Arrêt du 8 octobre 2007

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120-20071008-JUD-01-00-EN
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INTERNATIONAL COURT OF JUSTICE

REPORTS OF JUDGMENTS,
ADVISORY OPINIONS AND ORDERS

CASE CONCERNING TERRITORIAL

AND MARITIME DISPUTE BETWEEN
NICARAGUA AND HONDURAS
IN THE CARIBBEAN SEA

(NICARAGUA v. HONDURAS)

JUDGMENT OF 8 OCTOBER 2007

2007

COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

RECUEIL DES A|TS,
AVIS CONSULTATIFS ET ORDONNANCES

AFFAIRE DU DIFFE uREND
TERRITORIAL ET MARITIME ENTRE

LE NICARAGUA ET LE HONDURAS
DANS LA MER DES CARAÏBES

(NICARAGUA c. HONDURAS)

AR|T DU 8 OCTOBRE 2007 Official citation:

Territorial and Maritime Dispute between Nicaragua and Honduras
in the Caribbean Sea (Nicaragua v. Honduras),
Judgment, I.C.J. Reports 2007 ,p.659

Mode officiel de citation:
Différend territorial et maritime entre le Nicaragua et le Honduras
dans la mer des Caraïbes (Nicaragua c. Honduras),
arrêt, C.I.J. Recueil 2007 ,p.659

Sales number
ISSN 0074-4441 o
N de vente: 928
ISBN 978-92-1-071035-0 8 OCTOBER 2007

JUDGMENT

TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE BETWEEN NICARAGUA
AND HONDURAS IN THE CARIBBEAN SEA

(NICARAGUA v. HONDURAS)

DIFFEREND TERRITORIAL ET MARITIME ENTRE LE NICARAGUA
ET LE HONDURAS DANS LA MER DES CARAÏBES

(NICARAGUA c. HONDURAS)

8 OCTOBRE 2007

ARRÊT 659

TABLE DES MATIÈRES

Paragraphes

1. Q UALITÉS 1-19
2. LA GÉOGRAPHIE 20-32

2.1. La configuration des côtes nicaraguayennes et honduriennes 20-30
2.2. La géomorphologie de l’embouchure du fleuve Coco 31-32

3. LE CONTEXTE HISTORIQUE 33-71

4. POSITIONS DES PARTIES :APERÇU GLOBAL 72-103
4.1. Objet du différend 72-73

4.2. Souveraineté sur les îles dans la zone en litige 74-82
4.3. Délimitation maritime au-delà de la mer territoriale 83-98
4.3.1. La ligne proposée par le Nicaragua: la méthode de la
bissectrice 83-85
4.3.2. La ligne hondurienne, «frontière traditionnelle» le long
e
du parallèle 14°59,8′ de latitude nord («le 15 paral-
lèle») 86-98
4.4. Le point de départ de la frontière maritime 99-101
4.5. Délimitation de la mer territoriale 102-103

5. R ECEVABILITÉ DE LA NOUVELLE DEMANDE RELATIVE À LA SOUVERAINETÉ
SUR LES ÎLES SITUÉES DANS LA ZONE EN LITIGE 104-116

6. LA DATE CRITIQUE 117-131

7. LA SOUVERAINETÉ SUR LES ÎLES 132-227

7.1. Les formations maritimes de la zone en litige 133-145
7.2. Le principe de l’uti possidetis juris et la souveraineté sur les îles
en litige 146-167
7.3. Les effectivités postcoloniales et la souveraineté sur les îles en
litige 168-208
7.4. Valeur probante des cartes pour confirmer la souveraineté sur
les îles en litige 209-219
7.5. Reconnaissance par des Etats tiers et traités bilatéraux; l’accord

de libre-échange de 1998 220-226
7.6. Décision quant à la souveraineté sur les îles 227

8. LA DÉLIMITATION DES ZONES MARITIMES 228-320
8.1. La frontière maritime traditionnelle revendiquée par le Hon-
duras 229-258

8.1.1. Le principe de l’uti possidetis juris 229-236
8.1.2. Accord tacite 237-258

8.2. Détermination de la frontière maritime 259-320
8.2.1. Le droit applicable 261

4 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME ARRÊT ) 660

8.2.2. Zones à délimiter et méthodologie 262-282
8.2.3. Construction d’une ligne bissectrice 283-298
8.2.4. Délimitation autour des îles 299-305
8.2.5. Le point de départ et le point terminal de la frontière
maritime 306-319

8.2.6. Le tracé de la frontière maritime 320
9. D ISPOSITIF 321

5 661

COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

ANNÉE 2007 2007
8 octobre
Rôle général
8 octobre 2007 no120

AFFAIRE DU DIFFE uREND

TERRITORIAL ET MARITIME ENTRE

LE NICARAGUA ET LE HONDURAS

DANS LA MER DES CARAÏBES

(NICARAGUA c. HONDURAS)

ARRE |T

me
Présents: M HIGGINS, président.AM L-KHASAWNEH, vice-président ;
MM. R ANJEVA,SHI,K OROMA ,P ARRA-ARANGUREN,B UERGENTHAL,
O WADA,S IMMA,T OMKA,A BRAHAM,K EITH,SEPÚLVEDA-AMOR,B EN-
NOUNA ,SKOTNIKOV, juges; MM. TORRES BERNÁRDEZ,G AJA, juges
ad hoc; M. COUVREUR, greffier.

En l’affaire du différend territorial et maritime entre le Nicaragua et le Hon-
duras dans la mer des Caraïbes,

entre

la République du Nicaragua,
représentée par

S. Exc. M. Carlos José Argüello Gómez, ambassadeur de la République du
Nicaragua auprès du Royaume des Pays-Bas,
comme agent, conseil et avocat;

S. Exc. M. Samuel Santos, ministre des affaires étrangères de la République
du Nicaragua;
M. Ian Brownlie, C.B.E., Q.C., F.B.A., membre du barreau d’Angleterre,
président de la Commission du droit international des Nations Unies, pro-

fesseur émérite de droit international public (chaire Chichele) à l’Univer-

6 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 662

sité d’Oxford, membre de l’Institut de droit international, Distinguished
Fellow à l’All Souls College d’Oxford,
M. Alex Oude Elferink, Research Associate à l’Institut néerlandais du droit
de la mer de l’Université d’Utrecht,
M. Alain Pellet, professeur à l’Université de Paris X-Nanterre, membre et
ancien président de la Commission du droit international des
Nations Unies,
M. Antonio Remiro Brotóns, professeur de droit international à l’Universi-
dad Autónoma de Madrid,

comme conseils et avocats;
M. Robin Cleverly, M.A., D.Phil, C.Geol, F.G.S., consultant en droit de la
mer, Admiralty Consultancy Services,
M. Dick Gent, consultant en droit de la mer, Admiralty Consultancy Ser-
vices,

comme conseillers scientifiques et techniques;
M me Tania Elena Pacheco Blandino, premier secrétaire de l’ambassade de la
République du Nicaragua au Royaume des Pays-Bas,
me
M Nadine Susani, docteur en droit public, centre de droit international de
Nanterre (CEDIN), Université de Paris X-Nanterre,
comme conseillers adjoints;
M me Gina Hodgson, ministère des affaires étrangères de la République du

mecaragua,
M Ana Mogorrón Huerta,
comme assistantes,

et

la République du Honduras,
représentée par
S. Exc. M. Max Velásquez Díaz, ambassadeur de la République du Hondu-

ras auprès de la République française,
S. Exc. M. Roberto Flores Bermúdez, ambassadeur de la République du
Honduras auprès des Etats-Unis d’Amérique,
comme agents;

S. Exc. M. Julio Rendón Barnica, ambassadeur de la République du Hon-
duras auprès du Royaume des Pays-Bas,
comme coagent;

M. Pierre-Marie Dupuy, professeur de droit international public à l’Univer-
sité de Paris I (Panthéon-Assas) et à l’Institut universitaire européen de
Florence,
M. Luis Ignacio Sánchez Rodríguez, professeur de droit international à
l’Université Complutense de Madrid,
M. Christopher Greenwood, C.M.G., Q.C., professeur de droit internatio-
nal à la London School of Economics and Political Science,
M. Philippe Sands, Q.C., professeur de droit à l’University College de Lon-
dres,
M. Jean-Pierre Quéneudec, professeur émérite de droit international à l’Uni-
versité de Paris I (Panthéon-Sorbonne),

M. David A. Colson, LeBoeuf, Lamb, Greene & MacRae, L.L.P., Washing-

7 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 663

ton, D.C., membre du barreau de l’Etat de Californie et du barreau du
district de Columbia,
M. Carlos Jiménez Piernas, professeur de droit international à l’Université
d’Alcalá (Madrid),
M. Richard Meese, avocat à la cour d’appel de Paris,

comme conseils et avocats ;
S. Exc. M. Milton Jiménez Puerto, ministre des affaires étrangères de la

République du Honduras,
S. Exc. M. Eduardo Enrique Reina García, vice-ministre des affaires étran-
gères de la République du Honduras,
S. Exc. M. Carlos López Contreras, ambassadeur, conseiller national au
ministère des affaires étrangères de la République du Honduras,
S. Exc. M. Roberto Arita Quiñónez, ambassadeur, directeur du bureau spé-
cial pour les affaires de souveraineté du ministère des affaires étrangères de
la République du Honduras,
S. Exc. M. José Eduardo Martell Mejía, ambassadeur de la République du

Honduras auprès du Royaume d’Espagne,
S. Exc. M. Miguel Tosta Appel, ambassadeur, président de la commission
hondurienne de démarcation du ministère des affaires étrangères de la
République du Honduras,
S. Exc. Mme Patricia Licona Cubero, ambassadeur, conseiller pour les affai-
res d’intégration d’Amérique centrale du ministère des affaires étrangères
de la République du Honduras,

comme conseillers;
M me Anjolie Singh, assistante à l’University College de Londres, membre du
barreau indien,
M me Adriana Fabra, professeur associé de droit international à l’Université

autonome de Barcelone,
M. Javier Quel López, professeur de droit international à l’Université du
Pays basque,
M me Gabriela Membreño, conseiller adjoint du ministère des affaires étran-
gères de la République du Honduras,
M. Sergio Acosta, ministre conseiller à l’ambassade de la République du
Honduras au Royaume des Pays-Bas,

comme conseillers adjoints ;
M. Scott Edmonds, cartographe, International Mapping,
M. Thomas D. Frogh, cartographe, International Mapping,

comme conseillers techniques,

L AC OUR ,

ainsi composée,
après délibéré en chambre du conseil,

rend l’arrêt suivant:

1. Le 8 décembre 1999, la République du Nicaragua (dénommée ci-après le
«Nicaragua») a déposé au Greffe de la Cour une requête introductive d’instance
datée du même jour contre la République du Honduras (dénommée ci-après le
«Honduras») au sujet d’un différend relatif à la délimitation des zones maritimes
relevant respectivement du Nicaragua et du Honduras dans la mer des Caraïbes.

8 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 664

Dans la requête, le Nicaragua affirme que la Cour est compétente pour
connaître du différend en vertu de l’article XXXI du traité américain de règle-
ment pacifique, désigné officiellement, aux termes de son article LX, par le nom
de «pacte de Bogotá» (et ci-après ainsi dénommé), ainsi que des déclarations
des deux Parties acceptant la compétence de la Cour conformément au para-

graphe 2 de l’article 36 de son Statut.
2. Conformément au paragraphe 2 de l’article 40 du Statut, une copie certi-
fiée conforme de la requête a immédiatement été communiquée au Gouver-
nement du Honduras par le greffier; conformément au paragraphe 3 de cet ar-
ticle, tous les Etats admis à ester devant la Cour ont été informés de la requête.
3. Conformément aux instructions données par la Cour en vertu de l’arti-
cle 43 de son Règlement, le greffier a adressé les notifications prévues au para-
graphe 1 de l’article 63 du Statut de la Cour aux Etats parties au pacte de
Bogotá. En application des dispositions du paragraphe 3 de l’article 69 du
Règlement, le greffier a en outre adressé la notification prévue au paragraphe 3
de l’article 34 du Statut à l’Organisation des Etats américains (dénommée ci-
après l’«OEA»). Par la suite, le greffier a transmis des copies des pièces de la
procédure écrite déposées en l’affaire au secrétaire général de l’OEA, lui deman-

dant de lui faire savoir si cette organisation entendait présenter des observa-
tions écrites au sens du paragraphe 3 de l’article 69 du Règlement. L’OEA a
indiqué qu’elle n’avait pas l’intention de présenter de telles observations.
4. Conformément aux instructions données par la Cour en vertu de l’article
43 de son Règlement, le greffier a adressé les notifications prévues au para-
graphe 1 de l’article 63 du Statut aux Etats parties à la convention des
Nations Unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982 (dénommée ci-après
la «CNUDM»). Le greffier a en outre adressé la notification prévue au para-
graphe 2 de l’article 43 du Règlement, tel qu’adopté le 29 septembre 2005, à
l’Union européenne, qui est aussi partie à ladite convention, en demandant à
cette organisation de lui faire savoir si elle entendait présenter des observations
en vertu de la disposition précitée. En réponse, l’Union européenne a fait savoir
au greffier qu’elle n’avait pas l’intention de présenter des observations en
l’espèce.

5. La Cour ne comptant sur le siège aucun juge de la nationalité des Parties,
chacune d’elles s’est prévalue du droit que lui confère le paragraphe 3 de l’arti-
cle 31 du Statut de procéder à la désignation d’un juge ad hoc pour siéger en
l’affaire. Le Nicaragua a désigné M. Giorgio Gaja et le Honduras a désigné
M. Julio González Campos, puis, celui-ci ayant renoncé à exercer ses fonctions
le 17 août 2006, M. Santiago Torres Bernárdez.
6. Par ordonnance en date du 21 mars 2000, le président de la Cour a fixé au
21 mars 2001 et au 21 mars 2002, respectivement, les dates d’expiration des
délais pour le dépôt du mémoire du Nicaragua et du contre-mémoire du Hon-
duras; ces pièces ont été dûment déposées dans les délais ainsi prescrits.
7. Au moment du dépôt du contre-mémoire, le Honduras a également
déposé deux séries de documents additionnels, présentés non en tant qu’annexes
à celui-ci mais, selon le Honduras, uniquement à titre d’information. Au cours

d’une réunion que le président de la Cour a tenue avec leurs agents le 5 juin 2002,
les deux Parties sont convenues de la procédure à suivre concernant ces docu-
ments additionnels. En particulier, il a été entendu que, dans un délai de trois
semaines suivant cette réunion, le Honduras indiquerait au greffier le titre des
documents additionnels qu’il entendait produire en tant qu’annexes à son
contre-mémoire en vertu de l’article 50 du Règlement et que, le 13 septem-
bre 2002 au plus tard, il déposerait au Greffe lesdites annexes. Conformément

9 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 665

à la procédure ainsi convenue, le coagent du Honduras a remis au Greffe, par
lettre du 25 juin 2002, une liste des documents additionnels qui seraient présen-

tés en tant qu’annexes. Ces annexes additionnelles au contre-mémoire du Hon-
duras ont été dûment déposées dans le délai convenu.
8. Par ordonnance en date du 13 juin 2002, la Cour a autorisé la présenta-
tion d’une réplique par le Nicaragua et d’une duplique par le Honduras, et fixé
au 13 janvier 2003 et au 13 août 2003 les dates d’expiration des délais pour le
dépôt de ces pièces. La réplique du Nicaragua et la duplique du Honduras ont
été déposées dans les délais ainsi prescrits.
9. Par lettre du 22 mai 2001, le Gouvernement de la Colombie a demandé à
recevoir communication des pièces de procédure et documents annexés. Après
s’être renseignée auprès des Parties conformément au paragraphe 1 de l’ar-
ticle 53 de son Règlement, la Cour a décidé de faire droit à cette demande. Le
greffier a communiqué cette décision au Gouvernement de la Colombie et aux

Parties par lettres datées du 29 juin 2001. Par lettre du 6 mai 2003, le Gouver-
nement de la Jamaïque a demandé à recevoir communication des pièces de pro-
cédure et documents annexés. Après s’être renseignée auprès des Parties confor-
mément au paragraphe 1 de l’article 53 de son Règlement, la Cour a décidé de
faire droit à cette demande. Le greffier a communiqué cette décision au Gou-
vernement de la Jamaïque et aux Parties par lettres datées du 30 mai 2003.
Par lettre du 31 août 2004, le Gouvernement d’El Salvador a demandé à re-
cevoir communication des pièces de procédure et documents annexés en l’affaire.
Après s’être renseignée auprès des Parties conformément au paragraphe 1
de l’article 53 de son Règlement, la Cour a décidé qu’il n’y avait pas lieu de
faire droit à cette demande. Le greffier a fait part de cette décision au Gou-

vernement d’El Salvador et aux Parties par lettres datées du 20 octobre 2004.
10. Par lettre conjointe du 9 février 2005, l’agent du Nicaragua et le coagent
derHonduras ont communiqué à la Cour un document signé à Tegucigalpa le
1 février 2005, par lequel le ministre des affaires étrangères du Nicaragua et le
secrétaire d’Etat aux affaires étrangères du Honduras portaient à la connais-
sance de la Cour les souhaits de leurs chefs d’Etat respectifs concernant le
calendrier des audiences en l’affaire.
11. Par lettre du 8 septembre 2006, le Gouvernement d’El Salvador a
demandé une nouvelle fois à recevoir communication des pièces de procédure et
documents annexés en l’affaire. Après s’être renseignée auprès des Parties
conformément au paragraphe 1 de l’article 53 de son Règlement, la Cour a
décidé qu’il n’y avait pas lieu de faire droit à cette demande. Le greffier a fait

part de cette décision au Gouvernement d’El Salvador et aux Parties par lettres
datées du 16 novembre 2006.
12. Le 2 février 2007, l’agent du Nicaragua a informé la Cour du souhait de
son gouvernement de produire douze nouveaux documents, à savoir onze let-
tres et une image satellite, conformément à l’article 56 du Règlement. La Cour,
après s’être renseignée auprès du Gouvernement du Honduras, a décidé que,
l’un des documents ayant été versé au dossier en tant qu’annexe à la réplique du
Nicaragua, il ne devait pas être considéré comme un document nouveau, et que
l’image satellite faisait «partie d’une publication facilement accessible» au sens
du paragraphe 4 de l’article 56 de son Règlement et pourrait, comme telle, être
mentionnée au cours de la procédure orale. La Cour a également décidé de ne

pas autoriser la production des autres documents. Le greffier a informé les
Parties de ces décisions par lettres datées du 26 février 2007.
13. Le 15 février 2007, le coagent du Honduras a fait savoir à la Cour que
le Gouvernement du Honduras avait l’intention de présenter un bref enre-

10 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME ARRÊT ) 666

gistrement vidéo lors de la procédure orale. Le 5 mars 2007, le greffier a indi-
qué aux Parties que la Cour avait décidé de ne pas faire droit à la demande du
Honduras.
14. Conformément au paragraphe 2 de l’article 53 de son Règlement, la
Cour, après s’être renseignée auprès des Parties, a décidé que des exemplaires

des pièces de procédure et documents annexés seraient rendus accessibles au
public à l’ouverture de la procédure orale.
15. Des audiences publiques ont été tenues entre le 5 et le 23 mars 2007, au
cours desquelles ont été entendus en leurs plaidoiries et réponses:
Pour le Nicaragua: S. Exc. M. Carlos José Argüello Gómez,
M. Alex Oude Elferink,
M. Ian Brownlie,
M. Antonio Remiro Brotóns,

M. Alain Pellet.
Pour le Honduras: S. Exc. M. Max Velásquez Díaz,
M. Christopher Greenwood,
M. Luis Ignacio Sánchez Rodríguez,
M. Philippe Sands,
M. Carlos Jiménez Piernas,
M. Jean-Pierre Quéneudec,
M. Pierre-Marie Dupuy,
M. David A. Colson,

S. Exc. M. Roberto Flores Bermúdez.
16. A l’audience, des questions ont été posées par les membres de la Cour,
auxquelles il a été répondu oralement et par écrit conformément au paragra-
phe 4 de l’article 61 du Règlement. Le Honduras a commenté oralement les
réponses orales du Nicaragua. En vertu de l’article 72 du Règlement, chacune
des Parties a présenté des observations écrites sur les réponses écrites qui
avaient été fournies par l’autre Partie.

*
17. Dans la requête, les demandes ci-après ont été formulées par le Nicara-
gua:

«En conséquence, la Cour est priée de déterminer le tracé de la frontière
maritime unique entre les mers territoriales, les portions de plateau conti-
nental et les zones économiques exclusives relevant respectivement du
Nicaragua et du Honduras, conformément aux principes équitables et aux
circonstances pertinentes que le droit international général reconnaît
comme s’appliquant à une délimitation de cet ordre.
La présente demande de détermination d’une frontière maritime unique
est subordonnée au pouvoir qu’a la Cour de fixer des délimitations dis-
tinctes pour les droits afférents au plateau continental, d’une part, et,
d’autre part, pour les pêcheries, dans le cas où, à la lumière des éléments

de preuve, il apparaîtrait nécessaire de procéder de la sorte pour parvenir
à une solution équitable.
Bien que la présente requête ait pour principal objet d’obtenir une décla-
ration sur la détermination de la frontière maritime ou des frontières mari-
times, le Gouvernement du Nicaragua se réserve le droit de demander
réparation pour toute mesure qui a pu entraver l’activité des bateaux de
pêche battant pavillon nicaraguayen ou des navires immatriculés au Nica-

11 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 667

ragua alors qu’ils se trouvaient au nord du parallèle de latitude 14°59′08″,
dont le Honduras soutient qu’il constitue la ligne de délimitation. Le Nica-

ragua se réserve aussi le droit de demander réparation pour toute extrac-
tion de ressources naturelles qui aurait eu lieu ou pourrait avoir lieu à
l’avenir dans une zone située au sud de la ligne de délimitation que la Cour
fixera par son arrêt.
Le Gouvernement du Nicaragua se réserve également le droit de com-
pléter ou de modifier la présente requête, ainsi que de demander à la Cour
d’indiquer les mesures conservatoires qui pourraient se révéler nécessaires
pour préserver les droits du Nicaragua.»

18. Au cours de la procédure écrite, les conclusions ci-après ont été présen-
tées par les Parties:
Au nom du Gouvernement du Nicaragua,

dans le mémoire:
«Compte tenu des éléments exposés dans le présent mémoire et, en par-

ticulier, des éléments de preuve concernant les relations entre les Parties,
Plaise à la Cour de dire et juger que:
La bissectrice des lignes représentant les façades côtières des deux Parties,
telle qu’appliquée et décrite aux paragraphes 22 et 29 du chapitre VIII, et

illustrée sur la figure correspondante, constitue la ligne à retenir aux fins de
la délimitation des secteurs contestés du plateau continental et des zones
économiques exclusives dans la région du seuil nicaraguayen.
La ligne médiane approximative, telle que décrite aux paragraphes 27
et 29 du chapitre X, et illustrée sur la figure correspondante, constitue la
limite à retenir aux fins de la délimitation des espaces contestés de la mer
territoriale jusqu’à la limite extérieure de celle-ci, en l’absence d’un secteur
contigu à l’embouchure du fleuve Coco et au point terminal de la frontière
terrestre»;

dans la réplique:
«Conformément au paragraphe 4 de l’article 49 du Règlement de la
Cour, le Gouvernement de la République du Nicaragua confirme les
conclusions précédemment formulées dans son mémoire soumis à la Cour

le 21 mars 2001.»
Au nom du Gouvernement du Honduras,

dans le contre-mémoire:
«Compte tenu des considérations exposées dans le présent contre-
mémoire et, en particulier, des éléments de preuve soumis à la Cour par les
Parties,

Plaise à la Cour de dire et juger que:
1. La frontière, aux fins de la délimitation des zones contestées de la
mer territoriale, jusqu’à sa limite extérieure, est une ligne droite horizon-
tale qui part de l’embouchure actuelle du fleuve Coco, telle que convenue
entre les Parties, et se termine à la limite des 12 milles, au point de jonction
e
de cette limite avec le 15 parallèle (14°59,8′); et que,
2. La frontière, aux fins de la délimitation des zones contestées du pla-
teau continental et de la zone économique exclusive dans la région, est
une ligne qui part du point précité de la limite des 12 milles, en direc-

12 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 668

e
tion de l’est, et qui lonee le 15 parallèle (14°59,8′) jusqu’à la longitude
du point de départ (82 méridien) de la frontière maritime établie par
le traité de 1986 entre le Honduras et la Colombie; et qu’en outre ou
subsidiairement,
3. Si la Cour décide de ne pas adopter la ligne indiquée ci-dessus aux
fins de la délimitation du plateau continental et de la zone économique
exclusive, est alors établie une ligne partant de la limite des 12 milles, en
e
direction de l’est, jusqu’au 15 parallèle (14°59,8′) et est dûment donné
effet eux îles relevant de la souveraineté du Honduras situées juste au nord
du 15 parallèle»;

dans la duplique:
«Au vu des considérations exposées dans le contre-mémoire du Hondu-
ras et dans la présente duplique,

Plaise à la Cour de dire et juger que:
1. Du point fixé par la commission mixte Honduras-Nicaragua en 1962

à 14°59,8′ de latitude nord et 83°08,9′ de longitude ouest jusqu’au point
situé par 14°59,8′ de latitude nord et 83°05,8′ de longitude ouest, la
démarcation de la frontière fluviale et la délimitation de la frontière mari-
time séparant les juridictions du Honduras et du Nicaragua feront l’objet
de négociations entre les Parties à la présente espèce, qui prendront en
considération les caractéristiques géographiques changeantes de l’embou-
chure du fleuve Coco; et que,
2. A l’est du point situé par 14°59,8′ de latitude nord et 83°05,8′ de lon-
gitude ouest, la frontière maritime unique séparant les juridictions mari-

times du Honduras et du Nicaragua suit le parallèle 14°59,8′ de latitude
nord jusqu’à atteindre la juridiction d’un Etat tiers.»
19. Au cours de la procédure orale, les conclusions ci-après ont été présen-
tées par les Parties:

Au nom du Gouvernement du Nicaragua,

A l’audience du 20 mars 2007:

«Au vu des considérations exposées dans le mémoire, la réplique et les
plaidoiries, et plus particulièrement des éléments de preuve relatifs aux
relations entre les Parties,

Plaise à la Cour de dire et juger que:
La bissectrice des lignes représentant les façades côtières des deux Parties,
telle que présentée dans les écritures et à l’audience, et tracée à partir d’un
point fixe situé à 3 milles environ de l’embouchure du fleuve par
15°02′00″ de latitude nord et 83°05′26″ de longitude ouest, constitue la
frontière maritime unique aux fins de la délimitation des zones en litige de

la mer territoriale, de la zone économique exclusive et du plateau conti-
nental dans la région du seuil nicaraguayen.
Ainsi que l’a établi la sentence du roi d’Espagne de 1906, le point de
départ de la délimitation est le thalweg de l’embouchure principale du
fleuve Coco, où qu’elle se situe au moment considéré.
Sans préjudice de ce qui précède, il est demandé à la Cour de trancher la
question de la souveraineté sur les îles et cayes situées dans la zone en
litige.»

13 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 669

Au nom du Gouvernement du Honduras,
A l’audience du 23 mars 2007:

«Au vu des pièces de procédure et des plaidoiries, ainsi que des éléments
de preuve soumis par les Parties,
Plaise à la Cour de dire et juger que:

1. Les îles de Bobel Cay, South Cay, Savanna Cay et Port Royal Cay,
ainsi que l’ensemble des autres îles, cayes, eochers, bancs et récifs reven-
diqués par le Nicaragua et situés au nord du 15 parallèle, relèvent de la
souveraineté de la République du Honduras.
2. Le point de départ de la frontière maritime à délimiter par la Cour est
le point situé par 14°59,8′ de latitude nord et 83°05,8′ de longitude
ouest. La frontière allant du point fixé par la commission mixte en 1962
à 14°59,8′ de latitude nord et 83°08,9 de longitude ouest jusqu’au point
de départ de la frontière maritime à délimiter par la Cour fera l’objet
d’un accord entre les Parties à la présente espèce sur la base de la sen-
tence rendue par le roi d’Espagne le 23 décembre 1906, qui a force obli-

gatoire pour les Parties, et prendra en compte les caractéristiques géo-
graphiques changeantes de l’embouchure du fleuve Coco (également
dénommé Segovia ou Wanks).
3. A l’est du point situé par 14°59,8′ de latitude nord et 83°05,8′ de lon-
gitude ouest, la frontière maritime unique séparant les mers territo-
riales, zones économiques exclusives et plateaux continentaux respectifs
du Honduras et du Nicaragua suit le parallèle 14°59,8′ de latitude
nord, c’est-à-dire la frontière maritime actuelle, ou suit une ligne d’équi-
distance ajustée, jusqu’à atteindre la juridiction d’un Etat tiers.»

* * *

2. L A GÉOGRAPHIE

2.1. La configuration des côtes nicaraguayennes et honduriennes

20. La zone dans laquelle doit s’effectuer la délimitation demandée

dans la présente affaire se trouve dans le bassin de l’océan Atlantique,
communément appelé mer des Caraïbes, situé entre 9° et 22° de latitude
nord et 89° et 60° de longitude ouest (pour la géographie générale de la
zone, voir ci-après, p. 670, le croquis n 1). La mer des Caraïbes s’étend
sur une superficie d’environ 2 754 000 kilomètres carrés (1 063 000 milles

carrés), entre les masses terrestres de l’Amérique du Nord et de l’Amé-
rique du Sud. Elle constitue un bras de l’océan Atlantique partiellement
entouré, au nord et à l’est, par les îles des Antilles et limité, au sud et à
l’ouest, par l’Amérique du Sud et par l’Amérique centrale.

21. La mer des Caraïbes est bordée par les côtes continentales du
Venezuela, de la Colombie et du Panama au sud, et par celles du
Costa Rica, du Nicaragua, du Honduras, du Guatemala, du Belize et de
la péninsule mexicaine du Yucatán à l’ouest. Au nord et à l’est, elle est
bordée par les îles des Grandes Antilles — Cuba, Hispaniola, la Jamaïque

et Porto Rico — et par les Petites Antilles, qui consistent en un arc d’îles

14DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME ARRÊT ) 670

15 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 671

s’étendant des îles Vierges au nord-est aux îles de Trinité-et-Tobago,
au large de la côte du Venezuela, au sud-est.

22. La mer des Caraïbes se divise en quatre bassins sous-marins prin-
cipaux — les bassins du Yucatán, des Caïmanes, de la Colombie et du
Venezuela — séparés les uns des autres par des dorsales et des massifs
sous-marins. Le plus septentrional, celui du Yucatán, est séparé du golfe
du Mexique par le détroit du Yucatán, entre l’île de Cuba et la péninsule

mexicaine du Yucatán. Le bassin des Caïmanes, qui se trouve plus au
sud, est partiellement séparé de celui du Yucatán par la dorsale des Caï-
manes, qui court de la partie méridionale de Cuba en direction du Gua-
temala, en Amérique centrale, et, à mi-chemin, s’élève à la surface pour
former les îles Caïmanes.

23. Le Nicaragua et le Honduras sont situés dans la partie sud-ouest
de la mer des Caraïbes. Au sud du Nicaragua se trouvent le Costa Rica et
le Panama et, à l’est, le Nicaragua fait face à la côte continentale de la
Colombie. Au nord-ouest du Honduras se trouvent le Guatemala, le
Belize et le Mexique et, au nord, le Honduras fait face à Cuba et aux îles
Caïmanes. Enfin, au nord-est du Nicaragua et du Honduras se trouve

l’île de la Jamaïque, dont la pointe sud-ouest est située à quelque 340 mil-
les marins de l’embouchure du fleuve Coco, point d’aboutissement sur la
côte caraïbe de la frontière terrestre entre le Nicaragua et le Honduras.
24. La façade côtière du Nicaragua sur la mer des Caraïbes s’étend sur
environ 480 kilomètres. La côte se dirige légèrement vers le sud-quart-

sud-ouest après le cap Gracias a Dios, conservant cette direction jusqu’à
la frontière entre le Nicaragua et le Costa Rica, à l’exception d’une saillie
vers l’est à Punta Gorda (14°19′ de latitude nord).
25. Le Honduras, pour sa part, présente, sur la mer des Caraïbes, une
façade côtière d’environ 640 kilomètres orientée généralement d’est en

ouest, entre 15° et 16° de latitude nord. Sur son segment hondurien,
la côte centraméricaine bordant la mer des Caraïbes s’oriente d’abord
vers le nord, du cap Gracias a Dios jusqu’à Cabo Falso (15°14′ de
latitude nord), pour s’infléchir ensuite vers l’ouest. Au cap Camarón
(15°59′ de latitude nord), la côte change plus brutalement de direction

et s’oriente quasiment plein ouest jusqu’à la frontière entre le Honduras
et le Guatemala.
26. Les deux littoraux forment approximativement un angle droit qui
fait saillie en mer. La convexité de la côte est accentuée par le cap Gracias
a Dios, situé à l’embouchure du fleuve Coco, dont le cours se dirige de
manière générale vers l’est à l’approche de la côte et qui se jette dans la

mer à la pointe orientale du cap. Le cap Gracias a Dios constitue le point
de convergence des façades côtières des deux Etats. Il dessine une conca-
vité de part et d’autre et présente deux pointes séparées de quelques cen-
taines de mètres, une sur chaque rive du fleuve Coco.
27. La marge continentale prolongeant la côte orientale du Nicaragua

et du Honduras est généralement appelée «seuil nicaraguayen». Il s’agit
d’une plate-forme triangulaire relativement plane, située à une vingtaine
de mètres de profondeur. A peu près à mi-chemin entre les côtes du

16 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 672

Honduras et du Nicaragua et celle de la Jamaïque, le seuil nicaraguayen

s’achève par un dénivelé abrupt de plus de 1500 mètres. Avant d’attein-
dre ces plus grandes profondeurs, le seuil est interrompu par plusieurs
bancs de grande taille tels que Thunder Knoll Bank et Rosalind Bank
(également appelé Rosalinda Bank), séparés de la plate-forme principale
par des chenaux plus profonds atteignant plus de 200 mètres. Dans la

zone peu profonde de la dorsale, à proximité de la masse continentale du
Nicaragua et du Honduras, se trouvent de nombreux récifs, dont certains
sont découverts et constituent des cayes.
28. Les cayes sont de petites îles de faible altitude, formées principale-
ment du sable provenant du délitement des récifs coralliens sous l’action

des vagues et déposé ensuite par le vent. Les plus grandes peuvent accu-
muler suffisamment de sédiments pour qu’une végétation s’y développe
et s’y fixe. Les eaux tropicales peu profondes de l’ouest de la mer des
Caraïbes se prêtent à la formation de récifs coralliens. Les cayes, en

particulier les plus petites, sont extrêmement vulnérables aux tempêtes
tropicales et aux ouragans, fréquents dans les Caraïbes.
29. Les formations insulaires situées sur le plateau continental face au
cap Gracias a Dios, au nord du 15 parallèle, comprennent Bobel Cay,
Savanna Cay, Port Royal Cay et South Cay, situées à une distance de

30 à 40 milles marins à l’est de l’embouchure du fleuve Coco.
Dans le présent arrêt, les noms des formations maritimes qui apparais-
sent tant dans le texte anglais que dans le texte français ainsi que sur les
croquis sont ceux le plus couramment utilisés, qu’ils soient espagnols ou
anglais.

30. La zone située au nord-est du cap Gracias a Dios comprend aussi
un certain nombre d’importants bancs de pêche situés à une distance
de 60 à 170 milles marins de l’embouchure du fleuve Coco. Les plus im-
portants sont Middle Bank, Thunder Knoll Bank, Rosalind Bank et
Gorda Bank.

2.2. La géomorphologie de l’embouchure du fleuve Coco

31. La zone terrestre qui jouxte les zones maritimes en litige, connue
sous le nom de côte des Mosquitos ou Misquitos, se compose de deltas,

bancs de sable et lagunes. Elle se caractérise par des changements mor-
phologiques marqués et rapides. En conséquence, au nord et au sud du
cap Gracias a Dios, la côte présente un caractère accumulatif typique:
le rivage est formé de longues îles barrières ou flèches sablonneuses.
Nombre d’entre elles se déplacent constamment et se referment progres-

sivement autour de lagunes qui finissent par se remplir de fins sédiments
pour se transformer en terre ferme. Une succession de lagunes côtières
s’étend depuis le cap Camarón au Honduras jusqu’à Bluefields, ville du
sud de la côte caraïbe du Nicaragua. Ce chapelet de lagunes est séparé de
la mer par de minces bancs de sable. Ces lagunes sont plutôt des étendues

d’eau peu profondes formées par les cours d’eau à leur embouchure que
des bras de mer. Des sédiments s’y déposent continuellement et des bar-

17 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 673

rières de sable en obstruent l’entrée. Les effets les plus notables sont

l’accrétion rapide et l’avancée inéluctable de la façade côtière dues aux
constants dépôts terrigènes charriés par les cours d’eau jusqu’à la mer.
Ces dépôts sont causés par la forte érosion des montagnes à l’intérieur
des terres, les pluies abondantes et le débit important des cours d’eau qui
drainent le versant caraïbe de la région.

32. Le fleuve Coco est le plus long de l’isthme centraméricain, et son
débit l’un des plus importants. Du point de vue géomorphologique, son
embouchure est un delta typique, qui forme sur la côte une avancée cons-
tituant un cap: le cap Gracias a Dios. Tous les deltas sont par définition
des accidents géographiques de caractère instable dont la taille et la

forme évoluent sur des périodes relativement courtes. Le fleuve Coco
repousse progressivement le cap Gracias a Dios vers la mer en charriant
de grandes quantités d’alluvions. Les sédiments qu’il dépose sont disper-
sés par un réseau de chenaux fluviaux divergents et mouvants, ce qui

donne naissance à une plaine deltaïque. La hiérarchie de ces chenaux flu-
viaux évolue rapidement, les chenaux principaux pouvant en peu de
temps devenir des chenaux secondaires et inversement. Les sédiments
accumulés dans le delta sont ensuite transportés et redéposés le long de la
côte hondurienne par le courant des Caraïbes et le long de la côte nica-

raguayenne par le courant cyclonique Colombie-Panama (un courant cir-
culant dans le sens inverse des aiguilles d’une montre le long de la côte
nicaraguayenne). En résumé, le delta du fleuve Coco et même les côtes
situées au nord et au sud de celui-ci présentent un morphodynamisme
très actif. Il s’ensuit que la forme de l’embouchure du fleuve change cons-

tamment, et que des îles et hauts-fonds instables se constituent dans cette
embouchure là où le fleuve dépose une grande partie de ses sédiments.

**

3. LE CONTEXTE HISTORIQUE

33. Le Nicaragua et le Honduras, qui avaient été sous souveraineté
espagnole, devinrent tous deux des Etats indépendants en 1821. Ils for-
mèrent par la suite avec le Guatemala, El Salvador et le Costa Rica la

République fédérale d’Amérique centrale, également connue sous le nom
de Provinces-Unies d’Amérique centrale, qui exista de 1823 à 1840.
En 1838, le Nicaragua et le Honduras firent sécession de la Fédération,
en conservant chacun le territoire qui était le sien. Au cours de la période
comprise entre 1838 et 1840, la Fédération se désintégra.

34. Le 25 juillet 1850, la République du Nicaragua et la reine d’Es-
pagne signèrent un traité reconnaissant l’indépendance du Nicaragua. Aux
termes de ce traité, la reine d’Espagne reconnaissait «la République du
Nicaragua comme un Etat libre, souverain et indépendant comprenant
l’intégralité des territoires qui lui apparten[ai]ent d’une mer à l’autre,

ainsi que de ceux qui lui appartiendr[aie]nt plus tard» (art. II). Le traité
disposait également que la reine d’Espagne renonçait à

18 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 674

«la souveraineté, aux droits et aux prétentions qu’elle dét[enait] ou
nourri[ssait] sur le territoire américain situé entre l’Atlantique et le

Pacifique, avec ses îles adjacentes, connu sous le nom de province du
Nicaragua, aujourd’hui République du même nom, ainsi que sur les
autres territoires incorporés à ladite République» (art. I).

Les noms des îles adjacentes appartenant au Nicaragua n’étaient pas pré-
cisés dans le traité.
35. Le 15 mars 1866, la République du Honduras et la reine d’Espagne
signèrent un traité reconnaissant l’indépendance du Honduras. Aux
termes de ce traité, la reine d’Espagne reconnaissait la République du

Honduras
«comme un Etat libre, souverain et indépendant comprenant l’inté-

gralité du territoire de ce qui fut la province du même nom pendant
la période de la domination espagnole, tel que ledit territoire [était]
délimité à l’est, au sud-est et au sud par la République du Nicara-
gua» (art. I).

Le traité disposait également que la reine renonçait «à la souveraineté,
aux droits et aux prétentions qu’elle déten[ait] ou nourri[ssait] sur le ter-
ritoire de ladite République». Le traité reconnaissait le territoire hondu-
rien comme comprenant «les îles adjacentes situées le long de ses côtes
dans les deux océans», sans désigner ces îles nommément.

36. Le Nicaragua et le Honduras tentèrent par la suite de délimiter
leur frontière en signant le traité Ferrer-Medina en 1869 et le traité Ferrer-
Uriarte en 1870, mais aucun de ces deux accords n’entra en vigueur.
37. Le 7 octobre 1894, le Nicaragua et le Honduras réussirent à
conclure un traité général de frontières, connu sous le nom de traité

Gámez-Bonilla, qui entra en vigueur le 26 décembre 1896 (C.I.J. Recueil
1960, p. 199-202). L’article II du traité, conformément au principe de
l’uti possidetis juris, disposait que «chaque République [était] maîtresse
des territoires qui, à la date de l’indépendance, constituaient respective-
ment les provinces du Honduras et du Nicaragua». L’article premier du

traité prévoyait en outre la constitution d’une commission mixte des
limites chargée de la démarcation de la frontière entre le Nicaragua et le
Honduras:

«Les Gouvernements du Honduras et du Nicaragua nommeront
des commissaires qui, dûment autorisés, organiseront une commis-
sion mixte des limites chargée de résoudre de façon amicale tous les
doutes et tous les différends pendants et de tracer sur le terrain la
ligne frontière indiquant la limite entre les deux républiques.»

38. La commission, qui se réunit de 1900 à 1904, fixa la frontière entre
le golfe de Fonseca sur l’océan Pacifique et le Portillo de Teotecacinte,

situé à une distance équivalant à environ un tiers de la largeur du terri-
toire, mais ne fut pas en mesure de déterminer la frontière entre ce point
et la côte atlantique. En application de l’article III du traité Gámez-

19 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME ARRÊT ) 675

Bonilla, le Nicaragua et le Honduras soumirent ultérieurement leur dif-

férend relatif à la portion de la frontière qui n’avait pu être déterminée au
roi d’Espagne, arbitre unique. Le roi Alphonse XIII d’Espagne rendit le
23 décembre 1906 une sentence arbitrale qui fixait la frontière depuis
l’embouchure du fleuve Coco, au cap Gracias a Dios, jusqu’au Portillo de
Teotecacinte. Le dispositif de la sentence était ainsi libellé:

«Le point extrême limitrophe commun sur la côte atlantique sera
l’embouchure du fleuve Coco, Segovia ou Wanks dans la mer, près

du cap Gracias a Dios, en considérant comme embouchure du fleuve
celle de son bras principal entre Hara et l’île de San Pío où se trouve
ledit cap, les îlots ou cayos qui existent dans ledit bras principal
avant d’atteindre la barre restant au Honduras et le Nicaragua

conservant la rive sud de ladite embouchure principale, l’île de San
Pío y comprise, ainsi que la baie et le village de Cabo de Gracias a
Dios et le bras ou estero appelé Gracias qui aboutit à la baie de Gra-
cias a Dios entre le continent et l’île de San Pío susnommée.

A partir de l’embouchure du Segovia ou Coco, la ligne frontière
suivra la vaguada ou thalweg de ce fleuve vers l’amont, sans inter-
ruption, jusqu’à son confluent avec le Poteca ou Bodega et, de ce
point, ladite ligne frontière quittera le fleuve Segovia en continuant
par le thalweg du susdit affluent Poteca ou Bodega, vers l’amont,

jusqu’à sa jonction avec la rivière Guineo ou Namaslí.
A partir de cette jonction, la ligne frontière suivra la direction qui
correspond à la démarcation du sitio de Teotecacinte, d’après le bor-
nage effectué en 1720, pour finir au portillo de Teotecacinte , de sorte
que ledit sitio demeure en entier sous la juridiction du Nicaragua.»

(Sentence arbitrale rendue par le roi d’Espagne le 23 décembre 1906
(Honduras c. Nicaragua), arrêt, C.I.J. Recueil 1960 , p. 202-203.)

39. Le Nicaragua contesta par la suite, dans une note du 19 mars 1912,
la validité et le caractère obligatoire de la sentence arbitrale. Après plu-
sieurs tentatives infructueuses de règlement du différend et un certain
nombre d’incidents frontaliers survenus en 1957, le conseil de l’OEA se

saisit cette même année de la question. Grâce à la médiation d’une com-
mission ad hoc créée par celui-ci, le Nicaragua et le Honduras convinrent
de soumettre leur différend à la Cour internationale de Justice.
40. Dans sa requête introductive d’instance déposée le 1 erjuillet 1958,
le Honduras priait la Cour de dire et juger que la non-exécution par le

Nicaragua de la sentence arbitrale «constitu[ait] une violation d’un enga-
gement international» (ibid., p. 195) et que le Nicaragua était tenu d’exé-
cuter la sentence. Le Nicaragua, quant à lui, priait la Cour de dire et
juger que la décision du roi d’Espagne n’avait pas «le caractère d’une
sentence arbitrale obligatoire», qu’elle n’était de toute façon pas «suscep-

tible d’exécution, vu les lacunes, contradictions et obscurités qui l’affec-
t[ai]ent», et que le Nicaragua et le Honduras se trouvaient «relativement

20 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 676

à leur frontière dans la même situation juridique qu’avant le 23 décembre
1906» (Sentence arbitrale rendue par le roi d’Espagne le 23 décembre

1906 (Honduras c. Nicaragua), arrêt, C.I.J. Recueil 1960 , p. 198 et 199),
date de la sentence.
41. Dans son arrêt, la Cour, après examen des arguments des Parties
et des éléments de preuve contenus dans le dossier de l’affaire, jugea tout
d’abord que «les Parties [avaient] suivi ... la procédure qui avait été

convenue pour la présentation de leurs thèses respectives» à un arbitre,
en application du traité Gámez-Bonilla. Ainsi, la désignation du roi
Alphonse XIII comme arbitre chargé de trancher la question des limites
entre les deux Parties était valide. La Cour examina ensuite l’alléga-
tion du Nicaragua selon laquelle le traité Gámez-Bonilla était arrivé à

expiration lorsque le roi d’Espagne accepta la fonction d’arbitre et
jugea que «le traité Gámez-Bonilla [était] resté en vigueur jusqu’au
24 décembre 1906 et que c’[était] bien dans les limites de sa durée
que le roi a[vait] accepté, le 17 octobre 1904, d’être désigné comme
arbitre».
42. La Cour ajouta que,

«attendu que le Nicaragua a librement accepté la désignation du roi
d’Espagne comme arbitre; que le Nicaragua n’a soulevé aucune

objection à la compétence arbitrale du roi d’Espagne, soit pour le
motif d’irrégularités dans sa désignation comme arbitre, soit pour le
motif de l’expiration du traité Gámez-Bonilla avant même que le roi
d’Espagne eût signifié son acceptation des fonctions d’arbitre; et que
le Nicaragua a pleinement pris part à la procédure arbitrale devant

le roi, la Cour considère que ce pays n’est plus en droit d’invoquer
l’un ou l’autre des deux motifs comme causes de nullité de la sen-
tence» (ibid., p. 209).

43. La Cour se pencha ensuite sur l’allégation du Nicaragua selon
laquelle la sentence était «nulle» au motif qu’elle aurait été entachée des
vices suivants: a) «excès de pouvoir», b) «erreurs essentielles» et c) «dé-
faut ou insuffisance de motifs à l’appui des conclusions de l’arbitre».

44. La Cour indiqua que le Nicaragua «a[vait], par ses déclarations
expresses et par son comportement, reconnu le caractère valable de la
sentence et ... n’[était] plus en droit de revenir sur cette reconnaissance
pour contester la validité de la sentence». Même en l’absence d’une telle
reconnaissance, «la sentence, selon la Cour, dev[ait] encore être reconnue
comme valable» pour les raisons suivantes.

Premièrement, la Cour n’était pas en mesure de confirmer l’allégation
selon laquelle le roi d’Espagne avait excédé les pouvoirs qui lui avaient
été conférés. Deuxièmement, elle n’avait pu trouver dans l’argumentation
du Nicaragua aucune indication précise quant aux «erreurs essentielles»
qui auraient eu pour effet, comme le prétendait le Nicaragua, «d’entraî-

ner la nullité de la sentence». A ce sujet, la Cour fit observer que «[l]es
cas d’«erreur essentielle» que le Nicaragua a[vait] portés à [son]
attention ... se rédui[s]aient tout au plus à l’appréciation des documents et

21 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 677

autres preuves présentés à l’arbitre». Troisièmement, la Cour rejeta le
dernier motif de nullité invoqué par le Nicaragua, en concluant que

«l’examen de la sentence montr[ait] qu’elle trait[ait] en ordre logique
et avec quelque détail de toutes les considérations pertinentes et que
les conclusions de l’arbitre [étaient] fondées sur un raisonnement et
des explications suffisants» (Sentence arbitrale rendue par le roi
d’Espagne le 23 décembre 1906 (Honduras c. Nicaragua), arrêt,
C.I.J. Recueil 1960, p. 215 et 216).

45. La Cour examina pour finir l’argument du Nicaragua selon lequel
la sentence n’était pas susceptible d’exécution, vu les «lacunes, contradic-
tions et obscurités qui l’affect[ai]ent». A ce sujet, la Cour nota ce qui suit:

«Eu égard au clair énoncé du dispositif de la sentence [qui définit
comme point extrême limitrophe commun sur la côte de l’Atlantique
l’embouchure du fleuve Segovia ou Coco dans la mer] et aux consi-

dérants qui le justifient, la Cour n’estime pas que la sentence ne soit
pas susceptible d’exécution en raison de lacunes, contradictions ou
obscurités.»

46. Dans le dispositif de son arrêt, la Cour conclut que la sentence
arbitrale rendue par le roi d’Espagne le 23 décembre 1906 était valable et
obligatoire et que le Nicaragua était tenu de l’exécuter (ibid., p. 217).

47. Le Nicaragua et le Honduras n’étant pas parvenus à se mettre
d’accord par la suite sur la manière d’appliquer la sentence arbitrale de
1906, le Nicaragua demanda l’intervention de la commission interaméri-
caine de la paix. Celle-ci constitua alors une commission mixte qui

acheva la démarcation de la frontière par la pose de bornes en 1962. La
commission mixte détermina que la frontière terrestre partirait de
l’embouchure du fleuve Coco, située par 14°59,8′ de latitude nord et
83°08,9′ de longitude ouest.
48. De 1963 à 1979, le Honduras et le Nicaragua entretinrent des rela-

tions généralement amicales. Les premiers efforts de négociation bilaté-
rale entre les Parties au sujet de la frontière maritime dans la mer des
Caraïbes remontent à la demande formulée par le Nicaragua dans une
note diplomatique datée du 11 mai 1977. Dans cette note adressée au mi-
nistre hondurien des affaires étrangères, l’ambassadeur du Nicaragua au
Honduras indiquait que son «gouvernement souhait[ait] engager des

pourparlers en vue de la délimitation définitive de la zone marine et sous-
marine dans l’océan Atlantique et la mer des Caraïbes».
Par une note diplomatique datée du 20 mai 1977, le ministre hondurien
des affaires étrangères répondit que «son gouvernement accept[ait] avec
plaisir l’ouverture de négociations» relatives à la délimitation maritime.

Cependant, ces négociations ne progressèrent pas en raison de la révolu-
tion sandiniste qui renversa le gouvernement Somoza en juillet 1979.
Dans la période qui suivit, et jusqu’en 1990 (date d’investiture du nou-

22 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 678

veau Gouvernement nicaraguayen, dirigé par Violeta Chamorro), les

relations entre le Nicaragua et le Honduras se détériorèrent.
49. Le 21 septembre 1979, le Honduras adressa au Nicaragua une note
diplomatique faisant état de ce qu’un bateau de pêche hondurien avait
été attaqué par le Nicaragua à 8 milles au nord du 15 parallèle, qui,

selon la note, servait «de limite entre le Honduras et le Nicaragua». Le
24 septembre 1979, en réponse au Honduras, le Nicaragua promit dans
une note diplomatique d’ouvrir une enquête urgente au sujet de «la cap-
ture [d’un] bateau de pêche à moteur hondurien ... et de son équipage par

[un] bateau de pêche hondurien ... utilisé par les forces régulières nicara-
guayennes». La note nicaraguayenne ne faisait pas mention de l’affirma-
tion du Honduras selon laquelle le 15 parallèle servait de limite entre les
deux pays.

50. Le 19 décembre 1979, le Nicaragua promulgua la loi sur le plateau
continental et la mer adjacente. Aux termes du préambule de cette loi,
avant 1979,

«l’intervention étrangère a[vait] empêché le plein exercice par le
peuple du Nicaragua [des] droits [de la nation] sur le plateau conti-

nental et la mer adjacente, droits qui, du point de vue de l’histoire,
de la géographie comme du droit international, appartiennent à la
nation nicaraguayenne».

L’article 2 de cette loi était ainsi libellé: «La souveraineté et la compé-

tence du Nicaragua s’étendent au-delà de la mer adjacente à ses côtes sur
une longueur de 200 milles marins.» La carte officielle du plateau conti-
nental du Nicaragua publiée en 1980 et la carte officielle de la République
datée de 1982 comportaient l’une et l’autre un encadré comprenant Rosa-
e
lind, Serranilla et diverses zones adjacentes jusqu’au 17 parallèle.
51. Le 11 janvier 1982, le Honduras promulgua une nouvelle constitu-
tion dont l’article 10 disposait qu’appartenaient au Honduras, entre
autres, les cayes de Palo de Campeche et de Media Luna, les bancs de

Salmedina, Providencia, De Coral, Rosalind et Serranilla, «ainsi que
tou[te]s les autres formations situées dans l’Atlantique et qui, his-
toriquement, géographiquement et juridiquement, sont les siennes».
Par ailleurs, l’article 11 de cette constitution proclamait une zone écono-

mique exclusive de 200 milles marins.
52. Le 23 mars 1982, le Honduras adressa une note diplomatique au
Nicaragua au sujet d’un incident survenu le 21 mars 1982, déclenché par
la capture de quatre bateaux de pêche honduriens au nord du 15 paral-e

lèle par deux vedettes des gardes-côtes nicaraguayens qui avaient ensuite
remorqué ces bateaux jusqu’à Puerto Cabezas, port nicaraguayen situé
par environ 14° de latitude nord. Dans cette note, le Honduras affirmait
que le 15 parallèle était traditionnellement reconnu comme ligne frontière:

«Dimanche, le 21 de ce mois, deux vedettes des gardes-côtes de la

marine sandiniste ont pénétré juseu’aux cayes de Bobel et de Media
Luna, à 16 milles au nord du 15 parallèle, qui est la ligne de partage

23 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 679

traditionnellement reconnue par les deux pays dans l’océan Atlan-
tique. En violation flagrante de la souveraineté de notre Etat dans
des eaux placées sous juridiction hondurienne, ces navires ont ensuite
capturé quatre bateaux de pêche honduriens et leurs équipages, tous

de nationalité hondurienne, avant de les transférer à Puerto Cabezas
au Nicaragua.»

53. Le 14 avril 1982, le Nicaragua répondit dans une note diploma-
tique qu’il n’avait jamais reconnu de frontière maritime avec le Honduras
dans la mer des Caraïbes:

«Votre Excellence rapporte dans sa note que, le dimanche 21 mars,
deux de nos garde-côtes auraient «pénétré jusqu’aux cayes de Bobel
et de Media Luna, à 16 milles au nord du 15 parallèle, qui est la
ligne de partage traditionnellement reconnue par les deux pays dans

l’Atlantique». Cette affirmation est pour le moins surprenante,
d’autant que le Nicaragua n’a pas reconnu de frontière avec le Hon-
duras dans la mer des Caraïbes et qu’aucune frontière maritime
entre le Honduras et le Nicaragua n’yaàc e jour été définie. Le

Nicaragua entend bien qu’il puisse y avoir au Honduras une volonté
d’établir ledit parallèle comme frontière. Cependant le Nicaragua ne
l’a à aucun moment reconnu comme telle puisque cela constituerait
une atteinte à son intégrité territoriale et à sa souveraineté nationale.
Conformément aux règles établies du droit international, les questions

territoriales doivent nécessairement être réglées par un accord en
bonne et due forme, en conformité avec les lois propres de chaque
Etat signataire. Par conséquent, le Nicaragua, n’ayant à ce jour conclu
aucun accord de cette nature, rejette l’affirmation de Votre Excellence
en ce qu’elle revient à revendiquer l’établissement de la frontière
e
honduro-nicaraguayenne dans la mer des Caraïbes au 15parallèle.»

Le Nicaragua ajoutait dans cette note qu’il estimait que des négociations
en vue de la délimitation dans la mer des Caraïbes «[devaient être]
conduites en commissions mixtes», mais que, «afin d’empêcher que ces
questions n’aboutissent à des frictions entre nos deux Etats», la discus-
sion de ces problèmes devait être «reporté[e] à un moment propice à des

négociations».
54. Par une note diplomatique datée du 3 mai 1982, le ministre hon-
durien des affaires étrangères poursuivit l’échange en proposant, dans
l’attente d’un règlement du problème, l’établissement d’une ligne ou
d’une zone temporaire qui ne porterait pas atteinte aux droits maritimes

que les deux Etats pourraient revendiquer ultérieurement dans la mer des
Caraïbes:

«Je suis d’accord avec Votre Excellence lorsqu’elle déclare que la
frontière maritime entre le Honduras et le Nicaragua n’a pas été déli-
mitée en droit. L’on ne peut cependant nier qu’il existe, ou du moins
qu’il existait, une ligne de partage traditionnellement acceptée, à

savoir le parallèle qui traverse le cap Gracias a Dios. Il n’est pas

24 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 680

d’autre explication au fait que les incidents frontaliers ont lieu
depuis quelques mois seulement, et avec une inquiétante fréquence,
entre nos deux pays.
Néanmoins, je conviens avec Votre Excellence que le moment est

mal choisi pour entamer une discussion relative à la frontière
maritime...
Il est clair, d’après les déclarations de Votre Excellence et de mon
gouvernement, que nos deux pays désirent préserver la paix et s’abs-
tenir d’introduire de nouvelles causes de controverse dans les cir-

constances présentes. Dans ce but, j’estime qu’il est nécessaire
d’adopter une sorte de critère, quand bien même officieux et transi-
toire, afin d’éviter les incidents tels que ceux qui nous occupent pré-
sentement. L’établissement temporaire d’une ligne ou d’une zone
— sans préjuger des revendications futures de chacun des deux

Etats — pourrait être envisagé afin de servir d’indicateur temporaire
de leurs zones de juridiction respectives. Je suis convaincu que le dia-
logue franc et cordial que nous avons déjà amorcé permettra de
dégager une solution satisfaisante pour les deux parties.»

55. Le 18 septembre 1982, le Honduras adressa au Nicaragua une note

diplomatique par laquelle il protestait au sujet d’une attaque que le Nica-
ragua aurait lancée ce jour-là contre un bateau de pêche hondurien à
proximité des cayes de Bobel et de Media Luna, au nord du 15 parallèle.
56. Par une note diplomatique datée du 19 septembre 1982, le Nicara-
gua rejeta la proposition hondurienne faite dans la note diplomatique du

ministre hondurien des affaires étrangères, datée du 3 mai 1982, d’établir
une ligne ou une zone temporaire, et contesta en outre la version hondu-
rienne des faits relatifs à l’attaque contre un bateau de pêche avancée par
le Honduras dans sa note du 18 septembre 1982. En particulier, le Nica-

ragua notait que

«le Gouvernement du Nicaragua manifeste sa profonde stupéfaction
devant certaines affirmations formulées dans votre note [du 18 sep-
tembre 1982] relativement à la zone juridictionnelle dans la mer des
Caraïbes. Comme nous l’avons fait remarquer dans nos notes anté-
rieures, la frontière maritime entre le Honduras et le Nicaragua dans

cette mer n’est pas tracée et il n’existe aucune limite traditionnelle
entre nos deux pays dans ces eaux. Cette réalité incontestable a été
déjà acceptée par la République du Honduras dans la note
n 254DSM du 3 mai courant, adressée par S. Exc. M. Edgardo Paz
Barnica, ministre hondurien des affaires étrangères, au ministre nica-

raguayen, M. Miguel D’Escoto Brockmann, et qui contient le pas-
sage suivant: «Je suis d’accord avec Votre Excellence lorsqu’elle
déclare que la frontière maritime entre le Honduras et le Nicaragua
n’est pas délimitée en droit.»»

57. Le 27 juin 1984, le Honduras adressa au Nicaragua une note diplo-

matique dans laquelle il protestait contre la carte officielle du Nicaragua

25 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 681

de 1982, demandant qu’elle soit modifiée au motif que les bancs et cayes

de Rosalind et de Serranilla, dont le Honduras revendiquait la souverai-
neté, étaient représentées par erreur sur cette carte.
58. Des échanges d’accusations relatives à des incursions qui auraient
été menées dans la zone maritime litigieuse se poursuivirent pendant les
années quatre-vingt et quatre-vingt-dix, y compris pendant les périodes

de négociations bilatéreles. De nombreux incidents ayant donné lieu,
dans les parages du 15 parallèle, à la saisie ou à l’attaque par chacun des
deux Etats de bateaux de pêche appartenant à l’autre sont rapportés dans
une série d’échanges de notes diplomatiques des Etats.
59. Le Honduras conclut un traité de délimitation maritime avec la

Colombie le 2 août 1986. Le 8 septembre 1986, le Nicaragua adressa au
Honduras une note diplomatique indiquant que ledit traité «prétend[ait]
partager entre le Honduras et la Colombie de larges zones comprenant
des territoires insulaires, leurs mers adjacentes ainsi que le plateau conti-

nental, soumis à la souveraineté nicaraguayenne en vertu de l’histoire, de
la géographie et du droit».
60. En réponse, le Honduras adressa au Nicaragua une note diploma-
tique datée du 29 septembre 1986 dans laquelle il était indiqué que le
traité en question

«constitu[ait] l’expression de la volonté souveraine de deux Etats

d’établir leur frontière maritime dans des zones sur lesquelles le
Nicaragua n’exerçait pas et n’avait jamais exercé la moindre juridic-
tion, étant donné qu’il n’[était] capable de citer aucun argument his-
torique, géographique ou juridique à l’appui de ses prétentions selon
lesquelles ces zones lui appartenaient».

Le Honduras indiquait en outre dans la même note qu’il était disposé à

entamer des négociations avec le Gouvernement nicaraguayen concer-
nant la délimitation maritime.
61. Par une déclaration commune des ministres des affaires étrangères
du Honduras et du Nicaragua faite le 5 septembre 1990, les Parties consti-
tuèrent une commission mixte des affaires maritimes. Aux termes de cette

déclaration commune, la commission devait «prévenir et résoudre les
problèmes d’ordre maritime entre les deux pays». La déclaration com-
mune indiquait également que ladite commission «examine[rait] en prio-
rité les questions relatives à la délimitation des espaces maritimes dans le
golfe de Fonseca et sur la côte atlantique, ainsi que les problèmes en

découlant pour les pêcheries». La commission mixte se réunit pour la
première fois le 27 mai 1991.
62. Dans une déclaration commune ultérieure, faite le 29 novembre
1991, les Parties indiquèrent qu’il était «nécessaire de rechercher des solu-
tions compatibles avec l’idéal d’intégration de l’Amérique centrale». Le

Nicaragua affirme à cet égard qu’il

«convient [d’interpréter] cette déclaration comme manifestant d’une
part une intention générale, à savoir que le Nicaragua et le Hondu-

26 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 682

ras s’abstiendraient de conclure avec des Etats non centraméricains
des accords risquant de porter préjudice à l’une ou à l’autre Partie, et
d’autre part une intention spécifique, à savoir que le Honduras s’abs-
tiendrait de ratifier le traité de délimitation maritime qu’il avait

conclu avec la Colombie en août 1986. Le Nicaragua accepta pour
sa part de se désister de l’instance l’opposant au Honduras devant la
Cour [centraméricaine de justice].»

63. La commission mixte des affaires maritimes se réunit une deuxième

fois le 5 août 1992 et devait tenir une nouvelle réunion le 7 juillet 1993,
mais celle-ci fut reportée. Le 24 mars 1995, le Nicaragua proposa que les
Parties étudient à nouveau la délimitation des espaces maritimes dans la
mer des Caraïbes. La commission mixte des affaires maritimes fusionna
le 20 avril 1995 avec la commission de la coopération frontalière afin de

constituer une nouvelle commission bilatérale, qui tint sa première réu-
nion le 20 avril 1995; il fut convenu lors de celle-ci de constituer une
sous-commission chargée des questions de délimitation dans la mer des
Caraïbes et de la démarcation d’espaces déjà délimités dans le golfe de

Fonseca. La sous-commission fut effectivement constituée à la deuxième
réunion de la commission bilatérale tenue les 15 et 16 juin 1995, mais fut
incapable de régler les différends sur les questions de délimitation dans la
mer des Caraïbes (sa dernière réunion, qui devait se tenir le 25 avril 1997,
fut annulée d’un commun accord).

64. Le 19 avril 1995, le Honduras adressa une note diplomatique de
protestation contre la saisie d’un bateau de pêche hondurien par des
gardes-côtes nicaraguayens. Le 5 mai 1995, le Nicaragua répondit au
Honduras par une note diplomatique réitérant ses revendications
«jusqu’au 17 parallèle de latitude nord», formulées pour la première fois

dans une note datée du 12 décembre 1994. Poursuivant eet échange, le
Honduras maintint sa position selon laquelle le 15 parallèle constituait
la frontière maritime.
65. Par des notes diplomatiques des 18 et 27 décembre 1995 adressées

au ministre nicaraguayen des affaires étrangères, le Honduras s’éleva
contre la capture, le 17 décembre 1995, de cinq bateaux de pêche hondu-
riens et de leurs équipages par des gardes-côtes nicaraguayens. Par des
notes du 20 décembre 1995 et du 6 janvier 1996, le Nicaragua, qui faisait
état de la saisie de seulement quatre navires honduriens, fit connaître no-

tamment au ministre hondurien des affaires étrangères qu’il «ne [pouvait]
tolérer l’exploitation par un Etat tiers des ressources naturelles comprises
de droit dans les zones maritimes qui sont légitimement les siennes».
66. Après ces derniers incidents, une commission ad hoc fut constituée

comme suite à une rencontre entre les présidents du Nicaragua et du
Honduras le 14 janvier 1996. Cette commission tint une réunion extraor-
dinaire le 22 janvier 1996, lors de laquelle les délégations hondurienne et
nicaraguayenne déclarèrent toutes deux s’être fixé pour objectif la mise en
place d’un régime provisoire de zone de pêche commune, qui permettrait

d’éviter de nouvelles saisies de bateaux de pêche. Elle se réunit également

27 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 683

le 31 janvier 1996. Ces réunions se révélèrent infructueuses et il y fut mis
un terme. La proposition du Honduras de créer «une zone de pêche com-
mune de 3 milles marins au nord et de 3 milles marins au sud du parallèle

15°00′00″ de latitude nord jusqu’au méridien 82°00′00″ de longitude
ouest» fut rejetée par le Nicaragua. La contre-proposition du Nicaragua
consistait en la création d’une zone de pêche commune située entre les 15 e
et 17 parallèles, ce que le Honduras rejeta à son tour.
67. Le 24 septembre 1997, les Parties signèrent un protocole d’accord

qui permit de relancer les négociations bilatérales relatives aux questions
frontalières par la création d’une nouvelle commission mixte chargée de
«rechercher des solutions possibles à la situation existant dans le golfe de
Fonseca, l’océan Pacifique et la mer des Caraïbes». Le Honduras déclare

que la commission mixte créée en 1997 constitua la dernière tentative de
négociations bilatérales entre les Parties. Selon le Nicaragua,

«la dernière phase de «négociation» eut lieu le 28 novembre 1999,
date à laquelle le président de la République du Nicaragua fut ino-
pinément informé de la décision prise par le Gouvernement du
Honduras de ratifier quatre jours plus tard le traité de délimitation

maritime signé avec la Colombie le 2 août 1986».
Le Honduras déclare que

«l’importance [du traité de 1986 entre la Colombie et le Honduras]

tient au fait qee la Colombie y reconnaît que la zone maritime située
au nord du 15 parallèle appartient au Honduras et que la délimita-
tion doit s’arrêter au 82 méridien».

Le Nicaragua soutient que «[t]oute négociation future devint impossible
dès lors que le Honduras avait décidé de ratifier le traité signé avec la
Colombie».
68. Dans ses écritures et à l’audience, le Nicaragua a informé la Cour

du fait que, le 29 novembre 1999, il avait déposé devant la Cour centra-
méricaine de justice une requête contre le Honduras ainsi qu’une demande
en indication de mesures conservatoires. Le 30 novembre 1999, la Cour
centraméricaine de justice inscrivit l’affaire à son rôle. La présente Cour

note que les documents pertinents relevant du domaine public, disponi-
bles en espagnol sur le site Internet de la Cour centraméricaine de justice
(www.ccj.org.ni), révèlent les faits suivants.
69. Dans sa requête, le Nicaragua priait la Cour centraméricaine de

justice de dire et juger que le Honduras, en approuvant et en ratifiant le
traité de délimitation maritime signé en 1986 avec la Colombie, avait agi
en violation des obligations lui incombant en vertu de divers instruments
juridiques d’intégration régionale, parmi lesquels le protocole de Teguci-
galpa modifiant la Charte de l’Organisation des Etats d’Amérique cen-

trale (entré en vigueur le 23 juillet 1992). Dans sa demande en indication
de mesures conservatoires, le Nicaragua priait la Cour centraméricaine
de justice d’ordonner au Honduras de s’abstenir d’approuver et de rati-
fier le traité de 1986, jusqu’à ce que les intérêts souverains du Nicaragua

28 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 684

dans ses espaces maritimes, les intérêts patrimoniaux de l’Amérique cen-
trale et les intérêts supérieurs des institutions régionales fussent «sauve-

gardés». Par une ordonnance en date du 30 novembre 1999, la Cour
centraméricaine de justice a conclu que le Honduras devait suspendre la
procédure de ratification du traité de 1986 jusqu’à ce qu’elle se soit pro-
noncée sur le fond de l’affaire.
Le Honduras et la Colombie ont poursuivi la procédure de ratification

et, le 20 décembre 1999, ont échangé leurs instruments de ratification. Le
7 janvier 2000, le Nicaragua a présenté une nouvelle demande en indi-
cation de mesures conservatoires, priant la Cour centraméricaine de
justice de déclarer nulle la procédure de ratification du traité de 1986 par
le Honduras. Par une ordonnance du 17 janvier 2000, la Cour a jugé que

le Honduras ne s’était pas conformé à son ordonnance en indication de
mesures conservatoires du 30 novembre 1999, mais a estimé ne pas avoir
compétence pour statuer sur la demande formulée par le Nicaragua vi-
sant à ce qu’elle déclare nul le processus de ratification par le Honduras.
70. Dans son arrêt sur le fond rendu le 27 novembre 2001, la Cour
centraméricaine de justice a confirmé l’existence d’un «patrimoine terri-

torial de l’Amérique centrale». Elle a dit en outre que, en ratifiant le
traité de délimitation maritime signé avec la Colombie en 1986, le Hon-
duras avait enfreint («ha infringido») un certain nombre de dispositions
du protocole de Tegucigalpa modifiant la Charte de l’Organisation des
Etats d’Amérique centrale, qui énoncent, notamment, les objectifs et

principes fondamentaux du Système d’intégration centraméricain, parmi
lesquels le concept de «patrimoine territorial de l’Amérique centrale».

71. Dans les années quatre-vingt-dix, plusieurs notes diplomatiques
furent également échangées au sujet de la publication par les Parties de

cartes concernant la région en litige. L’une d’elles, datée du 7 avril 1994,
fut envoyée par le ministre hondurien des affaires étrangères en protes-
tation contre la diffusion par le Nicaragua d’une carte officielle de ce
pays représentant une zone dénommée «seuil nicaraguayen». Sur cette
carte figurent certains bancs et cayes, dont Serranilla, présentés comme

appartenant au Nicaragua. Le 14 avril 1994, le Nicaragua répondit à la
protestation du Honduras concernant cette carte, déclarant que,

«[s]ans préjuger des droits qui sont ceux du Nicaragua, [le Gouver-
nement hondurien] aura remarqué que la carte officielle de la Répu-
blique du Nicaragua précise de façon tout à fait explicite et catégo-

rique que les frontières maritimes dans la mer des Caraïbes n’ont pas
été délimitées en droit».

En 1994, le Honduras publia une carte officielle du Honduras qui incluait,
entre autres formations, Media Luna Cays, Alargado Reef, Rosalind

Bank ainsi que Serranilla Banks et Serranilla Cays parmi les «possessions
insulaires honduriennes dans la mer des Caraïbes». Le Nicaragua répon-
dit à cette publication par une note diplomatique datée du 9 juin 1995,

29 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME ARRÊT ) 685

dans laquelle il protestait contre la carte hondurienne de 1994 et faisait
valoir qu’il possédait des droits insulaires et maritimes sur l’espace situé
au nord du 15 parallèle.

* * *

4. P OSITIONS DES P ARTIES :APERÇU GLOBAL

4.1. Objet du différend

72. Dans sa requête et dans ses écritures, le Nicaragua prie la Cour de
déterminer le tracé d’une frontière maritime unique entre les mers terri-

toriales, les portions de plateau continental et les zones économiques
exclusives relevant respectivement du Nicaragua et du Honduras dans la
mer des Caraïbes. Il affirme avoir toujours soutenu que sa frontière mari-

time avec le Honduras dans la mer des Caraïbes n’avait pas été délimitée.
A l’audience, le Nicaragua a en outre spécifiquement prié la Cour de
trancher la question de la souveraineté sur les îles situées dans la zone en
litige, au nord de la ligne frontière revendiquée par le Honduras, c’est-à-

dire du parallèle situé par 14°59,8′ de latitude nore (ci-après dénommé
généralement, dans un souci de simplicité, le «15 parallèle»).

*
73. Selon le Honduras, il existe déjà dans la mer des Caraïbes une

frontière traditionnellement reconnue entre les espaces maritimes du
Honduras et du Nicaragua, «qui tire son origine du principe de l’uti pos-
sidetis juris et qui est à la fois solidement ancrée dans la pratique du Hon-

duras et du Nicaragua, et confirmée par celle de pays tiers». Le Hondu-
ras convient que la Cour devrait «détermine[r] l’emplacement d’une
frontière maritime unique» et prie la Cour de tracer celle-ci en suivant la
«frontière maritime traditionnelle», le long du 15 parallèle, «jusqu’à

atteindre la juridiction d’un Etat tiers». A l’audience, le Honduras a éga-
lement prié la Cour de dire et juger que

«[l]es îles de Bobel Cay, South Cay, Savanna Cay et Port Royal Cay,
ainsi que l’ensemble des autres îles, cayes, rochers, bancs et récifs
revendiqués par le Nicaragua, situés au nord du 15 parallèle, re-

lèvent de la souveraineté de la République du Honduras» (pour la
frontière maritime respectivement revendiquée par chacune des
Parties, voir ci-après, p. 686, le croquis n 2).

**

4.2. Souveraineté sur les îles dans la zone en litige

74. Le Nicaragua revendique la souveraineté sur les îles et cayes de la
zone en litige de la mer des Caraïbes, au nord du 15 parallèle, et notam-

ment sur Bobel Cay, Savanna Cay, Port Royal Cay et South Cay.

30DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME ARRÊT ) 686

31 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 687

75. Le Nicaragua affirme qu’aucune de ces formations n’était terra
nullius en 1821, date à laquelle le Nicaragua et le Honduras devinrent
indépendants du Royaume d’Espagne, mais que ni l’une ni l’autre de ces

nouvelles républiques ne les reçut alors en partage. Il ajoute que, en dépit
de recherches approfondies, il se révèle impossible d’établir la situation à
la lumière de l’uti possidetis juris de 1821 s’agissant des cayes litigieuses.
Le Nicaragua conclut donc à la nécessité de recourir à «d’autres titres»;
il affirme en particulier détenir sur les îles, au vu de leur proximité géo-

graphique avec le littoral nicaraguayen, un titre originaire par le jeu du
principe d’adjacence.
76. Le Nicaragua note que, en droit, les effectivités ne peuvent rem-
placer un titre originaire. Aussi, selon lui, les maigres effectivités invo-

quées par le Honduras ne peuvent-elles déplacer le titre que le Nicaragua
détient sur les îles. Il soutient en outre que la plupart des effectivités allé-
guées par le Honduras sont postérieures à 1977, année qu’il considère
comme la date critique (concept sur lequel la Cour reviendra plus lon-

guement au paragraphe 117 ci-après), puisque c’est à cette date que
remonte l’acceptation, par le Honduras, de sa proposition d’engager des
négociations sur la délimitation maritime entre les deux pays dans la mer
des Caraïbes. En ce qui concerne ses propres effectivités, le Nicaragua
prétend que l’exercice de sa souveraineté «sur la zone maritime contestée,

y compris les cayes, est attesté par les négociations et accords avec la
Grande-Bretagne sur la pêche à la tortue qui eurent lieu à partir du
XIX siècle jusque dans les années soixante».
77. Enfin, le Nicaragua affirme que la souveraineté et la juridiction

qu’il exerce dans la zone maritime en question ont été reconnues par des
Etats tiers, et que les éléments cartographiques soumis, s’ils ne consti-
tuent pas des preuves concluantes, étayent néanmoins eux aussi sa pré-
tention à la souveraineté.

*

78. Le Honduras revendique la souveraineté sur Bobel Cay, Sa-
vanna Cay, Port Royal Cay et South Cay, ainsi que le titre sur d’autres îles

et cayes de taille plus réduite situées dans cette même partie de la mer des
Caraïbes.
79. L’argument principal du Honduras consiste à affirmer qu’il détient
sur les îles en litige un titre originaire découlant de la doctrine de l’uti

possidetis juris. Le Honduras partage la conviction du Nicaragua qu’au
moment de l’indépendance, en 1821, aucune des îles et cayes en litige
n’était terra nullius. Il estime toutefois que le cap Gracias a Dios, qui se
situe le long du 15 parallèle, constituait alors la limite terrestre et mari-
time entre les provinces du Honduras et du Nicaragua. En vertu de l’uti
e
possidetis juris, les îles situées au nord du 15 parallèle et qui avaient
appartenu à l’Espagne seraient donc revenues à la République nouvelle-
ment indépendante du Honduras.
80. Le Honduras soutient que le titre originaire sur les îles situées au

32 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 688

nord du 15 parallèle est confirmé par de nombreuses effectivités. A cet

égard, en ce qui concerne les îles, il mentionne l’application de la législa-
tion et de la réglementation honduriennes, ainsi que du droit pénal et du
droit civil honduriens, sa réglementation de la pêche et de l’immigration,
sa réglementation de la prospection et de l’exploitation pétrolières et
gazières, ses patrouilles militaires et navales et ses opérations de recher-

che et de sauvetage, ainsi que sa participation à des travaux publics et à
des études scientifiques.
81. Le Honduras, dans l’hypothèse où la Cour conclurait qu’aucun
des deux Etats ne peut se prévaloir de l’uti possidetis juris pour fonder sa
prétention, affirme avoir, à raison de ses effectivités, fait valoir une reven-

dication supérieure à celle du Nicaragua. A cet égard, le Honduras
conteste l’affirmation du Nicaragua selon laquelle la majorité de ces
effectivités seraient postérieures à ce que celui-ci considère comme étant
la date critique. Le Honduras rejette la date critique de 1977 alléguée par

le Nicaragua, mais relève que, en tout état de cause, bon nombre des
actes de souveraineté sur les îles en litige décrits par ce dernier sont anté-
rieurs à cette date. Il fait valoir que la date critique ne saurait être anté-
rieure au 21 mars 2001, date du dépôt du mémoire du Nicaragua, dans
lequel celui-ci a affirmé pour la première fois détenir le titre sur les îles.

82. Enfin, le Honduras ajoute que plusieurs Etats tiers ont reconnu sa
souveraineté sur les îles, et que le matériau cartographique, s’il ne peut,
en lui-même, jouer un rôle déterminant, étaye néanmoins sa revendica-
tion de souveraineté.

**

4.3. Délimitation maritime au-delà de la mer territoriale

4.3.1. La ligne proposée par le Nicaragua: la méthode de la bissectrice

83. Dans son argumentation juridique, le Nicaragua commence par la
question de la délimitation des zones maritimes au-delà de la mer terri-
toriale. Compte tenu des circonstances de l’espèce, il propose une méthode
de délimitation fondée sur «la bissectrice de l’angle formé par les lignes

résultant de la projection des façades côtières des Parties». Cette bis-
sectrice est calculée à partir des directions générales des côtes du Nicara-
gua et du Honduras: ces façades côtières engendrent une bissectrice qui,
partant de l’embouchure du fleuve Coco, suit un cap constant (d’azi-
mut 52°45′21″) jusqu’à son intersection avec la frontière d’un Etat tiers à

proximité de Rosalind Bank.
84. Le Nicaragua estime par ailleurs que, «[e]n raison des caractéristi-
ques particulières de la zone où se trouve le point terminal de la frontière
terrestre sur la côte, ainsi que pour d’autres motifs, la méthode de l’équi-
distance n’est pas techniquement applicable» à la délimitation maritime

entre le Nicaragua et le Honduras. Il invoque notamment le fait que «le
lieu exact où prend fin la frontière terrestre ressemble à des pointes

33 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME ARRÊT ) 689

d’aiguille en saillie», ce qui se traduit par un «changement de direction ...

prononcé de la côte, précisément sur la ligne frontière». Il soutient que
cette particularité géographique a pour conséquence que

«les deux seuls points essentiels pour une délimitation reposant sur
le calcul de la ligne médiane ou de l’équidistance sont les deux rives
du fleuve. Le résultat demeure le même, y compris à une distance de
200 milles marins, si l’on s’en tient au littoral continental.»

*

85. Le Honduras affirme que la méthode de la bissectrice proposée par
le Nicaragua «repose sur une appréciation erronée des façades côtières et
des méthodes de délimitation». La côte atlantique du Nicaragua serait
relativement linéaire, suivrait une direction «légèrement ouest-quart-sud-

ouest» du cap Gracias a Dios jusqu’au Costa Rica et, globalement, se
trouverait orientée «légèrement vers le sud-quart-sud-est». Rien dans la
configuration de la côte du Nicaragua ne justifierait donc que la bissec-

trice nicaraguayenne suive une direction nord-est. D’après le Honduras,
l’angle proposé par le Nicaragua est censé avoir été construit compte tenu
de la direction des côtes des Parties. Toutefois, les deux côtes étant trai-
tées comme des lignes droites, l’angle ainsi construit serait sans rapport

avec les côtes réelles.

*

4.3.2. La ligne hondurienne, «frontière traditionnelle» le long du
parallèle 14°59,8′ de latitude nord («le 15 parallèle»)

86. Le Honduras prie la eour de confirmer l’existence de ce qu’il pré-
tend être, le long du 15 parallèle, une frontière maritime traditionnelle
entre le Honduras et le Nicaragua dans la mer des Caraïbes, et de pro-
longer cette ligne jusqu’à atteindre la juridiction d’un Etat tiers. Selon le

Honduras, cette ligne traditionnelle trouve son fondement historique
dans le principe de l’uti possidetis juris. Le Honduras soutient qu’à la
date de l’indépendance, en 1821, existait le long du 15 parallèle une
limite entre les juridictions maritimes, jusqu’à au moins 6 milles marins

au large du cap Gracias a Dios.
87. Le Honduras allègue en outre que la conduite des Parties depuis
l’indépendance atteste l’existence d’un accord tacite selon lequel le
15 parallèle est de longue date considéré comme la ligne séparant leurs

espaces maritimes. Il avance que la conduite à l’égard des îles en litige et
la frontière maritime sont étroitement liées. Nombre des actes par les-
quels s’est exercée la souveraineté sur les îles représentent également un
comportement valant reconnaissance du 15 parallèle comme frontière

maritime. A cet égard, le Honduras insiste plus particulièrement sur les
concessions pétrolières, les permis de pêche et les patrouilles navales, les-

34 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 690

quels, soutient-il, constituent autant de preuves de l’acceptation par les

Parties de la ligne frontière traditionnelle en mer.
88. Il affirme que ce n’est qu’en 1979, avec le changement de gouver-
nement au Nicaragua, que «la position et la conduite du Nicaragua, par
rapport à la fixation du 15 e parallèle comme limite maritime entre

les deux Etats, ont radicalement changé». Dès lors, la date critique
marquant le début de la controverse entre les Parties concernant la
délimitation de leurs espaces maritimes respectifs ne saurait être anté-
rieure à 1979. Le Honduras indique en outre que, en tout état de cause,

de nombreux exemples de son comportement sont antérieurs à cette
date.
89. Le Honduras invoque également la pratique des Parties telle qu’elle
ressort de leurs échanges diplomatiques, de leur législation et de leur car-

tographie pour démontrer l’existence, mutuellement reconnue, d’une fron-
tière maritime traditionnelle le long du 15 parallèle. Il allègue en outre
que le 15 parallèle a été reconnu comme tel par des Etats tiers et des
organisations internationales.
e
90. Tout en affirmant que le 15 parallèle constitue une ligne tradi-
tionnelle fondée sur le principe de l’uti possidetis juris et confirmée par
une pratique ultérieure démontrant que les Parties avaient l’une et
l’autre accepté cette ligne, le Honduras cherche également à démontrer

que sa ligne revêt en tout état de cause un caractère équitable. Il la
compare à une ligne d’équidistance «construite en utilisant des
méthodes classiques», laquelle s’étendrait au sud du 15 parallèle. Le
Honduras avance que le Nicaragua obtiendrait davantage d’espaces

maritimes avec la «ligne traditionnelle» qu’il ne le ferait à tra-
vers l’application stricte de la méthode d’équidistance. Il soutient
également que la ligne qu’il propose n’ampute pas la projection de
la façade côtière nicaraguayenne et respecte le principe du non-

empiétement.
91. Dans l’hypothèse où la Cour rejetterait ses arguments relatifs au
15 parallèle, le Honduras prie celle-ci, à titre subsidiaire, de tracer une
ligne d’équidistance ajustée, jusqu’à atteindre la juridiction d’un Etat

tiers. Il soutient que la construction d’une ligne d’équidistance provisoire
est possible et qu’il n’y a, partant, aucune raison de s’écarter de «la pra-
tique presque universellement adoptée par la jurisprudence moderne, tant
celle de la Cour que celle d’autres tribunaux, qui consiste à s’appuyer

d’abord sur une ligne d’équidistance provisoire».

*

92. Le Nicaragua affirme qu’il a toujours soutenu que les espaces
maritimes des deux Etats dans la mer des Caraïbes n’avaient pas été
délimités.

93. Il fait valoir qu’«il n’est pas d’uti possidetis juris de 1821 attri-
buant ou délimitant des zones maritimes» entre les deux Etats et qu’il

35 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 691

n’existe aucun acte de souveraineté ni aucune effectivité du Honduras
permettant d’étayer l’argument selon lequel il existe une ligne tradi-
tionnelle le long du 15 parallèle. Le Nicaragua soutient, notamment, que

«le principe de l’uti possidetis — qui avait servi à déterminer les
frontières des divisions administratives de la puissance coloniale
considérées comme figées au moment de l’indépendance — n’a rien à

voir avec les questions maritimes».
94. Le Nicaragua indique en outre qu’il «n’y a pas de ligne de partage

des espaces maritimes du Nicaragua et du Honduras fondée sur un
accord tacite ou quelque forme d’acquiescement ou de reconnaissance
que ce soit résultant d’une pratique constante et de longue durée».
95. Concernant les espaces maritimes, le Nicaragua s’intéresse plus
particulièrement à trois éléments qui constituent les prétendues effectivi-

tés du Honduras: les concessions d’exploration pétrolière, les activités en
matière de pêche et les patrouilles navales. Premièrement, le Nicaragua
allègue que les limites de concessions pétrolières ne sont pas pertinentes
aux fins de la détermination d’une frontière entre deux Etats. En outre,

«aucune des concessions honduriennes ne précise que sa limite sud
coïncide avec la frontière maritime avec le Nicaragua. De même,

aucune des concessions nicaraguayennes établissant une limite nord
ne précise que cette limite coïncide avec la frontière maritime avec le
Honduras.»

Deuxièmement, selon le Nicaragua, ni les dépositions ni les permis de
pêche produits par le Honduras, pas plus que les rapports sur les pêches
émanant de la FAO, ne peuvent être considérés comme confirmant l’exis-
tence d’une «frontière traditionnelle» ou comme démontrant l’accepta-

tion par le Nicaragua d’une telle frontière. Troisièmement, s’agissant des
patrouilles navales, le Nicaragua relève que, du point de vue du droit, des
patrouilles navales ou aériennes en haute mer ne sauraient être assimilées
à des effectivités. Le Nicaragua fait de surcroît observer que nombre de

ces prétendues effectivités sont postérieures à la date critique qu’il consi-
dère être 1977.
96. En ce qui concerne les échanges diplomatiques entre les Parties, le
Nicaragua soutient que «la revendication du Honduras présentant le
15 parallèle comme la limite entre ses zones maritimes et celles du Nica-

ragua n’a jamais été officiellement formulée avant 1982», et qu’il l’a alors
immédiatement rejetée. Il argue que le Honduras n’a présenté aucun élé-
ment prouvant que, dans la période antérieure à 1977, les Parties auraient
admis l’existence d’une frontière maritime traditionnelle ou que le Hon-

duras aurait émis des prétentions sur les zones en question. Il indique
avoir au contraire réaffirmé en d’innombrables occasions, dans le cadre
d’échanges diplomatiques, qu’il n’existait pas de frontière maritime dans
la mer des Caraïbes fondée sur la tradition ou sur une acceptation tacite
de sa part.

97. Pour ce qui est des éléments de preuve cartographiques, le Nicara-

36 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 692

gua fait valoir qu’aucune des cartes publiées au Nicaragua et reproduites
par le Honduras n’indique qu’une frontière maritime longerait le
15 parallèle. S’agissant de l’argument selon lequel il n’aurait pas contesté
certaines cartes officielles produites par le Honduras, le Nicaragua fait

observer que son absence de protestation contre ces dernières est sans
pertinence puisque les cartes sont dénuées de toute force probante.
98. Le Nicaragua soutient que, compte tenu de l’infléchissement mar-
qué de la direction des côtes, une ligne frontière longeant un parallèle
serait «foncièrement inéquitable» et «contrevien[drai]t au principe équi-

table de base qui interdit d’amputer un Etat, en l’espèce le Nicaragua, du
plateau continental ou de la zone économique exclusive s’étendant au
large de ses côtes». De plus, il existe «une disproportion flagrante entre
les espaces maritimes que le Honduras s’attribue à lui-même et ceux qu’il
considère comme appartenant au Nicaragua, tels que séparés par le
e
15 parallèle de latitude nord». Le Nicaragua conclut que, d’une manière
générale, le résultat serait «considérablement inéquitable du point de vue
du droit de la délimitation maritime».

**

4.4. Le point de départ de la frontière maritime

99. Le Nicaragua rappelle que le point terminal de sa frontière ter-

restre avec le Honduras a été établi par la sentence arbitrale de 1906 à
l’embouchure du bras principal du fleuve Coco (voir paragraphe 38 ci-
dessus). En 1962, la commission mixte de délimitation a déterminé que le
point de départ de la frontière terrestre à l’embouchure du fleuve Coco
était situé par 14°59,8′ de latitude nord et 83°08,9′ de longitude ouest

(voir paragraphe 47 ci-dessus). Le Nicaragua soutient par ailleurs que,
depuis 1962, l’embouchure du fleuve Coco s’est déplacée de plus d’un
mille vers le nord-est en raison de l’accumulation de sédiments et de
l’évolution générale des courants marins. En conséquence, le point fixé

par la commission se trouve aujourd’hui à environ un mille en amont de
l’embouchure proprement dite du fleuve Coco. Selon le Nicaragua, l’ins-
tabilité et les fluctuations de l’embouchure du fleuve ne peuvent, «pour
autant qu’on puisse le prévoir», que perdurer et conduire à des change-
ments dans les coordonnées du point terminal de la frontière terrestre. Le

Nicaragua propose par conséquent que le point de départ de la frontière
maritime soit fixé sur la bissectrice «à une distance raisonnable», à savoir
3 milles marins de l’embouchure proprement dite du fleuve Coco.
100. Le Nicaragua a, dans un premier temps, avancé que les Parties

devraient négocier «une ligne constituant la frontière entre le point de
départ de la frontière à l’embouchure du fleuve Coco et le point à partir
duquel la Cour aura déterminé la frontière [maritime]». Tout en laissant
cette possibilité ouverte, le Nicaragua a, dans ses conclusions finales,
prié la Cour de confirmer que, «[a]insi que l’a établi la sentence du roi

d’Espagne de 1906, le point de départ de la délimitation est le thal-

37 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 693

weg de l’embouchure principale du fleuve Coco, où qu’elle se situe au

moment considéré».

*

101. Le Honduras convient que, en raison du «déplacement progressif
vers l’est de l’embouchure proprement dite du fleuve Coco», le point ter-
minal de la frontière terrestre entre le Honduras et le Nicaragua fixé par

la commission mixte en 1962 «se trouve désormais bien à l’intérieur de
ce qui pourrait être décrit à présent comme l’«embouchure» en termes
géographiques». Selon le Honduras, l’instabilité de l’embouchure du
fleuve Coco, définie comme constituant le «point terminal de la fron-
tière» par la sentence de 1906, fait qu’il n’est pas souhaitable de deman-

der à la Cour «de déterminer l’emplacement de l’embouchure du fleuve,
ni même le point de départ de la ligne juste à l’est de ce point». Après
avoir, dans un premier temps, suggéré qu’il soit demandé à la Cour de ne
«définir la ligne qu’à partir de la limite extérieure des eaux territoriales»,
le Honduras, «dans un souci de réduire les points de désaccord avec le

Nicaragua», a accepté que le point de départ de la frontière soit situé à
«3 milles du point terminal retenu en 1962, plutôt qu’à 12 milles de la
côte, comme proposé dans son contre-mémoire». Le Honduras précise
toutefois que le point fixe situé en mer doit être mesuré à partir du point
établi par la commission mixte de 1962 et se trouver sur le 15 parallèle.

Ce point fixe devrait par conséquent être établi à exactement 3 milles
marins plein est du point fixé en 1962. Le Honduras estime en outre que
les Parties devraient négocier un accord portant sur le segment qui se
trouve entre le point terminal de 1962 et le point situé à 3 milles au large
de l’embouchure du fleuve Coco.

4.5. Délimitation de la mer territoriale

102. Le Nicaragua affirme que la délimitation de la mer territoriale
entre des Etats dont les côtes sont adjacentes doit se faire sur la base des
principes énoncés à l’article 15 de la CNUDM mais que, en la présente
affaire, il est toutefois techniquement impossible de tracer une ligne

d’équidistance, dans la mesure où elle devrait être entièrement construite
à partir des deux points extrêmes de l’embouchure du fleuve, lesquels
sont très instables et continuellement mouvants. Par conséquent, selon le
Nicaragua, il devrait également être recouru à la méthode de la bissec-
trice pour effectuer la délimitation de la mer territoriale. De plus, dans la

mer territoriale, la bissectrice ne s’écarterait pas de façon sensible de la
ligne d’équidistance «moyenne». Enfin, le segment situé entre le point
terminal actuel de la frontière terrestre et le point fixe situé à 3 milles au
large de l’embouchure du fleuve Coco «permet[trait] de relier de façon
harmonieuse, souple et adaptable la ligne unique de délimitation [au

point terminal de la frontière terrestre]».

*

38 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 694

103. Concernant la limite de la mer territoriale, le Honduras s’accorde
avec le Nicaragua sur l’existence de «circonstances spéciales» qui, en
vertu de l’article 15 de la CNUDM, «exigent que la frontière soit délimi-

tée autrement que par une ligne médiane au sens strict». Néanmoins,
pour le Honduras, si la configuration de la masse terrestre continentale
peut constituer une telle «circonstance spéciale», bien plus importante est
«la pratique établie des Parties consistant à considérer le 15 parallèle
comme leur frontière commune à partir de l’embouchure du fleuve Coco

(14°59,8′)». Comme autre facteur «de la plus haute importance», le
Honduras cite «le déplacement progressif vers l’est de l’embouchure pro-
prement dite du fleuve Coco». Il suggère donc que, à partir du point fixe
situé en mer (à 3 milles plein est du point fixé par la commission mixte

en 1962), la frontière maritime dans la mer territoriale (de même que la
ligne délimitant les espaces situés dans la zone économique exclusive et
sur le plateau continental) se dirige vers l’est le long du 15 parallèle.

*
* *

5. R ECEVABILITÉ DE LA NOUVELLE DEMANDE RELATIVE À LA SOUVERAINETÉ
SUR LES ÎLES SITUÉES DANS LA ZONE EN LITIGE

104. La Cour rappelle que, dans sa requête, le Nicaragua l’a priée de
déterminer

«le tracé d’une frontière maritime unique entre les mers territoriales,
les portions de plateau continental et les zones économiques exclu-

sives relevant respectivement du Nicaragua et du Honduras, confor-
mément aux principes équitables et aux circonstances pertinentes
que le droit international général reconnaît comme s’appliquant à
une délimitation de cet ordre».

Le Gouvernement du Nicaragua s’est par ailleurs réservé le «droit de
compléter ou de modifier» la requête.

105. Dans son mémoire, s’il n’a certes pas formulé de revendication de
souveraineté dans le cadre d’une demande formelle, le Nicaragua s’est
toutefois

«réserv[é] les droits souverains attachés à tous les îlots et rochers
qu’il revendique dans la zone contestée, à savoir, sans que cette liste
soit exhaustive:

Hall Rock, South Cay, Arrecife Alargado, Bobel Cay, Port
Royal Cay, Porpoise Cay, Savanna Cay, Savanna Reefs, Cayo
Media Luna, Burn Cay, Logwood Cay, Cock Rock, Arrecifes

de la Media Luna, et Cayo Serranilla».
106. Au cours du premier tour de la procédure orale, l’agent du Nica-

ragua a déclaré que,
«afin qu’il n’y ait aucun malentendu possible sur ce point — c’est-

39 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 695

à-dire sur le fait de savoir si la question de la souveraineté sur ces
formations [c’est-à-dire les îles situées dans la zone en litige] se

pose —, le Nicaragua tient dès à présent à indiquer que, dans les
conclusions finales qu’il présentera au terme des présentes plaidoi-
ries, il demandera expressément que cette question soit tranchée».

107. Dans les conclusions finales qu’il a présentées à la fin de la pro-
cédure orale, le Nicaragua a demandé à la Cour, sans préjudice du tracé
de la frontière maritime unique «tel que décrit dans les écritures et à
l’audience», «de trancher la question de la souveraineté sur les îles et

cayes situées dans la zone en litige».
108. La Cour note que

«[i]l ne fait pas de doute qu’il revient au demandeur, dans sa requête,
de [lui] présenter ... le différend dont il entend la saisir et d’exposer
les demandes qu’il lui soumet» (Compétence en matière de pêcheries
(Espagne c. Canada), compétence de la Cour, arrêt, C.I.J. Recueil
1998, p. 447, par. 29).

Au paragraphe 1 de l’article 40 du Statut de la Cour, il est en outre exigé
que l’«objet du différend» soit indiqué dans la requête, et, au para-
graphe 2 de l’article 38 de son Règlement, que «la nature précise de la

demande» y soit exposée. Par le passé, la Cour a été amenée à plusieurs
reprises à se référer à ces dispositions. Elle les a déclarées «essentielles au
regard de la sécurité juridique et de la bonne administration de la jus-
tice», et, sur cette base, a conclu à l’irrecevabilité de certaines nouvelles
demandes formulées en cours d’instance qui, si elles avaient été prises

en considération, auraient modifié l’objet du différend initialement
porté devant elle selon les termes de la requête (Certaines terres à phos-
phates à Nauru (Nauru c. Australie), exceptions préliminaires, arrêt,
C.I.J. Recueil 1992, p. 267, par. 69; Compétence en matière de pêcheries
(Espagne c. Canada), compétence de la Cour, arrêt , C.I.J. Recueil 1998,

p. 447, par. 29; voir également Administration du prince von Pless, ordon-
nance du 4 février 1933, C.P.J.I. série A/B n° 52 , p. 14, et Société com-
merciale de Belgique, arrêt, 1939, C.P.J.I. série A/B n° 78, p. 173).

109. La Cour observe que, d’un point de vue formel, la demande rela-

tive à la souveraineté sur les îles situées dans la zone maritime en litige,
formulée par le Nicaragua dans ses conclusions finales, constitue une
demande nouvelle par rapport à celles qui avaient été présentées dans la
requête et dans les écritures.
110. Toutefois, la nouveauté d’une demande n’est pas décisive en soi
pour la question de la recevabilité. Afin de déterminer si une nouvelle

demande introduite en cours d’instance est recevable, la Cour doit se
poser la question de savoir si,

«bien que formellement nouvelle, la demande en question ne peut
être considérée comme étant matériellement incluse dans la demande
originelle» (Certaines terres à phosphates à Nauru (Nauru c. Aus-

40 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 696

tralie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1992 , p. 265-
266, par. 65).

A cet effet, pour conclure que la nouvelle demande était matériellement
incluse dans la demande originelle, il ne suffit pas qu’existent entre elles

des liens de nature générale. Encore faut-il
«que la demande additionnelle soit implicitement contenue dans la

requête (Temple de Préah Vihéar, fond, C.I.J. Recueil 1962 ,p.36)
ou découle «directement de la question qui fait l’objet de cette
requête» (Compétence en matière de pêcheries (République fédérale
d’Allemagne c. Islande), fond, C.I.J. Recueil 1974 , p. 203, par. 72)»
(Certaines terres à phosphates à Nauru (Nauru c. Australie), excep-

tions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1992 , p. 266, par. 67).

111. La Cour déterminera à présent si la nouvelle demande du Nica-
ragua relative à la souveraineté sur les îles de la zone en litige est rece-
vable à l’aune des critères énoncés ci-dessus.
112. La zone maritime à délimiter dans la mer des Caraïbes comprend
plusieurs îles pouvant engendrer une mer territoriale, une zone écono-
mique exclusive et un plateau continental, ainsi qu’un certain nombre de

rochers pouvant engendrer une mer territoriale. Les Parties ont l’une et
l’autre convenu qu’aucune des formations terrestres situées dans la zone
maritime en litige ne pouvait être réputée terra nullius, mais ont chacune
affirmé détenir sur elles la souveraineté. Selon le Nicaragua, en recourant
à la bissectrice pour effectuer la délimitation, il serait possible de conférer

une souveraineté sur ces formations à l’une ou l’autre Partie en fonction
de la position de la formation considérée par rapport à la bissectrice.
113. A plusieurs reprises, la Cour a souligné que

«la terre domine la mer» (Plateau continental de la mer du Nord
(République fédérale d’Allemagne/Danemark; République fédérale
d’Allemagne/Pays-Bas), arrêt, C.I.J. Recueil 1969 , p. 51, par. 96;
Plateau continental de la mer Egée (Grèce c. Turquie), arrêt, C.I.J.

Recueil 1978, p. 36, par. 86; Délimitation maritime et questions ter-
ritoriales entre Qatar et Bahreïn (Qatar c. Bahreïn), fond, arrêt,
C.I.J. Recueil 2001, p. 97, par. 185).

Dès lors, c’est
«la situation territoriale terrestre qu’il faut prendre pour point de

départ pour déterminer les droits d’un Etat côtier en mer. Confor-
mément au paragraphe 2 de l’article 121 de la convention de 1982
sur le droit de la mer, qui reflète le droit international coutumier, les
îles, quelles que soient leurs dimensions, jouissent à cet égard du
même statut, et par conséquent engendrent les mêmes droits en mer

que les autres territoires possédant la qualité de terre ferme.» (Déli-
mitation maritime et questions territoriales entre Qatar et Bahreïn
(Qatar c. Bahreïn), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 2001 , p. 97, par. 185.)

41 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 697

114. Pour tracer une frontière maritime unique dans une zone de la
mer des Caraïbes où se trouvent plusieurs îles et rochers, la Cour devra
examiner comment ces formations maritimes pourraient influer sur cette
ligne frontière. Il lui faudra donc commencer par déterminer à quel Etat

revient la souveraineté sur les îles et rochers situés dans la zone en litige.
La Cour est tenue de procéder ainsi, qu’une demande formelle ait ou non
été formulée en ce sens. Dans ces conditions, la demande relative à la
souveraineté est implicitement contenue dans la question qui fait l’objet
de la requête du Nicaragua, à savoir la délimitation des portions contes-

tées de mer territoriale, de plateau continental et de zone économique
exclusive, question dont elle découle directement.
115. Compte tenu de ce qui précède, la Cour conclut que la demande
du Nicaragua relative à la souveraineté sur les îles situées dans la zone
maritime en litige est recevable puisque inhérente à la demande initiale

concernant la délimitation maritime entre le Nicaragua et le Honduras
dans la mer des Caraïbes.
116. En outre, la Cour note que le défendeur n’a contesté ni sa com-
pétence pour connaître de la nouvelle demande nicaraguayenne relative

aux îles, ni la recevabilité de celle-ci. Le Honduras a d’ailleurs fait obser-
ver pour sa part que la nouvelle demande nicaraguayenne donnait une
idée plus claire de «la nature de la tâche qui incombe à la Cour», celle-ci
étant ainsi «appelée à trancher la question du titre sur les îles et celle de
la frontière maritime». Le Honduras a ajouté que, le différend dont elle

est saisie portant sur des zones terrestres et maritimes, la Cour «doit
régler la question de la souveraineté sur le territoire avant de passer à la
question des espaces maritimes» (les italiques sont dans l’original). Dans
ses conclusions finales, le Honduras a prié la Cour de dire et juger que

«[l]es îles de Bobel Cay, South Cay, Savanna Cay et Port Royal Cay,
ainsi que l’ensemble des autres îles, cayes, rochers, bancs et récifs
e
revendiqués par le Nicaragua et situés au nord du 15 parallèle, re-
lèvent de la souveraineté de la République du Honduras».

Il échet donc que la Cour se prononce sur les revendications des deux
Parties à l’égard des îles en litige.

*
* *

6. LA DATE CRITIQUE

117. Dans le contexte d’un différend portant sur une délimitation

maritime ou d’un différend relatif à la souveraineté sur un territoire,
l’importance de la date critique consiste en ceci qu’elle permet de faire la
part entre les actes accomplis à titre de souverain, qui sont en principe
pertinents aux fins d’apprécier et de confirmer des effectivités, et ceux
postérieurs à cette date, lesquels ne sont généralement pas pertinents en

tant qu’ils sont le fait d’un Etat qui, ayant déjà à faire valoir certaines

42 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 698

revendications dans le cadre d’un différend juridique, pourrait avoir
accompli les actes en question dans le seul but d’étayer celles-ci. La date
critique marque donc le point à partir duquel les activités des Parties ces-

sent d’être pertinentes en tant qu’effectivités. Ainsi qu’elle l’a expliqué
dans l’affaire Indonésie/Malaisie, la Cour

«ne saurait prendre en considération des actes qui se sont produits
après la date à laquelle le différend entre les Parties s’est cristallisé, à
moins que ces activités ne constituent la continuation normale d’acti-
vités antérieures et pour autant qu’elles n’aient pas été entreprises en
vue d’améliorer la position juridique des Parties qui les invoquent»

(Souveraineté sur Pulau Ligitan et Pulau Sipadan (Indonésie/Malai-
sie), arrêt, C.I.J. Recueil 2002 , p. 682, par. 135).

*
118. Le Honduras soutient qu’il existe deux différends distincts, quoi-

que connexes, l’un portant sur la question de savoir si le titre sur les îles
en litige appartient au Nicaragua ou au Honduras, l’autre sur celle de
savoir si le 15 parallèle marque l’actuelle frontière maritime entre les
Parties. Le Nicaragua estime qu’il s’agit d’un différend unique.
119. Le Honduras fait observer que, s’agissant du différend relatif à la

souveraineté sur les formations maritimes se trouvant dans la zone en
litige, il «peut exister plus d’une date critique». Dès lors, «dans la mesure
où la question du titre met en jeu l’application de l’uti possidetis », la date
critique serait 1821 — date à laquelle le Honduras et le Nicaragua sont

devenus indépendants de l’Espagne. Aux fins des effectivités postcolo-
niales, le Honduras plaide que la date critique «est manifestement bien
postérieure» et ne peut être «antérieure à celle du dépôt du mémoire
— le 21 mars 2001 —, puisque c’est à ce moment-là que le Nicaragua a
affirmé pour la première fois qu’il détenait le titre sur les îles».

120. En ce qui concerne le différend portant sur la frontière maritime,
le Honduras avance la date critique de 1979, année de l’arrivée au pou-
voir du gouvernement sandiniste, «le Nicaragua n’a[yant] jamais [aupa-
ravant] manifesté le moindre intérêt pour les cayes et les îles se trouvant
e
au nord du 15 parallèle». D’après le Honduras, le nouveau gouver-
nement lança, dès son arrivée au pouvoir en 1979, une «campagne de
harcèlement continu contre les bateaux de pêche honduriens au nord
du 15 parallèle».

121. Pour le Nicaragua, la date critique à retenir est 1977, année où les
Parties engagèrent des négociations sur la délimitation maritime, à la
suite d’un échange de correspondance entre leurs deux gouvernements.
Le Nicaragua soutient que le différend relatif à la frontière maritime
englobe logiquement celui relatif aux îles situées dans la zone pertinente

et que, par voie de conséquence, la date critique est la même pour l’un et
pour l’autre.
122. Le Honduras rejette la date critique de 1977 alléguée par le Nica-
ragua aux fins du différend concernant les îles, au motif que la corres-

43 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME ARRÊT ) 699

pondance diplomatique échangée par les deux pays ne fait aucune men-

tion de celles-ci. Il soutient en outre que l’échange de correspondance de
1977 et son acceptation de la proposition «d’engager des pourparlers en
vue de la délimitation définitive entre le Nicaragua et le Honduras de la
zone marine et sous-marine dans l’océan Atlantique et la mer des Caraï-
bes» n’ont pas marqué «la cristallisation d’un ... différend, puisqu’il n’y

avait pas à cette date de revendications concurrentes».

*
123. La Cour considère que, dans les affaires où il existe deux diffé-

rends connexes, comme en la présente espèce, il n’y a pas nécessairement
une date critique unique; cette date peut ne pas être la même aux fins des
deux différends. Elle estime donc nécessaire de distinguer deux dates cri-
tiques qui doivent s’appliquer dans deux contextes différents. La pre-

mière concerne l’attribution de la souveraineté sur les îles à l’un ou l’autre
des deux Etats qui se les disputent; la seconde, la délimitation de la zone
maritime en litige.
124. La domination par la Couronne espagnole a pris fin en 1821. Se
pose à la Cour la question d’une éventuelle application du principe de

l’uti possidetis juris tant en ce qui concerne le titre sur les îles qu’en ce qui
concerne l’établissement d’une frontière maritime. Cette question sera
traitée aux sections 7.2 et 8.1.1 à la lumière des circonstances propres à la
présente espèce. En cas d’absence de tout titre sur les îles fondé sur le
principe de l’uti possidetis juris, la Cour cherchera à en établir un à par-

tir d’effectivités de l’époque postcoloniale. Elle cherchera également à
déterminer s’il exista durant cette même période un accord tacite concer-
nant la frontière maritime. Il conviendra pour cela de définir des dates
critiques, qui dépendront du moment auquel chacun des deux différends
s’est cristallisé.

125. L’année 1906 ne saurait être retenue comme date critique au
motif que le roi d’Espagne a rendu sa sentence arbitrale cette année-là. Il
convient de ne pas oublier que cette sentence concernait uniquement la
frontière terrestre entre le Nicaragua et le Honduras, alors que, en la pré-
sente espèce, la Cour est appelée à délimiter la frontière maritime entre

ces deux pays et à déterminer lequel a la souveraineté sur les îles en litige.
126. La Cour rappellera que les droits sur la mer dérivent de la sou-
veraineté de l’Etat côtier sur la terre, principe qui peut être résumé
comme suit: «[L]a terre domine la mer.» (Voir paragraphe 113 ci-
dessus.) Dans cet esprit, la question de la souveraineté sur les îles doit

être tranchée d’abord et indépendamment de celle de la délimitation
maritime.
127. Pour ce qui est de la question du titre sur les îles en cause, lors du
dépôt de sa requête, le Nicaragua n’avait pas présenté à la Cour de reven-
dication de titre sur les îles situées au nord du 15 parallèle. Ce n’est que

dans son mémoire du 21 mars 2001 qu’il en a pour la première fois fait
état, sans motiver d’aucune façon sa prétention d’un point de vue juri-

44 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME ARRÊT ) 700

dique, se contentant d’affirmer que, «[d]ans l’hypothèse où la Cour ne
retiendrait pas la méthode de la bissectrice pour effectuer la délimitation,
[il] se réserverait les droits souverains attachés à tous les îlots et rochers
qu’il revendique dans la zone contestée». Toutefois, dans les conclusions

contenues dans son mémoire, le Nicaragua n’avance aucune prétention
sur les îles en litige. Il en va de même en ce qui concerne les conclusions
de sa réplique. C’est seulement dans ses conclusions finales, à la fin de la
procédure orale, que le Nicaragua demande «à la Cour de trancher la
question de la souveraineté sur les îles et cayes situées dans la zone en

litige».
128. La question de la recevabilité de cette demande tardive a été exa-
minée ci-dessus, aux paragraphes 104 à 116.
129. S’agissant du différend sur les îles, la Cour retient pour date cri-
tique l’année 2001, puisque ce n’est qu’à cette date que, dans son mémoire,

le Nicaragua a expressément réservé «les droits souverains attachés à
tous les îlots et rochers qu’il revendique dans la zone contestée».
130. En ce qui concerne le différend relatif à la délimitation maritime,
la Cour estime que ce n’est pas au moment de l’échange de correspon-

dances de 1977 que s’est cristallisé le différend, au sens de la définition
bien connue qu’a donnée de ce terme la Cour permanente de Justice
internationale, à savoir «un désaccord sur un point de droit ou de fait,
une contradiction, une opposition de thèses juridiques ou d’intérêts entre
deux personnes» (Concessions Mavrommatis en Palestine, arrêt n o 2,

1924, C.P.J.I. série A n° 2 , p. 11). Les Parties ne formulèrent pas alors de
prétentions contradictoires, et la négociation proposée n’aboutit pas.

131. S’agissant de déterminer la date critique aux fins du différend sur
la ligne de délimitation, la Cour note que, selon une correspondance offi-

cielle du Honduras, le 17 mars 1982, un «navire hondurien ... pêchait ...
dans des eaux sous juridiction hondurienne, lorsqu’il fut capturé par un
patrouilleur nicaraguayen (qui avait tiré auparavant un coup de semonce)
et emmené ... dans un port du Nicaragua». Le 21 mars 1982, deux ve-

dettes des garde-côtes nicaraguayens capturaient quatre bateaux de
pêche honduriens au voisinage de Bobel Cay et de Media Luna Cay, et, le
23 mars 1982, le Honduras envoyait une protestation officielle, indiquant
que les patrouilles nicaraguayennes avaient «pénétré jusqu’à Bobel Cay
et Media Luna Cay, à 16 milles au nord du 15 parallèle ..., ligne de par-

tage traditionnellement reconnue par les deux Etats dans l’océan Atlan-
tique». Le Nicaragua ayant, le 14 avril 1982, démenti l’existence de cette
ligne traditionnelle, le Honduras fit valoir que, si la frontière n’avait
effectivement pas été «délimitée en droit», il n’en était pas moins «indé-

niable qu’il exist[ait], ou du moins qu’il [avait] exist[é], une ligne tradi-
tionnellement acceptée, ... correspondant au parallèle passant par le cap
Gracias a Dios». Le Honduras ajouta que l’on ne pouvait expliquer
autrement pourquoi les relations étaient si longtemps restées paisibles sur
la frontière et pourquoi c’était depuis peu seulement que des incidents

frontaliers avaient commencé de se produire. De l’avis de la Cour, c’est à

45 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 701

ces deux incidents que l’on peut faire remonter l’existence d’un différend

sur la délimitation de la frontière maritime.

* * *

7. L A SOUVERAINETÉ SUR LES ÎLES

132. La Cour se penchera maintenant sur la question de la souverai-
neté sur les formations maritimes situées dans la zone contestée de la mer

des Caraïbes.

**

7.1. Les formations maritimes de la zone en litige

133. Il est communément admis que, lorsque les Etats d’Amérique
centrale devinrent indépendants en 1821, aucune des îles adjacentes à ces

Etats n’était terra nullius ; les nouveaux Etats firent valoir des titres de
souveraineté sur tous les territoires qui s’étaient trouvés sous la domina-
tion de l’Espagne. Leur titre se fondait sur la succession à toutes les
anciennes possessions coloniales de l’Espagne. Comme l’expliqua le
Conseil fédéral suisse, arbitre en l’affaire des Frontières colombo-vénézué-

liennes, dans la décision qu’il rendit le 24 mars 1922,
«bien qu’il existât de nombreuses régions qui n’avaient pas été occu-

pées par les Espagnols et de nombreuses régions inexplorées ..., ces
régions étaient réputées appartenir, en droit, à chacune des républi-
ques qui avaient succédé à la province espagnole à laquelle ces ter-
ritoires étaient rattachés en vertu des anciennes ordonnances royales
de la mère patrie espagnole. Ces territoires, bien que non occupés en

fait, étaient d’un commun accord considérés comme occupés en
droit, dès la première heure, par la nouvelle république.» (Nations
Unies, Recueil des sentences arbitrales (RSA) , vol. I, p. 228.)

134. Toutefois, même s’il ne devait pas exister de territoire sans maître,
dans l’immensité des territoires de la Couronne espagnole, tous n’avaient
pas fait l’objet d’une identification définitive ni été rattachés à une auto-
rité administrative coloniale donnée. Ainsi qu’il est dit dans la sentence
arbitrale rendue le 23 janvier 1933 par le tribunal spécial de délimitation

constitué en exécution du traité d’arbitrage entre le Guatemala et le Hon-
duras, l’explication en est à rechercher dans «l’absence, à l’époque colo-
niale, d’informations dignes de foi», «ce territoire [étant] dans une large
mesure inexploré». En conséquence,

«non seulement la Couronne n’avait pas déterminé de façon précise
les limites des juridictions, mais il existait de vastes régions dans les-
quelles aucun effort n’avait été mené en vue d’assurer le respect d’un

quelconque semblant d’autorité administrative» (RSA, vol. II,
p. 1325).

46 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME ARRÊT ) 702

135. Compte tenu de la double nature de la présente espèce — une
délimitation maritime et une détermination de souveraineté sur les îles
situées dans la zone maritime en litige —, et si l’on prend en considéra-

tion le principe suivant lequel «la terre domine la mer» (voir paragra-
phe 113 ci-dessus), il y a lieu de déterminer tout d’abord la nature juri-
dique des formations terrestres de la zone en litige.
136. Quatre cayes sont concernées, Bobel Cay, Savanna Cay,
Port Royal Cay et South Cay, qui se trouvent toutes hors des eaux

territoriales bordant les côtes continentales tant du Nicaragua que du
Honduras. Elles sont situées au sud de la bissectrice revendiquée par le
demandeur comme ligne de délimitation et au nord du 15 parallèle e
revendiqué par le défendeur comme ligne de délimitation. Outre ces

quatre cayes principales, la même zone compte plusieurs îlots, cayes et
récifs dont le statut physique (notamment le point de savoir s’ils sont
entièrement recouverts, en permanence ou à marée haute) et, par consé-
quent, le statut juridique (aux fins de l’application des articles 6, 13 et

121 de la CNUDM) ne sont pas clairs.
137. La Cour note que les Parties ne contestent pas le fait que Bobel
Cay, Savanna Cay, Port Royal Cay et South Cay restent découvertes à
marée haute. Elles relèvent donc de la définition et du régime des îles
figurant à l’article 121 de la CNUDM (à laquelle le Nicaragua et le Hon-

duras sont l’un et l’autre parties). Dès lors, ces quatre formations seront
appelées ci-après des îles.
La Cour note en outre que les Parties ne revendiquent pas pour ces îles
de zones maritimes au-delà de la mer territoriale (la question de la largeur

de la mer territoriale entourant ces îles sera examinée ci-après au para-
graphe 302).
138. Hormis pour ces quatre îles, il semble que la Cour n’ait pas reçu
tous les renseignements dont elle aurait besoin pour identifier avec préci-
sion un certain nombre des autres formations maritimes situées dans la

zone en litige. A cet égard, les pièces de procédure écrite et les plaidoiries
ont été de peu d’aide pour définir, avec la précision nécessaire, les autres
«formations» pour lesquelles les Parties demandent à la Cour de tran-
cher la question de la souveraineté territoriale.

139. Bien que, dans ses conclusions finales, le Nicaragua prie la Cour
de trancher la question de la souveraineté sur les îles et cayes situées dans
la zone en litige, il n’y précise pas les noms de ces formations, mais
recourt à une description en termes généraux, se référant aux «îles et

cayes situées dans la zone en litige». Le demandeur ne donne pas de liste
exhaustive des îles et cayes et ne précise pas non plus la qualification juri-
dique de ces formations. Quoique le Nicaragua ait parfois revendiqué,
par le passé, des zones maritimes s’étendant jusqu’au 17 parallèle, la
«zone en litige» doit, au vu des écritures et des plaidoiries, être interpré-

tée en l’espèce comme renvoyant à la zone maritime située entre le
15 parallèle et la bissectrice que le Nicaragua revendique comme fron-
tière maritime (voir paragraphes 19 et 83 ci-dessus).
140. Le Honduras est plus précis dans ses conclusions finales, mais

47 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME ARRÊT ) 703

seulement en ce qu’il cite nommément les quatre formations qu’il appelle

des îles depuis le tout début et sur lesquelles il revendique la souveraineté:
Bobel Cay, Savanna Cay, Port Royal Cay et South Cay. Les autres for-
mations sont décrites de manière vague et imprécise comme «l’ensemble
des autres îles, cayes, rochers, bancs et récifs revendiqués par le Nicara-
gua et situés au nord du 15 parallèle». Le problème que pose une telle

demande est que, ainsi qu’il est indiqué ci-dessus, le Nicaragua ne précise
pas, dans ses conclusions finales, quelles sont «les îles et cayes situées
dans la zone en litige» et, par ailleurs, ne revendique aucun «rocher, banc
ou récif».
141. A cet égard, la Cour note qu’une distinction doit être établie entre

des formations qui ne sont pas découvertes en permanence, et qui se trou-
vent placées hors des eaux territoriales d’un Etat, et des îles. S’agissant de
la question de l’appropriation, la Cour a indiqué, en l’affaire de la Déli-
mitation maritime et des questions territoriales entre Qatar et Bahreïn

(Qatar c. Bahreïn), que, à sa connaissance,
«il n’exist[ait] pas ... de pratique étatique uniforme et largement

répandue qui aurait pu donner naissance à une règle coutumière
autorisant ou excluant catégoriquement l’appropriation des hauts-
fonds découvrants» (Délimitation maritime et questions territoriales
entre Qatar et Bahreïn (Qatar c. Bahreïn), fond, arrêt, C.I.J. Recueil
2001, p. 102, par. 205).

Elle a toutefois ajouté ce qui suit:

«Les quelques règles existantes ne justifient pas que l’on présume
de façon générale que les hauts-fonds découvrants constituent des
territoires au même titre que les îles. Il n’a jamais été contesté que les

îles constituent de la terre ferme et qu’elles sont soumises aux règles
et principes de l’acquisition territoriale; il existe en revanche une
importante différence entre les effets que le droit de la mer attribue
aux îles et ceux qu’il attribue aux hauts-fonds découvrants. Il n’est
donc pas établi que, en l’absence d’autres règles et principes juri-

diques, les hauts-fonds découvrants puissent, du point de vue de
l’acquisition de la souveraineté, être pleinement assimilés aux îles et
autres territoires terrestres.» (Ibid., par. 206.)

La Cour a également rappelé «la règle selon laquelle les hauts-fonds
découvrants situés au-delà des limites de la mer territoriale ne sont pas
dotés d’une mer territoriale propre» (ibid., par. 207).
142. De surcroît, la question des formations qui ne peuvent être quali-

fiées d’îles au sens de la CNUDM du fait qu’elles ne sont pas découvertes
en permanence a été peu abordée dans les écritures et à l’audience.

143. Au cours de la procédure, deux autres cayes ont été mentionnées:
Logwood Cay (également dénommée Palo de Campeche) et Media Luna

Cay. En réponse à une question que leur a posée à l’audience le juge ad
hoc Gaja quant à savoir si ces cayes pourraient être considérées comme

48 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 704

des îles au sens du paragraphe 1 de l’article 121 de la CNUDM, les

Parties ont affirmé que Media Luna Cay était maintenant recouverte et
qu’elle n’était donc plus une île. Le doute subsiste quant à l’état actuel de
Logwood Cay: selon le Honduras, elle reste découverte (quoique de peu)
à marée haute; d’après le Nicaragua, elle est complètement recouverte à
marée haute.

144. Au vu de toutes ces circonstances, la Cour n’est pas en mesure de
se prononcer sur les formations maritimes, autres que les quatre îles
visées au paragraphe 137, se trouvant dans la zone en litige. La Cour
estime dès lors approprié de ne statuer que sur la question de la souve-
raineté sur Bobel Cay, Savanna Cay, Port Royal Cay et South Cay.

145. A l’audience, chacune des Parties a également revendiqué une île
située en un endroit totalement différent, à savoir celle se trouvant à
l’embouchure du fleuve Coco. Depuis un siècle, le caractère instable de

l’embouchure de ce fleuve est tel que les îles les plus grandes sont suscep-
tibles de s’intégrer à la côte la plus proche et que le devenir d’îles plus
petites est incertain. En raison des caractéristiques changeantes de la zone
en question, la Cour ne se prononcera pas sur l’attribution d’un titre sou-
verain sur les îles situées dans l’embouchure du fleuve Coco.

**

7.2. Le principe de l’uti possidetis juris et la souveraineté

sur les îles en litige

146. La Cour relève que le principe de l’uti possidetis juris a été invo-
qué par le Honduras en tant que base de souveraineté sur les îles en litige.
Le Nicaragua affirme en revanche que la souveraineté sur les îles ne sau-
rait être attribuée à l’une ou l’autre Partie sur la base de ce principe.

147. Le Honduras prétend que le principe de l’uti possidetis juris,
consacré dans le traité Gámez-Bonilla et confirmé par la sentence rendue
par le roi d’Espagne en 1906 ainsi que par l’arrêt de la Cour de 1960,
s’applique entre le Honduras et le Nicaragua non seulement pour ce qui

est de leur territoire continental, mais aussi pour ce qui est de l’espace
maritime qui s’étend au large de la côte des deux pays et dont la délimita-
tion est à présent en cause, ainsi que pour les îles situées dans la zone en
litige. Le Honduras ajoute que la ligne tracée sur la base du principe de
l’uti possidetis juris en tant que ligne de délimitation maritime correspond
e
à la ligne qui commence le long du 15 parallèle.
148. Le Honduras affirme que, du fait du décret royal du 17 décembre
1760 qui a fixé à 6 milles marins l’étendue des eaux territoriales espa-
gnoles, le Nicaragua et le Honduras ont, en 1821, succédé à la Couronne
espagnole non seulement pour ce qui concerne leur territoire continental,

mais aussi pour ce qui est des îles et de la zone maritime des 6 milles.
S’agissant de la souveraineté sur les îles en litige en vertu du principe de

49 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 705

l’uti possidetis juris, le Honduras invoque tout d’abord le brevet royal du
23 août 1745 qui créa au sein de la capitainerie générale de Guatemala

deux juridictions militaires, l’une allant de la péninsule du Yucatán
jusqu’au cap Gracias a Dios, l’autre du cap Gracias a Dios jusqu’au
fleuve Chagres, celui-ci non compris. La juridiction septentrionale appar-
tenait au Honduras et la juridiction méridionale au Nicaragua. Le Hon-
duras mentionne en outre le décret royal du 20 novembre 1803, aux

termes duquel «les îles de San Andrés et la partie de la côte des Mosquitos
qui va du cap Gracias a Dios au fleuve Chagres, y compris celui-ci, sont
détachées de la capitainerie générale de Guatemala et placées sous la juri-
diction de la vice-royauté de Santa Fé». Il affirme que ce décret montre
que les îles et les eaux se trouvant au nord du cap Gracias a Dios rele-

vaient de la juridiction militaire et maritime de la capitainerie générale de
Guatemala, alors que les îles et les eaux se trouvant au sud du cap rele-
vaient de la vice-royauté de Santa Fé. Il soutient enfin que, avant l’indé-
pendance, le gouvernement du Honduras exerçait sa juridiction au nord
du cap Gracias a Dios, tandis que le commandement général du Nicara-
gua exerçait sa juridiction au sud du cap.

149. Le Honduras fait valoir que les traités conclus respectivement
entre l’Espagne et le Nicaragua en 1850 et entre l’Espagne et le Honduras
en 1866 reconnaissaient la souveraineté du Nicaragua et du Honduras sur
leurs territoires continentaux et sur les îles adjacentes à leurs côtes. Il
affirme que les îles en litige étaient plus proches de sa côte que de celle de

toute autre partie de ce qui constituait alors l’Empire espagnol. Il note
également que leur existence était certainement connue à l’époque de
l’indépendance des Etats d’Amérique centrale, puisqu’elles sont représen-
tées sur des cartes datant de cette période, par exemple la carte de 1801
sur laquelle se trouvaient représentées les côtes du Yucatán, des Mosqui-

tos et du Honduras.

*

150. Le Nicaragua ne nie pas que le principe de l’uti possidetis juris

puisse être pertinent pour l’établissement d’une souveraineté sur des pos-
sessions insulaires, mais affirme que le principe n’est pas applicable en la
présente affaire, «car il n’existe aucune preuve que le roi d’Espagne ait
attribué les dizaines de cayes lilliputiennes, beaucoup d’entre elles n’ayant
pas même de nom, à l’une ou l’autre des provinces de la capitainerie
générale de Guatemala». Selon le Nicaragua, la mer territoriale relevait à

l’époque de la juridiction exclusive des autorités espagnoles à Madrid, et
n’était pas placée sous le contrôle des autorités locales. Le Nicaragua
soutient qu’il n’existe aucune preuve documentaire démontrant l’exis-
tence d’un titre du Nicaragua ou du Honduras sur les îles en vertu de l’uti
possidetis juris de 1821, ce qui, selon lui, n’est pas surprenant, puisque

celles-ci étaient dépourvues d’importance économique ou stratégique. Il
soutient en outre que, en l’absence d’une telle preuve, il reste à considérer
«l’emplacement des îlots en litige par rapport aux autres territoires des

50 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 706

Etats concernés». Toutefois, selon le Nicaragua, à l’indépendance, ce

principe de proximité opéra non pas en faveur du Honduras ou du Nica-
ragua, mais plutôt en faveur de la capitainerie générale de Guatemala, qui
exerçait une juridiction directe sur les établissements de la côte des Mos-
quitos. En tout état de cause, le Nicaragua prétend que les îles sont plus
proches d’Edinburgh Cay au Nicaragua que de tout territoire hondurien.

*

151. La Cour a reconnu que le «principe de l’uti possidetis s’[était]
maintenu au rang des principes juridiques les plus importants» en matière

de titre territorial et de délimitation des frontières au moment de la déco-
lonisation (Différend frontalier (Burkina Faso/République du Mali),
arrêt, C.I.J. Recueil 1986 , p. 567, par. 26). Dans l’affaire en cause, la
Chambre de la Cour a déclaré qu’elle

«ne saurait écarter le principe de l’uti possidetis juris, dont l’appli-
cation a précisément pour conséquence le respect des frontières

héritées... Il constitue un principe général, logiquement lié au phéno-
mène de l’accession à l’indépendance, où qu’il se manifeste. Son but
évident est d’éviter que l’indépendance et la stabilité des nouveaux
Etats ne soient mises en danger par des luttes fratricides nées de la
contestation des frontières à la suite du retrait de la puissance admi-

nistrante.» (Ibid., p. 565, par. 20.)
152. Dans le même arrêt, la Chambre de la Cour a examiné différents

aspects du principe de l’uti possidetis juris. L’un d’eux
«accorde au titre juridique la prééminence sur la possession effective

comme base de la souveraineté. Sa finalité, à l’époque de l’accession
à l’indépendance des anciennes colonies espagnoles d’Amérique, était
de priver d’effets les visées éventuelles de puissances colonisatrices
non américaines sur des régions que l’ancienne métropole avait assi-
gnées à l’une ou à l’autre des circonscriptions et qui étaient demeu-

rées non occupées ou inexplorées.» (Ibid., p. 566, par. 23.)
153. Selon l’arrêt de la Chambre de la Cour:

«[S]ous son aspect essentiel, ce principe vise, avant tout, à assurer
le respect des limites territoriales au moment de l’accession à l’indé-

pendance. Ces limites territoriales pouvaient n’être que des délimita-
tions entre divisions administratives ou colonies relevant toutes de la
même souveraineté. Dans cette hypothèse, l’application du principe
de l’uti possidetis emportait la transformation de limites administra-
tives en frontières internationales proprement dites.» (Ibid.)

154. Indubitablement, le principe de l’uti possidetis juris s’applique à

la question de la délimitation territoriale entre le Nicaragua et le eondu-
ras, tous deux anciennes provinces coloniales espagnoles. Au XIX siècle,

51 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME ARRÊT ) 707

des négociations visant à déterminer la frontière territoriale entre le Nica-
ragua et le Honduras s’achevèrent par la conclusion du traité Gámez-

Bonilla du 7 octobre 1894, dans lequel les deux Etats convinrent, au
paragraphe 3 de l’article II, que «chaque république [était] maîtresse des
territoires qui, à la date de l’indépendance, constituaient respectivement
les provinces du Honduras et du Nicaragua». La sentence rendue par le
roi d’Espagne en 1906, laquelle repose précisément sur le principe de l’uti

possidetis juris inscrit dans le paragraphe 3 de l’article II du traité
Gámez-Bonilla, définit la frontière territoriale entre les deux pays pour ce
qui concerne les portions de terre alors contestées, à savoir celles situées
entre le Portillo de Teotecacinte et la côte atlantique. La validité ainsi que
le caractère obligatoire de la sentence de 1906 ont été confirmés par la

Cour dans son arrêt de 1960 et les deux Parties au présent différend
reconnaissent la sentence comme juridiquement obligatoire.

*
155. La Cour passera à présent de la question du titre territorial réglée

en 1906 à celle de la souveraineté sur les îles dont elle se trouve saisie en
l’espèce.
156. La Cour commencera par faire observer que l’uti possidetis juris
peut, en principe, s’appliquer aux possessions territoriales situées au large
des côtes et aux espaces maritimes (Différend frontalier terrestre, insu-

laire et maritime (El Salvador/Honduras; Nicaragua (intervenant)),
arrêt, C.I.J. Recueil 1992 , p. 558, par. 333; p. 589, par. 386).
157. Il est bien établi qu’«un aspect essentiel [du] principe [de l’uti pos-
sidetis juris] est ... d’écarter la possibilité d’un territoire sans maître»
(ibid., p. 387, par. 42). Cependant, ce prononcé ne saurait conduire à

inclure dans le territoire d’Etats successeurs des îles dont il n’a pas été
démontré qu’elles relevaient du pouvoir colonial espagnol, ni ne peut ipso
facto transformer en îles «attribuées» des îles n’ayant aucun lien avec la
côte continentale concernée. Même si les deux Parties conviennent en
l’espèce que les îles en question ne sauraient aucunement être considérées

comme res nullius, des questions de droit demeurent, qui appellent néces-
sairement des réponses.
158. La Cour observe que la simple invocation du principe de l’uti pos-
sidetis juris ne fournit pas en soi une réponse claire quant à la souverai-
neté sur les îles en litige. Si les îles ne sont pas terra nullius, ainsi que le
reconnaissent les deux Parties et qu’il est communément admis, l’on ne

peut que présumer qu’elles relevaient de la Couronne espagnole. Toute-
fois, cela ne signifie pas nécessairement que le successeur en ce qui
concerne les îles en litige ne pourrait être que le Honduras du fait que
celui-ci est le seul Etat à avoir formellement revendiqué un tel statut. La
Cour rappelle que l’uti possidetis juris présuppose que les autorités colo-

niales centrales aient procédé à une délimitation territoriale entre les pro-
vinces coloniales concernées. Ainsi, pour que le principe de l’uti possidetis
juris puisse être appliqué aux îles en litige, il doit au préalable être

52 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 708

démontré que la Couronne espagnole les avait attribuées à l’une ou
l’autre de ses provinces coloniales.

*

159. Par conséquent, la Cour examinera maintenant s’il existe des élé-
ments de preuve convaincants qui lui permettraient de déterminer à

laquelle des provinces coloniales de l’ancienne Amérique espagnole les
îles en question avaient, le cas échéant, été attribuées, sachant que ces îles
ne revêtaient pas à l’époque une importance stratégique, économique ou
militaire particulière. Si une telle attribution pouvait en effet être démon-
trée, l’on pourrait conclure que, en fonction de l’autorité administrative

dont ces îles auraient ainsi relevé pendant la colonisation, elles se seraient
par la suite trouvées placées sous la souveraineté du Honduras ou sous
celle du Nicaragua lorsque ceux-ci sont devenus des Etats indépendants
en 1821.
160. En l’affaire du Différend frontalier terrestre, insulaire et maritime
(El Salvador/Honduras; Nicaragua (intervenant)) , la Chambre de la

Cour a, dans son arrêt de 1992, jugé nécessaire d’examiner la question de
savoir dans quelle mesure il était «possible d’établir si, en 1821, chaque
île en litige relevait de l’une ou de l’autre des différentes divisions admi-
nistratives de l’appareil colonial espagnol en Amérique centrale». Les
conclusions de la Chambre s’appliquent à la présente affaire:

«Dans le cas des îles, il n’existe aucun titre foncier de la nature de
ceux que la Chambre a pris en considération pour reconstruire les

limites de l’uti possidetis juris sur le continent, et les textes législatifs
et administratifs sont confus et contradictoires. Le rattachement des
diverses îles aux divisions administratives territoriales du système
colonial espagnol, aux fins de leur attribution à l’un ou l’autre des
Etats nouvellement indépendants, a pu susciter des doutes et des dif-

ficultés si l’on en juge par les éléments de preuve et informations
communiqués. Il y a lieu de rappeler que, lorsque le principe de l’uti
possidetis juris est en jeu, le jus en question n’est pas le droit inter-
national, mais le droit constitutionnel ou administratif du souverain
avant l’indépendance, en l’occurrence le droit colonial espagnol, et il

se peut parfaitement que ce droit lui-même n’apportait aucune
réponse claire et catégorique à la question de savoir de quelle entité
relevaient des zones marginales ou des zones peu peuplées n’ayant
qu’une importance économique minime.» (Différend frontalier ter-
restre, insulaire et maritime (El Salvador/Honduras; Nicaragua
(intervenant)), arrêt, C.I.J. Recueil 1992 , p. 558-559, par. 333.)

161. Les Parties n’ont pas produit d’éléments de preuve documentaires
ou autres antérieurs à l’indépendance qui mentionnent expressément les

îles. La Cour relève en outre que la proximité en tant que telle ne permet
pas nécessairement d’établir un titre juridique. Les éléments d’informa-
tion apportés par les Parties sur l’administration par l’Espagne de l’Amé-

53 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 709

rique centrale au cours de la période coloniale ne permettent pas de
déterminer avec certitude si c’étaient une entité unique (la capitainerie

générale de Guatemala) ou deux entités subordonnées (le gouverne-
ment du Honduras et le commandement général du Nicaragua) qui ad-
ministraient à l’époque les territoires insulaires du Honduras et du
Nicaragua. Jusqu’en 1803, le Nicaragua et le Honduras firent partie de
la capitainerie générale de Guatemala. Dans l’ensemble, les éléments de

preuve produits en l’espèce sembleraient indiquer que c’est probable-
ment la capitainerie générale de Guatemala qui exerça une juridiction
sur les zones situées au nord et au sud du cap Gracias a Dios jusqu’en
1803, date à laquelle, en vertu d’un décret royal, la partie de la côte des
Mosquitos située au sud du cap Gracias a Dios passa sous contrôle de la

vice-royauté de Santa Fé (voir également C.I.J. Mémoires, Sentence
arbitrale rendue par le roi d’Espagne le 23 décembre 1906 (Honduras c.
Nicaragua), vol. I, p. 19-22).
162. A la différence du territoire terrestre, pour lequel les limites admi-
nistratives entre les différentes provinces étaient plus ou moins clairement
démarquées, il est manifeste qu’il n’existait aucune délimitation nette

s’agissant des îles en général. Il semble d’autant plus en avoir été ainsi
pour les îles en question, lesquelles devaient être très peu peuplées, voire
pas du tout, et ne possédaient pour ainsi dire pas de ressources naturelles
en dehors des ressources halieutiques de la zone maritime alentour.
163. La Cour fait observer que la capitainerie générale de Guatemala

exerçait vraisemblablement sur les territoires terrestres et sur les terri-
toires insulaires adjacents aux côtes un contrôle qui lui permettait d’assu-
rer la sécurité, de prévenir la contrebande ou de prendre d’autres mesures
nécessaires à la protection des intérêts de la Couronne espagnole. Mais
aucun élément de preuve n’existe qui donnerait à penser que les îles en

cause ont joué le moindre rôle dans la poursuite de ces objectifs straté-
giques. Toutes se trouvent situées à une certaine distance de l’embouchure
du fleuve Coco: Savanna Cay à environ 28 milles, South Cay à quelque
41 milles, Bobel Cay à 27 milles et Port Royal Cay à 32 milles. En dépit
de l’importance historique et actuelle du principe de l’uti possidetis juris,

si étroitement lié à la décolonisation de l’Amérique latine, l’on ne saurait
dire en l’espèce que l’application de ce principe à ces petites îles, qui sont
situées très loin au large et ne sont pas manifestement adjacentes à la côte
continentale du Nicaragua ou du Honduras, réglerait la question de la
souveraineté sur celles-ci.
164. En ce qui concerne l’argument de l’adjacence, la Cour note que

les traités d’indépendance conclus par le Nicaragua et le Honduras avec
l’Espagne (voir paragraphes 34 et 35 ci-dessus) renvoient à l’adjacence
par rapport aux côtes continentales plutôt que par référence aux îles
situées au large. Aussi l’argument du Nicaragua selon lequel les îles en
cause sont plus proches d’Edinburgh Cay, qui lui appartient, ne saurait-il

être accueilli. Même si elle ne fonde pas ses conclusions sur l’adjacence, la
Cour observe que, en tout état de cause, les îles en litige sont en réalité
plus proches de la côte du Honduras que de celle du Nicaragua.

54 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME ARRÊT ) 710

165. Ayant conclu que la question de la souveraineté sur les îles en
litige ne saurait être tranchée sur cette base, la Cour s’attachera à présent

à rechercher d’éventuelles effectivités pertinentes remontant à la période
coloniale. Ces «effectivités coloniales» ont été définies comme le

«comportement des autorités administratives en tant que preuve de
l’exercice effectif de compétences territoriales dans la région pendant
la période coloniale» (Différend frontalier (Burkina Faso/Républi-
que du Mali), arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 586, par. 63; Différend
frontalier (Bénin/Niger), arrêt, C.I.J. Recueil 2005, p. 120, par. 47).

En l’espèce, les renseignements manquent sur pareil comportement des
autorités administratives coloniales. La raison peut en être la suivante:

«Le territoire de chacune des Parties avait appartenu à la Cou-
ronne espagnole. L’autorité du monarque espagnol avait été abso-

lue. En fait et en droit, le monarque espagnol avait été en possession
de tout le territoire de chacune d’elles. Etant donné que, avant
l’indépendance chaque entité coloniale constituait simplement une
unité administrative soumise à tous égards au roi d’Espagne, il n’y
avait pas, au sens politique, de possession de fait et de droit indé-
pendante de celle du monarque. Seul était possédé par l’une ou

l’autre de ces entités coloniales ce qui lui avait été attribué à raison
de l’autorité administrative dont elle jouissait. La notion d’«uti pos-
sidetis de 1821» renvoie nécessairement à un contrôle administratif
découlant de la volonté de la Couronne espagnole. Pour pouvoir tra-
cer la ligne de l’«uti possidetis de 1821», il nous faut nous assurer de

l’existence de ce contrôle administratif...
[D]es difficultés particulières se posent pour tracer la ligne de
l’«uti possidetis de 1821» du fait de l’absence, à l’époque coloniale,
d’informations dignes de foi sur une grande partie du territoire liti-
gieux. Ce territoire était dans une large mesure inexploré. D’autres

parties, où l’on était allé à l’occasion, n’étaient que vaguement
connues. En conséquence, non seulement la Couronne n’avait pas
déterminé de façon précise les limites des juridictions, mais il existait
de vastes régions dans lesquelles aucun effort n’avait été mené en vue
d’assurer le respect d’un quelconque semblant d’autorité administra-

tive.» (Sentence arbitrale rendue le 23 janvier 1933 par le tribunal
spécial de délimitation constitué en exécution du traité d’arbitrage
entre le Guatemala et le Honduras, RSA, vol. II, p. 1324-1325.)

166. La Cour considère que, au vu de l’emplacement des îles en litige
et du fait qu’elles ne revêtaient pas à l’époque d’importance économique
ou stratégique particulière, il n’y a pas d’effectivités coloniales les concer-
nant. Elle ne saurait dès lors, sur cette base, conclure à l’existence d’un
titre sur le territoire des îles en litige ni confirmer l’existence d’un pareil

titre.
167. Au vu des considérations qui précèdent, la Cour conclut que le
principe de l’uti possidetis est de peu d’aide pour la détermination de la

55 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME ARRÊT ) 711

souveraineté sur ces îles, en ce que rien n’indique clairement si celles-ci

furent attribuées, avant l’indépendance ou au moment de celle-ci, à la
province coloniale du Nicaragua ou à celle du Honduras. Pareille attribu-
tion ne ressort pas davantage de la sentence arbitrale rendue par le roi
d’Espagne en 1906. Par ailleurs, aucun élément de preuve concernant des
effectivités coloniales relatives à ces îles n’a été soumis à la Cour. Il n’a

donc pas été établi que le Honduras ou le Nicaragua possédait un titre
sur ces îles en vertu de l’uti possidetis.

**

7.3. Les effectivités postcoloniales et la souveraineté
sur les îles en litige

168. La Cour examinera maintenant, aux fins de déterminer la sou-

veraineté sur les îles en litige, les éléments de preuve d’effectivités post-
coloniales qui lui ont été soumis.

*

169. Le Honduras indique que, dans l’hypothèse où la Cour rejetterait
sa prétention à un titre originaire sur les îles fondé sur l’uti possidetis juris
et confirmé par des effectivités postcoloniales, il conviendrait alors de
trancher la question en «examinant lequel des deux Etats a présenté une
prétention supérieure sur la base de l’exercice ou des manifestations réels

de l’autorité sur les îles, conjugués à la nécessaire intention d’agir à titre
de souverain». Il affirme que, dans ce cas, il est évident que par ses effec-
tivités il a présenté une revendication supérieure à celle du Nicaragua,
lequel n’a fourni aucun élément de preuve d’effectivités.
170. Le Honduras a présenté un certain nombre d’arguments et d’élé-

ments de preuve visant à démontrer l’existence de telles effectivités, parmi
lesquels des actes de contrôle législatif et administratif, l’application de
son droit civil et de son droit pénal aux îles en litige, la réglementation de
l’immigration, des activités de pêche menées à partir des îles, des
patrouilles navales, sa pratique en matière de concessions pétrolières et

des travaux publics.
171. Le Nicaragua indique pour sa part que les effectivités invoquées
par le Honduras ne sauraient déplacer le titre originaire sur les îles détenu
par le Nicaragua par voie d’adjacence. Se référant à l’affaire du Différend
frontalier (Burkina Faso/République du Mali) , il soutient que c’est seu-

lement «[d]ans l’éventualité où l’«effectivité» ne coexiste avec aucun titre
juridique [qu’]elle doit inévitablement être prise en considération»
(C.I.J. Recueil 1986, p. 586-587, par. 63). En ce qui concerne ses propres
effectivités, le Nicaragua soutient que l’exercice de sa souveraineté «sur
la zone maritime contestée, y compris les cayes, est attesté par la ques-

tion des négociations et accords [avec la erande-Bretagne] sur la pêche
à la tortue qui commencèrent au XIX siècle et qui se poursuivaient

56 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 712

encore dans les années soixante». Il avance en outre que, dans les années
soixante-dix, «seul le Nicaragua réglementait les activités de pêche

autour des cayes situées au sud de Main Cape Channel et plus loin
vers l’est et le nord-est».

*
172. L’existence d’un titre souverain peut être déduite de l’exercice

effectif sur un territoire donné de pouvoirs relevant de l’autorité de l’Etat.
Pour qu’une prétention de souveraineté soit retenue sur cette base, un
certain nombre d’éléments doivent être démontrés de manière concluante.
Ainsi que l’a indiqué la Cour permanente de Justice internationale,

«une prétention de souveraineté fondée non pas sur quelque acte ou
titre en particulier, tel qu’un traité de cession, mais simplement sur
un exercice continu d’autorité, implique deux éléments dont l’exis-
tence, pour chacun, doit être démontrée: l’intention et la volonté

d’agir en qualité de souverain, et quelque manifestation ou exercice
effectif de cette autorité» (Statut juridique du Groënland oriental,
arrêt, 1933, C.P.J.I. série A/B n° 53 , p. 45-46).

173. Un autre élément a aussi été énoncé par la Cour permanente de
Justice internationale dans l’affaire du Statut juridique du Groënland
oriental, à savoir «la mesure dans laquelle la souveraineté est également
revendiquée par une autre puissance» (ibid., p. 46). Par ailleurs, l’exercice
de droits souverains doit revêtir une certaine ampleur, à raison de la

nature de l’espèce. Dans son arrêt rendu en l’affaire du Groënland orien-
tal, la Cour a indiqué:

«Il est impossible d’examiner les décisions rendues dans les af-
faires visant la souveraineté territoriale sans observer que, dans beau-
coup de cas, le tribunal n’a pas exigé de nombreuses manifestations
d’un exercice de droits souverains pourvu que l’autre Etat en cause
ne pût faire valoir une prétention supérieure. Ceci est particulière-
ment vrai des revendications de souveraineté sur des territoires situés

dans des pays faiblement peuplés ou non occupés par des habitants
à demeure.» (Ibid.)

174. La souveraineté sur des formations maritimes mineures, telles que
les îles en litige entre le Honduras et le Nicaragua, peut dès lors être éta-
blie sur la base d’une manifestation relativement modeste, d’un point de
vue tant qualitatif que quantitatif, des pouvoirs étatiques. Dans l’affaire
Indonésie/Malaisie, la Cour a indiqué que

«[d]ans le cas ... de très petites îles inhabitées ou habitées de façon
non permanente — telles que Ligitan et Sipadan, dont l’importance
économique était, du moins jusqu’à une date récente, modeste —, les

effectivités sont en effet généralement peu nombreuses» (Souverai-
neté sur Pulau Ligitan et Pulau Sipadan (Indonésie/Malaisie), arrêt,
C.I.J. Recueil 2002, p. 682, par. 134).

57 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 713

Elle a en outre précisé qu’elle

«ne p[ouvait] tenir compte de ces activités en tant que manifestation
pertinente d’autorité que dans la mesure où il ne fai[sait] aucun
doute qu’elles [étaient] en relation spécifique avec les îles en litige

prises comme telles. Les réglementations ou actes administratifs de
nature générale ne peuvent donc être considérés comme des effecti-
vités relatives à Ligitan et Sipadan que s’il est manifeste dans leurs
termes ou leurs effets qu’ils concernaient ces deux îles.» (Souverai-
neté sur Pulau Ligitan et Pulau Sipadan (Indonésie/Malaisie), arrêt,

C.I.J. Recueil 2002, p. 682-683, par. 136.)
175. Se conformant à l’approche qu’elle a adoptée dans l’affaire Indo-

nésie/Malaisie, la Cour se penchera sur la question de savoir si, en la pré-
sente espèce, les activités sur lesquelles se fondent les Parties, bien que
«modestes en nombre», démontrent une manifestation pertinente d’auto-
rité souveraine (ibid., p. 685, par. 148). Il importera également de déter-
miner si, dans ce cas, ces activités «couvrent une période considérable et
présentent une structure révélant l’intention d’exercer des fonctions éta-

tiques à l’égard des deux îles, dans le contexte de l’administration d’un
ensemble plus vaste d’îles» (ibid.).

*

176. La Cour examinera maintenant les différentes catégories d’effec-
tivités présentées par les Parties.
177. Contrôle législatif et administratif. Le Honduras prétend avoir
exercé un contrôle législatif et administratif sur les îles et fournit un cer-
tain nombre d’arguments à l’appui de sa thèse. Le Nicaragua, quant à lui,

ne cherche pas à prouver qu’il aurait exercé un contrôle législatif et admi-
nistratif sur les îles, mais soutient que les éléments de preuve du Hondu-
ras sont insuffisants.
178. La thèse du Honduras est fondée sur les textes de ses Constitu-
tions et de sa loi agraire de 1936. Les trois Constitutions (1957, 1965,

1982) énumèrent des îles lui appartenant, désignant nommément un cer-
tain nombre d’îles situées dans l’Atlantique, parmi lesquelles les cayes de
Falso, Gracias a Dios et Palo de Campeche, «ainsi que toutes les autres
situées dans l’Atlantique qui, historiquement, géographiquement et juri-
diquement (seule la Constitution de 1982 emploie le terme «géographi-
quement»), sont siennes». La Constitution de 1982 ajoute, en les dési-

gnant nommément, les cayes de Media Luna, Rosalind et Serranilla.
179. Sous le titre «Droit de l’Etat», la loi agraire hondurienne de 1936
énumère des cayes qui «appartiennent au Honduras», «y compris Palo de
Campeche» — nommément désignée — et «d’autres situées dans l’océan
Atlantique». Ni les Constitutions ni la loi agraire ne font toutefois expli-

citement référence aux îles et cayes en litige. Le Honduras allègue néan-
moins que la référence à Palo de Campeche et à d’autres îles situées dans
l’Atlantique doit être comprise comme incluant les îles adjacentes en litige.

58 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 714

180. Le Nicaragua réfute les éléments de preuve d’ordre législatif pré-
sentés par le Honduras en faisant valoir que ces textes ne mentionnent

pas spécifiquement la zone en litige ni une quelconque intention de régle-
menter les activités sur les îles. Le Nicaragua précise qu’il n’avait, en
conséquence, «aucune raison de protester» puisque les lois honduriennes

«sont dénuées de pertinence pour la question de la délimitation
maritime, en raison non seulement de leur date (pour celles posté-
rieures à 1977) mais aussi de leur contenu, qui règle des questions
relevant de la souveraineté et de la juridiction honduriennes sans

faire expressément mention des îles».
181. La Cour, constatant qu’il n’est fait aucune référence aux quatre

îles en litige dans les diverses constitutions du Honduras et dans la loi
agraire, relève de surcroît qu’aucun élément de preuve n’atteste que le
Honduras ait, d’une manière ou d’une autre, appliqué ces instruments
juridiques dans les îles. La Cour estime par conséquent que la thèse du
Honduras selon laquelle il exerçait un contrôle législatif et administratif
sur les îles n’est pas convaincante.

182. Application du droit pénal et du droit civil. Le Honduras soutient
également avoir appliqué son droit civil dans la zone en litige et fournit à
cet égard divers exemples. Il allègue que les accidents survenus dans la
zone, impliquant généralement des plongeurs, ont pendant longtemps été
déclarés aux autorités honduriennes, et non nicaraguayennes. Il prétend

que «les tribunaux honduriens [examinent les plaintes de cette nature],
parce que les accidents sont considérés comme ayant eu lieu au Hondu-
ras». Le Honduras présente des extraits de quatre plaintes déposées dans le
domaine du droit du travail, dont trois auprès de la juridiction du travail
de Puerto Lempira et une auprès d’un tribunal de Roatan (Bay Islands).

183. Le Honduras soutient en outre que «c’est [son] droit pénal ...
qu’appliquent et veillent à faire respecter les tribunaux honduriens lors-
que des délits sont commis sur les îles» et que «plusieurs plaintes pour
vol et voies de fait à Savanna Cay et Bobel Cay ont été examinées par les
autorités honduriennes et portées devant des tribunaux honduriens». Le

Honduras présente un extrait d’une décision rendue le 17 avril 1997 par le
tribunal de Puerto Lempira relativement à la confiscation d’une embarca-
tion en fibre de verre abandonnée sur Half Moon Cay. Il produit égale-
ment une plainte déposée au pénal devant une juridiction de Puerto Lem-
pira dans laquelle il est indiqué que six appareils respiratoires autonomes
de plongée ont été volés à South Cay sur un navire, le Mercante, et dans

laquelle sont nommément désignés les deux auteurs présumés devant être
cités à comparaître. Le Honduras prête également une valeur juridique à
une opération de lutte antidrogue menée en 1993 dans la région par les
autorités honduriennes et les services fédéraux de lutte antidrogue des
Etats-Unis d’Amérique (DEA). Ce projet, baptisé «Satellite Operation

Plan», avait notamment pour objet de «procéder à des opérations de
reconnaissance en vue d’identifier et de localiser, par la prise de photo-
graphies aériennes, des cibles possibles, zones et installations utilisées

59 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 715

pour le trafic de stupéfiants à l’échelle nationale ou liées à celui-ci, dans le
but de neutraliser les opérations criminelles liées au trafic illégal de stu-

péfiants». Des «aéronefs dotés des équipements appropriés» devaient
également «survoler l’espace aérien national». Le Satellite Operation
Plan comporte une liste d’«[î]les et cayes» dont Bobel Cay, South Cay,
Half Moon Cay et Savanna Cay.
184. Le Nicaragua conteste les allégations du Honduras, sans invo-

quer pour autant aucune mesure par laquelle il aurait appliqué ou fait
respecter son droit pénal ou son droit civil. Selon lui, tous les exemples
invoqués par le Honduras concernent des faits qui datent des années
quatre-vingt-dix, et sont donc bien postérieurs à 1977, que le Nicaragua a
proposé comme date critique. Il soutient également que les affaires invo-

quées ont probablement été portées devant des juridictions honduriennes
parce qu’elles concernaient des ressortissants honduriens, et non parce
que les incidents avaient eu lieu en territoire hondurien.
185. La Cour estime que les éléments de preuve fournis par le Hondu-
ras pour démontrer qu’il avait appliqué et fait respecter son droit pénal et
son droit civil revêtent bien une valeur juridique en la présente affaire. Le

fait qu’un certain nombre de ces actes aient été accomplis dans les
années quatre-vingt-dix ne remet pas en cause leur pertinence, puisque la
Cour a jugé que la date critique s’agissant des îles était 2001. Les plaintes
déposées au pénal se révèlent pertinentes dans la mesure où les actes visés
se sont produits sur les îles contestées en la présente affaire (South Cay et

Savanna Cay). Bien que ne constituant pas nécessairement un exemple
d’application du droit pénal hondurien, l’opération de lutte antidrogue
de 1993 peut tout à fait être considérée comme une autorisation de survol
des îles citées dans le document — lesquelles se trouvent au sein de la
zone contestée — accordée par le Honduras aux services fédéraux de lutte

antidrogue des Etats-Unis d’Amérique. Le fait que le Honduras ait
accordé à ceux-ci une autorisation de survol de «l’espace aérien natio-
nal» et qu’aient été expressément mentionnées les quatre îles et cayes
peut être considéré comme un acte souverain de l’Etat constituant une
effectivité pertinente dans la zone.

186. Réglementation de l’immigration. Le Honduras affirme tenir des
registres d’immigration concernant les étrangers vivant au Honduras,
dans lesquels sont «systématiquement recensés les ressortissants étran-
gers vivant sur les îles aujourd’hui revendiquées par le Nicaragua». A
titre d’exemple, est produite une note en date du 31 mars 1999 adressée
au directeur général des questions de population et d’immigration à

Tegucigalpa par l’agent régional des services de l’immigration de Puerto
Lempira, sous couvert de laquelle est communiqué un rapport. Figurent
dans ce rapport le nombre de cabanes recensées dans la zone inspectée, la
nationalité des personnes y séjournant (avec, dans le cas des étrangers, les
renseignements relatifs à leur numéro de passeport, à leur date de nais-

sance et à la date d’expiration de leur visa) ainsi que la date d’expiration
de leurs permis de pêche. Les informations concernent Bobel Cay,
Savanna Cay, Port Royal Cay, South Cay et Gorda Cay.

60 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 716

187. La Cour relève que le Honduras semble avoir mené une impor-
tante activité en matière de réglementation de l’immigration et de déli-

vrance des permis de travail en découlant à l’égard de personnes pré-
sentes dans les îles en 1999 et en 2000. Il n’existe aucun élément de preuve
de pareille réglementation avant 1999. La correspondance adressée par
le directeur des questions de population et d’immigration au ministre de
l’intérieur du Honduras au sujet des mouvements migratoires sur les îles

en litige date de novembre et décembre 1999. Le Honduras fournit éga-
lement des éléments de preuve visant à montrer l’exercice de pouvoirs
réglementaires en matière d’immigration. En 1999, les autorités hondu-
riennes se sont rendues sur les quatre îles et ont recueilli des renseigne-
ments sur les étrangers vivant à South Cay, Port Royal Cay et Savanna

Cay (Bobel Cay n’était pas habitée à l’époque, mais l’avait été aupara-
vant). Le Honduras présente la déclaration d’un agent hondurien des ser-
vices de l’immigration qui s’est rendu sur les îles à trois ou quatre reprises
de 1997 à 1999. Cet agent a aussi accompagné en deux occasions les
forces navales au cours de patrouilles effectuées par celles-ci dans la zone
qui entoure les îles. Selon l’agent, la mairie de Puerto Lempira délivre

des permis de travail provisoires à des ressortissants jamaïcains et nica-
raguayens ainsi qu’occasionnellement à des ressortissants d’Etats tiers qui,
certains se trouvant sur les îles, auraient apparemment reçu des permis de
séjour temporaire en attendant d’obtenir un statut de résident. Le Hon-
duras produit également un document portant prorogation des visas de

trois ressortissants jamaïcains «établis à» Savanna Cay et South Cay.
188. Là encore, le Nicaragua conteste les éléments de preuve relatifs à
l’activité de réglementation de l’immigration par le Honduras, prétendant
que cette activité remonte seulement à 1999, soit à une date postérieure à
la date critique.

189. La Cour estime qu’une valeur juridique doit être attachée aux élé-
ments fournis par le Honduras en matière de réglementation de l’immi-
gration en tant que preuve d’effectivités, en dépit du fait que cette activité
n’a commencé qu’à la fin des années quatre-vingt-dix. La délivrance de
permis de travail et de visas à des ressortissants jamaïcains et nicara-

guayens atteste l’exercice d’un pouvoir réglementaire par le Honduras.
Les visites effectuées sur les îles par un agent hondurien des services de
l’immigration témoignent d’un exercice de compétence, même si l’objet
de ces visites était de contrôler plutôt que de réglementer l’immigration
sur les îles. Le laps de temps au cours duquel ces actes de souveraineté
ont été accomplis est plutôt bref, mais seul le Honduras a pris dans la

zone des mesures qui peuvent être considérées comme des actes accomplis
à titre de souverain. A aucun moment le Nicaragua n’affirme avoir régle-
menté l’immigration sur les îles en litige, que ce soit avant ou après les
années quatre-vingt-dix.
190. Réglementation des activités de pêche. Le Honduras soutient que

les bitácoras (permis de pêche) accordés aux pêcheurs constituent la
preuve d’actes accomplis sous le contrôle de l’autorité publique. Il affirme
que «[l]es pêcheurs qui exercent leurs activités dans ces régions, et le font

61 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 717

en vertu de permis de pêche délivrés par le Honduras, sont en effet nom-
breux à utiliser les îles. Certains y vivent, d’autres ne font que s’y arrê-

ter». Il ajoute que «[p]our preuves de sa pratique en matière de pêche, le
Honduras a présenté à la Cour vingt-huit dépositions de témoins. Sur ces
vingt-huit dépositions, vingt-quatre font état de l’existence, sur les cayes,
d’activités connexes aux activités de pêche autorisées par le Honduras».
191. Le Honduras fournit des éléments de preuve concernant des bâti-

ments qui auraient été construits sur Savanna Cay sur autorisation des
autorités de Puerto Lempira et en vertu de permis accordés par celles-ci.
Dans un témoignage, un ressortissant jamaïcain, «pêcheur de profession,
vivant présentement à Savanna Cay», déclare: «Nous avons construit
tous les bâtiments existant sur la caye. Ils sont enregistrés à la municipa-

lité de Puerto Lempira. Toutes les maisons ont été répertoriées par la
municipalité, qui a commencé à le faire ilyaàp uprès deux ans de
cela.» Un autre ressortissant jamaïcain, qui affirme que «pendant la
majeure partie de l’année [il vit] à Savanna Cay», atteste également que
des Jamaïcains «ont construit toutes les maisons existant sur la caye. Ces
maisons ont été construites légalement avec le consentement des autorités

honduriennes».
192. Le Honduras soutient que «du matériel de pêche est entreposé à
South Cay par le titulaire d’un permis de pêche délivré par les autorités
locales». Un certain Mario Ricardo Dominguez indique que, en raison
de ses activités de pêche,

«il utilise des installations présentes sur South Cay depuis [1992]; les
installations en question comprennent une maison en bois où il

entrepose son matériel de pêche, à savoir des filets de pêche, du
matériel de plongée, un congélateur et un générateur électrique; ...
pour utiliser son matériel de pêche, il soumet chaque année une
demande de permis de pêche à l’inspecteur des pêches de Puerto
Lempira et acquitte la taxe due».

193. Le Nicaragua affirme que le Honduras «ne présente aucun élé-
ment de preuve établissant que la réglementation des activités de pêche

par le Honduras prouve que celui-ci a un titre sur les îlots en litige» et
que, de manière plus générale, le Honduras ne parvient pas à établir de
distinction entre les activités pertinentes pour la délimitation maritime et
celles permettant l’établissement d’un titre sur les îles.
194. La Cour, concernant les activités de personnes privées, a estimé
qu’elles

«ne sauraient être considérées comme des effectivités si elles ne se
fondent pas sur une réglementation officielle ou ne se déroulent pas

sous le contrôle de l’autorité publique» (Souveraineté sur Pulau
Ligitan et Pulau Sipadan (Indonésie/Malaisie), arrêt, C.I.J. Recueil
2002, p. 683, par. 140).

A cet égard, le Honduras a présenté des dépositions de témoins ayant
pour objet d’établir qu’il accorde des licences pour les activités de pêche

62 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 718

autour des îles et des cayes et autorise la construction de bâtiments sur
Savanna Cay. Le point de savoir si la réglementation des activités de
pêche par le Honduras autour des îles en litige constituait en soi un exer-
cice effectif ou une manifestation d’autorité à l’égard de ces îles est aussi

une question qui doit être tranchée.
195. La Cour note que l’ensemble des éléments de preuve présentés
par le Honduras concernant les activités de pêche montre que ces activi-
tés se sont déroulées sur autorisation hondurienne dans les eaux qui
entourent les îles, mais non qu’elles ont été menées à partir des îles elles-

mêmes. Le Honduras fournit plutôt des éléments attestant qu’il a accordé
des permis pour des activités sur les îles qui sont liées aux activités de
pêche, telles que la construction de bâtiments ou l’entreposage de bateaux
de pêche. Au total, la Cour estime que les autorités honduriennes consi-
déraient que les permis de pêche, même si les zones visées n’y étaient pas

spécifiées, étaient utilisés pour la pêche qui se pratiquait autour des îles;
le Honduras accordait son autorisation pour la construction sur les îles
d’habitations à des fins liées aux activités de pêche. La Cour est par
conséquent d’avis que les autorités honduriennes délivraient des permis

de pêche en ayant la conviction que le Honduras détenait, sur la base de son
titre sur les îles, des droits sur les espaces maritimes entourant celles-ci. Les
éléments de preuve fournis par le Honduras au sujet de la réglementation de
l’activité des bateaux de pêche et des constructions sur les îles sont égale-
ment juridiquement pertinents, de l’avis de la Cour, au titre du contrôle

administratif et législatif exercé (voir paragraphes 177-181 ci-dessus).
196. La Cour considère que les permis délivrés par le Gouvernement
hondurien pour la construction de maisons à Savanna Cay et le permis
délivré pour l’entreposage de matériel de pêche sur la même caye, permis
accordés par la municipalité de Puerto Lempira, peuvent également être

regardés comme une manifestation, certes modeste, de l’exercice d’une
autorité, et comme des éléments de preuve d’effectivités dans les îles en
litige.
197. Pour sa part, le Nicaragua soutient qu’il a exercé une juridic-

tion sur les îles en question, en invoquant le différend qei l’opposa au
Royaume-Uni au sujet de la pêche à la tortue au XIX siècle et qui se
poursuivit jusqu’au début du XX siècle. Le Nicaragua soutient égale-
ment que les négociations menées dans les années cinquante avec le
Royaume-Uni pour le renouvellement d’un traité bilatéral remontant à

1916, qui resta «la base de la pêche à la tortue par les habitants des
îles Caïmanes jusqu’en 1960», constituent une autre preuve de son titre
sur les îles en litige. A ce propos, le Nicaragua a produit une carte de
1958 établie par un hydrographe britannique, le commandant Kennedy,

dont il affirme qu’elle «inclut les îlots, cayes et récifs revendiqués par le
Nicaragua dans la zone en litige avec le Honduras».
198. La Cour note tout d’abord que la carte ne prouve pas que le com-
mandant Kennedy considérait les îles comme appartenant clairement
et sans conteste au Nicaragua. La Cour fait observer que, bien que la

carte établie par le commandant Kennedy inclue effectivement les îles

63 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 719

aujourd’hui en litige entre le Nicaragua et le Honduras, l’intéressé rele-

vait à propos de celles-ci que l’on «pou[rrait] prétendre qu’elles font par-
tie du plateau continental du Honduras, en fonction de l’accord final sur
la manière dont la frontière traverse le plateau». Par ailleurs, le travail
cartographique entrepris par le commandant Kennedy ne l’a pas été sur
instructions du Gouvernement du Royaume-Uni. La Cour ne trouve pas

non plus convaincant l’argument selon lequel les négociations menées
entre le Nicaragua et le Royaume-Uni dans les années cinquante, en vue
du renouvellement des droits de pêche à la tortue au large des côtes nica-
raguayennes, attesteraient la souveraineté du Nicaragua sur les îles en
litige. La Cour ne saurait dès lors attacher de valeur juridique, aux fins

des effectivités, au différend relatif à la pêche à la tortue qui a opposé le
Nicaragua au Royaume-Uni.
199. Patrouilles navales. En se fondant sur un certain nombre de
dépositions, le Honduras affirme qu’il a procédé depuis 1976 à des

patrouilles navales et autres pour maintenir la sécurité et faire appliquer
la législation hondurienne autour des îles, en particulier la législation sur
les pêcheries et la législation en matière d’immigration. Un agent hondu-
rien des services de l’immigration et un responsable du port de Puerto
Lempira, qui ont participé avec la marine hondurienne aux patrouilles

autour des îles, ont apporté leur témoignage. Il existe également «des
preuves documentaires, sous forme de livres de bord de patrouille et
d’autres documents, montrant que le Honduras effectue des patrouilles
dans les eaux entourant les cayes, les récifs et les bancs situés dans la zone
au nord du 15 parallèle». Le Honduras soutient aussi que deux bâti-

ments affectés à ces patrouilles ont été régulièrement en opération, se ren-
dant dans les îles tout comme sur les bancs de Rosalind et Thunder
Knoll.
200. Le Nicaragua conteste la prétention du Honduras en soulignant
le fait que les patrouilles militaires et navales se sont déroulées après la

date critique, qu’il considère être 1977. De plus, le Nicaragua affirme
avoir de son côté effectué des patrouilles militaires et navales autour des
îles.
201. La Cour a déjà indiqué que la date critique aux fins de la question
du titre sur les îles n’était pas 1977, mais 2001. Les éléments de preuve

mis en avant par les deux Parties au sujet des patrouilles navales sont peu
abondants et ne démontrent pas clairement un lien direct entre le Nica-
ragua ou le Honduras et les îles en litige. Dès lors, la Cour ne trouve pas
convaincants, aux fins de l’existence d’effectivités concernant ces îles, les
éléments de preuve fournis par l’une comme par l’autre Partie. Elle ne

saurait déduire de ces éléments que les autorités du Nicaragua ou celles
du Honduras considéraient les îles en litige comme relevant de leur sou-
veraineté respective (voir Souveraineté sur Pulau Ligitan et Pulau Sipa-
dan (Indonésie/Malaisie), arrêt, C.I.J. Recueil 2002 , p. 683, par. 139).
La Cour se penchera plus loin, dans le cadre de son examen du différend

maritime entre les Parties, sur la valeur juridique à attacher aux éléments
de preuve soumis par celles-ci au sujet des patrouilles navales.

64 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME ARRÊT ) 720

202. Concessions pétrolières. Dans ses écritures, le Honduras a pré-

senté des éléments se rapportant aux concessions pétrolières comme
preuve d’un titre sur les îles situées dans la zone en litige; à l’audience,
toutefois, cet argument n’a plus été développé. Dans ses plaidoiries, le
Honduras a choisi de mettre l’accent sur un autre point, en affirmant
qu’«[u]n certain nombre de concessions honduriennes [avaient donné

lieu] à une activité souveraine sur les îles». Ainsi, selon le Honduras,
celles-ci ont «servi d’appui à la prospection pétrolière» et ont «été uti-
lisées comme base pour les activités de prospection pétrolière depuis les
années soixante». A l’audience, le Honduras a concentré son argumen-
tation sur la pertinence des concessions pétrolières des Parties aux fins

de prouver l’existence d’un accord taciteeconcernant le respect d’une
frontière «traditionnelle» le long du 15 parallèle.
203. Le Nicaragua soutient que la pratique nicaraguayenne et hondu-
rienne en matière d’octroi des concessions pétrolières ne présente aucune

cohérence, s’agissant du titre sur les îlots. De l’avis du Nicaragua, la pra-
tique des deux pays montre qu’il n’y avait aucun accord sur l’existence
d’une ligne d’attribution de souveraineté et que le Nicaragua considérait
les îlots en litige en la présente affaire comme faisant partie de son terri-
toire.

204. La Cour estime que les éléments de preuve relatifs aux activités de
prospection pétrolière offshore des Parties n’ont aucun rapport avec les
îles contestées. Aussi, dans son examen de la question des effectivités pro-
duites à l’appui du titre sur les îles, la Cour s’intéressera-t-elle, sous la
rubrique des travaux publics, aux actes accomplis sur les îles en relation

avec les concessions pétrolières.
205. Travaux publics. Le Honduras avance comme autre preuve
d’effectivités l’installation en 1975, sur son autorisation, d’une antenne
sur Bobel Cay en tant qu’aide à l’Union Oil. Un élément de preuve sup-
plémentaire soumis par le Honduras est constitué par les bornes géo-

désiques installées sur Savanna Cay, South Cay et Bobel Cay en 1980
et 1981, en application d’un accord conclu en 1976 avec les Etats-Unis.
Le Honduras affirme que le Nicaragua n’a pas protesté contre l’accord
de 1976, ni contre l’installation des bornes; depuis que ces bornes ont été
posées, il y a plus de vingt ans, il n’a pas demandé non plus qu’elles soient

enlevées. Le Nicaragua ne conteste pas que ces activités puissent être qua-
lifiées d’effectivités, mais fait plutôt remarquer que ces bornes furent ins-
tallées après ce qu’il considère comme la date critique, à savoir 1977.
206. Dans l’affaire Qatar c. Bahreïn, la Cour a attaché une valeur juri-
dique à certains travaux publics et a conclu comme suit:

«Certaines catégories d’activités invoquées par Bahreïn, telles que
le forage de puits artésiens, pourraient en soit être considérées comme
discutables en tant qu’actes accomplis à titre de souverain. La cons-
truction d’aides à la navigation, en revanche, peut être juridiquement

pertinente dans le cas de très petites îles. En l’espèce, compte tenu de
la taille de [l’île], les activités exercées par Bahreïn sur cette île peu-

65 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 721

vent être considérées comme suffisantes pour étayer sa revendica-

tion selon laquelle celle-ci se trouve sous sa souveraineté.» (Délimi-
tation maritime et questions territoriales entre Qatar et Bahreïn
(Qatar c. Bahreïn), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 2001 , p. 99-100,
par. 197.)

207. La Cour fait observer que l’installation sur Bobel Cay, en 1975,
d’une antenne de 10 mètres de haut par Geophysical Services Inc. pour le
compte de l’Union Oil Company faisait partie d’un réseau géodésique

local destiné à faciliter les activités de forage dans le cadre des conces-
sions pétrolières accordées. Le Honduras soutient que la construction de
l’antenne faisait partie intégrante des «activités de prospection pétrolière
qu’il a autorisées». Des rapports sur ces activités étaient périodiquement
soumis par la compagnie pétrolière aux autorités honduriennes, dans les-

quels était également indiqué le montant des taxes correspondantes acquit-
tées. Le Nicaragua prétend que l’installation de l’antenne sur Bobel Cay
était un acte privé pour lequel aucune autorisation gouvernementale spé-
cifique n’avait été délivrée.
La Cour est d’avis que l’antenne a été installée dans le cadre d’activités

de prospection pétrolière autorisées. Par ailleurs, le paiement de taxes au
titre de ces activités en général peut être considéré comme un élément de
preuve supplémentaire de ce que l’installation de l’antenne (qui, comme il
est indiqué, faisait partie desdites activités) s’est effectuée avec l’autorisa-
tion du gouvernement.

La Cour considère donc que les travaux publics dont fait état le Hon-
duras constituent des effectivités qui viennent à l’appui de sa revendica-
tion de souveraineté sur les îles en litige.
208. Après avoir examiné les arguments et les éléments de preuve
avancés par les Parties, la Cour conclut que les effectivités invoquées

par le Honduras établissent une «intention et [une] volonté d’agir en
qualité de souverain» et constituent une manifestation modeste mais
réelle d’autorité sur les quatre îles (Statut juridique du Groënland
oriental, arrêt, 1933, C.P.J.I. série A/B n o 53, p. 46; voir également
Minquiers et Ecréhous (France/Royaume-Uni), arrêt, C.I.J. Recueil

1953, p. 71).
Bien qu’il n’ait pas été établi que les quatre îles revêtent une impor-
tance économique ou stratégique, et en dépit de la rareté des actes d’auto-
rité étatique les concernant, le Honduras a démontré un ensemble de
comportements suffisant pour manifester son intention d’agir en qualité

de souverain à l’égard de Bobel Cay, Savanna Cay, Port Royal Cay et
South Cay. La Cour note en outre que ces activités honduriennes, qui
peuvent être considérées comme des effectivités et que l’on peut présumer
avoir été connues du Nicaragua, n’avaient suscité aucune protestation de
la part de celui-ci.

Quant au Nicaragua, la Cour n’a trouvé aucune preuve de son inten-
tion ou de sa volonté d’agir en qualité de souverain, ni aucune preuve
d’un exercice effectif ou d’une manifestation de son autorité sur les îles.
Le Nicaragua n’a donc pas satisfait au critère énoncé par la Cour per-

66 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 722

manente de Justice internationale dans l’affaire du Statut juridique du

Groënland oriental (voir paragraphe 172 ci-dessus).

**

7.4. Valeur probante des cartes pour confirmer la souveraineté
sur les îles en litige

209. En l’espèce, un nombre important de cartes a été présenté par les
Parties à l’appui de leur argumentation respective, mais tant le Nicaragua
que le Honduras ont reconnu que ce matériau cartographique ne consti-
tuait pas en soi un titre territorial ni la preuve d’une souveraineté sur les
îles; ils n’ont pas soutenu non plus que ces cartes devaient se voir recon-

naître une valeur probante particulière.
210. Figure parmi elles une carte officielle de 1982 du Nicaragua qui
représente une large portion de la mer des Caraïbes adjacente aux côtes
du Honduras et du Nicaragua et comprend un certain nombre de forma-
tions maritimes (bien qu’il ne s’agisse pas des quatre îles contestées). Il

n’y est mentionné aucune attribution de souveraineté sur les formations
maritimes. De la même manière, le Honduras fournit des cartes officielles
qui couvrent des parties de l’océan Atlantique situées à proximité du
Honduras et du Nicaragua, mais où ne figure aucune attribution de sou-
veraineté à l’un ou l’autre pays.

211. Une carte de la République du Honduras de 1933 établie par
l’Institut panaméricain de géographie et d’histoire donne l’impression
qu’au moins Bobel Cay, Logwood Cay, le récif de Media Luna et South
Cay sont à considérer comme appartenant au Honduras. Toutefois, la
carte comporte un avertissement général concernant les zones contestées.

212. La carte officielle de la République du Honduras publiée en 1994
inclut, en tant que possessions insulaires du Honduras dans la mer des
Caraïbes, une série de cayes, «situées dans le seuil connu géographique-
ment et historiquement en tant que «seuil nicaraguayen»» dans des
zones qui, selon le Nicaragua, sont «sous la souveraineté et la juridiction

totales du Nicaragua». Au sujet de cette publication, le Nicaragua
exprima «son total désaccord et formula des protestations vigoureuses».
213. La Cour, ayant examiné le matériau cartographique soumis par le
Nicaragua et le Honduras, procédera maintenant à l’évaluation de celui-ci
pour déterminer la mesure dans laquelle il peut être considéré comme

étayant leurerevendication respective de souveraineté sur les îles situées au
nord du 15 parallèle. En s’acquittant de cette tâche, la Cour gardera à
l’esprit le fait que les cartes peuvent

«être prises en considération, bien qu’un tel matériau descriptif
revête peu de valeur lorsqu’il a trait à un territoire peu ou pas du
tout connu et dans lequel il ne semble pas y avoir eu un quelconque

contrôle administratif réel» (Sentence arbitrale rendue le 23 janvier
1933 par le tribunal spécial de délimitation constitué en exécution du

67 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 723

traité d’arbitrage entre le Guatemala et le Honduras, RSA, vol. II,
p. 1325).

214. De l’avis de la Cour, les cartes susvisées n’étayent les revendica-

tions ni de l’une ni de l’autre des Parties. En la présente affaire, aucune
des cartes soumises par les Parties et sur lesquelles sont représentées cer-
taines des îles en litige n’indique clairement quel Etat exerce la souverai-
neté sur ces îles. Dans l’affaire de l’Ile de Palmas, la sentence arbitrale
relevait que

«ce n’est qu’avec une extrême circonspection que l’on peut tenir
compte des cartes pour trancher une question de souveraineté...

Toute carte qui n’indique pas de façon précise la répartition poli-
tique des territoires ... clairement marquée comme telle, doit être
écartée...
La première condition que l’on exige des cartes, pour qu’elles
puissent servir de preuve sur des points de droit, est leur exactitude

géographique. On doit noter ici que non seulement des cartes d’une
date ancienne, mais aussi des cartes d’une date moderne, même offi-
cielles ou semi-officielles, paraissent manquer d’exactitude.» (Ile de
Palmas (Pays-Bas/Etats-Unis d’Amérique) , 4 avril 1928 [traduction
française: Revue générale de droit international public , t. XLIII,
p. 179-180].)

215. La Cour réaffirme la position qu’elle a adoptée auparavant au

sujet de la portée extrêmement limitée des cartes en tant que source d’un
titre souverain:

«[Les cartes] ne constituent jamais — à elles seules et du seul fait
de leur existence — un titre territorial, c’est-à-dire un document
auquel le droit international confère une valeur juridique intrinsèque
aux fins de l’établissement des droits territoriaux.» (Différend fron-
talier (Burkina Faso/République du Mali), arrêt , C.I.J. Recueil 1986,

p. 582, par. 54.)

216. Les Parties ont des vues opposées sur les cartes et la Cour s’est
penchée avec grand soin sur la valeur probante de celles-ci. Dans l’arrêt
qu’elle a rendu en 1986 dans l’affaire Burkina Faso/Mali, la Chambre de
la Cour a notamment déclaré ce qui suit: «Les autres considérations dont
dépend le poids des cartes en tant qu’éléments de preuve ont trait à la
neutralité de leurs sources par rapport au différend considéré et aux

parties à ce différend.» (Ibid., p. 583, par. 56.)
217. En l’espèce, la présentation d’un matériau cartographique par les
Parties vise essentiellement à renforcer leurs prétentions respectives et à
étayer leur argumentation. La Cour estime qu’elle ne peut attacher que
peu de valeur juridique aux cartes officielles qui lui ont été soumises et

à celles qui émanent des instituts géographiques cités; elle traitera ces
cartes avec une certaine réserve. C’est une telle réserve qui se trouve
exprimée dans le prononcé suivant de la Chambre de la Cour:

68 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 724

«La jurisprudence relativement ancienne avait montré à l’égard
des cartes une réticence marquée ... la valeur juridique des cartes
reste limitée à celle d’une preuve concordante qui conforte une
conclusion à laquelle le juge est parvenu par d’autres moyens, indé-

pendants des cartes. En conséquence, hormis l’hypothèse où elles ont
été intégrées parmi les éléments qui constituent l’expression de la
volonté de l’Etat[,] les cartes ne peuvent à elles seules être considé-
rées comme des preuves d’une frontière car elles constitueraient dans
ce cas une présomption irréfragable, équivalant en réalité à un titre

juridique.» (Différend frontalier (Burkina Faso/République du Mali),
arrêt, C.I.J. Recueil 1986 , p. 583, par. 56.)

218. Aucune des cartes soumises par les Parties ne faisait partie d’un
instrument juridique en vigueur ni, plus précisément, d’un traité fronta-
lier conclu entre le Nicaragua et le Honduras.
219. La Cour conclut que le matériau cartographique qui a été pré-
senté par les Parties au cours des procédures écrite et orale ne saurait en

soi étayer leurs reveneications respectives de souveraineté sur les îles
situées au nord du 15 parallèle.

**

7.5. Reconnaissance par des Etats tiers et traités bilatéraux;
l’accord de libre-échange de 1998

220. Le Honduras soutient qu’un certain nombre d’Etats ont reconnu
sa souveraineté sur les îles situées au nord du 15 parallèle et sa compé-
tence sur les espaces maritimes qui se trouvent dans cette zone. Il affirme
que cette reconnaissance est notamment attestée par les éléments sui-

vants: la demande formulée en 1975 par l’Argentine visant à ce que l’un
de ses aéronefs soit autorisé à survoler les îles en question; la demande
formulée en 1977 par la Jamaïque de pénétrer dans les eaux honduriennes
pour secourir douze de ses ressortissants naufragés à Savanna Cay; la

mise en place, en 1980 et 1981, de bornes géodésiques sur Savanna Cay,
South Cay et Bobel Cay, dans le cadre de l’accord de 1976 entre le Hon-
duras et les Etats-Unis; et des opérations de lutte contre le trafic de stu-
péfiants menées conjointement par le Honduras et les Etats-Unis en 1993.
Le Honduras cite également un rapport de 1983 de la commission amé-

ricaine de toponymie qui «situe au Honduras les formations suivantes,
parmi d’autres: South Cay, Bobel Cay, Media Luna Cay (qui correspond
à Savanna Cay) et les Arrecifes (récifs) de la Media Luna». Le Honduras
affirme en outre que les «instructions nautiques» de 1995 pour la mer des

Caraïbes publiées par le service cartographique de la défense des Etats-
Unis mentionnent, parmi les formations se rattachant au littoral hondu-
rien, les «Arrecifes de la Media Luna (Half Moon Reef), Logwood Cay,
CayoMediaLuna,BobelCay,HallRock,SavannaReefs,SouthCay,Alar-
gate Reef (Arrecife Alargado), le haut-fond de Main Cape et False Cape».

221. Le Nicaragua conteste ces affirmations du Honduras, soutenant

69 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 725

que, en ce qui concerne l’avion argentin, sa route ne passait pas au-dessus

des cayes en litige, et qu’elle était d’ailleurs située en dehors de toute mer
territoriale entourant les îles en litige. S’agissant de la demande de la
Jamaïque, le Nicaragua soutient qu’«il est difficile de savoir avec préci-
sion si la demande en question porte véritablement sur l’un des îlots objet
de la présente instance». Il conteste également l’importance de l’accord

conclu en 1976 entre les Etats-Unis et le Honduras, au motif qu’il «est
sans pertinence pour trancher la question de la souveraineté sur les îlots,
puisqu’il ne mentionne aucun d’entre eux», ajoutant que les bornes géo-
désiques ont été mises en place après la date critique qu’il invoque.
Quant à l’opération de lutte contre le trafic de stupéfiants, le Nicaragua

affirme qu’elle «ne se déroula qu’en 1993 et qu’aucun élément de preuve
n’a été produit concernant des actes qui auraient été accomplis sur
les îlots contestés». Le Nicaragua soutient en outre que la description
de la zone maritime située au large de la côte continentale centra-

méricaine donnée dans les «instructions nautiques» n’a rien à voir avec
une reconnaissance de la position du Honduras à l’égard des îlots en
litige.
222. Selon le Honduras, une autre forme de reconnaissance est la
conclusion des

«traités de 1986 (entre la Colombie et le Honduras) et de 1993 (entre
la Colombie et la Jamaïque). Selon ceux-ci, tant la Colombie que la

Jamaïque reconnaissent la souveraineté et la juridiction du Hondu-
ras sur leseeaux et les îles s’étendant jusqu’au banc de Serranilla au
nord du 15 parallèle, c’est-à-dire à l’ouest de la zone d’administra-
tion conjointe établie par la Colombie et la Jamaïque autour dudit
banc.»

S’agissant du traité de délimitation maritime de 1986 conclu entre la
Colombie et le Honduras, le Nicaragua soutient qu’il a, en 1999, fait

valoir devant la Cour centraméricaine de justice que, en ratifiant ce traité,
le Honduras avait violé les règles et les principes de la communauté cen-
traméricaine (voir paragraphes 69-70 ci-dessus).
Quant au traité de délimitation maritime de 1993 entre la Colombie et
la Jamaïque, le Nicaragua affirme qu’il a été conclu après que le différend

opposant le Nicaragua et le Honduras se fut élevé et qu’il est dénué de
pertinence aux fins de la présente espèce, dans la mesure où la frontière
maritime proposée par le Nicaragua n’empiète pas sur les droits que la
Jamaïque pourrait détenir sur des zones maritimes.
223. Pour ce qui concerne la reconnaissance par des Etats tiers de

la souveraineté du Nicaragua sur les îles en litige, ce dernier affirme
que, lors des négociations qu’il a menées en 1996 et 1997 avec la Ja-
maïque au sujet de la délimitation d’une frontière maritime, une
«proposition de la Jamaïque en vue de délimiter la frontière maritime
reconnaissait Media Luna Cay comme faisant partie du territoire

nicaraguayen».
Le Honduras affirme cependant que la Jamaïque lui a communiqué un

70 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 726

aide-mémoire en date du 9 avril 2003 dans lequel il est indiqué que, après
avoir passé en revue les documents invoqués par le Nicaragua dans sa

réplique,
«[l]e Gouvernement de la Jamaïque a examiné ceux desdits docu-

ments en sa possession et peut confirmer que ceux-ci ne contiennent
aucun élément permettant de conclure que la Jamaïque aurait jamais
soutenu les revendications maritimes du Nicaragua contre le Hon-
duras.
Le Gouvernement de la Jamaïque n’a jamais exprimé son soutien

aux revendications de l’une ou l’autre Partie à ce différend.
L’opinion du Gouvernement de la Jamaïque n’a jamais varié: ce
différend entre deux Etats souverains ayant été soumis à la Cour
internationale de Justice, il convient d’adopter une attitude totale-
ment neutre en l’affaire tout en maintenant des relations amicales

avec les deux Parties.»
224. De l’avis de la Cour, aucun élément de preuve n’étaye les alléga-
tions formulées par les Parties au sujet de la reconnaissance par des Etats

tiers d’une souveraineté du Honduras ou du Nicaragua sur les îles en
litige. Certains éléments présentés par elles attestent d’événements spo-
radiques qui ne sont cependant ni constants ni consécutifs. Il est mani-
feste qu’ils ne traduisent pas l’existence d’une reconnaissance explicite
de souveraineté et n’étaient d’ailleurs pas supposés emporter pareille

reconnaissance.
225. La Cour relève que le Honduras a invoqué des traités bilatéraux
conclus par la Colombie, l’un avec le Honduras, l’autre avec la Jamaïque,
comme preuve de la reconnaissance, par ces Etats, de sa souveraineté sur
les îles en litige (voir paragraphe 222 ci-dessus). Elle note à propos de ces

traités que le Nicaragua n’a jamais acquiescé à une quelconque entente
impliquant que le Honduras aurait eu souveraineté sur les îles en litige.
La Cour ne juge pas ces traités bilatéraux pertinents pour établir la
reconnaissance par une tierce partie d’un titre sur les îles en litige.

*

226. La Cour rappelle que, à l’audience, elle a été informée de l’his-
toire des négociations menées en vue de la conclusion d’un accord de
libre-échange Amérique centrale-République dominicaine le 16 avril 1998
à Saint-Domingue entre le Nicaragua, le Honduras, le Costa Rica, le

Guatemala, El Salvador et la République dominicaine, et entré en vigueur
à des dates différentes à l’égard de chaque Etat (pour le Costa Rica, le
7 mars 2002; pour El Salvador, le 4 octobre 2001; pour le Guatemala, le
3 octobre 2001; pour le Honduras, le 19 décembre 2001; et, pour le Nica-
ragua, le 3 septembre 2002). Selon le Honduras, le texte original de cet

accord, qui avait été signé par le président du Nicaragua, comportait une
annexe à l’article 2.01, contenant une définition du territoire du Hondu-
ras, qui mentionnait notamment les cayes de Palo de Campeche et de

71 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 727

Media Luna. C’est ce texte qu’a ratifié le Honduras. Le Honduras affirme
que le nom de «Media Luna» était «fréquemment employé pour désigner
le groupe entier d’îles et cayes» dans la zone en litige. Le Nicaragua fait
observer que, lors de son processus de ratification, son Assemblée natio-

nale approuva une version revisée de l’accord de libre-échange sur laquelle
s’étaient entendus les Etats signataires, et qui ne comportait pas l’annexe
à l’article 2.01.
La Cour s’est procuré le texte de l’annexe précitée. Elle relève que les
quatre îles en litige n’y sont pas nommément désignées. De plus, elle note

qu’il ne lui a été fourni aucun élément de preuve montrant de manière
concluante que les termes «Media Luna» ont le sens que leur prête le
Honduras. Dans ces circonstances, la Cour conclut qu’il n’y a pas lieu
d’examiner plus avant les arguments relatifs à ce traité, ni le statut de
celui-ci aux fins de la présente procédure.

**

7.6. Décision quant à la souveraineté sur les îles

227. Après avoir examiné l’ensemble des éléments de preuve relatifs

aux prétentions des Parties concernant la souveraineté sur les îles de
Bobel Cay, Savanna Cay, Port Royal Cay et South Cay, et considéré
notamment la question de la valeur probante des cartes ainsi que celle de
la reconnaissance par des Etats tiers, la Cour conclut que le Honduras a
la souveraineté sur ces îles sur la base des effectivités postcoloniales.

* * *

8. L A DÉLIMITATION DES ZONES MARITIMES

228. La question de la souveraineté sur les quatre îles de la zone en
litige ayant été tranchée, la Cour passera maintenant à la délimitation des
zones maritimes entre le Nicaragua et le Honduras dans la mer des Ca-
raïbes. La géographie de la région, si essentielle pour la délimitation, est
décrite en détail aux paragraphes 20 à 32.

8.1. La frontière maritime traditionnelle revendiquée par le Honduras

8.1.1. Le principe de l’uti possidetis juris

229. Comme il est dit plus haut dans l’arrêt (voir paragraphe 147), le

Honduras soutient que le principe de l’uti possidetis juris auquel se réfè-
rent le traité Gámez-Bonilla et la sentence rendue en 1906 par le roi
d’Espagne est applicable à la zone maritime au large des côtes du Hon-
duras et du Nicaragua, et que le 15 parallèle constitue la ligne de déli-
mitation maritime résultant de l’application de ce principe. Il affirme que,

en 1821, le Nicaragua et le Honduras ont succédé, notamment, à un

72 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 728

espace maritime de 6 milles (voir paragraphes 86 et 148 ci-dessus) et que

l’uti possidetis juris «engendre une présomption de titre du Honduras sur
le plateau continental et la zone économique exclusive au nord du
15 parallèle».
230. Le Honduras prétend que, avant l’indépendance du Nicaragua et

du Honduras en 1821, le cap Gracias a Dios séparait les juridictions des
différentes autorités coloniales qui exerçaient leur autorité sur les espaces
maritimes au large des côtes du Nicaragua et du Honduras actuels. Il
affirme que le décret royal du 23 août 1745 est à l’origine du partage de

la juridiction militaire de l’espace maritime en cause entre le gouverne-
ment du Honduras et le commandement général du Nicaragua, le cap
Gracias a Dios marquant la séparation entre les deux juridictions mili-
taires. Le Honduras soutient par ailleurs que le 15 parallèle marquait la

frontière maritime traditionnelle entre le Nicaragua et le Honduras, la
propension de l’Empire espagnol à utiliser des parallèles et méridiens
pour définir les divisions juridictionnelles rendant inconcevable l’idée que
le décret royal de 1803 ait pu créer un partage maritime le long d’une
e
ligne autre que le 15 parallèle.
231. En réponse au Honduras, le Nicaragua soutient que la juridiction
sur la mer territoriale appartenait aux autorités espagnoles à Madrid, et
non pas aux autorités locales, y compris les capitaineries générales. Il

affirme que la revendication par la Couronne espagnole d’une mer terri-
toriale de 6 milles ne permet de «rien ... inférer s’agissant de la limite de
cette mer territoriale entre les provinces du Honduras et du Nicaragua»
(les italiques sont dans l’original). Enfin, il soutient que la Cour ne sau-

rait fonder sur l’uti possidetis un titre sur la zone économique exclusive et
le plateau continental, qui constituent des notions juridiques manifeste-
ment modernes.
232. La Cour considère que, dans certaines circonstances, comme cel-

les qui ont trait à des baies et mers territoriales historiques, le principe de
l’uti possidetis juris pourrait jouer un rôle dans la délimitation maritime.
Dans la présente espèce, cependant, même si la Cour admettait l’argu-
ment du Honduras selon lequel le cap Gracias a Dios marquait la limite

entre les juridictions maritimes respectives des provinces coloniales du
Honduras et du Nicaragua, aucune raison convaincante n’a été avancée
par le Honduras pour expliquer pourquoi la frontière maritime devrait
suivre le 15 parallèle à partir du cap. Il se borne à affirmer que la Cou-

ronne espagnole avait tendance à utiliser les parallèles et les méridiens
pour délimiter les juridictions, sans apporter la moindre preuve que la
puissance coloniale ait agi ainsi dans ce cas particulier.
233. La Cour ne peut donc accueillir l’argument du Honduras selon

lequel le principe de l’uti possideeis juris était à l’origine d’une ligne de
partage maritime le long du 15 parallèle jusqu’à «au moins 6 milles
marins du cap Gracias a Dios», ni celui selon lequel la souveraineté ter-
ritoriale sur les îles situées au nord du 15 parallèle, qui trouve son fon-

dement dans le principe de l’uti possidetis juris, «donne à la ligne tradi-
tionnelle qui sépare ces îles honduriennes des îles nicaraguayennes situées

73 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 729

au sud une base historique solide, qui contribue à en renforcer le fonde-

ment juridique».
234. La Cour relève en outre que, au moment de l’indépendance, le
Nicaragua et le Honduras, en tant que nouveaux Etats indépendants,
avaient droit, en vertu du principe de l’uti possidetis juris, aux territoires

continentaux et insulaires ainsi qu’aux mers territoriales des provinces
correspondantes. La Cour a toutefois déjà conclu qu’il n’était pas pos-
sible de déterminer la souveraineté sur les îles en question sur la base du
principe de l’uti possidetis juris (voir paragraphe 158 ci-dessus). Il n’a pas

davantage été démontré que la Couronne espagnole aurait réparti sa juri-
diction maritime entre les provinces coloniales du Nicaragua et du Hon-
duras, même dans les limites de la mer territoriale. Si l’on peut certes
accepter l’idée que tous les Etats ont accédé à l’indépendance en ayant eu

droit à une mer territoriale, cette réalité juridique ne détermine pas le
tracé de la frontière maritime entre les mers adjacentes des Etats voisins.
Dans les circonstances de la présente affaire, il ne peut être dit que le
principe de l’uti possidetis juris a servi de base à une ligne de partage
e
maritime le long du 15 parallèle.
235. La Cour note que la sentence arbitrale de 1906, qui reposait en
effet sur le principe de l’uti possidetis juris, n’a pas traité de la délimita-
tion maritime entre le Nicaragua et le Honduras, et qu’elle ne confirme
e
pas l’existence d’une frontière maritime entre eux le long du 15 parallèle.
Premièrement, la sentence fixe «le point extrême limitrophe commun sur
la côte atlantique», à partir duquel elle détermine la frontière terrestre
vers l’ouest. Deuxièmement, rien dans la sentence n’indique que le
e
15 parallèle ait été considéré comme la ligne frontière.
236. La Cour conclut en conséquence que l’argument du Honduras
selon lequel le principe de l’uti possidetis juris fonderait une frontière
maritime «traditionnelle» le long du 15 parallèle ne saurait être retenu.

**

8.1.2. Accord tacite

237. Parallèlement à l’argument tiré de l’uti possidetis juris, le Hondu-
ras invoque différents éléments, antérieurs et postérieurs à la révolution
sandiniste de 1979, qui, selon lui, démontrent qu’il existait le long du
e
15 parallèle (14°59′48″ de latitude nord) une «frontière de facto fondée
sur l’accord tacite des Parties». Le Honduras soutient en outre que cet
accord tacite constituait un «accord» au sens des articles 15, 74 et 83 de
la CNUDM, délimitant en droit une frontière maritime unique.

238. Le Honduras affirme aussi que cet arrangement «traditionnel»
trouve ses racines dans le rejet par le roi d’Espagne, dans sa sentence de
1906, des revendications terrestres et maritimes du Nicaragua au nord du
e
15 parallèle. Tout en concédant qu’il n’existe pas de «traité bilatéral for-
mel et écrit» régissant la délimitation, le Honduras fait valoir que, depuis

74 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 730

le prononcé de la sentence, la pratique des Parties en matière de conces-
sions pétrolières en ce qui concerne le 15 parallèle a toujours concordé et
a même été coordonnée le long de ce parallèle, ce qui dénote l’existence

d’un accord tacite. Le Honduras invoque ce que la Cour a récemment dit
en l’affaire de la Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le
Nigéria (Cameroun c. Nigéria; Guinée équatoriale (intervenant)) ,à

savoir que les concessions pétrolières «peuvent être pris[es] en compte» si
elles «reposent sur un accord exprès ou tacite entre les parties» (arrêt,
C.I.J. Recueil 2002, p. 448, par. 304). A cet égard, le Honduras cite une

série de concessions pétrolières qu’il a octroyées sans susciter de peotesta-
tion du Nicaragua, et qui s’étendaient vers le sud jusqu’au 15 parallèle,
ainsi qu’une série de concessions octroyées par le Nicaragua qui, elles,
s’étendaient vers le nord jusqu’au 15 parallèle. Il soutient que même les

concessions nicaraguayennes dont la limite septentrionale n’était pas
explicitement fixée «reconnaissaient» cette limite et lui «donnaient effet»,
car la configuration et la taille (exprimée en hectares) des zones de

coneession correspondaient à la limite septentrionale située sur le
15 parallèle.
239. Le Honduras fait valoir en particulier que Coco Marina, puits de
pétrole relevant d’un projet conjoint exécuté de part et d’autre du
e
15 parallèle, constitue la preuve «concluante» de l’existence d’un accord
sur la frontière «admis[e] expressément» comme telle par le Nicaragua.
Le Honduras explique qu’il s’agissait d’un projet conjoint de l’Union Oil

Company of Honduras et de l’Union Oil Company of Central America
(dont le siège était au Nicaragua), qui avait été approuvé à la fois par le
Gouvernement nicaraguayen et par le Gouvernement hondurien et dont
les coûts devaient être partagés à égalité entre les deux sociétés.

240. Le Honduras soutient encore que les activités de pêche menées
dans la zone en litige montrent qu’il existait un accord tacite entre les
Parties pour considérer le 15 parallèle comme la frontière maritime. Il

invoque à cet égard les activités de eêche qu’il a autorisées dans des zones
s’étendant vers le sud jusqu’au 15 parallèle, ainsi qu’une licence de pêche
initialement accordée en 1986 par le Nicaragua, qui portait sur des zones
e
au nord du 15 parallèle mais fut révoquée en 1987 après protestation du e
Honduras. Le Honduras fait valoir qu’il a constamment traité le 15 paral-
lèle comme la frontière maritime aux fins de la réglementation de la pêche
et de son application, et que le Nicaragua a fait de même. Il cite en par-

ticulier un incident survenu en 2000, dans lequel un navire honeurien qui
avait été pris en train de pêcher illégalement au sud du 15 parallèle a été
appréhendé par une patrouille nicaraguayenne et escorté jusqu’à cette

ligne, où il a été relâché.
241. Le Honduras affirme que, depuis la création de la marine hon-
durienne en 1976, des patrouilles navales honduriennes exercent un
certain nombre de fonctions au nord du 15 parallèle, en veillant au res-

pect de la législation en matière de pêche et d’immigration ainsi qu’au
maintien de la sécurité du Honduras. Il soutient que, à l’inverse, le Nicara-
gua n’a soumis aucun élément de preuve montrant que ses patrouilles

75 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 731

navales aient cherché à faire appliquer les lois nicaraguayennes au nord
du 15 parallèle.
242. Le Honduras prétend par ailleurs que la pratique de tierces

parties conerme «l’existence d’une frontière convenue tacitement» le
long du 15 parallèle. Il a produit des éléments attestant la reconnaissance
par des Etats tiers de ses revendications, soulignant que nombre des actes
de reconnaissance en question appuient à la fois sa revendication de sou-
veraineté sur les îles et sa revendication maritime. Ainsi, il invoque le fait

que, en 1977, la Jamaïque lui a demandé l’autorisation de pénétrer dans
les eaux honduriennes pour porter secours à douze ressortissants jamaï-
cains qui avaient fait naufrage à Savanna Cay et que, en 1975, l’Argen-
tine lui a demandé officiellement d’autoriser l’un de ses aéronefs à survo-

ler le Honduras en passant par le point de coordonnées 15°17′ de latitude
nord et 82° de longitude est. Le Honduras mentionne aussi le Gazetteer
of Geographic Features établi en octobre 2000 par le service d’imagerie et
de cartographie des Etats-Unis, qui situe par 14°59′ de latitude nord la

formation insulaire la plus septentrionale attribuée au Nicaragua. Le
Honduras fait valoir que la pratique d’organisations internationales telles
que l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture
(FAO), le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD)
et la Banque interaméricaine de développement montre une reconnais-
e
sance similaire du 15 parallèle. Il indique aussi que divers Etats tiers (en
l’occurrence la Jamaïque et les Etats-Unis) et organisations internatio-
nales, comme la FAO, considèrent comme honduriennes les captures de
poisson effectuées dans la zone litigieuse.

243. Le Honduras a aussi produit des déclarations souseserment de
plusieurs pêcheurs attestant que, pour ceux-ci, le 15 parallèle représen-
tait et continue de représenter la frontière maritime.
244. La Cour fait observer, s’agissant de ce dernier type d’éléments de
preuve, que les dépositions de témoins produites sous la forme de décla-

rations sous serment doivent être traitées avec prudence. En examinant
ces déclarations, la Cour doit tenir compte d’un certain nombre de fac-
teurs. Elle doit examiner notamment si les déclarations émanent d’agents
de l’Etat ou de particuliers qui n’ont pas d’intérêts dans l’issue de la pro-

cédure, et si telle ou telle déclaration atteste l’existence de faits ou expose
seulement une opinion sur certains événements. La Cour note que, dans
certains cas, les témoignages qui datent de la période concernée peuvent
avoir une valeur particulière. Des déclarations sous serment faites pour

les besoins de la cause par un agent de l’Etat concernant des faits passés
auront moins de poids que des déclarations sous serment contemporaines
des faits. Dans d’autres circonstances où des particuliers n’avaient aucune
raison de témoigner plus tôt, la Cour examinera les déclarations sous ser-
ment, même établies pour les besoins de la cause, tant pour déterminer si

le témoignage a été influencé par ceux qui l’ont recueilli que pour appré-
cier l’utilité des propos tenus. Ainsi, la Cour ne juge pas inapproprié en
soi de recevoir des déclarations sous serment établies pour les besoins
d’une cause si elles attestent des faits dont leur auteur a personnellement

76 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 732

connaissance. La Cour tient également compte de la capacité du témoin

à attester certains faits, par exemple, une déclaration faite par un agent
du gouvernement compétent en matière de lignes frontières pouvant
avoir davantage de poids que la déclaration sous serment d’un simple

particulier.
245. Dans la présente affaire, les déclarations sous serment de pêcheurs
que le Honduras a produites font état d’éléments divers; elles attestent
par exemple que des navires honduriens pêchaient au nord du 15 paral- e

lèle et des navires nicaraguayens au sud de ee parallèle; que des pa-
trouilleurs nicaraguayens ont franchi le 15 parallèle et saisi des bateaux de
pêche honduriens; d’autres attestent qu’il est de notoriété publique que
la frontière maritime a toujours suivi le 15 parallèle; que des licences et
e
permis étaient délivrés par le Nicaragua au sud du 15 parallèle et par le
Honduras au nord de ce parallèle; et que les patrouilles nicaraguayennes
au nord du 15 parallèle ont débuté dans les années quatre-vingt ou même
plus récemment.

Bien que toutes les déclarations sous serment aient été établies pour les
besoins de la cause, la Cour ne met pas en doute leur crédibilité. Toute-
fois, ayant examiné leur contenu, la Cour conclut qu’aucune d’elles ne
e
peut être considérée comme une preuve de l’existence le long du 15 paral-
lèle d’une frontière maritime «traditionnelle» qui aurait été reconnue par
le Nicaragua et par le Honduras.
Que les déclarations sous serment mentionnent parfois que la frontière
e
suit le 15 parallèle traduit une opinion personnelle et non la connais-
sance d’un fait. A cet égard, la Cour rappelle ses prononcés antérieurs se
rapportant à cette question:

«La Cour n’a pas retenu ce qui, dans les témoignages reçus, ne
correspondait pas à l’énoncé de faits, mais à de simples opinions sur

le caractère vraisemblable ou non de l’existence de ces faits, dont le
témoin n’avait aucune connaissance directe. De telles déclarations,
qui peuvent être fortement empreintes de subjectivité, ne sauraient
tenir lieu de preuves. Une opinion exprimée par un témoin n’est

qu’une appréciation personnelle et subjective dont il reste à établir
qu’elle correspond à un fait; conjuguée à d’autres éléments, elle peut
aider la Cour à élucider une question de fait, mais elle ne constitue
pas une preuve en elle-même. De même, un témoignage sur des

points dont le témoin n’a pas eu personnellement connaissance
directe, mais seulement par «ouï-dire», n’a pas grand poids.» (Acti-
vités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci

(Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique), fond, arrêt, C.I.J. Recueil
1986, p. 42, par. 68.)

246. Le Honduras fait aussi valoir qu’il était de pratique dans la
région d’utiliser les parallèles et méridiens comme frontières maritimes et,
en particulier, que les traités bilatéraux conclus séparément avec la Colom-
bie en 1928, 1986 et 1993, bien qu’étant res inter alios acta entre le Nica-
e
ragua et le Honduras, confirment néanmoins que le 15 parallèle consti-

77 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME ARRÊT ) 733

tue la frontière entre le Honduras et le Nicaragua. Il avance que le traité

Barcenas-Esguerra conclu en 1928 entre le Nicaragua et la Colombie
fixait leur frontière maritime au 82 méridien jusqu’à sa rencontre avec le
15 parallèle. Le Honduras invoque également le traité de délimitation
maritime de 1986 conclu avec la Colombie qui, bien que fixant la fron-

tière au parallèle 14°59′08″ et non au parallèle 14°59,08′ de latitude nord
(à cause d’une «erreur de traduction»), montre que la «Colombie recon-
naît que la zone maritime située au nord du 15 parallèle appartient au
Honduras...». Le Honduras affirme que le traité conclu en 1993 entre la

Colombie et la Jamaïque, qui délimite une zone de régime économique
commun jouxtant un segment différent de la ligne établie par le traité
de 1986 entre la Colombie et le Honduras, vient aussi prouver que la
ligne selon lui établie par ce traité est de plus en plus largement reconnue

sur le plan international. e
247. Le Nicaragua nie avoir jamais admis ou reconnu le 15 parallèle
comme sa frontière maritime avec le Honduras. Il affirme que l’existence
de ce que le Honduras appelle une frontière maritime «traditionnelle» est

déeentie par le fait qu’il a occupé le territoire hondurien au nord du
15 parallèle jusqu’à ce que la Cour, en 1960, affirme la validité et le
caractère obligatoire de la sentence du roi d’Espagne de 1906. Le Nica-
ragua soutient que la pratique en matière de concessions pétrolières ne

fait pas non plus apparaître une frontière établie, puisque le Nicaragua a
en fait réservé sa position sur la frontière en indiquant expressément dans
les contrats que la limite septentrionale serait «la ligne frontière avec la
République du Honduras [qui n’avait pas été définie]». S’agissant de

l’allégatioe selon laquelle l’existence d’une frontière septentrionale sui-
vant le 15 parallèle pourrait être déduite des dispositions de ces accords
qui fixent une superficie en hectares correspondant à une limite sep-
tentrionale située au 15 parallèle, certains contrats de concession (par

exemple avec l’Union Oil) mentionnaient aussi expressément qu’ils
s’appliquaient à la «zone conventionnelle» et que les concessions
seraient revisées et modifiées «après la date à laquelle la frontière serait
définie».

248. Le Nicaragua soutient en outre que le fait que le projet Coco
Marina nécessitait une opération conjointe entre l’Union Oil Company
of Honduras et l’Union Oil Company of Central America (Nicaragua), et
ne pouvait être exécuté par l’une ou l’autre de ces sociétés seule, montre

qu’il n’y avait pas d’accord entre les pays sur la frontière. S’il y avait
eu un tel accord, il n’y aurait pas eu besoin de coopération multinationale
puisque le projet aurait pu être exécuté entièrement par la société exer-
çant ses activités dans le pays titulaire des droits sur la zone de Coco

Marina. Selon le Nicaragua, il s’agissait, au mieux, d’un accord entre
deux filiales de l’Union Oil (dont la mise en Œuvre devait d’ailleurs se
faire à partir du Nicaragua) et non entre les Gouvernements nicara-
guayen et hondurien, et qu’il est donc à peu près totalement dépourvu de

valeur probante.
249. Quant à la pratique des tiers invoquée par le Honduras pour

78 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME ARRÊT ) 734

prouver la reconnaissance générale d’une frontière située au 15 parallèle,
le Nicaragua argue qu’il s’agit d’une affirmation tendancieuse et d’une

pertinence ou d’une crédibilité douteuses. Le rapport de la FAO cité par le
Honduras est assorti d’un avertissement précisant qu’il n’exprime aucune
opinion concernant la délimitation maritime ou les frontières. Le Nica-
ragua affirme aussi que ses négociations avec la Jamaïque sur la délimita-
e
tion d’une frontière maritime au nord du 15 parallèle réduisent à néant
l’argument selon lequel la Jamaïque reconnaissait ce parallèle comme
limite maritime septentrionale du Nicaragua. Le Nicaragua fait en outre
valoir que, après la révolution sandiniste de 1979, il était en conflit armé
avec, notamment, le Honduras et les Etats-Unis et qu’il n’y a donc pas

lieu de tenir compte de l’attitude des Etats-Unis sur cette question.
250. Enfin, le Nicaragua affirme également que le Honduras n’a com-
mencé à s’intéresser aux zones situées au nord du 15 parallèle qu’en 1982,
lorsque les forces armées honduriennes lancèrent une série d’attaques

contre «les positions occupées par [le Nicaragua] dans la zone en litige».
Il renvoie aussi à un échange de notes diplomatiques dans lequel il pro-
testait contre l’incursion du Honduras dans les eaux nicaraguayennes.
251. En ce qui concerne les traités invoqués par le Honduras à l’appui

d’une ligne traditionnelle internationalement reconnue, le Nicaragua
appelle l’attention sur le fait que, dans une autre affaire en instance
devant la Cour, il conteste la validité et l’interprétation de son traité
de 1928 avec la Colombie. Il soutient que, tout au plus, ce traité concer-

nait l’attribution de la souveraineté sur diverses petites îles (en paeticulier
l’archipel de San Andrés et Providencia) situées à proximité du 82 méri-
dien et que, ni dans sa lettre ni dans son esprit, le traité ne visait à déli-
miter une frontière maritime. Ce traité n’aurait d’ailleurs pas pu, en 1928,
e
établir une frontière maritime le long du 15 parallèle à plus de 80 milles
de leurs côtes, le concept de frontières maritimes situées aussi loin en mer
n’ayant à l’époque pas cours en droit international. Le Nicaragua conteste
aussi la pertinence juridique à cet égard du traité de délimitation mari-

time de 1986 entre la Colombie et le Honduras. Il soutient qu’il a protesté
à maintes reprises contre ce traité après sa conclusion et qu’il a pris des
dispositions pour en contester la légalité (voir paragraphes 69-70 ci-
dessus). S’agissant du traité de délimitation maritime de 1993 entre la

Colombie et la Jamaïque, le Nicaragua affirme qu’il «concerne des terri-
toires insulaires et des espaces maritimes en cause dans l’affaire opposant
le Nicaragua et la Colombie devant la Cour». Selon le Nicaragua, ce
traité «est dépourvu de pertinence en la présente espèce», étant donné
que la frontière maritime avec le Honduras qu’il propose ne porte pas

atteinte à un quelconque droit «à des zones maritimes que la Jamaïque
pourrait avoir au nord de la frontière maritime convenue entre elle et la
Colombie en 1993».
252. Le Nicaragua affirme aussi que le Honduras reconnaissait qu’il

n’y avait pas eu, en droit, de délimitation entre les deux pays. Il se réfère
notamment à un incident survenu en 1982, à savoir la saisie par les garde-
côtes nicaraguayens de quatre bateaux de pêche honduriens à environ

79 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME ARRÊT ) 735

e
16 milles au nord du 15 parallèle, aux abords de Bobel Cay et Media Luna
Cay. Cet incident conduisit à un échange de notes diplomatiques dans
l’une desquelles, datée du 23 mars 1982, le ministère hondurien des af-
e
faires étrangères qualifiait le 15 parallèle de ligne de délimitation «tradi-
tionnellement reconnue par les deux Etats», en protestant contre ce qu’il
appelait une «atteinte flagrante à la souveraineté [du Honduras]». Dans
sa réponse en date du 14 avril 1982, le ministre des affaires étrangères du
Nicaragua rejetait le 15 parallèle comme frontière et affirmait que «le

Nicaragua ne l’a[vait] à aucun moment reconnu comme telle puisque cela
[aurait] constitu[é] une atteinte à l’intégrité [territoriale] ainsi qu’à la sou-
veraineté de l’Etat du Nicaragua». Le ministre hondurien des affaires
étrangères répondit par une note en date du 3 mai 1982 dans laquelle il

réaffirmait l’existence d’une «ligne de partage traditionnellement respec-
tée», mais

«convenait ... que la frontière maritime entre le Honduras et le Nica-
ragua n’a[vait] pas été délimitée en droit» («coincido ... que la fron-
tera marítima entre Honduras y Nicaragua no ha sido jurídicamente
delimitada») [original espagnol; traduction française par le Greffe] .

Il proposait en outre «l’établissement temporaire d’une ligne ou d’une

zone de démarcation ... qui — sans préjuger des revendications futures de
chacun des deux Etats — pourrait servir d’indicateur temporaire des
zones de juridiction respectives des deux Etats». Le Nicaragua en conclut
que, quoi que le 15 parallèle ait pu par ailleurs représenter historique-

ment et dans la pratique des Etats, il n’avait pour aucune des deux
Parties une valeur juridique effective. Selon le Nicaragua, depuis le gou-
vernement Somoza qui prit fin en 1979 jusqu’au gouvernement actuel de
M. Ortega, la position officielle de tous les gouvernements nicaraguayens
successifs a été qu’aucune ligne de délimitation n’existait entre le Nicara-

gua et le Honduras dans la mer des Caraïbes.
253. La Cour a déjà indiqué qu’il n’existait pas de frontière établie sur
la base de l’uti possidetis juris (voir paragraphe 236 ci-dessus). Elle doit
maintenant rechercher s’il existait un accord tacite suffisant pour établir

une frontière. Les éléments de preuve attestant l’existence d’un accord
tacite doivent être convaincants. L’établissement d’une frontière mari-
time permanente est une question de grande importance, et un accord ne
doit pas être présumé facilement. Une ligne de facto pourrait dans cer-

taines circonstances correspondre à l’existence d’une frontière convenue
en droit ou revêtir davantage le caractère d’une ligne provisoire ou d’une
ligne à vocation spécifique, limitée, telle que le partage d’une ressource
rare. Même s’il y avait eu une ligne provisoire jugée utile pour un certain
temps, cela n’en ferait pas une frontière internationale.

254. En ce qui concerne les éléments de preuve relatifs aux concessions
pétrolières invoqués par le Honduras, la Cour considère que le Nicara-
gua, en laissant ouverte la limite septentrionale de ses concessions ou en
s’abstenant de mentionner la frontière avec le Honduras à cet égard, a

80 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 736

réservé sa position concernant sa frontière maritime avec le Honduras.

Comme la Cour l’a déjà fait observer en ce qui concerne les limites des
concessions pétrolières:

«Ces limites ont pu ne constituer qu’une manifestation de la pru-
dence des Parties dans l’octroi de leurs concessions. Cette prudence
était d’autant plus naturelle en l’espèce que des négociations devaient
s’ouvrir peu de temps après entre l’Indonésie et la Malaisie en vue de

la délimitation de leur plateau continental.» (Souveraineté sur Pulau
Ligitan et Pulau Sipadan (Indonésie/Malaisie), arrêt, C.I.J. Recueil
2002, p. 664, par. 79.)

La Cour relève en outre que les concessions nicaraguayennes qui s’éten-
daient provisoirement jusqu’au 15 parallèle ont toutes été accordées

après que le Honduraseeut lui-même octroyé des concessions s’étendant,
au sud, jusqu’au 15 parallèle.
255. La Cour rappelle que le Nicaragua maintient les objections qu’il a
toujours élevées au sujet du traité de 1986 entre la Colombie et le Hon-

duras et du traité de 1993 entre la Colombie et la Jamaïque. Dans le traité
de 1986, le parallèle 14°59′08″ (voir paragraphe 246 ci-dessus) sert, à l’est
du 82 méridien, de ligne frontière entre la Colombie et le Honduras.
Ainsi qu’il a déjà été indiqué, selon le Honduras, le traité de 1993 découle

de la reconnaissance de la validité du traité de 1986 entre la Colombie
et le Honduras, et reconnaît par là la juridiction hondurienne sur les eaux
et les îles situées au nord du 15 parallèle (voir paragraphes 222 et 246
ci-dessus).

256. La Cour a constaté qu’àecertaines périodes, comme le montrent
les éléments de preuve, le 15 parallèle semble avoir joué un certain rôle
dans la conduite des Parties. Ces éléments de preuve concernent la
période comprise entre 1961, date à laquelle le Nicaragua se retira des

zones situées au nord du cap Gracias a Dios à la suite de l’arrêt rendu par
la Cour sur la validité de la sentence arbitrale de 1906 et 1977, date à
laquelle le Nicaragua proposa d’engager des négociations avec le Hondu-
ras aux fins de la délimitation de leurs zones maritimes dans la mer des

Caraïbes. La Cour relève que, pendant cette période, les Parties octroyè-
rent plusieurs concessions pétrolières indiquant que leurs limites septen-
trionale et méridionale se trouvaient respectivement à 14°59,8′. De plus,
la réglementation de la pêche dans la zone semblait parfois indiquer qu’il
e
était entendu que le 15 parallèee divisait les zones de pêche respectives
des deux Etats. Enfin, le 15 parallèle était aussi considéré par certains
pêcheurs comme une ligne divisant les zones maritimes sous juridictions
nicaraguayenne et hondurienne. Toutefois, ces événements, survenus

sur une courte période, ne permettent pas à la Cour de conclure qu’il
existait une frontière maritime internationale juridiquement établie entre
les deux Etats.
257. La Cour observe que la note du ministre des affaires étrangères

du Honduras datée du 3 mai 1982 (voir paragraphe 56 ci-dessus) révèle
quelque incertitude quant à l’existence d’une frontière reconnue le long

81 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 737

e
du 15 parallèle. Bien que le Honduras ait accepté, dans un échange de
notes de 1977, d’engager les «étapes préliminaires des pourparlers» en
vue de «la délimitation définitive de la zone marine et sous-marine dans
la région de la mer des Caraïbes», on peut dire que le différend s’est

«cristallisé» à travers les divers incidents à l’origine de la note précitée du
3 mai 1982. Dans cette note, le ministre des affaires étrangères du Hon-
duras convenait avec le ministère des affaires étrangères du Nicaragua
que «la frontière maritime entre le Honduras et le Nicaragua n’[avait] pas
[été] délimitée en droit», et proposait que les Parties parviennent au

moins à un arrangement «temporaire» au sujet de la frontière, afin d’évi-
ter d’autres incidents frontaliers. La reconnaissance du fait qu’il n’y avait
pas alors de délimitation en droit «[n’était] pas ... une proposition ou ...
une concession faite au cours de négociations, mais ... l’énoncé de faits
transmis au [ministère des affaires étrangères] qui n’a[vait] exprimé aucune

réserve à ce sujet» et elle devrait donc être considérée «comme la preuve
des vues officielles [du Honduras] à l’époque» (Minquiers et Ecréhous,
arrêt, C.I.J. Recueil 1953 , p. 71).
258. Ayant examiné l’ensemble de cette pratique, dont les échanges de

notes diplomatiques mentionnés aux paragraphes 252 et 257, la Cour
conclut qu’il n’existait pas en 1982 — ni à fortiori à une quelconque date
postérieure — d’accord tacite entre les Parties de nature à établir une
frontière maritime juridiquement obligatoire.

**

8.2. Détermination de la frontière maritime

259. La Cour, ayant conceu qu’il n’existait pas de ligne frontière tra-
ditionnelle le long du 15 parallèle, procédera maintenant à la délimita-
tion maritime entre le Nicaragua et le Honduras.

*
260. Dans ses conclusions finales, le Nicaragua prie la Cour de dire et

juger que
«[l]a bissectrice des lignes représentant les façades côtières des deux
Parties, telle que présentée dans les écritures et à l’audience, et tracée

à partir d’un point fixe situé à 3 milles environ de l’embouchure
du fleuve par 15°02′00″ de latitude nord et 83°05′26″ de longi-
tude ouest, constitue la frontière maritime unique aux fins de la
délimitation des zones en litige de la mer territoriale, de la zone

économique exclusive et du plateau continental dans la région du
seuil nicaraguayen»;
et que:

«Ainsi que l’a établi la sentence du roi d’Espagne de 1906, le point
de départ de la délimitation est le thalweg de l’embouchure princi-

pale du fleuve Coco, où qu’elle se situe au moment considéré.»

82 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 738

Dans ses deuxième et troisième conclusions finales, le Honduras prie la

Cour de dire et juger que:
«2. Le point de départ de la frontière maritime à délimiter par la

Cour est le point situé par 14°59,8′ de latitude nord et 83°05,8′ de
longitude ouest. La frontière allant du point fixé par la commission
mixte en 1962 à 14°59,8′ de latitude nord et 83°08,9′ de longitude
ouest jusqu’au point de départ de la frontière maritime à délimiter
par la Cour fera l’objet d’un accord entre les Parties à la présente

espèce sur la base de la sentence rendue par le roi d’Espagne le
23 décembre 1906, qui a force obligatoire pour les Parties, et prendra
en compte les caractéristiques géographiques changeantes de
l’embouchure du fleuve Coco (également dénommé Segovia ou
Wanks).

3. A l’est du point situé par 14°59,8′ de latitude nord et 83°05,8′ de
longitude ouest, la frontière maritime unique séparant les mers ter-
ritoriales, zones économiques exclusives et plateaux continentaux
respectifs du Honduras et du Nicaragua suit le parallèle 14°59,8′
de latitude nord, c’est-à-dire la frontière maritime actuelle, ou suit

une ligne d’équidistance ajustée, jusqu’à atteindre la juridiction d’un
Etat tiers.»

*

8.2.1. Le droit applicable

261. Dans leurs conclusions finales, les deux Parties ont demandé à la
Cour de tracer une «frontière maritime unique» délimitant leur mer ter-
ritoriale, leur zone économique exclusive et leur plateau continental res-
pectifs dans la zone en litige. Bien que le Nicaragua n’ait pas été partie à

la CNUDM lorsqu’il a déposé sa requête en la présente espèce, les Parties
reconnaissent que la convention est maintenant en vigueur entre elles et
que ses articles pertinents leur sont applicables dans le présent différend
(la CNUDM, entrée en vigueur le 16 novembre 1994, a été ratifiée par le
Nicaragua le 3 mai 2000 et par le Honduras le 5 octobre 1993).

*

8.2.2. Zones à délimiter et méthodologie

262. La «frontière maritime unique» en la présente espèce découlera

de la délimitation des diverses zones de compétence dans l’espace mari-
time compris entre les côtes continentales du Nicaragua et du Honduras
et, au moins, le 82 méridien, à partir duquel les intérêts d’Etats tiers peu-
vent entrer en jeu. Dans les parties occidentales de la zone à délimiter, les
côtes continentales des Parties sont adjacentes; aussi, sur une certaine

distance, la frontière délimitera-t-elle exclusivement leurs mers territo-
riales (CNUDM, art. 2, par. 1). Les deux Parties conviennent aussi que

83 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 739

e
les quatre îles en litige au nord du 15 parallèle (Bobel Cay, Savanna Cay,
Port Royal Cay et South Cay), qui ont été attribuées au Honduras (voir
paragraphe 227 ci-dessus), ainsi qu’Edinburgh Cay, la caye nicara-
guayenne située au sud du 15 parallèle, peuvent engendrer leurs propres

mers territoriales pour l’Etat côtier. La Cour rappelle que les deux Parties
ne revendiquent pas, pour les îles en litige, d’autre zone maritime que la
mer territoriale.
263. En ce qui concerne la largeur de la mer territoriale autour des
quatre îles en litige, le Nicaragua, dans sa réponse à une question posée

par le juge Keith, a déclaré que, si Bobel Cay, Savanna Cay, Port Royal
Cay et South Cay «étaient attribuées au Honduras et étaient, de ce fait,
situées en territoire nicaraguayen», ces îles selon lui «devraient être
enclavées dans une mer territoriale de 3 milles». Le Honduras pour sa
part soutient que, comme la largeur de la mer territoriale des deux Parties

est de 12 milles marins, «il n’y a ... aucune raison d’utiliser une norme
différente à l’égard des îles».
264. La Cour relève que, bien que les Parties ne s’accordent pas sur la
largeur de la mer territoriale de ces îles, selon l’article 3 de la CNUDM,

la mer territoriale d’un Etat ne saurait s’étendre au-delà de 12 milles
marins. Toutes ces îles se trouvent incontestablement à moins de 24 milles
les unes des autres, mais à plus de 24 milles à l’est du continent. Par
conséquent, la frontière maritime unique pourrait comprendre à la fois
des segments délimitant les zones de chevauchement des mers territoriales

des îles qui se font face et des segments délimitant le plateau continental
et les zones économiques exclusives qui les entourent.
265. En ce qui concerne la tâche que représente de manière générale le
tracé d’une frontière maritime unique et la méthodologie à appliquer aux
fins de la délimitation de ces diverses zones maritimes, la Cour a relevé

dans l’affaire de la Délimitation maritime et des questions territoriales
entre Qatar et Bahreïn (Qatar c. Bahreïn) que

«le concept de limite maritime unique n’est pas issu du droit conven-
tionnel multilatéral mais de la pratique étatique et qu’il s’explique

par le vŒu des Etats d’établir une limite ininterrompue unique déli-
mitant les différentes zones maritimes — coïncidant partiellement —
qui relèvent de leur juridiction. Dans le cas de zones de juridiction
qui coïncident, la détermination d’une ligne unique pour les diffé-
rents objets de la délimitation

«ne saurait être effectuée que par l’application d’un critère ou

d’une combinaison de critères qui ne favorise pas l’un de
ces ... objets au détriment de l’autre et soit en même temps sus-
ceptible de convenir également à une division de chacun d’eux»,

comme l’a relevé la Chambre constituée par la Cour dans l’affaire
du Golfe du Maine (C.I.J. Recueil 1984, p. 327, par. 194). Dans

cette affaire, il avait été demandé à la Chambre de tracer une ligne

84 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 740

unique valant à la fois pour le plateau continental et la colonne

d’eau surjacente.
La délimitation des mers territoriales ne soulève pas de problèmes
de ce genre car les droits de l’Etat côtier dans la zone concernée ne
sont pas fonctionnels mais territoriaux et impliquent souveraineté
sur le fond de la mer, les eaux surjacentes et l’espace aérien surjacent.

La Cour, pour s’acquitter de cet aspect de sa tâche, doit donc appli-
quer d’abord et avant tout les principes et règles du droit internatio-
nal coutumier qui ont trait à la délimitation de la mer territoriale,
sans oublier que sa tâche ultime consiste à tracer une limite maritime
unique qui soit valable aussi à d’autres fins.» (Délimitation maritime

et questions territoriales entre Qatar et Bahreïn (Qatar c. Bahreïn),
fond, arrêt, C.I.J. Recueil 2001 , p. 93, par. 173-174.)

266. La Cour estime que ces observations sont également pertinentes
en la présente espèce.
267. Aux fins de la délimitation des mers territoriales, l’article 15 de la
CNUDM, traité qui a force obligatoire entre les Parties, prévoit ce qui
suit:

«Lorsque les côtes de deux Etats sont adjacentes ou se font face,
ni l’un ni l’autre de ces Etats n’est en droit, sauf accord contraire
entre eux, d’étendre sa mer territoriale au-delà de la ligne médiane

dont tous les points sont équidistants des points les plus proches des
lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de la mer
territoriale de chacun des deux Etats. Cette disposition ne s’applique
cependant pas dans le cas où, en raison de l’existence de titres his-

toriques ou d’autres circonstances spéciales, il est nécessaire de déli-
miter autrement la mer territoriale des deux Etats.»
Comme il a déjà été indiqué, la Cour a conclu qu’il n’existait pas de ligne
e
«historique» ou traditionnelle le long du 15 parallèle.
268. Ainsi que la Cour l’a fait observer au sujet de la mise en Œuvre
des dispositions de l’article 15 de la CNUDM:

«La méthode la plus logique et la plus largement pratiquée consiste
à tracer d’abord à titre provisoire une ligne d’équidistance et à exa-
miner ensuite si cette ligne doit être ajustée pour tenir compte de
l’existence de circonstances spéciales.» (Délimitation maritime et
questions territoriales entre Qatar et Bahreïn (Qatar c. Bahreïn),

fond, arrêt, C.I.J. Recueil 2001 , p. 94, par. 176.)
269. Les méthodes régissant la délimitation des mers territoriales ont

nécessairement été définies plus clairement en droit international que cel-
les qui sont utilisées pour les autres espaces maritimes, plus fonctionnels.
L’article 15 de la CNUDM, comme auparavant le paragraphe 1 de l’arti-
cle 12 de la convention de 1958 sur la mer territoriale et la zone contiguë,
renvoie spécifiquement et expressément à la méthode associant équidis-

tance et circonstances spéciales pour délimiter la mer territoriale. Dans
les affaires du Plateau continental de la mer du Nord , la Cour a noté que

85 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME ARRÊT ) 741

«les effets de déviation que produisent certaines configurations côtiè-
res sur les lignes latérales d’équidistance sont relativement faibles
dans les limites des eaux territoriales, mais jouent au maximum à
l’emplacement des zones de plateau continental au large» (arrêt,

C.I.J. Recueil 1969, p. 37, par. 59).

270. Pour ce qui est de la zone économique exclusive et du plateau
continental, les paragraphes 1 des articles 74 et 83 de la CNUDM dispo-
sent qu’ils doivent être délimités par «voie d’accord conformément au
droit international» pour «aboutir à une solution équitable».
271. En ce qui concerne le tracé d’une frontière maritime unique, la

Cour a clairement indiqué à diverses reprises que, lorsqu’il s’agit d’établir
une ligne couvrant plusieurs zones de juridiction qui coïncident, la
méthode dite des principes équitables et des circonstances pertinentes
peut utilement être appliquée, cette méthode permettant également
d’aboutir dans ces zones maritimes à un résultat équitable:

«Cette méthode, très proche de celle de l’équidistance/circon-
stances spéciales applicable en matière de délimitation de la mer terri-
toriale, consiste à tracer d’abord une ligne d’équidistance puis à exa-
miner s’il existe des facteurs appelant un ajustement ou un déplace-
ment de cette ligne afin de parvenir à un «résultat équitable».»

(Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria
(Cameroun c. Nigéria; Guinée équatoriale (intervenant)), arrêt,
C.I.J. Recueil 2002, p. 441, par. 288.)

272. La jurisprudence de la Cour énonce les raisons pour lesquelles la
méthode de l’équidistance est largement utilisée en matière de délimita-
tion maritime: elle a une certaine valeur intrinsèque en raison de son

caractère scientifique et de la facilité relative avec laquelle elle peut être
appliquée. Cela étant, la méthode de l’équidistance n’a pas automatique-
ment la priorité sur les autres méthodes de délimitation et, dans certaines
circonstances, des facteurs peuvent rendre son application inappropriée.

273. Le Nicaragua soutient que la présente affaire n’est pas de celles
dans lesquelles la méthode de l’équidistance et des circonstances spéciales
serait appropriée aux fins de la délimitation à effectuer. Il affirme que
l’instabilité de l’embouchure du fleuve Coco, située au point terminal de
la frontière terrestre entre les deux Etats, à laquelle s’ajoutent la petite

taille et la nature incerteine des îles et des cayes situées au large de la côte
au nord et au sud du 15 parallèle, font qu’il serait excessivement com-
pliqué de fixer des points de base et de les utiliser pour construire une
ligne d’équidistance provisoire. Le Nicaragua exhorte la Cour à prendre

plutôt en considération la géographie côtière en construisant l’ensemble
de la frontière maritime unique à partir de «la bissectrice de l’angle formé
par deux lignes représentant toute la façade côtière des deux Etats»,
selon un cap constant de 52°45′21″.
274. Le principal argument du Honduras en ce qui concerne la délimi-
e
tation est qu’il existe un accord tacite sur le 15 parallèle en tant que fron-

86 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 742

tière maritime unique. Le Honduras admet que «les méthodes de délimi-
tation géométriques, telles que les perpendiculaires ou les bissectrices,
peuvent, dans certaines circonstances, permettre d’aboutir à des délimi-

tations équitables». En ce qui concerne l’équidistance, le Honduras
convient que l’embouchure du fleuve Coco «évolue considérablement,
même d’une année à l’autre», rendant «indispensable l’adoption d’une
technique grâce à laquelle la frontière maritime ne changera pas avec les
changements de l’embouchure du fleuve». Le Honduras affirme en outre
e
que le 15 parallèle reflète fidèlement les façades côtières des deux pays,
qui sont orientées vers l’est, si bien qu’il représenterait «à la fois ... un
ajustement et une simplification de la ligne d’équidistance».
275. Ainsi, ni l’une ni l’autre des Parties ne fait valoir à titre principal

qu’une ligne d’équidistance provisoire constituerait la méthode de délimi-
tation la plus indiquée.
276. C’est dans sa duplique que le Honduras a pour la première fois
fait état de sa version d’une ligne d’équidistance provisoire en utilisant les

îles comme points de base. A l’issue de ses plaidoiries, le Honduras a pro-
posé une ligne d’équidistance provisoire (d’azimut 78°48′) construite à
partir de deux points de base situés sur la laisse de basse mer du point
apparaissant, d’après une photographie satellite récente, comme le plus
oriental des côtes continentales hondurienne et nicaraguayenne, au cap

Gracias a Deos. Le Honduras n’a pas utilisé les îles situées au nord et au
sud du 15 parallèle comme points de base pour construire cette ligne,
mais il a ajusté celle-ci à la fois pour attribuer autant que possible une
mer territoriale complète de 12 milles à ces îles et pour suivre une ligne

médiane aux endroits où leers mers territoriales se chevauchent (princi-
palement au sud du 15 parallèle) (voir également paragraphe 285 ci-
dessous).
277. La Cour relève d’emblée que les Parties ont l’une et l’autre fait
valoir un certain nombre de considérations géographiques et juridiques

au sujet de la méthode qu’elle devrait appliquer pour effectuer la délimi-
tation maritime. Le cap Gracias a Dios, où prend fin la frontière terrestre
entre le Nicaragua et le Honduras, est une projection territoriale très
convexe touchant à un littoral concave de part et d’autre, au nord et au

sud-ouest. Compte tenu de l’article 15 de la CNUDM, et étant donné la
configuration géographique décrite ci-dessus, les deux points de base à
situer sur l’une et l’autre rives du fleuve Coco, à l’extrémité du cap,
auraient une importance critique dans le tracé d’une ligne d’équidistance,

en particulier à mesure que celle-ci s’éloignerait vers le large. Ces points
de base devant être très proches l’un de l’autre, la moindre variation ou
erreur dans leur emplacement s’amplifierait de manière disproportionnée
lors de ce tracé. Les Parties conviennent en outre que les sédiments char-
riés et déposés en mer par le fleuve Coco confèrent un morphodynamisme

marqué à son delta, ainsi qu’au littoral au nord et au sud du cap. Aussi
l’accrétion continue du cap risquerait-elle de rendre arbitraire et dérai-
sonnable dans un avenir proche toute ligne d’équidistance qui serait tra-
cée aujourd’hui de cette façon.

87 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 743

278. Ces difficultés d’ordre géographique et géologique se posent avec
d’autant plus d’acuité que les Parties n’ont elles-mêmes revendiqué ou
accepté aucun point de base viable au cap Gracias a Dios. Conformé-
ment à l’article 16 de la CNUDM, le Honduras a déposé auprès du Secré-

taire général de l’Organisation des Nations Unies une liste indiquant les
coordonnées géographiques des lignes de base servant à mesurer la lar-
geur de sa mer territoriale (voir le décret exécutif hondurien n PCM 007-
2000 du 21 mars 2000 (publié dans le Bulletin du droit de la mer ,n o 43;
également disponible à l’adresse suivante: http://www.un.org/Depts/los/

doalos_ publications/LOSBulletins/bulletinfr/bul43fr.pdf)). Le décret exé-
cutif hondurien situe l’un des points utilisés pour tracer les lignes de base
de la mer territoriale hondurienne, à savoir le «point 17», par 14°59,8′ de
latitude nord et 83°08,9′ de longitude ouest. Ce sont là précisément les
coordonnées du point que la commission mixte a défini en 1962 comme

correspondant au thalweg du fleuve Coco à l’embouchure de son bras
principal. Ce point, pour autant qu’on puisse même dire qu’il appartient
au Honduras, ne se trouve plus dans l’embouchure du fleuve Coco et ne
peut plus constituer un point de base approprié (voir CNUDM, art. 5).

Le Nicaragua n’a pas encore déposé les coordonnées géographiques de
ses points et lignes de base.
279. Cette difficulté à identifier des points de base fiables est accentuée
par les divergences, examinées plus en détail plus loin, qui subsistent
apparemment encore entre les Parties quant à l’interprétation et à l’appli-

cation de la sentence arbitrale rendue en 1906 par le roi d’Espagne au
sujet de la souveraineté sur les îlots formés près de l’embouchure du
fleuve Coco et de l’établissement du «point extrême limitrophe commun
sur la côte atlantique» (Sentence arbitrale rendue par le roi d’Espagne le
23 décembre 1906 (Honduras c. Nicaragua), arrêt, C.I.J. Recueil 1960 ,

p. 202). La Cour relève que, dans l’affaire de la Délimitation de la fron-
tière maritime dans la région du golfe du Maine (Canada/Etats-Unis
d’Amérique), la «raison principale» pour laquelle la Chambre n’avait pas
souhaité recourir à la méthode de l’équidistance pour le premier tronçon

de la délimitation résidait en ceci que le choix opéré dans le compromis
d’un point A comme point de départ de la ligne privait la Cour d’un
point d’équidistance «établi à partir de deux points de base dont l’un
appartiendrait sans conteste aux Etats-Unis et l’autre sans conteste au
Canada» (arrêt, C.I.J. Recueil 1984 , p. 332, par. 211).

280. Compte tenu de l’ensemble des circonstances de la présente espèce,
la Cour se trouve dans l’impossibilité de définir des points de base et de
construire une ligne d’équidistance provisoire pour établir la frontière
maritime unique délimitant les espaces maritimes au large des côtes conti-

nentales des Parties. Même si les particularités déjà évoquées ne permet-
tent pas de tracer une ligne d’équidistance en tant que frontière maritime
unique, la Cour doit cependant déterminer si, pour son segment traver-
sant les mers territoriales, la ligne frontière pourrait commencer comme
une ligne d’équidistance au sens de l’article 15 de la CNUDM. L’on

pourrait faire valoir que, si les saillies de part et d’autre du cap Gra-

88 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 744

cias a Dios étaient utilisées comme points de base, les problèmes liés à la
distorsion se poseraient avec moins d’acuité à proximité de la côte (Pla-

teau continental de la mer du Nord (République fédérale d’Allemagne/
Danemark; République fédérale d’Allemagne/Pays-Bas), arrêt, C.I.J.
Recueil 1969, p. 17-18).
Cela étant, la Cour fait tout d’abord observer que les Parties sont en
désaccord quant au titre sur les îles instables qui se sont formées dans

l’embouchure du fleuve Coco et dont les Parties avaient laissé entendre,
au cours de la procédure orale, qu’elles pourraient servir de points de
base. Il est rappelé que, en raison des caractéristiques changeantes de
cette zone, la Cour ne s’est pas prononcée sur l’attribution de la souve-
raineté sur ces îles (voir paragraphe 145 ci-dessus). En outre, quels que

soient les points de base qui seraient utilisés pour le tracé d’une ligne
d’équidistance, la configuration et la nature instable des côtes pertinentes,
y compris les îles en litige qui se sont formées dans l’embouchure du
fleuve Coco, rendraient en peu de temps incertains ces points de base
(qu’ils soient situés au cap Gracias a Dios ou ailleurs).
L’article 15 de la CNUDM envisage lui-même la possibilité de déroger

au principe du tracé d’une ligne médiane, à savoir lorsque «l’existence de
titres historiques ou d’autres circonstances spéciales» le rend nécessaire.
Rien dans l’énoncé de l’article 15 ne permet de conclure que des pro-
blèmes géomorphologiques ne sauraient en tant que tels constituer des
«circonstances spéciales» au sens de cette exception, ni que de telles

«circonstances spéciales» ne puissent être invoquées que pour corriger
une ligne déjà tracée. Cette dernière hypothèse serait d’ailleurs en nette
contradiction avec le libellé de l’exception décrite à l’article 15. Il est
rappelé que l’article 15 de la CNUDM, qui a été adopté sans que la
question de la méthode de délimitation de la mer territoriale n’ait donné

lieu à débat, est pratiquement identique (quelques modifications d’ordre
rédactionnel mises à part) au texte du paragraphe 1 de l’article 12 de la
convention sur la mer territoriale et la zone contiguë de 1958.
La genèse du texte de l’article 12 de la convention de 1958 sur la mer
territoriale et la zone contiguë montre que la possibilité de recourir à une

méthode différente en cas de configuration spéciale de la côte fut effecti-
vement évoquée (voir Annuaire de la Commission du droit international
(ACDI), 1952, vol. II, p. 38, commentaire, par. 4). Le traitement qui fut
en 1956 réservé à cette question vient d’ailleurs le confirmer. Les termes
de l’exception à la règle générale demeurèrent les mêmes (voir ACDI,
1956, vol. I, p. 306; vol. II, p. 271, 272, et p. 300, où le commentaire du

projet d’articles relatifs au plateau continental relève que, «comme pour
[les] mers [territoriales], il doit être prévu qu’on peut s’écarter de la règle
lorsqu’une configuration exceptionnelle de la côte ... l’exige»). On ne
trouve pas davantage, dans la jurisprudence de la Cour, d’éléments qui
fondent une interprétation allant à l’encontre du sens ordinaire des ter-

mes de l’article 15 de la CNUDM. Cette question ne s’est jusqu’à ce jour
jamais directement posée. La Cour relève toutefois que, dans certains cas,
la ligne d’équidistance n’a pas été utilisée aux fins de la délimitation de la

89 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME ARRÊT ) 745

mer territoriale, soit pour des raisons très particulières (voir Plateau
continental (Tunisie/Jamahiriya arabe libyenne), arrêt, C.I.J. Recueil
1982, p. 85, par. 121, affaire dans laquelle la Cour est partie d’une ligne

de convergence entre les concessions accordées par chaque Partie et l’a
traduite en une ligne tracée à partir d’un point fixé en mer jusqu’au point
terminal de la frontière terrestre), soit en raison de l’effet défavorable de
certaines configurations côtières (affaire de la Délimitation de la frontière
maritime entre la Guinée et la Guinée-Bissau, RSA , vol. XIX, p. 187,

par. 104).
281. Pour tous les motifs qui précèdent, la Cour se trouve dans le cas
de l’exception prévue à l’article 15 de la CNUDM, c’est-à-dire face à des
circonstances spéciales qui ne lui permettent pas d’appliquer le principe

de l’équidistance. Ce dernier n’en demeure pas moins la règle générale.
282. La Cour relève que, dans la présente espèce, les deux Parties ont
l’une et l’autre envisagé pour la délimitation de la mer territoriale d’autres
méthodes que celle consistant à tracer une ligne d’équidistance.

**

8.2.3. Construction d’une ligne bissectrice

283. Ayant conclu à l’impossibilité de construire une ligne d’équidis-
tance à partir du continent, la Cour doit envisager l’applicabilité des
autres méthodes proposées par les Parties.
284. Le principal argument du Nicaragua est qu’une «bissectrice de

l’angle formé par deux lignes représentant toute la façade côtière des
deux Etats» devrait être utilisée pour effectuer la délimitation à partir du
continent, tandis que, s’agissant des formations maritimes dans la zone
en litige, «il serait possible de conférer une souveraineté sur ces forma-
tions à l’une ou l’autre Partie en fonction de la position de la formation

considérée par rapport à la bissectrice».
285. Le Honduras «ne conteste pas que les méthodes de délimitation
géométriques, telles que les perpendiculaires ou les bissectrices, puissent,
dans certaines circonstances, permettre d’aboutir à des délimitations

équitables», mais il exprime son désaccord quant à la construction de
l’angle de la bissectrice telle que faite par le Nicaragua. Le Honduras,
comme il a déjà été exposé, plaide pour une ligne suivant le 15 parallèle,
qu’il ne serait pas nécessaire d’ajuster par rapport aux îles. Dans sa du-

pleque, pour démontrer le caractère équitable de la frontière le long du
15 parallèle qu’il a proposée, le Honduras mentionne une ligne d’équi-
distance provisoire construite en utilisant les îles situées au nord et au sud
du 15 parallèle en tant que points de base. En outre, à l’audience, le
Honduras s’est référé à une ligne d’équidistance provisoire tracée à partir

de deux points de base seulement qui seraient situés sur le continent,
aucune des îles n’étant utilisée comme point de base. Les îles seraient trai-
tées séparément par superposition à cette ligne d’équidistance de leurs
mers territoriales de 12 milles au nord et au sud du 15 parallèle. Le Hon-

90 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 746

duras soutient également, dans le cadre de cette solution subsidiaire,
qu’une ligne d’équidistance devrait être tracée entre les îles aux endroits
où leurs mers territoriales se chevauchent.
286. La Cour note que, dans ses conclusions finales, le Honduras lui a

demandé de dire que sa frontière maritime unique avec le Nicaragua
«suit le parallèle 14°59,8′ de latitude nord, c’est-à-dire la frontière mari-
time actuelle, ou suit une ligne d’équidistance ajustée, jusqu’à atteindre la
juridiction d’un Etat tiers». A l’audience, le Honduras a expliqué que, «si
la Cour rejette sa conclusion — selon laquelle le 15 parallèle constitue la

frontière maritime existante entre le Honduras et le Nicaragua —, c’est
alors une ligne d’équidistance ajustée qui devra lui être substituée en tant
que frontière». La Cour rappelle que les deux propositions du Honduras
(à savoir la principale, d’après laquelle, en vertu d’un accord tacite, le
15 parallèle représenterait la frontière maritime, et l’autre, consistant à

recourir à une ligne d’équidistance ajustée) n’ont pas été retenues.
287. La Cour examinera donc la question de savoir si, en principe, la
délimitation pourrait être basée sur la bissectrice de l’angle formé par des
lignes représentant les côtes continentales pertinentes. Elle examinera

ensuite l’incidence des mers territoriales des îles. Le recours à une bissec-
trice — la ligne qui divise en deux parts égales l’angle formé par des
lignes représentant la direction générale des côtes — s’est avéré être une
méthode de remplacement valable dans certaines circonstances où il n’est
pas possible ou approprié d’utiliser la méthode de l’équidistance. C’est la

configuration des façades côtières pertinentes et des zones maritimes à
délimiter ainsi que les rapports entre ces éléments qui justifient le recours
à la méthode de la bissectrice en matière de délimitation maritime. Tou-
tefois, lorsque, comme en la présente espèce, tous les points de base que
la Cour pourrait déterminer sont par définition instables, la méthode de

la bissectrice peut être considérée comme une approximation de celle de
l’équidistance. Tout comme celle de l’équidistance, la méthode de la bis-
sectrice est une approche géométrique qui peut être utilisée pour donner
un effet juridique au

«critère à propos duquel l’équité est de longue date considérée
comme un caractère rejoignant la simplicité: à savoir le critère qui

consiste à viser en principe — en tenant compte des circonstances
spéciales de l’espèce — à une division par parts égales des zones de
convergence et de chevauchement des projections marines des côtes
des Etats...» (Délimitation de la frontière maritime dans la région du
golfe du Maine, arrêt, C.I.J. Recueil 1984 , p. 327, par. 195).

288. Tel était le cas en l’affaire du Plateau continental (Tunisie/Jama-

hiriya arabe libyenne), où la méthode de l’équidistance ne pouvait pas
être appliquée au deuxième segment de la délimitation parce que le point
de départ de ce segment ne se situait sur aucune des lignes d’équidistance
possibles. Dans cette affaire, la Cour utilisa une bissectrice pour refléter
l’infléchissement vers le nord de la côte tunisienne à partir du golfe de

Gabès (C.I.J. Recueil 1982, p. 94, par. 133, point C 3)). En l’affaire du

91 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 747

Golfe du Maine, la Chambre de la Cour utilisa également la bissectrice de
l’angle formé par les côtes continentales du golfe, parce qu’elle estimait

que les petites îles situées dans le golfe ne pouvaient pas convenir comme
points de base et que le premier segment de la délimitation devait partir
du «point A», lequel n’était pas non plus situé sur une ligne d’équidis-
tance. Dans la sentence rendue en 1985 en l’affaire de la Délimitation
maritime entre la Guinée et la Guinée-Bissau , le tribunal arbitral traça la

perpendiculaire (la bissectrice d’un angle de 180 degrés) d’une droite joi-
gnant la pointe des Almadies (Sénégal) au cap Shilling (Sierra Leone)
pour représenter la direction générale de la côte de «l’ensemble de la
région de l’Afrique occidentale». Le tribunal estima nécessaire de choisir
cetteapprocheplutôtquecelledel’équidistancepourparveniràunedélimi-

tation équitable qui devait «s’int[égrer] aux délimitations actuelles ou
futures de la région» (RSA, vol. XIX, p. 189, par. 108).
289. Pour que sa méthode de délimitation «respecte la situation géo-
graphique réelle» (Plateau continental (Jamahiriya arabe libyenne/
Malte), arrêt, C.I.J. Recueil 1985 , p. 45, par. 57), la Cour devrait recher-
cher une solution en déterminant d’abord ce que sont les «côtes perti-

nentes» des Etats (voir Délimitation maritime et questions territoriales
entre Qatar et Bahreïn (Qatar c. Bahreïn), fond, arrêt, C.I.J. Recueil
2001, p. 94, par. 178; voir aussi Frontière terrestre et maritime entre le
Cameroun et le Nigéria (Cameroun c. Nigéria; Guinée équatoriale (inter-
venant)), arrêt, C.I.J. Recueil 2002 , p. 442, par. 90). La détermination de

la géographie côtière pertinente nécessite une appréciation réfléchie de la
géographie côtière réelle. La méthode de l’équidistance exprime la rela-
tion entre les côtes pertinentes des deux Parties en prenant en compte les
relations existant entre des paires de points choisis comme points de base.
La méthode de la bissectrice tend elle aussi à exprimer les relations côtiè-

res pertinentes, mais elle le fait sur la base de la macrogéographie d’un
littoral représenté par une droite joignant deux points sur la côte. Aussi,
en cas de recours à la méthode de la bissectrice, faut-il veiller à ne pas
«refaire la nature entièrement» (Plateau continental de la mer du Nord,
arrêt, C.I.J. Recueil 1969 , p. 49, par. 91).

290. Au vu de ce qui précède, la Cour relève que le Nicaragua a invo-
qué diverses raisons pour justifier la méthode de la bissectrice qu’il pro-
pose (voir les paragraphes 83-84 et 102 ci-dessus). Pour le Nicaragua, le
caractère équitable de la méthode de la bissectrice est confirmé par les
critères indépendants du résultat équitable: a) cette méthode reflète la
réalité des relations côtières; b) la bissectrice aboutit à un résultat qui est

l’expression du principe de la division égale des zones en litige; c) elle
présente l’avantage de respecter le principe de non-empiétement; d) elle
prévient également, autant que possible, toute amputation de la projec-
tion maritime de la côte de chacun des Etats concernés; et e) elle permet
aux Parties «d’exercer leur droit au développement».

291. Pour démontrer le caractère équitable de la bissectrice qu’il
propose, le Nicaragua invoque également un certain nombre de cir-

92 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 748

constances pertinentes et fait valoir que la méthode de la bissectrice
aboutit à un résultat équitable en ce qui concerne l’incidence de la pré-

sence de ressources naturelles, qu’elle satisfait au critère de l’accès équi-
table aux ressources naturelles et qu’elle respecte le caractère unitaire du
seuil nicaraguayen en tant qu’entité géologique et géomorphologique
homogène en le partageant en deux de manière à peu près égale. Du point
de vue de la sécurité, cette méthode aboutit à un tracé qui permet effec-

tivement à «chaque Etat [de contrôler] les territoires maritimes situés en
face de ses côtes et dans leur voisinage» et garantit l’accès équitable au
principal chenal navigable dans les zones côtières adjacentes.
292. En l’espèce, la Cour n’est pas convaincue de la pertinence des fac-
teurs en question et ne les juge pas juridiquement décisifs du point de vue

de la délimitation à effectuer. Les éléments clefs à prendre en considéra-
tion sont plutôt la configuration géographique de la côte et les caracté-
ristiques géomorphologiques de la zone où se trouve le point terminal de
la frontière terrestre.
293. Les Parties ont présenté à la Cour des vues divergentes quant à la
côte continentale qui serait pertinente aux fins de la délimitation à opérer.

Le Nicaragua plaide que la côte pertinente pour chaque Partie est la tota-
lité de sa côte caraïbe: dans le cas du Honduras, il s’agirait ainsi d’une
ligne qui se dirigerait à partir du cap Gracias a Dios vers le nord-ouest
jusqu’à sa frontière terrestre avec le Guatemala, tandis que, dans le cas
du Nicaragua, la ligne se dirigerait vers le sud à partir du cap, jusqu’à sa

frontière terrestre avec le Costa Rica. Le Nicaragua admet aussi que
d’autres façades côtières pourraient être prises en considération, propo-
sant diverses façades côtières pertinentes s’étendant jusqu’au cap Came-
rón ou à Cabo Falso pour le Honduras, et jusqu’au Rio Grande ou à
Punta Gorda pour le Nicaragua. Pour le Honduras, la façade côtière à

prendre en considération est celle qui s’étend de Cabo Falso au nord à
Laguna Wano en suivant d’abord une direction sud-est jusqu’au cap
Gracias a Dios, puis en s’infléchissant vers le sud-ouest dans une confi-
guration qui tient compte exclusivement de la projection quasi symétri-
que du cap Gracias a Dios.

294. La Cour considère qu’en l’occurrence il convient d’utiliser le
point fixé en 1962 par la commission mixte au cap Gracias a Dios comme
point de jonction entre les façades côtières des deux Parties. Elle ajoute
qu’aux fins présentes il n’y a pas lieu, à ce stade, de définir avec exacti-
tude les coordonnées des points terminaux des façades côtières: l’un des
avantages pratiques de la méthode de la bissectrice réside en ceci qu’un

léger écart dans la position exacte des points terminaux, qui se trouvent à
une distance raisonnable du point commun, n’aura qu’une incidence rela-
tivement mineure sur la direction générale de la façade côtière. Si les cir-
constances l’exigeaient, la Cour pourrait ajuster le tracé de la ligne de
façon à parvenir à un résultat équitable (voir CNUDM, art. 74, par. 1,

et 83, par. 1).
295. La Cour va maintenant examiner les diverses façades côtières qui,
pour chacun des deux Etats, pourraient servir à établir les lignes reflétant

93 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME ARRÊT ) 749

la géographie pertinente. La première proposition du Nicaragua, consis-
tant à considérer la façade côtière comme s’étendant, pour le Honduras,
du cap Gracias a Dios à sa frontière avec le Guatemala et, pour le Nica-

ragua, du cap Gracias a Dios à sa frontière avec le Costa Rica, ampute-
rait le Honduras d’une portion importante de territoire au nord de cette
ligne et accorderait ainsi un poids considérable à une partie du territoire
hondurien très éloignée de la zone à délimiter. L’angle résultant de cette
solution semble bien trop aigu pour qu’une bissectrice y soit tracée.

296. S’agissant de déterminer les façades côtières pertinentes, la Cour
a envisagé la façade comprise entre Cabo Falso et Punta Gorda (engen-
drant une bissectrice d’azimut 70°54′), qui fait incontestablement face à
la zone en litige, mais dont la longueur (quelque 100 kilomètres) n’est pas

vraiment suffisante pour constituer la représentation d’une façade côtière
à plus de 100 milles marins de la côte, surtout si l’on tient compte de la
rapidité avec laquelle la côte hondurienne s’éloigne de la zone à délimiter
à partir de Cabo Falso jusqu’à Punta Patuca et au cap Camerón. Le

Honduras estime d’ailleurs que Cabo Falso est l’«inflexion» la plus
importante de la côte du continent.
297. De même que la première proposition nicaraguayenne, une façade
côtière allant du cap Camerón au Rio Grande (engendrant une bissec-
trice d’azimut 64°02′) créerait aussi un déséquilibre à cet égard, car la

totalité de la ligne serait située sur le Honduras continental, empêchant
ainsi l’importante masse terrestre hondurienne comprise entre la mer et
cette ligne de produire le moindre effet sur la délimitation.
298. La façade maritime s’étendant de Punta Patuca à Wouhnta per-

mettrait d’éviter que la ligne traverse le territoire hondurien et offrirait en
même temps une façade côtière suffisamment longue pour rendre compte
correctement de la configuration côtière de la zone en litige. Ainsi, une
façade côtière hondurienne allant jusqu’à Punta Patuca et une façade
côtière nicaraguayenne allant jusqu’à Wouhnta constituent-elles, selon la

Cour, les côtes pertinentes aux fins du tracé de la bissectrice. Cette bis-
sectrice a un azimut de 70°14′41,25″ (pour la construction de la bissec-
trice, voir ci-après, p. 750, croquis n 3).

**

8.2.4. Délimitation autour des îles

299. La Cour, ayant choisi la méthode de délimitation à partir du
continent et défini les modalités de son application, peut à présent abor-
der la tâche, indépendante de la première, consistant à délimiter les eaux
qui entourent ou qui séparent les îles et cayes situées au nord et au sud
du 15 parallèle. La Cour en a ainsi fini avec la ligne de délimitation fon-

dée sur les côtes continentales pertinentes et en vient à la délimitation au
large entre des îles se faisant face. Comme la Cour l’a déjà relevé, les
Parties conviennent que les quatre îles en litige au nord du 15 parallèle,
ainsi qu’Edinburgh Cay au sud de ce parallèle, engendrent une mer ter-

94DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME ARRÊT ) 750

95 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME ARRÊT ) 751

ritoriale. La Cour pourrait donc devoir prendre en compte l’équidistance
et les principes régissant la délimitation de la mer territoriale également
pour cette portion de la zone en litige. La Cour doit examiner les diffé-

rentes solutions proposées par les Parties pour la délimitation de cette
zone à la lumière des conclusions auxquelles elle est parvenue plus haut,
à savoir i) que les quatre îles en litige appartiennent au Honduras et ii)
qu’il n’existait aucune ligne traditionnelle le long du 15 parallèle fondée
sur l’uti possidetis juris ni aucun accord tacite selon lequel le 15 parallèle

constituerait la frontière maritime.
300. Le Honduras affirme que ces îles devraient se voir reconnaître
une mer territoriale complète de 12 milles, sauf en cas d’empiétement sur
la mer territoriale de la Partie adverse. Le Nicaragua ne conteste pas que

ces îles puissent engendrer une mer territoriale pouvant atteindre une lar-
geur de 12 milles marins, mais soutient que, si elles devaient «être attri-
buées au Honduras et se trouver ainsi en territoire nicaraguayen», leur
«taille» et leur «instabilité» tiendraient lieu de «critères d’équité» justi-

fiant leur enclavement à l’intérieur d’une mer territoriale de 3 milles seu-
lement; il a ainsi déclaré, en réponse à une question posée à l’audience
par le juge Simma au sujet des raisons justifiant l’attribution d’une mer
territoriale réduite, que, si une «mer territoriale s’étendant sur la totalité
des 12 milles devait être accordée à ces formations ... [le Honduras]

obtiendrait une part disproportionnée des zones maritimes en litige».
301. La Cour observe que cette dernière proposition aurait pour consé-
quence qu’elle n’aurait pas à procéder dans cette zone à une délimitation
entre des mers territoriales se chevauchant. Elle doit donc déterminer la

largeur de la mer territoriale à attribuer à ces îles, afin d’avoir une idée
précise de la délimitation qu’elle est appelée à effectuer dans cette zone.
302. La Cour relève que, en vertu de l’article 3 de la CNUDM, le Hon-
duras a le droit de fixer à 12 milles marins la largeur de sa mer territo-
riale, tant pour son territoire continental que pour les îles relevant de sa

souveraineté. Le Honduras demande en l’espèce, pour les quatre îles en
cause, une mer territoriale de 12 milles marins. La Cour estime donc que,
sous réserve d’éventuels chevauchements entre les mers territoriales situées
respectivement autour d’îles honduriennes et d’îles nicaraguayennes se

trouvant alentour, Bobel Cay, Savanna Cay, Port Royal Cay et South Cay
doivent se voir accorder une mer territoriale de 12 milles marins.
303. Une mer territoriale d’une largeur de 12 milles ayant été accordée
aux îles de Bobel Cay, Savanna Cay, Port Royal Cay et South Cay (Hon-

duras) et à l’île d’Edinburgh Cay (Nicaragua), il est évident que les mers
territoriales du Nicaragua et du Honduras sont appelées à se chevaucher
dans cette région tant au sud qu’au nord du 15 parallèle. Ici encore, la
Cour répétera son observation sur les méthodes de délimitation:

«La méthode la plus logique et la plus largement pratiquée consiste
à tracer d’abord à titre provisoire une ligne d’équidistance et à exa-
miner ensuite si cette ligne doit être ajustée pour tenir compte de

96 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 752

l’existence de circonstances spéciales.» (Délimitation maritime et
questions territoriales entre Qatar et Bahreïn (Qatar c. Bahreïn),
fond, arrêt, C.I.J. Recueil 2001 , p. 94, par. 176.)

304. Le tracé d’une ligne d’équidistance provisoire entre les îles qui se
font face aux fins de la délimitation de la mer territoriale ne présente pas
les mêmes difficultés que celui d’une ligne d’équidistance à partir du

continent. Les Parties ont foerni à la Cour les coordonnées des quatre
îles en litige au nord du 15 parallèle et d’Edinburgh Cay au sud de ce
parallèle. Il est possible de délimiter de façon satisfaisante cette zone rela-
tivement réduite en traçant une ligne d’équidistance provisoire prenant
les coordonnées de ces îles comme points de base de leur mer territoriale

dans les zones de chevauchement, entre les mers territoriales de Bobel Cay,
Port Royal Cay et South Cay (Honduras), d’une part, et celle d’Edinburgh
Cay (Nicaragua), d’autre part. Il n’y a pas de chevauchement entre la mer
territoriale de Savanna Cay (Honduras) et celle d’Edinburgh Cay. La

Cour considère qu’il n’existe pas, dans cette zone, de «circonstances spé-
ciales» juridiquement pertinentes justifiant l’ajustement de cette ligne
provisoire.
305. La frontière maritime entre le Nicaragua et le Honduras dans les
environs de Bobel Cay, Savanna Cay, Port Royal Cay et South Cay

(Honduras), ainsi qu’Edinburgh Cay (Nicaragua) suivra donc la ligne
décrite ci-après.
A partir de l’intersection au point A (situé par 15°05′25″ de latitude
nord et 82°52′54″ de longitude ouest) entre la bissectrice et l’arc formé
par la mer territoriale de 12 milles de Bobel Cay, la ligne frontière suit

l’arc formé par la mer territoriale de 12 milles de Bobel Cay en direction
du sud, jusqu’à son intersection au point B (situé par 14°57′13″ de lati-
tude nord et 82°50′03″ de longitude ouest) avec l’arc formé par la mer
territoriale de 12 milles d’Edinburgh Cay. A partir du point B, la ligne

frontière se poursuit le long de la ligne médiane, laquelle est formée par
les points d’équidistance entre Bobel Cay, Port Royal Cay et South Cay
(Honduras), ainsi qu’Edinburgh Cay (Nicaragua), en passant par les
points C (situé par 14°56′45″ de latitude nord et 82°33′56″ de longitude
ouest) et D (situé par 14°56′35″ de latitude nord et 82°33′20″ de longi-

tude ouest), jusqu’à sa jonction avec l’intersection au point E (situé par
14°53′15″ de latitude nord et 82°29′24″ de longitude ouest) des arcs for-
més par les mers territoriales de 12 milles de South Cay (Honduras) et
d’Edinburgh Cay (Nicaragua). A partir du point E, la ligne frontière suit
l’arc formé par la mer territoriale de 12 milles de South Cay en direction

du nord, jusqu’à son intersection avec la bissectrice au point F (situé par
15°16′08″ de latitude nord et 82°21′56″ de longitude ouest) (voir ci-
après, p. 753-754, les croquis n os4et5).

**

97DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME ARRÊT ) 753

98DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME ARRÊT ) 754

99 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 755

8.2.5. Le point de départ et le point terminal de la frontière maritime

306. Ayant retenu une méthode de délimitation et décidé de son appli-
cation à la partie continentale et aux îles, la Cour doit à présent examiner
les deux derniers aspects du tracé de la frontière maritime unique: le
point de départ et le point terminal.
307. Dans leurs écritures, les Parties sont convenues que le point de

départ approprié de la ligne frontière entre leurs deux pays devait être
situé à une certaine distance de la côte continentale, mais elles diver-
geaient sur son emplacement précis. Afin de tenir compte du fait que le
cap Gracias a Dios ne cesse d’avancer vers l’est en raison des dépôts sédi-
mentaires du fleuve Coco, les deux Parties ont, dans leurs écritures, indi-

qué qu’elles préféraient que le point de départ soit situé à 3 milles marins
au large de «l’embouchure» du fleuve Coco. Elles sont convenues que,
pour les 3 premiers milles, une solution négociée devait être trouvée.
Néanmoins, deux points de désaccord subsistaient entre elles: i) la ques-
tion de savoir à partir de quel point du fleuve Coco ces 3 milles devaient
être mesurés; et ii) celle de savoir dans quelle direction ils devaient l’être.

308. S’agissant du premier de ces désaccords, le Honduras propose un
point de départ situé à 3 milles marins plein est du point identifié en 1962
par la commission mixte comme étant l’embouchure du fleuve Coco
(14°59,8′ de latitude nord et 83°08,9′ de longitude ouest). La sentence
arbitrale de 1906 a déterminé que l’«embouchure du bras principal du

fleuve Coco» constituait le «point extrême limitrophe commun sur la
côte atlantique» entre le Nicaragua et le Honduras. Le Nicaragua a, pour
sa part, soutenu tout au long de la procédure écrite que l’emplacement
de l’«embouchure» du fleuve devait être ajusté pour mieux refléter ce
qui, selon lui, constitue la réalité actuelle, et suggère un point de départ

situé en mer à une distance de 3 milles de ce lieu, sur la bissectrice qu’il
propose.
309. A l’audience et dans ses conclusions finales, le Nicaragua, sans
toutefois écarter la proposition qu’il avait formulée dans ses écritures, a
plaidé en faveur d’un point de départ situé à l’embouchure du fleuve Coco

«où qu’elle se situe au moment considéré, ainsi que l’a établi la sentence
du roi d’Espagne de 1906», et ce sans que soit mesurée une quelconque
distance en direction du large (voir paragraphe 99 ci-dessus). Le Nica-
ragua ne précise donc pas, à présent, les coordonnées géographiques ac-
tuelles de l’embouchure. Selon lui, ce point de départ, où qu’il se situe
au moment considéré, serait relié à celui de la bissectrice qu’il propose (à

«un point fixe situé à 3 milles environ de l’embouchure du fleuve par
15°02′00″ de latitude nord et 83°05′26″ de longitude ouest») par une
frontière maritime unique tracée en ligne droite.
Le Honduras, quant à lui, continue de soutenir qu’une distance de
3 milles mesurée à partir du point fixé par la commission mixte en 1962

devrait être utilisée, et que les Parties devraient rechercher une solution
diplomatique pour cette zone qui ne fait l’objet d’aucune délimitation.
310. Les Parties s’opposent actuellement sur la question de savoir les-

100 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME ARRÊT ) 756

quelles des petites îles qui se sont formées à l’embouchure du fleuve Coco

leur appartiennent respectivement, ainsi que sur l’emplacement actuel de
l’embouchure proprement dite du fleuve. Une ligne partant du point ter-
minal de la frontière terrestre (tel que déterminé «au moment considéré»
ou en se référant au point fixé en 1962 par la commission mixte) pourrait
diviser ces petites îles contestées, le risque étant qu’elles se rattachent par

la suite à la masse continentale de l’une des Parties. Ces dernières sont
tout à fait en mesure de suivre l’évolution de la forme du cap Gracias a
Dios et de concevoir une solution qui soit conforme à la sentence arbi-
trale de 1906, laquelle demeure revêtue de l’autorité de la chose jugée
pour ce qui concerne la frontière terrestre.

311. Il est clair pour la Cour que la proposition avancée par le Nica-
ragua dans ses conclusions finales (voir paragraphe 309) ne va pas sans
poser quelques problèmes, et que sa suggestion initiale de faire commen-
cer la ligne en mer, à une certaine distance, apparaît comme une solution

plus judicieuse. La possibilité qu’une ligne de délimitation commence à
une certaine distance en mer a été reconnue dans la pratique judiciaire,
dans des affaires où le point terminal de la frontière terrestre était incer-
tain (voir, par exemple, la sentence rendue le 14 février 1985 en l’affaire
de la Délimitation maritime entre la Guinée et la Guinée-Bissau ). La Cour

estime qu’il convient de faire droit à la demande du Honduras à cet égard
et fixe en conséquence le point de départ (15°00′52″ de latitude nord et
83°05′58″ de longitude ouest) à 3 milles au large du point déjà identifié
par la commission mixte de 1962, selon l’azimut de la bissectrice telle que
décrite ci-dessus (voir ci-après, p. 757, le croquis n o 6). Les Parties

devront convenir d’une ligne reliant le point terminal de la frontière ter-
restre tel que fixé par la sentence de 1906 au point de départ de la déli-
mitation maritime établie par le présent arrêt.
312. S’agissant du point terminal, ni le Nicaragua ni le Honduras
n’ont, dans leurs conclusions, indiqué de limite extérieure précise à leur

frontière maritime. La Cour ne saurait statuer sur une question si, pour
ce faire, les droits d’une tierce partie qui ne comparaît pas devant elle
doivent d’abord être déterminés (voir Or monéraire pris à Rome en 1943,
arrêt, C.I.J. Recueil 1954 , p. 19). En matière de délimitation judiciaire, il
est donc courant de ne pas indiquer de point terminal précis afin de ne

pas porter préjudice aux droits d’Etats tiers. (Voir par exemple Plateau
continental (Tunisie/Jamahiriya arabe libyenne), arrêt, C.I.J. Recueil
1982, p. 91, par. 130; Plateau continental (Jamahiriya arabe libyenne/
Malte), requête à fin d’intervention, arrêt, C.I.J. Recueil 1984 , p. 27, et
Plateau continental (Jamahiriya arabe libyenne/Malte), arrêt, C.I.J.

Recueil 1985, p. 26-28, par. 21-23; ainsi que Frontière terrestre et mari-
time entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c. Nigéria; Guinée équa-
toriale (intervenant)), arrêt, C.I.J. Recueil 2002 , par. 238, 245 et 307.)
313. Le Nicaragua trace sa bissectrice «jusqu’à la zone de fonds marins
où se trouve Rosalinda Bank, là où les prétentions d’Etats tiers entrent en

jeu». Dans ses conclusions finales, le Honduras prie la Cour de tracer la
frontière «jusqu’à atteindre la juridiction d’un Etat tiers». Il indique dans

101DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME ARRÊT ) 757

102 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME ARRÊT ) 758

ses pièces que la Colombie a, en vertu de différents traités, des intérêts
e
auxquels une délimitation qui se poursuivrait au-delà du 82 méridien
porterait atteinte, et, de fait, toutes les cartes présentées par le Honduras
semblent considérer le 82 méridien comme le point terminal implicite de

la délimitation.
314. La Cour relève que trois possibilités s’offrent à elle: elle pourrait
ne pas se prononcer sur le point terminal de la ligne, se contentant de

déclarer que celle-ci se poursuit jusqu’à atteindre la juridiction d’un Etat
tiers; elle pourrait décider que la ligne ne se poursuit pas au-delà du
82 méridien; ou bien, elle pourrait indiquer que les droits d’Etats tiers
qui existeraient à l’est du 82 méridien ne concernent pas la zone à déli-

miter et ne l’empêchent donc pas de décider que la ligne se poursuit au-
delà de ce méridien.
315. Pour mieux comprendre ces différentes possibilités, il y a lieu

d’examiner les éventuels intérêts d’Etats tiers. Le Honduras soutient que
le traité Barcenas-Esguerra conclu en 1928 entre le Nicaragua et la
Colombie délimite une frontière maritime entre ces deux pays le long du
e e e
82 méridien à partir, environ, du 11 parallèle et jusqu’au 15 parallèle,
où cette frontière couperait vraisemblablement la ligne de la frontière
maritime traditionnelle courant le long du 15 e parallèle (situé par

14°59,8′ de latitude nord) proposée par le Honduras en l’espèce, mar-
quant ainsi le point terminal de la frontière traditionnelle. Cette interpré-
tation du traité de 1928 et la validité même de celui-ci sont contestées par

le Nicaragua dans une autre affaire pendante devant la Cour (Différend
territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie) ), et celle-ci se gardera de
préjuger cette affaire par sa décision en la présente espèce. Toutefois,

même si l’interprétation hondurienne du traité de 1928 est correcte, le
Honduras se contente d’indiquer que, tout au plus, la ligne établie par ce
traité se poursuit le long du 82 méridien jusqu’au 15 parallèle. Or, la
ligne de délimitation décrite ci-dessus se trouve bien au nord du 15 paral-
e
lèle lorsqu’elle rencontre le 82 méridien. Par conséquent, contrairement à
ce qu’affirme le Honduras, elle ne couperait pas la frontière convention-
nelle de 1928 et, partant, ne saurait porter atteinte aux droits de la

Colombie.
316. La Cour rappelle que le Honduras mentionne également l’éven-
tuelle revendication de la Colombie en vertu du traité de délimitation

maritime entre la Colombie et le Honduras de 1986. Ce traité a pour
objet d’établir une frontière maritime qui commence au 82 méridien, suit
plein est le parallèle situé par 14°59′08″ de latitude nord et finit par
e
s’infléchir vers le nord après avoir traversé le 80 méridien. On pourrait
donc soutenir qu’une éventuelle prolongation de la ligne de délimitation
en la présente affaire au-delà du 82 méridien risquerait d’être interprétée

comme indiquant que le Honduras a négocié un traité portant sur des
espaces maritimes qui ne lui appartenaient en réalité pas, et pourrait par
conséquent porter préjudice aux droits de la Colombie en vertu dudit

traité. La Cour ne se fonde aucunement sur le traité de 1986 pour fixer un
point terminal approprié à la délimitation maritime entre le Nicaragua et

103 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME ARRÊT ) 759

le Honduras. Elle relève cependant qu’une éventuelle délimitation entre le
Honduras et le Nicaragua qui se prolongerait vers l’est au-delà du
e e
82 méridien et au nord du 15 parallèle (ce qui serait le cas de la bissec-
trice retenue par la Cour) ne porterait en réalité pas préjudice aux droits
de la Colombie, dans la mesure où les droits de cette dernière en vertu de
ce traité ne s’étendent pas au nord du 15 parallèle.

317. Le régime juridictionnel commun établi par la Jamaïque et la
Colombie en vertu d’un traité bilatéral de délimitation maritime conclu
en 1993 et portant sur une zone située au sud de Rosalind Bank à proxi-
mité du 80 méridien constitue une autre source éventuelle d’intérêts
d’Etats tiers. La Cour ne saurait tracer une délimitation qui couperait

cette ligne, parce que cela pourrait porter atteinte aux droits des deux
Parties à ce traité.
318. La Cour s’est ainsi penchée sur certains intérêts d’Etats tiers tels
qu’ils résultent de traités bilatéraux conclus entre pays de la région qui

pourraient être pertinents quant aux limites de la frontière maritime
tracée entre le Nicaragua et le Honduras. La Cour ajoute que l’examen
auquel elle a procédé de ces divers intérêts est sans préjudice de tous
autres intérêts légitimes d’Etats tiers dans la zone.

319. La Cour peut donc, sans pour autant indiquer de point terminal
précis, délimiter la frontière maritime et déclarer que celle-ci s’étend au-
delà du 82 méridien sans porter atteinte aux droits d’Etats tiers. A cet
égard, il convient également de relever que la ligne ne saurait en aucun

cas être interprétée comme se prolongeant à plus de 200 milles marins des
lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de la mer territo-
riale; toute prétention relative à des droits sur le plateau continental au-
delà de 200 milles doit être conforme à l’article 76 de la CNUDM et

examinée par la Commission des limites du plateau continental consti-
tuée en vertu de ce traité.

**

8.2.6. Le tracé de la frontière maritime

320. La ligne de délimitation doit commencer au point de départ fixé

sur la bissectrice à 3 milles marins au large (voir paragraphe 311 ci-des-
sus). A partir de ce point, elle suit la bissectrice jusqu’à ce qu’elle rejoigne
la limite extérieure de la mer territoriale de 12 milles marins de Bobel
Cay. Elle s’infléchit alors vers le sud pour suivre le pourtour de cette mer
territoriale jusqu’à ce qu’elle rencontre la ligne médiane de la zone de

chevauchement des mers territoriales de Bobel Cay, Port Royal Cay et
South Cay (Honduras) et d’Edinburgh Cay (Nicaragua). La ligne de déli-
mitation se poursuit ensuite le long de cette ligne médiane jusqu’à sa
jonction avec la mer territoriale de South Cay, laquelle, pour l’essentiel,

n’empiète pas sur la mer territoriale d’Edinburgh Cay. La ligne suit alors,
en direction du nord, le pourtour de la mer territoriale de 12 milles
marins de South Cay jusqu’à ce qu’elle rencontre de nouveau la bissec-

104 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 760

trice. A partir de ce point, elle se poursuit selon l’azimut de cette dernière
jusqu’à atteindre la zone dans laquelle pourraient être en cause les droits
os
de certains Etats tiers (voir ci-après, p. 761-762, les croquis 7et8).

* * *

9. D ISPOSITIF

321. Par ces motifs,

L A C OUR ,
1) A l’unanimité,

Dit que la République du Honduras a la souveraineté sur Bobel Cay,

Savanna Cay, Port Royal Cay et South Cay;
2) Par quinze voix contre deux,

Décide que le point de départ de la frontière maritime unique qui
sépare la mer territoriale, le plateau continental et les zones économiques

exclusives de la République du Nicaragua et de la République du Hon-
duras sera le point de coordonnées 15°00′52″ de latitude nord et
83°05′58″ de longitude ouest;
me
POUR :M Higgins, président ; M. Al-Khasawneh, vice-président ; MM. Ran-
jeva, Shi, Koroma, Buergenthal, Owada, Simma, Tomka, Abraham, Keith,
Sepúlveda-Amor, Bennouna, Skotnikov, juges; M. Gaja, juge ad hoc;
CONTRE : M. Parra-Aranguren, juge; M. Torres Bernárdez, juge ad hoc;

3) Par quatorze voix contre trois,

Décide que, à partir du point de coordonnées 15°00′52″ de latitude
nord et 83°05′58″ de longitude ouest, la frontière maritime unique suivra
la ligne d’azimut 70°14′41,25″ jusqu’à son intersection, au point A (situé

par 15°05′25″ de latitude nord et 82°52′54″ de longitude ouest), avec
l’arc formé par la mer territoriale de 12 milles marins de Bobel Cay. A par-
tir du point A, elle suivra l’arc formé par la mer territoriale de 12 milles
marins de Bobel Cay en direction du sud, jusqu’à son intersection, au

point B (situé par 14°57′13″ de latitude nord et 82°50′03″ de longitude
ouest), avec l’arc formé par la mer territoriale de 12 milles marins
d’Edinburgh Cay. A partir du point B, la frontière se poursuivra le long
de la ligne médiane formée par les points d’équidistance entre Bobel Cay,
Port Royal Cay et South Cay (Honduras) et Edinburgh Cay (Nicaragua),

en passant par les points C (situé par 14°56′45″ de latitude nord et
82°33′56″ de longitude ouest) et D (situé par 14°56′35″ de latitude nord
et 82°33′20″ de longitude ouest), jusqu’à rejoindre, au point E (situé par
14°53′15″ de latitude nord et 82°29′24″ de longitude ouest), l’intersec-

tion des arcs formés par les mers territoriales de 12 milles marins de
South Cay (Honduras) et d’Edinburgh Cay (Nicaragua). A partir du
point E, la frontière suivra l’arc formé par la mer territoriale de 12 milles

105DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME ARRÊT ) 761

106DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME ARRÊT ) 762

107 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME ARRÊT ) 763

marins de South Cay en direction du nord, jusqu’à rencontrer la ligne
d’azimut au point F (situé par 15°16′08″ de latitude nord et 82°21′56″ de
longitude ouest). A partir du point F, elle se poursuivra le long de la ligne

d’azimut 70°14′41,25″ jusqu’à atteindre la zone dans laquelle elle risque
de mettre en cause les droits d’Etats tiers;
me
POUR :M Higgins, président ; M. Al-Khasawneh, vice-président ; MM. Shi,
Koroma, Buergenthal, Owada, Simma, Tomka, Abraham, Keith, Sepúl-
veda-Amor, Bennouna, Skotnikov, juges; M. Gaja, juge ad hoc;

CONTRE : MM. Ranjeva, Parra-Aranguren, juges; M. Torres Bernárdez, juge
ad hoc;

4) Par seize voix contre une,

Dit que les Parties devront négocier de bonne foi en vue de convenir du
tracé de la ligne de délimitation de la partie de la mer territoriale située
entre le point terminal de la frontière terrestre établi par la sentence arbi-

trale de 1906 et le point de départ de la frontière maritime unique fixé par
la Cour au point de coordonnées 15°00′52″ de latitude nord et 83°05′58″
de longitude ouest.

POUR :M me Higgins, président ; M. Al-Khasawneh, vice-président ; MM. Ran-
jeva, Shi, Koroma, Buergenthal, Owada, Simma, Tomka, Abraham, Keith,
Sepúlveda-Amor, Bennouna, Skotnikov, juges ; MM. Torres Bernárdez,

Gaja, juges ad hoc;
CONTRE : M. Parra-Aranguren, juge.

Fait en anglais et en français, le texte anglais faisant foi, au Palais de la
Paix, à La Haye, le huit octobre deux mille sept, en trois exemplaires,

dont l’un sera déposé aux archives de la Cour et les autres seront transmis
respectivement au Gouvernement de la République du Nicaragua et au
Gouvernement de la République du Honduras.

Le président,

(Signé) Rosalyn H IGGINS.

Le greffier,

(Signé) Philippe C OUVREUR .

M. le juge R ANJEVA joint à l’arrêt l’exposé de son opinion indivi-

duelle; M. le juge K OROMA joint à l’arrêt l’exposé de son opinion
individuelle; M. le juge P ARRA -A RANGUREN joint une déclaration à
l’arrêt; M. le juge ad hoc TORRES BERNÁRDEZ joint à l’arrêt l’exposé de

108 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 764

son opinion dissidente; M. le juge ad hoc G AJA joint une déclaration
à l’arrêt.

(Paraphé) R.H.

(Paraphé) Ph.C.

109

Bilingual Content

INTERNATIONAL COURT OF JUSTICE

REPORTS OF JUDGMENTS,
ADVISORY OPINIONS AND ORDERS

CASE CONCERNING TERRITORIAL

AND MARITIME DISPUTE BETWEEN
NICARAGUA AND HONDURAS
IN THE CARIBBEAN SEA

(NICARAGUA v. HONDURAS)

JUDGMENT OF 8 OCTOBER 2007

2007

COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

RECUEIL DES A|TS,
AVIS CONSULTATIFS ET ORDONNANCES

AFFAIRE DU DIFFE uREND
TERRITORIAL ET MARITIME ENTRE

LE NICARAGUA ET LE HONDURAS
DANS LA MER DES CARAÏBES

(NICARAGUA c. HONDURAS)

AR|T DU 8 OCTOBRE 2007 Official citation:

Territorial and Maritime Dispute between Nicaragua and Honduras
in the Caribbean Sea (Nicaragua v. Honduras),
Judgment, I.C.J. Reports 2007 ,p.659

Mode officiel de citation:
Différend territorial et maritime entre le Nicaragua et le Honduras
dans la mer des Caraïbes (Nicaragua c. Honduras),
arrêt, C.I.J. Recueil 2007 ,p.659

Sales number
ISSN 0074-4441 o
N de vente: 928
ISBN 978-92-1-071035-0 8 OCTOBER 2007

JUDGMENT

TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE BETWEEN NICARAGUA
AND HONDURAS IN THE CARIBBEAN SEA

(NICARAGUA v. HONDURAS)

DIFFEREND TERRITORIAL ET MARITIME ENTRE LE NICARAGUA
ET LE HONDURAS DANS LA MER DES CARAÏBES

(NICARAGUA c. HONDURAS)

8 OCTOBRE 2007

ARRÊT659

TABLE OF CONTENTS

Paragraphs

1. CHRONOLOGY OF THE P ROCEDURE 1-19

2. GEOGRAPHY 20-32

2.1. Configuration of the Nicaraguan and Honduran coasts 20-30
2.2. Geomorphology of the mouth of the River Coco 31-32

3. HISTORICALB ACKGROUND 33-71

4. POSITIONS OF THPARTIES:AG ENERAL O VERVIEW 72-103

4.1. Subject-matter of the dispute 72-73
4.2. Sovereignty over the islands in the area in dispute 74-82
4.3. Maritime delimitation beyond the territorial sea 83-98

4.3.1. Nicaragua’s line: bisector method 83-85

4.3.2. Honduras’s line: “traditional boundary” along the par-
allel 14°59.8′ North latitude (“the 15th parallel”) 86-98

4.4. Starting-point of the maritime boundary 99-101
4.5. Delimitation of the territorial sea 102-103

5. ADMISSIBILITY OF THENEW CLAIM RELATING TO SOVEREIGNTY OVER
THE SLANDS IN THEA REA IND ISPUTE 104-116

6. THE CRITICALD ATE 117-131

7. SOVEREIGNTY OVER THEISLANDS 132-227
7.1. The maritime features in the area in dispute 133-145

7.2. The uti possidetis juris principle and sovereignty over the
islands in dispute 146-167
7.3. Post-colonial effectivités and sovereignty over the disputed
islands 168-208
7.4. Evidentiary value of maps in confirming sovereignty over the
disputed islands 209-219
7.5. Recognition by third States and bilateral treaties; the 1998

Free Trade Agreement 220-226
7.6. Decision as to sovereignty over the islands 227

8. DELIMITATION OFM ARITIMEA REAS 228-320
8.1. Traditional maritime boundary line claimed by Honduras 229-258

8.1.1. The principle of uti possidetis juris 229-236
8.1.2. Tacit agreement 237-258

8.2. Determination of the maritime boundary 259-320

8.2.1. Applicable law 261

4 659

TABLE DES MATIÈRES

Paragraphes

1. Q UALITÉS 1-19
2. LA GÉOGRAPHIE 20-32

2.1. La configuration des côtes nicaraguayennes et honduriennes 20-30
2.2. La géomorphologie de l’embouchure du fleuve Coco 31-32

3. LE CONTEXTE HISTORIQUE 33-71

4. POSITIONS DES PARTIES :APERÇU GLOBAL 72-103
4.1. Objet du différend 72-73

4.2. Souveraineté sur les îles dans la zone en litige 74-82
4.3. Délimitation maritime au-delà de la mer territoriale 83-98
4.3.1. La ligne proposée par le Nicaragua: la méthode de la
bissectrice 83-85
4.3.2. La ligne hondurienne, «frontière traditionnelle» le long
e
du parallèle 14°59,8′ de latitude nord («le 15 paral-
lèle») 86-98
4.4. Le point de départ de la frontière maritime 99-101
4.5. Délimitation de la mer territoriale 102-103

5. R ECEVABILITÉ DE LA NOUVELLE DEMANDE RELATIVE À LA SOUVERAINETÉ
SUR LES ÎLES SITUÉES DANS LA ZONE EN LITIGE 104-116

6. LA DATE CRITIQUE 117-131

7. LA SOUVERAINETÉ SUR LES ÎLES 132-227

7.1. Les formations maritimes de la zone en litige 133-145
7.2. Le principe de l’uti possidetis juris et la souveraineté sur les îles
en litige 146-167
7.3. Les effectivités postcoloniales et la souveraineté sur les îles en
litige 168-208
7.4. Valeur probante des cartes pour confirmer la souveraineté sur
les îles en litige 209-219
7.5. Reconnaissance par des Etats tiers et traités bilatéraux; l’accord

de libre-échange de 1998 220-226
7.6. Décision quant à la souveraineté sur les îles 227

8. LA DÉLIMITATION DES ZONES MARITIMES 228-320
8.1. La frontière maritime traditionnelle revendiquée par le Hon-
duras 229-258

8.1.1. Le principe de l’uti possidetis juris 229-236
8.1.2. Accord tacite 237-258

8.2. Détermination de la frontière maritime 259-320
8.2.1. Le droit applicable 261

4660 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

8.2.2. Areas to be delimited and methodology 262-282

8.2.3. Construction of a bisector line 283-298
8.2.4. Delimitation around the islands 299-305
8.2.5. Starting-point and endpoint of the maritime boundary 306-319

8.2.6. Course of the maritime boundary 320

9. OPERATIVE CLAUSE 321

5 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME ARRÊT ) 660

8.2.2. Zones à délimiter et méthodologie 262-282
8.2.3. Construction d’une ligne bissectrice 283-298
8.2.4. Délimitation autour des îles 299-305
8.2.5. Le point de départ et le point terminal de la frontière
maritime 306-319

8.2.6. Le tracé de la frontière maritime 320
9. D ISPOSITIF 321

5 661

INTERNATIONAL COURT OF JUSTICE

2007 YEAR 2007
8 October
General List
No. 120 8 October 2007

CASE CONCERNING TERRITORIAL AND

MARITIME DISPUTE BETWEEN

NICARAGUA AND HONDURAS IN

THE CARIBBEAN SEA

(NICARAGUA v. HONDURAS)

JUDGMENT

Present: PresidentIGGINS; Vice-PresidentL-KHASAWNEH ; Judges ANJEVA,
SHI,K OROMA ,P ARRA-ARANGUREN ,B UERGENTHAL,O WADA,S IMMA ,
T OMKA,A BRAHAM ,KEITH,SEPÚLVEDA-AMOR ,BENNOUNA ,SKOTNIKOV ;
Judges ad hoc ORRES BERNÁRDEZ,G AJA; Registrar OUVREUR.

In the case concerning territorial and maritime dispute between Nicaragua
and Honduras in the Caribbean Sea,

between

the Republic of Nicaragua,
represented by

H.E. Mr. Carlos José Argüello Gómez, Ambassador of the Republic of
Nicaragua to the Kingdom of the Netherlands,
as Agent, Counsel and Advocate;

H.E. Mr. Samuel Santos, Minister for Foreign Affairs of the Republic of
Nicaragua;
Mr. Ian Brownlie, C.B.E., Q.C., F.B.A., member of the English Bar, Chair-
man of the United Nations International Law Commission, Emeritus

Chichele Professor of Public International Law, University of Oxford,

6 661

COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

ANNÉE 2007 2007
8 octobre
Rôle général
8 octobre 2007 no120

AFFAIRE DU DIFFE uREND

TERRITORIAL ET MARITIME ENTRE

LE NICARAGUA ET LE HONDURAS

DANS LA MER DES CARAÏBES

(NICARAGUA c. HONDURAS)

ARRE |T

me
Présents: M HIGGINS, président.AM L-KHASAWNEH, vice-président ;
MM. R ANJEVA,SHI,K OROMA ,P ARRA-ARANGUREN,B UERGENTHAL,
O WADA,S IMMA,T OMKA,A BRAHAM,K EITH,SEPÚLVEDA-AMOR,B EN-
NOUNA ,SKOTNIKOV, juges; MM. TORRES BERNÁRDEZ,G AJA, juges
ad hoc; M. COUVREUR, greffier.

En l’affaire du différend territorial et maritime entre le Nicaragua et le Hon-
duras dans la mer des Caraïbes,

entre

la République du Nicaragua,
représentée par

S. Exc. M. Carlos José Argüello Gómez, ambassadeur de la République du
Nicaragua auprès du Royaume des Pays-Bas,
comme agent, conseil et avocat;

S. Exc. M. Samuel Santos, ministre des affaires étrangères de la République
du Nicaragua;
M. Ian Brownlie, C.B.E., Q.C., F.B.A., membre du barreau d’Angleterre,
président de la Commission du droit international des Nations Unies, pro-

fesseur émérite de droit international public (chaire Chichele) à l’Univer-

6662 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

member of the Institut de droit international, Distinguished Fellow, All
Souls College, Oxford,
Mr. Alex Oude Elferink, Research Associate, Netherlands Institute for the
Law of the Sea, Utrecht University,
Mr. Alain Pellet, Professor at the University of Paris X-Nanterre, member

and former Chairman of the United Nations International Law Commis-
sion,
Mr. Antonio Remiro Brotóns, Professor of International Law, Universidad
Autónoma, Madrid,
as Counsel and Advocates;

Mr. Robin Cleverly, M.A., D.Phil, C.Geol, F.G.S., Law of the Sea Consult-
ant, Admiralty Consultancy Services,
Mr. Dick Gent, Law of the Sea Consultant, Admiralty Consultancy Services,

as Scientific and Technical Advisers;

Ms Tania Elena Pacheco Blandino, First Secretary, Embassy of the Republic
of Nicaragua in the Kingdom of the Netherlands,
Ms Nadine Susani, Doctor of Public Law, Centre de droit international de
Nanterre (CEDIN), University of Paris X-Nanterre,
as Assistant Advisers;

Ms Gina Hodgson, Ministry of Foreign Affairs of the Republic of Nicara-
gua,
Ms Ana Mogorrón Huerta,
as Assistants,

and

the Republic of Honduras,
represented by
H.E. Mr. Max Velásquez Díaz, Ambassador of the Republic of Honduras to
the French Republic,
H.E. Mr. Roberto Flores Bermúdez, Ambassador of the Republic of Hon-

duras to the United States of America,
as Agents;
H.E. Mr. Julio Rendón Barnica, Ambassador of the Republic of Honduras
to the Kingdom of the Netherlands,

as Co-Agent;
Mr. Pierre-Marie Dupuy, Professor of Public International Law, University
of Paris (Panthéon-Assas), and the European University Institute in Flor-
ence,
Mr. Luis Ignacio Sánchez Rodríguez, Professor of International Law, Uni-
versidad Complutense de Madrid,

Mr. Christopher Greenwood, C.M.G., Q.C., Professor of International Law,
London School of Economics and Political Science,
Mr. Philippe Sands, Q.C., Professor of Law, University College London,

Mr. Jean-Pierre Quéneudec, Professor emeritus of International Law at the
University of Paris I (Panthéon-Sorbonne),
Mr. David A. Colson, LeBoeuf, Lamb, Green & MacRae, L.L.P., Washing-

7 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 662

sité d’Oxford, membre de l’Institut de droit international, Distinguished
Fellow à l’All Souls College d’Oxford,
M. Alex Oude Elferink, Research Associate à l’Institut néerlandais du droit
de la mer de l’Université d’Utrecht,
M. Alain Pellet, professeur à l’Université de Paris X-Nanterre, membre et
ancien président de la Commission du droit international des
Nations Unies,
M. Antonio Remiro Brotóns, professeur de droit international à l’Universi-
dad Autónoma de Madrid,

comme conseils et avocats;
M. Robin Cleverly, M.A., D.Phil, C.Geol, F.G.S., consultant en droit de la
mer, Admiralty Consultancy Services,
M. Dick Gent, consultant en droit de la mer, Admiralty Consultancy Ser-
vices,

comme conseillers scientifiques et techniques;
M me Tania Elena Pacheco Blandino, premier secrétaire de l’ambassade de la
République du Nicaragua au Royaume des Pays-Bas,
me
M Nadine Susani, docteur en droit public, centre de droit international de
Nanterre (CEDIN), Université de Paris X-Nanterre,
comme conseillers adjoints;
M me Gina Hodgson, ministère des affaires étrangères de la République du

mecaragua,
M Ana Mogorrón Huerta,
comme assistantes,

et

la République du Honduras,
représentée par
S. Exc. M. Max Velásquez Díaz, ambassadeur de la République du Hondu-

ras auprès de la République française,
S. Exc. M. Roberto Flores Bermúdez, ambassadeur de la République du
Honduras auprès des Etats-Unis d’Amérique,
comme agents;

S. Exc. M. Julio Rendón Barnica, ambassadeur de la République du Hon-
duras auprès du Royaume des Pays-Bas,
comme coagent;

M. Pierre-Marie Dupuy, professeur de droit international public à l’Univer-
sité de Paris I (Panthéon-Assas) et à l’Institut universitaire européen de
Florence,
M. Luis Ignacio Sánchez Rodríguez, professeur de droit international à
l’Université Complutense de Madrid,
M. Christopher Greenwood, C.M.G., Q.C., professeur de droit internatio-
nal à la London School of Economics and Political Science,
M. Philippe Sands, Q.C., professeur de droit à l’University College de Lon-
dres,
M. Jean-Pierre Quéneudec, professeur émérite de droit international à l’Uni-
versité de Paris I (Panthéon-Sorbonne),

M. David A. Colson, LeBoeuf, Lamb, Greene & MacRae, L.L.P., Washing-

7663 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE JUDGMENT )

ton, D.C., member of the California State Bar and District of Columbia
Bar,

Mr. Carlos Jiménez Piernas, Professor of International Law, Universidad de
Alcalá, Madrid,
Mr. Richard Meese, avocat à la Cour d’appel de Paris,
as Counsel and Advocates;

H.E. Mr. Milton Jiménez Puerto, Minister for Foreign Affairs of the Repub-
lic of Honduras,
H.E. Mr. Eduardo Enrique Reina García, Deputy Minister for Foreign
Affairs of the Republic of Honduras,
H.E. Mr. Carlos López Contreras, Ambassador, National Counsellor, Min-
istry of Foreign Affairs of the Republic of Honduras,
H.E. Mr. Roberto Arita Quiñónez, Ambassador, Director of the Special
Bureau on Sovereignty Affairs, Ministry of Foreign Affairs of the Repub-
lic of Honduras,
H.E. Mr. José Eduardo Martell Mejía, Ambassador of the Republic of Hon-
duras to the Kingdom of Spain,
H.E. Mr. Miguel Tosta Appel, Ambassador, Chairman of the Honduran

Demarcation Commission, Ministry of Foreign Affairs of the Republic of
Honduras,
H.E. Ms Patricia Licona Cubero, Ambassador, Adviser for Central Ameri-
can Integration Affairs, Ministry of Foreign Affairs of the Republic of
Honduras,
as Advisers;

Ms Anjolie Singh, Assistant, University College London, member of the
Indian Bar,
Ms Adriana Fabra, Associate Professor of International Law, Universitat
Autónoma de Barcelona,
Mr. Javier Quel López, Professor of International Law, Universidad del País
Vasco,
Ms Gabriela Membreño, Assistant Adviser to the Minister for Foreign
Affairs of the Republic of Honduras,
Mr. Sergio Acosta, Minister Counsellor, Embassy of the Republic of Hon-

duras in the Kingdom of the Netherlands,
as Assistant Advisers;
Mr. Scott Edmonds, Cartographer, International Mapping,
Mr. Thomas D. Frogh, Cartographer, International Mapping,

as Technical Advisers.

T HE COURT ,

composed as above,
after deliberation,

delivers the following Judgment:
1. On 8 December 1999 the Republic of Nicaragua (hereinafter “Nicara-

gua”) filed in the Registry of the Court an Application dated the same day,
instituting proceedings against the Republic of Honduras (hereinafter “Hondu-
ras”) in respect of a dispute relating to the delimitation of the maritime areas
appertaining to each of those States in the Caribbean Sea.

8 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 663

ton, D.C., membre du barreau de l’Etat de Californie et du barreau du
district de Columbia,
M. Carlos Jiménez Piernas, professeur de droit international à l’Université
d’Alcalá (Madrid),
M. Richard Meese, avocat à la cour d’appel de Paris,

comme conseils et avocats ;
S. Exc. M. Milton Jiménez Puerto, ministre des affaires étrangères de la

République du Honduras,
S. Exc. M. Eduardo Enrique Reina García, vice-ministre des affaires étran-
gères de la République du Honduras,
S. Exc. M. Carlos López Contreras, ambassadeur, conseiller national au
ministère des affaires étrangères de la République du Honduras,
S. Exc. M. Roberto Arita Quiñónez, ambassadeur, directeur du bureau spé-
cial pour les affaires de souveraineté du ministère des affaires étrangères de
la République du Honduras,
S. Exc. M. José Eduardo Martell Mejía, ambassadeur de la République du

Honduras auprès du Royaume d’Espagne,
S. Exc. M. Miguel Tosta Appel, ambassadeur, président de la commission
hondurienne de démarcation du ministère des affaires étrangères de la
République du Honduras,
S. Exc. Mme Patricia Licona Cubero, ambassadeur, conseiller pour les affai-
res d’intégration d’Amérique centrale du ministère des affaires étrangères
de la République du Honduras,

comme conseillers;
M me Anjolie Singh, assistante à l’University College de Londres, membre du
barreau indien,
M me Adriana Fabra, professeur associé de droit international à l’Université

autonome de Barcelone,
M. Javier Quel López, professeur de droit international à l’Université du
Pays basque,
M me Gabriela Membreño, conseiller adjoint du ministère des affaires étran-
gères de la République du Honduras,
M. Sergio Acosta, ministre conseiller à l’ambassade de la République du
Honduras au Royaume des Pays-Bas,

comme conseillers adjoints ;
M. Scott Edmonds, cartographe, International Mapping,
M. Thomas D. Frogh, cartographe, International Mapping,

comme conseillers techniques,

L AC OUR ,

ainsi composée,
après délibéré en chambre du conseil,

rend l’arrêt suivant:

1. Le 8 décembre 1999, la République du Nicaragua (dénommée ci-après le
«Nicaragua») a déposé au Greffe de la Cour une requête introductive d’instance
datée du même jour contre la République du Honduras (dénommée ci-après le
«Honduras») au sujet d’un différend relatif à la délimitation des zones maritimes
relevant respectivement du Nicaragua et du Honduras dans la mer des Caraïbes.

8664 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

In its Application, Nicaragua seeks to found the jurisdiction of the Court on
the provisions of Article XXXI of the American Treaty on Pacific Settlement,
officially designated, according to Article LX thereof, as the “Pact of Bogotá”
(hereinafter referred to as such), as well as on the declarations accepting the
jurisdiction of the Court made by the Parties, as provided for in Article 36,

paragraph 2, of the Statute of the Court.
2. Pursuant to Article 40, paragraph 2, of the Statute, the Registrar imme-
diately communicated a certified copy of the Application to the Government of
Honduras; and pursuant to paragraph 3 of that Article, all States entitled to
appear before the Court were notified of the Application.
3. Pursuant to the instructions of the Court under Article 43 of the Rules of
Court, the Registrar addressed to States parties to the Pact of Bogotá the noti-
fications provided for in Article 63, paragraph 1, of the Statute of the Court. In
accordance with the provisions of Article 69, paragraph 3, of the Rules of
Court, the Registrar moreover addressed to the Organization of American
States (hereinafter “OAS”) the notification provided for in Article 34, para-
graph 3, of the Statute. The Registrar subsequently transmitted to this organi-
zation copies of the pleadings filed in the case and asked its Secretary-General

to inform him whether or not it intended to present observations in writing
within the meaning of Article 69, paragraph 3, of the Rules of Court. The OAS
indicated that it did not intend to submit any such observations.
4. Pursuant to the instructions of the Court under Article 43 of the Rules of
Court, the Registrar addressed to States parties to the United Nations Conven-
tion on the Law of the Sea of 10 December 1982 (hereinafter “UNCLOS”) the
notifications provided for in Article 63, paragraph 1, of the Statute. In addi-
tion, the Registrar addressed to the European Union, which is also party to
that Convention, the notification provided for in Article 43, paragraph 2, of the
Rules of Court, as adopted on 29 September 2005, and asked that organization
whether or not it intended to furnish observations under that provision. In
response, the Registrar was informed that the European Union did not intend
to submit observations in the case.

5. Since the Court included upon the Bench no judge of the nationality of
either of the Parties, each Party proceeded to exercise its right conferred by
Article 31, paragraph 3, of the Statute to choose a judge ad hoc to sit in the
case. Nicaragua chose Mr. Giorgio Gaja and Honduras first chose Mr. Julio
González Campos, who resigned on 17 August 2006, and subsequently Mr. San-
tiago Torres Bernárdez.
6. By an Order dated 21 March 2000, the President of the Court fixed
21 March 2001 and 21 March 2002, respectively, as the time-limits for the filing
of the Memorial of Nicaragua and the Counter-Memorial of Honduras; those
pleadings were duly filed within the time-limits so prescribed.
7. At the time of filing of the Counter-Memorial, Honduras also filed two
sets of additional documents which were not produced as annexes thereto, but
were, according to Honduras, provided only for informational purposes. At a

meeting held by the President of the Court with the Agents of the Parties on
5 June 2002 both Parties agreed on the procedure to be followed with regard to
those additional documents. In particular, it was agreed that within three weeks
following that meeting, Honduras would inform the Registry which of the
additional documents it intended to produce as annexes to the said Counter-
Memorial under Article 50 of the Rules of Court, and that by 13 Septem-
ber 2002 Honduras would file those annexes in the Registry. In accordance

9 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 664

Dans la requête, le Nicaragua affirme que la Cour est compétente pour
connaître du différend en vertu de l’article XXXI du traité américain de règle-
ment pacifique, désigné officiellement, aux termes de son article LX, par le nom
de «pacte de Bogotá» (et ci-après ainsi dénommé), ainsi que des déclarations
des deux Parties acceptant la compétence de la Cour conformément au para-

graphe 2 de l’article 36 de son Statut.
2. Conformément au paragraphe 2 de l’article 40 du Statut, une copie certi-
fiée conforme de la requête a immédiatement été communiquée au Gouver-
nement du Honduras par le greffier; conformément au paragraphe 3 de cet ar-
ticle, tous les Etats admis à ester devant la Cour ont été informés de la requête.
3. Conformément aux instructions données par la Cour en vertu de l’arti-
cle 43 de son Règlement, le greffier a adressé les notifications prévues au para-
graphe 1 de l’article 63 du Statut de la Cour aux Etats parties au pacte de
Bogotá. En application des dispositions du paragraphe 3 de l’article 69 du
Règlement, le greffier a en outre adressé la notification prévue au paragraphe 3
de l’article 34 du Statut à l’Organisation des Etats américains (dénommée ci-
après l’«OEA»). Par la suite, le greffier a transmis des copies des pièces de la
procédure écrite déposées en l’affaire au secrétaire général de l’OEA, lui deman-

dant de lui faire savoir si cette organisation entendait présenter des observa-
tions écrites au sens du paragraphe 3 de l’article 69 du Règlement. L’OEA a
indiqué qu’elle n’avait pas l’intention de présenter de telles observations.
4. Conformément aux instructions données par la Cour en vertu de l’article
43 de son Règlement, le greffier a adressé les notifications prévues au para-
graphe 1 de l’article 63 du Statut aux Etats parties à la convention des
Nations Unies sur le droit de la mer du 10 décembre 1982 (dénommée ci-après
la «CNUDM»). Le greffier a en outre adressé la notification prévue au para-
graphe 2 de l’article 43 du Règlement, tel qu’adopté le 29 septembre 2005, à
l’Union européenne, qui est aussi partie à ladite convention, en demandant à
cette organisation de lui faire savoir si elle entendait présenter des observations
en vertu de la disposition précitée. En réponse, l’Union européenne a fait savoir
au greffier qu’elle n’avait pas l’intention de présenter des observations en
l’espèce.

5. La Cour ne comptant sur le siège aucun juge de la nationalité des Parties,
chacune d’elles s’est prévalue du droit que lui confère le paragraphe 3 de l’arti-
cle 31 du Statut de procéder à la désignation d’un juge ad hoc pour siéger en
l’affaire. Le Nicaragua a désigné M. Giorgio Gaja et le Honduras a désigné
M. Julio González Campos, puis, celui-ci ayant renoncé à exercer ses fonctions
le 17 août 2006, M. Santiago Torres Bernárdez.
6. Par ordonnance en date du 21 mars 2000, le président de la Cour a fixé au
21 mars 2001 et au 21 mars 2002, respectivement, les dates d’expiration des
délais pour le dépôt du mémoire du Nicaragua et du contre-mémoire du Hon-
duras; ces pièces ont été dûment déposées dans les délais ainsi prescrits.
7. Au moment du dépôt du contre-mémoire, le Honduras a également
déposé deux séries de documents additionnels, présentés non en tant qu’annexes
à celui-ci mais, selon le Honduras, uniquement à titre d’information. Au cours

d’une réunion que le président de la Cour a tenue avec leurs agents le 5 juin 2002,
les deux Parties sont convenues de la procédure à suivre concernant ces docu-
ments additionnels. En particulier, il a été entendu que, dans un délai de trois
semaines suivant cette réunion, le Honduras indiquerait au greffier le titre des
documents additionnels qu’il entendait produire en tant qu’annexes à son
contre-mémoire en vertu de l’article 50 du Règlement et que, le 13 septem-
bre 2002 au plus tard, il déposerait au Greffe lesdites annexes. Conformément

9665 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

with the agreed procedure, by a letter of 25 June 2002, the Co-Agent of Hon-
duras provided the Registry with a list indicating which of the additional docu-
ments were to be produced as annexes. Those additional annexes to the Coun-
ter-Memorial of Honduras were duly filed within the time-limit agreed upon.
8. By an Order of 13 June 2002, the Court authorized the submission of a

Reply by Nicaragua and a Rejoinder by Honduras, and fixed 13 January 2003
and 13 August 2003 as the respective time-limits for the filing of those plead-
ings. The Reply of Nicaragua and the Rejoinder of Honduras were filed within
the time-limits so prescribed.
9. By letter of 22 May 2001, the Government of Colombia requested to be
furnished with copies of the pleadings and documents annexed thereto. Having
ascertained the views of the Parties pursuant to Article 53, paragraph 1, of the
Rules of Court, the Court decided to grant that request. The Registrar com-
municated that decision to the Government of Colombia and to the Parties by
letters of 29 June 2001. By letter of 6 May 2003 the Government of Jamaica
requested to be furnished with copies of the pleadings and documents annexed
thereto. Having ascertained the views of the Parties pursuant to Article 53,
paragraph 1, of the Rules of Court, the Court decided to grant that request.

The Registrar communicated that decision to the Government of Jamaica and
to the Parties by letters of 30 May 2003.
By letter of 31 August 2004, the Government of El Salvador requested to be
furnished with copies of the pleadings and annexed documents in the case.
Having ascertained the views of the Parties pursuant to Article 53, paragraph 1,
of the Rules of Court, the Court decided that it was not appropriate to grant
that request. The Registrar communicated that decision to the Government of
El Salvador and to the Parties by letters dated 20 October 2004.
10. By a joint letter of 9 February 2005, the Agent of Nicaragua and the
Co-Agent of Honduras communicated to the Court a document signed at
Tegucigalpa on 1 February 2005, whereby the Minister for Foreign Affairs of
Nicaragua and the Secretary of State for Foreign Affairs of Honduras made
known to the Court the wishes of their respective Heads of State regarding the
scheduling of the hearings in the case.

11. By letter of 8 September 2006, the Government of El Salvador requested
once again to be furnished with copies of the pleadings and annexed documents
in the case. Having ascertained the views of the Parties pursuant to Article 53,
paragraph 1, of the Rules of Court, the Court decided that it was not appro-
priate to grant that request. The Registrar communicated that decision to the
Government of El Salvador and to the Parties by letters dated 16 Novem-
ber 2006.
12. On 2 February 2007, the Agent of Nicaragua informed the Court that
his Government wished to produce 12 new documents, namely 11 letters and
one satellite image, in accordance with Article 56 of the Rules of Court. The
Court, having ascertained the views of the Honduran Government, decided
that as one of the documents formed part of the case file as an annex to the
Reply of Nicaragua, it should not be regarded as a new document, and that the

satellite image was “part of a publication readily available” pursuant to para-
graph 4 of Article 56 of the Rules of Court, and as such could be referred to
during the oral proceedings. The Court further decided not to authorize the
production of the remaining documents. The Registrar informed the Parties
accordingly by letters of 26 February 2007.
13. On 15 February 2007, the Co-Agent of Honduras informed the Court
that during the oral proceedings the Honduran Government intended to present

10 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 665

à la procédure ainsi convenue, le coagent du Honduras a remis au Greffe, par
lettre du 25 juin 2002, une liste des documents additionnels qui seraient présen-

tés en tant qu’annexes. Ces annexes additionnelles au contre-mémoire du Hon-
duras ont été dûment déposées dans le délai convenu.
8. Par ordonnance en date du 13 juin 2002, la Cour a autorisé la présenta-
tion d’une réplique par le Nicaragua et d’une duplique par le Honduras, et fixé
au 13 janvier 2003 et au 13 août 2003 les dates d’expiration des délais pour le
dépôt de ces pièces. La réplique du Nicaragua et la duplique du Honduras ont
été déposées dans les délais ainsi prescrits.
9. Par lettre du 22 mai 2001, le Gouvernement de la Colombie a demandé à
recevoir communication des pièces de procédure et documents annexés. Après
s’être renseignée auprès des Parties conformément au paragraphe 1 de l’ar-
ticle 53 de son Règlement, la Cour a décidé de faire droit à cette demande. Le
greffier a communiqué cette décision au Gouvernement de la Colombie et aux

Parties par lettres datées du 29 juin 2001. Par lettre du 6 mai 2003, le Gouver-
nement de la Jamaïque a demandé à recevoir communication des pièces de pro-
cédure et documents annexés. Après s’être renseignée auprès des Parties confor-
mément au paragraphe 1 de l’article 53 de son Règlement, la Cour a décidé de
faire droit à cette demande. Le greffier a communiqué cette décision au Gou-
vernement de la Jamaïque et aux Parties par lettres datées du 30 mai 2003.
Par lettre du 31 août 2004, le Gouvernement d’El Salvador a demandé à re-
cevoir communication des pièces de procédure et documents annexés en l’affaire.
Après s’être renseignée auprès des Parties conformément au paragraphe 1
de l’article 53 de son Règlement, la Cour a décidé qu’il n’y avait pas lieu de
faire droit à cette demande. Le greffier a fait part de cette décision au Gou-

vernement d’El Salvador et aux Parties par lettres datées du 20 octobre 2004.
10. Par lettre conjointe du 9 février 2005, l’agent du Nicaragua et le coagent
derHonduras ont communiqué à la Cour un document signé à Tegucigalpa le
1 février 2005, par lequel le ministre des affaires étrangères du Nicaragua et le
secrétaire d’Etat aux affaires étrangères du Honduras portaient à la connais-
sance de la Cour les souhaits de leurs chefs d’Etat respectifs concernant le
calendrier des audiences en l’affaire.
11. Par lettre du 8 septembre 2006, le Gouvernement d’El Salvador a
demandé une nouvelle fois à recevoir communication des pièces de procédure et
documents annexés en l’affaire. Après s’être renseignée auprès des Parties
conformément au paragraphe 1 de l’article 53 de son Règlement, la Cour a
décidé qu’il n’y avait pas lieu de faire droit à cette demande. Le greffier a fait

part de cette décision au Gouvernement d’El Salvador et aux Parties par lettres
datées du 16 novembre 2006.
12. Le 2 février 2007, l’agent du Nicaragua a informé la Cour du souhait de
son gouvernement de produire douze nouveaux documents, à savoir onze let-
tres et une image satellite, conformément à l’article 56 du Règlement. La Cour,
après s’être renseignée auprès du Gouvernement du Honduras, a décidé que,
l’un des documents ayant été versé au dossier en tant qu’annexe à la réplique du
Nicaragua, il ne devait pas être considéré comme un document nouveau, et que
l’image satellite faisait «partie d’une publication facilement accessible» au sens
du paragraphe 4 de l’article 56 de son Règlement et pourrait, comme telle, être
mentionnée au cours de la procédure orale. La Cour a également décidé de ne

pas autoriser la production des autres documents. Le greffier a informé les
Parties de ces décisions par lettres datées du 26 février 2007.
13. Le 15 février 2007, le coagent du Honduras a fait savoir à la Cour que
le Gouvernement du Honduras avait l’intention de présenter un bref enre-

10666 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

a short video. On 5 March 2007, the Registrar informed the Parties that the
Court had decided not to accede to Honduras’s request.

14. In accordance with Article 53, paragraph 2, of the Rules of Court, the
Court decided, after ascertaining the views of the Parties, that copies of the

pleadings and documents annexed would be made available to the public as
from the opening of the oral proceedings.
15. Public hearings were held between 5 March and 23 March 2007, at which
the Court heard the oral arguments and replies of:
For Nicaragua: H.E. Mr. Carlos José Argüello Gómez,
Mr. Alex Oude Elferink,
Mr. Ian Brownlie,
Mr. Antonio Remiro Brotóns,

Mr. Alain Pellet.
For Honduras: H.E. Mr. Max Velásquez Díaz,
Mr. Christopher Greenwood,
Mr. Luis Ignacio Sánchez Rodríguez,
Mr. Philippe Sands,
Mr. Carlos Jiménez Piernas,
Mr. Jean-Pierre Quéneudec,
Mr. Pierre-Marie Dupuy,
Mr. David A. Colson,

H.E. Mr. Roberto Flores Bermúdez.
16. At the hearings, questions were put by Members of the Court and replies
given orally and in writing, in accordance with Article 61, paragraph 4, of the
Rules of Court. Honduras commented orally on the oral replies given by Nica-
ragua. Pursuant to Article 72 of the Rules of Court, each Party presented writ-
ten observations on the written replies received from the other.

*
17. In its Application, the following requests were made by Nicaragua:

“Accordingly, the Court is asked to determine the course of the single
maritime boundary between the areas of territorial sea, continental shelf
and exclusive economic zone appertaining respectively to Nicaragua and
Honduras, in accordance with equitable principles and relevant circum-
stances recognized by general international law as applicable to such a
delimitation of a single maritime boundary.
This request for the determination of a single maritime boundary is sub-
ject to the power of the Court to establish different delimitations, for shelf
rights and fisheries respectively, if, in the light of the evidence, this course
should be necessary in order to achieve an equitable solution.

Whilst the principal purpose of this Application is to obtain a declara-
tion concerning the determination of the maritime boundary or bounda-
ries, the Government of Nicaragua reserves the right to claim compensa-
tion for interference with fishing vessels of Nicaraguan nationality or
vessels licensed by Nicaragua, found to the north of the parallel of latitude

11 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME ARRÊT ) 666

gistrement vidéo lors de la procédure orale. Le 5 mars 2007, le greffier a indi-
qué aux Parties que la Cour avait décidé de ne pas faire droit à la demande du
Honduras.
14. Conformément au paragraphe 2 de l’article 53 de son Règlement, la
Cour, après s’être renseignée auprès des Parties, a décidé que des exemplaires

des pièces de procédure et documents annexés seraient rendus accessibles au
public à l’ouverture de la procédure orale.
15. Des audiences publiques ont été tenues entre le 5 et le 23 mars 2007, au
cours desquelles ont été entendus en leurs plaidoiries et réponses:
Pour le Nicaragua: S. Exc. M. Carlos José Argüello Gómez,
M. Alex Oude Elferink,
M. Ian Brownlie,
M. Antonio Remiro Brotóns,

M. Alain Pellet.
Pour le Honduras: S. Exc. M. Max Velásquez Díaz,
M. Christopher Greenwood,
M. Luis Ignacio Sánchez Rodríguez,
M. Philippe Sands,
M. Carlos Jiménez Piernas,
M. Jean-Pierre Quéneudec,
M. Pierre-Marie Dupuy,
M. David A. Colson,

S. Exc. M. Roberto Flores Bermúdez.
16. A l’audience, des questions ont été posées par les membres de la Cour,
auxquelles il a été répondu oralement et par écrit conformément au paragra-
phe 4 de l’article 61 du Règlement. Le Honduras a commenté oralement les
réponses orales du Nicaragua. En vertu de l’article 72 du Règlement, chacune
des Parties a présenté des observations écrites sur les réponses écrites qui
avaient été fournies par l’autre Partie.

*
17. Dans la requête, les demandes ci-après ont été formulées par le Nicara-
gua:

«En conséquence, la Cour est priée de déterminer le tracé de la frontière
maritime unique entre les mers territoriales, les portions de plateau conti-
nental et les zones économiques exclusives relevant respectivement du
Nicaragua et du Honduras, conformément aux principes équitables et aux
circonstances pertinentes que le droit international général reconnaît
comme s’appliquant à une délimitation de cet ordre.
La présente demande de détermination d’une frontière maritime unique
est subordonnée au pouvoir qu’a la Cour de fixer des délimitations dis-
tinctes pour les droits afférents au plateau continental, d’une part, et,
d’autre part, pour les pêcheries, dans le cas où, à la lumière des éléments

de preuve, il apparaîtrait nécessaire de procéder de la sorte pour parvenir
à une solution équitable.
Bien que la présente requête ait pour principal objet d’obtenir une décla-
ration sur la détermination de la frontière maritime ou des frontières mari-
times, le Gouvernement du Nicaragua se réserve le droit de demander
réparation pour toute mesure qui a pu entraver l’activité des bateaux de
pêche battant pavillon nicaraguayen ou des navires immatriculés au Nica-

11667 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

14°59′08″ claimed by Honduras to be the course of the delimitation line.
Nicaragua also reserves the right to claim compensation for any natural
resources that may have been extracted or may be extracted in the future
to the south of the line of delimitation that will be fixed by the Judgment
of the Court.

The Government of Nicaragua, further, reserves the right to supplement
or to amend the present Application as well as to request the Court to
indicate provisional measures which might become necessary in order to
preserve the rights of Nicaragua.”
18. In the written proceedings, the following submissions were presented by
the Parties:

On behalf of the Government of Nicaragua,

in the Memorial:
“Having regard to the considerations set forth in this Memorial and, in
particular, the evidence relating to the relations of the Parties.

May it please the Court to adjudge and declare that:
The bisector of the lines representing the coastal fronts of the two
parties, as applied and described in paragraphs 22 and 29, Chapter VIII
above, and illustrated on the graphic, constitutes the boundary for the
purposes of the delimitation of the disputed areas of the continental shelf
and exclusive economic zone in the region of the Nicaraguan Rise.
The approximate median line, as described in paragraphs 27 and 29,
Chapter X above, and illustrated on the graphic, constitutes the boundary
for the purpose of the delimitation of the disputed areas of the territorial

sea, extending to the outer limit of the territorial sea, but in the absence of
a sector coterminous with the mouth of the River Coco and with the ter-
minus of the land boundary”;
in the Reply:

“In accordance with Article 49, paragraph 4, of the Rules of Court, the
Government of the Republic of Nicaragua confirms the Submissions pre-
viously made in the Memorial submitted to the Court on 21 March 2001.”

On behalf of the Government of Honduras,
in the Counter-Memorial:

“Having regard to the considerations set forth in this Counter-Memorial
and, in particular, the evidence put to the Court by the Parties,

May it please the Court to adjudge and declare that:
1. The boundary for the purpose of the delimitation of the disputed

areas of the territorial sea, and extending to the outer limit of the territo-
rial sea, is a straight and horizontal line drawn from the current mouth of
the River Coco, as agreed between the Parties, to the 12-mile limit at a
point where it intersects with the 15th parallel (14°59.8′); and
2. The boundary for the purpose of the delimitation of the disputed
areas of the continental shelf and Exclusive Economic Zone in the region
is a line extending from the above-mentioned point at the 12-mile limit,

12 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 667

ragua alors qu’ils se trouvaient au nord du parallèle de latitude 14°59′08″,
dont le Honduras soutient qu’il constitue la ligne de délimitation. Le Nica-

ragua se réserve aussi le droit de demander réparation pour toute extrac-
tion de ressources naturelles qui aurait eu lieu ou pourrait avoir lieu à
l’avenir dans une zone située au sud de la ligne de délimitation que la Cour
fixera par son arrêt.
Le Gouvernement du Nicaragua se réserve également le droit de com-
pléter ou de modifier la présente requête, ainsi que de demander à la Cour
d’indiquer les mesures conservatoires qui pourraient se révéler nécessaires
pour préserver les droits du Nicaragua.»

18. Au cours de la procédure écrite, les conclusions ci-après ont été présen-
tées par les Parties:
Au nom du Gouvernement du Nicaragua,

dans le mémoire:
«Compte tenu des éléments exposés dans le présent mémoire et, en par-

ticulier, des éléments de preuve concernant les relations entre les Parties,
Plaise à la Cour de dire et juger que:
La bissectrice des lignes représentant les façades côtières des deux Parties,
telle qu’appliquée et décrite aux paragraphes 22 et 29 du chapitre VIII, et

illustrée sur la figure correspondante, constitue la ligne à retenir aux fins de
la délimitation des secteurs contestés du plateau continental et des zones
économiques exclusives dans la région du seuil nicaraguayen.
La ligne médiane approximative, telle que décrite aux paragraphes 27
et 29 du chapitre X, et illustrée sur la figure correspondante, constitue la
limite à retenir aux fins de la délimitation des espaces contestés de la mer
territoriale jusqu’à la limite extérieure de celle-ci, en l’absence d’un secteur
contigu à l’embouchure du fleuve Coco et au point terminal de la frontière
terrestre»;

dans la réplique:
«Conformément au paragraphe 4 de l’article 49 du Règlement de la
Cour, le Gouvernement de la République du Nicaragua confirme les
conclusions précédemment formulées dans son mémoire soumis à la Cour

le 21 mars 2001.»
Au nom du Gouvernement du Honduras,

dans le contre-mémoire:
«Compte tenu des considérations exposées dans le présent contre-
mémoire et, en particulier, des éléments de preuve soumis à la Cour par les
Parties,

Plaise à la Cour de dire et juger que:
1. La frontière, aux fins de la délimitation des zones contestées de la
mer territoriale, jusqu’à sa limite extérieure, est une ligne droite horizon-
tale qui part de l’embouchure actuelle du fleuve Coco, telle que convenue
entre les Parties, et se termine à la limite des 12 milles, au point de jonction
e
de cette limite avec le 15 parallèle (14°59,8′); et que,
2. La frontière, aux fins de la délimitation des zones contestées du pla-
teau continental et de la zone économique exclusive dans la région, est
une ligne qui part du point précité de la limite des 12 milles, en direc-

12668 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

eastwards along the 15th parallel (14°59.8′) until it reaches the longitude
at which the 1986 Honduras/Colombian maritime boundary begins (merid-
ian 82); and further or in the alternative;

3. In the event that the Court decides not to adopt the line indicated

above for the delimitation of the continental shelf and Exclusive Economic
Zone, then the Court should declare a line extending from the 12-mile
limit, eastwards down to the 15th parallel (14°59.8′) and give due effect to
the islands under Honduran sovereignty which are located immediately to
the north of the 15th parallel”;

in the Rejoinder:
“Having regard to the considerations set forth in the Honduran Coun-
ter-Memorial and this Rejoinder,

May it please the Court to adjudge and declare that:
1. From the point decided by the Honduras/Nicaragua Mixed Commis-
sion in 1962 at 14°59.8′ N latitude, 83°08.9′W longitude to 14°59.8′ N
latitude, 83°05.8′W longitude, the demarcation of the fluvial boundary

line and the delimitation of the maritime boundary line which divide the
jurisdictions of Honduras and Nicaragua shall be the subject of negotia-
tion between the Parties to this case which shall take into account the
changing geographical characteristics of the mouth of the River Coco; and

2. East of 14°59.8′ N latitude, 83°05.8′W longitude, the single maritime
boundary which divides the maritime jurisdictions of Honduras and Nica-
ragua follows 14°59.8′ N latitude until the jurisdiction of a third State is
reached.”

19. At the oral proceedings, the following submissions were presented by the
Parties:

On behalf of the Government of Nicaragua,
At the hearing of 20 March 2007:

“Having regard to the considerations set forth in the Memorial, Reply
and hearings and, in particular, the evidence relating to the relations of the
Parties.

May it please the Court to adjudge and declare that:
The bisector of the lines representing the coastal fronts of the two
Parties as described in the pleadings, drawn from a fixed point approxi-
mately 3 miles from the river mouth in the position 15°02′00″ N and
83°05′26″ W, constitutes the single maritime boundary for the purposes of
the delimitation of the disputed areas of the territorial sea, exclusive eco-
nomic zone and continental shelf in the region of the Nicaraguan Rise.

The starting-point of the delimitation is the thalweg of the main mouth
of the River Coco such as it may be at any given moment as determined by
the Award of the King of Spain of 1906.
Without prejudice to the foregoing, the Court is requested to decide the
question of sovereignty over the islands and cays within the area in dis-
pute.”

13 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 668

e
tion de l’est, et qui lonee le 15 parallèle (14°59,8′) jusqu’à la longitude
du point de départ (82 méridien) de la frontière maritime établie par
le traité de 1986 entre le Honduras et la Colombie; et qu’en outre ou
subsidiairement,
3. Si la Cour décide de ne pas adopter la ligne indiquée ci-dessus aux
fins de la délimitation du plateau continental et de la zone économique
exclusive, est alors établie une ligne partant de la limite des 12 milles, en
e
direction de l’est, jusqu’au 15 parallèle (14°59,8′) et est dûment donné
effet eux îles relevant de la souveraineté du Honduras situées juste au nord
du 15 parallèle»;

dans la duplique:
«Au vu des considérations exposées dans le contre-mémoire du Hondu-
ras et dans la présente duplique,

Plaise à la Cour de dire et juger que:
1. Du point fixé par la commission mixte Honduras-Nicaragua en 1962

à 14°59,8′ de latitude nord et 83°08,9′ de longitude ouest jusqu’au point
situé par 14°59,8′ de latitude nord et 83°05,8′ de longitude ouest, la
démarcation de la frontière fluviale et la délimitation de la frontière mari-
time séparant les juridictions du Honduras et du Nicaragua feront l’objet
de négociations entre les Parties à la présente espèce, qui prendront en
considération les caractéristiques géographiques changeantes de l’embou-
chure du fleuve Coco; et que,
2. A l’est du point situé par 14°59,8′ de latitude nord et 83°05,8′ de lon-
gitude ouest, la frontière maritime unique séparant les juridictions mari-

times du Honduras et du Nicaragua suit le parallèle 14°59,8′ de latitude
nord jusqu’à atteindre la juridiction d’un Etat tiers.»
19. Au cours de la procédure orale, les conclusions ci-après ont été présen-
tées par les Parties:

Au nom du Gouvernement du Nicaragua,

A l’audience du 20 mars 2007:

«Au vu des considérations exposées dans le mémoire, la réplique et les
plaidoiries, et plus particulièrement des éléments de preuve relatifs aux
relations entre les Parties,

Plaise à la Cour de dire et juger que:
La bissectrice des lignes représentant les façades côtières des deux Parties,
telle que présentée dans les écritures et à l’audience, et tracée à partir d’un
point fixe situé à 3 milles environ de l’embouchure du fleuve par
15°02′00″ de latitude nord et 83°05′26″ de longitude ouest, constitue la
frontière maritime unique aux fins de la délimitation des zones en litige de

la mer territoriale, de la zone économique exclusive et du plateau conti-
nental dans la région du seuil nicaraguayen.
Ainsi que l’a établi la sentence du roi d’Espagne de 1906, le point de
départ de la délimitation est le thalweg de l’embouchure principale du
fleuve Coco, où qu’elle se situe au moment considéré.
Sans préjudice de ce qui précède, il est demandé à la Cour de trancher la
question de la souveraineté sur les îles et cayes situées dans la zone en
litige.»

13669 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

On behalf of the Government of Honduras ,

At the hearing of 23 March 2007:
“Having regard to the pleadings, written and oral, and to the evidence
submitted by the Parties,

May it please the Court to adjudge and declare that:
1. The islands Bobel Cay, South Cay, Savanna Cay and Port Royal Cay,
together with all other islands, cays, rocks, banks and reefs claimed by
Nicaragua which lie north of the 15th parallel are under the sovereignty
of the Republic of Honduras.

2. The starting-point of the maritime boundary to be delimited by the
Court shall be a point located at 14°59.8′ N latitude, 83°05.8′W lon-
gitude. The boundary from the point determined by the Mixed Com-
mission in 1962 at 14°59.8′ N latitude, 83°08.9′ W longitude to the
starting-point of the maritime boundary to be delimited by the Court
shall be agreed between the Parties to this case on the basis of the
Award of the King of Spain of 23 December 1906, which is binding
upon the Parties, and taking into account the changing geographical
characteristics of the mouth of the River Coco (also known as the
River Segovia or Wanks).
3. East of the point at 14°59.8′ N latitude, 83°05.8′ W longitude, the sin-

gle maritime boundary which divides the respective territorial seas,
exclusive economic zones and continental shelves of Honduras and
Nicaragua follows 14°59.8′ N latitude, as the existing maritime bound-
ary, or an adjusted equidistance line, until the jurisdiction of a third
State is reached.”

*
* *

2. G EOGRAPHY

2.1. Configuration of the Nicaraguan and Honduran Coasts

20. The area within which the delimitation sought in the present case
is to be carried out lies in the basin of the Atlantic Ocean between 9° to
22° N and 89° to 60° W, commonly known as the Caribbean Sea (for the
general geography of the area, see below, p. 670, sketch-map No. 1). The

Caribbean Sea embraces an area of approximately 2,754,000 square kilo-
metres (1,063,000 square miles) and is located between the landmasses of
North and South America. The Caribbean Sea is an arm of the Atlantic
Ocean partially enclosed to the north and east by the islands of the West
Indies, and bounded to the south and west by South and Central America.

21. The continental coasts of Venezuela, Colombia, and Panama
bound the Caribbean Sea to the south and Costa Rica, Nicaragua, Hon-
duras, Guatemala, Belize, and the Yucatán Peninsula of Mexico bound it
to the west. To the north and east it is bounded by the Greater Antilles

islands of Cuba, Hispaniola, Jamaica, and Puerto Rico and by the Lesser
Antilles, consisting of the island arc that extends from the Virgin Islands

14 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 669

Au nom du Gouvernement du Honduras,
A l’audience du 23 mars 2007:

«Au vu des pièces de procédure et des plaidoiries, ainsi que des éléments
de preuve soumis par les Parties,
Plaise à la Cour de dire et juger que:

1. Les îles de Bobel Cay, South Cay, Savanna Cay et Port Royal Cay,
ainsi que l’ensemble des autres îles, cayes, eochers, bancs et récifs reven-
diqués par le Nicaragua et situés au nord du 15 parallèle, relèvent de la
souveraineté de la République du Honduras.
2. Le point de départ de la frontière maritime à délimiter par la Cour est
le point situé par 14°59,8′ de latitude nord et 83°05,8′ de longitude
ouest. La frontière allant du point fixé par la commission mixte en 1962
à 14°59,8′ de latitude nord et 83°08,9 de longitude ouest jusqu’au point
de départ de la frontière maritime à délimiter par la Cour fera l’objet
d’un accord entre les Parties à la présente espèce sur la base de la sen-
tence rendue par le roi d’Espagne le 23 décembre 1906, qui a force obli-

gatoire pour les Parties, et prendra en compte les caractéristiques géo-
graphiques changeantes de l’embouchure du fleuve Coco (également
dénommé Segovia ou Wanks).
3. A l’est du point situé par 14°59,8′ de latitude nord et 83°05,8′ de lon-
gitude ouest, la frontière maritime unique séparant les mers territo-
riales, zones économiques exclusives et plateaux continentaux respectifs
du Honduras et du Nicaragua suit le parallèle 14°59,8′ de latitude
nord, c’est-à-dire la frontière maritime actuelle, ou suit une ligne d’équi-
distance ajustée, jusqu’à atteindre la juridiction d’un Etat tiers.»

* * *

2. L A GÉOGRAPHIE

2.1. La configuration des côtes nicaraguayennes et honduriennes

20. La zone dans laquelle doit s’effectuer la délimitation demandée

dans la présente affaire se trouve dans le bassin de l’océan Atlantique,
communément appelé mer des Caraïbes, situé entre 9° et 22° de latitude
nord et 89° et 60° de longitude ouest (pour la géographie générale de la
zone, voir ci-après, p. 670, le croquis n 1). La mer des Caraïbes s’étend
sur une superficie d’environ 2 754 000 kilomètres carrés (1 063 000 milles

carrés), entre les masses terrestres de l’Amérique du Nord et de l’Amé-
rique du Sud. Elle constitue un bras de l’océan Atlantique partiellement
entouré, au nord et à l’est, par les îles des Antilles et limité, au sud et à
l’ouest, par l’Amérique du Sud et par l’Amérique centrale.

21. La mer des Caraïbes est bordée par les côtes continentales du
Venezuela, de la Colombie et du Panama au sud, et par celles du
Costa Rica, du Nicaragua, du Honduras, du Guatemala, du Belize et de
la péninsule mexicaine du Yucatán à l’ouest. Au nord et à l’est, elle est
bordée par les îles des Grandes Antilles — Cuba, Hispaniola, la Jamaïque

et Porto Rico — et par les Petites Antilles, qui consistent en un arc d’îles

14670 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

15DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME ARRÊT ) 670

15671 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

in the north-east to the islands of Trinidad and Tobago, off the Venezue-
lan coast, in the south-east.

22. The Caribbean Sea is divided into four main submarine basins that
are separated from one another by submerged ridges and rises. These are
the Yucatán, Cayman, Colombian and Venezuelan basins. The northern-
most Yucatán Basin is separated from the Gulf of Mexico by the Yucatán
Channel, which runs between the island of Cuba and the Yucatán Penin-

sula of Mexico. The Cayman Basin, which is located further south, is
partially separated from the Yucatán Basin by the Cayman Ridge that
extends from the southern part of Cuba toward the Central American
State of Guatemala and, midway, rises to the surface to form the Cay-
man Islands.

23. Nicaragua and Honduras are located in the south-western part of
the Caribbean Sea. To the south of Nicaragua lie Costa Rica and
Panama and to the east Nicaragua faces the mainland coast of Colombia.
To the north-west of Honduras lie Guatemala, Belize and Mexico and to
the north Honduras faces Cuba and the Cayman Islands. Finally, Jamaica
is situated to the north-east of Nicaragua and Honduras. The south-west-

ern tip of the island of Jamaica is about 340 nautical miles distant from
the mouth of the River Coco where the land boundary between Nicara-
gua and Honduras terminates on the Caribbean coast.
24. The Nicaraguan coastal front on the Caribbean Sea spans around
480 kilometres. The coast runs slightly west of south after Cape Gracias

a Dios all the way to the Nicaraguan border with Costa Rica except for
the eastward protrusion at Punta Gorda (14°19′ N latitude).

25. Honduras, for its part, has a Caribbean coastal front of approxi-
mately 640 kilometres that runs generally in an east-west direction

between the parallels 15° to 16° of north latitude. The Honduran segment
of the Central American coast along the Caribbean continues its north-
ward extension beyond Cape Gracias a Dios to Cape Falso (15°14′ N
latitude) where it begins to swing towards the west. At Cape Camarón
(15°59′ N latitude) the coast turns more sharply so that it runs almost

due west all the way to the Honduran border with Guatemala.

26. The two coastlines roughly form a right angle that juts out to sea.
The convexity of the coast is compounded by the cape formed at the
mouth of the River Coco, which generally runs east as it nears the coast
and meets the sea at the eastern tip of Cape Gracias a Dios. Cape Gra-

cias a Dios marks the point of convergence of both States’ coastlines. It
abuts a concave coastline on its sides and has two points, one on each
side of the margin of the River Coco separated by a few hundred metres.

27. The continental margin off the east coast of Nicaragua and Hon-

duras is generally termed the “Nicaraguan Rise”. It takes the form of a
relatively flat triangular shaped platform, with depths around 20 metres.
Approximately midway between the coast of those countries and the

16 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 671

s’étendant des îles Vierges au nord-est aux îles de Trinité-et-Tobago,
au large de la côte du Venezuela, au sud-est.

22. La mer des Caraïbes se divise en quatre bassins sous-marins prin-
cipaux — les bassins du Yucatán, des Caïmanes, de la Colombie et du
Venezuela — séparés les uns des autres par des dorsales et des massifs
sous-marins. Le plus septentrional, celui du Yucatán, est séparé du golfe
du Mexique par le détroit du Yucatán, entre l’île de Cuba et la péninsule

mexicaine du Yucatán. Le bassin des Caïmanes, qui se trouve plus au
sud, est partiellement séparé de celui du Yucatán par la dorsale des Caï-
manes, qui court de la partie méridionale de Cuba en direction du Gua-
temala, en Amérique centrale, et, à mi-chemin, s’élève à la surface pour
former les îles Caïmanes.

23. Le Nicaragua et le Honduras sont situés dans la partie sud-ouest
de la mer des Caraïbes. Au sud du Nicaragua se trouvent le Costa Rica et
le Panama et, à l’est, le Nicaragua fait face à la côte continentale de la
Colombie. Au nord-ouest du Honduras se trouvent le Guatemala, le
Belize et le Mexique et, au nord, le Honduras fait face à Cuba et aux îles
Caïmanes. Enfin, au nord-est du Nicaragua et du Honduras se trouve

l’île de la Jamaïque, dont la pointe sud-ouest est située à quelque 340 mil-
les marins de l’embouchure du fleuve Coco, point d’aboutissement sur la
côte caraïbe de la frontière terrestre entre le Nicaragua et le Honduras.
24. La façade côtière du Nicaragua sur la mer des Caraïbes s’étend sur
environ 480 kilomètres. La côte se dirige légèrement vers le sud-quart-

sud-ouest après le cap Gracias a Dios, conservant cette direction jusqu’à
la frontière entre le Nicaragua et le Costa Rica, à l’exception d’une saillie
vers l’est à Punta Gorda (14°19′ de latitude nord).
25. Le Honduras, pour sa part, présente, sur la mer des Caraïbes, une
façade côtière d’environ 640 kilomètres orientée généralement d’est en

ouest, entre 15° et 16° de latitude nord. Sur son segment hondurien,
la côte centraméricaine bordant la mer des Caraïbes s’oriente d’abord
vers le nord, du cap Gracias a Dios jusqu’à Cabo Falso (15°14′ de
latitude nord), pour s’infléchir ensuite vers l’ouest. Au cap Camarón
(15°59′ de latitude nord), la côte change plus brutalement de direction

et s’oriente quasiment plein ouest jusqu’à la frontière entre le Honduras
et le Guatemala.
26. Les deux littoraux forment approximativement un angle droit qui
fait saillie en mer. La convexité de la côte est accentuée par le cap Gracias
a Dios, situé à l’embouchure du fleuve Coco, dont le cours se dirige de
manière générale vers l’est à l’approche de la côte et qui se jette dans la

mer à la pointe orientale du cap. Le cap Gracias a Dios constitue le point
de convergence des façades côtières des deux Etats. Il dessine une conca-
vité de part et d’autre et présente deux pointes séparées de quelques cen-
taines de mètres, une sur chaque rive du fleuve Coco.
27. La marge continentale prolongeant la côte orientale du Nicaragua

et du Honduras est généralement appelée «seuil nicaraguayen». Il s’agit
d’une plate-forme triangulaire relativement plane, située à une vingtaine
de mètres de profondeur. A peu près à mi-chemin entre les côtes du

16672 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

coast of Jamaica, the Nicaraguan Rise terminates by deepening abruptly
to depths of over 1,500 metres. Before descending to these greater depths

the Rise is broken into several large banks, such as Thunder Knoll Bank
and Rosalind Bank (also known as Rosalinda Bank) that are separated
from the main platform by deeper channels of over 200 metres. In the
shallow area of the ridge close to the mainland of Nicaragua and
Honduras there are numerous reefs, some of which reach above the water

surface in the form of cays.

28. Cays are small, low islands composed largely of sand derived from
the physical breakdown of coral reefs by wave action and subsequent
reworking by wind. Larger cays can accumulate enough sediment to

allow for colonization and fixation by vegetation. The tropical shallow-
water conditions of the western Caribbean are conducive for coral reef
growth. Cays, and especially the smaller ones, are extremely vulnerable
to tropical storms and hurricanes which occur frequently in the Carib-
bean.
29. The insular features present on the continental shelf in front of

Cape Gracias a Dios, to the north of the 15th parallel, include Bobel Cay,
Savanna Cay, Port Royal Cay and South Cay, located between 30 and
40 nautical miles east of the mouth of the River Coco.
In this Judgment, the names of the maritime features which appear in
both the English and the French text and sketch-maps are those most

commonly used, whether Spanish or English.

30. The area to the north-east of Cape Gracias a Dios also includes a
number of important fishing banks located between 60 and 170 nautical
miles from the mouth of the River Coco. Of particular importance are

Middle Bank, Thunder Knoll Bank, Rosalind Bank and Gorda Bank.

2.2. Geomorphology of the Mouth of the River Coco

31. The land area abutting upon the maritime areas in dispute, which
is known as the Miskito or Mosquito Coast, is one of deltas, sandbars,
and lagoons. It is a coast where extensive and rapid morphological changes
have occurred. As a result, the coast north and south of Cape Gra-
cias a Dios is of a typical accumulative type: the shoreline is formed by
long stretching sandy barrier islands or spits. Many of those islands and

spits migrate constantly and slowly enclose lagoons which eventually will
be filled with fine sediment and become dry land. A collection of coastal
lagoons extends from Cape Camarón in Honduras to Bluefields, a town
in the south of the Nicaraguan Caribbean coast. This chain of lagoons is
separated from the sea by thin sand barriers. These lagoons are more in

the nature of shallow pools formed by the rivers at their mouths than
inroads from the sea. Continuous sediments are deposited in them and
sand barriers obstruct their entrance. The most notable effect is the rapid

17 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 672

Honduras et du Nicaragua et celle de la Jamaïque, le seuil nicaraguayen

s’achève par un dénivelé abrupt de plus de 1500 mètres. Avant d’attein-
dre ces plus grandes profondeurs, le seuil est interrompu par plusieurs
bancs de grande taille tels que Thunder Knoll Bank et Rosalind Bank
(également appelé Rosalinda Bank), séparés de la plate-forme principale
par des chenaux plus profonds atteignant plus de 200 mètres. Dans la

zone peu profonde de la dorsale, à proximité de la masse continentale du
Nicaragua et du Honduras, se trouvent de nombreux récifs, dont certains
sont découverts et constituent des cayes.
28. Les cayes sont de petites îles de faible altitude, formées principale-
ment du sable provenant du délitement des récifs coralliens sous l’action

des vagues et déposé ensuite par le vent. Les plus grandes peuvent accu-
muler suffisamment de sédiments pour qu’une végétation s’y développe
et s’y fixe. Les eaux tropicales peu profondes de l’ouest de la mer des
Caraïbes se prêtent à la formation de récifs coralliens. Les cayes, en

particulier les plus petites, sont extrêmement vulnérables aux tempêtes
tropicales et aux ouragans, fréquents dans les Caraïbes.
29. Les formations insulaires situées sur le plateau continental face au
cap Gracias a Dios, au nord du 15 parallèle, comprennent Bobel Cay,
Savanna Cay, Port Royal Cay et South Cay, situées à une distance de

30 à 40 milles marins à l’est de l’embouchure du fleuve Coco.
Dans le présent arrêt, les noms des formations maritimes qui apparais-
sent tant dans le texte anglais que dans le texte français ainsi que sur les
croquis sont ceux le plus couramment utilisés, qu’ils soient espagnols ou
anglais.

30. La zone située au nord-est du cap Gracias a Dios comprend aussi
un certain nombre d’importants bancs de pêche situés à une distance
de 60 à 170 milles marins de l’embouchure du fleuve Coco. Les plus im-
portants sont Middle Bank, Thunder Knoll Bank, Rosalind Bank et
Gorda Bank.

2.2. La géomorphologie de l’embouchure du fleuve Coco

31. La zone terrestre qui jouxte les zones maritimes en litige, connue
sous le nom de côte des Mosquitos ou Misquitos, se compose de deltas,

bancs de sable et lagunes. Elle se caractérise par des changements mor-
phologiques marqués et rapides. En conséquence, au nord et au sud du
cap Gracias a Dios, la côte présente un caractère accumulatif typique:
le rivage est formé de longues îles barrières ou flèches sablonneuses.
Nombre d’entre elles se déplacent constamment et se referment progres-

sivement autour de lagunes qui finissent par se remplir de fins sédiments
pour se transformer en terre ferme. Une succession de lagunes côtières
s’étend depuis le cap Camarón au Honduras jusqu’à Bluefields, ville du
sud de la côte caraïbe du Nicaragua. Ce chapelet de lagunes est séparé de
la mer par de minces bancs de sable. Ces lagunes sont plutôt des étendues

d’eau peu profondes formées par les cours d’eau à leur embouchure que
des bras de mer. Des sédiments s’y déposent continuellement et des bar-

17673 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

accretion and inevitable advance of the coastal front due to the constant
deposition of terrigenous sediments carried by the rivers to the sea. The
strong erosion of the mountains in the interior, the abundant rain and the
considerable flow on the rivers that drain the Caribbean slope of the

region cause this deposition.

32. The River Coco is the longest river of the Central American isth-
mus and bears one of the largest volumes of water. From a geomorpho-
logical point of view the mouth of the River Coco is a typical delta which

forms a protrusion of the coastline forming a cape: Cape Gracias a Dios.
All deltas are by definition geographical accidents of an unstable nature
and suffer changes in size and form in relatively short periods of time.
The River Coco has been progressively projecting Cape Gracias a Dios
towards the sea carrying with it huge quantities of alluvium. The sedi-

ments deposited by the River Coco are dispersed by a network of diver-
ging and shifting river channels, a process which gives rise to a deltaic
plain. The hierarchy of the river channels changes rapidly: the main
channels may quickly become secondary channels and vice versa. The

accumulated delta sediments are subsequently transported and redepos-
ited along the Honduran coast by the Caribbean Current and along the
Nicaraguan coast by the Colombia-Panama Gyre (a circular current run-
ning anticlockwise along the Nicaraguan coast). In sum, both the delta of
the River Coco and even the coastline north and south of it show a very

active morpho-dynamism. The result is that the river mouth is constantly
changing its shape, and unstable islands and shoals form in the mouth
where the river deposits much of its sediment.

**

3. H ISTORICAL BACKGROUND

33. Both Nicaragua and Honduras, which had been under the rule of
Spain, became independent States in 1821. Thereafter, Nicaragua and
Honduras, together with Guatemala, El Salvador, and Costa Rica,
formed the Federal Republic of Central America, also known as the
United Provinces of Central America, which existed from 1823 to 1840.

In 1838 Nicaragua and Honduras seceded from the Federation, each
maintaining the territory it had before. The Federation disintegrated in
the period between 1838 and 1840.
34. On 25 July 1850, the Republic of Nicaragua and the Queen of

Spain signed a treaty recognizing Nicaragua’s independence from Spain.
According to the terms of this Treaty the Queen of Spain recognized as
“free, sovereign and independent the Republic of Nicaragua with all its
territories that now belong to it from sea to sea, or that will later belong
to it” (Art. II). The Treaty also stated that the Queen of Spain relin-

quished

18 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 673

rières de sable en obstruent l’entrée. Les effets les plus notables sont

l’accrétion rapide et l’avancée inéluctable de la façade côtière dues aux
constants dépôts terrigènes charriés par les cours d’eau jusqu’à la mer.
Ces dépôts sont causés par la forte érosion des montagnes à l’intérieur
des terres, les pluies abondantes et le débit important des cours d’eau qui
drainent le versant caraïbe de la région.

32. Le fleuve Coco est le plus long de l’isthme centraméricain, et son
débit l’un des plus importants. Du point de vue géomorphologique, son
embouchure est un delta typique, qui forme sur la côte une avancée cons-
tituant un cap: le cap Gracias a Dios. Tous les deltas sont par définition
des accidents géographiques de caractère instable dont la taille et la

forme évoluent sur des périodes relativement courtes. Le fleuve Coco
repousse progressivement le cap Gracias a Dios vers la mer en charriant
de grandes quantités d’alluvions. Les sédiments qu’il dépose sont disper-
sés par un réseau de chenaux fluviaux divergents et mouvants, ce qui

donne naissance à une plaine deltaïque. La hiérarchie de ces chenaux flu-
viaux évolue rapidement, les chenaux principaux pouvant en peu de
temps devenir des chenaux secondaires et inversement. Les sédiments
accumulés dans le delta sont ensuite transportés et redéposés le long de la
côte hondurienne par le courant des Caraïbes et le long de la côte nica-

raguayenne par le courant cyclonique Colombie-Panama (un courant cir-
culant dans le sens inverse des aiguilles d’une montre le long de la côte
nicaraguayenne). En résumé, le delta du fleuve Coco et même les côtes
situées au nord et au sud de celui-ci présentent un morphodynamisme
très actif. Il s’ensuit que la forme de l’embouchure du fleuve change cons-

tamment, et que des îles et hauts-fonds instables se constituent dans cette
embouchure là où le fleuve dépose une grande partie de ses sédiments.

**

3. LE CONTEXTE HISTORIQUE

33. Le Nicaragua et le Honduras, qui avaient été sous souveraineté
espagnole, devinrent tous deux des Etats indépendants en 1821. Ils for-
mèrent par la suite avec le Guatemala, El Salvador et le Costa Rica la

République fédérale d’Amérique centrale, également connue sous le nom
de Provinces-Unies d’Amérique centrale, qui exista de 1823 à 1840.
En 1838, le Nicaragua et le Honduras firent sécession de la Fédération,
en conservant chacun le territoire qui était le sien. Au cours de la période
comprise entre 1838 et 1840, la Fédération se désintégra.

34. Le 25 juillet 1850, la République du Nicaragua et la reine d’Es-
pagne signèrent un traité reconnaissant l’indépendance du Nicaragua. Aux
termes de ce traité, la reine d’Espagne reconnaissait «la République du
Nicaragua comme un Etat libre, souverain et indépendant comprenant
l’intégralité des territoires qui lui apparten[ai]ent d’une mer à l’autre,

ainsi que de ceux qui lui appartiendr[aie]nt plus tard» (art. II). Le traité
disposait également que la reine d’Espagne renonçait à

18674 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

“the sovereignty, rights and actions she holds over the American ter-
ritory located between the Atlantic and the Pacific sea, with its adja-

cent islands, known before by the name of the province of Nicara-
gua, now Republic of the same name, and over the remainder of the
territories that have incorporated into said Republic” (Art. I).

The names of the adjacent islands pertaining to Nicaragua were not
specified in the Treaty.
35. On 15 March 1866, the Republic of Honduras and the Queen of
Spain signed a treaty recognizing Honduras’s independence from Spain.
According to the terms of this Treaty the Queen of Spain recognized the

Republic of Honduras
“as a free, sovereign and independent state, which comprises the

entire territory that was the province of that name during the period
of Spanish domination, this territory being bounded in the East,
Southeast and South by the Republic of Nicaragua” (Art. I).

The Treaty also stated that the Queen renounced “the sovereignty, rights
and claims that she has in respect of the territory of the said Republic”.
The Treaty recognized Honduran territory as comprising “the adjacent
islands that lie along its coasts in both oceans” without identifying these
islands by name.

36. Nicaragua and Honduras later attempted to delimit their bound-
ary by signing the Ferrer-Medina Treaty in 1869 and the Ferrer-Uriarte
Treaty in 1870, but neither treaty entered into force.
37. On 7 October 1894 Nicaragua and Honduras successfully con-
cluded a general boundary treaty known as the Gámez-Bonilla Treaty

which entered into force on 26 December 1896 (I.C.J. Reports 1960,
pp. 199-202). Article II of the Treaty, according to the principle of uti
possidetis juris, provided that “each Republic is owner of the territory
which at the date of independence constituted respectively, the provinces
of Honduras and Nicaragua”. Article I of the Treaty further provided for

the establishment of a Mixed Boundary Commission to demarcate the
boundary between Nicaragua and Honduras:

“The Governments of Honduras and Nicaragua shall appoint rep-
resentatives who, duly authorized, shall organize a Mixed Boundary
Commission, whose duty it shall be to settle in a friendly manner all
pending doubts and differences, and to demarcate on the spot the
dividing line which is to constitute the boundary between the two

Republics.”
38. The Commission, which met from 1900 to 1904, fixed the bound-
ary from the Pacific Ocean at the Gulf of Fonseca to the Portillo de Teo-

tecacinte, which is located approximately one third of the way across the
land territory, but it was unable to determine the boundary from that
point to the Atlantic coast. Pursuant to the terms of Article III of the

19 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 674

«la souveraineté, aux droits et aux prétentions qu’elle dét[enait] ou
nourri[ssait] sur le territoire américain situé entre l’Atlantique et le

Pacifique, avec ses îles adjacentes, connu sous le nom de province du
Nicaragua, aujourd’hui République du même nom, ainsi que sur les
autres territoires incorporés à ladite République» (art. I).

Les noms des îles adjacentes appartenant au Nicaragua n’étaient pas pré-
cisés dans le traité.
35. Le 15 mars 1866, la République du Honduras et la reine d’Espagne
signèrent un traité reconnaissant l’indépendance du Honduras. Aux
termes de ce traité, la reine d’Espagne reconnaissait la République du

Honduras
«comme un Etat libre, souverain et indépendant comprenant l’inté-

gralité du territoire de ce qui fut la province du même nom pendant
la période de la domination espagnole, tel que ledit territoire [était]
délimité à l’est, au sud-est et au sud par la République du Nicara-
gua» (art. I).

Le traité disposait également que la reine renonçait «à la souveraineté,
aux droits et aux prétentions qu’elle déten[ait] ou nourri[ssait] sur le ter-
ritoire de ladite République». Le traité reconnaissait le territoire hondu-
rien comme comprenant «les îles adjacentes situées le long de ses côtes
dans les deux océans», sans désigner ces îles nommément.

36. Le Nicaragua et le Honduras tentèrent par la suite de délimiter
leur frontière en signant le traité Ferrer-Medina en 1869 et le traité Ferrer-
Uriarte en 1870, mais aucun de ces deux accords n’entra en vigueur.
37. Le 7 octobre 1894, le Nicaragua et le Honduras réussirent à
conclure un traité général de frontières, connu sous le nom de traité

Gámez-Bonilla, qui entra en vigueur le 26 décembre 1896 (C.I.J. Recueil
1960, p. 199-202). L’article II du traité, conformément au principe de
l’uti possidetis juris, disposait que «chaque République [était] maîtresse
des territoires qui, à la date de l’indépendance, constituaient respective-
ment les provinces du Honduras et du Nicaragua». L’article premier du

traité prévoyait en outre la constitution d’une commission mixte des
limites chargée de la démarcation de la frontière entre le Nicaragua et le
Honduras:

«Les Gouvernements du Honduras et du Nicaragua nommeront
des commissaires qui, dûment autorisés, organiseront une commis-
sion mixte des limites chargée de résoudre de façon amicale tous les
doutes et tous les différends pendants et de tracer sur le terrain la
ligne frontière indiquant la limite entre les deux républiques.»

38. La commission, qui se réunit de 1900 à 1904, fixa la frontière entre
le golfe de Fonseca sur l’océan Pacifique et le Portillo de Teotecacinte,

situé à une distance équivalant à environ un tiers de la largeur du terri-
toire, mais ne fut pas en mesure de déterminer la frontière entre ce point
et la côte atlantique. En application de l’article III du traité Gámez-

19675 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

Gámez-Bonilla Treaty, Nicaragua and Honduras subsequently submitted
their dispute over the remaining portion of the boundary to the King of

Spain as sole arbitrator. King Alfonso XIII of Spain handed down an
Arbitral Award on 23 December 1906, which drew a boundary from the
mouth of the River Coco at Cape Gracias a Dios to Portillo de Teote-
cacinte. The operative part of the Award stated that:

“The extreme common boundary point on the coast of the Atlan-
tic will be the mouth of the River Coco, Segovia or Wanks, where it
flows out in the sea close to Cape Gracias a Dios, taking as the

mouth of the river that of its principal arm between Hara and the
Island of San Pío where said Cape is situated, leaving to Honduras
the islets and shoals existing within said principal arm before reach-
ing the harbour bar, and retaining for Nicaragua the southern shore
of the said principal mouth with the said Island of San Pío, and also

the bay and town of Cape Gracias a Dios and the arm or estuary
called Gracias which flows to Gracias a Dios Bay, between the main-
land and said Island of San Pío.
Starting from the mouth of the Segovia or Coco, the frontier line
will follow the vaguada or thalweg of this river upstream without
interruption until it reaches the place of its confluence with the

Poteca or Bodega, and thence said frontier line will depart from the
River Segovia, continuing along the thalweg of the said Poteca or
Bodega upstream until it joins the River Guineo or Namaslí.
From this junction the line will follow the direction which cor-
responds to the demarcation of the Sitio de Teotecacinte in accord-

ance with the demarcation made in 1720 to terminate at the Portillo
de Teotecacinte in such a manner that said Sitio remains wholly
within the jurisdiction of Nicaragua.” (Arbitral Award Made by the
King of Spain on 23 December 1906 (Honduras v. Nicaragua),
Judgment, I.C.J. Reports 1960 , pp. 202-203.)

39. Nicaragua subsequently challenged the validity and binding char-
acter of the Arbitral Award in a Note dated 19 March 1912. After several

failed attempts to settle this dispute and a number of boundary incidents
in 1957, the Council of the OAS took up the issue that same year.
Through the mediation of an ad hoc Committee established by the Coun-
cil of the OAS, Nicaragua and Honduras agreed to submit their dispute
to the International Court of Justice.
40. In its Application instituting proceedings, filed on 1 July 1958,

Honduras requested the Court to adjudge and declare that the failure by
Nicaragua to give effect to the Arbitral Award “constitut[ed] a breach of
an international obligation” (ibid., p. 195) and that Nicaragua was under
an obligation to give effect to the Award. Nicaragua, for its part, requested
the Court to adjudge and declare that the decision rendered by the King

of Spain did not “possess the character of a binding arbitral award”, that
in any event it was “incapable of execution by reason of its omissions,
contradictions and obscurities” and that Nicaragua and Honduras were

20 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME ARRÊT ) 675

Bonilla, le Nicaragua et le Honduras soumirent ultérieurement leur dif-

férend relatif à la portion de la frontière qui n’avait pu être déterminée au
roi d’Espagne, arbitre unique. Le roi Alphonse XIII d’Espagne rendit le
23 décembre 1906 une sentence arbitrale qui fixait la frontière depuis
l’embouchure du fleuve Coco, au cap Gracias a Dios, jusqu’au Portillo de
Teotecacinte. Le dispositif de la sentence était ainsi libellé:

«Le point extrême limitrophe commun sur la côte atlantique sera
l’embouchure du fleuve Coco, Segovia ou Wanks dans la mer, près

du cap Gracias a Dios, en considérant comme embouchure du fleuve
celle de son bras principal entre Hara et l’île de San Pío où se trouve
ledit cap, les îlots ou cayos qui existent dans ledit bras principal
avant d’atteindre la barre restant au Honduras et le Nicaragua

conservant la rive sud de ladite embouchure principale, l’île de San
Pío y comprise, ainsi que la baie et le village de Cabo de Gracias a
Dios et le bras ou estero appelé Gracias qui aboutit à la baie de Gra-
cias a Dios entre le continent et l’île de San Pío susnommée.

A partir de l’embouchure du Segovia ou Coco, la ligne frontière
suivra la vaguada ou thalweg de ce fleuve vers l’amont, sans inter-
ruption, jusqu’à son confluent avec le Poteca ou Bodega et, de ce
point, ladite ligne frontière quittera le fleuve Segovia en continuant
par le thalweg du susdit affluent Poteca ou Bodega, vers l’amont,

jusqu’à sa jonction avec la rivière Guineo ou Namaslí.
A partir de cette jonction, la ligne frontière suivra la direction qui
correspond à la démarcation du sitio de Teotecacinte, d’après le bor-
nage effectué en 1720, pour finir au portillo de Teotecacinte , de sorte
que ledit sitio demeure en entier sous la juridiction du Nicaragua.»

(Sentence arbitrale rendue par le roi d’Espagne le 23 décembre 1906
(Honduras c. Nicaragua), arrêt, C.I.J. Recueil 1960 , p. 202-203.)

39. Le Nicaragua contesta par la suite, dans une note du 19 mars 1912,
la validité et le caractère obligatoire de la sentence arbitrale. Après plu-
sieurs tentatives infructueuses de règlement du différend et un certain
nombre d’incidents frontaliers survenus en 1957, le conseil de l’OEA se

saisit cette même année de la question. Grâce à la médiation d’une com-
mission ad hoc créée par celui-ci, le Nicaragua et le Honduras convinrent
de soumettre leur différend à la Cour internationale de Justice.
40. Dans sa requête introductive d’instance déposée le 1 erjuillet 1958,
le Honduras priait la Cour de dire et juger que la non-exécution par le

Nicaragua de la sentence arbitrale «constitu[ait] une violation d’un enga-
gement international» (ibid., p. 195) et que le Nicaragua était tenu d’exé-
cuter la sentence. Le Nicaragua, quant à lui, priait la Cour de dire et
juger que la décision du roi d’Espagne n’avait pas «le caractère d’une
sentence arbitrale obligatoire», qu’elle n’était de toute façon pas «suscep-

tible d’exécution, vu les lacunes, contradictions et obscurités qui l’affec-
t[ai]ent», et que le Nicaragua et le Honduras se trouvaient «relativement

20676 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

“in respect of their frontier in the same legal situation as before 23 Decem-
ber 1906” (Arbitral Award Made by the King of Spain on 23 December

1906 (Honduras v. Nicaragua), Judgment, I.C.J. Reports 1960 , pp. 198
and 199), the date of the Award.
41. In its Judgment, having considered the arguments of the Parties
and evidence in the case file, the Court first found that “the Parties [had]
followed the procedure that had been agreed upon for submitting their

respective cases” to an arbitrator in accordance with the provisions of the
Gámez-Bonilla Treaty. Thus the designation of King Alfonso XIII as
arbitrator entrusted with the task of ruling on the boundary dispute
between the two Parties was valid. The Court then examined Nicaragua’s
contention that the Gámez-Bonilla Treaty had lapsed before the King of

Spain had agreed to act as arbitrator and found that “the Gámez-Bonilla
Treaty was in force till 24 December 1906, and that the King’s acceptance
on 17 October 1904 of his designation as arbitrator was well within the
currency of the Treaty”.

42. The Court further considered that,

“having regard to the fact that the designation of the King of Spain
as arbitrator was freely agreed to by Nicaragua, that no objection

was taken by Nicaragua to the jurisdiction of the King of Spain as
arbitrator either on the ground of irregularity in his designation as
arbitrator or on the ground that the Gámez-Bonilla Treaty had
lapsed even before the King of Spain had signified his acceptance of
the office of arbitrator, and that Nicaragua fully participated in the

arbitral proceedings before the King, it is no longer open to Nicara-
gua to rely on either of these contentions as furnishing a ground for
the nullity of the Award” (ibid., p. 209).

43. The Court then turned to Nicaragua’s allegation that the Award
was “a nullity” on the grounds that it had been vitiated by (a) “excess of
jurisdiction”, (b) “essential error” and (c) “lack or inadequacy of rea-
sons in support of the conclusions arrived at by the Arbitrator”.

44. The Court stated that Nicaragua “by express declaration and by
conduct, recognized the Award as valid and it [was] no longer open to
Nicaragua to go back upon that recognition and to challenge the validity
of the Award”. Even in the absence of such recognition “the Award
would, in the judgment of the Court, still have to be recognized as valid”
for the following reasons.

First, the Court was unable to uphold the claim that the King of Spain
had gone beyond the authority conferred upon him. Second, the Court
added that it had not been able to discover in the arguments of Nicara-
gua any precise indication of “essential error” which would have had the
effect, as alleged by Nicaragua, “of rendering the Award a nullity”. In

this regard, the Court observed that “[t]he instances of ‘essential error’
that Nicaragua [had] brought to the notice of the Court amount[ed] to no
more than the evaluation of documents and of other evidence submitted

21 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 676

à leur frontière dans la même situation juridique qu’avant le 23 décembre
1906» (Sentence arbitrale rendue par le roi d’Espagne le 23 décembre

1906 (Honduras c. Nicaragua), arrêt, C.I.J. Recueil 1960 , p. 198 et 199),
date de la sentence.
41. Dans son arrêt, la Cour, après examen des arguments des Parties
et des éléments de preuve contenus dans le dossier de l’affaire, jugea tout
d’abord que «les Parties [avaient] suivi ... la procédure qui avait été

convenue pour la présentation de leurs thèses respectives» à un arbitre,
en application du traité Gámez-Bonilla. Ainsi, la désignation du roi
Alphonse XIII comme arbitre chargé de trancher la question des limites
entre les deux Parties était valide. La Cour examina ensuite l’alléga-
tion du Nicaragua selon laquelle le traité Gámez-Bonilla était arrivé à

expiration lorsque le roi d’Espagne accepta la fonction d’arbitre et
jugea que «le traité Gámez-Bonilla [était] resté en vigueur jusqu’au
24 décembre 1906 et que c’[était] bien dans les limites de sa durée
que le roi a[vait] accepté, le 17 octobre 1904, d’être désigné comme
arbitre».
42. La Cour ajouta que,

«attendu que le Nicaragua a librement accepté la désignation du roi
d’Espagne comme arbitre; que le Nicaragua n’a soulevé aucune

objection à la compétence arbitrale du roi d’Espagne, soit pour le
motif d’irrégularités dans sa désignation comme arbitre, soit pour le
motif de l’expiration du traité Gámez-Bonilla avant même que le roi
d’Espagne eût signifié son acceptation des fonctions d’arbitre; et que
le Nicaragua a pleinement pris part à la procédure arbitrale devant

le roi, la Cour considère que ce pays n’est plus en droit d’invoquer
l’un ou l’autre des deux motifs comme causes de nullité de la sen-
tence» (ibid., p. 209).

43. La Cour se pencha ensuite sur l’allégation du Nicaragua selon
laquelle la sentence était «nulle» au motif qu’elle aurait été entachée des
vices suivants: a) «excès de pouvoir», b) «erreurs essentielles» et c) «dé-
faut ou insuffisance de motifs à l’appui des conclusions de l’arbitre».

44. La Cour indiqua que le Nicaragua «a[vait], par ses déclarations
expresses et par son comportement, reconnu le caractère valable de la
sentence et ... n’[était] plus en droit de revenir sur cette reconnaissance
pour contester la validité de la sentence». Même en l’absence d’une telle
reconnaissance, «la sentence, selon la Cour, dev[ait] encore être reconnue
comme valable» pour les raisons suivantes.

Premièrement, la Cour n’était pas en mesure de confirmer l’allégation
selon laquelle le roi d’Espagne avait excédé les pouvoirs qui lui avaient
été conférés. Deuxièmement, elle n’avait pu trouver dans l’argumentation
du Nicaragua aucune indication précise quant aux «erreurs essentielles»
qui auraient eu pour effet, comme le prétendait le Nicaragua, «d’entraî-

ner la nullité de la sentence». A ce sujet, la Cour fit observer que «[l]es
cas d’«erreur essentielle» que le Nicaragua a[vait] portés à [son]
attention ... se rédui[s]aient tout au plus à l’appréciation des documents et

21677 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

to the arbitrator”. Third, the Court rejected the last ground of nullity
raised by Nicaragua by concluding that

“an examination of the Award show[ed] that it deal[t] in logical
order and in some detail with all relevant considerations and that it
contain[ed] ample reasoning and explanations in support of the con-
clusions arrived at by the arbitrator” (Arbitral Award Made by the
King of Spain on 23 December 1906 (Honduras v. Nicaragua),
Judgment, I.C.J. Reports 1960 , pp. 215 and 216).

45. The Court finally dealt with the argument by Nicaragua that the
Award was not capable of execution by reason of its “omissions, contra-
dictions and obscurities”. In this regard, the Court noted that

“In view of the clear directive in the operative clause [fixing the
common boundary point on the coast of the Atlantic as the mouth
of the river Segovia or Coco, where it flows out into the sea] and the

explanations in support of it in the Award, the Court [did] not con-
sider that the Award [was] incapable of execution by reason of any
omissions, contradictions or obscurities.”

46. In the operative part of its Judgment, the Court found that the
Award made by the King of Spain on 23 December 1906 was valid and
binding and that Nicaragua was under an obligation to give effect to it

(ibid., p. 217).
47. As Nicaragua and Honduras could not thereafter agree on how to
implement the 1906 Arbitral Award, Nicaragua requested the interven-
tion of the Inter-American Peace Committee. The Committee subse-
quently established a Mixed Commission which completed the demarca-

tion of the boundary line with the placement of boundary markers in
1962. The Mixed Commission determined that the land boundary would
begin at the mouth of the River Coco, at 14°59.8′ N latitude and
83°08.9′ W longitude.
48. From 1963 to 1979, Honduras and Nicaragua generally enjoyed

friendly relations. The first efforts at bilateral negotiations between the
Parties on matters relating to the maritime boundary in the Caribbean
were initiated at the request of Nicaragua, by means of a diplomatic Note
dated 11 May 1977. In this communication addressed to the Minister for
Foreign Affairs of Honduras, the Ambassador of Nicaragua to Hondu-
ras noted that his “Government wish[ed] to initiate conversations leading

to the determination of the definitive marine and sub-marine delimitation
in the Atlantic and Caribbean Sea zone”.
By a diplomatic Note of 20 May 1977 the Minister for Foreign Affairs
of Honduras replied that his “Government accept[ed] with pleasure the
opening of negotiations” on the maritime delimitation. However these

negotiations made no progress consequent upon the Sandinista revolu-
tion that toppled the Somoza Government in July 1979. In the period
that followed until 1990 (when the new Nicaraguan Government of Vio-

22 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 677

autres preuves présentés à l’arbitre». Troisièmement, la Cour rejeta le
dernier motif de nullité invoqué par le Nicaragua, en concluant que

«l’examen de la sentence montr[ait] qu’elle trait[ait] en ordre logique
et avec quelque détail de toutes les considérations pertinentes et que
les conclusions de l’arbitre [étaient] fondées sur un raisonnement et
des explications suffisants» (Sentence arbitrale rendue par le roi
d’Espagne le 23 décembre 1906 (Honduras c. Nicaragua), arrêt,
C.I.J. Recueil 1960, p. 215 et 216).

45. La Cour examina pour finir l’argument du Nicaragua selon lequel
la sentence n’était pas susceptible d’exécution, vu les «lacunes, contradic-
tions et obscurités qui l’affect[ai]ent». A ce sujet, la Cour nota ce qui suit:

«Eu égard au clair énoncé du dispositif de la sentence [qui définit
comme point extrême limitrophe commun sur la côte de l’Atlantique
l’embouchure du fleuve Segovia ou Coco dans la mer] et aux consi-

dérants qui le justifient, la Cour n’estime pas que la sentence ne soit
pas susceptible d’exécution en raison de lacunes, contradictions ou
obscurités.»

46. Dans le dispositif de son arrêt, la Cour conclut que la sentence
arbitrale rendue par le roi d’Espagne le 23 décembre 1906 était valable et
obligatoire et que le Nicaragua était tenu de l’exécuter (ibid., p. 217).

47. Le Nicaragua et le Honduras n’étant pas parvenus à se mettre
d’accord par la suite sur la manière d’appliquer la sentence arbitrale de
1906, le Nicaragua demanda l’intervention de la commission interaméri-
caine de la paix. Celle-ci constitua alors une commission mixte qui

acheva la démarcation de la frontière par la pose de bornes en 1962. La
commission mixte détermina que la frontière terrestre partirait de
l’embouchure du fleuve Coco, située par 14°59,8′ de latitude nord et
83°08,9′ de longitude ouest.
48. De 1963 à 1979, le Honduras et le Nicaragua entretinrent des rela-

tions généralement amicales. Les premiers efforts de négociation bilaté-
rale entre les Parties au sujet de la frontière maritime dans la mer des
Caraïbes remontent à la demande formulée par le Nicaragua dans une
note diplomatique datée du 11 mai 1977. Dans cette note adressée au mi-
nistre hondurien des affaires étrangères, l’ambassadeur du Nicaragua au
Honduras indiquait que son «gouvernement souhait[ait] engager des

pourparlers en vue de la délimitation définitive de la zone marine et sous-
marine dans l’océan Atlantique et la mer des Caraïbes».
Par une note diplomatique datée du 20 mai 1977, le ministre hondurien
des affaires étrangères répondit que «son gouvernement accept[ait] avec
plaisir l’ouverture de négociations» relatives à la délimitation maritime.

Cependant, ces négociations ne progressèrent pas en raison de la révolu-
tion sandiniste qui renversa le gouvernement Somoza en juillet 1979.
Dans la période qui suivit, et jusqu’en 1990 (date d’investiture du nou-

22678 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

leta Chamorro was sworn into office), relations between Nicaragua and
Honduras deteriorated.

49. On 21 September 1979, Honduras sent a diplomatic Note to Nica-
ragua stating that a Honduran fishing vessel had been attacked by Nica-
ragua 8 miles north of the 15th parallel, which, according to the Hondu-
ran Note, served “as the limit between Honduras and Nicaragua”. On
24 September 1979, Nicaragua sent a diplomatic Note in reply offering

assurance that an urgent investigation would be carried out regarding the
“capture [of a] Honduran motor fishing vessel...and crew by [a] Hon-
duran fishing vessel...,being used by Nicaraguan regular forces”. The
Nicaraguan Note made no mention of the assertion by Honduras that
the 15th parallel served as the boundary line between the two countries.

50. Nicaragua, on 19 December 1979, enacted the Continental Shelf
and Adjacent Sea Act. The Preamble to that Act stated that prior to
1979,

“foreign intervention [had] not permit[ted] the full exercise by the
People of Nicaragua of [the nation’s] rights over the Continental
Shelf and Adjacent Sea — rights which correspond[ed] to the Nica-

raguan Nation by history, geography and International Law”.

Article 2 of the Act provided that “[t]he sovereignty and jurisdiction of
Nicaragua extends over the sea adjacent to its seacoasts for 200 nautical
miles”. The official map of the continental shelf of Nicaragua of 1980,
and the official map of the Republic dated 1982, both included a box

comprising Rosalind, Serranilla and adjacent areas up to parallel 17°.

51. Honduras promulgated a new Constitution on 11 January 1982,
which provided in Article 10 that, among others, the cays of
Palo de Campeche and Media Luna and the banks of Salmedina, Provi-

dencia, De Coral, Rosalind and Serranilla “and all others located in the
Atlantic that historically, geographically and juridically belong to it”
were Honduran. Article 11 of the 1982 Honduran Constitution further
declared an exclusive economic zone of 200 nautical miles.

52. On 23 March 1982, Honduras sent a diplomatic Note to Nicara-
gua with regard to an incident on 21 March 1982, involving the capture
of four Honduran fishing vessels to the north of the 15th parallel by two
Nicaraguan coastguard vessels, which had subsequently towed the Hon-
duran fishing vessels to a Nicaraguan port, Puerto Cabezas, lying at
approximately 14° N latitude. In the Note, Honduras affirmed that the

15th parallel had been traditionally recognized as the boundary line:

“On Sunday the 21st of this month, two coastguard launches of
the Sandinista Navy penetrated as far as Bobel and Media Luna
Cays, 16 miles to the North of Parallel 15, which has been tradition-

23 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 678

veau Gouvernement nicaraguayen, dirigé par Violeta Chamorro), les

relations entre le Nicaragua et le Honduras se détériorèrent.
49. Le 21 septembre 1979, le Honduras adressa au Nicaragua une note
diplomatique faisant état de ce qu’un bateau de pêche hondurien avait
été attaqué par le Nicaragua à 8 milles au nord du 15 parallèle, qui,

selon la note, servait «de limite entre le Honduras et le Nicaragua». Le
24 septembre 1979, en réponse au Honduras, le Nicaragua promit dans
une note diplomatique d’ouvrir une enquête urgente au sujet de «la cap-
ture [d’un] bateau de pêche à moteur hondurien ... et de son équipage par

[un] bateau de pêche hondurien ... utilisé par les forces régulières nicara-
guayennes». La note nicaraguayenne ne faisait pas mention de l’affirma-
tion du Honduras selon laquelle le 15 parallèle servait de limite entre les
deux pays.

50. Le 19 décembre 1979, le Nicaragua promulgua la loi sur le plateau
continental et la mer adjacente. Aux termes du préambule de cette loi,
avant 1979,

«l’intervention étrangère a[vait] empêché le plein exercice par le
peuple du Nicaragua [des] droits [de la nation] sur le plateau conti-

nental et la mer adjacente, droits qui, du point de vue de l’histoire,
de la géographie comme du droit international, appartiennent à la
nation nicaraguayenne».

L’article 2 de cette loi était ainsi libellé: «La souveraineté et la compé-

tence du Nicaragua s’étendent au-delà de la mer adjacente à ses côtes sur
une longueur de 200 milles marins.» La carte officielle du plateau conti-
nental du Nicaragua publiée en 1980 et la carte officielle de la République
datée de 1982 comportaient l’une et l’autre un encadré comprenant Rosa-
e
lind, Serranilla et diverses zones adjacentes jusqu’au 17 parallèle.
51. Le 11 janvier 1982, le Honduras promulgua une nouvelle constitu-
tion dont l’article 10 disposait qu’appartenaient au Honduras, entre
autres, les cayes de Palo de Campeche et de Media Luna, les bancs de

Salmedina, Providencia, De Coral, Rosalind et Serranilla, «ainsi que
tou[te]s les autres formations situées dans l’Atlantique et qui, his-
toriquement, géographiquement et juridiquement, sont les siennes».
Par ailleurs, l’article 11 de cette constitution proclamait une zone écono-

mique exclusive de 200 milles marins.
52. Le 23 mars 1982, le Honduras adressa une note diplomatique au
Nicaragua au sujet d’un incident survenu le 21 mars 1982, déclenché par
la capture de quatre bateaux de pêche honduriens au nord du 15 paral-e

lèle par deux vedettes des gardes-côtes nicaraguayens qui avaient ensuite
remorqué ces bateaux jusqu’à Puerto Cabezas, port nicaraguayen situé
par environ 14° de latitude nord. Dans cette note, le Honduras affirmait
que le 15 parallèle était traditionnellement reconnu comme ligne frontière:

«Dimanche, le 21 de ce mois, deux vedettes des gardes-côtes de la

marine sandiniste ont pénétré juseu’aux cayes de Bobel et de Media
Luna, à 16 milles au nord du 15 parallèle, qui est la ligne de partage

23679 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

ally recognised by both countries to be the dividing line in the
Atlantic Ocean. In flagrant violation of our sovereignty in waters

under Honduran jurisdiction, they proceeded to capture four Hon-
duran fishing launches and their crews, all of Honduran nationality
towing them toward Puerto Cabezas, in Nicaragua.”

53. On 14 April 1982, Nicaragua sent a diplomatic Note in response to
Honduras asserting that Nicaragua had never recognized any maritime
boundary with Honduras in the Caribbean Sea:

“Your Excellency refers in your Note that on Sunday, March 21st,
two of our Coastguard ships ‘penetrated as far as Bobel and

Media Luna Cays, 16 miles North of Parallel 15. This has been tra-
ditionally recognized by both countries to be the dividing line in the
Atlantic.’ This affirmation, to the least, surprises us, since Nicaragua
has not recognized any maritime frontier with Honduras in the Car-
ibbean Sea, being undefined until today the maritime boundary
between Honduras and Nicaragua in said sea. Nicaragua under-

stands that in Honduras there is a criterion that aspires to establish
said Parallel as the boundary line. At no time has Nicaragua recog-
nized it as such since that would imply an attempt against the terri-
torial integrity and national sovereignty of Nicaragua. According to
the established rules of international law, territorial matters must be

necessarily resolve[d] in treaties validly celebrated and in conformity
with the internal dispositions of the contracting States, not having
effected to date, any agreement in this regard. Therefore, Nicaragua
rejects Your Excellency’s affirmation in the sense that it claims to
establish Parallel 15 as the boundary line between our two countries

in the Caribbean Sea.”
In the Note, Nicaragua further stated that it considered that negotiations

on the delimitation in the Caribbean Sea “should be undertaken through
mixed commissions” but that “[i]n the interest of avoiding frictions
between [the] two countries” such discussions should be “postponed, in
order to wait the adequate moment to proceed with negotiations”.

54. By a diplomatic Note dated 3 May 1982, the Minister for Foreign
Affairs of Honduras continued the exchange by proposing that, pending
a resolution of the problem, a temporary line or zone be created which
would be without prejudice to the maritime rights that either State might
claim in the future in the Caribbean Sea:

“I agree with Your Excellency when you affirm that the maritime
border between Honduras and Nicaragua has not been legally delim-

ited. Despite this, it cannot be denied that there exists, or at least
that there used to exist, a traditionally accepted line, which is that
which corresponds to the Parallel which crosses Cape Gracias a Dios.

24 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 679

traditionnellement reconnue par les deux pays dans l’océan Atlan-
tique. En violation flagrante de la souveraineté de notre Etat dans
des eaux placées sous juridiction hondurienne, ces navires ont ensuite
capturé quatre bateaux de pêche honduriens et leurs équipages, tous

de nationalité hondurienne, avant de les transférer à Puerto Cabezas
au Nicaragua.»

53. Le 14 avril 1982, le Nicaragua répondit dans une note diploma-
tique qu’il n’avait jamais reconnu de frontière maritime avec le Honduras
dans la mer des Caraïbes:

«Votre Excellence rapporte dans sa note que, le dimanche 21 mars,
deux de nos garde-côtes auraient «pénétré jusqu’aux cayes de Bobel
et de Media Luna, à 16 milles au nord du 15 parallèle, qui est la
ligne de partage traditionnellement reconnue par les deux pays dans

l’Atlantique». Cette affirmation est pour le moins surprenante,
d’autant que le Nicaragua n’a pas reconnu de frontière avec le Hon-
duras dans la mer des Caraïbes et qu’aucune frontière maritime
entre le Honduras et le Nicaragua n’yaàc e jour été définie. Le

Nicaragua entend bien qu’il puisse y avoir au Honduras une volonté
d’établir ledit parallèle comme frontière. Cependant le Nicaragua ne
l’a à aucun moment reconnu comme telle puisque cela constituerait
une atteinte à son intégrité territoriale et à sa souveraineté nationale.
Conformément aux règles établies du droit international, les questions

territoriales doivent nécessairement être réglées par un accord en
bonne et due forme, en conformité avec les lois propres de chaque
Etat signataire. Par conséquent, le Nicaragua, n’ayant à ce jour conclu
aucun accord de cette nature, rejette l’affirmation de Votre Excellence
en ce qu’elle revient à revendiquer l’établissement de la frontière
e
honduro-nicaraguayenne dans la mer des Caraïbes au 15parallèle.»

Le Nicaragua ajoutait dans cette note qu’il estimait que des négociations
en vue de la délimitation dans la mer des Caraïbes «[devaient être]
conduites en commissions mixtes», mais que, «afin d’empêcher que ces
questions n’aboutissent à des frictions entre nos deux Etats», la discus-
sion de ces problèmes devait être «reporté[e] à un moment propice à des

négociations».
54. Par une note diplomatique datée du 3 mai 1982, le ministre hon-
durien des affaires étrangères poursuivit l’échange en proposant, dans
l’attente d’un règlement du problème, l’établissement d’une ligne ou
d’une zone temporaire qui ne porterait pas atteinte aux droits maritimes

que les deux Etats pourraient revendiquer ultérieurement dans la mer des
Caraïbes:

«Je suis d’accord avec Votre Excellence lorsqu’elle déclare que la
frontière maritime entre le Honduras et le Nicaragua n’a pas été déli-
mitée en droit. L’on ne peut cependant nier qu’il existe, ou du moins
qu’il existait, une ligne de partage traditionnellement acceptée, à

savoir le parallèle qui traverse le cap Gracias a Dios. Il n’est pas

24680 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

There is no other way of explaining why it is only since a few months
ago that there have occurred, with worrying frequency, border inci-

dents between our two countries.
However, I coincide with Your Excellency that this is not the
appropriate moment at which to open a discussion on maritime
borders . . .
From what both Your Excellency and my Government have

expressed, it is clear that our two countries desire the maintenance of
peace, and will abstain from introducing new points of controversy
in the current circumstances. To this end, however, I consider it nec-
essary to adopt some sort of criterion, albeit informal and transi-
tional, in order to prevent incidents such as that which concerns us

now. The temporary establishment of a line or zone might be con-
sidered which, without prejudice to the rights that the two States
might claim in the future, could serve as a momentary indicator of
their respective areas of jurisdiction. I am sure through the frank
and cordial dialogue we have already started, we will be able to find
a satisfactory solution for both Parties.”

55. On 18 September 1982, Honduras sent a diplomatic Note to Nica-

ragua protesting an attack alleged to have been initiated by Nicaragua on
that day against a Honduran fishing boat near Bobel and Media Luna
cays, north of the 15th parallel.
56. By a diplomatic Note of 19 September 1982, Nicaragua rejected
the Honduran proposal to create a temporary line or zone as set out in

the Honduran Foreign Minister’s diplomatic Note of 3 May 1982 and
further contested Honduras’s version of the facts concerning the attack
on a fishing vessel alleged by Honduras in its Note of 18 September 1982.
In particular, Nicaragua noted that

“the Government of Nicaragua manifests its deep astonishment at

certain affirmations stated by Your Excellency in your Note [of
18 September 1982], in relation to the jurisdictional zone in the Car-
ibbean Sea. As we have pointed out in previous Notes, the maritime
frontier between Honduras and Nicaragua in the Caribbean Sea is
not delimited nor do there exist traditional lines of jurisdiction

between our two countries in that zone. This unquestionable reality
was already accepted by the Republic of Honduras, in Note No. 254
DSM dated May 3 of the current year, that His Excellency, the Min-
ister of Foreign Affairs of that country, Doctor Edgardo Paz Bar-
nica, addressed to the Minister of Nicaragua, Miguel D’Escoto
Brockmann, that one of its parts literally expresses: ‘I agree with

Your Excellency when you affirm that the maritime frontier between
Honduras and Nicaragua has not been legally delimited.’”

57. On 27 June 1984, Honduras sent Nicaragua a diplomatic Note in
which it protested in respect of the Nicaraguan official map of 1982 and

25 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 680

d’autre explication au fait que les incidents frontaliers ont lieu
depuis quelques mois seulement, et avec une inquiétante fréquence,
entre nos deux pays.
Néanmoins, je conviens avec Votre Excellence que le moment est

mal choisi pour entamer une discussion relative à la frontière
maritime...
Il est clair, d’après les déclarations de Votre Excellence et de mon
gouvernement, que nos deux pays désirent préserver la paix et s’abs-
tenir d’introduire de nouvelles causes de controverse dans les cir-

constances présentes. Dans ce but, j’estime qu’il est nécessaire
d’adopter une sorte de critère, quand bien même officieux et transi-
toire, afin d’éviter les incidents tels que ceux qui nous occupent pré-
sentement. L’établissement temporaire d’une ligne ou d’une zone
— sans préjuger des revendications futures de chacun des deux

Etats — pourrait être envisagé afin de servir d’indicateur temporaire
de leurs zones de juridiction respectives. Je suis convaincu que le dia-
logue franc et cordial que nous avons déjà amorcé permettra de
dégager une solution satisfaisante pour les deux parties.»

55. Le 18 septembre 1982, le Honduras adressa au Nicaragua une note

diplomatique par laquelle il protestait au sujet d’une attaque que le Nica-
ragua aurait lancée ce jour-là contre un bateau de pêche hondurien à
proximité des cayes de Bobel et de Media Luna, au nord du 15 parallèle.
56. Par une note diplomatique datée du 19 septembre 1982, le Nicara-
gua rejeta la proposition hondurienne faite dans la note diplomatique du

ministre hondurien des affaires étrangères, datée du 3 mai 1982, d’établir
une ligne ou une zone temporaire, et contesta en outre la version hondu-
rienne des faits relatifs à l’attaque contre un bateau de pêche avancée par
le Honduras dans sa note du 18 septembre 1982. En particulier, le Nica-

ragua notait que

«le Gouvernement du Nicaragua manifeste sa profonde stupéfaction
devant certaines affirmations formulées dans votre note [du 18 sep-
tembre 1982] relativement à la zone juridictionnelle dans la mer des
Caraïbes. Comme nous l’avons fait remarquer dans nos notes anté-
rieures, la frontière maritime entre le Honduras et le Nicaragua dans

cette mer n’est pas tracée et il n’existe aucune limite traditionnelle
entre nos deux pays dans ces eaux. Cette réalité incontestable a été
déjà acceptée par la République du Honduras dans la note
n 254DSM du 3 mai courant, adressée par S. Exc. M. Edgardo Paz
Barnica, ministre hondurien des affaires étrangères, au ministre nica-

raguayen, M. Miguel D’Escoto Brockmann, et qui contient le pas-
sage suivant: «Je suis d’accord avec Votre Excellence lorsqu’elle
déclare que la frontière maritime entre le Honduras et le Nicaragua
n’est pas délimitée en droit.»»

57. Le 27 juin 1984, le Honduras adressa au Nicaragua une note diplo-

matique dans laquelle il protestait contre la carte officielle du Nicaragua

25681 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

requested the map’s rectification. Honduras claimed that the map had
wrongfully included the banks and cays of Rosalind and Serranilla which

Honduras claimed pertained to it.
58. Accusations and counter accusations over supposed incursions in
the disputed maritime area continued throughout the 1980s and the
1990s, including during periods of bilateral negotiations. Numerous inci-
dents involving the capture and/or attack by each State of fishing vessels

belonging to the other State in the vicinity of the 15th parallel were
recorded in a series of diplomatic exchanges.

59. Honduras concluded a maritime boundary treaty with Colombia
on 2 August 1986. On 8 September 1986, Nicaragua sent a diplomatic

Note to Honduras stating that the said treaty “pretend[ed] to divide
between Honduras and Colombia extensive zones that include insular
territories, adjacent seas and continental shelf that historically, geo-
graphically and legally correspond to the sovereignty of Nicaragua”.

60. In response, Honduras sent a diplomatic Note to Nicaragua dated

29 September 1986 stating that the treaty in question

“constitutes the expression of the sovereign will of two States to
establish their maritime boundary in areas over which Nicaragua
does not exercise and has never exercised any jurisdiction whatso-
ever, given that it cannot provide...historical, geographical or legal

grounds to support any claim that those areas belong to it”.

Honduras further indicated in the same Note that it would be willing to
enter into negotiations with the Nicaraguan Government with regard to
the maritime delimitation.
61. The Parties, through a Joint Declaration of the Foreign Ministers

of Honduras and Nicaragua made on 5 September 1990, established a
Mixed Commission for Maritime Affairs. According to this Joint Decla-
ration, the purpose of the Commission was “the prevention and solution
of maritime problems between both countries”. The Joint Declaration
also stated that the Mixed Commission would “examine, as a priority,

border issues in the maritime areas of the Gulf of Fonseca and the Atlan-
tic coast, and the fisheries problems derived from the above”. The Mixed
Commission met for the first time on 27 May 1991.

62. In a further Joint Declaration of 29 November 1991, the Parties
declared that it was “necessary to search for solutions consistent with the

ideals for the integration of Central America”. Nicaragua contends that:

“The general intent of this Joint Declaration was that Nicaragua
and Honduras would not make agreements with non-Central Ameri-

26 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 681

de 1982, demandant qu’elle soit modifiée au motif que les bancs et cayes

de Rosalind et de Serranilla, dont le Honduras revendiquait la souverai-
neté, étaient représentées par erreur sur cette carte.
58. Des échanges d’accusations relatives à des incursions qui auraient
été menées dans la zone maritime litigieuse se poursuivirent pendant les
années quatre-vingt et quatre-vingt-dix, y compris pendant les périodes

de négociations bilatéreles. De nombreux incidents ayant donné lieu,
dans les parages du 15 parallèle, à la saisie ou à l’attaque par chacun des
deux Etats de bateaux de pêche appartenant à l’autre sont rapportés dans
une série d’échanges de notes diplomatiques des Etats.
59. Le Honduras conclut un traité de délimitation maritime avec la

Colombie le 2 août 1986. Le 8 septembre 1986, le Nicaragua adressa au
Honduras une note diplomatique indiquant que ledit traité «prétend[ait]
partager entre le Honduras et la Colombie de larges zones comprenant
des territoires insulaires, leurs mers adjacentes ainsi que le plateau conti-

nental, soumis à la souveraineté nicaraguayenne en vertu de l’histoire, de
la géographie et du droit».
60. En réponse, le Honduras adressa au Nicaragua une note diploma-
tique datée du 29 septembre 1986 dans laquelle il était indiqué que le
traité en question

«constitu[ait] l’expression de la volonté souveraine de deux Etats

d’établir leur frontière maritime dans des zones sur lesquelles le
Nicaragua n’exerçait pas et n’avait jamais exercé la moindre juridic-
tion, étant donné qu’il n’[était] capable de citer aucun argument his-
torique, géographique ou juridique à l’appui de ses prétentions selon
lesquelles ces zones lui appartenaient».

Le Honduras indiquait en outre dans la même note qu’il était disposé à

entamer des négociations avec le Gouvernement nicaraguayen concer-
nant la délimitation maritime.
61. Par une déclaration commune des ministres des affaires étrangères
du Honduras et du Nicaragua faite le 5 septembre 1990, les Parties consti-
tuèrent une commission mixte des affaires maritimes. Aux termes de cette

déclaration commune, la commission devait «prévenir et résoudre les
problèmes d’ordre maritime entre les deux pays». La déclaration com-
mune indiquait également que ladite commission «examine[rait] en prio-
rité les questions relatives à la délimitation des espaces maritimes dans le
golfe de Fonseca et sur la côte atlantique, ainsi que les problèmes en

découlant pour les pêcheries». La commission mixte se réunit pour la
première fois le 27 mai 1991.
62. Dans une déclaration commune ultérieure, faite le 29 novembre
1991, les Parties indiquèrent qu’il était «nécessaire de rechercher des solu-
tions compatibles avec l’idéal d’intégration de l’Amérique centrale». Le

Nicaragua affirme à cet égard qu’il

«convient [d’interpréter] cette déclaration comme manifestant d’une
part une intention générale, à savoir que le Nicaragua et le Hondu-

26682 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

can States that could prejudice either Party. The specific intention
was that Honduras would not ratify the maritime delimitation Treaty

she had concluded with Colombia in August 1986. Nicaragua for
her part agreed to discontinue the case it had pending against Hon-
duras in the [Central American] Court [of Justice].”

63. The Mixed Commission for Maritime Affairs held its second meet-
ing on 5 August 1992, and was scheduled to meet again on 7 July 1993,
but that meeting was postponed. On 24 March 1995, Nicaragua pro-
posed that the Parties seek to examine again the delimitation of maritime

areas in the Caribbean Sea. The Mixed Commission for Maritime Affairs
was merged on 20 April 1995 with the Commission of Boundary Co-
operation to form a new Bi-national Commission, which held its first meet-
ing on 20 April 1995 whereby it was agreed to create a sub-commission in
charge of delimitation issues in the Caribbean Sea and demarcation of
areas already delimited in the Gulf of Fonseca. The Sub-commission was

actually established at the second meeting of the Bi-national Commission
held on 15 to 16 June 1995. The Sub-commission however was unable to
resolve the delimitation differences in the Caribbean Sea (its last meeting
scheduled for 25 April 1997 was cancelled by mutual consent).

64. On 19 April 1995 Honduras sent a diplomatic Note in protest at
the capture of a Honduran fishing vessel by Nicaraguan coastguard ves-
sels. On 5 May 1995, Nicaragua sent a diplomatic Note to Honduras in
response, reiterating its claims “up to parallel 17 latitude North” that it
had first advanced in a Note dated 12 December 1994. Continuing the

exchange, Honduras maintained its position that the 15th parallel consti-
tuted the maritime boundary.

65. By diplomatic Notes dated 18 and 27 December 1995 sent to the
Nicaraguan Minister for Foreign Affairs, Honduras protested the cap-

ture of five Honduran fishing vessels and their crew on 17 December 1995
by Nicaraguan coastguards. By Notes dated 20 December 1995 and
6 January 1996, Nicaragua, referring to the seizure of only four Hondu-
ran vessels, informed the Honduran Minister for Foreign Affairs, inter
alia, that it “[could] not permit the exploitation by third States of its
natural resources in its legitimate national maritime areas”.

66. Following these incidents, an ad hoc Commission was constituted
as a result of a meeting held between the Presidents of Nicaragua and
Honduras on 14 January 1996. The ad hoc Commission held a special
meeting on 22 January 1996 in which both the Honduran and Nicara-

guan delegations stated that the purpose was to enter into an interim
agreement for a provisional common fishing zone in order to avoid the
recurrence of the capture of fishing boats. The ad hoc Commission also

27 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 682

ras s’abstiendraient de conclure avec des Etats non centraméricains
des accords risquant de porter préjudice à l’une ou à l’autre Partie, et
d’autre part une intention spécifique, à savoir que le Honduras s’abs-
tiendrait de ratifier le traité de délimitation maritime qu’il avait

conclu avec la Colombie en août 1986. Le Nicaragua accepta pour
sa part de se désister de l’instance l’opposant au Honduras devant la
Cour [centraméricaine de justice].»

63. La commission mixte des affaires maritimes se réunit une deuxième

fois le 5 août 1992 et devait tenir une nouvelle réunion le 7 juillet 1993,
mais celle-ci fut reportée. Le 24 mars 1995, le Nicaragua proposa que les
Parties étudient à nouveau la délimitation des espaces maritimes dans la
mer des Caraïbes. La commission mixte des affaires maritimes fusionna
le 20 avril 1995 avec la commission de la coopération frontalière afin de

constituer une nouvelle commission bilatérale, qui tint sa première réu-
nion le 20 avril 1995; il fut convenu lors de celle-ci de constituer une
sous-commission chargée des questions de délimitation dans la mer des
Caraïbes et de la démarcation d’espaces déjà délimités dans le golfe de

Fonseca. La sous-commission fut effectivement constituée à la deuxième
réunion de la commission bilatérale tenue les 15 et 16 juin 1995, mais fut
incapable de régler les différends sur les questions de délimitation dans la
mer des Caraïbes (sa dernière réunion, qui devait se tenir le 25 avril 1997,
fut annulée d’un commun accord).

64. Le 19 avril 1995, le Honduras adressa une note diplomatique de
protestation contre la saisie d’un bateau de pêche hondurien par des
gardes-côtes nicaraguayens. Le 5 mai 1995, le Nicaragua répondit au
Honduras par une note diplomatique réitérant ses revendications
«jusqu’au 17 parallèle de latitude nord», formulées pour la première fois

dans une note datée du 12 décembre 1994. Poursuivant eet échange, le
Honduras maintint sa position selon laquelle le 15 parallèle constituait
la frontière maritime.
65. Par des notes diplomatiques des 18 et 27 décembre 1995 adressées

au ministre nicaraguayen des affaires étrangères, le Honduras s’éleva
contre la capture, le 17 décembre 1995, de cinq bateaux de pêche hondu-
riens et de leurs équipages par des gardes-côtes nicaraguayens. Par des
notes du 20 décembre 1995 et du 6 janvier 1996, le Nicaragua, qui faisait
état de la saisie de seulement quatre navires honduriens, fit connaître no-

tamment au ministre hondurien des affaires étrangères qu’il «ne [pouvait]
tolérer l’exploitation par un Etat tiers des ressources naturelles comprises
de droit dans les zones maritimes qui sont légitimement les siennes».
66. Après ces derniers incidents, une commission ad hoc fut constituée

comme suite à une rencontre entre les présidents du Nicaragua et du
Honduras le 14 janvier 1996. Cette commission tint une réunion extraor-
dinaire le 22 janvier 1996, lors de laquelle les délégations hondurienne et
nicaraguayenne déclarèrent toutes deux s’être fixé pour objectif la mise en
place d’un régime provisoire de zone de pêche commune, qui permettrait

d’éviter de nouvelles saisies de bateaux de pêche. Elle se réunit également

27683 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

met on 31 January 1996. These meetings did not produce any results and
were discontinued. Honduras’s proposal for a “common fishing zone...

‘three nautical miles to the North and three nautical miles to the South of
Parallel 15°00′00″ Latitude North and 82°00′00″ Longitude West’” was
rejected by Nicaragua. Nicaragua’s counter-proposal was for the creation
of a common fishing zone between the 15th and 17th parallels, and was
similarly rejected by Honduras.

67. On 24 September 1997, the Parties signed a Memorandum of
Understanding which allowed for the revival of bilateral negotiations on
the boundary issues through the constitution of a new Mixed Commis-
sion “in order to explore possible solutions to the situations existing in
the Gulf of Fonseca, the Pacific Ocean and the Caribbean Sea”. Hondu-

ras states that the 1997 Mixed Commission was the last effort at bilateral
negotiations between the Parties. According to Nicaragua, the

“last phase of ‘negotiation’ took place on November 28, 1999, when
the President of the Republic of Nicaragua was unexpectedly
informed of the decision of the Honduran Government to ratify four
days later the Treaty of August 2, 1986 on Maritime Delimitation
with Colombia”.

Honduras states that

“the significance of [the 1986 Treaty between Colombia and Hondu-
ras] lies in its recognition by Colombia that the maritime area to the
north of the 15th parallel forms part of Honduras, and that the 82nd
meridian is the appropriate terminus for the delimitation”.

Nicaragua claims that “[f]uture negotiations became impossible once
Honduras took the step of ratifying the Treaty with Colombia”.

68. Nicaragua in its pleadings informed the Court of the fact that on
29 November 1999, it filed an application instituting proceedings against
Honduras as well as a request for the indication of provisional measures
before the Central American Court of Justice. On 30 November 1999, the

Central American Court of Justice entered the case on its docket. The
present Court observes that the relevant documents in the public domain,
available in Spanish on the website of the Central American Court of
Justice (www.ccj.org.ni), reveal the following facts.
69. In the Application, Nicaragua asked the Central American Court
of Justice to declare that Honduras, by proceeding to the approval and

ratification of the 1986 Treaty between Colombia and Honduras on
maritime delimitation, was acting in violation of certain legal instruments
of regional integration, including the Tegucigalpa Protocol to the Char-
ter of the Organization of Central American States (that Protocol entered
into force on 23 July 1992). In its request for the indication of provisional

measures, Nicaragua asked the Central American Court of Justice to
order Honduras to abstain from approving and ratifying the 1986 Treaty,
until the sovereign interests of Nicaragua in its maritime spaces, the pat-

28 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 683

le 31 janvier 1996. Ces réunions se révélèrent infructueuses et il y fut mis
un terme. La proposition du Honduras de créer «une zone de pêche com-
mune de 3 milles marins au nord et de 3 milles marins au sud du parallèle

15°00′00″ de latitude nord jusqu’au méridien 82°00′00″ de longitude
ouest» fut rejetée par le Nicaragua. La contre-proposition du Nicaragua
consistait en la création d’une zone de pêche commune située entre les 15 e
et 17 parallèles, ce que le Honduras rejeta à son tour.
67. Le 24 septembre 1997, les Parties signèrent un protocole d’accord

qui permit de relancer les négociations bilatérales relatives aux questions
frontalières par la création d’une nouvelle commission mixte chargée de
«rechercher des solutions possibles à la situation existant dans le golfe de
Fonseca, l’océan Pacifique et la mer des Caraïbes». Le Honduras déclare

que la commission mixte créée en 1997 constitua la dernière tentative de
négociations bilatérales entre les Parties. Selon le Nicaragua,

«la dernière phase de «négociation» eut lieu le 28 novembre 1999,
date à laquelle le président de la République du Nicaragua fut ino-
pinément informé de la décision prise par le Gouvernement du
Honduras de ratifier quatre jours plus tard le traité de délimitation

maritime signé avec la Colombie le 2 août 1986».
Le Honduras déclare que

«l’importance [du traité de 1986 entre la Colombie et le Honduras]

tient au fait qee la Colombie y reconnaît que la zone maritime située
au nord du 15 parallèle appartient au Honduras et que la délimita-
tion doit s’arrêter au 82 méridien».

Le Nicaragua soutient que «[t]oute négociation future devint impossible
dès lors que le Honduras avait décidé de ratifier le traité signé avec la
Colombie».
68. Dans ses écritures et à l’audience, le Nicaragua a informé la Cour

du fait que, le 29 novembre 1999, il avait déposé devant la Cour centra-
méricaine de justice une requête contre le Honduras ainsi qu’une demande
en indication de mesures conservatoires. Le 30 novembre 1999, la Cour
centraméricaine de justice inscrivit l’affaire à son rôle. La présente Cour

note que les documents pertinents relevant du domaine public, disponi-
bles en espagnol sur le site Internet de la Cour centraméricaine de justice
(www.ccj.org.ni), révèlent les faits suivants.
69. Dans sa requête, le Nicaragua priait la Cour centraméricaine de

justice de dire et juger que le Honduras, en approuvant et en ratifiant le
traité de délimitation maritime signé en 1986 avec la Colombie, avait agi
en violation des obligations lui incombant en vertu de divers instruments
juridiques d’intégration régionale, parmi lesquels le protocole de Teguci-
galpa modifiant la Charte de l’Organisation des Etats d’Amérique cen-

trale (entré en vigueur le 23 juillet 1992). Dans sa demande en indication
de mesures conservatoires, le Nicaragua priait la Cour centraméricaine
de justice d’ordonner au Honduras de s’abstenir d’approuver et de rati-
fier le traité de 1986, jusqu’à ce que les intérêts souverains du Nicaragua

28684 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

rimonial interests of Central America and the highest interests of the
regional institutions had been “safeguarded”. By Order of 30 Novem-

ber 1999 the Central American Court of Justice ruled that Honduras sus-
pend the procedure of ratification of the 1986 Treaty pending the deter-
mination of the merits in the case.

Honduras and Colombia continued the ratification process and on

20 December 1999 exchanged instruments of ratification. On 7 Janu-
ary 2000, Nicaragua made a further request for the indication of provi-
sional measures asking the Central American Court of Justice to declare
the nullity of Honduras’s process of ratification of the 1986 Treaty. By
Order of 17 January 2000, the Central American Court of Justice ruled

that Honduras had not complied with its Order on provisional measures
dated 30 November 1999 but considered that it did not have jurisdiction
to rule on the request made by Nicaragua to declare the nullity of Hon-
duras’s ratification process.
70. In its judgment on the merits, on 27 November 2001 the Central
American Court of Justice confirmed the existence of a “territorial pat-

rimony of Central America”. The Central American Court of Justice
further held that, by having ratified the 1986 Treaty between Colombia
and Honduras on maritime delimitation, Honduras had infringed
(“ha infringido”) a number of provisions of the Tegucigalpa Protocol to
the Charter of the Organization of Central American States, which set

out, inter alia, the fundamental objectives and principles of the Central
American Integration System, including the concept of the “territorial
patrimony of Central America”.
71. Throughout the 1990s several diplomatic Notes were also
exchanged with regard to the Parties’ publication of maps concerning the

area in dispute. Among them was a Note of 7 April 1994 sent by the
Honduran Minister for Foreign Affairs protesting Nicaragua’s circula-
tion of an official map of Nicaragua, displaying an area denominated the
“Nicaraguan Rise”. The map depicted certain banks and cays, including
Serranilla, as pertaining to Nicaragua. On 14 April 1994, Nicaragua

responded to Honduras’s protest at said map, stating that

“[w]ithout prejudice of the rights that correspond to Nicaragua, [the
Honduran Government] will have observed that the official map of
the Republic of Nicaragua, clarifies most strictly and categorically,

that the maritime frontiers in the Caribbean Sea have not been
legally delimited”.

In 1994, Honduras published an official map of Honduras that included,
among other features, Media Luna Cays, Alargado Reef, Rosalind

Bank, and Serranilla Banks and Cays within the “Honduran insular
possessions in the Caribbean Sea”. This publication elicited a dip-
lomatic Note from Nicaragua dated 9 June 1995, in which it protested

29 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 684

dans ses espaces maritimes, les intérêts patrimoniaux de l’Amérique cen-
trale et les intérêts supérieurs des institutions régionales fussent «sauve-

gardés». Par une ordonnance en date du 30 novembre 1999, la Cour
centraméricaine de justice a conclu que le Honduras devait suspendre la
procédure de ratification du traité de 1986 jusqu’à ce qu’elle se soit pro-
noncée sur le fond de l’affaire.
Le Honduras et la Colombie ont poursuivi la procédure de ratification

et, le 20 décembre 1999, ont échangé leurs instruments de ratification. Le
7 janvier 2000, le Nicaragua a présenté une nouvelle demande en indi-
cation de mesures conservatoires, priant la Cour centraméricaine de
justice de déclarer nulle la procédure de ratification du traité de 1986 par
le Honduras. Par une ordonnance du 17 janvier 2000, la Cour a jugé que

le Honduras ne s’était pas conformé à son ordonnance en indication de
mesures conservatoires du 30 novembre 1999, mais a estimé ne pas avoir
compétence pour statuer sur la demande formulée par le Nicaragua vi-
sant à ce qu’elle déclare nul le processus de ratification par le Honduras.
70. Dans son arrêt sur le fond rendu le 27 novembre 2001, la Cour
centraméricaine de justice a confirmé l’existence d’un «patrimoine terri-

torial de l’Amérique centrale». Elle a dit en outre que, en ratifiant le
traité de délimitation maritime signé avec la Colombie en 1986, le Hon-
duras avait enfreint («ha infringido») un certain nombre de dispositions
du protocole de Tegucigalpa modifiant la Charte de l’Organisation des
Etats d’Amérique centrale, qui énoncent, notamment, les objectifs et

principes fondamentaux du Système d’intégration centraméricain, parmi
lesquels le concept de «patrimoine territorial de l’Amérique centrale».

71. Dans les années quatre-vingt-dix, plusieurs notes diplomatiques
furent également échangées au sujet de la publication par les Parties de

cartes concernant la région en litige. L’une d’elles, datée du 7 avril 1994,
fut envoyée par le ministre hondurien des affaires étrangères en protes-
tation contre la diffusion par le Nicaragua d’une carte officielle de ce
pays représentant une zone dénommée «seuil nicaraguayen». Sur cette
carte figurent certains bancs et cayes, dont Serranilla, présentés comme

appartenant au Nicaragua. Le 14 avril 1994, le Nicaragua répondit à la
protestation du Honduras concernant cette carte, déclarant que,

«[s]ans préjuger des droits qui sont ceux du Nicaragua, [le Gouver-
nement hondurien] aura remarqué que la carte officielle de la Répu-
blique du Nicaragua précise de façon tout à fait explicite et catégo-

rique que les frontières maritimes dans la mer des Caraïbes n’ont pas
été délimitées en droit».

En 1994, le Honduras publia une carte officielle du Honduras qui incluait,
entre autres formations, Media Luna Cays, Alargado Reef, Rosalind

Bank ainsi que Serranilla Banks et Serranilla Cays parmi les «possessions
insulaires honduriennes dans la mer des Caraïbes». Le Nicaragua répon-
dit à cette publication par une note diplomatique datée du 9 juin 1995,

29685 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE JUDGMENT )

the 1994 Honduran map and asserted that Nicaragua possessed insular
and maritime rights in the area north of the 15th parallel.

* * *

4. POSITIONS OF THE PARTIES:AG ENERAL OVERVIEW

4.1. Subject-matter of the Dispute

72. In its Application and written pleadings Nicaragua asked the
Court to determine the course of the single maritime boundary between
the areas of territorial sea, continental shelf and exclusive economic zone

appertaining respectively to Nicaragua and Honduras in the Caribbean
Sea. Nicaragua states that it has consistently maintained the position that
its maritime boundary with Honduras in the Caribbean Sea has not been
delimited. During the oral proceedings, Nicaragua also made a specific
request that the Court pronounce on sovereignty over islands located in

the disputed area to the north of the boundary line claimed by Honduras
running along 14°59.8′ North latitude (hereinafter, for the sake of sim-
plicity, generally referred to as the “15th parallel”).

*
73. According to Honduras, there already exists in the Caribbean Sea

a traditionally recognized boundary between the maritime spaces of Hon-
duras and Nicaragua “which has its origins in the principle of uti possi-
detis juris and which is firmly rooted in the practice of both Honduras
and Nicaragua and confirmed by the practice of third States”. Honduras

agrees that the Court should “determine the location of a single maritime
boundary” and asks the Court to trace it following the “traditional mari-
time boundary” along the 15th parallel “until the jurisdiction of a third
State is reached”. During the oral proceedings Honduras also asked the

Court to adjudge that
“[t]he islands Bobel Cay, South Cay, Savanna Cay and Port
Royal Cay, together with all other islands, cays, rocks, banks and

reefs claimed by Nicaragua which lie north of the 15th parallel
are under the sovereignty of the Republic of Honduras” (for the
maritime boundary line claimed respectively by each Party, see
below, p. 686, sketch-map No. 2).

**

4.2. Sovereignty over the Islands in the Area in Dispute

74. Nicaragua claims sovereignty over the islands and cays in the dis-
puted area of the Caribbean Sea to the north of the 15th parallel, includ-
ing Bobel Cay, Savanna Cay, Port Royal Cay and South Cay.

30 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME ARRÊT ) 685

dans laquelle il protestait contre la carte hondurienne de 1994 et faisait
valoir qu’il possédait des droits insulaires et maritimes sur l’espace situé
au nord du 15 parallèle.

* * *

4. P OSITIONS DES P ARTIES :APERÇU GLOBAL

4.1. Objet du différend

72. Dans sa requête et dans ses écritures, le Nicaragua prie la Cour de
déterminer le tracé d’une frontière maritime unique entre les mers terri-

toriales, les portions de plateau continental et les zones économiques
exclusives relevant respectivement du Nicaragua et du Honduras dans la
mer des Caraïbes. Il affirme avoir toujours soutenu que sa frontière mari-

time avec le Honduras dans la mer des Caraïbes n’avait pas été délimitée.
A l’audience, le Nicaragua a en outre spécifiquement prié la Cour de
trancher la question de la souveraineté sur les îles situées dans la zone en
litige, au nord de la ligne frontière revendiquée par le Honduras, c’est-à-

dire du parallèle situé par 14°59,8′ de latitude nore (ci-après dénommé
généralement, dans un souci de simplicité, le «15 parallèle»).

*
73. Selon le Honduras, il existe déjà dans la mer des Caraïbes une

frontière traditionnellement reconnue entre les espaces maritimes du
Honduras et du Nicaragua, «qui tire son origine du principe de l’uti pos-
sidetis juris et qui est à la fois solidement ancrée dans la pratique du Hon-

duras et du Nicaragua, et confirmée par celle de pays tiers». Le Hondu-
ras convient que la Cour devrait «détermine[r] l’emplacement d’une
frontière maritime unique» et prie la Cour de tracer celle-ci en suivant la
«frontière maritime traditionnelle», le long du 15 parallèle, «jusqu’à

atteindre la juridiction d’un Etat tiers». A l’audience, le Honduras a éga-
lement prié la Cour de dire et juger que

«[l]es îles de Bobel Cay, South Cay, Savanna Cay et Port Royal Cay,
ainsi que l’ensemble des autres îles, cayes, rochers, bancs et récifs
revendiqués par le Nicaragua, situés au nord du 15 parallèle, re-

lèvent de la souveraineté de la République du Honduras» (pour la
frontière maritime respectivement revendiquée par chacune des
Parties, voir ci-après, p. 686, le croquis n 2).

**

4.2. Souveraineté sur les îles dans la zone en litige

74. Le Nicaragua revendique la souveraineté sur les îles et cayes de la
zone en litige de la mer des Caraïbes, au nord du 15 parallèle, et notam-

ment sur Bobel Cay, Savanna Cay, Port Royal Cay et South Cay.

30686 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

31DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME ARRÊT ) 686

31687 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

75. Nicaragua states that none of these islands, cays and rocks were
terra nullius in 1821, when Nicaragua and Honduras gained independ-

ence from the Kingdom of Spain. However, according to Nicaragua,
upon independence these features were not assigned to either of the
Republics. Nicaragua adds that despite extensive research into the matter
it is impossible to establish the uti possidetis juris situation of 1821 in
respect of the cays in dispute. Nicaragua therefore concludes that recourse

must be had to “other titles” and in particular contends that, in view of
the geographical proximity of the islands to the Nicaraguan coastline, it
holds original title over them under the principle of adjacency.
76. Nicaragua notes that as a matter of law effectivités cannot be sub-
stituted for original title. Therefore, in Nicaragua’s view, the meagre

effectivités invoked by Honduras cannot displace Nicaraguan title over
the islands. Furthermore, Nicaragua argues that most of the effectivités
alleged by Honduras occurred after the critical date (a concept that the
Court will expand upon further at paragraph 117 below), which Nicara-
gua gives as 1977, when Honduras accepted Nicaragua’s offer to hold
negotiations on the maritime delimitation between the two countries in

the Caribbean Sea. With regard to its own effectivités, Nicaragua argues
that the exercise of its own sovereignty “over the maritime area in dispute
including the cays, is attested to by the question of the turtle fisheries
negotiations and agreements with Great Britain that began in the nine-
teenth century and were still ongoing in the 1960s”.

77. Finally Nicaragua notes that its exercise of sovereignty and juris-
diction in the maritime area in question has been recognized by third
States, and that the cartographic evidence, while not providing conclusive
evidence, also supports its claim to sovereignty.

*

78. Honduras claims sovereignty over Bobel Cay, Savanna Cay,

Port Royal Cay and South Cay, in addition to claiming title over other
smaller islands and cays lying in the same area of the Caribbean Sea.

79. Honduras’s primary argument is that it has an original title over
the disputed islands derived from the doctrine of uti possidetis juris. Hon-
duras concurs with Nicaragua in the belief that none of the islands and

cays in dispute were terra nullius upon independence in 1821. However,
according to Honduras at that date, Cape Gracias a Dios, lying along the
15th parallel, constituted the land and maritime boundary between the
provinces of Honduras and Nicaragua. Thus on the basis of uti possidetis
juris the islands formerly belonging to Spain north of the 15th parallel

became the islands of the newly independent Republic of Honduras.

80. Honduras contends that its original title to the islands north of the

32 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 687

75. Le Nicaragua affirme qu’aucune de ces formations n’était terra
nullius en 1821, date à laquelle le Nicaragua et le Honduras devinrent
indépendants du Royaume d’Espagne, mais que ni l’une ni l’autre de ces

nouvelles républiques ne les reçut alors en partage. Il ajoute que, en dépit
de recherches approfondies, il se révèle impossible d’établir la situation à
la lumière de l’uti possidetis juris de 1821 s’agissant des cayes litigieuses.
Le Nicaragua conclut donc à la nécessité de recourir à «d’autres titres»;
il affirme en particulier détenir sur les îles, au vu de leur proximité géo-

graphique avec le littoral nicaraguayen, un titre originaire par le jeu du
principe d’adjacence.
76. Le Nicaragua note que, en droit, les effectivités ne peuvent rem-
placer un titre originaire. Aussi, selon lui, les maigres effectivités invo-

quées par le Honduras ne peuvent-elles déplacer le titre que le Nicaragua
détient sur les îles. Il soutient en outre que la plupart des effectivités allé-
guées par le Honduras sont postérieures à 1977, année qu’il considère
comme la date critique (concept sur lequel la Cour reviendra plus lon-

guement au paragraphe 117 ci-après), puisque c’est à cette date que
remonte l’acceptation, par le Honduras, de sa proposition d’engager des
négociations sur la délimitation maritime entre les deux pays dans la mer
des Caraïbes. En ce qui concerne ses propres effectivités, le Nicaragua
prétend que l’exercice de sa souveraineté «sur la zone maritime contestée,

y compris les cayes, est attesté par les négociations et accords avec la
Grande-Bretagne sur la pêche à la tortue qui eurent lieu à partir du
XIX siècle jusque dans les années soixante».
77. Enfin, le Nicaragua affirme que la souveraineté et la juridiction

qu’il exerce dans la zone maritime en question ont été reconnues par des
Etats tiers, et que les éléments cartographiques soumis, s’ils ne consti-
tuent pas des preuves concluantes, étayent néanmoins eux aussi sa pré-
tention à la souveraineté.

*

78. Le Honduras revendique la souveraineté sur Bobel Cay, Sa-
vanna Cay, Port Royal Cay et South Cay, ainsi que le titre sur d’autres îles

et cayes de taille plus réduite situées dans cette même partie de la mer des
Caraïbes.
79. L’argument principal du Honduras consiste à affirmer qu’il détient
sur les îles en litige un titre originaire découlant de la doctrine de l’uti

possidetis juris. Le Honduras partage la conviction du Nicaragua qu’au
moment de l’indépendance, en 1821, aucune des îles et cayes en litige
n’était terra nullius. Il estime toutefois que le cap Gracias a Dios, qui se
situe le long du 15 parallèle, constituait alors la limite terrestre et mari-
time entre les provinces du Honduras et du Nicaragua. En vertu de l’uti
e
possidetis juris, les îles situées au nord du 15 parallèle et qui avaient
appartenu à l’Espagne seraient donc revenues à la République nouvelle-
ment indépendante du Honduras.
80. Le Honduras soutient que le titre originaire sur les îles situées au

32688 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

15th parallel is confirmed by many effectivités. In this regard Honduras,
in relation to the islands, refers to the application of Honduran public

and administrative legislation and laws as well as of its criminal and civil
laws, the regulation of fisheries activities and immigration, the regulation
by Honduras of exploration and exploitation of oil and gas, the carrying
out of military and naval patrols, search and rescue operations and the
participation by Honduras in public works and scientific surveys.

81. In the event that the Court finds that no State can make out a
claim based on uti possidetis juris, Honduras argues that through its
effectivités it has made out a superior claim compared to Nicaragua. In
this regard Honduras contests Nicaragua’s claim that the most of these

effectivités occurred after the critical date as claimed by Nicaragua. Hon-
duras does not accept Nicaragua’s alleged critical date of 1977, but notes
that in any event many of the acts of sovereignty over the disputed
islands which it describes occurred before that date. Honduras argues
that the critical date cannot be earlier than 21 March 2001, the date when
Nicaragua filed its Memorial asserting for the first time that Nicaragua

had title to the islands.

82. Finally, Honduras adds that a number of third States have recog-
nized Honduran sovereignty over the islands, and that the cartographic
evidence, while not of itself dispositive, supports Honduras’s claim to

sovereignty.

**

4.3. Maritime Delimitation beyond the Territorial Sea

4.3.1. Nicaragua’s line: bisector method

83. In its legal argument, Nicaragua begins with the delimitation of
maritime areas beyond the territorial sea. In the circumstances of the

case, Nicaragua proposes a method of delimitation consisting of “the
bisector of the angle produced by constructing lines based upon the
respective coastal frontages and producing extensions of these lines”.
Such a bisector is calculated from the general direction of the Nicaraguan
coast and the general direction of the Honduran coast. These coastal
fronts generate a bisector which runs from the mouth of the River Coco

as a line of constant bearing (azimuth 52°45′21″) until intersecting with
the boundary of a third State in the vicinity of Rosalind Bank.
84. Nicaragua also states that “[b]ecause of the particular characteris-
tics of the area in which the land boundary intersects with the coast, and
for other reasons, the technical method of equidistance is not feasible”

for the maritime delimitation between Nicaragua and Honduras. In par-
ticular Nicaragua refers to the fact that “the exact location where the
land boundary ends is like the points of protruding needles” resulting in

33 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 688

nord du 15 parallèle est confirmé par de nombreuses effectivités. A cet

égard, en ce qui concerne les îles, il mentionne l’application de la législa-
tion et de la réglementation honduriennes, ainsi que du droit pénal et du
droit civil honduriens, sa réglementation de la pêche et de l’immigration,
sa réglementation de la prospection et de l’exploitation pétrolières et
gazières, ses patrouilles militaires et navales et ses opérations de recher-

che et de sauvetage, ainsi que sa participation à des travaux publics et à
des études scientifiques.
81. Le Honduras, dans l’hypothèse où la Cour conclurait qu’aucun
des deux Etats ne peut se prévaloir de l’uti possidetis juris pour fonder sa
prétention, affirme avoir, à raison de ses effectivités, fait valoir une reven-

dication supérieure à celle du Nicaragua. A cet égard, le Honduras
conteste l’affirmation du Nicaragua selon laquelle la majorité de ces
effectivités seraient postérieures à ce que celui-ci considère comme étant
la date critique. Le Honduras rejette la date critique de 1977 alléguée par

le Nicaragua, mais relève que, en tout état de cause, bon nombre des
actes de souveraineté sur les îles en litige décrits par ce dernier sont anté-
rieurs à cette date. Il fait valoir que la date critique ne saurait être anté-
rieure au 21 mars 2001, date du dépôt du mémoire du Nicaragua, dans
lequel celui-ci a affirmé pour la première fois détenir le titre sur les îles.

82. Enfin, le Honduras ajoute que plusieurs Etats tiers ont reconnu sa
souveraineté sur les îles, et que le matériau cartographique, s’il ne peut,
en lui-même, jouer un rôle déterminant, étaye néanmoins sa revendica-
tion de souveraineté.

**

4.3. Délimitation maritime au-delà de la mer territoriale

4.3.1. La ligne proposée par le Nicaragua: la méthode de la bissectrice

83. Dans son argumentation juridique, le Nicaragua commence par la
question de la délimitation des zones maritimes au-delà de la mer terri-
toriale. Compte tenu des circonstances de l’espèce, il propose une méthode
de délimitation fondée sur «la bissectrice de l’angle formé par les lignes

résultant de la projection des façades côtières des Parties». Cette bis-
sectrice est calculée à partir des directions générales des côtes du Nicara-
gua et du Honduras: ces façades côtières engendrent une bissectrice qui,
partant de l’embouchure du fleuve Coco, suit un cap constant (d’azi-
mut 52°45′21″) jusqu’à son intersection avec la frontière d’un Etat tiers à

proximité de Rosalind Bank.
84. Le Nicaragua estime par ailleurs que, «[e]n raison des caractéristi-
ques particulières de la zone où se trouve le point terminal de la frontière
terrestre sur la côte, ainsi que pour d’autres motifs, la méthode de l’équi-
distance n’est pas techniquement applicable» à la délimitation maritime

entre le Nicaragua et le Honduras. Il invoque notamment le fait que «le
lieu exact où prend fin la frontière terrestre ressemble à des pointes

33689 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

a “pronounced turn in the direction of the coast precisely on the bound-
ary line”. Nicaragua argues that as a result of this geographical feature

“the only two points that would dominate any delimitation based on

median line or equidistance calculations are the two margins of the
River. This remains the same even at a distance of 200 nautical miles
if only the mainland coast is used.”

*

85. Honduras asserts that Nicaragua’s proposed bisector method “is
based on a flawed assessment of coastal fronts and delimitation meth-
ods”. The Atlantic coast of Nicaragua is relatively linear, runs “slightly

west of south” all the way from Cape Gracias a Dios to Costa Rica and
faces overall “slightly south of east”. Thus there is no justification based
on the configuration of Nicaragua’s coast for the Nicaraguan bisector
line running north-east. According to Honduras, Nicaragua’s angle is
supposed to have been constructed by taking account of the coastal

directions of the Parties. However as the two coasts are treated by Nica-
ragua as straight lines the angle created bears no relationship to the
actual coasts.

*

4.3.2. Honduras’s line: “traditional boundary” along the parallel

14°59.8′ North latitude (“the 15th parallel”)

86. Honduras asks the Court to confirm what it claims is a traditional
maritime boundary running along the 15th parallel between Honduras
and Nicaragua in the Caribbean Sea and to continue that existing line
until the jurisdiction of a third State is reached. According to Honduras

this traditional line has its historical basis in the principle of uti possidetis
juris. Honduras contends that upon independence in 1821 there was a
maritime jurisdiction division aligned along the 15th parallel out to at
least 6 nautical miles from Cape Gracias a Dios.

87. Honduras further claims that the Parties’ conduct since independ-

ence demonstrates the existence of a tacit agreement that the 15th parallel
has long been treated as the line dividing their maritime spaces.
Honduras states that conduct in relation to the disputed islands and
the maritime boundary are closely connected. Many of the acts
expressing sovereignty over the islands also constitute conduct

recognizing the 15th parallel as the maritime boundary. In this regard
Honduras places particular emphasis on oil concessions, fisheries
licences and naval patrols which, it contends, provide ample proof of

34 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME ARRÊT ) 689

d’aiguille en saillie», ce qui se traduit par un «changement de direction ...

prononcé de la côte, précisément sur la ligne frontière». Il soutient que
cette particularité géographique a pour conséquence que

«les deux seuls points essentiels pour une délimitation reposant sur
le calcul de la ligne médiane ou de l’équidistance sont les deux rives
du fleuve. Le résultat demeure le même, y compris à une distance de
200 milles marins, si l’on s’en tient au littoral continental.»

*

85. Le Honduras affirme que la méthode de la bissectrice proposée par
le Nicaragua «repose sur une appréciation erronée des façades côtières et
des méthodes de délimitation». La côte atlantique du Nicaragua serait
relativement linéaire, suivrait une direction «légèrement ouest-quart-sud-

ouest» du cap Gracias a Dios jusqu’au Costa Rica et, globalement, se
trouverait orientée «légèrement vers le sud-quart-sud-est». Rien dans la
configuration de la côte du Nicaragua ne justifierait donc que la bissec-

trice nicaraguayenne suive une direction nord-est. D’après le Honduras,
l’angle proposé par le Nicaragua est censé avoir été construit compte tenu
de la direction des côtes des Parties. Toutefois, les deux côtes étant trai-
tées comme des lignes droites, l’angle ainsi construit serait sans rapport

avec les côtes réelles.

*

4.3.2. La ligne hondurienne, «frontière traditionnelle» le long du
parallèle 14°59,8′ de latitude nord («le 15 parallèle»)

86. Le Honduras prie la eour de confirmer l’existence de ce qu’il pré-
tend être, le long du 15 parallèle, une frontière maritime traditionnelle
entre le Honduras et le Nicaragua dans la mer des Caraïbes, et de pro-
longer cette ligne jusqu’à atteindre la juridiction d’un Etat tiers. Selon le

Honduras, cette ligne traditionnelle trouve son fondement historique
dans le principe de l’uti possidetis juris. Le Honduras soutient qu’à la
date de l’indépendance, en 1821, existait le long du 15 parallèle une
limite entre les juridictions maritimes, jusqu’à au moins 6 milles marins

au large du cap Gracias a Dios.
87. Le Honduras allègue en outre que la conduite des Parties depuis
l’indépendance atteste l’existence d’un accord tacite selon lequel le
15 parallèle est de longue date considéré comme la ligne séparant leurs

espaces maritimes. Il avance que la conduite à l’égard des îles en litige et
la frontière maritime sont étroitement liées. Nombre des actes par les-
quels s’est exercée la souveraineté sur les îles représentent également un
comportement valant reconnaissance du 15 parallèle comme frontière

maritime. A cet égard, le Honduras insiste plus particulièrement sur les
concessions pétrolières, les permis de pêche et les patrouilles navales, les-

34690 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

the acceptance by the Parties of the traditional boundary line
offshore.

88. Honduras states that it was only in 1979, with the change in gov-
ernment in Nicaragua, that the “position and conduct of Nicaragua in
relation to the establishment of the 15th parallel as the maritime bound-
ary between the two States changed radically”. Thus the critical date for
the start of the controversy, in terms of the dispute between the Parties

over the delimitation of their respective maritime spaces, cannot be
before 1979. Honduras furthermore notes that in any event many of its
examples of conduct occurred prior to that date.

89. Honduras also refers to the practice of the Parties as reflected in

their diplomatic exchanges, their legislation and their cartography to
demonstrate the mutually acknowledged existence of a traditional mari-
time boundary along the 15th parallel. In addition Honduras claims that
the 15th parallel has been recognized as such a boundary by third States
and international organizations.
90. While contending that the 15th parallel is a traditional line based

on uti possidetis juris and confirmed by the subsequent conduct of the
Parties showing their common acceptance of this line, Honduras also
seeks to show that its line is in any event equitable in character. It com-
pares it with the equidistance line of delimitation “constructed using
standard methods”, which, according to Honduras runs to the south of

the 15th parallel. Honduras claims that Nicaragua would gain more
maritime space with the “traditional line” than it would achieve by strict
application of the equidistance line. Honduras further argues that the
Honduran line does not cut-off the projection of the coastal front of
Nicaragua and respects the principle of non-encroachment.

91. Were its contentions as to the 15th parallel not to be accepted by
the Court, Honduras asks alternatively that the Court trace an adjusted
equidistance line, until the jurisdiction of a third State is reached. Hon-

duras maintains that the construction of a provisional equidistance line is
possible and that there is therefore no reason to depart from “the practice
almost universally adopted in the modern jurisprudence, both of this
Court and of other tribunals, that is to begin with a provisional equidis-
tance line”.

*

92. Nicaragua contends that it has consistently held that the maritime
spaces between the two States in the Caribbean Sea have not been delim-

ited.
93. Nicaragua asserts that there is “no uti possidetis juris of 1821 that
attributes or delimits maritime areas” between the two States and that

35 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 690

quels, soutient-il, constituent autant de preuves de l’acceptation par les

Parties de la ligne frontière traditionnelle en mer.
88. Il affirme que ce n’est qu’en 1979, avec le changement de gouver-
nement au Nicaragua, que «la position et la conduite du Nicaragua, par
rapport à la fixation du 15 e parallèle comme limite maritime entre

les deux Etats, ont radicalement changé». Dès lors, la date critique
marquant le début de la controverse entre les Parties concernant la
délimitation de leurs espaces maritimes respectifs ne saurait être anté-
rieure à 1979. Le Honduras indique en outre que, en tout état de cause,

de nombreux exemples de son comportement sont antérieurs à cette
date.
89. Le Honduras invoque également la pratique des Parties telle qu’elle
ressort de leurs échanges diplomatiques, de leur législation et de leur car-

tographie pour démontrer l’existence, mutuellement reconnue, d’une fron-
tière maritime traditionnelle le long du 15 parallèle. Il allègue en outre
que le 15 parallèle a été reconnu comme tel par des Etats tiers et des
organisations internationales.
e
90. Tout en affirmant que le 15 parallèle constitue une ligne tradi-
tionnelle fondée sur le principe de l’uti possidetis juris et confirmée par
une pratique ultérieure démontrant que les Parties avaient l’une et
l’autre accepté cette ligne, le Honduras cherche également à démontrer

que sa ligne revêt en tout état de cause un caractère équitable. Il la
compare à une ligne d’équidistance «construite en utilisant des
méthodes classiques», laquelle s’étendrait au sud du 15 parallèle. Le
Honduras avance que le Nicaragua obtiendrait davantage d’espaces

maritimes avec la «ligne traditionnelle» qu’il ne le ferait à tra-
vers l’application stricte de la méthode d’équidistance. Il soutient
également que la ligne qu’il propose n’ampute pas la projection de
la façade côtière nicaraguayenne et respecte le principe du non-

empiétement.
91. Dans l’hypothèse où la Cour rejetterait ses arguments relatifs au
15 parallèle, le Honduras prie celle-ci, à titre subsidiaire, de tracer une
ligne d’équidistance ajustée, jusqu’à atteindre la juridiction d’un Etat

tiers. Il soutient que la construction d’une ligne d’équidistance provisoire
est possible et qu’il n’y a, partant, aucune raison de s’écarter de «la pra-
tique presque universellement adoptée par la jurisprudence moderne, tant
celle de la Cour que celle d’autres tribunaux, qui consiste à s’appuyer

d’abord sur une ligne d’équidistance provisoire».

*

92. Le Nicaragua affirme qu’il a toujours soutenu que les espaces
maritimes des deux Etats dans la mer des Caraïbes n’avaient pas été
délimités.

93. Il fait valoir qu’«il n’est pas d’uti possidetis juris de 1821 attri-
buant ou délimitant des zones maritimes» entre les deux Etats et qu’il

35691 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

there are no Honduran acts of sovereignty or effectivités to support the
contention that a traditional line exists along the 15th parallel. In par-

ticular, Nicaragua maintains that
“the concept of uti possidetis that was used to determine the bounda-

ries of the administrative divisions of the colonial power that were
considered to be frozen in place at the moment of independence had
nothing to do with maritime matters”.

94. Nicaragua further states that there “is no line dividing the mari-
time areas of Nicaragua and Honduras based on a tacit agreement or any
form of acquiescence or recognition whatever resulting from long-estab-
lished and consistent practice”.

95. With regard to the maritime spaces Nicaragua focuses on three ele-
ments representing alleged effectivités by Honduras — oil exploration
concessions, fisheries activities and naval patrols. First, Nicaragua argues
that the limits of oil concessions are not relevant to fixing a boundary
between two States. Moreover,

“none of the Honduran concessions states that its southern limit
coincides with the maritime boundary with Nicaragua. Similarly,

none of the Nicaraguan concessions defining a northern limit speci-
fies that the limit coincides with the maritime boundary with Hon-
duras.”

Second, according to Nicaragua neither the witness statements nor fish-
ing licences produced by Honduras nor the FAO fisheries reports can be
considered as a confirmation of the existence of a “traditional boundary”
or as evidence of Nicaragua’s consent to such a boundary. Third, with

regard to the naval patrols, Nicaragua notes that as a matter of law,
naval or air patrols on the high seas cannot be equated to an effectivité.
Nicaragua notes furthermore that many of these supposed effectivités
took place after the critical date, which it gives as 1977.

96. As to the diplomatic exchanges between the Parties, Nicaragua
maintains that “the Honduran claim that the 15th Parallel is the bound-
ary of maritime areas with Nicaragua was not made formally until 1982”
and was immediately rejected by Nicaragua. Nicaragua argues that Hon-
duras has not presented any evidence that in the period prior to 1977 the

Parties acquiesced to the existence of a traditional maritime boundary or
that there were Honduran claims to the areas in question. On the con-
trary, there have been countless occasions in the context of diplomatic
exchanges when Nicaragua has reaffirmed that there is no maritime
boundary in the Caribbean Sea that is based on tradition or on any tacit

acceptance by Nicaragua.

97. For the cartographic evidence, Nicaragua asserts that none of the

36 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 691

n’existe aucun acte de souveraineté ni aucune effectivité du Honduras
permettant d’étayer l’argument selon lequel il existe une ligne tradi-
tionnelle le long du 15 parallèle. Le Nicaragua soutient, notamment, que

«le principe de l’uti possidetis — qui avait servi à déterminer les
frontières des divisions administratives de la puissance coloniale
considérées comme figées au moment de l’indépendance — n’a rien à

voir avec les questions maritimes».
94. Le Nicaragua indique en outre qu’il «n’y a pas de ligne de partage

des espaces maritimes du Nicaragua et du Honduras fondée sur un
accord tacite ou quelque forme d’acquiescement ou de reconnaissance
que ce soit résultant d’une pratique constante et de longue durée».
95. Concernant les espaces maritimes, le Nicaragua s’intéresse plus
particulièrement à trois éléments qui constituent les prétendues effectivi-

tés du Honduras: les concessions d’exploration pétrolière, les activités en
matière de pêche et les patrouilles navales. Premièrement, le Nicaragua
allègue que les limites de concessions pétrolières ne sont pas pertinentes
aux fins de la détermination d’une frontière entre deux Etats. En outre,

«aucune des concessions honduriennes ne précise que sa limite sud
coïncide avec la frontière maritime avec le Nicaragua. De même,

aucune des concessions nicaraguayennes établissant une limite nord
ne précise que cette limite coïncide avec la frontière maritime avec le
Honduras.»

Deuxièmement, selon le Nicaragua, ni les dépositions ni les permis de
pêche produits par le Honduras, pas plus que les rapports sur les pêches
émanant de la FAO, ne peuvent être considérés comme confirmant l’exis-
tence d’une «frontière traditionnelle» ou comme démontrant l’accepta-

tion par le Nicaragua d’une telle frontière. Troisièmement, s’agissant des
patrouilles navales, le Nicaragua relève que, du point de vue du droit, des
patrouilles navales ou aériennes en haute mer ne sauraient être assimilées
à des effectivités. Le Nicaragua fait de surcroît observer que nombre de

ces prétendues effectivités sont postérieures à la date critique qu’il consi-
dère être 1977.
96. En ce qui concerne les échanges diplomatiques entre les Parties, le
Nicaragua soutient que «la revendication du Honduras présentant le
15 parallèle comme la limite entre ses zones maritimes et celles du Nica-

ragua n’a jamais été officiellement formulée avant 1982», et qu’il l’a alors
immédiatement rejetée. Il argue que le Honduras n’a présenté aucun élé-
ment prouvant que, dans la période antérieure à 1977, les Parties auraient
admis l’existence d’une frontière maritime traditionnelle ou que le Hon-

duras aurait émis des prétentions sur les zones en question. Il indique
avoir au contraire réaffirmé en d’innombrables occasions, dans le cadre
d’échanges diplomatiques, qu’il n’existait pas de frontière maritime dans
la mer des Caraïbes fondée sur la tradition ou sur une acceptation tacite
de sa part.

97. Pour ce qui est des éléments de preuve cartographiques, le Nicara-

36692 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

maps published in Nicaragua and reproduced by Honduras indicate that
a maritime boundary runs along the 15th parallel. With regard to the

claim that Nicaragua failed to protest against certain official maps pro-
duced by Honduras, Nicaragua comments that the absence of protest in
regard to these maps is irrelevant due to the fact that the maps have no
evidentiary value.
98. Nicaragua contends that, given the significant change in the direc-

tion of the coast, the boundary line which follows a parallel of latitude
“is essentially inequitable” and “transgresses the primary equitable prin-
ciple prohibiting the cutting-off of a state, in this case Nicaragua, from
the continental shelf or exclusive economic zone lying in front of its
coasts”. Moreover, there is “a glaring disproportion between the mari-

time spaces that Honduras attributes to herself and those she considers to
be Nicaraguan, bounded by the parallel of 15° N”. Nicaragua concludes
that the overall result is “grossly inequitable in terms of the law of mari-
time delimitation”.

**

4.4. Starting-point of the Maritime Boundary

99. Nicaragua recalls that the terminus of the land boundary between

Nicaragua and Honduras was established by the 1906 Arbitral Award at
the mouth of the principal arm of the River Coco (see paragraph 38
above). In 1962 the Mixed Boundary Commission determined that the
starting-point of the land boundary at the mouth of the River Coco was
situated at 14°59.8′ North latitude and 83°08.9′ West longitude (see

paragraph 47 above). Nicaragua further states that since 1962 the mouth
of the River Coco has moved more than 1 mile north and east due to the
accretion of sediments and the trend of marine streams. As a result, the
point plotted by the Commission is today located approximately 1 mile
landwards from the actual mouth of the River Coco. According to Nica-

ragua the instability and fluctuations of the river mouth will continue in
the “predictable future” and will lead to changes in the co-ordinates of
the terminus of the land boundary. It thus proposes that the starting-
point of the maritime boundary be set “at a prudent distance”, namely
3 nautical miles out at sea from the actual mouth of the River Coco on
the bisector line.

100. Nicaragua initially suggested that the Parties would have to nego-
tiate “a line representing the boundary between the point of departure of
the boundary at the mouth of the River Coco and the point of departure
from which the Court will have determined the [maritime] boundary

line”. While leaving that proposal open, Nicaragua, in its final submis-
sions, asked the Court to confirm that: “The starting-point of the delimi-
tation is the thalweg of the main mouth of the River Coco such as it may

37 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 692

gua fait valoir qu’aucune des cartes publiées au Nicaragua et reproduites
par le Honduras n’indique qu’une frontière maritime longerait le
15 parallèle. S’agissant de l’argument selon lequel il n’aurait pas contesté
certaines cartes officielles produites par le Honduras, le Nicaragua fait

observer que son absence de protestation contre ces dernières est sans
pertinence puisque les cartes sont dénuées de toute force probante.
98. Le Nicaragua soutient que, compte tenu de l’infléchissement mar-
qué de la direction des côtes, une ligne frontière longeant un parallèle
serait «foncièrement inéquitable» et «contrevien[drai]t au principe équi-

table de base qui interdit d’amputer un Etat, en l’espèce le Nicaragua, du
plateau continental ou de la zone économique exclusive s’étendant au
large de ses côtes». De plus, il existe «une disproportion flagrante entre
les espaces maritimes que le Honduras s’attribue à lui-même et ceux qu’il
considère comme appartenant au Nicaragua, tels que séparés par le
e
15 parallèle de latitude nord». Le Nicaragua conclut que, d’une manière
générale, le résultat serait «considérablement inéquitable du point de vue
du droit de la délimitation maritime».

**

4.4. Le point de départ de la frontière maritime

99. Le Nicaragua rappelle que le point terminal de sa frontière ter-

restre avec le Honduras a été établi par la sentence arbitrale de 1906 à
l’embouchure du bras principal du fleuve Coco (voir paragraphe 38 ci-
dessus). En 1962, la commission mixte de délimitation a déterminé que le
point de départ de la frontière terrestre à l’embouchure du fleuve Coco
était situé par 14°59,8′ de latitude nord et 83°08,9′ de longitude ouest

(voir paragraphe 47 ci-dessus). Le Nicaragua soutient par ailleurs que,
depuis 1962, l’embouchure du fleuve Coco s’est déplacée de plus d’un
mille vers le nord-est en raison de l’accumulation de sédiments et de
l’évolution générale des courants marins. En conséquence, le point fixé

par la commission se trouve aujourd’hui à environ un mille en amont de
l’embouchure proprement dite du fleuve Coco. Selon le Nicaragua, l’ins-
tabilité et les fluctuations de l’embouchure du fleuve ne peuvent, «pour
autant qu’on puisse le prévoir», que perdurer et conduire à des change-
ments dans les coordonnées du point terminal de la frontière terrestre. Le

Nicaragua propose par conséquent que le point de départ de la frontière
maritime soit fixé sur la bissectrice «à une distance raisonnable», à savoir
3 milles marins de l’embouchure proprement dite du fleuve Coco.
100. Le Nicaragua a, dans un premier temps, avancé que les Parties

devraient négocier «une ligne constituant la frontière entre le point de
départ de la frontière à l’embouchure du fleuve Coco et le point à partir
duquel la Cour aura déterminé la frontière [maritime]». Tout en laissant
cette possibilité ouverte, le Nicaragua a, dans ses conclusions finales,
prié la Cour de confirmer que, «[a]insi que l’a établi la sentence du roi

d’Espagne de 1906, le point de départ de la délimitation est le thal-

37693 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

be at any given moment as determined by the Award of the King of
Spain of 1906.”

*

101. Honduras agrees that the terminal point of the land boundary
between Honduras and Nicaragua fixed by the Mixed Commission in
1962, due to “the gradual movement eastwards of the actual mouth of
the River Coco”, “now lies well inside what would now be described as

the ‘mouth’ in geographical terms”. The instability of the mouth of the
River Coco, “identified as the endpoint of the boundary” by the
1906 Award, according to Honduras, makes it undesirable to ask the
Court “to determine either the location of the mouth of the river, or even
the starting-point of the line immediately east of that point”. While ini-
tially suggesting that the Court should be requested to “begin the line

only at the outer limit of territorial waters”, Honduras then, “seeking to
minimise the point of difference with Nicaragua”, accepted a starting-
point of the boundary “at 3 miles from the terminal point adopted in
1962, rather than 12 miles from the coast, as proposed in the Counter-
Memorial”. However Honduras argues that the seaward fixed point

should be measured from the point established by the 1962 Mixed Com-
mission and located on the 15th parallel. The seaward fixed point should
accordingly be established precisely 3 nautical miles due east from the
1962 point. Honduras also states that the Parties should negotiate an
agreement covering the distance from the 1962 terminus point up to the

3-mile point seaward of the mouth of the River Coco.

4.5. Delimitation of the Territorial Sea

102. Nicaragua states that the delimitation of the territorial sea
between States with adjacent coasts must be effected on the basis of the

principles set out in Article 15 of UNCLOS. In the view of Nicaragua, in
the present case however it is technically impossible to draw an equidis-
tance line because it would have to be entirely drawn on the basis of the
two outermost points of the mouth of the river, which are extremely un-
stable and continuously change position. Thus, according to Nicaragua,

the bisector line should also be used for the delimitation of the territorial
sea. Moreover, the bisector line in the territorial sea does not vary sig-
nificantly from the “mean” equidistance line. Lastly, the segment of the
line between the present terminus of the land boundary and the offshore
point fixed 3 miles from the mouth of the River Coco, “allows for a har-
monious, flexible and adjustable connection between the ‘single line of

delimitation’ and [the endpoint of the land boundary]”.

*

38 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 693

weg de l’embouchure principale du fleuve Coco, où qu’elle se situe au

moment considéré».

*

101. Le Honduras convient que, en raison du «déplacement progressif
vers l’est de l’embouchure proprement dite du fleuve Coco», le point ter-
minal de la frontière terrestre entre le Honduras et le Nicaragua fixé par

la commission mixte en 1962 «se trouve désormais bien à l’intérieur de
ce qui pourrait être décrit à présent comme l’«embouchure» en termes
géographiques». Selon le Honduras, l’instabilité de l’embouchure du
fleuve Coco, définie comme constituant le «point terminal de la fron-
tière» par la sentence de 1906, fait qu’il n’est pas souhaitable de deman-

der à la Cour «de déterminer l’emplacement de l’embouchure du fleuve,
ni même le point de départ de la ligne juste à l’est de ce point». Après
avoir, dans un premier temps, suggéré qu’il soit demandé à la Cour de ne
«définir la ligne qu’à partir de la limite extérieure des eaux territoriales»,
le Honduras, «dans un souci de réduire les points de désaccord avec le

Nicaragua», a accepté que le point de départ de la frontière soit situé à
«3 milles du point terminal retenu en 1962, plutôt qu’à 12 milles de la
côte, comme proposé dans son contre-mémoire». Le Honduras précise
toutefois que le point fixe situé en mer doit être mesuré à partir du point
établi par la commission mixte de 1962 et se trouver sur le 15 parallèle.

Ce point fixe devrait par conséquent être établi à exactement 3 milles
marins plein est du point fixé en 1962. Le Honduras estime en outre que
les Parties devraient négocier un accord portant sur le segment qui se
trouve entre le point terminal de 1962 et le point situé à 3 milles au large
de l’embouchure du fleuve Coco.

4.5. Délimitation de la mer territoriale

102. Le Nicaragua affirme que la délimitation de la mer territoriale
entre des Etats dont les côtes sont adjacentes doit se faire sur la base des
principes énoncés à l’article 15 de la CNUDM mais que, en la présente
affaire, il est toutefois techniquement impossible de tracer une ligne

d’équidistance, dans la mesure où elle devrait être entièrement construite
à partir des deux points extrêmes de l’embouchure du fleuve, lesquels
sont très instables et continuellement mouvants. Par conséquent, selon le
Nicaragua, il devrait également être recouru à la méthode de la bissec-
trice pour effectuer la délimitation de la mer territoriale. De plus, dans la

mer territoriale, la bissectrice ne s’écarterait pas de façon sensible de la
ligne d’équidistance «moyenne». Enfin, le segment situé entre le point
terminal actuel de la frontière terrestre et le point fixe situé à 3 milles au
large de l’embouchure du fleuve Coco «permet[trait] de relier de façon
harmonieuse, souple et adaptable la ligne unique de délimitation [au

point terminal de la frontière terrestre]».

*

38694 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE JUDGMENT )

103. With regard to the boundary of the territorial sea, Honduras
agrees with Nicaragua that there are “special circumstances” which,

under Article 15 of UNCLOS “require a delimitation by a line other than
a strict median line”. However, according to Honduras, while the con-
figuration of the continental landmass may be one such “special circum-
stance”, of far greater significance “is the established practice of the

Parties in treating the 15th parallel as their boundary from the mouth of
the River Coco (14°59.8′)”. Honduras also identifies as a factor of “the
greatest significance...the gradual movement eastwards of the actual
mouth of the River Coco”. Honduras therefore suggests that from the
fixed seaward starting-point (3 miles due east from the point fixed by the

Mixed Commission in 1962) the maritime boundary in the territorial sea
(just as for the areas of the exclusive economic zone and continental
shelf) should follow in an eastward direction the 15th parallel.

* * *

5. ADMISSIBILITY OF THEN EW C LAIM RELATING TO S OVEREIGNTY OVER
THE ISLANDS IN THE AREA IN D ISPUTE

104. The Court recalls that in its Application, Nicaragua requested the
Court to determine

“the course of the single maritime boundary between the areas of
territorial sea, continental shelf and exclusive economic zone apper-
taining respectively to Nicaragua and Honduras, in accordance with
equitable principles and relevant circumstances recognized by gen-

eral international law as applicable to such a delimitation of a single
maritime boundary”.

The Government of Nicaragua further reserved its “right to supplement
or to amend” the Application.
105. In its Memorial, Nicaragua, while not putting forward a claim of
sovereignty as a formal submission,

“reserve[d] [its] sovereign rights appurtenant to all the islets and

rocks claimed by Nicaragua in the disputed area. The islets and
rocks concerned include but are not confined to the following:

Hall Rock, South Cay, Arrecife Alargado, Bobel Cay, Port
Royal Cay, Porpoise Cay, Savanna Cay, Savanna Reefs, Cayo
Media Luna, Burn Cay, Logwood Cay, Cock Rock, Arrecifes
de la Media Luna, and Cayo Serranilla”.

106. During the first round of the oral proceedings the Agent of Nica-
ragua declared that

“so that there is no possible misunderstanding on this point — that

39 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 694

103. Concernant la limite de la mer territoriale, le Honduras s’accorde
avec le Nicaragua sur l’existence de «circonstances spéciales» qui, en
vertu de l’article 15 de la CNUDM, «exigent que la frontière soit délimi-

tée autrement que par une ligne médiane au sens strict». Néanmoins,
pour le Honduras, si la configuration de la masse terrestre continentale
peut constituer une telle «circonstance spéciale», bien plus importante est
«la pratique établie des Parties consistant à considérer le 15 parallèle
comme leur frontière commune à partir de l’embouchure du fleuve Coco

(14°59,8′)». Comme autre facteur «de la plus haute importance», le
Honduras cite «le déplacement progressif vers l’est de l’embouchure pro-
prement dite du fleuve Coco». Il suggère donc que, à partir du point fixe
situé en mer (à 3 milles plein est du point fixé par la commission mixte

en 1962), la frontière maritime dans la mer territoriale (de même que la
ligne délimitant les espaces situés dans la zone économique exclusive et
sur le plateau continental) se dirige vers l’est le long du 15 parallèle.

*
* *

5. R ECEVABILITÉ DE LA NOUVELLE DEMANDE RELATIVE À LA SOUVERAINETÉ
SUR LES ÎLES SITUÉES DANS LA ZONE EN LITIGE

104. La Cour rappelle que, dans sa requête, le Nicaragua l’a priée de
déterminer

«le tracé d’une frontière maritime unique entre les mers territoriales,
les portions de plateau continental et les zones économiques exclu-

sives relevant respectivement du Nicaragua et du Honduras, confor-
mément aux principes équitables et aux circonstances pertinentes
que le droit international général reconnaît comme s’appliquant à
une délimitation de cet ordre».

Le Gouvernement du Nicaragua s’est par ailleurs réservé le «droit de
compléter ou de modifier» la requête.

105. Dans son mémoire, s’il n’a certes pas formulé de revendication de
souveraineté dans le cadre d’une demande formelle, le Nicaragua s’est
toutefois

«réserv[é] les droits souverains attachés à tous les îlots et rochers
qu’il revendique dans la zone contestée, à savoir, sans que cette liste
soit exhaustive:

Hall Rock, South Cay, Arrecife Alargado, Bobel Cay, Port
Royal Cay, Porpoise Cay, Savanna Cay, Savanna Reefs, Cayo
Media Luna, Burn Cay, Logwood Cay, Cock Rock, Arrecifes

de la Media Luna, et Cayo Serranilla».
106. Au cours du premier tour de la procédure orale, l’agent du Nica-

ragua a déclaré que,
«afin qu’il n’y ait aucun malentendu possible sur ce point — c’est-

39695 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

is, whether the issue of sovereignty over these features [i.e. the
islands in the disputed area] is in question — then as of this moment

Nicaragua wishes to anticipate that in its final submissions at the
end of these oral pleadings it will specifically request a decision on
the question of sovereignty over these features”.

107. In its final submissions at the end of the oral proceedings, Nica-
ragua requested the Court, without prejudice to the line of the single
maritime boundary “as described in the pleadings”, “to decide the ques-
tion of sovereignty over the islands and cays within the area in dispute”.

108. The Court notes that

“[t]here is no doubt that it is for the Applicant, in its Application, to
present to the Court the dispute with which it wishes to seise the
Court and to set out the claims which it is submitting to it” (Fisher-
ies Jurisdiction (Spain v. Canada), Jurisdiction of the Court, Judg-
ment, I.C.J. Reports 1998 , p. 447, para. 29).

Article 40, paragraph 1, of the Statute of the Court requires moreover
that the “subject of the dispute” be indicated in the Application; and
Article 38, paragraph 2, of the Rules of Court requires “the precise

nature of the claim” to be specified in the Application. In a number of
instances in the past the Court has had occasion to refer to these provi-
sions. It has characterized them as “essential from the point of view of
legal security and the good administration of justice” and, on this basis,
the Court held inadmissible certain new claims, formulated during the

course of proceedings, which, if they had been entertained, would have
transformed the subject of the dispute originally brought before it under
the terms of the Application (Certain Phosphate Lands in Nauru
(Nauru v. Australia), Preliminary Objections, Judgment, I.C.J. Reports
1992, p. 267, para. 69; Fisheries Jurisdiction (Spain v. Canada), Jurisdic-

tion of the Court, Judgment, I.C.J. Reports 1998 , p. 447, para. 29; see
also Prince von Pless Administration, Order of 4 February 1933,
P.C.I.J., Series A/B, No. 52, p. 14, and Société Commerciale de Belgique,
Judgment, 1939, P.C.I.J., Series A/B, No. 78 , p. 173).
109. The Court observes that, from a formal point of view, the claim

relating to sovereignty over the islands in the maritime area in dispute, as
presented in the final submissions of Nicaragua, is a new claim in relation
to the claims presented in the Application and in the written pleadings.

110. However, the mere fact that a claim is new is not in itself decisive
for the issue of admissibility. In order to determine whether a new claim

introduced during the course of the proceedings is admissible the Court
will need to consider whether,

“although formally a new claim, the claim in question can be
considered as included in the original claim in substance” ( Cer-
tain Phosphate Lands in Nauru (Nauru v. Australia), Prelimi-

40 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 695

à-dire sur le fait de savoir si la question de la souveraineté sur ces
formations [c’est-à-dire les îles situées dans la zone en litige] se

pose —, le Nicaragua tient dès à présent à indiquer que, dans les
conclusions finales qu’il présentera au terme des présentes plaidoi-
ries, il demandera expressément que cette question soit tranchée».

107. Dans les conclusions finales qu’il a présentées à la fin de la pro-
cédure orale, le Nicaragua a demandé à la Cour, sans préjudice du tracé
de la frontière maritime unique «tel que décrit dans les écritures et à
l’audience», «de trancher la question de la souveraineté sur les îles et

cayes situées dans la zone en litige».
108. La Cour note que

«[i]l ne fait pas de doute qu’il revient au demandeur, dans sa requête,
de [lui] présenter ... le différend dont il entend la saisir et d’exposer
les demandes qu’il lui soumet» (Compétence en matière de pêcheries
(Espagne c. Canada), compétence de la Cour, arrêt, C.I.J. Recueil
1998, p. 447, par. 29).

Au paragraphe 1 de l’article 40 du Statut de la Cour, il est en outre exigé
que l’«objet du différend» soit indiqué dans la requête, et, au para-
graphe 2 de l’article 38 de son Règlement, que «la nature précise de la

demande» y soit exposée. Par le passé, la Cour a été amenée à plusieurs
reprises à se référer à ces dispositions. Elle les a déclarées «essentielles au
regard de la sécurité juridique et de la bonne administration de la jus-
tice», et, sur cette base, a conclu à l’irrecevabilité de certaines nouvelles
demandes formulées en cours d’instance qui, si elles avaient été prises

en considération, auraient modifié l’objet du différend initialement
porté devant elle selon les termes de la requête (Certaines terres à phos-
phates à Nauru (Nauru c. Australie), exceptions préliminaires, arrêt,
C.I.J. Recueil 1992, p. 267, par. 69; Compétence en matière de pêcheries
(Espagne c. Canada), compétence de la Cour, arrêt , C.I.J. Recueil 1998,

p. 447, par. 29; voir également Administration du prince von Pless, ordon-
nance du 4 février 1933, C.P.J.I. série A/B n° 52 , p. 14, et Société com-
merciale de Belgique, arrêt, 1939, C.P.J.I. série A/B n° 78, p. 173).

109. La Cour observe que, d’un point de vue formel, la demande rela-

tive à la souveraineté sur les îles situées dans la zone maritime en litige,
formulée par le Nicaragua dans ses conclusions finales, constitue une
demande nouvelle par rapport à celles qui avaient été présentées dans la
requête et dans les écritures.
110. Toutefois, la nouveauté d’une demande n’est pas décisive en soi
pour la question de la recevabilité. Afin de déterminer si une nouvelle

demande introduite en cours d’instance est recevable, la Cour doit se
poser la question de savoir si,

«bien que formellement nouvelle, la demande en question ne peut
être considérée comme étant matériellement incluse dans la demande
originelle» (Certaines terres à phosphates à Nauru (Nauru c. Aus-

40696 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

nary Objections, Judgment, I.C.J. Reports 1992 , pp. 265-266,
para. 65).

For this purpose, to find that the new claim, as a matter of substance, has
been included in the original claim, it is not sufficient that there should be

links between them of a general nature. Moreover,
“[a]n additional claim must have been implicit in the application

(Temple of Preah Vihear, Merits, Judgment, I.C.J. Reports 1962 ,
p. 36) or must arise ‘directly out of the question which is the subject-
matter of that Application’ (Fisheries Jurisdiction (Federal Republic
of Germany v. Iceland), Merits, I.C.J. Reports 1974 , p. 203,
para. 72)” (Certain Phosphate Lands in Nauru (Nauru v. Australia),

Preliminary Objections, Judgment, I.C.J. Reports 1992 , p. 266,
para. 67).

111. The Court will now consider whether Nicaragua’s new claim
relating to sovereignty over the islands in the area in dispute is admissible
in light of the above criteria.
112. The maritime area in the Caribbean Sea to be delimited com-
prises a number of islands which may generate territorial sea, exclusive
economic zone and continental shelf and a number of rocks which may

generate territorial sea. Both Parties have agreed that none of the land
features in the maritime area in dispute can be regarded as terra nullius,
but each has asserted its own sovereignty over them. According to Nica-
ragua, by using a bisector as a method of delimitation, sovereignty over
these features could be attributed to either Party depending on the posi-

tion of the feature involved with respect to the bisector line.

113. On a number of occasions, the Court has emphasized that

“the land dominates the sea” (North Sea Continental Shelf (Federal
Republic of Germany/Denmark; Federal Republic of Germany/Neth-
erlands), Judgment, I.C.J. Reports 1969 , p. 51, para. 96; Aegean
Sea Continental Shelf (Greece v. Turkey), Judgment, I.C.J. Reports

1978, p. 36, para. 86; Maritime Delimitation and Territorial Ques-
tions between Qatar and Bahrain (Qatar v. Bahrain), Merits, Judg-
ment, I.C.J. Reports 2001 , p. 97, para. 185).

Accordingly, it is
“the terrestrial territorial situation that must be taken as starting

point for the determination of the maritime rights of a coastal State.
In accordance with Article 121, paragraph 2, of the 1982 Convention
on the Law of the Sea, which reflects customary international law,
islands, regardless of their size, in this respect enjoy the same status,
and therefore generate the same maritime rights, as other land terri-

tory.” (Maritime Delimitation and Territorial Questions between
Qatar and Bahrain (Qatar v. Bahrain), Merits, Judgment, I.C.J.
Reports 2001, p. 97, para. 185.)

41 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 696

tralie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1992 , p. 265-
266, par. 65).

A cet effet, pour conclure que la nouvelle demande était matériellement
incluse dans la demande originelle, il ne suffit pas qu’existent entre elles

des liens de nature générale. Encore faut-il
«que la demande additionnelle soit implicitement contenue dans la

requête (Temple de Préah Vihéar, fond, C.I.J. Recueil 1962 ,p.36)
ou découle «directement de la question qui fait l’objet de cette
requête» (Compétence en matière de pêcheries (République fédérale
d’Allemagne c. Islande), fond, C.I.J. Recueil 1974 , p. 203, par. 72)»
(Certaines terres à phosphates à Nauru (Nauru c. Australie), excep-

tions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1992 , p. 266, par. 67).

111. La Cour déterminera à présent si la nouvelle demande du Nica-
ragua relative à la souveraineté sur les îles de la zone en litige est rece-
vable à l’aune des critères énoncés ci-dessus.
112. La zone maritime à délimiter dans la mer des Caraïbes comprend
plusieurs îles pouvant engendrer une mer territoriale, une zone écono-
mique exclusive et un plateau continental, ainsi qu’un certain nombre de

rochers pouvant engendrer une mer territoriale. Les Parties ont l’une et
l’autre convenu qu’aucune des formations terrestres situées dans la zone
maritime en litige ne pouvait être réputée terra nullius, mais ont chacune
affirmé détenir sur elles la souveraineté. Selon le Nicaragua, en recourant
à la bissectrice pour effectuer la délimitation, il serait possible de conférer

une souveraineté sur ces formations à l’une ou l’autre Partie en fonction
de la position de la formation considérée par rapport à la bissectrice.
113. A plusieurs reprises, la Cour a souligné que

«la terre domine la mer» (Plateau continental de la mer du Nord
(République fédérale d’Allemagne/Danemark; République fédérale
d’Allemagne/Pays-Bas), arrêt, C.I.J. Recueil 1969 , p. 51, par. 96;
Plateau continental de la mer Egée (Grèce c. Turquie), arrêt, C.I.J.

Recueil 1978, p. 36, par. 86; Délimitation maritime et questions ter-
ritoriales entre Qatar et Bahreïn (Qatar c. Bahreïn), fond, arrêt,
C.I.J. Recueil 2001, p. 97, par. 185).

Dès lors, c’est
«la situation territoriale terrestre qu’il faut prendre pour point de

départ pour déterminer les droits d’un Etat côtier en mer. Confor-
mément au paragraphe 2 de l’article 121 de la convention de 1982
sur le droit de la mer, qui reflète le droit international coutumier, les
îles, quelles que soient leurs dimensions, jouissent à cet égard du
même statut, et par conséquent engendrent les mêmes droits en mer

que les autres territoires possédant la qualité de terre ferme.» (Déli-
mitation maritime et questions territoriales entre Qatar et Bahreïn
(Qatar c. Bahreïn), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 2001 , p. 97, par. 185.)

41697 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

114. To draw a single maritime boundary line in an area of the Car-
ibbean Sea where a number of islands and rocks are located the Court
would have to consider what influence these maritime features might
have on the course of that line. To plot that line the Court would first

have to determine which State has sovereignty over the islands and rocks
in the disputed area. The Court is bound to do so whether or not a for-
mal claim has been made in this respect. Thus the claim relating to sov-
ereignty is implicit in and arises directly out of the question which is the
subject-matter of Nicaragua’s Application, namely the delimitation of

the disputed areas of the territorial sea, continental shelf and exclusive
economic zone.
115. In the light of the foregoing, the Court concludes that the Nica-
raguan claim relating to sovereignty over the islands in the maritime area
in dispute is admissible as it is inherent in the original claim relating to

the maritime delimitation between Nicaragua and Honduras in the Car-
ibbean Sea.
116. In addition, the Court notes that the Respondent has contested
neither the jurisdiction of the Court to entertain the Nicaraguan new

claim regarding the islands, nor its admissibility. Moreover, Honduras,
for its part, observed that the new Nicaraguan claim made “the nature of
the task facing the Court” clearer so that the Court “is asked to decide
both on title to the islands and on the maritime delimitation”. Honduras
further added that as the Court was faced with a dispute over land and

maritime spaces, it “must resolve the question of sovereignty over the
land before it turns to the maritime boundary” (emphasis in the original).
In its final submissions Honduras asked the Court to adjudge and declare
that:

“The islands Bobel Cay, South Cay, Savanna Cay and Port Royal
Cay, together with all other islands, cays, rocks, banks and reefs

claimed by Nicaragua which lie north of the 15th parallel are under
the sovereignty of the Republic of Honduras.”

It is for the Court therefore to rule on the claims of the two Parties
with respect to the islands in dispute.

*
* *

6. THE C RITICAL D ATE

117. In the context of a maritime delimitation dispute or of a dispute

related to sovereignty over land, the significance of a critical date lies in
distinguishing between those acts performed à titre de souverain which
are in principle relevant for the purpose of assessing and validating effec-
tivités, and those acts occurring after such critical date, which are in gen-
eral meaningless for that purpose, having been carried out by a State

which, already having claims to assert in a legal dispute, could have taken

42 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 697

114. Pour tracer une frontière maritime unique dans une zone de la
mer des Caraïbes où se trouvent plusieurs îles et rochers, la Cour devra
examiner comment ces formations maritimes pourraient influer sur cette
ligne frontière. Il lui faudra donc commencer par déterminer à quel Etat

revient la souveraineté sur les îles et rochers situés dans la zone en litige.
La Cour est tenue de procéder ainsi, qu’une demande formelle ait ou non
été formulée en ce sens. Dans ces conditions, la demande relative à la
souveraineté est implicitement contenue dans la question qui fait l’objet
de la requête du Nicaragua, à savoir la délimitation des portions contes-

tées de mer territoriale, de plateau continental et de zone économique
exclusive, question dont elle découle directement.
115. Compte tenu de ce qui précède, la Cour conclut que la demande
du Nicaragua relative à la souveraineté sur les îles situées dans la zone
maritime en litige est recevable puisque inhérente à la demande initiale

concernant la délimitation maritime entre le Nicaragua et le Honduras
dans la mer des Caraïbes.
116. En outre, la Cour note que le défendeur n’a contesté ni sa com-
pétence pour connaître de la nouvelle demande nicaraguayenne relative

aux îles, ni la recevabilité de celle-ci. Le Honduras a d’ailleurs fait obser-
ver pour sa part que la nouvelle demande nicaraguayenne donnait une
idée plus claire de «la nature de la tâche qui incombe à la Cour», celle-ci
étant ainsi «appelée à trancher la question du titre sur les îles et celle de
la frontière maritime». Le Honduras a ajouté que, le différend dont elle

est saisie portant sur des zones terrestres et maritimes, la Cour «doit
régler la question de la souveraineté sur le territoire avant de passer à la
question des espaces maritimes» (les italiques sont dans l’original). Dans
ses conclusions finales, le Honduras a prié la Cour de dire et juger que

«[l]es îles de Bobel Cay, South Cay, Savanna Cay et Port Royal Cay,
ainsi que l’ensemble des autres îles, cayes, rochers, bancs et récifs
e
revendiqués par le Nicaragua et situés au nord du 15 parallèle, re-
lèvent de la souveraineté de la République du Honduras».

Il échet donc que la Cour se prononce sur les revendications des deux
Parties à l’égard des îles en litige.

*
* *

6. LA DATE CRITIQUE

117. Dans le contexte d’un différend portant sur une délimitation

maritime ou d’un différend relatif à la souveraineté sur un territoire,
l’importance de la date critique consiste en ceci qu’elle permet de faire la
part entre les actes accomplis à titre de souverain, qui sont en principe
pertinents aux fins d’apprécier et de confirmer des effectivités, et ceux
postérieurs à cette date, lesquels ne sont généralement pas pertinents en

tant qu’ils sont le fait d’un Etat qui, ayant déjà à faire valoir certaines

42698 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

those actions strictly with the aim of buttressing those claims. Thus a
critical date will be the dividing line after which the Parties’ acts become

irrelevant for the purposes of assessing the value of effectivités.she
Court explained in the Indonesia/Malaysia case,

“it cannot take into consideration acts having taken place after the
date on which the dispute between the Parties crystallized unless
such acts are a normal continuation of prior acts and are not under-
taken for the purpose of improving the legal position of the Party
which relies on them” (Sovereignty over Pulau Ligitan and Pulau

Sipadan (Indonesia/Malaysia), Judgment, I.C.J. Reports 2002 ,
p. 682, para. 135).

*

118. Honduras contends that there are two disputes, albeit related:
one as to whether Nicaragua or Honduras has title to the disputed
islands; and the other as to whether the 15th parallel represents the cur-

rent maritime frontier between the Parties. Nicaragua perceives it as a
single dispute.
119. Honduras observes that in respect of the dispute concerning sov-
ereignty over the maritime features in the disputed area there “may be
more than one critical date”. Thus, “[t]o the extent that the issue of title

turns on the application of uti possidetis”, the critical date would be
1821 — the date of independence of Honduras and Nicaragua from
Spain. For the purposes of post-colonial effectivités, Honduras argues
that the critical date “is obviously much later” and cannot be “earlier
than the date of the filing of the Memorial — 21 March 2001 — since this

was the first time that Nicaragua asserted that it had title to the islands”.

120. With regard to the dispute over the maritime boundary, Hondu-
ras maintains that 1979, when the Sandinista Government came to power,
constitutes the critical date, as up to that date “Nicaragua never showed

the slightest interest in the cays and islands north of the 15th parallel”.
According to Honduras, once in power in 1979 the new Government
launched “a campaign of prolonged harassment against Honduran fish-
ing vessels north of the 15th parallel”.

121. For Nicaragua, the critical date is 1977, when the Parties initiated

negotiations on maritime delimitation, following an exchange of letters
by the two Governments. Nicaragua asserts that the dispute over the
maritime boundary, by implication, encompasses the dispute over the
islands within the relevant area and therefore the critical date for both
disputes coincides.

122. Honduras dismisses Nicaragua’s alleged critical date of 1977 for
the purposes of the dispute over the islands, since the diplomatic corre-

43 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 698

revendications dans le cadre d’un différend juridique, pourrait avoir
accompli les actes en question dans le seul but d’étayer celles-ci. La date
critique marque donc le point à partir duquel les activités des Parties ces-

sent d’être pertinentes en tant qu’effectivités. Ainsi qu’elle l’a expliqué
dans l’affaire Indonésie/Malaisie, la Cour

«ne saurait prendre en considération des actes qui se sont produits
après la date à laquelle le différend entre les Parties s’est cristallisé, à
moins que ces activités ne constituent la continuation normale d’acti-
vités antérieures et pour autant qu’elles n’aient pas été entreprises en
vue d’améliorer la position juridique des Parties qui les invoquent»

(Souveraineté sur Pulau Ligitan et Pulau Sipadan (Indonésie/Malai-
sie), arrêt, C.I.J. Recueil 2002 , p. 682, par. 135).

*
118. Le Honduras soutient qu’il existe deux différends distincts, quoi-

que connexes, l’un portant sur la question de savoir si le titre sur les îles
en litige appartient au Nicaragua ou au Honduras, l’autre sur celle de
savoir si le 15 parallèle marque l’actuelle frontière maritime entre les
Parties. Le Nicaragua estime qu’il s’agit d’un différend unique.
119. Le Honduras fait observer que, s’agissant du différend relatif à la

souveraineté sur les formations maritimes se trouvant dans la zone en
litige, il «peut exister plus d’une date critique». Dès lors, «dans la mesure
où la question du titre met en jeu l’application de l’uti possidetis », la date
critique serait 1821 — date à laquelle le Honduras et le Nicaragua sont

devenus indépendants de l’Espagne. Aux fins des effectivités postcolo-
niales, le Honduras plaide que la date critique «est manifestement bien
postérieure» et ne peut être «antérieure à celle du dépôt du mémoire
— le 21 mars 2001 —, puisque c’est à ce moment-là que le Nicaragua a
affirmé pour la première fois qu’il détenait le titre sur les îles».

120. En ce qui concerne le différend portant sur la frontière maritime,
le Honduras avance la date critique de 1979, année de l’arrivée au pou-
voir du gouvernement sandiniste, «le Nicaragua n’a[yant] jamais [aupa-
ravant] manifesté le moindre intérêt pour les cayes et les îles se trouvant
e
au nord du 15 parallèle». D’après le Honduras, le nouveau gouver-
nement lança, dès son arrivée au pouvoir en 1979, une «campagne de
harcèlement continu contre les bateaux de pêche honduriens au nord
du 15 parallèle».

121. Pour le Nicaragua, la date critique à retenir est 1977, année où les
Parties engagèrent des négociations sur la délimitation maritime, à la
suite d’un échange de correspondance entre leurs deux gouvernements.
Le Nicaragua soutient que le différend relatif à la frontière maritime
englobe logiquement celui relatif aux îles situées dans la zone pertinente

et que, par voie de conséquence, la date critique est la même pour l’un et
pour l’autre.
122. Le Honduras rejette la date critique de 1977 alléguée par le Nica-
ragua aux fins du différend concernant les îles, au motif que la corres-

43699 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

spondence exchanged by the two countries makes no mention of those
maritime features. Honduras further argues that the 1977 exchange of let-

ters, and Honduras’s acceptance of the invitation “to initiate conversa-
tions leading to a definitive marine and sub-marine delimitation between
Nicaragua and Honduras in the Atlantic and Caribbean Sea zones” did
not mark the “crystallization of any dispute as no conflicting claims were
raised at that time”.

*

123. The Court considers that in cases where there exist two inter-
related disputes, as in the present case, there is not necessarily a single criti-

cal date and that date may be different in the two disputes. For these
reasons, the Court finds it necessary to distinguish two different critical
dates which are to be applied to two different circumstances. One critical
date concerns the attribution of sovereignty over the islands to one of the
two contending States. The other critical date is related to the issue of
delimitation of the disputed maritime area.

124. Rule by the Spanish Crown ended in 1821. An issue before the
Court is any applicability of the uti possidetis juris principle to title to the
islands and also to the establishment of a maritime boundary. This issue
will be addressed, by reference to the specific circumstances of the present
case, in sections 7.2 and 8.1.1. In the absence of any title based on the uti

possidetis juris principle, the Court will seek to establish an alternative
title to the islands arising out of effectivités in the post-colonial era. It
will also seek to ascertain whether there existed a tacit agreement as to
the maritime boundary during the same period. For these purposes, it
will be necessary to determine critical dates by reference to the moment at

which the two disputes crystallized.

125. It would be unfounded to set 1906 as the critical date on the basis
that it was that year that the King of Spain delivered his Arbitral Award.
It must be remembered that the Award dealt only with the land boundary

between Nicaragua and Honduras. In contrast, the Court is called upon
in the present case to delimit the maritime boundary between those two
countries and to determine the sovereignty over the islands in dispute.
126. The Court reiterates that maritime rights derive from the coastal
State’s sovereignty over the land, a principle which can be summarized as
“the land dominates the sea” (see paragraph 113 above). Following this

approach, sovereignty over the islands needs to be determined prior to
and independently from maritime delimitation.

127. As regards title to the islands in question, at the time of filing its
Application, Nicaragua did not make to the Court any claim of title to

the islands north of the 15th parallel. It was only in its Memorial of
21 March 2001 that Nicaragua for the first time made reference to the
islands, without providing any basis for a legal claim, stating only that,

44 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME ARRÊT ) 699

pondance diplomatique échangée par les deux pays ne fait aucune men-

tion de celles-ci. Il soutient en outre que l’échange de correspondance de
1977 et son acceptation de la proposition «d’engager des pourparlers en
vue de la délimitation définitive entre le Nicaragua et le Honduras de la
zone marine et sous-marine dans l’océan Atlantique et la mer des Caraï-
bes» n’ont pas marqué «la cristallisation d’un ... différend, puisqu’il n’y

avait pas à cette date de revendications concurrentes».

*
123. La Cour considère que, dans les affaires où il existe deux diffé-

rends connexes, comme en la présente espèce, il n’y a pas nécessairement
une date critique unique; cette date peut ne pas être la même aux fins des
deux différends. Elle estime donc nécessaire de distinguer deux dates cri-
tiques qui doivent s’appliquer dans deux contextes différents. La pre-

mière concerne l’attribution de la souveraineté sur les îles à l’un ou l’autre
des deux Etats qui se les disputent; la seconde, la délimitation de la zone
maritime en litige.
124. La domination par la Couronne espagnole a pris fin en 1821. Se
pose à la Cour la question d’une éventuelle application du principe de

l’uti possidetis juris tant en ce qui concerne le titre sur les îles qu’en ce qui
concerne l’établissement d’une frontière maritime. Cette question sera
traitée aux sections 7.2 et 8.1.1 à la lumière des circonstances propres à la
présente espèce. En cas d’absence de tout titre sur les îles fondé sur le
principe de l’uti possidetis juris, la Cour cherchera à en établir un à par-

tir d’effectivités de l’époque postcoloniale. Elle cherchera également à
déterminer s’il exista durant cette même période un accord tacite concer-
nant la frontière maritime. Il conviendra pour cela de définir des dates
critiques, qui dépendront du moment auquel chacun des deux différends
s’est cristallisé.

125. L’année 1906 ne saurait être retenue comme date critique au
motif que le roi d’Espagne a rendu sa sentence arbitrale cette année-là. Il
convient de ne pas oublier que cette sentence concernait uniquement la
frontière terrestre entre le Nicaragua et le Honduras, alors que, en la pré-
sente espèce, la Cour est appelée à délimiter la frontière maritime entre

ces deux pays et à déterminer lequel a la souveraineté sur les îles en litige.
126. La Cour rappellera que les droits sur la mer dérivent de la sou-
veraineté de l’Etat côtier sur la terre, principe qui peut être résumé
comme suit: «[L]a terre domine la mer.» (Voir paragraphe 113 ci-
dessus.) Dans cet esprit, la question de la souveraineté sur les îles doit

être tranchée d’abord et indépendamment de celle de la délimitation
maritime.
127. Pour ce qui est de la question du titre sur les îles en cause, lors du
dépôt de sa requête, le Nicaragua n’avait pas présenté à la Cour de reven-
dication de titre sur les îles situées au nord du 15 parallèle. Ce n’est que

dans son mémoire du 21 mars 2001 qu’il en a pour la première fois fait
état, sans motiver d’aucune façon sa prétention d’un point de vue juri-

44700 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

“[i]n the absence of the adoption of a bisector delimitation by the Court,
Nicaragua reserves the sovereign rights appurtenant to all the islets and

rocks claimed by Nicaragua in the disputed area”. Yet in the submissions
contained in the Nicaraguan Memorial, there is no claim to the islands in
dispute. The same is true in the case of the submissions in the Nicaraguan
Reply. It is only in its final submissions, at the end of the oral proceed-
ings, that Nicaragua asks the Court “to decide the question of sover-

eignty over the islands and cays within the area in dispute”.

128. The question of the admissibility of this late submission is dealt
with above at paragraphs 104 to 116.

129. With regard to the dispute over the islands, the Court considers
2001 as the critical date, since it was only in its Memorial filed in 2001
that Nicaragua expressly reserved “the sovereign rights appurtenant to
all the islets and rocks claimed by Nicaragua in the disputed area”.
130. With regard to the dispute concerning the maritime delimitation,
the Court finds that the exchange of letters of 1977 did not mark the

point at which the dispute crystallized, according to the well-established
definition of a dispute set down by the Permanent Court of International
Justice, namely that “[a] dispute is a disagreement on a point of law or
fact, a conflict of legal views or of interests between two persons” (Mav-
rommatis Palestine Concessions, Judgment No. 2, 1924, P.C.I.J.,

Series A, No. 2, p. 11). No claims or counter-claims were articulated by
the two Parties at the time and the suggested process of negotiations
came to nought.
131. In determining the critical date for the purposes of the dispute
over the delimitation line, the Court notes that on 17 March 1982,

a “Honduran vesse l...w s fishing...i waters under Honduran
jurisdiction, when it was captured by a Nicaraguan patrol boat after
cannon fire, and take n...o t a Nicaraguan port”, according to an
official letter from Honduras. On 21 March 1982, two Nicaraguan coast-
guard vessels captured four Honduran fishing vessels in the area

of Bobel and Media Luna Cays. On 23 March 1982, Honduras sent
a formal protest, stating that the Nicaraguan patrols had “penetrated
as far as Bobel and Media Luna Cays, 16 miles North of parallel 15”,
which “has been traditionally recognised by both countries to be the
dividing line in the Atlantic”. On 14 April 1982, Nicaragua denied the
existence of such a traditional line. Honduras for its part emphasized

that while indeed the frontier had not been “legally delimited”, at the
same time “it [could not] be denied that there exists, or at least there
used to exist, a traditionally accepted line, which is that which
corresponds to the parallel which crosses Cape Gracias a Dios”.
It added that the existence of this traditionally accepted line was

the only explanation for long undisturbed relations on the border
and it was only in recent times that border incidents had begun to
occur. In the view of the Court, it is from the time of these two

45 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME ARRÊT ) 700

dique, se contentant d’affirmer que, «[d]ans l’hypothèse où la Cour ne
retiendrait pas la méthode de la bissectrice pour effectuer la délimitation,
[il] se réserverait les droits souverains attachés à tous les îlots et rochers
qu’il revendique dans la zone contestée». Toutefois, dans les conclusions

contenues dans son mémoire, le Nicaragua n’avance aucune prétention
sur les îles en litige. Il en va de même en ce qui concerne les conclusions
de sa réplique. C’est seulement dans ses conclusions finales, à la fin de la
procédure orale, que le Nicaragua demande «à la Cour de trancher la
question de la souveraineté sur les îles et cayes situées dans la zone en

litige».
128. La question de la recevabilité de cette demande tardive a été exa-
minée ci-dessus, aux paragraphes 104 à 116.
129. S’agissant du différend sur les îles, la Cour retient pour date cri-
tique l’année 2001, puisque ce n’est qu’à cette date que, dans son mémoire,

le Nicaragua a expressément réservé «les droits souverains attachés à
tous les îlots et rochers qu’il revendique dans la zone contestée».
130. En ce qui concerne le différend relatif à la délimitation maritime,
la Cour estime que ce n’est pas au moment de l’échange de correspon-

dances de 1977 que s’est cristallisé le différend, au sens de la définition
bien connue qu’a donnée de ce terme la Cour permanente de Justice
internationale, à savoir «un désaccord sur un point de droit ou de fait,
une contradiction, une opposition de thèses juridiques ou d’intérêts entre
deux personnes» (Concessions Mavrommatis en Palestine, arrêt n o 2,

1924, C.P.J.I. série A n° 2 , p. 11). Les Parties ne formulèrent pas alors de
prétentions contradictoires, et la négociation proposée n’aboutit pas.

131. S’agissant de déterminer la date critique aux fins du différend sur
la ligne de délimitation, la Cour note que, selon une correspondance offi-

cielle du Honduras, le 17 mars 1982, un «navire hondurien ... pêchait ...
dans des eaux sous juridiction hondurienne, lorsqu’il fut capturé par un
patrouilleur nicaraguayen (qui avait tiré auparavant un coup de semonce)
et emmené ... dans un port du Nicaragua». Le 21 mars 1982, deux ve-

dettes des garde-côtes nicaraguayens capturaient quatre bateaux de
pêche honduriens au voisinage de Bobel Cay et de Media Luna Cay, et, le
23 mars 1982, le Honduras envoyait une protestation officielle, indiquant
que les patrouilles nicaraguayennes avaient «pénétré jusqu’à Bobel Cay
et Media Luna Cay, à 16 milles au nord du 15 parallèle ..., ligne de par-

tage traditionnellement reconnue par les deux Etats dans l’océan Atlan-
tique». Le Nicaragua ayant, le 14 avril 1982, démenti l’existence de cette
ligne traditionnelle, le Honduras fit valoir que, si la frontière n’avait
effectivement pas été «délimitée en droit», il n’en était pas moins «indé-

niable qu’il exist[ait], ou du moins qu’il [avait] exist[é], une ligne tradi-
tionnellement acceptée, ... correspondant au parallèle passant par le cap
Gracias a Dios». Le Honduras ajouta que l’on ne pouvait expliquer
autrement pourquoi les relations étaient si longtemps restées paisibles sur
la frontière et pourquoi c’était depuis peu seulement que des incidents

frontaliers avaient commencé de se produire. De l’avis de la Cour, c’est à

45701 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

incidents that a dispute as to the maritime delimitation could be said to
exist.

*
* *

7. SOVEREIGNTY OVER THE ISLANDS

132. The Court will now address the question of sovereignty over
maritime features in the disputed area of the Caribbean Sea.

**

7.1. The Maritime Features in the Area in Dispute

133. It is commonly recognized that when the Central American States
became independent in 1821, none of the islands adjacent to these States
was terra nullius ; the new States asserted sovereign titles over all the ter-
ritories that had been under Spanish dominion. Their title was based on
succession to all former Spanish colonial possessions. As explained in the

decision rendered on 24 March 1922 by the Swiss Federal Council, which
acted as arbitrator in the Frontier Dispute between Colombia and Ven-
ezuela case

“while there might exist many regions which had never been occupied
by the Spaniards and many unexplore d..,. these regions were
reputed to belong in law to whichever of the Republics succeeded to
the Spanish Province to which these territories were attached by virtue

of the old Royal Ordinances of the Spanish mother country. These
territories, although not occupied in fact, were by common consent
deemed as occupied in law from the first hour by the newly created
Republic...(United Nations, Reports of International Arbitral

Awards (RIAA), Vol. I, p. 228.) [Translation by the Registry.]
134. But if there was to be no territory without a master, within the
vast spatial expanses of the Spanish Crown not every single piece of land

had a definitive identification or had been attached to a specific admin-
istrative colonial authority. In the words of an Arbitral Award rendered
on 23 January 1933 by the Special Boundary Tribunal constituted by the
Treaty of Arbitration between Guatemala and Honduras, this was due to

“the lack of trustworthy information during colonial times” because
“much of this territory was unexplored”. In consequence,

“not only had boundaries of jurisdiction not been fixed with preci-
sion by the Crown, but there were great areas in which there had
been no effort to assert any semblance of administrative authority”
(RIAA, Vol. II, p. 1325).

46 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 701

ces deux incidents que l’on peut faire remonter l’existence d’un différend

sur la délimitation de la frontière maritime.

* * *

7. L A SOUVERAINETÉ SUR LES ÎLES

132. La Cour se penchera maintenant sur la question de la souverai-
neté sur les formations maritimes situées dans la zone contestée de la mer

des Caraïbes.

**

7.1. Les formations maritimes de la zone en litige

133. Il est communément admis que, lorsque les Etats d’Amérique
centrale devinrent indépendants en 1821, aucune des îles adjacentes à ces

Etats n’était terra nullius ; les nouveaux Etats firent valoir des titres de
souveraineté sur tous les territoires qui s’étaient trouvés sous la domina-
tion de l’Espagne. Leur titre se fondait sur la succession à toutes les
anciennes possessions coloniales de l’Espagne. Comme l’expliqua le
Conseil fédéral suisse, arbitre en l’affaire des Frontières colombo-vénézué-

liennes, dans la décision qu’il rendit le 24 mars 1922,
«bien qu’il existât de nombreuses régions qui n’avaient pas été occu-

pées par les Espagnols et de nombreuses régions inexplorées ..., ces
régions étaient réputées appartenir, en droit, à chacune des républi-
ques qui avaient succédé à la province espagnole à laquelle ces ter-
ritoires étaient rattachés en vertu des anciennes ordonnances royales
de la mère patrie espagnole. Ces territoires, bien que non occupés en

fait, étaient d’un commun accord considérés comme occupés en
droit, dès la première heure, par la nouvelle république.» (Nations
Unies, Recueil des sentences arbitrales (RSA) , vol. I, p. 228.)

134. Toutefois, même s’il ne devait pas exister de territoire sans maître,
dans l’immensité des territoires de la Couronne espagnole, tous n’avaient
pas fait l’objet d’une identification définitive ni été rattachés à une auto-
rité administrative coloniale donnée. Ainsi qu’il est dit dans la sentence
arbitrale rendue le 23 janvier 1933 par le tribunal spécial de délimitation

constitué en exécution du traité d’arbitrage entre le Guatemala et le Hon-
duras, l’explication en est à rechercher dans «l’absence, à l’époque colo-
niale, d’informations dignes de foi», «ce territoire [étant] dans une large
mesure inexploré». En conséquence,

«non seulement la Couronne n’avait pas déterminé de façon précise
les limites des juridictions, mais il existait de vastes régions dans les-
quelles aucun effort n’avait été mené en vue d’assurer le respect d’un

quelconque semblant d’autorité administrative» (RSA, vol. II,
p. 1325).

46702 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

135. Given the dual nature of the present case — a maritime delimita-
tion and a determination of sovereignty over islands situated in the mari-

time area in dispute — and taking into account the principle that the
“land dominates the sea” (see paragraph 113 above), the legal nature of
the land features in the disputed area must be assessed at the outset.

136. There are four relevant cays involved, Bobel Cay, Savanna Cay,

Port Royal Cay and South Cay. All of these cays are located outside the
territorial sea of the mainland of both Nicaragua and Honduras. They lie
to the south of the bisector line advanced by the Applicant as the delimi-
tation line, and to the north of the 15th parallel claimed by the Respon-
dent as the delimitation line. In addition to these four main cays, there

are a number of smaller islets, cays and reefs in the same area, of which
the physical status (such as whether they are completely submerged
below sea level, either permanently or at high tide), and consequently
their legal status (for the purposes of the application of Articles 6, 13 or
121 of UNCLOS) are not clear.
137. The Court notes that the Parties do not dispute the fact that

Bobel Cay, Savanna Cay, Port Royal Cay and South Cay remain above
water at high tide. They thus fall within the definition and régime of
islands under Article 121 of UNCLOS (to which Nicaragua and Hondu-
ras are both parties). Therefore these four features will hereinafter be
referred to as islands.

The Court further notes that the Parties do not claim for these islands
any maritime areas beyond the territorial sea (the question of the breadth
of territorial sea around these islands will be dealt with below, see para-
graph 302).
138. With the exception of these four islands, there seems to be an

insufficiency in the information which the Court would require in order
to identify a number of the other maritime features in the disputed area.
In this regard, little assistance was provided in the written and oral pro-
cedures to define with the necessary precision the other “features” in
respect of which the Parties are asking the Court to decide the question

of territorial sovereignty.
139. In its final submissions, although Nicaragua requests the Court to
decide the question of sovereignty over the islands and cays within the
area in dispute, it does not there identify these features by name. Instead,
it resorts to the use of a description in general terms, referring to “the
islands and cays within the area in dispute”. The Applicant does not list

the islands and cays nor does it specify the legal characterization of these
features. Although at moments in the past Nicaragua has laid claim to
maritime areas up to the 17th parallel, in the context of the pleadings in
the present case, the “area in dispute” should be understood to refer to
the maritime area lying between the 15th parallel and the bisector line

which Nicaragua claims as the maritime boundary (see paragraphs 19
and 83 above).
140. Honduras is more specific in its final submissions but only in that

47 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME ARRÊT ) 702

135. Compte tenu de la double nature de la présente espèce — une
délimitation maritime et une détermination de souveraineté sur les îles
situées dans la zone maritime en litige —, et si l’on prend en considéra-

tion le principe suivant lequel «la terre domine la mer» (voir paragra-
phe 113 ci-dessus), il y a lieu de déterminer tout d’abord la nature juri-
dique des formations terrestres de la zone en litige.
136. Quatre cayes sont concernées, Bobel Cay, Savanna Cay,
Port Royal Cay et South Cay, qui se trouvent toutes hors des eaux

territoriales bordant les côtes continentales tant du Nicaragua que du
Honduras. Elles sont situées au sud de la bissectrice revendiquée par le
demandeur comme ligne de délimitation et au nord du 15 parallèle e
revendiqué par le défendeur comme ligne de délimitation. Outre ces

quatre cayes principales, la même zone compte plusieurs îlots, cayes et
récifs dont le statut physique (notamment le point de savoir s’ils sont
entièrement recouverts, en permanence ou à marée haute) et, par consé-
quent, le statut juridique (aux fins de l’application des articles 6, 13 et

121 de la CNUDM) ne sont pas clairs.
137. La Cour note que les Parties ne contestent pas le fait que Bobel
Cay, Savanna Cay, Port Royal Cay et South Cay restent découvertes à
marée haute. Elles relèvent donc de la définition et du régime des îles
figurant à l’article 121 de la CNUDM (à laquelle le Nicaragua et le Hon-

duras sont l’un et l’autre parties). Dès lors, ces quatre formations seront
appelées ci-après des îles.
La Cour note en outre que les Parties ne revendiquent pas pour ces îles
de zones maritimes au-delà de la mer territoriale (la question de la largeur

de la mer territoriale entourant ces îles sera examinée ci-après au para-
graphe 302).
138. Hormis pour ces quatre îles, il semble que la Cour n’ait pas reçu
tous les renseignements dont elle aurait besoin pour identifier avec préci-
sion un certain nombre des autres formations maritimes situées dans la

zone en litige. A cet égard, les pièces de procédure écrite et les plaidoiries
ont été de peu d’aide pour définir, avec la précision nécessaire, les autres
«formations» pour lesquelles les Parties demandent à la Cour de tran-
cher la question de la souveraineté territoriale.

139. Bien que, dans ses conclusions finales, le Nicaragua prie la Cour
de trancher la question de la souveraineté sur les îles et cayes situées dans
la zone en litige, il n’y précise pas les noms de ces formations, mais
recourt à une description en termes généraux, se référant aux «îles et

cayes situées dans la zone en litige». Le demandeur ne donne pas de liste
exhaustive des îles et cayes et ne précise pas non plus la qualification juri-
dique de ces formations. Quoique le Nicaragua ait parfois revendiqué,
par le passé, des zones maritimes s’étendant jusqu’au 17 parallèle, la
«zone en litige» doit, au vu des écritures et des plaidoiries, être interpré-

tée en l’espèce comme renvoyant à la zone maritime située entre le
15 parallèle et la bissectrice que le Nicaragua revendique comme fron-
tière maritime (voir paragraphes 19 et 83 ci-dessus).
140. Le Honduras est plus précis dans ses conclusions finales, mais

47703 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

it explicitly names the four features which it has called islands from the
very beginning and over which it claims sovereignty: Bobel Cay,

Savanna Cay, Port Royal Cay and South Cay. But then it uses a diffuse
and indeterminate description: “together with all other islands, cays,
rocks, banks and reefs claimed by Nicaragua which lie north of the
15th parallel”. The problem with such a request is that, as stated above,
Nicaragua does not specify in its final submissions “the islands and cays

within the area in dispute” and, additionally, does not claim any “rocks,
banks and reefs”.

141. In this connection, the Court notes that features which are not
permanently above water, and which lie outside of a State’s territorial

waters, should be distinguished from islands. As to the question of
appropriation, in the case concerning Maritime Delimitation and Terri-
torial Questions between Qatar and Bahrain (Qatar v. Bahrain), the
Court observed that it was not

“aware of a uniform and widespread State practice which might
have given rise to a customary rule which unequivocally permits or
excludes appropriation of low-tide elevations” (Maritime Delimita-
tion and Territorial Questions between Qatar and Bahrain (Qatar v.

Bahrain), Merits, Judgment, I.C.J. Reports 2001 , p. 102, para. 205).

However, it added that:
“The few existing rules do not justify a general assumption that

low-tide elevations are territory in the same sense as islands. It has
never been disputed that islands constitute terra firma, and are sub-
ject to the rules and principles of territorial acquisition; the differ-
ence in effects which the law of the sea attributes to islands and low-
tide elevations is considerable. It is thus not established that in the

absence of other rules and legal principles, low-tide elevations can,
from the viewpoint of the acquisition of sovereignty, be fully assimi-
lated with islands or other land territory.” (Ibid., para. 206.)

The Court also recalled “the rule that a low-tide elevation which is situ-
ated beyond the limits of the territorial sea does not have a territorial sea
of its own” (ibid., para. 207).

142. Additionally, in the case of those features that do not qualify as
islands according to UNCLOS because they are not permanently above
water at high tide, there was little further to be found in the pleadings
addressing this matter.
143. During the proceedings, two other cays were mentioned: Log-

wood Cay (also called Palo de Campeche) and Media Luna Cay. In
response to a question put by Judge ad hoc Gaja to the Parties in the
course of the oral proceedings as to whether these cays would qualify as

48 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME ARRÊT ) 703

seulement en ce qu’il cite nommément les quatre formations qu’il appelle

des îles depuis le tout début et sur lesquelles il revendique la souveraineté:
Bobel Cay, Savanna Cay, Port Royal Cay et South Cay. Les autres for-
mations sont décrites de manière vague et imprécise comme «l’ensemble
des autres îles, cayes, rochers, bancs et récifs revendiqués par le Nicara-
gua et situés au nord du 15 parallèle». Le problème que pose une telle

demande est que, ainsi qu’il est indiqué ci-dessus, le Nicaragua ne précise
pas, dans ses conclusions finales, quelles sont «les îles et cayes situées
dans la zone en litige» et, par ailleurs, ne revendique aucun «rocher, banc
ou récif».
141. A cet égard, la Cour note qu’une distinction doit être établie entre

des formations qui ne sont pas découvertes en permanence, et qui se trou-
vent placées hors des eaux territoriales d’un Etat, et des îles. S’agissant de
la question de l’appropriation, la Cour a indiqué, en l’affaire de la Déli-
mitation maritime et des questions territoriales entre Qatar et Bahreïn

(Qatar c. Bahreïn), que, à sa connaissance,
«il n’exist[ait] pas ... de pratique étatique uniforme et largement

répandue qui aurait pu donner naissance à une règle coutumière
autorisant ou excluant catégoriquement l’appropriation des hauts-
fonds découvrants» (Délimitation maritime et questions territoriales
entre Qatar et Bahreïn (Qatar c. Bahreïn), fond, arrêt, C.I.J. Recueil
2001, p. 102, par. 205).

Elle a toutefois ajouté ce qui suit:

«Les quelques règles existantes ne justifient pas que l’on présume
de façon générale que les hauts-fonds découvrants constituent des
territoires au même titre que les îles. Il n’a jamais été contesté que les

îles constituent de la terre ferme et qu’elles sont soumises aux règles
et principes de l’acquisition territoriale; il existe en revanche une
importante différence entre les effets que le droit de la mer attribue
aux îles et ceux qu’il attribue aux hauts-fonds découvrants. Il n’est
donc pas établi que, en l’absence d’autres règles et principes juri-

diques, les hauts-fonds découvrants puissent, du point de vue de
l’acquisition de la souveraineté, être pleinement assimilés aux îles et
autres territoires terrestres.» (Ibid., par. 206.)

La Cour a également rappelé «la règle selon laquelle les hauts-fonds
découvrants situés au-delà des limites de la mer territoriale ne sont pas
dotés d’une mer territoriale propre» (ibid., par. 207).
142. De surcroît, la question des formations qui ne peuvent être quali-

fiées d’îles au sens de la CNUDM du fait qu’elles ne sont pas découvertes
en permanence a été peu abordée dans les écritures et à l’audience.

143. Au cours de la procédure, deux autres cayes ont été mentionnées:
Logwood Cay (également dénommée Palo de Campeche) et Media Luna

Cay. En réponse à une question que leur a posée à l’audience le juge ad
hoc Gaja quant à savoir si ces cayes pourraient être considérées comme

48704 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

islands within the meaning of Article 121, paragraph 1, of UNCLOS, the
Parties have stated that Media Luna Cay is now submerged and thus that

it is no longer an island. Uncertainty prevails in the case of Logwood Cay’s
current condition: according to Honduras it remains above water (though
only slightly) at high tide; according to Nicaragua, it is completely sub-
merged at high tide.
144. Given all these circumstances, the Court is not in a position to

make a determinative finding on the maritime features in the area in dis-
pute other than the four islands referred to in paragraph 137. The Court
thus regards it as appropriate to pronounce only upon the question of
sovereignty over Bobel Cay, Savanna Cay, Port Royal Cay and
South Cay.

145. A claim was also made during the oral proceedings by each Party
to an island in an entirely different location, namely, the island in the
mouth of the River Coco. For the last century the unstable nature of the
river mouth has meant that larger islands are liable to join their nearer
bank and the future of smaller islands is uncertain. Because of the chang-
ing conditions of the area, the Court makes no finding as to sovereign

title over islands in the mouth of the River Coco.

**

7.2. The Uti Possidetis Juris Principle and Sovereignty over
the Islands in Dispute

146. The Court observes that the principle of uti possidetis juris has
been relied on by Honduras as the basis of sovereignty over the islands in

dispute. This is contested by Nicaragua which asserts that sovereignty
over the islands cannot be attributed to one or the other Party on the
basis of this principle.
147. Honduras argues that the uti possidetis juris principle embedded
in the Gámez-Bonilla Treaty and confirmed by the 1906 Award of the

King of Spain and by the 1960 Judgment of the Court is applicable as
between Honduras and Nicaragua, not only to their mainland territory,
but also to the maritime area off the coast of the two countries which is
now the subject of dispute for delimitation, together with the islands in
the disputed area. Honduras adds that the line established as the line of
maritime delimitation on the basis of the uti possidetis juris principle is

the line that begins along the 15th parallel.

148. Honduras argues that because of the Royal Decree of 17 Decem-
ber 1760 which established that Spanish territorial waters extended for
6 nautical miles, Nicaragua and Honduras succeeded in 1821 not only to

their mainland territory but also to islands and a maritime area extending
6 miles [RH, para. 3.16]. With respect to sovereignty over the islands in
dispute by virtue of the principle of uti possidetis juris, Honduras relies in

49 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 704

des îles au sens du paragraphe 1 de l’article 121 de la CNUDM, les

Parties ont affirmé que Media Luna Cay était maintenant recouverte et
qu’elle n’était donc plus une île. Le doute subsiste quant à l’état actuel de
Logwood Cay: selon le Honduras, elle reste découverte (quoique de peu)
à marée haute; d’après le Nicaragua, elle est complètement recouverte à
marée haute.

144. Au vu de toutes ces circonstances, la Cour n’est pas en mesure de
se prononcer sur les formations maritimes, autres que les quatre îles
visées au paragraphe 137, se trouvant dans la zone en litige. La Cour
estime dès lors approprié de ne statuer que sur la question de la souve-
raineté sur Bobel Cay, Savanna Cay, Port Royal Cay et South Cay.

145. A l’audience, chacune des Parties a également revendiqué une île
située en un endroit totalement différent, à savoir celle se trouvant à
l’embouchure du fleuve Coco. Depuis un siècle, le caractère instable de

l’embouchure de ce fleuve est tel que les îles les plus grandes sont suscep-
tibles de s’intégrer à la côte la plus proche et que le devenir d’îles plus
petites est incertain. En raison des caractéristiques changeantes de la zone
en question, la Cour ne se prononcera pas sur l’attribution d’un titre sou-
verain sur les îles situées dans l’embouchure du fleuve Coco.

**

7.2. Le principe de l’uti possidetis juris et la souveraineté

sur les îles en litige

146. La Cour relève que le principe de l’uti possidetis juris a été invo-
qué par le Honduras en tant que base de souveraineté sur les îles en litige.
Le Nicaragua affirme en revanche que la souveraineté sur les îles ne sau-
rait être attribuée à l’une ou l’autre Partie sur la base de ce principe.

147. Le Honduras prétend que le principe de l’uti possidetis juris,
consacré dans le traité Gámez-Bonilla et confirmé par la sentence rendue
par le roi d’Espagne en 1906 ainsi que par l’arrêt de la Cour de 1960,
s’applique entre le Honduras et le Nicaragua non seulement pour ce qui

est de leur territoire continental, mais aussi pour ce qui est de l’espace
maritime qui s’étend au large de la côte des deux pays et dont la délimita-
tion est à présent en cause, ainsi que pour les îles situées dans la zone en
litige. Le Honduras ajoute que la ligne tracée sur la base du principe de
l’uti possidetis juris en tant que ligne de délimitation maritime correspond
e
à la ligne qui commence le long du 15 parallèle.
148. Le Honduras affirme que, du fait du décret royal du 17 décembre
1760 qui a fixé à 6 milles marins l’étendue des eaux territoriales espa-
gnoles, le Nicaragua et le Honduras ont, en 1821, succédé à la Couronne
espagnole non seulement pour ce qui concerne leur territoire continental,

mais aussi pour ce qui est des îles et de la zone maritime des 6 milles.
S’agissant de la souveraineté sur les îles en litige en vertu du principe de

49705 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

the first place on the Royal Warrant of 23 August 1745 which established
two military jurisdictions within the Captaincy-General of Guatemala,

one running from the Yucatán Peninsula to Cape Gracias a Dios and the
other from Cape Gracias a Dios down to but not including the Cha-
gres River. The northern jurisdiction appertained to Honduras and the
southern to Nicaragua. Honduras further refers to the Royal Decree of
20 November 1803, according to which “the Islands of San Andrés and

the part of the Mosquito Coast from Cape Gracias a Dios inclusive to
the Chagres River, shall be separated from the Captaincy-General of
Guatemala and become dependent on the Vice Royalty of Santa Fé”.
Honduras contends that this Decree shows that the islands and waters
north of Cape Gracias a Dios corresponded to the military and maritime

jurisdiction of the Captaincy-General of Guatemala while the islands and
waters south of the Cape corresponded to the Vice-Royalty of Santa Fé.
Finally, Honduras maintains that before independence, the Government
of Honduras exercised jurisdiction north of Cape Gracias a Dios, while
the General Command of Nicaragua exercised jurisdiction south of the
Cape.

149. Honduras claims that the 1850 Treaty between Spain and Nica-
ragua and the 1866 Treaty between Spain and Honduras respectively rec-
ognized the sovereignty of Nicaragua and Honduras over their mainland
territories and adjacent islands that lie along their coasts. Honduras sub-
mits that the islands in dispute were closer to Honduras’s coast than to

any other part of the former Spanish empire. Honduras also notes that
the existence of these islands was certainly known at the time of the inde-
pendence of the Central American States, as maps dating to that period
show the islands in dispute, such as, for example, an 1801 chart compris-
ing the coasts of Yucatán, Mosquitos and Honduras.

*

150. Nicaragua does not deny that the principle of uti possidetis juris

may have relevance in establishing sovereignty over insular possessions,
but it contends that the principle is not applicable in the current case, “as
there is no evidence that the King of Spain attributed the dozens of Lil-
liputian cays, many of them not even having a name, to one or other of
the provinces of the Captaincy-General of Guatemala”. According to
Nicaragua, the territorial sea fell at the time under the exclusive jurisdic-

tion of the Spanish authorities in Madrid, and not under the control of
the local authorities. Nicaragua argues that no documentary evidence
supports the title of either Nicaragua or Honduras to the islands on the
basis of the uti possidetis juris of 1821, which, according to Nicaragua, is
unsurprising given their lack of economic or strategic significance. Nica-

ragua further argues that, in the absence of such evidence, the remaining
consideration is “the location of the islets in dispute in relation to other
territories of the states concerned”. According to Nicaragua, however, at

50 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 705

l’uti possidetis juris, le Honduras invoque tout d’abord le brevet royal du
23 août 1745 qui créa au sein de la capitainerie générale de Guatemala

deux juridictions militaires, l’une allant de la péninsule du Yucatán
jusqu’au cap Gracias a Dios, l’autre du cap Gracias a Dios jusqu’au
fleuve Chagres, celui-ci non compris. La juridiction septentrionale appar-
tenait au Honduras et la juridiction méridionale au Nicaragua. Le Hon-
duras mentionne en outre le décret royal du 20 novembre 1803, aux

termes duquel «les îles de San Andrés et la partie de la côte des Mosquitos
qui va du cap Gracias a Dios au fleuve Chagres, y compris celui-ci, sont
détachées de la capitainerie générale de Guatemala et placées sous la juri-
diction de la vice-royauté de Santa Fé». Il affirme que ce décret montre
que les îles et les eaux se trouvant au nord du cap Gracias a Dios rele-

vaient de la juridiction militaire et maritime de la capitainerie générale de
Guatemala, alors que les îles et les eaux se trouvant au sud du cap rele-
vaient de la vice-royauté de Santa Fé. Il soutient enfin que, avant l’indé-
pendance, le gouvernement du Honduras exerçait sa juridiction au nord
du cap Gracias a Dios, tandis que le commandement général du Nicara-
gua exerçait sa juridiction au sud du cap.

149. Le Honduras fait valoir que les traités conclus respectivement
entre l’Espagne et le Nicaragua en 1850 et entre l’Espagne et le Honduras
en 1866 reconnaissaient la souveraineté du Nicaragua et du Honduras sur
leurs territoires continentaux et sur les îles adjacentes à leurs côtes. Il
affirme que les îles en litige étaient plus proches de sa côte que de celle de

toute autre partie de ce qui constituait alors l’Empire espagnol. Il note
également que leur existence était certainement connue à l’époque de
l’indépendance des Etats d’Amérique centrale, puisqu’elles sont représen-
tées sur des cartes datant de cette période, par exemple la carte de 1801
sur laquelle se trouvaient représentées les côtes du Yucatán, des Mosqui-

tos et du Honduras.

*

150. Le Nicaragua ne nie pas que le principe de l’uti possidetis juris

puisse être pertinent pour l’établissement d’une souveraineté sur des pos-
sessions insulaires, mais affirme que le principe n’est pas applicable en la
présente affaire, «car il n’existe aucune preuve que le roi d’Espagne ait
attribué les dizaines de cayes lilliputiennes, beaucoup d’entre elles n’ayant
pas même de nom, à l’une ou l’autre des provinces de la capitainerie
générale de Guatemala». Selon le Nicaragua, la mer territoriale relevait à

l’époque de la juridiction exclusive des autorités espagnoles à Madrid, et
n’était pas placée sous le contrôle des autorités locales. Le Nicaragua
soutient qu’il n’existe aucune preuve documentaire démontrant l’exis-
tence d’un titre du Nicaragua ou du Honduras sur les îles en vertu de l’uti
possidetis juris de 1821, ce qui, selon lui, n’est pas surprenant, puisque

celles-ci étaient dépourvues d’importance économique ou stratégique. Il
soutient en outre que, en l’absence d’une telle preuve, il reste à considérer
«l’emplacement des îlots en litige par rapport aux autres territoires des

50706 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

the time of independence this principle of proximity operated not to the
benefit of Honduras or Nicaragua, but rather to the benefit of the Cap-

taincy-General of Guatemala which exercised direct jurisdiction over the
settlements on the Mosquito Coast. In any event, Nicaragua claims that
the islands are more proximate to Nicaragua’s Edinburgh Cay than to
any Honduran territory.

*

151. The Court has recognized that “the principle of uti possidetis has
kept its place among the most important legal principles” regarding ter-
ritorial title and boundary delimitation at the moment of decolonization

(Frontier Dispute (Burkina Faso/Republic of Mali), Judgment, I.C.J.
Reports 1986, p. 567, para. 26). In that case, the Chamber of the Court
found that it

“cannot disregard the principle of uti possidetis juris, the application
of which gives rise to this respect of intangibility of frontiers...Itis
a general principle, which is logically connected with the phenom-
enon of the obtaining of independence, wherever it occurs. Its obvi-
ous purpose is to prevent the independence and stability of new

States being endangered by fratricidal struggles provoked by the
challenging of frontiers following the withdrawal of the administer-
ing power.” (Ibid., p. 565, para. 20.)

152. In that same Judgment, the Chamber of the Court examined dif-
ferent aspects of the uti possidetis juris principle. One such aspect

“is found in the pre-eminence accorded to legal title over effective
possession as a basis of sovereignty. Its purpose, at the time of the
achievement of independence by the former Spanish colonies of
America, was to scotch any designs which non-American colonizing

powers might have on regions which had been assigned by the
former metropolitan State to one division or another, but which
were still uninhabited or unexplored.” (Ibid., p. 566, para. 23.)

153. According to the Judgment of the Chamber of the Court:

“The essence of the principle lies in its primary aim of securing
respect for the territorial boundaries at the moment when independ-
ence is achieved. Such territorial boundaries might be no more than
delimitations between different administrative divisions or colonies
all subject to the same sovereign. In that case, the application of the
principle of uti possidetis resulted in administrative boundaries being

transformed into international frontiers in the full sense of the
term.” (Ibid.)

154. It is beyond doubt that the uti possidetis juris principle is appli-
cable to the question of territorial delimitation between Nicaragua and
Honduras, both former Spanish colonial provinces. During the nine-

51 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 706

Etats concernés». Toutefois, selon le Nicaragua, à l’indépendance, ce

principe de proximité opéra non pas en faveur du Honduras ou du Nica-
ragua, mais plutôt en faveur de la capitainerie générale de Guatemala, qui
exerçait une juridiction directe sur les établissements de la côte des Mos-
quitos. En tout état de cause, le Nicaragua prétend que les îles sont plus
proches d’Edinburgh Cay au Nicaragua que de tout territoire hondurien.

*

151. La Cour a reconnu que le «principe de l’uti possidetis s’[était]
maintenu au rang des principes juridiques les plus importants» en matière

de titre territorial et de délimitation des frontières au moment de la déco-
lonisation (Différend frontalier (Burkina Faso/République du Mali),
arrêt, C.I.J. Recueil 1986 , p. 567, par. 26). Dans l’affaire en cause, la
Chambre de la Cour a déclaré qu’elle

«ne saurait écarter le principe de l’uti possidetis juris, dont l’appli-
cation a précisément pour conséquence le respect des frontières

héritées... Il constitue un principe général, logiquement lié au phéno-
mène de l’accession à l’indépendance, où qu’il se manifeste. Son but
évident est d’éviter que l’indépendance et la stabilité des nouveaux
Etats ne soient mises en danger par des luttes fratricides nées de la
contestation des frontières à la suite du retrait de la puissance admi-

nistrante.» (Ibid., p. 565, par. 20.)
152. Dans le même arrêt, la Chambre de la Cour a examiné différents

aspects du principe de l’uti possidetis juris. L’un d’eux
«accorde au titre juridique la prééminence sur la possession effective

comme base de la souveraineté. Sa finalité, à l’époque de l’accession
à l’indépendance des anciennes colonies espagnoles d’Amérique, était
de priver d’effets les visées éventuelles de puissances colonisatrices
non américaines sur des régions que l’ancienne métropole avait assi-
gnées à l’une ou à l’autre des circonscriptions et qui étaient demeu-

rées non occupées ou inexplorées.» (Ibid., p. 566, par. 23.)
153. Selon l’arrêt de la Chambre de la Cour:

«[S]ous son aspect essentiel, ce principe vise, avant tout, à assurer
le respect des limites territoriales au moment de l’accession à l’indé-

pendance. Ces limites territoriales pouvaient n’être que des délimita-
tions entre divisions administratives ou colonies relevant toutes de la
même souveraineté. Dans cette hypothèse, l’application du principe
de l’uti possidetis emportait la transformation de limites administra-
tives en frontières internationales proprement dites.» (Ibid.)

154. Indubitablement, le principe de l’uti possidetis juris s’applique à

la question de la délimitation territoriale entre le Nicaragua et le eondu-
ras, tous deux anciennes provinces coloniales espagnoles. Au XIX siècle,

51707 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

teenth century, negotiations aimed at determining the territorial bound-
ary between Nicaragua and Honduras culminated in the conclusion of

the Gámez-Bonilla Treaty of 7 October 1894, in which both States agreed
in Article II, paragraph 3, that “each Republic [was] owner of the terri-
tory which at the date of independence constituted, respectively, the
provinces of Honduras and Nicaragua”. The terms of the Award of the
King of Spain of 1906, based specifically on the principle of uti possidetis

juris as established in Article II, paragraph 3, of the Gámez-Bonilla
Treaty, defined the territorial boundary between the two countries with
regard to the disputed portions of land, i.e. from Portillo de Teotecacinte
to the Atlantic Coast. The validity and binding force of the 1906 Award
have been confirmed by this Court in its 1960 Judgment and both Parties

to the present dispute accept the Award as legally binding.

*
155. The Court now turns from the question of territorial title settled

in 1906 to the question currently before it of sovereignty over the islands.

156. The Court begins by observing that uti possidetis juris may, in
principle, apply to offshore possessions and maritime spaces (Land,
Island and Maritime Frontier Dispute (El Salvador/Honduras: Nicara-

gua intervening), Judgment, I.C.J. Reports 1992 , p. 558, para. 333;
p. 589, para. 386).
157. It is well established that “a key aspect of the principle [of uti pos-
sidetis juris] is the denial of the possibility of terra nullius”( ibid., p. 387,
para. 42). However, that dictum cannot bring within the territory of suc-

cessor States islands not shown to be subject to Spanish colonial rule, nor
ipso facto render as “attributed”, islands which have no connection with
the mainland coast concerned. Even if both Parties in this case agree that
there is no question of the islands concerned being res nullius, necessary
legal questions remain to be answered.

158. The Court observes that the mere invocation of the principle of
uti possidetis juris does not of itself provide a clear answer as to sover-
eignty over the disputed islands. If the islands are not terra nullius,as
both Parties acknowledge and as is generally recognized, it must be

assumed that they had been under the rule of the Spanish Crown. How-
ever, it does not necessarily follow that the successor to the disputed
islands could only be Honduras, being the only State formally to
have claimed such status. The Court recalls that uti possidetis juris
presupposes the existence of a delimitation of territory between

the colonial provinces concerned having been effected by the central col-
onial authorities. Thus in order to apply the principle of uti
possidetis juris to the islands in dispute it must be shown that the

52 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME ARRÊT ) 707

des négociations visant à déterminer la frontière territoriale entre le Nica-
ragua et le Honduras s’achevèrent par la conclusion du traité Gámez-

Bonilla du 7 octobre 1894, dans lequel les deux Etats convinrent, au
paragraphe 3 de l’article II, que «chaque république [était] maîtresse des
territoires qui, à la date de l’indépendance, constituaient respectivement
les provinces du Honduras et du Nicaragua». La sentence rendue par le
roi d’Espagne en 1906, laquelle repose précisément sur le principe de l’uti

possidetis juris inscrit dans le paragraphe 3 de l’article II du traité
Gámez-Bonilla, définit la frontière territoriale entre les deux pays pour ce
qui concerne les portions de terre alors contestées, à savoir celles situées
entre le Portillo de Teotecacinte et la côte atlantique. La validité ainsi que
le caractère obligatoire de la sentence de 1906 ont été confirmés par la

Cour dans son arrêt de 1960 et les deux Parties au présent différend
reconnaissent la sentence comme juridiquement obligatoire.

*
155. La Cour passera à présent de la question du titre territorial réglée

en 1906 à celle de la souveraineté sur les îles dont elle se trouve saisie en
l’espèce.
156. La Cour commencera par faire observer que l’uti possidetis juris
peut, en principe, s’appliquer aux possessions territoriales situées au large
des côtes et aux espaces maritimes (Différend frontalier terrestre, insu-

laire et maritime (El Salvador/Honduras; Nicaragua (intervenant)),
arrêt, C.I.J. Recueil 1992 , p. 558, par. 333; p. 589, par. 386).
157. Il est bien établi qu’«un aspect essentiel [du] principe [de l’uti pos-
sidetis juris] est ... d’écarter la possibilité d’un territoire sans maître»
(ibid., p. 387, par. 42). Cependant, ce prononcé ne saurait conduire à

inclure dans le territoire d’Etats successeurs des îles dont il n’a pas été
démontré qu’elles relevaient du pouvoir colonial espagnol, ni ne peut ipso
facto transformer en îles «attribuées» des îles n’ayant aucun lien avec la
côte continentale concernée. Même si les deux Parties conviennent en
l’espèce que les îles en question ne sauraient aucunement être considérées

comme res nullius, des questions de droit demeurent, qui appellent néces-
sairement des réponses.
158. La Cour observe que la simple invocation du principe de l’uti pos-
sidetis juris ne fournit pas en soi une réponse claire quant à la souverai-
neté sur les îles en litige. Si les îles ne sont pas terra nullius, ainsi que le
reconnaissent les deux Parties et qu’il est communément admis, l’on ne

peut que présumer qu’elles relevaient de la Couronne espagnole. Toute-
fois, cela ne signifie pas nécessairement que le successeur en ce qui
concerne les îles en litige ne pourrait être que le Honduras du fait que
celui-ci est le seul Etat à avoir formellement revendiqué un tel statut. La
Cour rappelle que l’uti possidetis juris présuppose que les autorités colo-

niales centrales aient procédé à une délimitation territoriale entre les pro-
vinces coloniales concernées. Ainsi, pour que le principe de l’uti possidetis
juris puisse être appliqué aux îles en litige, il doit au préalable être

52708 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

Spanish Crown had allocated them to one or the other of its colonial
provinces.

*

159. The Court accordingly now turns to the issue of whether there is
convincing evidence which would allow it to determine whether and to

which of the colonial provinces of the former Spanish America the
islands in question had been attributed, bearing in mind the fact that
these islands had at that time no particular strategic, economic or mili-
tary significance. If indeed any such attribution were to be established,
depending on whose administrative authority the islands would have

fallen under during colonial rule, the disputed islands would subse-
quently have come under the sovereignty of either Honduras or Nicara-
gua at the time they became independent States in 1821.

160. In the case concerning the Land, Island and Maritime Frontier
Dispute (El Salvador/Honduras: Nicaragua intervening) , the Chamber

of the Court, in its 1992 Judgment, found it necessary to consider
whether it was “possible to establish the appurtenance in 1821 of each
disputed island to one or the other of the various administrative units of
the Spanish colonial structure in Central America”. The conclusions of
the Chamber are applicable to the present case:

“In the case of the islands, there are no land titles of the kind
which the Chamber has taken into account in order to reconstruct

the limits of the uti possidetis juris on the mainland; and the legis-
lative and administrative texts are confused and conflicting. The
attribution of individual islands to the territorial administrative divi-
sions of the Spanish colonial system, for the purposes of their alloca-
tion to the one or the other newly-independent State, may well have

been a matter of some doubt and difficulty, judging by the evidence
and information submitted. It should be recalled that when the prin-
ciple of the uti possidetis juris is involved, the jus referred to is not
international law but the constitutional or administrative law of the
pre-independence sovereign, in this case Spanish colonial law; and it

is perfectly possible that that law itself gave no clear and definitive
answer to the appurtenance of marginal areas, or sparsely populated
areas of minimal economic significance.” (Land, Island and Maritime
Frontier Dispute (El Salvador/Honduras: Nicaragua intervening),
Judgment, I.C.J. Reports 1992 , pp. 558-559, para. 333.)

161. The Parties have not produced documentary or other evidence
from the pre-independence era which explicitly refers to the islands. The

Court further observes that proximity as such is not necessarily determi-
native of legal title. The information provided by the Parties on the colo-
nial administration of Central America by Spain does not allow for cer-

53 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 708

démontré que la Couronne espagnole les avait attribuées à l’une ou
l’autre de ses provinces coloniales.

*

159. Par conséquent, la Cour examinera maintenant s’il existe des élé-
ments de preuve convaincants qui lui permettraient de déterminer à

laquelle des provinces coloniales de l’ancienne Amérique espagnole les
îles en question avaient, le cas échéant, été attribuées, sachant que ces îles
ne revêtaient pas à l’époque une importance stratégique, économique ou
militaire particulière. Si une telle attribution pouvait en effet être démon-
trée, l’on pourrait conclure que, en fonction de l’autorité administrative

dont ces îles auraient ainsi relevé pendant la colonisation, elles se seraient
par la suite trouvées placées sous la souveraineté du Honduras ou sous
celle du Nicaragua lorsque ceux-ci sont devenus des Etats indépendants
en 1821.
160. En l’affaire du Différend frontalier terrestre, insulaire et maritime
(El Salvador/Honduras; Nicaragua (intervenant)) , la Chambre de la

Cour a, dans son arrêt de 1992, jugé nécessaire d’examiner la question de
savoir dans quelle mesure il était «possible d’établir si, en 1821, chaque
île en litige relevait de l’une ou de l’autre des différentes divisions admi-
nistratives de l’appareil colonial espagnol en Amérique centrale». Les
conclusions de la Chambre s’appliquent à la présente affaire:

«Dans le cas des îles, il n’existe aucun titre foncier de la nature de
ceux que la Chambre a pris en considération pour reconstruire les

limites de l’uti possidetis juris sur le continent, et les textes législatifs
et administratifs sont confus et contradictoires. Le rattachement des
diverses îles aux divisions administratives territoriales du système
colonial espagnol, aux fins de leur attribution à l’un ou l’autre des
Etats nouvellement indépendants, a pu susciter des doutes et des dif-

ficultés si l’on en juge par les éléments de preuve et informations
communiqués. Il y a lieu de rappeler que, lorsque le principe de l’uti
possidetis juris est en jeu, le jus en question n’est pas le droit inter-
national, mais le droit constitutionnel ou administratif du souverain
avant l’indépendance, en l’occurrence le droit colonial espagnol, et il

se peut parfaitement que ce droit lui-même n’apportait aucune
réponse claire et catégorique à la question de savoir de quelle entité
relevaient des zones marginales ou des zones peu peuplées n’ayant
qu’une importance économique minime.» (Différend frontalier ter-
restre, insulaire et maritime (El Salvador/Honduras; Nicaragua
(intervenant)), arrêt, C.I.J. Recueil 1992 , p. 558-559, par. 333.)

161. Les Parties n’ont pas produit d’éléments de preuve documentaires
ou autres antérieurs à l’indépendance qui mentionnent expressément les

îles. La Cour relève en outre que la proximité en tant que telle ne permet
pas nécessairement d’établir un titre juridique. Les éléments d’informa-
tion apportés par les Parties sur l’administration par l’Espagne de l’Amé-

53709 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

tainty as to whether one entity (the Captaincy-General of Guatemala), or
two subordinate entities (the Government of Honduras and the General

Command of Nicaragua), exercised administration over the insular terri-
tories of Honduras and Nicaragua at that time. Until 1803 Nicaragua
and Honduras were part of the Captaincy-General of Guatemala. On
balance, the evidence presented in this case would seem to suggest that
the Captaincy-General of Guatemala probably exercised jurisdiction over

the areas north and south of Cape Gracias a Dios until 1803 when the
Vice-Royalty of Santa Fé gained control over the part of the Mosquito
Coast running south from Cape Gracias a Dios by virtue of the Royal
Decree of that year (see also I.C.J. Pleadings, Arbitral Award Made by
the King of Spain on 23 December 1906 (Honduras v. Nicaragua), Vol. I,

pp. 19-22).

162. Unlike the land territory where the administrative boundary
between different provinces was more or less clearly demarcated, it is
apparent that there was no clear-cut demarcation with regard to islands

in general. This seems all the more so with regard to the islands in ques-
tion, since they must have been scarcely inhabited, if at all, and possessed
no natural resources to speak of for exploitation, except for fishing in the
surrounding maritime area.
163. The Court observes that the Captaincy-General of Guatemala

may well have had control over land and insular territories adjacent to
coasts in order to provide security, prevent smuggling and undertake
other measures to ensure the protection of the interests of the Spanish
Crown. However there is no evidence to suggest that the islands in ques-
tion played any role in the fulfilment of any of these strategic aims. All of

those islands lie at some distance from the mouth of the River Coco.
Savanna Cay is about 28 miles away, South Cay is some 41 miles,
Bobel Cay is 27 miles and Port Royal Cay is 32 miles. Notwithstanding
the historical and continuing importance of the uti possidetis juris prin-
ciple, so closely associated with Latin American decolonization, it cannot

in this case be said that the application of this principle to these small
islands, located considerably offshore and not obviously adjacent to the
mainland coast of Nicaragua or Honduras, would settle the issue of sov-
ereignty over them.

164. With regard to the adjacency argument, the Court notes that the

independence treaties concluded by Nicaragua and Honduras with Spain
(see paragraphs 34 and 35 above) refer to adjacency with respect to main-
land coasts rather than to offshore islands. Nicaragua’s argument that
the islands in dispute are closer to Edinburgh Cay, which belongs to
Nicaragua, cannot therefore be accepted. While the Court does not rely

on adjacency in reaching its findings, it observes that, in any event, the
islands in dispute appear to be in fact closer to the coast of Honduras
than to the coast of Nicaragua.

54 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 709

rique centrale au cours de la période coloniale ne permettent pas de
déterminer avec certitude si c’étaient une entité unique (la capitainerie

générale de Guatemala) ou deux entités subordonnées (le gouverne-
ment du Honduras et le commandement général du Nicaragua) qui ad-
ministraient à l’époque les territoires insulaires du Honduras et du
Nicaragua. Jusqu’en 1803, le Nicaragua et le Honduras firent partie de
la capitainerie générale de Guatemala. Dans l’ensemble, les éléments de

preuve produits en l’espèce sembleraient indiquer que c’est probable-
ment la capitainerie générale de Guatemala qui exerça une juridiction
sur les zones situées au nord et au sud du cap Gracias a Dios jusqu’en
1803, date à laquelle, en vertu d’un décret royal, la partie de la côte des
Mosquitos située au sud du cap Gracias a Dios passa sous contrôle de la

vice-royauté de Santa Fé (voir également C.I.J. Mémoires, Sentence
arbitrale rendue par le roi d’Espagne le 23 décembre 1906 (Honduras c.
Nicaragua), vol. I, p. 19-22).
162. A la différence du territoire terrestre, pour lequel les limites admi-
nistratives entre les différentes provinces étaient plus ou moins clairement
démarquées, il est manifeste qu’il n’existait aucune délimitation nette

s’agissant des îles en général. Il semble d’autant plus en avoir été ainsi
pour les îles en question, lesquelles devaient être très peu peuplées, voire
pas du tout, et ne possédaient pour ainsi dire pas de ressources naturelles
en dehors des ressources halieutiques de la zone maritime alentour.
163. La Cour fait observer que la capitainerie générale de Guatemala

exerçait vraisemblablement sur les territoires terrestres et sur les terri-
toires insulaires adjacents aux côtes un contrôle qui lui permettait d’assu-
rer la sécurité, de prévenir la contrebande ou de prendre d’autres mesures
nécessaires à la protection des intérêts de la Couronne espagnole. Mais
aucun élément de preuve n’existe qui donnerait à penser que les îles en

cause ont joué le moindre rôle dans la poursuite de ces objectifs straté-
giques. Toutes se trouvent situées à une certaine distance de l’embouchure
du fleuve Coco: Savanna Cay à environ 28 milles, South Cay à quelque
41 milles, Bobel Cay à 27 milles et Port Royal Cay à 32 milles. En dépit
de l’importance historique et actuelle du principe de l’uti possidetis juris,

si étroitement lié à la décolonisation de l’Amérique latine, l’on ne saurait
dire en l’espèce que l’application de ce principe à ces petites îles, qui sont
situées très loin au large et ne sont pas manifestement adjacentes à la côte
continentale du Nicaragua ou du Honduras, réglerait la question de la
souveraineté sur celles-ci.
164. En ce qui concerne l’argument de l’adjacence, la Cour note que

les traités d’indépendance conclus par le Nicaragua et le Honduras avec
l’Espagne (voir paragraphes 34 et 35 ci-dessus) renvoient à l’adjacence
par rapport aux côtes continentales plutôt que par référence aux îles
situées au large. Aussi l’argument du Nicaragua selon lequel les îles en
cause sont plus proches d’Edinburgh Cay, qui lui appartient, ne saurait-il

être accueilli. Même si elle ne fonde pas ses conclusions sur l’adjacence, la
Cour observe que, en tout état de cause, les îles en litige sont en réalité
plus proches de la côte du Honduras que de celle du Nicaragua.

54710 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

165. Having concluded that the question of sovereignty over the islands
in dispute cannot be resolved on the above basis, the Court will now

ascertain whether there were relevant effectivités during the colonial
period. This test of “colonial effectivités” has been defined as

“the conduct of the administrative authorities as proof of the effec-
tive exercise of territorial jurisdiction in the region during the col-
onial period” (Frontier Dispute (Burkina Faso/Republic of Mali),
Judgment, I.C.J. Reports 1986 , p. 586, para. 63; Frontier Dispute
(Benin/Niger), Judgment, I.C.J. Reports 2005 , p. 120, para. 47).

In the present case, information about such conduct by the colonial
administrative authorities is lacking. This may be due to the fact that:

“The territory of each Party had belonged to the Crown of Spain.
The ownership of the Spanish monarch had been absolute. In fact

and law, the Spanish monarch had been in possession of all the ter-
ritory of each. Prior to independence, each colonial entity being sim-
ply a unit of administration in all respects subject to the Spanish
King, there was no possession in fact or law, in a political sense,
independent of his possession. The only possession of either colonial
entity before independence was such as could be ascribed to it by

virtue of the administrative authority it enjoyed. The concept of ‘uti
possidetis of 1821’ thus necessarily refers to an administrative con-
trol which rested on the will of the Spanish Crown. For the purpose
of drawing the line of ‘uti possidetis of 1821’, we must look to the
existence of that administrative control . . .

[P]articular difficulties are encountered in drawing the line of ‘uti
possidetis of 1821’, by reason of the lack of trustworthy information
during colonial times with respect to a large part of the territory in
dispute. Much of this territory was unexplored. Other parts which

had occasionally been visited were but vaguely known. In conse-
quence, not only had boundaries of jurisdiction not been fixed with
precision by the Crown, but there were great areas in which there
had been no effort to assert any semblance of administrative author-
ity.” (Arbitral Award rendered on 23 January 1933 by the Special

Boundary Tribunal constituted by the Treaty of Arbitration between
Guatemala and Honduras, RIAA, Vol. II, pp. 1324-1325.)

166. The Court considers that, given the location of the disputed
islands and the lack of any particular economic or strategic significance
of these islands at the time, there were no colonial effectivités in relation
to them. Thus the Court can neither found nor confirm on this basis a
title to territory over the islands in question.

167. In light of the above considerations the Court concludes that the
principle of uti possidetis affords inadequate assistance in determining

55 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME ARRÊT ) 710

165. Ayant conclu que la question de la souveraineté sur les îles en
litige ne saurait être tranchée sur cette base, la Cour s’attachera à présent

à rechercher d’éventuelles effectivités pertinentes remontant à la période
coloniale. Ces «effectivités coloniales» ont été définies comme le

«comportement des autorités administratives en tant que preuve de
l’exercice effectif de compétences territoriales dans la région pendant
la période coloniale» (Différend frontalier (Burkina Faso/Républi-
que du Mali), arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 586, par. 63; Différend
frontalier (Bénin/Niger), arrêt, C.I.J. Recueil 2005, p. 120, par. 47).

En l’espèce, les renseignements manquent sur pareil comportement des
autorités administratives coloniales. La raison peut en être la suivante:

«Le territoire de chacune des Parties avait appartenu à la Cou-
ronne espagnole. L’autorité du monarque espagnol avait été abso-

lue. En fait et en droit, le monarque espagnol avait été en possession
de tout le territoire de chacune d’elles. Etant donné que, avant
l’indépendance chaque entité coloniale constituait simplement une
unité administrative soumise à tous égards au roi d’Espagne, il n’y
avait pas, au sens politique, de possession de fait et de droit indé-
pendante de celle du monarque. Seul était possédé par l’une ou

l’autre de ces entités coloniales ce qui lui avait été attribué à raison
de l’autorité administrative dont elle jouissait. La notion d’«uti pos-
sidetis de 1821» renvoie nécessairement à un contrôle administratif
découlant de la volonté de la Couronne espagnole. Pour pouvoir tra-
cer la ligne de l’«uti possidetis de 1821», il nous faut nous assurer de

l’existence de ce contrôle administratif...
[D]es difficultés particulières se posent pour tracer la ligne de
l’«uti possidetis de 1821» du fait de l’absence, à l’époque coloniale,
d’informations dignes de foi sur une grande partie du territoire liti-
gieux. Ce territoire était dans une large mesure inexploré. D’autres

parties, où l’on était allé à l’occasion, n’étaient que vaguement
connues. En conséquence, non seulement la Couronne n’avait pas
déterminé de façon précise les limites des juridictions, mais il existait
de vastes régions dans lesquelles aucun effort n’avait été mené en vue
d’assurer le respect d’un quelconque semblant d’autorité administra-

tive.» (Sentence arbitrale rendue le 23 janvier 1933 par le tribunal
spécial de délimitation constitué en exécution du traité d’arbitrage
entre le Guatemala et le Honduras, RSA, vol. II, p. 1324-1325.)

166. La Cour considère que, au vu de l’emplacement des îles en litige
et du fait qu’elles ne revêtaient pas à l’époque d’importance économique
ou stratégique particulière, il n’y a pas d’effectivités coloniales les concer-
nant. Elle ne saurait dès lors, sur cette base, conclure à l’existence d’un
titre sur le territoire des îles en litige ni confirmer l’existence d’un pareil

titre.
167. Au vu des considérations qui précèdent, la Cour conclut que le
principe de l’uti possidetis est de peu d’aide pour la détermination de la

55711 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

sovereignty over these islands because nothing clearly indicates whether
the islands were attributed to the colonial provinces of Nicaragua or of

Honduras prior to or upon independence. Neither can such attribution
be discerned in the King of Spain’s Arbitral Award of 1906. Equally, the
Court has been presented with no evidence as to colonial effectivités in
respect of these islands. Thus it has not been established that either Hon-
duras or Nicaragua had title to these islands by virtue of uti possidetis.

**

7.3. Post-colonial Effectivités and Sovereignty over
the Disputed Islands

168. The Court will now examine the evidence submitted on post-
colonial effectivités in determining sovereignty over the islands in dispute.

*

169. Honduras states that in the event that the Court were to reject its
claim to original title to the islands derived from uti possidetis juris and
confirmed by post-colonial effectivités, then the matter would have to be

decided “by examining which of the two States has made out a superior
claim based upon the actual exercise or display of authorities over the
islands, coupled with the necessary sovereign intent”. Honduras contends
that in this case it is evident that through its effectivités it has made out
a superior claim compared to Nicaragua, which has offered no evidence

of effectivités.
170. Honduras has produced a number of arguments and evidence
aimed at demonstrating the existence of such effectivités — including acts
of legislative and administrative control, the application of Honduran
civil and criminal law to the disputed islands, the regulation of immigra-

tion, fishing activities carried out from the islands, naval patrols, the oil
concession practice of Honduras and public works.

171. For its part, Nicaragua states that the effectivités invoked by
Honduras cannot displace Nicaragua’s original title over the islands
based on adjacency. Making reference to the case concerning the Frontier

Dispute (Burkina Faso/Republic of Mali) , Nicaragua maintains that it is
only “[i]n the event that the effectivité does not co-exist with any legal
title [that] it must invariably be taken into consideration” (I.C.J. Reports
1986, p. 587, para. 63). With regard to its own effectivités, Nicaragua
argues that the exercise of its own sovereignty “over the maritime area in

dispute including the cays, is attested to by the question of the turtle fish-
eries negotiations and agreements with Great Britain that began in the
nineteenth century and were still ongoing in the 1960s”. Nicaragua

56 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME ARRÊT ) 711

souveraineté sur ces îles, en ce que rien n’indique clairement si celles-ci

furent attribuées, avant l’indépendance ou au moment de celle-ci, à la
province coloniale du Nicaragua ou à celle du Honduras. Pareille attribu-
tion ne ressort pas davantage de la sentence arbitrale rendue par le roi
d’Espagne en 1906. Par ailleurs, aucun élément de preuve concernant des
effectivités coloniales relatives à ces îles n’a été soumis à la Cour. Il n’a

donc pas été établi que le Honduras ou le Nicaragua possédait un titre
sur ces îles en vertu de l’uti possidetis.

**

7.3. Les effectivités postcoloniales et la souveraineté
sur les îles en litige

168. La Cour examinera maintenant, aux fins de déterminer la sou-

veraineté sur les îles en litige, les éléments de preuve d’effectivités post-
coloniales qui lui ont été soumis.

*

169. Le Honduras indique que, dans l’hypothèse où la Cour rejetterait
sa prétention à un titre originaire sur les îles fondé sur l’uti possidetis juris
et confirmé par des effectivités postcoloniales, il conviendrait alors de
trancher la question en «examinant lequel des deux Etats a présenté une
prétention supérieure sur la base de l’exercice ou des manifestations réels

de l’autorité sur les îles, conjugués à la nécessaire intention d’agir à titre
de souverain». Il affirme que, dans ce cas, il est évident que par ses effec-
tivités il a présenté une revendication supérieure à celle du Nicaragua,
lequel n’a fourni aucun élément de preuve d’effectivités.
170. Le Honduras a présenté un certain nombre d’arguments et d’élé-

ments de preuve visant à démontrer l’existence de telles effectivités, parmi
lesquels des actes de contrôle législatif et administratif, l’application de
son droit civil et de son droit pénal aux îles en litige, la réglementation de
l’immigration, des activités de pêche menées à partir des îles, des
patrouilles navales, sa pratique en matière de concessions pétrolières et

des travaux publics.
171. Le Nicaragua indique pour sa part que les effectivités invoquées
par le Honduras ne sauraient déplacer le titre originaire sur les îles détenu
par le Nicaragua par voie d’adjacence. Se référant à l’affaire du Différend
frontalier (Burkina Faso/République du Mali) , il soutient que c’est seu-

lement «[d]ans l’éventualité où l’«effectivité» ne coexiste avec aucun titre
juridique [qu’]elle doit inévitablement être prise en considération»
(C.I.J. Recueil 1986, p. 586-587, par. 63). En ce qui concerne ses propres
effectivités, le Nicaragua soutient que l’exercice de sa souveraineté «sur
la zone maritime contestée, y compris les cayes, est attesté par la ques-

tion des négociations et accords [avec la erande-Bretagne] sur la pêche
à la tortue qui commencèrent au XIX siècle et qui se poursuivaient

56712 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

further claims that in the 1970s “only Nicaragua was policing fishing
activities in the area around the cays south of the Main Cape Channel

and further to the east and north-east”.

*
172. A sovereign title may be inferred from the effective exercise of

powers appertaining to the authority of the State over a given territory.
To sustain a claim of sovereignty on that basis, a number of conditions
must be proven conclusively. As described by the Permanent Court of
International Justice

“a claim to sovereignty based not upon some particular act or title
such as a treaty of cession but merely upon continued display of
authority, involves two elements each of which must be shown to
exist: the intention and will to act as sovereign, and some actual

exercise or display of such authority” (Legal Status of Eastern
Greenland, Judgment, 1933, P.C.I.J., Series A/B, No. 53 , pp. 45-46).

173. An additional element established by the Permanent Court of
International Justice in the Legal Status of Eastern Greenland case is
“the extent to which sovereignty is also claimed by some other Power”
(ibid., p. 46). The exercise of sovereign rights must also have a certain
dimension proportionate to the nature of the case. In its Judgment in the

Eastern Greenland case, the Court stated that:

“It is impossible to read the record of the decisions in cases as to
territorial sovereignty without observing that in many cases the tri-
bunal has been satisfied with very little in the way of the actual exer-
cise of sovereign rights, provided that the other State could not
make out a superior claim. This is particularly true in the case of
claims to sovereignty over areas in thinly populated or unsettled

countries.” (Ibid.)

174. Sovereignty over minor maritime features, such as the islands in
dispute between Honduras and Nicaragua, may therefore be established
on the basis of a relatively modest display of State powers in terms of
quality and quantity. In the Indonesia/Malaysia case, the Court indicated
that

“in the case of very small islands which are uninhabited or not per-
manently inhabited — like Ligitan and Sipadan, which have been of
little economic importance (at least until recently) — effectivités will

indeed generally be scarce” (Sovereignty over Pulau Ligitan and
Pulau Sipadan (Indonesia/Malaysia), Judgment, I.C.J. Reports
2002, p. 682, para. 134).

57 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 712

encore dans les années soixante». Il avance en outre que, dans les années
soixante-dix, «seul le Nicaragua réglementait les activités de pêche

autour des cayes situées au sud de Main Cape Channel et plus loin
vers l’est et le nord-est».

*
172. L’existence d’un titre souverain peut être déduite de l’exercice

effectif sur un territoire donné de pouvoirs relevant de l’autorité de l’Etat.
Pour qu’une prétention de souveraineté soit retenue sur cette base, un
certain nombre d’éléments doivent être démontrés de manière concluante.
Ainsi que l’a indiqué la Cour permanente de Justice internationale,

«une prétention de souveraineté fondée non pas sur quelque acte ou
titre en particulier, tel qu’un traité de cession, mais simplement sur
un exercice continu d’autorité, implique deux éléments dont l’exis-
tence, pour chacun, doit être démontrée: l’intention et la volonté

d’agir en qualité de souverain, et quelque manifestation ou exercice
effectif de cette autorité» (Statut juridique du Groënland oriental,
arrêt, 1933, C.P.J.I. série A/B n° 53 , p. 45-46).

173. Un autre élément a aussi été énoncé par la Cour permanente de
Justice internationale dans l’affaire du Statut juridique du Groënland
oriental, à savoir «la mesure dans laquelle la souveraineté est également
revendiquée par une autre puissance» (ibid., p. 46). Par ailleurs, l’exercice
de droits souverains doit revêtir une certaine ampleur, à raison de la

nature de l’espèce. Dans son arrêt rendu en l’affaire du Groënland orien-
tal, la Cour a indiqué:

«Il est impossible d’examiner les décisions rendues dans les af-
faires visant la souveraineté territoriale sans observer que, dans beau-
coup de cas, le tribunal n’a pas exigé de nombreuses manifestations
d’un exercice de droits souverains pourvu que l’autre Etat en cause
ne pût faire valoir une prétention supérieure. Ceci est particulière-
ment vrai des revendications de souveraineté sur des territoires situés

dans des pays faiblement peuplés ou non occupés par des habitants
à demeure.» (Ibid.)

174. La souveraineté sur des formations maritimes mineures, telles que
les îles en litige entre le Honduras et le Nicaragua, peut dès lors être éta-
blie sur la base d’une manifestation relativement modeste, d’un point de
vue tant qualitatif que quantitatif, des pouvoirs étatiques. Dans l’affaire
Indonésie/Malaisie, la Cour a indiqué que

«[d]ans le cas ... de très petites îles inhabitées ou habitées de façon
non permanente — telles que Ligitan et Sipadan, dont l’importance
économique était, du moins jusqu’à une date récente, modeste —, les

effectivités sont en effet généralement peu nombreuses» (Souverai-
neté sur Pulau Ligitan et Pulau Sipadan (Indonésie/Malaisie), arrêt,
C.I.J. Recueil 2002, p. 682, par. 134).

57713 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

The Court further specified

“it can only consider those acts as constituting a relevant display of
authority which leave no doubt as to their specific reference to the
islands in dispute as such. Regulations or administrative acts of a

general nature can therefore be taken as effectivités with regard to
Ligitan and Sipadan only if it is clear from their terms or their
effects that they pertained to these two islands.” (Sovereignty over
Pulau Ligitan and Pulau Sipadan (Indonesia/Malaysia), Judgment,
I.C.J. Reports 2002), pp. 682-683, para. 136.)

175. In keeping with this approach in the Indonesia/Malaysia case, the

Court will examine whether in the present case the activities relied on by
the contending Parties show a relevant display of sovereign authority
despite being “modest in number” (ibid., p. 685, para. 148). It will also be
important to determine in this case whether these activities “cover a con-
siderable period of time and show a pattern revealing an intention to
exercise State functions in respect of the two islands in the context of the

administration of a wider range of islands” (ibid.).

*

176. The Court will now consider the different categories of effectiv-
ités presented by the Parties.
177. Legislative and administrative control . Honduras claims it has
exercised legislative and administrative control over the islands and pro-
vides a number of arguments in support of this proposition. Nicaragua

does not seek to prove its own exercise of legislative and administrative
control over the islands but instead argues that Honduras’s evidence is
insufficient.
178. Honduras’s claim is based on the text of its Constitutions and of
its Agrarian Law of 1936. The three Constitutions (1957, 1965, 1982) list

islands which belong to Honduras, referring by name to a number of
islands located in the Atlantic, including among others the cays of Falso,
Gracias a Dios, Palo de Campeche “and all others located in the Atlan-
tic, which historically, juridically and geographically (only the 1982 Con-
stitution uses the term geographically) belong to it”. The 1982 Constitu-
tion adds, by name, the cays of Media Luna and also Rosalind and

Serranilla.
179. Under the title “Right of the State”, the Honduran Agrarian Law
of 1936 lists a number of cays that “belong to Honduras”, “including
Palo de Campeche” by name, and “others situated in the Atlantic Ocean”.
However, none of the Constitutions nor the Agrarian Law make explicit

reference to the islands and cays in dispute. Honduras nonetheless states
that the reference to Palo de Campeche and the other islands in the
Atlantic should be taken to include the adjacent islands in dispute.

58 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 713

Elle a en outre précisé qu’elle

«ne p[ouvait] tenir compte de ces activités en tant que manifestation
pertinente d’autorité que dans la mesure où il ne fai[sait] aucun
doute qu’elles [étaient] en relation spécifique avec les îles en litige

prises comme telles. Les réglementations ou actes administratifs de
nature générale ne peuvent donc être considérés comme des effecti-
vités relatives à Ligitan et Sipadan que s’il est manifeste dans leurs
termes ou leurs effets qu’ils concernaient ces deux îles.» (Souverai-
neté sur Pulau Ligitan et Pulau Sipadan (Indonésie/Malaisie), arrêt,

C.I.J. Recueil 2002, p. 682-683, par. 136.)
175. Se conformant à l’approche qu’elle a adoptée dans l’affaire Indo-

nésie/Malaisie, la Cour se penchera sur la question de savoir si, en la pré-
sente espèce, les activités sur lesquelles se fondent les Parties, bien que
«modestes en nombre», démontrent une manifestation pertinente d’auto-
rité souveraine (ibid., p. 685, par. 148). Il importera également de déter-
miner si, dans ce cas, ces activités «couvrent une période considérable et
présentent une structure révélant l’intention d’exercer des fonctions éta-

tiques à l’égard des deux îles, dans le contexte de l’administration d’un
ensemble plus vaste d’îles» (ibid.).

*

176. La Cour examinera maintenant les différentes catégories d’effec-
tivités présentées par les Parties.
177. Contrôle législatif et administratif. Le Honduras prétend avoir
exercé un contrôle législatif et administratif sur les îles et fournit un cer-
tain nombre d’arguments à l’appui de sa thèse. Le Nicaragua, quant à lui,

ne cherche pas à prouver qu’il aurait exercé un contrôle législatif et admi-
nistratif sur les îles, mais soutient que les éléments de preuve du Hondu-
ras sont insuffisants.
178. La thèse du Honduras est fondée sur les textes de ses Constitu-
tions et de sa loi agraire de 1936. Les trois Constitutions (1957, 1965,

1982) énumèrent des îles lui appartenant, désignant nommément un cer-
tain nombre d’îles situées dans l’Atlantique, parmi lesquelles les cayes de
Falso, Gracias a Dios et Palo de Campeche, «ainsi que toutes les autres
situées dans l’Atlantique qui, historiquement, géographiquement et juri-
diquement (seule la Constitution de 1982 emploie le terme «géographi-
quement»), sont siennes». La Constitution de 1982 ajoute, en les dési-

gnant nommément, les cayes de Media Luna, Rosalind et Serranilla.
179. Sous le titre «Droit de l’Etat», la loi agraire hondurienne de 1936
énumère des cayes qui «appartiennent au Honduras», «y compris Palo de
Campeche» — nommément désignée — et «d’autres situées dans l’océan
Atlantique». Ni les Constitutions ni la loi agraire ne font toutefois expli-

citement référence aux îles et cayes en litige. Le Honduras allègue néan-
moins que la référence à Palo de Campeche et à d’autres îles situées dans
l’Atlantique doit être comprise comme incluant les îles adjacentes en litige.

58714 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

180. Nicaragua counters the Honduran legislative evidence on the
grounds that it does not make any specific mention either of the area in

dispute or of any intention to regulate activity on the islands. Nicaragua
states that it therefore had “had no reason to protest” as the Honduran
laws

“have no relevance to the matter of maritime delimitation, not only
because of their dates (those after 1977) but because of their content,
which regulates matters within areas of Honduran sovereignty and
jurisdiction with no specific mention of the islands”.

181. The Court, noting that there is no reference to the four islands in

dispute in the various Honduran Constitutions and in the Agrarian Law,
further notes that there is no evidence that Honduras applied these legal
instruments to the islands in any specific manner. The Court therefore
finds that the Honduran claim that it had legislative and administrative
control over the islands is not convincing.

182. Application and enforcement of criminal and civil law . Honduras
also claims that its civil law has been applied and enforced by it in the
disputed area, and provides various examples. It asserts that accidents in
the area, usually involving divers, have long been reported to Honduras,
rather than to Nicaraguan authorities. It claims that “the Honduran

courts hear those cases because the accidents are treated as having
occurred in the territory of Honduras”. Honduras provides excerpts from
four labour complaints, of which three were filed before the Labour
Court of Puerto Lempira and one was filed before a court of Roatan
(Bay Islands).

183. Honduras further claims that its “criminal laws are applied and
enforced before its courts in relation to acts occurring on the islands” and
that a “number of cases of theft and physical assault occurring on
Savanna and Bobel Cays have been dealt with by the Honduran authori-
ties and have reached the courts of Honduras”. It provides an extract

from a decision of the Lower Court of Puerto Lempira, dated 17 April
1997, related to a confiscation of a fibreglass boat which was found aban-
doned in Half Moon Cay. It provides a criminal complaint lodged before
a court of Puerto Lempira stating that six aqualung sets had been stolen
in South Cay from the ship “Mercante” and naming the two potential
perpetrators who are to be summoned for interrogation. Honduras also

places legal significance on a 1993 drug enforcement operation in the area
by Honduras authorities and the United States Drug Enforcement Admin-
istration (DEA). This operation, known as the Satellite Operation Plan,
involved the “conduct [of] reconnaissance operations to identify and
locate, via the taking of aerial photographs, possible targets, areas and

installations used in or connected to drug trafficking on a national scale,
with the aim of neutralising criminal operations involving illicit drug traf-
ficking”. The Plan also provided for “suitably equipped aircraft” to “fly

59 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 714

180. Le Nicaragua réfute les éléments de preuve d’ordre législatif pré-
sentés par le Honduras en faisant valoir que ces textes ne mentionnent

pas spécifiquement la zone en litige ni une quelconque intention de régle-
menter les activités sur les îles. Le Nicaragua précise qu’il n’avait, en
conséquence, «aucune raison de protester» puisque les lois honduriennes

«sont dénuées de pertinence pour la question de la délimitation
maritime, en raison non seulement de leur date (pour celles posté-
rieures à 1977) mais aussi de leur contenu, qui règle des questions
relevant de la souveraineté et de la juridiction honduriennes sans

faire expressément mention des îles».
181. La Cour, constatant qu’il n’est fait aucune référence aux quatre

îles en litige dans les diverses constitutions du Honduras et dans la loi
agraire, relève de surcroît qu’aucun élément de preuve n’atteste que le
Honduras ait, d’une manière ou d’une autre, appliqué ces instruments
juridiques dans les îles. La Cour estime par conséquent que la thèse du
Honduras selon laquelle il exerçait un contrôle législatif et administratif
sur les îles n’est pas convaincante.

182. Application du droit pénal et du droit civil. Le Honduras soutient
également avoir appliqué son droit civil dans la zone en litige et fournit à
cet égard divers exemples. Il allègue que les accidents survenus dans la
zone, impliquant généralement des plongeurs, ont pendant longtemps été
déclarés aux autorités honduriennes, et non nicaraguayennes. Il prétend

que «les tribunaux honduriens [examinent les plaintes de cette nature],
parce que les accidents sont considérés comme ayant eu lieu au Hondu-
ras». Le Honduras présente des extraits de quatre plaintes déposées dans le
domaine du droit du travail, dont trois auprès de la juridiction du travail
de Puerto Lempira et une auprès d’un tribunal de Roatan (Bay Islands).

183. Le Honduras soutient en outre que «c’est [son] droit pénal ...
qu’appliquent et veillent à faire respecter les tribunaux honduriens lors-
que des délits sont commis sur les îles» et que «plusieurs plaintes pour
vol et voies de fait à Savanna Cay et Bobel Cay ont été examinées par les
autorités honduriennes et portées devant des tribunaux honduriens». Le

Honduras présente un extrait d’une décision rendue le 17 avril 1997 par le
tribunal de Puerto Lempira relativement à la confiscation d’une embarca-
tion en fibre de verre abandonnée sur Half Moon Cay. Il produit égale-
ment une plainte déposée au pénal devant une juridiction de Puerto Lem-
pira dans laquelle il est indiqué que six appareils respiratoires autonomes
de plongée ont été volés à South Cay sur un navire, le Mercante, et dans

laquelle sont nommément désignés les deux auteurs présumés devant être
cités à comparaître. Le Honduras prête également une valeur juridique à
une opération de lutte antidrogue menée en 1993 dans la région par les
autorités honduriennes et les services fédéraux de lutte antidrogue des
Etats-Unis d’Amérique (DEA). Ce projet, baptisé «Satellite Operation

Plan», avait notamment pour objet de «procéder à des opérations de
reconnaissance en vue d’identifier et de localiser, par la prise de photo-
graphies aériennes, des cibles possibles, zones et installations utilisées

59715 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

over the national air space”. A list of “islets and cays” is given in the
Satellite Operation Plan which includes Bobel Cay, South Cay, Half

Moon Cay and Savanna Cay.

184. Nicaragua challenges the contentions of Honduras but makes no

claim with regard to its own application or enforcement of criminal and
civil law. Nicaragua’s objection is that all the examples adduced by Hon-
duras stem from the 1990s, well after the critical date of 1977 proposed
by Nicaragua. It also argues that the cases illustrated by Honduras may
have been filed in its courts because they concerned Honduran nationals,

not because the incidents took place on Honduran territory.

185. The Court is of the opinion that the evidence provided by Hon-
duras of the application and enforcement of its criminal and civil laws
does have legal significance in the present case. The fact that a number of

these acts occurred in the 1990s is no obstacle to their relevance as the
Court has found the critical date in relation to the islands to be 2001. The
criminal complaints have relevance because the criminal acts occurred on
the islands in dispute in this case (South Cay and Savanna Cay). The
1993 drug enforcement operation, while not necessarily an example of the

application and enforcement of Honduran criminal law, can well be con-
sidered as an authorization by Honduras to the United States Drug
Enforcement Administration (DEA) granting it the right to fly over the
islands mentioned in the document, which are within the disputed area.
The permit extended by Honduras to the DEA to overfly the “national

air space”, together with the specific mention of the four islands and cays,
may be understood as a sovereign act by a State, amounting to a relevant
effectivité in the area.

186. Regulation of immigration . Honduras argues that it maintains
immigration records relating to foreign nationals living in Honduras and
that such records “routinely include information on foreigners living on
the islands now claimed by Nicaragua”. By way of example, there is a
Note dated 31 March 1999 addressed by the Regional Agent of Migra-
tion of Puerto Lempira to the General Director of Population and

Migration Policy in Tegucigalpa by which a report is provided. In it there
is a description of the number of huts in the inspected location, the
nationality of persons (including in the case of foreigners details of their
passport number, date of birth and visa expiry date) and the expiry date
of their fishing licences. The information covers Bobel Cay, Savanna Cay,

Port Royal Cay, South Cay and Gorda Cay.

60 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 715

pour le trafic de stupéfiants à l’échelle nationale ou liées à celui-ci, dans le
but de neutraliser les opérations criminelles liées au trafic illégal de stu-

péfiants». Des «aéronefs dotés des équipements appropriés» devaient
également «survoler l’espace aérien national». Le Satellite Operation
Plan comporte une liste d’«[î]les et cayes» dont Bobel Cay, South Cay,
Half Moon Cay et Savanna Cay.
184. Le Nicaragua conteste les allégations du Honduras, sans invo-

quer pour autant aucune mesure par laquelle il aurait appliqué ou fait
respecter son droit pénal ou son droit civil. Selon lui, tous les exemples
invoqués par le Honduras concernent des faits qui datent des années
quatre-vingt-dix, et sont donc bien postérieurs à 1977, que le Nicaragua a
proposé comme date critique. Il soutient également que les affaires invo-

quées ont probablement été portées devant des juridictions honduriennes
parce qu’elles concernaient des ressortissants honduriens, et non parce
que les incidents avaient eu lieu en territoire hondurien.
185. La Cour estime que les éléments de preuve fournis par le Hondu-
ras pour démontrer qu’il avait appliqué et fait respecter son droit pénal et
son droit civil revêtent bien une valeur juridique en la présente affaire. Le

fait qu’un certain nombre de ces actes aient été accomplis dans les
années quatre-vingt-dix ne remet pas en cause leur pertinence, puisque la
Cour a jugé que la date critique s’agissant des îles était 2001. Les plaintes
déposées au pénal se révèlent pertinentes dans la mesure où les actes visés
se sont produits sur les îles contestées en la présente affaire (South Cay et

Savanna Cay). Bien que ne constituant pas nécessairement un exemple
d’application du droit pénal hondurien, l’opération de lutte antidrogue
de 1993 peut tout à fait être considérée comme une autorisation de survol
des îles citées dans le document — lesquelles se trouvent au sein de la
zone contestée — accordée par le Honduras aux services fédéraux de lutte

antidrogue des Etats-Unis d’Amérique. Le fait que le Honduras ait
accordé à ceux-ci une autorisation de survol de «l’espace aérien natio-
nal» et qu’aient été expressément mentionnées les quatre îles et cayes
peut être considéré comme un acte souverain de l’Etat constituant une
effectivité pertinente dans la zone.

186. Réglementation de l’immigration. Le Honduras affirme tenir des
registres d’immigration concernant les étrangers vivant au Honduras,
dans lesquels sont «systématiquement recensés les ressortissants étran-
gers vivant sur les îles aujourd’hui revendiquées par le Nicaragua». A
titre d’exemple, est produite une note en date du 31 mars 1999 adressée
au directeur général des questions de population et d’immigration à

Tegucigalpa par l’agent régional des services de l’immigration de Puerto
Lempira, sous couvert de laquelle est communiqué un rapport. Figurent
dans ce rapport le nombre de cabanes recensées dans la zone inspectée, la
nationalité des personnes y séjournant (avec, dans le cas des étrangers, les
renseignements relatifs à leur numéro de passeport, à leur date de nais-

sance et à la date d’expiration de leur visa) ainsi que la date d’expiration
de leurs permis de pêche. Les informations concernent Bobel Cay,
Savanna Cay, Port Royal Cay, South Cay et Gorda Cay.

60716 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

187. The Court notes that there appears to have been substantial
activity with regard to immigration and work-permit related regulation

by Honduras of persons on the islands in 1999 and 2000. There is no evi-
dence of any such regulation before 1999. Correspondence addressed by
the Director of Population and Migration Policy to the Honduran Min-
ister for the Interior regarding immigration movements on the disputed
islands is dated November and December 1999. Honduras also provides

evidence aimed at showing the exercise of regulatory powers on matters
of immigration. In 1999, Honduran authorities visited the four islands
and recorded the details of the foreigners living in South Cay, Port
Royal Cay and Savanna Cay (Bobel Cay was uninhabited at the time,
though it had previously been inhabited). Honduras provides a statement

by a Honduran immigration officer who visited the islands three or four
times from 1997 to 1999. He also accompanied the naval forces during
their patrol of the area around the islands on two occasions. According
to the immigration officer, the Town Hall of Puerto Lempira issues pro-
visional work permits to Jamaican and Nicaraguan nationals and on
occasion nationals of third States living on the islands have apparently

received temporary permits until they obtain legal residence. Honduras
also provides a document extending the visas of three Jamaican nationals
“established in” Savanna Cay and South Cay.

188. Nicaragua again objects to the evidence of immigration regula-
tory activity by Honduras, claiming that it only dates back to 1999, i.e.
after the critical date.

189. The Court finds that legal significance is to be attached to the evi-
dence provided by Honduras on the regulation of immigration as proof
of effectivités, notwithstanding that it began only in the late 1990s. The
issuance of work permits and visas to Jamaican and Nicaraguan nation-
als exhibit a regulatory power on the part of Honduras. The visits to the

islands by a Honduran immigration officer entails the exercise of juris-
dictional authority, even if its purpose was to monitor rather than to
regulate immigration on the islands. The time span for these acts of sov-
ereignty is rather short, but then it is only Honduras which has under-
taken measures in the area that can be regarded as acts performed à titre
de souverain. There is no contention by Nicaragua of regulation by itself

of immigration on the disputed islands either before or after the 1990s.

190. Regulation of fisheries activities . Honduras claims that the bitá-

coras (fishing licences) granted to fishermen are evidence of acts under
governmental authority. It is said that “[m]any of the fishermen who
work these areas and do so pursuant to Honduran-granted licences make

61 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 716

187. La Cour relève que le Honduras semble avoir mené une impor-
tante activité en matière de réglementation de l’immigration et de déli-

vrance des permis de travail en découlant à l’égard de personnes pré-
sentes dans les îles en 1999 et en 2000. Il n’existe aucun élément de preuve
de pareille réglementation avant 1999. La correspondance adressée par
le directeur des questions de population et d’immigration au ministre de
l’intérieur du Honduras au sujet des mouvements migratoires sur les îles

en litige date de novembre et décembre 1999. Le Honduras fournit éga-
lement des éléments de preuve visant à montrer l’exercice de pouvoirs
réglementaires en matière d’immigration. En 1999, les autorités hondu-
riennes se sont rendues sur les quatre îles et ont recueilli des renseigne-
ments sur les étrangers vivant à South Cay, Port Royal Cay et Savanna

Cay (Bobel Cay n’était pas habitée à l’époque, mais l’avait été aupara-
vant). Le Honduras présente la déclaration d’un agent hondurien des ser-
vices de l’immigration qui s’est rendu sur les îles à trois ou quatre reprises
de 1997 à 1999. Cet agent a aussi accompagné en deux occasions les
forces navales au cours de patrouilles effectuées par celles-ci dans la zone
qui entoure les îles. Selon l’agent, la mairie de Puerto Lempira délivre

des permis de travail provisoires à des ressortissants jamaïcains et nica-
raguayens ainsi qu’occasionnellement à des ressortissants d’Etats tiers qui,
certains se trouvant sur les îles, auraient apparemment reçu des permis de
séjour temporaire en attendant d’obtenir un statut de résident. Le Hon-
duras produit également un document portant prorogation des visas de

trois ressortissants jamaïcains «établis à» Savanna Cay et South Cay.
188. Là encore, le Nicaragua conteste les éléments de preuve relatifs à
l’activité de réglementation de l’immigration par le Honduras, prétendant
que cette activité remonte seulement à 1999, soit à une date postérieure à
la date critique.

189. La Cour estime qu’une valeur juridique doit être attachée aux élé-
ments fournis par le Honduras en matière de réglementation de l’immi-
gration en tant que preuve d’effectivités, en dépit du fait que cette activité
n’a commencé qu’à la fin des années quatre-vingt-dix. La délivrance de
permis de travail et de visas à des ressortissants jamaïcains et nicara-

guayens atteste l’exercice d’un pouvoir réglementaire par le Honduras.
Les visites effectuées sur les îles par un agent hondurien des services de
l’immigration témoignent d’un exercice de compétence, même si l’objet
de ces visites était de contrôler plutôt que de réglementer l’immigration
sur les îles. Le laps de temps au cours duquel ces actes de souveraineté
ont été accomplis est plutôt bref, mais seul le Honduras a pris dans la

zone des mesures qui peuvent être considérées comme des actes accomplis
à titre de souverain. A aucun moment le Nicaragua n’affirme avoir régle-
menté l’immigration sur les îles en litige, que ce soit avant ou après les
années quatre-vingt-dix.
190. Réglementation des activités de pêche. Le Honduras soutient que

les bitácoras (permis de pêche) accordés aux pêcheurs constituent la
preuve d’actes accomplis sous le contrôle de l’autorité publique. Il affirme
que «[l]es pêcheurs qui exercent leurs activités dans ces régions, et le font

61717 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

use of the islands. Some of them live on the islands and others just
visit . . .”. Honduras further claims that “[t]o support its conduct on fish-

eries, Honduras put before the Court 28 witness statements. Out of those
28, 24 refer to activities on the cays in sustaining fisheries activities
authorized by Honduras”.

191. Honduras provides evidence that there are buildings constructed

on Savanna Cay which have been authorized and licensed by the authori-
ties in Puerto Lempira. There is a testimony of a Jamaican national, “a
fisherman by profession, currently living in Savanna Cay”, who states
that: “We have constructed all the buildings existing in the cay. These are
registered in the municipality of Puerto Lempira. All the houses have

been enumerated by the municipality, which commenced to enumerate
them approximately two years ago.” Another Jamaican national, who
states that “for most part of the year [he is] living in Savanna Cay”, also
attests to Jamaicans “[having] constructed all the housing existing in this
cay. These houses have been legally constructed with the consent of the
Honduran authorities.”

192. Honduras claims that “fishing equipment is stored on South Cay
on the basis of a fishing permit obtained from the local authorities”. A
Mr. Mario Ricardo Dominguez places on record that due to his fishing
activities,

“he makes use of the installations located in South Cay as from
[1992]; the installations in question include a wooden house where

he stores fishing equipment, such as fishing nets, diving equipment, a
freezer and an electricity plant..in order to conduct his fishing
equipment he applies for a fishing permit each year from the Fishing
Inspector of Puerto Lempira and satisfies the appropriate tax ther-
eon”.

193. Nicaragua contends that Honduras “does not present any evi-
dence that the regulation of fishing activities by Honduras proves a title

to the islets in dispute” and that Honduras more broadly fails to distin-
guish between activities of relevance to maritime delimitation and to the
establishment of title over the islands.

194. The Court has stated that, with regard to activities by private per-
sons, these

“cannot be seen as effectivités if they do not take place on the basis
of official regulations or under governmental authority” (Sover-

eignty over Pulau Ligitan and Pulau Sipadan (Indonesia/Malaysia),
Judgment, I.C.J. Reports 2002 , p. 683, para. 140).

In that regard, Honduras has presented witness statements to the effect
that Honduras licenses fishing activities around the islands and cays, and

62 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 717

en vertu de permis de pêche délivrés par le Honduras, sont en effet nom-
breux à utiliser les îles. Certains y vivent, d’autres ne font que s’y arrê-

ter». Il ajoute que «[p]our preuves de sa pratique en matière de pêche, le
Honduras a présenté à la Cour vingt-huit dépositions de témoins. Sur ces
vingt-huit dépositions, vingt-quatre font état de l’existence, sur les cayes,
d’activités connexes aux activités de pêche autorisées par le Honduras».
191. Le Honduras fournit des éléments de preuve concernant des bâti-

ments qui auraient été construits sur Savanna Cay sur autorisation des
autorités de Puerto Lempira et en vertu de permis accordés par celles-ci.
Dans un témoignage, un ressortissant jamaïcain, «pêcheur de profession,
vivant présentement à Savanna Cay», déclare: «Nous avons construit
tous les bâtiments existant sur la caye. Ils sont enregistrés à la municipa-

lité de Puerto Lempira. Toutes les maisons ont été répertoriées par la
municipalité, qui a commencé à le faire ilyaàp uprès deux ans de
cela.» Un autre ressortissant jamaïcain, qui affirme que «pendant la
majeure partie de l’année [il vit] à Savanna Cay», atteste également que
des Jamaïcains «ont construit toutes les maisons existant sur la caye. Ces
maisons ont été construites légalement avec le consentement des autorités

honduriennes».
192. Le Honduras soutient que «du matériel de pêche est entreposé à
South Cay par le titulaire d’un permis de pêche délivré par les autorités
locales». Un certain Mario Ricardo Dominguez indique que, en raison
de ses activités de pêche,

«il utilise des installations présentes sur South Cay depuis [1992]; les
installations en question comprennent une maison en bois où il

entrepose son matériel de pêche, à savoir des filets de pêche, du
matériel de plongée, un congélateur et un générateur électrique; ...
pour utiliser son matériel de pêche, il soumet chaque année une
demande de permis de pêche à l’inspecteur des pêches de Puerto
Lempira et acquitte la taxe due».

193. Le Nicaragua affirme que le Honduras «ne présente aucun élé-
ment de preuve établissant que la réglementation des activités de pêche

par le Honduras prouve que celui-ci a un titre sur les îlots en litige» et
que, de manière plus générale, le Honduras ne parvient pas à établir de
distinction entre les activités pertinentes pour la délimitation maritime et
celles permettant l’établissement d’un titre sur les îles.
194. La Cour, concernant les activités de personnes privées, a estimé
qu’elles

«ne sauraient être considérées comme des effectivités si elles ne se
fondent pas sur une réglementation officielle ou ne se déroulent pas

sous le contrôle de l’autorité publique» (Souveraineté sur Pulau
Ligitan et Pulau Sipadan (Indonésie/Malaisie), arrêt, C.I.J. Recueil
2002, p. 683, par. 140).

A cet égard, le Honduras a présenté des dépositions de témoins ayant
pour objet d’établir qu’il accorde des licences pour les activités de pêche

62718 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

authorizes the construction of buildings on Savanna Cay. Whether the
regulation of fishing activities by Honduras around the islands in dispute

constituted an actual exercise or display of authority in respect of the dis-
puted islands as such is a further question that must be determined.

195. The Court observes that all the evidence put forward by Hon-
duras concerning fishing activities shows that these activities took place

under Honduran authorization in the waters around the islands, but not
that such fishing took place from the islands themselves. Instead, Hon-
duras provides evidence that it has licensed activities on the islands which
are related to fishing activities, such as the construction of buildings, or
the storage of fishing boats. When looked at as a whole, the Court

believes that the fishing licences, although undesignated as to areas, were
known by the Honduran authorities to have been used for fishing taking
place around the islands; Honduras authorized the construction of hous-
ing on the islands for purposes related to fishing activities. The Court is
thus of the view that the Honduran authorities issued fishing permits
with the belief that they had a legal entitlement to the maritime areas

around the islands, derived from Honduran title over those islands. The
evidence of Honduran-regulated fishing boats and construction on the
islands is also legally relevant for the Court under the category of admin-
istrative and legislative control (see paragraphs 177-181 above).

196. The Court considers that the permits issued by the Honduran
Government allowing the construction of houses in Savanna Cay and the
permit for the storage of fishing equipment in the same cay provided by
the municipality of Puerto Lempira may also be regarded as a display,

albeit modest, of the exercise of authority, and as evidence of effectivités
with respect to the disputed islands.

197. Nicaragua for its part contends that it has exercised jurisdiction
over the islands in question in connection with its turtle fishing dispute

with the United Kingdom which started in the nineteenth century and
extended into the beginning of the twentieth century. Nicaragua also
argues that the negotiations in the 1950s with the United Kingdom for
the renewal of an earlier bilateral treaty of 1916 which remained “the
basis for turtle fishing of the Cayman islanders until 1960” provide
further evidence of Nicaraguan title over the islands in dispute. In this

connection Nicaragua provides a 1958 map produced by the United
Kingdom hydrographer Commander Kennedy, which it states “includes
the islets, cays and reefs claimed by Nicaragua in the area in dispute with
Honduras”.
198. The Court first notes that the map does not prove that Com-

mander Kennedy viewed these islands as clearly and unquestionably
appertaining to Nicaragua. The Court observes that although the map
prepared by Commander Kennedy did indeed include the islands now in

63 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 718

autour des îles et des cayes et autorise la construction de bâtiments sur
Savanna Cay. Le point de savoir si la réglementation des activités de
pêche par le Honduras autour des îles en litige constituait en soi un exer-
cice effectif ou une manifestation d’autorité à l’égard de ces îles est aussi

une question qui doit être tranchée.
195. La Cour note que l’ensemble des éléments de preuve présentés
par le Honduras concernant les activités de pêche montre que ces activi-
tés se sont déroulées sur autorisation hondurienne dans les eaux qui
entourent les îles, mais non qu’elles ont été menées à partir des îles elles-

mêmes. Le Honduras fournit plutôt des éléments attestant qu’il a accordé
des permis pour des activités sur les îles qui sont liées aux activités de
pêche, telles que la construction de bâtiments ou l’entreposage de bateaux
de pêche. Au total, la Cour estime que les autorités honduriennes consi-
déraient que les permis de pêche, même si les zones visées n’y étaient pas

spécifiées, étaient utilisés pour la pêche qui se pratiquait autour des îles;
le Honduras accordait son autorisation pour la construction sur les îles
d’habitations à des fins liées aux activités de pêche. La Cour est par
conséquent d’avis que les autorités honduriennes délivraient des permis

de pêche en ayant la conviction que le Honduras détenait, sur la base de son
titre sur les îles, des droits sur les espaces maritimes entourant celles-ci. Les
éléments de preuve fournis par le Honduras au sujet de la réglementation de
l’activité des bateaux de pêche et des constructions sur les îles sont égale-
ment juridiquement pertinents, de l’avis de la Cour, au titre du contrôle

administratif et législatif exercé (voir paragraphes 177-181 ci-dessus).
196. La Cour considère que les permis délivrés par le Gouvernement
hondurien pour la construction de maisons à Savanna Cay et le permis
délivré pour l’entreposage de matériel de pêche sur la même caye, permis
accordés par la municipalité de Puerto Lempira, peuvent également être

regardés comme une manifestation, certes modeste, de l’exercice d’une
autorité, et comme des éléments de preuve d’effectivités dans les îles en
litige.
197. Pour sa part, le Nicaragua soutient qu’il a exercé une juridic-

tion sur les îles en question, en invoquant le différend qei l’opposa au
Royaume-Uni au sujet de la pêche à la tortue au XIX siècle et qui se
poursuivit jusqu’au début du XX siècle. Le Nicaragua soutient égale-
ment que les négociations menées dans les années cinquante avec le
Royaume-Uni pour le renouvellement d’un traité bilatéral remontant à

1916, qui resta «la base de la pêche à la tortue par les habitants des
îles Caïmanes jusqu’en 1960», constituent une autre preuve de son titre
sur les îles en litige. A ce propos, le Nicaragua a produit une carte de
1958 établie par un hydrographe britannique, le commandant Kennedy,

dont il affirme qu’elle «inclut les îlots, cayes et récifs revendiqués par le
Nicaragua dans la zone en litige avec le Honduras».
198. La Cour note tout d’abord que la carte ne prouve pas que le com-
mandant Kennedy considérait les îles comme appartenant clairement
et sans conteste au Nicaragua. La Cour fait observer que, bien que la

carte établie par le commandant Kennedy inclue effectivement les îles

63719 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

dispute between Nicaragua and Honduras, he noted that the islands
“might...be claimed to be on the continental shelf of Honduras,

depending on how the boundary across the shelf be finally agreed”. Fur-
ther, the map work of Commander Kennedy was not undertaken on the
instructions of the United Kingdom Government. Neither does the Court
find persuasive the argument that the negotiations between Nicaragua
and the United Kingdom in the 1950s over renewed turtle fishing rights

off the Nicaraguan coast attests to Nicaraguan sovereignty over the
islands in dispute. The Court accordingly cannot grant legal significance
to the turtle fishing dispute between Nicaragua and the United Kingdom
for the purposes of effectivités.

199. Naval patrols. Basing itself on a number of depositions, Hondu-
ras contends that it has carried out naval and other patrols since 1976 to
maintain security and to enforce Honduran laws around the islands, par-
ticularly fisheries laws and immigration laws. A Honduran immigration
officer and a port supervisor at Puerto Lempira, who worked with the

Honduran navy in undertaking patrols to the islands, provide their tes-
timony. There is also “documentary evidence, in the form of patrol log-
books and other materials, showing Honduran patrols around the cays,
the reefs and the banks in the areas to the north of the 15th parallel”.
Honduras also states that two patrol boats designated for this purpose

have carried out regular operations, visiting the islands as well as Rosalind
and Thunder Knoll Banks.

200. Nicaragua contests the Honduran claim by emphasizing that the
military and naval patrols took place after the claimed critical date of
1977, Nicaragua also states that it undertook its own military and naval
patrols around the islands.

201. The Court has already indicated that the critical date for the pur-
poses of the issue of title to the islands is not 1977 but 2001. The evidence
put forward by both Parties on naval patrolling is sparse and does not
clearly entail a direct relationship between either Nicaragua or Honduras
and the islands in dispute. Thus the Court does not find the evidence pro-
vided by either Party on naval patrols persuasive as to the existence of

effectivités with respect to the islands. It cannot be deduced from this evi-
dence that the authorities of Nicaragua or Honduras considered the
islands in dispute to be under their respective sovereignty (see Sover-
eignty over Pulau Ligitan and Pulau Sipadan (Indonesia/Malaysia),
Judgment, I.C.J. Reports 2002 , p. 683, para. 139). The Court will later

consider the legal significance of the evidence submitted by the Parties on
naval patrols in the context of the maritime dispute between them.

64 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 719

aujourd’hui en litige entre le Nicaragua et le Honduras, l’intéressé rele-

vait à propos de celles-ci que l’on «pou[rrait] prétendre qu’elles font par-
tie du plateau continental du Honduras, en fonction de l’accord final sur
la manière dont la frontière traverse le plateau». Par ailleurs, le travail
cartographique entrepris par le commandant Kennedy ne l’a pas été sur
instructions du Gouvernement du Royaume-Uni. La Cour ne trouve pas

non plus convaincant l’argument selon lequel les négociations menées
entre le Nicaragua et le Royaume-Uni dans les années cinquante, en vue
du renouvellement des droits de pêche à la tortue au large des côtes nica-
raguayennes, attesteraient la souveraineté du Nicaragua sur les îles en
litige. La Cour ne saurait dès lors attacher de valeur juridique, aux fins

des effectivités, au différend relatif à la pêche à la tortue qui a opposé le
Nicaragua au Royaume-Uni.
199. Patrouilles navales. En se fondant sur un certain nombre de
dépositions, le Honduras affirme qu’il a procédé depuis 1976 à des

patrouilles navales et autres pour maintenir la sécurité et faire appliquer
la législation hondurienne autour des îles, en particulier la législation sur
les pêcheries et la législation en matière d’immigration. Un agent hondu-
rien des services de l’immigration et un responsable du port de Puerto
Lempira, qui ont participé avec la marine hondurienne aux patrouilles

autour des îles, ont apporté leur témoignage. Il existe également «des
preuves documentaires, sous forme de livres de bord de patrouille et
d’autres documents, montrant que le Honduras effectue des patrouilles
dans les eaux entourant les cayes, les récifs et les bancs situés dans la zone
au nord du 15 parallèle». Le Honduras soutient aussi que deux bâti-

ments affectés à ces patrouilles ont été régulièrement en opération, se ren-
dant dans les îles tout comme sur les bancs de Rosalind et Thunder
Knoll.
200. Le Nicaragua conteste la prétention du Honduras en soulignant
le fait que les patrouilles militaires et navales se sont déroulées après la

date critique, qu’il considère être 1977. De plus, le Nicaragua affirme
avoir de son côté effectué des patrouilles militaires et navales autour des
îles.
201. La Cour a déjà indiqué que la date critique aux fins de la question
du titre sur les îles n’était pas 1977, mais 2001. Les éléments de preuve

mis en avant par les deux Parties au sujet des patrouilles navales sont peu
abondants et ne démontrent pas clairement un lien direct entre le Nica-
ragua ou le Honduras et les îles en litige. Dès lors, la Cour ne trouve pas
convaincants, aux fins de l’existence d’effectivités concernant ces îles, les
éléments de preuve fournis par l’une comme par l’autre Partie. Elle ne

saurait déduire de ces éléments que les autorités du Nicaragua ou celles
du Honduras considéraient les îles en litige comme relevant de leur sou-
veraineté respective (voir Souveraineté sur Pulau Ligitan et Pulau Sipa-
dan (Indonésie/Malaisie), arrêt, C.I.J. Recueil 2002 , p. 683, par. 139).
La Cour se penchera plus loin, dans le cadre de son examen du différend

maritime entre les Parties, sur la valeur juridique à attacher aux éléments
de preuve soumis par celles-ci au sujet des patrouilles navales.

64720 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

202. Oil concessions. In the written pleadings Honduras presented evi-
dence of oil concessions as proof of title over the islands in the disputed

area. However during the oral proceedings, this argument was not devel-
oped further. In its oral argument, Honduras changed its focus by con-
tending that “[a] number of the Honduran concessions [had given] rise to
sovereign activity on the islands”. Thus, according to Honduras, the
islands had “supported oil exploration” and had “been used as a base for

oil exploration activity since the 1960s”. In the oral proceedings, Hondu-
ras concentrated on the relevance of the Parties’ oil concessions in con-
nection with the claimed existence of a tacit agreement to respect the
“traditional” boundary along the 15th parallel.

203. Nicaragua states that the practice of Nicaragua and Honduras
regarding the issuing of oil concessions shows that it is not consistent as
far as the title to the islets is concerned. In Nicaragua’s view, the practice
of Nicaragua and Honduras shows that there was no agreement on the
existence of a line of allocation of sovereignty, and that Nicaragua con-

sidered the islets in dispute in the present case formed part of its territory.

204. The Court finds that the evidence relating to the offshore oil
exploration activities of the Parties has no bearing on the islands in dis-
pute. Therefore in its consideration of the question of effectivités sup-

porting title over the islands, the Court will concentrate on the oil conces-
sion related acts on the islands under the category of public works.

205. Public works. Honduras offers as further evidence of effectivités
the construction under its authorization of an antenna on Bobel Cay in

1975 to aid Union Oil. An additional piece of evidence of effectivités sub-
mitted by Honduras is the triangulation markers placed on Savanna Cay,
South Cay and Bobel Cay in 1980 and 1981, pursuant to an agreement
with the United States reached in 1976. Honduras states that there was
no protest by Nicaragua to the 1976 Agreement or to the placing of the

markers, nor did Nicaragua request their removal since they were placed
more than 20 years ago. Nicaragua does not contest that these activities
could have the character of effectivités but rather observes that the mark-
ers were placed after what it conceived as the critical date in 1977.

206. In the Qatar v. Bahrain case, the Court accorded legal signifi-

cance to certain public works when it found that:

“Certain types of activities invoked by Bahrain such as drilling of
artisan wells would, taken by themselves, be considered controver-
sial as acts performed à titre de souverain. The construction of navi-

gational aids, on the other hand, can be legally relevant in the case
of very small islands. In the present case, taking into account the size
of [the island], the activities carried out by Bahrain on that island

65 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME ARRÊT ) 720

202. Concessions pétrolières. Dans ses écritures, le Honduras a pré-

senté des éléments se rapportant aux concessions pétrolières comme
preuve d’un titre sur les îles situées dans la zone en litige; à l’audience,
toutefois, cet argument n’a plus été développé. Dans ses plaidoiries, le
Honduras a choisi de mettre l’accent sur un autre point, en affirmant
qu’«[u]n certain nombre de concessions honduriennes [avaient donné

lieu] à une activité souveraine sur les îles». Ainsi, selon le Honduras,
celles-ci ont «servi d’appui à la prospection pétrolière» et ont «été uti-
lisées comme base pour les activités de prospection pétrolière depuis les
années soixante». A l’audience, le Honduras a concentré son argumen-
tation sur la pertinence des concessions pétrolières des Parties aux fins

de prouver l’existence d’un accord taciteeconcernant le respect d’une
frontière «traditionnelle» le long du 15 parallèle.
203. Le Nicaragua soutient que la pratique nicaraguayenne et hondu-
rienne en matière d’octroi des concessions pétrolières ne présente aucune

cohérence, s’agissant du titre sur les îlots. De l’avis du Nicaragua, la pra-
tique des deux pays montre qu’il n’y avait aucun accord sur l’existence
d’une ligne d’attribution de souveraineté et que le Nicaragua considérait
les îlots en litige en la présente affaire comme faisant partie de son terri-
toire.

204. La Cour estime que les éléments de preuve relatifs aux activités de
prospection pétrolière offshore des Parties n’ont aucun rapport avec les
îles contestées. Aussi, dans son examen de la question des effectivités pro-
duites à l’appui du titre sur les îles, la Cour s’intéressera-t-elle, sous la
rubrique des travaux publics, aux actes accomplis sur les îles en relation

avec les concessions pétrolières.
205. Travaux publics. Le Honduras avance comme autre preuve
d’effectivités l’installation en 1975, sur son autorisation, d’une antenne
sur Bobel Cay en tant qu’aide à l’Union Oil. Un élément de preuve sup-
plémentaire soumis par le Honduras est constitué par les bornes géo-

désiques installées sur Savanna Cay, South Cay et Bobel Cay en 1980
et 1981, en application d’un accord conclu en 1976 avec les Etats-Unis.
Le Honduras affirme que le Nicaragua n’a pas protesté contre l’accord
de 1976, ni contre l’installation des bornes; depuis que ces bornes ont été
posées, il y a plus de vingt ans, il n’a pas demandé non plus qu’elles soient

enlevées. Le Nicaragua ne conteste pas que ces activités puissent être qua-
lifiées d’effectivités, mais fait plutôt remarquer que ces bornes furent ins-
tallées après ce qu’il considère comme la date critique, à savoir 1977.
206. Dans l’affaire Qatar c. Bahreïn, la Cour a attaché une valeur juri-
dique à certains travaux publics et a conclu comme suit:

«Certaines catégories d’activités invoquées par Bahreïn, telles que
le forage de puits artésiens, pourraient en soit être considérées comme
discutables en tant qu’actes accomplis à titre de souverain. La cons-
truction d’aides à la navigation, en revanche, peut être juridiquement

pertinente dans le cas de très petites îles. En l’espèce, compte tenu de
la taille de [l’île], les activités exercées par Bahreïn sur cette île peu-

65721 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

must be considered sufficient to support Bahrain’s claim that it has
sovereignty over it.” (Maritime Delimitation and Territorial Ques-

tions between Qatar and Bahrain, (Qatar v. Bahrain), Merits, Judg-
ment, I.C.J. Reports 2001 , pp. 99-100, para. 197.)

207. The Court observes that the placing on Bobel Cay in 1975 of a
10 metre long antenna by Geophysical Services Inc. for the Union Oil
Company was part of a local geodetic network to assist in drilling activi-
ties in the context of oil concessions granted. Honduras claims that the
construction of the antenna was an integral part of the “oil exploration

activity authorized by Honduras”. Reports on these activities were peri-
odically submitted by the oil company to the Honduran authorities, in
which the amount of the corresponding taxes paid was also indicated.
Nicaragua claims that the placement of the antenna on Bobel Cay was a
private act for which no specific governmental authorization was granted.

The Court is of the view that the antenna was erected in the context of
authorized oil exploration activities. Furthermore the payment of taxes in
respect of such activities in general can be considered additional evidence

that the placement of the antenna (which, as noted, was part of those
general activities) was done with governmental authorization.

The Court thus considers that the public works referred to by Hondu-
ras constitute effectivités which support Honduran sovereignty over the
islands in dispute.

208. Having considered the arguments and evidence put forward by
the Parties, the Court finds that the effectivités invoked by Honduras evi-
denced an “intention and will to act as sovereign” and constitute a mod-
est but real display of authority over the four islands (Legal Status of
Eastern Greenland, Judgment, 1933, P.C.I.J., Series A/B, No. 53 ,p.46;

see also Minquiers and Ecrehos (France/United Kingdom), Judgment,
I.C.J. Reports 1953, p. 71).

Although it has not been established that the four islands are of eco-
nomic or strategic importance and in spite of the scarcity of acts of State

authority, Honduras has shown a sufficient overall pattern of conduct to
demonstrate its intention to act as sovereign in respect of Bobel Cay,
Savanna Cay, Port Royal Cay and South Cay. The Court further notes
that those Honduran activities qualifying as effectivités which can be
assumed to have come to the knowledge of Nicaragua did not elicit any

protest on the part of the latter.

With regard to Nicaragua, the Court has found no proof of inten-
tion or will to act as sovereign, and no proof of any actual exercise or
display of authority over the islands. Thus Nicaragua has not satisfied
the criteria formulated by the Permanent Court of International

66 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 721

vent être considérées comme suffisantes pour étayer sa revendica-

tion selon laquelle celle-ci se trouve sous sa souveraineté.» (Délimi-
tation maritime et questions territoriales entre Qatar et Bahreïn
(Qatar c. Bahreïn), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 2001 , p. 99-100,
par. 197.)

207. La Cour fait observer que l’installation sur Bobel Cay, en 1975,
d’une antenne de 10 mètres de haut par Geophysical Services Inc. pour le
compte de l’Union Oil Company faisait partie d’un réseau géodésique

local destiné à faciliter les activités de forage dans le cadre des conces-
sions pétrolières accordées. Le Honduras soutient que la construction de
l’antenne faisait partie intégrante des «activités de prospection pétrolière
qu’il a autorisées». Des rapports sur ces activités étaient périodiquement
soumis par la compagnie pétrolière aux autorités honduriennes, dans les-

quels était également indiqué le montant des taxes correspondantes acquit-
tées. Le Nicaragua prétend que l’installation de l’antenne sur Bobel Cay
était un acte privé pour lequel aucune autorisation gouvernementale spé-
cifique n’avait été délivrée.
La Cour est d’avis que l’antenne a été installée dans le cadre d’activités

de prospection pétrolière autorisées. Par ailleurs, le paiement de taxes au
titre de ces activités en général peut être considéré comme un élément de
preuve supplémentaire de ce que l’installation de l’antenne (qui, comme il
est indiqué, faisait partie desdites activités) s’est effectuée avec l’autorisa-
tion du gouvernement.

La Cour considère donc que les travaux publics dont fait état le Hon-
duras constituent des effectivités qui viennent à l’appui de sa revendica-
tion de souveraineté sur les îles en litige.
208. Après avoir examiné les arguments et les éléments de preuve
avancés par les Parties, la Cour conclut que les effectivités invoquées

par le Honduras établissent une «intention et [une] volonté d’agir en
qualité de souverain» et constituent une manifestation modeste mais
réelle d’autorité sur les quatre îles (Statut juridique du Groënland
oriental, arrêt, 1933, C.P.J.I. série A/B n o 53, p. 46; voir également
Minquiers et Ecréhous (France/Royaume-Uni), arrêt, C.I.J. Recueil

1953, p. 71).
Bien qu’il n’ait pas été établi que les quatre îles revêtent une impor-
tance économique ou stratégique, et en dépit de la rareté des actes d’auto-
rité étatique les concernant, le Honduras a démontré un ensemble de
comportements suffisant pour manifester son intention d’agir en qualité

de souverain à l’égard de Bobel Cay, Savanna Cay, Port Royal Cay et
South Cay. La Cour note en outre que ces activités honduriennes, qui
peuvent être considérées comme des effectivités et que l’on peut présumer
avoir été connues du Nicaragua, n’avaient suscité aucune protestation de
la part de celui-ci.

Quant au Nicaragua, la Cour n’a trouvé aucune preuve de son inten-
tion ou de sa volonté d’agir en qualité de souverain, ni aucune preuve
d’un exercice effectif ou d’une manifestation de son autorité sur les îles.
Le Nicaragua n’a donc pas satisfait au critère énoncé par la Cour per-

66722 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

Justice in the Legal Status of Eastern Greenland case (see paragraph 172
above).

**

7.4. Evidentiary Value of Maps in Confirming Sovereignty
over the Disputed Islands

209. In the present case, a large number of maps were presented by the
Parties to illustrate their respective arguments, but both Nicaragua and

Honduras acknowledged that such collection of cartographic material
did not constitute of itself a territorial title or evidence of sovereignty
over the islands, or that the maps would have a substantive probative
value.
210. Among them, a 1982 official map of Nicaragua exhibits a large

portion of the Caribbean Sea adjacent to the coasts of Nicaragua and
Honduras and includes a number of maritime features (although not the
four disputed islands). There is no attribution of sovereignty of the mari-
time features. By the same token, Honduras provides official maps that
cover parts of the Atlantic Ocean in the vicinity of Honduras and Nica-

ragua, but with no assignation of sovereignty to either country.

211. A 1933 map of the Republic of Honduras made by the Pan-
American Institute of Geography and History conveys the impression

that at least Bobel Cay, Logwood Cay, Media Luna Reef and South Cay
are to be considered as belonging to Honduras. However, the map
includes a general disclaimer concerning the areas in dispute.
212. The official map of the Republic of Honduras published in 1994
includes, as insular possessions of Honduras in the Caribbean Sea, a
series of cays, “located in the rise geographically and historically known

as ‘Nicaraguan Rise’” in areas which, according to Nicaragua, are “under
the complete sovereignty and jurisdiction of Nicaragua”. For this pub-
lication, Nicaragua expressed “its total disagreement and protests”.

213. The Court, having examined the cartographic material submitted

by Nicaragua and Honduras, will now examine the extent to which it can
be said to support their respective claims of sovereignty over the islands
north of the 15th parallel. In undertaking this task, the Court will bear in
mind that maps are

“to be considered, although such descriptive material is of slight
value when it relates to territory of which little or nothing was

known and in which it does not appear that any administrative con-
trol was actually exercised” (Arbitral Award rendered on 23 Janu-
ary 1933 by the Special Boundary Tribunal constituted by the Treaty

67 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 722

manente de Justice internationale dans l’affaire du Statut juridique du

Groënland oriental (voir paragraphe 172 ci-dessus).

**

7.4. Valeur probante des cartes pour confirmer la souveraineté
sur les îles en litige

209. En l’espèce, un nombre important de cartes a été présenté par les
Parties à l’appui de leur argumentation respective, mais tant le Nicaragua
que le Honduras ont reconnu que ce matériau cartographique ne consti-
tuait pas en soi un titre territorial ni la preuve d’une souveraineté sur les
îles; ils n’ont pas soutenu non plus que ces cartes devaient se voir recon-

naître une valeur probante particulière.
210. Figure parmi elles une carte officielle de 1982 du Nicaragua qui
représente une large portion de la mer des Caraïbes adjacente aux côtes
du Honduras et du Nicaragua et comprend un certain nombre de forma-
tions maritimes (bien qu’il ne s’agisse pas des quatre îles contestées). Il

n’y est mentionné aucune attribution de souveraineté sur les formations
maritimes. De la même manière, le Honduras fournit des cartes officielles
qui couvrent des parties de l’océan Atlantique situées à proximité du
Honduras et du Nicaragua, mais où ne figure aucune attribution de sou-
veraineté à l’un ou l’autre pays.

211. Une carte de la République du Honduras de 1933 établie par
l’Institut panaméricain de géographie et d’histoire donne l’impression
qu’au moins Bobel Cay, Logwood Cay, le récif de Media Luna et South
Cay sont à considérer comme appartenant au Honduras. Toutefois, la
carte comporte un avertissement général concernant les zones contestées.

212. La carte officielle de la République du Honduras publiée en 1994
inclut, en tant que possessions insulaires du Honduras dans la mer des
Caraïbes, une série de cayes, «situées dans le seuil connu géographique-
ment et historiquement en tant que «seuil nicaraguayen»» dans des
zones qui, selon le Nicaragua, sont «sous la souveraineté et la juridiction

totales du Nicaragua». Au sujet de cette publication, le Nicaragua
exprima «son total désaccord et formula des protestations vigoureuses».
213. La Cour, ayant examiné le matériau cartographique soumis par le
Nicaragua et le Honduras, procédera maintenant à l’évaluation de celui-ci
pour déterminer la mesure dans laquelle il peut être considéré comme

étayant leurerevendication respective de souveraineté sur les îles situées au
nord du 15 parallèle. En s’acquittant de cette tâche, la Cour gardera à
l’esprit le fait que les cartes peuvent

«être prises en considération, bien qu’un tel matériau descriptif
revête peu de valeur lorsqu’il a trait à un territoire peu ou pas du
tout connu et dans lequel il ne semble pas y avoir eu un quelconque

contrôle administratif réel» (Sentence arbitrale rendue le 23 janvier
1933 par le tribunal spécial de délimitation constitué en exécution du

67723 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

of Arbitration between Guatemala and Honduras, RIAA, Vol. II,
p. 1325).

214. In the Court’s view the earlier maps do not support either of the

Parties in their claims. In the present case, none of the maps submitted by
the Parties which include some of the islands in dispute clearly specify
which State is the one exercising sovereignty over those islands. In the
Island of Palmas case, the Arbitral Award stated that

“only with the greatest caution can account be taken of maps in
deciding a question of sovereignty...Any maps which do not pre-

cisely indicate the political distribution of territories... clearly
marked as such, must be rejected forthwith . . .

The first condition required of maps that are to serve as evidence
on points of law is their geographical accuracy. It must here be

pointed out that not only maps of ancient date, but also modern,
even official or semi-official maps seem wanting in accuracy.” (Island
of Palmas (Netherlands/United States of America) , 4 April 1928,
RIAA, Vol. II, pp. 852-853.)

215. The Court reaffirms the position it has previously taken regarding

the extremely limited scope of maps as a source of sovereign title

“of themselves, and by virtue solely of their existence, [maps] cannot
constitute a territorial title, that is, a document endowed by interna-
tional law with intrinsic legal force for the purpose of establishing
territorial rights” (Frontier Dispute (Burkina Faso/Republic of
Mali), Judgment, I.C.J. Reports 1986 , p. 582, para. 54).

216. The Parties have conflicting views as to the maps and the Court
has pondered their probative value with great care. In the 1986 Judgment
of the Chamber of the Court in the Burkina Faso/Mali case, it was stated
inter alia that: “Other considerations which determine the weight of
maps as evidence relate to the neutrality of their sources towards the dis-
pute in question and the parties to that dispute.” (Ibid., p. 583, para. 56.)

217. In this case, the submission of cartographic material by the
Parties essentially serves the purpose of buttressing their respective claims
and of confirming their arguments. The Court finds that it can derive lit-
tle of legal significance from the official maps submitted and the maps of

geographical institutions cited; these maps will be treated with a certain
reserve. Such qualification is contained in a previous pronouncement by
the Chamber of the Court when it said that:

68 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 723

traité d’arbitrage entre le Guatemala et le Honduras, RSA, vol. II,
p. 1325).

214. De l’avis de la Cour, les cartes susvisées n’étayent les revendica-

tions ni de l’une ni de l’autre des Parties. En la présente affaire, aucune
des cartes soumises par les Parties et sur lesquelles sont représentées cer-
taines des îles en litige n’indique clairement quel Etat exerce la souverai-
neté sur ces îles. Dans l’affaire de l’Ile de Palmas, la sentence arbitrale
relevait que

«ce n’est qu’avec une extrême circonspection que l’on peut tenir
compte des cartes pour trancher une question de souveraineté...

Toute carte qui n’indique pas de façon précise la répartition poli-
tique des territoires ... clairement marquée comme telle, doit être
écartée...
La première condition que l’on exige des cartes, pour qu’elles
puissent servir de preuve sur des points de droit, est leur exactitude

géographique. On doit noter ici que non seulement des cartes d’une
date ancienne, mais aussi des cartes d’une date moderne, même offi-
cielles ou semi-officielles, paraissent manquer d’exactitude.» (Ile de
Palmas (Pays-Bas/Etats-Unis d’Amérique) , 4 avril 1928 [traduction
française: Revue générale de droit international public , t. XLIII,
p. 179-180].)

215. La Cour réaffirme la position qu’elle a adoptée auparavant au

sujet de la portée extrêmement limitée des cartes en tant que source d’un
titre souverain:

«[Les cartes] ne constituent jamais — à elles seules et du seul fait
de leur existence — un titre territorial, c’est-à-dire un document
auquel le droit international confère une valeur juridique intrinsèque
aux fins de l’établissement des droits territoriaux.» (Différend fron-
talier (Burkina Faso/République du Mali), arrêt , C.I.J. Recueil 1986,

p. 582, par. 54.)

216. Les Parties ont des vues opposées sur les cartes et la Cour s’est
penchée avec grand soin sur la valeur probante de celles-ci. Dans l’arrêt
qu’elle a rendu en 1986 dans l’affaire Burkina Faso/Mali, la Chambre de
la Cour a notamment déclaré ce qui suit: «Les autres considérations dont
dépend le poids des cartes en tant qu’éléments de preuve ont trait à la
neutralité de leurs sources par rapport au différend considéré et aux

parties à ce différend.» (Ibid., p. 583, par. 56.)
217. En l’espèce, la présentation d’un matériau cartographique par les
Parties vise essentiellement à renforcer leurs prétentions respectives et à
étayer leur argumentation. La Cour estime qu’elle ne peut attacher que
peu de valeur juridique aux cartes officielles qui lui ont été soumises et

à celles qui émanent des instituts géographiques cités; elle traitera ces
cartes avec une certaine réserve. C’est une telle réserve qui se trouve
exprimée dans le prononcé suivant de la Chambre de la Cour:

68724 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

“Since relatively distant times, judicial decisions have treated maps
with a considerable degree of caution... maps can still have no

greater legal value than that of corroborative evidence endorsing a
conclusion at which a court has arrived by other means unconnected
with the maps. In consequence, except when the maps are in the cat-
egory of a physical expression of the will of the State, they cannot in
themselves alone be treated as evidence of a frontier, since in that

event they would form an irrebuttable presumption, tantamount in
fact to legal title.” (Frontier Dispute (Burkina Faso/Republic of
Mali), Judgment, I.C.J. Reports 1986 , p. 583, para. 56.)

218. None of the maps submitted by the Parties was part of a legal
instrument in force nor more specifically part of a boundary treaty con-
cluded between Nicaragua and Honduras.
219. The Court concludes that the cartographic material that was pre-

sented by the Parties in the written and oral proceedings cannot of itself
support their respective claims to sovereignty over islands to the north of
the 15th parallel.

**

7.5. Recognition by Third States and Bilateral Treaties;
the 1998 Free Trade Agreement

220. Honduras claims that a number of States have recognized Hon-
duran sovereignty over the islands located north of the 15th parallel and
jurisdiction over the maritime areas in that zone. For example, it states
that this is demonstrated by Argentina’s request in 1975 for authorization

for its aircraft to overfly the islands in question; by Jamaica’s request in
1977 to have access to Honduran waters to rescue twelve Jamaican
nationals who were shipwrecked in Savanna Cay; by the installation of
triangulation markers pursuant to the 1976 Honduran/United States
Arrangement on Savanna Cay, South Cay and Bobel Cay in 1980 and

1981 and by drug enforcement operations carried out jointly by Hondu-
ras and the United States in 1993. Honduras also cites a 1983 Report of
the United States Board on Geographic Names which “identifies inter
alia the following as being located in Honduras: South Cay, Bobel Cay,
Media Luna Cay (which is Savanna Cay), and the Arrecifes (reefs) de la
Media Luna”. Honduras further states that the 1995 “Sailing Directions”

for the Caribbean Sea issued by the United States Defense Mapping
Agency mention among the features relating to the Honduran coastline
“Arrecifes de la Media Luna (Half Moon Reef), Logwood Cay,
Cayo Media Luna, Bobel Cay, Hall Rock, Savanna Reefs, South Cay,
Alargate Reef (Arrecife Alargado), Main Cape Shoal, and False Cape”.

221. Nicaragua disputes these Honduran contentions, asserting that in

69 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 724

«La jurisprudence relativement ancienne avait montré à l’égard
des cartes une réticence marquée ... la valeur juridique des cartes
reste limitée à celle d’une preuve concordante qui conforte une
conclusion à laquelle le juge est parvenu par d’autres moyens, indé-

pendants des cartes. En conséquence, hormis l’hypothèse où elles ont
été intégrées parmi les éléments qui constituent l’expression de la
volonté de l’Etat[,] les cartes ne peuvent à elles seules être considé-
rées comme des preuves d’une frontière car elles constitueraient dans
ce cas une présomption irréfragable, équivalant en réalité à un titre

juridique.» (Différend frontalier (Burkina Faso/République du Mali),
arrêt, C.I.J. Recueil 1986 , p. 583, par. 56.)

218. Aucune des cartes soumises par les Parties ne faisait partie d’un
instrument juridique en vigueur ni, plus précisément, d’un traité fronta-
lier conclu entre le Nicaragua et le Honduras.
219. La Cour conclut que le matériau cartographique qui a été pré-
senté par les Parties au cours des procédures écrite et orale ne saurait en

soi étayer leurs reveneications respectives de souveraineté sur les îles
situées au nord du 15 parallèle.

**

7.5. Reconnaissance par des Etats tiers et traités bilatéraux;
l’accord de libre-échange de 1998

220. Le Honduras soutient qu’un certain nombre d’Etats ont reconnu
sa souveraineté sur les îles situées au nord du 15 parallèle et sa compé-
tence sur les espaces maritimes qui se trouvent dans cette zone. Il affirme
que cette reconnaissance est notamment attestée par les éléments sui-

vants: la demande formulée en 1975 par l’Argentine visant à ce que l’un
de ses aéronefs soit autorisé à survoler les îles en question; la demande
formulée en 1977 par la Jamaïque de pénétrer dans les eaux honduriennes
pour secourir douze de ses ressortissants naufragés à Savanna Cay; la

mise en place, en 1980 et 1981, de bornes géodésiques sur Savanna Cay,
South Cay et Bobel Cay, dans le cadre de l’accord de 1976 entre le Hon-
duras et les Etats-Unis; et des opérations de lutte contre le trafic de stu-
péfiants menées conjointement par le Honduras et les Etats-Unis en 1993.
Le Honduras cite également un rapport de 1983 de la commission amé-

ricaine de toponymie qui «situe au Honduras les formations suivantes,
parmi d’autres: South Cay, Bobel Cay, Media Luna Cay (qui correspond
à Savanna Cay) et les Arrecifes (récifs) de la Media Luna». Le Honduras
affirme en outre que les «instructions nautiques» de 1995 pour la mer des

Caraïbes publiées par le service cartographique de la défense des Etats-
Unis mentionnent, parmi les formations se rattachant au littoral hondu-
rien, les «Arrecifes de la Media Luna (Half Moon Reef), Logwood Cay,
CayoMediaLuna,BobelCay,HallRock,SavannaReefs,SouthCay,Alar-
gate Reef (Arrecife Alargado), le haut-fond de Main Cape et False Cape».

221. Le Nicaragua conteste ces affirmations du Honduras, soutenant

69725 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

the case of the Argentine aircraft, the flight route was not located over
the cays in dispute and indeed was outside of any area of territorial sea

around the islands in dispute. As to the application made by Jamaica,
Nicaragua maintains “it is not clear whether the Jamaican request is
actually concerned with one of the islets in dispute in the present pro-
ceedings”. Nicaragua also questions the importance of the 1976 Arrange-
ment between the United States and Honduras, because it “has no rel-

evance for the issue of sovereignty over the islets, as it includes no
reference to any of them”, adding that the markers were placed after its
claimed critical date. As for the joint drug enforcement operation, Nica-
ragua states that it “only took place in 1993 and no evidence is offered of
acts in the islets in dispute”. Nicaragua further argues that the descrip-

tion of the “Sailing Directions” of the maritime area off the mainland
coast of Central America in no way concerns the recognition of the Hon-
duran position in respect of the islets in dispute.

222. According to Honduras, further recognition is provided by the
conclusion of the

“Treaties of 1986 (between Colombia and Honduras) and 1993
(between Colombia and Jamaica). Under these, both Colombia and
Jamaica recognize the Honduran sovereignty and jurisdiction over
the waters and islands as far as the bank of Serranilla north of the
15th parallel, i.e., west of the Joint Administration Area established

by Colombia and Jamaica around that bank.”

In relation to the 1986 Treaty between Colombia and Honduras on mari-
time delimitation, Nicaragua contends that it claimed in 1999 before the
Central American Court of Justice that, by ratifying that Treaty, Hon-
duras had breached the Central American community rules and princi-
ples (see paragraphs 69-70 above).

As for the 1993 Treaty between Colombia and Jamaica on maritime
delimitation, Nicaragua asserts that it was concluded after the dispute
between Nicaragua and Honduras arose and that it has no relevance
to the present case because the maritime boundary proposed by Nica-
ragua does not encroach upon any rights to maritime zones Jamaica may
have.

223. As to recognition by third States of Nicaragua’s sovereignty over
the islands in dispute, Nicaragua claims that during negotiations with
Jamaica on the delimitation of a maritime boundary in 1996 and 1997 a
“Jamaican proposal for the delimitation of the maritime boundary rec-
ognized Media Luna Cay as part of the territory of Nicaragua”.

Honduras however states that Jamaica has provided Honduras with

70 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 725

que, en ce qui concerne l’avion argentin, sa route ne passait pas au-dessus

des cayes en litige, et qu’elle était d’ailleurs située en dehors de toute mer
territoriale entourant les îles en litige. S’agissant de la demande de la
Jamaïque, le Nicaragua soutient qu’«il est difficile de savoir avec préci-
sion si la demande en question porte véritablement sur l’un des îlots objet
de la présente instance». Il conteste également l’importance de l’accord

conclu en 1976 entre les Etats-Unis et le Honduras, au motif qu’il «est
sans pertinence pour trancher la question de la souveraineté sur les îlots,
puisqu’il ne mentionne aucun d’entre eux», ajoutant que les bornes géo-
désiques ont été mises en place après la date critique qu’il invoque.
Quant à l’opération de lutte contre le trafic de stupéfiants, le Nicaragua

affirme qu’elle «ne se déroula qu’en 1993 et qu’aucun élément de preuve
n’a été produit concernant des actes qui auraient été accomplis sur
les îlots contestés». Le Nicaragua soutient en outre que la description
de la zone maritime située au large de la côte continentale centra-

méricaine donnée dans les «instructions nautiques» n’a rien à voir avec
une reconnaissance de la position du Honduras à l’égard des îlots en
litige.
222. Selon le Honduras, une autre forme de reconnaissance est la
conclusion des

«traités de 1986 (entre la Colombie et le Honduras) et de 1993 (entre
la Colombie et la Jamaïque). Selon ceux-ci, tant la Colombie que la

Jamaïque reconnaissent la souveraineté et la juridiction du Hondu-
ras sur leseeaux et les îles s’étendant jusqu’au banc de Serranilla au
nord du 15 parallèle, c’est-à-dire à l’ouest de la zone d’administra-
tion conjointe établie par la Colombie et la Jamaïque autour dudit
banc.»

S’agissant du traité de délimitation maritime de 1986 conclu entre la
Colombie et le Honduras, le Nicaragua soutient qu’il a, en 1999, fait

valoir devant la Cour centraméricaine de justice que, en ratifiant ce traité,
le Honduras avait violé les règles et les principes de la communauté cen-
traméricaine (voir paragraphes 69-70 ci-dessus).
Quant au traité de délimitation maritime de 1993 entre la Colombie et
la Jamaïque, le Nicaragua affirme qu’il a été conclu après que le différend

opposant le Nicaragua et le Honduras se fut élevé et qu’il est dénué de
pertinence aux fins de la présente espèce, dans la mesure où la frontière
maritime proposée par le Nicaragua n’empiète pas sur les droits que la
Jamaïque pourrait détenir sur des zones maritimes.
223. Pour ce qui concerne la reconnaissance par des Etats tiers de

la souveraineté du Nicaragua sur les îles en litige, ce dernier affirme
que, lors des négociations qu’il a menées en 1996 et 1997 avec la Ja-
maïque au sujet de la délimitation d’une frontière maritime, une
«proposition de la Jamaïque en vue de délimiter la frontière maritime
reconnaissait Media Luna Cay comme faisant partie du territoire

nicaraguayen».
Le Honduras affirme cependant que la Jamaïque lui a communiqué un

70726 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

an aide-memoire dated 9 April 2003 stating that, having reviewed the
documents introduced by Nicaragua in its Reply,

“[t]he Government of Jamaica has examined its records of the above-

mentioned documents, and can confirm that these documents do not
in any way indicate that Jamaica has ever expressed support for
Nicaraguan maritime claims against Honduras.

The Government of Jamaica has not in any way expressed sup-

port for the claims of either party in this dispute.
The view of the Government of Jamaica has always been that this
is a dispute between two sovereign States, which is being adjudicated
by the International Court of Justice, and it has therefore adopted a
position of complete neutrality in the dispute, while maintaining

continued friendly relations with both parties.”
224. In the Court’s view there is no evidence to support any of the
contentions made by the Parties with respect to recognition by third

States that sovereignty over the disputed islands is vested in Honduras or
in Nicaragua. Some of the evidence offered by the Parties shows episodic
incidents that are neither consistent nor consecutive. It is obvious that
they do not signify an explicit acknowledgment of sovereignty, nor were
they meant to imply any such acknowledgment.

225. The Court observes that bilateral treaties of Colombia, one with
Honduras and one with Jamaica, have been invoked by Honduras as
proof of recognition of sovereignty over the disputed islands (see para-
graph 222 above). The Court notes that in relation to these treaties Nica-

ragua never acquiesced in any understanding that Honduras had sov-
ereignty over the disputed islands. The Court does not find these bilateral
treaties relevant as regards recognition by a third party of title over the
disputed islands.

*

226. The Court recalls that during the oral proceedings it was apprised
of the negotiating history of a Central America-Dominican Republic
Free Trade Agreement which was signed on 16 April 1998 in Santo
Domingo by Nicaragua, Honduras, Costa Rica, Guatemala, El Salvador

and the Dominican Republic, and which entered into force on different
dates for each State (for Honduras on 19 December 2001; and for Nica-
ragua on 3 September 2002). According to Honduras, the original text of
the Agreement, which was signed by the President of Nicaragua, included
an Annex to Article 2.01 giving a definition of the territory of Honduras,

which referred inter alia to Palo de Campeche and Media Luna Cays.
This was the text ratified by Honduras. Honduras claims that the term
“Media Luna” was “frequently used to refer to the entire group of

71 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 726

aide-mémoire en date du 9 avril 2003 dans lequel il est indiqué que, après
avoir passé en revue les documents invoqués par le Nicaragua dans sa

réplique,
«[l]e Gouvernement de la Jamaïque a examiné ceux desdits docu-

ments en sa possession et peut confirmer que ceux-ci ne contiennent
aucun élément permettant de conclure que la Jamaïque aurait jamais
soutenu les revendications maritimes du Nicaragua contre le Hon-
duras.
Le Gouvernement de la Jamaïque n’a jamais exprimé son soutien

aux revendications de l’une ou l’autre Partie à ce différend.
L’opinion du Gouvernement de la Jamaïque n’a jamais varié: ce
différend entre deux Etats souverains ayant été soumis à la Cour
internationale de Justice, il convient d’adopter une attitude totale-
ment neutre en l’affaire tout en maintenant des relations amicales

avec les deux Parties.»
224. De l’avis de la Cour, aucun élément de preuve n’étaye les alléga-
tions formulées par les Parties au sujet de la reconnaissance par des Etats

tiers d’une souveraineté du Honduras ou du Nicaragua sur les îles en
litige. Certains éléments présentés par elles attestent d’événements spo-
radiques qui ne sont cependant ni constants ni consécutifs. Il est mani-
feste qu’ils ne traduisent pas l’existence d’une reconnaissance explicite
de souveraineté et n’étaient d’ailleurs pas supposés emporter pareille

reconnaissance.
225. La Cour relève que le Honduras a invoqué des traités bilatéraux
conclus par la Colombie, l’un avec le Honduras, l’autre avec la Jamaïque,
comme preuve de la reconnaissance, par ces Etats, de sa souveraineté sur
les îles en litige (voir paragraphe 222 ci-dessus). Elle note à propos de ces

traités que le Nicaragua n’a jamais acquiescé à une quelconque entente
impliquant que le Honduras aurait eu souveraineté sur les îles en litige.
La Cour ne juge pas ces traités bilatéraux pertinents pour établir la
reconnaissance par une tierce partie d’un titre sur les îles en litige.

*

226. La Cour rappelle que, à l’audience, elle a été informée de l’his-
toire des négociations menées en vue de la conclusion d’un accord de
libre-échange Amérique centrale-République dominicaine le 16 avril 1998
à Saint-Domingue entre le Nicaragua, le Honduras, le Costa Rica, le

Guatemala, El Salvador et la République dominicaine, et entré en vigueur
à des dates différentes à l’égard de chaque Etat (pour le Costa Rica, le
7 mars 2002; pour El Salvador, le 4 octobre 2001; pour le Guatemala, le
3 octobre 2001; pour le Honduras, le 19 décembre 2001; et, pour le Nica-
ragua, le 3 septembre 2002). Selon le Honduras, le texte original de cet

accord, qui avait été signé par le président du Nicaragua, comportait une
annexe à l’article 2.01, contenant une définition du territoire du Hondu-
ras, qui mentionnait notamment les cayes de Palo de Campeche et de

71727 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

islands and cays” in the area in dispute. Nicaragua points out that during
the ratification process, its National Assembly approved a revised text of
the Free Trade Agreement which had been agreed by the signatory
States, and which did not contain the Annex to Article 2.01.

The Court has obtained the text of the above-mentioned Annex. It
observes that the four islands in dispute are not mentioned by name in

the Annex. Moreover, the Court notes that it has not been presented with
any convincing evidence that the term “Media Luna” has the meaning
advanced by Honduras. In these circumstances the Court finds that it
need not further examine arguments relating to this Treaty nor its status
for the purposes of these proceedings.

**

7.6. Decision as to Sovereignty over the Islands

227. The Court, having examined all of the evidence related to the
claims of the Parties as to sovereignty over the islands of Bobel Cay,
Savanna Cay, Port Royal Cay and South Cay, including the issue of the
evidentiary value of maps and the question of recognition by third States,

concludes that Honduras has sovereignty over these islands on the basis
of post-colonial effectivités.

*
* *

8. DELIMITATION OF M ARITIME AREAS

228. The question of sovereignty over the four islands in the area in

dispute having been resolved, the Court turns now to the delimitation of
maritime areas between Nicaragua and Honduras in the Caribbean Sea.
The geography of the region, so critical to the delimitation, is described
in detail at paragraphs 20 to 32.

8.1. Traditional Maritime Boundary Line Claimed by Honduras

8.1.1. The principle of uti possidetis juris

229. As mentioned earlier in this judgment (see paragraph 147 above),
Honduras maintains that the uti possidetis juris principle referred to in
the Gámez-Bonilla Treaty and the 1906 Award of the King of Spain is
applicable to the maritime area off the coasts of Honduras and Nicara-
gua, and that the line of 15th parallel constitutes the line of maritime

delimitation resulting from that application. It asserts that Nicaragua

72 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 727

Media Luna. C’est ce texte qu’a ratifié le Honduras. Le Honduras affirme
que le nom de «Media Luna» était «fréquemment employé pour désigner
le groupe entier d’îles et cayes» dans la zone en litige. Le Nicaragua fait
observer que, lors de son processus de ratification, son Assemblée natio-

nale approuva une version revisée de l’accord de libre-échange sur laquelle
s’étaient entendus les Etats signataires, et qui ne comportait pas l’annexe
à l’article 2.01.
La Cour s’est procuré le texte de l’annexe précitée. Elle relève que les
quatre îles en litige n’y sont pas nommément désignées. De plus, elle note

qu’il ne lui a été fourni aucun élément de preuve montrant de manière
concluante que les termes «Media Luna» ont le sens que leur prête le
Honduras. Dans ces circonstances, la Cour conclut qu’il n’y a pas lieu
d’examiner plus avant les arguments relatifs à ce traité, ni le statut de
celui-ci aux fins de la présente procédure.

**

7.6. Décision quant à la souveraineté sur les îles

227. Après avoir examiné l’ensemble des éléments de preuve relatifs

aux prétentions des Parties concernant la souveraineté sur les îles de
Bobel Cay, Savanna Cay, Port Royal Cay et South Cay, et considéré
notamment la question de la valeur probante des cartes ainsi que celle de
la reconnaissance par des Etats tiers, la Cour conclut que le Honduras a
la souveraineté sur ces îles sur la base des effectivités postcoloniales.

* * *

8. L A DÉLIMITATION DES ZONES MARITIMES

228. La question de la souveraineté sur les quatre îles de la zone en
litige ayant été tranchée, la Cour passera maintenant à la délimitation des
zones maritimes entre le Nicaragua et le Honduras dans la mer des Ca-
raïbes. La géographie de la région, si essentielle pour la délimitation, est
décrite en détail aux paragraphes 20 à 32.

8.1. La frontière maritime traditionnelle revendiquée par le Honduras

8.1.1. Le principe de l’uti possidetis juris

229. Comme il est dit plus haut dans l’arrêt (voir paragraphe 147), le

Honduras soutient que le principe de l’uti possidetis juris auquel se réfè-
rent le traité Gámez-Bonilla et la sentence rendue en 1906 par le roi
d’Espagne est applicable à la zone maritime au large des côtes du Hon-
duras et du Nicaragua, et que le 15 parallèle constitue la ligne de déli-
mitation maritime résultant de l’application de ce principe. Il affirme que,

en 1821, le Nicaragua et le Honduras ont succédé, notamment, à un

72728 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

and Honduras succeeded in 1821, inter alia, to a maritime area extending
6 miles (see paragraphs 86 and 148 above) and that uti possidetis juris

“gives rise to a presumption of Honduran title to the continental shelf
and EEZ north of the 15th parallel”.

230. Honduras argues that prior to the independence of Nicaragua
and Honduras in 1821, Cape Gracias a Dios separated the jurisdictional

areas of the different colonial authorities which exercised authority over
the maritime areas off the coasts of present day Nicaragua and Hondu-
ras. Honduras asserts that the Royal Order of 23 August 1745 initially
divided the military jurisdiction of the maritime area between the Gov-
ernment of Honduras and the General Command of Nicaragua, with

Cape Gracias a Dios marking the separation between the two military
jurisdictions. Moreover, Honduras contends that the 15th parallel marked
the traditional maritime boundary between Nicaragua and Honduras
because the propensity of the Spanish Empire to use parallels and merid-
ians to identify jurisdictional divisions makes it inconceivable that the
Royal Decree of 1803 would have created a maritime division along a

line other than the 15th parallel.
231. In response to Honduras, Nicaragua claims that jurisdiction over
the territorial sea fell to Spanish authorities in Madrid, not to local
authorities, including Captaincy-Generals. Nicaragua argues that the
Spanish Crown’s claim to a 6-mile territorial sea “tells [us] nothing with

regard to the limit of this territorial sea between the Provinces of Hon-
duras and Nicaragua” (emphasis in the original). Finally, Nicaragua
argues that it would be inappropriate for the Court to rely upon uti pos-
sidetis to establish title to the exclusive economic zone and to the conti-
nental shelf which are distinctly modern legal concepts.

232. The Court observes that the uti possidetis juris principle might in
certain circumstances, such as in connection with historic bays and terri-
torial seas, play a role in a maritime delimitation. However, in the present
case, were the Court to accept Honduras’s claim that Cape Gracias a Dios

marked the separation of the respective maritime jurisdiction of the colo-
nial provinces of Honduras and Nicaragua, no persuasive case has been
made by Honduras as to why the maritime boundary should then extend
from the Cape along the 15th parallel. It merely asserts that the Spanish
Crown tended to use parallels and meridians to draw jurisdictional divi-
sions, without presenting any evidence that the colonial Power did so in

this particular case.
233. The Court thus cannot uphold Honduras’s assertion that the
uti possidetis juris principle provided for a maritime division along
the 15th parallel “to at least six nautical miles from Cape Gracias a
Dios” nor that the territorial sovereignty over the islands to the north

of the 15th parallel on the basis of the uti possidetis juris principle
“provides the traditional line which separates these Honduran islands
from the Nicaraguan islands to the south” with “a rich historical basis

73 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 728

espace maritime de 6 milles (voir paragraphes 86 et 148 ci-dessus) et que

l’uti possidetis juris «engendre une présomption de titre du Honduras sur
le plateau continental et la zone économique exclusive au nord du
15 parallèle».
230. Le Honduras prétend que, avant l’indépendance du Nicaragua et

du Honduras en 1821, le cap Gracias a Dios séparait les juridictions des
différentes autorités coloniales qui exerçaient leur autorité sur les espaces
maritimes au large des côtes du Nicaragua et du Honduras actuels. Il
affirme que le décret royal du 23 août 1745 est à l’origine du partage de

la juridiction militaire de l’espace maritime en cause entre le gouverne-
ment du Honduras et le commandement général du Nicaragua, le cap
Gracias a Dios marquant la séparation entre les deux juridictions mili-
taires. Le Honduras soutient par ailleurs que le 15 parallèle marquait la

frontière maritime traditionnelle entre le Nicaragua et le Honduras, la
propension de l’Empire espagnol à utiliser des parallèles et méridiens
pour définir les divisions juridictionnelles rendant inconcevable l’idée que
le décret royal de 1803 ait pu créer un partage maritime le long d’une
e
ligne autre que le 15 parallèle.
231. En réponse au Honduras, le Nicaragua soutient que la juridiction
sur la mer territoriale appartenait aux autorités espagnoles à Madrid, et
non pas aux autorités locales, y compris les capitaineries générales. Il

affirme que la revendication par la Couronne espagnole d’une mer terri-
toriale de 6 milles ne permet de «rien ... inférer s’agissant de la limite de
cette mer territoriale entre les provinces du Honduras et du Nicaragua»
(les italiques sont dans l’original). Enfin, il soutient que la Cour ne sau-

rait fonder sur l’uti possidetis un titre sur la zone économique exclusive et
le plateau continental, qui constituent des notions juridiques manifeste-
ment modernes.
232. La Cour considère que, dans certaines circonstances, comme cel-

les qui ont trait à des baies et mers territoriales historiques, le principe de
l’uti possidetis juris pourrait jouer un rôle dans la délimitation maritime.
Dans la présente espèce, cependant, même si la Cour admettait l’argu-
ment du Honduras selon lequel le cap Gracias a Dios marquait la limite

entre les juridictions maritimes respectives des provinces coloniales du
Honduras et du Nicaragua, aucune raison convaincante n’a été avancée
par le Honduras pour expliquer pourquoi la frontière maritime devrait
suivre le 15 parallèle à partir du cap. Il se borne à affirmer que la Cou-

ronne espagnole avait tendance à utiliser les parallèles et les méridiens
pour délimiter les juridictions, sans apporter la moindre preuve que la
puissance coloniale ait agi ainsi dans ce cas particulier.
233. La Cour ne peut donc accueillir l’argument du Honduras selon

lequel le principe de l’uti possideeis juris était à l’origine d’une ligne de
partage maritime le long du 15 parallèle jusqu’à «au moins 6 milles
marins du cap Gracias a Dios», ni celui selon lequel la souveraineté ter-
ritoriale sur les îles situées au nord du 15 parallèle, qui trouve son fon-

dement dans le principe de l’uti possidetis juris, «donne à la ligne tradi-
tionnelle qui sépare ces îles honduriennes des îles nicaraguayennes situées

73729 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

that contributes to its legal foundation”.

234. The Court further observes that Nicaragua and Honduras as new
independent States were entitled by virtue of the uti possidetis juris prin-
ciple to such mainland and insular territories and territorial seas which
constituted their provinces at independence. The Court, however, has
already found that it is not possible to determine sovereignty over the

islands in question on the basis of the uti possidetis juris principle (see
paragraph 158 above). Nor has it been shown that the Spanish Crown
divided its maritime jurisdiction between the colonial provinces of Nica-
ragua and Honduras even within the limits of the territorial sea. Although
it may be accepted that all States gained their independence with an entitle-

ment to a territorial sea, that legal fact does not determine where the
maritime boundary between adjacent seas of neighbouring States will
run. In the circumstances of the present case, the uti possidetis juris prin-
ciple cannot be said to have provided a basis for a maritime division
along the 15th parallel.

235. The Court notes that the 1906 Arbitral Award, which indeed was
based on the uti possidetis juris principle, did not deal with the maritime
delimitation between Nicaragua and Honduras and that it does not con-
firm a maritime boundary between them along the 15th parallel. First,
the Award fixed “the extreme boundary points on the coast of the Atlan-

tic” and from that point indicated the land boundary line westwards. Sec-
ond, there is no indication in the Award that the 15th parallel was per-
ceived as the boundary line.
236. The Court thus finds that the contention of Honduras that the uti
possidetis juris principle provides a basis for an alleged “traditional”

maritime boundary along the 15th parallel cannot be sustained.

**

8.1.2. Tacit agreement

237. In addition to its claim based on uti possidetis juris Honduras
points to a variety of elements, having come into existence both before
and after the Sandinista revolution in 1979, that, according to it, demon-
strate that there was a “de facto boundary based on the tacit agreement
of the Parties” at the 15th parallel (14°59′48″ N). Honduras further

argues that this tacit understanding constituted an “agreement” under
Articles 15, 74, and 83 of UNCLOS legally delimiting a single maritime
boundary.
238. Honduras further asserts that this “traditional” arrangement has
its roots in the King of Spain’s rejection in his 1906 Award of Nicara-

gua’s land and maritime claims north of the 15th parallel. Honduras con-
cedes that there is no “formal and written bilateral treaty” governing the
delimitation, but argues that ever since the Award was rendered, the

74 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 729

au sud une base historique solide, qui contribue à en renforcer le fonde-

ment juridique».
234. La Cour relève en outre que, au moment de l’indépendance, le
Nicaragua et le Honduras, en tant que nouveaux Etats indépendants,
avaient droit, en vertu du principe de l’uti possidetis juris, aux territoires

continentaux et insulaires ainsi qu’aux mers territoriales des provinces
correspondantes. La Cour a toutefois déjà conclu qu’il n’était pas pos-
sible de déterminer la souveraineté sur les îles en question sur la base du
principe de l’uti possidetis juris (voir paragraphe 158 ci-dessus). Il n’a pas

davantage été démontré que la Couronne espagnole aurait réparti sa juri-
diction maritime entre les provinces coloniales du Nicaragua et du Hon-
duras, même dans les limites de la mer territoriale. Si l’on peut certes
accepter l’idée que tous les Etats ont accédé à l’indépendance en ayant eu

droit à une mer territoriale, cette réalité juridique ne détermine pas le
tracé de la frontière maritime entre les mers adjacentes des Etats voisins.
Dans les circonstances de la présente affaire, il ne peut être dit que le
principe de l’uti possidetis juris a servi de base à une ligne de partage
e
maritime le long du 15 parallèle.
235. La Cour note que la sentence arbitrale de 1906, qui reposait en
effet sur le principe de l’uti possidetis juris, n’a pas traité de la délimita-
tion maritime entre le Nicaragua et le Honduras, et qu’elle ne confirme
e
pas l’existence d’une frontière maritime entre eux le long du 15 parallèle.
Premièrement, la sentence fixe «le point extrême limitrophe commun sur
la côte atlantique», à partir duquel elle détermine la frontière terrestre
vers l’ouest. Deuxièmement, rien dans la sentence n’indique que le
e
15 parallèle ait été considéré comme la ligne frontière.
236. La Cour conclut en conséquence que l’argument du Honduras
selon lequel le principe de l’uti possidetis juris fonderait une frontière
maritime «traditionnelle» le long du 15 parallèle ne saurait être retenu.

**

8.1.2. Accord tacite

237. Parallèlement à l’argument tiré de l’uti possidetis juris, le Hondu-
ras invoque différents éléments, antérieurs et postérieurs à la révolution
sandiniste de 1979, qui, selon lui, démontrent qu’il existait le long du
e
15 parallèle (14°59′48″ de latitude nord) une «frontière de facto fondée
sur l’accord tacite des Parties». Le Honduras soutient en outre que cet
accord tacite constituait un «accord» au sens des articles 15, 74 et 83 de
la CNUDM, délimitant en droit une frontière maritime unique.

238. Le Honduras affirme aussi que cet arrangement «traditionnel»
trouve ses racines dans le rejet par le roi d’Espagne, dans sa sentence de
1906, des revendications terrestres et maritimes du Nicaragua au nord du
e
15 parallèle. Tout en concédant qu’il n’existe pas de «traité bilatéral for-
mel et écrit» régissant la délimitation, le Honduras fait valoir que, depuis

74730 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

Parties’ oil concession practice in respect of the 15th parallel has coin-
cided and has even been co-ordinated along that parallel and that this

evinces a tacit agreement. Honduras relies on the Court’s recent state-
ment in the case concerning the Land and Maritime Boundary between
Cameroon and Nigeria (Cameroon v. Nigeria: Equatorial Guinea inter-
vening) that oil concessions “may...betaken into account” if they are
“based on express or tacit agreement between the parties” (Judgment,

I.C.J. Reports 2002, p. 448, para. 304). In this regard, Honduras points
to a series of oil concessions it granted as far south as the 15th parallel
which elicited no protest from Nicaragua, as well as to a series of con-
cessions granted by Nicaragua that extended as far north as the 15th par-
allel. Honduras maintains that even those Nicaraguan concessions which

did not explicitly identify their northern limit, nonetheless “recognized
and gave effect” to that limit because the configuration and size (in hec-
tares) of the concession area corresponded to the northern limit of the
15th parallel.

239. Honduras argues specifically that Coco Marina, a joint venture
oil well straddling the 15th parallel, provides “conclusive” evidence of
agreement over the boundary that was “expressly recognized” as such by
Nicaragua. Honduras explains that this was a joint venture between
Union Oil Company of Honduras and Union Oil Company of Central

America (based in Nicaragua) that had been approved by both the Nica-
raguan and Honduran Governments: the costs were to be shared equally
by the two companies.

240. Honduras further contends that fishing activities in the disputed

area suggest that there was a tacit agreement between the Parties on the
15th parallel as the maritime boundary. Honduras points in this regard
to fishing activities it licensed in areas as far south as the 15th parallel as
well as to a fishing licence initially granted in 1986 by Nicaragua covering
areas north of the 15th parallel but which was revoked in 1987 after pro-

test by Honduras. Honduras maintains that it has treated the 15th par-
allel as the maritime boundary for purposes of regulating and enforcing
its fisheries policies and that Nicaragua has done the same. In particular,
it refers to a situation in 2000 when a Honduran vessel allegedly caught
fishing illegally south of the 15th parallel was apprehended by a Nicara-
guan patrol, escorted to a point on the 15th parallel whereupon it was

released.

241. Honduras maintains that ever since the establishment of the Hon-
duran navy in 1976, Honduran naval patrols have carried out a
number of functions north of the 15th parallel, including the enforce-

ment of fisheries and immigration laws, in addition to maintaining
Honduras’s security. Honduras argues that by contrast, Nicaragua
has not produced evidence to demonstrate that its naval patrols have

75 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 730

le prononcé de la sentence, la pratique des Parties en matière de conces-
sions pétrolières en ce qui concerne le 15 parallèle a toujours concordé et
a même été coordonnée le long de ce parallèle, ce qui dénote l’existence

d’un accord tacite. Le Honduras invoque ce que la Cour a récemment dit
en l’affaire de la Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le
Nigéria (Cameroun c. Nigéria; Guinée équatoriale (intervenant)) ,à

savoir que les concessions pétrolières «peuvent être pris[es] en compte» si
elles «reposent sur un accord exprès ou tacite entre les parties» (arrêt,
C.I.J. Recueil 2002, p. 448, par. 304). A cet égard, le Honduras cite une

série de concessions pétrolières qu’il a octroyées sans susciter de peotesta-
tion du Nicaragua, et qui s’étendaient vers le sud jusqu’au 15 parallèle,
ainsi qu’une série de concessions octroyées par le Nicaragua qui, elles,
s’étendaient vers le nord jusqu’au 15 parallèle. Il soutient que même les

concessions nicaraguayennes dont la limite septentrionale n’était pas
explicitement fixée «reconnaissaient» cette limite et lui «donnaient effet»,
car la configuration et la taille (exprimée en hectares) des zones de

coneession correspondaient à la limite septentrionale située sur le
15 parallèle.
239. Le Honduras fait valoir en particulier que Coco Marina, puits de
pétrole relevant d’un projet conjoint exécuté de part et d’autre du
e
15 parallèle, constitue la preuve «concluante» de l’existence d’un accord
sur la frontière «admis[e] expressément» comme telle par le Nicaragua.
Le Honduras explique qu’il s’agissait d’un projet conjoint de l’Union Oil

Company of Honduras et de l’Union Oil Company of Central America
(dont le siège était au Nicaragua), qui avait été approuvé à la fois par le
Gouvernement nicaraguayen et par le Gouvernement hondurien et dont
les coûts devaient être partagés à égalité entre les deux sociétés.

240. Le Honduras soutient encore que les activités de pêche menées
dans la zone en litige montrent qu’il existait un accord tacite entre les
Parties pour considérer le 15 parallèle comme la frontière maritime. Il

invoque à cet égard les activités de eêche qu’il a autorisées dans des zones
s’étendant vers le sud jusqu’au 15 parallèle, ainsi qu’une licence de pêche
initialement accordée en 1986 par le Nicaragua, qui portait sur des zones
e
au nord du 15 parallèle mais fut révoquée en 1987 après protestation du e
Honduras. Le Honduras fait valoir qu’il a constamment traité le 15 paral-
lèle comme la frontière maritime aux fins de la réglementation de la pêche
et de son application, et que le Nicaragua a fait de même. Il cite en par-

ticulier un incident survenu en 2000, dans lequel un navire honeurien qui
avait été pris en train de pêcher illégalement au sud du 15 parallèle a été
appréhendé par une patrouille nicaraguayenne et escorté jusqu’à cette

ligne, où il a été relâché.
241. Le Honduras affirme que, depuis la création de la marine hon-
durienne en 1976, des patrouilles navales honduriennes exercent un
certain nombre de fonctions au nord du 15 parallèle, en veillant au res-

pect de la législation en matière de pêche et d’immigration ainsi qu’au
maintien de la sécurité du Honduras. Il soutient que, à l’inverse, le Nicara-
gua n’a soumis aucun élément de preuve montrant que ses patrouilles

75731 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

sought to regulate or enforce Nicaraguan laws north of the 15th
parallel.

242. Honduras also contends that the practice of third Parties confirm
“the existence of a tacitly agreed boundary” along the 15th parallel. Hon-
duras presented evidence of third State recognition of its claims, stressing
that many such acts of recognition support both its claim to sovereignty
over the islands and its maritime claim. For example, it refers to the

request by Jamaica in 1977 to access Honduran waters to rescue 12 Jamai-
can nationals who were shipwrecked in Savanna Cay and the formal
request by Argentina in 1975 for one of its aircraft to overfly Honduras
by a route of 15°17′ N 82° E. Honduras further mentions the Gazetteer
of Geographic Features prepared by the United States National Imagery

and Mapping Agency in October 2000, which identifies the northernmost
insular feature attributed to Nicaragua at 14°59′ N. Honduras argues
that the practice of international organizations, such as the Food and
Agriculture Organization (FAO), the United Nations Development Pro-
gramme (UNDP) and the Inter-American Development Bank shows a
comparable recognition of the 15th parallel. It also points to the fact that

various third States (specifically, Jamaica and the United States) and
international organizations, such as the FAO, have considered fish caught
in the disputed area as Honduran catches.

243. Honduras also produces sworn statements by a number of fish-
ermen attesting to their belief that the 15th parallel represented and con-
tinues to represent the maritime boundary.

244. The Court notes, as to that latter category of evidence, that wit-
ness statements produced in the form of affidavits should be treated with
caution. In assessing such affidavits the Court must take into account a
number of factors. These would include whether they were made by State
officials or by private persons not interested in the outcome of the pro-

ceedings and whether a particular affidavit attests to the existence of facts
or represents only an opinion as regards certain events. The Court notes
that in some cases evidence which is contemporaneous with the period
concerned may be of special value. Affidavits sworn later by a State offi-
cial for purposes of litigation as to earlier facts will carry less weight than
affidavits sworn at the time when the relevant facts occurred. In other

circumstances, where there would have been no reason for private per-
sons to offer testimony earlier, affidavits prepared even for the purposes
of litigation will be scrutinized by the Court both to see whether what has
been testified to has been influenced by those taking the deposition and
for the utility of what is said. Thus, the Court will not find it inappro-

priate as such to receive affidavits produced for the purposes of a litiga-
tion if they attest to personal knowledge of facts by a particular indi-
vidual. The Court will also take into account a witness’s capacity to attest

76 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 731

navales aient cherché à faire appliquer les lois nicaraguayennes au nord
du 15 parallèle.
242. Le Honduras prétend par ailleurs que la pratique de tierces

parties conerme «l’existence d’une frontière convenue tacitement» le
long du 15 parallèle. Il a produit des éléments attestant la reconnaissance
par des Etats tiers de ses revendications, soulignant que nombre des actes
de reconnaissance en question appuient à la fois sa revendication de sou-
veraineté sur les îles et sa revendication maritime. Ainsi, il invoque le fait

que, en 1977, la Jamaïque lui a demandé l’autorisation de pénétrer dans
les eaux honduriennes pour porter secours à douze ressortissants jamaï-
cains qui avaient fait naufrage à Savanna Cay et que, en 1975, l’Argen-
tine lui a demandé officiellement d’autoriser l’un de ses aéronefs à survo-

ler le Honduras en passant par le point de coordonnées 15°17′ de latitude
nord et 82° de longitude est. Le Honduras mentionne aussi le Gazetteer
of Geographic Features établi en octobre 2000 par le service d’imagerie et
de cartographie des Etats-Unis, qui situe par 14°59′ de latitude nord la

formation insulaire la plus septentrionale attribuée au Nicaragua. Le
Honduras fait valoir que la pratique d’organisations internationales telles
que l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture
(FAO), le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD)
et la Banque interaméricaine de développement montre une reconnais-
e
sance similaire du 15 parallèle. Il indique aussi que divers Etats tiers (en
l’occurrence la Jamaïque et les Etats-Unis) et organisations internatio-
nales, comme la FAO, considèrent comme honduriennes les captures de
poisson effectuées dans la zone litigieuse.

243. Le Honduras a aussi produit des déclarations souseserment de
plusieurs pêcheurs attestant que, pour ceux-ci, le 15 parallèle représen-
tait et continue de représenter la frontière maritime.
244. La Cour fait observer, s’agissant de ce dernier type d’éléments de
preuve, que les dépositions de témoins produites sous la forme de décla-

rations sous serment doivent être traitées avec prudence. En examinant
ces déclarations, la Cour doit tenir compte d’un certain nombre de fac-
teurs. Elle doit examiner notamment si les déclarations émanent d’agents
de l’Etat ou de particuliers qui n’ont pas d’intérêts dans l’issue de la pro-

cédure, et si telle ou telle déclaration atteste l’existence de faits ou expose
seulement une opinion sur certains événements. La Cour note que, dans
certains cas, les témoignages qui datent de la période concernée peuvent
avoir une valeur particulière. Des déclarations sous serment faites pour

les besoins de la cause par un agent de l’Etat concernant des faits passés
auront moins de poids que des déclarations sous serment contemporaines
des faits. Dans d’autres circonstances où des particuliers n’avaient aucune
raison de témoigner plus tôt, la Cour examinera les déclarations sous ser-
ment, même établies pour les besoins de la cause, tant pour déterminer si

le témoignage a été influencé par ceux qui l’ont recueilli que pour appré-
cier l’utilité des propos tenus. Ainsi, la Cour ne juge pas inapproprié en
soi de recevoir des déclarations sous serment établies pour les besoins
d’une cause si elles attestent des faits dont leur auteur a personnellement

76732 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

to certain facts, for example, a statement of a competent governmental
official with regard to the boundary lines may have greater weight than

sworn statements of a private person.

245. In the current case sworn statements of fishermen produced by
Honduras attested to a variety of issues; for example, that Honduran

vessels fished north of the 15th parallel and Nicaraguan vessels south of
that parallel; that Nicaraguan patrol boats crossed the 15th parallel and
captured Honduran fishing boats; others testify as to a general knowl-
edge that the offshore border has always been aligned along the 15th par-
allel; that licences and permits were issued by Nicaragua south of the

15th parallel and by Honduras to the north of that parallel; that Nica-
raguan patrol activity north of the 15th parallel began in the 1980s or
even more recently.

Although all the affidavits were made for the purposes of the case, the
Court does not put into question their credibility. However, having

examined their content the Court finds that none of them can be consid-
ered as proof of the existence of a “traditional” maritime boundary along
the 15th parallel recognized by Nicaragua and Honduras.

Occasional references in the affidavits to the boundary running along

the 15th parallel is of the nature of a personal opinion rather than the
knowledge of a fact. In this regard the Court recalls previous dicta of rel-
evance to this question:

“The Court has not treated as evidence any part of the testimony
given which was not a statement of fact, but a mere expression of
opinion as to the probability or otherwise of the existence of such
facts, not directly known to the witness. Testimony of this kind,

which may be highly subjective, cannot take the place of evidence.
An opinion expressed by a witness is a mere personal and subjective
evaluation of a possibility, which has yet to be shown to correspond
to a fact; it may, in conjunction with other material, assist the Court
in determining a question of fact, but is not proof in itself. Nor is

testimony of matters not within the direct knowledge of the witness,
but known to him only from hearsay, of much weight . . .” (Military
and Paramilitary Activities in and against Nicaragua (Nicaragua v.
United States of America), Merits, Judgment, I.C.J. Reports 1986,
p. 42, para. 68.)

246. Honduras also argues that there is a regional practice of using
lines of latitude and longitude as maritime boundaries and, specifically,

that the 1928, 1986 and 1993 bilateral treaties concluded separately with
Colombia, while res inter alios acta between Nicaragua and Honduras,
nonetheless confirm the 15th parallel as the maritime boundary between

77 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 732

connaissance. La Cour tient également compte de la capacité du témoin

à attester certains faits, par exemple, une déclaration faite par un agent
du gouvernement compétent en matière de lignes frontières pouvant
avoir davantage de poids que la déclaration sous serment d’un simple

particulier.
245. Dans la présente affaire, les déclarations sous serment de pêcheurs
que le Honduras a produites font état d’éléments divers; elles attestent
par exemple que des navires honduriens pêchaient au nord du 15 paral- e

lèle et des navires nicaraguayens au sud de ee parallèle; que des pa-
trouilleurs nicaraguayens ont franchi le 15 parallèle et saisi des bateaux de
pêche honduriens; d’autres attestent qu’il est de notoriété publique que
la frontière maritime a toujours suivi le 15 parallèle; que des licences et
e
permis étaient délivrés par le Nicaragua au sud du 15 parallèle et par le
Honduras au nord de ce parallèle; et que les patrouilles nicaraguayennes
au nord du 15 parallèle ont débuté dans les années quatre-vingt ou même
plus récemment.

Bien que toutes les déclarations sous serment aient été établies pour les
besoins de la cause, la Cour ne met pas en doute leur crédibilité. Toute-
fois, ayant examiné leur contenu, la Cour conclut qu’aucune d’elles ne
e
peut être considérée comme une preuve de l’existence le long du 15 paral-
lèle d’une frontière maritime «traditionnelle» qui aurait été reconnue par
le Nicaragua et par le Honduras.
Que les déclarations sous serment mentionnent parfois que la frontière
e
suit le 15 parallèle traduit une opinion personnelle et non la connais-
sance d’un fait. A cet égard, la Cour rappelle ses prononcés antérieurs se
rapportant à cette question:

«La Cour n’a pas retenu ce qui, dans les témoignages reçus, ne
correspondait pas à l’énoncé de faits, mais à de simples opinions sur

le caractère vraisemblable ou non de l’existence de ces faits, dont le
témoin n’avait aucune connaissance directe. De telles déclarations,
qui peuvent être fortement empreintes de subjectivité, ne sauraient
tenir lieu de preuves. Une opinion exprimée par un témoin n’est

qu’une appréciation personnelle et subjective dont il reste à établir
qu’elle correspond à un fait; conjuguée à d’autres éléments, elle peut
aider la Cour à élucider une question de fait, mais elle ne constitue
pas une preuve en elle-même. De même, un témoignage sur des

points dont le témoin n’a pas eu personnellement connaissance
directe, mais seulement par «ouï-dire», n’a pas grand poids.» (Acti-
vités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci

(Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique), fond, arrêt, C.I.J. Recueil
1986, p. 42, par. 68.)

246. Le Honduras fait aussi valoir qu’il était de pratique dans la
région d’utiliser les parallèles et méridiens comme frontières maritimes et,
en particulier, que les traités bilatéraux conclus séparément avec la Colom-
bie en 1928, 1986 et 1993, bien qu’étant res inter alios acta entre le Nica-
e
ragua et le Honduras, confirment néanmoins que le 15 parallèle consti-

77733 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

Honduras and Nicaragua. Honduras suggests that the 1928 Barcenas-
Esguerra Treaty between Nicaragua and Colombia set the maritime

boundary between them along with 82nd meridian up to the 15th paral-
lel. Honduras also points to the 1986 Treaty on maritime delimitation it
concluded with Colombia, which, although setting the boundary along
14°59′08″ N rather than 14°59.08′ N (owing to “an error in transla-
tion”), constitutes “recognition by Colombia that the maritime area to

the north of the 15th parallel forms part of Honduras . . .”. Honduras
asserts that the 1993 Treaty between Colombia and Jamaica, delimiting a
joint economic régime area abutting a different part of the line estab-
lished by the 1986 Treaty between Colombia and Honduras, is further
evidence that the line claimed to be established by the 1986 Treaty is

receiving wider and more general international recognition.

247. Nicaragua denies that it ever accepted or recognized the 15th par-
allel as the maritime boundary with Honduras. It argues that the exist-
ence of what Honduras calls a “traditional” maritime boundary is belied
by the fact that Nicaragua occupied Honduran territory north of the

15th parallel until this Court in 1960 affirmed the validity and binding
character of the King of Spain’s 1906 Award. Nicaragua maintains that
the oil concession practice similarly fails to show a settled boundary since
Nicaragua actually reserved its position as to the boundary by specifying
in the contracts that the northern limit would be “the border line with the

Republic of Honduras [which has not been determined]”. With regard to
the alleged inference of a northern boundary at the 15th parallel from the
specification in these agreements of an area in hectares that corresponded
with a northern limit at the 15th parallel, Nicaragua responds that some
concessions (for example, Union Oil) also included language specifying

that they covered the “conventional area” and that the concessions
would be revised and modified “following the date when the borderline is
determined”.

248. Nicaragua further maintains that the fact that the Coco Marina
project required a joint venture arrangement between Union Oil Com-
pany of Honduras and Union Oil Company of Central America (Nica-
ragua), and could not be carried out by one or the other of the companies
alone, indicates that there was no agreement over the boundary. If an
agreement had been in effect, there would have been no need for multi-

national co-operation since the project could have been handled wholly
by the company operating in the country with rights in the Coco Marina
area. According to Nicaragua, this was at best an agreement between two
Union Oil subsidiaries (to be administered, in fact, from Nicaragua),
rather than between the Governments of Nicaragua and Honduras, and

thus carries little if any evidentiary weight.

249. As to the third party practice proffered by Honduras to show

78 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME ARRÊT ) 733

tue la frontière entre le Honduras et le Nicaragua. Il avance que le traité

Barcenas-Esguerra conclu en 1928 entre le Nicaragua et la Colombie
fixait leur frontière maritime au 82 méridien jusqu’à sa rencontre avec le
15 parallèle. Le Honduras invoque également le traité de délimitation
maritime de 1986 conclu avec la Colombie qui, bien que fixant la fron-

tière au parallèle 14°59′08″ et non au parallèle 14°59,08′ de latitude nord
(à cause d’une «erreur de traduction»), montre que la «Colombie recon-
naît que la zone maritime située au nord du 15 parallèle appartient au
Honduras...». Le Honduras affirme que le traité conclu en 1993 entre la

Colombie et la Jamaïque, qui délimite une zone de régime économique
commun jouxtant un segment différent de la ligne établie par le traité
de 1986 entre la Colombie et le Honduras, vient aussi prouver que la
ligne selon lui établie par ce traité est de plus en plus largement reconnue

sur le plan international. e
247. Le Nicaragua nie avoir jamais admis ou reconnu le 15 parallèle
comme sa frontière maritime avec le Honduras. Il affirme que l’existence
de ce que le Honduras appelle une frontière maritime «traditionnelle» est

déeentie par le fait qu’il a occupé le territoire hondurien au nord du
15 parallèle jusqu’à ce que la Cour, en 1960, affirme la validité et le
caractère obligatoire de la sentence du roi d’Espagne de 1906. Le Nica-
ragua soutient que la pratique en matière de concessions pétrolières ne

fait pas non plus apparaître une frontière établie, puisque le Nicaragua a
en fait réservé sa position sur la frontière en indiquant expressément dans
les contrats que la limite septentrionale serait «la ligne frontière avec la
République du Honduras [qui n’avait pas été définie]». S’agissant de

l’allégatioe selon laquelle l’existence d’une frontière septentrionale sui-
vant le 15 parallèle pourrait être déduite des dispositions de ces accords
qui fixent une superficie en hectares correspondant à une limite sep-
tentrionale située au 15 parallèle, certains contrats de concession (par

exemple avec l’Union Oil) mentionnaient aussi expressément qu’ils
s’appliquaient à la «zone conventionnelle» et que les concessions
seraient revisées et modifiées «après la date à laquelle la frontière serait
définie».

248. Le Nicaragua soutient en outre que le fait que le projet Coco
Marina nécessitait une opération conjointe entre l’Union Oil Company
of Honduras et l’Union Oil Company of Central America (Nicaragua), et
ne pouvait être exécuté par l’une ou l’autre de ces sociétés seule, montre

qu’il n’y avait pas d’accord entre les pays sur la frontière. S’il y avait
eu un tel accord, il n’y aurait pas eu besoin de coopération multinationale
puisque le projet aurait pu être exécuté entièrement par la société exer-
çant ses activités dans le pays titulaire des droits sur la zone de Coco

Marina. Selon le Nicaragua, il s’agissait, au mieux, d’un accord entre
deux filiales de l’Union Oil (dont la mise en Œuvre devait d’ailleurs se
faire à partir du Nicaragua) et non entre les Gouvernements nicara-
guayen et hondurien, et qu’il est donc à peu près totalement dépourvu de

valeur probante.
249. Quant à la pratique des tiers invoquée par le Honduras pour

78734 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

general recognition of a boundary at the 15th parallel, Nicaragua argues
that this is self-serving and of doubtful relevance or credibility. The FAO

report cited by Honduras contains a disclaimer to the effect that the
report is not meant to express any opinion about maritime delimitation
or boundaries. Nicaragua further contends that its negotiations with
Jamaica concerning the delimitation of a maritime boundary north of the
15th parallel undermine the argument that Jamaica recognized this par-

allel as Nicaragua’s northern maritime limit. Nicaragua also asserts that
it was involved in an armed conflict with, inter alia, Honduras and the
United States after the 1979 Sandinista revolution and that the attitude
of the United States in this matter should thus be discounted.

250. Finally Nicaragua contends that Honduras only began taking an
interest in areas north of the 15th parallel in 1982, when Honduran forces
initiated a series of attacks on “Nicaraguan positions in the area in dis-
pute”. It also refers to a series of diplomatic correspondence in which
Nicaragua protested the incursion by Honduras into Nicaraguan waters.

251. As regards the treaties cited by Honduras as evidence of an inter-
nationally recognized traditional line, Nicaragua draws attention to the
fact that it is challenging the validity and interpretation of its 1928 Treaty
with Colombia in a separate case pending before this Court. Nicaragua
argues that, if anything, this Treaty concerned the attribution of sover-

eignty over various small islands (in particular the Archipelago of
San Andrés and Providencia) near the 82nd meridian and that in neither
letter nor spirit did the Treaty delimit a maritime boundary. The Treaty
moreover could not have set a maritime boundary along the 15th parallel
more than 80 miles from their shores in 1928, when maritime boundaries

so far out at sea were not accepted under international law. Nicaragua
also challenges the legal relevance in this regard of the 1986 Treaty
between Colombia and Honduras on maritime delimitation. Nicaragua
maintains that it has protested against this Treaty repeatedly since it was
concluded and taken steps to challenge its legality (see paragraphs 69-70

above). With regard to the 1993 Treaty between Colombia and Jamaica
on maritime delimitation, Nicaragua states that it “is concerned with
insular territories and maritime areas which are part of the case between
Nicaragua and Colombia before this Court”. According to Nicaragua,
this treaty “has no relevance for the present proceedings” as the maritime
boundary with Honduras proposed by Nicaragua does not affect any

right “to maritime zones Jamaica may have to the north of the maritime
boundary Jamaica agreed with Colombia in 1993”.

252. Nicaragua also argues that Honduras understood that no legal

delimitation had been effected between the two countries. Nicaragua
points in particular to an incident in 1982 arising from the capture by the
Nicaraguan coastguard of four Honduran vessels fishing approximately

79 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME ARRÊT ) 734

prouver la reconnaissance générale d’une frontière située au 15 parallèle,
le Nicaragua argue qu’il s’agit d’une affirmation tendancieuse et d’une

pertinence ou d’une crédibilité douteuses. Le rapport de la FAO cité par le
Honduras est assorti d’un avertissement précisant qu’il n’exprime aucune
opinion concernant la délimitation maritime ou les frontières. Le Nica-
ragua affirme aussi que ses négociations avec la Jamaïque sur la délimita-
e
tion d’une frontière maritime au nord du 15 parallèle réduisent à néant
l’argument selon lequel la Jamaïque reconnaissait ce parallèle comme
limite maritime septentrionale du Nicaragua. Le Nicaragua fait en outre
valoir que, après la révolution sandiniste de 1979, il était en conflit armé
avec, notamment, le Honduras et les Etats-Unis et qu’il n’y a donc pas

lieu de tenir compte de l’attitude des Etats-Unis sur cette question.
250. Enfin, le Nicaragua affirme également que le Honduras n’a com-
mencé à s’intéresser aux zones situées au nord du 15 parallèle qu’en 1982,
lorsque les forces armées honduriennes lancèrent une série d’attaques

contre «les positions occupées par [le Nicaragua] dans la zone en litige».
Il renvoie aussi à un échange de notes diplomatiques dans lequel il pro-
testait contre l’incursion du Honduras dans les eaux nicaraguayennes.
251. En ce qui concerne les traités invoqués par le Honduras à l’appui

d’une ligne traditionnelle internationalement reconnue, le Nicaragua
appelle l’attention sur le fait que, dans une autre affaire en instance
devant la Cour, il conteste la validité et l’interprétation de son traité
de 1928 avec la Colombie. Il soutient que, tout au plus, ce traité concer-

nait l’attribution de la souveraineté sur diverses petites îles (en paeticulier
l’archipel de San Andrés et Providencia) situées à proximité du 82 méri-
dien et que, ni dans sa lettre ni dans son esprit, le traité ne visait à déli-
miter une frontière maritime. Ce traité n’aurait d’ailleurs pas pu, en 1928,
e
établir une frontière maritime le long du 15 parallèle à plus de 80 milles
de leurs côtes, le concept de frontières maritimes situées aussi loin en mer
n’ayant à l’époque pas cours en droit international. Le Nicaragua conteste
aussi la pertinence juridique à cet égard du traité de délimitation mari-

time de 1986 entre la Colombie et le Honduras. Il soutient qu’il a protesté
à maintes reprises contre ce traité après sa conclusion et qu’il a pris des
dispositions pour en contester la légalité (voir paragraphes 69-70 ci-
dessus). S’agissant du traité de délimitation maritime de 1993 entre la

Colombie et la Jamaïque, le Nicaragua affirme qu’il «concerne des terri-
toires insulaires et des espaces maritimes en cause dans l’affaire opposant
le Nicaragua et la Colombie devant la Cour». Selon le Nicaragua, ce
traité «est dépourvu de pertinence en la présente espèce», étant donné
que la frontière maritime avec le Honduras qu’il propose ne porte pas

atteinte à un quelconque droit «à des zones maritimes que la Jamaïque
pourrait avoir au nord de la frontière maritime convenue entre elle et la
Colombie en 1993».
252. Le Nicaragua affirme aussi que le Honduras reconnaissait qu’il

n’y avait pas eu, en droit, de délimitation entre les deux pays. Il se réfère
notamment à un incident survenu en 1982, à savoir la saisie par les garde-
côtes nicaraguayens de quatre bateaux de pêche honduriens à environ

79735 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

16 miles north of the 15th parallel in the vicinity of Bobel Cay and Media
Luna Cay. This incident resulted in a diplomatic exchange in which a

Note dated 23 March 1982 from the Honduran Foreign Ministry identi-
fied the 15th parallel as a delimitation line “traditionally recognised by
both countries” and thus protested against what it saw as a “flagrant vio-
lation of [Honduran] sovereignty”. The reply by the Foreign Minister of
Nicaragua, dated 14 April 1982, rejected the 15th parallel as the bound-

ary line and asserted that “[a]t no time has Nicaragua recognised it as
such since that would imply an attempt against the territorial integrity
and national sovereignty of Nicaragua”. The Honduran Foreign Minister
responded to this by way of a Note of 3 May 1982 in which he reasserted
that there was a “traditionally accepted line”, but

“agree[d]... that the maritime border between Honduras and Nica-
ragua [had] not been legally delimited” (“Coincido...q eal
frontera marítima entre Honduras y Nicaragua no ha sido jurídica-
mente delimitada”) [original Spanish; translation into English pro-
vided by the Parties]).

He further proposed “[t]he temporary establishment of a line or zone...
which, without prejudice to the rights that the two States might claim in
the future, could serve as momentary indicator of their respective areas of

jurisdiction”. Nicaragua thus concludes that, whatever else the 15th par-
allel may have represented historically and in State practice, it was not
regarded by either of the Parties as having actual legal value. According
to Nicaragua, from the Somoza Government which ended in 1979 until
the current Government of Mr. Ortega, the official position of all succes-

sive Nicaraguan administrations has been that no line of delimitation in
the Caribbean Sea has existed between Nicaragua and Honduras.

253. The Court has already indicated that there was no boundary
established by reference to uti possidetis juris (see paragraph 236 above).

The Court must now determine whether there was a tacit agreement suf-
ficient to establish a boundary. Evidence of a tacit legal agreement must
be compelling. The establishment of a permanent maritime boundary is a
matter of grave importance and agreement is not easily to be presumed.
A de facto line might in certain circumstances correspond to the existence
of an agreed legal boundary or might be more in the nature of a provi-

sional line or of a line for a specific, limited purpose, such as sharing a
scarce resource. Even if there had been a provisional line found conven-
ient for a period of time, this is to be distinguished from an international
boundary.
254. As regards the evidence of oil concessions proffered by Hondu-

ras, the Court considers that Nicaragua, by leaving open the northern
limit to its concessions or by abstaining from mentioning the boundary
with Honduras in that connection, reserved its position concerning its

80 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME ARRÊT ) 735

e
16 milles au nord du 15 parallèle, aux abords de Bobel Cay et Media Luna
Cay. Cet incident conduisit à un échange de notes diplomatiques dans
l’une desquelles, datée du 23 mars 1982, le ministère hondurien des af-
e
faires étrangères qualifiait le 15 parallèle de ligne de délimitation «tradi-
tionnellement reconnue par les deux Etats», en protestant contre ce qu’il
appelait une «atteinte flagrante à la souveraineté [du Honduras]». Dans
sa réponse en date du 14 avril 1982, le ministre des affaires étrangères du
Nicaragua rejetait le 15 parallèle comme frontière et affirmait que «le

Nicaragua ne l’a[vait] à aucun moment reconnu comme telle puisque cela
[aurait] constitu[é] une atteinte à l’intégrité [territoriale] ainsi qu’à la sou-
veraineté de l’Etat du Nicaragua». Le ministre hondurien des affaires
étrangères répondit par une note en date du 3 mai 1982 dans laquelle il

réaffirmait l’existence d’une «ligne de partage traditionnellement respec-
tée», mais

«convenait ... que la frontière maritime entre le Honduras et le Nica-
ragua n’a[vait] pas été délimitée en droit» («coincido ... que la fron-
tera marítima entre Honduras y Nicaragua no ha sido jurídicamente
delimitada») [original espagnol; traduction française par le Greffe] .

Il proposait en outre «l’établissement temporaire d’une ligne ou d’une

zone de démarcation ... qui — sans préjuger des revendications futures de
chacun des deux Etats — pourrait servir d’indicateur temporaire des
zones de juridiction respectives des deux Etats». Le Nicaragua en conclut
que, quoi que le 15 parallèle ait pu par ailleurs représenter historique-

ment et dans la pratique des Etats, il n’avait pour aucune des deux
Parties une valeur juridique effective. Selon le Nicaragua, depuis le gou-
vernement Somoza qui prit fin en 1979 jusqu’au gouvernement actuel de
M. Ortega, la position officielle de tous les gouvernements nicaraguayens
successifs a été qu’aucune ligne de délimitation n’existait entre le Nicara-

gua et le Honduras dans la mer des Caraïbes.
253. La Cour a déjà indiqué qu’il n’existait pas de frontière établie sur
la base de l’uti possidetis juris (voir paragraphe 236 ci-dessus). Elle doit
maintenant rechercher s’il existait un accord tacite suffisant pour établir

une frontière. Les éléments de preuve attestant l’existence d’un accord
tacite doivent être convaincants. L’établissement d’une frontière mari-
time permanente est une question de grande importance, et un accord ne
doit pas être présumé facilement. Une ligne de facto pourrait dans cer-

taines circonstances correspondre à l’existence d’une frontière convenue
en droit ou revêtir davantage le caractère d’une ligne provisoire ou d’une
ligne à vocation spécifique, limitée, telle que le partage d’une ressource
rare. Même s’il y avait eu une ligne provisoire jugée utile pour un certain
temps, cela n’en ferait pas une frontière internationale.

254. En ce qui concerne les éléments de preuve relatifs aux concessions
pétrolières invoqués par le Honduras, la Cour considère que le Nicara-
gua, en laissant ouverte la limite septentrionale de ses concessions ou en
s’abstenant de mentionner la frontière avec le Honduras à cet égard, a

80736 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

maritime boundary with Honduras. As the Court has pointed out with
respect to oil concession limits:

“These limits may have been simply the manifestation of the cau-

tion exercised by the Parties in granting their concessions. This cau-
tion was all the more natural in the present case because negotia-
tions were to commence soon afterwards between Indonesia and
Malaysia with a view to delimiting the continental shelf.” (Sover-
eignty over Pulau Ligitan and Pulau Sipadan (Indonesia/Malaysia),

Judgment, I.C.J. Reports 2002 , p. 664, para. 79.)
Moreover, the Court observes that the Nicaraguan concessions provi-

sionally extending up to the 15th parallel were all given after Honduras
had granted its concessions extending southwards to the 15th parallel.

255. The Court recalls that Nicaragua has maintained its persistent
objections to the 1986 Treaty between Colombia and Honduras and the
1993 Treaty between Colombia and Jamaica. In the 1986 Treaty the par-

allel 14°59′08″ (see paragraph 246 above) to the east of the 82nd merid-
ian serves as the boundary line between Honduras and Colombia. As
already mentioned, according to Honduras the 1993 Treaty proceeds
from a recognition of the validity of the 1986 Treaty between Colombia
and Honduras, thereby recognizing Honduran jurisdiction over the waters

and islands to the north of the 15th parallel (see paragraphs 222 and 246
above).
256. The Court has noted that at periods in time, as the evidence
shows, the 15th parallel appears to have had some relevance in the con-
duct of the Parties. This evidence relates to the period after 1961 when

Nicaragua left areas to the north of Cape Gracias a Dios following the
rendering of the Court’s Judgment on the validity of the 1906 Arbitral
Award and until 1977 when Nicaragua proposed negotiations with Hon-
duras with the purpose of delimiting maritime areas in the Caribbean
Sea. The Court observes that during this period several oil concessions

were granted by the Parties which indicated that their northern and
southern limits lay respectively at 14°59.8′. Furthermore, regulation of
fishing in the area at times seemed to suggest an understanding that the
15th parallel divided the respective fishing areas of the two States; and in
addition the 15th parallel was also perceived by some fishermen as a line
dividing maritime areas under the jurisdiction of Nicaragua and Hondu-

ras. However, these events, spanning a short period of time, are not suf-
ficient for the Court to conclude that there was a legally established
international maritime boundary between the two States.

257. The Court observes that the Note of the Honduran Minister for
Foreign Affairs dated 3 May 1982 (see paragraph 56 above) is somewhat
uncertain regarding the existence of an acknowledged boundary along

81 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 736

réservé sa position concernant sa frontière maritime avec le Honduras.

Comme la Cour l’a déjà fait observer en ce qui concerne les limites des
concessions pétrolières:

«Ces limites ont pu ne constituer qu’une manifestation de la pru-
dence des Parties dans l’octroi de leurs concessions. Cette prudence
était d’autant plus naturelle en l’espèce que des négociations devaient
s’ouvrir peu de temps après entre l’Indonésie et la Malaisie en vue de

la délimitation de leur plateau continental.» (Souveraineté sur Pulau
Ligitan et Pulau Sipadan (Indonésie/Malaisie), arrêt, C.I.J. Recueil
2002, p. 664, par. 79.)

La Cour relève en outre que les concessions nicaraguayennes qui s’éten-
daient provisoirement jusqu’au 15 parallèle ont toutes été accordées

après que le Honduraseeut lui-même octroyé des concessions s’étendant,
au sud, jusqu’au 15 parallèle.
255. La Cour rappelle que le Nicaragua maintient les objections qu’il a
toujours élevées au sujet du traité de 1986 entre la Colombie et le Hon-

duras et du traité de 1993 entre la Colombie et la Jamaïque. Dans le traité
de 1986, le parallèle 14°59′08″ (voir paragraphe 246 ci-dessus) sert, à l’est
du 82 méridien, de ligne frontière entre la Colombie et le Honduras.
Ainsi qu’il a déjà été indiqué, selon le Honduras, le traité de 1993 découle

de la reconnaissance de la validité du traité de 1986 entre la Colombie
et le Honduras, et reconnaît par là la juridiction hondurienne sur les eaux
et les îles situées au nord du 15 parallèle (voir paragraphes 222 et 246
ci-dessus).

256. La Cour a constaté qu’àecertaines périodes, comme le montrent
les éléments de preuve, le 15 parallèle semble avoir joué un certain rôle
dans la conduite des Parties. Ces éléments de preuve concernent la
période comprise entre 1961, date à laquelle le Nicaragua se retira des

zones situées au nord du cap Gracias a Dios à la suite de l’arrêt rendu par
la Cour sur la validité de la sentence arbitrale de 1906 et 1977, date à
laquelle le Nicaragua proposa d’engager des négociations avec le Hondu-
ras aux fins de la délimitation de leurs zones maritimes dans la mer des

Caraïbes. La Cour relève que, pendant cette période, les Parties octroyè-
rent plusieurs concessions pétrolières indiquant que leurs limites septen-
trionale et méridionale se trouvaient respectivement à 14°59,8′. De plus,
la réglementation de la pêche dans la zone semblait parfois indiquer qu’il
e
était entendu que le 15 parallèee divisait les zones de pêche respectives
des deux Etats. Enfin, le 15 parallèle était aussi considéré par certains
pêcheurs comme une ligne divisant les zones maritimes sous juridictions
nicaraguayenne et hondurienne. Toutefois, ces événements, survenus

sur une courte période, ne permettent pas à la Cour de conclure qu’il
existait une frontière maritime internationale juridiquement établie entre
les deux Etats.
257. La Cour observe que la note du ministre des affaires étrangères

du Honduras datée du 3 mai 1982 (voir paragraphe 56 ci-dessus) révèle
quelque incertitude quant à l’existence d’une frontière reconnue le long

81737 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

the 15th parallel. Although Honduras had agreed in an exchange of
Notes in 1977 to initiate “the preliminary stages of the conversation”

about “the definitive marine and sub-marine delimitation in the Carib-
bean Sea zone”, the dispute may be said to have “crystallized” through
the various incidents leading to the above-mentioned Note of 3 May 1982.
In that Note, the Foreign Minister of Honduras concurred with the Nica-
raguan Foreign Ministry that “the maritime border between Honduras

and Nicaragua has not been legally delimited” and proposed that the
Parties at least come to a “temporary” arrangement about the boundary
so as to avoid further boundary incidents. The acknowledgment that
there was then no legal delimitation “was not a proposal or a concession
made during negotiations, but a statement of facts transmitted to the

Foreign [Ministry, which] did not express any reservation in respect
thereof” and should thus be taken “as evidence of the [Honduran] official
view at that time” (Minquiers and Ecrehos, Judgment, I.C.J. Reports
1953, p. 71).

258. Having reviewed all of this practice including the diplomatic

exchanges referred to in paragraphs 252 and 257, the Court concludes
that there was no tacit agreement in effect between the Parties in 1982 —
nor a fortiori at any subsequent date — of a nature to establish a legally
binding maritime boundary.

**

8.2. Determination of the Maritime Boundary

259. The Court, having found that there is no traditional boundary
line along the 15th parallel, proceeds now to the maritime delimitation
between Nicaragua and Honduras.

*
260. In its final submissions, Nicaragua requests the Court to adjudge
and declare that:

“The bisector of the lines representing the coastal fronts of the
two Parties as described in the pleadings, drawn from a fixed point
approximately 3 miles from the river mouth in the position

15°02′00″ N and 83°05′26″ W, constitutes the single maritime
boundary for the purposes of the delimitation of the disputed areas
of the territorial sea, exclusive economic zone and continental shelf
in the region of the Nicaraguan Rise”;

and that:

“The starting-point of the delimitation is the thalweg of the main
mouth of the River Coco such as it may be at any given moment as
determined by the Award of the King of Spain of 1906.”

82 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 737

e
du 15 parallèle. Bien que le Honduras ait accepté, dans un échange de
notes de 1977, d’engager les «étapes préliminaires des pourparlers» en
vue de «la délimitation définitive de la zone marine et sous-marine dans
la région de la mer des Caraïbes», on peut dire que le différend s’est

«cristallisé» à travers les divers incidents à l’origine de la note précitée du
3 mai 1982. Dans cette note, le ministre des affaires étrangères du Hon-
duras convenait avec le ministère des affaires étrangères du Nicaragua
que «la frontière maritime entre le Honduras et le Nicaragua n’[avait] pas
[été] délimitée en droit», et proposait que les Parties parviennent au

moins à un arrangement «temporaire» au sujet de la frontière, afin d’évi-
ter d’autres incidents frontaliers. La reconnaissance du fait qu’il n’y avait
pas alors de délimitation en droit «[n’était] pas ... une proposition ou ...
une concession faite au cours de négociations, mais ... l’énoncé de faits
transmis au [ministère des affaires étrangères] qui n’a[vait] exprimé aucune

réserve à ce sujet» et elle devrait donc être considérée «comme la preuve
des vues officielles [du Honduras] à l’époque» (Minquiers et Ecréhous,
arrêt, C.I.J. Recueil 1953 , p. 71).
258. Ayant examiné l’ensemble de cette pratique, dont les échanges de

notes diplomatiques mentionnés aux paragraphes 252 et 257, la Cour
conclut qu’il n’existait pas en 1982 — ni à fortiori à une quelconque date
postérieure — d’accord tacite entre les Parties de nature à établir une
frontière maritime juridiquement obligatoire.

**

8.2. Détermination de la frontière maritime

259. La Cour, ayant conceu qu’il n’existait pas de ligne frontière tra-
ditionnelle le long du 15 parallèle, procédera maintenant à la délimita-
tion maritime entre le Nicaragua et le Honduras.

*
260. Dans ses conclusions finales, le Nicaragua prie la Cour de dire et

juger que
«[l]a bissectrice des lignes représentant les façades côtières des deux
Parties, telle que présentée dans les écritures et à l’audience, et tracée

à partir d’un point fixe situé à 3 milles environ de l’embouchure
du fleuve par 15°02′00″ de latitude nord et 83°05′26″ de longi-
tude ouest, constitue la frontière maritime unique aux fins de la
délimitation des zones en litige de la mer territoriale, de la zone

économique exclusive et du plateau continental dans la région du
seuil nicaraguayen»;
et que:

«Ainsi que l’a établi la sentence du roi d’Espagne de 1906, le point
de départ de la délimitation est le thalweg de l’embouchure princi-

pale du fleuve Coco, où qu’elle se situe au moment considéré.»

82738 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

The second and third final submissions of Honduras request the Court to
adjudge and declare that:

“2. The starting-point of the maritime boundary to be delimited
by the Court shall be a point located at 14°59.8′ N latitude,

83°05.8′W longitude. The boundary from the point determined by
the Mixed Commission in 1962 at 14°59.8′ N latitude, 83°08.9′W
longitude to the starting-point of the maritime boundary to be
delimited by the Court shall be agreed between the Parties to this
case on the basis of the Award of the King of Spain of 23 December

1906, which is binding upon the Parties, and taking into account the
changing geographical characteristics of the mouth of the River
Coco (also known as the River Segovia or Wanks).

3. East of the point at 14°59.8′ N latitude, 83°05.8′W longitude,
the single maritime boundary which divides the respective territorial

seas, exclusive economic zones and continental shelves of Honduras
and Nicaragua follows 14°59.8′ N latitude, as the existing maritime
boundary, or an adjusted equidistance line, until the jurisdiction of a
third State is reached.”

*

8.2.1. Applicable law

261. Both Parties in their final submissions asked the Court to draw a
“single maritime boundary” delimiting their respective territorial seas,

exclusive economic zones, and continental shelves in the disputed area.
Although Nicaragua was not party to UNCLOS at the time it filed the
Application in this case, the Parties are in agreement that UNCLOS is
now in force between them and that its relevant articles are applicable
between them in this dispute (UNCLOS entered into force on 16 Novem-

ber 1994; Nicaragua ratified it on 3 May 2000 and Honduras on 5 Octo-
ber 1993).

*

8.2.2. Areas to be delimited and methodology

262. The “single maritime boundary” in this case will be the result of
the delimitation of the various areas of jurisdiction spanning the mari-
time zone from the Nicaragua-Honduras mainland out to at least the
82nd meridian, where third-State interests may become relevant. In the
western reaches of the area to be delimited the Parties’ mainland coasts

are adjacent; thus, for some distance the boundary will delimit exclu-
sively their territorial seas (UNCLOS, Art. 2, para. 1). Both Parties also
accept that the four islands in dispute north of the 15th parallel (Bobel

83 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 738

Dans ses deuxième et troisième conclusions finales, le Honduras prie la

Cour de dire et juger que:
«2. Le point de départ de la frontière maritime à délimiter par la

Cour est le point situé par 14°59,8′ de latitude nord et 83°05,8′ de
longitude ouest. La frontière allant du point fixé par la commission
mixte en 1962 à 14°59,8′ de latitude nord et 83°08,9′ de longitude
ouest jusqu’au point de départ de la frontière maritime à délimiter
par la Cour fera l’objet d’un accord entre les Parties à la présente

espèce sur la base de la sentence rendue par le roi d’Espagne le
23 décembre 1906, qui a force obligatoire pour les Parties, et prendra
en compte les caractéristiques géographiques changeantes de
l’embouchure du fleuve Coco (également dénommé Segovia ou
Wanks).

3. A l’est du point situé par 14°59,8′ de latitude nord et 83°05,8′ de
longitude ouest, la frontière maritime unique séparant les mers ter-
ritoriales, zones économiques exclusives et plateaux continentaux
respectifs du Honduras et du Nicaragua suit le parallèle 14°59,8′
de latitude nord, c’est-à-dire la frontière maritime actuelle, ou suit

une ligne d’équidistance ajustée, jusqu’à atteindre la juridiction d’un
Etat tiers.»

*

8.2.1. Le droit applicable

261. Dans leurs conclusions finales, les deux Parties ont demandé à la
Cour de tracer une «frontière maritime unique» délimitant leur mer ter-
ritoriale, leur zone économique exclusive et leur plateau continental res-
pectifs dans la zone en litige. Bien que le Nicaragua n’ait pas été partie à

la CNUDM lorsqu’il a déposé sa requête en la présente espèce, les Parties
reconnaissent que la convention est maintenant en vigueur entre elles et
que ses articles pertinents leur sont applicables dans le présent différend
(la CNUDM, entrée en vigueur le 16 novembre 1994, a été ratifiée par le
Nicaragua le 3 mai 2000 et par le Honduras le 5 octobre 1993).

*

8.2.2. Zones à délimiter et méthodologie

262. La «frontière maritime unique» en la présente espèce découlera

de la délimitation des diverses zones de compétence dans l’espace mari-
time compris entre les côtes continentales du Nicaragua et du Honduras
et, au moins, le 82 méridien, à partir duquel les intérêts d’Etats tiers peu-
vent entrer en jeu. Dans les parties occidentales de la zone à délimiter, les
côtes continentales des Parties sont adjacentes; aussi, sur une certaine

distance, la frontière délimitera-t-elle exclusivement leurs mers territo-
riales (CNUDM, art. 2, par. 1). Les deux Parties conviennent aussi que

83739 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

Cay, Savanna Cay, Port Royal Cay and South Cay), which have been
attributed to Honduras (see paragraph 227 above), as well as Nicaragua’s

Edinburgh Cay south of the 15th parallel, are entitled to generate their
own territorial seas for the coastal State. The Court recalls that as
regards the islands in dispute no claim has been made by either Party for
maritime areas other than the territorial sea.

263. As to the breadth of the territorial sea around the four disputed
islands, Nicaragua, in response to a question put by Judge Keith, stated
that if Bobel Cay, Savanna Cay, Port Royal Cay and South Cay “were to
be attributed to Honduras and were thus to be located within Nicara-
guan territory”, then the position of Nicaragua would be that those

islands “should be enclaved within a territorial sea of 3 miles”. Hondu-
ras, for its part, contended that, as the breadth of the territorial sea of
both Parties is 12 nautical miles, there is “no justification...foremploy-
ing a different standard with regard to the islands”.
264. The Court notes that, while the Parties disagree as to the appro-
priate breadth of these islands’ territorial seas, according to Article 3 of

UNCLOS, a State’s territorial sea cannot extend beyond 12 nautical miles.
These islands are all indisputably located within 24 miles of each other
but more than 24 miles from the mainland that lies to the west. Thus the
single maritime boundary might also include segments delimiting over-
lapping areas of the islands’ opposite-facing territorial seas as well as seg-

ments delimiting the continental shelf and exclusive economic zones
around them.
265. As regards the general task and methodology of drawing a single
maritime boundary to delimit these various maritime zones, the Court
observed in the case concerning Maritime Delimitation and Territorial

Questions between Qatar and Bahrain (Qatar v. Bahrain) that:

“the concept of a single maritime boundary does not stem from mul-
tilateral treaty law but from State practice, and that it finds its expla-
nation in the wish of States to establish one uninterrupted boundary
line delimiting the various — partially coincident — zones of mari-

time jurisdiction appertaining to them. In the case of coincident
jurisdictional zones, the determination of a single boundary for the
different objects of delimitation

‘can only be carried out by the application of a criterion, or
combination of criteria, which does not give preferential treat-
ment to one of these... objects to the detriment of the other,

and at the same time is such as to be equally suitable to the divi-
sion of either of them’,

as was stated by the Chamber of the Court in the Gulf of Maine
case (Judgment, I.C.J. Reports 1984 , p. 327, para. 194). In that
case, the Chamber was asked to draw a single line which

84 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 739

e
les quatre îles en litige au nord du 15 parallèle (Bobel Cay, Savanna Cay,
Port Royal Cay et South Cay), qui ont été attribuées au Honduras (voir
paragraphe 227 ci-dessus), ainsi qu’Edinburgh Cay, la caye nicara-
guayenne située au sud du 15 parallèle, peuvent engendrer leurs propres

mers territoriales pour l’Etat côtier. La Cour rappelle que les deux Parties
ne revendiquent pas, pour les îles en litige, d’autre zone maritime que la
mer territoriale.
263. En ce qui concerne la largeur de la mer territoriale autour des
quatre îles en litige, le Nicaragua, dans sa réponse à une question posée

par le juge Keith, a déclaré que, si Bobel Cay, Savanna Cay, Port Royal
Cay et South Cay «étaient attribuées au Honduras et étaient, de ce fait,
situées en territoire nicaraguayen», ces îles selon lui «devraient être
enclavées dans une mer territoriale de 3 milles». Le Honduras pour sa
part soutient que, comme la largeur de la mer territoriale des deux Parties

est de 12 milles marins, «il n’y a ... aucune raison d’utiliser une norme
différente à l’égard des îles».
264. La Cour relève que, bien que les Parties ne s’accordent pas sur la
largeur de la mer territoriale de ces îles, selon l’article 3 de la CNUDM,

la mer territoriale d’un Etat ne saurait s’étendre au-delà de 12 milles
marins. Toutes ces îles se trouvent incontestablement à moins de 24 milles
les unes des autres, mais à plus de 24 milles à l’est du continent. Par
conséquent, la frontière maritime unique pourrait comprendre à la fois
des segments délimitant les zones de chevauchement des mers territoriales

des îles qui se font face et des segments délimitant le plateau continental
et les zones économiques exclusives qui les entourent.
265. En ce qui concerne la tâche que représente de manière générale le
tracé d’une frontière maritime unique et la méthodologie à appliquer aux
fins de la délimitation de ces diverses zones maritimes, la Cour a relevé

dans l’affaire de la Délimitation maritime et des questions territoriales
entre Qatar et Bahreïn (Qatar c. Bahreïn) que

«le concept de limite maritime unique n’est pas issu du droit conven-
tionnel multilatéral mais de la pratique étatique et qu’il s’explique

par le vŒu des Etats d’établir une limite ininterrompue unique déli-
mitant les différentes zones maritimes — coïncidant partiellement —
qui relèvent de leur juridiction. Dans le cas de zones de juridiction
qui coïncident, la détermination d’une ligne unique pour les diffé-
rents objets de la délimitation

«ne saurait être effectuée que par l’application d’un critère ou

d’une combinaison de critères qui ne favorise pas l’un de
ces ... objets au détriment de l’autre et soit en même temps sus-
ceptible de convenir également à une division de chacun d’eux»,

comme l’a relevé la Chambre constituée par la Cour dans l’affaire
du Golfe du Maine (C.I.J. Recueil 1984, p. 327, par. 194). Dans

cette affaire, il avait été demandé à la Chambre de tracer une ligne

84740 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

would delimit both the continental shelf and the superjacent water
column.

Delimitation of territorial seas does not present comparable prob-
lems, since the rights of the coastal State in the area concerned are
not functional but territorial, and entail sovereignty over the sea-bed
and the superjacent waters and air column. Therefore, when carry-
ing out that part of its task, the Court has to apply first and fore-

most the principles and rules of international customary law which
refer to the delimitation of the territorial sea, while taking into
account that its ultimate task is to draw a single maritime boundary
that serves other purposes as well.” (Maritime Delimitation and Ter-
ritorial Questions between Qatar and Bahrain (Qatar v. Bahrain),

Merits, Judgment, I.C.J. Reports 2001 , p. 93, paras. 173-174.)
266. The Court considers these observations pertinent for the present
case as well.

267. For the delimitation of the territorial seas, Article 15 of
UNCLOS, which is binding as a treaty between the Parties, provides:

“Where the coasts of two States are opposite or adjacent to each
other, neither of the two States is entitled, failing agreement between
them to the contrary, to extend its territorial sea beyond the median
line every point of which is equidistant from the nearest point on the
baselines from which the breadth of the territorial seas of each of the

two States is measured. The above provision does not apply, how-
ever, where it is necessary by reason of historic title or other special
circumstances to delimit the territorial seas of the two States in a
way which is at variance therewith.”

As already indicated, the Court has determined that there is no existing
“historic” or traditional line along the 15th parallel.
268. As this Court has observed with respect to implementing the pro-
visions of Article 15 of UNCLOS:

“The most logical and widely practised approach is first to draw
provisionally an equidistance line and then to consider whether that
line must be adjusted in the light of the existence of special circum-

stances.” (Maritime Delimitation and Territorial Questions between
Qatar and Bahrain (Qatar v. Bahrain), Merits, Judgment, I.C.J.
Reports 2001, p. 94, para. 176.)

269. The methods governing territorial sea delimitations have needed
to be, and are, more clearly articulated in international law than those
used for the other, more functional maritime areas. Article 15 of
UNCLOS, like Article 12, paragraph 1, of the 1958 Convention on the
Territorial Sea and the Contiguous Zone before it, refers specifically and

expressly to the equidistance/special circumstances approach for delimit-
ing the territorial sea. The Court noted in the cases concerning North Sea
Continental Shelf, that

85 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 740

unique valant à la fois pour le plateau continental et la colonne

d’eau surjacente.
La délimitation des mers territoriales ne soulève pas de problèmes
de ce genre car les droits de l’Etat côtier dans la zone concernée ne
sont pas fonctionnels mais territoriaux et impliquent souveraineté
sur le fond de la mer, les eaux surjacentes et l’espace aérien surjacent.

La Cour, pour s’acquitter de cet aspect de sa tâche, doit donc appli-
quer d’abord et avant tout les principes et règles du droit internatio-
nal coutumier qui ont trait à la délimitation de la mer territoriale,
sans oublier que sa tâche ultime consiste à tracer une limite maritime
unique qui soit valable aussi à d’autres fins.» (Délimitation maritime

et questions territoriales entre Qatar et Bahreïn (Qatar c. Bahreïn),
fond, arrêt, C.I.J. Recueil 2001 , p. 93, par. 173-174.)

266. La Cour estime que ces observations sont également pertinentes
en la présente espèce.
267. Aux fins de la délimitation des mers territoriales, l’article 15 de la
CNUDM, traité qui a force obligatoire entre les Parties, prévoit ce qui
suit:

«Lorsque les côtes de deux Etats sont adjacentes ou se font face,
ni l’un ni l’autre de ces Etats n’est en droit, sauf accord contraire
entre eux, d’étendre sa mer territoriale au-delà de la ligne médiane

dont tous les points sont équidistants des points les plus proches des
lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de la mer
territoriale de chacun des deux Etats. Cette disposition ne s’applique
cependant pas dans le cas où, en raison de l’existence de titres his-

toriques ou d’autres circonstances spéciales, il est nécessaire de déli-
miter autrement la mer territoriale des deux Etats.»
Comme il a déjà été indiqué, la Cour a conclu qu’il n’existait pas de ligne
e
«historique» ou traditionnelle le long du 15 parallèle.
268. Ainsi que la Cour l’a fait observer au sujet de la mise en Œuvre
des dispositions de l’article 15 de la CNUDM:

«La méthode la plus logique et la plus largement pratiquée consiste
à tracer d’abord à titre provisoire une ligne d’équidistance et à exa-
miner ensuite si cette ligne doit être ajustée pour tenir compte de
l’existence de circonstances spéciales.» (Délimitation maritime et
questions territoriales entre Qatar et Bahreïn (Qatar c. Bahreïn),

fond, arrêt, C.I.J. Recueil 2001 , p. 94, par. 176.)
269. Les méthodes régissant la délimitation des mers territoriales ont

nécessairement été définies plus clairement en droit international que cel-
les qui sont utilisées pour les autres espaces maritimes, plus fonctionnels.
L’article 15 de la CNUDM, comme auparavant le paragraphe 1 de l’arti-
cle 12 de la convention de 1958 sur la mer territoriale et la zone contiguë,
renvoie spécifiquement et expressément à la méthode associant équidis-

tance et circonstances spéciales pour délimiter la mer territoriale. Dans
les affaires du Plateau continental de la mer du Nord , la Cour a noté que

85741 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

“the distorting effects of lateral equidistance lines under certain con-
ditions of coastal configuration are nevertheless comparatively small

within the limits of territorial waters, but produce their maximum
effect in the localities where the main continental shelf areas lie
further out” (Judgment, I.C.J. Reports 1969 , p. 37, para. 59).

270. For the exclusive economic zone and the continental shelf, Arti-
cles 74, paragraph 1, and 83, paragraph 1, of UNCLOS provide that they
are to be delimited by “agreement on the basis of international law” to

“achieve an equitable solution”.
271. As to the plotting of a single maritime boundary the Court has on
various occasions made it clear that, when a line covering several zones
of coincident jurisdictions is to be determined, the so-called equitable
principles/relevant circumstances method may usefully be applied, as in

these maritime zones this method is also suited to achieving an equitable
result:

“This method, which is very similar to the equidistance/special cir-
cumstances method applicable in delimitation of the territorial sea,
involves first drawing an equidistance line, then considering whether
there are factors calling for the adjustment or shifting of that line in
order to achieve an ‘equitable result’.” (Land and Maritime Bound-

ary between Cameroon and Nigeria (Cameroon v. Nigeria: Equa-
torial Guinea intervening), Judgment, I.C.J. Reports 2002 , p. 441,
para. 288.)

272. The jurisprudence of the Court sets out the reasons why the equi-
distance method is widely used in the practice of maritime delimitation: it
has a certain intrinsic value because of its scientific character and the

relative ease with which it can be applied. However, the equidistance
method does not automatically have priority over other methods of
delimitation and, in particular circumstances, there may be factors which
make the application of the equidistance method inappropriate.
273. Nicaragua contends that the current case is not one in which the

equidistance/special circumstances approach would be appropriate for
the delimitation to be effected. Nicaragua asserts that the instability of
the mouth of the River Coco at the Nicaragua-Honduras land boundary
terminus, combined with the small and uncertain nature of the offshore
islands and cays north and south of the 15th parallel, would make fixing
base points and using them to construct a provisional equidistance line

unduly problematic. Nicaragua urges the Court instead to account for
the coastal geography by constructing the entire single maritime bound-
ary from “the bisector of two lines representing the entire coastal front of
both states”, which would run as a line of constant bearing 52°45′21″.

274. Honduras’s principal argument with respect to the delimitation is
that there was a tacit agreement on the 15th parallel as the single mari-

86 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME ARRÊT ) 741

«les effets de déviation que produisent certaines configurations côtiè-
res sur les lignes latérales d’équidistance sont relativement faibles
dans les limites des eaux territoriales, mais jouent au maximum à
l’emplacement des zones de plateau continental au large» (arrêt,

C.I.J. Recueil 1969, p. 37, par. 59).

270. Pour ce qui est de la zone économique exclusive et du plateau
continental, les paragraphes 1 des articles 74 et 83 de la CNUDM dispo-
sent qu’ils doivent être délimités par «voie d’accord conformément au
droit international» pour «aboutir à une solution équitable».
271. En ce qui concerne le tracé d’une frontière maritime unique, la

Cour a clairement indiqué à diverses reprises que, lorsqu’il s’agit d’établir
une ligne couvrant plusieurs zones de juridiction qui coïncident, la
méthode dite des principes équitables et des circonstances pertinentes
peut utilement être appliquée, cette méthode permettant également
d’aboutir dans ces zones maritimes à un résultat équitable:

«Cette méthode, très proche de celle de l’équidistance/circon-
stances spéciales applicable en matière de délimitation de la mer terri-
toriale, consiste à tracer d’abord une ligne d’équidistance puis à exa-
miner s’il existe des facteurs appelant un ajustement ou un déplace-
ment de cette ligne afin de parvenir à un «résultat équitable».»

(Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria
(Cameroun c. Nigéria; Guinée équatoriale (intervenant)), arrêt,
C.I.J. Recueil 2002, p. 441, par. 288.)

272. La jurisprudence de la Cour énonce les raisons pour lesquelles la
méthode de l’équidistance est largement utilisée en matière de délimita-
tion maritime: elle a une certaine valeur intrinsèque en raison de son

caractère scientifique et de la facilité relative avec laquelle elle peut être
appliquée. Cela étant, la méthode de l’équidistance n’a pas automatique-
ment la priorité sur les autres méthodes de délimitation et, dans certaines
circonstances, des facteurs peuvent rendre son application inappropriée.

273. Le Nicaragua soutient que la présente affaire n’est pas de celles
dans lesquelles la méthode de l’équidistance et des circonstances spéciales
serait appropriée aux fins de la délimitation à effectuer. Il affirme que
l’instabilité de l’embouchure du fleuve Coco, située au point terminal de
la frontière terrestre entre les deux Etats, à laquelle s’ajoutent la petite

taille et la nature incerteine des îles et des cayes situées au large de la côte
au nord et au sud du 15 parallèle, font qu’il serait excessivement com-
pliqué de fixer des points de base et de les utiliser pour construire une
ligne d’équidistance provisoire. Le Nicaragua exhorte la Cour à prendre

plutôt en considération la géographie côtière en construisant l’ensemble
de la frontière maritime unique à partir de «la bissectrice de l’angle formé
par deux lignes représentant toute la façade côtière des deux Etats»,
selon un cap constant de 52°45′21″.
274. Le principal argument du Honduras en ce qui concerne la délimi-
e
tation est qu’il existe un accord tacite sur le 15 parallèle en tant que fron-

86742 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

time boundary. Honduras has acknowledged that “geometrical methods
of delimitation, such as perpendiculars and bisectors, are methods that

may produce equitable delimitations in some circumstances”. As regards
equidistance, Honduras agrees that the mouth of the River Coco “shifts
considerably, even from year to year”, making it “necessary to adopt a
technique so that the maritime boundary need not change as the mouth
of the river changes”. Honduras asserts, moreover, that the 15th parallel

accurately reflects the eastward facing coastal fronts of the two countries
such that it represents “both an adjustment and simplification of the
equidistance line”.

275. Thus neither Party has as its main argument a call for a provi-

sional equidistance line as the most suitable method of delimitation.

276. Honduras initially referred to its version of a provisional equidis-
tance line constructed by using the islands as base points in its Rejoinder.
At the end of its oral argument, Honduras presented a provisional equi-
distance line (azimuth 78°48′) constructed from one pair of base points

fixed at the low-water line of the apparent easternmost endpoint of the
mainland Honduran and Nicaraguan coasts at Cape Gracias a Dios, as
identified from a recent satellite photograph. Honduras did not use the
islands north and south of the 15th parallel as base points for construct-
ing this line but did adjust the line both to allow a full 12-mile territorial

sea for these islands where possible and to follow a median line where
their opposite-facing territorial seas overlap (mostly to the south of the
15th parallel) (see also paragraph 285 below).

277. The Court observes at the outset that both Parties have raised a
number of geographical and legal considerations with regard to the
method to be followed by the Court for the maritime delimitation.
Cape Gracias a Dios, where the Nicaragua-Honduras land boundary
ends, is a sharply convex territorial projection abutting a concave coast-

line on either side to the north and south-west. Taking into account Arti-
cle 15 of UNCLOS and given the geographical configuration described
above, the pair of base points to be identified on either bank of the
River Coco at the tip of the Cape would assume a considerable domi-
nance in constructing an equidistance line, especially as it travels out
from the coast. Given the close proximity of these base points to each

other, any variation or error in situating them would become dispropor-
tionately magnified in the resulting equidistance line. The Parties agree,
moreover, that the sediment carried to and deposited at sea by the
River Coco have caused its delta, as well as the coastline to the north and
south of the Cape, to exhibit a very active morpho-dynamism. Thus con-

tinued accretion at the Cape might render any equidistance line so con-
structed today arbitrary and unreasonable in the near future.

87 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 742

tière maritime unique. Le Honduras admet que «les méthodes de délimi-
tation géométriques, telles que les perpendiculaires ou les bissectrices,
peuvent, dans certaines circonstances, permettre d’aboutir à des délimi-

tations équitables». En ce qui concerne l’équidistance, le Honduras
convient que l’embouchure du fleuve Coco «évolue considérablement,
même d’une année à l’autre», rendant «indispensable l’adoption d’une
technique grâce à laquelle la frontière maritime ne changera pas avec les
changements de l’embouchure du fleuve». Le Honduras affirme en outre
e
que le 15 parallèle reflète fidèlement les façades côtières des deux pays,
qui sont orientées vers l’est, si bien qu’il représenterait «à la fois ... un
ajustement et une simplification de la ligne d’équidistance».
275. Ainsi, ni l’une ni l’autre des Parties ne fait valoir à titre principal

qu’une ligne d’équidistance provisoire constituerait la méthode de délimi-
tation la plus indiquée.
276. C’est dans sa duplique que le Honduras a pour la première fois
fait état de sa version d’une ligne d’équidistance provisoire en utilisant les

îles comme points de base. A l’issue de ses plaidoiries, le Honduras a pro-
posé une ligne d’équidistance provisoire (d’azimut 78°48′) construite à
partir de deux points de base situés sur la laisse de basse mer du point
apparaissant, d’après une photographie satellite récente, comme le plus
oriental des côtes continentales hondurienne et nicaraguayenne, au cap

Gracias a Deos. Le Honduras n’a pas utilisé les îles situées au nord et au
sud du 15 parallèle comme points de base pour construire cette ligne,
mais il a ajusté celle-ci à la fois pour attribuer autant que possible une
mer territoriale complète de 12 milles à ces îles et pour suivre une ligne

médiane aux endroits où leers mers territoriales se chevauchent (princi-
palement au sud du 15 parallèle) (voir également paragraphe 285 ci-
dessous).
277. La Cour relève d’emblée que les Parties ont l’une et l’autre fait
valoir un certain nombre de considérations géographiques et juridiques

au sujet de la méthode qu’elle devrait appliquer pour effectuer la délimi-
tation maritime. Le cap Gracias a Dios, où prend fin la frontière terrestre
entre le Nicaragua et le Honduras, est une projection territoriale très
convexe touchant à un littoral concave de part et d’autre, au nord et au

sud-ouest. Compte tenu de l’article 15 de la CNUDM, et étant donné la
configuration géographique décrite ci-dessus, les deux points de base à
situer sur l’une et l’autre rives du fleuve Coco, à l’extrémité du cap,
auraient une importance critique dans le tracé d’une ligne d’équidistance,

en particulier à mesure que celle-ci s’éloignerait vers le large. Ces points
de base devant être très proches l’un de l’autre, la moindre variation ou
erreur dans leur emplacement s’amplifierait de manière disproportionnée
lors de ce tracé. Les Parties conviennent en outre que les sédiments char-
riés et déposés en mer par le fleuve Coco confèrent un morphodynamisme

marqué à son delta, ainsi qu’au littoral au nord et au sud du cap. Aussi
l’accrétion continue du cap risquerait-elle de rendre arbitraire et dérai-
sonnable dans un avenir proche toute ligne d’équidistance qui serait tra-
cée aujourd’hui de cette façon.

87743 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

278. These geographical and geological difficulties are further exacer-
bated by the absence of viable base points claimed or accepted by the

Parties themselves at Cape Gracias a Dios. In accordance with Article 16
of UNCLOS, Honduras has deposited with the Secretary-General of the
United Nations a list of geographical co-ordinates for its baselines for
measuring the breadth of its territorial sea (see Honduran Executive
Decree No. PCM 007-2000 of 21 March 2000 (published in the Law of

the Sea Bulletin, No. 43; also available at http://www.un.org/Depts/los/
doalos_publications/LOSBulletins/bulletinpdf/bulletinE43.pdf)).TheHon-
duran Executive Decree identifies one of the points used for its territorial
sea baselines, “Point 17”, as having co-ordinates 14°59.8′N and
83°08.9′W. These are the exact co-ordinates the Mixed Commission

identified in 1962 as being the thalweg of the River Coco at the mouth of
its main branch. This point, even if it can be said to appertain to Hon-
duras, is no longer in the mouth of the River Coco and cannot be prop-
erly used as a base point (see UNCLOS, Art. 5.) Nicaragua has not yet
deposited the geographical co-ordinates of its base points and baselines.

279. This difficulty in identifying reliable base points is compounded
by the differences, addressed more fully, infra, that apparently still remain
between the Parties as to the interpretation and application of the King

of Spain’s 1906 Arbitral Award in respect of sovereignty over the islets
formed near the mouth of the River Coco and the establishment of “[t]he
extreme common boundary point on the coast of the Atlantic” (Arbitral
Award Made by the King of Spain on 23 December 1906 (Honduras v.
Nicaragua), Judgment, I.C.J. Reports 1960 , p. 202). The Court notes

that in the case concerning Delimitation of the Maritime Boundary in the
Gulf of Maine Area (Canada/United States of America) , the “main rea-
son” for the Chamber’s objections to using equidistance in the first seg-
ment of the delimitation was that the Special Agreement’s choice of
Point A as the beginning of the line deprived the Court of an equidis-

tance point, “derived from two basepoints of which one is in the unchal-
lenged possession of the United States and the other in that of Canada”
(Judgment, I.C.J. Reports 1984 , p. 332, para. 211).

280. Given the set of circumstances in the current case it is impossible
for the Court to identify base points and construct a provisional equidis-

tance line for the single maritime boundary delimiting maritime areas off
the Parties’ mainland coasts. Even if the particular features already indi-
cated make it impossible to draw an equidistance line as the single mari-
time frontier, the Court must nonetheless see if it would be possible to
start the frontier line across the territorial seas as an equidistance line, as

envisaged in Article 15 of UNCLOS. It may be argued that the problems
associated with distortion, if the protrusions either side of Cape Gra-
cias a Dios were used as base points, are less severe close to the coast

88 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 743

278. Ces difficultés d’ordre géographique et géologique se posent avec
d’autant plus d’acuité que les Parties n’ont elles-mêmes revendiqué ou
accepté aucun point de base viable au cap Gracias a Dios. Conformé-
ment à l’article 16 de la CNUDM, le Honduras a déposé auprès du Secré-

taire général de l’Organisation des Nations Unies une liste indiquant les
coordonnées géographiques des lignes de base servant à mesurer la lar-
geur de sa mer territoriale (voir le décret exécutif hondurien n PCM 007-
2000 du 21 mars 2000 (publié dans le Bulletin du droit de la mer ,n o 43;
également disponible à l’adresse suivante: http://www.un.org/Depts/los/

doalos_ publications/LOSBulletins/bulletinfr/bul43fr.pdf)). Le décret exé-
cutif hondurien situe l’un des points utilisés pour tracer les lignes de base
de la mer territoriale hondurienne, à savoir le «point 17», par 14°59,8′ de
latitude nord et 83°08,9′ de longitude ouest. Ce sont là précisément les
coordonnées du point que la commission mixte a défini en 1962 comme

correspondant au thalweg du fleuve Coco à l’embouchure de son bras
principal. Ce point, pour autant qu’on puisse même dire qu’il appartient
au Honduras, ne se trouve plus dans l’embouchure du fleuve Coco et ne
peut plus constituer un point de base approprié (voir CNUDM, art. 5).

Le Nicaragua n’a pas encore déposé les coordonnées géographiques de
ses points et lignes de base.
279. Cette difficulté à identifier des points de base fiables est accentuée
par les divergences, examinées plus en détail plus loin, qui subsistent
apparemment encore entre les Parties quant à l’interprétation et à l’appli-

cation de la sentence arbitrale rendue en 1906 par le roi d’Espagne au
sujet de la souveraineté sur les îlots formés près de l’embouchure du
fleuve Coco et de l’établissement du «point extrême limitrophe commun
sur la côte atlantique» (Sentence arbitrale rendue par le roi d’Espagne le
23 décembre 1906 (Honduras c. Nicaragua), arrêt, C.I.J. Recueil 1960 ,

p. 202). La Cour relève que, dans l’affaire de la Délimitation de la fron-
tière maritime dans la région du golfe du Maine (Canada/Etats-Unis
d’Amérique), la «raison principale» pour laquelle la Chambre n’avait pas
souhaité recourir à la méthode de l’équidistance pour le premier tronçon

de la délimitation résidait en ceci que le choix opéré dans le compromis
d’un point A comme point de départ de la ligne privait la Cour d’un
point d’équidistance «établi à partir de deux points de base dont l’un
appartiendrait sans conteste aux Etats-Unis et l’autre sans conteste au
Canada» (arrêt, C.I.J. Recueil 1984 , p. 332, par. 211).

280. Compte tenu de l’ensemble des circonstances de la présente espèce,
la Cour se trouve dans l’impossibilité de définir des points de base et de
construire une ligne d’équidistance provisoire pour établir la frontière
maritime unique délimitant les espaces maritimes au large des côtes conti-

nentales des Parties. Même si les particularités déjà évoquées ne permet-
tent pas de tracer une ligne d’équidistance en tant que frontière maritime
unique, la Cour doit cependant déterminer si, pour son segment traver-
sant les mers territoriales, la ligne frontière pourrait commencer comme
une ligne d’équidistance au sens de l’article 15 de la CNUDM. L’on

pourrait faire valoir que, si les saillies de part et d’autre du cap Gra-

88744 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

(North Sea Continental Shelf (Federal Republic of Germany/Denmark;
Federal Republic of Germany/Netherlands), Judgment, I.C.J. Reports

1969, pp. 17-18).

However, the Court notes first that the Parties are in disagreement as
to title over the unstable islands having formed in the mouth of the River

Coco, islands which the Parties suggested during the oral proceedings
could be used as base points. It is recalled that because of the changing
conditions of the area the Court has made no finding as to sovereignty
over these islands (see paragraph 145 above). Moreover, whatever base
points would be used for the drawing of an equidistance line, the con-

figuration and unstable nature of the relevant coasts, including the dis-
puted islands formed in the mouth of the River Coco, would make these
base points (whether at Cape Gracias a Dios or elsewhere) uncertain
within a short period of time.

Article 15 of UNCLOS itself envisages an exception to the drawing of

a median line, namely “where it is necessary by reason of historic title or
special circumstances . . .”. Nothing in the wording of Article 15 suggests
that geomorphological problems are per se precluded from being “special
circumstances” within the meaning of the exception, nor that such “spe-
cial circumstances” may only be used as a corrective element to a line

already drawn. Indeed, the latter suggestion is plainly inconsistent with
the wording of the exception described in Article 15. It is recalled that
Article 15 of UNCLOS, which was adopted without any discussion as to
the method of delimitation of the territorial sea, is virtually identical
(save for minor editorial changes) to the text of Article 12, paragraph 1,

of the 1958 Convention on the Territorial Sea and the Contiguous Zone.

The genesis of the text of Article 12 of the 1958 Convention on the
Territorial Sea and the Contiguous Zone shows that it was indeed envis-

aged that a special configuration of the coast might require a different
method of delimitation (see Yearbook of the International Law Commis-
sion (YILC), 1952, Vol. II, p. 38, commentary, para. 4). Furthermore,
the consideration of this matter in 1956 does not indicate otherwise. The
terms of the exception to the general rule remained the same (YILC,
1956, Vol. I, p. 284; Vol. II, pp. 271, 272, and p. 300 where the Com-

mentary to the draft Articles dealing with the continental shelf noted that
“as in the case of the boundaries of the territorial sea, provision must be
made for departures necessitated by any exceptional configuration of the
coast . . .”). Additionally, the jurisprudence of the Court does not reveal
an interpretation that is at variance with the ordinary meaning of the

terms of Article 15 of UNCLOS. This matter has not previously been
directly in issue. The Court notes however that on occasion the median
line in delimiting the territorial sea has not been used, either for very par-

89 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 744

cias a Dios étaient utilisées comme points de base, les problèmes liés à la
distorsion se poseraient avec moins d’acuité à proximité de la côte (Pla-

teau continental de la mer du Nord (République fédérale d’Allemagne/
Danemark; République fédérale d’Allemagne/Pays-Bas), arrêt, C.I.J.
Recueil 1969, p. 17-18).
Cela étant, la Cour fait tout d’abord observer que les Parties sont en
désaccord quant au titre sur les îles instables qui se sont formées dans

l’embouchure du fleuve Coco et dont les Parties avaient laissé entendre,
au cours de la procédure orale, qu’elles pourraient servir de points de
base. Il est rappelé que, en raison des caractéristiques changeantes de
cette zone, la Cour ne s’est pas prononcée sur l’attribution de la souve-
raineté sur ces îles (voir paragraphe 145 ci-dessus). En outre, quels que

soient les points de base qui seraient utilisés pour le tracé d’une ligne
d’équidistance, la configuration et la nature instable des côtes pertinentes,
y compris les îles en litige qui se sont formées dans l’embouchure du
fleuve Coco, rendraient en peu de temps incertains ces points de base
(qu’ils soient situés au cap Gracias a Dios ou ailleurs).
L’article 15 de la CNUDM envisage lui-même la possibilité de déroger

au principe du tracé d’une ligne médiane, à savoir lorsque «l’existence de
titres historiques ou d’autres circonstances spéciales» le rend nécessaire.
Rien dans l’énoncé de l’article 15 ne permet de conclure que des pro-
blèmes géomorphologiques ne sauraient en tant que tels constituer des
«circonstances spéciales» au sens de cette exception, ni que de telles

«circonstances spéciales» ne puissent être invoquées que pour corriger
une ligne déjà tracée. Cette dernière hypothèse serait d’ailleurs en nette
contradiction avec le libellé de l’exception décrite à l’article 15. Il est
rappelé que l’article 15 de la CNUDM, qui a été adopté sans que la
question de la méthode de délimitation de la mer territoriale n’ait donné

lieu à débat, est pratiquement identique (quelques modifications d’ordre
rédactionnel mises à part) au texte du paragraphe 1 de l’article 12 de la
convention sur la mer territoriale et la zone contiguë de 1958.
La genèse du texte de l’article 12 de la convention de 1958 sur la mer
territoriale et la zone contiguë montre que la possibilité de recourir à une

méthode différente en cas de configuration spéciale de la côte fut effecti-
vement évoquée (voir Annuaire de la Commission du droit international
(ACDI), 1952, vol. II, p. 38, commentaire, par. 4). Le traitement qui fut
en 1956 réservé à cette question vient d’ailleurs le confirmer. Les termes
de l’exception à la règle générale demeurèrent les mêmes (voir ACDI,
1956, vol. I, p. 306; vol. II, p. 271, 272, et p. 300, où le commentaire du

projet d’articles relatifs au plateau continental relève que, «comme pour
[les] mers [territoriales], il doit être prévu qu’on peut s’écarter de la règle
lorsqu’une configuration exceptionnelle de la côte ... l’exige»). On ne
trouve pas davantage, dans la jurisprudence de la Cour, d’éléments qui
fondent une interprétation allant à l’encontre du sens ordinaire des ter-

mes de l’article 15 de la CNUDM. Cette question ne s’est jusqu’à ce jour
jamais directement posée. La Cour relève toutefois que, dans certains cas,
la ligne d’équidistance n’a pas été utilisée aux fins de la délimitation de la

89745 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

ticular reasons (see Continental Shelf (Tunisia/Libyan Arab Jamahiriya),
Judgment, I.C.J. Reports 1982 , p. 85, para. 121, where the Court worked

backwards from a line of convergence of the concessions granted by each
Party and reflected this in a line drawn from a defined point offshore to
the endpoint of the land frontier) or because of the adverse effect of
coastal configurations (see Delimitation of the Maritime Boundary
between Guinea and Guinea-Bissau, International Law Reports , Vol. 77,

p. 682, para. 104. [English translation of French original] ).

281. For all of the above reasons, the Court finds itself within the
exception provided for in Article 15 of UNCLOS, namely facing special
circumstances in which it cannot apply the equidistance principle. At the

same time equidistance remains the general rule.
282. The Court observes that in this case the Parties have each envis-
aged methods for delimiting the territorial sea other than the drawing of
an equidistance line.

**

8.2.3. Construction of a bisector line

283. Having reached the conclusion that the construction of an equi-
distance line from the mainland is not feasible, the Court must consider

the applicability of the alternative methods put forward by the Parties.
284. Nicaragua’s primary argument is that a “bisector of two lines
representing the entire coastal front of both States” should be used to
effect the delimitation from the mainland, while sovereignty over the
maritime features in the area in dispute “could be attributed to either

Party depending on the position of the feature involved with respect to
the bisector line”.

285. Honduras “does not deny that geometrical methods of delimita-
tion, such as perpendiculars and bisectors, are methods that may produce

equitable delimitations in some circumstances”, but it disagrees with
Nicaragua’s construction of the angle to be bisected. Honduras, as already
explained, advocates a line along the 15th parallel, no adjustment of
which would be necessary in relation to the islands. In the Rejoinder,
Honduras, in order to demonstrate the equitable character of its
proposed boundary along the 15th parallel, refers to a provisional

equidistance line constructed by using islands to the north and
south of the 15th parallel as base points. In addition, during the
oral proceedings, Honduras referred to a provisional equidistance line
drawn from a single pair of purported mainland base points without
using any of the islands as base points. The islands would be dealt with

separately by overlaying on this equidistance line the 12-mile ter-
ritorial seas of the islands north and south of the 15th parallel. Honduras
also argues with respect to this alternative that where the islands’

90 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME ARRÊT ) 745

mer territoriale, soit pour des raisons très particulières (voir Plateau
continental (Tunisie/Jamahiriya arabe libyenne), arrêt, C.I.J. Recueil
1982, p. 85, par. 121, affaire dans laquelle la Cour est partie d’une ligne

de convergence entre les concessions accordées par chaque Partie et l’a
traduite en une ligne tracée à partir d’un point fixé en mer jusqu’au point
terminal de la frontière terrestre), soit en raison de l’effet défavorable de
certaines configurations côtières (affaire de la Délimitation de la frontière
maritime entre la Guinée et la Guinée-Bissau, RSA , vol. XIX, p. 187,

par. 104).
281. Pour tous les motifs qui précèdent, la Cour se trouve dans le cas
de l’exception prévue à l’article 15 de la CNUDM, c’est-à-dire face à des
circonstances spéciales qui ne lui permettent pas d’appliquer le principe

de l’équidistance. Ce dernier n’en demeure pas moins la règle générale.
282. La Cour relève que, dans la présente espèce, les deux Parties ont
l’une et l’autre envisagé pour la délimitation de la mer territoriale d’autres
méthodes que celle consistant à tracer une ligne d’équidistance.

**

8.2.3. Construction d’une ligne bissectrice

283. Ayant conclu à l’impossibilité de construire une ligne d’équidis-
tance à partir du continent, la Cour doit envisager l’applicabilité des
autres méthodes proposées par les Parties.
284. Le principal argument du Nicaragua est qu’une «bissectrice de

l’angle formé par deux lignes représentant toute la façade côtière des
deux Etats» devrait être utilisée pour effectuer la délimitation à partir du
continent, tandis que, s’agissant des formations maritimes dans la zone
en litige, «il serait possible de conférer une souveraineté sur ces forma-
tions à l’une ou l’autre Partie en fonction de la position de la formation

considérée par rapport à la bissectrice».
285. Le Honduras «ne conteste pas que les méthodes de délimitation
géométriques, telles que les perpendiculaires ou les bissectrices, puissent,
dans certaines circonstances, permettre d’aboutir à des délimitations

équitables», mais il exprime son désaccord quant à la construction de
l’angle de la bissectrice telle que faite par le Nicaragua. Le Honduras,
comme il a déjà été exposé, plaide pour une ligne suivant le 15 parallèle,
qu’il ne serait pas nécessaire d’ajuster par rapport aux îles. Dans sa du-

pleque, pour démontrer le caractère équitable de la frontière le long du
15 parallèle qu’il a proposée, le Honduras mentionne une ligne d’équi-
distance provisoire construite en utilisant les îles situées au nord et au sud
du 15 parallèle en tant que points de base. En outre, à l’audience, le
Honduras s’est référé à une ligne d’équidistance provisoire tracée à partir

de deux points de base seulement qui seraient situés sur le continent,
aucune des îles n’étant utilisée comme point de base. Les îles seraient trai-
tées séparément par superposition à cette ligne d’équidistance de leurs
mers territoriales de 12 milles au nord et au sud du 15 parallèle. Le Hon-

90746 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

territorial seas overlap an equidistance line should be drawn between
them.

286. The Court notes that in Honduras’s final submissions it requested
the Court to declare that the single maritime boundary between Hondu-
ras and Nicaragua “follows 14°59.8′ N latitude, as the existing maritime
boundary, or an adjusted equidistance line, until the jurisdiction of a

third State is reached”. During the oral proceedings, Honduras explained
that, “if the Court rejects its submission — that the 15th parallel is the
existing maritime boundary between Honduras and Nicaragua — then
an adjusted equidistance line provides the basis for an alternative bound-
ary”. The Court recalls that both of Honduras’s proposals (the main one

based on tacit agreement as to the 15th parallel representing the maritime
frontier and the other on the use of an adjusted equidistance line) have
not been accepted by the Court.
287. Thus the Court will consider whether in principle some form of
bisector of the angle created by lines representing the relevant mainland
coasts could be a basis for the delimitation. The Court will then consider

the impact of the territorial seas of the islands. The use of a bisector —
the line formed by bisecting the angle created by the linear approxima-
tions of coastlines — has proved to be a viable substitute method in cer-
tain circumstances where equidistance is not possible or appropriate. The
justification for the application of the bisector method in maritime delimi-

tation lies in the configuration of and relationship between the relevant
coastal fronts and the maritime areas to be delimited. In instances where,
as in the present case, any base points that could be determined by the
Court are inherently unstable, the bisector method may be seen as an
approximation of the equidistance method. Like equidistance, the bisec-

tor method is a geometrical approach that can be used to give legal effect
to the

“criterion long held to be as equitable as it is simple, namely that in
principle, while having regard to the special circumstances of the
case, one should aim at an equal division of areas where the mari-

time projections of the coasts of the States...converge and over-
lap” (Delimitation of the Maritime Boundary in the Gulf of Maine
Area, Judgment, I.C.J. Reports 1984 , p. 327, para. 195).

288. This was the situation in the case concerning the Continental
Shelf (Tunisia/Libyan Arab Jamahiriya) , where equidistance could not
be used for the second segment of the delimitation because the segment
was to begin at a point not on any possible equidistance line. The Court

there used a bisector to approximate the northerly change in direction of
the Tunisian coast beginning in the Gulf of Gabes (I.C.J. Reports 1982,
p. 94, para. 133 C (3)). The Chamber of the Court in the Gulf of Maine

91 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 746

duras soutient également, dans le cadre de cette solution subsidiaire,
qu’une ligne d’équidistance devrait être tracée entre les îles aux endroits
où leurs mers territoriales se chevauchent.
286. La Cour note que, dans ses conclusions finales, le Honduras lui a

demandé de dire que sa frontière maritime unique avec le Nicaragua
«suit le parallèle 14°59,8′ de latitude nord, c’est-à-dire la frontière mari-
time actuelle, ou suit une ligne d’équidistance ajustée, jusqu’à atteindre la
juridiction d’un Etat tiers». A l’audience, le Honduras a expliqué que, «si
la Cour rejette sa conclusion — selon laquelle le 15 parallèle constitue la

frontière maritime existante entre le Honduras et le Nicaragua —, c’est
alors une ligne d’équidistance ajustée qui devra lui être substituée en tant
que frontière». La Cour rappelle que les deux propositions du Honduras
(à savoir la principale, d’après laquelle, en vertu d’un accord tacite, le
15 parallèle représenterait la frontière maritime, et l’autre, consistant à

recourir à une ligne d’équidistance ajustée) n’ont pas été retenues.
287. La Cour examinera donc la question de savoir si, en principe, la
délimitation pourrait être basée sur la bissectrice de l’angle formé par des
lignes représentant les côtes continentales pertinentes. Elle examinera

ensuite l’incidence des mers territoriales des îles. Le recours à une bissec-
trice — la ligne qui divise en deux parts égales l’angle formé par des
lignes représentant la direction générale des côtes — s’est avéré être une
méthode de remplacement valable dans certaines circonstances où il n’est
pas possible ou approprié d’utiliser la méthode de l’équidistance. C’est la

configuration des façades côtières pertinentes et des zones maritimes à
délimiter ainsi que les rapports entre ces éléments qui justifient le recours
à la méthode de la bissectrice en matière de délimitation maritime. Tou-
tefois, lorsque, comme en la présente espèce, tous les points de base que
la Cour pourrait déterminer sont par définition instables, la méthode de

la bissectrice peut être considérée comme une approximation de celle de
l’équidistance. Tout comme celle de l’équidistance, la méthode de la bis-
sectrice est une approche géométrique qui peut être utilisée pour donner
un effet juridique au

«critère à propos duquel l’équité est de longue date considérée
comme un caractère rejoignant la simplicité: à savoir le critère qui

consiste à viser en principe — en tenant compte des circonstances
spéciales de l’espèce — à une division par parts égales des zones de
convergence et de chevauchement des projections marines des côtes
des Etats...» (Délimitation de la frontière maritime dans la région du
golfe du Maine, arrêt, C.I.J. Recueil 1984 , p. 327, par. 195).

288. Tel était le cas en l’affaire du Plateau continental (Tunisie/Jama-

hiriya arabe libyenne), où la méthode de l’équidistance ne pouvait pas
être appliquée au deuxième segment de la délimitation parce que le point
de départ de ce segment ne se situait sur aucune des lignes d’équidistance
possibles. Dans cette affaire, la Cour utilisa une bissectrice pour refléter
l’infléchissement vers le nord de la côte tunisienne à partir du golfe de

Gabès (C.I.J. Recueil 1982, p. 94, par. 133, point C 3)). En l’affaire du

91747 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

case also used a bisector of the Gulf-facing mainland because it deemed
the small islands in the Gulf unsuitable for use as base points and because

the first segment of the delimitation was to begin at “Point A”, which was
also off any equidistance line. The Arbitral Tribunal in the 1985 Delimi-
tation of the Maritime Boundary between Guinea and Guinea-Bissau case
drew a perpendicular (the bisector of a 180° angle) to a line drawn from
Almadies Point (Senegal) to Cape Shilling (Sierra Leone) to approximate

the general direction of the coast of “the whole of West Africa”. The Tri-
bunal considered this approach, rather than equidistance, necessary in
order to effect an equitable delimitation that had to be “integrated into
the present or future delimitations of the region as a whole” (Interna-
tional Law Reports, Vol. 77, pp. 683-684, para. 108).

289. If it is to “be faithful to the actual geographical situation” (Con-
tinental Shelf (Libyan Arab Jamahiriya/Malta), Judgment, I.C.J.
Reports 1985, p. 45, para. 57), the method of delimitation should seek a
solution by reference first to the States’ “relevant coasts” (see Maritime

Delimitation and Territorial Questions between Qatar and Bahrain
(Qatar v. Bahrain), Judgment, I.C.J. Reports 2001 , p. 94 para. 178; see
also the Land and Maritime Boundary between Cameroon and Nigeria
(Cameroon v. Nigeria: Equatorial Guinea intervening), I.C.J. Reports
2002, p. 442, para. 90)). Identifying the relevant coastal geography calls

for the exercise of judgment in assessing the actual coastal geography.
The equidistance method approximates the relationship between two
Parties’ relevant coasts by taking account of the relationships between
designated pairs of base points. The bisector method comparably seeks to
approximate the relevant coastal relationships, but does so on the basis

of the macro-geography of a coastline as represented by a line drawn
between two points on the coast. Thus, where the bisector method is to
be applied, care must be taken to avoid “completely refashioning nature”
(North Sea Continental Shelf, Judgment, I.C.J. Reports 1969 ,p .,
para. 91).

290. In light of the foregoing, the Court notes that Nicaragua advanced
a variety of reasons to justify the bisector method (see paragraphs 83-84
and 102 above). According to Nicaragua, the equitable character of the
bisector method is confirmed by the independent criteria of an equitable
result: (a) the method produces an effective reflection of the coastal rela-
tionships; (b) the bisector produces a result which constitutes an expres-

sion of the principle of equal division of the areas in dispute; (c) the
bisector method has the virtue of compliance with the principle of non-
encroachment; (d) it also prevents, as far as possible, any cut-off of the
seaward projection of the coast of either of the States concerned; and
(e) the bisector method ensures “the exercise of the right to development

of the Parties”.
291. To demonstrate the equitable character of its own proposed
bisector line Nicaragua also refers to a number of relevant circumstances

92 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 747

Golfe du Maine, la Chambre de la Cour utilisa également la bissectrice de
l’angle formé par les côtes continentales du golfe, parce qu’elle estimait

que les petites îles situées dans le golfe ne pouvaient pas convenir comme
points de base et que le premier segment de la délimitation devait partir
du «point A», lequel n’était pas non plus situé sur une ligne d’équidis-
tance. Dans la sentence rendue en 1985 en l’affaire de la Délimitation
maritime entre la Guinée et la Guinée-Bissau , le tribunal arbitral traça la

perpendiculaire (la bissectrice d’un angle de 180 degrés) d’une droite joi-
gnant la pointe des Almadies (Sénégal) au cap Shilling (Sierra Leone)
pour représenter la direction générale de la côte de «l’ensemble de la
région de l’Afrique occidentale». Le tribunal estima nécessaire de choisir
cetteapprocheplutôtquecelledel’équidistancepourparveniràunedélimi-

tation équitable qui devait «s’int[égrer] aux délimitations actuelles ou
futures de la région» (RSA, vol. XIX, p. 189, par. 108).
289. Pour que sa méthode de délimitation «respecte la situation géo-
graphique réelle» (Plateau continental (Jamahiriya arabe libyenne/
Malte), arrêt, C.I.J. Recueil 1985 , p. 45, par. 57), la Cour devrait recher-
cher une solution en déterminant d’abord ce que sont les «côtes perti-

nentes» des Etats (voir Délimitation maritime et questions territoriales
entre Qatar et Bahreïn (Qatar c. Bahreïn), fond, arrêt, C.I.J. Recueil
2001, p. 94, par. 178; voir aussi Frontière terrestre et maritime entre le
Cameroun et le Nigéria (Cameroun c. Nigéria; Guinée équatoriale (inter-
venant)), arrêt, C.I.J. Recueil 2002 , p. 442, par. 90). La détermination de

la géographie côtière pertinente nécessite une appréciation réfléchie de la
géographie côtière réelle. La méthode de l’équidistance exprime la rela-
tion entre les côtes pertinentes des deux Parties en prenant en compte les
relations existant entre des paires de points choisis comme points de base.
La méthode de la bissectrice tend elle aussi à exprimer les relations côtiè-

res pertinentes, mais elle le fait sur la base de la macrogéographie d’un
littoral représenté par une droite joignant deux points sur la côte. Aussi,
en cas de recours à la méthode de la bissectrice, faut-il veiller à ne pas
«refaire la nature entièrement» (Plateau continental de la mer du Nord,
arrêt, C.I.J. Recueil 1969 , p. 49, par. 91).

290. Au vu de ce qui précède, la Cour relève que le Nicaragua a invo-
qué diverses raisons pour justifier la méthode de la bissectrice qu’il pro-
pose (voir les paragraphes 83-84 et 102 ci-dessus). Pour le Nicaragua, le
caractère équitable de la méthode de la bissectrice est confirmé par les
critères indépendants du résultat équitable: a) cette méthode reflète la
réalité des relations côtières; b) la bissectrice aboutit à un résultat qui est

l’expression du principe de la division égale des zones en litige; c) elle
présente l’avantage de respecter le principe de non-empiétement; d) elle
prévient également, autant que possible, toute amputation de la projec-
tion maritime de la côte de chacun des Etats concernés; et e) elle permet
aux Parties «d’exercer leur droit au développement».

291. Pour démontrer le caractère équitable de la bissectrice qu’il
propose, le Nicaragua invoque également un certain nombre de cir-

92748 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

and argues that the bisector method produces an equitable result in terms
of the incidence of natural resources; satisfies the criterion of equitable

access to the natural resources; respects the unitary character of the
Nicaraguan Rise as a single geological and geomorphological feature by
dividing it in approximately equal halves; in terms of security considera-
tions produces an alignment which effectively ensures “that each State
controls the maritime territories situated opposite to its coasts and in

their vicinity” and ensures equitable access to the main navigable channel
in the adjacent coastal areas.

292. The Court is not persuaded in the present case as to the perti-
nence of these factors and does not find them legally determinative for

the purposes of the delimitation to be effected. Rather, the key elements
are the geographical configuration of the coast, and the geomorphologi-
cal features of the area where the endpoint of the land boundary is
located.
293. The Parties have presented the Court with their differing versions
of the relevant mainland coast for the purposes of the delimitation to be

effected. Nicaragua argues that the relevant coast of each Party is its
entire Caribbean coast: thus in the case of Honduras this would be a line
running from Cape Gracias a Dios north and west to its land border with
Guatemala, while in the case of Nicaragua it would run from the Cape
south to its land border with Costa Rica. Nicaragua has also acknowl-

edged that other coastal fronts might be considered, variously suggesting
relevant coastal fronts for Honduras extending to Cape Camerón or
Cape Falso, and for Nicaragua to Punta de Perlas or Punta Gorda,
respectively. Honduras sees the relevant coastal front as running from
Cape Falso in the north, south-easterly to Cape Gracias a Dios, and then

south-westerly to Laguna Wano in a configuration that focuses exclu-
sively on the nearly symmetrical projection of Cape Gracias a Dios.

294. The Court considers for present purposes that it will be most con-
venient to use the point fixed in 1962 by the Mixed Commission at
Cape Gracias a Dios as the point where the Parties’ coastal fronts meet.
The Court adds that the co-ordinates of the endpoints of the chosen
coastal fronts need not at this juncture be specified with exactitude for
present purposes; one of the practical advantages of the bisector method

is that a minor deviation in the exact position of endpoints, which are at
a reasonable distance from the shared point, will have only a relatively
minor influence on the course of the entire coastal front line. If necessary
in the circumstances, the Court could adjust the line so as to achieve an
equitable result (see UNCLOS, Arts. 74, para. 1, and 83, para. 1).

295. The Court will now consider the various possibilities for the other
coastal fronts that could be used to define these linear approximations of

93 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 748

constances pertinentes et fait valoir que la méthode de la bissectrice
aboutit à un résultat équitable en ce qui concerne l’incidence de la pré-

sence de ressources naturelles, qu’elle satisfait au critère de l’accès équi-
table aux ressources naturelles et qu’elle respecte le caractère unitaire du
seuil nicaraguayen en tant qu’entité géologique et géomorphologique
homogène en le partageant en deux de manière à peu près égale. Du point
de vue de la sécurité, cette méthode aboutit à un tracé qui permet effec-

tivement à «chaque Etat [de contrôler] les territoires maritimes situés en
face de ses côtes et dans leur voisinage» et garantit l’accès équitable au
principal chenal navigable dans les zones côtières adjacentes.
292. En l’espèce, la Cour n’est pas convaincue de la pertinence des fac-
teurs en question et ne les juge pas juridiquement décisifs du point de vue

de la délimitation à effectuer. Les éléments clefs à prendre en considéra-
tion sont plutôt la configuration géographique de la côte et les caracté-
ristiques géomorphologiques de la zone où se trouve le point terminal de
la frontière terrestre.
293. Les Parties ont présenté à la Cour des vues divergentes quant à la
côte continentale qui serait pertinente aux fins de la délimitation à opérer.

Le Nicaragua plaide que la côte pertinente pour chaque Partie est la tota-
lité de sa côte caraïbe: dans le cas du Honduras, il s’agirait ainsi d’une
ligne qui se dirigerait à partir du cap Gracias a Dios vers le nord-ouest
jusqu’à sa frontière terrestre avec le Guatemala, tandis que, dans le cas
du Nicaragua, la ligne se dirigerait vers le sud à partir du cap, jusqu’à sa

frontière terrestre avec le Costa Rica. Le Nicaragua admet aussi que
d’autres façades côtières pourraient être prises en considération, propo-
sant diverses façades côtières pertinentes s’étendant jusqu’au cap Came-
rón ou à Cabo Falso pour le Honduras, et jusqu’au Rio Grande ou à
Punta Gorda pour le Nicaragua. Pour le Honduras, la façade côtière à

prendre en considération est celle qui s’étend de Cabo Falso au nord à
Laguna Wano en suivant d’abord une direction sud-est jusqu’au cap
Gracias a Dios, puis en s’infléchissant vers le sud-ouest dans une confi-
guration qui tient compte exclusivement de la projection quasi symétri-
que du cap Gracias a Dios.

294. La Cour considère qu’en l’occurrence il convient d’utiliser le
point fixé en 1962 par la commission mixte au cap Gracias a Dios comme
point de jonction entre les façades côtières des deux Parties. Elle ajoute
qu’aux fins présentes il n’y a pas lieu, à ce stade, de définir avec exacti-
tude les coordonnées des points terminaux des façades côtières: l’un des
avantages pratiques de la méthode de la bissectrice réside en ceci qu’un

léger écart dans la position exacte des points terminaux, qui se trouvent à
une distance raisonnable du point commun, n’aura qu’une incidence rela-
tivement mineure sur la direction générale de la façade côtière. Si les cir-
constances l’exigeaient, la Cour pourrait ajuster le tracé de la ligne de
façon à parvenir à un résultat équitable (voir CNUDM, art. 74, par. 1,

et 83, par. 1).
295. La Cour va maintenant examiner les diverses façades côtières qui,
pour chacun des deux Etats, pourraient servir à établir les lignes reflétant

93749 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

the relevant geography. Nicaragua’s primary proposal for the coastal
fronts, as running from Cape Gracias a Dios to the Guatemalan border

for Honduras and to the Costa Rican border for Nicaragua, would cut
off a significant portion of Honduran territory falling north of this line
and thus would give significant weight to Honduran territory that is far
removed from the area to be delimited. This would seem to present an
exaggeratedly acute angle to bisect.

296. In selecting the relevant coastal fronts, the Court has considered
the Cape Falso-Punta Gorda coast (generating a bisector with an azi-
muth of 70°54′), which certainly faces the disputed area, but it is quite a
short façade (some 100 kilometres) from which to reflect a coastal front

more than 100 nautical miles out to sea, especially taking into account
how quickly to the northwest the Honduran coast turns away from the
area to be delimited after Cape Falso, as it continues past Punta Patuca
and up to Cape Camerón. Indeed, Cape Falso is identified by Honduras
as the most relevant “turn” in the mainland coastline.

297. A coastal front extending from Cape Camerón to Rio Grande
(generating a bisector with an azimuth of 64°02′) would, like the original
Nicaraguan proposal, also overcompensate in this regard since the line
would run entirely over the Honduran mainland and thus would deprive
the significant Honduran land mass lying between the sea and the line of

any effect on the delimitation.
298. The front that extends from Punta Patuca to Wouhnta, would
avoid the problem of cutting off Honduran territory and at the same time
provide a coastal façade of sufficient length to account properly for the
coastal configuration in the disputed area. Thus, a Honduran coastal

front running to Punta Patuca and a Nicaraguan coastal front running to
Wouhnta are in the Court’s view the relevant coasts for purposes of
drawing the bisector. This resulting bisector line has an azimuth of
70°14′41.25″ (for the construction of the bisector line, see below, p. 750,
sketch-map No. 3).

**

8.2.4. Delimitation around the islands

299. The Court, having settled on the appropriate method and pro-

cedures for the delimitation from the mainland, can now turn to the sepa-
rate task of delimiting the waters around and between islands north and
south of the 15th parallel. Thus the Court leaves behind it the delimita-
tion line based on the relevant mainland coast and turns to maritime
delimitation between opposite-facing islands. As the Court has noted

above, the Parties agree that the four islands in dispute north of the
15th parallel, as well as Edinburgh Cay south of the 15th parallel, gen-
erate territorial seas. It thus may be necessary for the Court to take

94 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME ARRÊT ) 749

la géographie pertinente. La première proposition du Nicaragua, consis-
tant à considérer la façade côtière comme s’étendant, pour le Honduras,
du cap Gracias a Dios à sa frontière avec le Guatemala et, pour le Nica-

ragua, du cap Gracias a Dios à sa frontière avec le Costa Rica, ampute-
rait le Honduras d’une portion importante de territoire au nord de cette
ligne et accorderait ainsi un poids considérable à une partie du territoire
hondurien très éloignée de la zone à délimiter. L’angle résultant de cette
solution semble bien trop aigu pour qu’une bissectrice y soit tracée.

296. S’agissant de déterminer les façades côtières pertinentes, la Cour
a envisagé la façade comprise entre Cabo Falso et Punta Gorda (engen-
drant une bissectrice d’azimut 70°54′), qui fait incontestablement face à
la zone en litige, mais dont la longueur (quelque 100 kilomètres) n’est pas

vraiment suffisante pour constituer la représentation d’une façade côtière
à plus de 100 milles marins de la côte, surtout si l’on tient compte de la
rapidité avec laquelle la côte hondurienne s’éloigne de la zone à délimiter
à partir de Cabo Falso jusqu’à Punta Patuca et au cap Camerón. Le

Honduras estime d’ailleurs que Cabo Falso est l’«inflexion» la plus
importante de la côte du continent.
297. De même que la première proposition nicaraguayenne, une façade
côtière allant du cap Camerón au Rio Grande (engendrant une bissec-
trice d’azimut 64°02′) créerait aussi un déséquilibre à cet égard, car la

totalité de la ligne serait située sur le Honduras continental, empêchant
ainsi l’importante masse terrestre hondurienne comprise entre la mer et
cette ligne de produire le moindre effet sur la délimitation.
298. La façade maritime s’étendant de Punta Patuca à Wouhnta per-

mettrait d’éviter que la ligne traverse le territoire hondurien et offrirait en
même temps une façade côtière suffisamment longue pour rendre compte
correctement de la configuration côtière de la zone en litige. Ainsi, une
façade côtière hondurienne allant jusqu’à Punta Patuca et une façade
côtière nicaraguayenne allant jusqu’à Wouhnta constituent-elles, selon la

Cour, les côtes pertinentes aux fins du tracé de la bissectrice. Cette bis-
sectrice a un azimut de 70°14′41,25″ (pour la construction de la bissec-
trice, voir ci-après, p. 750, croquis n 3).

**

8.2.4. Délimitation autour des îles

299. La Cour, ayant choisi la méthode de délimitation à partir du
continent et défini les modalités de son application, peut à présent abor-
der la tâche, indépendante de la première, consistant à délimiter les eaux
qui entourent ou qui séparent les îles et cayes situées au nord et au sud
du 15 parallèle. La Cour en a ainsi fini avec la ligne de délimitation fon-

dée sur les côtes continentales pertinentes et en vient à la délimitation au
large entre des îles se faisant face. Comme la Cour l’a déjà relevé, les
Parties conviennent que les quatre îles en litige au nord du 15 parallèle,
ainsi qu’Edinburgh Cay au sud de ce parallèle, engendrent une mer ter-

94750 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

95DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME ARRÊT ) 750

95751 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

account of equidistance and the principles of territorial sea delimitation
for this portion of the area in dispute as well. The Court must consider

the different solutions proposed by the Parties for delimiting this area in
the light of the findings above (i) that the four islands in dispute belong to
Honduras and (ii) that there was no traditional line running along the
15th parallel based on uti possidetis juris nor any tacit agreement accord-
ing to which the 15th parallel constituted the maritime boundary.

300. Honduras argues that these islands should be recognized as hav-
ing a full 12-mile territorial sea, except where this would overlap with the
territorial sea of the other Party. Nicaragua does not dispute that these

islands could generate a territorial sea of up to 12 nautical miles but
argues that, were they to be “attributed to Honduras and were thus to be
located within Nicaraguan territory”, their “size” and “instability” would
act as “equitable criteria” justifying their being enclaved within only a
3-mile territorial sea because, as stated in response to a question put by
Judge Simma in the course of the oral proceedings regarding the reasons

for the indication of a reduced territorial sea, a “full 12-mile territorial
sea... would result in giving a disproportionate amount of the maritime
areas in dispute to Honduras”.

301. The Court observes that the consequence of this latter proposal is

that there would be no overlapping territorial seas to delimit in this area.
Thus it must determine the breadth of the territorial sea to be attributed
to these islands so as to have a clear appreciation of its delimitation task
in this area.
302. The Court notes that by virtue of Article 3 of UNCLOS Hon-

duras has the right to establish the breadth of its territorial sea up to a
limit of 12 nautical miles be that for its mainland or for islands under its
sovereignty. In the current proceedings Honduras claims for the four
islands in question a territorial sea of 12 nautical miles. The Court thus
finds that, subject to any overlap between the territorial sea around Hon-

duran islands and the territorial sea around Nicaraguan islands in the
vicinity, Bobel Cay, Savanna Cay, Port Royal Cay and South Cay shall
be accorded a territorial sea of 12 nautical miles.
303. As a 12-mile breadth of territorial sea has been accorded to these
islands, it becomes apparent that the territorial seas attributed to the
islands of Bobel Cay, Savanna Cay, Port Royal Cay and South Cay

(Honduras) and Edinburgh Cay (Nicaragua) would lead to an overlap in
the territorial sea of Nicaragua and Honduras in this area, both to the
south and to the north of the 15th parallel. Here again, the Court would
repeat its observation as to method that:

“The most logical and widely practised approach is first to draw
provisionally an equidistance line and then to consider whether that
line must be adjusted in the light of the existence of special circum-

96 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME ARRÊT ) 751

ritoriale. La Cour pourrait donc devoir prendre en compte l’équidistance
et les principes régissant la délimitation de la mer territoriale également
pour cette portion de la zone en litige. La Cour doit examiner les diffé-

rentes solutions proposées par les Parties pour la délimitation de cette
zone à la lumière des conclusions auxquelles elle est parvenue plus haut,
à savoir i) que les quatre îles en litige appartiennent au Honduras et ii)
qu’il n’existait aucune ligne traditionnelle le long du 15 parallèle fondée
sur l’uti possidetis juris ni aucun accord tacite selon lequel le 15 parallèle

constituerait la frontière maritime.
300. Le Honduras affirme que ces îles devraient se voir reconnaître
une mer territoriale complète de 12 milles, sauf en cas d’empiétement sur
la mer territoriale de la Partie adverse. Le Nicaragua ne conteste pas que

ces îles puissent engendrer une mer territoriale pouvant atteindre une lar-
geur de 12 milles marins, mais soutient que, si elles devaient «être attri-
buées au Honduras et se trouver ainsi en territoire nicaraguayen», leur
«taille» et leur «instabilité» tiendraient lieu de «critères d’équité» justi-

fiant leur enclavement à l’intérieur d’une mer territoriale de 3 milles seu-
lement; il a ainsi déclaré, en réponse à une question posée à l’audience
par le juge Simma au sujet des raisons justifiant l’attribution d’une mer
territoriale réduite, que, si une «mer territoriale s’étendant sur la totalité
des 12 milles devait être accordée à ces formations ... [le Honduras]

obtiendrait une part disproportionnée des zones maritimes en litige».
301. La Cour observe que cette dernière proposition aurait pour consé-
quence qu’elle n’aurait pas à procéder dans cette zone à une délimitation
entre des mers territoriales se chevauchant. Elle doit donc déterminer la

largeur de la mer territoriale à attribuer à ces îles, afin d’avoir une idée
précise de la délimitation qu’elle est appelée à effectuer dans cette zone.
302. La Cour relève que, en vertu de l’article 3 de la CNUDM, le Hon-
duras a le droit de fixer à 12 milles marins la largeur de sa mer territo-
riale, tant pour son territoire continental que pour les îles relevant de sa

souveraineté. Le Honduras demande en l’espèce, pour les quatre îles en
cause, une mer territoriale de 12 milles marins. La Cour estime donc que,
sous réserve d’éventuels chevauchements entre les mers territoriales situées
respectivement autour d’îles honduriennes et d’îles nicaraguayennes se

trouvant alentour, Bobel Cay, Savanna Cay, Port Royal Cay et South Cay
doivent se voir accorder une mer territoriale de 12 milles marins.
303. Une mer territoriale d’une largeur de 12 milles ayant été accordée
aux îles de Bobel Cay, Savanna Cay, Port Royal Cay et South Cay (Hon-

duras) et à l’île d’Edinburgh Cay (Nicaragua), il est évident que les mers
territoriales du Nicaragua et du Honduras sont appelées à se chevaucher
dans cette région tant au sud qu’au nord du 15 parallèle. Ici encore, la
Cour répétera son observation sur les méthodes de délimitation:

«La méthode la plus logique et la plus largement pratiquée consiste
à tracer d’abord à titre provisoire une ligne d’équidistance et à exa-
miner ensuite si cette ligne doit être ajustée pour tenir compte de

96752 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

stances.” (Maritime Delimitation and Territorial Questions between
Qatar and Bahrain (Qatar v. Bahrain), Merits, Judgment, I.C.J.

Reports 2001, p. 94, para. 176.)
304. Drawing a provisional equidistance line for this territorial sea

delimitation between the opposite-facing islands does not present the
problems that would an equidistance line from the mainland. The Parties
have provided the Court with co-ordinates for the four islands in dispute
north of the 15th parallel and for Edinburgh Cay to the south. Delimita-
tion of this relatively small area can be satisfactorily accomplished by

drawing a provisional equidistance line, using co-ordinates for the above
islands as the base points for their territorial seas, in the overlapping
areas between the territorial seas of Bobel Cay, Port Royal Cay and
South Cay (Honduras), and the territorial sea of Edinburgh Cay (Nica-
ragua), respectively. The territorial sea of Savanna Cay (Honduras) does

not overlap with the territorial sea of Edinburgh Cay. The Court does
not consider there to be any legally relevant “special circumstances” in
this area that would warrant adjusting this provisional line.

305. The maritime boundary between Nicaragua and Honduras in the
vicinity of Bobel Cay, Savanna Cay, Port Royal Cay and South Cay (Hon-

duras) and Edinburgh Cay (Nicaragua) will thus follow the line as
described below.
From the intersection of the bisector line with the 12-mile arc of the
territorial sea of Bobel Cay at point A (with co-ordinates 15°05′25″ N
and 82°52′54″ W) the boundary line follows the 12-mile arc of the terri-

torial sea of Bobel Cay in a southerly direction until its intersection with
the 12-mile arc of the territorial sea of Edinburgh Cay at point B (with
co-ordinates 14°57′13″ N and 82°50′03″ W). From point B the bound-
ary line continues along the median line, which is formed by the points of
equidistance between Bobel Cay, Port Royal Cay and South Cay (Hon-

duras) and Edinburgh Cay (Nicaragua), through points C (with co-ordi-
nates 14°56′45″ N and 82°33′56″ W) and D (with co-ordinates
14°56′35″ N and 82°33′20″ W), until it meets the point of intersection of
the 12-mile arcs of the territorial seas of South Cay (Honduras) and
Edinburgh Cay (Nicaragua) at point E (with co-ordinates 14°53′15″ N

and 82°29′24″ W). From point E the boundary line follows the 12-mile
arc of the territorial sea of South Cay in a northerly direction until it
intersects the bisector line at point F (with co-ordinates 15°16′08″ N and
82°21′56″ W) (see below, pp. 753-754, sketch-maps Nos. 4 and 5).

**

97 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 752

l’existence de circonstances spéciales.» (Délimitation maritime et
questions territoriales entre Qatar et Bahreïn (Qatar c. Bahreïn),
fond, arrêt, C.I.J. Recueil 2001 , p. 94, par. 176.)

304. Le tracé d’une ligne d’équidistance provisoire entre les îles qui se
font face aux fins de la délimitation de la mer territoriale ne présente pas
les mêmes difficultés que celui d’une ligne d’équidistance à partir du

continent. Les Parties ont foerni à la Cour les coordonnées des quatre
îles en litige au nord du 15 parallèle et d’Edinburgh Cay au sud de ce
parallèle. Il est possible de délimiter de façon satisfaisante cette zone rela-
tivement réduite en traçant une ligne d’équidistance provisoire prenant
les coordonnées de ces îles comme points de base de leur mer territoriale

dans les zones de chevauchement, entre les mers territoriales de Bobel Cay,
Port Royal Cay et South Cay (Honduras), d’une part, et celle d’Edinburgh
Cay (Nicaragua), d’autre part. Il n’y a pas de chevauchement entre la mer
territoriale de Savanna Cay (Honduras) et celle d’Edinburgh Cay. La

Cour considère qu’il n’existe pas, dans cette zone, de «circonstances spé-
ciales» juridiquement pertinentes justifiant l’ajustement de cette ligne
provisoire.
305. La frontière maritime entre le Nicaragua et le Honduras dans les
environs de Bobel Cay, Savanna Cay, Port Royal Cay et South Cay

(Honduras), ainsi qu’Edinburgh Cay (Nicaragua) suivra donc la ligne
décrite ci-après.
A partir de l’intersection au point A (situé par 15°05′25″ de latitude
nord et 82°52′54″ de longitude ouest) entre la bissectrice et l’arc formé
par la mer territoriale de 12 milles de Bobel Cay, la ligne frontière suit

l’arc formé par la mer territoriale de 12 milles de Bobel Cay en direction
du sud, jusqu’à son intersection au point B (situé par 14°57′13″ de lati-
tude nord et 82°50′03″ de longitude ouest) avec l’arc formé par la mer
territoriale de 12 milles d’Edinburgh Cay. A partir du point B, la ligne

frontière se poursuit le long de la ligne médiane, laquelle est formée par
les points d’équidistance entre Bobel Cay, Port Royal Cay et South Cay
(Honduras), ainsi qu’Edinburgh Cay (Nicaragua), en passant par les
points C (situé par 14°56′45″ de latitude nord et 82°33′56″ de longitude
ouest) et D (situé par 14°56′35″ de latitude nord et 82°33′20″ de longi-

tude ouest), jusqu’à sa jonction avec l’intersection au point E (situé par
14°53′15″ de latitude nord et 82°29′24″ de longitude ouest) des arcs for-
més par les mers territoriales de 12 milles de South Cay (Honduras) et
d’Edinburgh Cay (Nicaragua). A partir du point E, la ligne frontière suit
l’arc formé par la mer territoriale de 12 milles de South Cay en direction

du nord, jusqu’à son intersection avec la bissectrice au point F (situé par
15°16′08″ de latitude nord et 82°21′56″ de longitude ouest) (voir ci-
après, p. 753-754, les croquis n os4et5).

**

97753 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

98DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME ARRÊT ) 753

98754 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

99DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME ARRÊT ) 754

99755 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

8.2.5. Starting-point and endpoint of the maritime boundary

306. Having decided upon a delimitation method and its application
for the mainland and for the islands, the Court must now consider two
remaining matters with respect to the course of the single maritime
boundary: the starting-point and the endpoint.
307. The Parties in their written pleadings agreed that the appropriate

starting-point for the boundary line between them should be located
some distance from the mainland coast, but disagreed on exactly where.
To account for the continuing eastward accretion of Cape Gracias a Dios
as a result of alluvial deposits by the River Coco, both Parties in their
written pleadings expressed a preference for situating the starting-point

3 nautical miles seaward from the “mouth” of the River Coco. Both
Parties agreed that for the first 3 miles a negotiated solution should be
found. But two differences remained between them: (i) from where on the
River Coco these 3 miles should be measured; and (ii) in what direction.

308. As regards the first of these differences, Honduras proposes a
starting-point situated 3 nautical miles due east of the point identified as
the mouth of the River Coco (14°59.8′ N, 83°08.9′W) by the Mixed
Commission in 1962. The 1906 Award set the “mouth of the main branch
of the Coco River” as the “extreme common boundary point on the coast

of the Atlantic” between Nicaragua and Honduras. Nicaragua, for its
part, contended throughout its written pleadings that the site of the
“mouth” of the river should be adjusted to better reflect what it claims is
the current reality and proposes a seaward starting-point fixed at a dis-
tance of 3 miles from that site along the line of its proposed bisector.

309. In oral argument and in its final submissions Nicaragua, while
leaving its suggestion made in the written pleadings open, advocates a
starting-point located at the current mouth of the River Coco “such as it

may be at any given moment as determined by the Award of the King of
Spain of 1906” without measuring any distance out to sea (see para-
graph 99 above). Nicaragua thus does not now specify the current geo-
graphical co-ordinates of the mouth. According to Nicaragua, this start-
ing-point, wherever it may be located on any given day, would then be
connected by a straight-line single maritime boundary to the start of its

proposed bisector line (at “a fixed point approximately 3 miles from the
river mouth in the position 15°02′00″ N, 83°05′26″ W”).

Honduras continues to maintain that a distance measuring 3 miles
from the point fixed by the Mixed Commission in 1962 should be used

and that the Parties should seek a diplomatic solution for this undelim-
ited area.
310. The Parties are now in dispute as to which of the small islands

100 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 755

8.2.5. Le point de départ et le point terminal de la frontière maritime

306. Ayant retenu une méthode de délimitation et décidé de son appli-
cation à la partie continentale et aux îles, la Cour doit à présent examiner
les deux derniers aspects du tracé de la frontière maritime unique: le
point de départ et le point terminal.
307. Dans leurs écritures, les Parties sont convenues que le point de

départ approprié de la ligne frontière entre leurs deux pays devait être
situé à une certaine distance de la côte continentale, mais elles diver-
geaient sur son emplacement précis. Afin de tenir compte du fait que le
cap Gracias a Dios ne cesse d’avancer vers l’est en raison des dépôts sédi-
mentaires du fleuve Coco, les deux Parties ont, dans leurs écritures, indi-

qué qu’elles préféraient que le point de départ soit situé à 3 milles marins
au large de «l’embouchure» du fleuve Coco. Elles sont convenues que,
pour les 3 premiers milles, une solution négociée devait être trouvée.
Néanmoins, deux points de désaccord subsistaient entre elles: i) la ques-
tion de savoir à partir de quel point du fleuve Coco ces 3 milles devaient
être mesurés; et ii) celle de savoir dans quelle direction ils devaient l’être.

308. S’agissant du premier de ces désaccords, le Honduras propose un
point de départ situé à 3 milles marins plein est du point identifié en 1962
par la commission mixte comme étant l’embouchure du fleuve Coco
(14°59,8′ de latitude nord et 83°08,9′ de longitude ouest). La sentence
arbitrale de 1906 a déterminé que l’«embouchure du bras principal du

fleuve Coco» constituait le «point extrême limitrophe commun sur la
côte atlantique» entre le Nicaragua et le Honduras. Le Nicaragua a, pour
sa part, soutenu tout au long de la procédure écrite que l’emplacement
de l’«embouchure» du fleuve devait être ajusté pour mieux refléter ce
qui, selon lui, constitue la réalité actuelle, et suggère un point de départ

situé en mer à une distance de 3 milles de ce lieu, sur la bissectrice qu’il
propose.
309. A l’audience et dans ses conclusions finales, le Nicaragua, sans
toutefois écarter la proposition qu’il avait formulée dans ses écritures, a
plaidé en faveur d’un point de départ situé à l’embouchure du fleuve Coco

«où qu’elle se situe au moment considéré, ainsi que l’a établi la sentence
du roi d’Espagne de 1906», et ce sans que soit mesurée une quelconque
distance en direction du large (voir paragraphe 99 ci-dessus). Le Nica-
ragua ne précise donc pas, à présent, les coordonnées géographiques ac-
tuelles de l’embouchure. Selon lui, ce point de départ, où qu’il se situe
au moment considéré, serait relié à celui de la bissectrice qu’il propose (à

«un point fixe situé à 3 milles environ de l’embouchure du fleuve par
15°02′00″ de latitude nord et 83°05′26″ de longitude ouest») par une
frontière maritime unique tracée en ligne droite.
Le Honduras, quant à lui, continue de soutenir qu’une distance de
3 milles mesurée à partir du point fixé par la commission mixte en 1962

devrait être utilisée, et que les Parties devraient rechercher une solution
diplomatique pour cette zone qui ne fait l’objet d’aucune délimitation.
310. Les Parties s’opposent actuellement sur la question de savoir les-

100756 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

having formed in the mouth of the River Coco belong to which country
and where the actual mouth is currently situated. A starting-point at the

terminus of the land boundary (as determined “at any given moment” or
by reference to the point fixed in 1962 by the Mixed Commission) might
cut across these contested small islands, with the attendant risk that the
island might later attach itself to the mainland of one of the Parties. The
Parties are in the best position to monitor the situation as the shape of

Cape Gracias a Dios evolves and to arrange a solution in accordance
with the 1906 Arbitral Award, which remains res judicata for the land
boundary.

311. The Court observes that it is apparent that Nicaragua’s proposal

in its final submission (see paragraph 309) is problematic in certain
respects and its initial suggestion to start the line some distance out to sea
appears a more judicious solution. That a delimitation may begin at some
distance out at sea has found support in judicial practice in cases where
there is an uncertain land boundary terminus (see, for example, Delimita-
tion of the maritime boundary between Guinea and Guinea-Bissau , Award

of 14 February 1985). The Court considers it appropriate to uphold Hon-
duras’s submission in this regard. The Court thus sets the starting-point
3 miles out to sea (15°00′52″ N and 83°05′58″ W) from the point already
identified by the Mixed Commission in 1962 along the azimuth of the
bisector as described below (see below, p. 757, sketch-map No. 6). The

Parties are to agree on a line which links the end of the land boundary as
fixed by the 1906 Award and the point of departure of the maritime
delimitation in accordance with this Judgment.

312. As for the endpoint, neither Nicaragua nor Honduras in each of
their submissions specifies a precise seaward end to the boundary between
them. The Court will not rule on an issue when in order to do so the
rights of a third party that is not before it, have first to be determined (see
Monetary Gold Removed from Rome in 1943, Judgment, I.C.J. Reports

1954, p. 19). Accordingly, it is usual in a judicial delimitation for the pre-
cise endpoint to be left undefined in order to refrain from prejudicing the
rights of third States. (See for example Continental Shelf (Tunisia/Libyan
Arab Jamahiriya), Judgment, I.C.J. Reports 1982 , p. 91, para. 130; Con-
tinental Shelf (Libyan Arab Jamahiriya/Malta), Application for Permis-
sion to Intervene, Judgment, I.C.J. Reports 1984 , p. 27, and Continental

Shelf (Libyan Arab Jamahiriya/Malta), Judgment, I.C.J. Reports 1985 ,
pp. 26-28, paras. 21-23; and Land and Maritime Boundary Between
Cameroon and Nigeria (Cameroon v. Nigeria: Equatorial Guinea inter-
vening), Judgment, I.C.J. Reports 2002 , paras. 238, 245 and 307.)
313. Nicaragua draws its bisector “up to the area of seabed occupied

by Rosalinda Bank, in which area the claims of third states come into
play”. Honduras in its final submissions asks the Court to draw the
boundary “until the jurisdiction of a third State is reached”. Honduras in

101 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME ARRÊT ) 756

quelles des petites îles qui se sont formées à l’embouchure du fleuve Coco

leur appartiennent respectivement, ainsi que sur l’emplacement actuel de
l’embouchure proprement dite du fleuve. Une ligne partant du point ter-
minal de la frontière terrestre (tel que déterminé «au moment considéré»
ou en se référant au point fixé en 1962 par la commission mixte) pourrait
diviser ces petites îles contestées, le risque étant qu’elles se rattachent par

la suite à la masse continentale de l’une des Parties. Ces dernières sont
tout à fait en mesure de suivre l’évolution de la forme du cap Gracias a
Dios et de concevoir une solution qui soit conforme à la sentence arbi-
trale de 1906, laquelle demeure revêtue de l’autorité de la chose jugée
pour ce qui concerne la frontière terrestre.

311. Il est clair pour la Cour que la proposition avancée par le Nica-
ragua dans ses conclusions finales (voir paragraphe 309) ne va pas sans
poser quelques problèmes, et que sa suggestion initiale de faire commen-
cer la ligne en mer, à une certaine distance, apparaît comme une solution

plus judicieuse. La possibilité qu’une ligne de délimitation commence à
une certaine distance en mer a été reconnue dans la pratique judiciaire,
dans des affaires où le point terminal de la frontière terrestre était incer-
tain (voir, par exemple, la sentence rendue le 14 février 1985 en l’affaire
de la Délimitation maritime entre la Guinée et la Guinée-Bissau ). La Cour

estime qu’il convient de faire droit à la demande du Honduras à cet égard
et fixe en conséquence le point de départ (15°00′52″ de latitude nord et
83°05′58″ de longitude ouest) à 3 milles au large du point déjà identifié
par la commission mixte de 1962, selon l’azimut de la bissectrice telle que
décrite ci-dessus (voir ci-après, p. 757, le croquis n o 6). Les Parties

devront convenir d’une ligne reliant le point terminal de la frontière ter-
restre tel que fixé par la sentence de 1906 au point de départ de la déli-
mitation maritime établie par le présent arrêt.
312. S’agissant du point terminal, ni le Nicaragua ni le Honduras
n’ont, dans leurs conclusions, indiqué de limite extérieure précise à leur

frontière maritime. La Cour ne saurait statuer sur une question si, pour
ce faire, les droits d’une tierce partie qui ne comparaît pas devant elle
doivent d’abord être déterminés (voir Or monéraire pris à Rome en 1943,
arrêt, C.I.J. Recueil 1954 , p. 19). En matière de délimitation judiciaire, il
est donc courant de ne pas indiquer de point terminal précis afin de ne

pas porter préjudice aux droits d’Etats tiers. (Voir par exemple Plateau
continental (Tunisie/Jamahiriya arabe libyenne), arrêt, C.I.J. Recueil
1982, p. 91, par. 130; Plateau continental (Jamahiriya arabe libyenne/
Malte), requête à fin d’intervention, arrêt, C.I.J. Recueil 1984 , p. 27, et
Plateau continental (Jamahiriya arabe libyenne/Malte), arrêt, C.I.J.

Recueil 1985, p. 26-28, par. 21-23; ainsi que Frontière terrestre et mari-
time entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c. Nigéria; Guinée équa-
toriale (intervenant)), arrêt, C.I.J. Recueil 2002 , par. 238, 245 et 307.)
313. Le Nicaragua trace sa bissectrice «jusqu’à la zone de fonds marins
où se trouve Rosalinda Bank, là où les prétentions d’Etats tiers entrent en

jeu». Dans ses conclusions finales, le Honduras prie la Cour de tracer la
frontière «jusqu’à atteindre la juridiction d’un Etat tiers». Il indique dans

101757 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

102DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME ARRÊT ) 757

102758 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

its pleadings suggests that Colombia has interests under various treaties
that would be affected by a delimitation continuing beyond the

82nd meridian and, indeed, all of the maps produced by Honduras seem
to take the 82nd meridian as the implied endpoint to the delimitation.

314. The Court observes that there are three possibilities open to it: it
could say nothing about the endpoint of the line, stating only that the

line continues until the jurisdiction of a third State is reached; it could
decide that the line does not extend beyond the 82nd meridian; or it
could indicate that the alleged third-State rights said to exist east of the
82nd meridian do not lie in the area being delimited and thus present no
obstacle to deciding that the line continues beyond that meridian.

315. In order better to understand these choices, it is necessary to ana-
lyse the potential third-State interests. Honduras contends that the
1928 Barcenas-Esguerra Treaty between Nicaragua and Colombia delim-
its a maritime boundary between Nicaragua and Colombia running
along the 82nd meridian from approximately the 11th parallel to the

15th parallel, where it would presumably intersect with the traditional
maritime boundary line along the 15th parallel (14°59.8′ N) claimed by
Honduras and thus mark the endpoint of the traditional boundary. This
interpretation of the 1928 Treaty and its very validity are being chal-
lenged by Nicaragua in a separate case pending before this Court (Ter-

ritorial and Maritime Dispute (Nicaragua v. Colombia)) and the Court
will avoid prejudicing those proceedings by its decision here. However,
even if Honduras’s interpretation of the 1928 Treaty is correct, Honduras
maintains only that, at most, the line set by this Treaty continues along
the 82nd meridian up to the 15th parallel. The delimitation line described

above will lie well north of the 15th parallel when it reaches the
82nd meridian. Thus, contrary to Honduras’s argument, the line drawn
above would not cross the 1928 Treaty line and therefore could not affect
Colombia’s rights.

316. The Court recalls that Honduras also cites the potential third-
State claim of Colombia pursuant to the 1986 Treaty between Colombia
and Honduras on maritime delimitation. This Treaty purports to estab-
lish a maritime boundary commencing at the 82nd meridian and running
due east along 14°59′08″ N past the 80th meridian after which it even-

tually veers north. Thus, it might be argued, any extension of the delimi-
tation line in this case past the 82nd meridian could be interpreted as
indicating that Honduras negotiated a treaty involving maritime areas
that did not actually appertain to it and could thereby prejudice Colom-
bia’s rights under that treaty. The Court places no reliance on the

1986 Treaty to establish an appropriate endpoint for the maritime delimi-
tation between Nicaragua and Honduras. The Court nevertheless observes
that any delimitation between Honduras and Nicaragua extending east

103 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME ARRÊT ) 758

ses pièces que la Colombie a, en vertu de différents traités, des intérêts
e
auxquels une délimitation qui se poursuivrait au-delà du 82 méridien
porterait atteinte, et, de fait, toutes les cartes présentées par le Honduras
semblent considérer le 82 méridien comme le point terminal implicite de

la délimitation.
314. La Cour relève que trois possibilités s’offrent à elle: elle pourrait
ne pas se prononcer sur le point terminal de la ligne, se contentant de

déclarer que celle-ci se poursuit jusqu’à atteindre la juridiction d’un Etat
tiers; elle pourrait décider que la ligne ne se poursuit pas au-delà du
82 méridien; ou bien, elle pourrait indiquer que les droits d’Etats tiers
qui existeraient à l’est du 82 méridien ne concernent pas la zone à déli-

miter et ne l’empêchent donc pas de décider que la ligne se poursuit au-
delà de ce méridien.
315. Pour mieux comprendre ces différentes possibilités, il y a lieu

d’examiner les éventuels intérêts d’Etats tiers. Le Honduras soutient que
le traité Barcenas-Esguerra conclu en 1928 entre le Nicaragua et la
Colombie délimite une frontière maritime entre ces deux pays le long du
e e e
82 méridien à partir, environ, du 11 parallèle et jusqu’au 15 parallèle,
où cette frontière couperait vraisemblablement la ligne de la frontière
maritime traditionnelle courant le long du 15 e parallèle (situé par

14°59,8′ de latitude nord) proposée par le Honduras en l’espèce, mar-
quant ainsi le point terminal de la frontière traditionnelle. Cette interpré-
tation du traité de 1928 et la validité même de celui-ci sont contestées par

le Nicaragua dans une autre affaire pendante devant la Cour (Différend
territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie) ), et celle-ci se gardera de
préjuger cette affaire par sa décision en la présente espèce. Toutefois,

même si l’interprétation hondurienne du traité de 1928 est correcte, le
Honduras se contente d’indiquer que, tout au plus, la ligne établie par ce
traité se poursuit le long du 82 méridien jusqu’au 15 parallèle. Or, la
ligne de délimitation décrite ci-dessus se trouve bien au nord du 15 paral-
e
lèle lorsqu’elle rencontre le 82 méridien. Par conséquent, contrairement à
ce qu’affirme le Honduras, elle ne couperait pas la frontière convention-
nelle de 1928 et, partant, ne saurait porter atteinte aux droits de la

Colombie.
316. La Cour rappelle que le Honduras mentionne également l’éven-
tuelle revendication de la Colombie en vertu du traité de délimitation

maritime entre la Colombie et le Honduras de 1986. Ce traité a pour
objet d’établir une frontière maritime qui commence au 82 méridien, suit
plein est le parallèle situé par 14°59′08″ de latitude nord et finit par
e
s’infléchir vers le nord après avoir traversé le 80 méridien. On pourrait
donc soutenir qu’une éventuelle prolongation de la ligne de délimitation
en la présente affaire au-delà du 82 méridien risquerait d’être interprétée

comme indiquant que le Honduras a négocié un traité portant sur des
espaces maritimes qui ne lui appartenaient en réalité pas, et pourrait par
conséquent porter préjudice aux droits de la Colombie en vertu dudit

traité. La Cour ne se fonde aucunement sur le traité de 1986 pour fixer un
point terminal approprié à la délimitation maritime entre le Nicaragua et

103759 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

beyond the 82nd meridian and north of the 15th parallel (as the bisector
adopted by the Court would do) would not actually prejudice Colombia’s

rights because Colombia’s rights under this Treaty do not extend north
of the 15th parallel.

317. Another possible source of third-State interests, is the joint juris-

dictional régime established by Jamaica and Colombia in an area south
of Rosalind Bank near the 80th meridian pursuant to their 1993 bilateral
Treaty on maritime delimitation. The Court will not draw a delimitation
line that would intersect with this line because of the possible prejudice to
the rights of both Parties to that Treaty.

318. The Court has thus considered certain interests of third States
which result from some bilateral treaties between countries in the region
and which may be of possible relevance to the limits to the maritime
boundary drawn between Nicaragua and Honduras. The Court adds that
its consideration of these interests is without prejudice to any other legiti-

mate third party interests which may also exist in the area.
319. The Court may accordingly, without specifying a precise end-
point, delimit the maritime boundary and state that it extends beyond the
82nd meridian without affecting third-State rights. It should also be
noted in this regard that in no case may the line be interpreted as extend-

ing more than 200 nautical miles from the baselines from which the
breadth of the territorial sea is measured; any claim of continental shelf
rights beyond 200 miles must be in accordance with Article 76 of
UNCLOS and reviewed by the Commission on the Limits of the Conti-
nental Shelf established thereunder.

**

8.2.6. Course of the maritime boundary

320. The line of delimitation is to begin at the starting-point 3 nauti-
cal miles offshore on the bisector (see paragraph 311 above). From there
it continues along the bisector until it reaches the outer limit of the
12-nautical-mile territorial sea of Bobel Cay. It then traces this territorial
sea round to the south until it reaches the median line in the overlapping

territorial seas of Bobel Cay, Port Royal Cay and South Cay (Hondu-
ras) and Edinburgh Cay (Nicaragua). The delimitation line continues
along this median line until it reaches the territorial sea of South Cay,
which for the most part does not overlap with the territorial sea of
Edinburgh Cay. The line then traces the arc of the outer limit of the

12-nautical-mile territorial sea of South Cay round to the north
until it again connects with the bisector, whereafter the line continues
along that azimuth until it reaches the area where the rights of certain

104 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME ARRÊT ) 759

le Honduras. Elle relève cependant qu’une éventuelle délimitation entre le
Honduras et le Nicaragua qui se prolongerait vers l’est au-delà du
e e
82 méridien et au nord du 15 parallèle (ce qui serait le cas de la bissec-
trice retenue par la Cour) ne porterait en réalité pas préjudice aux droits
de la Colombie, dans la mesure où les droits de cette dernière en vertu de
ce traité ne s’étendent pas au nord du 15 parallèle.

317. Le régime juridictionnel commun établi par la Jamaïque et la
Colombie en vertu d’un traité bilatéral de délimitation maritime conclu
en 1993 et portant sur une zone située au sud de Rosalind Bank à proxi-
mité du 80 méridien constitue une autre source éventuelle d’intérêts
d’Etats tiers. La Cour ne saurait tracer une délimitation qui couperait

cette ligne, parce que cela pourrait porter atteinte aux droits des deux
Parties à ce traité.
318. La Cour s’est ainsi penchée sur certains intérêts d’Etats tiers tels
qu’ils résultent de traités bilatéraux conclus entre pays de la région qui

pourraient être pertinents quant aux limites de la frontière maritime
tracée entre le Nicaragua et le Honduras. La Cour ajoute que l’examen
auquel elle a procédé de ces divers intérêts est sans préjudice de tous
autres intérêts légitimes d’Etats tiers dans la zone.

319. La Cour peut donc, sans pour autant indiquer de point terminal
précis, délimiter la frontière maritime et déclarer que celle-ci s’étend au-
delà du 82 méridien sans porter atteinte aux droits d’Etats tiers. A cet
égard, il convient également de relever que la ligne ne saurait en aucun

cas être interprétée comme se prolongeant à plus de 200 milles marins des
lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de la mer territo-
riale; toute prétention relative à des droits sur le plateau continental au-
delà de 200 milles doit être conforme à l’article 76 de la CNUDM et

examinée par la Commission des limites du plateau continental consti-
tuée en vertu de ce traité.

**

8.2.6. Le tracé de la frontière maritime

320. La ligne de délimitation doit commencer au point de départ fixé

sur la bissectrice à 3 milles marins au large (voir paragraphe 311 ci-des-
sus). A partir de ce point, elle suit la bissectrice jusqu’à ce qu’elle rejoigne
la limite extérieure de la mer territoriale de 12 milles marins de Bobel
Cay. Elle s’infléchit alors vers le sud pour suivre le pourtour de cette mer
territoriale jusqu’à ce qu’elle rencontre la ligne médiane de la zone de

chevauchement des mers territoriales de Bobel Cay, Port Royal Cay et
South Cay (Honduras) et d’Edinburgh Cay (Nicaragua). La ligne de déli-
mitation se poursuit ensuite le long de cette ligne médiane jusqu’à sa
jonction avec la mer territoriale de South Cay, laquelle, pour l’essentiel,

n’empiète pas sur la mer territoriale d’Edinburgh Cay. La ligne suit alors,
en direction du nord, le pourtour de la mer territoriale de 12 milles
marins de South Cay jusqu’à ce qu’elle rencontre de nouveau la bissec-

104760 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE JUDGMENT )

third States may be affected (see below, pp. 761-762, sketch-maps Nos. 7
and 8).

* * *

9. OPERATIVE C LAUSE

321. For these reasons,

T HE COURT ,
(1) Unanimously,

Finds that the Republic of Honduras has sovereignty over Bobel Cay,

Savanna Cay, Port Royal Cay and South Cay;
(2) By fifteen votes to two,

Decides that the starting-point of the single maritime boundary that
divides the territorial sea, continental shelf and exclusive economic zones

of the Republic of Nicaragua and the Republic of Honduras shall be
located at a point with the co-ordinates 15°00′52″ N and 83°05′58″ W;

IN FAVOUR: President Higgins; Vice-President Al-Khasawneh; Judges Ran-
jeva, Shi, Koroma, Buergenthal, Owada, Simma, Tomka, Abraham, Keith,
Sepúlveda-Amor, Bennouna, Skotnikov; Judge ad hoc Gaja;
AGAINST: Judge Parra-Aranguren, Judge ad hoc Torres Bernárdez;

(3) By fourteen votes to three,

Decides that starting from the point with the co-ordinates 15°00′52″ N
and 83°05′58″ W the line of the single maritime boundary shall follow
the azimuth 70°14′41.25″ until its intersection with the 12-nautical-mile

arc of the territorial sea of Bobel Cay at point A (with co-ordinates
15°05′25″ N and 82°52′54″ W). From point A the boundary line shall
follow the 12-nautical-mile arc of the territorial sea of Bobel Cay in a
southerly direction until its intersection with the 12-nautical-mile arc of

the territorial sea of Edinburgh Cay at point B (with co-ordinates
14°57′13″ N and 82°50′03″ W). From point B the boundary line shall
continue along the median line which is formed by the points of equidis-
tance between Bobel Cay, Port Royal Cay and South Cay (Honduras)
and Edinburgh Cay (Nicaragua), through point C (with co-ordinates

14°56′45″ N and 82°33′56″ W) and D (with co-ordinates 14°56′35″ N
and 82°33′20″ W), until it meets the point of intersection of the 12-nau-
tical-mile arcs of the territorial seas of South Cay (Honduras) and Edin-
burgh Cay (Nicaragua) at point E (with co-ordinates 14°53′15″ N and

82°29′24″ W). From point E the boundary line shall follow the 12-nau-
tical-mile arc of the territorial sea of South Cay in a northerly direction
until it meets the line of the azimuth at point F (with co-ordinates

105 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 760

trice. A partir de ce point, elle se poursuit selon l’azimut de cette dernière
jusqu’à atteindre la zone dans laquelle pourraient être en cause les droits
os
de certains Etats tiers (voir ci-après, p. 761-762, les croquis 7et8).

* * *

9. D ISPOSITIF

321. Par ces motifs,

L A C OUR ,
1) A l’unanimité,

Dit que la République du Honduras a la souveraineté sur Bobel Cay,

Savanna Cay, Port Royal Cay et South Cay;
2) Par quinze voix contre deux,

Décide que le point de départ de la frontière maritime unique qui
sépare la mer territoriale, le plateau continental et les zones économiques

exclusives de la République du Nicaragua et de la République du Hon-
duras sera le point de coordonnées 15°00′52″ de latitude nord et
83°05′58″ de longitude ouest;
me
POUR :M Higgins, président ; M. Al-Khasawneh, vice-président ; MM. Ran-
jeva, Shi, Koroma, Buergenthal, Owada, Simma, Tomka, Abraham, Keith,
Sepúlveda-Amor, Bennouna, Skotnikov, juges; M. Gaja, juge ad hoc;
CONTRE : M. Parra-Aranguren, juge; M. Torres Bernárdez, juge ad hoc;

3) Par quatorze voix contre trois,

Décide que, à partir du point de coordonnées 15°00′52″ de latitude
nord et 83°05′58″ de longitude ouest, la frontière maritime unique suivra
la ligne d’azimut 70°14′41,25″ jusqu’à son intersection, au point A (situé

par 15°05′25″ de latitude nord et 82°52′54″ de longitude ouest), avec
l’arc formé par la mer territoriale de 12 milles marins de Bobel Cay. A par-
tir du point A, elle suivra l’arc formé par la mer territoriale de 12 milles
marins de Bobel Cay en direction du sud, jusqu’à son intersection, au

point B (situé par 14°57′13″ de latitude nord et 82°50′03″ de longitude
ouest), avec l’arc formé par la mer territoriale de 12 milles marins
d’Edinburgh Cay. A partir du point B, la frontière se poursuivra le long
de la ligne médiane formée par les points d’équidistance entre Bobel Cay,
Port Royal Cay et South Cay (Honduras) et Edinburgh Cay (Nicaragua),

en passant par les points C (situé par 14°56′45″ de latitude nord et
82°33′56″ de longitude ouest) et D (situé par 14°56′35″ de latitude nord
et 82°33′20″ de longitude ouest), jusqu’à rejoindre, au point E (situé par
14°53′15″ de latitude nord et 82°29′24″ de longitude ouest), l’intersec-

tion des arcs formés par les mers territoriales de 12 milles marins de
South Cay (Honduras) et d’Edinburgh Cay (Nicaragua). A partir du
point E, la frontière suivra l’arc formé par la mer territoriale de 12 milles

105761 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

106DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME ARRÊT ) 761

106762 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

107DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME ARRÊT ) 762

107763 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

15°16′08″ N and 82°21′56″ W). From point F, it shall continue along
the line having the azimuth of 70°14′41.25″ until it reaches the area
where the rights of third States may be affected;

IN FAVOUR : President Higgins; Vice-President Al-Khasawneh; Judges Shi,
Koroma, Buergenthal, Owada, Simma, Tomka, Abraham, Keith,
Sepúlveda-Amor, Bennouna, Skotnikov; Judge ad hoc Gaja;
AGAINST: Judges Ranjeva, Parra-Aranguren, Judge ad hoc Torres Bernárdez;

(4) By sixteen votes to one,

Finds that the Parties must negotiate in good faith with a view to
agreeing on the course of the delimitation line of that portion of the ter-
ritorial sea located between the endpoint of the land boundary as estab-
lished by the 1906 Arbitral Award and the starting-point of the single

maritime boundary determined by the Court to be located at the point
with the co-ordinates 15°00′52″ N and 83°05′58″ W.

IN FAVOUR : President Higgins; Vice-President Al-Khasawneh; Judges Ran-
jeva, Shi, Koroma, Buergenthal, Owada, Simma, Tomka, Abraham, Keith,
Sepúlveda-Amor, Bennouna, Skotnikov; Judges ad hoc Torres Bernárdez,
Gaja;

AGAINST: Judge Parra-Aranguren.

Done in English and in French, the English text being authoritative, at
the Peace Palace, The Hague, this eighth day of October, two thousand
and seven, in three copies, one of which will be placed in the archives of
the Court and the others transmitted to the Government of the Republic

of Nicaragua and the Government of the Republic of Honduras, respec-
tively.

(Signed) Rosalyn H IGGINS,
President.

(Signed) Philippe C OUVREUR ,

Registrar.

Judge R ANJEVA appends a separate opinion to the Judgment of the
Court; Judge K OROMA appends a separate opinion to the Judgment of
the Court; Judge P ARRA -ARANGUREN appends a declaration to the Judg-

ment of the Court; Judge ad hoc T ORRES B ERNÁRDEZ appends a dissent-

108 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME ARRÊT ) 763

marins de South Cay en direction du nord, jusqu’à rencontrer la ligne
d’azimut au point F (situé par 15°16′08″ de latitude nord et 82°21′56″ de
longitude ouest). A partir du point F, elle se poursuivra le long de la ligne

d’azimut 70°14′41,25″ jusqu’à atteindre la zone dans laquelle elle risque
de mettre en cause les droits d’Etats tiers;
me
POUR :M Higgins, président ; M. Al-Khasawneh, vice-président ; MM. Shi,
Koroma, Buergenthal, Owada, Simma, Tomka, Abraham, Keith, Sepúl-
veda-Amor, Bennouna, Skotnikov, juges; M. Gaja, juge ad hoc;

CONTRE : MM. Ranjeva, Parra-Aranguren, juges; M. Torres Bernárdez, juge
ad hoc;

4) Par seize voix contre une,

Dit que les Parties devront négocier de bonne foi en vue de convenir du
tracé de la ligne de délimitation de la partie de la mer territoriale située
entre le point terminal de la frontière terrestre établi par la sentence arbi-

trale de 1906 et le point de départ de la frontière maritime unique fixé par
la Cour au point de coordonnées 15°00′52″ de latitude nord et 83°05′58″
de longitude ouest.

POUR :M me Higgins, président ; M. Al-Khasawneh, vice-président ; MM. Ran-
jeva, Shi, Koroma, Buergenthal, Owada, Simma, Tomka, Abraham, Keith,
Sepúlveda-Amor, Bennouna, Skotnikov, juges ; MM. Torres Bernárdez,

Gaja, juges ad hoc;
CONTRE : M. Parra-Aranguren, juge.

Fait en anglais et en français, le texte anglais faisant foi, au Palais de la
Paix, à La Haye, le huit octobre deux mille sept, en trois exemplaires,

dont l’un sera déposé aux archives de la Cour et les autres seront transmis
respectivement au Gouvernement de la République du Nicaragua et au
Gouvernement de la République du Honduras.

Le président,

(Signé) Rosalyn H IGGINS.

Le greffier,

(Signé) Philippe C OUVREUR .

M. le juge R ANJEVA joint à l’arrêt l’exposé de son opinion indivi-

duelle; M. le juge K OROMA joint à l’arrêt l’exposé de son opinion
individuelle; M. le juge P ARRA -A RANGUREN joint une déclaration à
l’arrêt; M. le juge ad hoc TORRES BERNÁRDEZ joint à l’arrêt l’exposé de

108764 TERRITORIAL AND MARITIME DISPUTE (JUDGMENT )

ing opinion to the Judgment of the Court; Judge ad hoc G AJAappends a
declaration to the Judgment of the Court.

(Initialled) R.H.

(Initialled) Ph.C.

109 DIFFÉREND TERRITORIAL ET MARITIME (ARRÊT ) 764

son opinion dissidente; M. le juge ad hoc G AJA joint une déclaration
à l’arrêt.

(Paraphé) R.H.

(Paraphé) Ph.C.

109

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Arrêt du 8 octobre 2007

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