Non corrigé
Uncorrected
CR 2012/21
Cour internationale International Court
de Justice of Justice
LAAYE THHEGUE
ANNÉE 2012
Audience publique
tenue le mardi 9 octobre 2012, à 10 heures, au Palais de la Paix,
sous la présidence de M. Tomka, président,
en l’affaire du Différend frontalier
(Burkina Faso/Niger)
________________
COMPTE RENDU
________________
YEAR 2012
Public sitting
held on Tuesday 9 October 2012, at 10 a.m., at the Peace Palace,
President Tomka presiding,
in the case concerning the Frontier Dispute
(Burkina Faso/Niger)
____________________
VERBATIM RECORD
____________________ - 2 -
Présents : M. Tomka,président
Sepúl.vvace-poé,ident
OwMaMa.
Abraham
Keith
Bennouna
Skotnikov
Crnçadoe
Yusuf
Greenwood
XuMe me
Gaja.
Sebutinede
Bhgn.dari,
MaMhiou.
jDgesdet, ad hoc
Cgoefferr,
⎯⎯⎯⎯⎯⎯ - 3 -
Present: Presient ka
Vice-Presipeúnltveda-Amor
Judges Owada
Abraham
Keith
Bennouna
Skotnikov
Cançado Trindade
Yusuf
Greenwood
Xue
Gaja
Sebutinde
Bhandari
Judges ad hoc Mahiou
Daudet
Registrar Couvreur
⎯⎯⎯⎯⎯⎯ - 4 -
Le Gouvernement du Burkina Faso est représenté par :
S. Exc. M. Jerôme Bougouma, ministre de l’administration territoriale, de la décentralisation et de
la sécurité,
comme agent ;
S. Exc. Mme Salamata Sawadogo/Tapsoba, ministre de la justice, garde des sceaux,
S. Exc. M. Frédéric Assomption Korsaga, ambassadeur du Burkina Faso auprès du Royaume des
Pays-Bas,
comme coagents ;
S. Exc. M. Alain Edouard Traoré, ministre de la communication, porte-parole du Gouvernement,
comme conseiller spécial ;
Mme Joséphine Kouara Apiou/Kaboré, directrice générale de l’administration du territoire,
M. Claude Obin Tapsoba, directeur général de l’Institut géographique du Burkina Faso,
M. Benoît Kambou, professeur à l’Université de Ouagadougou,
M. Pierre Claver Hien, historien, chercheur au centre national de la recherche scientifique et
technologique,
comme agents adjoints ;
M.MathiasForteau, professeur à l’Université ParisOuest, Nanterre-La Défense, membre de la
Commission du droit international,
M. Alain Pellet, professeur à l’Université Paris Ouest, Nanterre-La Défense, ancien président de la
Commission du droit international, membre associé de l’Institut de droit international,
M. Jean-Marc Thouvenin, professeur à l’Université Pa ris Ouest, Nanterre-La Défense, directeur du
Centre de droit international de Nanterre, avocat au barreau de Paris (cabinet Sygna Partners),
comme conseils et avocats ;
M. Halidou Nagabila, ingénieur topographe,
M. André Bassolé, expert en géomatique,
M. Dramane Ernest Diarra, administrateur civil,
e
M Benoît Sawadogo, avocat à la Cour,
M Héloïse Bajer-Pellet, avocat au barreau de Paris,
M. Romain Pieri, chercheur en droit international,
M.LudovicLegrand, chercheur au Centre de dr oit international de Nanterre (CEDIN), juriste
(cabinet Sygna Partners),
M. Simplice Honoré Guibila, directeur général des affaires juridiques et consulaires,
M. Daniel Bicaba, ministre conseiller à l’ambassade du Burkina Faso à Bruxelles,
comme conseillers. - 5 -
The Government of Burkina Faso is represented by:
H.E. Mr. Jérôme Bougouma, Minister for Territorial Administration, Decentralization and Security,
Asgent;
H.E. Ms Salamata Sawadogo/Tapsoba, Minister of Justice and Keeper of the Seals,
H.E.Mr. Frédéric Assomption Korsaga, Ambassador of Burkina Faso to the Kingdom of the
Netherlands,
Cso-Agents;
H.E. Mr. Alain Edouard Traoré, Minister of Communication, Government Spokesman,
as Special Adviser;
Ms Joséphine Kouara Apiou/Kabore, Director-General of Territorial Administration,
Mr. Claude Obin Tapsoba, Director-General of the Geographical Institute of Burkina,
Mr. Benoît Kambou, Professor at the University of Ouagadougou,
Mr. Pierre Claver Hien, Historian, Researcher at the National Science and Technology Research
Centre,
Dseputy-Agents;
Mr.Mathias Forteau, Professor at the University of Paris Ouest, Nanterre-La Défense, Member of
the International Law Commission,
Mr. Alain Pellet, Professor at the University of Paris Ouest, Nanterre-La Défense, former Chairman
of the International Law Commission, associate member of the Institut de droit international,
Mr.Jean-Marc Thouvenin, Professor at the University of Paris Ouest, Nanterre-La Défense,
Director of the Centre de droit international de Nanterre (CEDIN), member of the Paris Bar
(Cabinet Sygna partners),
as Counsel and Advocates;
Mr. Halidou Nagabila, Surveying Engineer,
Mr. André Bassolé, Geomatics Expert,
Mr. Dramane Ernest Diarra, Civil Administrator,
Maître Benoît Sawadogo, Avocat à la Cour,
Maître Héloïse Bajer-Pellet, member of the Paris Bar,
Mr. Romain Pieri, International Law Researcher,
Mr. Ludovic Legrand, Researcher at the Centre de droit international de Nanterre (CEDIN), Lawyer
(Cabinet Sygna partners),
Mr. Simplice Honoré Guibila, Director-General of Legal and Consular Affairs,
Mr. Daniel Bicaba, Minister-Counsellor, Embassy of Burkina Faso in Brussels,
Asdvisers. - 6 -
Le Gouvernement du Niger est représenté par :
S. Exc. M. Mohamed Bazoum, ministre d’Etat, ministre des affaires étrangères, de la coopération,
de l’intégration africaine et des Nigériens à l’extérieur, président du comité d’appui aux conseils
du Niger,
comme chef de la délégation et agent ;
S. Exc. M. Abdou Labo, ministre d’Etat, ministre de l’intérieur, de la sécurité publique, de la
décentralisation, et des affaires religieuses,
comme coagent ;
S. Exc. M Karidio Mahamadou, ministre de la défense nationale,
S. Exc. M. Marou Amadou, ministre de la justice, garde des sceaux, porte-parole du gouvernement,
S. Exc. M. Issaka Djibo, ambassadeur de la République du Niger auprès du Royaume des
Pays-Bas,
comme coagents adjoints ;
M.Sadé Elhadji Mahaman, conservateur des archives et bibliothèques, coordonnateur du
secrétariat permanent du comité d’appui aux conseils du Niger,
comme agent adjoint ;
M.JeanSalmon, professeur émérite de l’Université libre de Bruxelles, membre de l’Institut de
droit international, membre de la Cour permanente d’arbitrage,
comme conseil principal ;
M. Maurice Kamto, professeur agrégé de droit public , avocat au barreau de Paris, ancien doyen de
la faculté des sciences juridiques et politiques de l’Université de Yaoundé II, ancien président et
membre de la Commission du droit internationa l, membre associé de l’Institut de droit
international,
M.PierreKlein, professeur de droit et directeur adjoint du Centre de droit international de
l’Université libre de Bruxelles,
M.AmadouTankoano, professeur de droit internatio nal, enseignant-chercheur et ancien doyen de
la faculté de sciences économiques et juridiqu es de l’Université AbdouMoumouni de Niamey
du Niger,
comme conseils ;
Mme MartynaFalkowska, chercheuse au Centre de droit international à l’Université libre de
Bruxelles,
comme assistante des conseils ; - 7 -
The Government of Niger is represented by:
H.E.Mr. Mohamed Bazoum, Minister of State for Foreign Affairs, Co-operation, African
Integration and Nigeriens Abroad, Chairman of the Support Committee to Counsel for Niger,
as Head of the Delegation and Agent;
H.E.Mr.Abdou Labo, Minister of State for the Interior, Public Security, Decentralization and
Religious Affairs,
as Co-Agent;
H.E. Mr. Karidio Mahamadou, Minister of National Defence,
H.E. Mr. Marou Amadou, Minister of Justice, Keeper of the Seals, Government Spokesman,
H.E. Mr. Issaka Djibo, Ambassador of Niger to the Kingdom of the Netherlands,
as Deputy Co-Agents;
Mr.Sadé Elhadji Mahaman, Curator of Archives and Libraries, Co-ordinator of the Permanent
Secretariat of the Support Committee to Counsel for Niger,
as Deputy Agent;
Professor Jean Salmon, Professor emeritus of the Université Libre de Bruxelles, Member of the
Institut du droit international, member of the Permanent Court of Arbitration,
as Lead Counsel;
Professor Maurice Kamto, Professor agrégé of public law, member of the Pa ris Bar, former Dean
of the Faculty of Law and Political Science at the University of YaoundéII, former Chairman
and Member of the International Law Commissi on, associate member of the Institut de droit
international,
Professor Pierre Klein, Professor of Law at the Université Libre de Bruxelles, Deputy-Director of
the Centre of International Law,
Professor Amadou Tankoano, Professor of International Law, former Dean of the Faculty of
Economic and Legal Science, Lecturer and Re searcher at Abdou Moumouni University in
Niamey, Niger,
as Counsel;
MsMartyna Falkowska, Researcher at the Centre of International Law, Université Libre de
Bruxelles,
as Assistant; - 8 -
Le général Maïga Mamadou Youssoufa, gouverneur de la région de Tillabéri,
M.AmadouTcheko, directeur général des affaires juridiques et consulaires au ministère des
affaires étrangères, de la coopéra tion, de l’intégration africaine et des Nigériens à l’extérieur,
coordinateur adjoint du comité d’appui aux conseils du Niger,
Le colonelMahamaneKoraou, secrétaire permanent de la commission nationale de frontières,
membre du comité d’appui aux conseils du Niger (en retraite),
M. Mahamane Laminou Amadou Maouli, magistrat, rapporteur du comité d’appui aux conseils du
Niger,
M.HassimiAdamou, ingénieur géomètre principa l, directeur général de l’Institut géographique
national du Niger, membre du comité d’appui aux conseils du Niger,
M.HamadouMounkaila, ingénieur géomètre princi pal à la commission nationale des frontières,
membre du comité d’appui aux conseils du Niger,
M. Mahamane Laminou, ingénieur géomètre principal, expert à l’institut géographique national du
Niger, membre du comité d’appui aux conseils du Niger,
M. Soumaye Poutia, magistrat, membre du comité d’appui aux conseils du Niger,
M. Idrissa Yansambou, directeur des archives nationales du Niger, membre du comité d’appui aux
conseils du Niger,
M. Belko Garba, ingénieur géomètre, membre du comité d’appui aux conseils du Niger,
Le général Yayé Garba, ministère de la défense nationale, membre du comité d’appui aux conseils
du Niger,
M. Seydou Adamou, conseiller technique du ministre d’Etat, ministre des affaires étrangères, de la
coopération, de l’intégration africaine et des Nigériens à l’extérieur,
M. Abdou Abarry, directeur général des relations bilatérales au ministère des affaires étrangères, de
la coopération de l’intégration africaine et des Nigériens à l’extérieur,
Le colonel Harouna Djibo Hamani, directeur de la coopération militaire, des opérations et du
maintien de la paix au ministère des affaires étrangères, de la coopération, de l’intégration
africaine et des Nigériens à l’extérieur,
comme experts ;
M. Ado Elhadji Abou, ministre conseiller à l’ambassade du Niger à Bruxelles,
M. Chitou Boubacar, chargé du protocole à l’ambassade du Niger à Bruxelles,
M. Salissou Mahamane, agent comptable du comité d’appui aux conseils du Niger,
M.AbdoussalamNouri, secrétaire principal au secrétariat permanent du comité d’appui aux
conseils du Niger,
Mme Haoua Ibrahim, secrétaire au secrétariat permanent du comité d’appui aux conseils du Niger,
comme personnel d’appui. - 9 -
General Maïga Mamadou Youssoufa, Governor of the Region of Tillabéri,
Mr.Amadou Tcheko, Director-General of Legal and Consular Affairs at the Ministry of Foreign
Affairs, Co-operation, African Integration and Nigeriens Abroad, Deputy Co-ordinator of the
Support Committee to Counsel for Niger,
Col. (retired) Mahamane Koraou, Permanent Secretary to the National Boundaries Commission,
member of the Support Committee to Counsel for Niger,
Mr.Mahamane Laminou Amadou Maouli, Magistra t, Rapporteur of the Support Committee to
Counsel for Niger,
Mr.Hassimi Adamou, Chief Surveyor, Director-Gen eral of the National Geographical Institute of
Niger (NGIN), member of the Support Committee to Counsel for Niger,
Mr. Hamadou Mounkaila, Chief Surveyor at the National Boundaries Commission, member of the
Support Committee to Counsel for Niger,
Mr.Mahamane Laminou, Chief Surveyor, Expert at the National Geographical Institute of Niger
(NGIN), member of the Support Committee to Counsel for Niger,
Mr. Soumaye Poutia, Magistrat, member of the Support Committee to Counsel for Niger,
Mr.Idrissa Yansambou, Director of the National Archives of Niger, member of the Support
Committee to Counsel for Niger,
Mr. Belko Garba, Surveyor, member of the Support Committee to Counsel for Niger,
General Yayé Garba, Ministry of National Defe nce, member of the Support Committee to Counsel
for Niger,
Mr. Seydou Adamou, Technical Adviser to the Minister of State for Foreign Affairs, Co-operation,
African Integration and Nigeriens Abroad,
Mr.Abdou Abarry, Director-General of Bilatera l Relations, Ministry of Foreign Affairs,
Co-operation, African Integration and Nigeriens Abroad,
Col. Harouna Djibo Hamani, Director of Milita ry Co-operation and Peace-Keeping Operations,
Ministry of Foreign Affairs, Co-operation, African Integration and Nigeriens Abroad,
as Experts;
Mr. Ado Elhadji Abou, Minister-Counsellor, Embassy of Niger in Brussels,
Mr. Chitou Boubacar, Protocol Officer, Embassy of Niger in Brussels,
Mr. Salissou Mahamane, Accountant of the Support Committee to Counsel for Niger,
Mr.Abdoussalam Nouri, Principal Secretary, Perm anent Secretariat of the Support Committee to
Counsel for Niger,
MsHaoua Ibrahim, Secretary, Permanent Secretariat of the Support Committee to Counsel for
Niger,
as Support Staff. - 10 -
Le PRESIDENT: Veuillez vous asseoir. L’a udience est ouverte. Mmela JugeDonoghue
m’a informé qu’elle ne peut pas siéger aujoud’hui avec nous pour des raisons dont il m’a fait
dûment part. Nous allons entendre la suite du premier tour de plaidoiries du BurkinaFaso et je
donne la parole au conseil et avocat du Burknaso, Monsieur le
professeur Jean-Marc Thouvenin. Vous avez la parole, Monsieur.
M. THOUVENIN : Merci, Monsieur le président.
S ECTEUR DE SAY ⎯ DE LA S IRBA À BOSSEBANGOU À LA BOUCLE DE B OTOU
1. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les juges, hier la Partie burkinabè a
présenté le tracé de la frontière de la borne de Tong-Tong jusqu’à la rivière Sirba à Bossébangou.
Il me revient ce matin de continuer cette présentation du tracé frontalier de la rivière Sirba à
Bossébangou jusqu’à ce qu’il est commode d’appele r «le début de la boucle de Botou». Je
m’attacherai d’abord à souligner l’absence de fondement du tracé revendiqué par le Niger, avant de
présenter la frontière telle qu’elle résulte des textes applicables.
I. Le tracé revendiqué par le Niger
2. La thèse du Niger, cela a déjà abondamment été souligné, le conduit à écarter
systématiquement et le texte de l’ erratum et le tracé de la carte de 1960, pour leur préférer le tracé
de cartes et croquis divers que les Etats n’ont pas retenus «d’accord parties» pour la détermination
de leur frontière commune. Fondamentalement, il en ressort que, pour le Niger, la frontière
correspondrait dans le secteur de Say, à de prétendues limites «traditionnelles» de cercles, et non au
tracé décrit par l’erratum de 1927.
3. Ceci est en contradiction manifeste avec l’accord de 1987 et le compromis de saisine de la
Cour. Je n’y insisterai pas; pas davantage, Monsieur le président, que je n’insisterai sur
l’inconsistance juridique de la thèse d es prétendues «limites traditionnelles» que les
professeursPellet et Forteau ont déjà soulignée, ni sur l’impossible localisation de ces prétendues
limites, puisque le contre-mémoire du Niger n’ajoute rien à cet égard à ses premières écritures, que
le Burkina a déjà réfutées. Sur ce point, jsuggère à la Cour de bien vouloir se reporter aux - 11 -
1
développements du contre-mémoire du Burkina . Je vais donc m’en tenir ici à répondre aux deux
arguments développés par le Niger concernant le tronçon de frontière qui c ourt en ligne droite du
point d’intersection entre la rivière Sirba et le parallè le de Say, et le début de la boucle de Botou.
Je rappelle que l’ erratum décrit cette portion de la frontière de la manière suivante: «de
l’intersection de la rivière Sirba avec le parallè le de Say, la frontière, suivant une direction
est-sud-est, se prolonge en ligne droite jusqu’à un point situé à 1200mètres ouest du village de
Tchenguiliba».
4. Selon le premier argument du Niger, ce tracé consacré par l’erratum ne trouverait «aucune
base dans la situation préexistante à l’adoption de l’ erratum» et ne se serait «nullement trouvé
consacré dans la pratique ultérieure» 2. Il existerait au contraire de nombreuses représentations de
la limite dans cette zone datant d’avant comme d’après1927 qui montreraient une ligne non pas
droite, mais brisée en deux segments 3. Cet argument ne nous retiendra pas longtemps.
5. Il est d’abord irrecevable car il repose sur des documents, en particulier des croquis, qui
n’ont pas été acceptés d’accord parties au sens de l’ accord de1987. Au demeurant, même si ces
documents étaient invocables aux fins de la détermination du tracé de la frontière, ils ne pourraient
être utilisés que pour parer les éventuelles insuffisances de l’ erratum. Or l’ erratum n’a rien
d’insuffisant dans sa description de ce tronçon, c onstitué d’une ligne droite. Même le Niger le
4
reconnaît .
6. Il est ensuite erroné en droit puisqu’à supposer même qu’une «limite» informelle existât
dans cette zone avant ou après 1927, elle serait le reflet d’effectivités qui ne sauraient prévaloir sur
5
le titre réglementaire que constitue l’erratum. La jurisprudence la mieux établie le confirme .
7. Au surplus, s’agissant desd ites effectivités, à les supposer établies, celles qui datent de la
période 1932-1947 seraient également sans effet juridique car, comme l’a rappelé le
professeurAlainPellet hier, après avoir été supprimée en1932, la Haute-Volta a été rétablie
en 1947 dans ses limites de 1932. Par conséquent, tout ce qui aurait pu affecter le tracé de la limite
1 CMBF, p. 115-123, par. 4.30-4.44.
2
CMN, p. 92, par. 2.2.21.
3
MN, p. 116, par. 7.35.
4 CMN, p. 92, par. 2.2.21.
5 MBF, p. 59-61, par. 2.14-2.19. - 12 -
durant la période1932-1947 doit être écarté. Or, c’ est bien de cette période que datent les cartes
6
postérieures à 1927 dont le Niger fait état pour justifier le tracé qu’il revendique , qu’il s’agisse de
la carte routière de1934 7 ou de la carte d’ensemble politique et administrative de1939 8. Quant
aux croquis sur lesquels notre contradicteur croit pouvoir s’appuyer, ils se caractérisent par le fait
9
qu’ils ne sont pas datés, ou qu’ils ont été établis pendant la période 1932-1947 . Dans tous les cas,
ils sont donc dénués de portée juridique et ne sau raient primer sur le tracé tel que consacré par
l’erratum.
8. Le Niger présente son secondargument comme étant «encore plus déterminant» que le
premier ⎯dont on vient de voir qu’il n’est en rien déterminant, ni même pertinent. Selon lui,
«depuis plus de cinquanteans, les deux Etats se [seraient] accordés pour considérer que leur
frontière commune dans ce secteur passe par un point situé sur la route qui relie Niamey à
Ouagadougou, respectivement à 14 kilomètres de Mossipaga (Niger) et 17 kilomètres de Kantchari
10
(Burkina Faso)» . En conséquence, le tracé de la frontiè re entre le point d’intersection de la
rivièreSirba et du parallèle de Say, et le début de la boucle de Botou, ne suivrait pas une ligne
droite, mais une ligne brisée passant par ledit point.
9. Pour étayer cette affirmation, le c ontre-mémoire du Niger renvoie, en guise de
justification, au paragraphe 7.38 de son mémoire. Le Niger y écrit d’une part que le point frontière
en question serait incontesté entre les deux Etats, d’autre part qu’il apparaîtrait «avoir été toujours
11
accepté clairement par le Burkina Faso» . Les mêmes affirmations se retrouvent amplifiées dans
le contre-mémoire. Le Niger y affirme que l’existence de ce point frontière n’aurait «jamais été
12
contesté[e] par les Parties» , et, mieux, qu’il existerait un «accord ultérieur aux indépendances des
deux Etats sur ce point», et que, ce faisant, ces dern iers se seraient «délibérément orientés vers un
6 MN, p. 117, par. 7.37.
7
MN, annexe D 16.
8
MN, annexe D 18.
9
MN, p. 117, par. 7.37.
10CMN, p. 92, par. 2.2.21.
11MN, p. 118, par. 7.38.
12
CMN, p. 92, par. 2.2.21. - 13 -
autre tracé de limite» que celui indiqué par l’ erratum . Le Niger conclut que cet «accord
ultérieur» primerait «sur la définition de la limite qu’opérait l’erratum de 1927».
10. A lire ceci, on s’attendrait à ce que le Niger produise un instrument révélant l’accord des
deux Etats pour déroger non seulement à l’ erratum, mais également à l’accord de1987 et au
compromis de saisine de la Cour. Mais le Niger ne produit rien d’autre que ses propres
affirmations qui, bien que réitérées, ne sont aucunement étayées.
11. Ce n’est pas étonnant, puisque le Burkina ne s’est jamais accordé avec son voisin sur ce
point, et n’a jamais manifesté une quelconque acceptation de la modification du tracé de l’ erratum.
D’ailleurs, la lecture du compte rendu des discussions que les Parties ont conduites depuis1964
suffit à convaincre de l’inexistence de l’accord dont fait état le Niger: ni le protocole d’accord
de 1964 ni l’accord de 1987 ne mentionnent un «accor d» des Parties à propos de ce prétendu point
frontière qui dérogerait à l’erratum ; quant aux discussions conduites après 1987 par la commission
d’abornement, dont j’ai rendu compte hier, elles attestent de l’inexistence du prétendu accord
allégué par le Niger puisque le tracé consensuel de1988 retient comme frontière une ligne droite
entre l’intersection de la Sirba et du parallèle de Say, et le début de la boucle de Botou.
12. Voilà, Monsieur le président, qui, ajouté aux arguments déjà développés par le Burkina
14
dans ses écritures , achève de démontrer que le tracé revendi qué par le Niger dans le secteur de
Say est dénué de fondement. Par contraste, la position du Burkina dans ce secteur, comme dans les
autres d’ailleurs, consiste à appliquer le droit dont les Parties ont convenu qu’il est applicable, et
qu’elles ont demandé à la Cour d’appliquer. J’ en viens donc à la présentation du tracé de la
frontière revendiqué par le Burkina.
II. Le tracé résultant de la méthodologie arrêtée par les deux Etats
13. A cet égard, le Niger écrit à juste titre que la thèse burkinabè suit «de près la
méthodologie arrêtée par les deux Etats en ce qui concerne la détermination du tracé frontalier»,
«les Parties [ayant] décidé d’accorder une nette prééminence aux textes de 1927 et [n’ayant] prévu
le recours à d’autres éléments ⎯et singulièrement la carteIGN de 1960 ⎯ qu’en cas
13
CMN, p. 93, par. 2.2.21.
14CMBF, p. 115-135, par. 4.30-4.75 - 14 -
d’«insuffisance» de ces textes» 1. Le Niger souligne en outre, avec raison là encore, que le
16
Burkina s’en tient à cette méthodologie «de façon cohérente» . Je vais maintenant l’exposer.
L1’4. erratum décrit la frontière de la manière suivante : après avoir atteint la rivière Sirba à
Bossébangou, elle
«remonte presque aussitôt vers le nord-ouest laissant au Niger, sur la rive gauche de
cette rivière, un saillant comprenant l es villages de Alfassi, Kouro, Tokalan,
Tankouro ; puis, revenant au sud, elle coupe de nouveau la Sirba à hauteur du parallèle
de Say. De ce point, la frontière suivant une direction est-sud-est, se prolonge en ligne
droite jusqu’au point situé à 1200 mètres ouest du village de Tchenguiliba.»
15. Cette description, que l’on connaît maintenant assez bien, comprend trois types
d’informations. Y sont mentionnés : des points frontières (A), les directions suivies par le tracé sur
plusieurs de ses portions (B), et la forme générale de la ligne (C). Je vais maintenant revenir
successivement sur ces trois groupes d’informations, en commençant par évoquer les points
frontières.
A. La description des points frontière
L’16. erratum précise la position de trois d’entre eux :
⎯ la rivière Sirba à Bossébangou, ⎯ nous l’avons appelée, pour faciliter l’exposé, le point «P» ;
⎯ le point où la rivièreSirba re ncontre le parallèle de Say ⎯ce que nous avons appelé le point
«P3» ; et
⎯ le point situé à 1200 mètres ouest du village de Tchenguiliba ⎯ c’est le début de la boucle de
Botou.
17. Les Parties se sont accordées sur les coordonnées géographiques de ce dernier point. Les
deux premiers, le point P, et le point P3, peuvent également être aisément localisés.
a. Le point «P»
18. Le pointP, défini comme étant «la rivièreSirba à Bossébangou», s’identifie facilement
puisque même si le village de Bossébangou n’est pas à proprement parler «sur» la Sirba, en ce sens
qu’il est implanté sur sa rive droite, ce village n’est toutefois qu’à moins de 500 mètres du cours de
15
CMN, p. 2-3, par. 0.3.
16CMN, p 3, par. 0.5. - 15 -
la rivière, que les habitants exploitent consta mment pour y mener diverses activités. Le médecin
capitaine Fabry indique dans son rapport du 9 av ril 1936 : «A Bossébangou … on va prendre l’eau
17
à la Sirba, qui se trouve à moins de 500mè tres du village, on va y laver, y pécher…» . La
«rivière Sirba à Bossébangou» est donc à l’évidence cet endroit sur la rive droite de la Sirba qui se
trouve au plus proche de Bossébangou et que les villageois considèrent comme faisant
naturellement partie du village.
19. [Projection n o 1]. Pour la détermination précise de ce point, il suffit de tracer une ligne
droite entre la bornedeTao et le centre du village de Bossébangou, et de positionner le pointP à
l’intersection de cette ligne et de la rive droite de la rivière Sirba. Les coordonnées géographiques
de ce point sont 13° 21' 06,5" de latitude nord, et 1° 17' 11" de longitude est. La Cour trouvera des
18
explications plus détaillées sur ce point dans le mémoire du Burkina . Je note que le Niger ne les
a pas contestées 19. [Fin de la projection n 1.]
b. Le point «P3»
20. On peut tout aussi aisément déterminer le pointP3, qui se trouve là où la frontière,
revenant au sud après être remontée vers le nord-ouest pour former un saillant, coupe la rivière
Sirba à hauteur du parallèledeSay . Selon cette description, ce point se situe à l’intersection de
trois lignes :
⎯ la ligne droite allant du nord au sud, à partir de l’endroit où la frontière «revient au sud», selon
les termes de l’erratum ;
⎯ la ligne constituée par le cours de la rivière Sirba ; et
⎯ le parallèle de Say.
21. En principe, l’avantage de ce genre de description est qu’il suffit de connaître le tracé
d’au moins deux de ces lignes pour connaître la position du point qui se situe à l’intersection des
trois. Or on connaît le tracé de la rivièreSirba, et il est aisé de tracer le parallèledeSay dès lors
que l’on sait localiser Say 20. Le point P3 se trouve donc à l’intersection de ces deux lignes.
17
MN, annexe C 62.
18
MBF, p. 104-108, par. 4.18-4.23.
19CMN, p. 81, par. 2.2.11.
20CMBF, p. 14», note 404. - 16 -
22. Le résultat auquel on parvient ainsi manque toutefois de précision car le parallèle de Say
coupe la rivière Sirba d’est en ouest en plusieurs points : il la coupe d’abord sur sa rive droite, puis
au niveau de sa ligne médiane, et enfin sur sa rive gauche.
23. Toutefois, le texte de l’erratum permet de considérer avec certitude que le point frontière
est situé sur la rive droite de la rivière Sirba. Comme on l’a dit, ce point est en effet à l’intersection
non pas de deux, mais de trois lignes, la troisième étant la ligne dont l’ erratum nous dit qu’elle
«revient» au sud pour rejoindre ce point P3. Mais l’ erratum précise qu’avant d’atteindre ce point,
ce segment nord-sud « coupe de nouveau la Sirba». Or, si cette ligne, qui est la ligne frontière,
«coupe» la Sirba, elle ne saurait s’arrêter à la rive qu’elle atteint en premie r, la rive gauche, ni
s’arrêter au niveau de sa ligne médiane. Pour «couper» la Sirba, la frontière, arrivant du nord, doit
nécessairement la traverser et atteindre sa rive droite.
24. Il résulte donc de l’ensemble des indications données par l’ erratum que le pointP3 se
trouve nécessairement à l’intersection de la rive droite de la Sirba et du parallèle de Say,
c’est-à-dire au point de latitude 13°06'10,7" nord, et de longitude 0°59'40" est. Le texte de
l’erratum donne ainsi, on le voit, les éléments suffisants pour localiser le point P3.
25. Le Niger conteste cependant cette conclu sion en prétendant que «l’expression à hauteur
21
du parallèle de Say a été utilisée [par l’auteur de l’erratum] à titre indicatif» . La preuve en serait,
d’une part, que les documents préparatoires de s textes officiels de 1927 suggéreraient une
22
interprétation flexible du terme «à hauteur du parallèle de Say» , d’autre part, l’argument est que
si tel n’était pas le cas, certain s des quatre villages énumérés dans l’ erratum comme devant être
laissés au Niger se trouveraient côté voltaïque.
26. Le Niger développe son premier argument en écrivant que :
«le procès-verbal du 10février1927, qui a servi de document préparatoire à l’arrêté
général d’août1927 et à l’ erratum qui l’a corrigé, s’avérait nettement moins précis à
ce sujet. Il énonçait en effet que la limite du cercle de Say dans cette zone consistait
«[a]u sud-ouest … [en] une ligne partant a pproximativement de la Sirba à hauteur du
parallèle de Say pour aboutir à la Mékrou. Ceci ne fait manifestement que confirmer
que le t23te de l’ erratum ne doit pas faire l’objet d’une lecture trop littérale sur ce
point.»
21CMN, p. 86, par. 2.2.15.
22
CMN, p. 87, par. 2.2.15.
23MN, p. 115, par. 7.32. - 17 -
27. Notre contradicteur admet ici explicitement qu’en fixant le point que nous
appelons «P3», l’erratum est d’une redoutable précision. C’est le seul point d’accord entre les
Parties car, pour le reste, tout conduit à rejeter la thèse du Niger.
28. D’abord, au risque de lasser la Cour, il fa ut répéter une fois encore que ce procès-verbal
ne figure pas parmi les documents acceptés «d’accord parties» aux fins de détermination du tracé
de leur frontière conformément à l’accord de1987. En tout état de cause, le serait-il que ce
procès-verbal, non réglementaire, et de nature uniquement préparatoire, ne saurait primer sur
l’erratum qui est, lui, un texte réglementaire, et le texte définitivement adopté.
29. Ensuite, ce que le Niger oublie de me ntionner est que l’arrêté d’août1927 ⎯ je parle
bien de l’arrêté, pas de l’ erratum ⎯ reprenait l’idée selon laquelle la frontière partait
«approximativement de la Sirba à hauteur du parallè le de Say pour aboutir à la Mékrou». Ce texte
s’appuyait d’ailleurs visiblement, en reprenant ces termes, sur les travaux de février1927. Mais
c’est justement parce qu’il en reprenait les termes et, ce faisant, décrivait la limite des colonies
d’une manière insatisfaisante, nota mment en s’appuyant sur la desc ription imprécise de limites de
cercles, que l’ erratum a été rédigé en vue de le corriger. Il est évident que si le rédacteur de
l’erratum avait entendu que la référence au parallèle de Say demeure «approximative», comme elle
l’était dans le texte de l’arrêté, il lui était parfaitement loisible d’en repre ndre la rédaction initiale.
Pleinement informé de l’existence de cette approche, le fait qu’il ne l’ait pas retenue indique non
pas qu’il a voulu la consacrer comme le suggère le Niger, mais qu’il l’a sciemment répudiée pour
décrire un point frontière précis et non approximatif.
30. Enfin, à bien y regarder, ce que le Nige r cherche à faire prévaloir sur les termes de
l’erratum, ce ne sont pas tant les travaux de février 1927 que l’arrêté d’août de la même année, qui,
comme je viens de le rappeler, consacrait expressément le caractère «approximatif» de la référence
au parallèle de Say. Mais, ce faisant, le Nige r non seulement commet une erreur de droit puisque
l’erratum a été adopté précisément pour corriger l’a rrêté, mais s’enfonce également dans une
incohérence de plus, lui qui se plaît à souligner par ailleurs, mais à juste titre cette fois, que
l’erratum «a purement et simplement remplacé le texte de l’arrêté dans sa partie opérative» 24.
24
CMN, p. 5, par. 0.9. - 18 -
31. Par contraste avec ce premier argu ment, qui tend à écarter le texte de l’ erratum, le
deuxième argument du Niger en prend le parfait c ontre-pied. Il consiste à soutenir que
l’interprétation littérale de l’ erratum, qu’il privilégie soudain, ne permet pas d’aboutir à une ligne
laissant au Niger tous les villages cités par ce texte comme devant se trouver dans le saillant,
évoquant Tokalan, Tankouro, puis Boborgou Saba.
32. Cet argument est tout aussi fragile que le précédent, comme le Burkina l’a déjà souligné
dans ses mémoire et contre-mémoire puisque les villages de Tokalan et Tankouro sont tout
25
simplement insusceptibles d’être localisés , et ce d’autant moins que, comme l’indique le Niger
lui-même, lesdits villages avaient sans doute disparu en1927 2. Le Niger semblait du reste
reconnaître ses erreurs concernant la localisation du village de Tokalan dans son mémoire, et se
bornait à formuler une hypothèse, non étayée, selon laquelle ce village «serait très proche…du
village de Tangangari, à l’est de Takatami» 27. A lire le contre-mémoire, cette hypothèse serait
maintenant confirmée, le Niger affirmant que
«des recherches complémentaires et la comparaison des cartes et croquis
contemporains des textes officiels de1927 avec les cartes plus récentes ⎯ et
singulièrement la carte IGN de 1960 ⎯ permettent de situer le site de l’ancien village
de Tokalan sur le flanc est de la mare formée par les bras des rivières Faga et
Yamanou» . 28
Il suggère également qu’il a découvert le village de Tankouro.
33. En fait de recherches complémentaires, Monsieur le président, le Niger se borne à
produire des extraits de cartes et des croquis surc hargés d’indications qu’il a lui-même ajoutées et
29
qui sont, pour tout dire, parfaitement incompréhensibles et que j’aurais donc grand peine à
commenter, si ce n’est pour en souligner les incohérences les plus évidentes.
o
34. [Projection n 2.] Première incohérence: les premie rs croquis1) et 2) de la page90 du
contre-mémoire nigérien montre nt Takalan alternativement au sud-ouest, puis au nord-ouest, de
o
Kouro. [Fin de la projection n 2.]
25MBF, p. 144-145, par. 4.118-4.119 ; CMBF, p. 125, par. 4.48.
26
MN, p. 113, par. 7.28.
27
MN, p. 115, par. 7.31.
28CMN, p. 88, par. 2.2.17.
29CMN, p. 89-90. - 19 -
35. [Projection n 3.] Seconde incohérence : Tankouro est ajouté en rouge sur le croquis 1),
mais on ne sait sur quel fondement; il apparaît d’ailleurs bien plus à l’ouest sur la carte
BlondelLaRougerie reproduite à la page89 du c ontre-mémoire, que l’on voit ici à droite de
l’écran.
36. Ce que l’on parvient aussi à discerner des nouveautés révélées par le Niger dans son
contre-mémoire est la technique qu’il utilise aux fins de réaliser ses prétendues «nouvelles
recherches». Cette carte, reproduite à la page 89 du contre-mémoire comme représentant: «Les
30
quatre villages du saillant attribués à la colonie du Niger par l’ erratum du 5octobre1927» , que
vous voyez à droite de l’image projetée, en est une belle illustration. Le fond de carte est celui de
la carte Blondel la Rougerie de 1926, mais à bien y regarder, il est altéré par plusieurs rajouts qui
ne figurent pas sur l’original. Un certain nombr e de villages sont soulignés (Takalan, Kouro,
Alfassi), ce qui n’est pas le cas dans l’original. En outre, figure un village qui ne se trouve pas
indiqué sur cette carte originale, à savoir Tankouro. Pourtant, à aucun moment le Niger ne précise,
ni ne laisse entendre, que la carte qu’il a repr oduite a été «augmentée» par ses soins de façon à
o
satisfaire ses thèses. [Fin de la projection n 3.]
37. En guise de troisième argument visant à cont ester la localisation du point P3, le Niger en
vient finalement à invoquer, dans la confusion la plus totale, un village que l’erratum ne mentionne
pas comme étant laissé au Niger par le saillant, ma is qui aurait, selon notre contradicteur, toujours
été considéré comme nigérien, tant avant qu’après l’adoption de l’ erratum. Il s’agit de
Boborgou Saba, qu’il assimile à Dogona 31.
38. Première source de confusion: l’argumen t du Niger change ici de fondement. Il ne
consiste plus à s’appuyer sur l’ erratum, et à soutenir que son texte même interdirait de considérer
que le point «P3» est à l’intersection de la rivière Sirba et du parallèle de Say, mais au contraire à
rejeter le texte de l’ erratum parce qu’il entrerait en contradic tion avec une effectivité nigérienne
tant antérieure que postérieure à 1927. Là encore, le Niger cherche, à tort, à faire prévaloir sur le
titre des effectivités qui, on le sait, ne sauraient le supplanter.
30
MN, annexe D 9.
31CMN, p. 90-91, par. 2.2.18. - 20 -
39. Deuxième source de confusion: le Nige r affirme dans son c ontre-mémoire qu’il a
évoqué dans son mémoire «des docum ents de la période coloniale fixant ⎯ je lis bien «fixant»,
Monsieur le président ⎯ la limite entre les colonies du Niger et de la Haute-Volta sur la route
32
coloniale à un point situé à quatre kilomètres au sud-ouest» de Boborgou-Saba . Mais absolument
rien dans le mémoire n’indique ceci, si ce n’est une référence à l’annexe C 35, qui n’a rien à voir
avec une «fixation» de limite puisqu’il s’agit de la tournée de recensement de l’adjudantLabitte
effectuée du 9 au 23 mars 1930.
40. Troisième source de confusion: le contre -mémoire nigérien récuse cette annexeC35
comme n’ayant aucune pertinence puisque, selon la note de bas de page283, elle aurait été
reproduite par erreur à la place du «bon» document, qui serait un croquis reproduit en figure 16 à la
page 91 du contre-mémoire.
[Projection n o4.]
41. On ne peut cependant que demeurer dubitatif sur ce document, que le Niger intitule
«Croquis indiquant la limite à 4 km de Boborgou-Saba».
42. Tel qu’il a été produit dans le contre-mémoire, le croquis est incomplet, et c’est la
version incomplète que vous voyez à l’écran. Le croquis apparaît toutefois sous sa forme complète
à l’annexe C 36 du mémoire du Niger.
[Fin de la projection.]
L’intitulé de cette annexe C36 indique que le croquis a été dressé par l’adjudantLabitte,
«sans mention de date». Le Niger reconnaissa it donc, en produisant cette pièce comme annexe à
son mémoire, qu’il lui était impossible de dater ce croquis. Mais dans le contre-mémoire, le voici
qui affirme que ce croquis aurait été réalisé en1930, lors de la tournée qui avait conduit
l’adjudant Labitte à rédiger le rapport qui se trouve à l’annexe C 35.
43. C’est extrêmement douteux. D’abord, le croquis en cause n’a pas d’intitulé, pas d’auteur
«officiel», et pas de date. La mention «Adj Labitte» est certes reportée en bas du croquis, mais elle
l’est au crayon de bois , certains disent crayon à papier, alors que l’essentiel des mentions qui
figurent sur le croquis sont faites à l’encre. Il s’agit donc d’un ajout dont l’origine est incertaine.
32
CMN, p. 91, par. 2.2.18. - 21 -
44. Ensuite, force est de constater que le croquis de l’annexeC36 ne peut pas être lié au
rapport de recensement de1930. Ce croquis n’a visiblement rien à voir avec un recensement,
puisque son objet est uniquement d’indiquer des distances kilométriques entreNiamey et
divers villages.
45. D’ailleurs, lorsque l’on se reporte audit rapport de tournée, on peut lire que
33
Boborgou-Saba comptabilisait «24imposables avec 72bovidés, résident en Haute-Volta» .
Manifestement, c’est donc en Haute-Volta que l’adjudant Labitte avait localisé Boborgou-Saba, pas
au Niger, contrairement à ce qui semble ressortir du croquis.
46. Finalement, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les juges, le Niger cherche à
opposer aux termes qu’il reconnaît clairs de l’ erratum des spéculations confuses, et non étayées.
Mais c’est évidemment le texte de l’erratum qui doit l’emporter.
o
[Projection n 5.]
Sur la base de ce texte, les pointsP etP3 peuvent être déterminés comme je viens de
l’indiquer, tandis que le point correspondant au dé but de la boucle de Botou ne soulève aucune
difficulté.
B. Les descriptions des directions suivies par le tracé
47. Le texte de l’ erratum ne se borne pas bien entendu à décrire des points frontières, mais
indique aussi la direction adoptée par le tracé, soit à partir de c es points, soit avant de les atteindre.
Trois indications de direction sont à souligner.
a) «remonte presque aussitôt vers le nord-ouest»
48. La première indication de direction est qu’ après le point P, la frontière «remonte presque
aussitôt vers le nord-ouest».
[Fin de la projection n o 5 ⎯ Projection n 6.]
Cette mention est tout à fait cohérente avec la description du tracé pris par la frontière avant
d’atteindre le point «P» puisque, ve nant de la borne de Tao, qui se situe au nord-ouest de ce point,
33MN, annexe C 35. - 22 -
la frontière peut parfaitement «remonter» vers le nord-ouest, mais pas immédiatement, sauf à
«rebrousser chemin», ce qui n’est pas envisageable, naturellement.
49. Deux précisions sont apportées par le texte.
50. La première est, comme je viens de l’ indiquer, que la frontière ne remonte pas
immédiatement vers le nord-ouest , mais qu’elle engage ce mouveme nt «presque aussitôt». Cela
signifie qu’elle continue sa course sur une certain e distance versl’ouest après avoir atteint le
point P avant de «remonter» vers le nord-ouest.
51. Le Burkina a montré dans son mémoire que cette portion de frontière suit nécessairement
le cours de la rivière Sirba d’aval en amont, en suivant sa rive droite 34.
o o
[Fin de la projection n 6 ⎯ projection n 7.]
Au moins trois arguments conduisent à cette conclusion.
52. En premier lieu, la preuve du fait que la frontière reste sur la rivière avant d’amorcer une
remontée vers le nord-ouest, est rapportée par le fa it que cette remontée a pour objet de laisser au
Niger des villages situés sur sa rive gauche. Cela signifie qu’avant de remonter, la frontière ne
laisse pas la rive gauche de la Sirba au Niger, et que cette rive reste donc voltaïque. Naturellement,
ce résultat peut être obtenu aussi bien si la frontière suit la ligne médiane ⎯ ou le thalweg ⎯ de la
35
rivière que sa rive droite, comme le souligne le Niger .
53. Mais, et c’est le second point, un autre élément du texte de l’ erratum vient confirmer que
la frontière n’est ni sur la ligne médiane, ni sur la rive gauche, mais reste sur la rive droite. En
effet, en arrivant au pointP, la frontière «attei nt» la rive droite de la rivièreSirba au niveau
deBossébangou comme je l’ai déjà démontré; or, puisque le texte ne donne aucune autre
indication s’agissant de son tracé jusqu’au point où elle effectue sa remontée vers le nord-ouest, il
faut en conclure qu’elle reste sur la rive droite de la Sirba jusqu’à ce point. Dans le cas contraire,
le texte aurait nécessairement précisé que la frontière suit la ligne médiane de la rivière avant de
remonter presque aussitôt vers le nord-ouest, ce qu’il ne fait pas.
54. Enfin, troisièmepoint, le tracé de la car teIGN de1960 consacre lui aussi ce tracé, de
sorte que s’il fallait considérer que l’erratum décrit insuffisamment la frontière à cet endroit, ce qui
34
MN, p. 139-141, par. 4.101-4.105.
35CMN, p. 82, par. 2.2.12. - 23 -
n’est pas le cas comme je viens de le montrer, ce serait tout de même la rive droite de la
rivièreSirba qui devrait être considérée comme formant frontière entre les deuxEtats à partir du
point P et jusqu’au point à partir duquel elle amorce sa remontée vers le nord-ouest.
55. Un mot, Monsieur le président, sur un point frontière que l’ erratum laisse indéterminé, à
savoir le point que nous avons appelé «P 1», qui ma rque la fin du tronçon de la frontière que l’on
vient de décrire et le début de la remontée vers le nord-ouest. L’erratum est allusif à son égard, de
sorte que plusieurs hypothèses sont possibles, la seule condition étant qu’en remontant vers le
nord-ouest à partir de ce point, la frontière laisse au Niger le village de Alfassi, qui est le plus au
nord des quatre villages mentionnés par l’ erratum. Par suite, comme l’a indiqué le Burkina dans
son mémoire, puisque, s’agissant de ce point, et tout à fait exceptionnellement, le recours à
l’erratum ne suffit pas, c’est vers le tracé de la carte de 1960 qu’il convient de se tourner pour le
déterminer 36.
o o
[Fin de la projection n 7 ⎯ projection n 8.]
Sur cette base, les coordonnées du point P1 peuvent être déterminées comme étant
13° 19' 53,5" de latitude nord et 1° 7' 20,4" de longitude est.
56. J’en viens à la seconde précision qu’apporte le texte de l’ erratum s’agissant de
l’indication de la direction prise par la frontière après avoir atteint la rivière Sirba à Bossébangou.
Le texte mentionne que la frontière doit effect uer sa remontée «vers» le nord-ouest, ce qui se
comprend comme signifiant qu’elle pointe dans le secteur nord-ouest, mais pas nécessairement
précisément nord-ouest.
57. Là encore, plusieurs options de tracé sont alors possibles sans que l’ erratum permette
d’en choisir une et une seule. La remontée vers le nord-ouest peut prendre plusieurs directions afin
de former le «saillant» qu’elle a pour objet d’amorcer. Les seules contraintes qu’impose l’ erratum
37
sont qu’elle pointe vers le nord-ouest, et qu’elle passe au nord d’Alfassi . Là encore, le texte de
l’erratum se révèle insuffisant à décrire le tracé de la frontière, il faut donc se reporter au tracé de la
o
carteIGN de 1960 pour déterminer ce segment. [Fin de la projection n 8, début de la projection
no 9.]
36
MBF, p. 148, par. 4.127.
37MBF, p. 149, par. 4.128-4.129. - 24 -
58. Le recours au tracé de la carte de 1960 ne s’impose en revanche pas s’agissant des
o
deuxième et troisième indications de direction données par le texte. [Fin de la projection n 9.]
b. «revenant au sud»
59. La deuxième indication de direction que donne l’ erratum précise en effet qu’après être
remontée vers le nord-ouest sur une certaine distance, la frontière «rev[ient] au sud» pour atteindre
l’intersection du parallèledeSay et de la Sirb a au point que nous avons appelé «P3». Cette
direction se caractérise par sa parfaite précision. Il s’agit du sud, sans que le texte laisse place à la
moindre approximation, comme cela aurait été le cas s’il avait retenu la mention «vers le sud», à
38
l’instar d’autres indications de direction qu’il contient . Il convient de noter que le Niger n’a
soulevé aucune objection à cette interprétation littérale du texte. Je reviendrai dans un instant sur le
tracé qui en résulte.
c. «une direction est-sud-est»
60. La troisième indication de direction, tout aussi claire que la précédente, concerne la ligne
tirée entre le point «P3» et le début de la boucle deBotou. Il s’agit là encore d’une direction
précise, en l’occurrence «est-sud-est». Il n’est pas nécessaire de le démontrer davantage puisque le
39
Niger ne le conteste pas .
C. La forme générale de la ligne frontière
61. Le texte donne enfin deux indications sur la forme adoptée par le tracé, et sur la manière
dont cette forme est obtenue.
62. En premier lieu, lorsqu’il remonte vers le nord-ouest à partir du point P3, c’est «presque
aussitôt», avec pour conséquence de laisser au Niger, sur la rive gauche de la Sirba, un «saillant»
comprenant quatre villages, avant de revenir au sud et d’atteindre le point P3.
63. Un «saillant» est une forme géométrique do nt les contours ne sont pas standardisés, de
sorte que l’évocation, sans autre précision, d’un saillant, ne permet pas d’en définir immédiatement
les contours. Deux indications données par l’ erratum permettent toutefois de déterminer la forme
38
MBF, p. 146, par. 4.121-4.123.
39CMN, p. 92, par. 2.2.21. - 25 -
générale de celui qui nous occupe. Il en résulte que ce saillant est composé de deux lignes. La
première «monte» vers le nord-ou est «presque aussitôt» après le point «P». Elle n’est pas
autrement décrite. Plus précisément, e lle est «insuffisamment» décrite par l’ erratum, et c’est
pourquoi il convient, comme je l’ai montré à l’instan t, de considérer ici que le tracé suit celui de la
carteIGN de 1960. [Projection n o9.] La seconde ligne, qui débute au point où s’achève la
précédente, «revient au sud». La droite dont elle constitue un segment peut se déterminer aisément
puisque l’on sait non seulement qu’il s’agit d’une droite courant du nord au sud, donc d’un
o
méridien, mais encore qu’elle passe par le point «P3». [Projection n 10.] Sur la base de ces
indications, le croquis projeté maintenant montre la limite ouest du saillant telle qu’elle résulte du
o
texte de l’erratum. [Projection n 11.] Et vous voyez maintenant un assemblage des deux derniers
croquis projetés, qui montre la forme finale du saillant. Le pointP2, qui se situe à l’angle
nord-ouest du saillant, s’en déduit aisément puisqu’il se trouve à l’intersection du méridien passant
par le point P3, et de la ligne reportée sur la carte IGN de 1960 remontant vers le nord-ouest pour
former le saillant. [Projection n o12.]
64. J’en viens maintenant très brièvement à la seconde indication de forme donnée par
l’erratum. Selon le texte, lorsque la frontière quitte le point P3 et chemine en direction est-sud-est
jusqu’au début de la boucledeBotou, c’est «en ligne droite». Cette indication n’appelle pas de
commentaire, si ce n’est qu’elle ne soulève aucune difficulté 40. [Projection n 13.]
65. En conclusion, Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour, le Burkina
soutient que la revendication du Ni ger dans le secteur de Say est dénuée de fondement, et que le
tracé de la frontière est le suivant :
⎯ du point où la frontière atteint la rivière Sirba à Bossébangou, la frontière suit d’est en ouest la
rive droite de la rivière Sirba jusqu’au point P1, situé sur sa rive droite,
⎯ de ce pointP1, la frontière suit le tracé figurant sur la carte à 1/200000 de l’Institut
géographique national de France, édition 1960, jusqu’au point dit P2,
⎯ de ce point, la frontière suit une ligne droite de direction sud aboutissant à l’intersection de la
rive droite de la rivière Sirba et du parallèle de Say ;
40CMN, p. 92, par. 2.2.21. - 26 -
⎯ de ce point, la frontière suit une ligne droite jusqu’au début de la boucle de Botou.
66. Monsieur le président, Mesdames et Messi eurs les juges, ceci conclut les plaidoiries du
Burkina relatives au tracé de la frontière entr e la borne de Tong-Tong et le début de la
boucledeBotou. Je vous remercie de votre aimabl e attention, et vous demande de bien vouloir
appeler le professeur Pellet à la barre.
Le PRESIDENT : Merci, Monsieur Thouvenin. J’invite maintenant M. Pellet.
M. PELLET : Merci, Monsieur le président.
L A PORTION ABORNÉE DE LA FRONTIÈRE ⎯ CONCLUSION
1. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs les juges, comme je l’ai indiqué hier matin,
le Burkina Faso et la République du Niger s’accordent en principe sur l’objet du différend qui vous
est soumis. Ils interprètent l’un et l’autre l’article2 du compromis comme priant la Cour «de
mettre fin, avec l’autorité de la chose jugée, à l’ensemble du différend frontalier entre les
41
Parties» ⎯ le texte intégral du compromis figure à l’o nglet 3.23 de vos dossiers. Ils s’accordent
42
aussi pour considérer que cette demande s’étend à la partie abornée de la frontière .
2. Toutefois, Monsieur le président, autant le dire franchement, les autorités burkinabè sont
doublement inquiètes. Elles l’ont été lorsque, lors de la négociation du compromis, la Partie
nigérienne a manifesté des réticences pour incl ure les deux segments se trouvant aux deux
43
extrémités de la ligne frontalière dans la définition de l’objet du litige . Elles le sont aujourd’hui
en constatant non seulement que les conclusions du Niger omettent de se référer d’une manière
quelconque au paragraphe2 de l’article2 du compromis, mais aussi que ses écritures ⎯ les
écritures nigériennes ⎯affirment, çà et là, que «le seul tronç on de la frontière concerné par le
présent litige s’étend de la borne astronomique de Tong-Tong à l’entrée de la
44
boucle de Botou ...» , ce qui exclut les parties abornées.
41
MBF, p. 5, par. 0.14 ; voir aussi MN, p. 47-48, par. 3.22 ; CMBF, p. 5, par. 0.6 ; ou CMN, p. 4, par. 0.7.
42Voir MBF, p. 91, par. 3.36 ; MN, p. 48, par. 3.22 ; CMBF, p. 2, tableau, point n 2 ; CNM, p. 4, par. 0.7.
43Voir MBF, p. 3, par. 0.14 ; p. 78, par. 3.11 ; ou CMN, p. 4, par. 0.7.
44MN, p. 48, par. 3.23. Voir aussi MN, p. 45, par. 3.16 ; CMN, p. 4, par. 0.7 ; p. 8, par. 0.15 ; p. 16, par. 1.1.2 ;
p. 47, par. 1.2.3 ; p. 54, par. 1.2.19. - 27 -
3. Nous espérons vivement faire une mauvaise querelle à nos amis nigériens, mais nous nous
demandons s’il ne faut pas voir dans cette insistan ce discrète à nier l’existence d’un différend sur
ces segments abornés, une sorte d’exceptio n d’irrecevabilité (à moins que ce soit
d’incompétence ?) qui ne veut pas dire son nom : «p as de différend pas d’action». Et nous serions
sûrement plus rassurés sur les intentions du Niger si celui-ci incluait dans ses conclusions une
demande confirmant celle faite à la Cour dans l’article 2, paragraphe 2, du compromis.
4. Comme l’agent du Burkina Faso l’a dit hier matin, son pays attache une importance
certaine à ce que la Cour s’acquitte complètement de la tâche que les Parties lui ont confiée par le
compromis du 24 février 2009. C’est pourquoi, au risque de répéter quelque peu ce que nous avons
écrit dans le chapitreIII de notre mémoire ⎯faute pour le Niger d’y avoir répondu, je
reviendrai ⎯ mais brièvement ⎯ sur la portée du second paragra phe de l’article2 de cet
accord(I.), avant de rappeler que l’abornement, su r lequel les Parties se sont entendues, confirme
les positions du Burkina Faso au sujet de la méthode à suivre pour décider la délimitation du reste
de la frontière litigieuse (II.).
I. La portée de l’article 2, paragraphe 2, du compromis
5. Monsieur le président, sur le premier point , la portée de l’article2, paragraphe2, du
compromis, deux questions me paraissent se poser : en quoi consistent
1) «l’entente des Parties» dont il est question dans cette disposition ? ; et
2) la tâche de la Cour aux termes de cette disposition ?
[Projection n° 1 : Les secteurs abornés.]
6. Malgré les apparences, la réponse à la première question ne relève pas de l’évidence. Et
un simple rappel de la chronologie suffit à expliquer la perplexité que l’on peut éprouver :
⎯ le compromis a été signé le 24 février 2009 ;
⎯ il renvoie à une «entente» ⎯mot qui a été traduit en anglais par le Greffe par «agreement» ,
mais ⎯with due respect ⎯ ce n’est pas tout à fait ceci; c’est, je pense, quelque chose de
moins formel qu’un accord, qu’un «agreement» ⎯ il renvoie donc à une «entente», qu’il ne
date pas ⎯«il» étant le compromis, pas le Greffe ⎯et pour cause: c’est en effet ce même
24 février 2009 que les ministres des affaires étrangères des deux Etats «ont également fait leur - 28 -
la proposition des experts de mener une mission conjointe sur le terrain pour s’accorder sur les
45
coordonnées des bornes frontières des secteurs A et B visées dans le compromis» ;
⎯ le 3 juillet suivant (plus de quatre mois après la conclusion du compromis), les directeurs des
Instituts géographiques nationaux des deux pays signèrent un communiqué commun indiquant
les coordonnées des bornes et la méthode suivie pour les fixer 46 ;
⎯ le 17juillet2009, le ministre burkinabè d es affaires étrangères proposait à son homologue
nigérienne de consacrer l’entente des Par ties par un échange de notes dont il joignait le
projet 47 ;
⎯ la ministre nigérienne répondit le 8septembre en faisant des contre-propositions 48, que le
ministre burkinabè accepta le 8 octobre, mais en suggérant à son tour quelques aménagements
à la formulation proposée ⎯essentiellement la fixation des coordonnées des points marquant
l’extrémité du «secteurB» (celui «allant du début de la boucle de Botou jusqu’à la
rivièreMékrou») qui n’avaient pas été abornés, ceci à faire lors d’une nouvelle rencontre des
49
experts ;
⎯ cette nouvelle rencontre ayant eu lieu le 15oc tobre2009 et ayant permis d’extraire les
coordonnées de ces points 50, le ministre des affaires étrangères du Burkina renouvela son offre
51 52
le 29 octobre , qui fut acceptée le 2 novembre 2009 .
45
Communiqué conjoint de la réunion de s ministres des affaires étrangères, de négociation et de signature du
compromis de saisine de la Cour internationale de Justice, 24 février 2009, MBF, annexe 98, p. 3.
46 o
Compte rendu de réunion n 11 du comité des experts de la commiss ion nationale de suivi du contentieux
juridique frontalier entre le Burkina Faso et la République du Niger, 15 mai 2009, MBF, annexe 100.
47
Lettre du ministre des affaires étrangères burkinabè à la ministre des a ffaires étrangères nigérienne portant
projet d’échanges de notes consacrant l’entente des Parties sur les secteurs délimités de la frontière, 17 juillet 2009, MBF,
annexe 102.
48
Lettre de la ministre des affaires étrangères nigérienne au ministre des affaires étrangères burkinabè portant
projet d’échanges de notes consacrant l’ entente des Parties sur les secteurs dé limités de la frontiè re, 8septembre2009,
MBF, annexe 103.
49Lettre du ministre des affaires étrangères burkinabè à la ministre des a ffaires étrangères nigérienne portant
projet d’échanges de notes consacrant l’entente des Parties sur les secteurs délimités de la frontière, 8octobre2009,
MBF, annexe 104.
50Procès-verbal de réunion pour l’extraction des coordonnées de points non bornés du secteurB du
15 octobre 2009, MBF, annexe 105.
51Lettre n 2009-004874/MAECR/SG/DGAJC du ministre des affaires étrangères du Burkina Faso à la ministre
des affaires étrangères de la République du Niger, 29 octobre 2009, MBF, annexe 106.
52Lettre n 007505/MAE/C/DAJC/DIR de la ministre des affair es étrangères de la République du Niger au
ministre des affaires étrangères du Burkina Faso, 2 novembre 2009, MBF, annexe 107. - 29 -
7. C’est cet échange de lettres des 29 octobre et 2 novembre 2009 qui constitue l’«entente sur
les résultats des travaux de la commission tec hnique mixte d’abornement» dont fait état le
paragraphe2 de l’article2 du compromis signé pl us de huit mois auparavant. Ce n’est donc que
depuis cette date que cette dispos ition a un contenu «palpable» si je puis dire. En quoi consiste ce
contenu, Monsieur le président ?
8. Il résulte de l’échange de lettres que «les deux procès-verbaux des travaux des experts
[des 3juillet et 15octobre2009 sont considérés] comme représentant [l’]entente [des Parties] au
sens de la disposition précitée du compromis». La liste des coordonnées acceptées d’accord parties
dans ces deux procès-verbaux figure à la page 95 du mémoire burkinabè ; le Niger n’a pas contesté
ces données. Le croquis actuellement projeté ⎯ si on arrive à le lire ⎯ illustre graphiquement le
tracé des deux segments frontaliers («A» et «B») ⎯ que l’on va revoir plus tard en schéma ⎯ sur
lesquels porte cette entente. Je reviendrai brièvement sur leur description dans un instant.
o
[Fin de la projection n 1.]
9. Comme je l’ai rappelé, c’est cette entente que la Cour de céans est priée de bien vouloir
consacrer en la revêtant de l’autorité de la chos e jugée. Certes, il s’agit là d’une précaution mais,
j’ai déjà eu l’occasion de le dire 53, elle n’est nullement «superfétatoire» contrairement à ce
54
qu’affirme le Niger :
⎯ celui-ci a habitué le Burkina à des revirements de position qui n’ont pas facilité le règlement du
différend ;
⎯ l’entente des Parties sur cette portion abornée de la frontière a fait l’objet d’un accord très
informel, or, on ne le sait que trop, le Niger est prompt à tenir de tels accords pour nuls et non
avenus lorsque les formalités requises ne sont pas respectées, comme l’ont montré ses
revirements s’agissant du tracé consensuel de1988 et du compromis politique de1991; or
cette «entente» n’est, en réalité, consacrée que par le compromis portant l’affaire devant la
Cour; et au fond, elle tirera sa valeur juridique de l’autorité de chose jugée dont les Parties
demandent à la haute juridiction de la revêtir ;
53
Voir CR 2012/20, par. 31 (Pellet).
54CMN, p. 4, par. 0.7. - 30 -
⎯ il ne s’agit pas d’un litige réglé ⎯fût-ce en partie ⎯ mais, toujours d’accord partie, d’un
différend qui sera complètement réglé seulement lorsque le tracé de toute la frontière, y
compris les secteurs ayant fait l’objet de cette entente difficilement saisissable, sera res
judicata du fait de l’arrêt à intervenir ⎯et non seulement difficilement saisissable mais
postérieure au compromis ;
⎯ ceci confère à la solution qui sera ainsi consacrée une stabilité supérieure à celle dont
bénéficierait un simple accord ⎯à plus forte raison une incertaine «entente»: la chose jugée
ne peut être remise en cause qu’en cas de déc ouverte d’un fait nouveau au sens de l’article 61,
paragraphe1, du Statut de la Cour, et sous le contrôle étroit de celle-ci; alors qu’une
«entente» ⎯ mot fort ambigu juridiquement ⎯ risque d’être remise en question, sans que, sauf
accord contraire, un différend surgissant à cet égard puisse être soumis à l’appréciation d’un
tiers impartial.
10. Pour toutes ces raisons, Mesdames et Messieurs les juges, le Burkina Faso se permet
d’insister pour que vous n’«oubliiez» pas cette partie de la tâche que les Parties vous ont confiée
par le compromis du 24février2009, malgré le peu d’empressement mis par le Niger à la
confirmer et à en préciser la portée. Comme nous l’avons montré à suffisance dans notre
55
mémoire , rien ne s’oppose à ce que la Cour fasse droit à la demande co mmune du Burkina Faso
et de la République du Niger, et je ne pense pas qu’il soit utile d’y revenir : même si cette dernière
n’est pas très allante à cet égard, elle n’a formulé aucune objection.
11. Je souhaite seulement rappeler en outre que l’entente des Parties inclut les points
extrêmes de leur frontière commune : le mont N’Gouma au nord, l’intersection de l’ancienne limite
des cercles de Fada et de Say avec la Mékrou au sud. Ces points correspondent aux points triples
avec le Mali d’une part, le Bénin d’autre part. Or il se trouve que, dans les deux cas, la Cour a
également été appelée à se prononcer sur les fron tières «bilatérales», respectivement entre le
56
Burkina et le Mali (ce qu’elle a fait par l’arrêt de la chambre du 22décembre1986 ) et entre le
Bénin et le Niger (ce qui a été fait par l’arrêt d’une autre chambre, en date du 12 juillet 2005 57). Il
55
MBF, p. 89-92, par. 3.32-3.39 (1. La participation de la Cour au règlement global du différend frontalier entre
les Parties).
56
Différend frontalier (Burkina Faso/République du Mali), arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 650, par. 179.A.8).
57Différend frontalier (Bénin/Niger), arrêt, C.I.J. Recueil 2005, p. 151, par. 146.4). - 31 -
y a cependant une petite nuance entre les deux décisi ons : dans le second arrêt (celui de 2005), la
chambre a retenu une solution un peu moins précise puisqu’elle a renvoyé au point où la ligne
58
médiane de la rivière Mékrou aboutit à «la fr ontière des Parties avec le Burkina Faso» , sans
définir cette frontière ⎯ce qu’elle n’aurait pu faire sans se prononcer sur les droits du Burkina,
absent à l’instance. Mais le problème se pose différemment dans la présente espèce : un prononcé
de la Cour sur le point d’intersection entre les fr ontières Burkina/Niger, d’une part, et Niger/Bénin,
d’autre part, ne porterait nulle atteinte au princi pe du consentement à la juridiction puisque ce
dernier pays ⎯ le Bénin ⎯ a bénéficié d’un arrêt, qui est pour lui res judicata, indiquant par
avance que cette intersection ⎯ ce point triple ⎯ lui est opposable.
12. Nous pensons, par conséquent, Monsieur le président, que, dans cette configuration très
particulière, la Cour peut décider précisément la délimitation de l’ensemble de la frontière, y inclus
les points extrêmes qui constituent les points triples avec le Mali et le Bénin ⎯ comme l’ont prévu
les Parties dans leur entente des 29 octobre et 2 novembre 2009.
II. Remarques sur la méthode suivie pour procéder à l’abornement
13. Il y a, Monsieur le président, une autr e raison pour laquelle je crois que nos amis
nigériens ont tort de négliger la partie abornée de la frontière: cette raison, c’est la méthodologie
suivie pour procéder à sa matérialisation, une mé thodologie exemplaire de celle qui aurait dû être
suivie pour matérialiser la portion du secteur fr ontalier dont le Niger remet la délimitation en
question. Elle suit en effet à la lettre les préconisations de l’accord de 1987 (auquel renvoie, je le
rappelle, le compromis de 2009) ; pour procéder à l’abornement, les Parties
⎯ se sont référées d’abord et principalement à l’erratum du 5 octobre 1927 ; et
⎯ dans les quelques cas où elles ont considéré que celui-ci ne suffisait pas pour déterminer le
tracé précis de la frontière, elles se sont reportées à la carte IGN France de 1960 ;
⎯ sans prendre d’autres éléments en considération.
14. Et cela me conduit à ouvrir une parenthèse, Monsieur le président, dont il me semble
qu’elle a son importance. A maintes reprises dans ses écritures, le Niger s’élève contre la position
58
Différend frontalier (Bénin/Niger), arrêt, C.I.J. Recueil 2005, p. 151, par. 146.4). - 32 -
59
burkinabè relative à la complétude de la délimitation de toute la frontière . C’est pourtant très
exactement ce qu’ont admis les Parties dans le ur accord de1987: à moins qu’elles se mettent
d’accord pour tenir compte d’autres documents, l’erratum, au besoin suppléé par la carte de 1960
en cas d’insuffisance de l’ erratum, permet de définir complètement la frontière. Et c’est en effet
une évidence. Sans doute peut-il arriver que la description qu’un texte fait d’un tracé puisse être
insuffisante pour procéder à la matérialisation d’une frontière (encore faut-il savoir raison garder et
ne pas déclarer «insuffisance» ce qui n’est que désapprobation comme le fait abondamment la
Partie nigérienne), mais cela n’est pas possibl e s’agissant d’une carte sur laquelle la frontière
(même en traits discontinus) est figurée de bout en bout ⎯et d’une carte dont le Niger se plaît à
souligner la pertinence et la grande fiabilité :
«cette carte [de1960] est à une échelle suffisamment détaillée: 1/200000. Au
surplus, elle repose, au moins du point de vue cartographique, sur des bases techniques
solides. La toponymie, qui était notoirement sommaire dans les cartes précédentes du
service géographique de l’armée, puis de l’IGN, est aussi complète que le permettaient
les connaissances relatives à l’occupation du terrain. La précision hydrographique et
orographique, préparée par des photos aériennes et affinée par des levés sur le terrain,
est d’excellente qualité. Enfin, les indications quant aux limites ⎯ même si elles sont
parfois présentées avec de prudents croisillons discontinus, car les renseignements sur
lesquels elles étaient fondées n’étaient pas toujours des plus fiables ⎯ s’appuient sur
des informations obtenues des autorités locales. Leur sinuosité laisse supposer une
60
préparation soignée.»
15. Je ne reprends pas forcément toutes ces remarques ⎯ notamment les deux dernières ⎯ à
mon compte ; mais peu importe : le fait est que les cartes de 1960 (il s’agit en effet d’un «ensemble
61
de feuilles» ) «ont été élaborées avec un soin tout particulier, en combinant les techniques les plus
modernes de l’époque et un travail de terrain minutieux» 62. Il n’en résulte pas qu’il faille y voir le
63
reflet privilégié du «legs colonial» comme le Niger affecte de le croire dès lors que la ligne
frontière qui y figure ne reflète pas le titre frontalier que constitue l’ erratum de 1927 ; mais comme
la Chambre de la Cour l’a noté en 2005 dans Bénin/Niger au sujet de cette même carte de 1960 :
59
CMN p. 2, par. 0.3 ; p. 9-10, par. 0.17 ; p. 34-35, par. 1.1.23 ; p. 45, par. 1.1.33.
60
CMN, p.44, par.1.1.32, qui recopie MN, p.75, par.5.14 ⎯note de bas de page omise; voir aussi MN,
p. 55-59, par. 4.25-4.32.
61
CMN, ibid.
62MN, p. 58-59, par. 4.30.
63Voir MN, p. 59, par. 4.30 ; p. 75, par. 5.14 ; ou CMN, p. 43-45, par. 1.1.32. - 33 -
«la Chambre ne saurait retenir les indicati ons fournies par la carte quand elles sont
contredites par d’autres indications dignes de foi sur les intentions de la puissance
coloniale. Cependant, en tenant compte de la date à laquelle les levés ont été effectués
et de la neutralité de la so urce, la Chambre considère que, si toutes les autres preuves
font défaut ou ne suffisent pas pour faire apparaître un tracé précis, la valeur probante
de la carte de l’IGN devient déterminante» ( Différend frontalier (Burkina
Faso/République du Mali), arrêt, C.I.J.Recueil1986 , p.586, par.62 ⎯ les italiques
sont de nous).
16. C’est dans cet esprit que les Parties sont convenues, dans l’article2 de leur accord
du28mars1987, que la carte était un moyen subsidiaire de détermination du tracé, qui doit être
utilisée (mais qui peut être utilisée uniquement) en cas d’insuffisance de l’ erratum. Et c’est bien
ainsi que l’ont compris les autorités compéten tes des deux pays lorsqu’elles ont procédé à
l’abornement de la frontière sur ces bases entr e mai1987 et mai1990. Durant ce processus, la
commission technique mixte d’abornement s’est constamment fondée sur les seuls documents
retenus par l’accord de 1987 64.
65
17. Ce processus est décrit dans le mémoire du Burkina et on peut y constater que :
⎯ les deux pays ont bien considéré que la frontière était délimitée et qu’il ne restait plus qu’à la
matérialiser sur le terrain ;
⎯ les techniciens chargés de cette opération s ont systématiquement partis du texte de l’ erratum,
et non de la carte, qui a servi exclusivement, d’une part, à identifier les «points
caractéristiques» de la frontière et, d’autr e part, au report du tracé arrêté d’un commun
accord ⎯ autrement dit, il n’a pas été nécessaire de recourir au tracé de la carte ;
⎯ une fois ce report effectué, des bornes ont été érigées aux emplacements ainsi précisés.
18. Comme cela ressort du procès-verbal de la rencontre de la commission technique mixte
d’abornement du 15 mai 1988, deux points seulement ont fait problème :
64Voir le procès-verbal de rencontre de la commissiontechnique mixte d’abornement de la frontière Burkina-
Niger tenue à Diapaga les 12, 13, 14, 15mai 1988, 15 mai 1988, MBF, annexe80; le procès-verbal de la quatrième
rencontre de la commission tec hnique mixte d’abornement de la frontière Niger-Burkina te nue à Niamey les 26, 27 et
28 septembre 1988, 28 septembre 1988, MBF, annexe 81 ; et le rapport sur la fin des travaux de reconnaissance du projet
d’abornement de la frontière Niger-Burkina, 28 septembre 1988, MBF, annexe 82 ; procès-verbal de la deuxième session
ordinaire de la commission technique mi xte d’abornement de la frontière Niger-Burkina tenue à Ouagadougou du
23 au 28 juillet 1990, 28 juillet 1990, MBF, annexe 87.
65MBF, p. 76-78, par. 3.5-3.8. - 34 -
«la situation géographique du village de Takabangou d’une part et du tracé de la
frontière à partir du parallèle de Say et rejoignant un autre village dénommé
66
Tyenkilibi ou Tyenkiliba d’autre part» .
[Projection n 2 : Secteur A de la partie abornée de la frontière.]
67
19. J’ai évoqué cet épisode hier , mais j’y reviens car il est très significatif. Informée de
cette manière de faire,
«La commission [technique mixte] a constaté à ce niveau que le tracé de cette
partie de la frontière o été fait sur la ba se de la carte IGN France 1/200 000 et non sur
la base de l’arrêté n 2326 du 31 août 1927 précisé par son erratum du 5 octobre 1927
retenus par l’accord signé par les deux gouvernements en mars 1987 à Ouagadougou.
Les techniciens ont expliqué que leur attitude s’est fondée sur le tracé de la
frontière consigné dans le compte rendu de la rencontre tenue du 21 au 23 mai 1986 à
Ouagadougou entre techniciens du Niger et du Burkina.
Ce tracé se trouvait être une inte rprétation de l’arrêté et de l’erratum ci-dessus
cités. La commission a estimé que les techniciens n’étaient pas habilités à décider
d’une procédure dérogeant aux décisions des deux gouvernements. Aussi a-t-il été
demandé aux techniciens de reprendre la portion des 110kilomètres concernée
en respectant les textes retenus dans l’accord et le protocole d’accord signés entre les
deux gouvernements dans un délai de huit (8) jours.» 68
En d’autres termes, les techniciens ont dû revoir le ur copie faute d’avoir retenu le tracé décrit par
l’erratum dans toute sa simplicité, c’est-à-dire parce qu’ils avaient «interprété» ses termes qui
n’avaient rien d’insuffisants à l’aide du tracé de la carte qu’ils avaient, à tort, fait prévaloir sur le
texte de 1927.
20. Ceci put se faire, sur la base de l’ erratum, sans problème particulier s’agissant du
69
segment frontalier allant du parallèle de Say au village dénommé Tyenkilibi . En revanche,
malgré tous les efforts, il ne fut pas possible de retrouver les «ruines du village de Tokébangou»
70
mentionnées par l’erratum. Comme l’indique le rapport de fin de travaux établi par les experts
(et annexé au procès-verbal de la quatrième rencontre de la commission technique mixte
66
Procès-verbal de rencontre de la commission technique mixte d’abornement de la frontière Burkina-Niger
tenue à Diapaga, les 12, 13, 14 et 15 mai 1988, 15 mai 1988, MBF, annexe 80.
67
CR 2012/20, par. 49 (Pellet).
68Procès-verbal préc. du 15 mai 1988, MBF, annexe 80 (les italiques sont de nous).
69Voir le rapport sur la fin des travaux de reconnaissance du projet d'abornement de la frontière Niger/Burkina,
28 septembre 1988, MBF, annexe 82.
70Rapport sur la fin des travaux de reconnaissance du pr ojet d'abornement de la frontière Niger/Burkina,
28 septembre 1988, MBF, annexe 82. - 35 -
d’abornement ), «[i]l fallait alors reconnaître l’impossibilité d’exploiter le texte de base [il s’agit
de l’erratum] et considérer la carte» ; mais celle-ci, qui mentionne le village de «Tokabougou» est
également muette sur les ruines de l’ancien village de Tokébangou. Face à cette double carence du
terrain et de la carte, les experts ont proposé une solution médiane se fondant sur les dires des
habitants de la région 72.
21. Il s’agit là d’un cas exceptionnel dans lequel l’ erratum ne se suffit pas à lui-même alors
que le tracé de la carte ne permet pas de l’interpréter.
22. Mais ceci ne donne pas raison au Nige r qui, dans des cas qu’il déclare semblables,
s’emploie à «remplacer» le tracé de la carte de1960 par celui prêté aux subdivisions territoriales
antérieurement au décret du président de la République française de 1926 et à l’arrêté de 1927. Ici,
les experts des deux pays sont restés au plus près du texte de l’erratum car il décrit indubitablement
un tracé : au lieu de s’en remettre au tracé de la carte et de tirer une ligne droite entre Bellé Banguia
(qui est le point4 sur le croquis projeté actuellem ent) et le mont Douma Fendé (qui est situé au
point6 sur la projection) ⎯ligne qui, pourtant, unit les points4 et 6 sur la carte de1960 (vous
pouvez également voir cela sur le croquis), les experts se sont acco
rdés pour déterminer un point
intermédiaire correspondant de manière vrai semblable aux ruines de Tokébangou qui sont
mentionnées par le «texte de base» pour ne pas laisser un point caractéristique du texte de base de
côté. En d’autres termes, les experts ont refusé de faire prévaloir le tracé de la cart
e sur celui de
l’erratum, alors même que celui-ci est insuffisant ⎯ mais préférer la carte n’eût pas été conforme à
ce texte de référence.
23. Et puisque nous en sommes à ce croquis, Mo nsieur le président, une petite remarque : il
fait clairement apparaître que les techniciens, a pprouvés par le comité technique mixte puis par les
autorités politiques des deux pays, ont déterminé le tracé de la frontière dans les deux secteurs dont
le Niger ne conteste pas la délimitation :
71
Procès-verbal de la quatrième rencontre de la co mmission technique mixte d’abor nement de la frontière
Niger-Burkina tenue à Niamey les 26, 27 et 28 septembre 1988, 28 septembre 1988, MBF, annexe 81.
72Rapport préc., note 70. - 36 -
⎯ en se fondant sur l’erratum,
⎯ dont tous les points, et uniquement eux, ont été retenus comme étant «caractéristiques» puis
abornés,
⎯ le tracé sur lequel les deux Etats se sont en tendus étant formé de segments de lignes droites
reliant ces points caractéristiques les uns aux autres.
[Fin de la projection n 2 ⎯ Projection n° 3 : Secteur B de la partie abornée de la frontière.]
24. On peut faire la même remarque au vu du croquis représentant le secteurB de la partie
abornée de la frontière : lorsqu’il ne suit pas une rivi ère, le tracé de la frontière est fait de segments
de lignes droites reliant entre eux tous les points énumérés dans l’erratum du 5octobre1927. Et
ces segments peuvent être relativement longs: celui allant de l’intersection du cours de la Tapoa
avec l’ancienne limite des cercles de Fada et de Sa y (pointn°31 sur le croquis) à celle de cette
même limite avec le cours de la Mékrou ne mesure pas moins d’une soixantaine de kilomètres.
[Fin de la projection no 3.]
25. Monsieur le président, Mesdames et Messieurs de la Cour :
⎯ l’erratum de1927 est le titre frontalier qui permet de déterm iner complètement la frontière
entre les deux pays ;
⎯ c’est lui qui a été la loi des Parties lorsqu’elles se sont entendues sur la matérialisation des deux
extrémités de leur frontière commune ;
⎯ il ne faut pas en exagérer les insuffisances ⎯ elles sont très rares et très limitées ; et
⎯ lorsqu’elles existent, exceptionnellement, il pe ut y être remédié par le recours à la
carte IGN France de 1960 ;
⎯ étant entendu qu’en aucun cas le tracé figurant sur celle-ci ne peut venir contredire celui
résultant de l’erratum.
Ces leçons que l’on peut tirer de l’étude de la partie abornée de la frontière sont en tous points
transposables à la délimitation de la portion sur laquelle l’entente des Parties n’a pas pu se faire.
26. Monsieur le président, Mesdames et Messieu rs les juges, ceci clôt le premier tour des
plaidoiries orales du Burkina Faso. Au nom de notre agent, de notre équipe et en mon nom
personnel, je vous remercie très vivement de les avoir écoutées avec patience et attention. - 37 -
Le PRESIDENT : Je vous remercie, Monsieur Pellet.
Voilà qui met un terme au premier tour de plaidoiries du Burkina Faso. La Cour se réunira
de nouveau le jeudi 11octobre2012 à 15heures pour entendre la République du Niger en son
premier tour de plaidoiries. L’audience est levée.
L’audience est levée à 11 h 20.
___________
Audience publique tenue le mardi 9 octobre 2012, à 10 heures, au Palais de la Paix, sous la présidence de M. Tomka, président, en l’affaire du Différend frontalier (Burkina Faso/Niger)