Audience publique tenue le vendredi 10 mars 2006, à 10 heures, au Palais de la Paix, sous la présidence de Mme Higgins, président

Document Number
091-20060310-ORA-01-00-BI
Document Type
Number (Press Release, Order, etc)
2006/15
Date of the Document
Bilingual Document File
Bilingual Content

CR 2006/15

International Court Cour internationale
of Justice de Justice

THHEAGUE LAAYE

YEAR 2006

Public sitting

held on Friday 10 March 2006, at 10 a.m., at the Peace Palace,

President Higgins presiding,

in the case concerning the Application of the Convention on the Prevention and Punishment

of the Crime of Genocide (Bosnia and Herzegovina v. Serbia and Montenegro)

________________

VERBATIM RECORD
________________

ANNÉE 2006

Audience publique

tenue le vendredi 10 mars 2006, à 10 heures, au Palais de la Paix,

sous la présidence de Mme Higgins, président,

en l’affaire relative à l’Application de la convention pour la prévention et la répression du
crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro)

____________________

COMPTE RENDU

____________________ - 2 -

Present: Presieitgins
Vice-Presi-Kntasawneh

Ranjevaudges
Shi
Koroma
Parra-Aranguren

Owada
Simma
Tomka
Abraham

Keith
Sepúlveda
Bennouna
Skotnikov

Judges ad hoc AhmedMahiou
Kre Milenko ća

Couvrisrar

⎯⎯⎯⎯⎯⎯ - 3 -

Présents : Mme Higgins,président
AlKh.vsce-prh,ident

RaMjev.
Shi
Koroma
Parra-Aranguren

Owada
Simma
Tomka
Abraham

Keith
Sepúlveda
Bennouna
Sjoteiskov,

MM. Ahmed Mahiou,
KMrilenko ća, juges ad hoc

Cgoefferr,

⎯⎯⎯⎯⎯⎯ - 4 -

The Government of Bosnia and Herzegovina is represented by:

Mr. Sakib Softić,

as Agent;

Mr. Phon van den Biesen, Attorney at Law, Amsterdam,

as Deputy Agent;

Mr.Alain Pellet, Professor at the University of ParisX-Nanterre, Member and former Chairman of

the International Law Commission of the United Nations,

Mr. Thomas M. Franck, Professor of Law Emeritus, New York University School of Law,

Ms Brigitte Stern, Professor at the University of Paris I,

Mr. Luigi Condorelli, Professor at the Facultyof Law of the University of Florence,

Ms Magda Karagiannakis, B.Ec, LL.B, LL.M.,Barrister at Law, Melbourne, Australia,

Ms Joanna Korner, Q.C.,Barrister at Law, London,

Ms Laura Dauban, LL.B (Hons),

as Counsel and Advocates;

Mr. Morten Torkildsen, BSc, MSc, Tork ildsen Granskin og Rådgivning, Norway,

as Expert Counsel and Advocate;

H.E. Mr. Fuad Šabeta, Ambassadorof Bosnia and Herzegovina to the Kingdom of the Netherlands,

Mr. Wim Muller, LL.M, M.A.,

Mr. Mauro Barelli, LL.M (University of Bristol),

Mr. Ermin Sarajlija, LL.M,

Mr. Amir Bajrić, LL.M,

Ms Amra Mehmedić, LL.M,

Mr. Antoine Ollivier, Temporary Lecturer and Research Assistant, University of Paris X-Nanterre, - 5 -

Le Gouvernement de la Bosnie-Herzégovine est représenté par :

M. Sakib Softić,

coagment;

M. Phon van den Biesen, avocat, Amsterdam,

comme agent adjoint;

M. Alain Pellet, professeur à l’Université de ParisX-Nanterre, membre et ancien président de la
Commission du droit international des Nations Unies,

M. Thomas M. Franck, professeur émérite à lafaculté de droit de l’Université de New York,

Mme Brigitte Stern, professeur à l’Université de Paris I,

M. Luigi Condorelli, professeur à la fact de droit de l’Université de Florence,

Mme Magda Karagiannakis, B.Ec., LL.B., LL.M.,Barrister at Law, Melbourne (Australie),

Mme Joanna Korner, Q.C.,Barrister at Law, Londres,

Mme Laura Dauban, LL.B. (Hons),

comme conseils et avocats;

M. Morten Torkildsen, BSc., MSc., Tork ildsen Granskin og Rådgivning, Norvège,

comme conseil-expert et avocat;

S. Exc. M. Fuad Šabeta, ambassadeur de Bosn ie-Herzégovine auprès duRoyaume des Pays-Bas,

M. Wim Muller, LL.M., M.A.,

M. Mauro Barelli, LL.M. (Université de Bristol),

M. Ermin Sarajlija, LL.M.,

M. Amir Bajrić, LL.M.,

Mme Amra Mehmedić, LL.M.,

M. Antoine Ollivier, attaché temporaire d’ense ignement et de recher che à l’Université de

Paris X-Nanterre, - 6 -

Ms Isabelle Moulier, Research Student in International Law, University of Paris I,

Mr. Paolo Palchetti, Associate Professor at the University of Macerata (Italy),

as Counsel.

The Government of Serbia and Montenegro is represented by:

Mr. Radoslav Stojanović, S.J.D., Head of the Law Council of the Ministry of Foreign Affairs of
Serbia and Montenegro, Professor at the Belgrade University School of Law,

as Agent;

Mr. Saša Obradović, First Counsellor of the Embassy of Serbia and Montenegro in the Kingdom of
the Netherlands,

Mr. Vladimir Cvetković, Second Secretary of the Embassy of Serbia and Montenegro in the
Kingdom of the Netherlands,

as Co-Agents;

Mr.Tibor Varady, S.J.D. (Harvard), Professor of Law at the Central European University,
Budapest and Emory University, Atlanta,

Mr. Ian Brownlie, C.B.E., Q.C., F.B.A., Member of the International Law Commission, member of
the English Bar, Distinguished Fellow of the All Souls College, Oxford,

Mr. Xavier de Roux, Master in law, avocat à la cour, Paris,

Ms Nataša Fauveau-Ivanović, avocat à la cour, Paris and member of the Council of the
International Criminal Bar,

Mr. Andreas Zimmermann, LL.M. (Harvard), Professor of Law at the University of Kiel, Director
of the Walther-Schücking Institute,

Mr. Vladimir Djerić, LL.M. (Michigan), Attorney at Law, Mikijelj, Jankovi ć & Bogdanovi ć,

Belgrade, and President of the International Law Association of Serbia and Montenegro,

Mr. Igor Olujić, Attorney at Law, Belgrade,

as Counsel and Advocates;

Ms Sanja Djajić, S.J.D., Associate Professor at the Novi Sad University School of Law,

Ms Ivana Mroz, LL.M. (Minneapolis),

Mr. Svetislav Rabrenović, Expert-associate at the Office of th e Prosecutor for War Crimes of the
Republic of Serbia, - 7 -

Mme Isabelle Moulier, doctorante en droit international à l’Université de Paris I,

M. Paolo Palchetti, professeur associé à l’Université de Macerata (Italie),

cocomnseils.

Le Gouvernement de la Serbie-et-Monténégro est représenté par :

M. Radoslav Stojanović, S.J.D., chef du conseil juridique du ministère des affaires étrangères de la
Serbie-et-Monténégro, professeur à la faculté de droit de l’Université de Belgrade,

coagment;

M. Saša Obradovi ć, premier conseiller à l’ambassade de Serbie-et-Monténégro au Royaume des

Pays-Bas,

M. Vladimir Cvetković, deuxième secrétaire à l’ambassade de Serbie-et-Monténégro au Royaume

des Pays-Bas,

comme coagents;

M. Tibor Varady, S.J.D. (Harvard), professeur de droit à l’Université d’Europe centrale de
Budapest et à l’Université Emory d’Atlanta,

M. Ian Brownlie, C.B.E., Q.C., F.B.A., membre de la Commission du droit international, membre

du barreau d’Angleterre, Distinguished Fellow au All Souls College, Oxford,

M. Xavier de Roux, maîtrise de droit, avocat à la cour, Paris,

Mme Nataša Fauveau-Ivanovi ć, avocat à la cour, Paris, et membre du conseil du barreau pénal
international,

M. Andreas Zimmermann, LL.M. (Harvard), professeur de droit à l’Université de Kiel, directeur de

l’Institut Walther-Schücking,

M. Vladimir Djeri ć, LL.M. (Michigan), avocat, cabinet Mikijelj, Jankovi ć & Bogdanovi ć,

Belgrade, et président de l’association de droit international de la Serbie-et-Monténégro,

M. Igor Olujić, avocat, Belgrade,

comme conseils et avocats;

Mme Sanja Djajić, S.J.D, professeur associé à la faculté de droit de l’Université de Novi Sad,

Mme Ivana Mroz, LL.M. (Minneapolis),

M. Svetislav Rabrenovi ć, expert-associé au bureau du procureur pour les crimes de guerre de la
République de Serbie, - 8 -

Mr. Aleksandar Djurdjić, LL.M., First Secretary at the Ministry of Foreign Affairs of Serbia and
Montenegro,

Mr. Miloš Jastrebić, Second Secretary at the Ministry of Foreign Affairs of Serbia and Montenegro,

Mr. Christian J. Tams, LL.M. PhD. (Cambridge), Walther-Schücking Institute, University of Kiel,

Ms Dina Dobrkovic, LL.B.,

as Assistants. - 9 -

M. Aleksandar Djurdji ć, LL.M., premier secrétaire au ministère des affaires étrangères de la
Serbie-et-Monténégro,

M. Miloš Jastrebi ć, deuxième secrétaire au ministère des affaires étrangères de la
Serbie-et-Monténégro,

M. Christian J. Tams, LL.M., PhD. (Cambridge), Institut Walther-Schücking, Université de Kiel,

Mme Dina Dobrkovic, LL.B.,

comme assistants. - 10 -

The PRESIDENT: Please be seated. Professor Stojanović, your have the floor.

STO. JANOVI Ć : Merci, Madame le pr ésident, Messieurs les j uges de la Cour. Je

continuerai ma plaidoirie avec une analyse de la préparation de guerre et l’armement de la

population en Bosnie-Herzégovine.

Troisième partie

La préparation de guerre et l’armement de la population

113. En automne 1991, la guerre en Croatie t ouchait à sa fin. Le Conseil de sécurité des

NationsUnies a qualifié par sa résolution713 du 25septembre1991 (adoptée en application du

chapitre 7 de la Charte des Nations Unies) le conflit en Croatie comme une menace directe pour la

paix et la sécurité internationales. Cette résolution a introduit l’embargo sur l’importation des

armes en Yougoslavie. Le Conseil de sécurité a donné le mandat à CyrusVance afin de servir

d’intermédiaire dans les négociations concernant le cessez-le-feu. De plus, les forces du maintien

de la paix des Nations Unies (UNPROFOR) ont ét é formées. Elles devaient séparer les deux côtés

en conflit sur les frontières que leurs forces militaires respectives tenaient à ce moment.

114. Lorsque le Parlement de Bosnie-H erzégovine a adopté le 15octobre1991 le

mémorandum sur la souveraineté et l’indépendance de la Bosnie -Herzégovine, la situation est

devenue tendue. Les délégués des parties ser bes ont quitté la session du parlement et deux

représentants serbes de la présidence de la Bosn ie-Herzégovine ont voté contre le mémorandum.

Quelques jours plus tard, les délégués ser bes qui avaient quitté le Parlement de

Bosnie-Herzégovine ont formé un parlement sépa ré en annonçant un plébiscite pour que les

citoyens puissent se prononcer sur la question de rester ou non dans la Yougoslavie. Ce plébiscite

a été annoncé pour les 9 et 10 novembre 1991.

115. Le 22 décembre 1991, le parti serbe, le SDS a proposé une transformation globale de la

Bosnie-Herzégovine selon laquelle celle-ci serait devenue une confédération de trois communautés

ethniques, avec trois parlements. Pendant les conver sations engagées entre les trois parties le parti

serbe SDS a proposé la préservation de la Bosnie -Herzégovine dans le cadre de la Fédération

yougoslave. Lorsque le parti serbe s’est rendu co mpte que les deux autres partis étaient opposés à - 11 -

cette idée, le parti serbe a abandonné cette id ée et était prêt à respecter les souhaits des

représentants musulmans et croates et, à ces fins, à desserrer les liens avec la Yougoslavie ou à s’en

séparer complètement. Dans l’intérêt de la paix , le parti serbe était prêt à accepter que la

Bosnie-Herzégovine devienne une confédération dotée de trois parlements pour les trois

communautés ethniques fonctionnant sur la base du respect mutuel. Cette confédération aurait

également certaines fonctions communes grâce a uxquelles la Bosnie-Herzégovine pourrait devenir

un trait d’union entre la Croatie et la Yougoslavie. Ainsi trois entités complémentaires ou au moins

neutres les unes par rapport aux autres auraient été créées en Bosnie-H erzégovine (exceptions

préliminaires, annexe, p. 457-458, juin 1995).

116. Cette proposition était complètement oppo sée à la position des partis musulman et

croate qui soutenaient la Bosnie-Herzégovine unique et indépendante.

117. La proposition susvisée du parti serbe dé montre qu’en mi-décembre 1991 aucun projet

de guerre n’existait chez les Serbes. L’entretie n de Nikola Koljevic, vice-président du parti serbe

avec FranjoTudjman, président du parti croate, te nu à Zagreb le 8janvier1992, confirme cette

thèse. Lors de la réunion, NikolaKoljevic a pr oposé la transformation de la Bosnie-Herzégovine

en «une communauté de trois entités liées par un contrat confédéral». En même temps, Koljevic a

proposé les liens du type confédéral entre l’entité cr oate en Bosnie-Herzégovine et la Croatie, d’un

côté, et entre l’entité serbe en Bosnie-Herzégovine et la Serbie, de l’autre côté (les sténogrammes

sur la division de la Bosnie, op. cit., p. 143).

118. Une autre tentative de résolution pacifique du conflit politique en Bosnie-Herzégovine a

eu lieu une semaine après le référendum en Bosnie-Herzégovine. Le médiateur de

l’Unioneuropéenne, JoséCutiliero, a invité le 18mars1992 les représentants des trois parties

nationales à des négociations à Lisbonne. Pendant ces négociations les trois parties se sont mises

d’accord sur l’intangibilité des frontières de la Bosnie-Herzégovine en décidant de remettre la

question de la souveraineté pour plus tard. Toutes les trois parties étaient d’accord que la

Bosnie-Herzégovine était une république composée de trois peuples constitutifs dont chacun a droit

à l’autodétermination. La Bosnie-Herzégovine aurait dû être divisée en cantons sur la base

ethnique selon la carte créée sur le fondement du compromis atteint par la Communauté - 12 -

européenne. Unesemaine après avoir accepté l’ac cord de Lisbonne, M.Izetbegovic l’a rejeté.

(S.L. Woodword, op. cit., p. 196).

119. Le référendum du 29févrie r1992, tenu sans la participati on du peuple serbe, était la

base de la reconnaissance internationale de la Bosnie-Herzégovine, intervenue le 6avril1992.

Pour être valable, le référendum en Bosnie -Herzégovine aurait dû (selon l’opinion de la

commission d’arbitrage de Badinter), montrer que les trois peuples constitutifs de la

Bosnie-Herzégovine étaient, en majorité, pour l’ indépendance de la Bosnie-Herzégovine. Seul, un

tel référendum aurait été conforme à la Cons titution de la Bosnie-Herzégovine. Après le

référendum, tenu sans la participation serbe, l’Un ion européenne a reconnu la Bosnie-Herzégovine

comme un Etat indépendant le 6 avril 1992. Le référendum et la reconnaissance indiquaient

clairement que le conflit militaire, ayant po ur objet le contrôle des territoires en

Bosnie-Herzégovine, était imminent (J. P. Maury, op. cit., p. 276).

120. Après la reconnaissance de la Bosnie-Her zégovine, le peuple serbe vivant dans ce pays

a été réduit au statut d’une minorité nationale dans son propre pays dans lequel il existait et vivait

depuis des siècles en tant que l’un des trois peuples constitutifs. D’ailleurs, la commission

d’arbitrage de Robert Badinter déclarait dans son rapport du 11 janvier 1992 :

«Que les populations serbes de Bosnie-Herzégovine et de Croatie ont le droit de
bénéficier de tout droit reconnu aux minorités et aux groupes ethniques par le droit
international et par les dispositions du proj et de convention de la conférence pour la
paix en Yougoslavie du 4 novembre 1991 que les Républiques de Bosnie-Herzégovine

et de Croatie se sont engagées à mettre en Œuvre.»

121. Il est difficile d’imaginer la situati on dans laquelle un peuple devient une minorité

nationale dans son propre Etat. Et pourtant c’est le destin du peuple serbe en Bosnie-Herzégovine.

Raisonnablement, l’on ne peut nier que dans ce ca s-là ce peuple ait eu le sentiment d’une grande

déception et d’un échec historique. Cet échec aurait pu être accepté, mais son acceptation aurait

signifié la disparition du peuple serbe en Bosnie -Herzégovine. Le probl ème était né lorsque

l’inacceptation de l’échec résulte en une résistance. C’est ce que les Serbes en Bosnie-Herzégovine

ont fait car ils n’ont pas accepté la défaite.

122. Le changement du statut des Serbes, du peuple constitutif, en une minorité nationale

signifiait pour eux la perte de leur identité collect ive. La conséquence en était la création des - 13 -

frontières entre les entités serbe, croate et musulmane. La lutte pour «le territoire» est pour les

Serbes la lutte pour la préservation de leur identité.

123. Il en était de même en Croatie où l es Serbes étaient transformés par la nouvelle

Constitution croate de 1990 en minorité nationale, alors que jusqu’à ce mome nt-là ils étaient le

peuple constitutif de la Croatie tout comme les Croates, car la Croatie était auparavant la

République des Croates et des Serbes vivant sur le territoire de la Croatie. Face à l’échec dans leur

tentative de garder leur territoire historique en Croatie où ils vivaient depuis des siècles et où ils

avaient même eu une position particulière reconnue par la monarchie austro-hongroise, les Serbes

se sont résignés et ont abandonné leurs propriétés, le urs terres, leur identité et leur histoire en

quittant la Croatie. Ils se sont enfuis en Serbie (plus de deux cent mille de Krajina expulsés lors de

l’opération la «Tempête» sont venus en Serbie en août 1995) en espérant qu’ils allaient y retrouver

leur identité collective.

La résistance contre la guerre en Serbie

124. Dès que la guerre en Yougoslavie a éclat é en 1991, les partis d’opposition en Serbie

avaient la possibilité de se confronter à la politique nationaliste du régime de Milosevic. Les partis

d’opposition insistaient sur le fait qu’il fallait ma intenir la Yougoslavie de manière pacifique.

Cependant, étant donné que le régime lui aussi pr étendait qu’il était pour la maintenance de la

Yougoslavie, il était difficile pour l’opposition de s’opposer radicalem ent au régime dans la lutte

politique intérieure. Comme l’opposition était cont re le recours à la force pour maintenir la

Yougoslavie, l’argumentation politique de l’oppositi on s’affaiblissait dans sa confrontation au

régime. La proclamation de l’indé pendance de la Croatie et de la Slovénie et la séparation de ces

deux républiques de la Yougoslavie a contribué à l’affa iblissement de la lutte contre le régime en

Serbie. Etant donné que le maintien de la Yougos lavie était la meilleure solution pour les Serbes

en vue d’accomplir le but de créer leur Etat na tional, une question se posait aussi bien au peuple

serbe qu’au peuple croate: Que se passerait-t-il si plus de deux millions de Serbes et plusieurs

centaines de milliers de Croates restaient en de hors de leurs Etats mères (dans le cas où la

Yougoslavie se désintégrerait) ? - 14 -

125. Après les élections qui ont eu lieu en Serb ie en décembre 1990, gagnées par le parti au

pouvoir, le parti socialiste, avec 42,5 % de vot es, l’opposition dirigée par le mouvement de

renouveau serbe, accompagné du parti démocratique et d’un certain nombre de partis moins

importants, a organisé des manifestations massives le 9 mars 1991. Ces manifestations ont eu lieu

au centre de Belgrade. Environ cent mille citoyens y participaient. La principale revendication de

l’opposition concernait les amendements à la Constitution serbe de 1990 qui devraient être adoptés

après les élections législatives. L’opposition insistait aussi sur la libération des médias (notamment

de la télévision nationale) du m onopole du régime. Les manifestati ons se sont terminées par un

conflit des manifestants avec la police, cette de rnière ayant agi d’une manière féroce sur les

citoyens qui manifestaient. Le même jour au soir, le régime a fait venir des chars dans les

boulevards de Belgrade.

126. Une fois que les conflits militaires en Yougoslavie ont éclaté (Plitvice, le

30 mars 1991), les différents partis serbes menés pa r le parti démocratique de Belgrade ont essayé

de convaincre les Serbes révoltés en Croatie de négocier. En mê me temps, en Serbie, l’opposition

intensifie la campagne pour la résolution paci fique de la crise yougosla ve. Cette campagne a

touché un grand nombre de villes et villages partout en Serbie, dans lesquels les meetings de

l’opposition attiraient de plus en plus de citoyens, qui étaient contre la guerre.

127. Le 30 juin 1991, le parti démocrate et son groupe parlementaire au Parlement serbe ont

adressé une invitation à tous l es chefs des groupes parlementaires en Yougoslavie d’organiser une

conférence ayant comme but la solution pacifique de la crise yougoslave. Il est important de

souligner que trente-deux des trente-six groupes parlementaires invités ont accepté cette invitation.

128. Cette conférence a eu lieu les 21 et 22 a oût 1991 à Sarajevo. Dr Dragoljub Micunovic,

président du parti démocratique de Belgrade, a pr ononcé son discours d’ouverture. Il a exposé un

plan visant à trouver une solution pacifique de la cr ise en Yougoslavie en décrivant la procédure et

les techniques des négociations. La conférence a abouti à l’acceptation du document «Appel à la

paix», déclarant que :

«Nous en appelons à la raison, au nom de la vie. La paix ne peut être créée que
par les gens prêts à dialoguer, à vivre les uns à côté des autres et à travailler les uns
avec les autres. Nous, les parlementaires de toutes les républiques yougoslaves ici, à
Sarajevo, nous avons commencé des discussions à ce sujet.» - 15 -

129. Une autre réunion aurait dû être organisée le 6 septembre de la même année, à Sarajevo

aussi (comme la suite de la première conférence) . Tous les partis politiques auraient dû y exposer

leurs propositions pour la résolution de la crise yougoslave. Cependant, cette conférence n’a pas

réussi car les principaux acteurs de la guerre, qui a déjà commencé en Croatie, n’y sont pas venus.

Le parti démocratique a lancé, en forme écrit e, son projet de la structure politique et

constitutionnelle de la Yougoslavie, mais il n’y avait pas de discussion, car personne d’autre

n’avait ses propres propositions. Les délégations de Za greb et de Ljubljana ne sont pas venues, de

sorte que cette conférence s’est terminée le même jour avec l’adoption du document final dans

lequel cette fois-ci on appelait les parties en conflit en Croatie à respecter l’accord sur le

cessez-le-feu et à résoudre le conflit de manière pacifique.

130. L’atmosphère contre la guerre a gagné le terrain en Serbie, alors que l’opposition

approfondissait son conflit avec le régime. Dans leurs activités diverses, la plupart des partis

d’opposition avaient encore comme but politique le maintien de la Yougoslavie.

L’échec de la mobilisation en Serbie en automne 1991

131. Les 14 et 15septembre1991, l’armée na tionale yougoslave a pr oclamé la deuxième

phase de la mobilisation en raison des combats en Croatie et comme réponse à l’attaque générale

des forces croates contre les casernes de l’armée nationale yougoslave. L’état-major de l’armée

nationale yougoslave a été très déçu lorsque les circonscrits ont refusé de répondre à l’appel de

mobilisation.

132. A mesure que la guerre se propageait en Croatie vers la fin du mois d’août1991,

l’armée yougoslave a continué à insister sur son rôle dans la séparation des côtés en conflit.

133. En même temps, en Croatie, l’armée nati onale yougoslave était c onsidérée de plus en

plus comme une force serbe. Cette attitude a ét é aussi bien acceptée en Bosnie-Herzégovine où le

gouvernement avait pris la décision qu’il ne fa llait pas accepter l’appel à la mobilisation des

instances militaires de l’armée yougoslave (CIA Balkan, Battlegounds, Wash ington, 2002, V-1,

p. 125).

134. Le refus de la mobilisation du Gouvernem ent de Bosnie-Herzégovine est intéressant.

D’une certaine manière il était conforme à la situa tion en Serbie dans laquelle la mobilisation n’a - 16 -

eu aucun succès. Lors de la session du Conseil supr ême de la défense de la Yougoslavie, qui a eu

lieu le 28 septembre 1991, l’on a pu constater que cent mille ho mmes convoqués à la mobilisation

ne se sont pas présentés, cinquantemille ont qu itté les troupes de l’armée yougoslave et

quarantemillsoldats ont refusé d’aller en guerre en Croatie. En somme, quelque

deuxcentmillehommes ont refusé de répondre à l’a ppel de mobilisation. La nationalité de ceux

qui ont refusé de répondre à l’appel de mobilisation reflète la structure ethnique en Serbie : 70 % de

Serbes et 30 % de minorité nationales.

135. L’armée yougoslave s’est trouvée dans la s ituation qui est une conséquence tout à fait

normale de la désintégration d’un Etat : lorsqu’un Etat se désintègre, son armée se désintègre aussi.

En fait, la décomposition de l’armée autorisait à l’Etat de se décomposer. De l’autre côté, la

désintégration de l’armée n’est pas seulement une question politique, mais aussi une question

sociale. En effet, un grand nombre de gens dont l’existence dépendait de leur service en armée se

sont trouvés sans salaire, sans aucun moyen de vi vre, sans logement et sans sécurité sociale et

assurance-maladie. C’était notamment le cas da ns les républiques qui ont proclamé leur

indépendance, la Slovénie et la Croatie, où les o fficiers de l’armée nationale yougoslave étaient

expulsés de leurs appartements et ne recevaient pl us de revenus. Cela a provoqué les conflits dans

le Gouvernement de la Yougoslavie qui formellement existait encore. Le ministère de la défense a

exigé la mobilisation générale afin de pouvoir cont inuer les combats en Croatie (l’armée nationale

yougoslave avait déjà quitté la Slovénie en été 1991). Dans cette phase, l’armée cherche les

moyens afin de subsister (voir CIA, op. cit., V-2, p. 175-177).

136. L’idée de l’armée nationale yougoslave c onsistant à maintenir la Yougoslavie avec la

Croatie et la Slovénie est devenue contraire à la conception du Gouvernement politique de

Serbie-et-Monténégro qui n’était plus intéressé à maintenir la Yougoslavie dès lors qu’il est devenu

évident que ces deux républiques ne voulaient pas y rester. Ainsi la Bosnie-Herzégovine était le

seul territoire en dehors de la Serbie-et-Montén égro où l’armée nationale yougoslave a survécu

comme force militaire.

137. L’échec de la mobilisation des soldats de réserve en Serbie en automne 1991 a montré

au Gouvernement politique serbe que l’atmosphère an timilitariste en Serbie était très prononcée.

C’était effectivement la première fois dans l’histoire de la Serbie que la mobilisation pour la guerre - 17 -

n’a pas eu de succès. Ce fait a empêché d’entrepre ndre des mesures violentes afin de prévenir la

désintégration du pays.

138. Après les manifestations massives de l’oppos ition contre le régime, le régime en Serbie

était en automne 1991 conscient que la mobilisatio n générale, suggérée par l’état-major militaire,

pourrait provoquer les manifestations massives de s Serbes et «political defeat for Milosevic’s

gouvernement» (CIA, op. cit., V-2, p. 182).

139. La dernière tentative du ministère de la défense de prendre la décision politique

concernant la mobilisation générale a été faite après la chute de Vukovar. En effet, il a proposé à la

présidence de la Yougoslavie de prendre la décision de lancer une offensive contre Zagreb. C’est

Milosevic lui-même qui a mis le veto à une telle opération (CIA, op. cit., V-2, p. 182).

140. Madame le président, Messieurs les juges, cette courte analyse de la résistance en

Serbie au recours à la force pendant la désintégration de la Yougoslavie démontre clairement que la

Serbie-et-Monténégro ne pouvait être l’agresseur da ns la guerre interethnique en Yougoslavie. Le

conflit qui a éclaté n’était pas provoqué par l’agressi on car, si cela était vrai, cette guerre aurait été

tout à fait différente.

141. La Serbie n’a pas effectué la mobilisa tion, cependant certains individus, d’ailleurs

originaires de la Bosnie-Herzégovine ou de la Cr oatie (Šeselj, Bokan, Jovic), ont organisé, sans

aucune participation de l’Etat, les unités volontair es. De la même manière, en1941 en Serbie,

occupée par les Allemands, des formations volontair es ont été créées pour aller en Bosnie afin de

protéger le peuple serbe du génocide des oustachas . Par ailleurs, les unités volontaires de Croatie

participaient dans la guerre en Bosnie auprès d es Croates de Bosnie et les unités volontaires de

certains pays musulmans se battaient auprès des Musulmans bosniaques.

La formation des organisations militaires en Bosnie-Herzégovine

142. Le conflit politique menait manifestement au conflit militaire. Les échecs des tentatives

de résoudre à l’amiable et de manière pacifique la crise politique en Yougoslavie le démontrent

bien. L’armement clandestin et l’organisation militaire chez tous les trois groupes ethniques en

Bosnie-Herzégovine le confirment aussi. - 18 -

143. Les intérêts des parties en conflit devenaie nt de plus en plus inconciliables : les Serbes

en Bosnie-Herzégovine n’acceptaient pas la sé paration de la Bosnie-Herzégovine de la

Yougoslavie tandis que les Musulmans insistai ent sur la Bosnie-Herzégovine souveraine,

indépendante et unitaire. Il faut souligner le fait que ces intérêts n’étaient pas uniquement définis

de la part de l’élite politique etintellectuelle de ces groupes ethn iques mais ils ét aient enracinés

dans leur conscience nationale et politique. Ce fait est confirmé pa r les résultats des élections de

novembre1990, lorsque les partis politiques nationa ux ont obtenu une grande majorité de votes.

De même, il faut se rappeler que la grande majo rité des Serbes ont boycotté le référendum sur

l’indépendance de Bosnie-Herzégovine (mars 1992). Ce boycott massif n’a pu être provoqué par la

campagne politique du parti démocrate serbe. Ce boycott est sans doute le résultat de ce que les

Serbes considéraient comme leurs intérêts nati onaux. Cette attitude des Serbes (l’attitude qui

consistait à s’opposer à la séparation de la Bo snie-Herzégovine), accompagnée de la peur, les

poussait à accepter les armes de toute provenance.

144. Il faut mentionner le fait qu’en Bo snie-Herzégovine, après la deuxième guerre

mondiale, la plupart des maisons avaient des ar mes de trophée de la deuxième guerre mondiale.

Cette tendance a été sans doute motivée par l’e xpérience de la deuxième guerre mondiale dans

laquelle les Serbes non armés étaient une proie facile des O.

145. L’armée nationale yougoslave, composée des officiers de toutes les nationalités,

devenait de plus en plus serbe. C’est un fait, mais un fait explicable. En effet, les officiers croates

et musulmans ont quitté l’armée yougoslave afin de rejoindre les nouvelles forces armées créées

sur les fondements ethniques. Nous pouvons dire la même chose pour les officiers slovènes qui ont

rejoint la toute nouvelle armée slovène et pour les officiers macédoniens qui ont rejoint l’armée

macédonienne fraîchement constituée. Donc, l’armée nationale yougoslave est devenue une armée

serbe. Il faut dire que, même avant la guerre, la plupart des officier s de l’armée nationale

yougoslave étaient d’origine serbe, mais il faut souligner que la plupart de ces officiers serbes

étaient les Serbes de Bosnie. Deux raisons expli quaient cette situation: premièrement, l’armée

nationale yougoslave a été créée par l’armée de Tito qui opérait pendant la deuxième guerre

mondiale surtout en Bosnie-Herzégovine. Deuxièm ement, les officiers de l’armée nationale

yougoslave provenaient des régions pauvres de Bo snie-Herzégovine et de Croatie, les régions - 19 -

peuplées majoritairement par les Serbes. Et ant les communistes convaincus, ces Serbes

choisissaient l’armée pour des raisons idéologiques, mais surtout pour des raisons économiques, car

l’armée leur permettait une existence décente qu’ils pouvaient difficilement trouver sur leurs terres.

Ce fait était très pertinent pour le processus de la transformation de l’ar mée nationale yougoslave

en armée serbe en Bosnie-Herzégovine.

146. L’armée multiethnique qui au commen cement de la guerre en Croatie et en

Bosnie-Herzégovine défendait la Yougoslavie mu ltiethnique comme l’armée nationale yougoslave

est devenue une armée serbe par la composition de ses troupes et du corps d’officiers et, comme

telle, elle s’est rangée auprès des Serbes dans la guerre en Bosnie-Herzégovine. En tant que telle,

elle était dès le commencement de la guerre la cible privilégiée des attaques des formations

militaires musulmanes et croates. Ces formati ons entouraient et attaquaient des casernes de

l’armée nationale yougoslave en tuant partout en Bosnie-Herzégovine les circonscrits, souvent âgés

de dix-huit ans, qui ne faisaient que servir leur service militaire obligatoire.

147. Dans le livre de la CIA nous pouvons lire que

«From January through April 1992, the JNA in Bosnia had two priorities. The
first was to work and support a peaceful settlement of the political differences among
the three ethnic groups. The second, and more important, was to see that the Bosnian

Serbs and their position in the republic were secure.» (CIA, op. cit., V-1, p 128/2.)

148. Une fois la Bosnie-Herzégovine reconnue comme un Etat indépendant (le 6 avril 1992),

la question du retrait de l’armée nationale yo ugoslave s’est posée devant le Gouvernement

politique yougoslave. Il était clair que la pre ssion internationale était très forte et que la

Yougoslavie devrait retirer l’armée nationale yougoslave de Bosnie-Herzégovine. Le risque que ce

retrait représentait pour les Serbes de Bosnie était évident. Cependant, la majorité des officiers et

des soldats de cette armée étant d’origine serbe mais étant de Bosnie-Herzégovine, ne voulaient pas

quitter leur pays qui est la Bosnie-Herzégovine . Ils avaient donc choisi de rester en

Bosnie-Herzégovine auprès de leurs familles et de leurs foyers.

L’une des conséquences du retrait de l’armée aurait été une grande vague de réfugiés qui

auraient immigré en Serbie-et-Monténégro . Si l’on ne comptait que les familles des officiers de

l’armée nationale yougoslave il y au rait presque deux cent mille réfugiés. Tout cela était un grand

souci pour le régime en Serbie et pour l’élite politique et social e serbe car les petits groupes de - 20 -

réfugiés arrivaient déjà de Croatie, mais égalem ent de Bosnie-Herzégovine en Serbie. Il faut

souligner que parmi ces premiers groupes de réfugi és il y avait des familles croates et musulmanes

et surtout des familles mixtes, des familles yougoslav es, qui cherchaient un abri en Serbie car ils

craignaient la guerre et les persécutions en Bosnie-Herzégovine, mais aussi en Croatie.

149. En janvier, février et mars 1992, donc avant la reconnaissance internationale de

Bosnie-Herzégovine, tous les officiers d’origine de Bosnie, les Croates, les Musulmans et les

Serbes, qui le souhaitaient, étaient transférés en Bosnie-Herzégovine. En même temps tous les

officiers originaires des autres régions de l’ex -Yougoslavie, qui servaient en Bosnie-Herzégovine,

pouvaient être affectés ailleurs et notamment en Se rbie ou auMonténégro. Finalement, c’était le

cas, des militaires restés en Bosnie-Herzégovine étaient tous citoyens de la Bosnie-Herzégovine.

150. En même temps la force militaire de Repub lika Srpska devient de plus en plus solide

er
(voir CIA, op. cit., p. 129-130). Ainsi le 1 avril 1992 la Republika Srpska avait

soixantemillesoldats dans le cadre de la défe nse territoriale. Ces soldats étaient sous le

commandement des états-majors municipaux. Le ministère des affaires intérieures nouvellement

formé en Republika Srpska (le 1 eavril 1992) disposait de quinze millepoliciers. Le financement

de ces troupes était à la charge du Gouvernement de la Republika Srpska. Plus tard, vers la

fin 1993, le Parlement de la Republika Srpska a d écidé de «transférer la responsabilité pour l’aide

des unités de l’armée aux communes où elles étaient stationnées» (la session du Parlement de la

Republika Srpska du 30-31 décembre 1993).

151. En même temps, l’armée nationale yougoslave (JNA) disposait de cent dix mille soldats

er
et officiers (le 1 avril 1992). Conformément au rapport de la CIA «These forces were equipped

with an estimated 500 tanks, 400 field artillery piece over 100 mm; 48 multiple rocket launchers

and 350, 120 mm mortars, some 40 light attack observation helicopters and 30 transport helicopters

based in the republic.» (CIA, op. cit., V-1, p 130-131.)

152. En somme, la force militaire des Se rbes en Bosnie-Herzégovine, les militaires

professionnels et les membres de la défense territo riale, disposait de centquatre-vingt-cinqmille

soldats. Après le retrait des Serbes et des Montén égrins nés en Serbie-et-Monténégro (il y en avait

entre dix et quinze mille) les forces militaires de la Republika Srpska, ensemble avec les unités de

la police, contenaient environ deux cent mille soldats. - 21 -

La formation des forces militaires des Bosniaques

153. Il est compréhensible que dans l’évolution du conflit politique en Bosnie-Herzégovine

(1990-1991) les Musulmans bosniaques voyaient au ssi la possibilité de transformer le conflit

politique en conflit militaire. A cette époque, l’ armée nationale yougoslave (JNA) multiethnique

existait toujours en Bosnie-Herzégovine avec l’ambition de maintenir une Yougoslavie

multiethnique. En dépit de ce fait, le Gouvernem ent politique bosniaque a autorisé la création de

l’organisation militaire à l’intérieur du parti de l’action démocratique (SDA), qui était le parti

musulman à cette époque. La CIA rapporte que cette organisation militaire est connue sous le nom

de la «ligue patriotique des peuples». Le 10ju in1991, ce parti organisait la réunion des leaders

musulmans les plus importants. Lors de cette réunion «le Conseil pour la défense nationale des

Musulmans» a été formé afin d’organiser les prépar atifs militaires opérés par la ligue patriotique.

Tout cela avait comme but la réalisation et la dé fense de l’indépendance de la Bosnie-Herzégovine

(C.I.A, op. cit., V-1, p. 130).

154. Le service d’information de l’armée nati onale yougoslave (JNA) a informé l’état-major

général et la présidence yougoslave qu’une un ité militaire spécialisée de cinquantemillehommes

dont vingt-cinq mille étaient armés a été formée (C.I.A, op. cit., V-1, p. 130).

155. Madame le président, Messieurs les jug es, j’aimerais maintenant citer le discours

d’Alija Izetbegovic, prononcé en 1997 :

⎯ «In June 1991 the SDA Council for Nationa l Defense was formed. This meeting

was attended by about 400 representatives of Bosnians from the entire territory of
the former Yugoslavia, primarily from Bosnia-Herzegovina.

⎯ In July 1991 the first military experts (e.g .: ex JNA officers) joined the Patriotic

League and provided the first directives for the defense of Bosnia and
Herzegovina.

⎯ The first truck load of weaponry arrived in August 1991.

⎯ The first military training began in September.

⎯ The first Units were formed in October.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

⎯ In December the organizing of personnel and arming of reserve police units of the
Bosnia-Herzegovina MUP (Ministry of Internal Affairs) began at the initiative and
under the leadership of the Patriotic League. - 22 -

⎯ In January 1992 the first unit of the Patr iotic League, an action that was carried
out through the highest organs of Bosnia-Herzegovina.

⎯ In February 1992, at the conference in Mehurici, orders for the staff of the
Patriotic League of Bosnia-Herzegovina were defined and issued, and political
directives on the principles of defense of Bosnia-Herzegovina were set out. The

political goals were: defense of the territory, democracy, multi-ethnic community
and human rights.

⎯ In April 1991, after the decision by Bosnia-Herzegovina Presidency that the
territorial defense of Bosnia-Herzegovina was the state defense structure, the three
high-ranking Territorial Defense officers, who were appointed then joined the
command of the Patriotic League of Bosnia-Herzegovina and began commanding

the existing structure of the Patriotic League...

⎯ At the beginning of the War the Patrio tic League of Bosnia-Herzegovina had
around 30000 armed volunteers arranged in units, with an established corps area

and commanders. Prior to the war, th e Patriotic League, had well developed
logistical systems. That system remained the back bone of logistics for the Army
of Bosnia-Herzegovina until the end of the war, thanks to SDA state policy and
the solidarity of friendly countries in the Islamic world…

⎯ If it were not for the Patriotic League of Bosnia-Herzegovina, that would not have
been possible. It was the first army of our defense: for it emerged the Army of the

republic of Bosnia-Herzegovina...» (CIA; op. cit., V-1, p. 132-133.)

156. Lorsque la guerre en Bosnie-Herzégovine a éclaté, il y avait déjà neuf commandes des

forces armées desMusulmans bosniaques régiona les (Sarajevo, Doboj, Cazin, Prijedor, Livno,

Mostar et Sandzak (une région en Serbie peuplée en majorité par les Musulmans). Il est important

de souligner que le commandant en chef de l’arm ée bosniaque était Sefer Halilovic, un ancien haut

officier de l’armée nationale yougoslave, d’origine de Serbie (Sandzak). Ces neuf régions étaient

divisées en cent trois états-majors municipaux (CIA, op. cit., V-1, p. 132).

157. Etant donné que cette organisation contenait uniquement la population musulmane dans

les régions et municipalités mentionnées, les conflits militaires ont été déclenchés par les irruptions

des forces militaires serbes dans ces bases militaires des Musulmans. C’était un conflit initial avant

que des conflits entre les unités militaires plus gr andes ne se soient produits. Ces conflits ont

déclenché les déplacements ethniques. S’agissant des territoires sous le contrôle serbe, il est

certain que le but était d’expulser la population qui constituait la b ase de la force militaire de la

partie opposée. Cependant, c’est l’objectif de tout conflit armé et, comme tel, il était l’objectif de

toutes les parties dans la guerre en Bosnie-Herzégovi ne sur les territoires qu’elles contrôlaient. En

dehors du déplacement ethnique forcé, on ne peut né gliger les conséquences des luttes militaires et - 23 -

le contexte de guerre qui produisent en soi l’exode massif des populations. Un tel exode a eu lieu

de la Bosnie-Herzégovine, mais également de la Serbie-et-Monténégro qui subissait les

conséquences économiques de cette guerre.

158. Les opérations de guerre ont commencé par des conflits locaux entre des villages et des

villes ce qui a causé un grand nombre de victimes au début de la guerre déjà. Les premières unités

engagées dans les combats étaient des unités lo cales créées uniquement sur la base ethnique. La

responsabilité pour les victimes, bien entendu, était attribuée au groupe ethnique ennemi. Dans les

guerres interethniques la différence entre les civ ils et les militaires n’existe pas. C’est une

caractéristique de toutes les guerres civiles et des révolutions. Il est connu que dans les guerres de

ce type les haines se réveillent en devenant une base pour la vengeance, ce qui intensifie la

violence. Tous se battent contre tous, les voisins c ontre les voisins, les villages contre les villages.

C’est la raison pour laquelle les guerres ci viles sont toujours plus atroces que les guerres

internationales dans lesquelles le conflit est fondé sur le conflit des forces militaires et les victimes

civiles sont considérées comme un dommage collatéral. Bien évidemment, les guerres

internationales totales, surtout après l’éclatement de la deuxième guerre mondiale, ont largement

effacé cette différence entre les victimes des armées et les victimes civiles. La population civile est

devenue au XX e siècle la première victime des conflits armés.

L’armement des Croates en Bosnie-Herzégovine

159. Vers la fin de1991, le parti croate de droite (le parti nationaliste extrémiste croate) a

commencé à former en Croatie et dans les régi ons de Bosnie-Herzégovine, peuplées en majorité

par les Croates (Herzégovine occidentale), les unit és paramilitaires (les forces de la défense croate

connues sous le nom de HOS). L’état-major principal a été formé à Ljubusko (Herzégovine de

l’ouest) le 3janvier1992, mais les forces armées croates (HOS) étaient toujours dirigées de

Zagreb, la capitale de la Croatie. Le commandant de la défense de Vukovar, Mile Dedakovic (qui

était un ex-officier de l’armée nationale yougoslave), était nommé commandant de ces forces

armées croates. En mars1992, les forces armées croates disposaient de cinqmillesoldats armés

(CIA, op. cit., V-1, p. 133). - 24 -

160. En dehors des forces armées croates formées par le parti de droite, la communauté

démocratique croate HDZ (parti politique croate au pouvoir en Croatie), sous la présidence du

président croate Franjo Tudjman, a fondé en janvier 1992 le Conseil croate de la défense ⎯ HVO

(qui avait un soutien direct de l’armée de la République croate ⎯ HV). Le Conseil croate de la

défense montrait ouvertement qu’il était pour la di vision de la Bosnie-Herzégovine si bien qu’il

n’avait pas de liens importants avec les organi sations politiques et militaires musulmanes. La

rivalité entre le Conseil croate de la défense (H VO) et les forces armées croates (HOS) était très

prononcée, de sorte qu’elle s’est terminée par l’assassinat d’un des commandants des forces armées

croates (HOS) le 9 août 1992. A partir de ce mome nt-là, le Conseil croate de la défense (HVO) a

joué le rôle le plus important parmi les Croates en Bosnie-Herzégovine.

161. Le Conseil croate de la défense a été fondé au début de janvier1992, quoique HDZ

(parti croate deTudjman) ait déjà commencé à or ganiser des groupes paramilitaires vers la fin de

l’été 1991 (CIA, op. cit., v-1, p. 134).

162. Dans le livre de la CIA déjà cité est écrit :

«With Zagreb’s intensive assistance ⎯ and with the example of 1991 Croatian
war to motivate local populations to organize and arm themselves ⎯ the HVO units
would surface within days of the Bosnian war’s beginning, complete with officers,

staffs, organization and weapons. Organized and directed from Zagreb, the HVO
in 1992 was for all practical purposes a subordinated command of the Croatian Army
(HV), directed by HV general Janko Bobetko through former HV officers resigned to

the HVO. The HVO relationship went well beyond the deployment of allied HV units
fighting alongside HVO forces in Bosnia. Not only were HVO and HV forces
operating under joined command but the HVO main staff was itself and HV forward
command force, established on the 16th of April in Grude at Tudjman’s direction.

Bobetko personally selected the first HVO commander, former Croatian army Colonel
Milivoj Petkovic, and Petkovic’s newly estab lished head-quarters was simultaneously
also an HV command post both officially and in practice. During the entire Bosnian
war ⎯but especially during the first several months, the HVO’s chain of command,

both political and military would run all the way back to Tudjman’s desk in Zagreb.
When the war began the HVO probably had some 15000 and perhaps as many as
20000 troops under arms. They were initially formed as «Croatian Defense

Councils» for each Croat-controlled municipality... But would later be organized into
battalions and brigades. The Bosnian Croa t forces were on average better organized
and equipped than their Bosnian early counterparts but still lacked the professionalism
and expertise of their JNA and Bosnian Serb Army opponents had little armor and

artillery. These limitations were to c onstrain the HVO’s performance for the
remainder of the war, preventing it from ever becoming robust fully independent
fighting force.» (CIA, op. cit., V-1, p.134.) - 25 -

163. Cette analyse comparative de la form ation des forces armées en Bosnie-Herzégovine

permet de conclure que :

A) L’armement des unités militaires était exclusiv ement organisé dans le cadre des communautés

ethniques qui organisent les formations militaires ethniques.

B) Les Serbes et les Croates en Bosnie-Herzégovi ne cherchaient l’appui auprès de leurs Etats

mères, la Serbie et la Croatie. La présence de l’armée croate de Croatie était constante en

Bosnie-Herzégovine durant toute la guerre. La présence de l’armée nationale yougoslave se

termine le 19mai1992 et, après cette date, l’armée était impliquée dans la guerre en

Bosnie-Herzégovine uniquement dans les incident s sporadiques impliquant les violations des

frontières et du territoire de la République de Serbie par des forces du Gouvernement central de

Bosnie-Herzégovine.

C) Le parti bosniaque, dans la guerre, n’avait aucun Etat voi sin sur lequel il pouvait s’appuyer

directement, de sorte qu’il n’a pu s’appuyer que sur lui-même dans l’organisation politique et

militaire de son armée. Cependant, la Bosnie-H erzégovine n’était pas seu le dans cette guerre,

elle était aidée par certains pays musulmans. L’aide reçue par la Bosnie-Herzégovine était

reconnue par Alija Izetbegovic qui a, dans son discours cité ci-dessus, exprimé sa

reconnaissance aux pays du monde islamique qui étaient responsables pour le succès dans la

formation des forces militair es des Bosniaques. Bien entendu, tous les pays musulmans

n’étaient pas impliqués dans la guerre en Bosnie-Herzégovine.

Etant donné qu’il n’y a pas d’informations auth entiques portant sur le type et le montant de

l’aide que les Musulmans de Bosnie-Herzégovine avaient reçue des pays islamiques, je ne veux pas

manipuler avec des estimations diverses. Il suffit de dire que cette aide financière, militaire et

matérielle existait. Il est aussi tout à fait manifeste que dans l’armée des Musulmans de

Bosnie-Herzégovine il y avait un certain nombre de volontaires en provenance des pays islamiques,

venus pour aider leurs frères Musulmans dans la guerre de Bosnie-Herzégovine.

164. Les buts de toutes les formations armées pendant la guerre était l’établissement du

contrôle sur les territoires que les partis en conflit définissaient comme les territoires de leur

communauté ethnique. - 26 -

Madame le président, je termin erai ma première partie de la plaidoirie d’aujourd’hui et je

vous prie si vous pouvez nous donner une pause maintenant.

The PRESIDENT: Je le ferai. Thank you, professor Stojanović.

STMO.JANOVI Ć : Merci, Madame le président.

The PRESIDENT: The Court will rise for 15 minutes.

The Court adjourned from 11.20 to 11.35 a.m.

The PRESIDENT: Please be seated. Professor Stojanović, you have the floor.

STMO.JANOVI Ć: Madame le président, Messieurs les juges, je continuerai ma plaidoirie

avec une analyse des conflits armés en Bosnie-Herzégovine.

Quatrième partie

Les conflits armés en Bosnie-Herzégovine

165. Madame le président, Messieurs les juges, je pense que le conflit armé en

Bosnie-Herzégovine est bien plus compliqué que le requérant ne le présente. Je suis favorable à

l’opinion du général sir Michael Rose qui dans son livre Fighting for Peace (Harvell Press,

London, 1998, p.3) a déclaré «the situation in Bo snia was not simply that of one nation invading

another. It was a civil war about territorywhich the Bosnian Croats and the Bosnian Serbs

sought to secede from the State and join with their compatriots in neighboring Croatia and Serbia.»

Et il poursuit : «Nevertheless, the ethnic differences in Bosnia which were to result in a three-sided

civil war over territory are minored elsewhere in the world and the story of the UN peacekeeping

force in Bosnia raises important questions fo r the future.» (P.7.) A la même page,

sirMichaelRose cite Edmund Burke qui disait que : «Civil wars strike deepest of all into the

manners of the people. They corrupt morals; they pervert even the natural taste and relish of equity

and justice.» Comme commandant de la FORPRONU en Bosnie-Herzégovine, le général Rose y a

pu voir personnellement les événements qu’il a pu également voir dans les autres missions

auxquelles il a participé. - 27 -

166. Il ressort de ce que je viens de dire que le commencement de la guerre en

Bosnie-Herzégovine, après la reconnaissance de la Bosnie-Herzégovine par l’Union européenne et

les Etats-Unis, respectivement les 6 et 7 avril 1992, a été préparé d’avance. Je dirai même que le

conflit a été attendu car toutes les parties formaien t les unités militaires et armaient les peuples.

L’expérience historique démontre que l’armement es t le plus important indicateur des préparations

pour la guerre et particulièrement lorsqu’il s’ intensifie et dépasse quantitativement l’armement

habituel nécessaire pour l’entretien de la force armé e dans le temps de paix. Dans le cas de la

Yougoslavie, l’armement a eu lieu au milieu d’ une crise économique et malgré elle ainsi que

malgré la pauvreté qui s’amplifiait. En pl us, l’armement a eu lieu au sein des groupes

ethno-nationaux qui étaient en conflit depuis un certain temps.

167. Madame le président, Messieurs les juges, je crois que j’ai démontré clairement le

processus de l’armement et de l’organisation m ilitaire de tous les trois groupes ethno-nationaux en

Bosnie-Herzégovine. Je dois souligner que tous les trois groupes susmentionnés ont eu l’appui à

l’extérieur : les Serbes en Serbie, les Croates en Croatie et les Musulmans bosniaques dans certains

pays musulmans du Moyen-Orient. L’organisation de l’armement démontre à première vue que les

préparatifs pour le conflit armé menaient vers un conflit armé interethnique. Cependant, ce conflit

avait aussi d’autres caractéristiques, par exempl e, il contenait les éléments sociaux mais sa

caractéristique fondamentale et la plus profonde ét ait la prise et la sauvegarde des territoires. Les

Musulmans bosniaques voulaient contrôler toute la Bosnie-Herzégovine, tandis que les Serbes et

Croates voulaient contrôler les territoires qu’ils co nsidéraient comme les leurs. La raison du

commencement du conflit en Bosnie-Herzégovine, la raison de la guerre en Bosnie-Herzégovine

est en effet la lutte pour les territoires. Cette lutte pour les territoires co mpliquait d’avantage la

situation et rendait la recherche d’une solution pacifique encore plus difficile.

168. La création des entités à la fin du conflit est la meilleure preuve que la guerre en

Bosnie-Herzégovine était une guerre pour le contrô le des territoires. Les Serbes et les Croates

n’ont jamais nié aux Musulmans bosniaques le dro it de disposer des territoires sur lesquels ils

auraient un pouvoir souverain et indépendant. La seule question qui se posait était la question de

l’étendue des territoires que les Serbes et les Croat es étaient prêts à abandonner aux Musulmans

bosniaques. La paix a pu être établie à Dayton car les entités territoriales garanties par les facteurs - 28 -

internationaux étaient formées, ce qui a réglé les relations entre les groupes ethno-nationaux dans la

Bosnie-Herzégovine. Ainsi, la guerre terrible et destructive qui a provoqué d’énormes souffrances

et tellement de victimes a enfin été terminée sur une paix qui ressemblait étrangement aux solutions

proposées avant le commencement de la guerre. Aucun groupe ethno-national n’a gagné la guerre,

mais tous les groupes ont obtenu les territoires su r lesquels ils pouvaient organiser un pouvoir plus

ou moins autonome.

169. La guerre en Bosnie-Herzégovine ét ait une guerre civile entre les groupes

ethno-nationaux, car les participants à cette guerre étaient ces groupes, mais les objectifs de cette

guerre n’étaient que les territoires et leur contrôle. La destruction d’un groupe n’était pas le but de

cette guerre, elle n’a jamais été envisagée da ns la guerre en Bosnie-Herzégovine. En

Bosnie-Herzégovine, le succès de la mobilisation a été grand, mais uniquement dans le cadre des

groupes ethno-nationaux. Nous ne pouvons pas démontrer une résistance aux appels à la

mobilisation venant des structures nationales en Bosnie-Herzégovine, mais nous pouvons prouver

que certains Serbes, certains Croates et certains Mu sulmans se sont réfugiés en Serbie afin d’éviter

la guerre. Certains d’entre eux y sont restés et y vivent aujourd’hui. Egalement, un certain nombre

de familles mixtes s’est installé en Serbie après avoir quitté la Croatie et la Bosnie-Herzégovine où

la pression devenait trop importante.

170. La mobilisation n’a pas eu lieu en Serbie pendant la guerre en Bosnie-Herzégovine. Par

ailleurs, un nombre insignifiant de groupes volontaires est allé en Bosnie-Herzégovine pour y

participer dans la guerre et ces groupes étaien t menés par les individus originaires de la

Bosnie-Herzégovine. En conséquence, la guerre en Bosnie-Herzégovine était une guerre locale

entre les groupes ethno-nationaux, vivant sur les te rritoires de la Bosnie-Herzégovine, qui était, ne

l’oublions pas, l’Etat des Musulmans, des Se rbes et des Croates. Les membres des groupes

nationaux vivant ailleurs, et notamment en Serb ie, n’avaient pas une volonté politique, morale ou

psychologique pour participer dans cette guerre qui n’était pas la leur . Ainsi, plus de vingtmille

Musulmans vivaient pendant toute la guerre à Belg rade et y vivent aujourd’hui. Ces Musulmans

n’étaient pas objet d’aucune discrimination et e ux-mêmes, pour la plupart, n’avaient aucune envie

d’aller se battre en Bosnie-Herzégovine auprès des Musulmans bosniaques. - 29 -

171. En conséquence, je considère que la guerre en Bosnie-Herzé govine était une guerre

civile et interne, dont le but était le contrôle es territoires. En aucun cas cette guerre n’était la

tentative du peuple serbe ou de l’Etat serbe de détruire un autre groupe ethnique, national ou

religieux. Cette guerre ne peut être qualifiée autrement qu’une guerre civile menée entre les

citoyens de la Bosnie-Herzégovine appartenan t aux ethnies différentes afin de prendre les

territoires et établir les frontières de leurs entités.

172. Comme preuve que la guerre en Bosnie-Herzégovine était une guerre civile interne pour

les territoires, je présenterai une courte chronologie des conflits qui ont eu lieu en

Bosnie-Herzégovine dans les années1992-1995 entr e les trois groupes nationaux y vivant depuis

des siècles.

La guerre entre les Musulmans bosniaques et les Croates

173. Au début de l’année 1993 une guerre at roce a commencé entre les Croates et les

Musulmans. D’après le rapport de la CIA

«After a week of rising interethnic te nsions across the entire Central Bosnian
area, the two ostensible allies clashed ope nly on 12 January 1993, in GornjiVacuf
[c’est une ville en Bosnie-Herzégovine] ⎯ a predominantly Muslim town in what had

been designated a Croat-majority canton. HVO forces firing from commanding
positions in the hills to the southeast began a drive to force the Muslim defenders out
of most of the town.» (CIA, op. cit., p. 190.)

174. Le conflit armé entre les Croates et les Musulmans s’est répandu rapidement en janvier,

février et mars1993. Bien que le président cr oate Franjo Tudjman a it publié le 28mars1993 un

accord conclu avec les Musulmans de Bosnie sur la création du commandement commun des

forces croates (HVO) et des forces musulman es (l’armée de la Bosnie-Herzégovine), ces

deux armées alliées ont recommencé les combats trois semaines seulement après la signature de cet

accord. En effet, cet accord n’a pas pu mettre un terme à la guerre entre les Croates et les

Musulmans bosniaques.

175. Pas plus tard que le 16 avril 1993, l es forces croates sont entrées dans le village

d’Ahmici dans la vallée de la rivière Lasva en y commettant des atrocités. Les événements de la

guerre entre les Croates et les Musulmans ont été rapportés dans le rapport de la CIA

«When British UN peacekeepers arrived in the village on 19 April to investigate

Bosnian charges of a massacre, they f ound that the entire village had been - 30 -

systematically destroyed. The main mosque had been burned and its minaret felled by
explosives detonated at the base. The major ity of the houses had also been put to the

torch, their roofs collapsed by the flames. Only Croat-owned buildings remained
intact. Burned-out cars, blackened private driveways, and livestock lay dead in the
streets and gardens. An entire family of seven was found dead in one house, including
two young children who had almost cert ainly burned to death...» (CIA, op. cit.,

p. 192.)

176. Un autre exemple de l’intensité du conf lit entre les Croates et les Musulmans est le

destin de la ville de Mostar qui, selon le requérant, serait une ville où les Serbes auraient commis le

génocide contre les Musulmans. Cependant, la vér ité de Mostar est toute autre, car au début du

conflit entre les Croates et les Musulmans, les Serbes, qui avant la guerre faisaient environ 20 % de

la population de Mostar, n’y existaie nt plus. Les événements qui se sont ensuivis à Mostar sont le

mieux décrits dans le rapport de la CIA selon lequel

«By the late summer of 1993, Mostar became the most divided city in divided

Bosnia ⎯Herzegovina. Before the war th e greater Mostar metropolitan area’s
population of some 120,000 citizens showed a very marginal Muslim plurality:
35percent Muslims, 34 percent Croats, and 19 percent Serbs. Within urban Mostar

itself, there a higher fraction of Muslims ⎯ 52 percent. When the ethnic violence cut
through the city center, Mostar’s r oughly 55,000 Muslim townspeople found
themselves squeezed into the smaller and besi eged East Mostar section, forced off the
western bank of the river and with only a medieval footbridge...linking the

two halves of the city.» (CIA, op. cit., p. 200.)

177. Le conflit entre les Croates et les Mu sulmans avait duré, dans une succession des

offensives et contre-offensives des deux côtés et avec la réussite différente et changeante jusqu’au

23 février 1994 quand les commandants du gouvernem ent central de Sarajevo et du gouvernement

de l’entité croate Herceg Bosna ⎯ c’est un nom pour le parti considéré par les Croates comme le

leur ⎯ ont signé le cessez-le-feu. Un mois pl us tard, un accord portant sur l’union des

deux armées a été signé et les anciens adversaires s ont devenus les alliés dans la guerre contre les

Serbes.

178. Puisque la guerre a commencé comme une guerre entre les Serbes, d’un côté, et les

Croates et les Musulmans, de l’autre côté, le conflit entre les Musulmans et les Croates a

transformé cette guerre en une guerre tripartite. Dans la guerre entre les Croates et les Musulmans,

les mêmes événements que ceux que nous avons connus dans la guerre entre les Musulmans et les

Serbes ont eu lieu. Exactement les mêmes événements que ceux que le requérant nous a montrés

comme spécifiques à la guerre entre les Serbes et les non-Serbes se sont produits dans la guerre

entre les Croates et les Musulmans. Cette gue rre, comme toute guerre civile, a connu tous les - 31 -

malheurs: les meurtres, les viols, la torture, la destruction de la propriété culturelle, religieuse et

historique, le transfert forcé et la déportation de la population. Dans certains travaux qui ont eu

pour objet le conflit entre les Croates et les Musulmans, les auteurs citent, par exemple

Ivica Milivončić dans son Œuvre intitulée Le crime avec le sceau, publiée à Zagreb en 1998 (centre

pour la recherche de documentation et pour l’an alyse des informations relatives à la guerre

patriotique (www.hic.hr/ratni-zlo čini/B-H/tab00.JPG)), le nombre de centquarantemille Croates

déplacés et déportés pendant la guerre avec les Musulmans.

Pendant la durée de la guerre entre les Croates et les Musulmans, les Serbes ont consolidé

leurs positions et ont utilisé cette guerre pour consolider leurs territoires menacés par les forces

croates ou musulmanes et surtout afin de renforcer le corridor de l’importance stratégique qui liait

la Bosanska Krajina (la Bosnie occidentale) à la Bo snie orientale. En raison de cette conception

stratégique et afin de maintenir l’équilibre, l’ armée de la Republika Srpska aidait aussi bien les

Croates que les Musulmans dans leur conflit mutu el. Le soutien donné a ux Musulmans dans leur

guerre contre les Croates démontre qu’aucune inte ntion de destruction des Musulmans en tant que

groupe n’a jamais existé. Si cette intention ex istait les Serbes aurait soutenu exclusivement les

Croates ou bien ils auraient tout simplement u tilisé la guerre entre les Musulmans et les Croates

pour les attaquer et les uns et les autres. Or, bien qu’ils aient pu, les Serbes n’ont jamais lancé une

telle attaque et ils n’avaient jamais l’intention de le faire.

179. Madame le président, Messieurs les juges, je ne veux pas décrire toutes les atrocités

commises pendant la guerre entre les Croates et les Musulmans dans les années 1993 et 1994.

Cette guerre est mentionnée ici devant vous pour vou s démontrer l’ampleur de la tragédie de tous

les peuples en Bosnie-Herzégovine. Le requérant a montré dans ses écritures une vision simpliste

de la guerre et de la situation en Bosnie-Herzégovine car il n’a pas voulu montrer la complexité des

rapports entre les groupes ethno-nationaux en Bosnie-H erzégovine afin d’occulter la nature et les

causes réelles de cette guerre civile interne entre les peuples de la Bosnie-Herzégovine.

Le conflit armé entre les Musulmans

180. Un autre événement tragique, l’une parm i autant de tragédies en Bosnie-Herzégovine,

était le conflit armé entre les deux fractions musulmanes, le conflit entre les forces - 32 -

gouvernementales fidèles à Alija Izetbegovic et l es forces fidèles à Fikret Abdic, le leader

incontesté des Musulmans de la Bosnie occidentale.

181. L’ancien allié d’Alija Izetbegovic, Fikret Abdic, est passé en opposition en raison de sa

politique modérée face à la politique radical e d’Alija Izetbegovic. Le conflit entre

Alija Izetbegovic et Fikret Abdic s’amplifie après le 21 juin 1993, le motif d’amplification de leur

désaccord était les négociations organisées par l’Un ion européenne à Genève qui étaient liées au

plan de Vance-Stoltenberg, destiné à instaurer la paix en Bosnie-Herzégovine. Comme l’un des

membres de la présidence de la Bosnie-Herzégovi ne, Fikret Abdic, contrairement à la volonté

d’Alija Izetbegovic, voulait assister aux négocia tions à Genève. Le conflit politique entre

AlijaIzetbegovic et Fikret Abdic a atteint sa cu lmination avec l’exclusion de ce dernier de la

présidence. Après cette exclusion Fikret Abdic quitte Sarajevo et rentre à Bihac, la ville où il avait

beaucoup de partisans et où il proclame la région autonome de la Bosnie occidentale (APZB). La

région est rapidement dotée des forma tions armées, car une partie du 5 e corps de l’armée de la

Bosnie-Herzégovine stationné à Bihac a abandonné les forces gouvernementales musulmanes et est

passée sous le commandement de Fikret Abdic. Les forces de Fikret Abdic entrent immédiatement

en conflit armé avec le reste du 5 ecorps de l’armée de la Bosnie-Herzégovine resté fidèle à

Alija Izetbegovic. Dans son rapport, la CIA décrit la situation à Bihac de manière suivante :

«Open violence between the rival forces be gan in the early days of October, as
for the first time Muslims fought not only Serbs and Croats but other Muslims.
UNPROFOR attempted to negotiate a truce be tween the two Muslim factions before
the violence escalated out of control, but the Abdic representatives refused to attend

the talks.» (CIA, op. cit., p. 188.)

182. Ce conflit, tout comme le conflit entre l es Musulmans et les Croates, avait sa logique

militaire et durait jusqu’au mois d’août 1995.

183. Pendant le conflit entre les forces musulm anes fidèles à Alija Iz etbegovic et les forces

musulmanes fidèles à Fikret Abdic, la Republika Srpska soutenait l’option modérée représentée par

Fikret Abdic. Un accord de reconnaissance mu tuelle entre la Republika Srpska représentée par

Radovan Karadzic et la région auto nome de la Bosnie occidentale représentée par FikretAbdic a

été conclu en octobre 1993. La Republika Srpska et la région autonome de la Bosnie occidentale

ont entretenu les relations économiques et les rapports amicaux jusqu’à la fin de la guerre et la

défaite définitive des forces de FikretAbdic. En effet, la région autonome de la Bosnie - 33 -

occidentale, une région musulmane dirigée par Fikret Abdic, le Musulman mais l’opposant

politique d’Alija Izetbegovic, a été l’alliée éc onomique, politique et militaire de la Republika

Srpska. A plusieurs reprises, plusieurs milliers de civils, mais aussi de militaires musulmans,

partisans de Fikret Abdic, ont cherché abri aupr ès des Serbes de Bosnie ou de Croatie devant les

attaques lancées contre eux par les forces musulmanes fidèles à Alija Izetbegovic. Ces Musulmans

partisans de Fikret Abdic ont toujours été bien accueillis et protégés par les Serbes et en Republika

Srpska en Bosnie-Herzégovine et en Republika Srpska Krajina en Croatie.

Le conflit armé entre les Musulmans et les Serbes

184. Le conflit entre les Serbes et les Musulm ans dans cette guerre globale, où tous étaient

contre tous, n’était pas différent des autres conflits existants sur le territoire de la

Bosnie-Herzégovine. Tout au début de la guerre, les Serbes ont su prendre le contrôle sur la

majorité des territoires qu’ils voulaient contrôler.

Ainsi, à la fin de l’année1992 et en tout cas en1993, les Serbes en Republika Srpska ont

contrôlé les territoires qu’ils ont considérés comme les leurs. Pour cette raison, les Serbes étaient

prêts, à cette époque, à mettre la fin à la guerre. De l’autre côté, les Musu lmans insistaient sur la

continuation de la guerre justement afin de prendre les territoires contrôlés par les Serbes. En effet,

l’objectif des Musulmans et plus tard de la fé dération croato-musulmane était exactement le même

que l’objectif des Serbes de Bosnie, à savoir la prise et le contrôle des territoires. Ce fait est

confirmé par le rapport de l’Institut néerlandais pour la documentation de la guerre selon lequel

«Sarajeevenders ⎯initially numbering perhaps 10,000 to 15,000 armed
personnel of all types, with only a few heavy weapons and very limited

ammunition ⎯ were a motley lot…After a series of inconclusive skirmishes, the
Bosnian Government attempted its first major offensive operation from within the city
on 8June [it means 1992]. Bosnian Army forces mounted several simultaneous

attacks aiming to capture four critical hilltop positions overlooking the city center…»

Plus tard, en 1993, Sarajevo est de venu une zone de sécurité, proclamé e par le Conseil de sécurité

des NationsUnies, mais cela n’a pas empêché le s forces de l’armée de la Bosnie-Herzégovine

d’augmenter la force militaire de Sarajevo à quara ntecinqmillehommes dans la ville même et à

soixante-dixmilleommes si l’on compte les positions tenues par l’armée de la

Bosnie-Herzégovine autour de Sarajevo. - 34 -

185. Donc, à partir de l’année1993, les Musu lmans et ensuite la fédération ont essayé par

tous les moyens d’entretenir le conflit et ont in sisté sur leur prolongement afin d’étendre leur

contrôle sur les territoires pour lesquels ils consid éraient qu’ils leur appartenaient. Le général

sir Michael Rose a exprimé l’opinion suivante su r la politique des Musulmans bosniaques pendant

son séjour en Bosnie-Herzégovine :

«By mid-1994 the Bosnian Government had undoubtedly ceased to support the
peacekeeping efforts of the UN, believing that a ceasefire might turn into a permanent
freezing of the conflict line which would th en result in an unfair division of the
country. It therefore ordered its army to move to offensive operations to recover

territory lost in previous battles with the Serbs, thus bringing it into confrontation with
the UN whose job it was to restore peace in the country… The Bosnian Army had an
additional aim of getting the US and NATO committed to the war on the
ground… UN peacekeeping efforts to halt the fighting were clearly an obstacle to

their endeavours and by 1994 it became obvious to us in Sarajevo that the UN primary
to alleviate the suffering of the people was of less consequence to Bosnia’s leaders
than the achievement of their own political goal.» (Op. cit., p. 9.)

186. Afin de réaliser la victoire militaire da ns la guerre, le gouvernement à Sarajevo a utilisé

tous les moyens, y compris les zones de sécurité qui contrairement à ce que leur nom pourrait

indiquer, n’étaient jamais démilitarisées et de ce fait étaient utilisées comme des bases militaires

des unités de l’armée de la Bosnie-Herzégovine d’où celles-ci lançaient des attaques sur les forces

armées des Serbes de Bosnie mais aussi sur les villages voisins habités par les Serbes infligeant des

pertes à l’armée de la Republika Srpska mais au ssi de grandes souffrances à la population civile

serbe. Ces zones de sécurité ét aient constituées en avril-mai1993 à Srebrenica, Sarajevo, Tuzla,

Žepa, Goražde et Bihać. La CIA a décrit la situation militaire à Srebrenica, supposée démilitarisée,

dans son rapport dans les termes suivants :

«Under the terms of the UNSC resolution as finally written, the Srebrenica area
was to become a demilitarized zone. Th e Bosnian Army forces in the Srebrenica
enclave were supposed to turn in all thei r weapons at UN-supervised control points,
while UNPROFOR was supposed to enforce a permanent cease-fire around the

enclave, supervise the enclav e’s demilitarization, and res pond to any Serb attacks.
Neither provision really came to pass as originally intended.» (CIA, op. cit., vol.I,
p. 319-320.)

A titre d’exemple, l’état-major de la 28 division de l’armée de la Bosnie-Herzégovine était à

Srebrenica. Conformément au témoignage du commandant en chef de l’armée de la

Bosnie-Herzégovine, le général Hadzih asanovic, lors du procès Krstic, la 28 edivision disposait à

e
Srebrenica d’une force de plus de ci nqmille hommes. Egalement, le 5 corps de l’armée de la - 35 -

Bosnie-Herzégovine avait son siège à Bihac, qui ét ait également une zone de sécurité ; Tuzla, une

e
autre zone de sécurité, était le siège du 2 corps de l’armée de la Bosnie-Herzégovine. Finalement,

la zone de sécurité Gorazde a été utilisée pour d es attaques armées sur les Serbes. Ce fait a été

rapporté dans le rapport de la CIA selon lequel :

«After some early sparring, the Government troops launched a major offensive
in late July, seizing the passage to Gorazde and pushing VRS troops out of

Trnovo…Although Serb forces won the first round of fighting, seizing most of
Rogatica municipality and positions southeast of Visegrad, a series of Bosnian Army
attacks from late August to November retook key territory around Visegrad.»
(Goražde, Istočna Bosna, July 1992, CIA, p. 151.)

187. La situation n’a pas été différente en 1995, l’année qui a permis à l’armée de la

Bosnie-Herzégovine, en coopération avec son allié retrouvé, les Croates de Bosnie, mais également

en coopération avec l’armée de la République de Croatie, de conquérir les territoires qu’ils

considéraient comme les leurs. Ayant enfin réalisé cet objectif, la conclusion de la paix est

devenue possible et elle s’est réalisée à Dayton. A titre d’exemple, nous citons certains exemples

des attaques armées et offensives menées par l’armée de la Bosnie-Herzégovine et les forces

croates en 1995 rapportés par l’Institut néerlandais pour la documentation de guerre :

er
Le 1 mai 1995 : les forces croates profitent de l’offensive à la région de la Slavonie

occidentale afin d’attaquer les positions serbes en Bosnie-Herzégovine :

«Four months cease-fire ends and fi ghts escalate. Start of the Croatian
offensive, ‘Operation Flash’, to retake western Slavonia and launch attacks on 3 fronts
against Krajina Serbs. 2 Croatian MiG-21s attack key bridge on Sava river linking

Croatia to Bosnia. Sniping increases along Snip er Alley. Serbs also shell village of
Pazaric (10 miles SW of Sarajevo) killing 2. More fighting around Brcko as Croatian
government forces shell corridor. Government troops come under Serb attack in
corridor while other government forces la unch attack against Serb communication

tower in Majevica hills (S. of Brcko).»

Le 5 mai 1995 : les troupes du Gouvernement central de la Bosnie-Herzégovine attaquent la

région de Turbe en Bosnie-Herzégovine.

Le 15 juin 1995 : les forces du Gouvernement fédéral attaquent les positions serbes à Ilijas et

Vogosca ainsi que sur la route Teslic-Doboj-Banja Luka.

Le 27 juillet 1995 : les forces croates attaquent les régions occidentales en Bosnie: «HVO

forces advancing along Tomislavgrad-Grahovo line, and in Livno region, now within 4 km of - 36 -

Glamoc and 8 km from Grahovo. 250 Serbs flee to Knin, while Muslim refugees in north now

number 8,000 in Bihac.»

Le 12 août 1995 : les forces croates attaquent les Serbes en Herzégovine: «Croatian forces

launch new attack on Serbs near Dubrovnik, Serbs fleeing from Trebinje inside Bosnia. Bosnian

Government forces pushing towards Donji Vakuf , Bosanska Krupa, and Prijedor with Bosnian

Croatian forces providing some artillery support (1,300 explosions in 3 hr period).»

188. La conclusion définitive qui s’ensuit de la présentation de la chronologie des

événements en Bosnie-Herzégovine montre claire ment que la guerre en Bosnie-Herzégovine était

une guerre typique dont le seul objectif était la pri se et le contrôle des territoires que les différents

groupes nationaux considéraient comme les leurs pour diverses raisons dont la raison la plus

importante tient à l’histoire. Cet objectif de la gu erre a été définitivement confirmé par l’accord de

Dayton.

Les victimes du conflit

189. Lors du conflit en Bosnie-Herzégovine, to utes les trois parties avaient des victimes.

Ces victimes ont subi toutes sortes de violences, certaines étaient tuées, d’autres déplacées. Afin

d’obtenir une image fidèle de ce confit, il faut connaître le nombre total de personnes tuées.

Malheureusement, le requérant n’a même pas essayé d’établir le nombre exact des victimes, mais il

n’a pas hésité à utiliser des sources différentes, et le plus souvent ses propres sources, essayant de

multiplier le nombre des victimes afin de convaincre la Cour que le génocide a été commis contre

les Musulmans en Bosnie-Herzégovine.

190. Ainsi, le requérant affirme dans sa requête :

«Depuis la fin de la seconde guerre mo ndiale et les révélations des horreurs de
la «solution finale» de l’Allemagne nazi e, l’Europe n’avait pas été témoin de
l’anéantissement total d’un peuple pour la seule raison qu’il appartient à un groupe

national, ethnique, racial ou religieux donné , comme tel. Les crimes abominables qui
ont lieu actuellement dans la République de Bosnie-Herzégovine ne peuvent être
désignés que par un seul nom : génocide.» (Requête, 20 mars 1993, p. 3.)

Le demandeur a levé une mise en garde contre «l a destruction du peuple bosniaque» et a déclaré

que le peuple et l’Etat de Bosnie-Herzégovine ont souffert actuellement des effets du génocide qui

leur est imposé par la Yougoslavie. - 37 -

191. Et dans le mémoire le requérant continue :

«Ce procès ne peut avoir qu’un aspect rédempteur. Il est du pouvoir de la Cour
de faire sortir la convention sur le génocide de l’abstraction poussiéreuse des
bibliothèques de droit et des musées des souvenirs pieux pour la brandir comme un
bouclier efficace, capable de protéger les géné rations présentes et futures... [L]a Cour

ne rendra pas la vie aux quelque deux cen t mille à deux cinquante mille êtres humains
qui ont déjà péri...» (MBH, 15 avril 1994.)

192. Egalement dans le mémoire (15avril 1994, par. 2.1.0.8), le requérant affirme «que le

nombre total de personnes tuées, essentiellement mu sulmanes, mais aussi croates, est d’environ

unquart de million...» Egalement, le requérant affirme que ces chiffres étaient recueillis par

l’Institut de la santé de la Bosnie-Herzégovine en février 1994, donc ces chiffres ne concernent que

la période de 1992 à février 1994 et même dans cette période le requérant indique des chiffres qui

n’ont jamais pu être confirmés, bi en que la guerre ait duré encore au tant de temps que la période à

laquelle ces chiffres se réfèrent. Confor mément à ces chiffres et concernant

soixanteetunemunicipalités, ce qui représente 65 % de territoire de la Bosnie-Herzégovine, il y

aurait eu en Bosnie-Herzégovine jusqu’en février 1994 :

⎯ 142 334 personnes tuées (dont 16 510 enfants);

⎯ 161 755 personnes blessées (dont 33 734 enfants);

⎯ 72 282 grièvement blessées (dont 18 056 enfants) :

⎯ au moins 20 000 viols;

⎯ 2 600 000 réfugiés et personnes déplacés;

⎯ au moins 500 mosquées détruites.

193. Madame le président, Messieurs les jug es, la Serbie-et-Monténégro est accusée du

génocide et elle est obligée d’établir la vérité. Le peuple serbe et l’Etat de Serbie-et-Monténégro

compatissent avec toutes les victimes de ce conflit terrible sans égard à leur appartenance nationale

ethnique ou religieuse, ils compatissent avec les Cr oates, les Musulmans bosniaques et les Serbes,

avec tous ceux qui ont souffert dans cette malheure use et atroce guerre civile et ils regrettent de

devoir faire l’analyse des chiffres qui, d’une cer taine manière, réduit les souffrances des êtres

humains ainsi que les êtres humains aux chiffres sans visage. Je vous prie par avance de m’excuser

pour cette analyse que je dois faire. - 38 -

194. Je suis obligé d’entrer dans cette discussion sur le nombre des victimes car les

recherches récentes du Centre de recherche et de documentation de Sarajevo montrent une autre

image tout à fait différente de l’image présentée par le requérant. Le nombre de victimes n’atteint

pas des nombres avancés par le requérant, il est beaucoup plus petit. Le président du centre

susmentionné, M. Mirsad Tokača, qui est un Musulman bosniaque, a exposé lors d’une conférence

tenue à Banja Luka le 15 décembre dernier les info rmations suivantes : le Centre a établi que lors

de la guerre en Bosnie-Herzé govine 93837 personnes de tout es les nationalités, donc les

Musulmans, les Croates et les Serbes avaient été tuées. De plus, ce nombre comprend aussi bien

les victimes civiles que les militaires tués lors des combats. M. Tokaca a ensuite précisé que parmi

les personnes tuées, 30173 étaient des combatta nts musulmans et 35514 étaient des civils

musulmans. Bien qu’il existe la possibilité que le nombre total des victimes soit augmenté, ce

nombre total, selon les paroles de Tokaca, ne devrait pas dépasser le chiffre de 100000victimes.

Nous sommes très loin donc des ch iffres avancés par le requérant qui veut faire croire que

seulement dans la première pa rtie de la guerre jusqu’au mo is de février 1994, 142334personnes

étaient tuées.

195. Les recherches de M. Tokaca sont conf ormes aux rapports et aux témoignages des

experts devant le Tribunal pour l’ex-Yougoslavie. Par ailleurs, ces recherches montrent qu’un

grand nombre de victimes ont péri dans les combats. Malheureusement, cette recherche n’a pas

établi le nombre des victimes dans chaque conflit individuel, le conflit entre les Musulmans et les

Croates, conflit entre les Musulmans et les Musulman s, le conflit entre les Croates et les Serbes et

le conflit entre les Musulmans et les Croates. Il est d’ailleurs bien probable qu’il n’est même pas

possible d’établir précisément combien de victimes chacun de ces conflits avait produit. En effet,

la complexité du conflit qui a eu lieu en Bosnie-Herzégovine de 1992 à 1995 est telle que ce conflit

est le mieux caractérisé par la maxime de Hobbes bellum omnium contra omnes.

Homogénéisation ethnique

196. S’agissant du déplacement de la population, il ne m’est pas possible d’exposer devant

vous tous les cas du déplacement volontaire et for cé de la population serbe et non serbe de leurs

foyers. Ce déplacement est la conséquence dir ecte du conflit armé, mais aussi de la situation - 39 -

économique dramatique et bien entendu de la politiqu e menée par les partis au pouvoir. J’ai dit et

redit que toutes les parties au conflit menaient la guerr e afin d’établir le contrôle sur les territoires.

La meilleure preuve de cette th èse se trouve dans les sources citées par mon collègue distingué

Mvan den Biesen, à savoir le travail de Mme Ewa Tabeau utilisé dans le procès de

SlobodanMilosevic devant le Tribunal pour l’ ex-Yougoslavie. En effet, conformément à

Mme Tabeau, la structure ethnique de la population en Bosnie-Herzégovine en 1997, donc après la

guerre, est quasi identique à celle qui existait en 1991, donc avant la guerre. Ainsi, avant la guerre

la population non serbe faisait 67,8 % de la populatio n de la Bosnie-Herzégovine. Après la guerre,

le pourcentage de la population non serbe en Bo snie-Herzégovine est 64,7%. Cependant, le

pourcentage des Musulmans prétendument vict imes du génocide en Bosnie-Herzégovine a

augmenté car les Musulmans avant la guerre fa isaient 42,2% de la population totale en 1991,

tandis qu’après la guerre ils faisaient 45,5 % de la population totale en Bosnie-Herzégovine. Vous

avez dans votre dossier un graphique sur ces données. Madame le président, Messieurs les juges, il

est impossible que le groupe qui aurait été vict ime du génocide augmente le pourcentage de sa

participation sur les territoires où ce génocide aurait été commis. En raison de la comparaison

inadéquate du professeur Franck qui voulait faire croire que les événements en Bosnie-Herzégovine

lui rappellent l’holocauste, car il a déclaré dans son discours du 2mars2006 «do this pictures

remind you ⎯as I am afraid, they remind me ⎯ of the burnt out Synagogues of Berlin and

Frankfurt after Krystalnacht», je suis obligé enco re une fois de faire l’analyse du nombre des

victimes et de dire que neufmillions de Juifs avaient vécu en Europe avant la deuxième guerre

mondiale. Ils n’étaient que troismillions ap rès la deuxième guerre m ondiale. Madame le

président, Messieurs les juges, soit sixmillions de Juifs ont péri lors de la deuxième guerre

mondiale, à savoir 67% de la population juive de l’Europe. Il est certain que la guerre en

Bosnie-Herzégovine, malgré toutes les atrocités, ne peut être comparée à la folie des nazis.

197. De l’autre côté, nul ne peut contester que l’homogénéisation ethnique a été effectuée en

Bosnie-Herzégovine dans la guerre de 1992 à 1995. Cependant, il ne s’agissait pas d’une politique

unilatérale et encore moins du nettoyage ethnique unilatéral planifié par les Serbes. Il n’est

également pas vrai que les Musulmans auraient pendant toute la guerre tendu à créer la société

multiethnique, ce que notre collègue distinguée Mme Laura Dauban voulait présenter par les - 40 -

paroles du premier ministre de la Bosnie-Herzé govine, Haris Silajdzic, qui a déclaré en 1995:

«Our history is our guarantee. Our credibility is our history, the history of this conflict in which

these authorities have demonstrated maximum tolerance even at the most difficult

moments… There are probably some exceptions that probably only confirm the rule.» Ces paroles

et leur objectif doivent être mis en doute par le simple fait que le pourcenta ge de Serbes vivant

avant la guerre sur les territoires contrôlés par la Fédération était de 18,5%. Après la guerre

seulement 1,9% des Serbes sont restés y vivre. La situation des Serbes en Fédération était

identique à la situation des non-Serbes en Republika Srpska. Ceci n’excuse pas des actes criminels

commis, mais clarifie la situation en Bosnie-Herzégovine. Comme je l’ai dit, cette guerre était une

guerre de tous contre tous. Cont rairement à la thèse du requérant, cette guerre a fait des victimes

dans toutes les communautés et sur la totalité du territoire de la Bosnie-Herzégovine.

198. Le requérant affirme que le plus gra nd nombre des personnes déplacées et des réfugiés

étaient des Musulmans et en conclut que ce nombr e de Musulmans victimes du nettoyage ethnique

aurait constitué le génocide. Les faits sont tout autres. Conformément au rapport d’Ewa Tabeau, le

nombre de réfugiés et de personnes déplacées est c onforme à la structure ethnique de la population

en Bosnie-Herzégovine, telle qu’elle était avant la guerre. Ainsi, les Musulmans faisant avant la

guerre 44% de la population de la Bosnie-Her zégovine faisaient 46% des réfugiés et des

personnes déplacées. Les Serbes étant 31% de la population de la Bosnie-Herzégovine avant la

guerre faisaient 32 % des réfugiés et des personnes déplacées.

199. Je défends mon Etat, la Serbie-et-Montén égro, du génocide et je n’ai pas l’intention

d’accuser personne pour les crimes commis à l’encont re des Serbes lors de cette guerre terrible.

Par ailleurs, je ne pense pas que les crimes d’une partie peuvent excuser les crimes de l’autre.

Cependant, et dans le seul but de démontrer la vraie nature de cette guerre, je dois brièvement

exposer les crimes dont les civils serbes étaient victimes sur les territoires contrôlés par le

Gouvernement de Sarajevo.

200. En effet, les premiers réfugiés du territoire de Bosnie-Herzégovine étaient des Serbes de

BosanskiBrod, de Sijekovac et de Kupres. Comme des réfugiés présentent des preuves

convaincantes de la mise en Œuvre d’une politi que systématique d’homogénéisation ethnique des

territoires qui ne pouvait être réalisée que par les déplacements de populations qui, personne ne le - 41 -

niera, étaient souvent opérés de force, il nous semble opportun de citer une partie du rapport du

rapporteur spécial des NationsUnies, qui rapporte que la Serbie avait accueilli environ

quatrecentquarante-cinq mille réfugiés, dont la pl upart (deux centtrente-cinqmille, soit 53%)

étaient de la Bosnie-Herzégovine. La plupart de ces réfugiés s’étant réfugiés en Serbie étaient des

Serbes (80%), mais 7,8% de l’ensemble des réfugi és ayant cherché refuge en Serbie étaient des

Musulmans. Ce nombre que je viens de cite r de quatre cent quarante-cinq mille réfugiés dont

deuxcenttrente-cinqmille venaient de la Bosn ie-Herzégovine est le nombre de réfugiés que la

Serbie a accueillis jusqu’à1993 (NationsUnies, sixième rapport périodique E/CN.4/1994/110,

28février1994). Ce nombre n’inclut pas le nom bre des réfugiés au Monténégro. Ce nombre

n’inclut pas non plus le nombre des réfugiés, bien plus important, venus en Serbie en 1995 après

les grandes offensives croates et musulmanes lors desquelles la totalité de la population serbe était

expulsée, par exemple, des endroits comme Grahovo, Glamoc, Drvar, Bosanski Petrovac, pour ne

parler que des villes et villages en Bosnie-Her zégovine, où les Serbes avant la guerre faisaient

environ 90 % de la population.

201. La Serbie a accueilli un grand nombr e de réfugiés lors de la guerre en

Bosnie-Herzégovine. Devant cette Cour, la Serbie-et-Monténégro est accusée du nettoyage

ethnique qui aurait, selon le requérant, constitué le génocide; or, la Serbie était et est encore

aujourd’hui l’Etat où le plus grand nombre de réfugiés provenant du conf lit qui est jugé devant

cette Cour étaient accueillis. Si ces réfugiés étaient musulmans, comment peut-on supposer que cet

Etat, la Serbie-et-Monténégro, qui a indiscutabl ement aidé ces réfugiés, peut être accusé du

génocide qu’elle aurait commis contre ce même groupe auquel elle a donné toute l’assistance dont

elle était capable compte tenu des conditions diffi ciles dans lesquelles elle-même se trouvait ? Si

ces réfugiés étaient des Serbes comment peut-on affirmer la domination des Serbes sur les

non-Serbes en Bosnie-Herzégovine? Madame le président, Messieurs les juges, je ne veux

diminuer la responsabilité de pers onne, je ne veux diminuer la s ouffrance de personne, mais la

Serbie-et-Monténégro n’a jamais cherché à détruire le peuple musulman ou croate, elle n’a jamais

cherché à détruire un groupe national ethnique, r acial ou religieux. Elle s’est trouvée submergée

par la souffrance terrible des réfugiés venant de ses pays voisins qu’elle a accueillis sans jamais se - 42 -

demander quelle était leur nationalité, leur religion ou leur ethnie. Mon collègue

Vladmir Cvetkovic en parlera avec plus de détails dans son exposé.

202. Il est donc évident que l’homogénéisati on ethnique était l’une des conséquences de

toutes les guerres qui ont eu lieu sur les territoiresde l’ex-Yougoslavie et surtout en raison de sa

structure ethnique extrêmement compliquée.

203. Le fait indéniable est que l’homogénéisa tion était partiellement la conséquence d’une

migration de la population forcée certes, mais forcée par le contexte de la guerre, par les combats,

par la pauvreté et par l’insécurité inhérente à toute guerre. Le fait est aussi que les parties au conflit

se sont employées à déplacer la population de force et avec des méthodes criminelles; mais,

d’abord, cette politique était suivie par toutes les pa rties au conflit et ensuite, malgré le fait que des

méthodes criminelles étaient employées, ces actes peuvent certes constituer des crimes de guerre et

parfois des crimes contre l’humanité; ils ne constituent en aucun cas le génocide.

Conclusion

204. La guerre en Bosnie-Herzégovine s’est terminée par le traité de paix de Dayton après de

longues négociations. La Bosnie-Herzégovine a survécu comme un Etat consistant en

deuxentités: la Republika Srpska et la Fédé ration croato-musulmane . L’accord contient

également la Constitution de la Bosnie-Herzé govine qui confirmait cette forme du système

étatique. Cette Constitution est toujours en vigueur.

205. La nature de la guerre en Bosnie-Herzé govine n’a pas été déterminée par l’accord de

Dayton, mais l’accord constate que cette guerre ét ait «un événement tragique». Et, si je peux

ajouter, pour moi, c’est la meilleure définition donnée sur la guerre en Bosnie-Herzégovine.

Disons que c’est la définition la plus exacte de cette guerre.

206. L’accord de Dayton impose à tous les partic ipants de la guerre l’obligation de coopérer

avec le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie. En d’autres termes l’accord de Dayton

exige que la responsabilité individuelle soit établie . En revanche, l’accord est silencieux sur toute

responsabilité collective ainsi que sur la responsabilité de l’Etat.

207. Je suis absolument d’avis que la guerre en Bosnie-Herzégovine a éclaté à cause des

intérêts apparemment irréconciliables des par ties en conflit. Ces intérêts paraissaient - 43 -

irréconciliables en raison de l’obstination des leaders des groupes ethno-nationaux; bien qu’en

réalité ils ne l’étaient pas.

208. D’un côté, Alija Izetbegovic, le leader musulman était convaincu que la seule forme

acceptable pour la Bosnie-Herzégovine était l’Etat unitaire sans les divisions régionales et

cantonales, bien que ces divisions étaient proposées par le plan Cutiliero de 1992.

209. De l’autre côté, les Serbes en Bosnie -Herzégovine voulaient la création du territoire

serbe qui allait s’unir avec la Serbie ou qui serait dans une relation fédérale ou confédérale avec les

autres territoires ethno-nationaux en Bosnie-Herzégovine.

210. Enfin les Croates voulaient la création du territoire croate qui allait s’unir à la Croatie,

ou qui serait dans une relation fédérale ou confédérale avec les autres territoires ethno-nationaux en

Bosnie-Herzégovine.

211. Bien entendu, ni les Serbes ni les Croa tes ne pouvaient s’entendre sur l’étendue des

territoires qu’ils voulaient contrôler. Comme aucune des parties n’était prête à accepter un

compromis, la guerre a éclaté.

212. La base de cette guerre a été la lutte pour l es territoires, et aussi la lutte pour le pouvoir.

D’ailleurs, c’est à cause de la lutte pour le pouvoir que le conflit entre les parties a éclaté.

213. Quand une guerre civile intérieure commenc e, la peur s’installe partout, cette peur

explique bien qu’elle ne justifie pas beaucoup de crimes commis en Bosnie-Herzégovine.

214. La peur chez les Serbes a été motivée par le souvenir des crimes commis par les

Oustachis pendant la deuxième guerre mondiale. Lors de la deuxième guerre mondiale la

Bosnie-Herzégovine était la partie intégrante de l’Etat indépendant croate et certains Musulmans

bosniaques étaient alliés des Oustachis. Deux di visions SS étaient créées en Bosnie-Herzégovine,

e
Handzar et la 13 division musulmane. La peur des Serbes n’est pas restée dans l’histoire, elle

existait dans les souvenirs de ceux qui ont eu la chance de survivre la deuxième guerre mondiale.

215. Madame le président, Messieurs les juges, je l’ai dit et je le répète, la peur et les

mauvais souvenirs ne peuvent excuser ou justif ier les crimes commis, mais ils peuvent les

expliquer. Je pense que l’histoire de la Bosn ie-Herzégovine ainsi que la mémoire de ses peuples

sont trop chargées de souvenirs douloureux et qu’i l faudrait se tourner vers l’avenir. Je reviens

donc à ma proposition que j’ai exposée dans ma décl aration préliminaire concernant le processus - 44 -

de réconciliation. Bien entendu, chacun des pe uples vivant en Bosnie-Herzégovine devrait

confronter sa propre histoire et les actes commis. Merci, Madame le président, Messieurs les juges

de la Cour, j’ai terminé ma plaidoirie.

The PRESIDENT: Thank you, Professor Stojanovi ć. The Court will now rise and the oral

pleadings of Serbia and Montenegro will resume at 10 o’clock on Monday morning.

The Court rose at 12 h 55 p.m.

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Document Long Title

Audience publique tenue le vendredi 10 mars 2006, à 10 heures, au Palais de la Paix, sous la présidence de Mme Higgins, président

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