
transfers to Ovčara and Velepromet camps 306-311
(b) Bapska 312-315
(c) Tovarnik 316-319
(d) Berak 320-324
(e) Lovas 325-330
(f) Dalj 331-335
Region of Western Slavonia 336-350
(a) Kusonje 336-340
(b) Voćin 341-346
(c) D ulovac 347-350
Region of Dalmatia 351-354
Knin 351-354
Missing persons 355-359
Conclusion 360
(4) ArticleII (c): deliberately inflicting on the group condi
tions of life calculated to bring about its physical -es
truction in whole or in part 361-394
Rape 362-364
Deprivation of food 365-368
Deprivation of medical care 369-372
Systematic expulsion from homes and forced displace -
ment 373-377
Restrictions on movement 378-380
Forced wearing of insignia of ethnicity 381-382
Looting of property belonging to Croats 383-385
Destruction and looting of the cultural heritage 386-390
Forced labour 391-393
Conclusion 394
(5) ArticleII (d): measures intended to prevent births within
the group 395-400
Conclusion on the actus reus of genocide 401
6
7 CIJ1077.indb 9 18/04/16 08:53 6 application de convehntion génocide (arrêth)
B. L’élément intentionnel du génocide (dolus specialis) 402-440
1) Les Croates habitant en Slavonie orientale, Slavonie occi -
dentale, Banovina/Banija, Kordun, Lika et Dalmatie cons-ti
tuaient-ils une partie substantielle du groupe protégé 405-406
2) Existe-t-il une lignede conduite qui ne peut raisonnable -
ment être comprise que comme traduisant l’intention, de
la part des autorités serbes, de détruire en partie le groupe
protégé ? 407-439
a) Contexte 419-430
b) Opportunité 431-437
Conclusion sur le dolus specialis 440
C. Conclusion générale sur la demande de la Croatie 441-442
VI. Examen au fond de la demahnde reconventionnellhe 443-523
A. Examen des conclusions principales de la demande recon -
ventionnelle: question de savoir si des actes de génocide
attribuables à la Croatie ont été commis à l’encontre du h
groupe national et ethnique des Serbes vivant en Croatie
pendant et après l’opération «Tempête» 446-515
1) L’élément matériel du génocide (actus reus) 452-499
a) Les éléments de preuve présentés par la Serbie en vue
d’établir les faits allégués 454-461
b) Examen de la question de savoir si les actes allégués
par la Serbie sont matériellement établis 462-498
i) Meurtre de civils résultant de bombardements
prétendument indiscriminés sur les villes de la
Krajina 463-475
ii) Déplacement forcé de la population serbe de la
Krajina 476-480
iii) Meurtre de Serbes fuyant en colonnes les villes
attaquées 481-485
iv) Meurtre des Serbes restés dans les zones de la
Krajina protégées par les Nations Unies 486-493
v) Mauvais traitements infligés aux Serbes pendant
et après l’opération « Tempête» 494-496
vi) Destruction et pillage à grande échelle de biens
appartenant aux Serbes pendant et après
l’opération «Tempête» 497-498
Conclusion concernant l’existence de l’élément matériel
du génocide 499
2) L’élément intentionnel du génocide (dolus specialis) 500-515
a) Le procès -verbal de la réunion de Brioni 501-507
b) L’existence d’une ligne de conduite qui dénote
l’intentiongénocidaire 508-514
7
7 CIJ1077.indb 10 18/04/16 08:53 application of genochide convention (judgmhent) 6
B. The genocidal intent (dolus specialis) 402-440
(1) Did the Croats living in Eastern Slavonia, Western Sla -
vonia, Banovina/Banija, Kordun, Lika and Dalmatia
constitute a substantial part of the protected group 405-406
(2) Is there a pattern of conduct from which the only reaso -
nable inference to be drawn is an intent of the Serb
authorities to destroy, in part, the protected group 407-439
(a) Context 419-430
(b) Opportunity 431-437
Conclusion on the dolus specialis 440
C. General conclusion on Croatia’s claim 441-442
VI. Consideration of the Merhits of the Counter -Claim 443-523
A. Examination of the principal submissions in the counter -
claim: whether acts of genocide attributable to Croatia
were committed against the national and ethnical group
of Serbs living in Croatia during and after Operation
Storm 446-515
(1) The actus reus of genocide 452-499
(a) The evidence presented by Serbia in support of the
factsalleged 454-461
(b) Whether the acts alleged by Serbia have been
effectively proved 462-498
(i) Killing of civilians as a result of the allegedly
indiscriminate shelling of Krajina towns 463-475
(ii) Forced displacement of the Krajina Serb popula -
tion 476-480
(iii) Killing of Serbs fleeing in columns from the
towns under attack 481-485
(iv) Killing of Serbs having remained in the areas of
the Krajina protected by the United Nations 486-493
(v) Ill-treatment of Serbs during and after Operation
Storm 494-496
(vi) Large-scale destruction and looting of Serb
property during and after Operation Storm 497-498
Conclusion as to the existence of the actus reus of geno-
cide 499
(2) The genocidal intent (dolus specialis) 500-515
(a) The Brioni Transcript 501-507
(b) Existence of a pattern of conduct indicating
genocidal intent 508-514
7
7 CIJ1077.indb 11 18/04/16 08:53 7 application de convehntion génocide (arrêth)
Conclusion concernant l’existence du dolus specialis, et con-
clusion générale sur la commission d’un génocide 515
B. Examen des autres conclusions de la demande reconven -
tionnelle 516-521
1) Conclusions subsidiaires 516-517
2) Conclusions complémentaires 518-519
3) Conclusions tendant à la cessation des faits internationa -
lement illicites imputables à la Croatie et à la réparation
de leurs conséquences dommageables 520-521
Conclusion générale sur la demande reconventionnelle 522-523
VII. Dispositif 524
8
7 CIJ1077.indb 12 18/04/16 08:53 application of genochide convention (judgmhent) 7
Conclusion regarding the existence of the dolus specialis
and general conclusion on the commission of genocide 515
B .iscussion of the other submissions in the counter -claim 516 21
(1) Alternative submissions 516-517
(2) Subsidiary submissions 518-519
(3) Submissions requesting the cessation of the internatio -
nally wrongful acts attributable to Croatia and repara -
tion in respect of their injurious consequences 520-521
General conclusion on the counter -claim 522-523
VII. Operative Clause 524
8
7 CIJ1077.indb 13 18/04/16 08:53 8
ABRÉVIATIONS ET ACRONYMES
BiH Bosna i Hercegovina (Bosnie-Herzégovine)
CDI Commission du droit international
CHC Comité Helsinki des droits de l’homme pour la Croatie
FORPRONU Force de protection des Nations Unies
HV Hrvatska vojska (armée croate)
JNA Jugoslovenska narodna armija (armée populaire yougo
slave)
MUP Ministarstvo unutrašnjih poslova(ministère de l’intérieur)
RFSY République fédérative socialiste de Yougoslavie
RFY République fédérale de Yougoslavie
RSK Republika Srpska Krajina (République serbe de Kra
jina)
SAO Srpska autonomna oblastrégion autonome serbe)
SAO SBSO Région autonome serbe de Slavonie, Baranja et Srem
occidental
SDG Srpska dobrovoljačka garda (garde volontaire serbe)
SDS Srpska demokratska stranka (parti démocratique serbe)
SNB Služba nacionalne bezbednosti (service de sécurité natio
nale)
SRS Srpska radikalna strankaarti radical serbe)
TO Teritorijalna odbrana (défense territoriale)
TPIR Tribunal pénal international pour le Rwanda
TPIY Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie
VJ Vojska Jugoslavije (armée yougoslave)
VP Vojna policija (police militaire)
ZPNU Zone protégée par les Nations Unies
9
7 CIJ1077.indb 14 18/04/16 08:53 8
ABBREVIATIONS AND ACRONYMS
BiH Bosna i Hercegovina (Bosnia and Herzegovina)
CHC Croatian Helsinki Committee for Human Rights
FRY Federal Republic of Yugoslavia
HV Hrvatska vojska (Croatian army)
ICTR International Criminal Tribunal for Rwanda
ICTY International Criminal Tribunal for the former
Yugoslavia
ILC International Law Commission
JNA Jugoslovenska narodna armija (Yugoslav People’s
Army)
MUP Ministarstvo unutrašnjih poslova (Ministry of Interior)
RSK Republika Srpska Krajina (Republic of Serb Krajina)
SAO Srpska autonomna oblast (Serb Autonomous Region)
SAO SBWS Serb Autonomous Region of Slavonia, Baranja and
Western Srem
SDG Srpska dobrovoljačka garda (Serbian Volunteer Guard)
SDS Srpska demokratska stranka (Serb Democratic Party)
SFRY Socialist Federal Republic of Yugoslavia
SNB Služba nacionalne bezbednosti (National Security
Service)
SRS Srpska radikalna stranka (Serbian Radical Party)
TO Teritorijalna odbrana (Territorial Defence Force)
UNPA United Nations Protected Area
UNPROFOR United Nations Protection Force
VJ Vojska Jugoslavije (Yugoslav army)
VP Vojna policija (military police)
9
7 CIJ1077.indb 15 18/04/16 08:53 9
COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
ANNÉE 2015
2015
3 février 3 février 2015
Rôle général
n 118
APPLICATION DE LA CONVENTION
POUR LA PRÉVENTION ET LA RÉPRESSION
DU CRIME DE GÉNOCIDE
(CROATIE c. SERBIE)
Contexte historique et factuel.
Dissolution de la RFSY et émergence de nouveaux Etats — Situation en Croa‑
tie — Etablissement de régions autonomes serbes— Conflit armé à partir de
l’été 1991 — Plan Vance et déploiement de la force de protection des
Nations Unies — Opérations «Eclair» et « Tempête» en1995.
*
Compétence et recevabilité.
Demande de la Croatie — Compétence ratione temporis à l’égard de faits anté‑
rieurs au 27avril 1992 (date à laquelle la RFY est devenue partie à la conven▯tion
sur le génocide) — Article IX de la Convention — Différends « relatifs à l’inter‑
prétation, l’application ou l’exécution la Convention— Convention n’étant
pas rétroactiv— Question de l’applicabilité du paragrap2 de l’article 10 des
articles de la CDI sur la responsabilité de l’Etat — Question de la succession à la
responsabilité Existence d’un différend sur le point de savoir si des actes anté▯
rieurs pouvaient engager la responsabilité de la Serbie — Cour ayant compétence
sur l’ensemble de la demande de la Croatie.
Recevabilité de la demande — Recevabilité de la demande, en ce qu’elle concerne
des actes antérieurs au 27avril 1992, soulevant des questions d’attribu—ion
Actes antérieurs au 8 octobre 1991 (date à laquelle la Croatie est devenue partie à
la Convention) pertinents pour l’examen d’allégations de viola▯tions postérieures à
cette date — Cour n’estimant pas nécessaire de statuer sur ces deux questions ▯de
recevabilité avant d’avoir examiné la demande au fond.
Demande reconventionnelle de la Serbie— Paragraphe 1 de l’article 80 du
Règlement de la Cour dans sa version adoptée le 14il 1978 — Demande recon‑
ventionnelle relevant de la compétence de la Couremande reconventionnelle
étant en connexité directe avec la demande en fait comme en dr— Demande
reconventionnelle étant recevable.
*
10
7 CIJ1077.indb 16 18/04/16 08:53 9
INTERNATIONAL COURT OF JUSTICE
YEAR 2015
2015
3 February 2015 3February
General List
No. 118
APPLICATION OF THE CONVENTION
ON THE PREVENTION AND PUNISHMENT
OF THE CRIME OF GENOCIDE
(CROATIA v. SERBIA)
Historical and factual background.
Break‑up of the SFRY and emergence of new States — Situation in Croatia —
Establishment of Serb autonomous regions — Armed conflict from summer
1991 — Vance plan and deployment of United Nations Protection Force — Oper
ations Flash and Storm in 1995.
*
Jurisdiction and admissibility.
Croatia’s claim— Jurisdiction ratione temporis regarding events before
27 April 1992 (date the FRY became party to the Genocide Convention) — Arti‑
cleIX of the Convention — Disputes “relating to the interpretation, application or
fulfilment” of the Convention — Convention not retroactive — Question of appli‑
cability of Article (2) of ILC Articles on State Responsibility — Question of
succession to responsibility — Dispute exists concerning whether prior acts could
engage responsibility of Serbia — Court has jurisdiction over entirety of Croatia’s
claim.
Admissibility of claimAdmissibility of claim for acts beforeApril 1992
involves questions of attribution — Acts prior October 1991 (date Croatia
became party to the Convention) pertinent to evaluation of alleged viol▯ations after
that date — Not necessary to rule on these tadmissibility questions until the
Court has assessed the merits of the claim.
Serbia’s counter‑claim Article 80, paragraph 1, of the Rules of Court as
adopted on 14 April 1978 — Counter‑claim is within the jurisdiction of the
Court — Counter‑claim is directly connected to claim in fact and law — Counter‑
claim admissible.
*
10
7 CIJ1077.indb 17 18/04/16 08:53 10 application de convehntion génocide (arrêth)
Convention sur le génocide en tant que droit applicable— Définition du géno ‑
cide à l’article de la Convention.
Dolus specialis — Sens et portée de la notion de «destruction» du groupe —
Convention visant exclusivement la destruction physique ou biologique — Néces ‑
sité de prouver l’intention de détruire le groupe en tout ou en▯ parties de la
notion de destruction «en partie » du groupe — Déduction du dolus specialis à
partir d’une ligne de conduite.
Elément matériel — Sens et portée des actes énumérés à l’article II de la
Convention — Equivalence des termes « meurtre» et « killing» au litt. a) de
l’article II — Litt. b) de l’article II exigeant que l’atteinte grave à l’intégrité
physique ou mentale soit telle qu’elle contribue à la destruction ▯physique ou biolo
gique du groupe, en tout ou en partie — Déplacement forcé en tant qu’élément
matériel du génocide au sens du litt. c) de l’article II — Viol et autres actes de
violence sexuelle en tant qu’élément matériel du génocide▯ au sens du litt.) de
l’article II.
*
Charge de la preuve — Partie alléguant un fait devant en établir l’existence —
Principe n’ayant pas un caractère absolu — Partie adverse devant coopérer en
produisant les éléments de preuve en sa possession— Renversement de la charge
de la preuve n’étant pas opportun en l’espèce.
Critère d’établissement de la preuve — Eléments de preuve devant avoir «pleine
force probante» — Cour devant être « pleinement convaincue » que des actes ont
été commis.
Modes de preuve — Conclusions factuelles du TPIY étant admises comme
«hautement convaincantes» — Absence du chef de génocide dans les actes d’accu
sation du TPIY — Valeur probante de différents types de rapports présentés à
titre d’éléments de preuve — Valeur probante des déclarations individuelles
annexées aux pièces de procédure écrite.
*
Demande principale.
Elément matériel du génocide.
Litt.a) de l’article II de la Convention — Preuve ayant été faite qu’un grand
nombre de meurtres ont été commis par la JNA et des forces serbes dans des loca
lités de Slavonie orientale, de Banovina/Banija, de Kordun, de Lika e▯t de Dalma ‑
tie— Victimes appartenant très majoritairement au groupe protégé — Elément
matériel établi.
Litt. b) de l’article II — Preuve ayant été faite que des actes de mauvais traite
ment, de torture, de violence sexuelle et de viol ont été perpé▯trés dans des ‑ocali
tésde Slavonie orientale, de Slavonie occidentale et de Dalmatie— Actes ayant
causé à l’intégrité physique ou mentale des atteintes tel▯les qu’elles ont pu ‑ontri
buer à la destruction physique ou biologique du groupe protégé— Elément maté‑
riel établi.
Litt.c) de l’article II — Actes de viol n’ayant pas été commis à une échelle telle▯
qu’ils aient eu pour effet de soumettre le groupe à des conditions▯ d’existence devant
causer sa destruction physique totale ou partielle — Privations alimentaires et de
soins médicaux n’ayant pas été pratiquées de manière s▯ystématique ou générali‑
11
7 CIJ1077.indb 18 18/04/16 08:53 application of genochide convention (judgmhent) 10
Genocide Convention as applicable law — Definition of genocide in Article II of
the Convention.
Dolus specialis— Meaning and scope of “destruction” of group — Convention
limited to physical or biological destruction — Evidence must establish an intent to
destroy group in whole or in part — Meaning of destruction of group “in part” —
Inference of dolus specialis through pattern of conduct.
Actus reus — Meaning and scope of acts listed in Article II of the Conven‑
tion — Equivalence of terms “killing” and “meurtre” in Article II (a) — Require‑
ment that serious bodily or mental harm in ArticleII (b) be such as to contribute
to the physical or biological destruction of the group, in whole or in p▯art — Forced
displacement as actus reus of genocide under Article II (—) Rape and other acts
of sexual violence as actus reus of genocide under Article (d).
*
Burden of proof — For party alleging a fact to demonstrate its existence —
Principle not an absolute one — Other party required to co‑operate in provision of
evidence in its possession — Reversal of burden of proof not appropriate in present
case.
Standard of proof — Evidence must be “fully conclusive” — Court must be
“fully convinced” that acts have been committed.
Methods of proof — ICTY findings of fact accepted as “highly persuasive” —
Absence of charges of genocide in ICTY indictments — Probative value of various
types of reports adduced in evidence — Evidential weight of individual statements
annexed to written pleadings.
*
Principal claim.
Actus reus of genocide.
Article II (a) of the Convention — Established that a large number of killings
carried out by JNA and Serb forces in localities in Eastern Slavonia, Ba▯novina/
Banija, Kordun, Lika and Dalmatia — Large majority of victims were members of
protected group — Actus reus established.
ArticleII (b) — Established that acts of ill‑treatment, torture, sexual violence
and rape perpetrated in localities in Eastern Slavonia, Western Slavonia▯ and Dal ‑
matia — Acts caused serious bodily or mental harm such as to contribute to the
physical or biological destruction of protected group — Actus reus established.
ArticleII (c) — Acts of rape not on scale as to amount to infliction on the group
of conditions of life calculated to bring about its physical destruction▯ in whole or in
part — Deprivation of food and medical care not of systematic or general natur▯e—
Expulsion, forced displacement and restrictions on movement not calculated to
11
7 CIJ1077.indb 19 18/04/16 08:53 11 application de convehntion génocide (arrêth)
sée — Expulsion, déplacement forcé et restriction des déplacements n▯e visant pas
à entraîner la destruction physique totale ou partielle du grou— Port forcé de
signes d’appartenance ethnique ne pouvant relever du litt. c) de l’article II — Pil
lages de biens appartenant aux Croates ne visant pas à entraîner l▯a destruction
physique totale ou partielle du groupe — Destruction et pillage du patrimoine
culturel ne pouvant relever du litt. c) de l’article II — Travail forcé ne visant pas à
entraîner la destruction physique totale ou partielle du groupe — Elément matériel
non établi.
Litt. d) de l’article II — Viols et actes de violence sexuelle ayant été commis —
Preuve n’ayant pas été faite que ces actes aient été perp▯étrés pour entraver les
naissances au sein du groupe — Elément matériel non établi.
Intention génocidaire (dolus specialis)— Partie du groupe censée avoir été
visée — Croates vivant dans les régions visées formant une partie substan▯tielle
du groupe — Existence d’une ligne de conduite consistant à mener des attaques▯
généralisées sur des localités comptant des populations croa▯tes à partir
du mois d’août 1991 — Intention de détruire le groupe, en tout ou en partie,
devant être la seule conclusion raisonnable susceptible d’être dédu▯ite de la
ligne de conduite — Contexte dans lequel les actes ont été commis ne permet ‑
tant pas une telle déduction — Preuve n’ayant pas été faite que les auteurs
matériels aient saisi les opportunités qui se présentaient à▯ eux de détruire
une partie substantielle du groupe protégé — Autres facteurs invoqués ne
suffisant pas à démontrer l’intention génocidaire — Dolus specialis non
établi.
Aucune violation de la Convention n’ayant été établieDemande principale ne
pouvant être accueilli— Nul besoin pour la Cour de se prononcer sur la recevabi
lité de la demande principale en ce qu’elle concerne des actes ant▯érieurs au
8 octobre 1991 — Nul besoin pour la Cour de déterminer si les actes antérieurs au ▯
27 avril 1992 sont attribuables à la RFSY — Nul besoin pour la Cour d’examiner
la question de la succession à la responsabilité.
*
Demande reconventionnelle.
Elément matériel du génocide.
Question de savoir s’il y a eu meurtre de civils résultant de bomb▯ardements sur
des villes de la Krajina — Analyse de l’affaire Gotovina portée devant le TPIY —
Bombardements indiscriminés non établis — Absence d’éléments prouvant que les
civils serbes ont été intentionnellement tués dans les pilonnag▯es — Elément maté
riel prévu au litt. de l’article II de la Convention non établi.
Déplacement de la population serbe de la Krajina — Déplacement ne visant pas
à entraîner la destruction physique totale ou partielle du groupe ▯visélément
matériel prévu au litt. c) de l’article II non établi.
Meurtre de Serbes fuyant en colonnes — Preuve ayant été faite que des
meurtres ont été perpétrés — Elément matériel prévu au litt. a) de l’article II
établi.
Meurtre des Serbes restés dans les zones protégées par les Nati▯onsUnies —
Conclusions factuelles de la chambre de première instance du TPIY dev▯ant être
admises comme « hautement convaincantes » — Preuve ayant été faite que lesdits
meurtres ont été commis — Elément matériel prévu au litt. a) de l’article II établi.
Mauvais traitements infligés aux Serbes pendant et après l’opé▯ration «Tem ‑
pête » — Analyse de l’affaire Gotovina portée devant le TPIY — Preuve ayant été
12
7 CIJ1077.indb 20 18/04/16 08:53 application of genochide convention (judgmhent) 11
result in physical destruction of group in whole or in p— Forced wearing of
insignia of ethnicity cannot fall within scope of Article—IILooting of Croat
property not calculated to result in physical destruction of group in wh▯ole or in
part — Destruction and looting of cultural heritage cannot fall within scope o▯f
Article II (c) Forced labour not calculated to result in physical destruction of
group in whole or in part — Actus reus not established.
ArticleII (d) — Rape and acts of sexual violence committed — Not established
that perpetrated to prevent births within group — Actus reus not established.
Genocidal intent (dolus specialis) — Part allegedly targeted — Croats living in
identified regions formed substantial part of group — Pattern of conduct existed
consisting in widespread attacks on localities with Croat populations fr▯om
August 1991 — Requirement that intent to destroy the group, in whole or in part,
must be only reasonable conclusion to be inferred from pattern of conduc▯t — Con
text in which acts committed does not make it possible to infer such int▯ent
established that perpetrators availed themselves of opportunities to des▯tr‑y sub
stantial part of protected groupther factors invoked insufficient to show geno‑
cidal intent Dolus specialis not established.
No violation of the Convention established — Principal claim cannot be
upheld — Court not required to pronounce on admissibility of principal claim for▯
acts prior to 8 October 1991 — Court need not consider whether acts prior to
27 April 1992 attributable to SFRY — Court need not consider succession to
responsibility.
*
Counter‑claim.
Actus reus of genocide.
Question whether there was killing of civilians as a result of the shell▯ing of Kra
jina towns— Analysis of Gotovina case before ICTY — Indiscriminate shelling
not established — No evidence of intentional killing of Serb civilians through shell‑
ing— Actus reus under Article II (a) of the Convention not established.
Displacement of the Krajina Serb population — Displacement not calculated to
bring about physical destruction, in whole or in part, of targeted — Actus
reus under ArticleI (c) not established.
Killing of Serbs fleeing in columns — Established that such killings took
place— Actus reus under Article II (a) established.
Killing of Serbs remaining in United Nations protected area— Factual find ‑
ings of ICTY Trial Chamber must be accepted as “highly persuasive” —
Established that such killings took placectus reus under Article II (a) estab‑
lished.
Ill‑treatment of Serbs during and after Operation Storm — Analysis of
Gotovina case before ICTY — Established that acts causing serious
12
7 CIJ1077.indb 21 18/04/16 08:53 12 application de convehntion génocide (arrêth)
faite que des actes causant une atteinte grave à l’intégrité▯ physique ou mentale ont
été perpétrés — Elément matériel prévu au litt. b) de l’article II établi.
Destruction et pillage à grande échelle après l’opératTempête» — Ne
visant pas à entraîner la destruction physique totale ou partielle▯ d— groupe visé
Elément matériel prévu au litt. c) de l’article II non établi.
Intention génocidaire (dolus speci—liProcès‑verbal de la réunion de Brioni
n’établissant pas l’intention génocidaire — Ligne de conduite — Distinction entre
nettoyage ethnique et génocide — Actes n’ayant pas été commis à une échelle telle
qu’ils ne puissent raisonnablement qu’indiquer l’existence d’▯une intention génoci
daire— Dolus specialis non établi.
Aucune violation de la Convention n’ayant été éta— Demande reconven ‑
tionnelle ne pouvant être accueillie.
ARRÊT
Présents: M. Tomka, président; M.Sepúlveda-Amor, vice‑président;
MM. Owada, Abraham, Keith, BennounmesSkotnikov, Cançado
Trindade, Yusuf, Greenwood, M Xue, Donoghue, M. Gaja,
M me Sebutinde, M. Bhandari, juges; MM. Vukas, Kreća, juges
ad hoc; M. Couvreur, greffier.
En l’affaire relative à l’application de la convention pour la phrévention et la
répression du crime de génocide,
entre
la République de Croatie,
représentée par
M me Vesna Crnić-Grotić, professeur de droit international à l’Université de h
Rijeka,
comme agent;
S. Exc. MmeAndreja Metelko-Zgombić, ambassadeur, directeur général de la
division de droit communautaire et international et des affaires consulaihres
du ministère des affaires étrangères et des affaires européennhes,
me
M Jana Spero, chef de secteur au ministère de la justice,
M. Davorin Lapaš, professeur de droit international à l’Univershité de Zagreb,
comme coagents;
M. James Crawford, A.C., S.C., F.B.A., professeur de droit international àh
l’Université de Cambridge, titulaire de la chairel, membre de l’Ins-
titut de droit international, avocat, Matrix Chambers (Londres),
M. Philippe Sands, Q.C., professeur de droit, University College de Londresh,
avocat, Matrix Chambers (Londres),
M. Mirjan R. Damaška, professeur de droit émérite de l’Université de Yhale
(chaire Sterling), chargé d’enseignements à l’Universitéh de Yale,
sirKeir Starmer, Q.C., avocat, Doughty Street Chambers (Londres),
M me Maja Seršić, professeur de droit international à l’Universithé de Zagreb,
M me Kate Cook, avocat, Matrix Chambers (Londres),
13
7 CIJ1077.indb 22 18/04/16 08:53 application of genochide convention (judgmhent) 12
bodily or mental harm took place — Actus reus under Article II (b)
established.
Large‑scale destruction and looting after Operationorm — Not calculated to
bring about physical destruction, in whole or in part, of targeted — Actus
reus under Article II (c) not established.
Genocidal intent (dolus specialis) Brioni Transcript does not establish geno
cidal intent— Pattern of conduct — Distinction between ethnic cleansing and
genocide — Acts not committed on a scale that could only reasonably point to
existence of genocidal intent — Dolus specialis not established.
No violation of the Convention establishedCounter‑claim cannot be upheld.
JUDGMENT
Present: President Tomka ; Vice‑President Sepúlveda-Amor; Judges Owada,
Abraham, Keith, Bennouna, Shkotnikov, Cançado Trindhade,
Yusuf, Greenwood, Xue, Donohghue, Gaja, Sebutinde, Bhanhdari ;
Judges ad hoc Vukas, Kreća; Registrar Couvreur.
In the case concerning the application of the Convention on the Preventihon
and Punishment of the Crime of Genocide,
between
the Republic of Croatia,
represented by
Ms Vesna Crnić-Grotić, Professor of International Law, University of Rijeka,
as Agent;
H.E. Ms Andreja Metelko-Zgombić, Ambassador, Director General for EU
Law, International Law and Consular Affairs, Ministry of Foreign and
European Affairs,
Ms Jana Spero, Head of Sector, Ministry of Justice,
Mr. Davorin Lapaš, Professor of International Law, University of Zagreb,
as Co-Agents;
Mr. James Crawford, A.C., S.C., F.B.A., Whewell Professor of International
Law, University of Cambridge, Member of the Institut de droit interna -
tional, Barrister, Matrix Chambers, London,
Mr. Philippe Sands, Q.C., Professor of Law, University College London,
Barrister, Matrix Chambers, London,
Mr. Mirjan R. Damaška, Sterling Professor Emeritus of Law and Profes -
sorial Lecturer in Law, Yale Law School,
Sir Keir Starmer, Q.C., Barrister, Doughty Street Chambers, London,
Ms Maja Seršić, Professor of International Law, University of Zagreb,h
Ms Kate Cook, Barrister, Matrix Chambers, London,
13
7 CIJ1077.indb 23 18/04/16 08:53 13 application de convehntion génocide (arrêth)
me
M Anjolie Singh, membre du barreau indien (Delhi),
M me Blinne Ní Ghrálaigh, avocat, Matrix Chambers (Londres),
comme conseils et avocats
M. Luka Mišetić, avocat, Law Offices of Luka Misetic (Chicago),
me
M Helen Law, avocat, Matrix Chambers (Londres),
M. Edward Craven, avocat, Matrix Chambers (Londres),
comme conseils;
S. Exc. M. Orsat Miljenić, ministre de la justice de la République de Croatieh,
S. Exc. MmeVesela Mrđen Korać, ambassadeur de la République de Croatie
auprès du Royaume des Pays-Bas,
comme membres de la délégation ;
M. Remi Reichhold, assistant administratif, Matrix Chambers (Londres),
M me Ruth Kennedy, LL.M. (University College de Londres), assistante admi-
nistrative, University College de Londres,
comme conseillers;
me
M Sanda Simić Petrinjak, chef de département au ministère de la justice,h
M me Sedina Dubravčić, chef de département au ministère de la jushtice,
M me Klaudia Sabljak, ministère de la justice,
me
M Zrinka Salaj, ministère de la justice,
M. Tomislav Boršić, ministère de la justice,
M. Albert Graho, ministère de la justice,
M. Nikica Barić, Institut croate d’histoire (Zagreb),
me
M Maja Kovač, chef de département au ministère de la justice,
M me Katherine O’Byrne, Doughty Street Chambers (Londres),
M. Rowan Nicholson, Associate au Lauterpacht Centre for International
Law de l’Université de Cambridge,
comme assistants;
me
M Victoria Taylor, International Mapping (Maryland),
comme assistante technique,
et
la République de Serbie,
représentée par
M. Saša Obradović, premier conseiller à l’ambassade de la République de
Serbie au Royaume des Pays -Bas, ancien conseiller juridique au ministère
des affaires étrangères,
comme agent;
M. William Schabas, O.C., membre de la Royal Irish Academy, professeur de
droit international à l’Université du Middlesex et professeur dhe droit pénal
international et des droits de l’homme à l’Université de Leyhde,
M. Andreas Zimmermann, LL.M. (Université de Harvard), professeur de
droit international à l’Université de Potsdam, directeur du cenhtre des droits
de l’homme de l’Université de Potsdam, membre de la Cour permanhente
d’arbitrage,
M. Christian J. Tams, LL.M., Ph.D. (Université de Cambridge), professeur
de droit international à l’Université de Glasgow,
14
7 CIJ1077.indb 24 18/04/16 08:53 application of genochide convention (judgmhent) 13
Ms Anjolie Singh, Member of the Indian Bar, Delhi,
Ms Blinne Ní Ghrálaigh, Barrister, Matrix Chambers, London,
as Counsel and Advocates ;
Mr. Luka Mišetić, Attorney at Law, Law Offices of Luka Misetic, Chicahgo,
Ms Helen Law, Barrister, Matrix Chambers, London,
Mr. Edward Craven, Barrister, Matrix Chambers, London,
as Counsel;
H.E. Mr. Orsat Miljenić, Minister of Justice of the Republic of Croatia,
H.E. Ms Vesela Mrđen Korać, Ambassador of the Republic of Croatia to the
Kingdom of the Netherlands,
as Members of the Delegation ;
Mr. Remi Reichhold, Administrative Assistant, Matrix Chambers, London,
Ms Ruth Kennedy, LL.M. (University College London), Administrative
Assistant, University College London,
as Advisers;
Ms Sanda Simić Petrinjak, Head of Department, Ministry of Justice,
Ms Sedina Dubravčić, Head of Department, Ministry of Justice,
Ms Klaudia Sabljak, Ministry of Justice,
Ms Zrinka Salaj, Ministry of Justice,
Mr. Tomislav Boršić, Ministry of Justice,
Mr. Albert Graho, Ministry of Justice,
Mr. Nikica Barić, Croatian Institute of History, Zagreb,
Ms Maja Kovač, Head of Service, Ministry of Justice,
Ms Katherine O’Byrne, Doughty Street Chambers, London,
Mr. Rowan Nicholson, Associate, Lauterpacht Centre for International Law,
University of Cambridge,
as Assistants;
Ms Victoria Taylor, International Mapping, Maryland,
as Technical Assistant,
and
the Republic of Serbia,
represented by
Mr. Saša Obradović, First Counsellor of the Embassy of the Republic ofh Ser -
bia to the Kingdom of the Netherlands, former Legal Adviser of the Min -
istry of Foreign Affairs,
as Agent;
Mr. William Schabas, O.C., M.R.I.A., Professor of International Law, Middl-e
sex University and Professor of International Criminal Law and Human
Rights, Leiden University,
Mr. Andreas Zimmermann, LL.M. (Harvard), Professor of International
Law, University of Potsdam, Director of the Potsdam Centre of Human
Rights, Member of the Permanent Court of Arbitration,
Mr. Christian J. Tams, LL.M., Ph.D. (Cambridge), Professor of Interna -
tional Law, University of Glasgow,
14
7 CIJ1077.indb 25 18/04/16 08:53 14 application de convehntion génocide (arrêth)
M. Wayne Jordash, Q.C., avocat, Doughty Street Chambers (Londres), asso -
cié du cabinet Global Rights Compliance,
M. Novak Lukić, avocat, Belgrade, ancien président de l’associatiohn des
conseils de la défense exerçant devant le TPIY,
M. Dušan Ignjatović, LL.M. (Université Notre Dame), avocat, Belghrade,
comme conseils et avocats ;
S. Exc. M. Petar Vico, ambassadeur de la République de Serbie auprès du
Royaume des Pays-Bas,
M. Veljko Odalović, secrétaire général du Gouvernement de la Réhpublique de
Serbie, président de la commission pour les personnes disparues,
comme membres de la délégation ;
M meTatiana Bachvarova, LL.M. (London School of Economics and Political
Science), LL.M. (Université St. Kliment Ohridski), doctorante (Université
du Middlesex), juge au tribunal de district de Sofia (Bulgarie),
M. Svetislav Rabrenović, LL.M. (Université du Michigan), conseillerh princi-
pal au bureau du procureur pour les crimes de guerre de la Républiqueh de
Serbie,
Igor Olujić, avocat, Belgrade,
M.
M. Marko Brkić, premier secrétaire au ministère des affaires étrhangères,
M. Relja Radović, LL.M. (Université de Novi Sad), LL.M. (Universithé de
Leyde (en cours)),
M. Georgios Andriotis, LL.M. (Université de Leyde),
comme conseillers,
La Cour,
ainsi composée,
après délibéré en chambre du conseil,
rend l’arrêt suivant :
Introduction de l’instance, notifications, exceptions préliminaire▯s
et dépôt des écritures sur le fond
1. La Cour rappellera que l’historique de la procédure, de la date d’hintrodu-
tion de l’instance le 2illet 1999 jusqu’au 30 mai 2008, a fait l’objet d’un exposé
détaillé dans l’arrêt qu’elle a rendu le 18 novembre 2008 sur les exceptions préli-
minaires soulevées par le défendeur en l’espèce (Application de la convention pour
la prévention et la répression du crime de génocide (Croatie. Serbie), exceptions
préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2008 (ci-après arrêt de 2008 »), p.415-417,
par. 1-19). Ledit exposé ne sera pas repris intégralement dans le préhsent arrêt,
mais sera résumé dans les paragraphes qui suivent.
2. Le 2 juillet 1999, le Gouvernement de la République de Croatie (dénom -
mée ci-après la « Croatie») a déposé une requête contre la République fédérale
de Yougoslavie (dénommée ci-après la « RFY») au sujet d’un différend concer -
nant des violations alléguées de la convention pour la préventihon et la répression
du crime de génocide (dénommée ci-après la convention sur le génocide » ou la
«Convention»). La Convention a été approuvée par l’Assemblée géhnérale des
Nations Unies le 9 décembre 1948 et est entrée en vigueur le 12 janvi1951. La
15
7 CIJ1077.indb 26 18/04/16 08:53 application of genochide convention (judgmhent) 14
Mr. Wayne Jordash, Q.C., Barrister at Law, Doughty Street Chambers (Lon-
don), Partner at Global Rights Compliance,
Mr. Novak Lukić, Attorney at Law, Belgrade, former President of the Asso -
ciation of the Defence Counsel practising before the ICTY,
Mr. Dušan Ignjatović, LL.M. (Notre Dame), Attorney at Law, Belgrade,h
as Counsel and Advocates ;
H.E. Mr. Petar Vico, Ambassador of the Republic of Serbia to the Kingdom
of the Netherlands,
Mr. Veljko Odalović, Secretary-General of the Government of the Republic
of Serbia, President of the Commission for Missing Persons,
as Members of the Delegation ;
Ms Tatiana Bachvarova, LL.M. (London School of Economics and Political
Science), LL.M. (St. Kliment Ohridski), Ph.D. candidate (Middlesex),
Judge, Sofia District Court, Bulgaria,
Mr. Svetislav Rabrenović, LL.M. (Michigan), Senior Adviser at the Office of
the Prosecutor for War Crimes of the Republic of Serbia,
Mr. Igor Olujić, Attorney at Law, Belgrade,
Mr. Marko Brkić, First Secretary at the Ministry of Foreign Affairs,
Mr. Relja Radović, LL.M. (Novi Sad), LL.M. (Leiden (candidate)),
Mr. Georgios Andriotis, LL.M. (Leiden),
as Advisers,
The Court,
composed as above,
after deliberation,
delivers the following Judgment :
Institution of Proceedings, Notifications, Preliminary Objections and
Filing of Written Pleadings on the Merits
1. The Court recalls that the procedural history of the case, from the dateh of
its introduction on 2 July 1999 until 30 May 2008, was set out in detail in the
Court’s Judgment of 18 November 2008 on the preliminary objections raised by
the Respondent (Application of the Convention on the Prevention and Punishment
of the Crime of Genocide (Croatia v. Serbia), Preliminary Objections, Judgment,
I.C.J.Reports 2008 (hereinafter the “2008Judgment”), pp.415 -417, paras. -19).
These details will not be reproduced in full in the present Judgment, buht will be
summarized in the following paragraphs.
2. On 2 July 1999, the Government of the Republic of Croatia (hereinafter
“Croatia”) filed an Application against the Federal Republic ofh Yugoslavia
(hereinafter “the FRY”) in respect of a dispute concerning alleghed violations of
the Convention on the Prevention and Punishment of the Crime of Genocideh
(hereinafter the “Genocide Convention” or the “Convention”)h. The Convention
was approved by the General Assembly of the United Nations on 9 Decem -
ber 1948 and entered into force on 12 January 1951. The Application invoked
15
7 CIJ1077.indb 27 18/04/16 08:53 15 application de convehntion génocide (arrêth)
requête invoquait comme base de compétence de la Cour l’articleh IX de la
convention sur le génocide.
3. Conformément au paragraphe 2 de l’article 40 du Statut de la Cour, le
greffier a immédiatement communiqué une copie certifiée confhorme de la
requête au Gouvernement de la RFY ; et, conformément au paragraphe 3 de cet
article, tous les autres Etats admis à ester devant la Cour ont éthé informés de la
requête.
4. Conformément aux instructions données par la Cour en vertu de
l’article 43 de son Règlement, le greffier a adressé aux Etats parties à lah conven -
tion sur le génocide la notification prévue au paragraphe 1 de l’article 63
du Statut. Le greffier a en outre adressé au Secrétaire générahl de l’Organisation
des Nations Unies la notification prévue au paragraphe 3 de l’article 34 du
Statut, et lui a par la suite transmis des exemplaires des pièces de hprocédure.
5. Par ordonnance en date du 14 septembre 1999, la Cour a fixé les dates
d’expiration des délais pour le dépôt d’un mémoire de hla Croatie et d’un
contre-mémoire de la RFY. Par ordonnances des 10 mars 2000 et 27 juin 2000,
ces délais, à la demande de la Croatie, onerété successivemehnt prorogés. Le
mémoire de la Croatie a été déposé le 1 mars 2001, dans le délai tel que finale-
ment prescrit.
6. La Cour ne comptant sur le siège aucun juge de la nationalité des hParties,
chacune d’elles s’est prévalue du droit que lui confère le pharagraphe 3 de
l’article31 du Statut de procéder à la désignation d’un juge ad hoc pour siéger
en l’affaire :la Croatie a désigné M. Budislav Vukas et la RFY, M. Milenko
Kreća.
7. Le 11 septembre 2002, dans le délai prescrit au paragraphe 1 de l’article 79
du Règlement tel qu’adopté le 14 avril 1978 et applicable en l’espèce, la RFY a
présenté des exceptions préliminaires portant sur la compétehnce de la Cour pour
connaître de l’affaire et sur la recevabilité de la requête. hLe 25avril 2003, dans le
délai fixé par la Cour par ordonnance du 14 novembre 2002, la Croatie a déposé
un exposé contenant ses observations et conclusions sur lesdites excehptions.
8. Par lettre datée du 5 février 2003, la RFY a informé la Cour que, à la suite
de l’adoption et de la promulgation par l’Assemblée de la RFY, hle 4 février
2003, de la charte constitutionnelle de la Serbie-et-Monténégro, le nom de l’Etat
de la « République fédérale de Yougoslavie » était désormais « Serbie-et-
Monténégro». Après l’annonce des résultats d’un référendum tehnu au Monténé -
gro le 21 mai 2006 (conformément à la charte constitutionnelle de la Ser -
bie -et-Monténégro), l’Assemblée nationale de la République du Monténégro a
adopté le 3 juin 2006 une déclaration d’indépendance, à la suite de laquelle hseule
la « République de Serbie » (ci -après dénommée la « Serbie») est demeurée
défenderesse en l’affaire (arrêt de 2008, C.I.J. Recueil 2008 , p. 421-423,
par. 23-34).
9. Des audiences publiques ont été tenues sur les exceptions prélihminaires du
26 au 30 mai 2008. Par son arrêt de2008, la Cour a rejeté les première et troisième
exceptions préliminaires soulevées par la Serbie. Elle a considéré que la deuxième
exception — selon laquelle les demandes fondées sur les actes ou omissions antéh -
rieurs au 27 avril 1992, c’est-à-dire la date à laquelle la RFY a commencé à exister
en tant qu’Etat distinct, ne relevaient pas de sa compétence et éhtaient irrece -
vables — n’avait pas, dans les circonstances de l’espèce, un caracthère exclusivement
préliminaire et qu’elle devait, dès lors, être examinée lhors de la phase du fond. Sous
réserve de cette conclusion, la Cour a jugé qu’elle avait compéhtence pour connaître
de la requête de la Croatie (ibid., p.66-467, par. 146).
16
7 CIJ1077.indb 28 18/04/16 08:53 application of genochide convention (judgmhent) 15
Article IX of the Genocide Convention as the basis of the jurisdiction of the
Court.
3. Under Article 40, paragraph 2, of the Statute of the Court, the Registrar
immediately communicated a certified copy of the Application to the Gohvern -
ment of the FRY ; and, in accordance with paragraph 3 of that Article, all other
States entitled to appear before the Court were notified of the Applichation.
4. Pursuant to the instructions of the Court under Article 43 of the Rules of
Court, the Registrar addressed to States parties to the Genocide Conventhion the
notification provided for in Article 63, paragraph 1, of the Statute. The Regis -
trar also sent to the Secretary -General of the United Nations the notification
provided for in Article 34, paragraph 3, of the Statute and subsequently trans -
mitted to him copies of the written proceedings.
5. By an Order dated 14 September 1999, the Court fixed the time -limits for
the filing of a Memorial by Croatia and a Counter -Memorial by the FRY. By
Orders of 10 March 2000 and 27 June 2000, these time-limits, at the request of
Croatia, were successively extended. The Memorial of Croatia was filed on
1 March 2001, within the time-limit finally prescribed.
6. Since the Court included upon the Bench no judge of the nationality of
the Parties, each of them exercised its right under Article 31, paragraph 3,
of the Statute to choose a judge ad hoc to sit in the case : Croatia chose
Mr. Budislav Vukas and the FRY chose Mr. Milenko Kreća.
7. On 11 September 2002, within the time -limit provided for in Article 79,
paragraph 1, of the Rules of Court as adopted on 14 April 1978 and applicable
to this case, the FRY raised preliminary objections relating to the Courht’s juris
diction to entertain the case and to the admissibility of the Applicatiohn. On
25 April 2003, within the time -limit fixed by the Court by Order of 14 Novem-
ber 2002, Croatia filed a statement of its observations and submissions onh those
preliminary objections.
8. By a letter dated 5 February 2003, the FRY informed the Court that, fol -
lowing the adoption and promulgation of the Constitutional Charter of Serbia
and Montenegro by the Assembly of the FRY on 4 February 2003, the name of
the State had been changed from the “Federal Republic of Yugoslavia”h to “Ser -
bia and Montenegro”. Following the announcement of the result of a rehferen -
dum held in Montenegro on 21 May 2006 (as contemplated in the Constitu -
tional Charter of Serbia and Montenegro), the National Assembly of the h
Republic of Montenegro adopted a declaration of independence on 3 June 2006,
following which the “Republic of Serbia” (hereinafter “Serbia”) remained the
sole Respondent in the case (2008 Judgment, I.C.J. Reports 2008, pp. 421-423,
paras. 23-34).
9. Public hearings were held on the preliminary objections from 26 to
30 May 2008. By its 2008 Judgment, the Court rejected the first and third pre -
liminary objections raised by Serbia. It found that the second objectionh — that
claims based on acts or omissions which took place before 27 April 1992, i.e.,
the date on which the FRY came into existence as a separate State, lay bheyond
its jurisdiction and were inadmissible — did not, in the circumstances of the
case, possess an exclusively preliminary character and should therefore hbe con -
sidered in the merits phase. Subject to that conclusion, the Court foundh that
it had jurisdiction to entertain Croatia’s Application (ibid., pp. 466-467,
para. 146).
16
7 CIJ1077.indb 29 18/04/16 08:53 16 application de convehntion génocide (arrêth)
10. Par ordonnance en date du 20 janvier 2009, la Cour a fixé au 22mars 2010
la date d’expiration du délai pour le dépôt du contre -mémoire de la Serbie. Le
contre-mémoire, déposé le 4 janvier 2010, contenait une demande reconvention-
nelle.
11. Au cours d’une réunion que le président de la Cour a tenue avech les repr-é
sentants des Parties le 3 février 2010, le coagent de la Croatie a indiqué que son
gouvernement n’entendait pas soulever d’objections à la recevabilité de la
demande reconventionnelle de la Serbie comme telle, mais désirait pouvoir y
répondre au fond dans une réplique. Le coagent de la Serbie a expohsé que, dans
ce cas, son gouvernement souhaitait déposer une duplique.
12. Par ordonnance en date du 4 février 2010, la Cour a prescrit la présenta -
tion d’une réplique de la Croatie et d’une duplique de la Serbihe, portant sur les
demandes soumises par les deux Parties, et a fixé au 20 décembre 2010
et 4 novembre 2011, respectivement, les dates d’expiration des délais pour le
dépôt de ces pièces. La Cour a aussi donné instruction au grheffier d’informer les
Etats tiers admis à ester devant la Cour de la demande reconventionnehlle de la
Serbie, ce qui a été fait par lettres en date du 23 février 2010. La réplique et la
duplique ont été déposées dans les délais ainsi fixéhs.
13. Par lettre du 30 juillet 2010, la Croatie a prié la Cour de demander à la
Serbie, en application de l’article 49 du Statut et du paragraphe 1 de l’article 62
du Règlement, de produire un certain nombre de documents. Entre septehmbre
2010 et mai 2011, la Serbie a fourni près de 200 des documents sollicités par la
Croatie.
Par lettre en date du 22 juin 2011, la Serbie a, à son tour, prié la Croatie
de bien vouloir lui communiquer certains documents. Suite à de nouveaux h
échanges de correspondances entre les Parties, la Serbie, par lettre hdu
22 mai 2012, a fait tenir à la Cour la copie d’un courrier adressé àh la Croatie,
dans lequel elle formulait diverses observations relativement à la dehmande de
chaque Partie tendant à obtenir que l’autre produise des documentsh. La Serbie
se disait en particulier inquiète de ce qu’elle n’avait toujourhs pas reçu les docu -
ments demandés à la Croatie, alors qu’elle -même avait communiqué à cette der-
nière, dès que possible et sans exiger de justification, tous lehs documents sollici-
tés qu’elle avait pu trouver dans ses archives nationales ; la Serbie priait en
conséquence la Croatie, sur la base de la réciprocité, de lui fhournir les docu -
ments réclamés.
La Cour n’a par la suite été destinataire d’aucun autre courhrier des Parties
concernant les documents que chacune avait demandés à l’autre.
14. Le 16 janvier 2012, lors d’une réunion que le président de la Cour a tenue
avec les agents des Parties, le coagent de la Croatie a fait savoir que son gouver -
nement souhaitait s’exprimer une seconde fois par écrit, dans une hpièce addi -
tionnelle, sur la demande reconventionnelle de la Serbie.
15. Par ordonnance en date du 23 janvier 2012, la Cour a autorisé la présen -
tation par la Croatie d’une telle pièce additionnelle et a fixéh au 30 août 2012 la
date d’expiration du délai pour le dépôt de celle -ci. La Croatie a dûment déposé
cette pièce dans le délai ainsi prescrit, et l’affaire s’est htrouvée en état.
16. Par lettre en date du 14 mars 2012, le greffier, conformément au para -
graphe 3 de l’article 69 du Règlement, a demandé au Secrétaire général de l’Or-
ganisation des Nations Unies de lui indiquer si cette dernière entendait présenter
des observations écrites au sens de ladite disposition. Par lettre en date du
4 avril 2012, le Secrétaire général a indiqué que l’Organisation hdes NationU s nies
n’avait pas l’intention de présenter de telles observations.
17
7 CIJ1077.indb 30 18/04/16 08:53 application of genochide convention (judgmhent) 16
10. By an Order dated 20 January 2009, the Court fixed 22 March 2010 as
the time-limit for the filing of the Counter -Memorial of Serbia. The Counter -
Memorial, filed on 4 January 2010, contained a counter-claim.
11. At a meeting held by the President of the Court with the representativesh
of the Parties on 3 February 2010, the Co-Agent of Croatia indicated that her
Government did not intend to raise objections to the admissibility of Sehrbia’s
counter -claim as such, but wished to be able to respond to the substance of it ihn
a Reply. The Co -Agent of Serbia stated that, in that case, his Government
wished to file a Rejoinder.
12. By an Order dated 4 February 2010, the Court directed the submission of
a Reply by Croatia and a Rejoinder by Serbia, concerning the claims preshented
by the Parties, and fixed 20 December 2010 and 4 November 2011 as the respec -
tive time-limits for the filing of those pleadings. The Court also instructed thhe
Registrar to inform third States entitled to appear before the Court of hSerbia’s
counter -claim, which was done by letters dated 23 February 2010. The Reply
and the Rejoinder were filed within the time -limits thus fixed.
13. By a letter of 30 July 2010, Croatia asked the Court to request Serbia,
pursuant to Article 49 of the Statute and Article 62, paragraph 1, of the Rules
of Court, to produce certain documents. Between September 2010 and
May 2011, Serbia furnished approximately 200 of the documents requested by
Croatia.
By a letter dated 22 June 2011, Serbia, in turn, asked Croatia to provide it
with certain documents. Following further exchanges of correspondence behtween
the Parties, Serbia, by a letter of 22 May 2012, communicated to the Court a
copy of a letter addressed to Croatia, in which it made various observations
concerning the request by each Party for the other to produce documents.h In
particular, Serbia expressed concern that it had not yet received the dohcuments
requested from Croatia, whereas it had transferred, as soon as possible and
without requiring a justification, all requested documents that could hbe found in
its State archives; Serbia thus asked that Croatia fulfil its request for documents
on the basis of reciprocity.
The Court subsequently received no further correspondence from the Partihes
regarding the documents that they requested from each other.
14. On 16 January 2012, at a meeting held by the President of the Court with
the Agents of the Parties, the Co -Agent of Croatia stated that her Government
wished to express its views on Serbia’s counter-claim in writing a second time, in
an additional pleading.
15. By an Order dated 23 January 2012, the Court authorized Croatia to sub-
mit such an additional pleading, and fixed 30 August 2012 as the time-limit for
its filing. Croatia filed that pleading within the time-limit thus fixed, and the case
was ready for hearing.
16. By a letter dated 14 March 2012, the Registrar, acting pursuant to Arti -
cle 69, paragraph 3, of the Rules of Court, asked the Secretary -General of
the United Nations to inform him whether the Organization wished to submit
written observations under that provision. By a letter dated 4 April 2012, the
Secretary-General stated that the Organization did not intend to submit any
such observations.
17
7 CIJ1077.indb 31 18/04/16 08:53 17 application de convehntion génocide (arrêth)
Organisation de la procédure orale et mise à la disposition du pub▯lic
des pièces de procédure ainsi que des comptes rendus d’audience▯
17. Par lettres en date du 30 août 2012, le greffier a demandé aux Parties de
faire connaître leurs vues sur la durée des audiences et de faire hsavoir si elles
entendaient présenter des témoins et/ou des experts. Par lettre enh date du 19sep-
tembre 2012, la Serbie a notamment fait connaître à la Cour qu’elle enhvisageait
de présenter huit témoins et témoins-experts à l’audience; pour sa part, la Croa-
tie, par lettre en date du 31 octobre 2012, a notamment informé la Cour qu’elle
entendait faire comparaître douze témoins et témoins -experts.
18. Par lettre en date du 11 septembre 2012, la Serbie a informé la Cour que
des autorités croates avaient contacté au moins deux des personnesh dont la
déposition avait été jointe en annexe à la duplique de la Sehrbie ; ces deux per -
sonnes étaient ensuite revenues sur leurs déclarations antérieuhres. Par lettre en
date du 16 octobre 2012, le greffier a fait savoir aux Parties que la Cour leur
enjoignait de s’abstenir d’entrer en contact avec les personnes dohnt la déposition
était annexée aux pièces de l’autre Partie. En outre, aux fihns de permettre à la
Cour d’évaluer les conséquences qu’elle pouvait avoir à tirer des contacts établis
par les autorités croates, la Croatie était priée de bien voulohir lui fournir des
renseignements sur le nombre total de personnes approchées et sur la hmanière
dont la police croate était entrée en contact avec elles; il était également demandé
à la Croatie de communiquer à la Cour la liste complète de ces hpersonnes,
avec leurs noms et adresses. Par ailleurs, une demande similaire était faihte à la
Serbie, pour le cas où les autorités serbes se seraient mises en rhapport avec
des personnes dont la déposition avait été jointe en annexe à l’hune des pièces de
la Croatie. Par lettre datée du 2 novembre 2012, la Croatie a précisé que la
police croate était entrée en contact avec cinq des personnes donth la déposition
avait été jointe en annexe à la duplique de la Serbie ; elle a fourni les noms et
adresses des intéressés, ainsi qu’une description concise de lah manière dont
ils avaient été interrogés. Par lettre du 26 novembre 2012, la Serbie a informé la
Cour que les autorités serbes n’étaient jamais entrées en cohntact avec des
personnes dont la déposition avait été jointe en annexe aux éhcritures de la
Croatie.
19. Le 23 novembre 2012, le président de la Cour a tenu une réunion avec les
représentants des Parties pour discuter de l’organisation de la prhocédure orale.
Au cours de cette réunion, les Parties ont été encouragées àh s’entendre sur la
procédure pour l’audition des témoins et témoins -experts.
20. Par lettre en date du 16 avril 2013, la Croatie a informé la Cour que les
Parties avaient conclu un accord sur les modalités d’audition des htémoins et
témoins-experts, ce que la Serbie a confirmé par un courrier du 19 avril 2013.
Aux termes de cet accord, il était notamment prévu que chaque Parthie
communiquerait à la Cour, le 15 juillet 2013 au plus tard, la liste des témoins et
témoins-experts qu’elle souhaitait faire entendre à l’audience, ainsi que la
déclaration écrite authentique de chacun d’entre eux dans le cas où celle -ci
n’aurait pas été annexée à une pièce de procédure écrhite. Chaque Partie commu-
niquerait ensuite à la Cour, le 15 octobre 2013 au plus tard, le nom de tout
témoin ou témoin -expert que l’autre Partie désirait faire entendre mais
qu’elle-même ne souhaitait pas soumettre à un contre -interrogatoire. Il était
aussi convenu dans ledit accord que la Partie désirant faire entendreh un témoin
ou un témoin-expert soumettrait un résumé de la déposition de ce témoin ohu de
l’exposé de ce témoin -expert, et que ledit résumé tiendrait lieu d’interrogatoire
principal.
18
7 CIJ1077.indb 32 18/04/16 08:53 application of genochide convention (judgmhent) 17
Organization of the Oral Proceedings and Accessibility
to the Public of the Pleadings and Transcripts
17. By letters dated 30 August 2012, the Registrar requested the Parties to
submit their views on the length of the hearings, and asked them to infohrm him
whether they wished to call witnesses and/or experts. By a letter dated h19 Sep-
tember 2012, Serbia, inter alia, informed the Court that it was planning to call
eight witnesses and witness-experts ; for its part, Croatia, by a letter of 31cto-
ber 2012, inter alia, informed the Court that it was planning to call twelve wit -
nesses and witness-experts.
18. By a letter dated 11 September 2012, Serbia informed the Court that the
Croatian authorities had contacted at least two of the persons whose stahtements
had been appended to its Rejoinder ; those two individuals had subsequently
gone back on their previous statements. By a letter dated 16 October 2012, the
Registrar informed the Parties that the Court directed them to refrain fhrom
making contact with persons whose statements were appended to the pleadings
of the other Party. Furthermore, in order to enable the Court to assess hthe con-
sequences that it might have to draw from the contacts made by Croatian h
authorities, Croatia was requested to inform it of the total number of whitnesses
contacted, and of how the Croatian police had contacted them ; Croatia was
further requested to provide the Court with a full list of those personsh, with their
names and addresses. In case the Serbian authorities had also been in tohuch with
persons whose statements had been appended to one of Croatia’s pleadihngs, the
Court sent a similar request to Serbia. By a letter dated 2 November 2012, Cro -
atia explained that the Croatian police had been in contact with five hof the per-
sons whose statements had been appended to Serbia’s Rejoinder ; it provided
their names and addresses, as well as a brief description of the manner in which
they had been questioned. By a letter dated 26 November 2012, Serbia informed
the Court that the Serbian authorities had never been in contact with pehrsons
whose statements had been appended to Croatia’s pleadings.
19. On 23 November 2012 the President of the Court held a meeting with the
representatives of the Parties to discuss the organization of the oral proceedings.
At that meeting the Parties were encouraged to reach agreement on the proce -
dure for the examination of witnesses and witness -experts.
20. By a letter dated 16 April 2013, Croatia informed the Court that the Par -
ties had concluded an agreement on the method of examining witnesses andh
witness-experts, and Serbia confirmed this in a letter of 19 April 2013. That
agreement provided, inter alia, that each Party would submit to the Court, not
later than 15 July 2013, a list of witnesses and witness -experts that it wished to
call, together with their authentic written statements, if such statemenhts had not
been annexed to the written pleadings. Each Party would then communicateh to
the Court, not later than 15 October 2013, the name of any witness or witness -
expert called by the other Party that it did not wish to cross -examine. It was
further agreed that a Party wishing to call a witness or witness -expert would
submit a summary of the witness’ testimony or the witness -expert’s statement,
which would then replace the examination -in-chief.
18
7 CIJ1077.indb 33 18/04/16 08:53 18 application de convehntion génocide (arrêth)
21. Par lettre en date du 10 juillet 2013, la Croatie a fait part à la Cour de son
intention d’apporter des modifications à l’accord susmentionné. Elle suggérait
en particulier de repousser du 15 juillet au 1 eroctobre 2013 la date d’expiration
du délai pour la communication, au titre de l’article 57 du Règlement, des ren -
seignements relatifs aux témoins et témoins -experts. Par lettre en date du 16 juil-
let 2013, la Serbie a informé la Cour qu’elle acceptait les propositiohns de la
Croatie. Par lettres du 17 juillet2013, le greffier a informé les Parties que la Cour
avait décidé de reporter au 1 eroctobre 2013 la date d’expiration du délai pour la
communication, au titre de l’article 57 du Règlement, des renseignements relatifs
aux témoins et témoins-experts, et au 15 novembre 2013 celle afférente à la com -
munication par l’une ou l’autre des Parties des noms de tous les témoins ou
témoins -experts qu’elle n’entendait pas soumettre à un contre -interrogatoire.
22. Par lettre en date du 8 août 2013, la Serbie a informé la Cour qu’elle
souhaitait produire, en vertu du paragraphe 1 de l’article 56 du Règlement, un
nouveau document. La Serbie a aussi communiqué à la Cour la traduchtion en
anglais d’extraits de deux documents qu’elle a présentés comhme facilement
accessibles (paragraphe 4 de l’article 56 du Règlement) dans leur version origi -
nale serbe. Par lettre en date du 10 septembre 2013, la Croatie a informé la Cour
qu’elle ne s’opposait pas à la production de ces trois documenths. Par des cour -
riers en date du 20 septembre 2013, le greffier a informé les Parties que la Cour
avait autorisé la production par la Serbie du document nouveau qu’helle enten -
dait produire en vertu du paragraphe 1 de l’article 56 du Règlement et que
celle-ci pourrait s’y référer à l’audience ; quant aux deux autres documents,
ceux-ci étant « facilement accessibles», ils avaient été versés au dossier.
er
23. Le 1 octobre 2013, les Parties ont transmis à la Cour les renseignements
concernant les personnes qu’elles comptaient faire entendre aux audiehnces, ainsi
que les déclarations écrites et exposés écrits qui n’avaihent pas été annexés à leurs
écritures. La Croatie a indiqué qu’elle souhaitait présenterh neuf témoins et trois
témoins -experts à l’appui de sa demande. La Serbie a annoncé pour sa pahrt
qu’elle envisageait de faire comparaître sept témoins et un témoin-expert au sou -
tien de sa demande reconventionnelle.
24. Par lettre datée du 14 novembre 2013, la Croatie a appelé l’attention de
la Cour sur le fait que, entre le 12 et le 14 novembre 2013, la presse serbe avait
publié trois articles estimés susceptibles d’avoir des conséhquences pour les
témoins et témoins -experts appelés à déposer dans la présente instance. Par desh
courriers du 21 novembre 2013, le greffier a fait part aux Parties des préoccupa -
tions de la Cour et leur a rappelé leur obligation de maintenir la cohnfidentialité
des informations contenues dans leurs échanges de correspondances avehc la
Cour, en particulier en ce qui concerne l’identité de témoins eht témoins -experts
potentiels.
25. Par lettre en date du 15 novembre 2013, la Croatie a fait savoir à la Cour
qu’elle ne désirait pas procéder au contre -interrogatoire des témoins et du
témoin-expert présentés par la Serbie, étant entendu que ces derniers hne seraient
pas appelés à la barre et que ce seraient leurs déclarations écrites ou exposés écrits
qui serviraient d’éléments de preuve devant la Cour. La Croatieh a ajouté que, si tel
ne devait pas être le cas, ou si la Cour elle -même entendait interroger ces per -
sonnes, elle se réservait le droit de les soumettre à un contre -interrogatoire. Par
lettre en date du même jour, la Serbie a pour sa part communiqué àh la Cour les
noms de cinq témoins et d’un témoin -expert présentés par la Croatie qu’elle ne
souhaitait pas soumettre à un contre -interrogatoire, la Serbie indiquant ainsi
qu’elle désirait soumettre à un contre -interrogatoire les quatre autres témoins et
les deux autres témoins-experts annoncés par la Croatie le 1 eroctobre 2013.
19
7 CIJ1077.indb 34 18/04/16 08:53 application of genochide convention (judgmhent) 18
21. By a letter dated 10 July 2013, Croatia informed the Court that it wished
to propose changes to the agreement between the Parties referred to in thhe prev-i
ous paragraph. In particular, it proposed the extension, from 15 July to 1 Octo-
ber 2013, of the time-limit for the communication, under Article 57 of the Rules
of Court, of information regarding witnesses and witness -experts. By a letter
dated 16 July 2013, Serbia informed the Court that it accepted Croatia’s propos -
als. By letters of 17July 2013, the Registrar informed the Parties that the Court
had decided to extend to 1 October 2013 the time-limit for the communication
under Article 57 of the Rules of Court of information regarding witnesses and
witness-experts, and to extend to 15 November 2013 that relating to the com -
munication by either Party of the names of any witnesses or witness -experts that
it did not wish to cross -examine.
22. By a letter dated 8 August 2013, Serbia informed the Court that it wished
to produce a new document pursuant to Article 56, paragraph 1, of the Rules of
Court. Serbia also supplied the Court with an English translation of exthracts
from two documents which it described as being readily available (Artichle 56,
paragraph 4, of the Rules of Court) in the original Serbian version. By a letter h
dated 10 September 2013, Croatia informed the Court that it did not object to
the production of these three documents. By letters dated 20 September 2013,
the Registrar informed the Parties that the Court had authorized Serbia hto pro -
duce the new document that it wished to submit under Article 56, paragraph 1,
of the Rules of Court, and that Serbia could refer to that document at thhe hear-
ings ; with respect to the other two documents, as they were “readily avaihlable”,
these had been added to the case file.
23. On 1 October 2013 the Parties communicated to the Court information
concerning the persons whom they intended to call at the hearings, as wehll the
written testimony and statements which had not been appended to their plead -
ings. Croatia stated that it wished to call nine witnesses and three withnes-experts
in support of its claim. For its part, Serbia announced that it was planhning to
call seven witnesses and one witness -expert in support of its counter -claim.
24. By a letter dated 14 November 2013, Croatia drew the Court’s attention to
the fact that, between 12 and 14November 2013, the Serbian press had published
three articles that might have implications for the witnesses and witneshs- xperts
called to testify in the proceedings. By letters of 21 November 2013, the Regis -
trar informed the Parties of the Court’s concerns, and reminded them hof their
obligation to maintain confidentiality in respect of the information chontained in
correspondence with the Court, in particular as regards the identity of hpotential
witnesses and witness -experts.
25. By a letter dated 15 November 2013, Croatia informed the Court that it
did not wish to cross-examine the witnesses and witness-expert of Serbia, on the
understanding that they would not be called to testify before the Court,h and that
their evidence to the Court would be in the form of their written testimhony or
statements. Croatia added that, if this understanding was not correct, ohr if the
Court itself wished to cross -examine Serbia’s witnesses or witness -expert, it
reserved the right to cross -examine them. By a letter of the same date, Serbia,
for its part, informed the Court of the names of the five witnesses anhd one
witness-expert of Croatia that it did not wish to cross -examine, thus implying
that it did wish to cross -examine the four other witnesses and two other
witness-experts announced by Croatia on 1 October 2013.
19
7 CIJ1077.indb 35 18/04/16 08:53 19 application de convehntion génocide (arrêth)
26. Le 22 novembre 2013, le président de la Cour a tenu une nouvelle réunion
avec les agents des Parties, aux fins de discuter plus avant de l’ohrganisation de la
procédure orale. Au cours de cette réunion, les Parties sont convehnues qu’il était
inutile de faire comparaître les témoins et témoins -experts qu’elles n’envisa -
geaient pas de soumettre à un contre -interrogatoire à seule fin de confirmer leur
déclaration écrite ou exposé écrit, à moins que la Cour ehlle-même décide de leur
poser des questions.
27. Par lettre datée du 13 décembre 2013, la Serbie a communiqué à la Cour
le temps approximatif dont elle estimait avoir besoin pour procéder ahu contre -
interrogatoire des quatre témoins et deux témoins -experts présentés par la
Croatie et appelés à comparaître devant la Cour.
28. Par lettre datée du même jour, la Croatie a informé la Cour queh les
témoins et témoins -experts qui comparaîtraient s’exprimeraient tous en croate, à
l’exception de l’un d’eux qui s’exprimerait en serbe.
29. Par lettres datées du 16 décembre 2013, le greffier a informé les Parties
que, à ce stade de la procédure, la Cour ne souhaitait pas poser de questionhs aux
témoins et témoins-experts que les Parties n’avaient pas l’intention de soumettre
à un contre-interrogatoire. Il a en même temps porté à leur connaissance quhe la
Cour entendait recevoir d’elles, le 20 janvier 2014 au plus tard, certains docu -
ments additionnels concernant les témoins et témoins -experts, et que, s’agissant
d’un document dont la production était sollicitée de la Croatieh, la Serbie aurait
jusqu’au 14 février 2014 pour déposer toutes observations écrites qu’elle vou -
drait formuler sur ce document. Par lettre datée du 14 janvier 2014, la Serbie a
fait tenir à la Cour les documents demandés. Par lettre du 22 janvier 2014, la
Croatie a informé la Cour qu’elle transmettrait le document requish avec un peu
de retard ; ce document est parvenu au Greffe le 31 janvier 2014. Le délai fixé
initialement pour le dépôt d’observations écrites éventuehlles de la Serbie sur
ledit document a été prorogé en conséquence. Par un courrier en dahte
du 11 février 2014, la Serbie a indiqué qu’elle n’entendait pas présenter hde telles
observations.
30. Par lettre datée du 30 décembre 2013, la Croatie a formulé certaines
observations sur la procédure d’audition de ses témoins et téhmoins -experts,
notamment pour ce qui concerne la répartition du temps aux fins deshdites audi -
tions et l’ordre de présentation des témoins et témoins -experts. Par lettre datée
du 10 janvier 2014, la Serbie a fait part de ses remarques à ce sujet.
31. Par lettre en date du 17 janvier 2014, le greffier a prié la Croatie d’indi-
quer les dispositions qu’elle entendait prendre, en application du pahragraphe 2
de l’article 70 du Règlement, pour assurer l’interprétation, dans l’une dhes lan -
gues officielles de la Cour, des dépositions des témoins et téhmoins -experts qui
s’exprimeraient en croate et en serbe. Par lettre datée du mêmeh jour, la Croatie
a informé le Greffe des dispositions prises à cet effet ; dans ce même courrier, la
Croatie priait la Cour de prendre certaines mesures de protection enversh deux
témoins, consistant notamment à entendre ceux -ci à huis clos et à utiliser des
pseudonymes pour s’y référer.
32. Conformément au paragraphe 2 de l’article 53 de son Règlement, le gref -
fier a prié les Parties, par lettres en date du 17anvier 2014, d’indiquer leurs vues
respectives au sujet de la question de l’accessibilité du public ahux pièces de pro-
cédure et documents annexés. Par lettre en date du 24 janvier 2014, la Serbie a
informé la Cour que, à quelques exceptions près, elle consentaiht à ce que des
exemplaires de ses pièces de procédure et documents annexés soihent mis à la
disposition du public à l’ouverture de la procédure orale. La Chroatie n’a indiqué
sa position que plus tard (voir ci -dessous, les paragraphes 35 et suivants).
20
7 CIJ1077.indb 36 18/04/16 08:53 application of genochide convention (judgmhent) 19
26. On 22 November 2013 the President of the Court held a meeting with the
Agents of the Parties in order to discuss further the organization of thhe oral
proceedings. At that meeting the Parties agreed that it was unnecessary to have
witnesses and witness-experts whom they did not intend to cross -examine come
to the Court only to confirm their written testimony or statement unlehss the
Court itself decided to put questions to them.
27. By a letter dated 13 December 2013, Serbia informed the Court of the
approximate amount of time that it felt it would need in order to cross -examine
the four witnesses and two witness -experts called by Croatia who were due to
testify in court.
28. By a letter of that same date, Croatia informed the Court that the wit -
nesses and witness-experts who would testify would all speak in Croatian, with
the exception of one, who would speak in Serbian.
29. By letters dated 16 December 2013, the Registrar informed the Parties
that, at this stage of the proceedings, the Court did not wish to questihon the wit-
nesses and witness -experts that the Parties were not intending to cross -examine.
At the same time, he further informed them that the Court wished to recehive
from them, by 20 January 2014, certain additional documents concerning their
witnesses and witness-experts, and that, with respect to a document the produc -
tion of which had been requested of Croatia, Serbia would have until 14 Febru-
ary 2014 to file any written observations that it wished to make on this
document. By a letter dated 14 January 2014, Serbia provided the Court with
the documents requested. By a letter of 22 January 2014, Croatia informed the
Court that it would be transmitting the requested document slightly late. That
document reached the Court on 31 January 2014. The original time -limit for
any written observations on that document by Serbia was extended accordihngly.
By a letter dated 11 February 2014, Serbia indicated that it did not wish to pres -
ent any such observations.
30. By a letter dated 30 December 2013, Croatia made certain observations
on the procedure for the hearing of its witnesses and witness -experts, in particu-
lar with respect to the allocation of time for the said hearings and theh order of
presentation of the witnesses and witness -experts. By a letter dated 10 January
2014, Serbia presented its own observations on the matter.
31. By a letter dated 17 January 2014, the Registrar asked Croatia to state
what arrangements it planned to make, pursuant to Article 70, paragraph 2, of
the Rules of Court, for the interpretation into one of the Court’s offihcial lan -
guages of the evidence of witnesses and witness -experts who would be testifying
in Croatian or Serbian. By a letter of the same date, Croatia informed the Reg -
istry of its arrangements in that regard ; in that same letter Croatia asked the
Court to take certain protective measures for two of its witnesses, conshisting in
particular of hearing their evidence in closed session and referring to hthem by
pseudonyms.
32. Under Article 53, paragraph 2, of the Rules of Court, the Registrar
requested the Parties, by letters dated 17 January 2014, to indicate their respec -
tive views on the question of making accessible to the public the writtehn plead -
ings and documents annexed. By a letter dated 24 January 2014, Serbia informed
the Court that, with certain exceptions, it consented to copies of its whritten
pleadings and documents annexed being made accessible to the public on thhe
opening of the oral proceedings. Croatia did not make its position knownh until
later (see below, paragraphs 35 and following).
20
7 CIJ1077.indb 37 18/04/16 08:53 20 application de convehntion génocide (arrêth)
33. Par lettres en date du 7 février 2014, le greffier a informé les Parties de l’en-
semble des décisions prises par la Cour quant aux modalités préhcises de la proc-é
dure d’audition des quatre témoins et deux témoins-experts présentés par la Croa-
tie et appelés à comparaître devant la Cour (voir les paragraphhes 25-31 ci-dessus).
Les Parties ont ainsi été avisées que, après avoir fait la dhéclaration solennelle
prévue à l’article 64 du Règlement, le témoin ou témoin -expert serait appelé à
confirmer sa déclaration écrite ou son exposé écrit, qui thiendrait lieu d’interroga -
toire principal. La Serbie aurait ensuite la possibilité de contre -interroger le
témoin ou témoin -expert, et la Croatie pourrait procéder à un réexamen. Les
membres de la Cour pourraient enfin poser des questions au témoin ohu
témoin-expert.
S’agissant des mesures de protection demandées pour deux des téhmoins, il a
été indiqué aux Parties que la Cour avait consenti à l’emhploi de pseudonymes
pour s’adresser à ces témoins ou y faire référence ; que ces témoins seraient
entendus à huis clos, seuls les fonctionnaires du Greffe et les membrehs des délé -
gations officielles étant autorisés à assister à l’audition de ces témoins ; et que
deux jeux distincts de documents seraient préparés (l’un réhservé à l’usage confi-
dentiel de la Cour et des Parties et l’autre, destiné à être rendu public, dans
lequel toutes les informations pouvant mener à l’identification hdes témoins pro-
tégés auraient été supprimées).
Les Parties ont aussi été avisées que la Cour avait décidéh d’imposer les
mesures suivantes pour assurer l’intégrité des dépositions eht exposés des témoins
et témoins -experts : i)les témoins et témoins-experts devraient demeurer hors de
la salle d’audience autant avant qu’après leur déposition/exhposé; ii) les déclara -
tions écrites/exposés écrits des témoins et témoins -experts annoncés par les Par -
ties le 1eroctobre 2013 (qu’ils soient entendus à l’audience ou non), ainsi que hles
comptes rendus des audiences consacrées à l’audition des témoins et témoins -
experts ne seraient publiés qu’au terme de la procédure orale (hsous une forme
expurgée en ce qui concerne les témoins protégés) ; iiiles Parties devraient s’as -
surer que les témoins et témoins -experts n’auraient pas accès aux déclarations/
exposés des autres témoins et témoins-experts avant la fin de la procédure orale ;
iv) les Parties devraient en outre s’assurer que les témoins et témhoins-experts ne
seraient pas autrement informés des dépositions/exposés des autres témoins et
témoins -experts et qu’ils n’auraient aucun contact qui puisse compromettreh leur
indépendance ou les termes de leur déclaration solennelle ; v) si la Cour décidait
que, de façon générale, les annexes des pièces de procédure (contenant de nom -
breuses déclarations écrites portant sur les événements en chause dans l’affaire)
devaient être rendues accessibles au public, elles ne seraient publiéhes qu’au terme
de la procédure orale ; et vi) le public pourrait assister aux auditions (sauf en ce
qui concerne les séances à huis clos), mais il lui serait demandé de ne pas divul -
guer le contenu des dépositions/exposés avant la fin de la procéhdure orale ; il en
irait de même de la presse, qui devrait souscrire à un code de conhduite en vertu
duquel elle pourrait effectuer des prises de vues et des enregistrements hsonores à
la condition expresse de ne pas rendre public le contenu des dépositihons/exposés
avant la fin de la procédure orale.
S’agissant de la question de la diffusion des audiences, il a étéh indiqué
aux Parties, dans les mêmes courriers, que la Cour avait décidé queh les auditions
des témoins et témoins -experts, protégés ou non, ne seraient pas diffusées sur
l’Internet.
Enfin, la Croatie n’ayant toujours pas indiqué sa position quanth à l’accessibilité
au public des pièces de procédure et documents annexés (voir lhe paragraphe 32 ci-
dessus), elle a été de nouveau invitée à faire connaîtreh ses vues sur cette question.
21
7 CIJ1077.indb 38 18/04/16 08:53 application of genochide convention (judgmhent) 20
33. By letters dated 7 February 2014, the Registrar informed the Parties of all
the decisions taken by the Court concerning the precise details of the phrocedure
for examining the four witnesses and two witness -experts called by Croatia who
were due to testify in court (see paragraphs 25-31 above).
The Parties were thus advised that, after making the solemn declaration hpro -
vided for in Article 64 of the Rules of Court, the witness or witness-expert would
be asked to confirm his or her written testimony or statement, which whould
serve as the examination-in-chief. Serbia would then be given the opportunity to
cross-examine the witness or witness -expert, after which Croatia could conduct
a re-examination. Finally, there would be an opportunity for Members of the
Court to put questions to the witness or witness -expert.
With regard to the protective measures requested for two of the witnessehs, the
Parties were informed that the Court had agreed to the use of pseudonymsh when
addressing these witnesses or referring to them ; it had also agreed that these
witnesses would be heard in closed session, with only Registry staff and hmem -
bers of the official delegations permitted to be present during their ehxamination,
and that two separate sets of documents would be produced (one reservedh for
confidential use by the Court and the Parties, and the other to be made public,
with any information that might lead to the identification of the prothected wit -
nesses having been deleted).
The Parties were further informed that the Court had decided to prescribhe the
following measures to ensure the integrity of the testimony and statemenhts of the
witnesses and witness-experts : (ithe witnesses and witness -experts would have
to remain out of court both before and after their testimony/statements ; (ii) the
written testimony/statements of witnesses and witness-experts announced by the
Parties on 1 October 2013 (whether or not they appear at the hearings), as well
as the verbatim records of the hearings at which the witnesses and witneh-sesxperts
were examined, would be published only after the closure of the oral prohceedings
(in redacted form in the case of protected witnesses) ; (iithe Parties would have
to ensure that the witnesses and witness -experts did not have access to the evi -
dence given by other witnesses and witness -experts before the closure of the oral
proceedings ; (ivthe Parties would further have to ensure that the witnesses and
witness-experts would not be otherwise informed of the testimony/statements of
other witnesses and witness-experts and that they would have no contact which
could compromise their independence or breach the terms of their solemn hdecla -
ration; (v) if the Court were to decide that, in general, the annexes to the main
pleadings (containing a number of written testimonies on disputed evenths in the
case) should be made available to the public, they would only be publishhed after
the closure of the oral proceedings ; and (vi) the public could attend the examina -
tions (except the closed sittings), but would be requested not to divuhlge the con-
tent of the testimony/statements until the oral proceedings had closed ; the same
would apply to the media, who would have to subscribe to a code of conduhct
under the terms of which they would be allowed to take photographs and mhake
sound recordings, on the express condition that they did not make publich the
content of the testimony/statements before the oral proceedings had closhed.
On the question of the broadcasting of the hearings, the Parties were nohtified,
in the same letters, that the Court had decided that the examinations ofh the wit -
nesses and witness -experts, whether or not protected, would not be broadcast on
the Internet.
Lastly, since Croatia had still not indicated its position regarding the acces -
sibility to the public of the pleadings and documents annexed thereto (hsee para-
graph 32 above), it was again invited to make known its views on that matter.h
21
7 CIJ1077.indb 39 18/04/16 08:53 21 application de convehntion génocide (arrêth)
34. Par lettre datée du 14 février 2014, la Serbie a communiqué à la Cour la
liste des matériaux audiovisuels et photographiques qu’elle entendhait présenter
dans le cadre de ses plaidoiries, ainsi qu’une version électronique de ces docu -
ments. Par lettre datée du 17 février 2014, la Croatie a transmis à la Cour une
version électronique des matériaux audiovisuels sur lesquels elle hentendait s’ap-
puyer lors de ses plaidoiries. Par lettre du 21 février 2014, la Serbie a demandé
que la Croatie précise la source de certains des matériaux audiovihsuels qu’elle
avait transmis ; ces précisions ont été fournies par la Croatie par courrier ehn date
du 26 février 2014. Par lettres en date du 27 février 2014, le greffier a informé les
Parties que la Cour avait décidé d’autoriser celles -ci à s’appuyer, lors de leurs
plaidoiries, sur les matériaux audiovisuels et photographiques qui avhaient été
communiqués.
35. Par lettre en date du 14 février 2014, la Croatie a fait savoir à la Cour
qu’elle consentait à la publication de ses pièces de procéduhre et des documents y
annexés seulement sous une forme expurgée et à l’exclusion dh’un certain nombre
d’annexes, aux fins de garantir l’anonymat des victimes et des ihndividus lui ayant
fourni des déclarations écrites. La Croatie a proposé que le nom de ces personnes
apparaissant dans ses pièces soit remplacé par leurs initiales, eth que les déclara -
tions faites par elles ainsi que les listes de prisonniers annexées ahuxdites pièces
soient exclues de la publication. Elle a ajouté que la Serbie devraith être requise
d’occulter ses pièces de procédure de la même manière danhs la mesure où elles
mentionneraient les noms de ces mêmes personnes. Enfin, la Croatie ha demandé
que lesdites personnes soient désignées, au cours des audiences puhbliques, par
leurs initiales ou le numéro de l’annexe dans laquelle figurait hleur déclaration.
36. Par lettres en date du 17 février 2014, le greffier a demandé à la Serbie de
faire connaître à la Cour sa position sur les mesures proposéesh par la Croatie,
ajoutant que la Cour aurait le dernier mot sur ces questions. Il a en ouhtre
informé les Parties que, en principe, il leur incombait de procédehr à l’établisse -
ment de la version expurgée des documents destinée au public. La Chroatie a
enfin été priée de fournir la version expurgée de ses pièhces de procédure et des
documents y annexés qu’elle souhaitait rendre accessible au public. En répohnse
à cette demande, la Croatie, par courrier du 18 février 2014, a communiqué à la
Cour une version expurgée de ses pièces et annexes, dans laquelle hi) les noms des
victimes et individus lui ayant fourni des déclarations écrites éhtaient remplacés
par des initiales et ii)lesdites déclarations et les listes de prisonniers n’étaient
plus reproduites.
37. Par lettres en date des 18 et 25 février 2014, la Serbie a objecté aux pro -
positions de la Croatie, présentées par celle -ci dans sa lettre susmentionnée du
14 février 2014 (voir le paragraphe 35 ci-dessus) et réitérées dans un courrier du
20 février 2014, tendant à ce que les pièces de procédure soient expurgéhes et à ce
que certaines personnes soient désignées en audience publique par hleurs initiales
ou par le numéro d’annexe de leur déclaration écrite. Dans sha lettre en date du
25 février 2014, la Serbie expliquait que la Croatie n’avait pas suffisamment jhus -
tifié la raison pour laquelle ses pièces de procédure et les hdocuments y annexés
devaient être expurgés de la manière proposée.
38. S’agissant de la publication des déclarations écrites/exposéhs écrits des
témoins et témoins-experts annoncés le 1 eroctobre 2013 mais qui ne seraient pas
entendus à l’audience (voir le paragraphe 33 ci-dessus), la Croatie a, par lettre
en date du 24 février 2014, fait observer que : i)l’un des témoins avait demandé
que sa déclaration écrite soit publiée sous un pseudonyme et sohus forme expur-
gée ; ii) deux témoins s’étaient opposés à ce que leurs déclarathions écrites soient
publiées et iii)l’un des témoins était décédé le 19 janvier 2014. Dans sa lettre du
22
7 CIJ1077.indb 40 18/04/16 08:53 application of genochide convention (judgmhent) 21
34. By a letter dated 14 February 2014, Serbia communicated to the Court a
list of audio-visual and photographic materials that it intended to present dur -
ing its oral arguments, as well as electronic versions of those documenths. By
letter dated 17 February 2014, Croatia transmitted to the Court electronic ver -
sions of the audio -visual materials on which it intended to rely during its oral
arguments. By letter of 21 February 2014, Serbia asked Croatia to specify the
source of some of the audio -visual materials transmitted ; that information was
provided by Croatia in a letter dated 26 February 2014. By letters dated 27 Feb-
ruary 2014, the Registrar informed the Parties that the Court had decided thath,
during their oral presentations, they would be allowed to use the audio -visual
and photographic materials that had been communicated to it.
35. By a letter dated 14 February 2014, Croatia indicated to the Court that it
consented to the publication of its pleadings and documents annexed, prohvided
they were published in redacted form and without a number of annexes, inh order
to ensure the anonymity of the victims and the individuals who provided hit with
written testimonies. Croatia suggested that the names of those persons appear -
ing in its pleadings be replaced by their initials, and that their writthen testimo -
nies and the lists of prisoners annexed to the said pleadings be withhelhd from
publication. It added that Serbia should also be asked to redact its own plead -
ings in the same manner, in so far as they referred to those individualsh. Finally,
Croatia requested that those individuals should be referred to at the puhblic
hearings by their initials or the annex number where their written testihmony
appeared.
36. By letters dated 17 February 2014, the Registrar asked Serbia to indicate
to the Court its views on the measures proposed by Croatia, adding that hthe
final decision on these matters would rest with the Court. He also infhormed the
Parties that, in principle, they were responsible for the production of hredacted
documents to be made accessible to the public. Croatia was finally askhed to
provide the redacted versions of its pleadings and documents annexed as hit
would like them to be published. In response to this request, Croatia, bhy a letter
dated 18 February 2014, communicated to the Court redacted versions of its
pleadings and annexes, in which (i) the names of victims and individuals who
had provided it with written testimonies were replaced by initials, and h(ii) the
said written testimonies and the lists of prisoners were removed.
37. By letters of 18 and 25 February 2014, Serbia objected to Croatia’s
requests, made by the latter in its above -mentioned letter of 14 February 2014
(see paragraph 35 above) and repeated in a letter dated 20 February 2014, to
redact the written pleadings and to refer to certain individuals in the public
hearings by their initials or the annex number of their written testimonhy. In its
letter dated 25 February 2014, Serbia argued that Croatia had not sufficiently
explained why its pleadings and documents annexed had to be redacted in the
manner proposed.
38. Regarding the publication of the written testimonies/statements of thoseh
witnesses and witness-experts announced on 1 October 2013 but who would not
be appearing at the hearings (see paragraph 33 above), Croatia, in a letter dated
24 February 2014, stated that : (ione of the witnesses had asked that his written
testimony be published under a pseudonym and in redacted form ; (ii)two wit -
nesses had objected to the publication of their written testimonies ; and (iii) one
of the witnesses had passed away on 19 January 2014. In its letter of 25 Febru-
22
7 CIJ1077.indb 41 18/04/16 08:53 22 application de convehntion génocide (arrêth)
25 février 2014, la Serbie a déclaré ne pas s’opposer à ce que la déhclaration écrite
du témoin mentionné au point i) soit publiée sous un pseudonyme et sous forme
expurgée, ni à ce que les déclarations écrites des deux téhmoins visés par le
point ii) ne soient pas publiées, étant entendu qu’il reviendrait àh la Cour de déci -
der si ces déclarations écrites devaient demeurer au dossier. Enfihn, la Serbie a
déclaré ne pas s’opposer à la publication de la déclaratihon écrite du témoin
décédé (point iii)).
39. Suite à ces divers échanges de correspondance concernant la publichation
des pièces de procédure, le greffier, par lettres datées du 27fhévrier 2014, a informé
les Parties des dernières décisions que la Cour avait prises à hce sujet. Les Parties
ont ainsi été avisées que lesdites pièces ne seraient pas puhbliées à l’ouverture de la
procédure orale, en raison de la nécessité pour la Cour de recuheillir davantage
d’information avant de décider précisément quels documents dhevraient être
expurgés (et dans quelle mesure) ou entièrement exclus de la pubhlication. En
outre : i) à supposer que les pièces de procédure et les documents y annexhés soient
rendus accessibles au public, cinq annexes de la duplique de la Serbie seraient
exclues de la publication et des parties de la pièce additionnelle de la Croatie se
référant à ces annexes seraient expurgées en conséquence ; ii)les listes de détenus
contenues dans les annexes aux pièces de la Croatie seraient expurgéhes de façon
à supprimer les noms des personnes visées, mais ces annexes ne devhraient pas être
entièrement exclues de la publication ; et iii)les déclarations écrites jointes aux
pièces de procédure de la Croatie seraient rendues accessibles au hpublic à moins
que des raisons impérieuses (par exemple, protection des personnes ehn cause ou
questions de sécurité nationale) ne s’y opposent. En ce qui cohncerne les déclara -
tions écrites de certains témoins annoncés par la Croatie le 1 eroctobre 2013 mais
qui ne seraient pas appelés à la barre : i)la déclaration écrite de l’un des témoins
serait publiée sous un pseudonyme et sous forme expurgée ; ii)les déclarations
écrites de deux témoins seraient écartées si ces derniers cohntinuaient à s’opposer
à leur publication même sous un pseudonyme et sous forme expurgéhe; et iii) la
déclaration écrite du témoin décédé serait publiée.h
La Croatie a par ailleurs été invitée à préciser le nom des personnes dont la
sécurité serait véritablement menacée par la publication de hla version non expur -
gée des pièces de procédure et des documents y annexés, et àh identifier le risque
en jeu ainsi que les passages spécifiques des pièces et des annehxes qui devaient à
son avis être occultés. C’est une fois cette information obtenuhe que la Cour déci -
derait quels passages devraient effectivement être expurgés et quelhles annexes
devraient être exclues de la publication.
40. Par lettre en date du 28 février 2014, la Croatie a formulé des observa -
tions sur les décisions prises par la Cour au sujet de l’accessibihlité au public de
divers documents et de la conduite de la procédure orale. Elle a notahmment prié
la Cour de lui octroyer un délai supplémentaire pour expurger les hlistes de déte -
nus contenues dans ses annexes de la manière prescrite. Elle a en outhre indiqué
qu’elle acceptait que les déclarations écrites des deux témohins qui s’opposaient à
la publication de celles -ci soient écartées du dossier. Cependant, elle n’a pas
précisé le nom des personnes dont la sécurité serait vérihtablement menacée par
la publication de la version non expurgée des pièces de procéduhre et des docu -
ments y annexés, ni identifié le risque en jeu ou les passages shpécifiques des
pièces et des annexes qui devaient à son avis être occultés.h
41. Par lettres datées du 3 mars 2014, le greffier a informé les Parties que la
Cour avait accepté d’octroyer un délai supplémentaire à lha Croatie pour expurger
les listes de détenus contenues dans ses annexes et pour préciser le nom des per -
sonnes dont la sécurité serait véritablement menacée par la hpublication de la ve-r
23
7 CIJ1077.indb 42 18/04/16 08:53 application of genochide convention (judgmhent) 22
ary 2014, Serbia stated that it did not object to the written testimony of thhe
witness referred to in point (i) being published under a pseudonym and in
redacted form, or to the written testimonies of the two witnesses referrhed to in
point (ii) not being published, on the understanding that it would be for the
Court to decide whether those written testimonies would remain in the case file.
Lastly, Serbia indicated that it did not object to the publication of thhe written
testimony of the deceased witness (point (iii)).
39. Following these various exchanges on the publication of the written
pleadings, the Registrar, by letters dated 27 February 2014, informed the Parties
of the latest decisions of the Court in this regard. The Parties were thhus advised
that the said pleadings would not be published on the opening of the orahl pro -
ceedings, as more information was required by the Court before deciding hexactly
which documents should be redacted (and to what extent) or withheld frhom
publication altogether. Furthermore, (i) if the pleadings and documents annexed
were to be made accessible to the public, five annexes of Serbia’s hRejoinder
would be withheld from publication and the parts of Croatia’s additiohnal plead -
ing referring to those annexes would be redacted accordingly ; (ii) the lists of
prisoners contained in the annexes to Croatia’s pleadings would be rehdacted to
delete the names of the individuals concerned, but those annexes would nhot be
withheld from publication entirely ; and (iiithe written testimonies of witnesses
annexed to Croatia’s pleadings would be made accessible to the publich, unless
compelling reasons required otherwise (for example, protection of the whitnesses
in question or national security issues). As regards the written testimhonies of
some witnesses announced by Croatia on 1 October 2013 but who would not be
appearing at the hearings : (i) the written testimony of one of the witnesses
would be published under a pseudonym and in redacted form ; (iithe written
testimonies of two witnesses would be discarded if the individuals concehrned
continued to object to their publication even under a pseudonym and in redacted
form; and (iii) the written testimony of the witness who had passed away would
be published.
Croatia was further invited to specify the names of the individuals for hwhom
-
publication of the unredacted pleadings and annexes thereto would pose ah genu
ine security risk, and to identify the risk in question and the specifihc parts of its
pleadings and annexes that should in its view be redacted. Once that infhorma -
tion had been provided, the Court would decide which redactions were jushtified
and which annexes should not be published.
40. In a letter dated 28 February 2014, Croatia commented on the decisions
taken by the Court regarding the accessibility to the public of various hdocu -
ments and the conduct of the oral proceedings. In particular, it asked thhe Court
to grant it additional time to redact in the manner prescribed the listsh of prison-
ers contained in its annexes. It further indicated that it accepted the Court’s
decision to remove from the case file the evidence of the two witnessehs who
objected to their written testimony being published. However, it did noth specify
the names of the individuals for whom publication of the unredacted pleahdings
and documents annexed would pose a genuine security risk, identify the rhisk in
question or the specific parts of its pleadings and annexes that it wihshed to be
redacted.
41. By letters dated 3 March 2014, the Registrar informed the Parties that the
Court had decided to grant Croatia’s request for additional time to rhedact the
lists of prisoners contained in its annexes and to specify the names of hthe indi -
viduals for whom publication of the unredacted pleadings and documents
23
7 CIJ1077.indb 43 18/04/16 08:53 23 application de convehntion génocide (arrêth)
sion non expurgée des pièces de procédure et des documents y anhnexés. Les P-r
ties ont aussi été avisées que, dans l’attente de l’obtenhtion de cette information,
toute référence faite, au cours des audiences publiques, aux persohnnes dont les
déclarations écrites étaient annexées aux pièces de procéhdure de la Croatie devrait
se limiter à un renvoi au numéro de l’annexe où figuraienth ces déclarations.
42. Par lettre en date du 14mars 2014, la Croatie a présenté à la Cour la
version expurgée des listes de détenus susmentionnées. Se réhférant aux dernières
décisions prises par la Cour, la Croatie a par ailleurs abordé la hquestion de la
publication des pièces de procédure des Parties et des documents yh annexés. Elle
a indiqué à cet égard ne pas disposer des ressources suffisanthes pour se mettre en
contact avec chacune des personnes nommées dans les déclarations éhcrites
annexées à ses pièces de procédure, afin de vérifier si sa sécurité serait véritable
ment menacée par la publication de la déclaration dans laquelle son nom appa -
raît, et pour quelle raison. Elle a de ce fait formulé des proposihtions tendant à la
non -publication des annexes, à la publication de la version expurgée dhes pièces
de procédure et à la mise à disposition du public de la versionh complète et non
expurgée des pièces de procédure au seul siège de la Cour. Phar lettre en date du
17 mars 2014, la Serbie a fait part à la Cour de son opposition aux propositihons
formulées par la Croatie.
43. Par lettres datées du 18ars 2014, le greffier a informé les Parties que la
Cour avait décidé que les pièces de procédure de la Croatie het leurs annexes,
ainsi que les pièces de la Serbie, seraient publiées dans une vershion expurgée, afin
d’assurer l’anonymat des personnes identifiées par la Croatieh (victimes et indivi
dus dont les déclarations écrites étaient annexées aux pièces de la Croatie). Il
était précisé dans les courriers du greffier que ces mesures dhevraient se limiter au
remplacement des noms complets par des initiales et, exceptionnellement,h
lorsque la protection des intéressés l’exigerait, à la supprhession d’autres éléments
d’identification en ce qui concerne les pièces de procédure de la Serbie, il appahr
tiendrait à la Croatie d’indiquer très précisément les pahssages qui seraient selon
elle à expurger.
44.Par lettre en date du 24mars 2014, la Croatie a identifié les passages des
pièces de la Serbie qui devaient à son avis être ainsi expurgéhs. Le courrier de la
Croatie a été communiqué à la Serbie, qui a été invitéhe à dire si ces propositions
avaient son agrément et, dans l’affirmative, à fournir une verhsion électronique de
ses pièces de procédure expurgée conformément aux suggestionhs de la Croatie. Par
lettre en date du 27ars 2014, la Serbie a fourni une telle version électronique de
ses pièces. Par lettre en date du 2mars 2014, la Croatie a fourni une version
électronique expurgée de ses pièces de procédure et des docuhments y annexés.
er
45. Des audiences publiques ont été tenues du 3 mars au 1 avril 2014, au
cours desquelles ont été entendus en leurs plaidoiries et réponhses
me
Pour la Croatie : M Vesna Crnić-Grotić,
M me Andreja Metelko-Zgombić,
M me Helen Law,
M. James Crawford,
M. Philippe Sands,
sir Keir Starmer,
M me Jana Spero,
M me Blinne Ní Ghrálaigh,
me
M Maja Seršić,
M. Davorin Lapaš,
M me Anjolie Singh.
24
7 CIJ1077.indb 44 18/04/16 08:53 application of genochide convention (judgmhent) 23
annexed would pose a genuine security risk. The Parties were also told thhat,
pending the receipt of that information, any individuals whose written thestimo-
nies were annexed to Croatia’s pleadings were to be referred to at thhe public
sittings only by the annex number of these written testimonies.
42. By a letter dated 14 March 2014, Croatia provided the Court with
redacted versions of the above -mentioned lists of prisoners. Referring to the
recent decisions taken by the Court, Croatia also addressed the questionh of the
publication of the Parties’ written pleadings and documents annexed thhereto. It
stated in this respect that it did not have the resources to contact eachh and every
one of the individuals named in the written testimonies annexed to its phleadings,
in order to ascertain whether the publication of the testimony in which hthey
were named would pose a genuine security risk for them, and on what basihs. It
therefore proposed the non -publication of the annexes, the publication of
redacted versions of the pleadings, and making the full and unredacted phlead-
ings available to the public only at the seat of the Court. By a letter hdated
17 March 2014, Serbia objected to Croatia’s proposals.
43. By letters dated 18 March 2014, the Registrar informed the Parties that
the Court had decided that Croatia’s pleadings and their annexes, as hwell as
Serbia’s pleadings, would be published in redacted form, to ensure thhe anonym
ity of the persons identified by Croatia (victims and individuals whohse written
testimonies were annexed to Croatia’s pleadings). It was specifiedh in the Regis -
trar’s letters that these redactions were to be limited to replacing hfull names by
initials, and, exceptionally, when necessary to ensure the protection ofh the indi-
viduals concerned, to deleting other identifying information ; with respect to
Serbia’s pleadings, it would fall on Croatia to identify very precisehly the parts it
deemed had to be redacted.
44. In a letter dated 24 March 2014, Croatia identified the parts of Serbia’s
pleadings which in its view had to be redacted. Croatia’s letter was hcommuni -
cated to Serbia, which was asked to indicate whether it agreed to the suggested
redactions and, if so, to provide electronic versions of its pleadings redacted
pursuant to Croatia’s suggestions. By a letter dated 27 March 2014, Serbia fur
nished such electronic versions of its pleadings. By a letter dated 28 2014,
Croatia provided redacted versions of its pleadings and documents annexehd
thereto in electronic form.
45. Public hearings were held from 3 March to 1 April 2014, at which the
Court heard the oral arguments and replies of :
For Croatia: Ms Vesna Crnić-Grotić,
Ms Andreja Metelko-Zgombić,
Ms Helen Law,
Mr. James Crawford,
Mr. Philippe Sands,
Sir Keir Starmer,
Ms Jana Spero,
Ms Blinne Ní Ghrálaigh,
Ms Maja Seršić,
Mr. Davorin Lapaš,
Ms Anjolie Singh.
24
7 CIJ1077.indb 45 18/04/16 08:53 24 application de convehntion génocide (arrêth)
Pour la Serbie : M. Saša Obradović,
M. William Schabas,
M. Andreas Zimmermann,
M. Christian Tams,
M. Novak Lukić,
M. Dušan Ignjatović,
M. Wayne Jordash.
46. Les témoins et les témoins -experts suivants ont été appelés à la barre par
la Croatie et ont été entendus au cours de deux audiences publiquehs et d’une
audience à huis clos tenues les 4, 5 et 6 mars 2014 : M. Franjo Kožul,
M me Marija Katić, M me Paula Milić (pseudonyme) et M. Ivan Krylo (pseudo-
nyme), témoins, et M me Sonja Biserko et M. Ivan Grujić, témoins-experts. Ils
ont été soumis à un contre-interrogatoire par les conseils de la Serbie, ainsi qu’à
un réexamen par les conseils de la Croatie. Plusieurs juges ont poséh des ques -
tions aux témoins et témoins -experts, qui y ont répondu oralement.
47. A l’audience, des questions ont été posées aux Parties par des membres de
la Cour, auxquelles il a été répondu oralement, conformémenth au paragraphe 4
de l’article 61 du Règlement.
48. Conformément aux décisions prises par la Cour (voir les paragraphhes 33,
39 et 43 ci-dessus), les documents suivants ont été rendus publics à la clôture de
la procédure orale : versions expurgées des pièces de procédure et de leurs
annexes ;éclarations écrites des témoins (en version expurgée en ce qui concerne
les témoins protégés) et exposés écrits des témoins -experts ; et comptes rendus
des auditions des témoins et témoins -experts (tous en version intégrale, les Par-
ties et les témoins protégés n’ayant finalement pas demandé hà la Cour d’occulter
certains passages des comptes rendus des auditions de témoins protéhgés).
*
Demandes formulées dans la requête et conclusions présentées▯
par les Parties
49. Dans la requête, les demandes ci -après ont été formulées par la Croatie :
«Tout en réservant le droit de reviser, compléter ou modifier la hprésente
requête, et sous réserve de la présentation à la Cour d’éhléments de preuve
et d’arguments juridiques pertinents, la Croatie prie la Cour de direh et de
juger:
a) que la République fédérale de Yougoslavie a violé les obligahtions juri -
diques qui sont les siennes visà-vis de la population et de la République
de Croatie en vertu des articles I, II a), II b), II c), II d), III a), III b),
IIIc) , III d), III e), IV et V de la convention sur le génocid;
b) que la République fédérale de Yougoslavie est tenue de verser àh la Répu-
blique de Croatie, en son nom propre et, en tant que parenspatriae, pour
le compte de ses citoyens, des réparations, dont il appartiendra àh la Cour
de fixer le montant, pour les dommages causés aux personnes et aux hbiens
ainsi qu’à l’économie et à l’environnement de la Croathie du fait des vio
lations susmentionnées du droit international. La République de Crhoatie
se réserve le droit de présenter ultérieurement à la Cour unhe évaluation
précise des dommages causés par la République fédérale deh Yougoslavie.»
25
7 CIJ1077.indb 46 18/04/16 08:53 application of genochide convention (judgmhent) 24
For Serbia: Mr. Saša Obradović,
Mr. William Schabas,
Mr. Andreas Zimmermann,
Mr. Christian Tams,
Mr. Novak Lukić,
Mr. Dušan Ignjatović,
Mr. Wayne Jordash.
46. The following witnesses and witness -experts were called by Croatia and
heard at two public hearings and one closed hearing, held on 4, 5 and
6 March 2014 : as witnesses, Mr.Franjo Kožul, Ms Marija Katić, Ms Paula Milić
(pseudonym) and Mr. Ivan Krylo (pseudonym) ; and as witness -experts,
Ms Sonja Biserko and Mr. Ivan Grujić. They were cross -examined by counsel
for Serbia and re-examined by counsel for Croatia. Several judges put questions
to the witnesses and witness-experts, who replied orally.
47. At the hearings, questions were put to the Parties by Members of the
Court and replies given orally, in accordance with Article 61, paragraph 4, of
the Rules of Court.
48. In accordance with the decisions of the Court (see paragraphs 33, 39 and
43 above), the following documents were made public at the close of theh oral
proceedings: redacted versions of the pleadings and their annexes ; written testi
monies of the witnesses (in redacted form for the protected witnesses)h and writ-
ten statements of the witness -experts; and verbatim records of the hearings at
which the witnesses and witness -experts were examined (in non -redacted form,
since neither the Parties nor the protected witnesses requested the Courht to
redact portions of the verbatim records of the hearing of protected witnhesses).
*
Claims Made in the Application and Submissions Presented
by the Parties
49. In its Application, the following claims were made by Croatia :
“While reserving the right to revise, supplement or amend this Applicha-
tion, and, subject to the presentation to the Court of the relevant evidhence
and legal arguments, Croatia requests the Court to adjudge and declare ahs
follows :
(a) thatthe Federal Republic of Yugoslavia has breached its legal obliga -
tions toward the people and Republic of Croatia under Articles I,
II(a) , II (b), II (c), II (d), III (a), III (b), III (c), III (d), III (e),
IV and V of the Genocide Convention ;
(b) that the Federal Republic of Yugoslavia has an obligation to pay to
the Republic of Croatia, in its own right and as parens patriae for its
citizens, reparations for damages to persons and property, as well as toh
the Croatian economy and environment caused by the foregoing viola -
tions of international law in a sum to be determined by the Court. The
Republic of Croatia reserves the right to introduce to the Court at a
future date a precise evaluation of the damages caused by the Federal
Republic of Yugoslavia.”
25
7 CIJ1077.indb 47 18/04/16 08:53 25 application de convehntion génocide (arrêth)
50. Dans la procédure écrite, les conclusions ci -après ont été présentées par
les Parties:
Au nom du Gouvernement de la Croatie,
dans le mémoire :
«La République de Croatie, le demandeur, se fondant sur les faits et lhes
moyens de droit exposés dans le présent mémoire, prie respectuehusement la
Cour internationale de Justice de dire et juger :
1. Que la République fédérale de Yougoslavie, le défendeur, esth respon-
sable de violations de la convention pour la prévention et la réprhession du
crime de génocide :
a) en ce que des personnes de la conduite desquelles elle est responsable
ont commis un génocide sur le territoire de la République de Croathie,
en particulier contre des membres du groupe national ou ethnique
croate, en se livrant aux actes suivants :
— meurtre de membres du groupe ;
— atteinte intentionnelle à l’intégrité physique ou mentale deh membres
du groupe;
— soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence
visant à entraîner sa destruction physique totale ou partielle ;
— imposition de mesures aux fins d’entraver les naissances au sein duh
groupe,
dans l’intention de détruire ledit groupe en tout ou en partie, enh violation
de l’article II de la Convention ;
b) en ce que des personnes de la conduite desquelles elle est responsable
ont participé à une entente en vue de commettre les actes de géhno -
cide visés à l’alinéa a), se sont rendues complices de ces actes, ont
tenté de commettre d’autres actes de génocide de cette nature et ont
incité des tiers à commettre de tels actes, en violation de l’article III de
la Convention;
c) en ce que, consciente de ce que les actes de génocide visés à lh’alinéa a)
étaient ou allaient être commis, elle n’a pas pris de mesures phour les
prévenir, en violation de l’article premier de la Convention ;
d) en ce qu’elle n’a pas traduit en justice des personnes relevant deh sa juri -
diction sur lesquelles pèse une très forte présomption d’avohir participé
aux actes de génocide visés à l’alinéa a), ou à d’autres actes visés à
l’alinéa b), et continue ainsi de violer les articles premier et IV de la
Convention.
2. Que, en raison de sa responsabilité pour ces violations de la Conven -
tion, la République fédérale de Yougoslavie, le défendeur, ehst tenue de :
a) prendre sans délai des mesures efficaces pour traduire devant l’autorité
judiciaire compétente ses citoyens ou d’autres personnes se trouvahnt
sous sa juridiction sur lesquels pèse une forte présomption d’ahvoir com -
mis les actes de génocide visés à l’alinéa a) du paragraphe 1, ou l’un
quelconque des autres actes visés à l’alinéa b) du paragraphe 1, et en
particulier l’ancien président de la République fédérale hde Yougoslavie
26
7 CIJ1077.indb 48 18/04/16 08:53 application of genochide convention (judgmhent) 25
50. In the written proceedings, the following submissions were presented by h
the Parties:
On behalf of the Government of Croatia,
in the Memorial :
“On the basis of the facts and legal arguments presented in this Memohrial,
the Applicant, the Republic of Croatia, respectfully requests the Internha -
tional Court of Justice to adjudge and declare :
1. That the Respondent, the Federal Republic of Yugoslavia, is respon -
sible for violations of the Convention on the Prevention and Punishment hof
the Crime of Genocide :
(a) in that persons for whose conduct it is responsible committed genocide
on the territory of the Republic of Croatia, including in particular
against members of the Croat national or ethnical group on that terri -
tory, by
— killing members of the group ;
— causing deliberate bodily or mental harm to members of the group;
— deliberately inflicting on the group conditions of life calculated to h
bring about its physical destruction in whole or in part ;
— imposing measures intended to prevent births within the group,
with the intent to destroy that group in whole or in part, contrary to Arti -
cle II of the Convention ;
(b) in that persons for whose conduct it is responsible conspired to commit h
the acts of genocide referred to in paragraph (a), were complicit in
respect of those acts, attempted to commit further such acts of genocide
and incited others to commit such acts, contrary to Article III of the
Convention;
(c) in that, aware that the acts of genocide referred to in paragraph (a)
were being or would be committed, it failed to take any steps to preventh
those acts, contrary to Article I of the Convention ;
(d) in that it has failed to bring to trial persons within its jurisdiction hwho
are suspected on probable grounds of involvement in the acts of geno -
cide referred to in paragraph (a), or in the other acts referred to in
paragraph (b), and is thus in continuing breach of Articles I and IV of
the Convention.
2. That as a consequence of its responsibility for these breaches of the
Convention, the Respondent, the Federal Republic of Yugoslavia, is under
the following obligations :
(a) to take immediate and effective steps to submit to trial before the appr- h
priate judicial authority, those citizens or other persons within its juhris-
diction who are suspected on probable grounds of having committed
acts of genocide as referred to in paragraph(1) (a), or any of the other
acts referred to in paragraph(1) (b), in particular Slobodan Milošević,
the former President of the Federal Republic of Yugoslavia, and to
26
7 CIJ1077.indb 49 18/04/16 08:53 26 application de convehntion génocide (arrêth)
Slobodan Milošević, et de veiller à ce qu’ils soient dûment sanctihonnés
à raison de leurs crimes s’ils sont déclarés coupables;
b) communiquer sans délai au demandeur toutes les informations en sa
possession ou sous son contrôle sur le sort des ressortissants croatehs
portés disparus à la suite des actes de génocide dont elle s’hest rendue
responsable et, plus généralement, coopérer avec les autorités de la
République de Croatie en vue de déterminer conjointement ce qu’hil est
advenu de ces personnes ou de leurs dépouilles ;
c) restituer sansdélai au demandeur tout bien culturel relevant de sa juri -
diction ou de son contrôle, saisi dans le cadre des actes de génochide dont
elle porte la responsabilité et
d) verser au demandeur au titre de ses droits propres et, en tant que parens
patriae, au nom de ses citoyens, des réparations, dont il appartiendra à h
la Cour de fixer le montant lors d’une phase ultérieure de la prhocédure,
pour tout dommage et autre perte ou préjudice causés aux personnes ou
aux biens ainsi qu’à l’économie de la Croatie du fait des viholations sus-
mentionnée du droit international. La République de Croatie se réserve
le droit de soumettre à la Cour une évaluation précise des dommages
causés par les actes pour lesquels la République fédérale deh Yougoslavie
est tenue responsable.
La République de Croatie se réserve le droit de compléter ou deh modifier
en tant que de besoin les présentes conclusions. »
dans la réplique :
«Le demandeur, se fondant sur les faits et les moyens de droit exposésh
dans le mémoire et dans la présente réplique, prie respectueusehment la
Cour internationale de Justice de dire et juger :
1. Qu’elle rejette dans sa totalité la première conclusion du déhfendeur,
relative à l’irrecevabilité de certaines questions soulevéesh par la Partie
demanderesse.
2. Que le défendeur est responsable de violations de la Convention pour h
la prévention et la répression du crime de génocide :
a) en ce que des personnes de la conduite desquelles il est responsable onth
commis un génocide sur le territoire de la République de Croatie chontre
des membres du groupe national ou ethnique croate, en se livrant aux
actes suivants:
— meurtre de membres du groupe ;
— atteinte intentionnelle à l’intégritéysique ou mentale de membres
du groupe;
— soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence
visant à entraîner sa destruction physique totale ou partielle;
— imposition de mesures visant à entraver les naissances au sein du
groupe,
dans l’intention de détruire ledit groupe, en tout ou en partie, en violation
de l’article II de la Convention;
b) en ce que des personnes de la conduite desquelles il est responsable onth
participé à une entente en vue de commettre les actes de génocihde visés
à l’alinéa a), se sont rendues complices de ces actes, ont tenté de com -
27
7 CIJ1077.indb 50 18/04/16 08:53 application of genochide convention (judgmhent) 26
ensure that those persons, if convicted, are duly punished for their
crimes;
(b) to provide forthwith to the Applicant all information within its posses-
sion or control as to the whereabouts of Croatian citizens who are
missing as a result of the genocidal acts for which it is responsible, and
generally to co-operate with the authorities of the Republic of Croatia h
to jointly ascertain the whereabouts of the said missing persons or their
remains;
(c) forthwith to return to the Applicant any items of cultural property
within its jurisdiction or control which were seized in the course of the
genocidal acts for which it is responsible ; and
(d) to make reparation to the Applicant, in its own right and as parens
patriae for its citizens, for all damage and other loss or harm to person
or property or to the economy of Croatia caused by the foregoing vio -
lations of international law, in a sum to be determined by the Court in h
a subsequent phase of the proceedings in this case. The Republic of
Croatia reserves the right to introduce to the Court a precise evaluatiohn
of the damages caused by the acts for which the Federal Republic of
Yugoslavia is held responsible.
The Republic of Croatia reserves the right to supplement or amend these h
submissions as necessary.”
in the Reply :
“On the basis of the facts and legal arguments presented in its Memorhial
and in this Reply, the Applicant respectfully requests the Internationalh
Court of Justice to adjudge and declare :
1. That it rejects in its entirety the first submission of the Respondenth,
as to the inadmissibility of certain claims raised by the Applicant.
2. That the Respondent is responsible for violations of the Convention
on the Prevention and Punishment of the Crime of Genocide :
(a) in that persons for whose conduct it is responsible committed genocide
on the territory of the Republic of Croatia against members of the
Croat national or ethnical group on that territory, by
— killing members of the group ;
— causing deliberate bodily or mental harm to members of the group;
— deliberately inflicting on the group conditions of life calculated to h
bring about its physical destruction in whole or in part ;
— imposing measures intended to prevent births within the group,
with the intent to destroy that group in whole or in part, contrary to Arti -
cle II of the Convention ;
(b) in that persons for whose conduct it is responsible conspired to commit h
the acts of genocide referred to in paragraph (a), were complicit in
respect of those acts, attempted to commit further such acts of genocide
27
7 CIJ1077.indb 51 18/04/16 08:53 27 application de convehntion génocide (arrêth)
mettre d’autres actes de génocide de même nature et ont incitéh des tiers
à commettre de tels actes, en violation de l’article III de la Convention ;
c) en ce que, conscient de ce que les actes de génocide visés à l’halinéa a)
étaient ou allaient être commis, il n’a pas pris de mesures pouhr les pré-
venir, en violation de l’articlepremier de la Convention ;
d) en ce qu’il n’a pas traduit en justice les personnes relevant de sha juri -
diction sur lesquelles pèse une très forte présomption d’avohir participé
aux actes de génocide visés à l’alinéa a) , ou aux autres actes visés à
l’alinéa b), et continue ainsi de violer les articles premier et IV de la
Convention.
3. Que, en raison de sa responsabilité pour ces violations de la Convhen -
tion, le défendeur est tenu aux obligations ci -après:
a) prendre sans délai des mesures efficaces pour traduire devant les auhto-
rités judiciaires compétentes ses citoyens ou les autres personnesh se tro-u
vant sous sa juridiction sur lesquels pèse une très forte présohmption
d’avoir commis des actes de génocide visés à l’alinéa a) du paragraphe1,
ou l’un quelconque des autres actes visés à l’alinéa b) du paragraphe 1,
et de veiller à ce qu’ils soient dûment punis à raison de lehurs crimes s’ils
sont déclarés coupables ;
b) communiquer sans délai au demandeur toutes les informations en sa
possession ou à sa disposition sur le sort des ressortissants croatesh por-
tés disparus à la suite des actes de génocide dont il s’est hrendu respon -
sable et, plus généralement, coopérer avec les autorités de l’Etat
demandeur en vue de déterminer conjointement ce qu’il est advenu dhe
ces personnes ou de leurs dépouilles ;
c) restituer sans délai au demandeur tout bien culturel se trouvant soush sa
juridiction ou à sa disposition après avoir été saisi dans lhe cadre des actes
de génocide dont il porte la responsabilité ; et
d) verser au demandeur, au titre de ses droits propres et, en tant que
parens patriae, au nom de ses citoyens, des réparations dont il appar -
tiendra à la Cour de fixer le montant lors d’une phase ultériheure de la
procédure, pour tout dommage, perte ou préjudice causés aux perhsonnes
ou aux biens ainsi qu’à l’économie de la Croatie du fait desh violations
susmentionnées du droit international. Le demandeur se réserve le hdroit
de soumettre à la Cour une évaluation précise des dommages caushés par
les actes dont le défendeur porte la responsabilité.
4. Que, s’agissant de la demande reconventionnelle avancée dans leh
contre -mémoire, elle rejette dans leur intégralité les quatrième, chinquième,
sixième et septième conclusions du défendeur au motif qu’elles ne sont fon -
dées ni en fait, ni en droit.
Le demandeur se réserve le droit de compléter ou de modifier en htant
que de besoin les présentes conclusions. »
dans la pièce additionnelle déposée le 30 août 2012:
«Le demandeur, se fondant sur les faits et moyens de droit exposés dans
le mémoire, la réplique et la présente pièce additionnelle, hprie respectueus-e
ment la Cour internationale de Justice de dire et juger :
1. Qu’elle rejette dans leur totalité, s’agissant de la demande rehconven -
tionnelle avancée dans la duplique, les quatrième, cinquième, shixième, sep-
28
7 CIJ1077.indb 52 18/04/16 08:53 application of genochide convention (judgmhent) 27
and incited others to commit such acts, contrary to Article III of the
Convention;
(c) in that, aware that the acts of genocide referred to in paragraph (a)
were being or would be committed, it failed to take any steps to preventh
those acts, contrary to Article I of the Convention ;
(d) in that it has failed to bring to trial persons within its jurisdiction hwho
are suspected on probable grounds of involvement in the acts of geno -
cide referred to in paragraph (a), or in the other acts referred to in
paragraph (b) , and is thus in continuing breach of Articles I and IV of
the Convention.
3. That as a consequence of its responsibility for these breaches of the
Convention, the Respondent is under the following obligations :
(a) to take immediate and effective steps to submit to trial before the appro - h
priate judicial authority, those citizens or other persons within its juhris-
diction who are suspected on probable grounds of having committed
acts of genocide as referred to in paragraph (1) (a), or any of the other
acts referred to in paragraph (1) (b), and to ensure that those persons,
if convicted, are duly punished for their crimes ;
(b) to provide forthwith to the Applicant all information within its posses-
sion or control as to the whereabouts of Croatian citizens who are
missing as a result of the genocidal acts for which it is responsible, and
generally to co-operate with the authorities of the Applicant to jointly
ascertain the whereabouts of the said missing persons or their remains ;
(c) forthwith to return to the Applicant any items of cultural property
within its jurisdiction or control which were seized in the course of the
genocidal acts for which it is responsible ; and
(d) to make reparation to the Applicant, in its own right and as parens
patriae for its citizens, for all damage and other loss or harm to person
or property or to the economy of Croatia caused by the foregoing vio -
lations of international law, in a sum to be determined by the Court in h
a subsequent phase of the proceedings in this case. The Applicant
reserves the right to introduce to the Court a precise evaluation of theh
damages caused by the acts for which the Respondent is held respon -
sible.
4. That, in relation to the counter -claims put forward in the Counter -
Memorial, it rejects in their entirety the fourth, fifth, sixth and sehventh
submissions of the Respondent on the grounds that they are not founded
in fact or law.
The Applicant reserves the right to supplement or amend these submis -
sions as necessary.”
in the additional pleading filed on 30 August 2012 :
“On the basis of the facts and legal arguments presented in its Memorhial,
its Reply and in this additional pleading, the Applicant respectfully rehquests
the International Court of Justice to adjudge and declare :
1. That, in relation to the counter -claims put forward in the Rejoinder,
it rejects in their entirety the fourth, fifth, sixth, seventh and eighhth submis
28
7 CIJ1077.indb 53 18/04/16 08:53 28 application de convehntion génocide (arrêth)
tième et huitième conclusions du défendeur, au motif qu’ellehs ne sont
fondées ni en fait, ni en droit.
Le demandeur se réserve le droit de compléter ou de modifier en htant
que de besoin les présentes conclusions. »
Au nom du Gouvernement de la Serbie,
dans le contre -mémoire :
«Sur la base des faits et moyens de droit présentés dans le préshent
contre -mémoire, la République de Serbie prie respectueusement la Cour
internationale de Justice de dire et juger :
I
1. Que les demandes exposées aux alinéas a), b), c) et d) du paragraphe 1
et aux alinéas a), b), c) et d) du paragraphe 2 des conclusions de la
République de Croatie sont irrecevables en ce qu’elles se rapportehnt à
des actes et des omissions, quelle qu’en soit la qualification juridique,
qui sont antérieurs au 27 avril 1992, date à laquelle la Serbie a vu le jour
en tant qu’Etat ou, à titre subsidiaire, au 8 octobre 1991, date avant
laquelle ni la République de Croatie, ni la République de Serbie nh’exis-
tait en tant qu’Etat indépendant.
2. Que les demandes exposées aux alinéas a), b), c) et d) du paragraphe 1
et aux alinéas a), b), c) et d) du paragraphe 2 des conclusions de la
République de Croatie concernant la prétendue violation, après hlea2v7ril
1992 (ou le 8 octobre 1991), d’obligations imposées par la convention sur
la prévention et la répression du crime de génocide sont rejetéhes au motif
qu’elles sont dépourvues de tout fondement, en droit comme en faith.
3. A titre subsidiaire, si elle devait juger recevables les demandes relatihves
aux actes et omissions antérieurs au 27avril 1992 (ou au 8octobre 1991),
que l’intégralité des demandes exposées aux alinéas a) , b), c) et d) du
paragraphe 1 et aux alinéas a), b), c) et d) du paragraphe 2 des conclu-
sions de la République de Croatie est rejetée au motif qu’ellesh sont
dépourvues de tout fondement, en droit comme en fait.
II
4. Que la République de Croatie a violé les obligations que lui imposhe la
convention sur la prévention et la répression du crime de génocide en
commettant, pendant et après l’opérationTempête conduite en août1995,
les actes ci-après, dans l’intention de détruire, comme telle, la partie du
groupe national et ethnique serbe vivant dans la région de la Krajinah (-ec
teurs nord et sud des zones protégées par les NationsUnies), en Croatie:
— meurtre de membres du groupe ;
— atteintes graves à l’intégrité physique et mentale de membrehs du
groupe; et
— soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence
devant entraîner sa destruction physique partielle.
5. A titre subsidiaire, que la République de Croatie a violé les obligations
que lui impose la convention sur la prévention et la répression duh crime
de génocide en se rendant coupable d’entente en vue de commettre lhe
29
7 CIJ1077.indb 54 18/04/16 08:53 application of genochide convention (judgmhent) 28
sions of the Respondent on the grounds that they are not founded in facth
or law.
The Applicant reserves the right to supplement or amend these submis -
sions as necessary.”
On behalf of the Government of Serbia,
in the Counter -Memorial :
“On the basis of the facts and legal arguments presented in this Counhte-
Memorial, the Republic of Serbia respectfully requests the Internationalh
Court of Justice to adjudge and declare :
I
1. That the requests in paragraphs 1 (a), 1 (b), 1 (c), 1 (d), 2 (a), 2 (b),
2(c) and 2 (d) of the Submissions of the Republic of Croatia as far
as they relate to acts and omissions, whatever their legal qualification,
that took place before 27 April 1992, i.e., prior to the date when Serbia
came into existence as a State, or alternatively, beforeOctober 1991,
when neither the Republic of Croatia nor the Republic of Serbia existed h
as independent States, are inadmissible.
2. That the requests in paragraphs 1 (a), 1 (b), 1 (c), 1 (d), 2 (a), 2 (b),
2(c) and 2 (d), of the Submissions of the Republic of Croatia relating
to the alleged violations of the obligations under the Convention on theh
Prevention and Punishment of the Crime of Genocide after 2A 7 pril1992
(alternatively, 8 October 1991) be rejected as lacking any basis either
in law or in fact.
3. Alternatively, should the Court find that the requests relating to acths
and omissions that took place before 27 April 1992 (alternatively,
8 October 1991) are admissible, that the requests in paragraphs 1 (a),
1 (b), 1 (c), 1 (d), 2 (a), 2 (b), 2 (c) and 2 (d), of the Submissions
of the Republic of Croatia be rejected in their entirety as lacking any
basis either in law or in fact.
II
4. That the Republic of Croatia has violated its obligations under the
Convention on the Prevention and Punishment of the Crime of Geno -
cide by committing, during and after the Operation Storm in
August 1995, the following acts with intent to destroy as such the part
of the Serb national and ethnical group living in the Krajina Region
(UN Protected Areas North and South) in Croatia :
— killing members of the group,
— causing serious bodily or mental harm to members of the group,
and
— deliberately inflicting on the group conditions of life calculated to h
bring about its partial physical destruction.
5. Alternatively, that the Republic of Croatia has violated its obligationsh
under the Convention on the Prevention and Punishment of the Crime
of Genocide by conspiring to commit genocide against the part of the
29
7 CIJ1077.indb 55 18/04/16 08:53 29 application de convehntion génocide (arrêth)
crime de génocide contre la partie du groupe national et ethnique serhbe
vivant dans la région de la Krajina (secteurs nord et sud des zones hpro-
tégées par les Nations Unies), en Croatie.
6. A titre complémentaire, que la République de Croatie a violé les obliga-
tions que lui impose la convention sur la prévention et la répresshion du
crime de génocide en ce qu’elle a manqué et continue de manquerh à son
obligation de punir les actes de génocide commis à l’encontre de la partie
du groupe national et ethnique serbe vivant dans la région de la Krajina
(secteurs nord et sud des zones protégées par les Nations Unies), en Croatie.
7. Que les violations du droit international mentionnées aux paragraphesh 4,
5 et 6 ci-dessus constituent des faits illicites imputables à la République h
de Croatie pour lesquels la responsabilité internationale de celle -ci est
engagée et, en conséquence,
1) que la République de Croatie devra prendre immédiatement des
mesures effectives pour se conformer pleinement à l’obligation de phunir
les actes de génocide visés à l’articleII de la Convention ainsi que tous
autres actes proscrits par l’articleIII de la Convention et commis sur
son territoire avant, pendant et après l’opérationTempête; et
2) qu’il incombe à la République de Croatie de réparer les conséquenches
des faits internationalement illicites qui lui sont imputables, et
notamment:
a) d’indemniser pleinement les membres du groupe national et
ethnique serbe vivant en République de Croatie de l’ensemble
des dommages et pertes causés par les actes de génocide ;
b) de mettre en place toutes les conditions juridiques nécessaires
ainsi qu’un environnement sûr pour permettre aux membres du
groupe national et ethnique serbe de revenir librement et en toute
sécurité dans leurs foyers en République de Croatie et leur asshu -
rer des conditions d’existence normales et paisibles, et notam -
ment le plein respect de leurs droits en tant que citoyens et en
tant qu’êtres humains ;
c) de modifier sa loi sur les jours fériés, les jours de commémoration
et les jours chômés en retirant de la liste de ses jours fériéhs offi
ciels le « Jour de la victoire et de la gratitude envers la nation »
et le «Jour des défenseurs croates», célébrés le 5 août pour mar-
quer le triomphe de l’opération génocidaire Tempête.
La République de Serbie se réserve le droit de compléter ou de modifier
les présentes conclusions à la lumière des arguments qui pourrohnt être pré -
sentés ultérieurement.»
dans la duplique :
« Sur la base des faits et moyens de droit présentés dans le contre -
mémoire et dans la présente duplique, la République de Serbie phrie res -
pectueusement la Cour internationale de Justice de dire et juger :
I
1. Que les demandes exposées aux alinéas a), b), c) et d) du paragraphe 2
et aux alinéas a), b), c) et d) du paragraphe 3 des conclusions de la
République de Croatie sont irrecevables en ce qu’elles se rapportehnt à
30
7 CIJ1077.indb 56 18/04/16 08:53 application of genochide convention (judgmhent) 29
Serb national and ethnical group living in the Krajina Region (UN
Protected Areas North and South) in Croatia.
6. As a subsidiary finding, that the Republic of Croatia has violated itsh
obligations under the Convention on the Prevention and Punishment
of the Crime of Genocide by having failed and by still failing to punishh
acts of genocide that have been committed against the part of the Serb
national and ethnical group living in the Krajina Region (UN Protected h
Areas North and South) in Croatia.
7. That the violations of international law set out in paragraphs 4, 5 and 6
above constitute wrongful acts attributable to the Republic of Croatia
which entail its international responsibility, and, accordingly,
(1) that the Republic of Croatia shall immediately take effective steps
to ensure full compliance with its obligation to punish acts of gen -
ocide as defined by Article II of the Convention, or any other acts
proscribed by Article III of the Convention committed on its terri-
tory before, during and after Operation Storm ; and
(2) that the Republic of Croatia shall redress the consequences of its
international wrongful acts, that is, in particular :
(a) pay full compensation to the members of the Serb national and
ethnic group from the Republic of Croatia for all damages and
losses caused by the acts of genocide ;
(b) establish all necessary legal conditions and secure environment
for the safe and free return of the members of the Serb national
and ethnical group to their homes in the Republic of Croatia,
and to ensure conditions of their peaceful and normal life
including full respect for their national and human rights ;
(c) amend its law on public holidays, remembrance days and
non-working days, by way of removing the ‘Day of Victory and
Homeland Gratitude’ and the ‘Day of Croatian Defenders’,
celebrated on the fifth of August, as a day of triumph in the
genocidal Operation Storm, from its list of public holidays.
The Republic of Serbia reserves its right to supplement or amend these
submissions in the light of further pleadings.”
in the Rejoinder :
“On the basis of the facts and legal arguments presented in the Counter -
Memorial and this Rejoinder, the Republic of Serbia respectfully requests
the Court to adjudge and declare :
I
1. That the requests in paragraphs 2 (a), 2 (b), 2 (c), 2 (d), 3 (a), 3 (b),
3 (c) and 3 (d) of the Submissions of the Republic of Croatia as far
as they relate to acts and omissions, whatever their legal qualification,
30
7 CIJ1077.indb 57 18/04/16 08:53 30 application de convehntion génocide (arrêth)
des actes et des omissions, quelle qu’en soit la qualification juridique,
qui sont antérieurs au 27 avril 1992, date à laquelle la Serbie a vu le jour
en tant qu’Etat.
2. Que les demandes exposées aux alinéas a), b), c) et d) du paragraphe 2
et aux alinéas a), b), c) et d) du paragraphe 3 des conclusions de la
République de Croatie concernant la prétendue violation, après hle
27 avril 1992,d’obligations imposés par la convention sur la prévention
et la répression du crime de génocide sont rejetées au motif quh’elles sont
dépourvues de tout fondement, en droit comme en fait.
3. A titre subsidiaire, si elle devait juger recevables les demandes relatihves
aux actes et omissions antérieurs au 27 avril 1992, que l’intégralité des
demandes exposées aux alinéas a), b), c) et d) du paragraphe 2 et aux
alinéasa), b), c) et d) du paragraphe3 des conclusions de la République
de Croatie est rejetée au motif qu’elles sont dépourvues de touht fonde
ment, en droit comme en fait.
II
4. Que la République de Croatie a violé les obligations que lui imposhe la
convention sur la prévention et la répression du crime de génochide en
commettant, pendant et après l’opération Tempête conduite en
août 1995,les actes ci-après, dans l’intention de détruire le groupe natio
nal et ethnique serbe vivant en Croatie, principalement dans la régiohn
de la Krajina (secteurs nord et sud des zones protégées par les
Nations Unies), comme telle :
— meurtre de membres du groupe ;
— atteintes graves à l’intégrité physique et mentale de membrehs du
groupe; et
— soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence
devant entraîner sa destruction physique partielle.
5. A titre subsidiaire, que la République de Croatie a violé les obligations
que lui impose la convention sur la prévention et la répression duh crime
de génocide en se rendant coupable d’entente en vue de commettre lhe
génocide contre le groupe national et ethnique serbe vivant en Croatie,
principalement dans la région de la Krajina, comme tel.
6. A titre complémentaire, que la République de Croatie a violé lehs obli -
gations que lui impose la convention sur la prévention et la réprehssion
du crime de génocide en ce qu’elle a manqué et continue de manquer à
son obligation de punir les actes de génocide commis à l’enconthre du
groupe national et ethnique serbe vivant en Croatie, principalement
dans la région de la Krajina, comme tel.
7. Que les violations du droit international mentionnées aux paragraphesh4,
5 et 6 ci-dessus constituent des faits illicites imputables à la République h
de Croatie pour lesquels la responsabilité internationale de celleci est
engagée et, en conséquence,
1) que la République de Croatie devra prendre immédiatement des
mesures effectives pour se conformer pleinement à l’obligation de phunir
les actes de génocide visés à l’articleII de la Convention ainsi que tous
autres actes proscrits par l’articleIII de la Convention et commis sur
son territoire avant, pendant et après l’opérationTempête; et
31
7 CIJ1077.indb 58 18/04/16 08:53 application of genochide convention (judgmhent) 30
that took place before 27 April 1992, i.e., prior to the date when Serbia
came into existence as a State, are inadmissible.
2. That the requests in paragraphs 2 (a), 2 (b), 2 (c), 2 (d), 3 (a), 3 (b),
3 (c) and 3 (d) of the Submissions of the Republic of Croatia relating
to the alleged violations of the obligations under the Convention on theh
Prevention and Punishment of the Crime of Genocide after 27 April1992
be rejected as lacking any basis either in law or in fact.
3. Alternatively, should the Court find that the requests relating to acths
and omissions that took place before 27 April 1992 are admissible, that
the requests in paragraphs 2 (a), 2 (b), 2 (c), 2 (d), 3 (a), 3 (b), 3 (c)
and 3 (d) of the Submissions of the Republic of Croatia be rejected in
their entirety as lacking any basis either in law or in fact.
II
4. That the Republic of Croatia has violated its obligations under the
Convention on the Prevention and Punishment of the Crime of Geno -
cide by committing, during and after Operation Storm in 1995, the
following acts with intent to destroy the Serb national and ethnical
group in Croatia, in its substantial part living in the Krajina Region
(UN Protected Areas North and South), as such :
— killing members of the group ;
— causing serious bodily or mental harm to members of the group ;
and
— deliberately inflicting on the group conditions of life calculated to h
bring about its physical destruction.
5. Alternatively, that the Republic of Croatia has violated its obligationsh
under the Convention on the Prevention and Punishment of the Crime
of Genocide by conspiring to commit genocide against the Serb national
and ethnical group in Croatia, in its substantial part living in the Krah-
jina Region, as such.
6. As a subsidiary finding, that the Republic of Croatia has violated itsh
obligations under the Convention on the Prevention and Punishment
of the Crime of Genocide by having failed and by still failing to punishh
acts of genocide that have been committed against the Serb national
and ethnical group in Croatia, in its substantial part living in the Krah-
jina Region, as such.
7. That the violations of international law set out in paragraphs 4, 5 and 6
above constitute wrongful acts attributable to the Republic of Croatia
which entail its international responsibility, and, accordingly,
(1) that the Republic of Croatia shall immediately take effective steps
to ensure full compliance with its obligation to punish acts of gen -
ocide as defined by Article II of the Convention, or any other acts
proscribed by Article III of the Convention committed on its terri -
tory during and after Operation Storm ; and
31
7 CIJ1077.indb 59 18/04/16 08:53 31 application de convehntion génocide (arrêth)
2) qu’il incombe à la République de Croatie de réparer les conshéquences
des faits internationalement illicites qui lui sont imputables, et
notamment:
a) d’indemniser pleinement les membres du groupe national et
ethnique serbe de Croatie de l’ensemble des dommages et pertes
causés par les actes de génocide ;
b) de mettre en place toutes les conditions juridiques nécessaires
ainsi qu’un environnement sûr pour permettre aux membres du
groupe national et ethnique serbe de revenir librement et en toute
sécurité dans leurs foyers en République de Croatie et leur asshu-
rer des conditions d’existence normales et paisibles, et notam -
ment le plein respect de leurs droits en tant que citoyens et en
tant qu’êtres humains ;
c) de modifier sa loi sur les jours fériés, les jours de commémoration
et les jours chômés en retirant de la liste de ses jours fériéhs offi
ciels le « Jour de la victoire et de la gratitude envers la nation »
et le Jour des défenseurs croates», célébrés le 5 août pour mar-
quer le triomphe de l’opération génocidaire Tempête.
III
8. Que les demandes exposées aux paragraphes 1 et 4 des conclusions de
la République de Croatie et concernant la demande reconventionnelle
sont rejetées au motif qu’elles sont dépourvues de tout fondemehnt, en
droit comme en fait.
La République de Serbie se réserve le droit de compléter ou de modifier
les présentes conclusions à toute étape ultérieure de la prohcédure.»
51. Dans la procédure orale, les conclusions finales ci-après ont été présentées
par les Parties:
Au nom du Gouvernement de la Croatie,
à l’audience du 21 mars 2014, à 10 heures, concernant la demande de la Croatie:
« Le demandeur, se fondant sur les faits et les moyens de droit qu’il ah
présentés, prie respectueusement la Cour internationale de Justiceh de dire
etjuger:
1. Qu’elle a compétence sur toutes les demandes formulées par lui het qu’il
n’existe aucun obstacle à la recevabilité de l’une ou l’ahutre d’entre elles.
2. Que le défendeur est responsable de violations de la convention pour h
la prévention et la répression du crime de génocide :
a) en ce que des personnes de la conduite desquelles il est responsable onth
commis un génocide sur le territoire de la République de Croatie chontre
des membres du groupe national ou ethnique croate, en se livrant aux
actes suivants:
— meurtre de membres du groupe ;
— atteinte intentionnelle à l’intégrité physique ou mentale de membres
du groupe ;
— soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence
visant à entraîner sa destruction physique totale ou partielle ;
32
7 CIJ1077.indb 60 18/04/16 08:53 application of genochide convention (judgmhent) 31
(2) that the Republic of Croatia shall redress the consequences of its
international wrongful acts, that is, in particular :
(a) pay full compensation to the members of the Serb national and
ethnical group from the Republic of Croatia for all damages
and losses caused by the acts of genocide ;
(b) establish all necessary legal conditions and secure environment
for the safe and free return of the members of the Serb national
and ethnical group to their homes in the Republic of Croatia,
and to ensure conditions of their peaceful and normal life
including full respect for their national and human rights ;
(c) amend its law on public holidays, remembrance days and
non-working days, by way of removing the ‘Day of Victory and
Homeland Gratitude’ and the ‘Day of Croatian Defenders’,
celebrated on the fifth of August, as a day of triumph in the
genocidal Operation Storm, from its list of public holidays.
III
8. That the requests in paragraphs 1 and 4 of the Submissions of the
Republic of Croatia concerning the objections to the counter -claim be
rejected as lacking any basis either in law or in fact.
The Republic of Serbia reserves its right to supplement or amend these
submissions in the further proceedings.”
51. At the oral proceedings, the following final submissions were presentehd
by the Parties :
On behalf of the Government of Croatia,
at the hearing of 21 March 2014, at 10 a.m., with respect to Croatia’s claim :
“On the basis of the facts and legal arguments presented by the Applicant,
it respectfully requests the International Court of Justice to adjudge ahnd
declare:
1. That it has jurisdiction over all the claims raised by the Applicant, and
there exists no bar to admissibility in respect of any of them.
2. That the Respondent is responsible for violations of the Convention
on the Prevention and Punishment of the Crime of Genocide :
(a) in that persons for whose conduct it is responsible committed genocide
on the territory of the Republic of Croatia against members of the
Croat ethnic group on that territory, by :
— killing members of the group ;
— causing deliberate bodily or mental harm to members of the group;
— deliberately inflicting on the group conditions of life calculated to h
bring about its physical destruction in whole or in part ;
32
7 CIJ1077.indb 61 18/04/16 08:53 32 application de convehntion génocide (arrêth)
— imposition de mesures visant à entraver les naissances au sein du
groupe, dans l’intention de détruire ledit groupe, en tout ou en par-
tie, en violation de l’article II de la Convention ;
b) en ce que des personnes de la conduite desquelles il est responsable onth
participé à une entente en vue de commettre les actes de génocihde
visés à l’alinéa a), se sont rendues complices de ces actes, ont tenté de
commettre d’autres actes de génocide de même nature et ont incihté des
tiers à commettre de tels actes, en violation de l’article III de la Conven-
tion;
c) en ce que, conscient de ce que les actes de génocide visés à l’halinéa a)
étaient ou allaient être commis, il n’a pas pris de mesures pouhr les pré-
venir, en violation de l’article premier de la Convention ;
d) en ce qu’il n’a pas traduit en justice les personnes relevant de sha juri -
diction sur lesquelles pèse une très forte présomption d’avohir participé
aux actes de génocide visés à l’alinéa a) ou aux autres actes visés à
l’alinéa b), et continue ainsi de violer les articles premier et IV de la
Convention;
e) en ce qu’il n’a pas enquêté efficacement sur ce qu’il éhtait advenu des
citoyens croates portés disparus en conséquence des actes de géhnocide
visés aux alinéas a) et b), et continue ainsi de violer les articles premier
et IV de la Convention.
3. Que, à raison de sa responsabilité pour ces violations de la Convehn -
tion, le défendeur est tenu aux obligations ci -après:
a) prendre sans délai des mesures efficaces pour traduire devant les auhto-
rités judiciaires compétentes ses citoyens ou les autres personnesh se tro-u
vant sous sa juridiction, y compris les dirigeants de la JNA à l’éhpoque
des faits, sur lesquels pèse une très forte présomption d’avhoir commis
des actes de génocide visés à l’alinéa 2 a), ou l’un quelconque des autres
actes visés à l’alinéa 2 b), et veiller à ce qu’ils soient dûment punis à
raison de leurs crimes s’ils sont déclarés coupables ;
b) communiquer sans délai au demandeur toutes les informations en sa
possession ou à sa disposition sur le sort des ressortissants croatesh por-
tés disparus en conséquence des actes de génocide dont il s’hest rendu
responsable, faire lui-même enquête et, de façon générale, coopérer avec
les autorités de l’Etat demandeur en vue de déterminer conjointhement
ce qu’il est advenu de ces personnes ou de leurs dépouilles ;
c) restituer sans délai au demandeur tous les biens culturels se trouvanht
toujours sous sa juridiction ou à sa disposition après avoir éthé saisis dans
le cadre des actes de génocide dont il porte la responsabilité ; et
d) verser au demandeur, au titre de ses droits propres et, en tant que
parens patriae, au nom de ses citoyens, des réparations dont il appar -
tiendra à la Cour de fixer le montant lors d’une phase ultériheure de
la procédure, pour tous dommages, pertes ou préjudices causés aux hpe-r
sonnes ou aux biens ainsi qu’à l’économie de la Croatie du fhait des
violations susmentionnées du droit international. Le demandeur se
réserve le droit de soumettre à la Cour une évaluation précihse des dom-
mages causés par les actes dont le défendeur porte la responsabilihté.»
à l’audience du 1 avril 2014, à 10 heures, concernant la demande reconvention-
nelle de la Serbie :
33
7 CIJ1077.indb 62 18/04/16 08:53 application of genochide convention (judgmhent) 32
— imposing measures intended to prevent births within the group,
with the intent to destroy that group in whole or in part, contrary
to Article II of the Convention ;
(b) in that persons for whose conduct it is responsible conspired to commit h
the acts of genocide referred to in paragraph (a), were complicit in
respect of those acts, attempted to commit further such acts of genocide
and incited others to commit such acts, contrary to Article III of the
Convention;
(c) in that, aware that the acts of genocide referred to in paragraph (a)
were being or would be committed, it failed to take any steps to preventh
those acts, contrary to Article I of the Convention ;
(d) in that it has failed to bring to trial persons within its jurisdiction hwho
are suspected on probable grounds of involvement in the acts of geno -
cide referred to in paragraph (a), or in the other acts referred to in
paragraph (b) , and is thus in continuing breach of Articles I and IV of
the Convention;
(e) in that it has failed to conduct an effective investigation into the fateh of
Croatian citizens who are missing as a result of the genocidal acts
referred to in paragraphs (a) and (b), and is thus in continuing breach
of Articles I and IV of the Convention.
3. That as a consequence of its responsibility for these breaches of the
Convention, the Respondent is under the following obligations :
(a) to take immediate and effective steps to submit to trial before the appr-h
priate judicial authority, those citizens or other persons within its juhris-
diction including but not limited to the leadership of the JNA during
the relevant time period who are suspected on probable grounds of
having committed acts of genocide as referred to in paragraph (2) (a),
or any of the other acts referred to in paragraph (2) (b), and to ensure
that those persons, if convicted, are duly punished for their crimes ;
(b) to provide forthwith to the Applicant all information within its posses -
sion or control as to the whereabouts of Croatian citizens who are
missing as a result of the genocidal acts for which it is responsible, tho
investigate and generally to co -operate with the authorities of the
Applicant to jointly ascertain the whereabouts of the said missing per -
sons or their remains ;
(c) forthwith to return to the Applicant all remaining items of cultural
property within its jurisdiction or control which were seized in the
course of the genocidal acts for which it is responsible ; and
(d) to make reparation to the Applicant, in its own right and as
parens patriae for its citizens, for all damage and other loss or harm to
person or property or to the economy of Croatia caused by the fore -
going violations of international law, in a sum to be determined by the h
Court in a subsequent phase of the proceedings in this case. The Appli-
cant reserves the right to introduce to the Court a precise evaluation ohf
the damages caused by the acts for which the Respondent is held
responsible.”
at the hearing of 1 April 2014, at 10 a.m., in respect of Serbia’s counter -claim:
33
7 CIJ1077.indb 63 18/04/16 08:53 33 application de convehntion génocide (arrêth)
«Le demandeur, se fondant sur les faits et les moyens de droit qu’il ah
présentés, prie respectueusement la Cour internationale de Justiceh de dire
et juger:
Que, s’agissant des demandes reconventionnelles exposées dans le
contre-mémoire, dans la duplique et au cours de la procédure orale, les
sixième, septième, huitième et neuvième chefs de conclusions du défendeur
sont rejetés dans leur intégralité au motif qu’ils sont dépourvus de fonde -
ment, en droit comme en fait. »
Au nom du Gouvernement de la Serbie,
à l’audience du 28 mars 2014, à 15 heures, concernant la demande de la Croatie
et la demande reconventionnelle de la Serbie :
«Sur la base des faits et moyens de droit présentés dans ses pièhces de
procédure écrite et dans ses plaidoiries, la République de Serbhie prie res -
pectueusement la Cour internationale de Justice de dire et juger :
I
1. Qu’elle n’a pas compétence pour connaître des demandes exposhées aux
alinéas a), b), c), d) et e) du paragraphe 2 et aux alinéas a), b), c) et d) du
paragraphe 3 des conclusions de la République de Croatie, en ce qu’elles se
rapportent à des actes et des omissions, quelle qu’en soit la qualhification
juridique, qui sont antérieurs au 27 avril 1992, date à laquelle la Serbie a vu
le jour en tant qu’Etat et est devenue partie à la convention sur hle génocide.
2. A titre subsidiaire, que les demandes exposées aux alinéas a), b), c),
d) et e) du paragraphe 2 et aux alinéas a), b), c) et d) du paragraphe 3 des
conclusions de la République de Croatie sont irrecevables en ce qu’helles se
rapportent à des actes et des omissions, quelle qu’en soit la qualhification
juridique, qui sont antérieurs au 27 avril 1992, date à laquelle la Serbie a vu
le jour en tant qu’Etat et est devenue partie à la convention sur hle génocide.
3. Que les demandes exposées aux alinéas a), b), c), d) et e) du para -
graphe 2 et aux alinéas a), b), c) et d) du paragraphe 3 des conclusions de
la République de Croatie concernant la prétendue violation, aprèhs le
27 avril 1992, d’obligations imposées par la convention sur la préventiohn et
la répression du crime de génocide sont rejetées au motif qu’helles sont
dépourvues de tout fondement, en droit comme en fait.
4. A titre plus subsidiaire, que les demandes exposées aux alinéas a), b),
c), d) et e) du paragraphe 2 et aux alinéas a), b), c) et d) du paragraphe 3
des conclusions de la République de Croatie sont irrecevables en ce qhu’elles
se rapportent à des actes et des omissions, quelle qu’en soit la qhualification
juridique, qui sont antérieurs au 8 octobre 1991, date à laquelle la Croatie
a vu le jour en tant qu’Etat et est devenue partie à la conventionh sur le
génocide.
5. A titre plus subsidiaire encore, si elle devait conclure, selon le cas,
qu’elle a compétence pour connaître des demandes relatives aux hactes et
omissions antérieurs au 27 avril 1992 et qu’elles sont recevables, ou qu’elles
sont recevables en ce qu’elles se rapportent à des actes et omissihons anté -
rieurs au 8 octobre 1991, que les demandes exposées aux alinéas a), b), c),
d) et e) du paragraphe 2 et aux alinéas a), b), c) et d) du paragraphe 3 des
conclusions de la République de Croatie sont rejetées dans leur inhtégralité au
motif qu’elles sont dépourvues de tout fondement, en droit comme ehn fait.
34
7 CIJ1077.indb 64 18/04/16 08:53 application of genochide convention (judgmhent) 33
“On the basis of the facts and legal arguments presented by the Applicant,
it respectfully requests the International Court of Justice to adjudge ahnd
declare:
That, in relation to the counter -claims put forward in the Counter -
Memorial, the Rejoinder and during these proceedings, it rejects in theihr
entirety the sixth, the seventh, the eighth and the ninth submissions ofh the
Respondent on the grounds that they are not founded in fact or law.”
On behalf of the Government of Serbia,
at the hearing of 28 March 2014, at 3 p.m., in respect of Croatia’s claim and
Serbia’s counter-claim:
“On the basis of the facts and legal arguments presented in its writthen
and oral pleadings, the Republic of Serbia respectfully requests the Couhrt
to adjudge and declare :
I
1. That the Court lacks jurisdiction to entertain the requests in para -
graphs 2 (a), 2 (b), 2 (c), 2 (d), 2 (e), 3 (a), 3 (b), 3 (c) and 3 (d) of the
Submissions of the Republic of Croatia as far as they relate to acts and
omissions, whatever their legal qualification, that took place before
27 April 1992, i.e., prior to the date when Serbia came into existence as a
State and became bound by the Genocide Convention.
2. In the alternative that the requests in paragraphs 2 (a), 2 (b), 2 (c),
2 (d), 2 (e), 3 (a), 3 (b), 3 (c) and 3 (d) of the Submissions of the Repub-
lic of Croatia as far as they relate to acts and omissions, whatever thehir legal
qualification, that took place before 27 April 1992, i.e., prior to the date
when Serbia came into existence as a State and became bound by the Gen -
ocide Convention, are inadmissible.
3. That the requests in paragraphs 2 (a), 2 (b), 2 (c), 2 (d), 2 (e), 3 (a),
3 (b), 3(c) and 3 (d) of the Submissions of the Republic of Croatia relat -
ing to the alleged violations of the obligations under the Convention onh the
Prevention and Punishment of the Crime of Genocide after 27 April 1992
be rejected as lacking any basis either in law or in fact.
4. In the further alternative that the requests in paragraphs 2 (a), 2 (b),
2 (c), 2 (d), 2 (e), 3 (a), 3 (b), 3 (c) and 3 (d) of the Submissions of the
Republic of Croatia as far as they relate to acts and omissions, whatevehr
their legal qualification, that took place before 8 October 1991, i.e., prior
to the date when Croatia came into existence as a State and became bound
by the Genocide Convention, are inadmissible.
5. In the final alternative, should the Court find that it has jurisdichtion
concerning the requests relating to acts and omissions that took place bhefore
27 April 1992 and that they are admissible, respectively that they are admis-
sible insofar as they relate to acts and omissions that took place beforOcto-
ber 1991, that the requests in paragraphs 2 (a), 2 (b), 2 (c), 2 (d), 2 (e),
3 (a), 3(b) , 3(c) and 3 (d) of the Submissions of the Republic of Croatia
be rejected in their entirety as lacking any basis either in law or in fhact.
34
7 CIJ1077.indb 65 18/04/16 08:53 34 application de convehntion génocide (arrêth)
II
6. Que la République de Croatie a violé les obligations que lui imhpose
l’articleII de la convention sur la prévention et la répression du crime de
génocide en commettant, pendant et après l’opération Tempête de 1995, les
actes ci-après, dans l’intention de détruire le groupe national et ethnihque
serbe vivant en Croatie, principalement dans la région de la Krajina,
comme tel :
— meurtre de membres du groupe ;
— atteintes graves à l’intégrité physique et mentale de membres du
groupe ; et
— soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence dhevant
entraîner sa destruction physique partielle.
7. A titre subsidiaire, que la République de Croatie a violé les oblihga -
tions que lui imposent les alinéas b), c), d) et e) de l’article III de la
convention sur la prévention et la répression du crime de génochide en se
rendant coupable d’entente en vue de commettre le génocide, d’ihncitation
directe et publique à commettre le génocide, de tentative de géhnocide et de
complicité dans le génocide contre le groupe national et ethnique hserbe
vivant en Croatie, principalement dans la région de la Krajina, commeh tel.
8. A titre complémentaire, que la République de Croatie a violé lehs obli-
gations que lui impose la convention sur la prévention et la répression du
crime de génocide en ce qu’elle a manqué et continue de manquer à son
obligation de punir les actes de génocide commis à l’encontre dhu groupe
national et ethnique serbe vivant en Croatie, principalement dans la réhgion
de la Krajina, comme tel.
9. Que les violations du droit international mentionnées aux para -
graphes 6, 7 et 8 des présentes conclusions constituent des faits illicites
imputables à la République de Croatie et engageant sa responsabilité inter -
nationale et que, en conséquence, il lui incombe :
1) de prendre immédiatement des mesures effectives pour se conformer
pleinement à l’obligation de punir les actes de génocide viséhs à l’article
de la Convention ainsi que tous autres actes énumérés à l’harticle III de
la Convention et commis sur son territoire pendant et après l’opéhration
Tempête;
2) de modifier sa législation sur les jours fériés, les jours deh commémoration
et les jours chômés en retirant de la liste de ses jours fériés officiels le
«Jour de la victoire et de la gratitude envers la nation » et le « Jour des
défenseurs croates », célébrés le 5 août pour marquer le triomphe de
l’opération génocidaire Tempête ; et
3) de réparer les conséquences des faits internationalement illicitesh qui lui
sont imputables, notamment :
a) d’indemniser pleinement les membres du groupe national et ethni -
que serbe sur son territoire de l’ensemble des dommages et pertes
causés par les actes de génocide, selon le montant et les modalitéhs
à déterminer par la Cour lors d’une phase ultérieure de la phrocé -
dure; et
b) de mettre en place toutes les conditions juridiques nécessaires ainsih
qu’un environnement sûr pour permettre aux membres du groupe
35
7 CIJ1077.indb 66 18/04/16 08:53 application of genochide convention (judgmhent) 34
II
6. That the Republic of Croatia has violated its obligations under Arti -
cleII of the Convention on the Prevention and Punishment of the Crime of
Genocide by committing, during and after Operation Storm in 1995, the
following acts with intent to destroy the Serb national and ethnical group
in Croatia as such, in its substantial part living in the Krajina Regionh
— killing members of the group,
— causing serious bodily or mental harm to members of the group, and
— deliberately inflicting on the group conditions of life calculated to hbring
about its physical destruction.
7. Alternatively, that the Republic of Croatia has violated its obligationsh
under Article III (b), (c), (d) and (e) of the Convention on the Prevention
and Punishment of the Crime of Genocide through the acts of conspiracy, h
direct and public incitement and attempt to commit genocide, as well as h
complicity in genocide, against the Serb national and ethnical group in hCro
atia as such, in its substantial part living in the Krajina Region.
8. As a subsidiary finding, that the Republic of Croatia has violated itsh
obligations under the Convention on the Prevention and Punishment of theh
Crime of Genocide by having failed and by still failing to punish acts ohf
genocide that have been committed against the Serb national and ethnicalh
group in Croatia as such, in its substantial part living in the Krajina hRegion.
9. That the violations of international law set out in paragraphs6, 7 and
8 of these Submissions constitute wrongful acts attributable to the Republic
of Croatia which entail its international responsibility, and, accordinghly,
(1) That the Republic of Croatia shall immediately take effective steps to
ensure full compliance with its obligation to punish acts of genocide ash
defined by Article II of the Convention, or any other acts enumerated
in Article III of the Convention committed on its territory during and
after Operation Storm ;
(2) That the Republic of Croatia shall immediately amend its law on public
holidays, remembrance days and non-working days, by way of removing
the ‘Day of Victory and Homeland Gratitude’ and the ‘Day of Croatian
Defenders’, celebrated on the fifth of August, as a day of victory hin the
genocidal Operation Storm, from its list of public holidays; and
(3) That the Republic of Croatia shall redress the consequences of its interh
national wrongful acts, that is, in particular :
(a) Pay full compensation to the members of the Serb national and
ethnical group from the Republic of Croatia for all damages and
losses caused by the acts of genocide, in a sum and in a procedure
to be determined by the Court in a subsequent phase of this case ;
and
(b) Establish allnecessary legal conditions and secure environment for
the safe and free return of the members of the Serb national and
35
7 CIJ1077.indb 67 18/04/16 08:53 35 application de convehntion génocide (arrêth)
national et ethnique serbe de revenir librement et en toute sécuritéh
dans leurs foyers en République de Croatie et leur assurer des
conditions d’existence normales et paisibles, et notamment le plein
respect de leurs droits en tant que citoyens et en tant qu’êtres
humains.»
*
* *
I. Contexte
52. En l’espèce, la Croatie allègue que la Serbie est responsable dhe vio-
lations de la convention sur le génocide commises en Croatie entre 1991
et 1995. Dans sa demande reconventionnelle, la Serbie soutient que la
Croatie est elle-même responsable de violations de la Convention com -
mises en 1995 en « Republika Srpska Krajina », une entité établie à la fin
de l’année 1991 (pour plus de détails à ce sujet, voir les paragraphes 62-70
ci-dessous). La Cour présentera succinctement le contexte historique eth
factuel dans lequel s’inscrit la présente affaire, à savoira) la dissolution
de la République fédérative socialiste de Yougoslavie en génhéral et b) la
situation en Croatie en particulier.
A. La dissolution de la République fédérative socialiste de Yougos▯lavie
et l’émergence de nouveaux Etats
53. Jusqu’au début des années quatre -vingt-dix, la République fédéra -
tive socialiste de Yougoslavie («RFSY») était composée des Républiques
de Bosnie-Herzégovine, Croatie, Macédoine, Monténégro, Serbie et Slo -
vénie ; la République de Serbie comportait elle -même deux provinces
autonomes, la Voïvodine et le Kosovo.
54. A la suite du décès du président Tito, survenu le 4 mai 1980, la
RFSY fut confrontée à une crise économique longue de près deh dix ans et
à l’aggravation des tensions entre ses divers groupes nationaux eth ethniques.
Vers la fin des années quatre-vingt et au début des années quatre-vingt-dix,
certaines républiques cherchèrent à jouir de plus grands pouvoihrs au sein de
la fédération, puis à obtenir leur indépendance de la RFSY.
55. La Croatie et la Slovénie déclarèrent leur indépendance de lha RFSY
le 25 juin 1991, mais leurs déclarations ne prirent effet que le 8 octobre
1991. Pour sa part, la Macédoine proclama son indépendance le 17 sep -
tembre 1991, suivie par la Bosnie -Herzégovine le 6 mars 1992. Le
22 mai 1992, la Croatie, la Slovénie et la Bosnie -Herzégovine furent
admises en qualité de Membres de l’Organisation des Nations Unies. Il en
fut de même le 8 avril 1993 pour l’ex -République yougoslave de Macé -
doine.
56. Le 27 avril 1992, les «participants à la session commune de l’As -
semblée de la RFSY, de l’Assemblée nationale de la Républiquhe de Serbie
36
7 CIJ1077.indb 68 18/04/16 08:53 application of genochide convention (judgmhent) 35
ethnical group to their homes in the Republic of Croatia, and to
ensure conditions of their peaceful and normal life including full
respect for their national and human rights.”
*
* *
I. Background
52. In these proceedings, Croatia contends that Serbia is responsible
for breaches of the Genocide Convention committed in Croatia between
1991 and 1995. In its counter -claim, Serbia contends that Croatia is itself
responsible for breaches of the Convention committed in 1995 in the
“Republika Srpska Krajina”, an entity established in late 1991 (fhor fur -
ther details, see paragraphs 62-70 below). The Court will briefly set out
the factual and historical background to the present proceedings, i.e., (a)
the break-up of the Socialist Federal Republic of Yugoslavia in general
and (b) the situation in Croatia in particular.
A. The Break‑up of the Socialist Federal Republic of Yugoslavia
and the Emergence of New States
53. Until the start of the 1990s, the Socialist Federal Republic of
Yugoslavia (“SFRY”) consisted of the Republics of Bosnia and Herhze -
govina, Croatia, Macedonia, Montenegro, Serbia and Slovenia ; the
Republic of Serbia itself included two autonomous provinces ; Vojvodina
and Kosovo.
54. Following the death of President Tito, which occurred on
4 May 1980, the SFRY was confronted with an economic crisis lasting
almost ten years and growing tensions between its different ethnic and
national groups. Towards the end of the 1980s and at the start of the
1990s, certain republicssought greater powers within the federation, and,
subsequently, independence from the SFRY.
55. Croatia and Slovenia declared themselves independent from the
SFRY on 25 June 1991, although their declarations did not take effect
until 8 October 1991. For its part, Macedonia proclaimed its indepen -
dence on 17 September 1991, and Bosnia and Herzegovina followed suit
on 6 March 1992. On 22 May 1992, Croatia, Slovenia, and Bosnia and
Herzegovina were admitted as Members of the United Nations, as was
the former Yugoslav Republic of Macedonia on 8 April 1993.
56. On 27 April 1992, “the participants of the Joint Session of the
SFRY Assembly, the National Assembly of the Republic of Serbia and
36
7 CIJ1077.indb 69 18/04/16 08:53 36 application de convehntion génocide (arrêth)
et de l’Assemblée de la République du Monténégro » adoptèrent une
déclaration dans laquelle il était notamment indiqué :
« 1. La République fédérale de Yougoslavie, assurant la continuité
de l’Etat et de la personnalité juridique et politique internationale de
la République fédérative socialiste de Yougoslavie, respectera hstrict-e
ment tous les engagements que la République fédérative socialiste de
Yougoslavie a pris à l’échelon international,
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . h . . . . . . . . . . . . . .
Restant liée par toutes ses obligations vis-à-vis des organisations et
institutions internationales auxquelles elle appartient… » (Nations
Unies, doc. A/46/915, annexe II.)
57. Le même jour, la mission permanente de la Yougoslavie auprès de
l’Organisation des Nations Unies adressa au Secrétaire général de l’Orga -
nisation une note indiquant notamment que,
« [d]ans le strict respect de la continuité de la personnalité internatio -
nale de la Yougoslavie, la République fédérale de Yougoslavie chont-i
nuera[it] à exercer tous les droits conférés à la Républihque fédérative
socialiste de Yougoslavie et à s’acquitter de toutes les obligatiohns
assumées par cette dernière dans les relations internationales, y
compris en ce qui concerne son appartenance à toutes les organisa -
tions internationales et sa participation à tous les traités interhnatio -
naux que la Yougoslavie a ratifiés ou auxquels elle a adhéré » (voir
aussi le paragraphe 76 ci-dessous).
58. La prétention de la RFY à assurer la continuité de la personnalité
juridique de la RFSY fut longuement débattue au sein de la communauté
internationale (à cet égard, voir Demande en revision de l’arrêt du 11 juillet
1996 en l’affaire relative à l’Application de la convention pour la préven -
tion et la répression du crime de génocide (Bosnie -Herzégovine c. You-
goslavie), exceptions préliminaires (Yougoslavie c. Bosnie‑Herzégovine),
arrêt, C.I.J. Recueil 2003, p. 15-23, par. 28-48 L;céité de l’emploi de la
force (Serbie‑et‑Monténégro c. Belgique), exceptions préliminaires, arrêt,
C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 303-309, par. 58-74 A;plication de la conven ‑
tion pour la prévention et la répression du crime de génocide (▯Bosnie‑
Herzégovine c. Serbie‑et‑Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil▯ 200(I), p.80-83,
par. 91-97 ; arrêt de 2008, C.I.J. Recueil 2008, p. 426-427, par. 45-49).
Ainsi que cela a été noté dans les arrêts de la Cour préchités, le Conseil de
sécurité, l’Assemblée générale et plusieurs Etats rejehtèrent l’affirmation
selon laquelle la RFY assurait automatiquement la continuité de la RFhSY
comme Membre de l’Organisation des Nations Unies ; la RFY maintint
néanmoins cette prétention pendant plusieurs années. Ce n’esht que
le 27 octobre 2000 que M. Koštunica, qui venait d’être élu président de
la RFY, adressa au Secrétaire général une lettre demandaer l’admission
de la RFY à l’Organisation des Nations Unies. Le 1 novembre 2000,
l’Assemblée générale, par sa résolution 55/12, « [a]yant examiné la
37
7 CIJ1077.indb 70 18/04/16 08:53 application of genochide convention (judgmhent) 36
the Assembly of the Republic of Montenegro” adopted a declaration staht -
ing in particular :
“1. The Federal Republic of Yugoslavia, continuing the State,
international legal and political personality of the Socialist Federal
Republic of Yugoslavia, shall strictly abide by all the commitments
that the SFR of Yugoslavia assumed internationally,
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . h . . . . . . . . . . . . . .
Remaining bound by all obligations to international organiza -
tions and institutions whose member it is . . .” (United Nations
doc. A/46/915, Ann. II.)
57. On the same date, the Permanent Mission of Yugoslavia to the
United Nations sent a Note to the Secretary -General, stating, inter alia,
that
“[s]trictly respecting the continuity of the international personalithy of
Yugoslavia, the Federal Republic of Yugoslavia shall continue to ful -
fil all the rights conferred to, and obligations assumed by, the Sociah-l
ist Federal Republic of Yugoslavia in international relations,
including its membership in all international organizations and par -
ticipation in international treaties ratified or acceded to by Yugoslah-
via” (see also paragraph 76 below).
58. This claim by the FRY that it continued the legal personality of the
SFRY was debated at length within the international community (in this
regard, see Application for Revision of the Judgment of 11 July 1996 in the
Case concerning Application of the Convention on the Prevention and
Punishment of the Crime of Genocide (Bosnia and Herzegovina v. Yugo -
slavia), Preliminary Objections (Yugoslavia v. Bosnia and Herzegovina),
Judgment, I.C.J. Reports 2003, pp. 15-23, paras. 28-48 Leg;lity of Use of
Force (Serbia and Montenegro v. Belgium), Preliminary Objections, Judg‑
ment, I.C.J. Reports 2004 (I), pp. 303-309, paras. 58-74; Application of
the Convention on the Prevention and Punishment of the Crime of Genocide▯
(Bosnia and Herzegovina v. Serbia and Montenegro), Judgment,
I.C.J. Reports 2007 (I), pp. 80-83, paras. 91-97 [“the 2007 Judgment”] ;
2008 Judgment, I.C.J. Reports 2008, pp. 426-427, paras. 45-49). As has
been noted in the Judgments of the Court cited above, the Security Coun -
cil, the General Assembly and several States rejected the claim that theh
FRY continued automatically the membership of the SFRY in the United
Nations; the FRY nevertheless maintained this claim for several years. It
was not until 27 October 2000 that Mr. Koštunica, the newly-elected
President of the FRY, sent a letter to the Secretary -General requesting
that the FRY be admitted to membership in the United Nations. On
1 November 2000, the General Assembly, by resolution 55/12, “[h]aving
37
7 CIJ1077.indb 71 18/04/16 08:53 37 application de convehntion génocide (arrêth)
recommandation du Conseil de sécurité, en date du 31 octobre 2000 » et
« [a]yant examiné la demande d’admission présentée par la République
fédérale de Yougoslavie », décida « d’admettre la République fédérale de
Yougoslavie à l’Organisation des Nations Unies ».
59. Le 4 février2003, la RFY changea officiellement de nom pour prendre
celui de « Serbie-et-Monténégro ». A la suite d’un référendum tenu le
21 mai 2006 conformément à la charte constitutionnelle de la Serbie -et-
Monténégro, la République du Monténégro déclara son inhdépendance le
3 juin 2006. Par lettre du 3juin 2006, la Serbie informa le Secrétaire général
de l’Organisation des NationsUnies qu’elle assurerait, au sein de l’Organi -
sation, la continuité de la qualité de membre de la Serbie -et-Monténégro,
commeprévu à l’article 60 de la charte constitutionnelle de cette dernière. Le
Monténégro fut admis comme nouveau Membre des Nations Unies le
28 juin 2006. Par son arrêt du 18 novembre2008 sur les exceptions prélimi-
naires, la Cour a conclu que le Monténégro n’était plus parthie à la présente
instance et que seule la Serbie demeurait défenderesse en l’espèhce
(C.I.J. Recueil 2008, p. 421-423, par. 23-34; voir le paragraphe 8 ci-dessus).
B. La situation en Croatie
60. La présente affaire concerne principalement des événements qui she
sont déroulés entre 1991 et 1995 sur le territoire de la République de
Croatie dans les limites qui avaient été les siennes au sein de lah RFSY. La
Cour se concentrera maintenant sur le contexte dans lequel ces événe -
ments se sont inscrits.
61. Tout d’abord, il y a lieu de relever que, d’après le recensemenht offi-
ciel effectué par l’Institut statistique de la République de Crohatie à la fin
mars 1991, la majorité des habitants de la Croatie (environ 78 %) étaient
d’origine croate. Plusieurs minorités nationales et ethniques y éhtaient éga-
lement représentées ; en particulier, 12 % environ de la population était
d’origine serbe. Une partie importante de cette minorité serbe vivhait près
des Républiques de Bosnie-Herzégovine et de Serbie. Alors que, dans ces
zones frontalières, la population était mixte — composée de Croates et de
Serbes —, elle était majoritairement serbe dans certaines localités. Dhes
villes et des villages à majorité serbe jouxtaient des villes et dhes villages à
majorité croate.
62. Sur le plan politique, les tensions entre le Gouvernement de la Répu -
blique de Croatie, d’une part, et les Serbes vivant en Croatie et opphosés à
l’indépendance de celle -ci, d’autre part, s’accentuèrent au début des années
er
quatre-vingt-dix. Le 1 juillet1990, des élus du Parti démocratique serbe de
Croatie (SDS) formèrent l’« union des municipalités du nord de la Dalmatie
et de la Lika». Le 25juillet1990, la constitution de la République de Croatie
fut amendée; en particulier, un nouveau drapeau et de nouvelles armoiries
furent adoptés, ce qui, selon la Serbie, fut perçu par la minoritéh serbe comme
un signe d’hostilité à son égard. Le même jour, une assemhblée serbe et un
«Conseil national serbe » (l’organe exécutif de l’assemblée) furent créés à
Srb, au nord de Knin ; ils s’autoproclamèrent représentants politiques de la
38
7 CIJ1077.indb 72 18/04/16 08:53 application of genochide convention (judgmhent) 37
received the recommendation of the Security Council of 31 October 2000”
and “[h]aving considered the application for membership of the Federal
Republic of Yugoslavia”, decided to “admit the Federal Republic ofh
Yugoslavia to membership in the United Nations”.
59. On 4 February 2003, the FRY officially changed its name, becom -
ing “Serbia and Montenegro”. Following a referendum of 21 May 2006, in
accordance with the Constitutional Charter of Serbia and Montenegro,
the Republic of Montenegro declared its independence on 3June 2006. By
a letter dated 3 June 2006, Serbia informed the Secretary -General of the
United Nations that, as provided for in Article 60 of the Constitutional
Charter of Serbia and Montenegro, the latter’s membership in the Unithed
Nations would be continued by the Republic of Serbia. Montenegro was
admitted into the United Nations as a new member on 28 June 2006. In its
Judgment of 18 November 2008 on preliminary objections, the Court
found that Montenegro was not a party to the present proceedings, and
that Serbia alone remained the Respondent in the case (I.C.JR. eports2008,
pp. 421-423, paras. 23-34; see paragraph 8 above).
B. The Situation in Croatia
60. The present case mainly concerns events which took place between
1991 and 1995 in the territory of the Republic of Croatia as it had exishted
within the SFRY. The Court will focus now on the background to those
events.
61. First, it should be noted that, according to the official census con -
ducted by the Institute for Statistics of the Republic of Croatia at theh end
of March 1991, the majority of the inhabitants of Croatia (some
78 per cent) were of Croat origin. A number of ethnic and national
minorities were also represented ; in particular, some 12 per cent of the
population was of Serb origin. A significant part of that Serb minority
lived close to the Republics of Bosnia and Herzegovina and Serbia. Whileh
the population in these frontier areas was a mixed one — consisting of
Croats and Serbs — there was a majority of Serbs in certain localities.
Towns and villages with Serb majorities existed in close proximity to
towns and villages with Croat majorities.
62. In political terms, tensions between, on the one hand, the Govern -
ment of the Republic of Croatia and, on the other, the Serbs living in
Croatia and opposed to its independence, increased at the start of the
1990s. On 1 July 1990, elected representatives of the Serb Democratic
Party in Croatia (SDS) formed the “Union of Municipalities of the Nhort-h
ern Dalmatia and Lika”. On 25 July 1990, the Constitution of the Repub-
lic of Croatia was amended ; in particular, a new flag and coat of arms
were adopted which, according to Serbia, was perceived by the Serb
minority as a sign of hostility towards them. On the same day, a Serb
assembly and a “Serb National Council” (the executive organ of thhe
assembly) were established at Srb, north of Knin ; they proclaimed them -
38
7 CIJ1077.indb 73 18/04/16 08:53 38 application de convehntion génocide (arrêth)
population serbe de Croatie et déclarèrent la souveraineté et lh’autonomie des
Serbes de Croatie. Le « Conseil» annonça ensuite l’organisation d’un réfé-
rendum sur l’autonomie des Serbes de Croatie. En août 1990, le Gouverne-
ment croate tenta de s’opposer à ce référendum, ce qui conduhisit des forces
de la minorité serbe à ériger des barricades sur les routes. Leh référendum
annoncé eut lieu entre le 19août et le 2septembre1990; une très large majo-
rité de votants se prononcèrent en faveur de l’autonomie.
63. Le 21 décembre 1990, les Serbes des municipalités de la Dalmatie
du nord et de la Lika proclamèrent la « Région autonome serbe de Kra -
jina» (« SAO de Krajina »). Deux autres « régions autonomes serbes »
furent établies plus tard : la « SAO de Slavonie, Baranja et Srem occiden -
tal» («SAO SBSO») en février 1991 et la « SAO de Slavonie occidentale »
en août de la même année.
64. Le 22 décembre 1990, le Parlement croate adopta une nouvelle
Constitution. Selon la Serbie, les Serbes de Croatie considérèrenth que
l’adoption de cette Constitution les privait de certains droits fondahmen -
taux et leur enlevait le statut de nation constitutive de la Croatie.
65. Le 4 janvier 1991, la SAO de Krajina instaura son propre secréta -
riat aux affaires intérieures et se dota de sa propre force de police het d’un
service chargé de la sûreté de l’Etat.
66. Au printemps 1991, des affrontements éclatèrent entre, d’un côté,
les forces armées croates et, de l’autre, les forces de la SAO de hKrajina et
d’autres groupes armés. L’armée populaire yougoslave (« JNA») inter -
vint — officiellement pour s’interposer entre les protagonistes, mais,h selon
la Croatie, pour soutenir les serbes de la Krajina.
67. Au terme d’un référendum organisé le 12 mai 1991 par la SAO de
Krajina, une majorité de votants serbes approuvèrent le rattachemehnt de
cette région à la Serbie et son maintien au sein de la RFSY. Une shemaine
plus tard, le 19 mai 1991, les électeurs croates, appelés à se prononcer par
référendum sur l’indépendance de la Croatie vis -à-vis de la RFSY, l’ap -
prouvèrent massivement.
68. Comme mentionné ci -dessus (voir le paragraphe 55), la Croatie
déclara son indépendance de la RFSY le 25 juin 1991, et cette déclaration
prit effet le 8 octobre 1991.
69. A l’été 1991, un conflit armé avait éclaté en Croatie, au cours
duquel auraient été commises les violations de la convention sur lhe géno -
cide alléguées par la Croatie en l’espèce (voir les paragrahphes 200-442
ci-après). Au moins à partir du mois de septembre 1991, la JNA — qui,
selon la Croatie, était à ce moment contrôlée par le Gouvernement de la
République de Serbie — intervint dans les combats contre les forces gou -
vernementales croates. Vers la fin de l’année 1991, la JNA et dehs forces
serbes (voir le paragraphe 204 ci-dessous) contrôlaient environ un tiers du
territoire de la Croatie dans les limites qui étaient les siennes au hsein de la
RFSY (dans les régions de Slavonie orientale, de Slavonie occidentalhe, de
Banovina/Banija, de Kordun, de Lika et de Dalmatie). Ces régions ainsi
que plusieurs villes et villages évoqués dans le présent arrêht sont figurés
sur le croquis ci-après.
39
7 CIJ1077.indb 74 18/04/16 08:53 application of genochide convention (judgmhent) 38
selves to be the political representatives of the Serb population of Crohatia
and declared the sovereignty and autonomy of the Serbs in Croatia. The
“Council” then announced that a referendum would be held on the auhto -
nomy of the Croatian Serbs. In August 1990, the Croatian Government
attempted to oppose this referendum ; the Serb minority responded by
erecting roadblocks. The referendum took place between 19 August and
2 September 1990 ; a substantial majority voted in favour of autonomy.
63. On 21 December 1990, Serbs in the municipalities of northern Dal-
matia and Lika proclaimed the “Serb Autonomous Region of Krajina” h
(“SAO Krajina”). Two other “Serb autonomous regions” were hestab -
lished later the “SAO Slavonia, Baranja and Western Srem” (“SAO
SBWS”) in February 1991, and the “SAO Western Slavonia” in August
of that year.
64. On 22 December 1990, the Croatian Parliament adopted a new
Constitution. According to Serbia, the Croatian Serbs considered that thhe
adoption of this new Constitution deprived them of certain basic rights
and removed their status as a constituent nation of Croatia.
65. On 4 January 1991, the SAO Krajina established its own internal
affairs secretariat and police and State security services.
66. In spring 1991, clashes broke out between the Croatian armed
forces and those of the SAO Krajina and other armed groups. The Yugo-
slav National army (“JNA”) intervened — officially to separate the pro -
tagonists, but, according to Croatia, in support of the Krajina Serbs.
67. In a referendum organized on 12 May 1991 by the SAO Krajina, a
majority of Serbs voted in favour of attaching the region to Serbia and h
staying in the SFRY. One week later, on 19 May 1991, Croatian voters,
asked to pronounce by referendum on Croatia’s independence from the
SFRY, overwhelmingly approved it.
68. As explained above (see paragraph 55), Croatia declared its inde -
pendence from the SFRY on 25 June 1991, and that declaration took
effect on 8 October 1991.
69. By the summer of 1991, an armed conflict had broken out in Croa -
tia, in the course of which the violations of the Genocide Convention
alleged by Croatia in this case are claimed to have been committed (seeh
paragraphs 200-442 below). At least from September 1991, the JNA —
which, according to Croatia, was by then controlled by the Government
of the Republic of Serbia — intervened in the fighting against the Croa -
tian Government forces. By late 1991, the JNA and Serb forces (see parah-
graph 204 below) controlled around one-third of Croatian territory within
its boundaries in the SFRY (in the regions of Eastern Slavonia, Westernh
Slavonia, Banovina/Banija, Kordun, Lika and Dalmatia). These regions,
aswell as several towns and villages referred to in the present Judgment,
are illustrated on the following sketch -map.
39
7 CIJ1077.indb 75 18/04/16 08:53 39 application de convehntion génocide (arrêth)
70. Le 19 décembre 1991, les Serbes de la SAO de Krajina (qui com -
prenait alors des territoires en Banovina/Banija, Kordun, Lika et Dalma -
tie) proclamèrent l’établissement de la « Republika Srpska Krajina »
(«RSK»). Deux mois plus tard, la SAO de Slavonie occidentale et la
SAO de SBSO se joignirent à la RSK.
71. A la fin1991 et au début 1992, des négociations parrainées par la
communauté internationale — et impliquant entre autres des représen -
tants de la Croatie, de la Serbie et de la RFSY — aboutirent au plan
Vance (du nom de Cyrus Vance, envoyé spécial du Secrétaire géhnéral de
l’Organisation des Nations Unies pour la Yougoslavie) et au déploiement
de la force de protection des Nations Unies («FORPRONU»). Le plan
Vance prévoyait la mise en place d’un cessez-le-feu, la démilitarisation des
parties de la Croatie sous le contrôle de la minorité serbe et des forces
de la RFSY, le retour des réfugiés et la création de conditions fahvorables
à une résolution politique permanente du conflit. La FORPRONU
— déployée au printemps 1992 dans trois zones protégées par les
Nations Unies (les ZPNU de Slavonie orientale, de Slavonie occidentale
et de Krajina) — fut répartie en quatre secteurs : est (en Slavonie orien-
tale), ouest (en Slavonie occidentale), nord et sud (ces deux derniehrs sec -
teurs couvrant la ZPNU de Krajina).
72. Les objectifs du plan Vance et de la FORPRONU ne furent jamais
complètement atteints: entre 1992 et le printemps 1995, la RSK ne fut pas
démilitarisée, certaines opérations militaires furent menéesh par les deux
parties au conflit et les tentatives de règlement pacifique échhouèrent.
73. Au printemps et à l’été 1995, la Croatie réussit à reprendre le
contrôle de la plus grande partie du territoire de la RSK à la suihte d’une
série d’opérations militaires. Elle récupéra ainsi la Slahvonie occidentale au
terme de l’opération « Eclair» en mai, alors que la Krajina fut reconquise
lors de l’opération « Tempête» en août, au cours de laquelle se seraient
produits les faits qui font l’objet de la demande reconventionnelle ehn l’es-
pèce (voir les paragraphes 443-522 ci-après). Après la conclusion de l’ac -
cord d’Erdut le 12 novembre 1995, la Slavonie orientale réintégra
progressivement la Croatie de 1996 à 1998.
*
* *
II.Compétence et recevabhilité
A. La demande de la Croatie
1) Les questions de compétence et de recevabilité restant à tranch▯er après
l’arrêt de 2008
74. La Serbie a soulevé un certain nombre d’exceptions à la compé -
tence de la Cour et à la recevabilité de la demande de la Croatie.h Dans
40
7 CIJ1077.indb 76 18/04/16 08:53 application of genochide convention (judgmhent) 39
70. On 19 December 1991, the Serbs of the SAO Krajina (which then
comprised territories in Banovina/Banija, Kordun, Lika and Dalmatia)
proclaimed the establishment of the “Republika Srpska Krajina”
(“RSK”). Two months later, the SAO Western Slavonia and the SAO h
SBWS joined the RSK.
71. Negotiations in late 1991 and early 1992, backed by the interna -
tional community and involving, inter alia, representatives of Croatia,
Serbia and the SFRY, resulted in the Vance plan (after Cyrus Vance, theh
United Nations Secretary -General’s Special Envoy for Yugoslavia) and
the deployment of the United Nations Protection Force (“UNPRO -
FOR”). The Vance plan provided for a ceasefire, demilitarization ohf those
parts of Croatia under the control of the Serb minority and SFRY forces,h
the return of refugees and the creation of conditions favourable to a pehr-
manent political settlement of the conflict. UNPROFOR — which was
deployed in spring 1992 in three areas protected by the United Nations
(the UNPAs of Eastern Slavonia, Western Slavonia and Krajina) — was
divided into four operational sectors : East (Eastern Slavonia), West
(Western Slavonia), North and South (these two latter sectors covered the
Krajina UNPA).
72. The objectives of the Vance plan and of UNPROFOR were never
fully achieved : between 1992 and the spring of 1995, the RSK was not
demilitarized,certain military operations were conducted by both parties
to the conflict, and attempts to achieve a peaceful settlement failed.h
73. In the spring and summer of 1995, Croatia succeeded in re -
establishing control over the greater part of the RSK following a seriesh of
military operations. Thus it recovered Western Slavonia in May through
Operation Flash, and the Krajina in August through Operation Storm,
during which the facts described in the counter -claim allegedly occurred
(see paragraphs 443-522 below). Following the conclusion of the Erdut
Agreement on 12 November 1995, Eastern Slavonia was gradually reinte-
grated into Croatia between 1996 and 1998.
* * *
II. Jurisdiction and Admisshibility
A. Croatia’s Claim
(1) Issues of jurisdiction and admissibility which remain to be determined
following the 2008 Judgment
74. Serbia has raised a number of objections to the jurisdiction of the
Court and to the admissibility of Croatia’s claim. In its 2008 Judgmehnt,
40
7 CIJ1077.indb 77 18/04/16 08:53 40 application de convehntion génocide (arrêth)
Régions et sélection de localités auxquelles les Parties se sont référées
AUTRICHE
HONGRIE
SLOVÉNIE
ZAGREB
Đulovac SERBIE
CROATIE Voćin SLAVONIE
ORIENTALE Dalj
Kusonje
BANOVINA/BAN* JA Vukovar
Hrvatska SLAVONIE BogdanovciLovas
Joševica Dubica OCCIDENTALE Berak
Bapska
KORDUN Tovarnik
Sremska
Saborsko Lipovača Mitrovica
Poljanak
LIKA
Gračac
BOSNIE-
Obrovac
Škabrnja Bruška HERZÉGOVINE
Benkovac Knin
DALMATIE
MER ADRIATIQUE
MONTÉNÉGRO
Dubrovnik
Ce croquis a été établi à rseule fin d’illustration
0 50 100 150 km
ITALIE Projection transverse universelle de Mercator, zone 33N
Datum WGS84
41
7 CIJ1077.indb 78 18/04/16 08:53 - 36 -
application of genochide convention (judgmhent) 40
Regions and Selected Localities Referred to by the Parties
AUSTRIA
HUNGARY
SLOVENIA
ZAGREB
Đulovac
Voćin SERBIA
CROATIA EASTERN
Kusonje SLAVONIA Dalj
Vukovar
BANOVINA/BANIJA WESTERN Bogdanovci
Joševica Hrvatska SLAVONIA Lovas
Dubica Berak
Tovarnikapska
KORDUN Sremska
Mitrovica
Saborsko Lipovača
Poljanak
LIKA
Gračac BOSNIA
Obrovac
Škabrnja AND
Bruška HERZEGOVINA
Benkovac Knin
DALMATIA
ADRIATIC SEA
MONTENEGRO
This sketch-map has been prepared for illustrative purposes only Dubrovnik
0 50 100 150 km
ITALY Universal Transverse Mercator projection, zone 33N
WGS84 Datum
41
7 CIJ1077.indb 79 18/04/16 08:53 41 application de convehntion génocide (arrêth)
l’arrêt qu’elle a rendu en 2008, la Cour a rejeté les première et troisième
exceptions préliminaires, mais a conclu que la deuxième n’avaith pas, dans
les circonstances de l’espèce, un caractère exclusivement préhliminaire, et
elle a par conséquent reporté sa décision au stade actuel de lah procédure
(C.I.J. Recueil 2008, p. 460, par. 130, et p. 466, par. 146 (point 4)). Avant
d’aborder l’examen de la deuxième exception de la Serbie, la Cohur rappel -
lera certaines observations qu’elle a formulées dans son arrêt hde2008.
75. Dans son arrêt de 2008, la Cour a rejeté la première exception pré -
liminaire de la Serbie en ce qu’elle avait trait à la capacité de cette der -
nière de participer à la présente procédure (ibid., p. 444, par. 91, et p. 466,
par. 146 (point 1)).
76. La Cour a également rejeté la première exception préliminairhe de la
Serbie en ce qu’elle avait trait à sa compétence ratione materiae. Elle s’est
référée à la déclaration faite par la RFY le 27 avril 1992 (date de la pro -
clamation de la RFY en tant qu’Etat), qui énonçait ce qui suith :
« La République fédérale de Yougoslavie, assurant la continuitéh de
l’Etat et de la personnalité juridique et politique internationale de la
République fédérative socialiste de Yougoslavie, respectera strhicte -
ment tous les engagements que la République fédérative socialiste de
Yougoslavie a pris à l’échelon international.
Simultanément, elle est disposée à respecter pleinement les drohits
et les intérêts des républiques yougoslaves qui ont déclaréh leur indé -
pendance. La reconnaissance des Etats nouvellement constitués
interviendra une fois qu’auront été réglées les questionsh en suspens
actuellement en cours de négociation dans le cadre de la Conférenche
sur la Yougoslavie. » (Nations Unies, doc. A/46/915, annexe II, cité
dans C.I.J. Recueil 2008, p. 446-447, par. 98.)
La Cour a également fait référence à la note adressée le hmême jour au
Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies par la mission per -
manente de la Yougoslavie auprès de celle -ci, qui contenait le passage
suivant:
«L’Assemblée de la République fédérative socialiste de Youhgosla -
vie, à la session qu’elle a tenue le 27 avril 1992, a promulgué la
Constitution de la République fédérale de Yougoslavie. Aux termes
de la Constitution, et compte tenu de la continuité de la personnalithé
de la Yougoslavie et des décisions légitimes qu’ont prises la Sherbie et
le Monténégro de continuer à vivre ensemble en Yougoslavie, la
République fédérative socialiste de Yougoslavie devient la Réhpu -
blique fédérale de Yougoslavie, composée de la République deh Serbie
et de la République du Monténégro.
Dans le strict respect de la continuité de la personnalité internatio -
nale de la Yougoslavie, la République fédérale de Yougoslavie chont-i
nuera à exercer tous les droits conférés à la République fédérative
socialiste de Yougoslavie et à s’acquitter de toutes les obligatiohns
assumées par cette dernière dans les relations internationales, y com -
42
7 CIJ1077.indb 80 18/04/16 08:53 application of genochide convention (judgmhent) 41
the Court rejected Serbia’s first and third preliminary objections hbut con-
cluded that Serbia’s second preliminary objection did not possess, inh the
circumstances of the case, an exclusively preliminary character and so
reserved decision thereon to the present phase of the proceedings
(I.C.J. Reports 2008, p. 460, para. 130 and p. 466, para. 146 (point 4)).
Before turning to address Serbia’s second objection, the Court will fihrst
recall certain observations that it made in its 2008 Judgment.
75. In its 2008 Judgment, the Court dismissed Serbia’s first preliminary
objection in so far as it related to its capacity to participate in the hpresent
proceedings (ibid., p. 444, para. 91, and p. 466, para. 146 (point 1)).
76. The Court also dismissed Serbia’s first preliminary objection in soh
far as it related to the jurisdiction of the Court ratione materiae. It referred
to the declaration made by the FRY on 27 April 1992 (the date on which
the FRY was proclaimed as a State), which stated that
“The Federal Republic of Yugoslavia, continuing the State, inter -
national legal and political personality of the Socialist Federal Repub -
lic of Yugoslavia, shall strictly abide by all the commitments that the h
Socialist Federal Republic of Yugoslavia assumed internationally.
At the same time, it is ready to fully respect the rights and interests h
of the Yugoslav Republics which declared independence. The recog -
nition of the newly-formed states will follow after all the outstanding h
questions negotiated on within the Conference on Yugoslavia have
been settled.” (United Nations doc. A/46/915, Ann. II, quoted at
I.C.J. Reports 2008, pp. 446-447, para. 98.)
The Court also referred to the Note sent that day by the Permanent
Mission of Yugoslavia to the United Nations Secretary -General, which
stated that
“The Assembly of the Socialist Federal Republic of Yugoslavia, at
its session held on 27April 1992, promulgated the Constitution of the
Federal Republic of Yugoslavia. Under the Constitution, on the basis
of the continuing personality of Yugoslavia and the legitimate deci -
sions by Serbia and Montenegro to continue to live together in Yugo-
slavia, the Socialist Federal Republic of Yugoslavia is transformed
into the Federal Republic of Yugoslavia, consisting of the Republic
of Serbia and the Republic of Montenegro.
Strictly respecting the continuity of the international personality of
the Socialist Federal Republic of Yugoslavia, the Federal Republic
of Yugoslavia shall continue to fulfil all the rights conferred to, and
obligations assumed by, the Socialist Federal Republic of Yugoslavia
in international relations, including its membership in all interna -
42
7 CIJ1077.indb 81 18/04/16 08:53 42 application de convehntion génocide (arrêth)
pris en ce qui concerne son appartenance à toutes les organisations
internationales et sa participation à tous les traités internationhaux que
la Yougoslavie a ratifiés ou auxquels elle a adhéré. » (Nations Unies,
doc. A/46/915, annexeI, cité dans C.I.J.Recueil 2008, p. 447, par. 99.)
Faisant observer que la RFY avait ainsi « clairement exprimé … son
intention d’être liée … par les obligations de la convention sur le géno -
cide», la Cour a alors formulé la conclusion suivante :
«Dans le contexte particulier de l’affaire, la Cour estime que la déh-cla
ration de1992doit être considérée comme ayant eu les effets d’une noti-
fication de succession à des traités et ce, bien que l’intenthion politique
qui la sous-tendait ait été différente.» (C.I.J. Recueil 2008 , p. 451,
par. 111.)
77. La Cour a toutefois considéré qu’elle n’était pas en mesuhre de se p-ro
noncer sur l’exception de la Serbie se rapportant à la compétence et à la
recevabilité ratione temporis. Selon cette exception, dans la mesure où la
demande de la Croatie reposait sur des actes et des omissions qui auraiehnt
été commis avant le 27 avril 1992, ladite demande ne rentrait pas dans le
champ de l’article IX de la convention sur le génocide — et, partant, ne
relevait pas de la compétence de la Cour — puisqu’elle se rapportait à des
faits antérieurs à la date à laquelle la RFY avait vu le jour ehn tant qu’Etat et
ainsi pu devenir partie à la convention sur le génocide, et étahit en tout état
de cause irrecevable. Relativement à cette exception, la Cour a dit che qui su:t
«De l’avis de la Cour, les questions de compétence et de recevabilité
soulevées par l’exception préliminaire ratione temporis de la Serbie
constituent, en la présente affaire, deux questions indissociables. La
première est celle de savoir si la Cour a compétence pour déterminer si
des violations de la convention sur le génocide ont été commisehs, à la
lumière des faits antérieurs à la date à laquelle la RFY a chommencé à
exister en tant qu’Etat distinct, ayant à ce titre la capacité hd’être partie
à cet instrument ; cela revient à se demander si les obligations en
vertu de la Convention étaient opposables à la RFY antérieurement
au 27 avril 1992. La seconde question, qui porte sur la recevabilité de
la demande concernant ces faits, et qui a trait à l’attribution, ehst
celle des conséquences à tirer quant à la responsabilité de la RFYh à
raison desdits faits en vertu des règles générales de la responhsabilité de
l’Etat. Pour que la Cour puisse se prononcer sur chacune de ces ques -
tions, elle devra disposer de davantage d’éléments. » ( Ibid., p. 460,
par. 129.)
78. L’arrêt de 2008 a donc réglé les questions de la compétenhce de la
Cour et de la recevabilité de la demande de la Croatie dans la mesureh où
celle-ci se rapporte à des faits qui auraient eu lieu à compter
du 27 avril 1992. Ces mêmes questions restent toutefois à trancher pour
ce qui est des faits antérieurs à cette date. Et sur ces points, lhes Parties
demeurent en désaccord.
43
7 CIJ1077.indb 82 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 42
tional organizations and participation in international treaties ratifihed
or acceded to by Yugoslavia.” (United Nations doc.A/46/915, Ann.I,
quoted at I.C.J. Reports 2008, p. 447, para. 99.)
The Court pointed out that the FRY had thus “clearly expressed an
intention to be bound . . . by the obligations of the Genocide Conven -
tion” and concluded :
“In the particular context of the case, the Court is of the view thath
the 1992 declaration must be considered as having had the effects of
a notification of succession to treaties, notwithstanding that its polhi-t
ical premise was different.” (I.C.J. Reports 2008, p. 451, para. 111.)
77. The Court considered, however, that it was not in a position to rule
upon Serbia’s objection to jurisdiction and admissibility ratione temporis.
This objection was that, in so far as Croatia’s claim was based on achts
and omissions alleged to have occurred before 27 April 1992, it fell out-
side the scope of Article IX of the Genocide Convention — and, accord-
ingly, outside the jurisdiction of the Court — because it concerned events
which preceded the date on which the FRY came into existence as a State h
and thus became capable of being a party to the Genocide Convention
and that, in any event, that claim was inadmissible. With regard to thish
objection, the Court stated that :
“In the view of the Court, the questions of jurisdiction and admissi-
bility raised by Serbia’s preliminary objection ratione temporis constitute
two inseparable issues in the present case. The first issue is that ofh the
Court’s jurisdiction to determine whether breaches of the Genocide
Convention were committed in the light of the facts that occurred prior
to the date on which the FRY came into existence as a separate State,
capable of being a party in its own right to the [Genocide] Convention ;
this may be regarded as a question of the applicability of the obligatiohns
under the Genocide Convention to the FRY before 27April 1992. The
second issue, that of admissibility of the claim in relation to those facts,
and involving questions of attribution, concerns the consequences to be
drawn with regard to the responsibility of the FRY for those same facts
under the general rules of State responsibility. In order to be in a poshition
to make any findings on each of these issues, the Court will need to hhave
more elements before it.” (Ibid., p.460, para. 129.)
78. The jurisdiction of the Court, and the admissibility of Croatia’s
claim, have therefore been settled by the 2008 Judgment so far as that
claim relates to events alleged to have taken place as from 27 April 1992.
Both jurisdiction and admissibility remain, however, to be determined inh
so far as the claim concerns events alleged to have occurred before thath
date. On those questions, the Parties remain in disagreement.
43
7 CIJ1077.indb 83 18/04/16 08:54 43 application de convehntion génocide (arrêth)
2) Les positions des Parties en ce qui concerne la compétence
et la recevabilité
79. S’agissant de la compétence de la Cour, la Serbie maintient que les
faits supposés être survenus avant le 27 avril 1992 ne peuvent donner lieu
à un différend entre elle et la Croatie concernant « l’interprétation, l’appl-
cation ou l’exécution » de la convention sur le génocide et ainsi entrer
dans le champ de l’article IX de celle -ci. Elle avance qu’une distinction
s’impose entre les obligations de la RFSY et celles de la RFY. Si la hpre -
mière était partie à la convention sur le génocide antérieurement au
27 avril 1992, ce n’est qu’à partir de cette date que la seconde y est dheve-
nue partie. La Serbie invoque l’article 28 de la convention de Vienne sur
le droit des traités, qui énonce selon elle un principe du droit ihnternational
coutumier et est ainsi libellé :
«A moins qu’une intention différente ne ressorte du traité ou ne h
soit par ailleurs établie, les dispositions d’un traité ne lienht pas une
partie en ce qui concerne un acte ou fait antérieur à la date d’hentrée
en vigueur de ce traité au regard de cette partie ou une situation qui
avait cessé d’exister à cette date.»
La Serbie soutient que, puisque les dispositions de fond de la conven -
tion sur le génocide ne peuvent avoir d’effet rétroactif, les faits qui auraient
eu lieu avant que la RFY devienne partie à la Convention ne sauraienth
engager la responsabilité de la RFY ni, partant, sa propre responsabihlité.
80. En ce qui concerne la recevabilité de la demande de la Croatie, la
Serbie avance deux arguments. Premièrement, elle soutient que la RFY h
ne peut se voir imputer des faits qui auraient eu lieu avant sa constituhtion
en tant qu’Etat. Selon elle, toute conclusion formulée à son enhcontre sur
la base de ces faits doit en conséquence être regardée comme irhrecevable.
Il s’agit là d’un moyen subsidiaire par rapport à celui qui hconcerne la
compétence. Deuxièmement, la Serbie soutient à titre plus subsihdiaire
encore que, dans la mesure où la demande se rapporte à des faits shuppo-
sés antérieurs au 8 octobre 1991, date à laquelle la Croatie a vu le jour en
tant qu’Etat et est devenue partie à la convention sur le génocide, elle doit
être considérée comme irrecevable.
81. La Croatie répond que la Cour a compétence à l’égard de lh’ensemble
de sa demande et qu’aucune fin de non -recevoir ne peut lui être opposée.
De son point de vue, l’essentiel est que la convention sur le génohcide était
en vigueur dans les territoires en cause tout au long de la période ehn litige,
puisque la RFSY y était partie. Selon elle, la RFY est née directehment de la
RFSY, les organes du nouvel Etat prenant en charge ceux de l’Etat préhdé -
cesseur au cours de l’année 1991, alors que la RFSY se trouvait engagée
dans un « processus de dissolution» (expression utilisée par la commission
d’arbitrage de la conférence sur la Yougoslavie dans son avis no 1,
29 novembre 1991, Revue générale de droit international public (RGDIP),
t. 96, 1992, p. 264). Le 27 avril 1992, la RFY a fait une déclaration qui,
ainsi que la Cour l’a dit en 2008, a eu l’effet d’une notificahtion de succession
44
7 CIJ1077.indb 84 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 43
(2) The positions of the Parties regarding jurisdiction and admissibility
79. With regard to the jurisdiction of the Court, Serbia maintains that
events said to have occurred before 27 April 1992 cannot give rise to a
dispute between itself and Croatia regarding the “interpretation, applica -
tion or fulfilment” of the Genocide Convention and thus cannot fall
within the scope of Article IX of the Convention. It maintains that a dis -
tinction has to be made between the obligations of the SFRY and those
of the FRY. While the SFRY was a party to the Genocide Convention
prior to 27 April 1992, it was only from that date that the FRY became a
party to it. Serbia refers to Article 28 of the Vienna Convention on the
Law of Treaties, which it maintains states a principle of customary inter -
national law. That Article provides:
“Unless a different intention appears from the treaty or is otherwise h
established, its provisions do not bind a party in relation to any act
or fact which took place or any situation which ceased to exist before
the date of the entry into force of the treaty with respect to that
party.”
According to Serbia, since the substantive provisions of the Genocide
Convention cannot apply retroactively, events alleged to have occurred
before the FRY became a party to the Convention cannot engage the
responsibility of the FRY and, therefore, of Serbia.
80. With regard to the admissibility of Croatia’s claim, Serbia advances h
two arguments. First, it maintains that events said to have occurred
before the FRY came into existence as a State cannot be attributed to thhe
FRY. In Serbia’s view, any claim against Serbia in respect of such evhents
must, therefore, be regarded as inadmissible. This argument is advanced h
as an alternative to the argument regarding jurisdiction. Secondly, Serbia
contends, in the further alternative, that in so far as the claim relatehs to
events said to have occurred before 8 October 1991 — the date on which
Croatia came into existence as a State and became bound by the Geno -
cide Convention — it must be regarded as inadmissible.
81. Croatia responds that the Court has jurisdiction over the entirety
of its claim and that there is no bar to admissibility. For Croatia, theh
essential point is that the Genocide Convention was in force in the terrhi-
tories concerned throughout the relevant period, because the SFRY was
a party to the Convention. According to Croatia, the FRY emerged
directly from the SFRY, with the organs of the new State taking over theh
control of those of the old State during the course of 1991 when the
SFRY was “in a process of dissolution” (the phrase used by the Arhbitra-
tion Commission of the Conference on Yugoslavia in Opinion No. 1,
29 November 1991, 92 International Law Reports (ILR), p. 162). On
27 April 1992, the FRY made a declaration which, as the Court deter -
mined in 2008, had the effect of a notification of succession (see parha -
44
7 CIJ1077.indb 85 18/04/16 08:54 44 application de convehntion génocide (arrêth)
(voir le paragraphe 76 ci-dessus) à la convention sur le génocide et à d’autres
traités auxquels la RFSY avait été partie. La Croatie soutient que, en
conséquence, il n’y a pas eu de rupture dans l’application de lha Convention,
qu’il serait artificiel et formaliste de limiter la compétence dhe la Cour à la
période commençant le27 avril 1992 et qu’une décision en ce sens introdui-
rait une «interruption» dans la protection assurée par la Convention. Elle
souligne l’absence de toute limitation temporelle dans le libellé de l’ar -
ticle IX de la Convention. Au moins à partir du début de l’été 1991, la
RFSY avait, selon la Croatie, cessé de fonctionner en tant qu’Etath et ce qui
allait devenir la RFY était déjà un Etat in statu nascendi.
82. La Croatie invoque en conséquence ce qu’elle considère comme leh
principe du droit international coutumier énoncé au paragraphe 2 de l’ar-
ticle 10 des Articles de la Commission du droit international (« CDI») sur
la responsabilité de l’Etat pour fait internationalement illicite hadoptés
en 2001. Ce paragraphe se lit comme suit :
«Le comportement d’un mouvement insurrectionnel ou autre qui
parvient à créer un nouvel Etat sur une partie du territoire d’hun Etat
préexistant ou sur un territoire sous son administration est considéhré
comme un fait de ce nouvel Etat d’après le droit international. »
Selon la Croatie, ce principe s’applique aux faits de l’espèce,h de sorte
que les agissements de la JNA et d’autres groupes armés contrôlhés par le
mouvement dont l’action a abouti à la proclamation de la RFY
le 27 avril 1992, même s’ils sont antérieurs à cette date, doivent êthre rega-r
dés comme le fait de la RFY en ce qui concerne la responsabilité de l’Etat.
A titre subsidiaire, elle soutient que, dans l’hypothèse où cesh actes seraient
plutôt imputés à la RFSY, la RFY a succédé à cette derhnière pour ce qui
est de la responsabilité en découlant.
83. En outre, la Croatie nie que sa demande soit irrecevable dans la mesure
où elle repose sur des faits supposés antérieurs au 8 octobre 1991. Elle fait
valoir que la convention sur le génocide ne se résume pas à «h un ensemble
d’obligations synallagmatiques » entre parties, mais est la source d’obliga -
tionsergaomnes. Elle souligne par ailleurs que la Convention était en vigueur
et protégeait la population de Croatie durant toute la période en hlitige.
* *
3) L’étendue de la compétence découlant de l’article IX de la convention
sur le génocide
84. La Cour rappelle tout d’abord que le seul fondement de compé -
tence invoqué en l’espèce est l’article IX de la convention sur le génocide,
ainsi libellé:
« Les différends entre les Parties contractantes relatifs à l’interpré -
tation, l’application ou l’exécution de la présente Conventihon, y com -
45
7 CIJ1077.indb 86 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 44
graph 76 above) to the Genocide Convention and other treaties to which
the SFRY had been party. Croatia maintains that there was, therefore, a h
continuous application of the Convention, that it would be artificial hand
formalistic to confine jurisdiction to the period from 27 April 1992, and
that a decision to limit jurisdiction to events occurring on or after thhat
date would create a “time gap” in the protection afforded by the Conven -
tion. Croatia points to the absence of any temporal limitation in the tehrms
of Article IX of the Genocide Convention. At least by the early summer
of 1991, according to Croatia, the SFRY had ceased to be a functioning
State and what became the FRY was already a State in statu nascendi.
82. Croatia therefore relies on what it describes as the customary inter-
national law principle stated in Article 10 (2) of the International Law
Commission’s (“ILC”) Articles on the Responsibility of Statesh for Inter-
nationally Wrongful Acts, adopted in 2001. Article 10 (2) provides:
“The conduct of a movement, insurrectional or other, which
succeeds in establishing a new State in part of the territory of a pre -
existing State or in a territory under its administration shall be con -
sidered an act of the new State under international law.”
According to Croatia, that principle is applicable to the facts of the
present case with the result that the acts of the JNA and other armed
groups controlled by the movement that later proclaimed the FRY as a
State on 27 April 1992, even though they occurred before that date, must
be regarded as acts of the FRY for the purposes of State responsibility.h In
the alternative, Croatia contends that if those acts should instead be
attributed to the SFRY, the FRY succeeded to the responsibility of the
SFRY for them.
83. Further, Croatia denies that its claim is inadmissible, to the extent
that it relies upon events said to have occurred before 8 October 1991. It
maintains that the Genocide Convention is not “a bundle of synallag -
matic obligations” between parties but creates obligations erga omnes. It
also emphasizes that the Convention was in force for the benefit of the
population of Croatia at all relevant times.
* *
(3) The scope of jurisdiction under Article IX of the Genocide Convention
84. The Court begins by recalling that the only basis for jurisdiction
which has been advanced in the present case is Article IX of the Genocide
Convention. That Article provides :
“Disputes between the Contracting Parties relating to the interpre-
tation, application or fulfilment of the present Convention, includingh
45
7 CIJ1077.indb 87 18/04/16 08:54 45 application de convehntion génocide (arrêth)
pris ceux relatifs à la responsabilité d’un Etat en matière hde génocide
ou de l’un quelconque des autres actes énumérés à l’arhticleIII, seront
soumis à la Cour internationale de Justice, à la requête d’uhne partie
au différend.»
Comme la Cour l’a relevé dans son arrêt de 2008,
« [l]aRFSY signa la convention sur le génocide le 11 décembre 1948
et déposa son instrument de ratification, sans formuler de réserve, le
29 août 1950; les Parties conviennent que la RFSY était donc partie
à la Convention lorsque, dans les années quatre -vingt-dix, elle com-
mença à se désintégrer, donnant naissance à des Etats dishtincts et
indépendants» (C.I.J. Recueil 2008, p. 446, par. 97).
Le 12 octobre 1992, la Croatie a déposé une notification de succession
qu’elle considère comme ayant pris effet le 8 octobre 1991, date à laquelle
elle a vu le jour en tant qu’Etat. Dans les exceptions préliminairhes qu’elle
a présentées en l’espèce, la Serbie a fait valoir qu’elleh n’avait commencé à
être liée par la convention sur le génocide qu’au moment oùh la RFY avait
déposé son instrument d’adhésion, assorti d’une réservhe à l’article IX,
le 12 mars 2001. Comme il a déjà été mentionné, toutefois, la Cour ah
considéré, dans son arrêt de 2008, que la RFY était, par le moyen de la
déclaration et de la note mentionnées au paragraphe 76 ci-dessus, devenue
partie à la Convention le 27 avril 1992, et était donc liée par les obligations
y énoncées (ibid., p. 451, par. 111 ; p.454-455, par. 117).
85. Le fait que la compétence de la Cour en l’espèce repose exclusihve -
ment sur l’article IX a une incidence importante sur son étendue. La com-
pétence prévue par cette disposition est limitée aux différenhds relatifs à
l’interprétation, l’application ou l’exécution de la convhention sur le géno-
cide, y compris ceux relatifs à la responsabilité d’un Etat pouhr génocide
ou l’un quelconque des autres actes énumérés à l’artichle III. Dans l’arrêt
qu’elle a rendu en 2007 en l’affaire opposant la Bosnie -Herzégovine à la
Serbie, où l’article IX était également le seul fondement de compétence, la
Cour a expliqué que ledit article restreignait sa compétence aux différends
concernant le génocide et que, par conséquent, elle n’était
«pas habilitée à se prononcer sur des violations alléguées d’hautres o-bli
gations que les Parties tiendraient du droit international, violations qui
ne peuvent être assimilées à un génocide, en particulier s’agissant d’ob -li
gations visant à protéger les droits de l’homme dans un conflit armé. Il
en est ainsi même si les violations alléguées concernent des obhligations
relevant de normes impératives ou des obligations relatives à la phrot-ec
tion des valeurs humanitaires essentielles et que ces obligations peuvenht
s’imposererga omnes.» (Application de la convention pour la prévention
et la répression du crime de génocide (Bosnie‑Herzégovine c. Serbie‑
et‑Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 104, par. 147.)
Cela n’empêche pas la Cour de rechercher, dans sa motivation, s’hil y a eu
violation du droit international humanitaire ou du droit international
46
7 CIJ1077.indb 88 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 45
those relating to the responsibility of a State for genocide or for any h
of the other acts enumerated in Article III, shall be submitted to the
International Court of Justice at the request of any of the parties to
the dispute.”
As the Court noted in its 2008 Judgment,
“[t]he SFRY signed the Genocide Convention on 11 December 1948,
and deposited an instrument of ratification, without reservation, on
29 August 1950; it is common ground between the Parties that the
SFRY was thus a party to the Convention at the time in the 1990s
when it began to disintegrate into separate and independent States”
(I.C.J.Reports 2008, p. 446, para. 97).
Croatia deposited a notification of succession on 12 October 1992, which
it considers took effect from 8 October 1991, the date on which it came
into existence as a State. In its preliminary objections in the present pro -
ceedings, Serbia took the position that it became bound by the Genocide h
Convention only when the FRY deposited an instrument of accession
containing a reservation to Article IX on 12 March 2001. However, as
already noted, the Court held, in its 2008Judgment, that the FRY became
a party to the Convention on 27 April 1992 on the basis of the declara -
tion and Note referred to in paragraph 76, above, and was thus bound by
the obligations under the Convention (ibid., p. 451, para. 111 ; pp.454-455,
para. 117).
85. The fact that the jurisdiction of the Court in the present proceed -
ings can be founded only upon Article IX has important implications for
the scope of that jurisdiction. That Article provides for jurisdiction only
with regard to disputes relating to the interpretation, application or fhulfi-l
ment of the Genocide Convention, including disputes relating to the
responsibility of a State for genocide or for any of the other acts enumher-
ated in Article III of the Convention. As the Court explained in its
2007 Judgment in the proceedings between Bosnia and Herzegovina and
Serbia, in which Article IX was also the only basis for jurisdiction, Arti -
cle IX confines the Court to disputes regarding genocide. The Court thus
“has no power to rule on alleged breaches of other obligations under h
international law, not amounting to genocide, particularly those pro-
tecting human rights in armed conflict. That is so even if the allegedh
breaches are of obligations under peremptory norms, or of obliga -
tions which protect essential humanitarian values, and which may be
owed erga omnes .” (Application of the Convention on the Prevention
and Punishment of the Crime of Genocide (Bosnia and Herzegovina v.
Serbia and Montenegro), Judgment, I.C.J. Reports 2007 (I), p. 104,
para. 147.)
That does not prevent the Court from considering, in its reasoning,
whether a violation of international humanitarian law or international
46
7 CIJ1077.indb 89 18/04/16 08:54 46 application de convehntion génocide (arrêth)
relatif aux droits de l’homme, dans la mesure où cela lui serait uhtile pour
déterminer s’il y a eu violation d’une obligation découlant hde la conven -
tion sur le génocide.
86. La Cour doit toutefois rappeler, comme elle l’a fait en d’autres
occasions, que l’absence d’une cour ou d’un tribunal compétehnt pour
connaître des différends relatifs au respect d’une obligation imhposée par le
droit international n’affecte pas l’existence ou la force contraignhante de
cette obligation. Les Etats sont tenus de s’acquitter des obligations qui
leur incombent en droit international, y compris le droit international
humanitaire et le droit international relatif aux droits de l’homme, het
demeurent responsables des actes contraires au droit international qui
leur sont imputables (voir, par exemple, Activités armées sur le territoire
du Congo (nouvelle requête : 2002) (République démocratique du Congo
c. Rwanda), compétence et recevabilité, arrêt, C.I.J. Recueil 2006, p. 52-53,
par. 127, et Application de la convention pour la prévention et la répression
du crime de génocide (Bosnie‑Herzégovine c. Serbie‑et‑Monténégro), arrêt,
C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 104, par. 148).
87. En outre, puisque la compétence prévue par l’article IX est limitée
à « l’interprétation, l’application ou l’exécution de la … Convention, y
compris … à la responsabilité d’un Etat en matière de génocide ou dhe l’un
quelconque des autres actes énumérés à l’article III », elle ne s’étend pas
aux allégations concernant la violation du droit international coutumier
en matière de génocide. Bien entendu, il est constant que la Convehntion
consacre des principes qui font également partie du droit internationhal
coutumier. Ainsi, l’article premier dispose que « [l]es Parties contractantes
confirment que le génocide, qu’il soit commis en temps de paix ohu en
temps de guerre, est un crime du droit des gens ». La Cour a elle -même
rappelé maintes fois que la Convention énonçait des principes apparte -
nant au droit international coutumier. C’est ce qu’elle a soulignéh dans son
avis consultatif de 1951 :
«Les origines de la Convention révèlent l’intention des Nations
Unies de condamner et de réprimer le génocide comme « un crime de
droit des gens » impliquant le refus du droit à l’existence de groupes
humains entiers, refus qui bouleverse la conscience humaine, inflige dhe
grandes pertes à l’humanité, et qui est contraire à la fois hà la loi morale
et à l’esprit et aux fins des Nationsnies (résolution96 (I) de l’Assem -
blée générale, 11 décembre 1946). Cette conception entraîne une pre-
mière conséquence : les principes qui sont à la base de la Convention
sont des principes reconnus par les nations civilisées comme obligeanht
les Etats, même en dehors de tout lien conventionnel. Une deuxièmeh
conséquence est le caractère universel à la fois de la condamnahtion du
génocide et de la coopération nécessaire «pour libérer l’humanité d’un
fléau aussi odieux » (préambule de la Convention)
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . h . . . . . . . . . . . . . .
Les fins d’une telle convention doivent également être retenuhes. La
Convention a été manifestement adoptée dans un but purement
47
7 CIJ1077.indb 90 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 46
human rights law has occurred to the extent that this is relevant for the
Court’s determination of whether or not there has been a breach of anh
obligation under the Genocide Convention.
86. The Court must, however, recall — as it has done on previous
occasions — that the absence of a court or tribunal with jurisdiction to
resolve disputes about compliance with a particular obligation under
international law does not affect the existence and binding force of thath
obligation. States are required to fulfil their obligations under intehrna -
tional law, including international humanitarian law and international
human rights law, and they remain responsible for acts contrary to interh-
national law which are attributable to them (see, e.g., Armed Activities on
the Territory of the Congo (New Application: 2002) (Democratic Republic
of the Congo v. Rwanda), Jurisdiction and Admissibility, Judgment,
I.C.J. Reports 2006, pp. 52-53, para. 127, and Application of the Conven ‑
tion on the Prevention and Punishment of the Crime of Genocide (Bosnia
and Herzegovina v. Serbia and Montenegro), Judgment, I.C.J. Reports
2007 (I), p. 104, para. 148).
87. Furthermore, since Article IX provides for jurisdiction only with
regard to “the interpretation, application or fulfilment of the Conhvention,
including . . . the responsibility of a State for genocide or for any of the
other acts enumerated in Article III”, the jurisdiction of the Court does
not extend to allegations of violation of the customary international law
on genocide. It is, of course, well established that the Convention
enshrines principles that also form part of customary international law.
Article I provides that “[t]he Contracting Parties confirm that genocide,
whether committed in time of peace or in time of war, is a crime under
international law”. The Court has also repeatedly stated that the Conhven -
tion embodies principles that are part of customary international law.
That was emphasized by the Court in its 1951 Advisory Opinion :
“The origins of the Convention show that it was the intention of the
United Nations to condemn and punish genocide as ‘a crime under
international law’ involving a denial of the right of existence of enhtire
human groups, a denial which shocks the conscience of mankind and
results in great losses to humanity, and which is contrary to moral law
and the spirit and aims of the United Nations (resolution96 (I) of the
General Assembly, 11 December 1946). The first consequence arising
from this conception is that the principles underlying the Convention
are principles which are recognized by civilized nations as binding on
States, even without any conventional obligation. A second conse -
quence is the universal character both of the condemnation of geno -
cide and of the co -operation required ‘in order to liberate mankind
from such an odious scourge’ (Preamble to the Convention)
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . h . . . . . . . . . . . . . .
The objects of such a convention must also be considered. The
Convention was manifestly adopted for a purely humanitarian and
47
7 CIJ1077.indb 91 18/04/16 08:54 47 application de convehntion génocide (arrêth)
humain et civilisateur. On ne peut même pas concevoir une conven -
tion qui offrirait à un plus haut degré ce double caractère, puihsqu’elle
vise d’une part à sauvegarder l’existence même de certains ghroupes
humains, d’autre part à confirmer et à sanctionner les princihpes de
morale les plus élémentaires. » (Réserves à la convention pour la pré ‑
vention et la répression du crime de génocide, avis consultatif,
C.I.J. Recueil 1951, p. 23.)
La Cour a repris cet énoncé dans l’arrêt qu’elle a rendu hen l’affaire rela -
tive à l’Application de la convention pour la prévention et la répression d▯u
crime de génocide (Bosnie‑Herzégovine c. Serbie‑et‑Monténégro) (arrêt,
C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 110-111, par. 161). Elle a par ailleurs précisé
que la convention sur le génocide contenait des obligations erga omnes.
Enfin, elle a relevé que l’interdiction du génocide revêtait le caractère
d’une norme impérative (jus cogens) (Activités armées sur le territoire du
Congo (nouvelle requête : 2002) (République démocratique du Congo
c. Rwanda), compétence et recevabilité, arrêt, C.I.J. Recueil 2006, p. 31-32,
par. 64).
88. Par ailleurs, dans l’arrêt Congo c. Rwanda susmentionné, il est
expliqué ce qui suit :
«La Cour observe toutefois qu’elle a déjà eu l’occasion de sohuli -
gner que « l’opposabilité erga omnes d’une norme et la règle du
consentement à la juridiction sont deux choses différentes » (Timor
oriental (Portugal c. Australie), arrêt, C.I.J. Recueil 1995, p. 102,
par. 29), et que le seul fait que des droits et obligations erga omnes
seraient en cause dans un différend ne saurait donner compétence àh
la Cour pour connaître de ce différend.
Il en va de même quant aux rapports entre les normes impératives
du droit international général (jus cogens) et l’établissement de la
compétence de la Cour : le fait qu’un différend porte sur le respect
d’une norme possédant un tel caractère, ce qui est assurémenht le
cas de l’interdiction du génocide, ne saurait en lui -même fonder la
compétence de la Cour pour en connaître. En vertu du Statut de la h
Cour, cette compétence est toujours fondée sur le consentement desh
parties.» (Ibid.)
En l’espèce, la compétence de la Cour repose exclusivement sur hl’ar -
ticleIX de la convention sur le génocide et est en conséquence limitéhe aux
obligations imposées par la Convention elle -même. Lorsqu’un traité
énonce une obligation qui existe également en droit international hcoutu -
mier, l’obligation résultant du traité et celle du droit coutumhier demeurent
distinctes (Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre
celui‑ci (Nicaragua c. Etats‑Unis d’Amérique), fond, arrêt, C.I.J. Recueil
1986, p. 96, par. 179). En conséquence, à moins que le traité ne fasse
apparaître une intention différente, le fait que ce dernier sanctiohnne une
règle du droit international coutumier ne signifie pas que la claushe com -
promissoire qu’il contient permette de porter devant la Cour les difféh-
48
7 CIJ1077.indb 92 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 47
civilizing purpose. It is indeed difficult to imagine a convention thath
might have this dual character to a greater degree, since its object on h
the one hand is to safeguard the very existence of certain human
groups and on the other to confirm and endorse the most elementary
principles of morality.” (Reservations to the Convention on the Preven ‑
tion and Punishment of the Crime of Genocide, Advisory Opinion,
I.C.J. Reports 1951, p. 23.)
That statement was reaffirmed by the Court in Application of the Conven ‑
tion on the Prevention and Punishment of the Crime of Genocide (Bosnia
and Herzegovina v. Serbia and Montenegro) (Judgment, I.C.J. Reports
2007 (I), pp. 110-111, para. 161). In addition, the Court has made clear
that the Genocide Convention contains obligations erga omnes. Finally,
the Court has noted that the prohibition of genocide has the character ohf
a peremptory norm (jus cogens) (Armed Activities on the Territory of the
Congo (New Application : 2002) (Democratic Republic of the Congo v.
Rwanda), Jurisdiction and Admissibility, Judgment, I.C.J. Reports 2006,
pp. 31-32, para. 64).
88. Moreover, the above -mentioned Congo v. Rwanda Judgment
explains:
“The Court observes, however, as it has already had occasion to
emphasize, that ‘the erga omnes character of a norm and the rule of
consent to jurisdiction are two different things’ (East Timor (Portu ‑
gal v. Australia), Judgment, I.C.J.Reports 1995, p. 102, para. 29), and
that the mere fact that rights and obligations erga omnes may be at
issue in a dispute would not give the Court jurisdiction to entertain
that dispute.
The same applies to the relationship between peremptory norms of
general international law (jus cogens) and the establishment of the
Court’s jurisdiction : the fact that a dispute relates to compliance with
a norm having such a character, which is assuredly the case with
regard to the prohibition of genocide, cannot of itself provide a basis h
for the jurisdiction of the Court to entertain that dispute. Under the
Court’s Statute that jurisdiction is always based on the consent of thhe
parties.” (Ibid.)
In the present case, any jurisdiction which the Court possesses is derived
from Article IX of the Genocide Convention and is therefore confined to
obligations arising under the Convention itself. Where a treaty states ahn
obligation which also exists under customary international law, the treahty
obligation and the customary law obligation remain separate and distinct
(Military and Paramilitary Activities in and against Nicaragua (Nicara ‑
gua v. United States of America), Merits, Judgment, I.C.J. Reports 1986,
p. 96, para. 179). Accordingly, unless a treaty discloses a different inten -
tion, the fact that the treaty embodies a rule of customary internationahl
law will not mean that the compromissory clause of the treaty enables
disputes regarding the customary law obligation to be brought before theh
48
7 CIJ1077.indb 93 18/04/16 08:54 48 application de convehntion génocide (arrêth)
rends concernant l’obligation existant en droit coutumier. S’agisshant de
l’article IX de la convention sur le génocide, on ne discerne aucune inten -
tion à cet effet. Au contraire, son libellé indique clairement que hla compé-
tence qu’il prévoit est limitée aux différends concernant l’hinterprétation,
l’application ou l’exécution de la Convention, y compris ceux relatifs à la
responsabilité d’un Etat pour génocide ou tout autre acte prohihbé par la
Convention. Il n’offre aucun fondement permettant à la Cour de connhaître
d’un différend portant sur la violation supposée des obligationsh qu’im -
pose le droit international coutumier en matière de génocide.
89. Par conséquent, pour établir que la Cour a compétence à l’hégard de
la demande de la Croatie en ce qu’elle est fondée sur des faits alhlégués
antérieurs au 27 avril 1992, la demanderesse doit montrer que le différend
qui l’oppose à la Serbie à leur sujet concerne l’interpréhtation, l’application
ou l’exécution de la convention sur le génocide. Il ne suffit hpas que ces
faits aient pu emporter violation du droit international coutumier en
matière de génocide ; il faut que le différend se rapporte à des obligations
énoncées par la Convention elle -même.
* *
4) L’exception d’incompétence soulevée par la Serbie
a) La question de savoir si les dispositions de la Convention sont rétro▯‑
actives
90. Il appartient à la Cour de déterminer, sur la base des conclusions
des Parties et des arguments avancés à l’appui de ces conclusiohns, l’objet
du différend dont elle est saisie. En l’espèce, elle considèrhe que l’objet
principal du différend réside dans la question de savoir si la Serbhie est
responsable de violations de la convention sur le génocide et, dans lh’affir-
mative, si la Croatie peut invoquer cette responsabilité. Ainsi exposhé, le
différend paraît relever sans conteste de l’article IX.
91. La partie défenderesse avance que, dans la mesure où la demande
de la Croatie repose sur des actes supposés avoir été commis avhant que la
RFY devienne partie à la Convention, le 27 avril 1992 (et tel est le cas de
la grande majorité des allégations de la Croatie), elle se rapporhte à une
époque où celle -ci ne pouvait être opposée à la RFY (de sorte qu’aucune
violation de ladite Convention ne peut être attribuable à la Serbihe). Aussi
la Serbie soutient-elle que le différend concernant ces allégations ne peut
être considéré comme entrant dans le champ de l’article IX.
92. En réponse, la Croatie invoque ce qu’elle qualifie de présomption
en faveur de l’application rétroactive des clauses compromissoiresh, se
réclamant à cet égard de l’arrêt rendu par la Cour permanhente de Justice
internationale en l’affaire des Concessions Mavrommatis en Palestine
o o
(Grèce c. Royaume‑Uni) (arrêt n 2, 1924, C.P.J.I. série A, n 2, p. 35),
ainsi que l’absence de toute limitation temporelle à l’article IX de la
convention sur le génocide.
49
7 CIJ1077.indb 94 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 48
Court. In the case of Article IX of the Genocide Convention no such
intention is discernible. On the contrary, the text is quite clear that hthe
jurisdiction for which it provides is confined to disputes regarding thhe
interpretation, application or fulfilment of the Convention, includingh dis-
putes relating to the responsibility of a State for genocide or other achts
prohibited by the Convention. Article IX does not afford a basis on which
the Court can exercise jurisdiction over a dispute concerning an allegedh
violation of the customary international law obligations regarding geno -
cide.
89. Accordingly, in order to establish that the Court has jurisdiction
with regard to the claim of Croatia relating to events alleged to have
occurred prior to 27 April 1992, the Applicant must show that its dispute
with Serbia regarding these events is a dispute relating to the interprehta -
tion, application or fulfilment of the Genocide Convention. It is not h
enough that these events may have involved violations of the customary
international law regarding genocide ; the dispute must concern obliga -
tions under the Convention itself.
* *
(4) Serbia’s objection to jurisdiction
(a) Whether provisions of the Convention are retroactive
90. It is for the Court, on the basis of the submissions of the Parties,
and the arguments advanced in support thereof, to determine the subject -
matter of the dispute before it. In the present case, the Court considerhs
that the essential subject-matter of the dispute is whether Serbia is respon-
sible for violations of the Genocide Convention and, if so, whether Croa -
tia may invoke that responsibility. Thus stated, the dispute would appeahr
to fall squarely within the terms of Article IX.
91. Serbia maintains that, in so far as Croatia’s claim concerns acts
said to have occurred before the FRY became party to the Convention on
27 April 1992 (and the great majority of Croatia’s allegations concern
events before that date), the Convention was not capable of applying toh
the FRY (and, therefore, any breaches of it cannot be attributable to
Serbia). Accordingly, Serbia contends that the dispute regarding those h
allegations cannot be held to fall within the scope of Article IX.
92. In response, Croatia refers to what it describes as a presumption in
favour of the retroactive effect of compromissory clauses, which it main -
tains finds support in the Judgment of the Permanent Court of Interna -
tional Justice in the case of Mavrommatis Palestine Concessions (Greece v.
United Kingdom) (Judgment No. 2, 1924, P.C.I.J., Series A, No. 2, p. 35),
and to the absence of any temporal limitation in Article IX of the Geno-
cide Convention.
49
7 CIJ1077.indb 95 18/04/16 08:54 49 application de convehntion génocide (arrêth)
93. Dans l’arrêt qu’elle a rendu en l’espèce en 2008, la Cour a dit « que
la convention sur le génocide ne cont[enait] aucune disposition expresse
limitant sa compétence ratione temporis» (C.I.J. Recueil 2008, p. 458,
par. 123 ; voir aussi Application de la convention pour la prévention et la
répression du crime de génocide (Bosnie ‑Herzégovine c. Yougoslavie),
exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1996 (II), p. 617, par. 34).
Comme on le verra, l’absence de limitation temporelle à l’artichleIX n’est
pas sans conséquence, mais elle ne suffit pas, en soi, pour habilitehr la
Cour à connaître de la demande de la Croatie en ce qu’elle repohse sur des
faits supposés antérieurs au 27 avril 1992. L’article IX n’est pas une dis -
position générale sur le règlement des différends. La compéhtence qu’il pré-
voit est limitée aux différends entre les parties contractantes relhatifs à
l’interprétation, l’application ou l’exécution des disposhitions de fond de la
convention sur le génocide, y compris ceux relatifs à la responsabhilité
d’un Etat en matière de génocide ou de l’un quelconque des ahutres actes
énumérés à l’article III de la Convention. En conséquence, sa portée tem -
porelle est forcément liée à celle des autres dispositions de lha Convention.
94. Sur ce point, la Croatie fait valoir que certaines des dispositions de fhond
de la Convention, à tout le moins, s’appliquent à des faits survenus avant que
celle-ci entre en vigueur pour le défendeur. Elle soutient ainsi que l’ohbligation
de prévenir et de punir le génocide n’est pas limitée aux achtes de génocide
survenus après l’entrée en vigueur de la Convention pour l’Ehtat en cause, mais
«vaut quelle que soit l’époque à laquelle celui -ci est commis et non unique -
ment à l’égard du génocide à venir après l’entréhe en vigueur de la Convention
pour l’Etat concerné ». De son côté, la Serbie rejette l’idée que ces disposithions
aient pu avoir pour objectif d’imposer des obligations relativement ahux faits
survenus avant que l’Etat en cause soit partie à la Convention.
95. La Cour considère que l’obligation conventionnelle qui impose àh
l’Etat d’empêcher l’accomplissement d’un acte ne peut loghiquement s’appli -
quer à des événements antérieurs à la date à laquelle hcette obligation est
devenue opposable audit Etat; on ne saurait prévenir ce qui a déjà eu lieu.
La logique, tout comme la présomption, consacrée à l’articleh 28 de la
convention de Vienne sur le droit des traités, à l’encontre de hl’application
rétroactive des obligations conventionnelles, indique ainsi clairemenht que
l’obligation de prévenir le génocide ne vaut que pour les actesh qui pour -
raient être commis après l’entrée en vigueur de la conventiohn sur le géno-
cide pour l’Etat en cause. Rien dans celle -ci ou les travaux préparatoires ne
suggère une autre conclusion, pas plus que le fait que la Convention hait eu
pour objet de confirmer des obligations qui existaient déjà en dhroit intern -a
tional coutumier. L’Etat qui n’est pas encore partie à la Convehntion au
moment où sont commis des actes de génocide pourrait bien avoir viholé
l’obligation que lui faisait le droit international coutumier de préhvenir la
perpétration de tels actes, mais le fait de devenir ultérieurementh partie à la
Convention n’a pas pour effet de l’assujettir a posteriori à l’obligation
conventionnelle supplémentaire de prévenir la perpétration de thels actes.
96. Cet obstacle logique n’existe pas relativement à l’obligation chonven -
tionnelle de punir les actes accomplis avant l’entrée en vigueur dhu traité
50
7 CIJ1077.indb 96 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 49
93. In its 2008 Judgment in the present case, the Court stated “that
there is no express provision in the Genocide Convention limiting its juhris -
diction ratione temporis ” (I.C.J. Reports 2008, p. 458, para. 123; see also
Application of the Convention on the Prevention and Punishment of the
Crime of Genocide (Bosnia and Herzegovina v. Yugoslavia), Preliminary
Objections, Judgment, I.C.J. Reports 1996 (II), p. 617, para. 34). As will
be seen, the absence of a temporal limitation in Article IX is not without
significance but it is not, in itself, sufficient to establish jurisdhiction over
that part of Croatia’s claim which relates to events said to have occhurred
before 27 April 1992. Article IX is not a general provision for the settle -
ment of disputes. The jurisdiction for which it provides is limited to dhis -
putes between the Contracting Parties regarding the interpretation,
application or fulfilment of the substantive provisions of the Genocidhe
Convention, including those relating to the responsibility of a State fohr
genocide or for any of the acts enumerated in Article III of the Conven -
tion. Accordingly, the temporal scope of Article IX is necessarily linked to
the temporal scope of the other provisions of the Genocide Convention.
94. Croatia seeks to address that issue by arguing that some, at least, of
the substantive provisions of the Convention are applicable to events ochcur -
ring before it entered into force for the Respondent. Croatia maintains hthat
the obligation to prevent and punish genocide is not limited to acts of hge-no
cide occurring after the Convention enters into force for a particular State
but “is capable of encompassing genocide whenever occurring, rather thhan
only genocide occurring in the future after the Convention enters into fhorce
for a particular State”. Serbia, however, denies that these provisionhs were
ever intended to impose upon a State obligations with regard to events
which took place before that State became bound by the Convention.
95. The Court considers that a treaty obligation that requires a State
to prevent something from happening cannot logically apply to events
that occurred prior to the date on which that State became bound by
that obligation ; what has already happened cannot be prevented. Logic,
as well as the presumption against retroactivity of treaty obligations
enshrined in Article 28 of the Vienna Convention on the Law of Treaties,
thus points clearly to the conclusion that the obligation to prevent genho -
cide can be applicable only to acts that might occur after the Convention
has entered into force for the State in question. Nothing in the text ofh the
Genocide Convention or the travaux préparatoires suggests a different
conclusion. Nor does the fact that the Convention was intended to con -
firm obligations that already existed in customary international law. hA
State which is not yet party to the Convention when acts of genocide take
place might well be in breach of its obligation under customary interna -
tional law to prevent those acts from occurring but the fact that it subhse-
quently becomes party to the Convention does not place it under an
additional treaty obligation to have prevented those acts from taking
place.
96. There is no similar logical barrier to a treaty imposing upon a State
an obligation to punish acts which took place before that treaty came into
50
7 CIJ1077.indb 97 18/04/16 08:54 50 application de convehntion génocide (arrêth)
pour l’Etat concerné, et on trouve une telle obligation dans certains trai -
tés. Par exemple, la convention sur l’imprescriptibilité des crhimes de
guerre et des crimes contre l’homanité de 1968 (résolution de l’Assemblée
générale des Nations Unies n 2391 (XXIII); Nations Unies, Recueil des
traités (RTNU), vol. 754, p. 73) dispose en son article premier qu’elle
s’applique aux crimes qui en font l’objet, « quelle que soit la date à laquelle
ils ont été commis ». De même, le paragraphe 2de l’article2 de la conven-
tion européenne sur l’imprescriptibilité des crimes contre l’humanité et
des crimes de guerre de 1974 (Série des traités européens, n o 82) prévoit
que celle -ci s’applique aux infractions commises avant son entrée en
vigueur dans les cas où le délai de prescription n’est pas encohre venu à
expiration à cette date. Dans les deux cas, cependant, l’application du
texte en question aux actes survenus avant son entrée en vigueur faith l’ob -
jet d’une disposition expresse. Or on ne trouve rien de comparable dahns la
convention sur le génocide. Par ailleurs, les dispositions obligeant les
Etats à punir les actes de génocide (art. I et IV) sont nécessairement liées
à celles qui concernent l’obligation faite à chacun d’eux deh légiférer pour
donner effet aux dispositions de la Convention (art. V). Rien n’indique
que celle-ci visait à obliger les Etats à adopter des textes rétroactifs.h
97. L’historique des négociations ayant abouti à la Convention donnhe
également à penser que l’obligation de punir les actes de géhnocide, tout
comme les autres dispositions de fond de la Convention, était censéhe
valoir pour l’avenir et non pour les actes commis au cours de la secohnde
guerre mondiale ou à d’autres époques révolues. Ainsi, le rehprésentant de
la Tchécoslovaquie avait alors déclaré que la Convention devaith « conte -
nir des dispositions expresses affirmant la volonté des peuples de phunir
tous ceux qui seraient tentés à l’avenir de répéter les crimes atroces qui
ont été perpétrés » (Nations Unies, Documents officiels de l’Assemblée
générale, première partie, troisième session, Sixième Com▯mission, comptes
rendus analytiques de la 66 e séance, doc. A/C.6/SR.66, p. 30; les italiques
sont de la Cour). De même, le représentant des Philippines avait hajouté
qu’il « fa[llait] donc qu’ils puissent être châtiés à l’avenir » (ibid., comptes
rendus analytiques de la 95 eséance, doc. A/C.6/SR.95, p. 340; les italiques
sont de la Cour), tandis que celui du Pérou faisait valoir que le tehxte en
cours de négociation était destiné à « punir ceux qui, à l’avenir, se ren -
draient coupables d’infractions aux dispositionsede cette convention »
(ibid., comptes rendus analytiques de la 109 séance, doc. A/C.6/SR.109,
p. 498 ; les italiques sont de la Cour). Par contraste et malgré les évéhne -
ments qui ont précédé immédiatement l’adoption de la Convhention et
auxquels il a été abondamment fait référence, jamais n’a hété évoquée
l’idée que le texte à l’étude visait à obliger les Etahts à punir les actes de
génocide commis par le passé.
98. Enfin, la Cour rappelle que, dans l’arrêt qu’elle a rendu réhcemment
en l’affaire relative à des Questions concernant l’obligation de poursuivre ou
d’extrader (Belgique c. Sénégal) (arrêt, C.I.J. Recueil 2012 (II), p. 422),
elle a estimé que les dispositions analogues de la convention contre hla
torture, qui font aux Etats parties l’obligation de traduire devant lheurs
51
7 CIJ1077.indb 98 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 50
force for that State and certain treaties contain such an obligation. For
example, the Convention on the Non -Applicability of Statutory Limita -
tions to War Crimes and Crimes against Humanity, 1968 (United Nations
General Assembly resolution 2391 (XXIII) ; United Nations, Treaty Series
(UNTS), Vol. 754, p. 73), is applicable, according to its Article 1, to the
crimes specified therein “irrespective of the date of their commisshion”.
Similarly, Article 2 (2) of the European Convention on the Non -
Applicability of Statutory Limitations to Crimes against Humanity and
War Crimes, 1974 (European Treaty Series, No. 82), provides that the
Convention is applicable to offences committed before its entry into forche
in cases where the statutory limitation period had not expired at that thime.
In both those cases, however, the applicability of the relevant Conventihon
to acts which occurred before it entered into force is the subject of exhpress
provision. There is no comparable provision in the Genocide Convention.
Moreover, the provisions requiring States to punish acts of genocide (Ahrti -
cles I and IV) are necessarily linked to the obligation (in Article V) for
each State party to enact legislation for the purpose of giving effect toh the
provisions of the Convention. There is no indication that the Conventionh
was intended to require States to enact retroactive legislation.
97. The negotiating history of the Convention also suggests that the
duty to punish acts of genocide, like the other substantive provisions of
the Convention, was intended to apply to acts taking place in the future
and not to be applicable to those which had occurred during the Second
World War or at other times in the past. Thus, the representative of
Czechoslovakia stated that the Convention should “include express proh -
visions asserting the peoples’ desire to punish all those who, in the future,
might be tempted to repeat the appalling crimes which had been commit -
ted” (United Nations, Official Documents of the General Assembly, Part I,
Third Session, Sixth Committee, Minutes of the Sixty‑Sixth Meeting,
UN doc. A/C.6/SR.66, p. 30; emphasis added). Similarly, the representa -
tive of the Philippines stated that “[i]t was therefore essential to hprovide
for their punishment in [the] future” (ibid., Minutes of the Ninety‑Fifth
Meeting, UN doc. A/C.6/SR.95, p. 340; emphasis added) and the repre -
sentative of Peru described the Convention then under negotiation as oneh
“for the punishment of those who would be guilty of violating its prohvi -
sions in the future ” (ibid., Minutes of the Hundred and Ninth Meeting,
UN doc. A/C.6/SR.109, p. 498; emphasis added). By contrast, in spite of
the events immediately preceding the adoption of the Convention — to
which many references were made — there was no suggestion that the
Convention under consideration was intended to impose an obligation on
States to punish acts of genocide committed in the past.
98. Finally, the Court recalls that in its recent Judgment in Questions
relating to the Obligation to Prosecute or Extradite (Belgium v. Senegal)
(Judgment, I.C.J. Reports 2012 (II), p. 422), it held that the comparable
provisions of the Convention against Torture, which require each State
party to submit to their prosecuting authorities the cases of persons suhs -
51
7 CIJ1077.indb 99 18/04/16 08:54 51 application de convehntion génocide (arrêth)
autorités compétentes les personnes soupçonnées d’actes dhe torture, ne
s’appliquaient qu’aux actes commis après l’entrée en viguheur de la conve-n
tion pour l’Etat concerné, et ce, même si les actes en question étaient déjà
considérés comme des crimes au regard du droit international coutuhmier
(C.I.J. Recueil 2012 (II), p. 457, par. 99-100).
99. Pour soutenir que certaines des obligations de fond imposées par la
Convention sont rétroactives, la Croatie s’est intéressée auhx obligations
de prévenir et de punir le génocide. Or c’est la responsabilité de l’Etat, au
titre de la Convention, pour commission de génocide qui se trouve au h
cœur de la demande de la Croatie. La Cour estime que la Convention
n’est pas rétroactive à cet égard non plus. Soutenir le conthraire reviendrait
à ne tenir aucun compte de la règle énoncée à l’articlhe 28 de la conven -
tion de Vienne sur le droit des traités. Rien ne le permet, que ce soit
dans le texte de la Convention ou dans l’historique des négociations
de celle-ci.
100. La Cour conclut en conséquence que les dispositions de fond de la
Convention n’imposent, relativement aux actes censés avoir étéh commis
avant que l’Etat concerné ne devienne partie à celle -ci, aucune obligation
à ce dernier.
* *
101. Etant parvenue à cette conclusion, la Cour en vient à présent àh la
question de savoir si le différend concernant les actes supposés avhoir été
commis avant le 27 avril 1992 entre néanmoins dans le champ de la com -
pétence prévue à l’article IX. Comme elle l’a déjà mentionné (voir le para-
graphe 82 ci-dessus), la Croatie fait valoir deux moyens subsidiaires pour
établir que tel est bien le cas. Elle invoque à cet égard, d’hune part, le
paragraphe 2 de l’article 10 des Articles de la CDI sur la responsabilité de
l’Etat et, d’autre part, le droit relatif à la succession d’hEtats. La Cour
examinera successivement chacun de ces moyens.
b) Le paragraphe 2 de l’article 10 des Articles de la CDI sur la respon
sabilité de l’Etat
102. Le paragraphe 2 de l’article 10 des Articles de la CDI sur la res -
ponsabilité de l’Etat est reproduit ci-dessus au paragraphe 82. D’après la
Croatie, cette disposition fait partie du droit international coutumier.h Elle
soutient que, même si la RFY n’a vu le jour en tant qu’Etat queh le
27 avril 1992, sa proclamation n’a fait qu’officialiser une situation de fhait
déjà bien établie. Selon la Croatie, au cours de l’année 1991, les dirigeants
de la République de Serbie et autres partisans de ce qu’elle appelhle le
mouvement de la « Grande Serbie » auraient pris le contrôle de la JNA et
d’autres institutions de la RFSY, tout en assurant le commandement deh
leurs propres forces armées territoriales et diverses formations de milice et
de paramilitaires. C’est ce mouvement qui serait finalement parvenuh à
mettre en place un Etat distinct, la RFY. La Croatie soutient que, en ceh
52
7 CIJ1077.indb 100 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 51
pected of acts of torture, applied only to acts taking place after the Chon-
vention had entered into force for the State concerned, notwithstanding h
that such acts are considered crimes under customary international law
(I.C.J. Reports 2012 (II), p. 457, paras. 99-100).
99. In arguing that some of the substantive obligations imposed by the
Convention are retroactive, Croatia focused upon the obligations to pre -
vent and punish genocide. It is, however, the responsibility of a State h
under the Convention for the commission of acts of genocide that lies ath
the heart of Croatia’s claim. The Court considers that in this respecht also
the Convention is not retroactive. To hold otherwise would be to dis -
regard the rule expressed in Article 28 of the Vienna Convention on the
Law of Treaties. There is no basis for doing so in the text of the Convehn -
tion or in its negotiating history.
100. The Court thus concludes that the substantive provisions of the
Convention do not impose upon a State obligations in relation to acts
said to have occurred before that State became bound by the Convention.
* *
101. Having reached that conclusion, the Court now turns to the ques -
tion whether the dispute as to acts said to have occurred before
27 April 1992 nevertheless falls within the scope of jurisdiction under
Article IX. As the Court has already noted (see paragraph 82 above),
Croatia advances two alternative grounds for concluding that it does so.h
Croatia relies, first, upon Article 10 (2) of the ILC Articles on State
Responsibility, and, secondly, upon the law of State succession. The
Court will consider each of these arguments in turn.
(b) Article 10 (2) of the ILC Articles on State Responsibility
102. Article 10 (2) of the ILC Articles on State Responsibility has
already been quoted in paragraph 82, above. According to Croatia, that
provision is part of customary international law. Croatia maintains thath,
although the FRY was not proclaimed as a State until 27 April 1992, that
proclamation merely formalized a situation that was already established h
in fact. During the course of 1991, according to Croatia, the leadershiph of
the Republic of Serbia and other supporters of what Croatia describes ash
a “Greater Serbia” movement took control of the JNA and other insthitu -
tions of the SFRY, while also controlling their own territorial armed
forces and various militias and paramilitary groups. This movement was
eventually successful in creating a separate State, the FRY. Croatia conh -
tends that its claim in relation to events prior to 27 April 1992 is based
52
7 CIJ1077.indb 101 18/04/16 08:54 52 application de convehntion génocide (arrêth)
qui concerne les événements antérieurs au 27 avril 1992, sa demande
repose sur les agissements de la JNA et de ces autres formations et forches
armées, ainsi que des autorités politiques serbes, agissements atthribuables
au mouvement en question et, par application du principe énoncé auh
paragraphe 2 de l’article 10, à la RFY.
103. La Serbie rétorque que le paragraphe 2 de l’article 10 est le fruit
du développement progressif du droit et ne faisait pas partie du droiht
international coutumier en 1991-1992, ce qui le rend inapplicable en l’es -
pèce. En outre, même dans l’hypothèse contraire, il ne saurahit trouver
d’application dans les faits de l’espèce puisqu’il n’a exhisté aucun «mouve-
ment » qui soit parvenu à créer un nouvel Etat. Elle nie égalemenht que les
actes qui sous -tendent la demande de la Croatie puissent être imputés à
quelque entité pouvant être considérée comme un Etat serbe in statu nas‑
cendi au cours de la période précédant le 27 avril 1992. Enfin, elle soutient
que, même si le paragraphe 2 de l’article 10 pouvait trouver à s’appliquer,
il ne suffirait pas pour faire entrer dans le champ de l’article IX la partie
de la demande de la Croatie qui repose sur des faits qui auraient eu liehu
avant le 27 avril 1992. D’après elle, le paragraphe 2 de l’article 10 ne fait
qu’énoncer un principe d’attribution et n’a aucune incidenceh sur la
question de savoir quelles obligations s’imposent au nouvel Etat ou au
« mouvement» qui l’a précédé, et ne saurait donner aux obligations
conventionnelles contractées par l’Etat nouvellement constitué hun effet
rétroactif en y assujettissant les actes du « mouvement» prédécesseur,
même à considérer ces actes comme imputables au nouvel Etat. Elle
allègue en conséquence que, à supposer qu’un « mouvement» ait pu exis -
ter avant le 27 avril 1992, il n’était pas partie à la convention sur le géno-
cide et, partant, n’aurait pu être lié que par l’interdictiohn du génocide
existant en droit international coutumier.
104. La Cour considère que, même si le paragraphe 2 de l’article 10 des
Articles de la CDI sur la responsabilité de l’Etat pouvait êtreh regardé
comme déclaratoire du droit international coutumier à l’époqhue des faits,
ladite disposition ne concerne que l’attribution d’actes à l’hEtat nouvelle -
ment constitué; elle n’engendre pas d’obligations s’imposant à ce dernier h
ou au mouvement qui est parvenu à le créer. Elle est par ailleurs hsans effet
sur le principe énoncé à l’article 13 des mêmes Articles : «Le fait de l’Etat
ne constitue pas une violation d’une obligation internationale à mhoins
que l’Etat ne soit lié par ladite obligation au moment où le fahit se pro -
duit.»
En l’espèce, la RFY n’était pas liée par les obligations hénoncées dans la
convention sur le génocide tant qu’elle n’était pas devenue hpartie à cel-leci.
Dans son arrêt de 2008, la Cour a jugé que la succession avait été opérée
par la déclaration faite par la RFY le 27 avril 1992 et par la note portant
la même date (voir ci-dessus, le paragraphe 76). La date que porte la noti -
fication de succession a coïncidé avec celle de la constitution du nouvel
Etat. La Cour a déjà conclu, dans son arrêt de 2008, que la déclaration et
la note en date du 27 avril 1992 avaient eu le résultat suivant : «à compter
de cette date , la RFY serait liée, en tant que partie, par les obligations
53
7 CIJ1077.indb 102 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 52
upon acts by the JNA and those other armed forces and groups, as well
as the Serb political authorities, which were attributable to that move -
ment and thus, by operation of the principle stated in Article 10 (2), to
the FRY.
103. Serbia counters that Article 10 (2) represents progressive develop-
ment of the law and did not form part of customary international law in h
1991 -1992. It is therefore inapplicable to the present case. Furthermore,
even if Article 10 (2) had become part of customary law at that time, it is
not applicable to the facts of the present case, since there was no “hmove-
ment” that succeeded in creating a new State. Serbia also denies thath the
acts on which Croatia’s claim is based were attributable to an entityh that
might be regarded as a Serbian State in statu nascendi during the period
before 27 April 1992. Finally, Serbia contends that even if Article 10 (2)
were applicable, it would not suffice to bring within the scope of Artih -
cle IX that part of Croatia’s claim which concerns events said to have
occurred before 27 April 1992. According to Serbia, Article 10 (2) of the
ILC Articles is no more than a principle of attribution ; it has no bearing
on the question of what obligations bind the new State or the earlier
“movement”, nor does it make treaty obligations accepted by the nehw
State after its emergence retroactively applicable to acts of the pre -State
“movement”, even if it treats those acts as attributable to the nehw State.
On that basis, Serbia argues that any “movement” which might have h
existed before 27 April 1992 was not a party to the Genocide Convention
and could, therefore, only have been bound by the customary interna -
tional law prohibition of genocide.
104. The Court considers that, even if Article 10 (2) of the ILC Articles
on State Responsibility could be regarded as declaratory of customary
international law at the relevant time, that Article is concerned only with
the attribution of acts to a new State ; it does not create obligations bind -
ing upon either the new State or the movement that succeeded in estab-
lishing that new State. Nor does it affect the principle stated in Articlhe13
of the said Articles that : “An act of a State does not constitute a breach
of an international obligation unless the State is bound by the obligatihon
in question at the time the act occurs.”
In the present case, the FRY was not bound by the obligations con -
tained in the Genocide Convention until it became party to that Conven -
tion. In its 2008 Judgment, the Court held that succession resulted from
the declaration made by the FRY on 27 April 1992 and its Note of the
same date (see paragraph 76, above). The date on which the notification
of succession was made coincided with the date on which the new State
came into existence. The Court has already found, in its 2008 Judgment,
that the effect of the declaration and Note of 27 April 1992 was “that
from that date onwards the FRY would be bound by the obligations of a
53
7 CIJ1077.indb 103 18/04/16 08:54 53 application de convehntion génocide (arrêth)
découlant de toutes les conventions multilatérales auxquelles la RFSY
était partie au moment de sa dissolution » (.I.J. Recueil 2008, p. 454-455,
par. 117 (les italiques sont de la Cour)).
105. La RFY n’a donc été liée par la convention sur le génocidhe qu’à
compter du 27 avril 1992. Par conséquent, même si les actes antérieurs
au 27 avril 1992 et allégués par la Croatie étaient imputables à un «hmou -
vement» au sens du paragraphe 2 de l’article 10 des Articles de la CDI et
pouvaient, par application du principe y énoncé, être attribuéhs à la RFY,
ils ne sauraient être regardés comme contrevenant aux dispositions de la
convention sur le génocide, mais tout au plus comme violant seulementh
l’interdiction du génocide existant en droit international coutumiher.
Le paragraphe 2 de l’article 10 ne peut donc servir à faire entrer le diffé -
rend concernant ces actes dans le champ de l’article IX de la Convention.
Etant parvenue à cette conclusion, la Cour n’a pas besoin d’exahminer la
question de savoir si le paragraphe 2 de l’article 10 énonce un principe qui
faisait partie du droit international coutumier en 1991-1992 (ou par la
suite, du reste) ou si, dans l’affirmative, les conditions néceshsaires à son
application sont remplies en l’espèce.
* *
c) La succession à la responsabilité
106. La Cour abordera à présent le moyen subsidiaire de la Croatie
selon lequel la RFY a succédé à la responsabilité de la RFSYh. Ce moyen
présuppose que les actes antérieurs au 27 avril 1992 qu’invoque la Croatie
étaient imputables à la RFSY et contrevenaient aux obligations que la
convention sur le génocide imposait à cette dernière, laquelle hy était partie
à l’époque en cause. La Croatie soutient que, lorsque la RFY a succédé
aux obligations conventionnelles de la RFSY le 27 avril 1992, elle a éga -
lement succédé à la responsabilité déjà encourue par chelle -ci pour les vio-
lations de la Convention qui auraient été commises.
107. La Croatie invoque deux arguments distincts à l’appui de sa concl-uh
sion selon laquelle la RFY aurait succédé à la responsabilitéh de la RFSY.
En premier lieu, elle soutient que cette succession a eu lieu par applichation
des principes du droit international général concernant la successhion
d’Etats. Sur ce point, elle se fonde sur la sentence arbitrale rendue en l’Af ‑
faire relative à la concession des phares de l’Empire ottoman (Grè ▯ ce, France),
os
réclamations n 11 et 4, 24 juillet1956 (NationsUnies, Recueildes sentences
arbitrales (RSA), vol. XII, p. 155), qui a affirmé que la responsabilité de
l’Etat pouvait être dévolue au successeur lorsque les faits éhtaient tels qu’il
paraissait opportun de rendre ce dernier responsable des agissements rephro -
chés au premier. Le tribunal s’était alors dit d’avis que lah question de savoir
s’il y avait eu succession à la responsabilité dépendait desh faits propres à
chaque affaire. La Croatie soutient que les faits de l’espèce, marqhués par la
dissolution progressive de la RFSY dans le cadre d’un conflit arméh oppo -
54
7 CIJ1077.indb 104 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 53
party in respect of all the multilateral conventions to which the SFRY
had been a party at the time of its dissolution” (I.C.J. Reports 2008,
pp. 454-455, para. 117; emphasis added).
105. The FRY was, therefore, bound by the Genocide Convention
only with effect from 27 April 1992. Accordingly, even if the acts prior to
27 April 1992 on which Croatia relies were attributable to a “movement”,
within the meaning of Article 10 (2) of the ILC Articles, and became
attributable to the FRY by operation of the principle set out in that Arhti -
cle, they cannot have involved a violation of the provisions of the Genoh-
cide Convention but, at most, only of the customary international law
prohibition of genocide. Article 10 (2) cannot, therefore, serve to bring
the dispute regarding those acts within the scope of Article IX of the Con -
vention. That conclusion makes it unnecessary for the Court to consider h
whether Article 10 (2) expresses a principle that formed part of customary
international law in 1991 -1992 (or, indeed, at any time thereafter), or
whether, if it did so, the conditions for its application are satisfiehd in the
present case.
* *
(c) Succession to responsibility
106. The Court therefore turns to Croatia’s alternative argument that
the FRY succeeded to the responsibility of the SFRY. This argument is
based upon the premise that the acts prior to 27 April 1992 on which
Croatia bases its claim were attributable to the SFRY and in breach of
the SFRY’s obligations under the Genocide Convention to which it was,
at the relevant time, a party. Croatia then argues that, when the FRY
succeeded to the treaty obligations of the SFRY on 27 April 1992, it also
succeeded to the responsibility already incurred by the latter for theseh
alleged violations of the Genocide Convention.
107. Croatia advances two separate grounds on which it claims the
FRY succeeded to the responsibility of the SFRY. First, it claims that
this succession came about as a result of the application of the principhles
of general international law regarding State succession. In this contexth, it
relies upon the award of the arbitration tribunal in the Lighthouses Arbi ‑
tration between France and Greece, Claims No. 11 and 4, 24 July 1956
(United Nations, Reports of International Arbitral Awards (RIAA),
Vol. XII, p. 155), which stated that the responsibility of a State might be
transferred to a successor if the facts were such as to make it approprihate
to hold the latter responsible for the former’s wrongdoing. The tribuhnal
considered that whether there would be a succession to responsibility
would depend on the particular facts of each case. Croatia contends thath
the facts of the present case, in which the dissolution of the SFRY was ha
gradual process involving armed conflict between what became its
54
7 CIJ1077.indb 105 18/04/16 08:54 54 application de convehntion génocide (arrêth)
sant des entités qui allaient devenir Etats successeurs de celle -ci, dont les
forces armées, au cours de sa dernière année d’existence forhmelle, étaient en
grande partie contrôlées par l’une de ces entités ayant éhmergé comme Etat
successeur (la RFY), justifient la succession de la RFY à la resphonsabilité
encourue par la RFSY pour les actes des forces armées qui sont ultéhrieur -e
ment devenues des organes de la RFY. En second lieu, elle affirme que
celleci, par la déclaration du 27 avril 1992 dont il a déjà été question, a
indiqué qu’elle succédait non seulement aux obligations conventhionnelles
de la RFSY, mais aussi à la responsabilité encourue par cette dernhière pour
la violation de ces obligations conventionnelles.
108. La Serbie avance que ce moyen subsidiaire constitue une nouvelle
demande que la Croatie a introduite seulement à l’étape de la phrocédure
orale et qui, partant, est irrecevable. Dans l’hypothèse où la hCour accepte -
rait de l’examiner, elle fait valoir que, puisque ni l’article IX ni aucune
autre disposition de la convention sur le génocide ne traite de la déhvolu -
tion de responsabilité par succession, toute succession éventuelleh aurait été
régie par des principes extérieurs à ce texte, de sorte que le différend
concernant ceux-ci n’entrerait pas dans le champ de l’article IX. En tout
état de cause, elle soutient qu’il n’existe aucun principe de shuccession à la
responsabilité en droit international général. Elle fait valoirh que l’affaire
des Phares concernait la violation de droits privés découlant d’un accord
de concession et ne présente aucun intérêt pour ce qui est de lha responsa -
bilité résultant de prétendues violations de la convention sur le génocide.
Selon elle, la déclaration du 27 avril 1992 ne concerne que la succession
aux traités eux-mêmes et non la succession à la responsabilité. La Serbie
soutient par ailleurs que la succession aux droits et obligations de la hRFSY
est en tous points régie par l’accord sur les questions de successhion d2 e001
(RTNU, vol. 2262, p. 296), qui établit une procédure d’examen des récla -
mations pendantes contre la RFSY. Enfin, elle affirme que la Cour devhrait,
en tout état de cause, refuser d’exercer sa compétence sur le fhondement du
moyen subsidiaire avancé par la Croatie, en raison du principe énohncé
dans les arrêts rendus en l’affaire de l’Or monétaire pris à Rome en 1943
(Italie c. France, Royaume‑Uni et Etats‑Unis d’Amérique) ( question préli ‑
minaire, arrêt, C.I.J. Recueil 1954, p. 19) et en l’affaire relative au Timor
oriental (Portugal c. Australie) (arrêt, C.I.J. Recueil 1995, p. 90).
109. La Cour a déjà dit clairement qu’une partie demanderesse étahit
irrecevable à présenter une nouvelle demande qui aurait pour effet hde
modifier l’objet du différend ( Différend territorial et maritime entre le
Nicaragua et le Honduras dans la mer des Caraïbes (Nicaragua c. Hondu ‑
ras), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (II), p. 695, par. 108). Elle n’est toutefois
pas convaincue que, en avançant son argument fondé sur la successihon
d’Etats, la Croatie ait introduit en l’espèce une nouvelle demahnde. Elle a
déjà conclu que l’objet du différend résidait dans la queshtion de savoir si
la Serbie était responsable de violations de la convention sur le géhnocide
(voir le paragraphe 90 ci-dessus), notamment celles qui auraient été com -
mises avant le 27 avril 1992. Cette question doit être distinguée de la
manière dont cette responsabilité est censée avoir été enhgagée. La Croatie
55
7 CIJ1077.indb 106 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 54
successor States and in which one of the entities which emerged as a such-
cessor — the FRY — largely controlled the armed forces of the SFRY
during the last year of the latter’s formal existence, justify the suhccession
of the FRY to the responsibility incurred by the SFRY for the acts of
armed forces that subsequently became organs of the FRY. Secondly,
Croatia argues that the FRY, by the declaration of 27 April 1992 already
discussed, indicated not only that it was succeeding to the treaty obligha -
tions of the SFRY, but also that it succeeded to the responsibility incurred
by the SFRY for the violation of those treaty obligations.
108. Serbia maintains that this alternative argument is a new claim
introduced by Croatia only at the oral phase of the proceedings and is
hence inadmissible. In the event that the Court decides that it can entehr -
tain it, Serbia argues that neither Article IX, nor the other provisions of
the Genocide Convention, makes any provision for the transmission of
responsibility by succession, so that any succession would have to be byh
operation of principles outside the Convention and a dispute regarding
those principles would not therefore fall within the scope of Article IX. In
any event, Serbia contends that there is no principle of succession to
responsibility in general international law. It maintains that the Light ‑
houses case was concerned with the violation of private rights under a
concession contract and is of no relevance to responsibility for allegedh
violations of the Genocide Convention. According to Serbia, the declara -
tion of 27 April 1992 was concerned only with succession to the treaties
themselves and not with succession to responsibility. Serbia further main-
tains that all issues of succession to the rights and obligations of theh
SFRY are governed by the Agreement on Succession Issues, 2001 ( UNTS,
Vol. 2262, p. 251), which lays down a procedure for considering outstand-
ing claims against the SFRY. Finally, Serbia argues that the Court
should, in any event, decline to exercise jurisdiction on the alternative
basis advanced by Croatia, because of the principle enunciated by the
Court in its Judgments in Monetary Gold Removed from Rome in 1943
(Italy v. France, United Kingdom and United States of America) (Prelimi ‑
nary Question, Judgment, I.C.J. Reports 1954, p. 19) and East Timor
(Portugal v. Australia) (Judgment, I.C.J. Reports 1995, p. 90).
109. While the Court has made clear that an applicant may not intro -
duce a new claim which has the effect of transforming the subject -matter
of the dispute ( Territorial and Maritime Dispute between Nicaragua and
Honduras in the Caribbean Sea (Nicaragua v. Honduras), Judgment,
I.C.J. Reports 2007 (II), p. 695, para. 108), it is not persuaded that, in
advancing its argument regarding State succession, Croatia has intro -
duced a new claim into the proceedings. The Court has already stated
that the subject-matter of the dispute is whether or not Serbia is respon -
sible for violations of the Genocide Convention (see paragraph 90 above),
including those allegedly committed before 27 April 1992. The question
whether Serbia is responsible for such alleged violations must be distinh -
guished from the manner in which that responsibility is said to be
55
7 CIJ1077.indb 107 18/04/16 08:54 55 application de convehntion génocide (arrêth)
a initialement soutenu — et cela demeure son argument principal — que,
si la responsabilité de la RFY (et, partant, celle de la Serbie) avhait été
engagée à raison d’agissements qu’elle tient pour contraires à la Conven -
tion, c’était parce que ces agissements lui étaient directementh imputables.
Or ce que la Croatie avance à titre subsidiaire, c’est que, si lesdits agisse -
ments étaient imputables à la RFSY, la responsabilité de la RFY (et, par -
tant, celle de la Serbie) serait par ailleurs engagée par voie de succession.
La Croatie n’a donc pas introduit de nouvelle demande, mais fait valohir,
à l’appui de sa demande initiale, un nouveau moyen se rapportant à la
manière dont la responsabilité de la Serbie est censée avoir éhté engagée.
En outre, il s’agit non pas d’un nouveau titre de compétence, mhais seule -
ment de l’interprétation et de l’application du titre de compétence invo -
qué dans la requête, à savoir l’article IX de la convention sur le génocide.
110. Comme il est mentionné au paragraphe 77 ci-dessus, la Cour a fait
observer en 2008, lorsqu’elle a décidé que les exceptions soulevées par hla
Serbie relativement à la compétence et à la recevabilité ratione temporis
n’avaient pas un caractère exclusivement préliminaire, que les hquestions de
compétence et de fond étaient étroitement liées et qu’il hlui fallait disposer
d’éléments complémentaires pour être en mesure de se pronhoncer sur les
unes comme sur les autres. Maintenant que, après avoir pris connaissahnce
des pièces de procédure subséquentes des Parties et entendu leuhrs plaidoi -
ries, elle dispose de ces éléments supplémentaires, la Cour esth en mesure de
distinguer les questions auxquelles elle doit répondre afin de stathuer sur sa
compétence de celles qui ne relèvent que du fond à proprement pharler.
111. S’agissant de la compétence, la question à trancher se résumhe à
celle de savoir si le différend qui oppose les Parties relève de lah compé -
tence de la Cour en vertu de l’article IX de la convention sur le génocide.
Tel ne sera le cas que s’il concerne l’interprétation, l’apphlication ou l’exé-
cution de celle -ci, ce qui comprend la question de la responsabilité de
l’Etat pour génocide ou tout autre acte énuméré à l’harticle III de la
Convention.
112. Dans le cadre du différend, tel qu’il est analysé aux paragraphehs 90
et 109 ci-dessus, il est possible de définir un certain nombre de questions
en litige. Ainsi, en ce qui concerne le moyen subsidiaire de la Croatie,h il
incomberait à la Cour, afin de déterminer si la Serbie est respohnsable de
violations de la Convention, de décider :
1) si les actes allégués par la Croatie ont été commis et, le chas échéant,
s’ils contrevenaient à la Convention ;
2) dans l’affirmative, si ces actes étaient attribuables à la RFShY au
moment où ils ont été commis et ont engagé la responsabilitéh de cette
dernière ; et
3) à supposer que la responsabilité de la RFSY ait été engagéhe, si la RFY
a succédé à cette responsabilité.
S’il est admis de part et d’autre que bon nombre des actes alléhgués par la
Croatie (mais pas tous) ont effectivement eu lieu, les Parties ne s’haccordent
pas sur le point de savoir s’ils contrevenaient à la Convention. Ehn outre,
56
7 CIJ1077.indb 108 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 55
established. Croatia initially maintained — and continues to advance as
its principal argument — that the FRY (and, thus, Serbia) incurred
responsibility for the conduct which Croatia contends violated the Con -
vention, because that conduct was directly attributable to the FRY. How-
ever, Croatia also advances, as an alternative argument, that, if that
conduct was attributable to the SFRY, then the FRY (and, consequently, h
Serbia) incurred responsibility on the basis of succession. Croatia hash not,
therefore, introduced a new claim but advanced, in support of its originhal
claim, a new argument as to the manner in which Serbia’s responsibilihty
is said to be established. Moreover, that argument involves no new titleh of
jurisdiction but concerns the interpretation and application of the titlhe of
jurisdiction invoked in the Application, namely Article IX of the Geno -
cide Convention.
110. As noted at paragraph 77 above, the Court observed in 2008,
when deciding that Serbia’s objections to jurisdiction and admissibilhity
ratione temporis did not possess an exclusively preliminary character, that
the issues of jurisdiction and merits are closely related and the Court h
needed to have more elements before it in order to be in a position to
make findings on each of those issues. Now that the Court, having
received the further pleadings and heard the oral arguments of the Par -
ties, is in possession of those additional elements, it can distinguish hwhat
has to be decided in order to determine the question of jurisdiction frohm
those decisions which properly belong only to the merits.
111. In relation to jurisdiction, the question which has to be decided is
confined to whether the dispute between the Parties is one which fallsh
within the jurisdiction of the Court under Article IX of the Genocide
Convention. That dispute will do so only if it is one concerning the inther-
pretation, application or fulfilment of the Convention, which includesh di-s
putes relating to the responsibility of a State for genocide or for any hof
the other acts enumerated in Article III of the Convention.
112. Within the framework of the dispute, as analysed in paragraphs 90
and 109, above, it is possible to identify a number of contested points.
Thus, on Croatia’s alternative argument, in order to determine whethehr
Serbia is responsible for violations of the Convention, the Court would h
need to decide :
(1) whether the acts relied on by Croatia took place ; and, if they did,
whether they were contrary to the Convention ;
(2) if so, whether those acts were attributable to the SFRY at the time
that they occurred and engaged its responsibility ; and
(3) if the responsibility ofthe SFRY had been engaged, whether the FRY
succeeded to that responsibility.
While there is no dispute that many (though not all) of the acts reliehd
upon by Croatia took place, the Parties disagree over whether or not thehy
constituted violations of the Genocide Convention. In addition, Serbia
56
7 CIJ1077.indb 109 18/04/16 08:54 56 application de convehntion génocide (arrêth)
la Serbie rejette l’argument de la Croatie selon lequel sa responsabihlité
serait engagée pour ces actes, à un titre ou à un autre.
113. La question qu’il faut trancher afin de déterminer si la Cour esht
compétente pour connaître de la demande concernant les actes qui
auraient été commis avant le 27 avril 1992 est celle de savoir si le différend
qui oppose les Parties sur les trois points exposés au paragraphe préhcé -
dent relève de l’article IX. Les points en litige concernent l’interprétation,
l’application et l’exécution des dispositions de la convention hsur le géno-
cide. Il n’est pas question ici de donner un effet rétroactif à hces disposi -
tions. Les deux Parties conviennent que la RFSY était liée par la h
Convention à l’époque où les actes pertinents sont censés avoir été com -
mis. Les questions de savoir si ces actes contrevenaient aux dispositionhs
de la Convention et, le cas échéant, s’ils étaient attribuabhles à la RFSY et
ont donc engagé sa responsabilité, entrent sans contredit dans le hchamp
de la compétence ratione materiae prévue à l’article IX.
114. S’agissant du troisième point en litige, la question que la Cour ehst
invitée à trancher est celle de savoir si la RFY — et donc la Serbie — est
responsable d’actes de génocide et d’autres actes énuméréhs à l’articlI eII de
la Convention dont il est allégué qu’ils sont imputables à lha RFSY. L’ar-
ticle IX prévoit que la Cour a compétence pour connaître des « différends…
relatifs à l’interprétation, l’application ou l’exécuthion de … Convention,
y compris ceux relatifs à la responsabilité d’un Etat en matièhre de génocide
ou de l’un quelconque des autres actes énumérés à l’arhticle ». La Croatie
soutient que la Serbie est responsable des violations de la convention shur le
génocide qui, d’après elle, auraient été commises avant lhe 27 avril 1992.
Selon son moyen principal, cette responsabilité résulterait de l’hattribution
directe de ces violations à la RFY et, partant, à la Serbie, tandihs que, selon
son moyen subsidiaire (sur lequel porte la présente partie de l’ahrrêt), elle
aurait été dévolue par succession. La Cour relève que l’ahrticle IX aborde la
responsabilité de l’Etat de manière générale et ne contiehnt aucune limitation
s’agissant de la manière dont cette responsabilité est susceptihble d’être en-a
gée. Si les arguments avancés par la Croatie concernant la troisième ques -
tion définie au paragraphe112 ci-dessus soulèvent de sérieuses questions de
droit et de fait, ces questions relèvent de l’examen au fond. Ellehs n’auront
besoin d’être tranchées que si la Cour parvient à la conclushion que les actes
allégués par la Croatie contrevenaient à la Convention et éthaient, au
moment de leur commission, attribuables à la RFSY.
115. Certes, la question de savoir si, comme le soutient la Croatie,
l’Etat défendeur succède à la responsabilité de son Etat prédécesseur pour
violation de la Convention, est régie non pas par celle -ci, mais par les
règles du droit international général. Cela n’a néanmoinsh pas pour
effet d’exclure du champ de l’article IX le différend relatif au troisième
point. C’est ce qu’a expliqué la Cour dans l’arrêt qu’helle a rendu en 2007
en l’affaire Bosnie‑Herzégovine c. Serbie‑et‑Monténégro:
«Que la Cour tire sa compétence de l’article IX de la Convention
et que les différends qui relèvent de cette compétence portent shur
57
7 CIJ1077.indb 110 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 56
rejects Croatia’s argument that Serbia has incurred responsibility, ohn
whatever basis, for those acts.
113. What has to be decided in order to determine whether or not the
Court possesses jurisdiction with regard to the claim concerning acts sahid
to have taken place before 27 April 1992 is whether the dispute between
the Parties on the three issues set out in the preceding paragraph fallsh
within the scope of Article IX. The issues in dispute concern the interpre -
tation, application and fulfilment of the provisions of the Genocide Chon-
vention. There is no suggestion here of giving retroactive effect to the h
provisions of the Convention. Both Parties agree that the SFRY was
bound by the Convention at the time when it is alleged that the relevanth
acts occurred. Whether those acts were contrary to the provisions of theh
Convention and, if so, whether they were attributable to and thus engagehd
the responsibility of the SFRY are matters falling squarely within the
scope ratione materiae of the jurisdiction provided for in Article IX.
114. So far as the third issue in dispute is concerned, the question the
Court is asked to decide is whether the FRY — and, therefore, Serbia —
is responsible for acts of genocide and other acts enumerated in Arti -
cle III of the Convention allegedly attributable to the SFRY. Article IX
provides for the Court’s jurisdiction in relation to “[d]isputes . . . relating
to the interpretation, application or fulfilment of the . . . Convention,
including those relating to the responsibility of a State for genocide ohr for
any of the other acts enumerated in Article III”. Croatia’s contention is
that Serbia is responsible for the breaches of the Genocide Convention
which it maintains were committed before 27 April 1992. On Croatia’s
principal argument, that responsibility results from the direct attributhion
of those breaches to the FRY, and thus to Serbia, while on Croatia’s h
alternative argument (with which this part of the Judgment is concernedh),
responsibility is said to result from succession. The Court notes that Ahrti -
cle IX speaks generally of the responsibility of a State and contains no
limitation regarding the manner in which that responsibility might be
engaged. While Croatia’s arguments regarding the third issue identifihed in
paragraph 112 above raise serious questions of law and fact, those ques -
tions form part of the merits of the dispute. They would require a deci -
sion only if the Court finds that the acts relied upon by Croatia wereh
contrary to the Convention and were attributable to the SFRY at the
time of their commission.
115. It is true that whether or not the Respondent State succeeds, as
Croatia contends, to the responsibility of its predecessor State for viohla -
tions of the Convention is governed not by the terms of the Convention
but by rules of general international law. However, that does not take thhe
dispute regarding the third issue outside the scope of Article IX. As the
Court explained in its 2007 Judgment in the Bosnia and Herzegovina v.
Serbia and Montenegro case,
“[t]he jurisdiction of the Court is founded on Article IX of the Gen-
ocide Convention, and the disputes subject to that jurisdiction are
57
7 CIJ1077.indb 111 18/04/16 08:54 57 application de convehntion génocide (arrêth)
«l’interprétation, l’application ou l’exécution » de la Convention n’a
pas nécessairement pour conséquence que seule doive entrer en lignhe
de compte cette Convention. Afin de déterminer si, comme le sou -
tient le demandeur, le défendeur a violé l’obligation qu’il htient de la
Convention et, s’il y a eu violation, d’en déterminer les conséhquences
juridiques, la Cour fera appel non seulement à la Convention propre-
ment dite, mais aussi aux règles du droit international généralh qui
régissent l’interprétation des traités et la responsabilitéh de l’Etat pour
fait internationalement illicite. » ( C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 105,
par. 149.)
La Cour considère que les règles de succession susceptibles d’ehntrer en jeu
en l’espèce sont du même ordre que celles qui régissent l’hinterprétation
des traités et la responsabilité de l’Etat, et dont il est queshtion dans le
passage précité. La Convention elle -même ne précise pas les circonstances
dans lesquelles la responsabilité de l’Etat est engagée, qui dohivent dès lors
être déterminées au regard du droit international généralh. Le différend
relevant de l’articleIX ne cesse pas de faire partie de la catégorie des « dif-
férends … relatifs à l’interprétation, l’application ou l’exécution de la …
Convention, y compris ceux relatifs à la responsabilité d’un Ethat en
matière de génocide », en raison de la contestation, si vive soit-elle, dont
fait l’objet l’application, voire l’existence même d’une hrègle concernant tel
ou tel aspect de la responsabilité de l’Etat ou de la succession dh’Etats dans
le contexte d’allégations de génocide. Puisque le moyen subsidiaire de la
Croatie impose de trancher le point de savoir si la RFSY était responh -
sable d’actes de génocide qui auraient été commis alors qu’helle était partie
à la Convention, la conclusion de la Cour concernant la portée temhporelle
de l’articleIX ne constitue pas un obstacle à la compétence.
116. S’agissant des arguments de la Serbie tirés des arrêts rendus ehn
l’affaire de l’r monétaire pris à Rome en 1943 (Italie c. France, Royaume‑
Uni et Etats‑Unis d’Amérique) (question préliminaire, arrêt, C.I.J. Recueil
1954, p. 19) et en l’affaire relative au Timor oriental (Portugal c. Austra ‑
lie) (arrêt, C.I.J.Recueil 1995, p. 90), la Cour rappelle que ces arrêts ont
trait à un aspect de « l’un des principes fondamentaux de son Statut[, à
savoir] qu’elle ne peut trancher un différend entre des Etats sans que
ceux -ci aient consenti à sa juridiction » (ibid., p101, par. 26). Dans ces
deux affaires, elle a refusé d’exercer sa compétence pour statuehr sur la
demande, estimant que cela aurait été contraire au droit d’un Etat non
partie à l’instance à ce que la Cour ne se prononce pas sur sonh comporte-
ment sans son consentement. On ne saurait tenir pareil raisonnement en
ce qui concerne un Etat qui a cessé d’exister, comme c’est le chas de la
RFSY, puisque pareil Etat n’est plus titulaire d’aucun droit et n’ha plus la
capacité de donner ou de refuser de donner son consentement à la chom -
pétence de la Cour. Quant à la position des autres Etats successeuhrs de la
RFSY, la Cour n’a pas à se prononcer sur leur situation juridique pour
statuer sur la présente demande. Le principe évoqué par la Courh dans
l’affaire de l’Or monétaire ne s’applique donc pas (cf. Certaines terres à
58
7 CIJ1077.indb 112 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 57
those ‘relating to the interpretation, application or fulfilment’h of the
Convention, but it does not follow that the Convention stands alone.
In order to determine whether the Respondent breached its obliga -
tions under the Convention, as claimed by the Applicant, and, if a
breach was committed, to determine its legal consequences, the Court
will have recourse not only to the Convention itself, but also to the
rules of general international law on treaty interpretation and on
responsibility of States for internationally wrongful acts.”
(I.C.J. Reports 2007 (I), p. 105, para. 149.)
The Court considers that the rules on succession that may come into play
in the present case fall into the same category as those on treaty interhpre-
tation and responsibility of States referred to in the passage just quothed.
The Convention itself does not specify the circumstances that give rise hto
the responsibility of a State, which must be determined under general
international law. The fact that the application — or even the existence —
of a rule on some aspect of State responsibility or State succession in h
connection with allegations of genocide may be vigorously contested
between the parties to a case under Article IX does not mean that the
dispute between them ceases to fall within the category of “disputes . . .
relating to the interpretation, application or fulfilment of the [Genocide]
Convention, including those relating to the responsibility of a State fohr
genocide”. Since Croatia’s alternative argument calls for a determhination
whether the SFRY was responsible for acts of genocide allegedly commit-
ted when the SFRY was a party to the Convention, the Court’s conclu -
sion regarding the temporal scope of Article IX does not constitute a
barrier to jurisdiction.
116. With regard to Serbia’s arguments based on the Judgments in
Monetary Gold Removed from Rome in 1943 (Italy v. France ; United
Kingdom and United States of America) (Preliminary Question, Judgment,
I.C.J. Reports 1954, p. 19) and East Timor (Portugal v. Australia) (Judg‑
ment, I.C.J. Reports 1995, p. 90), the Court recalls that those Judgments
concern one aspect of “the fundamental principles of its Statute . . . that
it cannot decide a dispute between States without the consent of those
States to its jurisdiction” (ibid., p.101, para. 26). In both Monetary Gold
and East Timor, the Court declined to exercise its jurisdiction to adjudi -
cate upon the application, because it considered that to do so would havhe
been contrary to the right of a State not party to the proceedings not to
have the Court rule upon its conduct without its consent. That rationaleh
has no application to a State which no longer exists, as is the case withh
the SFRY, since such a State no longer possesses any rights and is inca -
pable of giving or withholding consent to the jurisdiction of the Court.h So
far as concerns the position of the other successor States to the SFRY, hit
is not necessary for the Court to rule on the legal situation of those Shtates
as a prerequisite for the determination of the present claim. The princihple
discussed by the Court in the Monetary Gold case is therefore inapplicable
58
7 CIJ1077.indb 113 18/04/16 08:54 58 application de convehntion génocide (arrêth)
phosphates à Nauru (Nauru c. Australie), exceptions préliminaires, arrêt,
C.I.J. Recueil 1992, p. 261-262, par. 55).
117. Ayant conclu dans son arrêt de 2008 que le présent différend rele-
vait de l’articleIX de la convention sur le génocide dans la mesure où il
se rapporte à des actes supposés avoir été commis après lhe 27 avril 1992,
la Cour en vient à présent à la conclusion que le différend ehntre également
dans le champ dudit article dans la mesure où il se rapporte à desh actes
qui seraient antérieurs à cette date, et qu’elle a compétenche pour connaître
de la demande de la Croatie dans son ensemble. Point n’est besoin, pohur
parvenir à cette conclusion, de trancher la question de savoir si la hRFY
et, partant, la Serbie ont effectivement succédé à la responsabihlité qu’au-
rait pu encourir la RFSY, ni de se prononcer sur celle de savoir si des h
actes contrevenant à la convention sur le génocide ont été chommis avant
le 27 avril 1992 ou, dans l’affirmative, à qui ils étaient imputables. Cesh
questions relèvent du fond et seront examinées, en tant que de beshoin,
dans les sections suivantes du présent arrêt.
* *
5) Recevabilité
118. La Cour en vient donc aux deux arguments subsidiaires avancés
par la Serbie concernant la recevabilité de la demande. Selon le premhier
de ces arguments, toute demande reposant sur des événements supposhés
être survenus avant que la RFY ne voie le jour en tant qu’Etat, leh
27 avril 1992, serait irrecevable. La Cour rappelle qu’elle a déjà conclhu,
dans son arrêt de 2008, que cet argument faisait intervenir des questions
relatives à l’attribution. Elle constate à présent qu’ellhe n’a pas à se pro -
noncer sur celles-ci avant d’avoir examiné au fond les actes allégués par la
Croatie.
119. Selon le second argument subsidiaire de la Serbie, à supposer
recevable une demande reposant sur des faits censés être survenus havant
que la RFY ne voie le jour en tant qu’Etat, la Croatie ne saurait invhoquer
des événements supposés antérieurs à la date à laquellhe elle est devenue
partie à la convention sur le génocide, soit au 8 octobre 1991. La Cour
fait observer que la Croatie n’a pas formulé des demandes distincthes pour
les événements survenus avant et après le 8 octobre 1991 ; elle a au
contraire présenté une demande unique faisant état d’une lighne de
conduite se durcissant au cours de l’année 1991, et a fait référence, pour
nombre de villes et de villages, à des actes de violence commis aussih bien
juste avant que juste après le 8octobre 1991. Dans ce contexte, il convient,
en tout état de cause, de tenir compte de ce qui s’est produit avahnt cette
date pour trancher la question de savoir si les événements survenuhs par la
suite ont emporté violation de la convention sur le génocide. Dèhs lors, la
Cour estime qu’il n’est point besoin de statuer sur le second arguhment
subsidiaire de la Serbie avant d’avoir examiné et apprécié lh’ensemble des
éléments de preuve fournis par la Croatie.
59
7 CIJ1077.indb 114 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 58
(cf. Certain Phosphate Lands in Nauru (Nauru v. Australia), Preliminary
Objections, Judgment, I.C.J. Reports 1992, pp. 261-262, para. 55).
117. Having concluded in its 2008 Judgment that the present dispute
falls within Article IX of the Genocide Convention in so far as it concerns
acts said to have occurred after 27 April 1992, the Court now finds that,
to the extent that the dispute concerns acts said to have occurred before
that date, it also falls within the scope of Article IX and that the Court
therefore has jurisdiction to rule upon the entirety of Croatia’s clahim. In
reaching that conclusion, it is not necessary to decide whether the FRY,h
and therefore Serbia, actually succeeded to any responsibility that mighht
have been incurred by the SFRY, any more than it is necessary to decide h
whether acts contrary to the Genocide Convention took place before
27 April 1992 or, if they did, to whom those acts were attributable. Those
questions are matters for the merits to be considered — to the extent nec-
essary — in the following sections of this Judgment.
* *
(5) Admissibility
118. The Court therefore turns to the two alternative arguments
advanced by Serbia regarding the admissibility of the claim. The firsth such
argument is that a claim based upon events said to have occurred before h
the FRY came into existence as a State on 27 April 1992 is inadmissible.
The Court recalls that it has already, in its 2008 Judgment, held that thhis
argument involves questions of attribution. The Court observes that it ihs
not necessary to determine these matters before it has considered on theh
merits the acts alleged by Croatia.
119. Serbia’s second alternative argument is that, even if a claim might
be admissible in relation to events said to have occurred before the FRYh
came into existence as a State, Croatia could not maintain a claim in rehla -
tion to events alleged to have taken place before it became a party to thhe
Genocide Convention on 8 October 1991. The Court observes that Croa-
tia has not made discrete claims in respect of the events before and afther
8 October 1991; rather, it has advanced a single claim alleging a pattern
of conduct increasing in intensity throughout the course of 1991 and hash
referred, in the case of many towns and villages, to acts of violence tahking
place both immediately prior to, and immediately following, 8 Octo-
ber 1991. In this context, what happened prior to 8 October 1991 is, in
any event, pertinent to an evaluation of whether what took place after
that date involved violations of the Genocide Convention. In these cir -
cumstances, the Court considers that it is not necessary to rule upon Sehr-
bia’s second alternative argument before it has examined and assessedh the
totality of the evidence advanced by Croatia.
59
7 CIJ1077.indb 115 18/04/16 08:54 59 application de convehntion génocide (arrêth)
B. La demande reconventionnelle de la Serbie
120. En ce qui a trait à la demande présentée à titre reconventiohnnel
par la Serbie, le paragraphe 1 de l’article 80 du Règlement de la Cour,
dans sa version adoptée le 14 avril 1978, laquelle, ainsi que la Cour l’a
déjà fait observer (voir le paragraphe 7 ci-dessus), s’applique en l’espèce
puisque la requête a été déposée avant le 1 er février 2001, est ainsi libellé :
«Une demande reconventionnelle peut être présentée pourvu qu’elle soit
en connexité directe avec l’objet de la demande de la partie adverhse et
qu’elle relève de la compétence de la Cour. »
121. Dans sa demande reconventionnelle, la Serbie soutient que la
Croatie a violé les obligations que lui imposait la convention sur leh géno-
cide par ses agissements envers la population serbe de la région de la Kra-
jina, en Croatie, et en omettant de punir ces agissements. La demande
reconventionnelle se rapporte exclusivement aux combats qui ont eu lieu h
à l’été1995 dans le cadre de ce que la Croatie a appelé l’opération «h Tem-
pête», et aux événements qui ont suivi. Au moment où ladite opéhration
«Tempête» a eu lieu, la Croatie comme la RFY étaient parties à la
Convention depuis plusieurs années. La Croatie ne conteste pas que la
demande reconventionnelle relève de ce fait de la compétence de lah Cour
en vertu de l’article IX de la Convention.
122. En ce qui concerne l’exigence de connexité directe de la demande
reconventionnelle avec l’objet de la demande principale, la Serbie sohutient
que sa demande pose « des questions de droit ayant trait à l’interprétation
de la convention sur le génocide … et d’autres questions connexes rela -
tives à la responsabilité de l’Etat découlant de la Conventihon et du droit
international général qui sont pour ainsi dire identiques» à celles que sou-
lève la demande principale, et que la demande principale et la demandhe
reconventionnelle se rapportent au même conflit armé et partagenht un
«cadre territorial et temporel commun ». La Croatie nie que la demande
reconventionnelle s’inscrive dans le même « cadre factuel» que celui de la
demande principale et relève ce qu’elle considère comme des diffhérences
notables, notamment le fait que les événements auxquels se rapporthe la
demande principale se sont déroulés dans une zone géographique bien
plus étendue et que la plupart ont eu lieu plus de deux ans avant lesh faits
sur lesquels repose la demande reconventionnelle.
123. La Cour fait néanmoins observer que la Croatie ne conteste pas la
recevabilité de la demande reconventionnelle, les différences factuhelles
invoquées visant plutôt à étayer les arguments qu’elle avance quant au
bien-fondé de ladite demande (sur lequel la Cour reviendra dans la par -
tieVI du présent arrêt). La Cour estime que la demande reconvention-
nelle est en connexité directe avec l’objet de la demande principahle, en fait
comme en droit. La convention sur le génocide constitue le fondement h
juridique de la demande principale comme de la demande reconvention -
nelle. En outre, à supposer établies les différences factuelles invoquées par
la Croatie, les hostilités qui se sont déroulées sur le territohire croate en
1991-1992 et auxquelles se rapportent la plupart des allégations figuranht
60
7 CIJ1077.indb 116 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 59
B. Serbia’s Counter‑Claim
120. With regard to the counter -claim made by Serbia, Article 80,
paragraph 1, of the Rules of Court as adopted on 14 April 1978, which,
as the Court has already noted (see paragraph 7, above), is applicable to
this case as the Application was submitted prior to 1 February 2001, pro-
vides that “[a] counter-claim may be presented provided that it is directly
connected with the subject-matter of the claim of the other party and that
it comes within the jurisdiction of the Court.”
121. In its counter-claim, Serbia alleges that Croatia violated its obli -
gations under the Genocide Convention by taking action, and failing to
punish the action taken, against the Serb population in the Krajina regihon
of Croatia. The counter -claim relates exclusively to the fighting which
took place in the summer of 1995 in the course of what was described by
Croatia as Operation Storm and its aftermath. By the time that Opera -
tion Storm took place, both Croatia and the FRY had been parties to the
Genocide Convention for several years. Croatia does not contest that theh
counter-claim thus falls within the jurisdiction of the Court under Arti -
cle IX of the Genocide Convention.
122. With regard to the requirement that the counter -claim be directly
connected with the subject-matter of the claim, Serbia maintains that the
counter-claim raises “virtually identical legal issues related to the inter -
pretation of the Genocide Convention . . . as well as related issues of
State responsibility arising under the Convention and general interna -
tional law” as those raised by the claim and that the claim and counther -
claim relate to the same armed conflict and share “a common territohrial
and temporal setting”. Croatia denies that the counter -claim is based on
the same “factual complex” as the claim and highlights what it maihntains
are a number of significant differences between them, including the facht
that the events to which the claim relates took place over a much wider
geographical area and that most of them occurred more than two years
before the events on which the counter -claim is based.
123. The Court notes, however, that Croatia does not submit that the
counter-claim is inadmissible ; the factual differences suggested by Croatia
are invoked in support of its arguments on the merits of the counter-claim
(something which will be considered in Part VI of this Judgment). The
Court considers that the counter -claim is directly connected with the
claim of Croatia both in fact and in law. The legal basis for both the
claim and the counter-claim is the Genocide Convention. Moreover, even
if one accepts that the factual differences suggested by Croatia exist, thhe
hostilities in Croatia in 1991-1992 that gave rise to most of the allegations
in the claim were directly connected with those in the summer of 1995,
not least because Operation Storm was launched as a response to what
60
7 CIJ1077.indb 117 18/04/16 08:54 60 application de convehntion génocide (arrêth)
dans la demande principale restent directement liées à celles de lh’été1995,
ne serait-ce que parce que l’opération «Tempête» a été lancée en réponse
à ce que la Croatie considérait comme l’occupation d’une parhtie de son
territoire par suite des affrontements antérieurs. La Cour conclut en h
conséquence que les exigences énoncées au paragraphe 1 de l’article 80 de
son Règlement sont remplies. L’article IX étant le seul fondement de
compétence invoqué pour ce qui concerne la demande reconventionnelhle,
les observations formulées aux paragraphes 85 à 88 ci-dessus valent aussi
bien pour cette dernière.
* * *
III. Le droit applicable : la convention sur lah prévention
et la répression du crhime de génocide
124. La convention sur le génocide, qui lie les Parties et sur la seule
base de laquelle la Cour est compétente pour connaître de la préhsente
affaire, constitue le droit applicable en l’espèce. Parconséquent, la Cour
n’a à se prononcer que sur les violations alléguées de cetteh Convention
(voir les paragraphes 85-88 ci-dessus).
125. En se prononçant sur des différends relatifs à l’interprétation, à
l’application ou à l’exécution de la Convention, y compris lha responsabi -
lité d’un Etat en matière de génocide, la Cour s’appuie shur la Convention
mais également sur les autres règles pertinentes du droit internathional, en
particulier celles régissant l’interprétation des traités eth la responsabilité
de l’Etat pour fait internationalement illicite. Par ailleurs, comme helle l’a
souligné dans son arrêt du 18 novembre 2008 relatif aux exceptions préli -
minaires dans la présente instance,
«[e]n règle générale — à moins qu’elle n’estime que des raisons très
particulières doivent la conduire à le faire —, la Cour ne s’écarte …
pas de sa jurisprudence, notamment lorsque des questions compa -
rables à celles qui se posent à elle ont été examinées dans des déci-
sions antérieures» (C.I.J. Recueil 2008, p. 449, par. 104).
A cet égard, la Cour rappelle qu’elle a examiné, dans son arrêht du
26 février 2007 en l’affaire Bosnie‑Herzégovine c. Serbie‑et‑Monténégro,
certaines questions comparables à celles dont elle est saisie en l’espèce.
Elle prendra cet arrêt en compte dans la mesure nécessaire au raishonne -
ment juridique dans la présente affaire. Cela ne l’empêchera cephendant
pas de compléter cette jurisprudence, en tant que de besoin, en foncthion
de l’argumentation échangée par les Parties dans la présenteh affaire.
126. Dans ses conclusions finales, la Croatie prie la Cour de conclure àh
la responsabilité de la Serbie pour des violations alléguées deh la Conven -
tion. Selon le demandeur, il faut distinguer la question de la détermhination
de la responsabilité internationale de cet Etat pour un ensemble de chrimes,
61
7 CIJ1077.indb 118 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 60
Croatia maintained was the occupation of part of its territory as a resuhlt
of the earlier fighting. The Court therefore concludes that the require -
ments of Article 80, paragraph 1, of the Rules of Court are satisfied. As
Article IX is the only basis for jurisdiction which has been advanced in
respect of the counter -claim, the comments made in paragraphs 85 to 88
above are equally applicable to the counter -claim.
* * *
III.Applicable Law: The Convention on the Prhevention
and Punishment of the Crihme of Genocide
124. The Genocide Convention, which is binding on the Parties, and
the sole basis on which the Court has jurisdiction, is the law applicablhe to
the present case. Accordingly, the Court can rule only on alleged breachhes
of that Convention (see paragraphs 85-88 above).
125. In ruling on disputes relating to the interpretation, application or
fulfilment of the Convention, including those relating to the responsihbility
of a State for genocide, the Court bases itself on the Convention, but ahlso
on the other relevant rules of international law, in particular those gov -
erning the interpretation of treaties and the responsibility of States fhor
internationally wrongful acts. Moreover, as it observed in its Judgment hof
18 November 2008 on the preliminary objections in the present case,
“[i]n general the Court does not choose to depart from previous finhd -
ings, particularly when similar issues were dealt with in the earlier
decisions . . . unless it finds very particular reasons to do so”
(I.C.J. Reports 2008, p. 449, para. 104).
In this connection, the Court recalls that, in its Judgment of 26 Febru-
ary 2007 in the Bosnia and Herzegovina v. Serbia and Montenegro case, it
considered certain issues similar to those before it in the present caseh. It
will take into account that Judgment to the extent necessary for its leghal
reasoning here. This will not, however, preclude it, where necessary, frhom
elaborating upon this jurisprudence, in light of the arguments of the Pahr -
ties in the present case.
126. In its final submissions, Croatia requests the Court to rule on Ser-
bia’s responsibility for alleged breaches of the Convention. Accordinhg to
the Applicant, a distinction must be drawn between the issue of Serbia’hs
international responsibility for a series of crimes, which is a matter fhor the
61
7 CIJ1077.indb 119 18/04/16 08:54 61 application de convehntion génocide (arrêth)
qui revient à la Cour dans cette affaire, de celle de l’établisshement d’une
éventuelle responsabilité individuelle pour des crimes donnés, hfonction
dévolue au Tribunal pénal international pour l’ex -Yougoslavie
(«TPIY»).
127. De son côté, la Serbie a relevé que l’arrêt rendu par la hCour
en 2007 s’est appuyé sur la jurisprudence du TPIY et que son analyse ha
pris comme point de départ la responsabilité pénale individuellhe et non la
responsabilité de l’Etat.
128. La Cour rappelle que, dans son arrêt de 2007, elle a souligné que,h
«pour que la responsabilité d’un Etat soit engagée pour violatiohn de
l’obligation luiincombant de ne pas commettre de génocide, encore doit-il
avoir été démontré qu’un génocide, tel que définih dans la Convention, a
été commis » ( C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 119, par. 180). Il peut s’agir
d’actes, attribuables à l’Etat, commis par une personne ou un ghroupe de
personnes, dont la responsabilité pénale individuelle a été hétablie au pré-
alable. Mais la Cour a envisagé aussi un autre cas de figure, celuih où «un
Etat peut voir sa responsabilité engagée en vertu de la Conventionh pour
génocide et complicité de génocide, sans qu’un individu ait hété reconnu
coupable de ce crime ou d’un crime connexe » ( ibid., p. 120, par. 182).
Dans l’une et l’autre de ces situations, la Cour applique les règles du
droit international général relatives à la responsabilité deh l’Etat pour fait
internationalement illicite. En particulier, aux termes de l’article 3 des
Articles de la CDI sur la responsabilité de l’Etat, qui reflèhte une règle
coutumière, « la qualification du fait d’un Etat comme internationalement
illicite relève du droit international. »
129. La responsabilité de l’Etat et la responsabilité pénale indihviduelle
obéissent à des régimes juridiques et poursuivent des objectifsh différents.
Dans le premier cas, il s’agit des conséquences de la violation pahr un Etat
des obligations que lui impose le droit international, alors que, dans lhe
second, il s’agit de la responsabilité d’un individu, établie en vertu des
règles de droit pénal, international et interne, et des sanctions hqui en
découlent pour lui.
Il appartient à la Cour, lorsqu’elle applique la Convention, de déhcider
si des actes de génocide ont été commis, mais il ne lui revienth pas de sta -
tuer sur la responsabilité pénale individuelle pour de tels actes.h Cette
tâche relève des tribunaux pénaux habilités à cet effet, dhans le respect de
procédures appropriées. Cela étant, la Cour prendra en considéhration, le
cas échéant, les décisions des tribunaux pénaux internationahux, en parti-
culier celles du TPIY, comme elle l’a fait en 2007, lorsqu’elle examinera
en l’espèce les éléments constitutifs du génocide. S’ihl est établi qu’un gén-o
cide a été commis, la Cour s’attachera à apprécier la reshponsabilité de
l’Etat, sur la base des règles de droit international général relatives à la
responsabilité de l’Etat pour fait internationalement illicite.
130. L’article II de la Convention définit le génocide dans les termes
suivants:
« Dans la présente Convention, le génocide s’entend de l’un quhel -
62
7 CIJ1077.indb 120 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 61
Court in this case, and that of individual responsibility for particular
crimes, which it is the function of the International Criminal Tribunal hfor
the former Yugoslavia (“ICTY”) to determine.
127. For its part, Serbia points out that the Court’s Judgment in 2007
was built upon the case law of the ICTY, and that its analysis used indi -
vidual criminal responsibility rather than State responsibility as the
starting-point.
128. The Court recalls that, in its 2007 Judgment, it observed that “if a
State is to be responsible because it has breached its obligation not toh
commit genocide, it must be shown that genocide as defined in the Con -
vention has been committed” (I.C.J. Reports 2007 (I), p. 119, para. 180).
It may consist of acts, attributable to the State, committed by a person or
a group of persons whose individual criminal responsibility has already h
been established. But the Court also envisaged an alternative scenario, hin
which “State responsibility can arise under the Convention for genocihde
and complicity, without an individual being convicted of the crime or an
associated one” (ibid., p. 120, para. 182).
In either of these situations, the Court applies the rules of general inhte-r
national law on the responsibility of States for internationally wrongfuhl
acts. Specifically, Article 3 of the ILC Articles on State Responsibility,
which reflects a rule of customary law, states that “[t]he charactehrization
of an act of a State as internationally wrongful is governed by interna -
tional law”.
129. State responsibility and individual criminal responsibility are gov-
erned by different legal régimes and pursue different aims. The former h
concerns the consequences of the breach by a State of the obligations
imposed upon it by international law, whereas the latter is concerned wihth
the responsibility of an individual as established under the rules of inhter-
national and domestic criminal law, and the resultant sanctions to be
imposed upon that person.
It is for the Court, in applying the Convention, to decide whether acts hof
genocide have been committed, but it is not for the Court to determine thhe
individual criminal responsibility for such acts. That is a task for theh crim-
nal courts or tribunals empowered to do so, in accordance with appropriahte
procedures. The Court will nonetheless take account, where appropriate, hof
the decisions of international criminal courts or tribunals, in particulhar
those of the ICTY, as it did in 2007, in examining the constituent elements
of genocide in the present case. If it is established that genocide has hbeen
committed, the Court will then seek to determine the responsibility of thhe
State, on the basis of the rules of general international law governing hthe
responsibility of States for internationally wrongful acts.
130. Article II of the Convention defines genocide in the following
terms :
“In the present Convention, genocide means any of the following
62
7 CIJ1077.indb 121 18/04/16 08:54 62 application de convehntion génocide (arrêth)
conque des actes ci -après, commis dans l’intention de détruire, en
tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux,
comme tel:
a) Meurtre de membres du groupe ;
b) Atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres hdu
groupe;
c) Soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence
devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ;
d) Mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe ;
e) Transfert forcé d’enfants du groupe à un autre groupe. »
Selon cette disposition, le génocide comporte deux éléments conhstitu -
tifs, l’élément matériel, soit les actes qui ont été chommis ou l’actus reus, et
l’élément moral ou la mens rea. Bien que distincts pour les besoins de
l’analyse, ces deux éléments sont liés. La détermination de l’actus reus
peut nécessiter un examen de l’intention. En outre, la caractérhisation des
actes et leur articulation les uns par rapport aux autres peuvent contrih -
buer à la déduction de l’intention.
131. La Cour définira tout d’abord l’intention de commettre le géhno -
cide avant d’analyser les questions juridiques soulevées par les ahctes visés
à l’articleII de la Convention.
A. La mens rea du génocide
132. L’«intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national,
ethnique, racial ou religieux, comme tel » est la composante propre du
génocide, qui le distingue d’autres crimes graves.
Elle est considérée comme dolus specialis, soit une intention spécifique
qui s’ajoute à celle propre à chacun des actes incriminés, phour constituer
le génocide (C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 121, par. 187).
133. En l’espèce, les Parties se sont opposées sur le sens et la porhtée de
la notion de « destruction» d’un groupe (1), sur le sens de la notion de
destruction « en partie » d’un groupe (2) et enfin sur la manifestation du
dolus specialis (3).
1) Le sens et la portée de la notion de « destruction» d’un groupe
a) La destruction physique ou biologique du groupe
134. La Croatie a soutenu que l’intention requise n’est pas limitée hà
celle de détruire physiquement le groupe en question, mais englobe auhssi
l’intention de faire en sorte qu’il cesse de fonctionner en tant qhu’entité.
Ainsi, selon la Croatie, un génocide, au sens de l’article II de la Conven -
tion, ne devrait pas nécessairement prendre la forme d’une destruchtion
physique du groupe. Elle en veut pour preuve le fait que certains des achtes
de génocide énumérés à l’article II de la Convention n’impliquent pas la
63
7 CIJ1077.indb 122 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 62
acts committed with intent to destroy, in whole or in part, a national, h
ethnical, racial or religious group, as such :
(a) Killing members of the group ;
(b) Causing serious bodily or mental harm to members of the group;
(c) Deliberately inflicting on the group conditions of life calculated
to bring about its physical destruction in whole or in part ;
(d) Imposing measures intended to prevent births within the group ;
(e) Forcibly transferring children of the group to another group.”
According to that Article, genocide contains two constituent elements :
the physical element, namely the act perpetrated or actus reus, and the
mental element, or mens rea. Although analytically distinct, the two ele -
ments are linked. The determination of actus reus can require an inquiry
into intent. In addition, the characterization of the acts and their muthual
relationship can contribute to an inference of intent.
131. The Court will begin by defining the intent to commit genocide,
before analysing the legal issues raised by the acts referred to in Article II
of the Convention.
A. The Mens Rea of Genocide
132. The “intent to destroy, in whole or in part, a national, ethnical,
racial or religious group as such” is the essential characteristic of geno -
cide, which distinguishes it from other serious crimes.
It is regarded as a dolus specialis, that is to say a specific intent, which,
in order for genocide to be established, must be present in addition to the
intent required for each of the individual acts involved (I.C.J. Reports
2007 (I), p. 121, para. 187).
133. In the present case, the Parties differ (1) on the meaning and scope
of “destruction” of a group, (2) on the meaning of destruction ohf a group
“in part”, and finally (3) on what constitutes the evidence ofh the dolus
specialis.
(1) The meaning and scope of “destruction” of a group
(a) Physical or biological destruction of the group
134. Croatia argues that the required intent is not limited to the intent
to physically destroy the group, but includes also the intent to stop ith
from functioning as a unit. Thus, according to Croatia, genocide as
defined in Article II of the Convention need not take the form of physical
destruction of the group. As evidence of this, it points out that some ohf
the acts of genocide listed in Article II of the Convention do not imply
the physical destruction of the group. By way of example, it cites “chausing
63
7 CIJ1077.indb 123 18/04/16 08:54 63 application de convehntion génocide (arrêth)
destruction physique du groupe. A titre d’exemples, elle renvoie àh
l’«atteinte grave à l’intégrité … mentale de membres du groupe », prévue
au litt. b) de l’article II, et au « transfert forcé d’enfants du groupe à un
autre groupe », prévu au litt. e) dudit article.
135. La Serbie, au contraire, rejette cette approche fonctionnelle de la
destruction du groupe, estimant que c’est l’intention de détruihre, au sens
physique, le groupe qui doit prévaloir même si les actes énuméhrés à l’ar -
ticle II peuvent parfois ne pas aller jusque -là.
136. La Cour constate que les travaux préparatoires de la Convention
révèlent que les rédacteurs ont envisagé à l’origine dheux types de géno -
cide, le génocide physique ou biologique, et le génocide culturel,h mais que
ce dernier concept a finalement été abandonné dans ce contexthe (Rapport
du comité spécial sur le génocide, 5 avril au 10 mai 1948, Nations Unies,
Procès‑verbaux officiels du Conseil économique et social, septiè▯me session,
supplément no 6, doc. E/794, et Nations Unies, Documents officiels de l’As‑
semblée générale, première partie, troisième session, Six▯ième Commission,
comptes rendus analytiques de la 83 e séance, doc. A/C.6/SR.83, p. 193-207).
Il a été décidé, en conséquence, de limiter le champ d’happlication de la
Convention à la destruction physique ou biologique du groupe (Rapporht
de la CDI sur les travaux de sa quarante -huitième session, Annuaire de la
Commission du droit international, 1996, vol. II, deuxième partie, p. 48,
par. 12, cité par la Cour dans son arrêt de 2007, C.I.J. Recueil 2007 (I),
p. 186, par. 344).
Il s’ensuit que la notion d’« atteinte grave à l’intégrité … mentale de
membres du groupe », au sens du litt. b) de l’article II, même si elle ne
concerne pas directement la destruction physique ou biologique de
membres du groupe, doit être considérée comme ne visant que lesh actes
accomplis dans l’intention de parvenir à la destruction physique ohu biolo -
gique du groupe, en tout ou en partie.
Quant au transfert forcé d’enfants d’un groupe à un autre, ahu sens du
litt.e) de l’article II, il peut également participer de l’intention de détruire
physiquement le groupe, en tout ou en partie, puisqu’il peut avoir dehs
conséquences sur sa capacité à se renouveler et, partant, à assurer à terme
sa pérennité.
b) L’ampleur de la destruction du groupe
137. La Croatie soutient que l’extermination du groupe n’est pas
requise selon la définition figurant à l’article II de la Convention. Elle
avance qu’il faut démontrer que l’auteur a l’intention de déhtruire le
groupe, en tout ou en partie, et que cette intention ne se traduit pas nhéces -
sairement par l’extermination de celui -ci. Elle a même soutenu qu’il suffi -
rait à cet égard d’un petit nombre de victimes, membres du groupe. Elle
s’est appuyée à cette fin sur les travaux préparatoires eth, en particulier, sur
la proposition d’amendement présentée par la délégation fhrançaise à la
Sixième Commission de l’Assemblée générale (Nations Unies, Documents
officiels de l’Assemblée générale, première partie, trois▯ième session, Sixième
64
7 CIJ1077.indb 124 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 63
serious . . . mental harm to members of the group” (subparagraph (b) of
Article II), and “forcibly transferring children of the group to another
group” (subparagraph (e) of that Article).
135. Serbia, on the contrary, rejects this functional approach to the
destruction of the group, taking the view that what counts is the intenth to
destroy the group in a physical sense, even if the acts listed in Articlhe II
may sometimes appear to fall short of causing such physical destruction.h
136. The Court notes that the travaux préparatoires of the Convention
show that the drafters originally envisaged two types of genocide, physi -
cal or biological genocide, and cultural genocide, but that this latter hcon-
cept was eventually dropped in this context (see Report of the Ad Hoc
Committee on Genocide, 5 April to 10 May 1948, United Nations, Pro ‑
ceedings of the Economic and Social Council, Seventh Session, Supplement
No. 6, UN doc. E/794 ; and United Nations, Official Documents of the
General Assembly, Part I, Third Session, Sixth Committee, Minutes of the
Eighty‑Third Meeting, UN doc. A/C.6/SR.83, pp. 193-207).
It was accordingly decided to limit the scope of the Convention to the
physical or biological destruction of the group (Report of the ILC on the
Work of Its Forty -Eighth Session, Yearbook of the International Law
Commission, 1996, Vol. II, Part Two, pp. 45-46, para. 12, quoted by the
Court in its 2007 Judgment, I.C.J. Reports 2007 (I), p. 186, para. 344).
It follows that “causing serious . . . mental harm to members of the
group” within the meaning of Article II (b), even if it does not directly
concern the physical or biological destruction of members of the group,
must be regarded as encompassing only acts carried out with the intent ohf
achieving the physical or biological destruction of the group, in whole hor
in part.
As regards the forcible transfer of children of the group to another
group within the meaning of Article II (e), this can also entail the intent
to destroy the group physically, in whole or in part, since it can have h
consequences for the group’s capacity to renew itself, and hence to ehnsure
its long-term survival.
(b) Scale of destruction of the group
137. Croatia contends that the extermination of the group is not
required according to the definition of genocide as set out in Articleh II of
the Convention. It argues that there is a requirement to prove that the h
perpetrator intended to destroy the group, in whole or in part, and thath
that intent need not necessarily involve the extermination of the group.
Croatia has even argued that a small number of victims who are members
of the group would suffice, citing the travaux préparatoires, and in par -
ticular the draft amendment proposed by the French delegation to the
Sixth Committee of the General Assembly (United Nations, Official Doc‑
uments of the General Assembly, Part I, 3rd Session, Sixth Committee,
64
7 CIJ1077.indb 125 18/04/16 08:54 64 application de convehntion génocide (arrêth)
Commission, comptes rendus analytiques de la 73 e séance, p. 90-91,
doc. A/C.6/SR.73, et ibid., Annexe aux comptes rendus analytiques de la
224 e séance, p. 22, doc. A/C.6/224), même si cette proposition a finale -
ment été retirée.
Selon la Serbie, l’extermination, en tant que crime contre l’humanhité, peut
être apparentée au génocide en ce qu’ils visent tous les deuhx un nombre élevé
de victimes. La Serbie admet que, pour démontrer l’existence d’hun génocide,
il est nécessaire de prouver que les actes ont été commis dans hl’intention de
détruire physiquement le groupe. Elle avance néanmoins que, en préhsence de
preuves d’extermination du groupe, il est « bien plus aisé d’en déduire l’in-
tention de détruire physiquement le groupe pris pour cible »; à l’inverse,
lorsqu’aucun élément ne démontre qu’il y a eu exterminatihon, elle estime
qu’il «sera très difficile, à défaut d’autres éléments de preuve convaincants»,
de démontrer l’existence d’une intention génocidaire.
138. Selon la Cour, l’article II de la Convention, y compris les termes
«commis dans l’intention de détruire », «doit être interprété de bonne foi
suivant le sens ordinaire à attribuer aux termes du traité dans lehur contexte
et à la lumière de son objet et de son but », ainsi que le prévoit la règle
coutumière reflétée à l’article 31 de la convention de Vienne sur le droit
des traités.
139. Le préambule de la convention sur le génocide souligne que le
«génocide a infligé de grandes pertes à l’humanité » et que les parties
contractantes se fixent pour objectif de « libérer l’humanité d’un fléau
aussi odieux ». Comme la Cour l’a relevé en 1951 et rappelé en 2007, la
Convention vise notamment à sauvegarder « l’existence même de certains
groupes humains » (éserves à la convention pour la prévention et la répres ‑
sion du crime de génocide, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1951, p. 23,
et Application de la convention pour la prévention et la répression d▯u crime
de génocide (Bosnie‑Herzégovine c. Serbie‑et‑Monténégro), arrêt, C.I.J.
Recueil 2007 (I), p. 125, par. 194).
La Cour rappelle qu’elle a jugé, en 2007, que l’intention de détruire un
groupe national, ethnique, racial ou religieux comme tel est spécifihque au
génocide, et le distingue d’autres crimes qui lui sont apparentéhs comme les
crimes contre l’humanité et la persécution (C.I.J. Recueil 2007 (I),
p. 121-122, par. 187-188).
Dans la mesure où c’est le groupe, en tout ou en partie, qui est lh’objet
de l’intention génocidaire, la Cour considère qu’une telle intention peut
difficilement être établie par la commission d’actes isolésh. Elle estime que,
en l’absence de preuve directe, il doit exister suffisamment d’actes qui
démontrent non seulement l’intention de viser certaines personnes,h en rai -
son de leur appartenance à un groupe particulier, mais aussi celle deh
détruire, en tout ou en partie, le groupe lui -même.
2) Le sens de la notion de destruction « en partie» du groupe
140. La Croatie admet que, selon la jurisprudence de la Cour et des
tribunaux pénaux internationaux, « l’intention de détruire … en partie l»
65
7 CIJ1077.indb 126 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 64
Minutes of the Seventy‑Third Meeting, pp. 90-91, doc. A/C.6/SR.73 ; and
ibid. Annex to the Minutes of the Two‑Hundred and Twenty‑Fourth Meet ‑
ing, p. 22, doc. A/C.6/224), even though that proposal was ultimately
withdrawn.
According to Serbia, extermination, as a crime against humanity, may
be related to genocide in that both crimes are directed against a large h
number of victims. It accepts that, in order to demonstrate the existenche
of genocide, it is necessary to prove that the acts were committed with hthe
intent to destroy the group physically. It argues, however, that, where h
there is evidence of extermination, “the deduction that the perpetrathor
intended the physical destruction of the targeted group will be much morhe
plausible”. Conversely, where there is no evidence of extermination, hthis
deduction of genocidal intent “will be implausible, absent other comphel -
ling evidence”.
138. The Court considers that Article II of the Convention, including
the phrase “committed with intent to destroy”, must be “interprheted in
good faith in accordance with the ordinary meaning to be given to the
terms of the treaty in their context and in the light of its object and hpur -
pose”, as prescribed by customary law as reflected in Article 31 of the
Vienna Convention on the Law of Treaties.
139. The Preamble to the Genocide Convention emphasizes that “geno-
cide has inflicted great losses on humanity”, and that the contracthing par -
ties have set themselves the aim of “liberat[ing] mankind from such ahn
odious scourge”. As the Court noted in 1951 and recalled in 2007, an
object of the Convention was the safeguarding of “the very existence hof
certain human groups” (Reservations to the Convention on the Prevention
and Punishment of the Crime of Genocide, Advisory Opinion, I.C.J. Reports
1951, p. 23, and Application of the Convention on the Prevention and Pun ‑
ishment of the Crime of Genocide (Bosnia and Herzegovina v. Serbia and
Montenegro), Judgment, I.C.J. Reports 2007 (I), p. 125, para. 194).
The Court recalls that, in 2007, it held that the intent to destroy a
national, ethnic, racial or religious group as such is specific to genhocide
and distinguishes it from other related criminal acts such as crimes agahinst
humanity and persecution (I.C.J. Reports 2007 (I), pp. 121-122,
paras. 187-188).
Since it is the group, in whole or in part, which is the object of the
genocidal intent, the Court is of the view that it is difficult to estahblish
such intent on the basis of isolated acts. It considers that, in the abshence
of direct proof, there must be evidence of acts on a scale that establishhes
an intent not only to target certain individuals because of their memberh -
ship to a particular group, but also to destroy the group itself in wholhe or
in part.
(2) The meaning of destruction of the group “in part”
140. Croatia accepts that, according to the case law of the Court and of
the international criminal tribunals, “the intent to destroy . . . in part” the
65
7 CIJ1077.indb 127 18/04/16 08:54 65 application de convehntion génocide (arrêth)
groupe protégé concerne une partie substantielle de celui -ci. Mais elle
conteste l’approche purement quantitative de ce critère, en considérant
qu’il faut mettre l’accent sur la localisation géographique de hla partie du
groupe, dans une région, une sous -région ou une communauté, ainsi que
sur l’opportunité qui s’offre aux auteurs du crime de la détrhuire.
141. La Serbie s’en tient au critère selon lequel la partie visée duh groupe
doit être substantielle et à la jurisprudence établie à ce shujet, même
si elle convient qu’il pourrait être pertinent d’examiner la question de
l’opportunité.
142. La Cour rappelle que la destruction « en partie» du groupe au
sens de l’article II de la Convention doit être appréciée en fonction de
plusieurs critères. A cet égard, elle a estimé en 2007 que « l’intention doit
être de détruire au moins une partie substantielle du groupe »
(C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 126, par. 198), et qu’il s’agit d’un critère
«déterminant» (ibid., p. 127, par. 201). Elle a également relevé « qu’il est
largement admis qu’il peut être conclu au génocide, lorsque l’intention est
de détruire le groupe au sein d’une zone géographique précishe » (ibid.,
p. 126, par. 199) et que, par conséquent, « [l]a zone dans laquelle l’auteur
du crime exerce son activité et son contrôle doit être prise enh considéra -
tion » (ibid., p. 126-127, par. 199). Il convient également de prendre en
compte la place de la partie du groupe qui serait visée au sein du grhoupe
tout entier. En ce qui concerne ce critère, la chambre d’appel du hTPIY a
précisé dans l’arrêt rendu en l’affaire Krstić que,
«[s]i une portion donnée du groupe est représentative de l’ensemhble
du groupe, ou essentielle à sa survie, on peut en conclure qu’elleh est
substantielle au sens de l’article 4 du Statut [du TPIY, dont le para -
graphe 2 reprend pour l’essentiel l’article II de la Convention] »
(IT-98-33-A, arrêt du 19 avril 2004, par. 12, note de bas de page
omise, cité dans C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 127, par. 200).
La Cour, en 2007, a estimé qu’il revient au juge d’apprécier ces éléh -
ments dans chaque espèce (ibid., p. 127, par. 201). Il en découle que, afin
de décider si la partie qui serait visée était substantielle pahr rapport à
l’ensemble du groupe protégé, la Cour tiendra compte de l’élément quan -
titatif ainsi que de la localisation géographique et de la place occuhpée par
cette partie au sein du groupe.
3) La manifestation du dolus specialis
143. Les Parties admettent que le dolus specialis est à rechercher, d’abord,
dans les éléments de la politique de l’Etat, même si elles ehstiment qu’une
telle intention s’exprimera rarement de manière expresse. Elles cohnviennent
qu’à titre subsidiaire le dolus specialis peut être établi par preuve indirecte,
c’est-à-dire déduit ou inféré de certains comportements. Elles divergenht,
cependant, sur le nombre et la qualité des comportements requis à hcette fin.
144. La Croatie estime que ce genre de comportement peut être le fait
d’un nombre restreint de personnes identifiées, alors que la Serbie s’ap -
66
7 CIJ1077.indb 128 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 65
protected group relates to a substantial part of that group. However, ith
objects to a purely numerical approach to this criterion, arguing that thhe
emphasis should be on the geographical location of the part of the grouph,
within a region, or a subregion or a community, as well as the opportunih-
ties presented to the perpetrators of the crime to destroy the group.
141. Serbia focuses on the criterion that the targeted part of the group
must be substantial and on the established case law in that regard, while
accepting that it might be relevant to consider the issue of opportunityh.
142. The Court recalls that the destruction of the group “in part”
within the meaning of Article II of the Convention must be assessed by
reference to a number of criteria. In this regard, it held in 2007 that h“the
intent must be to destroy at least a substantial part of the particular
group” (I.C.J. Reports 2007 (I), p. 126, para. 198), and that this is a
“critical” criterion (ibid., p. 127, para. 201). The Court further noted that
“it is widely accepted that genocide may be found to have been commith -
ted where the intent is to destroy the group within a geographically limh -
ited area” (ibid., p. 126, para. 199) and that, accordingly, “[t]he area of
the perpetrator’s activity and control are to be considered” (ibid., pp. 126-
127, para. 199). Account must also be taken of the prominence of the
allegedly targeted part within the group as a whole. With respect to thihs
criterion, the Appeals Chamber of the ICTY specified in its Judgment
rendered in the Krstić case that
“[i]f a specific part of the group is emblematic of the overall grohup,
or is essential to its survival, that may support a finding that the phart
qualifies as substantial within the meaning of Article 4 [of the ICTY
Statute, paragraph 2 of which essentially reproduces Article II of the
Convention]” (IT-98-33-A, Judgment of 19 April 2004, para. 12, ref -
erence omitted, cited in I.C.J. Reports 2007 (I), p. 127, para. 200).
In 2007, the Court held that these factors would have to be assessed in h
any particular case ( ibid., p. 127, para. 201). It follows that, in evaluating
whether the allegedly targeted part of a protected group is substantial hin
relation to the overall group, the Court will take into account the quanhti-
tative element as well as evidence regarding the geographic location and
prominence of the allegedly targeted part of the group.
(3) Evidence of the dolus specialis
143. The Parties agree that the dolus specialis is to be sought, first, in
the State’s policy, while at the same time accepting that such intenth will
seldom be expressly stated. They agree that, alternatively, the dolus spe‑
cialis may be established by indirect evidence, i.e., deduced or inferred
from certain types of conduct. They disagree, however, on the number
and nature of instances of such conduct required for this purpose.
144. Croatia considers that conduct of this kind may be reflected in the
actions of a small number of identified individuals, whereas Serbia cihtes
66
7 CIJ1077.indb 129 18/04/16 08:54 66 application de convehntion génocide (arrêth)
puie sur les Eléments des crimes, adoptés en application du Statut de
Rome de la Cour pénale internationale, qui évoquent « une série mani -
feste de comportements analogues dirigés contre [le] groupe ». La défen-
deresse estime que cela exclut la possibilité du génocide commis par un
seul individu ou un petit nombre d’individus.
145. En dehors de l’existence d’un plan de l’Etat exprimant l’inthention
de commettre un génocide, il convient, selon la Cour, de clarifier hle pro -
cessus par lequel une telle intention peut être inférée de comphortements
individuels des auteurs des actes envisagés à l’article II de la Convention.
La Cour, dans son arrêt de 2007, a considéré que
«[l]e dolus specialis, l’intention spécifique de détruire le groupe en
tout ou en partie, doit être établi en référence à des cihrconstances
précises, à moins que l’existence d’un plan général tehndant à cette fin
puisse être démontrée de manière convaincante ; pour qu’une ligne de
conduite puisse être admise en tant que preuve d’une telle intentihon,
elle devrait être telle qu’elle ne puisse qu’en dénoter l’hexistence »
(C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 196-197, par. 373).
Les Parties se sont référées à ce passage de l’arrêt et elles admettent que
l’intention puisse être déduite d’une ligne de conduite, maihs elles sont en
désaccord sur la manière de caractériser cette ligne et sur le hcritère à
l’aune duquel la Cour doit en apprécier l’existence.
146. La Croatie, qui estime que ce critère, tel que défini en 2007, ehst
exagérément restrictif et ne repose sur aucun précédent, demhande à la
Cour de le réexaminer. Elle ajoute qu’elle n’a pas trouvé lah moindre déci -
sion, depuis 2007, dans laquelle ce critère, ainsi défini, aurait été ahppliqué
par une autre juridiction internationale. Elle appelle la Cour à s’hinspirer
du passage suivant du jugement rendu par le TPIY en l’affaire Tolimir,
actuellement en appel, en vue d’adapter le critère qu’elle a rehtenu en2007
concernant la preuve du dolus specialis :
« Les indices d’une telle intention sont cependant rarement explicites
et il est donc acceptable de déduire l’existence de l’intentionh génoci -
daire à partir de « tous les éléments de preuve, pris dans leur globa -
lité», à condition que cette déduction soit «la seule qui soit raisonnable
au vu des éléments de preuve ».» ( Tolimir, IT-05-88/2-T, chambre de
première instance, jugement du 12décembre 2012, par. 745.)
Selon la Croatie, même lorsqu’il pourrait exister d’autres explhications
possibles à une ligne de conduite, la Cour devrait conclure à l’hexistence du
dolus specialis lorsqu’elle est pleinement convaincue que l’intention géno -
cidaire est la seule conclusion que l’on peut raisonnablement en déhduire.
147. La Serbie, de son côté, a relevé que, même si la chambre de hpre -
mière instance du TPIY, dans l’affaire Tolimir, n’a pas cité le para -
graphe 373 de l’arrêt de la Cour de 2007, elle était en harmonie avec cette
dernière lorsqu’elle a considéré que la déduction de l’hintention génoci -
daire doit être « la seule qui soit raisonnable au vu des moyens de preuve».
Elle a estimé, par conséquent, que les deux formulations du critèhre de
67
7 CIJ1077.indb 130 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 66
the Elements of Crimes, adopted pursuant to the Rome Statute of the
International Criminal Court, which refer to “a manifest pattern of shimi-
lar conduct directed against [the] group”. The Respondent considers thhat
this excludes the possibility of genocide being committed by a single inhdi-
vidual or a small number of individuals.
145. In the absence of a State plan expressing the intent to commit
genocide, it is necessary, in the Court’s view, to clarify the process
whereby such an intent may be inferred from the individual conduct of
perpetrators of the acts contemplated in Article II of the Convention. In
its 2007 Judgment, the Court held that
“[t]he dolus specialis, the specific intent to destroy the group in whole
or in part, has to be convincingly shown by reference to particular
circumstances, unless a general plan to that end can be convincingly
demonstrated to exist ; and for a pattern of conduct to be accepted as
evidence of its existence, it would have to be such that it could only
point to the existence of such intent” ( I.C.J. Reports 2007 (I),
pp. 196-197, para. 373).
The Parties have cited this passage of the Judgment, and they accept
that intent may be inferred from a pattern of conduct, but they disagreeh
on how this pattern should be characterized, and on the criterion by refh -
erence to which the Court should assess its existence.
146. Croatia considers that the above criterion, as defined in 2007, is
excessively restrictive and not based on any precedent, and asks the Couhrt
to reconsider it. It points out that it has been unable to find any dehcision
of an international court or tribunal since 2007 in which this criterionh has
been applied. It invites the Court to draw inspiration from the followinhg
passage in the ICTY Trial Judgment in the Tolimir case (currently under
appeal) in order to modify the criterion laid down by it in 2007 regardhing
evidence of dolus specialis :
“Indications of such intent are rarely overt, however, and thus it ish
permissible to infer the existence of genocidal intent based on ‘all hof
the evidence taken together’, as long as this inference is ‘the onhly
reasonable [one] available on the evidence’.” (Tolimir, IT -05-88/2-T,
Trial Chamber, Judgment of 12 December 2012, para. 745.)
According to Croatia, even where there may be other possible explana-
tions for a pattern of conduct, the Court is bound to find that there hwas
dolus specialis if it is fully convinced that the only reasonable inference to
be drawn from that conduct is one of genocidal intent.
147. For its part, Serbia points out that, even though the ICTY Trial
Chamber in the Tolimir case did not cite paragraph 373 of the Court’s
2007 Judgment, its conclusion that the inference of genocidal intent must
be “the only reasonable [one] available on the evidence” was consihstent
with that passage in the Court’s Judgment. Serbia accordingly takes thhe
view that the two approaches to the criterion of genocidal intent — the
67
7 CIJ1077.indb 131 18/04/16 08:54 67 application de convehntion génocide (arrêth)
l’intention génocidaire, l’unique déduction possible (formuhlation de l’ar-
rêt de la Cour de 2007), ou la seule déduction raisonnable (formulation
du jugement du TPIY rendu dans l’affaire Tolimir), se rejoignent et sont
aussi exigeantes l’une que l’autre.
148. La Cour rappelle que, dans le passage en cause de son arrêt
de 2007, elle envisageait la possibilité d’admettre la preuve indirechte d’une
intention génocidaire en procédant par voie de déduction. La notion de
«raisonnable» doit nécessairement être considérée comme se trouvant
implicitement incluse dans le raisonnement de la Cour. En effet, écrirhe
que, « pour qu’une ligne de conduite puisse être admise en tant que preuvhe
d’une [intention génocidaire], elle d[oit] être telle qu’ellhe ne puisse qu’en
dénoter l’existence», revient à considérer que, pour déduire l’existence du h
dolus specialis d’une ligne de conduite, il faut et il suffit que cette conclu
sion soit la seule qui puisse raisonnablement se déduire des actes enh cause.
Interpréter autrement le paragraphe 373 de l’arrêt de 2007 rendrait impos-
sible de tirer des conclusions par voie de déduction. En conséquenhce, le
critère appliqué par la chambre de première instance du TPIY dahns le
jugement rendu dans l’affaire Tolimir est en substance identique à celui
défini par la Cour dans l’arrêt de 2007.
B. L’élément matériel du génocide
149. Les actes énumérés à l’article II de la Convention constituent
l’élément matériel du génocide. Ils sont incriminés dahns le contexte du
génocide, dans la mesure où ils sont dirigés contre les membresh du groupe
protégé et traduisent l’intention de le détruire en tout ou hen partie. Ainsi
que la Cour l’a souligné précédemment, ces actes ne doivent hpas être pris
isolément, ils doivent être appréhendés dans le contexte de hla prévention
et de la punition du génocide, objet de la Convention.
150. La Cour passera en revue les catégories d’actes qui ont donné lhieu
à un débat entre les Parties, afin d’en préciser le sens eht la portée. Elle
commencera par se pencher sur la question de savoir si des actes commis h
dans le cadre d’un conflit armé, pour constituer l’élément matériel du
génocide, doivent être illicites au regard du droit international hhumani -
taire (jus in bello)
1) Les relations entre la Convention et le droit international humanitaire
151. Les Parties ont débattu, aussi bien dans le cadre de la demande
principale que dans celui de la demande reconventionnelle, des relationsh
entre le droit international humanitaire et la Convention. Elles se sonth
opposées sur la question de savoir si des actes conformes au droit inhtern- a
tional humanitaire peuvent constituer l’actus reus du génocide.
152. Dans le cadre de la demande principale, la Serbie a soutenu que
les actes commis par des forces serbes l’avaient été au cours dhe ce qu’elle
a appelé des « combats légitimes », opposant celles -ci aux forces croates.
68
7 CIJ1077.indb 132 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 67
only possible inference (the line taken in the Court’s 2007 Judgment), or
the only reasonable inference (the ICTY’s approach in its decision ihn the
Tolimir case) — come to the same thing and are both equally stringent.
148. The Court recalls that, in the passage in question in its 2007 Judg-
ment, it accepted the possibility of genocidal intent being established hind-i
rectly by inference. The notion of “reasonableness” must necessarihly be
regarded as implicit in the reasoning of the Court. Thus, to state that,h
“for a pattern of conduct to be accepted as evidence of . . . existence [of
genocidal intent], it [must] be such that it could only point to the existence
of such intent” amounts to saying that, in order to infer the existenhce of
dolus specialis from a pattern of conduct, it is necessary and sufficient that
this is the only inference that could reasonably be drawn from the acts hin
question. To interpret paragraph 373 of the 2007 Judgment in any other
way would make it impossible to reach conclusions by way of inference.
It follows that the criterion applied by the ICTY Trial Chamber in the
Judgment in the Tolimir case is in substance identical with that laid down
by the Court in its 2007 Judgment.
B. The Actus Reus of Genocide
149. The acts listed in ArticleII of the Convention constitute the actus
reus of genocide. Such acts are proscribed in the context of genocide inas -
much as they are directed against the members of the protected group
and reflect the intent to destroy that group in whole or in part. As thhe
Court has already pointed out, such acts cannot be taken in isolation, bhut
must be assessed in the context of the prevention and punishment of
genocide, which is the object of the Convention.
150. The Court will review the categories of acts in issue between the
Parties in order to determine their meaning and scope. It will begin by h
addressing the issue of whether acts committed during the course of an
armed conflict must, in order to constitute the actus reus of genocide, be
unlawful under international humanitarian law (jus in bello).
(1) The relationship between the Convention and international humanitarian
law
151. Both in the proceedings on the principal claim and in those on the
counter -claim, the Parties debated the relationship between international
humanitarian law and the Convention. They disagreed on the issue of
whether acts which are lawful under international humanitarian law can
constitute the actus reus of genocide.
152. On the principal claim, Serbia argued that acts committed by Serb
forces occurred during what it described as “legitimate combat” wihth
Croatian armed forces. Croatia replied that the Convention applied both h
68
7 CIJ1077.indb 133 18/04/16 08:54 68 application de convehntion génocide (arrêth)
La Croatie a objecté que la Convention s’appliquait en temps de pahix et
en temps de guerre et que, en toute hypothèse, les attaques de localihtés
croates par les forces serbes n’étaient pas conformes au droit inthernatio -
nal humanitaire.
Dans le cadre de la demande reconventionnelle, la Croatie a rappelé
que la chambre d’appel du TPIY dans son arrêt rendu en l’affaireh Goto ‑
vina (IT-06-90-A, arrêt du 16 novembre 2012, ci-après l’«arrêt Gotovina»)
a jugé que le pilonnage des villes croates, lors de l’opérationh «Tempête»,
n’était pas indiscriminé et, par conséquent, n’était phas contraire au droit
international humanitaire. La Serbie, pour sa part, a prétendu que, mhême
si les attaques menées dans le cadre de l’opération « Tempête» étaient
conformes au droit international humanitaire, elles pouvaient être consti -
tutives de l’actus reus du génocide.
153. La Cour note que la Convention et le droit international humani -
taire sont deux corps de règles distincts, qui poursuivent des objecthifs dif-
férents. La Convention vise à prévenir et punir le génocide,h en tant que
crime du droit des gens (préambule), « qu’il soit commis en temps de paix
ou en temps de guerre » (art. I), alors que le droit international humani -
taire régit la conduite des hostilités dans un conflit armé eht vise à protéger
différentes catégories de personnes et de biens.
La Cour rappelle qu’elle n’est compétente que pour se prononcerh sur
les violations de la convention sur le génocide, et non sur les violahtions
des obligations imposées par le droit international humanitaire (voihr le
paragraphe 85 ci-dessus). Etant appelée à trancher un différend relatif à
l’interprétation et à l’application de cette Convention, la hCour n’entend
pas se prononcer, dans l’abstrait et en général, sur les relations entre la
Convention et le droit international humanitaire.
Dans la mesure où ces deux corps de règles peuvent s’appliquer hdans le
contexte d’un conflit armé déterminé, les règles du droit international
humanitaire pourraient être pertinentes aux fins de décider si lhes actes allé
gués par les Parties constituent un génocide au sens de l’artichle II de la
Convention.
2) Le sens et la portée des éléments matériels en cause
154. L’article II de la Convention énumère, aux litt. a) à e), les actes
qui constituent l’élément matériel du génocide. La Cour lhes examinera
successivement, à l’exclusion du « transfert forcé d’enfants du groupe à un
autre », visé au litt. e), qui n’est pas invoqué par les Parties dans la pré -
sente affaire.
a) Le meurtre de membres du groupe
155. La Cour constate qu’il n’existe pas de divergence entre les Partiehs
à propos de la définition du meurtre au sens du litt. a) de l’article II de la
Convention.
156. La Cour relève que les termes « meurtre» et «killing» figurent res-
pectivement dans les versions française et anglaise du litt. a) de l’article II
69
7 CIJ1077.indb 134 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 68
in times of peace and in times of war and that, in any event, the attacks
on Croat localities by the Serb forces had not been conducted in accor -
dance with international humanitarian law.
On the counter-claim, Croatia recalled that the ICTY Appeals Cham -
ber had held in Gotovina (IT -06-90-A, Appeals Judgment, 16 November
2012, hereinafter “Gotovina Appeals Judgment”) that the shelling of Serb
towns during Operation Storm had not been indiscriminate and hence
was not contrary to international humanitarian law. Serbia, for its part,
argued that, even if the Operation Storm attacks had been conducted in
compliance with international humanitarian law, they could still consti -
tute the actus reus of genocide.
153. The Court notes that the Convention and international humani-
tarian law are two distinct bodies of rules, pursuing different aims. The
Convention seeks to prevent and punish genocide as a crime under inter -
national law (Preamble), “whether committed in time of peace or in htime
of war” (Art. I), whereas international humanitarian law governs the con-
duct of hostilities in an armed conflict and pursues the aim of protechting
diverse categories of persons and objects.
The Court recalls that it has jurisdiction to rule only on violations ofh
the Genocide Convention, and not on breaches of obligations under
international humanitarian law (see paragraph 85 above). The Court is
called upon here to decide a dispute concerning the interpretation and
application of that Convention, and will not therefore rule, in general or
in abstract terms, on the relationship between the Convention and inter -
national humanitarian law.
In so far as both of these bodies of rules may be applicable in the con -
text of a particular armed conflict, the rules of international humanitarian
law might be relevant in order to decide whether the acts alleged by the
Parties constitute genocide within the meaning of Article II of the Con -
vention.
(2) The meaning and scope of the physical acts in question
154. In subparagraphs (a) to (e) of Article II, the Convention lists the
acts which constitute the actus reus of genocide. The Court will examine
each in turn, with the exception of “[f]orcibly transferring childrenh of the
group to another group” (subparagraph (e)), which is not relied on by
either of the Parties in this case.
(a) Killing members of the group
155. The Court notes that there is no disagreement between the Parties
on the definition of killing in the sense of subparagraph (a) of Article II
of the Convention.
156. The Court observes that the words “killing” and “meurtre” aphpear
in the English and French versions respectively of subparagraph (a) of
69
7 CIJ1077.indb 135 18/04/16 08:54 69 application de convehntion génocide (arrêth)
de la Convention. Elle précise que ces termes ont la même signifihcation et
visent donc l’acte de tuer intentionnellement des membres du groupe
(C.I.J. Recueil 2007 (I) , p.121, par.186, et Blagojević et Jokić, IT-02-60-T,
chambre de première instance, jugement du 17 janvier 2005, par. 642).
b) L’atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de mem▯bres du
groupe
157. Les Parties divergent sur la question de savoir si une atteinte à
l’intégrité physique ou mentale doit contribuer à la destruchtion du groupe,
en tout ou en partie, pour constituer l’élément matériel du hgénocide au
sens de l’article II, litt. b), de la Convention. La Croatie soutient qu’il
n’est pas nécessaire de démontrer que l’atteinte elle -même a contribué à la
destruction du groupe. En revanche, la Serbie avance que l’atteinte dhoit
être si grave qu’elle menace le groupe de destruction.
La Cour est d’avis que, dans le contexte de l’article II, en particulier
son chapeau, et à la lumière de l’objet et du but de la Conventhion, le sens
ordinaire du terme « grave» est que l’atteinte à l’intégrité physique ou
mentale visée par le litt. b) de l’article II doit être telle qu’elle contribue à
la destruction physique ou biologique du groupe, en tout ou en partie.
Les travaux préparatoires de la Convention confirment cette interprhéta -
tion. Ainsi, lorsque le représentant du Royaume -Uni a proposé de quali -
fier les atteintes de « graves» (« grievous» dans la version anglaise de
l’amendement), il a affirmé « qu’il ne conv[enait] pas d’inclure dans l’énu -
mération des actes constitutifs du génocide des actes peu importanhts par
eux -mêmes et qui ne sont pas de nature à entraîner la destruction phhy -
sique du groupe ». Sur proposition du représentant de l’Inde, le terme
«grievous» a finalement été remplacé dans la version anglaise de lah
Convention par le terme « serious» sans que cela affecte l’idée à la base de
la proposition du représentant du Royaume -Uni (Nations Unies, Docu ‑
ments officiels de l’Assemblée générale, première partie,▯ troisième session,
Sixième Commission, comptes rendus analytiques de la 81 e séance, p. 175
et 179, doc. A/C.6/SR.81, et ibid., Annexe aux comptes rendus analytiques
des séances, p. 21, doc. A/C.6/222).
Dans son commentaire du Projet de code des crimes contre la paix et la
sécurité de l’humanité, la CDI a adopté une interprétahtion similaire selon
laquelle « [l’]atteinte à l’intégrité physique ou à l’intéghrité mentale de
membres d’un groupe doit être d’une gravité telle qu’elleh menace de
détruire en tout ou en partie ce groupe » (Rapport de la CDI sur les tra -
vaux de sa quarante-huitième session, Annuaire de la Commission du droit
international, 1996, vol. II, deuxième partie, p. 48, par. 14).
Enfin, le TPIY a interprété dans ce sens la notion d’« atteinte grave»,
notamment dans l’affaire Krajišnik où la chambre de première instance a
jugé que l’atteinte « doit être telle qu’elle contribue, ou tend à contribuer,
à la destruction du groupe ou d’une partie de celui -ci » (IT-00-39-T, juge -
ment du 27 septembre2006, par.862; voir égalementTolimir, IT-05-88/2-T,
chambre de première instance, jugement du 12 décembre 2012, par. 738).
70
7 CIJ1077.indb 136 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 69
Article II of the Convention. For the Court, these words have the same
meaning, and refer to the act of intentionally killing members of the grhoup
(I.C.J. Reports 2007 (I), p. 121, para. 186 and Blagojević and Jokić,
IT-02-60-T, Trial Chamber, Judgment of 17 January 2005, para. 642).
(b) Causing serious bodily or mental harm to members of the group
157. The Parties disagree on whether causing serious bodily or mental
harm to members of the group must contribute to the destruction of the
group, in whole or in part, in order to constitute the actus reus of geno -
cide for purposes of Article II (b) of the Convention. Croatia argues that
there is no need to show that the harm itself contributed to the destruch -
tion of the group. Serbia, on the other hand, contends that the harm musht
be so serious that it threatens the group with destruction.
The Court considers that, in the context of Article II, and in particular
of its chapeau, and in light of the Convention’s object and purpose, the
ordinary meaning of “serious” is that the bodily or mental harm rehferred
to in subparagraph (b) of that Article must be such as to contribute to
the physical or biological destruction of the group, in whole or in parth.
The Convention’s travaux préparatoires confirm this interpretation. Thus
the representative of the United Kingdom, in proposing an amendment to
characterize the harm as “grievous” in the English version of the hConven -
tion, stated that “[i]t would not be appropriate to include, in the lhist of acts
of genocide, acts which were of little importance in themselves and wereh
not likely to lead to the physical destruction of the group”. Upon thhe pro -
posal of the representative of India, the term “grievous” was evenhtually
replaced by the term “serious” in the English version of the Convehntion,
without affecting the idea behind the proposal of the representative of the
United Kingdom (United Nations, Official Documents of the General
Assembly, Part I, ThirdSession, Sixth Committee, Minutes of the Eighty‑First
Meeting, UN doc. A/C.6/SR.81, pp. 175 and 179, and ibid., Annex to Min ‑
utes of the Meetings, UN doc. A/C.6/222, p. 21).
In its commentary on the Draft Code of Crimes against the Peace and
Security of Mankind, the ILC adopted a similar interpretation according h
to which “[t]he bodily or the mental harm inflicted on members of ah
group must be of such a serious nature as to threaten its destruction inh
whole or in part” (Report of the ILC on the Work of Its Forty -Eighth
Session, Yearbook of the International Law Commission, 1996, Vol. II,
Part Two, p. 46, para. 14).
Finally, that is the interpretation of “serious harm” adopted by thhe
ICTY, in particular in the Krajišnik case where the Trial Chamber ruled
that the harm must be such “as to contribute, or tend to contribute, hto the
destruction of the group or part thereof” (IT-00-39-T, Judgment of 27Sep -
tember 2006, para. 862; see also Tolimir, IT-05-88/2-T, Trial Chamber,
Judgment of 12 December 2012, para. 738).
70
7 CIJ1077.indb 137 18/04/16 08:54 70 application de convehntion génocide (arrêth)
La Cour conclut que l’atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale,
au sens du litt. b) de l’article II de la Convention, doit être telle qu’elle
contribue à la destruction physique ou biologique du groupe, en tout hou
en partie.
158. La Cour rappelle que le viol et d’autres actes de violence sexuelle
sont susceptibles de constituer l’élément matériel du génhocide au sens du
litt.b) de l’article II de la Convention (C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 167,
par. 300, citant notamment le jugement de la chambre de première ins -
tance du TPIY rendu le 31 juillet 2003 en l’affaire Stakić, IT -97-24-T, et
p. 175, par. 319).
159. Les Parties se sont aussi opposées sur le sens et la portée de la h
notion d’atteinte grave à l’intégrité mentale de membres hdu groupe. Pour
la Croatie, celle-ci inclut la souffrance psychologique occasionnée, à leurs
proches, par la disparition de membres du groupe. Ainsi, le litt. b) de
l’article II ferait l’objet, selon elle, d’une violation continue en l’eshpèce
puisque aucune action suffisante n’a été engagée par la Serhbie pour déter -
miner le sort des personnes disparues dans le cadre des événementsh invo-
qués au soutien de la demande principale.
Pour le défendeur, cette question relève non pas de la convention hsur le
génocide, mais des instruments de protection des droits de l’hommeh, et
elle ne devrait pas être examinée en la présente affaire.
160. La Cour considère que le refus persistant des autorités compé -
tentes de fournir les informations en leur possession qui permettraient h
aux proches de personnes disparues dans le contexte d’un génocide hallé -
gué d’établir avec certitude si celles -ci sont décédées et, le cas échéant,
dans quelles conditions, est susceptible de causer des souffrances psycho -
logiques. La Cour estime néanmoins que, pour que de telles souffrancesh
entrent dans le champ du litt. b) de l’article II de la Convention, l’atteinte
en résultant doit être telle qu’elle contribue à la destructhion physique ou
biologique du groupe, en tout ou en partie.
c) La soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existenc▯e
devant entraîner sa destruction physique
161. La soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’exis -
tence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle auh sens
du litt. c) de l’article II de la Convention concerne les modes de destruc -
tion physique, autres que le meurtre, par lesquels l’auteur vise, àh terme, la
mort des membres du groupe (voir notamment Stakić, IT -97-24-T,
chambre de première instance, jugement du 31 juillet 2003, par. 517
et 518). Ces modes de destruction sont notamment la privation de nourri -
ture, de soins médicaux, de logements ou de vêtements, le manque dh’hy -
giène, l’expulsion systématique des logements ou l’épuisehment par des
travaux ou des efforts physiques excessifs ( Brđanin, IT-99-36-T, chambre
er
de première instance, jugement du 1 septembre 2004, par. 691). Certains
de ces actes ont d’ailleurs été allégués par les Parties hau soutien de leurs
demandes respectives et seront examinés ci -après par la Cour.
71
7 CIJ1077.indb 138 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 70
The Court concludes that the serious bodily or mental harm within the
meaning of Article II (b) of the Convention must be such as to contrib -
ute to the physical or biological destruction of the group, in whole or hin
part.
158. The Court recalls that rape and other acts of sexual violence are
capable of constituting the actus reus of genocide within the meaning of
Article II (b) of the Convention (I.C.J.Reports 2007 (I), p. 167, para. 300
(citing in particular the Judgment of the ICTY Trial Chamber, rendered h
on 31 July 2003 in the Stakić case, IT -97-24-T, and p. 175, para. 319).
159. The Parties also disagree on the meaning and scope of the notion
of “causing serious mental harm to members of the group”. For Croahtia,
this includes the psychological suffering caused to their surviving relatives
by the disappearance of members of the group. It thus argues that Arti -
cle II (b) has been the subject of a continuing breach in the present case,
since insufficient action has been initiated by Serbia to ascertain theh fate
of individuals having disappeared during the events cited in support of h
the principal claim.
For the Respondent, this is not an issue covered by the Genocide Con -
vention, but by human rights instruments, and falls outside the scope ofh
the present case.
160. In the Court’s view, the persistent refusal of the competent
authorities to provide relatives of individuals who disappeared in the chon -
text of an alleged genocide with information in their possession, which h
would enable the relatives to establish with certainty whether those indhi-
viduals are dead, and if so, how they died, is capable of causing psychoh -
logical suffering. The Court concludes, however, that, to fall within
Article II (b) of the Convention, the harm resulting from that suffering
must be such as to contribute to the physical or biological destruction of
the group, in whole or in part.
(c) Deliberately inflicting on the group conditions of life calculated to ▯
bring about its physical destruction
161. Deliberate infliction on the group of conditions of life calculated
to bring about its physical destruction in whole or in part, within the h
meaning of Article II (c) of the Convention, covers methods of physical
destruction, other than killing, whereby the perpetrator ultimately seekhs
the death of the members of the group (see, inter alia, Stakić, IT-97-24-T,
Trial Chamber, Judgment of 31 July 2003, paras. 517 and 518). Such
methods of destruction include notably deprivation of food, medical care,
shelter or clothing, as well as lack of hygiene, systematic expulsion from
homes, or exhaustion as a result of excessive work or physical exertion h
(Brđanin, IT -99-36-T, Trial Chamber, Judgment of 1 September 2004,
para. 691). Some of these acts were indeed alleged by the Parties in sup -
port of their respective claims, and those allegations will be examined by
the Court later in the Judgment.
71
7 CIJ1077.indb 139 18/04/16 08:54 71 application de convehntion génocide (arrêth)
Les Parties divergent toutefois sur la qualification du déplacementh forcé
en tant que « soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’exis-
tence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle » au sens
du litt. c) de l’articleI de la Convention. Elles s’accordent pour considé-
rer que le déplacement forcé de la population ne peut constituer, hen tant
que tel, un acte matériel de génocide au sens du litt. c) de l’articleII de la
Convention. Cependant, la Croatie soutient qu’un déplacement forcéh,
accompagné d’autres actes énumérés à l’articleII de la Convention et com-
mis dans l’intention de détruire le groupe, serait constitutif du hgénocide.
Quant à la Serbie, elle considère que, dans leurs jurisprudences rhespectives,
la Cour et le TPIY n’ont pas admis que le déplacement forcé puihsse cons-ti
tuer un génocide au sens de l’article II de la Convention.
162. La Cour rappelle que, dans son arrêt de 2007, elle a affirmé que
« [n]il’intention, sous forme d’une politique visant à rendre une zone
«ethniquement homogène », ni les opérations qui pourraient être
menées pour mettre en œuvre pareille politique ne peuvent, en tant que
telles, être désignées par le terme de génocide : l’intention qui caracté-
rise le génocide vise à «détruire, en tout ou en partie» un groupe par-
ticulier; la déportation ou le déplacement de membres appartenant à
un groupe, même par la force, n’équivaut pas nécessairement hà la de -s
truction dudit groupe, et une telle destruction ne résulte pas non plhus
automatiquement du déplacement forcé » ( C.I.J. Recueil 2007 (I),
p. 123, par. 190 (les italiques sont dans l’original)).
Elle a néanmoins précisé que
« [c]ela ne signifie pas que les actes qui sont décrits comme étanht du
«nettoyage ethnique» ne sauraient jamais constituer un génocide, s’ils
sont tels qu’ils peuvent être qualifiés, par exemple, de « [s]oumission
intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entrahîner
sa destruction physique totale ou partielle », en violation du litt. c) de
l’articleIIde la Convention, sous réserve que pareille action soit menée
avec l’intention spécifique (dolus specialis) nécessaire, c’es-tà-dire avec
l’intention de détruire le groupe, et non pas seulement de l’exhpulser de
la région… En d’autres termes, savoir si une opération particulière phré -
sentée comme relevant du «nettoyage ethnique» équivaut ou non à un
génocide dépend de l’existence ou non des actes matériels éhnumérés à
l’articleII de la Convention sur le génocide et de l’intention de détruihre
le groupe comme tel. En réalité, dans le contexte de cette Convention,
l’expression «nettoyage ethnique ne revêt, par elle-même, aucune por -
tée juridique. Cela étant, il est clair que des actes de « nettoyage
ethnique» peuvent se produire en même temps que des actes prohibés
par l’article II de la Convention, et permettre de déceler l’existence
d’une intention spécifique (dolus specialis) se trouvant à l’origine des
actes en question. » (Ibid.)
163. La Cour n’a pas de raison en l’occurrence de s’écarter de ses
conclusions précédentes. Afin de déterminer si les déplacements forcés
72
7 CIJ1077.indb 140 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 71
The Parties disagree, however, on whether forced displacement should
be characterized as “[d]eliberately inflicting on the group conditihons of
life calculated to bring about its physical destruction in whole or in phart”,
in the sense of Article II (c) of the Convention. They agree that the
forced displacement of the population cannot constitute, as such, the
actus reus of genocide within the meaning of subparagraph (c) of Arti -
cle II of the Convention. However, Croatia argues that forced displace -
ment, accompanied by other acts listed in Article II of the Convention,
and coupled with an intent to destroy the group, is a genocidal act. Forh
its part, Serbia maintains that neither the case law of the Court nor thhat
of the ICTY has accepted that forced displacement can constitute geno -
cide within the meaning of Article II of the Convention.
162. The Court recalls that, in its 2007 Judgment, it stated that
“[n]either the intent, as a matter of policy, to render an area ‘ehthnically
homogeneous’, nor the operations that may be carried out to imple -
ment such policy, can as such be designated as genocide : the intent
that characterizes genocide is ‘to destroy, in whole or in part’ ah par-
ticular group, and deportation or displacement of the members of a
group, even if effected by force, is not necessarily equivalent to
destruction of that group, nor is such destruction an automatic con -
sequence of the displacement” (I.C.J. Reports 2007 (I), p. 123,
para. 190 ; emphasis in original).
It explained, however, that
“[t]his is not to say that acts described as ‘ethnic cleansing’h may never
constitute genocide, if they are such as to be characterized as, for
example, ‘deliberately inflicting on the group conditions of life chalcu -
lated to bring about its physical destruction in whole or in part’, con-
trary to Article II, paragraph (c), of the Convention, provided such
action is carried out with the necessary specific intent (dolus specia ‑
lis), that is to say with a view to the destruction of the group, as
distinct from its removal from the region . . . In other words, whether
a particular operation described as ‘ethnic cleansing’ amounts to gen-
ocide depends on the presence or absence of acts listed in Article II
of the Genocide Convention, and of the intent to destroy the group
as such. In fact, in the context of the Convention, the term ‘ethnic h
cleansing’ has no legal significance of its own. That said, it is clear
that acts of ‘ethnic cleansing’ may occur in parallel to acts prohibited
by Article II of the Convention, and may be significant as indicative
of the presence of a specific intent (dolus specialis) inspiring those
acts.” (Ibid.)
163. The Court has no reason here to depart from its previous conclu-
sions. In order to determine whether the forced displacements alleged byh
72
7 CIJ1077.indb 141 18/04/16 08:54 72 application de convehntion génocide (arrêth)
allégués par les Parties constituent un génocide au sens de l’harticle II de la
Convention (notamment son litt. c)), elle recherchera si, en l’espèce, ces
déplacements forcés sont intervenus dans des conditions telles qu’hils
devaient entraîner la destruction physique du groupe. Les circonstances
dans lesquelles se sont réalisés les déplacements forcés en hquestion sont
déterminantes à cet effet.
d) Mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe
164. Selon la Croatie, le viol et d’autres actes de violence sexuelle peuvhent
relever du litt. d) de l’article II de la Convention relatif aux mesures visant
à entraver les naissances au sein du groupe. A l’appui de cette alhlégation,
elle se réfère aux observations formulées dans le même sens hpar la chambre
de première instance du Tribunal pénal international pour le Rwandha, dans
l’affaireAkayesu, selon lesquelles les effets psychologiques du viol pour -
raient amener les membres du groupe à ne plus procréer. La Croatie cite
aussi la conclusion de la chambre selon laquelle, « dans le contexte de socié-
tés patriarcales, où l’appartenance au groupe est dictée parh l’identité du
père», le viol pourrait être « un exemple de mesure visant à entraver les
naissances au sein d’un groupe » (ICTR -96-4-T, chambre de première ins-
tance, jugement du 2 septembre 1998, par. 507-508).
165. La Serbie conteste que le viol et d’autres actes de violence sexuelleh
puissent relever du litt. d) de l’article II de la Convention, à moins qu’ils
ne présentent un caractère systématique, ce qui ne serait pas lhe cas en
l’espèce.
166. Selon la Cour, le viol et d’autres actes de violence sexuelle, en pluhs
de pouvoir entrer dans le champ d’application des litt. b) et c) de l’ar -
ticle II, sont susceptibles de constituer l’élément matériel du géhnocide au
sens du litt. d) de l’article II, à condition qu’ils soient de nature à entraver
les naissances au sein du groupe. Pour que tel soit le cas, il faut que hles
circonstances de la commission de ces actes, et leurs conséquences, shoient
telles que la capacité de procréer des membres du groupe en soit affectée.
C’est dans ce sens également que le caractère systématique dhe ces actes
doit être pris en compte pour qu’ils puissent relever de l’éhlément matériel
du génocide, au sens du litt. d) de l’article II de la Convention.
* * *
IV. L’administration de lah preuve
167. Les Parties ont allégué, à l’appui de leurs demandes, princihpale et
reconventionnelle, un certain nombre de faits qui ont été contestéhs, dans
une certaine mesure, par l’une ou par l’autre. L’existence des hfaits allégués
doit être établie avant qu’ils soient soumis aux règles du dhroit internatio-
nal pertinentes en la matière.
73
7 CIJ1077.indb 142 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 72
the Parties constitute genocide in the sense of Article II of the Convention
(subparagraph (c), in particular), it will seek to ascertain whether, in the
present case, those forced displacements took place in such circumstancehs
that they were calculated to bring about the physical destruction of theh
group. The circumstances in which the forced displacements were carried
out are critical in this regard.
(d) Measures intended to prevent births within the group
164. According to Croatia, rape and other acts of sexual violence can
fall within subparagraph (d) of Article II of the Convention, which cov -
ers measures intended to prevent births within the group. In support of h
this contention, it refers to the observation of the Trial Chamber of thhe
International Criminal Tribunal for Rwanda in the Akayesu case that the
mental effects of rape could lead members of the group not to procreate. h
Croatia also cites the Trial Chamber’s conclusion that, “in patriarchal
societies where membership of a group is determined by the identity of
the father”, rape could be “an example of a measure intended to prhevent
births within a group” (ICTR -96-4-T, Trial Chamber 1, Judgment of
2 September 1998, paras. 507-508).
165. Serbia disputes the contention that rape and other acts of sexual
violence can fall within the terms of Article II (d) of the Convention,
unless they are of a systematic nature — which, it contends, is not the
case here.
166. The Court considers that rape and other acts of sexual violence,
which may also fall within subparagraphs (b) and (c) of Article II, are
capable of constituting the actus reus of genocide within the meaning of
ArticleII (d) of the Convention, provided that they are of a kind which
prevent births within the group. In order for that to be the case, it ish-sece
sary that the circumstances of the commission of those acts, and their cho-n
sequences, are such that the capacity of members of the group to procreate
is affected. Likewise, the systematic nature of such acts has to be consihd-
ered in determining whether they are capable of constituting the actus reus
of genocide within the meaning of Article II (d) of the Convention.
* * *
IV. Questions of Proof
167. In support of their respective claim and counter-claim, the Parties
have alleged a number of facts which have been contested, to some degreeh,
by one side or the other. The existence of the alleged facts must be esthab-
lished before applying the relevant rules of international law.
73
7 CIJ1077.indb 143 18/04/16 08:54 73 application de convehntion génocide (arrêth)
168. La Cour relève toutefois que, dans le cadre de la demande princi -
pale, les divergences entre les Parties portent moins sur l’existenceh des
faits que sur leur qualification au regard de la Convention et notammehnt
sur les déductions à en tirer relativement à la preuve de l’hintention spéci-
fique (dolus specialis) .
169. Les Parties ont débattu largement de la charge de la preuve, du
critère d’établissement de la preuve et des modes de preuve. Lah Cour exa-
minera successivement ces questions.
A. La charge de la preuve
170. La Croatie reconnaît que le principe actori incumbit probatio a
vocation à s’appliquer en règle générale, mais estime queh, en l’espèce, la
Serbie devrait coopérer en fournissant à la Cour tous les éléhments de
preuve pertinents dont elle dispose à propos des faits invoqués àh l’appui
de la demande principale. La défenderesse serait la mieux placée, hselon la
Croatie, pour fournir des explications relatives à des faits qui se sheraient
produits sur un territoire sur lequel elle exerçait un contrôle exhclusif. De
surcroît, la Serbie n’aurait fourni aucun argument ou élémenht de preuve
pour réfuter les allégations de la demanderesse. Celle -ci considère que la
Cour devrait en tirer des conclusions en défaveur de la Serbie.
171. Pour la Serbie, la Croatie tente de la sorte de renverser la charge
de la preuve. Elle soutient que l’on ne saurait exiger d’une partihe qu’elle
fournisse une explication en réponse aux allégations de l’autreh partie. Elle
prétend en outre avoir suffisamment réfuté les allégations hde la Croatie en
produisant des explications et des éléments de preuve fiables.
172. La Cour rappelle qu’il appartient à la partie qui allègue un fahit
d’en établir l’existence. Ce principe n’a pas, cependant, unh caractère
absolu, dans la mesure où « [l]’établissement de la charge de la preuve
dépend, en réalité, de l’objet et de la nature d[u] … différend soumis à la
Cour ; il varie en fonction de la nature des faits qu’il est nécessaireh d’éta
blir pour les besoins du jugement de l’affaire » (Ahmadou Sadio Diallo
(République de Guinée c. République démocratique du Congo), fond, arrêt,
C.I.J. Recueil 2010 (II), p. 660, par. 54). En particulier, la Cour a reconnu
qu’il est des circonstances dans lesquelles on ne peut exiger du demandeur
d’apporter la preuve d’un « fait négatif» (ibid., p. 661, par. 55).
173. Si la charge de la preuve pèse, en principe, sur la partie qui allèhgue
un fait, cela ne relève pas pour autant l’autre partie de son devohir de co-
opérer « en produisant tout élément de preuve en sa possession susceptible
d’aider la Cour à régler le différend dont elle est saisie » (Usines de pâte à
papier sur le fleuve Uruguay (Argentine c. Uruguay), arrêt, C.I.J.Recueil
2010 (I), p. 71, par. 163). A cet égard, la Cour rappelle que, entre sep -
tembre 2010 et mai 2011, la Serbie a fourni à la Croatie près de 200 docu-
ments que cette dernière avait sollicités (voir le paragraphe 13 ci-dessus).
174. En l’espèce, ni l’objet ni la nature du différend ne permettehnt d’en -
visager un renversement de la charge de la preuve. Il n’incombe pas à la
Serbie d’apporter la preuve d’un fait négatif, par exemple l’habsence de
74
7 CIJ1077.indb 144 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 73
168. The Court observes, however, that as regards the principal claim,
the differences between the Parties relate less to the existence of the fhacts
than to their characterization by reference to the Convention and, in pahr -
ticular, to the inferences to be drawn from them in respect of proof of h
specific intent (dolus specialis).
169. The Parties have discussed at some length the burden of proof,
the standard of proof and the methods of proof. The Court will consider h
these questions in turn.
A. The Burden of Proof
170. Croatia recognizes that the actori incumbit probatio principle
should generally apply, but considers that in the present case, Serbia
should co-operate in putting before the Court all relevant evidence in its
possession concerning the facts relied on in support of the principal clhaim.
The Respondent is best placed, in Croatia’s view, to provide explanathions
of acts which are claimed to have taken place in a territory over which h
Serbia exercised exclusive control. Moreover, Serbia is said to have faihled
to offer explanations or produce evidence in rebuttal of the Applicant’hs
claims. Croatia considers that the Court should draw adverse inferences h
from this in respect of Serbia.
171. For Serbia, Croatia is seeking, in this way, to reverse the burden
of proof. It maintains that one party cannot be forced to give an explanha -
tion in response to the claims of the other party. It further contends thhat
it has adequately rebutted Croatia’s claims by giving explanations anhd
producing reliable evidence.
172. The Court recalls that it is for the party alleging a fact to demon -
strate its existence. This principle is not an absolute one, however, since
“[t]he determination of the burden of proof is in reality dependent ohn the
subject -matter and the nature of [the] dispute brought before the Court ;
it varies according to the type of facts which it is necessary to establhish for
the purposes of the decision of the case” ( Ahmadou Sadio Diallo (Repub ‑
lic of Guinea v. Democratic Republic of the Congo), Merits, Judgment,
I.C.J. Reports 2010 (II), p. 660, para. 54). In particular, the Court has
recognized that there may be circumstances in which the Applicant can -
not be required to prove a “negative fact” (ibid., p. 661, para. 55).
173. Whilst the burden of proof rests in principle on the party which
alleges a fact, this does not relieve the other party of its duty to co -oper-
ate “in the provision of such evidence as may be in its possession thhat
could assist the Court in resolving the dispute submitted to it” ( Pulp Mills
on the River Uruguay (Argentina v. Uruguay), Judgment, I.C.J. Reports
2010 (I), p. 71, para. 163). In this regard, the Court recalls that, between
September 2010 and May 2011, Serbia provided Croatia with approxi -
mately 200 documents requested by the latter (see paragraph 13 above).
174. In the present case, neither the subject -matter nor the nature of
the dispute makes it appropriate to contemplate a reversal of the burdenh
of proof. It is not for Serbia to prove a negative fact, for example theh
74
7 CIJ1077.indb 145 18/04/16 08:54 74 application de convehntion génocide (arrêth)
faits constituant l’élément matériel du génocide au sens hde l’articleII de la
Convention dans des localités sur lesquelles la Croatie a appelé lh’attention
de la Cour.
175. Il appartient à la Croatie, par conséquent, de démontrer l’exis -
tence des faits invoqués au soutien de ses prétentions et la Cour hne saurait
exiger de la Serbie qu’elle fournisse des explications sur les faits hallégués
par la demanderesse.
176. Les mêmes principes s’appliquent mutatis mutandis en ce qui
concerne la demande reconventionnelle.
B. Le critère d’établissement de la preuve
177. Les Parties s’accordent sur le fait que le critère d’établishsement de
la preuve, défini par la Cour dans l’arrêt qu’elle a renduh en 2007 en l’af-
faire opposant la Bosnie-Herzégovine à la Serbie, s’applique en l’espèce.
178. La Cour, après avoir rappelé que «les allégations formulées contre
un Etat qui comprennent des accusations d’une exceptionnelle gravité
doivent être prouvées par des éléments ayant pleine force prhobante
(cf.Détroit de Corfou (Royaume‑Uni c. Albanie), fond, arrêt, C.I.J.Recueil
1949, p. 17)», a ajouté qu’elle « doit être pleinement convaincue qu’ont
été clairement avérées les allégations formulées au cours de l’instance
selon lesquelles le crime de génocide ou les autres actes énumérés à l’ar -
ticle III ont été commis. Le même critère s’applique à la prheuve de l’attri-
bution de tels actes. » (C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 129, par. 209.)
179. Des allégations similaires à celles examinées dans l’arrêht de 2007
ont été formulées dans le présent différend, tant dans la hdemande princi-
pale que dans la demande reconventionnelle. Dès lors, la Cour appli -
quera, en l’espèce, le même critère d’établissement deh la preuve.
C. Les modes de preuve
180. Pour se prononcer sur les faits allégués, la Cour doit évaluer hla
pertinence et la valeur probante des éléments de preuve fournis par les
Parties à l’appui de leurs versions respectives desdits faits (Activités
armées sur le territoire du Congo (République démocratique du ▯Congo
c. Ouganda), arrêt, C.I.J. Recueil 2005, p. 200, par. 58).
181. Elle constate que certains événements, en cause dans la présenthe
affaire,ont fait l’objet d’instances devant le TPIY, certaines d’entre elles
étant toujours pendantes, et que les Parties se sont abondamment réhférées
aux documents issus des procédures de ce Tribunal (actes d’accusahtion du
procureur, décisions et jugements des chambres de première instanche,
arrêts de la chambre d’appel, éléments de preuve écrits eht oraux).
182. Les Parties sont d’accord, en général, sur la valeur probante àh
accorder à ces divers documents, conformément à l’approche ahdoptée
dans l’arrêt de 2007, selon laquelle la Cour « doit en principe admettre
comme hautement convaincantes les conclusions de fait pertinentes aux -
quelles est parvenu le Tribunal en première instance, à moins, éhvidem -
75
7 CIJ1077.indb 146 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 74
absence of facts constituting the actus reus of genocide within the mean -
ing of Article II of the Convention in localities to which Croatia called
the Court’s attention.
175. Consequently, it is for Croatia to demonstrate the existence of the
facts put forward in support of its claims, and the Court cannot demand
of Serbia that it provide explanations of the facts alleged by the Applih -
cant.
176. The same principles are applicable, mutatis mutandis, in respect of
the counter-claim.
B. The Standard of Proof
177. The Parties agree on the fact that the standard of proof, laid
down by the Court in its 2007 Judgment in the proceedings between
Bosnia and Herzegovina and Serbia is applicable in the present case.
178. The Court, after recalling that “claims against a State involving
charges of exceptional gravity must be proved by evidence that is fully h
conclusive (cf.Corfu Channel (United Kingdom v. Albania), Merits, Judg‑
ment, I.C.J. Reports 1949, p. 17)”, added that it “requires that it be fully
convinced that allegations made in the proceedings, that the crime of
genocide or the other acts enumerated in Article III have been commit -
ted, have been clearly established. The same standard applies to the prohof
of attribution for such acts.” (.C.J. Reports 2007 (I), p. 129, para. 209.)
179. Allegations similar to those examined in the 2007 Judgment have
been made in the present dispute, both in the principal claim and in theh
counter-claim. Hence, in the present case, the Court will apply the same
standard of proof.
C. Methods of Proof
180. In order to rule on the facts alleged, the Court must assess the
relevance and probative value of the evidence proffered by the Parties inh
support of their versions of the facts (Armed Activities on the Territory of
the Congo (Democratic Republic of the Congo v. Uganda), Judgment,
I.C.J. Reports 2005, p. 200, para. 58).
181. The Court observes that certain facts at issue in the present case
have formed the subject of proceedings before the ICTY, some of which
are still pending, and that the Parties have made copious reference to
documents arising from the proceedings of that Tribunal (indictments byh
the Prosecutor, decisions and judgments of the Trial Chamber, judgments h
of the Appeals Chamber, written and oral evidence).
182. The Parties agree, in general, on the evidential weight to be given
to these various documents, following the approach adopted in the
2007 Judgment, according to which the Court “should in principle accept
as highly persuasive relevant findings of fact made by the Tribunal at
trial, unless of course they have been upset on appeal”, and “any hevalua -
75
7 CIJ1077.indb 147 18/04/16 08:54 75 application de convehntion génocide (arrêth)
ment, qu’elles n’aient été infirmées en appel », et qu’ilconvient également
«de donner dûment poids à toute appréciation du Tribunal fondéhe sur les
faits ainsi établis, concernant par exemple l’existence de l’inhtention
requise » (C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 134, par. 223).
183. Elles divergent cependant sur la valeur probante qu’il convient de
reconnaître aux décisions du procureur du TPIY de ne pas inclure lhe chef
de génocide dans un acte d’accusation et sur celle qu’il faudrahit accorder
respectivement au jugement de la chambre de première instance du TPIY
dans l’affaire Gotovina et consorts (IT-06-90-T, jugement du 15 avril 2011,
ci-après le « jugement Gotovina ») et à l’arrêt de la chambre d’appel dans
cette même affaire.
184. S’agissant de la valeur probante des décisions du procureur du TPIhY
de ne pas inclure le chef de génocide dans un acte d’accusation, lha Cour
rappelle qu’elle a opéré, dans son arrêt de2007, la distinction suivante:
«on ne saurait, en règle générale, accorder de poids au fait queh tel ou
tel chef figure dans un acte d’accusation. Ce qui, en revanche, peuht
être important, c’est la décision prise par le procureur, d’hemblée ou
par modification de l’acte d’accusation, de ne pas inclure ou deh reti -
rer le chef de génocide. » (C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 132, par. 217.)
185. La Croatie, qui a contesté cette distinction, soutient que la Cour
ne devrait pas accorder de valeur probante aux décisions du procureurh de
ne pas inclure le chef de génocide dans l’acte d’accusation, leh procureur
disposant d’un pouvoir discrétionnaire de poursuite. Selon elle, lha déci -
sion du procureur pourrait avoir été adoptée sous l’effet de hdifférentes
considérations, sans que cela signifie que les faits en question neh sont pas,
pour le procureur, constitutifs d’un génocide, ou que celui -ci ne dispose
pas de preuves quant à leur existence même.
186. La Serbie, quant à elle, reconnaît qu’une telle décision ne hcrée pas
de présomption irréfragable, mais considère que la Cour devraith toutefois
lui reconnaître une certaine valeur probante.
187. Le fait que le procureur dispose d’un pouvoir discrétionnaire de
poursuite ne remet pas en cause l’approche que la Cour a adoptée dhans
son arrêt de 2007 (voir ibid., reproduit plus haut au paragraphe 184). En
effet, elle n’a pas entendu faire de l’absence de poursuite une prehuve déci -
sive de l’inexistence du génocide, mais elle a estimé qu’il hpouvait s’agir
d’un élément important à prendre en considération. En la hprésente affaire,
il n’y a pas de raisons qui devraient conduire la Cour à s’éhcarter de cette
approche. Parmi les personnes inculpées par le procureur figuraienth de
très hauts responsables politiques et militaires des principales parties
prenantes aux hostilités qui s’étaient déroulées en Croathie entre 1991
et 1995. Dans nombre de cas, les accusations portées à leur encontre hse
rapportaient à la stratégie globale qu’ils avaient mise en œhuvre ainsi qu’à
l’existence d’une entreprise criminelle commune. Dans ce contexte,h l’ab -
sence systématique du chef de génocide dans les actes d’accusation les
concernant revêt davantage d’importance que cela n’aurait éthé le cas
s’ilsavaient occupé des positions inférieures dans la chaîne de commhand-e
76
7 CIJ1077.indb 148 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 75
tion by the Tribunal based on the facts as so found for instance about thhe
existence of the required intent, is also entitled to due weight”
(I.C.J.Reports 2007 (I), p. 134, para. 223).
183. They differ, however, on the probative value to be attributed to
the ICTY Prosecutor’s decisions not to include a charge of genocide ihn an
indictment, and on that to be accorded, respectively, to the judgment ofh
the ICTY Trial Chamber in the case concerning Gotovina et al.
(IT-06-90-T, Judgment of 15 April 2011, hereinafter the “Gotovina Trial
Judgment”) and the judgment of the Appeals Chamber in the same case.h
184. As regards the probative value of the ICTY Prosecutor’s deci -
sions not to include a charge of genocide in an indictment, the Court
recalls that it drew the following distinction in its 2007 Judgment :
“as a general proposition the inclusion of charges in an indictment
cannot be given weight. What may however be significant is the deci -
sion of the Prosecutor, either initially or in an amendment to an
indictment, not to include or to exclude a charge of genocide.”
(I.C.J. Reports 2007 (I), p. 132, para. 217.)
185. Croatia, which has contested this distinction, argues that the
Court should not accord probative value to the Prosecutor’s decisionsh not
toinclude a charge of genocide in an indictment, since the Prosecutor has
a discretionary power as to what charges, if any, to bring. The Prosecu -
tor’s decision, according to Croatia, might have been influenced byh vari-
ous factors, without it meaning that the facts in question do not, for thhe
Prosecutor, constitute genocide, or that he or she has no evidence of thheir
existence.
186. Serbia, for its part, recognizes that such a decision does not create
an irrebuttable presumption, but considers that the Court should none -
theless accord it some degree of probative value.
187. The fact that the Prosecutor has discretion to bring charges does
not call into question the approach which the Court adopted in its
2007 Judgment (see ibid., reproduced at paragraph 184). The Court did
not intend to turn the absence of charges into decisive proof that there
had not been genocide, but took the view that this factor may be of sig -
nificance and would be taken into consideration. In the present case,
there is no reason for the Court to depart from that approach. The per -
sons charged by the Prosecutor included very senior members of the
political and military leadership of the principal participants in the hos -
tilities which took place in Croatia between 1991 and 1995. The charges h
brought against them included, in many cases, allegations about the overh -
all strategy adopted by the leadership in question and about the existenhce
of a joint criminal enterprise. In that context, the fact that charges ohf
genocide were not included in any of the indictments is of greater signihfi-
cance than would have been the case had the defendants occupied much
lower positions in the chain of command. In addition, the Court cannot
76
7 CIJ1077.indb 149 18/04/16 08:54 76 application de convehntion génocide (arrêth)
ment. Par ailleurs, la Cour ne peut manquer de relever que, dans
l’acte d’accusation dressé à l’encontre de l’accusé le plus hhaut placé, l’an -
cien président Milošević, le chef de génocide avait bien éhté retenu en ce
qui concerne le conflit en Bosnie -Herzégovine, alors qu’il était absent
dans la partie se rapportant aux hostilités dont la Croatie avait éhté le
théâtre.
188. S’agissant de la valeur probante à accorder au jugement et à l’har -
rêt du TPIY dans l’affaire Gotovina, la Cour y reviendra plus tard dans le
cadre de son examen de la demande reconventionnelle (voir les para -
graphes 464-472 ci-dessous).
189. La Cour relève que, en plus d’éléments en provenance du TPIYh,
les Parties ont recouru à de nombreux autres documents, de sources
diverses, dont elles ont débattu la valeur probante. En particulier, helles se
sont référées à divers rapports émanant d’organes offihciels ou indépen -
dants, ainsi qu’à des déclarations d’origine et de teneur vahriées.
190. La Cour rappelle qu’elle a précisé, à propos des rapports éhmanant
d’organes officiels ou indépendants, que leur valeur
« dépend, entre autres, 1) de la source de l’élément de preuve (par
exemple, la source est-elle partiale ou neutre ?), 2)de la manière dont
il a été obtenu (par exemple, est -il tiré d’un rapport de presse ano -
nyme ou résulte -t-il d’une procédure judiciaire ou quasi judiciaire
minutieuse ?) et 3) de sa nature ou de son caractère (s’agit -il de décla-
rations contraires aux intérêts de leurs auteurs, de faits admis ohu
incontestés ?)» (C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 135, par. 227).
191. Elle examinera au cas par cas, conformément à ces critères, la h
valeur probante des rapports invoqués au stade de l’examen au fondh des
demandes.
192. La Cour note que la Croatie a annexé à ses écritures de nom -
breuses déclarations de personnes, dont certaines ont été citéhes devant la
Cour. La Serbie souligne que de nombreuses déclarations produites par la
Croatie seraient entachées de vices qui remettraient en cause leur vahleur
probante. Ainsi, certaines déclarations n’auraient pas été signées par leur
auteur ou par les personnes qui les ont recueillies, ou ne préciseraihent pas
les circonstances dans lesquelles elles auraient été faites. En pahrticulier,
des déclarations auraient été recueillies par les forces de police croates ;
elles ne sauraient être de ce fait considérées comme impartialehs, et ne
seraient même pas recevables devant les juridictions croates. Enfinh, de
nombreuses déclarations présentées par la Croatie n’attesterhaient pas
d’une connaissance directe des faits par leur auteur, mais relèveraient de
la preuve par ouï-dire.
193. La Croatie reconnaît que certaines des déclarations annexées àh
son mémoire n’étaient pas signées initialement par leur autehur. Elle sou -
ligne toutefois qu’elle a récolté certaines signatures ultérhieurement, et
qu’elle a annexé les déclarations signées à sa répliquhe, ce que la Serbie
reconnaît. La Croatie ajoute que des personnes qui n’avaient pas shigné
leur déclaration ont témoigné devant le TPIY et que leur témhoignage
77
7 CIJ1077.indb 150 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 76
fail to note that the indictment in the case of the highest ranking defehn -
dant of all, former President Milošević, did include charges of genocide in
relation to the conflict in Bosnia and Herzegovina, whereas no such
charges were brought in the part of the indictment concerned with the
hostilities in Croatia.
188. As regards the evidential weight to be given to the judgments of
the ICTY in the Gotovina case, the Court will return to this question in
due course when examining the counter -claim (see paragraphs 464-472
below).
189. The Court observes that in addition to materials from the ICTY,
the Parties have made use of many other documents, from a variety of
sources, and have discussed their evidential weight. In particular, they
have referred to several reports from official or independent bodies, ahnd
to statements with diverse origins and content.
190. The Court recalls that it has held, with regard to reports from
official or independent bodies, that their value
“depends, among other things, on (1) the source of the item of evi -
dence (for instance partisan, or neutral), (2) the process by which it
has been generated (for instance an anonymous press report or the
product of a careful court or court -like process), and (3) the quality
or character of the item (such as statements against interest, and
agreed or uncontested facts)” (I.C.J. Reports 2007 (I), p. 135,
para. 227).
191. It will consider the probative value of the reports in question on a
case-by-case basis, in accordance with these criteria, when examining the
merits of the claims.
192. The Court notes that Croatia annexed to its written pleadings
numerous statements by individuals, some of whom were called to give
oral testimony before the Court. Serbia asserts that many of the state -
ments produced by Croatia are flawed in such a way as to call into ques -
tion their probative value : certain statements are said not to have been
signed by their authors or by the persons who took them, or not to spec -
ify the circumstances in which they were allegedly taken. In particular,h it
is claimed that some statements were taken by the Croatian police and
that, as a consequence, they cannot be regarded as impartial and would
not even be admissible before Croatian courts. Lastly, a large number ofh
statements submitted by Croatia are said not to demonstrate a direct
knowledge of the facts on the part of their authors, but to represent hehar -
say evidence.
193. Croatia acknowledges that some of the statements annexed to its
Memorial were not initially signed by those who made them. It points
out, however, that it collected a number of signatures at a later stage hand
appended the signed statements to its Reply. Croatia adds that some of
the individuals who had not signed their statements have testified before
the ICTY, and that their evidence given before the Tribunal was consis -
77
7 CIJ1077.indb 151 18/04/16 08:54 77 application de convehntion génocide (arrêth)
devant cette juridiction était conforme à celui contenu dans la déhclaration
non signée. Elle considère enfin que les preuves par ouï -dire sont perti -
nentes et doivent être appréciées à la lumière de leur cohntenu et des cir -
constances dans lesquelles elles ont été recueillies.
194. Au cours de la procédure orale, un membre de la Cour a posé une
question aux Parties sur la valeur probante à accorder aux différents types
de déclarations annexées aux écritures des Parties, selon que lh’auteur ait
été cité ou non comme témoin et contre -interrogé par l’autre Partie. En
réponse, la Croatie a soutenu que toutes les déclarations avaient hla même
valeur probante, mais qu’il appartenait à la Cour de déterminerh quel
poids il fallait leur donner, en fonction des critères fixés danhs l’arrêt
de 2007. La Serbie a quant à elle distingué entre les déclarationsh de per -
sonnes citées comme témoins en la présente instance, qu’ellehs aient été
contre -interrogées ou non, et les déclarations de personnes non citées
comme témoins. Selon la défenderesse, si les premières devraienht toutes se
voir reconnaître la même valeur probante, les secondes devraient êhtre tra -i
tées comme des déclarations extrajudiciaires et appréciées ehn tant que
telles à la lumière des critères établis dans l’arrêt hde 2007, comme tout
autre élément de preuve documentaire produit par les Parties. La Sherbie a
précisé que la Cour devrait néanmoins prêter une attention pharticulière
aux dépositions faites devant le TPIY ainsi qu’aux témoignages hrecueillis
devant des juridictions internes. Elle a ajouté, enfin, que les déhclarations
non signées ou dont les circonstances de réalisation sont inconnuehs, ou
celles qui ont été établies par des organes officiels dont l’himpartialité n’est
pas avérée, devraient être écartées.
195. Un autre membre de la Cour a posé une question à la Croatie, sur
la recevabilité devant les juridictions croates des déclarations nhon signées
annexées à son mémoire. La Croatie a répondu que les déclharations
recueillies par la police ou d’autres autorités ne sont pas néchessairement
signées et ne sont pas elles-mêmes recevables devant les juridictions croates.
La Croatie a toutefois précisé qu’elles constituent la base surh laquelle un
juge d’instruction peut conduire un interrogatoire de la personne conhcer -
née, donnant lieu à une déclaration signée qui sera recevablhe devant les
juridictions croates. La Serbie a indiqué que, si une partie avait prhoduit,
devant une juridiction de l’ex -Yougoslavie, une déclaration hors prétoire
non signée, un tel document n’aurait pas été admis comme prehuve.
196. La Cour rappelle que ni son Statut ni son Règlement ne prévoient
d’exigences spécifiques relatives à la recevabilité des déhclarations présen -
tées par les parties à une procédure contentieuse, que leurs auhteurs aient
été cités comme témoins ou non. Elle laisse à la libre appréciation des
parties la forme sous laquelle elles décident de présenter ce typeh de preuves.
Il en résulte que l’absence de signature des auteurs de déclarahtions, ou des
personnes qui les ont recueillies, n’est pas de nature à écartehr a priori ces
documents. Cependant, elle se doit de vérifier que les documents quhi sont
censés contenir les déclarations de personnes qui ne déposent phas à l’au -
dience reproduisent fidèlement les propos tenus par ces personnes. hDe
plus, la Cour rappelle que même les déclarations sous serment doivhent être
78
7 CIJ1077.indb 152 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 77
tent with that contained in the unsigned statements. Lastly, Croatia conh-
siders that the hearsay evidence is relevant and should be assessed in thhe
light of its content and the circumstances in which it was obtained.
194. During the oral proceedings, a Member of the Court put a ques -
tion to the Parties concerning the probative value to be given to the vahri-
ous types of statements annexed to the Parties’ written pleadings,
according to whether or not the author had been called to give oral testhi-
mony and cross -examined by the opposing Party. In reply, Croatia main -
tained that all the statements had the same probative value, but that ith
was for the Court to determine what weight should be given to them, on
the basis of the criteria set forth in the 2007udgment. Serbia, for its part,
drew a distinction between the statements of individuals called to give h
oral testimony in these proceedings, whether or not they had been
cross-examined, and the statements of individuals who were not so called.
According to the Respondent, whereas the former should all be accorded
the same probative value, the latter should be treated as out -of-court
statements and assessed as such in light of the criteria established in hthe
2007 Judgment, in the same way as all other documentary evidence fur -
nished by the Parties. Serbia stated that the Court should nonetheless ghive
special attention to the evidence given before the ICTY and to testi -
monies before national courts. It added, finally, that the unsigned state -
ments and those produced in unknown circumstances, as well as the
statements prepared by official bodies whose impartiality had not been h
established, should be disregarded.
195. Another Member of the Court put a question to Croatia concern -
ing the admissibility before Croatian courts of the unsigned statements
attached to its Memorial. Croatia replied that statements taken by the
police or other authorities were not necessarily signed and were not them-
selves admissible before Croatian courts. Croatia explained, however,
that these formed the basis upon which an investigating judge could inteh-r
rogate the individual concerned, giving rise to a signed statement that h
would be admissible before Croatian courts. Serbia indicated that if a
party appeared before a court in the former Yugoslavia with an unsigned
out-of-court statement, it would not be admitted into evidence.
196. The Court recalls that neither its Statute nor its Rules lay down
any specific requirements concerning the admissibility of statements
which are presented by the parties in the course of contentious proceed -
ings, whether the persons making those statements were called to give
oral testimony or not. The Court leaves the parties free to determine thhe
form in which they present this type of evidence. Consequently, the
absence of signatures of the persons who made the statements or took
them does not in principle exclude these documents. However, the Court
has to ensure that documents, which purport to contain the statements ofh
individuals who are not called to give oral testimony, faithfully recordh the
evidence actually given by those individuals. Moreover, the Court recallhs
78
7 CIJ1077.indb 153 18/04/16 08:54 78 application de convehntion génocide (arrêth)
examinées avec «prudence» ( Différend territorial et maritime entre le Nica‑
ragua et le Honduras (Nicaragua c.Honduras), arrêt, C.I.J.Recueil2007(II),
p. 731, par. 244). Lorsqu’elle apprécie la valeur probante de toute déclara-h
tion, la Cour prend nécessairement en compte sa forme, ainsi que les hcir-
constances dans lesquelles elle a été reçue.
197. La Cour a ainsi souligné devoir « examiner notamment si les
déclarations émanent d’agents de l’Etat ou de particuliers qhui n’ont pas
d’intérêts dans l’issue de la procédure, et si telle ou thelle déclaration atteste
l’existence de faits ou expose seulement une opinion sur certains éhvéne -
ments » (ibid.). Sur ce second point, la Cour a précisé qu’« un témoignage
sur des points dont le témoin n’a pas eu personnellement une connahis -
sance directe, mais seulement par « ouï-dire», n’a pas grand poids » (Acti‑
vités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui‑ci (Nicaragua
c. Etats‑Unis d’Amérique), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 42, par. 68,
citant l’affaire du Détroit de Corfou (Royaume ‑Uni c. Albanie), fond,
arrêt, C.I.J. Recueil 1949, p. 17). Enfin, la Cour a reconnu que, « dans
certains cas, les témoignages qui datent de la période concernéhe peuvent
avoir une valeur particulière » ( Différend territorial et maritime entre le
Nicaragua et le Honduras (Nicaragua c. Honduras), arrêt, C.I.J.
Recueil 2007 (II), p. 731, par. 244).
198. La Cour est consciente des difficultés que pose l’obtention de
preuves dans les circonstances de l’espèce. Elle relève néanhmoins que
nombre des déclarations produites par la Croatie sont déficientehs.
Ainsi, certaines déclarations consistent en des procès -verbaux d’audi -
tion par les forces de police croates d’une ou parfois plusieurs personnes,
que celles-ci n’ont pas signés, et sans même qu’il y ait d’éléhments indi -
quant qu’elles en aient pris connaissance. En outre, les propos rapportés
semblent être ceux des policiers eux -mêmes. La Cour ne saurait accorder
de valeur probante à de telles déclarations.
D’autres déclarations paraissent reproduire les propos du déclarant,
mais ne sont pas signées. Certaines d’entre elles ont subséquemhment été
confirmées au moyen de déclarations complémentaires signéehs et annexées
à la réplique et peuvent, de ce fait, se voir accorder la même hvaleur pro -
bante que celles qui portaient la signature de leur auteur lorsqu’ellhes ont
initialement été versées au dossier. Dans certains cas, l’auhteur a déposé
devant la Cour ou devant le TPIY, et a confirmé la teneur de sa déhclara-
tion initiale, à laquelle la Cour pourra, de ce fait, également achcorder une
certaine valeur probante. La Cour ne peut cependant accorder de valeur
probante aux déclarations qui n’ont été ni signées ni conhfirmées.
199. Certaines déclarations soulèvent des difficultés en ce qu’ehlles ne
mentionnent pas les circonstances dans lesquelles elles ont été réhalisées ou
n’ont été données que plusieurs années après les faitsh auxquels elles se
réfèrent. La Cour pourrait néanmoins accorder une certaine valehur pro -
bante à ces déclarations. D’autres font état de faits auxquehls l’auteur n’a
pas assisté personnellement. La Cour n’accordera de valeur probanthe à de
telles déclarations que lorsqu’elles ont été confirméesh par d’autres témoins,
79
7 CIJ1077.indb 154 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 78
that even affidavits will be treated “with caution” (Territorial and Mari ‑
time Dispute between Nicaragua and Honduras in the Caribbean Sea
(Nicaragua v. Honduras), Judgment, I.C.J. Reports 2007 (II), p. 731,
para. 244). In determining the evidential weight of any statement by an
individual, the Court necessarily takes into account its form and the cihr -
cumstances in which it was made.
197. The Court has thus held that it must assess “whether [such state -
ments] were made by State officials or by private persons not interestehd in
the outcome of the proceedings and whether a particular affidavit atteshts
to the existence of facts or represents only an opinion as regards certahin
events” (ibid.) . On this second point, the Court has stated that “testi -
mony of matters not within the direct knowledge of the witness, but
known to him only from hearsay, [is not] of much weight” ( Military and
Paramilitary Activities in and against Nicaragua (Nicaragua v. United
States of America), Merits, Judgment, I.C.J. Reports 1986, p. 42, para. 68,
referring to Corfu Channel (United Kingdom v. Albania), Merits, Judg ‑
ment, I.C.J. Reports 1949, p. 17). Lastly, the Court has recognized that
“in some cases evidence which is contemporaneous with the period con -
cerned may be of special value” (Territorial and Maritime Dispute between
Nicaragua and Honduras in the Caribbean Sea (Nicaragua v. Honduras),
Judgment, I.C.J. Reports 2007 (II), p. 731, para. 244).
198. The Court recognizes the difficulties of obtaining evidence in the
circumstances of the case. Nevertheless, it notes that many of the stateh -
ments produced by Croatia are deficient.
Thus, certain statements consist of records of interviews by the Croa -
tian police of one or sometimes several individuals which are not signedh
by those persons and contain no indication that those individuals were
aware of the content. Moreover, the words used appear to be those of theh
police officers themselves. The Court cannot accord evidential weight tho
such statements.
Other statements appear to record the words of the witness but are not
signed. Some of these statements were subsequently confirmed by signedh
supplementary statements deposited with the Reply and can, therefore, be
given the same evidential weight as statements which bore the signature
of the witness when they were initially produced to the Court. In some
cases, the witness in question has testified before the Court or beforhe the
ICTY and that testimony has confirmed the content of the original stathe -
ment to which the Court can, therefore, also accord some evidential
weight. However, the Court cannot accord evidential weight to those
statements which are neither signed nor confirmed.
199. Certain statements present difficulties in that they fail to mention
the circumstances in which they were given or were only made several
years after the events to which they refer. The Court might nonetheless h
accord some evidential weight to these statements. Other statements are h
not eyewitness accounts of the facts. The Court will accord evidential
weight to these statements only where they have been confirmed by othehr
witnesses, either before the Court or before the ICTY, or where they havhe
79
7 CIJ1077.indb 155 18/04/16 08:54 79 application de convehntion génocide (arrêth)
soit devant elle, soit devant le TPIY, ou bien lorsqu’elles ont éthé corrobo-
rées par des éléments de preuve crédibles. Elle se référera à ces catégories
de déclarations lorsqu’elle examinera ci-après les allégations de la Croatie.
*
* *
V. Examen au fond de la demahnde principale
200. La Cour examinera les allégations de la Croatie relatives à la
commission d’un génocide entre 1991 et 1995 dans les régions de Slavonie
orientale, de Slavonie occidentale, de Banovina/Banija, de Kordun, de
Lika et de Dalmatie.
201. Dans un premier temps, la Cour s’attachera à déterminer si les h
actes allégués sont établis et, dans l’affirmative, s’ilhs relèvent des catégo
ries d’actes énumérées à l’article II de la Convention; puis, dans un second
temps, si, pour autant qu’ils soient établis, ces actes ont étéh commis dans
l’intention de détruire le groupe protégé, en tout ou en parhtie.
202. Ce n’est que si la Cour conclut à l’existence d’un génocihde au sens
de l’articleII de la Convention qu’elle examinera les questions de receva -
bilité de la demande principale en ce qui concerne les actes antérhieurs au
8 octobre 1991 et de la responsabilité de la Serbie pour les actes à l’éhgard
desquels la demande principale est recevable.
A. L’élément matériel du génocide (actus reus)
1) Introduction
203. La Cour estime qu’il n’est pas nécessaire de considérer séhparé -
ment chacun des incidents que le demandeur a rapportés, ni de dresserh
une liste exhaustive des actes allégués. Elle se concentrera sur lhes alléga -
tions relatives à des localités qui ont été présentéesh par la Croatie comme
constituant des exemples d’actes systématiques et généraliséhs commis à
l’encontre du groupe protégé, dont on pourrait déduire l’hintention de le
détruire, en tout ou en partie. Il s’agit des localités qui onth été mises en
avant par la Croatie au cours de la procédure orale ou au sujet desquhelles
elle a présenté des témoins, ainsi que celles où certains achtes ont été établis
devant le TPIY.
204. Les allégations de la Croatie font état d’actes commis par la JNA
et d’autres entités (forces de police et de défense des SAO eth de la RSK
— défense territoriale (TO), unités du ministère de l’intéhrieur (MUP),
Milicija Krajina — et groupes paramilitaires), qui selon elle seraient attri-
buables à la Serbie. Aux seules fins de l’examen des faits qui fhont l’objet
de la demande principale, la Cour utilisera les termes de « Serbes» ou de
«forces serbes » pour désigner les entités autres que la JNA, sans préju -
dice de la question de l’attribution de leur comportement.
80
7 CIJ1077.indb 156 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 79
been corroborated by credible evidence. The Court will refer to these caht-
egories of statements subsequently when it examines Croatia’s allega -
tions.
*
* *
V. Consideration of the Merhits of the Principal Clahim
200. The Court will now examine Croatia’s claims relating to the com -
mission of genocide between 1991 and 1995 in the regions of Eastern Sla -
vonia, Western Slavonia, Banovina/Banija, Kordun, Lika and Dalmatia.
201. The Court will seek first to determine whether the alleged acts
have been established and, if so, whether they fall into the categories hof
acts listed in ArticleI of the Convention ; and then, should that be estab-
lished, whether those physical acts were committed with intent to destrohy
the protected group, in whole or in part.
202. Only if the Court finds that there has been genocide within the
meaning of Article II of the Convention will it consider the questions of
the admissibility of the principal claim in respect of the acts prior toh
8 October 1991 and whether any acts in respect of which the claim is held
to be admissible can entail the responsibility of Serbia.
A. The Actus Reus of Genocide
(1) Introduction
203. The Court does not consider it necessary to deal separately with
each of the incidents mentioned by the Applicant, nor to compile an
exhaustive list of the alleged acts. It will focus on the allegations cohnce-n
ing localities put forward by Croatia as representing examples of system -
atic and widespread acts committed against the protected group, from
which an intent to destroy it, in whole or in part, could be inferred. These
are the localities cited by Croatia during the oral proceedings or in regard
to which it called witnesses to give oral testimony, as well as those whhere
the occurrence of certain acts has been established before the ICTY.
204. Croatia’s allegations refer to acts committed by the JNA and
other entities (police and defence forces of the SAOs and the RSK — Ter-
ritorial Defence Force (TO), units of the Ministry of the Interior (MhUP),
Milicija Krajina — and paramilitary groups) which are allegedly attribut -
able to Serbia. Solely for the purpose of discussing the facts which forhm
the subject of the principal claim, the Court will use the terms “Serhbs” or
“Serb forces” to designate entities other than the JNA, without prhejudice
to the question of the attribution of their conduct.
80
7 CIJ1077.indb 157 18/04/16 08:54 80 application de convehntion génocide (arrêth)
205. Aux termes de l’article II de la Convention, le génocide couvre des
actes commis contre un groupe national, ethnique, racial ou religieux,
dans l’intention de le détruire, en tout ou en partie. Dans ses éhcritures, la
Croatie définit ce groupe comme le groupe national ou ethnique croahte se
trouvant sur le territoire de la Croatie, ce qui n’est pas contestéh par la
Serbie. Aux fins de son examen, la Cour le désignera indifféremmehnt par
les termes « Croates» ou « groupe protégé».
206. La Croatie allègue que des actes constitutifs de l’élément mhatériel
du génocide, au sens des litt.a) à d) de l’articleII de la Convention, ont été
commis par la JNA et des forces serbes à l’encontre des membres duh groupe
protégé tel que défini au paragraphe précédent. La Cour examinera succes -
sivement ces allégations en reprenant les catégories d’actes vihsées à l’ar -
ticleII de la Convention et en recherchant si lesdites allégations ont éhté
établies conformément au critère énoncé aux paragraphes178 et 179.
207. La Serbie reconnaît que des crimes de guerre, des crimes contre
l’humanité et d’autres atrocités ont été perpétréhs contre des Croates par
divers groupes armés, même si elle soutient qu’il n’a pas éhté établi que ces
crimes ont été commis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie,
le groupe croate ou qu’ils sont attribuables à la Serbie.
208. La Cour note que le TPIY a conclu que, à partir de l’été 1991,
la JNA et des forces serbes ont commis de nombreux crimes (meurtres,
torture, mauvais traitements et déplacement forcé, entre autres) contre
des Croates dans les régions de Slavonie orientale, de Banovina/Banija,
de Kordun, de Lika et de Dalmatie (voir, en particulier, IT -95-13/1-T,
chambre de première instance, jugement du 27 septembre 2007 (ci-après le
«jugement Mrkšić »); IT -95-11-T, chambre de première instance, juge -
ment du 12 juin 2007 (ci -après le « jugement Martić»); IT-03-69-T,
chambre de première instance, jugement du 30 mai 2013 (ci -après le
«jugement Stanišić and Simatović »)).
2) Litt. a)de l’article I: meurtre de membres du groupe protégé
209. Le litt. a) de l’article II de la Convention porte sur le meurtre de
membres du groupe protégé. La Croatie allègue que de nombreux Chroates
de souche auraient été tués entre 1991 et 1995 par la JNA et des forces
serbes dans les régions de Slavonie orientale, de Slavonie occidentalhe, de
Banovina/Banija, de Kordun, de Lika et de Dalmatie.
210. En réponse, la Serbie conteste la valeur probante des éléments hde
preuve présentés par la Croatie. En outre, si elle reconnaît quhe de nom -
breux Croates de souche ont été tués, elle conteste que des meuhrtres aient
été commis avec une intention génocidaire ou qu’une telle inhtention lui
soit attribuable.
211. La Cour examinera successivement les allégations de la Croatie
portant sur les meurtres commis par la JNA et des forces serbes dans
différentes localités.
81
7 CIJ1077.indb 158 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 80
205. Under the terms of Article II of the Convention, genocide covers
acts committed with intent to destroy a national, ethnical, racial or rehli -
gious group in whole or in part. In its written pleadings, Croatia defihnes
that group as the Croat national or ethnical group on the territory of
Croatia, which is not contested by Serbia. For the purposes of its discuhs-
sion, the Court will designate that group using the terms “Croats”h or
“protected group” interchangeably.
206. Croatia claims that acts constituting the actus reus of genocide
within the meaning of Article II (a) to (d) of the Convention were com -
mitted by the JNA and Serb forces against members of the protected
group as defined in the previous paragraph. The Court will consider thhese
claims by referring in turn to the categories of acts laid down in ArtichleII
of the Convention and assessing whether they have been established to
the standard set out in paragraphs 178 and 179.
207. Serbia acknowledges that war crimes, crimes against humanity
and other atrocities were perpetrated against Croats by various armed
groups, although it maintains that it has not been established that thoshe
crimes were committed with the intent to destroy the Croat group, in
whole or in part, or that they are attributable to Serbia.
208. The Court notes that the ICTY found that, from the summer of
1991, the JNA and Serb forces had perpetrated numerous crimes (includ -
ing killing, torture, ill-treatment and forced displacement) against Croats
in the regions of Eastern Slavonia, Banovina/Banija, Kordun, Lika and
Dalmatia (see, in particular, IT -95-13/1-T, Trial Chamber, Judgment of
27 September 2007 (hereinafter “Mrkšić Trial Judgment”) ;IT-95-11-T,
Trial Chamber, Judgment of 12 June 2007 (hereinafter “Martić Trial
Judgment”); IT -03-69-T, Trial Chamber, Judgment of 30 May 2013
(hereinafter “Stanišić and Simatović Trial Judgment”)).
(2) Article II (a): killing members of the protected group
209. Article II (a) of the Convention concerns the killing of members
of the protected group. Croatia claims that large numbers of ethnic Cro-
ats were killed between 1991 and 1995 by the JNA and Serb forces in the h
regions of Eastern Slavonia, Western Slavonia, Banovina/Banija, Kor -
dun, Lika and Dalmatia.
210. In response, Serbia contests the probative value of the evidence
presented by Croatia. Further, while it acknowledges that many ethnic
Croats were killed, it disputes that the killings were committed with gehno -
cidal intent or that such intent is attributable to it.
211. The Court will consider in turn Croatia’s claims concerning kill -
ings perpetrated by the JNA and Serb forces in various localities.
81
7 CIJ1077.indb 159 18/04/16 08:54 81 application de convehntion génocide (arrêth)
Région de Slavonie orientale
a) Vukovar et ses environs
212. La Croatie attache une importance particulière aux événements
qui se sont déroulés à Vukovar et dans ses environs à l’ahutomne 1991.
Selon elle, la JNA et des forces serbes auraient tué plusieurs centaihnes de
civils dans cette ville à population mixte de Slavonie orientale, sithuée à la
frontière avec la Serbie, qui avait vocation, dans le cadre du projeth de la
«Grande Serbie», à devenir la capitale de la nouvelle région serbe de Sla -
vonie, Baranja et Srem occidental.
213. La Croatie affirme en premier lieu que, de la fin août au
18 novembre 1991, Vukovar a été assiégée et bombardée de façon conhti-
nue et indiscriminée, ce qui a réduit la ville à l’état dhe ruines. Elle soutient
que de 1100 à 1700 personnes, dont 70 % étaient des civils, ont été tuées
durant cette phase. D’après le demandeur, les attaques menées chontre
Vukovar n’étaient pas simplement dirigées contre une force milihtaire
antagoniste mais visaient aussi la population civile ; ces attaques révéle -
raient en outre que le but de la JNA et des forces serbes était la dehstruc -
tion des Croates de Vukovar.
214. Le demandeur allègue ensuite que des centaines de Croates ont
été tués lorsque la JNA et des forces serbes ont progressé ahu sol pour
gagner du terrain, incendiant, violant et massacrant sur leur passage.
215. La Croatie soutient enfin que, après la chute de tous les quartiersh
de Vukovar le 18 novembre 1991, la JNA et des forces serbes ont conti -
nué à cibler les survivants croates. Elle avance en particulier quhe 350déte-
nus croates ont été tués à Velepromet et 260 autres à Ovčara après avoir
été évacués de Vukovar, et notamment de l’hôpital de chette ville.
216. En réponse aux accusations portées contre elle, la Serbie soutient,
de façon générale, que les déclarations écrites fournies hpar la Croatie à
l’appui de ses allégations ne satisfont pas au niveau minimal de phreuve
requis. Elle estime par ailleurs que nombre des éléments de preuve présen -
tés par la Croatie constituent du ouï-dire, sont contradictoires, présentent
un caractère vague ou émanent de sources d’une fiabilité dhouteuse.
217. La Serbie ne nie pas, cependant, que des crimes ont été commis àh
Vukovar et dans ses environs. Elle considère toutefois que les chiffrehs
avancés par la Croatie sont très nettement exagérés et ajouthe que le
demandeur n’a pas 1) produit d’éléments de preuve fiables relatifs au
nombre de personnes qui auraient été tuées, 2) cherché à distinguer les
décès consécutifs à un usage légitime de la force de ceuxh résultant d’actes
criminels, 3) précisé la part des civils et des combattants parmi les vic -
times présumées, et 4) démontré l’ethnicité croate de toutes les victimes.
Si la Serbie admet que des « incidents» ont eu lieu, elle considère que c’est
un excès de violence qui a conduit à la perpétration de crimes,h par une
minorité, et ce, contre des membres des forces croates qui ne repréhsen -
taient qu’une très petite partie de l’ensemble des personnes évacuées de
Vukovar. La Serbie ajoute que, si l’emploi de la force par les assailhlants a
82
7 CIJ1077.indb 160 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 81
Region of Eastern Slavonia
(a) Vukovar and its surrounding area
212. Croatia attaches particular importance to the events which took
place in Vukovar and its surrounding area in the autumn of 1991. Accord-
ing to the Applicant, the JNA and Serb forces killed several hundred
civilians in that multiethnic city in Eastern Slavonia, situated on the bor-
der with Serbia and intended to become, under the plans for a “Greater
Serbia”, the capital of the new Serbian region of Slavonia, Baranja ahnd
Western Srem.
213. Croatia first asserts that, between the end of August and
18 November 1991, Vukovar was besieged and subjected to sustained and
indiscriminate shelling, laying waste to the city. It alleges that between
1,100 and 1,700 people, 70 per cent of whom were civilians, were killed
during that period. According to the Applicant, the attacks on Vukovar
were directed not simply against an opposing military force, but also
against the civilian population ; moreover, those attacks are said to show
that the aim of the JNA and Serb forces was the destruction of the Croats
of Vukovar.
214. The Applicant then claims that hundreds of Croats were killed
when the JNA and Serb forces moved forward to seize ground, burning,
raping and killing as they did so.
215. Finally, Croatia contends that, following the fall of all districts of
Vukovar on 18 November 1991, the JNA and Serb forces continued to
target Croat survivors. In particular, it alleges that 350 Croat detainees at
Velepromet and another 260 at Ovčara were killed after having been
evacuated from Vukovar and from its hospital in particular.
216. In response to the accusations made against it, Serbia argues that,
on the whole, the written statements provided by Croatia in support of ihts
allegations do not fulfil the minimum evidentiary requirements. It furhther
maintains that much of the evidence presented by Croatia is hearsay, conh -
tradictory, vague or from unreliable sources.
217. Serbia does not deny, however, that crimes were committed in
Vukovar and its surrounding area. Nevertheless, it argues that the fighures
advanced by Croatia are very clearly exaggerated and that the Applicant
has not (1) produced reliable evidence relating to the number of persons
allegedly killed, (2)attempted to distinguish between the deaths resulting
from a legitimate use of force and those resulting from criminal acts,
(3) specified what proportion of the alleged victims were civilians and
what proportion were combatants, and (4) demonstrated that all victims
were of Croat ethnicity. Although Serbia admits that “incidents” ohccurred,
it considers that it was an excess of violence which led to the commissihon
of crimes, by a minority, and that those crimes were directed against
members of the Croatian forces, who represented but a very small frac -
tion of all those evacuated from Vukovar. Serbia adds that while the useh
82
7 CIJ1077.indb 161 18/04/16 08:54 82 application de convehntion génocide (arrêth)
pu être excessif par rapport à une opération militaire normale et s’il ne
fait aucun doute que cette opération a infligé de profondes souffhrances à
la population civile, toutes origines confondues, rien ne permet d’affihrmer
que l’attaque de Vukovar a été menée avec l’intention de hdétruire les
Croates en tant que tels.
218. La Cour considérera d’abord les allégations concernant les per -
sonnes tuées au cours du siège et de la prise de Vukovar. Les Parthies ont
débattu des questions du nombre de ces victimes, de leur statut et ethhnicité,
ainsi que des circonstances dans lesquelles elles sont mortes. La Cour nh’a
pas à trancher toutes ces questions. Elle constate que, s’il subsihste certaines
incertitudes sur celles-ci, il est indéniable que l’attaque contre Vukovar ne
s’est pas limitée à des objectifs militaires, mais a aussi viséh la population
civile, composée alors en bonne partie de Croates (de nombreux Serbehs
ayant fui la ville avant ou lorsque les combats ont éclaté). Bienh que l’acte
d’accusation dans l’affaire Mrkšić et consorts ne contînt pas de chef relatif
au siège de Vukovar, la chambre de première instance a constatéh que :
«470. … La durée des combats, la très forte disparité tant numéh -
rique que matérielle des forces engagées dans la bataille, et surthout la
nature et l’étendue des destructions imputables aux forces serbes à
Vukovar et aux abords immédiats de la ville pendant cet engagement
militaire prolongé, démontrent que l’attaque serbe était consciem -
ment et délibérément dirigée contre la ville et sa malheureuhse popu-
lation civile, prise au piège par le siège de Vukovar et des alenthours
par les forces serbes et contrainte de se réfugier dans les caves et h
autres constructions souterraines qui avaient résisté aux bombarde -
ments et aux assauts. Selon la Chambre, il ne s’agissait pas d’un h
simple conflit armé entre une force militaire et des forces adverses
qui aurait fait des victimes civiles et causé certains dommages matéh -
riels. Une vue d’ensemble des événements révèle l’exishtence d’une
attaque par les forces serbes numériquement bien supérieures, bien
armées, bien équipées et bien organisées, qui ont lentement het systé -
matiquement détruit une ville et ses occupants civils et militaires
jusqu’à la reddition complète des derniers survivants.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . h . . . . . . . . . . . . . .
472. La Chambre en conclut que, à l’époque des faits, il existait
non seulement une opération militaire menée contre les forces croahtes
présentes à Vukovar et alentour, mais aussi une attaque généralisée
et systématique dirigée par la JNA et d’autres forces serbes cohntre la
population civile croate et d’autres civils non serbes dans le secteur
de Vukovar. Les dommages importants causés aux infrastructures et
aux biens de caractère civil, le nombre de civils tués ou blesséhs durant
les opérations militaires et le grand nombre de civils déplacésh ou
contraints de prendre la fuite montrent clairement qu’il s’agissaiht
d’une attaque indiscriminée contraire au droit international. Dirihgée
83
7 CIJ1077.indb 162 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 82
of force by the assailants may have exceeded the needs of a normal mili -
tary operation, and while it certainly caused grave suffering to the civihlian
population, regardless of ethnicity, there is nothing to suggest that thhe
attack on Vukovar was carried out with the intent to destroy the Croat
population as such.
218. The Court will first consider the allegations concerning those
killed during the siege and capture of Vukovar. The Parties have debatedh
the number of victims, their status and ethnicity and the circumstances in
which they died. The Court need not resolve all those issues. It observehs
that, while there is still some uncertainty surrounding these questions,h it
is clear that the attack on Vukovar was not confined to military objech -
tives; it was also directed at the then predominantly Croat civilian popu -
lation (many Serbs having fled the city before or after the fightinhg broke
out). Although the indictment in the Mrkšić et al. case did not contain a
charge relating to the siege of Vukovar, the Trial Chamber found :
“470. . . .The duration of the fighting, the gross disparity between
the numbers of the Serb and Croatian forces engaged in the battle and
in the armament and equipment available to the opposing forces and,
above all, the nature and extent of the devastation brought on Vuk -
ovar and its immediate surroundings by the massive Serb forces over
the prolonged military engagement, demonstrate, in the finding of the
Chamber, that the Serb attack was also consciously and deliberately
directed against the city of Vukovar itself and its hapless civilian poph-
ulation, trapped as they were by the Serb military blockade of Vukovar
and its surroundings and forced to seek what shelter they could in the
basements and other underground structures that survived the ongo -
ing bombardments and assaults. What occurred was not, in the finding
of the Chamber, merely an armed conflict between a military force and
an opposing force in the course of which civilians became casualties
and some property was damaged. The events, when viewed overall,
disclose an attack by comparatively massive Serb forces, well armed,
equipped and organized, which slowly and systematically destroyed a
city and its civilian and military occupants to the point where there
was a complete surrender of those that remained.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . h . . . . . . . . . . . . . .
472. It is in this setting that the Chamber finds that, at the time
relevant to the indictment, there was in fact, not only a military oper -
ation against the Croat forces in and around Vukovar, but also a
widespread and systematic attack by the JNA and other Serb forces
directed against the Croat and other non -Serb civilian population in
the wider Vukovar area. The extensive damage to civilian property
and civilian infrastructure, the number of civilians killed or wounded
during the military operations and the high number of civilians dis -
placed or forced to flee clearly indicate that the attack was carried hout
in an indiscriminate way, contrary to international law. It was an
83
7 CIJ1077.indb 163 18/04/16 08:54 83 application de convehntion génocide (arrêth)
en partie délibérément contre la population civile, cette attaqhue était
illicite.» (JugementMrkšić , par. 470 et 472; références omises.)
219. Les conclusions de la chambre confirment que de nombreux civils
croates ont été tués par la JNA et des forces serbes au cours dhu siège et de
la prise de Vukovar (ibid., par. 468-469). Le défendeur admet d’ailleurs
que les combats dont Vukovar et ses environs ont été le théâhtre ont causé
d’importantes souffrances à la population civile. Si la Serbie a avhancé que
des civils serbes assiégés dans la ville de Vukovar ont aussi pu être tués,
il reste que, comme il a été établi devant le TPIY, de nombreuses hvictimes
étaient croates et que les attaques étaient principalement dirigées
contre les Croates et d’autres non-serbes (ibid., par. 468-469 et 472). En
outre, des déclarations produites par la Croatie, auxquelles la Cour hpeut
accorder une valeur probante, étayent les allégations du demandeurh
au sujet du meurtre de civils croates pendant le siège et la prise de
Vukovar.
220. La Cour examinera maintenant les allégations de meurtres de
Croates après la reddition de Vukovar, en particulier celles relativehs aux
événements d’Ovčara et de Velepromet. En ce qui concerne Ovčhara, les
conclusions du TPIY dans la même affaire Mrkšić et consorts confirment
en grande partie les affirmations de la Croatie. La Cour relève ainshi que la
chambre de première instance a conclu que 194 personnes, soupçonnées
d’avoir combattu au côté des forces croates et évacuées dhe l’hôpital de
Vukovar le 20 novembre 1991 au matin, ont été tuées par des membres de
forces serbes à Ovčara dans la soirée du 20 novembre 1991 et aux pre -
mières heures du 21 novembre 1991 (ibid., par. 509); il appert de cette
décision que les victimes étaient à peu près toutes d’ethnicité croate (ibid.,
par. 496), considérées comme des prisonniers de guerre et, pour la majho -
rité d’entre elles, malades ou blessées (ibid., par.0).
La Serbie prend acte du jugement Mrkšić et ne conteste pas la réalité
des meurtres commis à Ovčara, ajoutant qu’« [i]l s’agit, pour l’ensemble
du conflit, du plus grave massacre dont les Croates aient été vihctime». Le
défendeur reconnaît aussi que la Haute Cour de Belgrade a condamné
15 Serbes à raison des crimes de guerre commis à Ovčara.
221. Le TPIY a également constaté que des exactions ont été commihses
à Velepromet et que plusieurs personnes soupçonnées d’avoir hfait partie
des forces croates y ont été assassinées par des membres de forces serbes,
dont au moins 15 Croates (ibid., par. 163, 165 et 167). La Serbie prend
acte de la conclusion du TPIY à ce sujet, mais souligne que le nombre de
personnes tuées à Velepromet est très en deçà du chiffre dhe 350, avancé
par le demandeur.
222. La Cour note, enfin, que la déclaration de M. Franjo Kožul, cité
comme témoin par la Croatie et qui a déposé devant la Cour, corhrobore
également certaines allégations de la Croatie. L’intéresséh relate en effet
avoir été évacué de l’hôpital de Vukovar et conduit àh Velepromet, où il a
été témoin de diverses violences et a notamment vu un membre dehs forces
84
7 CIJ1077.indb 164 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 83
unlawful attack. Indeed it was also directed in part deliberately
against the civilian population.” (Mrkšić Trial Judgment, paras. 470
and 472 ; references omitted.)
219. The Chamber’s findings confirm that numerous Croat civilians
were killed by the JNA and Serb forces during the siege and capture of
Vukovar (ibid., paras. 468-469). Moreover, the Respondent admits that
the fighting which occurred in Vukovar and its surrounding area causedh
grave suffering to the civilian population. Although Serbia has suggestedh
that Serb civilians trapped in the city of Vukovar may also have been
killed, the fact remains, as established before the ICTY, that many of thhe
victims were Croat and that the attacks were chiefly directed against hCro-
ats and other non -Serbs (ibid., paras. 468-469, 472). In addition, state -
ments produced by Croatia, to which the Court can give evidential weighth,
support the Applicant’s allegations concerning the killing of Croat chivil-
ians during the siege and capture of Vukovar.
220. The Court will now examine the allegations that Croats were
killed after the surrender of Vukovar, in particular those relating to thhe
events at Ovčara and Velepromet. In respect of Ovčara, the findihngs of
the ICTY in the aforementioned Mrkšić et al. case largely substantiate
Croatia’s position. The Court thus notes that, according to the Trialh
Chamber, 194 persons suspected of involvement in the Croatian forces
and evacuated from Vukovar hospital on the morning of 20 November
1991 were killed by members of Serb forces at Ovčara that same eveninhg
and night (20 -21 November 1991) (ibid., para. 509) ; it appears from this
finding that almost all the victims were of Croat ethnicity (ibid., para. 496),
were considered to be prisoners of war and, for the most part, were sickh
or wounded (ibid., para. 510).
Serbia takes note of the Mrkšić Trial Judgment and does not contest
the fact that these killings were committed at Ovčara, adding that “h[t]his
was the gravest mass murder in which Croats were the victims during the h
entire conflict”. The Respondent also acknowledges that the Higher
Court in Belgrade convicted 15Serbs for war crimes committed at Ovčara.
221. The ICTY also found that acts of ill -treatment occurred at Vele -
promet and that several individuals suspected of involvement in the Croa-
tian forces were killed there by members of Serb forces, including at lehast
15 Croats (ibid., paras.163, 165, 167). Serbia notes the finding of the
ICTY on this issue, but insists on the fact that the number of persons
killed at Velepromet is far below the 350 alleged by the Applicant.
222. Finally, the Court observes that the statement of MrF. ranjoKožul,
called for oral testimony by Croatia and who appeared before the Court, h
also substantiates certain of the Applicant’s allegations. Mr. Kožul states
that he was evacuated from Vukovar hospital and taken to Velepromet,
where he witnessed various acts of violence and, in particular, saw a
84
7 CIJ1077.indb 165 18/04/16 08:54 84 application de convehntion génocide (arrêth)
serbes tenir dans sa main la tête d’un prisonnier qu’il avait dhécapité, ce
que la Serbie n’a pas mis en doute. La Cour estime qu’elle doit dohnc
reconnaître une certaine valeur probante à ce témoignage. La déhclaration
de F. G. apporte également la preuve que des décapitations ont eu lieu àh
Velepromet. L’intéressé a affirmé avoir échappé de juhstesse à la décapita -
tion grâce à un officier de la JNA et avoir vu « une quinzaine de corps
décapités dans [un] trou ».
223. La Cour conclut que des détenus croates ont été tués à Vehlepro -
met par des forces serbes, bien qu’elle ne soit pas en mesure d’en détermi -
ner le nombre exact. Elle note cependant la conclusion du TPIY selon
laquelle les civils détenus à Velepromet qui n’étaient pas shoupçonnés
d’avoir fait partie des forces croates ont été évacués vehrs d’autres lieux en
Croatie ou en Serbie, le 20 novembre 1991 (jugement Mrkšić, par. 168).
224. Compte tenu des éléments susmentionnés, la Cour conclut qu’il
est établi que des meurtres ont été perpétrés par la JNA het des forces
serbes contre des Croates à Vukovar et dans ses environs, lors du sièhge et
de la prise de Vukovar, ainsi que par des forces serbes dans les camps
d’Ovčara et de Velepromet.
b) Bogdanovci
225. Le demandeur soutient que pas moins de 87 Croates ont été tués
à Bogdanovci, village situé à environ 8 kilomètres au sud -est de Vukovar
et peuplé majoritairement de Croates, pendant et après les attaquehs
menées contre le village les 2 octobre et 10 novembre 1991 par la JNA et
des forces serbes. La Croatie produit plusieurs déclarations au soutihen de
ses allégations.
226. Parmi les déclarations sur lesquelles s’appuie la Croatie figureh
celle de M me Marija Katić, qui a été désignée comme témoin et a déposéh
devant la Cour. Dans sa déclaration écrite, M me Katić nomme huit per-
sonnes qui ont, selon elle, été tuées par des grenades lancéhes dans la cave
d’une maison le 2 octobre 1991, et trois autres personnes qui ont été abat-
tues par balle le même jour. Elle ajoute que dix autres personnes onth été
tuées au cours de la destruction ultérieure de Bogdanovci.
227. La Croatie se fonde par ailleurs sur un procès -verbal d’audition
dressé par les forces de police qui n’est pas signé.
228. Le défendeur conteste la valeur probante des déclarations pro -
duites par la Croatie au soutien de ses allégations, au motif qu’elles ne
porteraient pas la signature de leur auteur supposé et que, pour certaines
d’entre elles, il serait même impossible de connaître la personhne ou l’or -
gane qui les aurait recueillies. La Serbie affirme également que cesh décla-
rations reposent sur des preuves par ouï -dire, qu’elles sont imprécises et
qu’elles se contredisent. Selon elle, les événements survenus àh Bogdanovci
les 2 octobre et 10 novembre 1991 s’inscrivaient dans le cadre d’une opé -
ration militaire légitime et les forces croates avaient activement pahrticipé
aux combats, détruisant chars et véhicules blindés, et infligheant de lourdes
pertes à la JNA et aux forces serbes. Elle admet à cet égard quhe « [d]es
85
7 CIJ1077.indb 166 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 84
member of the Serb forces holding the head of a prisoner he had decapi -
tated, a claim which was not challenged by Serbia. The Court considers
that it is therefore bound to give some evidential weight to this testimony.
The statement of F. G. also provides evidence of the fact that decapita -
tions occurred at Velepromet. This individual states that he was saved
from decapitation at the last moment by a JNA officer, and that he saw h
“approximately fifteen decapitated bodies in [a] hole”.
223. The Court concludes that Croat detainees were killed at Vele -
promet by Serb forces, although it is unable to determine the exact num-
ber. However, it takes note of the ICTY’s finding that civilians dehtained
at Velepromet and not suspected of involvement in the Croatian forces
were evacuated to destinations in Croatia or Serbia on 20 November 1991
(Mrkšić Trial Judgment, para. 168).
224. In light of the foregoing, the Court concludes that it is established
that killings were perpetrated by the JNA and Serb forces against Croats
in Vukovar and its surrounding area during the siege and capture of Vuk -
ovar, and by Serb forces at the Ovčara and Velepromet camps.
(b) Bogdanovci
225. The Applicant claims that no fewer than 87 Croats were killed in
the predominantly Croat village of Bogdanovci, approximately 8 km
south-east of Vukovar, during and after the attacks carried out on the
village on 2 October and 10 November 1991 by the JNA and Serb forces.
In support of its arguments, Croatia produces a number of written state -
ments.
226. One of the statements on which Croatia relies is that of
Ms Marija Katić, who was called for oral testimony and appeared before
the Court. In her written statement, Ms Katić names eight individuals
who she says were killed by grenades thrown into the basement of a househ
on 2 October 1991, and a further three individuals who she believes were
killed by firearms on the same day. She adds that another ten people where
killed during the subsequent destruction of Bogdanovci.
227. Croatia also relies on an unsigned police record of an interview.
228. The Respondent disputes the probative value of the statements
produced by Croatia in support of its allegations, on the grounds that
they do not contain the signatures of the individuals said to have givenh
them and, in some cases, that it is not even possible to identify the pehrson
or body to whom they were made. It further argues that these statements h
are based on hearsay evidence, are imprecise and contradict one another.h
Serbia contends that the events which occurred in Bogdanovci on 2 Octo -
ber and 10 November 1991 were part of a legitimate military operation
and that Croatian forces were actively involved in the fighting, destrhoying
tanks and armoured vehicles and inflicting heavy losses on the JNA andh
Serb forces. It admits in this regard that “[u]ndoubtedly horrible crhimes
85
7 CIJ1077.indb 167 18/04/16 08:54 85 application de convehntion génocide (arrêth)
crimes atroces ont assurément été commis dans cette ville » mais soutient
que, « une fois encore, ils s’inscrivaient dans le cadre des combats et des h
débordements auxquels ceux-ci ont donné lieu ».
229. La Cour relève que plusieurs déclarations invoquées par la Croah-
tie ont été faites un certain nombre d’années après les fhaits supposés avoir
eu lieu à Bogdanovci et ne peuvent, en conséquence, se voir accordher
qu’une valeur probante limitée. Quant aux déclarations qui ne rheposent
pas sur une connaissance directe des faits, la Cour ne leur accorme pas hde
valeur probante. A cet égard, la Cour note que, bien que M Katić ait
confirmé ses dires lors de sa déposition, il n’est pas sûr qu’elle ait directe -
ment assisté à tous les meurtres qu’elle évoque. Enfin, lah Cour rappelle
qu’il ne saurait être accordé de valeur probante à un procèhs -verbal
d’audition dressé par les forces de police et qui n’a pas éthé signé.
230. Prenant acte de l’admission de la Serbie (voir le paragraphe 228
ci-dessus) et des éléments de preuve qui lui ont été présenhtés, la Cour
conclut qu’un certain nombre de Croates ont été victimes de meuhrtres com -
mis par la JNA et des forces serbes à Bogdanovci, tant le 2 octobre que
le 10 novembre 1991, bien qu’elle ne puisse pas en établir le nombre précis.
c) Lovas
231. La Croatie soutient que des dizaines de personnes ont été tuéesh
par la JNA et des forces serbes à Lovas, village à majorité crohate situé à
une vingtaine de kilomètres au sud -est de Vukovar, entre octobre 1991 et
fin décembre 1991.
232. Le demandeur affirme que le village a été attaqué par la JNA et
des forces paramilitaires serbes alors qu’il n’opposait aucune réhsistance,
qu’aucune force croate ne s’y trouvait et que ses résidents avahient été
désarmés à la suite d’un ultimatum de la JNA. Le 10 octobre 1991, au
moins une vingtaine de civils croates auraient perdu la vie lors d’une
attaque d’artillerie menée par la JNA contre les quartiers du villhage abri -
tant les maisons croates. D’autres auraient ensuite été massacrhés par des
groupes paramilitaires serbes et l’infanterie de la JNA, qui avaient hpris
d’assaut le village le même jour.
233. La Croatie relate ensuite que, une semaine après cette attaque,
tous les hommes croates en âge de combattre ont été rassembléhs, puis
torturés. Selon elle, 11 d’entre eux seraient morts à la suite des sévices
ainsi subis. La Croatie poursuit en indiquant que, le lendemain,
18 octobre 1991, une partie des survivants ont été contraints de marcher
vers un champ, non loin du village. L’un d’eux aurait été abhattu en che -
min parce qu’il n’arrivait pas à suivre en raison des blessuresh qui lui
avaient été infligées au cours de la nuit. Une fois arrivéhs sur place, les
détenus se seraient vu ordonner par des forces serbes d’avancer enh se
tenant la main et en balayant le sol du pied afin de procéder au déminage
du lieu. Une ou des mines auraient alors explosé, avant que des forcehs
serbes n’ouvrent le feu sur les survivants. Au moins 21 personnes auraient
péri lors de ce qui est désormais connu sous le nom de « massacre du
86
7 CIJ1077.indb 168 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 85
were committed in that town”, but argues that “once again, the pathtern is
combat and excesses arising therein”.
229. The Court notes that many statements provided by Croatia were
made several years after the events in Bogdanovci are alleged to have
taken place and accordingly may be given only limited evidential weight.h
To those statements which do not constitute first -hand accounts of the
events, the Court gives no evidential weight. In this regard, the Court h
notes that, although Ms Katić confirmed her account when testifying, it
is not certain that she witnessed at first hand all the killings whichh she
mentions. Finally, the Court recalls that no evidential weight can be gihven
to an unsigned police record of an interview.
230. Taking account of Serbia’s admission (see paragraph 228 above)
and the evidence put before it, the Court concludes that a number of
Croats were killed by the JNA and Serb forces in Bogdanovci on both
2 October and 10 November 1991, although it is unable to determine the
exact number.
(c) Lovas
231. Croatia claims that dozens of people were killed by the JNA and
Serb forces in Lovas, a predominantly Croat village situated approxi -
mately 20 km south-east of Vukovar, between October 1991 and the end
of December 1991.
232. The Applicant states that the village was attacked by the JNA and
Serb paramilitary forces, despite the fact that it offered no resistance, that
there were no Croatian forces in the village and that its residents had h
given up their arms following an ultimatum from the JNA. According to
Croatia, on 10 October 1991, at least 20 Croat civilians lost their lives
during an artillery attack carried out by the JNA against the Croat-inhab -
ited areas of the village. Others were subsequently massacred by Serb
paramilitary groups and the JNA infantry, which stormed the village on
the same day.
233. Croatia then contends that, one week after that attack, all the
Croat males of fighting age were rounded up and tortured. According toh
the Applicant, 11 of them died as a result of the ill-treatment they received.
Croatia goes on to claim that the following day, on 18 October 1991,
some of the survivors were forced to march to a field, not far from
the village. One man was executed en route because he was unable to
keep up with the group, due to injuries inflicted the previous night. h
Once at the field, Serb forces ordered the prisoners to walk forward hold -
ing hands, and to sweep the ground with their feet, in order to clear
the area of mines. One or more mines then exploded, before the Serb
forces opened fire on the survivors. At least 21 men died during what has
become known as the Lovas “minefield massacre”. Finally, Croatiah sub -
mits that, between 19 October 1991 and the beginning of 1992, the vio -
86
7 CIJ1077.indb 169 18/04/16 08:54 86 application de convehntion génocide (arrêth)
champ de mines » de Lovas. La Croatie avance enfin que, entre le
19 octobre 1991 et le début de 1992, les violences contre les civils croates
se seraient poursuivies, faisant 68 victimes supplémentaires.
234. La Serbie, quant à elle, soutient que les déclarations écrites hinvo-
quées par le demandeur à l’appui des meurtres prétendument chommis à
Lovas ne satisfont pas au niveau minimal de preuve requis et que, en touht
état de cause, elles ne corroborent pas les allégations de la Croahtie, nota-
ment parce qu’elles démontrent l’existence d’une résistanhce croate lors de
l’attaque du 10 octobre 1991. La Serbie concède néanmoins que 14 per-
sonnes ont été traduites devant une juridiction de Belgrade pour lhe meurtre
de 68 Croates originaires du village de Lovas et que certains des faits allé-
gués dans le cadre de ce procès « relève[nt] probablement du crime de
guerre et peut-être aussi du crime contre l’humanité »; elle insiste toutefois
sur le fait que rien ne permet d’étayer une accusation de génochide.
235. La Cour constate que certains des faits relatés par la Croatie ont
été établis devant le TPIY. Ainsi, bien que l’attaque contreh Lovas n’ait
pas été visée par l’acte d’accusation en l’affaire Mrkšić et consorts, la
chambre de première instance du Tribunal est parvenue à la conclushion
que, « [l]e 10octobre 1991, à Lovas, des « volontaires» serbes ont attaqué
certaines maisons, tuant 22 Croates » (jugement Mrkšić, par. 47).
236. S’agissant du «massacre du champ de mines », la Croatie s’appuie
sur différents éléments de preuve pour établir ses allégathions. En particu -
lier, la déclaration de Stjepan Peulić, témoin de la Croatie quhe la Serbie
n’a pas souhaité soumettre à un contre -interrogatoire (voir le para -
graphe 25 ci-dessus) et dont les propos n’ont pas été autrement contredits,
peut se voir accorder une valeur probante. Dans sa déclaration, M. Peulić
raconte qu’il a lui -même été détenu durant la nuit du 17 octobre 1991
avec une centaine d’autres Croates, et torturé. Il affirme que, le lende -
main, ils ont de nouveau été torturés, puis contraints de se rehndre dans un
champ. En chemin, il a assisté au meurtre d’un Croate qui n’arrhivait pas
à suivre en raison des blessures consécutives aux tortures qui luih avaient
été infligées. Des membres de forces serbes en uniforme de camouflage
auraient ordonné aux prisonniers d’avancer dans le champ en se tenhant
par la main et en balayant le sol du pied pour faire exploser des mines.h Le
témoin relate que, « vers 11 heures, lorsque la première mine a éclaté,
quelqu’un a crié « A terre !» et tous se sont probablement couchés sur le
sol. C’est alors que les mêmes Tchetniks serbes se sont acharnés à [leur]
tirer dessus avec toutes leurs armes d’infanterie ; les tirs ont duré environ
quinze minutes. » M. Peulić estime à 17 le nombre de personnes tuées
dans ce champ, dont, pour la plupart, il se rappelait le nom.
237. La Croatie s’appuie également sur l’acte d’accusation du prohcu -
reur spécial pour les crimes de guerre du tribunal du district de Belhgrade,
dressé à l’encontre de 14 Serbes accusés de meurtres commis à Lovas,
parmi lesquels figure le « massacre du champ de mines ». Dans un juge -
ment du 26 juin 2012, la Haute Cour de Belgrade a condamné les 14 accu-
sés pour crimes de guerre. La Cour note toutefois que ce jugement a été
cassé par la Cour d’appel de Belgrade en janvier 2014 en raison de défi -
87
7 CIJ1077.indb 170 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 86
lence against Croat civilians continued and a further 68 people were
killed.
234. For its part, Serbia argues that the written statements relied on by
the Applicant in support of its allegations that killings were committedh in
Lovas do not fulfil the minimum evidentiary requirements and that, in h
any event, they do not corroborate Croatia’s claims, in particular behcause
they show that there was Croatian resistance during the attack of 10Octo -
ber 1991. Serbia concedes, nevertheless, that 14 individuals have appeared
before a Belgrade court accused of killing 68 Croats from the village of
Lovas, and that some of the alleged acts referred to during that trial
“probably amount to war crimes and might also be deemed crimes againsht
humanity” ; it insists, however, that there is nothing to support an accusa
tion of genocide.
235. The Court notes that some of the facts alleged by Croatia have
been established before the ICTY. Thus, although the attack on Lovas
was not referred to in the indictment in the Mrkšić et al. case, the Tribu -
nal’s Trial Chamber concluded that “Serb ‘volunteers’ in Lovhas had
attacked specific homes on 10 October 1991 killing 22 Croats” (Mrkšić
Trial Judgment, para. 47).
236. With respect to the “minefield massacre”, Croatia relies on vari -
ous items of evidence in order to establish its allegations. In particulhar,
the statement of Stjepan Peulić, a witness called by Croatia to give oral
testimony but whom Serbia did not wish to cross -examine (see para -
graph 25 above) and whose accounts have not been otherwise contra -
dicted, may be given evidential weight. Mr. Peulić offers a first -hand
account of being held throughout the night of 17 October 1991, with
approximately 100 other Croats, and tortured. He states that the follow -
ing day, they were further tortured, and ordered to go out to a field. On
the road, he witnessed the killing of one Croat who could not keep up
because of injuries sustained during the torture. He testifies that heh was
then ordered by Serb forces in mottled uniforms to walk through a fielhd,
holding hands with other detained Croats and sweeping for mines with
their legs. He states that at “[a]round 11.00 hrs, when we activated the
first mine, someone shouted ‘Lie down’ and we all probably did lie down,
and the mentioned Serbo -Chetniks started firing at us fiercely from all
their infantry weapons, and the shooting lasted for about 15 minutes”.
According to Mr. Peulić, an estimated 17 people were killed on the field,
most of whom he recalled by name.
237. Croatia further relies on the indictment prepared by the War
Crimes Prosecutor for the Belgrade District Court, issued against 14Serbs
accused of killings committed in Lovas, including the “minefield mahssa -
cre”. In a Judgment of 26 June 2012, the Higher Court of Belgrade con -
victed the 14 accused of war crimes. The Court notes, however, that this
Judgment was quashed by the Belgrade Appeals Court in January 2014
due to shortcomings in the Higher Court’s findings regarding the inhdi -
87
7 CIJ1077.indb 171 18/04/16 08:54 87 application de convehntion génocide (arrêth)
ciences dans les conclusions de la Haute Cour au sujet de la responsabilité
pénale individuelle des accusés, et qu’un nouveau procès doiht se tenir. La
Cour estime qu’en l’absence de conclusions définitives, adopthées par une
juridiction au terme d’une procédure rigoureuse, elle ne peut accohrder de
valeur probante à l’acte d’accusation du procureur spécial.
238. La Croatie se fonde sur un autre document tiré d’une procédure h
judiciaire interne, à savoir la déclaration de M. Aleksandar Vasiljević,
er
chef de la sécurité au secrétariat national de la défense enhtre le 1juin 1991
et le 5 août 1992, fournie au Tribunal militaire de Belgrade en 1999.
Dans cette déclaration, l’intéressé évoque le fait qu’il a hété informé,
le28 octobre 1991, non seulement du « massacre du champ de mines »,
mais aussi de l’exécution d’environ 70 civils à Lovas. La Cour constate
que cette déclaration a été faite par un ancien officier de lah JNA devant
une juridiction serbe dans le cadre de poursuites pour crimes de guerre.h
M. Vasiljević a également témoigné devant le TPIY lors du procèhs
de Slobodan Milošević. Son témoignage devant cette juridiction conhfirme
sa déclaration, puisqu’il reconnaît avoir été informé du « massacre du
champ de mines ». Cette déclaration, selon la Cour, a une certaine valeur
probante.
239. La Croatie s’appuie également sur un documentaire produit par
une chaîne serbe, dans lequel des personnes y ayant elles -mêmes assisté
racontent le « massacre du champ de mines ». Ce type de preuve et les
autres matériaux documentaires (tels qu’articles de presse et exthraits d’ou
vrages) ne constituent qu’une preuve secondaire, qui ne peut êtreh utilisée
que pour confirmer la réalité de faits établis par d’autrehs éléments de
preuve, ainsi que la Cour l’a déjà expliqué :
« [La Cour] les considère non pas comme la preuve des faits, mais
comme des éléments qui peuvent contribuer, dans certaines condi -
tions, à corroborer leur existence, à titre d’indices venant s’hajouter à
d’autres moyens de preuve. » (Activités militaires et paramilitaires au
Nicaragua et contre celui‑ci (Nicaragua c. Etats‑Unis d’Amérique),
fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 40, par. 62.)
En l’espèce, le documentaire de la télévision serbe corroborhe effectivement
les éléments de preuve exposés plus haut.
240. La Cour relève enfin que la Serbie ne nie pas que des meurtres ont h
effectivement été commis à Lovas, mais qu’elle conteste leur hqualification
au regard de la Convention (voir le paragraphe 234 ci-dessus). Compte
tenu de l’ensemble de ces éléments, la Cour estime qu’il esth établi que des
meurtres de civils croates ont été commis par la JNA et des forcesh serbes
à Lovas, entre le 10 octobre 1991 et fin décembre 1991, bien qu’elle ne soit
pas en mesure d’en déterminer le nombre précis.
d) Dalj
241. D’après le demandeur, plusieurs dizaines de Croates ont été htués
dans le village de Dalj, situé au nord de Vukovar et dont un cinquièhme
88
7 CIJ1077.indb 172 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 87
vidual criminal responsibility of the accused, and that the accused musth
be retried. The Court takes the view that, in the absence of definitivhe find-
ings, adopted by a court at the close of a rigorous process, it can giveh no
evidential weight to the War Crimes Prosecutor’s indictment.
238. Croatia also invokes another document from domestic judicial
proceedings, namely the statement of Aleksandar Vasiljević, Chief of
Security in the Federal Secretariat for National Defence from 1 June 1991
to 5 August 1992, given to the Belgrade Military Court in 1999. In that
statement, Mr. Vasiljević mentions the fact that he was informed on
28 October 1991 not only of the “minefield massacre”, but also of the
execution of some 70 civilians in Lovas. The Court notes that this state -
ment was made by a former JNA officer to a Serbian court in the contexth
of a war crimes prosecution. Mr. Vasiljević also testified before the ICTY
during the trial of Slobodan Milošević. His testimony before that Tribu -
nal confirms his statement, in so far as he admits having been informehd of
the “minefield massacre”. In the Court’s view, this statement has some
evidential weight.
239. In addition, Croatia relies on a documentary film produced by a
Serbian television channel, in which individuals are interviewed and offer
firsthand accounts of the “minefield massacre”. Evidence of this kindh
and other documentary material (such as press articles and extracts frohm
books) are merely of a secondary nature and may only be used to confirm
the existence of facts established by other evidence, as the Court has phre-
viously explained :
“[T]he Court regards them not as evidence capable of proving facts,
but as material which can nevertheless contribute, in some circum -
stances, to corroborating the existence of a fact, i.e., as illustrative
material additional to other sources of evidence.” (Military and Para‑
military Activities in and against Nicaragua (Nicaragua v. United States
of America), Merits, Judgment, I.C.J. Reports 1986, p. 40, para. 62.)
In the present case, the Serbian television documentary does corroborateh
the evidence set out above.
240. Finally, the Court observes that Serbia does not deny that killings
were committed in Lovas, but contests their characterization under the
Convention (see paragraph 234 above). Taking all this evidence into
account, the Court finds that it is established that Croat civilians where
killed by the JNA and Serb forces in the village of Lovas between 10Octo-
ber 1991 and the end of December 1991, although it is unable to deter -
mine their precise number.
(d) Dalj
241. According to the Applicant, a great number of Croats were killed
in Dalj, a village situated to the north of Vukovar in which approximatehly
88
7 CIJ1077.indb 173 18/04/16 08:54 88 application de convehntion génocide (arrêth)
environ de la population était croate. La Croatie affirme tout d’habord que
des dizaines de Croates sont morts durant l’attaque lancée par la hJNA et
er
des groupes paramilitaires serbes le 1 août 1991 : des civils auraient été
visés directement et des combattants croates auraient été exéhcutés après
s’être rendus. Elle soutient ensuite que plusieurs Croates détehnus ou
conduits à Dalj ont été assassinés par des forces serbes àh l’automne1991.
La Serbie répond, comme elle le fait à l’égard d’allégations relatives à
d’autres localités, que les éléments de preuve présentéhs par la Croatie sont
insuffisants pour établir les allégations de celle -ci. Le défendeur semble
toutefois reconnaître qu’un certain nombre de personnes ont été tuées à
Dalj, mais soutient que le demandeur n’a pas démontré qu’il hs’agissait là
d’actes de génocide.
242. La Cour observe que la Croatie s’appuie sur plusieurs déclarations
pour établir ses allégations. En ce qui concerne les meurtres prétendument
commis le 1 er août 1991, certaines déclarations invoquées ne sont pas
signées ou confirmées ; lesautres ne semblent pas attester d’une connais -
sance directe des meurtres allégués. La Cour conclut que la Croatihe n’a pas
présenté d’éléments de preuve suffisants pour étayer hson affirmation quant
au meurtre de Croates par la JNA et des forces serbes le 1 eraoût 1991.
S’agissant des meurtres qui auraient été perpétrés plus thard, dans le
courant de l’automne 1991, la Cour relève que la déclaration de B. I. a été
ultérieurement confirmée par celui-ci. B. I.affirme que, après s’être rendu
le 21 novembre 1991, il a été emmené en camion à Dalj avec d’autres per -
sonnes. En chemin, 35 personnes ont été forcées de descendre du camion,
puis des coups de feu ont retenti et elles ne sont jamais revenues. A l’arri-
vée à Dalj, il a été emmené jusqu’à une fosse commune dans laquelle il a
vu de « nombreux cadavres », puis il a assisté à l’exécution d’autres
Croates qui sont alors tombés dans la fosse. Les tirs qu’il a essuhyés
n’ayant touché que son bras et une tentative d’égorgement ayhant égale -
ment échoué, B. I. a survécu. La Cour estime qu’elle peut se fonder sur
cette déclaration émanant d’une personne qui a assisté aux éhvénements.
243. La Croatie a également produit des rapports d’exhumation qui
indiquent que des Croates, dont des combattants, ont été tués phar balles,
sans préciser toutefois les circonstances de leur décès.
244. La Cour note en outre qu’une partie des crimes censés avoir étéh
commis dans cette localité ont été constatés par la chambre hde première
instance du TPIY dans le jugement rendu en l’affaire Stanišić et Simatović,
actuellement en appel pour d’autres motifs. Dans son jugement, la chambre
a conclu que, le 21 septembre 1991 ou aux alentours de cette date, les
membres d’un groupe paramilitaire serbe avaient tué dix personnes hdéte -
nues au poste de police de Dalj, dont huit Croates (jugement Stanišić et
Simatović, par. 419-420 et 975). La chambre a également estimé que
22 autres détenus avaient été assassinés dans cette localitéh les 4 ouo5 ctobre
1991 et que 17 des victimes étaient des civils croates (ibid., par.432 et 975).
245. Les éléments de preuve produits par la Croatie, considérés àh la
lumière des conclusions auxquelles est parvenu le TPIY dans le jugemehnt
qu’il a rendu en l’affaire Stanišić et Simatović, sont suffisants pour per -
89
7 CIJ1077.indb 174 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 88
one-fifth of the population was of Croat ethnicity. Croatia first cohntends
that dozens of Croats died during the attack carried out by the JNA and h
Serb paramilitary groups on 1 August 1991 : it alleges that civilians were
directly targeted and that Croatian combatants were executed after they h
had surrendered. It further claims that several Croats captured at or
taken to Dalj were murdered by Serb forces in the autumn of 1991. In
response, Serbia states, as it does with respect to claims concerning othher
localities, that the evidence presented by Croatia is insufficient to estab -
lish its allegations. Although the Respondent appears to accept that a
number of people were killed in Dalj, it argues that the Applicant has nhot
shown that these were acts of genocide.
242. The Court notes that Croatia relies on several individual state -
ments in order to establish its allegations. With respect to the killings
allegedly carried out on 1 August 1991, certain of the statements relied on
are not signed or confirmed ; the others do not appear to provide a
firsthand account of the killings alleged. The Court concludes that Croa -
tia has not produced sufficient evidence to substantiate its claim that Cro-
ats were killed by the JNA and Serb forces on 1 August 1991.
With respect to the killings allegedly perpetrated later, in the autumn hof
1991, the Court observes that the statement of B. I. was subsequently
confirmed by this individual. B. I. states that, after having surrendered on
21 November 1991, he was put on a truck with others and driven to Dalj.
On the way, 35 people were forced off the truck ; he then heard gunshots
and these people did not return. After having arrived in Dalj, he was
taken out to a mass grave, in which he saw “many corpses”, and wathched
as other Croats in his group were shot and fell into the grave. He was
saved because the shots fired at him only hit his arm and an attempt tho
slit his throat with a knife also failed. The Court considers that it cahn rely
on this statement by a person who provides a first -hand account.
243. Croatia has also produced exhumation reports which indicate
that Croats, including Croatian combatants, were killed by firearms,
without, however, specifying the circumstances of their deaths.
244. The Court further notes that in the Stanišić and Simatović Trial
Judgment, currently under appeal on different grounds, the ICTY Trial
Chamber found that some of the alleged crimes had been committed in
this locality. In its Judgment, the Chamber concluded that, on or aroundh
21 September 1991, members of a Serb paramilitary group killed ten peo -
ple held at the police building in Dalj, eight of whom were Croats (Stanišić
and Simatović Trial Judgment, paras. 419-420 and 975). The Chamber
also found that 22 other detainees had been killed in this locality on 4 and
5 October 1991, and that 17 of those victims were Croat civilians (ibid.,
paras. 432 and 975).
245. The evidence presented by Croatia, considered in the light of the
findings of the ICTY in the Stanišić and Simatović Trial Judgment, is suf -
ficient for the Court to conclude that members of the protected group h
89
7 CIJ1077.indb 175 18/04/16 08:54 89 application de convehntion génocide (arrêth)
mettre à la Cour de conclure que des membres du groupe protégé ont faiht
l’objet de meurtres commis par des forces serbes dans le village de Dhalj
entre les mois de septembre et de novembre 1991.
Région de Slavonie occidentale
Voćin
246. La Croatie fait état de meurtres qui auraient été perpétréhs par des
forces serbes contre des Croates dans le village de Voćin (municipalité de
Podravska Slatina), qui était peuplé pour un tiers environ de Crohates. Se
fondant sur des déclarations annexées à ses écritures, la Crhoatie avance en
particulier qu’au moins 35 Croates ont été assassinés entre les 12 et
14 décembre 1991 par des forces serbes contraintes de se retirer de Voćin.
247. La Serbie soutient, quant à elle, que les crimes allégués dans hl’en-
semble de la municipalité de Podravska Slatina sont insuffisamment
étayés par les éléments de preuve versés au dossier, en pharticulier parce
qu’ils constituent du ouï -dire.
248. La Croatie s’est référée aux déclarations annexées àh ses écritures
pour étayer ses allégations. La plupart de ces déclarations ne sont pas
signées et n’ont pas été autrement confirmées ;elles ne seront pas exami -
nées plus avant. La Cour note que la déclaration de M. S. a été confirmée
ultérieurement par cette dernière. Cependant, le récit qu’elhle fait du
meurtre de Croates par des Serbes constitue du ouï -dire. Elle affirme en
particulier que des Serbes ont commis un massacre à Voćin le
13 décembre 1991, mais elle ne semble pas avoir elle -même assisté au
meurtre de Croates puisqu’elle était cachée dans un abri lorsquhe les forces
serbes ont attaqué les Croates du village. La Cour estime que ces éhléments
ne suffisent pas à établir le meurtre de Croates dans cette localhité.
249. A l’appui de ses allégations concernant le massacre qui aurait éhté
commis à Voćin aux alentours du 13 décembre 1991, la Croatie invoque
également le rapport d’une organisation non gouvernementale, « Hel -
sinki Watch», adressé à Slobodan Milošević et au général Blagoje Adžić
le 21 janvier 1992 et reposant sur une enquête menée par ladite organisa -
tion (ci -après le « rapport d’Helsinki Watch»). Selon ce rapport,
43 Croates auraient été tués par des forces serbes lorsque celles -ci se sont
retirées des villages de Hum et de Voćin en décembre 1991. La Cour rap-
pelle que la valeur de ce type de documents dépend de la source des ren -
seignements qui y sont contenus, de la manière dont ils ont étéh obtenus et
de leur nature ou de leur caractère (voir le paragraphe 190 ci-dessus). A
cet égard, elle relève que les fondements des conclusions de ce rahpport
concernant les meurtres supposés commis à Voćin sont flous, phuisqu’il y
est fait référence à des témoins oculaires non identifiéhs et à des rapports
d’autopsie qui ne sont pas annexés. La Cour en conclut que ce rapport,
en tant que tel, ne suffit pas à établir les allégations de lah Croatie.
A l’audience, la Croatie a aussi présenté des matériaux audihovisuels
(extrait d’un documentaire de la BBC et photos tirées d’un livre) montrant
90
7 CIJ1077.indb 176 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 89
were killed by Serb forces in the village of Dalj between September and h
November 1991.
Region of Western Slavonia
Voćin
246. Croatia claims that killings were committed by Serb forces against
Croats in the village of Voćin (Podravska Slatina municipality), inh which
approximately one-third of the population was of Croat ethnicity. Rely -
ing on statements appended to its written pleadings, Croatia contends inh
particular that at least 35 Croats were killed between 12 and 14 Decem-
ber 1991 by Serb forces driven out of Voćin.
247. For its part, Serbia argues that the crimes allegedly committed
throughout the Podravska Slatina municipality cannot be substantiated
by the evidence in the case file, in particular because that evidence hconsti-
tutes hearsay.
248. Croatia has referred to the statements appended to its written
pleadings in order to support its allegations. Most of these statements hare
unsigned and were not otherwise confirmed ; they will not be considered
further. The Court observes that the statement of M. S. was subsequently
confirmed by this individual. However, her evidence as to the killing hof
Croats by Serbs is hearsay. In particular, M. S. states that Serbs commit -
ted a massacre in Voćin on 13 December 1991, but she does not seem to
have personally witnessed the killing of Croats as she hid in a shelter
when the Serb forces attacked the Croats in the village. The Court finhds
that this evidence is insufficient to establish the killing of Croats in this
locality.
249. In support of its allegation of a massacre in Voćin around
13 December 1991, Croatia also relies on the Report of a non -govern -
mental organization, “Helsinki Watch”, sent to Slobodan Milošević and
General Blagoje Adžić on 21 January 1992 and based on investigations
carried out by that organization (hereinafter the “Helsinki Watch
Report”). According to the Report, Serb forces withdrawing from the hvi-l
lages of Hum and Voćin killed 43 Croats in December 1991. The Court
recalls that the value of such documents depends on the source of the
information contained therein, the process by which they were generated h
and their quality or character (see paragraph 190 above). In this regard,
it notes that the basis for the report’s findings on the alleged kihllings in
Voćin is unclear, as it refers to unidentified eyewitnesses and authopsy
reports that are not appended. The Court therefore concludes that this
Report, on its own, is insufficient to prove Croatia’s allegations.
At the hearings, Croatia also presented audio -visual materials (an
excerpt from a BBC documentary and photographs taken from a book)
90
7 CIJ1077.indb 177 18/04/16 08:54 90 application de convehntion génocide (arrêth)
des victimes qui auraient été assassinées lors dudit massacre. Le documen-
taire de la BBC et les photographies tirées du livre Mass Killing and Geno‑
cide in Croatia in 1991/92: A Book of Evidencemontrent le corps de quelques
personnes, dont il est dit qu’il s’agit de victimes du massacre deh Voćin. Ainsi
que la Cour l’a déjà expliqué (voir le paragraphe239 ci-dessus), de tels types
de preuve ne sauraient, en eux-mêmes, établir les faits allégués.
250. De l’avis de la Cour, même si les éléments dont elle disposeh peuvent
éveiller de sérieux soupçons quant à ce qui s’est passéh à Voćin, force est de
constater que la Croatie n’a pas présenté d’éléments dhe preuve suffisants
pour étayer son affirmation, selon laquelle des meurtres de Croates hont été
commis par des forces serbes dans cette localité en décembre 1991.
Région de Banovina/Banija
a) Joševica
251. La Croatie soutient que plusieurs Croates ont été tués par des h
forces serbes à Joševica, village situé dans la municipalitéh de Glina et peu
plé presque exclusivement de Croates. Elle allègue que des forces hpara -
militaires serbes ont assassiné trois villageois le 5 novembre 1991.
Le 16 décembre 1991, ces forces serbes seraient revenues au village et
auraient fouillé une à une les maisons pour abattre les citoyens chroates ;
21 personnes auraient ainsi péri. Suite à ces meurtres, la plupart dehs
Croates auraient quitté le village, seuls dix d’entre eux demeurant sur
place. De ces dix, quatre auraient ensuite été tués en 1992. Lehs derniers
Croates seraient alors partis du village.
252. La Serbie réitère ses arguments généraux quant aux vices affehctant
les déclarations jointes aux écritures de la Croatie (voir le parhagraphe192
ci-dessus). La Serbie fait également valoir que le demandeur n’a présenté
aucune information détaillée à l’appui des meurtres prétendument perpé -
trés en 1992. Elle fait enfin observer que personne n’a été inculpéh ou
condamné par le TPIY pour les crimes allégués.
253. La Croatie produit des déclarations pour fonder ses allégations.
Parmi celles-ci figure celle de M me Paula Milić (pseudonyme), qui a été
désignée comme témoin et qui a déposé devant la Cour. La hCour note que,
selon sa déclaration, M me Milić aurait assisté à des meurtres commis le
5 novembre 1991 par des forces serbes. Cet aspect de sa déclaration n’a
pas été contesté par la Serbie, et est par ailleurs corroboré par la déclara -
tion d’I. S., qui affirme avoir ultérieurement enterré les trois personnes
nommées par M me Milić. Pour ces raisons, la Cour considère que le témoi-
me
gnage de M Milić a une valeur probante.
254. S’agissant des meurtres qui auraient été perpétrés le
16 décembre 1991, la Croatie fournit la déclaration d’A. S. Bien que cette
déclaration fût à l’origine un procès-verbal d’audition rédigé par la police,
elle a été confirmée ultérieurement par l’intéresséhe et la Cour estime
qu’une valeur probante peut lui être accordée. A. S. raconte que des
forces serbes, en uniforme de camouflage, sont entrées chez elle le
91
7 CIJ1077.indb 178 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 90
showing victims alleged to have been killed during this massacre. The
BBC documentary and photographs taken from the book Mass Killing
and Genocide in Croatia in 1991/92 : A Book of Evidence show several bod-
ies which are said to be the victims of the massacre at Voćin. As theh Court
has previously explained (see paragraph 239 above), this kind of evidence
cannot, on its own, establish the facts alleged.
250. In the opinion of the Court, although the material before it raises
grounds for grave suspicions about what occurred at Voćin, Croatia hahs
not produced sufficient evidence to substantiate its claim that Croats hwere
killed by Serb forces in that locality in December 1991.
Region of Banovina/Banija
(a) Joševica
251. Croatia claims that several Croats were killed by Serb forces in
Joševica, a village situated in the Glina municipality and populated h
almost exclusively by Croats. It states that Serb paramilitary forces kihlled
three villagers on 5 November 1991. On 16 December 1991, those Serb
forces are said to have returned to the village and searched the houses hone
by one in order to slaughter Croat citizens ; 21 people were reportedly
killed in this way. According to the Applicant, the majority of Croats left
the village following these killings ; only ten stayed behind. Of those ten,
four were then killed in 1992. The remaining Croats then left the villaghe.
252. Serbia repeats its general assertion regarding flaws in the state-
ments appended to Croatia’s written pleadings (see paragraph 192 above).
Serbia also states that the Applicant has not produced any detailed infohr -
mation in support of its claim that killings were perpetrated in 1992.
Finally, it observes that no individual has been indicted or sentenced bhy
the ICTY for the alleged crimes.
253. Croatia relies on statements in order to substantiate its allega -
tions. Among them is that of Ms Paula Milić (pseudonym), who was
called for oral testimony and appeared before the Court. The Court notes
that, according to her statement, Ms Milić witnessed the killings commit-
ted on 5 November 1991 by Serb forces. This part of her statement was
not contested by Serbia. Moreover, it is corroborated by the statement ohf
I. S., who attests to having subsequently buried the three individuals
named by Ms Milić. For these reasons, the Court considers that MsMilić’s
testimony has evidential weight.
254. With respect to the alleged killings on 16 December 1991, Croatia
provides a statement by A. S. Although this statement originally took the
form of a police record, it has subsequently been confirmed by A. S., and
the Court considers that it can give it evidential weight. A. S. describes
Serb forces in mottled uniforms entering her home on 16 December 1991
and firing shots at her and others. While suffering from gunshot woundsh,
91
7 CIJ1077.indb 179 18/04/16 08:54 91 application de convehntion génocide (arrêth)
16 décembre 1991 en tirant sur elle et sur d’autres personnes. Malgréh ses
blessures, elle a rampé de l’un de ses petits-enfants à un autre, puis jusqu’à
son cousin, et constaté qu’ils étaient tous morts. Un rapport mhédical
confirmant ses blessures par balles est joint à sa déclaration. Le récit
qu’elle fournit concernant les meurtres commis le 16 décembre 1991 est
corroboré par la déclaration d’I. S., examinée au paragraphe précédent.
255. La Croatie invoque également le rapport d’Helsinki Watch (voir leh
paragraphe249 ci-dessus). La section pertinente du rapport relate le meurtre
de Croates par des forces serbes à Joševica à la m-idécembre1991. Le TPIY
s’y est référé dans le jugement rendu en l’affaire Martić (jugement Martić,
par. 324, note de bas de page 1002) avant de conclure que des Croates
avaient été tués dans la SAO de Krajina en 1991, sans que cela confère au
rapport, en tant que tel, une valeur probante. Toutefois, la Cour fait obser-
ver que ce rapport confirme les éléments de preuve exposés cih -dessus.
256. Compte tenu des éléments susmentionnés, la Cour conclut que la h
Croatie a établi que des forces serbes ont commis des meurtres à lh’en -
contre de Croates à Joševica, le 5 novembre 1991 et le 16 décembre 1991.
En revanche, la preuve que des meurtres auraient été commis en 1992 n’a
pas été suffisamment rapportée par la Croatie, les déclarathions invoquées
à cet égard n’étant ni signées ni confirmées.
b) Hrvatska Dubica et ses environs
257. La Croatie fait état de meurtres qui auraient été perpétréhs par des
unités de la JNA et des forces serbes contre de nombreux Croates dansh la
municipalité de Hrvatska Kostajnica, particulièrement des habitanths des
villages de Hrvatska Dubica, Cerovljani et Baćin. Le demandeur allèhgue
notamment que, en octobre 1991, 60 Croates de souche des villages envi -
ronnants ont été rassemblés et détenus à la caserne des phompiers de
Hrvatska Dubica. Ils auraient ensuite été exécutés par un pehloton dans un
champ près de Baćin. Leurs corps auraient alors été ensevelihs dans une
fosse préparée à l’avance.
258. En réponse, le défendeur met en doute la valeur probante des élhé -
ments de preuve produits par la Croatie. La Serbie prend cependant acte hdes
conclusions de la chambre de première instance du TPIY en l’affaireh Martić,
dans laquelle des meurtres de Croates ont été constatés dans cehtte zone.
259. La Cour relève que plusieurs des crimes dont la perpétration est
alléguée par le demandeur ont été examinés par les chambrhes du TPIY.
Dans son jugement rendu le 12 juin 2007 en l’affaire Martić, la chambre
de première instance a conclu que 41 civils (croates en grande majorhité) de
Hrvatska Dubica ont été exécutés le 21 octobre 1991 par des forces serbes
(jugement Martić , par. 183, 354 et 358). La chambre de première instance
a de plus conclu que neuf civils de Cerovljani et sept civils de Baćihn ont
été exécutés autour des 20-21 octobre 1991 par la JNA ou des forces
serbes, ou par une combinaison de celles -ci, et que 21 autres habitants de
Baćin ont été tués au cours du mois d’octobre 1991 par lah JNA ou des
forces serbes, ou par une combinaison de celles -ci (jugement Martić,
92
7 CIJ1077.indb 180 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 91
she crawled on her knees from one grandchild to another and to her
cousin and she saw that they were all dead. A medical report is attachedh
to the statement, confirming her gunshot wounds. Her evidence of killihngs
on 16 December 1991 is corroborated by the statement of I. S., examined
in the previous paragraph.
255. Croatia also relies on the Helsinki Watch Report (see para -
graph 249 above). The relevant section of the Report describes the killing
of Croats by Serb forces in Joševica in mid -December 1991. The ICTY
referred to it in its Judgment in the Martić case (Martić Trial Judgment,
para. 324, footnote 1002) before finding that Croats had been killed in the
SAO Krajina in 1991, but that does not give the Report value as such.
However, the Court notes that this Report confirms the evidence outlinhed
above.
256. In light of the foregoing, the Court concludes that Croatia has
established that Serb forces carried out killings of Croats in Joševihca on
5 November 1991 and 16 December 1991. In contrast, Croatia has failed
to provide sufficient evidence that killings were committed in 1992, thhe
statements relied on in this regard being neither signed nor confirmedh.
(b) Hrvatska Dubica and its surrounding area
257. Croatia claims that numerous Croats were killed by units of the
JNA and Serb forces in the Hrvatska Kostajnica municipality, notably
inhabitants of the villages of Hrvatska Dubica, Cerovljani and Baćin.h In
particular, the Applicant alleges that, in October 1991, 60 ethnic Croats
from the surrounding villages were rounded up and held at the fire stahtion
in Hrvatska Dubica. They were then executed by a firing squad in a
meadow close to Baćin and their bodies subsequently buried in a previh -
ously prepared mass grave.
258. In response, Serbia disputes the probative value of the evidence
produced by Croatia. It notes, however, the conclusions of the ICTY
Trial Chamber in the Martić case, in which it was found that a number of
killings of Croats had taken place in this area.
259. The Court notes that several of the crimes whose perpetration has
been alleged by the Applicant have been examined by the Chambers of
the ICTY. In its Judgment rendered on 12 June 2007 in the Martić case,
the Trial Chamber concluded that 41 civilians (the large majority Croats)
from Hrvatska Dubica were executed on 21 October 1991 by Serb forces
(Martić Trial Judgment, paras. 183, 354, 358). The Trial Chamber further
found that nine civilians from Cerovljani and seven civilians from Baćhin
were executed on or around 20 -21 October 1991 by the JNA or Serb
forces, or a combination thereof, and that a further 21 inhabitants of
Baćin were killed during the month of October 1991 by the JNA or Serb
forces, or a combination thereof (Martić Trial Judgment, paras. 188-191,
92
7 CIJ1077.indb 181 18/04/16 08:54 92 application de convehntion génocide (arrêth)
par. 188-191, 359, 363 -365 et 367). La chambre de première instance du
TPIY, dans son jugement rendu en l’affaire Stanišić et Simatović, est par -
venue aux mêmes conclusions concernant les victimes de Hrvatska Dubicha
et de Cerovljani (jugement Stanišić et Simatović, par. 56-64 et 975).
260. Ces conclusions corroborent les éléments de preuve présentésh par
la Croatie devant la Cour. En particulier, la Croatie a produit la déclara -
tion faite devant un tribunal croate par M. Miloš Andrić (pseudonyme),
qu’elle a cité comme témoin, mais que la Serbie n’a pas souhhaité sou -
mettre à contre -interrogatoire. Dans sa déclaration, M. Andrić indique
notamment que, après le massacre de Baćin, il a personnellement ashsisté à
l’identification des corps du charnier ; il relate que des civils y avaient été
empilés, pêle -mêle, et que bon nombre d’entre eux avaient été battus à h
mort, frappés à la tête au moyen d’objets contondants.
261. La Cour conclut qu’un nombre significatif de civils croates ont été
tués par la JNA et des forces serbes à Hrvatska Dubica et dans ses envi -
rons au cours du mois d’octobre 1991.
Région de Kordun
Lipovača
262. Le demandeur soutient que la JNA s’est emparée de Lipovača, vil -
lage à majorité croate, à la fin du mois de septembre ou au dhébut du mois
d’octobre 1991, ce qui aurait conduit la plupart des habitants à fuir ; seuls
16 Croates seraient demeurés sur place. Il affirme que sept civils croates
ont ensuite été tués par des forces serbes le 28 octobre 1991, ce qui aurait
provoqué le départ de quatre autres Croates du village. Selon lui,h les
cinq Croates restés sur place auraient été abattus ultérieurement, le
31 décembre 1991. Il souligne que la chambre de première instance du
TPIY saisie de l’affaireMartić a examiné en détail les événements survenus
à Lipovača et conclu que sept civils croates avaient été tués par des forces
serbes à la fin du mois d’octobre 1991 (jugement Martić, par. 202-208).
263. Le défendeur reconnaît que le jugement rendu par le TPIY dans
l’affaireMartić a confirmé le meurtre de sept civils par des forces para -
militaires serbes à Lipovača fin octobre 1991. Il soutient cependant que
les autres crimes allégués n’ont pas été établis de fahçon convaincante.
264. La Cour note que, dans deux jugements, le TPIY a examiné les
meurtres commis à Lipovača. Dans le jugement rendu en l’affaire Martić,
la chambre de première instance a constaté que les sept personnes qui,
selon le demandeur, auraient été tuées le 28 octobre 1991 avaient effecti -
vement été assassinées à Lipovača aux alentours de cette hdate après
l’arrivée de forces serbes. Elle a conclu que l’origine croate hde trois des
victimes avait été établie par des preuves directes et a dédhuit de l’ensemble
des éléments de preuve dont elle disposait qu’il en allait de mhême des
quatre autres victimes ( ibid., par. 370). Cependant, dans l’affaire Stanišić
et Simatović, la chambre de première instance a conclu que l’ethnicité
croate n’avait été établie que pour trois personnes (jugemehnt Stanišić et
Simatović, par. 67).
93
7 CIJ1077.indb 182 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 92
359, 363 -365, 367). The ICTY Trial Chamber in the Stanišić and Simatović
case reached the same conclusions concerning the victims from
Hrvatska Dubica and Cerovljani (Stanišić and Simatović Trial Judgment,
paras. 56-64 and 975).
260. These findings substantiate the evidence presented by Croatia
before the Court. In particular, Croatia has produced the statement madeh
before a Croatian court by Mr. Miloš Andrić (pseudonym), whom it
called for oral testimony but whom Serbia did not wish to cross -examine.
In his statement, Mr. Andrić indicates in particular that, following the
Baćin massacre, he was present in person during the identification of the
bodies in the mass grave ; he states that civilians had been heaped in the
grave, all crumpled, and that many of them had been beaten to death,
struck on the head by blunt instruments.
261. The Court concludes that a significant number of Croat civilians
were killed by the JNA and Serb forces in Hrvatska Dubica and its sur -
rounding area during October 1991.
Region of Kordun
Lipovača
262. The Applicant alleges that the JNA seized the Croat -majority
village of Lipovača at the end of September or the beginning of Octo -
ber 1991, causing most of its inhabitants to flee; only 16 Croats remained.
It claims that seven Croat civilians were then killed by Serb forces on h
28 October 1991, which led to the departure of a further four Croats from
the village. According to Croatia, the five remaining Croats were subshe -
quently killed on 31 December 1991. The Applicant points out that the
ICTY Trial Chamber in the Martić case examined in detail the events
which took place in Lipovača and concluded that seven Croat civilians
had been killed by Serb forces at the end of October 1991 (Martić Trial
Judgment, paras. 202-208).
263. The Respondent concedes that the ICTY’s Judgment in the
Martić case confirmed the killing of seven civilians by Serb paramilitary
forces in Lipovača at the end of October 1991. It maintains, however,
that the other alleged crimes have not been convincingly established.
264. The Court notes that the ICTY has examined the Lipovača kill -
ings in two judgments. In the Martić Trial Judgment, the Trial Chamber
found that the seven individuals alleged by the Applicant to have been
killed on 28 October 1991 had indeed been executed in Lipovača on or
around that date after the arrival of Serb forces. It held that there was
direct evidence of the Croat ethnicity of three of the victims and deduched
from all the evidence available to it that the other four victims were ahlso
Croats (ibid., para. 370). However, in the Stanišić and Simatović case, the
Trial Chamber concluded that the Croat ethnicity of only three of the
victims had been established (Stanišić and Simatović Trial Judgment,
para. 67).
93
7 CIJ1077.indb 183 18/04/16 08:54 93 application de convehntion génocide (arrêth)
265. S’agissant des meurtres qui auraient été commis au mois de
décembre 1991, la chambre de première instance saisie de l’affaire Martić
a constaté que les cinq personnes nommées par le demandeur avaienth été
tuées à un moment quelconque au cours de l’occupation du villaghe par
des forces serbes, bien que l’accusé n’ait pas été déchlaré coupable de ces
meurtres parce que ceux -ci ne figuraient pas dans l’acte d’accusation
(jugement Martić, note de bas de page 555). Dans l’affaire Stanišić et
Simatović, la chambre de première instance a également conclu que ces
cinq personnes avaient été tuées à Lipovača, mais a ajouté hqu’elle ne pou -
vait déterminer qui avait commis ces meurtres, et n’a pas examinéh ceux -ci
plus avant (jugement Stanišić et Simatović, par. 68). Ni dans l’une ni dans
l’autre de ces affaires, la chambre de première instance ne s’esht prononcée
sur l’appartenance ethnique des victimes.
266. La seule déclaration produite par la Croatie au soutien de son
allégation relative aux meurtres du 31 décembre 1991 repose sur des élé-
ments de preuve par ouï -dire et ne permet pas, selon la Cour, d’établir
l’existence de ces faits. En conséquence, la Cour n’est pas en hmesure de
retenir l’affirmation du demandeur selon laquelle cinq Croates ont éhté
tués le 31 décembre 1991.
267. La Cour déduit en revanche de ce qui précède qu’il est éthabli que
des forces serbes ont assassiné au moins trois Croates, le 28 octobre 1991,
à Lipovača.
Région de Lika
a) Saborsko
268. Le demandeur soutient que le village de Saborsko, situé dans la
municipalité d’Ogulin et peuplé majoritairement de Croates, a éhté encer -
clé et bombardé par des forces paramilitaires serbes à partir dhu début du
mois d’août 1991 et jusqu’au 12 novembre de la même année, lorsqu’il a
été attaqué par les forces combinées de la JNA et des forcesh paramilitaires
serbes. Selon la Croatie, après des bombardements aériens et des thirs
d’artillerie et de mortier soutenus, la JNA et les paramilitaires serhbes sont
entrés dans le village et se sont mis à détruire les biens appartenant
aux Croates et à tuer la population civile restée sur place. La Croatihe
fait remarquer que, dans les affaires Martić et Stanišić et Simatović, le
TPIY a minutieusement examiné les événements survenus à Sabohrsko.
269. La Serbie reconnaît que « la plupart des actes censés avoir été
commis à Saborsko ont été confirmés par le[s] jugement[s] hdu TPIY »,
mais ajoute qu’ils n’ont pas été commis avec une intention ghénocidaire.
270. Dans la mesure où la Serbie ne conteste pas l’existence des faits h
allégués tels qu’ils ont été établis devant le TPIY, la Cour se référera
aux conclusions de celui-ci. Ainsi, la chambre de première instance saisie
de l’affaire Martić a conclu que 20 personnes avaient été tuées le
12 novembre 1991 par la JNA et des forces serbes, au moins 13 d’entre
elles étant des civils qui ne participaient pas directement aux hostihlités au
94
7 CIJ1077.indb 184 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 93
265. In respect of the killings allegedly committed in December 1991,
the Martić Trial Chamber found that the five persons named by the
Applicant had been killed at some point during the occupation of the vilh-
lage by Serb forces, although the accused was not convicted of those kilhl-
ings because they were not listed in the indictment (Martić Trial Judgment,
footnote 555). The Stanišić and Simatović Trial Chamber also concluded
that those five individuals had been killed in Lipovača, but added that it
could not determine who had committed these killings, and did not con -
sider them any further (Stanišić and Simatović Trial Judgment, para. 68).
In neither of these cases did the Trial Chamber rule on the ethnicity ofh the
victims.
266. The only statement produced by Croatia in support of its allega -
tion relating to the killings of 31December 1991 is based on hearsay and
does not, in the opinion of the Court, make it possible for the existenche of
the facts in question to be established. Consequently, the Court is unabhle
to uphold the Applicant’s claim that five Croats were killed on 31 Decem-
ber 1991.
267. The Court deduces however from the foregoing that it has been
established that Serb forces killed at least three Croats on 28 October
1991 in Lipovača.
Region of Lika
(a) Saborsko
268. The Applicant states that the village of Saborsko, situated in the
Ogulin municipality and populated predominantly by Croats, was sur -
rounded and shelled by Serb paramilitary forces from the beginning of
August 1991 until 12 November of the same year, when it was attacked
by combined JNA and Serb paramilitary forces. According to Croatia,
following aerial bombardments and sustained artillery and mortar fire,h
the JNA and Serb paramilitaries entered the village and began destroyingh
property belonging to Croats and killing the remaining civilian popula -
tion. Croatia points out that, in the Martić and Stanišić and Simatović
cases, the ICTY examined in detail the events which took place in Sabor -
sko.
269. Serbia recognizes that “most of the acts alleged to have taken
place in Saborsko have been confirmed by the judgment[s] of the ICTY”h ;
it adds, however, that they were not committed with genocidal intent.
270. Since Serbia does not dispute the existence of the alleged facts to
the extent that they have been established before the ICTY, the Court wihll
refer to the ICTY’s conclusions. Thus, the Trial Chamber in the Martić
case concluded that 20 people had been killed by the JNA and Serb forces
on 12 November 1991, at least 13 of whom were civilians not taking an
active part in the hostilities at the time of their death. The Chamber fhur -
94
7 CIJ1077.indb 185 18/04/16 08:54 94 application de convehntion génocide (arrêth)
moment de leur décès. La chambre a également constaté que lehs homi -
cides avaient été commis avec une intention discriminatoire enversh les
Croates (jugement Martić, par. 233-234, 379 et 383). Dans l’affaire Sta‑
nišić et Simatović, la chambre de première instance a confirmé le meurtre
de neuf Croates à Saborsko le 12novembre 1991 par la JNA et des forces
serbes, mais signalé qu’elle tenait pour insuffisants les éléhments de preuve
qui lui avaient été soumis relativement aux circonstances dans leshquelles
les 11 autres personnes avaient été tuées (jugement Stanišić et Simatović,
par. 102-107 et 975). La Cour note aussi que certaines déclarations pro-
duites par la Croatie corroborent les conclusions du TPIY.
271. Au vu de ce qui précède, la Cour conclut qu’il a été éhtabli que la
JNA et des forces serbes ont commis le meurtre de plusieurs Croates àh
Saborsko le 12 novembre 1991.
b) Poljanak
272. La Croatie allègue que le village de Poljanak (municipalité de
Titova Korenica) comptait, en 1991, 160 habitants, dont 145 Croates. A
l’automne 1991, de nombreux civils croates du village auraient étéh assas
sinés par la JNA et des forces serbes.
273. Le demandeur se fonde notamment sur les conclusions factuelles
auxquelles est parvenue la chambre de première instance du TPIY dans h
son jugement rendu en l’affaire Martić (jugement Martić, par. 211-213
et 216-219), pour avancer qu’entre septembre et novembre 1991 de nom -
breuses attaques ont été menées contre des civils de Poljanak eht de son
hameau Vukovići.
274. La Serbie reconnaît que, dans le jugement en l’affairMartić, la
chambre de première instance du TPIY a confirmé que certains meurtres
avaient été commis à Poljanak.
275. La Cour observe que plusieurs des crimes dont la perpétration est
alléguée par le demandeur ont été examinés par la chambreh de première
instance du TPIY dans le jugement qu’elle a rendu en l’affaire Martić.
Ladite chambre a notamment conclu que :
— un civil croate avait été tué le 8 octobre 1991 par la JNA et des
habitants armés (ibid., par. 212, 371 et 377) ;
— aux alentours du 14 octobre 1991, deux civils croates avaient été
retrouvés pendus chez eux, mais sans qu’il soit établi qu’ilh s’agissait de
meurtres ou de suicides (ibid., par.12 et note 566);
— le 7 novembre 1991, sept civils croates avaient été alignés et exécutésh
par la JNA et des habitants armés au domicile de Nikola « S ojka»
Vuković, tandis que ce dernier avait été abattu par la fenêtre alors
qu’il était malade et alité (ibid., par. 371 et 377);
— enfin, le même 7 novembre 1991, 20 soldats serbes avaient encerclé
une maison à Poljanak et avaient ensuite abattu deux hommes croates
qu’ils avaient préalablement séparés des femmes et d’un garçon (ibid.,
par. 216-218, 372 et 377).
95
7 CIJ1077.indb 186 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 94
ther found that the killings had been carried out with intent to discrimhi -
nate on the basis of Croat ethnicity (Martić Trial Judgment, paras.-234,
379 and 383). In the Stanišić and Simatović case, the Trial Chamber con -
firmed the killings of nine Croats in Saborsko on 12 November 1991 by
the JNA and Serb forces, but noted that it had received insufficient evhi -
dence on the circumstances in which the other 11 persons had been killed
(Stanišić and Simatović Trial Judgment, paras. 102-107, 975). The Court
also notes that certain statements produced by Croatia corroborate the
findings of the ICTY.
271. In light of the foregoing, the Court concludes that it has been
established that the JNA and Serb forces killed several Croats in Sabor -
sko on 12 November 1991.
(b) Poljanak
272. Croatia claims that in 1991, the village of Poljanak (Titova Kore -
nica municipality) had 160 inhabitants, 145 of whom were Croats. In the
autumn of 1991, numerous Croat civilians from the village were allegedlyh
killed by the JNA and Serb forces.
273. The Applicant relies in particular on the factual findings of the
ICTY Trial Chamber in the Martić Judgment (Martić Trial Judgment,
paras. 211-213 and 216 -219) in claiming that, between September and
November 1991, several attacks were carried out against civilians in Pol-
janak and its hamlet Vukovići.
274. Serbia acknowledges that, in the Martić Judgment, the ICTY
Trial Chamber confirmed that a number of killings had been committed
in Poljanak.
275. The Court observes that several of the crimes whose perpetration
isalleged by the Applicant were examined by the ICTY Trial Chamber in
its Martić Judgment. In particular, that Chamber concluded that :
— one Croat civilian had been killed on 8 October 1991 by the JNA and
armed inhabitants (ibid., paras. 212, 371, 377)
— on or around 14 October 1991, two Croat civilians had been found
hanged in their homes, although it was not clear from the evidence
whether these men had been murdered or committed suicide (ibid.,
para. 212 and footnote 566) ;
— on 7 November 1991, seven Croat civilians had been lined up and
executed by the JNA and armed inhabitants at the house of
Nikola “Sojka” Vuković, while the latter had been shot from the win -
dow while he was lying sick in his bed (ibid., paras.4, 371, 377) ;
— finally, also on November 1991, 20 Serb soldiers had surrounded a
family home in Poljanak and then shot two Croat men, having sepa -
rated them from the women and a boy (ibid., paras. 216-218, 372,
377).
95
7 CIJ1077.indb 187 18/04/16 08:54 95 application de convehntion génocide (arrêth)
276. La Cour note également que la chambre d’appel en l’affaire Mar‑
tić a conclu que les auteurs de trois de ces meurtres (celui commis le
8 octobre 1991 et le meurtre de deux hommes le 7 novembre 1991) ne
pouvaient être identifiés de façon certaine et qu’elle a dhonc acquitté l’ac-
cusé de ces crimes (IT-95-11-A, arrêt du 8 octobre 2008, par. 200-201).
Cependant, elle a confirmé la condamnation de l’accusé pour lhe massacre
de huit Croates le 7 novembre 1991 par la JNA et des habitants armés
(ibid., par. 204-206). Par la suite, la chambre de première instance saisie
de l’affaire Stanišić et Simatović a aussi considéré que ledit massacre avait
été établi (jugement Stanišić et Simatović, par. 85 et 975). La Cour relève
que les conclusions du TPIY ne sont pas contestées par la Serbie. Elle
estime qu’il n’est, par conséquent, pas nécessaire d’examhiner les autres
éléments de preuve produits par la Croatie, notamment les déclahrations
annexées à ses écritures.
277. La Cour déduit de ce qui précède qu’il a été établi que plusieurs
meurtres ont été perpétrés par la JNA et des forces serbes chontre des
membres du groupe protégé à Poljanak en novembre 1991.
Région de Dalmatie
a) Skabrnja et ses environs
278. La Croatie avance que, les 18 et 19 novembre 1991, la JNA et des
forces serbes ont assassiné des dizaines de civils croates à Skabrnja et
dans le village voisin de Nadin, tous deux situés dans la municipalithé de
Zadar, Dalmatie, et habités presque exclusivement par des Croates de h
souche.
279. Le demandeur allègue que Skabrnja et Nadin ont subi, durant les
mois de septembre et d’octobre 1991, des tirs de mortier et des bombarde -
ments aériens que rien ne justifiait d’un point de vue militaireh. Après la
mort de trois civils au début du mois d’octobre, une grande partieh des
habitants de Skabrnja auraient été évacués, mais la plupart d’entre euxh y
seraient revenus à la suite de la signature d’un accord de cessez -le-feu le
5 novembre 1991. La Croatie affirme que, en violation dudit accord, la
JNA et des forces serbes ont lancé une attaque aérienne et terresthre de
grande envergure contre les deux villages les 18 et 19 novembre 1991.
Selon elle, après un pilonnage intensif, des bataillons d’infanterhie et des
paramilitaires lourdement armés seraient entrés dans Skabrnja ; les chars
de la JNA auraient alors ouvert le feu sur les maisons, l’école eth une église,
tandis que des forces serbes tiraient au lance-roquettes sur les habitations.
280. La Croatie soutient que, après avoir occupé Skabrnja et Nadin,
des forces serbes s’en sont pris aux civils croates. Elle affirme quhe lesdites
forces ont tué des civils qui s’étaient réfugiés dans lesh caves de leurs habi
tations durant les combats. Le demandeur invoque notamment, à l’aphpui
de ses allégations, les conclusions factuelles du TPIY dans les affairhes
Martić et Stanišić et Simatović, soulignant que le Tribunal a constaté le
meurtre de nombreux civils croates à Skabrnja et Nadin.
96
7 CIJ1077.indb 188 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 95
276. The Court also notes that the Appeals Chamber in the Martić
case concluded that the perpetrators of three of these murders (that cohm-
mitted on 8 October 1991 and the murders of two men on 7 Novem-
ber 1991) could not be identified with certainty and thus acquitted the
accused of those crimes (IT -95-11-A, Judgment of 8 October 2008,
paras. 200-201). However, it upheld the finding that the accused was
responsible for the massacre of eight Croats on 7 November 1991 by the
JNA and armed inhabitants (ibid., paras. 204-206). Subsequently, the
Trial Chamber in the Stanišić and Simatović case also concluded that the
said massacre had been established (Stanišić and Simatović Trial Judg -
ment, paras. 85 and 975). The Court notes that the ICTY’s findings are
not contested by Serbia. Consequently, it does not deem it necessary to h
examine the other evidence produced by Croatia, in particular the state -
ments appended to its written pleadings.
277. The Court deduces from the foregoing that it has been established
that several killings were perpetrated by the JNA and Serb forces in Polh-
janak against members of the protected group in November 1991.
Region of Dalmatia
(a) Skabrnja and its surrounding area
278. Croatia claims that, on 18 and 19 November 1991, the JNA and
Serb forces killed dozens of Croat civilians in Skabrnja and the neigh -
bouring village of Nadin, both located in the Zadar municipality of Dal -
matia, and populated almost exclusively by ethnic Croats.
279. The Applicant alleges that, throughout September and Octo -
ber 1991, Skabrnja and Nadin were subjected to mortar fire and aerial
bombardments with no military justification. It claims that, followingh the
deaths of three civilians at the start of October, the majority of Skabrnja’s
inhabitants had been evacuated ; most, however, had returned after a
ceasefire agreement was signed on 5 November 1991. Croatia asserts that,
in breach of that agreement, the JNA and Serb forces launched a full-scale
aerial and ground assault on the two villages on 18 and 19 November
1991. According to the Applicant, after intensive shelling, infantry trohops
and heavily armed paramilitaries invaded Skabrnja JNA tanks fired on
houses, the school and a church, while Serb forces fired rocket launchhers
at dwellings.
280. Croatia maintains that, after occupying Skabrnja and Nadin,
Serb forces attacked Croat civilians. It claims that those forces killedh
civilians who had hidden in the basements of their houses during the
fighting. In particular, the Applicant invokes, in support of its allega -
tions, the factual findings of the ICTY in the Martić and Stanišić and
Simatović cases, pointing out that the Tribunal ruled that there had been
a number of killings of Croat civilians in Skabrnja and Nadin.
96
7 CIJ1077.indb 189 18/04/16 08:54 96 application de convehntion génocide (arrêth)
281. En réponse aux accusations portées contre elle, la Serbie ne nie
pas que des crimes ont été perpétrés dans les deux villages hsusmentionnés.
Elle reconnaît que des atrocités ont été commises contre la hpopulation
civile et admet que la plupart des meurtres allégués par le demandheur ont
été confirmés par le jugement rendu par le TPIY dans l’affahireMartić. Le
défendeur fait toutefois valoir que de violents combats ont précéhdé l’en -
trée de la JNA et des forces serbes dans le village de Skabrnja, précisant
que ces affrontements se sont soldés par de lourdes pertes du côtéh de ces
forces et que certains combattants croates portaient des habits civils.
282. La Croatie fonde ses allégations sur la déclaration de M. Ivan
Krylo (pseudonyme), qu’elle a cité comme témoin. M. Krylo a déposé
devant la Cour et a été soumis à un contre -interrogatoire par la Serbie
lors d’une audience à huis clos (voir le paragraphe 46 ci-dessus). La Cour
note que, dans sa déclaration écrite, M. Krylo relate que de nombreuses
personnes se sont abritées dans les caves de leurs habitations duranth les
combats qui ont eu lieu à Skabrnja le 18 novembre 1991 au matin, et que,
après avoir pénétré dans le village, la JNA et des forces sehrbes les en ont
délogées et en ont abattu plusieurs. M. Krylo déclare en outre avoir été
fait prisonnier avec d’autres villageois et avoir été détenuh et soumis à des
violences au cours des mois qui ont suivi. La Cour relève que la Serbie n’a
aucunement contesté que des meurtres avaient été perpétréhs contre la
population de Skabrnja. Durant le contre -interrogatoire de M. Krylo, ses
questions ont essentiellement porté sur les combats ayant précéhdé la prise
du village. Le défendeur a même admis « que, lorsque le village a capitulé
devant les forces serbes, des atrocités ont été commises à l’égard des
civils».
283. La Cour observe ensuite que, en l’affaire Martić, la chambre de
première instance a constaté qu’une cinquantaine de personnes ahvaient été
assassinées par la JNA et des forces serbes à S kabrnja et dans les villages
voisins, dont Nadin, les 18 et 19 novembre 1991, précisant que « la majo -
rité des victimes de S kabrnja … étaient des Croates » (jugement Martić,
par. 386-391 et 398) ; le Tribunal a aussi conclu au meurtre de 18 civils à
Skabrnja entre le 18 novembre 1991 et le 11 mars 1992 par la JNA et des
forces serbes (ibid., par. 392). La Cour observe par ailleurs que, dans l’af-
faire Stanišić et Simatović la chambre de première instance a constaté que
37 Croates avaient été tués à Skabrnja le 18 novembre 1991 par la JNA et
des forces serbes (jugement Stanišić et Simatović, par. 131-136 et 975).
284. Compte tenu de ce qui précède, la Cour conclut qu’il est étahbli
que des meurtres ont été perpétrés par la JNA et des forces hserbes à Ska -
brnja et Nadin contre des membres du groupe protégé entre le 18 novembre
1991 et le 11 mars 1992.
b) Bruška
285. Le demandeur affirme que, le 21 décembre 1991, des paramili-
taires serbes ont, dans le village de Bruška, situé dans la municipalité de
Benkovac et peuplé à environ 90 % de Croates, tué neuf Croates. Il ajoute
97
7 CIJ1077.indb 190 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 96
281. In response to the accusations made against it, Serbia does not
deny that crimes were perpetrated in the two above-mentioned villages. It
accepts that atrocities were committed against the civilian population ahnd
admits that the majority of the killings alleged by the Applicant have
been confirmed by the ICTY’s Trial Judgment in the Martić case. The
Respondent argues, however, that fierce fighting occurred before theh JNA
and Serb forces entered the village of Skabrnja, resulting in heavy losses
to those forces, and that some Croatian combatants were dressed in civilh -
ian clothing.
282. Croatia bases its allegations on the statement of Mr. Ivan Krylo
(pseudonym), whom it called for oral testimony. Mr. Krylo appeared
before the Court and was cross -examined by Serbia at a closed hearing
(see paragraph 46 above). The Court notes that, in his written statement,
Mr. Krylo states that a number of people had taken shelter in the base -
ments of their homes during the fighting which took place in S kabrnja on
the morning of 18 November 1991, and that, after invading the village,
the JNA and Serb forces flushed those people out and shot several of
them. Mr. Krylo further claims that he was taken prisoner along with
other villagers, and detained and subjected to violence over the course hof
the following months. The Court notes that Serbia did not dispute that
killings had been perpetrated against the inhabitants of Skabrnja. During
Mr. Krylo’s cross-examination, its questions focused on the fighting that
preceded the capture of the village. The Respondent even accepted that
“when the town surrendered to the Serb forces, there were atrocities hcom -
mitted on civilians”.
283. The Court next observes that, in theMartić case, the Trial Chamber
noted that around 50people had been murdered by the JNA and Serb forces
in Skabrnja and the surrounding villages, including Nadin, on 18 and
19 November 1991, observing that “the majority of the victims in
Skabrnja . . . were of Croat ethnicity” (Martić Trial Judgment, paras.386-
391, 398); the Tribunal also found that 18 civilians had been murdered by
the JNA and Serb forces in S kabrnja between 18 November 1991 and
11 March 1992 (ibid., para. 392). The Court further observes that, in the
Stanišić and Simatović case, the Trial Chamber held that 37Croats had been
murdered in Skabrnja on 18 November 1991 by the JNA and Serb forces
(Stanišić and Simatović Trial Judgment, paras.131-136, 975).
284. In light of the foregoing, the Court concludes that it has been
established that killings were perpetrated by the JNA and Serb forces inh
Skabrnja and Nadin against members of the protected group between
18 November 1991 and 11 March 1992.
(b) Bruška
285. The Applicant alleges that, on 21 December 1991, Serb paramili -
taries killed nine Croats in the village of Bruška, in the Benkovac mhuni -
cipality, which had a population that was approximately 90 per cent
97
7 CIJ1077.indb 191 18/04/16 08:54 97 application de convehntion génocide (arrêth)
qu’un autre Croate a été assassiné en juin 1992. Il souligne que, dans l’af-
faire Martić, la chambre de première instance du TPIY a minutieusement
examiné les événements survenus à Bruška et constaté qhue les neuf per-
sonnes mentionnées avaient été abattues le 21 décembre 1991 par la milice
de Krajina (Milicija Krajine). La chambre a également conclu que toutes
ces personnes étaient des civils ne participant pas activement aux hohstili -
tés au moment de leur décès, et que ces meurtres avaient étéh commis dans
une intention discriminatoire envers les Croates (jugement Martić,
par. 400 et 403).
286. Le défendeur reconnaît que la chambre de première instance saishie
de l’affaire Martić a examiné les événements survenus dans la municipa -
lité de Benkovac et a constaté que neuf Croates avaient été tués à Bruška.
Il soutient cependant que les allégations relatives à d’autres hcrimes n’ont
pas été étayées par des éléments de preuve suffisantsh.
287. En ce qui concerne les meurtres en date du 21 décembre 1991, la
Cour considère, au vu de ce qui précède, qu’il est établi de manière
concluante que les neuf personnes nommées par le demandeur ont étéh
tuées ce jour-là par la Milicija Krajine et que ces personnes sont les mêmes
que celles mentionnées dans le jugement rendu par le TPIY en l’af -
faire Martić, dont il a été question ci-dessus, ainsi que dans celui rendu en
l’affaireStanišić et Simatović(jugement Stanišić et Simatović, par.145-147).
288. En ce qui concerne le meurtre qui aurait été perpétré en juihn1992,
la Cour observe que la chambre de première instance n’en a fait éhtat ni
dans l’affaire Martić, ni dans l’affaire Stanišić et Simatović. En outre, elle
note que la déclaration produite par la Croatie au soutien de cette ahlléga -
tion n’atteste pas d’une connaissance directe des faits par son auhteur. La
Cour estime que la Croatie n’a pas démontré l’existence de che meurtre.
c) Dubrovnik
289. Le demandeur soutient que de nombreux civils croates ont été
tués par la JNA à Dubrovnik, ville dont les habitants étaient àh 80 % d’ori-
gine croate, ou dans les environs. Il affirme que, le 1 eroctobre 1991, la
JNA a instauré un blocus terrestre, aérien et maritime de Dubrovnihk, et
que les civils se sont vu offrir la possibilité de quitter la ville à la fin du
mois. Ensuite, selon la Croatie, toutes les voies de ravitaillement aurahient
été coupées et la ville aurait été pilonnée à l’hartillerie lourde jusqu’à la fin
de l’année. Le demandeur affirme que 123 civils de Dubrovnik ont été
tués au cours de ces événements.
290. Le défendeur soutient quant à lui que les éléments de preuve sou -
mis par le demandeur ne peuvent établir les allégations de celui -ci, parce
qu’ils sont irrecevables ou dépourvus de valeur probante. Il fait haussi
observer que deux chambres de première instance du TPIY ont examiné,
dans les affaires Jokić et Strugar, les crimes censés avoir été commis à
Dubrovnik, pour conclure à un nombre limité de victimes civiles.
291. La Cour relève que seule une des déclarations produites au sujet
de la présente localité fait état d’un homicide susceptible hd’être qualifié de
98
7 CIJ1077.indb 192 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 97
Croat. It adds that another Croat was murdered in June 1992. The Appli -
cant points out that, in the Martić case, the ICTY Trial Chamber exam -
ined in detail the events which took place in Bruška and concluded thhat
the nine individuals named had been killed on 21 December 1991 by the
Krajina militia (Milicija Krajine). The Chamber further concluded that
those individuals were all civilians, not taking an active part in the hhos -
tilities at the time of their death, and that the killings had been carrhied out
with intent to discriminate on the basis of Croat ethnicity ( Martić Trial
Judgment, paras. 400 and 403).
286. The Respondent accepts that the Martić Trial Chamber examined
the events which took place in the Benkovac municipality and found that h
nine Croats had been killed in Bruška. It maintains, however, that thhe
allegations concerning other crimes are not supported by sufficient evi -
dence.
287. In respect of the killings of 21December 1991, the Court finds, in
light of the foregoing, that it has been conclusively established that thhe
nine individuals named by the Applicant were killed on that day by the
Milicija Krajine, and that those individuals are the same as those listed in
the Judgment rendered by the ICTY in the Martić case, referred to above,
and in the Stanišić and Simatović case (Stanišić and Simatović Trial Judg -
ment, paras. 145-147).
288. With regard to the killing alleged to have been perpetrated in
June 1992, the Court observes that this was not examined by the Trial
Chamber in either the Martić case or the Stanišić and Simatović case. Fur -
thermore, it notes that the statement produced by Croatia in support of hthis
claim does not constitute a firsthand account of the events in question. In
the Court’s view, the Applicant has not proved that this killing tookh place.
(c) Dubrovnik
289. The Applicant claims that numerous Croat civilians were killed
by the JNA in or around Dubrovnik, a town where 80 per cent of the
population was of Croat origin. It states that, on 1 October 1991, the
JNA instituted a blockade of Dubrovnik from land, sea and air, and that h
civilians were given an opportunity to leave the town at the end of thath
month. Thereafter, according to Croatia, all supplies were cut off and thhe
town was bombarded with heavy artillery until the end of the year. The
Applicant claims that 123 civilians from Dubrovnik were killed during
the course of these events.
290. For its part, the Respondent argues that the evidence submitted
by the Applicant cannot substantiate its allegations, because it is eithher
inadmissible or it has no probative value. It also points out that the
crimes allegedly committed in Dubrovnik were examined by two ICTY
Trial Chambers in the Jokić and Strugar cases, and that those Chambers
concluded that there had been a limited number of civilian victims.
291. The Court notes that only one of the statements produced on the
subject of this locality describes a death which could be categorized as a
98
7 CIJ1077.indb 193 18/04/16 08:54 98 application de convehntion génocide (arrêth)
meurtre au sens du litt. a) de l’article II de la Convention. Cette déclara-
tion ne repose toutefois pas sur une connaissance directe des faits et ne
suffit pas, en soi, à établir les allégations de la Croatie.
292. Le demandeur présente par ailleurs des lettres de la police croate,
au soutien de son allégation relative au nombre de victimes. La Cour hfait
observer qu’elles ont été établies spécialement pour les hbesoins de la pré-
sente affaire. Comme la Cour a déjà eu l’occasion de le souligner, elle
« traitera avec prudence les éléments de preuve spécialement éhtablis aux
fins de l’affaire ainsi que ceux provenant d’une source unique » (Activités
armées sur le territoire du Congo (République démocratique du C ▯ ongo
c. Ouganda), arrêt, C.I.J. Recueil 2005, p. 201, par. 61). En outre, ces
lettres n’indiquent pas dans quelles circonstances ont été tuéhes les 123vic-
times supposées, ni si ces dernières étaient croates. S’agissant d’autres
documents émanant du poste de police de Dubrovnik, bien qu’ils aiehnt été
établis au moment des faits et non aux seules fins de la présenthe affaire, ils
n’ont pas été corroborés au moyen d’éléments de prehuve provenant d’une
source indépendante, et ne semblent faire référence qu’à hdeux homicides
susceptibles d’être qualifiés de meurtres au sens du litt. a) de l’article II.
293. Dans les affaires Jokić et Strugar, il a été établi devant le TPIY que
deux civils avaient été tués lors du bombardement illicite de lha vieille ville le
6 décembre 1991 (Jokić, IT-01-42/1-S, chambre de première instance, juge-
ment portant condamnation du 18mars 2004, par.27; Strugar, IT-01-42-T,
chambre de première instance, jugement du 31 janvier 2005 (ci-après le
«jugement Strugar »,par. 248, 250, 256, 259 et 289). Dans l’affaire Strugar,
le TPIY a également constaté qu’au moins un individu avait éhté tué lors du
bombardement de la ville, le 5 octobre 1991 (ibid., par. 49).
294. La Cour conclut de ce qui précède qu’il a été établi qhue certains
meurtres ont été perpétrés par la JNA à l’encontre des Croates de
Dubrovnik entre octobre et décembre 1991, mais non à l’échelle alléguée
par la Croatie.
Conclusion
295. Sur la base des faits qui viennent d’être exposés, la Cour conshidère
comme établi qu’un grand nombre de meurtres ont été perpéhtrés par la
JNA et des forces serbes au cours du conflit dans plusieurs localitéhs de
Slavonie orientale, de Banovina/Banija, de Kordun, de Lika et de Dalma -
tie. En outre, les éléments de preuve qui ont été présenthés démontrent que
les victimes étaient dans leur grande majorité des membres du grouhpe
protégé, ce qui conduit à penser qu’elles ont pu être prihses pour cible de
manière systématique. La Cour relève que, si le défendeur a hcontesté la
véracité de certaines allégations, le nombre des victimes, les hmotivations
des auteurs des meurtres, ainsi que les circonstances dans lesquelles
ceux-ci ont été commis et leur qualification juridique, il n’a en hrevanche
pas contesté le fait que des membres du groupe protégé aient éhté tués dans
les régions en question. La Cour estime donc qu’il a été déhmontré par des
éléments de preuve concluants que des meurtres de membres du grouphe
99
7 CIJ1077.indb 194 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 98
killing within the meaning of Article II (a) of the Convention. This state -
ment is not a first -hand account however and is insufficient, on its own,
to prove Croatia’s allegations.
292. The Applicant also has presented letters from the Croatian police
in support of its claim regarding the number of victims. The Court
observes that these were drawn up specifically for the purposes of theh
present case. As the Court has had occasion to observe in the past, it “will
treat with caution evidentiary materials specially prepared for th[e] cahse
and also materials emanating from a single source” (Armed Activities on
the Territory of the Congo (Democratic Republic of the Congo v. Uganda),
Judgment, I.C.J. Reports 2005, p. 201, para. 61). Furthermore, these let -
ters do not indicate the circumstances in which the 123 supposed victims
were killed, nor whether they were Croats. As regards the other docu -
ments prepared by the Dubrovnik Police Department, although drawn up
at the time of the events and not solely for the purposes of this case, hthey
have not been corroborated by evidence from an independent source and
appear only to refer to two deaths which might be categorized as killinghs
within the meaning of Article II (a).
293. In the Jokić and Strugar cases, it was established before the ICTY
that two civilians had been killed during the unlawful shelling of the ohld
town on 6 December 1991 (Jokić, IT -01-42/1-S, Trial Chamber, Senten -
cing Judgment of 18 March 2004, para. 27 Stru;ar, IT-01-42-T, Trial
Chamber, Judgment of 31 January 2005 (hereinafter “Strugar Trial Judg-
ment”), paras. 248, 250, 256, 259 and 289). In the Strugar case, the ICTY
also found that at least one individual had been killed during the shellhing
of the town on 5 October 1991 (ibid., para. 49).
294. The Court concludes from the foregoing that it has been estab -
lished that some killings were perpetrated by the JNA against the Croatsh
of Dubrovnik between October and December 1991, although not on the
scale alleged by Croatia.
Conclusion
295. On the basis of the facts set out above, the Court considers it
established that a large number of killings were carried out by the JNA
and Serb forces during the conflict in several localities in Eastern Shlavo -
nia, Banovina/Banija, Kordun, Lika and Dalmatia. Furthermore, the evi-
dence presented shows that a large majority of the victims were members
of the protected group, which suggests that they may have been system -
atically targeted. The Court notes that while the Respondent has con -
tested the veracity of certain allegations, the number of victims and thhe
motives of the perpetrators, as well as the circumstances of the killinghs
and their legal categorization, it has not disputed the fact that memberhs
of the protected group were killed in the regions in question. The Courth
thus finds that it has been proved by conclusive evidence that killinghs of
members of the protected group, as defined above (see paragraph 205),
were committed, and that the actus reus of genocide specified in Arti -
99
7 CIJ1077.indb 195 18/04/16 08:54 99 application de convehntion génocide (arrêth)
protégé, tel que défini ci-dessus (voir le paragraphe 205), ont été commis
et que l’élément matériel, tel que défini au litt. a) de l’article II de la
Convention, est par conséquent établi. A ce stade de son raisonnemhent, la
Cour n’est pas tenue de dresser la liste complète des meurtres comhmis, ni
même d’établir de manière définitive le nombre total dehs victimes.
3) Litt.b) de l’article II atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de
membres du groupe
296. La Croatie soutient que la JNA et des forces serbes ont également
infligé aux Croates des atteintes graves à leur intégrité hphysique. Ces
atteintes auraient pris la forme de blessures, de mauvais traitements, d’actes
de torture, de viol et de violence sexuelle. De plus, le manque de coopéhra-
tion de la Serbie dans le cadre du processus de recherche et d’identihfication
de personnes disparues causerait une souffrance psychologique à leurs
proches qui serait constitutive d’une atteinte grave à leur intéhgrité mentale.
297. La Cour examinera successivement les allégations de la Croatie
portant sur les différents lieux où des atteintes graves à l’hintégrité phy -
sique de membres du groupe protégé auraient été commises. Elhle se pro-
noncera ensuite sur l’atteinte alléguée à l’intégrité mentale des proches de
disparus.
Région de Slavonie orientale
a) Vukovar
298. La Croatie soutient qu’à Vukovar, entre août et décembre 1991,
la JNA et des forces serbes ont blessé des civils et des prisonniers de
guerre croates, qu’elles leur ont infligé des mauvais traitemenths et des
tortures, et qu’elles se sont rendues coupables à leur égard deh viols et
de violences sexuelles. Pour les besoins de l’analyse, les allégations de
la Croatie seront examinées successivement, en fonction des différentehs
phases de la bataille de Vukovar.
i) Le pilonnage de Vukovar
299. La Croatie avance que, durant le pilonnage de Vukovar par la
JNA entre le 25 août et le 18 novembre 1991, de nombreux civils croates
ont été blessés. Selon la Serbie, le TPIY a seulement considéhré que
l’attaque de Vukovar était illégale car elle consistait en parthie en une
attaque contre des civils. Toutefois, cette attaque devrait, selon elle, être
appréciée dans le contexte plus large d’une opération militahire légitime
contre les forces armées croates.
300. La Cour rappelle que, dans l’affaire Mrkšić et consorts, le TPIY a
conclu que de nombreux civils avaient été blessés par la JNA eth des forces
serbes au cours du siège de Vukovar (jugement Mrkšić, par. 472, repro-
duit au paragraphe 218 ci-dessus).
100
7 CIJ1077.indb 196 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 99
cle II (a)of the Convention has therefore been established. At this stage
of its reasoning, the Court is not required to draw up a complete list ohf
the killings carried out, nor to make a conclusive finding as to the thotal
number of victims.
(3) Article II (b): causing serious bodily or mental harm to members of the
group
296. Croatia alleges that the JNA and Serb forces also inflicted serious
bodily harm on Croats. Such harm is alleged to have taken the form of
physical injury, ill-treatment and acts of torture, rape and sexual violence.
Moreover, Serbia’s failure to co -operate in the process of tracing and
identifying missing persons is alleged to have caused their surviving rehla-
tives psychological pain constituting serious mental harm.
297. The Court will examine in turn Croatia’s allegations concerning
the various localities where acts causing serious bodily or mental harm to
members of the protected group were allegedly perpetrated, after which iht
will address the alleged infliction of mental harm on the relatives of miss -
ing persons.
Region of Eastern Slavonia
(a) Vukovar
298. Croatia claims that, between August and December 1991 at Vuk-
ovar, the JNA and Serb forces injured Croat civilians and prisoners of
war, subjected them to ill-treatment and torture, and also committed rape
and sexual violence. For the purposes of the Court’s analysis, Croatiha’s
claims will be examined successively by reference to the various phases hof
the battle for Vukovar.
(i) The shelling of Vukovar
299. Croatia claims that, during the shelling of Vukovar by the JNA
between 25 August and 18 November 1991, large numbers of Croat civil-
ians were injured. According to Serbia, the only reason that the ICTY
found the attack on Vukovar to have been unlawful was that it was partlyh
directed against civilians. However, Serbia argues that the attack must be
considered in the wider context of a lawful military operation against thhe
Croatian armed forces.
300. The Court recalls that, in the Mrkšić et al. case, the ICTY found
that large numbers of civilians had been injured by the JNA and Serb
forces during the siege of Vukovar (Mrkšić Trial Judgment, para. 472,
reproduced in paragraph 218 above).
100
7 CIJ1077.indb 197 18/04/16 08:54 100 application de convehntion génocide (arrêth)
301. La Cour considère les conclusions factuelles du Tribunal comme
suffisantes pour affirmer que, durant l’attaque de Vukovar et de sehs envi-
rons, la JNA et des forces serbes ont blessé de nombreux civils croathes,
sans qu’il soit nécessaire d’en déterminer le nombre exact.
ii)La prise de Vukovar et de ses environs
302. La Croatie soutient que, durant la prise de Vukovar et de ses envi -
rons, qui s’est déroulée entre mi -septembre et mi-novembre 1991, la JNA
et des forces serbes ont commis des actes de mauvais traitements, de
torture et de viol à l’encontre de civils croates. Elles auraient également
déporté vers des camps situés en Serbie des civils croates qui hy auraient
subi des tortures et des mauvais traitements.
303. La Serbie conteste les allégations de la Croatie. Elle avance
qu’elles sont infondées car les déclarations produites par la Chroatie relè -
veraient de la preuve par ouï -dire et seraient imprécises.
304. La Cour constate que les allégations de la Croatie sont, pour l’esh-
sentiel, fondées sur des déclarations signées ou confirméehs ultérieurement.
Bien que certaines de ces déclarations aient été faites plusieuhrs années
après les faits qu’elles rapportent, elles émanent de victimes hou de témoins
directs de mauvais traitements, de tortures et de viols. La Cour accordeh
une valeur probante à ces déclarations.
305. En conséquence, la Cour conclut que la Croatie a démontré que
des actes de mauvais traitements, de torture et de viol ont été commis à
l’encontre de Croates par la JNA et des forces serbes durant la priseh de
Vukovar et de ses environs.
iii)L’invasion de l’hôpital de Vukovar et le transfert vers les camps
d’Ovčara et de Velepromet
306. La Croatie allègue que, les 19 et 20 novembre 1991, la JNA et des
forces serbes ont envahi l’hôpital de Vukovar où des Croates s’hétaient réfu -
giés. Elles auraient ensuite transféré ces derniers vers les cahmps d’Ovčara et
de Velepromet où ils auraient subi des mauvais traitements et des torhtures.
Des femmes croates auraient également subi des viols à Velepromet.h
307. La Serbie admet que certains crimes ont été commis à Ovčara hpar
des forces serbes. Cependant, elle souligne que, dans l’affaire Mrkšić et
consorts, les accusés n’étaient pas poursuivis pour génocide et que le
TPIY a qualifié les crimes commis de crimes de guerre.
308. Concernant les faits survenus à Ovčara, la Cour note que la Ser -
bie ne conteste pas leur existence. Dans l’affaire Mrkšić et consorts, le
TPIY a formulé les conclusions suivantes sur ces faits :
«530. La Chambre est convaincue — et constate — que les sévices
infligés aux prisonniers de guerre de l’hôpital de Vukovar àh l’exté -
rieur du hangar le 20 novembre 1991 étaient tout à fait de nature à
causer des douleurs physiques aiguës et que, bien souvent, tel a éhté le
cas. Ces actes constituent l’élément matériel de la torture.h La
101
7 CIJ1077.indb 198 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 100
301. The Court regards the Tribunal’s factual findings as sufficient toh
confirm that, during the attack on Vukovar and the surrounding area, thhe
JNA and Serb forces injured a large number of Croat civilians, without iht
being necessary to determine their exact number.
(ii)The capture of Vukovar and its surrounding area
302. Croatia claims that, during the capture of Vukovar and the sur -
rounding area, which took place between mid-September and mid-Novem-
ber 1991, the JNA and Serb forces perpetrated acts of ill -treatment,
torture and rape against Croat civilians. They are also alleged to have h
deported Croat civilians to camps located in Serbia, where they were subh -
jected to torture and ill-treatment.
303. Serbia disputes Croatia’s allegations. It argues that they are
unfounded, and that the statements presented by Croatia are mere hear -
say and lack precision.
304. The Court notes that Croatia’s allegations rely essentially on
statements that were either signed or subsequently confirmed. Althoughh
some of these statements were made several years after the events in quehs -
tion, they are by victims or eyewitnesses of acts of ill -treatment, torture
and rape. The Court gives evidential weight to these statements.
305. Accordingly, the Court finds that Croatia has shown that acts of
ill-treatment, torture and rape were perpetrated against Croats by the
JNA and Serb forces during the capture of Vukovar and the surrounding
area.
(iii) The invasion of Vukovar hospital and the transfers to Ovčara
and Velepromet camps
306. Croatia alleges that, on 19 and 20 November 1991, the JNA and
Serb forces invaded the hospital at Vukovar where Croats had taken ref -
uge and subsequently transferred them to camps at Ovčara and Vele -
promet, where they were ill -treated and tortured. Croatia further alleges
that Croat women were raped at Velepromet.
307. Serbia admits that crimes were committed at Ovčara by Serb
forces. However, it points out that, in the Mrkšić et al. case, the accused
were not prosecuted for genocide, and that the ICTY characterized the
crimes in question as war crimes.
308. Regarding the events at Ovčara, the Court notes that Serbia does
not dispute that they took place. In the Mrkšić et al. case, the ICTY made
the following findings on those events :
“530. The Chamber is persuaded and finds that the beatings of
prisoners of war from Vukovar hospital outside the hangar on
20 November 1991 were well capable of inflicting severe physical pain,
and in very many cases they did so. They constitute the actus reus of
torture. The Chamber is also satisfied that the acts of grave and per -
101
7 CIJ1077.indb 199 18/04/16 08:54 101 application de convehntion génocide (arrêth)
Chambre est également convaincue que les mauvais traitements
graves et persistants infligés à un si grand nombre de prisonniers à
l’intérieur du hangar durant l’après -midi du 20 novembre 1991 sont
de nature à constituer l’élément matériel de la torture.
531. S’agissant de l’élément moral de la torture, la Chambre relèhve
la nature et la durée des sévices, les instruments utilisés parh les
auteurs pour infliger des souffrances, le nombre de personnes qui s’hen
sont pris aux différentes victimes, les menaces et les violences ver -
bales ayant accompagné les sévices et l’atmosphère terrifihante dans
laquelle les victimes ont été détenues tandis qu’on les rouahit de coups.
Tous ces éléments établissent le caractère délibéré des sévices infligés
à l’extérieur comme à l’intérieur du hangar
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . h . . . . . . . . . . . . . .
536. La Chambre est également convaincue — et constate — que
les sévices infligés aux prisonniers de guerre venant de l’hôhpital de
Vukovar à l’extérieur du hangar le 20 novembre 1991 constituent
l’élément matériel des traitements cruels. Elle est égalehment convain -
cue que ces sévices ont été commis avec l’intention néceshsaire pour
constituer des traitements cruels
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . h . . . . . . . . . . . . . .
538. S’agissant de l’élément moral des traitements cruels, la
Chambre admet que, en maintenant les prisonniers dans la crainte
constante d’être maltraités et battus, en instaurant un climat hde peur,
en privant les prisonniers d’eau et de nourriture et en ne leur don -
nant pas accès à des installations sanitaires, les auteurs matéhriels ont
agi avec l’intention de causer des souffrances physiques ou de porter h
atteinte à la dignité humaine des détenus et/ou en sachant que hces
traitements cruels étaient une conséquence probable de leurs agisshe -
ments. La Chambre conclut que l’élément moral des traitements
cruels est constitué.» (Jugement Mrkšić, par. 530, 531, 536 et 538.)
309. La Cour relève que la Serbie ne conteste pas l’existence des faitsh
constatés par le TPIY. Elle estime que les conclusions de ce Tribunalh sont
suffisantes pour établir que des actes de mauvais traitements et de htorture
ont été commis à l’encontre de Croates par certains membres hde la JNA
et des forces serbes à Ovčara.
310. Concernant les faits survenus à Velepromet, la Croatie produit la
déclaration de M. Franjo Kožul, qui a déposé devant la Cour, à laquelle
la Cour a déjà reconnu une valeur probante (voir le paragraphe 222
ci-dessus). Ce témoin a rapporté des scènes de mauvais traitemenths. Son
témoignage est corroboré par les conclusions du TPIY dans l’affahire
Mrkšić et consorts. Bien que ces faits n’aient pas été visés par l’acte d’ac -
cusation, la chambre de première instance a jugé que,
« le 19 novembre 1991, quelques centaines de non -Serbes ont été
transportés par des forces serbes de l’hôpital de Vukovar à hl’entrepôt
de Velepromet. D’autres sont arrivés à Velepromet en provenanceh
102
7 CIJ1077.indb 200 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 101
sistent mistreatment to so many prisoners that occurred inside the
hangar during the afternoon of 20 November 1991 were such as to
constitute the actus reus of torture.
531. Turning to the mens rea requisite for the offence of torture the
Chamber refers to the nature and duration of the beatings, the imple-
ments used by the perpetrators to inflict suffering, the number of per-
sons attacking individual victims, the verbal threats and abuse
occurring simultaneously with the beatings, and the terribly threaten-
ing atmosphere in which the victims were detained as they were
beaten. All these factors indicate that the beatings outside and in the h
hangar were carried out intentionally
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . h . . . . . . . . . . . . . .
536. Further, the Chamber is persuaded and finds that the beatings
of prisoners of war from Vukovar hospital outside and inside the
hangar on 20 November 1991 constitute the actus reus of cruel treat -
ment. The Chamber is satisfied that these beatings were carried out
with the requisite mens rea to constitute cruel treatment
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . h . . . . . . . . . . . . . .
538. With respect to the mens rea requisite for cruel treatment, the
Chamber accepts that in keeping the prisoners under constant threat
of beatings and physical abuse, in creating an atmosphere of fear, in
depriving the prisoners of food and water as well as toilet facilities, h
the direct perpetrators acted with the intent to cause physical suffer -
ing, or an affront to the detainees’ human dignity, or in the knowledghe
that cruel treatment was a probable consequence of their acts, or with
all or some of these intents. The Chamber finds that the intent requi -
site for cruel treatment has been established.” (Mrkšić Trial Judg -
ment, paras. 530, 531, 536 and 538.)
309. The Court notes that Serbia does not dispute the existence of the
facts found by the ICTY. It considers that the Tribunal’s findings hare su-f
ficient to establish that acts of illreatment and torture were perpetrated
against Croats by certain members of the JNA and Serb forces at Ovčarha.
310. Regarding the events at Velepromet, Croatia has produced a
statement by Mr. Franjo Kožul, who appeared before the Court, and to
whose testimony the Court has already given evidential weight (see parah -
graph 222 above). Mr. Kožul described scenes of ill -treatment. His testi-
mony is corroborated by the findings of the ICTY in the Mrkšić et al.
case.Although these facts were not referred to in the indictment, the Trial
Chamber found that
“on 19November 1991 some hundreds of non-Serb people were taken
from the Vukovar hospital and transferred to the facility of Velepro -
met by Serb forces. Others arrived at Velepromet from elsewhere. At
102
7 CIJ1077.indb 201 18/04/16 08:54 102 application de convehntion génocide (arrêth)
d’ailleurs. A Velepromet, toutes ces personnes étaient réparties en
différents groupes selon leur origine ethnique et selon leur apparte -
nance présumée aux forces croates. La Chambre considère qu’ihl est
constant que certaines de ces personnes ont été interrogées à l’entre -
pôt de Velepromet et que, au cours de ces interrogatoires, les sus -
pects ont été frappés, insultés ou autrement maltraités. hUn certain
nombre ont été abattus à Velepromet, dont certains le 19 novembre
1991. La Chambre constate qu’une grande partie, sinon la totalité,h
des personnes responsables de ces interrogatoires musclés et de ces
meurtres appartenaient à la TO ou à des unités paramilitaires
serbes.» (Jugement Mrkšić, par. 167.)
La Croatie a aussi produit la déclaration d’une personne, B. V., qui a
été conduite de Velepromet à la caserne de la JNA et violée hpar cinq
hommes. La Cour considère qu’elle doit accorder une valeur probante à
cette déclaration.
311. La Cour conclut que la Croatie a démontré que des actes de mau -
vais traitements et de viols ont été commis à l’encontre de Croates par des
forces serbes à Velepromet.
b) Bapska
312. La Croatie allègue que, à compter d’octobre 1991, la JNA et des
forces serbes ont infligé des mauvais traitements et des tortures ahux habi-
tants croates de Bapska, village situé à 26 kilomètres au sud -est de
Vukovar et peuplé d’environ 90 % de Croates. La JNA et des forces serbes
auraient également commis des viols et d’autres actes de violence hsexuelle.
La Croatie a produit plusieurs déclarations au soutien de ses alléhgations.
313. La Serbie conteste la valeur probante de ces déclarations.
314. Parmi les éléments ainsi produits par la Croatie, la Cour note la
déclaration signée de F. K. et celles de A. S., J. K. et P. M., qui ont été
confirmées ultérieurement. Les auteurs des déclarations sont hdes victimes
de mauvais traitements, de viols et d’autres actes de violence sexuelle. La
Cour estime qu’elle doit accorder à leurs déclarations une valehur probante.
315. Par conséquent, la Cour considère que la Croatie a établi que lha
JNA et des forces serbes ont soumis des membres du groupe protégé hà des
mauvais traitements et ont commis à leur encontre des viols et d’ahutres
actes de violence sexuelle à Bapska, d’octobre 1991 à janvier 1994.
c) Tovarnik
316. La Croatie soutient que, à partir de septembre 1991 et au cours de
l’année 1992, la JNA et des forces serbes ont commis des actes de mauvais
traitements, de torture et de violence sexuelle, en particulier des violhs et des
castrations, à l’encontre de Croates dans le village de Tovarnik, situé au
sud-est de Vukovar et peuplé majoritairement de Croates. Elle ajoute que
des Croates ont été transférés au camp de Begejci, où ilsh ont été torturés.
103
7 CIJ1077.indb 202 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 102
Velepromet these people were separated according to their ethnicity
and suspicion of involvement in the Croatian forces. The Chamber
finds it established that interrogations of some of these people were h
conducted at Velepromet in the course of which the suspects were
beaten, insulted or otherwise mistreated. A number of them were shot
dead at Velepromet, some of them on 19November 1991. The Cham -
ber finds that many, if not all, of the persons responsible for the
brutal interrogations and killings were members of the Serb TO or
paramilitary units.” (Mrkšić Trial Judgment, para. 167.)
Croatia has also produced a statement of an individual, B. V., who was
taken from Velepromet to the JNA barracks and raped by five men. The
Court considers that it must give this statement evidential weight.
311. The Court finds that Croatia has shown that acts of ill -treatment
and rape were perpetrated against Croats by Serb forces at Velepromet.
(b) Bapska
312. Croatia claims that, from October 1991, the JNA and Serb forces
perpetrated acts of ill-treatment and torture against the Croat inhabitants
of Bapska, a village located 26 km south -east of Vukovar, with a popula -
tion some 90 per cent of whom were Croats. The JNA and Serb forces
also allegedly committed rape and other acts of sexual violence. Croatiah
has produced a number of statements in support of its allegations.
313. Serbia disputes the probative value of those statements.
314. Among the items produced by Croatia, the Court notes the signed
statement of F. K., as well as those of A. S., J. K. and P. M., which were
subsequently confirmed. The authors of those statements are victims ofh
ill-treatment, as well as rape and other acts of sexual violence. The Court h
considers that it must give these statements evidential weight.
315. The Court accordingly finds that Croatia has established that,
from October 1991 to January 1994 at Bapska, the JNA and Serb forces
subjected members of the protected group to acts of ill -treatment and
committed rape and other acts of sexual violence.
(c) Tovarnik
316. Croatia claims that, from September 1991 and continuing
throughout the year 1992, the JNA and Serb forces perpetrated acts of
ill-treatment, torture and sexual violence (including rape and castration)
against Croats in the village of Tovarnik, located south -east of Vukovar
and having a majority Croat population, and that Croats were trans -
ferred to Begejci camp, where they were tortured.
103
7 CIJ1077.indb 203 18/04/16 08:54 103 application de convehntion génocide (arrêth)
317. La Serbie considère que la Croatie n’a pas démontré que les hactes
allégués ont été commis à Tovarnik. Elle conteste la valehur probante des
déclarations produites par la Croatie au soutien de ses allégationhs.
318. La Cour constate que la Croatie fonde principalement ses alléga -
tions sur des déclarations annexées à ses écritures. Elle eshtime pouvoir
accorder du crédit à plusieurs déclarations signées ou confihrmées. Celles -ci
émanent de victimes de mauvais traitements ou de personnes ayant assisté
à de tels actes, ainsi qu’à des actes de violence sexuelle perphétrés contre
des Croates de Tovarnik.
319. Par conséquent, la Cour conclut que la Croatie a démontré que
des actes de mauvais traitements et de violence sexuelle ont été chommis à
l’encontre de Croates par la JNA et des forces serbes à Tovarnik, aux
alentours de septembre 1991. Elle estime en revanche que les allégations
de viol ne sont pas démontrées.
d) Berak
320. La Croatie allègue que, entre septembre et décembre 1991, la JNA
et des forces serbes ont infligé des mauvais traitements aux habitahnts
croates du village de Berak, situé à environ 16 kilomètres de Vukovar et
peuplé majoritairement de Croates. Elles auraient établi dans ce vhillage
un camp d’emprisonnement dans lequel des Croates auraient été thorturés.
Plusieurs cas de viol sont également allégués.
321. La Serbie soutient que la Croatie n’a pas suffisamment démontréh
l’existence des actes qu’elle allègue. Les déclarations qu’helle produit n’au-
raient pas de valeur probante. De plus, le TPIY n’aurait ni poursuivih, ni
condamné des individus pour les crimes commis à Berak.
322. La Croatie fonde ses allégations sur des déclarations qu’elle ah
annexées à ses écritures. La Cour estime pouvoir accorder du crhédit à
plusieurs déclarations qui ont été confirmées ultérieurhement. Celles -ci
émanent de victimes de mauvais traitements ou de viols, ou bien encorhe
de personnes ayant assisté à de tels actes.
323. La Croatie produit également un rapport établi par Stanko Pena -
vić, commandant adjoint à la défense de Berak au moment des faihts,
concernant les 87 personnes détenues à Berak entre le 2 octobre et le
1 décembre 1991. Ce rapport fait état de personnes blessées ou violées,
ce qui corrobore les éléments de preuve susmentionnés.
324. En conséquence, la Cour conclut que la Croatie a démontré que
des actes de mauvais traitements et de viol ont été commis à l’hencontre de
membres du groupe protégé par des forces serbes et la JNA à Berhak entre
septembre et octobre 1991.
e) Lovas
325. La Croatie allègue que des forces serbes ont commis des actes de
torture ainsi que des viols et d’autres actes de violence sexuelle cohntre des
Croates dans le village de Lovas entre octobre 1991 et décembre 1991.
104
7 CIJ1077.indb 204 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 103
317. Serbia contends that Croatia has failed to prove the perpetration
of such acts at Tovarnik. It disputes the probative value of the statemehnts
produced by Croatia in support of its allegations.
318. The Court notes that Croatia mainly bases its allegations on state -
ments appended to its written pleadings. The Court considers that it canh
give credence to several signed or confirmed statements. These statemehnts
were made by victims of acts of ill -treatment, or by persons having wit -
nessed such acts, as well as acts of sexual violence perpetrated againsth
Croats at Tovarnik.
319. The Court accordingly finds that Croatia has shown that acts of
illtreatment and sexual violence were perpetrated against Croats by the
JNA and Serb forces at Tovarnik, in or around the month of Septem -
ber 1991. It finds in contrast that the allegations of rape have not been
established.
(d) Berak
320. Croatia alleges that, between September and December 1991, the
JNA and Serb forces perpetrated acts of ill -treatment against the Croat
inhabitants of the village of Berak, located some 16 km from Vukovar
and having a majority Croat population, and that those forces established
a prison camp in the village, where Croats were allegedly tortured. Sev -
eral instances of rape are also alleged.
321. Serbia maintains that Croatia has failed to provide sufficient evi -
dence of the acts alleged by it. It contends that the statements producehd by
Croatia lack probative value. It further points out that the ICTY has not
prosecuted or convicted any individuals for crimes committed at Berak.
322. Croatia bases its allegations on statements appended to its written
pleadings. The Court considers that it can give credence to several stathe-
ments which have been confirmed subsequently. These are accounts by
victims of acts of ill -treatment or rape, or by individuals who witnessed
such acts.
323. Croatia has also produced a report prepared by Stanko Penavić,
Deputy Defence Commander of Berak at the time of the events in ques -
tion, concerning the 87 persons held at Berak between 2 October and
1 December 1991. That report lists individuals injured or raped and cor -
roborates the previous evidence.
324. The Court accordingly finds that Croatia has shown that acts of
illtreatment and rape were perpetrated against members of the protected
group by Serb forces and the JNA at Berak between September and
October 1991.
(e) Lovas
325. Croatia alleges that Serb forces perpetrated acts of torture, as well
as rape and other acts of sexual violence against Croats in the village of
Lovas between October 1991 and December 1991. Croats are also alleged
104
7 CIJ1077.indb 205 18/04/16 08:54 104 application de convehntion génocide (arrêth)
Des Croates auraient également été blessés à l’occasion du « massacre du
champ de mines » (voir le paragraphe 233 ci-dessus).
326. La Serbie, après avoir contesté la valeur probante des déclarations
présentées, a admis que les personnes suspectées d’avoir comhmis certains
des faits allégués par la Croatie font l’objet de poursuites dehvant les juri-
dictions serbes. Elle a toutefois préciséque ces actes ne relèvent pas du
génocide, mais plutôt du crime de guerre ou du crime contre l’hhumanité.
327. Au soutien de ses allégations, la Croatie se fonde sur l’acte d’hac -
cusation du procureur spécial pour les crimes de guerre du tribunal dhu
district de Belgrade, dressé à l’encontre de 14 serbes accusés notamment
de mauvais traitements et de tortures à l’encontre de Croates à Lovas, à
propos duquel la Cour a déjà conclu qu’elle ne peut pas lui acchorder de
valeur probante en lui-même (voir le paragraphe 237 ci-dessus).
328. La Croatie se fonde également sur un certain nombre de déclara -
tions. Elle excipe notamment de celle de Stjepan Peulić, témoin quhe la
Serbie n’a pas souhaité soumettre à un contre -interrogatoire (voir para -
graphe 25 ci-dessus), à laquelle la Cour a déjà reconnu une valeur pro -
bante (voir paragraphe 236 ci-dessus). M. Peulić rapporte des actes de
mauvais traitements infligés par des forces serbes dont il a étéh victime. La
Croatie produit également une déclaration émanant d’une autrhe victime
de mauvais traitements de la part des forces serbes, à laquelle la Cohur
accorde aussi une valeur probante.
Concernant les allégations de viol, l’une des déclarations éhmane d’une
personne qui aurait été violée par un membre des forces serbes, mais elle
n’a été ni signée, ni confirmée. La Cour estime qu’ehlle ne peut lui accorder
de valeur probante. Une autre déclaration fait état de viols de fehmmes
croates par des membres de forces serbes, mais son auteur n’en a pas hété
le témoin direct. La Cour ne peut lui accorder de valeur probante.
329. La Croatie s’appuie également sur un documentaire produit par
une chaîne serbe, qui porte entre autres sur le « massacre du champ de
mines ». Si un tel documentaire ne peut en soi établir les faits alléhgués
(voir le paragraphe 239 ci-dessus), il corrobore les éléments de preuve
mentionnés ci -dessus en ce qui concerne les allégations de mauvais
traitements.
330. Compte tenu de ce qui précède, la Cour estime que la Croatie a
établi l’existence de mauvais traitements commis à l’encontrhe des membres
du groupe protégé par des forces serbes à Lovas entre octobre eht
décembre 1991. Elle considère que les allégations de viol et d’autres achtes
de violence sexuelle n’ont pas été démontrées.
f) Dalj
331. La Croatie allègue que, suite à l’occupation du village de Daljh par
la JNA à compter du 1 eraoût 1991, des forces serbes ont infligé aux civils
croates des mauvais traitements et les ont torturés. De même, des hsoldats
et des civils croates capturés lors des hostilités se déroulant à Vukovar
auraient été transférés à Dalj pour y être torturésh et violés.
105
7 CIJ1077.indb 206 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 104
to have been injured during the “minefield massacre” (see paragraph 233
above).
326. Serbia has disputed the probative value of the statements pre -
sented by Croatia, but admits that the suspected perpetrators of some ofh
the acts alleged by Croatia are being prosecuted before Serbian courts. hIt
argues, however, that these were not acts of genocide, but rather war
crimes or crimes against humanity.
327. In support of its allegations, Croatia relies on the indictment pre -
pared by the War Crimes Prosecutor for the Belgrade District Court,
issued against 14 Serbs accused, inter alia, of ill-treatment and torture of
Croat civilians at Lovas, to which the Court has already found that it
cannot give any evidential weight in itself (see paragraph 237 above).
328. Croatia also relies on a number of statements, in particular that
of Stjepan Peulić, a witness whom Serbia did not wish to cross -examine
(see paragraph 25 above), to whose statement the Court has already given
evidential weight (see paragraph 236 above). Mr. Peulić describes the
ill-treatment suffered by him at the hands of Serb forces. Croatia also
produces a statement by another victim of ill-treatment by Serb forces, to
which the Court also gives evidential weight.
Regarding the allegations of rape, one of the statements is from an
individual alleged to have been raped by a member of Serb forces, but ith
is neither signed nor confirmed. The Court considers that it cannot gihve it
evidential weight. Another statement refers to rape of Croat women by
Serb forces, but its author did not witness the events at first hand. hThe
Court cannot give this statement any evidential weight.
329. Croatia further relies on a documentary film produced by a Ser -
bian television channel, which includes descriptions of the “minefiheld
massacre”. While a documentary of this kind cannot in itself serve toh
prove the facts alleged (see paragraph 239 above), it does corroborate the
previous evidence with respect to the allegations of ill -treatment.
330. In light of the foregoing, the Court finds that Croatia has estab -
lished that acts of ill-treatment were perpetrated against members of the
protected group by Serb forces at Lovas between October and Decem -
ber 1991. It considers that the allegations of rape and other acts of sexualh
violence have not been proved.
(f) Dalj
331. Croatia alleges that, following the occupation of the village of
Dalj by the JNA as from 1 August 1991, Serb forces perpetrated acts of
ill-treatment and torture against Croat civilians, and that Croat soldiers
and civilians captured during the hostilities at Vukovar were transferrehd
to Dalj, where they were tortured and raped.
105
7 CIJ1077.indb 207 18/04/16 08:54 105 application de convehntion génocide (arrêth)
332. La Serbie soutient que la Croatie n’a pas suffisamment démontréh
l’existence des faits qu’elle allègue. Elle conteste la valeur hprobante des
déclarations produites par la Croatie.
333. La Cour note que les allégations de la Croatie reposent sur
des déclarations d’individus. Elle constate que certaines d’entre elles
sont des déclarations non signées faites devant la police croate sur lehs -
quelles la Cour ne peut pas s’appuyer, pour les raisons exposées phrécé -
demment (voir le paragraphe 198 ci-dessus). Une autre déclaration a été
faite par une victime de mauvais traitements. Elle semble avoir étéh réali -
sée devant une juridiction dans le cadre d’une procédure judicihaire
interne. Elle n’est toutefois ni signée, ni confirmée. La Cour ne peuth pas
lui accorder de valeur probante. En revanche, certaines déclarations hont
été confirmées ultérieurement. Elles émanent de victimehs de mauvais trai-
tements. La Cour considère qu’elle doit leur accorder une valeur phro -
bante.
334. La Cour relève que, dans l’affaireStanišić et Simatović, la chambre
de première instance du TPIY a jugé que,
«après la prise de Dalj, des civils, des policiers et un dénomméh Dafi-
nić, dont la Chambre de première instance a par ailleurs constaté
qu’il était membre de la SNB …, se sont livrés au pillage des mai -
sons. En août 1991, des Croates, parmi lesquels Zlatko Antunović, et
des Hongrois ont été détenus par Milorad Stričević et la hTO au poste
de police de Dalj, où ils ont été battus par des membres de la SDG.
En septembre 1991, ces détenus ont été forcés d’effectuer hdes travaux
physiques et ont de nouveau été maltraités par les individus suhsmen -
tionnés. Des paramilitaires de Prigrevica ont également pris part haux
sévices.» (Jugement Stanišić et Simatović, par. 528 (référence omise)
[traduction du Greffe].)
335. La Cour considère les conclusions du TPIY comme corroborant
les déclarations produites par la Croatie. Par conséquent, la Courh conclut
que la Croatie a apporté la preuve que, à la suite de la prise de hDalj
en août 1991, des forces serbes ont commis des actes de mauvais traite -
ments à l’encontre de Croates. Elle estime, en revanche, que les alléga -
tions de viol n’ont pas été démontrées.
Région de Slavonie occidentale
a) Kusonje
336. La Croatie soutient que, à la suite d’une embuscade, le 8 sep-
tembre 1991, des soldats croates se sont réfugiés dans le village de
Kusonje. Ils auraient ensuite été capturés puis torturés parh des forces
serbes, avant d’être tués.
337. La Serbie conteste la valeur probante des éléments de preuve pro -
duits par la Croatie. De plus, elle observe que le TPIY n’a ni poursuivi, ni
condamné d’individus pour des actes commis à Kusonje.
106
7 CIJ1077.indb 208 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 105
332. Serbia maintains that Croatia has failed to provide sufficient evi -
dence of the facts which it alleges. It disputes the probative value of hthe
statements produced by Croatia.
333. The Court notes that Croatia’s allegations are based on state -
ments by individuals. It observes that some of these are unsigned and
were taken by the Croatian police, and cannot be relied on by the Court,
for the reasons set out previously (see paragraph 198 above). Another
statement was made by a victim of ill -treatment. It seems to have been
made before a court in domestic judicial proceedings. However, it is neih -
ther signed, nor confirmed. The Court cannot give it any evidential
weight. On the other hand, some statements were signed or subsequently
confirmed. They are by victims of ill -treatment. The Court considers that
it must give them evidential weight.
334. The Court notes that, in the Stanišić and Simatović case, the ICTY
Trial Chamber found that
“following the take -over of Dalj, civilians, policemen, as well as a
person called Dafinić, who the Trial Chamber elsewhere found was
an SNB member . . . engaged in looting of houses. In August 1991,
Croats, including Zlatko Antunović, and Hungarians were detained
by Milorad Stričević and the TO at the Dalj police station and werhe
beaten by members of the SDG. In September 1991, the detainees of
the Dalj police station were forced to engage in manual labour and
were further beaten by the aforementioned. Members of the Prigre -
vica paramilitaries also participated in the beatings.” ( Stanišić and
Simatović Trial Judgment, para. 528 ; reference omitted.)
335. The Court considers that these findings of the ICTY corroborate
the statements produced by Croatia. The Court accordingly finds that
Croatia has proved that, following the capture of Dalj in August 1991,
Serb forces perpetrated acts of ill -treatment against Croats. On the other
hand, it finds that the allegations of rape have not been proved.
Region of Western Slavonia
(a) Kusonje
336. Croatia claims that, on 8 September 1991, a group of Croat sol -
diers was ambushed and took refuge in the village of Kusonje, where theyh
were captured and then tortured by Serb forces, before being killed.
337. Serbia disputes the probative value of the evidence produced by
Croatia, and moreover observes that no individual has been prosecuted
or convicted by the ICTY on account of acts committed at Kusonje.
106
7 CIJ1077.indb 209 18/04/16 08:54 106 application de convehntion génocide (arrêth)
338. Au soutien de ses allégations, la Croatie s’appuie sur deux déchla-
rations recueillies par la police croate et qui ne sont pas signées ohu confi-
mées par leurs auteurs. La Cour ne peut accorder de valeur probante àh
ces déclarations.
339. Les autres éléments de preuve produits par la Croatie consistent
en une liste de civils morts dans la municipalité de Pakrac et en uneh vidéo
de l’exhumation d’un charnier, qui ne concernent pas les évéhnements sur -
venus aux alentours du 8 septembre 1991 à Kusonje.
340. Par conséquent, la Cour estime que la Croatie n’a pas établi quhe
des forces serbes ont commis des actes de torture à Kusonje le 8 sep-
tembre 1991 ou aux alentours de cette date.
b) Voćin
341. La Croatie allègue que, entre août et décembre 1991, des forces
serbes ont soumis les Croates à des mauvais traitements et à des tortures,
et commis des viols contre des femmes croates à Voćin.
342. La Serbie conteste la valeur probante des éléments de preuve préh-
sentés par la Croatie, qui relèveraient du ouï -dire. La Serbie note que
l’acte d’accusation de Slobodan Milošević devant le TPIY mentionne le
meurtre de 32 civils croates à Voćin le 13 décembre 1991, par les parami-
litaires serbes, mais qu’aucun autre crime n’a été visé par un acte d’accu-
sation ou un jugement du TPIY.
343. La Cour constate que les allégations de la Croatie reposent essen -
tiellement sur des déclarations. Elle note que la déclaration de M. S. fait
état de mauvais traitements infligés à des Croates par des Sehrbes, mais
l’auteur ne semble pas y avoir assisté directement. La Cour ne peuht donc
lui accorder de valeur probante à cet égard. Une déclaration d’hune infir -
mière, D. V., travaillant dans la clinique de Voćin, fait également état de
mauvais traitements infligés à des Croates par des forces serbesh dans les
locaux de la clinique. Cette déclaration semble avoir été faiteh dans le
cadre d’une procédure judiciaire interne, mais elle ne contient auhcune pr-é
cision quant à l’objet de la procédure ou la juridiction devanth laquelle elle
a été faite. De plus, cette déclaration n’est pas signée.h La Cour estime
donc qu’elle ne peut lui accorder de valeur probante. En revanche, lah
déclaration de F. D. est signée et peut se voir accorder une valeur pro -
bante en ce qui concerne les allégations de mauvais traitements. En ehffet,
l’intéressé y relate les mauvais traitements que lui -même et d’autres per -
sonnes qui l’accompagnaient ont subis lorsqu’ils étaient aux mahins de
forces serbes à la fin du mois d’août 1991. La Serbie reconnaît d’ailleurs
que cette déclaration atteste d’une connaissance directe de mauvaihs trait-e
ments et de passages à tabac. Dans sa déclaration, F. D. affirme aussi
avoir entendu les cris d’une femme et suppose qu’elle était violée. Il res -
sort toutefois qu’il n’a pas assisté directement à ce viol ahllégué. Par consé
quent, la Cour ne peut accorder de valeur probante à cette déclarahtion en
ce qui concerne les allégations de viol.
107
7 CIJ1077.indb 210 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 106
338. In support of its allegations, Croatia relies on two statements
taken by the Croatian police, which are not signed or otherwise confirhmed
by the individuals allegedly having made these statements. The Court
cannot give evidential weight to these statements.
339. The other evidence produced by Croatia consists of a list of dead
civilians in the municipality of Pakrac and a video showing the exhuma -
tion of a mass grave ; these do not concern the events alleged to have
taken place on or around 8 September 1991 at Kusonje.
340. The Court accordingly considers that Croatia has failed to pro -
vide sufficient evidence that Serb forces perpetrated acts of torture aht
Kusonje on or around 8 September 1991.
(b) Voćin
341. Croatia alleges that, between August and December 1991 at
Voćin, Serb forces subjected Croats to ill -treatment and torture, and
raped Croat women.
342. Serbia disputes the probative value of the evidence presented by
Croatia, describing it as hearsay. Serbia notes that Slobodan Miloševhić’s
indictment at the ICTY refers to the murder of 32 Croat civilians at Voćhin
on 13 December 1991 by Serb paramilitaries, but that there is no refer -
ence in any judgment or indictment of the ICTY to any of the other
crimes.
343. The Court notes that Croatia’s allegations rest essentially on
statements. It observes that the statement by M. S. refers to ill-treatment
of Croats by Serbs, but the author does not appear to have witnessed thihs
directly. The Court thus cannot give the statement any evidential weighth
in this regard. A statement by a nurse, D. V., working in the clinic at
Voćin also describes ill -treatment of Croats by Serb forces inside the
clinic. This statement appears to have been made in the context of domesh -
tic judicial proceedings, but contains no details about the nature of thhe
proceedings or the court where the statement was made. Moreover, the
statement is not signed. The Court thus considers that it cannot give ith
any evidential weight. On the other hand, the statement by F. D. is signed,
and can be given evidential weight as regards the allegations of ill -treat-
ment. The author describes the acts of ill -treatment to which he and oth -
ers with him were subjected at the hands of Serb forces in late August 1991.
Serbia acknowledges, moreover, that his statement represents a first-hand
account of ill-treatment and beatings. In his statement, F. D. also claims
to have heard a woman screaming and assumed that she was being raped.
However, it appears that he did not witness this alleged rape directly. h
Accordingly, the Court cannot give it evidential weight with respect to hthe
allegations of rape.
107
7 CIJ1077.indb 211 18/04/16 08:54 107 application de convehntion génocide (arrêth)
344. La Croatie s’appuie sur un ouvrage, The Anatomy of Deceit du
docteur Jerry Blaskovich, dans lequel sont relatées les tortures infligées
par des forces serbes à un Croate. La Cour rappelle qu’un tel document
ne constitue qu’une preuve secondaire et ne peut être utilisé qhue pour
corroborer des faits établis par d’autres éléments de preuveh (voir le para
graphe 239 ci-dessus). Elle ne peut donc constater sur le seul fondement
de cet ouvrage que des actes de torture ont été commis à Voćhin par des
forces serbes.
345. La Croatie invoque également le rapport d’Helsinki Watch. La
Cour constate que la section faisant état de mauvais traitements et
d’actesde torture commis à Voćin à la fin du mois de décembre 1991
par des forces serbes s’appuie sur des témoignages et des rapports d’hau -
topsie. Elle rappelle que les auteurs des témoignages ne sont pas idehntifiés
et que les rapports d’autopsie ne sont pas annexés au document
d’Helsinki Watch (voir le paragraphe 249 ci-dessus). La Cour ne peut
conclure, sur la seule base de celui -ci, que des actes de mauvais traite -
ments et de torture ont été commis par des forces serbes à Voćhin en
décembre 1991.
346. Compte tenu des éléments susmentionnés, la Cour conclut qu’il
est établi que des actes de mauvais traitements ont été inflihgés aux Croates
par des forces serbes à Voćin en août 1991. Elle estime que la Croatie n’a
pas démontré ses allégations de viol.
c) D ulovac
347. La Croatie avance que des forces serbes se sont rendues coupables
d’actes de torture (notamment des mutilations) et de mauvais traiteh -
ments à l’égard de Croates habitant le village de Dulovac, situé
dans la municipalité de Daruvar et peuplé environ pour moitié de
Croates, à compter de septembre 1991. Des forces serbes auraient égale -
ment établi une prison, dans la clinique vétérinaire du villageh, où des
habitants auraient été torturés avant d’être transféréhs vers d’autres
camps.
348. La Serbie conteste la valeur probante des déclarations produites
par la Croatie au soutien de ces allégations. De plus, le TPIY n’ahurait ni
poursuivi, ni condamné d’individus pour des crimes commis dans la h
municipalité de Daruvar.
349. La Cour relève que la Croatie se fonde sur des déclarations aux -
quelles elle peut accorder une valeur probante. Il s’agit notamment dhe
deux déclarations signées, faites, respectivement, devant un juge d’ins -
truction croate et le représentant du Gouvernement croate dans la munhi-
cipalité de Daruvar, par des victimes de mauvais traitements inflighés par
des forces serbes.
350. Bien que ces déclarations ne corroborent pas l’ensemble des alléh-
gations de la Croatie, la Cour conclut que des forces serbes ont infligé dehs
mauvais traitements aux Croates à Dulovac entre septembre et
décembre 1991.
108
7 CIJ1077.indb 212 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 107
344. Croatia cites a publication entitled The Anatomy of Deceit by
Doctor Jerry Blaskovich, in which he describes the torture suffered by a
Croat at the hands of Serb forces. The Court recalls that a publication hof
this kind can only constitute secondary evidence and can only be used toh
corroborate facts established by other evidence (see paragraph 239
above). The Court is therefore unable to find, solely on the basis ofh this
publication, that acts of torture were committed at Voćin by Serb forhces.
345. Croatia also cites the Helsinki Watch Report. The Court notes
that the section describing acts of ill-treatment and torture perpetrated by
Serb forces at Voćin in late December 1991 relies on eyewitness testimony
and autopsy reports. It recalls that the authors of the testimony are noht
identified, and that the autopsy reports are not appended to the Helsihnki
Watch Report (see paragraph 249 above). The Court is unable to con -
clude, on the basis of that Report alone, that acts of ill -treatment and
torture were perpetrated by Serb forces at Voćin in December 1991.
346. In light of the above, the Court accordingly finds that Croatia has
shown that acts of ill -treatment were perpetrated against Croats by Serb
forces at Voćin in August 1991. It finds that Croatia has not proved its
allegations of rape.
(c) D ulovac
347. Croatia contends that, from September 1991, Serb forces
ill-treated and tortured (in particular mutilated) Croats living in the vihl
lage of Dulovac, located in the municipality of Daruvar and with a Croat
population of around 50 per cent. Serb forces also allegedly established a
prison in the village’s veterinary station and tortured villagers thehre,
before transferring them to other camps.
348. Serbia disputes the probative value of the statements produced by
Croatia in support of these allegations, and further points out that no h
individual has been prosecuted or convicted by the ICTY for crimes com-
mitted in the municipality of Daruvar.
349. The Court notes that Croatia relies on statements to which it can
give evidential weight. This is the case, in particular, for two signed hstate-
ments made, respectively, before a Croatian investigating judge and the h
representative of the Croatian Government in the Daruvar municipality,
by victims of ill-treatment inflicted by the Serb forces.
350. While these statements do not substantiate all of Croatia’s allega -
tions, the Court concludes that Serb forces perpetrated acts of ill -treat-
ment against Croats at Dulovac between September and December 1991.
108
7 CIJ1077.indb 213 18/04/16 08:54 108 application de convehntion génocide (arrêth)
Région de Dalmatie
Knin
351. La Croatie allègue que des actes de mauvais traitements, de tor -
ture et de violence sexuelle ont été commis à l’encontre de hCroates dans
des centres de détention situés dans l’ancien hôpital de Knihn et dans la
e
caserne du 9 corps de la JNA.
352. La Croatie produit notamment deux déclarations de victimes de
mauvais traitements et de torture commis dans l’ancien hôpital de hKnin
par des forces serbes. L’une de ces victimes a également assistéh à des actes
de violence sexuelle et sa déclaration atteste d’une connaissance directe
des faits qu’elle rapporte. La Cour estime qu’elle peut accorder àh ces
déclarations une valeur probante.
353. La Cour note que ces éléments de preuve sont corroborés par lesh
conclusions du TPIY. Ainsi, dans l’affaire Martić, le TPIY a conclu
qu’entre 120 et 300 personnes avaient été détenues dans l’ancien hôpital
de Knin (pour la période comprise entre mi -1991 et mi-1992)eet entre 75
et 200 personnes avaient été détenues dans la caserne du 9 corps de la
JNA, parmi lesquelles se trouvaient des civils croates et non serbes, ainsi
que des membres des forces armées croates. Le TPIY a constaté que hces
personnes avaient été maltraitées par des forces serbes ou d’hautres indivi -
dus, et que ces actes leur avaient causé de graves souffrances physiquhes ou
mentales. Il a qualifié ces actes de torture, d’actes inhumains het de traite-
ments cruels, et a relevé qu’ils avaient été commis avec uneh intention dis-
criminatoire fondée sur l’appartenance ethnique (jugement Martić,
par. 407-415). Le Tribunal a également reconnu que, à l’ancien hôpithal de
Knin, certains détenus avaient subi des actes de violence sexuelle (hibid.,
par. 288). Dans l’affaire Stanišić et Simatović, la chambre de première
instance a adopté des conclusions similaires (jugement Stanišić et Simato ‑
vić, par. 387-390).
354. La Cour considère qu’il est établi que des actes de mauvais trahite-
ments, de torture et de violence sexuelle ont été commis à l’hencontre de
civils croates, entre mi -1991 et mi -1992, dans les centres de détention
situés dans l’ancien hôpital de Knin et dans la caserne du 9 ecorps de la
JNA.
Personnes disparues
355. La Cour relève que la Croatie a soulevé tardivement, au cours
de la procédure orale, l’argument selon lequel la souffrance psycholo -
gique endurée par les proches des personnes disparues constituait une
atteinte grave à l’intégrité mentale, au sens du litt. b) de l’article II de la
Convention.
356. La Cour a admis que la souffrance psychologique endurée par les
proches de personnes disparues dans le contexte d’un génocide alléhgué,
résultant du refus persistant des autorités compétentes de fournir les
109
7 CIJ1077.indb 214 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 108
Region of Dalmatia
Knin
351. Croatia alleges that acts of illtreatment, torture and sexual vio -
lence were perpetrated against Croats in detention centres located in the
former hospital at Knin and in the barracks of the JNA 9th Corps.
352. Croatia produces inter alia two statements by victims of ill -treat-
ment and torture perpetrated by Serb forces in the former hospital at
Knin. One of these victims also witnessed acts of sexual violence, and hhis
statement represents a first-hand account of the events in question. The
Court considers that it can give these statements evidential weight.
353. The Court notes that this evidence is corroborated by the findings
of the ICTY. Thus, in the Martić case, the ICTY found that between
120 and 300 persons were detained in the former hospital at Knin (for the
period from mid -1991 to mid -1992), and between 75 and 200 persons
were detained in the barracks of the JNA 9th Corps, amongst whom were
Croat and non-Serb civilians, as well as members of the Croatian armed
forces. The ICTY found that these persons had been subjected to ill -treat
ment by Serb forces or other individuals and that those acts had caused h
them serious physical and mental suffering. The Tribunal described these h
acts as torture and cruel and inhumane treatment, and noted that they
had been committed with discriminatory intent based on ethnic origin
(Martić Trial Judgment, paras. 407-415). The Tribunal also accepted
that, at the former hospital at Knin, some of the prisoners were subjecthed
to acts of sexual violence (ibid., para.88). In the Stanišić and Simatović
case, the Trial Chamber made similar findings (Stanišić and Simatović
Trial Judgment, paras. 387-390).
354. The Court considers that it has been established that acts of
ill-treatment, torture and sexual violence were perpetrated against Croat
civilians between mid-1991 and mid-1992, at detention centres located in
the former hospital at Knin and the barracks of the JNA 9th Corps.
Missing persons
355. The Court notes that, late on in the oral proceedings, Croatia
raised the argument that the psychological pain suffered by the relativesh
of missing persons constituted serious mental harm within the meaning ofh
Article II (b) of the Convention.
356. The Court has accepted that the psychological pain suffered by
the relatives of individuals who have disappeared in the context of an
alleged genocide, as a result of the persistent refusal of the competenth
109
7 CIJ1077.indb 215 18/04/16 08:54 109 application de convehntion génocide (arrêth)
informations en leur possession qui permettraient à ces proches de déhter-
miner avec certitude si et comment les personnes concernées sont décé -
dées, peut, dans certaines circonstances, constituer une atteinte grahve à
l’intégrité mentale au sens du litt. b) de l’article II de la Convention (voir
le paragraphe 160 ci -dessus). La Cour reconnaît que, en l’espèce, les
proches de personnes disparues durant les événements qui se sont dhérou-
lés sur le territoire de la Croatie entre1991 et 1995 sont confrontés à une
détresse psychologique, en raison de l’incertitude durable dans lahquelle ils
se trouvent. Cependant, la Croatie n’a pas apporté la preuve que chette
souffrance psychologique soit telle qu’elle constitue une atteinte grahve à
l’intégrité mentale au sens du litt. b) de l’article II de la Convention.
357. Les Parties ont débattu du sort des personnes disparues. La Cour
constate qu’il existe une divergence entre elles quant au nombre et àh
l’ethnicité des personnes disparues. Cependant, la matérialitéh de ces
nombreuses disparitions n’étant pas contestée, la Cour n’a phas à statuer
sur le nombre précis et l’ethnicité des personnes disparues.
358. En réponse à une question d’un membre de la Cour sur les initiahtives
qu’elles auraient récemment prises pour déterminer le sort des hpersonnes
disparues, les Parties ont admis que des progrès ont été réahlisés, suite à la
conclusion en 1995, à Dayton, d’un accord de coopération pour la recherche
des personnes portées disparues, mais qu’ils restent insuffisantsh.
359. La Cour relève que les Parties ont exprimé la volonté que le sohrt
des personnes disparues en Croatie, entre 1991 et 1995, soit élucidé dans
l’intérêt des familles. Elle prend note de l’assurance de lah Serbie d’assumer
son rôle dans le cadre du processus de coopération avec la Croatieh. La
Cour encourage les Parties à poursuivre cette coopération de bonneh foi et
à mettre en œuvre tous les moyens à leur disposition afin queh la question
du sort des personnes disparues soit réglée dans les meilleurs déhlais.
Conclusion
360. A la lumière de ce qui précède, la Cour considère comme éhtabli
que la JNA et des forces serbes ont, au cours du conflit, infligé des bles -
sures à des membres du groupe protégé tel que défini ci -dessus (voir le
paragraphe 205) dans plusieurs localités de Slavonie orientale, de Slavo -
nie occidentale et de Dalmatie, et s’y sont rendues coupables d’achtes de
mauvais traitements, de torture, de violence sexuelle et de viol. Ces achtes
ont causé à l’intégrité physique ou mentale des atteintesh telles qu’elles ont
pu contribuer à la destruction physique ou biologique du groupe protéhgé.
La Cour estime que l’élément matériel du génocide, au senhs du litt. b) de
l’article II de la Convention, est par conséquent établi.
4) Litt.c) de l’articleII soumission intentionnelle du groupe à des conditions
d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle
361. La Croatie affirme que la JNA et des forces serbes ont soumis
intentionnellement le groupe protégé à des conditions d’existence devant
110
7 CIJ1077.indb 216 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 109
authorities to provide the information in their possession which would
enable these relatives to establish with certainty whether and how the per-
sons concerned died, can in certain circumstances constitute serious menh-
tal harm within the meaning of Article II (b) of the Convention (see
paragraph 160 above). The Court acknowledges that in the present case,
the relatives of individuals who disappeared during the events that took
place on the territory of Croatia between 1991 and 1995 suffer psycho -
logical distress as a result of the continuing uncertainty which they fahce.
However, Croatia has failed to provide any evidence of psychological suf-
fering sufficient to constitute serious mental harm within the meaning hof
Article II (b) of the Convention.
357. The Parties debated the fate of missing persons. The Court notes
that the Parties disagree on the number and ethnicity of the persons havh-
ing disappeared. However, since it is not disputed that many individuals
have disappeared, it is not for the Court to determine their precise numh-
ber and ethnicity.
358. In reply to a question by a Member of the Court as to whether
there had been any recent initiatives to ascertain the fate of missing ohr
disappeared persons, the Parties stated that, following their agreement hin
1995 at Dayton to co -operate in tracing missing persons, some progress
had been made, but they admitted that this remained insufficient.
359. The Court notes that the Parties have expressed their willingness,
in the interest of the families concerned, to elucidate the fate of those who
disappeared in Croatia between 1991 and 1995. It notes Serbia’s assurh -
ance that it will fulfil its responsibilities in the coeration process with
Croatia. The Court encourages the Parties to pursue that co -operation in
good faith and to utilize all means available to them in order that the h
issue of the fate of missing persons can be settled as quickly as possibhle.
Conclusion
360. In light of the foregoing, the Court considers it established that
during the conflict in a number of localities in Eastern Slavonia, Western
Slavonia, and Dalmatia, the JNA and Serb forces injured members of the
protected group as defined above (see paragraph 205) and perpetrated
acts of ill-treatment, torture, sexual violence and rape. These acts caused
such bodily or mental harm as to contribute to the physical or biologicahl
destruction of the protected group. The Court considers that the actus
reus of genocide within the meaning of Article II (b) of the Convention
has accordingly been established.
(4) Article II (c): deliberately inflicting on the group conditions of life
calculated to bring about its physical destruction in whole or in part
361. Croatia asserts that the JNA and Serb forces deliberately inflicted
on the protected group conditions of life calculated to bring about its h
110
7 CIJ1077.indb 217 18/04/16 08:54 110 application de convehntion génocide (arrêth)
entraîner sa destruction physique totale ou partielle, au sens du litt. c) de
l’article II de la Convention, dans plusieurs localités de Croatie. La Croa -
tie fait état de viols commis par la JNA et des forces serbes. Elle ahvance
que les Croates ont été soumis à des privations de nourriture eht de soins
médicaux. Selon la Croatie, la JNA et des forces serbes ont mis en plhace
une politique d’expulsion systématique des logements et forcé lhes Croates
à quitter les zones sous leur contrôle. La Croatie allègue que hles Croates
ont été contraints de porter des signes d’appartenance ethniqueh. La JNA
et des forces serbes auraient porté atteinte à leurs biens en se lhivrant à des
pillages, qui auraient également visé le patrimoine culturel croathe. Enfin,
les Croates auraient été soumis à du travail forcé. La Cour hexaminera
successivement les différentes allégations de la Croatie.
Viols
362. La Croatie allègue que de multiples actes de viol ont été commihs
par la JNA et des forces serbes à l’encontre des femmes croates dahns dif -
férentes localités situées sur tout le territoire croate et danhs les camps.
363. Pour fonder ses allégations, la Croatie s’appuie sur des déclarha -
tions annexées à ses écritures. La Cour constate que certaines de ces
déclarations attestent d’une connaissance directe des faits qu’helles
rapportent. Elle note la déclaration d’un membre des forces serbesh,
auteur d’un viol, contemporaine aux faits concernés. Cette déclarationh
n’est cependant pas signée, ni confirmée. La Cour ne peut donhc lui accor -
der de valeur probante. Il existe en revanche un certain nombre de récits
directs et détaillés fournis par les victimes de viols commis par des
membres de la JNA ou des forces serbes. La Cour considère qu’il y ha
suffisamment d’éléments de preuve fiables permettant d’éhtablir que
nombre de viols et d’autres actes de violence sexuelle ont été hperpé -
trés dans le cadre du conflit. Elle rappelle que la Croatie a établi queh des
viols ont été commis dans plusieurs localités de Slavonie orienhtale et qu’ils
ont causé des atteintes graves à l’intégrité physique ou hmentale
de membres du groupe protégé (voir les paragraphes 305, 311, 315 et 324
ci-dessus).
364. Cependant, il n’a pas été démontré que ces faits se soienht produits
à une échelle telle que le groupe a aussi été soumis à dehs conditions d’exis -
tence pouvant causer sa destruction physique totale ou partielle.
Privations alimentaires
365. La Croatie allègue que la JNA et des forces serbes ont soumis les
Croates à des privations alimentaires.
366. La Cour constate que certaines déclarations produites par la
Croatie mentionnent des privations alimentaires occasionnelles imposéhes
aux Croates. Cependant, ces déclarations sont insuffisantes pour éhtablir
qu’il s’agissait de pratiques systématiques ou généraliséhes.
111
7 CIJ1077.indb 218 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 110
physical destruction in whole or in part, within the meaning of Arti -
cle II (c) of the Convention, at a number of localities within Croatia.
Croatia refers to acts of rape committed by the JNA and Serb forces. It h
claims that Croats were deprived of food and medical care. According to
Croatia, the JNA and Serb forces instituted a policy of systematic expulh-
sion of Croats from their homes and of forced displacement from the
areas under their control. Croats are alleged to have been forced to dish -
play signs of their ethnicity. The JNA and Serb forces allegedly destroyhed
and looted Croat property and vandalized their cultural heritage. Finallhy,
Croats are claimed to have been subjected to forced labour. The Court
will examine in turn each of Croatia’s various allegations.
Rape
362. Croatia alleges that multiple acts of rape were committed by the
JNA and Serb forces against Croat women, both in various localities
throughout Croatian territory and in camps.
363. In support of its allegations, Croatia relies on statements appended
to its written pleadings. The Court notes that some of these statements h
constitute firsthand accounts of the events in question. It notes the state -
ment by a member of Serb forces, contemporary with the facts, who con -
fesses to acts of rape. However, that statement is neither signed nor
confirmed. The Court cannot therefore give it any evidential weight. Ohn
the other hand, there are a number of direct, detailed accounts of rape hby
members of the JNA or Serb forces given by the victims. The Court con -
siders that there is sufficient reliable evidence to establish that a nhumber
of instances of rape and other acts of sexual violence were perpetrated
within the context of the conflict. It recalls that Croatia has establhished
that acts of rape were committed in a number of localities in Eastern Slha-
vonia and that they caused serious bodily and mental harm to members
of the protected group (see paragraphs 305, 311, 315 and 324 above).
364. Nevertheless, it has not been shown that these occurrences were
on such a scale as to have amounted also to inflicting conditions of lhife on
the group that were capable of bringing about its physical destruction in
whole or in part.
Deprivation of food
365. Croatia alleges that the JNA and Serb forces subjected Croats to
food deprivation.
366. The Court notes that some of the statements produced by Croatia
refer to occasional denials of food supplies to Croats. However, these
statements do not suffice to show that such denials were of a systematic
or general nature.
111
7 CIJ1077.indb 219 18/04/16 08:54 111 application de convehntion génocide (arrêth)
367. Concernant Dubrovnik, la Cour relève que, dans l’affaire Strugar,
le TPIY a constaté ce qui suit :
« En raison du blocus imposé par la JNA, la population de
Dubrovnik et de la vieille ville a été privée d’un approvisihonnement
normal en eau courante et en électricité pendant plusieurs semainehs,
alors que les produits essentiels à la survie de la population, commeh
les denrées alimentaires et les médicaments, faisaient cruellementh
défaut.» (Jugement Strugar, par. 176 (référence omise).)
La Cour relève qu’il n’est pas établi que cette privation deh nourriture
aurait été faite dans l’intention d’entraîner la destructhion physique totale
ou partielle des habitants croates de Dubrovnik, au sens de l’articleh II,
litt. c), de la Convention.
368. La Cour conclut que la Croatie n’a pas démontré que la JNA et
des forces serbes ont soumis les Croates à des privations alimentaires qui
pourraient entrer dans le champ d’application de l’article II, litt. c), de la
Convention.
Privation de soins médicaux
369. La Croatie allègue que les Croates ont été privés de soins médicaux.
370. La Cour constate que les allégations de la Croatie reposent sur
des déclarations qui ne sont ni signées, ni confirmées par leurs auteurs.
Ces éléments de preuve ne permettent pas d’établir une pratique systéma -
tique ou généralisée.
371. Concernant le cas de Dubrovnik, la Cour renvoie aux conclusions
du TPIY dans l’affaire Strugar reproduites ci -dessus (voir le para -
graphe 367). Elle rappelle également qu’il n’est pas établi que lah privation
de médicaments ait été imposée dans l’intention d’entrhaîner la destruction
physique totale ou partielle des habitants croates de Dubrovnik.
372. La Cour conclut que la Croatie n’a pas démontré l’existence de
privations de soins médicaux qui pourraient tomber sous le coup de l’har-
ticle II, litt. c), de la Convention.
Expulsion systématique des logements et déplacement forcé
373. La Croatie affirme que la JNA et des forces serbes ont systémati -
quement procédé à l’expulsion des Croates de leurs logementsh ainsi
qu’à leur déplacement forcé hors des zones qu’elles contrôlaient,h à travers
l’ensemble du territoire croate.
374. La Cour constate que, dans l’affaire Martić, le TPIY a conclu que
la JNA et des forces serbes avaient intentionnellement créé un clihmat
coercitif dans la SAO de Krajina, puis dans la RSK, entre 1991 et 1995,
dans le but de forcer la population non serbe à quitter ce territoire:
« 427. D’août 1991 au début de 1992, des forces de la TO, de la
police de la SAO de Krajina et de la JNA ont attaqué des villages et h
112
7 CIJ1077.indb 220 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 111
367. Regarding Dubrovnik, the Court notes that in the Strugar case
the ICTY found that
“[b]ecause of the blockade that had been enforced by the JNA the
population of Dubrovnik, including the Old Town, had been without
normal running water and electricity supplies for some weeks and
essential products to sustain the population, such as food and medical
supplies, were in extremely short supply” (Strugar Trial Judgment,
para. 176; reference omitted).
The Court considers that it has not been established that this restric -
tion on food supplies was calculated to bring about the physical destruch-
tion in whole or in part of the Croat inhabitants of Dubrovnik, within thhe
meaning of Article II (c) of the Convention.
368. The Court concludes that Croatia has not established that the
JNA and Serb forces denied access by Croats to food supplies, thereby
subjecting them to food deprivation in a manner capable of falling withihn
the scope of Article II (c) of the Convention.
Deprivation of medical care
369. Croatia alleges that Croats were deprived of medical care.
370. The Court notes that Croatia’s allegations rely on statements
appended to its written pleadings which are not signed or confirmed byh
the declarants. This evidence cannot demonstrate a practice of a system -
atic or general nature.
371. In regard to Dubrovnik, the Court relies on the findings of the
ICTY in the Strugar case cited above (see paragraph 367). The Court
likewise recalls that it has not been established that the denial of medhical
supplies was imposed with the intention of causing the physical destruc -
tion, in whole or in part, of the Croat inhabitants of Dubrovnik.
372. The Court concludes that Croatia has failed to show deprivations
of medical care such as to be capable of coming within the scope of Arti -
cle II (c) of the Convention.
Systematic expulsion from homes and forced displacement
373. Croatia alleges that the JNA and Serb forces systematically
expelled Croats from their homes and forcibly displaced them from the
areas under their control throughout the Croatian territory.
374. The Court notes that, in the Martić case, the ICTY found that
between 1991 and 1995, the JNA and Serb forces had deliberately created h
a coercive atmosphere in the SAO Krajina, and then in the RSK, with the h
aim of forcing the non-Serb population to leave that territory :
“427. From August 1991 and into early 1992, forces of the TO and
the police of the SAO Krajina and of the JNA attacked Croat-major-
112
7 CIJ1077.indb 221 18/04/16 08:54 112 application de convehntion génocide (arrêth)
régions peuplés majoritairement de Croates, notamment les villagesh
de Hrvatska Kostajnica, Cerovljani, Hrvatska Dubica, Ba ćin,
Saborsko, Poljanak, Lipovača, Skabrnja et Nadin. Le déplacement
de la population non serbe qui a suivi ces attaques était l’objecthif
principal, et non la conséquence, des opérations militaires…
428. La Chambre de première instance estime qu’il est établi
au -delà de tout doute raisonnable que les actes de violence et d’intih
midation systématiques commis contre la population non serbe des
villages, notamment par la JNA, la TO et la milice de Krajina, ont
créé un climat coercitif dans lequel ces habitants n’avaient pahs réel-e
ment la faculté de s’opposer à leur déplacement. A la lumièhre de ces
éléments de preuve, la Chambre conclut que les auteurs de ces actehs
étaient animés de l’intention de chasser la population non serbhe du
territoire de la SAO de Krajina
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . h . . . . . . . . . . . . . .
430. Pour la période allant de 1992 à 1995, la Chambre de pre -
mière instance dispose de nombreux éléments de preuve montrant h
que des actes de violence et d’intimidation généralisés ont hété commis
contre la population non serbe sur l’ensemble du territoire de la
RSK. Elle relève en particulier que, durant cette période, les crihmes
commis contre la population non serbe (homicides, violences, vols,
harcèlement, destruction massive d’habitations et d’églises hcatho -
liques) se sont poursuivis, forçant celleci à fuir le climat coercitif de
la RSK. C’est ainsi que la quasi-totalité de la population non serbe a
quitté la RSK…
431. Sur la base des nombreux éléments de preuve rappelés plus
haut, la Chambre de première instance considère que, en raison du h
climat coercitif qui régnait en RSK de 1992 à 1995, la quasi-totalité
de la population non serbe a été déplacée de force vers des hterritoires
sous le contrôle de la Croatie.» (Jugement Martić, par. 427, 428, 430
et 431 (références omises).)
375. Le TPIY a adopté des conclusions similaires dans l’affaire Stanišić
et Simatović concernant la SAO de Krajina (puis la RSK) et la SAO
SBSO:
«997. La Chambre de première instance rappelle qu’elle a constaté…
que, entre avril1991 et avril1992, de80 000 à 100 000 Croates et autres
civils non serbes avaient fui la SAO de Krajina (et par la suite la réhgion
de Krajina en RSK) à cause de la situation qui prévalait dans la hrégion
au moment de leur départ respectif, laquelle était due à un enshemble de
facteurs : attaques menées sur les villes et villages majoritairement ou
entièrement peuplés de Croates, meurtres, utilisation de personnesh
comme bouclier humain, détentions, sévices, travail forcé, violences
sexuelles et autres formes de harcèlement infligés aux Croates, het pillage
et destruction de biens. Ces agissements ont été perpétrés phar les auto
113
7 CIJ1077.indb 222 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 112
ity villages and areas, including the villages of Hrvatska Kostajnica,
Cerovljani, Hrvatska Dubica, Baćin, Saborsko, Poljanak, Lipovača, h
Skabrnja and Nadin. The displacement of the non -Serb population
which followed these attacks was not merely the consequence of mil -
itary action, but the primary objective of it . . .
428. The Trial Chamber considers the evidence to establish beyond
reasonable doubt that the systematic acts of violence and intimidation
carried out, inter alia, by the JNA, the TO and the Milicija Krajine
against the non -Serb population in the villages created a coercive
atmosphere in which the non-Serb population did not have a genuine
choice in their displacement. Based on this evidence, the Trial Cham -
ber concludes that the intention behind these acts was to drive out the h
non -Serb population from the territory of the SAO Krajina
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . h . . . . . . . . . . . . . .
430. With regard to the period from 1992 to 1995, the Trial Cham-
ber has been furnished with a substantial amount of evidence of mas-
sive and widespread acts of violence and intimidation committed
against the non -Serb population, which were pervasive through the
RSK territory. The Trial Chamber notes, in particular, that during this
time period there was a continuation of incidents of killings, beatings,h
robbery and theft, harassment, and extensive destruction of houses
and Catholic churches carried out against the non -Serb population.
These acts created a coercive atmosphere which had the effect of forc -
ing out the non -Serb population from the territory of the RSK. As a
consequence, almost the entire non-Serb population left the RSK . . .
431. Based on the substantial evidence referred to above, the Trial
Chamber finds that due to the coercive atmosphere in the RSK from
1992 through 1995, almost the entire non-Serb population was forci -
bly removed to territories under the control of Croatia. The elements
of the crime of deportation (Count 10) have therefore been met.”
(Martić Trial Judgment, paras. 427, 428, 430 and 431 ; references
omitted.)
375. The ICTY reached similar findings in the Stanišić and Simatović
case regarding the SAO Krajina (and then the RSK) and the SAO SBWS:
“997. The Trial Chamber recalls its findings...that from April1991
to April 1992, between 80,000 and 100,000 Croat and other non-Serb
civilians fled the SAO Krajina (and subsequently the Krajina area of h
the RSK). They did so as a result of the situation prevailing in the
region at the time of their respective departures, which was created
by a combination of: the attacks on villages and towns with substan -
tial or completely Croat populations ; the killings, use as human
shields, detention, beatings, forced labour, sexual abuse, and other
forms of harassment of Croat persons ; and the looting and destruc -
tion of property. These actions were committed by the local Serb
113
7 CIJ1077.indb 223 18/04/16 08:54 113 application de convehntion génocide (arrêth)
rités serbes locales et les membres et unités de la JNA (y comprihs des
réservistes), de la TO et la police de la SAO de Krajina, et des unités
paramilitaires serbes, ainsi que par des Serbes locaux et certaines per -
sonnes nommément identifiées (notamment Milan Martić). La
Chambre relève que les personnes en fuite étaient des Croates et ahutres
non Serbes, et conclut que leur appartenance ethnique correspond bien
à ce qui figure dans les chefs énoncés dans l’acte d’achcusation.
998. La Chambre de première instance considère que les agisse -
ments susmentionnés ont créé un climat de violence et de terreuhr ne
laissant d’autre choix que la fuite aux Croates et autres non-Serbes h
de la SAO de Krajina. Elle estime en conséquence que les personnes
qui ont pris la fuite ont été déplacées par la force. Compteh tenu des
circonstances entourant le déplacement forcé et en l’absence d’hindi -
cation contraire, elle conclut que les personnes déplacées ont éhté
contraintes de quitter une région où elles se trouvaient légalehment
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . h . . . . . . . . . . . . . .
1049. La Chambre de première instance rappelle qu’elle a
constaté … que, de 1991 à 1992, la JNA, les hommes de Sešelj, les
volontaires serbes, les autorités locales, le SRS, les paramilitairesh de
Prigrevica, la SNB, la police, la TO, une « unité spéciale» et la SDG
avaient lancé des attaques sur l’ensemble de la SAO SBSO, provo -
quant la fuite de milliers de personnes. Elle rappelle également que
ces attaques ont donné lieu à des transferts forcés, à des dhétentions,
à la destruction d’une église catholique, au pillage, à des hmesures
restrictives de liberté, au travail forcé, à des sévices, àh des meurtres, à
des menaces et au harcèlement. Elle relève qu’un grand nombre dhes
personnes ayant pris la fuite étaient des Croates et autres non-Serbes,
et conclut que leur appartenance ethnique correspond bien à ce qui
figure dans les chefs énoncés dans l’acte d’accusation.
1050. La Chambre considère que les agissements susmentionnés
ont créé un climat de violence et de terreur ne laissant d’autre choix
que la fuite aux Croates et autres non-Serbes. Elle estime en consé -
quence que les personnes qui ont pris la fuite ont été déplacées par la
force. Considérant que les personnes ainsi déplacées étaienth des hab-i
tants de la SAO SBSO, elle conclut, en l’absence d’indication
contraire, que celles -ci s’y trouvaient légalement. » (Jugement Sta‑
nišić et Simatović, par. 997, 998, 1049 et 1050 [traduction du Greffe].)
376. La Cour estime que les conclusions du TPIY permettent de démon -
trer que la JNA et des forces serbes ont procédé à des expulsions et des
déplacements forcés de Croates dans la SAO de Krajina (puis la RShK) et la
SAO SBSO. La Cour rappelle qu’un déplacement forcé de populatiohn n’est
pas constitutif en tant que tel de l’élément matériel du géhnocide au sens de
l’articleII, litt. c), de la Convention (voir le paragraphe162 ci-dessus). Une
telle qualification dépend des conditions dans lesquelles le déphlacement
forcé a eu lieu (voir le paragraphe 163 ci-dessus). La Cour constate que, en
l’espèce, le déplacement forcé de population est la conséhquence de la com -
114
7 CIJ1077.indb 224 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 113
authorities and the members and units of the JNA (including JNA
reservists), the SAO Krajina TO, the SAO Krajina Police, and Serb
paramilitary units, as well as local Serbs and certain named individ -
uals (including Milan Martić). The Trial Chamber notes that the perh -
sons fleeing were Croats and other non -Serbs and that their ethnicity
thus corresponds to the charges in the indictment.
998. The Trial Chamber finds that the aforementioned acts caused
duress and fear of violence such that they created an environment in
which the Croats and other non -Serbs in the SAO Krajina had no
choice but to leave. Therefore, the Trial Chamber finds that those whoh
left were forcibly displaced. Considering the circumstances of the for -
cible displacement, and absent any indication to the contrary, the
Trial Chamber finds that the displaced individuals were forced to
leave an area in which they were lawfully present
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . h . . . . . . . . . . . . . .
1049. The Trial Chamber recalls its findings . . . that between 1991
and 1992, the JNA, Sešelj’s men, Serbian volunteers, local authorities,
SRS, paramilitaries from Prigrevica, SNB, police, TO, a ‘Special
Unit’, and the SDG launched attacks all over the SAO SBWS, caus -
ing thousands of people to flee. The Trial Chamber recalls that these h
attacks involved acts of forcible transfer, detentions, destruction of ah
Catholic church, looting, restriction of freedom, forced labour, beat -
ings, killings, threats, and harassment. The Trial Chamber notes that
a significant number of those people who fled were Croats, and other
non-Serbs and concludes that their ethnicity thus corresponds to the
charges in the indictment.
1050. The Trial Chamber considers that the aforementioned acts
caused duress and fear of violence such that they created an environ -
ment in which the Croats and other non -Serbs had no choice but to
leave. Therefore, the Trial Chamber finds that those who left were fo-rh
cibly displaced. The Trial Chamber finds, having considered that those
who were forcibly displaced were inhabitants of the SAO SBWS, absent
any indication to the contrary, were lawfully present there.” (Stanišić
and Simatović Trial Judgment, paras. 997, 998, 1049 and 1050.)
376. In the Court’s view, the findings of the ICTY show that the JNA
and Serb forces carried out expulsions and forced displacements of Croaths
in the SAO Krajina (and then the RSK) and the SAO SBWS. The Court
recalls that the forced displacement of a population does not, as such, con -
stitute the actus reus of genocide within the meaning of Article II (c) of the
Convention (see paragraph 162 above). Such characterization would
depend on the circumstances in which the forced displacement was carried
out (see paragraph 163 above). The Court notes that, in the present case,
the forced displacement of the population is a consequence of the commis -
114
7 CIJ1077.indb 225 18/04/16 08:54 114 application de convehntion génocide (arrêth)
mission d’actes susceptibles de constituer l’élément matériel du génocide,
notamment au sens des litt. a) à c) de l’article II de la Convention. Toute-
fois, la Cour relève qu’elle ne dispose pas de preuves lui permetthant de
conclure que ce déplacement forcé ait été effectué dans dehs conditions telles
qu’il devait entraîner la destruction physique totale ou partielleh du groupe.
377. Dans ces circonstances, la Cour conclut que la Croatie n’a pas
démontré que le déplacement forcé de Croates par la JNA et dhes forces
serbes puisse constituer l’élément matériel du génocide, hau sens dulitt. c)
de l’article II de la Convention.
Restrictions des déplacements
378. La Croatie allègue que, dans de nombreux villages, les déplace -
ments des Croates ont été restreints.
379. La Cour renvoie aux conclusions de la chambre de première ins -
tance dans l’affaire Stanišić et Simatović, selon lesquelles, entre 1991
et 1992, la JNA et des forces serbes ont imposé aux Croates vivant dans hla
SAO de Krajina (puis dans la RSK) et dans la SAO SBSO des restrictionsh
à leur liberté de circulation (jugement Stanišić et Simatović, par.97 et1049,
reproduits au paragraphe375 ci-dessus ; voir également le paragraphe 1250,
non reproduit). La Cour considère que ces conclusions constituent unh élé -
ment de preuve suffisant pour démontrer les allégations de la Crohatie.
380. La Cour relève que les restrictions imposées aux déplacements dhes
Croates participaient à la création d’un climat coercitif et de terreur, avec
pour objectif de forcer ces personnes à quitter les territoires placéhs sous le
contrôle de la JNA et des forces serbes. La Cour rappelle que le litt. c) de
l’article II de la Convention ne vise que les conditions d’existence devant
entraîner la destruction physique du groupe. Elle estime que les restrictions
à la liberté de mouvement peuvent entamer le lien social existant hentre les
membres du groupe, et partant conduire à la destruction de l’identhité cultu -
relle du groupe. En revanche, de telles restrictions ne sauraient êtrhe perçues
comme devant entraîner la destruction physique du groupe qui est la sheule
visée par le litt.) de l’article II de la Convention. Par conséquent, la Cour
conclut que les restrictions aux déplacements de Croates imposées hpar la
JNA et des forces serbes ne constituent pas l’élément matériel du génocide,
au sens du litt. c) de l’article II de la Convention.
Port forcé de signes d’appartenance ethnique
381. La Croatie allègue que, dans certaines localités, les Croates ont h
été contraints de porter un signe d’appartenance ethnique, soush la forme
d’un ruban blanc attaché à leur bras ou d’un drap blanc sur hleur domicile.
382. La Cour considère que le port imposé de signes d’appartenance àh un
groupe a pour objectif de stigmatiser les membres de ce groupe. Cette mehsure
permet à ses auteurs d’identifier les membres du groupe. L’obhjectif n’est pas
de procéder immédiatement à la destruction physique du groupe, hmais une
telle mesure peut constituer une étape préliminaire à la perpéhtration d’actes
115
7 CIJ1077.indb 226 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 114
sion of acts capable of constituting the actus reus of genocide, in particular
as defined in Article II (a) to (c) of the Convention. However, the Court
notes that there is no evidence before the Court enabling it to concludeh that
the forced displacement was carried out in circumstances calculated to
result in the total or partial physical destruction of the group.
377. In these circumstances, the Court finds that Croatia has failed to
show that the forced displacement of Croats by the JNA and Serb forces
is capable of constituting the actus reus of genocide within the meaning of
Article II (c) of the Convention.
Restrictions on movement
378. Croatia alleges that in many villages, the movements of Croats
were restricted.
379. The Court refers to the findings of the Trial Chamber in the
Stanišić and Simatović case, which state that between 1991 and 1992, the
JNA and Serb forces imposed restrictions on the free movement of Cro -
ats living in the SAO Krajina (and then in the RSK) and the SAO SBWS
(Stanišić and Simatović Trial Judgment, paras. 997 and 1049, reproduced
at paragraph 375 above ; see also paragraph 1250, not reproduced). The
Court considers that these findings constitute sufficient evidence to sub -
stantiate Croatia’s allegations.
380. The Court notes that the restrictions on the movement of the Cro-
ats were part of the creation of a climate of coercion and terror, with hthe
aim of forcing those persons to leave the territories under the control hof
the JNA and Serb forces. The Court recalls that Article II (c) of the Con-
vention refers only to conditions of life calculated to bring about the h
physical destruction of the group. It considers that restrictions on frehe -
dom of movement may undermine the social bond between members of
the group, and hence lead to the destruction of the group’s cultural hiden-
tity. However, such restrictions cannot be regarded as calculated to brihng
about the group’s physical destruction, which is the sole criterion in Arti -
cle II (c) of the Convention. The Court accordingly concludes that the
restrictions on movement imposed on Croats by the JNA and Serb forces
do not constitute the actus reus of genocide within the meaning of Arti -
cle II (c) of the Convention.
Forced wearing of insignia of ethnicity
381. Croatia alleges that, in certain localities, Croats were obliged to
wear insignia of ethnicity, in the form of a white ribbon on their sleevhes,
or a white sheet attached to their houses.
382. The Court considers that the purpose of forcing individuals to wear
signs of their membership of a group is to stigmatize the group’s memhbers.
This enables the authors of such acts to identify the members of the grohup.
The aim is not the immediate physical destruction of the group, but it mhay
represent a preliminary step towards perpetration of the acts listed in hAr-ti
115
7 CIJ1077.indb 227 18/04/16 08:54 115 application de convehntion génocide (arrêth)
énumérés à l’article II de la Convention à l’encontre des membres du groupe
ainsi identifiés. Dans ces conditions, le port imposé de signes hd’appartenance
ethnique ne rentre pas en lui-même dans le champ d’application du litt. c)
de l’articleII de la Convention, mais il peut être pris en compte pour établirh
l’intention de détruire le groupe protégé en tout ou en parthie.
Pillages de biens appartenant aux Croates
383. La Croatie allègue que les biens appartenant aux Croates ont fait
l’objet de pillages répétés dans plusieurs localités.
384. La Cour se réfère aux conclusions adoptées par la chambre de prhe -
mière instance du TPIY en l’affaire Stanišić et Simatović. Selon le TPIY,
entre 1991 et 1992, la JNA et des forces serbes se sont livrées à des pillages
de biens appartenant aux civils croates et non serbes dans la SAO de Krah -
jina (puis la RSK) et la SAO SBSO (jugement Stanišić et Simatović,
par. 997 et 1049, reproduits au paragraphe 375 ci-dessus; voir également
par. 1250, non reproduit). La Cour considère que ces conclusions sont
suffisantes pour corroborer les faits allégués par la Croatie.
385. La Cour estime toutefois qu’il n’a pas été établi que de htelles
atteintes à la propriété des Croates visaient à soumettre leh groupe croate
«à des conditions d’existence devant entraîner sa destruction phhysique
totale ou partielle». Par conséquent, les pillages de biens appartenant aux
Croates par la JNA et des forces serbes ne sauraient constituer l’éhlément
matériel du génocide, au sens du litt. c) de l’article II de la Convention.
Destruction et pillage du patrimoine culturel
386. La Croatie allègue que la JNA et des forces serbes ont détruit et
pillé le patrimoine et les monuments culturels croates.
387. La Cour constate que, dans l’affaire Babić, dans laquelle l’accusé
avait plaidé coupable, le TPIY a jugé que la JNA et des forces serbes
er
avaient, entre le 1 août 1991 et le 15 février 1992, mis en place dans la
SAO de Krajina un système de persécutions visant à chasser de che territoire
la population croate et les autres populations non serbes. Ces persécutions
avaient notamment pris la forme de destructions délibérées d’hinstitutions
culturelles, de monuments historiques et de lieux de culte de la populathion
croate et des autres populations non serbes dans différentes localités
(IT-03-72-S, chambre de première instance, jugement portant condamna -
tion du 29 juin 2004 (ci-après le «jugement Babić»), par. 15). Le Tribunal a
adopté des conclusions similaires dans l’affaire Martić, dans laquelle il a
jugé que, en 1991 et 1992, la JNA et des forces serbes avaient détruit des
églises et des édifices religieux dans des villes et villages croates situés dans
la SAO de Krajina puis la RSK (jugement Martić, par. 324 et 327).
388. La Cour rappelle qu’elle a jugé en 2007 que
« la destruction du patrimoine historique, culturel et religieux ne peut
pas être considérée comme une soumission intentionnelle du grouhpe à
des conditions d’existence devant entraîner sa destruction physiquhe.
116
7 CIJ1077.indb 228 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 115
cle II of the Convention against the group members thus identified. Conse -
quently, forcing individuals to wear insignia of their ethnicity does noht in
itself fall within the scope of ArticleI (c) of the Convention, but it might
be taken into account for the purpose of establishing whether or not thehre
existed an intent to destroy the protected group, in whole or in part.
Looting of property belonging to Croats
383. Croatia alleges that Croat property was repeatedly looted in a
number of localities.
384. The Court refers to the findings of the ICTY Trial Chamber in
the Stanišić and Simatović case. According to the ICTY, between 1991
and 1992, the JNA and Serb forces looted the property of Croat and
non-Serb civilians in the SAO Krajina (and then in the RSK) and in the
SAO SBWS (Stanišić and Simatović Trial Judgment, paras. 997 and 1049,
reproduced at paragraph 375 above ; see also paragraph 1250, not repro-
duced). The Court considers that these findings suffice to substantihate the
facts alleged by Croatia.
385. The Court is of the view, however, that it has not been established
that such attacks on Croat property were intended to inflict on the Crhoat
group “conditions of life calculated to bring about its physical desthruc -
tion in whole or in part”. Accordingly, the looting of Croat property by
the JNA and Serb forces cannot constitute the actus reus of genocide
within the meaning of Article II (c) of the Convention.
Destruction and looting of the cultural heritage
386. Croatia alleges that the JNA and Serb forces destroyed and looted
assets forming part of the cultural heritage and monuments of the Croatsh.
387. The Court notes that in the Babić case, where the accused pleaded
guilty, the ICTY found that the JNA and Serb forces had, between
1 August 1991 and 15 February 1992, established in the SAO Krajina a
régime of persecutions designed to drive the Croat and other non -Serb
populations out of the territory. These persecutions included the delibehr-
ate destruction of cultural institutions, historic monuments and sacred
sites of the Croat and other non -Serb populations in various localities
(IT-03-72-S, Trial Chamber, Sentencing Judgment of 29 June 2004 (here-
inafter “Babić Trial Judgment”), para. 15). The Tribunal made similar
findings in the Martić case, where it held that in 1991 and 1992, the JNA
and Serb forces had destroyed churches and religious buildings in Croa -
tian towns and villages located in the SAO Krajina, and then in the RSK
(Martić Trial Judgment, paras. 324 and 327).
388. The Court recalls that it held in 2007 that
“the destruction of historical, cultural and religious heritage cannoht
be considered to constitute the deliberate infliction of conditions ofh
life calculated to bring about the physical destruction of the group.
116
7 CIJ1077.indb 229 18/04/16 08:54 116 application de convehntion génocide (arrêth)
Bien qu’une telle destruction puisse être d’une extrême gravhité, en ce
qu’elle vise à éliminer toute trace de la présence culturellhe ou reli -
gieuse d’un groupe, et puisse être contraire à d’autres normes juri -
diques, elle n’entre pas dans la catégorie des actes de génocidhe
énumérés à l’articleIIde la Convention. A cet égard, la Cour relève
que, lors de son examen du projet de convention, la Sixième Commis-
sion de l’Assemblée générale a décidé de ne pas faire hfigurer le géno-
cide culturel sur la liste des actes punissables. » ( C.I.J. Recueil
2007 (I), p. 185-186, par. 344.)
389. La Cour estime qu’il n’existe, en l’espèce, aucune raison imhpé -
rieuse qui devrait la conduire à s’écarter de cette approche. Phar consé -
quent, elle conclut qu’il n’est pas nécessaire d’examiner plhus avant les
allégations de la Croatie aux fins d’établir l’élémehnt matériel du génocide,
au sens du litt. c) de l’article II de la Convention.
390. La Cour rappelle toutefois qu’elle peut prendre en compte les
atteintes aux biens et symboles culturels et religieux pour établir lh’inten -
tion de détruire le groupe physiquement (ibid., p. 186, par. 344).
Travail forcé
391. La Croatie allègue que la JNA et des forces serbes ont soumis les
Croates au travail forcé dans de nombreuses localités.
392. La Cour renvoie de nouveau aux conclusions adoptées par la
chambre de première instance du TPIY en l’affaire Stanišić et Simatović. La
chambre y indique que, entre 1991 et 1992, la JNA et des forces serbes ont
soumis des Croates au travail forcé dans la SAO de Krajina (puis la hRSK)
et la SAO SBSO (jugement Stanišić et Simatović, par. 997 et 1049, repro -
duits cidessus au paragraphe375; voir également par.1250, non reproduit).
393. La Cour considère que ces conclusions sont suffisantes pour éta -
blir les faits allégués par la Croatie. Elle estime que la qualifihcation du
travail forcé, en tant qu’élément matériel du génocideh, au sens du litt. c)
de l’article II de la Convention, dépend des conditions dans lesquelles ce
travail est effectué. A cet égard, la Cour constate que, dans l’haffaire Sta ‑
nišić et Simatović, la chambre de première instance du TPIY a considéré
que le travail forcé s’inscrivait dans une série d’actes quih visait l’expulsion
forcée des Croates ( ibid., par. 998 et 1050, reproduits ci -dessus au para -
graphe 375). La Cour conclut, dans ce contexte, que la Croatie n’a pas
établi que le travail forcé auquel étaient soumis les Croates puisse consti -
tuer l’élément matériel du génocide, au sens du litt. c) de l’article II de la
Convention.
Conclusion
394. La Cour conclut que la Croatie n’a pas établi que des actes sus -
ceptibles de constituer l’élément matériel du génocide, ahu sens du litt. c)
de l’article II de la Convention, ont été commis par la JNA et des forces
serbes.
117
7 CIJ1077.indb 230 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 116
Although such destruction may be highly significant inasmuch as it is
directed to the elimination of all traces of the cultural or religious
presence of a group, and contrary to other legal norms, it does not
fall within the categories of acts of genocide set out in Article II of
the Convention. In this regard, the Court observes that, during its
consideration of the draft text of the Convention, the Sixth Commit -
tee of the General Assembly decided not to include cultural genocide
in the list of punishable acts.” (.C.J. Reports 2007 (I), pp. 185-186,
para. 344.)
389. The Court considers that there is no compelling reason in the
present case for it to depart from that approach. It accordingly findsh that
it is unnecessary to proceed any further with its examination of Croatiah’s
allegations in order to establish the actus reus of genocide within the
meaning of Article II (c) of the Convention.
390. The Court recalls, however, that it may take account of attacks
on cultural and religious property in order to establish an intent to dehstroy
the group physically (ibid., p. 186, para. 344).
Forced labour
391. Croatia alleges that the JNA and Serb forces obliged Croats to
perform forced labour in numerous localities.
392. The Court again refers to the findings of the ICTY Trial Chamber
in the Stanišić and Simatović case. These show that between 1991 and
1992, the JNA and Serb forces obliged Croat civilians to perform forced h
labour in the SAO Krajina (and then in the RSK) and in the SAO SBWS
(Stanišić and Simatović Trial Judgment, paras. 997 and 1049 reproduced
above at paragraph 375 ; see also para.1250, not reproduced).
393. The Court considers that these findings suffice to establish the
facts alleged by Croatia. The Court takes the view that the characterizah -
tion of forced labour as the actus reus of genocide within the meaning of
Article II (c) of the Convention depends on the conditions under which
that labour is carried out. In this regard, the Court notes that in the h
Stanišić and Simatović case, the ICTY Trial Chamber found that forced
labour formed part of a series of actions aimed at the forced expulsion hof
the Croat population (ibid., paras. 998 and 1050, reproduced above at
paragraph 375). The Court finds in this instance that Croatia has not
established that the forced labour imposed on the Croat population is
capable of constituting the actus reus of genocide within the meaning of
Article II (c) of the Convention.
Conclusion
394. The Court concludes that Croatia has failed to establish that acts
capable of constituting the actus reus of genocide, within the meaning of
Article II (c) of the Convention, were committed by the JNA and Serb
forces.
117
7 CIJ1077.indb 231 18/04/16 08:54 117 application de convehntion génocide (arrêth)
5) Litt. d) de l’article II: mesures visant à entraver les naissances
au sein du groupe
395. La Croatie allègue que, en plus de viols, la JNA et des forces
serbes ont commis à l’encontre des Croates d’autres actes de viholence
sexuelle (notamment des castrations) qui constitueraient l’éléhment maté-
riel du génocide, au sens du litt. d) de l’article II de la Convention.
396. La Serbie estime que, pour être considérés comme des mesures
visant à entraver les naissances au sein du groupe, au sens du litt. d) de
l’article II de la Convention, les viols et autres actes de violence sexuelle
doivent avoir un caractère systématique. Or, en l’espèce, cehs actes ne
seraient que des incidents isolés et ne sauraient donc constituer de htelles
mesures.
397. La Cour rappelle qu’elle a déjà conclu que la Croatie n’avaiht pas
démontré que les viols avaient été commis à une échelle permettant de les
assimiler à des conditions d’existence pouvant causer la destructihon phy -
sique totale ou partielle du groupe (voir le paragraphe 364 ci-dessus). De
même, elle n’a pas fourni suffisamment de preuves que les viols ont été
commis pour entraver les naissances au sein du groupe au sens du litt. d)
de l’article II. La Cour se concentrera donc sur les autres actes de violence
sexuelle allégués par la Croatie.
398. La Croatie s’appuie principalement sur des déclarations annexéehs
à ses écritures. La Cour note que plusieurs déclarations, signéhes ou confir -
mées, émanent de victimes ou de témoins directs d’actes de vhiolence
sexuelle. Elles sont concordantes et attestent d’une connaissance dirhecte
des faits par leur auteur. La Cour considère qu’il y a suffisammehnt de
preuves fiables que des actes de violence sexuelle ont bel et bien eu hlieu,
notamment visant les organes génitaux d’hommes croates. La Cour rahp-
pelle que le TPIY a établi que des actes de violence sexuelle avaienth été
commis par la JNA et des forces serbes dans la SAO de Krajina (puis la h
RSK) et la SAO SBSO entre 1991 et 1992 (jugement Stanišić et Simatović,
par. 997, reproduit ci-dessus au paragraphe 375 ; voir également par. 1250,
non reproduit).
399. Cependant, la Croatie n’a pas présenté d’éléments de preuve
démontrant que les actes de violence sexuelle ont été commis afihn d’entra -
ver les naissances au sein du groupe.
400. Par conséquent, la Cour conclut que la Croatie n’a pas établi qhue
des viols et d’autres actes de violence sexuelle ont été commish par la JNA
et des forces serbes à l’encontre de Croates en vue d’entraver hles nais -
sances au sein de ce groupe et que, partant, l’élément matérhiel du géno-
cide au sens du litt. d) de l’article II de la Convention n’est pas constitué.
Conclusion sur l’élément matériel (actus reus) du génocide
401. La Cour est pleinement convaincue que la JNA et des forces
serbes ont commis dans plusieurs localités de Slavonie orientale, de hSla -
vonie occidentale, de Banovina/Banija, de Kordun, de Lika et de Dalma -
118
7 CIJ1077.indb 232 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 117
(5) Article II (d): measures intended to prevent births within the group
395. Croatia alleges that, as well as rape, the JNA and Serb forces
committed other acts of sexual violence (in particular castrations) aghainst
Croats, constituting the actus reus of genocide within the meaning of
Article II (d) of the Convention.
396. Serbia maintains that, in order to be regarded as measures
intended to prevent births within the group, within the meaning of Arti -
cle II (d) of the Convention, it is necessary for the rape and other acts of
sexual violence to have been carried out systematically, whereas in the h
present case such acts were merely random incidents, and hence cannot
constitute such measures.
397. The Court recalls that it has already found that Croatia has failed
to provide sufficient evidence that acts of rape were carried out on such a
scale that it can be said that they inflicted conditions of life on thhe group
that were capable of bringing about its physical destruction in whole orh in
part (see paragraph 364 above). Similarly, Croatia has not provided suf -
ficient evidence that rape was committed in order to prevent births wihthin
the group, within the meaning of Article II (d). The Court will therefore
concentrate on the other acts of sexual violence alleged by Croatia.
398. Croatia relies principally on statements appended to its written
pleadings. The Court notes that several of these statements, which are
signed or confirmed, are by victims or eyewitnesses of acts of sexual hvio -
lence. They are mutually consistent and constitute first -hand accounts of
the events in question. The Court considers that there is sufficiently hreli -
able evidence that acts of sexual violence did indeed take place, in parh -
ticular involving the targeting of the genitalia of Croat males. It recahlls
that the ICTY also established that acts of sexual violence were perpe -
trated by the JNA and Serb forces in the SAO Krajina (and then in the
RSK) and in the SAO SBWS between 1991 and 1992 ( Stanišić and
Simatović Trial Judgment, para. 997, reproduced above at paragraph 375 ;
see also para. 1250, not reproduced).
399. Nevertheless, Croatia has produced no evidence that the acts of
sexual violence were perpetrated in order to prevent births within the
group.
400. The Court accordingly finds that Croatia has failed to show that
rapes and other acts of sexual violence were perpetrated by the JNA and h
Serb forces against Croats in order to prevent births within the group, h
and that, hence, the actus reus of genocide within the meaning of Arti -
cle II (d) of the Convention has not been established.
Conclusion on the actus reus of genocide
401. The Court is fully convinced that, in various localities in Eastern
Slavonia, Western Slavonia, Banovina/Banija, Kordun, Lika and Dalma -
tia, the JNA and Serb forces perpetrated against members of the pro -
118
7 CIJ1077.indb 233 18/04/16 08:54 118 application de convehntion génocide (arrêth)
tie à l’encontre de membres du groupe protégé des actes relevant des
litt. a) et b) de l’article II de la Convention et que l’élément matériel du
génocide (actus reus) est constitué.
B. L’élément intentionnel du génocide (dolus specialis)
402. L’élément matériel du génocide ayant été établi,h la Cour va exa -
miner si les actes commis par la JNA et des forces serbes l’ont été dans
l’intention de détruire, en tout ou en partie, le groupe protéghé, tel que
défini ci-dessus (voir le paragraphe 205).
403. La Croatie allègue que les crimes commis par la JNA et des forces
serbes constituent une ligne de conduite qui ne peut être raisonnablement
comprise que comme traduisant l’intention, de la part des autoritéhs serbes,
de détruire en partie le groupe des Croates. Elle soutient que les Crhoates
habitant dans les régions de Slavonie orientale, de Slavonie occidentale,
de Banovina/Banija, de Kordun, de Lika et de Dalmatie, qui étaient vihsés
par ces crimes, constituaient une partie substantielle du groupe protéhgé.
L’intention de détruire « en partie » le groupe protégé, qui caractérise le
génocide tel que défini à l’articleII de la Convention, serait ainsi établie.
404. La Cour examinera d’abord si les Croates vivant dans les régions
susmentionnées constituaient une partie substantielle du groupe protéhgé.
Dans l’affirmative, elle vérifiera ensuite si les actes commis hpar la JNA et
des forces serbes, dont l’existence a été établie, constituehnt un ensemble
cohérent d’actions qui ne peut que raisonnablement dénoter l’hexistence
d’une intention, de la part des autorités serbes, de détruire «h en partie» le
groupe protégé.
1) Les Croates habitant en Slavonie orientale, Slavonie occidentale,
Banovina/Banija, Kordun, Lika et Dalmatie constituaient‑ils une partie
substantielle du groupe protégé ?
405. Selon la Croatie, les Croates habitant les régions de Slavonie
orientale, de Slavonie occidentale, de Banovina/Banija, de Kordun, de
Lika et de Dalmatie constituaient une partie substantielle du groupe desh
Croates, qui était visée par l’intention génocidaire.
406. Comme la Cour l’a rappelé précédemment (voir le paragraphe 142
ci-dessus), elle doit prendre en compte non seulement l’élément quantita -
tif, mais également la localisation géographique ainsi que la plache occupée
par la partie du groupe concernée afin de déterminer si celle -ci constitue
une partie substantielle du groupe protégé.
Concernant l’élément quantitatif, la Croatie soutient que « le groupe
visé était la population croate vivant à l’époque des faits dans certaines
régions (Slavonie orientale, Slavonie occidentale, Banovina, Kordun,h
Lika et Dalmatie), y compris les personnes vivant en groupe dans certaihns
villages». Elle fournit des données tirées du dernier recensement offihciel
réalisé en 1991 en RFSY, qui ne sont pas contestées par la Serbie. Selon
ces données, les Croates de souche vivant dans les régions de Slavhonie
119
7 CIJ1077.indb 234 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 118
tected group acts falling within subparagraphs (a) and (b) of Article II
of the Convention, and that the actus reus of genocide has been estab -
lished.
B. The Genocidal Intent (dolus specialis)
402. The actus reus of genocide having been established, the Court will
now examine whether the acts perpetrated by the JNA and Serb forces
were committed with intent to destroy, in whole or in part, the protectehd
group as defined above (see paragraph 205).
403. Croatia contends that the crimes committed by the JNA and Serb
forces represent a pattern of conduct from which the only reasonable conh -
clusion to be drawn is an intent on the part of the Serbian authorities hto
destroy in part the Croat group. It maintains that the Croats living in hthe
regions of Eastern Slavonia, Western Slavonia, Banovina/Banija, Kor -
dun, Lika and Dalmatia targeted by those crimes constituted a substan -
tial part of the protected group, and that the intent to destroy the
protected group “in part”, which characterizes genocide as definhed in
Article II of the Convention, is thus established.
404. The Court will begin by examining whether the Croats living in
the above regions constituted a substantial part of the protected group.h If
so, it will then seek to determine whether the acts proved to have been h
committed by the JNA and Serb forces represented a pattern of conduct
from which the only reasonable conclusion to be drawn is an intent on
the part of the Serbian authorities to destroy “in part” the protehcted
group.
(1) Did the Croats living in Eastern Slavonia, Western Slavonia, Banovina/
Banija, Kordun, Lika and Dalmatia constitute a substantial part of the
protected group?
405. According to Croatia, the Croats living in the regions of Eastern
Slavonia, Western Slavonia, Banovina/Banija, Kordun, Lika and Dalma -
tia constituted a substantial part of the Croat group targeted by the gehno -
cidal intent.
406. As the Court has already recalled (see paragraph 142 above), it
must take account not only of the quantitative element, but also of the h
geographic location and prominence of the targeted part of the group in h
order to determine whether it constitutes a substantial part of the pro -
tected group.
Regarding the quantitative element, Croatia maintains that the target
group was “the Croat population that was, at the relevant time, livinhg in
Eastern Slavonia, Western Slavonia, Banovina, Kordun, Lika, and Dal -
matia, including those living as groups in individual villages”. It phrovides
data taken from the last official census carried out in 1991 in the SFRY,
which is not disputed by Serbia. According to that data, the ethnic Croat
population living in the regions of Eastern Slavonia, Western Slavonia, h
119
7 CIJ1077.indb 235 18/04/16 08:54 119 application de convehntion génocide (arrêth)
orientale, de Slavonie occidentale, de Banovina/Banija, de Kordun, de
Lika et de Dalmatie étaient, en 1991, entre 1,7 et 1,8 million. Ils repré-
sentaient un peu moins de la moitié des Croates de souche vivant en
Croatie. Selon le recensement de 1991, la population totale de la Croatie
était d’environ 4,8 millions de personnes, dont quelque 78 % étaient des
Croates de souche.
S’agissant de la localisation géographique de la partie du groupe hconcer -
née, la Cour a déjà conclu (voir les paragraphes 295, 360 et 401 ci-dessus)
que les actes commis par la JNA et des forces serbes dans les régionsh de
Slavonie orientale, de Slavonie occidentale, de Banovina/Banija, de Kor -
dun, de Lika et de Dalmatie visaient les Croates habitant ces régionsh, dans
lesquelles ces forces armées exerçaient et cherchaient à étehndre leur contrôle.
Enfin, concernant la place occupée par la partie du groupe, la Courh
note que la Croatie n’a pas fourni d’information sur ce point.
La Cour déduit de ce qui précède que les Croates habitant dans les
régions de Slavonie orientale, de Slavonie occidentale, de Banovina/
Banija, de Kordun, de Lika et de Dalmatie constituaient une partie subs -
tantielle du groupe des Croates.
* *
2) Existe‑t‑il une ligne de conduite qui ne peut raisonnablement être
comprise que comme traduisant l’intention, de la part des autorité▯s
serbes, de détruire en partie le groupe protégé ?
407. La Cour examinera maintenant si la Croatie a établi l’existence
d’une ligne de conduite qui ne peut raisonnablement être comprise hque
comme traduisant l’intention, de la part des autorités serbes, de hdétruire
cette partie substantielle du groupe.
408. La Croatie soutient que, de par leur échelle et leur constance, les
crimes commis par la JNA et des forces serbes démontrent une intentiohn
manifeste de détruire physiquement les Croates. Elle avance que ces chrimes
constituent une ligne de conduite dont la seule déduction raisonnableh serait
que les responsables serbes étaient animés d’une intention géhnocidaire. La
Croatie énumère ainsi une série de 17 critères qui, pris individuellement ou
ensemble, pourraient selon elle conduire la Cour à conclure qu’il hexistait
une politique systématique consistant à prendre les Croates pour chible en
vue de les éliminer des régions concernées : 1)la doctrine politique de l’ex-
pansionnisme serbe, qui a créé les conditions propices à la mishe en œuvre de
politiques génocidaires visant à détruire la population croate hdans les zones
appelées à faire partie de la «Grande Serbie»; 2) les déclarations de person-
nalités publiques, notamment la diabolisation des Croates et la propagande
par les médias sous contrôle de l’Etat ; 3) le fait que, par leurs caractéris -
tiques, les attaques dirigées contre les groupes de Croates excédahient larg -e
ment tout objectif militaire légitimement nécessaire pour prendre le contrôle
des régions concernées ; 4)des enregistrements vidéo de l’époque démon-
120
7 CIJ1077.indb 236 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 119
Banovina/Banija, Kordun, Lika, and Dalmatia in 1991 numbered between
1.7 and 1.8 million. It constituted slightly less than half of the ethnic
Croat population living in Croatia. According to the 1991 census, the
total population of Croatia was approximately 4.8 million persons, of
which 78 per cent were ethnic Croats.
Regarding the geographic location of the part of the group concerned,
the Court has already found (see paragraphs 295, 360 and 401 above)
that the acts committed by the JNA and Serb forces in the regions of
Eastern Slavonia, Western Slavonia, Banovina/Banija, Kordun, Lika and
Dalmatia, targeted the Croats living in those regions, within which theshe
armed forces exercised and sought to expand their control.
Finally as regards the prominence of that part of the group, the Court
notes that Croatia has provided no information on this point.
The Court concludes from the foregoing that the Croats living in the
regions of Eastern Slavonia, Western Slavonia, Banovina/Banija, Kor -
dun, Lika and Dalmatia constituted a substantial part of the Croat grouph.
* *
(2) Is there a pattern of conduct from which the only reasonable inference
to be drawn is an intent of the Serb authorities to destroy, in part, th▯e
protected group?
407. The Court will now examine whether Croatia has established the
existence of a pattern of conduct from which the only reasonable conclu -
sion to be drawn is an intent of the Serb authorities to destroy that suhb -
stantial part of the group.
408. Croatia argues that the scale and consistent nature of the crimes
committed by the JNA and Serb forces evince a clear intention to bring
about the physical destruction of the Croats. It contends that these crihmes
constitute a pattern of conduct from which the only reasonable inferenceh
to be drawn is that the Serb leaders were motivated by genocidal intent.h
Croatia thus sets out a series of 17 factors which it believes, individually
or taken together, could lead the Court to conclude that there was a sysh-
tematic policy of targeting Croats with a view to their elimination fromh
the regions concerned : (1)the political doctrine of Serbian expansionism
which created the climate for genocidal policies aimed at destroying theh
Croat population living in areas earmarked to become part of “Greaterh
Serbia” ; (2)the statements of public officials, including demonization of
Croats and propaganda on the part of State -controlled media ; (3) the
fact that the pattern of attacks on groups of Croats far exceeded any
legitimate military objective necessary to secure control of the regionsh
concerned ; (4) contemporaneous video footage evidencing the genocidal
intent of those carrying out the attacks (;) the explicit recognition by the
120
7 CIJ1077.indb 237 18/04/16 08:54 120 application de convehntion génocide (arrêth)
trant l’intention génocidaire des auteurs des attaques; 5) la reconnaissance
expresse, par la JNA, de ce que des groupes paramilitaires se livraient hà des
actes génocidaires ; 6) l’étroite coopération entre la JNA et les groupes
paramilitaires serbes responsables de certaines des pires atrocités, hsuppo-
sant une planification minutieuse et un soutien logistique important ; 7) le
caractère systématique et l’ampleur même des attaques contreh des groupes
de Croates ; 8) le fait que les membres du groupe ethnique croate étaient à
chaque fois spécifiquement visés par les attaques, alors que lesh serbes locaux
étaient épargnés ; 9) le fait que, sous l’occupation, les membres du groupe
ethnique croate étaient tenus de s’identifier comme tels, de mêhme que leurs
biens, en portant un ruban blanc autour du bras et en attachant un drap
blanc à leurs habitations ; 10) le nombre de Croates tués ou portés disparus,
rapporté à la population locale ; 11) la nature, la gravité et l’étendue des
lésions infligées (par agressions physiques, actes de torture, htraitements
inhumains et dégradants, viols et violences sexuelles), « notamment celles
présentant des caractéristiques ethniques reconnaissables »; 12) les insultes
à caractère ethnique proférées lors des meurtres et des actehs de torture ou
de viol; 13) le déplacement forcé de la population croate et les mesures
méthodiquement mises en œuvre à cette fin ; 14) le pillage et la destruction
systématiques de monuments culturels et religieux croates ; 15) les entraves
faites à la culture et aux pratiques religieuses croates de la populahtion res-
tante; 16) les changements démographiques importants, permanents et
manifestement intentionnels causés dans les régions concernées ; 17) l’ab-
sence de répression des crimes dont le demandeur soutient qu’ils relèvent
du génocide.
409. L’ensemble de ces éléments dénoterait, selon la Croatie, l’hexis -
tence d’une ligne de conduite dont la seule déduction raisonnable hserait
l’intention de détruire, en tout ou en partie, le groupe des Croathes.
410. Par conséquent, la Cour examinera d’abord la question de savoir
si les actes commis par la JNA et des forces serbes relèvent d’uneh ligne de
conduite et, dans l’affirmative, elle recherchera ensuite si l’inhtention de
détruire le groupe croate est la seule conclusion raisonnable qu’ihl est pos -
sible de déduire de cette ligne de conduite.
411. Les Parties se sont opposées sur l’existence d’une ligne de conhduite.
La Croatie estime que l’échelle, l’intensité et le caractèhre systématique des
attaques dirigées contre la population croate, selon un même schéhma,
démontrent l’existence d’une ligne de conduite. Pour la Croatieh, la JNA et
des forces serbes ont fait un usage massif de la force qui ne peut s’expli -
quer que par l’intention de détruire le groupe protégé, en thout ou en partie.
412. La Serbie ne conteste pas le caractère systématique et générhalisé
de certaines attaques. Elle prétend toutefois que celles -ci étaient destinées
à forcer les Croates à quitter les régions concernées. A ceth effet, elle
invoque les affaires Martić et Mrkšić et consorts, dans lesquelles le TPIY
a conclu que les attaques menées contre la population croate avaient hpour
objectif son déplacement forcé.
La Serbie précise que, dans l’affaire Martić, bien que l’accusé n’ait pas
été poursuivi pour génocide, rien n’empêchait la chambre hde première ins -
121
7 CIJ1077.indb 238 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 120
JNA that paramilitary groups were engaging in genocidal acts ; (6) the
close co-operation between the JNA and the Serb paramilitary groups
responsible for some of the worst atrocities, implying close planning anhd
logistical support; (7) the systematic nature and sheer scale of the attacks
on groups of Croats ;(8) the fact that ethnic Croats were constantly sin -
gled out for attack while local Serbs were excluded ; (9) the fact that dur-
ing the occupation, ethnic Croats were required to identify themselves
and their property as such by wearing white ribbons tied around their
arms and by affixing white cloths to their homes ; (10) the number of Cro-
ats killed and missing as a proportion of the local population ; (11) the
nature, degree and extent of the injuries inflicted (through physicalh
attacks, acts of torture, inhuman and degrading treatment, rape and sex -
ual violence), “including injuries with recognizable ethnic charactehris-
tics”; (12) the use of ethnically derogatory language in the course of acts
of killing, torture and rape ; (13)the forced displacement of Croats and
the organized means adopted to this end ; (14)the systematic looting and
destruction of Croat cultural and religious monuments ; (15)the suppres-
sion of Croat culture and religious practices among the remaining popu -
lation; (16)the consequent permanent and evidently intended demographic
changes to the regions concerned ; (17) the failure to punish the crimes
which the Applicant alleges to be genocide.
409. All these elements indicate, according to Croatia, the existence of
a pattern of conduct from which the only reasonable inference is an intehnt
to destroy, in whole or in part, the Croat group.
410. Consequently, the Court will examine first whether the acts com -
mitted by the JNA and Serb forces form part of a pattern of conduct and,
if so, it will then consider whether an intent to destroy the Croat grouhp is
the only reasonable conclusion that can be inferred from that pattern ofh
conduct.
411. The Parties disagree on the existence of a pattern of conduct. Cro -
atia considers that the scale, intensity and systematic nature of the athtacks
directed against the Croat population, based on the same modus operandi,
demonstrate the existence of a pattern of conduct. According to Croatia,h
the JNA and Serb forces applied a massive use of force which can only beh
explained by an intent to destroy the group in whole or in part.
412. Serbia does not contest the systematic and widespread nature of
certain attacks. However, it claims that these were intended to force the
Croats to leave the regions concerned. In this regard, it cites the Martić
and Mrkšić et al. cases, in which the ICTY found that the purpose of the
attacks on the Croat population was to force it to leave.
Serbia points out that, in the Martić case, although the accused had not
been charged with genocide, there was nothing to prevent the Trial Cham-
121
7 CIJ1077.indb 239 18/04/16 08:54 121 application de convehntion génocide (arrêth)
tance de conclure que les attaques menées démontraient une intentihon de
persécuter, d’exterminer, « voire pire encore », ce qu’elle n’a pas fait.
Concernant l’attaque de Vukovar et de ses environs, elle soutient queh,
dans l’affaire Mrkšić et consorts, la chambre de première instance a
constaté que cette attaque avait également pour objet de punir la hpopula-
tion croate de la ville, mais pas de la détruire.
La Serbie estime que les éléments de preuve produits « attestent de plu-
sieurs lignes de conduite dont on peut déduire l’existence de combhats,
d’un transfert forcé [ou] d’une punition », mais pas d’un génocide.
413. La Cour considère que, parmi les 17 critères proposés par la
Croatie pour établir l’existence d’une ligne de conduite traduihsant une
intention génocidaire, les plus importants sont ceux qui ont trait à l’am -
pleur et au caractère systématique des attaques, au fait que ces ahttaques
auraient fait bien plus de victimes et de dégâts que ce qui étahit nécessaire
d’un point de vue militaire, au fait que les Croates étaient spéhcifiquement
pris pour cible et à la nature, à la gravité et à l’éthendue des lésions infli -
gées à la population croate (c’est -à-dire les troisième, septième, huitième,
dixième et onzième critères énumérés au paragraphe 408 ci-dessus).
414. La Cour relève que, dans l’affaire Mrkšić et consorts, la chambre
de première instance du TPIY a jugé qu’en Slavonie orientale
«les attaques de la JNA se déroulaient en général selon le schéhma
suivant :
«a) elle attisait les tensions et semait la confusion et la peur par
une présence militaire aux alentours du village (ou d’une commu -
nauté plus grande) et par des provocations ; b) elle tirait ensuite,
plusieurs jours durant, à l’artillerie ou au mortier, le plus souvhent
sur les parties croates du village ; c’est à ce stade que, souvent, les
églises étaient touchées et détruites ; c) dans presque tous les cas,
la JNA lançait un ultimatum aux habitants, leur enjoignant de
rassembler et de remettre leurs armes ; les villages constituaient
des délégations, mais les négociations avec les autorités mihlitaires
de la JNA n’ont abouti à aucun accord de paix, hormis à Ilok ;
une attaque militaire était lancée, parfois sans même attendre hl’ex -
piration de l’ultimatum ; d) pendant ou juste après l’attaque, des
paramilitaires serbes entraient dans le village, assassinant ou tuant
les habitants, incendiant et pillant leurs biens, pour des raisons
discriminatoires ou non »» (jugement Mrkšić, par. 43, citant le
témoignage de M. Kypr, ambassadeur auprès de la mission de
surveillance de la Communauté européenne (référence omise)h).
Le Tribunal a adopté des conclusions similaires dans l’affaire Martić :
«[d]es unités de l’armée de terre entraient dans le secteur ou lhe village
en question à la suite d’un bombardement. Une fois que les combatsh
avaient cessé, les assaillants tuaient ou maltraitaient les civils
non serbes qui n’avaient pas réussi à fuir pendant l’attaque. Ilhs
détruisaient les maisons, les églises et d’autres bâtiments hpour empê -
122
7 CIJ1077.indb 240 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 121
ber from concluding that the attacks indicated an intent to persecute orh to
exterminate “or worse”, but that it had not done so. Regarding theh attack
on Vukovar and the surrounding area, Serbia submits that, in the
Mrkšić et al. case, the Trial Chamber found that the purpose of that
attack was also to punish the town’s Croat population, but not to deshtroy
it.
Serbia maintains that the evidence “shows a multitude of patterns givh-
ing rise to inferences of combat and/or forcible transfer and/or punish-
ment”, but not genocide.
413. The Court considers that, of the 17 factors suggested by Croatia
to establish the existence of a pattern of conduct revealing a genocidalh
intent, the most important are those that concern the scale and allegedlhy
systematic nature of the attacks, the fact that those attacks are said tho
have caused casualties and damage far in excess of what was justified hby
military necessity, the specific targeting of Croats and the nature, ehxtent
and degree of the injuries caused to the Croat population (i.e., the thhird,
seventh, eighth, tenth and eleventh factors identified in paragraph 408,
above).
414. The Court notes that, in the Mrkšić et al. case, the ICTY Trial
Chamber found that in Eastern Slavonia
“the system of attack employed by the JNA typically evolved along
the following lines
‘(a) tension, confusion and fear is built up by a military presence
around a village (or bigger community) and provocative beha -
viour ; (b) there is then artillery or mortar shelling for several
days, mostly aimed at the Croatian parts of the village ; in this
stage churches are often hit and destroyed ;(c) in nearly all cases
JNA ultimata are issued to the people of a village demanding the
collection and the delivery to the JNA of all weapons ; village
delegations are formed but their consultations with JNA military
authorities do not lead, with the exception of Ilok, to peaceful
arrangements; with or without waiting for the results of the ulti -
mata a military attack is carried out ; and (d) at the same time, or
shortly after the attack, Serb paramilitaries enter the village what
then follows varied from murder, killing, burning and looting, to
discrimination’” (Mrkšić Trial Judgment, para. 43, citing the tes-
timony of Ambassador Kypr of the European Community Moni-
toring Mission ; reference omitted).
The Tribunal adopted similar conclusions in the Martić case :
“[t]he area or village in question would be shelled, after which grouhnd
units would enter. After the fighting had subsided, acts of killing anhd
violence would be committed by the forces against the civilian
non -Serb population who had not managed to flee during the attack.
Houses, churches and property would be destroyed in order to pre -
122
7 CIJ1077.indb 241 18/04/16 08:54 122 application de convehntion génocide (arrêth)
cher le retour des non -Serbes, se livrant en même temps à un pillage
systématique. Dans certains cas, la police et la TO de la SAO de
Krajina ont organisé le transport de la population non serbe vers desh
localités sous contrôle croate. En outre, les non -Serbes étaient pris
dans des rafles et incarcérés, notamment dans le centre de déhtention
de Knin ville, en vue d’être échangés et transportés versh des régions
sous contrôle croate. » (Jugement Martić, par. 427 (référence omise).)
415. La Cour constate également que, parmi les attaques dont l’exis -
tence a pu être établie, certaines présentaient des similaritéhs quant au
mode opératoire utilisé. Elle note ainsi que la JNA et des forces hserbes
attaquaient les localités, les occupaient et imposaient un climat de coerci -
tion et de peur, en commettant un certain nombre d’actes constitutifsh de
l’élément matériel du génocide, au sens des litt. a) et b) de l’article II de
la Convention. Enfin, l’occupation se soldait par l’expulsion fohrcée de la
population croate de ces localités.
416. Les conclusions de la Cour et du TPIY sont concordantes et per -
mettent d’établir l’existence d’une ligne de conduite constihtuée d’attaques
généralisées par la JNA et des forces serbes de localités pehuplées de
Croates dans différentes régions de Croatie, selon un schéma géhnérale -
ment similaire, à compter d’août 1991.
417. La Cour rappelle que, pour qu’une ligne de conduite soit admise
en tant que preuve de l’intention de détruire le groupe, en tout ohu en par-
tie, il faut qu’elle soit «elle qu’elle ne puisse qu’en dénoter l’existence »
(C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 197, par. 373). Cela signifie, selon la Cour, que
l’intention de détruire le groupe, en tout ou en partie, doit êhtre la seule
déduction raisonnable que l’on puisse faire de la ligne de conduithe (voir le
paragraphe 148 ci-dessus).
418. Lors des plaidoiries, la Croatie a mis en avant deux éléments qui,h
selon elle, devraient conduire la Cour à conclure que l’intention h
de détruire est la seule déduction raisonnable qui puisse être faite de la
ligne de conduite établie précédemment. Il s’agit du contexthe dans
lequel ces actes ont été commis et de l’opportunité qu’ont eue lha JNA et
des forces serbes de détruire la population croate, que la Cour examihnera
successivement.
a) Contexte
419. La Cour examinera le contexte dans lequel les actes constituant
l’élément matériel du génocide au sens des litt. a) et b) de la Convention
ont été commis, pour déterminer le but poursuivi par leurs autehurs.
420. La Croatie allègue que les actes commis entre 1991 et 1995 à l’en-
contre des Croates par la JNA et des forces serbes sont la mise en œuhvre
par les nationalistes et les dirigeants serbes de l’objectif de la «hGrande
Serbie». Il s’agissait d’unifier les parties des territoires des dihfférentes ent-i
tés de la RFSY dans lesquelles vivaient des Serbes de souche. La Croahtie
123
7 CIJ1077.indb 242 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 122
vent their return and widespread looting would be carried out. In
some instances the police and the TO of the SAO Krajina organized
transport for the non-Serb population in order to remove it from SAO
Krajina territory to locations under Croatian control. Moreover,
members of the non-Serb population would be rounded up and taken
away to detention facilities, including in central Knin, and eventually h
exchanged and transported to areas under Croatian control.” (Martić
Trial Judgment, para. 427; reference omitted.)
415. The Court likewise notes that there were similarities, in terms of
the modus operandi used, between some of the attacks confirmed to have
taken place. Thus it observes that the JNA and Serb forces would attack h
and occupy the localities and create a climate of fear and coercion, by h
committing a number of acts that constitute the actus reus of genocide
within the meaning of Article II (a) and (b) of the Convention. Finally,
the occupation would end with the forced expulsion of the Croat popula -
tion from these localities.
416. The findings of the Court and those of the ICTY are mutually
consistent, and establish the existence of a pattern of conduct that conh -
sisted, from August 1991, in widespread attacks by the JNA and Serb
forces on localities with Croat populations in various regions of Croatiha,
according to a generally similar modus operandi.
417. The Court recalls that, for a pattern of conduct to be accepted as
evidence of intent to destroy the group, in whole or in part, it must beh
“such that it could only point to the existence of such intent” (hJ.Reports
2007 (I), p. 197, para. 373). This signifies that, for the Court, intent to
destroy the group, in whole or in part, must be the only reasonable infehr -
ence which can be drawn from the pattern of conduct (see paragraph 148
above).
418. In its oral argument, Croatia put forward two factors which, in its
view, should lead the Court to conclude that intent to destroy is the onhly
reasonable inference to be drawn from the pattern of conduct previously h
established: the context in which those acts were committed and the
opportunity which the JNA and Serb forces had of destroying the Croat
population. The Court will examine these in turn.
(a) Context
419. The Court will examine the context in which the acts constituting
the actus reus of genocide within the meaning of subparagraphs (a)
and (b) of the Convention were committed, in order to determine the aim
pursued by the authors of those acts.
420. Croatia claims that the acts committed by the JNA and Serb
forces against Croats between 1991 and 1995 represented the implementa -
tion, by the Serb nationalists and leadership, of the objective of a “hGreater
Serbia”. That entailed unifying those parts of the territories of theh various
entities of the SFRY in which ethnic Serbs were living. Croatia relies inter
123
7 CIJ1077.indb 243 18/04/16 08:54 123 application de convehntion génocide (arrêth)
se fonde notamment sur un mémorandum rédigé en 1986 par l’Académie
serbe des sciences et des arts (ci -après le « mémorandum de la SANU »)
qui aurait contribué à la renaissance de l’idée de « Grande Serbie».
La Croatie allègue que la destruction des Croates dans ces zones, perçhus
comme une menace pour le peuple serbe, aurait été nécessaire àh la réalisa -
tion de la « Grande Serbie ». A cet égard, le mémorandum de la SANU
aurait joué le rôle de catalyseur du génocide des Croates.
421. La Serbie conteste l’approche historique de la Croatie, et consi -
dère que celle-ci fait des amalgames dans la mesure où l’idée de « Grande
Serbie » n’aurait jamais impliqué l’intention de commettre un géhnocide à
l’encontre des Croates.
422. La Cour estime qu’il n’est pas nécessaire de s’engager dans hun
débat sur les origines historiques et politiques des événementsh qui se sont
déroulés en Croatie entre 1991 et 1995. Elle note que le mémorandum de
la SANU invoqué par la Croatie n’a pas de caractère officiel eht n’envisage
d’aucune façon de détruire les Croates. Il ne saurait être chonsidéré, en
lui-même ou pris conjointement avec l’un quelconque des autres critères
invoqués par la Croatie, comme étant une expression du dolus specialis.
423. La Cour s’attachera à déterminer quel était le but poursuivi par la
JNA et des forces serbes lorsqu’elles ont commis des actes constitutihfs de
l’élément matériel du génocide, au sens des litt. a) et b) de l’article II de
la Convention, tels qu’ils ont été établis devant la Cour.
424. La Cour relève que le TPIY a relaté, de la sorte, l’objectif pohli -
tique poursuivi par les dirigeants de la SAO de Krajina puis de la RSK,
et partagé avec les dirigeants de la Serbie et de la Republika Srpskah en
Bosnie -Herzégovine:
« 442. … [D]ès le début de 1991, l’objectif politique de rattacher à h
la Serbie les régions serbes de Croatie et de BiH en vue d’établir un
territoire unifié existait déjà. En outre, il est établi qhue le Gouverne
ment et les autorités de la SAO de Krajina et, plus tard, de la RSK
adhéraient sans réserve à cet objectif et contribuaient à sah réalisation,
de concert avec les dirigeants de la Serbie et de la RS en BiH.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . h . . . . . . . . . . . . . .
445. A partir d’août 1991 au plus tard, l’objectif politique visant hà
rattacher à la Serbie les régions serbes de Croatie et de BiH en vhue de
créer un territoire unifié a été réalisé grâce àh des attaques généralisées
et systématiques contre les régions peuplées majoritairement deh
Croates et d’autres non-Serbes et à des actes de violence et d’hintimi -
dation. La Chambre de première instance estime que cette campagne
de violence et d’intimidation contre la population croate et non serbe
était une conséquence de la position adoptée par les dirigeantsh de la
SAO de Krajina et, plus tard, de la RSK, à savoir qu’il était ihmpos -
sible de cohabiter avec les Croates et autres non-Serbes, pour citer
Milan Martić, « sur nos territoires serbes de la SAO de Krajina ». La
réalisation d’un tel objectif politique dans ces conditions néchessitait
124
7 CIJ1077.indb 244 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 123
alia on a memorandum prepared in 1986 by the Serbian Academy of Sci -
ences and Arts (hereinafter “the SANU Memorandum”), which allegehdly
contributed to the rebirth of the idea of a “Greater Serbia”. Croahtia con-
tends that the destruction of the Croats in these areas, who were per -
ceived as a threat to the Serb people, was necessary for the creation of
“Greater Serbia”. In this regard, the SANU Memorandum is claimed tho
have acted as a catalyst for the genocide of the Croats.
421. Serbia contests Croatia’s historical approach and argues that it is
conflating issues, since the idea of a “Greater Serbia” never imhplied an
intent to commit genocide against the Croats.
422. The Court considers that there is no need to enter into a debate
on the political and historical origins of the events that took place inh Cro -
atia between 1991 and 1995. It notes that the SANU Memorandum cited
by Croatia has no official standing and certainly does not contemplate hthe
destruction of the Croats. It cannot be regarded, either by itself or inh con -
nection with any of the other factors relied on by Croatia, as an expresh -
sion of the dolus specialis.
423. The Court will seek to determine what aim was being pursued by
the JNA and Serb forces when they committed acts that constitute the
actus reus of genocide within the meaning of Article II (a) and (b) of the
Convention, where those acts have been established before the Court.
424. The Court notes that the ICTY has stated the political objective
being pursued by the leadership of the SAO Krajina and then the RSK,
and shared with the leaderships in Serbia and in the Republika Srpska in
Bosnia and Herzegovina as follows :
“442. . . . The evidence establishes the existence, as of early 1991,
of a political objective to unite Serb areas in Croatia and in BiH with h
Serbia in order to establish a unified territory. Moreover, the evidenhce
establishes that the SAO Krajina, and subsequently the RSK, govern -
ment and authorities fully embraced and advocated this objective, and
strove to accomplish it in co-operation with the Serb leaderships in
Serbia and in the RS in BiH.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . h . . . . . . . . . . . . . .
445. From at least August 1991, the political objective to unite Serb
areas in Croatia and in BiH with Serbia in order to establish a unifiehd
territory was implemented through widespread and systematic armed
attacks on predominantly Croat and other non -Serb areas and
through the commission of acts of violence and intimidation. In the
Trial Chamber’s view, this campaign of violence and intimidation
against the Croat and non -Serb population was a consequence of the
position taken by the SAO Krajina and subsequently the RSK lead -
ership that co -existence with the Croat and other non -Serb popula-
tion, in Milan Martić’s words, ‘in our Serbian territories of the SAO
Krajina’, was impossible. Thus, the implementation of the political
objective to establish a unified Serb territory in these circumstancesh
124
7 CIJ1077.indb 245 18/04/16 08:54 124 application de convehntion génocide (arrêth)
donc le déplacement forcé des non -Serbes hors des territoires de la
SAO de Krajina et de la RSK. En conséquence, la Chambre conclut
au-delà de tout doute raisonnable que l’objectif de l’entreprise chrim-i
nelle commune était de créer un territoire ethniquement serbe en ehn
chassant la population croate et non serbe, crime reproché aux
chefs 10 et 11 de l’acte d’accusation [expulsion et transfert forcé]. »
(Jugement Martić, par. 442 et 445; référence omise.)
425. Dans son jugement rendu en première instance dans l’affaire
Babić, le TPIY a constaté, suite au plaidoyer de culpabilité de l’achcusé,
l’existence d’une entreprise criminelle commune dont l’objectifh
«était de chasser à jamais, en menant une campagne de persécutiohns,
la majorité de la population croate et des autres populations non
serbes d’environ un tiers du territoire de la Croatie afin d’y chréer un
Etat dominé par les Serbes » (jugement Babić, par. 34).
426. Selon le TPIY, les dirigeants de la Serbie et ceux des Serbes de
Croatie, entre autres, partageaient l’objectif de créer un Etat sehrbe, ethni-
quement homogène. C’est dans ce contexte qu’ont été commihs des actes
constituant l’élément matériel du génocide, au sens des litt. a) et b) de l’ar-
ticleII de la Convention. Cependant, il ressort des conclusions du TPIY
que ces actes n’ont pas été commis dans l’intention de détruire les Croates,
mais dans celle de les forcer à quitter les régions concernées hafin qu’un Etat
serbe ethniquement homogène puisse être créé. La Cour souscrit à cette
conclusion. Comme le Tribunal l’a constaté dans l’affaire Martić:
«427. D’août 1991 au début de 1992, des forces de la TO, de la
police de la SAO de Krajina et de la JNA ont attaqué des villages et h
régions peuplés majoritairement de Croates, notamment les villagesh
de Hrvatska Kostajnica, Cerovljani, Hrvatska Dubica, Ba ćin,
Saborsko, Poljanak, Lipovača, Skabrnja et Nadin. Le déplacement
de la population non serbe qui a suivi ces attaques était l’objecthif
principal, et non la conséquence, des opérations militaires
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . h . . . . . . . . . . . . . .
430. Pour la période allant de 1992 à 1995, la Chambre de pre -
mière instance dispose de nombreux éléments de preuve montrant h
que des actes de violence et d’intimidation généralisés ont hété commis
contre la population non serbe sur l’ensemble du territoire de la
RSK. Elle relève en particulier que, durant cette période, les crihmes
commis contre la population non serbe (homicides, violences, vols,
harcèlement, destruction massive d’habitations et d’églises hcatho -
liques) se sont poursuivis, forçant celle-ci à fuir le climat coercitif de
la RSK. C’est ainsi que la quasi-totalité de la population non serbe a
quitté la RSK…
431. Sur la base des nombreux éléments de preuve rappelés plus
haut, la Chambre de première instance considère que, en raison du
125
7 CIJ1077.indb 246 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 124
necessitated the forcible removal of the non-Serb population from the
SAO Krajina and RSK territory. The Trial Chamber therefore finds
beyond reasonable doubt that the common purpose of the [joint crim-
inal enterprise] was the establishment of an ethnically Serb territory
through the displacement of the Croat and other non -Serb popula-
tion, as charged in Counts 10 and 11 [deportation and forcible trans-
fer].” (Martić Trial Judgment, paras.442 and 445; reference omitted.)
425. In its Trial Chamber Judgment in the Babić case, the ICTY, fol -
lowing the defendant’s guilty plea, held that there had been a joint hcrimi-
nal enterprise whose objective
“was the permanent and forcible removal of the majority of Croat
and other non -Serb populations from approximately one -third of
Croatia through a campaign of persecutions in order to make that
territory a Serb-dominated state” (Babić Trial Judgment, para. 34).
426. According to the ICTY, the leadership of Serbia and that of the
Serbs in Croatia, inter alia, shared the objective of creating an ethnically
homogeneous Serb State. That was the context in which acts were commit-
ted that constitute the actus reus of genocide within the meaning of Arti -
cle II (a) and (b) of the Convention. However, the conclusion of the ICTY
indicates that those acts were not committed with intent to destroy the hC-ro
ats, but rather with that of forcing them to leave the regions concernedh so
that an ethnically homogeneous Serb State could be created. The Court
agrees with this conclusion. As the Tribunal found in the Martić case :
“427. From August 1991 and into early 1992, forces of the TO and
the police of the SAO Krajina and of the JNA attacked Croat -major -
ity villages and areas, including the villages of Hrvatska Kostajnica,
Cerovljani, Hrvatska Dubica, Baćin, Saborsko, Poljanak, Lipovača, h
Skabrnja and Nadin. The displacement of the non -Serb population
which followed these attacks was not merely the consequence of mil -
itary action, but the primary objective of it
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . h . . . . . . . . . . . . . .
430. With regard to the period from 1992 to 1995, the Trial Cham-
ber has been furnished with a substantial amount of evidence of massive
and widespread acts of violence and intimidation committed against
the non-Serb population, which were pervasive throughout the RSK
territory. The Trial Chamber notes, in particular, that during this time
period there was a continuation of incidents of killings, beatings, rob-
bery and theft, harassment, and extensive destruction of houses and
Catholic churches carried out against the non-Serb population. These
acts created a coercive atmosphere which had the effect of forcing out
the non-Serb population from the territory of the RSK. As a conse -
quence, almost the entire non-Serb population left the RSK . . .
431. Based on the substantial evidence referred to above, the Trial
Chamber finds that due to the coercive atmosphere in the RSK from
125
7 CIJ1077.indb 247 18/04/16 08:54 125 application de convehntion génocide (arrêth)
climat coercitif qui régnait en RSK de 1992 à 1995, la quasi-totalité de
la population non serbe a été déplacée de force vers des terhritoires sous
le contrôle de la Croatie.» (Jugement Martić, par. 427, 430 et 431.)
427. Le TPIY a adopté des conclusions similaires dans le jugement
Stanišić et Simatović (par. 997, 998, 1050 (reproduits au paragraphe 375
ci-dessus) et 1000, non reproduit).
428. La Cour conclut, en conséquence, que les arguments de la Croatie
relatifs au contexte général n’étayent pas son allégationh selon laquelle l’i-n
tention génocidaire est la seule déduction raisonnable qui puisse hêtre faite.
429. En ce qui concerne le cas de Vukovar auquel la Croatie a prêté
une attention particulière, la Cour note que, dans l’affaire Mrkšić et
consorts, le TPIY a constaté que l’attaque contre cette ville constituait h
une réponse à la proclamation d’indépendance de la Croatie, het surtout
une affirmation de la mainmise de la Serbie sur la RFSY :
« 471. … Les forces serbes ont riposté militairement avec détermi -
nation à la proclamation par la Croatie de son indépendance et auxh
troubles sociaux qui s’en sont ensuivis sur son territoire. C’est dans
ce contexte politique que la ville de Vukovar, ses habitants et ceux
des environs immédiats de la municipalité de Vukovar ont servi
d’exemple pour montrer aux Croates et aux autres Républiques you -
goslaves à quelles conséquences fâcheuses ils s’exposaient phar leurs
actions. De l’avis de la Chambre, les éléments de preuve montrehnt
dans l’ensemble que la punition terrible infligée à Vukovar eht à la
population civile de la ville et des environs avait valeur d’exemple
pour ceux qui n’acceptaient pas le gouvernement fédéral de Belghrade
contrôlé par les Serbes, son interprétation des lois de la RFSYh ou
encore le rôle de la JNA pour qui le maintien de la fédération hyou -
goslave était une condition essentielle de sa pérennité. » (Jugement
Mrkšić, par. 471.)
Il découle de ce qui précède, ainsi que du fait que de nombreuxh Croates
de Vukovar ont été évacués (voir le paragraphe436 ci-dessous), que l’inten-
tion de détruire physiquement la population croate n’est pas la sehule con-clu
sion raisonnable que l’on puisse déduire de l’attaque illégahle de Vukovar.
430. Dans cette même affaire, le TPIY s’est prononcé sur l’intention
des auteurs de mauvais traitements infligés aux prisonniers de guerhre
d’Ovčara, le 20 novembre 1991 :
«535. La TO et les paramilitaires serbes nourrissaient de vifs sen -
timents d’animosité à l’égard des forces croates. Les prihsonniers de
guerre évacués de l’hôpital de Vukovar puis transportés àh Ovčara
représentaient les forces croates et étaient à ce titre leurs ehnnemis. La
brutalité des exactions commises le 20 novembre 1991 par la TO et
les paramilitaires serbes, ainsi que probablement par quelques sol -
dats de la JNA agissant de leur propre initiative, témoigne de leur
haine et de leur désir de punir les forces ennemies. La Chambre
constate qu’il est dès lors clair que les mauvais traitements infligés à
126
7 CIJ1077.indb 248 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 125
1992 through 1995, almost the entire non -Serb population was forci -
bly removed to territories under the control of Croatia.” (Martić Trial
Judgment, paras. 427, 430 and 431.)
427. The ICTY made similar findings in the Stanišić and Simatović
Trial Judgment (paras. 997, 998, 1050 (reproduced at paragraph 375
above) and 1000, not reproduced).
428. The Court therefore concludes that Croatia’s contentions regard -
ing the overall context do not support its assertion that genocidal intent
is the only reasonable inference to be drawn.
429. As regards the events at Vukovar, to which Croatia has given par-
ticular attention, the Court notes that in the Mrkšić et al. case, the ICTY
found that the attack on that city constituted a response to the declarah -
tion of independence by Croatia, and above all, an assertion of Serbia’hs
grip on the SFRY :
“471. . . . The declaration by Croatia of its independence of the
Yugoslav Federation and the associated social unrest within Croatia
was met with determined military reaction by Serb forces. It was in
this political scenario that the city and people of Vukovar and those
living in its close proximity in the Vukovar municipality became a
means of demonstrating to the Croatian people, and those of other
Yugoslav Republics, the harmful consequences to them of their
actions. In the view of the Chamber the overall effect of the evidence
is to demonstrate that the city and civilian population of and around
Vukovar were being punished, and terribly so, as an example to those
who did not accept the Serb-controlled Federal Government in Bel -
grade, and its interpretation of the laws of SFRY, or the role of the
JNA for which the maintenance of the Yugoslav Federation was a
fundamental element in the continued existence of the JNA.” (Mrkšić
Trial Judgment, para. 471.)
It follows from the above, and from the fact that numerous Croats of
Vukovar were evacuated (see paragraph 436 below), that the existence of
intent to physically destroy the Croatian population is not the only reah -
sonable conclusion that can be drawn from the illegal attack on Vukovar.h
430. In the same case, the ICTY made findings as to the intent of the
perpetrators of the ill -treatment inflicted on the prisoners of war at
Ovčara, 20 November 1991 :
“535. The Serb TO and paramilitary harboured quite intense feel -
ings of animosity toward the Croat forces. The prisoners of war taken
from Vukovar hospital and transported to Ovčara were representative
of the Croat forces and, therefore, represented their enemy. The bru -
tality of the beatings that took place at Ovčara on 20 November 1991
by the Serb TO and paramilitaries, and possibly by some JNA soldiers
acting on their own account, is evidence of the hatred and the desire
to punish the enemy forces. It is clear from this evidence, in the Cham -
ber’s finding, that acts of mistreatment outside and inside the hangar
126
7 CIJ1077.indb 249 18/04/16 08:54 126 application de convehntion génocide (arrêth)
l’extérieur et à l’intérieur visaient à punir les prisonniers pour leur
appartenance, réelle ou supposée, aux forces croates avant la chuthe
de Vukovar. » (Jugement Mrkšić, par. 535.)
Il ressort des conclusions du TPIY que l’intention des auteurs de mau -
vais traitements à Ovčara n’était pas de détruire physiquhement les
membres du groupe protégé, en tant que tel, mais de les punir en raison
de leur qualité d’ennemi, au sens militaire.
b) Opportunité
431. La Croatie estime que la JNA et des forces serbes ont systémati -
quement commis des actes constitutifs de l’élément matériel hdu génocide,
au sens des litt. a) à d) de l’article II de la Convention, dès qu’elles ont eu
l’opportunité de le faire, c’est -à-dire lorsqu’elles ont attaqué et occupé
différentes localités croates. Selon la Croatie, cet élément hpermettrait
d’établir que leur intention était de détruire le groupe desh Croates en tout
ou en partie.
432. La Serbie conteste l’approche de la Croatie. Elle avance plusieurs
exemples de cas où la JNA et des forces serbes ont épargné des Croates,
en ne les tuant pas. De plus, elle soutient que le critère de l’opporhtunité
doit être apprécié au regard du critère du caractère substantiel. Pour la
Serbie, le nombre limité de victimes croates, lorsqu’on l’examihne à la
lumière des opportunités de tuer dont auraient disposé la JNA eht les
forces serbes, ne permet pas de déduire l’existence d’une intention deh
détruire.
433. La Cour ne s’attachera pas à déterminer si, dans chaque localithé
qu’elle a examinée précédemment, la JNA et des forces serbesh ont systé -
matiquement fait usage des opportunités de détruire physiquement dhes
Croates.
434. La Cour estime, en revanche, que le déplacement forcé massif
auquel ont été soumis les Croates est un élément important phour appré -
cier l’existence ou non d’une intention de détruire totalement hou partielle -
ment le groupe. La Cour a conclu précédemment que la Croatie n’havait
pas démontré que ce déplacement forcé constituait un éléhment matériel
du génocide au sens du litt. c) de l’article II de la Convention (voir le
paragraphe 377 ci-dessus). Cela étant, la Cour rappelle que le fait qu’un
déplacement forcé se produise en même temps que des actes relevhant de
l’article II de la Convention peut permettre « de déceler l’existence d’une
intention spécifique (dolus specialis) se trouvant à l’origine des actes en
question » (voir le paragraphe 162 ci-dessus citant C.I.J. Recueil 2007 (I),
p. 123, par. 190).
435. En l’occurrence, ainsi que cela résulte notamment des conclusions h
du TPIY, le déplacement forcé était l’instrument d’une pohlitique qui visait
la mise en place d’un Etat serbe ethniquement homogène. Dans ce
contexte, l’expulsion des Croates a été obtenue par la créathion d’un climat
coercitif, généré par la commission d’actes, constituant pouhr certains l’élé-
ment matériel du génocide, au sens des litt. a) et b) de l’article II de la
127
7 CIJ1077.indb 250 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 126
were intended to punish the prisoners for their involvement, or
believed involvement, in Croat forces before the fall of Vukovar.”
(Mrkšić Trial Judgment, para. 535.)
The conclusions of the ICTY indicate that the intent of the perpetra -
tors of the ill-treatment at Ovčara was not to physically destroy the mem-
bers of the protected group, as such, but to punish them because of theihr
status as enemies, in a military sense.
(b) Opportunity
431. Croatia contends that the JNA and Serb forces systematically
committed acts that constitute the actus reus of genocide within the mean-
ing of Article II (a) to (d) of the Convention once the opportunity to do
so was presented to them, i.e., when they attacked and occupied various
Croat localities. According to Croatia, this factor demonstrates that thheir
intention was to destroy the Croat group in whole or in part.
432. Serbia contests Croatia’s approach. It refers to several instances
of the JNA and Serb forces sparing Croats by not killing them. More -
over, it argues that the criterion of opportunity must be weighed againsht
that of substantiality. For Serbia, the limited number of Croat victims,h
seen in the light of the opportunities for killing supposedly available hto
the JNA and Serb forces, cannot give rise to an inference that an intenth to
destroy was present.
433. The Court will not seek to determine whether or not, in each of
the localities it has previously considered, the JNA and Serb forces madhe
systematic use of the opportunities to physically destroy Croats.
434. The Court considers, on the other hand, that the mass forced dis -
placement of Croats is a significant factor in assessing whether thereh was
an intent to destroy the group, in whole or in part. The Court has previh -
ously found that Croatia has not demonstrated that such forced displace -
ment constituted the actus reus of genocide within the meaning of
Article II (c) of the Convention (see paragraph 377 above). Nonetheless,
the Court recalls that the fact of forced displacement occurring in parahllel
to acts falling under Article II of the Convention may be “indicative of
the presence of a specific intent (dolus specialis) inspiring those acts” (see
paragraph 162 above quoting I.C.J. Reports 2007 (I), p. 123, para. 190).
435. In the present case, as emerges in particular from the findings of
the ICTY, forced displacement was the instrument of a policy aimed at
establishing an ethnically homogeneous Serb State. In that context, the
expulsion of the Croats was brought about by the creation of a coercive
atmosphere, generated by the commission of acts including some that con -
stitute the actus reus of genocide within the meaning of Article II (a) and
127
7 CIJ1077.indb 251 18/04/16 08:54 127 application de convehntion génocide (arrêth)
Convention. Ces actes avaient une finalité, le déplacement forcéh des
Croates, ce qui n’impliquait pas leur destruction physique. Le TPIY a
estimé que, entre avril 1991 et avril 1992, entre 80 000 et 100 000 per-
sonnes avaient fui la SAO de Krajina (puis la RSK) (jugement Stanišić et
Simatović, par. 997). La Cour constate que les actes commis par la JNA
et des forces serbes ont eu essentiellement pour conséquence de faireh fuir
la population croate des territoires concernés. Il n’était pas hquestion de
détruire systématiquement cette population, mais de la forcer àh se dépla -
cer hors des zones que ces forces armées contrôlaient.
436. S’agissant du cas de Vukovar, auquel la Croatie a prêté une atthen -
tion particulière, la Cour relève que, dans l’affaire Mrkšić et consorts, le
TPIY a constaté plusieurs cas d’évacuations par la JNA et des fhorces
serbes de civils, notamment des Croates (jugement Mrkšić, par. 157-160,
168, 204 et 207). Le TPIY a aussi conclu que les combattants croates
détenus par la JNA et des forces serbes n’avaient pas tous étéh exécutés.
Ainsi, un premier groupe de combattants croates — qui s’étaient rendus
à la JNA — avaient été transférés à Ovčara le 18 novembre 1991, puis à
Sremska Mitrovica (Serbie), où ils avaient été détenus comhme prisonniers
de guerre (ibid., par. 145-155). De même, une partie des combattants
croates détenus à Velepromet avaient été transférés vehrs Sremska Mitro -
vica les 19-20 novembre 1991, alors que les civils qui n’étaient pas soup -
çonnés d’avoir combattu aux côtés des forces croates avaihent été évacués
vers d’autres lieux en Croatie ou en Serbie ( ibid., par. 168). Cela montre
que, dans de nombreux cas, la JNA et des forces serbes n’ont pas tuéh les
Croates tombés en leur pouvoir.
437. La Cour estime qu’il est également pertinent de comparer la taille
de la partie visée du groupe protégé avec le nombre de victimesh croates
afin de déterminer si la JNA et des forces serbes ont saisi les opphortunités
qui s’offraient à elles de détruire ladite partie du groupe. A chet égard, la
Croatie a avancé le chiffre de 12 500 morts croates, ce qui est contesté par
la Serbie. La Cour note que, même à supposer que ce chiffre soit cohrrect,
point sur lequel elle ne se prononce pas, le nombre de victimes alléghuées
par la Croatie est peu élevé par rapport à la taille de la parthie visée du
groupe.
La Cour conclut de ce qui précède que la Croatie n’a pas démontré que
les auteurs des actes faisant l’objet de la demande principale ont sahisi les
opportunités qui se présentaient à eux de détruire une partihe substantielle
du groupe protégé.
*
438. La Croatie fait référence aux activités des paramilitaires serbhes
pour établir l’élément intentionnel. En particulier, elle se fonde sur un
enregistrement vidéo de Zeljko Ražnatović, dit « Arkan», chef du groupe
paramilitaire serbe connu sous le nom de « garde volontaere serbe » ou des
«Tigres d’Arkan ». Dans cet enregistrement réalisé le 1 novembre 1991,
pendant le siège de Vukovar, on voit Arkan ordonner à ses hommes dhe
128
7 CIJ1077.indb 252 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 127
(b) of the Convention. Those acts had an objective, namely the forced
displacement of the Croats, which did not entail their physical destructhion.
The ICTY has estimated that between April 1991 and April 1992, between
80,000 and 100,000 persons fled the SAO Krajina (and then the RSK)
(Stanišić and Simatović Trial Judgment, para. 997). The Court finds that
the acts committed by the JNA and Serb forces essentially had the effect
of making the Croat population flee the territories concerned. It was hnot a
question of systematically destroying that population, but of forcing ith to
leave the areas controlled by these armed forces.
436. Regarding the events at Vukovar, to which Croatia has given par -
ticular attention, the Court notes that, in the Mrkšić et al. case, the ICTY
established several instances of the JNA and Serb forces evacuating civihl-
ians, particularly Croats (Mrkšić Trial Judgment, paras. 157-160, 168,
204 and 207). The ICTY further found that Croat combatants captured
by the JNA and Serb forces had not all been executed. Thus, following
their surrender to the JNA, an initial group of Croat combatants was
transferred on 18 November 1991 to Ovčara, and then to Sremska Mitro -
vica in Serbia, where they were held as prisoners of war (ibid.,
paras. 145-155). Similarly, a group of Croat combatants held at Vele -
promet was transferred to Sremska Mitrovica on 19 -20 November 1991,
while civilians not suspected of having fought alongside Croat forces wehre
evacuated to destinations in Croatia or Serbia (ibid., para. 168). This
shows that, in many cases, the JNA and Serb forces did not kill those
Croats who had fallen into their hands.
437. The Court considers that it is also relevant to compare the size of
the targeted part of the protected group with the number of Croat vic -
tims, in order to determine whether the JNA and Serb forces availed
themselves of opportunities to destroy that part of the group. In this chon -
nection, Croatia put forward a figure of 12,500 Croat deaths, which is
contested by Serbia. The Court notes that, even assuming that this fighure
is correct — an issue on which it will make no ruling — the number of
victims alleged by Croatia is small in relation to the size of the targeted
part of the group.
The Court concludes from the foregoing that Croatia has failed to
show that the perpetrators of the acts which form the subject of the prihn -
cipal claim availed themselves of opportunities to destroy a substantial
part of the protected group.
*
438. Croatia points to activities of Serb paramilitaries as evidence of
the dolus specialis . In particular, it relies upon a videotape of Zeljko
Ražnatović or “Arkan”, leader of a Serb paramilitary group khnown as
the “Serbian Volunteer Guard” or “Arkan’s Tigers”, made dhuring the
siege of Vukovar on 1 November 1991, showing him instructing his forces
to take care not to kill Serbs and saying that since Serbs were in the bhase -
128
7 CIJ1077.indb 253 18/04/16 08:54 128 application de convehntion génocide (arrêth)
prendre garde à ne pas tuer de Serbes, et ajouter que, puisque ceux -ci se
trouvaient dans les caves des bâtiments alors que les Croates se trouhvaient
aux étages, il fallait utiliser des lance -roquettes pour «eutraliser le pre-
mier étage ». Même à considérer les agissements d’Arkan comme impu -
tables à la Serbie, ce discours semble n’être qu’un fait isohlé au cours du
très long siège de Vukovar, pendant lequel, ainsi que la Cour l’ha déjà
constaté (voir les paragraphes 218-219, 301 et 305 ci-dessus), les assail -
lants ont perpétré des actes excessivement violents, et au cours dhuquel de
graves souffrances ont été causées à la population civile, cohmme la Serbie
l’a reconnu, du moins dans une certaine mesure. Il est difficile de hdéduire
quoi que ce soit d’un fait isolé.
La Croatie se fonde également sur le rapport d’un responsable
de la sécurité au sein de la JNA, en date du 13 octobre 1991, qui indi -
quait que les hommes d’Arkan « se livr[aient] à un génocide et à div-
ers actes de terrorisme incontrôlés » dans la région de Vukovar.
Ce rapport a été porté à la connaissance du ministre serbe délégué de la
défense. Considéré dans son ensemble, pourtant, il ne contient
aucun argument ou exemple qui puisse justifier l’emploi du terme
« génocide ».
439. Enfin, la Cour considère que la série des 17 critères invoquéhs par
la Croatie ne permet pas de conclure qu’il existait une intention de h
détruire, en tout ou en partie, les Croates dans les régions concehrnées.
Conclusion sur le dolus specialis
440. Ainsi, selon la Cour, la Croatie n’a pas établi que la seule déhduc-
tion raisonnable qui puisse être faite de la ligne de conduite qu’helle a ino-
quée était l’intention de détruire, en tout ou en partie, leh groupe
des Croates. Les actes constituant l’élément matériel du génohcide, au sens
des litt. a) et b) de l’article II de la Convention, n’ont pas été com -
mis dans l’intention spécifique requise pour être qualifiés d’hactes de
génocide.
La Cour relève d’ailleurs que le procureur du TPIY n’a jamais ihnculpé
d’individus pour génocide à l’encontre de la population croahte dans le
contexte du conflit armé qui s’est déroulé sur le territoihre de la Croatie
entre 1991 et 1995 (voir le paragraphe 187 ci-dessus).
C. Conclusion générale sur la demande de la Croatie
441. Il résulte de ce qui précède que la Croatie n’a pas démonhtré son al-é
gation selon laquelle un génocide a été commis. Dès lors, aucune question
de responsabilité pour commission du génocide au titre de la Convehntion ne
se pose en la présente affaire. Il ne saurait davantage être questihon d’une
responsabilité pour manquement à l’obligation de prévenir leh génocide, à
l’obligation de punir le génocide ou pour complicité dans le géhnocide.
Le dolus specialis n’ayant pas été établi par la Croatie, ses allégations
relatives à l’entente en vue de commettre le génocide, l’incitation directe
129
7 CIJ1077.indb 254 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 128
ments of buildings and the Croats were upstairs, rocket launchers should
be used to “neutralize the first floor”. Even if Arkan’s achtions were attrib -
utable to Serbia, this speech appears to be but one isolated phase in thhe
very lengthy siege of Vukovar, a siege in which, as the Court has alreadhy
found (see paragraphs 218-219, 301 and 305 above), the degree of vio -
lence used by attacking forces was excessive, and during which grave sufh-
fering was undoubtedly caused to the civilian population as Serbia
acknowledged at least to some extent. It is difficult to infer anythingh from
one isolated instance.
Croatia also relies upon the Report of a JNA security officer, dated
13 October 1991, which stated that Arkan’s troops were “committing
uncontrolled genocide and various acts of terrorism” in the greater ahrea
of Vukovar. The Serbian Assistant Minister of Defence was informed of
the Report. Yet taking the Report as a whole, no justification or examh -
ples are given to support the use of the word “genocide”.
439. Finally, the Court considers that the series of 17 factors invoked
by Croatia do not lead to the conclusion that there was an intent to
destroy, in whole or in part, the Croats in the regions concerned.
Conclusion on the dolus specialis
440. Thus, in the opinion of the Court, Croatia has not established that
the only reasonable inference that can be drawn from the pattern of con -
duct it relied upon was the intent to destroy, in whole or in part, the hCroat
group. The acts constituting the actus reus of genocide within the meaning
of Article II (a) and (b) of the Convention were not committed with the
specific intent required for them to be characterized as acts of genochide.
The Court further notes that the ICTY Prosecutor has never charged
any individual on account of genocide against the Croat population in
the context of the armed conflict which took place in the territory ofh Cro -
atia in the period 1991 -1995 (see paragraph 187 above).
C. General Conclusion on Croatia’s Claim
441. Itfollows from the foregoing that Croatia has failed to substanti -
ate its allegation that genocide was committed. Accordingly, no issue ofh
responsibility under the Convention for the commission of genocide can
arise in the present case. Nor can there be any question of responsibilihty
for a failure to prevent genocide, a failure to punish genocide, or comphli-c
ity in genocide.
In view of the fact that dolus specialis has not been established by Cro -
atia, its claims of conspiracy to commit genocide, direct and public inchit- e
129
7 CIJ1077.indb 255 18/04/16 08:54 129 application de convehntion génocide (arrêth)
et publique à commettre le génocide, et la tentative de génocidhe doivent
aussi nécessairement être écartées.
En conséquence, la demande de la Croatie doit être rejetée dansh sa
totalité.
442. Dès lors, la Cour n’a pas à se prononcer sur l’irrecevabilithé de la
demande principale soulevée par la Serbie en ce qui concerne les actehs
antérieurs au 8 octobre 1991. De même, il ne lui incombe pas d’examiner
la question de savoir si les actes allégués, antérieurs au 27 avril 1992, sont
attribuables à la RFSY, ni celle de savoir si, dans l’affirmativeh, la Serbie
aurait pu succéder à la responsabilité de la RFSY à raison dhe ces actes.
* * *
VI. Examen au fond de la demahnde reconventionnellhe
443. La Serbie a soumis à la Cour, dans son contre -mémoire, une
demande reconventionnelle qui comporte plusieurs chefs de conclusions.
Dans sa formulation finale, telle qu’elle résulte des conclusionhs présentées
par l’agent de la Serbie au terme des audiences, cette demande reconven -
tionnelle est reproduite in extenso au paragraphe 51 du présent arrêt. Elle
constitue le II des conclusions finales, qui comporte quatre points nuhmér-o
tés de 6 à 9.
444. En substance, la Serbie demande à la Cour de déclarer que la
Croatie a violé la convention sur le génocide en commettant pendanht et
après l’opération militaire dite «Tempête» en 1995 des actes prohibés par
l’article II de la Convention à l’encontre du groupe national et ethnique
serbe vivant en Croatie, dans l’intention de détruire ce groupe, chomme tel,
en tout ou en partie (point 6 des conclusions finales).
Subsidiairement, la Serbie soutient — et demande à la Cour de décla -
rer — que la Croatie s’est rendue coupable d’entente en vue de commettre
le génocide, d’incitation à commettre le génocide, de tentathive de génocide
et de complicité dans le génocide, au sens de l’article III de la Convention
(point 7).
En outre, la Serbie demande à la Cour de déclarer que la Croatie ah
manqué à son obligation, découlant de la Convention, de punir lhes auteurs
des actes visés aux points précédents (point 8).
Enfin, la Serbie demande à la Cour, ayant constaté que la responsabilité
internationale de la Croatie était engagée, d’ordonner à cethte dernière de
prendre diverses mesures pour, d’une part, se conformer pleinement à ses
obligations découlant de la Convention et, d’autre part, réparehr les consé -
quences dommageables des faits illicites qui lui sont imputables (pointh9).
445. Il y a lieu pour la Cour d’examiner en premier lieu le chef de
conclusions énoncé au point 6 des conclusions finales de la Serbie. Du
résultat auquel la conduira cet examen dépendra, en large part, lah manière
dont elle abordera les conclusions énoncées aux points suivants.
130
7 CIJ1077.indb 256 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 129
ment to commit genocide, and attempt to commit genocide also
necessarily fail.
Accordingly, Croatia’s claim must be dismissed in its entirety.
442. Consequently, the Court is not required to pronounce on the
inadmissibility of the principal claim as argued by Serbia in respect ofh
acts prior to 8 October 1991. Nor does it need to consider whether acts
alleged to have taken place before 27 April 1992 are attributable to the
SFRY, or, if so, whether Serbia succeeded to the SFRY’s responsibility
on account of those acts.
* * *
VI. Consideration of the Merhits of the Counter -Claim
443. In its Counter -Memorial Serbia made a counter -claim containing
a number of submissions. In its final version, as presented by the Agehnt of
Serbia at the close of the public hearings, that counter -claim is repro -
duced in extenso in paragraph 51 of the present Judgment. It constitutes
Section II of Serbia’s final submissions, and contains four paragraphs
numbered 6 to 9.
444. In substance, Serbia asks the Court to declare that Croatia has
violated the Genocide Convention by committing against the Serb
national and ethnical group living in Croatia, during and after Operatiohn
Storm in 1995, acts prohibited by Article II of the Convention, with intent
to destroy that group as such, in whole or in part (paragraph 6 of the final
submissions).
Alternatively, Serbia claims — and asks the Court to declare — that
Croatia has committed acts amounting to conspiracy to commit geno -
cide, incitement and attempt to commit genocide and complicity in geno -
cide, within the meaning of Article III of the Convention (para. 7).
Additionally, Serbia asks the Court to declare that Croatia has violatedh
its obligations under the Convention to punish the perpetrators of the
acts referred to in the preceding paragraphs (para. 8).
Finally, Serbia asks the Court, having found that Croatia’s interna -
tional responsibility has been engaged, to order the latter to take a nuhm-
ber of measures in order to ensure full compliance with its obligations h
under the Convention and to redress the injurious consequences of the
internationally wrongful acts attributable to it (para. 9).
445. The Court will begin by examining the submissions set out in
paragraph 6 of Serbia’s final submissions. The result of this examination
will largely condition the way in which it approaches the submissions seht
out in the subsequent paragraphs.
130
7 CIJ1077.indb 257 18/04/16 08:54 130 application de convehntion génocide (arrêth)
A. Examen des conclusions principales de la demande reconventionnelle :
question de savoir si des actes de génocide attribuables à la Croa▯tie ont été
commis à l’encontre du groupe national et ethnique des Serbes viva▯nt
en Croatie pendant et après l’opération « Tempête»
446. La Serbie soutient que la Croatie s’est rendue coupable des actes
suivants, définis à l’article II de la Convention comme constitutifs du
génocide : des meurtres de membres du groupe national et ethnique des
Serbes vivant en Croatie ( litt. a) de l’article II) ; des actes portant une
atteinte grave à l’intégrité physique ou mentale de membres hdu même
groupe (litt. b) de l’article II); une soumission intentionnelle du groupe
en cause à des conditions d’existence devant entraîner sa destrhuction phy -
sique totale ou partielle (litt. c) de l’article II), l’ensemble de ces actes
ayant été commis dans l’intention de détruire, en tout ou enh partie, le
groupe concerné, comme tel.
447. Deux points n’ont pas été controversés entre les Parties et hpeuvent
être regardés par la Cour comme acquis.
448. En premier lieu, les Serbes qui vivaient en Croatie à l’époque hdes
faits — et qui représentaient une minorité de la population — consti -
tuaient bien un « groupe national» ou « ethnique» au sens de l’article II
de la convention sur le génocide, et les Serbes vivant dans la réghion de la
Krajina, directement concernés par l’opération « Tempête», constituaient
une « partie substantielle » de ce groupe national ou ethnique, au sens où
cette expression est employée au paragraphe 198 de l’arrêt rendu par la
Cour en 2007 en l’affaire Bosnie‑Herzégovine c. Serbie‑et‑Monténégro
(voir le paragraphe 142 ci-dessus).
La Cour en déduit que, si des actes entrant dans le champ de l’arthicleII
de la Convention ont été commis à l’encontre des Serbes de lha Krajina et
s’ils l’ont été dans l’intention de détruire ce groupeh de personnes, elle devrait
en conclure que les éléments constitutifs du génocide seraient hréunis, car se
trouverait en particulier remplie la condition selon laquelle «l’intention doit
être de détruire au moins une partie substantielle du groupe » national ou
ethnique concerné (voirApplication de la convention pour la prévention et la
répression du crime de génocide (Bosnie‑Herzégovine c. Serbie‑et‑
Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 126, par. 198).
449. En second lieu, les actes allégués par la Serbie — au moins la très
grande majorité d’entre eux — seraient imputables, à les supposer établis,
aux forces armées régulières ou aux forces de police de la Croahtie.
En conséquence, ces actes seraient de nature à engager la responsabilité
internationale de la Croatie, dans le cas où ils seraient illicites, hpour la
seule raison qu’ils auraient été accomplis par l’un ou plusiheurs de ses
organes. Cela resterait vrai, en vertu du droit de la responsabilité inter -
nationale des Etats, même si l’auteur de l’acte avait agi d’hune manière
contraire aux instructions données ou outrepassé son mandat (voirh en ce
sens Activités armées sur le territoire du Congo (République dém▯ocratique
du Congo c. Ouganda), arrêt, C.I.J. Recueil 2005, p. 242, par. 214). Il ne
se présente donc aucune difficulté, dans le cadre de l’examen hde la
131
7 CIJ1077.indb 258 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 130
A. Examination of the Principal Submissions in the Counter‑Claim :
Whether Acts of Genocide Attributable to Croatia Were Committed
against the National and Ethnical Group of Serbs Living in Croatia durin▯g
and after Operation Storm
446. Serbia claims that Croatia committed the following acts defined in
Article II of the Convention as constituting genocide killings of members
of the national and ethnical group of Serbs living in Croatia (II (a));
causing serious bodily or mental harm to members of the same group
(II (b) ; deliberately inflicting on the group conditions of life calculated
to bring about its physical destruction in whole or in part (II (c)), all of
these acts having been committed with intent to destroy, in whole or in h
part, the group as such.
447. Two points were not disputed between the Parties, and may be
regarded by the Court as settled.
448. First, the Serbs living in Croatia at the time of the events in ques -
tion — who represented a minority of the population — did indeed con-
stitute a “national [or] ethnical” “group” within the meaning of Article II
of the Genocide Convention, and the Serbs living in the Krajina region, h
who were directly affected by Operation Storm, constituted a “substanthial
part” of that national or ethnical group, in the sense in which that expres-
sion is used in paragraph 198 of the Judgment rendered by the Court in
2007 in the case between Bosnia and Herzegovina and Serbia and Monte-
negro (see paragraph 142 above).
The Court therefore concludes that, if acts falling within the terms of h
Article II of the Convention were committed against the Krajina Serbs,
and if they were perpetrated with intent to destroy that group of personhs,
it should accordingly find that the constituent elements of genocide where
present, since the requirement of “intent to destroy at least a substhantial
part of the [national or ethnical] group” would be met (see Application of
the Convention on the Prevention and Punishment of the Crime of Genocide▯
(Bosnia and Herzegovina v. Serbia and Montenegro), Judgment,
I.C.J. Reports 2007 (I), p. 126, para. 198).
449. Secondly, the acts alleged by Serbia — or at least the vast major -
ity of them — assuming them to be proved, were committed by the regu -
lar armed forces or police of Croatia.
It follows that these acts would be such as to engage Croatia’s interhna-
tional responsibility if they were unlawful, simply because they were cahr-
ried out by one or more of its organs. That would remain true, under theh
law governing the international responsibility of States, even if the auhthor
of the acts had acted contrary to the instructions given or exceeded hish or
her authority (see Armed Activities on the Territory of the Congo (Demo ‑
cratic Republic of the Congo v. Uganda), Judgment, I.C.J. Reports 2005,
p. 242, para. 214). Thus the Court’s consideration of the counter -claim
presents no difficulty in terms of the attributability of the alleged uhnlawful
131
7 CIJ1077.indb 259 18/04/16 08:54 131 application de convehntion génocide (arrêth)
demande reconventionnelle, à propos de l’attribution des actes préhtendu-
ment illicites à l’Etat dont la responsabilité internationale ehst recherchée
(à savoir le demandeur).
450. En revanche, les Parties divergent complètement sur deux ques -
tions cruciales.
Premièrement, la Croatie conteste l’existence même d’une grande partie
des actes allégués par la Serbie ; et deuxièmement, elle conteste que ces
actes, dans la mesure où ils seraient établis pour certains d’entre eux,
aient été accomplis dans l’intention de détruire, en tout ou en partie,
le groupe national ou ethnique des Serbes de Croatie comme tel.
451. Ce sont ces deux questions que la Cour va à présent examiner. Il
s’agira d’abord de rechercher si des actes constituant l’éléhment matériel
du génocide — c’està-dire des actes entrant dans les catégories définies à
l’article II de la Convention — ont été commis (c’est la question de
l’actus reus). Il s’agira ensuite, pour autant que certains des actes en cause
seraient établis, de se prononcer sur la question de savoir si ces achtes ont
été commis dans une intention génocidaire (c’est la questiohn du dolus
specialis).
1) L’élément matériel du génocide (actus reus)
452. La Serbie soutient que la Croatie a commis divers actes entrant
dans le champ des litt. a), b) et c) de l’article II de la convention sur le
génocide, à savoir :
— des bombardements indiscriminés sur les villes de la Krajina, en
particulier sur la ville de Knin, qui auraient entraîné le meurtreh de
civils serbes, au sens duitt. a) de l’article II
— ledéplacement forcé de la population serbe de la Krajina, qui entrerait
dans le champ du litt. c) de l’article II
— lemeurtre de Serbes fuyant en colonnes les villes attaquées, entrant
dans le champ du litt. a) de l’article II;
— le meurtre de Serbes restés, après l’opération «Tempête», dans les
zones de la Krajina placées sous la protection des Nations Unies
(ZPNU), relevant également du litt. a) de l’article II;
— de mauvais traitements infligés aux Serbes pendant et après le
déroulement de l’opération « Tempête», relevant des litt. b) et c) de
l’articlII;
— la destruction et le pillage à grande échelle de biens appartenanth aux
Serbes pendant et après l’opération «Tempête», relevant du litt. c) de
l’articleI.
453. La Serbie a également invoqué les mesures administratives et autrehs
qu’aurait adoptées la Croatie en vue d’empêcher les Serbes ahyant fui la
Krajina lors de l’opération« Tempête» de rentrer chez eux par la suite.
Toutefois, de l’avis de la Cour, cette question n’a pas été hinvoquée par
la Serbie en tant qu’élément de l’actusreus du génocide, mais plutôt comme
un élément permettant de démontrer l’existence de l’intenhtion spécifique de
132
7 CIJ1077.indb 260 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 131
acts to the State whose international responsibility is in issue (namelhy the
Applicant).
450. On the other hand, the Parties completely disagree on two key
questions.
First, Croatia denies that the greater part of the acts alleged by Serbia
even took place ; and secondly, it denies that those acts, even if some of
them were proved, were carried out with intent to destroy, in whole or ihn
part, the national or ethnical group of the Croatian Serbs as such.
451. It is these two questions that the Court will now examine. It will
first seek to ascertain whether acts constituting the physical elementh of
genocide — that is to say, acts falling within the categories defined in
Article II of the Convention — were in fact committed (the issue of the
actus reus). It will then proceed, if any of the acts in question have been
established, to rule on the question of whether they were committed with
genocidal intent (the issue of the dolus specialis).
(1) The actus reus of genocide
452. Serbia contends that Croatia committed various acts falling
within the scope of subparagraphs (a), (b) and (c) of Article II of the
Genocide Convention, namely :
— indiscriminate shelling of Krajina towns, in particular Knin, allegedly h
resulting in the killing of Serb civilians within the meaning of s-b
paragraph (a) of Article II;
— forced displacement of the Serb population of the Krajina, falling
within the scope of subparagraph (c) of Article II;
— the killing of Serbs fleeing in columns the towns under attack, withinh
the scope of subparagraph (a) of Article II
— the killing of Serbs who remained, after Operation Storm, within
UN -protected areas of the Krajina (UNPAs), acts which are also cov
ered by subparagraph (a) of Article II;
— infliction of -treatment on Serbs during and after Operation Storm,
within the scope of subparagraphs (b) and (c) of Article II;
— large-scale destruction and looting of Serb property during and after
Operation Storm, within the scope of subparagraph (c) of Article II.
453. Serbia further cites administrative and other measures allegedly
taken by Croatia to prevent Serbs having fled the Krajina during Operah-
tion Storm from subsequently returning home.
However, in the Court’s view, this matter was not relied on by Serbiah as
evidence of the actus reus of genocide, but rather as evidence of specific
intent to destroy the targeted group in whole or in part, in other wordsh, to
132
7 CIJ1077.indb 261 18/04/16 08:54 132 application de convehntion génocide (arrêth)
détruire le groupe visé, en tout ou en partie, c’est -à-dire de prouver le
dolus specialis. Elle sera donc examinée ci-après, dans le point 2.
a) Les éléments de preuve présentés par la Serbie en vue d’établir les faits
allégués
454. Au soutien de ses allégations factuelles, la Serbie a invoqué plu -
sieurs éléments de preuve provenant de sources différentes, donth la Croa-
tie a contesté, pour une large part, la pertinence et la crédibilihté.
455. Elle a invoqué d’abord les travaux publiés par deux organisatiohns
non gouvernementales, l’une croate et l’autre serbe : le Comité Helsinki de
Croatie pour les droits de l’homme (ci -après le «CHC»), et l’organisation
Veritas.
La première a publié en 2001 à Zagreb un rapport intitulé Military
Operation Storm and its Aftermath ; la seconde a publié une liste des vic-
times de l’opération «Tempête», qui fait l’objet d’une mise à jour régu -
lière.
456. La Croatie met en cause la crédibilité des travaux en question. Elhle
relève qu’ils sont entachés de nombreuses erreurs, imprécisihons et incohé -
rences, et qu’en outre l’organisation Veritas n’est, selon elle, ni indépen-
dante ni impartiale, en particulier parce que son directeur a occupé hdes
postes de responsabilité pour le compte des gouvernements de la RSK.
457. La Cour convient que ni le rapport du CHC ni celui de Veritas
n’ont une valeur probante telle qu’elle puisse regarder un fait cohmme éta -
bli sur la base exclusive de ces documents ; d’ailleurs, la Serbie a elle-même
admis que ces rapports comportaient des erreurs factuelles. Elle n’eshtime
pas pour autant que ces documents soient à ce point dépourvus de vhaleur
informative qu’il faille les écarter en totalité. La Cour pourrha prendre en
considération les données qu’ils contiennent chaque fois que cehlles -ci
apparaîtront comme corroborant d’autres sources. C’est une déhmarche
semblable que la chambre de première instance du TPIY a adoptée àh pro -
pos du rapport du CHC dans l’affaire Gotovina (jugement Gotovina,
par. 50), sur laquelle la Cour reviendra plus loin dans le présent arrêht.
458. La Serbie fonde également ses allégations sur plusieurs autres
documents ou témoignages, notamment : le rapport sur la situation des
droits de l’homme dans le territoire de l’ex -Yougoslavie en date du
7 novembre 1995, présenté à l’Assembléegénérale et au Conseil de sécurité
des Nations Unies par M me Elisabeth Rehn, rapporteuse spéciale de la
Commission des droits de l’homme, conformément à la résolutihon 1995/89
de ladite Commission et à la décision 1995/920 du Conseil économique et
social; un rapport de l’organisation non gouvernementale Human Rights
Watch intitulé « Impunity for Abuses Committed during « Opera -
tion Storm», and the Denial of the Right of Refugees to Return to the
Krajina » daté d’août 1996 ; lerapport d’expert de M. Reynaud Theunens,
intitulé «Croatian Armed Forces and Operation Storm », soumis par le
bureau du procureur au TPIY dans l’affaire Gotovina; les déclarations de
certains témoins devant des tribunaux nationaux en Serbie et en Bosnihe-
133
7 CIJ1077.indb 262 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 132
prove the dolus specialis. It will accordingly be discussed later, under
point 2.
(a) The evidence presented by Serbia in support of the facts alleged
454. In support of its factual allegations, Serbia relies on a range of
evidence from various sources, the bulk of which has been challenged by
Croatia in terms of its relevance and credibility.
455. First, Serbia relies on publications by two non -governmental
organizations, one Croatian, the other Serbian : the Croatian Helsinki
Committee for Human Rights (hereinafter CHC), and the Veritas organi -
zation.
The first of these published a report in 2001 in Zagreb, entitledMilitary
Operation Storm and Its Aftermath ; the second has published a list of the
victims of Operation Storm, which is regularly updated.
456. Croatia challenges the credibility of these two publications. It
notes that they contain numerous errors, inaccuracies and inconsistenciehs,
and that, moreover, the Veritas organization is neither independent nor h
impartial, in particular because its director held high office under sehveral
Governments of the RSK.
457. The Court agrees that neither the CHC Report nor that of Veritas
possesses such evidential weight as to enable the Court to consider a fahct
proved solely on the basis of those documents ; indeed, Serbia itself has
admitted that the reports contain factual errors. However, the Court doehs
not consider those documents as so lacking in informational value that
they should be wholly disregarded. The Court may take account of the
information they contain whenever it appears to corroborate evidence
from other sources. This approach is similar to that taken by the ICTY
Trial Chamber in relation to the CHC Report in the Gotovina case (Goto ‑
vina Trial Judgment, para. 50), to which the Court will return later in the
present Judgment.
458. Serbia further bases its allegations on a number of other docu -
ments or testimonies, in particular : the Report on the situation of human
rights in the territory of the former Yugoslavia of 7 November 1995, pre-
sented to the United Nations General Assembly and the Security Council
by Mrs. Elisabeth Rehn, Special Rapporteur of the Commission on
Human Rights, pursuant to resolution 1995/89 of the said Commission
and decision 1995/920 of the Economic and Social Council ; a Report
from the non -governmental organization Human Rights Watch, entitled
“Impunity for Abuses Committed during ‘Operation Storm’, and the
Denial of the Right of Refugees to Return to the Krajina”, dating frohm
August 1996 ; the expert report of Mr. Reynaud Theunens, entitled “Cro -
atian Armed Forces and Operation Storm”, submitted by the Prosecu -
tor’s Office of the ICTY in the Gotovina case ; the statements of witnesses
before national courts in Serbia and Bosnia and Herzegovina regarding
133
7 CIJ1077.indb 263 18/04/16 08:54 133 application de convehntion génocide (arrêth)
Herzégovine, se rapportant aux faits en cause dans la présente affahire; les
témoignages de personnes entendues par le TPIY dans l’affaire Gotovina;
enfin, les déclarations écrites de sept témoins et d’un téhmoi-expert présen-
tées par la Serbie en l’espèce, au sujet desquelles la Croatie a renoncé à
exercer sa faculté de soumettre leurs auteurs à un contre-interrogatoire.
459. La Cour estime devoir accorder du poids au premier des documents
susmentionnés, en raison à la fois du statut d’indépendance hde son auteur,
et du fait qu’il a été établi à la demande d’organes dhes NationUs nies, pour
les besoins de l’exercice par ceux-ci de leurs fonctions. A cet égard, la Cour
relève que la Croatie n’a pas contesté l’objectivité de ce rapport, même si
elle est en désaccord avec certaines des constatations de fait qu’hil contient.
La Cour accordera un crédit important aux dépositions des huit per -
sonnes appelées par la Serbie à témoigner devant elle. Il y a lhieu cependant
de souligner que le seul fait que la Croatie ait renoncé à contre -interroger
ces témoins n’implique aucunement l’obligation pour la Cour de htenir
pour exactes l’ensemble des déclarations présentées. La Croahtie a d’ailleurs
clairement indiqué que sa renonciation à contre -interroger les témoins ne
signifiait pas qu’elle acceptait comme exactes leurs déclarationhs, à l’égard
de certaines desquelles elle a au contraire exprimé de fortes résehrves.
Les autres documents et témoignages mentionnés au paragraphe préhcé -
dent seront dûment pris en compte par la Cour, sans toutefois être regar -
dés comme dotés, pour chacun d’entre eux, d’une pleine forceh probante.
460. Enfin, les Parties se sont amplement référées au jugement de hla
chambre de première instance et à l’arrêt de la chambre d’happel du TPIY
dans l’affaireGotovina, tout en en tirant des conclusions largementopposées.
Le désaccord entre les Parties se rapporte en réalité au premiehr des
griefsformulés par la Serbie, à savoir que la Croatie aurait procédé à des
bombardements indiscriminés sur les villes de la Krajina au début hde
l’opération « Tempête», causant ainsi de nombreuses pertes de vies
humaines dans la population civile.
La portée des décisions rendues par le TPIY dans l’affaire Gotovina
sera donc examinée ci -après, à propos de la question de savoir si le grief
qui vient d’être exposé est matériellement établi.
461. Il suffit de rappeler, à ce stade, que la circonstance qu’aucun rhes-
ponsable civil ou militaire croate n’ait été condamné par leh TPIY pour
génocide — ni d’ailleurs sur la base d’un autre chef d’accusation — en
relation avec les événements qui se sont déroulés pendant eth après l’opé -
ration «Tempête» ne suffit pas en elle -même à faire obstacle à ce que la
Cour déclare, le cas échéant, que la responsabilité internationale de la
Croatie est engagée pour violation de la convention sur le génocidhe (voir
en ce sens Application de la convention pour la prévention et la répression
du crime de génocide (Bosnie‑Herzégovine c. Serbie‑et‑Monténégro),
arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 119-120, par. 180-182). De même, le fait
que le procureur du TPIY n’ait jamais inclus dans ses actes d’accusation,
dans les affaires en rapport avec l’opération « Tempête», le chef de géno -
cide, n’a pas automatiquement pour effet de vouer à l’échec lha demande
reconventionnelle de la Serbie.
134
7 CIJ1077.indb 264 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 133
the events at issue in the present case ; the testimony of individuals heard
by the ICTY in the Gotovina case ; and finally, the written statements of
seven witnesses and a witness -expert presented by Serbia in the present
case, in respect of whom Croatia waived its right of cross -examination.
459. The Court considers that it must give evidential weight to the first ohf
the above-mentioned documents, by reason both of the independent status
of its author, and of the fact that it was prepared at the request of orhgans of
the United Nations, for purposes of the exercise of their functions. Theh
Court notes that Croatia has not disputed the objective nature of that
report, even though it does not agree with certain of its factual findhings.
The Court will accord evidential weight to the statements by the eight
individuals called by Serbia to testify before it. However, it should beh
emphasized that the fact that Croatia declined to cross -examine those
witnesses in no sense implies an obligation on the Court to accept all ohf
their testimony as accurate. Moreover, Croatia clearly stated that its dheci -
sion not to cross -examine the witnesses did not mean that it accepted
their testimonies as accurate ; on the contrary, it expressed significant res -
ervations in relation to some of them.
The other documents and testimony referred to in the preceding para -
graph will be duly considered by the Court, without, however, being
regarded as conclusive proof of the facts alleged.
460. Finally, the Parties cited extensively from the Trial and Appeals
Chamber Judgments of the ICTY in the Gotovina case, while largely dis -
agreeing on the conclusions to be drawn from them.
The Parties’ disagreement actually relates to the first of Serbia’hs claims,
namely that Croatia carried out indiscriminate shelling of the Krajina
towns at the start of Operation Storm, thus causing numerous deaths
among the civilian population.
The scope of the ICTY decisions in the Gotovina case will thus be
examined below, in relation to the issue of whether that claim has been h
effectively established.
461. It suffices, at this stage, to recall that the fact that no highnking
Croatian civilian or military officer has been found guilty of genocideh by
the ICTY — or indeed of any other charge — in relation to the events
which took place during and after Operation Storm does not in itself pre -
clude the Court from finding that Croatia’s international responsibhility is
engaged for violation of the Genocide Convention (see in this regard
Application of the Convention on the Prevention and Punishment of the
Crime of Genocide (Bosnia and Herzegovina v. Serbia and Montenegro),
Judgment, I.C.J. Reports 2007 (I), pp. 119-120, paras. 180-182). Like -
wise, the fact that the ICTY Prosecutor has never included a count of
genocide in the indictments in cases relating to Operation Storm does noht
automatically mean that Serbia’s counter-claim must be dismissed.
134
7 CIJ1077.indb 265 18/04/16 08:54 134 application de convehntion génocide (arrêth)
Les Parties ne paraissent pas, d’ailleurs, être en désaccord sur les deux
propositions qui précèdent. La Croatie, cependant, souligne que l’habsence de
condamnation par le TPIY et, au surplus, l’absence de toute poursuiteh en -ga
gée du chef de génocide en rapport avec l’opération « Tempête» affaiblissent
grandement la thèse qui est à la base de la demande reconventionnehlle serbe,
à savoir qu’un génocide a été commis par les organes de la Croatie.
b) Examen de la question de savoir si les actes allégués par la Serbi▯e sont
matériellement établis
462. La Cour va à présent examiner les différentes catégories d’hactes
allégués par la Serbie au soutien de sa demande reconventionnelle,h afin de
rechercher, pour chacun d’entre eux, s’ils sont matériellement hétablis sur la
base des éléments de preuve qui lui ont été présentés.h Elle le fera en suivant
l’ordre indiqué au paragraphe 452 ci-dessus, à savoir:i) meurtre de civils
résultant des bombardements indiscriminés sur les villes de la Krahjina ;
ii) déplacement forcé de la population serbe de la Krajina ; iiimeurtre de
Serbes fuyant par colonnes les villes attaquées ; iv)eurtre de Serbes restés
dans les zones de la Krajina protégées par les Nations Unies ; v) mauvais
traitements infligés aux Serbes pendant et après l’opératihon« Tempête».
i) Meurtre de civils résultant des bombardements prétendument
indiscriminés sur les villes de la Krajina
463. Selon la Serbie, les forces armées croates auraient procédé, dèhs le
début des actions militaires dans le cadre de l’opération «Tempête», à des
bombardements indiscriminés sur plusieurs villes et villages de la Krhajina,
région peuplée en majorité par des Serbes, à savoir Knin, lah ville la plus
importante de la région, mais aussi Benkovac, Obrovac, Gračac, Boshansko,
Grahovo, Kijani, Kistanje, Uzdolje, Kovačić, Plavno, Polača et hBuković.
Ces bombardements auraient visé indifféremment des cibles militairehs
— là où il en existait — et la population civile. Il en serait résulté de nom
breux morts parmi les civils; selon le défendeur, dans la seule municipalité
de Knin, 357 personnes auraient été tuées, dont 237 civils, pour beaucoup
d’entre elles lors des bombardements indiscriminés. La Serbie ajoute que
ces bombardements auraient été ordonnés dans l’intention de hfaire fuir la
population serbe de la Krajina ; cet aspect, qui se rapporte à la deuxième
catégorie d’actes allégués par la Serbie, à savoir le déhplacement forcé de la
population serbe, sera examiné au point suivant.
Selon la Croatie, au contraire, les bombardements opérés sur des vhilles
de la Krajina visaient exclusivement des cibles militaires, et pour autahnt
qu’ils auraient fait des victimes civiles — dont le nombre, en tout état de
cause, serait très inférieur aux allégations de la Serbie — cela aurait été la
conséquence non pas d’une volonté délibérée de viser la population civile,
mais seulement de la proximité des objectifs militaires avec les zonehs habi-
tées par une telle population. La Croatie invoque, au soutien de son affir -
mation, les conclusions auxquelles est parvenue la chambre d’appel duh
TPIY dans l’affaire Gotovina.
135
7 CIJ1077.indb 266 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 134
Indeed, the Parties do not appear to disagree on these two proposi -
tions. Croatia, however, emphasizes that the absence of any conviction bhy
the ICTY and, moreover, the absence of any prosecution for genocide in
relation to Operation Storm greatly weakens the thesis underlying Ser -
bia’s counter -claim, namely that genocide was committed by the organs
of Croatia.
(b) Whether the acts alleged by Serbia have been effectively proved
462. The Court will now examine the various categories of acts alleged
by Serbia in support of its counter-claim, in order to ascertain whether, in
each case, they have been proved on the basis of the evidence presented hto
the Court. It will do so following the order indicated in paragraph 452
above, namely : (i) killing of civilians as a result of the indiscriminate
shelling of Krajina towns; (ii) forced displacement of the Serb population
from the Krajina ; (iii) killing of Serbseeing in columns from the towns
under attack ; (iv) killing of Serbs having remained in the areas of the
Krajina protected by the United Nations ; (v) infliction of illeatment on
Serbs during and after Operation Storm.
(i) Killing of civilians as a result of the allegedly indiscriminate
shelling of Krajina towns
463. According to Serbia, from the start of the military actions in con -
nection with Operation Storm, Croatian armed forces indiscriminately
shelled several towns and villages in the Krajina, an area with a majorihty
Serb population, namely Knin, the most important town in the region,
but also Benkovac, Obrovac, Gračac, Bosansko, Grahovo, Kijani,
Kistanje, Uzdolje, Kovačić, Plavno, Polača and Buković.
The shelling was allegedly aimed both at military targets — where these
existed — and the civilian population, causing a large number of deaths
among civilians. According to the Respondent, in the municipality of
Knin alone there were 357 deaths, including 237 civilians, many of them
as a result of indiscriminate shelling. Moreover, according to Serbia the
shelling was ordered with the intention of forcing the Serb population tho
flee the Krajina. This aspect, which relates to the second category ofh acts
alleged by Serbia, namely the forced displacement of the Serb population,
will be discussed in the following section.
According to Croatia, on the contrary, the shelling of Krajina towns
was directed exclusively at military targets, and if it caused civilian hcasu
alties— the number of which, in any event, was far lower than that
alleged by Serbia — that was not the consequence of any deliberate intent
to target the civilian population, but solely of the proximity of militahry
objectives to areas inhabited by that population. In support of its posih -
tion, Croatia relies on the findings of the ICTY Appeals Chamber in thhe
Gotovina case.
135
7 CIJ1077.indb 267 18/04/16 08:54 135 application de convehntion génocide (arrêth)
464. Les Parties tirant des conséquences largement opposées des décih-
sions rendues par le TPIY dans l’affaire Gotovina, et ces décisions étant
d’une grande pertinence pour les besoins de la présente espèce,h il y a lieu
d’abord pour la Cour de rappeler sommairement en quoi consistaient lehs
procédures engagées devant le TPIY dans cette affaire, et quelle a été la
teneur des décisions rendues en première instance puis en appel.
465. Les poursuites ayant abouti à ces décisions ont été engagéhes par le
procureur du TPIY en 2001 et 2006 à l’encontre d’Ante Gotovina,
Ivan Cermak et Mladen Markač, trois officiers généraux croates qui
avaient été à des titres divers responsables, en août 1995, de l’opération
«Tempête». Celle -ci avait pour objectif déclaré de permettre au gouver -
nement de la Croatie de reprendre le contrôle de la Krajina, alors cohntrô-
lée par les autorités de la RSK.
Les chefs d’accusation, communs aux trois officiers poursuivis, éhtaient
principalement la persécution, le meurtre et l’assassinat, l’exhpulsion et le
transfertforcé de la population, les actes inhumains et cruels, la destruc -
tion de villes et villages sans nécessité militaire.
En substance, le procureur soutenait que les forces armées croates
s’étaient livrées à des attaques d’artillerie indiscriminhées sur un grand
nombre de villes et villages de la Krajina, attaques visant délibéhrément les
zones civiles aussi bien que les objectifs militaires. Ces attaques avaient
causé la mort de nombreux civils, des destructions de biens matérihels sans
rapport avec des cibles militaires et le départ de la majeure partie de la
population, qui avait fui les zones bombardées.
466. La chambre de première instance, par son jugement du
15 avril 2011, a acquitté le général Cermak, mais a déclaré coupables les
généraux Gotovina et Markač, et les a condamnés respectivemehnt à
24 et 18 années d’emprisonnement.
Elle a considéré que ces officiers avaient pris part à une enthreprise cri
minelle commune visant à expulser la population civile serbe de la Krha-
jina, au moyen de bombardements indiscriminés sur les quatre villes dhe
Knin, Benkovac, Obrovac et Gračac, qui avaient pour but — à côté des
fins strictement militaires — d’effrayer et de démoraliser la population
pour la contraindre à fuir.
Elle a donc retenu à la charge des deux accusés les chefs de meurthre,
expulsion, persécution, destructions et actes inhumains, notamment (hjuge -
ment Gotovina, par. 2619 et 2622).
467. Pour parvenir à cette conclusion, la chambre de première instance h
s’est fondée, d’une part, sur certains documents, parmi lesquelhs le
procès-verbal de la réunion tenue à Brioni le 31 juillet 1995, soit
quelquesjours avant le lancement de l’opération, sous la présidence du hpré-
sident Tudjman — procès-verbal dont il sera question plus loin dans le
présent arrêt —, d’autre part et surtout, sur le critère dit «standard des
200 mètres » (ibid., par. 1970-1995, 2305 et 2311). Selon ce critère, seules
les munitions d’artillerie dont le point d’impact se situe à moins de
200 mètres d’une cible militaire identifiée pourraient être considérées
comme ayant visé cette cible, tandis que celles s’écrasant àh plus dem20è0tres
136
7 CIJ1077.indb 268 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 135
464. Since the Parties draw essentially contrary conclusions from the
decisions of the ICTY in the Gotovina case, and since those decisions are
highly relevant for purposes of the present case, the Court will brieflhy
discuss the proceedings before the ICTY in that case, and summarize the h
decisions rendered at first instance, and then on appeal.
465. The proceedings which resulted in those decisions were initiated
by the ICTY Prosecutor in 2001 and 2006 against Ante Gotovina, Ivan
Cermak and Mladen Markač, three Croat generals who had played vari -
ous leading roles in August 1995 in connection with Operation Storm, theh
declared aim of which was to enable the Government of Croatia to regain h
control over the Krajina, then controlled by the authorities of the RSK.h
The main charges against all three accused were persecution, killing
and murder, deportation and forcible transfer of the population, cruel
and inhumane acts and the wanton destruction of towns and villages.
In substance, the Prosecutor argued that Croatian armed forces had
carried out indiscriminate artillery attacks on a large number of towns h
and villages in the Krajina, deliberately targeting civilian areas as wehll as
military objectives. Those attacks had caused the deaths of large numberhs
of civilians, and the destruction of property unconnected with any mili -
tary target, as well as the departure of the majority of the population,h
which had fled the shelled areas.
466. By its Judgment of 15 April 2011, the Trial Chamber acquitted
General Cermak, but convicted Generals Gotovina and Markač, senten -
cing them to terms of imprisonment of 24 and 18 years respectively.
The Chamber held that these two defendants had taken part in a joint
criminal enterprise aimed at the expulsion of the Serb civilian populatihon
from the Krajina, through indiscriminate shelling of the four towns of
Knin, Benkovac, Obrovac and Gračac, the purpose of which — alongside
any strictly military objectives — was to terrorize and demoralize the
population so as to force it to flee.
The Trial Chamber accordingly found the two accused guilty of, inter
alia, murder, deportation, persecution, destruction and inhumane acts
(Gotovina Trial Judgment, paras. 2619, 2622).
467. In order to reach this conclusion, the Trial Chamber relied, first,
on certain documents, including the transcript of a meeting held at Briohni
on 31 July 1995, just a few days before the launch of the operation, under
the chairmanship of President Tudjman (that transcript will be discussehd
later in the present Judgment) and secondly, and above all, on the
so-called “200 Metre Standard” (ibid., paras. 1970-1995, 2305, 2311),
under which only shells impacting less than 200 metres from an identifi -
able military target could be regarded as having been aimed at that targhet,
whilst those impacting more than 200 metres from a military target should
be regarded as evidence that the attack was deliberately aimed at both
136
7 CIJ1077.indb 269 18/04/16 08:54 136 application de convehntion génocide (arrêth)
d’un objectif militaire devraient être regardées comme indiquanht que l’at-
taque visait délibérément à atteindre des cibles civiles touht autant que
militaires, et était donc indiscriminée (jugement Gotovina, par. 1898).
Appliquant ce standard au cas d’espèce, la chambre de première hinstance
a conclu que les attaques d’artillerie dirigées sur les quatre vilhles mentio-
nées plus haut (mais pas sur les autres villes et villages de la Krahjina) avaient
été indiscriminées, dès lors qu’une grande proportion desh munitions étaient
tombées à plus de 200 mètres d’une quelconque cible militaire identifiable
(ibid., par. 1899-1906, 1917-1921, 1927-1933 et 1939-1941).
468. La chambre d’appel, dans son arrêt du 16 novembre 2012,
a contredit l’analyse de la chambre de première instance et infirmé le
jugement.
Elle a estimé que le « standard des 200 mètres» était dépourvu de base
légale et de justification convaincante. Elle en a déduit que lah chambre de
première instance ne pouvait pas raisonnablement, sur la seule base dhe
l’application de ce standard, conclure à l’existence d’attaqhues d’artillerie
indiscriminées sur les quatre villes en cause. Elle a estimé en outre que le
raisonnement de la chambre de première instance reposait essentiellement
sur l’application du standard en question, et qu’aucun autre élhément de
preuve soumis aux débats — en particulier le procès-verbal de la réunion
de Brioni — n’établissait de manière convaincante la volonté délhibérée
des forces armées croates de prendre pour cible la population civile h(arrêt
Gotovina, par. 61, 64-65, 77-83 et 93). En conséquence, la chambre d’ap -
pel a conclu qu’il n’était pas prouvé qu’il y ait eu une h« entreprise crimi-
nelle commune » et a prononcé l’acquittement des deux accusés pour
l’ensemble des chefs d’accusation (parmi lesquels le meurtre et l’expul -
sion) (ibid., par.158).
469. La Cour rappelle que, comme elle l’a affirmé en 2007, elle doit
«en principe admettre comme hautement convaincantes les conclusions
de fait pertinentes auxquelles est parvenu le Tribunal en première inhs -
tance, à moins, évidemment, qu’elles n’aient été infirmées en appel » (voir
ci-dessus, le paragraphe 182).
Cela devrait la conduire, dans la présente affaire, à tenir le plush grand
compte des constatations de fait de la chambre de première instance qhui
n’ont pas été contredites par la chambre d’appel, et à dohnner dûment
poids aux constatations et appréciations de la chambre d’appel conhcer -
nant la question du caractère indiscriminé des attaques d’artilhlerie lancées
contre les villes de la Krajina dans le cadre de l’opération « Tempête».
470. Pour faire échec à une telle conclusion, la Serbie, il est vrai, a fait
valoir que les conclusions d’une chambre d’appel du TPIY ne devaiehnt
pas automatiquement se voir conférer plus de poids que celles d’une
chambre de première instance. En effet, selon la Serbie, les membres de la
chambre d’appel sont désignés de manière aléatoire et varhient d’une
affaire à l’autre, de sorte qu’ils n’ont pas plus d’expéhrience ou d’autorité
que ceux de la chambre de première instance qui a jugé la même haffaire.
La principale différence entre les deux formations semble être que hla pre -
mière se compose de cinq juges, tandis que la seconde se compose de
137
7 CIJ1077.indb 270 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 136
civilian and military targets, and was therefore indiscriminate (Gotovina
Trial Judgment, para. 1898).
Applying that standard to the case before it, the Trial Chamber found
that the artillery attacks on the four towns mentioned above (but not ohn
the other Krajina towns and villages) had been indiscriminate, since a h
large proportion of shells had fallen over 200 metres from any identifihable
military target (ibid., paras. 1899-1906, 1917-1921, 1927-1933, 1939-1941).
468. In its Judgment of 16 November 2012 in the Gotovina case, the
Appeals Chamber disagreed with the Trial Chamber’s analysis and
reversed the latter’s decision.
The Appeals Chamber held that the “200 Metre Standard” had no
basis in law and lacked any convincing justification. The Chamber accohrd -
ingly concluded that the Trial Chamber could not reasonably find, simphly
by applying that standard, that the four towns in question had been
shelled indiscriminately. It further held that the Trial Chamber’s rehason-
ing was essentially based on the application of the standard in questionh,
and that none of the evidence before the Court — particularly the Brioni
Transcript — showed convincingly that the Croatian armed forces had
deliberately targeted the civilian population (Gotovina Appeals Judgment,
paras. 61, 64-65, 77-83, 93). The Appeals Chamber accordingly found
that the prosecution had failed to prove a “joint criminal enterpriseh”, and
acquitted the two accused on all of the counts in the indictment (incluhd -
ing murder and deportation) (ibid., para. 158).
469. The Court recalls, as it stated in 2007, that it “should in principleh
accept as highly persuasive relevant findings of facts made by the Trihbu-
nal at trial, unless of course they have been upset on appeal” (see hpara -
graph 182 above).
That should lead the Court, in the present case, to give the greatest
weight to factual findings by the Trial Chamber which were not reversed
by the Appeals Chamber, and to give due weight to the findings and
determinations of the Appeals Chamber on the issue of whether or not
the shelling of the Krajina towns during Operation Storm was indiscrimi -
nate.
470. Against this approach, Serbia argued that the findings of an ICTY
Appeals Chamber should not necessarily be accorded more weight than
those of a Trial Chamber. Indeed, according to Serbia, the members of
the Appeals Chamber are appointed at random and vary from one case
to another, so that they have no greater experience or authority than
those of the Trial Chamber having ruled on the same case. Serbia argues
that the main difference between the two benches appears to be that the
former consists of five judges, whilst the latter is composed of threeh
judges. Moreover, the decision of the Trial Chamber was unanimous
137
7 CIJ1077.indb 271 18/04/16 08:54 137 application de convehntion génocide (arrêth)
troisjuges. En outre, en l’espèce, la chambre de première instance ah statué
à l’unanimité lorsqu’elle a condamné Gotovina et Markačh, tandis que la
chambre d’appel n’a adopté son arrêt d’acquittement que phar trois voix
contre deux. Au total, la majorité des juges ayant examiné l’affaire Goto‑
vina a été d’avis que les forces croates se sont livrées à dehs attaques indis-
criminées contre les quatre villes de la Krajina susmentionnées.
Il en résulterait, selon la Serbie, que dans les circonstances partichulières
de la présente espèce la Cour ne devrait pas attacher plus d’imhportance
aux conclusions de la chambre d’appel qu’à celles de la chambreh de pre -
mière instance, et se faire elle-même une idée du caractère plus ou moins
convaincant des arguments retenus par les deux formations de jugement
successives.
471. Quelles que soient les conditions dans lesquelles sont choisis les
membres de la chambre d’appel, qu’il n’appartient pas à la Chour d’appré -
cier, les décisions rendues par cette dernière représentent le hdernier mot
du TPIY sur les affaires qui lui sont soumises, lorsque l’une des parthies a
choisi de faire appel du jugement de première instance. En conséquhence,
la Cour ne saurait placer sur le même plan les constatations et apprécia -
tions de la chambre de première instance et celles de la chambre d’happel ;
en cas de divergences, elle ne peut qu’accorder un poids prééminent aux
énoncés figurant dans l’arrêt de la chambre d’appel, tohut en conservant en
dernière analyse le pouvoir de trancher elle -même les questions qui se
posent à elle en fait et en droit.
472. La Cour déduit de ce qui précède qu’elle ne saurait conclureh à
l’existence d’attaques d’artillerie indiscriminées contre lehs villes de la Kra-
jina, visant délibérément à faire des victimes civiles. Ce nh’est que dans des
circonstances exceptionnelles qu’elle se dissocierait des conclusionsh, sur une
question comme celle-ci, adoptées par le TPIY. La Serbie a, certes, attiré
l’attention de la Cour sur les controverses qu’a provoquées l’harrêt de la
chambre d’appel. Cependant, aucun élément, antérieur ou posthérieur à cet
arrêt, n’a été présenté à la Cour qui prouverait inhdiscutablement l’intention
des autorités croates de prendre délibérément pour cibles dehs tirs d’artillerie
les zones civiles des villes peuplées par les Serbes. En particulier,h une telle
intention ne résulte pas des mentions figurant au procès -verbal de la réu -
nion de Brioni, qui sera analysé plus en détail ci -après, à propos de l’exis-
tence du dolus specialis. On ne saurait non plus la regarder comme
indiscutablement établie sur la base des déclarations de personnesh appelées
à témoigner devant la chambre de première instance du TPIY dansh l’affaire
Gotovina et citées comme témoins par la Serbie dans la présente affaire.h
473. La Serbie a en outre soutenu que, même si la Cour ne souhaitait
pas contredire la chambre d’appel en ce que celle -ci a estimé que les
attaques d’artillerie contre les villes de la Krajina n’étaienth pas indiscrimi-
nées, et qu’elles étaient donc licites au regard du droit interhnational huma-
nitaire, cela ne l’empêcherait pas de considérer que les mêmhes attaques,
menées dans le cadre d’un conflit armé, sont illicites au reghard de la
convention sur le génocide, dès lors qu’elles auraient étéh motivées par l’in -
tention de détruire la population serbe de la Krajina, en tout ou en hpartie.
138
7 CIJ1077.indb 272 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 137
when it convicted Gotovina and Markač, whereas the Appeals Chamber
reached its decision to acquit them by a majority of three against two.
Serbia points out that, overall, the majority of the judges having sat in the
Gotovina case were of the view that the Croatian forces did engage in
indiscriminate shelling of the four above -mentioned Krajina towns.
It would follow, according to Serbia, that in the particular circum-
stances of the present case the Court should not attach any greater impor-
tance to the findings of the Appeals Chamber than to those of the Triahl
Chamber, and should form its own view of the persuasiveness of the
arguments accepted by each of the two benches.
471. Irrespective of the manner in which the members of the Appeals
Chamber are chosen — a matter on which it is not for the Court to pro -
nounce — the latter’s decisions represent the last word of the ICTY on
the cases before it when one of the parties has chosen to appeal from thhe
Trial Chamber’s Judgment. Accordingly, the Court cannot treat the fihnd-
ings and determinations of the Trial Chamber as being on an equal foot -
ing with those of the Appeals Chamber. In cases of disagreement, it is
bound to accord greater weight to what the Appeals Chamber Judgment
says, while ultimately retaining the power to decide the issues before it on
the facts and the law.
472. The Court concludes from the foregoing that it is unable to find
that there was any indiscriminate shelling of the Krajina towns deliber -
ately intended to cause civilian casualties. It would only be in exceptihonal
circumstances that it would depart from the findings reached by the IChTY
on an issue of this kind. Serbia has indeed drawn the Court’s attentihon to
the controversy aroused by the Appeals Chamber’s Judgment. However,
no evidence, whether prior or subsequent to that Judgment, has been put h
before the Court which would incontrovertibly show that the Croatian
authorities deliberately intended to shell the civilian areas of towns inhab -
ited by Serbs. In particular, no such intent is apparent from the Brionih
Transcript, which will be subjected to a more detailed analysis below inh
relation to the existence of the dolus specialis. Nor can such intent be
regarded as incontrovertibly established on the basis of the statements hby
persons having testified before the ICTY Trial Chamber in the Gotovina
case, and cited as witnesses by Serbia in the present case.
473. Serbia further argues that, even if the Court were unwilling to
reject the finding of the Appeals Chamber that the artillery attacks ohn the
Krajina towns were not indiscriminate, and thus lawful under interna -
tional humanitarian law, that would not prevent it from holding that
those attacks, conducted in the course of an armed conflict, were unlahw-
ful under the Genocide Convention, if they were motivated by an intent
to destroy the Serb population of the Krajina, in whole or in part.
138
7 CIJ1077.indb 273 18/04/16 08:54 138 application de convehntion génocide (arrêth)
474. Il n’est pas douteux qu’en règle générale un même acte peut par -
faitement être licite au regard d’un corps de règles juridiquesh, et être illi -
cite au regard d’un autre corps de règles juridiques. On ne sauraiht donc
pas exclure par principe qu’un acte accompli dans le cadre d’un cohnflit
armé et licite au regard du droit international humanitaire constitueh
simultanément, de la part de l’Etat qui l’accomplit, une violathion d’une
autre obligation internationale qui s’impose à lui.
Mais la Cour n’est pas appelée dans le contexte de la demande recohn -
ventionnelle à se prononcer sur les relations entre le droit internathional
humanitaire et la convention sur le génocide. La question à laquelhle elle
doit répondre est celle de savoir si les attaques d’artillerie conhtre les villes
de la Krajina en août 1995, dans la mesure où elles ont fait des victimes
civiles, ont constitué des « meurtre[s] de membres du groupe » des Serbes
de la Krajina, au sens du litt. a) de l’article II de la convention sur le
génocide, de telle sorte que ces attaques puissent être regardéhes, en consé -
quence, comme constituant l’élément matériel du génocide.h
Le meurtre au sens du litt. a) de l’article II de la Convention suppose
toujours l’existence d’un élément intentionnel — qui est tout à fait dis -
tinct de l’«intention spécifique» nécessaire par ailleurs à la caractérisation
du génocide —, à savoir l’intention de donner la mort (voir en ce sens le h
paragraphe 186 de l’arrêt de 2007 en l’affaire Bosnie‑Herzégovine c.
Serbie‑et‑Monténégro , qui indique que « le « meurtre» est nécessairement
intentionnel », mentionné ci -dessus au paragraphe 156 du présent arrêt).
En conséquence, si l’on estime que les attaques en cause ont éthé exclusive -
ment dirigées contre des objectifs militaires, et que les pertes civihles n’ont
pas été provoquées de propos délibéré, on ne saurait chonsidérer ces
attaques, en tant qu’elles ont occasionné la mort de civils, comme entrant
dans le champ du litt. a) de l’article II de la convention sur le génocide.
475. La Cour conclut de ce qui précède qu’il n’a pas été déhmontré que
des « meurtre[s] de membres du groupe » protégé, au sens de l’article II de
la Convention, aient été commis du fait des tirs d’artillerie dhirigés contre
des villes de cette région lors de l’opération « Tempête» en août 1995.
ii) Déplacement forcé de la population serbe de la Krajina
476. La Serbie soutient que le départ massif des Serbes de la Krajina,
dont elle évalue l’ampleur à un nombre de personnes situé enhtre 180 000
et 220 000, a été contraint et a résulté d’un plan politique déhlibéré conçu
par les autorités de la Croatie, afin que la population d’origine serbe
vivant en Croatie soit forcée de s’en aller pour être remplacéhe par une
population de souche croate.
La Croatie conteste cette affirmation, et soutient pour sa part que lesh
Serbes qui ont quitté la Krajina pendant et immédiatement après l’opéra -
tion « Tempête» sont partis en raison du risque de violence communé -
ment associé à un conflit armé ou de la crainte que leur insphiraient, de
manière générale, les forces croates, mais sans y être oblighés par celles-ci.
139
7 CIJ1077.indb 274 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 138
474. There can be no doubt that, as a general rule, a particular act may
be perfectly lawful under one body of legal rules and unlawful under
another. Thus it cannot be excluded in principle that an act carried outh
during an armed conflict and lawful under international humanitarian
law can at the same time constitute a violation by the State in questionh of
some other international obligation incumbent upon it.
However, it is not the task of the Court in the context of the counter -
claim to rule on the relationship between international humanitarian lawh
and the Genocide Convention. The question to which it must respond is
whether the artillery attacks on the Krajina towns in August 1995, in so
far as they resulted in civilian casualties, constituted “killing [ofh] members
of the [Krajina Serb] group”, within the meaning of Article II (a) of the
Genocide Convention, so that they may accordingly be regarded as con -
stituting the actus reus of genocide.
“Killing” within the meaning of Article II (a) of the Convention always
presupposes the existence of an intentional element (which is altogethehr
distinct from the “specific intent” necessary to establish genochide), namely
the intent to cause death (see paragraph 186 of the 2007 Bosnia and Her ‑
zegovina v. Serbia and Montenegro Judgment, which states that “‘[k]illing’
must be intentional”, cited in the present Judgment at paragraph 156
above). It follows that, if one takes the view that the attacks were exhclu -
sively directed at military targets, and that the civilian casualties wehre not
caused deliberately, one cannot consider those attacks, inasmuch as theyh
caused civilian deaths, as falling within the scope of Article II (a) of the
Genocide Convention.
475. The Court concludes for the foregoing reasons that it has not
been shown that “killing[s] [of] members of the [protected] group”h, within
the meaning of Article II of the Convention, were committed as a result
of the artillery attacks on towns in that region during Operation Storm hin
August 1995.
(ii) Forced displacement of the Krajina Serb population
476. Serbia contends that the mass exodus of Serbs from the Krajina,
whose numbers it estimates at a total of between 180,000 and 220,000
persons, was a forcible one, resulting from a political plan deliberatelhy
designed by the Croatian authorities to force the population of Serb ori-
gin living in Croatia to leave and to be replaced by a population of Crohat
origin.
Croatia disputes this claim, arguing that the Serbs who left the Krajinah
during and immediately after Operation Storm did so because of the risk
of violence commonly associated with an armed conflict, or of the fearh
generally instilled in them by the Croatian forces, but without being
forced to do so by the latter. It further contends that “the ‘exodhus’ of a
139
7 CIJ1077.indb 275 18/04/16 08:54 139 application de convehntion génocide (arrêth)
Elle ajoute que l’« exode» de la majorité de la population serbe a été
déclenché par une décision d’évacuation prise par le «h conseil suprême de
défense » de la « RSK». La Croatie invoque l’arrêt rendu par la chambre
d’appel du TPIY dans l’affaire Gotovina, dans lequel la chambre a infirmé
les conclusions du jugement de première instance selon lesquelles le hdépart
des Serbes avait été provoqué par des attaques illégales surh les villes de
Knin, Benkovac, Gračac et Obrovac.
477. La Cour n’est saisie que de la question de savoir si un génocide a
été commis à l’occasion de l’opération « Tempête». Or, le déplacement
forcé d’une population, à le supposer établi, ne constituerahit pas en
lui-même l’élément matériel du génocide.
Comme la Cour l’a indiqué dans son arrêt de 2007 en l’affaire Bosnie‑
Herzégovine c. Serbie‑et‑Monténégro,
«[d]e telles mesures [de nettoyage ethnique] ne sauraient constituer une
forme de génocide au sens de la Convention que si elles correspondenth
à l’une des catégories d’actes prohibés par l’articleII de la Convention
ou relèvent de l’une de ces catégories. Ni l’intention, soush forme d’une
politique visant à rendre une zone « ethniquement homogène», ni les
opérations qui pourraient être menées pour mettre en œuvre phareille
politique ne peuvent, en tant que telles, être désignées par le terme de
génocide … ; la déportation ou le déplacement de membres apparte -
nant à un groupe, même par la force, n’équivaut pas néceshsairement à
la destruction dudit groupe… Cela ne signifie pas que les actes quih sont
décrits comme étant du « nettoyage ethnique » ne sauraient jamais
constituer un génocide, s’ils sont tels qu’ils peuvent être hqualifiés, par
exemple, de « [s]oumission intentionnelle du groupe à des conditions
d’existence devant entraîner sa destruction physique totale ou par -
tielle», en violation du litt. c) de l’article II de la Convention, sous
réserve que pareille action soit menée avec l’intention spéchifique
(dolus specialis) nécessaire, c’est-à-dire avec l’intention de détruire le
groupe, et non pas seulement de l’expulser de la région. » (Application
de la convention pour la prévention et la répression du crime de ▯ nocide
(Bosnie‑Herzégovine c. Serbie‑et‑Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil
2007 (I), p. 123, par. 190 (italiques dans l’original).)
478. Combiné à d’autres éléments, et notamment à la commisshion
d’actes prohibés par l’article II, le déplacement forcé d’une population
peut contribuer à la preuve de l’intention génocidaire (voir lhes para -
graphes 162-163 ci-dessus).
479. En l’espèce, la Cour relève qu’il n’est pas contesté qhu’une partie
importante de la population serbe de la Krajina a fui cette région enh
conséquence directe des actions militaires conduites par les forces ahrmées
croates dans le cadre de l’opération « Tempête», notamment des tirs d’ar -
tillerie sur les quatre villes susnommées. Elle note aussi que le procès -
verbal de la réunion de Brioni, sur lequel elle reviendra plus loin (hvoir les
paragraphes 501-507 ci-après), fait apparaître que les plus hautes autori -
tés politiques et militaires croates étaient parfaitement conscienhtes que
140
7 CIJ1077.indb 276 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 139
majority of the Serb population was pursuant to a decision to evacuate
taken by the ‘RSK’s’ ‘Supreme Defence Council’”. Croathia cites the Judg -
ment of the ICTY Appeals Chamber in Gotovina, in which the Chamber
overturned the findings of the Trial Chamber that the Serb exodus had h
been provoked by unlawful attacks on the towns of Knin, Benkovac,
Gračac and Obrovac.
477. The only question facing the Court is whether genocide was com -
mitted during Operation Storm. The forced displacement of a population, h
even if proved, would not in itself constitute the actus reus of genocide.
As the Court stated in its 2007 Judgment in the Bosnia and Herzegov ‑
ina v. Serbia and Montenegro case,
“[ethnic cleansing] can only be a form of genocide within the meaningh
of the Convention, if it corresponds to or falls within one of the cat -
egories of acts prohibited by Article II of the Convention. Neither the
intent, as a matter of policy, to render an area ‘ethnically homogeneh -
ous’, nor the operations that may be carried out to implement such
policy, can as such be designated as genocide . . . [the] deportation or
displacement of the members of a group, even if effected by force, is
not necessarily equivalent to destruction of that group . . . This is not
to say that acts described as ‘ethnic cleansing’ may never constithute
genocide, if they are such as to be characterized as, for example,
‘deliberately inflicting on the group conditions of life calculatedh to
bring about its physical destruction in whole or in part’, contrary tho
Article II, paragraph (c), of the Convention, provided such action is
carried out with the necessary specific intent (dolus specialis), that is
to say with a view to the destruction of the group, as distinct from itsh
removal from the region.” (Application of the Convention on the Pre ‑
vention and Punishment of the Crime of Genocide (Bosnia and Herze ‑
govina v. Serbia and Montenegro), Judgment, I.C.J. Reports 2007 (I),
p. 123, para. 190 ; emphasis in the original.)
478. Combined with other elements, in particular with the commission
of acts prohibited by Article II, the forced displacement of a population
may contribute to the proof of genocidal intent (see paragraphs 162-163
above).
479. In the present case, the Court notes that it is not disputed that a
substantial part of the Serb population of the Krajina fled that regiohn as
a direct consequence of the military actions carried out by Croatian forhces
during Operation Storm, in particular the shelling of the four towns
referred to above. It further notes that the transcript of the Brioni mehet -
ing, to which it will return later (see paragraphs 501-507 below), makes it
clear that the highest Croatian political and military authorities were hwell
aware that Operation Storm would provoke a mass exodus of the Serb
140
7 CIJ1077.indb 277 18/04/16 08:54 140 application de convehntion génocide (arrêth)
l’opération « Tempête» provoquerait un exode massif de la population
serbe ; elles ont même fondé, en partie, leurs plans militaires sur l’hhypo -
thèse d’un tel exode, qu’elles tenaient non seulement pour probhable mais
pour souhaitable (voir le paragraphe 504 ci-après).
480. Quoi qu’il en soit, même s’il était établi que les autorités croates
avaient eu l’intention de procéder à un déplacement forcéh de la popula -
tion serbe de la Krajina, un tel déplacement ne serait susceptible deh
constituer l’élément matériel du génocide que s’il devhait entraîner la des-
truction physique, totale ou partielle, du groupe visé, ce qui le ferhait entrer
dans le champ du litt. c) de l’article II de la Convention.
La Cour constate que les éléments de preuve qui lui ont été hsoumis ne
lui permettent pas de parvenir à une telle conclusion. S’il y a euh une poli -
tique délibérée d’expulsion des Serbes de la Krajina, il n’hest pas établi en
tout cas qu’une telle politique aurait visé à provoquer la desthruction phy-
sique de la population en cause.
iii)Meurtre de Serbes fuyant en colonnes les villes attaquées
481. Selon la Serbie, les colonnes de Serbes qui fuyaient leurs habita -
tions ont été la cible de tirs d’artillerie, de bombardements aériens, de tirs
d’infanterie et même d’attaques de civils croates. C’est danhs les zones du
secteur nord que la majorité des attaques auraient eu lieu. La Serbieh se
fonde sur certains témoignages dont il résulte notamment qu’au hmatin
du 4 août 1995, c’est-à-dire au début de la prise de Knin, de longs convois
de réfugiés fuyant des municipalités voisines auraient traverséh Knin sous
les bombardements. Les routes empruntées par ces convois auraient éhté
délibérément bombardées par les forces croates, tout comme lh’auraient été
les convois de civils fuyant Knin le 5 août. La Serbie se réfère en outre aux
rapports de l’organisation Human Rights Watch et du CHC. Ce dernier
indique que les Serbes avaient déjà formé, le 6 août, une colonne fuyant
les forces croates ayant pris les villes de Knin, Obrovac et Benkovac,
dans le secteur sud. Des convois de réfugiés serbes se trouvant sur d’hautres
routes auraient également été attaqués et de telles attaques se seraient
également produites contre des civils à proximité des villes deh Glina et
Zivorac (sur la route entre Glina et Dvor), Maja et Cetingrad (dans lhe
secteur nord), ainsi que Vrhovine et Petrovac (dans le secteur sud). hA
l’appui de ses allégations, la Serbie fournit également douze déphosi -
tions de témoins faites devant les tribunaux de Serbie et de Bosnie -
Herzégovine.
La Croatie réfute ces accusations. Elle affirme que les civils fuyant les
villes et villages visés par l’opération militaire traversaienth des zones de
combat, de sorte qu’ils ont pu essuyer des tirs qui ne leur étaient pas des -
tinés, et que les colonnes qui ont essuyé des tirs comportaient d’hailleurs à
la fois des civils et des militaires.
La Croatie affirme en outre que la quasi -totalité des allégations du
défendeur sur cette question reposent sur le rapport du CHC, dont ellhe
conteste la fiabilité.
482. La Cour constate que le TPIY ne s’est pas penché sur la question
141
7 CIJ1077.indb 278 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 140
population; they even to some extent predicated their military planning
on such an exodus, which they considered not only probable, but desir -
able (see paragraph 504 below).
480. In any event, even if it were proved that it was the intention of the
Croatian authorities to bring about the forced displacement of the Serb
population of the Krajina, such displacement would only be capable of cohn -
stituting the actus reus of genocide if it was calculated to bring about the
physical destruction, in whole or in part, of the targeted group, thus bhrin -g
ing it within the scope of subparagraph (c) of ArticleII of the Convention.
The Court finds that the evidence before it does not support such a
conclusion. Even if there was a deliberate policy to expel the Serbs frohm
the Krajina, it has in any event not been shown that such a policy was
aimed at causing the physical destruction of the population in question.h
(iii) Killing of Serbs fleeing in columns from the towns under attack
481. According to Serbia, the columns of Serbs fleeing their homes
were targeted by artillery shelling and aerial bombardment, gunfire byh
infantry, and even attacks by Croatian civilians. It was in areas of Sechtor
North that the majority of the attacks are alleged to have taken place. h
Serbia relies on testimony that, in the morning of 4 August 1995, that is
to say, at the start of the attack on Knin, long convoys of refugees flheeing
neighbouring municipalities were shelled as they passed through Knin.
Serbia alleges that the roads followed by those convoys were deliberatelhy
shelled by Croatian forces, as were convoys of civilians fleeing Knin on
5 August. Serbia further cites Reports by Human Rights Watch and the
CHC. According to the latter, on 6 August, Serbs had already formed a
column fleeing the Croatian forces which had taken the towns of Knin, h
Obrovac and Benkovac in Sector South. Convoys of Serb refugees on
other roads were allegedly also attacked, and there were likewise attackhs
on civilians near the towns of Glina and Živorac (on the road betweehn
Glina and Dvor), Maja and Cetingrad (in Sector North), as well as on h
Vrhovine and Petrovac (in Sector South). In support of its allegationsh,
Serbia has also produced statements by 12 witnesses who testified before
the courts of Serbia and Bosnia and Herzegovina.
Croatia denies these accusations. It asserts that civilians fleeing thhe
towns and villages targeted by the military operation were passing
through combat zones, so that they could have been victims of gunfire h
not specifically directed at them, and that the columns that were fihred on
also included both civilians and soldiers.
Croatia further asserts that almost all of the Respondent’s allegatiohns
on this issue are based on the CHC Report, whose reliability it challenghes.
482. The Court notes that the ICTY did not address the question of
141
7 CIJ1077.indb 279 18/04/16 08:54 141 application de convehntion génocide (arrêth)
des attaques de Serbes fuyant en colonnes. Il lui appartient de se pronohn-
cer à cet égard sur la base des éléments de preuve qui lui ohnt été présentés
par les Parties.
483. Force est de constater que les éléments de preuve produits par la h
Serbie ne sont pas parfaitement concluants. En effet, comme la Cour l’ha
indiqué, elle ne peut regarder un fait comme établi sur la base exclusive
des rapports du CHC et de Human Rights Watch (voir plus haut, les
paragraphes 457-459). Les déclarations de témoins faites devant les tribu -
naux de Serbie et de Bosnie -Herzégovine n’attestent pas toujours d’une
connaissance directe des faits. En tout état de cause, ces élémhents laissent
subsister une large incertitude, notamment quant à l’échelle et à l’origine
des attaques subies par les colonnes de réfugiés serbes.
484. Toutefois, la Cour estime qu’il existe des éléments de preuve shuffi -
sants pour considérer établi que de telles attaques ont eu lieu, eht qu’une
partie d’entre elles ont été le fait des forces armées croathes ou ont été
perpétrées avec l’assentiment de celles-ci.
A cet égard, la Cour attache un certain poids au passage suivant
du rapport de M me Elisabeth Rehn, rapporteuse spéciale de la Commis -
sion des droits de l’homme, s’exprimant ainsi au sujet de l’opération
« Tempête»:
«Les civils en fuite ont été soumis à diverses formes de harcèhle -
ment, dont des attaques de militaires et de civils croates. Le 8 août,
le pilonnage d’une colonne de réfugiés entre Glina et Dvor a fahit au
moins 4 morts et 10 blessés. Le 9 août, à Sisak, la foule a attaqué à
coups de pierre une colonne de réfugiés serbes, blessant de nom -
breuses personnes, dont une femme qui n’a pas survécu à ses blehs -
sures. La police croate a assisté à l’incident sans broncher juhsqu’au
moment où des observateurs de police civile des Nations Unies sont
arrivés sur les lieux et l’ont incitée à intervenir. A Belgrhade, la Rap -
porteuse spéciale a rencontré quelques réfugiés de la Krajina. Ils lui
ont rapporté les circonstances tragiques de leur fuite, particulièhre -
ment traumatisante pour les enfants, les vieillards, les malades et les h
blessés.» (Nations Unies, doc. S/1995/933, p. 7, par. 18.)
En outre, la Cour accorde un crédit important à certaines déclarations,
citées par la Serbie, de personnes ayant attesté avoir une connaishsance
directe de telles attaques lors de témoignages recueillis par les trihbunaux
de Serbie et de Bosnie -Herzégovine dans les années qui ont suivi l’opéra -
tion « Tempête». En particulier, M. Boris Martinović a relaté que, ayant
fui Glina suite au bombardement de cette ville entre les 4 et 7 août 1995,
le convoi de réfugiés dans lequel il se trouvait avait rejoint un hconvoi de
personnes fuyant Knin et la région de Kordun, et que la colonne ainsih
formée avait été bombardée par l’armée croate près de Brezovo Polje,
puis de nouveau près de Gornji Zirovac. M. Mirko Mrkobrad, qui a été
cité comme témoin dans la présente affaire, a affirmé avoir hfait partie d’un
convoi de réfugiés ayant été la cible de tirs d’artillerihe de la part des forces
croates aux environs du lieu -dit Ravno Rasce le 8 août 1995.
142
7 CIJ1077.indb 280 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 141
attacks on columns of fleeing Serbs. It must rule in this regard on thhe
basis of the evidence presented to it by the Parties.
483. The Court finds that the evidence produced by Serbia is not
entirely conclusive. As it has indicated, the Court cannot consider a fact
proved solely on the basis of the Reports of CHC and Human Rights
Watch (see paragraphs 457-459 above). The statements of witnesses
before courts in Serbia and Bosnia and Herzegovina do not always dem -
onstrate direct knowledge of the facts. In any event, this evidence leavhes
a substantial degree of doubt, in particular regarding the scale and orihgin
of the attacks suffered by the columns of Serb refugees.
484. However, the Court considers that there is sufficient evidence to
establish that such attacks did take place, and that they were in part char-
ried out by Croatian forces, or with their acquiescence.
In this regard, the Court attaches some weight to the following passage h
from the Report of Mrs. Elisabeth Rehn, Special Rapporteur of the Com-
mission on Human Rights, in which she stated the following concerning
Operation Storm:
“Fleeing civilians were subject to various forms of harassment,
including military assaults and acts by Croatian civilians. OnAugust,
a refugee column was shelled between Glina and Dvor, resulting in
at least 4 dead and 10 wounded. A serious incident occurred in Sisak
on 9 August, when a Croatian mob attacked a refugee column with
stones, resulting in the injury of many persons. One woman subse -
quently died of her wounds. Croatian police watched passively until
United Nations civilian police monitors showed up and prompted
them to intervene. The Special Rapporteur met some Krajina refugees
in Belgrade. They informed her of the tragic circumstances of their
flight, which was particularly traumatic for children, the elderly, thhe
sick and wounded.” (United Nations doc. S/1995/933, p. 7, para. 18.)
The Court furthermore gives evidential weight to certain statements
cited by Serbia from persons who directly witnessed such attacks and
gave evidence before courts in Serbia and Bosnia and Herzegovina during h
the years following Operation Storm. In particular, Mr. Boris Martinović
described how, having fled Glina following the shelling of that town
between 4 and 7 August 1995, his refugee column joined another column
fleeing Knin and the region of Kordun, and how the entire convoy was
then shelled by the Croatian army near Brezovo Polje, and again near
Gornji Zirovac. Similarly, Mr. Mirko Mrkobrad, who appeared as a wit -
ness in the present case, stated that he had been in a refugee column,
which was shelled by Croat forces near a place called Ravno Rasce on
8 August 1995.
142
7 CIJ1077.indb 281 18/04/16 08:54 142 application de convehntion génocide (arrêth)
485. La conclusion de la Cour est que des meurtres ont bien été com -
mis lors de la fuite des réfugiés en colonnes, même si elle n’est pas en
mesure d’en évaluer le nombre, et qu’il subsiste un doute imporhtant sur
leur caractère systématique. Ces meurtres, entrant dans le champ dhu
litt.a) de l’article II de la convention sur le génocide, constituent l’élé -
ment matériel du génocide.
iv) Meurtre des Serbes restés dans les zones de la Krajina protégée▯s
par les Nations Unies
486. La Serbie soutient que pendant l’opération «Tempête», et une fois
celle-ci officiellement terminée, les unités croates ont procédé hdans les
zones protégées par les Nations Unies (ZPNU) en RSK à l’exhécution sys-
tématique de civils serbes ainsi que de soldats ayant rendu les armes. Elle
allègue que, si l’essentiel des massacres a été commis en aohût1995, ceux-ci
se sont poursuivis jusqu’à la fin de l’année 1995, les forces croates ayant
alors procédé au massacre systématique des Serbes qui n’avaihent pas fui les
villages attaqués. Le défendeur admet que, si l’essentiel des massacres
ayant eu lieu dans le secteur sud est, selon lui, à présent bien éhtabli et
répertorié, les informations disponibles à propos de ceux perpétrés dans le
secteur nord sont plus parcellaires. Il soutient toutefois que les forcehs
croates ont procédé à l’exécution systématique des civils serbes restés dans
les ZPNU, tant dans le secteur sud que dans le secteur nord. Il se réhfère
notamment aux conclusions de la chambre de première instance en l’af -
faire Gotovina, qui confirmeraient selon lui que les forces militaires croates
et la police spéciale ont continué à prendre la population civihle serbe de la
Krajina pour cible après l’opération « Tempête» et ont commis pendant
les mois d’août et septembre 1995 plus de quarante homicides identifiés.
La Croatie conteste ces allégations. Elle affirme que, s’il est vhrai que des
crimes ont été commis à l’encontre des Serbes pendant l’ohpération «Tem-
pête» et immédiatement après celle -ci, il s’agissait d’actes isolés, dont les
auteurs ont été condamnés par la justice croate. Il n’y aurait pas eu, en
revanche, de meurtres systématiques des Serbes restés dans les ZPNhU. La
Croatie conteste en outre la fiabilité du rapport du CHC, sur lequehl sont
fondées, dans une large part, les allégations de la Serbie.
487. La Cour constate que le fait que des exécutions sommaires de
Serbes ont eu lieu dans les ZPNU au cours de l’opération « Tempête» et
dans les semaines qui ont suivi est établi par plusieurs témoignaghes de
personnes entendues par le TPIY dans le cadre de l’affaire Gotovina.
488. La chambre de première instance a été suffisamment convaincue h
par ces éléments de preuve pour regarder comme établi le fait qhue les
forces militaires et la police spéciale de Croatie ont commis des meuhrtres
de Serbes dans au moins sept villes de la Krajina.
Ainsi, elle a considéré comme établis les meurtres de quatre Sehrbes par
un ou des membres de la police spéciale croate le 7 août 1995 à Oraovac,
dans la municipalité de Donji Lapac (voir jugement Gotovina, par. 217-218),
ainsi que ceux de trois personnes par des membres de l’armée croathe dans
143
7 CIJ1077.indb 282 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 142
485. The Court’s conclusion is that killings were in fact committed
during the flight of the refugee columns, even if it is unable to detehrmine
their number, and even though there is significant doubt as to whetherh
they were carried out systematically. These killings, which fall within hthe
scope of subparagraph (a) of Article II of the Genocide Convention,
constitute the actus reus of genocide.
(iv) Killing of Serbs having remained in the areas of the Krajina
protected by the United Nations
486. Serbia contends that during Operation Storm, and after it had
been officially terminated, Croatian units in the United Nations protechted
areas (UNPAs) within the RSK systematically carried out executions of h
Serb civilians and of soldiers who had laid down their arms. It alleges h
that, while the majority of the killings were committed in August 1995,
they continued until the end of the year, during which time Croatian
forces systematically massacred Serbs who had not fled the captured vil -
lages. The Respondent admits that, while the majority of killings which
took place in Sector South are, in its view, now well established and
recorded, the information available regarding those perpetrated in Sectohr
North is more fragmentary. It maintains, however, that Croatian forces
carried out systematic executions of Serb civilians having remained in the
UNPAs both in the southern and in the northern sectors. It refers in parh-
ticular to the findings of the Trial Chamber in the Gotovina case, which it
says confirm that Croatian military units and special police continuedh to
target the Serb civilian population of the Krajina after Operation Stormh
and committed more than 40 specified murders in August and Septem -
ber 1995.
Croatia disputes these allegations. It admits that crimes were commit -
ted against Serbs during Operation Storm and in its immediate aftermath,h
but contends that these were isolated acts, whose perpetrators have beenh
convicted by the Croatian courts ; on the contrary, there were no system -
atic killings of Serbs who had remained in the UNPAs. Croatia further
challenges the reliability of the CHC Report, on which Serbia’s allegha -
tions are largely founded.
487. The Court finds that the occurrence of summary executions of
Serbs in the UNPAs during Operation Storm and the following weeks has
been established by the testimony of a number of witnesses heard by the
ICTY in the Gotovina case.
488. The Trial Chamber was sufficiently convinced by that evidence to
accept it as proof that Croatian military units and special police carrihed
out killings of Serbs in at least seven towns of the Krajina.
Thus, the Chamber considered it established that four Serbs were killed h
by one or more members of the Croatian special police on 7 August 1995
in Oraovac, Donji Lapac municipality (see Gotovina Trial Judgment,
paras. 217-218), and that three people were killed by members of the Cro-
143
7 CIJ1077.indb 283 18/04/16 08:54 143 application de convehntion génocide (arrêth)
la municipalité d’Evernik (deux le 7 août 1995 dans le village de Mokro
Polje et un aux environs du 18 août dans le village d’Oton Polje) (voir
jugement Gotovina, par. 226-227 et 231 -232). Elle a également considéré
comme établis les meurtres par des membres de l’armée croate deh trois
personnes à Gračac, dans le village de Zarmja, en août et septehmbre1995
(ibid., par. 246 et 254-256), d’une personne à Kistanje, dans le village de
Rudele, au début du mois d’août 1995 (ibid., par. 312), ainsi que d’une
personne à Kolarina, dans la municipalité de Benkovac, le 28 sep-
tembre 1995 (ibid., par. 207 et 1848). Enfin, elle a regardé comme établi
que les municipalités de Knin et d’Orlič ont été le théâtre d’un certain
nombre de meurtres commis par les forces militaires et la police spéchiale de
Croatie, avec un total de 23 victimes à Knin entre les 5 et 25 août 1995
(ibid., par. 313-481) et neuf à Orlič le 6 août de la même année (ibid.,
par. 489-526). La chambre de première instance a constaté que les victimesh
étaient toutes des civils ou des personnes détenues, ou autrement hplacées
hors de combat (ibid., par. 1733 et 1849).
489. Si les rapports des organisations non gouvernementales CHC et
Veritas ne peuvent être regardés comme suffisamment crédibles hpour per -
mettre d’établir le nombre de victimes civiles serbes dans les ZPNhU, leurs
conclusions corroborent, cependant, l’existence d’exécutions sommaires.
Au surplus, la Croatie elle-même a admis l’existence de certains meurtres.
490. La Cour note que, si la chambre d’appel a infirmé le jugement deh
première instance, elle n’a pas contredit les constatations de faiht de la
chambre de première instance en ce qui concerne les meurtres et les mhau -
vais traitements infligés à des Serbes par des membres de l’ahrmée ou de la
police croate. Son raisonnement, qui a été résumé plus haut dans le pré -
sent arrêt, a été fondé sur le fait que le caractère indihscriminé des tirs
d’artillerie sur les «uatre villes » n’avait pas été correctement établi par
la chambre de première instance et ne pouvait pas l’être sur lah base des
éléments de preuve à la disposition de la chambre d’appel, et qu’en consé-
quence l’existence d’une entreprise criminelle commune visant à expulser
les Serbes de la Krajina n’était pas démontrée. En statuant ainsi, la
chambre d’appel ne s’est pas prononcée, parce qu’elle n’ehn avait pas
besoin, sur les divers actes particuliers de meurtres et de mauvais traite -
ments relevés — et considérés comme établis — par la chambre de pre-
mière instance. Il y a lieu d’insister, à cet égard, sur le hfait que la chambre
d’appel devait se prononcer sur la responsabilité pénale indivihduelle des
deux hauts gradés croates qui étaient accusés, et non pas sur chelle d’autres
membres des forces armées et de police croates ayant commis des crimehs
à l’occasion de l’opération « Tempête», et encore moins, évidemment, sur
la responsabilité internationale de la Croatie, ce qui est la tâchhe qui
incombe à la Cour.
491. La Cour estime donc que les conclusions de fait qui figurent dans
le jugement de la chambre de première instance au sujet des meurtres hde
Serbes commis pendant et après l’opération « Tempête» dans les ZPNU
sont de celles qu’elle doit admettre comme « hautement convaincantes »,
dès lors qu’elles n’ont pas été « infirmées en appel » ( Application de
144
7 CIJ1077.indb 284 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 143
atian army in Evernik municipality (two on 7 August 1995 in the village
of Mokro Polje and one on or about 18 August in the village of Oton
Polje) (Gotovina Trial Judgment, paras.226-227, 231-232). It also regarded
as proved the killing by members of the Croatian army of three people inh
the village of Zrmanja, Gračac municipality, in August and September h
1995 (ibid., paras. 246, 254-256), of one person in the village of Rudele,
Kistanje municipality, at the start of August 1995 (ibid., para. 312), and
of one person in Kolarina, in the Benkovac municipality, on 28 Septem-
ber 1995 (ibid., paras. 207, 1848). Lastly, it considered it established that
a certain number of killings were committed in the municipalities of Knihn
and Orlič by Croatian military units and special police, with a totalh of
23 victims in Knin between 5 and 25 August 1995 (ibid., paras. 313-481)
and nine in Orlič on 6 August of the same year (ibid., paras. 489-526).
The Trial Chamber found that the victims were all civilians or people
who had been detained or otherwise placed hors de combat (ibid.,
paras.1733, 1849).
489. While the Reports of the non -governmental organizations CHC
and Veritas cannot be regarded as sufficiently credible to establish thhe
numbers of Serb civilian victims in the UNPAs, their findings nonethelhess
corroborate other evidence that summary executions occurred. More -
over, Croatia itself has admitted that some killings did take place.
490. The Court notes that, although the Appeals Chamber overturned
the Trial Chamber’s Judgment, it did not reverse the latter’s facthual find-
ings regarding the killings and illreatment of Serbs by members of the
Croatian army and police. Its reasoning, which is summarized above, was h
based on the fact that the Trial Chamber had erred in finding that theh
shelling of the “four towns” had been indiscriminate ; that the shelling
could not have been found to have been indiscriminate on the basis of thhe
evidence before the Appeals Chamber ; and that accordingly the existence
of a joint criminal enterprise to expel the Krajina Serbs had not been
established. In so ruling, the Appeals Chamber made no finding, becaushe
it had no need to do so, on the various individual acts of killing and
ill-treatment noted — and regarded as proved — by the Trial Chamber.
It should be emphasized in this regard that the task of the Appeals Cham-
ber was to rule on the individual criminal responsibility of two high-rank-
ing Croatian officials, and not on that of other members of the Croatiahn
armed forces and police having committed crimes during Operation
Storm, and — obviously — still less on the international responsibility of
Croatia, which is the task incumbent upon this Court.
491. The Court accordingly considers that the factual findings in the
Trial Chamber Judgment on the killing of Serbs during and after Opera -
tion Storm within the UNPAs must be accepted as “highly persuasive”h,
since they were not “upset on appeal” ( Application of the Convention on
the Prevention and Punishment of the Crime of Genocide (Bosnia and Her ‑
144
7 CIJ1077.indb 285 18/04/16 08:54 144 application de convehntion génocide (arrêth)
la convention pour la prévention et la répression du crime de géno▯cide
(Bosnie‑Herzégovine c. Serbie‑et‑Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil
2007 (I), p. 134, par. 223).
me
492. En outre, la Cour relève aussi que le rapport déjà cité de Mh Eli-
sabeth Rehn, présenté à l’Assemblée générale et au Conseil de sécurité,
s’exprime ainsi:
«Selon les éléments d’appréciation recueillis jusqu’ici, lhes viola -
tions des droits de l’homme et du droit humanitaire commises pen -
dant et après l’opération «Storm» ont pris les formes suivantes :
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . h . . . . . . . . . . . . . .
c) Meurtres de civils serbes restés sur place… » (Nations Unies,
doc. S/1995/933, p. 8, par. 23.)
493. La Cour conclut que des actes entrant dans le champ du litt. a) de
l’articleII de la convention sur le génocide ont été commis par des
membres des forces armées croates à l’encontre de certains civihls serbes et
de soldats ayant rendu les armes, demeurés dans les zones dont l’armée
croate a pris le contrôle lors de l’opération «Tempête». Ces actes, en tant
que « meurtres», constituent l’élément matériel du génocide.
v) Mauvais traitements infligés aux Serbes pendant et après l’op▯éra ‑
tion «Tempête»
494. La Serbie allègue que, pendant et immédiatement après l’opéra -
tion « Tempête», nombre de Serbes ont été victimes de mauvais traite -
ments et d’actes de torture de la part des forces croates. Elle s’happuie sur
les déclarations de plusieurs personnes ayant témoigné devant dhes tribu-
naux en Serbie, ainsi que sur les divers rapports disponibles au sujet dhe
l’opération « Tempête». Elle renvoie également aux conclusions de la
chambre de première instance en l’affaire Gotovina, qui confirmeraient
selon elle que les forces militaires croates et la police spéciale seh seraient
livrées pendant les mois d’août et septembre 1995 à de nombreux actes
inhumains et traitements cruels à l’encontre de Serbes.
La Croatie réfute ces accusations. Elle conteste le caractère probhant des
éléments de preuve produits par la Serbie ainsi que l’ampleur dhes actes
invoqués par cette dernière. Elle insiste sur le fait qu’en touht état de cause
les dirigeants croates, et notamment le président Tudjman, n’ont shelon
elle jamais eu l’intention de détruire les Serbes de la Krajina.
495. Les mêmes considérations que celles qui ont été exposées,h au
point précédent, au sujet des allégations de meurtres de Serbesh dans les
ZPNU conduisent la Cour à regarder comme suffisamment établie l’hexis -
tence de mauvais traitements à l’encontre de Serbes. De tels actesh ont
été retenus par la chambre de première instance du TPIY dans l’affaire h
Gotovina, qui a considéré comme établi le fait que les forces militairehs et
la police spéciale de Croatie ont infligé des mauvais traitemenths à des
civils serbes et à des soldats ayant rendu les armes dans au moins quatre
villes de la Krajina, actes qu’elle décrit en détail dans le chapitre4 de son
jugement.
145
7 CIJ1077.indb 286 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 144
zegovina v. Serbia and Montenegro), Judgment, I.C.J. Reports 2007 (I),
p. 134, para. 223).
492. In addition, the Court also notes that the Report presented by
Mrs. Elisabeth Rehn to the General Assembly and the Security Council,
which it has already cited, states the following :
“Evidence gathered so far indicates that violations of human rights
and humanitarian law which were committed during and after Oper -
ation Storm include the following :
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . h . . . . . . . . . . . . . .
(c) Killing of remaining Serb civilians . . .” (United Nations doc. S/
1995/933, p. 8, para. 23.)
493. The Court finds that acts falling within subparagraph (a) of Arti-
cle II of the Genocide Convention were committed by members of the
Croatian armed forces against a number of Serb civilians, and soldiers
who had surrendered, who remained in the areas of which the Croatian
army had taken control during Operation Storm. Those acts are “kill -
ings” constituting the actus reus of genocide.
(v) Ill‑treatment of Serbs during and after Operation Storm
494. Serbia alleges that, during and immediately after Operation
Storm, a number of Serbs were ill -treated and tortured by Croatian
forces. It relies on statements by several individuals having testifiehd before
courts in Serbia, as well as on the various available reports on Operatihon
Storm. It also cites the findings of the Trial Chamber in the Gotovina case,
which purportedly confirm that Croatian military units and special polhice
carried out a large number of inhumane acts and acts of cruel treatment h
against Serbs throughout August and September 1995.
Croatia denies these charges. It contests both the probative value of thhe
evidence produced by Serbia and the scale of the acts invoked. It insisths
that, in any event, it was never the intention of the Croatian leadershihp,
and of President Tudjman in particular, to destroy the Krajina Serbs.
495. The same considerations as those set out in the previous section
regarding the allegations of killings of Serbs in the UNPAs lead the Couhrt
to the view that there is sufficient evidence of ill -treatment of Serbs. The
ICTY Trial Chamber in the Gotovina case found that such acts had in
fact taken place, and considered it as established that Serb civilians and
soldiers who had laid down their arms were ill -treated by Croatian mili -
tary units and special police in at least four towns in the Krajina ; it
describes these acts in detail in Section 4 of its Judgment.
145
7 CIJ1077.indb 287 18/04/16 08:54 145 application de convehntion génocide (arrêth)
Ainsi, la chambre de première instance a considéré comme étahbli le fait
qu’un civil serbe du nom de Konstantin Drča a été arrêtéh devant chez lui
autour de 16 h 30 le 11 août 1995 par des personnes en uniforme dotées de
fusils automatiques, transporté dans une maison à Benkovac, où hil a été
détenu jusqu’au 15 mars 1996. Au cours de sa détention, des membres de
la police militaire croate (VP) l’ont battu à plusieurs reprisesh et ont menacé
de lui trancher la gorge (voir jugement Gotovina,par. 1111). La chambre a
également considéré que, à Gračac, un civil du nom de Boghdan Brkić a été
victime de mauvais traitements de la part de membres de l’armée crhoate
(HV), qui l’ont attaché à un arbre et lui ont causé des dohuleurs en faisant
brûler du textile immédiatement sous lui (voir ibid., par. 1120). A Knin, le
5 août 1995 et durant les jours qui ont suivi, dix personnes serbes ont été
battues, souvent sévèrement, menacées, et victimes de blessuresh et de mau -
vais traitements par des membres de la police militaire et de l’arméhe croates
(voir ibid., par. 316, 322, 476, 1136, 1138, 1141 et 1146). Il s’agissait de
civils ou de soldats ayant rendu les armes. A Orlić, le 16 août 1995, des
membres des forces militaires ou de la police spéciale de Croatie ont tenté
de brûler une vieille femme serbe (voir ibid., par. 1158).
La chambre de première instance a qualifié ces actions d’«h actes inhu-
mains» et de «traitement cruel» (voir ibid., par. 1800). Ces conclusions de
fait n’ont pas été infirmées par la chambre d’appel pour les mêmes raisons
que celles exposées précédemment.
Dans son rapport, la rapporteuse spéciale de la Commission des droits
de l’homme a inclus, parmi les « violations des droits de l’homme et du
droit humanitaire commises pendant et après l’opération «Storm»», des
« menaces et mauvais traitements à l’encontre de la population minorhi -
taire serbe de la part des militaires et policiers mais aussi des civilsh
croates » (Nations Unies, doc. S/1995/993, p. 8, par. 23).
496. Il ressort de la description détaillée qui figure dans le jugemehnt de
première instance du TPIY en l’affaire Gotovina que nombre des actes en
question atteignent au moins le degré de gravité qui permet de les faire
entrer dans la catégorie mentionnée au litt. b) de l’article II de la conven-
tion sur le génocide.
Compte tenu de la conclusion qui précède, la Cour n’estime pas hnéces-
saire, à ce stade de son raisonnement, de se prononcer sur le point dhe
savoir si ces actes, ou certains d’entre eux, équivalent aussi àh la «soumis-
sion intentionnelle du groupe à des conditions d’existence devant entraîner
sa destruction physique totale ou partielle» au sens dulitt. c) de l’article II
de la Convention.
vi) Destruction et pillage à grande échelle de biens appartenant aux
Serbes pendant et après l’opération « Tempête»
497. La Serbie soutient que, pendant et immédiatement après l’opéhra-
tion « Tempête», les forces croates ont systématiquement pillé et détruit h
les maisons serbes. Selon le défendeur, lesdites forces ont égalemhent
abattu et brûlé le bétail, souillé et détruit les puits, het volé le bois de -hauf
146
7 CIJ1077.indb 288 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 145
Thus, the Trial Chamber considered it established that a Serb civilian
by the name of Konstantin Drča was arrested outside his home at arounhd
4.30 p.m. on 11 August 1995 by people in uniform armed with automatic
rifles, and transported to a house in Benkovac, where he was held untihl
15 March 1996. During his detention, members of the Croatian military
police (VP) beat him several times and threatened to slit his throat (hGoto‑
vina Trial Judgment, para. 1111). The Chamber also found that, in
Gračac, a civilian by the name of Bogdan Brkić was the victim of ih- lltreat-
ment by members of the Croatian army (HV), who tied him to a tree, put
some textiles underneath him, and set them alight, causing him pain (ibid.,
para. 1120). In Knin, on 5 August 1995 and in the days that followed, ten
Serbs were — often severely — beaten, threatened, injured and ill-treated
by members of the Croatian military police and army (ibid., paras. 316,
322, 476, 1136, 1138, 1141, 1146). The victims were civilians or soldiehrs
who had laid down their arms. In Orlič, on 16 August 1995, members of
Croatian military units or special police attempted to burn an elderly
Serb woman (ibid., para. 1158).
The Trial Chamber described these actions as “inhumane acts” and
“cruel treatment” ( ibid., para. 1800). For the reasons given above, the
Appeals Chamber did not upset those findings.
In her Report, the Special Rapporteur of the Commission on Human
Rights included among the “violations of human rights and humanitariahn
law which were committed during and after Operation Storm”, “[t]hrheats
and ill-treatment against the Serb minority population by Croatian sol -
diers and policemen and also by Croatian civilians” (United Nations h
doc. S/1995/993, p. 8, para. 23).
496. It is clear from the detailed description in the ICTY Trial Cham -
ber Judgment in the Gotovina case that many of the acts in question were
at least of a degree of gravity such as would enable them to be charactehr-
ized as falling within subparagraph (b) of Article II of the Genocide
Convention.
In light of the preceding conclusion, the Court does not consider it
necessary, at this stage of its reasoning, to determine whether those achts,
or certain of them, also amounted to “deliberately inflicting on thhe group
conditions of life calculated to bring about its physical destruction inh
whole or in part” within the meaning of subparagraph (c) of Article II of
the Convention.
(vi) Large‑scale destruction and looting of Serb property during and
after Operation Storm
497. Serbia contends that, during and immediately after Operation
Storm, Croatian forces systematically looted and destroyed Serb houses. h
They are also alleged to have killed and burned livestock, polluted and h
destroyed wells and stolen stocks of firewood in Serb villages. Croatia
146
7 CIJ1077.indb 289 18/04/16 08:54 146 application de convehntion génocide (arrêth)
fage se trouvant dans les villages serbes. La Croatie conteste l’ampleur
des actes invoqués par la Serbie, et considère que, en tout étaht de cause, le
défendeur n’a pas établi que le Gouvernement croate ait de quelhque façon
que ce soit planifié, ordonné, commis ou encouragé de tels achtes. Elle
ajoute que pareils actes ne sauraient constituer l’élément matériel du
génocide au sens de l’article II de la Convention.
498. La Cour rappelle que, pour entrer dans le champ d’application du
litt. c) de l’article II de la convention sur le génocide, les actes allégués par
la Serbie devraient être tels qu’ils auraient soumis le groupe prohtégé à des
conditions d’existence devant entraîner sa destruction physique, thotale ou
partielle. La Cour constate que les éléments de preuve qui lui ont été sou -
mis ne lui permettent pas de parvenir à une telle conclusion en l’hespèce. Si
des biens appartenant à des Serbes ont été pillés et détrhuits, il n’est en tout
cas pas établi que de tels pillages ou destructions auraient visé hà provoquer
la destruction physique de la population serbe de la Krajina.
Conclusion concernant l’existence de l’élément matériel d▯u génocide
499. Au vu de ce qui précède, la Cour est pleinement convaincue que,
pendant et après l’opération « Tempête», les forces armées et de police
croates ont commis à l’encontre de la population serbe des actes ehntrant
dans le champ des litt. a) et b) de l’article II de la convention sur le géno-
cide, actes constituant l’élément matériel du génocide.
Il y a donc lieu pour la Cour de rechercher si l’existence de l’inhtention
spécifique (dolus specialis)qui caractérise le génocide est établie en
l’espèce.
2) L’élément intentionnel du génocide (dolus specialis)
500. La Serbie soutient que les actes commis par la Croatie à l’encontrhe
de la population serbe de la Krajina et entrant, selon elle, dans les cahtégo -
ries visées aux litt.a), b) et c) de l’article II de la convention sur le géno -
cide l’ont été dans l’intention de détruire les Serbes deh la Krajina, partie
substantielle du groupe national et ethnique des Serbes de Croatie.
Selon elle, l’existence de cette intention génocidaire peut être déduite,
d’une part, des termes mêmes du procès -verbal de la réunion tenue à
Brioni le 31 juillet 1995, d’autre part et en tout état de cause, de la ligne
de conduite que fait apparaître l’ensemble des actions décidéhes et mises en
œuvre par les autorités croates, lors de l’opération « Tempête» et immé -
diatement après, ligne de conduite qui est telle qu’elle ne peut qhue dénoter
l’existence d’une intention génocidaire.
a) Le procès‑verbal de la réunion de Brioni
501. Le 31 juillet 1995 s’est tenue sur l’île de Brioni une réunion des
principaux chefs militaires croates, sous la présidence du présidehnt de la
République de Croatie Franjo Tudjman, en vue de préparer l’opération
«Tempête», laquelle a été effectivement lancée quelques jours plus tahrd.
147
7 CIJ1077.indb 290 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 146
disputes the scale of the acts alleged by Serbia and argues that, in anyh
event, the Respondent has failed to show that the Croatian Government
in any way planned, ordered, committed or encouraged such acts. More -
over, according to Croatia, such acts cannot constitute the actus reus of
genocide within the meaning of Article II of the Convention.
498. The Court recalls that, in order to come within the scope of Arti -
cle II (c) of the Genocide Convention, the acts alleged by Serbia must
have been such as to have inflicted on the protected group conditions hof
life calculated to bring about its physical destruction in whole or in phart.
The Court finds that the evidence before it does not enable it to reachh
such a conclusion in the present case. Even if Serb property was looted h
and destroyed, it has in any event not been established that this was
aimed at bringing about the physical destruction of the Serb population h
of the Krajina.
Conclusion as to the existence of the actus reus of genocide
499. In light of the above, the Court is fully convinced that, during and
after Operation Storm, Croatian armed forces and police perpetrated actsh
against the Serb population falling within subparagraphs (a) and (b) of
Article II of the Genocide Convention, and that these acts constituted the
actus reus of genocide.
The Court must accordingly now determine whether the existence of
the specific intent (dolus specialis) which characterizes genocide has been
established in the present case.
(2) The genocidal intent (dolus specialis)
500. Serbia contends that the acts perpetrated by Croatia against the
Serb population of the Krajina and allegedly falling within subpara -
graphs (a), (b) and (c) of Article II of the Genocide Convention were
committed with the intent of destroying the Krajina Serbs, a substantialh
part of the national and ethnical group of the Serbs in Croatia.
According to Serbia, the existence of that genocidal intent can be
inferred, first, from the actual language of the transcript of the meehting
held at Brioni on 31 July 1995, and secondly, and in any event, from the
pattern of conduct that is apparent from the totality of the actions dechided
upon and implemented by the Croatian authorities during and immedi -
ately after Operation Storm — a pattern of conduct such that it can only
denote the existence of genocidal intent.
(a) The Brioni Transcript
501. On 31 July 1995 a meeting of Croatia’s top military leaders was
held on the island of Brioni under the chairmanship of the President of h
the Republic of Croatia, Franjo Tudjman, in order to prepare Operation
Storm, which was indeed launched a few days later.
147
7 CIJ1077.indb 291 18/04/16 08:54 147 application de convehntion génocide (arrêth)
Le procès-verbal intégral des discussions qui se sont déroulées lors de
cette réunion, et qui avaient été enregistrées, a été hproduit devant le TPIY
dans le cadre de la procédure de l’affaire Gotovina , puis produit par la
Serbie devant la Cour pour les besoins de la présente affaire. Sauf àh
quelques rares moments de la réunion, les propos tenus par les partichi -
pants ont pu être transcrits dans ce procès -verbal.
502. Selon la Serbie, plusieurs passages du procès-verbal démontrent la
volonté des autorités croates, au plus haut niveau, d’éliminher physique -
ment les Serbes de la Krajina.
La Serbie s’appuie sur les passages suivants.
Au début de la réunion, le président Tudjman s’est exprimé ainsi :
«Par conséquent, nous devrions laisser l’Est totalement de côtéh et
régler la question du Sud et du Nord.
Comment allons -nous procéder ? C’est l’objet de notre discussion
d’aujourd’hui. Nous devons infliger aux Serbes de telles pertes hque, dans
les faits, ils disparaîtront, autrement dit, les secteurs que nous ne pren
drons pas immédiatement devront capituler dans les jours qui suivent.h »
Plus tard dans la discussion, le président croate a ajouté : «Je vous prie,
Messieurs, de ne pas oublier combien de villes et de villages croates ont
été détruits, mais que Knin est toujours épargnée… »
Un peu plus loin encore, il a affirmé :
« Comme je l’ai dit, comme nous l’avons dit, ils doivent pouvoir
fuir par ici… Parce qu’il est important que les civils s’en ailhlent, et
ensuite, l’armée les suivra et lorsque les colonnes se mettront enh
marche, ils s’influenceront mutuellement sur le plan psychologique.h»
A cela le général Gotovina a répondu :
«De nombreux civils sont déjà en train de quitter Knin en direc -
tion de Banja Luka ou Belgrade. Cela signifie que, si nous mainte-
nons cette pression, dans quelque temps il n’y aura probablement
plus beaucoup de civils, seuls resteront ceux qui ne peuvent faire
autrement, ceux qui n’ont pas la possibilité de partir. »
Un peu plus tard, le fils du président, Miroslav Tudjman, a quant à lui
déclaré: «Il est réaliste de supposer que, lorsque ce sera réglé et que lheurs
forces [les forces armées des Serbes] se seront retirées [de la Krhajina], il
leur faudra dix jours pour se préparer. Dans ce délai, nous auronsh nettoyé
tout le secteur. »
Enfin, le président Tudjman s’est exprimé en ces termes : « Si nous en
avions les moyens, je préconiserais également de tout détruire hpar des
bombardements avant de progresser. »
503. La Croatie conteste l’interprétation faite par la Serbie du procès -
verbal de Brioni. Selon le demandeur, les discussions de Brioni ont porthé
exclusivement sur des questions militaires et stratégique: il s’agissait de pla
nifier l’opération «empête» de la manière la plus efficace, et non de régler
148
7 CIJ1077.indb 292 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 147
The full transcript of the discussions at that meeting, which were
recorded, was produced before the ICTY during the Gotovina proceed -
ings, then produced by Serbia before the Court for purposes of the pres-
ent case. With a few isolated exceptions, the actual words of the
participants are reproduced in that transcript.
502. According to Serbia, several passages from the transcript demon -
strate the intention of the Croatian authorities, at the highest level, h
physically to eliminate the Krajina Serbs.
Serbia relies on the following passages.
At the start of the meeting President Tudjman is quoted as follows :
“Therefore, we should leave the east totally alone, and resolve the
question of the south and north.
In which way do we resolve it ? This is the subject of our discussion
today. We have to inflict such blows that the Serbs will to all practih -
cal purposes disappear, that is to say, the areas we do not take at onceh
must capitulate within a few days.”
Later on in the discussion the Croatian President further stated : “And,
particularly, gentlemen, please remember how many Croatian villages
and town have been destroyed, but that’s still not the situation in Khnin
today . . .”
At a later point, he continued :
“But I said, and we’ve said it here, that they should be given a way
out here . . . Because it is important that those civilians set out, and
then the army will follow them, and when the columns set out, they
will have a psychological impact on each other.”
To which General Gotovina replied :
“A large number of civilians are already evacuating Knin and head -
ing towards Banja Luka and Belgrade. That means that if we continue
this pressure, probably for some time to come, there won’t be so manyh
civilians justthose who have to stay, who have no possibility of leav-
ing.”
A little later, the President’s son, Miroslav Tudjman, stated : “[I]t is
realistic to expect that when this is cleared and their forces [Serb armhed
forces] pulled out [from the Krajina] then they can prepare after ten dahys.
In that time we will clear the entire area.”
Finally, President Tudjman said : “[I]f we had enough [ammunition],
then I too would be in favour of destroying everything by shelling priorh
to advancing.”
503. Croatia disputes Serbia’s interpretation of the Brioni Transcript.
According to the Applicant, the Brioni discussions related exclusively tho
military and strategic issues: it was a matter of planning Operation Storm
in the most effective way, rather than settling the fate of the Serb popuhla -
148
7 CIJ1077.indb 293 18/04/16 08:54 148 application de convehntion génocide (arrêth)
le sort de la population serbe vivant dans la Krajina. Seule une lecture orien-
tée de certains passages sortis de leur contexte pourrait suggérer, impropre -
ment selon la Croatie, l’existence d’un plan visant à détruihre la population
civile. La Croatie ajoute que telle a d’ailleurs été la conclushion tant de la
chambre de première instance que de la chambre d’appel du TPIY au hsujet
du sens et de la portée du procès-verbal de Brioni, dans l’affaireGotovina.
504. La Cour n’est pas convaincue par les arguments que la Serbie pré -
tend pouvoir tirer du procès-verbal de la réunion de Brioni.
De l’avis de la Cour, les passages cités ci -dessus, et qui sont tirés du
procès-verbal d’une réunion qui a duré au total près de deux heuresh, sont
loin de prouver l’intention des dirigeants croates de détruire phyhsique -
ment le groupe des Serbes de Croatie, ou la partie substantielle de ce
groupe, que constituaient les Serbes vivant dans la Krajina.
La formule du président Tudjman, dont la Serbie fait grand cas, selon
laquelle l’objectif des forces croates devrait être d’« infliger aux Serbes de
telles pertes que, dans les faits, ils disparaîtront » doit se lire dans son
contexte, et tout particulièrement à la lumière de ce qui suit himmédiate -
ment: «autrement dit, les secteurs que nous ne prendrons pas immédiate -
ment devront capituler dans les jours qui suivent ». Prise dans son
ensemble, cette phrase suggère bien davantage la fixation d’un ohbjectif
militaire que la volonté de détruire physiquement un groupe humainh.
Le fait que le président ait ensuite demandé aux personnes préshentes de
« ne pas oublier combien de villes et de villages croates [avaie]nt été
détruits» et leur ait rappelé que Knin «était toujours épargnée» ne prouve
pas non plus une intention, de la part de celui -ci, de détruire la popula -
tion serbe de la Krajina.
De même, la préoccupation exprimée par le chef de l’Etat crohate de la-is
ser accessibles des routes par lesquelles les civils serbes pourraient sh’enfuir,
« parce qu’il est important que les civils s’en aillent, et ensuite, l’armée les
suivra», ne suggère nullement l’intention de détruire le groupe dehs Serbes
comme tel, mais se comprend mieux comme s’inscrivant dans une démahrche
de stratégie militaire. Elle est éclairée, notamment, par la fohrmule finale de
la même phrase: «lorsque les colonnes [de civils et de soldats] se mettront
en marche, ils s’influenceront mutuellement sur le plan psychologiqhue ».
Il en va de même de la réponse du général Gotovina, lequel prévoyait
qu’il ne resterait plus beaucoup de civils serbes dans la région uhne fois
engagée l’offensive militaire croate, sauf « ceux qui n’ont pas la possibilité
de partir». Sans être directement liée à des considérations stratégiques,
cette remarque ne suggère aucunement la volonté de supprimer physihque -
ment la population serbe.
Par ailleurs, la formule employée par Miroslav Tudjman (« lorsque
leurs forces se seront retirées il leur faudra dix jours pour se préhparer …
[d]ans ce délai, nous aurons nettoyé tout le secteur »), tout en comportant
une part d’ambiguïté que le contexte ne permet pas de lever, neh démontre
pas de manière suffisamment convaincante une intention génocidairhe.
Enfin, la déclaration du président Tudjman, selon laquelle celuih -ci serait
en faveur « de tout détruire par des bombardements avant de progresser »
149
7 CIJ1077.indb 294 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 148
tion living in Krajina. Only a biased reading of certain passages taken out
of context could suggest — wrongly in Croatia’s view — the existence of
a plan aimed at destroying the civilian population. Croatia further con -
tends that this was the conclusion of both the ICTY Trial Chamber and
the Appeals Chamber in the Gotovina case in regard to the meaning and
scope of the Brioni Transcript.
504. The Court is not persuaded by the arguments that Serbia seeks to
derive from the Brioni Transcript.
In the Court’s view, the passages quoted above, which are taken from h
the transcript of a meeting which lasted almost two hours, are far from
demonstrating an intention on the part of the Croatian leaders physicallhy
to destroy the group of Croatian Serbs, or the substantial part of that h
group constituted by the Serbs living in Krajina.
President Tudjman’s reference — on which Serbia places so much
emphasis — to the aim of the Croatian forces being “to inflict such blowsh
that the Serbs will to all practical purposes disappear” must be readh in
context, and specifically in light of what immediately follows : “that is to
say, the areas we do not take at once must capitulate within a few days”h.
Taken as a whole, that sentence is clearly more indicative of the designha -
tion of a military objective, rather than of the intention to secure theh
physical destruction of a human group.
The fact that the President subsequently asked the meeting to “remem -
ber how many Croatian villages and towns [had] been destroyed”, whileh
pointing out that this was “still not the situation in Knin”, does not
establish an intent on his part to destroy the Serb population of the Krha-
jina.
Similarly, the concern expressed by the Croatian Head of State that the h
Serb civilians should be left with accessible escape routes, “[b]ecauhse it is
important that those civilians set out, and then the army will follow
them”, in no way suggests any intent to destroy the Serb group as suchh,
but is better understood as an aspect of military strategy. And it is clhari -
fied in particular by the final part of the same sentence : “and when the
columns [of civilians and soldiers] set out, they will have a psychologihcal
impact on each other”.
The same applies to General Gotovina’s reply, where he foresees that
there would not be many Serb civilians left in the area once the Croatiahn
military offensive has begun, except for “those who have to stay, who h
have no possibility of leaving”. Although not directly linked to any stra -
tegic considerations, that remark in no way suggests an intention physi -
cally to eliminate the Serb population.
Furthermore, the remark by Miroslav Tudjman (“When . . . their forces
[have] pulled out, then they can prepare after ten days. In that time weh
will clear the entire area”), while containing a certain ambiguity, hwhich
the context cannot dispel, does not represent sufficiently persuasive ehvi -
dence of a genocidal intent.
Finally, President Tudjman’s statement that he would be “in favourh of
destroying everything by shelling prior to advancing” — if the Croat
149
7 CIJ1077.indb 295 18/04/16 08:54 149 application de convehntion génocide (arrêth)
si les forces croates « en av[aient] les moyens », est intervenue dans le
cadre d’une discussion qui portait sur la nécessité d’utilisher les ressources
militaires dont ces forces disposaient avec retenue. Elle ne peut êtrhe inter-
prétée comme traduisant l’intention, de la part du présidenth, de détruire
les Serbes de la Krajina en tant que tels.
505. Tout au plus pourrait -on estimer que le procès -verbal de Brioni
fait ressortir que les dirigeants croates prévoyaient que l’offensihve mili -
taire qu’ils préparaient aurait pour effet de provoquer la fuite de la grande
majorité de la population serbe de la Krajina, qu’ils étaient shatisfaits de
cette conséquence et qu’en tout cas ils ne feraient rien pour l’hempêcher,
souhaitant au contraire favoriser l’exode des civils serbes.
Mais même cette interprétation, à la supposer exacte, serait lohin de per -
mettre de conclure à l’existence de l’intention spécifiqueh qui caractérise le
génocide.
506. La Cour relève en outre que la conclusion qui précède est confohr-
tée par la manière dont la chambre de première instance et la chhambre
d’appel du TPIY ont analysé, dans leurs décisions rendues en l’haf -
faire Gotovina, le procès-verbal de Brioni.
La chambre de première instance a trouvé dans certaines mentions dhu
procès -verbal un élément de preuve, parmi d’autres, de l’existence hd’un
plan concerté des dirigeants croates visant à expulser la population civile
serbe de la Krajina (l’« entreprise criminelle commune »). Mais elle n’y a
nullement vu la preuve d’une intention de détruire physiquement leh groupe
des Serbes de la Krajina. En particulier, au sujet des premiers propos chités
ci-dessus tenus par le président Tudjman («nous devons infliger aux Serbes
de telles pertes que, dans les faits, ils disparaîtront»), la chambre de pre -
mière instance a estimé que, «lue dans son contexte, cette déclaration spé-
cifique vise principalement les forces militaires serbes et non la pophulation
civile serbe» (jugement Gotovina, par. 1990) [traduction du Greffe].
Quant à la chambre d’appel, elle est restée bien en -deçà de l’analyse de
la chambre de première instance, en s’exprimant ainsi :
« Si l’on fait abstraction [de ce] contexte [caractérisé par le charactère
illicite des attaques], il n’était pas raisonnable de considérehr que la
seule interprétation possible du procès -verbal de Brioni impliquait
l’existence d’une entreprise criminelle commune visant à provoqhuer le
déplacement forcé de la population civile serbe. Certains passagesh du
procès-verbal de Brioni considérés comme des preuves à charge par la
Chambre de première instance peuvent, si les attaques d’artillerie ne
sont plus considérées comme illicites, être interprétés chomme peu
concluants pour démontrer l’existence d’une entreprise criminelhle com -
mune et comme reflétant par exemple la volonté, licite, d’aidher les
civils à quitter temporairement une zone de conflit, notamment pourh
obtenir un avantage militaire légitime et réduire le nombre de victimes.
Ainsi, les discussions sur les motifs invoqués pour justifier les ahttaques
d’artillerie, les départs éventuels de civils et l’ouverture de corridors de
sortie pourraient raisonnablement être interprétées comme se rahppor -
150
7 CIJ1077.indb 296 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 149
forces “had enough” ammunition — was made in the context of a discus -
sion on the need to use the military resources available to those forcesh
with restraint. It cannot be interpreted as reflecting an intent on thhe Pres-
ident’s part to destroy the Krajina Serbs as such.
505. At most, the view might be taken that the Brioni Transcript shows
that the leaders of Croatia envisaged that the military offensive they wehre
preparing would have the effect of causing the flight of the great majohrity of
the Serb population of the Krajina, that they were satisfied with thath conse -
quence and that, in any case, they would do nothing to prevent it because,
on the contrary, they wished to encourage the departure of the Serb civihlians.
However, even that interpretation, assuming it to be correct, would be
far from providing a sufficient basis for the Court to make a finding of the
existence of the specific intent which characterizes genocide.
506. The Court further notes that this conclusion is confirmed by the
way the Brioni Transcript was dealt with by the ICTY Trial and Appeals
Chambers in their decisions in the Gotovina case.
The Trial Chamber found that certain items in the transcript consti -
tuted evidence, together with other elements, of the existence of a
concerted plan by the Croatian leaders to expel the Serb civilian populah-
tion of the Krajina (the “joint criminal enterprise”). However, the Cham -
ber found no evidence of an intention physically to destroy the group
of the Krajina Serbs. In particular, with regard to the first remark of
President Tudjman quoted above (“We have to inflict such blows that
the Serbs will to all practical purposes disappear”), the Trial Chamber h
found that “when read in its context this particular statement focusehs
mainly on the Serb military forces, rather than the Serb civilian populah -
tion” (Gotovina Trial Judgment, para. 1990).
As for the Appeals Chamber, it did not go nearly as far as the Trial
Chamber, expressing itself as follows :
“[O]utside th[e] context [of unlawful attacks], it was not reasonableh
to find that the only possible interpretation of the Brioni Transcript
involved a [joint criminal enterprise] to forcibly deport Serb civiliansh.
Portions of the Brioni Transcript deemed incriminating by the Trial
Chamber can be interpreted, absent the context of unlawful artillery
attacks, as inconclusive with respect to the existence of a [joint crim -
inal enterprise], reflecting, for example, a lawful consensus on helpihng
civilians temporarily depart from an area of conflict for reasons
including legitimate military advantage and casualty reduction. Thus
discussion of pretexts for artillery attacks, of potential civilian depah-
tures, and of provision of exit corridors could be reasonably inter -
preted as referring to lawful combat operations and public relations
efforts. Other parts of the Brioni Transcript, such as Gotovina’s claim
that his troops could destroy the town of Knin, could be reasonably
construed as using shorthand to describe the military forces stationed
150
7 CIJ1077.indb 297 18/04/16 08:54 150 application de convehntion génocide (arrêth)
tant à des opérations de combat ou de relations publiques légithimes.
D’autres passages, comme la déclaration par laquelle M. Gotovina
annonce que ses hommes seraient capables de détruire la ville de Knin,
peuvent raisonnablement être interprétés comme une image servant à
décrire la présence des forces militaires stationnées dans un shecteur ou
la puissance militaire disponible dans le cadre de la planification d’hune
opération militaire.» (Arrêt Gotovina, par.93.) [Traduction du Greffe.]
507. En conclusion, la Cour considère que, même combinés les uns auxh
autres et même interprétés à la lumière du contexte géhnéral politique et
militaire du moment, les passages du procès -verbal de Brioni invoqués
par la Serbie, de même que le reste du document, n’établissent hpas l’exis -
tence de l’intention spécifique (dolus specialis) qui caractérise le génocide.
b) L’existence d’une ligne de conduite qui dénote l’intention g▯énocidaire
508. La Serbie soutient que, même si la Cour devait estimer que le
procès -verbal de Brioni ne fournit pas la preuve de l’intention génocidaire
de la Croatie et même si aucun des actes qu’elle allègue ne déhmontre par
lui-même l’existence d’une telle intention, l’ensemble des actiohns et des
déclarations des autorités croates avant, pendant et immédiatemhent après
l’opération « Tempête» font apparaître une ligne de conduite cohérente
qui ne peut que démontrer que lesdites autorités étaient animéhes par la
volonté de détruire, en tout ou en partie, le groupe des Serbes vihvant en
Croatie. Il en irait ainsi, en particulier, de l’ensemble des opérhations mili
taires menées par la Croatie pendant la période allant de 1992 à 1995, et
durant lesquelles les forces croates se seraient rendues coupables, selohn la
défenderesse, de crimes de guerre et de graves violations des droits de
l’homme à l’encontre des Serbes de Croatie. Selon la Serbie, cehtte période
aurait été marquée par une politique systématique de discrimination à
l’égard des Serbes, ayant culminé avec l’opération « Tempête», qui aurait
marqué le tournant vers une véritable entreprise de destruction duh groupe.
509. La Croatie conteste vigoureusement cette affirmation. Elle prétend
que l’ensemble des actions et déclarations des autorités croatehs invoquées
par la Serbie visaient strictement à reprendre les zones sous contrôhle serbe.
La Croatie aurait d’abord cherché à atteindre cet objectif par hle biais de
moyens pacifiques, mais n’aurait finalement eu d’autre choix que de recou -
rir à la force. Elle considère que les éléments de preuve avhancés par la
Serbie sont loin d’établir une ligne de conduite telle qu’elle hne puisse que
dénoter une intention de détruire le groupe protégé, en touth ou en partie.
510. A cet égard, la Cour rappelle deux éléments qui ressortent
de l’arrêt qu’elle a rendu dans l’affaire Bosnie‑Herzégovine c. Serbie‑et‑
Monténégro , déjà mentionnés plus haut dans le présent arrêt, et quih doivent
être regardés, à présent, comme solidement ancrés dans sah jurisprudence.
En premier lieu, ce qu’il est convenu d’appeler communément «h nettoyage
ethnique »e constitue pas en lui-même une forme de génocide. Le génocide
suppose l’intention de détruire physiquement, en tout ou en partieh, un
groupe humain comme tel, et non pas seulement la volonté de l’expulser
151
7 CIJ1077.indb 298 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 150
in an area, or intending to demonstrate potential military power in
the context of planning a military operation.” (Gotovina Appeals
Judgment, para. 93.)
507. In conclusion, the Court considers that, even taken together and
interpreted in light of the contemporaneous overall political and militahry
context, the passages from the Brioni Transcript quoted by Serbia, like h
the rest of the document, do not establish the existence of the specifihc
intent (dolus specialis) which characterizes genocide.
(b) Existence of a pattern of conduct indicating genocidal intent
508. Serbia contends that, even if the Court were to find that the Brioni
Transcript does not constitute evidence of Croatia’s genocidal intenth, and
even if none of the acts alleged by the Respondent is in itself evidence of
the existence of such intent, the acts and statements of the Croatian
authorities taken as a whole, before, during and immediately after Operah -
tion Storm manifest a consistent pattern of conduct which can only show
that those authorities were animated by a desire to destroy, in whole orh in
part, the group of Serbs living in Croatia. This is said to emerge, in pharti-
cular, from the series of military operations conducted by Croatia from h
1992 to 1995, during which Croatian forces allegedly committed war
crimes and serious human rights violations against Serbs in Croatia.
According to Serbia, this period was characterized by a policy of systemha -
tic discrimination against the Serbs, culminating in Operation Storm,
which marked the point at which the campaign turned into one aimed at
the actual destruction of the group.
509. Croatia vigorously disputes that assertion. It maintains that the
purpose of all the acts and statements of the Croatian authorities cited by
Serbia was strictly confined to regaining possession of areas under Sehrb
control. It had first sought to achieve that aim by peaceful means, buht
eventually had no other choice but recourse to force. It considers that hthe
evidence presented by Serbia is far from establishing a pattern of conduhct
such that it can only show an intention to destroy the protected group, hin
whole or in part.
510. In this regard, the Court recalls two findings from its Judgment ren -
dered in the Bosnia and Herzegovina v. Serbia and Montenegro case (2007
Judgment), which it has already referred to earlier in the present Judghment,
and which must now be regarded as solidly rooted in its jurisprudence.
First, what is generally called “ethnic cleansing” does not in itshelf con-
stitute a form of genocide. Genocide presupposes the intent physically to
destroy, in whole or in part, a human group as such, and not merely a
desire to expel it from a specific territory. Acts of “ethnic cleanhsing” can
151
7 CIJ1077.indb 299 18/04/16 08:54 151 application de convehntion génocide (arrêth)
d’un territoire déterminé. Des actes de «nettoyage ethnique» peuvent, certes,
faire partie de la mise en œuvre d’un plan génocidaire, mais à la condition
qu’il existe une intention de détruire physiquement le groupe viséh et non pas
seulement d’obtenir son déplacement forcé (Application de la convention
pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosni▯ e‑Herzégovine
c. Serbie‑et‑Monténégro),arrêt, C.I.J.Recueil 2007(I), p. 122, par. 190).
En second lieu, pour qu’une ligne de conduite, c’est -à-dire un ensemble
cohérent d’actions exécutées dans une certaine période deh temps, puisse
être admise en tant que preuve d’une intention génocidaire, il hfaut qu’elle
soit telle qu’elle ne puisse que dénoter l’existence d’une thelle intention,
c’est-à-dire qu’elle ne puisse raisonnablement être comprise que comme
traduisant cette intention (voir les paragraphes 145-148 ci-dessus).
511. Sur la base des deux propositions qui précèdent, la thèse de lah
Serbie fondée sur la «ligne de conduite» ne paraît pas pouvoir être accueil -
lie. La Cour n’aperçoit pas dans la ligne de conduite adoptée phar les auto -
rités croates, immédiatement avant, pendant et après l’opéhration
«Tempête», un ensemble d’actions qui ne pourrait être raisonnablement
compris que comme traduisant l’intention, de la part de ces autoritéhs, de
détruire physiquement, en tout ou en partie, le groupe des Serbes vivhant en
Croatie.
512. Comme il a été dit plus haut, tous les actes allégués par lah Serbie
comme constitutifs de l’élément matériel du génocide ne shont pas factuel-
lement établis. Ceux qui le sont — en particulier des meurtres de civils et
des mauvais traitements infligés à des personnes sans défenseh— n’ont pas
été commis à une échelle telle qu’ils ne pourraient que dhémontrer l’exis -
tence d’une intention génocidaire.
513. Il est vrai que la Serbie a également invoqué, dans le cadre de sah
présentation de la « ligne de conduite» de la Croatie, les mesures adminis -
tratives imposées pour empêcher les Serbes de la Krajina de rentrehr chez
eux. Cet élément, selon la Serbie, renforce la conclusion — qu’elle
demande à la Cour de tirer — selon laquelle la cible réelle de l’opération
« Tempête» était la population civile serbe.
514. De l’avis de la Cour, même si les allégations de la Serbie se rhap -
portant au refus de laisser les réfugiés serbes rentrer chez eux —h alléga-
tions que conteste la Croatie — étaient exactes, cela ne permettrait pas
d’établir l’existence du dolus specialis : le génocide suppose l’intention de
détruire un groupe comme tel, et non pas de lui infliger des dommaghes ou
de l’éloigner d’un territoire, quelles que soient les qualifihcations juridiques
que l’on pourrait appliquer à de telles actions.
Conclusion concernant l’existence du dolus specialis, et conclusion géné‑
rale sur la commission d’un génocide
515. La Cour conclut de ce qui précède que l’existence du dolus specia‑
lis n’a pas été démontrée.
En conséquence, elle conclut qu’il n’a pas été établi hqu’un génocide a
été commis pendant et après l’opération « Tempête» à l’encontre de la
population serbe de Croatie.
152
7 CIJ1077.indb 300 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 151
indeed be elements in the implementation of a genocidal plan, but on
condition that there exists an intention physically to destroy the targehted
group and not merely to secure its forced displacement (Application of the
Convention on the Prevention and Punishment of the Crime of Genocide
(Bosnia and Herzegovina v. Serbia and Montenegro), Judgment,
I.C.J. Reports 2007 (I), p. 122, para. 190).
Secondly, for a pattern of conduct, that is to say, a consistent series hof
acts carried out over a specific period of time, to be accepted as evidence
of genocidal intent, it would have to be such that it could only point tho
the existence of such intent, that is to say, that it can only reasonablhy be
understood as reflecting that intent (see paragraphs 145-148 above).
511. In light of the two preceding propositions, Serbia’s “pattern of
conduct” argument cannot succeed. The Court cannot see in the patternh
of conduct on the part of the Croatian authorities immediately before,
during and after Operation Storm a series of acts which could only rea -
sonably be understood as reflecting the intention, on the part of thoshe
authorities, physically to destroy, in whole or in part, the group of Sehrbs
living in Croatia.
512. As has already been stated above, not all of the acts alleged by
Serbia as constituting the physical element of genocide have been factu -
ally proved. Those which have been proved — in particular the killing of
civilians and the ill-treatment of defenceless individuals — were not com-
mitted on a scale such that they could only point to the existence of a h
genocidal intent.
513. It is true that Serbia also cited, in its argument on Croatia’s “phat-
tern of conduct”, the administrative measures imposed to prevent the h
Krajina Serbs from returning home. According to Serbia, these confirm h
the conclusion — which it asks the Court to draw — that the real target
of Operation Storm was the Serb population.
514. In the Court’s view, even if Serbia’s allegations in regard to theh
refusal to allow the Serb refugees to return home — allegations disputed
by Croatia — were true, that would still not prove the existence of the
dolus specialis : genocide presupposes the intent to destroy a group as
such, and not to inflict damage upon it or to remove it from a territory,
irrespective of how such actions might be characterized in law.
Conclusion regarding the existence of the dolus specialis, and general
conclusion on the commission of genocide
515. The Court concludes from the foregoing that the existence of the
dolus specialis has not been established.
Accordingly, the Court finds that it has not been proved that genocideh
was committed during and after Operation Storm against the Serb popu -
lation of Croatia.
152
7 CIJ1077.indb 301 18/04/16 08:54 152 application de convehntion génocide (arrêth)
B. Examen des autres conclusions de la demande reconventionnelle
1) Conclusions subsidiaires
516. A titre subsidiaire, pour le cas où la Cour n’accueillerait pas lehs
conclusions principales tendant à ce qu’elle déclare que la Croatie est
internationalement responsable d’actes de génocide qui lui sont athtri -
buables, la Serbie demande à la Cour de déclarer que la Croatie a hviolé les
obligations que lui imposent les litt. b), c), d) et e) de l’article III de la
convention sur le génocide. Il s’agit des obligations de ne pas cohmmettre
les actes constitutifs de : « b)l’entente en vue de commettre le génocide ;
c) l’incitation directe et publique à commettre le génocide d) la tentative
de génocide ; e) la complicité dans le génocide ».
517. La Cour, n’ayant constaté ci -avant aucun acte susceptible d’être
qualifié de génocide en relation avec les événements s’hétant déroulés pendant
et après l’opération « Tempête», ne peut qu’en déduire que l’obligation visée
au litt.e) de l’articleIII n’a pas été violée par la Croatie. En outre, faute de
l’intention spécifique qui caractérise le génocide, ni l’h«entente en vue de
commettre le génocide», ni l’«incitation directe et publique à commettre le
génocide», ni la tentative de génocide, qui supposent l’existence d’hune telle
intention, ne sauraient être retenues à l’encontre de la Croatihe.
Par suite, les conclusions subsidiaires ne peuvent être que rejetéhes.
2) Conclusions complémentaires
518. A titre complémentaire, que la Cour fasse droit ou non à ses
conclusions principales et subsidiaires, la Serbie demande à la Cour hde
déclarer que la Croatie a manqué à son obligation de punir les hactes de
génocide commis à l’encontre du groupe national et ethnique serhbe vivant
en Croatie, obligation que lui impose l’article VI de la convention sur le
génocide aux termes duquel :
«Les personnes accusées de génocide ou de l’un quelconque des auhtres
actes énumérés à l’article III seront traduites devant les tribunaux com -
pétents de l’Etat sur le territoire duquel l’acte a été chommis, ou devant
la Cour criminelle internationale qui sera compétente à l’éghard de celles
des Parties contractantes qui en auront reconnu la juridiction. »
519. Faute pour la Serbie d’avoir démontré l’existence d’un achte de
génocide ou d’un des autres actes mentionnés à l’article III de la Conven -
tion à l’encontre de la population serbe vivant en Croatie, ses cohnclusions
complémentaires sont également vouées à être rejetées.h
3) Conclusions tendant à la cessation des faits internationalement illic▯ites
imputables à la Croatie et à la réparation de leurs conséque▯nces
dommageables
520. La Serbie demande à la Cour d’ordonner à la Croatie de prendre h
immédiatement des mesures effectives pour se conformer à son obligation
153
7 CIJ1077.indb 302 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 152
B. Discussion of the other Submissions in the Counter‑Claim
(1) Alternative submissions
516. In the alternative, in the event that the Court does not uphold the
principal submissions asking it to find that Croatia is internationallhy
responsible for acts of genocide attributable to it, Serbia requests the
Court to find that Croatia has violated its obligations under subpara -
graphs (b), (c), (d) and (e) of Article III of the Genocide Convention,
namely its obligations not to commit acts constituting : “(b) Conspiracy
to commit genocide ; (c) Direct and public incitement to commit geno -
cide ; (d) Attempt to commit genocide ; and (e) Complicity in genocide”.
517. Since the Court has not found any acts capable of being character -
ized as genocide in connection with the events during and after Operatiohn
Storm, it is bound to conclude that Croatia did not breach its obligatiohns
under subparagraph (e) of Article III. Moreover, in the absence of the
necessary specific intent which characterizes genocide, Croatia cannot be
considered to have engaged in “conspiracy to commit genocide” or “hdirect
and public incitement to commit genocide”, or in an attempt to commith
genocide, all of which presuppose the existence of such an intent.
It follows that the alternative submissions must be rejected.
(2) Subsidiary submissions
518. On a subsidiary basis, irrespective of whether the Court upholds
its principal and alternative submissions, Serbia requests the Court to h
find that Croatia has violated its obligation to punish acts of genocihde
committed against the Serb ethnical and national group living in Croatiah,
an obligation incumbent upon it under Article VI of the Genocide Con -
vention, which provides :
“Persons charged with genocide or any of the other acts enumer -
ated in Article III shall be tried by a competent tribunal of the State
in the territory of which the act was committed, or by such interna -
tional penal tribunal as may have jurisdiction with respect to those
Contracting Parties which shall have accepted its jurisdiction.”
519. Since Serbia has failed to prove the existence of an act of geno -
cide, or of any of the other acts mentioned in Article III of the Conven -
tion, committed against the Serb population living in Croatia, its
subsidiary submissions must also necessarily be rejected.
(3) Submissions requesting the cessation of the internationally wrongful
acts attributable to Croatia and reparation in respect of their injuriou▯s
consequences
520. Serbia asks the Court to order Croatia immediately to take effec -
tive steps to comply with its obligation to punish the authors of the achts
153
7 CIJ1077.indb 303 18/04/16 08:54 153 application de convehntion génocide (arrêth)
de punir les auteurs des actes de génocide commis sur son territoire pen -
dant et après l’opération « Tempête», et de prendre diverses mesures
visant à réparer les dommages causés par ses actes illicites, nhotamment
par la voie de l’indemnisation des victimes.
521. Le présent arrêt ne retenant aucun fait internationalement illicithe,
au regard de la convention sur le génocide, à la charge de la Croahtie, ces
conclusions ne peuvent également qu’être rejetées.
Conclusion générale sur la demande reconventionnelle
522. La Cour conclut de l’ensemble des motifs qui précèdent que la
demande reconventionnelle doit être rejetée dans sa totalité.
*
* *
523. La Cour a déjà mentionné la question des personnes disparues
(voir les paragraphes 357-359 ci-dessus), dans le contexte de l’examen de
la demande principale. Elle note que des disparitions ont également ehu
lieu dans le contexte de l’opération « Tempête» et des événements qui
l’ont immédiatement suivie. Elle ne peut que réitérer sa demande aux
deux Parties de poursuivre leur coopération en vue de régler dans hles
meilleurs délais la question du sort des personnes disparues.
En outre, la Cour rappelle que, sa compétence en l’espèce éthant fondée
sur l’article IX de la convention sur le génocide, elle ne peut statuer que
dans les limites qui en résultent. Ses conclusions sont donc sans préhjudice
de toute question relative à la responsabilité que les Parties pouhrraient
supporter à raison de la violation d’obligations internationales ahutres que
celles qui découlent de la Convention elle-même. Pour autant que de telles
violations aient eu lieu, les Parties demeurent responsables de leurs cohnsé-
quences. La Cour encourage les Parties à poursuivre leur coopératihon en
vue d’offrir aux victimes de telles violations les réparations apprhopriées, et
consolider ainsi la paix et la stabilité dans la région.
*
* *
VII. Dispositif
524. Par ces motifs,
La Cour,
1) Par onze voix contre six,
Rejette la deuxième exception d’incompétence soulevée par la Serbieh et
dit que sa compétence pour connaître de la demande de la Croatie s’hétend
aux faits antérieurs au 27 avril 1992 ;
154
7 CIJ1077.indb 304 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 153
of genocide committed on its territory during and after Operation Storm,h
and to take various measures to make good the damage and loss caused
by its violations of the Genocide Convention, in particular by compensath -
ing the victims.
521. Since the present Judgment has found that no internationally
wrongful act in relation to the Genocide Convention has been committed
by Croatia, these submissions must also be rejected.
General Conclusion on the Counter‑Claim
522. For all of the foregoing reasons, the Court finds that the counter -
claim must be dismissed in its entirety.
*
* *
523. The Court has already referred to the issue of missing persons (see
paragraphs 357-359 above), in the context of its examination of the prin -
cipal claim. It notes that individuals also disappeared during Operationh
Storm and its immediate aftermath. It can only reiterate its request to h
both Parties to continue their co-operation with a view to settling as soon
as possible the issue of the fate of missing persons.
The Court recalls, furthermore, that its jurisdiction in this case is bahsed
on Article IX of the Genocide Convention, and that it can therefore only
rule within the limits imposed by that instrument. Its findings are thhere -
fore without prejudice to any question regarding the Parties’ possiblhe
responsibility in respect of any violation of international obligations hother
than those arising under the Convention itself. In so far as such violathions
may have taken place, the Parties remain liable for their consequences. h
The Court encourages the Parties to continue their co -operation with a
view to offering appropriate reparation to the victims of such violations,
thus consolidating peace and stability in the region.
*
* *
VII. Operative Clause
524. For these reasons,
The Court,
(1) By eleven votes to six,
Rejects the second jurisdictional objection raised by Serbia and finds
that its jurisdiction to entertain Croatia’s claim extends to acts prhior to
27 April 1992 ;
154
7 CIJ1077.indb 305 18/04/16 08:54 154 application de convehntion génocide (arrêth)
pour: M. Sepúlveda-Amor, vice‑président; me. Abraham, Keith, Bennouna,
Cançado Trindade, Yusuf, Greenwood, M Donoghue, MM. Gaja, Bhan-
dari, juges M.Vukas, juge ad hoc ;
contre:M. Tomka,président;MM. Owada, Skotnikov, M mesXue, Sebutinde,
juges; M.Kreća, juge ad hoc;
2) Par quinze voix contre deux,
Rejette la demande de la Croatie ;
pour: M.Tomka,président; M.Sepúlveda-Amor,vice‑président; MM.Owada,
Abraham, Keith, Bennouna, Skotnikov, Yusuf, Greenwood, M mesXue,
Donoghue, M. Gaja, M meSebutinde, M. Bhandari, juges; M.Kreća,
jugead hoc;
contre : M. Cançado Trindade, juge; M. Vukas, jugead hoc ;
3) A l’unanimité,
Rejette la demande reconventionnelle de la Serbie.
Fait en français et en anglais, le texte français faisant foi, au Palais de
la Paix, à La Haye, le trois février deux mille quinze, en trois exemplaires,
dont l’un restera déposé aux archives de la Cour et les autres hseront trans
mis respectivement au Gouvernement de la République de Croatie et au
Gouvernement de la République de Serbie.
Le président,
(Signé) Peter Tomka.
Le greffier,
(Signé) Philippe Couvreur.
M. le juge Tomka, président, joint à l’arrêt l’exposé de son opinion
individuelle; MM. les juges Owada, Keith et Skotnikov joignent à l’ar -
rêt les exposés de leur opinion individuelle ; M. le juge Cançado Trin-
dade joint à l’arrêt l’exposé de son opinion dissidente M mesles juges Xue
et D onoghue joignent des déclarations à l’arrêt ; M. le juge Gaja,
me
M la juge Sebutinde et M. le juge Bhandari joignent à l’arrêt les expo-
sés de leur opinion individuelle ; M. le juge ad hoc Vukas joint à l’arrêt
l’exposé de son opinion dissidente ; M. le juge ad hoc Kreća joint à l’arrêt
l’exposé de son opinion individuelle.
(Paraphé) P.T.
(Paraphé) Ph.C.
155
7 CIJ1077.indb 306 18/04/16 08:54 application of genochide convention (judgmhent) 154
in favour: Vice‑President Sepúlveda-Amor; Judges Abraham, Keith, Ben -
nouna, Cançado Trindade, Yusuf, Greenwood, Donoghue, Gaja, Bhan-
dari; Judge ad hoc Vukas;
against: President Tomka; Judges Owada, Skotnikov, Xue, Sebutinde ;
Judge ad hoc Kreća;
(2) By fifteen votes to two,
Rejects Croatia’s claim ;
in favour: President Tomka; Vice‑President Sepúlveda-Amor; Judges
Owada, Abraham, Keith, Bennouna, Skotnikov, Yusuf, Greenwood, Xue,
Donoghue, Gaja, Sebutinde, Bhandari Judge ad hoc Kreća ;
against: Judge Cançado Trindade ; Judge ad hoc Vukas ;
(3) Unanimously,
Rejects Serbia’s counter-claim.
Done in French and in English, the French text being authoritative, at
the Peace Palace, The Hague, this third day of February, two thousand
and fifteen, in three copies, one of which will be placed in the archihves of
the Court and the others transmitted to the Government of the Republic
of Croatia and the Government of the Republic of Serbia, respectively.
(Signed) Peter Tomka,
President.
(Signed) Philippe Couvreur,
Registrar.
President Tomka appends a separate opinion to the Judgment of the
Court; Judges Owada, Keith and Skotnikov append separate opinions
to the Judgment of the Court ; Judge Cançado Trindade appends a dis -
senting opinion to the Judgment of the Court ; Judges Xue and Dono-
ghue append declarations to the Judgment of the Court ; Judges Gaja,
Sebutinde and Bhandari append separate opinions to the Judgment of
the Court ; Judge ad hoc Vukas appends a dissenting opinion to the Judg-
ment of the Court ; Judge ad hoc Kreća appends a separate opinion to the
Judgment of the Court.
(Initialled) P.T.
(Initialled) Ph.C.
155
7 CIJ1077.indb 307 18/04/16 08:54
Fond
Arrêt du 3 février 2015