Procès-verbaux des audiences publiques tenue au Palais de la Paix, La Haye, du 20 mai au 20 juin 1969 sous la présidence de M. Bustamante y Rivero, Président

Document Number
050-19690520-ORA-01-00-BI
Document Type
Number (Press Release, Order, etc)
1969/22
Date of the Document
Bilingual Document File
Bilingual Content

COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

AFFAIREDELABARCELONA
TRACTION, LIGHTANDPOWER

COMPANY,LIMITED
(NOUVELLE REQUÊ1962)
(BELGIQUcESPAGNE)

Procéduredeuxième )suite)

INTERNATIONAL COURT OF JUSTICE

PLEADINGS, ORAL ARGUMENTS, DOCUMENTS

CASECONCERNING THE

BARCELONATRACTION L ,IGHT
AND POWER COMPANY, LIMITED
(NEW APPLICATI1962)

VOLUMEIX
OralProceedings(s(conr.)ase) VI1

PLAN GÉNÉRAI. I)E LA PUBLICATION

L'nifaire de 1;iHarcelonaTraction. Light und f'owerCompany. Limited
( nulruellerequéle:196a). inscrite au rble généralde la Cour sous le numéro
jo le 19 juiii 1962. a fait l'objet de deux arrêtsrendus le 24 juillet 1964
(Harcelona Traction, Light and Power Company, Limited. exceptions
préliminuires,arrêtC , .I.J. Kectieil1964, p.6) et lej février 1970 (Barce-
lona Truclion, Light and I'owerCompany,Limited. deuxièmephase, arrél,

CI./ Kectieil1970. p. 3).
I.es mémoires .t plaidoiries relatifsà cette affaire sont publiés dans
I'orclrewivant:
Volume 1. Introduction de l'instance et début de la procédure écrite;
Volumes II-III. Procédure orale (exceptions préliminaires);
\'olume IV. Cuiitre-memoire;
Volume V. I<éplique:
\olurnes VI-VII. Duplique;
Volumes VIII-X. Procédureorale (deuxième phase) et correspondarice.

I.esdocuments (annexes aux pièces de procédure écrite et documents
présentEs après la fin de la procédure écrite)seront traités séparément.
N.B. - 1.edossier de la première affaire de lBarcelonaTraction,Light
and IJon,erCompany,Limited, introduite en 1958et rayéedu rOleen 1961,
a fait également l'objet d'un traitement séparé(voir C.I.J. Mhoires,
HarcelonaTraction. Light and Pulier Company, Limited)

GENERAL PLAN OF PUBLICATION

'Thecase concerning the HarcelonaTractiofi,Lighl andPowerCompany.
Limited (i\'ew Application: 1962). entered as No. 50 in the Coiirt's
General List on 19 June 1962, was the subject of two judgments, the first
of 24 Jiily 1964 (HarcelonaTraction, Light and PowerCompanv. Limilcd,
f'reliminary Objections,Judgment, I.C.J. Reports 1964, p. O) and the
second of j February 1970 (BarcelonaTraclioit,Lighl andPowerCompany,
Limiled, Secondl'hase. Judgment, I.C.J. Reporfs 1970, p. 3).
The order of publication of the pleadings and oralarguments in this case
is as follows:

Volume V. Reply;
Volumes VI-VII. Kejoinder;
Volumes VIII-X. Oral proceedings (second phase) and correspondence.

The documents (annexes to the pleadings and documents submitted
afterthe closure of the written ~roceedinesu,will be treated se~arately.
N.B. The documentation in the first case concerning the Harcelona
ï'raction. Light and IJowerCompany, Limiled. brought before the Coiirt
in 1958 and removed {rom the List in 1961. has also been the subject ol
separate treatment (see I.C.J. Pleadings. RarcelonaTraclion, Light and
PowerCompany, Limited) MATIÈRES DU VOLUME IX

Le présent volume contient le texte des plaidoiries prononcées lors de
la deuxieme Dhase de l'affaire au cours des audiences ~ubliaues tenues
du 20 mai au' 20 juin 1969.
Les renvois ont étémodifiéspour tenir compte de la pagination de la
présente édition. Lorsqu'il s'agitd'un renyoi un autre volume de la
présenteédition, un chiffre romain gras indique le numérode ce volume.

CONTENTS OF VOLUME IX

This volume contains the text of the oral arguments relating to the
second phase of the case presented during the public hearings from
zo May to zo June 1969.
The page references originally appearing in the pleadings have been
altered to correspond with the pagination of the present edition. Where
the reference is to another volume of the present edition, the volume is
indicated by a roman figure in bold type. Page

D~et personnelles de la BelgiqueAL .R.ej. .de. . . . . .pol.ti.u,s .

Défense des garanties iudiciaires es~agnoles
L'attitude du Gouvernement espagnols~rivés à l'égard des groupes
orivéset les ~rocédureslocales .- . . . . -. . . . . . . .
roulement d; ~remier tour des plaidoiries espagnoles . . .
Déclaration du Président sur l'emploi de la langue espagnole .

PLAIUOIRIF UE II. GIL-KOHI.ESL :a pr6scntatiun hrlgc de I'a1f;iire
est iinc caricaturr slmplistr. 1.apcr;onn~litC <le.\1.\larch . . .
Réfutation de la thèse belge sur la prétendue complicité des
autorités espagnoles et de M.hlarch . . . . . . . . . . .
Réfutation de la thèsebelge sur la phobie anti-belge en Espagne
Réfutation de la thèse belge sur le chauvinisme dansla législa-
Le comportement de la Barcelona Traction en tant que débiteur. . .
iiisolvable et frauduleux . . . . . . . . . . . . . . .
Sa passivité au début de la procédure de faillite . . . . . . .
Lastructuredu groupe de la Barcelona Traction fondamentale-
ment insolvable et conçue à des fins frauduleuses . . . . .
Acquisition par la Sidro d'une forte position dans le groupe de
Evasion fiscale sur le plan international. ... . . . . . . . . ..
Analvse de l'écranarotecteur aue constituait la structure de la
~ircelona Tracti'ou . . . .' . . . . . , . . . . , . . .
Comment le jugement de faillite déchira cet écran protecteur .
Stratégie adoptée par la Barcelona Traction en vue d'interna-
protecteur avait disparulor. . . . . . . . . . . .que l'é,r.n , .

A. L'abstention quant à certains actes essentiels de procé-
dure .......................
B. Rfier des accusations de déni de justicep. . . . . .r ju.t. .
C. Les pressions diplomatiques . . . . . . . . . . . .

Tacéd;re de faillite d. .al.m.i'. . . . . . . .' . . . . . . .~ro-
Réfutation des consultations demandées par la Barcelona
Traction et invoquéesDar la Belgique . .+ . . . . . . . .
Exemples de critiques adressées aux autorités espagnoles pour
des situations crééespar la Barcelona Traction elle-même .
Ladescription belgedelaprocéduredefaillitedétormetotalemeut
La vente était légitimeet nécessairene . . . .oc. . . . r,co.r. . BARCELONA TRACTION

Page
Plan de la Barcelona Traction de laisser la vente avoir lieu puis
de demander une réparation internationale ........
Récapitulation .....................

PLAIDOIRIE DE hl. GUGGENHEIM ..............
Répartition en quatre catégories des griefs belges concernant
des actes des autorités espagnoles entraînant prétendument la
responsabilitf internationale de l'Espagne........
Conditions dans lesquelles un tribunal internationapeut con-
le Gouvernement belgecett................que provoquéepar
L'usurpation de compétence ...............

a) réfutation de la thèse selon laquelle la faillite aurait con-
compétence des tribunaux espagnolsati.........ativesà la
b) réfutation de l'accusation selon laquelle il y aurait eu ex-
tension de la faillite en dehors du territoire espagnol
Les griefs concernant les dénisde justice au sens propre...
Suite de la réfutation des griefs concernant les dénis de lustice
au sens propre ....................
La responsabilité de 1'Etat du fait du contenu des décisions
judiciaires espagnoles, réfutation des accusationsportées .
Réfutation de la catégorie de griefsrelevant de l'abus de droit

ARGUMENT OF SIR HUMPHREY WALDOCKC :ompletion of wofk of
Vienna Conference's compulsory jurisdiction of International
Court of Justice rejus cogens...............
Relevance to liability of Barcelona Traction to the bankruptcy
jurisdiction of Spanish courts of structure and early conduct
of Barcelona Traction group in Spain ..........
1. Kebiittal of Relgian complaint of violation of interna-
tional law on account of incompetence of Spanish courts
to exercise jurisdiction over Barcelona Traction...
The corn laint is in contradiction with the facts showing
Barce ona Traction's activities in Spain......

M. ROLIN souligne l'importance des travaux de la conférence
de Vienne et de la clause de juridiction obligatoire intéressant
laC.1.J.. .......................

QUESTIONS BY JUDGEFITZMAURICrE e tax liabilities of Ebro
participation in undertaking in Spain ...........raction of its

ARGUMEN OTF SIRHUMPHREY WALDOCK (cont.)
Continuation by Sir Humphrey Waldock of ac~ount of
facts showing BarcelonaTraction'sact iiSviaii:es
lona Traction's legal posture in England and attitude
of Spanish courts to its legal posture in Spain.. TABLE DES UATIÈRES XI

Page
Evidence of Barcelona Traction's activities in Spain and
its links with Spanish jurisdiction......... IZI
Exiagency in Spainlon................lishment and
Raisin of Barcelona Traction loans in Spain .....
Role O7banks in Spain as Barcelona Traction's agents .
Use of expedient of secret agreements for purchase of
concessions to conceal Barcelona Traction's opera-
tions in Spain: the unity of the enterprise....
Analogy of Zan Anlonio Land case .........
Factual aspect of unify of the enterprise and Barcelona
operation of the enterprisen............hrough its
Evidence of Barcelona Traction's frauds and deceits to
conceal the unity of the enterprise from the Spanish
authorities...................
Evidence of the unity of the enterprise provided by the
operation of Ebro's current account with Internation-
alUtilities...................
Evidence of Barcelona Traction's operation in Spain
provided by the destruction of local electricity co-
Conclusions to be drawn from the above evidence with
regard to Barcelona Traction's liability to Spanish
bankruptcy jurisdiction (with a summary of the
evidence) ...................
II. Rebuttal of Belgian complaint of denial of justicein-
volved in Reus judge's assumption of jurisdiction over
Barcelona Traction ................
Validity of reasons given by judge for assuming com-
petence .....................
Strength of evidence of BarcelonaTraction's commercial
acti'vity in Spain put before the judge.......
Subsequent pronouncements in declinalariaor appellate
proceedings ..................
Precedents and authorities .......... : ..
III. Rebuttal of allegations of violations of international law
through exercise of enforcement jurisdiction against the
assets of Barcelona Traction's subsidiaries in Spain . .

PLBarcelona Traction et les actes des autorités non judiciaires. .
190
Opposition entre les thèses belge et espagnole concernant les
L'introuvable force majeure qui aurait résultéde la pénurie de go
devises .......................
191
b)1940-1945 ...................... 193
L'attitude de l'entreprise au regard de l'administration
espagnole ....................
193XII BARCELONA TRACTION

Page
Les motivations des dirigeants ............ 198
-ne pas démasquer aux yeux des autorités espagnoles
des mécanismes maintenus secrets dans la perspective
d'une fraude .................. 198
. financer des investissements avec l'argentdû aux obli-
gataires .................... 201
.. préparer une réformede l'entreprisequi serait l'occasion
d'un bénéficeaux dépensdes obligataires: le plan d'ar-
rangement ................... 204
Le prétendu délitinternational de l'Espagne ........ 207
Imprécision de l'argumentation belge:
A . Le délit spécifique...........'..... 209
.................
a) Inacceptabilité desrèglesde droit des changes formu- 209
léespar le Gouvernement belge ........ 209
L'interdiction de la discrimination et les prétendues
irrégularitéscommises par M . Rlarch ...... 211
La théorie de l'acte arbitraire et hosti...... 212
b) Les faits................... 214
Raisons du refus opposé ar les autorités espagnoles
aux première et secon& versions du plan d'arran-
gement ................... 214
Raisons du refus de la troisième version du plan
d'arrangement .......... 216
Réfutation de l'argument concernant le caractère
illicite du refus de cette troisième versio.... 218
B. Le «délit globaln................. 220
a)Remarques générales.............. 221
b) Les faits................... 223
Les actes des autorités espagnoles ........ 223
Les négociations de 1947 et de 1948 ....... 226

La péchéde se justifier.................la justification et du 230

A. La justification ................. 231
Valeurdeladéclarationconjointeàl'égarddeI2 'E1tatbelge
Portée substantielle de la déclaration........ 233
Les attaques du Gouvernement belge à propos de la
commission d'experts ............. 234
B. Le péchéde se justifier .............. 239
Les faits .................... 240
L'interprétation juridique des faits......... 244
Conclusion générale ................... 246

PLAIDOIRI DE M . UR~AL :a faillite de la Barcelona Traction au
regard du droit espagnol ................. 248
Considerations préliminaires ............... 248
La déclaration defaillite................. 249 XII1

Page
Les conditions requises par le droit espagnol ont étéremplies:
a) Procédure suivie et oreanes de la faillite. .......
b) Requéte ou demande de faillite ...........
c) Qualité pour ayir des demandeurs à la faillite .....
d) La cessation dës paiements .............
e) Publication du jugement déclaratif de faillite......
La saisie des droits de la sociétéfaillie sur ses filiales.
La déclaration de faillite entraînait la dépossessionde la société
faillie et c'estuste titre que le juge de Reus a ordonné la
saisie des droits de la sociétésur ses filiales.....
L'appréhenjion matr'rielle des titres ou rtic611issides actions
n'étaitpas nécessaire pour la saisie de ces droits.....
Les ore-nes de la failliteavaient aualité Dourexercer ces droits
La saisie des actifs des filia...............

Réfutation des allégations belges concernant le fondement de
l'ordre de saisie:
a) Respect de la personnalité morale des filiales......
b)Le caractère unipersonnel de ces sociétés ........
La fraude commejustification des mesures de saisie ...
Les faits:
a)Transformation de la saisie conservatoire en un simple
contrôle exercépar les organes de la faillite......
.,l Raisons de cette transformation de la saisie conservatoire
en un simple contrôle ................
c) La thèse belge selon laquelle la saisie aurait impliqué
d'abord la Derte nuis la reconnaissance de la ~ersonnalité
juridique, et aurait étémaintenue au-delà de la n.....isa-
tion des filiales. est dénuéede tout fondement
Les accusations belges concernant les pouvoirs conférésau
commissaire par le jugement déclaratifde faillite ont déjaété
réfutéesdans la dupÏique ...............
Conjuridique des filiale..................relatif Ala personnalité
Justification des mesures de cnormalisationx prises par les
organes de la faillite .................
La destitution des administrateurs et des avoués par le sé-
auestre-dé~ositaire ..................
La prétendue «liispanisation»des filiales..........
L'émission de nouveaux titres ..............

-UEST~O NUTTOTHE SPANISH AGENT BY IUDGESIRGERALD FITZ-
MAURICE with regard to the precise >ircumstances in which
failure to pay is a cause of bankruptcy in Spanish law ....
DÉCLARATIO ~V AI.CASTRO-KIAL ............

PLAIDOIRIE DE M. CARRERAR S:éfutation des eriefs belees con-
cernantla nomination et l'activitédes syndics>ainsi <luda vente
des biens de la Barcelona Traction ............XIV BARCELONA TRACTION

Page
La présentation des faits par hl' Grégoire . . . . . . . . . 321
Les dix «piliers de la sagessen ou les oublis de hl' Grégoire: . . 322
I) L'irrévocabilitédit jugement déclaratif de faillite . . . 323
2) Le comportement inexplicable de la Barcelona Traction
et de ses iicointéressés»lors de l'assemblée générale des
3) Les créanciers n'ont jamais eu d'autre but que de perce-
voir leur dû . . . . . , . . . . . . . . . . . . .
4) Nul ne doutait à l'époque que les créanciers eussent le
pouvoir de procéder à la vente . . . . . . . . . . .
5) Le comportement de la Barcelona Traction devant la
justice espagnole . . . . . . , . . . . . . . . , ,
6) L'o timisme belge concernant la situation économiquede
lsoumisrcAlla Courctio. . . .t d.m. . . . . . . . .ments . . .
7) La Fecsa n'avait nullement la certitude d'acquérir des
biens dont elle a étédéclaréeadjudicataire . . . . . .
8) Le cahier des charges n'a 'amais fait l'objet d'un recours
de lapart de la ~arcelona iraction . . . . . . . . . ,
9) La Sidro et la National Trust ont expressément accepté
le cahier des charges . . . . . . . . . . . . . . . .
IO) créanciers. a découragéles enchérisseurs indépendants,
n'a pasfait usage de l'option quipermettait à ses action-
naires de se subroger à l'adjudicataire; la Sidro n'a pas
acceptél'offrede la Fecsa de lui céder lesbiens vendus .
Conclusions et conséquences qui en découlent: régularit6 de la
vente, absence de lien de cause à effet entre le prétendu fait
illicite et les prétendus préjudices . . . . . . . . . . . .
Réfutation des accusations d'illégalité dirigéescontre les tribu-
naux espagnols . . . . . , , . . . . . . . , . . , , .
La «monumentale hérésiejuridique de la venteu . . . . . .
A. La nomination des syndics . . . . . . . . . . . . .
a) Réfutation de l'argument selon lequel le prétendu
blocage de la procédure de faillite interdisait la convo-
cation de l'assemblée des créanciers . . . . . . . .
- L'effet suspensif du déclinatoire Boter . . . , , .
- L'absence de liste de créanciers . . . . . . . . .
b) Réfutation des accusationsportées contre les syridics.

L'émissionde nouveaux titres . . . . . . . . . . .
Lale paiement desobligatairesibili. . .es .i. . . . ..r .

B. L'autorisation donnée aux syndics de procéder à la vente
des biens . . . . . . . . , . . . . .' . . . . . . .
a) Nécessitéde la vente . . . . , . . . . . . . . . .
b) Légalitéde l'ordonnance autorisantlavente . . . , ,
c) tésde la vente des biensde. . .tio, . . . . et . .al.-. . , xv
Page
C. Le cahier des charges 379
a) Considérations générales .............
b) Les griefs concernant la d6termination des charges. . 379
380
Argument selon leqiiel les obligations en livres sterling
auraient dù êtreconverties en obligations en pesetas
au cours du jour de la faillite. -. .......
Accusations selon lesquelles les syndics auraient agi
illégalement. .................
Les créancesdes obligataires n'avaient pas étérecon-
nues par l'assembléedescréanciers .......
II appartenaità l'assembléedescréanciers de décider
del'incorporation des intérêtsau passif.....

QUESTIONS ASKED BY JUDGE JESSUP concerning the extra-ter-
ritorial reach of Spanish law in accordance with the principles
ofprivate international law ................

PLAIDOIRIE DE M. CARRERA(S suite):
La vente des obligations First Mortgageaurait été
illégale parce que la Westminster. Bank n'avait
I~:~s'suirlle un droit de gage........
1.a seconde claiisc était illcj~le p?r:,c q~i'elletrans-
formait le pris en Ilri in ctermin~etaiait iinca-
ractère disiriminaioire ............
c) Lesgriefs concernant le mécanismede liquidation et de
paiement des obligations .............

REFITZMAURICE Sconcerning, firstly, bankriiptcy in Spanish law

the,&cal benefits accruing to Ebro from transfer of its profits
in the form of interest rather than dividends (IX,p. 116)...

PLAIDOIRIE DE M.SUREDAS :ituation économiqueet financiérede
aux enchères T......................a faillite et de la vente 406

Les faits démentent la thèse belge selon laquelle la Barcelona
Traction étaitenS lei ne~rosvérit6et lesconclusions qu'en tire
le ~ouveinement'belge~ '
A. Examen des moyens de preuve sur lesquels se fonde le
Gouvernement belge pour alléguerque le prix était vil et
que les actionnaires ont subi un préjudice....... 410
B. La situation économique et financiére de la Barcelona
Traction de 1940 à 1948 .............. 414

Souci quecausait aux administrateurs le risque monétaire
inhérent à la structure financière de l'entreprise: les
différents projets de réorganisation......... 414XÏI BARCELONA TRACTIOS
Page
Impossibilité de mener A bien la réorganisation indis-
pensable à cause du risque de voir les fraudes fiscales
découvertes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 420
Déséquilibrede la structure industrielle de l'entreprise . 421
Appréciation de la situation par MM. Peat, Marwick.
Mitchell & Co. . . . . . . . . . . . . . . . . . . 423
C. L'analyse financière de la situation de l'entreprise en
Espagne . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 424
Réfutation de l'argument belge fondésur les disponibili-
tés en pesetas, et nécessitéde tenir compte d'autres
éléments pour apprécier la solvabilitéde l'entreprise . 424
L'Mitchelldu&woCo.. et réfutation des critiaues formulées
contre cette analyse . . . . .. . . . . .. . . .
Inexactitude du chiffre des actifs nets citéspar lesconseils
de la Belgique . , , , . . . . . . . . , . . . . .
Inexactitude du chiffre des bénéficesnets cité par les
conseils de la Belgique, et caractère erroné de leurs
interprétations comptables . . . . . . . . . . . .
D. Les méthodes d'évaluation appliquéespar le Gouverne-
ment belge pour déterminer la valeur de l'entreprise . . .
Contradictions de l'argumentation belge . . . . . . .
Chcalculs belges: la note de la Sidro. . . . .rie.x. . . .
Réfutation des critiques opposées par le Gouvernement
belge à L'évaluationde M. Soronellas . . , . . . . .
E. Conclusions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Le Gouvernement belge n'a pas fait la preuve de ses allé-
gationsconcernant le montant du dommage et le vilprix

La 1948el......................cièrement insolvable en

ARCUMEST OF hl~.JIMÉSEZ DE ARÉCHAGA T:he overall complaint
1. The true intentions of the Spanish bondholders . . . . .
The accusation of collusion is unfounded . . . . . . . .
The true intentions of the Spanish bondholders . . . . .
The negative attitude of the Sofina group . .. . . . .
II. The undertaking's conduct towards the Spanish authori-
ties bad faith of Barcelona Traction . . . . . . , . . .
Period before 1940 . . , . . . . . . . . . . . . . .
Period after 1945 .. .. . . . . .. . . . . . . . .. . . . .

III. The decisions of the S~anish Courts . . . . . . . . . . . -
The jiidicial procedure in Canada: the Kecei\.ership . . . 466
.The concept ol flagrant injusrice in inreriiarional law . . . 470
A. The alleged blocking of remedies . . . . . . . . . 471
I.The applications by the subsidiaries . . . . . . 474
2. The remedies sought by the directors. . . . . . 478 TABLE DES MATIÈRES XVII
Page

4. The applications by NationalitTrust......... 480
5. The alleged discrimination as regards the effects of
the appeals ................. 484
6. The declinatorias............... 415
(a) The attitude of the courts ......... 486
(b) The attitude of the undertaking ...... =$go
(i) ommissions .............. 490
(ii) action................ 49'
7. The res judicata and the alleged blocking of reme-
dies .................... 495
B .The alleged diversion of the bankruptcy from its legal
purpose ................. 497
The method of the sale from the economic point of
view .................... 497
The method of the sale from the legal point of view . 499
C. The alleged injustice derjving from the final result of
the bankruptcy proceedings ........... 501
The principle of the priority of the creditors over the
shareholders:
(a)In general ................ 502
(6) In the Plan of Compromise of 1945 and in the
Conditions of Sale ............ 503
The position ofthe shareholdersin the auction ...
504
PLAIDOIRIE DE M .WEIL:Les demandes de réparation formulées
par le Gouvernement belge ............... 507
Caractère insolite et thérité des demandes belges deréparation 510
1. Le préjudice principal...............
510
A. Variétéet imprécision des préjudices invoqués ... 510
Les droits des actionnaires............ 511
L'atteinte au contenu économique de la situation
d'actionnaire . Notions de droit et d'intér.... 516
B. .e r.ppor.................... l'acte illicite ct le pré-
ludice 526
Lesprincipes de droit international applicables ... 526
Mébelges de réparationpri.............s demandes 531

II. La réparation du préjudice principal......... 537
A .La forme de la réparation : .......... 537
. B. L'bvaluation de la réparation .......... 540
III.La réparation des préjudices accessoires ....... 546
Les frais de justice ................ 547
Les obligations non remboursées .......... 549
La créance de la Sofina sur 1'Ebro et le manqueà gagner 551
Conclusions formuléespar M. Lauterpacht ...... 551XVII1 BARCELONA TRACTION
Page

RÉPONSE DE L'AGENT DE L'ESPAGNE AUX QUESTIONS DE M.JESSUP
(voir p.387) ......................

PLAIDOIRIE DE M.MALINTOPPL I:'épuisementdesrecoursinternes
1. Les problèmes de droit international ..........
A. Les critères d'interprétation de la règle de I'épuise-
ment ......................
Les rapportsentre juridictions internationales et natio-
nales .....................
L'épuisement des recours en l'absence de jurispru-
dence pertinente ................
B. Les sujets qui doivent épuiser les recours ......
Epuisement des recours ouverts àla personne protégée
Epuisement des recours par toutes les catégories de
personnes ...................

C. Les caractères du grief du Gouvernement belge ....
11. Le r61edu jugement déclaratif de la faillite de la Barcelona
Traction ......................
III. Le non-épuisement des recours concernant le jugement de
faillite.......................
A. Non-utilisation du recours en opposition
La prétendue irrégularité de la publication du juge-
ment de faillite. ................
Les recours des sociétésfiliales. ..........
B. Non-utilisation du recours en revision. .......

IV. 1.e non-épuisrment des recours ouverts aux obligataires et
Sofina)io......................a Traction (la Sidro et la

A. Recours ouverts aux obligataires ..........
B. Recours ouverts aux actionnaires. .........
V. Les autres omissions des particuliers: conséquences décou-
lant des exposés consacrés&l'examen du fond de l'affaire.
VI. La stratégie et la tactique des dirigeants de la Barcelona
Traction ......................

PLAIDOIRIE DE M. AGO:Le défaut de qualité pour agir du Gou-
vernement belge ....................
Rappel: caractère préalable et fondamental de la question:
A. Examen de la réalitédes données sur lesquelles se fonde
le Gouvernement belge pour établir la présence d'intérêts
belges prépondérants ................
I. Revirement opérédans la présentation des données:
le Gouvernement belge essaie de jouer sur deux ta-
bleaux ..................... TABLE DES MATIERES XIX

Page
2. Examen sur le plan du droit: le Gouvernement belge
a-t-il établi par des preuves valables les données qu'il
allègue? ....................
a) L'existence des orétendus «actionnaires bel-es in-
dividuels n n'a pa; étéprouvée ..........
b) La Sidro ne pouvait prétendre àla qualité juridique
d'cactionnaire» en 1948 et 1962 .........
Les aspects de fait: appréciation des «preuves"
fournies par la Sidro et la sofina........
Les aspects de droit ..............
La prétendue reconnaissance ou admission de cer-
tains faits imputée au Gouvernement espagnol
est sans pertinence ............
Le rét tendu~récédentde l'affaire McPherson . .
L'Lticle 20 Gu projet Sohn et Baxter de la Har-
vard Law School .............
Les droits respectifs du legal owneret du beneficial
owner ..................
Qui doit-on considérer comme .actionnaire.? . .
Le véritableactionnaire étaitune firme américaine
C) Conclusion: le Gouvernement belge n'a pas qualité
pour agir au titre de la protection de prétendus
iiactionnaires belgesii .............
3. Examen sur le plan des réalitéséconomiques et hu-
maines .....................
a) L'investissement de la Sidro n'a pas contribué à la
promotion de la BarcelonaTraction ou au développe-
ment économique de la Catalogne ........
b) Les capitaux du grou e Sidro-Sofina n'étaient pas,
au moment de la failite de la .BarceIona Traction,
représentatifs de l'épargne belge .........
La grande majorité des titres présentés à l'échange
démunis de tout certificat de déclaration ne pou-
vaient appartenir qu'a des étrangers :.....
L'existence d'une prépondérance étrangère dans la
depaiement du dividendepour 1946 certest sansperti-
nence ...................
Histoire de la sociétéSofina et évolution du rapport
entre la participation belge et la participation
étrangAre: .................
La création .................
L'entre-deux-guerres .............
L'après-guerre: l'assembléeextraordinaire de 1946
confirme la nette prépondérance de la partici-
pation étrangère. .............
Témoignages et indices de la notoriété publique de
cette prépondérance étrangère ........
Documents ................. BARCELONATRACTION
Page
Evénementsrécents: lesoffresd'achat de la banque
Lambert et de la SociétégénéraledeBelgique . 660
c) Conclusion: inexistence de la prétendue participa-
tion prépondérante d'aintérêtsbelges. . . . . . .
B. Valeur justificative des données avancéespar le Gouver-
nement belge, dans l'hypothèse ou leur réalitéaurait été
prouvée. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
I.Les principes de droitinternational applicables . . . .
a) Le traitement des étrangers et la protection diplo-
matique . . . . . .. . . . . . . . . . . . .
c) La détermination de laornlnationalité».. . . . .. . .

2.Conséquencesqu'en tire le Gouvernement espagnol:
a) d'un droit de l'actionnaire en tant que teli. . . . .
b) L'Etat défendeur devait être internationalelnent
obligéenvers 1'Etat national de l'actionnaire . . . .
c) Distinction entre violation des droits de la sociétéet
violation des droits des actionnaires . . . , . . .
QUESTIONS PUT TO THE PARTIES BY JUDGESIR GERALDFITZ-
MAURICE. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
QUESTION SUT TO THE PARTIES BY JUDGE JESSUP . . . . . . .

PLAIDOIRE DE M. AGO(suite)
Distinction entre violation desdroits de la sociétéet
violation des droits des actionnaires (suite) . . .
3. Les theses belges. . . . . . . . . . . . . . . . .
a) Les différentes étapes de i'argumentation belge: le
Gouvernement belge a toujoursprisfait et cause pour
b) La pratique invoquée par le Gouvernement belge. . .
n'offre aucune justification de sa qualité pour agir .
La pratique arbitrale et diplomatique . . . . . .
Lapratique conventionnelle. . . , , . . . . . .
C)Les principes du droit international invoqués
noffrent pas non plus une telle justification . . . .
Les droits des actionnaires n'ont pas étélésés. . .
Les simples .intérêts» des actionnaires ne suflisent
pas i fonder une réclamation . . . . . . . . .
d)La prétendue absence de protection de la Barcd
Traction par son gouvernementnational est dément eO?
par les faits. . . . . . . . . . . . . . . . . .
Le Gouvernement canadien a bien exercé sa protec-
Ce sont les intéressésqui ont cesséde faire appel. à
cetteprotection . . . . . . , , , . . . . . .
'C. Conclusions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Table de concordance des exposésoraux. . . . . . . . . .-. PLAIDOIRIES

AUDIENCES PUBLIQUES

tenuesafrpalais de la Paix, La Hayezomai au 20juin 1969
sons la présidencede M. Bustamanle y Riuero,Président

(suite) LISTE DES ABRÉVIATIONS

Rq. 1958 Requêteintroductive d'instance du 15 septembre 1958
M. 1959 Mémoiredu Gouvernement belge du 15 juin 1959
A.M. 1959 Annexes au mémoiredu Gouvernement belge du 15 juin
1959
E.P. 1960 Exce~tions rél liminairesrése entéeDsar le Gouvernement
espag'nolle irmai 1960 A
A.E.P. 1960 Annexes aux exceptions préliminaires présentées par le
Gouvernemeiit espagnol le 21 mai 1960
Rq . Requéte introductive d'instance du 25 juillet 1962
M. Mémoiredu Gouvernement belge du 30 octobre 1962
A.M. Annexes an mémoiredu Gouvernement belee "u -0 octobre
1962
E.P. Exceptions préliminaires présentéespar le Gouvernement
espagnol le 15 mars 1963
A.E.P. Annexes aux exceptions préliminaires présentéespar le
Observations et conclusions du Gouvernement belge du
O.C. 14 août 1963 en réponse aux exceptions préliminaires
présentéespar le Gouvernement espagnol
Annexes aux observations et conclusions du Gouvernement
belge du 14 août 1963 en réponseaux exceptions prélimi-
naires présentéespar le Gouvernement espagnol
P.O. Procédure orale sur les exceptions préliminaires (II mars
au 19 mai 1964)
C.M. Contre-mémoiredu Gouvernement espagnol du 31 décem-
bre 1965
A.C.M. Annexes au contre-mémoiredu Gouvernement espagnol du
31 décembre1965
Répliquedu Gouvernement belge du 16 mai 1967
Annexes à la réplique du Gouvernement belge du 16 mai
1967
Duplique du Gouvernement espagnol du I" juillet 1968
Annexes à la duplique du Gouvernement espagnol du
1" juillet 1968
Nouv. doc. Nouveaux documents (belges ou espagnols) LIST OF ABBREVIATIONS

APP. 1958 Application of 15 September 1958instituting proceedings
M. 1959 Memorial of the Belgian Government. 15 June 1959
A.M. 1959 Annexes to the Memorial of the Belgian Government,
15 J~ne 1959
P.O. 1960 Preliminary Objections of the Spanish Government,
21 May 1960
A.P.O. 1960 Annexes to the Preliminarv Objections of the Soanish
Government, 21 May 1960
Application of 25 July 1962 instituting proceedings
Memorial of the Belgian Government. 30 October 1962
Annexes to the hlemorial of the Belgian Government,
30 October 1962
P.O. Preliminarv Obiections of the Soanish Government.
15 March i963 '
A.P.O. Government. 15 March 1963y Objections of the Spanish
O.S. Observations and Submissions presented by the Belgian
Government on 14August 1963in reply to the Preliminary
Objections of the Spanish Government
A.O.S. Annexes to the Observations and Submissions presented
by the Belgian Government on 14 August 1963 in reply
to the Preliminary Objections of the Spanish Government
Oral proceedings on the Preliminary Objections (II hlarch
to 19 May 1964)
Coiinter-blemorial of the Soanish Governmen.-1 Decem-
ber 1965
Annexes to the Counter-hlemorial of the Spanish Govern-
ment. 31 December 1965
R. Reply of the Belgian Government, 16 hlay 1967
A.R. Annexes to the Reply of the Belgian Government, 16 May
1967
Rej. Rejoinder of the Spanish Government. I Jul 1968
A.Rej Annexes to the Rejoinder of the Spanish 8overnment,
New docs. New Documents (Belgian or Spanish) VINGT-DEUXIÈME AUDIENCE PUBLIQUE (20V 69, IO h)

Pr6SentS:M. BUSTAMANT YERIVEROP , 7éSident;M. KORETSKYv,ice-
Président; sir Gerald FITZMAURICE M, M.TANAKAJ ,ESSUP,RIORELLI,
PADILLANERVO,FORSTER, GROS, AMMOUN,BENGZON, PETRÉ'I,
LACHS,ONYEAMA j,ges; MM.ARMAND-UGON R,IPHAGENj.uges ad hoc;
M. AQUARONE G,refier.

DÉCLARATIONDE M. CASTRO-RIAL
AGENT DU GOUVERNEMENT ESPAGNOL

M. CASTRO-RIAL: Monsieur le Président, Messieurs de la Cour, j'ai
l'honneur de paraître nouveau devant la Cour comme agent du Gouver-
nement espagnol. Tous les membres de notre délégation, est-ilbesoin de le
souligner, partagent cet honneur.
Avant toute chose. je voudrais me joindràl'hommage rendu par mon
estimé collègue,M. I'agent du Gouvernement belge, à la mémoire de
M.Badawi, qui fut, àl'occasiondes plaidoiries de 1964,un des distingués
juges de la Cour. Ma pensée va aussi aux professeurs Sauser-Hall et
Sereni, dont les qualités scientifiques et humaines fure~t~appréciéesde
tous.
J'évoque également, avec une tristesse particulière, les membres dis-
parus de notre propre délégation,les professeurs de Luna et Trias de Bes,
mes anciens maîtres et collègues,dont le prestige dans le monde du droit
international étaitparfaitement mérité.
Au début de ma déclaration de 1964,j'ai expriméla conviction que le
différendqui nous oppose au Gouvernement belge ne devrait en aucune
manière compromettre les bonnes relations existant entre nos deux pays.
J'ai étéheureux de constater que RI. l'agent du Gouvernement belge
partage le mêmepoint de vue.
Comme toute affaire soumise à la juridiction de la Cour, le présent
litige doit itre tranchà la lumière du droit internationaII s'agit ici
d'une affairestrictement juridique, et, plus précisément,d'une affaire de
droit international.
Il se trouve malheureusement que les conseils du Gouvernement belge
n'ont pas hésitéàmêlerau débat des questions qui lui sont entièrement
étrangères.
C'est ainsi, notamment, qu'ils n'ontpas reculédevant une série d'ac-
cusations et d'attaques absolument inadmissibles, de caractère politique
ou personnel, cherchant àcréerune atmosphère psychologique défavo-
rable àl'Espagne.
Il a étéfait état ici de certains sentiments politiques hostàl'Es-
pagne, tout particulièrement de ceux d'un célèbrehomme d'Etat belge,
dont le moins quel'onpuisse dire est qu'ils ont étédépasséspar les évEne-
ments. L'Espagne, Messieursde la Cour, peut tout aussi bien se prévaloir
de nombreux autres témoignages,bien plus amicaux et'objectifs d'hom-
mes d'Etat de cette époque,dont la qualité et la responsabilité histo-6 BARCELONA TRACTION
riques sont bien supérieures, comme par exemple l'illustre ex-premier
britannique. sir Winston Churchill, et l'illustre ex-président des Etats-
Unis: Franklin Delano Roosevelt.
Le Gouvernement espagnol a donc été surprisde constater que le Gou-
vernement belge cherche A raviver certatnes incompréhensions dont
l'Espagne a étéla victime aux Nations Unies, voici près d'un quart de
sihcle. Je crois superflu de rappeler que, de nos jours. l'Espagne est
Membre des Nations Unies, et occupe un si&geau Conseilde sécurité.
Iléslors, si l'on désire soulever desquestions politiques, l'organe ap-
proprié serait l'Assembléegénérale.Le Gouvernement espagnol pourrait
y donner des réponsessatisfaisantes.
Aussi me bornerai-je faire Ace sujet une seule remarque.Si vraiment
mon pays avait étéhostile. pour les raisons qui ont étéinvoquées, aux
intérêtsbelges, on comprendrait mal qu'aucune société réellemenb telge.
qu'aucun intérêtréellement belge. parmi tous ceux qui existaient et
n'ait iamais euràformuler la moindre plainte. du fait de l'action desauto-
ritéshicalcs. monétnircsou judiciaire; esli:ignoies. I)e méme.les accords
de paiements hispano-belgesde 1946ct ig49ont lonctionn; normalenient.
donnant toute satisfaction aux deux parties
I)cut-on iinnginer un seul instant jue In prétendue Rostilitr'espagnole
aux intérctshelgeanit pu \,iberuniquement et exclusi\~ement I;rHarcelons
Traction, iociétéde nationalité canadienne. au sein de Inquelle les préten-
dus int6ri.r~belges étaient si imprécis.si indirectet si obscurs que Irur
esistencc et leiir aml>lciir sont touioiirs eii disciission de no; ioiira'
Le Gouvernement'es~ae.ol-se doit éeale-ent de s'éleverContre les
déplorahlei accuidtioilj envers ln personnalité d'un membre du Gouvcr-
nement espagnol. 11 .Siianres.dont I'abnCgationdans I'acconiplissçment
de soi1devoir ct le ser\.icr du bien vublic ont ététouiours exemnlnires. II
est incompréhensible que l'on che;che faire du d&cours proioncé par
M. Suanzes. le 12 décembre 1946devant les Cortes espagnoles (A.C.M.,
vol. V11.p. 76-79).la piècemaitresse de ces accusations. La raison fonda-
mentale qu'on y donnesur le refus du plan d'arrangement. jusque dans sa
troisième modalité, est le manque d'explication sur <il'origine, I'impor-
tance et la destinationn de certains bénéficeset, de faqon générale,sur la
dette. c'est-i-dire sur ledéveloppementéconomiqueet financier desentre-
prises intéressées.
que le gouverneur de la Banque d'Espagne a opposéesaux demandes demêmes.
devises d'Ebro en 1932, A l'époquedonc de la prétendue idylle entre
la Barcelona Traction et l'administration espagnole? (A.C.N.. vol. II,

P. Je dois. en ce qui concerne M.Suanzes. renvoyer aux termes de ma
déclarationfaite en 1964(P.O.,III, p. 674):

«D'autres personnalités espagnoles,qui ont étémembres du Gou-
vernement ou chargées de fonctionsofficielles.ont aussi fait l'objet
d'accusations. aussi gratuites que dépourvues de fondement. Le
Gouvernement espag.o. rejette avec la plus grande fermeté toutes
ces accusations.n

Le Gouvernement espagnol rejette aussi, comme abusives, les attaques
injurieuses proféréescontre une personnalitéprivéeespagnole. Je ne puis D~CLARATION DE M. CASTRO-RIAL 7
mieux faire à cet égardquede reprendre les termesqui furent les miens en

1964:
t.Ccrt;iins çonïeila di] Gouverntmicnt belge se sont livrés.envers iin
Iiommc qui n'est plus de ce rnondr.. i des accusitions dictces par la
ass si nt dont le-moins aue l'on ~uisse dire est au'elles n'ont aucun
iondemrnt et sont sans 'rapport'a\,rc les quesiions en discussion
devant votre haute juridiction. J'ajoute que certaines comparaisons
ou'on a cru ouv voi aire. et ceà~plusd'une reprise, ne font vraiment
pas honneu; à ceux qui les ont faites. En r9i7, les dirigeants de la
Barcelona Traction n'ont-ils pas acceptéle principe d'une association
permanente de la gestion de leurs entieprisës avec celui-là mêmedont
ils voudraient aujourd'hui. en le couvrant d'injures, ternir la mé-
moire? i(P.O I,, p. 673.)
En réalité,de quoi s'agit-il? Assurément pas de faire trancher par la
Cour un litige interne, conformément aux r&glesdu droit espagnol, afin
que la Cour revise ou tranche, comme le ferait une cour suprêmenatio-
nale, les controverses qui auraient surgi sur l'interprétation du droit
--,acuol.
En formulant ces remarques, le Gouvernement espagnol ne prétend
nullement dissimuler ce oui s'est ~assédevant ses tribunaux. Bien au
contraire. il aexposéen détaildans ses documrnts gcrits toutes les péri-
pbtirs de cette procr'dureinterne. Si la Cour le di.sire, mon znuvernemcnt
êstdisposé à fournir des éclaircissementssur n'importe quel point, pour
rétablir la véritéà laquelle le Gouvernement belge fait subir d'étranges
déformations.
Monsieur le Président. hlessieurs de la Cour, le Gouvernement espagnol
proteste fermement contre le travestissement de la véritédont le Gouver-
nement belge se rend coupable. Que surgisse entre deux Etats amis des
divergences sur despoints de droit ou de fait et que la Cour internationale
de Justice soit appelée à trancher de tels différendssur la base du droit
international, voilà rien de plus normal; mais que le Gouvernement belge
reprenne à son compte, contre I'Etat espagnol, devant la plus haute ins-
tance judiciaire internationale, les invraisemblances qui ont nourri la
campagne de dénigrementlancéecontre l'Espagne par les dirigeants de la
Barcelona Traction à travers la Dresseet les milieux financiers interna-
tionniix. \.oilAceque leGou\fernrment e5p~gnolne saurait admettre.
II rçgrette que par I'inlasjable r6pétition. tuut au long de pliij de dix
annct-; de procédureinternation;ile des n>i.nicscontre-v6riti.i. le Loirver-
nement Oelgc besoit IivrL:contrc l'Espagne 3 iine vL:ritnblecampagne (le
m\.stification iiidici:iire, i>rol>sl>lemcnstans ~>rCc;(lviidtans les annales de
lalustice inteinationa1e.-
La véritéest que le Gouvernement belge cherche en quelque sorte
ouvrir, devant la Cour internationale de Justice, pour le compte de ses
protégés,un débat judiciaire que ces derniers ont volontairement esquivé
si pressé dele faire, qu'il n'a mémepas attendu la fin de la procédure,en
Es~aene. Non seiiiemciit la vreniière reciuête.en 1058. mals aussi la
rlçiihikni? ri1IO(>Ifiirçnt intr~>iliiir1;i~c;iij'en juiivic~niir;~;.i\,:lnt <)lie
lei tril>iinniis esi>:icnolsaient rriiiIci(IerniCrc.:(Il'ci;ioiissiir IStifi;iirc.
Le (;oui~erne&eni belge se trouve ainsi conduit. d'une part à plaider
de\.ant la Cour intcrn;itionale contre I'1:tat espagnol comme s'ils'agissait
d'iiriproces critrr. personnes privi.e:.. <l'aiitrepirfaire il(:la Cour l'or-8 BARCELONA TRACTION

ganesuprème de la hiérarchie judiciaire espagnole et l'arbitre de questions
de pur droit espagnol. C'est à son corps défendantque le Gouvernement
espagnol a étécontraintde se livrer de son côté àun exposéapprofondi du
droit espagnol, mais il regrette que pareil débat, étranger à la mission de
la Cour. se dérouledevant elle. La resnonsabiiité en incombe au Gouver-

nement' belge.
Une autre raison de l'exposéa profondi de la procédure inJerne auquel
le Gouvernement espagnol s'est fivrédans ses documents écrits.se trouve
dans les accusations inadmissibles et abusives que le Gouvernement belee
a formuléesà l'encontre de la justice espagnol<. Il était en effet indisPei-
sable de bien établir que la conduite des juges nationaux avait étéirré-
r~o~h~ble dans tous le; asDects de 1'affaire:sins exce~tion
Le Gouvernement espagnol rejette en bloc toutesies affirmations mal-
veillantes du Gouvernement belge. Si un juge manquait à son devoir, le

droit espagnol, comme le droit belge égalément,je pense, dispose de
moyens suffisants pour remédier à l'injustice et sanctionner les responsa-
bilités encourues. Ce qui est intolérable, c'est que la Barcelona Traction
e~ ~-~ euouueLn'aient mgme Das essavé de faire usaee de ces-movens et
qu'on vienne maintenant poker attehte à l'honneur des juges espagnols
Dar des insinuations nlus injurieuses mèmequ'une accusation nette et
directe.
Aussi, je réaffirme ce qui a été dit par mon gouvernement dans les

exceptions préliminaires de 1963(1, p. jz, no 66), et qu'il n'a pas manqué
de reproduire dans la duplique (VI, p. j):

.II faut remarquer. au surdus. ~our démontrer l'invraisemblance
<Ic cci 1>rl't~ntliit.~cnniii\:nct i nialicizu:,+ .', coiii~)l~~i,;inccsal-
caiiiei i.t r~i:~cliinationi fr,iii<luleii~e) niultil~lrs. rlu'auciine
(Jtvillrcil,.:11'361; ~~IIUIIC~~Cp~:srIr> ~)r~~t~:ri~llvlctinlr~ <i<~v,tiiItcs
l'rihun.iii\ vip:igiitil-, <.tct,l<inialgr; Ir fai(III? 1,s lois c;p;ijin<>lis
fourni->~iir 1,. iiii>\,.n-11, pruc,)diirc. I)vrinctt;int il'olili~riirI., con-

damnation corres~6ndante.-Il est vrai aue. ~our cela, il n'aurait Das

véritables calomnies. »

En dépit du caractère profondément offensant des accusations profé-
rées au cours de la rése enteaffaire. le Gouvernement es~aenol tire sa
sérénité et la fermet4 de son esprit avant tout de la consciên&qu'il a de
n'avoir pas encouru la responsabilité qu'on veut lui faire supporter
~.
(P.O. 1964,II, p. 1).
Je ne puis manquer de dénoncer aussi l'accusation ridiciile selon la-
quelle le droit ou l'ordre judiciaire espagnols pourraient ne pas se trouver
au niveau du standard minimum requis par le droit international.
Il serait superflu d'exposer à la Cour un témoignage sur la glorieuse
tradition juridique espagnole dans des domaines du droit très divers. et
entre autres. assurément. celui du droit de la faillite et. tout ~articulière-

ment, dans ie domaine mêmedu droit international.
Cette malveillante accusation, comme tant d'autres, est tellement illo-
eiaue et insoutenable aue le Gouvernement belce semble l'avoir ~rati-de manière exagéréela protection diplomatique. La thèse belge conduit
en effet. la Cour l'a constaté, à la possibilité de protections multiples.
successives ou simultanées. La personne juridique se trouverait ainsi

dans une situation privilégiéepar rapport au mémeêtre humain auquel
il est interdit. dans la vie internationale, d'utiliser plusieurs passeports
pour présenter selon les circonstances celui qu'il juge le plus utile.
Chaau. .,vs d'accueil se verrait dèslors ex~oséà des démarches. voire
à des pressions imprévisibles au départ. II Re saurait plus, lorsqu'une
sociétéétrangères'installe sur son territoire, sous quel drapeau les intérêts
en cause pou;raient par la suite être protégés u.Et cela &t encore aggra-
védans le cas de groupes internationaux, de structure complexe, et dont
les capitaux n'ont plus rien de national.
On ne peut assumer la protection des actionnaires d'une société
étrangère en alléguant qu'ils sont de la nationalité de 1'Etat protecteur et.
de surcroît. lorsque ces actionnaires sont à leur tour des sociétks ano-

nymes. car les argiiriientsen fnvcur de la nntionnliti. dr 1'Etat d'incorpo-
ration et les arguriirnts en fa\.eiir dc la tlirorie du contrôle s'excluent
mutuellement.
Comme il sera exposé à la Cour, par nos conseils, la sociétéanonyme
n'est pas un simple voile au travers duquel on pourrait facilement discer-
ner le véritable actionnaire. Si. dans une sociétéanonvme. les action-
naires sont ignorésaux fins de responsabilité - tout pa;ticulièrement en
cas de faillite -, ils doivent toujours le demeurer aux fins de protection
diplomatique.
La thèse soi-disant novatrice du Gouvernement belge, loin d'être
<<progressiste a et iéquitable IDéquivaut en réalitiià favoriser un renou-
veau des pressions et des intimidations courantes à la iibelle époque u
mais que l'on pouvait croire aujourd'hui disparues.

Dans la pratique internationale, les dangers de la thèse soi-disant no-
vatrice de la Belgique sont si manifestesqu'en soutenantsa conception en
1964, un de ses conseils devait reconnaître (P.O., III,p. 974) la nécessité
d'admettre ides limitationspossibles areposant

csur la nécessitéd'éviter,dans I'intérétdes relations entre Etats, des
multiplications des interventions diplomatiques qui seraient insuf-
fisamment justifiées ».

Comme il se heurtait là logiquement au problème de savoir qui allait
exiger ces limitations, en vertu de quels principes, il ne pouvait donner
d'autre réponse que celle-ci:

.Elles résulteront d'ailleurs, le plus souvent. de l'attitude des
Etats eux-mémes, qui s'abstiendront de prendre fait et cause pour
leurs ressortissants quand ils estimeront que cela n'en vaut pis la
peine. n(Ibid.)

C'est-à-dire que. indépendamment du manque de précisionde ce crithre,
les intérétset les décisionsdu groupe de pays qui pourraient devoir pro-
té~.r uleurs sinvestissements Seraient tout ai DIUS les seuls oui entre-
rciielit cii ligne de compte ou, cricure. cette prnrçction d6peiirlr:iit tout au
pliis du dt.<r+dr prei jion ct (I'iritiiiii<lstiondoiii -..sgroiipcs finnricIII-
iernationaüx sera'ientcapables.
L'Espagne, Alonsieur le Président, Messieurs de la Cour, éprouved'au-
tant moiiis de réserves à formuler de telles observations qu'elle a offert etIO BARCELONATRACTION
offre toujours une pleine sécuritéaux capitaux et aux investissements
étrangers.En 1964déjà,lors de la discussion des exceptionspréliminaires,
j'ai eu l'occasion de signaler qu'en dépit de la campagne de diffamation
lancée par la Barcelona Traction, le montant des investissements en
Espagne n'avait fait que croître depuis 1948(P.O., II, p. 2).Est-il néces-
saire de rappeler que, depuis 1964,cette progression de l'investissement
étraneer a encore augmentéde facon svectaculaire?
filon estimécollè@e, hl.l'agen'tduA~ouvernement belge. :icru devoir
accentuer que la présente affaire se situait dans le cadre des efforts dé-
ployéspar-la pratique et la doctrine contemporaines en vue d'assurer
une sécuritésatisfaisante aux investissements étrangers; il est allé
jusqu'à indiquer que "le différenddont la Cour est saisie présente cer-
taines analoeies avec ceux aui vourraient relever de I'aoolication de cette
convention i'"labor6e sou, irs usp pic de la Ilanque i~iernationale pour
la reconstruction et le dCvrloppemcnt (VI11,p. IO).
.\Ionsieur le Prisident. le procCsintcnt6 par la I3elgiqàl'Espagne n'a
rien àvoir avec Irs techniques rrccmment mises au point ou encore en voie
d'Glaboration <leslinces à ;i-surer la protection des iiiva:stissemcntj
étrangers II n'est plu, question aujo~ird'liui de ces in\.t!stissements
déiordonii6s du XlSC sii.cle. où n'iniportç quel capitaliste étranger
venait s'installer dans un territoirei I'i.conomieencore peu développbe
et prc'trn<lnit obtrnir des avanttiges et des pri\.ili.gcs exorbitants des
aiitoritis du -.ys d'accucil, dans letiuelildésirait iouir d'une immunité
absolue.
Mais il n'est pas possible non plus qu'au nom de sa souveraineté I'Etat
h6te puisse réduire à néant les expectatives des investisseurs: faute de
quoi. d'ailleurs, ces derniers s'abstiendraient, compromettant ainsi I'in-
térêtmêmedu pays d'accueil.
Bref, les tentatives actuellement en cours aspirent àsubstituer des in-
vestissements organisés,notamment par la voie d'accords, aux investis-
sements inorganisés et sans contrele de jadis, en mêmetemps qu'à
« dipassionner u les problèmes d'investissement en leur conférant un ca-
ractère plus technique et plus serein.
C'est ainsi, en particulier, que la convention de la Banque internatio-
nale écarte expressément, en son article 27, la possibilitépour un Etat
contractant d'accorder la vrotection di~iomatiaue ou de formuler une
revendication internationaie au sujet d';n diffkend que l'un de ses res-
sortissants et un autre Etat contractant ont consenti à soumettre à I'ar-
bitrage. Cette renonciation à la protection diplomatique imposée à
1'Etat tend manifestement à emprcher les différendsrelatifs à I'investis-
sement de passer dans le domaine des rapports entre Etats, qui est celui
de la protection diplomatique, et par là mêmed'envenimer les rapports
entreI'Etat nationalde l'investisseur etI'Etat d'accueil.
11est quelque peu inattendu d'entendre M. l'agent dii Gouverne-
ment belge trouver des analogies entre la présente affaire et les diffk-
rtion n'écarte-t-elle pas la protection diplomatique. alors quenvedans la
présente instance le Gouvernement belge prétend précisément exercer
cette protection?
Cette convention ne cherche-t-elle pas à empêcherun différend relatif A
un investissement étranger de tourner en différend entre Etats, alors
qu'ici le Gouvernement belge formule précisémentles accusations lesplus
graves à l'encontre de 1'Etat espagnol? * DÉCLARATION DE M. CASTRO-RIAL II
Vraiment, Monsieur le Président, Messieurs de la Cour, le Gouverne-
ment belge va trop loin en essayant de faire croire à la Cour qu'elle est
saisie d'un conflit d'investissement de type moderne. Pour faire admettre
cette version, le Gouvernement belge a beau prétendre que la Belgique
est elle aussi un pays d'accueil pour les investissements étrangers. La
rése e nffaireest bel et bien relative à une opération du type aujour-
d'hui périmédel'investissement sanscontrôle et inorganiséet bien,souvent
fictif dans un pays peu développéet ne reièveen rien de l'investissement
moderne organiséet doté d'un statut.
En tout cas, le Gouvernement espagnol ne nie pas que le développe-
ment de l'économie moderne exigede poser les problèmes juridiques qui
en découlent et, dans ce sens. les efforts des Nations Unies se passent de
toute apologie. Mais si les circonstances exigeaient de modifier le droit
international en vimeur. l'endroit ~our en débattre et 'éventuellement
pour procéder à la Gforme adéquate'est une conférenceinternationale où
tous les Etats, riches ou pauvres. anciens et modernes, faibles et puis-
sants, seraient représentés.
Je voudrais ajouter qu'il me paraît infiniment regrettable que le Gou-
vernement belge ait cru pouvoir assumer. dans la présente affaire, une
fonction de protection qui rappelle, comme on l'avait déji dit en 1964.
celle d'un claims agent d'un groupe financier international. d'un groupe
qui a. A maintes reprises, violél'ordre juridique de 1'Etat dans le terri-
toire duquel il avait tous ses intérêts,où se trouvaient tous ses biens et
d'oLorsqu'il accorde sa protection, Monsieur le Président, A l'un de ses
ressortissants, un Etat ne devient pas pour autant son représentant ou
son porte-parole. Seul I'Etat est partie au différend, et il est notoire qu'il
doit prendre soin. avant d'é ouser la réclamation de son national, de
vérifierattentivement les all&gationsde ce dernier. Telle fut l'opinion du
Sénat de Hambourg dans sa sentence du 13 avril 1864o ,ù ildéclara, A
propos d'un rapport rédigépar le particulier intéressé:

«Cedocument n'est d'une mani&regénéralequ'un exposépartial et
passionné. qui évidemment dénature et exagère les faits et dans
lequel la sincérité faitdéfauti,(Recueil desarbitragesinternalaonaux.
1.II,p. 318,de Lapradelle-Politis).
La vérité est que,dans cette affaire, la protection accordéepar la Bel-
gique a pour fonction. non pas de faire valoir le droit propre de 1'Etat
belge, mais bien de constituer un élémentintrinsèque de la strategie du
groupe privé intéressé - lequel n'avait au surplus rien de belge -, la
véritéest quela Cour est appeléepar le Gouvernement belge à trancher un
conflit entre groupes privés.
Ceci est tellement certain que la Belgique, dans sa correspondance di-
~lomatiaue avec I'Es~ame concernant Tecas ré sentn .'a iamais invoqué
aucune iiolation du t;a& hiçpano-belge de cokmerce et dénavigationdu
4 mai 1878qui déterminait le traitement correspondant aux sociétés
commeruales'des deux pays.
C'est-à-dire que le Canada a estimé de son devoir international de faire
concernant la situation des sociétés commerciales.En revanche, lorsqueur
la Uelgiilue prétendit proteger la Çidro ou InÇoiin:l, elle nt.se crut ]:!mais
oblig6e riedire 3.1'Etat espagnol, dans la correspontlnnce iliplomatiilue,
quele traitement accordé-aux sociétés belgeséiait réellement contraire12 BARCELONA TRACTION

aux conditions du traité préiwespour les sociétésnationales respt:cti\'es
Cour d'une rét tendueréclamation de la Sidro ct dc la Sofina au nom des la
principes déprotection imprécis. vagues, rénovateurs et de legeferendn
sans que I'Etat protecteur ait jamais invoqué au préalable l'existence
d'aucune violation du traité en vigueur concernant ses propres ressortis-
sants =----O---
Pour transformer ainsi le litige privé en différendinternational, une
double substitution étaitnécessaire.Par-delà lemouDefinancier espaanol.
il fallaàttout prix mettre en cause I'Etat espagnol:aiors que le GoGver-
nement espagnol avait toujours eu le plus grand souci de demeurer à
l'écart de l'affrontement de la Barcelona Traction et de ses créanciers.
couvernement.rouauel au'il firt: pendant Quarante ans. on comota sur len
Gou\,ernement cnnad;en. iationiil de 13socitt- dont la
qualit; pour agir n'a jamaisétémise en doute par nion gouvernenient -.
ensuite un nlace ses çïnoirs dans le (;ou\,érnement belee. mémesi l'action
de ce derder devait &xigerune grave déformation dz l'institution de la
protection diplomatique. Je me permets ici de renvoyer la Cour à ce que
j'ai dit en 1964au sujet de la correspondance diplomatique échangéentre
l'Espagne et la Belgique (II, p. 57et suiv.).
Le Gouvernement espagnol tient à réaffirmeren toute clarté son point
de vue. Aux fins du litige international. est-il besoin de rappeler que les
actLes obligataires ont-ils su avant 1'Etat et peut-êtreplus clairement que
lui quelles étaient les dissimulations et lesfraudes?Avaient-ils, au sein de
la société, es alliéset des informateurs? Ont-ils penséque la situation de
la sociétéau recard de 1'Etat leur donnait des chances ~articulières. ou
bien au contraGe qu'elle leur faisait courir des risques s;pplc:menta&es?
Ou bien ont-ils pensél'unou l'autre suivant lescirconstances? l'eu iriipor-
tent les réponsesQueI'on donne à ces auestions: en effet, ce ne sonfoas
les obligatiires. le6actionnaires ou les &ciétésqui sont parties dçvani la
Cour mais bien lei gouvernements.
Le Gouvernement espaanol pour sa part a eu une attitude oui s'est
mElle tient en deux formiiles: voir clair et rester étrangerau litige pri5.t;.
\loir clair. cela \.eut dire que I'ntle droit d'itre ~leiiieriient infor-
mé.Pendant de longiies années.aussi bien sous la !donarchie et la Rc'yu-
blique esp3gnolesqu'a11r;siq40.on lui:ircfuiicedroit en :ille~iiailtqu on
n'acait pas'ie temps. qu'on nesavait pas, que les ren~ei~nemënts se trou-
vaientà l'étranger.
En 1945-1946,lorsqu'il fut question, dans le cadre du plan d'arrange-
ment. d'accorder plusieurs millions de livres sterling et de refondre la
structure financiére du groupe avec l'aide de sociétés espagnolesqui
n'étaient pas en régleavec 1'Etat. le Gouvernement espagnol a pensé
qs'engager. Plus tard, lorsque grief lui afait de cette exigence de voir
clair et qu'on a voulu le rendre responsable de la faillite, il a revendiqué le
droit de fairela lumière.et cefut alors ou'intervint la commission interna-
tionale d'enquête de 1~50-1951 et l'accord international signé entre
l'Espagne, leCanada et le Royaume-Uni: et, lorsque aujourd'hui,ilest dit
que-cën'était là qu'une habile diversion ou mieux encore qu'une ma-
nŒuvre pour fournir un prétexte à l'accélérationde la vente des biens, le DÉCLARATION DE M. CASTRO-RIAL I3
Gouvernement espagnol tient à réaffirmerque quelle que soit lapuissance
d'un groupe privé.quelle que soit l'épaisseur desténhbresdont il est ca-
pable des'entourer, le droit d'un Etat de voir clair reste entier.
Le deuxième principe du Gouvernement espagnol a étéde rester étran-
ger au litige privé.Il a cependant étésoumis aux plus vives pressions di-
plomatiques de gouvernements plus soucieux des résultats à obtenir que
de respecter les principes qu'ils invoquent; comment le Gouvernement
espagnol pourrait-il se défendreaujourd'hui du reproche de dénide jus-
tice s'il avait cédéalors aux pressions diplomatiques tendant àsoumettre
ses tribunaux aux interventions de l'exécutif?
En ce qui concerne le désirconstant et inadmissible du Gouvernement
belge de mêlerle Gouvernement espagnol à une affaire qui se trouvaitsu6
iudke. Dour au'il intervienne ai 1; contrainte dans'son déroulement -~~
"orma1,'je me permets de ren;oyer la Cour aux pages 57 et suivantes
de la procédure orale de 1964 (II).
Le Gouvernement es~a~n.l.-d'autre art. a touiours eu à cŒur de ne
niettre auciin objtaçle .?des ~ii:~uci:itiun;riitrt 1c.sdeux jiroupci priv6s rt
de ne rien faire qiii puisse rn ioinproilirttrrItsuic&j; cettr attitude lui 3
imposé unegrande-réserve en ci qui concernait ses propres revendica-
tions; s'illes avait fait valoir, il aurait en droit ou en fait pesésur le cours
des prochs civils auxquels il aurait étéimmanquablement mêléT . elle est
I'es~lication bien sirnole de l'attitude de l'administration. bien aue le
(;ouvernement belge iiitcntc ICI6galemcnt un procL's(L'iiitrntion a;\ or-
ganes de 1'Etat espagnol et quc. faut? de pouvoir ~liiiiiuritrerd'une m3-
nierc taneiblc ses iiitcntioni. 11tentede Ic faire d'uni. iiianiéredCtou~~-,.
et fantaiGste.
Au sujet du conflit entre les obligataires et la Barcelona Traction et de
la faillite qui s'ensuivit. le Gouvernement belge s'étend complaisamment
sur le prétendu dénide justice dont la Barcelona Traction aurait étévic-
time.
Sans anticiper sur les développements que les conseils du Gouverne-
ment espagnol présenteront à la Cour. je souhaiteraiscependant faire une
remarau. -énérale.
1)Gnir.rla justice c'est la rrfuscr; or, un juge ne petit rçfiiicr que cc.qui
lui ;*61; d~ni;~riJG.II ii'c>tP:ISsans int;rFt LIC rayycl~r, ;iu euil de cei
de la j;sti& espcgnoîe.!><(1,la 15arçelonaTraction a <lt:riiari<ltC::ittcn<lti
La Barcelona Traction n'était pas novice en matière de cessation de
~aiements. Au oours de sa désastreuse histoire financière elle avait ou
déjàexpérimenter la valeur des combinaisons qu'elle avait étudiées
carantir son immunité contre toute mesure d'exécution: sociétécana-
dienne, elle avait consenti des hypothèques sur des biens en Espagne:
mèredirecte ou indirecte d'une pyramide de sociétés.elle avait dispersé
le silus des titres. Bref, elle avait fait tout le possible pour se rendre, selon
l'expression mêmedu Gouvernement belge. vinvulnérabler. Invulné-
rable aux atteintes de ses crkanciers, invulnérable aux demandes d'in-
formation des autorités espagnoles.
Faiite d'actif saisissable, la sociétéaurait été liquidée sans que ses
créancierssoient payés;les obligations perdaient toute valeur et le patri-
moine du groupe en Espagne - dont on avait soigneusement dissimulé
l'appartenance à la Barcelona Traction - lui demeurait acquis, libre de
toute dette. La faillite se présentait ainsi comme une perspective somme
toute acceptable, et l'on comprend qu'elle ait étéaccueillie, pour repren-I4 BARCELONATRACTION
dre l'expression d'un conseil du Gouvernement belge, avec une idouce
~ - ~ - ~ ~ ~ - ~ -
Mais voici quecette adouce hilaritéifait placeà une améredéception:
car les obl.,ataires ne se laissent pas faire et les tribunaux.es-acnols.
n'"tant pas diipes dCjoiieiit I;Irnaiiwiivre corisistant 3.transformer une
faillite eii op6r:itioii Iriictiieiisefilialors 1;1j:trcclona 'fraction?
l'ait-clleon~o~itiori3.faillite.conim<~oiieiitnu i'\.attendre? Son uas: elle
se contenié de faire demander par ses iiliaks, sociSt&sde I>aillé.t ses
cointi.ressésque la faillite ne produise pas d'effet Aleur écard.qu'elle soit
en quelque >orte stL:rilisce.si ~'~bro-et la Harccloiia 'fraction c'taient.
chme il a c'tédCclarépar un conseil du Gou\,ernement helge en 1964,
devant cette Cour, qblaiic bonrict. bonnet blan..p.ourquoi 1Ebro 5est-
elle prCientie au juge de Reus en lui (Iéclarnntqu'elle rie bavait pas dans
les mains de qui se trouvaient ses actioniqui. réellement.étaient toutes la
proprii'tc'de I:IUarcelona Traction? S'étant pas par\,enueà stc'riliserle
ri.iultat de la faillite. la Uarcelona Traction clierche aàotout prixà
proloncer la ~rocédureet à éviteraue la faillite ne soit menée sonterme
haturèi à sa;.oir la vente des biens:~ela. la I<arcelonaTraction l'aobtenu
dani des proportions fort satisfaisantrs: 11a fallu attendre quatre ans
iusau'i la-vente des biens et auinze ans iusau'aux arréts oui ont cl6turé
ment belgede formuler sa requCtedevant la Cour désàro=$. le Gouverne-
Le Gouvernement belee a orésentédevant la Couii'imaee d'une so-
ciété prospére et vertueüse. eh proie aux machinations les $us sombres
de I'Etat espagnol et de ses financiers. La vérité,lllonsieur le Président,
Messieurs de la Cour, est toute différente
La santétinanciérede la Harcelona Traction est pure Iégcncl. ';norme
dette extérieure accumuléedepuis sa naissance constitue le mal profond
dont elle finira par périr.etoncompren(l (lu'çllen'ait pu survivre qii'au
prix de sacrifices 13riodiqurmerit imposés scs créanciers.L'tiijtoire de la
Uarcelona Traction est jaloiin6e <leces opérationschirurpicales <lui.sous
le nom de .réorganisations financiéren,constituaient actant d'imputa-
tions des droits des créanciers:1915 d,éjà, puis1918.1921 19.241.930.
Le fameux plan d'arrangement qui échouaen 1946 n'étaitpas, on le voit,
la première opération de sauvetagetentée par les dirigeants de laarce-
lona Traction aux dépensde ses créanciers.
Comment le Gouvernement belae peut-il rése entecromme une société
financihrement solide une entrePrLe 'qui,ap;és tant de soi-disant réorga-
nisations, venaità nouveau de proposer àses créanciers.pour rétablir sa
situation, un plan d'arrangement impliquant pour eux unnouveauet très
important sacrifice financier que mêmele Royaume-Uni n'était pas dis-
posé à accepter?
Est-elle une sociétévraiment florissante celle qui depuis plus de onze
ans ne payait pas ses créancierset dont la dette reconnue par la société
mêmeet le prix de la vente n'étaient pas une croûte de pain en 1948,
suivant l'expression d'un conseil du Gouvernement belge, mais une som-
me de lu sieursdizaines de millions de dollars canadiens? Lorsoue ses
conseil; parlent de la situation prétendument florissante de la iociété
canadienne. le Gouvernement belce semble oublier que la dette liquidée
cains si on lui appliquait les taux d'intérétavancéspalemkmoire belge.-
Quant aux bienfaits que la Barcelona Traction aurait apportés à
l'économie espagnole,je rappellerai simplement que la Catalogne possé-dnit dL:~i.cn rqrr. une industrie i.lectri(1ueaux peripcctives florissantes.
Et c'est justemeiit I'iindes principaux (lirigednts du jiroupc (le 13arc~'lona
Traction qui a reconnu la haute \.aleur de crrt:iines sociétk t.spagnole;
existant en Catalogne avant iyr r rt qui furent aclietCrs h bon prix par la
Harceloiia Traction. o.r.exemnle Rarcelonesa rt Encrala Eléctrica. ce
que le groupe a cherchésurtout: c'est à absorber les entreprises existantes
et, plus tard. à asphyxier les coopératives catalanes en pleine activité
dans la régionde Reus et de Tarragone. La politique. partant, était beau-
coup plus de monopole que de développement. Je me permets. à cet
égard, de me re orter à la duplique, VI, pages 58 et suivantes.
Monsieur le $résident. Messieurs les juges. pendant des années la
Barcelona Traction a proclamédans le monde l'idée selon laquellela seule
cause véritable de sa mise en failliteen Espxne avait étéle manaue de A
devises. le Gouvernement espagnol ne les lui ayant pas accordées.
Lorsque ce prétexte fut répandu. au début, on ne prétendait rendre
resDon<abiedecette soi-disant cause aue le Gouvernement es~aanol. Le
stÎatagème. .3cause du plan d'arraniement, cherchait surtÔuf à con-
vaincre et les créanciers et les autorités canadiennes et les autorités
britanniaues.
- ~'était'une époqueoù les dirigeants de Barcelona Traction n'avaient
vas encore inventéLathèsedu complot fantaisiste utiliséede nos iours par
ious les conseils du Gouvernement belge en guise de panacée.Ce n'esi en
effet que plus tard que cette contre-vérité leurvint à l'esprit. Et le Gou-
vernement belge reprend aujourd'hui exactement le mêmeargument
dépourvude tout fondement. auquel les Gouvernements du Canada, de la
Grande-Bretagne et des Etats-Unis pour leur part n'ont pas souscrit, car
ilssavaient ue lescampagnes internationales de presse orchestréespar la
Barcelona %action n'avaient d'autre but qu'une déformation systéma-
tique des faits.
La Barcelona Traction n'a pas été nonplus victime d'une manŒuvre
d'hispanisation. Ce besoin d'hispanisation, soit dit en passant, c'est
d'abord la Barcelona Traction elle-mèmequi l'a ressenti. Elle se rendait
oarfaitement comDt. .'il lui fallait en finir de sasituation anormale. La
Rnrceionn 'i.raction était une sociétéqiii tirnit je, re\,enu.; ci,.r rrcvtti..
eii peseta; et sur laquelIr p~snit ilne loiirde dette crilivres itcrling. Elle ne
nou\.:iit sortir du cercle \,icii:uxIII:faillitr latente dani lequel <:I31:trou-
;ait si I'Etat espagnol ne lui permettait pas de relancer dehouvelles et im-
portantes émissionsd'obligations sur le marché espagnot. Le plan d'ar-
rangement de 1946 a justement étéprésentépar la Barcelona Traction
comme un projet d'hispanisation de la dette de la société(D., VI. p. 8
et 182).
La réalitéc'est aue le Gouvernement espagnol . d..reieter les trois
prol)ositiori, :ivanc&s (lu plaii <I'arr:iiigcrnenttout iimplcnient plrct. quc
Içiir acceutation aurait entrilin; la reconnaisranci. il'iiriçilette <iniIc!.i,ey
..~t la I~Ut~ ~ ~ ~ ~ ~it iamais étédémontrée
I'our ce qiii rat de la iroiiiénit:nio(I~litc. (lui. a1,p;iremmcnt. ne com-
port:iit p:iade ces~iori(lircstv de dcviscs. la proposition portait ?rifnit sur
-- traiisfert d'iine ,\'nothi.ti(iiic crinnsç deI:Ihrcelona 'Tractionsur une
sociétéespagnole, et quand bien mêmecelle-ci eut accepté le remplace-
ment de lacréanceen devises par une autre créanceen pesetas, le fond du
problème. c'est-b-dire la reconnaissance de la créancenon légitimée, de-
meurait entier.
Bien plus. c'est que. indépendamment de ce qui vient d'êtredit, la so-16 BARCELOXA TRACTION
ciétéespagnole ne manquait pas de couvrir son service financier au
moyen de transferts périodiques en Espagne en devises. en sorte que. si le
plan venait à êtreautorisé, elle aurait dû interrompre ces transferts de

devises en Espagne et couvrir son service financier et autres obligations
avec la créance obtenue en pesetas.
Certes, il n'y avait pas apparemment de cession directe de devises de !a
part de I'IEME mais,pendant de nombreuses années. celui-ci ne recevrait
plus les transferts normalement effectués de l'étranger par la sociétées-
pagnole. Quoi qu'il en fiit. la prétendue dette existant entre I'Ebro. la
Barcelona Traction et la sociétéfantôme International Utilities, qui
n'avait jamais étéjustifiée. se trouvait ainsi parfaitement reconnue.
D'ailleurs. l'administration n'était pas assurée, comme il le fallait. que
dans le cas d'une éventuelle autorisation d'émettre de nouvelles obliga-
tions en Espagne, le nouvel apport de l'épargneespagnole fîit réellement
affecté au développement de I'entreprise en Espagne.
Car le groupe de la Uarcelona Traction, qui avait étéautorisé aupara-
vant à placer plusieurs émissions d'obligations en Espagne à la condition
d'affecter les capitaux obtenus de l'épargne nationale au développement
de l'entreprise en Catalogne, n'avait pas rempli le devoir imposé par les

décrets royaux et les lois correspondantes. Comment pouvait-il attendre
de l'administration espagnole que de nouvelles autorisations lui fussent
accordées pour faire encore des placements d'autres obligations sur le
marché espagnol. alors qu'elle n'en était pas bien renseignée et ne voyait
pas clairement l'opération?
C'est oourtant la Rarcelona Traction oui a d'abord eu l'idée des'hisoa-
iiist:r c~i'~irn~o:antla tr:iii,form;ition de 1s soci6tii.toutefuis I'l:tnt es-
p3gnril :<ccptnit de iic (.tir,:;iucunc rechcrclihiirI'origiiii:art<-ic:iinscsle
ioildisant caoitaiix comptables. sur la réalitéeffectivede ses postes comp-
tables, sur léffectivité des investissements allégués,sur le Secret de &s
opérations financières et si, de surcroît. I'Etat acceptait d'oublier toutes
les atteintes portéespar le passéà l'ordre juridique espagnol.
Tout devient ainsi clair. Lorsque le Gouvernement espagnol a voulu
faire la lumière. la Rarcelona Traction, au lieu de s'expliquer IionnCte-
ment, ressentit le besoin de modifier sa tactique et d'engager toute son
offensive sur une prétendue connivence malsaine. Encore une fois. je me

permets de me reporter à la duplique, VI, pages 182 et suivantes.
En conséquence. le Gouvernement espagnol se doit également de
dénoncer la légendedu prétendu apport à l'Espagne d'importants capi-
taux étrangers. II a étéclairement établi (E.P., 1,p. 30) quela BarceIona
Traction a étéoratiauement financéeDar l'épargneespagnole à partir de
1918 et que la ~arceioiia Traction, grâce à dis manŒukre? compiables in-
génieuses,a iait passer une partie tres importante de ce capital espagnol
pour un investissement étranger, aux yeux des autorités fiscales et mo-
nétaires espagnoles. Il y aencore lieu de tenir compte que l'apparition de
la Sidro, à un moment donné d'une nouvelle et soi-disant réorganisation
de la Barcelona Traction, n'a supposé non plus, grâce à des opérations
comptables complexes et fictives, aucun apport d'argent réelet effectif à
l'entreprise en Espagne. Parler d'investissements étrangers est. on le voit,
assez éloianéde la réalité. car il faudrait dire plus exactement qu'il s'agit
d'un \Aitable déjinvi:itisiein,?nt continuel, &i\,nnt les rappo;ts clil nii-
nistétc des nnsncc.3espagnol sur les investis~rri~rriti ct les aspect, fiscaux
dc la I<;trceloi~Trdction auxquels je renvoie la Cour (:\.i).. vol1. p.3 et
SUI\..). En raison du caractere technique et complexe desdivers aspects écono-
miques et financiers de l'entreprise de la Barcelona Traction, leGouverne-
ment espagnol a cru bon de se procurer une appréciation objective de ces
questionsétablie par des experts fiiianciersindépendants, comme il l'adit
dans la duplique. VI, page 31 :

«Pour assurer l'objectivité nécessaire, il a pensé que le mieux
était de consulter MM. Peat, Marwick, illitchel1 & Co., c'est-à-dire
la firme d'experts-comptables au sein de laquelle le Gouvernement
britannique avait choisi celui qui l'a représentéau Comitédes ex-
perts. à savoir M. F. W. Charles, C.B.E. On a pris des dis~ositions
i>ourque les archives de I'entreprise à BarcelorÎe fussent oivertes à
MM.Peat. Marwick, Mitchell& Co.et pour qu'ils émissentleur avis
sur les principales questions d'ordre financier sur lesquelles diver-
gent le contre-mémoireet la réplique.MM.Peat, Marwick. Mitchell
& Co. y ont consenti et ils ont présenté deuxrapports. Ces deux
rapports avaient été initialement demandés à Peat, Maywick, Mit-
chell & Co. pour servir de uides aux conseils du Gouvernement
espagnol chargés d'élaborer a duplique. Mais comme ces rapports
iettent une vive lumière sur maintes auestions aui sont controver-
Sées.dans la procédure en cours, le ~Ôuvernemêntespagnol a de-
mandéet obtenu de Peat, hlarwick, Mitchell & Co.l'autorisation de
les présenter à la Cour. C'est pourquoi. sans nécessairement en
prendre àson compte tous les détails.le Gouvernement espagnol les a
reproduits aux annexes z et 3 à la présente duplique et, le cas
échéant.il appellera l'attention de la Cour sur leurs points les plus
importants. a

Je me permets maintenant d'attirer t'attention de la Cour sur la désin-
volture avec laauelle certains conseils du Gouvernement belee ont ~arM
des rapports iie ia prestigi<:uiefirnic aiifilaiseilorit I'indép.ii~l,ïricep;ofcs-
sionii~.ll.bt uni\,erjellernent reconnue Toutrs observatioiih critiqiies et la
libre expression de iueements objectifs sont touiours de mise. Ce aui est
rcgrettible. c'est <I;sin dc'bat pu;c~iic:i~ttc~<:liniie i.oir cntzicti~'d'unc
p~,sion et d'une afiresii\.it6 inutiles. 1.3firnli: Pt!;it. \l;~r\r.ick \lituhell
Co. a répondu avec pertinence aux critiques qui lui ont étéadressées.et
son nouveau rapport a déjàété déposeau Greffede la Cour.
Enfin, je tiens à réitérerque les conseils du Gouvernement belge ont
soutenu aussi un des mvthes répandus par la Barcelona Traction: il n'est
pas vrai que la société-canadiinne ait'connu une époque idyllique avec
l'administration espagnole, a laquelle aurait succédéune brusque hosti-
lité.Si lesrégimespe<vent changer, les administrationsdemeurent et les
chaneements nolitioues ne modifient Dasl'unitéet la continuité des inté-
rèts permanents et essentiels de 1'~t;t.
La Barcelona Traction ne s'est pas vu refuser les devises ou l'autorisa-
tion du plan d'arrangement en rsson d'une hostilité politique ou d'une
quelconque collusion. La raison du refus. comme on l'avait déjàexpliqué
en 1964, est bien plus simple: la Barcelona Traction n'a pas fourni à

l'administration les renseignements qu'elle aurait dû donner. et I'Etat
espagnol étaiten droit de les luidemander, et ce fait décisifa étéexplicite-
ment et internationalement bien reconnu par les Gouvernements cana-
~ ~ ~et britanni~~3.
Onze ;irisapréjla premiércrequétede la Ilelgique. la <I<:riii+r 1ti;iide
la procédiirese dCrouleenfin dei.aiir la Cour 1.1C;uui.rrncment e,pagnol18 BARCELONA TRACTION

prie respectueusement la Cour de faire échec à la tentative d'iiiternationa-
liser un litige purement privé,qui n'aurait jamais dû sortir du domaine de
la juridiction espagnole.
Mon gouvernement réaffirme eneffetsa position. à savoir que la re-
qu&tebelge n'est pas recevable parce que le Gouvernement belge est dé-
pourvu de qualité pour la présenter. et parce que ses protégésn'ont pas
épuiséles moyens de recours internes. Les deux exceptions préliminaires
lurent jointes au fond par l'arrêtdu 24juillet 1964.Pour seconformer à la
volontéde la Cour, les écritures du Gouvernement espagnol ont exposé,
d'abord, le fond, puis les exceptions. Le mêmeordre sera suivi dans les
présentesplaidoiries. Toutefois, comme ila déji étésignalédans les do-
cuments écrits (C.M.. IV. D.12. et D..VI. p. 18).ceplan n'implique pas, de
la part du ~ouvernemeit espagnol, une'renonciàtion au iaràctè;e pré-
liminaire desdites exceptions. Terappelle i cet égardce qui fut dit dans la
duplique:

#.leGouvernement e,p:ioriol se doit d'insister à nou\.eau sur le cnrac-
tére pririiordial qu'il attribue i ces exceptions: elles corre.;l>ondciit
aux bbjections qu'il a toujours opposéës au Gouverneme(t belge,
lorsque celui-ci a émisla prétention d'intervenir par la voie diplo-
matiaue. Elles sont. de même. les~remikres auestions aue le Gou-
vernement espagnol ait soulevées.'sousla fo;me d'exceptions préli-
minaires, dès le début du présent procès. Il restera donc fidèle à la
position qu'il a toujours adoptée en leur donnant la toute première
place lorsqu'il conclura au rejet de la demande forméepar le Gou-
vernement belge. i(VI,no30, p. 18.)

Compte tenu dii nombre <Irqiiwtions de fait ~>ass?es sous silence par lei
conseils <luGouveriiement belge. que Ic Gou\fernemerit esp:i$nol consi-
(lérede la nlus haute imnortance. comote tenu du (IAsirde 1;iLourde cir-
conscrire tes débats à leur essence purement juridique. ce dont mon gou-
lignes générales.l'ordreque j'ai l'honneur d'énoncer ci-après.uivront. en

Le professeur Gil-Robles fournira, en premier, les donnéesfondamen-
seur Giiggentieunsà Iiiisuc&<lrr:io1>011ral)pclrr les principes g>ni'rius de
droit iiiti:riiation;~lqiii Iiii si>iitapplicaliNosi conseils d.!velopperont
ensuite les principaux aiprcts du fond. 1.eprofesï<:ur\Vald<sk cornriieii-
cera Darexâminèr les faits nécessairesconcernant la res~onsabiiitéet les
éléménts de connexion de la Barcelona Traction avec ia juridiction des
tribunaux espagnols. Le professeur Reuter exposera. ensuite. lesquestions
concernant lèscauses deia cessation des oaiements. les refus de devises et
le plan d'arrangement; il montrera égal&ent fut la véritable con-
duite des autorités non judiciaires à l'égardde la Barcelona Traction. Le
professeurUria se chargerade développer la procédure de faillite et trai-
tera du jugement déclaratif et de ses effets. Le professeur Carreras s'oc-
cupera de la vente. Le professeur Sureda achèvera cette analyse en par-
lant de la situation économiquede la Barcelona Traction. Le professeur
Jiménezde Aréchagaexaminera. ensuite. les accusations belges dans leur
ensemble, c'est-à-dire ledit .grief global i,et le blocage des recours. Et
c'est leorofesseur \Veiloui clbturera I'exoosédu fond en formulant auel-
ques obkervations sur la'demande en réparation du Gouvernement b&e.
Enfin, les professeurs Malintoppi et Ago traiteront respectivement des D~CLARATION DE M. CASTRO-RIAL 19

exceptions de non-épuisement desvoies de recours et du défautdequalité
pour agir du Gouvernement belge.
Il me reste. Monsieur le Président, Messieurs lesjugeA,vous remercier
vivement de la bienveillante attention que vous avez bien voulu m'ac-
corder.

L'audience, suspendue dII h 35, estreerisà rzheures.

Le PRÉSIDENT: A la demande de l'agent du Gouvernementespagnol,
la Cour a décidée.n application du paragraphe 3 de l'article 39 du Statut
de la Cour et du paragraphe2 de i'article 58de son Reglement, d'autoriser
l'emploi de la langue espagnole. II a étéconvenu 'que le Gouvernement
espagnol fournira par écritune traduction en langue française des expo-
sésfaits en espagnol. et que cette traduction franyaise, qui sera lue et in-
terprétée simultanémenten anglais par lepersonnel de la Cour. en mème
temps que l'exposéoriginal. sera considéréepar la Cour comme faisant
foi. Sous cette réserve,je donne la paroleà M. le professeur Gil-Robles
Quifiones.qui s'exprimera en langue espagnole.

1Voir X, Correspondance. no'get96. PLAIDOIRIEDE M. GU-ROBLES '

CONSEIL DU GOUVERNEMENT ESPAGNOL

M. GIL-ROBLES: Monsieur le Président. Messieurs les juges, c'est la
premiérefoisque j'ai l'honneur de plaider devant votre haute juridiction,
aussi je désirelui manifester l'expression de mes sentiments respectueux.
Je me permets d'espérerque votre compétenceet votre compréhension,
Monsieur le Président, Messieurs les juges, viendront en aide à mon
manaue d'exDérience.Ce sont donc des sentiments de matitude et de
dCf&ncc quime guideront tout au long de cet csposc'.
Cessentiments m'imposent de ne pas nie laisser entrainer sur le terrain
de la politique. terrain sur lequel leslionorables conïeils du Gou\~erneriierit
belge se sont efforcés.désleur premiL'reintervention. de placer la faillite
de la Uarceloiia Traction. Je me bornerai donc aus coniid6rationi ct aux
rectifications strictement indispensables pour remettre les choses àleur
place. Croyez que s'il ne tenait qu'à moi, toute référenceà des considéra-
tions politiques serait bannie du prétoire.
Les conseils belees se sont efforcés.au cours de cette ohase orale. en-
core plu- qu'au coirsddcs (I6bats Ccrir. de poit:r le problèiic en terme; de
bons et de mc'ctiants,plus p.opr-s aux films d'tnfants qu'"ne contro-
verCesdichotomiesmarquées ne sont pas fréquentesdans la vie courante,
et dans le cas présent celle que nous offre le Gouvernement belge ne
reoose aue sur une véritable déformation des faits.
%ion devait croire àtout cequi a étéditici, on se trouverait devant une
situation des plus simplistes. II y aurait en effet d'un côtéun financier
tout ouissant: avide de s'emoafer Dar n'im~orte auel moven d'un très
ri~hc'~:itrirnoineet (lui (liipo.?j8n gréde; gou\.~riiemeits et non p:i%
jeuleinent du Gouvernement espagnol. comnir l'indiquait JI hlariri 3
propos de Inpolitiqiie monttaire britaniiique. Il'un autriçoii.oit tro!i\,e-
rait les pauvres actionnaires belges d'une eiitrcpriie qui3 pratiqut:mcnt
sorti la Cataloane des tenkbres médiC\,aleset dont l'effort a 616récom-
'~nsé.avec auelle in..titude. D'rune authentiaue . .liation
!donsieur ie Président, Messieurs les juges. cette maiiièrede préientcr
leschosescon>titiiç Urievéritablecaricature dç l'affaire qui noui occul><!
Il ne m'ao~artient Das de Drocédermaintenant à une a~oloeie de la
personne de'k. ~arch:encore'~ue mon esprit penche toujoirs à3éfendre
ceux oui ne Deuvent Dasle faire eux-mêmes.Cette défenseserait d'autant
plus têntantêp, our tout esprit moyennement sensible, que les accusations
répétées tout au long d'un mois entier devant la Cour ont coinci* un
jour avec des excèsjournalistiques quise passent de tout cornmentaire.
M. March a connu dans la vie le sort de toute personne qui. partie du
néant, atteint aux sommets de la richesse par un effort propre. C'estlà un
des triomphes que l'on pardonne le plus difficilement. La lutte soutenue
par M. March dans la vie lui a permis de créerde grands intérêtsécono-
miques et lui a gagné inévitablementdes inimitiés.Or. cet homme, que

Plaidoirie prononcéeen langue espagnole (voir supra. p. 19) PLAIDOIRIE DE M. CIL-ROBLES 21

l'ona décriticicomme un êtreuniquement avide de richesses, a laisséder-
rière lui une fondation destinée à des fins culturelles et de bienfaisance
quiest sans doutesans égale enEurope.
Toutes lesgrandes personnalitésfinancières,les Morgan, les Rothschild,
les Rockefeller, les Vanderbilt et tant d'autres, décritsdans l'ouvrage de
Holbrook,édité à Londres sousle titre suggestif de TheAgeofIheMoguls,
ont toutes étéentouréesd'une auréolemaléfique,y compris le généreux
donateur du palais de la Paix. sans oublierbien entendu Loewenstein, si
intimement liéaux origines de Barcelona Traction.
Mais il n'est pas dans mes intentions de placer les débats sur un plan
personnel, car il me suffirait, sije youlais me livreràla polémique.de me
reporter à l'affaire OlivierGérard,dont le scandale fait partie de l'histoire
de Barcelona Traction. Je souhaite très sincèrement ne pas avoir à
m'abaisser jusque-là.
La manière de présenter l'affaire par la Partie belge repose sur trois
inexactitudes très graves. M. March, dit-on, a pu spolier la Barcelona
Traction parce qu'il disposait de la complicitédes autorités espagnoles et
ce pour les trois raisons suivantes: tout d'abord à cause de la gratitude
aue le récimees~a~nolactuel lui.devait du fait de l'aide que hlarch avait

s'est manifestépar la législationde 1939.
Te vais maintenant examiner très brièvement chacun de ces trois
psnVoyons tout d'abord la question de la gratitude que le régimeespagnol
actuel aurait due à M. March.
Fidele i une ligne idéologique bien connue, que je respecte sans la
partager, M.Rolin (VIII,p. 16)a invoquéle témoignaged'un livre dont je
suis l'auteur, qui fut publiéil y a un peu plus d'un an. Or, j'ai le regret de
devoir affirmer que mon honorable confrère m'a fait dire ce que je n'ai
jamais dit.
Je n'ai pas écrit quela maison de M. March à Biarritz ait été,au cours
de l'été1936,le point de rencontre d'importants partisans de la contre-
révolution.Bien au contraire, je n'ai fait qu'écrirece qui suit:

,.J'a\,aii jusqii',?lori eu des r;lpl)ort" fr;qut.iit~ qlioiqu<:lortiiits,
a\.çc \I 3l;ircti.le rii;iridriLuca de Tcn;ict lecomte de 1.0sAndes,
s~irto~itail (lomicilc-(Ir cr dernier. uuand cç ii'ctait u;is ctiez [Tt.
ne les ai jamais vus agir en tant qu'hlémentsdirecte& d'une conspi-
ration ..n
Ces personnes ont-elles apporté une aide, y compris de nature finan-
cière? J'en signale la possibilitédans mon livre, bien que j'ignofe si elle
s'est produite effectivement et encore plus le montant. J'ai écritclaire-
ment que M. March s'est montrédisposé à apporter une aide concrète. Ce
a.e i,i<.ore. c'est s'ill'a fait effectivement.
Or, quand bien mcmc cc; pvrioniirs t.uix:nt apporté une aide écono-
miqur :Iilni.C]ioilii:ii Iriir vie t'tait rn danger iriiinit.lltn'aiirairnt
fait au,.5%.sitiita<Inrila lien,: out. dcs Iiommr, intiini.nit.iit ?IHxrce-
lona 'Traction ont suivie par lgsuite, sans toutefois se trouver dans des
circonstances ~ersonnelles oui lesjustifieraient de la mêmemaniere.
Le Gouveriement espagnol viéut de présenter plusieurs documents à
la Cour. On y trouvera parmi eux une photocopie d'une attestation dres-22 BARCELONATRACTION

séepar le représentant à Bruxelles du parti unique espagnol (nouv. doc.
1969, vol. II. p. 8).
Cette photocopie, qui a ététrouvée soigneusement cachée dans les
sous-sols du siègesocialde Barcelona Traction à Barcelone. dit littérale-
ment. sous en-têtedes emblèmesde la Phalange traditionaliste espagnole
et des J.O.N.S.:
uLe chef provincial (régional) de F.E.T. et des J.O.N.S. de Bel-
gique. [atteste], que Monsieur Henri Speciael. de nationalité belge,
âgéde48 ans, administrateur délégué de Sidro. a remis, au cours de la
guerre de libération, plusieurs sommes importantes d'argent en
faveur de la Cause, et a observéenvers 1'Espagnenationale une con-
duite digne des plus grandes louanges.

Fait .ZUruxelles. le 19 février1940, sur la demande de l'intéressé
et en accord avec les antécédents quifigurent dans ces bureaux sur
ledit M. Speciael.
Le chef provincial. Signé:G. Cantelli.n
Mais il existe d'autres témoignages faisant foi de l'aide apportée par
Barcelona Traction au mouvement contre-révolutionnaire de 1936.
Le 25 septembre 1936, M. Lawton écrivait une lettre à.M. Senillosa.
employéde Barcelona Traction. partisan fervent de la contri:-révolution,
qui se trouvait alors en Italie:

iisi vous allez en Espagne pour collaborer avec les insurgés, vous
pourriez porter vos effortàles orienter tout particulièrement dans la
zone qui nous intéresse, afinde leur indiquer la façon la plus efficace
de couper le courant, s'ils le désirent, sans causer de grands dom-
mages dans nos centralesn. (Nouv. doc. 1969, vol. II, p.1.)
Le terme insrirgésétait alors appliqué aux troupes du géneralFranco,
et la coupure de courant était destinée à priver d'énergieélectrique une
des zonei vitales de la résistancerépublicaine. .
C'est sans doute la raison pour laquelle les hommes de Barcelona Trac-
tion se sentaient si sûrs lorsqu'ils ont rendu visità Burgos au général
Jordana, ministre des affaires étrangèresde Franco, un an avantla fin de
la guerre civile. M.Lawton, qui lui rendit visite en compa nie del'avocat
de l'entreprise, MCTornos. raconte ce qui se produisit Cails une lettre
très intéressante du Tmai 1418 adressée à M. Hubbard. dont le Gou-
vernement espagnol Gient de'déposer une copie à la COU;.Cela vaut la
peine d'en lire le paragraphe suivant:

Il [legénéralJordana] déclara dèsle début dela conversation que
notre sociétén'avait pas montré de bonnes dispositions à l'égardde
la cause nationaliste. Je l'interrompis en lui disant que nous avions
montré notre svm~athie en refusant de collaborer avec les rouces et
en retirant toui 1êpersonnelétranger dèsle début de la Que
l'on avait maintenu des contacts étroits avec le duc d'Albe [ambas-
sadeur du généralFranco à Londres1 qui pourrait confirmer notre
aide à !nepériode qui n'était pas aussi faborable à leur cause que
celle actuell..D (nouv. doc. 1969, vol. Il, p. 3 et suiv.).
Les événements se précipitentet la guerre civile toucheàsa fin. Barce-
lone tombe aux mainsdestroupes nationalistes et M.James. de Barcelona
Traction. laisseéclaterson enthousiasme dans une lettre du 2 février1939 PLAIDOIRIE DE M. CIL-ROBLES 23
adressée à M.Senillosa. aui avait recu les instructions relativàsla cou-
pure d'énergie électriquêen ~atalogne. Ces termes sont les suivants:
Permettez-moi de vous féliciterde la magnifique victoire de vos forces
armées, la défaite des rouges a été foudroyanteet est digne de toutes
louanges» (nouv. doc. 1969,vol. II,p. 6).
Quelle merveilleuse et radicale évo-utiondes esprits. Monsieur le Prési-
dent, Messieurslesjuges! En septembre 19 6, alors que le dénouementdu
conflit était douteux, les forces du généra Franco-sont qualifiéesdédai-
gneusement d'insurgées.En 1939,lorsque les insurgéstriomphent, la dé-
faitefulgurante des Nrouges ,est digne des plus grands éloges.
Mais la capacité de changement des dirigeants de Barcelona Traction
est ~ratiauement sans limites. Preuve en est la lettre que M. Lawton a
adtissée 2 M. Correa, gouverneur civil de Barcelone. le 2 mars 1942, et
dont une copie est jointe aux nouveaux documents présentés à la Cour
par le Gouvernement espagnol. On peut y lire le paragraphe suivant,
que je cite littéralement:

civotre Excellence n'ignore pas l'intervention qui fut la mienne
pendant laguerre, àlaquelle le généralissimea si brillamment mis un
terme. les ordres donnésà tout le personnel étranger des entreprises
que je dirigeais de se refuàeapporter la moindre collaboration aux
marxistes, et d'abandonner la zone crouge »,lacollaboration écono-
mique très importante et technique très étroite avec les services
électri ues del'Arméedès l'instant même dela conquêtedes cen-
trales3e Capdella. Tremp et Camarasa ..r (nouv. doc. 1969,vol. II.
p. 10.)

M. Lawton, enthousiaste. ne la termine pas par la formule de politesse
habituelle, mais en saluant le gouverneur le bras levé.
Je ne prétends pas accorder à ces documents une portée supérieure à
celle qu'ils ont en réalité.Les représentants des grands groupes financiers
internationaux, ceux qui ont introduit dans le monde les règlesles moins
défendables du capitalisme à outrance, qui ont servi d'instrument au co-
lonialisme économique, qui ont étendu leurs ramifications tentaculaires
aux pays les plus divers.ont pour norme une bonne entente avec tous les
systèmes et tous les régimes.On pourrait presque dire qu'ils sont, par
nature et par définition. gouvernementaux sous tous les gouvernements.
Le groupe Barcelona Traction et les sociétésbelges qui réunisseutles soi-
disant actionnaires de Barcelona Traction ont une grande expérience
dans ce domaine et je nepense pas leur en faire spécialementun grief.
Mais alors, pourquoi une telle indignation à l'égardd'une éventuelle
aide économique de M. hlarch, et surtout pourquoi prétendre déduire
d'un fait aussi logique que non prouvé une conclusion aussi gravement
offensante que celle d'une collusion gouvernementale due àla gratitude?
J'aborde maintenant l'examen du deuxième point: A savoir la préten-
due phobie ressentie en Espagne à l'égard dela Belgique.
Cette allégationest également dépourvuede tout fondement.
La réaction momentanéeque les résolutionsde l'ONU de 1946ont pu
produire auprès du peuple espagnol. soumis aux privations les plus
sévèrespar suite de la guerre et de l'isolement. a une,justification hu-
maine que personne. douéd'un minimum de bonne foi. ne saurait dis-
cuter.24 BARCELONA TRACTION

Mais cette réaction n'a pas été durable,elle n'était pas spécialement
anti-belge. et ellen'a'euaucune répercussiondans le monde desaffaires.
Je n'ai aucune intention d'épuisercette matière, mais je souhaite bien
etablir que laparticipation belge dans des affaires espagnoles. tant avant
qu'aprèsla faillite de Barcelona Traction, a étéetesttoujours trb forte.
II suffit de lire des ouvrages qui, je l'esp$re.ne seront pas contestés par
la Partie adverse. tels que la Morphologie des groupes financiers; Les
husts en Belgiqtre; I'Anrrario Financier0 y de Socidades Andnimas dc
Espana. année1962-1963; le Recueil financier de 1962 et l'International
taux belges dans les sociétéssuivantes: Realntrer Compafiia Asturiana depi-
Minas; Minas de Potasa de Suria; Sol\ray et Compagnie; Hispavic. S.A.:
Quimica de Mieres; lndustrias Quimicas de Luchana; Union Comercial
Belgo-Espafiola; Cellophane EspaÏiola; Asland; Fibricas Remy; Ceplis-
tico; S.I.C.O.P. ;Hidroeléctrica Espafiola; Regadios y Energia de Valen-
cia: Vallehermoso: Madrid-Palace Hôtel: Sociedad Financiera de In-
dustrias y ~ransportcs; Cobra, S.A.; ~ototrans; Urbanizaciones y
Transportes: Hierros y Aceros Industriales; Minas de Cabrg~leset Com-
oaeniéInternationale-des Wagons-Lits.
Sofina, qui joue un rOlesi iGportant dans l'offensivecontre l'Espagne.
a, d'aprèslesrapports des exercices 1948 à 1q68 - dernièreannéedont on
Dossède des reiiseir~,ments -. dans son ort te feuilde titres. des
valeurs cspagnolcs. ce qui proiive. siirtoiit si l'un tient coinprc (le ses der-
nihs acqiiiiitinris. quc le laiiicux complot contre les prc'tendus intc'rcts
Ih?I~eide Harcelona 'Tractionii'a DaiCbranlé;a contiaiice dans les inves-
tisGments en Espagne. '
Elle avait d'ailleurs raison.
La sociétébelge Madrid-Palace Hôtel exploitait également l'hbtel
Continental de'saint-Sébastien. Un arrét de la cour d'appel de Pampe-
lune avait décidéque l'option d'achat que la sociétéavait sur l'immeuble
devait prendre pour point de départ le prix réévalué d'aprèsl'étalon-or.
La sociétébelge s'est pourvue en cassation, et le Tribunal suprêmeespa-
gnol, que les conseils belges traitent si durement, s'est prononcéen fa-
veur de la sociétébelgele 6 juin 1959en révoquant la décisionde la cour
d'appel (Aranzadi 1959, no 3026).
Barcelona Traction elle-mêmeest un témoin exceptionnel quant au fait
que le traitement qu'elle a reçu en Espagne n'a pasétéle moins du monde
influencépar cette prétendue hostilité enversla Belgique. Lesmembres de
Barcelona Traction se sont vantés d'êtreparvenus à débloquer plus
d'argent que toute autre entreprise, et jusqu'en février 1948 la société.
maintenant faillie, a obtenu normalement et sans aucun retard les auto-
risations nécessairesau paiement des obligations en pesetas.
Rien de tout cela ne semble compatible avec ces déferlementsde pas-
sion anti-belge. sur lesquels nos distingués adversaires ont prétendu bâtir
une explication purement romanesque.
Les affirmations relativesà un nationalisme espagnol. qui se traduirait
par la I6gislation de 1939 et de 1947 (R., V, par. 792). sont tout aussi
dénuéesde fondement.
3ssiiri.qu'au cours (lesann6cs'immi.diatement antCrieur<:i .2la faillite(IL.
\.ifs ientimentj d'orgueil. voirede suli.riorit6 nationale. et iin vif désir
d'indépendance doGinaient dans le pays. Ces sentiments se seraient ex-
primésdans la loi du 24 novembre 1939 qui restreignait la participation PLAIDOIRIE DE M. GIL-ROBLES 25

étrangèreàl'industrie nationale et dont on trouverait difficilement l'équi-
valent dans d'autres pays.
II me coùte de devoir montrer ici que la passion, dans ce cas, a étéune
bien mauvaise conseillèrepour mon illustre collègue.
En effet, comme nous allons le voir, la législation de 1939 est loin
d'inaugurer en Espagne une éred'une politique d'orgueilleuse autarcie,
de constituer une exception dans le monde et d'êtrele point de départ
d'une politique de nationalisation desentreprises.
a) 1939 n'a pas marqué en Espagne le départ d'une politique à ten-
dance nationaliste. surtout dans le secteur le olus roche de l'affaire aui
I.'idk (1,: restreindre les Irarticipations 6traiigèro dins
nous occupe
I'2coitornien3tionalr se trouuit dcji dans Ir caliirr des charges geiicrnl
desmarché de travaux oublie; du 7décembre i~ioo: lar rIn loi duI iuin
1916 qui prévoyait que cessociétésde navigation ne'devaient pas di;ioser
d'un capital étranger supérieur à 25 pour cent du total; dans la loi du
26 mars 1908 sur les chemins de fer secondaires et stratégiques; dans lè
décret-loi du 12 juillet 1924 sur la construction et l'exploitation de
chemins de fer; dans la loi de protection et d'encouragement de I'in-
dustrie nationale du 2 mars 19x7; dans le décretsur lanavigation aérienne
du 25 novembre 1919; dans ceux du 14 juin 1921 en matière de conces-

sions minières et d'exploitations hydro-électriques ... Mais à quoi bon
c~~tinuer cette énumération? Toutes ces diswsitions son~ ~~ -ffe~ ~~~~ ~
rieiircs i la guerre civile et. par consCquent. i la ICgislatioridc.1939.
bl I.'ou\,raat du professeur 1:ricdman. de 13 Colunil>ia Cniversit!.. sur
les aspects légauxdésinvestissements étrangers, édité à Londres
qui se trouve dans la bibliotheque du palais de la Paix, fait état des
diverses Ié~islationsnationales en matière de protection économiaue.
Je ne ferai pas un expoié détailléde cette >tu<le.qui zuiiligne 4u'aussi
bicn,d;ins Ics pays indiistrialisr'5 que diin; ccux en voie (ILd. <\~cluyyerncnt
il esist~ fréaiiemmcnt des diswsitions Iéaalesavant pour obirt de liiiiiter

la participaiion d'étrangers à'certaines gctivitis écÔnomiqués,telles que
les banques. les transports. la radio, la télévision,la presse, les services
publics. l'agriculture, l'exploitation de richesses naturelles, l'industrie de
l'armement et la propriétéimmobiliAre. Des limitations de nature géné-
rale, applicables à la majorité des activités économiques, sont moins
fréquentes; on les trouve toutefois dans les législations du Mexique. du
Brésil. de la Réoubliaue arabe unie. de l'Inde et du Pakistan. sans
oitr ci II~IIII, le y l i t Lcj Icg~~lationsde la Su+iIc,
dc la I:inlaii<lr ct <Ir..PIiilippirit:s caniportciit Cgalemcnt d'importiintes
Iimitationi. En Helgiqiir. t>iiiin. IPStravaux piililici rin:iiicéspar I'l;t:it rie

peuvent pas Ctre coniiii .i rit-s soci6t;s dnns Irqiirlleï dcz itrsngcrï
ooisCderaiciit olui (lu tiers (lu capital social (loi(l7 fjvricr 1~171
Comme on peut le constater, fa loi espagnole de-1939 n'es{ Gère origi-
nale.
c) Je serais enfin reconnaissant au Gouvernement belge s'il pouvait
fournir la preuve de ce qu'il avance, A savoir que cette législation a
marqué le début d'une phase de nationalisation des entreprises. Or,
l'Espagne est justement I'un'des pays qui a procédéau moins grand nom-
bre de nationalisations. Je me souviens seulement de celles de la Compa-
fiia Telefonica Nacional de Espafia. Minas de Rio Tinto, Red de Ferro-

carriles (RENFE\ et des branches sociales des compagnies d.a-surance.
ce qiii n'a pas mailqui. <Icsusciter ~lrscri tic luir:^a part llri ~iGfrrisi:ursale
certains courxnt i(ltologi<lu~:s.26 BARCELONA TRACTION
L'affairequi nous occupe a étéprésentéedèsles premiers jours. par la

Partie adverse, d'une manihre fondamentalement fausse. Et ce quiest pire
on y a insistéavec une réelleobstination. Au sein des plaidoiries beiges, le
ezmmachiliades traeédies ërecaues. dont l'intervention suffisait là donner
à l'intrigue théàtrie uneuorientation décisive.Cette maniAu: de répéter
plusieurs fois ce qui est prouvé ètre inexact rappelle la tactique du mi-
nistre tristement célhbrede la orooaeande hitlérienne, selon laauelle la
répétitionsystématique d'un mensonge finit par en faire une vérit'é.
Le problème de la Barcelona Traction se pose en des ternies à la fois
sim~lèset différents:on se trouve face à un débiteuraui n'a iamais voulu
pa$r ses dettes et àdes créanciersqui, logiquement: ont vbulu toucher

de ce procés.de suivreircet authentiquefil d'Ariane.ilieu des complications
La Barcelona Traction n'a jamais voulu payer ses dettes, parce qu'elle a
été créée virtuellement en étatd'insolvabilitéet parce qu'elle a adoptéune
structure qui, d'après elle. lui permettait de déjouer systématiquement
ses créanciers. Enfin, parce qu'à l'abri de cette structure. elle a pratiqué
une politique constante de dissimulation de ses bénéfices.de fraudes
fiscales.de simulation de dettes à l'étranger. de rusesà l'égard desauto-
rités administratives espagnoles et de mépris de la juridiction du pays
qu'elle avait choisi pour exercer ses activités.
Lorsqu'elle a réalisé qu'ellese trouvait faceà une faillite qui atteignait
une effectivitéà laquelle elle ne s'attendait pas. elle s'est fixé laligne de
conduite suivante:

r. II ne fallait pas s'exposer à devoir discuter, devant les tribunaux
espagnols. de probi~mesqtÏi mettraient en évidencelecartiztérecongénital
et incorrigible de sa nature frauduleuse.
2. Il fallait susciter intentionnellement une grande quantité de déci-
sions judiciaires internes. susceptibles de servir de baseà une allégation
artificieusement construitede dénisde justice.
3. Il fallait porter sur le plan international les problèmes dont on ne
voulait pas discuter sur.le plan du droit interne.

4. Il fallait chercher la possibilitéde justifier une demande d'indem-
nitéglobale qui, en cas de succés,ferait de la faillite une véritableaffaire
pour les prétendus actionnaires belges.
Les moyens employéstout au long de laprocédure depuis 1948 jusqu'à
nos jours sont les mêmes.Ils consistent à utiliser les structures et I'acti-
vitéfrauduleuse de la sociétéet à formuler sur les adversaires les a..ré-
ciations méprisantes et les accusations les plus graves, parfois masquées
derrière des réserveset des ironies qui n'entament en rien la force des
a~ ~ ~ti~ns. -n vo~ ~ait extraire ledard sans toutefois sortir le venin
Dans cette phase initiale des plaidoiries du Gouvernement espagnol,
ma mission n'est pas d'expliquer chacune des étapes de la faillite. Cette
tache reviendra à d'autres conseilsqui parleront aprèsmoi.
Je n'ai pas non plus la prétention de donner des leçons de droit qui
seraient déolacées.
1.erGlc q;i rne revient est beaucoup pliis liiimble:iconsiste à rposer.
le plus clairement possible. certains faits fondamentaux. Ales interprétc,r
conformément aux réalesClémentsireide la loci<iu-.t à en dcdiiire les
conséquencesinévitabïes. PLAIDOIRIE DE M. CIL-ROBLES 27
Le premiei fait qui saute aux yeux est la passivité de la Barcelona
Traction des le début de la procédure.
Apres la déclaration de faillite inauditapartedebilorispar le juge, con-
formément à la loi espagnole eà celle d'un grand nombre d'autres pays,
et l'adoption des mesures nécessairesà la sauvegarde de l'intégralitéde la
masse de la faillite, un délai non prorogeable de huit jours-quicompte
tenu des jours fériés.se portaità onze - commençait à courir pour la
Barcelona Traction, délai au cours duquel et uniquement au cours
duquel celle-cipouvait faire oppositionà la faillite.
A cet égard.les dispositions de la loi espagnole sont catégoriques. Le
délai ne peut êtreprorogé. Si on le laisse expirer sans s'opposer à la
déclaration. celle-ci devient irrévocableet ouvre la voie une procédure
absolument irréversible qui ne peut aboutir qu'à un des deux résultats
suivants: un concordat approuvé par les créanciersou la vente des biens
de la masse.
Peu importe, à cet égard.que la faillite soit prononcéà juste titre ou
non, que les conditions requises pour la déclarer soient réuniesou non;
que la publication doive se faire ici ou. Tout cela doit étrealléguédans
le délaifixépar la loi. Tout cela peut et doit êtrediscutédans le cadre de
l'opposition. Si on n'y procèdepas, il n'est pas possible de revenir sur la
question - et cela pou^ d'évidentes raisons de sécuritéjuridique -. à
dans l'affairede la Barcelona Traction, n'a jamais étéutilisée.ision qui,
Etant donné l'extraordinaire importance de la décisionjudiciaire qui
déclare la faillite,,la passivité de la Rarcelona Traction ne saurait se
justifier.
Les explications qui ont étédonnéespar les dirigeantsde la Barcelona
Traction et par le Gouvernement belge dans ses plaidoiries ne sauraient
convaincre personne.
A ce sujet, je dois de vifs remerciementsà M. Rolin pour l'aveu pré-
cieux quecontenait sa derniere plaidoirie si brillante.
De l'avis de cet illustre professeur(VIII!p. 17). Ba~elona Traction
n'aurait pas fait opposition à la décaration de faillite parce qu'elle
connaissait l'existence d'un arrêt d'un tribunal anglais d'après lequel la
comparution devant un juge espagnol pouvait impliquer l'acceptation de
la juridiction et la compétencedes tribunaux de ce pays. Ainsi, n'ayant
pas oséle faire en février 1948,elle se serait décidée,quatre mois plus
tard. à courir ce risque.
Je ne parviens pasà m'expliquer ce que M.Rolin a voulu soutenir.
Tout d'abord. parce que je vois mal comment lesjuristes espagnols, que
la Barcelona Traction a sans aucun doute consultés dans un cas aussi
délicat, ont pu lui dire que l'arrêt britannique constituait un précepte
applicable en Espagne.
Deuxi6mement. parce que pour éviter à la fois ce risque d'accepter la
iuridiction etla comuétencetout en faisant op..sition dans le délaileaal
la Barcelona ~ractioh disposait d'un moyen quc connaît 18a\,ocatejpag&l
demande additionnelle intrcette ~ike écrite. formuler catéaoriauementet en
l'oppositionà la déclaration de faillite. -.
Je doute fort que M. Rolin lui-mêmesoit arrivé à se convaincre de sa
propre ex~lication.
ia pas6ivitéde Barcelona Traction ne saurait s'excuser mêmepar le
manque de temps pour préparersa défense nipar le fait que ses directeurs28 BARCELONA TRACTION
ou conseils ne se fussent pas parfaitement rendu compte de l'importance
de la décision judiciaireet de ses conséquences.
La premihre hypothèseest inexacte. La deuxieme inconcevable.
II convient tout d'abord de rappeler qu'il a étéprouvé, documents à
l'appui, dans le cadre de 1a.procédure écrite. que l'idéed'une faillite
éventuelleest néeplus d'une foisdans l'esprit desdirigeants de Barcelona
Traction entre 101s et 1046.
Dans une ~etti'e;lu 12-Kvrier 1915. que la Cour trouvera ilans les an-
nexes au contre-mémoire. \.olume 1.K(p. 378). 11.Comula(1adonnait au
-cnkral Milan del Bosch une explication (l~t:iilléede la désicnation d'un
receiverpour la Barcelona Tracfion:
«Le fait est qu'un groupe d'obligataires peu important, voyant
que la Barcelona Traction ne pouvait pas payer le coupon, crut I'oc-
casion propice pour un chantage en r&gleet menaça de demander la
désignation d'un contrôleur judiciaire; pour éviter qu'uii contrôleur
dane,,eux ne fîit nommé. un ero..e .'oblieata-res dévoués à la
iocicté prit les devants et obtint la nomination d'iiiicontrôleur qui
nous ctait acquis; I'intérZtclela sociiti: (tant nirisi protCgL'etcclle-ci
se voyant ii couvert de tout^tcntiltive de mau\.aise foi \'oild ce qui
s'est passéet c'est logique, jiisqu'i ce que l'on trouvr un arrangç-
inent avrc lesobligat:iirejau siilet du pairmcnt du coiipori. \fais voir
danscette circonstance quel(]ue chose dans le genre (I'uriefailliteou
d'une liquidation seraitsimple ni^-rial>iur<ii.
Cette explication est précieuse et nousv trou\,oni dC]àtous lei déments
essentiels de la mauvaise foicongénitalc (laI:LkircclonaTraction:

I. Un coupon qui déjàen 1915 n'a pas pu êtrepayé.
2. Des obligataires qui se voient traités de maîtres chanteurs simple-
ment parce qu'ils désirent toucher leur dû.
3. Une direction d'entreprise qui, face au danger de voir agir les
créanciers, s'empressed'obtenir, grâce à des obligataires de confiance, la
désignationd'un receiverdont la docilitélui est acquise.

4. Des negociations avec les obligataires. pour qu'ils se résignentà ne
pas percevoir tout leur dii. apr&sque la sociétéaétémise àl'abri de toute
payer ses dettes.ise foi;c'est-à-dire de toute tentative de lui faire
..
5. Et, bien entendu. la perspective d'une faillite, évitéepar l'habile
manŒuvre des dirigeants du groupe et l'aide précieuse desobligataires
cointéressés
Tout cela. je le répété! ,donsieur le Président. Ifessieurs les juges. se
passe çn 1915,alors que l'entreprise exiytc depuis un peu plus de trois ans.
à une enociueoù 11.\larcli iaiiorait cert~inciiiriit I'cuijtçnce I:iUarce-
lona ~ÎacAon. et où n'était intervenu ni un refus de devises, iii aucun cas
de force majeure, ni fait du prince!
Trois ans s'écoulentet la perspective d'une éventuellefaillite ne dispa-
rait pas de l'horizon de la Barcelona Traction.
L'avocat. Me Riera y Soler. que la banque ArnUs-Gad, étroitement liée
à la Barcelona Traction, avait consulté au sujet des conséquencesque
pourrait avoir le rejet d'un accord par les obligataires, émit le II mai
1918 l'opinion selon laquelle .la Compagnie, dans I'impossibiliL4 de faire PLAIDOIRIE DE M. CIL-ROBLES 29

face àsesengagementstombedenorrveauaux mains dz~receiver etarrive àsc
déclarerenélutde faillitn (A.C.M.,vol. IX, p. 305).
M. Speciael fut plus catégorique. Dans une lettre du 28 février1941,il
synthétisait la situation avec la sincéritésuivante: iTrop d'argent dans
les banques nous expose au vol: trop peu, risque de provoquer la faillite
de la société*(nouv. doc. 1969,vol. III, p. 130).
Dans une lettre adresséeau ministre espagnol de l'industrie etdu com-
merce, le 7 décembre 1946 - quinze mois avant la déclaration de fail-
lite-, l'administrateur délégué de Sidro écrivait que si la Barcelona
Traction ne recevait pas de deviseselle courrait lerisquede tomber entre
vente aux enchères publiques avec des difficultés illimitées (A.C.M..n

VO!.,~!! P. 332).
demandée et avant que les négociations.de Bâle montrent la volontédee ait été
M.March de voir tous les créanciers,et non seulement les obligataires de
son groupe, toucher leur dù. Si. depuis 1915. les dirigeants de la Barce-
lona Traction entrevoyaient si clairement le danger d'une faillite, la
prudence la plus élémentaire recommandait qu'ils aient préparéleur
défenseet envisagétoutes les éventualités.
En février 1948. la déclaration de faillite fut instantanément connue
dans le monde entier. La presse et certains parlements ont traité de
l'affairequelques heures plus tard. Le financial Titnesdu 15 février1948
se fit l'échode déclarations formuléesdeux jours auparavant par le pré-
sident de la Barcelona Traction lui-même. donc au lendemain de la
décision judiciaire.
Mais à ce sujet on n'a guère besoin de présomption. M. Rolin nous a
fourni en effet un témoignage décisif au coursde la procédure oralesur
lesexceptions préliminaires.Il a dit:

*il n'est jamais entré dans la pensée du Gouvernement belge de
soutenir ...que la sociétén'aurait pu faire opposition dans les huit
jours quiont suivi la publication de la décisiondéclarant sa faillit»
(II!, p. 627).
Il 'est donc totalement évident que la Barcelona Traction pouvait
s'opposer à la faillite. Pourquoi ne l'a-t-elle pas fait?

L'artdienceest levéeà 13 heures VINGT-TROISIÈME AUDIENCE PUBLIQUE (21 V hg, IO h)

PrCscnls:[Voir audience du 20 V 69.1

M. GIL-ROBLES: Je me suis arrêtéhier sur cette affirmation que
Barcelona Tractionaurait pu s'opposer a la déclafation de faillite en
temps voulu et dans les formes requises, etle terminais sur cette question:
Pourquoi ne l'a-t-elle pas fait?
Et maintenant je me demande: les conseils et avocats dl: Barcelona
Traction ne se seraient-ils pas rendu compte de la portée de la décision
judiciaire? Une telle hypothèse est absurde. Parmi sesconseils,Barcelona
Traction comptait quelques-uns des plus grands noms dii barreau espa-
gnol; j'en prends pour témoin la liste qui figure au paragraphe 213 des
observations et conclusions du Gouvernement belge et qui comprend.les
~ersonnalités éminentes aui Drètaient alors leurs services B la société
ment de faillite irrévocable.Repouvait ignorer les conséquencesd'un juge-
Ont-ils cru. comme l'ont soutenu ilos coiitradictcuri. notamment
11. Rolin dans sa derniércintervention. que le drlaidt:huit jours nt.com-
nicnçait à courir qu'apréspublication au Canada de la dPclaration de fail-
.AL-.
Les documents écrits espagnols ont démontré que cette these était in-
soutenable, ce qued'autres conseils se chargeront de souligner dans leurs
prochaines inteiventions.
Deux observations me viennent toutefois à l'esprit.
La déclaration de faillite n'a jamais étépubliéeau Canada. Par con-
séquent. elle ne l'avait pas non plus étéen juin 1948 lorsque Barcelona
Traction s'est rendu compte de l'erreur qu'elle avait commise en ne
faisant pas opposition auparavant à la faillite. Si donc. comme on nous l'a
dit par la suite, la publication au Canada étaitindispensable pour pouvoir
entamer un recours. il est inexplicable que Barcelona Traction ait fait en
juin 1948cequ'elle avait négligé en février.
La deuxieme observation est que la Partie adverse pourrait tout au
moins nous accorder que le problème de la publication au Canada était
un point controversé. Pour nous, il ne l'est pas; mais dèsl'instant où deux
thèses s'affrontent. il existe doute et controverse. C'est bien ~ourauoi
j'ose affirmer avocat responsable rencontrant un con-
troversé ne se risquerait, ni en Espacne ni dans aucun autre pays au
monde, à perdre une occasion de recÔuFsqui ne pourra plus se pr6senter à
l'avenir.
Il est donc indéniable - j'évite d'employerle terme évident qui a'le
don de tant irriter les conseilsdu Gouvernement belge- que la Barcelona
Traction n'a pas voulu faire opposition à la déclaration dans le délai
unique et improrogeahle de huit jours établi par la loi. Cette inaction,
aux conséquencespratiquement irréparables, a ététotalement délibérbe
et Cette conduite n'a qu'une explication rationnelle.
La Barcelona Traction a vu venir la faillite en toute sérénitéE . llev
p.n.<ait comme à quelque chose qui tAt oii tard devrait se produire. mais
qui. en fin de compte. pourrait aussi bien Gtreinoflcnsif. La structure de PLAIDOIRIE DE M. GIL-ROBLES 31

l'entreprise. conçue et mise en Œuvre pour empêcherles réclamationsdes
créanciers.detriompher, pouvait aussi servir à cette occasion.
S'il en était ainsi, il ne fallait pas courir le risque, dans le cadre du
recours en o..osition. de voir un oasse si trouble et com~romettant suruir
en pleine lumière.
me. presque avec mépris,la préhistoire de la Barcelona Traction (VIII,m-

p. 11).
Dans la vie d'une société commerciale,le passéconditionne le présent,
et on ne peut pratiquer entre l'un et l'autre des coupures radicales si
Barcelona Traction. la structure orif5nelle de la sociétéfaillie et l'action
frauduleuse au cours d'un tiers de Sécle - avant et apresla participa-
tion controversée belge - sont si intimement liéesqu'il serait inutile
de prétendre les dissocier.
J'ai dit que le passéconditionne le présent. idéeque M.Maurice Frere,
président de Sofina, a soutenue lors de l'assembléegénéralequi s'est
tenue récemment à Bruxelles, il y à peine un mois, lorsqu'il a ditiJ'en
suis persuadé, le passe est le gage del'avenirnJe comprends qu'une telle
notion ne soit guère agréable à Me Rolin, si l'on considere que le passé
frauduleux de Barcelona Traction a engendréla failliteprésente.
Les faits ont une force indiscutable.
Le rz septembre 1911. Barcelona Traction, Light and Power Compa-
ny. Limited s'est constituéeà Toronto et. deux mois plustard, a passéun
accord avec Spanish Securities, en vertu duquel cette société luitrans-
féraitce qui suit:

une concession hydro-électrique en Espagne;
des droits sur d'autres concessions;
des plans et des rapports pour l'exploitation des concessions;
des actions et obligations d'une société. Ferrocarrilesde Catalufia, S.A.,
qui n'avait pas encore été constituée
Rien d'autre. La valeur de cet apport étaità l'époque nulleet sa valeur
potentielle dépendait de l'effort economique qui serait réalisépar la
suite.
Et pourtant, en paiement de ces apports qui n'avaient qu'une valeur
potentielle. Barcelona Traction a versézg millions de dollars canadiens en
actions qui lui étaient propres. entièrement libérées.et 750 ooo livres
sterling en obligations de la société.
Le jour même,Barcelona Traction transférait à Ebro Irrigation and
Power Co.. Ltd. la plupart des concessions, plans et rapports fournis par
Spanish Securities. et recevait en paiement 2500 ooodollars canadiensen
actionsreprésentant la totalitédu capital sociald'Ebro ainsi que 4 666ooo
dollars en obligations de cette société.
De ces faits. dont on ne saurait mettre en doute l'exactitude. on ~eut
tirer deux concliisions. La prerniére.que la totalitédu capital social in'itial
de Llarcclona Traction et d'Ebro s'est trouvce libéréesans aucun verse-
ment numéraire ct effectif nioyennant des apports in ~rurura(l'une tres
faible \*:ileurrPtllEt bien pliis. Ibrcelonn Traction est néeen étatd'in-
solial~ilitéen raison de la remise qu'el12fides 750 ooo lii.rcs sterling en
oblieatinns sans une contre~artie éauivalente desa valeur nominale
Ladeuxiémeconclusion éstque. manquant d'un capital réelet effectif.
les sociét6sont dii avoir recours au marzh; de5capitaux à la recliçrctie(le32 BARCELONA TRACTION
fonds leur permettant de réaliserleurs affaires, morennant les émissions
d'obligations de Barcelona Traction qui devaient etre garanties par des
titres dépourvus de contrepartie réelle.
Il sied donc de bien considérer ce fait indiscutable: Barcelona Traction
est nCeavec un capital purrnicnt comptlble et uiiecliargc initiale qui la
iiI;i~aiciitilans iiiir ~iiuation <I'insul\.,ibiliti çon#;nitrilc.
Cette manceuvre ne devaitpastarder àprodu-ire ses fruits. Avant même

trouvait déjàdans l'impossibilité de payer le premier coupon de ses obli-

gations en circulation. Ainsi, le paiement du premier coupon desobliga-
tions mises en vente au cours de l'étéde 1914, pour un montant de
I 586 060 livres sterling, n'a mêmepas étéeffectué.
Puis vinrent les insolvabilités successives de Barcelona Traction qui
devaient donner lieu à quatre réductions des droits des obligataires, que
l'on a pudiquement qualifiéesd'arrangements.
Le premier imposait aux obligataires la suspension, pendant quatre
ans. du paiement en espèces des coupons et le recul dans leur classement
des obligations First Mortgage au profit de nouvelles obligations
privilégiées.
Le deuxième arrangement, concernant les obligations First Mortgage,
augmentait le taux d'intérêt, mais prévoyait que seuls 2% de l'intérét
seraient payés en espèces, le reste n'étant payé que si les bénéficesde la
compagnie le permettaient. Quant aux obligations Prior Lien .B n, l'in-
térêtfut diminué et le paiement prévu en bons pour la moitié des obliga-
tions en circulation. en da nt trois ans.
Le troisième aupkentait à nouveau l'intérêtdes obligations First
Mortgage, tout en maintenant le paiement de 2% seulement eri numéraire.
Le reste de l'intérêtn'était.,avéo.~ si les bénéficesde la société le‘er-
mettaient. II ne semble pas nécessairede dire que ce surplus de bénéfices
ne s'est pas produit. La sociétéfut également autorisée à échanger les
bons remis à la place des intérêtscontre des obligationsFirst Mortgage,
dans des conditions qui supposaient, pour leurs titulaires, uneperte de
80% des montants qu'ils auraient dû percevoir.
Enfin, le quatrième arrangement plaçait les obligataires dans la néces-
sité d'accepter en échange des bons, qui remplaçaient les intéréts, des
obligations First Mortgage,ce qui impliquait pour lesdits obligataires une
pertequi, capitalisée jusqu'au rerdécembre 1947, se montait 13474 173
livres sterling. . .
D'autre part, la modification du mode de paiement imposéen vertu de
cet arrangement, qui s'ajoutait à la décisionunilatérale de ne payer que
50% des intérêtscorrespondant aux obligations en pesetas pendant la
duree de la guerre civile espagnole, représentait pour les obligataires une
perte qui, capitalisée jusqu'auI*'décembre 1947,se montait à 4 583414
livres sterling.
Dans l'ensemble, la non-exécution des conditions primitives de I'émis-
sion des obligations impliquaipour les porteurs d'obligationsun sacrifice
indu de 18057 587 livres sterlinà la date indiquéeplus haut, c'est-à-dire
à la date qui précèdeimmédiatement la faillite.
On prévoyait, de plus, un échange volontaire d'obligations First
Mortgagecontre desactionsprivilégiéesde la Barcelona Traction. Celles-ci
n'ayant payé aucun dividende. tres peu d'obligataires indépendantsse
prêtèrent à cet échange. En revanche, la Sidro, qui était mise dans le
secret desdieux, y accourut massivement et acquit 127 032 actions, ce qui PLAIDOIRIE DE M. CIL-ROBLES 33

rapportmià la valeur nominale des actions privilégiéesdereslaeBarcelonar

TrLe miracle se produisit alors. La Barcelona Traction, qui n'avait
jusque-là payéaucun dividende, commença Aen verser, cequi apermis à
la Sidro de réaliserdans cette acquisition un bénéficeéquivalent a r,7
foisle montant que lui ont coûtéles obligations qu'elle a échangées.
Ou'ilme soit permis icid'ouvrir une parenthèse et de demander si cette
makeuvre de spéculation scandaleye'a donné aux actionnaires belges A
travers la Sidro une situation actuellement dominante dans la Barcelona
Traction. oui iustifie la protection du Gouvernement belee
En auc~ine'fa~on. et'lorsque l'on examinera les exceptions prélimi-
naires les conseils du Gouvernerneiit esp~anol prouveront que la thkse
du contre-mémoire et de la duplique reiteëntièÏe.
Je désireraisuniquement, à l'heure actuelle. faire connaître les pro-
cédésutiliséspar la Sidro pour obtenir une position forte au sein de la
Uarcelona Traction. Nous ne savons pas si cette position existe toujours
aux dates critiques de la déclaration de la faillite et de la réclamation
devant la Cour.
Un des inconvénients des structures financières ovramidales au,~~,
commeJansle cna pr"sent.s'étendent des filinleset sou~tilinlesjuj<lii'la
Sofina. en passant par les&chelonjde la Barcelona Traction,des ~~cniinees
et de la Sidro, c'eit que la pyramide ne peut êtretronquéeA la hauteur
désirée.Aussi il n'est pas facile pour-le Gouvernement belge d'échapper
.cequ'il appelle le formalisme des personnalités juridiques, lorsqu'il tente
d'insoquer un intérêtsuicèptible d'êtreprotégeintemationalement. Les
efforts de nos adversaires pour pouvoir montrer, à la fin de leur pénible
voyage, cette modeste épargne belge qu'ils prétendent défendre, ont été
nombreux, intelligents, mais aussistériles. En ce qui me concerne, du
moins - et je l'avoue en toute humilité-, je n'ai pas enc0re.p~ savoir
quels sont les véritables actionnaires belges qui. au travers de la Sofina
et de la Sidro,contrôlaient la Barcelona Traction a,uxdates critiques. En
ce qui concerne la Sidro, j'ai pu entrevoir quelque chose; je ne suis toute-
foispas parvenu à rien découvrirauprésde la Sofinaqui, en finde compte,
contrôle l'ensemble..
Je doute fort que, toute l'habileté déployéepar Me Grégoiredans la
manipulation des chiffres et des noms, avec une adresse qui frisait la
Sofina. qui était autrefois allemand. et dont personne ne parvient de là
découvrir la véritable nationalité, au travers de cet entrelacs de partici-
pations croisées.l'abstentionnisme d'actionnaires et des contrôles minori-
'taires, soit de majorité belge.
Le contraste cruel qui e.~isteentre le traitrmrnt accord; au :iitions
privilégiées.aprésla constitution de la Sidro. et celui que les obligataires
ont dù supporter. se trndiiit par lyschiifres ssiii\*nnts:

a) chaque action privilégiée (ouson équivalent en actions sans valeur
nominale aprésla rkorganisation de 1930) a touché des dividendes
Ourun montant de 60,25 dollars canadiens;
6) fes obligataires ont dti, apréslI" juin 1914, subir une rbduction de
71~55%des intérêtsqu'ils auraient eu le droit de percevoir si les con-
ditionsprimitives d'émissiondesobligations avaient étéremplies; de
plus, il convient de signaler la dépréciationinévitable sur le marché34 BARCELONA TRACTION
de la valeur de l'obligation qui, pour les obligations First Mortgage,a
étéde plus de 50%.

Il faut remarquer que les cessations de paiements ont comniencéavant
que n'existent les conjonctures défavorables qui furent notoirement
exag..ées à des fins volémiques. En réalité,le mal était inhérent à la
structure t:conomique'm~me'de I'entrcprisc rt i la politique tiiiaiici2re
suivie pnr ses administrateiirs. En cffrt. quellc influence Icpri:teiidu rcfus
de devises vouvait-il avoir sur toutes les &ries de cessation; de vaiements
qui se sontproduites depuis un demi-siècle?
Veuillez me permettre, Monsieur le Président, Messieurs les juges, de
souligner un faitdont l'exposéme dispensera Alui seul de tout commen-
taire. Pendant tout ce temps, A la baisse de valeur des obligations corres-
pondait la hausseproportionnelle des actions.C'est dire que ceux que l'on
appelle actionnaires belges et qui se posent aujourd'hui en victimes
s'enrichissaient grâce aux manŒuvres de laSidro au mêmerythmeque les
obligataires s'appauvrissaient.
On Deutse demander: comment est-il ~ossibleaue vendant un tiers d~ ~ ~
siècle;es manceuvres se soient succédé sans que la'soc'iétésoit déclaréeen
faillite? Larévonseest très simple.
Pendant dé longues années, tes obligataires ont constitué une masse
disperséedans une quantité de pays différents.Dans ces conditions, qui,
vaÏmi eux, aurait osése dresser-contre ce colossede la finance. retranché
boininr ilI'c:t.iit derric'rc uiir striicturi~ irig6niriiie ct complcxe. lei
nicttaità l'abri- tout au moins c'rit ce qiir ;roy:iient lesdirifi<:antsde la
Uarccloii;~Tr;ic.tiun- dcs r6clam3tioni lei,nliis lr~itime.i?
Ce sentiment d'orgueilleuse supérioritéSur dei pygmées a inspiré le
commentaire que I'ontrouve dans l'acte par lequelBarcelonesa, l'une des
sociétésconstituant l'entreprise, voulut, bien que n'ayant pas qualité
pour agir,faire partiellement opposition aujugement déclaratif defaillite:
cQue la volontéde ce groupusculeimperceptible puisse nonseule-
ment provoquer une gêneou une pauvre égratignure,mais encore la
faillite totale d'un colosse de l'ampleur de la Barcelona Traction
Light and Power Co. Ltd. est la chose la plus énorme que I'on ait
jamais oui raconter a (A.D., vol. III, no 115, p. 122).

Traction tiraient Ii;<l>ituis5 considérerles ol>li~at;iidisvers& iomnir (Irunû

doux agneaux que l'on pouvait tondre périodiquement.-
Aussi, lorsque la situation se fut aggravée, lorsque I'Etat espagnol se
refusa à fournir les devises faute d'avoir reçu des renseignements suffi-
sants. la Barcelona Traction. loin de se laisser intimider. élabora au
nioCe plan, qur d';iiitrcs confrcrcs t.xnriiirieront plus ampleinenteimûvcc
ulii~decomv&trri<~ceiiieie nc vourrais Icfaire. aiir;iit. s'ilavait ctl: mis en

pratique, sipi6sé ce'quj suit f
a) Une nouveile diminution des créancesdes obligataires de 2 608 860
livres ster1ing.à savoir 39.58% desdites créances. Les obligataires per-
daient en out~eles intérêtsdes intérêtsarriérés.
b) La traniformation des dettes fictives que 1'Ebm avait comptabili-
séesen représentation de prétendues obligations et, d'une dette inexis-
tante envers l'International Utilities, en de nouvelles obligations et
actions de 1'Ebropour les valeurs suivantes: 367 millions en obligations PLAIDOIRIE DE M. (;IL-IIOBLES 35

en pesetas et 13842 966 en obligations en dollars canadiens, ou leur
équivalent en livres.sterling et47 620 307 dollars canadiens, ce qui lais-
sait subsister encore une prétendue dette envers l'International Utilities
dont l'équivalent dépassait 1 400 ooodollarscanadiens.
c) La suppression du risque de voir découvrir lesmanŒuvres dolosives
grâce auxquelles l'entreprise transférait clandestinement à I'étrangerdes
bénéficesobtenus en Espagne.
d) Un gain de plus de 140 millions de pesetas pour les instigateurs et

les collaborateurs de l'opération.
Une telle audace a échouénon seulement en raison de l'oo~ositi.. du
(;uiivernement espagiiol m&ii cg;~lciiiriit dv ccll<,du (;ouverncmcnt
britannique qiii n'a pas vorilii ;t 1:iircle ionipli~e <Itelles irrïyiilnriri,s
Le Gouvernement belge passe sous silence cette petite circonstance, qui le
gêneévidemment. Il négligede mêmeune autre circonstance, aussi signi-
ficative, à savoir que, dans la déclaration tripartite de juin 1951, les
Gouvernements britanniaue et canadien ont considéréaue le Gouverne-
ment cjpagnol ;ivsit refus6 :I~ii>tititre le; dcviic; ileman(lr~,;par I'l\>ro.
1.a I3.irc<-lona'l'rs(:ti:,ubservCla iiiiiiir cori<liiiti:fr;~iidiilcuii.dnni le
dorilaine tiscal Sa >tructurc (le io, i;r~)Ii<,ldiiig.I~abilcment utili;+, lu:i
permis pendant dcs ;irinée:c ,t <Ir:iiiirii(1,.c soii>rr:,ir2la iontribiitiuri
sur 1t.sb&ncfiir>,tniit dnni Ic .i.iv. (l'oriyini:de ceii-c<lutJan> iclui ilil
si..esocial.
En Espagrie. ~>ayid'originc(IVtou5 xi b;niiiccï. rllc~ tout ~~:ini<iili+-
rement pri, suiri d'app~raitrc coiiirnr.unc c,ntre],rise ;iy;tnr.r-..~ff~irtsi
I'6tranri.r. dé~our\~ued'~tlib1isiciiients ct <Irrri>rC>ititati<ivri 1%-rritoirc
espag&l, ce qui lui a permis d'échapper à la con<ribution.
Tels sont les arguments que les conseils du Gouvernenient belge ont
constamment eus à la bouche dans leurs plaidoiries. Ils oublient cepen-
dant que M. Speciael avait lui-mêmesouligné,dans une lettre adresséeau
ministère espagnol de l'industrie et du commerce, le 7 décembre 1946,
quatorze mois avant Ia déclaration de la faillite, «la valeur nette énorme
des avoirsdelaBarcelonaTractionenEspagne i,(A.C.M.,vol. VI, p. 333).
Au Canada, où elle n'avait entout et pour tout que son siègesocial,elle
a déclaréque toutes ses affaires se trouvaient à l'étranger, pour ne pas
avoir àpayer d'impôts sur les bénéfices.
La Barcelona Traction apparaît de la sorte comme un cas type d'éva-
sion fiscale internationale.
Le montant des sommes frauduleusement soustraites au fisc espagnol
par le truchement de 1'Ebro (la fraude consistait à ne pas payer l'impôt
iur les bénéfices)s'est monté à 177224759 peseta;, ceAqÜi,joini à
d'autresfraudes fiscales, permet de chiffrer les profits illicites résultant de
fraude fiscale à ZII 795567 pesetas, ce qui a d'ailleurs étéé , tabli avec
documents à l'appui (A.D., vol. 1, p. I~B),soit l'équivalent de 5 371 706
livres sterling: cette somme, capitalisée au taux et dans les conditions
établis pour le paiement des intérêtsdes obligations First Mortgage
lorsqu'elles ont étéémise:,constituait à la fin de 1947une fraude capita-
lisee de 9427 502 livres sterling.
Cette fr~de s'est étendue sur la période1912.1947. c'est-à-dire depuis
la préhistoire de la Barcelona Traction jusqu'à l'époquecontemporaine
de la faillite, depuis que le bienfaiteur, M. Pearson, a initialement conçu
l'entreprise jusqu'après l'intervention purificatrice des prétendus action-
naires belges que l'on voudrait aujourd'hui défendre. 36 BARCELONA TRACTION

D'un point de vue Iiistorique. on pourrait dire que ce long processus a
déniarrc lors de 13constitution de l'entreprise et ,'est prolo~.éjus-u'en
194Outre les preuves déjàtrèsabondantes fburnies par l'Espagne dans ses
écritures, il en est.d'autres dans les documents qui viennent d'êtrepré-
sentés à la Cour, dont certains contiennent des affirmations hautement
révélatrices.
Dans sa note intitulée CRéservespour dépréciation n,du 15 décembre
1943. M. Menschaert soulignait le dan er je cite- qu'<[àl'occasion
d inspections ultérieures, les agents du isc pourraient bien exiger de nous
plus. de détails et nous demander notamment la production des divers
éléments ..u (nouv. doc. 1969, vol. 111.p. 132).
Le II septembre 1947 (ibid., p. 144). six mois exactement avant la
déclaration de la faillite, le mêmeM. Menschaert, dans une longue lettre
adressée à M. Speciael; faisait l'observation suivante: le fait d'exprimer
dans le bilan de 1'Ebro une valeur réajustéed'intérêtsarriéréssur les
'GeneralMortgageBonds (qui produiraient un bénéfice, bienqu'il ne soit
pas apparu jusqu'à présent) -je cite textuellement - ~icoriduiraitin-
dubitablement le fisc espagnol a vouloir nous taxer sur ce bénéfice. Cela
représenterait, de 5 à 6 millions de pesetas. Tout le 'monde a bien été
d'accord en définitivepour ne pas opérerce réajustement. » Merveilleuse
sincérité; en vérité!
Ce rtout lemonde Détaitl'ensembledes personnes qui, tant ABarcelone
qu'à Toronto et à Bruxelles, de mêmequ'à Lisbonne, New York et
Londres, travüllaient avec acharnement à l'élaboration laborieuse des
bilans des filiales; et toutparticulièrement de'Ebro, pour assurer la con-
tinuitéde la frauaefiscale. Cette besogne difficileet trèsparticulière, dont
on peut suivre les incidentsàtravers lacorrespondance que "ai précédem-
ment ,citée, eiplique le-commentaire s.=voureux fait par h. Spe,ciaelà
M. Hop er, le 4 octobre 1947 (ibid., p. 151): #II est bien difficile de
s'enten 8re quand tant de cuisiniers travaillenà la préparation du même
plat. *Eu égard à la signification toute particulière qu'a le terme ncui-
sineadans un contexte commecelui-ci,j'oserais ajouter, en guise de com-
mentairede la magnifique sincéritéde M:Speciael, que ocertes;la cuisine
financièie de'la.Barcelona Traction.aurait dû tre confiéeau savoirlfaire
d'un grandmaîtrequeux plutôt qued'être abandonnée à desgargotiers u.
Avant de poursuivr'e,'je désire bien préciser un oint fondamental. Si
j'ai résumél'existence irrégulihrede la Barcelona Traction, ce neestpas
que je prétendejustifier sa faillite par saconduite frauduleusequiplanait
sur toute l:existence.de Barcelona Traction. encore qu'en véritécelle-ci
,soità l'origine de celle-là. La faillite n'est pas une procédure.répressive
mais une procédure d'exécutionuniverselle.Si je l'ai fait c'estessentielle-
ment parce que'l'on peut tirer de cette histoire trois conséqtiencesque je
'souhaite souligner.
La premihre est quela'Barcelona Traction s'était elle-mêmeplusieurs
fois miseiiançle casdesuspendre ses paiements. Lorsque la procédurede
faillite fut entamée, lerapport de la sociétédébitrice prouvait que la
nouvelle suspension durait depuis onzeans. Comme, endroit espagnol. ce
'n'est pas l'insolvabilité, maisla cessation des paiements'qui détermine la
faillite, le juge était bien'obligéde Sadeclarer. II aurait dûle faire quand
bien même'lacessation des aiements eiit étédue à un:mbtif de force
majeure, ce q"i, d'ailleurs, n'ltait pas le cas, comme nous l'avons déjà vu.
Si elle avait existé,cette force majeure aurait seulement justifiéque la PLAIDOIRIE DE M. CIL-ROBLES 37

faillite fût qualifiée fortuite. Mais, de toute façon, il y aurait eu lieu à
déclaration de faillite.
1.a deuxi6me coiiséquence est qiit le risque d'irrL'\~ocabilitéde la
déclaration de faillite paraijs;iii Is I<arcrlona Traction moinssérieuxque
le danger qu'il y avaiià ce que les débats qui se seraient instauréssurune
opposition réguli&rement engagée fissent découvrir le pot aux roses.
Dans cesconditions, il lui a paru plus prudent de ne pas faire opposition
à la déclaration de faillite.
La troisième était que le risque d'une éventuelle déclaration de laillite
semblait minime aux dirigeants de la Barcelona Traction. II ne les a
certainement pas empèchéide dormir. La Barcelona Traction s'estimait
invulnérable parce qu'elle s'était, à cette fin. constituée sous forme de
sociétéholdine possédant. médiatement ou immédiatement, la totalité des
actions de to;t'un résea; de sociétésfiliales et sous-filiales au nom des-
quelles s'effectuaient les affaires de l'entreprise. Ces affaires en territoire
espagnol - il convient de ne pas l'oublier-- étaient les seules qui com-
posaient l'activité du groupe. L'entreprise Barcelona Traction n'avait
d'autres bénificesque ceux qu'elle retirait de l'exploitation de ses affaires
en Esoaene ou en Aneleterre. Elle n'avait au Canada au'un sièee social à
SC'III.in dc coiitiniier i ie prl'\.alnir d'uni: ii:~tion:ilit~c:ina<lienne pure-
niciit formelleainsi que les titre; dei fili;ilr.j. dans le seul but dç les pl:icer
hors de la vortCe inatCriellc dei orcanes d'uiie faillite déclark en Esnaciie
" .
ou C'est là le contraire, tout le contraire de ce que soutient le Gouverne-

ment belge.
J'eotends maintenant aller au-devant d'une éventuelle objection en
précisant qu'une entreprise constituée en tant qu'organisme ramifiéou à
structure pyramidale n'est pas mauvaise en soi. C'est mèmelà une forme
courante dans le monde des activités financières. Si on considere ainsi les
choses. la structure de la Barcelona Traction n'a~~elle ..s en soi la
crilitlue. Ce~>eiiilnrit.I;, critiqliie i'impoic Iurs(liie cette srriicturc est con-
~iieet iitilijC211vile dc I:rC;iliï:iriun<J;icti\.itCs iIl~.gitiines C est précisé-
111ciitCC oui S'CS~ 1):tssCdii~i. ICcia(Ic lii13iirceloniiTr;iition <lei)iii5sa
constitiition.
Son org.nisation était conçue en vue d'aboutir aux résultats suivants:
I Poiir que les tilinlcs ci <oii:-iili;ilcs, eritihrçment coiitriil6r.s par la
Rnrcilona 'l'rnction. fiiri:rdt.i:iff;iirri ~:ui:liiji\~crnçntc1aintCrCr<le In
sociétém&reet suivant ses instructions.
z. Pour fournir à la Barcelona Traction des capitaux au moyen de
l'émissiond'obligations garanties par des sùretés grevant les biens ap-
partenant aux filiales, qui avaient étédotées d'une personnalité propre,
utilisée en vue des manŒuvres frauduleuses précédemmentdécrites, en
abusant manifestement des formes juridiques.
3..Pour avoir ainsi les mains libres pour imposer à ses créanciers des
remises répétéeset des réductions d'intérêts.

4. Pour que tout le patrimoine de la Barcelona Traction fiit constitué
par les actions et les obligations des filiales, dont les titres seraient par
précaution transférésen lieu sîir, afin d'éviter leur intégration à la masse
au cas où le holding serait déclaréen faillite.
5. Pour sortir clandestinement des fondsd'Espagne. en simulant des
dettes, en dissimulant des bénéfices,déjouant ainsi aussi bien les lois
fiscales que celles qui régissent le régimedes devises.38 BARCELONA TRACTION
A l'abri de cette ingénieuse structure, la Barcelona Traction a cm
pouvoir afficher son indifférenceà l'égardde la failliteentamée devant le
juge de Reus.
Je prie respectueusement la Cour de bien vouloir me permettre de
souligner ici une coïncidence extraordinairement révélatrice.

De 1948 à nos jours, aussi bien dans les actions judiciaires, intentées en
Espagne àtortet à travers, que dans celle dontvotre haute juridiction est
maintenant saisie, la Barcelona Traction et ses dirigeants ont invoqué
en leur faveur une argumentation qui s'harmonise avec le plan esquissé
dès 1911: prétendue incompétence de la juridiction saisie en raison d'un
siège social choisi pour se mettre à l'abri de toutes responsabilités; per-
sonnalité indépendante des filiales; impossibilité de saisir les titres situés
A I'Ctrnngrr. 011 peut ot,,erver iiiivcontiriiiitC parlaiti! enii.ii,194s et
rqhymtrr Sp~iiiili S,-curiries et InSi<lro;entre In structure cunriie pnr
\l. Pr;irion et les .irgurnents niijoiird'hiii in\.oqui.; par Irs coiisrils du
Çoiiverii<-nient t)cljir Conrinuit;. ~;r:~iv I:I<~IIcI 1111striictiir~~.ri111(1ie
pour mener a hirii dc-vi,ie. illiciti s. louriiit d'habiles arcunitXnt4utilisi'~
devant cette Cour.
Mais la Barcelona Traction n'avait pas prévuque cette invulnérabilité,
qu'elle avait mise au point avec un soin si ialoux,s'effondrerait dèsque la

faillite serait déclaré;par un juge qui se.bornerait purement et simple-
ment à appliquer correctement le droit espagnol.
Ce que la Partie adverse considérait comme une protection naturelle
efficace(R., V, p. 16) s'est révélé en pratique inefficace, car elle reposait
sur deux principes qui, dans ce cas, n'étaient ni nouveaux ni pertinents:
les titres-valeurs et lapersonnalité juridique.
En droit espagnol.la relativité de ces deux principes était reconnue, en
théorie et en pratique, bien avant que ne fût entamée la procédure de
faillitede la Barcelona Traction.
C'est ainsi que j'indiquerai - tout en laissant à un autre collègue le
soin de 'ustifier pleinement cette thèse - qu'un arrêt du Tribunal su-
prême, ud 17 avril 1917 (A.D., vol.II, n07z, app. 1,p. 557 et suiv.), dont
Me Van Ryn s'est, en vain, efforcéde dénaturer les termes au cours de
son intervention, admettait drjà la possibilité de saisir des actions sans
appréhension matérielle des titres.

D'autre part, une décision de la direction générale des registres, du
II avril 1915 (A.D., vol. II, no 74, app. 2, doc. 1).soutenait la théorie
selon laquelle un juge pouvait, sur la demande d'une partie ou même
d'office, prendre les mesures nécessaires à la répression d'une fraude
réaliséesous le couvert de sociétésanonymes unipersonnelles, ce qui
corres~ondait aux caractéristiques des filiales de la Barcelona Traction.
Sou; .~houti;ioii; ainsi :Iiinc coiiclii.ioii tr+s ii~tte. S.iii; rirn in\.ciitvr.
vn .;ctiorniint;i:ippliil~i"II: rc'g1tlégalesen \.igiicur. Icliigr :;,<l~iptles
niesur, i n;.<<-si~irr..i:>oiirrcn~I;iI.iillir<t.ffr<:ri\t,:ide la iortc,. .tir6
que la procédure se'limitat à poursuivre des fantômes'dans le roiaume
des ombres - selon l'expression imagéede llle Grégoire (VIII, p. 315) -.
cequi eût correspondu à une faillite faite à la mesure du désirde la Bar-
celona Traction.
Les organes de la faillite se sont trouvés investis des droits inhérents
aux actionsdont la Barcelona Traction était titulaire, ce quia fait dispa-
raîtrela fameuseprotection naturelle qui consistait à conserver les titres
au Canada.

En mêmetemps, le jugement déclaratif a fait sauter le deuxième élé- PLAlDOlRlE DE M. CIL-ROBLES 39

ment de protection qui reposait sur l'interposition de personnes juridi-
quesentre les créanciersde la Barcelona Traction et les biens de celle-ci.
J'espkre, Monsieur le Président. Messieurs les juges. arriver à m'ex-
primer avec toute la clarté nécessairepour dissiper l'équivoque que les
conseils du Gouvernement belge ont cultivéeavec un soin tout particu-
lier, etela jusqu'h la plaidoirie finale dMC Rolin.
Les mesures décidéespar le tribunal n'impliquaient aucunement la
négation de la personnalité juridique des filiales. Lejuge aurait peut-étre
pu déclarercette personnalité éteinte, mais il ne l'apas fait. II est totale-
ment inexact que les actifs des filiales aient été traités,dans la procédure
de faillite. comme des biens appartenant à la société faillieA tout mo-
ment. la personnalité juridique des filiales a subsisté et a continué de
produire ses effets dans le cadre d'une administration normalisée.C'est
ourquoi. tout au long de la faillite, on a considéréque les actifs des
gliales appartenaient à celles-ci et non pas h la société mèreC. 'est pour-
qïoi on n'a pas vendu aux enchèresles actifsdes filiales, comme on l'eiit
fait si la personnalité des filialeseût étédéclaréeéteinte.
Le juge s'est borné à prendre des mesures conservatoires sur les actifs
des filialespendant le temps nécessairepour permettre aux organes de la
'saisis, de normaliserlaevie des sociétéset d'empêcherque la.procédure neé

soit stérilisée,ce qui aurait étéle cas si les biens des filiales avaient pu
êtrevendus, cédés ou grevés d'hypoth&que.
actifs, comme on l'a si souvent prétendu en faisant fide la vérité.Ce quies
s'est produit c'est iiiie s:ii,iv çffécti\~dei dr<>itsiiili6rentj aus actioni'et
I'adoptioii de mesure; conscr\.atoires et transitoir~.:I'bgïrd de biciis qui
étaient menacésde dilapidation. .
11n'existe aucune contradiction entre ce que je viens d'exposer et le
fait que le juge ait considéréque les biens hypothéquésen Catalogne
a~~artenaient de facon médiate B la faillie. au'il ait aualifiéincidemment
Ics snci~tes ti1131eil'3ppnrt~>ilance (~~I~III~IICI~dr CCIIC:-C lI;jiigcii~.
pouvait p;isoiil>licrqiieIcsociçtc'faillie av;lit iliipos; des biens fi1i;ile
comme S'ils lui a~üartenaient. Rao~elons au6 ces biens avaient été
doriiiéjpar la I'31r~rlniiiraction cri g;irnntichcs oblignti<>iisqiii fitaierit
impnyécs:tii inomeni oii In procédiiredt: f:iillifiitou\.erte. La valeur de
ces biens conditionnait. r)ar conséauent. I'eifestivitéde la carantic cons.
tituée en faveur de tau; les obligataires et pas seulemeni de ceux qui
avaient entamé la procédure de faillite. Aussi, le juge ne pouvait-il se
soustraire à l'obligation formelle que la loilui faisait d'adopter les mesures
nécessairespour conserver la valeur des biens donnésen garantie.
Il est inutile que les avocats du Gouvernement belge prennent la peine
d'é~lucherla décisiondu tribunal B la recherche d'éventuelles déficiences
<lo~trin;tlcs.Leur ol>irin.îiii8à \.<iiiloirprC.;enter Iss argunients (iCvclnp-
II& dans ilos Gcritiire; cornnie In rc.ctif~.:;itiunil'vrrcuri qiii aiiraient Cté
coriiinises lors de1;il6i.lar;ttii,n (le In faillite et de I'adontion d<:sriiesuri:i
de saisie est tout à fait stérile.
Les décisionsdu juge, en effet, se justifient de par leur fondement
méme;mais àsupposer merne le contraire et quand bien même,au cours
de la procédure, les juridictions supérieures auraient trouvé des argu-
ments pliis pertinents pour confirmer la décisiondu tribunal de première
instance. comme cela se produit quotidiennement dans les annales
judiciaires de tous les pays du monde; quand bien meme le Gouverne-40 BARCELOSA TRACTION
ment espagnol aurait trouvé des justifications complémentaires ou de
remplacement mieux fondées, une réalité indiscutable s'imposerait
toujours: que la décision du juge était correcte et que. p:ir là même,
aucune responsabilité ne peut lui êtreimputée. En effet, si le résultat
obtenu est celui qu'impose la loi. la plus ou moins grande rigueur scien-

tifique des motifs retenus par le tribunal devient une question de second
ordre.
En Espagne. la personnalité des filiales a étéconservée.ce qui produisit
une première conséquencede grande importance. Les droits - je dis bien
les droits - afférant à la Rarcelona Traction à l'égarddes filiales ayant
étésaisis, les organes de la faillite exerçaient par là mêmeautomatique-
ment un contrôle total sur celles-ci. Exercant les droits dont était investi
l'actionnaire unique, ils ont pu faire relativenient aux filiales tout ce que
la Uarcelonri Traction pouvait faire avant la faillite, alors surtout que. ce
faisant. ils niettaient fi; à une situation scandaleuse.
La Barcelona Traction pouvait-elle tenir des assemblées iiniverselles
d'actionnaires, modifier les statuts. désiener des administrateurs, confé-
rer et révoquer des pouvoirs, remplacer-les récépissés provisoires ou les
anciens titres par de nouveaux titres? Elle pouvait certes le faire, puis-
qu'elle possédait la totalité du capital social.

Or, c'est là exactement ce que les organes de la faillite. d'abord, puis
les syndics pouvaient faire. et ils en ont uséavec suffisamment de sagesse
pour effectuer les démarches strictement nécessairesafin de normaliser la
vie des filiales et d'éviter que leursactifs ne se volatilisent.
Le séquestre dépositaire se devait d'agir dans la défensede la masse,
sous peiiie d'encourir une grave responsabilité. Au cours de la brève
~ériodeoui s'est écouléeentre la déclaration de la faillite et l'entrée en
ionctions'du séquestre dépositaire, les dirigeants de la liarcelona Trac-
tion, qui avaient étéles instruments de sa politique de fraude, ont eu le
temv<de soustraire des documents des archives. de renoncer à des droits
ce qiii <:ntraiiiait iin prCjiidice Ccoiioriiiqiizpour In inasje. et d'annoiiccr
leur volont< (Ir:1;iirt:oliiaclc au\ nic,iircs ;~Oo~>tGr.;sir lc iiiçe. Aii5.i Iri
conseils d'administration nommés par le séqÛestre'dépos;t:;irere ne pou-
vaient-ils permettre qu'une telle situation se prolongeAt. 13t l'exercice
d'un droit iiidiscutable a fait l'objet des plus vives critiques. Pour mes
illustres confrères belges, le fait de défendre les intérêtsde créanciers

semble êtremonstrueusement antijuridique.
C'est dans la niéiiie. .rsvective aile s'inscrit ce aue les conseils du
Gi~ii\~~:rri~iiie~eilge s'ol)itinvnt:i,iii:ililii:r d'Cmiiiioii de f:iux titres vt
(1111A Ii!ur).<III:iiir:iit coiistitICIIIUVI.~(le dl:poiiill<:riiitéjiralcmvnt la
société faillie.
Mais, sur ce point encore. les arguments de la Partie adverse ne cons-
tituent qu'un enchaînement audacieux de sophismes, qu'il est facile
de démonter.
La Rarcelona Traction avait l'obligation de remettre ses titres ainsi
que ses livres, documents, etc.. aux organes de la faillite. En effet,du
moment où le failli est dessaisi et frappéd'incapacité opelegis. il ne peut
conserver par-devers lui un bien que la loi a transféréen d'autres mains.
L'argument de nos honorables contradicteurs, selon lequel la loi espa-
gnole ne comporterait aucunedisposition obligeantexpressément le failli
à procéder cette remise (VIII,p. 218) ~e soutient pas l'examen le plus
superficiel. La loi espagnole considère la soustraction de livres et de docu-
ments aux organesde la faillite comme un des motifspour déclarercelle-ci PI.AIDOIRIE DE M. CIL-ROBLES 4'

frauduleuse. ce caractère frauduleux entraînant lui-meme des consé-
quences surle terrain du droit pénal.Je mepermettrai de faire appel ici à
une comparaison qui me semble concluante. L'homicide et le vol sont
réprimésedanstouiles pays du monde, sans que les lois aient à préciser
au préalable que l'on ne peut tuer ni voler.
Si la Barcelona Traction s'obstinait à conserver les titres au Canada,
e~.e ~ouvait les vendre à iiiitiers de bonne foi. Les orea-es de la faillite
devaient prévoir.ce risque éventuel qui,sans préjudice du principe de 1;
territorialité de la faillite, aurait pu aboutir à des réclamations et à des
lit<.es..auela.e témérairesuu'ils iussent
IIcit ;ibsoliinient I;iiide l>réteiidreque I'Cmisiion<le;nou\'ç;iiiu titres
aurait i.tCdestintc a préparer I;i \.,:rdgs artioni de la 13arccloii;iTrx-
tion aui eût &léinio&siblc autrement,
1.e\;lit ttIr %ciilfait exact c~t qiic les iitrvs ri'oiit jamais ét6\.endus.
1.e iiii~nioirc hclge rccorinait (I':iillcuri (1,II.()fi)qu'~;iuriiiie iiierition
e.xprt:.=scii'est faite des titrt.~ ~ioii\e~iix[(lin.i le caliier des chargcs] .. lin
effet. ie qui a Cti.\,entlii est csclu~iieinrnri.qiii cst Jccrit et jl~!ciiir:0;iri~
le iiilii~r de; cli;irg~.011 n'a pas vendu et oii ne pouvait pas vendre de
titres. ni anciens ni nouveaux: aufils fussent au Cinada ou en Es~aene.
Cc qui "'1;: mis aiiwnchèr~:s vi :idjii~i-c'i.t:iicnr ct c'ét:iicnt uniqueriiviit
Ici droits iiili~rciit;#li;tition> (lunt la I3nrc~~loii;ir;iition ;.tait titiil:iire.

Toute autre ex~lication n'est qu'une éauivouue destinée à embrouiller ce
qui est parfaitément clair. .
Les syndics ont agi conformément à la plus stricte légalité.Mais, en
outre. la Barcelona Traction n'avait Das iu.au',.wésent .ontesté leur
action II seniblc donc iiiip~iiil~l~<leleiir imputer la iiioindr~.respoiisa-
bilité.C'est ce que Ir Goii\,erni.iiient tic Hriiclle~ a d'aillcurj recoiinii, à
un momiciitdoniié.dans In lettre <III*I';iinl)azja<lcide I3c~lei<iiie.\Iadrid
adressa le 13 juillet 1951 an ministre espagnol des affaGe'sétrangères
(A.hf.. vol. IV, no254) et qui setrouve à la dis osition de! la Cour. Com-
ment peut-on donc vouloir rendre maintenant Ik tat espagnol responsable
de ce qui s'est produit?
L'attitude noble et lovale pour la Barcelona Traction aurait consistéà
reconnaître ses propres iautes. Elle avait choisi unestructure particulière
destinéeà lui permettre de frauder ses créanciers. Elle a, à cet effet, placé
au sommet di la pyramide un pouvoir de contrôle absolu sur l'ensemble,
sans se rendre compte que ce très large pouvoir pourrait un jour. à l'oc-
casion d'une procédure de faillite, tomber justement aux mains de ses
créanciers. Les armes redoutables dont ceux-ci ont disposé pour leur
défenseont étécouléesdans les moules mêmesde la structure frauduleuse
que s'était donnéela Barcelona Traction.

L'arddrliences.i~s$endueà rr h zo, PSL ye#yise à II h 40

Di.5que le lugement (1écl;irntif <IIfaillite et les niesurcs coiiserv;itoire~
adoptéti par le tribunal ontfait pressentir :iiiu dirigcantsde la I%arcrlona
'l'ractiorique I:l~rotectioiinaturelle, ilatiorér avec tant <lesoin. menarait
de .i'riion(lrer. ilsSC sont empressSj (le mettre en pratique le plan (Ir
rechangr pré\%qiie j'ai cite prCc6demnient :iritrmationaliser la procc'dure
en la sortant de ses liriiitej natiirelles. et clicrcher ainsi h faire dc la faillite
une horine aflairc. La Barcclona 'i'raction a constaniment îomptC siir
l'appui du Gouvernement belge pour développer son plan conformément
aux directives suivantes:42 BARCELONA TRACTION

I. S'abstenir d'engager certaines procédures essentielles devant les
juges et tribunaux espagnols.
2. Remplacer celles-ci par d'autres dont elle savait qu'elles étaient
nécessairement vouées à l'échec,tout en lui permettant d'alléguer une
masse considérable de prétendus dénisde justice.
3. Centrer tout son effort d'abord sur les pressions diplomatiques. puis
chercher à débattre, devant la juridiction internationale, de probl&mes
juridiques qui n'ont pas étésoumis aux tribunaux espagnols.

4. Mettre en ceuvre, dans la réalisation de ce plan, tout un arsenal de
contradictions notoires, déformerles faits, calomnier les personnes et, au
besoin, intervertir les rôles et mêmemutiler les textes légaux.

Ccs poiriti dL.vnntétrt,;.tudi& t:iilCt;~ilclan>J'autrcj plaidoiries jc iiic
bornerai ici i criin~li<liir ~url~~ii<~~ -iit~e (l'i.si.ml>lu:

A. Abstenlionrelativementàcertainsactesdeprocédure essentiels
Js:n iniiiti.rai pas.tirI'6tonn;iiitcpnsii\,it<:dont la Barcclitii:iTr:iction
a fait prcuvu à I'r'garddii jiigcmcnr d;ilar:itifde iaillite. nini) in~liquerni
sommnircmcnt cc qu'cllc aurait pli fniréet i~ii'cllcn'a pns fait c1:iiisIc
cours de la procédurede faillite. -
al A aucun moment. la Barcelona Traction n'a oroooséde concordat à
ses créanciers, alors si un concordat avait étdp;oposé et accepté.il
aurait mis fin à la faillite sans qu'il fût besoin de vendre les biens de la
masse.

6) Lorsque certains créanciers ont demandé que des syndics fussent
nommés, puisque la convocation de l'assemblée des créanciers n'étaitpas
viséepar la suspension de la ~rocédure.la Barcelona Traction s'est op-
posée i cctrt: lir:t~ncion, riini;>lri':niillemcnt sonji; 3 dt,niandtv qiic ia
buspcnîion fiit Icvic pour I)crniettrc à son op..sition. forméeIiors délni
et en dépit du bon sens, d'gtre instruite.
cl Dans la derniere ohase de la faillite. ~.rsaue. aores la levéede la
susi>ensionde la procédure, son opposition au 'juge&ent de faillite fut
déclaréeirrecevable comme forméehors délai, la Barcelona Traction a
acquiescé à cette décisionet ne s'est pas pourvue contre elle.
d) Elle ne s'est pas non plus pourvue contre I'arrétdu 8 juin 1963,qui
rejetait l'incident de nullitéd'actes de procédureintroduit par la société
faillie.
e) Alors qu'elle aurait pu le faire, la Barcelona Traction n'a pas pré-
senté directement de déclinatoire de compétence. Elle n'a pas non plus
contestéle fond du cahier des charges de la vente aux enchères,qui devait
êtreensuite qualifié de machiavélique dans les écritures. Puisque la
Partie adverse en est à user d'un tel qualificatif, disons, en ce qui nous
concerne. qu'il y a de sa part beaucoup plus de candeur que de machia-
vélisme à prétendre justifier par le manque de temps la p;issivitéde la
Barcelona Traction.
/) Lorsque le déclinatoire Boter fut rejeté par la cour d'appel de
Barcelone, la Barcelona Traction. qui s'yétaitjointe, ne s'est pas pourvue
en cassation.

g) Dans la branche de la procédure consacrée à la qualification. la
Barcelona Traction n'a pas voulu intervenir le moins du monde et. PLAIDOIRIEDE M. CIL-ROBLES 43
lorsque la faillite fut déclaréefrauduleuse, elle n'a pas fait la moindre
opposition à l'arrêtqui portait une aussi grave condamnation.

hj La Barcelona Traction n'a iamais intenté le recours en revision oui
aurait nécessairementprospérésila preuve avait étéfaite d'unecollusi'on
entre le~.uge et les demandeurs à la faillite.
il D'autre nart. ni la Barcelona Traction. ni les filiales.ni .es wrsonnes
qui ct:iieni 1;:iservice n'ont formr'un seul (I<:srt:coiiri (lueInloimettait
i leur ~iiipositionconrrc 1<.<It!cisioiisndministrariit.~ t.sl~;i~nqui sont
auiourd'hui aualifiéesd'abus de droit
Je dPsire consacrer quclqiies iiiots rices rleiis derniers points.
Le Gouvçriiement belge déja.dans ses <)crit~res.et 11'Kolin. dans la
plaidoirie du 14mai. O& soutenu que le recours en revision ne pouvait
êtreinterjeté, car il ne peut l'être quecontre un jugement et non pas
contre un auto.forme que revêtla décisionprononçant une déclaration de
faillite en droit espagnol(VII1,p. 600).
Cette explication purement formaliste est insoutenable. L'action en
revision peut être intentée contre toute décision judiciaire quelconque
obtenue par des moyens illicites, dèslors qu'elle est irrévocable.Le juge-
ment déclaratif de faillite est irrévocable. et si la Barcelona Traction n'a
pas fait usage de l'action en revision c'est parce qu'elle n'a pas pu alléguer
et encore moins nrouver l'existence d'une machination frauduleuse. C'est
pourquoi, bien q;e la facultéd'interjeter le recours en revision figurât ex-
~ressémentdans la procuration faite en faveur desavouésde la Marcelona
i'raction. cette facdté ne fut pas exercée.ni lerecours interjeté.
La réplique a bien dû reconnaître qu'il n'y avait eu ni manŒuvre
dolosive ou frauduleuse, ni subornation, ni corruption (V, p. 618). et
Me Rolin lui-mêmel'a confirmé dans son intervention. Toutefois, les
accusations gratuites demeurent et les termes que nous avons entendus
en cette Cour. de la bouche mêmede hleGrépoire.constituaient une ac-
cusation qui, sielleétaitexacte,tomberait so& lecoup du droit pénal.
Avec tout le respect que m'inspirent mes illustres collègues, si les im-
~utations formuléesAl'encontre-des magistrats es~agnoli sont mainte-
Ruessans toutefois que l'on en tire les coiiséquenceSlogiques, on ne peut
alors que constater conjointement l'abandon du recours et la réitération
d'aQuanttiànla non-utilisation des recours administratifs et contentieux
administratifs, l'attitude de 3fe Rolin est assurément curieuse. II ne
convenait pas. dit-il, d'épuiserla voie hiérarchique car. à son avis, on ne
pouvait s'attendre B une rectification de la part du ministre, M.Suanzes.
en raison de la partialité qu'aurait exprimée son discours devant les
Cortes: d'autre part, le recours contentieux administratif n'aurait pas
étéouvert au motif au'il s'aeissait d'une mesure -~~~ernementale de
nature discrétionnaire: "
Je déploreque mon distingué confr6re belge ait étési mal renseignépar
- - ex~erts esnaenols!
épuisemen udela voie hiérarchique s'impose avant de pouvoir saisir
le Tribunal suprême d'un recours contentieux administratif. Aussi im-
porte-t-il peu que le supérieur hiérarchique soit ounon passionnépuisque
c'est au Tribunal suprêmede dire le dernier mot.
Le recours contentieux administratif serait-il inapplicable, la matière
étant de.nature discrétionnaire? Me Rolin a tranchéla question avec une
désinvolture charmante. Dans une matiere comme celle-ci,la question de44 BARCELONA TRACTION
compétencede la haute juridiction se pose précisémentquotidiennement.
Mais c'est le Tribunal suprémequi en est saisi et qui se prononce dans
chaque cas. Dans le cas qui nous occupe, Ne Rolin se l'est posée à lui-
mêmeet l'a lui-mémesouverainement tranchke. S'érigeanten Tribunal
suprêmeespagnol. notre honorable coll&guea décidé,dans iin arrêtirré-
vocable, que s'agissant de matière discrétionnaire le recours ne devait
pas être formé. -
Cette abstention de la sociétédéfenderessede soulever certaines ques-
tions fondamentales traduisait, de sa part, l'intention systématique
d'éluder la discussion. devant les tribunaux es~a~n.l-. des auestions
essentielles de la faillite.

B. Actions judiciairesnon pertinentesen Espagne
A cette passivité concernant les questions essentielles. s'oppose la
prolifération d'actions qui ne pouvaient pas avoir la moindre chance
d'aboutir dans le cadre du droit espagnol.
Je ne citerai ici que les plus marquantes:
a) Comme j'ai eu précédemmentl'occasion de l'expliquer, Barcelona
Traction n'a pas voulu faire opposition àla déclaration de Lifaillite dans
le délaipréfixéprévu par la loi. En revanche. elle a lancéses filiales à
l'assaut.
Or, celles-ci, d'une part, n'étaient pas créancièreset, d'autre part,
n'avaient pas étédéclaréesen état de faillite: par conséquent. elles
n'avaient pas qualité pour former opposition.
De plus, elles n'ont pas contesté la déclaration de faillite mais seule-
ment les mesures conservatoires qui les visaient, elles filiales. Elles n'ont
contesténi la juridiction, ni la cessation des paiements. ni la publication
prétendument irrégulière, ni la no-action claus6. Elles ont négligéde
combattre la cause et ont prétendu s'opposer aux effets. Elles ont en
outre cherché à tromuer le ,uue. en cachant aue Barcelona Traction était
prnpriétnirr de tolites leurs action;.
Ayant conicr\,C Ivur perwniialitc jiiridique. ellt.sétaient (lrï tiers dans
13 rockd dureetcf!nendant i.llc::n'ontini.voiilu ~ui\,rIR voie OU" 1'~UCC.
le& a indi uéecomme étantla seule pertinente: l'action en revéndicatign
dite lercer?ade dominio.
b) Lorsque, quatre mois après que le jugement de faillite fut devenu
irrévocable. Barcelona Traction s'est décidée i intervenir, elle l'a fait par
l'annonce d'une opposition qu'elle n'a jamais effectivement formée.Par
la prétention méme qu'elle formulait, qui n'était pas d'introduire un
déclinatoire,elle acceptait la juridiction espagnole.
c) Barcelona Traction a fait introduire par National Trust un déclina-
toire de compétencehors délais,commettant ainsi la double erreur sui-
vante: d'abord de ne uas l'introduire elle-mêmeau moment voulu. et
ensuite de le faire pré&nter par la sociétécanadienne qui, en tant que
trusiee,ne pouvait êtreconsidérée comme partiea la procédiire.
d) Le 7 février1953,SidToa saisi le juge de première instance no 14
de Madrid (nouv. doc. 1969, vol. Il,p.qo et suiv.) d'une action dite de
mayor cuaniia,du chef de fraude procedurale. Sidro savait pertinemment
que ce juge était incompétent, puisqu'elle avait elle-mêmeappuyé la
requote par laquelle Ebro demanda et obtint la désignation d'un juge
spécialcompétent pourconnaître de la faillite et de sesincidences surtout
le territoire espagnol. PLAIDOIRIE DE M. GILrROBLES 45

La requète devait nécessairementètre rejetéein.liminc lifis et c'est, en
effet, ce qui se produisit. Toutefois. Sidro s'est pourvue en appel et en
cassation. et ces deux recours sesont soldésinévitablement par des arrêts
de rejet. La décision de juge incompétent, entérine@par l'instance
supérieure, indiquaitàSidro le chemin Bsuivre. qui était d'entamer la
mêmeaction devant le juge spécial.Mais Sidro n'a pas voulu le faira et
ainsi prouvéson.obstinationà suivre une voie erronéeet sonrefus d'em-
prunter le droit chemin.
e) une attitude analogue, voire identique, fut adoptée par National
Trust, qui déposa une plainte le 8 septembre 1951 contre M. Juan
Alegre devant le tribunal node Barcelone (A.C.M..vol. IX, p115 et le
22 mars 19 6contre M Enrique Larraghn et autres devant le tbunal
no 4 de Madrid (A.c.M.:.vol. IX, p128) ;t par InternationaUtilities,
qui intenta le6 avril1956 une action contre Riegos y Fuerza del Ebro.
S.A. et Fuerzas Eléctricas de Catalufia, S.A. devant le tribunal9de
Barcelone (A.C.M.,vol. IX, p.84) -cf. la demande dont Ebro a saisile
trEn formant leurs demandes,tous cesplaideurs savaient qu'il existait un
juge spécial. chargéde la faillite et de toutes ses incidences. et que, par
conséauent. toutes les actions intentées ailleurs aue devant lui l'étaient
devani de; juges incompétents. C'est ce qu'ik ont cependant fait.
T'avouen'être pasparvenu à trouver une explication satisfaisaàtune
ielle façon de faire:

nent les requètes forméespar Barceloua Traction contre une personne
étrangèreà la faillite et contre les syndics en tant que personnes privées.
le 27octobre 1954 (A.C.M., vol. IX. p55)et le28 février1956 (A.C.M.,
vol. IX, p.73) respectivement; trois actionen nullité d'actes de pro-
cédure entamées par National Trust, et deux autres intentées par
MM.Duvivier,Mathot etBrementhal.cointéressésdeBarcelonaTraction.
On ne oeut trouver nour toute ex~lication rationnelle de cette activité
procédurale absurde, 'qui s'est exeicée essentiellemeàtplus de 70%
aprh la vente aux enchèresdes biens de la société fail, ue la volonté
hien arrêtée decollectionner toute une sériede décisionsnécessairement
défn\,oralil<:..<lui. tli :I\,~Tsuffiinninieiit (I'ti:tl>ilete.pourrnieiit
(loiiii1;ifausjs impreaiion <I'uiit:Iiojtilité s!.stcmntiquc. (l~li!ip;irt
autoritGs iudici;iires es~arinoleset oerniettraient de construire artiiiiit:l-
lernent uie allégationAeYdéndie jistice. Le Gouvernement belge n'a-t-il
pas qualifié ces actions judiciaires d'illusoires, dans ses documents
écrits?S'ilen est ainsi, pourquoi les a-t-il entamées?

C. Eflorts visanà internatiolraliserle p~obldme
I.'acti!,itC diploniati(lur exrrcCe iiir Ics instances dc Io iocâPtC1:iillii
déb~itédésquSt:ll:iyii coriipiendre. par Ici niesures ado11:iIcjuge.
au'il neIiserait ~3s~,o.>sili!:i)iiri(ltIâfaillite hla-IrcLII ioii-
&niant d'y réagi;av;c une douce hilarité.
La veille du jour où expirait ledélai légald'oppositàola faillite.'la
premiere intervention diplomatique - celle du Gouvernement britan-
nique - eut lieu (A.E.P., 87, p.920).
VIII. p. 170-17248Bi.n qu'un peu plusde quarante jours seulement se.
fussent écoulésdepuis la déclaration de la faillite, il s'est empresséde46 BARCELONA TRACTION
dénoncer de nombreux dénisde justice. La voie était déjà nettement
tracée.
Il s'agissait. tout d'abord. dkxercer une pression sur le Gouvernement
espagnol par des menaces de scandale et l'annonce de périls pour le
créditde la nation, pour qu'il fià son tour pression sur les tribunaux afin
que ceux-ci missent fin à la faillite.
Ici. Monsieur le Président, Messieurs les juges, je me permets d'attirer
respectueusement votre attention sur le fait suivant qui est particulière-
ment insolite: on a cherché à faire en sorte que le Gouvernement esoaenol
portit atteinte i I'ind6pcndancc de ses tribinauu. mais. ce qui est >nior<
plu. iiisolite. c'est quï II.Guu!~crncrnçritbcl e lui mime sc coit prcté A
une telle tentative. lui qui accuse les tri unaux et les macistrats
espagnols de manquer d'indépendance.
Les pressions diplomatiques exercéeset les raisons qui les inspiraient
fontl'objet de preuves trèsabondantes dont la Cour dispose. Par souci de
Gouvernement canadien duchan21ljuillet 1949(A.E.P. 1960,no 170es(IO))et du
22 décembre 1951 (A.C:M.,vol. V1.p. 103); l'acte présentéle 26 février
1948au bureau du Tribunal suprême. qui demandait la désignation d'un
]uge.çpécial (A.C.M., vol. VIII, p. 166); l'allocution de M. Heineman à
l'assemblée généraled'actionnaires de Sofina. du 28 avril 1949 (nouv.
doc. 1969. vol. III, p. 154); les campagnes de presse qui se sont pro-
longéesjusqu'au jour mêmeoii nous écoutions dans cette enceinte les
éloouentes ~laidoiries du Gouvernement belee. etc.
obstinaiio io in\.ouloir internationaliserlaprocédure intexne ne s'la[
pas mnnifeitkc uniquement aux prcniiers temps de la faillitr. 1.eGoiiver-
nement belge atraiié devant cette haute iuridiction de toute une sériede
problèmes que ni BarceIona ,Traction, nj ses filiales, ni ses cointéressés
n'avaient jamais soulevésdevant les tribunaux espagnols, ou qui n'ont
étéabordésque de façon àévitertoute discussion devant un juge compé-
tent.
T'énumérerairapidement quelques-unes des questions qui ont été
éi.6~~~6i~ ci, maij~dont le; )Ügc~'~ttrihunaiis eip:tgnol.i nhnt p:is pii
connaitrc. parcc que telle était11\.olont; forméllede Uarcelona Traction:

a) les prétendues irrégularités de la procédure d'enquête(~nformacidn
teslifical);
b) la prétendue infraction aux règles spécialesrégissant I;ifaillite des
sociétés concessionnairesde services publics;
c) la prétendue violation dénoncéeavec insistance de !'article 918 du
code de commerce qui aurait été commise au mépris des droits de
trtrsl de National Trust du fait de la saisie des actions des filiales;
d) la méconnaissance. par les organes de la faillite. de la personnalité
juridique des sous-filiales;

e) cequ'on a appelél'abus du principe alecriminel tient le civilen état o;
1) la constatation de l'irrévocabilitédu jugement déclaratif par les
ordonnances des 2 (A.M.,vol. II, no75, p. 324) et 17 (A.C.M., vol IX,
p.130) mars 1948,qui sontaujourd'hui qualifiéesd'erreurs grossières
et tangibles;
gJ la dénonciation du fait que le commissaire n'avait pas dresséla liste
nominative des créanciers; h) la reconnaissance prétendument illégaleet discriminatoire du droitde
gage faite dans le cahier des charges;
i) comme je l'ai indiquéprécédemment. lesproblèmes de la juridiction,
de la publication et de la no-action clause.

A quoi bon continuer?
Tous cesproblèmes. sans exception. existaient avant que votre haute
juridlction ne fût saisie de l'affaire Barcelona Traction. Tous. sans excep-
tion, auraient pu et auraient dû êtresoulevésdevant les juges et les
tribunaux esoaenols.
F:n agissant comme il lc ktit, le Gou\,crncment hclgr denattire les don-

nCesdu prohlbmc ct m6conn;iit ce qui constitiir en ri:ilitél'csscnce de In
iuridiction de la Cour. oui n'a Das&connaître de auestions dont le cadre ~ ~
'propreest celui du droi'tinterie des Etats. Rien d'étonnant. par consé-
quent, à ce que plusieurs des plaidoiries des conseils du Gouvernement
bel-, oue nous avons entendues ces derniers iours 'ressemblassent à d~~ ~
plaidoiries qiii auraitnt itti prononcév;de\,arit uni cuur (I'nppclnntioiinle
I)e~ucoii~ >liiiqu'Aci:llezqu'on t:st accouturiii~J'eiltcndre desant In i>lus
haute jûridictioii du mondê.
Barcelona Traction et ses dirigeants sont ainsi parvenus à leurs fins et

ont réaliséla manŒuvre que je dénonyais au début de ma plaidoirie.
Lorsaue la orocédure était instruite dans le cadre du droit interne.
Ilarcelona '~.;~ctionet ~s protecteurs n'ont pas \,ou111soulcver en Es-
pagne de tels prol>li.nit.sllaintrnant que crlle-ci ?sr l)usi,t.<Iei.anrla Cour
internn~i~i-n~ ~ ~ ~s'eflor~ ~ ~<le<Iéliatlrccss~ritic'll~nirri~ creisfauestions <le
droit espagnol'.
.A ces déformations regrettables s'aioute - soit dit en passant avec
tout le-re~--ct oue m'iniui~e~ ~les virsonnes - l'absence de toute la
correction souhaitable dans les raisonnements.
Les ~remières notes divlomatiques étaient déià loin de refléter la

vérité.ce qui peut s2expliqÛerpar Ùneconnaissan. insuffisante des faits
aux premiers temps del'affrontement. Mais ce qui est grave, c'est que le
Gouvernement belge n'ait pas abandonné cette tactique, alors qu'une
preuve indiscutablë. avec documents à l'appui, mettait en évidence la
conduite frauduleuse de Barcelona Traction.
II existe.en eflet. entre les attitudes des diversgouvernements intéres-
sésau départ dans'I'affaire de la Barcelona Traction, un contraste qui
n'aura certainement pas échappé à l'observation et à laperspicacité de la
Cour. . . . .

Barcelona Traction a recherchél'appui d'autres gouvernements,outre
le Gouvernement belge, et le fait est qu'elle l'a obtenu désles premiers
instants. du moins en ce aui concerne ceux deLondres. de Washinaton et
d20ttawi. Toutefois, asès la déclaration tripartite de juin 1651, la
situation va changer. Et ie me permets d'attirer respectueusement l'at-
tention de la Cour sur léfait aue les eouvérneme8ts en auestion ont
radicalement changé d'attitude deZ,quriïseurent pris conna;ssance de la
vérité qu'ilsi~noraient. Un Etat ne veut décemmentdéfendrequelqu'un
qui n'eit pasdigne de sa protection: II est plus grave encore que cette
tendance se soit accentuée dans la phase actuelle de la procédure. Les

plaidoiries des conseils du Gouvernement belge fournissent des éléments
de vreuve t~è~ abondants. Malheureusement. la marge detemvs réd.,te
dont jedispose ni:ine pcim<ttra d'ériuriliherqu'urir livtitr 1,;irtic.
.\I:iiiiirtout Inion<liiitv~1roic'dur;il$ c1~ Ii I'artie :idverje se car3ctL:rise48 BARCELONA TRACTION
par le profond mépriset l'animositéqu'elle professe à l'égarddesdeman-
deurs à la faillite et de leurs représentants.
Le nom de hf. March a ét6répété,sans crainte de la monotonie, des
dizaines voire des centaines de fois tout au long des plaidoiries belges,
accompagné de qualificatifs méprisants destinésa créer-une atmosphère
beaucoup plus qu'à fonder rationnellement une thèse. riLes hommes de
paille de Marchn. nles marionnettes de March »,les <iinstmments de
March »;la .docilité des juges toujours prêts à servir l'ambition spolia-
trice de March »...Celui qui,sans rien connaître de l'affaire, aurait voulu
s'en faire une idéed'après ce que l'on a pu entendre ici pendant un mois,
aurait étéoersuadé au'un homme tout ~uissant. dominant 16:sDersonna-
Iitr'set les'institutioAs officielles 11arso;i argent ct par In rrnii;te qiie sa

puissance iiisptrait. avait. sans Icmoindre titrc pour cc fair<:.filiirrup
tion dans le I>FOC&Stel Linbandit ami ii> .lu'nux (lents (lui niirnit cherchr'
à stemparer d'un trésor.
Ce spectateur non prévenu aurait ainsi méconnu lamréalitéqu'aujour-
d'huilacour connaît.isavoir: aue M.Marchétait l'un descréanciersléei- "
times les pliis imliortants de la'l3rircelona Traction, qiii a acquis de ses
d<:riier.d'iniportants p:iqucts drs ohligati~iii nuri payc'es 6iniscs I>drIn
sociétéfnillie..u.ie sa voloiité de i~crrevoir on du. aiiisi oiie de voir les
autres créancierspercevoir le leur,ét d'éviterque les dirigeants habitués à
mener leur affaire en marge de la loi continuent leur ~olitiuue de fraude.
l'a amenéà conduire de nombreuses néeociations avait. &dant.' et aorès
la procS<lurede faillite; et quc ces i~~~~~iatioiisq,ui ont exercéune gra'ii(le
inilu(:ricttsur le dCroulement de la pruci.diire, ri'oiit6clioui.quç 111faute
de I'iiitr;insigennce de Harcelonn Traction. dorit 1'ariil)itiondemeurait de
ne pas payer ce qu'ellç (levait. Ce lait forid;iiiit:iit;il. qiii 6t;iit I'origiiie de
la fnillite. les avosatsdu (;ou!~çrn~nieiit belce essaient auiourd'hui de le
faire oublier en multipliant les expressions qui se ve;le"t ironiques
lorsqu'elles ne sont pas injurieuses. C'est, bien entendu, un procédétrès
commode.Malheureusement pour les défenseursde la thèse belge, c'est un
procédébeaucoup plus commode qu'efficace.

Le mépris du Gouvernement belge à .l'endroit de .hl. March atteint
également ses représentants et ses collaborateurs. Avec un manque de
goût caractérisé, les plaidoiries de la Partie adverse ont systématique-
ment réservé.les qualificatils les.plus péjoratils aux demandeurs à la
faillite ainsi qu'à tous ceux qui sont intervenus au procès à l'encontre de
Barcelona Traction. C'est i eux que sont réservéesles épithètes dédai-
gneuseset blessantes. Au contraire, à l'égardde ceuxqui sont intervenus
en faveur de la Barcelona Traction ou à ses côtés,les conseils du Gouver-
nement Ijelge font imrnan(lual)lcii.t:nt prcii\.c,dI;iplus gr:iiidc dc'férence
et con?;i(lération.:\insi. les ad\.ers;iircs dt: I<xrrrluiin 'Tr;irtiuririe sont que
des hommesde~aille ou desmarionnettes. En revanche. les alliésde la
Barcelona Traciion sont des acointéressés in.C'est mêméle cas de ce
brave M. Teixidor qui, dans une lettre adressée i M. Torrents, l'un des
syndics (A:D., vol:III, p. 88). explique qu'il n'a.jouéaucun rôle véritable
dans la faillite; qu'il a étéamen6 au cabinet de M. Bertran y Musitu.
avocat de Barcelona Traction, où on lui a fait signer un certain nombre
de ~rocurations et donner un blanc-seine: au'il n'a étéau courant de
rieri jusqu'eii iygr. époqueA laquc.lle ila reqii [fiiiernrnt srsobligations
au Banco Espanol (le Crédito.
Mais rien détout cela n'a d'importance aux yeux de ilos adversaires.

Prêter son aide, sous quelque forrne que ce soit, à Barceloria Traction. PLAlDOlRIE DE M. GIL-ROBLES
49
c'est commeprendre un bain de purification dans les eaux du Jourdain.
Ces attaques ne pouvaient évidemment épargner l'avocat qui a rédige
et signé la requête demandant la mise en faillite et qui a continué de
diligenter la procédure dans ses premières étapes. Je regrette profon-
dément que Ale Van Kyn n'ait pas trouvé, dans l'arsenal inépuisable de

ses ressources linguistiques, d'autre qualificatif que celui dec conseiller
astucieusa pour décrire $1.Joaquin Dualde, avocat illustre et l'un des
plus grands d'Espagne jusqu'à sa mort; professeur éminent de droit civil
à l'Université de Barcelone, ou il a formé de iiombreuses promotions
d'étudiants et qui avait su gagner le respect de tous tant polir sa science
que pour son irréprochable honnêteté.
Jesuis certain qu'un très grand nombre d'avocats espagnols auraient
coiisidéré coriiine un honneur d'apposer lerir signature au bas de la de-
inaiide de faillite de Barcelona Traction qui a fait ici l'objet de tant de
sarcasmes. Pour ma part, moi qui n'ai jamais étéavocat de 1%.hlarch et
qui vivais en exil lorsque la faillite a éténiandée. je n'aurais pas hésité
une iiiinute à signer cette demande.

Qii'il me soit ici permis de rendre un hominage émuautant que mérité
à la mémoiredu confrère au barre?u. dii collègue à l'iiniversité. du mi-
nistre (le l'époque républicainequi, malheiireiisement pour nous, n'est
plus ici pour se défendre.
Lesattaques dela Partie adtferse dcvicnnent particulièrement \-iolentes
lorsqii'il s'agit du jugede Reus quia déclaréla faillite, eri prenant soin de
cacher que ledit magistrat. qui a mené uiie vie norniale et lionorable
avant et après la faillite. assume toiijours les fonctions correspondant à
son éclielonactuel au sein du corps.
1-'idéeque, par sa vénalité,il ii'aurait étkqu'un instrument entre les
mains des demandeurs à la faillite imprkgne toute I'argiimentation de la
I'artie adverse, encorequ'elle n'ait pris eu le courage de la formuler aussi
clnireinerit et aiissi crûment que je vicris de le faire.

Ce gelire (le procédéest inadniissihle. Si une tclle acciisation Etait le
moins dii monde fondée, Barcelona l'r;iction non seulement aurait pu,
rnaiscncore aurait dîr agirau périalcoiltr-eIcjuge, cequi, en cnsdesuccès,
loi aiirait permis d'intenter, avec les plus srandes chanccs de succès, le
recours estraordinaire en revision. Si l'accusation n'est pas fondée,si elle
ne trouve pas i s'appuyer sur le nioindre indice. alors la seule chose à
faire est de se taire, tout autre comportemeiit étant illicite.
Le Gouvernenient belge entend-il soutenir que la déclaration de faillite
était zibsurde et aherrante, bien qu'il ii'osc pas dire clairement qu'elle
était délictueuse? Eh bien! dans ce cas aiissi la Iégislatioii espagnole
offrait à Barcelona Traction un moyen eKicace d'obtenir reparation:
l'action eii responsabilité prévue par l'article ç03 dii code de proctdure
civile, qrii prévoit le cas des magistrats qui, dans l'accomplissement de
leurs fonctions, violent la loi par suite d'uiie iiegligeiice ou d'une igno-

raiice iiiexcusable. II est é\-ideiit que cette actioii aiirait suu~osé aue

n'a jamais entendii en aucune façon intenter iinc tclle actioii. S'il en est
ainsi, I3arcelona Traction est vraiment malvenue h se plaindre car c'est
voloritz~ireincntqu'elle s'est abstenue d'agir.
A I':iirdiencedu21avril (VIII, p. 124).11"Va11Ry~ia cite coii:nie preuve
de la collusion du juge avec M. March une déclaration sous serment faite
par M. Donald Duncan, lors du procès Sidro de Londres en 1949. D'après BARCELONA TRACTION
50
cette déclaration, hl. Duncan aurait rencontré plusieurs foisM. March en
1948, et la dernière de ces rencontres aurait eu lieu dans le cabinet de
hlcChapaprieta, en présencede ce dernier. C'est là que M. Diincan aurait
dit à M. March que la faillite était une erreur et qu'il fallait l'annuler.
M. Duncan ajoute que M. March aurait alors parlé quelque temps à
MThapaprieta enespagnol, alangue que pour ma part -dit Duncan -
je ne comprends pas$. hl. Duncan affirmeque MC Chapaprieta se serait
alors tourné vers lui et luiuraif dit (ie cite ici la phrase meme qui a été

lue par Me Van Rvn): iMarch a dit que la faillite de la Barcelona avait
L:tChbtviiue p<irlui il'~incin;,iiic'rcet par unc iiiCtiii,uj<:t dcjqiicllcs
nous n'a\.un, 1);~hri~in ileii dirc J~vnntsge ct qu<' si la liroc<:diirc;tait
levée,il ne pouvait êtrecertain qu'il pourrait obtenir unnouveau juge-
ment de faillite...>,
Négligeons le fait que ce témoignage est dépourvu de toute valeur
probante, puisqu'il est unique et qu'il émaned'un dirigeant de Barcelona
Traction. Laissons également de côté l'invraisemblance qui s'attacherait
à un tel aveu que AI.hlarch rurait prétendument fait à un dirigeant de
Barcelona Traction. Ce que je voudrais ici faire ressortir c'est que
Il. Duncan n'a pas fait moins de trois déclarations sous serment à ce
sujet. Dans une déclaration sous serment faite le zg septembre 1949
(Receiuership:vol. 11,p. 345)à I'qccasionde la receiuershipcanadienne, il a
déclarélamêmechose que lors du procèsde Londres. Mais dans une autre
déclaration toujours sous serment, faite à l'occasion de la mémereceiuer-
ship le 7mars 1950 (Keceivership,vol. III. p. 505). hl.Diincati a relaté de
façon sensiblement différente ce qui s'était passé. II a dit alors, et je cite
textuellement la traduction en français de ses paroles:

<KAplusieurs reprises, alors que j'étais en Espagne, j'ai rencontré
ledit hl. hlarch et. lors de la dernière de ces rencontres (lui a eu lieu
dans le cabinet de hle Cliapaprieta, avocat espagnol de la société
défenderesse [ceci veut dire qu'il s'agit bien du mêmeentretien
auquela fait allusion hleVaii Ryn] je lui ai répétque la procédure de
faillite était une erreur et qu'elle devrait êtrelevéA.cette occasion,
Al. AIarch a alors dit en ma présence à AleChapaprieta que si la
procédure de faillite était levee, il iie serait pas certain de pouvoir
obtenir une nouvelle déclaration de faillite et que, paronséquent, la
faillite devait suivre son coursD

II y a des nuances différeiitiellesentre ce qui a étédéclarésous serment
par hl. Duncan en juillet 1949 et le 7 mars ~gjo dont il falit tenir bien
compte. Si l'on se fie au premier serment, ily aurait eu une prétendue
intervention de Me Clia~aurieta faisant officed'inte.prète, ce dont il n'est
aucunement qiiestion dark la deuxième déclar t'a ion.
Maisce qui est encore plus important, c'est que dans la déclaration sous
serment faite en 1950, hi. DUII~:L~ne.reprodüit pas un mot de la phrase
sur laquelle s'appuie >le T'an liyn pour prétendre qu'il y aiirait eii col-
lusion entre le juge de Reus et hl. hlarch, de cette phrase dans laquelle

M. hlarch aurait reconnu qiie - je cite- iila faillite avait étéobtenue
par lui d'une manière et par iine méthode au sujet desquelles nous n'avons
pas besoin d'en dire davantage». Cette reconnaissance ou cet aveu a
complètement disparu du deuxième eaffidavit».
On pourrait peut-être observer que dans l'année qui s'était écoulée
entre-temps, AI.Duncan avait pu oublier cet a\-eu de AI.hlarch, en dépit
de son iniportatice. hlais on doit alors observer que JI. Diincan, qiii était PLAIDOIRIE DE M. CIL-ROBLES
5I
à cette ét>otiiic résident de Barcelona 'Sraction. a fait érralement le
13 décenibrc rr)qS, soit peu de temps avant la preini6rc déclaration sous
serment iiivo<iuécpar hle Van I?yii, une déclaration devant les action-
naires de llrir~eluiia Traction qui le mémoiredu Gouvernenient belge a

repro<liiitc daiis son annexe 47. hl. Duncan a alors rendu conipte ails
actioiinaires di:ses rencontres avec 11.blarch et, bien qu'il les ait informés
des répoiises faitespar 11.hlarch (A.Al., vol. 1, no 47. p. 249), il n'a pas
davaiitage fait état du prétendu aveu qu'aurait fait hl. hlarch quant aux
métliodes iii;i\'oiiables par lesquelles la déclaration de faillite aurait été
uhteiiiie. lli:iit-on iin instant im;igiiier que le président d'uiie sociétéait pu
omettre (lc communiquer aux actionnaires une information de cette
iniportniii:c si celle-ci avait été es:ictc?
Jc ii'ciitciids pas par là affirmer ni ménieinsinuer que hl. L>uricanaurait
prtté uii faux serrnent. L'explication la plus probable est qu'il a dû y
avoir des iii;ilci~tciidusdus à des dificultés de laneuc. Aiiisi aile le recon-

. .
iic conipi.eii<liii ne parle anglaisii.
Je ne pciise pas non plus, Morisicur le Président. que hl. Cliapapiieta ait
pu iitre iiiiiitcrpr6te hors pair.
l'ai étC 1':iirii~ersoniielde hl. Clia~aprieta, i'ai i;iit unriic avec lui de

de ses qunlitfs de linguiste. Je rie crois pas que aColinais~:rrice pratique
de l'aiiglais nit atteint le iii\.cati que le fameux roniaricier portugais Eça
de Queiroz appelait l'emploi d'uiic langue étrangère cavec uiie imperfec-
tion toiite [~atriotique ».
Si je me suisquelque peii étendu sui cet épisode, c'est pour faire res-
sortir devarit I;iCour les prockd6s erni>lo!.éspar nos distingués contra-
dictciirs. 011 reproclie au juge de licus des faits constitutifs du délit le

plus gr:rvc qu'iiii juge puisse comniettre dans I'excrçicc de ses fonctions,
etla seiile ilreuve [lue I'oii »uisse invoc~uerdevantla Cotir est le témoi-
gnage d'un témoin unique - teslis unzrs, teslis nullus - au surplus
suspect de partialité en raison de ses liens avec Barcelona Traction et
dont les déclarations successives et invraisemblables font apparaitre des
faits contradictoires et des omissions inexplicables.
La niéme tactique qui conduit les coiiseils du Gouvernemeiit belge i
caloninicr tous ceux qui ont concoiiru, d'une fa~on ou d'iiiie autre, à la
déclaration dc faillite de Barcelon:i Traction, les am$rie h exagérer sans
iiicsurc Ics iii6rites de ses collaboratcurs et amis.
Aiiisi, par cscinple, lorsqii'iiii avocat prête ses servi ces?^ BarceIona
Traction oii :iiiGouvernenient t~clgc, ses opinioiis sont marquées do
sceau de I'iiikiillibilité et les théses soutenues par eus oiit la rertu de
devenir <levérit:il>lessources du droit. C'est ce qu'oii a pu observer à

propos des rcférences faites A ;\1>1.Garrigues et Serrano Sufier ainsi que
des citatioiis d'uii ouvrage de hl. Ramirez.
Je n'ai pas la inoindre difficiiltcà traiter de cette qiiestion avec tout le
respect que je porte CIces personiies, et l'estime que j'ai poiir ines con-
frkres du barreaii ni'impose ce devoir que j'accomplis bien voloiitiers.
Je n'eiitcrids donc discuter iii Inloyauté ni Laformatiori de M. Gnrrigiies
lion plus <lut:I'mitorité dont jouisselit ses ceuvres. hlais il est quelqucs
donnéesque je dois rappeler, car je les considèrecomine essentielles dans
le présent débat.52 BARCELONA TRACTIOX

I. Les opinions de hl. Garrigues, qui ont étécitées par la Partie ad-
verse, ne sont pas, du moins dans leur grande majorité, celles qu'il a
défendues dans ses Œuvres doctrinales, lesquelles ont étéécrites sans
référenceà un litige concret, mais celles qu'il a développéesdans une
consultation rendue à la demande de Sidro sur les points en litige.
2. Cette consultation a étérédigéealors que hl.Garrigues iiitervenait

depuis longtemps comme avocat du soi-Gisant groupe belge et elle l'a été
avec In véhémenceet la oassion (lue trahissent la consultation et les actes
de procédurede faillite ÔÙ il est iitervenu; elles portent unegrave atteinte
au bon renom de la magistrature esp.g.ole, dût le prestige mérité du
consultant en souffrir.
3. Pour toutes ces raisons, le témoignage de hl. Garrigues que nos

distinguéscontradicteurs invoquent commeun argument fondamental ne
peut Ftre considéré commeuiie déclaration faite en toute sérénité pro
verilale. mais doit au contraire êtrepris pour ce qu'il est: iin plaidoyer
passionné fait $ro defensa.

Le Gouvernement espagnol, pour sa part, n'a pas invoqué, comme si
elles avaient été des sources du droit, les opinions opposées celles de
M. Garrigues soutenues par les professeurs Uria, Polo, Guasp et Garcia
Valdecasas, ainsi que par le doyen Escobedo et exposéesdans des con-
sultations qui se trouvent dans la bibliothèque du palais dc la Paix en
espagnol et en français et qiii ont été données alors que leurs auteurs
n'étaient avocats ni des demaridcurs à la faillite. ni des syndics, ni de

Fecsa.
Pour ma part. je ne me serais jamais perniis d'iiirroquer iiiie modestp
consultation que j'ai doniiéeen 1957, à la suite d'une demaiide formulbe
dans des termes tout à fait impartiaux et àune époqueoù je n'avais jus-
qu'alors pas eu la moindre rclatiori avec la faillite de Barcclona Traction.
Nous oourrionï en dire alitant de la cons~iltation de M. Serrano Siificr.
Ilans son cas, cependant, l'autorité de professeur et d'homnie de scieiice
qui s'attachait à AI. Garri~ues était reinplacée par ses caractéristiques

politiqiies et personnelles par les services prof~ssionncls qu'il a pr'&tés
au groupe à partir de septembre 1942, c'est-à-dire aprCs sa sortie du
ministère. Il est assuréiiient curieux que l'uriedes consultations qui lui fut
demandée - fevrier 1943 -port:it justement sur l'application de la loi
du 5 décembre 1941 IIRégularisation des charges financières rà la uSocic-
dad Electra Reusense n,qui est de Reus.
Ce en quoi hl. Serrano Sufier égalait et mêmedépassait RI.Garrigues
c'étaitdans la passion qui l'a poussé à prendre une initiative jusqu'alors
inédite dans l'histoire de la procédure espagnole. M. Serraiio Sufier a en

effet demandéla récusation ~e ~ ~s les membres ~ ~la c~iambre civile de la
cour d'appcl de Barcclonc, y conipris ce!lc d'un magistrat qui n'avait
encore participé :iaucune dçs rlCcisionsprises dails le rocè è de la Barcc-
Iona 'riaction:
En ce qui coiicerne hl. IZamircz. dont je crois que l'autorité n'a encore
étéinvoquéepar personne devant les tribunaus espagnols. je me bornerai
à une observatioii. Son ceuvre a paru plusieurs années après la faillitede la
Barceloiia Traction et Ics citations qui ont étéfaites devant la Coiir pour

démontrer qu'il partageait les vues de Garrigues n'ont pas étéprises dans
ses ouvrages de doctrine mais bien dans la consultation qu'il a r4digée à la
demande de Sidro.
Je crois que je ne mériterai pas à inon tour le qualificatif de passionné PLAIDOIRIE DE M. CIL-ItOBLES 53
si j'affirme que le livre de M. Ramirez a étépublié,du point de vue de la
présente affaire, in temporesuspecto.

Si I'on devait donner aux consultations citees la oortée <tuenrét,nd , -~
l,:i;itlriliiit.r 1,.(;uiiveriienic.rit 1i.1faiiilinit conciiirtliivIcsoliinioii.
(lei nuteiiri inrit (Icssource> <Ic.ilruil tn~itc. 1c.ii,i.ciil t.IIcoiiiii(leiii
avec les thèses de la Barcelona Traction.
])'un aiitre ci)tC,c'ebt iin <Ir<pruîc(1;s ia~urii dr:, i:i)iis1111Gous.,rne-
ment I>c.lccqiie de ilicrslicr h fairc riidui~er par I'auir8.I1:irticIn rç,Doii;:i-
bilité de'ieuis propres actes.
Les exemples en sont riombreux, mais nous ne pourroiis en signaler ici
que quelques-uns parmi les plus édifiants.
Sous forme de réoétitionsblessantes. oui constituent une forme d'&Io-
quence très respectnble lorsqu'elles traditsent une vérité,mais une arme
efficace de tromperie dans le cas contraire. on a affirméà de norribrcuses

reprises que la i3arcelona Traction avait étédépouillée,sans etre enten-
due, qu'on lui avait interdit l'accèsdu prétoire. qu'elle avait étéremise.
pieds et mains liés. entre les mains de ses ennemis. Voilà ce que I'on
assure avec leplus grand aplomb etla plus grande emphase, alors que l'on
a ditdans une autre plaidoirie que c'est sur le conseil de ses avocatsquela
Barcelona Tractionn'a pas fait opposition aii jugement de faillite.
Peut-on sérieusement soutenir, hlonsieiir le Président, hlessieiirs les
juges, que I'Etat espagnol est responsable dc ce que la Barcelona Traction
a laisséla déclaration de faillite devenir définitiveparce que ses avocats le
lui conseillaient ou - ce qui est plus r rai semblable - parce que la pas-
sivitéconstituait une des piècesessentielles du plan consistant h (lonncr à
l'affaire un caractere international au'elle n'a oas? Ouel est Ic iuee ou
quelest le tribunal qui a interdit lsac;èsdu préto'ire à & plaideur iuys'est

abstenu, volontairenient et délibérément.de comparaitre dans les délais
légaux?
\Toyonsmaintenant un autre exemple de ce système consistant h faire
endosser auxautres la responsabilité de ses propres fautes.
Au cours de l'une de ses brillantes plaidoiries, Me Grégoire a violem-
ment critiqué l'absence de liste de créancierset la réuniontardivï de I'as-
semblée chargéede dbsigner les syndics.
le ne vois Dasle moindre inconvénient à reconnaître oue la réunionde
1':i.vrrilili.:Ici!lii:it:irdivenii.iit, i~iIi:jiigc s'<sr trt~iiipt:~<liicqiiui-
ou'ell,*ail r<,;tiilL(1'crrt:iiriunimiw.In<:finirl'appelri';I):,pi1[aire rt:siilcr
1; temns Dour aue l'assembléeait lieu dans le.délaide'trente iours r~révu
par la ioi.'
Dans une procédure aussi complexe et longue que celle de la faillite de

la Rarcelona Traction, il est inévitable que deserreurs puissent êtrecom-
mises, que l'instance supérieure est d'ailleurs 121pour corriger. La loyauté
exige que I'onreconnaisse ses fautes lorsqu'elles sont réelles.
En l'esnèce. l'erreur commise nuis corrigée n-a d'ailleurs norté uré-
judice qu'aux créanciersqui étaient les principaux intéressésh une nomi-
nation rapide des svndics. Barcelona Traction n'éprou\raaucun preiudice. ,
du fait déce retard.
Je suis certain que la Cour n'a oubliéni les termes catégoriques ni le
ton solennel adoptés par Me Grégoire lors~u'il,exposait le magnifique
raisonnement suivant: le commissaire a le evoir de dresser la liste des
créanciers sur la base des indications résultant du bilan, du grancl livre
ou, A défaut, d'autres registres ou documents du failli ainsi que des
renseignements donnbs par le failli ou ses employés.54 BARCELOSA TRACTIOS

Or, dans la faillitede la Barcelona Traction. le commissaire ne disposait
d'aucun de ces éléments,puisqu'ils se trouvaient tous au Canada.
Mon distiiigiié confrère a ensuite répétéà trois reprises sur un ton
triomphant:

iiIIétait matériellement impossible pour le commissaire de se con-
former à ces dispositions imptratives de la loi. puisqu'il n'y avait en
Espagne. dans le chef de la Barcelona, ni bilan, ni grand livre, ni
livres, ni papiers, ni employésde la Barcelona i(VIII, p.311).

Trois semaines se sont écouléesdepuis que j'ai entendu, puis lu ces
termes, et j'éprouveencore un sentiment de stupeur mêlée d'admiration
devant une pareille désinvolture. II y avait par conséquent un cichef n
de Barcelona Traction en Espagne, affirmation qui constitue une nou-
veauté chez nos contradicteurs. Mais en outre, il existait à Barcelone
des employés de Barcelona Traction. II y avait à Barcelone des ar-
chives de Barcelona Traction contenant de nombreux doi:uments im-

portants de cette société. C'estde ces archives que proviennent de nom-
breux documents parmi ceux présentés A la Cour. non seult:ment par le
Gouvernement espagnol mais aussi par le Gouvernement belge lui-
méine.
11est assurément vrai que le commissaire n'avait pas à sa disposition
la totalité de ces éléments.?;laisqui est donc responsable de cette lacune.
si ce n'est la Barcelona Traction elle-mgme? X'est-ce pas elle qui a violé
l'obligation de collaborer avec les organesde la faillite que la loi imposeà
tout failli? West-ce pas la faillite de la sociétéque protège le Gouverne-
ment belge qui a étéqualifiéede frauduleuse, notamment parce que les

livres de comptabilité avaient été soustraits à l'action du commissaire et
du séquestre-dépositaire? Tous les documents importants n'ont-ils pas
étéemportés hors de Barcelone?
Si la théoriebelee devait êtreadmise. il suffirait à un cornmercant de
niau\:iisi. loi rn<:~trse? livres et <locukent; 1,itfi1':ibrip>ur reiidresi
f;iIli: impil Splcndidi. 1%;ni1 cn \.;rit? quc ccllc qiir ci:tre nou\.:llr
;colt: I>çIgcdii dro<IL 3 i,~ilIitinflre au\ cniiini<:r<:iiirspeu si:rupiil~iix!

L'audience estlevée à 12 h jj VIXGT-QUATRIÈME AUDIEXCE PUBLIQUE (22 V 69, IO h)

Présents: [Voir audience du zo V 69.1

M. GIL-ROBLES: J'ai conclu la deuxième partie de ma plaidoirie
d'hier sur des exemples illustrant la tactique des coiiseils <luGoiiverne-
ment belge, qui s'obstinent iniitilement à vouloir faire assumer au Gou-
vernement espagnol la responsabilité des fautes des protégésdudit gou-
vernement.
Les conseils du Gouvernement belge ont déployéde remarquables
efforts dialectiaues pour présenter à la Cour la destitution des adminis-
trateurs des filiales: le r&nplacement des avoués et le désistement des
actions entamées par les sociétés contrôlées comme d'inaualifiables
violations.

La tache d'établir la régularitéde ces décisions, d'un point de vue
strictement juridique, incombe i d'autres conseils du Gouvernement
espagnol. Je voudrais seulement souligner combien le problènie se trouve
monstrueuseinent déforniédans l'exposédu Gouverriement belge.
Rappelons, Acette fin, iin certain nombre de points essentiel;.
La Barcelona Traction avait placé tous les biens qu'elle avait en
Espagne - les seuls qu'elle eirt - au nom de filiales et de sous-filiales
pour pouvoir opposer la personnalité juridique de celles-ci à toute teiita-
tive de saisie ou, ce qui revient au même,pour empêcher que ses créan-
ciers impayés ne trouvent. au moyen d'un procss de faillite, des biens
leur permettant de réaliserleurs créances. En même ternps,fortcdii pou-
voir qu'elle exerçait sur ses filiales grâce à la détention de toutes les ac-

tions, la Barcelona Traction plaça à leur têtedes aclministrateurs et des
fondésde pouvoir à sa dévotion. Elle fit en outre nommer desavoués qui
devaient intervenir auprès des tribunaux conformément à ses instruc-
tions. Ce mécanismeavait étémis en place pour permettre à la Barcelona
Traction d'imposer constanirnent sa volonté.
Mais la faillite survint. 1.a Barcelona Traction fut dépossédéd ees droits
inhérents aux actions des filiales qui furent dès lors exercés par le sé-
questre-dépositaire dans un but diamétralement opposé.
Alors que l'édificeéchafaiidépar la Barcelona Traction avait pour but
de soustraire les bieiis aux créanciers, le séquestre-dépositaire devait,
ainsi que l'y obligeait la loi, empccher que les biens ne disparaissent et que
la faillite nesoit vidéedeson contenu économique.IIétaitnon seulement li-

citemais obligatoire qu'il écartàt dela direction et de l'administration des
filiales les personnes qui avaient démontré qu'elles n'étaient que les ins-
truments et les complices de la sociétéfaillie. Il était tout aussi indis-
pensable qu'il nommit à leur place d'autres personnes dignes de sa con-
ii;~iicc
I.';i\.oiet lin inandaraire. qiii ~UII cf doif 2trc deitiiiiE Iorsi~ii'ilrie
louit 11:iidc 13cniifi:~nce(le son iii;iii(l.iiIci :i!.oli;i des filinit: ct;iit.iit.
Ior; (1,la (I<cl:~ratioi(ltlitf;iiIlifc,de; Iioi~ini<>l,:t:c~rifi:~dcc la 13:lrce-
Ion2 '1r::fioi~. Ils ;t\..iit~iitrcctct,.x;-ciitC<Ii.siibrriicrions ilont I'ol>j<:t
;,[nit (le >oiitr:iirc Ics l)it:ris3 I'~.ii~. ~cré.?nciLri Il &tait ii:itiirque
IL; nolivc;tiix cniij~ili d n(lniiiii~rr:itiuit dé,izni:i d;ini I'rii<It:crAiii-
ciers frustrés mettent un terme à la manŒuvre et désignent de nouveaux56 BAKCELOSA TRACTION
avoués en leur donnant m.mdat de se désister d'actions qui étaient. par
ailleurs. téméraireset hors de propos.
Le Gouvernement belge. apparemment convaincu de ce qiie les créan-
ciers ne devaient Das toucher leur dû. voit dans ces mesures de précau-
tion élémentairesûne infraction très grave aux réglesfondameniales de
la iustice. La déformation desfaitsapparaît danstoute son énorniité.si
l'in tient compte des deux circonstâices essentielles suivantes:

1. Les avoues n'ont pas étéreniplacés par les organes de la faillite,
niais bien par les conseils d'adniinistrntion, et ce sont ces derniers, et
excliisivement eux qui Ieur ont donne l'ordre d'abandonner les actions
ciitaniécs. Je coiiipreiids dl.s lors iiinl rluel genre de responsabilité ce
reinplacernelit peut entrainer pour l'1zt:itcspiigilol.
2. Si I3arcelona Traction - et c'est Iil'essentiel - avait fait opposi-
tion i la faillite-- cc qui était norinal - et n'avait pas utilisé les filiales
nour ess:ioer de la "stérilisern - ce <iiiiétait anornial -. la substitution
(l'avouésdoiit se plairit le Goiiverrienient belge n'aurait pas pu avoir lieii.

Toute sociétéfaillie conserve soi1conseil d'a<liiiiiiistration, conformément
ce que prcscrit l'article 929 du codc <lecommerce, et ni le dépositaire ni
les syndics lie peuvent le destituer. ni exiger le remplacement des avoués
chargés d'intervenir devant les tribunaux. Les avoués de Barcelona
Traction auraient contiiiuéi agir dans la défensede leur maiidante.
Alonsieur le Président et Alessieurs les juges, permettez-moi, au vu de
ce o.i o.écède. de renvover aux conscils du Gouvernement bclee la -
rcspoiisnbilitéqu'ils ont tenté dc fair. assumer à I'Etat espagnol.
Idesvkliémentes protestations de la 1':irtie advcrse au sujet du blocage
et de la paralysie des recours constitiiciit 6g,alenient uiie fentative poür
faire assumer à autrui ses propres r~:s~~orisabilitéIsI.sera proc6déplus tard
à l'analyse détailléede cesproblèmes. l'espère toutefois que \,eus voudrez
bien iiic ocrniettre «.el<.ucsconsid&rations oréliiiiinairesau suiet des faits
les plus ;iiarquaiits.
Le dficlinatoire Garcia del Cid a donné Iicii :i une première suspension
de la orocédure. Elle n'a duré oue oiielriiics semaines. n'a exercéaucune
influence pratique sur Ii:cours'de fa p;océdiire et n'aurait pas pû faire
obstacle i l'opposition de Rarcelona Traction ail jugement de faillite. II
ne valit doncpas la peine de perdre du temps i son scjet.
Le <léclinatoireBoter, auquel fut jointe par la suite une action en con-
testation de la qualité pour agir des dcniaiideurs de la faillite.téméraire-
ment iiitroduite Dar les azents de la 13arcelona Traction. a ioué un rôle

plus important.
Le déclinafoireétait dénué defonderncnt. Le juse devait toutefois I'ad-
mettre a tra~nile.bien que le jugement de faillite fiit irrévocable. Le
Gouvernement belge l'a reconnu lui-meme par la bouche de Xle Rolin,
lors des exceptions préliminaires (III, p. 1001-1003). 1.e fait qu'il ait mo-
tivé son ooinion Dar des raisons aiitres <lueles nôtres ne change rien à

nouvelle théorie offensanfe et de soutenir <lueles tribunaux ~~agnols. A "
toujorirs en accord avec le groupe hlarch, kiraient utilise la suspension
pour paralvscr ou bloquer les rccours de la sociétéfaillie et poursuivre,
bendant ~i~temos...a ~ro.édurc iiis,ii', l~ ~ente
Cette affirmation,qui n'est évideniment étayée par aucune preuve,
n'est pas seulement offensante. 1;lle est encore incompatible avec la thèse PLAIDOIRIE DE M. GIL-ROBLES
57
principale du Gouvernement belge et contraire aux faits et au plus élé-
mentaire bon sens.
D'après le Gouvernement belge - et on aura l'occasion d'y revenir -,
hl. hlarch, dont les demandeurs à la faillite et les syndics n'auraient été
que les instruments, aurait eu pour seul but de s'emparer du patrimoine
de la Barcelona Traction et il aurait compté pour ce faire sur l'appui in-
conditionnel <lesjuges et dcs tribunaux. On ne voit d6s lors pas pourquoi
il aurait retardé de plus de trois ans le dénouement de l'affaire. La décla-
rationde faillite était en effet irrévocable et le mécanisme de la procédure

était irréversible.
Prétendre expliquer ce phénomène, comme l'a fait Me liolin, par la
présence de juges qui manquaient de courage, soiicieux de se laver les
mains à la manière de I'once Pilate. relève de la plaisanterie et défie les
regles les plus élémentairesde la logique (VIII,p. 22).
le moüvement de la procédure est imposépar les parties et le iuee ne
peur p.ij s':ibjrr.nir (le t;anclicr ni;mt. s'ii le (l(iirc 5;;ns lairc inuiil<;ii<~iit
rnontrï (le c<iiirns<:,plt:iiiciiicnt coii;cienri (le ce qii'il fnis;iieiii. li.; jiip:s
et les tribunaux se prononçaient en fonction desquestions soulevéespar
les parties. Ou bien nos adversaires auraient-ils l'audace de soutenir que
les demandeurs à la faillite restaient inactifs tant qu'ils n'avaient pas la
certitude de pouvoir compter sur l'appui inconditionnel d'un juge sp6cial.
d'une cour d'appel ou d'un tribunal de cassation? Si tel est le fond de leur
pensée, il conviendrait qu'ils le disent clairement et, en outre, qu'ils le
prouvent. Les allusions de cette nature ne sont pas admissibles, surtout
devant la Cour. si'ellesne sont pas étayéespar des preuves.
La thèse espagnole est confirméepar une simple considération de bon
sens. Toute faillite - et celle de la Barcelona Traction n'était pas une
exception - prend fin sans qu'il soit besoin de vendre les biens, si le
créancier propose un concordat qui obtient l'approbation des créanciers.
Plus la vente était retardée. plus la Barcelona Traction avait de temps
pour proposer un concordat acceptable avec l'aide des sociétés qui

s'étaient déclarées disposées i assurer la réalisation du plan d'arrange-
ment.
L'incontestable réalité est donc que la Barcelona Traction avait plus
que quiconque intérêt h ce que la procédure se prolonge. Les conseils du
Gouvernement belge auraient-ils oublié aue la 13arcelona Traction a
;ivuur' <I.insson ni6moirc ,111ri ;ivril1953 'ICc.n'<:srp:i.. I>:ircci~iIIOIIS
somme, snxit,iis <Iri:wirSC 1~:riiiiitiett,: ,ifi;,I?,\:\\I .\..il11' 1) S\7
et suiv.)
Je n'élabore pas une these à partir d'une plirase isolée,mais en me
fondant sur une sériede faits que l'on ne saurait mettre en doute.
r. Barcelona Traction a demandé la suspension de la procédure dès
juillet1948 lors de l'introduction de l'incident en nullitéd'actes.
2. Barcelona Traction s'est jointe au déclinatoire'Roter. Elle n'avait
aucune nécessitéde le faire. mais elle l'a fait et a ainsi alloii~- la p-océ-
dure.
3. Elle a, par l'intermédiaire de MXf.Andreu, Sagnier et Lostrie. que
j'appellerai iicointéressésnde Barcelona Traction. pour reprendre I'eu-
phémisme utilisépar le Gouirernement belge, contesté par voie d'incident
la qualité pour agir de Boter. Cet incident ne peut s'expliquer que par le
désird'introduire une nouvelle complication dans la procédure.
4. Rarcelona Traction a refusé de communiquer des papiers et des

documents qui, s'ils avaient étéprésentés,auraient rendu inutile le délai58 BARCELONA TRACTIOS

extraordinaire de preuve accordédans le cadre des incidents Uoter et
Genora. Elle a ainsi provoquéun nouveau retard de pliisieiirs mois.
5. Le comportement insensé des ucointéressésn Andreii. Sagnier et
Lostrie a rendu inévitable le dépôt d'une plainte pénale qui. conformé-
ment aux dispositions impératives de la loi, a paralysé la procédure.
Un incident intervenu dans le cadre de cette procédure mérite d'être
souligné.
Dèsla parution, dans le Jozcrnaloficiel de la province, de la citation du
juge invitant hl. Lostrie a comparaître pour la notitication de sa mise en
prévention, le consul de Belgique à Barcelone fit savoir au juge que
hl. Lostrie était domiciliéà Bruxelles et aue c'est là nii'il devait êtrecité
par voie de commission rogatoire. C'est'ce que fit Îé juge 1:" envoyant
successivement quatre commissions rogatoires qui restèrent toiites sans

réponse. Le Goubernement belge le reConnaît ei il précisememe que la
quatrième commission rogatoire, celle du 18 juin rg59, est restke sans
suite en raison de la réclamation internationale présentée devant la
Cour.
Je crois superflu d'attirer l'attention de la Cour sur la volonté de
paralyser la procédure que révèlecette nianière d'agir.
IIest toutd'abord anormal que le consul de Belgique ait pris l'initiative
de demander l'envoi d'une commission rogatoire dont l'exécution impli-
quait,dans le meilleur des cas, un retard de plusieurs mois d;ins le dérou-
lement de la procédure. Il eùt étébien plus simple et plus rapide que
hl. Lostrie soit informé sans délaide lacitation et se présente spontané-
ment devant le juge.
II est encore ~lus inesolicable oue les ouatre conimissioiis roe"toires
aient CIL:s!.st~llifttic~uclnI:ti.;icc, s;iii>i,.i)oiiic 1.cGsu~~cii.~iiit:riIt>elgc
atir:iit-il 1'aiid:icc<leoutc.nir qiir t-crctnrd Ct;iit uiic iiuii\cllt: iii;iiiwti\.ri
dilatoir? dont la r~j~~~~1i~:it~iii~.r~nii~I:'ltt:!~~?six~c~iul'
En véritt. on trouve la preuve de la tactique diiagire de la Barcelona
Traction dans la déclaration où son avocat, Ale Koberto Sanchez Jiménez,
écritque ses clients lui ont donnépour instruction de mgagner dii temps »
à I'approclie de la vente; dans celle où il affirme qu'il lui sera possible de
retarder l'affaire pendant un mois et où il indique qu'il a donni: dans ce

but des instructions pour l'introduction de toute une séried'appels; et
dans celle où il se vante du résultat obtenu en des tcrmcs si éloquents que
je ne puis résister àla tentation de vous les lire:
NIn accordance with the instructions received from the clients in
the sense to hinder the sale proceedings, 1did everything possible to
gain time with a more favourable result than 1 had considered ob-
taillable at the beginning ...the series of appenls referred to pro:
duced the desired effect... and achievcd the practical paralysation
of any activity ... during a period of almost tliree inontlis.
(Receiuership, vol. V, folios Soz et suiv.).

Cet aveu est de taille et il révèleune attitude qui s'inscrit dans la
logique des événements.C'est cette méme logique qui a incité. il y a
quelques semaines, le professeur Mann à insinuer la possibilité pour la
Cour d'ordonner une enquête sur des faits survenus il y a vingt ans. C'est
enhn cette méme tactique qui a inspiré 31. Lauterpaclit lorsqu'il a,sug-
géré l'applicationde l'article 50 du Statut de la Cour. tout en précisant
qu'il la jugeait superflue. L'idée d'un nouvel ajournement n'en avait pas
moins étélancée. PLAIDOIRIE DE M. CIL-ROBLES 59

Le problème du prétendu blocage des recours a étémanifestement
eonflédans le but délibéré de créeruneatmosvhère favorable à la oosition
hclKc. \l:iisI:i\,c:ritc:fiiiit tuuldiirs par â~)p.îrairrç quoi~IIC I'UIIfa;, . >oiir

In di~;iiiiiilcr Tant \le \':fin l<\n que >le Gr;gc~ir8;ont iridiqi1613 rbi>ori
i.?rit.il>l(Ir.cc' t>lucn"c~dxir Itx~ur'li IR I{.irc~lon:i.l'rnction .i inii; iiii
rOlesi important: la volonté de gagner du temps pour pouvoir entamer
des négociationsquiempêcheraient lavente des biens.
Si la suspension de la procédure permet de négocier.ce sont évidem-
ment ceux qui veulent à tout prix éviterla vente des biens de la masse qui

ont le plus d'intérêt à faire durer la suspension. La règled'interprétation
fondéesur le principe cui prodest est incontestablement applicable dans ce
cas.
Deux conséquences tres nettes découlent de cette situation:
1. Ri,:ilqii,-1,;c1t.11~1':trtics:ticrit ut111;<Ii\~r;iiiu\,cns pour su..p~~iidr~~

ou i~:t;ir<lcrla procl'ilurc et pcrnicitri: :iiii,iclcsnC~ociaiioiis.I'ei;eiitii:l (Ic
CG, ;ii,uciijiuiis bu rcrnrds (loti ;:tic iiiii)iitl: à I:i I3arcclr>iinI'r~ciiori.
c'est eneffet elle qui était vraiment désiréused'éviter la vente.
2. Si M. AIarch a accepté de négocier, non pas une niais bien plusieurs

fois. avant et avrès le début de la vrocédure internationale. c'est Darce
qu'il ne voulait bas s'emparer du p&rimoine de la Barcelona~racti8n. Si
telle avait étéson intention, toute négociation aurait ét&superflue,
surtout si,comme le prétend le Gouvernement belge, dans une accusation
aussi grave que fausse, il avait disposé de juges et de tribunaux qui
étaient prêtsàniener la faillite àsonterme inévitabledès qu'il le voudrait.

La cause de l'échecdes négociations ne nous intéresse pas ici, quoi
qu'ellesoit enréalitébien facileàdeviner. Si M. hlarch voulait que soit réglé
tout ce aui était dii à lui-mêmeet aux autres créanciers. il n'avait aue
fuit peu $le CII~IIC l::trri\,:r a iin arcoril avc; I:II3r+rcclo1ila'ractinii. <lui
;ii,:iir:iyi.i1~~])111; ~~U<ICU~Fiinllc<s1' inuf ,p:iyvr ))<leiuii \~uc;ihiil:iir~.51

11 \lnrcli \~~~iiI:icrnvi.cher ùuc 1,:s.ii:tit>iiii;iircsbvlsei nc coiiririiicnt ?i
maneuirrer frauduleÙsement i2entreprise, les négociarionsétaient vouées
à I'échec.
Xous ne voulons cependant pas discuter de cettrquestion maintenant.
Ce qui nous importe ici c'est de constater que le grief fondésur le blocage
des recours n'est qu'une construction fictive, puisque In paralysie de la
procédurea étévoulue et provoquéepar la Barcelona Traction qui y avait

tout intérêt.
Toutes les plaidoiries sont en généralcaractérisées par ce que l'on
1~>1irr:1i :l~l~ci.r IIIICtn~~>crtti~;~l~il1i1r1~:~rqriC.~IX ~r~iiÏiiciits ~~~~l~:~giiul~
%r ioiii paitiiu1ii:i~:iib:iit i cciir: dc In du~liqu~. Oii \. ~Cpl'tcmninrr: i.t
ni:.iiir~ foi>IV,;irhrin:ttions ,111rii<~iii<~ iI~<ILl,a r,$~Iiq~i,:c<,iiiriic.i ~.ll*.,
n'avaient vas étéréfutéesou comme si les arpuments sur lesauels revose
cette réfut'ationpouvaient êtreécartésde façon presque déda'igneusepar

d'habiles sophismes et par l'affirmation répétéede faits radicalement
faux.
Les Diaidoiries consacrée~R~--v~nte fournissent d'abondants exem~les
de ces procédés dialectiques.
Ale Grégoii-e,dont j'ai plaisir à reconnaître l'habileté polémique, a
élaborétoute une théorie de défaut de défensede la Barcelona Traction
fondée sur l'impossibilité de vendre les biens de la masse tant que le

jugement de faillitenc serait pasdevenu irrévocable.
Or, hlonsieur le l'résident et Messieurs les juges, s'il est un point de la60 BARCELONA TRACTIOX

procédure de la Barcelona Traction que l'on ne puisse discuter, car il est
absolument évident, c'est que le jugement déclaratif de faillite était irré-
vocable et définitif du fait que la Barcelona Traction avait négligéd'y
faire opposition dans le délai unique et improrogeable de huit jours
prévu par la loi.
La décision judiciaire était devenue ferme et irrévocabli: du fait de

I'écoulenient du délai. Les tribunaux espagnols ont en outre déclaréâ
plusieurs reprises que le jugement de faillite était passé en force de chose
jugéeet devenu irré\focable.l'opposition n'ayant pas étéforniuléedans le
délai réf fixé rév v u ar l'article 1028 du code de 1820.
l$s;c<!li,iia"l'rnct~ii ii';iforni6 :tuciin rccuiirj cui;tic c<.sd6cijiuiis 1.c.
jiigt.iiii.ni cst donc iIL:fiiiitiIen :tl)plic:itiun cl'iinvrlii~)uiiiiui1iinpCr:iti\,? ,le
In loi. et Sunirrr'\~ucal)ilit4n ;t> coiist:itLc Ixircl.; J1'ci>iuiisiiiclici:iiriIIIII

n'ont fait, elles non plus. l'objet d'aucun;ecours.
Le recours hors délai de juin 1948. conséquence d'un rernords tardif
pour la faute de prockiiire coriiniise, n'a rien pi, changer à une situation
légaleirrévocable.Cc n'est qu'en raison de l'exception du déclinatoiri:que
l'opposition tardive n'a étérejetée qu'au bout de plusieurs :innées. Saiis
cette exce~tion. le rciet eiit étéimmédiat mais tout aussi catéeori«ue. -.
Les manc~uvres'dilat~ires d'un plaideur ne peuvent en effet rien changer
à une situation irréversible en application d'une disposition Iézaleini-
~ ~ -
pérative.
Le jugement était définitif le 24 février 1946 à minuit. et aucun des
arguments fondéssur la négation de son caractère irré\~ocablene résiste
au moindre examen.
La délégation de I'Etat espagnol n'invoque pas l'irrévocabilité du
jugemeiit pour se soustraire à l'examen de la correction des mesures
judiciaires postérieures. La preuve en est que certains de ses conseils se
chargeront d'étudier en détail les accusations du Gouvernenierit belge et

démontreront qu'aiicune irrégularité constitutive d'un déni de justice
n'a étécommise sous le couvert de l'irrévocabilitéde la déclaration de
faillite.
Ils seront contraints de le faire, vu l'obstination du Gou\.ernement
belge à porter devant.13 Cour des problèmes de droit espagiiol. Le Gou-
\.ernement espagnol ne peut en effet laisser sans réponseles explications
belges, mêmesi elles concernent des questions qui n'aiiraient pas di1

Ctre déb-~tues devant la Cour.
'i'oiit<.I'liabilcr; dciii,,:i<li.t.r;?ire>c Iieiiitc i un I.iir ~~icutitcit:il~lcIn
\<:iitc poii\~.ii;tri. \;ilal>l~iiicntcffccfiii~r,111 iii11111<8iii<Il< i c&; d;ci<l&
t rls ;tant clonnc Ici cirii,iiitniir.<.II,!hi1 il%''dif~iit.ct ~:~rcv ,111il
n'existait,'dans la procédure, aucun empêchement à ce que ies syndics
exerçassent la fonction qui leur était propre.
On coinprend (léslors mal comment on peut soutenir sérieusement qiie
la faillite a étédétournéede son but légal.Ce but, qui n'est autre que le

paiement des créanciers,a étéau contraire pleinement atteint. Grâce à la
faillite et eràce à elle seulement. tous les créanciers ~ouvaient toucher et
ont ti,iiili>iiitégr:ilemciit Iciirs cr<?ncr.s et ccl;i dans la monnaic coii-
\.~:iiu,:\'r,ilicc qii~ni I:iI$:irst:li,iia Iractiuiiiile (;uu\.ciiiriiiciit Iir.gc nc
pardonnerit ailx dcmancleurs à la faillite.
La vente des biens de la sociétéfaillie était possible et d'ailleurs obliga-
toire.

Barcelona Traction se refusant à proposer un concordat acceptable, la
venteétait le seul rnoyen de payer lescréanciers.Les syndics administrent PLAll>OllllC I>E hl.GEL-ROBLES 61

les biens et les vt:iident pour payer les crfanciers, car ils interviennent
dans la »liase d'exfciition de 1:ifaillite. Ils n'ont vas seulcinent le droit

811 lie saurait nier dkboniie loi oiic Se risauc existait en I'esnèce.
L'entreprise :iv:iit iiiic trésorerie~nsuffisniiie.
La Coiir dispose <letrésnornbreoses i>reiivcs,dorit ie me bornerai à citer
un ccrtain rio;nhrc.
Dès1931 - Icttre dit 13 mars <lehl. Speciaelà hl. Cambh, président de
Cliade -, hl. Speci:icl avoiiait giiccla sitii:ition dHarcelons Traction,
conime vous l~bii\.ei le l>ciiser, ii'est pas trCs florissaiiten (noiiv. doc.
, aiitiexePhZM, rio1).
19% Speciacl était cncore plus cxplicitc dans sa lettre (lu 8 février rqqo
adresséeà hl. Hubhard. Ses termes, aue ie citerai littéralement, sont ca-

<(Sivoiis voiis reportez aiix prévisions de trbsorerie annexées à la
lettre de hl. I.a\vton ...du rj janvier. vous verrez que toutes les
disponibilités priiseiites seront rnpicleiiieiit épuisc'eset qu'en outre,
au 31 décenibrc 1940, I'entrcprise se troii\sera devtint un déficit de
<~ucl(]ue26 iiiillioiis (le pescta... liiegos n'est donc pas tellement

riclien (ibid ar.nere PWM, no 10).
Unc note <-lehl. hlenschnert à hl. Speciael, di127 octobre 1944, est tout

particuliéreinent ré\rblatrice:
<~Noiisdevons rious soiivenir oue Riecos. Dro~rement dite. n'a
~ ~ ~ " .. .
rien coiistruit depuis la guerre civile (et ne pourra plus. construire
dails l'avenir de noii\.elles installatioiis hvdrauli~~oes. ni affermer
mêrne semblables iiistallationsi>(Ibid a.n,exe l'.kf!bl11"19.)

Un fait indisciitnble niet en évideiicecette déficiiincedc l'exploitation
de ses possibilitfs <-prodiiction (1'6nergic Iiy<lro-Clectriquepar la Barce-
lona Traction. Lors de la faillite, l'eiitrcprisc avait en portefeiiille dans le
bassin de la Ribngorzana Iiisicurs demandes ou concessioris iioii erploi-
tées: la chiite d'eau de >[?fia. celle d~~Ple\~in. la cliute d'eau de Fet v
Caserres et celle de sinta na :ucune de CesChutes d'eau n'a étécon;-
truite ni inêrnecommencée. II ii'est donc r>asétonnant que,par suitede
cette inactioii <lesconccssionnaircs qui vioinient grossièrimeni les obliga-
tions que leur ii~iposaiciitleurs contrats,toutes ces coricessionsaient passE
i<la réserve de la Empresa Xacional Hidro-elfctrica del Ribagorzana,
créfe par le Goiivcrnenient espagnol pour pallier l'inactivité paralysante
de l'industrie privée. 1-1groupe dc la liarcelooa 'l'ractioria. d'autre part,
laissi: périmer les concessions des chutes d'eau de Faybn, Mequinenza,

Kibai-roja. Asch, Mora et Chcrta dans I'exploitatioii dc 1'Ebro; Saltos del
Segre a ainsi perdu celles de Seo <-leUrgel, ticiraIl y t\nscrall: Energia
Eléctrica de Catalritia, cellc de Tabr:scin; I'rodiictora (le Fiierzas hlotri-
ces. cellesde Sarrocn, Sentcrada, \'ifiola y La Torrasca. Ces déchéances
furent décidéesaprès 1940.
,Teriecrois pas nécessaired'insister sur le fait que le manque de trésore-
rieétait ilne triste réalité.I.'entreprise qiie défendle Gou\rernement belge
a laissépbrirner cliverses concessions parce qu'elle ne pouvait pas réaliser
les travaux, et ceci bien qu'elle n'honorât mi.nie pas le paiement des in-
térêtsde oblig t' ions,62 BARCELONA TRACTION

Nos adversaires soutiennent que l'entreprise n'avait pas ii s'inquiéter
rlu daneer de sanctions fiscales aui. en fait. ne sont iamais intervenues.

amendes correspondant aux aniées non touchées par la prescription se-
raient exigés.
11en va de même ence qui concerne l'amende pour délits monétaires.
Le délit avait étt commis et il était possible que la sanction maximale
soit appliquée. 11existait une perspective tout aussi alarmante provenant

du fait que la saisie portait sur le montant maximum que pouvait at-
teindre l'amende.
II T.I \.rai qiic l'anirnrii ciicr~i\~ iiiini [,..!cc p.tr Eljro .i t't:1i.,s,:i1>1~
III,IIIiiil~~riciir;$II IixiinliiiiIc<.iI ['il<:.iii.i<Ii.,lit,iiiii,r;iIiiii~oit.iiit~~
;icertainement iouédans la détermination de la sanction économioue -

'
la justice en passant la'frontière.
Il y avait donc des risques réelsqui pouvaient, d'un moment à l'autre,
dévaloriser complètement la masse. Les syndics étaient dèslors obligés de
vendre pour des raisons d'urgence.
II faut rappeler que le dépositaire peut ordonner la vente en cas d'ur-
gence, mêmesi le jugement de faillite n'est pas encore irrévocable. Si ce

pouvoir est accordé à un organe de la faillitequi n'intervient que dans la
phase conservatoire, il appartient à fortiori aux syndics qui sont chargés
dc diriger jusqu'à la fin la phase proprement exécutive.
Les syndics peuvent donc vendre pour cause d'urgence, en toute oc-
crision, et surtout ici où le jugement déclarant la faillite était définitif et
irrévocable.

L'étudeméticuleuse du cahier des charges de la vente aux enchères, à
laquelle le Gouvernement belge. a procédépour le présenter comme une
source inépuisable d'irrigularit6s. apporte une nouvelle preuve de l'obs-
tination des conseilsbelges à faire de la Cour une espècede troisième ins-
tance chargéede seprononcer sur l'application du droit espagnol lusque
dans ses détails les plus infimes.
Je laisserai à d'autres conseils espagnols la tâche aisée demontrer que

ces irrégularitésne se sont pas produites. 11me suffira, dans cet exposé
nréliminaire. de faire observer aue le cahier des charges de la vente aux

u
elle pouvait et devait en faire état en Espagne. où elles auraien? étérec-
tifiées dans la mesure où elles étaient réelles. Quelles qu'en soient les

raisons, la Barcelona Traction n'a rien fait. Ressusciter maintenant ce
problème constitue une tentative inadmissible.
L'une des objections belges concerne un point sur lequel nos adversaires
ont insisté à maintes reprises, sur un ton triomphant: le vil prix auquel le
patrimoine opulent de la société failliea étémis aux enchères.
Je ne procéderai pas à une analyse quantitative,,pour éviter à la Cour

les ennuis d'une répétition,puisque d'autres conseils traiteront ce point
avec tout le soin qu'il requiert. PLAIDOIRIE DE hl.CIL-ROBLES 63

Je me limiterai à rappeler des faits, à certains desquels nos estimés
adversaires n'ont pas fait la plus petite allusion, et j'en tirerai des con-
clusions de simple bon sens.
Ilans une vente aux enchères, le pris minimum n'est qu'un point de
départ. Le pris del'adjudication est celui qui résulte dii libre jeudesen-
chères. Uii pris rniiiimuiii bas peut mêmeêtreintéressant, car il est sus-
ceptible d'attirer un pliis grand nombre d'amateurs.
Le pris n'est pas rnonté,car 11ne s'est pas présenté d'enchérisseurs,à
l'exception de I'ecsn. Mais qui était responsable de cette situation si ce

n'est la Barccloria Traction elle-même,qui avait lancé tolite une cam-
pagii. descaiidalcs etde menaces à l'endroit des enchérisseiirsévciituels;
ses clirigeants sont niêineallésjusqu'à intervenir en Espagne aiipri-s du
conseil sul~érieurbancaire pour lui demarider d'interdire la veiitc aux
enclièrcs.
Ic mc uermets d'attirer resuect~ieusemciit l'attention dc !rCour sur un
lac que 6 d~is<~iialificrde scandaleux. 1.e21 décembre1q51,les membres
dii coiiseil d'adiiiinistration de la Sidro ont donnéà des avoiiésiine procu-
ration s >éci.ilepour isommer les personnes qui assistcraiciit aiix &tes
ailx enchère's.ou dont on suppose qu'elles pourraient y assister, de s'abs-
tenir d'y prendre part sous peine de faire l'objet de toutes actions et
poursuites jugées pertinentes» (nouv. doc. 1&, vol. 11.P. 2j).
La qucstioii est très claire, Ilorisieur le Président et Alessieiirsles juges.
Pour empècher qiie des enchérisseurs ne prennent part à la \-ente, pour
éviter que le vil pris ne soit dépassé,les dirigeants de laHarcelons 'ïrac-

tioii ont eii recoiirs aux procédésles pliis condamnables et n'ont pas
hésité h produire lin acte authentique qui constituait un acte préparatoire
d'un incoiitestal>le delit de contrainte.
La vente aux eiichères eut normalement lieu le 4 janvier 1952. 1.e seul
enchérisseiir fiit la Fecsa, société fondée quelques jours pl!is tUt. avec la
participation de divers oliligataires de la Barcelona Tractio?, et qui in-
diquait dans ses statuts le but pour lequel elle avait étéconstituée.
Pour Me \'an IZvn. ce fait. dans leauel il ne voit uiie I'ornbre obsédante

distiiigiicr entre sincéritéet cynisme. Je regrette également qu'il ait
oubli&.dans sa plaidoirie devant la Cour, un fait qui mérite d'êtrerap-
pelC. L'acte de constitution de Fecsa a étésignépar les prfisidents des
conseils d'adniinistration du Banco Central, du Banco de Santander, du
Banco Pastor et <lu llaiico March, ainsi que par un administrateur du
Banco de Valencia et un du Banco de Aragon. Iloiic par des personnalités
représent;itives de très importantes institutions bancaires qui, depuis
lors et jusqu'à maintenant, ont été constamment mernùres du conseil

d'adniinistration de la Fecsa. Peut-ondonc affirmer, avec iiiminimiim de
sérieux. oue ces messieurs ont étédeshommes <lepaille de M. Alarcli et
qu'ils le <ont toiijoiirs, sept ans après sa mort?
Je comprends que la doiible option donnée à la Barcelona Traction puis
à la Sidro pour récupérer ses,biens après la vente sans autre effort que
celui de payer le mêmevil prix que l'adjudicataire et pis un centime de
pliis soit quelque peii embarrassante pour le Goiivernement belge.
Elle aiirait pii etre subrogée aux droits et obligations de I'adjudica-
taire, en vertu d'iine stipulation expresse du cahier des charges. Elle
aiirait pu les acquérir plus tard en répondant à I'ofiretélégraphiqueque la
Fecsa fit à InSidro (A.C.M.,vol. VIII, p. 370).64 BARCELONA TRACTION
La Sidro a refusé et ce refus réduit à néant toute l'argumentation
tendant à justifier la demande d'indemnité par l'opposition entre la
valeur prétendument énorme des biens rnis aux enchères et le montant

infime du prix d'adjudication.
Si le patrimoine vendu était si énorme, si l'affaire que l'adjudicataire
allait faire était si bonne. pourquoi le groupe de la Barceloiia Traction,
qui comptait en Espagne et hors d'Espagne des éléments aussi puis-
santsqueceuxquiétaientprêtsàrendrepossiblelefameuxplaii d'arrange-
ment, n'a-t-il pas fourni les fonds permettant de payer le vil prix et
d'éviter ainsi que les biens vendus lie passent définitivement aux mains
de la sociétéadjudicataire?
Est-il admissible que le Gouvernement belge parle constamment de
spoliation,alors que le groupe qu'il protège a eu la possibilitéde ne pas se
défaire de ses biens?

Lefait est inexplicable. Ou, pour mieux dire, l'explication estévidente.
Payer le \,il prix c'était payer les créariciers,payer les intérétsdes obli-
gations, rembourser leur capital.
Or. payer ses dettes. cette chose si simple pour celui qui veut tenir ses
engagements. la Barceloiia Traction n'a pas voulu la faire. Elle n'a pas
voulu payer. Ni avant la faillite, ni pendaiit la faillite, ni après la faillite.
1.c fil d'Ariane, dont je parlais au début, nous conduit à 1;iconclusion
logique annoncée dans la très simple présentation du problème.
il estune autre conclusioii tout aussi logique: AI.Alarch ne voulait pas
svolier la B:ircelona Traction. mais toucher ce Quecelle-ci lui devait.
S'il avait voulu s'al>propri& l'affaire, il n'y &rait pas eu d'option per-

mettant à la Sidrod'acquérir les hieiis au mémeprix que I'adiudicataire.
Aucune argiimentatibn. si habile soit-elle, ne piut maiquer cette
évideiicc.
La BarceIona Traction n'a pas fait usage de l'option parce qu'elle avait
un vroiet oui ~oiivait se révélerrentable et auauel elle soneeait uevuis
xg4;: iaissér l'adjudicataire de la vente aux eichères payer toute: les
dettesdu Eroupe, inventer un dbni de iustice,puis tenter d'obtenir, sur le
plan international,une indemnité les pr&tendus actionnaires belges.
Xon pas pour la modeste épargne belge, que nous n'avons pas réussi à
décoii\.rir dans cette aiiaire, mais pour les actionnaires inconnus qui, à

l'abri d'une oraanisation o\'rainidale concue à des fins illicites. avaient
spéciilé siIr l'achat d'actioAs'aiix dépensdésobligataires et dii-igépendant
de longues années l'activité frauduleuse de I'eiitreprise dont ils avaient
rendu Ta faillite inévitable
I.cs~lirigc:inisdc. la li3ri~li>il:t'1'r:li:f,nariircllemc~it, Irjcoiiscilleii
11 n1rr11c11i11 g ii'C.laicni inlcrt:ss~0111.]i:#i1'0l~lrlilloi1ii'ilnc
iiid~miiit2 I'niir s'cil convniiicrc il sifit <i'nl>~crv< .;,.;iibril~t'\.uliitioii
des <:i:rit,ciiiGoii\.crriciii<:iithclgc qiti ont inip~wptiblen~eiit passecI'iiri<.
ticniaii(i,. ~)riiicil~ri'e r~sl?lal>II zi?lrprtr»!illiitr;i:l:iiii:itioii ~l'iii<lt.m-
nitéen espèces.- -
Ilans le mémoiredu Gouvernement helge, la demande principale était

la restitrilio iri integrrim. Mais ses auteurs ont vite compris qu'une telle
prétention présentait deux grandes faiblesses. Ellc impliquait tout
d'abord uiie demande de restauration intégrale d'un mécaiiisme conFu
pour frauder la loi. Or. cela était vrainient trop demander à la Cour. Elle
impliquait, d'autre part, la remise sur pied d'une Harcelona Traction
kcraséesous le poids des dettes impayéesqui l'avaient menée i la faillite.
II ét:iit, dès lors. indispensable de changer d'orientation pour des PLAIDOIRIE DE M. CIL-ROBLES 65
raisons évidentes d'opportunité. Et c'est pourquoi l'on a vu le Gouverne-

ment belge donner de plus en plus d'importance à l'indemnité. jusqu'à ce
que, dans la réplique, la restitr~tioin inlegrum disparaisse sans laisser de
trace.
L'indemnité augmente dans une mesure et en raison de ,postes qui
défient toute qualification. Compensation globale calculée sur des bases
totalement dénuéesde fondement; frais concefnant des procédures pour
la plupart absurdes, inutiles et méme préjudiciables, auxquelles I'Etat
espagnol n'a presque jamais été,ni directement ni.indirectement, partie.
Le Gouvernement belge est méme allé jusqu'à réclamer la contre-valeur
d'obligations que la Sidro et la Sofina n'ont pas voulu présenter au rem-
boursement à la sociétéadjudicataire. oubliant ainsi que les autres obliga-

~ ~ ~s.,Na~ ~n~~ ~rust v comur.s7on. urésentéleurs oblieations-au rem- -~~~
boursement et que la ~Lcsa n'a jamais'relusé de payer, mêmeaprés I'ex-
~iration du délaifixédans le cahier des charces de la vente aux enchères.
Je ne procéderai pas à l'examen des montants. Le Gouvernement
espagnol a déjà présenté une expertise qui montre l'absence de fonde-
ment des réclamations belges.
Je répèteque je ne veux pas discuter de chiKres. Pour moi, le probléme
est extrèmement simple. L'Espagne ne doit pas payer. Parce que ses
autorités n'ont commis aucune irréeulanté susce~tibled'eneaeersa res-
pons;ibilitC in~~~rii.itioii:ili:t pnrci."qii ilest iii:idrr~ijjii~qii'un groupe
tiriniicicr(IIIIioiii 1:'dir~rnoii dc In L{:irci:lnii:iTraction. a lrniidiilcujc-
(iieiic It?s&I,.:;<ihlig;<t..i-tIc.'l'réroreip;tjirtolvt qui oretr.nd. z:iriiI'érx.

hlir. rrl~ri)s?iir~.rIi:[i:irxlitlx?. r;cl:tini! inninrcnnnt ioiiiiiit: ri.coml)cnse
uiic iii~lciiiiiitC:<iixdipviis dcs Eipngiiol;
I);iriI I I ~ I 11''IZolin :Ifr;iiriI:<~iii.stioiidcj niciii:itiuns Oclecr.
contre des'juges et des magistrats espagnols et il n'a pas hésitéà $6-
tendre que le Gouvernement espagnol se trompait lorsqu'il pensait que
les criticlues formuléescontre certaines décisionsde ses tribunaux atten-

veler ses attaques contre la justice espagnole au cours des plaidoiries, y
compris celle de Me Rolin. Me Grégoire.avec la combativité qui le carac-
térise, a résumé cesaccusations en une phrase que je désire citer: iiLa

victime - c'est-à-dire la Barcelona Traction - avait étéjudiciairement
bâillonnée tandis que, par la méme voie judiciaire, de nouvelles armes
avaient étéfournies à ses agresseurs. i,(VIII, p. 307.)
II est vain. Monsieur le Président et Messieurs les iuaes. de rét tendre
maintenant atténuer la gravité de cette accusation énaffirmait qu'elle
concerne les fonctionnaires iudiciaires qui sont intervenus dans la lail-
lite et non Das toute la mae;istrature es~arnole. Nous ne devons Das to-
lérer, hless&urs les juges, q;e I'hypocris'ieS'ajoute à l'insulte. A I'epoque
à laquelle Me Grécoirefaisait allusion, la faillite de la Barcelona Traction
avait déià lait I'ibiet de décisionsde lu sieurs iuees. de lu sieurscours
d'appel kt mEme déla cour de cassation. , -

Affirmer qu'au sein d'un corps char& de la missi011sacréed'administrer
la justice on commet, on tolère sans Iës sanctionner des faits aussi graves
que le biillonnement judiciaire d'un plaideur et la lourn!ture des armes
nécessaires à la poursuite de l'agression de ses adversaires. c'est jeter
l'ignominie sur l'ensemble de ce corps.
II ne s'agit plus, Monsieur le Président et Ilessieurs les juges, d'attri-
buer à un juge ou à un tribunal une erreur. toujours possible chez toutfi6 BARCELONA TRACTION

êtrehumain. Non. Ce que l'on attribue aux juges c'est l'intention déli-
béréede violer les principes les plusélémentairesde l'équité,1;~ volontéde
commettredesactesgravement dolosifs et de servir non pas les principes
de la justice, mais les intérêtsinavouables d'un spoliateur.
Nous n'avons pas non plus affaire à une phrase isolée,Iâchee par inad-
vertance dans le feu de l'improvisation - cela seraitd'ailleurs impensable
de lapart de quelqu'un qui. comme Me Grégoire,démontre au cours de ses
interventions une maîtrise enviable de la langue. Il s'agit, bien au con-
traire, d'une phrase prononcée de propos délibéré,qui illustre l'attitude

polémiquedu Gouvernement belge et symbolise une agressivité dont tous
les conseils ont fait preuve dans toute la procédure écriteet dans toutes
les plaidoiries. J'ai ainsi pu relever, dans les plaidoiries belges, deus
cent quarante-deus expressions offensantes ou méprisantes envers la
justice espagnole.
En distillant u~utte à .,utte leursaccusationsoiïensantes dans l'oreille
dc.5auditéurï Ics coniéili;hclgc~préténdciitl;iirï ;irlinctirc iiiic tliè,éqiii
serait iniotiteirahle dc\,;lnt ii'iniporte quel tri11iinétà pliii lurtc raison
devant la Cour: ils veulent faire croire 5 un dcrii de jtisiice s!.stCniatique
coniniis p:ir dcs juges cornpl;iis:ints CI 1):trtiaus et :irnencr ainsi \,<>tre
Cour 3 rendre iin nrret qui coristitiiïrait. :lus )eus dii inuiiclc. la ïon~laiii-
nation dé Ia<l~iiiiiijtr<îtiunde la jiisticç tl'iin pavi.
L'aceiit di, (;uiiverriemcnt çjpajinol a protesté cri termes dixnt:s çt
catée6rioues. le me ioins sans résërve a cette rotes station. -
-. "
\lais je \lo~draij ajouter quelque chosc
.\IItolin ;linit:illusiun. au dc'l)iitdc sa preiniére~il;iiilo<inici dccla-
rations à un journaliste à qui l'avais indiqué quema participation dans
cette affaire était le sommet de ma carrière.
C'est exact. C'est le sommet de ma carriere professionnelle, parce que
j'ai l'honneur de plaider devant votre Cour et parce que je peux procla-
mer, devant la plus haute juridiction du monde, l'indépendance, l'inté-
grité. la dignité de l'administration de la justice espagnole. Cela signifie
oour moi olaider oourla dienitéet I'indéoendancede ma oatrie.
Je ne s;is venu'défendre<cini une ni un régime.ni un gouver-
nement. Fidèle à une position politique. que i'ai maintenue sans défail-
lance tout au long de-trente-tiois années.dedouleurs et d'&preuves. je
viens ici tout simplement pour défendre l'Espagne. Je ne pourrais ima-
giner un rneilleur ternie pour une vie consacréeau service du droit!
C'est sans oeine aue ie ~ourrai défendre la iustice de mon oavs.car le
. .
Gouvernement belg&mi fournit Iiii-mêmedes armes trèsefficaces.
Tout d'abord, parce qu'il a présentéson accusation d'une manière qui
le conduit nécessairement à dei conclusions absurdes
La faillite de la Rarcelona Traction a étésoumise à l'examen de divers
représentants du ministère public a tous ses écheloiis,d'une douzaine de
iuies ordinaires et soéciau< de deux cours d'ar>oelet d'une chambre de
Caisation du ~ribunil supréme. Comme les membres de ces tribunaux se
sont renouvelés au cours des nombreuses années pendant lesquelles la
procédure a duréen Espagne, cela représente au toial plusd'une-centaine
de fonctionnaires judiciaires. dont plusieurs étaient parvenus au sommet
de leurcarrière et au terme d'une vie honorable consacréeau service de la
justice. Peut-on sérieusement prétendre que tous ces magistrats se sont
faits les complices d'intérêtsbâtards, dans l'oubli de leursdevoirs sacrés
et au méprisdes lois qu'ils avaient la mission d'appliquer?
Triste idéede la justice que celle de nos adversaires! PLAIDOIRIE DE M. CIL-ROBLES 67

Me Rolin a voulu couronner sa dernière ~Iaidoirie Dar des citatio~ ~i~~~-~ ~ ~
jurieuses pour la justice espagnole qu'il a extraitesades écritsprésentés
par les avocats de la BarcelonaTraction dans lesdiverses procéduresins-
truites en Espagne.
Je le regrette sincèrement et pour Me Rolin et pour la cause qu'il
défend.
Les allégations injurieuses et sans mesure ne renforcent pas une thèse.
Elles l'affaiblissent. Le bori droit d'une partie est presque toujours fonc-
tion inverse de la violence du langagequ'elle emploie pour sadéfense.
Je ne'suivrai pas Me Rolin sur la voie douteuse où il s'est aventuré en

récitant avec complaisanceune véritable anthologie de dépits.
Je préfèreterminer ma plaidoirie en remerciant sinc6rement la Cour
poÜria patience avec laquille elle m'a écoutéet en traitant la Barcelona
Traction mieux qu'elle ne le mérite.
J'espère, Ilonsieur le Président, vous avoir convaincu que la déclara-
tion de faillite de la BarceIona Traction n'a pas étéle point de départ
d'une manŒuvre de spoliation, mais bien l'aboutissement inévitable
d'une course insensée wrs l'abîme
1.2 il arc el o^'ractiot~n'a 1x4set6 13\.ictimt (l'etinçmij iiii:igiiiaires.
La Rnrccloii3 Tractioii a succoiiil~Ci.,:raséesous lepoi<ls(Icses propres
fautes.

L'audience.suspendue ù Ir h 20, est repriseù rr h 40 PLAIDOIRIE DE M. GUGGENHEIM

CONSEIL DU GOUVERNEMENT ESPAGNOL

M. GUGGENHEIM: Le Gouvernement belge a prétendu, tout au long
de l'affaire qui nous occupe, que les autorités judiciaires et administra-
tives espagnoles auraient commis desactes illicites au regard du droit des
gens, actes qui entraineraient la responsabilité internationale'de l'Es-
pagne à l'égardde la Belgique.
Le Gouvernement belge estime qu'il y a lieu de distinguer entre un
certain nombre de catégoriesd'actes illicites imputablesà 1'Etat espagnol.
Celles-ci sont en partie formuléesaux pages 307 à309 de la réplique, V, et
elles ont étérépétées.avec certaines variantes, dans la plaidoirie du
professeur Rolin du mardi 15avril (VIII, p.11-34).Ainsi les griefs belges
visent à la fois des cas d'usurpation de compétence, des dénisde justice
et des abus de droit. Toutefois, étant donne que, comme le Gouverne-
ment espagnol a eu l'occasion de l'indiquer au cours de la procédure

écrite, les griefs que leGouvernement belge fait rentrer sous le titre de
dénis de justice relèvent de deux catégories bien distinctes, il convient
deconstater qu'on se trouve à l'heure actuelle devant quatre catégories
de griefs.
La première catégorie d'accusations belges qui doit êtreprise en con-
sidération est celle qui se réfèreà certains actes des autorités espagnoles
qui auraient violé les règlesde droit international relativesà la compé-
tence juridictionnelle des tribunaux nationaux. Il s'agirait en l'espèce
d'une prétendue usurpation de compétence de la part des tribunaux
espagnols. Cette accusation revêt un double aspect. En premier lieu, la
Partie adverse estime que l'Espagne est responsable d'une telle usur-
pation de compétence du fait que ses tribunaux se sont déclaréscompé-
tents pour prononcer la faillite de la sociétécanadienne Barcelona
Traction. En deuxième lieu, il y aurait eu de la part desi tribunaux
espagnols une prétendue extension des effets de la déclaration de faillite

de Barceloua Traction au territoire canadien.
La deuxième catégorie d'accusations belges vise certains actes judi-
ciaires espagnols qui auraient violé les règles prescrivant aux Etats
d'ouvrir aux étrangers l'accèsaux tribunaux et de ne pas les soumettre à
des délaisabsolument injustifiés (R., V, no 446, p. 307).
Ce grief a &téappelé par la Belgique .déni de justice ..formel>>et
M. Rolin, dans sa plaidoirie du mercredi 16 avril (VIII, p.44). a indiqué
qu'il consisterait dans un refus d'audience ainsi qu'en des retards in-
justifiés dans la procédure.
La troisième catégorie de griefs belges sanctionne des erreurs mani-
festes dans l'interprétation du droit national ou des illégalitésgrossières
(appeléespar le Gouvernement belge cidénide justice substaritiel>,).
Indépendamiiient de ces trois catégories, il enexisterait une quatrième,
celle qui se réfère l'abus dedroit.
Monsieur le Président, avant de démontrer l'inexistence de la respon-
sabilité internationale de l'Espagne pour avoir commis des actes soi-

disant illicites qui lui sont reprochés par la Belgique, il est nécessaire
d'éclaircir quelques problèmes d'un caractère plus généralqiii se posent PLAIDOIRIE DE M. GUGGENHEIM 69

dans ce roces et qui se rapportent à la totalité des griefs belges. En
effet, le8 ouvernement belge, convaincu de la difficulté d'articuler ses
griefs sur la base rigoureuse du droit international en vigueur, a dîi
recourir. en vue de dissimuler le manque de consistance de sademande, à
certains procédésqui ont obscurci les problèmes d'un litige déjà en lui-
mêmevaste et compliqué.
A ce sujet. les précisions suivantes s'imposent: déjà au stade de la
procédureécrite, c'est-à-dire au sein du mémoire et de la réplique, le

Gouvernement belee a orésentél'affaire à la Cour comme si n'imnorte
quelléerreur des jiges êspagnolspouvait êtreprise en considératio; par
le iu~e international et comme si, par conséquent, votre Cour devait
traÏnc'ier et se orononcer sur de simoles auestions de droit esoaenol
prétendument c'ontroversées. Ainsi. comme' on l'a déjà dit à maintes
reprises. le Gouvernement belge telid à transformer la Cour de La Have
en un orgaiie judiciaire d'appel ou de cassation pouvant fonder le dis-
positif de son arrêtsur les infractions de droit interne comme tel.
La Cour appréciera elle-inémele contenu et l'étendue de ses fonctions,
mais vous, hloiisieur le t'résident et hlessieurs lesjuges, serez les premiers
à admettre que les fonctions de juge d'appel ou de juge de cassation ne
sont oas celles de votre Cour, oui se substituerait ainsi aux tribunaux
nationaux. Cette remarque est ;mportante. De l'avis du Gouveriiement
espagnol, la Cour doit donc nettement distiiiguer entre les griefs belges
qui se rapportent à une violation du droit interne espagnol et ceux quise
rapportent au droit international. En effet, votre haute juridiction n'agit
pas comme un organe de droit interne appliquant en l'espèce le droit
national espagnol. Cette maiiièrc de voir était également adoptée en prin-
cipe par nos honorables contradicteurs, entre autres, explicitement par
;II.Lauterpacht, dans l'audience du 8 mai 1969(VIII, p.461). Si le juge
international est aiuené à prendre en considération le droit interne. c'est
de manière incidente, ~'est'sim~lement en vue d'examiner si l'application

et l'interprétntion adoptées par le j.~e-interne comportent ou non iine
violatioii~dii droit inteÏnationa1.
Le Gou~~ernement belge n'a guere tenu compte de la fonction de la
Cour. C'est ainsi que. pour citer un exemple, la Partie adverse,en exami-
nant l'ordonnance du juge de la faillite qui a déclarérecevable la requéte
des créanciers, l'a estiméeentachGe dSilléga!ité au regard de la Iégislatioii
espagnole relative aux conditions admiiiistratives d'acquisition des
obligations (M., 1, no83, p. 44).Cette prétendue illégalité netrouverait
donc nulleinent son fondement dans une violation du droit desgens, mais
dans une violation du droit espagnol. Or, il est clair que, manquant de
l'élément de gravité, si cette illégalitéavait existéelle serait, danslecadre
du droit esp:ignol, un cas <-liiial-jugéqui ne saurait entraîner la respon-
sabilitéinternationale de l'Espagne. La confusion entre griefs relatifs au
droit interne et criefs rel;itifs ao droit internationalcrééepar la Partie
adverse est niig<entce du fait que,dans d'autres passagesdes écritures
belges, le Gouvernement bel~e -econnaît

cou'il n'a iamais entendu défendre la thèse ...suivant laqiielle il
es'isterait ;ne .obligation internationale qui impose à 1'Etat de
garantir que les étrangers ne soient pas victimes de décisionssimple-
merit erroiiées..n -
Et il ajoute:
ull va de soi que n'importe quelle erreur de fait ou de droit, com- BARCELONA TRACTION

mise à l'égardd'un étranger par les tribunaux d'un Etat, n'engage
pas la responsabilité de celui-ci et qu'il n'entre pas dans la compé-
tence normale du juge international de contrôler le« bien-jugé »des
tribunaux nationaux. > ,R., V, p. 313, no461.)
Le fait est qu'en procédant de cette manière le Gouvernement belge a
porté tort à la clarté et à l'économiede la procédure, car il aboutit à de
lones ex~osésde controverse de doctrine et de iurisorudence de droit
-~ ~ , . ~ ~ ~
interne espagnol.
Le Gouvernement belge n'a pas seulement,en agissant ainsi, attribué à
votre Cour la fonction d'un tribunal d'appel et d'une cour de cassation,
il a aussi fait valoir devant votre haute juridiction certains nouveaux
.,iefs aui n'avaient Das étésoulevéset caractérisésd'actes illicites dans
le cadÎe de la procé&xe du droit interne espagnol. La Cour pourra fa-
cilement le constater eu se rapportant à la liste qui a étédressée aux
pages 778 et779 de la duplique (VII,sous le no748) et qui n'est: d'ailleurs
pas exhaustive. Aucun de ces griefs n'a étéformulédevant les tribunaux
internes. Dans le cadre de cette plaidoirie, le Gouvernement espagnol
désireen extrairedeux exemples: la réplique parle d'excès de pouvoir et
de violation de la loi lorsque le juge de la faillite a autorisé les créanciers
prouver par témoins les rapports qui existaient entre Barcelona Traction
et ses filialesR., V, no 479). Cette prétendue irrégularité n'a jamais été
invoquée dans le cadre des procédures internes. De même,on n'a pas
alléguédevant les tribunaux espagnols une violation de la loi. dufait que
la preuve testimoniale ait été pratiquée sans citation du tiers intéresséet
sans que le greffier ait déclaré connaître les témoins ou ait exigéla pré-
sence de témoins connus (ibid.).
Or. la ~ossibiiité de soulever de nouveaux griefs reorésente une

faire justiced'une accusadon d'acte illicite avant qu'elle nt: soit portée
devant l'ordre juridique international. Toutefois, si le gouvernement
demandeur appuie certains de ses griefs sur des:arguments qui n'ont
pas étésoulevés par les particuliers protégésdevant les tribunaux de

1'Etat défendeur, ceux-ci - les tribunaux - n'ont pas pu les examiner
et donc empêcheréventuellement par leur décisionde porter le grief sur le
plan international. Cette manière de voir a étéexprimée de façon perti-
nente par l'arbitre suédoisBagge dansla bien connue affaire des Naliires
finlandais (voir D., VII, no 743, p.775).
Le Gouvernement espagnol en a amplement parlé dans la duplique.
La phrase la plus importante et la plus pertinente decette décisionparaît
êtrela suivante:
,<&lais...tous les arguments pertinents inv0qui.s par Ic Gouver-
nenient demaiideur dans la procédiire internationale ...qu'ils soient
erronés ou rion ...doivent.-selon l'ovinion exnrimée vai l'Arbitre.
avoir étésoumis aux tribunaux interhes pour iatisfaik à la règle de
l'épuisement des recours internes avant que 1'Etat défendeur puisse
êtrecontraint de poursuivre plus avant laprocédure internationale. ii
(Ibid.,p. 776.)

Dans son ouvragesur la Convention européenne desdroitS.de l'homme
(Paris, 1964), M. Karel Vasak rappelle que la Commission européenne
des droits de l'homme a établi qii'il était nécessaire que tous les griefs
soulevéspar le requérant aient été portés devant les tribunaux internes PLAIDOIRIE DE M. GUGGENHEIM 7'

avant d'êtreportésdevant la Commission; et ceci est le cas non seulement
pour les recours devant les tribunaux ordinaires, mais aussi pour tout le
systtme de recours légaux (legnl vernedies) disponibles dans l'Etat en
questioii (p. 118 et suiv.). Tous les recours accessibles au requérant doi-
vent donc être épuisés.Les quelques observations de mon honorable
contradicteur, le professeur Rolin, dans la séancedu mardi 13 mai (VIII,
p. 570) n'arrivent pas à contester que le système de l'épuisement des
recours légaux est aujourd'hui - surtout à la suite de la décisionAm-
batielos- plus perfectionné que dans un passéplus ou moins récent, et
M. Rolin doit lui-mêmeadmettre que. «dans l'application de la regle [de

l'énuisement du recours internel. >. Commission s'est montrée rel~~-ve- ~ -
ment exigeanten. Cette exigence correspond, contrairement à ce que
pense M. Rolin, au droit international eé-éralauquel la Convention de
Strasbourg renvoie explicitement.
Mais les sources d'équivoque et de confusion provoquées par la Partie
adverse ne s'arrêtent pas là.
Le Gouvernement espagnol a montré, au cours de la procédure écrite,
qu'une des conditions nécessaires pour que le contenu d'une decision
judiciaire contraire au droit interne puisse engager la responsabilité inter-
nationale est l'existence de l'élément subjectif dela mauvaise foi et de
l'intention discriminatoire du juge. Le Gouvernement belge a contestéen

ligne de principe la nécessitéde cet élémentsubjectif (voir R., V, no'461
et 471, et plaidoirie de NI.Rolin du mercredi 16 avril, VIII, p.45-49). Ceci
ne l'a pas enipêchéde prétendre prouver l'existence de cet élémentsub-
jectif dans ce qu'il appelle <ilesindices de partialité des autorités judi-
ciaires» (R., V, no787et suiv., p. 579 et suiv.). De mèmc, l'élémentsub-
jectif est de nouveau avancé dans le contexte du grief global lorsque le
Gouvernement belge soutient que les autorités administratives et judi-
ciaires espagnoles ont prêtéleur concours actif au plan conçu par le
groupe hlarch en vue de spolier à son profit les actionnaires de Barcelona
Traction (ibid., p. 583 et suiv.. et VIII, p. 49-54). En revanche, dans le
cadre de l'exception de non-épuisement des recours internes, le Gouver-

nement belge affirme qu'il
cin'a jamais soutenu et ne soutient pas, parce que, pas plus que la
Barcelona Traction, il n'en a la preuve, que le jugement déclaratif de
faillite ait étéobtenu grâce à une ~manauvre dolosive ou fraudu-
leuse ii:

qu'il
«n'a jamais prétendu [c'est-à-dire le Gouvernement belge] non plus,
parce que, pas plus que la Barcelona Traction, il n'en avait la preuve,

qu'il y ait eu subornation, corruption ou concert frauduleux auquel
le juge de Kens aurait étémêlé »
et
.qu'il n'impute à aucun magistrat espagnol une intention fraudu-
leuse ou malhonnéte,) (R., V, n" 854, p. 618).

N'y a-t-il pas une nouvelle contradiction dans l'exposébelge? D'une
part, le Gouvernement belge fait abstraction, pour la définition de ce
qu'il appelle déni de justice substantiel, de l'élémentsubjectif. D'autre
part, les accusations du Gouvernement belge se confondent souvent avec
celles de maneuvres dolosives et frauduleuses, donc avec l'élément sub-
jectif. Les hé;itations et Ics sinuositésdu Gouvernement belge, en ce qui72 BARCELOSA TRACTION
se rapporte àl'élémentsubjectif de mauvaise foi,placent le Goiivernement
espagnol dans une situation qui a pour conséquence qu'il ne sait pas
exactement quelles sont les accusations dont il doit se défendre et qui

l'oblige à assurer cette défensesur plusieurs terrains (voir aussi D., VII,
P. 9'9).
La clarté et l'économie de la procédure internationale ont étéenfin
gravement atteintes par le fait que le Gouvernement belge ii'a pas tou-
jours présenté ses griefs en fonction d'une répartition élaboréesur la
base de quatre caté~oriesd'accusation. C'est un fait uu'il a étendu le déni
(le ]iiiticnii sciis l~hl,reJiirerinc oii furiiieciiy cngiobaiit dvs ~rit:f qui
ont Iq.urplxï JRI~Sune aurrc cafligoric. c'ejr-i-dire cliiiila cat(ifior~e(le lii
r101i11~1 II r : II r i 1 1 I i t i C'est :<irisi<itic 1c.s
@iéfsconcernant d'une manière généralela suspension de la procédure
résultant du déclinatoire de Garcia del Cid et surtout Boter, ainsi que
ceux relatifs aux décisions déclarant les recours des filiales irrecevables
ou y faisant définitivement obstacle. ont étéprésentéspar la Belgique

comme constitutifs d'un refus d'audience, c'est-à-dire coinnie l'une des
manifestations du déni de justice au sens propre du terme (voir K., V,
no 612 et suiv., p. 461 et suiv., et plaidoirie de hl. liolin des zS et 29 avril,
VIII, p. 267-324). 1-esdits griefs, la suspension de la procédiire et I'irre-
cevabilitédes recours des filiales ne concernent cependant pasdesdénis de
justice au sens formel, mais ils se rapportent au contenu des décisions
pour lesqueltes la responsabilité n'existe que si les trois conditions indi-
quéessont réunies: violation grossièreet inexcusable du droit, absence de
bonne foi, décisionde derniCre instance.
Ayant ainsi terminé ces considérations générales,le Gouvernement
espagnol va maintenant examiner les critères de droit applicables à
chacune des quatre catégories de griefs qui ont étéiiidiqu&s, à savoir:
l'usurpation de compétence, le dénide justice au sens propre du terme,

la responsabilité en raison du contenu des décisionset, enfin, l'abus de
droit.
Quelqiies considérations sur le grief global qui. de l'avis mêmede la
Partie adverse, ne saurait ètre considérécomme une catégorie de griefs
clUtureront cet exposé.
&Ionsieur le Président, hlessieurs de la Cour. dans le cadre de I'usur-
pation de compétence du point de vue du droit international, le Gouver-
nement espagnol a étéaccusé par la Belgique de deux sortes d'actes
illicites.
En premier lieu, d'après la Partie adverse, la déclaration de faillite
aurait violé des prktendocs règles de droit international relatives à la
compétence juridictionnelle des tribunaux nationaux.
En deuxième lieu. le Gouvernement belge orétend que les tribunaux
i..<l>nfinolc jcr;iiciit rciiiliis çoiipahl<.id'nvoir étendu ie; cff~t(Iiijiige-

iiit:rtt de kiillitc cri ,lctio(181tt:rrirnirr. csp:~gnul 1.cgrief ?riihlc irrc
<I@lin(il'iine riianiéretout:I fdii-r6nir;ilc cuinineiiiiivioli~rioiiltiiwinciue
dedroit internationalqui
cinterdit aux Etats de poursuivre en territoire ktranger l'exécution
de leurs décisions administratives ou de leurs jugements» (R., V,

no 454. P. 3").
La Partie adverse niaintient explicitement les deux catégories d'usur-
pation de compétencedans la procédure orale (voirl'exposéde M. Rolin:
VIII, p. 26 et suiv., et l'exposé de M. Mann: VIII, p. 419 et suiv.). PLAIDOIRIE DE M. GUGGENHEIM 73
II importe tout d'abord de revenir au premier de ces griefs, c'est-à-dire
à celui d'une prétendue usurpation de compétence des tribunaux espa-
gnols pour avoir déclaréen faillite la Barcelona Traction. D'après le
Gouvernement belge,

u pour qu'un Etat puisse soiimettrc ...au pouvoir jiiridictioriiiel de
ses tribunaux un fait juridique donnb ...il doit exister entre cet
Etat et le fait en questioii un lien sérieux de rattachement»
P., V, no 450, P. 309).

Cette affirmation a étéconfirméepar M. Rolin (VIII, p.27). Toutefois,
M. Mann semble êtreplus restrictif puisque dans sa plaidoirie (VIII,
p. 427) il a insisté sur le fait que deux seuls critères de rattachemejus-
tifieront la compétence des tribunaux espagnols pour déclarer en faillite
une sociétéétrangère, àsavoir l'existence d'une succursale ou des biens à
saisir. C'est bien revenià la position qui avait déjà étésoutenue dans le
menioire (1.p. 165, no 333).
II est vrai que M. Mann semble justifier son point de vue en affirmant
que le lien de rattachement doit êtreplus étroit en matière de faillite que

dans le cadre de la iuridiction ~énaleet civile ordinaire (VIII.D.4151. Il
importe de souligne; quecette iffirmation de notre éminent co'nira;licieur
n'a euère été~rouvée; les conventions qu'il a mentionnées à l'appui
de si thèse nè se rapportent pas aux règles de droit interiiationalien
matière de faillite. Elles excluent mêmeexplicitement cette matière du
domaine d'application desdites conventions.,A cepropos M. Mann men-
tionne de récentes conventions sur la juridiction internationale et sur
la reconnaissance des jugements en matitre civile (ibzd.). Nous n'exa-
minerons à ce sujet, pour gagner du temps, que la convention de La
Have du 26 avril 1a66 sur la reconnaissance et l'exécution des iuee- , u
me& étrangers. '
II est vrai, sans doute, que l'article premier de la convention de La
Have de 1066 exclut la faillite de son domaine d'a~~lication. Mais cette
exdusion Le saurait en rien appuyer la thèse duL6ouvernement belge

d'après laquelle les liens de rattachement en matière de faillite devraient
êtreplus étroits que dans le cadre de la juridiction civile. En effet, la
conveiition exclut également, à côtéde la faillite, bien d'autres matières
de nature civile comme, par exemple, la matière successorale, celle re-
lative aux obligations alimentaires, l'existence ou la constitution des
personnes morales, etc.
En tout état de cause, la convention ne serait pas opposable au Gou-
vernement espagnol, car, en dépit de i'afirmation de M. Mann que
l'Espagne serait devenue partie à la convention (VIII, p. 418). elle ne l'a
pas ratifiée.
En répondant à cette accusation d'usurpation de compétence, le Gou-
vernement espagnol se placera, comme l'a d'ailleurs indiqué M. Mann

(VIII, p. 414) sur le seul terrain des principes du droit international
applicables en la matière. Il appartiendra à mon: éminent collègue,
sir Humphrey \Valdock, de réfuter les griefs relatifs. à cette accusation
sur le ~lan des faits et aux Drétendues violations du droit interne
espagni>l.
Le Gouvernement espagnol n'aura pas de difficulté à prouver que la
prétendue usurpation de compétence, en raison de la mise en failliteen
Es~Aeue de la Barcelona Traction. n'existe uas. Dans ce but. le Gouver-
nement espagnol va démontrer:74 BARCELONA TRACTION
al I)u'aiii:iin<:réglede droit intrrnntionnl ne (léfendnit aux tribiin:iiis
esplgnolj de déclarer la fîillite de 13arcclunn'1'r:iction. ir:iiitl8,iiri; cltic

I'exijteiicr d'unç tellert?gléii'est pn, cun.:Icrc<-c-niIr(ii(ILS Kma.
b) Que, si on affirme au contraire, et à tort, quc le droit international
exigeait la présence d'un lien réelet sérieux entre I'Etat espagnol et la
Rarcelona Traction pour déclarer la faillite de cette dernière, ce lien
existait. En effet, cette exigence de rattachement se trouvait abondam-
ment satisfaite dans le cas de la sociétécanadienne Barcelona Traction
dans ses relations avec l'Espagne.

En ce qui concerne le premier grief, le Gouvernement espagnol est
d'avis que la compétence des juridictions nationales n'est eri généralpas
régléepar le droit international. La compétence des juridictions natio-
nalesest laisséepar le droit international àlacompétencediscrétionnaire
de chaque Etat, sauf limitations spécifiquespar la coutume ou par une

convention internationale.
Dans l'état actuel du droit international, la règle généraleadmise est
donc celle du pouvoir discrétionnaire de I'Etat, qui ne peut êtrelimitée
que par une règle internationale prohibitive. La thèse que le Gouverne-
ment espagnol soutient se trouve en plein accord avec ce que déclare la
,ur~ ~ -~r~ce interna~ ~ ~ ~ ~
Dans ce domaine, la doctrine affirméepar la Cour permanente dans
l'affaire du Lotus ne Deut êtreni plus claire. ni DIUS catéaoriaue. ni lus
généralement reconnûe. La Cour kous permettia de la rëprÔduire aussi
dans cette procédureorale; la voici:

Loin <Ird~feiidrc d'iine niaiiiCre fi<.nt;ralcnits Et:,[; <l'.tendre
Iciiri lois et Ieiir iiiriJicti;i (Ir5 perioniies dcj I>icnr 1.11lcsnc:tes
Iiorsiliit<:rriioire. il [le droit iiitt.rn:~tioiiall lcur lai3 CI.^;c:ir<I.
une large liberté.' qui n'est limitée que dins quelques cas des
règles prohibitives; pour les autres cas. chaque Etat reste libre
d'adopter les principes qu'il juge les meilleurs et les plus conve-
nables. n (C.P.].Z.série A no IO. p. 19.)

La mème opinion a étépartagée par un juge dissident - dans l'affaire
Lotus - de nationalité américaine. John Bassett hloore, le célèbrerédac-
teur du grand digest de droit international des Etats Unis, qui a déclaré
(ibid.,p. 94): iiun Etat jouit, sur son territoire national, de pouvoirs
exclusifs de juridiction ,n.
M. Rolin semble trouver quelque peu vieillie la manière de voir de la
Cour permanente, et il affirme qu'il a tout lieu de croire que la Cour, pas
plus que lui-même, ine verra dans l'arrêt du Lotus l'état dernier de la

jurisprudence internationale en cette matière » (VIII, p. 27).
11se trouve pourtant que, dans le dernier arrêt que la Cour a rendu
récemment, la 20 février 1969, dans les affaires du I'laleauconlircentalde
la merdrcNord (C.I. J. Recrrerl1969, p. 44). elle s'est référéàe 1'affaire.d~
Lotus. ce qui montre que, de l'avis de la Cour, cette affaire n'a pas vieilli.
II est vrai oue le renvoi de l'affaire duLotus ne ort tai.as s~.écifiauement
siir le poini qiii iioii: intkressc dans cettr <li?cu<sion..I'otitelr.i;stldonc
c?rt:iin qi~"i 1'11(!1lii.ctiielle encore la 1:onccl>ti<,rrielntivii la di)linii-
ration [IL1:.comiiéteiire de ~ilr~tlictionsiir le i>l;tiiiiterii:irioiial esex-
priméepar la déGsiondu ~oius.
M. Rolin, en vue de renforcer sa thèse relative à la nécessitéd'un lien de
rattachement sérieux pour pouvoir procéder à la déclaration de faillite PLAIDOIRIE DE M. GUGGENHEIM 75

d'une sociétéétrangère, mentionne aussi I'affaire dite des Pêcheries de
1951. Dans cette affaire, ce que la Grande-Bretagne contestait. c'était la
licéitéde certaines mesures adoptées par la Norvège quant à la délimi-

tation de sa mer territoriale. Votre Cour s'est prononcée à cet égard en
signalant que:
La délimitation des espaces maritimes a toujours un aspect in-
ternational. [et qu'!elle [laditedélimitation] ne saurait dépendrede

la seule volonté de 1'Etat riverain telle qu'elle s'exprime dans son
droit interne. 8 (C.Z.J. Rectieil rgjr, p. 132.)

Par conséquent, la Cour a dit: ala validité de la délimitation à l'égard
des Etats tiers relève du droit international u (ibid.).
M. Rolin cherche à transposer cette manière de voir - prévue pour le
casde la délimitation de la mer territoriale - à la délimitation de la com-
pétence judiciaire. Et il affirme:

tjc crois Ctre en droit (11conjtntcr qiir I'actt>il? dc'termination (11:
I'éten(lucde Is splic'rcde coriijiL:tenzedcs Etats r;t ri;ccs,;iireineiun
i~z~~.unilnt~ral.rii:i<III?In \,;ilidiiC<lect:ttr (ICti*rniin:itionAI'Ccar~l
des Etats tier; rclèvédu droit international, en sorte que s'iïest
causépréjudice aux ressortissants de ces Etats tiers, la responsabilité
de I'Etat auteur du Dréiudicesera eneaeéesi le dommaee a étécausé
par un de ses organes dans l'exercice d'une compétencëqui, suivant
le droit international, ne pouvait lui appartenir u(VIII. p. 28).

Cette maiii2rç (le \.air est urie piire petition iIc priricil)~. Vanï I'aflaire

des PFcheries. ori discutait ili:\,:iI;Cour déla valiilit; dc Indc'liniitntion
unil;itr:r;ile des espace3 rn:iririmrs nor\.;<ivn<. 1.a \alidit<If:ctrv ilélimi-
tation des limitesmaritimes est une quëstiou régléeexclusivement par le
droit international. Elle n'est pas abandonnée au pouvoir discrétionnaire
individuel des Etats qui procedent à la fixation de la frontière maritime.
Dans I'affaire qui est sz~biudice. la question porte sur l'extension de la
compétence juridictionnellé des tribuRaux nationaux et qui est régléepar
le droit national, sauf exception prévue par le droit coutumier et le droit
conventionnel internationai.
Enfin, l'affaireNottebohm, jugéeen 1955 par la Cour internationale de
Justice et également mentionnée par nos honorables contradicteurs (R.,

V, p. 309. no 450. et VIII, p. 29) n'est guère pertinente pour l'étude du
lien de rattachement en matiere de juridiction. L'arrêt Nottebohm s'occupe
de la nécessitéd'un cilien substantiel en matière de nationalité » et des
conséquences qui résultent de l'inexistence de ce lien (C.I.J. Recueil1955,
p. 23). II est nécessaire de retenir de l'affaireNottebohm dans ce contexte
que l'absence d'un lien substantiel en matière de nationalité n'entraîne
pas la responsabilité internationale de 1'Etat qui l'a octroyée: l'absence
d'un lien effectif de rattachement en, matière de nationalité entraine
seulement l'inopposabilité de la nationalité ainsi acquise à l'égard des
Etats tiers. En conséquence, la règle relative à la nécessitéd'un lien de
rattachement en matière de nationalité dans l'affaire NoUebohm n'a
aucun rapport avec la rhgle relative à la responsabilité internationale

établie par la Cour permanente dans I'affaire du Lotus.
Selon la décision de la Cour permanente dans l'affaire du LOFS,,la
violation de la règle prohibitive relative à la compétence judiciaire
entraîne la responsabilité internationale de 1'Etat qui l'usurpe à tort. 76 BARÇELONA TRACTION

tandis que In violati~~i (II;la rLlgll;du liciit:ffectif dç n;itiiinalitL:ex:tiiiinL.
dans 1'afi;iirc.Yoii?bok»iii'cntraiiie que 1'inol)posnhilitCde la nniionalité
à l'éeard de~~Etats tiers. donc auiune coniéouence en matière de res-
ponGbilité internationale'.
Le Gouvernement belge a aussi essayé de justifier l'existence iid'un
lien sérieux de rattachement n, en se réfkrant à l'ouvrage (le M. Mann.
The Doctrine of Jurisdiction in International Law » (Recrteildes cozirs.
1964-1. vol. 111). Le passage citédans la réplique (Y, p. 309, no450).ne

vise cependant en premier lieu que les limites de la compétence législative
de 1'Etat (p. 49) et non les limites de sa compétence juridictionnelle
(p. 6.1). D'autre part, lorsque M. Mann parle de la compétence juri-
dictionnelle, il est acculéà la confession suivante (p. IO):

aIt is no doubt evidence of the rudimentary state ofinternational
law aiid a rnatter for regr-t that international jurisdiction is almost
al~vaysconcurrent. 1,

I)'nill,:urs il Ic droit intcrn.itional iniposait - coiiiiiie Ic prr'tciid I:i
I'nrric adversc - des critCres spi.cifi(liies polir IC rattiiclien~eiit de la
coiiinctence iiidicinirç. il 3sralt lnl~~o~~lb ~11'1~cxi>t<! lin^ tell< (~ivcrsit~

et &me de'telles contradictions éiitre les 'différentssystènies étatiques
en ce qui concerne la compétence juridictioiinelle destribunaux internes.
Contre cette these, hl. hlann n'a guère apporté de nouveaux arguments
dans sa plaidoirie. II s'est contenté de réaffirmerla nécessitéde liens de
rattachement consistant dans l'existence d'un établissement commercial
ou dans la propriété d'avoirs importants (VIII, p. 427). On peut se de-
mander, toutefois, cornmeiit cette maniEre de voir peut se concilier avec

ce qui a étédit par hl. Itolin (VIII, p. 27) qui a dù reconnaître que:
a Quant à la compétence de juridiction, assurément les Etats ont
en eénéral toute liberté de délimiter à leur euise l'étendue de la

conipéteiice <le leurs tribunaux comme le champ d'application de
leur législationet il est inévitable. dès lors, que des conflits de loi en
résultent u.

Et plus loin il devait ajouter que le Gouvernement belge marquait son
accord quaiit à la constatation du Gouvernement espagnol relative à

.la grande diversité des raisons qu'invoquent les Etats pour asseoir
la cornpétciicede leurs tribiiiiaus en matière de faillite o (VIII, p. 30).

btoiisieiir le Président. hlessieurs de la Cour. le Gouvernement es~aenol . u.
dt!sirr. in;iiiiteri;int nhorrlcr la d<'iiionstrntion(Ir.lit~IeiixiL'rii;eifiriiiatii,n
ciii'i;ilaite tu~it iiI'liciircISiieffet. iiiéniesiIt droit internnti<~ii;iIcsi#~:iit
1i orésenced'iin lien de rattachernent sérieuxeffectif entre I'Etat ~~-~~ ~l
et 'la BarceIoria Traction pour la déclarer en laillite, ce lien existait: Le

Goiiveriiement espagnol peut d'autant plus êtrebref sur ce ~oiiit sur le
~lan du droit ou'il i eu i'occasioii de nioiitrer. au cours de la or~,édure
&:rite, 1;i<ii(.crslt; des Iit:ns(11ratt:tch~:llii:llt <:niplu).cip:,r lei (IiffCrriltcs
ICgi~l.?tioiis2tniicliics en ninrikrt:clccli.cl>i.ttioiiLI.:I:iiIlit.:rliclininiitr<-i
aiic ces lieiii c.~isiniciit ciitrc I;iHlrcelona 7'r;ictic>net I'Et;it (:~,nc.iou
(il., IV, 1'.230, 234, et c.af., IV, p. 476-480).
La Partie adverse reconnait que l'existence d'une succursale ou d'un
étahlisserneiit coinmercial. ainsi aue des biens sur le territoire national.

sont des crithres siiffisarnr~~erits&ieus pour justifier la compétence des PLAIDOIRIE DE M. GUGGENHEIDl 77

tribunaux d'un Etat pour déclarer en faillite une sociétéétrangère.Il n'y
a donc pas lieu d'y revenir. Sans doute, la Partie adverse conteste que ces
critères aient existé en fait dans le cas de la Rarcelona Traction. Il appar-
tiendra à mon éminent collègueet ami le professeur \Valdock d'en faire la
démonstration.
La Partie adverse a déclaré (VIII, p. 417) quede nombreux traités ont
fait du critère de l'établissement commercial le seul critère susceptible
d'êtrereconnu sur le plan international. Sans vouloir rentrer dans les
détails de cette question, il convient de signaler qu'en réalité cestraités
n'excluen? pas la possibilitéde déclareren faillite un commerçant étranger
sur la base d'autres critères. Tel est le cas de la convention signéedans
le cadre de l'Union nordique du 7 novembre 1933 ainsi que de la conven-
tion de Montevideo de 1940.
Le lien de rattachement consistant en la réalisation d'opérations com-
merciales enterritoire national semble plus contesté parla Partie adverse.
II semble que ce critère de juridiction ne serait admissible que dans la
mesure où il y aurait à proprement parler a placeof bzrsiness (un lieu
d'affaires)(VIII,p. 417). Mais le fait est qu'il existe quelques systèmes qui
établissent la compétence de leurs tribunaux pour déclarer la faillite des
coinrnerçants étrangers ou des sociétésétrangères réalisant des affaires

ou des opérations commerciales sur le territoire national.
Tel est, par exemple, un des critères français de juridiction en matière
de faillite. Une étude récenteà laquellela Partie adverse a également fait
allusion (VIII, p. 419) montre qued'après la jurisprudence,
ac'est le fait d'exercer un commerce dans un Etat et non l'existence
d'un domicile qui doit étre attributif de compétence au profit des
'juridictions de ce pays. Les tribunaux frayais peuvent donc être
saisis lorsqu'un étranger s'est contenté de passer certains marchés
sur notre territoire.,(Trochu, Conflitsdelois etconflitsde juridictions
en matière de failliteParis, 1967, p. 83.)

Le système canadien s'est prononcé dans le mêmesens. Il a, en effet,
étédéclaréqu'une sociétéétrangère qui réalise des affaires au Canada
peut être déclaréeen faillite par les tribunaux canadiens, et ce même
lorsque ladite sociétéa déjà étédéclaréeen faillite par les tribunaux du
lieu où elle a été constituée (Duncan-Honsberger, Bankruptcy in
Canada, p. 39-40). Dans certains de ces systèmes, il n'est pas nécessaire
que cette activité soit directement accomplie par la sociétéen faillite:
il suffit quecette réalisation d'opérations commerciales dans le territoire
national soit accomplie au moyen d'un représentant ou d'un agent.
Au cours de la procédure écrite, trois autres liens derattachement ont
étéindiquéspar le Gouvernement espagnol qui n'ont pas étéacceptéspar
la Belgique comme suffisants à eux seuls pour constituer des liens de
rattachement. Il s'agit de:
a) la nationalité des créanciers,

b) l'appel au crédit,
ci le lieu deaiem men des obligations.

La Partie adverse ayant, dans le cadre des plaidoiries, contesté le
critèrc de la nationalité des créanciers. le Gouvernement espagnol désire
revenir un instant sur ce point et prie respectueus,ement la Cour de se
rapporter, en ce qui concerne les autres. à ce quia éte dit dans la duplique
(VI, P. 231-234).78 BARCELONA TRACTION

1.eGoti!~ernement ejp:ijiriol :iv;iit rnoiitr6 dans la diiplique (VI, p 231-
2.32)eii se basant sur l'artic14du a:o<irci\.il ct s1;jurispiudence. que
la natioiialitr' des créancier, était con;idCI? France cornnir un licn de
rattachement suffisantpour déclarer en faillite une sociétéétrangère.
M. Xann (VIII, p. 418) a déclaréque l'article14 du code civil français
ne prenait en considération la nationalité des créanciers que dans la
mesure où il v avait en France aussi des biens à saisir. Ainsi. .d'aorès la
Partie a(1ver;e. la nationalité d<!scréaiiçirri ric roiistitucrpas'3 elle
seule un lien dérattacliement sufhsant. Ccttc nttirniation est enti~remcnt
contredite par les citations de la jurisprudence françaiqui ont étéfaites

par les professeurs Batiffol et Francescakis (Encyclopédie juridique,
Dalloz, Répertoire de droit international. Paris, 1968, p. 4z9, no45) et
qui montrent la portée généralede cet article 14 et que la nationalité
francaise des créanciers suffit pour déclarer en faillite une sociétéétran-
gbre.
Parvenu ce point. Monsieur le Président. il est clair que le forum
conveniens pour déclarer en favlite la Barcelona Traction était le juge
espagnol. Tel est le cas, mêmesi l'on est d'avis, comme le Gouvernement
belge (VIII, p.417) ~ue le forum conveniens n'est pertinent que dans les
cas où il s'agit d'opérer un choix entre deux juridictions et dedécider à
laquelle des deux doit être accordée la préférence. Selon l'opinion du
Gouvernement espagnol, cette préférencedevait êtredonnée à la juri-
diction espagnole. En effet, c'est en Espagne que se trouvaient les biens
physiques et les concessions de l'entreprise qui constituaient le gage réel
des obligatairesen vertu duquel le crédit qui a permis d'ériger ces instal-
lations lui a étéaccordé. Ensuite, parce que la Barcelona Traction avait

demandé et obtcnu du Canada le bénéficede l'exonération fiscale con-
silntie1x11In loi qui d5clari: iion inipo;ablc culere\.cnu ile, ioiictcs aiio-
nymes dorit le: affaires soiit réalibéet 1,:shivils situes cii totalit;. 1wrs
dii territoire du Canada». pays où s'est ;on;titui:cla sociét,:. En oiitre.
H;ircelona Tractiuit ii'eser~;iit y? la moindre ~cti\,it+ hors <I'Esp:ijine,et
son but statutaire était d'exploiter en Catalogne des soiir(:es d'énergie
hydraulique, des chemins de Ïer et des tramways. Enfin, tous les revenus
de Barcelona Traction provenaient d'Espagne et le crédit qu'elle possé-
dait et dont elle se servait pour émettre des obligations reposait surces
exploitations.
Ainsi on ne saurait d'aucune manière affirmer

[qu']en l'absence de tout lien de rattachement sérieux entre la
sociétéfaillie et l'ordre juridique espagnol, le droit international
n'autorisait pas les tribunaux espagnols à déclarer la faillite d'une
sociétéétrangère ..» (R., V, no 481. p. 328)

et que

caleGouvernement espagnol n'a nullement réussi A démontrer que
l'Espagne constituait le /arum conveniens pour la déclaration de
faillite de la Barcelona Traction» (R., V, no 484,p. 331).

Monsieur le Président. Messieurs de la Cour,Ie Gouvernement espagnol
désiremaintenant rencontrer le grief relatifà la prétendue usurpation de
compétence en raison de l'extension du jugement de la failliteen dehors
du territoire espagnol. Le grief de l'extension abusive.de la compétence
judiciaire semble êtredéfini d'une manière tout à fait généralepar la Belgique comme une violation du principe de droit international qui
ciinterdit aux Etats de poursuivre en territoire étranger l'exécution de
leurs décisioiis administratives ou de leurs jugcmeiitsi, (R.. V, no 454.
P. 311).
Selon le Gouvernement belge, dans la procédureécrite,l'application de
ce principe serait très larg-. Il s'étendrait au cas où un Etat prend des
riieioii..;qi~i-c:r:iientapprl6c:I;trc coiisoriiiii<:ïioriqiii;rciit <i<)iiil~l~sion
dail;tiiiEtat ;.trüripr (R.. Y, n045s, p. 312). L'argi~nier~r~zionoralc dc
\1 I<OIII Il'III,p 20, ;ict,<IIIVI ii'v5pas 11Itit.tiirt!t~st: Il txirle, cil cfi,;t,
de moyens ,<imaginés ,,par ies tribunaux rspagiiols FourLatteindre des
biensqui se trouvent hors du territoireespagnol,grâceauxquels une sorte
d'exécution forcéefut réalisée.

Le Gouvernement espagnol a, de son cOté,démontréau cours de la
procédure écrite(D., VI, p. 237-243; C.hf., IV, p. 489-497) non seulement
le caractère vague et généralde cet obscur lopi cont parle hl. Mann dans
son cours de La Have (o. 1281. mais il a montré aussi le manaue de

caractère coercitif ence qui concerne l'exercice de la justice. L'exercice
d'actes d'exécution sur le territoire d'un autre Etnt est défendu par le
droit international dans l'intérêtexclusif de cet autre Etat.
Dans Ic cas d'espèce, toutefois, I'Espagoc n'a jamais exercé sa puis-

sance publique soit au Canada, soit en Belgique, soit dans n'importe quel
autre pavs etran~er.
La ka& et 1a;ente porterent sur les droits de Harcelona Traction qui
se trouvaient exclusivement en Espagne, et non pas sur certains titres,
documents et registres coniptables quTse trouvaient au Canada (II.. VII,
p. 624 et suiv.). hles distingués collègues, alal. Urfa et Carreras, revieii-
dront plus en détail sur cette question.
De r~lus.il est évident au'un Etat Deut requérirsoumission aux mesures
~s~culoir~~q i :xirt.Cc.j+tiidiipropre iiriiioir~? lie 1:.part de.; ~>articiilicr~
<liiic truiiverit(l:iiiIL.t~rrlloir~ II'l~11.11ztrali:<-r. ,IIIIC1c~IIeelnitilde
n'a pas été assortie d'autres actes de puissancepublique ou de mesures
coercitive~.
Ce droit de compétence judiciaire a étéclairement reconnu par la Cour

permanente de lustice internationale dans l'affaire du Lolz< s. Cour
déclare. en effet,Oquele droit international n'interdit pas, mais laisse une
grande liberté ~aiix Etats d'étendre leur loi et leur 'uridictioii à des
personnes, des biens et(les actes hors du territoire ...,)~c.P.J.I. séri. e4
n" ro..'. 10).
~'es~re&ion remarquablement vigoureuse du juge \trendel Holmes
citéeDar >f. Alann (VIII..D.4.1) selon la~uelle la iuridiction est baséesur
le poÛvoir du souvèrain et son'fondemeit est la'puissance physique. ne
dit pas autre chose. Ce que le droit international ne permet pas. c'est,
comme nous l'avons déià (lit. de recourir à la coercition sur le territoire
(I'III:>uzrclii:tt,S:IIIlc ~oiis~ntcmeiii de cc.cIt.iii~cr
IIIC r:ippnrte ICI :IIp:ih,:igc ~ClCbr,:Oans les inotifc LICl';if{<nird.u
1)irroirJsCiir/oi< \:otic Cuiir n'y :ip.15~~lniisqu~I'<ipCr:~ti~d ile d;.riiiiinç~

opl'rc:edani Ics eaiix alhanaises par la niariiie britnnniqiie puisse Ctré
]iistifiC.<,iiiinéiiiic iiit,siiri:d':~iiroprotcct(CI 1. h'crii~rI<)./!,p. 33,80 BARCELONA TRACTION

En d'autres termes, un ordre juridique donné peut aussi soumettre à
son pouvoir juridictionnel certains actes qui se passent en dehors de son
domaine d'exécution. En tous les cas, il est certain que le grief de viola-
tion de souveraineté territoriale ne pourrait êtresoulevé,le cas échéant,
que par 1'Etat dont le territoire a fait l'objet d'une mesure de coercition

par l'autre Etat. Or, cet autre Etat ne serait en aucun cas la Belgique.
En ce qui concerne le Canada, il n'a soulevé aucune accusation de ce
genre.
Quant à la question de savoir si l'émission des nouveaux titres des
sociétésfiliales était du point de vue du droit des gens une de ces mesures
coercitives exercées sur le territoire d'un autre Etat, la réponsene fait pas
de doute. Il n'y a eu aucune mesure du Gouvernement espagnol sur le
territoire canadien qui puisse êtrequalifiéede coercitive.
Il n'a donc jamais étéquestion de requérir d'une façon coercitive les
titres pour leur saisie effective au lieu où ils se trouvaient. M. Mann
aboutit à une autre interprétation uniquement pour la raison qu'il nie la
compétence judiciaire espagnole sur les avoirs de la Barcelona Traction et
la reconnaît au Canada. II oublie toutefois que le Canada n'a jamais
prétendu à une telle violation de sa souveraineté territoriale. Dansces
conditions, la question de la transmission de documents se trouvant au
Canada par l'intermédiaire d'une procédure rogatoire ou par une autre
procédure d'exécution ne se posait pas.

Le Gouvernement espagnol n'avait pas non plus, du point de vue du
droit international,une obligation à l'égardde la Belgique ou du Canada,
qui n'est d'ailleurs pas en cause, de rendre impossible l'émisçionen Es-
pagne de nouveaux titres afférents aux droits qui se trouvaient en Es-
pagne. Les détenteurs des titres originaires qui se trouvaient au Canada,
ne pouvaient. que demander eux-mêmes l'invalidité de I'émission des
nouveaux titres ou le dédommagement des anciens titres dans le cadre
de la procédure espagnole.
Mérnedans l'hypothèse extrème où le Canada aurait prétendu à un
dommage qui lui aurait étécausé par I'émissionde nouveaux titres, il
aurait incombé ail Canada de faire les réclamations à l'Espagne. Mais
cela n'aurait pas étéun problème d'exécution licite ou illicite de la juri-
diction espagnole, mais une réclamation pour dommage causé par l'émis-
sion de nouveaux titres. Le Canadan'a pas fait valoir une tellt: prétention.
II est donc complètement inutile de faire de cette questioii in point de

discussion dcvant la Cour.
A l'appui de la thèse belge, d'après laquelle la justice espagnole aurait
commis des actes de juridiction coercitive (enforcement :ft<visdiction)
sur le territoire du Canada, en violation des limites poséespar le droit
international, hl. Mann a cru pouvoir se fonder sur la pratique des
Etats.
C'est ainsi que le conseil du Gouvernement belge a fait état des pro-
testations émises par certains gouvernements à l'encontre de quelques
ordonnaiices rendues par les autorités des Etats-Unis qui exigeaient des
sociétésétrangères la production de dociiments placésà l'étranger (VIII,
p. 423 et suiv.).
Le Gouvernement espagnol tient àsignaler que cette pratique est sans
intérêtpour la question soumise à votre Cour.
En effet, il existe entre cette pratiqueet l'accusation belge qui nous
occupe trois différences importantes reconnues même par la Partie
adverse: PLAIDOIRIE DE M. GUGGENHEIM 81

1) la pratique concerne ides domaines autres que la faillite in;
2) elle «a trait au droit en matière de production de documents,, (VIII,
P. 423) ;

3) elle vise l'activité législative et non juridictionnelle de 1'Etat.
Lorsde sa plaidoirie du mardi29 avril (VIII,p.,423 et suiv.)Me Grégoire
est parti de l'hypothèse que la loi espagnole dispose que le failli aurait
l'obligation d'apporter ses livres et papiers dans les bureaux des organes
de la faillite. Il s'est alors demandé si une telleom~étence conféréeDar
le droit national serait conforme au droit internatiional et si l'EtatAes-

~apnol pourrait en imposer le respect à un débiteurétranper et domiciliéà

de sa comoétencésur le droit ?nte<national. oblieer directement une
sociétécomme Barcelona Traction à fréter ;n na& pour expédier à
Reus les quelques centaines de tonnes que représentent tous les docu-
ments, archives, papiers et livres qu'elle détenait à son siègeà Toronto?
D'après Me Grégoire,cette sommation serait sans valeur sur le plan inter-
national.
Nous ne comprenons pas, de ce côté de la barre, pourquoi une telle

sommation - d'ailleurs tout à fait hypothétique - faite sur le plan du
droit interne espagnol, aurait étéune usurpation de compétence en droit
international aussi longtemps qu'elle n'était pas suivie par des mesures
coercitives dans le cadre du territoire canadien et sans l'assentiment des
autorités canadiennes. Or, comme nous l'avons déjà dit, un Etat
n'usurpe pas la compétence d'un autre Etat tant qu'il se contente de
prétendre appliquer ses lois et ses décisions judiciaires au-delà du terri-
toire sans faire suivre de mesures coercitives.
Dans ces conditions, Ic problème de I'envoi de commissions rogatoires
à Toronto, pour récupérerles documents, archives, papiers et livres se

trouvant à Toronto, était une question de pure opportunité. L'Espagne
n'était pas obligée d'entamer une procédure de saisie au Canada tant
qu'elle n'avait pas le désir d'agir dans le cadre du domaine spatial du
canada.
Monsieur le Président, hlessicurs de la Cour, après avoir examiné la
catégorie des griefs relative à l'usurpation de compétence, le Gouverne-
ment espagnol désire maintenant ttudier la catégorie des griefs concer-
nant le dénide justice au sens propre du ternie.
Le Gouvernement belge range sous la dénomination de .dénis de
justice proprement dits dans la procédure iquelques-uns des griefs qu'il
formule à l'encontre des autorités judiciaires espagnoles. Il s'agit des

griefs concernant la suspension deJa procédure et les recours des filiales
(R.,V, p. 461-502, et plaidoirie deM. Rolin sur le prétendu blocage de la
procédure, VIII, p. 240-296).
En procédant de cette nianière, le Gouvernement belge essaie de ne
pas faire rentrer lesdits griefs dans la catégorie qui est la leiir,à savoir
celle de laresponsabilit6 en raison du contenu des décisions. IIest en effet
conscient que la preuve de l'existence d'un dénide justice au sens propre
du terme (refus d'accès,refus à statuer et retards injustifiés dans la pro-
cédureinterne) est plus facile que celle de la responsabilité internationale
à raison du contenu d'une décision.

Le Gouvernement espagnol a déjà montré, dans la phase de la procé-82 BARCELONA TRACTION

dure écrite,que les viefs en question se réfèrentau contenu de certaines
decisions (D., VI, n 23, p. 211 et 244 et suiv.; A.D., vol. II. no45) et
que, de ce fait, la responsabilité de l'Espagne nepourrait êtreengagée,en
ce qui concerne lesdits griefs, que si trois conditions étaientréunies:
a) une violation flagrante et inexcusable du droit interne;
b) une intention discriminatoire et la mauvaise foi du juge;

c) enfin,que la décisionattaquée soit une décisionde dernière instance.

L'argument. Monsieur le Président,semble avoir portépuisque dans la
plaidoirie de hl.Rolin du mercredi 16avril (VIII,p. 45).le Gouvernement
belge semble admettre que les griefs qu'il range dans la catégorie de
"déni de justice proprement dit n concernent le contenu des décisions.
L'aveu est important et nous le retenons. Toutefois, le Gouvernement
belge ajoute que,en dépit decette circonstance, I'examen du bien-fondé
desdits griefs ne serait pas subordonné à l'existence des conditions plus
rigoureuses exigéespar le droit international pour que la responsabilité
d'un Etat puisse surgir en raison du contenu des décisions.
II en résulterait que, d'aprés le Gouvernement belge, il y aurait lieu de
distinguer, parmi les griefs concernant le contenu des décisions. entre
(VIII,p. 44 et 45) a) les griefs qui ne seraient pas soumis aux conditions
rigoureuses exigéespour la catégoriede responsabilité internationale en
raison du contenu des décisions;et b) les griefs qui doivent &tresoumis
aiix conditions plus rigoureuses exigées pour la catégorie de responsa-
bilitéinternationale en raison du contenu des décisions.
hl. Rolin, mon éminent contradicteur, caractérise les griefs qui ne
seraient pas soumis aux conditions rigoureuses exigéespar la catégorie
responsabilité internationale en raison du contenu des décisionsde la
manièresuivante:

cEn effet. tant le refus d'audience aue les retards iniustifiésdans
I'administrntion di: 13justice. \.oirr iii6mc les iijiirpationi (le~.ornpC-
tence oii <Ii!violatioiis(lol)ligations iiitcrn;iti(~riale%particiilic'r<..;.
font trésfrcoii~~riiiiieiiIt'obict de <Iisi>csitioiissncci;ilcsdt:~(ICcisions
incriminées.Elles font danice cas pa'rtiedu contenu de ces décisions
sans qu'il en résulte que de ce chef l'examen du bien-fondéde ces
griefs soit subordonné à l'existence de conditions plus rigoureuses. »
(VIII,P. 45.)
Mais quel est alors. d'après hl. Rolin, le critére pour distinguer entre
le cas de responsabilitédu fait du contenu de la décisionqui serait soumis
aux règlesrelatives au dénide justice au sens propre du terme et le cas
de resnonsabilité internationale en raison du contenu de la décision
<]IIse;ait soiiriiis aiis conditions riguiireiises indiqu>cs' 1.3 rc'11on<le
11.Rolinesten toutc~speiiclnire: I'obligationd'nssurer auxr~~ssortis;3nts
étraneers la nrotection d'une administration de la iustice ré~ondant à un
standird minimum serait une uobligation de résul'tat »,doit la violation
existerait dès que le résultat ne serait pas atteint. c'est-à-dire dèsqu'ily
aurait un manquement aux garanties èssentiellesque comporte le procss
équitable (fair trial):indépendance et impartialité du juge, respect du
droit de la défense,non-discrimination, etc. Et N. Rolin arrive à la con-
clusion inattendue quetout cela est relatif au contenu des décisions (VIII,

P. 45). ce qui entraine cette autre conclusion que le dénide justice au PLAIDOIRIE DE M. GUGGENHEIM 83

sens propre du terme englobe aussi certains aites qui rentrent dans la
catégoriede la responsabilité internationale en raison du contenu de la
décisioncomme, par exemple, les manquements à l'organisation judi-
ciaire et de procédure.
Le Gouvernement espagnol est de l'avis que ces affirmations sont sans
précédenten droit des gens et ne se fondent que sur l'imagination de nos
contradicteurs.

L'audienceest levée à12 h 50 VINGT-CINQUIÈME AUDIENCE PUBLIQUE (23 V 69. IO h)

Présents:[Voir audience du 20 V 69: hl. Ammoun. jtige, absent.]
\l. C;CGGESHEI.\I: Ilans ma plai<loiricd'tiier matin j'ai citirii<:qu'il
\.:ilieu de distingiier entre qiintrc catcgorics de griefs belges. Aprèscivoir
examinéle uremrer erief - i'usur~ation de comiétence - i'ai commencé

àparler de fa deu~ikkecaté~orie des acciisatiois belges quise rapportent
au dénide justice au sens propre du terme.
Le raisonnement de hle Rolin au sujet du critere pour distinguer entre
le cas de responsabilité du fait du contenu de la décision qui serait
soumise aux regles relatives aux dénisde justice au sens propre du terme
et le cas de la responsabilité internationale en raison du contenu de la
décisionqui serait soumise aux conditions rigoureuses est en tout cas peu
clair. Les dénisde justice au sens propre du terme envelopperaient aussi,
selon le professeur Rolin (VIII. p. 45), certains actes qui entrent dans la
catégorie de la responsabilité internationale du contenu de la décision,
comme par exemple, les manquements à l'organisation judiciaire et de
r~~~~dii~ ~ - -
Comme je l'ai déjà dit, le Gouvernement espagnol est de l'avis que les
affirmations du ~rofesseur Rolin sont sans ~récédenten droit des aens.
Les règles sanctionnant les dénisde juitice au sens propre dÜ terme
visent un refus d'accès,un refus de statuer et un retard dans la procédure

au détriment d'un étranaer. e..rien de DIUS . r. du moment que l'on
prrtind 'lut 13r~sp~~is:tl>ilitli'iit~rn.îtiu~i;~li:c I'l:tat cst tnx;tgcr-du f:iit
<lucontt.riii ri'uiic (li.cisir,nju<liclnircdl:fiiiitic~iil qiie l'on :Ir<.connii.i
I'ïtraii..r I'a<:sï>niis trihuiiaun. IIil*:i>ciit[>lu, <iiic;iioii d'un <iErii
dc jiiitic<. au ieni l)r#,predii tcriiie. II est certçi ~)osiiblï qus Ii:ioiitviiii
dc I;iI~!cisi«nliidicinirc intçrric ait puur consr:<liiviiccyr:itiqiie CI'<-n1pi.cl.i.r
~UC Ir rcssortii9xiit ïtrangcr poursuivL.soli [)ruci;.; Tel <.il. p:ir esc.iiil~ii.
Ir ,::alorique le juge si:dCçlarc iiicornpCtsnt 5 I'cgard d'une rt.quCte cl'iiii
rcssortiis;iiit étranger ou Içrsqii'iina: dCciiion int<.rlociitoiri: relxttc dcii-
nitivement une demande. Dais ce cas. I'Etat du ressortissant étranaer
~)oiirrakiire \.alnir I:ir~s[)otisahilitL:intern;ition;ilr. en r3isuiiOii coiitt-ni!
<Ir la dCçiioii. si cellc-cin i.1012~.rossi2rerri~:iilte droit intcriiet .i elle<:;t
nialveillante et dérinitive. En d'autres termes. du moment aii'unc deci-
sion judiciaire est rendue. qu'elle soit de fond ou de procéduré,qu'elle ait
ou non l'effet pratique d'empêcherla poursuite du proces, elle ne peut
faire aue I'obiet d'un erief incriminant son contenu. Et uour que le

conte& de la décisionnuesoit pas conforme au droit international, il faut
absolument que les trois conditions riaoureu-es et déià indiquées soient
réunies.
II convient d'ailleurs de signaler que lorsqiie le Gouvernement belge a
exposéson point de vue officielh la Conférencede codification de La Haye
de 1930 (D., VI, p. 212). il n'a pas fait, au sujet de la responsabilité en
raison du contenu d'une décisionjudiciaire, la distinction qu'il préconise
aujourd'hui. II a soutenii,.piirement et simplement, que:

1.nrt:il>ou<.ît,ilit6dc I'IStatsc troii\,c çii~ng;c ,i It:çontt.iiu d'iinc
<li.ciiioii]11<11ciairct i1ispir6p:ir In ni;il\t:illxni:i I'ïg.ir<lrlc-.i.tr.in-
gerj cuniilic:tvljoii conimc r<~~~orti~%:ii (tii lCt:it <I<.trrmiii<,. PLAIDOIRIE DE M. GUGGENHEIM 85

Sotrr ;~iiiineiitconlrére3 donc tort lorsqu'il priti:iid (\'III, p. 45) que
legiirl de drni <lejustice;II,cils propre du tcrme s'éreri~;lius;i au coiitciiu
(lc d~cisionï qiii wrsient suiirnijcs a iin régimcparticulier. comme psr
exemple, dans les cas de manquements aux garanties essentielles que
comporte le procès équitable (fair trial), à l'indépendance et I'impar-
tialité du juge, au respect du droit de la défense. à la non-discrimination
des étrangers. etc. La Partie adverse admet. d'une Dart. que tous ces
griefs sont relatifs au contenu des décisions,et, d'autre pari, elle désire
les incorporer dans la catégorie du déni de iustice au sens propre du
terme. ~e Gouvernement belelrre n'arrive ce~ëndant à a~nortër aucune
preuve et aucun indice de qu'une telle'pseudo-catégoriede dénide
iustice au sens . .pre du terme soit consacréepar le droit international
positif.
Monsieur le Président, hlessieurs les juges, le Gouvernement espagnol,
toutefois, ne craint pas de se placer sur le terrain choisi par la Partie
adverse. Sans préjudice de la plaidoirie de mon collègue hl.Jiménez de
Aréchagasur le blocage des recours, le Gouvernement espagnol démon-
trera maintenant que mêmesi on admet que lesdits eriefs doivent être
r;iiig;.<lnri.. la cntC.g1111ilçriil,jii,tice211sCn>Pr~()r~(III ternit:ilsIIL.
>frnii-iitpl.; non pliii foiii:liii:i1112nicciI)ICII;L~puilr point de (Ic!pi~rt
~11~~~1~~1:ilrttlit~w:twlc~ 1sG~~ii\~~rn~incC iit,IYICI~t,rIt,uv<:raCIIni,1:i
suspension de la procédÜreni le sort accord6 auh-récoii&des sociétés n'ont
eu pour effet d'empêcherla Barcelona Traction et les autres sociétésdu
groupe de se faire entendre normalement par les tribunaux espagnols et
qu'il ne s'agit donc pas d'une violation du droit de la défense.
Aux fins de cette démonstration, il convient d'avoir à l'esprit deux
considérations im~ortantes: l'une de fait. l'autre de droit.
La première --la considération de fait - concerne d'une façon géné-
rale la conduite de la Barcelona Traction dans la procédure de faillite
suivie en Espagne. Barcelona Traction, en effet, ne s'est pas défendue
conformément aux principes fondamentaux applicables en l'espèce et,
dans ces conditions. il n'a pas pu y avoir une violation des droits de la
défense.La deuxième considération est une considération de droit. Elle
se fonde sur le rincipe que la prétendue violation des droits de la dé-
fense d'un plai 8eur étranger ne peut êtreenvisagee que d'après la lez
lori, c'est-à-dire en tenant compte seulement desmoyens spécifiquesde
défenseaccordéspar ladite loi.
En ce qui concerne la considération de fait. il a étéprouvé dans la
phase écrite de la procédureque Barcelona Traction n'a pas essayéde se
défendre d'une manière normale ni correcte contre le jugement de la
faillite. Loin de se servir du moyen <ledéfeiiseprévu par la loi, à savoir
le recours d'opposition, elle a, d'une part, déclenchédes interventions
diplomatiques, en vue de provoquer l'intervention du Gouvernement
espagnol dans une procédure judiciaire dont elle redoutait les consé-
quences. D'autre part, sur le plan judiciaire, elle a essayé d'exclure de la
saisie les actifs d'Ebro et des autres sociétés.C'est ainsi que Barcelona
Traction entraîna les sociétésd'exploitation àformer des recours dont le
but n'&ait pas, àproprement parler, la révocationdu jugement defaillite,
mais celui de vider la procédurede sa substance économique.De cette
manière, les obligataires auraient étédécouragéset il aurait étéfacile de
leur imposer un arrangement désavantageux poyr eux, mais avantageux
pour la Barcelona Traction. Pour la réalisation de ce plan, toutes les
précautions avaient étéprises, notamment le transfert au Canada, en86 BARCELONA TRACTION

1947 d,e tous les titres-actions d'Ebro et des autres sociétésd'exploita-
tion. Les détails de ceplan ont étéexpliqués de façon minutieuse dans la
phase écrite de la procédure(D.,VIII, p. 744 et suiv. et p.829-831 e)tle
Gouvernement espagnol n'a qu'à se rapporter à tout ce qui a étédità ce
sujet.
La deuxième considération -la considération dedroit - se fonde sur
le principe selon lequel la prétendue violation desdroits de la défense- et
particulièrement les soi-disant retards dans la procédure - doit être
envisagéed'après la lexfor;, en tant que loi régissant la procédure, c'est-
à-direen ne'tenant comptequedes moyens de défensespécifiques qu'ac-
corde ladite loi. Il y a deux raisons, en l'espèce, d'appliquer la lex fori,
c'est-à-dire, dans le cas d'espèce, la loi espagnolea) Le principe du droit
international privé espagnol, d'a réslequel la lex/or; régitla procédure;
b) dans le casd'espèce, en vertu l'articleII du traité entre 1Espagne et

l'Angleterre de 1922 ,ont les effets ont étéétendus au Canada par un
échange de notes des 12 et 19 juillet 1928 ,ui subordonne le droit des
compagnies canadiennes à ester devant les tribunaux espagnols à leur
soumission aux lois es~a.n.,es. S'il n'en était Das ainsi. la Dorte serait
ouvcrt~.3 iuutes sorte tir fr:tii.lcj et d irrr:gularitc::.
Lei iiit<;r~~~~i';tliriii~tU iliairc minï rlc sc JGferidr<.au iiioy(l'iiiic.
procédure autre que celle prescrite par la loi en s'abstenant de mettre en
ceuvre la procédure pertinente pour faire valoir ensuite l'impossibilité de
se défendre et demander la protection diplomatique. Cette idéea étéex-
primée notamment par la General Claims Commission entre les Etats-
Unis et le hlesique dans l'affaire I'enable.Dans cette affaire, le plaideur
étranger, ciagissant conformément à l'avis de son conseil mexicain, n'avait
,as u.is les mesures exi-.esDar le droit mexicain de la manière exigé.. .
le droit ~ii~sicniiet :<\,:Ipris d'autres mesures qui, coiiformr'nient aux
lois de procédurcet de faillite. ne potiïaient jamais lui faire :<tteindre son
but jnUe\.ant cette situ:ition. In cuinriii;sion d6cl;ir;iit ce qui .,uit:

aII ~st tr?; resretiablc d'avoir à dire qu'il [le plaiils:ur itranger]
n >tévi:ti:iie soit d: I'ins~th~a~ice{lcs ~uiin;tissanccs soirliiiIéf:iiit
dc zClcdc son ~dii.icll,touteluis.IChlçxiquc lie jïur;iit itre [<:nupolir
responsable de ce chef. Le plaideur étranger avait toujours euà sa
disposition les moyeiis d'intenter une action contre une telle saisie;
et s'il n'intenta pas cette action de la manière prévue par le droit
mexicaiii, son défaut, son ignorance ou sa négligencene peuvent pas
être imputés aux autorités ou au Gouvernement du hfexique. »
(N.U., Recireildes sentencesarbitrales, vol. IV, p. 226 et suiv.)

Il està noter que cette manière de voir a étéexposéedans le contre-
mémoire (IV,p. 541-54 7tle Gouvernement belge n'y a répondu ni dans
la réplique ni dans les plaidoiries.
En tenant com~te de cette manière de voir, et afin de démontrer qu'il
n'J a~ras~ ~ ~io~ ~ ~ ~des droits de la défense.le Gouvernement es~aen.l-
va examiner les possibilités de défense que la loi espagnole. en tant que
lex /orrégissant la ~rocédure. accordait à LaBarcelona Traction et à ses
coïntéresCés.
En ce qui concerne, en tout premier lieu. Barcelona Traction, il a été
prouvé qu'elle a renoncé à faire valoir ses griefs contre le jugement de
faillite moyennant le recours pertinent, le recours d'opposition. II n'est
pas question de revenir sur ce vice fondamental.
Il est vrai que, le5 juillet1948 la Barcelona Traction a introduit une PLAIDOIRIE DE M. GtiGGENHEIhl 87
demande incidente de nullité des actes de la procédure, demande qui fut

développéedans sa pièce de procédure du 31 juillet de la mêmeannée.
Mais le Gouvernement es~aanol a démontrédans la phase écrite de la
procédure (cf.notammentC.M., IV, p. 355 et annexes ykentionnées) que,
d'après la loi espagnole, cette demande était affectéede vices de nullité.
~uçur~lus elle 6tSt irrecevable,

,,car c'est un principe fondamental qu'un recours extraordinaire
comme le rec&rs en nullité n'est recevable que si le recourant a
préalablement épuiséles recours ordinaires ir(C.M.,IV, p. 355).

11 en résulte que Barcelona Traction n'essaya pas de se défendre
moyennant le recours pertinent et que, par contre; elle fit mine de se
défendremoyennant un recours entaché de vices de nullité et qui n'était
p:" r~c~\.:ililr 1.ei.oiivi~rneiiicn1I~clg< vit tluiic ni:i\.vnu 5 ii,v;,iliicun,:
v101atio11(1, drc81tsdc.1.8 cl<fxii,~:tl G~.AI (IV li~~r~~lr~T ~.r,ct~ou ~III>CIII~
cctt, .o<,iFr< l: i'cit p.,; cltfcridiitIv,r Ir: nio!.t.ii cl~ipli ..:ri$,:,la Irs
lori, en l'espècela loi espagnole.
De toute manière il est incontestable que les tribunaux espagnols ont

examiné et repoussé lesgriefs que 13arcelona Traction fit valoir contre le
jugement de faillite et les autres décisionsjudiciaires connexes.
En effet, la sociétéfaillie n'étant pas en mesure de présenter ses griefs
en temps et dans les formes voulues, du fait qu'elle s'était abstenue de
former le recours d'opposition, mit à profit l'occasion que lui foumis-
saient les recours contre les décisionsdu juge spécialdu 27 août 1951 et
27 septembre 1951 autorisant la vente pour formuler de façon étendue
et systématique tous les griefs de fond qu'elle avait contre le jugement de

faillite et les décisionsultérieures(D., VII, p. 619 et suiv.).
Or, le juge spécial d'abord (jugement du 27 septembre 1951. A.C.M.,
chap. III, na 153. doc. 2) et la cour d'appel de Barcelone ensuite (juge-
ment du 5 février 1952 bid., doc. 3),loin de s'abriter derrière le fait que
toute cette argumentation n'avait aucune pertinence dans cette phase
du litige et dans la section de la procédure où elle était présentée,entre-
prirent d'examiner au fond ces allégations tardives et les rejetèrent dans
deux longues décisionsabondamment motivées.

Le~ ~ ~ernement belee. c~-sc,-nt de~c~ aue lesdites décisions iudi-
ciaires sont favorables au Gouvernement espagnol, a objecté que les
décisionsfurent hors de ~ropos. c'est-à-dire qu'elles ne furent pas rendues
au moment et au iieuieiniis a~~ronAiésdu Doint de vue de la~rocédure.
or, il est évident que 1; kouvernement espignol ne saurait en être tenu
pour responsable. En effet, si les choses se passèrent ainsi, ce fut unique-
ment Darce a~* la société ~~illieell~-m~me n'avait Das formé en temus
utile le recours d'opposition et qu'en revanche elléinvoqua ces argu-
ments et ces objections lorsqu'elle fit opposition à la vente. L'attitude

oassive au'avait prise initialement la sociétéfaillie. circonstance aui est a
ia cléde ioute la procédure de faillite, a eu pour effet de déformerioute la
procédure.
Le Gouvernement espagnol croit ainsi ayoir démontréqu'il n'y a pas
eu violation des droits de la défense en ce qui concerne la Barcelona
Traction.
Le Gouvernement espagnol démontreramaintenant qu'il n'y a pas eu
non plus violation des droits de la défenseen ce qui concerne Ebroet les
autres sociétésd'exploitation. Dans ce but il s'appuiera à nouveau sur la

conception déjà exposée, à savoir que la question doit êtreenvisagée88 BARCELOSA TRACTION
d'après la lex lori et en ne tenant compte que des moyens spécifiquesde
défensequ'accorde ladite loi.
Dans la mesure où lesactifs d'Ebro et desautres sociétésd'exploitation
étaient atteints par le jugement de faillite, le code de procédure civile
espagnol leur accordait un moyen de défense spécifique:la terceria de
dominio. Les tribunaux espagnols allèrent jusqu'h leur indiquer cette
voie (jugement du 17 mars 1948, A.M., vol. II, no91, p. 360).
Mais ce moyen de défensen'a jamais étéutiliséet l'on comprend donc
mal comment le Goilvernement belge peut se plaindre de violation des
droitsde la défense à l'égardd'Ebro et desautres filiales.
Le Gouvernement bel-e est d'ailleurs lui-mêmesi bien conv~~ncu de
l'ex;~ctitiidede cettc affirin;~tioiiqu'il;it-si;i!.L:.p:ir tuiis 1,:snio!.rii5, dc
dtiiiioiiircili'Et>ro:iur;iitt:ritnriiUrie procé<liire<letcrccri<zd<.dontrnto
II s'aeissait de l'action de maior cua>rlia introduite oar Ebro le 1-.sen-
temb;e 1949 et qui, d'après la réplique (V, no 657. fi.490) aconstituait
par ailleurs une véritable lerceria dedominioa.
Mais le Gouvernement belge n'est guère convaincu sur ce point de ce
qu'il affirme. Il suffit. en effet, de relire le passage de la,réplique (V.
no 660, p. 492). qui dit que le recours introduit était aune action com-
plexe comportant, d'abord, des demandes de nullités ...-puisune de-
mande en restitutionn et qui ajoute que .la seule action. de lerceria de
dominio n'eût pas ét6adéquate. puisqu'il ne s'agissait pas de revendi-
quer des biens saisis par erreur ...mais de s'en prendre aux, dispositions
du jugement lui-même ».
Il ya lh une reconnaissance explicite de ce qu'il ne s'agissait pas d'une
tercerladedominio.Cependant, le Gouvernement espagnol tient à ajouter,
comme ill'a déjhmontrédans la phase écritede la procédure (C.M..IV,
no152, p. 343), qu'au mois de septembre 1949, lors de l'exercice de I'ac-
tion en question. il n'y avait plus matière à l'exercice d'une action de
lerceria,les actifs des filiales ayant été restituésauxdites filiales en avril
'948.
II est donc clair qu'Ebro et les autres sociétés filiales nese sont pas
défendues en utilisant le moyen spécifique que leur accordait la loi
es.ae.,le. Bien au contraire. Ebro a essavéde faire valoir des movens de
~)rocr'durcpour lesqiiclj elle11'3~3111>;1~<~~1:iC lit<:.~itiiqii'cllr)ifor1112
un recours cn r&tr:iit:itioii(10 fé\.ri<-ir,lricoiitre Ic 1iigema:nt(le <I<:i.l;i-
ration de faillite dans la mesure où il laconcernait. C'est ainsi éealement
qu'elle a fait opposition au jugement déclaratifdefaillite (23 févzer I 48),
é~alement dans la mesure où il la concernait. Les autres sociétés$ex-
pïoitation ont fait exactement la mêmechose.
des autres sociétés filiales.le Gouvernement belge prétend qu'il y aurait
eu aune scandaleuse violation des droits les ~lus élémentairesde la dé-
fensen (R.. V, no 141. p. 81).
II a déiàétédit dans la phase écrite de la procédure que les tribunaux
espagnols ne pouvaient qu'accepter ce désistement (C.M. I, , p. 325.
no 130; D., VII, p. 496 et suiv.). Le Gouvernement espagnol se rapporte
h tout ce qui a étédit àce sujet et il tientà ajouter ce qui suit.
Il est connu au'avant la déclaration de faillite de Harcelona Traction
cette sociétépo;sédait toutes les actions dtEbro et des autres filiales et
qu'en conséquence elle dominait entièrement lesdites sociétés.Avant la
faillite, Ebro et les autres sociétés filialesmanquaient de volonté propre
et dépendaient entièrement de Barcelona Traction. Par conséquent, la PLAIDOIRIE DE M. GUGGENHEIM
89
déclaration de faillite de la société mèreet le transfert inhérent aux
organes de la faillite des droits de ladite sociétésur Ebro et les autres
filiales ont eu pour conséquenceque les sociétésfiliales furent entièrement
dominées par les organes de la faillite. Et de mêmequ'avant la faillite
Barcelona Traction pouvait imposer aux sociétés,filialesune certaine

conduite judiciaire - par exemple introduire une action ou s'en désister -
de même,après la faillite, les organes de la faillite pouvaient imposer une
conduite judiciaire déterminéeaux filiales.
Or, comme les membres du conseil d'administration d'Ebro avaient été
légalement changés, c'étaient les nouveaux administrateurs qui déter-
minaient le comportement que la sociétédevait avoir en justice
D'après le Gouvernement belge, le rejet - fautede qualité pour agir -
des recours forméspar les dirigeants des sociétés filiales révoquéspar le
comniissaire, ainsi que des recours formés par les membres du conseil
d'administration révoqués par le séquestre-dépositaire, constituerait
sun brutal refus d'audienceii (M.. 1, no 348, p. 172).
Daiis ce cas non plus il n'y a pas eu la moindre violation des droits de
..~ -~--~~-.

En effet, les personnes révoquéescomparurent dans la procédure de
faillite et formèrent des recours contre les ordonnances en question. Mais
les tribunaux espagnols rejetèrent ces recours sur la,base du manque de
qualité des recourants. L'essentiel de l'argumentation de la justice es-
Pagnole était que les auteurs du recours n'étaient pas des créanciers, ne
représentaient aucun créancier, et qu'ils pouvaient faire réparer le dom-
mage que leur aurait causéle commissaire par la procédure adéquate, et
non dans le cadre de la procédure de faillitedont le but n'est autrequede
déclarer légalement la situation économique du failli (A.C.M., vol. VIII,
chap. III, no gr, p. 62).
Si les personnes en question se croyaient injustement révoquées, elles
auraient dîi actionnerpar la voie déclarative les sociétésdont elles dépen-

daient, quelles que fussent les personnes administrant ces societés.
C'était le moyen de défensespécifi ueaccordé par la loi espagnole. Les
tribunaux espagnols eux-mêmes in%iquèrent cette voie aux recourants:
cisi les auteurs du recours qui n'ont et ne peuvent avoir d:intérêts
dansla faillite, ont subi une lésiondans leurs dro!ts ...motivée par
des actes du commissaire. ce n'est pas danscette instance -qui ...
leur est étrangère - mais dans l'instance déclarative correspondante
qu'ils peuvent voir réparer le dommage causé ii(A.C.M., vol. VIII.

chap. III, no 91, p. 61).
Mais la nrocédure adéauate ne fut iamais utilisée.
lin ce q;i roiicrrric cii;in S.îtioii;,l'l'riiilvit 3h;i>liiiii<.iitf;i<liirIL,
,I<:fniitcl<:.iiial~t;: pa,iir :<ilunr f~il cri.f Ir c:;iiiivcrncnient hclxc (II,
V. I> ;S--ci 31t ;!t<<l;clniti.n rniîoii {l'iinc;irtitucli. Iio>ttli1.1virt <Ir.;.
.. , ,,,
tribunaux espagnols, qui auraient opposéà cette société un<irefusd'au-
dience »systématique.
Tout au contraire, l'attitude des tribunaux espagnols A l'égardde ladite
société atoujours étéconditionnée par les qualités et les droits qu'invo-
quait National Trust.
Ainsi, cette sociétécomparut pour la première fois devant les tribunaux
espagnols le 27 novembre 1948, en opposant un déclinatoire de compé-
tence en faveur du Tribunal suprême d'Ontario. A cette occasion, elle
n'invoqua pas la qualité de créancière ordinaire ou celle de créancière90 BARCELONA TRACTION

gagiste de la société faillie,mais elle basa sa demande sur la qualité de
trustee des oblirations émises par Barcelona Traction. Or, comme I'insti-
tution du trustétait inconnuepar la lez lo~i. c'est-à-dire la loi espagnole
(C.M., IV, no 185, p. 365). comme National Trust elle-mêmele reconnais-
sait dans sa demande, la justice espagnole refusa à la sociétéla qualité
d'ttre partie à la procédure de faillite.
En septembre 1949 (D., VII, p. 516) National Trust comparut à
nouveau à la faillite et particulièrement à l'assemblée des créanciers.
Comme cette fois-ci elle invoquait la qualité de créancièreordinaire, elle
fut admise à ladite assemblée où elle a pu exercer ses droits sans la
moindre restriction.
Mais National Trust comparut encore une fois devant les tribunaux
espagnols, en introduisant le 3 janvier 1952 (A.C.M., vol. IXJ no 181,
doc. I,p. 125). justement àla veille de la vente aux enchères des biens de
Barcelona Traction et dans le but de l'empêcher, uneaction en revendi-
cation dite terceria. Cette fois, par un coup de baguette magique, Na-
tional Trusts'était transformée. Elle n'était plus ni trustee des obligations
de Barcelona Traction ni créancièreordinaire. Elle était à ce moment la
propriétaire de la totalité ou d'une partie des actions et de la totalité des
obligations d'Ebro. Et puisque le document dans lequel National Trust
prétendait fonder son droit ne satisfaisait nullement les exigences de la
lez lori (Il .II, p. 520-524) - car National Trust ne rkussit pas à dé-
montrer dans la forme voulue qu'elle était propriétaire des biens qu'elle

revendiquait -, le juge rejeta la demande.
Il est donc clair que, tant que National Trust a invoqué une qualité qui
devait étre acceptée d'après la lez lori -celle de créancièreordinaire -.
elle a étéenmesure de sefaireentendre par les tribunaux espagnols.
En tout cas. le droit espagnol accordait à National Trust, en tant que
créancihre, un moyen spécifique de s'opposer à la faillite de Barcelona
Traction: le recours d'opposition, que ni elle ni personne n'a voulu
utiliser, et pour cause.
Le Gouvernement espagnol a ainsi démontréque, dans la procédure
de faillite de Barcelona Traction, il n'y a pas eu la moindre violation
des droits de la défense, soit de la sociétéfaillie, soit de l'un de ses
cointéressés.
Dans ces conditions. mémesi l'on accepte par h!.potliiie que les6riefs
belge; concern:ii>t <I'iint-manicre gcnbrnle 1:1sii;peii.ioii <Icla procc<lurr.
et les recours des filiales devaieiit Gtre:csaniin:iIn Iiiiniérc$le;~rincii)<.î
régissant le "déni de justice au sens propre du terme », lesdits &efs
n'auraient pas le moindre fondement.
Monsieur le Président. Messieurs les iue,s. le Gouvernement esoaenol
(I;sirc ni3inrenairt examiiitr littroisième catégorie d':ict~>s(111l;~~:.~ir
judiciaire pouvant eritrsin<.r la responsnbilit(: internntamnl? <LeI'Etat. i
savoir la rejuon5abilitC<lii fait du conteiiii <le>dkibiüns iudiciairej
1.eGoiiveriicnit,nt rspngnol \,oiii a in<liqu; i,uparn\.ant qrie dans cvtte
affaire le Gouvernemrnt belge iisurtout insisté sur des pr&tcndues vio-
lations (lu <Iri>itiiit<:rnéc;oaanul. '1'oiitc:fuisGtniit <iaiiirL:11 nnturt: (1~:s
griefs heljiés.il appnrait n<iç>>iiirc(Ir rt:i,enir iur les priiicipçi <Irdroit
iiiternational applic:iblei i cvttc catt~gorie d':,ctcs du puiiv8iir juiliciairr.
pouvant entraincr I;rcq)onînl>ilitéintcrn3tionaIe <leI'Etat
1.e Goiivcrneinçnt rspn~nol tient toiit d'abord i >oiiligncr qiiç In res-
ponsabilité internationale <l'un Etat (lu fair du coiitcnii <l'uni:décision
judiciaire ne peut être qu'exceptionnelle. Comme l'a dit à ce propos PLAIDOIRIE DE M. GUGGENHEIM 9'

l'éminentauteur et ancien juge des deux Cours internationales Charles
De Visscher:
«C'est assez dire qu'en principe, et dans l'immense majorité des
cas, 1'Etat ne peut êtrerendu responsable des méritesintrinshques
de la sentence rendue. Le droit moderne de la responsabilité inter-
nationale s'en tient donc au point de vue qui prévalait déjà dans
l'ancien droit des représailles et que lord Mansfield a résuméen
disant: iQuand les juges sont laisséslibres et décident selon leur
conscience, leur jugement, mame s'il est erroné, ne peut doniier
ouverture aux représailles. » Formule exacte et prudente [ajoute
De Visscher]: elle pose le principe et fait pressentir l'exception. i,
(.Le dénide justice en droit internationale, Recueildescours,Aca-
démiededroit international deLa Haye, 1935,vol. 52,p. 399et 400.)

II est donc normal que les conditions dans lesquelles la responsabilité
internationale à raison du contenu d'une décision judiciaire est engagée
soient particulièrement rigoureuses.,
En effet, le droit international exige que trois conditions soient réunies
cumulativement pour que la responsabilitéd'un Etat soit engagéedu fait
du contenu d'une décisionjudiciaire, à savoir:
a) une violation flagrante et inexcusable du droit interne;

b) la mauvaise foi ou des intentions discriminatoires de la part des tri-
bunaux à l'égarddes étrangers (élémentsubjectif);
c) une décision de dernière instance, tous les recours accordés par le
droit interne ayant &téépuisés.

Le Gouvernement espagnol a déjàexpliquédans le contre-mémoireet
la duplique la nature et la portéede chacune de ces conditions. II tient à
ajouter maintenant les considérationssuivantes.
La première condition - la nécessitéd'une violation flagrante et
inexcusable du droit interne -. n'a vas étévraiment contestfe var le
Gouvernement belge. Il s'est limité à dire qu'il n'est pas compréhe&ible.
aue si la violation du droit interne a étévolontaire ou commise de mau-
Gaisefoi, elle devrait en outre êtreflagrante et inexcusable (R.,V,no460,
p. 313). La raison est pourtant claire.
En effet. il est unanimement admis au'en matière de resvonsabilité
iiiteriiatiunalcdu clicf du coiiteiiii des dkisiori~I~L~ICI:LI~il csktc une
prL'somption très iniportante. celle qui proclanic la conforriiitk des
dr'cisionsiudiciaires internes n\.ec le droit internc et ;i\,ci Ic droit intcr-
national. il convient de noter que le Gouvernement belge n'a pas con-
testécette présomption. Ellesignifie que, comme l'a dit Grotius:

a en cas de doute la présomption bénéficie au juge (nam in dubiare
presumptio es6pro his, quiad juditia publicaelectisunt) (éd.Carnegie
en anglais, p. 627)
ou, selon l'expression de mon compatriote Emer de Vattel, que

a dans tous les cas susceptibles de doute, un souverain ne doit point
écouter les plaintes de ses sujets contre un tribunal étranger. ni
entreprendre de les soustraire à l'effet d'une sentence rendue dans
les formesu (éd.Carnegie en anglais, p. 230). BARCELONA TRACTION
92
Cela veut dire que si la décision judiciaire incriminée a appliqué le
droit interne d'une manière discutable, il faut présumer que ladite dé-
cision est conforme au droit interne et par conséquent au droit interna-
tional. Pour que la prétendue violation du droit interne ne soit pas cou-
vertepar ladite présomption, il faut que la violation soit claire, manifeste,
incontestable. Sans violation flagrante et inexcusable du droit interne,
la première condition pour la responsabilité internationale ferait défaut
et il ne serait pas question de se demander si les autres conditions pour-

raient exister. Telle est la portée de la première condition poséepar le
Gouvernement espagnol.
Mais pour la question de savoir si la décision judiciaire incriminée
comporte, oui ou non, une violation flagrante et inexcusable du droit
interne, le juge international peut tenir compte d'autres élémentsde droit
que ceux utilisés dans la sentence incriminée. Il est possible, en effet, de
prendre en considération non seulement des arguments de droit employés
par les juges internes, mais aussi d'autres arguments qui justifient égale-
ment les résultats auxquels sont parvenus ces juges. La réplique elle-
mêmea reconnu cette possibilité (R.. V, no 73, p. 42; D.,VI, no50, p. 222).
De mème, pour l'appréciation de cette première condition - si le
droit interne a étéenfreint d'une manière flagrante et inexcusable -. il
faut tenir compte du droit et de la jurispruaence comparés, commei'a
fait le tribunal arbitral qui a tranché l'affaire Martini (D., VI, no SI,

11en r;siiltc que It (;oiivt~riir:iiiriit r.p:ignol est droit cI':il~[,ii\.<.r
les rtiiiltat;~IIX(~IIIF1% ui;t,~zuiitp.ir\,enui <:nciiililoysiit oit dt:i argu-
iiiciit>cl<%roir iiit~.~niiuiiiitili>;i,.iIcisili,-.i~c~iuit dei ;i-c.tiin~,i(IV
droit comparé.
Si, en réalité, la Partie adverse ne conteste pas vraiment la nécessité de
la premiere condition, c'est-à-dire la violation flagrante et inexcusable du
droit interne. il n'en est pas de même en cequi concerne la deuxième,
c'est-à-dire la mauvaise foi ou l'intention discriminatoire du juge dedroit
interne.
De l'avis du Gouvernement espagnol, pour qu'il y ait responsabilité
internationale, il faut que la violation flagrante et inexcusable du droit
interne s'accomuaeiie d'une intention malveillante et discriminatoire à
l'égarddes étrange&.
De l'avis du Gouvernement belge, la violation flagrante et inexcusable
suffit et il conteste en liene de urincioe la nécessitéde l'élémentsubiectif.
2 ..
de mauvaise foi et de 1'i"ntentiÔndiscriminatoire.
Le Gouvernement espagnol a eu l'occasion d'indiquer, ail cours de la
procédure écrite, que la thèse actuelle du Gouvernement belge contre-
disait celle qu'il avait soutenue lors de la Conférencede La Haye de 1930
(D., VI, p. 212-213). Le professeur Rolin a cru bon de revenir sur ce point
(VIII, p. 46). en essayant de montrer que la réponse du Gouvernement
belge au questionnaire préalable A la Conférence de codification de La
Haye n'avait pas un caractère limitatif et que. partant, elle pouvait
inclure la violation grossière du droit interne. Cette thèse ne saurait être
acceptée et force est de revenir sur cette question. Ledit questionnaire
posait aux gouvernements, en ce qui concerne les actes relatifs aux fonc-
tions judiciaires. cinq questions.
Les trois premières n'étant pas pertinentes pour le point en discussion,
il convient de s'arrêtersur les deux dernières.
La quatrième question disait: PLAIDOIRIE DE M. GUGGENHEIM 93
.La responsabilité d'un Etat se trouve-t-elleengagéedans le cas...
[d"ne] décision judiciaire dont le contenu est inspiré par la mal-

veillance àl'égarddes étrangers comme tels ou comme ressortissants
d'un Etat déterminé? ii(Conférence pour la codification du droit
international, Bases de discussion, vol. III, p. 160.)

A cette question le Gouvernement belge répond par l'affirmative sans
mentionner le moins du monde la possibilité qu'une violation flagrante
du droit interne puisse à elle seule engager la responsabilité de 1'Etat
(ibid., p. 181). La cinquième question ajoutait: i<Dans quelle autre hypo-
thèse peut-on admettre la responsabilité internationale de 1'Etat dont les
tribunaux auraient rendu un jugement injuste? 8 (Ibid.,p. 160.)

Or, que répondle Gouvernement belge à cette question? Mentionne-t-il,
ne fût-ce qu'à titre d'exemple, une nouvelle catégorie de responsabilité
internationale qui découlerait d'une violation grossière du droit interne?
Pas du tout, il déclare:
mOn peut également admettre, que la responsabilité de 1'Etat se

trouve engagée, par exemple, si la prévarication du juge étant
établie, la législation nationale ne permettait pas de réformer la
sentenceii (ibid., p. 181).
Ainsi donc, dans l'esprit du Gouvernement belge, c'est toujours l'élé-

ment de malveillance qui joue le rôle essentiel. 11en résulte que,contraire-
ment à ce qu'affirme monhonorable contradicteur, il existe-bien une con-
tradiction entre la thèse soutenue aujourd'hui par la Partie adverse et
celle qu'elle a soutenue il y a trente-neuf ans.
~~nsieur le Président. Messieurs de la Cour. le oint de vue du Gou-
i,crnernenr rqinqnol, sclon leqiirl l'il;rn<.nt ;iil)j~ctif dc rnauvsi;e f181
et d'intr.ntiuri ~li=crimin~ioirc d~it 5'3juutcr h Ia \.io1311unflagri~litePI
in-~--~~tlc dii droit intcriic uoiir rnrr:iiiizr In rcsoon~<ibilitl'Jr I'l:tnr.
est partagé par la doctrine et'la jurisprudence.

En ce qui concerne la doctrine, le Gouvernement espagnol a donné
dans la duplique (VI, p. 213.214) toute une sériede citations d'auteurs
comme Borchard, sir Gerald Fitzmaurice,Eagleton, Verdross, Rousseau,
Garcia Amador, qui ont insisté sur l'importance de la mauvaise foi et de
l'intention malveillante. L'idée a été bien exposée, récemment, par
O'Connell, dans le deuxième volumc de son Znt~rnalional Law (1965,
tome II, p. 1027), où il s'exprime ainsi:

<la première question à résoudre est celle de savoir si une injustice

fondamentale a été infligéeau réclamant à la suite de manŒuvres
judiciaires; la seconde de savoir si ces manŒuvres ont vraiment
abouti à une paralysie de la procédure juriciaire et sont extrinsèques
Dar ran..rt au bien-fondéde la réclamation. C'est la mauvaise foi et
;on pas l'erreur judiciaire qui semble êtreau cŒur de la question et
cette mauvaise foi peut êtrerévélée par des entorses déraisonnables
aux règles de preuve et de procédure..^

Quant à l'étude de la jurisprudence arbitrale, elle vient confirmer le
point de vue de la doctrine. La Partie adverse l'a contestéavec une opiniâ-
treté digne d'une meilleure cause et c'est en interprétant les arrêtscités

en fonction de ses désirs qu'elle arrive à la conclusion que l'élémentsub-
jectif de mauvaise foi et d'intention discriminatoire n'est pas nécessaire94 BARCELONA TRACTION
pour constituer la responsabilité internationale en raison du contenu de
la décision.
Pour cette raison, le Gouvernement espagnol se voit contraint de
revenir rapidement, avec votre permission, Monsieur le Président, sur
cette question de la jurispmdence. Le Gouvernement espagnol a citédans
le contre-mémoire (IV, p. 508.509) et dans la duplique (VI,p. 214-216)
toute une Sériede décisionsde la commission généralede réclamations
entre le Mexiaue et les Etats-Unis. Il s'agit des affaires CliaUin. Neer.
auxquelles pe;vent s'ajouter les affaires ~ordo>tet Garciay Carlu. Dans
tous ces cas, ICSiii~riibre de la conimission étant les rnémes,la formulu
employéeest à peu prèsla suivante:
.le traitement des étrancers, pour constituer un fait illicite inter-
national. doit consister en un outrage ou en ilne atteint,: a In bonnc
loi, vn uiie négli~ence\olontsire de ses deiwirs par le juge ou en une
insuiiisanct! de Iaction guii\.crneriientale si éloignéedes standards
iiitcrn;itionaus que tout homme raijoiinable et inipartial rtxon-
naitrait iiiiiiiirlinteii~eiii crttr instiffisnnce~~.(Af.A'et'rS.tJ.,
Recueildes sentencesarbitrales, vol. IV, p. 61-62:)
Lorsqu'on nous dit que pour qu'il y ait responsabilité internationale il
faut un outrage, uneatteinte à la bonne foi, une négligencevolontaire des
devoirs, il nous semble vraiment difficile de soutenir que l'élémentsub-
jectif de mauvaise foi n'est pas indispensable. La Partie adverse (VIII,
p. 49)a feint d'ignorer le passage de ces arrEts pour mettre l'accent sur la
dernière partie de la phrase disant:

ii[ou] une insuffisance d'action gouvernementale à ce point éloicnée
di standard international que fout homme raisonnable et imp$tial
reconnaîtrait rapidement son insuffisance ».
Or. il est clair oue cette ~hrase. loin de contredire la nécessitéde l'élé-
ment subjectif, vient la reiforceret compléter harmonieuseinent le pas-
saae précédent.En effet, si toute personne raisonnable et impartiale,
c'est-a-dire toute personne de bon Sens, peut reconnaître l'insuffisance
d'une action. c'est que celle-ci ne peut s'expliquer par aucune considé-
ration juridique, mais qu'elle est inspirée par la malveillance contre
l'étranger.Et que I'onne vienne pas nous dire quedans ce cas cette partie
de la plirase serait inutile, parce qu'elle constituerait une répétitionde la
premièrepartie de la phrase.
La première partie de la phrase, en effet, vise l'action dirigéecontre
l'étranger et le tort commis doit équivaloir à outrage, mauvaise foi ou
négligencevolontaire des devoirs: la deuxieme partie, par contre. \,Ise
par l'animositécontre l'étranger.et cette inaction ne peut s'expliquer que
Il n'y a d'ailleurs pas lieu de s'étonnerque ce passage des décisionsde
la commission des réclamations vise à la fois l'action et l'inaction si I'on
considèreque, dans la plupart de cesaffaires, les Etats-Unis et le Mexique
étaient justement accusésde ne pas avoir puni les coupables d'un acte
illicite (affaires Neer, Gordon,Garcia y Garza).
Tout aussi claire est l'affaire Golesworflt,and Powell, qiie la Partie
adverse essaie de déformerpour les besoins de la cause. Aprésavoir dit
que

"ce n'est que dans les hypothèses où justice a étérefusée.où une
injustice palpable et évidente aétécommise, ou encore les règles ou PLAlDOIRIE DE M. GUGGENHEIM 95

Ir, furrnri (iii;Li, oiivcrtcriiint \.rolc'~,,(iu encor? oii (Icsdiacriniiii;~-
riori, uJirii,rs rjiit 6ti coiiiriiiici au pr~i~ii(Iri,ï. r(ss(.rti,iant;que
lc:Gon~~ri~r~iir~itd'iin ;tr:arwcr IPCII~lntcrvriiir >I\ÏUIV IVI~,YH~I-

tional Arbitrations, p. zo8r; Ïv, ;. 508, no IO^),

le tribunal a retenu comme motif de condamnation el'attitude eminem-
ment criminelle du juge iinterne (D.,VI, p. 215, no 32).
A l'appui de sa thèse, le Gouvernement belge s'était surtout retranché
derrière l'affaire Martini (R., V, p. 317.318). A la suite des observations
du Gouvernement espagnol (D., VI. p. 218-zzo), on constate à l'heure
actuelle un accord entre les deux gouvernements sur le fait que cette
affaire vise en réalité une violation directe du droit international et qu'en

conséquence l'élémentde mauvaise foi ne saurait jouer aucun rôk.
Dans le cadre des plaidoiries (VIII, p. 47). la Partie adverse a cru dé-
couvrir dans l'affaire Chevreau un cas de jurisprudence quimontrerait que
l'élémentde mauvaise foi du juge est inutile. En réalitécette affaire ne
saurait être d'aucune aide pour le Gouvernement belee. En effet. la
~li'tcntioii <Ii('l.ci.rrnii iie fut pi I;Icon~it1iicii:c <l'iiiicrI6:i,i<,n jiidi-
ci:iirc Aucun rril~ii~ialinteriic. 11'3CU 3 SC.11ru11~~11~iUt.rII.'~rr~,t.~ti~tt 13
déportation de cette personne. Dans ces conditions, on voit mal comment
ceite affaire pourraitservir déterminer quelles sont les conditions pour
que la responsabilité d'un Etat puisse surgir du fait du contenu d'une

décision judiciaire.
L'affaire Brown (N.U., Recueildes sentencesarbitrales, vol. VI, p. rzo et
suiv.) vient enfin confirmer, s'il en est besoin, la nécessité del'élément
subjectif. Si, en effet, le tribunal arbitral est arrivé à la conclusionquë
M. Brown avait été victime d'un dénide justice, c'est parce que, dans la
période troublée que vivait l'Afrique du Sud, le pouvoir judiciaire était
soumis à l'exécutif.
Le professeur Freeman, dans son livre - sa thèse de l'université de
Genève (Institut universitaire de hautes études internationales) - The
Inter+aationaR l esponsibility of States for Denial o/ Justice, 1938, a effec-

tivement émiscertaines réserves en ce qui concerne l'élémentsubjectif
de mauvaise foi. Toutefois, les phrases citéespar le Gouvernement belge
dans la réplique (V, p. 318) et dans les plaidoiries (VIII, p. 48). doivent
êtrereplacées dans leur contexte général.On se rend compte alors que la
pensée de cet auteur est autrement nuancée que la Partie adverse ne veut
le faire croire.
11 est vrai que cet auteur, tout au début de sou exposéconcernant la
responsabilité à raison du contenu des décisions, met l'accent sur les
difficultésde la preuve de la mauvaise foi du juge. Mais cela n'est qu'une
affirmation provisoire à laquelle il ne s'arrêtepas.

En effet, après avoir mis l'accent sur les difficultés de la preuve de la
mauvaise foi, Freeman examine (p. 326 et suiv.) le critère de iil'injustice
manifeste 11critère qui revient en somme à celui proposé par Je Gouver-
nement belge d'après lequel la seule <erreur grossière et manifeste suffit à
enaaeer la resnonsabiiité de 1'Etat sans ou'il faille en déaarre-leu causes »
(RT. V, no 47~:p. 319).
Dans cette analyse, Freeman souligne - en authentique élèvedu
orofesseur Kelsen - l'incertitude du critère de l'iniustice manifeste. Il
dit quc Ir cnrnrti.rc fii,nnr cr iricr.rt:iiii dr. cc crirCiiiin8.le rmd criti-
qi~;tblr.et~II' IIn'est inni:<i.;p;ir\.<.n:,rt\,.tir iiisens tt.ihiiirliir. prki ..;

riiiciiucii<.i,ii;ijuiiti.-1-11ilcst Itautcnirnt iin~irol>~hl~~yu' tl :iciliii;~rt-96 BARCELONA TRACTION

jamais un ii(p. 327). Quelques lignes plus bas (p. 328), Freeman fait
remarquer que ce critérium est

iisuperficiel et non concluant, car il ne fournit aucunstandard pra-
ticable par lequel l'injustice pourrait êtremesurée et seséléments
constitutifs analysés. Et il se révélerasouvent embarrassant pour
celui qui cherche à en faire une application pratique s'il veut en
mêmetemps respecter la règle de la non-responsabilité pour erreur
judiciaire qui est consacréepar le même code. ,,

Freeman conclut que

Id'un point de vue pratique il est aussi impossible d'appliquer une
notion aussi vague que celle d'«injustice IIà une décisicinjudiciaire
qu'il l'est d'apprécier une telle décisionà la lumière des «obligations
internationales » de 1'Etat. Cette considération à elle seule devrait

ciaire.» (P. 330.)

Après cela. Freeman prend une position qui coïncide tout à fait avec
celle avancée par le Gouvernement espagnol. Il dit- et je m'excuse de
la longue citation importante:

iion peut penser qu'une analyse de la pratique internationale est de
nature à permettre de mieux poser le problème du mal-jugé résul-
tant de l'application qui a étéfaite de la loi interne. Les principes
gouvernant la solution de cette question peuvent êtrerésiiméscomme
suit: bien qu'il n'y ait indiscutablement aucune responsabilité au
cas de simple erreur judiciaire ou d'erreurs iréparables n, la preuve
certaine d'une erreur grave à laquelle s'ajouteraient des éléments

additionnels tels aue la malveillance à l'éeardde I'étraneer ouA Leut
êtredémontrée le fait que le tribunal yen faisant une application
volontairement erronée de la loi ou en déclarant l'existence d'un
fait qu'il avait précédemment reconnu ne pas exister ou en niant
l'existence d'un fait qui existe de toute évidence» ou, pour s'ex-
primer négativement, l'absence de bonne foi aura pour conséquence
de rendre responsable I'Etat dans lequel il a étéporté une atteinte
substantielle aux droits des étrangers. Lorsqu'il n'est pas possible
d'établir l'influence de la corruption, de la partialité ou de la mal-

\.eill.iiiiui 1ii>ut-dii procii la ri;pr>ii-nliilitdc I'llt;ir pc:ut cncorc
:rtt- riiqngik loi-c~itt1,.~I~'risit>~iii~li~i~~ir<r ;i gro;sii~rrnit,iit rr-
ron;~ <iii':~uçuiitiuridiciion coiiii,risi'II: iiiriirvi coni~>;.ti,nr>n'ail-
rait pu'honnête&nt consacrer uie telle solution; ou, Comme le dit
De Visscher, lorsque l'impéritie du juge atteint un tel (legréque sa
décision ne peut êtreexpliquée par aucune raison de fait ou par
aucune considération de droit valable. n (P.330-331.)

Mais cette thèse est justement celle soutenue par le Gouvernement
espagnoldans saduplique (VI,p. 216.222). Car, en effet, la thèse espagnole
concernant l'élément subjectifpeut se résumerdans les trois propositions
suivantes.
Primo, bien que le contenu d'une sentence interne de dernière ins-

tance, violant 1; droit interne d'une manière grossière et inexcusable,
puisse donner lieu à une responsabilité internationale, l'élémentsub-
jectif de mauvaise foi est toujours nécessaire PLAIDOIRIE DE M. GUGGE'IHEIM
97
Deuxièmement, la mauvaise foi doit êtreprouvéepar le gouvernement
demandeur.
Tertio, dans les seuls cas où la violation du droit interne atteindrait
une énormitéexceptionnelle, une gravité monstrueuse, il y aurait lieu de
présumer la mauvaise foi ou la faute lourde des juges. Mais il doit s'agir
des cas où, seloii l'expression de Ce Visscher reprisà ce sujet par Free-
man, cion ne puisse expliquer la senterice rendue par aucune raison de

fait ou par aucune considération de droit valable 33.
II est important de souligner. &Ionsieur le Président, &'lessieursles
juges. que l;i conception espagiiole est très différente de celle soutenu,,
par 1,aPartie adverse, notamnient dans la plaidoirie de $1.Kolin du mer-
credi 16 avril (VIII,p. 47). Cette dernière thèse consiste à dire qu'une
décision judiciaire coniportant une violation du droit interne d'une
certaine gravité pourrait entrainer per se une responsabilitP internatio-
nale.
Selon la thèse espagnole, une telle violation du droit iiiteriie ne pour-
rait engager la responsabilité internationale que si le goii\'ernement de-
mandeur réussissait à démontrer la niauvaise foi des jugcs par des cir-
constances extrinsèques à la decision judiciaire plle-mïme.
Pour que la mauvaise foi puisse étredémontrée il6reipsn, c'est-à-dire
pour qu'ily ait présomptian de mauvaise foi ou de faute lourde des juges.
il faudrait une violation du droit interne beaucoup plus grande, une
violation d'unc inonstruosité exceptionnelle, une violation non suscep-
tible d'explication par aucune considération de fait ou raison de droit
valable.

En tout état de cause, le Gou\rerncment espagnol n'a pas peur de la
thèsecontraire. Eii admettant aux seules fins dialectiques que la \~iolatioii
rossièreet manifeste du droit internen'aurait pas besoin de la niauvaise
foi des juges pour engager la res onsabilité internationale. la deniandc
belge ne serait pas non plus fon&e, car on a démontré,au cours dc la
procédure fcrite, et on le verra à nouveau aii cours de ccs plaidoiries.
qu'aucune des décisionsrendues lors de la faillite de Rarcelona Tractioii
ne comporte d~.telles violations.
La troisiCme condition qui doit Ctre remplic pour que la responsabilité
d'un Etat intervienne du fait du contenu d'unc décision jiidiciaire est que
tous les recours internes soient épuisés.
Le Gouvernenient belge n'a d'ailleiirs pas contesté que le droit inter-
national prévoit qu'uii Etat. dont uii tribunal aurait pu commettre R
l'égard d'un ktranger un acte illicitî, doit avoir la possihilité de faim
re\.oir cette décisionpar uri organe sup6rieiir.
1.a rPgle de I'épuisernent des recours internes, telle qii'elle a étécx-
primée par la Cour permanentc de Justice internationale (C.P.J.Z.
serleA/B no 77, p. 79) impli ue que l'action internationale ne peut étre
intentéequ'après l'échec de ?'action préalable iiitentée par lejusticiable

devant 1':iutoritélocale.
1.eGouvernenient espagnol a déjà montrédans le contre-mémoire (IV,
585-636) et dans la duplique (VII, p. 775-760 et p. 875-9321 que
Lrceloiia Traction n'avait pas épuiséIcs recours Internes et que de cc
fait déjà une des conditions ntcessaires venait à manquer. Mon collègue
et ami, le professeur hlalintoppi. revieiidr:~sur cette question et. pour ne
pas alourdir les débats, je prie respectueusemeiit la Cour de se référerd
ses développemeiits.
Alonsieur le Président, Xlessieiirs les juges, indépendamment des troiscatégories de griefs judiciaires - usurpation de compétrnc~:, clénidt:
justice au sens propre du terine. rcspoii~abilitc internationale cii raisoii
du conteiiu de la décisionjudiciaire - le Gouverncmerit cspagnol désirc
maintenant exaniiner iinc dcrnièrc catCgorie de griefs formulCs par I:I

Partie adverse. II s'agit de celle qui porte actuellement sur la notion de
12n-abus de droit ».
II nous faut d abord constater que ce grief a subi certaines modifi-
cations jusqu'à ce qu'il ait trouvé sa dénomination actuelle dans la plai-
doirie de M' Rolin du 16 avril 1969 (VIII, p. 35).
En effet, alors aue danssa requêtedu r. .uin rq62 le Gouvernement
b~lge pnrl:iit ,le .;iicsiirrs :idiriii~i;ir:tti\~.~iii;iiiifr~~i<~i:itrliitrnirc.j oii
(Iiscriiiiiii:itoirrs~~(1, 1iIS>]ct clriiilc IIICIIIOI ~lCc d<iii (Ir]iist~cesiilis-

tantitl r;sultant d'iin traitciiicnt iiijustc et discriminatoir~: des aiit0riti.s
n(lniiiiiitnti\~~s (1.ii"jj2 1, 10j 11 111;tt.t :lli~ 11111i 1111~1111~1<1:,11:.
1:'rSl>liq~,cIV, p j;o ct .ILI\. ;xcc~ii.;~riiiii>ii Ii riil>ri<liicgcnir:il<:
I.c, (IFiii(1,.~iiitii,vol<o~itairi. Ir; .iiitorit;i a<lriiiiii~ri:iti\~~:;
Le ouve ver né bmlge nribandonne maintenant cette manière de pré-
senter le grief. hl. Icolin :i troiivé, en effet, cette appellation ,,peu satis-
faisante ,i(VIII, 11.35). 11la substitue par la notion d'.abus de droit jn.
Siniultanémcnt le Goii\.ernemcnt helge étend la notion d'abus dc droit
à ol'exercice par les trit>uii;iiix esl>:ignolsde leur compétence jtiridic-
tionnelle 1,et à ce qii'il nppclle la «compétence d'exécution » (VIII, p. 36).

II coiivieiit aussi d'ajouter que In Partie adverse, peu confiante peut-étre
dans la conceptioii de l'abus de droit. cherche à l'étayer par d'autres
notions juridiqiies, telles que l'abus de pouvoir, l'arbitraire et surtout le
(Iétourncment (le pouvoir.
Le Gouverneineiit esp:ignol regrette que la Partie adverse n'ait pas
donné une définition concrète de I'abiis de droit tel ou'il l'entend. 0ii a.
en effet, I'iinpression que le Goii\.ernement belge utili& la notion de I'rihus
de droit telle qu'elle est conçue par certains ordres iuridiques nntionaiix.
Xos honorabl& contradictei~rs semblent considére<comme airouis oue la
. .
notion de I'ahus <ledroit a étéadriiise cilinsl'ordre juridique internatioiial,
avec le même conteiiii,la mêmesimification, la même portéeque daiis les
ordres iuridioue, internes. Toutef~i~.~,ien iie oermei d'affirmer aue la
doctriiic CI l;ij~iri~~~rii~lciiir~~~t~r~iatiu~~:~ :I~II tr.iii>poi;.iiiivcvrtaiii~
notion (IL, I':sl)ii(Ir.(Iruit<Iidoiii:,iiit;ILIilioit irii<rii<.d;iiis ctli(liidroit
international dans les mêrnesternies et avec la mêmesignificat'ioii.
En réalité,la doctrine de droit international est loin d'êtreunanime
quant à l'admission de cette notion, son contenu et son application à dcs
cas précis. Certaine doctrine, dont la Partie adverse semble s'étre fait

I'6clio. en use si dCiiiesiir&nieiitqiie l'on pourrait rappeler les termes dii
commentateur du code civil suisse, Gmür, sur la modération avec la-
quelle les tribunaux ont utilisécette notion,contrairement à la tendance
des plaideiirs à en faire une ibonne à tout fairen («In der Praxis wird
denii auch Art. z \.oii den I'arteien oft zu Unrecht, qyasi ais. hliidclien
für alles ,angeriifen ») (Gmür hl., Kominenlar zuttt ichweizerischet~Ziuil-
geselzbuch, vol. 1. z' éd.. Berne, 1919, p. 56). Il s'agit de l'article z du
code civil suisse.
En ce oui concerne l'abus de droit en droit international. le Gouveriie-

ment espagnol tient simplement à constater que le Gouvernement belge.
en dehors de son crief relatif au contrble deschances par les autorités ad-
ministratives. n'a pas utillsé la notion d'abus dë droit pour essayer de
prouver qii'il existait, dans les cas incriminés, une situation qui pourrait PLAIDOIRIE DE M. GUGGENHEIM 99
êtrequalifiée d'abus de droit. La Partie adverse s'est contentée d'affir-

mati'ons Durement verbales.
II conGient de plus de souligner que le Gouvernement belge a prétendu
assimiler la notion de détournement de pouvoir à la notion d'abus de
droitet au'il a affirméaue le détournement de pouvoir serait denosiours

auestfon de-plus près. La notion de détournement de pouvoir ioue un
;blc l>rati,lue'aiiS<:III 11;ertitirit., 0rjiai11~3110nsnteriiatroniil~s<t rCigio-
nnles ct J3nj (les pr<)cCdiirci <)IIIr<.s-'.nil~lt:ntplutiri ~.cllcs<II<Inlita&
in~nijrr;itiI qii'i ~cllcs1111<lroitCIVII011 i I:i pluj):,r(le LCIIC CSOIIIIIICdu
droit intcriiatioii:il l.<:i;ouvc.rn~.iiirit hil~<- iriblc:;trL.<ILrii;iiie ;i\,i.c.
car les ci>iiieil;<lu(~;ouv~~ri i?ill II<.gcicconn.,iisciit cils-niiiiici qii'il ;i
(Ica di~liciiItCsi intra~liiii~, iihti,)n,11cI~~~~~~~ri~t; r~r~t:ioiitivuir (Irurt
international. M. Kolin, en effet, affirme:

ail demeure vrai que tant la doctrine que la iurisprudence inter-
iiationales se servent exclusivement du terme iiabils dc droit ,,...
jamais dii terme «détournement de ouvoirn sauf lorsqu'il s'agit
du contrôle exercésurdes agents ou 2 esorganes d'une organisation
internationale ii(VIII, p. 41).

Nous pensons que ces quelques observations suffisent dans le,cadre de
cette procédure pour démontrer que le détournement de pou\.oir ne joue
aucun rôle en l'espèce. Le Gouvernement demandeur devrait d'ailleurs

expliquer comment il est possible de formuler l'accusation de détourne-
ment de pouvoir sur le plan du droit international sans avoir épuiséla
voie de recoiirs interne pertinente: celle du contentieux administratif
de\.aiit les tribunaux espagnols.
Dans ces conditions, il reste dans le cadre de cette plaidoirie iiiiinot à
dire à propos d'une idéeexprimée par le professeur Marin au début de la
plaidoirie du 16 avril 1969.
Il déclareque:

(,un Etat ...serend coupable d'un préjudice international lorsqu'il
applique sa réglementation des changes aiix étrangers d'iine manière
qui constitueun abus de droit, qui est arbitraire ou discriniinatoire »
(VIII,p. 56 [trad.])

D'après la Partie adverse v établir une distinction entre ori abus, un
acte arbitraire et uiie discrimination ,est iine opération iasscz \.aine in.
Elle ajoute: «ces termes sont souvent utilisés les uns pour les autres ...11
(VIII, p. 58 [trad.]).
Ainsi et d'une manière assez vague, deux autres pseudo-griefs sont
donc simultanément suggéréspar la Partie adverse, celui de l'acte arbi-
traire et celui de la discrimination.
Comme le Gouvernement belge ne fournit à ce sujet aucune précision,
il parait inutile de les examiner en détail.
II suffit de rappeler, en ce qui concerne le grief de discrimination,
l'opinion du juge Tanaka dans l'affaire du Sud-Ouest Africain (C.I.J.,
Recueil 1966, p. 3oj). IIs'est exprimé de la manière suivante:

.:\ppliiliiér mi:c;iiiiqiicilieiit lin nIi.int.tr:iitt~i?ide5 sitii:iti<~ri.s
dificrentes ser.iit aussi iiilustc ~iii';ippli~~i!rn trniténiciit ilifiéreiit:1
des situations semblableS. »iob BARCELONA TRACTION
II va sans dire aue la Dreuvede l'existence de cet élément-le fait que
les situations sont comparables ou équivalentes - incombe au gouvèr-

nement qui cherche à fonder une accusation de responsabilité interna-
tioDans ste cas d espèce, commeon l'a dit dansla duplique (VII,p. 803 et
suiv.), il n'y a jamais eu, de la part de ressortissants ou de sociétéses-

pagnols, la moindre demande coinparable de présou de loin à celles du
groupe de la Barcelona Traction.
Un exem~le entre lu sieurs vient confirmer cette affirmation. La
Partie adveise n I>rkseAttcomme uii cas de discrimin:itiun le rciiis des
auturitks espagnoles d'approuver la troisit'me version di1 plnn d'arrsn-
gcni1:iitcrila comparant à l'autorisation accordCe3 .\1llarch poiir I'acqiii-
sitiun des quelque 64 millions dc pesetas nécesraircsau rriiihoursriii~nt
dr.; obligntions 6%, en pesetnj de la B:ircelonn Traction (\'III, 11. i)O] La
difiirenre entre les dr~ix sitii;ltii>iisiiiterdit toute ruminraison 1.e nlan
d'arrangement était une opération complexe qui cohcernait les irois
espécesd'obligations de la Barcelona Traction et supposait en outre le
transfert à des sociétésétrangèresdes obligations en livres d'Ebro (D.,
VII,p. 769-799),cequi impliquait la reconnaissance d'une dette extérieure
que les autorités monétairesespagnoles considéraient comme insuffisam-
ment 'ustifiée.Le plan d'arrangement supposait enfin le transfert desdits
64 mihions de pesetas d2Ebro ila BarcelonaTraction sans aucuneentrée
de devises étrangèresen Espagne.
Par contre - et cela montre bien la différencede situation - I'autori-
sation demandée par M. March entraînait au contraire l'entréedans le
territoire espagnol de présde 2 millions de dollars (C.hl.,IV, p. 222).
D'ailleurs, l'institut espagnol de monnaie étrangère n'a pas cédéde
pesetas à M.March comme ce dernier l'avait demandé. L'Institut espa-
gnol de monnaie étrangere s'est, au contraire, limité,après une enquête
administrative compliquéequi a durésix mois et au cours de laquelle de
nombreux justificatifs ont dû êtrefournis, i autoriser l'acquisition des
pesetasen question sur le marchélibre des devises de la Bourse de Madrid
avec les dollars correspondants importésde l'étranger.
D'autres accusations précisesde discrimination que le Gouvernement
belge a reprises dans la procédure orale seront examinéesultérieurement
sur le plan des faits.

L'audience,srrspendzreà rr h 20, est repriseà rr h qo

Au cours de sa plaidoirie du 16avril 1969,mon honorable contradicteur
et ami, le professeur Rolin. s'est expliqué à propos du grief global. Il a
notamment déclaré qu'enformulant le grief global le Gouvernement
belge n'a pas prétendu n faire admettre par la Cour une cause de respon-
sabilité distincte et indépendanten des autres griefs spécifiques qu'il
adresse à l'encontre des autorités espagnoles (VIII,p. 50-54). C'est ainsi
que le grief globalne serait plus le dénide justice en quelque sorteglobal,
dont on parle dans la réplique (V,p. 566. par. 798). mais il constituerait
iiun examen d'ensemble in.iun procédétechnique indispensable à tout
juge ou arbitre appelé à apprécierle caractère culpeux d'une séried'actes
connexes ...,,IVIII... -,).
Le Gouvemement espagnol prend acte avec satisfaction de cette ex-
plication, puisqu'elle comporte en réalitéun abandon de positions an-
térieures, maisil avoue në pas comprendre les raisons pouriesquelles on PLAIDOlRIE DE M. GUGGENHEIM 101

appellerait iigri.f iice qui, de l'avis de la Partie adverse, n'est pas un
,cgaf )).

De toute manière, la thhse du Gouvernement belge se,heurte une
difficultémajeure. Les ~riefs dont le bien-fondéentraînerait la responsa-
bilitéinternationale d'un Etat sont caractériséschacun Darl'existence de
icrt;iiiii Clrnicnti. Une fois qiie tous les Clémentsconst;tiirifs dc ili;iili~c
crit,l c.\istenr. il1,n i.iol;itioii dii ilroit intern;~tioii:ilentr:iin;irit I:irrîpoii-
gabilitéinternathnale.
L'adjonction d'un nouvel élément qui n'est pas un desélémentscons-

titutifs des griefs n'ajoute rien au bien-fondé des griefs. On nepeut donc
pas prendre en considération un résultat final en soi, ni un soi-disant
résultat d'ensemble pour apprécier une violation du droit international
affirmédans le grief inùividiiel. Ceci pour la bonne raison que le grief
global n'ajoute rien pour appliquer et interpréter le grief individuel for-
mulé. La situation ne s'améliore pas en faveur du Gouverneinent belge

lorsque ce dernier prétend (VIII, p. 51) que plusieurs déviations de l'inter-
orétation du droit interne ooérant dans ~e m~me sens défavorable à
iinrci.li,ii:i 'I'r:icti,:ti icsnctiunii:iircs i:it:ilir<.r:iii:iiiri<prl;r>riil~tisn <ii
f;ivttir [le la r~~~~~~ti~,~I~ ~i~lit!~ri~:ii~oic ~lcillcl~~~~a~i5 t~1,in;~tii~ICI(.I.II~
le cas, aucune 'preuve ou auciin indice de preÙve-ne serait ajouté qui
aurait pour conséquence de renforcer les élénientsqui forment les griefs

applicables en la matière.
Le Gouvernement esoaeiiol ti,ii,.encore ~ ~ souliec.r~nue ,a Partie
:~~Ivcr.,~ ~~.~r~ict~l~~r~~ III.L~Isctriu~:<le~~i~t~.it~li~i #III<:;ipi)r;.ctdtidn
cli.iii~iiihl,~ile 1';iif:iir>~.iiiiii>:i I;Coiir I:n ,:itct.le i8c,u\~riiciiicnr Ijvlji~.
s'est eiforcc.de contester la pertiiicnce (le certain5 faits - ceiix consti:
l 1 :: u 1 : 1 1>r;1Ist(,irv .JÏ Iciitriprisc - SIIII;O111 tCIl1 A

f:iitiii:rf--:iirc. iiuiir ii~iiii~r~~ii<lIiesirii;ttii,ii deIJ.cf,i~llit~I:,renrv f(l.iiti
laquelle se troiÎvait la so'ciété liarcelona 'I'ractioii, ainsi que le déroule-
ment et le résultat de la procédurede faillite.
En tout état de cause, le Gouveriiernent espagiiol désire montrer les
risques et les faiblesses de cet examen d'ensemble que la Partie adverse
dénoinme«grief global a.l)'aprèsIcGou\~eriienient belge, ce grief repose-
rait,eneffet,surI'idée d'un complot tripartiteentre le groupe majoritaire

desobligataires, les autorités;idministratives et les autorités judiciaires
espagnoles en vue de faire passer audit groupe les biens de Barcelona
Traction. Autremeiit dit. il v aurait eu une a machination oarticulière-
ment coiii~ilc~u,e:t :iîriicicusc. dii jiroupe csl>ngiiolpoiir ic rL.'iiilrv niaitre
(lesenireprisesélectriquesde Barcelona Traction. machination qui aiirait
liuu\.t? I'aoi~iiicoiiit:int des niiti~riti~i <:ii,;irii<ilu3Ci!sr.r;iil ca!tte icl<:<iiii.
. .
d'après le'Coiivernement belge, espliiue;ait et donnerait un sens aux
griefs particuliers.
Or, il suffirait qu'une seule des bases dc ce prétendu complot tripartite
tombe pour que l'explication d'criscmble de la Partie adverse ne soit plus
valablc. De ce point de vue. le seiil fait de démontrer que le but poursuivi
par legroupe RIarchn'étaitpasceliii (le se rendre acquéreur des eritreprises
de Barcelona Traction, mais bien de recoiivrer scs créances, fera perdre

tout son sens non seulement au préteiidu iigricf global » mais aussi aux
eriefs uarticiiliers. II en va de mémeen ce aiii coiicernc la meuve auc les

gnoïe tout eiiieConiormaiit à ln loi.IO2 RARCELONA TRACTIOK

C'est mon collègueet ami le professeur Jiménez de Aréchaga qui, au
cours de sa plaidoirie sur l'inexistence du soi-disant .grief global inse
chargera defairecette démonstration.
hfonsieur le Président.Messieurs les iuges, étant amvé à la fin de ma
plaidoirie, je vous adresse mes sentimenis de remerciement pour votre
patiente attention. ARGUMENTOF SIR HUMPHREY WALDOCK

COUNSEL EOR THE GOVERNMENT OF SPAIN

Sir Humphrey WALDOCK: Mr. President and Members of the Court,

in opening, may 1 be permitted to say how sorry 1 have been that owing
to what 1 mav call a certain "dédoublement fonctionnel" 1 have not

Law of Treaties, after some moments of difficulty,has now been success-
fully completed, and 1 have been informed that the meeting for the
signing of the Convention has been fixed for 4 p.m. on this very day.That
event will, 1 believe, be a matter of personal satisfaction not only to a

number of counsel taking part in your proceedings but also to several
Members of the Court who, at different stages of the work, have made
their own valuable contribution to the task of codification. 1should like
in tliis connection to express my particular pleasure at seeing on the
Bench today the distinguished Judge ad hoc nominated by the Govern-
ment of Belgium nho played such a specially helpful role at the session
of the Conference last year. Not the least cause of satisfaction, hlr. Presi-
dent. vou mav think.is the acce~tance bv the international communitv.
II il. I I ~ I 1 r Ir r II ttlciiirnri>fdi>piitv. cuiiivriiiiig
tli, i~~v.iliili(81 rtriiiiii:~riiift~i..~tic,:lii<l.>but.,il1uf [lit <.oiiil,iil.~~rv

iur~-~\icti~~n~iitI11;<'mirtin 1~2avdto disuutv, L~11c~r11ii" ic,-,.t.~~~~c~linll
Of rules which have the force of jus coganS.
Mr. President, at this third and, it is to be hoped, final stage of these
marathon proceedings, 1 have the honour to address you on the liability
of Barcelona Traction to the bankruptcy jurisdiction of the Spanish
courts-a matter which inevitablv involves the activities of tlie Rarce-
lona Traction er,,n in,Snain
IirIgiiiiii1 il. ct,iirr kiit~iv>.1i:i-1t\.I1t:iIhitr~r cuiiipliiiii-.igniil.t
tlic Spanish Go\.ernnicnt in rcc:ird tu tlie i;ist. \il.iclir II;I[>ris<.i~tilcoii-
cvrniiig ttir iuiiiplr~ jtriiîtiirr~aiicl th, irrtgiilnr cniiriiiir nf rlie Hnrit,ls-

naTr3~tiot1~iitcrl>rije ?lir~didiodiirin~ rtic oral Iie~riri?; on th<:~~ieliriii-
ilary <jl,iect~uni.Slie Ils,~I~III50 in ttir \rrittc~i plc;~din:î on tliz mi.rits,
and hacre~eated her cornnlaints. if in muted ternis. aF these hearines.
We are iold that our dlegati&s regarding the ikegularities of txe
Barcelona Traction group are irrelevant and a mere diversionary ma-
nceuvre, and have three niotives:
First, by these allegations against the private interests to distract the
Court's attention from the Belgian complaints against the Spanish
authorities; secondly, to discredit the directors and shareholders of
Barcelona Traction after the event in the hope of mitigating what

Belgium is pleased to call the particularly shocking character of their
spoliation; and thirdly, to persuade the Court that, even if the Belgian
complaints against the Spanisli authorities were well-founded, never-
tkieless the losses suffered by the supposed Bclgian private intercsts
resulted from tlie defaults and frauds of the directors or promoters of the
Barcelona Traction cnterprise.104 BAI<CELONA TRACTION

We dealt with these complaints fully and faithfully in Cli;ipter 1 of
l'art 1 of oiir Kejoinder (VI). \\le poirited out tliat even if tlic case iri
the Belgian Memorial were assumed to be well founded the illegalities
committed by the enterprise over a period of almost 40 years to the
grave prejudice of the Spanish State would be material in assessing
the legal consequences of the alleged wrongful acts of the Spaiiish
authorities.

Our answer to the accusations was. however, far more fiind;iniental.
\Ve set out in our Rejoindcr a wholc series of basic issues in the case,
someconcerned with the merits and somi with the preliminaryobjections,
to whicli the structure and conduct of tlic Barcelona Traction entcrprise
have the most direct relcvance.
1 do not propose to recall those issues individually becnusc tliey may
be foiind in our Kejoiiider. VI, pages 24 to 26. and because the rclev:ince
of our allegations to those issues will appear al1 too clenrly in the :irgu-
ments which 1and my colleagues address to you.
We feel, Mr. President. that the Belgian Government's attitude is
somewhat extraordinary. It makes an internatioiial matter out of the
bankrupting of the Rarcelona Traction enterprise by Spnnisli private
interests in the Spanish courts: it brings Spain beforc the bar of this

Court; it makes the gravest charges against Spanish adrniiiistrative and
judicial aiithorities of a deliberate abiise by thcm of tlieir functioiis for
the purpose of fiirthering a supposed scheme to despoil Ijarceloiia Trac-
tion of the enterprise in Spaiii in bankruptcy proceedings; it specifically
depicts Harcelona Traction's condition of barikroptcy in Febriinry 1948
as engineercd by the Spanish monetary authorities. not as resiilting from
the acts or course of conduct of those who directed tlie enterprise; it
depicts the bankruptcy proceedings and tlie sale of the assets to Span-
ish interests as wholly artificial, not as resiilting naturally from the
actions of the enterprise before and in the bankruptcy proceedings. Yet
it tells you that the actions of the enterprise in Spain are really not
relevant.
Spain, in her writtcn pleadings. lias put Lieforetlie Court a trernendous
quantity of e\,idence inescapably leading to the conclusioii that the
course of conduct pursucd by the Barcelona Traction eiitc'rpri 'se over a
long period of years vis-à-vis Spanish administrative authorities \!.as a

prime cause of its foreign exchange difficulties and thus also of its inability
to discharge its financial obligations. In otlier words, the Spanish Gov-
ernmcnt invoked the conduct of the Rarceloiia Traction enterprise in
S~ain for the . .rDoseof ~uttine before the Court an alteriiati\.e and \vell-
118cumcntc<icsl>~aiiatioi~of ihc origiii an<i coiirhc of tiic i,:iiii<riiptc!.
i>rocc.e~liiicvliicli tliro\vs n \.Cr\.(liffercnt ;,n<liiinoct:iii Iicht on tlic :icts
Ofthe S~gnish authorities.
Iloir ;.an oiir opponciits ~)ossiI)lsa). >Ir l'resident, tliat tliiscsl>lnn;i-
tion ;incl that condiict of UnrcélonaTraction are irrelc\,arir tu tlic ISSIICS
beforc tlie Coiiri) T1ir.ygu to ttie \.cry root of thc Uclgian Goveriiniciit's
chargcj agninst the Spnnisli niiilioriiics :ilid ;ir;ittlic samt: tiiiie1 cnr-
dinal part of the Spanisti (;oierri~iierit'scajçiirelectiuii of tliojc cti;irgc.s.
The Court mav~indeed wonder how the character. circunistances and
condiict of ;ihaiikriipt iniii\~i<liialoiiiillis caic il~i structure, circiiiii-
stances and condiict of nban~rii~~tcompanycoi~I<I~\~er L>eirrele\.aiiitoan
examination into the causes and the rëcularitv of the bankru~tcv. The

Court may therefore fcel that the i~idignation'ex~ressed at thé S$anish ARGUMENT OF SIR HUMPHREY WALDOCK IO5
Government's counter-allegations concerning the structure and conduct
ofthe enterprise is not the indignation of injured feelings but rather that

it is a case o"cetanimal esttrèsméchant,quand onl'attaque,il sedéfend.
At any rate, MI. President, the Spanish Government owes a clear duty
to its own people to present to the Court al1 the contentions and al1
the evidence relevant to rebut the infamous charges framed before
this Court against both the Spanish administration and the Spanish
judicature.
Vie niturally regret the very large quantity of documents which have
had to be filed with the Spanish pleadings, and we appreciate the heavy
burden that this has meaot for the Court. But it \vas Belgium, not Spain,
which instituted these proceedings vilifying the Spanish authorities; and
Spain, as 1 have said, had no other possible course than to ansmer the
attacks upon her authorities by al1tlie means at her disposal.
The reasons why the documentary evidence is as voluminous as it is
\i.e have explained in Our Rejoinder, VI, pages 27 to 31. Certainly, Nr.
President, it was not the Spanish Government wiiich ordained that
Barcelona Traction should be given a complex structure tlie better to

evade Spanish taxes; nor was it the Spanish Government which ordained
that the enterprise should proliferate its documents by correspondence
between directors and officials in Toronto, London, Rarcelona and Brus-
sels. Nor can it be held resvonsible for the fact that over a lone oeriod of
years the enterprise pursuid a persistent course of misrcpresenfation and
fraud in its relations with the Spanish authorities. the unravellinr of
which has becn so laborious a task:
In short, the responsibility for the large volume of evidence really lies
with those wlio directed the enterprise. Yet when we present the evidence
we are accused of trying to create a diversion and when we try to spare
the Court a little by keeping down the number of documents relating to a
particuiar matter we are at once told we are being selective with the
object of misleading the Court.
Need 1say to the Court, on behalf of myself and my learned colleagues,
that we have no such object? On the contrary, our object is that you
should penetrate to the truth regarding the bankrupting of the enter-

prise, and the best evidence of that truth is surely to be found in the
documents of the enterprise itself.
My primary task, Mr. President, is to reply to the Belgian Govern-
ment's first ground of complaint, a supposed violation of intei-national
law on the part of Spain in that, under international law, so Our oppo-
nents say, the Spanish courts were wholly incompetent in 1948 to enter-
tain the institution of the bankruptcy proceedings. That done, 1 pro-
pose to examine the denial of justice alleged to be involved in the Reus
judge's assumption of jurisdiction witli respect to Barcelona Traction.
The first complaint is one which seems to us intrinsically implausible
and in any case to be wholly in contradiction with the actual facts.Why
do we say Mr. President, that it isintrinsicallyimplausible? First, because
the allegation is that the mere exercise by Spanish courts in Spain of
their civil jurisdiction in barikruptcyii regard to Barcelona Traction ivas
itself a direct violation of international law.
The Court hns already heard my learned colleague, Professor Guggen-
heim, point out how very large is the discretion left by international law to

each State in determining the limits of the jurisdiction of its national
courts. The Court has also heard him point out tliat it is impossible toro6 BARCELONA TRACTION
deduce from the practice of States any such customary rule limiting a

State's exercise of. jurisdiction-in bankruptcymatters as that for which
our opponentscontend. It may be, &Ir.President, that despitethe vayied
and very extensive scope of the jurisdiction in fact exercised by national
courts in regard to foreigners, there is some ultimate limit beyond which
they cannot go without being held to encroach upon matters left by
international law within the exclusive iurisdiction of another State. But
if there is such a limit, it can only be, ai the law now stands. that in cases
where thereisno relevant linkbetween the foreiener and thesrateclaimine
to exercise jurisdiction theStatemay go beyond its competciice in inter- -

national law.
Here. Mr. President, relevant links between Barcelona Traction and
5p:tiii SIIII~>~al>oun~l.su tli;irrliv idc:i tli;ir tlic nixe s~crcijt.uf ]iiri.cI~c-
tiuii I>vtlic <(nni;l. cuiirti~:oiiI~l~:oiic~:ii~;iI>ivit.;:lf, ti<!aitiirct \.inI:~tioil
of international law. does seem to us rathei fanciful.
Secondly, we tliii;k this ground of complaint is on its face implausible
when there are so many external indications of the connection of the
bankrunt comoanv with~snaiii. Let me mention iust a few: the comDanv
\~ason~\~liicl~~alicditsclf~lieTrnctionCoinp~n)~of Blrceloiia tlic~~~iital
of ttic Sp:,niili pro\.in& of C.it:iluiii:i. tlic compÿiii. wni oii.: :iicorl>or;~tt:<I
and created in-Canada with the verv obiect of carrvine on business in
. , , <.
Sp.tin. \ irrii;,ll;il1tlii~r>nipnii!'~niiaiici:il iii\~~stiiiciiii:inIl 3sicri \vt:ri.
IIISpain. ioiirihly, ~lirt:ct<,r;AIIIIotIict;r>of tljc conip:iiiy r,:~itIr:~itn 5p;iii1
;,iiiIutliei, \rt:iit11i~rcfroiii tiiiic IO tiiiitoii iti I>iiiiiicjs fiftlil!., 1:irgt.
;~iiioiintsof rli~cuml>:,ii! '.buiiclsiicrc in circiilntir,iiiii "I>:III.ixtlily. tlie
ioiiipniiv's rq)orti informc(l iti ~I~~ir~lioI~l~ t11:st:III11sbiiiincsi \va, III
Spatn. .
It would only \vaste time to lengthen the list, hlr. I'resident. because 1
shall soon be drawing the Court's attention in detail to facts wliicli. in our
view, show irrefutably Barcelona Traction's coiinection \crith Spain and
liability to Spanish jurisdiction.

Thirdly, the implausibility of this cornplaint seems to appear from the
diplomatic correspondence betwcen the Canadian and British Govern-
ments, on thc one hand, andthe SpanishGovernment on the other. In its
first Note of 23 February 1948(A.P.O., No. 87), that is II days after the
bankruptcy order of the court of Reus. the Unitecl Kingdom Government
took no exception tothe Spanish courts having assumed jurisdiction with
respect to ljarcelona Traction.
About a month later on 27 alarch 1948 (A.P.O., No. 88). the British
Embassy in Madrid presented a longer Note on behalf of the Canadian
Government, accompanying it with a brief note on behalf of the United
Kinedom bondholders in Barcelona Traction. eivine its suvvort to
" . ,, ., . .
:inIi:ii rrt:~~ttit~ :\iirl tlie C;iii;i~Ii:iiiSotr: diil cliall~ilg~ tlic
riglit ofIII<S:paiiisliCOLIII~ 10 excrciw ~~ir~j~licr~oTnIic C~III:X~IIG ~IIvcrii-
ins:nr rlit.r<>t:itivl rtint l<:irccliinn 'l'rnction lia,l I>et:niiicorvor:~tv~l III
Canada ancl \vas a Canadiaii national, tliat it \vas a Iiolding co&ipany and
had no office or direct business in Spain. and that it had iiot been regis-
teredunder Spanish law. It went on toassert that the Reus court hadiio
jurisdiction to declare bankrupt a Canadian company which, it said, had
no office or business in Spain. Finally, it claimed that under private
international law it was beyond the jurisdiction of a Spariish court to
issue a bankruptcy order against liarcelona Traction, andthat the proper
place for a bankruptcy petition against the company \vas in Canada. ARGUMEKT OF SIR HUMI'HREY WALDOCK
"'7
It does not require much imagination, Mr. President, to see where
those assertions came from, for they echo the misreprcsentations which
MI. Lawton and his staffin Barcelona liad for years been niaking to the
Spanish tax aiithorities, though witli ever-increasing nervoiisness at the

possibility of being found out. At any rate. the diplomatic correspondence
shows that the Canadian and United Kingdom Governments later drop-
ped their challenge to the competence of the Spanish coiirts.
So true is this, Mr. President, that in a Note of 26 July 1951 (A.P.O.,
No. 158), after referring to the farnoiis Tripartite Minute, the Canadian
Government expressed its welcome for the statement of the Spanish
Government in that Minute that any legitimate interests affected by the
activities and position of the Company would always find the necessary
protection within the framework of Spanish legislation. And in the same
Note, it observed that the validityof the bankruptcy proceedingsinvol-
ving Barcelona Traction was still the subject of litigation in the Spanish

courts, without appearing to qiiestion in any ivay the competence of the
Spanish courts to entertain that litigation. Indeed, in a Note of 28 Se
tember of the same year (A.P.O.., No. 163). the Court will actualg
find Canada requesting the Spanish Government to inake useof its right
to intervene in the bankruptcy proceedings in connection with the tax
liabilities of Barcelona Traction and to assist in promoting a settlement
between the private interests.
Fourthly, as Professor Guggenheim has pointed out, how can the
Belgian Government possibly have a right to complain before this
Court of a usurpation of jurisdiction which, even if it could be estab-
lished, would be a violation of the sovereignty of Canada and not of

Belgium?
1do not overlook. Mr. President,the question of the allegeclusurpation
of iurisdiction with resoect to the siibsidiarv comoanies. Nor do 1 over-
IO& the allegation that'the court at lieus 1a;ked jirisdiction to entertain
the bankru~tcv ~roceedin~s under Spanish law. Well, wc shall deal with
those allegitiohs'in due coÜrse.
Now, 1 am addressing myself solely to the basic allegation that the
mere exercise of jurisdiction by Spain over Barcelona Traction was a
direct violation of international law.
On rliij :ille&ition thc biirdcn of pruol iiii~]uesti«nnbly lie, wirli
Hi:lçiiim, aiid rliérei;aci.rtairi prrsiimption itiit~t,:rri:itionnlIa:,AiiIII,.
rrgiilnrity of ail <:urr(:icof ~iiriidiction II!. iiaii~iii.ilcoiirri. .l lie I(elgi:in

(;ovcriiriii:rir in ui\.ic.\liai nia<l,:ratliilittl:irtcnipt ti~li~cti:irgetli:ir
blirdrn uf proof showing iiidced :imarkcd diîtnsrc for an). i.cry close
ex:irritr.:itton of tI18~~\~id?i\'c 111t:rt:fo~~Ioiilt herh,!r ive:sr,. atr~,:rlv
speaking. called upon to say anytliing more in answer to 13elgiu&on i<s
first ground of complaint.
However, this complaint is also in total contradiction with the facts,
and as these facts are also relevant in regard to other issues it will be
convenient for me to deal with them here.
The story of Rarcelona Traction's connections with Spain is, Mr.
President. as you know, a long one, spreading over nearly 40 years, and
the volume of material relating to its activities in Spain which we have
pot before you in the written pleadings and in documents deposited with

thecourt is as daunting to counsel as it must be to the Court itself. But 1
must tell you that we naturally rely upon that material as a whole for the
purpose of establishing the subjection in principle of Barcelona Traction106 BARCELONA TRACTION
to Spanish jurisdiction. \$le believï tliat tlie course rnost Iielpful to the

Court at the present hearings will lx for us to direct yoiir attention only
to some of the principal facts showirig tliat subjection to Spanish juris-
diction.
Our opponents maintain that Barcelona Traction was a foreign-
Çanadian-company. which was purely and simply a holding company.
having no representatives, agents or property in Spain. carrying out no
commercial activity of any kind in Spain and exploiting no property
whatever in Spain, whether in the cliaracter of owner, lessee or conces-
sionaire.

Let us then begin, 3lr. President. by looking at Barcelon:i Traction at
its Canadian end.
The company. asthe Court knows. \vas incorporated in September 191 I
by letters patent in Toronto, which was therein stated to be its chief place
of business. The letters patent, which are printed iii Counter-hlemorial
Annexes, Volume II, page 533. autliorized the compaiiy to do virtually
anything connected with a Iiydro-electric undertaking and provided that
its operations might be carried on throughout the Dominion of Canada
and elsewhere.
In applying. however, to the Governor of Ontario in December of that

year for a licence to do business in the province, 13arcelona Tractioii
expressly applied for an extra-provincial licence, stating that no part of
its capital either \vas or would be employed within the proviiice. In fact,
the exclusive field of the compan.'s .usiness throuahout-its historv was
Spain.
Early in 1912 the company obtained an authorizatii~n frim tlie
Canadian Parliament speeifically to enable it to construct, acquire and
operate railways and tramways urithin the I<ingdorii of Spain. Further-

more, throiighout its history the company claimed and obtained total
exem~tion from Caiiadian taxes on the basis that it was a oublic utilitv
havi& al1 its business operations and al1 its property out'side canada.
And, in the light of the facts and of the Special Act of Parliament. what
could that mean but in Spain? It may be that under Canada's tax
legislation Barcelona Traction might carry on its business and hold its
property abroacl tliroiigh subsidiary companies and still claiin exemption.
But the fact remains, hlr. President, that the position takeii by BarceIona
Traction before its own national authorities in Canada \vas that al1 its
business operations and al1 its property were outside Canada. and that

cou~~ ~~~v niean in~S-ain.
Barcelona 'bra~tioi;~resented the same face in its coiiiiiiercial dealings.
Tlius. in a series of prospectuses forthe issue of bonds, piiblislied in Paris
in 1011 and ro~?.' BaiceIona Traction described itsdf as a comuaiiv
havikg its siige's&n il Toronto aiid its objcct the exploitation oftram-
ways in Barceloiia and in the region as tvell as in the service and distri-
bution of electric energy. Examples are to be found in \'olume II of
Counter-Iletnorial Annexes, pages 544 and 571. In the latter example-a
prospectus of 28 February 1913-the Coiirt \vil1see that at the head of
the prospectus it \\.as indeed stated tliat ivhile the company had its siige

sociail n Toronto, it possessed bzirenzix in Barceloiia. London and Paris.
And it will see tliat four of the pcrsons there named as directors were
Spaniards resident in Barcelona.
Siniilarly, in reports toits sharc and bondholders in 1913 and 1915 the
board of Barcelona Traction informed them that the company had been ARGUMENT OF SIR HUMPHREY \\'\>ALDOCK 109

formedforthe purpose ol the development of hydro-electric power in the
north of Spain and the exploitation of electric light and powcr in the
province of Cataluca and siirrounding territory. and also for the purpose
of developing the elcctric railway and tramway system in Harcelona and
the surrounding district. The board further told theni tliat Ebro had
been formed lor the purposc of carryingon these activities in Spain, and
had bcen protocolized in that country, and it explaincd that it was
through this nzholly oivned conipany that al1 of Barcelona Traction's

operations are carried out in Spain.
And in the second report it also mentioned the creation of another
wliolly owned company. Ferrocarriles de Cataluiia. as its instronient
for developing the electric railways and tramways in and around Bar-
celona.
These reports, \\phich are iii Volume 1 of the Counter-Memorial .4n-
nexes, pages 87 and 95. show perfectly clearly, .\Ir.President, tliat froin

the beginning Barcelona Traction rcgarded itself as engaged in operations
in Spain and its \vholly owned subsidiaries as merely the tcchnical in-
struments throogh wliich Barcelona Traction itself operatcd in Spain.
So Rarcelona Traction was being perlectly consistent wheii, in its
contract of 20 February 1913 for the exploitation of tlie tramways of
Barcelona, it described itself as a company having its siège social at
Toronto and its sièged'esploilulion at Harcelona. l'hat contract is in
Volume 1 of the Coiiiiter-Xlcmorinl Annexes at page 240.

Equally, tlic first prcsidciit of Uarcelona Traction, whcn forming the
first permanent board of directors in January 1913 aiid iriviting four
l~ar~ ~ ~ ~citizens to ioin it. was statine ii.,more tlian the sirni~letruth
\ili~ii II?t<~lcfilal>llc<ll Ir4 \vt:~11~~~ 11;v,:III<Il,:,;~~~<:l~lt,~lll il> #,Il
b<mr<o lf i>:irtii~cr>iiip2n!.\vliic1..;ii:rii.illv rcil r(oiiil>:t~i!ii'n~icri311iicli
I>ti;in~.>iiiii1.11nis b~ii~cJoiir: " l'litCiiiii1 \villiii~11131 ~<.ICC~:I iiItlii.
Auxiliary ~dumc of tlieurq63 Preliniinary Objection Annexesuat dge 43.

Now, in the Reply (V) Our opponents secm to haïe conce ed that ci"
Barcelona Traction clid. in its early years, engage in business in Spain,
for in paragraph 343 thcy recognizcd that Barceloiia Traction had itself
taken a direct lease of the Tramwa\~sof Barcelona undertakinp. But they
snid 11i:~r 111,-::lin l~ruitt il1 1010 11\ 311 lll(il~~l<l~nC1;IIIC(I
(:<.l>;illut,u Iiavi: I3:iiccluii:i'i'r:,ctiuii<lcclilhl~to Sl>nniiht;izcs iii:tilr
Uarcelooa Traction circurnspcct on this point, and that by 1919 it Iiad
disposed of its interest in the Tramways undertaking. After that date,

insist Our opponents, Barcelona Traction never again exploited any in-
stallations and nevcr again engaged in business in Spain.
Our opponents say. Xi- I'resident, that Rarcelona Traction terrninated
its lease of tlie Tramivays undertaking in 1919. They also sas tliat the
Ceballos case alerted BarceIona Traction to the fiscal implications of its
being found to be engaging in business in Spain and niade its I3arcelona
staff more \Vary upoii tliat point. As \ireexplained in Our Rejoinder. VI,

page 72, whether or not tliat be true it does not in the least mean that the
activities of Barcelona Traction in Spain ceased. On the contrary.
Rarcelona Traction not only continued but intensificd its active parti-
cipation in the operationsol the enterprise in Spain. \Vhat did happen, as
the evidence abundantly shows, is rather that inSpain 13arcelonaTraction
after IQIQ went uiiderrroiirid and tliat the Barcelona office thercafter
assidu<usiy sought to civer iip Harcelona Traction's operations in Spain.
Indced, .\Ir. President, exTerithe so-called termination of Barceloiia 110 BARCELONA TRACTION

Traction's exploitation of the Tram\vays was largely an illusion, like so
much else in thisenterprise. If the Court turns to page 105 of \'olumc III
of our Counter-bfemorial Annexes, it will find a legal opiiiiori 21 August
1917 given to the company concerning the problem raised by Uarcelona
'l:raction's exploitation of Tramways. In that opinion the company was
iii effect advised that, although after having acquired the Traniways con-
cession.Barcelona had transferred its exploitation to Ferrocarriles de
Cataluiia, the fact that Barcelona Traction had reserved to itself a 95 per
cent. interest in the profits of the exploitation made it difficiilt for Bar-
celona Traction to deny that it was indirectly engaging in business in
Spain through its subsidiary. Having escaped from the Ceballos case by
the skin of its teeth and by somewhat devious means, the company
abandoricd its Tramways concession-so weare informed. But what did
it also do? It arranged for Tramways to assign the exploitation of the
concession to Electricista de Catalufia, another Barcelona Traction.sub-
sidiary, by a contract under ivliich the subsidiary \vas to reccive 2 per
cent. of the net orofits andthe remainder were to ao to Tramwavs. Then a
iccond so-called'compleiiicntary contract provida for 75 percent. of the

net profits to be payable by Tramways to Barcelona Traction. In other
ivords. I3arcelonaTraction's intcrcst in Tramwavs was now aive.,a much
or conlitd r : i I)iiiun~lriiii::~tlitlic \i.r:ipping yoçtill
foiin<lI<;ir~~cliirI'r;~tiiorti:.iploiting tlicTrani\i\i.liilclii.lingbehiacl
different Spanish subsidiary company.
Incleed. >Ir. President, among the documents deposited with the
Court,there is a letter from Alr. hlcllurtry to hlr. Hubbard of3 February
1923 (New Doc. 1968, \'ol. 1) which throws a shatteringly clear li ht
iipon the Tramways transaction. \ire have had photostats made for
the convenience of the Court and 1 am asked by the Agent to say that
he has in mind to bring together any of these deposited documents to
wliich we refer in a Red Book similar to the Blue Book that Our op-
ponents so convenieiitly produced. Now. by 1923 the contracts that 1
mcntioned were in operation and the question had arisen as to the pro-
cess by which the 75 percent. of the profits of the exploitation should be
paid over to Barcelona Traction. Mr. XlchIurtry wrote to hlr. Hubbard
tliat the current year's payment \vould be made by Tramways direct
(rom Barcelona to London, and ivould be classed as "operatiiig expenses".
Esplaining that hc. 3lr. Lawton and hlr. Cretchley al1 thought that in

future the payments should be made by instalments but that other\i.ise
the same procedure should be adopted, hlr. McNurtry then continued as
follows:

"We al1 thought that this would be the best procedure to follow
and the one that offered niost chances of escaping tax:ition. At first
Sr.Foronda rather demurred to the plan on the ground that it would
be difficult for the Tramways Company to justify the payments in
the event of the Spanish fiscal authorities demanding explanations
thereof. Rut he withdrew his ohiections when we toldhim that it
wotrldbeeasy, in theeventof e.rplakationsbeingdemandedby thelocal
azrthorities/or theCanadian and GeneralFinance Comaanv Lohdrnish
a statementof accountagainstthe Tramways Cam any h,hichwould be
about 9S0/,fabricalion aicd 2% truth setfirzgfol' work done, services
rendered,elc., etc., in London and elsemhereby Canadian & General
Finance Company on behalfof the Tramways Company." ARGU.\lEXT OF SIR HUMPHREY \\'ALDOCK III
So there you have it, Mr. I'resident! Under the arrangements by which

we are told that Barcelona Traction put an end to its exploitation of
'Sr;iniways, the coiitracts in fact provided for 7 per cent. of the iiet
profits if the exploitation to be paid directly to Q3arce1onaTraction by
'Tramways and 98per ceiit. of gross falsehoods to be passed indirectly to
the Spanish authorities by Canadian & General Finance-that point in
I3arcelona Traction's \veb where sat hIr. Hubbard himself, as 1 shall
shortlr sho\v.
.That letter. Ur. President. is br no means what Our ouonnen> A~ ~ ~to
cal1 "preliist~ry". It talks of men whose names repeat themselves con:
stantly in the contiriuous frauds practised by Bnrcclona Traction on the
Spanish authorities diiring the iiext 25 years. It tnlks of policies and

rnetliods of deceit-and 1 liope the Court will rend the whole of tliat
clocunient, the coiicealnient of Barcelona Traction behind anutlier
Company, the piir\reying of falsehoods, hogus entries in accounts, etc.,
wliicli characterizcd tlic dcalings of Uarcelona Traction with the Spanish
authorities continuoiisly to tlie date of the bankruptcy. And. secirre
behind its fabricated screen, 13arcelona Traction continued to take 75
per ceiit. of the net profits frorn its participation iri the exploitation of
Tram\vays until eventiially they disposed of their interests.
In OurCounter-hleniorial. IV, pages 30 to 94, ancl in Our Kejoinder, VI,

pages j9 to 88, we have shown the Court ho\\., wliilc usiiig the mantlc of
Ebro. Harcelotia Traction from start to finish itsell coiiducted the whole
enterprise in Spain aiid howI3arcelona Traction also undertook certain
important forrns of activity in Spain on its owii account. The evidence
on both tliese points, iii oitr, subrnission, is qiiitc overwhelmiiig in its
volunic and completely decisi\~e.To anIrone acquttinted with the iiiain
structiire of the enterprise, Alr. President, and with the names aiid
i~ositions of its nrincioal officers. almost everv document in the first
iive volumes of our CAunter-31ekorial Annexe; and in the first hall of
l'olurne II of Our Keioinder Annexes testifies to tlie truth of what we

s;~!.,,IItli~srI>oints indced. Ur. Presidcnt. anyone \\.ho t;ik<,s 111)the
siriglc :\ii\ili:ir\~ \:oliinie of oiir I'r~~liiniiObjections :iii<lrcads iri a
<Ii:siilt<~rii.i:inricr tlirougli its rlo<:iirilcntscannot fnil toscc hotli tlic
<liri:ctIKI~~ICI~I:I~I<01 U?rcclnm Trnirion IIItlic opcratiuiij of I'hro III
Sp:liii :.iitl I<.irc<.lnii:iTraction's .ii.agcnientitjclf.in ol>cr;iticiiistlicrc
on its own account.
At tliis stage of thc case we helieve that we sliall best Iiclp the Court if,
first,\ve indicate briefly the principal chies to the structiire of the enter-
nrise in relation to the issiics before vou, tocether ivitli the names and
i>ositions of the principal dratnntis pérsotiaeTound in the evidence con-

ceriiing Rarcelona Traction and, secondl!.. if \ise recall the principal
evidence showing Barcelona Traction's direct participatiori iii Ebro's
opcrations and also Barcelonn's activities in Spaiii on its o\vn account.
No\v the structureof the enterprise we have set out with some fullness
in pages 16 to 30 of tlie Counter-Memorial, IV, where, on agesz4 and 25,
therc is a diagram of al1the main cornpanies aiid subsi8ary cornpanies.
1 now confine myself to a fcw of its basic features. At its hirth, the enter-
prise entered the ii.orld, as the Court knows, as ;itroika of Canadian
companies: Spanisli Seciirities, Harcclona Tractioii aiid Ebro. The first

named, Spaiiish Seciirities, \vas a manifestation of the financial interests
promoting the enterprise ancl its name appears on a niiniber of early con-
tracts and inter-cornpan? agreements. But. its promotional functionII2 BARCELONA TRACTION

having been exhausted, that company wasdissolved in 1923 and vanished
from the scene.
Meanwhile, however, purely as a tas-dodge to defraud the Spanish
Treasury. another Canadian so-called finance company had been set up

in 1922, namely International Utilities, which has already achieved
considerable notoriety in the written pleadings. This compaiiy was noth-
ing but a vehicle for manipulating accounts between Ebro aiid Barcelona
Traction, and for bogusly translating the form in which Ebro's profits
passed out of Spain frorn taxable dividends iiito non-taxable payments of
interest on bonds. International Utilities was not, therefore, one of the

instruments by which Rarcelona Traction actually operated in Spain.
But. as 1 shall show later, it played a vital role as a means of hiding
Barcelona Traction's participation in the business in Spain from the
S~,nish authorities. hloreover. the reoresentation made b\, the Harce~o~s ~~
othce to th? îuttioritics tlint lntvrn:;tir,iial Ctiliti<:s wah in iiidepcii<-lent
financc soiiipany \\.ai.a cuniplet<% fnlirliond; ancl tliv Itct th:it tlic B:irce-

lona officcrlnred not cxi~l:iiiitlic truc ri:l~tion hct\i.t.cn Lt>ro,~nt~ ~i:itioii:il
Utilities and Barcelona Traction was, as Professor Reuter will demon-
strate later, one prime cause of Barcelona Traction's difficultiesivith the
authorities and the bondholders.
Accordingly, for the purpose of the present case the conipany is cer-
tainlv an essential elerncrit in the structure of the enterurise. The enter-

priseudid indeed include yet another Cariadian cornpan< the Catalonian
Land Company, formed in 1912 and protocolized at Barcelona as a
foreien com~anv ooeratine in Suain. ~üt its roie was a verv ininor one
sinceit was\sd nierely a; the nominal owner into whose naine titles to
lands and buildings acqiiired for the eiiterprise were coiiveyed. Accor-
dingly, this compcny isnot, for preseiit piitposes, an essentiil feature in

the structureof the eiiterprise.
Focussing for the tinie being, as I have said, exclusiaely on the question
of Barcelona Traction's activitv in S~ain. we can tliercfore reduce the
cornplex itructiira to a vcry I<:iv 11:isic~lcinents Tlir firit 15 uf couisr
13nrc~.lririaTractioii iiself. Ili,: giiinrr of tlic ent~rl>ri,c It ii.;isiiot proto-
coli~erlin Spain ancl uiir<ippoiienti.. as I Ii;ivc ;ai(l 3.k !<,IIIO OCIIC~ Ct

ivai a rncrc Iiolding coriipnny po:;c;,ing alinr<:s iriconipliiiri opcrntiiiç iii
Spain '~iitiiot 11-<.Icngnging III :iiit~u~irics~tlicrc nftei-i<,i(, i'liasecond
el<:iiiciiii I-l~r,,iiisi)ri)orntc~lIII C.iii:i<siiiiiiltanciiu:l\ \\.itli I<:irci.l<~ii:i
Traction and having'its head office in Toronto, but protocolized at
Barcelona under the Spanish name of Riegos y Fuerza del Ebro and
having in that city a large office and staff which \vas the sièged'exploi-
lalion, the operational officeof the enterprise.

Ebro and Riegos y Fuerza del Ebro iiere not, of course, diffcrent
companies. The? were one and the sarne Company, Riegos king merely
Ebro's other self in Barcelona. But if Ebro and Riegos were not separate
companies, they were separated, Mr. Prcsident, and separated by an
international frontier. At first only by a political and customs froiitier
and later, on the introduction of foreign exchange control, also by a

monetary frontier. And this political, customs and monetary frontier of
course interposed'itself cqually betweeii Barcelona Traction. tlie owner
of the enterprise, and liiegos, the operational branch and only substance
of the enterprise. 1undcrline that point in passing because it iitas to prove
a major factor in Barcelona Traction's long and unhappy fiiiancial
history. ARGUIilEPIT OF,SIR HUMPHREY XALDOCK II3

That, Mr. President, was tlie basic set-up of the enterprise: in Canada
Barcelona Traction, the parent Company, and Ebro, its wholly owned
subsidiary, and in Spain the Barcelona officeoperating under the title 01
Riegos y Fuerza del Ebro aiid in the guise. as 1 Say, oi Ebro's Spanish
office. But one or two further elements require mention as they are
essential to the understanding ofthe evidence andof BarceIoria Traction's
techniqiies for operating in Spaiii.
The first is that the enterprise acquired or created a considerable
number of Spanish compaiiies operating in Catnloiiia. Al1 but one of

these w:is ivliolly owned by 13arcelona Traction, either directly or
througli Ebro, and tlie one exception-Productorn-was over 80 per
cent. o\vricd by Barcelona Traction and wholly undcr its direction aiid
control.
The majority of these Spanish companies were subsidiaries of Ebro,
but three of them-Unibii Eléctrica, Electricista Catalana and Electra
Reusense-were direct subsidiaries of Harcelona Traction itsell. Evcn the
latter companies, however, were placed wholly under the direction of
EDro's Barccloria officebeinr linked o~erationallv to Ebro bv a v:iriet\, of
-
inter-coinpany agreements; and in that way tlieir profits as well :is
those of lzbro's own subsi<liaricswere al1chaniicllcd iiito tlie coffrrs of the
Rarceloii:~office

u ,
Traction itself had any braiich. agent or representative iii Spaiii or the
conclusioii tliat it in any way itsclf cngaged in business thcrc. They
accuse os of disregardiiig the scpar:ite legal person;ilities of the compaiiies

and, in effect, demand that yoii. Rlr. President, shoiild look oniy to the
forin of tlic enterprise aiid not to Iiow it opcr;ite<l niid acted. But if we
now ask you tolook beyond thebare iorm to therealities, itisnot because
the Spaiiisii Government takcs a liglit \,ici\, of the principle of corporatc
personality. On the contrary, not possessing the evidence of Rarceloiia
Traction's activity in Spaiii, tlie Spanish autlioritics until a latc stage 01
Barcelona Traction's career accor<led a respect to tlie separate persona-
lities of BarceIona Traction aiid Ebro \%-hidithose cornpanies were vcry
far from clcserving.
Riit ive iio\rrhave thc eviflcncc and we iiow kiiow tliat from start to

finish tlic sep:ir:ite personalitics of tlic com]>ariiesof tlie enterprisc wcro
cpriically ahused hy LiarceiorinTraction itself. 1-lnviiighcen the victiiii of
,Rarcelona Traction's deceptioiis on tliis point for iicarly 40 !cars, the
Spanish Government considers that it has every jiistification for askiiig
tliis Court noir to procecd on tlie basis of tlie rra1 facts ar!d not of the
make-bclieve of form and fiction on ivhich the eiiterprisc's relations witli
Spain were at tliat time bzised
\f71iatthen, &Ir.President, arethe realitics regarding the operation 01
the eiiterpris(:? 1kircelon:rTractioii zindEbro, of coiirse, cach had its bonrd
of dircctors. hlcetings of tliesc hoanls ~vcrcIicl<lfroin tirne to tinio in

Toronto aiid soiiie niatters, siicli as the issiie of boii<ls,clearlp needed the
imprimatur of the appropriate Toronto board. The evidence before the
Coiirt coiit:iiiis some resoliitions 01tlie Barceloiia Traction board iiiaiiily
relating to theissueof BarcelonaTraction bondsor totheparticipation 01
Barcelona Traction in some legal proceedirigs in Spain. There are also
occasioiial rcferrnces iiitlic lettcrs to the approval of the ilarcelona1'4 BARCELONA TRACTION

Traction board and some letters and inter-cornpan), agreeinints signed
by officers of Barcelona Traction in Toronto.Ifthe matter had rested
there, the idea that Rarcelona Traction \\.as in fact as \\,<:Ilas theory
exclusively a holding Company might even seem plausible. But the true
picture, Mr. President, is utterly different.

TheCourtroseat12.5 5.m. VINGT-SIXIÈ~~E AUDIENCE PUBLIQUE (27 V Gg, IO h)

Présents: [Voir audience du 20 V 69.1

DÉCLARATION DE M. ROLIN
CONSEIL DU GOUVERNEMENT BELGE

M. ROLIN: Monsieur le Piésident, Messieurs les juges, avant que sir
Hum~hrev \Valdock ne reurenne le cours de sa ~laidoirie. ie désire

m'as;ocitk au nom desconséils du Goiivcriicriicnt beige aux l)arolcs qii'i!
:iproiionc6ei ni1iiél)ut(le :a [>I:iidoiric:IIcour, de In dcrniix,. nii<liencc.
~6ur célébrerI'imoortance dèla conférencede Vieniie aui se terminait le
hème jour et doit les travaux l'avaient pendant tout'un temps retenu
éloignede nos débats.
II n'est pas un internationaliste qui ne reconnaisse l'importance con-
sidérable de la codification du droit international dans la matière du

droit des traités. Et c'est une source additionnelle de satisfaction pour
nous tous d'avoir appris qu'une initiative des délégués du groupe afro-
asiatique avait fait adopter par la conférence une clause de règlement
judiciaire obligatoire dans une catégorie de différends particulièrenient
importants.
Sir Humphrey Waldock a, à juste titre, reconnu I'importaiice du rîile
qu'avaient joué dans ce succès les membres et anciens membres de la

C~~mission du droit international ainsi aue ceux o7i avaient oartici~é à
I;I ~>rriiii&rplinsc (le In coiiferencr..iii:~iil n'rst c uc juste quc 1i:'n(1-
versaires de sir Flurnplirey \\';ildock tl;ins cette adaire soiiligncnt I'iiii-
Dortailcc du role auc lui-mcnie ci le i>ri,iident dl! la conl;renir. ~,.Il.~ ~ " ~ ,
ont eu dans le succcs qiii a iinalemeiit courorin;. plrisieurs an~it'esd'rffort.
Ic rernercic \I Ic I'résideiitdc ni'nvoir iloiiiiiI ocçnsioii rlc f;iirc i~iil>li-

quement cette déclaration.
Le PRËÇIDENT: La Cour n'a pas encore reçu les docurneiits de la
conférence de Vienne. En attendant, elle prend note de la déclaration
que vient de faire M. Rolin. QUESTIONS BY JUDGESIR GERALD FITZMAUHICEL

Judge Sir Gerald FITZAIAURICE: Sir Humphrey, there are two
things connected with the part of the case you are covering wliich 1 do
not quite understand and about which 1 should be glad of ariy help which
yon. or perhaps later one of your colleagues, can give me.
The first is this: inthestatementyou madelast I'riday you said-speak-
ing of the Company known as International Utilities-that it is "nothing
but a vehicle for manipulating accounts between Ebro aiid Barcelona
Traction, and [and here 1cite from p. 112.supra] for bogusly translating
the form in which Ebro's profits passed out of Spain from taxable divi-
dends into non-taxable payments of interest on bonds".
But as 1 undcrstand it, Sir Humphrey, Spanish tax was ~iayahle, or at
any rate was deductible, by Ebro just as mucli on bond interest payrnents
as on dividend payments.
1 must confess that 1 have found the relevant passages in the Spanish

ivritten pleadings exceptioiially confusing and difficult to understand on
this topic and thercfore perhaps 1 have misunderstood thc matter. but
ma!, 1refer you to, forinstance,paragraphs129 and 132 of Part 1,Chapter
1, of the Spaiiish Rejoinder,VI, pages 92 and 94. 1 propose to cite from
paragraph 132.About a third of the Wraydown that paragraph there occur
the following three sentences, and 1 quote frorn tlie English translation.
It sap:

"Ebro \vas required to pay the tas oii profits (Third Schedule of
the lncome Tax) since, as \ve are dealing with funds transferred to
the foreign parent cornpaiiy. tlie law prohibits the deduction of the
amount of interest iii tlie asiessment of the profits liable to tlie said
tax. It is the amounts which should have been remitted to the tas
authority as payment of tliis tax which are tlic subject of the fraiids
comiiiitte<l by Ebro.In additioE n,ro sliould have retained at tlie
source the ta. to whicli tlie Replyrefers, on the interest oii its boiids
and its dcbts on current accouiit, that is to Say the distribution tax
on the iiicome of the company's creditori (Second Schedule of In-
come Tas)."

Xo\v if tliat is a correct stnteinent of the position under Spaiiish tas
law, thcn niy point is this, tlint 1 fail to see how it could help Ehro to
avoid tas oii tiieir urofits II\,i~aviiictliem over as intcrest on bonds rather

interest in the iindcrtaking iii Spain. Here ag&i inay1 quo& from your
statement of last Friday. Sir Hiimplirey, at page112, sfrpra. Speakingof
Iiiternational Utilitics once more, you said that altliough that compariy
was not iisc<lby Barcelona 'Sràctioii for opcratiiig iii Spain it nevcrtliclcss
"playcd a vital role as a means of hiding Barceloiia Tractioii's partici-
pation in the business in Spaiii froni thepariish aiithorities".

Xow. in the Spanish tvrittcii pleadiiigs, it is strited tliat one of tlie chief QUESTIOSS BY SIR GERALD FITZAIAURICE "7
reasons for this process !vas to get round the Spanish Iaw. the Royal

Decree of 14 June 1921, the object of which was to confine to Spanish
entities the right to carry on public utility enterprises in the field of the
supply of electrical power, and to exclude non-Spanish entities.This, it is
said, was one of the main reasons why Barcelona Traction interposed a
chain of subsidiaries between itself and the undertaking in Spain, and
why Barcelona was never paid direct hy the Spanishoperating companies
but always through an intermediary. Thus, and here 1 approach my
point, Ebro in Spain did not pass on its profits, in whatcver form. to
Barcelona Traction. It paid them over to its parent company in Canada,
Ebro Canada, and the latter paid Barcelona Traction, or else Ebro Spain
paid International Utilities whicll passed on the payments to Barcelona

Traction either directly or via Ebro Canada.
-.w what 1would like to know is holv this orocess heloed to diseuise -
the foreign element. so to speak. seeing that juit like ~arielona Traction
itself. Ebro Canada and International Utilities were equ.llv ,anadian
conilnnici :ind tlicrelorc lorcigii niid iiuri-Slv,ini;lit:iirities. Liilr.jj tlit.i<.
compnnics coiild clnim. as I<arci:loii:i'lr:iction clninie(l. not to bc oper-
atiric in Si)nii~nt :ill-:incl ICbront an\. ratci rt;iinlv ;ei:riis Ii;i\vbeen

of Barcelona ~raction itself as Such but, fr6m the poy~~tof vie;" of the
Spanish decree prohibiting foreign participation, it niade no difference
whether it was Rarcelona or anv other non-Soanish eiititv. So 1 ask
~~
m!.jelf \\.II\rti~,~~,lnborntc prc:c:iiitit,tu.krcp I3ni<:cluiin'fraction out
of tli~.picture, wlicii it is obvioiitli:itEbru ir.;ioperntirig in 5p:iiii ;incl
Flxo \vas iiist :ij intich n Caiiailian coiiir>:in35 Hnrcrluiin. 1 tliiiik vou
said on ~rlday, Sir Humphrey, that ~b;o pain and Ebro Canada Gere
one and the same company. Ebro Spain under the name of Riegos y
Fuerza del Ebro being only the Spanish office of Ebro Irrigation and
Power Company, Limited. Canada.
1 would like to know therefore whether there may not be some other
explanation of al1 this than the one which is being suggested on the
Spanish side. U'hat (lid the Spanish authorities imagine. Iwonder, that
obviously non-Spanish personalities like Mr. Lawton and Mr. Huhbard
were doing in Spain? Their presence certainly could iiot be concealed and

at least after 1931. when exchange control was imposed, the authorities
must have known eliactly to whom payments were being made. W'hatclid
they think wben they saw Ebro Spain making payments to Canadian
companies in Canada, even if these were not Barcelona Traction itself?
Well, those are my questions, Sir Humphrey. You may be able to an-
swer them at once, but if you prefer to do so later or if they touch on
mattersnot directly witliin your own personal knowledge and you would
prefer one of your colleagues to answer. that ivill, of course, be quite in
order. ARGUMENT OFSIR HUMPHREY WALDOCK (cont.)

COUSSEL FOR THE GOVERNMEST OF SPAIN

Sir Humphrey WALDOCK: If 1might first state my position in regard
to Sir Gerald Fitzmaurice's auestion. 1 think that on anv auestion in-
volving tas law it will he wiie to reflect and 1 think tha<oR his second
question, where he refers to a number of texts, it would benly prudent
for me to examine the relevant texts hefore trying to formulate-any reply
and, therefore,1will naturally wish also to consult the Agent. Soit would
he better if we defer our answer until a little later.
1 would like to hegin, Mr. President, by thanking the liiarned Agent
ference.ium for his gracious words in connection with the Vieuna Con-
May it please the Court, when you adjourned on Friday 1was recalling
the myth put out hy Barcelona Traction that it was exclusively a holding
Company and 1 broke off my speech with the comment that the true
~icture isutterlv different. 1therefore now oass at once to the actual facts
;egardiug ~arcelona Traction.
From Narch 1912until about the end of 1920,Barcelona Traction was
reeistered in Eneland and maintained a London officein its own name.
fi<t in ~ishops~ite and then at No.3 London Wall Buildings. ~hereafter;
it used this officecontinuouslv as an instrument for exercisine the hieher
direction and management ofthe business. The Court may, indeed, rëcall
from paragraph 65 of our Rejoinder that as early as 1915 Mr. Porter,
Assistant Secretary of Rarcelona Traction, was writing to the Barcelona
officestressing that the London officeas "for al1practical purposes the
head officeof Barcelona Traction" (A.Rej., Ann. 6, Doc. 3, p. 147). In
that year Mr. Pearson, the founder and first president was drowned in
the sinking of the Lusifania. to be succeeded as president by Mr. Pea-
cock. with Mr. Hubbard as vice-president. These two top officers were
installed in Barcelona Traction's office at 7 London Wall Buildings.-
from which they intervened constantly in the business in Spain.
Thus, the Spanish annexes contain a number of documents of the
Barcelona office and vice versa. Some can, for example, he found ine
Volume 1 of the Counter->lemorial Annexes, pages 378 to 403, and also
in Volume II of the Rejoinder Annexes, pages 142to 163.
In January 1921, >Ir. Huhhard wrote to the Registrar of Companies
in London, stating that Barcelona Traction had ceased to have a place
of husiness in the United Kingdom and requesting that its name should
be removed from the Register and after that date Barcelona Traction
sent no further notices, balance sheets or other documents to the Regis-
trar. But. as was espressly held by an English judge in 1946, it was not
true that Barcelona Traction ceased to have a place of biisiness in the
United Kingdom after 1920. What happened was that instead of main-
taining its London officeat 3 London Wall Buildings under the name of
Barcelona Traction, Light and Power Company, it did so at the same
address under the name-plate of Canadian and General Finance Com-
Pa"?. ARGUMENT OF SIR HUMPHREY WALDOCK
119
Now even before 1920 Canadian and General. another company in-
corporated in Canada by the same financial group. \vas acting as Bar-
celona Traction's purchasing agents in the United Kingdom.
In 1920Illr. Hubbard, for reasons which he seems in 1946to have been
a little reluctant to explain to the English court, informed the board of
Barcelona Traction that in his opinion it was advisable that the company
should cease to do business in the United Kingdom and that Canadian

and General should act as Barcelona Traction's representative andagent.
A resolution was passed by the board to that effect; Barcelona Trac-
tion's entry in the register was cancelled and its name-plate disappeared
from 3 London Wall Buildings. But that was all. Otherwise. as the En-
glish judge pointed out, nothing changed. Mr. Peacock, president of
Barcelona Traction, and Mr. Hubbard, then a vice-president. and their
staff at 3 London \VaIl Buildings continued to maintain the registers of
~~ ~~~ona Traction's sterlin..bonds. to deal with transfers of Barcelona
Traction s1i;ircs irithe Uiiited Kiiig<loiiiaiid gciicrally ts;ict as agi.riti for
the conip:iiiy in thc United Kingiloni .Arid Ilic prcsideiit :ind vise-prc.51-
dent o~ H:irc~ ~~ia~ ~ction iii I.onJnn coritiriucd. aboi.? ;il1 directl\. tu
control and manage the business in Spain from what was in substance, if
not in name, Barcelona Traction's London office.
Into this aspect 1 shall go a little further in a moment. But 1 must
first ask the Court to look more closely at the judgment of Mr. Justice
Roxburgh in the English case to which 1 have been referring, namely
Wal/ord v. BarcelonaTraction, Ligh tnd Power Company. The judgment
and other documents in the case willbe found in Volume 1of the Counter-

Memorial Annexes at pages IOO to 142.
Now this case was concerned with the Plan ofCompromise and it was
tried in the summer of 1946-that is about a year and a half before the
institution of bankruptcy proceedings against Barcelona Traction in
Spain. The action was started by a bondholder in the United Kingdom
who served the writ on Barcelona Traction by post addressed to >Ir.
Hubbard at Canadian and General Finance. In Eneland. Mr. President.
as nfter\i.;irds in Spain. L{;ircelon3electcd IO a<lopt [lie posture that il
\va.;a Cari;idi;incompany nut carryiiig on hu;iiiess a.itliirttie ]uri~cliction
-- ~ ~ ~ourt nri<lthcrefore not li;~liltube broiietit bcforéil.
In England, unlike in Spain, Barcelona ~%ction did not contuma-
ciously disregard the court. It did what it could perfectly well have also
done in Spain:it appeared before the court for the purpose of objecting to
the jurisdiction. And what, MI. Prcsident, was the outcome?
Mr. Justice Roxburgh was called on to apply the relevant provisions of
English law and the critical question was whether Barcelona Traction
continued to have an established place of business within Great Britain .
after 1920.
Evidence was given that Canadian and General had authorized an

entry in the Stock Exchange Yearbook in which it described itself as
British and purchasing agents for Barcelona Traction. In his judgment
which begins on page 130 of the volume 1 mentioned, Mr. Justice Rox-
burgh said that he would be prepared to hold that this was pf itself
sufficient proof of an established place of business in the United K!ngdom.
He added however that there was much other evidence. This other
evidence included the various activities of Canadian and General on
behalf of Barcelona Traction; its handling of share transfers for trans-
mission to Canada, its maintenance of registers of Barcelona Traction120 BARCELONA TRACTION

bonds. and its acting as a point of coiitact for anyone iri the United
Kingdoin wisliing to communicate with Barcelona Traction.
It further included the presence in the United Kingdom of directors of
Barcelon:~Traction, one of whom nas the president, and also the clear
indications iii the evidence tliat these directors seemed to possess a
considcrable power to make decisions on hehalf of Barcelona Traction
witliout prior reference to Canada.
On the basis of considerations such as these the learned iudee held
th;it I<arctlona Trnction li;id nr\.cr cc;ijcJ IO have :IIr.stn~lislircl placi: of
hiijiiic:~IIIIlic Cilitrd liin~(~~~iia1n,d r~.ji:cred11scunteiitiuii t1i:it il\v;is

not liable ~othe iuriidi~riori of rlic Encli;li coiirrs
\Ire are well a&are. hlr. President. th English law is not Spanish law.
Rut there are some pertinent aiialo~ies between Barcelona Traction's
conduct and leeal-.oiture in Enelaiid"and its conduct and leeal DostuL. .
iiiSI>AIIIAnd, in Our ul)iiiion. itc;iiiiiot fiil tu iiitere;~ the (:ourt thnt an
Kngli.11jiidge, confruiitr.(l by I3;ircclona Sr:iction \i,rrlthe ;;ilne kiriclof
forinalisr Icznl nrciiiiieiiis ni tliose ujed t)v I3:ircelon:i'i'r;ii:ii\villithi:
~panish aurhorityes, rejected them out of hand without a moment's
hesitatiori.
~- ariv rate. Mr. President. when the Iinelish Hieh Court had ~o~ the ~ .~~-
sliglitest hesitation in assuming jurisdiction over Barcelona Traction in

the circunistances which 1 have described, one mirht have thoucht that
our opponents would have been a little more cautious about reprësenting
the bankruptcy proceedings in Spain as a flagrant usurpation of juris-
diction and a direct violation of international law.
Nor is it without significance that Alr. Justice Rosburgh both com-
mented ulfon the apparent reluctance of the chairman of Barcelona
Traction to pro\,ide the court with-as he said-"a full and accurate
picture of events", and ended by espressing his complete disbelief of the
evidence tendered to him by the company. In the documents beforeyou.
llr. President. you will find much to reinforce the English judge's im-
pression of Barcelona Traction's reluctance to provide a full and accurate

picture of its affairs.
Heforc turning to the evidence of Barcelona Traction's activities. 1
must rneiition one further development in the company's organisation
which occurred in 1925. In that year the statutes of the company were
changed so as to provide for a chairman as well as a president. hloreover,
under the new statutes it was the ctiairman wlio became the head of the
managenient of the Company. The chairman \vas expressly entrusted by
the new statutes with the direction of the finances of the company and
the generat siipervision of the other business and activities of the com-
pany.
At the same time the president was espresslp entrusted with the gen-
eral direction and management of the business of the company subject

to the duties an<supervision entrusted to the chairman.
These two top officers of Barcelona Traction were, therefore, invested
by the statutes themselves with very considerable powers of directi.n
:itiii ~ii:in:~g~n~iUI tlic huiincii UI tiiç coiiipniiy. :\i~tl:i. ioint~~loiit
(,ripage: S3of oiir Rtjoiiider (\II) xtjdoiie h!. tlieni ivirliin aesculie of
tticir <~stcii.;ih:iiirlir>rit\.under th,: statiitei \vould grrierally be hindiiig
upon the company.under Canadian law.
1 underline this development in the organization, Mr. President,
because in 1926 hlr. Hubbard in London was appointed chairman. ARCUhlEST OF SIR HUMPHREY WALDOCK 121

Moreover, Alr. Lawton, nianaging director of Ebro and head of the
Barcelona office, was at the same time appointecl president of Ijarcelona
Traction. From then on blr. Hubbard remained chairman of Barcelona
Traction until almost the eve of tlie bankruptcy proceedings, seiiding
day by day to hlr. Lawtoii and his staff a continuous strcam of directions
aiid decisions regarding the management of the business in Spain.
In 1931 ,t is true, >Ir. 1-awton handed over the presidency of Barcclona
Traction to hfr. Spécinel.Biit he continued as a vice-presidcrit or director
of Harcelona Traction and ashcad of the Barcelona office right iip to the
date of the bankruptcy. All that happened in 1931 \vas really that the
management of the business became a triumvirate rather than a dyarchy.
1 now come to the evidence of Barcelona Traction's activities in Spain
and of its numerous links with Spanish jurisdiction. Our opponents take
the position that IJarceloiia Traction itself had no legallyauthorized
representative. no office. no installation. no establishment. no branch,
no agencj,, no doinicile. no property in Spain, and that it did not itsetf
carry on any commercial activity in Spain. Iiideed, 1 propose, &Ir.Pre-

sident. to begin with the position of Ur. Lawton and of the Barcelona
officein relation to Barcelona Traction. Thiswill allow me to clealat one
and the same time ~.:itlitlie questions wbether Barcelona Traction had a
legally authorized represeritative in Spain, whether it had an office,
installation, establishment,branch,agcncy or domicile thcre. and whether
it engaged in comiriercinl activity thcre.
In this way 1may be able to save the tirne of the Court and to econo-
mize in my refereiiccs to the evidence. Our learned opponent. Dr. Mann,
atVIII, page 4x1, of the record of the fifteenth day, expressed the belief
tnat it is common eround that Barcelona Traction did not have its own
establishment. Imkt. therefore, make it clear at thc~&eryoutset that the
only point of common irround is that Barcelona Traction never admitted
thit it had an establishnient in Spain.
The Barcelona office. 1 have euplained, carried on al1 thc business of
the Barcelona Traction enterprise in Spain,directing and managing the
operation of al1tlie companies.
&Ir.Lawton, managing director of Ebro, \vas the head of the Barcelona
office and. as 1 have rccalled. he was continuously from 1926 onwards
president, vice-president or director of Barcelona Traction. Our oppo-
nents insist that, in relation to Barcelona Traction, hfr. Lawton was
legally nothing niore thari one memher of its board and could not act as
its representative in Spain without the specific authorization of the
board. They say that on a few isolated occasions Mr. Lawton did receive
s~ecific Dowers from the board to act as Barcelona Traction's leeal re-
prt.>iil:~l~v~: î~>niri.but tli;it 11icicfsii. ~3;~s~~c~intilong intrr\:iI;
wcrc ii.lioll\,iniurticicnt ro yi\.c hiin the i:li.ir:ictei of b3nrcelun:i'I'raction',
representaiive in Spain. -
We freely concede that this \vas the posture adopted by hIr. I.awtoii
and his staff in Spain. and that it was a posture which. hy concealing the
true facts, they were successful in imposing upon the Spanish authorities
right up to the time of the bankruptcy. But neither the Spanish Govern-
ment nor this Court is bound by the misrepresentations of Barcelona
Traction.

This Court, Mr. President, has to ask itself the same question as the
English judge asked himself in the Waljord case and answered in the
negative: Was the position asserted by Barcelona Traction vis-i-vis the17.2 BARCELONA TRACTION

autliorities in fact true? And the answer found in the evitlence, as Mr.
hlchlurtry wouldsay, is 98 percent. fabrication and 2 percent. truth.
Under the company's statutes and under Canadian law. as the Court
has already seen, Mr. Hubbard in his capacity as chairman had very
large powers to act on behalf of Barcelona Traction. That is why blr.
Lawton, and in some cases other senior officiais of the Uarcelona office;
did not normally require specific resolutions of the board or specific
powers of attorney to authorize them to act on behalf of Uarcelona

Traction. They were acting on behalf of Barcelona Traction with the
authority and in most cases on the express instructions of the chairman
of the company.
In some cases, such as the issue of Barcelona Traction bonds or the
purchase of shares of subsidiary companies, a formal resolution of the
board \vas no doubt either necessary under Canadian law or desirable
from the point of view of the chairman's relations with his board. But
the production in Spain of a power of attorney or other specificevidence
of authority to act for Barceloiia Traction was necessary only in those
cases where, as in the protocolization of Barcelona Tractioii bonds or in
the defence of Barcelona Traction in legal proceedings. legal formalities
in Spain prescribed it. In otlier cases-and there is ample evidence of
this-Mr. Lawton and his staff acted for Barcelona Traction simply on
the instructions or with the approval of &Ir.Hubbard, its chairman.

There are many documents in our Annexes which testify to the cor-
rectness of what 1 have just said. A good many relate to the use of Llr.
Lawton and of others in the Barcelona officeas Barcelona Traction's re-
presentative for dealing in various connections ivith the bankers Arnus-
Gari. One document to whicli 1 would ask the Court to refer is a letter
from &Ir.Lawton to hIr. Hubbard dated 6 January 1926 and printed on
page 181 of Volume 11 of our Tiejoinder Annexes. Now tliis letter con-
cerns a purchase of concessions by Barcelona Traction from a certain
Mr. Rivera hlontoro which we have analysed in the Rejoinder. VI. pages
74 to 77.This letter, you may think is almost by itself enough to discredit
our opponents' case on the question of Barcelona Tractiori's Iiaving no
represeritative and engaging in no business in Spain.
Writing to the chairman of Uarcelona Traction, hlr. Lawton there
begins:

"\17ith reference to the purchase of concessions froin Sr. Rivera
Yontoro. it has been arran~ed that the concessions sliould be Dur-
chased by nlessrs. ~rniis-Giri who will transfer them to whatéver
company the Barcelona Traction Light & Power Co. wishes." (A.
Rej., Vol. II,Ann. 6,Dpc. 21.)

It may be helpful to the Court if 1 recall that the purchase of these
concessions had been negotiated hy Mr. Lawton and his staff on behalf of
Marcelona Traction directly with the owner of the concessions and that
Arniis-Gari had been brought in as a nominal buyer merely in,order to
circumvent the Spanish law regarding the acquisition of public utility
concessions by foreigners. But 1 am at the moment concerned onlywith
the role of &Ir. Lawton and his staff in the transaction. Mr. Lawton's
letter then continues:

"Yesterday 1 gave Llessrs. Arniis-Gari instrrictions in the name
of the Barcelona Traction company to pay Sr. Rivera Montoro Ptas. ARGUMENT OF SIR HUMPHREY WALDOCK
123
160,ooo on account, the balance of Ptas. z40.000 to be paid by the
1st February at the latest, by which time he will have everything in
order for the transfer. It is expected, however, that the transfer and
finalpayment will be made about the middle of this month.
1 think it would be as well if you were to write to Messrs. Arnus-
Gari confirmiiie the instructions 1 have eiven and requestinc them

to take my orxers with regard ta the traÏnsfer of the 6oncescons to
one of oiir companies later on. It may be possible to have the traiisfer
made direct to-one of our campanies andso save espense."
Now those two paragraphs make it crystal clear that air. Lawton
conceived himself to be representing Barcelona Traction itself in con-
cluding that particular transaction with ArndsiGari in Spain and that he
considered the approval of Barcelona Traction's chairman to be al1 the
authority whicli he needed for actingin Spain in the name of Uarcelona

Traction. Both these points are made cqually clear in other documents
relating ta this transaction which are printed a little out of chronological
order in Volume 1 of the Counter-3Iemorial Annexes at pages 501 to joq
and pages 494 ta 500. .\loreover, a letter from Arnus-Gari to hlr. Lawton
on 5 January 1gzGprinted on page 498 of that volume shows tliat Ar-
nus-Gari on its side also viewed hlr. Lawton as representing Barcelona
Traction in the transaction for the letter opens with the words:

"We beg to acknowledge receipt of your letter of today's date
commissioning us to purchase on bchalf of Barcelona Traction,
Light and Power Company Limited, a group o. con.essions.. ."
Indced, &Ir.President, the correspondence relating to this transaction
provides proof of yet other points.
First, two of the letters in the Counter-Memorial Annexes, at pages
494 and 501. signed by Ur. .\Ici\Iurtry, legal adviser to JIr. Lawton and,
as 1 shall latcr show. an employee of BarceIona Traction itself, establish

that he played a large role in the negotiations on behalf of Barcelona
Traction; in other words, tliey show that tlie staff of the Rûrcelona office
was used by Barcelona Traction for its transactions iii Spain just as if the
Barcelona otficc was its own officeand the Barcelona staff its own staff.
Secondly, AIr. Hubbard's letter ta hlr. hlchlurtry of 30 December 1925
makes it evident that he considered the transaction to be one in which it
would be quite sufficierit to keep his board in Toronto iriformed, for in
the final paragraph he wrote:

"On hearing froin you further I will bring the matter to the further
consideration of tlie board in Toronto to whom 1 have already
written or1the subject." (A.C.M., Vol. 1, p. 504.)
There is rio suggestion is his or any other letter that the board's
approval miglit be necessary, and the contract of purchase was in fact
concluded only sis days later without any talk of an authorization from
Toronto.
Thirdly, this transaction provides oiie esample among many of Bar-
celoiia Traction's use of bankers in Spain as its agents for transacting

business on its behalf. Furthermore it is clear from the correspondence
that the owner of the concessions \vas aware that Arnus-Gari \vas acting
for Barcelona Tractioii iii the matter.
1 should now like to retiirn for a moment. Rlr. President,'to the letterIZ4 BARCELONA TRACTION
from Mr. Lawton to MI. Hubbard with which 1 began and three para-
graphs of which 1read out to the Court a few moments ago. These para-
graphs related tothe particular transaction wliich 1have been discussing,

but the letter had a fourth paragraph in which MI. Lawton raised the
general question of his future dealings with the bankers Ar~ius-Gari:

"With regard to matters affecting the Barcelona Traction, Light
& Power Co., it might be convenient to advise Messrs. Arnus-Gari
about my appointment, and tell them that any instructions 1give in
connection -6th that Company can be complied with so :is to prevent
difficulties in case of urgency."(A-Rej., Vol. II, Ann. 6, Doc. 21.)

The interesting thing about this paragraph is that it shows Mr. Lawton
himself to have had no doubt whatever about his legal capacity to act as
Barcelona Traction's representative in Spain without further authority
from the board in Toronto. In the matter in hand he had acted as Bar-
celona Traction's agent and had not in fact met with any difficultieson

the part of Arnus-Gari in regard either to his authorityto represent Bar-
celona Traction or to commit it by his signature. He merely suggested in
this paragraph that, in order to avoid any possible risk of delay through
the points being raised in a future case, Mr. Hubbard sliould advise
Arnus-Gari in advance that they were entitled to assume hlr. Lawton's
authority to act for the Company in any matter on which he gave them
instructions. 1s it not therefore absolutely clear both that in 1926 Mr.
Lawton regarded himself as legally authorized to act for Barcelona
Traction in Spain and that he envisaged himself as likely t« be doing so
frequently in the future in dealings with Arnus-Gari?
It is therefore interesting to contrast what MI. Lawton said on this
point in his letter to hlr. Hubbardand what he said on the same point to
Inspector Canosa of the Ministry of Finance. MI. Lawton's statement to

the Inspector is recorded in the latter's report in a passage which appears
on page 365 of Volume 1 of OUI Counter-Memorial Annexes. And the
Court will see that in that statement it %vasthe principle of 98 percent.
fabrication and z per cent. truth which was applied.
The transaction for the purchase of concessions which 1 have just
mentioued took place in 1926, some six years after the date when,
according to our opponents, Barcelona Traction is supposed to have
altogether ceased to engage in business in Spain. But, Mr. President,
could any act more clearly prove continuing commercial activity in Spain
than a purchase of hydro-electric concessions on Spanish rivers? Could
anything be more clearly the act of Barcelona Traction in Spain than the
negotiation of such a purchase by the president of the board resident in

Spain and duly authorized for the purpose by the chairman of the board?
1 think that it may be useful, MI. President, if at this point 1 add a
few general comments upon the position of Mr. Lawton and his senior
officiaisin relation to Barcelona Traction.
In the Rejoinder, as 1 have recalled, we underlined both the express
powers of the chairman and president of Barcelona Traction under the
companv's statutes and the ostensible authoritv which would necessaril~
attach <O them under Canadian law unless spécificallynegatived by thé
company's statutes or by board resolutions of which the persons dealing
with them had notice. In OUI two written pleadings and the annexes to
them, we poiuted to a mass of documents apparently evidencing MI. ARGUMENT OF SIR HUMPHREY WALDOCK 125

Lawton's possession of wide powers to act on behalf of Barcelona Traction
under the direction of Mr. Hubbard.
ln their s~eeches our on~onents did not challenee our statement as to
the~legal pisition of the'chairman and president under Canadian law.
And. as we observed in VI. uaEe 81 of our Reioinder, no evidence of anv
specific limitations upon t6e jowërs of the Ehairman or president his
been put before the Court while the Belgian Government appears to have
been reluctant or unable to furnish the Court with the relevant board
resolutions.
The only possible conclusion therefore is that. subject to the direction
of hlr. Hubbard. MT.Lawton possessed the extensive powers to act on

behalf of Barcelona Traction in Spain. ahich the evidence before the
Court so clearly shows that he in fact esercised. If this were not so, 311.
President, it is really incredible that hlr. Larvton, hlr. McAfurtry and
Rlr. Cretchley were not sacked from their posts by the board of Barcelona
Traction.
In the written pleadings. and in the previous oral hearings, our oppo-
nents left the Court to understand that Mr. Lawton acted as Barcelona
Traction's legal representative in Spain oiily on rare occasions and at
long intervals and tliey pointed to some foiir powers of attorney issued
for particular traiisactions long before the bankruptcy.
Well now. even the evidence which we have been able to find in our

archives contains ouite a number of further nowen of attornev. board
rt~iolutioiii ;in(] Icttcri ur tel~,grniiis of nuthoriintion eniposv~ring \Ir
I.a\îton ;iiiri inember; of 111staff tu :ict uii bch;ilf of 13nrccloiia'Traction.
Irin<l<litioi..t~-~~ is a -ic~ - ~ -~ntlcttCUIICC~IIIII111.~I~~11~~1.a\v rrhticti
has~recently come to light and which is before the Court as one of the
deposited documents (New Duc. 196 Vol. III,p. 37).
h'ow this letter, dated 21 septem8er 1945 and signed by hlr. Puig
Domenech, head of Ebro's legal department, concerned the formalities
needed for the exchange of Ebro's General Mortgage bonds for peseta
bonds as part of the Plan of Compromise. The particular point dealt with
in the letter was the power of attorney which Barcelona Traction woiild

have to give to a representative in Spain for the purpose of making an
application to the eïcliange authorities. The passage to which 1 invite
attention reads as follows:
"Nous croyons au'il serait préfërable de doniier ces pouvoirs à une

perjoniic pli~siquc: et ji oii dkidait d'Ct;ihlir 1;il>ruciiration:IIiiorii
iIc 11.\I~~iiicliaert.il faililrait l)reri<lregraiid soinIICllni iiit1iiluc.r
dans lei décisioiis ,luConaiil (iu'il >\.ait déiàCt; iiiw>ti <Irpouvoirs
auparavant."
Now there, Mr. President. in those last words, the truth peeps out and
with it the reason why you have not seen very many documents from the

archives of Barcelona Traction in Toronto.
During the war Barcelona Traction had established an officein Lisbon
for the direction of the enterprise in Spain and Mr. Menschaert, a director
bath of Barcelona Traction and Ebro. was in charge. And the letter tells
us not only tliat hehad already been invested with powers of attorney hy
the board but that knowledge of this fact inust at al1cost be kept from
the Spaiiish authorities. And need we tell you why, hlr. President?
As to Mr. hlchlurtry, the head of the legal department. Mr. Cretchley,
the çliiei accountant, and other senior officials. the evidence shows that126 BARCELONA TRACTION

the~,were continuouslv. com~letelv and directlv under the orders of the
cliairniaii of ~arceloiin'l'ractbn a5'wcllas of 11; I.a\i.toii. \Ir. llc\lurtr~,
in<lee<li.ermsclrarl\.. from hisletter of 21 L)ecenihrr rq21 to \Ir Iliibhar<l
about his leave of absence, to have actually been ai employee of Bar-

celona Traction and not of Ebro. That letter is another of the deposited
documents-~hotostats will be before the Court (New Doc. 1~68,Vol. 1).
Ai to tlir ciiirf accoiintant. I \ioiild :\iltlitCburt 10 \><:t;;>odt.iii>iiili
to look nt \Ir. tIuht>ard'j letter of 5 Aiigiist 1924, printcd oii p,,gv ,35ig of
\'olun~e 1 of Our c:oiilitcr-.llciiiorial :\iinexes. .\Ir. Hiil~bard \\.:Ltli,:it
writing as chairman of Barc'elona Traction to the secretary of Barcelona
Traction about a decision to raise the rate of interest payable by Ebro
to International Utilities. And. in the middle paragraph, you will see him
saying:

"1 have settled with Mr. hfclllurtry and our Treasurer in Spain the
form of letter which should pass to accomplish what we desire."

Our treasurer-BarcelonaTraction's treasurer-in Spain, MI.President,
and this was of co~r~e &Ir.Cretchle\,. Ebro's chief accountant.
III the statutory returns of Barcdona Traction and the other Canadian
companies to the re~istrar in Canada only Ebro recorded the appoint-
meni of a treasurer, giving his address as l!arcelona. It is moreover'clear,
from the evidence before the Court, that in practice Ebro's chief accoun-
tant. as was only to be expected, had a pivota1 position in the accouiiting
of al1the companies of the enterprise. Xo wonder then that 311.Hubbard
spoke of him as our treasurer in Spain.
Before leaving the question of hfr. Lawton and his staff, 1 must Say a

brief word about the applicable Spanish law.
In the Reply. Ouropponents sought to persuade you that the Spanish
law regarding representation and agency is of a somewhat formalistic
character. But, as we pointed out in paragraph 1x8of the Rejoinder, that
is not the case at all: we referred iiithis coiiiiection to a sununary of the
applicable principles contained in a judgment of the Supreine Court on
IO February 1967. And we respectfully ask the Court to consult for this
purpose the first two paragraphs of tliat very clear judgment on page
277of Volume II of our Rejoinder Annexes.
It will see that under Spanish law, no less than under Canadian law,

hlr. Lawton's acts on behalf of Barceloiia Traction itrere the kind that
must be considered as fixing him with the character of Barcelona Trac-
tion's representative or agent in Spain in the transactions in question.
Indeed, if the Court twns to page 103 of Volume 1 of oiir Rejoinder
Annexes it will see that. for fiscal Dur.ose,. the ~rinci~le iofostensible
niitliority is ;i<:rii.,lltnin<icstatutory hy lio!..;l l~<:;i,f'25 :\pril iqrr.
Barct.lona Traction', iri\.ol\.emeiitin the enterpriie. 3s OUI iiiitten
pleadings show, was both direct and complete. rom the beginning. for
operational purposes. it treated the Barcelona office simply as ifit \vas
aii extension of Barcelona Traction in Spain. In general, for fiscal reasons
and because of the laws conceriiing piiblic utility concessions, Barcelona

Traction sought to use the name of a subsidiary and to avoid any mention
of its own name. In the 1926 transaction. however, it desired to use the
concessions as consideration for inflatiiig Ehro's debts to itself and there-
fore had itself to participate in the transaction, although only in an
agreement to be kept off the record.
hfuch the same thing happened in a later transaction for the purchase ARGUhlENT OF SIR HUXPHREY WALDOCK 127

of concessions in 1935,although the technique was somewhat different on
that occasion. The technique was then to acquire the concessions through
a Spanish intermediary and to Iiave them transferred to a new Company
incorporated by Spaniards on Barcelona Traction's instructions and
deliberately dressed up to look like a Spanish compaiiy unconnected with
13arcelonaTraction. The documents do not make clear exactly why in
this transaction MI. Lawton and hisstaff dealt with the various Spanish
private interests in the name of Barcelona Traction rather than in that of
Ebro. But thev oertainlv did so: and. clandestine thoueh~.he role of the
i3arcelon:iofficr \v3sin ihe purchase of rhose conccsjioni. tlir <lo~iirncnts
lxovt: tlint itivnsc.presjl\ in rliiii;iriiof I<arcelori;i'1'r:ictiuntliar \Ir
Ltitvtun;iri<iIiissinfi bot11necotintcd\viitirtivi>riinrcviirtie~alid eritirri.<l
into secret agreements with-them. 1 do not Jlr. President. to
take up the time of the Court by going through the documents of that
transaction in detail. 1 merelv ask the Court to refer to Our Counter-
Memorial, IV, pages 27-28 and 51-52, and, more especially, to our
Rejoinder, VI, pages 77-79.
1need scarcelv add, Mr. I'resident. that the documents relatinv to both
these trans3ct.uiis revcal ~<:irccliiii;.irrnction llot only <l<:c<%fuil cliiite
ruililess in rhrir :ittitii(le tou:irdi tlic Spanish interrsts arid S~i:iiiijti
autliorities. Hcrc I \i.:inr onl\IO iiri<lt.rlinctlic çIi:3r r>roofin 11eIUCII-
ments of Rarcelona Tractioi's oivn hand in the ope;ations of the inter-
prise in Spain. They confirm the impression given by a myriad of other
documents that Barcelona Traction, through its Barcelona office, was at
al1times present and active in Spain, even altliough it did not allow its
preseiice or its activity to manifest itself any more than it could help.
One matter in which Rarcelona Traction's activity was virtually con-
tinuous froni 1918 to 1948 \vas the raising of loans from the general
public-a matter, Mr. President. which would seem to be of verv obvious
;elei~aricriii<:oniiectioniviili tlie l>~iikriiprcy)urisdictivdf tlic Sy,:iiiisti
courts. Our oppoiients \voiild have yoii iinderstniid tliat in tliis m:itter
Harcelona Traction !vasnor irielf nn :icror in Sp:iin. ;incltli:ittlirI):iiikcrs
Arniis-Gan bought and serviced the ~arceloia Traction peseta bonds
as independent contractors and not as representatives and agents of
Barcelona Traction; and that Barcelona Traction cannot therefore be
held to have brought itself within the jurisdiction of the Spanish courts
by reason of these transactions. We grant that in general the actual
contracts forplacing the bonds ivereexpressed to be domiciled in London
and wereconcluded bv Arnus-Gari asindenendent ~urchasersofthe bonds.
But the documents tOtally refute the thesis that barcelona Traction did
not itself undertake commercial activitv in Spain in connection with the
placing, the servicing and conversion oiits bonds.
Ive have given the Court an outline of these transactions in our
Counter-blemorial. IV, pages 42-49 analysing them in somewhat greater
detail in paragraphs 21 to 41 of a Note printed on pages 512 to 527 of
Volume V of the Coiinter-Memorial Annexes; and we commented upon
them further in our Rejoinder, VI,pages 7.9to 81.As to tliese documents,
the Court ivill find a rrery large number scattered through the first five
volumes of onr Counter-hlemorial Annexes. 1 may perhaps, however,
referparticularly to those printed between pages 369and 493of \'olume 1
and pages 127 and 330 of Volume III. These documents fully suffice to
establish the continuous nature of the transactions. the procedures used
by Barcclonû Traction. the role played by Mr. Lawton and others in the128 BARCELOXA TRACTION

Barceloiia Officeas agents and representatives of Barcelona Traction and
their lears that sooner or later Barcelona Traction would be held by the
authorities to have a legal representative and be engaging in commërcial
activity in Spain. But. hlr. President, they are only a tithe of the docu-

ments in the Barcelona office relating to these transactions. Among the
additional evidence deposited u.itli the Court there are literally hundreds
of letters passing bet~veen the Barcelona office and Arnus-Gari or the
Westminster Bank or some other bank concerning the payinent of cou-
Donson Barcelona Tractionbonds. the redemotion or excha~ieeof bund~~ ~
ihe replacement oflost bonds, etc.,'aiid al1these transactionsare recorded
also month bv month in Barcelona Traction's bank accounts with the
various bank<concerned.
The Court will certainly not wish me to take it al1 through those

documents. 1 therefore confine myself to poiiits of particular relevance
to the issue in this case.
The documents begin in 1918 and show that the staff of the Barcelona
office were already acting as representatives and agents of Barcelona
Traction even before the appointment of Alr. Lawton as President. Thus.
documents printecl on pages 375 to 396 of Volume 1 of our Counter-
Rlemorial Annexes show that on 15 April 1918 the board of Barcelona
Traction passed a resolution authorizing its President, then >Ir. Peacock,
to sel1IO million 7 per cent. Prior Lien Peseta bonds to Spanish bankers
on such terms as he considered desirable. The text of that resolution is
on page 389, where you will sec that the board meeting in Canada con-

sisted of three comparatively insigniricant directors. 1 woiild then ask
you to turn to the next dociiment on page 391 and there you will find,
on that vcry same day-in London, wliere the sun rises manyhours
before it does in Toronto-the l'resideiit of the company, Mr. Peacock,
and the powerful 3fr. Hubbard wcrc holdiiig a committee of Barcelona
'Traction bondliolders to approve the terms of a draft contract of a sale of
thcse samc Prior Lien bonds whicli the I'resident reported that he had
already negotiated with Arnus-Gari. The Court will therefore appreciate
the amplitude of the powers of the principal officers of the Xarcelona
Traction to act on behalf of the company even in such a niatter as the

issue of bonds. The other documents relating to this transaction then
show that the head of the Barcelona office. at that time. Mr. Harrsen.
acted on behalf of Barcelona Traction in settling the details of the com-
pletioli of the contract, in obtaining the signature of Arnus-Gari and in
securiiig lrom them for Barcelona Traction an advance in Spain of z
million pesetas.
1)ocuments on pages 394 to 396 and 399 to 404 of the same volume
concern a similar placing on the Spaiiish market of 30,000 6 per cent.
Peseta bonds in 1919. By now XIr.Lawton. though not yet president of
I3arcelona Traction, is head of the Barcelona office and on page 399 the
Court will see him referring to a telegram froiii the President authorizing

him expressly to act as the agent of the 13arcelona Traction, Light ancl
Power Company in connection with the issue of the bonds.

The Courtadjournedfronh11.20 a.m. tarr.qo a.m.

Another set of documents. on pa es 405 to 424, concern the issue in
1922 of new 7 per cent. 30-year bon fs up to 35 million pesetas par value
and also arrangements for the conversion of certain previous issues into ARGUMENT OF SIR HUMPHREY WALDOCK 12g
these new bonds. This transaction was covered by board resolutions, and

the Court will again find Rlr. Lawton, as also the head of his legal de-
partment, Mr. McMurtry, dealing with both Arnus-Gari and the Barce-
lona branch of the Westminster Bank in the nanie of Barcelona Traction
on the instructions of its president or h2r.Hubbard in London.
Italmost suffices for the Court to turn to the letter of 30 April 1924.
printed on page 420, in which hlr. Hubbard, having given detailed in-
structions to hfr. Lawton regarding the conversion transaction. con-
cluded:

"1 think tliat the transaction is quite a simple and clear one so
that &Ir.McMurtry can draw up the agreement embodying the terms
so that you can settle and sign it with Arnus-Gari without further
reference to 1-ondon. 1 understand that there arc sufficient 7%
30-Year Bonds printed in Spain to enable this transaction tu be
carried throu h and the only point tobe sure of is whether there is
authority in &;in to countersigii the additional honds reqiiired."
(A.C.31..\'ol. 1, Chap. 1,Ann. 50, »oc. 12,p. 420.)

Indeed, it seems clcar from hlr. hlchlurtry's letter printed on page 370
that ultimately it was he who. in fact. signed the agreement for Har-
celona Traction in Spain. For he there refers tu a cable tu him from
hfr. Hubbard reading: "You are herebyaulhorisedto sign agreenienlwith
bankersas Ageizt Barcelona Traction 1.iglit nnd Power Co." (Ibid., Ann.
44, uoc. 3.)
And you will recall, Mr. President, that 3Ir. 3lchIurtry was hiniself an
employee of Barcelona Traction.
On pages 371 to 372 of tliat same \roluine, the Court \vil1fiiid resolu-
tions of the board of Barceloiia Traction wliich, in their fiiial form.

provide for the issue of.+5-year bonds to the value of ~oomillion pesetas;
and secoiidly, forthe use of as many of these bonds as might be necessary
in order to obtain the withdrawal of the 30-year 7 per cent. bonds hy
exchange or redemption.
Itwill also see tliat the i-esolutions authorized Mr. Hubbûrd aiid hfr.
Lawton to do everythiiig nccessary for the esecution of the resolution
on behalf of the Company. Then if the Court turns to pages 4zj to 460
and pages 486 to 493, it will find a number of documents relating to the
esecutionof the resolutions. These documents which form only a minute
part of the tvhole correspondence concerniiig thcse bonds. rua from 1927
to the eve of the bankruptcy proceediiigs. Tliey give the saine picture of
3Ir Lawton, hlr. hlchliirtry and others in the Barcelona omce dealing
continuously with Arnus-Gari and with other banks in Spaiii on behalf of
liarcelona Tractioii in accordance ii.ith the instructions of hlr. Hubbard,

its chairman.
I should riow like you, hfr. President, tu look a little more closely at
these dealings regarding the peseta bonds. One point is very clear: Mr.
Lawtoii and Iiis staff were dealing mitli the business of Barcelona Trac-
tion itself aiid not with that of Ebro. No less clear is the point that the)
were acting with the authority of Uarcelona Traction. on its bchalf aiid
in its name. The chain of authority and of instruction in these trans-
actions meets evcri the most exacting reqiiirements: board resolutions,
express delegatioiis of authority froin the board to hlr. Hubbard and
3Ir. Lawton, instructions from Mr. Hubbard to Mr. Lawton or others
on his staff ta act for Barcclona Traction. also pointed ont that unless previously cancelled the bonds could not be
exported without permission from the eschange control. Subsequent
letters show that from time to tirne Arnus-Gari purchased in Spain, for
the account of Barcelona Traction, sterliiir bonds in small lots as these
became available, and that Mr. Lawton ana his staff negotiated the pur-
chases expressly on behalf of Barcelona Traction in conformity with
instructions given by Barcelona Traction'schairman.
Thus here again, afr. President, you have Alr. Laurton and his staff
acting as duly authorized representatives and agents of Barcelona
Traction for the purpose of carrying out commercial transactions in
Spain on its behalf.

1 may add in passing, hlr. President, that in these transactions Bar-
celona Traction sliowed the sanie readiness to flout Spanish law as in so
many other transactions. The purchase of the sterling bonds, as Mr.
Spéciaelpointed out in a letter printed on page 100, amouiited to "un
véritabletransfert des fonds" :and Mr. Lawton. as alreadv noted. under-
Iirid<1/1at.unlcjj cnnct'll~d.t!i<'I~ondicuiild iiut'bt.rcpnrri:itcrl to l.ondon
\irliiiut c~cli;irigccoiitrol l1erriii3iiI3iitiiiiilitlic terinj oitti<:Tiust
I)crd tti~ t,oiiils coiilcl ihct c:~ii~.tllcil.and tlic Jusiiriiriiti ic\,c:il tti:ir
thiif.irtdicl iiot ~1tte.rI<nrcclvii;iI'iaction froiii ciiiplo\iii# i.;<ribtisu.;iyi
of cvitiirz th, l;oi~d,OIIILI SP.IIII\ritIioiitlic~~riiii~~innof tlic c~cIi:~ii~,:
coritrol Cuthorities. -

Up till noiv 1have spoken only of Mr. 1-awtoriaiid his staff as Barcclona
Traction's agents for carrying out its bond transactions in Spain. 1 Irave
done so delibcrately in order to underline the complete fusion which
esisted in practice between the office in Barcelona and Barcelona Trac-
tion itself in connection with tliese transactions concerning first con-
cessions and iio\v bonds. This fusion. iii trnth, went mucli decper. es-
tending over al1the business of Ebro and tlie other subsidiary cornpaiiies
in Spain, a niatter to which 1shall revert later because of itsimplicatioiis
for other issues in this case. But before 1 leave tlie bond transactions 1
must also draw attention to thc role of banks in Spain. and more es-
pecially Arnus-Gari, :is Uarcelona Tractiori's agents in thcse transactions.
The Barcelona branch of the London Couiity Lt'estniinster ancl I'arr's

Bank \vas uscd by Barcelona Traction as its agents for signiiig the pro-
visional certificates of its peseta bond issues. 011 pages 165 and 167 of
Volume III of Our Counter-hlemorial Annexes the Court will fiiid ex-
amples respectively of a resolution of the Barcelona Traction board
providing for the appointment of tliat bank as its agents for this purpose
and of a power of attorney executed by Barcelona Traction's president
in favour of tlie barik. In the powcr of attorney Barcelona Traction,
profcssing that they werc not carryirig on business in Spain, stated tliat
they were desirous of appointing an agcnt in Spain to sign as their agent
and on their bctralf tlie provisional certificatcs. The power of attorney
tlien appointed tlie bank as the coiiipnny's true and lawful attorney to
sign the certificates and then deliver thein to such persons and ~iridcrsuch

conditions as 3Ir. Lawton or thrce other people on his staff might from
time to time direct. In additioii Barcelona Traction proi,ide<l the bank
ivith a seal for use in connection with the latter's signature of the cer-
tificates on behalf of Barcelona Traction. Tlie batik duly carried out its
functions as Barcelona Traction's aeerit in coiinection with the bonds.
placing what was in effect ~arcelona?raction's signature in Spain on the
bonds issued tothe Spanish public. BARCELONA TRACTIOS
132
In the U7al/ord case in the English 1-lighCourt the leorricd judge said
at the end of his judgment:

"It might well be held that a Company which kept a register of the
names of a body of its creditors in London had established a dace of
business there hy that act alone and could not escape service there
at the suit of its creditors, but 1need not decide tliat point."

In the present instance, hlr. President, Barcelona Traction did a good
deal more in Spain, through the \\'estrninster Rank, than merely keep
a register of namcs. But there is so much other e\ri<lence <-iBarcelona
Traction's activity in Spain that equally we doubt whether ),ou need
take a vent precise position regarding the implications of \Irestminster
Bank's aciivity on behalf of Barcelona Traction. 1 neecl not, therefore.
do more than ask you to note this further liiik betweeii ISarcelona Trac-
tion and Spanisli jurisdiction.
Barcelona Traction's iise of Arnds-Gari as its agent for the purchase

of concessions iri 1926 I have recalled. 1ts.use of Arnus-Gari as its rep-
reseiitative ancl agent in Spain in conncction with bond transactions
was abs~~~~~~-\^~ ~ntinuous from 1a18 iintil a short i~eriod before the
bankruptcy, \;ben that bank's role <,as taken over by tiie Banco Espanol
de Credito. \\'e have set out soine of the salient facts reaar<linr Arnus-
Gari's participation in the bond transactions in Our CoÜnt<:r-&remorial,
IV, pages 42 to 49. and 1 can limit myself to underlining Arnus-Gari's
character as BarceIona Traction's agent in Spain.
In la\%., rnus-Gari are no doubt to be considered as h:iving themselves
bouglit the peseta bonds from Darceloiia Traction and rcsold them to
the Spanish public. Although in substance they ivere placiiig Barcelona
Traction's bonds on the Spanish market on a commission basis, \r.e
accept that ArnUs-Gari were technically acting as principals rather than

as agents in the issiie of the bonds. Uiit in the servicing. the exchange and
the redemption of Barcelona Traction bonds in Spain the position of
Arniis-Gari was quite otherii-ise. \\'lien they had resold any bonds on the
Spanish niarket. their character as principals terminated in relation to
those bonds and thercafter they acted as Barcelona Traction's agents in
Spain for servicing tlie bonds.
It was Arnus-Gari who, on behalf of Harcelona Traction and in order
to meet Barcelona Traction's obligations in Spain, paid and dealt with
the coupons as thcy became due. debiting the amount to Barcelona
Traction's coupon account. The hank's ledgers for tliis coupon account,
esamples ofwhich are before the Court (New Doc. 1969, Vol. III,p. 32).
and the bank's regular reports to and correspondence with hlr. Lawton
concernine the navments made bv theni on behalf of Barcelona Traction
inrespect"of c~;~~oiisand redemj;tion of bonds testify clearly enougli ta

the fact that in these transactions Arniis-Gari acted as Barcelona Trac-
tion's permanent agent in Spain.
hlay I add that we could even produce the coupons th<:mselves for
many parcels and boxes of the discharged coupons were stored by Ebro
in theirvaults.
1 have already pointed out how Barcelona Traction, in the shape of
hlr. Lawton and his staff, negotiated the purchase through Arniis-
Gari of sterling bonds of Barcelona Traction circulating in Spain. In
tliose transactions Arnus-Gari, who likewise debited the purchase
money to Barcelona Tra-ion's coupon account with the bank., wassim: A~GUHEST OF SIR HU~IPHREY WALDOCK
133
ply acting as Barcelona Traction's agents to find and buy the boiids.
On a very much larger scale \iras Arnus-Gari's activity on behalf of

Barcelona Traction in connection with the excliange or redemption ofthe
peseta bonds which of course had been placed on the Spanish market by
Arnus-Gari thcrnselves.
Indeed, these transactions were almost continuous and liere again
Arnhs-Gari renlly functioiied as Barcelona Traction's perninnciit rep-
resentative and agent. 'l'hat Arnhs-Gari had the charactcr of I3arceloiia
Traction's rcpreseiitative and agent is evident really frorii tlle iiature of
the transactions, and you may think it sufficient if 1refer you to acon-
tract between Rarcelona Traction and Arnus-Gari printed on page 260 of
Volunie III of oiir Coiinter-hlemorial Annexes. This coiitract relates to
an operation for tlie eschange of bonds in rgnr and tlie opening paia-
graph reads as follo\rs:

"The Barceloiia Traction, Light and Power Coinpaiiy. Limited
hereby autliorize you to act on its behalf in the matter of carrying
through the eucliange of its 6% Six-i'ear Bonds ...for the new 7%
Bonds. The terms and conditioiis under which the said escliaiige
ail1 be effected are as follows[and then follow the conditions]."

The position of r\rrius-Gari as Liarcelona Tractioii's represcntative and
agent coiild Iiûrdly hc piit niore clearly.
In our Counter-hleriiori:i1 we pointed out that riot orily llr-. Laivton
and his staff but i\riiiis-Gari themselves were much preoccupicd ùy the
possibility that Arniis-Gari i\.oiild, sooner or later, be fised by the
authorities with being Barcclona Traction's legal representativc in Spain
in connectioii with the scrvicirig of the bonds. \f'e also pointed out that
among themselves Alr. I.awtoii and his staff admittecl readily enough

that Ariius-Gari \vere acting as Barcelona Traction's represeiitati\.e. 1
refer. Ur. Presicient, to paragraphs 60 to 63 of Chapter I of the Counttir-
Alemorial (IV) ivhere ae noted some of the relevant documents. These
are themselves printed on pages 443 to 460 of Volonie 1of the Counter-
Mernorial Aiineses, and 1 sliall not take up the time of the Court by
referring to theni.
The Court niay, howcvcr, perniit me to recall that Arniis-Gari became
so aiisious upon this point in 1932 that tbey asked Barceloria 'l'raction,
though unsuccessfully, for :in indemnity for the liabilities which they
would incur if hclrl tu bc its leg:il representative in Spaiii. l'lic Court will
find the documents whicli sho~vthis on pages 451 to 458 of tlie t\niicses
(A.c.~, r701.1).
1 slioold also likc to recall a document which is prii;ted oii page 486 41
Volume 11'of oiir Couiiter-3lcmorial Annexes. This is a letter of 23 Apfil

1932 from the bo;ird of Barceloiia Traction in Toronto to Alr.Hubbar<l in
London. It refers to meetings of the advisory committce of Ebro recently
held in Barcelona, aiiclthen continues:
"On going over thesï 1 notice that there is an item on page 3 of
the meeting of ?jth Janoary in \vtiich Lawtoii annouiices to the

comrnitter the sale of "~0 bonds 1027 issue of Barcelona Traction
Light & ~ower Cornpaiiy Ltd., and'ako oii page 3of the niecting of
24th Februarv the secretarv esplains to the committee the resiilts of
sales of bonds ninde by the Company to i\riihs-Garj, airion the
itenis beiiig 500 6% I~onds of Barcelona Traction. I-glit & 8oWerI34 BARCELOSA TRACTIOS
Company. In view of the various tax questions it would seem in-
advisable that the minutes of the advisory committee of.. . Ebro
Company in Spain should contain iteins of this kind reporting sales
of Ijarcelona Company boiids, and 1 inerely wish to cal1 your

attentioii to this so that if you think it advisable sonie correction
may bc made and instructions given to eliminate such items for the
future.
Tliis matter may not have any iniportance but you have becn so
careful in advising us to take care about these matters that 1thought
itwell to draw your attention to it." (A.C.M., Vol. IV, p. 480.)
The tax question there referred to coiicerned precisely the point

whether ArnUs-Gari was Barcelona Traction's legal representative and
~hether Barcelona Traction \vas engagiiig in commercial activity in
respect of its bond transactions.
I I I I n~ili, Ir. I'riiitlvnt. oiici. a;aiii tioiv oiir <ilnpoiirntscaii
pos;ibly brin: tlieiii4cl\ei ro charge 5poin \vit1;i fl:~gr:<iitiiwrpntion of
]ilri;dlctiuli !i.Iii.li iinic<iori:a'i'r:lc~~vllt~iXlr(!v:t;(~ls~~~ai'ilsiic~l
nervoiisiiess about the company's position on the very rnatier-of its
liability to Spanish jurisdiction.
In truth, when Barcelona Traction was niade subject to Spanish
jurisdiction in the bankruptcy proceedings, what came to pass was only
what had lorig been fcared by the company and its staff in Barcelona.
So far, Mr. President, 1 have been speaking of matters which even

nominally were undoubtedly the business of Barcelona Traction itself
in Spain. In order to escape Spanish taxes. it was the settled policy of
Barceloiia Traction to tell the Spanish authorities that it did not itself
engage iii any business in Spain, had no branch or place of business in
Spain. that it kept no agent or legal representative in Spain.
In the case of its bond dealings, Barcelona's operations passed off the
acts of the banks operating on their own behalf.
In tlie case of thepurchase of concessions in 1926 and 193j Barceloiia
Traction, in order both to defeat a clear prohibition of Spanish law and to
coriceal its opcrations in Spain, had recourse to the expedient of secret
agreements. Iii these ways it contrived vis-&vis the Spanish authoritics
to keep up the appearance of a holcling company not itself engaged in
business in Spain. But that appearance was untrue not only in respect

of the particular transactions which 1have mentioned. It was fundamen-
tally untrue by reason of the completely unified character of the enter-
prise and of Barcelona Traction's direct participation in the operation of
the companies in Spain, and it is to this aspect of Barcelona Traction's
relations with Spain that 1must no\\. turn.
As the Court knows, the question of the unity of the eiiterprise has
been extensi\rely debated in the written pleadings. its relevance on the
charge of a usurpation of jurisdiction is twofold: first, on the issue
whether Barcelona Traction itself engaged in business in Spain and wis
subject tospanish jurisdiction; and secondly, on the issue of theinclusion
of the property of the subsidiaries in Spainin the bankruptcy of Barcelona

Traction. It is also intimately connected with the deliberate policy of
deception adopted by the enterprise towards the Spanish authorities,
and thus with the causes of Barcelona Traction's bankruptcy. Accor-
dingly, the Court will well understand why we ask it to give thisquestion
special attention. ARGUMENT OF SIR HUMPHREY \VALDOCK
I35
The question has elements both of 1awand of fact and 1 takc the legal
elements first. Our opponents, in the Memorial (1)and above al1in para-
graphs 231 to 248 of the Reply (V), took us severely to task for whatthey
considercd as Our disregard, of the separate legal personalities of Rarce-
Iona Traction's subsidiary companies; and they there castigated us for
what they described as our "méconnaissance complète dcs réalités
juridiques de la vie économique internationale et du rôle - usuel. nor-
mal. et parfaitement loyal - jouépar les groupes de sociétés".

The Court will fiiid our reply to these criticisms in Our Rejoinder, VI,
pages 32 to 51 and on pages 59 to 69. \\'e there pointed out that our
position on the question of the separate legal personality of coml)anies
and on erouos of com~anies was verv different from that attributed to
us by ou; oppo~ieiits.Gleemphasized jhat wliat we cal1attention to iri the
Rarcelona Traction enterprise is its abuse of the legal forms and tech-
iiiaues current in comuanv ~ractice aiid. in ~articülar. its use of the
separate legal personali'tyif iis subsidiariis as an instrument of fraud.
\\'e cited passapes from witers and iudicial decisions. includirip a
number relied up& by Our opponents which show conclusively thar in
national systems of law the notion of the separate personality of a cor-
poration does not have that absolute character which Our opponents
seemed to be askiiig you to give it. For these writers are at one in holding
that the separate personality of a corporation is not sacrosanct and may
be set aside in certain cases and notably in cases of fraud and whcrc a
subsidiary company is so conducted as to make it nothing more than an
iiistruineiit or accessory of its parent company.
\Ve further took an article in the Yale Law Jotlrikalby the ilmetican
writers Douglas and Shanks (Rej., VI, p.61) which had been relied upon
by our opponents and which dealt in somc depth with the questïon of
when the o~erations of a subsidiarv are to bc considered as in fact and in

law the opérations of its parent &rnpany. And \rreshowed that almost
every element mentioned bv these writers as potentially indicative of the
essential unity of cornPani& is present in the case of thécompanies of the
BarceIoria Traction criterprise. In short, Mr. Presiderit, we showcd that,
even according to the scrupulous standardsand criteria suggested by the
authors of that articlc, the Barcelona Traction enterprise appears to be
a case par excellencewhere the parent and the subsidiary companies are
to be considered in fact andin law as a unity.
\\le might cite numerous other writers and judicial decisions in support
of those given in our Rejoinder. but we have no wish to overburden the
Court withcitations on points which seemto us entirelyclear. One further
judicial decision has, Iiowever, come to our notice which is so apposite
that we cannot fail to present it to the Court. This is the judgnient of an
important court in commercial affairs-the Federal District Coiirt of
New York-in the case of In re San Antonio Land Compa~zy,which was
decided in 1916 and reported in 228 FederalReporterat pages 984 to 990.
The particular interest of that case, &Ir. I'resident and hlembers of the
Court, is that althoiigh the circumstances of the bankruptcy wcre
somewhat differcnt, many of its facts bear an astonishingly close resem-
blance to those in the present case.
The San Antonio Company, hlr.President, may fairly be said to have

been the twin of Barcelona Traction. San Antonio \vas incorporated in
Canada in the same city as Barcelona Traction, Toronto, in the same
year, I~II, by the same lai$,firm and with the same clerks for its nomirial136 BARCELONA TRACTION

incorporators. And its promoter and first president was none other than
theengineer, hlr. Pearson, the promoter and first president of Barcelona
Traction. Again. on the full board of directors being set iip, whom do
you find among its members, but the familiar figure of &Ir. Hubbard?
And with hiin on the board you find Miller Lash, Walter Gow and others
who figure in the documents of the Barcelona Traction enterprise.
Furthermore, you find a similar three-tiered company structure: first, a
promoting company christened this time not Spanish but Pacific Se-
curities; secondly, San Antonio Land constituted to acquire lands and
develop an irrigation system in Texas and purporting, like Barcelona

Irrigation Company, the operating company and fiin Texas filling the role

played by Ebro in the Barcelona Traction enterprise.
Nor is that by any means the end of the similarities. TShck Exchange
Oficial IntelligenceVolume42 (New Doc. 1969,Vol. III, rzz), tellsus
that San Antonio Land had as its London agents. canaaian & tieneral
Finance Company of 3 London Wall Buildings, that address where after-
wards &Ir. Hubbard. chairman of Barcelona Traction, sat. The same
publication also tells us that the capital of San Antonio Land included
First Mortgage sterling bonds secured, as in the case of Barcelona Trac-
tion, by a trust deed. Tme. the trustee was not the National Trust
Company of Toronto. which figures in Barcelona Traction's mortgages,
but it was a company of the same breed, the Empire Trust Company of
New York. Indeed, we also learn that when, like Uarcelona Traction, the
San Antonio Company soon ran into financial difficiilties and a hond-
holders' committee was set up. on the committee was to he found Mr.
Hubbard, who al1 too often performed the same office for Barcelona
Traction; and that the secretary of the bondholders' committee was &Ir.
Porter, assistant secretary of Barcelona Traction and secretary also of

Barcelona Traction's bondholders' committees.
Some of these similarities between San Antonio Land and Barcelona
Traction are merely picturesque details which do not concern the sub-
stanceof the case that Judge Augustus Hand was called upon to decide.
If I mention them, Mr. President. it is only to demonstrate that in the
San Antonio enterprise the court was confronted with the same company
forms and techniques as in the Barcelona Traction enterprise, the same
business philosophies, the same directing minds and the same use of a
foreign domicile in Canada forthe titular head office of an enterprise al1
of whose assets were outside Canada. Against this illuminating back-
ground, 1must now ask the Court to look closely at the San Anlonio case
itself.
The judgment, as 1said, is in Volume 228 of the FederalReporter. But
it is desirable for yoMr. President, also to have the report of the Spe-
cial Master of the New York District Court who took the testimony in
the case and the text of the order finally made by Judge Augustus Hand.
For the convenience of the Court, therefore. and of oiir opponents, we
have made photostats of the jud,pent and of the other principal docu-

ments and we have collected them in our New Documents where they
will be found between pages 48 and 123 (Vol. III).
San Antonio Land, as 1 said, found itself in financial difficulties only a
few years after its incorporation. In July 1914 a bondholder applied in
the Texas courts for the appointment of a receiver of the company and
in September that year a receiver was appointed in Texas. At that point ,\RGUMEYT OF SIR HUAIPHREY WAI.DOÇK I37
the Empire Triist Company, ;rs triistee for the bondholders, also insti-
tuted proceetliiigs in Texas for a receiver. 1 need not trouble you, Mr.
President. with tlie slightly cornplicated details of the proceedings. It

suffices to say that in September 1914 the Texan courts definitively
asserted their jurisdiction over San Antonio, placing al1 its property in
the handsof a receiver under the law of Texas.
San Antonio, presumably as a defensive or delaying tactic. promptly
filed a voluntary petition in haiikruptcy in the Xe\\, York District Court,
\\,hich duly adjudged the compaiiy bankrupt and appointed a trustee in
bankruptcy for the company. l'hereiipon the Texan receivcr, in company
ivith certaiii ISnglish boiidholders, petitioned the New York Court to
have its t>ankriiptcy order set asidc. And they did so, klr. President, on
the groiind thnt San Antonio did not have its place of biisiness, residence
or doniicilc within Xew York, hiit had its principal place of business in
Texas.
In ansa.fr, the company coiitended:

First, it Iiad never had either its principal place of business or any
place of business within Texas. and that its principal place of business
was at al1tiines in Toronto.
Secoridly, it 1i;ld property witliiii thc jurisdiction of the New York
Coiirt in tlie forrn of securitics of otlier companies pledged to the Empire
Trust Company in New York, casli in a bank, and an intercst in Texan
lands held in triist for San Antonio Laiid under a declaration of trust
which \\.as also iii the handsof Empire Trust in New York.
\\'el1 those contentions were. of course, directed to the applicable
provisions of United States law, hiit they in\.olved issiies iery close to
those now before the Court.
It is, of course, the first point-whether San Antonio had a place of
business in Texas-which has the greatest interest for the present case,
and 1 therefore trike it separatel),. Ttie Special hlaster. in his report to
Judge Hand, h;id a numùer of intcresting tliings to say on this point.

After noting that in the company's charter of incorporation Toronto \vas
expressed to be the "chief place of busiiiess of the company", the Special
Master stated that tlie enterprise in Texas, irrespective of the question
by what corporation or corporations it %vascarried on, clearlg appeared
to have beeii one enterprise. Tlieii, saying that he called attention to
certain facts asbeiiig of weight tic observed:

"The foreigii Land Company, for some reason satisfactory to itself,
never obtained a license froin the State of Texas essential to its
doing busiiiess in its own name openly in tlie State of Texas." (New
Doc. 1969. Vol. III, p. 97.)
And a little later:

"If as a matter of fact, the principal place of business of the Land
Company be deemed to be in San Antonio, Texas, it 1s entirely
immaterial whether or not that Company had or liad not obtained a

license to do business from the State ofTexas.'' (Ibi~l.,p. 98.)
Next, liaving recalletl that, as he said, "the doctrine of corporate entity
is not so sacred that the Court looking through the forrn to the substance
may not in a proper case ignore it to preserxrethe rights of innocent par-
ties or tocircurnvent a fraud", the Special >[aster went on:138 BARCELONA TRACTION

"Looking through form to substance, 1 cannot escape the con-
clusion, on the whole case, that the enterprise in Texas was one
enterprise, that it was an enterprise undertaken and carried on by
the bankrupt Company, that the three Trustees of the real estate
acquired and the two subsidiary Companies (of which the bankrupt
Company owned the entire capital stock) \rreremerely :agentsof the
bankrupt Company resorted to because the bankrupt Company as a
foreign corporation could not openly and in its own name carry on
businessin the State of Texas for lack of the license frorn that State
which had never been taken out, and that in law and in fact San
Antonio County in the Western District of Texas was and had been
at the time of the filine of the petition in the Southern District of
New York the principaï place of business of the bankrupt Company
within Section 2 of the Bankruptcy Act." (Ibid., pp. 98-99.)
1pause there, hlr. President, only to comment that this is precisely the
position which the Spanish Government has been taking al1aIong in the
present proceedings.
The Court, we helieve, will find the further observations of the Special
Master no less significant:

"There is no question but that the bankrupt Conipany was a
foreign corporation nof having its domicile within the linited States
but at Toronto in the Dominion of Canada. This fact doesnotconflic1
with the finding which Z have just made as ta the 'principal place O/
business'oftheforeigncorporation.
It is perfectly clear that the Toronto office,the Board of Directors,
etc., was maintained only in pursuance of the requirements of the
statutory existence of the corporation under the laws of the Do-
minion of Canada. Theeffectivecontra1of theaffairs of tliecorporation
Plainly mas lodgedelsewherelhait in Toronto and followed the pere-
grinations of Dr. Pearson. the master mind." (Zbid..p. 99.)

ln or r, Ir President, \r.hi!iiDr. I'earion\vas droicned in tlie iinking
of tlitI.nrr/a~it~i.iw:ii .\Ir. I'encoik. .\Ir. lli~I,har~l,.\Ir l.:~\;~ri<\Ir.
Snéci:icl.al1in I-airovc. iiiwlioni \Y:,;\,estcitlie 't.ficcti\.t:<:otitoflrlit
affairs of Barcelona Tractionr2.
But the Special Rlaster also had something to say about the manage-
ment of the business in Texas itself:
"On the ground in Texas the actual management of the business
was in the hands of Thomas \V. Palfrey who oeenly was the general
manager of the Medina Valley Irrigation Company, the President
of the Medina Town Site Company, and who in the correspondence
from his superiors is indiscriminately addressed as agent or general
manager of the bankrupt Company." (Zbid.,p. 99.)

That is, of course, as agent or general manager of San Antonio Land
itself. Substitute Mr. Lawton for hlr. Palfrey and Ebro for the operating
companies and is not the picture precisely the one which we have been
presenting to you: hlr. Lawton openlythe president of Ebrobut internally
in the correspondence of the enterprise the agent and generalmanager of
Barcelona Traction in Spain?
Then, Mr. President, the Special Master said that the view which he
had expressed concerning the Toronto officewas confirmed by San An- ARGUMENT OF SIR HUMPHREY \V:\LI>OCK 139

tonio Land's own financial report for the year, wliich stated twothirigs:
first, that onlv a nominal amourit of the com~anv's ca~ital mas usecl in
the province of Ontario; and secondly, that the pou,erS of the compaiiy
exercised in that province were head office only. That was, of course, a
reference to the stàtutory report rcquired fromcompanies having estra-
provincial status. As 1 have esplairied to the Court earlier in iny speech,
Rarcelona Traction \\.as jiist such a company and Harcelona Traction
made its statutory reports in the same terms: iiominal amount ofcapital,
head office powers only. The Special hlaster also rcferred to reports nncl
circulars sent by the company to its bondholders as indicating that its
real business was in Texas, just as in the preseiit case Ikircelona l'ractiori's
reports indicated that its business was really in Spaiii.

1 now come, hlr. President, to the judgement of Judge Hand, and it
miglit alniost be enough for ine 10 recall tliat Judge Hand concluded his
judgment by saying that, except in one minor point relating to the sitiis
of the shares. he confirmed the Special hlaster's Report in al1 respects.
Having regard, however, to their obvious pertinence, 1 would ask the
Court to allow rne to cite certain passages ivhich seeni to us further to
illuminate the issues which you have to decide. Hnving explained tliat
the main question to be considered \vas \\rlierc tlie principal place of
business was situated duriiig the six rnontlis prior 10 thc filing of the
petition, the Judge said-on page 986 of the report:

"This, iinder the decisions, is determined piirely by the facts. and
not by intentions of the corporate authorities or recitals in the
charter. which, in this case, stated 'tlie cliief place of business' \vas
Toronto.'' (New Doc. 1969, Vol. III, p. 113.)
Having listed some ofthe previous judicial precedciits, lie then observcd:

"1 can have no doubt tliat the officers nnd directors desired in tliis
case to avoid doing business in Texas, aiiil took various steps in ail
attempt to preverit tlieir acts from haviiig sucli a lcgal effcct. Tliey
iiicorporated the Medina Valley Irrigation Company to build a dam
for irrigation and own the dam site, atid the Medina Townsite
Company to purchase and scll to\irn sites. If tliese companies. of
which the alleged bankrupt owned the stock, had been its oiilg

agencies of operation in tlie statc of Texas, it \voiild perhaps rightly
be regarded as a mere holding company, conuiig within the doctririe
laid down in Peterson u. Chicago, Rock Island R. Pacific Ry. Co..
205 U.S. 364, 27 Sup. Ct. 513~51 L.Ed. 841, and similar cases. Itis
perfectlv true that in the absence of fraud or \4olation of statutory

by stock control or comnion directors. Here, however, both
according to the charter provisions of the bankrupt, the pros-
pectiis and interim report to the seciirity holders, many letters
and statements of its representatives, and thc important fact that its
bonds were the financial source of supply for ;il1the work in Texas.
the bankrupt \vas in fact in actual coiitrol of the business there.
Tlie Medina Companies were its creatures and agents. Under these
circumstances, under the doctrine laid down in the case of In re
hluncie Pulp Co., 139 Fed. 546, 71 C.C..A.530, it would seem to be
reasonable to treat the business activities of thehledina Companies140 BARCELO~VA TRACTION
as those of the San Antonio Laiid & Irrigation Company. which

directed their activities and held al1of their stock. Palfrey was their
common superintendeiit, and Dr. Pearson, the president of the
Land Company, \vas the promoter and final director of the entire
eiiterprise. I
It is not necessary to regard the subsidiary corporations as
noriexistent, or to disregard them in any way which would affect
their separate creditors; but it is reasonable, 1 think, Io treat tliem
as ageiicies of the San Antonio Land & Irrigation Company,
Liniited." (Zbid pp,. 113-114.)

Again, Mr. President, you could substitute Ebro for the Nedina Com-
panies. hlr. Lawton for Alr. Palfrey, Rarcelona Traction for San Antonio
Land, Spain for Texas and the reasoning of Judge Augustus Hand would

still fit the case like a glove.
Jiidge Hand nevt referred to the circumstance that certain trustees
held lands in Texas on behalf of San Antonio Land. Underlinine the
pu cr^. y4.,i\.rn~>niiiicçcti.ir:ictïr urliitruit Ilv i~i~l.'S 3 cIt::~rcc:..~
of ;Iiiierc ii.',:i of tlic1,:iiikr~ipr..It;~i.iiiilicIioy~ui ;i\,oiiiiii'i'9v;ii
I;i\ic:iiibi:ini:tcinci" IIItliis cuiliirstion tlic (oiirt \vil1 r<:cI<;,rciliiii;i
Traction's use of banks and secret agreements for the purchase of con-
cessions in Spain.
Judge Hand also dealt with ail argument that it had really been Pacific

Securities-the promoting Company.\\,.ich had furiiished the finances
for the enterprise, çayingy

"This is in a sense truc; but the funds ivere procured from sales of
the inortgage bonds of theSan Antonio Land E;Irrigation Company,
Limited. and the latter compaiiy through its trustees o\rrned the
lands and sold a portion of them. The development and sale of these
lands was the nature of its business and its ultirn;Lte corporate
object. 'ChePacific Securities Company was a mere conduit for the
issue and sale of securities. The purchase, development, and sale of
laiids \vas the essential business of the San Antonio Land E; Irri-
gation Company, Limited.and that business, which \vas its only real
business. \iras carricd on in San Antonio, Tex. The title dceds and

abstracts and al1 the detailcd accounts were at San Antonio. The
I'acific Securities Company, alter the real brisiness began, \vas a
mere holding Company. 1 cannot, under tlie circumstances. regard
as determinative of the issue of fact that the book entries. the iiame
of the corporatioii on the door, aiid other formal appearance in
Texas, were so arrangeù as not to disclose the presencï of tlie San
Antonio Land E; Irrigation Company, Limited, in tliat state, be-
cause the appearance !vas not the reality. The lands wcre purchased
fromthe proceeds of tlie bonds of the San Antonio Land & Irrigation

Company. Limited. aiid as a final result it owned those lands,
siibject to tlie bond issue above nientioned. The cost of the dam
and its site, and also the cost of maintenance, were also furnished
from the proceeds of these boiids. The aledina \'alley Irrigation
Company \\,as wholly controlled by the San Antonio Land E;
Irrigation Company, Limited, through stock ownership." (Zbid..
p. 116.)

Having further developed the point that, although San Antonio Land ARGUMENT OF SIR HUMPHREY WALDOCK 141

held its directors' and stockhoklcrs' meetings in Canada, its essential
operations were principally in Saii Aiitonio, the Judge concluded:
"However careful the bankrupt may have been to avoid doing
business in Texas. tlie attcnipt to secure such a result, in iiiy opinion,

was abortive. The belief that le~al relations ma!, be snfficientlv
iir;il)lilicilI)y iiii:rv i~.cliiiic;iliric~i, coiiiiiiuii ciiliugli. biii ritit
olt,>nreally triii. llcic 111,ntrt:iii[>to :i\oiil iluiiig husiiii:>iiiI'csss
<<.asI>a,e(l IIOOII forin. I~iit;giioi<rl .ril,;r;iiicc1:iriicori~~ir~c~tl~i;~itl
'l',!.<a,v:ijth<:place !<Il,r<::,Iltlivllii>lil~~>,-hc,.l,t tI1:,t otltvIil%,~t
furiii:ikiiitl.n:t; Junc tiiiiltI.:ii III<.~.riiiiil?alpl,ist: oi Ihiisiiit.>-i.i:i,
5.tii:\iirtiiiiiI t i :11iii11 riIli1 r i il. IIIIII~II iii
bankruptcy in this district was witliout warrant aiid must be set

aside." (New D~c. 1969, pp 116-117,)
In short, kir. President, the escessively technical and formalist view
\shich our opponents ask yoii to take of coinpany business did not
commend itself to this esperienced Arnerican judge in 1916 any more

than it did to Ur. Justice Rosburgli of the English High Coiirt some 30
vears later.
On thc seconcl point in the case-\i.liether San Antoiiio Iiad property
within the jiiriscliction of the Neiv York court-1 caii bc briel.
Modifying the Special Master's report in this respect, Judge Hand
held that the sliares and the bontl ccrtificates of the hleclina companies,
oiined by the bankrupt but pledgeil to the Empire Triist in New York,
were property \\.itliiii the New York jurisdiction for the purposes of
United States baiikruptcy lan.. As the Court will appreciate. this only

niakes al1the niore sigiiificant the jiidge's decision to set nside the bank-
ruptcy order of the Xeu York court iiifavour of tlie jurisdiction of Texas
because, in his vic\v, it was tlierc, iri Texas, that the bankriipt compaiiy
liad its principal place of business.
Jiidge 1-landdcals ivith thc propcrty point quite sliortly on page ggo
of that ~'~IUII oICthe I;edernl12cl>nrtcr but, in doing so, hc es]>l:iine<lthe
rationale of the law regarding the property of a bankriil>t and hc did soas
follo\i.:

"A bankriil>tcy proceecling is a kiiid of equitable attacliment. \\-hich
shoiilcl be Iicld to reach \i~liatever assets ai>\, av:iilable judicial
proccss can reacli. Consequeiitly. tlie situs of property is not to be

determiricd hy general doctriiies, such as 'mobilin secluontur per-
sonani', wliicli iiiay well bc apl11ic;ihlcin matters liki: tlie law of
inheritance, but by power of efficient control." (Ibid., Vol. III,
P. "7.)

Thus, on tlie qiiestion also of thc baiikruptcy court's po\\,er ovcr a bank-
rupt's property, tlie Xe\\. York coiirt ileclined to adopt the iindiily tech-
nical or forrnalist attitude of our opponeiits.
The Sni~Ai~loibio case, hlr. Presi~lerit,calls for two fiiial coiiirnents:
First, like tlie lVrrl/ovdcase iii tlie Englisli High Court, it brings into
sharp perspective the Belgian Government's cornplaint that the
Spanish coiirts comriiitted a flagrant usurpation of C;in;i<li;iiisovereignty

in assiiming b:iiikruptcy jiirisdictioii over BarceIona 'l'ractioii. The
notion that tliey might be involving themselves in a usurpation of Can-
adian sovereignty never seems to have entered the heads either of the
Texas courtsor of the Special3lajtcr or of Judge Hand. ARGUMEXT OP SIR HUMPHREY WALDOCK 143

in their minds. And altbough fully aware of the importance, from a fiscal
oint of view, of maintaining the pretenkc that Barcelona Traction hod
ko branch, office or represe<tative in Spain, they had repeatedly to be
taken to task for addressing correspondence to Barcelona Traction at tlie
Barcelona office as if that \vas Barcelona Tractioii's own office in Spain.
On this point it \\dl. 1 think, suffice if 1 refer the Court to our Kejoiiider,
VI, pa$es 68 and 69.
Again, accordiiig to the evidence given by the secretary of Ebro in the

Sidro action, the staff of the Rarcelona office found it difficult to dis-
tinguish between hlr. Lawton in his capacity as a member of tlie board of
Ebro and Alr. Lawton iri his capacity as a meniber of the board of Bar-
celona Tractioii; in other words, to kriow wliether Rlr. Lawtori was wear-
ing his Ebro or Iiis Barcelona Traction Iiat. The Court will also sec this
point at VI, page 69 of our Kejoinder, where the references to the evidence
in the Annexes are set out.
~\mongst other expressions or syrnptonis of the unity of the enterprise
is the fact that the Barcelona office rcgularly niade arrangenients lor tlie
Company meetings of the Spanish subsidiaries of Ebro and of IJarceloiia

Traction alike. this beine vet another nizitter iii which >Ir. Lawtoii acted
for Barcelona Tractioii in Spain. Anotlier is the fact that it was liarceloiia
Traction, not Ebro, which in its owii narne took out the insurancc in the
1-ondon insiirancc rnarket ivith respect to the Drou..tv of .bro :trid the
tgrlic.ilrl~:ii. II I I .iii.,liiiii-ur~.~.l,&.LIII>~ IOII.,: IIIGIL<II:,I;-
ing aiid tu tlic stafi of tl~et.riterprise iii Spain .irisin: frorii [lie ci\,il war.
.\i tliI~IC~IOII~1i~:iriii~oii III,: I'rrl~inin.Ol,it t.~i~jiV\CI~our t,i~i~t#-
nents, Mi. Presiderit, s&med to recognizc'the 'essential uiiity ol' the
enterprise. Pressed for an cxplanation of why Barcelona Traction kiad

not at once appeared in the bankruptcy proceedings to oppose them,
counsel uiiderlined that Ebro had deliberately been chosen to iiitervene
in tlie bankruptcy proceediiigs iii place of 13arcelona Traction. And he
then sought to pcrstiade the Court that Ebro's intervention w:is perfectly
sufficient to rncet tlic requirernents of the local remedies rule, puttirig the
matter as follows:

"perd-on de vue que, non sans ,doute sur le plan de la procédure
interne où, cornmc je le disais, il y avait plusieurs personnes jiiri-
cliques, mais quant à la réalitédes inttrrts en cause (et j'ajoiite des
cerveaux qiii vorit concevoir les recours à exercer et prendre des
décisionset donner des instructionsaux avoués) Barcelona Traction,
Ebro et Barcelonesa c'est bonnet blaiic et blanc boiiiiet, qu'en
réalitéce sont les iriflmes homnics qui vont là-bas sur place télé-

phoner, télégraphieraux capitales pour savoir quelles mesures on va
prendre pour résister à cette dangereuse emprise;.. .".
Now that passage occurs in the Belgian Government's arguiricnt for
21 April 1964. aiid it is to be found at III, page 621 of tlie recor? printed
for the use of the Court. Thus, the Court \%,asasked by our oppoiieiits to

understand that in February 1948 Barcelona Traction itself conducted
the defence ofits oiiw interests before the Spaiiisli court on the basis that.
in its substance, the eiiterprise \\,as oric and the same thiiig \vhetlrer it
rvore the cocknde of Rarcelona Traction or tliat of Ebro. That Ebrowas
merely a difiereiit Iiat whicti tlie entcrprisc \\,ore in Spairi we of course
agree; for the evidcricc proves it ovcr niid over agairi. But our opporieiits'
difficulty in regard to the local rernedics rulc is that, whether it !vas the'44 BARCELOSA TRACTlOS
bonnetblanc or the blanc bonnet which was in view, the head underneath

the bonnet was at al1 times. in realitv, the head of Barcelona Traction.
And. rt \vas 13:1rceloii;i'fraction tvearing iti oivn Lon~taii.l.icli Ii:i<bccii
put inro ttic I,;iiikriil>tcy coiirt Hoive\.cr tlintii :iriinttcr on ii.lii,:liin\,
It.ariie(lcoll~ijiuc. l'rofcsor I;ilintol>lii \vil1pii.a.iit our :lrgiiiiicnts to th,:
Court.

TheCourlrose atr p.m., TWENTY-SEVENTH PUBLIC HEARING (28 V 69, IO am.)
Preseal: [See hearing of20 V 69.1

Sir Humphrey WALDOCK: When the Court adjourned yesterday,
fiIr. President. 1 was giving the Court indications of the unity of the
enterprise, and 1 had nearly completed those indications. But there is
one final one which, in Our submission, proves the essenti?l unity of the
enter~rise and Barcelona Traction's involvement in business in Spain
extrehely clearly, and that is the falsehoods and the fraudulent 'con-
cealments to which the enterprise resorted in its dealings with the Spanish
authorities.
The evidence of these falsehoods and fraudulent concealments, which
we have presented in the written pleadings, is of the most direct and
pointed character. This evidence we have explained and analysed in
various connections both in our Counter-hlemorial and in our Rejoinder,
but 1 should like to refer the Court especially to the Counter-Memorial,
IV, pages 30 to 36, 49 to 52 and 69 to 94 and the Rejoinder, VI,pages 32
to 85 and 92 to 1x6.
Our opponents seem to have thought it politic to attack the motives
of the Spanish Government in invoking the evidence of Barcelona Trac-
tion's deceitsand frauds rather than to deal with the evidence itself, but
\\,e make no apologies forthe use of this evidence. It is not we who bear
the responsibility for any disparagement of the individuals concerned
which may occur in these proceedings. It is their own acts and their own
documents which expose them. not the Spanish Government.
Furthermore, the idea that we had recourse to this evidence simply in
order to divert attention from the matters alleged by the Belgian
Government is completely wroiig. The policy of deception and conceal-
prise in their dealings with the Spanish authorities iatfundamental fact-
in this case; and it is a fact whichis highly relevant in connection with
the Belgian allegations of usurpation of jurisdiction with which 1am now
dealing. .
The motive for the deceptions and concealments was either fiscal
evasion, evasion of the law regarding the holding of concessions by
foreigners, or evasion of foreign exchange control; and their chief aim
was, in one or other of these connections. to mislead the Spanish author-
ities as to the structure of tlie enterprise and, in particulart as to the
links between Barcelona Traction and the business in Spain.
In the written pleadings our opponents have sought to excuse or
explain the deceits, concealments and prevarications of Alr. Lawton and
his staff as mere peccadilles or as quite natural reactions to a supposed
arbitrary or chauvinistic treatment of the enterprise by the Spanish
authorities. But that, Mr. President. is a view of Barcelona Traction's
conduct in Spain which will not stand the light of day for one moment.
The truth of the matter is verv simple. The falsehoods, the conceal-

vis-&Gisthe Spanish auth6ritFes 146 BARCELONA TRACTION
Just asDr. Pearson and his associates created the San Antonio Land
Company and the Medina Valley companies as a single enterprise for
carrying on business in Texas, so also they constituted Barcelona Trac-
tion, Ebro and the other operating companies as a single enterprise for
carrying on business in Spain. Equally, just as for reasons of Texas law,
San Antonio Land sought to avoid the appearance of being present or
doiug business in Texas, so also did Barcelona Traction, for tax reasons,
seek to maintain the façade that it neither had any representative, office,
agent or branch, nor any business in Spain. So long as this façade,
essentiallv false thoueh it was. could be successfullv maintained. Bar-
celona ce actio nould"refuse to make any tax returns in Spain and Mr.
Lawton and the staff of the Barcelona officecould decline to furnish any
informatioii in regard to Barcelona Traction.
The fiscal consideration on which this policy hinged was the principle
applied in the tax laws of Spain. as in those of many other countries,
that interest payable on bonds and other loans is deductible from profits
before computing liability to income tax. Barcelona Traction financed
the development of the enterprise in Spain in the form of loans to Ebro
and then Ebro used its hearry liabilityforinterest onitsdebts toBarcelona
Traction free of tax, or free of company tax, in the form of interest upon
its current account and upon its bonds, al1of which were held by Bar-
celona Traction.
A new tax Iaw of 1920,however, closed this obvious gap in Spain's tax
system by forbidding the deduction of interest paid by a subsidiary to
its foreign parent company. There was certainly nothing arbitrary about
that tax law. which has its narallel in other countries. Butit undermined
tliz Barcelona Traction's tax-e\,asion strateg!' and l{arcelona 'frnctioii's
inimcdiate respoiiir iias to add a furrlirr false front to the zïisting bogus
facade of the eriterDrisc 'I'liivas. of course. Intern3tional Ctilitiei. the
création and fraudGlent role of which we have explained in the ~ounter-
Memorial, IV. pages zo and 74 to 78, and in a note on pages 19 to 29 of
Volume II of the Counter-Memorial Annexes.
In brief, Mr. Cretchley, chief accountant in the Barceloiia office, sug-
gested that Ebro's current account with Barcelona Traction should be
transferred to some other company. Mr. Hubbard. Mr. Lawton and his
staff then worked out a scheme for the purported sale by Barcelona
Traction of its rightsin the current account to another company, which.
for the moment, they called the "X" company. Then, to fiIl the place
national Utilities-acemere dummy finance company, wholly owned bynter-
Barcelona Traction. to which Barcelona Traction soon afterwards
purported to seIland transferEbro's current account.
Thereafter the Barcelona office substituted the name of International
Utilities for Barcelona Traction in Ebro's account books; aiid. displaymg
letters which, on their face, appeared to have been written in Toronto
between Barcelona Traction and International Utilities and from Inter-
national Utilities to Ebro,but which the Barcelona officethemselves had
as often as not concocted, they continued to claim, as a deduction from
Ebro's profits, sums sent out of Spain to Barcelona Traction via Inter-
national Utilities in the guise of interest upon Ebro'sdebts.
At this point, in view of the question posed by Judge Sir Gerald
Fitzmauriceat the hearingyesterday (p. 116, siipra)itmay beconvenient ARGUMENT OF SIR HUDlPHREY WALDOCK 147

that 1 should give a brief and interim explanation of the tax benefits
aimed at and achieved through the creation of International Utilities.
The most important tax which the enterprise had to consider was the
tax under tariff three, namely company profits tax, payable on Ebro's
tising profits.There were three relevant rules which they had to have in
mind. One, every payment made in the form of dividend or similar dis-
tribution was not deductible from profits in computing company profits
tax. Secondlv. everv Dayment made in the form of normal interest on
dcbtj n:is d~~luctibicir&n coiilpan!. prolits hcforc computntion for tai.
Thirdly, interest on drI~t5paid to 3,lorcign I>:ir~.nctomp:lny \vas not dc-
ductiblc tinder ttic5ccond riilr \r.liicti 1 Iil\jtistriientionc(l but siiis
tri;itetl ;ifit iv:i;iiIiv~dcn<l :l cuinp:~ii!t;iu oii corpur.ite jirofiti ii..is,
as 1 have saiil. tlic suhst:inti:il t;~x~~ay:<l>y!an!. companyopeiating in
Sp:iirint thnt rimc. Thii.4 tlie apparent cre:itioii;III;illo\i:ible d~diicti~~n
froni Company profits fi.3~~Ebro a siit~~t:iiiti:ilillicii tas nd\.arttnge. 1'11,:
grcat abject of the crenrioli of lntcrnntional litiliticw:is to achtevc tliis
illicit aIlo\i~nblrdeiiuction. Ttie inir>ort~iiceattnchcil h\, the director.: of
the enterprise to effecting thisobject will be seen by th: Courtinmanyof
the documents and in some of the evidence which 1 am about to discuss.
1 should emphasize, Mr. President. that this explanation is only by
way of an interim clarification for the purposes of my argument this
morning and the Spanish Government will furnish a considered reply to
both the questions posed by Jndge Sir Gerald Fitzmaurice at yesterday's
hearing.
Now International Utilities, the evidence makes clear, was nothing
but a tax dodge to circumvent the new law. A name to put in Ebro's
ledgers in place of Barcelona Traction, a name to act as a screen between
Ebro and its parent company Barcelona Traction. in their respective
accounts, a name to be put on documents for use with the Spanish tax
inspectors. International Utilities, if itan be given the dignity of being
called a comva... ..s a subsidiarv of Barcelona Traction aiid a member
of the enterprise, for it had no othérrole in life than ta serve as a conduit
pipe for passing money between Ebro and Barcelona Traction.
But if it was to be effective as a tas dodae. it clearlv had to be devicted
[IItlic tax inspectori :iiag<.iiuine finance c8Aj>:iny;~iiiinot a riierelij~~hcn
bet\vcrii Icbro anil Rnrcelon:~'l'riii:tioii.In otlicr wcrds. the decel~ri<inof
the Spanish authorities was an inherent part of the plan to use lnterna-
tional Utilities as a tax dodge. Of the lengths of deception to which the
enterprise went in its use of International Utilities. 1 will speak a little
later. Here. 1 am concerned onlv with the function of International
Utilitics ni a fnlsc.iront lo~larci:lfiria'l'raçtion lrorncontcc;;iIi,li
autliorities thc truc riaturt. ol the iin;inci:il ,tructurc ol thc entcrpriir.
1 need not do iiiore tlian ask tlie Court to refcr to the fi\.e short ilocu-
ments reproduced on pages 304 to 309 of Volume VI1 of our Counter-
Memorial Annexes. Indeed, the first of these documents is really by itself
enough for my purpose. This is hfr. Cretchley's letter of 23 March 1g32,
inforrning hlr. Hubhard about a visit made to the Barcelona office that
very day by MI. Ridruejo, head of the central exchange office,and some
of bis staff.
Mr. Cretchley, 1 may remind the Court, was the man who actually
suggested the creation of International Utilities, was one of those who
helped to draft the letters for the so-called sale of Barcelona Traction's
rights to International Utilities, and was a man who, as chief accountant14~ BARCELONA TRACTION

of the Barcelona office.knew perfectly well that International Utilities
was a mere dummy for Barcelona Traction and had nobusinessof itsown.
Yet what did he report to MI. Hubbard that he had said to the exchange
officiais:
".. . They continued to ask many questions regarding the holders
of the shares of the Ebro Company and the nature of the business
carried on by the International Utilities, also as to whether the
latter conducted a regular banking business, and we soon began to
suspect that they were really seeking to get information about the
Traction Company, although the name of the latter was not men-
tioned. . . -
In view of the delicate situation at present existing between the
Spanish Fiscal authorities and the latter Company, we replied that
we were unable to supply them with any more information than that
contained in the Ebro Balance Sheetexhibited and poirited out that,
as regards Ehro shares, these were bearer shares and that we had no
narti&lars as to who the owners were. and also that we know
nothing about the International ~tilities apart from the fact that
thev had advanced us an anreed sum in Dollars on terms explained
~~
Our inability to supply fuller information appeared to exceedingly
annov Sr. Kidrueio, who resorted to indirect threats bv stating that
if wes\verenot nrénared to co-overate bv eivine the informat& we
cbuld not expec'tmatters to be made eG'ior uyin future [in regard]
to exchange requirements." (A.C.M.,Vol. VII, pp. 304-305.)

Noiv that makes it perfectly clear. MI. President, that when asked by
the Svanish authorities in xa,.,about International Utilities. Ebro's
cliief :;ccuiiiitniit. ivitliout térnporiziiig.\\.irtioiit referring fur iiistriictiuns.
rçplii:,l\vit11n hl;tnk lie.Sor, of coiirîe did ticiicvd niiy iiitriiciii~iis ori
\rtictlitr tolit-for tu tell tlic triitli to III?~xcliniigcniitlioritici \i.oiil<lat
oiicéIn! hart the mi~r~!~~r~seiit;itioiiivzliiclifottic1i:isttcii ycnrc hc nnd
the réstof the Ii:ircc~luii;o iffic,IinilI>een riiakiiic tt, ttictns aiitlioritiei
-~~c-~~ine International Utilities. Automatic~l!~. therefore. and in
accordan; with thestanding policy, he told the whLPping big lie that he
knew nothine about International Utilities bevond the fact that it had
made advan& to Ebro.
The chief accountant was bound to lie about International Utilities,
not only because of the specific tax frauds for which its narne was
employed, but also because of the use made of it by the Barcelona office
as a screen to obscure the essential unity of the enterprisi:. 1 mean, of
course, the essential unity of Barcelona Traction with Ebro and its other
subsidiaries. Not only Ebro's current account with Barcelona Traction
in Spain, but its account in London and Barcelona Traction's rnortgage
debts were transferred to International Utilities, so thxt Barcelona
Traction's name might disappear entirely from transactions of Ebro in
Spain likely to cornetotheattentionofthe tax inspectors. 111other words.
International Utilities liad become an integral element in the fundamental
falsehood long sustained by the enterprise that Barcelona Traction itself
had no business activity whatever in Spain.
In this connection, \\!hilethe Court has the chief accountant's letter in
front of it. 1 should like to draw attention to another whopping big lie
told by 111.Cretchley to the exchaiige authorities on that occasion. In ARGUMENT OF SIR HUMPHREY WALDOCK '49

that passage which 1 read just now, MI. President. you heard him Say
that he had-
".. .pointed out that, as regards Ebro shares, these were bearer
sharesand that wehad no particulars astowho theowners were.. .".

That again was a whopping big lie, because MI. Cretchley, like Mr.
Lawton and Mr. McMurtry, knew perfectly well both that none ofEbro's
shares weie bearer shares and that every single one of them was owned
by Barcelona Traction.
The aim of this lie was evidently to head-off the Spanish authorities
from investigating more closely the essential identity of Barcelona Trac-
tion and Ebro, the essential unity ofthe enterprise and the participation
of Barcelona Traction in business in Spain. It was, therefore, only a
specific,ifparticularly glaring, example of the fundamentally false picture
of itself which the enterprise had presented to the Spanish authorities
throughout its existence.
Why then, Mr. President, do 1 sin le out that particular falsehood?
1 do so because, when Ebro on ~arceyona Traction's instructions inter-
vened in the ~roceedin~sat Reus and contested the seizure of the assets
in Harcelons ~raction'ibankru~tcy, itujed ttiijself-ssméuliopping big
lie about the bearer shares in its ap~l-cation \vit11tlie çvident .urp.se of
misleading the Reus court.
There is. of course, a further point in MI. Cretchley's illuminating
letter which is of the highest relevance to the issue on which my distin-
<.ished friend Professor Reuter will address the Court. 1mean thestrona
warning given to Ehro'scliicf accountant thnt if the inforniation demandy
cd by the excliange autliurities \vas withlield. this must ~)rejudicetlieir
attitude: towards Ebro'i applicationi for foreign esztiarige. It is further
clear from the letter. when réailas a a.liole, tliii.\Ir. Cretchlcy !vasvi:ry
fully cori;cioiij of tlic Iink ber\r,een the susl)iciun, eiitrrt~ined by the
tau authoritv rcexdinc tlic relatioris ùetu.erii Ebro and LiarcclonnTrac-
tion and the r2erveduattitude of the exchange authorities regarding
Ebro's applications for foreign exchange. That was an aspect of the
Suanish authorities' treatment of Ebro to w~i~- Our learned o~~onents . '
dirdnot direct grattention.
Mr. Cretchley's letter of 1932. MI. President, is only one of many
documents which evidence the use made of International Utilities to
&ceal the un6 of the enterprise fromthe Spanish authorities. Lest our
opponents be tempted to suggest that we are being selective. 1 may
perhaps be permitted to mention one further document dated some fiye
years later: a memorandum to which we drew the Court's attention in
IV, page 34 of our Counter-Memorial. It concerns one of those auto-
contracts which Our opponents think us too out of touch with the ways
of commerce to be able to comprehend. But 1 do not think that either
we or the Court can have any difficulty in comprehending this one,
because it is explained to us in the Memorandum in limpidly clear terms
by Mr. Clark, now treasurer of the enterprisein the Barcelona office.
In 1926 Barcelona Traction had held al1 the shares not only of Ebro
but of Barcelonesa, while Ebro's rising profits threatened to attract high
taxes. Accordingly, Barcelona Traction transferred its Barcelonesa
shares to Ebro at a grossly inflated price as one means of reducing the
profits to be shown on Ebro's balance sheet.
Ten years later the heavy price given for the shares received mention150 BARCELONA TRACTION

in the Spanish press and Mr. Spéciaelasked for information concerning
the transaction. Mr. Clark, having recalled the actual facts, suggested
possible arguments for explaining the high price. if the need should arise.
But he felt bound to add:
"1'0 aiiybudy faniili:ir\i.irlthc relatioiij Lei\r.cen t1.c l<:ircclona
l'raction Ebro aiid I~~IccIoIII.~.~<~~i~p.î~iihs, rrt,e,ur~anr~ulsO/
course ore c~crc.lt~irliI~I>I.t.i<11 chj~rldt.e~en~~>nl.<.r1,.l.ii.itIII
Barcelona havealwÜishad t'ofeign igttoranceof our conn<:clionwith the
Barcelona Traclion. We claim that the Traction Comi~anvdoes no
business in Spain. has been dissociated from and had no active
connection with us since it transferred its Current Account to the
International Utilities." (C.M., IV, Chap. 1,p. 34.)
1 remind the Court of that document not only because of the reference
to International Utilities but also because the auto-contract mentioned
in it provides the most pointed eridence of the unity of the enterprise.
How else can one explain Ebro's paying a grossly excessive price for the
purpose of reducing its own profits and inflating its own debts to Barce-
lona Traction?
The Court heard Our learned opponent, Mr. Van Ryn, thundering
about respect for the separate personalities of corporations and their
separate corporate estates. But did he, Mr. President. ever ask himself
whether the legal persoriality and the corporate estate of Ehro were
respected by Barcelona Traction mhen Ebro was made to pay a grossly
excessive price to its parent company, Uarcelona'ïraction?
A lie, Mr. President, almost always breeds further lies to sustain it,
and so it was with Ebro and Barcelona Traction. Ebro was at al1times
wholly owned and wholly identified with Barcelona Traction; Barcelona
Traction at al1times had in Ebro an office,branch, agent and represen-
tative in Spain through which it continuously engaged in business.
Ebro's denials of these facts meant that the picture of itself presented by
the enterprise to the Spanish authorities was a complete fake, and the
faked character of that picture could only be kept from the Spanish
authorities by repeated prevarications, concealments and outright
untruths.
We have drawn attention to many of the deceptions in the written
pleadings, and 1 need not trouble the Court with al1the details now. 1
must, however. remind the Court of another basic falsehood-one other
whopping big lie-by which the Barcelona officesought to headroff the
authorities from arriving at the truth. 1do so because this fraud 15 again
a pointed indication of the complete identity-the complete unity-of
the enterprise in Spain with Rarcelona Traction.
1 refer, Mr. President, to the false statement made by Ebro year by
year in its tax returns that it was a company ahich did ncit have al1its
business in Spain. The evidence of this falsehood and of its deliberate
character in the interna1 documents of the Barcelona officeis clear and
irrefutable. We dealt with the matter in paragraphs roi1 and ror of
Chapter 1of our Counter-Hemorial (IV), and in a Note on pages 503 to
508of\'olume Vof our Counter-Alemorial Annexes. This particular false-
hood was of comoarativelv minor sian-ficance from the point of view of
saiingi in rax. ~ii renl signiiic:inccw:ii 2s a meails of ik.;truiting ttie
Spanish authorities from gettiiig a clear vieiv of Ebro's accnunt; in
relation to the account of Uarcelona Traction. Ir wni a con5t3nt pre- ARGUMENT OF SIR HUMPHREY WALDOCK =gr

occu~.ti~--~- Mr. Lawton and his staff that too manv similarities in the
itemsin Ebro's and Barcelona Traction's accounts might lead the author:
ities to detect the com~lete identitv and unitv of the businessesof Ebro
and Barcelona Traction.
But so long as Ebro could successfully maintain the fiction that it had
some part of its business outside Spain, the tax authorities could not
assert the right to investigate the accounts of Ebro's head office in
Toronto. This made it possible by using different methods of entering
items in the Barcelona and in the Toronto accounts of Ebro to produce
thc IIIIISIO I11at~IICS~;.III~I:~iiL.tn.,di:iii b~~sirit::f It~ro wcre not
oiie aild the<;IIItliiiig.\II~tljk intlirii,ervcd ICIh~d,:froni 1hcSp;inish
autlioritiiitlitiilt:ririof.rlitt)~~irir;sin Sri;iirvitlirlint 01 1jarcr~iori:i
Traction itself. In shgrt. it was another ideal set-up for applying the
formula of 98 percent. fabrication and 2 percent. truth.
1 have been focussing the Court's attention on the three major false-
hoods told by the Barcelona officeto the Spanish authorities about the
structure of the enterprise and the financial links hetween Barcelona
Traction and the enterprise in Spain. 1have done so in order to highlight
Barcelona Traction's continuous participation in the business in Spain
through the Barcelona officeand the complete uiiity of the companies of
the enterprise with Barcelona Traction. In order to complete the picture
Court to refer to our Rejoiiider, VI, pages112 to 116,where we explain in
more detail the actual working of the meclianisms for deceiving the
Spanish authorities. We there point out that the false façade presented
bv Barceloua Traction was made tlie more difficult for the S~anish
aGthorities to penetrate by reason of Barcelona Traction's use 'ofun-
disclosed nominees, secret aRents, paper companies and Spanish proxies
at shareholders' meetings inBarcelona.
Andwe further point out that National Trust's position as trustee or
pledgee of shares and bonds ivas also used by the Barcelona office to
obstruct the Spanish authorities' view of Barcelona Traction's true
relation to the operatirig companies in Spain.
Both the tax and the exchange control authorities, who were in close
touch with each othcr, bccarne deeply suspicious of Barcelona Traction's
position in relation to the enterprise in Spaiii. That appears in the docu-
ments before the Court. 13iitthey were conlronted only with Ebro, and
alwavs reached a ~oirit in tlieir enauiries where thev were met bv a
rni~ré~resentation Or revarication bhose untruth Chey were unable
clearly to establish. $ben the question of Barcelona Traction's sub-
jection to Spanish bankruptcy jurisdiction came before the court at
Reus, the position was different. Then, Barcelona Traction's own failure
to appear~and answer tlie prima facie case presented by the plaintiff
bondholders against Uarcelona Traction necessarily Ied to a finding that
Barcelona Traction was subject to Spanish jurisdiction.
1 referred a little while ago, Mr. President, to one auto-contract, the
sale of the Barcelonesa shares at an inflated price. 1must now ask the
Court to look more generally at Barcelona Traction's abuse of auto-
contracts, because this Iiiglilights another important aspect of the unity
of the enterprise: 1mcan Uarcelona Traction's treatment of the resources
of its subsidiary companies in Spain as if they were those of Barcelona
Traction itself.
As 1 said earlier,our learned opponents in their attack upou the judge ARGUMENT OF SIR HUMPHREY ?ALDOCK I53
docunients of tlic pzri~din iliiestion. In the tirït place. it finds no mention
in tlieontr;ist itielf, tlir teut of ii,hichis rcproductd on pages tojj9S
of Volume 1 of Our Countrr-Hemorial Annçucs. Tlie contract recit~s a
number of matters as th? basis of the agreeriient hiit not tlie con;i<ler-
arion now suggested by ttiç Belgiaii Cov~.rnnirnt. Inztedd. tlie contract
refers cryptically to "tlivers \,aluable conjiderations rnoving frorn and to
the Ebrocomp:iny and the Ikircelona cornp:iny rt,spccti\,ely and in furtlicr
consideratiori of tlie sum of oriçdollar no\\.paid hy the Ebro company to
tlie Barcclona company" Anclas tlic Court \vilhe aware. in coininon law
coritracti tlie itatrrnrrit of one dollar. ooc shilling or tlie likî ai coii,icler-
ation is a Drsttv clear indicatioii of thc abscncc or thc doiihtsof -.e Party
as to any ieal consideration in the contract.
Mr. Mchlurtry's letter of 18 February 1922 to Mr. Hubbard, on the
other hand, tells the Court explicitly that this auto-contract was put
through by Barcelona Traction sirnply as a tax-dodging transaction:

"The contract in regard to payment of interest on a current
account between Rieeos v Fuerza and the Barcelona Traction
Company was, of coufse, [Said Mr. hlcMurtry] merely a subterfuge
tu absorb the urofits made bv liieaos v Fuerza del Ebro from its ouer-
ations in Spain and at thé timë the contract was signed it bas
decided that this plan of absorbing the profits offered the most
of the Spanish fiscal authorities."chances of arousing the suspicion

That passage, MI. President, which is on page 6 of Volume II of our
Counter-hlernorialAnnexes, really needs no comment. Thisauto-contract,
itself wrongly dated, was the starting-point of a long and continuous
series of gross frauds perpetrated by the enterprise on the Spanish tax
authorities.
But itis nnother aspect of the contract at which 1am asking the Court
to direct its attention. By the contract Barcelona Traction required
Ebro to resume a debt of nearly L5 million, to leave its mortgage bonds
on deposit as security and to accept a potential liability-which was
enforced al1too soon-to increase its debts to Barcelona Traction to the
tune of a further ~8,500.0ooinreturn for,additional advances of only half
that amount. In other words, by this so-called contract Barcelona
Traction imposed on Ebro a contingent obligation to accept the depreci-
ation of its capital assets by over L4 million and correspondingly .the
unrequited transfer of that arnount of its capital into Barcelona Trac-
tion's own capital assets. Clearly, respect for Ebro's separate corporate
estate had no place in that auto-contract.
Even while Messrs. Hubbard, Lawton and McMurtry were busy
reviving Ebro's debt on current account, the tax law regarding deduction
of interest on debts due to parent companies was being tightened. Their
response, as 1have already reminded thecourt, wastocreate Internation-
al Utilities as a dummy front for Barcelona Traction and to transfer
ties. Herer1nneed only underline the further evidence whicli this bogus
transaction provides of the complete unity of the enterprise; for it was
the Barcelona staff of Ebro, the staff of Barcelona Traction's debtor,
which suggested the plan and which, in conjunction with Rlr. Hubbard,
concocted the letters by which Barcelona Traction and International BARCELONA TRACTION
154
Utilities were to execute it without arousing the suspicions of the Spanish
authorit ies.
The next step, in 1923, was also to transfer Ebro's current account
with Barcelona Traction's London officeto International Utilities. Again.
the Barcelona staff of Ebro participated in concocting the necessary
letters for showing to the Spanish authorities and again the internal
correspondence bears clear evidence of the intent to deceive those
authorities as to the nature of the transaction. \\le dealt with these
matters in IV...ac-s .. and 75 of our Counter-Mernorial. Mr. President.
anal 1necd not (l\rt>on tlit<iLt:,ili.
It is tlie suhst:quciit trnnsactiuii r?gar(ling Elsr~lt:hti tr, I<nrcçloiia
Tr3ctiori on ~rliicli.fur prescnt yurpo>t. 1\raiII io focui atti~iitioii l'tiis
ij the coniplicatcd tr:iiiiaction Inburioiiily \i.orki.il out toiiatticciid
of IQ?~ \i.liic\i.c\pl;iine<l to the ('ourtin thc Coiintcr-\lcmoiial. IV.
56 to 78, and also summarized in a special note on pages 25 to 29
of \'olume II of its Annexes. The profits of Ebro and of the other sub-
sidiaries in Spain were continuing to rise and Messrs. Hubbard, Lawton
and Mchlurtry set about increasing Ebro'sdebts to InternationalUtilities
in order to pass these further profits out of Spain in the form of interest
transfer to Ebro's books in 13arcelonaof a debt of somens:Lzirmillion from
Ebro to BarcelonaTraction shown in Ebro's Toronto books and, secondly,
the putting into force of Ebro's contingent obligation to allow Barcelona
Traction to purchase Ebro's inortgage bonds up to the nominal value of
over ~8.500,ooo at a discount of 50 per cent. In order to carry out the
second operation without bringing Barcelona Traction's name ont0
Ebro's accounts in Barcelona, Barcelona Traction purported to assign its
option to repurchase the bonds to its alter ego, International Utilities.
The latter then exercised the option and afterwardspurported to seIl the
bonds to Barcelona Traction, which deposited them with National Trust
as security for Barcelona Traction's own debts.
The detailed figures are given in the Counter-Memorial. The net effect
of the whole transaction was to increase the debts of Ebro's Barcelona
branch to International Utilities from some L4,75o,ooo to over LXI
million and thus enormously to expand the capacity of the Ebro-Inter-
national Utilities tax device for passing the profits out of Spain in the
form of interest on debts. Moreover, of this LII million of debt no less
than ~4,250,000did not represent moneys advanced to Ebro but simply
the so-called discount on the purchase of bonds.
The internal documents relating to this transaction simply reek of
deceit, as the Court can see from the passages mentioned in the Counter-
Afemorial,IV,pages 76and 77. In the Reply (V) the Belgian Government
made an attempt to explain away the 50 percent. discount. But, asPeat,
Marwick again point out on pages 336to 337of Volume 1of the Rejoinder
Annexes, that explanation finds no bais either in reality or in the
contemporary documents which are both full and explicit. Indeed. as
Peat, hlarwick also point out, even 20 years later hlr. Laaton and Alr.
Hubbard, two of the principal architects of the transaction, were still
at a loss as to how to explain the 50 per cent. discount. For in a letter of
demanded by the46 thliuistry of Finance. Mr. Lawton wrote:ation

"The principal point at issue, of course, is the consideration that ARGUMENT OF SIR HUMPHREY WALDOCK '55

the Ebro company received for the issue of these Bonds at 50 per
cent. discount. If we cannot show that there was some form of
consideration the effect, from the point of view of the funds em-
ployed in Spain and the possible repercussion upon our taxation
position. might prove serious especially having regard to the fact
that the rate of interest [the rate of interest on the bonds] waç
subsequently increased from 5 to 6% per cent." (A.C.X., Vol. II,
P. 361.)
Barcelona Traction, Afr. President, never did succeed in finding an ex-
planation of the jo per cent. discount which they could venture to give
to the Spanishauthorities.
1 mentioned a short while ago tlie evidence of the intention to deceive
the Spanish authorities contained in tlie coiitemporary documents. hly
immediate concern is not ivith the tas-fraud aspects but with the unity
of the enterprise. But 1 may perhaps recall one of those documents
because of its bearing upon the point which 1 am now making. The
transaction required the passiiig of no less thari 14 letters between Bar-
celona Traction, Ebro and Internatioiial Utilities if it was to be made
plnusthle ro rli~iy;iiii.Iniitlioiitti::iii<1lit:scIt:ltcwtrc nll coiicoctcd
hy \lc;jrj. Hiibbsrtl I.:i!vti,iiaiid .\lc\lurtry. ('oninieiiting on the drafts
in:t1cttc.rtu\Ir Iliil>h~~i~fl10 I>cccmbcr 102s. 111.\lc\liirt-.f csolaincd
that he was enclosing a new draft of letter &.'II:
"In view of the fact that the sale of the bonds at a discount of 50
percent. is a very onerous obligation as against the Ebro Irrigation
and Power Company Limitecl, we made the letter somewhat more
mandatory in tone and have laid the onus of having to proceed with
the transaction at the doors of the International Utilities Finance
Corporation." (A.C.M.,Vol. II, p. 38.)

There you have Mr. McMurtry, theoretically Ebro's chief legal adviser,
hotting up against Ebro this, and indeed ottier letters, to be sent to his
own company by its creditor. As wepointed out in the Counter-Memorial,
the whole transaction was nothing bUt a charade skilfully prepared and
acted by the enterprise to delude the Spanish authorities.
But what \vas there in the transaction for Ebro? A'ot nothing, Mr.
President; much worse than nothing. By it, Messrs. Hubbard, Lawton.
hlc?.litrtry and Co. deliberately depreciated Ebro's capital assets to the
tune of some ~4,2jo,ooo, passing tliat capital via the International
Utilities channel into Barcelona Traction's oyn capital. Did any one of
the principal officers of either Barcelona Traction or Ebro have the
slightest regard for Ebro's separate personality? Did any one of them
have the slightest regard for Ehro's separate corporate estate? In short.
the sale of Ebro's bonds at 50 per cent. discount, like the other trans-
actions wliich 1 have discussed, seems to us inexplicable except on the
basis that Barcelona Traction treated corporate estates of the operating
companies in Spain simply as parts of its own assets to be shuffled about
as it might think fit. This view of the matter is confirmed by other trans-
actions affecting individual companies in Spain. A notable example is the
transfer of 30,ooo customers from Energia Electrica, a wholly owned
subsidiary of Barcelona Traction, to Barcelonesa. another Barcelona
Traction subsidiary, for no other reasonthan that Energia's profits were
getting too large for income tax purposes. Now this transaction. which15~ BARCELONA TRACTION

occurred in 1926, is mentioned in the Counter-Memorial, IV, page 35.
Clearly, a block of 30,000 customers is an intangible capital asset of
considerable value and to transfer it bodily to Barcelonesa \\.as to denude
the other company of part of its assets to the prejudice of its corporate
estate.
1 now come to my last indication of the unity of the enterprise-the
manner in which Ebro's current account with International Utilities was
operated year by year. 1 have explained the fiscal significance of Ebro's
debts. 1 have explained the various transactions wheretiy Barcelona
Traction's advances to Ebro on current account were inflated into a
monstrous load of debt. 1 have explained the creation of International
Utilities as a false front for Barcelona Traction behind which to operate
the tax-evasion mechanism of Ebro's debts. It now remains todescribe its
actual operation.
The documents are very numerous; but their gist has already been set
out in Our Counter-%leinorial. IV. pages 32 to 34, and 1 can be com-
paratively brief. We there showed tbat the practice was each year for
the treasurer to work out the level of Ebro's profits and the rnteof interest
on Ebro'sdebts needed to absorb those profits; and that Messrs.Hubbard.
Lawton and McMurtry would tlien concoct suitable letters to be ex-
changed between Ebro and International Utilities and afterwards
exhibited to the tax authorities to justify the rate. In otlier words, as
occasion demanded. the Barcelona officeand Mr. Hubbard, Chairman of
Barcelona Traction. decided the rate of interest and prepared a little
charade of letters to be acted for the benefit of the tax inspectors. We
pointed out the anomaly of a situation in which the debtor drafts the
letter of its creditor and conspires with its creditor to have the rate of
interest on its debts raised. What has that again, hlr. President, to do
with separate corporate estates?
\f-e also -~~~ed~ ~ ~he C~un~er-IIemorial that in later vears hlr.
Lawton. managing director of the debtor company. was given a \vide
discretion by hlr. Hubbard to fix the rate of interest needed to absorb
its profits,when these had been worked out, and also to datethe letters
sent to Ebro by International Utilities after hehadreceivedthemaccord-

ing as suited him for tax purposes. That appears from a letter written
by Mr. Hubbard in 1942 and printed on page 359 of Volume 1 of our
Counter-hlemorial Annexes. Of course. that was war-time, hlr. President.
But even sot it is clearthat by 1942the cooking of letters by the enter-
prise for the benefit of the tax inspectors had reached a rather extreme
point.
In the text of the Counter-Memorial we referred to only three docu-
ments on this matter. We picked them out simply for the purpose of
making Ourpoints, and there is no question of Ourhaving been selective:
for the Court will find many other sirnilar documents scattered through
the first five volumes of the Counter-Memorial Annexes. The process of ,
consultation and letter-cooking which took place between the Barcelona
officeand &Ir.Hubbard was virtually continuous, as may easily be seen
by turning over the pages of the fourtb volume of the Annexes from page
492onwards.
Some of the concocted letters, such as those on pages 492.499 and 511.
designed for use with the exchange control authorities, are most artistic
and completely convincing if you do not know who drafted them.
Personal letters between Messrs. Hubbard and Lawton. on the other ARGUMENT OF SIR HUMPHREY WALDOCK '57

hand, give the game away. Thus, on page 514you find Mr. Lawton saying
that he will rewrite Ebro's letter if hlr. Hubbard wants it altered. On
page 554 Mr. Lawton reminds Mr. Hubbard that he had considered it
more natural that the creditor should write to the debtor. On page 567
Mr. Spéciaelasks whether it would not be possible to destroy a letter of
the previous year and substitute a new one for it.
But the cloven hoof appears perhaps most clearly in a letter of 24 April
1940 (A.Rej., Vol. II, Ann. 6. Doc. No. 43, p. 2x5) from the chief of
Ebro's legal department to 311. Lawton. Marked "confidential", it
speaks for itself:

"\Vith reference to \Ir Hubl>;ird'sletter ... 1tia\.e looked over the
copies of tlie 1i:ttt.r~~>.usedbetiicen tlie variou> Companics. In tliii
connection. 1note thnt [lie riicetinuj of the Boards of IJirectors of rhc
Ebro ~rrigation & Power Co., ta., International Utilities Finance
Corporation, Ltd., and the Barcelona Traction Light & Power Co.,
Ltd.. were al1held on the 29th March 1940, and that the certificates
for al1these Companies were signed by hlr. R. H. Merry. 1 further
notice that the letter addressed by the Ebro Company to Interna-
tional Utilities is dated 26 hlarch 1940; that the letter from Inter-
national Utilities to the Barcelona Traction Company, which, inter
Gia, States 'lately we have been approached by our debtor, the
Ebro Irrigation and Power Company, Ltd.. ..' is dated 26 3Iarcli
1940. In addition, the letter fromthe Barcelona Traction Company
to International Utilities is dated 26 March 1940, as is also the
letter from International Utilities to the Ebro Company.
1 am afraid [went on Mr. Strang] that the tax inspectors may
draw unfavourable conclusions from the coincidence of dates and
signatures, and beg to suggest that on future occasions there should,
if possible, be somewhat more variation in both.
When an inspection occurs, we propose to produce only the letter
from the Ebro Company to International Utilities. and the latter's
re-.y."
Assurediy, Mr. President, on that occasion Mr. Strang was justified in
feeling that perhaps Ifomer had nodded.

The interna1 documents to which 1 have referred establish the com-
pletely bogus character of the letters concerning the International
Utilities account that were put before the Spanish tax inspectors. But of
more immediate significance is the fact that they also provide yet one
more clear proof of the complete unity and fusion ofthe enterprise. And,
Mr. President, in their manipulations of those accounts what regard did
Messrs. Hubbard. Lawton, McMurtry and Co. ever have for the separate
.-~Dorate ....t~ ~~ --r.....
Tlie sul>si<liarycompanies in Spain. as \i.rpointed out in the Count~:r-
hlemorial. I\'.page 35, wcrr al1Iinked to 1-brotliroiigh n networkof inter-
Company operating contracts designe(l to channel al1 the profits of the
enterprise into Ebro'; cofferï. Thus. al1 the profits oi the ciiterprisr in
Smin reached Barcelonn T~ ~ ~ ~i via Ebro 2nd throueh the tas-t~vasion
mechanism of the International Utilities account. ~hëma~nitude of the
tax-frauds achieved by the enterprise through this mechanism may be
seen in the reDort of the exuerts of the Ministrv of Finance. ~rinted as
Annex I to oÛr Reioinder. ut, for present purposes. it maiierhaps be
sufficient for me to refer the Court to a statement in Mr. Menschaert's158 BARCELONA TRACTION
memorandum of z October 1g44, which will be found on page 304 of
Volume II of our Counter-Memorial Annexes.
In settingout his ideas for reorganizing the enterprise, MI. Menschaert
let fa11the following comment:

"It has frequently been said that the structure of our Group is so
contrived that, compared with other electrical undertakings in
Spain, we pay a ridiculously small sum in Income Ta (i.e.. on
profits and dividends)." (A.C.M., Vol. II, Chap. 1, Ann. 112, Doc.
No. 3, App. 1. p. 304.)

Now naturally, Mr. President, one asks oneself how the Barcelona
Traction enterprise could possibly have achieved that brilliant superi-
ority over al1its rivals, and especially when, as our opponents like to tell
you, they were confronted al1 the time by sucb arbitrary Spanish tax
inspectors. Were they just sa much more clever than their rivals? Or
was it that their rnethods werejust altogether too clever ta be acceptable
to their more law-abidine rivals? Todav the S~anish Government and ~~ ~ ~ ~~ ~
this Court kno\r wtiictiof tlio,e tu.o expianation; ijtlie corrvst one.
'l'ticidiculuuslv riiall iurii p:~itlin inconie tax iii Spairi w;i, one sig-
nifiwnt outcome of thc lntcrnstionll Crilitici account mcchliiism~-~~~~-~ ~
it is another to which 1 should like particularly to direct the Court's

attention: the fact that Ebro. the profitable, wholly owned subsidiary-
the very substance-of Barcelona Traction, never during its whole
existence declared a dividend upon its shares. Those shares, of which our
learned opponents now speak so much. were issued to Barcelona Traction
under the auto-contract of 1911, deposited by Barcelona Traction in the
vaultsof NationalTrust as security for bonds. and there left to moulder.
Never did Barcelona Traction or National Trust receive a cent on the
shares by way of dividend. The shares, of course, remained Barcelona
Traction's title deed to the ownership of Ebro. But, by its ciwnelection,
Barcelona Traction converted the substance of its interest in Ebro into
tlie forni of credits upon dt.t~tsand (Ichts payable by Ebro and it took its
profits from the enterprise in tlie forni only of intcresr upon those debts.
And. >Ir. President those debts. whicti constituted so l3rue an elçrnent
in ~arcelona ~raction's interest in the enterprise, were locàted in Spain.
The very basis of the International Utilities account mechanism for

evading taxes was that the debts should be considered debts payable by
Ebro in Spain.
Furthermore, Ebro's General Mortgage bonds, al1of which were owned
by Barcelona Traction, were expressly made payable by Ebro in Bar-
celona. Nor is there lacking evidence that the coupons on those bonds
were regularly presented to the Barcelona office for payment, as can
readily be seen from the documents reproduced on pages 399, 507, 517.
536 and 555 of Volume IV of our Counter-Memorial Anriexes. These
documents are forma1 notarial protests made in the name of the Royal
Bank of Canada and recording the presentation of the coiipons at the
offices of Ebro in Barcelona, together with Ebro's refusal to pay on the
ground of the failure of the exchange authorities ta make the necessary
pounds sterling available.
As ta the debts in the International Utilities accounts, the fact that
those debts were nominally owned by this wholly owned subsidiary of

Barcelona Traction is, in our submission, completely irrelevant. The
evidence before this Court shows beyond any shadow of doubt that ARGUMENT OF SIR HUMPHREY WALDOCK 159
International Utilities was a mere alias for Barcelona Traction itself; it
was an alias used by Barcelona Traction for the express purpose of
deceiving the Spanish authorities as to Barcelona Traction's ownership
of the debts in question. In these circumstances, it is, we believe, in-
conceivable that the Belgian Government should be permitted in this
Court itself tocondone the fraudulent position of the company and claim
that tbese debts were not the property and assets of Barcelona Traction
but of that mythical independent finance company, International
Utilities.
In short, Mr. President, here you have another material link between
Barcelona Traction and Spanish jurisdiction. At al1 times, and at the
date of the bankruptcy proceedings, Barcelona Traction was the owner
of very large assets in Spain in the shape of debts payable to it by Ebro
in Barcelona.

TheCourtadjorrrned /rom 11.20 a.m.to11.45a.m.

1lia\.? cornpleted m!. eiposr' of sonie of the principal facts bearing on
the issue01ii,iirpaiion of jiirisdictiori, biit brlorr 1state the coiicluiions
ivliicliivenîk).OU10 dran frorii thrni 1 miisr ndd jome comrnents on the
question of fraud. 1do so for no other reason than the obvious relevance
of the question ta numerous issues in the present proceedings.
In presenting our account of the facts concerning the many links of
Barcelona Traction with Spanish jurisdiction, it has been my duty as
counsel to point out to the Court the nature of the deceptions practised
by Barcelona Traction on the Spanish authorities and the many indi-
cations in the documents of a deliberate intention on the b artof the
persons concerned to deceive and defraud.
1 am, of course, aware that our opponents deny that there was any
fraudulent conduct on the part of the Barcelona Traction enterprise in
their dealings in Spain. If 1 have not replied to these denials in the
course of my argumentsit is only because, if 1 may respectfully Say so,
there really did not seem to us to be anything tore ly to.
As we observed in our Rejoinder, VI, pages zf and 29, the Belgian
Government's treatment of the evidence was wholly superficial as it
really Ieft our case on the question of frauds unanswered.
our learned opponent, Maître Van Ryn, skipped rapidly over our alle-ecord,
gations onthis matter asifthey were hot coals. We have read and re-read
those few pages, MI. I'resident, and what do we find there? Comments
upon a case which is simply not recognized by us asthe case we have put
to the Court, and a failure to cast even a passing glance at the evidence.
Othenvise, nothing but a Bat assertion that on the factual level these
accusations of fraud have no basis.
The followingday our distinguished opponent told himself, on page 177
and yet again on page 178 of the record, that he had proved that there
was no fraud on the previous day. Then he proceeded to castigate the
judge of Reus, and turned his back fimily and finally upon the mass of
evidence before this Court convicting Barcelona Traction of a literally
unbroken series of fraudsupon the Spanish State.
If any reply were called for from us, we would simply Say that you
cannot turn over many pages of our Annexes without encountering a
false statement deliberately made to a Spanish authority, or a fabricated160 BARCELONA TRACTION
document designed to deceive. or a suppression of relevant information,
or a ~revarication intended to obstruct the elucidation of facts. or an
cntry'in accounts iiiterided to deceive. or an exprrisim of a fearof being
fouridout.or some otlier no less clear indication of fraud.
The evidence is before the Court and we leave it to the Court's aDore-
ciation.
Two aspects of the fraud, however, require underlining. First, the
frauds now in auestion do not concern what Our oDDonentslike to cal1
the prehistoricai period. The irregularities of that 'périadtouched Bar-
celona Traction's bondholders rather than the Spanish Government. The
frauds now in question belong, for the most part, ta the period after
Ebro began to show profits-to the period during which Sidro held an
interest in Barcelona Traction-and they were directed at the Spanish
State.
Secondly, as 1have previously noted.many of the frauds were directed
specifically to preventing the Spanish authorities from establishing that
Barcelona Traction was engaging in business activity in Spain or ta
concealing from them the essential identity and unity of the business of
Barcelona Traction and Ebro.
1 cannot conclude the question of fraud. hlr. President, without a
reference tothe episode of the murder of the CO-operativesin Catalonia by
account of this episode isin Our Rejoinder,1VI, pages 52 to 59. while the
documents are printed on pages 75 to 141of Volume II ofits Annexes.
In brief, CO-operativesfor the supply of electricity were developing in
various localities, the live wire in this development being, apparently, a
certain hlr. "Cu. Barcelona Traction, determined to remove the co-
operatives from its path, had to do so gradually and surreptitiously in
order not to attract the attention of the authorities. It therefore bribed
Mr. "C" to work for Barcelona Traction, to sabotage the CO-operatives
from within and gradually to force them into liquidation. Like some
ichneumon fly with a caterpillar, Barcelona Traction planted a maggot
within each CO-operativeto eat it away from within.
Not a very pretty scheme you may feel. Mr. President. The inspirers
and executants of this scheme were officiaison hlr. Lawton's staff. The
decision to execute it and its higher direction were the responsibility of
Messrs. Spéciael, Menschaert, Lawton and Hubbard. and the evidence
shows that hlr. Spéciael.president of Barcelona Traction and also presi-
dent, 1 think, of Sidro, made the supervision of this operation his own
especial care. The operation was al1 tao successful, Mr. President, and
one by one the CO-operativeswithered and died.
Our opponents have maintained silence about that operation, unless
this is what may be meant by the benefactions of Barcelona Traction to
Spain. Their silence is understandable, for what could they Say? The
evidence is clear.
Are we to assume that they do not consider this operation to be ac-
tivity in Spain attributable to Barcelona Traction? DU they expect
us, Mr. President. to produce powers of attorney issued by Barcelona
Traction ta the nefarious Rlr. "C", or a board resolution authorizing
Mr. Lawton to bribe him? \Vil1 they dare to argue that this was the
activity of Ebro,and Ebro alone? No, Mr. President, theydo not speak
oactivityin Spain, but it aas certainly activity attributablecomto Barce- ARGUMENT OF SIR HUMPHR.EY WALDOCK 161

lona Traction, whose president and chairman directed it at every stage.
In our final comment on this matter in the Kejoinder we asked the
Court to note, and we do so again, the depths of the rutlilessness and the
duplicity which characterizcd Barcelona Tractioii's operation for the
destruction of the co-operatives, and for the conduct of which Messrs.
Spéciael,Hubhard, Lawton and hfenschaert were primarily responsible;
and \irepointed out thattliese were the men with whom. not long after-
wards, the Spanish Government had to deal in connection with the Plan
of Compromise.
1 now pass, MI. President, to the conclusions which we ask you to
draw from the evidence thatit has been my task to present to the Court.
These conclusions relate to the two~issues of usurpation of jurisdiction
raised by Our opponents and it niay be converiient if 1 take the conclu-
sions relating to the issue of Spain's right to assume jurisàiction ovcr
13arcclonaTraction and thcn defer those relating to the second issue of
the enforcement jurisdiction until later.
On the first issue. the assumption of jurisdiction, WC submit that the
evideiice establishes tlie following as objective tacts:
First. Barcelona Traction was created specifically with the ohject of
doing business in Spain and took tlie position hefore its own Government
and its shareholders that it was a Company having al1 its business in
Spain.
Second. Barcelona l'ractioii, althourh alwass clenvina it. ernoloved
hfr. ~awton continuoiisly as i& representative'and agenr for the'trans-
action of business in Spain.
Third, Barcelona Traction. althou~li alwavs denvinr,it.,treated the
13:irccloii:iomcc uf tlic cntcrprisc cuntiiiiioiisly iii xgcncy. I>r;iiic\.~iid
r.jtablisliriiciir of Il.irc~lori;i'l'r:iitii,nfur tr:insaitihti;iiic.ii in Spain.
Fourth, Barcelona Tractioii. although not adÏnitting it, employed
Arnus-Gari and tlien the 13ancoEspa~iolde Créditocontinuously as its
representative and agcnt for the servicing and exchange of its bonds and
for repurchasing its own sterling bonds from Spanish holders.
Fifth, Barcelona Traction employed other banks as'its representative
and agent in connection with bonds and from time to time with other
transactions.
Sixth. Barcelona Traction, although concealing it, from time to time
employed various individuals asits nominees for carryingthrough trans-
actions in Spain. including the purcliase of concessions.
Seventh, Barcelona Traction. although alwaysdenying it, participated
continuously in the business of the enterprise iii Spaiii through the direct
interventions in its operation day by day of tlie chairman and president
of Rarcelona Traction.
Eighth, Barcelona Traction, altliougli concealing it behind the alias of
International Utilities, was coiitinuously the owner of large debts payable
toit in Spain.
Ninth, Barcelona Traction, although concealing it behind nominees,
from time to time held concessions in Soain.
'l'cntli.L<,irc,ïluil.'rI'i:ili;<<tL>rliiigI)vriil.sc~curt!Il!,rli.11x'tq:igï
or cti:irgcof tlicproptrt!. iiiip;iiii uf 1<:1rccluii:Ii'r3ctioii's iiliolly o\viictl
siit>jidi;~ricj:iiid .ilin on thc dcl~tsu\i.nc<lhl. I<;iicclona'1'r;ictio511:iiri.
Eleventh. Barceloiia Traction's First Gortgage bonds, by a spécifie
charge in the Trust Ileed, were sccureù directly on the lands andproperty
in Spain of the companies ivhich it oiune<l.3loreoirer. after the 1924162 BARCELOSA TRACTION

Plan of Compromise, these bonds were payable, at the option of the
creditor, in pesetas in Spain.
T\\.ellth. large sums of money \me raised by Barcelona Traction from
the Spanish public by the issue of peseta bonds, money repayable in
S~ain and secured on the assets of Barcelona Traction's subsidiaries in
Sbain.
Thirteenth. numerous creditors of Barcelona Traction, in the shape of
Spanish holders ol its peseta and sterling bonds. resided and held their
bonds in S~ain.

the 13arcelona office as representatives and agents of 13;rcclona Traction

in Spain.
One could add more, AIr.President, but surely tliat is cnough.
1have spoken of objective facts, Mr. President, because it is by reler-
encc to tlir objective facts that the cornplaint of a direct violation of
international law through the mere assumption of baiikruptcy juris-
diction over Rarcelona Traction has to be determined. This would seern
to have been the view of our learned opponent, Dr. Mann, when. in VIII,
page 414, on the fifteenth day. he said:

"The Court.. .is now entering a field where it can and must leave
Spanish law behind; where it is free from any findings and views of
Spanish courts and Spanish lawyers."
With that ive agree. The point for the Court on this question is whether,
Iiaving regard to al1the circumstances of the relations bet\rreen Barcelona
Traction and Spain, the exercise of bankruptcy jurisdiction by the
Spanish courts was forbidden by any relevant prohibitory rule of inter-
national law.
Our contentions regarding the applicable principles 01 international
law have already been addressed to the Court by my distinguished

collcaguc. Professor Guggenheim; and the Court knows that we have
considerable reservations as to the way in which Ur. Manii presented the
law in VIII. pages 414 to 419 of the fifteenth day's record.
As 1said at the beginning of my address, we think it doubtful whether
customary law yet admits any prohibitive rule limiting the exercise of
bankruptcy jurisdiction by a State within its own territory. But if any
such prohibitive rule exists, it can only be that jurisdiction may not be
assumed over a foreigner when there is no relevant link between the
foreigner aiid the State concerned.
In Our submission, when a fact is established that is applied in the
domestic law of this or that State as a sufficient basis for the exercise of
baiikruptcy jurisdiction, without apparent objection from other States,
there can be no foiindation mhatever for alleging a direct violation of
international law by a State in regard to its mere assumption of juris-
diction on the basis of that fact. Here such facts can be and have been
established in abundance; and they furiiisli bases lor the exercise of
bankruptcy jurisdiction acted on by the courts of different States. The
real difference betiveen us and our opponents is that we and they take
different viex3.sof the evidence and the facts. Moreover, the difference
betweeii us on the facts is so wide that \ve simply are not on the same

wavelength on this aspect of the case. ARGUMEYT OF SIR HUMPHREY WALDOCK
163
The evidence and the facts are before the Court. In our submission,
independently of the fraud, the evidence shows that,as a matter of pure
fact, Barcelona Traction employed blr. Lawton and members of his staff
as its r.nresentatives in S.ain: that Barcelona Traction used the Barcelona
oficc .iits omcc :i&r-iiriinclc-t:il>l15linirntin 5p.iin. in<ltlint I?.,riçluna
'l'r:ictioiso Parco~itroll~~là,ir<x.t~d:iiitI III:~II:CC~,~vl~ollyutvii<.<.l:iil)-
siilinr~iriSi~nintlist itin.idcT:l>r<i~i iiii~tti;iiiti.itliiinct or ~~ ~runi<:iit
for itSelfeigaging in business in Spain.
These circumstances, as we have shown in our Rejoinder, VI, pages 40
to 44. b): thcmselves suffice to justify a court in treating the business of
the subsidiary asthat of the parent Company itself. They also justify a
finding. purely on the plane of fact, that Rarcelona Traction had a per-
manent legal representative in Spain aiid maintained a permanent
office, agency and establishment in Spaiii. And tlien in the other facts
which 1 have listed a short while ago you have numeroiis other sub-
stantial facts linking Barcelona Traction to the jurisdiction of the
Spanish courts. Accordingly, whatever view is taken of the applicable
principles of international law, the idea that the mere assurnption of
jurisdiction by Spain over Barcelona Traction could be considered ipso
facto a direct violation of international law continues to seem to us as
completely out of touch with reality. Consider, &Ir.President, what the
evidence discloses in this case and consider what !vas said by the court
in the San Antonio Land case.
In anv event. hlr. President. the frauduleiit misrenresentations bv the
~arceloAa office to the ~~an'ishauthorities regarding the relati6n of
Barcelona Traction to the companies in Spain cannot be left aside so
easily as Our opponents seem io wish. Our opponents mechanically
repeatiiig the old dogma of Barcelona Traction that it Iiad norepresen-
tative. office. agency, etc., iii Spain, assert tbat Spain has failed to es-
tablish any evidence of fraud. And we even heard counsel for Belgium.
in VIII, pages 461 and 462 of the seventeenth day contending on the
issue of reparation tliat allegations of breaches of Spanish law or of
fraud and deceit are cognizable only in the Spanish courts and are not
matters which this Court is entitled to takeinto account.
\Veil.the notion that a falsehood or a deceit is not a falsehood or a
deceit before an international tribunal unless it has been predetermined
to be such by a municipal court, seems to us such a novel view of the
relation between international and municipal la\\, tliat we sliall not
dwell upon it.
That contention surprised us even more for its revelation of the extent
to which the Belgian Government overlooks in these proceedings the
actions of Barcelona Traction in deceiving,and defrauding the Spaiiish
autliorities. The evidence of that deception and fraud is before tlie Court
and there is far, far more of it than the fewdocuments which 1 have had
time to touch upon during my address.
We and our opponents, as 1 have said, are simply not on the same
wavelength in regard to the facts. What else then can we do but rest
iipon the Court's appreciation of the evidence as a whole? \\'e submit.
and we do so in al1sincerity, that the evidence establishes theintent of
Barcefona Traction ~ersistently to deceive and defraud the Spanish
authorities not merely beyond any reasonable àoubt but to the point of
absolute certainty. \+ledo not know upon what rational basis the Belgian
Government feels able to arrive at a contrary conclusion, forour oppo-164 BARCELONA TRACTION
nents have not produced an explanation of the many documents which
contain, as we think, damning proof of Barcelona Traction's deception
and fraud. But we feel confident that the standard of 2 per cent. truth
adopted by Barcelona Traction is not one \rrhich will commend itself to

the International Court of Justice. Indeed, as 1 have recalled to the
Court. some of the major falsehoods told by Barcelona-Traction were just
blank lies-lies without even the 2 percent. discount of truth.
The evidence, in Oursubmission, amoiigst otlier things establishes with
certainty that Barcelona Traction continuously and deliberately deceived
the Spanish authorities on the four points: (1)whether ithad a permanent
representative in Spain; (2)whether it had in Ebro an office, agency or
establishment in Spain; (3)whether it engagecl in commercial activity in
Spain; and (4) whether Ebro's debts were dehts payable in Spain by
Ebro to Barcelona Traction.
These points are, each one of them, highly relevant in regard to Har-
celona Traction's liability to Spain's jurisdiction. If we are right in this

submission, it is manifestly not open to Belgiurn to rely before this
Court on the rnisrepresentations of Barcelona Traction as a basis for
contesting Barcelona Tractioii's liability to Spanish jurisdiction.
The most fundamental principles of law and justice forbid it. Yet this
is precisely what Belgium appears to he doing when in face of the evidence
she persists in this allegation of usurpation of jurisdiction.
\\'e could understand it, hlr. President, if Belgiuin were to say to you:
"\Veil, Barcelona Traction may have done these things, but there still
remains the auestion whetlier it suffered a deiiial of iustice in the nro-
ceedings of the Spanish courts." \\'e should strongly 'contest the dinial
of justice, but we should understand tlie position. M'hat \ve do not under-
stand is how in face of this most <laiiiii~iigevidence of Barcelona Trac-

tion's frauds, Belgium can ask the Court to condone those very frauds,
iii effect. and to lend its aid to Hrircelonri Traction by giving them full
faith andeffect in these proceediiigs. And al1tliis iii tlie name of protecting
Helgian national8 frorn a denial of justice!
Let me emphasize again that tliese falselioods and deceits are not just
a matter of prehistory, but continued uninterruptedly from the beginning
of the period of Sidro sliareholding to the date of the bankruptcy and
indeed even beyond it. In 1940 the reorganization of the enterprise began
actively to be canvassed and Annex 112 of Counter-hlemorial Annexes
contains memoranda and correspondence on this question running from
that date until September 1946. l'hose documeiits contain ample evidence
of the deceitful methods of the enterprise, notably in the manipulation
of accounts. and indicate that one of the obstacles to the reorganization

\\,as the difficulty of dismantling the false structure which Barcelona
Traction had built up forthe purpose of defrauding the Spanish treasury.
1 mention those documents only because tliey happen to be collected in a
single Annex. There are many others \ifhich relate to the final years
scattered through the Annexes. Thus. hlr. President, it is clear that the
fraiids were going fullblast at the date ofthe bankruptcy.
BarceIona Traction's misrepresentation of its relation to the enterprise
in Spain. in Our submission, entitles Spain to ask the Court in these
proceedings to treat Barcelona Traction as wholly identified with the
compaiiies in Spain: to treat Ebro as nothing but the alteregoof Barce-
lona Traction and Barcelona Traction as itselfpresent and doing business
in Spain in the guise of Ebro. For this submission, there is ample support ARGUMENT OF SIR HUMPHREY WALDOCK 165
in the authorities which we have cited in our Reioinder. VI. oaees AO to
44 In other words, we submit that the frauds of arcc clo nraction'and
Ebro are vet another around on which Barcelona Traction must be held
to have bien liable to Spanish jurisdiction in 1948.
.4ccordingly. on the basis of tlie contentions which Professor Guggen-
heim and 1 have had the honour to present to you, we ask the Court to
reject as totally unfounded the Belgian complaint that Barcelona Trac-
tion was not at the material date liable in any manner to the bankruptcy
jurisdiction of the Spanish courts.
Mr. President, 1 now turn to another phase of the case. to the actual
judgment of the Reus court and to the denial of justice aspect of this
question of jiirisdiction.1have dwelt at some length on the facts relating
to Barcelona Traction's links with Spanish jurisdiction and to its frauds
because they are no less relevant in regard to the complaint of an alleged
denial of justice.
Our opponents, in their written pleadings and in VIII, page 414 of the
record of the fifteenth day, have characterized our examination of the
facts as a belated effort to justify the assumption of jurisdiction by
attributing to Barcelona Traction a centre of commercial activity in
Spain which is so plainly contrary to the facts of the case as accepted by
the petitioners in bankruptcy and by the judge of Reus. But when the
Court looks, as it will, at the texts of the judgment aiid other relevant
documents with an unclouded eye. it will find that Our opponents'
presentation of the judge's treatment of this point itself seems to fa11
of theaground upon which he assumed jurisdiction.lated in our justification
Reus, Mr. President. was a not unimportant town served by the electric
railway and power lines of the Barcelona Traction enterprise. lt was also
a town to which, in their campaigu against the CO-operatives,hlessrs.
Spéciael, Lawton, Menschaert and Hubbard had given particular
attention over a period of some years, finally withering it away into li-
quidation. Barcelona Traction and Ebro were therefore al1too familiar
with the town of Reus. Being a not unimportant town, Reus had a pro-
vincial court and it was before the Reus Court that the bondholders, for
technical reasons which my learned colleague. Professor Uria, ~vill
explain to you, elected to institute proceedings. Xow ifthe Reus judge
could have no knowledge of Barcelona Traction's activity against the
Reus CO-operative, the enterprise itself was, as it were, one of the facts
of life in his district.
It is manifest on the face of the documents, Mr. President, that the
Reus iu,ee..ounded his assumotion of iuri~ùiction essentiallv on Bar-
ccloiin '1.r:ictiun'jconinicrcinl ictii.ii!i;i5p:iiii \-ct in thAr \i.rirtdn
p(r.;idinp and nt ttirI>rcirnt tic:iringç, oiir oppon<:nin t1ii:ieiiort, to
(li:(:rt,rliirseem ~er+ist,-iitlvto stiiit thct,vcj rutlie f;ict. I?{.doinc ;o.
in our submission, 'theyput the whole of thei; discussion of thérque;io"
of jurisdiction right off the rails.
In VIII, page 400. on the fourteenth day, our opponents introduced to
you the relevant paragraph of the judgment of 12 February 1948 in
words which seem intended to suggest that the judge knew that his
eaercise of jurisdictionwas implausiblc and required explanation. If such
was Our opponents' intention, the suggestion is inadmissible. The pe-
both from the point of view of Spain's jurisdiction over a foreigner and ofI66 BARCELONA TRACTION
the territorial competence of the particular court over the particular
matter. It was therefore natural for the judge to refer to those questions
in his judgment. Indeed, under Spanish law, he would be expected ta do
so. For, when there is a possibility that a point of competence may after-
wards be raised, a judge of first instance should indicate the position
which he has taken on the point. The paragraph on jurisdiction and
competence in the Reus judge's reasoning was, therefore, a perfectly
normal feature of his judgment.
The paragraph, which our opponents have already read ta the Court.
runs as followsand 1read it in the English version:
"Considering that this Court is cornDetent to deal with the
proccedingi ir;itituted by 11ic plainriii 'trndei ilrticle 15 of tlie
Coniiiirrcial (:ode and Articles 63 (Su. 9). b5 :iiid GGof ttiç Code of
Civil Procedurc. ttikeii ns a \ihole. jinctilli.irseluriii l'r:iction hdi
no domicile in Çpain and on the other hand has its bonds secured by
mortgages on roperty located in Catalonia, whicli, moreover,
belongs to it t irough the intermediary of another Company (en
forma mediata), part of which property is located in the judicial
district of the Court. this gives the Court jurisdictional authority to
deal with this case, particularly if regard is had to the [view] ex-
pressed by the Supreme Court in its judgement of 3rd April 1922.
which recognises the jurisdiction of the court which first adjudicated
in bankruptcy, unless execution is pending." (VIII, p. 401.)
In this "considérant", Mr. President, it is clear that the judge dealt with
thequestion of his competence both from the point of view of his juris-
dictionover a foreign company and his localcompetence. This is manifest
from his references to Article 15, which, as 1 shall show, concerns juris-
diction in regard ta fo~eignersengagedin Eomrnerce.and ta Articles 63
(No. g),65 and 66, which concern the competence of the Court in relation
to other s~auish courts. Covering both oints of cornnetence. as it does.
the reasoning of the "considérant" is ve;y close-packêd.But there can be
no possible donbt whatever thatit deals with bath points of competence.
A~ârt from the clear nuroort of the Articles themsélves.the ref&ence to
tde SupremeCourt's hec;sion of 3 April 1922would alone suffice to show
that the "considérant" deals with the local competence within Spain of
the Reus court.
Our opponents. in VIII, page 401ofthe record. espresjly undcrlinc the
distinction bct\i.een intt.riiational iuridicrion and territorit~lcorni>rteriîz
Then. totallv disree"rdine the fa& tbat the "considérant" seeks io cover
both points 'ofcompeten~e, they pronounce:
"It follows that provisions relating to mere local competence are
ab initiairrelevant and should not have been relied upon."

The suggestion seems to be that the jndge's references to Articles 63. 65
and 66were some sort of flagrant misapplication of Spanishlaw, that they
indicate an abuse of the judicial function and a denial of justice. In the
actual context of the "considérant". Mr. President, that suggestion is
completely inadmissible; it merely shows at what sort of straws our
opponents have to clutch in order to make their case against the Reus
Supreme Court-aencesmention disregarded by our opponents-werecision of per-
fectly appropriate and pertinent on the point of territorial competence. ARGULENT OF SIR HUMPHREY WALDOCK 167

The first provision mentioned by the Reus judge was Article 15 of the
Commercial Code. That was onlv loeical. The eeneral auestion of the
competence of Spanish courts in r@ard to ~ircelona'Traction as a
Ioreien commercial Companynaturall~ preceded in his mind the auestion
of th> particular compête&e of his court. And Article xj'ivas an
article which he rightly considered pertinent. In their Reply, V,page 334,
rectly, we think-th:ito dithe Article does not contain any rule of,juris-or-
diction. At tliesc hearings, warned perhaps by Our comments in tlie
Keioiiider. thcv aere more cautious. Thev did not touch the Article
-despite jts p;ecedence in the judge's reasoning-until they had sought
to make a knave ofhim by mistakeiily attribut in^to him the intention to
base his eeneral comoetence in reeird to Barcëlona Traction nrimarilv
on Articl'ëç63 (No. g):65 and 66,\;hich concern local compete~ce. ~h&
-it isin VIII,page 402, on the fourteenth day-they noticed Article 15:

"The other provision upon wliich the judge of Reus relied is
no less inapplicable. It is Article 15 of the Spanish Commercial
Code.. ."
The) proceeded to read you the test of the Article, and it will be conve-
nient if 1do so again now.Thetest reads:

"Foreigners and companies incorporated abroad may carry on trade
in Spain if they siibmit themselves to the laws of tlieir countries so
far as concerns tlieir capacity to enter into contracts, and to the
orovisions of tlieorescnt Codeso far as concerns the creation of their
establishments O; Spanish territory. their commercial operations
and the jurisdiction ofthe Courts of the nation."
The provision iii regard to jurisdiction may be slightly oblique in its
espressioii, Ur. President. But it would seem to require a rather bold
interpretatioii to read the Article as containing no rule on the liability of
a foreign compnny to Spanish jurisdiction.
t\t aiiy rate, Our opponents now seeni grudgingly to admit that the
judge's reference to Article 15 miglit conceivably have had something to
do with Spanish jurisdiction. For they ended:
"The oro\~isioii.as the text makes clear. tells foreianers under
\rli:it cir~iimir3iicniiil\vitIiiti:it conjcqiieiicc tlicy iii;iy c.irry on
bukinc-: iiiSii:,in1311 t~ltcrl~crorno[ :L?~YIIII>rIIileof ~ntt:ii~~,tinii:iI
iurisdiction mav be derived from it. Article 15 does not rnatter in the
bresent contes; hecause Barcelona ~ractiondid not, in fact, or to
tlie mind of the jiidge at Reus. carry on trade in Spain." (VIII,
P. 403.)

1sliall ask you to look ina moment at what was in the mind ofthe judge
of Reus, because our opponents take some liberty with his thoiights. But
1must first put tlie record straight about Article 15.
Quite apart from the clear purport of that Article, the lieus judge had
tliehighest authority for recoursc to Article 15 as a rule of jurisdiction:
iiamcly tlie decisioiiof tlie Spaiiish Siiprcme Court rcndcred in 1912in the
arid, il1recitiiig tlie title of the court to exercisejurisdiction, the Supreme
Court referred iïrst to Article 51 of tlie Code of Civil I'rocedure and,
secondly and independently, to Article xj of the Commercial Code. \Ve168 BARCELONA TRACTION
have given the texts of the relevant passages of the judgment in footnote
3 of page 257 of the Rejoinder, VI, and it can be found elsewhere. The
question whether Barcelona Traction's circumstances brought it within
Article 15 might be a matter of discussion on the facts. But, given the
necessary facts, theie really could be no doubt whatever that Article 15
would entitle the Court to takejurisdiction. The point was clear on the
language of the Article and settled by authority. It was therefore per-
fectly natural for the Reus judge to refer to Article 15 as a basis for the
esercise of his jllrisdiction and to do so without lahouring the point.
Before 1 xturn to the liberties which our opponents take with the
thoughts of the judge, 1 want to make yuite clear exactly what was
involved in his reliance on Article 15. In the Moncayo case. as 1 have
mentioned, the Supreme Court had invoked not only Article 15 but
Article 51 (Codeof Civil Procedure), which reads:

"The ordinary courts shall alone be competent to hear civil cases
arising in Spanish territory between Spaniards, between foreigners
and bëtween Spaniards and foreigners."

Then, in the Niel-on-Rz~pell case, decided in 1939 and again relating to
the bankruptcy of a Belgian company,'the Barcelona Court of Appeals
had invoked Article 51 as by itself a sufficient basis of jurisdiction. The
relevant passages are on pages 521-522 of Volume II of the Aniiexes to
the Belgian Reply. Furthermore, >Ir. President, the petitioners of Bar-
celona Traction's bankruptcy. in their application to the &eusjudge. had
espressly invoked Article 51 of the Civil Code as well as Article 15of the
Commercial Code. Consequently. it seems evident that, in referring only
jurisdiction found in that Article.is mind particularly to the basis of
Wliat else can this mean, MI. President, butthat the judge considered
Barcelona Traction as having been engaged in commerce in Spain? For
under Article 15 it is the act of engaging in commerce iii Spain which
entails submission to the jurisdiction of the Spanish Courts.
On page 402, on the fourteenth day, VIII,however, we found our oppo-
nents saying to you that the Reus judge must himself have recognized
that Harcelona Traction did not have any commercial activity at al1in
Spain. Tliey arrived at that conclusion by again disregarding the fact
that the judge based his general competence over the foreign Company
upon Article Ij of the Commercial Code and by introducing into his
reasoniiig not the \r.ords ahich hc himself used conceriiing Rarcelona
Tractioii's domicile in Spain but words used by the petitioniiig bondhold-
ers in their application. Their argument on that page is an esample of the
way in which out opponents make a knave out of the Reus judge by
putting together passages takeri frorn here and there, witliout sufficient
regard to their contests.
Having recalled that the judge expressly States that Barcelona Trac-
tion has no domicile in Spain,our opponents continued:

"lt is plain, therefore, that the judge of Reus himself must have
recognized that Barcelona Traction did not have the centre of its
commercial activity or. indeed. any commercial activity at all, in
Spain. for if there had beçn a commercial activity, it would have
been necessary to find its centre. By statjng that there was no ARGUMENT OF SIR HUMPHREY WALDOCK r69
domicile in Spain, the judge in our submission, held that there was

no centre ofcommercial activity within the meaning of Article 65,"
1 have already pointed out that if the crucial "considérant" is read as
it must be in tlie light of the judge's reliance on Article 15 as the basis of
hisgeneral competence. the idea that he at thesame time considered
Barcelona Traction as having no commercial activity in Spain is'really

on the verge of absurdity.
Let us. however. look a little more closely at the "considérant".
Having said that lie considered himself competent under Article 15 of the
Commercial Code andunder the three articles of the Civil Code, the judge
explained:

"Since, if Barcelona Traction has no domicile in Spain and, on the
other hand, has its bonds secured by mortgages on property located
in Catalonia, which moreover belongs toit through the intermediary
of another company.. . part of which property is located in the
judicial district of this Court, this gives the Court jurisdictional
authority to deal with this case." (A.C.M., Vol. VII, p. 168.)

1s it not clear that when the judge there speaks of Barcelona Traction's
haviiig no domicile in Spain he is doing so with:reference to his general
competence with respect to Barcelona Traction? Otherwise. he must
surelvhave s~oken of "no domicile in Catalonia" and even Ouromonents ..
sesmto unde;st:in<l hirii ;irlookiiig :itI{nrceli,n;i'l'rnction'silomicilc tli~rr.
from th,: point ol vit:u.of Iiis grricr.il cuinpetencr. a Spanijli court.
Thc Detitioiit!rs hricl nut brfurc the itiilct?iiilormritioii iiidicatin~~t1i;it
Barcelina Traction's /orPorate domicbe kas in Canada. it had ;O do-

micile in Spain, and it was, of course. thc fact that, whereas Ebro was a
company registered in Barcelona for business in Spain, Barcelona Trac-
tion itself hacl never applied for registration. 1xvouldthen ask the Court,
bearing those facts in mind, to consider the significance of the words "on
the other hand" by which the judge contrasted the fact that Barcelona
Traction had no domicile in Spainwith ttie fact that it had bonds securcd
by mortgages on property located in Catalonia and bclonging to it
through tlie iiiteririediary of another compariy. Now reniembering the
judge's reliance on Article 15 as the basis of his general competence. is it
not crystal clear that he \vas there saying in efiect: notwithstanding the
absence of anv ,~an.sh domicile. the fact that Barcelona Trac~i~ ~has
is~iied Iiori<l~iecured by mortgngt,.; or1 propert!. locaii~<lin Cntnloiii.<
rii.ik~3it:ilortlgn com1,niiy<i~~.ig<d in corniii~rii:il :icti~iiri$p:iin :inil
e.;i:i~~li~ltI!~ cumllet~~tceuricl,.rr\rtick 15; \\'ll:!t LI~coi11111,i)oj~ib~\~
. ~ ~ ~ - ~ ~-~~ .~ ~ ,
have meant, 6lr. President?
1 ask the Coiirt to note that in this "considérant", when dealing with
his general compcterice, the ludge laid stress on the fact that ljarzelona
Traction had no doniicile in Spain. 1 then ask the Court to turn to tlie
final paragraph of his judgment, which is to be found on page 169 of
Volume VI1 of our Counter-Mernorial Annexes, and where he dcals with
the publication of the declaration of bankruptcy in the official gazette of
Tarragona. It will there see that the judge used quite different language:
"seeing that the domicile of the bankrupt company is not known."
Our opponents have attacked the judge on that point too, ridiculing
hirn for preteriding that he did not know BarceIona Traction's domicile
for purposes of publication, when he knew pcrfectly well that it w:is in RARCELONA TRACTION
170
Toronto. That ridicule again disregards tlie contest of the jiidge's state-
ment. Once the judge had based his jurisdiction on Article 15 and, there-
fore, on tlie fact that Barcelona Tractioii was engaged in commerce in

Catalonia. his reference to the domicile not beina known.. is ~erfectlv
Ïogic.,l lkrceloii:~ 'l'r3ctiuii li;itl not icgi,ter;<.a coml>:iiiy;iii<lIia~l,
tlierrfoic. no offici~ll!.rccogiii~ed comtncri:i.il iluiiiicilc in 511:iiti
I<=rnedcollc~c~i~~ \vjil1d,-:iIfiirtl~t:~wiih ~IIICSII~Iof ~~~iI~lic.iti~,n
in dke course. 1 inekly underliiie tliat the very fait tliat lier; the judge
spoke only of I3arcelona Traction's Iiaving no known address confirnis
that he was trcating it as engaged in.coinmercial activity in Spain.
At the same tirnc, on the general point of the judge's reliance on
Article 15of the Commercial Code, l shoiild like to recall what Barcelona
Traction itself said later on in the Act of II April 1953. by w-hich it
associated itself with the Boter appeal. The test is on page 887 of Volume
IV of the Annexes to the Relgiaii .\lemorial. There I3arcelona Traction,

although denyiiig that it had itself ever Iiad an establishment or centre of
operations in Spain, accepted the priiiciple that a foreign Company having .
its domicile abroad might have-
"...en territoire espagnol un établissement de commerce ou le

centre de ses opérations commerciales".
And Barcelona Traction then continued:

"Auquel cas cet établissement ou centre d'opérations tiendra lieu
de domicile à l'effet de localiser la ~rocédurede sa faillite. Telle cst
la concliisioiià laquelle conduit le 'texte de l'article 15 du Code du
Cornmercc."

So far, llr. President, have you found any trace whatever of the
wild aberrations of the Reus judge which are said by our opponents to
demonstrate his bad faith?
This is not, however, quite the end of our opponents' argument for
tliey souglit to reiriforce it by askiiig you, as it were, to read into the
jiidge's mind a passage in the application of the petitioning bondholders.
This is where the petitioners draw his attention to the impossibility of
publishing the dcclaration of bankriiptcy at the domicile of the bankrupt
compariy :

" ..:itteiidii ~~ucccllc-cinc l'a pas en Esl~qne. 11:isplusqu'ellc n'y a
un ~IIIC~CU~IOII~t:ihIiss~cin~iitc~~iinit:~c~~ ~Il~rcct"(:\ \l, Vol. Il,
p. ~5~).

Now that passage our opponents joyfully greeted in VIII, page 402; on
the fourteenth day as "this remarkable admissionwhich. we submit,is as
valid today as it w:is in 1948" aiid oii tlie previous page they insisted
tliat the passage had determined the atmosphere of the judgment and
"throws the strongest possible light on the judge's findings, their basis
and their implications".
To us, Alr. I'resident, that comment seems to be just one more of those
clutchings at straws nhich discredit tlieir attack on tlie Rcus judge on
this point. They disregard the judge's ;issumption of jiirisdiction on the
basis of Article rj of the Commercial Code. They disregard the careful
limitation of Iiis owii finding of the fact that the bankrupt company's

domicile was not known. They disrcgard, as Ishall show, the irnplicatioiis
of the word "direct" by which the petitioiiers qualified tlieir so-called .4RGUMENT OF SIR HUMPHREY WALDOCK 171
admission and last, but not least, they disregard the opening of Pandora's
box-the revelatioris of the archives in Barcelona. Do they ask you to
consider that in 1969the so-called admission of the petitioning bond-
holders still stands unchanged in value as evidence of Barcelona Trac-
tion's position in Spain in 1948 even after the 98 per cent. fabrication
and z percent. truth formula came flyiiigout of Pandora's box?
Nor do Ouropponents tell us very clearly what legal conclusions they
are asking you to draw from what wns. after all, only an observation of
certain bondholders petitioning for I3arcelona Traction's hankruptcy.
1s it one of those estoppels that come sliooting from tlieir armoury so
easilv? Ifso. mereallv think that it is one which burns itself out before it
leaves the ground. '
Quite apart from the objections which 1 have already raised, the use
whicli Ouropponents make of that one particular passage in the petition-
ers' application seems to us inadmissible. Even in the passage itselfthere
is the warning in the <lurilificationof the phrase "établissement commer-
cial" by the word "direct". But, in addition, the application must, .of
course, be read as a\++hole . French test of the documerit is reproduced
oii Daces 12 to 20 of \'olume VI1 of OurCounter-Memorial Annexes and
itwill-serve for the present purpose.
In the second paragraph the petitioners speak of the proceedings as
being instituted "contre la sociétéIJarcelona Traction, Light & Power
Company, sociétéétrzingèredont les intérétsseront indiquésplus avant".
After dealing with the debts, the "cessation des paiements", the
basis of the bankriiptcy, the question of competence, etc., the pe-
titionei-s set out on pages 17 to 19tlieir demand for the seizure of Bar-
celona Traction's assets and their statement of the assets belonging to
Barcelona Traction. At the bottom of page 18 and top of page rg the
Court will see the petitioners' arguments to justify their demand for the
seizure of the assets and there they, in effect, state that BarcelonaTrac-
tion operates iri Spain through Ebro. Thus. interalin, the Court will find
the following:
".. .Barcelona Traction intervient sur tous les éléments<-le1'Ebro à
travers cette sociétéet retire pour elle ses bénéfices" (A.C.M.,
Vol: VII? Chap. 3. Ann. 2,p. 18).
aiid more pointedly at the end:

"De Barcelona Traction à Ebro en Espagne il y a un fil de coni-
mandement et ce fildecommandement.. . est l'appareil avec lequel
agit Barcelona 'Traction" (ibid.p. 19).
The petitioners thus make it perfectly clear to the judge that they
considered that Barcelona Traction. altliough not itselfhaving a domicile
in Spain, was itself engaging in coinmercial actirity in Spain through
and under cover of Ebro. Could he possibly doubt then what they meant
wheii they said that Barcelona Traction had no "établissement com-
mercial direct"? In other words, quite apart from theotherobjections,
even the remarkable admission is a very exiguous, quite useless, piece of
strnw witli which to build a brick to throw at the juclgeof Reus.
Having in that way constructed a framework for the thoughts of the
judge of Keus which the judge himself would assuredly not recognize as
his own, Our opponents in VIII, page 404. on the fifteenth day really
seem to add insult to injury: 17Z BARCELONA TRACTION
"It is probably not far-fetclied to believe thüt tlie judge himself
\vas conscious of the fact tliat none of the texts which he quoted
and which I have so far discussed provided any foundation for the
assumption of jurisdiction over this Canadian company. It \vas
oerha~s for such reason that lie felt it necessarv to add a further
Li>3i.r;.ntion\rliisli Iiad rio,t;itiI~diii:it al1 b;it wliiclilie tliuiigtit
iiiiglit ~ii1111hti5 cuiicliiiion."

The purpose of that gratuitous suggestioii seenis to Oc ta prcpare the
Court for the idca tliat the judgc wns ready ta advrincc aiiy reason,
hoivever specious, to justify his assiimption of jurisdictioii.
Of what then do our opponents accuse tlie judge tliis tiriic? The record
in VIII, page 404, tells you:

"He [that is the judge] stated that Barcelona Traction bonds
aere secured in part by mortgages on property iii Cat:iloiiia and that

such property belonged. ..toit through theintermediary of another
company part of wliich property is located in tlic judicial district
of the court. Tlie judge afirmed tlie competence of liis coiirt on the
ground that tliere was property situate withiii its district but the
property belonged ta Ebro and was mortgaged by Ebro, not to the
bondholders. not to Barcelona Tractioii, but to aiiother Canadian
company, riamely Xational Trust."

Having pointed out that the jiidge was aware frorn the documents
before him of Ebro's ownership of tlie propcrty and of its being mortgaged
to National Trust, coiinsel tlieii took Iiiin scverely to task:

"lt only remains [he said] to empliasize agaiii tliat not a single
test has becn. or \vil1 be, quoted which states tliat Spanish law
rnakes the ownership of property the test of jiirisdiction or local
competeiice for purposes of baiikriiptcy proccediiigs." (VIII, p. 404.)

And, 1 argue. these further attacks on tlie judgr: are completely mis-
directed becaiise, by disregardiiig the fact tliat lie wns basing his juris-
diction on Article 15 of the Commercial Code, they attribute to Iiim
notions which he simply did not h:ive.
The "considéraiit", as ive recogriize. is close-packe<l. l3ut ive think it
clear that our opponents misapply substantially the judge's reasoning
when they imply that he based the gerieral cornpetencc of his court

essentially oii l<arcelona Traction's possessioii of propcrty within his
district. He based the general competence-the international com-
petence-of his coiirt expressly on ArticleIj; that is, oii 13arcelonaTrac-
tion's haviiig cngaged in cominerce iii Spain. The so-called further oh-
servatiou. as 1 indicated a little while ago, is iiot rcally a fiirther obser-
vationat all. but thesubsumingofthecaseof BarcelonaTractionunder the
provisions of thc Articles which he hatl iri\roked. The coiijunction "since",
which precedes the so-called further obseri'atioii niakcs this inescapably
clear. hloreover, as 1 also then explaincd. it was in direct application of
Article 15 that the Reus judge used the \\.ords:

"...if BarcelonaTraction hasno domicile in Spain and. onthe other
hand, has its bonds secured by mortgages on property located iii
Catalonia, etc." (A.C.M., Vol. 1'11.p. 168). ARGUMENT OF SIR HUMPHREY WALDOCK
173
In short, those words wcre not used to iiidicate a specific title to com-
petence in regard to 13arcelona Traction's bankruptcy as sucli but to
indicate n ground on wliich Barcelona Traction \vas to be considered as
carrying on commercial activity in Spain.
The phrase in the "coiisi<lérant" that immediately follows-"wliich
moreover belongs to it through the intermediary of another conipany"-
may, on the other hand, be thought to have the character of a furtl~er

observation. At any rate. the word "rnoreo\~er" would seem to siiggest
that by tliat phrase the judge intended to iiidicrite either merely a iiiake-
weiglit factor an independeiit supplenientiiry ground on whicli I3nrcelona
Traction miglit be considered as engaged in commerce in Spain. If his
intentioii in that regard inay not be entirely clear. there cari be no real
doubt tliat it is the issue of bonds by Barcelona Traction. secured by
charges on property iii Spain, which appears in the "considérant" as the
primary reason given 1)).the judge for regarcling l3arcelona Traction as
engaged in commerce ~~itliinthe meaning of Article Ij.
'Coput it at its lowest. hlr. President, oiir opponents seem to be on
very dubious ground when tlicy imply that the judge affirnied Iiis inter-
national coiripetence on the ground that there \vas property heloiiging to
Rarcelona Traction situate within his district.

In any event, the inagisterial emphasis with which they declare that
not a single text can be fouiid which States that Spanish law makes the
o\vnership of property the test of jurisdictioii or local coinpetence for
purposes of bankruptcy proceedings seenis to us iiiisplaced. l'liat state-
ment is not really mcaiiiiigful in terms of the Spanish system and in the
present context may niislead. It is not meriniiigful because tlic Spanish
system cloesnot approach the matter in that way.
On pages 107 to 116 and 117 to 119 of i'olume VI1 of oiir Counter-
AIemorial Annexes. the Court \vil1find two iniuortant notes settine out
tlii: rs:I~<\.:inr-~<,\.ciiiing 'ompct~ncc nn(l ]iiri.idictaoIII ~~~:tii~~l~ln\i.
:\s nlq>c;irj frorli llii.s<:notci cdilipctcili~ :ilid ]iirisrlillion in I>aiikriiptc!.
lornis ~2rt of tltt..roni1)t:Ieriiv,~~iri~~l~~tltorflIlic,~~r~Ii~cr,~llwirls
Ancl,iRprinciple, eveiy court of fikt instance, of \vhich theuReiis court is

one, is competent in bankruptcy matters. Aloreover, governed as he aas
by the general rules of civil procedure. thc I<cus judge was hoiincl to
proceed on the assumption of the validity of Iiis competence \vitIl respect
to a bankruptcy petition submitted to his court unless and until it had
been challenged by one of the parties.
Under r\rticles 56 and 58 of the Civil Procedure Code-expressly made
applicable to loreigners hy Article 70-the bankruptcy petitiori consti-
tuted an implied submission to his court mliicli ipso jactoestal~lisliedhis
competence to entertaiii the proceedings unless and until the cornpetence
was successfully challenged I>ythe appropriate procedure.
In his judgment of rz Febriiary 1948, tlierefore, the Reus jiidge was
not called upon to examine. es officio and in detail, his prinia facie com-
petence to entertain the petition. So far as hc was concerned, and as

between himself and the petitioners, that competence \\.as undeniable
until successfully challenged.
On the other hand. as 1 have vreviousl\~ esvlained. under Svanisli
practice the Reus judge woiild be éspected.to glve an indicatioii'of Iiis
position on matters poteritially the biisis of an eventual challenge to liis
kompctence.
Named in the petition as defendant was iiforeign Company. cisserted174 BARCELOSA TRACTION
on the basis of various elements of eyidence to be engaged in commerce in
Catalonia but described as not having any domicile ordirect commercial
establishment in Spain. Necessarily, this raised a possibility of a challenge
to the competence ofthe court. Necessarily also,in indicating his position,

the judge was driven to have recourse either to Article 15 uf the Com-
mercial Code or to Article 51 of the Civil Code. both of which expressly
provide for the competence of Spanish courts in regard to foreigners. The
latter Article is moregeneral inits scope than Article 15ofthe Commercial
Code and, as we show on pages III and 112 of the volume in question
(A.C.M., Vol. VIII), it has been gixren extensive application by the
Supreme Court. The judge, as 1have previously pointed out, \vould have
been perfectly justified in indicating both Articles as bases of his juris-
diction. If he had, he might have saved some arguments in the present
proceedings. He contented himself with indicating Article 15 but no

one can suggest that there was anything sinister in that.
\mat then, Mr. President, aboutthe facts in evidence before the judge,
and the facts noted by him in his "considérant"?
Our opponents, \ire thiiik, overlook the preliminary and summary
character of the iu,ame.. of 12 Februarv under Suanish bankru~tcv
proccdurc. Un<lerthat prnct-~liirr.t,tijudgm~ntser\~~s;i;apioi~iiionnlu'r<l~r
pronouncing the baiikruptcv iiiilejs oppositioii is iii;idc aii<I:il>proprinrï
~rouii(li arc tiit;iblistit:<lfor jctti~ig it nii<le. It lins iiiiicli rlic saiiic chnr-
:icter:ij\iti;iin cominon I;i\i<\.ilvin-ij kno\in 1s nii ordcr riiji;thnt ii.
îiior<l<:r\i.liicli il zH~<:ti\.!.l>l>oicd\iil1Ijr;iiiiiiillIA rlic coiirt but.

if not.will become absolute:
The bankruptcy judgment is moreover given ex pavte on the basis of
the case presented by the petitioners. It has to be delivered within a very
short suace of time after réceivinr the uetition.
'I'ti\iidgc of Kciic ivas. of coursi:. I~uiiridro jct oiit ivith cuficiciicy in
his ju(lgriiriii [tic lacts \\.liich, prinin kisie. tic consi~l<:rcdas ,iijtif?ing
the declnrntion of I~nnkr~ivtcv. 11 \vas liis <lut\.. cs officioIO ilcteriiiinc
whether the exridencebefore him disclosed a p;i'ma facie b&is for such a
declaration. But his own competence he was bound to presume, and he

was not called upon similarly to set out al1the facts beariug on his geiieral
or his local competence. He was not called on to do more than to allude,
as he did. to any elements of fact which he thought useful to explain his
indication of Article 15 of the Commercial Code and Articles 63 (No. g),
65 and 66 of the Civil Procedure Code as the basis of bis competence.
These introductory observations, 1 can assure our opponents. are not
made for the purpose of asking you to overlook any monstrous blunder
made by the Reus judge. Nothing of the kind. Our purpose is simply to
correct what seems to us the false perspective in \\.hich our opponents
discuss his judgment. And then we do not think that you miIlsee anything

monstrous in the "considérant" by which he indicated the basis of his
competence.

TheCourt rose atI p.m. TWENTY-EIGHTH PUBLIC HEARING (29V 69. IO am.)

Present: [See hearing of 20 V 69.1

Sir Humphrey \VALDOCK: When you adjourned yesterday 1 \vas
dealing with the judgment of the Reus judge on jurisdiction. 1 had made
someintroductorv observations in order totrvand nut the iudcment into
what we think i<its correct perspective and: as th'ecourt m& recall, 1
had emphasized that in our view the judge had clearly based the general
competence of the Spanish courts upon Article 15 of the Commercial
Code, that is. on engagingin business in Spain.
The Reus judge had before him quite a bundle of documentary
evidence attached to the petition and the sworn testimony of witnesses
who spoke the truth of certain points in the petition. Tliis body of evi-
dence disclosed to the judge a series of facts each of which, whether or
Barcelona Traction's commercial activity, proiii Spain. Among tliem 1 mayf
mention:
First.thestated obiects of the comnanv were traction. lieht and Dower
in the city of ~arcelona andthe surro;nd;ng district, even ifthe coApany
declarecl itself. in the -egal documents,as a holding-compa.\r .aving no
domicile in Snain.
Secoii~lly, tlic conip3nv poj<es,cd al1 lihro'; sharcs 2nd bonds and
coiijtitiitc.d ivirlinisiiigl':eiitcrprit,!.\i.Iiicli,tliroiigli Ebru ;~ndotlicr
.;iit~iidi~rie11carricd out iht. operntioriiiiSpin eii\,ij;igc3 in its it;irc(l
objects.
Thirdly, the company had issued First Mortgage bonds which, like its
Prior Lien bonds, were secured on immovable property situated in
Catalonia.
Fourthly, the coupons of the First Mortgage bonds specified the
interest as payable in pesetas in 13arcelona.alloaing only an option to the
bondholders to take their interest in otlier currencies at other places.
Fifthly, the company had treated the assets in Spain of its subsidiaries
as if they urere its own for the purpose of issuing its owii bonds to the
public as mortgagc bonds and, in its 1945Plan of Compromise, had pro-
withdraiving from circulation its stcrling bonds.idiary Ebro as a means of
Sixthlv, tlie companv liad made verv large advances to finance
~onstriic\iori ;incldc\~elolini;.iitof tlic ol)rr:;tiiig ~urnI>:inicjin Sp3in.
ir\.cntlily. ttic coinpaii\.'i incoini: dcri\.i.J frmii e:iriiiiigj in ;~>:riii,li
currencv throuch-ts holdines"in com~anieswhoserevenues wereobtained
in pcsefas.
Eighthly, some of tlie compa.y's.bonds were in the hands of Spanish
nationals.
Xinthly, tlie company had attributed both its inability to payitsdebts
and its proposal for a plan of arrangement esclusively to conditions
affecting-Spiin.
And tentlily, the company's inability to pay the interest on its bonds
or to provide for their redemption applied not only to its sterling issues
but also to an issue of peseta bonds in Spain. BARCELONA TRACTION
176
The documents evidencing those facts, MT.President, although sub-
mitted exparte, sere documents which either emanated from the bankrupt
company itself or were official documents. Iii other words. the evidence
showing these facts was the kind of evidence which, in a provisional
judgment, it would be justifiable for tlie judge to treat as prima facie

proof of the matters contained in it.
In additioii, the Reus judge had of course before him, iii the petition
itself, furtlier assertioiis of the petitioners: notably those alleging that in
reality it was Barcelona Traction which operated in Spain aiid that there
\vas a cliaiii of command from Barceloiia Traction to Ebro by means of
xvhich tlie former engaged in activity in Spain. At that stage in the pro-
ceedines these allee~.ions were assertions oftlie ~etitioners \vhich. thoueh
fully c~iiiistciit \ritrlit:gciicr:il piciurc. prciéiiteiiitlir~luciiiii~'nisl.incl
IIOT ,,i<:~,>rcswdb.i.i< II11.ct:vi,Ir~ic,:l~ciurtlic)li~lg~~.
Now, tiie judge, as 1 have explained, \vas nit Fhen called upon to
justify liis conipetence oii the facts. \frhat dicl lie do? He did not, as our
oppoiients Say, base his jurisdiction on Barcelona Traction's ownership
of property iii Spaiii \vhich, fornierly, was tlie property of Ebro. He based

it oii Barceloiia Traction's having issued boiids which \irere secured by
mortgages on property located in Cataloiiia. adding that this property
moreovcr belonged to it tlirougli tlie iiiteriiiediaryof another company. Iii
other words, he chose as his chief element of fact the fact which formed
the vcry fouiidatiori of the baiikruptcy pctitioii before liini: boiids issued
by 13arceloiiaTraction seciircd on property iri Catalonia.
\\'as tlie judge's refereiice to that fact as ail indicatiori of Barcelona
Tractioii's beirig erigagecl iri commerce iii Spain so very absurd, 'Ir.
President? Can people normally arrange for the mortgage of property to
secure their o\vn debts \vithout having either the poiver tlieiiiselves to
control tlic dispositiori of the property or at least a contract witli those
who linve that same power? But in any eveiit tliere was autliority for the
vie\\! tlioiimortgage seciiriiig debts aliroatl upon property in Spain is

tantaniount to engaging in business in Spain.
Volume 1 of our Rejoiiider Annexes contains a long report by the
3linistry of Fiiiance ivliicli, inter cilin, sets oiit the fiscal aspects of the
activities of tlie enterprise. If the Court turns to page ror, it \\.il1see
that for tas purposes a niortgage secured oii imino\~able property in
Spain is treated as a transaction producing revenue in Spain and
thcrefore liable to tax. The rule was adumbrated in a hliiiistry of
Finance circular of Xovember 1903. It !vas then considered and es-
plained in a decision of the Suprenie Court of 16 May rgoj, and a few
months afterwards it was made statutorv b\l the Reval Decree of
30 December 19oj. < ,

The Supreine Court held that it niakes no difference \i,hethcr both
creditor aiid debtor are foreigners, or whetlier the interest is paid abroad.
It explained:

". . c'est en territoire espagnol que le préteur obtient ses revenus
piiisqiie, quelle qiie soit la forme soiis laquelle le capital est repré-
sentt, I'hypothèqiicco~~stitliezinc coitditioi~si essentielle, du point de
vue économique, que c'est la valeur desbiens hypothéqliés,jointe à
celle de leurs produits, et non le crédit personnel du propriétaire, qui
pcrinet au débiteur d'obtenir des capitaux en coiiservnnt la pro-
pribtéet l'exploitation de ses biens, et ail créancierde preter avecla ARGUMENT OF SIR HUMPHREY WALDOCK I77

certitude de percevoir en tout cas les intérêtset de récupérerle
capital préti." (A.Rej., Vol. 1, Chap. 1, p. 101).

The Supreme Court went on to conclude that those operations are
~~~.~~~nelv considered as "oortant sur la richesse nationale". The
~u~rem~Court, it seems clear, characterized the transaction~as one
"portant surla richesse nationale" independently of the debtor's owner-
ship of the property. It is sirnply the fact of capital's having been raised
and revenue obtained from immovable property i--.pain which forms the
basis of the principle.
We do not, of course, pretend to know precisely what considentions

the judge had in mind when he indicated the issue of bonds mortgaged on
propertyin Spain as a basis fortreating Barcelona Traction as engaged in
commerce in Spain: the common sense of the matter. or the principle
explained by the Supreme Court, orsomc other aspect. But it seems to us
inadmissible to characterize his conclusion of tliat indication as whollv
iii~ppo,itç. an,! >tillniorc in:idniiasibl? tu rt.g:ird itas a ju,iici:,l aberratio;
30 \r.ild:ijro LL.t'vidi.11~u ~LLacl fiitkiiiit\,z liidge.
It >ctiiii tc,11:cou~II\. iii.i<liiii~,ibloîl..it:ictrrizc the iiiddc rt.ftrrncc
to Barcelona ?'r&tion1s owncrship of the property tiroigh Ebro as

inapposite and evidence of bad faith. In the context of Article 15 and of
the mortgage bonds as evidence of commercial activity in Spain, how
could it be itiapposite for the judge to point out that, moreover, the
debtor conipany, through its oiimership of Ebro, had a complete power of
disposition over the property in Spain on which its bonds were secured?
Having placed his general competence on the plane of ljarcelona Trac-
tion's engaging in business in Spain, the judge had to consider the possible
irnolications of Articles 67 1x0. 0).65 and 66 of the Civil ~~ocedure Code
~. .,. ,.. .,
uii I.ii li,z.,l c<-tiil>tt<ncIliitir \i;i nut ;x rliic>tiiii.\Ir.1il111 iiiidvr
tli~jc ,\rticlc, (iftliii'i\il I'roccdiirc t:otlr..of ~~.t:~blisliii:ii cornp~tcnc~.
to riitvrt:tiiitlitprocrcdingi. So f;ir 3s lit! ii.:coiiccriic~ltIi;itwai ;ilrc;icly
coi.crcfl by tlic siil,itii-:inii of ilif]>roc<,.:iling;to Iii ci~iirt I>vtlic pcti-
tiuiicri. l~it tliu i>o=iil)iliiv csiited of i~roceedinp;-heitil: "iistifute<l 111
another court and'of a décl~itatoire.
In bankruptcy matters it \iras Article 63 (No. 9) which provided for
cases of concurrent competcnce. It had two paragraphs, the first of which
indicated any place arliere the court is seized of a procedure of execution

against the debtor. The second stnted that preference should be given to
.the domicilc 01the debtor if either he or the majority of his creditors so
dernandcd. but that otherwise the court should have competence wliere
the bankruptcy was first declared.
A problem arose for the judge of Reus [rom the fact that the juris-
prudence of the Supreme Court ivas divided in cases where bankruptcy
proceedings have been instituted on the basis of a cessation of payments
mithout there being any execution proceedings already pending. In some

cases the court of the debtor's domicile Iiad been preferred, in others
that of the court first to declnre the bankruptcy. This being so, and the
bankrupt heing a Company Iield by the judge to be engaging in business
in Spain, he felt himself called upon to considcr the possible implications
of the rules in Articles 65and 66 concerning the legal domicile of persons
eneaeed in commerce.
ïn-tlix case of :i CUIII~RI~!.tlw tffrcl of t1,t'ie :Articles \vas 10 lircicribe
tl.,. tou.ri notitic,;i3 its lcgal ~loniicilein its ionititiition or t:itote~ or, 17~ BARCELONA TRACTION

commercial operations. Looking at these provisions, the judge at onces
found himself confrontedwith yet another problem. The bankrupt was a
foreign Company engaged, as he Iield, in commerce in Spain whose only
domicile notified inits constitution or statutes was at a place abroad and
who did not admit to having either any domicile or any centre of com-
mercial operations in Spain.
What did he do? He referred to the fact that part of the property in
Spain by which the mortgage bonds were secured was in his judicial
district. This fact,1 mar-.erhaps. .int out. was not iust a matter of
no tu ri^.in tlic rli..trict hut ;ipj)c;irc<lexl'insoiirof thc docunit:nr.;
11i.lorcI.ii:a;tliiCoiirr m;i!;ce [rom thr tliird par:igr;~in page 30 of
\'uliiiiic \'Il of oiir iuurit~r-\lcinuri;iI .\iiiicxi.i
Precisely what the judge intended when he indicated that fact in the
"considérant" may not be entirely clear. But since he was holding the
mortgage of Barcelona Traction's bonds on property in Spain to be evi-
dence of commerce in Spain.by indicating that part of the property was
in his judicial district, he presumably meant that a part, at least, of
Barceloiia Traction's commercial operations was in his district. Perhaps
he thoiight tliat, in the absence of any acknomledged domicile or centre
of operations,tliis could sufficeto furnish a basis for his competence under
Articles 65 and 66 of the Civil Code. Uearing in mind that Barcelona
Traction, il engaged in commerce in Spain, had violated the Commercial
Code by not registering its domicile. \vas this really such an irrational
treatment of the problem? Especially when the judge, as he was fully
entitled to do, went on to underpin his title to competence with a second
basis, the jurisprudence of the Supreme Court in its decision of 3 April
1922 (A.C.hl.. \'ol.\'II,p. IIS) ,referring the court making the first
declaration of bankruptcy?
the Reus judge's "considérant"hfr\vas the most perfect or tlie most artistic
which might have heen produced on the evidence then before him. What
we Saytothe Court isthat there isnothingwhatever in tlie "considérant"
to justifythe conclusion that he travelled outside the proper limits of his
judicial function in formulating it as he did.\\'e think that the case by
which Ouropponents seek to convict the judge of bad faith and abuse of
his judicial function is completely vitiated by two serious defects. Firstly,
they disregard the provisional summary and el-parte nature of the judg-
ment of 12 February and secondly. by neglecting the significance of the
judge's reliance on Article 15 of the Commercial Code, they misstate
fundamentally the reasoning of the "considérant" in which he deals with
his jurisdiction and competence.
1 now pass, MI. President, to the subsequent pronouncements on this
point in déclinatoireor appellate proceedings. 1do not propose to try the
patience of the Court by going through these pronouncements in the same
detail as 1have with the judgnient of 12February. That judgment is the
primary target of our opponents' attack and, ifthe Court is convinced
that that attack fails. there really is not very much left to be discussed in
regard to the denial of justice alleged to he found in the subsequent de-
cisions of the Spanish courts regarding jurisdiction. Nevertheless our
opponents' attacks upon these subsequent pronouncements cal1for some
comment.
Our opponents have sought to build for you a picture of the judge of ARGUMENT OF SIR HUMPHREY WALDOCK '79

Reus, the special judge and the Barcelona Court of Appeal twisting and
turning in order to try and find some plausible basis for supporting the
allegedly shocking decision of 12 February 1948. They begin this little
caricature of the Spanish courts on the second half of page 404of the
fifteenth day and it riins throngh to page 407 (VIII).These pages seem
to us by themselves quite sufficient to discredit Our opponents' case on
the supposed denial of justice. In drawing that caricature, they again
disregard the provisional and summary character of the original judg-
ment and the conseqiiently normal proccss of the expansion of its
reasoning in face of a pertinent déclinaloire challenging the court's com-
petence. They again disregard the fact that the "considérant" of the
original judgment deals not only with the general but also ivith the local
competence of the court; and they treat the judge's references to his
local competence as if they were references to his general competcnce.
And they again disregard the fact that the judge based his gencral com-
petence on Article 15 of the Commercial Code and thus on commerce in
Spain.
Now il the Members of the Court will be good enough to look at what
Ouropponents Sayin VIII,page 405 of that day aboutthe judge of Reus'

handling ofthe Garcia del Cid déclinaloire and at the text of the judgment
dismissing it, they will easily seewhat wemean. The text of the judgment
used by Our opponents is a French translation printed on page 321 of
Volume II oftheir MernorialAnnexes and forconvenience. 1 also use that
text.
Our opponents preseiited this judgment to you as follows:
"The denial of justice of which, according to the Bclgian sub-
mission, the judgc of Reus was guilty on rz February 1948, is
underlined by a further judgment which he gave two weeks later in
the declinatory proceedings brought by Garcia del Cid. in which he
[that is the judge] purported to advance the very grounds of the
judgment declaring bankruptcy but in which he omitted some of
those grounds and added two new hardly more convincing reasons.

He now refers also to Article 70 of the Code of Civil Procedure,
another provision dealing with local venue. It simply rendcrs the
provisions relative to competence applicable to foreigners. but does
not add anything to those provisions. In particular, it does not
contain any nea. or independent definition of the circumstances in
which foreigners are subject to Spanish tribunals.
Furthermore, the judge refers to Article zg of the Ilecree on
Foreigners of 1852, which is another provision making foreigners
domiciled in Spain subject to Spanish law." (\'III, ... 4~4~405.)
'flicre15 onc fiirtlicr acntcncc Ir. I'rcsi(1cnt 10 \il~ich 1~tiallrt:tiiiii.
But 1 trnrit tu ,col1 ttrcrr. :inda,k !.oii tu nutc lioiv !~ii.irs rtl>onrt:iitly
nikerl to iin<lrrit:iiirIi;<in tliijdicli>intoirciiid~.inciit vuSLX th^iiidl?c'of
Reus anxiously investigating his general competencé to exercis'ejiris-
diction over Barcelona Traction as a foreign Company and dcsperately
turning thisway and that in his efforts to justify it.
But was he, Mr. President? It might have helped to give you a more
balanced picture of the judge of Reus, if Our opponents had reminded
vou that the Garcia del Cid déclinaloire did not relate to his eeneral
, ~ ~ ~.
coilipetcilcc 31 <111:\s ttic iirstp:<r;tgrn(>ioif tlic ]ud~inciir ,liolvi. tlic
:+pplicntion \vas for [hi: cnic to 11, rtniittcd frorii thv I<t.iiicourt ti~[lit:180 BARCELONA TRACTION

Barcelona court of first instance; a question purely of local competence.
Naturally, it is in the light of this object of the proceedings that the
"considérant" in this judgment has to be understood. The "considérant"
itself reads:

"La compétence des Tribunaux espagnols pour connaitre de ce
jugement universel ayant été reconnue conforméinent au Décret
Royal d'extranéitédu 17 novembre 1852 .a compétence du présent
Tribunal est déterminée par les motifs mêmes du jugement de
déclaration de faillite, à savoir par l'art15ldu Code de Commerce
et l'articl62. règlesg et 70 de la Loi de Procédure Cii,ile." (A.M.,

Vol. 11. p321.)
\\'el1 now, the judge there makes a very clear distinction between the
general competence of the Spanish courts with respect to Barcelona
Traction and his own particular competence in relation to the Barcelona
court;and it was only the latter point upon which lie had to pronounce
his judgment. I3ut our opponents run both things together and what kind
of accusations do they throw at the judge? They tliunder that he pur-
ported to advance the very grounds of the judgment of 12 February, but
in fact omitted some and added two new hardly more convincing reasons.

This seems to us, hlr. President, a quite extraordinary way to go about
reading a judgment. \\lien a judge says that he determines Iiis own local
competence upon the very same grounds as in his previous judgment, is
it not tobe supposed tliat he actually means what he says? And when,
without repeatiiig the indications of fact contained in that judgment or
its mention of a Siipreme Court decision,he specifically picks out the tno
principal statutory textson which lie based that judgnient, is it really to
be supposed that his omission to refer specifically to two other texts
mentioned in the previous judgment shows that. after all, he was chop-
ping and changing his reasons for justifying his competeiice? Could any
judge escape condeniiiation if his judgments aere read in tliat way?
Our opponeiits' thunder conceriiiiig the supposed shiftiness of the
judge in adding a mention of Article 70 of the Civil Procedure Code is no
less astonishing. They actually protest tliat this is ail Article dealing witli

local competence and contains nothing new about the circumstances in
which foreigners are subject to Spaiiisli tribunals. But, as our opponents
neglect to tell you, the judge was in fact dealing mith a déclinatoire
directed to his local competence. \\'hy then, should mention of a further
text regulatinglocalcornpetence beconsidered tocoii\,ict theunfortunate
man of a grave abuse of his judicial function?True, the further text did
not add anything that was not already implied in Iiis previous judgments,
but Article 70 was extremely pertinent to the matter in hand. It lays
down that the provisions of tlie preceding articles of the Code dealing
with competence, wliich include al1 the articles on local competence on
which the judge had relied on his pre\,ious judgments, are applicable to
foreigners. His local competeiice had been challenged aiid the bankrupt
was a foreign Company.
Admittedly. the other ne\\- article mentioned by the judge, Article 29
of the Royal Ilecree of 1852, does coiicern the general competence of
Spanish courts over foreigners. A French translation of tlie Article is in

the middle of page 109 of Volume VI1 of our Counter-Memorial Annexes
and at the bottom of page III tliere is an explanation of its present
status in Spanish law. Now this Article brings me back, Rfr. President, ARGUMENT OF SIR HUMPHREY WALDOCK 181

to the hnal sentence of our opponents' comment which 1 had omitted.
auite incidental since that was not in issue in the déclinatoire.and the
;,,ferencc to tlic. .ArticI<::ippcnri etliiall? inci<lcnt;il Ho\i.,:\.çr, strcssing
thnr tkieArtiçlc isone iiiclutlirig foreigners ilomicilc<lin Spaiii siil>jt:crto
Spnnish lajr..oiir opponcnts (Irnx.tlii:ntteiition ol tlic Coiirr ro !\.liat t1it.y
c;illthe liidgç'fiiiliiro :ipprecintitli~t,oii tlic 11:i;isolkon.n riridiiics.
the Decree of 1852could not br in point. That comment is no more tlian
a throw-back to-the misreading of-the judgment of 12 February by our
opponents which 1 have already esamined But if one allows the unfor-
tunate judge the benefit of his own reasoning and not that attributed to
him, was it really out of point for him to refer to the 1852Decree?
True, Article 29 of the Decree speaks of foreigners "domiciled or in
passage" being subject to Spanish law and Spanish tribunals. But the
judge had held that Rarcelona Traction. although having no known
domicile in Spain, was engaged in commerce in Spain,within the meaning
of Article 15 of the Commercial Code. On that basis, Barcelona Traction
had violated the law by fniling to notifyits commercial domicile in Spain
to the authorities. 1sit conceivable that in such a situationand applying
such a text any judge anywhere would allow the foreign Company to
plead its own violation of the law and claim that it was not subject tothe
local law because not domiciled in thecountry?
No, Mr. President, the judge's reference to the 18jz Decree may a150
not have added very much to what was already implied in his earlier
reference to Article 1. of the Commercial Code. But it was not out of
point.
1 now pass to the judgmcnt of 12 February 1949given by the special
judge rejecting the Boter déclinatoire.This déclinafoireasked that the
Spanish courts should decline jurisdiction in favour of the English courts
and therefore did put in issue the general competence of the Spanish
court. A French translation of the judgment is given on pages 411 to 414
of Volume II of the Belgian Mernorial Annexes and our opponents
opened their discussion ofit on page 405 (VIII) of the 15th day with the
followirigobservation:
"To the seven alleged reasons,including sis statutory provisions,
so far given by the judge of Reus, the special judge now adds three
additional reasons, including one statutory provision, making a total
of ten up to this point."

Our opponents, as 1mentioned earlier, prefaced their attack upon the
Reus judge by underlining the distinction between general and local
competence. Why they did so we cannot imagine; for they never there-
after paid any attention to that distinction. Here, four of the statutory
provisions invoked by the judge of Reus manifestly relate to local com-
petence and local competence alone; only two-Article 15 of the Com-
mercial Code and the 1852 Decree-relate to the general competence of
suspicion on the intentions of the Spanish courts. The result is a total
confusion of the issues of general and local competence which vitiates
this sort of criticism abinitio. 1shall not pursue the point.
But 1must say a word more on the question of the supposed writhings
and contortions of the Spanish courts in their efforts to hnd a plausible
explanation of the supposedly monstrous decision of the Reus judge. The182 BARCELONA TRACTION

special judge, in dealing with the Roterdéclinatoi wrasstanding in the
shoes of the Reus judge. The general competence of the court which,
Reus judge had now heen expressly challenged. It was therefore only the
natural that the special judge should examine more fully and give a more
fully reasoned decision on the question of his general competence to
entertain the proceedings. Yet it is apparently suggested that. by the
mere fact ofdoing what it was his judicial function to do,the unfortunate
man could not fail to furnish this Court with evidence of an abuse of his
judicial office.Do judges inBelgium. we wonder, face thisawful dilemma
when they feel disposed to support a judgment by adding new consider-
ations to supplement its reasoning?
The Court may. indeed, finda certain interest in the contrast between
ouropponents' approach here to the interpretation of judgments affecting
Rarcelona Traction and their approach on page 329 of the Reply, V, to
the inter~retation of other Spanish iudcments. When it is a question of
s~~ecpiiig'uii<lctrlie carpiri~oii~éii~cnt~~uriipru<l<.cehifihist Spariisli
courts. what is the lofiical approach to judjirnents ad\.ocated by Our
opponents? Let me read it :

espagnol. qu'un critère de compétence a étéaffirmépar certainesent
décisionsiudiciaires ou Dar la loi de certains Etats, pour pouvoir
affirmer G'une déclaration de faillite fondéeexclusi<emeni sur ce
critère serait internationalement justifiée. En effet, la méthode
adoptée par le contre-mémoire ne tient pas compte de ce que, dans
la plupart des cas tranchés par la jurisprudence qu'il cite, il existait
plusieurs points de rattachement A la jurisdiction du for; le fait que
les décisionsaient retenu, dans leur motivation, l'un de ces points de
rattachement et non les autres ne signifie pas qu'elles l'eussent
considérésuffisant s'il avaitétéle seul."

Now this Court is therefore asked, it seems. to proceed upon the basis
oSpanish courts. When the highest courts in the land have pronounced of
after the fullest consideration of the case, their reliance on this or that
point apparently means nothing; they may have had any manner of
other points in their minds as the hasis of their decisions. When, how-
ever, a judge of first instance dealing with Rarcelona Traction pronounces
a summary judgment on a provisional view of exparte evidence, he is to
he understood as having dealt eshaustively with every point in the case
which he then considered capable of supporting his decision.
On page 405 (ViiI) of the record, Our opponents criticize the special
judge's references to two matters of fact.do not think that 1need pause
on these criticisms because they will be sufficiently covered by what 1
shall Saylater. 1cannot fail, however, to point out that the special judge
refers to other elements of facthan those mentioned by our opponents;
and that they repeat here once again their canard that the Reus judge
had implicitly denied the existence of any business of Barcelona Traction
at al1in Spain. In general, Mr. President, we are quite content to leave
the appreciation of that judgment of the special judge to the Court. It is
a competent, persuasive piece of judicial workmanship which 1s. we
think, impervious to the kind of missiles being thrown at it by our
opponents. ARGUMENT OF SIR HUMPHREY WALDOCK 183
The special judge did invoke a new statutory provision, Article 51 of
the Civil Procedure Code,of which 1 must speak a little. But 1should like
first to refer to the judgment of the Barcelona Court of Appeal in 1963
dismissing Boter's appeal against the special judge's rejection of his
déclinaloire; forArticle51 appears also in that judgment and it will be
convenient to discuss Article 51 in both contexts.
Not only was the case before the Barcelona Court of Appeal an appeal
but Barcelona Traction had now associated itself with the proceedings-
the déclinaloire Boter-and there was, in addition, further evidence
before the court. Accordingly, it ought not to surprise anyone that the
court dealt with the question of competence at substantially greater
length than it had been dealt with by the special judge. This again-this
judgment-is a thoroughly competent and logically argued judgment;
and is one which. in Our view, is fully capable on its own merits of stan-
ding up to Ouropponents' attacks.
Our opponents, on pages 406 to 407 ofthe record (VIII), point to the
court's references in paragraph 5 of its judgment to some 30 of the new
documents which it had before it. And they complain that the documents
referred to do not constitute any evidence of Barcelona Traction's being
engaged in business in Spain in February 1948 or shortly before that
dments, at the same time saying that they are tenipted torefer to each of
the 30 documents. But they resisted the temptation and, as 1 have al-
ready troubled the Court rather long with siniilar evidence from those
archives, 1donot think that it would serve any purpose for me to grapple
in detail with the comments of Ouropponents upon the three documents
in question.
In Our view. the question whether a foreign Company is engaged in
commerce or has a place of business in Spain is, and must be, primarily a
question of fact. In saying that we are merely adopting the same stand-
point asthat taken by Judge Hand in theSan Antonio case. We and Our
opponents differ radically as to the facts which may constitute evidence
of engaging in commerce. We shall therefore Say only two things about
the documents referred to by the Barcelona Court of Appeal in its judg-
ment. First, tliat thcy contained various indications of business in Spain
which it wasreasonable for the court to take into account in appreciating
whether Barcelona Traction had been engaged in business in Spain before
its bankruptcy. Secondly, a number of the facts invoked and of the con-
clusions drawn from thern by the court, seem to have their parallels in the
San Antonio case.
1ask the Court to turn its attention to Artic51 ofthe CivilProcedure
Code, cited by both the special judge and the Rarcelona Court of Appeal,
andalsototheconnectedquestionofthe Moncayocasecitedbythosecourts
under the title ofthe judgrnent of 17 January 1g1z(A.R., Vol.II,p.475).
The judge of Reus, as the Court has seen, cited the Royal Decree of
1852, a forerunner of Article 51, in his judgment in the Garcia del Cid
déclinaloire,but in neither of his judgments did he cite Article 51. It was,
on the other hand, included amongst the texts cited by the special judge
and the Court of Appeal. The Article States:
"The ordinary court shall also he competent to hear civil cases
arising in Spanish territory between Spaniards. between foreigners,
and between foreigners and Spaniards."184 BARCEWNA TRACTION
Its purpose, as our opponents noted, was to render foreigners subject to
the same tribunals as Spaniards. That beine so. thev sav. the Article
u ., .
doe, not toiicli the <lu&tion iiiider ivhat circurnsrances the ordiiiary
coiirtsilrc.tutIiuri~ed toescrrisétheir ~urisdiction in respect of foreiçners.
.\nd t1ii.yimpl! rh:it tlic introdiiction uf this .4rticlc iiito the ri;:iroiiiiig of
the spcci.il judge aii.1 tlit: Court of i\ppc.al \va, simply aiiotlicr~p~:ciou~
attcmtit to pru\.idc. oiiic Iqnl-loukiiig cluthcs for the <ii.p--i:dlv I:t\i.l~~i
decision of flic Reus judge. -
Our view, as 1 have :xplained, is that Article 15 of the Commercial
Code was entirely sufficient hy itself as a statutory text upon which to
found the ee.eral cornoetence of the S~anish courts to entertain bank-
ruptcy prucec<lings \vith rciprct to I3;ircelona 'l'r:iction. I3ut \ce saiiiiot
;iic*,lXthe ,iiggestion of Ouropponcnts thar the refcrcncc ro ~irriclç jr of
thta Ci\.iI l'rosedure Code h;id no be:irine on the Heuî .U~EC'S eeri<.ral
competence with respect to Uarcelona Traction and was a mere Fiece of
windoiv-dressing.
Article 51, cornbined aith Article 70, subjects foreigners not merely
to the ordinary courts but also to the general rules of the Civil Code

concerning procedure and competence, and these include, for example,
the rules governiiig express and tacit submission to competence by the
institution of proceedings. Article 51, as we have explained on pages III
to 1x6 of Volume VI1 of Our Counter-Memorial Annexes, has been liher-
ally interpreted in an extensive jurisprudence of the Supreme Court. The
jurisprudence there cited is by itself sufficient to refute our opponents'
suggestion tliat on tliis matter the Spanish Government is inventing new
doctriiies. Still more does that jurisprudence completely explode the
idea that there !vas ariything specious or disingeniious in the introduction
of Article 51 into the reasoning of the special judge and of the Court of
Appeal. That jurisprudeiice shows that it is almost derigueurto refer to
the implications of Article 51 in cases raising questions of competence
over foreigners. 1do not, therefore, feel that 1 need do more than ask the
Court to refer to those pages.
1 pass then to the Moncayo case, about the implications of which there
is a difference of opinion. It aras.as I have alreadv recalled. a case con-
c~.riiinl:the b:iiikriiptcy of :i I3clgi;incuriipnn!..
'I'tisSiipr<.iiic:Coiirt lincl citi:(l t)otli :\rticle theoCivil l'ri>i:i.(lurc

Cudc 2nd :\rticle 1s of rli~Ccinim~rcialCoile as I>:ia~sof itisoiiip~tcii<:r.
with respect to the foreign company. The court then, in its th&d "at-
tendu". invoked as its first element of fact the circurnstance that the
petition in bankruptcy had heen filed by the foreign company itself. \fre
of course, accept Our opponents' contention that this was the principal
grouiid on which the court founded its cornpetence. But we differ sharply
from Our opponerits when, on page 408 (VIII) of the fifteenth day, they
imply that the further elements of fact invoked in that sarne "attendu"
of the judgment were not regarded hy the court as further relevant and
sufficient eroiinds uoon which a s~anish court niav assu2e ~ ~kruotcv . .
jurir~lictioiiowr n forcign conipany. \\'tare conti:rit. by way of rvply.
to liniiin oiir oppr,iients' in\.ir;itioiirlicCuiirt ro re:i<ltlic decibion. For
tlicir inreruret:ition of tlic".îttcndu" sçciiis tous tu ovcrlouk tlit.cuiirt's
clear placing of these additional elements of fact among the considerations
by ivhich it justified the exercise of hankruptcy jurisdiction over the
foreign company in question.

A French translation of the judgment is on page 475 of \'olume II of ARGUllENT OF SIR HUMPHREY 5VALDOCK 185

Our Rejoinder Annexes and on the three preceding pages of that volume
there is a note commenting on the case. We shall not, therefore, embark
upon a detailed analysis of the wording of the judgment.
We cannot, however, let pass altogether an observation of Our oppo-
nents on that same page of the record, designed it seems to get rid of the
significance of the Supreme Court's reference to two particular elements
of factas relevant bases of bankruptcy jurisdiction in Spain.
The elernents in question were the fact tliat property contributed as
capital on incorporation of the company was immovahleProperty located
in Spain and the fact tliat the majority of the creditori were Spanish.
Our opponents maintain that these facts were invoked simplv aselements
supporiing the conclusion that the centre of the cornpan).,: cornniercial
operations was in Spain. The relevant passage of the "attendu" reads:
"...qu'au surplus les biens apportés en tant que capital lors de la
constitution sont des immeubles sui se trouvent situés en territoire
cspngnol que 13niiloritr: dc; ~.rC:incii:iisorrlcaI?sp:,piul~~rque 1,:
ci:iitrc <Ic s iil~i:raiito<:oiiiiiiercinl~saLtr'I'l~-.a~iie..." :\.Re1
Vol. II, p. 475):
We do not understand why it should be so clear that the first two of
three quite separately stated elements sliould have been intended inerely
as make-weiglits to support the last.
\\'e do not ask, and we have no need to ask. the Court to give to the
decision of the Supreme Court in the Moncayo case any more weight or
scope than its language will bear. A simple reading of its first three
"attendus" suffices to show how perfectly natural and proper it was for
the special judge and the Barcelona Court of Appeal to ~nakemention of
the Alol~cayodecision in their judgments. And the Supreme Court's
decision in tliat case is far froni standing alonc, as can be secn from the
jurisprudence cited in the notes in OurAnnexes to nhich 1have referred.
You are not called upon, AIr. President. to determine whetlier the
formulations of their judgments by the lieus court. the special judge and
the Court ofAppeal were the most correct or effectiveformulations which
could have been devised. You are called iipoii only to determine whether
those judgments exhibit an intention by the courts concerned to abuse
their functions and deny justice to Uarcelona Traction. The.burden of
proof is not iipon us, Mr. President. But by analysing the judgments,
pointing to statutory texts and explaining the relevant jurisprudeiice,
we have sought to give the Court the mearis of satisfying itself that in
formulating their judgments as they did the juùges concerned in no way
travelled outside the legitirnate exercise of their functions in the appli-
cation of Spanish legislation, Spatiish procedure and Spanisli juris-
prudence.
By way of rounding off the rnatter of the il.i'or~~acase and Article 51,
1 should like to remind the Court again of a decision of the Barcelona
Court of Appeal nearly ten years before the bankruptcy of Uarcelona
Traction. nainely the decision in the Niel-on-Rzcpell case in 1939. The
court there upheld the defendant Belgian cornpany's objection that the
plaintiff company had failed to make out its title as a creditor. Thecourt
thus showed that it had no kind of aiiimus aeainst the companv. The. .
Iitlgian compm). Iia<l.Iio~vevcr.also object~d ïo tlic%court's cornpcrciicc
ro eriicrt;iin biinkruptc!. proceedingj cunceriiing it. cl,iiiitiitli;itirh:id
no activity or business in 3p,i111\~,lt:~te\.e'l'lCourt of .Appilal.in\oki~ig ARGUMENT OF SIR HUDIPHREY WALDOCK '87

in mind that this allegation implies the gross abuse of their functionsand
of Spanish law and procedure, we submit that the Belgian Government
has xvhollyfailed to establish any plausible basis for that allegation.
1 propose now to take up quite briefly, Mr. President, the second issue
of jurisdiction: the alleged violations of international law through the
exercise of enforcement jurisdiction against the assets of Barcelona
Traction's subsidiaries in Spain.
On tlir,i~jt~ry;itioliof jiiri;dictii)li aspect. oiir ciisei~rriri:illy tbnr
~~eie~ite~tlo Court II!our I~.~?~II~ c.oIllei~guel'rofcsior (;~~~rllll~iln.
On tlic <lenial of iuiiice .iiAcct.. .II\lenrned Si>xnisticollcac-r.i ivill
address you a little later.
hly task then is the limited one of submitting to the Court the con-
clusions of this issue of jurisdiction whicb we ask it to draw from the
facts which 1 have presented to the Court during the previous two days.
In general, MI. President, we submit that when the judge of Reus
treated the assets of Barcelona Traction's subsidiaries in Spain on the
basis that they were in substance the assets of Barcelona Traction. his
decision to do so was in plain accord with the actual facts as we knoiv
them today. As justification for this submission we rely upon the 14
general facts which wc have already submitted as being established by
the evidence. Eveii more, we rely on the following particular facts as
being also established by the evidence:
(1) Barcelona Traction owned al1 the shares and al1 the bonds of Ebro
and virtually al1the shares of the other subsidiaries;
(2) Barcelona Traction financed and directed the operations of the enter-
prise in Spain as if they were its own operations;
(.- the enterprise had a chain of command and a staff which operated
as a unit;
(4) Barcelona Traction used the assets of the enterprise in Spain as
security for its bonds as if they were its own assets;
(5) Barcelona Traction repeatedly manipulated the accounts of the
companies of the enterprise as ifthe enterprise was a single financial
unit;
(6) Barcelona Traction repeatedly disregarded the corporate personalities
and corporate estates of the companies of the enterprise by auto-
contracts. depreciating their capital in favour of Barcelona Traction
or of another Company of the enterprise;
(7) Barcelona Traction and Ebro repeatedly manipulated the rates of
interest payable as betrveen them as if Ebro's corporate estate was
subject to Barcelona Traction's disposal;
(8) Barcelona Traction insured the staff and property of the companies
in Spain as ifthey were its own; and
(9) Barcelona Traction persistently sought. by deceit and misrepresen-
tation, to conceal the essential unity and identity of Barcelona Trac-
tion with the enterprise in Spain from the Spanish authorities.
Further indications of the unity of the enterprise could be added, Mr.
President, but. in our view, the facts just mentioned fully suffice to
justify the assets of the companies in Spain being treatedas, in substance
and in law, the assets of Barcelona Traction.
On the issue, therefore, of the legality under international law of the
exercise of enforcement jurisdiction by the Reus court, we base its
justification on two grounds:188 BARCELOSA TRACTION

(1) there was no esercise of Spanish jurisdiction outside Spain and no
encroachment on Canada's sovereignty, as Professor Guggenheim
has shown; and
,-! the treatrnent of the assets of the subsidiaries in S~ain. as assets of
Barcelona Traction, was in complete accord with the objective facts
and cannot, for that reason also, be made a subiect of complaint of
usurpation of jurisdiction.
On tlie issue of denial of justice, the propriety of the decree of seizure
under Spanish law will, as 1said, be exarnined by my Spanish colleagues.
1 therefore limit myself to pointing out that the treatment of tlie
assets of the subsidiaries in Spain as assets of Barcelona Traction by the
Reus judge was in accord with the objective facts. At the same time it
may be pertinent for me to recall the words of Judge Hand when he
explaiiied the rafionaleof the law regarding the property of a bankrupt:

"A bankruptcy proceeding [he said] is a kind ofequitable attach-
ment. which should be held to reach whatever assets any available
judicial process can reacli." (New Doc. rgGg . ol. III, p. 117.)

1 cannot leave the question of the alleged denial of justice in the
exercise of jurisdiction with respect to Harcelona Traction without
rnentioning again the reaction of Harcelona Traction itself to that exercise
of jurisdiction. As the Courtwill appreciate. the more our opponents seek
to persuade you of the manifest character of the supposedly 5oss vio-
lation of Spanish law in\.olved in the Reus court's assumption of juris-
diction. the more extraordinary becomes ljarcelona Traction's failure to
intervene at oncein the proceedings and challenge the generalcompetence
of the Spanishcourts.
As we know from the oral hearings, Barcelona Traction deliberately
chose to adopt the bonnetblanc,blanc bonnetpolicy and thrust Ebro into
court instead of itself. But Ebro. in its application of16 February 1948,
had nothing to say as to the Spanisli court's lack ofcompetence to assume
jurisdiction over Barcelona Traction. Even Ebro challenged the seizure
of its assets only on the substantive grounds; in doing so, however, it
deliberately resorted to lies about its shares being bearer shares in order
to throw doubts on Barcelona Traction's ownership of al1its shares and,
in that way, throw doubt also on Barcelona Traction's ownership of the
assets in Spain.
Ebro always \vas the one put up to tell the necessary lies to the Spanish
authorities and here you have it again with the judicial authorities, and
for the purpose of trying to evade their enforcement jurisdiction.
Mr. President. it isa fact that Barcelona Traction asked for the first
time to appear in the bankruptcy proceedings only on 18June 1948.
Even on that occasion it failed to challenge the jurisdiction of Spanish
courts in the DroDerand the oblieatorv firms provided for bv Süanish

It was only on II &ri1 1953. by adhering to the Boter déclinatoire,
that Harcelona again tried to dispute Spnnish jurisdiction, but by that
time surely, Mr. Presideiit, it was al1much. much too late.
Fi~i~ilI~,Ir l'rr~iilt~i~,C :,re iir~tiiiia!v;t1i:t0111 opp<~i~riita,iii-
plniri tliaiii13;ircclonnIrtiztion [lie Kziisjudge diil norIiairbefurc Iiirii
a potciitial or pl<iusiblt?Iitiiikrupt at XII.Seiiur GiI-Kohl,%lia, alreaJy ARGUMENT OF SIR HUMPHREY WALDOCK 1~9
made some comments on Barcelona Traction's general financial con-
dition. Other colleagues who follow me will have occasion ta fiIl in the

picture of Barcelona Traction's financial condition before and at the
date of bankruptcy. The Court also has before it the several reports of
Peat, Marwick which throw rnuch light on this aspect of Belgiurn's
cornplaint regarding the exercise of jurisdiction over Barcelona Traction.
Nothing, therefore, is called for from me on that point. PLAIDOIRIEDE M.REUTER

CONSEIL DU GOUVERNEMENT ESPAGNOL

M. REUTER: Monsieur le Président, Messieurs lesjuges, la partie des
plaidoiries espagnoles que nous aurons l'honneur de vous présenter porte
sur la cessation des paiements de la Barcelona Traction et les actes des
autorités non judiciaires. Un autre conseil espagnol, le professeur Uria,
exoosera les oroblèmes de la cessation des oaiements au reeard dudroit -~
de'la faillitein Espagne, tel que les tribunais espagnols ontëté amenés à
l'appliquer dans la présente affaire. On ne saurait cependant oublier que
tous les élémentsde la cessation des paiements sont solidaires, comme
nous serons amenés à le rappeler par quelques allusions. Si la Cour le veut
donc bien nous garderons-présents à l'esprit simultanément les deux
asoects de la cessation des'~~iements.
'Auregard des autorités non judiciaires, l'opposition entre les théses
belge et es~arnole est àla fois sim~le et radicale et uorte sur les causes de
la cëssatioi d'espaiements.
Pour la Belgique, la cause est, dans un premier temps, la pénurie de
devises valant force majeure qui frappe l'Espagne et qui remonte de
1'Etat à Ebro et de là à Barcelona Traction. Puis, dans un deuxième
temps. la cause de la cessation des paiements est un refus illicite des
autorités espagnoles désireusesde soutenir des intérêtsprivéshostiles à
la Barcelona Traction.
Pour l'Espagne, il n'y a pas eu force majeure. La cessation des paie-
ments tient, pour une part déterminante, à ce que les sociétésintéressées
n'ont pas fourni aux autorités espagnoles des informations suffisantes
pour recevoir les autorisations nécessaires ni pris, à cet effet, les voies
convenables; thèse que le Gouvernement espagnol a vu confirmer d'une
manière définitive et, nous le montrerons plus tard, opposable à la
Belgique, par la déclaration conjointe du II juin 1951 (A.C.M.,chap. II,
vol.VI, p.5). signéepar les Gouvernements anglais,canadien et espagnol.
Cette opposition explique pourquoi notre distingué contradicteur a
consacré une si longue part de ses plaidoiries à montrer que l'attitude
espagnole était irréprochable; mêmedans ses refus, l'Espagne est inno-
cente, tant du moins que l'ombre du financier majorquin ne sera pas
venue recourvrir de sa noirceur le cours des événements.Mais, cette
innocence de I'Eso.e,e. .n. le Gouvernement belee reconnaît. n'est oas
reconnue d'une maniere désintéresséeC . 'est leGobernement'bel e qui
a besoin de la pénurie des devises valant force maieure. II en a %esoin
intérêtsoou ceux qui n'ont pas présenténàsl'administration espagnole de la
manière convenable les demandes nécessaires.
Le Gouvernement espagnol pense, pour sa part, que le contraste que
le Gouvernement belge veut faire apparaître n'existe pas. Avant, comme
après la prétendue entrée en scène de M. March, le Gouvernement es-
pagnol avait de bonnes raisons, autres que la pénurie, de refuser les
--v. ---.
Il ne saurait êtrequestion que le Gouvernement espagnol réponde à
tous les points soulevéspar notre estimé contradicteur qui a fait abs- PLAIDOIRIE DE M. REUTER 191
traction. comme la pluriart de ses collémes d'ailleurs. des écritures
. . .*
cipagnoles. Sous nous limiteronj doiic aux n,[lccts cjseiiticli (Ir I';rFfaire
et i <liit:l<~ursctilicntions qii'appellent les affirmations de nos distiiiguGs
cont<adiiteurs. mais nous ori ionsrespectueusement la Cour de bien
prendre acte que le Gouvernement es'pagr)oln'apporte aucun acquies-
cement aux allé-ations adverses auxquelles nous aurons omis de ré-
pondre.
Notre plan épouserale déroulement historique des événements.
Dans un premier chapitre, nous examinerons les deux périodes: 1932-
1936 et 1940.1945; la première, le plus brièyement possible, mais la
seconde plus longuement. Ce chapitre sera intitulé .L'introuvable force
majeure u.
Un deuxièmechaoitre sera consacré essentiellement aux refus d'autori-
sation opposéspar ies autorités espagnoles en 1945-1946et à leur suite;
il sera intitulén Le prétendu délitinternational de I'Espaane n.
Xous terminerons enfin var un troisième chaoitGeConsacré à cet
,ll,ilog~iequ'est la dtclaration conlointe de 1q51. Pour le Gou\.ernement
eju;iciiol ccttï <I;.clarntioncon>tituc iinc iiistificntion oour le C;ouveriie-
méni belge elle constitue la source d'ui grief nouveau. Notre dernier
chapitre sera donc intitulé iiDe la justification et du péché dese jus-
tih.-r,,
Cz plln cliroiiolsgique a pciit-itre iiii~niitrc jujtific;ition qiie ccllc de
la clait2.iliiiit1:istriictiire dii grii-f l><csiciiti~.l,(lui cst un grief qui
nii)ritcI';trr<iii:ilid'uhitori<iuc ivEn effet.coniriic.iiuuj 1,.inoiitrrronj.
legrief belgecsseritic.1nepciit étr?:ill~,~u<'<(ii'r:rrirn:issrnt en un toiit dcs
lait, qui rccoii\.rent uiie longue piriode de tcmps: il ii'cxistc.que par une
totalisation historique.

L'azidience,suspendueà rr hzo, estrepriseà II h45

CHAPITRE 1. I.'~NTR~UVABLE FORCE MAJEURE

Nous commençons donc l'étude de la période qui s'étendde 1931 à

193Quelles sont donc à ce sujet les conclusions que le Gouvernement
espagnol avait voulu mettre en lumièredans les écrituresau sujet decette
période?
Elles se ramènent à trois, fort simples. que nous demandons la per-
mission de rappeler à la Cour.
Premièrement, c'est au cours de cette période que s'étendent aux
auestions de monnaie les souocons, les enauêtes. les conflits oui sont
apparus déjàdans divers domahes, notamment fiscaux, et qui iiennent
à la conviction profonde de l'administration que les structures sociétaires

et financières déI'entreorise ne oermettent Das d'établir d'une'manière
lo).nlc et con\~aincnntc'~lésdonnii,s cliiiir~cj oppoi;iblej ;tiix ;iiitoritt:s
cspngiioles, cellcs-si uiiit (1,:leur ceitc. incnpnblcs dé faire toiitr la
lumi;re iiir iinc d~.tt~XI&TICUIC d'l;l)rr, duncIIc~ ne iii~littxt11-olinci~~
riiai, ,viilt:iii~:ntIcqii:iritiiin tt Icicnrnctfri.~ti(liiescs Sii:seticllci.
poiiit. polir iiiontrcr iliIr, rïl.itionî cntrc I'ndminiitrntioii cipagnolc et
I'cntrt-mise étaient (i6ià assel ~~ctériorée et réoondrei dés:.flirm;ltioiis
de nos'adversaires. onpourra se reporter à une iettre du 21 avril 1932.de
1 Alba. qui cst rapportcc au\ ;inneut, :IIcontre-mr'inoire (\,ol II. p 76)192 BARCELOSA TRACTION
Deuxièmement, au cours de cette période,l'administration a déterminé
des montants et choisi des formes de transfert ou d'autorisation qui
évitent de I'enaua~, ibs. .acto à I'é-arddes montants chiffréstotaux
~aractcriinrit 1i.s méc;irii~iiiesejir.iiticlI I conitituent Ici Gi~rsruI
J1ortgab.t.Bonds a1'F.tiroet le cnnil>tr dc crlli.-ci :#\.cc Iritc.rnati(,nnl
Ctilitivî
TroisiCiiii:ii~~'iisti. Eb:ré~o~i(lu i crrtillnej questions de 1'3dniiiiis-
trntioii. le (;ou\.criitiiiïnt cj])nga SOUI~:II ttIi<,~irienrencore que ces
ré~onscs61ni~:rirvluj dc nature A confimitr I:im6fi.ince (~u'i éclairer.
~hsi, lorsque 1'0; répond 2 et ce n'est qu'un exemple'- q;e les obliga-
tions d'Ebro ase présument aux mains d'étrangers» (A.R., vol. II, no70,
p. 385 et 356: A.U., vol. II,no23. p. 340) OU que lorsqu'en présencede
questions uii peu indiscrètes on renvoie aux réponsesqui seront données
par la maison mère. Le Gouvernement belge soutient que les dettes
extérieures d'Ebro ont étéreconnues au cours de cette ~ériodesans
fournir la moindre preuve que l'administration ait rec~nnu'~ue le mon-
taiit de ces dettes lui ait étéopposable. Er1réalité,comine on va le voir
dans un instant, le Gouvernemeiit belge tente de soutenir cette affir-
mation pour venir à l'aide de l'argumentation difficilequ'ildoit présenter
pour la périodequi s'étendde 1940 à 1945.
Nous n'en dirions pas plus sur la période1931-1936si leGouvernement
belge n'avait tant insistéet, tout de niême,pour lui répondre, nous nous
coritenterons d'un seul exemple emprunté à l'année qui termine cette
durée de 1931-1936.
Au début de l'année 1936, des arrangements existaient entre I'ad-
ministration monétaire et l'entreprise. Les intéressésappelaient cela un
gentlemen's agreement. Au méme moment, un changement général en
Europe intervient dans les relations cambiaires entre Etats en ce sens
que se généralisela coiiclusioii des accords bilatéraux et un accord
bilatéral de paiements hispniio-britannique est signéle 6 janvier 1936.Le
Canada entreprend avec l'Espagne les négociations ayant pour objet la
conclusion d'un tel accord et les dirigeants d'Ebro approchent i ce
pourront bénéficierde l'accord canadien en voie de préparation. Leelles
Canada rejette leurs prétentions parce que cela ne l'intéressepas d'inclure

finalement les porteurs des obligations de Barcelona Traction- c'e-t-àlie se
trouvent. Dourleur immense maiorité. ou'en dehors du Canada.
~'admiAistration espagnole, déson cké, voulant appliquer pleinement
la nouvelle méthode des accords bilatéraux, suspend le ~enllemen's
agreement et adresse à Ebro une demande de renseignenients sur les
destinataires finals des transfertsqu'Ebro demande à l'admiiiistration.
Les dirigeants d'Ebro donnciit une première réponseen disant que le
destinataire des transferts concernant les Gcneral Mortgage Bonds est,
à Londres, une banque anglaise qui est chargéede payer les obligataires
d'Ebro. Au vu de cette réponse,l'administration espagnole déclare que
ces transferts d'Ebro relèvent de l'accord de paiements entre l'Espagne
et lelioyaume-Uni. hlais l'administration demande que l'on accomplisse
toutes les formalités nécessaires pour l'application de l'accord et c'est à
ce moment-là qu'apparait la difficulté.
Les dirigeants étudient les termes exacts de leur demande mais ils ne
\,eulent pas mettre en cause, dans leur demande, les relations entre
Barcelona Traction et Ebro; ils surent cependant que ces renseignements PLAIDOIRIE DE M. REUTER '93
pouvaient êt~einsuffisants (A.D., vol. II. nos 18 et 19, p. 327 et suiv.),
parce qu'un banquier n'est jamais le destinataire finald'un paiement - ce
n'est qu'un intermédiaire. Maisl'attitude, à cette époque,de l'entreprise
est parfaitement définiepar l'extrait d'une lettre du 6 février1936 dont
nous citons le bref passage suivant:

«Moins nous dirons, mieux cela vaudra, mais, comme vous le dites
vous-mêmes.il arrivera vraisemblablement un moment où nous
serons obligés de donner quelques renseignements plus précis»
(A.C.M..vol. V,no864, p. 103).
Nous arrivons ainsi à la période qui va de 1940 à 1945, et qui nous
retiendra plus longtemps, parce qu'elle a le méritede constituer I'antécé-
dent immédiat de la faillite; et danstoute la duréedecette période, nous
considérerons un moment de ternos relativement tres bref: le ~rintemos.-
1940; trois mois àpeine, plutet mEmedeus mois. Comme nous femontre-
rons. c'est i cette é..queque.l'entreprise s'est trouvée en face de choix
ciscnricli. t,I1cipris Sei ilC~isionict 'e.5riir]iics Ccrtains ile cc; clioiu nc
p,~iiv;iiciitpliii ;trc reiiii. iil1i:rit~ureintritcn cniiic inns di.s incoiit :ni,!nts
majeurs; d'autres auraient pu l'être,et peut-être a-t-onsongé à le faire,
mais il y f;ill:iit un effort plus grand. L'eriscinblc des déterminations
prises formait un tout cohérent, facile et bériéfiqiie. t c'est ainsi que
l'entreprise devait sceller son destin, en s'en tenant Aune ligne adoptke
au débutdc l'annéerp+o.
L'attitude de l'entreprise, au cours decette période.peut étreexaminée
de deus manihres. soit extérieurement, au regard de l'administration
espagnole, soit, en quelque sorte, intérieurement, au regard des vraies
causes de son comportement. Sous allons considérer dans deux para-
.,phes siiccessifsces deus aspects.
li'nhord. I'nspccte\iixii,ur;le I':ittitiidc dc l'cntrcpri,~.
:lu rcg;iril l I'n~lriiiiii;trario~iiiionétniic c.sp:igiiulr.. I';ittitii<lc <le
l'entrer~ri;tI:iiI'ohict d'iini.i:oiilrove.ri.iirrIcs11i:iiI';irtii:à..)r.)iios
de laq;elle tout a é<é dit dans les écritures.
Les démonstrations espagnoles se trouvent longuement rapportées
dans le contre-mémoire (IV. D. 161 à 175) et la du~liaue (VI. D. 154 h
190).et nous nous pe~rnettoi;d'~ renvoie; respectuéuséme~t Lou;.'
Peut-êtrenous parclonnera-t-on cependant de revenir sur trois points
qui méritent une itteiition particulièie.
Le premier point concerne l'obligation d'informer l'administration
monétaire eii vire d'une autorisation.
nit~iijtnir:i I:soinniunicntioii iI'inforin:itioiis.1crcqii6rniit II<foiirriitcre
pas d'informations suffisantes ne commet pas de dèlit. mais sa demande
R'a aucune suite; l'administration n'est p';lsobligéede le harceler pour
qu'il donne des informations, c'est à l'intéressé à prendre toutes les
initiatives. Les agents de l'entreprise en Espagne savaient tout cela, leur
stratégie était parfaitement mise au point et a étélonguement exposée
par eux; si, comme on l'a dit dans le passage citéplus haut. il y a pour
eux toujours int6ri.t h en dire le moins, ils savent fort bien qu'il faut
tenir compte de

ciLa nécessitéde répondre à la communicatioii de l'Institut
espagnol de monnaie étrangèreafin que jamais l'on ne puisse allé uer
que le fait de ne pas disposer de devises est dit au retard fans194 BARCELONA TRACTION
la transmission des renseignements demandés» (A.C.hl., vol. VI,
P. 171).

Au cours de ccttc pi!rio(le,les ileriinndesont eii un car;ictt?repour ainsi
(liie forinel et ~eiiil~lciiiri'avoireii qu'un obiet conic.r\.:itoire: cl:inslesc;is
extrêmes,ellesont mêmeétéfaites'en méconnaissancesystématique des
avis donnéspar les conseils espa-.ols de I'entreprise. Nous en donnerons
un exemple iout à l'heure.
Autrement dit, suivant les expressions populaires françaises, et, nous
oeut demander uen faisant la bêtet deI.nEt les reurésentants de l'entreorise
rtaiciit passl'iii;iitr<d:iiicc leli.
La dr.usiCmt,obicrv:ttion g;riL:rnle<luenolis vouloiis 11r65entcrconcerne
le recours à l'accord de cleaGne du 18'mars 1440.
Le distingué conseil du ~ouiernement bel& a soutenu devant la Cour
aue le recours à l'accord de oaiements hispano-britannique du 18 mars
;940, étaitabsolument incapable d'assuref aux obligataires de Barcelona
Traction le bénéfice du moindre paiement (VIII,p. 66).
En effet. dit-on. si l'on partd'Ebro, Ebro est bien une société exploi-
tant en Espagne, mais Ebro doit opérer son transfert vers des sociétés
qui se trouvent au Canada, et. par conséquent. l'accord ne joue pas. Si.
partant non pas d'Ebro, mais de Uarcelona Traction, on imagine une
demande présentéepar Barcelona Traction. on constate que la situation
est encore plus grave: puisque Uarcelona Traction n'est pas présente en
Espagne, elle ne peut donc pas demander aux Espagnols le bénéficede
l'accord. Autrement dit encore, les transferts qui doivent aboutir finale-
ment au paiement desobligatairesde BarcelonaTraction présentent tous
un caractère triangulaire: le paiement par l'Espagne doit aller vers le
Canada, puis ilreviendra vers l'Angleterre parce que c'est en Angleterre
que résident la presque totalité des détenteurs desobligations Prior Lien
et une fraction très importante des détenteurs d'obligations Firsl
Morlgage. Voilà la thèsebelge.
Plutôt que d'entreprendre sur ces thèses une discussion académique,
examinons donc ce aue savaient sur ce suiet 'es dirieea,.s de l'entreorise
et ce qu'ils ont fait Ôunégligé de faire.
Ils savaient. depuis 1936, nous venons de le dire, que les autorités
canadiennes leur refuseraient les ressources d'un clearine untre le Canada
et l'Espagne pour des opérations triangulaires ayant comme destinataires
finalsdes personnes étraneè..s. pour la .lup.rt, au territoire canadien.
Ils savaient 311sjiet cecr rst~>V~UCOII~ plus pr3vc. que ii El>rnilcrnan-
dait i opcrer un tramfert pour II:coriiptc d'une entité qui se trouvait 311
Canada. ils n'obtiendraient ilas cc héi12fice de l'accord cntre I'Es.ac-e et
le Royaume-Uni.
Or c'est bien de cette dernière mani&re,c'est-à-dire sans aucun espoir
d'obtenir une réponse positive, que les représentants de I'entreprise
présentaient leur demande à des représentants britanniques - ceci a été
exposénotamment dans la duplique, VI, àla page 126-et c'est de cette
manière que leschoses ont de nouveau étéexposéesdevant la Cour par les
conseils du Gouvernement belge.
Maisles représentantsde I'entreprise savaient autre chose aussi, et ils le
savaient depuis 1936 également: d'autres possibilités s'offraient à eux.
Dansune lettre du 18 avril 1936 (D., VI,p. 125; A.D., vol. II, no19, doc.
no5. p. 335). on expliqueune solution possible: qu'Ebro établisse donc PLAIDOIRIE DE M. REUTER '95

que les destinataires finals des transferts qu'elle veut effectuer vers
l'Angleterre résident en Angleterre et Ebro obtiendra dans la même
proportion les devises correspondantes.
Maiscette solvtion avait un inconvénientqui étaitd'obliger de tirer au
clair les rapports entre Barcelona Traction et Ebro et, pour cette raison,
elle ne fut pas retenue. Mais ily avait d'autres solutions encore: Ebro
Espagne et Barcelona Traction aurait, Baàcpartir de i'Espagne, demandédes
devises pour payer sesobligataires résidant en Angleterre.
Comme la vrécédente.cette solution avait l'inconvénientde mettre au
clair les relations entre ~arcelona Traction et Ebro.
Barcelona Traction pouvait se faire ouvrir un compte en Espagne et
son conseil espagnol lui a démontré - ceci se trouvé aux annéxës à la
duplique (vol. II, ann. 8, doc. 1103.p. 227)-que cette solution était tres
possible. Nul doute qu'en faisant aux autorités espagnoles de !'époque
toutes les démonstrations aui ont étéfaites vlus tard devant la commis-
sion des expertsde 1951et devaiit la Cour iniernationale de Justice sur le
r6le puissant et bienfaisant des investissements opérésen Espaene. elle
aurait recueilli un assentimentcertain du Gouvernément esoaèno..-
Ilri.;iiltilest vrai, (Ir toiceqiic iioii$\~c!iioii:dire etclctoiit cc.qui
;i?te c~po;& 3 In Cour p,r Ic proleijeiir \\'aldock iiotnnimciit. qui: ccl:i
niirait c;iit: la I3:irccli,ii;iTr;iction d~CPI~C~I;t~~~ti~tri~tiii~'L:UOCIU~!.
parce Qu'ily avait des chosesque Barcelona Traction préféraitdissihmÙler:
Peut-étre, mais cela veut dire que Barcelona Traction a choisi entre sa
eêne.et les intérêtsde ses obliwtaires: cela veut dire Que..var .a libre
;(iloiitii.non p:is p:ir la contryintr de I:ifurcc in;i]riirc. clle n refiis; unc
voie qui lui pcrrncttait de payïr ses dettes
Et ou,! I'onnc diîc 113sOIICCC 30111li dei raionnt!mciits Iivnotti6tiours
et disc'utables trente ans ipr&s les événements.Les témoin; de lSépÔque
sont là pour nous dire le contraire: tous les documents que nous avons
invoqués précédemment i propos de l'accord de paiements de 1936,
l'opinion des conseils de Londres, en 1940,qui télégraphiaient: n Référez-
vous à l'article 6 de l'accord anglo-espagnol qui à mon avis justifie la
demande que vous faites pour des devises »(A.D., vol. II. no 17,p. 325)et
l'opinion du conseil espagnol sur laquelle nous allons revenir dans un
instant le confirment. Et I'on pourrait encore ajouter les opinions ex-
primées à propos de cet accord ou de l'accord qui lui a succédépar la
Barcelona Traction elle-meme ou par les autorités britanniques, par
exemple, dans le dernier rapport de la Barcelona Traction (A.R., vol. II,
no 79, doc. 4. p. 409)~dans la circulaire du 15 janvier 1948 du conseil
d'administration de la Barcelona Traction (A.C.M.,vol. II.no 113,doc. 9,
p. 378et 379).dans les déclarationsde M.Ellis Rees qui sont publiéesaux
annexes à la répliquebelge (no79, doc. 4, p. 409).
A qui soutiendrait alors que, .?le supposer possible en droit, le recours
cause de la pénurie de devises. il suffira de répondre de la manière sui-t.à
vante:
Premièrement, tous les arriérésdes dettes financieres de l'Espagne à
l'égard du Royaume-Uni - nous parlons des arriérés - avaient été
apurés en 1945; bien entendu, la Barcelona Traction n'aurait pas pu
effaceren une année, dès ledépart. toutes ses dettes et c'est pourquoi il
était siimportant d'agir vite et de prendre pour elle rang dès l'origineen
1940,cequ'aprèsavoirhésitéc ,ommenousallons levoir,elleaomisdefaire.19~ BARCELONA TRACTION
Deuxièmement, d'autres sociétésdu groupe de la Barcelona Traction
exploitant en Espagne et, notamment, la sociétéEnergia, reçurent des
devises pour assurer leurs échéancespendant la guerre, mêmedes devises
plus recherchées que la livre sterling, puisqu'il s'agissait de francs

suisses.
Troisièmement et nour conclure. la Barcelona Traction n'aurait ni1 ~ ~ ~r~~ ~
sans doute effacer ses'arriérés queProgressivement. Cela aurait pris du
temps; cela aurait coiité à Barcelona Traction des efforts. des démarches
et déla peine. Cequc le Gouvernement espagnol lui reproche essentielle-
ment c'est moins de ne pas avoir tout payéd'un seul coup que de ne pas
avoir fait, comme les autres sociétés,un effort qui était possible et qui
aurait conduit à des résultats appréciableset appréciés.
Troisième observation générale:elle porte sur le conflit ouvert entre

Ebro et l'administration esnaenole.
On peut dire que pendant'ia'&riode 1940-1945il ya entre l'administra-
tion espacnole et Ebro un conflit latent concernant le montant admissible
de la ditFe extérieured'Ehro mais, en plus, va éclaterun conflit ouvert.
11va éclater à propos de ce procédéque la Cour connaît, par lequel Ebro
assurait le paiement des intérêtsdes obligations en pesetas de Barcelona
Traction en faisant inscrire en contrenartie la contre-valeur de ce

tion. La première demande concernant l'autorisation d'imputer un
paiement est du 2 septembre 1940 (A.C.M.,vol. VI, no 3, p. 176); le

6septembre (ibid.,doc. 3, p. 177),avec une promptitude qu'il faut relever
-et cette fois-ci cen'est pas M.March qui est le bénéficiaire - l'Institut
autorise l'inscription de cette somme à un compte provisoire en pesetas
qu'il faut créer à cet effet et déclareque le compte en dollars dont ilest
fait état dans la demande n'a nas étéautorisé et aue l'Institut ~ ~ ~~ ~~~n~a~ -~~
connaissance pour la premièrefÔispar lademande. Lcela, la sociétéEbro
fit, le 8 octobre Iwo, une réponse assez molle, dont nous extravons le
passage suivant:

iinous nous permettons de vous indiquer que ledit compte fut
ouvert bien avant la création de votre Institut et que le Centre de
négociation dela monnaie, actuellement disparu, était, en diverses
occasions, intervenu dans ce compte, en autorisant des opérations
quiy étaient relatives » (A.C.M.,vol. VI,no 3, doc. 5,p. 179).

Réponsetrès prudente qui, à notre avis, contrairement à une affirma-
tion de notre estimé contradicteur (VIII, p. 70), ne prétend pas que le

compte a été autorisé,mais seulement que des opérations relatives à ce
compte ont étéautorisées.A la suite de cette réponse, Ebro a, dès lors,
passétoutes ses écritures par le compte en pesetas et a gardé le silence
avec une explication bien caractéristique relatée dans une lettre du
19 septembre 1940 au conseil de l'entreprise (A.C.M., vol. VI, no 3,
doc. 72, 249).
Cette kttre décidede ne pas insister dans la demande adressée aux
fonctionnaires de I'lnstitut espagnol de monnaie étrangère,

uparce que peut-êtreils ne sesouviendront plus des motifs qu'ils ont
eus pour prendre cette décisionet aussi parce qu'il est fort possible
qu'il y ait un autre personnel et qu'un autre critère l'emporte dans
ledit Institut ID. PLAIDOIRIE DE 31. REUTER '97
Or, cette contestation de I'opoosabiiité à l'administration d'un des
. .
nikaniimei foridaiiit~ntaus cuiicern;int Ic, traiisferti et les structurt:s
fiiiniici;.re(11RIUII~L <.itnitestrêmeinciit jirdvc.
Le fait mêmeque l'administration ne ieconnaissait pas la valeur pro-
bante des chiffres portés dans le compte était en lui-même unacte d'ac-
cusation de I'administration espagnole.
Mêmesi aucune devise n'était espérée,Ebro aurait dii remuer ciel et
terre pour obtenir une reconnaissance de l'administration. Xotre distin-
guéadversaire a soutenu ciue ce refus de reconnaissance de l'administra-
ti\>irt:titiriC~uIicr, inxis r:iiwii (1,~III~ lors )wiir ~lii'Kl,roagisse ;lit, ritr

dc recours, fil>,,(li-spreiiioiis diplom.iriqiiei. coinme ellz s;ii.;tit si bi,:n.
ai lieu (le si:1,:rrcr ct d'irtteiidre (111~ I':irl~iinijtr;ition oul,lit:' I':rute
d'ou\.rir iriiiii<:rliatementle <losiicr. I'liro I:ii,iaiic creuser clcjour cii piir
IVIon;. il?iiicfinnce rliiI:Isc:p;ir;iitdi: I'n(lriiiiiistr;itioii.
I'ar aillciir~. iinc telle situation iie 1>ou\3it ;lie que ~>roi.i~~irt.I:bro
devait un iou,~~emander. ainsi ou'elie le fit effecthenknt. .la c~ ~en-
sntioii entre le solde cridiriur <lucoriipti. triI><%..et <:i<Ii:l~iteiiru compte
en dollars. L':idriiiriijtiation le coiiiprcnnit .-hicn oii't:IInv:iit iiualiir; Ic
ct~riil>tt:ii ljtwi2.q de i ro\isoire. Bien coicnilii. IS:i,liiiinistrnti,>ri qiii
conrçit:iit II.riioiitniit gl)oh=; du roml'tc cn dollar;. n niirait pi1a<liii~urc

Our lei e~i>lic:~tions~iu'~:llt;:ittriiil.,it .oii.iit iii<l;fiiiiiiiciit r~t.~rclct:~:ellc
puiiv:,it s'ariii~,r(le ~'iticiice tant qiic 1.1n;cviiirG ~'uurI:bro <led<.iii;iii<l<r
p;rit>diqiiciiicnt (Ici :iiiturii;itiuiiIiii f:ii<.,it c3[~?rcrdci ~sl>lic;i~ioii~.
mais toute clôture definitive du compte en pcietas supposait que les
énigmesdu compte en dollars soient préalablement élucidées.
C'est là un point tres important qui, à lui seul, démontre la gravité du
différendqui oppose, depuis 1940 .bro et l'Institut espagnol de monnaie
étrangère. C'estce que cet Institut devait rappeler plus tard à Ebro en
1446;nous en reparlerons plus tard.
, .
Sous pnu\.oni mainteniint conclure. cri cc qiii cuiiccriic 1':rttitudv dc
I'cntrépriic 3 Iëgard (le I':idinini~tr;iri~~irisp:igriolc: l'entreprise n'a pni
inforni> I'adniinistration de manic're :icc iiiir ici dern:iiirlcs soiciit satis-
faites, elle n'a pas suivi les voies qui lui inraient permis d'effectuer des
transferts; elle était en conflit avec l'administration et elle le savait
parfaitement.
Ces remarques sont importantes car elles permettent de liquider l'ex-
plication de la force majeure que la Belgique entend invoqucr pour
expliquer la cessation des transferts de 1'Ebro et la cessation des paie-
ments de la Barcelon;~ Traction. Il était déjà peut-être choquant d'in-

voquer cet argument de la force majeure si l'on considère. à la lumière de
ce que nous savons aujourd'hui, quelle était l'attitude du groiipe à
l'égard des autorités espagnoles et de la loi applicable. Ebro, pour des
raisons fiscales, soutenait inexactement qu'elle n'avait pas toutes ses
affaires en Espagne; elle aurait donc dû disposer de ressources ailleurs;
d'autre part. il est difficile d'admettre que la législation espagnole sur les
devises serait une excuse de force majeure pour des entreprises qui l'ont
si abondamment violée, faisant une abondante contrebande de devises
(C.M., IV, p. 60) qui, pour la fraction qui a étésoumise au juge des délits
monétaires, s'élèveà plus de 33 millions de pesetas. La force de la Iégisla-

tion eso.n..le n'était oas tout à fait nmaieure a pour les intéressés.et ce
riesont pis IV;~bli~;itiirc.. qiii uiit yrui~tGdo tr;iii,icrts irri,gulit:rs.
\I;tis cc ne ;ont Ii quc dcj rcin.irrluc, toiitc. tc~~iiil;iiri.isi 1011r<:tICcliit
aux aspects essentielide cette quesiion de la force majeure19~ BARCELONA TRACTION

M. le professeur Uria n'aura aucune peine à rappeler deux regles
évidentes: l'une suivant laquelle la cessation des paiements entraîne en
droit espagnol la faillite, quelles que soient les causes de cettec,essation,
l'autre, plus générale encore,selon laquelle la force majeure ne peut
jamais être constituéeen droitprivépar une impuissancefinancière.
Mais ce que l'on vient de dire empêcheégalement le Gouvernement
belge de soutenir que, sur un plan moral, Barcelona Traction aurait été
déclaréeen faillite sans que sa conduite y soit pour rien. Sa conduite, ses
nebDeut être invoauéeauand la contrainte au'elle imoliuue résulte.mème
pa;tiellenienr. (lu'faitdc ci!liiiqiii prCten<l's'enpri.v:~loir.En un nior. la
pr6tendue force majeure n'est pas éxtc'rieure 3 Rarci:loii;<'ï'r:<ction.I)&s
Tors.wurauoi donc i'entre~risen'a-t-elle Dasfait le nécessaire~our mettre
fin a.I;IceSsation (Ir paicr;icrit~soit en FffectuaiiCI,:,tr;insf;:its. soit cn
consignant en Espagne. A l'intention de ses créancieri,les ,uinmes qui lui
étaient dues? - -
On a déjdrl'pondii [~:irtiçllcrncntet inzidcinrnent ices qut-.-tioiisrii;iii
ilfaut niaintenant lei rt-~>r<!ii(lc<csarniiiaiit1;ia:(>ridiiidc I'ciitreprisc
vue de l'intérieur, c'est-a-dire en examinant auelles ont étéles moiiva-
tions dei dirigeants telles qu'ellrs noiis apparnissent aiijutird'liiii. C'est le
deusi6me paragraphe que iiou; a\,ion? aniioncé.
I.'attitude plus quc pass1i.r prise p:ir les dirigeai(111groupc ?Il'égard
dcs niesures i prendre et dei dc'ni~rchesd effectuer auprPs <l<s:iiitoritCs
t:~l>agiiolesst fondt't.iir dr.5raisons de poidrt.1<l'intensitéinégales.iiiais
aui ont iouéconcurremment et ont été-acce~téee sn toute clarté D.r l~~-
dirigeanis en 1940.
Rappelons, en un mot, comment la situation se présente dans ce
printemps de 1940 qui va maintenant retenir notre attention. A cette
date, I'entreprise a disposé de nouvelles liquidités provenant du dé-
blocage des comptes bancaires des filiales espagnoles immobilisésdepuis
le début de la guerre civile et remis à la disposition des intéresséspar les
ment des intérêtsde ses oblieations enTractes et sinsi aue celui de ceux des
ot~iig;ttiundç scs nii;iicesp;ignoir.squ;r't;~it;ii~pc~idudcpui; trois ans cr
denii ;l'entreprise <It!vraaiissi l~rtndre position :iiiprcs des ~ut~ritcse~~~~i-
rnoles en deniandaiir des dt:visci iuir les ot>lie;itiuns en sterlinr. De
plus. l'entreprise en k:spagnr devra' prucr'der à des investisseiiienÏs im-
portants pour Iâremise en Ctat [leses installatioris et ~~oiI:iriioderriisa-
iion et l'extension de ses entreprises.
En présencede cette situation, I'entreprise détermina sa position en
fonction de trois buts: primo, ne pas démasquer, aux yeux des autorités
espagnoles. des mécanismesmaintenus secrets dans la perspectived'une
fraude; secundo, financer desinvestissementsavecl'argent dû aux obliga-
taires; tertio. préparer la réalisation finale d'une réformede l'entreprise
oui serait l'occasion d'un bénéficeaux déoensdes oblieataires et im~li-
querait bien entendu la reconnaissance d'uAedette extérieu rei, jusqu'à
présent,n'avait pas étéadmise dans son montant exact.
Examinons siccessivernent ces trois buts: d'abord, ne pas démasquer
aux yeux des autoritésespagnoles des mécanismesmaintenus secrets dans
la perspective d'une fraude.
Ce oint a été siIoneuement et si bien ex~liaué Dar le orofesseur
est vrai qiie le Goiiverncrncnt espagnol a déiiioritr6qii'il y avait eu desI PLAIDOIRIE DE M. REUTER '99
intentions de fraude, des manŒuvres, des dissimulations, des contre-
vérités, touteschoses qui sont des faits. On a dit à ce sujet que la Cour
n'avait pas compétencepour appliquer le droit espagnol (VIII, p. 461),
mais cette observation est sans aucune pertinence pour le point qui nous
intéresse.au moins vrésentement; il suffit de constater que les diripeants
craignaient que ces bissimulations fussent considéréescomme des fraudes

ou que, découvertes, elles entrainassent des impositions. Et ce dernier
fait ne peut êtreniéet a étéreconnu à plusieurs reprises par le Gouverne-
ment belge (A.R., vol. II, p. 414; D., vol. 1,p. 1-23).Cela suffit pour nous.
Pourquoi? alais parce que ces structures, ces actes dissimulésrépondent à
des libres choix de l'entreprise; ils engagent sa responsabilité à l'égardde
ceux qui en furent les victimes et notamment les obligataires. Lorsque
l'on vient nous dire: l'entreprise ne pouvait ni utiliser un accord de
clearing ni opérerune consignation en banque des sommes dues, parce
qu'elle craignait de renoncer à une dissimulation - qui serait légitime
dit-on - on donne une explication psychologique, mais non point une
justification juridique au regard de la cessation des paiements.
Or, c'est bien ce qui est arrivé; c'est par crainte de faire cesser une
dissimulation que jusqu'en 1946 jamais la Barcelona Traction, agissant
.ar elle-méme ou Dar l'intermédiaire d'Ebro. n'a effectué auvrès des
autorit6s monétairii eip:i~iioles iinc déiiiarchepour le paieiiient dei iii-
tiret, de ie>propre t,l)ligatioiis lil>cllr'cen Ii\,rcs sterling.
Jnnini; Fliro. <Ieniari(larii(les<levisespoiir pa!.er lntcrnational [Jtilities
ou polir payer 1i.siiiti.rCrj (Icses propres obligatiuiis, n'a indiqur'que Ics
rlc\,isr.sdciiiaiiJ1:c,dei-ait!ritbcii2nciei I<arcelon;iTraction ct ou<:.pr.icc
cela et seulement grâce à cela, Rarcelona Traction pourrait Payer ses
propres obligataires.
Comme on l'a indiquédéjà,en étudiant les voies qui permettraient de
mettre un terme à l'état de cessation des paiements de Rarcelona Trac-
tion, les dirigeants ont rencontré, à un moment ou à un autre, le pro-
blème: comment agir pour ne pas mettre Barcelona Traction en cause
dans l'affaire? II en fut aiiisi pour les transferts par l'accord bilatéral de
1936. nous l'avons dit (D.. VI, p. 124; A.D., vol. II, no 19, doc. 5), il en
fut aiiisien 1940 (A.D.,vol. II. nO17,p. 3zjet 326;A.R.. vol. II,no7g).

En 1940, le conseiller juridique espagnol qui effectuait parfois. pour le
compte de I'entreprise, des démarclies auprès des autorités espagnoles,
avait étéconsultésur la manière de présenter la premiere demande de
devises à l'Institut espagnol de monnaie étrangèreet avait indiquéqu'il
fallait rattacher la demande de devises d'Ebro au versement de ces livres
Barce~ ~ ~ ~action (A.\.Af..vol. V~. no 2.doc. 18...1611.",
Mais on devait rejeter tous ces conseils, même ceux.secondaires, qui
tendaient à rendre la demande de devises plus acceptable par les autorités
monétaires.
Dans une lettre du 25 avril 1940, le chef du département juridique
d'Ebro donne les explications des chois finals (A.C.M., vol. VI. no 2,
doc. 18,p. 163) - nousdemandoiislapermission àlaCour d'enlireun ex-
trait. Il s'agitdeladiscussion quivient d'avoirlieu entreleconseiller juri-
dique de I'Ehro, M.T., et un fonctionnaire de cette société ausuiet des
in~onviiii<:iit:<III<~>oii\.nitt:iitr:iiiitr toiitc ~)rociiliircqr;vCli:r:tiC~IIC
t~iiteiIc~obli~ati~n~~I'Ebro~t~iciitdansIc~i~iîiiiid :cUnrcilona'l'rnci
ic~i~
c ,111<ICciari~ti~ ilO1l I:iqoelletoutci 1c.ioblig3tionî itaieni ilani les
ni;lirisdi: I<nrctlc>ii.'iI'r:ictiuiit~.ii{idlitriiir<:la po..ition (lue nous200 BARCELONA TRACTION

avons maintenue avec succès depuis tant d'années, à savoir qu'il
n'y a pas de connexion entre les deux compagnies et que Barcelona
Traction n'opkre pas en Espagne; M.T. déclara que si les intéréts
des obligations de la Barcelona Traction n'étaient pas payés,une
situation extrkmement dangereuse pourrait en résulter, ce sur quoi
nous sommes d'accord; mais nous lui avons répondu que de notre
poiiiide vue ceci rendait d'autant plus nécessaire pour Ebro de se
dissocier de la Barcelona Traction, et que nous pensions qu'après
avoir présentéla présente demande, Ebro ne ferait rien de plus, la
prochaine démarche. si les devises n'étaient pas accordées, étant
l'affairede la Barcelona Traction et de hIhI.Arniis-Gan o.
II résultede cette lettre les conclusions suivantes:

1. Le point crucial àdissimuler n'est pas que BarcelonaTraction ait des
intérêts dans Ebro - qu'elle soit, comme l'a dit un expert britannique,
heavily iitleresled- mais la confusion totale des intérêts entreelles et
notamment aue butes les oblieations d'Ebro sont dans les mains de
Barcelona ~raction. Sur ce poinut,le problème est parfaitement connu de
M. Heineman, dont nous aurons à parler plus tard; nous nous référons à
salettredu 29mars 1940.(A.C.M., Gel.Il,'rio~~z,doc. 2, p. 298.)
2. En présenced'un danger, le réflexede ces dirigeants est de dissocier
Ebro et Karcelona Traction: la tactioue d'Ebro au cours de la ~rocédure
de faillite, cette tactique qui apparait dans le fameux ascritodu ;6 février
1948, elle est énoncéehuit ans à l'avance dans le document que nous
venonsde lire (A.C.M.,vol. III, no84, p. 23).

3. Le conseiller juridique d'Ebro, moins pessimiste que notre estimé
contradicteur,retient tout à fait la possibilité qu'un transfert soitO éré
à partir des banques à la suite d'une démarche, sous la réserve, Eien
entendu, que la solidarité totale d'Ebro et de Barcelona Traction ne soit
pas mise en cause.
Et. puisque ce point a ététellement discuté. que l'onne vienne pas dire
qu'il s'agissait dans cette dissimulation de faits qui étaient connus de
I'adniinistration espagnole et qui étaient de notoriétépublique. Le pro-
blème qui se posait à l'administration était d'étreen possession d'une
information absolument exacte et d'6tre capable d'en opérerla démons-
tration suivant les.règ1esde preuve esige<ntes du droit espagnol, et il
faut croire que cela n'étaitpas si simplepuisque, au cours de la faillite, on
a vu les mimes entreprises soutenir les thèses les plus diver~entes con-
cernant I:ipropriCtc de cri titres et les faire niiilie ioutt'iiiiur l'oi(lrc
d'iine cour carl~(1it~nrit:.ar S;itioiisl I'riist En i;;ilitJ, I':idi~iiiiiitrntioii
cji>:igiiolc>tait moialcni<:ii1ccrt:iiiie (Ici fait; niais <1,.in~ii\.;ti~asIc
dimintrer et les dirieeants le savaient. La situation est exuriméea<ec un
parfait cynisme par l'un des dirigeants locaux commentant, dans une
lettre, la dissimulation de l'affiliation d'une sociétéau Eroupe (lettre du
19janvier 1942,A.C.M.,vol. V,no9z8, p. 224). - ..
Nous demandons la permission de lire le texte en anglais, malgrénotre
prononciation défectueuse:

«we have to pretend it is not Our Company - so many things in
Spain are mere pretence but they swallow down somehow. However,
legally it is not our». PLAIDOIRIE DE hl. REUTER 201

(Nous avons à prétendre qu'elle n'est pas notre société- tant de
choses en Espagne sont seulement des choses que I'onprétend, mais
on les avale jusqu'à un certain point (somehow) C.ependant Iégale-
ment elle n'est pas nôtre.)
S'ilétaitpermis de parler devant la Cour un français aussi trivial que ce
texte anglais, nous dirions: on veut nous faire croire que l'administration
espagnole avait avalé bien des choses, mais en réalitéelles lui étaient
restéesdans 1:igorge ou sur l'estomac.
Le deuxième motif qui explique la modération du &le des dirigeants
d'Ebro au regard des démarches qui auraient permis de commencer à
mettre à jour les échéances desintérétsde Rarcelona Traction tenait à
l'affectation des liquidités des sociétésespagnoles aux besoins de I'entre-
prise en matière d'investissements.
Sur ce point, le rapport deMhZ. Peat, hlarwick, JIitchell &Co.de 1968
(A.D.,vol. 1,no2, p. 309 et suiv.) et leur rapport dii 16mai 1969 (nouv.
doc. du Gouvernement espagnol, vol. 1) ont donné des informations
parfaitement clairesaiixquelles il suffira de renvoyer la Cour, notamment
dans ses paragraphes 353, 378. 399 et 414 pour le premier rapport, ainsi
que dans les nos16.19 et 183pour le deusième. Le Gouvernement belge a
fait état. de son côté. deconsultations diverses émanant deMM.Gelissen
et Van tav ver (ebuv. doc. no6 du Gouvernement belge) et de Mhl.
Arthur Andersen & Co. (nouv. doc. no1.5du Gouvernenient belge). En ce
qui concerne le point qiii retient actuellement notre attention, iessper-
tises déposéespar le Gouvernement belge s'appuient sur le fait qu'à tout
étésupérieur au montant des intérets arriérésde Barcelona Traction. Cerait
point est contestépar Mhf. Peat, >larwick, hlitchell& Co. -rapport de
1969,par. 124et suiv. -sur la base de nombreuses observations.
Au surolus. selon les exnerts belees. il serait narfaitement normal. aux
Etats-un'is tout ail moins: que le finc1sde roulémentdes entreprise; soit
né~atif,c'est-à-dire ou'à tout moment l'entreprise soit, mSme pour ses
nakments courants. éndettée.
Ijc, r;pu~iic'>oiit 212dunii<:cc.;atT~rni:itioptr \1\1 I'cat. .\lnr\vick.
\lircliellS: Cctiltonibe?oiiiIr.sensquc 1es;ifliriiiatioiis hr.lses r~lîrii.ei
à une comparaison avec les ~tats-Unis ne sont pas d'un graiid usage en
l'espèce.La trésorerie d'une entreprise ne peut êtreétablie en fonction
d'une seule charse éventuelle. celle des dettes ohlipataires:. toutes les
conditions proPr& à I'époque.au lieu, aux caractères particuliers de
chaque entreprise. à ce qu'aujourd'liui, dans le langage savant des écono-
mistes, on appellerait I'cnviionnement économique, et notamment les
coiiditions de crédit et des relations financières particulières chaque
entreprise, jouent un rôle déterminant. Le moins que I'onpuisse dire, c'est
que les problèmesd'Ebro de 1940 à 1945n'étaientpeut-atre pas ceux des
entreprises électriquesde l'Utah et de l'Ohio de 1967- voir sur ce point
le rapport de hlN. Peat, àlarivick, hlitcheâ- Co. du 16mai 1969. n" 23,
117 et IGO.
Mais nous n'avons nul besoin de rentrer dans la discussion de docu-
ments comptal>lesformels; il suffit d'ktnblir la manièredont les dirigeants
ont appréciéla situation àl'époque,dansla clialeur et la véritéde l'événe-
ment vécu.Or, leurs déclarations montrent, sans contestatioii possible,
qu'ils ont eu conscience qu'ilsfinançaient les investissements avec l'argent
di1 aux obligataires. Ceci nous suffit; nous n'avons pas A qualifier, au202 BARCELONA TRACTION

point de vue de notre démonstration, d'une manière juridique, leur
attitude: il nous suffitd'établir qu'ils ont a-i en pleine connaissance de
cause et de propos délibéré.
Ici, la manière la plus convenable peut-être d'établir notreconviction
est tout simplement de proposer à la Cour une sorte de chronologie un
peu télégraphique:

- novembre IQW: on envisare de -ouveaux investissements imoor-
tants (A.D., vol. choc. 8. no2, p. 222);
- 5. 6, 7 mars 1940: réunion à Bruxelles des dirigeants; rejet de la
solution préconiséepar le conseil espagnol, qui est présent, de payer les
intérèts des obligations en livres. éventuellement en consignant des
pesetasen Espagne (A.D.. vol. II, no8, doc. 3, p. 225);
- 7 mars: une note interne 1A.C.M..vol. II. no 112. doc. I. o.202 et
suiv.fétablit que les dirigeants Sont déjàorientésvers une réorganisation
globale de l'entreprise qui aura pour objet d'en simplifier la structure,
d'éliminerlesmécanismessuspects,defaire disparaitrelecaractère étran-
ger de I'entreprise, c'est-à-dire de rembourser les dettes en sterling, de
donner une forme juridique espagnole à I'entreprise, de faire une place
aux intérêtsespagnols:
- zg mars 1940: le citoyen américain Heineman, le grand maitre de
toutes les affaires du rrouDe. celui dont l'affrontement avec hl.March
prendra les caractères-druRerivalité personnelle, examine quatre solu-
tions pour l'exécution des enEagements financiers de la société. Bien
4u'à cette date aucune demande de devises n'ait encore étéadresséeaux
a'utoritésespagnoles, aucune des solutions envisagées n'est fondée sur
l'obtention de devises et l'on montre une vive hostilité à l'idéede con-
signer, à l'intention des obligataires de Barcelona Traction. des pesetas.
En revanche, il est prévu, dès cette date. zg mars. que l'on expliquera
aux obligataires qu'il n'est pas possible de payer lescoupons en raison des
restr~~tions concernant le~~~ransferts. Et. dans trois des solutions exa-
minéessur quatre, ilest envisagé dc mettre les pesetas disponibles en
Esparne à la disposition des investissements locaux (ibid., no 112. doc. 2.
p. igS) ;
- ler avril-17 avril 1940: les ultimes suggestions du conseil espagnol
pour la rédaction et la présentation d'une demande de devises sont
écartées(A.C.M.,vol. VI, no 2, doc. 16, p. 159, et doc. 17,p. 162) :
- 22 avril: la première demande de devises est présentée à l'Institut
espagnol de monnaie étrangère (ibid.. doc. I.p. 130et 131).

Des lors, les déssont jetés; dans l'esprit des dirigeants, comme dans la
matérialitédes faits, ce sont bien les sommes qui, d'Ebro à Uarcelona
Traction, devraient permettre de payer les intérêtsdes obligataires de
Barcelona Traction qui servent aux intrestissements. Toute la correspon-
dance et les notes intérieures de I'entreprise démontrent non seulement
que lesproblèmes de trésoreriesont pour les dirigeants un souci constant,
ce qui est tout ifait normal, mais que I'entreprise ne peut, sur ces seules
ressources, pourvoir à la fois aux charges courantes normales, aux in-
vestissements et aux déboursements qui correspondraient à l'exigibilité
de tous les arriérésaccumuléspar Barcelona Traction: ainsi. dans une
lettre du 3avril 1942(A.C.M.,vol. \',no932. p. 229); ainsi, dans une note
di123mars 1g++(A.C.hl.. vol. V. nog62, p. 276); ainsi, les lettres citéeset
reproduites en annexe dans le rapport du 16 mai 1969 de MM. Peat,
Marwick. Mitchell & Co. (par 186). D'autres lettres sont encore plus PLAIDOIRIE DE M. REUTER 203

préciseset montrent qu'en 1946, dans I'hypothhse où le plan d'arrange-
ment pourrait étre réalisé,la poursuite des travaux envisagésentraine-
rait une trésorerie dkficitaire (lettre du zS février 1946. A.C.hl.. vol. V,
no 978, p. 310). Que le chiffrement comptable ne donne pas toujours
nécessairement une lumièrecomplète sur cette situation estégalement ce
qui résulte du passage suivant d'une lettre du 18 septembre Ig47 qui
concerne la présentation de ce que devait étre le dernier bilan de la
Barcelona Traction. et où il est dit:
<En ce qui concerne le bilan de la Barcelona Traction, la footnote

du c8tédu ~assif. se référantaux bénéfices nondistribués. doit .~ ~
nbjoliiment chaiigr'e; In tot:iliti' de cc rnonraiit ;i 61; évi~leiiiin~nt
iii\.,,stidaiis riu, eiitrcpretcon iit:lieut doiicfn.rdirv qu'il n'est pas
~lisi>oiiihli:c3usc <lel'iriir~os;ii~iii~lestr3ri~li~rt~1 \~l.C \l i.01 \'.
no ;OOI, p. 383.)
A cela on nous objectera: M Mais que veut dire tout ce que vous racon-
tez? La correspondance que vous citez prouve d'ailleurs qu'à plusieurs
reprises I'entreprise a envisagéde placer, par l'intermédiaire des filiales,
des emprunts sur le marchéespagnol et c'est ainsi qu'elle aurait norma-
lement résolutous les problèmesque vous prétendez découvrir. »
De tout cela, notre conclusion se ramène à une seule: ils'agissait d'un
jeu profitable et comportant des risques.
Le jeu était profitable: en effet, le crédit obtenu ainsi aux dépensdes
obligataires était gratuit et cettegratuité avait une valeur inappréciable.

Dans des études réaliséespar les dirigeants du groupe en 1944 (A.D.,
vol. II, no 8, doc. 7, p. 248) et longuement commentées dans le rapport
dehlbl. Peat, Marwick, hlitchell& Co. (rapport de 1969,par. 71 et suiv.),
ilétaitétabliquelesconditionsde l'entreprise étaient telles que lerevenu
des nouveaux investissements n'étaitplus que de 4% alors que la charge
nette des obligations à émettre sur le marché s'élevait à plus de 6%.
Le jeu comportait des risques. L'entreprise ne voyait pas son bilan
établi en fonction d'une seule monnaie; elle était dès son origine subor-
donnée à une conjoncture internationale; son crédit était depuis long-
temps tombé à rien en raison des traitements infligés à ses obligataires
dans le passé; sesopérationsfinancièresmettaient en cause des structures
propos desquelles elle voulait conserver une discrétion complète à
l'égarddes autorités espagnoles, c'est le moins que I'on puisse dire. Et,
sur ce point, les informations ds 3Ihf. Peat, Marwick, hlitcheli R. Co.,
baséessur la comptabilité et les analyses des dirigeants. sont vraiment
impressionnantes (notamment dans le rapport de 1969,no* 13,28, 49 iii),
79, 142. etc.) et I'onne peut que s'étonner,en mettant à part les erreurs
matériellesdans les taux de conversion des livres et des pesetas, de la
légèreté aveclaquelle certains conseils belges ont pu disposer du créditen
Espagne de l'entreprise au cours de la procédurede faillite, alors que les
sociétésqui contrôlaient I'entreprise: Sofina, Sidro, Chade, refusaient
finalement de lui faire crédit. bien avant la faillite, comme nous le mon-
trerons plus loin.
Certes. il n'y a pas de vie économiquesans risques, mais, à ce dernier
point de vue, la politique de la Rarcelona Traction était impardonnable:
on ne peut. sans prendre le risque d'une catastrophe, accumuler des
dettes, immobiliser des liquidités, dissimuler des structures et, en méme
temps, perpétuer en pleine connaissance de cause un conflit qui porte sur
les mécanismes financiersessentiels de l'affaire.*O4 BARCELONA TRACTION

Il nous reste alors à examiner le troisième but poursuivi pendant cette
période par l'entreprise: il était de préparer la réalisation finale d'une
réformede l'entreprise qui serait l'occasiond'un bénéficeaux dépensdes
obligataires.
Ce but sera réaliséavec le plan d'arrangement; mais il était déjà
envisagé en rg39-1g40. et ceci résulte d'une lettre écrite par l'Anglais
Hubbard à l'AméricainHeineman, en réponse à la lettre de ce dernier, du
zg mars 1940%que nous venons de commenter longuement. Que nous
apprend cette lettre qui est citée parmi les nouveaux documents dé-
poséspar le Gouvernement espagnol (vol. III, p. 126)?
Elle nous apprend qu'une sous-commission avait étéforméeauprès de
l'association des InvestmentTrustsde Londres qui réunissait desporteurs
d'environ un million de livres sterling d'obligations de la Barcelona
Traction, et les dirigeants de la Barcelona Traction suivaient leur activité
de près. Et, dans cette lettre, M. Hubbard exprinie une grande crainte:
c'est que National Trust consulte d'autres porteurs d'obligations, parce
que de ceux-là, M.Hubbard peut dire:

,C'estma ferme impression que cette commission n'acceptera rien
d'autre que des sterling pour l'intérêtde leurs obligations. Depuis
longtemps ils ont attendu vraiment patiemment que la situation se
développe et j'interprete ceci comme une indication qu'ils seront
préparés à attendre des développements futurs avec l'idéed'obtenir
éventuellement quelque règlement [eventually some setllement]de
l'intérêtmais toujours en sterling, et certainement pas en pesetas
internes qui ne leur seraient d'aucun usagc. >(Lettre de M. Hubbard
à M. Heineman, nouv. doc. 1969,vol. III, p. 126.)

On a donc convaincu certains petits obligataires, ceux-là mêmesqui
accepteront lepland'arrangement en 1945,qu'ilsn'obtiendraient que des
pesetas. On a évitéque National Trust consulte d'autres obligataires. Et
comme ce bon hl.Hubbard connaissait bien les petits porteurs, l'attente
réduit leurs exigences et l'espérance les nourrit. Si bien que plus ils
auront attendu, et moins ils auront reçu, plus leur reconnaissance sera
grande.
Ainsi donc, le plan d'arrangement procède directement d'une analyse
de la situationfaite en 1940.Par ailleiirs il la confirmepleinement, tant en
ce qui concerne le sacrifice demandéaux obligataires que l'existence de la
prétendue force majeure.
Le plan d'arran~eb,nt confirme d'abord l'analvse .iuia été faiteen ce
qui conctrnv Ic i.ic.rific: iIcninn<IIIX ~iI>li:~t.iirt1.r Çoiivcriiciiif.nt
bclg~ nit cr t~critin.,.IIs';~ppt!y,i!~II~ cl,. .p;t:~~I,iri~~~~~rIi~~iii,tti~{u~~
riI.îti\c-:i1.1 \.;tlrtIt-,.,t.tio11, I3nr~,.loii.i'l'r.o.tLIIII it.iiioiicrt,:;
en paiement des intérêts.Le Gouvernement belge oublie seulement deux
choses:
1. Le président de Barcelona Traction, dans sa fameuse lettre du 7dé-
cembre 1946 à M. Suanzes (A.C.M., vol. VI, p. 328), était bien loin de
méconnaître le sacrifice demandé aux obligataires, sacrifice, disait-il
avec un incroyable aplomb, cidont l'importance est une mesure de leurs
craintes u - en parlant des obligataires.

2. National Trust, dans un mémorandum du 7 décembre 1945 (A.D.,
vol. II. no 28, doc. 1), donnait de ce sacrifice la mesure suivante: pour
des droits totaux de 162 livres, les obligataires Prior Lien devaient rece- PLAIDOIRIE DE M. REUTER 205

voir une valeur totale de 115 livres; pour desdroits totaux de 129livres,
les obligatairesFirst Mortgagerecevaient une valeur totale de 60livres.
Une analvse sommaire du plan d'arrangement confirme éealement ce
que,no"s vinons de dire jusqu'à présent<ur la prétendue foycemajeure
au1 lustifierait la cessation des paiements de WarcelonaTraction. Et nous
Goudrions à ce sujet présenter trois remarques.
La première: les auteurs du plan d'arrangement ont été présentés
comme des cens sérieux; la première version du plan d'arraricement
aurait même:ceque le Gouvernement espagnol conteste, reçu I'aCproba-
tion provisoire de deux ministres et il a étéprésentépar des banques
extrêmement sérieuses,et le Gouvernement espaenol.es- d'accord. Xlais
ces autcurs nr crniviit p:rs tiricii;cmcnt3.uiic pCriiiride dc\%isi:ssir les
3.5 niillions (le livres sterlirig ii~cc~ii;ititiplnii. oii,.Idr.maii(le, cn
toute simolicité. 2.5 niillioii:LI'liistitut espnçiiol dc inoiiiinicCtrdnr<'.rc.
sans compter que-t'autre million de livrésSera fourni par la société
espagnole Compafiia Hispano Americana de Electricidad (Chaùe). c'est-
:i-Clicsur <ILI~~F.IOIITC~Gui<I~i\.c~irt:\t.iiir 3 I'ccononiic.t:;l~:~q~~~I~'
Ici, Ic ~rroblCriir<Ii:i8ic.iittcll~.rncnriricro,1ur.I'i~ri rn prC.;ï~icr
d'un clioix eiitrc deux iirt<.r~)r~fltlioii<)IIbien S.îtioiiiil -I'riict 1,:-
dirigeants de l'entreprise sont de mauvaise foi:on ne demande pas un
sachce à des obligaiaires au nom d'une pénurie de devisesdont Souffri-
rait un Etat auquel on demande 2.5 millions de livres sterling pour rem-
bourser un cav<tal; c'est une somme bien su~érieure à celle~aui était
nécessaire pou; payer les intérêts;ou bien, a;tre hypothèse, lei motifs
réelsqui ont convaincu National Trust et les tribunaux canadiens étaient
main; une pénurie de devises démentie par les termes mEmes de la de-
mande que la réelledémonstration de la mauvaise situation financièrede
Barcelona Traction. Et sur ce point on pourra se reporter aux remarques
de MM.Peat, Marwick,Mitchell 8:Co. dans leur rapport du 16mai 1969,
no 200, ainsi qu'aux aniiexes à laduplique. no 8. document 7,aux annexes
etau rapport de MM. Peat, Marwick, hfitchell & Co.,document 12.

L'airdienceest leuderi 13heitres VINGT-NEUVIÈME AUDIEXCE PUBLIQUE (30 V 69, IO h)

P7ésents: [Voir audience du 20 V 69; MM. Padilla Nervo. Ammoun
et Bengzon, juges,absents.]

M. REUTER: Le plan d'arrangement comporte de précieux enseigne-
ments concernant la pénurie de devises valant force majeiire. Nous avions
annoncé à la Cour que nous prendrions la libertéd'attirer son attention en
cette matière sur trois points.
Le vremier mettait en évidence le contraste au'il v avait entre la

pénurie de devises et le montant de devises qui éiait demandé à 1'Ins-
titut espaenol de monnaie étrangère par la première version du vlan de
cornoroini;. Nous avions terminéhier ce vremier ooint.
LA deuxième, que nous abordons mai~tenant,'découle du premier et il
est le suivant: la pénurie valant force majeure existe d'autant moins que,
selon les déclarations des dirigeants de Barcelona Traction, la pénurie
qui serait alléguéepar 1'Etat espagnol quand il s'agit de fournir les
devises Ourle aiement des intérêtsdisparait comme par enchantement
auand ifs'aeit je rembourser le caoital!
-
IIy niiraitI~Ipour les nninrciiri (Icrl1r'orii.iiir 1.1di~criiiiiii;itrii:i-i
tiért:il<:rh:iiiguiit:scnii)lc v:trticuliCrciiiciit iiiti.res~;iiiiii:.:iiir;iit
troo recommander àIeuÏméditation. Et c'est la circulaire du IA aoîitIOAS
adkssée par la Barcelona Traction àses obligataires qui rejetie ainsi
I'Etat espagnol et sur la défense de sa politique monétaire cette curieux
distinction qu'elle ne considère pas comme anormale (A.C.hI., vol. II,
no "3, doc. 1, p. 365-368, par. 16et 17). Et rappelons que la dette en in-
térêtsétait à l'époquede I570 ooo livres sterling au 14 aoiit 1945. alors
qu'on demandait à l'Institut espagnol de monnaie étrangère dans la

première version 2 500 ooo livres sterling.
Le troisième point qui concerne cet état de pénurie et qui est relatif au
plan d'arrangement est le suivant: c'est que la prétendue pénurie qui
regne en Espagne est en réalitéune pénurie aménagéep:lr les dirigeants
communs de l'entreprise Barcelona Traction et de la société Chade agis-
sant sous l'autorité de h'1.Heineman.
Combien nous regrettons que nous fassent défaut le temps et le talent
pour esquisser le portrait et la destinée de cet homme d'affaires, d'une
vive intelligeiice, plein d'imagination et d'audace, autoritaire mais sé-

duisant, ignorant jusqu'à la fin le poids des années, connaissant par le
détail tout ce qui se passe dans l'immense réseau de ses sociétéset seul
capable de miirir des plans hardis et à longue échéancedont ses collabo-
rateurs ne pénétreront le sens que très lentement. Son papier à lettres
portait modestement un seul titre: Il. N. Heineman, ingénieur. Mais
c'était bien autre chose qu'un ingénieur. C'était un magicien. Il savait
valoriser les frontières quand elles constituent une protection. les effacer
quand elles constituent un obstacle. D'un coup de baguette magique, il
savait remolacer une sociétéDar la collectivité de ses actionnair~ ~ ~ ~~- ~~~ ~ ~
transporte;, par des itinéraires'qui venaient de Buenos Aires, à I'Etat de

Panama. Madrid. Luxemboure. et noiis en vassons et des meilleurs. non
seulement des capitaux mais des sociétéseniières.
Le triomphe de sa vie, à l'entendre en 1947,était qu'à la suite de deux PLAIDOIRIE DE M. REUTER 207

guerres mondiales, il avait réussià faireéchapper à l'indiscrète curiosité
des vainqueurs et à leur aviditépartiale d'immenses capitaux.
Comme on comprend alors la condescendance - pour ne pas dire le
méoris - avec laauelle on entend ~arler de ces légistesou de ces tribu-
na& espagnolsenfermés dans cettetatalogne, ent; unemer trop belle et
des montagnes trop élevées.et qui doivent affronter ces chefs-d'Œuvre
transcendants de l'artifice juridique.
A défaut d'exposer tout cela, nous prions respectueusement la Cour de
considérerquesont reproduits daiis cette plaidoirie les développements de
la duvliuue consacrés au rlile de Chade. c'est-à-dire à la duoliaue. V.
, , . ,
));arngrlpile 292. pngci isi, cl sui\..inlS.
(:iirieuscnicnr. Jcl>iiii iq4o 1:ijucil:tC espagnole Clinilt: ipr<iii\.:iir des
didiculti.i i,oiir le3 ti;iiisl~rls des <Ic~i>~,-1r.iiicr'reiou'clle dcvsit t:fii.s-
1iic.rnu protif (IrI't<.l),igiir oii cl~v:iir clci paici~iei;ts :i rfft~rtiiir 1:lle
;ti.:iirnCriieCiiiisCI(S1)oii;PIIP~~CIIII.II<I*iiitc~rilts'ohli~niioni i>lnc(cscn
Espagne. Et subitement. en 1945, c'est elle qui patronne et présente le
plan d'arrangement, pendant que les représentants de Barcelona Traction
restent le plus longtemps possible dans l'ombre, c'est elle quientreprend
de négocier ce plan auprès des autorités espagnoles, et elle fait état
d'abord de disponibilités de I million de livres sterling, puis, dans la
deuxièmc version du plan de compromis, 3 inillions. Dans la troisièine
version. il annarait aue le trésor oatiemment accumulé dort dans les

te& i"du1g:n'tes de Panama aux &insd2unefiliale de~hade, la Sovalles.
Ainsi doiic. telle rentrée de devises. qui aurait atténué la relative
pénurie qui existait en Espagne, était en réalitésuspendue au consente-
ment du chef suprême, hl. Heineman, et d'amis et de complices de Barce-
loiia Traction. consentement conditionné Darun emoloi conforme aux in-
térêts<le~arcelona Traction. Comnient ni pas croik à la pénurie quand
celle-ci est développéepar ceux-là mêmequi I'iiivoqiiciit! Mais comment
croire ou'une tellê~énÙriesoit alors constitutive de force maieure ~our
c~ii~ q;i i'cii foiiIr. f:iiit~iirset.ICiiiuii~~iit\,ciiu Ics I~~n~iici.~irci'
Sous sorntnei :iiiii:irrii,;,:IIrtriiic<Irc?rrt. r>r'riodciiuiir I;i<iiiii.ous

ne pouvons rendre au Gouvernement belge l'ipparenie générositéavec
laquelle il traitait l'administration espagnole en la considérant comme
iiirréprocliable inl'entreprise Barcelona Traction, au débutde 1945,est en
contestation avec l'administration espagnole,sur ses structures finan-
cières, elle ii';pas pris les initiatives qui auraient permis de régulariser,
au moins progressivcment, le service des intérêtsde ses dettes, et cette
politique a étél'objet d'un choix délibéré qui à aucun point de vue n'était
désiiitéressé.
Noussommesainsi i mêmed'abordernotre deuxièmechapitre.

Avant de rencontrer l'argumentation belge dans sa substance, il est
nécessaire de présciiter cluc.<lu.sobservations siir ses caractères gfné-
raux.
La ligne gtiiérale de l'argumeiitation belge est simple, d'une simplicité
qui se voudrait désarmante, mais qui n'est peut-être que désarmée: le
Gouvernenient espagnol aurait pris des décisionsmoti\.éespar le désirde
fn\.oriser les desseins de hl. Jlarch.
On notera cependant combien dans la correspondance diplomatiqiie
cette accusation, en ce qui concerne les devises, est tardive. On la ren-208 BARCELONA TRACTION

contre seulement dans la note belge du 31 décembrr 1956 (t\.\I.. \,ol 1\'.
ni>202, 11.~oog),c'est-3-dirç au moment dii prvi1iit:rbranle-ha de comhar.
uunnd de riouveaux soiiicils renforcent I'6quipe initiale.que 1'011pr6pare
;ne campagne scientifique en publiant dei ouvrages sur-la personnalité
morale et ses problèmes, et en restructurant l'argumentation belge qui

sera un iour soumise à la Cour
\lais 'rcgardoiis ll'ailord quels sont Ics faits qui constituentles dr'lits
imputés à l'Espagne ct ensuite quel est Iciir foii<lemrnt.
IXnce i111conccrnt, les faits constitut ifsdu <l?lit,aprésavoir longuement
1ii:iiti:. nous rcvieiidron5111ce point cnpitnl. le (;ouverntmciit tivlp: a
r<-t<nutin3lenicnt 11,sieuls reli~i opposL:.,en n~iitièrenionr'tniri la troi-
sième version du plan d'arrangëment en octobre et décembre 1946
(VIII! p. 108); mais cependant, d'un autre côté, les faits qu'il retient et
dont 11fait des griefs s'étendent sur une périodede temps qui va de 1945
jusqu'à 1951, ce qui,tout de suite, ne laisse pas de surprendre un peu.
*lais si on considere alors non pas les faits mais le fondement, on voit
que les conseils belges invoguent, tour à tour et simultanément, la viola-
tion de règles précisesrelatives au contrble des changes. une théorie de la

discrimination dont on ne sait si elle est propre au contrôle des changes ou
constitue une théorie généralede droit, une théorie généralede l'acte
ar~ ~ ~ ~e. dénomméeéealement et. semble-t-il. éauivaleniment abus de
droit et détournement de pouvoir, 'sans oublie; uRe conception du grief
-lobal dont il a étédit dèsle début de ces plaidoiries qu'il s'imposerait d'y
recourir:

ulorsqu'il s'agit de l'usage fait dans un cas déterniinépar des auto-
rités administratives ou judiciaires du pouvoir discrétionnaire qui
leur appartenait légalement r (VIII,p. 51).
Aussi, sommes-nous en présence d'une argumentation à la fois foison-

nante et fluide. combinant l'invocation de règles precises. les considéra-
tions destinées à créerune atmosphère, les emprunts aux notions les plus
diverses, les présomptions les plus hardies, bref,tout ce qu'il faut pour
souffler sur l'Espagne un amas de nuages sombres en espérant que la
foudre finira bien par jaillir decette accumulation.
Quand on connait le savoir et le savoir-faire de nos estimés contradic-
teurs, on ne doute pas qu'ils ont choisi cette méthode parce qu'ils ont
pensé qu'elleétait la meilleure pour le succèsde leur cause et. sansdoute,
Darce ou'elle comoortait le moins de risaues. et nous n'entendons nulle-
hent contester le& liberté d'argumenter: mais simplement confesser que
nous sommes un peu dans l'embarras pour remplir notre tâche selon ce
oui est nrobablemènt l'attente de la Cour: à savok. rencontrer I'ar~umen-
Ltion i,elge et éviter cependant trop de discussions théorique; qui à

notre niveau seraient peut-être déplacées.
11 nous a semblé que l'argumentation belge était double et qu'elle
mettait en jeu deux voies qui, pour une part, mais pour une part seule-
ment, utilisent les mêmesfaits. Pour rendre sensible la double argumen-
tation belge. il faut peut-ètre poser deus questions sous une forme relati-
vement simple:
I. Les autorités non judiciaires espagnoles avaient-elles commis à la
date du lerjanvier 1947 un délitinternational du fait de certains refusen

matière de change?
2. Du fait, entre autres, de ces mêmes refus, ces autorités non judi- PLAlDOlRlE DE'M. REUTER Zog
ciaires ont-elles participé àunautre délitinternational mettant en cause

des faits postérieurs au rer janvier 1947?
La première question porte sur un délit que l'on pourrait qualifier de
csirnolea ou de ~snéci...uei,. con.titué var les refus d'octobre et de dé-
cem&é 1946.
La deuxième question porte sur un délitqu'il est plus difficile de quali-
fier; aprèsavoir parléde grief global, les conseils belges ont usédu terme
«grief d'ensemble in;il serait peut-&tre un peu académiqiie (le parler de

iidélit complexe ». Ilisons. sans engager personne, le «délit global ».
Ce seront les deux aspects del'argumentation belge que nousexamine-
rons successivement: le délitspécifique et le délitglobal.

Section I. Le délitspécifique

Coiisidéronssuccessivement dans cette section les principes et ensuite
les faits. et d'abord les principes.

al Les aritrcifies
1.2 ~I<'.liip~'rift~~iritc:prncli> pal la l~~lgiqi~~ 3,; t::,r:~ctCrisc, wir l'es.
sentiel. pîr titi<:intention illicite.ce trait restalit fond:imcntal. 1.adt:inons-
tratioii <ludelit international "eut êtretoutefois i>oursui\,ie.seiiihle-t-il.
pour simplifier. sur trois plans'oii on la pose en tërmes un peii différents:
d'abord les règles précisesdu droit deschanges,ensuite la prohibition des

discriminations, enfin la théoriede l'acte arbitraire.
Reprenons I'argiiinciitation sur ces trois plans. Et d'abord sur les
réglcsprécises diidroit des clianges.
1.cGou\.ernement belge a cru pouvoir forniuler sur la base de certaines
déclarations et de traités postérieurs aiix circonstances de l'affaire. et
aux<ludles le Gouveriieinent espagnol est étranger,un certain nonibre de
réglesprécisesqiii constitueraient en <luclquesorte des priiicipes généraux
dii contrôle des changes. parmi lesquels figurerait notamnient la règle
soivant laquelle:

,<la fonction propre du contrîilc des clianges est de ruaiiltenir les
r6scr\zesmoriétaircsà iiiiniveau sufisaiit » (VIII, p. 57.)

Cette rèele est forinuléede manière i vermettre - dans la i~eiisée dit

-
1.e ~Xu\.erncnieiit espagnol, à son grand regrit, repoiissc toutes les
foi-mul;itions proposées par le Gou\~criicmciit belge cil inatiere de con-
trî~ledes cliaiires. 1.c C;ouvernemeiit esr>:icnolconsidère c~ii'aujourd'li~ii
encore -et i'furtiori i:n ir,lh - dans iine cornrniinaiit~ iiitcrnarionalc
rllu ~r~iiil~r~:ll<IiiIXI! 5 pllii nu niliiiii lil~ci,.us, CI^.p;.!.;i~~~uii~~ii-iu i-
cialisre uii ;inti,<it. <ltD;I\.;:t ,I5 ii;idcs ilc (I~\rloi~ih.iiit~iiItr:; <livc011
. .
ne peut retenir lesprét&niues règlesCiioncéespar le Goii\~eriienientbelge
et qii'il faut rtre à la fois plus mo<testeet plus précis. II se boriiera sans
voi;loir du tout énoncerde; rèeles i préseriterlei obser\vitions suivantes:
1'rcnii;r~~nriiit.IVSbuts (IIIcuiitriic (les cllaii~~siont \,:iri;.et peiiv<:iil
&lit: ~a,liti~ii-t<'i.o~.~iiii~~i <II:;iii.ii.<:t.,iiiil tiiiiil -t,iiIG icii- IIIC il
oii s6iiliaité les liiiiiter iu les oréciscr cori\~eiitioiiiielleme~it, il n'est pas
facile de sépaier le politique et l'écorioniiqiic.et. encore nioins. l'écoiio-
miqiie et le rnoiiétaire.
Deiixièmernent, des accords particuliers, parmi lesquels les accords210 BARCELONI\TRACTION

multilatéraux sont les plusintéressants, ont tenté dans descadresliinités
aux contractants, et le plussouvent régionaux, de préciser lesconditions
d'exercice du contrble des changes. Ils y ont rencontré de grandes diffi-
cultés, ont di1nuancer d'une manière très complexe les principes, multi-
plier les exceptions et les sauvegardes, en bref, élaborer des guides, des
codes de bonne conduite qui ne valent guère que par la manière très

souple dont fonctionnent des procédurescollectives de négociation et de
conciliation.
l'roisièmement, par nature, le droit des changes est constitué par des
règles variables et différenciées. 1Zèglesvariables parce qu'il s'agit d'un
droit qui doit épouser la conjoncture, les changements dela vie écono-
mique et s'adapter ailx réactions incessantes des initiatives privées et à
celles des autres Etats. Règlesdifférciici6esparce qu'il faut analyser avec
la plus graiide délicatesse toutes les hypotlièses: cause juridique du
traiisfert, origine précisede la somme h traiisférer, situation de la per-
sonne qui demande le traiisfert et dc celle qui en béiiéficiem , oniiaie niise

en cause, etc. En réalité,on pourrait [lire par une sorte de paradoxe que le
droit des changes nes'riniformise qu'cil s'&limiriarit.
Quatrièine observation: en ce qui concerne les règles de contrOle des
clianges applicables aux mouvenieiits <lecapitaux -ce qui est le cas qui
iious intéresse dans la Barcelona l'ractioii - mEme dans les s\.stèmes
régionauxlibérauxet bienorganisés, laliberté des Etatsreste trèsgrande.
011 pourrait même dire qiie la crise monétaire des trois dernières aiiiiées
a obligEà assouplir et à envisager sous un jour nouveau des principes que
l'on tendait à admettre entre certaiiis Etats dans le mouvement inter-

national des capitaux.
Enfiii, cinquième et dernière observatioii qui vaut mêmedans les sys-
tèmes les plus stricts. Xous a\roiis par cxeniple drins le système de la
Communauté 4conomioue eiiror>Ccntieiiiic règle oui Ote..eau.ouu d'in-
ti:i;tcil I.-p;.L,.;IIIili~~.~O~>~~.II;S.I,leiiuiic i ;iiiiicii~iiti.iili:iir C<:tt<.
ri'.<l<>t $:iii,ii~<,I. <:<. ti,iiii~II;.~ I'..rri:l5 (1. 1.1<III*cil\ .ilii i i iii:,i
ir,uo rcl:itivi:;i1.1Iil~iration [Icarnoiivcniciits de cni)it:iiix d:tn< I;iconi-
&inauté européenne (Jor~r?ialoficiel des ~om~?tzr~za~reta ézsrropdennedsu

12 juillet 19.0, qzz160):
<<Lesdispositions dc la présente directive ne limitent pas le droit
des Etats menibres de vérifierla iiature et la réalitédes transactions
ou des transferts, ni de prendre les incsures iiidispeiisables pour faire
échecaux infractions à leur loi et rt?glenieiitation.»

Cessimples reniarques suffisent, de l'avis <luGouvernement espagnol. à
faire comprendre que les règlesspécifiqiieséiioiici.cspar leGouvernement
belge ncsont d'aucun secours dans la qiicstiori poséeh la Cour.
Eii 1951. dans un litige inoiiétaire et 6coiioiiiirluerelativemeiit simple,
et qiii opposait les Etats-Unis i la Iiraiice, ccpenclaiit tous deux membres

di1 Fonds monétaire iiiternatioiial, iiialgré In plaidoirie d'un conseil - il
est vrai un peu novice - la Cour iiiteriiatioiiale de Justice a résolu le
problème qui lui était poséen se pla~aiit liors du domaine du contriile des
clianges (C.I.J. Recueil 19j2. 11. 182); il sciiible qu'il devrait en être de
rn81iieaiijourd'hui.
1:argumentation belge se d6\,cloppc erisoitc sur le plan d'une certaine
coriceptiori de la discriiiiination.
I>isons d'abord un mot des priiicipcs et puis ensuite quelques remar-

quessnr les faits. PLAIDOIRIE DE hl. REUTER 211
L'interdiction de 1:icliscrimination ou bien se rattache aux règlesspé-
ciliques du contrôle des changes ou bien alors se présente comme règle

-énéraleindé~endante. Dans les deux cas. elle a un sens bien défini:
l'interdiction 'detraiter d'une manière disc&ninatoire une personne qui,
en vertu d'une rè~lede droit admise, peut exiger uiie é.alitéde traite-
ment avecune auire.
Si on considère que cet examen de la cliscrimination doit 4tre poursuivi
dans le cadre spécialdi1contrùlc des ch:iiipes, comme nous venons de le
dire. il faut rai~. .r aue la réelementaticn en matière de chance est ~'
d~.;ciiiivll~~iiiciibtnk iiir dv, <IitiCrt:iici:itiui1.r )irul)li:iiO'iiiii.di-cri-
iniiiitiori iii,~'~titcloiic :,:puicr qu'<:ri~>rtlicilcc<I~rlctix.;itir.,tiorii~loiit
I'l,i~ntilt'PC in;1iilfc3t~:)LI.+~IICl:ii1Illlt,iii:i1yct:Ir;, cl~t~illCcdc lciir;
2l~mciit coiicrcti et I'ciiicricc :ititre coiitun1ir.r. ct iioii[]:ficori\cn-
tiuniiel al'urii r;<gIcpr6cisniit 11 IIIIC f;t~011 :LII~~I ICC~IIII<1%i~~~ncIitii,iij
<li.1:iiliicriniinntit~ii cat Iixut,.niiiit ~iruhl~!rii:iti<si.i,rtviit s.i;tgit ili;
riii:i~i~t cl c:~ti. I--t-ct i,ii, ion:litiicr:ait un<:~Ii~criiriii..,tiIi.

fait d'accorder des autorisations pour des transferts qui correspondent
aux objectifs d'un plan national économique et de les interdire pour
d'autres transferts? Est-ce que coutuinièrement on dira que constitue
iiiie discrimination le fait d'autoriser des transferts de capitaux vers un
pays avec lequel on a une balance des comptes créditrice et de les inter-
dire à l'égard d'un pays avec lequel on a une balance descomptesdéfici-
taire? Et si 1'011 abniidonne alors délibérément le doniairie spécifiquedu
contrble des changes pour se placer siir le terrain génér:ilde celui du
traitement des étrangers, il faudrait supposer que le régimedes changes
fait partie du domaine où les étrangers ont en principe le droit au traite-
ment national et, sur ce point encore, on peut avoir les doutes les plus

sérieux.
Ceci simplement pour présenter qoelilues observations concernant les
priiicipes.
En ce qui concerne maintenant les faits, le Gouvernement belge poiir-
suit manifestement une double entreprise. Tout d'abord, il a soutenu
qu'un certain nombre d'autorisations (le change accordéesà hl. hlarch à
propos d'opérations financières postérieures à la faillite et relatives à
celle-ci seraient irréeulièresau reeard du droit es~aenol.

d'ignorer ces réponses'.1:e Gou\.èrnemerit espagnol estime inÜtile de
re\aenir sur les indications qu'il a donnéeset qui ont déji étécomplétées
par la plaidoirie du professeur Guggenheim (supra p. 99). Le Gouverne-
ment espagnol a déposépar ailleurs devint la Cour des nouveaux docu-

merits qui établissent qu'au moment des opératioris finaiicières concer-
nant la faillite, hl. March était au regard de la législation des changes
espagnole dans la situation régulièred'un national résidant à l'étranger
(noiiv. doc., vol. II, p. 254).
BIais le Gouvernement belge poursuit également une entreprise d'une
tout autrenature qui. sous prétexte de discrimination, coiisiste à accuser
BI.hlarch de toutes sortes d'irrégularités et qui ont pour fin de donner de
lui l'ima~...'un homme déli en céiiérnlde I'ohservatioii des lois ,,r.~z-
s e l / / I I îiir cc I>I>IIX;lulli ioitoils rIii c,iii(Ili1,r;:'nt illl&c
it IL.(;oii\.t.rii~:int:ntcsp.igii.,l r;poiidi:i Ioiir iic p:~';il>iier1;ip:iti~iicc
de la Cour par un ccmplëet paiune remarque générale.
L'exemple concerne I'affidavit du Captain Hillgarth (A.D., vol. II,212 BARGELOSATRACTIOS

p. 406 à propos duquel il a étésuggérê qiie 31.IIarcli avait réalisé à son
profit 1es mérnesfraudes dites N patriotiques 1,que celles qui ont étérepro-
chéesà Ebro (VIII, p. 95). 11 suffira au Gouvernemeiit esp?gnol de faire
observer que hl. March s'est I~orni:d'aprhs le récitdu Captairi 1-lillgartlià
faire ouvrir auprès d'une b:iri<locréidant en Espagne iiiicoiiipte en son
noiii à Iiii. Alarch, et de I'approvisioiiner avec des fonds qui provenaient
d'Espagne. II a ainsi sauvé cette banque. Quel qu'ait étéle statut de
hl. ùlarch, qu'au point de vue des changes il soit considérécomme rési-
dant en Espagne ou résidant à l'étranger, l'opération est parfaitement

régulièreet ne suppose aucune autorisation puisqu'elle ne inet eii cause
aucun moiivement extérieur de capitaux. L'opération ainsi decrite ne
présente aucun rapport avec les transferts irréguliers d'Ebro dont le
natriotisme avait sans doute iine loii~évitéremarauable .~iiis.u'il se
;ilanifestait encore au mois de jaiivier Ïg48.
Ces transferts d'Ebro prenaient la forme absolument aiiormale d'une
estraction des foiids des Caisses.salis iustification. A telle ciiscirriicaue les
adniiiiistratcurs de la faillite irureni qu'il s'agissait d'iiii al>;;s dé con-
fiaiicc et ce n'est que par la suite qu'il apparut qu'il s'acissait d'un délit
nioiiétaire. . . .. -
L'opération décrite par le Captain Hillgarth n'a coiisisté qu'en un

mou\sernent d'écritures entre cles baiiques résidenciéeseri Espagne et
accompli dans l'honneur et le respect de la loi espagnole.
Voilà pour l'exemple.
Eii ce qui concerne la remarque génbrale.nous voiidrioiis rappeler que
hl. hlarch avait en Espagne des eiinemis, et très haut places. qui ii'avaient
pas fait les mhes chois politiques que lui et n'obtiendraieiit probable-
ment Das uii affidavit du Ca~tain Hillrarth. Certains &taient ccrtaine-
inciit hien informts, par csciiiplc AleSerraiio Suiier, noii seuleiiiciit pnrce
qu'il avait iin roîit spécialpour les <locumcntsd'un caractère particillier,
Coiiiriicriousiebirons.~ius t:<ril.iii;iisi>arccou'ii avait étkiiiiiiistre et avait

erisiiite étécoiiscii dcia I<arcelona 'fiaction, dès rgqz. Si JI. hf;irc~iavait
étédaiis uiie situatioii irré#ulifrc, hleSerrario Suiier 1'aiir:iitsîir<:iiiciitsii.
Coiriiiieiitcroirequ'ilaurait~acliê ails tribunaux espagnols <Icvaiitlesquels
bl. March était attaqué que JI. Jlarch était dans une situation irrégu-
lière? >\lors surtout que AleSerrano Suiier expliquait à ces tribiinaus,
contraireinent à ce nue siirreèreniaiiitenant le Gouvernemerit helee. Que
les rlernaiideurs à ~a'faillit':~n'agissaient nullement poiir le compte d'in-
térêtsespaciiols. mais pour le conil>te d'intérêtsinteriiationnus (!\.Al.,
vol. IV. no;n,, p.~jj),'
Sous eii arrivons aiiisi à la théorieqiii seriible incarner avec le plus de
force l'accusation belge, 1;itliGoric de l'acte arbitraire et Iiostile. Cette

théorie a étéseulerneiit csqiiisséc,mais elle semble cepciid:iiit coiistituer
le c<riir(le I'argumentatioii belge, le terrain sur lequel il est :IIn fois utile
et siiffisaiit de la reiicoiitrer. Iv aurait. selon cette théorie. uiic règle ou
ililliriiicipt <Icilroi1 iiiiciii.irioil111 f~:r:~it,lr.lit Lili.,iliii1t:i ii;iliuil;~l
(1 1112cit::tiI~ili:~irtviIILI:~I~:~1:Cgit1d ~~'1111;l~.~li~~I.'~~~IIIC~ IIs;~:illlt:~
scr:iit ici1 iiit<.iiti~Iiu~tilccoiiçiic ioiiiiiitI<.I~iiiI~:iIII iiiiiii11,:1':icir
iiicriiii~ii~..\l~l~:trait:iluiiiiiii~~li:ir~:riiiin ~~rol~lt'.iiV I;I~ucii\.cqiii,
I I I I ; I : I I ai r : 1 i l II it>ilihl~IIC cc pr<>lilinlc
ée la preuve ne soit pas toiijours embarrassarit pour Ic~Gouv~riicinent
belge. Et il a cru y répondre par des présomptioiis du geiire de celles-ci
qui découlent de certaiiies plaidoiries et que nous énon~ons.mais sans

pciiser déformerce qui a étédit. PLAlDOIRIE DE 31.REUTER 213

En présence d'un gouvernement qui aurait des difficultésde politique
généraleavec un Etat étranger, on pourrait présumer que sont animées
d'inteiitions hostiles les différentes décisions prises à l'bgard des natio-
naux de cet autre Etat qui out des intérSts sur son territoire. Une telle
~résomvtion cri rejoint eri qualité une aiitre, vortarit siir une autre nues-
'tion,mjis qiii est digne de lùi êtrecomparée.Quand uii Etat demande une

enquête partir de documents qui se trouvent sur son territoire. il est
qÜe c'est parce qu'il veut manipuler et sélectionner cette docu-
mentation. Mais le Gou\rernement belge a propos6 lieureusement iine
autre formule plus digne d'êtreexaminCe et daiis laquelle on voit. à
propos de la preiive. se préciser l'idéed'acte, arbitraire. L'acte aniiné
d'une intention hostile est celui qui est inesl~licable, c'est-à-(lire dont il
est impossible de donner une explication raisoririable, faisant appel à des
justifications admises juridiquement et humainement, et C'est ici que les
comparaisons avec d'autres actes pris dans des circonstances analogues
retrouveraient leur place, non point en taiit que <liscrimiiiation au sens
technique du terme, mais comme des éléments<-lela démonstration du

caractére inesplicable d'lin acte.
La discrirniiiation serait sur le vlan des vreuves un moven suuvléme..
taire d'établir le caractére inexpl;cable d'in acte et celu(-ci - caractère
inexplicable - vaudrait en que.que .orte présoiription d'intention Iios-
tll~.
IIy niir:iit I>cniicoii1clire siiriiiicc<,iicc(>tiniri~rit;.: ~l;~n1,-cri; 'l11c
ntiii. i.criorii iI'cj<jriiicr: il f;iii<lr.?itpi<)(11:liciides ni:inri:rr.. cçrrc
tli~oi~e,et notariiriiciit ~~~(:l~ercli~:r~icll~v:iritA<.(1:ict~>cllc ~'appliqiit:
<:t <III<I;~oiit Ics carnct2rc; d'une ~.\l>li;:itioii r:iisonnablc. Ct,II'~..:II:,,
notrc ticlie et iioii; rL.iiri>!.uiiisur cc point :lus c.\lilic:irion.: <lunn;e; par
Ir i>rolt!sst:iirCBii~~~~~lic\~l:i;i.iiuiis souli:i~to~istitre s~il~s~cliii~ro.irs
placer sur le terLin clioisi par nos adversaire's. et rechercher quelles
pourraient êtreles conséquences des conceptioris belges par rapport à la

présente affaire. Et. avant d'en arriver aiix faits, nous voudrions encore
présenter une dernière observation de principe très importante.
A supposer que l'on retienne une telle tlikoric, il faudrait, pour que
l'acte constitue un diilit, qu'il soit entièrement forid6 sur un but illicite,
c'est-à-dire qiie ce dernier soit la justification esclusive de cet acte. Autre-
ment dit encore. un acte qui serait fondésur des iustifications raisonna-

ments. d'autres intentions auxauelles il serait uossible d'adresser des
. ~.ctions.
Soli.; pcnsoiis(liitc'cjt la lin prilicipe qii'i~ssrait ~>o~sildl><ICinuntrcr
DarI'i.tu(lc (1,I:Iiiiri~uru,li.iict Ctril~iiiiaiiz ii:rtionniis ct intrrnationnus
'quisont saisis de rekours en annulation: un acte juridique tient, il est

valable, s'il est soutenu par des bons motifs; l'existence d'un motif non
valable, qui serait surabondant, ne saurait porter atteinte à sa régularité.
Et il en serait surtout ainsi si le motif vicieux n'étaitpas énoncéau soutien
de l'acte. mais n'apparaissait que sur la base d'hypothèses psychologiques
relatives à l'auteur de l'acte.
Mais nous pensons que nous avons déjà abuséde l'attention de la Cour
et nous n'effectuerons pas cette démonstration. Aiix fins de la présente
affaire, il n'y a aucune controverse entre les Parties sur ce point: il suffit
qu'il y ait à un acte urie justification raisonnable pour qu'il n'y ait, en
toute hypothése. aucun délit international; une recherche supplémen-214 BARCELOSA TRACTIOS

taire d'intention n'est mème plus recevable. Xous allons établir que telle
est bien la conviction du Gouvernement belge en examinant les faits
auxquels nous arrivons maintenant.

b) Lesfaits
Selon le Gouvernement belge. à partir d'un certain moment les refus
opposés par les autorités cspagiioles oiiliti foiidéssur l'intention déli-
béréede favoriser les entreprises hostiles de BI. March, et c'est là le délit
international.
Quel est ce moment? Le Gouvernement belge a bien hésitesur ce point
essentiel (M.,1, p. 174;C.M.. IV, p. 151; R., V, p. 267, 280, 300) mais les
plaidoiries ont apporté sur ce point une, heureuse surprise (VIII, 11108) :
la Bel"iaue ne soulève dus aucun mief c-ntre les refus oonosés .,x
première et seconde versions du plan d'arrangement, se contentant
d'attaquer les refus de la troisième version du plan d'arrangement.
A notre grand regret, nous sommes obligésune fois de plus de n'accep-
ter cet aimable cadeau qu'avec réserveet d'examiner le refus de la pre-
mière version autant que celui de la troisième, Darce Que les refus sont
étroitement reliésl'un à l'autre et que le Gouvernêmentbelge a un intértt
un peu trop visible à ce que l'on n'examine pasla première version. Mais,
en Îevaiich'e, on pourra Cirerde ce changement déposition du Gouverne-
ment belge uiie importante conclusion que nous exposerons le nioment
venu.
Les explications que nous avons à donnersur les deux versions dii plan
d'arrangement - premibe et troisième, puisque la seconde ne comporte
pas d'éléments très originaux - seront courtes et, nous I'espErons,
simples; mais il est utile dc les allégerencore par deux explicntions préli-
minaires.
Première explication préliminaire: le terme .nationalisation » peut
avoir en espagnol le sens d'cihispanisation » et ii semble que nos adver-
saires admettent cette interprétation. L'hispanisation d'une sociétépeut

porter sur différents éléments séparémentou conjointement: on peut
hispaniser la forme juridique d'une société,on peut hispaniser la propriété
du capital-actions, on peut aussi hispaniser la dette obligataire. ilinsi, une
société espagnolequi a emprunté auprès de risidents siiisses iiiie somme
en francs suisses hispanise sa dette si elle la rembourse avcc des francs
suisses cédéspar I'Etat espagnol en versant à ce dernier. en contrepartie.
des pesetas qu'elle a elle-méme obtenues par un emprunt obligataire
placésur le marché espagnol. C'est en ce sens que M. hlarch parle, dans
une de ses demandes à I'lnstitut espagnol de monnaie étrangère, d'une
nationalisation de la dette de Barcelona Traction (lettre du 20 février
IOSI: A.C.I\I.vol. VI. no 8.doc. 1. D.7661.

capital envi*& 4 247 ooo livres kterling'/oblig$ions à In souche pour la
Westminster Bank exclues - et I 570 ooo livres d'intérêts;d'aprés son
dernier bilan, Ebro (M. ,, p.21) avait, à la date du 31 décembre 1946,
urie énorme dette comptable de 17 millions de livres et de 23 joo 000
dollars canadiens.
D'un point de vue purement formel, en 1945, la dette de Barcelona
Traction ne pèse pas sur l'économie espagnoleet c'est ce qui explique les
premières réactions officielles espagnoles au plan d'arrangement qui PLAIVOlRlE DE M. REUTER z15

était présentépar Chade et ne parlait que de Barcelona Traction. Mais,
matériellemeiit, ce serait la dette d'Ebro qui pèserait sur I'écoiiomie
espagnole. Or, quelle est l'idéeoriginaire et fondamentale du plan d'ar-
rangement? Elle est d'hispaniser complètement la dette en sterling de
Rarcelona Traction en la rem~lacant Dar une dette en pesetas d'Ebro. On
-
rembourse dans les première<ve;sio<s les dettes en stérlingde Barcelona
Traction avec les devises fournies par 1'Etat. on paie à I'Etat les devises
par une contrepartie en pesetas, lei pesetas sont tiouvées par un emprunt
d'Ebro en Espagne. Keste alors à savoir comment Barcelona Traction
rembourse Ebro. et c'est ce qui n'a pas étéexpliqué clairement dès le
début aux autorités espagnole ^tc'eit par là qÙe les dettes extérieures
de Barcelona Traction et d'Ebro vont apparaitre en relation l'une avec
l'autre et c'est par là que toutes les solutioris vont mettre en cause, non
seulement les dettes extérieures de Uarcelona Traction, mais, toujours et
aussi. les dettes extérieures d'Ebro. En effet, quelle va étre la solution
retenue? Comment est-ce aue Barcelona Traction va rembourser Ehro?

alais, d'une façon très simple: comme 13arcelona Traction est creancière
eii livres d'Ebro, il suffira d'annuler, en contrepartie, une fraction, une
~ ~ ~te fraction. de la dette d'Ebro aui est intéi-alement dails les mains
de Barcelona Traction, ce que les aut'oritésespagnoles ne font que soup-
çonner.
A'rè~ ~~ ~deux observations vréliminaires. il est facile d'ex~l. .ier les
raisons du refus espagiiol à la première versi'ondu plan d'arrangement,
telles au'elles résultent des lettres et entretiens deM. Suanzes, des lettres
de 1'1ktitut espagiiol de moiinaie étrangèreou du discours de ?il.Suanzes
aus Cortes, et en dehors de raisons déjàsuffisantes en elles-memes et que
l'on a eu l'occasion d'indiquer à propos de la théorie de la force majeure
résultant de la pénuriedes devises.
Première raison du refus: I'hispanisation d'une dette en capital aussi

importante ne peut être envisagée sans <,[lesjustifications] portant à
foiid et en détail [sur] la constitution et [le] développement de ces entre-
prises, [le] processus de capitalisation, les installations et autres questions
ayant un caractère analogue D,c'est la formule bien connue de la lettre de
hl. Suanzes dii 15 octobre 1945 (A.C.M.,vol. VI, no 5, doc. 9, p. 287).
Rappelons simplement que les formules qu'emploie le ministre eii 1945
soiit esactcment les méines que celles qiii étaient employées par I'ad-
miiiistration monétaire - celle-là irréprochable - en 1932 à l'égard
d'Ebro, lorsque l'ai-lrniiiistration demandait des renseignements qui ne
lui ont jamais été fournis à fond et en détail (A.C.M., vol. II, p. 76 et
suiv.). Et voilà la première raison.
La deuxième raison du refus est que, si c'est de la dette de Rarcelona

Traction qu'il s'agit. cette exigence d'une explication à fond et en détail
se renforce de la considération que Barceloiia Traction se présente, ap-
paremment, comme étrcingèreà l'économieespagnole; si c'est de la dette
d'Ebro qu'il s'agit, cette exigence sera, si c'est possible, encore plus
naturelle puisque les dettes extérieures d'Ebro soulèvent auprès de I'ad-
ministration des doutes sérieux et que celle-ci est en conflit ouvert avec
Ebro depuis 1940 à propos du compte en dollars avec International
Utilities. Or, noiis le savons maintenant. toutes les versions du plan
d'arrangement mettent en cause à la fois ladette estérieure de Rarcelona
Traction et celle d'Ebro.
Troisième raison: l'opération présentait bien d'autres aspects inqiiié-
tants ou désagréables: c'est une société espagnole, Chade. ~usqu'alors216 BARCELONA TRACTION

prétendument handicapée par les contrôles des changes étrangers pour
ses rapatriemeiits de devises en Espagne, qui soudainement paraît
disposer d'énormes ressources en devises,nous.i'a\~ons vu. Et puisaussi.
et il est inutile d'insister sur ce point, les opérationsianci&reslaissaient
un important surplus, lequel devait etre réparti aselon l'effort de
chacun ...u.
Mais le Gouveriiement belge concentre maintenant ses attaques sur le
refus de la troisième version du plan d'arrangement. Ce refus serait par-
faitement arbitraire parce que cette fois on ne demandait plus à 1'Etat
espagnol aucune devise. Toutefois, et c'est là le point essentiel, même
cette troisième versioii mettait en cause directement et plus que jamais
les dettes extérieures d'Ebro.
En effet, d'une part les apporteurs de devises: Sofina. Sidro, Sovalles
exigeaient une contrepartie et voulaient obtenir. à cet efiet, des obliga-

tions d'Ebro. ~I'aiitre oart. Ebro avancait à Barcelona Tractio~~-es~~-
pesetas néc&saires au'reiboursement 'des obligations de Barcelona
Traction en Desetas et demandait. A cet effet. en octobre. de uasser. en
contrepartie,'uiie écriture au compte eii pesetas d'1nternationai Utilities.
et, en décembre, l'annulation d'un certain nombre de coupons échus de
ses obligations Genernl Mortra-- <.ui se trouvaient daiis~les mains de
BarceIona Traction.
A titre préalable, on peut aussi rappeler qu'à propos du plan d'arran-
gement 1'Etat espagnol a, par la plume de son ministre, demaiidé des
explications à fond et en détail le18 octobre 1945 sur la réalitédes inves-
tissements par rcipport aux transferts mis en cause. Cette exigence, au
bout d'un an n'avait oas été satisfaite. ~uisaue les diriaeiints de I'entre-
prise n'avaient fournibue des notes expficat&es et des $ilans qui étaient
dépourvus de toute valeur probante réelle. Cette exigence subsistait donc
et I'Etat espagnol n'avait aucune obligation d'acceptërauciine formule de
financement quelle qu'elle soit avant que cette étude ait étéfaite. Autre-
ment dit, on ne voit pas pourquoi oii se serait libéréd'une obligation aussi
substantielle et aussi naturelle simnlement en chanaea-it les modes de
financement, piiisclue de toute façori c'étaient les cliarges devant peser
sur l'économieesn.~n-le qui étaient mises en cause. c'est-à-dire les dettes
d'Ebro.
Ceci dit, le refus particulier de la troisiéme version repose sur trois
raisons dont la preinière est à elle seule suffisante et nous retiendra plus
longuement que les autres.
Première raison: la troisième version du plan exige des autorités espa-
gnoles une reconiiaissance définitive des dettes à la charge de l'économie
espagnole portiies dans les mécanismesfinanciers d'Ebro. En regardant de
présl'opération, oii s'aperçoit mêmeque les promoteurs ont introduit des

coriil)lications qui seraient inutiles si elles ne se jiistifiaicnt pas par le
désirspéciald'obtenir cette recoiiiiaissance.
Ainsi, les apporteiirs de livres reçoivent, en contrepartie,des obliga-
tions d'l3bro nouvelles qui provienneiit de la conversion des obligations
Gelierfll Alortgage.
Et par là on \,a impliquer 1'Etat par une opération dont on dissimule
l'intention réelle sousdes formules un peu bonasses:

ciDans I'onération telle oii'elle est uroietée maintenant. on ne
préjuge pas fa conversion des iiouvelles 'obllgatioiis de 1'~bro que les
ent1t6s apportantes receirroi>t en obligations libellées en pesetas. PLAIDOIRIEDE M. REUTER 217

Cela pourra se faire ou ne pas se faire dans une étapeultérieure, mais
en tout cas. cela nécessitera toujours l'autorisation préalable du
Gouvernement esr>ae,ol<.a seule chose auc l'on fait maintenant est
dc Inijser In porte uii\.,:rr~en <i;ihliiiniii coiiiiiic un,: tlii cuii~lirioiii
d't'niissioii des noiivellcs ulilications Ebro le kiit i~iicccllei-t.1 i)tiii-
sent êtretotalement ou partieïlement converties en'titres en petetas,
si le Gouvernemerit espagnol l'autorise. ,i(Note eii annexe à la lettre
du zr octobre 1946,AC.RI., vol. VI, p. 305.)

Quant à la coiitrepartie à fournir à Ebro en échangedu remboursement
effectué par elle des oblieations en pesetas de Uarcelona Traction. elle

devait avoir lieu soi~ ~ ~ ~to~re na; I'inscrii>tion au comnte en oesetas .
d'1nternatioiial Utilities,soit en dicenibre pa;l'annulation Se coupons des
GeneralMortrare Bonds. Cette dernière opération eiitrainait la même

semeiit eii cipital une facilitéqui était acc6rdécpoiir le'paiement des in-
térêts.Mais c'est oublier, comme nous l'avons dtjà indiqué, que ce
comute eii »esctns était esscntiellemcnt nro\~isoire, iiie I'adminisfration

se conipenser et que l'administration lie poiivait admettre que lë&ompte

en pesetas soit définitivement clôturé par le remboursemeiit des obliga-
tions en capital sans que soient élucid6cs les questions regardant le
compte en dollars.
Il y aurait à propos de ce premier motif de refiis beaucoup de choses à
dire encore sur les cnsci~nements que I'oii ~xut tirer de cette troisième
version du plan dSarr:in&nent. Lés puissinces fiiiancières qui'avaient
mobilisé à l'époclue3.5 millions de livrcs obtenues à partir de dollars
pour financer cette tioisième versioii auraiciit pii parfaitement exécuter
le plan d'arrangenient sans mettre en cause les dettes d'Ebro: il leur
suffisait de trouver eii dehors d'Ebro 60 niillioiis de pesetns, ce qui leur

aurait étéfacile. surtout si l'on songe que Sofinn avait des filiales directes
eri EsA u ,e. niais~S-~~~a~ -~ses coasçoc~tsne voiilaiciit il,s or.ter à Barce-
lona Tractioii - qui, cependant,d'après les ttièscsbi:lgcsétait leur propre
chose -sauf h la double coiidition que les dettes <leBarcelona Traction
soient réduites et que les rnécanismej financiers d'Ebro soient purgés de
leurs vices. Si ces deux conditions n'étaient pas réunies, Barcelona
Traction perdait beaucoup de son intérêt.I'oilà qui en dit long sur le
prétendu crédit de Barcelona Tractioii! Et cc qui le prouve davantage
encore. c'est que même enrenonçant au plan d'arrangcnient, elles avaient
tous les moyens de payer les arriérésdes iritérétsdes obligatioiis en livres
sterling de Barcelona Traction; elles avaieiit aussi tous les moyens ù'em-
pécher hl. hlnrch d'acheter i Londres des obligations en sterling: il leiir

suffisait de faire elles-mhes des offres sur le niarclié; on a estimé, du
côtéadverse, que ces achats s'étaient élevésentre z et 3 millions de livres
sterling, mais c'est 3 inillions et demi de livres sterling dont dispose le
.,oune.de la Sofina! Si ces vuissances financières n'ont retenu aucunc de
ct asuli~i~uiisc'c,~ qiic:l':~li..ii~i:i',.iiv:tl.~ii*.II.~iiciiiic:is Ir ]BriC]ILC::,i
liii:iiiciCr~~iiictrjtriicriir~:lltririt:II<Ei.iiiiii:iii\.:iije. 1:uiiiint..'t.sl>liiliii.
alors parfaitcmeiit la position qu'elles ont prise au moment de la-vente
dans la procédure de faillite!Dès 1gq6, soit daris le plan d'arrangement,218 BARCELONA TRACTION
soit cil dehors, ces puissances financières avaient montré que I3arcclona

7'ractioii ne les intéressait qu'à la condition de ne pas payer l'intégralité
de la dette et de lui coiifCrer une innocence qu'elle n'avait jamais eue.
C'est pour cela qu'elles n'ont pas mis le moindre obstacle aux prétendues
maiicEuvrcsde hl. Jlarch, niais ont tenté. coinme nous le verroiis bientbt,
de s'en faire un alliC. Et voilà la première raison pour laquelle les auto-
rités espagnoles n'ont pas accepté la troisihe version du plan de com-
promis. - ~
I*;idciixi&mcraison do refiis est que le Goii\,eriiement espagnol avait

vit sc coiifirmer ait cours des entretiens <le 1946 cette oiml~rcssion de
inéfianceetde soui~con 1,?Llaquelle hl. Siianzcs devait faire allusion daris
son discours aux ~.o;tcs; mai; la lettre du 7 clécembre 1946di1 présitlent
de 13ercelonaTractioii ait iniiiistre (.A.C.JI.,vol. \Il, no 6, doc. 2, 11.328)
reconnaissait des faits iiiiportantsqui confirmaient que l'on s'était moqué
dit Goilvernemerit et clesautorités espagnoles, ainsi en ce qui conceriiait
la sitiiation réelle di1 trio üarcelona Traction, Ebro et International
Utilities. dont la connaissance exacte avait touiours étérefiiséeà I'lnsti-

rit : I I l IIOIII: I I . 1.1 ICIIIC 11117 il<:c<:niIi~I!..I(:trl~i~it-
t:,~tI~I~':IItic.:i.,~t,,1111,,II;IL III: :,IICLJIII:(1.:.Li. IIIIIOII ~III X,IIIcr,jl-
1%ti:i 11r\~.1111l., i,iilir 11111.t1~i~~.t l~ III.II<:~. .,:III11 ~ii<.iit CIIL:(LI-
mettait les sacrifices <lem:indésaux obligataires par le plan d'arrange-
ment. l'intervention directe de Barcelona Traction en Espagiic, la pro-
pri&téde cette dernière sociétésur toutes les actions et obligations
(I'Ebro; ces renseigi~cnients devaient avoir <lu prix piiis<]u'ils étaient
forteiiiciit réduits daris la lettre adiiiinistrati\.e adressée à l'Institut

espag~iolde monnaie étrangère, notammeiit, en ce qui coriceriic Interna-
tional Utilities (A.C.>I.,vol. \'1, chap. 11, ilr6, doc. 2 et 3, 11.328 et sui\,.).
Eiifin, la troisième raison du refiis esp~ignol est qiie cette deriiière
version du olaii <I'arr:iii~emcnt confirmait les imvortaiitcs ~éscr\~esen
devises de Chade, sociétécspagiiole, mcine si lesditesréserves restnicnt en
attente à I'aiiania. 011 rie saurait oublier qiie toute la question di1 plan
d'arrangement, pour le Gouvernement espagnol, met in cause Chide,
société espagnole,autant, sinon plus, que Barcelona Traction (A.C.i\I.,

vol. \'If no j, doc. 31, 11.326).
].es refus o~.o.6s ait olan d'arraneemen" rc~osent donc. selon le Gou-
veriienient espagnol, si;r des rnotifs solirles et raisonnables. I'oiir pré-
tendre la contraire, i: fiiiit démontrer qu'eri mcitièrede paiernciits exté-
rieurs les eouverneriierits doivent vreiidi-eleurs décisionssaris \,voir clair.
Toiitef~is, le Gou\zcriiement b'elge voii<lra, peut-être, so;tciiir qu'à
cotéde ces motifs r>arf;iitement licites, il y en a d'autres qui sont illicites.
Et, selon le Gouvérnemciit espagnol. le~Goii\~ernement-belge n'est pas

recc\rable à soutenir cette tlièse,car les refus deseptembre et dç d6cembre
19.16sont fondéssur (les motifs valables; cela suffit, et le Gouvernement
belge admet que cela siiffit. I'ourquoi donc I'admet-il? Jlais parce que
dans ses concliisions (VIII, p. roS), notre distingué contradicteiir déclare,
à 1xo11osdesrefus opposésauxdeux prcmiCres versions:

<Les raisons <loriiiCes étaient loin d'ctre convaincarites mais comme
I'Esn.e-e aurait di1 fournir des devises et eii manquait, la 13eleique -.
ne sou,èveaucun grief contre les dCcisionsprises. ii PLAIDOIRIE DE M. REUTER 219

modifiée peu après l'arrivée de M. Suanzes ail pouvoir. que celui-ci est
l'ami de M. Alarch, qu'il agit d'accord avec lui dans les desseins les plus
sombres. etc. Du rapprochement de ces deus positions il y a une conclii-
sion logique qui s'inipose: le Gouvernement belge admet qu'lin seul

motif léeitime suffit à établir. au reeard du droit international. le carac-
tère nonuillicite d'un acte. et en ~'e;~èce,pour les refus des pr&niére et
deuxième versions, ce motif légitimeest, selon le Gouvernement belge. la
uénuriedes devises
' Il en résiilteen droit que. si la Cour estime qu'étaient réels,raisonnables
et fondésles motifs qui viennent d'êtreexposés pour refuser la troisième
version <luplan d2a&angemcnt, il n'est possible de prendre en con-
sidératioti des allégations fondéessur d'autres motifs qui auraient inspiré

le Gouvernement espagnol i cette occasion. Autrement dit, encore. un
acte fondésur des motifs légitimesne peut étreattaqué au prétexte qu'il
y aurait, au-delà de ces motifs légitimeset réels, des arrière-penséescou-
pables.
Bien enteridu, ce raisonnement se situe toujours dans le cadre de l'al-
légation d'un délit spçcifiqiie commis en matière de devises par le Gou-
vernciiient espaenol.

effet, à cet égardl'attitude des prétendues victimes ft'des~ouvernements
iiitéressés?
L'attitude de Barcelona Traction a déjà été soulignéedans les écritures
espagnoles. Les dirigeants conclurent tout simplement des événemeiits
qu'il faudrait, de toute manihre, fournir aux autorités espagnoles les

renseignements demaridés ct entreprirent des rec~icrclies; celles-ci sem-
blent cepcndant avoir étéassez rapidement découragéespar les révCla-
tions d6favorables que des &tudes préliminaires apportèreiit (C.hl., IV,
Dar. 2....,. 201.,, Par ailleurs. la Barcelona Traction se tourna vers le
i\.ll<iical (I'l)l)ligaliires foriil; pnr \I \l;tr<.ll.
I)$s Ir:rq <I.!ccniRre 1i).46.~liiiia1tit!I~,ila~~iraj(irC5 IVrcfi~~ tiii:iIci
dirigeants de Barcelona Traction publiè;ent un communiqué de presse où
ils se félicitaient des offres faites en Bourse par hl. hlarch et qui permet-

traient à des obligataires pressésde réaliser leurs titres dans des condi-
tions avantageuses (A.C.M., vol. II, no 113, doc. 7.p. 375). Désjanvier les
contacts &taient devenus très étroits entre I3:irceloiia Traction et le
syndicat de hl. hlarch et un protocole d'accord était signé entre eux
(A.C.hl., \roi.II. no 118, p. 482).Ce cliois. qui consacrait la reconnaissance
de la position dominante dii syndicat de AI.March en matière d'obliga-
tions Prior Lien et l'encourageait, avait une portée sur laquelle on aura

I'occasioii de re~en~ ~ ~ ~ ~ ~ iiiBarcelon~ ~ ~-tion ni Ebro ne firent Ic
moindre recours contre le refus de devises; la question a étéet sera encore
discutée à propos de l'épuisement des recours locaux. Mais le Goiiverne-
ment belge s'est défendusiir ce terrain parce qu'il est obligéde le faire eii
raison de la position qu'il a prise devant la Cour. Mais il y a quelque
chose d'absolument irréeldans la position belge: la véritéoblige à recon-
naître que cette question d'un délit international résultant du refus ne
s'est présentée,à l'époque.à l'esprit de personne. C'est uniquement en

raison d'une thèse reconstruite ex bost iacto que le Goilvernement belge220 BARCELONA TRACTION

hlais ce aui le Drouve davantase encore ce fiit l'attitude des couverne-

moiit;é plus réticerit pour 1; mise en <eii\.re d'une solution qui leur

imposait des sacrifices injustifiés; il marqiia seulement sa satisfaction de
voir des offres en Bourse faites de manière à iie pas retarder indéfiniiiient
la réalisation des droits des obligataires pressés. Mais I'abstentioii du
Canada est plus étonnante, et surtout.celle de la Belgique qui revendique
avec tant d'assurance lc droit de protection diplomatique. Aucune inter-
ventioii n'a étéfaite à l'époque auprès di1 Gouvernement espagnol. Ce

dernier ne fait pas seulcmeiit cctte remarque sur uri plari géiiérnl.Si le
refus de devises cst uii délit spkifique, toiis ses élémeiitsétaient réunis
dès la fin décembre 1946 et la Belgique. selon les thèses qu'elle soutient
aujoiird'hui, aurait di! présenter une réclamation diplomatique à I'épo-
que; elle ne l'a pas fait, pas pliis que le Canada; elle n'est pas recevable à
in\~oqueraujourd'hiii iiiitel délit.

La véritéhistorique est é\.idemment beaucoup plus simple: aucun
eou\reriiement n'a oeiisi:uii'un délit iriternational venait d'ttre commis.

tl;"orie et en fait, de toute valeur, et rn6me de la moindre vraisemblance
historique.

L'azbdieace,sirspendlre à II lzzo, est reprise I?II h 40

Sectioiza. Le délitglobnl

En abordant cette question du délit global, rappelons une fois de plus
que le Gouvernement espagnol a esprinié à ce sujet toutesses réserves: il
estime que les conccptioiis belges, ou l'image qu'il s'en fait, ne sont pas
acceptables et il n'a pas à rechercher qirelle autre formeune telle théorie
aurait pu recevoir pour la rendre acceptable.

11sullit donc de renvoyer la Cour à ce qui iiétédit à ce sujet par un des
maitres du droit international, le professeur Guggenheim, au compte
rendu du 23 mai, page 100, supra.
Le professeur Arécliaga donnera encore plus tard. sur la matière du
délit global, une vue d ensemble rassemblant les aspects fondamentaux
de cette affaire.

Notre tâche présente est beaucoup pliis rfduite: puisque. comme nous
l'avons déjàdit. le Gouvernement belgc estirne que cette notion du délit
global est particulièrïmeiit utile pour rattaclier le refus des autorités
esoaenoles non iiidiciaires à la faillite. nou~,devons re~ ~ ~trer~ ~r ce
point les conceptions belges, d'abord sur le plaii des principes, ensuite sur

celui des faits,que le Gouvernement belge croiu pouvoir invoouer et faire
valoir à I'aooui de so~~er"ef.
Ce n'est donc pas dans la ligne de la conception espagnolequenous
allons plaider devaiit la Cour, mais à titre subsidiaire, en nous efforçant PLAIDOIRIE DE M. REUTER 221

de suivre nos distingtiils ;idversaires siir le terrain qu'ils ont eux-mémes
choisi.
A cet effet, nous présenterons d'abord des remarques générales.puis
nous passerons ensuite A l'étude concrètedes allégationsbelges.

a) Remarqlresgénéralçs
Pour établir le oint orécisde la contestation oui nous sénare de nos
distingiiés contra~icteu;~. il faut d'abord deux reniarqiies qui

sembleront probablenient admises sans difiiciilté.
l.:, l,rtn~~i:c>L CIII1,:,I~:l~i~r~rn~trion~ 11~'l~.x1.qlc~pxr la r6un1<11 <Ir
crrt:iins G1Cint.nts CIIIiic swnc [I:III~CC~~:XI~~III~.I~.urit:uinii:intII pci~i
mhe arri\.t:r oiii. l'intervalle (le tciiiiiiCi)nre cîi6Ii:inent~ soit iiil>~-
tantiel: autremen~ ~ ~ ~ ~ore~~~~,défitintern'ational Deut avoir iine cer-
taiiieépakseur dans le tenips. Ainsi,un délit dsagr;ssion serait formé.
dans certains cas, non seulement par l'existence de certains faits matériels
qui en eux-mêmes pourraient ne constituer que des incidents <le fron-

tières, mais par des plans et décisionspolitiques et militaires cl&libérées
aui i~cuventêtresouvent antérieurs aus:icta<de violence matErii:lle,
' ~feiixième observation préliminaire: Une série de délits spbcifiques
peuvent êtreconsidérés,eii vertu d'une règle expresse de droit, comme
constituant, par leur réunion. un autre délifclontils ne sont que des élé-
ments constitutifs aiix<luels vient d'ailleurs s'ajouter une fin nouvelle,
pro re Un assassinat par des autorités publiques peut constituer une
viofation desdroitsdel'homrne; une multiplicité d'assassiriats peut cons-
tituer un génocides'il vient s'y ajouter l'intention de détriiire une mino-

ritécttiiiique. raciale ou religieuse.
Au-deli de ces deux remarques qui sont siniples, la difficultéapparaît
lors<lu'onse trouve en présenced'une séried':ictes dont on dirait. dans la
mesiire oii cette conc(:ption aurait un sens - pour le Gouvernement
espagnol elle n'en a pas -. que chacun constitue un délit douteux. un
quart de délit, un délit qui n'est pas dfmontré pleinement iii mkme pro-
bablement. Est-ce qu'alors la réunion d'iiriesériede ces délitsdouteux, à
supposer que l'on admette cette notion. ne constituerait tout de méme

p:is en elle mêmeun vrai délit, mais de la rnémenatureque chacun de ces
délitsdouteux?
C'est bien ici,.et quoi qu'on en dise, qu'apparaissent les difficultéset les
hésitations belges, dé'à perceptibles dans la première note diplomatique
du 27 mars 1948 (A.L. 1959, no 2) qui parlait .d'un dénide justice ou
nluti~t d'une sériede (lbnis de i,sticen.
Apres avoir échnfauclé clans la réplique (p. 583) un important dkvelop-
pement sur le grief global. le Gouvernement belge. devant les objectioiis
de la diiplique (p. 8x1). a compris combien il serait peu glorieux dc con-

fesser que ses griefs isoléssont chacun pour le moins doiiteux et alors,
dans 1i:splaidoiries, il a pris une position d'une savante ainbigiiït6.
Tous les eriefs ou'il formule seraient des eriefs s~écifiaueset ce n'est

pendante (VIII, p. qg).
Disons d'abord que le Gouvernement belge éprouve iine propension,
que nous nous permettons de trouver un peu trop marquée, i user du
terme <<techniane >iauand une situation l'embarrasse: ainsi. ce n'est aue

sur 1,:plan <,ucki l{%,rcltconxï'i<i~ti<~:iiii~rt~t:<:Id<.C.ii~<t:I;~:T
q111cn1wrnc ltp.iic~ri,:~dte5~s int>r;t.~(l<.,\', p:ir jou ,:IIII~I Iicor<:1t.s222 BARCELOXA TRACTIOX

modal~ ~ ~ ~l~~troisiè~ ~~ers~on du olan d'arrangement n'auraient affec-
tL:les reijoiirccitiid,>iicci SLUC yir 111plmi trçcliiii.lii(\'III.p 931
Soiis ne savons si I..i ncti\.it?î qut: nulis t!srrjuiii Ir.<tiii.Cr lei :iiirrci,
ici. joiit tccliiii~ilit1113ii11Ill>lls~nlhi2~!ificlir c3iitoiir c.15011 cll~srclc.
vent d'une autk technique cluï cellc du droit.
Et, bien que les conseils belges se renvoient de l'un à l'autre les expli-.

cations à ce sujet (VIII, p. E GO )n constate par leur vocabulaire - ainsi
quand ils parlent de <<griefd'ensemble* -, par les conscquences qu'ils
ont aiinoncées en matière de préjudice, par tcus leurs raisonriements,
qu'ils entendent faire découler de ce grief d'ensemble des conséqiiences
qui ne sont pas minces. et d'abord rattacher à la faillite tous les actes des
autorités administratives de 1945et 1946 (le lien de connexité figurait
déjà dansla deuxième partie, chapitre II de la réplique (V, par. 477,

p.322) etun recoursle pluslarge à la notion de connexitéestannoncé en
termes propres dans les plaidoiries (VIII, p. 52).
Ensuite et surtout, cette théorie du délit global permet d'appliquer la
précieusethéoriedel'abus de droit h l'affaire considéréecomme un tout et
alors, bien entendu, on est complèterneiit affraiiclii de la r2gle qui per-
mettait de considérer comme ltgitime un acte spécifique foridésur des
motifs raisonnables: en effet, l'ensemble des actes considérc comme un
tout n'a plus, selon le Gouvernement belge, aucune justification légitime.

O-ir- ~ ~ - ~rables facilitésde nreii\.e sont ainsi acoiiises: oii construitun
délit globalpurement intentioniiel qui s'alimented'intentions qui peuverit
êtresouvent probables ou simplement possibles, et la théorie du délit
global a pou;objet finalement'de doniier un blanc-seing pour réécrire
toute l'histoire de l'affaire en commençant par la fin, par le résultat dont
la poursuite et les movens sont imagiiiésou présumés.I'our recréerl'his-
to&c nion;triic:ii.tc rlu'ilciiti:iiil prCsLyi~$i.rI:Ii'ourIr.i;oiivcriii:riii:ii~ht:lgc

f;iit conini<:ce; l1ni~~on1oir~istiq .iui ;irrivt:rniint:ir,.ci,ii~titiie1111;i~iiiii.~I
entier avec uneieule vertcbre. ici, la dernière.

doute arrive-t-il qu'au soir de leur vie. pour s'éviter remorcls ou regrets.
lesh~mmess'ima~inent que leur viene p6ii~~aiê t treautre que cequ'elk fut.
La vision donnéepar le Gouvernenient belge répoiid à une illusion de ce
genre. On ne peui, sans de graves inexachtudes et lacunes. prétendre

aujourd'hui réunir par une intention coupable au conteiiu arrêtéles
épisodesdiscontinus de cette affaire provoques par des stratégies diverses
dont celle de la Karcelona Traction fut, plus que toute autre, détermi-
nante et par des événements auxquels le Gouvernement espagnol est
complètement étranger.
Et c'est. en effet. bien là le nroblèmc de droit. Admettons uii instant,
puisque nous ici i titke siibsidiaire. que l'on accepte l'idéed'un
délit international constitué par un but illicite dont on irait cherclier la

manifestation dans une série d'actes distincts dont chacun. sans ètre
illicite., rivl:lvr:iit In ~~crm:iii~ii<lecc l)iil I~II~~c ,tii,lr;!it-~lalor< <lui
roiij c,.; a<:tri ioicnr rt:iiiii; pnr clcj Iic:iicoii~tiiii:iiiiiriLunir: iii(lisso.
ci:ible k:iirii:itii.rt:<lercjt)onsaliilit;. 1,:s:iirt.>.-ciritcloi;IL(I?t>nrtdans
la discontinuité du temis et de lavie: ils se présentent isolés',et c'est
pourquoi la démonstration de leur unité relève de sévères exigences de
preuves. Ce problème n'est nas sans évoauer un autre problème. absolu-

ment inverse, mais dont le rapprochement dispense peut-être une cer-
taine lumiere: en matière d'actes conventionnels, toutes les dispositioiis PLAIDOIRIE DE M. REUTER zz3

d'un tr:iit& constituent une unité, par les voloiités liumaines qui les
réunissent en un acte unique, Ilans certains cas esceptionnels, et R des
fins limitées,on peut dissocier certaines de ces dispositions les unes des
autres; en matière de traité, c'est la séparabilité (severance), qui est
difficile prouver en matière de responsabilité,c'est cequ'il faudrait bien
appeler la ~globalisation n,qui n'est pas dedroit et doit faire l'objet d'une
démonstration convaincante.
Pour consacrer cette totalisation d'actes séparésen vue de leur réunion
en un délit unique, il faudrait, au moins, que ces actes soient la suite
nécessaire les uns des autres et que l'intention qui est le facteur déter-
minant de la culpabilité persiste avec un contenu identique tout au long
de la chaine des actes dont on prétend qu'elle les réunit en un délit. Il ne
faut donc pas qu'entre deux actes il y ait la discontinuité introduite par
un fait de la prétendue victime ou mêmepar le fait d'un tiers. Il faut donc
aussi et surtout que I'intention délictuelle, cellequi finalement constitue à
elleseule le délit.esiste avec le mêmeobjet. avec la mémecertitude d'un
bout à un autre de la suite des actes que l'on considère. Ce serait l&des
conditions minima.
Or. ces conditions ne sont nullement vérifiéesdans le roman de la
~arcelona Traction écritdanssa version belge.
Le Gouvernement belge avait d'abord décrit dans la réplique le grief
,>obal comme une iimicliinntion com~lese et astucieuie du erke L I .,
>l,iïcJ~,(II Y. 1, j.5.jmencc n1.r'~ I':ippiiiiiic~iiirl~tiorit:Ic:iiiturirc.i
n<lniiiii.;trnti\.CIc~iidit:i.ii.A<I;iiilt.~~l:iiili~~rI'iiitentioii <12lictiiclle
est précisbesous une forme presque axiomatique: c'est la poursuite, de-
puis 1945 jusqu'à la fin, d'une <iexpropriation sans indeninité et pour
cause d'iiitérétsprivés), (VIII, p. 50).
Mais il sufit de poser quelques questions élémentairespour que toute
tentative de doiiner une base juridique à la tlièse du grief global s'ef-
fondre. l'eut-on dire que lesrefus administratifs d'octobre-décembre1946
étaient unis d'intention au jugement du tribunal de Reus? Qu'ils le
provoquaient directement? Que ce sont eus qui sont la cause de l'échec
des négociations priiies de 1947, 1943, 1951? L'Etat espagnol avait-il
I'inteiition en 1946 de provoquer une vente forcée à vil prix? Et I'on
pourrait multiplier les questions de ce genre.
En réalité.comme oii va le montrer en esaminant maintenant les faits
concrets,'c'est une véritable coupure qui séparelcs relus de 1946 de la
faillite. Et il a dans l'histoire <lel'affaire d'autres coupures que celle-là.
Considéronsdonc maintenant, dans le paragraphe b), les faits.

b) Les /ails
Peut-oii relever dans l'attitude des autorités espagnoles des faits qui
permettraient de relier directement leurs actes à des griefs ultérieurs du
Gouvernement belge, notamment à propos de la faillite?
II ressort déjà des qucstioiis que nous avons poséesque I'on peut
répondre fcrnicment par la négative; mais, sans abuser de la patience de
la Cour, nous pensons qu'il est n4cessaire de discuter ici au moins quel-
ques esemples concrets des allégations adverses. Nous allons donc
réexaminer quelques-unes des allégations belges relatives aux refus
espagiiols de 1945.1946: ce sera l'objet d'un premier point A; puis nous
passerons ensuite à B, aus négociations de 1947.1948 qui ont toujours
été,dans les écriturescomme dans les plaidoiries, I'objct d'une discrétion
caractériséede la part du Gouvernement belge.224 BARCELONA TRACTION

A. Les actesdes autoritésespagnoles relatifsaux refus de deuises
Ils ont déjà étéexaminéssur le plan du délit spécifique.mais ils sont en
réalité l'objetd'une nou\relle argumentation belge. et cette fois beaucoup
plus libre grâce aux inappréciables facilités de la théorie du grief global.
Peu importe, eneffet. dans la conception belge. que ces actes soient fondés
sur des iiiotifs raisonnables et solides si, .?leur sujet ou à leur occasion, on
oouvait montrer au'à côté de leur fondement iuridiaue ils révèlent une
intention coupablê,une partialité hostile qui rejoindrait un plan à loiigue

échéance, inspiré parun but illicite.
~e.GouveÏnemënt espagnol vient, certes. de faire valoir les obstacles
juridiques qui s'opposent à de telles thèses; mais il désire répondre
completement (aux allégations belges et, par conséquent, à titre subsi-
diaire, à les examiner sur le plan des faits, ce qu'il a déjà fait dans la du-
plique niais ce qu'il veut reprendre en ce qui concerne les points les plus
importants.
En ce aui concerne les refus monétaires. les attaaues belees se soiit
concentré& sur la personne de .II. Suanzes qui, en tant que ministre du
commerce et de I'iiidustrie, eut à en traiter. Trois reproches sont adressés
à hl. Suanzes..à n..nos desauels nous soumetton< à la Cour <iuelaue. A
br6ves observ t' ions.
Première allégation belge: le ministre Suanzes aurait agi par désir
d'hisnanisatioii. et ceci serait Datent dAa~rèssalettre du 18décembre 1oa,.-
(~.~.'hl..vol. VI, no5. do~. 9,'p. 287).
Le Gouvernement espagnol estime que rien n'est plus naturel, plus
légitime. qii'à une sociétéqui vient lui demander des devises pour I'his-
panisation de sa dette extérieure le ministre ait répondu que cette
requêtesoulevait des problèmes identiques à I'hispanisation des actions
et mème qu'il ait ajouté qu'il serait toujours prêt à envisager cette der-
nière. II était tout à fait normal qu'une entreprise comme celle de Bar-
celona Traction reçoive une forme juridique de droit espagnol; par
ailleurs, elle voiilait retirer d'Espagne, prématurément, un énorme
investissement en capital et recourir, une fois de plus. à l'épargne es-
pagnole qui, depuis de très longues années, était la seule à alimenter

l'entreprise. II était donc très normal qii'uue place soit faite à des capi-
taux espagnols aussi dans soii capital-actions. Telle était, depuis 1940,
I'opinioii des dirigeants de la société(note di7 mars 1l)qo.A.C.lI., vol. II,
no 112, doc. 1. p. 292), nous I8a\.ons vu. Quand on parle des intentions
d'hisp:inisatioii de hl. Suanzes, encore faut-il préciserqu'il ne peut s'agir,
dans I'esr~ritde hl. Suanzes. uue d'une inclination favorable et nullement
d'une d(.'cision.Xon seulenkAt il n'apparaît nulle part qu'il ait entendu
subordoiiner toutes les décisions qu'il serait amené à prendre à une his-
panisation du capital-actions, mars la suite des évfnements montre avec
certitude qu'il rie l'envisageait que commc une solution qu'on lui pro-
poserait dans des termes équilibréset dans le respect d'autres intéréts
privés tant étrangers qu'espagnols - le Gouvernement espagiiol s'est
expli<luésur ce point dans la duplique (VI, p. 180).
Selon iiiie deuxième allégation I~elgc,le refus aurait étéconsommé ,7
l'instigation de hl. hlarch, pour le favoriser, avec son accord. Au détour
d'iinc phrase. insidieusement. et pour la première fois semble-t-il, on a
mêmeaffirmé dans les plaidoiries que M. Suanzes aurait été l'ami de
hl. hlarcli (VIII, p. gz) sansapporter aucune preuve. Nous n'utiliserons
aucun substantif et aucun adjectif pour qualifier ce procédéqui consiste à attendre lesplaidoiriespourune affirmation decegeure. Maistout ceque
l'on sait de M. Suanzes permet de dire que cette grave accusation n'est
pas justifiée. M. Suanzes. cela on le sait, s'est opposéau temps de la
faillite, dans des recours contentieux, à des sociétésespagnoles bien
connues en Espagne pour les intérêtsqu'y possédait la famille hlarch;
M.Suanzes étaitun homme droit, méfiant à l'égard desmilieux d'affaires
qu'il n'avait pratiqués que de l'extérieur; il était étranger aux conseils
d'administration; il n'était pas de ces ministres qui, comme c'est admis
ailleurs. ueuvent cumuler leurs fonctions de ministres avec des relations
d'affaires préciseset protéger des intérêtsauxquels ils ont personnelle-
ment vart: dans sa vie et dans sa retraite, il n'a été qu'unserviteur de
1'Etnt:
Faudra-1-il alors polir i.tal)lir Ir <:aractc'reet la coii(luite dhl. Sunnzes
vraiment discuter (le\,ant laCour les lettres sp(.cialescntrï llcssieurs 11. et
M. de l'année1947, re"ses au Gouvernement belge par l'intermédiaire
de Me Serrano Suner? Ce que nous allons dire de ces deux personnes
concerne uniquement, bien entendu, l'hypoth2se que fait sur elles le
Gouvernement belge et que nous ne pouvons pas vérifier.Si l'on accepte
l'interprétation belge, ces deux compères sont tous deux des agents
doubles. puisque l'un serait en train de trahir Ebro au profit d'iniorma-
~eu~ ~~ ~ ~. Jlarc- ~t uuisaue l'autre devait trahir la cause de JI. JIarch
nii profit dc cellt.dc Barcelùna Traction; cesespions sont des str3tCgcsdc
Cnfë du Commerct:: ilscritiuuc.nt 11 Siiniizrsd'avoir 1)ronoiicc uii dijcuiirs
~ussi franc~ ~ ils~ ~ ~ ~~nt ia mise en faillite de la J3arcelonaTraction en
Angleterre. La collection incomplète de leur correspondance montre en
tout cas que leur avidité~ersonnelle est la principale source des relations
et des c~Rnaiis:~nczsqu'ilj s'nttrihiiciit L'c (;ouvcriieiiiciit ,:spngiiol ne
pens~piis que dci dncunient, de trllt! nature méritent(lcrctcnir <I~vantagr
i'attention'de la Cour.
Troisi6mement. une insinuation spéciale concerne le discours de M.
Suanzes aux Cortes (A.M., vol. 1, no 40, p. 217 et suiv.). hl. l'agent du

Gouvernement es~aenol a déiàabordé cette ouestion et nous uourrions
nous en remettre &;ce point'à l'appréciationdes juges de !a cour. Peut-
otre convient-il cependant de poser encore les questions suivantes:
Est-il normal 6u'uii minisire s'exolioue vÙbliauement sur des Dro-
blemes qui ont étél'objet de campa$eç'd'oi>inion'violentes et ?i
desquellesson action. sa responsabilitéet mêmeson honorabilité - puis-
qu'ii y a eu dans le plan darrangement des surplus à distribuer @Ion
l'effort de chacun - sont mises en cause? Est-il normal qu'un ministre
espagnol ose dire. à propos de la Chade et des devises que l'économie
esuaenole en attendait normalement. qu'il n'est pas voss.ble .'affirmer
rli;vCL b.tt nit 612plC:incmciitatleint ct.'i propos du lilnrid'nrr;ingziii<-lit
(~u'illaiisn un,! iii(.\,it:iblt iniprcssiori <Irm;ii:iiiet di. iuuli~oii? Est-il
iiorm;il <(U':II';[ioilue il n'ïii pas pr;cis&<lavantagr <I'nurrc iii<liii:tuilc,
alors que des iriforin:itioiis poiiv.iit,nt cncorc Ctr,:;tpport;,vi par les inti-
r<'ssCset <lescomr>romisres,Jr,ctiieiiu di! la loi L:ldbui;i ciitre IcsiiitCrCtj
lirivés?
\lais les interventions bclgç.. cil deliors riiiiiide la rt.clicrclic d'un
cilct ci'ntiiio:]>lii.rc,ont pris siir ccmi ri in caracthc qui nf: correspond
onr 3u -';>III~ 1au hun sens de In ~oliti<iiieI>ïlce"(:'e5t I'lioiincur <Irla
belgique d'engendrer des hommes qui, p& leur dévouement aux grandes
causes internationales, par leur zèleinlassable de promoteurs. d'anima-
teurs, de conciliateurs, de juristes, s'imposent cornnie personnalitésinter- 226 BARCELONA TRACTION
nationales plus que comme représentants de la Belgique ou que comme
nationaux belges.
C'est l'iin d'eux qui tient une certaine place dans le discours de
Al.Suanzes;ce dernier l'y qualific d'ailleursde <<personnalitéde la poli-
tique internationalen.mais la Belgique, comme Etat, est absente du dis-
cours de M.Suanzes. Prétendre, ipropos d'un problémedisparu depuis
de longues années,le contraire, c'est non seulement lire cediscours avec
les verres déformants d'me nréoccuoation contentieuse. mais c'est mé-
connaître la place que la ~elgi~iie s'lst toujours fort sagement attribuée
dans les affaires internationales. Aioutons au surplus que ce ministre
belge. qui &taitune personnalité déla politique internaiionale, présen-
tait iinc particularité qui n'a jamais étédiscutée; il étaiàl'époquede
ses fonctions complétement 6tranger à tous les milieux d'affairesinter-
nationaux qui avaient Etabli leur quartier généralen Belgique.
Mais le Gouvernement espagnol croit qu'il ne faut pas, à partir du
moment où l'on prétend établirun grief global et historique,enrester aux
points soulevéspar le Gouvernement belge. Pourquoi celui-ci a-t-il gardé
tant de discrétion sur l'ensemble des événementsqui couvrent l'année
1947et débordent sur l'année1948?
C'est une lacune qu'il faut au moins partiellement combler.
B. Les négociatio dn s947 etde1948

Les événements quise sontdéroulésau cours des années1947et même
1948 ont complètement changéles donnéesde l'affaire de la Barcelona
Traction et ne-~ermettent vas-de relier ces événementsavecceuxaui ont
précédi.pour eR faire un ehsemblr unique et cohérent. En effet. in fait
essentieldomine toute cette pCriode qui s'étendau-dcli dti &,but de la
faillite: ce fait est constitué Dar des néeociations Drivées.importantes.
renoui~elées.mcn:rs pliisieurs fois jusqu%u seuil du',uccès.
Ces négociationsrGpon<lentBlin chois dï la Ijarcelona 'Traction; c'est
d'ellesqiic I'Cvoliiriorifiiture de I'affnircn d;pendu; elles r<:prl:xntent un
facteur causalindCpciiilnnt du Cou\~erncmrrit espagnol et venarit intçr-
rompre toute coiitiiiuité entre les ~vl;ni!rneiitsantérieurs t:t les >\.;ne-
me& futurs. Cesnéeociations ne Dermettent oas non olus de reconstituer
aucune intention déhuelle de laLpart des a&oritése;pagnoles, et encore
moins une intention délictuelle qui viendrait roioindre une intention
antérieure.
mais il faudra aller ensuite plus loin et regarder de plus près encore ce;
qui concerne les développementsde l'affaire Chade. sans lesquels l'affaire
Barcelona Traction reste une énigme.
La Barcelona Traction s'est orientée vers des négociations; 1'Etat
espagnol l'adéjàdit: ilignore quand cesnégociationsont commencé,mais
les choses n'ont pas chdmépuisqu'un mois apr&sl'échecdu plan d'ar-
rangement les premières bases d'un accord étaient acceptées (D., VI,
p. 169et stiiv.). LaBarcelonaTraction s'engageait ainsi danslavoie d'un
règlement bilatéral de ses difficultés;l'autre partie étant constituée par
un syndicat d'obligataires, ce qui entraînait comme conséquenceque les
deux parties, Barcelona Traction et lesyndicat,avaient désormaisintérêt
toutes deux à détenirou à ramasser,l'une ou l'autre. le plus grand nombre
d'obligations.
Certes, des négociationsprivéessont une chose qui n'engage pas I'Etat.
Cependant. ces négociationstouchent 1'Etat sur trois points. Le premier PLAIDOIRIE DE M. REUTER 227

point c'est que I'Etat est resté étrangeà toutes ces négociations,comme
à toutes celles qui out suivi. II ne les a pas provoquéeset ne s'y est pas
opposé. 11n'a aucune part dans les incidents qui,les ont à plusieurs
reprises interrompues. En revanche, bien qu'il n'en a!t étéque partielle-
ment informé,il s'est applique &,neprendre aucune initiative qui puisse
les handicaper. Mais ces négociationsintéressent 1'Etatà un autre point.
C'est que les dirigeants de la Barcelona Traction ont voulu employer
hl. llarch comme un alliépour réglerleurs rapports avec 1'Etat. Sans
doute y a-t-il eu dans les rapports privés une dominante de rivalité,
d'hostilit6. de méfiance,mais il y a eu aussi bien autre cliose. Ce qui le
démontre, c'est I'ineïactitiidc des informations des conseilsbelges (VIII,
p. 335). selon lesquelles les nEgociations n'étaient que des demandesde
capitulation :qu'il n'en ait pas étéainsi a étédémontrédans la duplique
(VI,1?.169). et on yreviendra par quelques exemples.
Alaisil n'y a pas de négociationssans une certaine confiance;comment
se fait-il que les représentants de Barcelona Traction out accepté de
négocieravec un homme dont, d'après leurs propos et leurs écyitspasté-
rieurs, ils savaient, dèsce moment-là, le caractère, à les en croire, si peu
recommandable? Par ailleurs. les dirigeants de Barcelona Traction. nous
l'avons dit, espéraient encore en janGer 1947 fournjr au Gouyeruement
espagnol les renseignements nécessaires pour obtenir des devises et un
nouvel accord de Gaiement anrrlo-es~aenol était en uréuaration et ses
perspectives devaiént êtreplus-tard'p&sentées par ~arielona Traction
comme rome et te us(es.C.M.. no 113, i'ol. II, doc8... -..). Pourquoi,
en présince d'un que maintenant l'on dit trop exigeant, ne
l'ont-ils pas pris au piège de ses achats d'obligations en consignant en
Espagne en pesetas le montant des intérêtsdus et en l'invitant à résoudre
ses problèmes avec 1'Etat espagnol?
La seule explication est que les dirigeants de l'affaire ont eu l'espoir.de
faire de M.March un homme quileur serait jusqu'à un certain point utile.
En réali~.,.l~ ~ -~~ement des dirieeants leur affaire n'étaitoastel au'ils
refusassent d'en négocierl'abanYdonet ils pensaient sans doute QU-n
alléchant DI.Marcb par quelques concessions celui-ci les aiderait à faire
accepter par le ~oucernekeni es agnol les solutions favorables et iudul-
gentes dont ils avaient besoin. foute la question ides interventions de
RI.Rlarch auprès des autorités espagnoles est traitée dans le télégramme
du 6 jaiivier rqqS (A.C.M., vol.II, no 118, doc. 3,p.498).
Par ailleiirs, pourhl. Suanzes. M. hlarch était ou avait été l'ami de
$1.Heinemaii (A.C.Af.,vol. VI. p. 357). C'est ce qui:résulte d'une lettre
de RI.Heineman du 26juillet 1948.Bien sûr, M. Heineman laisseentendre
au ministre qu'il s'exprime sans doute ironiquement. mais n'empêche
que les deux hommes avaient dU se présenter cbte àcôte en 1948 et que
l'interruption finale des négociationsde 1948 provient de ce que M.March
a refusé d'êtrecompromis aux cbtésde M. Heineman dans les négocla-
tions de ce dernier avec I'Etat concernant l'affaire Chade (D., VI, p. 192
et 193)E .t c'est là la cause de la vraie rupture. postérieureà la faillite:
le refus d'une alliance, c'est-à-dire le refus d'une ententà rencontre de
I'Etat
Enfin, troisièmc~ncnt. Ics négociations pri\,&esint6re;aeiit I'Etnt par
leur orientation. DZs le dPpart. les nbgeciatcurs prives s'orient+rent\,ers
une reoreanisation comi>l&tedc I'affairr sous forine d'abord d'un comité
local. ensuite d'uni sociétéde forme espagnole dont les dettes ex-
térieures ne seraient pas toutes hispanisées,mais fortement réduites par 228 BARCELONA TRACTION
rapport à celles du groupe Barcelona Traction-Ebro, et au capital de
laquelle participeraient tr&slargement des intérêtsespagnols; le schéma
le plus détaillé,mais encore fort incomplet decette solution est postérieur
à la faillite et se trouve annAxune lettre du 5mai 1948 (A.C.M..vol. II,
no 118,doc. 5,p. 507).
En b rés en cdee telles solutions émanant des intéressés.auelle nouvait.
quelledevait êtrela réactiondu Gouvernementespagnol? Mais cést celié
que nous décrit, le 13décembre 1q48l, e président de la BarcelonaTrac-
t'ionlui-même de M.Suanies:
«II ajouta que les termes de l'arrangement neconcernaient pasle
Gouvernement espagnol pour autant que toutes les conditions
légalessoient remplies. Le Gouvernement verrait avec satisfaction
la conversion de la Barcelona Traction en une sociétéespagnole
sous contrôle espagnol. u (A.hl., vol. 1,no47.p. 246 et suiv.)

Où peut-on voir, dans ce pré'ugéfavorable. une intention délictuelle,
alors que ce sont les parties elles-mémesqui viennent suggbrer au mi-
nistre\ne solution que tout le monde a-toujours trou& naturelle?
aussi certains faits. Comme il l'a déjà étédit dans la duplique, il était
conforme aux accords en voie de conclusion avec Barcelona Traction,
accords qui avaient reçu une approbation de principe du gouvernement,
que Barcelona Traction soit hispanisée, et il est toutà fait normal que
hl. hlarch ait fait référence.dans une communication qu'il adressait à
l'administration, non en 1946mais bien en 1948a ,ux accords en cours de
négociation. II nous semble inutile de revenir sur des allégations des
plaidoiries auxquelles la duplique avait depuis longtempsrépondu.(VIII,
p. gr;D., VI, p. 181par. 260).
La situation oui rév vauten mai rad8 maraue donc une discontinuité
coiiiplCtc i tou,Ici.poiiits de \.uc ;i\.r.ccclle qiii rCgn:iitau inu(Iciiit
rtfus~I~.dcvi>~,dc ig.)5-igq(>.Et sc~~ciid:iilf.~iitIcrecuiiii.~iirr..c'est 3.
Iifindc IOASd . ans son di>coiirsi)rCcitl'1.1<I~criiitirz.oiiç Ir. i>réiidçiit
de la Bar&lo"a Traction lançaii en termesYi1 est vrai: Conditionnels, la
première accusation d'un
«plan concerté, allant mêmejusqu'au concert frauduleux (con-
spiracy) entre hI. hlarch et le Gouvernement espagnol, pour éliminer
I'intérit des actionnaires dans les actifs de la Barcelona Traction et
pour acquérir ces biens au profit des obligataires et du Gouverne-
ment. (A.M.,vol. 1, no47, p. 253).

Comment se fait-il que M. Duncan ait oubliéen décembre 1948ce prin-
temps siproche, mais postérieur à la faillite, oùilremerciait hl. Suanzesde
lui avoir raconté des histoires écossaiseset où il remerciait M. March de
ses excellents cigares dont il demandait de lui envoyer une boite (A.D.,
vol. II. no37.doc. Iet z)?
Répondreicette question c'est évoquer l'histoirede la Chade.
Comme nous l'ayons dit, le plan d'arrangement mettait en cause
autant la Chade que la Barcelona Traction, et le Gouvernement espagnol
a eu, en 1947i,l est vrai, un peu moins de patienceà I'égardde la société
explication sur une politique de Chade en matière de devises qui avait
provoqué son&tonnement,il avait modifiésa législationen la codifiant et
en introduisantune seule nouveauté qui était de permettre certaines PLAIDOIRIE DE M. REUTER zz9

enquêtes.Immédiatement, la sociétéChade, qui depuis longtemps avait
en Espagne 15 pour cent de ses actionnaires, des dettes et les structures
qui lui avaient permis de bénéficierde la nationalité espagnole à une
époqueoù il fallait se garder de la curiosité des futurs vainqueurs quels
au'ils soient. cette sociétéavait rompu avec 1'Espacne tous ses liens en
daiix étap~i. ne l:~issanten Espagne qu'unc (:quille \.ide et des dt.ttcj.
Sesdirigï;ints avnierit <léclafiGremcntqii'il.~rt;pontiraient ails qiiv,tioiis
ou'on leur poserait. mai~ciu'ilsrefuseraierit #lesubir une r.nqui.tecon<ltiitc
&uIl y avait sans doute longtemps que, dans l'esprit de M. Heineman. le
destin de Chade était lié à celui de la Barcelona Traction. Quoi qu'il en
soit. le jeu, en janvier 1948, était fort clairement espliqué.March et
il fut finalement abattu au cours de: négociations de juillet 1948 avec
M.Suanzes: onéchangeaitChadecontre Barcelona Traction; Chade quit-
tait l'Espagne pour remonter vers ce;nord d'où elle était venue en 1919,
mais Barcelona Traction devenait; espagnole (télégramme du7 janvier
1946 du président de Barcelona Traction à hf. March, A.C.M., vol. II,
no 118, doc. 3,p. 4 q) Et l'on chercha donc à se faire de M.hlarch un
allié pour obtenir ?a Mlution du probléme de Chade. aux dépens de
1'Etat. et en mème temps, derrière le dos de M. March, on voulait ob-
tenir deM. Suanzes, moyennant le paiement de certainsimpôts relatifs
à la liquidation régulièrede Chade en Espagne,qu'il impose à AI.hfarch
une solution oui su..osait une intervention de 1'Etat dans la faillite. le
retrait des p;urïiiire< entr~prisei puiir transfcrt~ illicites. etc.
1. >lar<:lirefusa clt. sprl.tc\ri iine ~>ressionsur 1'Et:it. 11. îiinn~es
refusa d'interi.eiiir d~nj des aH31rcs~),:nd;intrs(Ir.\,~ntles tribiiiiSi
leGoii\.ernenient beige n'a pas jiisqu'à ~~riscnt attaqué ce refus de
11.Suanzes.c'est probablement pnrce<l~i'ilestobligL:dereconnaitre<]ii'on
ne ni"eocic oas une affaire mirLie nilx dçnens d'une affaire oiibliuue. ni
vice versa, 'et qu'on rie p&t faire grief un Etat, meme pauvre:de ne
pas troquer son droit d'aînesse contre un plat de lentilles. Car de ce droit
d'ainesse qui constitue la souveraine indépendance de i'Etat, est-il
privilege plus juste. plus indispensable, que celui de voir clair dans les
affaires qui intéressent la chose publique. et finalement n'était-ce pas ce
qui, dans le cas de Chade comme dans celui de l'affaire Barcelona Trac-
tion, était en cause? De ce droit d'ainesse ne découle-t-il pas de plus
évidente obligation que de ne pas s'immiscer pour une somme d'argent
auelconaue dans le fonctionnementdes tribunaux?
11.~iiinzes n'avait pas peut-Arc mestirC:ileur juste poids Icj iniviGs
des mernbrc, dii conseil d'3drniniîtration (leCha(lequi +raient ou ;cr:iieiit
des ministres, des grands banquiers, des parrain; de monnaies fortes.
mais il allait rapidement apprendre que la menace de hf. Duncan n'était
pasVoilà, en tout cas, une sériede donnkes qui, de l'avis du Gouvernement
espagnol, empêchent radicalement de constmire un délit international
qui s'incorpore les refus de l'année 1946 et fait remonter ainsi vers le
passé lesgriefs que le Gouvernement belge fait valoir à propos de la fail-
lite. La construction belge semble mêmesur ce point si débile.que l'on
peut sedemander pourquoi la Belgique met tant d'insistance à cette
argumentation sur les questions de devises.
La réponse est cependant simple et rappelons-la en terminant. La
démonstration que nous avons tenté de soumettre A la Cour pénètrede
toutes parts le problème de la faillite. La cessation des paiements a été 230 BARCELONA TRACTION

un des Clbmentsde la faillite tspdgnole, les n6gociations de fGvrieret de
mars 1q4Y sont la seule explication plausible dces <Icclinatoiresde com-
~ktencéauxauels les deuxüarties semblent avoir eu intérêt.avec lesauels
êllesont sans doute jouétoiitcs lesdeux. car s{icette occasiori.coriin;c on
l'a laissi.entendre. le prétoireespagnol cvoquait un cirque (VIII,1, 264).
les soci6tésdu croupe I3arcelonn Traction ont +té à la hauteur de leurs
adversaires. ~'Üne manière plus générale encore,c'est la structure et la
conduite de la Barcelona Traction qui se reflètent en termes identiques
comme dans deux miroirs parallèles dans les aspects extrajudiciaires et
dans les aspects judiciaires de l'affaire. Ces problèmes de cessation de
paiements et d'autorisation de change devaient d'ailleurs avoir un
épilogue au cŒur méme de la faillite: il est l'objet de notre dernier
chapitre consacré A la déclaration conjointe duII juin 1951.

CH.%PITI<E 111L.%I>ECL.AKATI CO SJOISTE DE 1951 OU Dt: 1.A
JUSTIFIC;~T10?iET DU PECJI~ DE SE JUSTIFIER

Dans les ~remières notes divlomatiaues adressées au Gouvernement
espagnol, il ktait bien relevéquêla cessation des paiements de Barcelona
Traction avait pour cause la législation des changes et les refus que les
autorités espagnoles avaient opposés,dans le passé. aux transferts de
devises, considérés commeun cas de force majeure.
Avecl'année 1949sedéveloppaune <campagne persistante et violente n
(note du 16 mars 1950 du Gouvernement espagnol aux Gouvernements
de Grande-Bretagne et du Canada. A.C.M., vol. VI. no r. doc. 3, p. II),
mettant en cause la responsabilité internationale de l'Espagne à propos
de ces refus. Ce fut le Gouvernement espagnol ui le premier. dans la
correspondance diplomatique, par desnotes àla I?elgique (A.M., vol. IV.
no 253. p. 983) et a Sa Majestébritannique (A.E.P. 1960, no 170 (II),
205). en date du 26 septembre 1949,prit l'initiative de soulever le pro-
Eièmede la justification d'une sériede refus qui s'étendaientde 1940aux
derniers refus opposéspar le ministre du commerce et de l'industrie lui-
même.
Puis, dans la note du 16 mars 1950 adresséeaux Gouvernements du
Royaume-Uni et du Canada (A.C.M.. vol. VI. no I. doc. 7, v. II), il
reprenait une partie du texte de sa note antérieure et invifaitales deux

tionale d'experts: celle-ci termina ses travaux endé~osant lu sieursraD-

ports distinkts pour les experts espagnols. d'une part. les expe;ts
anglais et canadien, de l'autre. L'ensemble de ces rapports fut examiné
par les experts des gouvernements intéresséset ceux-ci élaborèrentune
déclaration conjointe du XI juin 1951; elle fut l'objet d'une conférencede
presse et d'un communiqué du ministre de l'éducation nationale; elle
entraîna des modifications importantesdans les positions respectives des
gouvernements et des personnes intéressées la faillite.
Pour le Gouvernement espagnol, cette déclaration conjointe présente
des conséquencesjuridiques importantes qui sont opposables au Gouver-
nement belge. Elle apporte la justification de la conduite du Gouverne-
ment espagnol; c'est la le point essentiel que nous examinerons en pre-
mier lieu.
Le Gouvernement belge s'est efforcé,quant à lui, de diminuer la valeur
des actes de cette procédure et de faire naître, de leur ensemble, de
nouveaux griefs contre le Gouvernement espagnol, qui devient ainsi PLAIDOIRIE DE M. FSUTER 23'

coupable des'êtrejustifié.Cesera la deuxièmequestion que nous envisa-
gerons ensuite.

SectionI. La justification

Au lendemain de la publication de la déclaration conjointe, le Gouver-
nement belge ne formula aucune observation à ce sujet. II en aurait eu
cependant l'occasion dans sa note du 13 juillet 1951. En revanche, dans
la note jointeà la lettrede l'ambassadeur de Belgique du 30 octobre 1951
(A.C.M., vol. VI, no 1,doc. 31, app. I.p. III), le Gouvernement belge
considérait «comme non concluante I'opiriion de tiers, désipnés à titre
d'experts sans son intervention». Un peu plus tard, danssa note du
6 décembre 1.-51i, répétait encore:
8les constatations d'un Collèged'experts. au sein duquel la Belgique
n'était pas représentée. nelui sont pas opposables, bien qu'il se
réserve. commeil va de soi, d'en faire état s'il lui convientu (A.M.
'959. no '0,P. 37).

II v a ainsi olusieurs auestions qui se posent. D'abord une premiére
qut,iiion qui:i S<Iiielq~i~iortrn car:ict,?icprCalable: qucllc est i:i vnlcur
de I;<<ICcl:iratioconjointe 3 1'i~g;irdc IEt;it Otlge? Ensuitc. ileusi>riir
<iu,:stion:oiiellc cst la portl:e de ccttc dCcl:irntiondsinsul)jtniice? Et
enfin, une iroisièmequéstion: quelle est la valeur des attaques belges qui
ont pour objet de retirer son crédit à cette déclaration, notamment en
prenant àpartie les travaux de la commission d'experts qui l'ont précé-
dée?Nous prendrons successivement ces trois questions. Et d'abord la
valeur de cette déclarationà l'égardde 1'Etat belge.
a) Valeurdeladéclarationconjoin tel'égarde1'Etatbelge

surtout sil'on considèreaue les exDerts des ministeres des trois aouver-
ricriit:ri:iI'iiiitiativc cxl;rt-ssedu bou\.ernt:incnt I>ritniiniquc. uiit 5i~i-
jineusemrnt 1:xaniinCtoiii lvs raDi>ortj<Icscxpçrts et tous lei documeiits
uu'ils avaient réunis. On eutdjre. en ce sens. aue la déclaration con-
jointe est le fruit d'iiiir:ei,ertiie go"verncnii.ntal~ qui s'est superposCci
un? expc,rti,e corniital)le. \lais il est inutilt: qiic nous insistioris sur cette
valeur morale: c'eit à la Cour seule ou'il a~oàrtient de l'ao~récier
Mais le ~ou;ernement espagnol co'nsidè;;de plus que. dins la présente
affaire, cette déclaration est juridiquement opposable à la Belgique.
Certes, cette déclaration constitue un accord international en forme
simplifiéeet, à ce titre, la Belgique peut invoquer une rkgle incontestee
suivant laquelle les accords internationaux n'ont pas d'effet à l'égard
des tiers. 1.a réponse serait pertinente et sans replique si l'Espagne
invoquait brusquement cet accord à l'égardde la Belgique. dans n'im-
porte quelle situation de relations interetatiques.hlais nous ne sommes
pas dans une situation quelconque, mais dans une situation de protection
diplomatique.
Cet accord a étéconclu en 1951 par 1'Etat qui protégeait, à l'époque,
Iégitimement la société,que les particuliers intéressés considéraient
comme protégeant Iégitimement la société,que le Gouvernement belge
considérait aussi comme ~rotéeeant légitimement la société à l'bard du
Gouvernement espagnol; in effit. le l ou verne m belge, devantVlanon-
présence, dans la conunission d'experts, d'un expert représentant la BARCELONATRACTION
232
Belgique, a communiquéses appréhensionsau Gouvernement du Canada,
mais il s'est bien gardéde présenter la moindre réserve ou protestation
auprésdu Gouvernement espagnol. Aulourd'hui, le Gouvernement belge
ne rét tend.us ~.otég-.oue les actionnaires. mais dans la limite où le
droit international lui rrcoiinaitrait (IraitInsitii;ition dts actionnairti
de ia sociétéelle-même:tels oue ceux-ci a~~araissent ciu'illa suite de laai1s<.iii
protection diploinati<lue que la sociétéa cllt:-mime >olliciteeet obtenue.
Certes. 'I'Etat qiii cxcrIcaprotection diplornntiquc ezerce. stloii une
formule que la Cour a rendue célebre. un-droit piopre. mais ce droit
propre a pour objet une situation qui n'est pas crééeet définielibrement
par I'Etat protecteur. Les actionnaires, n'ont pas plus de droits que la
société:ce oui était o..osable A la sociétéleur est o..osable et la Dra-
tectioii <li))lom:iticl<.actioiinnirc ni: peut rcla(oriiiea son biiii~ficc
Ir-<droits quç lei, 3çlionnaires tienrit nt (l'une sitiiation jiiridique (le la
sociCtC.oui a ét6 r~eiili5reriierit établie nnr nilleurs. !.'Etnt nrotccc II<
situati;n.de ses ress&tissants telle que ;es ressortissants l'oit faire ou
telle que ses ressortissants l'ont recueillie. faite Dar celui dont ils la re-
cueCertes, la Cour a entendu une autre théoriequi, avec beaucoup d'élé-
gance. réussità organiser età masouer unecontradiction fondamentale. et
cetteconcepïion. en théorie ie ilroit intcrn:itional dCtcrmiiic.(I'uiie
rn:inierc tscIu~i\~ci:t imin;<li:le.;~oii~litionjde n;itionalité (Ic In pro-
tvctioii <lii)lom;iticiur.l.:t <ll:iutCII~r:iti.~i.CII~OU Ctat iiitCr~~~C
possCc1cUA droit s0ilvrr;iin rt ;i~i;;rchi(~iiicl(.faire sicnii; n'importe <luelle
prCtrritioii privée.quels (lii'aient 6tCla conduite et le chois des pnrticu-
liers. ~~iisu'aiciit 6tcIccliois et les r>oiirionsdc; autres Etats sollicité;
par b& par6culiers d'intervenir; mais nous avons remarquéquetous les
conseils belges n'étaientpar sur ce point du mêmeavis et mémeentendu
avecune grande satisfactioncertainesdéclarations, par exemple celles qui
sont rapportées au compterendu du gmai (VII1.p. 493).où notre distingué
sont pas tréséloignéestdes nhtres. Mais quoi qu'il en soit, l'exemple que
nous fournit la déclaration duII juin 1951est en tout cas bien clair.
Il montre combien l'ambition du Gouvernement belge dépasse les
principes les plus sûrs du droit international public. Sous couleur d'une
interprétation libéralede la protection diplomatique et sous des prétextes
divers, on veut introduire dans le droit international des protections
diplomatiques qui, non seulement. sont alternatives, mais ensuite des
protectionsdiplomatiquesqui sont cumulées;mais lefin du finest d'intro-
duire des protections diplomatiaues novatrices: chaaue nouvelle pro-
tection dipiornatique ignore de qu'ises protégéssont lesAayantsdroit;élle
s'applique à une situation qu'elle redéfinitlibrement son propre usage,
diplomatique antérieure.suitats légitimement acquis par une protection
Ces considérations seront développéespar le professeur A~O, mais
l'exemple de la déclaration coniointe de rosr est sans doute un des ~lus
nets pour d4rnontrcr les in~<imissihlcsConi~~uences dcs concept;ons
aujourd'liui soiitenuei par le Gou\~erncmentbclge.

L'audience estlevéeàra 18gj TRENTIÈME AUDIENCE PUBLIQUE (2 VI 69, 15 h)

Présents:[Voir audience du 20 V 69; MM. Ammoun et Petrén, jrrges.
absents.]

M. REUTER: La semaine dernière le Gouvernement espagnol avait
tenté d'établir que la déclaration conjointe du II juin 1951était oppo-
sable au Gouvernement belee. Nous avions ainsiterminé le ~remier point
dc ce développeiri~ritconsacr~ à In ~iistiiicntioii dii ~ou\.iriienierit es-
i>;iznol Sous devons at~ordrrmaintçiinnt ledi.uxiérnepoint. h), conjacr;
la portée substantielle de la déclaration.

b) La portéesubstanlielledela déclaration
LeGou\~ernenic.ntI)elge n intrcpi(lc.ment teiitCde souteiiir qiie Iri termes
de la 0;cl;iratiun tit:iii.Gicquivoques 81Ial>p:irtieii;ila Courdc I'appr;.
cicr.
Eii ce qui concernc 12 Coui~~riicrricritcipngnol, il voudr:iit ariilc~iiitnt
nttiri:r I'iittrritioii ilc 13Cour sur dcii~ ~>oir.t trésI)riéi~erncnt
Le premier point est que la déclaration ne se borne pas à dire - ce qui
serait en réalité anormal en matière de change - que les demandes
d'Ebro étaient frappéesd'un vice qui serait en quelque sorte un vice de
forme ou de procédure,constitué par l'absence de quelques pi&cesjustifi-
catives nécessaires pourles demandes de devises. En réalité,la déclara-
tion a formuléune appréciation beaucoup plus grave: pour en déterminer
le sens il ne faut pas se reporter à.la traduction française inexacte que le
Gouvernement espagnol a produite devant la Cour - ce dont,il prie la
Cour et ses adversaires de l'excuser - mais aux deux textes originaires en
anglais et en espagnol (A.C.M.,vol. VI, no 1,doc. 1.p. 6 et 7)dont nous
demandons la permission de lire l'extrait le plus important dans les deux
langues originales, malgrénotre prononciation:

ua la vista de los informes sometidos por los expertos y con el
conocirniento de fondo que han proporcionado sobre las actividades
del grupo de Compafiias, resulta ya plenamente justificada la
decisibn del Gobieruo espafiol de declarar improcedentes aquellas
peticiones B.

ciin the light of the reports submitted by the Experts and with the
detailed knowledge of the activities of the group of Companies
furnished by these reports, the decision of the Spanish Government
to declare the applicationsin question ineligible, has now been fully
justified.. D.

Improccdenles,ineligible sont des termes lourds de sens qui corres-
pondent au terme français un peu technique mais parfaitement courant
aujourd'hui encore de ainéligibler,comme en anglais, dans le sens iqui
ne peut êtreretenu o.C'est donc une appréciation qui dépassela forme et
la procédureet qui est portée par la déclaration conjointe.
La deuxième observation aue nous voulons faire en ce qui concerne la
portée substantiellede la déchation est la suivante:
Le Gouvernement belge soutient que le Gouvernement anglais et le 234 BARCELONATRACTION
Gouvernement canadien n'ont pas reconnu que desirrégularitésde toute
nature avaient étécommises par l'entreprise en Espagne.
Le Gouvernement espagnol est tout à fait d'accord pour reconnaître
aue la rédaction emvloie une exvression ru denteet évite un terme aui
ikljliquc'uiie r;Krrncc juridique et sirtout pc'nale îtriçte. c'<:srpourquoi
on pnrlc il'.,irrr'giilaritéi(le tout oru(de hdo urde~i, ilal1ki~ids,,m:iij
il~st ~ien clairAauc ccs ir-c'~ularitésonL(tCconsti~tbesInoled. abrectadahi
non seulement par le Gouvernement espagnol, mais 'égalementpar lés
deux autres gouvernements. Rappelons, une fois de plus, que les experts
"ouvernementaux avaient à examiner avec soin l'ensemble des rav~o..s
avant queles gouvernements ne se prononcent par l'adoption de la
résolution conjointe. Mêmele rapport, plein de mesure, des experts
anglais et canadien avait bien étéobligéde constater des irrégularités
de fait. telles que les transferts sans autorisation des autorités espa-
gnoles. nous reviendrons plus loin sur ce point.
S'ilen étaitbesoin, laportéedecette constatation serait nécessairement
renforcée par le préambule de la déclaration qui rappelle que la com-
mission d'experts a étédésignée pourenquêter sur les activités dudit
groupe, et surtout le point 4 de la déclaration précise deson ciitéque
Rdes intérêtslégitimespeuvent se trouver affectéspar le comportement et
l'attitude de la sociétéa.11 s'agit donc d'irrégularitésde comportement
et d'attitude, ni plus ni moins, dont l'existence a étéadmise par les trois
gouvernements.
Le Gouvernement espagnol estime donc qu'en droit les questions rela-
tives au transfert de devises ont &téclairement tranchées et ceci est
valable, on l'a vu mêmeen ce qui concerne la Belgique. dans la mesure où
celle-ci entend ajourd'hui assurer la protection diplomatique des action-
naires.
Reste alors à examiner un dernier point concernant la justification que
le Gouvernement espagnol estime avoir trouvée dans la déclaration
conjointe.

c) Lesattaques du Gouvernementbelge à proposde lacommissiond'experts
Il est facile de comprendre de quel poids la déclaration conjointe pèse
sur le Gouvernement belge. mêmesi l'onconsidére.selon sa thèse,que la
déclaration ne vaut à son égardau maximum que moralement.
Pour tenter de diminuer la portée de cette déclaration, le Gouverne-
ment belee s'est livré à diverses attaoues menées àD.oDosdu tra~ali de
la commiision internationale d'expert;.
La première attaque a pour objet d'opposer les deux rapports, anglo-
canadien, d'une part, et espagnol, de l'autre.
La deuxième attaque a pour objet de discréditer personnellement les
experts espagnols.
La troisième attaque a pour objet d'6ter toute valeur à la constatation
fondamentale commune aux deux rapports en présence.
Si les trois attaques étaient fondées. non seulement la déclaration
perdrait iiiic partie ;le son :iutorité mais les griefs ilut. le C,ou\.ernemtmt
belge <:Itiri- et qiit:l'onespust:r:, plus tard y gngnrrnieiit ~nc'tendueet cn
forcc SOUS allons donc consacrer qiielques hrC\.es observations à ces
trois attaques du Gouvernement belge.
Et d';~tior(l,l'opposition cr'nGraleentre le..appordesexperts es~ag~ols
et le rapport desëiperts anglais et canadien.
Le premier point à préciserest peut-êtrede déterminer le caracthre de PLAIDOIRIE DE M. REUTER 235

cette commission d'ex~erts. Notre distinpué contradicteur a tenu à
souligner qu'elle ne pré;entait aucun caracts? juridictionnel; on ne peut
qu'êtrepleinement d'accord avecluisur ce point,on ne saurait mêmepas
&simile; cette commission d'experts à une commission d'enouêteinter-
nationale d'un type rigoureusement défini. Il s'agissait d'experts indé-
endants, plutbt que. comme le dit une note belge, de. représentants »des
itats (note du 6 décembre1951,A.M.1959,no IO,p. 35)m .ais ils avaient
été désignépsar des gouvernements qui n'étaient pas dans une situation
symétrique l'un parrapport aux autres. Le Gouvernement espagnol avait
étéaccusé par des intérêtsprivés d'avoir refusé des devises ou des
autorisationsdans lebut de favoriser d'autres intérêtsprivés;il avait pris
position en soutenant son innocence, il pouvait être objectif, il n'était
Das. bien maleré lui. dans une situation neutre. Les Gouvernements
anglais 2 canaken étaient en opposition avec le Gouvernement espagnol
sur certains ooints concernant la faillite.mais ils n'avaient iamais accusé
le Gouvernement espagnol d'avoir indi~ment favorisédes ihtérêtsprivés
en lutte avec ceux qu'ils protégeaient; eux étaient donc, sur ce point,
dans une situation plus neutre.
Les experts anglais et canadien d'une part, et espagnol de l'autre, se
sont opposéssur de nombreux points que les rapports en présenceex-
posent clairement: désir espagnolde,se limiter aux aspects espagnols de
la comptabilité du groupe; sugceptibilitésanglaise et canadienne devant
les experts espagnols qui avaient, au départ, l'avantage d'une connais-
sance déià avancée de l'affaire: refus analais et canadien d'emplo. .
ct?rtains ;t:rni(:i dont ils crnign31,:nt Ics iiiiplic~tion; ]iiri(lique.i, pur nL.
parler que (lc(luestions de forme qui ont pu étrr 1rrit:intes poli1t.un, ct
pour le; autre;.
ilfais, de l'avis du Gouvernement espagnol. et contrairement à une
impression que le Gouvernement belge tend à suggérerpar des citations
partielles(VIII, p. 103), si l'on prend la peine de lire tous les documents
pertinents et d'abord lalettre du 27 novembre 1950adresséepar l'expert
anglais aux experts espagnols (A.R., vol. 1,no 139, doc. 2, p. 161). on
coristate aue ces o~~ositions n'ont en rien uorté atteinte à l'estime réci-
proque déshomme; en présence comme fe prouve la phrase suivante
extraite de la dernière lettre citée:

«Pour ma part, je ne désire faire état d'aucune critique de vos
travaux, sinon que je pense qu'ils semblent avoir été étendusau-
delà du domaine de la fonction de la Commission. )>
1.a riiCrneformule se trouvc vmpl~yéedans le rapport final dei <:.\Verts
angl;ii; L.Ic.iii;rdicn, :il"""voir rclat; tous 1c~ di;seiitiiiit.nti qiii les
ni.:iicnt s~1>3r~jdes~~spcrtscspngnolisI,sajoiitCreiitpoiir terminer ,]iar.61
qu'en preiiaiit la d;cisioii de ne pas consid;rer lerapport de hl. .\iidany
comme iinc base pour Ir travail cltla comriiission ou de ne pas iidniettre
que de tels documents forment une annexe à quelque rapport ou procès-
verbal de la commission, inous n'entendons pas critiquer implicitement
son attitude r, c'est-à-dire l'attitude de bI. Andany (uWe imply no criti-
cism of his conduct ii(A.C.M.,vol. VI, no I,doc. IO, p. 151).
En réalité,pour comprendre le problème qui s'est poséaux experts. il
faut aller au cŒurde l'affaire. Les experts canadien et anglais voulurent
rester sur un plan comptable formel, parce qu'ils souhaitaient vivement
aboutir à un rapport commun tous les experts, et ceci en vertu d'une

inclination bien naturelle, commune tous organismes d'enquête OU 236 BARCELONA TRACTION

d'expertise: la tendance à la conciliation est inscrite dans leur activité
de par la nature mêmedes choses. Les experts anglais et canadien ont
donc cherchéd'abord à élaborer un rapport commun à tous les experts
et ensuite, à défaut, à garder à leur rapport un aspect assez équilibré.
C'est bien l'avis du Gouvernement belge (R., V, p. 278) Seulement, ce
dernier voit cet équilibre d'une manière toute différenteque ne le fait le
Gouvernement espagnol et. au surplus, il doit ignorer systématiquement
àcet effet les termes de la déclaration conjointe qui suivra lesrapports.
Pour le Gouvernement belge, le rapport des experts anglais et canadien
donne raison sur toute la ligne aux thèses canadiennes telles que la
Beleiaue les interorète auiourd'hui. et il constitue même un échec
retgntksant pour léspréteniions espagnoles; ce serait pour accorder une
petite compensation à 1'Espa~neque les experts auraient aiouté cette
courte phrase du zg:-sans grande portée, qui Concernait
l'absence de justification aux demandes de devises. On peut tout desuite
observer que le Gouvernement belge necroit qu'à moitié àson explication
puisqu'il dépensepar ailleurs tant de peine pour montrer que cette petite
phrase est sans fondement et, d'autre part. comme nous allons le voir
cru Al'époquediràgcette explication.la Uarcelona Tractionn'ont nullement
Le Gouvernement espagnol voit les choses d'une tout autre manière.
Il considèreaue les experts anglais et canadien ont soieneusement étudié
les duciinients eilnSn;ls et ilu 11%ont p~iisL:qii'il~;ta!<-litlourds dc sens.
Ili ont clioisi (le ,r pl;ic(.riir un plan i10strOUtcertaiiii-s co~iit:itativn.'
pouvaient êtreopétéesavec plus de pudeur, sans tout de mème.masquer
un fait matériel qui échappait à toute contestation et qui impliquait
seulement ces constatations que l'on ne voulait pas souligner à l'excès à
savoir: le manoue de iustifications suffisantes aux demandes de devises.
Cette j>ositioi~kéiiag~;iit prohahlçiiiçnt dnns leur t~prit uii? ii?gociation
plus ais6e. elle s'1i:irmunisnit~>nrlniternc:iwc une ioncc]~tioiipurement
comptable de leur rOlr, iI:i(luclleils se sent;ticiit le droit dt: sr.teiiir.
C'cit :iiriii qu'ils ,c ioiir conriiiCi,ilaiis (1,:s:ipI>r;ciiiti~iisS~CeS~~~LId
caractr're très gc:ii<.rslct oiit ;\.oquA en tcrni~; c.xplicit~i les (liiticiiltés
su~crl~ti1)lé<sI'oj>poscrI'~~iitrcpiiscct 1'Et;it eApajinoI.iuitout par l~iir
aspcct en quclquc sorrc linalct i:stvrneiiprul)osd<,s]uitih:.itioiii rq:lltivcs
aux <Irinnndt:s (Icdcvisvi rt <lu!,Inn <I'iirr<iiiz~.iiicii\tl.:.lcr?il<ont:t,
di1constater tin grand nuriibrc <i'irri.gulnritrlekiir (iioÙ'snous pcrmct-
toiis. sur ce point de rrnvu\.~r respectiieuscmt.rit la Cour nii rlé\~t:lol>pc-
ment qui se trouve d:inj la <Iiil~lique.VII. n la page 820). 1.eGouverne-
ment espagnol tient i r;pCter. une foisde plus. qu'il coinprend cette
;ittitude et estiinA leur jiijtc valeiir lesmotifsqui ont inipiré les experts
britannique et canadien. hIais on »eut tout aussi biencomwendre le
point de bue des experts espagnols êtnotamment, ce qui était'tout à fait
raisonnable, leur désirde ne pas se contenter d'enregistrer dans un poste
ou un mouvement comptablë unioue des onérationi aui ~rovenaiënt de
soiirces trCstlifi:rcntrs bI>:irIireîevnicnt dcrCglcslii;id~~liirsdistinctes
en cc qiii concc.rii"t ICSjnstific~tions qii'çllcs :~ppelaicnt ct lcs 1irioritA
11ti'eIIcsoii\.îicnt enrrnincr jiir Ir 1)I:indes transferts. L<iq:t.ritenrlii,
1'ii. 1).e qui iiiu1til~li:iitIrs dijtiiictions faisiiit surgir hraucoiip dc qiies-
tioiis indiscrctes et eiiil~îrrassîiites iiotir l'entreprise II ap~,;iraissîit iio-
tamment que I'entrenrise revendiiuait. comme charee.de l'économie
espagnole. 'desbénéficesinvestis enA~spigne mais qui ;'avaient pas été
déclarés commebénéficesau regard du fisc. Autrement dit, et ce n'est PLAIDOIRIEDE M. REUTER 237

ou'un exemple. un lien évident a~paraisçait entre les probl~mes de
Gûnsfert reie\.lint des rCg1c.sdi1lé;ckciCt:iqiiz connait ic r6çimc 11t.s
clianges et les probl'mes de comptabilité et d'imposition. Pour faire iine
coiistatati~n niii rie constitiic d aillei~rsoii'iin indice pliitbt aiitrs-ie
pression du v;ai problème, il étaiftout de mêmecur;eux quéEbro ait
étéen Espagne une affaire aussi prospère qu'on le dit et qu'ail cours de
salone-e histoire elle n'ait iamais distribué le moindre dividende à ses
actionnaires. La Coiir pourra sc rcporter. pour une :inalgse plus appro-
fondie. à ce sujet, aiix btudcs <le\lon~tioiinairesdei finitnces esp~giiols
niiblii-es en annrseilln du..lioii?~.11) .t.01.1, no1-:\..).-,1.
A hfais, malgré sa prudence et son abitraction, le rapport des experts
canadien et anglais était translucide, et les Gouvernements canadien et
anglais n'auraient certainement pas signéla déclaration conjointe s'ils
n'avaient pas étéobjectivement persuadés après examen de tous les
exagérémentusédes libertés dont le droit des contrats et des sociétésait
peut êtrel'occasion; s'il y a des doutes sur ce point, la Cour pourra se
reporter aux formules si mesurées de MM.Peat, hllirwick, Mitchell 8:Co.,
dans leur rapport du 19 avril 1968 (A.D., vol. 1.no 2, p. 307). notamment
au paragraphe 172.
La deuxième séried'attaques belges est constituée par des attaques
personnelles contre les experts espagnols. En ce qui concerne les experts
espagnols. l'attaque est centrée contre M. Andany, au prétexte qu'il
aurait exercéune activité professionnelle pour le compte de hl. hlarch,
qu'il aurait commis des indiscrétionssur les travaux de la commissiori et
reçu finalement une promotion de M.March. Le Gouvernement espagnol
s'est exnliauésur la situation de M.Andanv dans les écritureset notam-
ment dins'le contre-mémoire(C.M.,IV,p. <a4 par. 156).
Après avoir tenté de laisser entendre que hl. Andany avait été l'objet
d'une corru~tion ~ersonnelle. le Gouvernement belge a rectifiésa position
dans la réphque (R., V, p. j8, note 1).La véritéktait que hl. ~ndany,
commissaire aux comptes d'une haute réputation, avait été proposépar
Ebro comme expert judiciaire dans la procédureentamée devant le tri-
bunal à propos des soustractions de fonds et avait déposéun rapport
conjoint et unanime avec les deux autres experts. Ce rapport était
parvenu par la voie du ministkre public dans les mains,du Gouvernement
espagnol. Celui-ci l'avait étudjéavec soin; il présentait de telles qualités
et justifiait si clairement le bien-fondé des craintes et des soupçons qui
avaient toujours étéceux de l'administration espagnole, que le Gouverne-
ment espagnol fit,sans le nommer,une allusion à ce rapport dans sa note
du 16 mars 1950 suggérant la création d'une commission internationale
d'enquète (A.C.M.,vol. VI, no 1,doc. 3. p.II)et qu'il proposa hl. Andany
comme expert sans que les gouvernements qualifiés à cet effet fassent la
moindre obiection. M. Andany gardait un esprit libre et ouvert devant
des documents nouveaux ou des points de vue nouveaux et ceciisuffi-
sait àfaire de lui un expert indépendant; quant au Gouvernement:espa-
gnol, qui était dans la situation d'un accusé,il ne commettaitiaucune
faute en désignant un expertdont il avait appréciéle savoir et leiraison-
nement.
Que les travaux de M.Andany aient étéinvoquésdans d'autres procès
(VIII, p. 100) ne change rien à la chose et quand le Gouvernement belge
affirmeque le deuxièmeexpert espagnol, M.Kozas, n'était qu'unfigurant,
il alléguesans preuves une accusation tres grave contre un homme d'une 238 BARCELONA TRACTION
haute intégritéet d'une valeur professionnelle incontestée. Cette aiiir-
mation est démentie par les procès-verbaux de la commission que le
Gouvernement belge a.lui-mêmeproduits et oii l'on voit la part active
prise par M.Rozas aux discussions (A.R., vol. 1,no39,doc. 1,p. 148).
En ce qui concerne les deux critiques nouvelles qui ont étéadressées
dans les plaidoiries devant la Cour, la premièreporte sur desindiscrétions
aui ont étécommises au cours du fonctionnement de la commission au
&jet de I'inipojiil>ilitépour elle d'iibourir 3 lin rapport uniqui:: mais la
coinrnisiion n'itait pasiiiorganc juiliciairç et une coniidciict:dc ce jieiirc
ne pouvait as porter atteinte aux-chances finalesd'une négociationentre
les particuEers, on serait meme tenté de dire le contraire; d'ailleurs,
des indiscrétions de cette nature ont existé des deux côtés puisque le
receiver de la faillite au Canada avait été informé du mêmefait bien
avant que les gouvernements ne se soient mis d'accord sur la publica-
tion des rapports (A.R., vol. II. no 78, p. 404. par. 3;mémorandum
G 21 du receiuer)et nous donnerons tout à l'heure un autre exemple de
ces indiscrétions.
Reste que M.Andany, une foisses fonctionsterminées, a reçu-un poste
important dans la sociétéadjudicataire qui devait assumer la tàche
difficile de réorganiser l'entreprise en démêlantl'écheveaucompliquéde
relations qui unissait toutes les filiales du groupe en Espagne. II étaft
l'homme ~arfaitement aualifié Dour le faire et cette nomination n'était
pas une ~romotion. hl.'~arch ktait un homme d'action, il estimait les
hommes capables et leur faisait àpriori confiance. En 1947. dans le pre-
mier accord rovisoire avec ~arceiona Traction, il acceptait le maintien
du personnePdirigeant et l'aide de la Sofina (A.C.M., vol. II, no 118,
doc. 1,p. 486); dans les négociations de 1948, M. March proposa de
réintégrer tousles dirigeants d'Ebro écartéspar le séquestre provisoire
pendantla duréed'une négociationd'un mois - ceci d'après le discours
de M. Duncan du 13décembre 1948(A.hf., vol. 1, no 47); dans la
solution finale arrêtéeen 1948(A.C.M., vol. II, no 118, doc. 5, p. IO),
M. March acceptait le principe d'un accord raisonnable d'assistance
technique au profit de la Sofina. Pourquoi voudrait-on qu'ayant sur les
bras une affaire difficiàemettre sur pied, il ait écartéceux qui possé-
daient les qualifications techniquesrequises et avaient de cette affaire
faut de longs mois et de durs efforts pour acquérir? aujourd'hui, il
La troisieme attaque du Gouvernement belge porte contre les con-
clusions communes des experts. Il s'aeit donc essentiellement de celles
qui concernent l'insutlisan& des iiifor&tions relatives aux dem~ndes de
deviîzi. Le Goii\.crnrmvnt I>elgcî'c.st :ittacliéune r(serve quc coiitcnait
sur ce point le rapport îiijilo-canadien;les deux experts avaient admis
que les informations fournie, étaient iniufisantçs.A iiioii1~qu'il n'y eût
d'autre corrtspon<lance ou de5 corivcrsations qui coml)léteraient celte
lacune n.Le Gouvernement belge s'est accrochéavec I'&nergicdu déses-
p.ir A cette réserveqiii. en réalité,ejt implicite dans toute espertise, et
mrme danstoute plaidoirie. pour soutenir ilue lesexpçrts n'avaient pÿs\'u
toute la corres~ondance. en-insinuant mêmeaue des ~iècesavaient été
\~olontairemeni soustraites Aleur informat/on& que le; pieces réelles qui
existent ctsont aiijourd'hui (levant la Cour suffi3enjernhlir que toutes
les informations ont étéfournies.
Il a étédonné cette allégation une réponse substantielle dans la
duplique (VI, p. 147) .laquelle nous nous permettons de renvoyer res- PLAIDOIRIE DE M. REUTER 239

remarques seulement.ur. Nous voudrions nous contenter de trois breves
Premièrement, la déclaration des experts vise tous les refus jusqu'a
l'année 1946 y compris, et donc les refus relatifs au plan d'arrangement
et. en ce aui concerne ceux-ci. le Gouvernementbelce s'est contentéd'une
totale discrétionen matiere de prétendue preuve nouvelle.
Deuxièmement,on aurait pu attendre, aprèsladéclaration du Gouver-
nement belge qui, dès sa note du 30 ktobre 1951, soutenait que le
manquement de fondement de la déclaration des expertsressortait dela
documentation complète en possession du Gouvernement belge (A.C.M.,
vol. VI, noI,doc. 31. app.I, p.III), que le Gouvernement belge apportàt
des révélationssensationnelles sur les informations en sa possession; or,
au moins de l'avis du Gouvernement espagnol, il n'en a rien été.
Troisi~ ~ ~nt. il aurait étébien surmenant au'il en soit ainsi vuisau'il
a étébien établi; d'après toute la c&respondance de i'entrep;ise, 'que
celle-ci'a~issait Das par ,.-li-ence;ses confidences s'arrêtaientvolon-
tairement au moGent précisoù ellesauraient pu commencer à donner des
renseignements sur les points que l'entreprise. selon le Gouvernement
belge. s'estimait en droit de dissimuler, et les rapports déposéspar les
experts espagnols s'étaient attachés à démontrer cette pratique avec
toute la documentation désirable. Le Gouvernement espagnol se croit
donc autorisé à conclure que la déclaration conjointe est bien fondée.
pertinente et opposable au Gouvernement belge; mais n'a-t-elle justifié le
Gouvernement espagnol que pour mieux le condamner? C'estla deuxième
question que nous devons aborder maintenant dans la section 2.

Sectionz. Lepéché desejustifier
Nous ne voudrions pas. dans cette section. revenir sur un certain nom-
bre de griefs qui ont (té qui sont secondaires, par exemplele
fait qu'aucun expert participé aux travaux de la com-
mission - le Goivernernënt es~.enolk'est éxnl.au.sur ce wint dans le
contre-mémoire.au pnragral>iie140.pagr TSO 11se t>orrivrj.:ijoutt,r que
les <locurnentspiibliéjpar le <;ouvernéinentbelge en annexe i la réplique
(no-~..D. 14... nerrneitent de venser éealement au'il v avait ceitaiies
;aisons de convenance pour q<e méme'ie~anada'estime ne pas devoir
donner suite à la demande de la désignation d'un expert belge dans les
circonstances de i'affaire.
Nous ne reviendrons pas non plus sur le reproche de partialité adressé
aux experts espagnols, partialité que les gouvernements Parties à cette
procédureont été à mêmed'apprécieret qui aurait finalement consisté à
défendrela rectitude du comportement des autoritésgouvernementales et
administratives esnacnoles.
Les grief, iinl)o;t:;nts du (;ouvcrncmeiit belgest prCiciitcnt lorîilue
crliii-ci attaque directcnieiit la dcclaration coiijointt-. cc qui iniplique
ri;itional. par conililicitl'. et lis prott:gCsdu Goii\'erneriirnt belge ne se
sorit pas fait d;faut. corniiicriouî allon5Ir dire. <lcpruci.(les:ittaques
<IVcc acnrc. Ct-vendnrit.c'i.stcsieiitiellvriii:nt au suit<:<(Icla dL:cI~ration
conjohte que le Gouvernement belge s'en prend. Nous voudrions, à ce
sujet, rappeler et examiner d'abord, dans l'explication qu'en donnent
les deux Parties, quelques faits essentiels; il sera ensuite possible de
procéder à un examen juridique. 240 BARCELONA TRACTION
a) Les faits

Considéronsdonc d'abord les faits, et d'abord la these belge.
Elle est aussi simple que radicale. Toute la procédure que nous venons
d'étudier a pour but de faciliter la vente des biens à vil prix. Ainsi. la
réplique soutient (V,p. 568, par. 772) ue la déclaration conjointe a été
cle coup d'envoi» de la liquidation 8e l'affaire ou denonce (titre du
par. 169.p. 102) s l'alt6ration desconclusionsdes experts dansla déclara-
tion conjointe i)Le communiquédu 16juin 1951,résumant une séancedu
Conseil des ministres espagnol consacree àla déclarationconjointe. cons-

titue pour le Gouvernement belge nla présentation falsifiéeet l'orches-
tration bruyante des conclusions de la commission ...d'experts" (R., V,
p. 578, par. 786; ViII, p. 107).Le ton de ces appréciations est plus signifi-
catif que leur contenu et le Gouvernement espagnol a traitéce oint d'une
manièreexhaustive dans la duplique (VII,p. 820,par. 822) et i sepermetP
d'v renvover res~ectueusement la Cour. La Cour a lu le communiaué du
16 juin 14~1, 1:iCour nppr6cier;i mieux que iious ne saiirions le faire s'il
prkente le car:iit+re d'unc falsilicÿtion par rapport à la déc1;iriitioricon-
loinle. 011 sc borrirra cïpcridnrit d faire reriin:qucr que. s'i ai.3it 11ri,.~ent6
Cc c;ir:ictérc. il n'est pas doiitcus que les drux autre; gouvernements
S1gii;itnirc.dc 1:i<li.cl:ir;itioii.~urai~~iidtcni:!ilil>sans ~ttenilr1111~rcctifi-
cation - ce au'ils n'ont vas fait - à moins oue le Gouvernement belee

aille jusqu'à p'rendreau sérieux cequ'il a oséé'crireD . ans cecas. évide;-
ment, il ne faut pas attendre des Gouvernements annlais et canadien,qui
ont altéré.dans' la ~ ~lar~ ~ ~ co~io~ ~e,~~es d.c~ ~ations des exoehs. '
qii'il protcit,-rit coiitrc iinc f:il;ificatioii qiic Ir C;oii\~c.rntiiienteî)>?gnol
fiir1,. ..6ri.edans son communiqué au sujet de la déclaration conjointe.
r .I1, <luC.ou\~~~riiem~e ~si)tu .iioIi4cul i)oiiitciiinic'riiroiic l'on s'v
attarde, parce p'il est peut-Jtre le seul qui'intére;se vraiment la COU;,
porte sur l'attitude mise Darle Gouvernement britannique. dans sa note
du 22 décembrex95i (A.C.M.,vol. VI, no 1,doc. 27, p. ;or), à propos de
l'interprétation que les syndics avaient tirée des textes publiés - décla-
ration et communiqué - pour demander au juge d'autoriser la vente des
biens. A ce sujet et pour faire tout de suite une observation, on secon-
tentera, pour Ie moment, de remarquer que la demande des syndics
datait du 13 aoùt (A.C.M.,vol. VIII, chap. III, no 152, doc. 2, p. 286 et
suiv.) et que toute l'opinion, la Barceloiia Traction elle-mêmeet d'autres

autorités britanniques avaient interprété la déclaration dans le même
sens que les syndics; mais, pour comprendre cette position britannique
du 22 décembre. ,~~faut ~ ~miner~ ~ ~évé~ ~entsdans leur ensemble et
c'est ce que nous allons faire à propos de l'exposéde la thèse espagnole.
Selon le Gouvernement esoaenol. la déclaration coniointe et les actes
qui l'ont précédée et suivie h'&t pas eu pour fin de Provoquer la vente
des biens et, encore moins, la vente à vil prix. Quels sont les élémentssur
lesquels le Gouvernement espagnol base cette affirmation? L'élément
essentiel, pour le Gouvernement espagnol, est le changement de position
de I'Etat qui assure la protection diplomatique de la société. à savoir le
Canada. Jusqu'alors. le Canada admettait, pour réglerle problème, des
négociations entre la BarceIona Traction et le Gouvernement espagnol.
et le receiuerde la faillite canadienne avait pris à sasuite la même position

et écartait des néuociationsentre M.March et les intérrts Drivés.
On pourra se reporter sur ce point aux documents deia receivership,
mémorandum G3 du 16janvier 1950.volume III, folios 382 et suivants. PLAIDOIRIE DE M. REUTER 241

Or, désormais, le Gouvernement canadien va inviter la Barcelona Trac-
tion à négocierdirectement avec les intérêtsprivés adverses. Le receiuer
de la faillite canadienne va modifier sa position dans le mêmesens. et va
jouer le r6le d'un intermédiaire actif dans l'amorce des négociations.
L'Etat espagnol ne mettra aucun obstacle cette négociation; M. March
va en accepter le principe en donnant toutes les garanties d'une négo-
ciation honnetement conduite: Barcelona Traction va refuser et va don-
ner la preuve de l'énorme puissance de ceux qui la dirigent par son em-
prise surla presse et sur certaines personnalités.
L'ensemble des faits ainsi mis-en cause vrésente accessoirement un
grandintérêt sur le plan de la protection dii>lomatique.On va constater
d'abord ce qui. de l'avis du Gouvernement espagnol, constitue une recon-
naissance par la Belgique qu'elle n'a jamais ];uGu'alors exercé la protec-
tion diplomatique; puis, sous la pression des intérétsprivés, on voit
s'amorcer une nouvelle attitude où la Belgique prétend exercer une pro-
tection diplomatique qui s'ajoute, mais dans un sens différent, à la pro-
tection canadienne.
Les événementsqui sont relatifs à ces constatations sont ramassésen
une courte périodede quelques mois. Nous demandons à la Cour la per-
mission de les présenter. comme nous I'avons dkjà fait à une autre
occasion. sous forme d'une chronoloeie et de auelaues commentaires
quasi télégraphiques.Les événementsuquenous 'alIo& relater sont tiré
pour la presque totalité du mémorandum G 21 du receiverde la faillite
Sanadienne :

18juin 1951 :lesautoritéscanadiennes préviennent lesreprésentantsde
Barcelona Traction aue le moment est venude négocierpour eux avec les
obligataires,avant meme de rechercher avecle Gouveriiement espagnol
pour l'avenir un modus operandi convenable, et c'est là le changement
radical de la position canadienne que nous avons signalé.Acette occasion,
la reconnaissance par le Gouvernement canadien du défaut d'information
relatif aux demandes de devises est présentéparlesautoritéscanadiennes,
selon le receiver. comme un moven d'éviter desmesures esoapnoles vlus
énergiques et de sauver la faCe, selon les expressions duhrëceiuer,'des
autorités espagnoles (mémorandum G 21 du receivcr,A.R. vol. II. no78.

Avnrit le 22 juin: cun\,cr,ntions prépnrnroires pour des négocintioiis
vriv(es.IVII~:IWS o~érés DitrIçrrcw PI nuprCi du cornit; d~.,ohli~nrairej
de Londres. -.

13 juillet: lettre de l'ambassadeur de Belgique, d'une grande suavité
d'exoressio~. faisa~ ~des rés~~ves sur l'échanee -es titres des filiales
dki(l6 en Espngne. Le poirit important est le iilciice complc~gardi par
cette note siir Ind6cl;ir:itiori coriiointe: ce silence. de I'a\.ii <lu(;ou\,eriie-
ment espagnol, ne vaut pas reconnaissance tacite de la déclaration, mais
vaut à coup sûr reconnaissance de quelque chose de beaucoup plus,grave
encore, c'est que la Belgique ne se considère pas comme ayant lamais
encore exercé la protection diplomatique,sinon, elle n'aurait pu se taire
sur un événementde cette importance; elle n'a fait jusqu'alors que des
démarches àl'appui de la protection canadienne.
Une autre remaroue sur la mêmelettre - nous ne ferons vas de com-
mentaire, parce ce commentaire, en effet, pourrait à discus-
sion: on se demande bien pourquoi l'ambassadeur.de Belgique a visé242 BARCELONA TRACTION

danscette note .les milieux si divers des épargnantsde mon pays »(A.M.,
vol. IV, no254).
Aux environs du 13 juillet: hl. March fait demander au receiver de
venir le voir àGenève.
25 juillet1951 (folio771, vol. V de la receivership):une entrevue d'un
ton très violent a lieu à la Trésoreriebritannique entre Lawson. repré-
sentant de la Rarcelona Traction, M. Eggers, haut fonctionnaire de la
Trésoreriebritannique, et le sous-secrétaired'Etat au Trésorbritannique
lui-même.Au cours de cette conversation pénible et violente, selon le
receiuer. M.Eggers donna raison aux thèseséspagnolessur de nombreux
points qu'il est inutile de rappeler ici, et il maintint la position que:

aLe Trésorest convaincu que la sociétén'a pas fourni les rensei-
gnements demandés par les Espagnols et affirme aussi que malgré les
&serves contenues dans le raÜ~Grt.les ex~erts canadien et britan-
nique en sont également conv~incusii (foli0'~~2,vol. V de la receivw-
ship).

Desmeniicessont ~>rofcrL:c psar11. I.;i\vsoncontrc leTresor;\1.Laiison
allé~ucCa:ilement3crtte occasioriouc lestitres di,Iniociét6Sofinaibicnt
rép&du;dans le monde entier. A
26 juillet 1951 (A.C.M.,vol. VI, no 1, doc. 15, p. 86): note canadienne
informant le Gouvernement espagnol de la position prise à l'égardde la
négociation privéeet faisant des réserves sur l'échange des titres des
filialesdécidéen Espagne.

26 juillet également (doc. dép. 1.7.1968. Action Sidro c. comité obli-
gataires Prior Lien. vol. II, doc. 147): article du journal The Times qui
donne une analyse détailléedu rapport des experts anglais et canadien
qui n'a pas encore étépublié. Selon cet article, la responsabilité du
Royaume-Uni est engagéeet il doit réparation à la compagnie (A.D.,
vol. III, no 185, p. 435).
27 juillet: le receiverrencontrehl. March à Genève.M. March accepte
line négociationconduite en présenced'observateurs des Gouvernements
anglais et canadien (folios 758-763-773-774, vol. V de la receivership;
D., VI, p. 171).
Début d'août: les dirigeants de Barcelona Traction renvoient leur
réponse à la proposition du receiversur une négociation à un mois plus
tard (déclarationdu receiver,folio758,vol. V de la receiuership).
Si l'on considèreque selon la note verbale du leraoût 1951du Gouver-
nement de la Grande-Bretagne (A.C.Bl..\~ol.VI, no I,doc. 16, p. 87) les
dirigeants de la Rarcelona Traction ont demandé la publication du rap-
port des experts anglais et canadien, il n'est pas douteux qu'ils sont déjà
décidés à ne pas accepter des négociations,car il est certain que ce n'est
pas àleur usage interne qu'ils demandent la publication de ce rapport
-l'article du Times vient dc prouver qii'ils en avaient connaissance ou
que des personnes qu'ils connaissaient en avaient connaissance.
4 août: mise au point du Foreign Officesur l'article du Times (D., VII,
p. 819; A.D.. vol. III, no 186)où le Foreign Officerappelle que la déclara-
tion a été faiteaprès que les trois gouvernements ont considéréles deux
rapports et l'ensemble des documents. PLAIDOIRIE DE M. REUTER 243
13 août (A.C.M.,vol. VIII, no 152, 286):demande adresséepar les
syndics de vendre les biens de la Barce ona Traction.

27 août 1951 (ibid., doc. 6, p. 318): autorisation par le juge espagnol de
procéder à la vente.
Début septembre: les dirigeants de Barcelona Traction refusent de
négociertant que la situation n'est pas régléeen Espagne ou au moins la
déclaration conjointe rapportée (folios 758 et 759, vol. V de la receiver-
ship).
Mi-septembre: visite du receiueà Madrid (document de preuve 1 du
mémorandum du 24 décembre 1951, folio 775, vol. V de la receivership).
A Madrid il rencontre de nombreux ministres qui, à sa demande, admet-
tent de ne mettre aucun obstacleàun arrangement entre les parties.
qseptembre: notedel'EspagneauCanada(A.C. VMIn.0v,do.. 17,
p.88) qui accepte de prendre en considération des négociations privées.

28 septembre (ibid., doc. 20. p. 91): note du Canada auprès de l'Es-
pagne demandant de ne pas laisser procéder à la vente des biens.
30 octobre 1951: lettre personnelle et confidentielle de I'ambassadeur
de Belgique (ibid., doc. 31, p. 110). où pour la premiere fois la Belgique
fait mention de la déclaration conjointe et énonceles thèsesquiseront les
siennes devant la Cour internationale de Justice, et notamment celleque
le refus de devises a constitué pour l'entreprise un cas de force majeure.
Cette démarche réalise, de l'avis du Gouvernement espagnol tout au
moins, la première tentative d'assurer une protection diplomatiquepro-
pFement dite, doublant la protection canadienne; celle-ci continue à
s exercer, mais sur des bases juridiques différentes, notamment en ce qui
concernelacessation despaiements. Ainsiapparaissent tous lesavantages
de ce que nous avons appelé la protection diplomatique cumulée.
C'est seulement beaucoup plus tard, quand la vente des biens devient
imminente, que le Royaume-Uni. le 22 décembre (ibid.,doc. 27, p. IOI),
dans une note diplomatique, prétendit que les syndics, en se basant sur
les positions britanniques relatives la déclaration conjointe, ont donné
de celle-ci une interprétation qui n'est pas celle du Royaume-Uni. Aux
explications données au Gouvernement de Grande-Bretagne, dans sa
note verbale du 3 janvier 1952 (ibid.,doc. 29, p. 106).leGou\,ernement
espagnol croit devoir ajouter trois précisions.
Premièrement, le Foreign Office ne voulait pas que le terme d'iii:ré-
gularités de toutes sortes» fût interprétécomme impliquant néccssaire-
ment, de l'avis du Gouvernement britannique, des effets judiciaires.
Deuxi&memeiit, la Barcelona Traction ne s'était pas trompée sur la
conseil d'administration de la sociétéle 4 juillet. c'était, selon elle, avec
l'assentiment tacite de l'ambassadeur de Grande-Bretagne que des irré-
gularités de nature non spécifiéeavaient étérelevéesdans cette déclara-
tion (D.,VII,p. 8?0).
Troisième observation: la date de la demande des syndics est, nous
l'avons dit. du 13 août. Depuis cette date, jusqu'au décembre,aucune
des notes britanniques nicanadiennesremisesauGouvernement espagnol,
tout en faisant allusioà la demande des syndics du 13 août, n'avait fait
état de prétendues différencesd'interprétation. La note canadienne du
22 décembre,portant donc la mêmedate que la note britannique, ne fait,
pour sa part, aiicune allusioncette différenced'interprétation. 244 BARCELONATRACTION

Le Gouvernement espagnol en conclut donc qu'il ne s'agit, dans la
notebritanniqu., ..e d'une demande troutardive dont l'origineest claire.
Flle vient couronner une longue suite de pressions etde nieunaces r rivé es.
pasiitCiiiforni;,. coinme lc Gouvcriicmcnt cnnnali~n1.3CILp:nr lericei~<.r,
que XI.Xlarclia\.ait. dès le27 juillct. accepti Ics n;gociatioiis pri\,6ei en
pri.scnc<;ilci ohicrv;itt:urs des Gouvcriiemeiiti canxlicn et ;iii~Iais.
Telles sont. sur le vlan des faits. les constatations essentielks aue nous
tenions à rappeler.'ll appartiendra, le cas échéant,aux pro'fesseurs
Carreras et Sureda d'en rapprocher les problèmestouchant à la vente des
biens, mais nous pouvons-qualifier et appréciermaintenant, sur le plan
juridique. le grief que le Gouvernement belge adresse au Gouvernement
espagnol à ce sujet.

b) L'interprétationjuridiq-e desfails
La considération des griefs belges inspire, sur le plan des principes,les
réflexionssuivantes.
Tout d'abord, pour reprendre le langage dont nous nous sommes déjà
servis, il ne semble pas que le Gouvernement belge allègue cette fois
contre le Gouvernement espagnol un délitspécifique, isoléou encore, si
I'on veut, autonome; et il serait d'ailleurs obligéde diriger son grief en
mêmetemps contre le Royaume-Uni et le Canada. Les reproches du
Gouvernement belge sont trop diiius pour qu'on puisse les considérer
isolés lesuns des autres ni mémese contenter de les regrouper autour de
la déclaration coniointe.
Sous sommc,siCien pri.sence, selon lei accusations hclges. (l'uneappli-
cation typique de In conception du délit glotinl; la période d'un an et
demi aiic I'on coriiil6re auraitc'téanimr'e i)ar un but ~sseiiti~l: iournir
aux sindics un prétexte à la vente des bids. dans les conditions, pour
BarceIona Traction. les plus défavorables que l'on puisse imaginer.
C'est donc le plan qui se développe, c'est l'expropriation sans indem-
nitépour cause d'utilitéprivéequi se poursuit. Tout cequitourne autour
de cette déclaration surviendrait donc à point nommépour réunir dans
un ensemble unique la premiére phase de la faillite et ce qui va suivre
avecla vente des biens.
A ce irriefainsi formulé.le Gouvernement esuaenol uourrait sansdoute
faire une réponsetrès simple et dire: u C'étaitle GouGernement ppagnol
qui était accusé; il a mené une action pour démontrer son innocence;
comment oeut-on accuser un Etat de chmettre un délit international
parce ¶u'ii a pris l'initiative de cette démonstration, qu'il l'a réussieet
qu'il a fait savoir la réussitedans tous les cercles où l'accusation avait été
Ïépandue? n
Mais bien entendu une telle réponsen'a aucune valeur pour le Gouver-
nement belge, et ceci pour deux raisons.
La première d'abord. c'est que le Gouvernement espagnol. selon le
Gouvernement belge, n'a pas réussisa démonstration, il est coupable; les
deux Gouvernements canadien et britannique se sont trompés eux aussi
thésea déjàétédiscutée,nous n'y revenons pas. belge lesaccuse en fait. Cette
Deuxièmement, mème si le Gouvernement espagnol était blanchi à
propos du refus dedevises. ilserait coupable, selonleGouvernement belge.
du délitglobal et l'examen des faits révéleraitsa culpabilité. En effet. il
n'aurait pas, selon le Gouvernement belge, agi dans cette procédurepour PLAIDOIRIE DE hl. REUTER 245

prouver seulement son innocence; il aurait agi aussi dans le but demettre
en ceuvre un plan concerté d'expropriation sans paiement pour cause
d'utilitéprivée.
L'Etat espagnol aura beau direqu'il ne pouvait prouver son innocence
qu'en inontiarït que l'entreprise &Lit coupiiblr.et (iued~nsccs conditions
ile5t 2trniige qu'on luifaiie ric cf'xvooir6t:ihllaconduite <leI<~rcclooa
Traction; selon le Gouvernement belge, il reste coupable parce que ce
n'étaitpas le seul but qu'il poursuivait.
A cette objection. nous avons déjàrépondu sur le plan des principes:
le Gouvernement belge n'est pas recevable en droit à invoquer i I'en-
contred'un acte fondésur un but légitime l'existenced'une considération
psychologique qui serait illicite.
Mais leGouvernement espagnol veut répondreaussi, à titre subsidiaire
au moins, sur le plan où se place le Gouvernement belge. Il pense que.
mêmesur ce plan, le Gouvernement belge n'a pas raison, et ceci, que l'on
examine la question sous l'angle de l'intention délictuelle ou sous celui
de la causalité.
Il y a, en effet, un élémentmajeur qui interdit de considérer cesévéne-
ments comme un pont jetéentre deux groupes de faits. mais qui, au con-
traire, en fait en réalité unecoupure;cet événement,c'est l'invitation de
négocieradressée A ses ressortissants par le Canada, qui exerce légitime-
mission d'enquête,sans réservede LaBelgique au regard de l'Espagne.a com-
Cette invitation canadienne demande à la sociétéque le Canada protège
de négocieravec les obligataires. Or. cette invitation a étéacceptéepar
M. hlarch dans des conditions qui donnent toute garantie, puisque des
observateurs des Gouvernements canadien et anglais auraient assisté à
cette néeociation.
~ette&iution a étérefuséepar les dirigeants de la Barcelona Traction
en vertu d'un choix tout à fait libre et qui pouvait être différent.Ce libre
choix permet d'écarter, d'une part, l'intention délictuelleprétendument
attribuéeau Gouvernement espagnol, et d'autre part, le lien de causalité
oui rattacheraità son attitudeie<couditions de la vente
Quarid le Gou\,ernement esp;igiiol a 1)ropoi; In iomnii~sion d'enqu;te.
il l~ou\.ait Ftrr: con\,;iincii qii'il bta1,lirait on innocence, miiii comincrit
p~il\~ait-ilprhroir In suitede5 c\.Cncmenti? Cvmmrnt pouv;iit-il i1:ibiir
que l{:ircelonaTraction rrfuscrait une ni'pciation qui SC pr4st:ntait pour
elle FOUS des auspices acceptables? Quelles raijons avait-il <I'irnngincr.
ai)rCsI'nuuui a~~orté à Hnrcelona Traction Darles deux Gou\~errieniciits
aRglais <t'canad;en. que cette négociationab'oiitirait ides bases in\uïtes.
alors qu'au mois de mai 194611avait pu considkrer que les deus parte-
naires s'étaientmis. en ce qui concerne leiiri intércts propres. d'accord'
IIen est de mht si I'onraijonne eri terrnes de cnusalite. Le libre choi:
et le libre refus de In Barccloiia Traction sont la cause immédiate ct di-
recte de la suite des événements.
Le Gouvernement espagnol aurait pu, dans la perspective des négo-
ciations, dire:«Je paie depuis de longues annéesles dettes de Chade en
Espagne avec des avances du Trésor; je veux bien que l'on négoc~eau
sujet de la Barcelona Traction, mais que l'on regle alors la situation de
Chade. 111ne l'apas dit, il ne l'a pas fait,palusqu'il nele fera en 1959,
puisqu'il a toujours considéréque les deux affaires étaientdistinctes.,
Il aurait pu dire aussi:rJe ne veux qu'il y ait des négociations privées
que si I'onaccepte de reconnaître et de réglercertainesréclamations que 246 BARCELONA TRACTION

j'entends faire valoir en mon nom propre. n Il ne l'a pas fait, puisqu'on
lui avait demandéde nerien faire qui puissegênerdesnégociationsprivées.
S'il l'avait fait, il aurait d'ailleurs dû développer des arguments qui
recoupaient certaines thèses soutenues dans la faillite par les plaideurs
et qui n'étaient pas tranchéespar les tribunaux. II serait donc intervenu,
qu'il le veuille ou non, entre les parties.
Bien loin de renforcer les thèses belges du mief alobal. les événements
relatifsA la il6claration conjointe dé<ontrcii au contraire que la these
du grief globnl s'av,'reailasi incapable de s'appliqueà cette occasion que
pour les relus de la pcriode 1g4j-1946.

Nous avons ainsi terminé l'examen des problemes qui concernaient
l'attitude des autorités non iudiciaires es~amoles au regard de la ces-
sation des paiements de la ~arcelona ~ricthn et des pour-
suivies à l'initiative du Gouvernement espagnol pour établir que sa
responsabilité internationale n'était pas engagée à cette occasion.
Réduite à ces élémentsessentiels, la position des dirigeants de la Bar-
celona Traction, à l'égarddu Gouvernement espagnol, est fort simple.
Pour eux,si le Gouvernement es~agnol avait accordé lesautorisations de
change nécessaires et n'avait pas-constitué une commission d'experts,
Barcelona Traction aurait évitéles dommages qu.ell. a subis dans un
procèsprivé.
Au surplus, dans un litige comme celui qui opposait hl. Narch et la
Barcelona Traction, il n'y avait pas de place pour un tiers; terfiumnon
dalur:le Gouvernement espagnol devait choisir, il a choisi M. March.
Quand on décrit en ces termes la position belge, un auditeur impa-ial
est tenté de dire: «Ce n'est pas possible, vous en présentez une carica-
ture. 1Mais.il suffit de lire certains Dassaaes des ~laidoiries Dour cons-
tater que sinousexagérons,nous n2e<agér&spas béauco.up par exemple
cet extrait du compte rendu du 8 mai (VIII,p. 460):
e Pour ce qui est des activités des autorités espagnoles dans l'ad-
ministration du contrôle des changes.les actes illicites ontétédécrits
par M.Mann (supra,p. 55-109f) i.ont eu pour effet de paralyser le
plan d'arrapgement en 1946.Si ce plan n'avait pas échoué,rien de
ce qui a suivi ne se serait produii.
Evidemment, si la Barcelona Traction avait uséde l'accord de paie-
ments hispano-anglais. si elle avait consignéen pesetas le montant de ses
dettes, si elle avait négociéavec ses créanciers, si elle avait fait oppo-
sitionà la faillite, si elle n'avait rien dissimàl'Etat, si Sidro et Sofina
lui avaient fait crédit,rien de ce qui a suivi ne se serait produit non plus.
Mais au-delà de cesmodes de raisonnement quiseront discutés par mon
coll&gue,le professeur Weil, il faut bien voir le fond d'une penséequi
apparaîtdans certaines déclarations du Gouvernement belge.
Pourquoi le Gouvernement belge tient-il à tout prix à cette histoire de
devises qui. depuis 1951, tout au moins, est reglée à l'égardde tous?
C'est parce que, dans sa note du 6décembre 1951:(A.M., vol. IV,
p. 998)l,eGouvernement belge soutientqu'à défaut de ces circonstances,
c'est-à-direà défautde l'insuffisancedes justifications pour les demandes
de devises "tout l'édificede la faillite devait s'écroulerpar la basen et
qu'il sait qu'à l'inverse, le comportement du groupe de Barcelona Trac- PLACDOLRIE DE M. REUTER 247
tion, tel qu'il a finalement été établi parla déclaration conjointe, sur la
base de l'ensemble des expertises produites à cette o~casion, donne non
seulement aux actes des autorités non judiciaires, maisà toute la faillite,
un aspect trhs différent.
En réalité,pour les dirigeants du groupe, l'Etat n'est qu'un cadre dont
on use et dont on change au gréd'intérêtsparticuliers.
Quand on se trouve en présenced'un conflit entre deux groupes privés,
moins que jamais, 1'Etat n'a le droit de faire valoir une position propre,
ne serait-ce que celle de vouloir connaître la vérité.
La loi elle-mêmeet la vérité doivent êtreécartées,etc'est une faute
impardonnable pour un gouvernement, c'est une discrimination sans
excuse de maintenir les exigences de son ordre public et de son ordre
juridique, si l'un desrivaux risque d'en souffrir.
C'est ainsi, finalement, la concurrence entre groupes rivaux qui est la
règlesuprême,qui passe avant toute autre. La loi de la jun le prime celle
delacité et cette longue affaire qui sepoursuit depuis t?ntl$annéesn'est,
finalement, qu'un règlement de comptesoù I'onveut faire sanctionner des
règles,au besoin par le prix que mêmesa victoire coùteraità l'adversaire,
qui ne sont celles ni du droit international ni d'un droit national, mais
celles de la savane sans pitié: le respect. au sein d'une même espèce, des
territoires de chasse et la solidaritéde l'espècecontre l'autre espèce.
M. hfarch n'avait aucun titre & s'intéresserà des affaires d'électricité,
ce fut son premier crime d'y mettre le petit doigt., 51. March devait
s'allier contre l'autre espèce:ces fonctionnaires et ministres incapables
aveugles, tout juste bons à êtrependant trente ans la riséede ces conseils
qui savent mieux que 1'Etat ce qu'est la personnalité morale et la souve-
rainetéterritoriale.
Telles sont les normes antiques que l'on demande à la Cour de sanc-
tionner par un double acte, en reconnaissant la pleine efficacité,des re-
cettes d'invulnérabilitéqui furent la protection de l'étrangeempire dont
releva la Barcelona Traction et, accessoirement,en condamnant un Etat
dont la patience et la modération ne révéleraientque la duplicité,ou au
mieux. la faiblesse.
Dansd'autres Etats, qui sontcependant des modèlesde démocratie et
de liberté économique. pour des actes que la vieille Europe juge encore
avec une relative indulgence les plus hauts dirigeants des:entreprises et
leurs conseils connaissent facilement de rudes sanctions.
Ce que I'on reprocherait donc au Gouvernement espagnol dans cette
affaire serait de n'avoir qu'une seule inflexible exigence. rappelée par
M.l'agent du Gouvernementespagnol: celle devoirclair dans sesservices
publics, dans ses finances, dans son économie;non seulement cette clarté
fitédes annéesqui ont suivi la guerre civile pour aménager une nouvelleo-
et fructueuse cessation des paiements, diffamer dans tous les cercles
internationaux les autorités espagnoles et faire un crime au Gouverne-
ment espagnol d'avoir réussi à se justifier.
Le Gouvernement espagnol soumet avec confiance sa cause au juge-
ment de la Cour et nous remercions celle-cidel'attention patiente qu'elle
a eu la bonté de nous accorder.

L'audience, suspendue Ù 16hzo, estreprise Ù 16h40 PLAIDOIRIE DE M. URIAI
CONSEIL DU GOUVERNEMENT ESPAGNOL

M. URIA: Monsieur le Président, Messieurs les juges, c'est pour moi
un grand honneur de m'adresser àla Cour internationale de Justice et je
désire, avant tout. que mes premiers mots expriment l'admiration que
j'ai toujours ressentie l'égardde la très haute mission confiéà la Cour
et pour son Œuvre de pacification et de justice.
J'interviens dans ce débaten ma qualité d'avocat et de professeur de
droit commercial à l'université de hfadrid, dans le cadre d'une matière
appartenant à ma spécialité scientifiqueeà ma pratique professionnelle.
Je me propose d'examiner en toute sérénités,ur la base du droit. les
questions qui se sont poséesau cours de la faillite de la Barcelona Trac-
tion. en vue de montrer à cette haute Cour de Justice que les griefs for-
muléspar laPartie adverse sont. en droit es- -nol, dénuésde tout fonde-
ment.
Qu'il me soit permis, Monsieur le Président. de formuler tout d'abord
quelques brèves considérations préliminaires.
a) Je dois. en premier lieu, déclarer que la faillite d'une entreprise
d'une structure aussi complexe que la Barcelona Traction n'est pas un
phénomènefréquent. Tout ce réseaude sociétésprincipales et filiales, de
fiduciaires et de prête-noms,de liens financiers et de restrictions en tous
genres, quiapparaitdans le contextede la Barcelona Traction et de tout
son groupe. n'apparait pas tous les jours dans la vie commerciale et dans
la vie procédurale de l'Espagne. On ne saurait donc s'étonner s'il a pu se
produire, comme dans d autres cas semblables, une hésitation ou une
indécision lorsque I'on a examinéles problèmes juridiques soulevéspar
cette faillite. hlais je peux affirmer, avec la mêmeobjectivité, que rien
dans cette faillite, absolument rien, n'a étéinjusteou incorrect.
b) Je dois. eii deuxième lieu, dire que cette procédure offre de nom-
breux exemples de la maniere dont la Partie adverse a modifié, à plu-
sieurs reprises. la portéeà donner à ses prétendus griefs, ainsi que ies
motifs invoqués à l'appui. Nous ne cherchons pas ainsi à nier le droit
qu'ont les Parties de compléter, tout au long du litige, leurs arguments.
Nous désironssimplement souligner que, si l'on accuse les tribunaux d'un
pays d'illégalitésflagrantes, tout changement de critère, toute contra-
diction à l'égard desrègles ouprincipes que I'on dit enfreints, font res-
sortir la faiblesse intrinsèque de l'accusation.
c) La troisièmeobservation que je tiens iformuler est que ce qu'il faut
considérerici c'est l'application des regles de l'ordre juridique espagnol en
judiciaires. II n'y a en cela rien de neuf. La jurisprudence espagnole, qui
consacre en réalitéun principe universellement admis, a montré à plu-
sieurs reprises que la critique des décisionsjudiciaires doit êtreaxée,
plus que sur l'examen de leurs fondements, sur les résultats atteints par
lesdécisions(cf., entre autres,arrêts deII février1946 (Coleccidnle is
laliva, no40).11mars 1952 (ibid., no22) et15 février1961 (ibid.. n$)).

' Plaidoirie prononceeen langue espagnole (mir supra, p. 19). Or. hlessiturî les juges. deux \,erjions opposéesse lieurtenà cet égard
et voi13.t~ieiil'essencememe de la présentepolc'niique.Pour le Gouverne-
ment belcc. la structiire <lela Uarczlona Traction constitunit une ~l>ro-
tection naturelle Dnormale. qui aurait dû btre respectée, mais ne l'a-pas
été.Pour le Gouvernement espagnol, au contraire. il s'agissait d'une
structure typiquement artificielle et frauduleuse, ,conçue et organisée à
cheval sur o,usieurs v.vs. ..ur êtreutilisée svécifiauement in trauden
crt~diturum .uiit en Pludant I:iprescription ~~l&nL.nt~irdecs ord;i:s juri-
disu,-s qui oblice le dcbiteii3 rependre .ur toiiise biens dc I'esr'ciitioii
Aussi dg&, Messieurs, cette recherche d'une u protection naturelle D
conduirait indirectement à un résultat parfaitement contraire au droit:
elle oermettrait - comme le Gouvernement belve l'a lui-mêmedit - de
cons'idérerla faillite comme une déclaration pGement platonique. Cela
ne s'est uourtant uas ~roduit, car les tribunaux espa~nob ont pénétré au
fond dei choses, in &pitant que, sous prétexte de..cGte «pro-
tection n,un grave préjudice soitcauséaux créanciers.
d) Enfin, &Ionsieurle Président, je voudrais faire une dernikre considé-
ration sur la façon dont mes illustrescontradicteurs ont utiliséle rapport
émisdans cette affaire par le professeur Garrigues, sur la demande de
Sidro. Cette consultation a, en quelque sorte, étéprésentée commel'ex-
pression de la doctrine espagnole sur la faillite. Je suis le premier à re-
connaître la grande autorité et la compétencedu professeur Garrigues.
Une amitié, que les annéesn'ont pas altérée,me lie à lui. Nous avons
réformes législatives, etc. Toutefois, j'ai le plus grand regret de devoir
exprimer mon désaccordsur le fond et la formede cette consultation qui
contient des expressions blessantes à l'égard de nous autres, juristes
espagnols, qui ne sommes pas d'accord avec ses thEses et je déplore
au'elles aient resur-i dansce débat. A l'encontre des ooinions exmirnées
d;iris cette consultation, d'nutres ~~rofr,ieiir et jurisies esl~agn'~ljont
+g?!ement rirligi! des rapports 1.cGou\.ernement espagnol n'a pns voulu
utiliser ce, consultations devant cette Iiautr Cour. coiisultations quisoiij
toutes. iI'esccption de la rnienne <le I:pliii Iiaute autorité IIa con,i<lerc
que cominc ,:Ilesa\,aierit L'galemeiiti.126niiari 13ilemilnde d'une partie,
il n'était"~utre A~ertinent (le 1,:sutilii<,r ici.rois hlessieurs les iuccs.
que le Gouvernement belge aurait dû, pour Tesmêmesraisons, agi;& la
mêmefaçon.
T'en viens maintenant à l'examen des ouestions urécises aui font
1'oJ.:I(>rcmic'ri. iserala dccl3ration <lef~illirede la Hnrcelona 'l'r;iction.ln
dcuxiïnie tr;iitcra de lisaisie des droits deI:ioziL:t<f:aillie ct dc la saisie
dvi :ictifsdes ioci&tésfiliales.et la derni2re dt.5viçissitudçs que cette saijlc
a ult<ritiirement entrainées proi>oidu cc tiue l'on aur~ellela tnormali-
sation nde ces sociétés. . . ..

LA DÉCLARATION DE FAILLITE

La déclaration de faillite de Barcelona Traction - point de départ des
prétendues irrémlaritésqui, à en croire le Gouvernement belge. auraient
6técommises - est sans'aucun doute.~,u de~ra~ ~du moins Bitre.la D.US
irnportaotr dr toutes les qiiesriorisconccrnnnt cette kiillite.
Mais ilfaiit soiiligner qii'3cet <gar<lI'3ttiiu<ledu Gou\,erncrn~:ntbelge 250 BARCELONA TRACTION

s'est modifiéecurieusement dans sesschémasou perspectives dialectiques.
La déclaration de faillite était tout d'abord. Dour.ainsi dire. l'essence ou
1c ïn:iir mkne des rïproclies adressés alis autorit&s ]udici~irc~ ripa-
gri<>lesI.'ar Iiisuitc. le tiouvçrnement belge. se rend;int sana doute compte
our cette cl;.clnr:itionde 1;iillite.considCrl:isolément. était irr6oroc~ ~blc~.
en a fait non plus une accusation unique, mais la plus importante, le
premier maillon de la chaîne dont devaient dépendre la stabilité et la
solidité de tous les maillons sui\rants. Maintenant. aorès.l'.ntervention
ornlt: dii profeiszur \';in liyn. ilsemble que la d6clar:itioii <Irfaillitr se
voic niimc di'vouill5cde ce rSle. diii anioindri, oii'elle poiiédnit aiii>arn-
vant. Assurément, elle constitue toujours un gr{el, mais non pas leplus
importaiit. loin de là. car il en a surgi d'autres qui lui disputent la pri-
mauté.
A) Nous allons donc voir aue les conditions reauises Dar notre droit. - ~
poiir dcclnrcr I;1(sillite. oiit btéremplies. Aupnr;ivaiit, toiitrfoi.;. il con-
viciit de sr rcfc'rcrn la proc;durr: wivie et niis organe; de la faillite qui
l'ont tout d'ahord instruite. Ces deus ~iic~stioiisont Cti.invoqiiées,sani
niicun hizn-foiiili..par I:il'nrtie ;idvi:rje. cuiiinie inotif de grirf
1 l.'iii~i:<lesi)rcuvcs le; DIU&looiieritesdu cornnorteriiciit dr I:il'mie
adverse au couts de la proc'édureaPparaît dans l'ifsistance qu'elle met à

affirmer,sans toutefois en êtreconvaincue le moins du monde, que la
procédure de la faillite n'a Das été instruite Dar la voie ~rocéduraie
rcilui=r 1,. rCglviap;sinlt:i rr'kissant I;iInillirc d;:s suciL1t<iiCcheiiiin dc
Icrct autres oci(1i.s de ser\.ici:piibliz n'ay;,nt pns et: nppli<lii;ei
:\lgir-ciiitni I;iI<irca:lonaTraction ni ;ch filialt:.,n'nv;iit.nt iiivouiCr'
règles,etbquele Gouvernement belge avait Apeine fait allusion A1; ques-
tion,dans ses documentsécrits précédents, noustrouvons dans la réplique
toute une sous-section (V, p. 395 et suiv.) consacrée à la prétendue vio-
lation des articles 930 à 941 du code de commerce régissant la faillite des
asociétésde chemin de fer et autres servicespublics u.
Le Gouvernement belge a jugé bonde ne pas revenir sur cette question
dans ses plaidoiries, tout en ignorant pratiquement l'exposé que nous
avons fait à cesujetdans la duplique (VI,p. 473et suiv., et A.D.,vol. III,
no 107). La seule nouveauté consiste Afaire maintenant état d'un juge:
ment du 19juin 1936,du juge de premièreinstance no6 de Barcelone, qui
approuvait un concordat entre la sociétéProductora de Fuerzas 110-
trices et ses obligataires, qui avait étéréaliséconformément aux articles
cités (VIII.pp. 190.193). Cela peut-il entamer notre position? Siirement
pas. Les préceptescitésne peuvent s'appliquer Ala faillite de Barcelona
Traction pour la raison bien simple qu'il ne s'agit ni d'une sociétéde
chemins de fer, ni d'une sociétéconcessionnaire de travaux ou de services
publics et qu'elle ne s'est pas soumise, tant dans sa constitutionque dans
son fonctionnement. aux règles spécialesprévues pour lesdites sociétes
aux articles 184 et suivants du code de commerce espagnol. Elle s'est
toujours présentée,bien au contraire, comme une sociétéapparemment
holding constituéeau Canada.
Le fondemeni des nrgiimeiits belges consiste i affirmer quc Irs sociitéb
filialej Claient concr.ssioiiiiaircsde services hydro-l:lectriqu~i. \lais nous
ne nou, troui.uns pas icidemnt ln faillite des socittik Tilililo ].es deman-
deurs ;*la faillite Gtnientdes crcancieri de 13arcelona'fraction et non pas
(IV:,filialci. Le ~iiccn'a declarc la f;iillite ciut.<leL3:ircelonaTrnctioii zt
non pas des filiales.

Mais il y a plus; quand bien mêmele juge aurait déclaréla faillite des 252 BARCELONA TRACTION

la faillite(cf. C.M.,p. 248).Il n'est guèrebesoin d'une grande imagination
pour deviner ce que Barcelona Traction, qui était de toute évidenceun
débiteur de mauvaise foi, aurait fait dans ce cas. C'est un fait que, en
dépit des précautions prises, elle est parvenue àsoustraire à la saisie de
nombreux documents (A.C.M.,vol. V11,p. 231).
D'autre part, il faut également signaler, une fois pour toutes, que le
d'avril 1948, car sur la demande d'Ebro un juge spécial aéténomméqui
fut saisi de l'affaire. La Partie adverse présente généralementles faits
comme si tout s'était passéau tribunal de Reus et elle oublie ainsi que
plusieurs juges et tribunaux espagnols - comme l'a rappelé mon con-
frère, le professeur Gil-Robles - se sont prononcés, sur les problèmes
fondamentaux, dans le mémesens que le juge de Reus.
La Partie adverse n'a ménagéaucune affirmation - quelque anecdo-
tique qu'elle fùt- susceptible de donner à la Cour l'impression d'un juge
insignifiant. docile et prêt à tout. Elle nous présente ainsi le lieu de
déclarationde la faillite comme w une petite ville de Catalogne»,ignorant,
volontairement sans doute. que la ville de Reus est un imoortant centre
iii<lii;tri?l, qui dipnsie. ,.n dé\,elol~l~i:r'tcoiioniiqii(ic noiiil~rciiscs
c3l)ir:ilcî dcs province.. i~sp;ignolr,. Elle scriilile <leiii;.iitcignorer qu'cri
Esi~acncnous n'C\.aluonsi>asI'int6critédc nr,siuces 1I'imi)orraiice dc In
ville gù ils se trouvent. A <> ~,
B) Abordons maintenant les questions spécifiquesde la déclaration de
faillite auxauelles ie dois m'attacher. II s'aeit de la demande de faillite.
<lela (Iiialith pour &ir des crCanciersgui I'oiit demnnil6c. dc la cessation
des paicnieiits et de la ~>iihlicariondu jugemeiit du 12 fcvrier 1348.
r. 1.a~roc6diircde lafaillite a dCbiitL:Darune reouFte ou drmdnde dont
le stylerÎesemble pas avoir plu à la ~ariie adversé.Nous ne sommes pas
icipous discuter de styles juridiques. Nous désirons simplement rappeler
que la «requête n a étérédigéepar II.Dualde, professeur de droit civil à
l'université de Barcelone, avocat prestigieux et ex-ministre de la Répu-
blique, dont mon collègue,le professeur Gil-Robles.a si justement décrit
la grande personnalité.
La Partie adverse a voulu procéder iun exposédétaillé du contenude
cette requête. Pourquoi? Dans quel but? Simplement pour affirmer,
comme preuve de collusion, que le jugement déclaratif de faillite avait
accueilli point par point les différentsélémentsde cette demande. Une
telle accusation nous rend perplexes!
Dans toute procédurede faillite, il est normal que le juge qui reçoit la
demande se conforme, dans sa décision.aux requêtesinitialesdesdeman-
deurs. Or, dans notre cas.contrairement àce aui seproduit habituellement
et à ce qu'affirme la I>artir:adverse. le lait éstqie. dans le p:issagc sur
lequel le Gou~ernemer~tbclgca 3x6. au cours des plaiiloiri~SC; artaque?.
c'cst-.-dire celui relatif ila snisie des actils des sociPt6sliliales. Ic1iiRen a
tenu compte de la requête des demandeurs qu'en ce qui concérne les
sociétésdont il s'est immédiatement convaincu qu'elles étaient uniper-
sonnelles (Ebro et Barcelonesa). Pour les autres - et le Gouvernement
belee s'est bien vu oblieéde le reconnaître - ,~-,inee a attendu d'être
plernement convaincu & ce que les actions de ces filiales appartenaient
également à Barcelona Traction oour leur a~oliA Lr .es mesures de
siisie.
Cela souligne le caractère contradictoire de la thèse adverse et cela
montre quesicette collusion tr&sgrave avait réellementexisté,on com- PLAIDOIRIE DE M. U-R~A 253
prendrait mal que le juge ait attendu un certain temps pour étendre la
saisie des actifs aux autres filiales avec les risques que cela comportait
pour les intérêtsde la faillite. Mais il en fut ainsi, et L'ondoit rendre
hommage àla prudence et à la sagesse du juge de Reus.
La procédurede faillite a donc débuté,comme dans la majoritédes cas,
par la requêtedes créanciers. La demande a étéadmise. et la faillite
déclarée.
Mais, dans la procédureespagnole, de quoi le juge doit-il s'assurer au
coursde cette phase intermédiaire entre la demande et la déclaration de
la faillite? Essentielleinent de deux choses. D'abord de la qualité pour
agir des créanciersqui demandent la faillite. et ensuite de la cessation de
paiements au moyen de la preuve dite testimoniale. Rien d'autre.
L'opinion que le juge peut s'êtrefaite sur un point ou un autre doit
évidemment êtresoumise à l'épreuvedu feu de l'opposition du .failli, si
tant est que celui-ci daigne utiliser ce recours sans témoignerdu mépris
olympien dontla Barcelona Traction a fait preuve dans le cas actuel.
z. En ce aui concerne la aualité Doura~ir des demandeurs à la faillite.
lesprincipa;x griefs sont ai nombre de Ideux. II s'agit de la prétendue
irrégularité de l'acquisition des o-li~ations et de la no.-application de la
no action clause. -
a) La première de ces accusations consiste à affirmer, sans plus, que
les demandeurs à la faillite n'avaient pas qualité pour requérir la décla-
ration de faillite car. lors de l'acauisition des oblipations émises par
Barcelona Traction, certaines r+&s administrative; ou certaines ior-
malités de transmission de valeurs mobilitires n'auraient pas étérespec-
tées. Maintenant, au cours des plaidoiries. le Gouvernement belge se
borne à faire une simple allusion au fait que les demandeurs auraient dû
présenter les bordereaux d'achat deleurs obligations, point que la dupli-
que a suffisamment réfuté(VI,p. 279280) et sur lequel il est inutile de
revenir.
b) Le gouvernement demandeur a consacréde plus amples développe-
ments à la fameuse noaction clartseoui. d''~rtislui. aurait dû emoêcherla
mise en route defa procédure<Icfailiite.
Qu'il nous soit permib de comrnrnczr par rappeler que cette rioaclion
fonder l'une des violations graves,ec grossikres et discriminatoires com-
mises par la magistrature espagnole, n'a jamais étéalléguéedevant nos
tribunaux et est utiliséepour la premi&refois dans cette procédureinter-
nationale comme élémentde scandale.
Il nous faut également souligner que la variété desraisonnements de
la Partie adverse dans ses documents écrits(cf. R., V,p. 345-348)en vue
de combattre la qualité pour agir des demandeurs, s'est réduite, dans la
plaidoirie (VIII,p. 123), à cette simple affirmationque si le juge avait
éténcurieuxn et diligent, et avait demandé LePus( Deed. il aurait pu
voir quela qualité pour agir des demandeursétait très douteuse. Cequi,
pour la réplique, constituait une raison évidente d'irrecevabilité de la
demande' de faillite et une violation juridique articulièrement grave
s'est ainsi vu réduiteA un simple doute quant à /' qualité pour agir des
demandeurs. Un tel changement d'attitude est loin d'êtreinsignifiant!
Face à l'hésitante position adverse, il nous faut rappeler ici(D.. VI,
p. 283.290). sans examiner d'autres ar uments. que dans notre ordre
juridique la qualité pour demander une faillites'acquiert en faisant sim-
plement la preuve de la qualité decréancier.Que lors del'ouverture de la 254 BARCELONA TRACTION
~rocédurede faillite. le iuee ne eut ni considérerni trancher des aues-
ii~nsétran~ères àI'esistencr etiêcti\,ede la créance.Qiie la faillite ayant
un caractére éminemment d'ordre piiblic, toute claiiie contraire 3.I'vxer-
cice de cette action est nulle car contraireàl'ordre public. Que de toute
façon. le deuxieme paragraphe de ladite clause - paragraphe qui n'a
d'ailleurs pas étécitépar la Partie adverse - implique ou admet l'exer-
ci~e i~ ~v~dueld'une action Darl'oblieataire. Il se borneà offrir aux obli-
gataires majoritairçi la pos;it~ilit&de s opposer j.I'actiuii iii<li\~i<lucllect
de réparerainsi les effets de la prétcn<lueinfraction \lais cela ii'afi~cteen
rien fa nosition du iuee oui recevrait cette action individuelle
3. N& allons kGn&nant procéder à l'examen de la condition de
fond, à savoir la cessation despaiements de la sociétéfaillie. onconfrère,
le professeur Reuter, a développéavec une grande autorité les aspects
économiques et administratifs de cette question. Comme il a eu la
gentillesse de l'annoncer, c'est à moi qu'il appartient d'exposer les pro-
blèmes que la cessation des paiements pose dans le droit espagnol de la
faillite.
Nous dirons. tout d'abord. au'on a ~rocédée .n ~remier lieu.à la Dreuve
testimoniale en ce qui concernéle faitde lacessatron des Peut-
êtrela Cour sera-t-elle surprise si je lui dis que,dans ce cas, la preuve tes-
timoniale était par ailleurs inutile pour prouver la cessation des paie-
ments. En effet, dans le cas de la faillite de la Barcelona Traction. les
demandeurs avaient fourni un moyen, pour prouver cette cessation des
paiements. infiniment supérieur en fait et en droit à la déposition, par
ailleurs exacte, faite par des témoins.Comme le tribunal l'a signalédans
le jugement déclaratif de la faillite, la cessation des paiements était ici
orouvée Dar des documents émanant de la sociétéfaillie elle-meme. 11
éxistait Zonc ici un véritable aveu. ce qui est un moyen de preuve privi-
IéeiéI.I est donc aiséde comprendreque. puisque la sociétéavouait. dans
s& bilan mêmeet dans les documents comulémentaires.au'elle .e avait
plus depuis de nombreuses années, la preive testimoniale ne consiitkait
qu'une formalitélegale. Elle ne fut malgrétout pas omise.
La Partie adverse essaie de réfuter la pleine valeur de cette preuve en
alléguant que le rapport explicatif du bilan justifiait le défaut de paie-
mentpar l'argument siexploité du refus de devises VIII, p. 132et suiv.).
En liant ainsi artificiellement le fait de la cessation es Daiementsà cette
pr6tendiie juitification. elle invoque l'application de l'article 1233 du
code civil cspagnul siir I'indivijihilitP de I'avcu \lai5 ori nt.peut appliquer
ici ce précepte. On nc prut l'appliquer parce que nous nous trouvons
devant l'aveu de deux faits diffr'rentset dijtincts, ou. si l'onveut. devant
un a\~u complt:xe. C'rsr tlhentaire et évident. 'foutefois, l'attitude
défenduepar 13 I'artir aiI\.erse rienous surprend pas, piiiiqur nous :ivons
pu lire. dans le compte rendu de sa p1;iidoirie(VI11. p. r:<3)l'amrmation
étonnante oue <le droit esnacnol connnit la r-elesrlon lauuçllr l'aveu. In
Cctte proposition iious semble i inintelligil>lt:que nous pr;férons croirei.
qu'il s7agi;td'un lapsus.
La Partie adverse a attaché une attention yarticuliére aux aspects juri-
diques de la cessation despaiements, mais sa pensée a à tel point évolué

' Ce mot figurait dans i'edition provisoire du compte rendu au lieu du mot
divisé r[NOIL du Grefle.1 que la position soutenue à i'origine n'a guèrede points communs avec la
dernière.
Dans le mémoire(1,p. 47-48), l'argument reposait essentiellement sur
l'idéeque la cessation des paiements n'avait pas eu lieu en Espagne et
qu'elle était tout au plus la conséquenced'un véritable r fait du prince B.
Au fur et à mesure qÜenous avonsjéfutéces areuments. on a assisté à un
changement spectacÛlaire. D'après laréplique,ën effet, la déclaration de
faillite de la Barcelona Traction était speut-étre le plus grave déni de
justice commis par les tribunaux espagnols ii(V,p. 349).Cetie accusation
reposait sur la double considération que, d'une part, la sociétéétait in
bonis et que. d'autre part. en vertu de l'exposédes motifs du code de .
commerce espaanol et des articles 874 et . .de ce dernier. la doctrine
et la )~ri~~r~dt~ct:ctairnt unaniriicî pour mbntrer que, dans l'ordre luri-
dique cspagnol. I:icessation dcb paienteiit.; équi\.aur ci 1'insoli.abiliti et
ciit'in'y :ipns dc I;iillites'il n'va ai i,solvabilité dCfinitivc.
Or, MesSieursles juges, ces ;iotions ont été profondémentmodifiées à
nouveau dans les plaidoiries. Mon illustre contradicteur, Me Van Ryn
(VIII,p. 128-129)-qui a jugébon de faire uneintroduction à la question
en nous informant bri&vement des différents systèmesde faillite - est
parvenu à la conclusion que le système de faillite espagnol, bien que
s'inspirant des mêmes idéeo sue les droits belue et franc.is..est un svstème
pliis curnpliiliil:.qui ol>lig:,une iiit,:rprétation atteiitivc et 5ysti:niati.lue
dr-. t<:xtcsI>gaux. Cela aurait donnl' lieu a des divergences et i dri dis-
cussions au sein de la doctrine.
Nous voilà donc loin de l'unanimité pour entrer dans le chemin des
polémiqueset des discussions! D'aprèslui, si ie n'ai pas mal interprétésa
pensée,-cesdivergences consisteraient dans ie fait que "selon lei uns, le
Tribunal suprêmeinterprète la loi en cesens que la faillite suppose l'insol-
vabilitédu débiteur (arrêtdu 29 décembre 1927) »,alors que,suivant les
autres, ce «mêmeTribunal suprêmea décideque le critère de la faillite
est la cessation des paiements». Il précisealors que, d'après l'arrêtdu
27 février 1965, cette cessation ne doit pas constituer un étatispora-
dique, simple ou isolé,mais ildoit êtredéfinitif.généralet.completi(ibid.,
P. 129).
Rien. pas meme la référenceau droit comparé, ne peut masquer le
chanc-ment radical aui s'est effectuédans l'areumentation du Gouverne-
ment hrlge IIIIci cor;tr;iilicrioii.. pro foi ^u'éqce cliaiigerii<~nirmplique.
1.:diipliqur 3 fait di~p3rai1rei~i,en cHvt. cc que In rcpliqiir ioutcnait à
I'é,q.~rde I'espojédes motifs dii cu~lt:sur I:icoliérence (1t.çtextch Iégniix
et I'unanimit~:de In doctrine et de la jiirisprudence en ce qiii concerne
la prérendue nkcessit6 de I'inso1v;ibiliti. dt:finitive coniiiie Icondition
~réalabie à la déclarat~ ~ ~e ~aill~ ~ ~ ~
Or, I:riiptiire de cettc pr6tendut. unanirniti! siippose,au fori<l.la rccon-
riaissaiicr.(lu (IPhut de foiiderii<.ntdi1grief lormulécontre Ii.juge Dc ce
fnit. rii<i<listingut contra~lictïur riiontraiit lin niitre dt:xi brillants jeux
di:ilectiques, a tcritc <lenous convaincre mainten:int que In Ilarcclon?
'l'riiction ne pouvait >trc dl'clark eii faillitc ~iii~iiiirfiitIi:critGrt:suivi
pour interpr&ter le système de faillite espagnoi. .
Face à cette nouvelle position adverse et au risque de voir le Gouver-
nement belge nous fournir une nouvelle thèse à l'avenir, il nous faut
formuler les deux affirmations de principe suivantes. En premier lieu, le
système espagnol relatif à la faillite est très semblable au français et au
belge, et il n'est par conséquentpas admissible de se retrancher derrière ~56 BARCELONA TRACTION
cette prétendue complication pour fournir de nouvelles conclusions qui ne
sont pas valables. En deuxième lieu, le juge espagnol a correctement
appliqué le droit interne, conformément à 1'0 inion de la doctrine et de la
jurisprudence qui prévalent en Espagne, en rance et en Belgique, Je ne
me réfhe ici qu'aux pays dont le système légalest le plus proche du
nô~re.
La duplique et ses annexes (A.D., vol. II, no 64) ont suffisamment
montré aue I'exwsé des motifs du code de wmmerce esoaenoldit oré-
cisénient'lecontiire de ce que le (;ou\~ernemt.ntOelgelui aitrybuc dans sa
répliqiie.II n'est pas nC.cessair<(:le nous étendremüintenant sur ce sujet.
Toutefois. ilfaut affirmer çatécoriouement que cet ex~o5Cdes motifs
rejette oii;.ertenient et cxylicite&eni la concel;tion italienne de la faillite
qui existait A I'é]mque. bavoir qu'il fallait uii Gtat économi<lued'inm-
vahilité d2finitive. En effct. cet exoosL'des niotifa affirme aue le code
s'inspire du système belge et de la j;risprudence française, et [l s'exprime
en des termes qui prouvent de façon irréfutable que. d'après notre droit,
on peut déclarereÎnfaillite tout commerçant qulcesse îe paiement cou-
rant de ses obligations, mêmes'il a des biens ou des ressources lui per-
mettant d'y faire face.
Cette solution, qui n'est assurément pas originale, est justifiée. comme
l'indiquent la doctrine et la jurisprudence belge et française, tant par la
nécessitéd'assurer le fonctionnement du crédit (si important dans la vie
commerciale aue «naver asienifie«Daver à temos d au'en raison des diffi-
cultésauïqut:lles se heurte le crésnciernon payi pour connaitre le mon-
tant des autres dettes uu'a solidc'hitcuret It riiontande ses biens.
En des termes d'une'autoritétoute spéciale,qui résumentparfaitement
le sens des systèmes dont s'est inspiré le nôtre, le professeur Ripert
afiirme que:

cI:Ices.;ation dcs paiements est une notion propre au droit commer-
cial qu'il ne faut pas coiifon<lreavec I'insol\~abilité.L'insol\,able. au
sens étyrnologiquë du mot. est ledébiteurquinepaie pas(in-soluens).
Mais il est sous-entendu qu'il ne peut pas payer parce que son passif
dépasse son actif. Au contraire, le commerçant qui cesse ses paie-
ments peut êtresolvable et, dans certains cas, la liquidation de ses
biens suffit au remboursement de tous les créanciers.Le droit com-
mercial considère qu'il ne suffit pas de pouvoir payer, mais qu'il faut
payer d l'échéance L.e commerçant qui ne le fait pas doit êtredéclaré
en faillite.(Traitéélémentairede droil commercial, II, Paris, 1964,
P. 305.)
Et en des termes tout aussi autorisés, Percerou nous dit que

Eoour savoir si la faillite doit être ouverte, on n'a donc pas à exa-
Liner SIle conimcrqant cst sol\~aL>olcu non,,bison passif eit infCrieur
ou supirieur son actif, mais uiiiiluement51dc fait il paie ou ne paie
oas » (Des /utll~teset ba?isueror<let1 des Iisuidalions it<diciaires. 1,

Tel est le sensà donner aux articles 874 et 876 du code de commerce
espagnol, à propos de la cessation du paiement courant des obligations
comme condition préalable à la déclaration de faillite.
II est impossible que le Gouvernement belge ignore le fondement de ce
système, qui repose non pas sur l'insolvabilitémais sur la cessation des paiements, fondement qui est à la base de son propre ordre juridique
relatifà la faillite.
Comme on l'a montrédans la duplique (A.D.. vol. II, no65), i'interpré-
par la maloritr' déla doctrine espagnole. Je me \,o;s dan5 l'obligation de

aynterverti la facon dont les iuristes es~aenols se sont enréalitéex~rim&s.
II invoqueen sa fa\,eur une inanimité qui n'rsiste pas, alors qu'ei;rcalitC
l'opinion dominante affirriie nettement. sans aucune réser1.e.que dans
noire droit on ne ~eut identifier la cessation ~énéraledes ~aiements à la
situation économiqued'insolvabilité. u
Ce procédé - que je ne qualifierai pas - a étéégalement employe
dans l'examen que le Gouvernement belge fait ,de notre jurisprudence.
La réplique (V,p. 351) affirme égalementl'unanimitéde la jurisprudence
en faveur de sa thése, alors qu'en réalité - comme nous l'avons déjà
soulienédans la duolioue 1A.D..vol. II. no65) -.es nombreux arrêtsen
13mcti>re corroboknt'rie&ernent la position qiic le (;oui.ernemeiit esira-
gnol defend à cet éaard. à savoir que la ces~ïtion des paiements suffit i
Fadéclaration de la'faillite.
Cette conclusion est sivraie que certains de ces arrêtspréci~nt que
l'on peut déclarerla faillitimêmesi l'actif est supérieurau passif n.
C'est certainement l'exposéde la duplique qui a emp4chéle Gouverne-
ment belge decontinuer, lors des plaidoiries (VIII, p.129),à alléguercette
Drétendueunanimité.11 se borne à invoauer l'arrêtisole du zq décembre
i9z7 dont on ne saurait adiiiettre eii auCiinefajoii l'interprtitition qui en
est d0nni.e l'appui de In théseselon la<1uclle I;faillite iml~liqucI'in.,ol-
i.at>iliti.du débiteur. l<rieffet. dans son deusiènie considjraiit. cet arrét
alfirme qut Iccessation du paiement courant drs obligntions~e~!ce qui
caractériie principalement la faillitiiIlprt'cihe,en Outre, la sigiiihcation
au'a la cessation des ~aiements. en disanfaue ala situation d'un commer-
tant insolvable,sans'aucun crédit,qui se j'ouerait de ses créanciersen ne
réalisant que des paiements peu importants. n'en serait pas moins une
situation de failliten.
Quiconque posséde un bon sens juridique ne pourra. me semble-t-il.
déduirede ces termes que l'arrêtproclame qu'il ne peut y avoir de faillite
importe peu que le cornmerCant Ji1 procéd6a dei paiemeiitsilité prusimlmr-
tants dans I'intentioii dese iouer de ses créaiicieri.pour inasqiiçr la cesa-

La dublique ayant détruit la thése selon laquelle la faillite implique
l'insolvabilité du débiteur, le Gouvernement belge met maintenant l'ac-
cent sur les caractéristiques que la cessation des paiements devrait avoir.
11affirme. en se basant sur l'arrèt du 27 février1965, qu'elle ne doit pas
être .sporadique, simple ou isolée, mais bien définitive, généraleet
compléte». C'est là une chose que le Gouvernement espagnol n'a pas
contestée et ne prétend pas contester. Aussi bien dans le contre-mémoire
(A.C.M., vol. VII, no 32. p. 175-176)que dansla duplique (A.D.. vol. II,
p. 528)l.e Gouvernement espagnol a indiquéque la cessation de paiements
doit être Kgénérale » et concerner leu paiement courant des obligations B.
II reste cependant que - conformément à notre jurisprudence et à
notre doctrine et ,comme le 'Gouvernement belge.semble lui-même le
considérer maintenant - ce qui doit être généralc'est la cessation de
paiements et non pas l'insolvabilité. 258 BARCELONA TRACTION
II faut toutefois signaler, pour éviter l'interprétation extréme que le
Gouvernement belge prétend donner à cette généralitéq ,u'il y a eu des
arrêtsqui ont admisqu'il pouvait y avoir cessation des paiements du
fait qu'une seule dette n'avait pas étépayée(arrêtdu 28 décembre 1901.
Coleccibnlegislativa, no 160).D'autres admettent la cessation, bien que
quelques paiements aient étéeffectués(arrêtsdu 9 juin 1897, ibid., no113,
et du 26 octobre 1927,ibid., no III).
Le Gouvernement belge a observéun silence pmdent sur toute cette
jurisprudence, comme s'il voulait la neutraliser par les dispositions de
l'unique arrêtdu 27 février1965qui, d'ailleurs, ne pouvait pas entrer en
ligne de compte pour le juge de Reus. Ledit juge n'a pu prendre en consi-
dération au'une abondante iurisvrudence aui. de.fa.on unanime - et
cette unan'imitéest biencertiine- affirmait quelace~sationgénéraledes
paiements suffit pour déclarer la faillite. C'est d'ailleurs ce qui résulte
aussi des ar~ ~ ~ ~du~ ~ostérieurement.ain.i aue de I'arrètsi souvent cité
du 27 février1965.:
Il est de toute façon indiscutable que lorsque le droit espagnol exige
aue la cessat~ ~ ~~ ~ ~ ~ements soit eénérale.il établit la seule caractéris-
t'iquequi doit entrer'en ligne de cornite au moment de la décision.Par là,
il n'v a vas lieu d'aiouter Anotre svstéme - comme la Partieadversel'a
préfend; - cette nouvelle caracté;istique de I'uébranlement du crédit n,
propre au droit belge et dont il n'a jamais étéquestion en droit espagnol.
En réalité,le commerçant perd son crédit dès qu'ilcesseses paiements.
D'ailleurs. la duplique a montré (VI,p. ~95)~et le Gouvernement belge
semble l'ignorer, que la détermination de l'existence ou de l'absence de
cessation e-néraledes ~aiements est une auestion de fait au'il av~art..nt
nus 1rit1un:iuxd':ipyrifcirr librement. ~'c;t Ii ct:que signnie en gciiéralla
doctrinr espagnole - cntre autres Garriguea (I).. \', /oc. cil.- en se
b;is;int sur une,iuri.i>ru~lciicra.bori<lniiteInrrCtjde12 rilnrsI~~O.CO/CCCIO>I
legislntiua, no 74; 8 mai 1913, ibid., no>O; 4 juin 1929; ,Gd.; no 96 et
1" juin 1936,arrêtno1256).On discuteégalement,au sein desordres juri-
diques belge et français.qui ont inspiréle nôtre, du nombre et de I'impor-
tance des manquements nécessairespour qu'il y ait cicessation des paie-
ments W. mais aussi bien dans le systéme belge que dans le français la
décisionappartient à la libre appréciation des tribunaux (Ripert. p. 306
et suiv.).
II est toujours possible de s'opposer à l'appréciation faite par le juge.
C'est la raison ~our laauelle l'article~10~, de notre code de commerce de
1829 - qui est'toujou;s en vigueur à cet égard - admet l'opposition au
jugement déclaratif de faillite lorsque le failli Drouve qu'il se iitrouve à
]oÜr dans ses paiements ». Notre jurisprudenCe indiqÛe également, de
façon répétéeet constante. que le débiteur peut faire opposition à la
faillite en prouvant simplement qu'il est à jour dans ses paiements (arrêts
des 24 mars 1886,Coleccidnlegislativa,no 123; 4octobre 1905.ibid., no57;
26 octobre 1907.ibid., no III, et 12 mars 1910,ibid.. no74, entre autres).
Le moment est venu d'examiner les faits sur lesquels le juge s'est basé
pour procéder à la déclaration de faillite.
Le jugement du 12 février 1948soulignait que le montant de 9 426 938
dollars canadiens d'intérêtsnon payés depuis 1936, qui figurait dans le
bilan de l'exercice socialde 1946, était

«un montant assez impressionnant pour qu'on en puisse déduire
lecar~actèregénéralde la cessation des paiements, conclusion dont la signification et l'importance croissent quand on considère qu'il
ne s'agit pas d'un retard accidentel, mais au contraire d'un retard
chronique, car onze années et demie représentent une période si
longue qu'elle constitue une situation irrégulièreet dbficitaire de
cette société^(A.C.M.. vol. VII, p. 167).
II montrait aussi que la proposition, qui figurait dans le plan d'arran-
gement, de réduirede près de 50 pour cent la dette en livres sterling de
Barcelona Traction. corroborait l'état de cessation de paiements où
se rroiivnitIn soci2ti.Or, ces deilx faits Cvidents et indc>;iinblesayant
Ctt avoués.il serait difficile de trouver une cessation de paiements aussi
définitive.eénéraleet com~lète.
La cessagon des paiemer& qui apparaissait dans le bilan. le rapport et
le tableau des donnéesstatistiaues aui v étaient ioints était encore ~lus
importante que ne le dit le jugément',car I'examénconjoint de ces dbcu:
ments montre non seulement que les intérêtsdes obligations n'étaient
pas payés, mais également que l'amortissement des obligations était
suspendu. Contrairement à la thèse belge relative à la bonne santé éco-
nomique du groupe, il révélaitun déficit de près de 5-millions de dol-
lars canadiens - 4 706328,18 exactement - dans L'examenglobal des
ressources de Barcelona Traction et de ses filiales.La duplique (VI,p.296-
297) a spécialement attiré l'attention sur ce point,sansque notre contra-
dicteur ait rien répondu.
ont pu essayer de donner une version optimiste des possibilités de lages
trésorerie de Barcelona Traction. en jonglant avec un aplomb étonnant
avecdes chiffres si riches en zéros.Il y aurait eu des millions de bénéfices,
des millions de fonds de roulement, des millions de disponibilités, des
rnillionsde touslescôtés. LaCour me permettraderappeler que McRolin
(VIII, p. 13) signalait, en sebasant,.sur les experts du Gouvernement
belge, que les bénéficesde Barcelona Traction, entre 1941 et 1947, ont
été de 20 650 ooo dollars et que, se joignant à eux, hl' Van Rijn (VIII,
p. 130) a eu l'amabilité de faire une concession et de les réduire au
montant de 19250000 dollars. A en croire nos estimés contradicteurs,
on en viendrait à la conclusion surmenante aue le seul ~roblème aui
tourmentait Barcelona Traction ét$t d'a"oir irop d'argent.
Si ces bénéficesavaient été réelset tangibles. il serait difficilede com-
prendre les donnéesoui résultent desdocumentscomotables de Barcelona
Traction - que je 'citais précédemment - ainsi'que les conclusions
auxquelles sont parvenus les experts des Gouvernements anglais et
canadien dans leur rapport du 13 mars 1951 (point 29) (A.C.I\I.,vol. VI,
p. 48). On ne comprend absolument rien.
Face aux affirmations de la Partie adverse et de ses experts, que nous
venons de considérer, affirmations qui sont en contradiction avec les
aveux mêmesdu bilan et du tableau statistique joints au opport de
Barcelona Traction, je préférerappeler ce que les grands dirigeants de
l'entreprise disaient à L'époque.Le 3 avril 1942, par exemple (A.C.M.,
vol. V. p. 229). alors qu'il examinait l'étude des prévisionsfinancièresde
Barcelona Traction jusqu'en 1945.M.Speciael disait - et on peut penser
qu'il s'y connaissait davantageque le Gouvernement belge:
<Les conclusions de ce travail ne sont Das très réiouissantes. Il
montre quc, mnlgr;. unc ~ugment.~tionincc;,;~niéet coris~dr'r;il,ldcs
\,entesen k\\'liIr;liénéficedsiminuent r;iiiidemciit il'aiin>cenaiinfe260 -. BARCELONA TRACTION
Il en résulte qu'après tÏès peu de-tëmps-les-excédents-annuels.de
bénéficesne seront lus suffisants pour effectuer les travaux indis-
pensables. bien que fa sociéténe paie pas actuellement la totalité de
ses charges financières.

Je crois difficile, Messieurs les juges, de décrire mieux, en si peu de
mots, la réalitéde la situationfinancitirede Barcelona Traction.
Le 23 mars 1944 (ibid., p. 276), M. hlenschaert avait envoyé à
M.Speciael le télégrammesuivant:
«Intérêtset amortissements arriérés obligations Barcelona Trac-
tion fin1943rond 101 500 ooo ptas au change moyen officielétabli
depuis 25 novembre à 44.5 pesetas par livre STOPIntérêtset amor-
tissements arriérés obligations Energia étranger II 500 000 ptas
STOPTotal arriéré113 ooo ooo de ptasSTOP Sans sortie de fonds,
arriérés deviendraient 128500 000 ptas fin 1944, 144 000 000 de
ptas fin 1945. 159 500 000 ptas fin 1946 STOP Si sorties de fonds
réalisables couvrant ces arriérés,trésorerie locale selon notre télé-
gramme 173 deviendrait largement déficitaire dans tout cas. 1,

II me semble que. dans ces documents, MM.Speciael et Menschaert se
montraient notablement moins optimistes que mes distin~ués contra-
-. . --. .
La Cour me permettra de rappeler l'assurance avec laquelle fileVan
Rvn affirmait aue les diswnibilités existant en 1046 permettaient de
toute façon de laire face «instantanément n aux en attente
(VIII,P. f31).
Lorsau,il .arle des ~aiements en attente. mon illustre contradicteur ne
tient l\,i<lemment compte que des sommes duri au titre (l'intérkts.mais
non pas du capital des obligations, exigible désque les coupon, n'avaient
Das &tépavés. Indépendamment de cela. une-chose est-aue certaines
di;ponib;~it+s fiprent daii un bilan. autre cliose est qu'éllrsexistent
réellernciit.II n'est pas nécessaired'etre expert en comptabilité pour s'en
rendre comnte II me semble int;.rfisant. cet 6~31~1d.e lire la lettre de
\1. speciaei du 16 septembre ,947 (ibtd.. p. 3d4 .ui nous exprime sa
grande préoccupation. Elle montre qu'au sein (le la direction de I'ciitre-
orisç. on &tait conscient de cctte diH>rence si essentielle. II s-cnalait h
M. ~enscbaert:
nEn ce qui concerne le bilan de Barcelona Traction, la iifootnote n
du côté passif, se référant auxbénéficesnon distribués, doit être
absolument chanaée: la totalité de ce montant a étéévidemment
investie dans nos-entrrprises et on ne peut donc pas dire qu'il n'est
pas disponible à cause de l'impossibilitédes transfertsu

Or, à la date de cette lettre, il manquait quatre mois pour que la
faillite de Barcelona Traction soit déclarée.

L'az~dietzceestleudeà 18heures TRENTE ET UNI~ME AUDIENCE PUBLIQUE U VI 69, IO h)

Présents:[Voir audience du zo V 69.1

reoose sur la cessation des naiements et non oas sur l'insolvabilité du
dzbiteur, au termë~de laséance d'hier, j'ai fa& une breve allusion aux
faits oui font foi de la cessation des uaiements de Barcelona Traction.
Je dois maintenant ajouter que. Lacei I'iriipossibilitCdl. nier effective-
ment la cessation générale despaiements. le Gou\,ernenient belge n'a pris
ces6 d'insistersur Ir fait oue le d2faut de naiement 6t;iit dii aux rcstric-
tions de de\,iies espngiiole~.AprZs~'ex~oié'exhaustif :iuilui:a proc6dCle
~rofesseur Reuter. nous n'avons rien h aiouter au réelbien-fondéde cette
&légation. Ce qu'il nous faut signaler; en revanche, ce sont les trois
circonstances suivantes.

I. Comme le Gouvernement espagnol l'a soulignéet répété à maintes
reprises. sans que le Gouvernement belge ait donné à ce sujet la moindre
de sa dette. Elle ne l'a pas fait alors qu'elle aurait pu ainsi empêcherla
déclaration de faillite.

z. Le Gouvernement belge ne peut ignorer que. quand bien mêmeil y
aurait eu un a fait du prince B.cela aurait eu peu d'importance, en drott
espagnol. quant à l'appréciation de la cessation des paiements et Ladé-
éventuelle qualification de la faillite qui aurait étéalors qualifiée de
faillite fortuite. En droit esva~nol. tout comme en droit belae, "le iuae
qui a constaté I'exist<:nce;kale d'un btat de cessation 4,:s aieinents . -
- tels sont les termes de I'arrGt(lu tribunal de commerce d'lnvers du
8 fé\,rieriobz - doit déclarer la faillite sans de\.oir lenir..compte d'aii-
tres circonstances telles que la solvabilité du débiteur,.la cake de !a
cessation de paiements, etc. »Laforcemajeure.n'exclut pas:lapossibilité
de déclarer la faillite, bien qu'elle puisse décharger le failli:de_responsa-
bilité pénale. La faillite n'est pas un mécanisme d'accusation -du débi-
teur, mais une procédure de liquidation d'un patrimoine destiné à
sauveearder le nrincive de la bar conditiocreditorum.
~,2 . ~ ~ ' ~ ~ .
3. Le plan d'arrangement. comme le (lit clairement le jugement ilécla-
ratil de faillite, cornportait une diminution ou rl'duction très iinportante
pouvait pas payer.réancierstt faisait ressortir (IUCUarceloria Traction rie

On entrevoit mal comment on neut vrétendre combattre cette affir-
mation du ]ugemcrir en disant y'ii ne s8:.<gi.iraiptas d'une diminution de
la dette mais d'une dation en paiement. Cette affirmation nous seml~le
purement et simplement absurde.
Qui veut-on donc tromper en disant qu'il n'y a pas eu diminutionde la
dette, mais dation en paiement? Pourquoi opposer deux notions si diffé-
rentes? En réalité.commeonl'adéjà sigrialédansla duplique (V1,p 299),
le plan -d'arrangement impliquait en premier lieu une diminution. de
la dette et, en deuxihe lieu, si l'on veut, une dation en paiement, puis-
qu'en définitive ce que l'on prétendait réaliser était la réduction des262 BARCELONA TRACTION
créances et le paiement ultérieur des créances déj? réduites par subs-
t~ ~ ~ ~ à une valeur monétaire d'une valeur identique en nature.
.\lais l'essentiel pour nous es(1iid1plan comportait uni:diminution de
la detteet. face à cette réalité ilest inconcevable que la Partie adverje
dise que nous commettons une erreur grossihre en considérant le plan
comme un aveu de cessation de paiements ou d'impossibilité d'honorer les
engagements (VIII, p. 133). NOUSestimons que si une proposition de
diminution de dettes n'est pas un indice de cessation des paiements et
d'impossibilitéd'y faire face, il s'agit alors de quelque chose de bien plus
grave: une tentative de frauder ou de duper les créanciers.
Il nous faut maintenant mentionner un autre argument juridique
invoqué ar le juge et que le Gouvernement belge a particuliérement
attaqué.8s'agitdudevoir desedéclarer eiiétat defaillite, quel'article871
du code de commerce impose au débiteur qui ne fait pas usage de la
facultépréalable de ((seprésenter en état de suspension des paiements
dans les quarante-huit heures suivant I'bchéanced'une obligation à la-
quelle il n'a passatisfaitn (cf. aussi l'article 889, pa2,de ce même code).
Le Gouvernement belge a modifiéégalement, à cet égard. ses premiers
arguments. Dans la réplique (V,p. 352), il se bornaità affirmer que I'ar-
ticle 871 prévoyait que le débiteuravait simplement la faculté et non pas
le devoir de se présenter en état préventif de suspension des paiements.
En revanche. dans la Dlaidoirie IVIII.D. 1?4). il semble sérieusement
douter que l'article 871 ;oit toujoirs ei ;iguëÜr'. II ajoute que de toute
facon on ne pouvait pas l'appliquer à la Barcelona Traction, puisque
celle-ci n'avait pas son siège-in Espagne et parce que cet article exige
comme condition préalable que les dettes aient fait l'objet d'une demande
effectivede paiement.
Le Gouvernement belge nous donne assurément une interprétation
bien étrangede cet article 871, Il invoque même à l'appui deux anciens
arrêtsdu 27 février1889et du II février1895. qui ne sont d'ailleurs pas
uertinents. De toute maniére.son intemrétation aurait étéresoectée'u
fait de la réclamation desa créancepar if.Montanésen 1940.
En fait, l'article en question est assurément en viweur, et la doctrine
espagnole n'hésitepas a déclarer, bien qu'avec quelques nuances. que le
chefd'entreprise est obligé dese déclareren étatde faillite s'il ne fait pas
en temps utile usage de la facultéde recourir à la proccdure i)r6venti\re de
sus~ension des ~aiëments. En outre. un arrêtdu {octobre 1,14.~Coleccidn
legi'slaliva,no jz) affirme clairement que les tGmes de l'article 871 ne
permettent pas de soutenir que la mise en demeure de payer doit se faire
judiciairemént, mais qu'ail Suffit qu'elle se fasse par ioüt autre moyen
officiel ou privé, du moment où ilen est donné la justification perti-
nente II.
Je dois enfin rappeler que le Gouvernement belge a utilisé une fois de
plus, devant, cette Cour, les arguments formalistes d'aprés lesquels la
Barcelona Traction n'avait oas son siéeeen Esuwne et qu'il n'y avait
pas eu de cçssatioii des paiertients en !2$igne. O;. cprésle<intervcntions
précédentesde mes confréreset tout particulihrement aprCscelle du pro-
fesseur \Valdock. ie crois inutile de revenir sur ces auestionj. S'ilY a des
pointsquisont cla'irs,ce sont bien ceux relatifs aux ac'tivitéscommekiales
en Espagne de l'entreprise, au fait que tout son patrimoine réel s'y
trouvait, que c'est là que s'est produite la cessation de ses paiements, et
'que c'est en Espagne aussi-que sa faillite devait être déclarée.
Je me suis efforcé, Monsieur'le Président, de présenter à la Cour la solution cohérente et logique de l'ordre 'uridique espagnol relatif à la
faillite qui repose sur la condition ion damentale de la cessation des
paiements du débiteur. Les textes légaux,la doctrine et la jurisprudence
;ont là. . .
C'est cet ordre juridique de la faillite que letribunal de Reus a appliqué

avec la plus stricte correction, dans un domaine dans lequel la Partie
adverse voulu voir - pour reprendre ses termes mêmes peut-êtrele
dénide justice le plus grave commis par les tribunaux espagnols.
Pour en finir avec ce point, le meilleur témoignage de ce qu'est la
cessation des paiements dans les ordres juridiques espagnol, belge et
français se trouve dans les quelques lignes que je vais lire et qui sont
particulièrement significatives venant de mon illustre collègue, le pro-
fesseur Van Ryn, qui s'est fondésur d'abondantes citations de doctrine
et de jurisprudence. Cette citation correspond à la page 211 du tome IV
de ses Principes dedroit commercial:
<rLa cessation de paiements est le fait, pour un commerçant, de ne
pas payer ses dettes échues, certaines et liquides. Peu importe le
nombre de dettes impayées(une seulesuffit: Frédévicqt,. VII, p. 70;

Lyon-Caen et Renault, t. VII, nQ96),leur nature (civile ou commer-
ciale, chirographaires ou privilégiées)ou leur cause (contractuelle ou
quasi délictuelle).Peu importe aussi lesévénementsqui ont provoqué
lacessation de paiement (lescirconstances économiques,la mauvaise
gestion, la carence délibérée du débiteur ou la défaillance de ses
propres clients). Il est indifférent enfin que les créancierss'abstien-
nent de réclamer leur dû (Bruxelles, 23 novembre 1955, pas. 1957,
II, 56) moins que leur attitude implique l'octroi d'un délai (comm.
Bruxelles, 2octobre 1954,jur. comm. Bruxelles, 1955. p. 78). ,
L'insolvabilité n'est pas la cessation de paiements: le débiteur
dont l'actif est supérieur au passif peut être déclaré enfaillite
(Ripert-Roblot, t. II, no 2756, Frédéricq,t. VII, p. 69 et réf.citées;
adde: comm. Liège, 10 octobre 1958, J.T., 1959, 709). La règle se
justifie aisément. Il n'est jamais certaiti, en effet,que l'individu est
s~~vabl~. .,isou',n l'absence d'une liouidation l'on ne eut con-
naitrc cx iittrneiit ni 1,:monr;,nt d<:SC..<;crtcsriicc<~iicproduiront st~
bien.: L)'.iiitrcilart.Itrl;faiit (1,:naienit.nilI'Cclikdiict.aiisr soii\,qnt
dans le commérceun préjudice'presque aussi grand que le. fait de
n'êtrejamais payéii (Lyon-Caen et Renault, t. VII, na 57).

Ces termes sont lumineux, Monsieur le Président! Ils sont justes et
clairs, Messieurs les juges! Ils constituent le résumé des thèses soutenues
par le Gouvernement espagnol.
On croirait, Messieurs,que mon illustre collèguea voulu nousexpliquer
la premièreleçon de l'écolede Reus.
4. l'en viens rii;~iiitcii.~nt,vec \.otrt: niitori>nti~)ri\Ion;iciir le I'réii-
deiit. 5 1:1O~IL>'IIO~ dtcIn pi~bliz~tiondu ]u,qciii<:ntdicl~ratif de f:tillitc.
On a (l(iiatiirc: ici ïncorc Ics tl.?scs rsposCt, [):IIc Guuverncment csva-
gnol et on a passé presque entièrement sous silence les divers a@u-
ments trait& dans nos documents écrits: contre-mémoire (IV, p. 326 à

renirn.,nrplique (VI, p. 313 à 327). auxquels je me permets de vous
.-.....,..,
Mondi;tir~giit\contr:,<lict~:iir:i3x2 13 qucition princip31~mc111 <tirl'in-
tcrpr;t;.tion :&<loiiiit.r piiragra~)Iii.5dc 1':~rficIe1044di1colle <IcCUIII-
niercc (Ir i$?q (VIII, p. i J", qui ordonne (1,-proc;.~ler :ila public~tioii du 264 BARCELONA TRACTION
jugement déclaratif de faillite dans la localitédu domicile du failli. II eu
tire la conclusion que le jugement déclaratif de faillite aurait dû être
nuhliéà Toronto. . -
r-Pour le Gouvernement espagnol. la publication est un acte d'i~npcritr~~i
qui ne peut a\,oir lieu qu'en Espagne. Je crois pou\,oir épargner 3.la Cour
I:réo2tition dcs raisonneinent; du Gou\.ernernent ejnaanol 3.cct (.rar<l.
Ils se trouvent dans ses documents écritset dans un; ainexe au coitre-
mémoire (A.C.M.. vol. VII, p. 414). à laquelle ni la réplique ni la plai-
doirie n'ont répondu.
La lecture de l'article 1044. complétéepar celle d'autres articles cités
dans la duplique, montre que toutes ces dispositions ont un caractere
territorial très accentué.Elles ne peuvent trouver application que si elles
sont exécutées en Espagne.
Me Van Ryn nous a dit (VIII, p. 138) qu'une telle affirmation est
«purement gratuite » et contraireà la raison età la logique. Pourtant, la
Barcelona Traction s'est chargée elle-même de démentir cette these dans
sa requêtedu II avril 1953 (A.M..vol. IV. p. 887). Elle y examine toutes
les règles de l'article44, y compris la cinquiémeconcernant la publi-
cation, et reconnaît pratiquement leur caractère strictement territorial,
pour ajouter:
« Ce~endant. suécialementlorsquele faillisera une sociétécommer-
ciale itrang~re, comme c'est le cis ici. et que de ce fait elle aura son
dornicilc hors d'Espagne (et3 cause desa con<litionde personne luri-
(liaue elle ne iloiirra iainais ;ire dite .de Dajsacillaudra ~u'elle
ait'au moins in étabiissement cornmerciai ou u> centre d'opérations
en territoire espagnol. auquel cas cet établissement ou centre d'opé-
rations tiendra lieu de domicile aux fins de localiser son procès de
faillite. C'est vers cette conclusion qu'incline l'article Code de
Commerce, qui dispose que ules étrangerset lessociétésconstituéesà
l'étranger pourront exercer le commerce en Espagne en se soumet-
tant aux lois de leur pays pour ce qui concerne leur capacité de con-
tracter et aux dispositions de ce Code pour tout ce qui concerne la
création de leursitablissements sur le ierritoire esuaenol.leurs ooé-
rations commerciales et ia JURIDICTION DES TRIBUNAU iX~
LA NATION o.Dans ce cas, les luges et tribunaux espagnols seront
com~étents oour connaître de 1i faillite de tels étra"êeriou sociétés
étrangères, hais alors les regles exposées ci-avant [la requete se
applicables, puisqu'il s'agira de biens situésen territoire espagnol et
d'obligations contractées en Espagne n (ibid.,p. 909).

Cela signifie que Barcelona Traction a reconnu que si les tribunaux
es.ae-ols avaient iuridiction. conformément à l'article1- du code de
cornnicrce. toutes les rr'gles(le 1';irticle1oq.l. y compris celle rt.l;iti\.c 3.la
public~ition, auraient ét&correctement app1iquc'r.s Or. ciprés a\.oir
entendu la macnifiaue olaidoirie du orofesseur \\:aldockir.crois aiie nous
serons tous d'auccordsir le fait qu'iin'existe pas le moindre douie quant
à la juridiction des tribunaux espagnols.
Le professeur Van Ryn a affirmé (VIII,p. 137) qu'en déclarant que le
siege de Rarcelona Traction était inconnu, le juge aurait énoncéune
«contre-vérité n,puisque le siège,au Canada, figurait dans les documents
présentés. LeGouvernement espagnol s'est lasséd'insister sur le fait que,
lorsque lejuge a ordonné la publicationà Tarragone nle sihgede lasociété faillie n'étant pas connu i,il s'est référétrès nettement à ce qu'il avait
déclarélui-mêmequelques lignes plus haut, plus précisémentau der-
nier considérant. à savoir que r Barcelona Traction n'a pas de siègeen
Es~aane ».
Ênçe prononçant de la sorte, d'ailleurs, le juge donnait suite exacte-
ment à la demande formuléepar les demandeurs à la faillite en ce qui
~ ~c~rne -- ~ublication. Ils disaient à ce suiet. dans la reauête: ii~t il esà
remarquer {ue l~communication dela failiiti par voie d'annonce ne peut
êtrefaite au siègede la sociétéfaillie, puisqu'elle n'en a pas en Espagne ».
Cela prouve que lorsque le juge se prononçait justement sur cette requête
précise, lorsqu'il disait que Barcelona Traction n'avait pas de sière

connu. il voulait sans aucun doute signifier qu'elle n'avait-uas de sièëe -
connu en Espagne.
D'autre part, en constatant que Barcelona Traction n'avait pas de
sière connu en Esvam.. ., iure .s.,rnol,d..ait se borner à considérer
çorïirnr iiégv.lus tins dr la ~~ublication.çclui-l:, ni;riir qu'il a pris commc
baie poiir d6cidrr dr sn comprtcncr rrrritorinlt., conformement ;III\
articles 6.; et 66 du code de uroiédure civile
.Ilon coilfiKiiï.Idprofcsie;r .\l;ilintoppi, 3 (1;.licspusl:.:iu cours iIc ln
pliase or;~lt!11t.st:sc~:ptlonj~~r>Iir~iiri;rv~,LI269, 1'~1~~~1lic~ld ~cil~it~
:irticlt-s en ce oui coiici,rnr. In comr><:teiict?trictt!iiiciit i~rrituri.~lc: cc
jusqu'à présent'la Partie adverse n'a pas pu alléguer à son encont'e le
moindre argument convaincant.
Et aue l'on ne vienne Das dire oue les demandeurs ont sollicitéque la
pul)li;:~tiuii.-oit;F31emen'tï~ftçtiii~>d:iii. la pro\.iiiic ile li3rcclone rt <lu'!
IL.juge .I.ICCIIP~cIeItItc dçm.~iid?..SiIr, d~iii:in~l~uiritiiii~iciit 1:)piihli-
c:ttion n6scisaiir i Liaicr~loiit~h.icn iiu':i\aiit ïtioisi Ic tribuidi.lKvua.
le juge n'avait pas à refuser cette pÙhli&tion] puisque Barcelona Trac-
tion avait contracté également des obligations dans la provincedeBar-
celone et, comme le Gouvernement espagnol l'a signalé,c'est à Barcelone
que le centre.de ses activités en Espagne se trouvait réellement.
Mondistinguécontradicteur nous dit (VIII,p. 136)que le paragraphe 5
dudit article IO* ne fait pas de distinction entre les sociétésayant leur
siege à l'étrangeret celles ayant leur siège enEspagne. De là il déduitque
la publication aurait dù se faire au Canada.
L'article en question ne fait pas cette distinction tout simplement
parce qu'elle est superflue, puisque toutes les mesures de l'article 1044.et
précisémentcellerelative à lapublication, ne sont concevables que si elles
peuvent êtreexécutéesen Espagne.
On nous a dit également (ibid p..136 et suiv.) que la publication du
jugement de faillite ne faisait aucune allusion à la saisie des biens des
filiales, afin d'évite<ique ces mesures sans précédent reçoiventun reten-
tissement plus grand),. Mais mou contradicteur oublie de répondre à
l'observation du Gouvernement espagnol (D.,VI,p. 327).d'aprèslaquelle
le jugement déclaratif de faillite, et donc les mesures de saisie, a été
inscrit au registre du commerce, sur les feuilles correspondant aux

sociétésen question. Peut-on concevoir une publicité plusefficace?
Un autre argument de mon estimé contradicteur repose sur un procès
d'intention quime semble un défiaux règlesdu bon sens. Il affirme [VIII,
p. 137) que le dessein de M. hlarch était d'i amener la sociétéfaillie à
penser qu'en l'absence de publication du jugement au Canada le délat
d'opposition n'avait pas commencé à courir.:.n.
Une telle accusation me semble puérile. Tout d'abord, parce qu'il est 266 BARCELONATRACTION

évident qu'aucune manŒuvre ne pouvait empêcherBarcelona Traction
de comparaître dans le délailégal; deuxi6mement. parce qu'il aétéprouvé
que Barcelona Traction savait eHectivement que le délaiprenait fin au
24 février 1948,et enfin parce que le Gouvernement belge a reconnu que
si BarcelonaTraction n'a pascomparu dans ledélai légalcefut purement
et simplement parce qu'elle ne l'a pas voulu.
LaPartie adverse affirme éralement (ibid..D. 1",, a.e le Gouvernement
esl>:igiiolsc contrcdit en amrmant le'caraciére territorial drs mcsiires
prcvui:> 3 1article 1044.car celles-cicompreiiiiciit I:Isabir qui, d';iprbsle
Goiivrriicnieiit ht,lgr. dcvait ;~ficctcrclcibiens situ>>:luC'anadn.(:el;in'cst
pas exact. !.a iaisic concernait des bicns et des droits situésen Espagne.
\Ion contr;~<li;t(:iiri~i;tcnd :~iis>ifibid.. P. 1371ciue Ir Gou\criicincnt
capagiiul :c .outi.nu. cn cc qui cuiiccriit:la publicarioii. iucct!;jii.eiiir.iit ilci
tlil:scsdiflt'rentcï 11.iir relt:r;ii pas. dcvant I:iCotir. I'historiqiir CI.ette

question qui prouve qu'il n'en est pas ainsi. Je me bornerai arenvoyer à
l'annexe no 66 de la duplique, qui prouve que la thèse espagnole à cet
égardn'a pas changé depuis 1960; annexe à laquelle la Partie adverse ne
fait évidemment Dasallusion. Ouoi au'il en soit. il saute aux veux au'on
ne se contredit et qu'on ne-formile pas des'arguments dkférenis en
parlant d'imperium et de territorialité. car il s'aait en somme de deux
facettesou &~ects d'une mêmeuuestio.. L'imbenum est lacondition. la
territorialité &t l'effet.
C'est, en revanche, le Gouvernement belge qui a modifiésuyessive-
ment sa position. Et il me faut le rappeler brièvement, car mon distingué
contradicteur a inauguréencore une foisune nouvelle thèse.
La Partie adverse a soutenu, au début, que la déclaration de fail!ite
devait ètre notifiée à la sociétéfai~ ~~~~~ oZ~~l~ ~é~aioour faire o~oosition
commençait à courir à partir de cette notification. c'est ce que 6ârcelona
Traction a soutenu lorsau'elle a cornDaru devant le tribunal espa~nol; . ..
clle ;idrni;in(l< qiic le ]ÙKt!ment Iiiif;it notifi; pour )ir.rmcttrc ainsi nu
d&l.îidc commencer i coiirir. I.orJguc riioii coiitr;idictt~urailïrmc (ilid..
p. 137) qu'on a voulu inciuirela soci&té faillie en errciir, pour qu'cllç Croie
que le dbl;,i ~I'oppositionnr commen(.~it .Zcourir quc lurique Ic,]!igeiiit!lit
déclsr;itif dc fnillit<-aurait étL'publiL' j Toroiito. son .uuc~d~:sen tcnir
au fait est dci nlui rcl;itil.i. L'erreur de la iociL'tr'f;iillir. si tant est su'il
s'agisie (I'iinze;reiir et iion pas cl'iindessein priméditi., coiisihtait en roiit
Ca, à croire i~iicledél;iicomrnenqait à courir ii partir de la iiotilic;ition.
Mais le Gouvernement belge'et ses conseik ont pratiquement aban-
donné cette thèse; ils affirment toujours, incidemment, qu'on devait

notifier la déclaration de faillite au failli. Mais ces affirmations sont for-
muléessans aucune conviction, avec des contradictions, et la Partie ad-
verse reconnait ouvertement que le délai pourfaire opposition commence
lors de la publication (ibid.,p. 136).
Le Gouvernement belge a égalementsoutenu que la pub1ication.a été
irregulière, car elle n'a pas eu lieu à Toronto au moyen d'une commission
rogatoire. C'est la thèse du mémoire (p. 50, note 1) que le professeur
Rolin a soutenue dans la phase orale des exceptions préliminaires (III,
p. 994) et qui a encore étédéfenduedans la réplique(V,p. 362).
AU cours des plaidoiries, on a assisté à un changement important.
D'après le Gouvernement belge (VIII,p. 142)~une commissionrogatoire
ne serait plus nécessaire,il suffiraitsimplement d'une publication pnvee
d'une annonce contenant la déclaration de faillite. Autrement dit, le juge
espagnol aurait dû ordonner la publication, à titre privé. au Canada, sans avoir recours aux autorités judiciaires canadiennes. On nous dit, à
cette fin, de façon consciemment inuancée ii.
iiqu'on peut se demander s'il était nécessaire d'en-
voyer une commission rogatoire pour publier le jugement déclaratif
Darannonce à Toronto.
On peut se demander si, au Canada comme en Belgique, il n'au-
rait pas suffid'adresser l'avis à publier au Canada sansaucune inter-
venfion d'une autorité judiciaire quelconque. »(ibid.,p. 142.)

Je crois être enmes~ire,d'expliquer les raisons d'un changement aussi
étrange.
La répliqueavait signalé(V,p. 363).sur un ton triomphant, que deux
juges espagnols avaient ordonnéla publication du jugement déclaratifde
faillite au siègede la société faillie. ans les deux cas, et par une curieuse
coïncidence. il s'agissait de la faillite de deux sociétés belges.
La duplique (VI,p. 316et suiv.) a montré,de fa~onexhaustive,que les
choses ne s'étaienteu réalité pas produitescomme le Gouvernement belge
le orétendait.
il e.CZ~C~ quniii;i 1,it.ci:inIV <::.i~tI;.!I,>tzr~itci.\foncriyoqiit:(inni
crlui de la soïicté.Viil-031-Kftpellle juge a dicidb 13liul>lication dans les
iournniis officii 1iJnr \.ni(:~Iii~loni~riiiu..c.iiditiont ruutelois muntrE
l'erreur commise. Ên effet, bien que ies commissions rogatoires corres-
pondantes aient été délivrées,aucune d'elles n'a pu étre exécutée,les
autorités judiciaires belges s'y étant refusées.L'annonce de la faillite de
Minera del Moncayo a étépubliée à titre privédans le Moniteur belgepar
la société faillie elle-même (A.R., vol. II, no92) et celle de Niel-on-Rupell
n'a jamais étépubliée.
La duplique a donc mis en lumière un fait que le Gouvernement belge
connaissait sùrementmais qu'il s'efforçait decacher, à savoir que dansla
faillitede Niel-on-Rupell les autorités sesont catégoriquement refusées à
publier le jugement déclaratif de faillite, en affirmant

"qu'il n'entre pas dans les attributions du pouvoir judiciaire d'as-
surer cette publication et qu'en conséquence aucun magistrat du
royaume ne saurait donner suite à une commission rogatoire récla-
mant l'exécution d'une mesure de cette nature» (D., VI, p. 317;
A.D., vol. II, no67, p. 536).
De l'avis du Gouvernement espagnol,cela est la preuve indéniableque
la réalité deschoses s'impose toujours. Cela prouve aussi le caractè~
territorial de la publication. On ne doit publier qu'en Espagne, car il
s'agit d'un acte d'impeyiumqui ne peut seproduire qu'en territoire espa-
gnol. Pour la mêmeraison, les autorités d'un pays étranger n'acceptent
pas de donner suite à une commission rogatoire relative à la publication
d'un tel jugement.
Voilà donc. Monsieur le Président. Messieurs les iuees. la raison du
dr.rnirr clian~iriii~iitsrrai<:gi<li- luG*II\.,riivnicnt hclgc. r.~i pr<.tzndui
pr;r;clvnti a\'nnt t'thiI;,tniitictI;preuve ,;tnnt faitr oiic IVCou\~~riicmrnt
belge avait bris soin de passer s'oussilence le fait' que ses tribunaux
s'étaient refusés à exécuter les commissions rogatoires, ses conseils ont

ét4acculés à leurdernierretranchement. Du coup, lejuge devait ordonner
la publication sans recourir à une commission rogatoire, puisqu'il suffisait
que la déclaration de faillite soit ~ubliéepar annonce et de façon privée
dans un journal officielde Toronto. 268 BARCELONA TRACTION

Or, cela est tout simplement inadmissible.
La notification et la publication sont ce que la loi appelle des actes judi-
ciaires. aui doivent ètre autorisés sous peine de nullité Dar le fonction-
naire piblic correspondant ou par le greffier; c'est ce ressort des
articles249et 252 du code de procédurecivile.
Pour aue la ~ubiication puisse être valable. il faut aue le ereffi-r
dCli\*reuiie cxli:dition n(lreji6e;,IIjourn:il oificiel correipuiiclant. sinoii
In publicniioii icr;~itnulle S1'011Cprou\.:iiIç iiioindrt:doiit;icct 6g;ird.
ilsutfir;~itde lirc I'cst~;~lirdenIn nublicnrioii [léIn fnillitc de In I<arce-
lona Traction (A.R..'~oI. II. p. 52i), ou celle.de la faillite de la société
Niel-on-Rupell (A.R., vol. II. p. 518).
Lorsqu'un acte judiciaire peut êtreexécuté à l'étranger. ce doit étre
une commission rogatoire. Donc, dans l'hypothèse absurde où la publi-rs
cation aurait dîi se faire au Canada, cela n'aurait pu avoir lieu qu'au
moyen d'une commission rogatoire. On ne l'a pas fait parce qu'il n'y
avait pas lieu de or0céder à la publication au Canada. Le Gouvernement
espagRola toujo;rs niéque 13a&icle300 fiit applicable à la publication du
jugement de faillite en raison du caractère territorial de celle-ci.
. Il faut tenir comote. en outre. du fait aue la oublication du iuaement
déclaratif de faillit; n'a pas uniquement pour o6jet de le porter'àÏa con-
naissance du public en général.En effet. le iour de la publication est le
point de déo& du délarde huit iours. au cours duauel'le failli eut oré-
iei~tersuilrtxours en ol>l)ositionc~iitrcle jiigçnienkcl2 est fon<i;iniei;rnl.
I.;, tliéaead\.crieciiiaiirnit poiir consé<luciicd'attri1)uer dcscft~.teii
Espagne à une publiiation réaliséedans UA pays étranger, est nettement
contraire au principe de la territorialité de la faillitequi està la basede
notre système. L'objection du professeur Van Ryn (VIII, p. I~I), qui
repose sur l'universalité et l'unité de la faillite en droit belge, est donc
denuéede sens. II ne s'agit pas de cela ici, mais bien de fixer. grâce à la
publication, àpartir de quel jour, en droit espagnol, le délaicommence à
courir. D'autre part, mon illustre contradicteur semble oublier que la
thèse soutenue dans le mémoire (1, p. 167, note 3) est contraire à celle
exposéedans la plaidoirie.
On a montré longuement, dans le contre-mémoire (IV, p. 328 et suiv.)
que c'est la notification et non la publication qui peut êtreeffectuéeau
nioven d'une commission roeatoire. La Partie adverse n'a pas tenté de
contester ce fait, car nul ne pëut méconnaitreles aspects différentsde ces
deux actes. La notification porte un fait ou une décision à la connaissance
du destinataire, sans ajoutér aucun effet propre au fait ou à la décision
notifiée. En revanche, la publication produit en elle-mêmedes effets
autresque ceux de la décision publiée.Plus précisément,non seulement la
publication du jugement de faillite marque le départ du délaid'oppo-
sition à la faillite, mais encore elle fait apparaitre l'interdiction, pour les
tiers, d'effectuer des paiements au failli (art. 1165du code de commerce)
ou de lui remettre des biens lui appartenant qu'ils auraient en leur pos-
session (art. 893, 4eetge du code de commerce).
Lorsque, dans ses documents écrits. le Gouvernement espagnol a
affirméque la publication est un acte d'imperium, il n'a utilisé aucun
concept magique, mais il a simplement cherché àsignaler qu'elle ne peut
avoir lieu qu'en Espacne, en raison. iustement.de ses effets particuliers.
Un juge étianger népourrait exécutérune commission rogatoire concer-
nant la publication sans sanctionner en mêmetemps. dans son propre PLAIDOIRIE DE M.URLA 269

pays, la décisionde la juridiction étrangèrepar l'octroi de l'exequatur
correspondant.
Le juge espagnol ne peut évidemment pas faire dépendre l'efficacité
de sa déclaration de faillite en soumettant la daàe artir de laquelle le
délaipour faire opposition commencerait àcourir à y'éventueloctroi de
1'exeqÜatur par Üi juge étranger. Le Gouvernement belge a lui-même
admis (R.. V, p. 434) que le Gouvernement canadien n'aurait jamais
accordél'exequatur à la déclaration de faillite de Barcelona Traction et
Me Rolin a affirmé(P.O. 1964,III, p. 995)qu'il en eût étéde mêmeen
Belgique.
La Partie adverse nous a dit (5'11p. 141) qu'en droit belge la publi-
citéà l'étranger desjugements déclaratifsde faillite est considérée comme
normale, en signalant à l'appui différentes conventions passéesentre la
Belgique et d'autres pays, ce qui exclut précisémentl'existence, en droit
belge, d'une regle précisà cet égard. C'est pourquoi mon contradicteur
s'est bornéà signaler (ibid., p. 141)que,dans la pratique, il est fréquent
(il ne dit donc pas toujours) que le tribunal ordonne la publication de la
faillitedans des journaux étrangers, pratique qu'il n'appuie sur aucun
exemple et aucune opinion. Quand bien mêmecette pratique existerait,
cela ne contredirait pas le fait que, comme nous l'avons indiquédans le
contre-mémoire (IV, p. 565). eu ce qui concerne la publication l'ordre
formuléd'objectiontàtcette affirmation.espagnol. La réplique n'a guère
Mais enfin, ce qui importe et est prouvé, c'estque la Belgiquen'aurait
jamais donnésuite à une commission rogatoire délivréepar les tribunaux
espagnols pour publier en Belgique la déclaration de faillite d'une société
belge prononcée en Espagne. Et le Gouvernement espagnol a, en fait,
prouvé que dans les deux faillites des sociétés Mineradel Moncayo et
Niel-on-Rupell, les autorités belges se sont effectivement refusées à
donner suiteà la commission rogatoire.
Le Gouvernement espagnol a déposédevant la Cour l'affidavit de
M.Grahamquimontre, sansaucun doute possible,-qu'il ne serait pas non
plus possible, au Canada, de ~ublier dans le journal officiel, le Canada
Gazette,la déclaration de faillited'une sociétécanadienne prononcéepar
les tribunaux espagnols. On comprend que Me Van Ryn ait dit prudem-
ment (ibid., p. 142) qu'iion peut se demander si, au Canada comme en
Belgique, il n'aurait pas suffi d'adresser l'avisublier au Canada sans
aucune intervention d'une autorité judiciaire quelconque».
Cet affidavit prouve que la prétendue irrégularitéde la publication
supposerait, même sila thèse belge était exacte, que le juge espagnol
aurait dû prendre une décision nonseulement impossible d'aprèsle doit
espagnol, mais qui, quand bien mêmeil l'aurait adoptée, n'aurait seTVà
rien. En effet, il n'aurait pas étépossible de publier au Canada le juge-
ment déclaratif de faillite par voie diplomatique ni au moyen de la com-
mission.rogatoire prévue àl'article 300 du code de rocédurecivile C'est
donc exactement le mêmecas que pour la société del-on-Rupel!. '
Pour les raisons que je viens d'indi uer, une éventuelle publicatioà
titre privédu jugement déclaratif de ?'aiIliteau Canada aurait étéégale-
ment sans aucun effeten droit espagnol. De plus,l'affidavit de M.Graham
enlève le moindre doute en ce qui concerne l'impossibilité de publier le
jugement déclaratif de faillite au Canada.
Suivant une stratégie de repli, mon illustre contradicteMe,Van Ryn
conclut (ibid., p. 143)en affirmant qu'aucune disposition de la loi espa- 270 BARCELONA TRACTION
pole nepermet deconsidérerqu'en ordonnant la publication du jugement
à l'étranger, le juge aurait excédéles limites de ses pouvoirs. Or, il ne
s'agit évidemment pasde savoir si le juge espagnol aurait ou non excédé
les limites de ses pouvoirs en ordonnant la publication du jugement de
faillitàl'étranger, mais simplement de savoir s'il devait le faire et si,en
ne le faisant pas,il violait ainsi une règlede droit espagnol de façon grave
et flagrante, comme le Gouvernement belge le prétend.
Si la thèse adverse consiste à dire qu'il y aurait eu une violation
flagrante de l'article1044 parce que le juge espagnol n'aurait pas excédé
ses pouvoirs en ordonnant la publication à l'étranger, il me semble,
Messieurs les juges, que la façon dont mon contradicteur conclut son
exposésur la question de la publication est une preuve évidente de la
faussetéde sa thèse.
Je pourrais mettre ici un terme à l'exposéde cette question de la pu-
blication du jugement de faillite, mais j'estime utile de formuler quelques
considérations finales qui permettront d'éclaircir définitivement notre
position.
I. Le jugement déclaratif de faillite a étépubliérégulièrementdans les
journaux officielsde la province de Tarragone et dans ceux de Barcelone,
conformément aux dispositions légales applicables dans ce cas. Cette
publication a ététotalement efficace, puisqu'elle a atteint le but prévu
par la loi. Telle est ma premiere considération: l'efficacitéde la publi-
cation, que la duplique a déjàsignalée(VI, p. 320) et que la Partie ad-
verse passe assurément sous silence.
Le Gouvernement belge a dû lui-mêmereconnaître implicitement cette
efficacité,en admettant qu'il a eu immédiatement connaissance du juge-
ment déclaratif de faillite (P.O. 1964, III, p. 627, et R., V, p. 364) Cette
reconnaissance s'imposait du fait de l'impossibilitéde réfuter la preuve
écrasante apportée par le Gouvernement espagnol (A.C.M., vol. VIII,
P. 51.
Mais il ne s'agit pas seulement de l'aveu du Gouvernement belge;
l'efficacité dela publication est démontréepar la conduite des dirigeants
de Barcelona Traction dans la procédurede faillite.
La publication a eu lieu, comme la Cour le sait, le4 février1948, dans
les journaux officielsdes provinces de Barcelone et de Tarragone, et le
délaide huit jours ouvrables consécutifs à la publication, qui constitue
le délailégalprévu pour faireopposition au jugement déclaratifdefaillite,
expirait le 24février1948.
Or,Ebro et Barcelonesa - tout en reconnaissant paradoxalement que
seule la sociétéfaillie avait qualité pour recouri- ont fait oppositionà
une partie du jugement déclaratif de faillite, le 23 février 1948, c'est-
à-dire la veille du jour où le délaide recours expirait. L'étrange compa-
rution de l'obligataire,M. Teixidor, qui avait manifesté son désirde se
joindre à l'opposition que le failli aurait pu formuler est encore plus
prête-nomde Barcelona Traction.ouvé (VI, p. 322) que M.Teixidor étaitun
Cet obligataire a comparu le 24 février, hors des heures normales
d'audience: à 22 heures èxactemeni, à savoir deux heures avant que le
jugement déclaratif de faillite ne devienne irrévocable. Il a évidemment
présentécetécrit à une heure aussi insolite parce qu'on savait que le
délaiexpirait le jour méme,le 24 février.
N'est-il donc pas raisonnable de déduire de tout cela que Barcelona
Traction savait que le délaiexpirait exactement le 24 février1948? Et si on savait ue le délaiprenait fin ce jour-là. cela devait étreforcément
en fonction Je la date de la publication qui avait eu lieu le 14du méme
mois.
Le Gouvernement belge a également reconnu l'efficacitéde la publi-
cation. Dans sa première note diplomatique. du 27 mars rg48 (qui ne
mentionnait évidemment pas d'irrégularité dans la publication, car cet
argument n'avait pas encore été inventé).il reprochait de ne pas avoir
notifiéla faillità la Barcelona Traction par voie diplomatique et signa-
lait «qu'un obligataire de la troisième série (émission en pesetas) a
demandédans le délailégalque pareille notification fût faite au domicile
précité 1,(A.C.M.,vol. VIII, p. 170).
Cela montre que non seulement pour le Gouvernement belge il n'y
avait pas d'irrégularité dans la publication, mais que celle-ci avait été
efficace, puisqu'il parlait avec à propos du (délailégal »en se référant
évidemment à l'action de l'obligataire Sagnier qui avait comparu le 23
février 1948, c'est-à-dire laveille de l'expiration du délai.Personne ne
nie, bien sùr, que Sagnier était un icointéressé nde Barcelona Traction.
2. hla deuxième considération a mur but de s- ualer un autre asoect
singui& de laconduite de ~arcelona Traction.
Lorsaue la société failliea comparu enfin dans la procédurede faillite
en juin Îg48, elle n'a pas demandl la publication au canada du jugement
déclaratif, ce qu'elle n'avait pas fait non plus auparavant. Elle s'est
limitée àdemander la notification.
De mémeque si Barcelona Traction avait estimé que les tribunaux
espagnols étaient dépourvusde juridiction, il eiit éténormal qu'elle intro-
duisît immédiatement une question de compétence; de mème.si Barce-
lona Traction avait cru que le jugement déclaratif de faillite devait etre
publié à Toronto, elle aurait égalementdù le demander immédiatement.
Or, la Cour sait parfaitement qu'elle n'a fait ni l'un ni l'autre.
Le fait est que Barcelona Traction s'est bornée às'abstenir volontaife-
ment de former recours contre le jugement déclaratif de faillite. bien
qu'elle ait immédiatement eu connaissance de ce jugement, précisément
parce que la publication a étépleinement efficace.
3. Aladernière considérationest la suivante: uneprétendue irrégularité
dans la publication du jugement de faillite ne pourrait avoir de,reten-
tissement dans une réclamation internationale du chef de dénide justlce
que si elle avait privé lasociété des moyensde défense.
Or, dans notre cas, Barcelona Traction ne s'est pas trouvée sans dé-
fensr, car elle a eu immédiatement connaissance du jugement déclaratif
de faillite.Ledit jugement fut d'ailleurs mème notifié à certains de ses
administrateurs.
La publication au Canada n'aurait rien ajoutéaux possibilitésde faire
opposition à ce jugement. Conscient de l'importance de cette objection,
le Gouvernement belge a introduit dans la répliquedeux arguments que
mon contradicteur n'a pas jugébon de répéter.
a) Le premier étaitque la publication ne contenait pas le teste intégral
du jugement déclaratif de faillite. Le Gouvernement espagnol a stgnalé
que normalement, dans la pratique judiciaire espagnole. on ne publie pas
intégralement le jugement déclaratifde faillite, mais que cela n'entame
pas le moins du monde les possibilitésde défensedu failli. En fait, lors-
qu'il a fait savoir, dans les délais,qu'il désirese pourvoir contre la décla-
ration de faillite, tout le dossier lui est remis. Ce dossier contient non
seulement le jugement déclaratif de faillite, mais aussi la requétedes BARCELONA TRACTION
272
crénncirrc et tous les docuinçnti ünncxcî. Cn d6lai additionncl lui est
alors accorilfipour i,larjiir t:t donner corps iI'oppoaition annoncée.
1,)Le <Iciiuir'nnrjiurnriir est qii'il aiir~i:h,ez <lifiici.e donner,
d:tni lez d<l.iiscies pouvoir, uii rcpri.st:~itniit. Ccr ;,rgiranr$16
urili.;~'pour lx prvmi&rrfoi, dniis Ir.pro<&;(Ir Sidro dei1i.rrihunriux
londoniens. ~.Ùriustifier. sans aucun doute. de aueloue manière..ce oui
d'opposition (Ic In Harcrluna Tractioii contre Ic ]tigement d&cl;ir;,dcfc
fnillite Cer .irgiimcnt nv.tic11.1dthour. IrBiirIt>raison,<lii'YX~OFCC~S
le Goiivcrn~in~nte.ip;igiio(U. V,I,p. jrg) L'octroi d'une yroriiration rie
cornuorte aucunc diflicultC ip6cinlc. ct ritn ne ~>uu\.nitcnlpécl.~.rles
rep&sentants légaux de BaiceIona Traction de comparaît;e devant
n'importe quel notaire espagnol pour accorder des pouvoirs. C'est ce
qu'a fait National Trust quand elle a voulu comparaître dans la procé-
dure. En outre, le président de la Barcelona Traction, M. Duncan, s'est
rendu en Espagne immédiatement après la faillite de cette société(A.M.,
vol. 1,p. 246).Il aurait pu alorsconférerlespouvoirs nécessairessi ceux-ci
n'existaient pas, ce qui semble peu probable car le professeur Waldock a
montré que l'attitude du Gouvernement belge sur ce point n'est pas
entièrement franche.
I:ntin con.nie le sigiialait la dupliquc (VI,p. .$ro,, inCiiic:tu s:i. Iiypo-
s:incc dcPI;i<Iccl3ration(1%f.ailli;ii>riI'csuirstion du dclni 1éc.dfisc
pour faire,opposition, il n'y aurait éu en a& cas, en droit espagnol,
privation des moyens de défense.En effet, le failli disposait toujours, en
cas de machination. du recours en revision. sinon il ~ouvait se servir du
recours d'audiencé(E.P., 1,p. 253).
Il apparaît donc clairement que la manière dont la publication a été
effectuéen'a causéaucun préjudice à la Barcelona Traction etn'a entamé
en rien son droitde défense.Le Gouvernement belge l'a reconnu explicite-
ment (P.O. 1964,III, p. 627. et R., V,p. 364) et mon confrère. le profes-
seur Malintoppi, examinera, avec sa grande autorité, ces problèmes du
point du vue du droit international.

LA SAISIE DES DROITS DE LA SOCIÉTÉ FAILLIE SUR SES FILIALES

J'en viendrai maintenant,si vous me le permettez, Monsieur le Prési-
dent, Ala saisie des droits de Barcelona Traction sur ses filiales.
Le Gouvernement belge a préféré e.x oser la question de la saisie des
actifs avantcelle de la saisie desdroits. fe ne partage pas ce point de vue,
pour une raison qui n'est pas seulement formelle.
Le Gouvernement espagnol soutient qu'en vertu du dessaisissement
résultant de la déclaration de faillite Barcelona Traction a perdu le
pouvoir de disposition et d'administration qu'elle possédait. en tant
qu'actionnaire unique, sur ses filiales unipersonnelles. Elle a perdu le
contrôle de ces sociétésquidevait nécessairement passer aux organes de
kifaiIlite tant quedurerait la procédure.
II sembte, dèslors, logiquede traiter la question de la saisie des droits
sociaux sur les filiales avant celle de la saisie de leurs actifs, car le rôle
de la saisie des actifs dans la faillite de Barcelona Traction seraaite-
&téinvestis du pouvoir de contrôle et de direction des filiales. Que res- PLAIDOIRIE DE M. UR~A 273

tera-t-il alors de la grande majorité des,griefs formuléspar le Gouverne-
ment belge?
Le Gouvernement espagnol s'est dkjà largement étendu sur ce sujet
fondamental dans la procédure écrite. Mon intention est de me limiter
aux questions les plus importantes.
Je diviseraià cette fin ma plaidoirie en trois parties. Nous verrons dans
la première que la déclaration de faillite a'entraînk la dépossessionde la
sociétéfaillie et que, dans son jugement du 12 février 1948, le juge de
Reus a ordonné à juste titre la saisie des droitsde la sociétéfaillie sur ses
filiales. Dans la deuxikme, je démontrerai que les droits sociaux sur
lesquels portait l'ordre de saisie ont putresaisisen Espagne, sans qu'une
appréhension physique des titres ou récépisséd ses actions aitété aéces-
saire. Dans la troisième, j'établirai que les organes de la faillite avaient
qualitépour exercer ces droits sociaux.

Passons à la première partie de mon exposéet examinons comment a
étéeffectuéela saisie des droits,si critiquée par la Partie adverse.
II faut d'abord rappeler que,dans la requêtede faillite. les demandeurs
exposaient clairement au juge que le patrimoine de Barcelona Traction
se composait de la totalité des actions d'Ebro et de Barcelonesa et de la
totalité ou de la majorité des actions de neuf sociétésdu groupe. Ainsi
que cela a étésoulignédans le contre-mémoire (IV, p. 257). lesdeman-
deursavaient joint à leur requêteles piècessuivantes àtitre de preuve: le
Trust Deedde 1926quiétablissait que Barcelona Traction était proprié-
taireet possesseur des actions malgrélagarantie constituéeen faveur de
National Tmst (D.,VI,p. 361); le rapport annuel de Barcelona Traction
sur l'exercice1946:le rapport du président d'Ebro et un tab!eau statis-
tique pour l'exercice 1946annexéau rapport du conseil d'administration.
Ni la réplique, ni maintenant Me Van Ryn n'ont pu le nier. Comme ils
ignoraient l'exacte situation des titres, les demandeurs sollicitèrent leur
saisie (ausens de saisiemédiate) sans préjudicedela possessionimmédjate
qui aurait appartenu à ceux qui en auraient la possession physique alieno
nomine.
Au vu de cet exposéparfaitement exact et étayépar des preuves abon-
dantes, le juge de Reus a ordonnéles trois mesures suivantes dans son
jugement du 12 février1948(transcrit dans le contre-mémoire.IV, p. 266
et suiv.):
1. Il a ordonné ala saisie de tous les biens, actions et droitsu de la
société faillie.
2. Il a ajouté ce qui suit au sujet des actions d'Ebro et Barcelonesa,
dont la saisie résultait déjà de la première mesure ordonnée. En ce qui
concerne Ebro:

nétant'entendu que la saisie implique la possessjonmédiateet ciyilis:
sime lbosesidnmediata v civil{sima)Dource au1concerne les actions
de ce'ctesociété quise;aient en io&ession de Barcelona Traction,
Light and Power Company, Limitedn;
et pour ce qui est de Barcelonesa:

«étant entendu également que la saisie des actions qui se trouve-
raient en possession de la Barcelona Traction, Light and Power274 BARCELONA TRACTION

Company. Limited a également le caractère de médiate et civilis-
sime a.
3. Quant aux actions des neuf autres sociétés. le juge,à qui on n'avait
pas fourni la preuve du caractère unipersonnel de ces sociétés. s'estborné
à ordonner dans le jugement - ce que la Partie adverse a d'ailleurs dû
reconnaître (VIII, p.203)-la saisie des actions propriétéde la Barcelona
Traction navec leursdroits inhérents r.
La Partie adverse - à l'imagination de laquelle je ne rendrai jamais
assez hommage - a donné plusieurs interprétations de ces dispositions
du jugement au point qu'il devient difficilede savoir exactement quelle
est, àl'heure actuelle, sa véritableopinion. Il y a, tout d'abord, d'appré-
ciables divergences entre le point de vue exposédans le mémoire(1,p. 48
et suiv.) et dans la plaidoirie de Me Rolin (III. p. 618 et suiv.) lors des
exceptions préliminaires, d'une part. et celui exprimé dans la réplique
(V, p. 16), d'autre part. Il est en outre incontestable que la tbèseexposée
dans la répli ue et cellesoutenue dans la plaidoirie du professeur Van Ryn
sont tout &?ait contradictoires. Dans la réplique(loc. cd.), on soutient
que le juge a prétendu que le dispositif du jugement de faillite devait
assurer le transfert aux organes de la faillite du droit de vote des actions
d'Ebro et de Barcelonesa en possession de Barcelona Traction. Comme le
juge savait - nous dit-on - que les actions d'Ebro et de Barcelonesa
avaient étéremises en garantie àNational Trust, il aurait entendu exclure
des mesures adoptéesles actions qui setrouvaient en possession du trustee.
Interprétation originale, en vérité! maisqui s'écartedéjà de la premikre
interprétation du professeur Rolin qui s'était efforcéde démontrer, lors
des premiers débatsoraux, que la saisie n'avait aucun objet.
Sachons toutefois modérernotre surprise. D'apres l'interprétation du
professeur Van Ryn '(VIII, p. 204). le juge aurait ordonné la saisie des
actions des filialesen tant que titres incorporant les droits sociaux:
C'est cela qu'il a saisi, qu'il a déclaré saisi,et dont il a attribué
la possession civilissime aux organes de la faillite.

Autrement dit, on est parti de l'affirmation que le jugement de faillite
n'aurait impliqué aucune saisie ni de droits ni de documents (tbèse de
Me Rolin), puis on en est venu à reconnaître que l'on aurait saisi les ac-
tions des filiales qui se trouvaient en possession de Barcelona Traction.
mais non pas celles que possédait National Trust (thèsede la réplique);
enfin et en dernier lieu, oubliant tout cela. on soutient maintenant que
l'on aurait saisi les actions des filiales en tant que documents incorporant
des droits sociaux (thkse deMe Van Ryn).
Les morceaux de ce puzzle sont numérotéset on peut facilement les
verifierà chaque instant! Apres cela, comment peut-on encore prétendre.
Monsieur le Président,que le jugement de faillite comporterait une grave
violation du droit interne, alors qu'on en a donné trois interprétations
contradictoires?

L'audience,suspendue àrr Azo, estreprise d rr h 40

I.Face à ces différentes positionsde la Partie adverse, permettez-moi,
Monsieur le Président, de montrer le sens exact et correct de la saisie de
d'exposer, au préalableet rapidement. l'effetpatrimonial fondamental de PLAIDOIRIE DE M. UR~A
275
la déclaration de faillite en droit espagnol. En bref: il faut parler du
dessaisissementou de la dépossessiondu failli.
Me Van Ryn a répétéla these déjà exposée dans la réplique, selon
laquelle dans tous les systèmes juridiques le dessaisissement entraînerait
l'incapacité pour le failli d'administrer ses biens, mais jamais la dépos-
session du débiteur. Le dessaisissement donnerait tout au plus aux
organes de la faillite un jus possessionis, qu'il a reproduit par ces mots:
doit a à laiipossession, alors qu'il serait plus correct de dire droit n deii
possession, ce qui est tout différent. Mais cela mis à part, je dois tout
d'abord rappeler qu'il est faux de prétendre que tous les systèmes juri-
diques donnentau dessaisissement du failli les effets limitésque voudrait
lui attribuer mon contradicteur. Dans le svstème es.ae.ol. comme dans
c~:rt;iins;aiitrrs qiii trou\.cnr Iriir inil~irn~l;in,une rr;iJiriuii tii~tori<luc
fort ancirnnc. le, rfii:t- (III(1ssaisi;scinciir <IIIi;iilli iurit Irrnucoup plus
étendus et rigoureux et entraînent toujours, non seulement l'incapacité
du failli, mais aussi la mise en possession automatique des organes de la
faillite de tout son patrimoine.
Que cela plaise ou non à nos contradicteurs, cela est établi de façon
indiscutable par la loi espagnole, quels que soient les efforts déployés
par la Partie adverse pour la critiquer. En vertu de l'article 878 du code
de commerce espagnol, l'incapacité personnelle et la dépossession du
failli sont sanctionnées de façon rigoureuse - comme l'explique d'ail-
leurs la duplique (A.D., vol. II, no 77) - et tous ses actes de disposition
et d'administration postérieurs à l'époque à laquelle rétroagit la déclara-
tion de faillite sont déclarés nuls, absolumentnuls.
Cette règle légale,Monsieur le Président et Messieursde la Cour, n'est
pas le fruit d'une conspiration, elle n'a pas non plus étéinventée par les
demandeurs à la faillite ni par le juge de Reus. Elle est exprimée claire-
ment dans l'article 878 du code de commerce et constitue - ne l'oublions
pai I:ipicrri.niijiulnii,<Irtoiiti. InprockJurc~~pqiiolç (IcI;iillire(. est
pourquoi, .I ioiis nie Ir~F~III.?~~cL.,:ri-.l>~IIililis rc7rmviii~inlrsCIC <et
article du code de commerce:

<iLa faillite une fois déclarée,le failli sera frappé de l'incapacité
d'administrer ses biens. Tous ses actes de disposition et d'adminis-
tration postérieurs à l'époque à laquelle rétroagissent les effets de
la faillite seront nuls»
L'administration des biens du failli passe ainsi aux organes de la fail-
lite. En vertu des dispositions impératives de la loi, il y a dépossession
automatique du failli et mise en possession corrélative des organesdela
faillite.Cette possession, acquise exministeriolegis,est une manifestation
de la possession dite civillissime, si violemment critiquéeparla Partie
adverse. Mais il s'agit d'une possession véritable, acquise au moment
précisoù le dessaisissement du débiteur a pour effet de mettre automati-
uement les organes de la faillite en possession de ses biens. Ces organes
loivent les administrer dans l'intérêd t es créanciers.
II me semble véritablement grave que le Gouvernement belge qualifie
d'aberration juridique la thèse espagnole, selon laquelle le dessaisisse-
ment transmet ipso jure la possession du patrimoine du failli aux organes,
de la faillite, et qu'il formule des affirmations aussi absurdes et fausses
que celle qui consiste à dire que dans aucun système le dessaisissement
n'entraîne la dépossessionautomatique du failli (VIII, p. 209). II s'agit là!
pour la Partie adverse, d'une affirmation essentielle et fondamentale, qui 276 BARCELONA TRACTION

ne semble pas due à une méconnaissancede notre syst&mejuridique et
des systèpes juridiques voisins: l'explication serait invraisemblable de la
part d'un plaideur qui dispose de conseils juridiques aussi doctes. Mais
alors, dans quelle intention est-elle formulée?Pour cacher la réalitédans
un but de defense? Je le dis avec fermeté,car il suffit de lire les ouvrages
courants de la doctrine continentale européennesur la faillite pour cons-
tater que les affirmations du Gouvernement belge sont inexactes. Per-
mettez-moi de rappeler quelques opinions:

«La procédurede faillite consiste essentiellement - affirment en
France Ripert-Roblot - dans la saisie collective de tous les biens
présentset à venir du débiteurau profit de la masse de sescréanciers.
Les effets du dessaisissement se même àpartir de l'heure
où le jugement a été rendu n (Traitéélémentaire d droit commercial.
I t. 1.~1.369).
((L'administrateur du patrimoine de la faillite (curatore) - dit
Ferrara Jr. (Ilfallimento. Milan. 1959.p. 222) -est investiopelegis
de la possession des biens détenus par le failli. n
aL'investiture de iure des organes de la faillitedans la possession

des biens du faillia lieu- sianale Candian (revue Il dirillofallimen-
tare,1956,p. 457)-le jour du jugement déharatif de failliie. u

Et Provinciali (Manunledi dirittotallimentare.Milan, 1462, ..602.607-.
affirmi: que 12 dc~iaisi~irrncnt est ,quelque cliosc de plus que la simple
d6posscssiuii j.,puisqu'il transfère aux organes de 13 faillite <non ieule-
ment la possession mais aussi la facultéde diipoier. qui est un de>tiltri-
buts fondamentaux di1droit de propriét;.. Kappelons enrin que le pro-
fc.sst:urVan Rsn nous indiuue i.rialt.mcnt, dans ,on uuvra~e précédem-
ment cité, ledessaisisieme& u est en quelque sorte une paralysie
juridique2 du failli (Principesde droit commercialt,. IV, p. zig) qui con-
siste en une «sorte de saisie ou de mainmise collective opéréepar le fait
de la loi au profit des créanciers au jour de la faillite n (ibid.. p. 232).
Comment pourrait-on expliquer cette saisie sans possession?
Nous pourrions continuer citer des opinions, tout aussi autorisées,
de notre ordre juridique, mais il n'y a pas lieu d'insister sur un pointches
aussi évident.
2. Ces conclusions sur les effets du dessaisissement du failli, telles
qu'elles résultent de l'article 878 de notre code de commerce, trouvent
leur fondement ou leur confirmation - comme c'est le cas dans les
autres ordres juridiques qui s'inspirent de la mêmeorientation - dans
les règles légalesqui régissentla possession.
Le Gouvernement belge prétend le nier et se dresse, avec une spéciale
irritation. contre la notion de possession civilissime adoptée par le juge
de Reus. II n'hésite pas à qualifier cette notion de cmiraculeuseu et
d'«artifice particulièrement audacieux et cynique u (VIII,p. 199). A son
avis, en droit espagnol, la possession est un cétat de faitn et on ne peut
I'acquérirque par appréhension matérielledes biens (R., V, p. 420) Or,
cette affirmation. absolument erronée et dé~ourvuede fondement (D..
VI, p. 346), est en contradiction manifeste abec d'autres affirmations du
même Gouvernement belge (R., V, p. 406) et ne résistepas à la moindre
confrontation avec les teGtetels' gaux. . . Les aiiipations inexactes de notre distingué contradicteur obligent
donner lesquëlques précihionssuivantes.
I. On ne saurait admettre, de par la contradiction intime que cela
comporte, que, d'une part. l'on qualifie cette possession de formule
magique ou nmiraculeusex et que, d'autre part, l on reconnaisse (R., Y,
p. 406)que l'article 440 du codecivilespagnol en consacre une application
préciseet que les tribunaux espagnols ont égalementappliquéla notion
de possession médiate et civilissime d'autres hypothkses, cela en vertu
d'autres textes légaux.
2. 11est inexact que la citation que mon honorable contradicteur a
faite de l'ouvrage du grand civiliste >spagnol. Castan, *laisse entendre r
que les seuls cas de possession ci~ilissime rttrnus par la loisoient ceux dcs
articles440. 450 et 466 du code civil. C?our dit Caitan. dans les strictes
limites d" drkit civil, c'est simplement que cette possession est iappli-
quéesurtout aux acquisitions faites i titre héréditaire a.11admet donc
qu'elle puisse également s'appliquer dans d'autres cas. parmi lesquels.
évidemmrnt. l'article 878 du code de commerce.
.3.Sous admettons que notre distinw? contradicteur n'ait pas eu -de
son Drooreaveu - alamoindre connarssance ade la oss sessio cvilissirne
«avântd'aborder l'étudede cette affaire u(VIII, p. ;oz), mais s'ilfait lui-
mêmecette citation du professeur Castan, il ne peut en mêmetemps
affirmer. sans tomber dan; une nouvelle contradiction. a.. le.i~.e de Reus
aurait ru recours i tcuii artifice particuli<'rcment aiidacicux et,cyniqur
[ibid.D. iqq~lorsqu'il a invo(lu.2la poisession midiate et ci\,ilissime des

Les contradictions patentes qui entachent tout ce raisonnement en-
lèvent toute valeur aux areuments dével~p~éD ~arla Partie adverseen ce
qui concerne la possessionmédiate et civi1;ssime. La possession~rnédiate
lité* du système juridique espagnol en matière de possession, dontne- réa-
I'artide 878 de notre code de commerce est un cas d'application.
Le Gouvernement belge, s'efforçant une fois de plus de semer la con-
fusion. invoque à nouveau(VII1, p. 209) les articles 1334et 1335du code
de procédurecivile. et 1046. 1079et 1081du code de 1829.en soutenant
qu'ils imposent aux organes de la faillite l'obligation de procéder à une
apprbhension matérielle des biens, qui n'est pas réalisée parla possession
civilissime. Dans ses écritures (D.,VI, p. 350 et 351, A.D., vol. II. no 78
et référencesqui y sont indiquées), le Gouvernement espagnol a soulignb
que cette saisie matérielle implique précisémentl'existence d'une pos-
session médiate antbrieure acquise ope legios u;si i'on préfhre.de façon
civilissime.
Je ne m'étendrai donc pas davantage sur cette question. quia suffi-
samment étédiscutéepar écrit.Maisje ne peux m'abstenir de répondreA
l'affirmation-témérairefaite dans la procédure orale (VIII, p. 203) selon
laquelle le juge de Reus aurait usans titre ni loiaprocédé a une sa,isie
sans possession matérielle, en la remplaçant par une possession fictive:
Non. Les choses ne se sont pas passéesainsi. La déclaration de faplite'a
transféré automatiauement aux oreanes de la faillite la Dossession de
tous les biens de F3a;celona~raction':et le tribunal de Keus 'asimplement
ordonné de procéder àLasaisie de ce>biens corne I'aura~tfait n'importe
quel mbunal de n'importe quel autre pays avant un systhme légalana-
logue au nhtre. C'eçt-i-dire:,avec titre et avec lou.
Jlais le Gouvernement belge revirrit, clansses plaidoyers, sur la vieilte278 BARCELONA TRACTION
question suivante: pour le juge de Reus. la possession médiateet civilis-
sime aurait étéliée à la saisie des actifs des filialeset n'aurait pas étéun
effet aui s'est produit obe lcnis, mais au contraire la conséauènced'une
dispoiition expresse du'jugëment (VIII, p. 203 et 204). ceç'affirmations
de la Partie adverse ne sont qu'une demi-vérité.ce qui équivaut presque
touiours à la plus erande inexactitude. Il est vrai aü'on ?rouve.'danS le~~ ~
jugément.dc.s'disGsitions concernant la posse.isionr;ié<liate ctcii:iliisinie,
mais cela n'iniplique nullenient qiie Ir luRe nie ou nikonnaisse la trans-
mission ope 1egis.de la possession de -tout le ,patrimoine du failli aux
organes de la faillite. La possession de ce patrimoine impliquait la pos-
session des actions des filiales, acquise de façon civilissime, c'est-à-dire
en vertu de la loi. du fait mêmedu dessaisissement urévu à l'article878
du code de commerce et de l'ordre généralde saisie'énoncépar les pe-
mieres dispositions du iucement. Aussi, la mention. dans les diswsitions
du jugement. de la posie<sion civilissime - citée .lejuge en 'tant que
mode d'acquisition de la possession - confirme la thèse du dessaisisse-
ment automatique. au lieu de la contredire. LeGouvernement esoacnol a
dit dans ses écritures, et je répète trèsvolontiers, que le juge~aûriit pu
s'abstenir de toute référence à la possession civilissime. puisqu'elle
n'ajoutait rien qui ne soit déjà dans laioi

Si la Cour veut me le permettre, je montrerai maintenant que les droits
de la Barcelona Traction sur ses filiales étaient des biens susceptibles
d'êtresaisis en Espagne. sans qu'il fût nécessairede saisir matériellement
les titres ou récépisséqsui les constataient.
A cet bgard. la thèse du Gouvernement belge demeure en apparence
immuable. A l'en croire, il aurait fallu, pour que les organes de la faillite
prissent valablement possession des actions des filiales, adresser une
ccmmission rogatoire aux tribunaux canadiens, de façon que ceux-ci
pussent réaliser l'appréhensionphysique des titres ou certificats. Pour
éviter tout malentendu, voyons le paragraphe suivant du compte rendu
de la septiéme audience de cette affaire:

«Si les organes de la faillite déclaréeen Espagne voulaient prendre
possession de ces avoirs, il leur fallait au préalabledemander l'exe-
quatur du jugement aux juridictions canadiennes. Sur ce point il ne
peut pas y avoir de discussion. a (VIII, p.201.)
Telle est. Messieurs les i,-.s. la uorotection naturellea aue les diri-
geants de ~arcelona Traction avaient imaginée.
Mais, comme ie vous l'ai déià dit. Messieurs, la thèse adverse n'est
immuable qu'en-apparence, ca; en réalitéle Gouvernement belge a, sur
ce point également, totalement modifiéla position qu'il soutenait dans
le mémoireet dans la réplique.
Pour montrer que les droits de Barcelona Traction sur ses filiales ne
pouvaient pas être saisis en Espagne. le Gouvernement be!ge av~it
toujours eu recours à la notion théorique de titre valeur. Bien qu en
rbalité les arguments développéspar le Gouvernement belge dans ses
écritures (R., V, p. 411 et suiv.)soient, plus qu'une théorie juridique d~s
titres-valeurs, une esphce de <<mythe »des titres-valeurs - comme ,l a
signaléla duplique (VI, p. 332). Or. cette vision rmythique a de la notion juridique de titre-valeur évolue - comme nous allons le voir - au gré
des convenances du gouvernement demandeur.
La réplique soutenait (V, p. 412) que les actions des filiales, étant des
titres-valeurs. constituaient des documents ou des inscri~tions auxanels
Ir.; druit, ;t;iit3nr in<liiiolul>lcriiriitiricorpor.~; cr qii'eii vçrtu de ccttr:
tincorpuratiori 1.Icdroit sc cunfondait a\.ec le dorumcnt qui lc niatirieli-
sait. a< aoint au'on ~ouvait affirmer aue le titre c'est le droit D.Unetelle
coiiccprion dii tirre-;..il,,ur, qui cri \.ieJicunfondrc iniiinciiiciit Ir dr,>it
t t Ir ilocun~cnt qui Ic cunst;itc. cil iiia<lmi~~ihlc.I3icn quc la ductriiic
iuridinuc sir cii I:ini;iticrr fnit orcuve rlc I'im~rinarioii Id DIUS iiclic on
<.srrarcmcnt arrive iiinc trllc ezagCrarion.
1)ci cririiiiii.>d;~iiivt0111i;\.iclcmmcnt>rC:idrcii;~>, dans Induplique.
à cette conieption des titres-valeurs (VI,p. 333 et suiv., et A.D., 601.-II,
no 70) appliquée aux actions, et c'est sans doute pourquoi mon illustre
contradicteur a. dans sa plaidoirie, abandonné la notion d'aincorpora-
tion » qui figurait dans la iéplique,pour en adopter une autre, pluspioche
de la vérité.
Dans certains passages de sa plaidoirie, qui ne rappellent en rien les
idéesdéfendues par la réplique (VIII,p. 210-212). il ne dit plus que le
document est le droit, mais qu'il le constate. Voilà qui est tout différent.
L'incor~oration ne matérialise ~lus le droit dans le document,:mais si-
gnifie séulement que l'on ne pe;t pas exercer le droit sans avoir,le titre;
de plos -- ôsurprise! -la possession requisepour exercer le droit ne doit
DI& êtrenéceCsairementune oossessiôn matérielle du document. La
Partie adverse reconnaît donc maintenant qu'en pratique il est fréquent
que l'exercice du droit ait lieu par le moyen d'une possession médiate
- en effet. il est bien dit «médiate »- alors aue c'est une autre Dersonne
qui a la matérielle, commecela pe;t se produire dansle cas de
dépôt bancaire de titres ou de mise en rage d'actions. D'autre part, on
veira dans ces mêmes passagesque, les actions nominatives, on
n'affirme plus maintenant 1'.incorporation iilorsqu'il existe des inscrip-
tions sur les registres des actions.
Si ie souliene une foisencore devant la Courceschaneements d'attitude
de la'~artie"adverse, c'est pour faire bien ressortir ainsi que je l'ai
déjàindiquéprécédemment - qu'il est inadmissible de partir d'une inter-
~rétation-donnéedu droit interrie Douraccuser le iuee,.'uvoir commis des
;.iul;itions gr3\.i.; ~t flngrniitrs p;iirri,iiitriioi1ifit1i.ifondcini.ii1, <le
cettc :,ccii~niionr,:,r(If.rti,iii~elrirt.r~,rtt:tt~~.r.ci.m;mr ilroii interne
qui sont, les une; en accord avec celle; du juge (comme c'est maintenant
le cas dans une certaine mesure pour la possession M médiate »si durement
attaquée), et les autres, les plus nombreuses, complètement erronées.
Cela n'est pas sérieux et, de plus, cela montre jusqu'à quel point a été
pousséel'intention de soutenir à outrance certaines accusatioris contre la
ma istrature espagnole.
IY est également inadmissible de prétendre ("111,p. 214-215) que le
Gouvernement espagnol aurait soutenu que les actions ne seraient paç de
véritables titres-valeurs, pour pouvoir affirmer que la possession du titre
n'est pas toujours une condition indispensable à l'exercice du droit.
Le Gouvernement espagnol n'a jamais niéque les actions soient des
titres-valeurs. Il a soutenu (D., VI,p. 332 et suiv., et A.D., vol. II, no69)
que, bien qu'elle présenteles caractéristiques minimales du titre-valeur,
l'action n'est qu'un titre imparfait et causal soumis aux règles de la
sociétéémettrice quant A l'exercice et à la transmission des droits incor-280 BARCELONATRACTION
porés. Mais celatout le monde le reconnaît! Notre erreur semble dmc
consister à êtredkccord avec l'opinion généraleet dominante!
Nous soutenoris. d'autre part,c(ue la >ossession du titre - A supposer
que l'action soitmatérialisPepar un titre - n'est pas toujours unecondi-
t'ionindis~ensable I'exercice des droits sociauxTcar il-existe de nom-
breux cas'où cet exercice est possible sans possession physique et maté-
rielle du titre.
Mais. ainsi que je l'ai rappelé, le Gouvernement belge reconnaît
aujourd'hui également que I'on peut parfois exercer les droits sans
posséderle titre, et il cite le vol. la perte ou dép8t bancaire d'actions
comme étant des cas indiscutables dans lesquels les droits sont exercés
par le moyen d'une possession médiate (VIII.p. 215 et 216). Mais c'est
justement IAla th&e que nous avons soutenue dans la duplique (VI.. .
P. 334)!
Le reproche que nous fait le Gouvernement belge est donc incomprb-
hensible.
Nous avons dit.et nous continuons àdire que. quelque idéeque I'onse
fasse du titre-valeur. 1'incorporation * ne ;)eut .en aucun cas signifier
qu'il soit impossible de <liîsocierle droit du titre dans le cas ou le main-
tien de leur unitéemuéclieraitou rendrait eutrémement difficilel'exercice
du droit incorporé, Contrairement au principe de la bonne foi qui domine
tout le droit des titres-valeurs. Il ne faut. en effet, pas oublier que !a
théoriedu titre-valeur n'est uu'une création intellectuelle. dans laauelle
ily a beaiicoup d'abstraction~t dedogmatisme. Or. nul nesaiirait s'abri-
ter (1,-rriéI'abitraction ou lc dogniatisme pour empkher l'exerciced'un
droit au mépris dv In bonne foi Cela est pnrticuli6rement \.rai lorsqu'il
s'agit de droit> îociaux. dont In naissance est nntbrieure A I'tinission des
titres dei actions. tt crla est encart iilus vrai lorsque. comme en I'espéce.
une bonne art des actions n'avait-'as étéinco?~oréedans des titres.
ceux-ci n'ay'ant pas étéimprimés.
Le Gouvernement bel~e aurait dû, d'autre part, s'apercevoir que I'on
ne peut confondre la question de savoir qui est titulaire du driit avec
cellede savoirqui a qualitépour l'exercer. La théoriede l'incorporation u
du droit au titre ne s'applique, en effet, qu'a la qualitérequise pour I'exer-
cice du droit. Cela signifie que, dans la meilleure des hypothéses, la pos-
session matérielle neserait nécessairequ'afin d'établir la qualitérequise
pour I'exercicedu droit.
Cette concention seule correcte de I'incorwration du droit au titre
Gclniresufisamment Ir probléme(lue nous examinons. Mais la question
concr+te cl,In ~aiîie dei droits rle Harcelonn Traction sur ses filiales ne
nients sui\.ants: a) le rOle(lesactions dans lessociétés unipersonnelles,et
11)13 possibilitédr saisirOU de séquestrer les droits *incorporésu dans un
titre-haleur sans a~~réhensionmâtérieliedu titre
a) Le G&vernement belge a préféré passer pratiquement sous silence
le premier point. II nous semble toutefois absurde de parler des titres-
vaieurs en-eénéralet dans l'abstrait. sans se référeraux circonstances
particuliéres-et essentielles du cas d'esp&cc.Sous ne sommes en effet pas
ici pour parler d'actions t!n gCnéra1.mais hien pour débattre des actions
des filialçs uriilh?rionnellesque l3arcelona Traction avait dans son porte-
friiillr et qui ont étésaisie<en vertu de la déclarationde faillite.
1.e(;ouvernement espagnol a exposédans la duplique (VI,p. 336-337)
que la possession de la totalitédes :ictionsd'unesoci~téaffectenéccswire- PLAIDOIRIE DB Y. UR~A 281
ment la nÿture des droits de l'actionnaire, qui di5wse d'un pouvoir (le
domination absolu et total sur la sociét; qu'il contrdle. Crtte affirmation
~ ~ . . DU étre contredite Dar le Gouveinement belce. Celui-ci n'a Das
pu nier non 11lusque, dans l.ociétésanonyme< unip&sonnelles. l'actibn-
naire uniwr impose sa volonta A toiit moment.a tel point que Irs sssem-
bléesgén&rales5.i ellesse réunissent -comme cela est arricéquelquefois
en l'espèce-. ne sont qu'une pure formalité. Et j'affirme. Messieurs de
la Cour, que le Gouvernement-belge ne pourra pas le nier, notamment
narce aue le ~rofesseur Lauter~acht l'a reconnu. admis et utilisé dans
CaNous ne voulons pas dire par là quece pouvoir, de domination cons-
titue un droit nouveau et autonome, distinct et indépendant de l'en-
semble des droits sociaux. Nous voulons seulement montrer- comme la
doctrine le fait depuis longtemp- que ce pouvoir entraîne une certaine
transformation qualitative des droits de l'actionnaire qui domine et
contrôle absolument la société.C'est pour cela qu'en cas de faillite ce
ouv voirde contrôle vasse aux organes de la faillite au moment mémeoù
ilsrntrrnt c.possessiondes actions. avcc ou s.ins apprCtiçniion m;itériellc.
dci titresIIen est ainsi parce qiiï. &in<la (lt~ul~lteiyl>otliest!clt:f;~illite
de sociétésanonymes personnëlles, les titres perdent logiquement leur
fonction spécifiquede légitimation pour l'exercice desidroits.reste-
t-il, en effet, de cette fonctionlorsque toutes les actions appartiennent
une seule et mêmepersonne? Il est manifeste que cette fonctiondisparaît.
NuA cela, il faut ajouter que les actions des filiales de BarceIona Traction
n'étaientpas destinéesà circuler àtêtretransmises, parce que les filiales
étaient néesintégréesà la structure de l'entreprise unique et que la mise
en circulation de leurs actions aurait détruit toute l'organisation.t,
dès lors,évidentque les organes de la failliten'avaient pas besoin d'appré-
hender physiquement les titres pour pouvoir exercer les droits. En raison
de la structure du groupe, les titres-actions n'avaientjamais servi à
attester la qualitédeleur propriétaire. Lejuge de Reusa donc simplement
tenu compte de la véritable nature de l'entreprise et de son fonctionne-
ment pour prévenir les abus que la société faillieaurait pu commettre.
Les arguments que le Gouvernement belge utilise pour contester sa
décisionsont donc, àproprement parler, inconcevables.
saisie des droitscorres~ondant aux actions des filiales a étéordonnéela
dani le cadre d'une prncérlured'cuécutionunivcr,elle.
Cette circoiiitarice eït dr'ci,ivv.Comme nou le verroris. iiotrr jurisl>rii-
drncr a(lni<!ten eiict. -an tii.iiar<iii'vitr>o~siblde saisir les droits
d'actionnaire dans une exécutionsingdi&re sa& saisir matériellement les
titres. Cela est donà fortiori possible dans une procédure d'exécution
universelle. comme la faillite, où les intérêtsdes créanciers sont DIUS
gra\,cmrnt espo~éi.011 peut. diin, l'un et l'autre cas, protc'gcrle, crcnn-
ciers rn saisiiaant les droits g.2iin :icte cl'sutoritF, t<:lqur'la dccision
du juge, sans nécessitéde s&ir physiquement les titres.
Cette question a déjà étéexaminée dans la duplique VI, p 339 et
suiv.). Je n'y reviendrais pas si le gouvernement demanAeur.n'y avait
prêtéune attention toute particulière dans sa plaidoirie. La Partie.ad-
faite, dans la duplique, de la doctrine établie par le seul arrêtoù notre
Tribunal supréme ait dû, il y a de nombreuses années, tranchercepro-282 BARCELONA TRACTION

blème.Il s'agit de l'arrêtdu 17 avril 1917,trèsgênantassurément pour la
Partie adverse.
&Ionillustre contradicteur nous a dit (VIII, p. 217-218) avoir examiné
cet arrêt «à la loupe ».Nous n'en sommes pas surpris. Cette décision jus-
tifie en effet. A elle seule, la saisie ordonnéepar les tribunaux espagnols
et elle a étéexpressément invoquéepar la cour d'appel de Barcelone
dans l'arrêt du5 février1952 qui a confirmél'autorisation de vente des
biens de Barcelona Traction.
Je ne lirai pas le texte de l'arrêt qui se trouve transcrit dans les an-
nexes à la duplique (vol. II, no 72, p. 555). Il s'agissait d'une société à
cinq actionnaires. dont deux se partageaient par moitiélapresque totalité
des actions. Il existait des certificats provisoires des actions, mais pas de
titres définitifs.Les actions de l'un des actionnaires furent saisiesdansune
exécutionsingulière. dirigéecontre lui puis contre ses héritiers. L'intérêt
exceptionnel de cet arrèt résidejustement dans le fait que. dans l'uni ne
affai~e~où le Tribunal suorêmes est oenchésur un Drobièmesemblah?~ ~ -
celui qui est traité ici. il ;l'a pas hésit'à déclarerla baliditéet I'effectivité
de la saisie oratiouée dans une exécution sin~ulièresur les droits d'un
;,sti(~iiii;iirr..i~idt:l)cndûiiimeiit(lu soclci titrrs r<l:itif;iiisactions.
I.'nrrCtest trcs cl;,ir. .\lais la loiipiitilijCipai In P;,rtie iid\t:r,r. (lci.ait
;lit: ,:nil>iit:c,oii iniis I~iitille,ou encor*!riiiinii.d'uiiIçiitill(lifuriri;iiit~..
On ne peut eii effet (:sl>liqiier:tiirreniriit 1c.ipropos (lut: II:(;oii\.ern~iiitiiit
t~clgea 1%-iiuislaiis si pl:iidoiric au iujtt de cct arrct. II cien eiii:t ;iftirin2
(VIII, 1). 2171que I'oiin'arciit 1i:lssaisi les nctioni qui f,n'exijtaieiit {xi;
eiicore *. ~,uii(lli'iII'\:ivnit que (1,:s rc'cc'piistipro\isoirei 0.1ii:iisseule-
mciit le .droit aiis actions . . le droit iile fiittirei nctiuii,#.
C'est ici que nous devenons perplexes, et nous le devenons de plus en
plus en examinant les commentaires de la Partie adverse. Peut-on en
effet soutenir sérieusement que, dans une sociétéanonyme, il n'y a pas
d'actions tant que les titres définitifsne sont pas émis?Oublierait-on. Dar
li3sard. qiie I'nCtionnaît loriqiie I:Isocic'tt! ~'t coii,titii6c. sa115pr~judice
de ce que le titre puis%?étre émis~!oitérieuren~t.ii tU m?mc riesoit p:ij
émisdu tout?
Plus loin, danscette même pagede la plaidoirie, onajouteque la saisie
a porté rsur les récépissép srovisoires, mais non pas sur les actions qui
n'existaient Dasencoie in.Or. cette affirmation n'est Dasnon ~lus exacte.
1.a sniiie ne portait p35 le nioiiis du mon(lc sur les r6~~~iîil;s'~1roviroirej.
En rSalit6, coinine IL.débiteur Ctiiitdc'faillniit,Iç tribunal n ordoiin; I:i
5niaie sans appr;!li~risioncles r6cfl)isséiprovisoirei clrs :ictioiis. \'oili In
raison pour aquelle les liéritiers dii dbbiteur. qui avaient les récépiss6s
en leur poii\.oir. ont pii par la siiitcIca Ccliaiig<~ irntrt! d,:.;tirrcsiI;tiiiitif-.
aue la société leura iemis sans resoecter la saisie. Il veut donc une saisie
d'actions, sans appréhension ni de certificats pro;isoires ni des. titres
définitifs,et l'échanxedes récépisséc sontre les titres définitifsn'a étéun
obstacle ni Ala saisie ni à la ventedes actions
Ccqiii iniporte. .\loniiciir Ic I'r,%i(lt lit.c'c,~ justelnent <III'Ic tribunal
ait or<1111nIé Rvente des ~ctions saisies San>a11prc'hen;ioni1ide;titres iii
des réc;i>isseset uue. la socitt; :ii.ant coiiti..t&la \.alidit&et I'cficacit2 de
la saisie'et de la'vente. le TribGnal suprême ait rejeté son recours qui
reposait sur une argumentation très semblable à celle que le Gouverne-
ment belge fait valoir ajourd'hui (A.D., vol. II. p. 558). Le tribunal lui-

mêmea déclaréque la saisie étaitvalable tout comme la vente et que l'on
ne pouvait y opposer le fait que les titres avaient pu passer aux mains de PLAIDOIRIE DE M. UR~A 283
tiers. Il a indiqué que les adjudicataires devenaient propriétaires et
possesseurs des actions du fait de la vente et de l'adjudication, avec le
mêmedroit de propriété et la même possessionque le débiteur avait
auparavant. Il a préciséque les adjudicataires avaient en outre acquisla
possession légitime des actions par la remise de la copie authentique du
iueement d'adiudication. Le Tribunal su~rèmea enfin aiouté - i'attire
> 0
lasuossession des actions sans détenir ou ap~réhendermatériellement leskquérir
.-
tities.
par le Tribunal suprême espagnol.Et c'est cette règle jurisprudentiellepeclo

que la cour d'appel de Barcelone a appliquéedans son arrêt du-$ février
1952. Je crois sincèrement qu'il ne fait aucun doute qu'aussi bien le
le juge de Reus, ont correctement appliqué l'ordre juridique espagnol.2, et

Et je ne crois pas nécessaire de faire la preuve du bien-fondé decette
conviction devant une cour internationale.J'estime en effet que lorsqu'un
tribunal inférieurapplique les règlesétabliespar le Tribunal suprêmede
son pays, on ne pourra jamais soutenir qu'il a commis une violation
groLa Partie adverse a voulu éviter l'a~nlication de cet arrêtDar deux

différents: a) en niant qu'il y a'iparallélismeavec notie affaire;
et bj en prétendant que le Gouvernement espagnol cherche à tirer de cet
arrêtune conclusion qui ne s'y trouve pas. Cesarguments sont tous deux
infondés.C'est ce que nous allons voir en commençant par le deuxième.
Monillustre contradicteur se demande: comment peut-on déduirede cet
appréhension matériellede celles-ci? droits correspondant à des actions sans
. -
La réponse est très simple. Le Gouvernement espagnol affirme, et le
Gouvernement belgene peut pas le contester,que cet arrêtdéclarevalable
l'acquisition de la propriété d'actions préalablementsaisies et vendues
sans appréhension physique des titres, ainsi que l'acquisition de la pos-
session des actions par les adjudicataires du fait de la remise de la copie
authentique du jugement d'adjudication. Or, s'il en est ainsi, siles adju-
dicatairesont acauisla ur,~ri.téet la uossession des actions. aui Deutleur
cl'cxi~~r(1,-13z:ociLlL.I'~~rni~~i0o,r.~~liiplit::~1:1:ICI~~II.,? ic.11;f;iciiltC

011 n ;c;ilvin~*i<lit<III~I'nffairt:tiancli5c u.ir le 'I'rihun:iliiiriri.i~i~n,'?il
pas idenfique à celle de Barcelona ~raction. Cela est vrai, mais la con-
clusion que l'on doit en tirer est à l'opposéde celle qu'en tire la Partie
adverse. Dans l'affaire de la sociétéFolev elStur~es.aui avait recouru en
1917, il s'agissait d'lin débiteur qui ;oulait, ivec ia complicité de la
société,soustraire aux créanciersles titres d'un certain nombre d'actions.
Dans le cas de Barcelona Traction. il s'agit d'une débitrice qui a voulu,
;ivcc la suriip1i;it; i3t.qag<-nts rtdc se,lili.ilcc~~lllr1lornputri 11.iwircri
tout 5111p3triiiioiric. La diilCrcriccoiri,i>tt-
en r<.<III~1;1 -u;ii't: 1'nli.it iturzs, CtziitiiiilL~rii.ii~l:~t,:s3sioci:~.
alors <u'~bro, Cataloniai, ~arceltnesa, etc., étaient des alter ego de
Barcelona Traction, qui possédait toutes leurs actions. Foley, directeur
de la sociétk, n'était que l'ami de Sturges, le débiteur; en revanche,
MM. Lawton, Menschaert, Puig Doménech,etc., n'étaient pas des amis
maisdesagentsdeBarcelonaTraction. Iln'est donc pasnécessairede juger
dela bonne oumauvaise foidesuns et desautres. Les faitssuffisent en eux-284 BARCELONA TRACTION
mêmes,Et le défautd'identiéabsolue entre les deux affaires - la Gourl'a
compris - n'avantag- -as pa-ticulièrement la thèse du gouvernement
demandeur.
Il est donc clair qu'en cas de saisie ou d'exécutionsingulière ou uni-
verselle portant sur des actions, on peut procéder,en vertu d'un acte de
l'autoritéiudiciaire - le iuaement déclaratifde faillite dans notrecas -.
à la saisie;ntégraie des d;oi'tss'ociaux,sans que l'appréhension matérielle
des titres ne soit nécessaire. Telleest la règ.e q.i résulte clairement de
l'arrêtdu 17avril 1917.
Mais il y a plus, Messieurs les juges, la disjonction entre droit et docu-
ment est encore sensiblement plus grande dans notre système juridique.
Elle apparaît: a) dans certaines hypothèses où, bien que la qualité de
titulaire du droit soit démontrée,il ne peut pas diposer du document; et
b) en cas de saisie de la valeur d'une lettre de change.
a) Le premier cas énoncécomprend la perte de la lettre régiepar les
articles 498 et 499 du code de commerce et tout particulièrement les cas
de vol, qualifiéou simple, ou de perte de titres au orteur (art. 547à 566
de ce mêmecode). Dans touscescasil est clair que ecode autorise I'exer-
cicedu droit par le titulaire dessaisi du document. La Partie adverse fait à
nouveau preuve, 21cet égard, d'une information insuffisante sur le droit
interne espagnol (VIII,p. 215). C'est en effetà tort qu'elle prétend que la
loi autorise seulement en cas de vol ou de perte de titres au porteur
l'émissiond'un duplicata permettant la preuve et l'exercice des droits.
Notre code autorise au contraire lesjuges ou tribunaux saisis de l'affaire A
permettre au titulaire dessaisi de toucher les intérêtsou dividendes des
titres, voire leur capital s'il devient exigible avant que le duplicata ne
soit délivré(art. 552 à 554 et 562 à 564).
b) La référenceau cas de la saisie de la valeur d'une lettre de change
nous est suggéréepar l'allusion que la Partie adverse fait à la lettre de
change (R., p. 421, et VIII, p. 215) pour tenter de démontrer que ledroit
est inséparabledu titre. En droit espagnol, comme en tant d'autres, on ne
peut pas mêmeprendre ce cas comme exemple d'une indissociabilité
absolue. La saisie de la valeur de la lettre de change est traitée à l'ar-
ticle 491 du code de commerce dans les termes suivants:

nLe paiement fait au porteur d'une lettre de change échuesera
présumévalable s'il n'est pas précédé de la saisie de sa valeur sur
décision judiciaire.»
11est à remarquer que la règle parle de «saisiede la valeur de la lettreii
et non pas de saisie de la lettre elle-même entant que titre. Dans le com-
mentaire au'il fait de cet article dont l'interprétation est assurément dis-
cutée,le p;ofei.;cur (;arrigucs rcjctt13th&siioutcnur par notre Tritmnal
supreme dans son arrEt du R no\.eint>re 1933. et afiriiie que:
.~-
rDans le conflit entre le porteur de la lettre dechange et le créan-
cier qui saisit la provision, le code de commerce donne priorité à
ce dernier ... en ce sens que l'article 491 n'exige pas la saisie de la
lettre de change mais celte de sa valeur ... et ,paralyse le paiement
normal non seulement vis-à-vis du tireur, mais encore vis-à-vis du
porteur B(Tratadode DerechoMercanlil, II, Madrid, 1955.p. 509).
Personnellement, je pense égalementque la règleen question implique
une dissociation entre le droit et le titre. Cela me semble conforme à la
disposition correspondante du précédent code de commerce, qui seréfsrait expresjémeut àla saisie de la valeur la lettre de change en cas
de faillite du porteur (art. 496 et 497). Quoi qu'il rn soit et quelles que
soient les uuerelks auxauelles I'intrmrètation de cet article a donnélieu.
ilest en toit, c&,clair plusieurs c6mmercialistes espagnol*considérent
la saisie de la valeur d'une lettre de change: c'est-&-direen-ce aui con-
cerne le titre-valeur parfait p3r excellence.
Or.ilne faut pu croire qu'il s'agissc là d'une position originale et eu-
cIusi\,e de notre (Iroit. 1.eGou\feruement belntentc:de contester. dans
ses exposésoraux, la portée de.la jurispruaence internationale citéeà
ce propos par le Gouvernement espagnol, en affirmant qu'elle concerne
des casde confiscation. de nationalisation différentedu cas de la faillite
(VIII, p. 220). Cet argument est cependant sans valeur, car dans l'un et
l'autre cas- dans la faillite et dans la confiscation ou nationalis-.ion
la séparation du droit et du document résulte d'un acte d'autorité. soit
judiciaire, soit administratif.
Laséparationentre le droit et le document, en casde nécessité absolue,
se trouve en outre consacréevar d'autres arrêtsqui ne concernent ni la
confiscation ni lanationalisaiion. Si louv verne bmelenatbesoin de
rcgle et la nécessitédont elle découlesont en effet ancienn-s-en lisant
1''arri.tde la Cour de cxssatiori franqaire, du 31rn:ii 1848
frern~~rctontre hevil~ersï'apliinoSirey, iY.+S 1,144)1.
autre cas ~ltis i)roclit dans le temi>set ulus voibin de l'aflnire srrbii~dice.
c'est ce1u;cita plusieurs reprises de 5'LAnfo?zioLand. Je me pérmets
d'y renvoyer la Cour.
II nous faut toutefoisdireque la position de la Partie adverseen arrive.
sur ce point,& des extrêmesvéritablement insolites. Pour compléterla
thèse de la nécessitéde l'appréhension matérielle des titres, qui eût
combléses désirs, elle est alléeusqu'à nier que le failli et les tien aient
l'obligation de remettre aux organes de la faillite les biens du failli se
trouvant en leur pouvoir. Il semble tout simplement antijuridique d'allé-'
guer, d'une part, que l'appréhension matérielledestitresest indispensable
à la saisie d'actions dans une faillite et, d'autre part. que le failli n'a pas
tout simplement àelégaliserla fraude et l'abus! en son pouvoir. Celarevient
Dans ses exposésoraux (VIII, p. 218-219).la Partie adverse a continué
& contester ce devoir du failli avecun argumentqui est courant chez elle:
aucune règle ou aucun principe n'établirait l'obligation du failli de re-
mettre les biens et documents aux organes de la faillite. Nous devons
donc conseillerà Ia Partie adverse de lire attentivement l'article 890 du
code de commerce, qui qualifie de frauduleuse la faillite de quiconque
détourne tout ou partie de ses biens ou se livrà d'autres actes au prb.
judice de ses créanciers; nous citerons également i'article 520 du code
pknal qui sanctionne les faillites frauduleuses.
Bien plus. Dans le droit moderne de la faillite, cette obligation de
remettre les biensaux organes de la faillite, iuhérenteà la natureàela
fonction même se la procédure,est tout simplement la conséquenced'un
faiiIite pour permettreàevla procédure d'atteindre son but.l!ette obli-
gation de collaborer imgique non seulement la remise des biens. mais
encore la remise de tous les documentsquipeuvent faciiiter ledéroulement
de la procédure.286 BARCELONATRACTION

Evidemment gênée par cette fâcheuse réalité, laPartie adverse affirme
que le failli doit seulement tenir ses biens à la disposition desorganes de la
faillite. mais non pas les leur remettre. Voilà qui est surprenant! Suppo-
sons mémeque cela soit vrai. Nous devons alors demander: quand Bar-
celona Traction a-t-elle tenu des biens à la disposition des organes de la
faillite?
Nous ne saurions non plus admettre que l'on conteste l'obligation de
remettre les biens en alléguant que National Trust étaiten possession des
titres ou certificats. Bien que la Partie adverse n'y ait fait qu'une simple
allusion dans son exposéoral. nous devons signaler qu'en droit espagnol
les tiers qui ont en leur pouvoir des biens du failli ont l'obligation de le
fairesavoir aux organes de la faillite (art. 1081 du code de commerce de
1829). SOUS peine de complicitédu délitde faillite frauduleuse (art. 893
du code de commerce et 522 du code DénaIl.C'est ~ourouoi nous affir-
mons, et nous répétons, Ge National ?rus( avait détouie façon l'obli-
cation d'indiquer aux oraanes de la faillite quelles étaientles fiertenencias
du failli au'efle avait enson e ou voir. sans bue sa résidencedans un Davs
autre que'celui du siègedu fdlli ne 1; libère'decette obligation. ~ais'siSe
trust avait véritablement considéréque son droit de garantie lui permet-
tait d'exercer un droit de séparation de la masse de la faillite (art. 918du
code de commerce) -comme le prétend la Partie adverse -, il aurait dû
le faire valoir lorsqu'il fut légalement mis en demeure de remettre les
documents et berlenencias du failli Dar l'inte~méd~ ~re~ ~ ~~~-~voué. ~I~
n'a pas procédé à cette remise et s'egtborné à alléguer,sans motif aucun
(cf. A.D., vol. II, no 85). le défaut de qualité de son représentant pour

recevoir la mise en demeure. On s'explique dès lors facilement que, dans
ses plaidoiries, le Gouvernement belge ait passé aussi rapidement que
~ossible sur cette auestion.
Le ~ou\~erneme~t espagiiol rcproche i la Uarcclona Traction. et il
regrette que le Gouvcrnemt.nt belgt s'ot>itirir i rit.p:ii It cornprendre.
d'avoir abusé des forriiesluridiqucs cn plarant les titrcs ail Canada dans
le hut de b&ii&ficiedr'une iprotrction naturcllc icontre Icî fut~irrs:ictions
des créanciers.IIe,t surprenant qiie 1,:Couvi:rnenicnt helgc. qiii a reronriii
tout cela devarit la Cour lors<iu'ila e.xnoi>sa théorie dcla .st>riliiatiori,
de la faillite esl~agnult..u,e'mairitt~i;aiit prït~.iiilrc (lut: I'appri.lir.ri>ii,n
rn:itL:rielledes titres a fait d6faut lors de In >ai,ic, lors de l'exerciceet lori
de la vente des droits
L'apprCtiensionm:iti.riellcdes titrt-s ri';t:ni:fft,pas CU li<.iparcc qii'<:llc
n'était pas nesessairc i:t parc,: que la IIarcelona Tractioii l'a renduc im-
~ossible en \,iolant son oblir-tion <IrIc; Ii\.rer. C'i:l:ilit:rioiiv:iit toiitcfois
;)as faire obstacle :+ la saisi,: dcs droits ~orrci~ondant' nus actions cles
sociétk filiales et cettc iaiiie a r.ffectivement <tépratiquCe li ou clle
devait l'être, c'est-à-dire en Espagne. Le Gouveinemënt espagnol a
montré dans la duplique (p. 356 et suiv.) que les droits correspondant à
ces actions étaienteffectivement situésenEspagne, conformémentan droit
espagnol. La Partie adverse n'a rien répondu dans ses plaidoiries à cet
argument qui avait réduit i néant latentative faite dans la répliquepour
soutenir le contraire. II ne nous appartient évidemment pas de rompre le
silence significatif de la Partie adverse.
Il me reste à traiter une dernière question au sujet de la saisie sans
appréhension matérielledes actions des filiales de la BarcelonaTraction:
il s'agit de la prétendue lésion desdroitsde National Tmst.
Nous avons ici un nouvel exemple particulièrement significatif de la PLAIDOIRIE DE M. UR~A 287
manière de procéder de la Partie adverse. Le Gouvernement belge
s'intéresse tellement à la noble cause de National Trust qu'à force de
chercher des arguments pour sa défenseil a fini par décou\.rir, vingt ans
après la déclaration de faillite, qu'il pouvait faire valoir un droit à la
séparation de la masse en ce qui concerne les actions et obligations qui se
trouvaient. d'a~rèslui. en os sessionde National Trust. Le eouverne-
mint dekandgur a lin ;ment développé cegrief dans 1à'réplique
(p. 438 et suiv.) en fon ? ant son argumentation sur une idéede génie,
que je citerai intégralement: -

"En outre, en vertu d'un principe universellement reconnu,
également consacrépar l'article 918 du code de commerce, elle
n'était tenue, en sa qualité de créancière-gagiste,de remettre les
biens donnésen gage à la masse que contre paiement intégral de la
dette garantie par celui-ciu (R., V, p. 440).
Le principe universellement reconnu n'existe, naturellement. que dans
l'imagination du Gouvernement belge. Nous l'affirmons parce que nous
avonsdéjàdémontrédansladuplique (A.D.,vol. II, no83, p. 375et suiv.),
que le iprincipe universellement reconnu ialléguéest totalement inexis-
tant. Les différentes législationspeuvent, au contraire, se classer en cette
matière dans deux groupes distincts: les législationsdu premier groupe
qui sont favorables à une liquidation unique, c'est-à-dire au maintien
dans la masse de la faillite des objets donnésen garantie; leslégislations
du second groupe qui suivent le principe de la liquidation séparéeet
reconnaissent un droit de séparation à tout créancier bénéficiand t'une
garantie réelle. Malgré lesallegations contraires du Gouvernement belge,
il a également étédémontrédans la dupliqueque l'ordre juridique espa-
gnol s'inspirait incontestablement du principe de la liquidation, uiiiqiie.
sous réserve de aue.aue. exce~tions, notamment celle prévue ~our le
a: 1rtc 1 . /\]irts iivoir 1irocéàCun ex;iinen np]>rofoiidict ob-
jectif decette disposition et dcs r;gles de gnriintie prt\,iies par les Tri~s(
Dridr, le Gori\.erril:nient esp3:iii:id.'niontr; daris 13 dupliil~ieqii'3uîsi
t,icii I>norl;.rgyiic I;i~lo~litichnrrc n'it:iientquc clesfornirs atypiqiizs
(1, K:ir.inriqiii rir~,~u\'ciiitrç cornpri;cs d;ini le cns cxceptionncl du
prévuài'articlë 918.
Le Gouvernement belge n'a pas répondu à cette argumentation dans
ses plaidoiries. 11s'est contenté d'affirmer que la thèsedu Gouvernement
espagnol, selon laquelle l'article gr8 était inapplicable, étaitune c thèse
inexacte i,(VIII,p. 235). Il n'a cependant pas dit pourquoi.

L'arrdienceest levéeR 13 heures TRENTE-DEUXIÈME AUDIENCE PUBLIQUE (4 VI 69, IO h)
Présents:[Voir audience du zo V 69.1

M.UR~A: Au cours de l'audience d'hier, nous avons w que la décla-
ration de faillite de Barcelona Traction a entraînéle dessaisissement ~ ~.a
iocii.tt. faillie.Jcejuge a corrcctcment ordonnéla saisit. <lesdroits qu'a
cette socii-tCauprésde ici filialeset uurles droits d'aiiocibs dont parlait
cette décisionont pu Stre saisis en Eipagne sans appréhension physique
des titres ou ricépissésdes actions.

III

Je passerai maintenant, Monsieur le Président et Messieurs les juges, &
l'examen du troisième et dernier paragraphe de ce chapitre: l'exercice
légitime, par les organes de la faillite, des droits dont ils avaient été
investis par suite du dessaisissement de la faillite.
Le, c~nsi<lbrationsqui prGcédentont d6niontrél'absence de fondement
de la tlikse ad\,rr.;e d'apr;, laqurlle la saisie dcs droits correspondant aux
actions des filialesne Guvait as intervenir sans a~~réhensiônmatérielle
des titres. Il convient maintenant de répondreLa l'argument d'après
lequel les organesde la faillite ne pouvaient pas exercer valablement les
droits de la société faillieavant d'avoir matériellement appréhendéau
Canada les titres des actions. II ne s'agit, en réalité,que d'un nouvel as-
pect de la mêmethèse déjàréfutée. Le Gouvernement belge affirme (R.,
V, p. 421) que tant que les organes de la faillite n'avaient pas saisi maté-
riellement les titres les droits des actionnaires ne pouvaient êtreexercés
que par les possesseurs ou détenteurs de ces titres, «y compris la société
faillie elle-mème n.
Cette dernière affirmation est totalement inexacte pour tous les systh-
mes de faillite analogues à celui en vigueur en Espagne. Notre système
pose le principe de l'incapacité absolue du failli.Comment le Gouverne-
ment belge peut-il prétendre ignorer une règle aussi claire que l'ar-
ticle 876 du code de commerce? Le droit espagnol de la faillite ne laisse
Dasla dace au moindre doute. La sociétéfaillie.la Barcelona rraction.
'n'aurajt jamais pu exercer les droits attachés aux actions de ses filiales:
Dèsl'instant précisde la déclaration de faillite, elle est devenue totale-
ment et absolùment inca~able d'administrer et de disuoser de ses biens et
tous les actes de cette soke qu'elle a pu effectuersoniradicalement nuls.
L'affirmation du Gouvernement bélgene peut donc s'expliquer que par
un regrettable désird'induire la Cour en erreur. Son ignorance ne peut,
en effet, pasêtreadmise dans ce cas.
Ceci dit, je vais répondre A l'argumentation développéedans les plai-
doiries de la Partie adverse. Le Gouvernement belge a regroupé ses
lonian et les actions des autres sociétés.e les actions d'Ebro et Cata-
a) 1.t.Gouvçrrii:nient brlgr affirme que lrs actions d'Ebro et Catalo-
nian étaient nomin:itivrî rt que Ir.registres ttaient tenus énOntario par
~ati~iiai 'l'ru5t.IIaioute aue lesorcanei dr la faillite de~aieiit nécrqsaire-
ment se faire inscrire sui ces reg%tres pour pouvoir exercer les droits correspondant à ces actions et contrôler les deux sociétés.Pour cela, il
aurait fallu décernerune commission rogatoire auxtribunaux du Canada
pour qu'ils ordonnent ladite inscription. Nous ne voulons pas revenir ici
sur tout ce que cette position implique. Nous nous sommes déjàexprimés
au sujet de cette iiprotection naturelle D imaginéepar la faillie et sur ses
erreurs de calcul.
Ce qui importe maintenant, c'est de répondre à l'affirmation répétée
selon laauelle ciseul peut exercer les droits celui aui est inscrit sur le
registreici artioni ndininari\.cs > R ,\',p 412.417, nutc 1,t.1114'1 .1.'
Goii\~i~irir~~iiriilgv :iri1Gi; <:tttcaiïirrn:.tionj.:gri;t;pcndani Icj plai-
doiriesen précisant qu'eiméconnaissant ce~rinci~ele juge avait commis
à la fois une violation de l'ordre juridique espagnol et une usurpation de
la compétencedes tribunaux canadiens (VIII, p. 221). Du moment que la
Partie adverse n'y a pas répondu,je ne répéteraipas ce qui a étédit dans
la duplique à ce sujet (VI, p. 354). Je tiens toutefois à faire deux obser-
vations.
r. Personne n'a indiqué au juge de Reus que les actions étaient nomi-
natives et personne ne lui a parlé des registres des actions tenus par
National Trust. On lui a dit exactement le contraire. Dans le recours en

moment de la déclaration de faillke,'parce que ces actions étaieiit au
porteur - je dis bien au porteur, Monsieur le Président et Messieurs les
juges! - et qu'elles pouvaient, par conséquent, êtretransféréesavec la
plus grande facilité(A.C.M.,vol. VIII, p. 26). La duplique a fait état de
cette affirmation (VI, p. 453). mais la Partie adverse a préfërél'ignorer
afin d'éviter toute explication. Est-il admissible de tromper un juge sur
les faitset de l'accuser ensuite d'avoir violégrossi6rement les règles de
droit applicables aux faits qu'on lui a dissimulés?
2. Passons maintenant aux arguments de fait. Le professeur Van Ryn
dans sa plaidoirie, et M. Pattillo,dans sa consultation,ont affirmétous
deux qu'en application du droit d'Ontario les droits inhérents aux
actions nominatives ne pouvaient êtreexercés que par les personnes
inscrites sur le registre de la société. Si celaest exact, il faudra que l'on
nous explique le faitsuivant: on nous a dit (VIII, p. 197) que le receiver
nommé par le juge d'Ontario avait pris part à une assemblée générale
d'Ebro, réuniele 30 avril 1949au Canada (A.C.M.,vol. VIII. no 94, p. 75
et suiv.). et qu'ily avait ((exercédirectement les droits de vote afférents
aux titres dont Barcelona Traction avait la possession et qui étaient en-
registrés au nom de cette dernière >>.I semble donc, Xlessieurs, que le
receivera pu exercer directement les droits de vote sans êtrepréalable-
ment inscrit au registre de National Trust, et cela bien qu'il n'eût besoin
ni de commissions rogatoires ni d'un exequatur impossible à obtenir.
M. Pattillo a également reconnu, dans sa consultation, que le receiver
exerca le droit de vote corresaondant aux actions des sociétésfiliales de

de Barcelona Traction.
hl.Pattillo nous révèledonc, dans saconsultation, et le Gouvernement
belge nous confirme dans ses plaidoiries (VIII, p. 197) q.ue le receiver
pi1voter avec les actioiis des filiales en vertu des pouvoirs et de l'autorite
que le tribunal et le droit canadiens confèrent à un recevier. Les deux 2Qo BARCELONA TRACTION

situations étant identiques, il faut dès lors admettre, Monsieur le Prési-

Contrairement à toute logique, le Gouvernement belge invoque pour-
tant la Iéeisiation de l'Ontario Dour affirmer aue le séauestre-déuositaire
espagnol "ne pouvait pas exercér ces droits âvant de S'êtrefaif inscrire
sur le registre des actions par le moyen d'une commission rogatoireet

d'une décisiond'exequatur. Ceci alors que le receiver avait pu exercer les
droits correspondant aux actions sans aucune inscription dans ledit
registre. La Partie adverse s'étonne ensuite de ce qu'on lui reproche de
professer que ce qui est bon pour les uns ne l'est pas pour les autres!
b) Si vous me le permettez, je passerai maintenant, Monsieur le Pré-
sident et Messieurs, à la question de l'exercice des droitssur les filiales de
Barcelona Traction constituées en Es~aene et de nationalité es~aenole.
Les actions de ces filiales, proprié<&;je Barcelona Traction a foo%,

étaient des actions au porteur. D'après la thèse belge, les orKanes de la
faillite ne ~ouvaient ~âs exercer lei droits de vo~e ~orres~orïdant à ces
actions tait qu'ils n'akaient obtenu la remise des titre; par le moyen
d'une commission ro~atoure et d'une décisiond'exequatur dont l'obten-
tion était impossible.
Signalons, tout d'abord, que la position adoptée à ce sujet par le Gou-
vernement belge dans sa plaidoirie marque un net recul par rapport aux
thèses qu'il avait soutenues dans la réplique. Dans la réplique, le Gou-

vernement belge affirmait que la possession était un faitet que celui qui
avait la possession physique des titres était le titulaire du droit. Nous
avons déjà vu que mon honorable contradicteur reconnaît maintenant
que le titre et le droit peuvent se trouver entre les mains de deux per-
sonnes distinctes sans que le titulaire du droit ne perde ni son droit ni la
possibilité de l'exercer. Il a tout simplement admis qu'il était possible
qu'un tiers non titulaire possède le titre alieno nomine, c'est-à-dire pour
le compte d'un Dossesseur médiat.

'l'rii~t;In11po~ic.s;c:iirdcstitr5si1iilurneiit (\c la ri<'ciar;i(It'la f;iiiiitl>.
rlli: nr [~ou\,iit I'c'trrlii'~11~1t?1ii~nii>rc'rat i-dire pour Ic compte de
I<arcclon.i'frac-tion. I.)is Ic iiiom~nt oii 13aiscloiinTraitioi:iCti dcçi;ii;ie
par la déclaration de faillite et où le pouvoir de disposer et d'administrer
ses biens a passéaux organes de la faillite,National Trust ne pouvait plus
être, dans le meilleur des cas, que possesseur pour les organes di la

faillite, eux-mêmes possesseurs médiats. Si la possession médiate des
titres suffisaità l'exercice des droits de la Barcelona Traction avant la
faillite, il est évident que cette même possessionmédiate devait égale-
ment suffire à l'exercice des droits des organes de la faillite après la
déclaration de faillite.
Il n'est pas possible de contester cette conclusion en alléguant que la
déclaration de faillite de la sociétépropriétaire des actions n'affectait pas
National Trust. Cela n'est en effet pas vrai. National Trust était à tel
point affectéaue. comme nous l'avons vu. il avait l'oblieation nde tenir

ies titres à la disbosition des organes de 1; faillite espagnols ». Comment
peut-on. dèslors, nier que National Trust était,du point de vue du droit espagnol, possesseur des titres alieno nomine et pour le compte. des or-
ganes de la faillite?
Tout ceci démontre aue la déclaration de faillite avait donnéla DOS-
session médiate des tities aux organes de la faillite. II n'est donc mime
pas nécessaire d'invoquer la séparation entre le droit et le titre pour
Constater que rien ne pouvait s'apposer à ce que les organes de la fajllite
exercent les droits sociaux correspondant aux actions.
Je ne voudrais pas toutefois mettre un terme à la présente partie de
mon exposé,Monsieur le Président,sans mentionner deux faits précisqui
révèlentclairement la façon dont les sociétés auxquellesparticipait le
groupe de Barcelona Traction accueillirent l'exécution des mesures
qu'avait ordonnéesle juge de Reus en vue de la saisie des droits de la
sociétéfaillie.
Le groupe de Barcelona Traction avait - le fait est bien connu- une
participation dans les sociétésProductora de Fuerzas Motrices, S.A. et
Carbones de Berga, S.A. Le groupe était représentédans les conseils
d'administration de ces sociétés pardes personnes qui étaient tout à la
dévotionde Barcelona Traction, MM.YuigDoméuechet hlenschaert, etc.
Eh bien, lors des premières assembléesgénéralesd'actionnaires que tin-
rent ces deux sociétésp, ostérieurement la faillite de Barcelona Traction,
ce fut M. Alegre, en sa qualité de président d'Energia Eléctrica de Cata-
luîia, d'Union Eléctrica de CataluÏia et de Barcelonesa, qui se présenta,
en compagnie de M. Gambiis, le séquestre-dépositaire, pour exercer les
droits d'associésinhérents aux actions du groupe. Aucun des associésne
vit le moindre inconvénient à ce que ces deux personnes prennent part
aux assemblées généraleset même, à la demande de M. Alegre,lesdeux
sociétésadoptèrent la décisionde relever de leurs fonctions les anciens
administrateurs qui jouissaient de la confiance de Barcelona Traction
et de désigner,en revanche, M.Alegre pour êtremembre du conseil d'ad-
ministration. La duplique (A.D., vol. II, no'81et 82) relate en détailles
circonstances de toutes ces modifications auxquelles 'e iiens de faire
allusion. Pour &trebref, je m'en remets au texte de la duplique. Eu tout
état de cause, je me suis permis de rappeler ces faits qui attestent que
même à cette époque, immédiatement postérieure à la déclaration de
faillite, les personnes qui avaient des liens avec Barcelona Traction
étaient les seulesà contester l'exécution des décisionsdu juge de Reus.
Ici prend fin, Monsieur le Prhsident, Messieurs les juges, mon exposé
consacré à la saisie des droits de la faillie sur ses filiales àtl'exercice
(lt,xiiri droit, par Ir3org:aii,,s1;f;~illitc.1.~3:giguiiicnti qiir iioui ;i\.oiis
oppnc,:: ;iiix raisonnciiirnti yliii ou riiuirii 1inliili.sinni- coujour, fr3gilr.j
di: la I'nrtir ndvcrsc nnu; iwrriietttnr d';<flirriuiirlois il<.DIU:tluc Ic-.
tribunaux espagnols ont toujours agi avec la plus grande kectitkde et
dans le plus profond respect des règlesde notre ordre juridique.
Avec votre permission, Monsieur le Président, j'aborderai à présent la
troisième partie de mon exposé, qui a trait aux mesures de saisie des
actifs des sociétés filialet à la Nnormalisation » de celles-ci, intervenue
ultérieurement.
LA SAISIE DES ACTIFS DES FILIALES
A propos des mesures de saisie des actifs, le Gouvernement belge s'est

attaqué avec une ténacité toute particulière au fondement mêmede
affirmations fondamentales: son argumentation essentiellement sur trois 292 BARCELONA TRACTION

le juge n'a pas respectéla personnalité moraledes sociétés filiales:
le caractère unipersonnel de ces sociétés nefaisait pas obstacle à ce
que leur personnalité soit diiment reconnue et respectée;

C) l'idéedefraude ne suffit pas àjustifier les mesures de saisie ordonnées
par le juge.
E~ ~t donnéaue la Partie adverse a tant insistésur ces idées.tout au . ~ ~
luiig(1~s~>l.iicloiriei ,,Goii\~criieiii<:nct':l~:igiiol: voit contr:iint i rï\.ciiir
sur cri trois ;ifiiiiiationi fùii(laineiit:il~~.;iiin (IV )iijtiiii.r,?la lunii2rc
du clroir~.]~:igiir,l1ordrc clc <~~E.Ict t i C~~II~>IIIICII~I;

: l'uur .iI,pii!vr icipr~iiiiLiri: fiiriiiation i >iiwir ~IIC le juge h ürLi-
tr>ir~.riirritiri;~i~riiil:,i>~rsoiinalitii~ri~liiiii~ .es .~,ci;.ti; lilinlcsIorsiiii'il
a pris les mesures de skie de leur; actif;. la Partie adverse a consicré
toute la première partie de son exposé(VIII,p. 148 à 154) à la reproduc-
tion et à l'analyse du texte des décisions,déjàbien connues. des rz et 25
février1948et des 9, 17et 27 mars de la mêmeannée.
IIn'y a pas lieu. à présent,de se livrer à nouveau à l'examen minutieux
des décisionsjudiciaires, car il figure déjàdans la duplique (VI,p. 423 et
suiv.). Je me permettrai donc. Monsieur le Président, d'y renvoyerpour
l'essentiel, en me bornaiit aux quelques référencesconcrètes qui seront
necessaires.
Voyonsd'abord, àcepropos, le jugement déclaratif defaillite du 12 fé-
vrier 1948. Il ne peut êtrequestion d'interpréter ce jugement cornme le
fait la Partie adverse. S'il est vrai que la mesure de saisie, d'ocupacidn,
des actifs d'Ebro et de Barcelonesa s'explique par le caractère uniper-

sonne1de ces sociétéset par la constatation de l'évidente réalité , savoir
que Barceluna Traction disposait des biens propres des filialescomme s'il
ne s'agissait que d'une seule entreprise - mon collègue. le professeur
\Valdock, nous a d'ailleurs tous éclairéssur ce point - ce fait ne pre-
Siil)l>o;:tit;iuciiiiciiii.Iü ii>g:itioiide 1;t~~,.raonn;~litn ;,ior;ilc<Ici ii1islr.i.
II iii.i(lriii;~il~lrqiicI'OIIpr;.teii<lvcc~iifoiiclre]~crionii:ilitL:ct });itri-
moiiic. car il,-:t 8vid~iit (iue dcs mcji1re.ii,eu\.~,rit;.Ire i~rise; i 1'c-a:irddu
patrimoine d'une société;ans détruire la personnalité décelle-ci.
L'intention très nette de maintenir intacte la personnalité des filiales
transuaraît clairement dans le iueemen, déclaratif de faillite. L'on ne
pcut icrtcs ~>jjdirc <luele juge ;i \.oulii IIiiivr.alors clu'ilprciid. dans ce
nlèmr jiijiriii~~nt(.le; mcSi1rL.tE e.n(iai1t rior:mimrnt 3 autoriwr Icsorgnnr's
(le Iiifaillittà r<\.ooiic.rle i>cr~oiiiie ll.ce; socir'téjctivn iiuiiin1c.r (l'autre.
ou encore à « opérrr la sakie (oczrpacidn)judiciaire qui s'imposait auprès
de Riegos y Fuerza del Ebro et des autres sociétés, ainsiqu'auprés de

Barcelonesa de Electricidad 7,.mesures qui sont toutes absolument in-
compatibles avec la prétendue négationde la personnalité morale.
Par ailleurs, la Partie adverse nous a dit (VIII, 148) que le juge s'est
borné à résumeret à re~rendre lademande ritelle au'elle a été introduite
pnr Ic.i,ctqiii.rnnti1i I:ii;iillite Oril~51 ;,\.iilenrqiir ia rcr(u;it: nc iIi.rnnn~lé
;i nuiiiii inoiiii.iit qiic soir dc'~I:ir;:teinic I:i ~ii.r~unii;~lit(;1s.ifili>lcj. ail
contraire il v est clairement indiaué a. .les rëauérants. tout en considé-
riant I<K fili:;lc;ioiiime dcj 50ciCtLis U~II~~~~~OIII I*~IprC:~te,i~~I:iieitiij
qiir l'on aiIli. jiisqu'i faire disparaitre Iciir prrsonii:ilit; (L) \'IV1) -12.1).
1hiii lei (lécisioiisi)ost;.riturcs üii iiicrment di] 12 f&rier. il ii't:swi
non plus fait appel à l'extinction déla personnalité morale des filiales
pour justifier les mesures prises. La duplique a parfaitement expliqué
(VI, p. 426), et ce sans aucun de ces uexercices de sémantique o que la PLAIDOIRIE DE M. UR~A 293

Partie adverse nous impute chaque fois qu'il lui convient de masquer la
~érité~commentd ,ansson jugement du25 février1948l, ejugeautilisél'ex-
pression N c'est comme si la personnalité ...disparaissait n, Ourjustifier
la saisie des actifs tout en respectant la personnalitémorai deS.filiales.
Le juge a utilisé cette formule pour-expliquer certaines mesures de
précaution absolument nécessairespour défendreefficacement les intérêts
aes créancierset parantir I'intanpibilitééconomiquedes biens de la masse.
Tenant compte des mêmese>iigences. le jug'e affirmaen effet dans
d'autres dkcisions, et notamment dans l'ordonnance du 9 mars 1948 et
dans le ,u"ement du 17mars 144,.le manaue d'indépendance des filiales.
el cc tout cn respectant leur perionri:ilité1.2preu\.c iiisonte,r;~l)cilcjt
quc. dans cc iugemcnt. lc juge iridii\unit iEbro que sielle ~oiilnitItt;i(pirr
lésmesures ;lesaisie auila-concernaient elle Üouvait avoir recours à la
procédure de terceriade dominio. Est-ce là méttre fin à la personnalité
d'Ebro? Certes pas. Le fait d'admettre la possibilitéd'un recours par la
voie de la terceria de dominio implique, bien au contraire, la reconnais-
sance, sans équivoqueaucune, de la personnalité du tiers revendiquant.
Aucun doute n'est possible à cet égard.
En définitive, donc, ce qu:a fait le juge c'est respecter la personnalité
moraledes filialesen reconnaissant leur caractère de sociétésdépendantes
de la sociétéfaillie.
Lorsque, dans le jugement déclaratif de faillite lui-mkme, le juge a
parléde la saisie del'actif d'Ebro (,sans préjudicede son fonctionnement n
(sin detrinsentodesfrfuncidn) (D.,VI,p. 427et suiv.), il a tout simplement
voulu dire aue la saisie devait se fairesans au'il soit porté~réiudiceau
fonctionnement de la sociétéfiliale en tant que pe;sonne'morale. La
Partie adverse a spéculéinterminablement sur cette formule, en nous
faisant grief da cueillin cinq mots pour démontrerque le juge a respecté.
dans le jugement déclaratif de faillite, la personnalité morale des filiales
VI p. 186). Ce n'est pas de cela au'il s'agit. Nous reprenons cette
formulé parce que nous y voyons ~ne'~reiivede plus que'la lecture du
jugement déclaratifde faillite et des décisionspostérieuresmene, en inter-
prétant les choses d'une façon logique et systématique, à une conclusion
certaine: la saisie des actifs ordonnéepar le juge neportait pas atteinte à
la survie des sociétésen tant que personnes morales.
C'est li une interprétation cohérente que La Partie adverse voudrait
remplace: par une autre interprétation, qui n'a aucun sens et selon la-
quelle le juge, contre toute logique, auraità la fois méconnuet confirmé
la personnalité des filiales.
Tout cela est absurde. Un grief sérieux ne peut se fonder sur quelques
mots ou expressions glanésde-ci de-là et cela va à L'encontredes règles
d'interprétation les plus élémentaires.En effet. les actes contemporains
ou postérieurs du juge de Reus ou des ju esspéciauxqui sont intervenus
dans la procédure, loin de confirmer la tfése de la Partie adverse, impli-
quent de façon constante la reconnaissance <lela personnalitédes filiales.
Il est donc aiséd'expliquer ce qui s'est passé: tenu de prendre les
mesures conservatoires indispensables dans toute faillite, le juge, qu'il
emploie une formule ou une autre, une expression ou une autre. ne pou-
vait pas ne pas tenir compte du fait que les sociétés filiales,encore
qu'ayant une personnalité propre ou distincte,étaient néanmoinsdes so-
ciétés absolument dépendantesde Barcelona Traction (D., VI, p. 426 et
suiv.). Ainsi, le juge protégeait les créancierssans pour autant mettre en
cause la survie et la personnalité mêmedes filiales. 294 BARCELONA TRACTION
Rien ne prrmrt d'en douter ni d'ailleursde prétendreque cekiconstitiie
une euplicntinn ;ipostcriori. Glahorée1)uiirIci besoins de II c:iirse II cst
ini~dmi~sible<leforiniilcr des afirni~tions aussi iiicondi~uentc.i d'autant
qu'il vst ;,i,ideiit que la coinp~tiliiciirrrlecoiicept (IcIicrioiirit:morale
distincte et cc:lui d'iiittrdcpendaric~c entre des pcrioniics iiiorales dis-
tinctes est admise et correspond d'ailleurs Aune realitc'indiiciitablc Le
droit esp;igriol lui-msrne le rcconiiait ct !. fair cxprcsséiiiciit rCfCrciice
dans I'eswsE des motifs de la Ley d? EnLidudesEsiufules :lirlonomas. du
26 déce6bre 1958. la loi relative aux personnes morales autonomes de
droit public, qui affirme notamment que, "mêmedans les cas où les en-
titésjouissent d'une personnalité distincte de celle de I'Etat. il ne s'agit
paLe Gouvernement espagnol a démontrédans la duplique (VI,,p. 430).
en invoquant àl'appui des faits concluants,que même pendant les deux
premiers mois qui ont suivi la faillite, les sociétés filialesont continuéà
fonctionnernormalement dansleursrelationsavecles tiers,en:conservant
leur personnalité propre, par l'intermédiaire soit de leur conseil d'ad-
ministration, soit des cadres supérieurs techniques et administratifs qu'il
n'avait pas éténécessairede destituer. Telle est la réalité,et elle est en
tous points incompatible avec la thèse de la Partie adverse fondéesur la
prétendue méconnaissancede la personnalité morale.
B) J'en arrive ainsi à la seconde des affirmations fondamentales du
gouvernement demandeur. qu'il m'appartient présent de réfuter. On
nous dit que, en méconnaissant la personnalité des filiales. le juge de
Reus a commis une violation flagrante tant du droit canadien que du
droit espagnol, puisque tous deux admettent la validité de la société
unipersonnelle.
Le Gouvernement espagnol considère que ce raisonnement repose sur
une prémisse fausse. En effet, on l'a déjàvu, le juge n'a pas niéla per-
sonnalité des filiales. En outre. même sil'on admettait sur ce point la
these adverse que le Gouvernement espagnol rejette. le juge de Reus
est impuiée,parce que d'une part le droit canadien n'éta'itpas âpplkable
au cas d'espèceet d'autre part la doctrine et la iuris~rudence es~aanoles
étaient hosiiles aux sociétisunipersonnelles. , . . -
a) Il n'y a pas lieu de démontrer ici que le droit canadien admet OU
n'admet pas les sociétés unipersonnelles. Quelleque soit la solution que
consacre ce droit, elle n'aurait pu êtreprise en considération par le juge
de Reus, pour cette simple raison qu'en droit international privéespagnol
une loi étrangèrene peut pas êtreappliquéed'officeet qu'en outre elle est
considéréesimplement comme un fait. C'est ce que reconnaissent les
arrêtsde la cour suprêmeespagnole et notamment ceux des 28 mai 1880
(Coleccidnlegislativa, no 166). du 7 novembre 1896 (ibid., no 135). du
15novembre 1898 (ibid., no69). etdu 19décembre1935(ibid., no 115).Et
comme ledroit canadien n'a jamais étéinvoqué à l'occasion de la voie de
recours où il aurait pu l'être,il est évident qu'il n'ajamais pu êtreviolé
par le juge.
b) Voyons maintenant quelle était, à l'époquede la déclaration de
faillite, la position du droit espagnol sur la question de la sociéténni-
personnelle (VIII, p. 165et suiv.).
espagnol admettait avant la mise en faillite et continue d'admettre ladique
sociétéuniperçonnelle et qu'il lui reconnaît la personnalitémorale. Cepen- PLAIDOIRIE DE M. UR~A 295

dant. danscette matière comme à provos de tant d'autres uoints de droit
espagnol, le Gouvernement belge éstnotoirement mal infirmé.
La duplique a déiàmontré (VI,p. 433 et suiv., et annexes quiy sont
citées)Qu'iin'est pas vrai que la doctrine espagnole contemporaine en
matière de déclaration de faillite soit favorableà la société uniperson-
nelle; qu'il n'est pas vrai non plus que depuis l'entrée envigueur de I'ac-
tuelle loi sur les sociétésanonymes la jurisprudence et la doctrine sou-
tiennent, l'une et l'autre, la validité ou la légalitéde la sociétéanonyme
unipersonnelle; enfin qu'il est également erroné de présenter la société
d'une seule personne comme une forme de sociéténormale et inatta-
quable; qu'enfin, il est faux de dire qu'en Espagne l'ordre juridique et la
doctrine n'admettent pas qu'il y ait interdépendance sur le plan patri-
monial entre l'associéunique et la société.dans la mesure où cela peut
êtrenécessairepour que soit dûment assuréela protection des créanciers.
Après tout cela l'on peutà vrai dire s'étonnerque I'onsoit alléjusqu'à
affirmer dans les plaidoiries (VIII, p. 165) que fll'opinion dominante n
parmi la doctrine espagnole admet la validité de I'unipersonnalité pré-
ordonnée ».c'est-à-dire«décidéeentre les fondateurs désavant la cons-
titutiondéla sociétta,alors que la vérité estque, dansla doctrine espa-
gnole, il ne se trouve qu'un seul auteur, le professeur Tordano. pour
soutenir oareille thèse.
~uicon'que a des notions de droit espagnol nemanquera pas de trouver
étranaes les affirmations de la Partie adverse sur la société uniperson-
nelle,-tout comme la référencequi est faiteà la jurisprudence pour mon-
trer que la cour suprêmeespagnole aurait admis la validité de la société
unipersonnelle sauf dans un arrêt,celui du 13 juin 1891 .a vérité est
tout autre: en Espagne. comme dans bien d'autres pays, l'hostilité de la
doctrine et de la jurisprudence envers la société unipersonnelleétait
tellement évidente que lorsque, dans la loi sur les sociétésanonymes de
rgjr le législateur a décidéde la tolérer,et ce incontestablement dans
deslimitesprécises, ilaindiqué dans son exposédes motifsque jusqu'alors
la législation espagnoley était opposée.Il n'en pouvait êtreautrement.
En effet,I'onne pouvait oublier que tant l'article1665 du code civil que
le premier alinéade l'article116 du code de commerce exigent de façon
très nette qu'il y ait au moins deux personnes pour que l'on puisse parler
de société.
»ans soi1Carso Oc Dcrecho 4l~ririntille ~>rof~jjcur(;;trrifiu<:4.rcfu>iint
d'adrnettrc la \,alidirr'des soci>rL:,i~iii~cr,onctsecrGf6rlritiln iiiris-
prudence de l'arrèt du 13juin 18g1,&rit ce qui suit:
<<NotreTribunal suorème a reooussé incidemment ces défor-
mations juridiques dans son arrèt di13 juin 1891 en affirmant qu'il
ne peut exister de société composéd e'un seul individu. Et tant que
noire droit en vigueur ne sera pas modifié(art. 1911) p.ur étendre
au commerçant individuel le bénéfice légad l e la responsabilité
limitée, qui entraîne la séparation du patrimoine civil et du patri-
moine commercial et les garanties nécessairesde publicité,il faudra
admettre la these de la cour suprême, en repoussant comme arti-
ficielle toute construction juridique qui prétende protéger par !es
préfogativesdu patrimoine social despatrimoines qui sont en réalité
individuels.a (Cursode Derecho Mevcantil, 1,Madrid, 1936 ,. 327.)

IIIIIscni1)lc.>loniiciir le I'ricidrque,cc.pnisage fair npp;ir:iitic très
cl:iir,.iiiéntpoiir<lILCou\., rneiii<.iirLicn!i.oiilii<loiin:'Ilrr,Iu,i<If..; 296 BARCELOSA TRACTION

sociétésuniuersonnelde la doctrine et de la jurisprudence espagnoles. See la
véritable
Reus avait écartéeld- cece que nous n'admettons absolument pasi le juge1dela
personnalité des sociétésfiliales, il n'aurait pas mêmepu commettre la
violation de l'ordre juridique interne qui lui est imputée. car, contraire-
ment à ce que soutient la Partie adverse, àl'époquede la mise en faillite
la doctrine'et la jurisprudence espagnoles n'étacent pas favorables aux
sociétésunipersonnelles. Le juge s'est écartédecette doctrine.
hlais mêmeainsi le juge nepouvait pas ignorer quels abus ou quelles
fraudes la sociétéfaillie ou ses hommes de paille dans les filiales étaient
susceptibles de commettre. C'est bien pourquoi. tout en adoptant une
position favorable au maintien de la ~ersonnalitédes filiales.il ne uouvait
manquer de reconnaître le caractèie dépendant de ces société;et les
risques qu'une telle situation pouvait entraîner pour la protection que le
drojt accorde aux créaiiciers. -
Toutefois, la Partie adverse. sans doute consciente de la faiblesse de
ses arguments, a cru bon de soutenir que mêmedans l'hypothèse où la
societéuni~ersonnelle n'aurait uas étéadmise. le iuee aurait commis une
autre i~~r~iiir~:,uisi~u~.<~~t-vlie I ne poii\.air <Iéci<ic<rle12 coiifu5ion
i~nmédiatrdvs patrimoines. s:iiij pronoiicrr prc'alablement In dicioliirion
<Irssucititis et ordonner leur iiiiir. <,IIliquidation (\'Ill. p. 16s ct su).
,\fi1de con;uliilcr cette nou\~cllepu>ition. ella recours à I:1tliéoriede la
simu1:irion<l;injIr.;socic'r;s.?curir~~rsonii;ilite~réor~loiiiin.
Nous pensons, quant à nous, que la prémisSeest fausse. Il n'y a eu
ni extinction de la ersonnalité ni confusion de patrimoines. II est
donc superflu d'aborber ces questions. Le juge a respectéla personnalité
des sociétés filialesunipersonnelles et a maintenu la séparation entre
leurs patrimoines respectifs.
Mais puisque la Partie adverse a jugéopportune cette manŒuvre de
diversion fondée sur la simulation et sur la nécessitéd'une dissolution
préalable des sociétés filiales,le moment est peut-être venu de lui raq-
peler la célèbredécisionde la direction générale desregistres. du II avril
1945 (Coleccidlrlegislaliua.no 681,qui a ouvert la voie, en Espagne, à la
reconnaissance de la sociétéd'une seule personne. encore que dans les
strictes limites de la spes refeclionis.Le Gouvernenient belge s'est parti-
culièrement intéressé à cette décision,au cours de ses plaidoiriesà l'appui
de la thèse de la validité des sociétésunipersonnelles (VIII, p. 166). ,Un
passace nous intéresse à présent tout uarticuli&rement. uour ~réciser
!'idéeque nous venons d'èxposer. Ce qui - comnie Eeia est
indiquédans la duplique (VI,p. 436)-gène sans doute la Partie advcrse
est ainsi conçu:

«si le titulaire unique (de la sociétéanonyme unipersonnelle), en se
prévalant de la lacune législative, venait à commettre des abus de
droit, les tribunaux de justice peuvent, le moment venu, àl'initiative
des parties ou d'officeselon les cas, prendre les mesures (adoptar los
acfrerdos),et mêmeimposer les sanctions correspondantesu.
Ces mots montrent bien l'erreur manifeste commise par le Gouverne-
ment belge lorsqu'il affirme qu'il aurait éténécessaired'exercer contre les
sociétésune action en dissolution ou en déclarationde simulation (R.. V.
p. 381, qe conclusion). Tout au contraire, cette décisionfait ressor(ir que,
dans l'ordre juridique espagnol. sans qu'il soit nécessaired'avoir recours PLAIVOIRLE DE M. UR~A 297

à la solution extrême consistant à dissoudre la société; lestribunaux
peuvent, mêmed'office. prendre les mesures ou imposer les sanctions
correspondantes.
Conformément à cette règlele juge de Reus et les tribunaux espagnols
n'ont pas déclaré la nullité dessociétés filialesn ,e leur ont imposéaucune
sanction et n'ont pas confondu le patrimoine de la société mèreavec le
~atrimoine des filiales. Ils se sont bornés, à la requéte des parties, à
i>rrii<lrcles dccisions ou les nicsurei (Iliconv~ri:iicnt CU~II~I~Cttïiu. <I'uriç
part, de la structure (lu groupe Uarcelona 'i'r.irtioii et. (I'aurrc ppnrt.(les
risrliivsprt\i,isihles qu':iuraieiit pu courir les intcrèts IGgitimejdes crcnn-
cicri si l'on ;iv:iit négligt!di; prcndre ces mejurss. I)c toiire rnnniGre,ilos
ejtimCs contrÿdicteiirs (le\,r,oritreconnaitr~ qu'il aurait fallu prciidre <Ici
iiir.;iirCI,c:e g<:nremcine 31 lujuge n\.;iit fair sienne la tli6ic iiiaiccpt;ible
dc.la f'3rtie .iiIi.erje conccrri:<ntIndi~olutiorirt I:Ii~liiiil;itil,i.si>cii.il:.i.
A pltis force raison les iiiesurcs coiiicri.ntoirçj ci,rri,~ioiid~iitej se sc-
raient-elles imposéesen pareil cas.
Nous ne voulons pas non plus nous laisser entraîner à discuter la ques-
tion complexe,objet de maintes discussions doctrinales, des communica-
tions dc respoiisabilitéentre In societémère chefde filed'un groupe et les
sociétés filiales.En citant exclusivement le professeur Garrigues, la
Partie adverses'étendlonguement sur cesujet pour nous dire que,puisque
les socititésfiliales étaient distinctes, le juge iie pouvait pas, sans mécon-

uaitre leur personnalité morale, incorporer leur patrimoine à la masse de
la faillite. Si nous refusons de nous laisser entraîner dans l'examen de
cette question. c'est que nous venons d'exposer que les prémissesm&me
de la discussion sont, à nos yeux. fausses et inacceptables.
Point n'est besoin donc d'aller plus avant sur ce terrain. Point n'est
besoin non rlus de discuter ici de auestions aussi étranees<,e l. voint de
savoir si Ic.jiigr poiivaitOU ne pou;.nit p;is.devait oii nr dev:iit pl.. avpniit
de pnsjcr oiitie la perjo11113lirç ét Ji: ~onIoii<Irt:ci I>atrimoiiics -- ce (IIIC.
r<p;tons-le, iln'a pas fait -. utiliser poiir yrot;ger lescr>anciers l'action
p:iiilicnne or<liiiaircou I'ncrioiieii iiiillitécontre les lili:tlr,i. !'oiiivrai
dire. 111csc,41e~itet cmcnce moven de dcfcnsc d:iiis IC,:a<licd'iiric faillite
quf crliii <Iiieprdnc In 1':irtiea,ivcriu! Sot13ne ;;iiiriuiir toutefoi; aller (le
I'ai.ant saris r.lppcler ce<]II"dit c~xt~!m~nr Ifprofe.~iriir(;nrrigiit:s, dans
le passage citécomriicsuit par la I1:irtita<lvi.rie(\'III, p. 179)

slorsque la sociétédominante fait faillite, les syndics peuvent
demander. le cas échéant, que le patrimoine des filiales soit attiré
par la masse de la faillite, s'ils prouvent que la constitution de ces
filialesii'a eu d'autre objet que de réduire(et il nous faut souligner
ces mots) la garalitie des crdiinciers de ceUe société.En dernière
analyse, il s'agit d'un problènie de preuve: si l'on démontre que la
société dominéeconstitue une simple apparence de société (préte-
nomi...errière laouellc se cache la sociétédominante. et oue cette
sucir:tCiritc.rfiosk est iitilis;r polir Cliidcr~nrcom~~lisjcmrnÎde con-
tr:itsoii poiir rLdiiireI:ipropr,: i;nrniitic(siii face ails cri.:inciers, Ics
triliiiiiniis devrpnieiitnsscr oiitreRIIL ul>st:~cle<iuridiaucs fi~rriii.et
établir la communicâtion de responsabilité enGe les deux sociétés .

J'ose espérerque, ceci étant dit et apres la plaidoirie de mon collègue,
le professeur Waldock, il est définitivement établi que toutes les pré-
visions qui, de l'avis du professeur Garrigues, permettent aux syndics 298 BARCELONA TRACTIOX
d'apporter à la masse de la faillite le patrimoine des filiales, se sont
trouvées réuniesdans notre espèce.Pourtant, alors que le juge disposait
de preuves suffisantespour établirque la structure du groupe avait servi
a <<réduirela propre garantie (sic) face aux créanciers n,il n'a,à aucun
moment, et mémepas après avoir eu pleinement connaissance deces faits,
pris ces graves décisionsd'extinction de la personnalité morale et de con-
fusion des patrimoines sociaux que la Partie adverse lui impute tout à
fait gratuitement.
C'est pour la mêmeraison qu'il est inutile d'insister encore sur l'idée
de la fraude aux créancierset sur l'application des règles relatives aux
effets rétroactifs de la faillite; ou sur l'idéede la fraude loi- comme
le fait la Partie adverse (VIII. p. 181 et suiv.) - ou ,encore sur l'ar-
ticle 174du code de commerce espagnol (VIII, p. 162) quiiest absolument
étranger,par son contenu et sa finalitémêmes,àl'hypothèse de lasociété
anonyme unipersonnelle. La seule chose qui ait un sens à ce propos, me
semble-t-il. c'est d'exposer ce que le juge et les organes de la faillite ont
cru devoir faire et ont effectivement fait au sujet de la saisie des actifs.
II apparaîtra ainsi que la troisieme affirmation fondamentale formulée
par le Gouvernement belge, à savoir que l'idéede fraude ne suffit pas à
justifier les mesures de saisie, est dépourvue de tout fondement.
C) Les sociétésunipersonnelles étaient - cela ne fait pas de doute -
un instrument permettant de masquer des desseins frauduleux; et ce
tout autant pour les fraudes imminentes qu'avant toute chose le juge a
tenu à prévenirdèsle départ, que pour les fraudes qui - ainsi qu'on l'a
démontré par la suite - ont étéréellement commises par la société
faillie. II s'ensuit que, si l'on s'en était tenu, sans défaillances. ligne
défensiveque constituait la personnalitéautonome des filiales, qui toutes
étaient de véritables allerego de Barcelona Traction, l'on aurait rendu
inefficaces aussi bien les règles de l'ordre juridique espagnol relatives à
l'incapacité résultant du dessaisissement du failli (art. 878 du code de
commerce) que celles qui prescrivent l'extinction des mandats en cas de
faillite (art. 1732du code civil).
Telle est la position qu'a adoptéele juge, position logique, d'ailleurs, et
conforme au droit. La lecture du jugement déclaratif de faillite devrait
suffirepour apprécier la portée que le juge a voulu donner aux mesures
de saisie. Xéanmoins, s'il fallait une preuve de plus pour démontrer la
nécessitéd'éviterles fraudes éventuelles, il suffirait de se reporterà I'or-
donnance du juge de Reus du 9 mars 1946quiparle de l'inopposabilitéde
la personnalité morale, dans la mesure où elle impliquerait que soient
11laisséssans protection les créanciers de Barcelona Traction n,et qui
déclare catégoriquement, à propos de la structure du groupe et de la
situation de la sociétéfaillie et des sociétfiliales,que.Cabstraction faite
de la réalitééconomique, ellesdeviennent des sociétés de protection de la
sociétéfaillie, pla~ant ainsi un rideau d'immunité entre elle et ses risques
financiersa.
Npus attendons toujours que nos estiméscontradicteurs veuillent bien
exp!iquer de façon satisfaisante cette position du juge autrementquepar
l'évidente nécessitéde prévenir les fraudes imminentes. La Partie ad-
verse, qui met en relief dans sa plaidoirie quelques expressions tiréesde
cette ordonnance et relatives à la fiction de la personnalité, préfère se
taire prudemment sur le lien entre ces expressions et les mots que nous
venons de transcrire et qui donnent tout leur sens aux référencesfaites
par le juge àla personnalitédes filiales (VIII, p. 154et 164). PLAIDOIRIE DE M. UR~A 299
IdeGouvernement belge nous dit. d'une façon générale, ques'il était
exact que le juge a basé son raisonnement sur la fraude il aurait eu
recours au inoyen spécifique dont il disposait pour faire échec à cette
fraudc: conférer à la déclaration de faillite un effet rétroactif. Mais cette
affirmation n'a pas de sens,car il est évident.et naturellement le iuge ne
pouvait pas non'plus l'ignorer, quecette mesure - comme cela a dé$ été
espliqué dans la duplique (VI,p. 431) - aurait étéaussi lourde de consé-
quences qu'inefficace du point de vue pratique.
Ceque le juge avaitfort bien compris,c'est que la nécessité primordiale
n'était pas .d'agir rétroactivement n,mais bien sd'agir par anticipation »,
c'est-à-dire de prendre par avance des mesures conservato/res de saisie.
afin de couper court ou de parer, au risque grave et imminent que les
hommes de paille de la sociétéfaillie, disposant del'argent, du patrimoine
et des livres des sociétésfiliales dont les actions étaient la propriétéde
Barcelona Traction, soient en mesure de démembrer l'entreprise unique
constituée par ces sociétés.
Les événementsne tardèrent pas à montrer combien le danger était
réel.Les anciens administrateurs - le fait a étérelevédans le contre-
mémoireet dans la duplique (A.C.N., vol. VII, p. 357. et A.D., vol. II,
no 89. p. 687) - s'empressèrent en effet de prendre aussitbt toute une
sériede mesures frauduleuses dont les unes sont très graves et les autres
reau vour em~êcherla saisie des Pa~iers oui s'v trouvaient déposés; tel-
;iiirre'rt:iiipla&ii inir pl:\qur:portant le nom dc in Coiiip3iii;i l<ircclonev&
de Elrctrici~lnil. p:ir uni. iiinplc feuillc de pnpicr bliiiicou <tait écIlieA
iiiain la rnison iuciale de Salto; del Ebro, S.A.l.'éventailCI<c:es iiinnceii-
vreî fraiiduleiist~s\,a dcq>iiisIc fait cstrém<;rnentgraw di! renonce3. une
optiori (lont In \,aleiir Fiiiari>t;iitcoiisidl.rnblc jiisqir'no fait dc faire
inscrire au r-eistre du commerce toute une sériedeboûvoirs conféréspar
11..\lt?narliazrt post&rieiircmenà ,a deititiitionFI ~usqu'nus lettres par
lcs 1 1 >lt:iischacrtct I'iiizl)om6necl, .iommaii:iit les ban<luej
de ;'abstenir d'exécuter l'ordre dujuge d'avoir à remettre aux organes
de la faillite les soldes des comptes des filialesA.C.M.,vol. VII, p. 353et
suiv.).
Ainsi qu'il a déjà étérelevédans nos écritures. le juge n'a pris aucune
mesFre d'exécution (dugenre de celle qui aurait consisté à considérer les
societés filialescomme éteintes) (D., VI, p. 440 et suiv.).
Bien au contraire, aprh avoir ordonne la saisie des actions et obli-
gations qui constituaient formellement le patrimoine de la sociétéfaillie,
il s'est borné,à l'égarddes actifs des filiales,à ordonner la saisie à titre
de mesure complémentaire, sans préjuger de l'objet et de la portée de
cette mesure, attendant de voir quelle attitude adopteraient ultérieure-
ment les parties au litige.
Le caractére strictement conservatoire de ces mesures explique:
a) que l'ordre de saisie. qui concernait tous les actifs des filiales. ait été
exécuté uniquementsur les livres. papiers et espèces;
6) que la saisie ait ététransitoire et adaptée par la suite au nouvel ktat
de fait et
c) qu'enfin les actifs des filiales n'aient pas étéaliénés lorsde la vente
aux enchères.
C'est bien pourquoi l'on est surpris par l'affirmation toute gratuite
selon laquelle le Gouvernement espagnol aurait imagine après coup de 300 BARCELOSA TRACTION
qualifier de conservatoire l'ordre de saisie, qualification qui n'aurait pas
étéadmise par les tribunaux. Le Gouvernement belge affirme ainsi une
inexactitude de plus. Nous avons déjà indiqué daiis la diipliqiie (VI,
p. 442) que la premiére chambre du Tribunal suprême, dans son arrêtdu
zz juin 1954 a.reconnu le caractère conservatoire de la mesure. Voici le
passage de la décision:

ila saisie et le contrôle des biens, livres et documents de certaines
sociétésayant été prononcés comme mesure de précaution ou de
garantie. du fait que la sociétépropriétaire des actions du capital
des sociétés précitéea s étédéclarée judiciairemeiit enfaillite. la
décision,qui, sur la demande des syndics de la faillite. lève la saisie
et le contrôle par suitede la vente desdites actions et le transfert à un
tiers des droits qui pouvaient se trouver rattachés à la sociétéfaillie
à leur sujet, se borne à laisser sans effet une mesure de précaution qui
s'avérait superflue du momeiit que disparaissait la cause qui la
motivait ...ii(A.D.,vol. 111,no 100).

Bans la procédure orale (VIII,p. 159).la Partie adverse fait mention
decette décisiondu Triburial suprême,non pas certes pour rccoiiiiaître le
caractère conservatoire des mesiires de saisie, mais pour essayer de dé-
montrer que la saisie des actifs aurait étémaintenue avec tous ses effets
jusqu'à la vente des actions des sociétés filialesU . ne fois de plus. il est
difficilede com~rendre la Partie adverse.car le texte de I'arrkt di1 claire-
ment que la sn;iic et la inlie 5011si&lueitrc ont ;,iCurilonnCcs *s:îtitrt:(le
mcsiirv de prkaiition oii (ILg .;ir;iiiti.*~t qii'11i';igi3init (I!npportrr une
rnesuie conjcrv:ituire .\lariift:iii:rnt:iirs'il \,a CU <LCC m~lllcnt-li ~C~CC'
d'une mesure conservatoire de contrble O; de surveillance l'on ne peut

pas parler de l'existence d'une saisie des actifs avec plénitude d'effets.
On en vient à croire oue la Partie adverse n'a oeut-être vaslu la décision
du Tril>linal siilirinie a\.ec toiitc. 1'3rtentioii ;oiiliait;il,ie, car In li lie
suii.niitc (\'III, p.ijill:Ilc 1ir~11 ~:1IiLcrtCclc iiit.ttrt31.1Coiir eii r:irffc:8
contre 1ornis;ioii dii iiint ~ai:ic .(\;in.1.1ir,~~l~i~:tin(ii1':irr;t(lu'1.il)~iii~l
suprGine, {,uiSC tiniive :i1'3iiii~xeII<*iod CIC 11 dii~~liqii~o;r, ilSC! troust:
que ~i I'<ii5L-r~uort~;iiidit tçxt~< UIIci,ii~t;tii<III'In'cilcji ricii ci qiit:Ic
mot .saisie ise trouve bien dans l'annexe. Cen'est qu'une preuve de plus
de la facon d'agir de la Partie adverse.
Nous avons donc affaire ides mesures conser\.atoires qui sont modérées
dans leur formulation et modéréesdans leur exécution,puisqii'elles n'ont
porté que sur les biens qui risquaient d'Etre frauduleusement soustraits
par les hommes de paille de la société faillie.L'ordre de saisie a porté
- nous n'avons iamais dit le contraire - sur la totalité des actifs des
filiales, mais, au koment de donner exécution à cet ordre, les organes de
la faillite orit limité la oortécdes mesures de parantie, les opérations de
saisie n'avant lieu ou; daiis les bureau~ d~ numéro z de la I'laza de
~atalufia:où étaient conservésles archiveset les documents des sociétés
affectéespar la saisie. D'un autre cOté.les banaues. dans les caisses des-
quelles sëtrouvaient en dépôtdes actions des s'ous-filiales,ont étéc ,ons-

tituéesen dfpositaires desdites actions pour le compte des organes de la
faillite; quant aux banques où étaient ouverts des comptes courants.
ordre leur fut donnéde virer lesfonds de cescomptes au Banco de Espana
pour y êtretenus à la disposition du séquestre-dépositairede la faillite.
Il n'est rien dans tout cela qui ne soit. aux yeux d'un observateur
impartial, parfaitement correct et nornial, et c'est eii vain que le Gouver- PLAIDOIRIE DE M. UR~A 301
nement belge essaie une fois de plus, à propos de la prétendue omni-
potence de M. March et des communications adressées aux banques, de
décrire la sstupeur 1que ces mesures auraient produite, dans ces établis-

sements (VIII. v. 156). S'il est vrai <lue les banaues demandèrent des

répugnance pour exécuter les ordres de saisie.

L'audience,sus9endtre à II h 20,estreprise à rr 1t40

EL piiiiilii'il e<IIIi~iun il,: ce; d~iiilii(le, d'l'cl.,ircii;~inciir ~ir~sviir;~:,
par le. I~~iii~~u~fuicc ncBil>c-st(IV{Iiicqu'11 II'!;4rirn Li,.le slii~~r~i1.~lit
r't;~ntcloiiiiEI'attitii<lc qii'ont adopt<:r:.i cc riiiim~iil-li~.\l\l \l,!,:tl~.irit
Puic I)omL'iiecli.Icsqiiels. ;~pri:savoir A: dvstit1ii.s des fonctionî qii'ilj
e\~.r~aicrit d;liis 13brurt I~:inv.lonc~SCiwiir :tilrr~s.Gsails t,:lnqiit>,peur
les sommer de désobéiraux ordres du juge en les menaçaiit de mettre en

cause leur responsabilité. .4ssurément, c'est cette sommation qiii pour-
rait susciterlaiistupeur ,>!II est bien naturelque les banques, en recevant
lessommations de MM. hlenschaert et I'uig Doménech,aient. pour mettre
leur respoiisabilité à couvert, demandé au tribunal qu'il leur expliquit ou
confirmât l'ordre de virement des-fonds qu'elles avaient reçu. Et voilà
qu'aujourd'hui la Partie adverse voudrait (VIII, p. 15G) prc'seiiter les
demandes d'éclaircissemeiit adresséespar les banques au juge comme l'ex-
pression des doutes sérieux qu'auraieiit éprouvésces banques quant à la
légalitédes mesures de saisie qui avaient été ordonnées à l'encontre
d'Ebro et Barcelonesa.
C'est bien inutilement que la Partie adverse cherche à rendre obscur

(VIII, p. 155) le sens parfaitement clair de la déclaration querenferme la
décisionrendue par le tribunal no 4 de Barcelone le 13 février 1948, car,
auoi au'en dise le Gouvernement belce. cette décision n'a pas attribué

C'est en vain aussi que le Gouvernement belge dira et redira que la
prise de possession des immeubles a étéopéréede façon automatique.
Au cours de la procédure~orale, la Partie adverse ne s'arréte plus sur la
grave accusation que formulait la réplique (V, p. 25), R savoir que les

organes de la faillite se sont,abstenus de demander l'inscription à titre
préventif au registre des hypoth6ques de l'ordre de saisie desdits im-
meubles. et ce de crainte aue le conservateur des hvvothéaues ne refuse
cette 1i1,cription 1.cGoii~vrnc~ii<:nth<lg<: 3I:iis;&p:ii;er I'i)cca,i~LIUCIUI
oiirnit In procccliire oralc dt. r&poii<lré :iiisarguniciiii Iinr I<s<lueISla
cIi..)li<iu\(VI. Iuii :L~léinoi~trcciiiecette ;icciinlion cl13IC.II<.U Cli~it
dépourvue déio;t%udement. '
D) Je pense avoir montré ainsi. alonsieur le Président, Messieurs, que
la saisie des actifs des filiales a étéopéréede façon correcte et conforme
au droit. Voyons à présent ce qui s'est,réellement passé. Voici, très sim-
plement, les faits: une fois conjuré le risque de fraude, les organes de la
faillite oui naaient aualité à cet~eff~ ~(c'est-à-dire le comniissaire et le
~. ~-~~~ .~ ~~-
tribunal de Reus) ont mis fin à la saisie conservatoire, au sens d'une
gestion directe des filiales par le séquestre-dépositaire et ont établi une 302 BARCELONA TRACTION

situation no~ ~l~ dans le fonctionnement des sociét~ ~af~nau'elles soient ~ ~ ~ ~ ~
administrées par leurs propres organes. De sorte que la mésure conser-
vatoire de saisie s'est trouvéemodifiée iusau'à n'être~lus au'un contr6le
et iine jiirveiiiance exercéspar les orgaies iie la faillitésur'la gestion des
conseils d'administration des filiales.
a) La conversion de la saisie conservatoire en un contrôle et une sur-
veillance exercés par les organes de la faillite sur les sociétésunormali-
Sées w s'est produite - on le sait - deux mois aprhs la déclaration de
faillite. Le jugement du 12 février1948 avait ordonné la saisie des actifs
des filialesnsans préjudicede leur fonctionnement u et, fidèlà cette idée,
le commissaire, par ordonnance du 7 avril de la mémeannée, ordonna
au'il fût diswsé de certains fonds bancaires aDDartenant aux filiales
npar 1'interm;diaire dc leurs organes d'adminiîtrâhon tt de gestion. sous
le contr0le du s6qucstre-<lépsitaire administrateur de la fsillite. étant
donné que les sociétés saisiesétaient des berienencias du faillin. Cette
ordonnance fut confirméetrois jours plus 'tard. c'est-à-dire le IO avril,
par le tribunal qui ratifia, d'une part. ala personnalité juridique» et le
fonctionnement avec aeestion autonome>,des sociétésfiliales. et d'autre
part la soumission desd;trs sociGtGsau icontrôle et ila Iiaute îur\~cill;tnce
du séquestre-dtpositaire administrateur de Iiifailliteu.cri raison du fait
aue la totalité de leurs actions a~~artenait la socic'téfaillie 'l'roisiours
plus tard, par ordonnance du i3 avril, le commissaire considérah les
opérationsde saisiecomme terminées en déclarantqu'il tenait pour effec-

suivant:aisie des filiales et sous-filiales. Le texte de l'ordonnance est le

nIrs organes statiitaires (lesdite5sociitC..;tant iiornialisc:~,ct ceux-ci
de\.ant desormais effectuer I'ri<lministratioiisociale dcsdites sociGtts,
sans autres limitations aue celles oui découlent des statuts et du
jugement déclaratif de iaillite ain;i qiie des décisions judiciaires
ultérieures qui l'ont cornplPtCe. il y a lieu de maintenir. en ce qui
concerne II. le d6wsit:iire-administrateur. ilu fait (les ~reicri~tions
desdites décisions'judiciaires, la nécessairéintervention ou côntrôle
qu'exige l'intérêt qu'ontles créancierssur les biens desdites sociétés,
pertenenciasdu failliii (A.C.M.,vol. VII, p. 230).

Naturellement, pendant la faillite la normalisation des filiales ne
pouvait êtreet n'a pas étéabsolue. La structure mêmedu groupe, qui
explique pourquoi le jugement déclaratif de faillite a affecté lesfilialeset
sous-filiales, exigeait que les organes de la faillite restent chargésd'un
rôle de contr6le l'égardde la gestion quotidienne des différentessociétés
du groupe.
Comment s'~ ~ ~xercéecette mission de-c~ntrôle? Elle a. sans aucun
doiite, prij iine forme tr+s modéréie :t <liscréte:d'une part, eilz a consistC
en un coiitri)le de5orcanes <lela faillite sur les mou\.emenrs de fonds <les
filiales; d'autre part,lesdits organes ont exercéles droits d'associédans
les filiales et ont assistéaux assembléesgénérales des sous-filiaks aux
c6tésdu représentant ou des représentants de la sociétéfiliale titulaire
des actions de la sous-filiale dont il s'a~issait.
C'est ainsi qu'a pu se poursuivre de la façonla plus ljbéralepossible le
contrôle exercé sur le fonctionnement des sociétés filiales normalisées,
contrble lei ne ment iustifié ~uisaue les ~atrimoines de ces sociétés
- unique garantie efiective dont disposaiént les crkanuers - étaient
véritablement en fin de compte des fierienenciasde la sociétéfaillie. En employant ce terme de pertenenciasnous ne saurions manquer de remer-
cier la Partie adverse d avoir donné tant d'explications du concept juri-
dique de pertenencias(VIII, p. 187et suiv.). A vrai dire, ce terme a pour
nous un~~.ie-ification ~arfaitement claire Dar rao.Art à l'unité écono-
mique de l'entreprise.
aui nrescrivait la cessation de l'intervention des oreanes de la faillite au
Lein'd&sociétésdu groupe. -
b) D'autre part, les causes ou les raisons qui ont déterminéla trans-
forma~i~..~e la mesure conservatoire de saisie en un sim~le contrôle
sont fort simples et ont déjàétéexposéesdans nos écritures (6..~1:~. 451
A 461)T .outefois laPartie adverse a gardéle si1ence:surla quasi-totalite
de'cet exposé.Celan'a rien de surprenant. Nous nousbornerons, àprésent
quant à nous, à rappeler ce qui suit.
I. 11ne faut pas perdre de vue la façon dont le groupe Barcelona
Traction s'est comporté du point de vue de la procédure au cours des
journéesquiont suivi immédiatement la déclaration de faillite.
a)Une fois la faillite déclarbepar le tribunal et une fois ordonnée la
saisie conservatoire des actifsdesdeux sociétésfiliales dont le caractère
unipersonnel étaitévidentpour le juge, il auraitétélogiqueiqiie puisse se
produire une réactioncontre ces mesures, si les sociétésavaient considéré
quela saisie étaitinadéquate (ibid., p. 452et siiiv.). Maisles filialesrn'ont
exercéaucune des actions qui leur étaient ouvertes. Il y a eu, il est ?rai,
le recours d'Ebro. le 15 février 1948, contre le jugement déclaratif de
faillite, recours dirigécontre le passage de cette décisionqui concernait
la saisie de ses propres actifs. Mais, comme l'a relevéla duplique (loc.
cil.]. non seulement Ebro n'avait Das aualité oour être oartie au litige.
m;; encore In procédure eliiploY& n'$tait cclleiqtiiconvenait. '1.e
)tige de Reus. clansson iiigeiiient J17 mars 1a4Y. al indiqiii. ila zoci~Ctc:
lihro aue. si elle s'cstiniait ICséeDarInurocédiirzde faillite. elle uoii\.ait
se dbféndre iau moyen de la lerAria de'dominio n,mais ~b;o ne'pouvait
suivre ce conseil pour la bonne raison qu'en 1948toutes ses actions
étaient encore la propriétéde Barcelona Traction.
b) Et, en second lieu, ilimporte de ne pas oublier non plus que les
opérations de saisie effectubes dans les bureaux des sociétés filialesont
révélé au juge la réalité d'une fraudequi, une fois connue, ne'pouvait
manquer d'influer sur ses décisions.Compte tenu decesfaits, ilestabsurde
affirmant que l'organisation du groupe de Barcelona Traction répondaits eà
une pratique courante dans le monde des affaires. II n'en est rie? Per-
sonne n'ignore qu'il existe des groupes de sociétéset personne ne nie que
ce soit là une pratique qui peut êtrelégitime.Ce qu'affirme le Gouverne-
ment espagnol, c'est que le groupe Barcelona Traction. par les manceu-
vres de toutes sortes auxquelles il se livrait. a fait apparaître de façon
absolument évidente ce qu'était son objet ainsi que le caractère fraudu-
leux de son comportement.
c) Tels sont les faits. hlonsieur le Président, Alessieurs de la Cour.
Au vu de ces faits, il n'y a manifestement aucun fondement à la thèse
de la Partie adverse selon laquelle la saisie aurait impliquétout d'abord
la perte de la personnalité juridique puis sa reconnaissance et selon
laquelle la saisie, loin d'êtretemporaire, aurait persisté au-delà même
de la normalisation des filiales. L'une et l'autre de ces affirmations, ainsi
que j'espère l'avoir démontre, sont dépourvues de tout fondement. Ce 304 BARCELOXATRACTIOS

sont. pour nos contradicteurs. deux idées fixesqui pourtant ne découlent
ni des décisionsde justice ni des faitset toute l'insistance que I'onmettra
à les répéterne pourra rien JIchanger.
Certains des arguments avancés par la Partie adverse l'appui de
parce que le Gou\reruement belge n'était pas en mesure de répondreauxte
raisonnements contenus dans la duplique. 11en est d'autres sur lesquels
nos estimés contradicteurs continuent à insister: ainsi. par exemple,
l'argument relatif aux pouvoirs que le juge a conférés, à l'égard des
filiales, aux organes de la faillite. De l'avis du Gouvernement belge, ces
pouvoirs impliqueraient pour les filiales la perte de leur personnalité'
juridique et seraient en contradiction avec l'esercice par le dépositaire et
par les syndics des droits inhérents aux actions, alors que cet esercice
suppose précisément lemaintien de cette personnalité (VIII, p. 157 et
158). Dans les cas de ce genre, on est amené,selon mon éminentcontra-
dicteur, àusauter d'un pied sur l'autre iiL'ennui c'est qu'ici il n'y a qu'un
seul oied. savoir que la personnalité iuridiaue a touiours étéreconnue
aux hliales, compatible, bien entendu, t'ant avec la saisie
des droits de la société faillie ausein desdites filialcs <iu'avecles mesures
conservatoires prises par le juge et avec l'exercice desdroits d'associépar
les organes de la faillite.
La Partie adverse insiste é~alernentsur les termes emplovésdans I'or-
donnance du commissaire enudate du 7 avril ~gqS,prétéildanty voir la
preuve du maintien des mesures de saisie (VIII, p. 158). Pourtant les
faitsDrouveiit très clairement que - on l'a déiàsouliené - les mesures
de saisie ont priscomplètemeiii fin dans lespiemiers Toursd'avril 1948,
une fois normalisésles orgaiies des filiales.
Au lieu de spéculer sur telle ou telle expression estraite de l'ordon-
nance rendue par le commissaire le 7 avril Îg48 et dont l'interprétation
serait incertaine, la Partie adverse aurait dû s'en tenir aux termes - qui
sont, lociquement. DIUS préciset plus ricoureux - de l'ordoniiance rendue
par le j;ge leIO ;Gril. pour confirmer I'ordonnance du commissaire. Il y
est indiqué avec une parfaite clarté et sans la moindre possibilité d'éqiii-
voqiie. Quelle est la oortée des mesures en vertu desauelles les filiales
doi\fent dès lors pou;suivre - c'est la formule emp~oykcpar le juge -
«leur vie sur le plan économiqueet adininistratif avec uiie gestion auto-
nome n.L'ordonnance ajoute cri outre que iccomme ils'agi< de sociétés
auxiliaires de la sociétéfaillie, pour la raison que c'est à cette dernière
jettiesràila haute surveillance et au coiitrble du séquestrc-dépositaire
administrateur de la faillite » (A.C.LI.,vol. \'II, p.229). 11est donc clair
et manifeste que cette ordoniiaiice a eiitrainé la levéede la saisie et a
permis la gestion autonome des filiales.
D'autre part, les faits eux-mémes confirment le sens de ces ordon-
nances judiciaires. A partir du mois d'avril 1948, il n'y eut plus d'opé-
ratioiis de mise de oss sessionL. es esnèces. lestitres et les documents ont
été restituis aux filiales. Les droits' attachés aux actions dont étaient
titulaires les filialesont étédès lorsesercéspar les orcanes de ces filiales;
ouant aus oreanes de la faillite. ils se bornèrenà exeÏcer le contrOle et la
~urveiliance dont les avait dia&és le commissaire avec l'approbation du
tribiinal. Est-il possible, hlcssieurs, que I'on veuille faire abstraction de
tous ces faits? .
D'autre part, I'onprétend aussi (VIII,p. 158) fonder la continuité de la PLAIDOIRIEDE M. VR~A 305

saisie jusqu'en 1952,sur le simple fait suivant:jusqu'à cette date l'on n'a
pfaillite pour autant qu'il affectait Ebroet Barcelonesa. A ce propos, l'on
"oubliei,- et pourtant on ne devrait pas l'oublie- que l'inscription au
registre n'a pas en la matiere d'incidence sur le plan des droits réelsni de
vaïeur consiitutive et qu'elle n'a eu d'autre r6léquede publier certaines
décisionsiudiciaires qui affectaient ces sociétés;et que si la radiation a
étéfaite én 1952. ce Ïi'est pas parce que la saisie aurait pris fàncette
date, mais parce que l'inscription portée au registre était devenue
caduque.
II est donc évident que nos contradicteurs s'efiorcent de défendre une
fiction et, ce faisant, entrent en contradiction avec les ordonnances du
commissaire et du juge, ainsi qu'avec la réalitémême.Pourquoi tout
cela? La ré~onse est aisée: ~our continuer à dire aue la saisie a été
maintenue ifin d'avantager k groupe espagnol. hfaiSsi telle a étéI'in-
tention du juge dans toutes ses décisions.une question vient àl'esprit: à
auoi bon Goïoneer la saisie sous la forme d'un contrôle sur les hliales
Puisque lan 'ormilisation de ces sociétésconstituait en fait - c'est ce
que prétend le Gouvernement bel~e - l'abandon de ces sociétés à des
iersonnes jouissant de la confiance-absolue.du groupe Xarch?
11n'y a pas lieu de s'attarder beaucoup plus longtemps à un autre
argument dont la Partie adverse a fait l'essai pour tenter de démontrer
la continuité de la saisie. 11s'aeit de l'affirmation inexacte selon laauelle
les fonds des filiales auraient :té inclus dans la masse de la failli&. La
duplique a décrit la réalité desfaits (VI, p. 446.446. et A.D., vol. III,
no 105, D. 24) pour ré~ondre à l'interprétation arbitraire au'en ,avait
donnéla'Partieâdversèet cet exposésemble avoir prodiiitiso; effet puis-
que au coursde la procédure orale laPartie adverse n'a p1us:mentionné à
cepropos que les SI millions de pesetas de fondsdes filiales'(VII1,p. 158-
159) quisont demeurésen dép6t à Lacaisse généraledes dép0ts jusqu'à
une date postérieure à l'adjudication à Fecsa des biens de la société
faillie, et ce bien que les juges spéciaux n'aient pas exigédes syndics que
les liquidités des filialessoieiit mises en dépût.
La duplique a précisé,en outre, pourquoi il est absolurnent faux que
lite, et a montré que la cour d'appel de Barcelone elle-même,dans son fail-
arrét du 22 décembre1954,a ordonnéaux syndics de faire remise de cette
sonime ,?Ebro, qui en était la propriétaire. Cela aussi c'est la simple et
l'unique vérité.
Dans son désir, à vrai dire inexplicable, d'altérerla véritable portéede
la saisie, le Gouvernement belge a insisté égalenientsur le fait que les
syndics se seraient vus contraints de demander la levéedes mesures de
saisie en août1952et que cette levéeaurait étc'opéré pearl'ordonnancedu
juge spécialendate du 16de ce mois (VIII. p. I58-159).Autre affirmation
contraire à la réalité.Les syndics n'ont jamais demandé la levéede ces
mesures. Ils ne pouvaient pas la demander pour la bonne raison que la
saisie conservatoire des actifs des filiales avait uris fin denuis de loneues
années. Ce qu'ont demandé-les syndics, c'est'la levée des mesures de
contrûle et de surveillance à l'éyarddes filiales, ce qui est très différent.
Pourquoi vouloir dénaturcr la rha~ité?
E) Enfin, Monsieur le Président,hlessieursles juges, leGouvernement
belge dirige égalementses accusations contre les pouvoirs que lejugement
déclaratif de faillite a conférésau commissaire afin qu'il soit habilité, au 306 BARCELONA TRACTION

cas où il le jugerait nécessaire,à déplacer, destituer et nommer le per-
sonnel, y compris le haut personnel, des sociétésdont les actions reprb
sentatives du capitalappartenaient en totalité à la sociétéfaillie.
Au cours de la procédureorale (VIII,p. 193-194). la Partie adverse a
préféré reprendre et résumerles arguments de la répliqueet ne pas tenir
compte de la réponsecontenue dans la duplique (VI,p. 307 et suiv.); ce
faisant, elle visait surtoutà esquiver la discussion des problèmes sur le
plan juridique pour revenir sans cesse sur les prétendues manŒuvres du
groupe hlarch. Ainsi voudrait-elle, grâce au moyen commode des accu-
sations insidieuses formulées contre le juge, masquer le fait qu'elle n'a
pas raison et que le droit n'est pas de son côté.
C'est en vain que l'on chercherait une réponsesatisfaisante aux déve-
loppements de la duplique concernant les fonctions du commissaire en
tant que délégué du juge dotéde pouvoirs de gestion, surtout avant la
nomination des syndics. C'est en vain que l'on chercherait une réponse
adéquate à l'interprétation que nous avons donnéede l'article 1045 du
code de commerce de ISZQen nous référant à la rèale ~ui confkre au
commissaire le pouvoir de «prendre les ordonnances $ordre intérimaire
qui peuvent êtrenécessairesd'urgence pour garder en sécuritéet en bon
étaitde conservation les biens de la masse >,
mentation relativeeàlla nécessitéde veilleràola sécuritéeteà la bonne con-
servation des biens. ou encore à nos observations concernant l'obsti-
iiatioiet I'hostilitc'que iiiniiilr.jtireiit Ics cadrt:~.;ul>6riçlardirr.c-
rio11rtde I';i~lrn~ni..tratia soci6tCsfiliales lors~luII fur pr<,iCrlP;iIn
saisie conservatoire,
C'est en vain que l'on chercherait un mot concernant notre point de
vue que le dessaisissement du failli aurait égalementeu pour conséquence
de conférer ce mêmp eouvoir au commissairë et qu'au suÏplus celui-ci n'en
a fait usage quedans des cas de nécessitéou d'urgence absolue.
F) Voilà, hlonsieur le Président. Alessieursde la Cour, quels ont étéles
vains efforts de la Partie adverse pour mettre en cause des mesures judi-
ciaires de saisie conservatoire et de contrôle concernant les sociétés
filiales du groupe, c'est-à-dire en définitivede l'entreprise unique, groupe
dominé par la volonté toute puissante de la société faillieBarcelona
Traction.
A cet effet, le Gouvernement belge fonde son grief le plus grave et le
~lus im~ortant sur le fait Que les tribunaux es~aanols auraient adouté
;iiccesïi;~ernent deux l)oi~itsde viie contradictoi~esa propos du maintien
dc la perionnaliti juridi<liit.dessoci~t6shlialeLzGou\~çriicmcnteip~gnul
a iiiien relief Iiriconsis1:ciice<leI'nrciiment:iti<,na<lver.;eil:i<!c'crila
réalitételle qu'elle résulte de l'ensemble des décisions judiciaireset des
mesures d'exécutionles concernant. Toutefois, avant d'en terminer avec
cette matière et d'aborder l'examen concret des mesures de normalisation
des filiales, qu'il me soit permis. Monsieur le Président, de présenter
quelques considérations finales sur ce prétendu grief.
Il est bien connu que certaines tendances modernes sont favorables A
ce qu'il soit passéoutre la personnalité morale lorsque des circonstances
bien déterminéesjustifient et rendent nécessairela quête dela réalité.
Le droit espagnol lui-mêmecontient à cet égardun indice qui figure dans
le jugement déjà cité du II avril 1945.
En matière de baux urbains,,i! est fréquent, en outre, que les juges
passent outre la personnalité juridique des sociétésD. 'une façongénérale, PLAIDOIRIE DE M. UK~A 307
il en va de mêmelorsque les juges estiment nécessairede tenir compte de
la réalitéet non pas des formes employées pourla dénaturer. Le Gouver-
nement espagnol a jugéutile de présenter à titre d'exemple rbcent une
copie du jugement rendu le 16aoiit 1968 par le juge spécial saiside I'af-
faire relativeà la suspension des paiements du Banco Commercial de
Menorca, S.A. (nouv. doc. 1969, vol. II, p. 235et suiv.). Dans l'un des
considérantsde cette décision - considérant suffisamment explicite pour
que l'on puisse comprendre l'affaire- on lit ce qui suit:

«Que l'apparente diversité des sujets juridiques «Banco Com-
mercial de Menorca. S.A. », ~Financiera de Menorca, S.A. » et uUr-
banizadora de Menorca. S.A." masque une réalité patrimoniale. ie
veux dire une unit6 pat&moniale et &conorniquequi.hans une procé-
dure à caractère de faillite telle que celle-ci. ne peut êtreignoréeau
détriment des créancierset aui empêche.par coniéauent. d'attribuer
une autonomie juridique à chacun; de ces entrepri;es, puisque. dans
le cas contraire, elles pourraient se soustraire l'exécuti~nde leurs
obligations, du faitqùil n'y a pas communi~ation de responsabilité
entre ellesn
Et pourtant, hlonsieur le Président, hlessieurs de la Cour, il ne s'agis-
sait pas d'une véritable faillite où les motifs qui aménent à la décision
sont plus graves. mais d'une procédurede concours préalable à la faillite,
c'est-à-dire d'une suspension des paiements. Il s'agissait non pas de
sociétés unipersonnelles,mais de sociétéscomprenant plusieurs associés,
bien que toutes, il est vrai. aient regroupélesmêmesactionnaires. Dans
ces conditions, est-il permis de douter que dans le cas de Barcelona
Traction les tribunaux espagnols soient allésmoins loin que n'est:.allé
le juge spécialsaisi de la suspension despaiements du Banco de Menorca,
bien que les circonstances de notre espece soient beaucoup plus graves?
Si la Partie adverse persiste à penser que ce qu'a fait le juge de Reus
serait inacceptable dans le cadre d'autres ordres juridiques, qu'il me soit
permis de lui rappeler l'exemple le plus significatif qui soit: l'affaire de la
San Antonio Land. En effet, tant par ses origines que par son déroule-
ment, cette affaire semble n'êtrequ'une première version de la faillite de
Barcelona Traction. Je ne voudrais pas lasser l'attention de la Cour en
relatantà nouveau l'historiaue de cette affaire. autre aventure financière
de \I 1'e:irson.le pc're<Ir:~.fircelonnTraction Le prolesscur \Vnldock l'a
dCji rrlatGç. Qu'il nie soit s~.uI~iiiriitpermib <lerappelci que. ilans cettc.
afl:iire si semblnhle. oii st: trouvait i~c:ilemenien discii-.ion ceestila
base mêmede ce qui nous oppose àYprésent, à savoir la quedon de la
personnalité juridique dépendante des filiales. le.i-ne Augustus Hand a
dit ceci:
Il n'est pas nécessaire de tenir pour inexistantes les sociétés
filiales ni de faire abstraction de celles-cien aucune manière qui soit
susceptible de porter préjudiceà leurs créanciersrespectifs; toutefois
il me paraît raisonnable de les traiter comme des représentants de la
San Antonio Land & Irrigation Company, Limitedi, (nouv. doc.
1969, vol. III, p. 114).

Est-il besoin d'ajouter quelque chose?
To beornol 60be?Thalisnotthequestion.
Prévenir ou ne pas prévenir?Défendreles créanciersou les laisser sans
défense?Voici la question. Ayant résoudrele mêmeproblème, le juge 308 BARCELONA TRACTION
américain et le juge espagnol ont traiiché tous deux de la mêmefaçon: en

faisant prévaloir la justice et le bon sens.

JUSTIFICATIOS DES ~IESUI~ES i)~ uNORMALISATION n
PRISES PAR LES ORGAXES DE LA FAILLITE

J'en arrive ainsi au dernier point de mon exposéet, avec la permission
de la Cour, ie me propose d'examiner maintenarit les accusations for-
muléespar 1; Gouvériiêmentbelge en ce qui concerne les mesures prises
par les organes de la faillite afin de normaliser le fonctionnement des
sociétésfiliales de Uarcelona Traction.

Dès l'abord, je dois souligner que. sans l'habile et trompeuse création
des filiales. l'entreprise que constituait le groupe aurait étédirectement
rivée de l'admiiiistration et de la dismsition de ses biens la suitede la
iaillite. La structure formelle du grohpe, qui avait dcjà ététrès utile à
d'autres fins illicites, pouvait l'êtredésormais face à une déclaration de
faillite que l'on pressentait et voyait venir.
Heureuseme~it. ni le droit espagnol, ni aucun autre ordre juridique iic
pouvait tolérer le succès d'une telle manŒuvre. Afin d'éviter la fraude
oui mettrait en crave daneer les iiitérêtsdes créaiiciers. la léeislation
espagiiole consacre - ainsi qu'on l'a vu - le dessaisissement automatique
du failli et le transfert ofie lecis de la possession de son patrimoine aux
. "
organes de la faillite.
Cet effet du dessaisissement - nous l'avons vu aussi - n'est pas
annihilé lorsqu'il existe dans le patrimoine du failli des actions d'autres
soci6tés. aunird bien mêmeles titres corresoondant ces actions n'au-
rnirFiit 61;. Cniis. oti iitpoiirrni<iit fnirt: I'iilijer d'uiii: :i~~l>i;licii~ioii
iiiat<:ricllc iiiirnC(li:i1.,:urc;iiir.idz In f.iillirisorit crir(iiittIii.li<rili;.sc
antomatiauemeiit habilités 3 administrer ce natrimoine mobiiier: ils
exercent ces droits d'associé. correspoiidant au; actions qui constit"ent
ce patrimoiiie. sans qu'il soit nécessaire qu'ils aient la possession maté-
rielle des titres. I)e sorte oue rien n'était ~lus normal aue de voir les

,. ..
<i'aiiociï reiariii nux tilinici. cil prt!iiaiil Ic; lt.2illrcS rl~cc~nlred~ nor-
ni:ili.atiuriilvst indi~ciirnl>leqii'ili n'oiit pu coiiirnettré. par Ic fait niéiiic
dc cct vscrcicc. Ic: viol:itiiiiii dc la loi qiir l'on yrCtcn(l leur iiiipiitçr.

En ce qui conceGe la révocation des administrateurs, l'accusation belge
forniuléedans la procédure orale suit une ligne déjà connue (\'III, p. 223
et suit..) : elle consiste à affirmer uiie fois de plus que toutes les procédures
furent réalisbcsdans I'intérétdu groupe hfarch. Mais à aucun moment on
n'apporte la preuve de cette grave accusation (on ne s;inrait prouyer ce
qui n'a pas existé); et il n'est pas répolidu aux arguments juridiques
présentésdans la duplique (VI, p. 392 et suitJ.). PLAIDOIRIE DE M. UR~A 309

La Partie adverse feintde se scandaliser de ce aue le séauestre-dévosi-
tairr:. sc constitii:int en assemblCr.gcii6r:ilc. :kitprocCdC :i1.~li~rtiriiti<,idies
a<lniiiiiitrateur:. d'Ebro; vIIi,iridiiliii~ii~c~.ttr:rnL.surr..qu'ellc qriaIifi<:(le
brutale u. incitait 1;iao:i&t> I-l~ru<I:tiisiiiic situ;irion .IU: .,a\.<:,itie si
clle a\ ait CtCiiiiic ,:If:iillitt:. piii~<liicciCL. ,uii cuiiscil <I'adiiiini~tr.irion
aur.iit ],II11oiirs11i\~rro~ii :icti\.it.'l~ ICI.:tic I;s(~cI:,tC
L.~,i. >on.(IV 1:2,t1,:tiu~l~nc:~~~ tft,h~~rnoii~-i~~ I~Ljl~~n;ni~dCvr1:.!'.jrric
aJver~<;: cuitil~iett d'~sï~iii:s l\.di,:nr constitue lis :i,>c.riil,l;i, il'lil~ro
<lur.iiit pri.511%qu: irniitc ans. jusqu'a cc que fiit d>clnr;.c:I:ikiillitt- dc Ikir-
cclona '1r:iction; i\orbia\.oir tmt dl'fencliila \.:ili~liti:<Ic In-oci;.t>anonvine
,
unipersonnelle, pourquoi se scandaliser de cette réunion de l'assemblée
généraleà laquelle assistait la seule personne qui firt en droit à ce mo-
ment-là d'exercer les droits de vote correspondant aux actions saisies?
L'unipersonnalité n'avait pas étécrééepar les organes de la faillite et
il n'était pas en leur pouvoir de rétablir la pluralité des associés.
Le séquestre-dépositaire possesseur légitime des actions a pu faire ce
qu'il a fait comme le faisait la Barcelona Traction avant d'étre frappée
d'incaoacité Dar la déclaration de faillite. Et il l'a fait cn vue seulement
de $au\.rg;irdtr Ica int;r;r <ILS cri:.îiiiit,r<:Iiiiir~;.cli:iiitle m:~iiiricii,,i In
[;te (I'El,ro. d';iclminiirrnit-urs. Iioinmci aie paille qui tciir;iic,ibacritiC

sans vereoene les intérétsdes créanciers à ceux du c".oune ~économiaue
dont ils vivaient et dépendaient.
Mais la Partie adverse s'obstine à dissimuler tout cela, et elle tente de
dénaturer les raisons de cette mesure en soulignant un point sur lequel,
pour ma part. je ne reviendrai plus maintenant: la prétendue saisie
fictive desactions, les titres étant au Canada.
En revanche, elle ne fait pas la moindre référenceaux pouvoirs qu'a
le séquestre-dépositaire en matirre de conservation des biens saisis
(art. 1044, 4'. du code de commerce de 1829); et elle persiste à attaquer

s~écialement l'un des~ ~ ~s ~ ~ ~ commissaire a invoouésnour dés,ener.
de nouveaux adininisrratrurs dani son ordonn;incc ~Iii 20fL:\.rierryqS: a
sn\.oir I'absciict. dii coii;r.il d'xlriiiiii>tr:it eridii comirr'coii~iiltatif.
.\lalgrt! <,.lat.t biciirliiL.Iç c.riitrc dr. wtiun rt d'~sl~loir;itii>nrl'Ebro
fiir cn Eip:ignt:, lt:G<iui.t:riit.iiit.iitl>i.i;I 11:iiiari(lii~Ic rccuiirnitrv iluc
le const:il cl':idmini;tratioii. lui. ne5').trou\,:iit 11asC~.iii:n<lîot il~c.irrli:
bien de mentionner un fait tris sigiificatif quj est le'suivant: lors<ue la
faillite fut déclaréeil y avait déià plus d'un an que le comité consultatif
local ne se réunissait dus. II ne.véut rien savoir-non vlus de cette iusti-
fication de la mes~re,'~ui procède de l'obligation iné1;ctable le

séquestre-dépositaire de veiller aux intérêtsdes créanciers en protégeant
le Üatrimoinë du failli. Car Dersonne ne oeut douter aue lorsaue le com-
mksaire mentionnait dans ;on ordonnance la nécesSitéde ;leiller à la
bonne administration des biens de la société faillie.il n'apissait pas sans
raison. Si cette tâche n'était Das remolie en maintenanties ansens ad-
ministrateurs - quel que Liit Îc licii (1c:'lt:urrcsi~lcnc. ilc:t 6viili.nt cliic
Ic conirnisraire. le se(luïtrc-<IL:~,o511;11ro eii 1,:s >vn<licsnuil sci1lt:ilirnt
pouvaient mais encore devaient prendre les mesures nécessaires pour
éviter qu'il fîrt ainsi portépréjudice aux biens compris dans la procédure
de faillite.

Par ailleurs. il est véritablement sur~.enant aue la Partie adverse
pzrci;re à affirrncr que. (lu fait des iiitaurti dc rit~rn;alisntiori.Ebru aur:iit
cl&!nise dans Uriesituation plus crave (~iiesi clle ;ivÿit Lit& dEc1ar;~faillie,
car dans ce dernier cas soi anüen conseil d'administration aurait été310 BARCELONA TRACTION

maintenu en fonction (VIII,p. 223). 11est certain que conformément à
l'article 929du code de commerce espagnol, les sociétésfaillies peuvent
continuer à êtrereprésentéesdurant la faillite par leurs conseils d'ad-
d'administration des sociétésfaillies se trouvent privésdes fonctions de
gestion et d'administration de l'entreprise puisque tout failli est frappé
de dessaisissement et d'incapacité totale en vertu de l'article 878,que j'ai
db si souvent rappeler. Sans préjudicede la facultéquileur est ouverte de
former opposition à la déclaration de faillite au nom de la société,le
maintien en existence des conseils d'administration vise uniquement à
faciliterla collaboration de la sociétéfaillieavec les organes de la faillite
et à lui permettre. le cas échéant,de proposer un concordat aux créan-
ciers. Cela et rien de plus! Si Ebro avait été déclaréeen faillite, l'ancien
conseil d'administration qui aurait étémaintenu ne lui aurait pas rendu
grand service.
C'est dans un dessein identique de protection que furent prises les
mesures de révocation des avoues. C'étaitlà une mesure liée la orécé-
dente, une mesure conservatoire indispensable, car les administratéurs et
les avouésétaient de connivence avec la sociétéfaillie. N'oublions Das
que les uni et les autres étiiiznt des mandataires. que tout rapport'de
mandat es fondt sur I:confiance et qu'il se trouve affectéd&squ'un fait
quelconque d:.truit cette confiance: dc Ii vient oue. d'une part. les ad-
ministraieurs ne furent pas tous ré\,oquCjdan; &tes les so~ieté~ filiales.
et que. d'autre part. ces revocatioiis n'interi~inrent pas aussitht apresla
nomination du ii~ouestre-dér>ositaireni ne furent ooér6essimultan2inent
dans les diff~rrnte; sociktés'dugroiipe, et qu'enfin les nouveaux coiiseils
ne procPdércntpas immédiatement Bla nomination (le nou\,eauu avoués
et au désistement des recours
Au vu de ces faits, il est inconcevable que la Partie adverse formule
la grave allégation qu'il y aurait eu complot entre le séquestre-déposi-
taiie. les administraieuri, les avouéset les tribunaux ~oÜremoêcherla
défense des sociétésfiliales. Qui pourrait admettre aussi gig'antesque
complot?
Mais la manŒuvre va se développeret va désormaisprendre pour cible
(VIII,p. 225) l'avouéqui, au nom des filiales, déclara devant le juge de
Reus qu'il se désistait des demandes présentéesdans les diverses bran-
ches de laprocédureuniverselle de faillite. Ce qui était une mesure de
prudence et de bon sens prise par les filiales, en raison de l'irrévocabilité
du jugement déclaratif de faillite,devient complot aux yeux de laPartie
adverse. En fait. ce qui s'est passéest fort simple. Barcelona Traction a
et qui reposait sur le mécanismedes filiales.Elle aurait pu contester elle-
mêmele iugement déclaratif de faillite. et. en formant oo~osition contre
celui-ci, >tiquer aussi les mcaiirti con;,,r\,atoires dont avaient fait
l'objet 5es filiales \lais nous savons déji -- cornme 1'3 espliqué IL.pro-
fesseiirGil-Roblri -- murouoi la sociétéfaillie n'a n3s recouru elle-mbmc.
mais en revanche a fait intervenir ses filiales, chérchant par cette ma-
nŒuvre indirecte à paralyser la faillite avec toutes les conséquences
gravement préjudiciables que cela impliquait pour les intérets des
creanciers. La manŒuvre, cela va de soi, ne pouvait réussir. D'ailleurs,
aprésl'exposéde mon collt5guele professeur Guggenheim et les précisions
qu'apporteront d'autres conseils surla façon dont les filiales se sont corn-
portéesdans la procédureet sur les moyens de défensedont elles dispo- saient et pouvaient user conformément au droit espagnol, il n'est pas
nécessaireque je m'attarde sur ce thkme.

Regardons sedérouler, Messieursde la Cour,le brillant spectacle agencé
Dar la Partie adverse dans ses ~laidoiries. Le second acte traite de la
prétendue ahispanisation i,des filiales. Les avocats du Gouvernement
belge déclarent que la nomination de nouveaux administrateurs visait à
rendre possible ia uspoliationu, moyennant la vente du portefeuille de
Barcelona Traction à la sociétéFecsa. Pour cela, dit-on, les syndics vont
faire en sorte que les nouveaux conseils d'administration prennent les
décisionsles plus audacieuses, qui atteignent leur point culminant dans
les assemblees générales qui décideront I'hispanisation a des deux
sociétéscanadiennes et l'émissiondenouveaux titres (VIII,p. 225 et suiv.).
Et c'est alors l'entréeen scène des svndics. Ou les fait entrer. en me-
mier lieu, pour leur faire le reproche vér'itablementinsolite d'avoir rekpli
l'obligation qu'ils avaient de dresser l'inventaire des biens saisis dans la
failli& aussitbt a~rèsleur nomination. Ici c- -e en d'autres occasions.
on dirait que le eouvernement belge estime que les organes de la faillite
sont relevésde I'obliaation de s'acquitter de leur mission, car il va des
accusations qui ne se comprendre autrement. La Partie adverse
émet des affirmations aussi incroyables que les suivantes: bien que le
commissaire eût. le 8 octobre 1949s ,omméles avouésde BarceIona Trac-
tion et de National Trust, accréditésdevant le juge spécial,de remettre
aux syndics les titres énumérés dans l'inventaire, c'était Ih. dit-on, pure
formalité. Darce que Nles svndics et le commissaire ne ~ouvaient se faire
d'illusionsSurlesiésultatsde cette sommation »,étant donnéle prétendu
défautdepouvoir des avoués (VIII,p. 226).:et ce qu'ils faisaient n'était
en réalitéqu'un prétexte pour pouvoir émettreuitéiieurement des Rtitres
en lieu et place de ceux sur lesquels ils étaient dans l'impossibilitéde
mettre la mains. Naturellement c'est la pure imagination, et nous allons
voir maintenant pourquoi.
Ebro et Catalonian étaient deux sociétés fondées au Canada. Mais
commerce de Barcelone. déclarent s'installere àoBarcelone et v transféreru
tout leur capital et précisentqur poiir les uop6rationr<Iii'r.llr;realiseront
et pour cc qiiivit du maintien dr leur personn:+lit&juridique et de leur
capacité (l'acir. elles se soumettrorit;iiislui, en vicucur eii Eso;icri<:oh
elfes élisentdYomicile. - -
Si l'on consid&re maintenant les statuts d'Ebro et de Catalonian
-textes d'une imprécisionindiscutable, n'en déplaise à la Partie adverse
,p. 228)- et plus précisémentl'acte dénommé«acte de fondation u
6"Ebro tel que le reçut un notaire espagnol, et toutes les autres circons-
tances aui suivirent sacréation. Dersonne ne sera sur~ris du fait aue les
syndics'aient estin16 néccsçairede dissiper tout douté sur le domkile et
sur l'ordre jiiri(1iqucaiiquel iralent n;sujctties lessoci6tés.Ils proccdértnt
i cet effet i la modificntioii dc Içiirs statuts pour prGsiscr les clioirî et
rendre IL>r6~imc de fonctionritniciit interiie dc lawciétéconforrn~, à II
réalitéde Sonesploitati~~nindujtriclle en Es .ignc..
1.e Goiivernrmrnt belgc s'obstine 3.vouriir nier cette r4alitt (VIII,
p. ZZS) en invoqiiant la préten(1ue(:lartéde 1'açtenotariL:deconstitution
d'Ebro du 14dGcembre 1911. et en ajoutant. ni plus ni moiiis. >lonsit.ur 312 BARCELONA TRACTION
le Président, que «le centre principal de direction et de gestion des affai-
resn de cette société setrouvait à Toronto. Ni l'une ni l'autre chose n'est
esacte.
On ne peut absolument pas dire que cet iacte de constitution n soit
clair. C'est là, il est vrai. une question d'appréciation sur laquelle il n'y a
pas lieu d'insister. hlais il faut dire de plus que - et cela a étéindiqué
dans la duplique (VI,p. 418).et le Gouvernement belge s'en souvient -
o,e..s~ ~n nous. les doutes des svndics ~rocédaient de l'ensemble~~es
circo~~iiinc~;dnni l~iq~i~ll~E j bro i'ctiiit Ciablict exploitait son niinire
cn IXii>ncnecrici, aii iluiible-ieu (lu s1,:xt.i;tuCannda t!dv 1'2,II11'5s~-
meiit iiZquëassujetti à l'ordre juridique espagnol.
De là, le bien-fondé de la décisionprise par la cour d'appelde Barcelone
dans son arrêtdu 8 février1950-arrêt qui dans la procédureorale (VIII,
p. 229) n'a donnélieu qu'à une breve allusion - selon laquelle nle siège
réelet effectifs était la ville de Barcelone pour la raison que le capital
social et l'intégralité des activités yetaient concentrés.
De l&aussi l'affirmation de la duplique (VI,p. 416et suiv.) qui souligne
que les syndics n'ont pas prétendu changer la nationalité d'Ebro et de la
Catalonian. mais qu'ils ont essayéde résoud~ une situation véritable-
ment confuse en adoptant certaines mesures qu'il était en leur pouvoir
d'adopter.
La position espagnole est si ferme que les témoignages ne manquent
pas qui attestent des doutes et incertitudes qui se présentèrent immé-
diatement à l'esprit des dirigeants du groupe sur la question de la na-
tionalité d'Ebro. Le Gouvernement belee n'a oas fait la moindre allusion
à cet argument espagnol. II faut dnnclui rifraichir la mémoire en lui
rappelant que, dès 1q18 et à la demande de Barcelona Traction repré-
seniéepar son agent en Espagne, Arnus-Gari, un avocat espagnol donna
une consultation dans laquelle, parlant d'Ebro, il disait notamment que
cilefait est.que 1'Ebroest uiie compagnie espagnole, inscrite au registre
du commerce. et de ce fait, sujette aux Iois en vigueur dans notre paysn
(D., VI,p. 416).

aue l'activité d'administration des svndics comnorte l'esercice du droitre

de vote inhérent aux actions apparténantà la Société faillie -activité
limitée à nl'administration et à la conservation des actions iusqu'à leur
vente >-, ils n'avaient en revanche aucun droit pour faire procéder au
changement de nationalité.
Quant à moi, je persiste à nier que les syndics se soient proposés de
changer la nationalité des sociétés,ce qui fait que la façon dontla l'artie
adverse pose le problème n'a pas de sens. Mais en toute hypothèse je ne
peux pas davantage admettre que les syndics ne soient pas habilités à
exercer le droit de vote inhkrent aux actions saisies sur le failli dans une
assemblée généraleoù pourrait être prise une décision touchant le
changement de nationalité de la société.Peut-être est-ce pour cette
raison que la Partie adverse dans ses plaidoiries n'a pas cru devoir in-
sister sur ce point. En revanche, ce qu'elle a fait dans un grand effort
d'imagination, déployépour trouver un nouvel argument, a consiste à
affirmer quelque chose de véritablement ineffable: la Partie adverse
déclarequ'au moment où fut prise la décision iln'aurait pasété permis
en droit espagnol de changer la nationalité des sociétésétrangèreset que
les changements de nationalité n'auraient étéautorisés qu'a partir de
1la loi du 14 décembre 1956.modifiant l'article 89 du règlement sur le le registre du commerceu (VIII, p. 228). Voilà une autre grave mécon-
naissance du droit interne espagnol!
je dois. en premier lieu, souligner que le reglement espagnol actuelle-
ment en vigueur sur le registre du commerce a étépris non pas au moyen
d'une loi, mais par décret; en conséquence.il ne pouvait pas à lui seul
altérer la légalitéétablie en consacrant le principe du changement de
. nationalité des sociétés,si ce mêmeprinci~e n'avait Das été~réaiabie-
mt:nt acliiii; p;ir la loi. )lai.; inil~~~~ndsrnrn~ccc pro'bl2mcrlilarit AIn
liiérnrchiedeî iionncs liiridiquïi, ilt: trouve qii'il Iest p.15 \.rai que le
rèslement du reeistre du commerce du 14décembre1056âctuellement en
vigueur qu'inv&ue la Partie adverse réilemente pou;ia première foisen
Espa~ne le chancement de nationalité des sociétés commerciales.Ce
règleiïient ne fait rien d'autre sur ce point que suivre les traces du règle-
ment précédeiiten date du 20 septembre 1919, lequel contenait déjàune
règlesubstantiellement identique à celle de l'article 89 du règlement ac-
tuel ouiest invoaué. C'est l'article 141 du reelement de Ior,,aui..st oassé
inaperçu aux ye;x de nion illustre cbntradi>eur. faute peut-etre, et'cela
serait explicable, d'avoir l'habitude de com~ulser des textes espacnols.
J'espère qu'à présent il reconnaîtra - indépendamment de no&ethèse
selon laquelle jamais les syndics n'ont soiigé à changer la nationalité -
que cette règle ruine toute son argumentation et que le droit espagnol
admettait bien avant la faillite de la Barcelona Traction le changement
de nationalité des sociétés commerciales. Au surplus, la duplique
(VI, p. 420) a rappeléla résolutionsur les sociétésanonymes adoptée par
l'Institut de droit interiiationalà la session de Varsovie de 1965.Suivant
cette résolution, les sociétésétrangères sont soumises à la législationde
1'Etat dans lequel se trouve soit leur zdomicile réel n (et non leur adomi-
cile statutaireiisoit le lieu dewl'objet principal rde l'entreprise (art. 3 de
la résolution). Dans sa plaidoirie, la Partie adverse a affirmé que cette
résolution aurait étéinvoquée <iimprudemment n par le Gouvernement
espagnol. En réalité, l'imprudence - comme on va le voir - est bien le
fait de la Partie adverse.
En ce qui concerne le premier critère, celui du «domicile réel u,s'il est
bien vrai que de temps en temps un conseil d'administration d'Ebro se
réunissait à Toronto pour ratifier quelques-unes des décisionsqui étaient
ado~tées continuellement hors du Canada. il n'en est Das moins vrai,
co6me l'a démontré defaçon concluante le professeur Waldock, que ce
n'étaitpas au Canada que se trouvait le centre principal de direction et de
cestion-des affaires de i'entre~rise
En ce qui concerne le secoid critère que pose l'institut pour autoriser
l'application de la loi territoriale, celui qui est relatif au lieu decl'objet
principal n des affaires. je ne pense pas non plus qu'il y ait aucun doufe
sur le faitque c'est en Espagne et seulement en Espagne que se réalisatt
et que pouvait se réaliser non pas seulemeiit <!l'objetprincipal». mais
bien «l'objet unique et exclusif» de I'activitk sociale (A.C.M.,vol. IV,
no485, p. 41-42. et vol. 1. noSj, p. 589).
La résolutionde l'Institut justifie ainsi, aux yeux du droit internatio-
nal, la mesure adoptée qui consistait à assujettir complètement la
société à la législation espagnole. Commedisait le rédacteur de la réso-
lution, le professeur belge Van Hecke, ixcette soumission de la société
étrangèreau droit local doit étreaussi grande qu'est intense le degréde
pétiétration ide la sociétéétrangèredans l'économiedu pays (Annuaire
del'lnstilul,1965,vol. 1,p. 252). 3'4 BARCELONA TRACTION
1.cGoii\,crnemcnt belge. pcriiîtant dans son point de vue erronéfondé
sur I'intïntion pr6tCeaux 5yii1lics.cs:iic finalziiirnt dc s'abriter, une fois
encore, derrièrële droit canadien,maisil est vain de penser que lessyndics
auraient dû se conformer aux normes de ce droit. En qualité d'organes
d'une faillite déclaréeen Espagne, les syndics ne pouvaient faire autre-
ment aue d'a~~l.. .r les normes du droit esuaenol. II est erroné de
foi~clcr&[te prétef,tioiisur ln réglz (Irl'article ;5-d11 code (le coriiniercr:
espngiiol. pxcc qiie l'assiijettissciiic3tla loi territoritile et I'iiiitallation
du si>eciorial en Es~asnt. ne Dçu\<entEtrz considcréscomme r<:levaiitde
laiicGacité de contiarter a.séulet unique point pour lequel cette règle
respecte la loi du pays de la société;il s'agit là, au contraire, d'une dis-
.o~ ~ion d'ordre Dublic a.i..selon l'article II."..du code civil. relèvede
la loi espagnole.
Le Gouvernement belgea invoquéencore un nouveau motif pour dénier
aux orea,,s de la faillite le droit de vote. Il n'hésite Das,Dour.cela à
mcttr~ cn av.iiit dc>sint<,rct.-i~uI~Csoient 1~"st~clgci'Cc joiit cctte lois.
lcs prétci~ilusdroit, [leSatioii:il Truit. II prL:tciid,cn rffct. qiic Irs cl;iu?t!s
du l'ri<slBeedrelatives au droit de vote aiiraient étéviol<es.et nlus tjrl-
cisément laclause rz du Trust Deeddu I" décembreI~II(vIII,'~. zig et
suiv.). Rien de tout cela n'a le moindre sens.
La réplique alléguait (Y, p. qqz et suiv.) que si, en fait, Barcelona
Traction exerçait le droit de vote dans les filiales, c'était seulement en
vertu des pouvoirs ou autorisations donnés par National Trust. ce
qu'affirmait l'annexe 106 de ladite réplique (A.R., vol. II, p. 528).
La duplique a démontré(VI, p. 389 et suiv., et A.D., vol. II, p. 668 à
674) que le fait ainsi alléguépar la réplique nes'est jamais produit, que
les prétendus pou\~oirsou autorisations ne visaient nullement les assem-
bléesgénéralesdes actionnaires des filiales et que la sociétéfaillie n'avait
jamais fait état de ces prétendus pouvoirs ou autorisations au moment
d'exercer son droit de vote: ce qui explique qu'on n'ait jamais trouve
assemblées générales.uvoirs ou autorisations dans les proc&s-verbaux des
Eh bien! si Barcelona Traction s'est abstenue d'observer ces formalités
sans la moindre protestation du National Trust. comment le Gouverne-
ment belge pourrait-il tirer grief du fait que le séquestre-dépositaire
espagnol, qui fut substitué àBarcelona Traction dans la possession des
droits. s'en soitégalementabstenu?
Ce n'est pas non plus un argument valable que de dire que, la procé-
dure de receivershipayant été engagée au Canada, National Tmst avait
seul ledroitde vote.en vertu desclauses du TruslDeed (VIII,p.236). Il me
paraît superflu d'entamer la discussion de cette question. Qu'il me suffise
de dire que, en se plaçant sur le terrain même dela these adverse, il aurait
fallu pour que le jugement rendu par le juge d'Ontario piit sortir en effet
en Espagne, il aurait fallu, dis-je, que le receiver eût préalablement
obtenu l'exequatur des tribunaux espagnols. A moins, Messieurs, que
I'onadmette le systéme udeux poids, deux mesures n et que I'on diseque
les décisions judiciaires espagnoles requihent l'exequatur pour sortir
effetau Canada, mais que les jugements canadienssortiraient leurs effets
en Espagne sans aucune formalité. Que I'on n'aille donc pas dire que le
Trust Deed, du seul fait de son existence, liait les syndics et les empêchait
d'exercer les droitsde vote.
Enfin, Messieurs les juges, si les intérêtsdu National Trust tiennent
véritablement àcŒur au Gouvernement belge, peut-êtreserait-il bon de lui rappeler qu'il n'a pas demotifd'inquiétude,car les garanties des obli-
gataires ont étépleinement respectées lors de la liquidation. ainsi que
l'exposera, dans quelques jours, le professeur Carreras; et si la mission
première de National Trust était de défendre les obligataires, il a di1
éprouver, pour la première fois,la satisfaction de voir, grâce à la faillite,
tous les obligataires de Barcelona Traction percevoir leur dti dans la
monnaie convenue.
Quelle signification peut bien avoir cette référencequi est constam-
ment faite à National Trust?

III

Nous en arrivons ainsi, Monsieur le Président. à ce que la Partie ad-
verse a qualifié d'«opération fameuse n (VIII, p. 229): l'émission de '
nouveaux titres.
En réalité.c'est dans les assemblées ~énéralesdes sociétésau'il fut
se trouvait la sociétéàtsavoir la faillite de Barcelona Traction. C'estdans
cet es~rit et erâce aux modifications statutaires aue furent établies des
réglcsrégissantcertaiiiî 1)oiiltiiml)ort:iiita sur lc~cl;iclslei statut3 r't:iicrit
rcst6s sileiicicus ou quç Ic I>oiisens commandait de rGg1r.r(par csanplc.
lcï rCalcs conccrri;<ntIcj as%riiit>lé-csL:n<ralcs.Ic recijtrc des ;ictioiis. In
rel>rC"ntatioii clesactioiinaires aux assrmblce'sgén,rrales.le dspôt préa-
lable des actions de qiii souliaitaiy assister, etc).II s'a~issait demodi-
fications absolument nomales et-recommandées par les circonstances
de la faillite (cf. D., VI. p. 410 et suiv. et les annexesauxquellesrenvoiece
passage).
Une fois lesdites modifications décidées,les assembléesconsidérhrent
la formequerevêtaient les titres respectifs et décidèrentd'en émettre de
nouveaux. Sur ce point. le contre-mémoire (IV, no 219, p. 385) justifiait
la décisiond'émettre de nouveaux titres en alléeuant. entre autres rai-
sons, qu'il convenait desubstituer aux certificatsGurécépissésprovisoires
des titres définitifs.Il n'est pas superflu,toutefois, d'aiouteà,propos de
cet argument précis,que le Gouvernement belge, si «soucieux ,de prouver
qautres sociétésqui procédèrents àél'émissionde nouveaux titres. Et dans
les plaidoiries, la Partie adverse a déclaré (VIII,p. 233)que la discussion
sur ce point serait véritablement iistérilen. Nous sommes d'accord et
nous pensons, nous aussi, qu'il n'y a pas lieu de discuter du point de
savoir s'il existait ou non des titres définitifs,et nous n'avons rien i
ajouter.
En,effectuant l'émissionde nouveaux titres et en créant des registres
d'actions. on élimineoour l'avenir toutes les ambieuïtés antérieures et
toutes les discussions i>ossiblessur la question de saYoirqui etait action-
naire. L'on procéda pour cela avecla plus crande correction,en portant.
lors de la première~in~cri~tionsur cès registres, le nom de Barcelona
Traction qui était - il faut le rappeler ila Partie adverse au vu de ses
affirmations (VIII, p. 231) - l'unique et véritable actionnaire. et ce in-
dépendamment des droits de garantie du National Trust, dont il a d'ail-
leurs été dùment tenu compte. De sorte que ce qui fut fait fut parfaite-
ment normal et correct. De nouveaux titres ont étéémisqui furent <:en-
Dans ces conditions, qui a étévictime d'une spoliation?lona Traction. 3'6 BARCELONA TRACTION

Toute l'argumentation belge vise plus ou moins à démontrer que, par
l'émissionde titres nouveaux et les modjfications statutaires, on cher-
chait uniquement à permettre aux syndics d'opérer plus facilement la
liouidation du vortefeuille de BarceIona Traction, en tournant la diffi-
cilté qii':iur.~ilboiiiiitii; Ic inir qiie tout<:.lis nciioni Ct:ii~.ni;auCan;id,i.
CL'[.IT~UIIICIIn'.inuciin pol<l.<c.ar ic.1;.i.i~l~r<(u. .\.~,ucii .,titro Icj
droits (lel;i:oci;!tS f:~1111~r ILS h1i:lIc:s6t:lisnt ~:LI>Ic;l ~nuvni~ii;lr,:
aliéiiés.
Cela étant, il faut en outre se souvenir que la décisiond'émettre de
nouveaux titres a étéprise deux ans avant la vente. C'estdonc réellement
attribuer aux organes de la failliteun don de prévoyance peu commune.
Bien entendu, ils n'ont jamais eu cette intention, et cela a étéaisément
expliquédans le contre-mémoire et dans la duplique (VI, respectivement
p. 385 et 415)~qui ont fait pleine lumièresur la pseudo-surprise dont fait
étalage la Partie adverse. Kappclons donc ici un paragraphe du contre-
mémoire - que la Partie adverse, dans sa plaidoirie (VIII, p. 231). a
considéré commeparticulièrement «remarquableii. Voici ce que dit le
paragraphe en question:
Lors de la declaration de faillite de Barcelona Traction, les droits
furent saisis, maison ne put vas saisir matériellement les titres..q.i se
trouvaient à l'étranger. ~kiende plus logique donc que d'émettre de
noveaux titres pour les subsliluer aux certificatsprouisoires.»

Si je souligne les derniers mots «pour les substituer aux certificats
provisoires P.c'est parce que le hasard - heureux hasard! - fait qu'ils
sont si brefs qu'ils ont étéomis par la Partie adverse. Sans doute parce
qu'ils jettent trop de lumièresur l'obscuritéqu'elle prétendcréer.
Au surplus, dans le contre-mémoire figure (voir D., VI, p. 415) cet
autre paragraphe, dont la Partie,adverse préfèrene pas sesouvenir:
«S'il ne fut pas possible d'effectuer l'échangematériel, il faut en
chercher la raison dans le fait que le failli manqua à son devoir, qui
était de mettre tous ses biens à la disposition des organes de la
failliteD(IV,p. 386).

C'est là qu'il faut chercher le motif de l'émission denouveaux titres:
dans le manquement flagrant par le failli à cequi est, pour lui, l'obligation
primordiale. Face àce manquement, l'ironie ne sertde rien!
En émettant de nouveaux titres. les syndics ont à tout moment agi
defaçoncorrecte et conforme àla légalité espagnolequi nes'opposait.pas.
et qui ne s'oppose pas, à ce que l'on procède à l'émissionde nouveaux
titres lorsqu'ily a, comme en l'espèce,des raisons de le faire. La Partie
adverse affirme que le code de commerce espagnol n'admettrait qu'en
deux cas cette opération d'émissionde duplicata avec annulation corré-
lative des titres primitifs: le cas de vol. larcin ou disparition de titres au
porteur (article 562)et le cas de défautde paiement de dividendes échus,
visépar l'article 164 aujourd'hui abrogé.Mais, encore une fois, il y a là
une nouvelle et grave erreur, car la Partie adverse ne devrait pas ignorer
qu'en matière d'échanged'actions, l'énumérationque donne le code - et
c'est le cas également dans d'autres syst6mes juridiques - n'est absolu-
ment pas exhaustive et n'établit enrien un ~~~~~~~~ slausus,car ce pro-
blèmeest régipar un principe d'extrêmeliberté. Où est donc la règlequi
interdirait aux sociétésd'émettre des titres nouveaux en remplacement
d'autres titres? Nulle part. Cette interdiction n'existe pas. PLAIDOIRIE DE M. U~i.4 3I7
L'échange ou substitution de titres est quelclue chose qui, en dernière
analyse, relève de la volonté de la sociétéémettrice qui peut - en res-
pectant les formalitésrequises - déciderd'y procécler.pourvu que soient

sauvegardés les droits des associés,quand il y a des motifs d'agir ainsi.
La Partie adverse ign. .rait-elle qu'avant et après la faillite de Barcelona
'rr;,<tioii uii,:r>erfcctuc'r>ct -t!iivn<.<irt<:ii<;ctii;.,iii 13..1):ig1,.rIiurs
d'I<;l>:.gni:,clciol>cr:itioiij tl';cli;iiigc oi:iil>:titiiiiiiIc titrr.dani dt:i
cas foa autres aue ceux de vol ou~dedis~aritioii des anciens titres ou de
défaut de piemint du non-versé? Il en eit ainsi dans les cas de regroupe-
ment de titres lors d'une réduction de capital. de translormation de so-
ciétés.de conversions d'actions nominatiires en actions au norteur ou a
12inve;se,etc. II n'y a pas lieu de pousser plus loin cette énumération.
L'important est qu'à l'occasion de ces nouvelles émissions les droits
des act;onnaires ne ;oient pas lésés,et en l'espèce on ne peut parler de
lésion,car les nouveaux titres, nous l'avons dit, forent émiset enregistrés
au nom de l'actionnaire unique: Barcelona Tractioii.
La société faillierefusant de remettre matériellement les titres corres-

pondant aux actions des sociétés filiales.les organes de la faillite. habi-
lités à exercer les droits appartenant au failli, dbcidèrent d'émettre de
nouveaux titres en remnlacement des anciens. sans .ue Dour.cela fîit
~x,it~'Ir nioiiidrc l>rt2jii<li::i\ %lroit.-i:\.ciitiitl. <Inntdi-poi:iit Iiur.i;t<)
f:iillii.curiimc.:ictit,iiii.il<.iili:ilciIII<ILILfiit iiic>rlii1.i~itii:itirjiiri-
<liriiiccr&c i,;ir le dt:î,aiii.;i<.nii:nt ilu f<*tla=niGii:(le ics liiin-
kest biei là ce qui est important et décisif. Si, en ce principe, rien
n'empêcheune sociétéde décider l'échangedes titres originaires d'actions
~.rovisoires ou définitifs)contre des titres nouveaux. en l'esoècenon seu-
li.iiit~ritIn sitiintiocri:?;par la ~I2~:l:iratioiidt: laill/tcrit~uii~air gCiier
1'applicnriuri dg:ce yriiiciw. rn;ii' cncorc #:Ili:niitori.~aIt ~>li:iiiemrritc.:r-
taincs 5uci6ti.s filinles h écli."iicerti'ancit-Ititre, nii rl'cii,ii;Cs contre dei
titres nou\,eaux. en annulant les anciens.
A cela s'ajoutait une circonstance extrêmement importante, à savoir

que la société faillieétait l'actionnaire unique des sociétésfiliales. Les
syndics étant subrogk à Barcelona Traction dans l'exercice des droits
d'associédont la sociétéfaillie était titulaire relativement aux filiales, il
est évident que les syndics pouvaient prendrc. A l'unanimité des voix
représentant 1ü totalité du capital social, la décisiond'échanger les titres
anciens contre de nouveaux. comme Barcelona Traction elle-mêmeaurait
pu le faire si elle n'avait pas étédéclaréeen faillite. II s'agit là d'un acte
ressortissant à la vie interne de la sociétéqui affectait exclusivement les
rapports de l'actionnaire unique avec la société.
Aussi est-il absurde de prétendre parler de responsabilité des syndjcs.
Et, à ce sujet, la meilleiire preuve de l'inconsistance de cette imputation
se trouve sans doute dans l'évolution qu'a subie l'argumentation de la
Partie adverse. Dans le mémoire,elle affirmait (1,p. 170, et A.M., vol. II,
p. 280) que l'émission de nouveaux titres constituait un délit de faux
sanctionné par les articles 293,295 et 296 du code pénal.Dans la réplique,
elle insistait (V, p. 3x1) sur le fait que l'émissionaurait constitué le délit

de contrefaçon <letitres émispar des sociétbsétrangères impliquant iine
usurpation de compétence de la part de 1'Etat espagnol. Aujourd'hui et
dans ses plaidoiries (VII I.,233), elle déclare - sans doute après avoir
lu la duplique (VI p,. 272 et suiv.. etA.D., vol. II, p.498 et suiv.) -qu'il
est complètement inutile de discuter sur ce point.
Admettons! On comprend qu'après la duplique il ne puisse plus y avoir 31° BARCELONA TRACTION

quand hien nheoossiblil n'y aurait pas eu de mod'ifirations des statut; ni
d'<:missionde nouveaux titre$ la proc2dure se serait rigoureusemerit
déroul2cde la nieme f3qoii On ne \.oit donc p~soù peut ètre le <loriinilgc
ou la IGsionqu'auraient pu causer çei mejures L'uiiique infracti~ii grave
que I'onrelé\~e est le fait que Insozi>ti!faillie n'a paj mis,;I;idiipositiuri
dcs orraiies de la faillite1,:titre, iiii'clleavait.
La Uduplique(VI, p. 406) rappel&, d'autre part, en des termes que
vient de reprendre la Partie adverse dans ses plaidoiries (VIII, p. 236).
que mêmedans l'hypoth&se - que nous rejetons - où il y aurait eu un

quelconque dommage, aucune responsabilité n'en résulterait pour le
Gouvernement ou les tribunaux espagnols: en efiet, les syndics étant les
rfonctionnaires publics, leur activité ne saurait engager la responsabilitée
de I'Etat. Le Gouvernement belge ne le nie pas. mieux encore, il le recon-
naît et il l'admet à la page 358de la réplique(V),en se référant à l'affaire
Venable.
C'est cependant avec stupeur que I'on entend dire que, ce faisant, le
Gouvernement espagnol chercherait «à échapper à sa responsabilité uet à
«se laver les mains r (VIII, p. 236-237). Face A cette nouvelle attaque.
j'affirme une fois de plus qu'il n'y a pas eu de responsabilité de 1'Etat ni
dessyndics.
Tout au long de l'exposé que]'ai eu l'honneur de faire devant votre
haute juridiction, nous avons pu voir que toutes les fois que les organes
de la faillite ont pris des mesures pour protéger l'intérêtdes créanciers
mes distingues contradicteurs ont affirméavec feu qu'il y aurait eu une
grave illégalité.Quelle étrangeidéecela suppose des buts de la procédure
d~ fa~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~
Ilonsieur le Pr&sidtiit, \lcsjieurs les juges. ainsi prend fin nion inter-
\,entiuii dans 13 proc6(lure orale. J'ejpsrt avoir persuadé la Cour qiic les
imputations de la I'artiz adverse surit dénucesde tout fonilemeiit .qu'il
n'est pas vrai que la procédure <Ir:la faillite ait étémise au servicc de!.ili
iiit6r;ts; que la fnillite. loin d'avoiété pro\:o<lu&cartificielleriient. a ét6
la conséquence inesorable des nianquementi répétési l'obligation d=
payer qui pesait siir B:ircelona 'l'raction; et que les trihiinaiix espagnols,
:~uiiliiiuaiiicorrectement notre droit. ont fait simulenient Ieiir devoir
.AIl me reste enfin à vous remercier'à nouveau. Messieurs, de l'attention
que vous avez bien voulu m'accorder.

L'ar~dienceest levée à 13 heures TRENTE-TROISIÈME AUDIENCE PUBLIQUE (5VI 69, IO h)

Présents:[Voir audience du 20 V 69.1

QUESTIONS BYJUDGE SIR GERALD FITZMAURICE'

Judge Sir Gerald FITZMAURICE: In the Spanish oral statements,
great stress has been laid on the fact that, according to Spanish law, a
state of insolvency on the part of the debtor is not necessary in order to
justifya declaration of bankruptcy and that a simple cessation of pay-
at least in theory, and that this is so whenever payment is not made asugh,
...~ as it is due. 1would therefore like to be auite clear as to what is the
exact position under Spanish law.
According to many systems of law-and this is certainly so under the
common law systems-failure to pay a debt is not a ground of bank-
ruptcy unless certain preliminary steps have been gone through. It is
necessary in the first place for the creditor to bring an action in the courts
to recover the debt, and a judgment should be given in his favour,since
it is always possible that the debtor may have a good defence to the
action.Next, it is necessary that this judgment should not have been
complied with within the time-limits prescribed by the law; and. finally,
under some systems it is necessary that steps should have been taken to
trv to enforce the.iud-ment and that these also should have failed to
p;ocure payment.
Now, is it the case that under Spanish law a resident of Madrid who,
for instance, was away in Americà on a lecture tour, could be declared
bankrupt because in hi5 absence some bill had remained unpaid and that
upon proof that the debt was owing a Spanish judge would have no
alternative but to pronounce the bankruptcy? 1s it also the case that
under Spanish law, if every debtor so situated failed to appeal
against the bankruptcy order within eight days even though he might
have no knowledge of it for two or three weeks, the bankruptcy would
become irrevocable, al1 his property ivould pass to a curator and he
would become totally incapacitated from dealing with it in any way?
Now, if this is not the position under Spanish law, then 1 would be
glad to know what it would be in circurnstances of the kind which1have
pst described.

Seeinfra, p. 398, DÉCLARATION DEM.CASTRO-RIAL
AGENT DU GOUVERNEMENT ESPAGNOL

M. CASTRO-RIAL: Monsieur le Président, Messieurs de la Cour, je
remercie sincbrement 11.le juge sir Gerald Fitzmaurice pour les questions
qui viennent d'êtreposées.
J'esphre que notre réponse aidera à éclairer des points qui viennent
d'êtresoulevés.Je vous demande respectueusement d'avoir l'obligeance
de me laisser consulter mes conseillers. en vue de vous répondreaussitàt
que possible. et je vous prie respectueusement, Monsieur le Président, de
donner la parole. si vous l'estimez opportunà notre conseil le professeur
Carreras pour poursuivre ledéveloppement normal de notre plan d'exposé
sur le fond delafaillite.

Le PRESIDENT: La Cour prend note de la demande faite par
hl.l'agent du Gouvernement espagnol. PLAIDOIRIEDE M. CARRERAS'

CONSEIL DU GOUVERNEMENT ESPAGNOL

M. CARRERAS: Monsieur le Président. Messieurs de la Cour, je vous
sais infiniment gré de l'honneur que vous me faites en me donnant la

parole. M.l'agent du Gouvernement espagnol et mon confrère,l'éminent
professeur Gil-Robles, se sont, mieux que je ne le pourrais. fait les inter-
prètes des sentiments de tous les conseils du Gouvernement défendeur.
Qu'il me soit permis, tout simplement, de faire miennes leurs paroles.
hla tâche consistera à exposer devant. vous les raisons pour lesquelles
les griefs de la Partie adverse relatifs à la nomination et à l'activité des
syndics ainsi qu'àla vente des biens de Barcelona Traction sont dépourvus
de fondement.
Vous avez entendu mon éminent contradicteur dresser, avec des
accents dramatiques, voire pathétiques. le tableau d'une sociétécana-
dienne aui auraitété. à I'encroire. victime d'une s~oliation effectuéeavec
le concours actif des autorités judiciaires espag'noles. J'ai bon espoir,
Messieurs de la Cour. qu'au terme de ma plaidoirie, il ne restera rien de
I'imaeu déforméeaue vous a orésentéela Partie adverse.
II1.Crr:goirc au cours dc $ri ~>l:iiclt,irsu:d?i)n$'ril:II5 niai :I(lit i
plusieiirs rc]iriieh que si 1,-Gou\,rriifn~ciit e,l>ngnol\~oiiIaitr6pliiluf:rde
facon conv;iiiicnnte j. ,oii nrcunjciitntion. il lui k~udralt orcaiii&r lin
vé;itable «festival de virtuosi% dia~ecti~ueu. J'ignore si le fait de rap-
procher adroitement des faits isolésde phrases ou de passages extraits
dedécisionsjudiciaires oudetextes deloi constitue un festivaldialectique.
S'il en était ainsi, Me Grégoire nousen aurait assurément donné une
brillante démonstration pratique, lorsqu'il a présenté, avec l'aisance
que lui donne une grande éloquence,sa version personnelle des faits.

Contrairement à ce que semble penser Me Grégoire, je suis certain
que la Cour n'est pas sensible au simple feu d'artifice de laipure dialec-
tjque et-qu'elle n'est sensible qu'à la vérité.C'est danscette conviction
- car je crois que la justice et le droit doivent itre l'expression de la
vérité - que je vais vous exposer. le plus brièvement possible, la façon
dont a été ooéréela vente des biens d'un débiteur récalcitrant aui
entendait ne pas payer ses créanciers
Vous n'i~norezpas, Messieursde la Cour, que la demande du Gouverne-
ment deminde~r're~ose sur des affirmations d'ordre généralqu'il nous
fait accepter comme si elles étaient des postulats qui n'ont pas besoin
d'êtredémontrés.
Ainsi. selon le Gouvernement demandeur. Barcelona Traction était
une sociét6qiii IIL'faisait pi<>d'affaires cn Es1~"nc qiii n'avait ilan.. cc.
pa\.s nisiigv social. ni bieris. ni t.iiiploySei heiili~t iiriiquesbit-ii;, rious
dii-on Finient dcs ii~oice~ ~s dc &>~m.r iiii,dé, itv3iit la Lxillite.i.taiçiit
déposés à Toronto et qui s'y trouvent encore.
Barcelona Traction aurait bien voiilii payer ses créanciers;mais, nous
dit-on, les autorités espagnoles I'en ont empêchéea .u moyen de mesures
illégaleset discriminatoires.

' Plaidoirie prononcee en langue espagnol(voir supra. p191. 322 BARCELONA TRACTION
Barcelona Traction n'avait Dascessésespaiements: elle s'étaitbornée.
nous dit-on, à suspendre le se;vice financie; de ses obligations.
Barcelona Traction, une fois la faillite déclarée.devait. nous dit-on.
pouvoir continuer à diriger ses affaires en Espagne, par l'intermédiaire
desdirigeantsdes filiales, comme si rien ne s'étaitpassé,etc.
A ce stade du procés, la Cour connaît la véritésur ces postulats du
Gouvernement belge. En effet. les conseils du Gouvernement espagnol
qui m'ont précédé ont, l'un après l'autre, mis en relief combien il est
paradoxal qu'une accusation de déni de justice soit fondée sur des
artifices de forme qu'un débiteur avait créésdans la seule et unique
intention de duper ses créanciers, en usant de fraudes.
Mon distingué contradicteur, toutefois, continue à s'appuyer sur ces
artifices.Il se heurte toutefois, au surplus,à un fait nouveau. Dans la
procédure de faillite de Barcelona Traction, l'on a nommédes syndics.
représentants des créanciers,et ils ont procédé à la vente des biens de la
sociétéfaillie, ainsi qu'il arrive dans toutes les faillites. Le -ri<<une
croûte de pain », selon MeGregoire - était supérieur à un milliard de
pesetas, car l'acquéreur devait liquider et payer la totalité des obligations
de Barcelona Traction. Et les créanciers avant la vente aux enchères.
les syndics dans le cahier des charges et l'adjudicataire après la vente
aux enchères, ont plusieurs reprises offertà Barcelona Traction ou à
ses prétendus actionnaires la possibilitéde recouvrer le patrimoinede la
sociétéfaillieà la seule et unique condition de payer les dettes de cette
dernikre.
La Partie adverse soutient que la différenceentre la valeur de l'actif,
d'une part, et le montant du passif. d'autre part, était d'une centaine de
millions de dollars. Or, voici que les soi-disant actionnairesde Barcelona
Traction ont, à maintes reprises, refusé de racheter l'actif pour une
simple icroûte de pain i,.
Pour masquer ce fait insolite, qu'il ne saurait expliquer,.mon éminent
contradicteur n'a pu se satisfaire des postulats utilisés jusqu'ici par le
Gouvernement demandeur. Me Grégoire,dont la plaidoirie a révélétoute
l'intelligence et le talent, a très vite compris l'immense difficultéde sa
tâche. Et il a senti qu'il lui fallait trouver un nouveau mode de présenta-
tion, construire un raisonnement, élaborer une philosophie adaptée aux
besoins de la cause. C'est ce que je me permettrai d'appeler riles dix
piliers de la sagesse deMeGrégoire o.Cette sagesse repose avant tout sur
une faculté particulièrement développée,semble-t-il. de l'autre côté
de la barre: l'oubli.
En effet, pour suivre mon éminentcontradicteur dans son argumenta-
tion, il faut d'abord avoir grand soin d'oublier dix faits dont l'importance
pourtant est capitale car, si on les gardait présentsàl'esprit. la these de
hleGrégoires'écroulerait d'un seul cou
Ainsi, s'appuyant sur lespostulats &ses confréres et sur ce que j'ai
appeléles dix piliers de sa sagesse,Me Grégoire s'estemployé à disséquer
les faits et les règles: il a cueilli un mot ici, une phrase là, il a attiré
l'attention de la Cour sur un oint ou sur une virale. tout cela Dour
construire, avec la patience dtn orfèvre, un méiodrame en trois actes
intituléa la monumentale hérésieiuridique ude la vente (VIII,P. 309).
Le premier acte, il vous en souvient, &t consacréaux mesure5 pfépara-
toires à la vente; le second, à l'autorisation accordée aux syndics de
vendre; et le troisième, au cahier des charges et aux modalitésde la vente.
Je passerai en revue, cela va de soi, tous les actes de cette pièce, en PLAIDOIRIE DE M. CARRERAS
323
m'efforçant d'êtrebref. II convient, toutefois, d'énumérerauparavant
les dix piliers de la sagesse de Me Grégoire,qui servent de décor à son
mélodrame.
Le premier pilier de la sagesse peut se résumer en la regle suivante:
il faut oublier que le jugement déclaratifde faillite était irrévocable.
A d'innombrables reprises, en effet. hl' Grégoirea étéobligéde:souli-
gner. pour fonder son argumentation, que le jugement de faillite'n'était
pas irrévocable. Les syndics, a-t-il dit (VIII, p. 318). ne pouvaient être
nommés. en raison du caractere révocable du jugement de faillite. La
vente des biens de la sociétéfaillie (VIII,p. 323, 325 et 332) ne pouvait
avoir lieu, parce que la déclaration de faillite n'était pas irrévocable.
Cette rém misse a.ui est fondamentale ~our toute l'ar-umentation de la
Partit: ad\,crsépréseiitérIIIcouri des ;iiidicnccsdii 29;i\,riet du 1" niai.
va ~lir~cti:mcntQl'encontre des f;tits. 1.ejugcint.1<lu 12 fl'\,rirr 194.3.par
lequel BarceIoriaTraction :rAi: <I&clarbeen fmllitcc5t devenu irrcvoial>lr.
le 24 fcvrier 19.48en q~plication de .a loi. II cat devenu irri\.ocable et
irr;kersihlr. pnrcc que L<arcelonaTraction n':ipns voiilu introduire de
recours.
hle Grégoireest allé jusqu'à insinuer que les tribunaux espagnols et
mêmele Gouvernement espagnol auraient eu conscience du fait que le
jugement de faillite n'était pasirrévocable.
Pareille insinuation iie peut guérerésulter que d'une amnésie momen-
tanée.Eneffet:
a) Les ordonnances du z et du 17mars 1948 (C.M..IV, p. 350 et suiv.;
D., VII, p. 493 et suiv., et A.C.hl. nos103et 130, vol. VIII. p. 127et 130)
déclarent que le jugement de faillite était irrévocable. La cour d'appel
de Barcelone, en confirmantl'autorisation de vendre, a indiquédans son
arrêt du 5 février 1952 (A.C.M. no 153. doc. 3, vol. VIII, p. 332) que le
jugement de faillite était irrévocable. Cette mêmecour'd'appel, par ar-
rêt (senlencia)du 15mai 1963, a réitbrécette affirmation. (A.C.M. no193.
vol. IX, p. 270). A son tour, le juge s écial, en statuanten juin 1963
sur la pseudo-opposition de Barcelona .Fraction, a déclarécctte pseudo-
opposition irrecevable, pour la raison qu'elle avait &téformée horsdélai,
c'est-à-dire à un moment où la déclaration de faillite était déjà irrévo-
cable (A.C.M. no 196, vol. IX, p. 281). En statuant, également en juin
1963 (A.C.hl. no 197, vol. IX. p. 283 et suiv.). sur la recevabilité de la
demande incidente en nullité de procédure présentéepar Barcelona
Traction le 5 juillet 1948 (A.C.M.no 75, doc. 1,vol. VII, p. 393 et suiv.),
le juge spécial a dii déclarer également irrecevable ce recours extra-
ordinaire, pour la raison que la sociétéfaillie n'avait pas fait usage, dans
les délais, du recours ordinaire d'opposition et avait laisséla déclaration
de faillite devenir irrévocable.
bJ Dèsle début. et vrécisémenten raison du caractere irrévocable du
jug&ynr ,léclaratif. 1; Gouvernenient espagnol a soutenu. au cour, dei
nejioci;itions diplomatiq~i~sainsi que de\,niit la Cour. I'esccption tirce (lu
non-épuisement des recours inteines. C'est seulement en~dehors de la
procédure de faillite, an moyen d'un recours en revision, que Barcelona
Traction aurait pu faire annuler le jugement qui l'avait déclaréeen
faillite; or, Monsieur le Président, nous savons tous que ce recours-là elle
ne l'a jamais exercé.
Dans ces conditions, comment pourrait-on tenir pour correcte l'argu-
mentation que mon honorable contradicteur a développéedevant la 324 BARCELONA TRACTION
Cour, en prenant pour point de départ la prétendue révocabilitédu
jugement de faillite?
J'en viens maintenant, hlessieurs de la Cour. au deuxieme pilier de la
saeesse: on vous demande d'oublier aue Barcelona Traction et ses
.cointCress6s nont CU. lor3rleI'assenibléeg2ii:ralc de, crktnciers cliargGe
de dCiigiier les s!iidici uii comportcmcnt tu111:ifair incsplicalile.
1.a 1';irtic adverse a rai>i>el(\'III.0. 718) uu'à cette asscmblCe cles
créanciers, les syndics a;iient 'étéélus asec les voix du groupe que
dirigeaitM.Juan Marcli. Dans d'autres passages de la plaidoirie. elle a
prétendu, sur un ton de triomphe, découvrirdes preuves du fait que les
syndics avaient des relations avec le groupe majoritaire d'obligataires.
II n'est pas dans mes intentions de perdre du temps pour justifier ces
relations entre les svndics et les o~.ieataires. Les svndics sont des créan-
ciers i.liii par les crkincirr? ct repr6sent:iiii Ici crCançiers. Peut-oii dés
lors iiiiapincr iinc kiillite où Ics iyn<licsnï soi<nt pas eii contact lesvc
cr2ancirri' En faire grirf c'?.t s'indigner qu'un r~.prïîciitaiit aitcwur
Ici int;rCt c.1Icssouci>dc. I>c.rionnc.. u'il repr&i iitc:.
Cr 1111l1iporri.. c'cdv i3t'OlLIOII~~IIUI<r.!.nilic< furciit 4lu- pricis6-
ment var Ic\.ore des oblirtnr:iire. crnuix;. ntitfiur d<;11. luan .\l:irclict <Ic
recheicher si la Partie adGerseest fond'éàfairegrief de ce faitau Gouver-
nement espagnol.
La loi espagnole réglemente l'électiondes syndics de façon que tous
les créanciersaient un représentant parmi les syndics; deux de ces syndics
sont nomméspar la majorité, maisun au moins peut étredésignépar la
minorité.Qu'a-t-il bien pu se passer dans la faillite de Barcelona Traction
pour que les trois syndics fussent choisis par un seul etmêmegroupe de
créanciers?
A l'assembléedes créanciers, régulihrement convoquée pour nommer
les syndics de la faillite de Barcelona Traction, ont pris part tous les
créanciersqui croyaient détenir des créancescontre la sociétéfaillie: le
droit d'accès à l'assembléeet le droit de vote n'ont étérefusésà personne
et nul ne s'est permis de dire que les personnes qui ont assisté à cette
assembléen'étaient r>asde véritables créanciers.Y ont assistéles obliea-
taires ccoïntéressés),.deBarcelonn Traction; le National Trust, lui aussi,
y a pris part, en tant que titulaire de certaines obligations. La Cour ne
manquera pas de remarquer, au passage, que, lorsque National Trust
décidait de se comporter en créancier, il ne lui était opposé aucun
qu'il a estimédevoir faire.rt à l'assembléeet fait toutes les déclarations
hlais les alliéset tcointéressnsde Rarcelona Traction qui assistaient à
l'assembléese sont abstenus de prendre part au vote; ils étaient allés A
cette assembléepour protester, mais non pas pour voter (A.hl. no 155,
vol. III, p. 608). Sidro et Sofin- c'est du moins ce qu'affirme la Partie
adverse - détenaient un gros paquet d'obligations de UarcelonaTraction;
en qualité d'obligataires, elles auraient pu se présenter à l'assemblée
convoquée pour nommer les syndics et y former une minorité. ce qui leur
aurait permis d'avoir, à tout le moins, un représentant parmi les syndics.
Ai-je besoin d'ajouter que Sidro et Sofina se sont abstenues de prendre
part à l'assemblée?
Si les trois syndics - les trois! - avaient éténommés pour être
l'instrument des obligataires majoritaires; si le groupe dirigeant ,de
Barcelona Traction. en 1949 ,royait de bonne foique cette nomination
n'était qu'une manŒuvre tendant à détourner la faillite de son but, PLAlDOlRlC DE M. CARRERAS 325

comment se fait-il qu'ils n'aient rigoureusement rien fait pour faire
échec à la machination de leurs adversaires?
Mais ilest d'autres anomalies encore. Plus d'une annéeavant que ne
se réunît l'assembléedes créanciers, les représentants de la Westminster
Bank avaient proposé à hl. Heineman, dirigeant de Sofina-Sidro, de lui
vendre des obligations First Morlgage pour un montant de z 640 ooo

livres sterling; et celui-ci avait refusé l'offre (A.D. no 155, vol. III,
p. 280). Si cette offre avait étéacceptée, le résultat de l'assembléedes
créanciersaurait pu Gtrebien différentde ce qu'il fut. En effet, le groupe
dirigeant de Barcelona Traction aurait pu désignerla majorité ou, à tout
lemoiiis, la minorité des syndics, ce qui ,aurait coupé court à toute
rétendue manŒuvre visant à spolier la societéfaillie.
Loin de moi l'idéede rét tendreque M. Heineman ait eu I'oblieation
d'acheter, en payant en'pesetas le montant des obligations. Maicil me

~arait illogique que celui à qui on a offert la possibilitéd'orienter le cours
de la procrdure de faillite viénne,aprèscoup,ie plaindre desconséquences
de cette occasion perdue. Et il est encore plus illogique que l'on prétende

l'autorisation de vendre - n'ont eu d'autre but que de percevoir ceue
Barcelona Traction leur devait et n'ont pas eu la moindre intention de

s'emparer de l'exploitation industrielle de Barcelona Traction.
Au dire de la Partie adverse, les créanciersauraient demandé la nomi-
nation des syndics pour que ceux-ci puissent procéder à la vente des
biens. Mais il se trouve que la société Namel.en demandant au tribunal
qu'intervienne la nomination des syndics, a proposéque leurs pouvoirs
fussent limités aux actes d'administration des biens. Cela a étérappelé
par le professeur Rolin' et hl' Grégoirel'a répété après hie. Si Namel
souhaitait vraiment faire vendre les biens par les syndics. pourquoi
s'étredonnéla peine de faire cette proposition? 3Ies estimés contradic-
teurs n'ont pas réponduRcette question.

Les textes mêmesqu'iiivoque la Partie adverse prouvent d'ailleurs que
les créanciers. lorsqu'ils demandèrent la nomination des syndics. ne
pensaient pas zila vente. Ilsvoulaient tout simplement que I'administra-
tion du patrimoine de la sociétéfaillie fùt placée entre les mains de
représentants des créanciers,ainsique le prescrit la loi espagnole.
Une fois nomméset quoi qu'en dise le Gouvernement belge. les syiidics
n'ont pas non plus manifesté le moindre désir de procéder àla vente des
biens. II s'est écoulédeux annéesavant que les syndics se voient con-

traints à demander l'autorisation de vendre.

M. Rolin (WU, p.252) n ra~.elé ~ue h'amel avait suggéré ceciau juge:
.I'our lu, de i:l.trt.,urin<.ulirrltietti>n, <leprqoi311jugequ'il~n>urri<~t
br.i~ligii<I;%ila d6ciîion quenuui ,<~lliiit~>. liniit;.ii<leicqtl'cice qu1
tionlrrn~l'diivité de; s)i!<lici (clle cctrr Iii!uliialtactes d a<ll~ltn?jIra-

RlVrégoire (WU, p. 326)a dit que Narnel avait pris la
aprecaution d'ajouter - et MCRolin vous l'a fait remarquer au coursde sn
plaidoirie -qu'ilne s'agirait pas de donner auxsyndics le pouvoir de proceder
à la vente et elle avait invité le juge sp6cial. pour qu'il n'à cet égardni
aucune ambiguïténi aucun risque. à précisererprcssisucrbircette restrictiom.
On constatera que le texte de Sarnel, en passant de l'uà l'autre de nosadver-
saires. a subi unecertaine transformation. 326 BARCELONA TRACTION
Je comprends sans peine que cet intervalle de deux ans mette mes
contradicteurs dans l'embarras. Pour essayer de donner de ce fait une
apparence d'explication. ils prétendent qu au cours de ce laps de temps
les créanciers auraient trouvé un prétexte pour procéder à une vente
d'uraence. Ce prétexte. est-il besoin de le dire, ce serait la déclaration
tripartite signie en juin 1951 par les Gouvernements de l'Espagne, de la
Grande-Bretagne et du Canada.
La duplique (VI,p. 169.et VII,p. 588)a rappeléque cet intervalle de
deux ans s explique d'une façon infiniment plus simple que par cet
invraisemblable prétexte: c'est que le groupe majoritaire d'obligataires
avait vainement essayéd'entrer en négociationsavec le groupe dkigeant
de la société faillie pourobtenir que cette dernière payât ses'dettes. Et
à ce propos. Me Grégoires'est non seulement abstenu de répondre aux
explications de la duplique, mais à deux reprises il s'est référé('VIII,
p.'335 et suiv.)à des iettres écritesau cours des négociations, afin'd'en
tirer des arguments favorables àses thhses.
Mon collègue, le professeur Reuter. a démontré à quel point il est
inadmissible de prétendre, comme le veut la Partie adverse, voir dans la
déclaration tripartite un prétexte pour parvenir àla vente; (supra, p. 239
et 255). Il a rappelé aussi la chronologie des événements,en mettant
l'accent sur lesnkgociations (szipra,p. 241et suiv.). Si l'onplace lesdeux
lettresdont il est question dans le cadre généralde ces événementset si
l'on tient compte de leur date et de leur texte intégral, ilapparaît que
les créanciersn'avaient pas le moindre désir de s'emparer de l'entreprise
et que la déclaration tripartite n'a pas été un prétexte,mêmepour les
obligataires majoritaires (VIII,p. 335 et 349).
Rappelons donc que le 27 juillet 1951, une fois que la déclaration
tripartite eut étérendue publique, M. Juan March proposa au receiwer
canadien aue des néao..ations soient ouvertes entre la société faillieet
ses obligataires. avecI;iparticipation du recertielui-mCmeet en priseiicr:
d'observateurs du Couvernemerit britanniqiic et dii Gou\,ernement
canadien (Rcccirerskrp. t.01 1'.fol. 774et wii J.Cesn6gociations auraient
eu pour objet d'a5surrr 3 tous les obligataires. qu'llj tisseOU non p:irtie
du groupe majoritaire. le [>airmentde leur-.créances (fol.773). Et quelle
a étéla révoniedcs mni de 11sociétéfaillie 3.crttr. oro~osition. ciiirleu:I
transmise'l~~aleme~t le receivn? Ils ont différéleu; réponseLjusqu'en
septembre et ont déclaré finalement qu'ils iin'étaient pas disposés A
n6gocier tant que la situation en Espagne n'aurait pas été'ré.gula6sé oeu,
du moins, tant que la déclaration tripartite n'aurait pas étémodifiée i,
(fol. 758 et suiv.).
Pour que la sociétéfaillie consente à négocier,il était indispensable
que les trois gouvernements de trois Etats souverains modifient une
déclaration tripartite qui ne convenait pas A la sociétbfaillie.
C'est ainsi qu'il faut comprendre la déclaration de M.Juan March fils,
dont a parlé mon contradicteur. à l'audience du mai (VIII,p. 335).
Apres le refus de Barcelona Traction et de ses diriaeants. il n'v avait
pius d'autre solution, si les créanciersvoulaient receGoir leur dû,2que de
poursuivre les démarches en vue de la vente.
La Cour, qui est désormais en possession de toutes les données, com-
prendra aisémentcombien sont erronéesles conclusions que MeGrégoire
prétend tirer des paroles de M. Juan March. Selon mon contradicteur,
les obligataires se déclaraient prêts PLAIDOIRIE DE M. CARRERAS 327
«à entamer ce qu'il appelait des négociations mais qui. en réalité,
n'avaient d'autre objet que la capitulation sans conditions de
ses adversaires. Elles devaient nécessairement échoueret, en consé-
quence, elles échouèrent.8

Si la déclaration tri~artite n'avait étéqu'un prétexte fouràiM. luan
!.lucl, pour que cclui;i pi11demander la \.entz.on ne comprend \'raikent
pas ourquoi 11aurait essayé d'engagerdes ntgociations. Y. Juan llarch,
au 2i'e de la Partie adverse. avait besoin d'un ~retexte ~our s'emwiirer
des biens par le moyen d'une vente judiciaire; pour y il aurait
fait agir le Gouvernement espagnol afin qu'il déclenche une subtile
manŒuvre diol-matiaue: il aurait ensuite obtenu aue trois gouverne-
Gents, dans ce que l'on aappelé,de l'autre cbtéde la barre. UR iregret-
table document n.consentent à détourner de sa fin normale L'Œuvrede la
Commission internationale d'experts, ainsi que l'a soutenu le mémoire
du Gouvernement belge (1,p. 87). et rédigent- selon la réplique (V,
p. 96) - une déclaration conjointe équivoque et destinée à servir les
inOr. Monsieur le Président, Messieurs de la Cour, ne voilà-t-il pas que
M. Juan March, ayant réussi ce prodigieux travail, se déclare prêt à
renoncer à tous les avantages obtenus. Il est disposé, si la sociétéfaillie
paie tous ses obligataireà,demander qu'il soit mis finà la procédurede
faillite eà laisser le patrimoine aux mains de la sociétéfaillie. Et il
demande qu'à la table des négociations prennent place non seulement
Barcelona Traction elle-même,mais aussi le receiveret des observateurs
des Gouvernements de Grande-Bretagne et du Canada.
La société faillie,d'aprèsleeceiver,ne veut pas négociertant que l'on
n'a pas modifiéla déclaration tripartite. Selon mon honorable contra-
dicteur, c'est parce que M. Juan March aurait exigéune capitulation
sans conditions. Pour Barcelona Traction en effet. et toujours selon
,MGGrégoire,payer à tous les obligataires ce que. en toute ~ustice. elle
leur doit, équivaudraità uneri ca itulation sans conditionsii.
Mais là ne s'arrêtentpas les efPortsde M. Juan March. En novembre
1951,le capitaine Hillgarth a adressà sir Herbert Brittain la lettre dont
a parlé mon honorable contradicteur (VIII, p. 350).
Que déclare le capitaine Hillgarth. s'adressant cette foisà un haut
fonctionnaire du Trésor britannique? Que, si Sofina ou Barcelona
Traction dépéchent à March un représentant et manifestent sérieusement
l'intention de payer les obligataires intégralement:
«Moi [c'est-à-dire le capitaine Hillgartje,ne doute pas le moins
du monde que la majoritédes obligatairesdemanderait aux syndics
(qu'ils ont élus)de différer la vente» (documents déposéspar le
Gouvernement espagnol. juillet 1968. vol. 5 (111.6)).
Et là, la Partie adverse ne se hasarde plusàdire que les obligataires
ont exigéde la sociétéfaillie une capitulation sans conditions: ledésir
qu'avaient les obligataires de percevoir leurû est trop manifeste pour
qu'elle le metteen relief. Aussi préf6re-t-elledemander:

«Que devenaient, en ce cas, les dangers de détérioration des
biens?»
La réponseest aisée.Si Barcelona Traction ou Sofina se déclaraient
prêtes à payer les obligataires. pourquoi les créanciers auraient-ils alors328 BARCELONA TRACTION

continué à se soucier des risques de dépréciationque pouvait ou non
courir le patrimoine de la sociétéfaillie? Aussi longtemps que ce patri-
moine constituait la garantie de leurs créances, il leur fallait veiller à
ce que cette garantie ne disparût pas; mais, une fois que tous les créan-
ciers étaient assurésd'êtredésintéressésl,a procédurede faillite n'avait
plus d'objet et le patrimoine pouvait ètre rendu à la société faillieavec
ou sans risque de dépréciation.
Tels étant les faits, Messieurs, comment peut-on continuer à prétendre
que la vente aurait étéfondéesur des prétextes et que la procédure de
faillite aurait étédétournéede sa finalité légale?Mon illustre coutra-
dicteuracitt! un proverbe de 1anh.u~f.rançnic: NQui \,deutfr:ip]~eriinchien
trouiSétoujours un biton 3(\'III,p 336) 11 esi tantdde faitsqui proii\.ent
~iie I3arctluii3 'I'r:ictioij<i xs.iioiit lait la iour<li>r<!ilA.la propoji-
6on réitérée de recouvrer leurs biens en payant leurs dettes. qÜe jë me
permettrai de citer ici un autre proverbe: «Il n'est pire sourd que celui
qui ne veut pas entendre. i,
Permettez-moi de reprendre, à propos de Barcelona Traction, cette
phrase bien connue d'un célébreauteur dramatique espagnol: u payer
ëst un mot injurieux r.
Avant de oasser au auatrième Dilier de la saaesse de hle Gréeoire. ie

où'il &"dit que si lei créanc'iersn2Ôntpas,'deuxans durant, demandéaux
syndics de vendre les biens. ce fut en raison du

«désirévident du groupe March de voir les obligataires - apparte-
nant ... au groupe - toucher ce qui leur était diin.

Si la Cour a la curiosité de rétablir les mots qui. dans le texte de la
dupliqiie, tiennent la place des points de suspension, elle constatera qu'il
s'agit des mots iou non inDe sorte que le désirévidentdu groupe March
était que pussent toucher leur dîi tous les obligataires, «appartenant ou
non au groupe IIIl me semble que les deus monosyllabes qui se cachent
derrière les points de suspension ne sont pas dépourvues d'importance.
Et j'en viens, Alonsieurle Président, Messieurs les juges. au quatrième
pilier de la sagesse. Me Grégoirevoudrait maintenant nous voir oublier
au'à I'é~oaueoù se sont déroulésles faits aue nous connaissons. et a~rès
la nomiRaCiondes syndics, personne ne douiait qu'ils eussent, ei vert; de
la loi, le pouvoir de procéder à la vente.
Les cféanciers n'en doutaient Das. Namel. nous a-t-on dit. avait
siiçg2rL:ilu juge quc les pouvoirs clessyndics fuiiriit 1iiiiiti.sa I'ndminis-
trntion des biens. Ilme senil>leqiir lorsqu'iin crCnncicr(lemande que lys
oouvoirs des srndics soient restieints. c'est au'il estime au'à défaut de
Cette restriction, les syndics auront tous les'pouvoirs leur confère
la loi, et notamment le pouvoir de vendre.
La sociétéfaillie, elle non plus, n'en doutait pas. En effet. dans ses
conclusions en date du 14 juin 1949, Barcelona Traction s'opposait à la
nomination des syndics en disant explicitement qu'une fois les syndics
nommés,la procédurede faillite reçoit une impulsion telle qu'il se peut
que les biens de la masse soient liquidésavant qu'il soit statué sur l'oppo-
sition (A.&[.no 151,vol. III, p. 5%).
Les avocats de Barcelona Traction n'en doutaient pas davantage.
Ne Chapaprieta disait. le 17 février1950: PLAIDOIRIE DE M. CARRERAS
329
nen droit espaenol, tous les biens de la sociétéfaillie sont vlacéssous
le contrble -d& syndics, qui peuvent les vendre sous &serve de
l'approbation du tribunal D (Receivership.vol. III, fol. 494).

Et le receivercanadien non plus n'en doutait pas. Dans une déclaration
rendue publique le 12 aoùt 1949. il reconnaissait que les syndics ont n des
pouvoirs d'administration et de dispositioit plus étendus que ceux dont
sont investies les personnes qui jusqu'ici étaient chargéespar le tribunal
espagnol de la gestion des biens» (Receiuership,vol. II, fol. 300).
II n'eit pas jusqu'à l'ambassade de Belgique & Madrid qui n'ait eu le
moindre doute sur ce poiiit: dans sa note du 22 juillet 1949. elle déplorait
que les syndics eussent en Espagne des pouvoirs c pluslargesque ceux de
l'actuel dépositaire. et qu'uils auraient ainsi la disposrlion des biens
saisis sans aucun droit »(A.&{.no252, vol. IV, p. 981.982).
Enfin, le Gouvernement canadien n'en doutait pas: dans ses notes
transmises par l'ambassade de Grande-Bretagne et datées du 21 juillet
1949 (A.E.P. 1960, vol. III, p. 204). du 17mai 1950 (A.C.M.no 1, doc. 4,

vol. VI, p. 13) et du 3 août 1950 (A.C.M.no 19, vol. IX, p. 365). il recon-
naissait le pouvoir de vendre qu'avaient les syndics.
Comme dirait la Partie adverse, il serait cruel d'insister. Il est clair
comme le jour quetout le monde savait et reconnaissait - wrbiet orbi
que les syndics avaient en l'espècele pouvoir de vendre. Est-il logique, je
dirais presque est-il sérieux que file Grégoire ait passé une matinée
entière à essayer de nous convaincre que les syndics n'avaient pas le droit
de vendre?
C'est par rapport aux trois notes diplomatiques récitées qu'ily a lieu
de considérerlaréponseque le ministère espagnol Ses affaires,étrangères
fit, le 13 octobre 1950, à l ambassado de Grande-Bretagne (A.C.M.no 20,
vol. IX, p. 366). Si on lit maintenant le teste dont a parlémon éminent
contradicteur (VIII, p. 326),on s'aperçoit qu'il a un sensfortdifférent de
celui que l'on voudrait lui donner en l'interprétant d'une façon toute
subiective et versonnelle. Me Grée..resoutient oue. ,el.n~ ~ ministère
es1>ignuI.I:i\.iiitc ne poii\.:iit avoir lieu pen<l:intde longs mol.) Ctarit
(lonii? I<,>csi#i.iicci<lucodv csp:i~iiolde pro<:;<liirt S.Et ilpr;teii<l r&r
cc5 rsircnsr-. aux voii\.oirs ilonr zcraienr dot65 les ~YIIC~IC~.\lai= iliuK11
de lire & texte d'un'ceilimpartial pour voir que le ~oivernement espagnol
n'entendait pas le moins du monde se référeraux vouvoirs des syndics,
mais aux forkalités de la vente.
Or, quelles sont. Messieurs de la Cour, ces formalités? 11n'est que de
lire le dossier de la procédurede faillite pour le voir. Ce sont la demande
d'autorisation nécëssaire uour la vente d'neffets de commerce». la
fixiitioii di1 pris. 1;idétcrniirintioii <Ii?scon<litlon.:dani 1es~lut:lles<loi[

s'opcr<:rla vent?. 1:icoii~os~tion publique aiiu ol,;rntioiis #le I:iv<:iitc
aus encliCres CI la tenue des encli;rt%sCr son~~Ihdes form:ilit&soui ne se
font pas en un jour; au contraire, elles exigent un délaiet il a été,en
I'espke, de plusieurs mois.
Le 13 octobre 1950. aucune demande d'autorisation de vendre les
biens n'avait encore étéprésentéeet. dans ces conditions, le ministère
espagnol des affaires étrangérespouvait fort bien indiquer, comme il l'a
fait. au'il n'v avait vas lieu de rév voidre vente avant l'ex~iration du laus
de temps dont leseiperts allaient disposerpourmener à bien leurs travaux.
Une fois de plus. Monsieur le Présideiit. hlessieurs les iunes. .on-
illustre contradkteur s'est trompé.330 BARCELONA TRACTION

Le cinqui6me pilier de la sagesse de MeGrégoiretouche àune question
très grave. 11suppose que'Yon oublie la façon dont la société faillies'est
comportéedevant la justice espagnole, et ce pour pouvoir donner corps
à la légendeselon laquelle Barcelona Traction aurait prétendument été
mise dans l'impossibilitéde se défendre.
Mon contradicteur affirme que Barcelona Traction
On'avait jamais réussi à se faire entendre, ni dans ses moyens de
fonds (opposition), ni dans ses moyens de forme (nullité de la

Contrairemerit àce qu'irnngine \le Grégoire.la vérit: est que Barceloila
Traction s'est délibérémentabsteriiie de faire opposition au jugement
dklaratif defaillitedans led4lai et en la forme prescrits. La \,<rit&est que.
~>luiieiirimois apr& la d:ite h lac]uellele jugernent de fiiillite &taitdevenu
irrC\~ocable.BarceIona Traction a prétendu faire une pseudo-opposition
et a saisi le tribunal d'une dtrnande inciilente de niillit6 de orocCdure:du
fait mêmede l'irrévocabilitédu jugement de faillite, il n'éxistait p& la
moindre chance que les tribunaux espa~nolsdéclarentrecevables. exami-
nent ou statuent-sur l'un et l'autre de ces recours.
Mon éminentconfrère,leprofesseur Jiménezde Aréchaga nemanquera
pas de revenir sur ce point. Mais je tieàssignaler que, sil'objection de la
Partie adverse était fondée,il eût éténormal que Barcelona Traction,
devant la menace de vente de ses biens, mit tout en Œuvre pour que
fussentsoustraites à I'effet suspensif d'un déclinatoire de compétence à
la fois sa prétendue opposition et sa demande en nullité de procédure.Le
professeur Rolin a reconnu (VIII, p. 257) que l'article 114 du code de
procédure civile, en vertu duquel avait étésuspendue la prernihre
section de la procédure de faillite, admet que puisse êtresoustrait à
l'effetsuspensif

ctout acte qui, de l'avisdu juge, serait absolument nécessaireetdont
le retard pourrait engendrer des préjudicesirréparables p.
Mais, pour obtenir cette exception à I'effet suspensif, encore fallait-il
tout bonnement lademander. Or. Barcelona Traction n'a jamais présenté
la moindre demande en ce sens, ni lorsque le tribunal autorisa la réunion
de l'assembléedes créanciers appelée à nommer les syndics ni lorsqu'il
autorisa la vente, et ce bien qu'au dire de la Partie adverse ces autorisa-
tions aient portéà la sociétéfaillie un préjudiceirréparable.
Pourquoi Barcelona Traction n'a-t-elle pas fait une demande aussi
élémentaire?
L'explication, à mon avis, est parfaitement claire. Barcelona Traction
savait pertinemment que, si elle avait demandéau tribunal de soustraire
à I'effet suspensif les recours forméspar elle hors délai,le juge spécial.
aussi bien en 1949 qu'en 1951, les aurait déclarés irrecevables. commeil
le fit d'ailleurs quelques années plustard.
Voilà pourquoi Barcelona Traction, contrairement à ce qu'affirme mon
illustre contradicteur. n'a pas demandé à être entendue àl'éooaue: elle
ne voulait pas être entendle, elle voulait seulement que s~it'su;~endue
la deuxième section de la procédure de faillite dans le cadre de laquelle
allait s'opérerla vente
Cette êxplicationest la seule qui permette de comprendre pourquoi
l'avocat de la société failliea déclaàél'époqueque ses clients lui avaient
donnépour instructions de s'efforcerde gagner du temps; et qui explique PLAlDOIRIE DE M. CARRERAS 33'

que les recours forméscontre les décisionsdu juge relatives à la vente
n'avaient d'autre objet que de satisfaire ce vŒu (Receiuership, vol. V.
fol. 806/8).
J'ai le devoir de proclamer tres haut que la justice espagnole a suivi
une ligne de conduite tout autre que celle que lui attribue la Partie
adverse. Je veux dire que, loin d'avoir donné l'ordre de vendre sans
examiner les alléeations de Barcelona Traction concernant la rét tendue
irrégularitéde la procédure de faillite, les tribunaux espqnÔls en ont
connu et, en toute justice, n'ont pu.que-les releter. C'est bien là ce qui
irrite la Partie adverse.
Je ne reprendrai pas ici tout ce qu'a exposé à ce sujet le Gouvernement
espagnol (D., VII, p. 619 et suiv.). 11convient toutefoisde rappeler qu'à
l'occasion des recours formésDar elle contre l'ordonnance autorisant la
vcntr. I3nrcelonaTrcictiun :is<i;irni;cigricfi tant nu juge spécialqu'i I:i
cuiir d'nppcl: I;iillite .ll;g..l- ji~gçi~it,;cI~ratif pas irr2\.0c:iCI<bien
d'autres-encore.
Avant de confirmer l'autorisation de vendre,et compte tenu du fait
que Barcelona Traction avait alléguéque ses bons allaient ètre vendus
dans une faillite nulle et non avenue, le juge spécialet la cour d'appel ont
patiemment analyse l'argumentation de la sociétéfaillie. Cette analyse
a étédétailléeet complétéeet le juge spécialaussibien que la cour d'appel
ont rejetéles allégations de Barcelona Traction.
La Partie adverse prétend aujourd'hui que le juge spécialet la cour
d'appel n'auraient pas dii statuer sur les points qu'avait soulevés la
sociétéfaillie. Cela revient à dire qu'elle se plaint que les tribunaux
aient entendu Barcelona Traction avant d'autoriser la vente ou
l'occasion de cette autorisation.
I.c(;oui~crncmcnt belge ~levr;iitreconn2irrc que cr qui lc gcnz ce ii'esr
p:is lrrfiii<l':iiiilit.iicf.i't.st :tu coiitrair13qsociétcI:iillic ;i).niit 5ti
cnti:ri<luz alors niémcaue Ic iuceinent dcc1;ir;itifdc f;iillitc était devenu
irrévocable,ses récla~tions &<nt étérejetées.
Le sixiéme pilier de la sagesse élaborépar mon estimé contradicteur,
Monsieur le Président, exige que l'on oubliel'énorme massede documents
qui a étésoumise à la Cour età laquelle je ne me référeraique trésbrieve-
ment. Car ces documents font apparaître que la situation économique
de l'exploitation industrielle de Barcelona Traction en Espagne étaft
exactement inverse de ce que prétend, non sans un optimisme démesure.
la Partie adverse.
Au tableau réelde la situation que présentent les documents tirésdes
archives de Barcelona Traction aui se trouvent à Barcelone. l'on orétend
siibstituer lesconcliision~deseu<ertî du Gouvernement t)elgc.contliisions
funniill'cs une \,inctainc d'nnnc'es apri-i l'?vénemt;nt c,t <lui proçr'dcnt
notamment d'une-source aussi suspecte que les ren~ei~nemenis fournis
verbalement par MM. Menschaert et Hiernaux, anciens dirigeants de
l'exploitation. Ce qu'il y a de plus curieux, c'est que, comme le montrera
le professeur Sureda, non seulement ces conclusions sont inacceptables,
mais encore les experts du Gouvernement belge ont .oublié D de lire les
études qu'avaient effectuées à l'époque hfhl. Menschaert et Hiernaux
eux-mêmeset qui rév6lent la situation économique catastrophique de
Barcelona Traction mise en pleine lumièretout récemmentencore par le
nouveau rapport de la firme Peat, Marwick, Mitchell & Co., déposé
par le Gouvernement espagnol.
A en croire mon distingué contradicteur, l'exploitation était tellement BARCELONA TRACTIOS
332
prospère que les bénéfices qu'elleproduisait auraient permis non seule-
ment d'assurer le fonctionnement des installations et services d'exoloita-

..-..,mniq ..~. .--
Premièrement: de satisfaire aux incessants besoins de capitaux
ou'im~oseaux sociétés d'électricitéla nécessité de répondre à l'auementa-
t'ionchante et incessante de la demande par uneLaugmentati& paral-
lèle dela production.
Deuxièmement:deconserver en argent liquide une réservepermettant,
à n'importe quel moment, d'assure! le paiement des intérêts dusaux
obligataires et l'amortissement du priyipal des obligations.

Troisièmement: de payer tous les impôts et taxes que les autorités
espagnoles avaient le droit d'exiger et qui. selon la sociétéfaillie, étaient
acquittés dans leur intégralité.
Et quatrièmement: de distribuer aux actionnaires un dividendeannuel.
De cette magnifique prospérité.laPartie adversetire cette conséquence
aue l'entreorise aurait eu pleinement accès au marché des capitaux et
iii,. si ellç'n'a p:ii chcrsli; i cmprunrsr dr I'iirgent. cc scrnii iliie ses
ressourcespropres lui suffiinient.
Jc ne doiire p:ir le nioirii,du monde que t;int qiie In dettç ol)lijintnire

dernl;iir:tit impiivtie, Ics acrionniiires s':~pl~ropriaic.ntuiiç pnrrie des
bCri;ficci3nniici;. \lais l'on ne ;;iiir:ii;ijouter foi aux i1lltr1'ât~lrmiltiolls
ontiniisrei de 13 I'artic nd\,vrsr Poiir i)ou\,oir ,, a,outer foi. ilf;iudrait
aboir oubliéun certain nombre de faits:
II faudrait oublier. premièrement, les prévisionsfinancières effectuées
en 1942par hl. Speciael', en 1944par M.MenschaertZ et à la veille de la
faillite par MAI.Hiernaux et Bock3. Loin departager l'optimisme de mon
estimécontradicteur, tous ces personnages étaient extrêmement pessi-
mistes et croyaient qu'ilserait impossible d'effectuer, au sein de I'exploi-

tation, les travaux les plus indispensables. C'est la raison pour laquelle
certaines concessions furent perdues, comme l'a rappelé le professeur
Gil-Robles (szrpra.p. 61). La réplique elle-même(V, p. 116). :dans un
moment de sincérité.a reconnu qu'à l'époque,les bénéfices des rrilr-e-
prises d'électricité Çtaientextrêmementfaibles; et hle Grégoire lui-même
a laissééchapperun aveu de ce genre (VIII, p. 320).
Il faudrait oublier, deuxièmement. que tous les dirigeants de l'entre-
prise ont avouéqu'il n'existait pas de réservesd'argent liquide permet-
tant d'assurer le service des intérêtsdes obligations et l'amortissement du

rincipal de celles-ci. C'est ce qui ressort très clairement d'une étude de
!I. Hiernaux, datéede septembre 1944', de la note de M.Menschaert du

Dans sa lettre du3avril ,942 (A.C.hI.nog3z. vol.\'.11.229).1\1Speciael disait:
n malgré une augmentation incessante et considérabledes ventes en kWh. les
bénéfices diminuent rapidement d'année en an"&. IIen résultequ'aprkstres peu
de temps les excedents annuels de bénéficense seront plus suffisants pour
effectuer les travaux indispensables, bien que la socineépaie pasactuellement
la totalité desescharges financieres.n
Télégramme deJI. hlenschaert à hl. Speciael dont le texte a &teremis 2)mars
1944 à 81. Lawton (A.C.AI.no 962. vol. 1'.p.276).
Voir doc. dép.1969. annexe PiMM. doc. no' 3 et12.
'M. Hiernaux disait (A.D. no 8. doc. no 7, val. II. p. 248):
nA l'heure actuelle, le revenu qu'elle obtient dses investissements est de
l'ordre de 4% etne lui permet pas de faire lace à I'intérètdes obligations qu'elle
doit émettre.et en terme final, I'entrepriîe se ruinerait au fàrmesure de son
développement si des augmentations de tarif ne lui sont pas accorddes* PLAIDOIRIE DE M. CARRERAS 333

23 mars 19441,de la lettre de M.Clark du 15 avril 1947~.de lalettre de
M. Speciael du 18 septembre 1947'et de bien d'autres.
Dans un autre instant de sincérité, la réplique l'a d'ailleurs avoué
ellc-méme'.
11faudrait oublier. troisièmement. que le groupe ne payait pas les
impôts et taxes que les autorités espagnoles étaient en droit d'exiger. Le
rapport des experts du ministère espagnol des finances (A.D. I-A, vol. 1,
p. 13et suiv.) aréfutéde façon décisivela thhe selon laquelle il n'y aurait
pas eu de fraude fiscale, et aucun de mes contradicteurs ne s'est hasardé à

faire mention des conclusions de ces experts6.
I'our couronner le tout. voici un passage d'une lettre que hI.Pomerol
écrivaitle 23 janvier 1946(A.D. noS. doc. S.vol. II, p. 257). dont je pren-
drai la libertéde donnerlecture à la Cour:

.La nouvelle formule prévoit des augmentations des tarifs si
réduites en elles-mèmes et si dispro~ort. .nées Par rapport aux ..
investissements nécessaires qui sont à leur origine. qu'elles mène-
raient fatalement notre industrie à une situation de faillite. s

Dans ces conditions, Messieurs les iuaes,.c-mment ose-t-on prétendre
rlud'cnti-cprisc. ararit oii spi-2; la fnillite. ;tait ~iroipL'rcl :ii.;$it .,:csi1
1n:irchc'des capitaux? Comment .\IGrCgoirc ~)~iit-idire que le. syndics
étaient en inesure d'cmr>riintcr de3 ceiitaiiies dt riiillioiis? Etct.d'autant
plus que la réplique êlle-même'a reconnu qu'à l'époque même les
sociétés d'électricité solvables np eouvaient avoir accès au marché des
cavitaux.
pilier i1é 11 ;~gc:ic.~ supl~uis rliic1'011 oul~li~:que I:i
Le ~qxii.mc
socil'tt Fuerza; El2ctriws de t'araluii;~ :id)iidic;itairc:(les I>ieiisdç 13:ir-
ctlona Traction. n'n\,ait aucuncin~,iit I:icertitiidi: (l'ncouérirlesdit I~i~,iis.
L'acte de co'nstitution de la sociétéa étépassé devant notaire le
13 décembre 1951, par sept personnalitbs du monde financier espagnol,
parmi lesquelles se trouvait en effet M. Juan hlarch. Le montant du
capital social initial a étéfixé à 5 millions de pesetas; et il a étéprécisé
que, comme une vente aux enchhres avait été ordonnée en vue ,de
la vente des biens de Barcelona Traction. la sociétése doiiiiait pour objet

de prendre part auxdites enchères.

'A.C.hI. no 962, vol.V, p. 276.
A.C.hI. no 991. vol.V. p. jqr.
* En ce qui concerne le bilan de Barcelona Traction. la footnotedcàté du passif.
se réferant auxbénefices noiidistribués. doit Stre absolument changfe: la totalite de
ce montant a étéévidemmcnt investi dans nosentreprises et on ne peut donc pas dire
n'est pas disponihlcà cause do l'impossibilit& des traiiifert(A.C.N. n" iooi.
vol. V..o..8?<,
' Scloii la rCl>liq(V. 1,9,.notr 3). Ic ,qroupe aurml dirccotirirA de, seitiliruntr
I~teti]>luscuniiJCraLlej,'iil&\'airp;.iur~li,<:Icdi,]~oiiili~l,r<:ict~>svnr81" xrv<'"
noirnalr.inent au iranslert dei ilcvires.
Dans le rapport de ces experts (A.D.no,-B. vol. 1, p. 267 et suiv.). il est fait état
de ,ionmoins de trente-six inexactitudes graves conimbes par laréplique en la matiè-
re: I'artiç adversen'apas étécapablede rbfuter cette affirmatioti sur un seul point.
%a réplique disait (V, p.117) que le decret portant unification des tarifs. pris
eii ig5r (décret quine pouvait valoir aucun avantage à I'ex~>luitation),
xtendraità restitueraux sociétésd'électricite unerentabilite suffisante pour leur
prmettre de trouver sur le marché les capitaux necessaires au financement du
d$veloppement. indispensable et incessant. de leurs installations.. 334 BARCELONA TRACTION
Pour le Gouvernement belge, le fait de constituer une sociétéayant
pour objet de prendre part aux enchèreset le fait qu'ensuite cette société
ait étéadjudicataire, tout cela signifierait que cette sociétése serait
constituée parce que ses fondateurs avaient l'absolue certitude que les
biens leur seraient adjugés.
C'est un argument inacceptable. L'expérience,en effet, enseigne qu'il
est fréquent,dans le monde des affaires.qu'une sociétése constitue en
vue de prendre part à une vente aux enchères judiciaire ou à un appel
d'offres administratif. S'il fallait conclurà chaoue fois aue les Dromo-
tcuri ont d'avance 1;ccrtitu<le d'ctrt. l'adjudis&aire. ila'! t.uriit pas
d'antoriti administrnti\.c, il11'aurait p:ij de tril>un:ilqui puisse écli3pper
ades accusations de discrimination oii dc collusion.
Le fait que Fecsa se soit constituée au capital de 5 millions de
pesetas démontre. comme l'a déjàrelevéla duplique (Vii, p. 702). que
les ~romoteurs de la sociétén'avaient Dasle moins du monde la certitude
d'&ire adjudicataire; et ils avaient ncore moins la certitude, au cas
où ils obtiendraient l'adiudication, que Barcelona Tractions'abstiendrait
de faire usage de l'option qui lui avait étéouverte. '
Les frais et taxes fiscales qu'entraîne la constitution d'une société
anonyme varient en fonction du montant du capital social. Si Fecsa
avait eu la certidute que les biens lui seraient adjugés,il eùt éténaturel
et logique qu'elle se constituàt immédiatement avec un capital suffisant
pour satisfaire aux besoins de l'exploitation de l'entreprise. Mais, précisé-
ment parce que cette certitude n'existait pas, le capital a étélimité à
cette somme extrêmement modique. C'est un argument dont mon con-
tradicteur n'a Dastenu comote.
II existe d'ailleurs encore'une autre circonstance qui dCmontre que la
socictL:n'&taitdisposi.rà prendre 3 siclinrgr:I'esploitatiori de I'entrcj>riic
<illes'ilne luirestait Da, d'autre solution. c'est-i-dire si Icsactionnaire, de
ia société faillieperSistaient à refuser de recouvrer les biens en payant
les dettes de la société.
Il y avait. dans le cahier des charges, une clause, la clausII, intitulée
IIdéclarationde command 11On y lit :

«L'adjudication pourra se faire sous réserve de déclaration de
commanda (A.C.M. no 158.vol. VIII, p. 363).

C'est là une formule qui est prévue pour toutes les adjudications de
biens meubles et immeubles par l'article 1499, alinéa z', du code de
procédurecivile. II convient de dire quelques mots de sa signification.
Quiconque est déclaréadjudicataire dans une vente aux enchères
peut, cela va de soi. se subroger un tiers avant d'avoir acquis la propriété
par la tradition des biens; mais si, au moment de prendre part aux
enchères. il n'a pas fait constater ou'il se ~ortera adiudicataire iisous
réser\,ede dcclar:?tion de command n. ilest ;épntéen droit Ctre le sujet
d'tine double transmission, A ja\.oir l'achat aus cncti6res ct la cession à
un tiers. Au contraire. s'il s'estportéadiudicataire 1sous réservedezdé-
claration de command u. dès10;s qu'il a-fait connaître son intention de
n'êtrequ'un sim$lëintermédiaire, il n'y a qu'une seule transmission, un
seul acte de cession, à savoir l'acte qui lie le débiteur à l'adjudicataire
définitif, c'est-à-dire au cessionnaire de l'adjudication. Dans le premier
cas, il y aura, aux yeux du fisc, deux transmissions, tandis que dans le
second, il n'y aura lieu qu'à une seule et unique transmission, puisque PLAIDOIRIE DE M. CARRERAS 335

l'adjudicataire qui a remporté les enchères est réputéen droit avoir été
leFecsa fit donc constater dans le procès-verbal de la vente aux enchères,
alors que rien ne l'y obligeait, qu'elle se portait adjudicataire iisous
réserve de déclaration de commando (A.C.M.no 165.vol. IX. p. 14)S.i
elle avait eu la fermeintention de s'approprier l'exploitation à vil prix et
si l'offrefaità Sidro - dont je parlerai dans un instant - n'avait été
qu'une simple farce, la sociétéadjudicataire n'aurait eu aucune raison
de faire usage de cette formule.
C'est qu'en réalitéFrcsa étaitbien déterminée à offrir aux actionnaires
de Barcelona Traction une dernièreoccasion d'acauérirlesbiens en uavant
lesdettesdela société faillie;elle avait donc ,grandintérêtà se com&ter.
dans la vente aux enchères. comme un simple intermédiaire, pour le
cas où Sidro ou bien les actionnaires eux-mêmes feraientusaee de i'o~tion
qui leur était ouverte. "
De cette façon, si Sidro acceptait, il n'y auraittous égardsdu point de
vue de l'ordre juridique espagnol qu'une seule transmission, à savoir
celle faite par Barcelona Traction à Sidro ou aux actionnaires. et Fecsa
ne serait intervenue qu'en tant que mandataire. sans avoir aucune
charge à supporter sur le plan fiscal.
De ce comportement de la sociétéadjudicataire, il faut déduire
plusieurs conséquencesqu'impartialement nulne sauraitnier: ilen découle
que l'offre faite à Sidro - que la réplique prétendait mettre en doute,
mais dont mon distingué contradicteur n'a soufflémot - était une offre
réelleet sincère: que Fecsa n'avait pas le moins du monde l'intention de
dominer I'exploitation, et surtout qu'il est faux de dire. comme le fait la
Partie adverse, que Fecsa aurait eu la certitude d'êtrel'adjudicataire des
biens vendus.
Le huitième ipilier de la sagessea doit nous faire oublier que le cahier
des charges de la vente aux ench&resn'a jamais - je dis bien jamais -
fait l'objet d'un recours de la part de Barcelona Traction.
Le cahier des charges était, d'aprhs la Partie adverse, une véritable
anthologie de dispositions illégales.une piècerare et extraordinaire pour
un éventuelmuséedeshorreurs juridiques (VIII,p. 398).Je m'abstiendrai
de qualifier ce qui se voudrait un mot d'esprit; je pourrais m'en amuser
si ce n'était si insultant pour l'honneur et la compétencedes tribunaux
de mon pays.
Quelle a donc été,Monsieur le Président, Messieurs, la réaction de la
Barcelona Traction en présencede cette anthologie d'illégalités?II eùt
été naturelet loe-. . au'elle dénoncâ. immédiatement ces illé~al-tésaux
tribunau.\ espagnols de facon que ceu.u-ci psiiis~.nt rcdresrr les torts
prétendument causés. (:'r.it du moins cr qu'aurait filit tout laideur
normal.
.\leGrcgoire esige tout~foij que l'on oublie que 13nrcelon;iTraction
<lu22anuvembrc la51ccati:\.(\ISnoa101. <loi.1.vol.pVIoIl.i> do-!.I<;irci:lon.î
Traction a introduit un recours contre cette décisiin. 'n& pas pour
dénoncer les prétendues illégalitésdu cahier des charges. mais seulement
pour protester contre de prétendus vices de procédure qui n'avaient
rien à avoir avec le cahier de? charges.
Aujourd'hui, devant votre haute juridiction, les griefscontre le cahier
des charges couvrent des douzaines de pages. Et pourtant, dans son
recours, Barcelona Traction ne consacrait pas mémeune demi-page à 336 BARCELONA TRACTION
ces griefs: elle leur consacrait seulement et exactement neuf lignes
(A.C.M.no 161,doc. 5, vol. VIII, p. 405).
La ré lique a bien dû reconnaitre ce fait (V,p. 567. note 3) et le profes-
seur ~o?in en a fait autant dans la plaidoirie (VIII, p. 599). :Pourtant.
MC Grégoire exigeque nous l'oubliions. II n'a, d'aprèslui, aucune:impor-
tance, parce qu'il juge lerecours inutile et deportée limitée(VIII, p. 377)
et parce que les tribunaux ont considérél'ordonnance commeune simple
décisionde routine et.àce titre, non susceptible d'appel et de recours en
cassation (VIII, p. 375).
Je n'examinerai pas le point de savoir si l'ordonnance était ou non une
simple mesure de procédureet si d'autres recours étaient ou non possi-
bles; je ne pense pas que cela présente le moindre intérêtpour la Cour.
Tout cela n est qu'une manŒuvre de diversion destinee à dissimuler le
fait que le seul recours qui pouvait ètre incontestablementrmén'a pas
étéutilisé par la sociétéfaillie pour dénoncer les prétendues illégalités
du cahier des charges. Cette digression de la part de mon contradicteur
révèle, unefois de lus, le méprisde la société faillie pour lesautorités
et les lois du paystont elle exploitait les ressources naturelles.
Je dois ouvrir ici une parenthèse pour signalerla Cour qu'une fois au
moins le professeur Rolin n'a pas tenu compte du huitihme pilier de la
sagesse élaborée par sonconfrère, aleGrégoire. Serendant compte que le
fait de n'avoir pas introduit de recours contre le cahier des charges porte
un coup trèsdur à la thèsebelge. il a en effet préreconnaître le fait et
chercher des excuses à cette conduite inexcusable.
Mc Rolin reprend l'argument de dernière heure invoqué dans la
réplique (V,p. 567) et soutient que l'avocat n'avait pas le temps d'exa-
miner àfond la question dans son recours en quarante-huit heures (VIII,
p. 599). Comme la duplique a dïiment fait justice de cette excuse (VII,
p. 656 et sui\,.hIe Rolin ouvre aujourd'hui une nou\relle discussion sur
le point de savoir si le délaiétait de trois ou de cinq jours et si l'ordon-
nance était ou non de simple routine. La discussion est inutile. Elle ne
fournit aucune explication du fait que l'avocat a présentéson recours
dans un délaide quarante-huit heures en renonçant, compte tenudes jours
féries,à trois ou à cinq jours supplémentaires dont il aurait pu disposer.
La Partie adversc sait fort bien, d'ailleurs, que ce n'est pas par manque
de.temps que l'on a omis d'introduire le recours. >leRoberto Sinchez,
avocat de Barcelona Traction à l'époque,en a indiqué au receivercana-
dien la véritable cause:.
«Comme on le verra, il n'y a pas un seul commentaire sur l'essen-
tiel de l'affaire, malgrél'immense importance des questions en jeu,
car je me suis bornéà laisser ouverte la possibilité deles discuter si
on le désire.
La raison en est qu'il JJaurait eu une grande indiscrétion à ce
moment-là à exposer la positioii de Barcelona Traction par rapport
à l'ordre de vente aux enchères et aux conditions de celle-ci, point
culminant, sans aucun doute. de toute la procédure de faillite. ii
(Receiversltip.vol. V, fol. 824/j.)
Comme l'a rappelé le professeur Guggenheim, cette attitude de Bar-
celona Traction à l'égarddu cahier des charges suffiraità elle seuleà
exempter le Gouvernement espagnol de toute responsabilité sur le plan
international.
hf. Rolin se plaint de ce que le Gouvernement espagnol ait violéle PLAIDOIRIE DE M. CARRERAS 337

secret professionnel en produisant le rapport de M. Sanchez. Rien n'est
moins vrai que le receiver, à qui le rapport était destiné, l'a produit
comme moyen de preuve devant le tribunal de l'Ontario.
Oubliant toujours les règles poséespar son confrère, II.Rolin prétend
ensuite que National Trust aurait recouru contre le cahier des charges
par le moyen d'une action en revendication et que la Barcelona Traction
aurait dénoncéles prétendues illégalitésdu cahier des charges dans une
demande en nullité de la procédure (VIII, p. 599).
L'on ne saurait invoquer une action en revendication du National
Trust comme ~'$1s'agissait d'un recours de la société failliecontre le
cahier des charges. La demande présentéepar National Trust tendait
à obtenir une déclaration de propriétéau profit de la sociétédemande-
resse; l'issue favorable dépendait du fait que cette sociétésoit ou non
propriétaire des biens sans qu'entre en ligne de compte la question de
savoir si le cahier des charges était ou non conforme aux dispositions
légales.Si National Trust avait étépropriétaire, la déclaration demandée
aurait étéobtenue dès lorsque le cahier des charges étaiten fait parfaite-
ment légal.N'étant pas propriétairedes biens, Xational Trust ne pouvait.
parcontre, obtenir en sa faveur une déclaration de propriété.et ce en
dépit de toutes les prétendues illégalitésque contiendrait le cahier des
charges.
11n'est toutefois mêmepas nécessaired'avoir recours à ces subtilités
jiiriiliqiies ~'ln\.ite rciycitiiciiseinc,iit In Co:L~;iriiiii~r ilml)ltiiiciit la
<li.inandccn re\~rn<lic,îti~~de: S;itionnl 'fruit(:\ .\Iiio. t.01.l\',p SI I i
610) 1x1suns:îcule lois - le dis bien p:ii iiiie ieiilr fo-s le ca1iir.dc,i
cha'reës n'v est cité.
1.; situation est analogiir en ce qui concernc la demande incidente (Ir.
nullit< <lrpos;,c,p:,r la ioc-iit6 fnlllie. llne sciilt.dt, op:igcs im]iiini>i.;
<luicoiii.titiiciit Indcni:iriII\\1 nu ZGS \.nl 1\'.AD.,,Si SUSI cc r;'fi.rci
l'ordonnance qui a approu;é le cahier des charges (ibid., p. 801). Même
dans cette page, Barcelona Traction se contente d'afiirmer. sans tenter
aucunement de le démontrer. d'une art. ciue l'ordonnance oui avait
autorisé la vente n'aurait pas'dii être;endue'tant que la section quatre
n'était pas ouverte et. d'autre part. que le cahier des charges octro)'ait
des poÙ\roirs excessifs aux syndics. a, par contre, pas la moindre
allusion aux griefs actuels du Gouvernement belge concernant la préten-
due nullité de la vente pour indétermination de l'objet. la prétendue
novation des créancespar substitution du débiteur. l'incompréhensible
illégalitédes conventions entre l'adjudicataire et les obligataires: le
caractère discriminatoire des clauses concernant le dépbt que devaient
effectuer les enchérisseurs et la renonciation de l'adjudicataire i la
garantie d'éviction,la prétendue violation des règlesconcernant la con-
version descréancesen monnaie étrangère. etc. Pas un mot n'est dit de
ces différentsgriefs auxquels Me Grégoirea consacréplusieursheures de
plaidoirie.
La demandecontenait, ilest vrai, le paragraphe suivant:

«On peut relevei- dans cette ordonnance du 22 novembre bien
d'autres motifs de nullité dérivant des conditions prévues pour la
vente par le cahier des charges approuvé. ii
Mais donnant une nouvelle preuve de sa discrétion, l'avocat de la
sociétéfaillie se refusait toutefois à indiquerquels étaient ces prétendus
motifs de nullité.338 BARCELONA TRACTION
11reste donc incontestable que Barcelona Traction n'a pas recouru
contre les prétendues illégalitésdu cahier des charges. Les excuses
imaginéespar M. Rolin rendent plus significatif encore lehuitième des
dix piliers de la sagesse imagines par son confrère.

L'audience. suspendue d rr h zo, est reprised II h 40

Et voici le neuvieme cipilier de la sagesseIde mon distingué contra-
dicteur: il faut oublier que Sidro et National Trust. loin de répudier le
cahier des charges, l'ont-au contraire expressément accepté. -
Lors des négociations entre MM. Frère et Juan March, qui avaient
entraîné le retrait de la première demande du Gouvernement belge
devant votre Cour. Sidro avait prétendu que les obligations en livres de
la Barcelona Traction, appartenant à Sofina et à elle-même.soient
payéesconformémentaux dispositions de ce cahier des charges que l'on
qualifie aujourd'hui d'«anthologie d'illégalités».Ce fait a délàétésouli-
gnédans le contre-mémoire (IV, p. 422).
Dans sa lettre du g septembre 1961,M.Frère écrivait àM.Juan March
que, pour faciliter la conclusion d'un accord, les représentants de Fecsa
devraient s'engager

«à consigner aux mains du Trusteeles montants revenant aux obliga-
tions qui ne lui auraient pas étéremises (c'est-à-dire celles de Sidro
et Sofina);cette consignation se ferait conformément aux disposi-
tions du Cahier des charges de la vente du 4 janvier 1952 D (A.C.M.
no 162, vol. IX, p. 7).
Ce fait a étéraooelédans la du~liaue (VII, D.656. note I)et la Partie
adverse n'y a pas répondu. .. ~ .. -.
Une conclusion s'impose. Lorsqu'il s'agit depayer, le cahierdes charges
est un tissu d'illégalitéset une piece de collection pour un muséedes
horreurs juridiques. hfais lorsqu'il s'agit d'ètrepayé,le cahier des charges
mérite la pleine approbation du président de Sidro. Ne convient-il pas
d'appliquer ici le principe qui veut que nul n'est admis à se mettre en
contradiction avec ses propres actes?
Sidro n'est pas la seuleà avoir accepté le cahier des charges. National
Trust a présentéses obligations au paiement, conformément aux con-
ditions prévuespar le cahier des charges et elle a étédîiment payéepar
Fecsa (C.M..IV, p. 422, et A.C.M.no 163,vol. IX, p. 8).
Parmi les annexes à la réplique (vol.1,no 31, doc. 2.p. rzr), se trouve
une déclaration de National Trust qui reconnait expressément ce qui
vient d'êtredit. National Trust y indique à deux reprises qu'elle a
conseilléaux obligataires de présenter leurs obligations au paiement à
Fecsa et que les bénéficiairesavaient intérêt à accepter le paiement.
conformément aux conditions prévues par le cahier des charges de la
vente aux enchères.
Cette attitude de National Trust est si constante qu'elle a conseillé.en
1967, à un obligataire de s'adresser à Fesca pour obtenir le paiement de
son obligation.conformément au cahier descharges. Et Fecsa, Messieurs,
a payé scrupuleusement malgré le temps qui s'était écoulé(nouv. doc.,
II. 6, p. 205 et sui\,.).
Et le Gouvernement belge ose maintenant prétendre que le cahier des
charges aurait étéconçu pour défendreet servir les intérêtsd'un groupe PLAIDOIRIE DE M. CARRERAS
339
sans souci des droits des autres obligataires. Je laisse à la Cour le soin de
tirer les conclusions qui s'imposent.
J'en arrive enfin, Monsieur le Président, Messieurs, au dixième et

dernier ~tpilier de la sagesse n.La Partie adverse prétend cette fois faire
oublier simultanément tous les faits suivants:
Premièrement: que Barcelona Traction, qui a essayé d'empècher la
vente par toute une sériede procédésinadmissibles, n'a pas eu recours au
seul moyen efficace: proposer un concordat aux créanciers.
1)euxièmement: aue Barcelona Traction. Sidro et National Trust ont

ni~k une c:~riipagntinteiiaivc pour Cviter que (1i.sei~cl~i.i.isseuri~ rraiigcrs
aus Rroupt.; pr-vci qui s'o- -j;ii~:ii~dans la faillite ne je prl'scnteiit ;i 1;1
venté.
Troisiemement: que Barcelona Traction n'a pas fait usage de l'option
que lui octroyait le cahier des charges et qui aurait permis à ses action-

naires de se subroger l'adjudicataire'.
Et quatrièmement: que Sidro ii'a pas accepté l'offre aux termes de
laquelle Fecsa lui a proposé, immédiatement après la vente, de céder
sans aucune contrepartie aux actionnaires de Barcelona Traction les
droits qu'elle avait acquis dans la vente2.
A la veille de la vente aux enchhres, la Rarcelona Traction et son
groupe ont déployéune activité fébrile pour empêcherla vente par toute

une série d'actions judiciaires inadmissibles. Le contre-mémoire (IV,
p. 422) a exposéces diverses procédures auxquelles la Partie adverse n'a
mêmepas fait allusion. La sociétéfaillie ri'a,par contre.pas eu recours au
plus simple de tous les moyens: l'offre d'un concordat aux créanciers.
Comme cela a déjà étéindiquédans la procédureécrite(C.M.,IV, p. 377.
et 11.. VIII, p. 603), i'offre de concordat peut êtreprésentéequel que

soit l'état de la procédure et mZme en cas de suspension de la section
première de la faillite.

La clause du cahier des charges(A.C.M. no 158.dot. i.vol. VIII. p. 361)
prévoyait que:

xOuel aue soit le r~ ~ ~at de l'adiudicati~~.la BarceIona Traction. .-~s un
délayde néufjours à compter de cellé-ci. pourra désigner une personnephysique
ou morale qui accepte la plushaute enchere. pourvu quedans ledit delai de neuf
iours ellefournisse l~ ~cautionnements et-ear~ ~~~ ~etacceote enoutre l~ ~~ndi-
tions offertes par le dernier enchérisseur.
' L'offr aeétéfaiteà Sidro dans un telégramme (A.C.M. no 160. vol. VIII. p. 370)
dont le texte était le suivant:
srFuerzaç Eléctricas dcCataluiiaoffreauxactionnairesde laditesociété Barcelona
Tractionune nouvelle occasion en plus de celle Btablie en sa faveupar les condi-
tions de vente d'acqué~ir lesdits biens pour la valeur des obligations de cette
societé Barcelona Traction et des intéréts non payés par elle depuis seizeans. le
paiement desquels est garanti par les propres biens adjuges. Stop. A cet effet

Fuerzas Eléctricas de Catalufia offre aux actionnaires de Barcclona Traction la
possibilité d'acquerir ces biens sans verser aucunprix à Fuerras Electricas de
Cataluna pour la cession qu'elle est disposfo à leur faire. Stop. Fuerras Eléctricas
de Catalufia est disposée à etudier une proposition de Sidro dans le sensde lui
ceder. dans les intérèts de tous les actionnaires de Barcelona Traction. taus
droits et obligations obtenus à la vente aux enchéres précitée A la condition que
la liquidation et paiement préalable soit faitepar Sidro avant le trente et un du
mois en cours àpleine satisfaction de FuerzasEl6ctricas de Catdufia de toutes les
sommes auxquëlles se réferent les concepts detailleà la deuxieme condition des
conditions de vente aux encheres.340 BARCELONA TRACTION

Si, comme le prétend la Partie adverse, le temps travaillait en faveur
de la sociétéfaillie et s'il était vrai que les bénéficesde l'exploitation
puvaient augmenter au cours des années suivantes, pourquoi donc la
failliten'a-t-elle pas proposéde concordat à ses,créanciers?
La réplique a cherché à justifier cette omission significative par une
explication si faible (V,p. 609) que,après la réponse donnée dansla du-
plique (VII,p. 604, note 2). mon illustrecontradicteur ne l'a pas reprise.
II est permis de penser que si Barcelona Traction a renoncé à proposer
un concordat, c'est peut-être, entre autres raisons. pour la suivante: si

le soncordnr coi~tr.ii~itdes propositioni honorables iinpliqiiant Ir paie-
ment <letous Iri ohligntaircs, Itiuci;,t;. fnillic courtiit Ic risiliic de \,air
accei>tcrpar lei sr;.nncicr et d'ètrç. par conséqucnt. contrainte dc faire
ce qÙ'ellêavait toujours refusé: payer ses deftes. Si, au contraire, les
offresconcordataires impliquaient, comme les arrangements antérieurs,
une lésionmanifestedes droits des créanciers,la proposition de concordat.
aurait eu pour seul effet de dévoiler le véritable visage de la société
faillie: le visage morose d'un débiteur récalcitrant dont toutes les expli-
cations ne sont que prétextes à la seule fin de justifier le non-paiement de

ses dettes.
La Partie adverse fait grief de ce que le cahier des charges aurait eu
pour objet d'écarter les tiers de la vente et d'assurer au groupe March la
r~si~ ~~ d'enchérisseur uniaue. Cela n'est oas exact. Ce sont la société
f:iillic ct son groupc qiii oiit orclicitr; j.1 ;pu 11ic iiii,canip:igiit- intciisc
dcitinCc i <I;couragcr In p:irticip;itiiidit:iichéri~~c~iiirii<lCpend;iiit.~.
La Uarcelona Traction a ~ublié.dans Itii>rcssede Madrid et de I'aris'.
un cavisii dans lequel elleLannonçait cpe'ni la faillie ni ses filiales ne
reconnaîtraient la validité juridique de l'acquisition des actions et des

obligations propriétéde la Rarcelona Traction et par lequel ellemettait en
garde les enchérisseurs éventuels coutre les risques auxquels ils s'expo-
Saient.
Sidro a délivrédes procurations à divers mandataires en les autorisant
à s'opposer à la vente aux enchkres par tout moyen de fait ou de droit de
nature à intimider toute personne dont on saurait - ou simplement
soupçonnerait - qu'elle serait susceptible de se porter enchérisseur'.
Mon cher confrère. le professeur Gil-Robles. a justement qualifié cet
acte de délitde contrainte (sr~prap , . 63).

C'est égalementSidro qui s'est adresséeau conseil supérieur bancaire
espagnol, le 27 décembre I~ÇI, afin d'&carterde la vente aux enchères
tout groupe fiiiaucier indépendant (A.D. no 164, doc. 4. vol. III, p. 324-
325). L'extrêmegravité de cet acte n'a pas besoin d'êtresoulignée.

L'avis de la Barcelona Traction a étépublie le 18decembre 1951dans le journal
ABC de hladrid. et les 2,. 22 et 28 décembre respectivement, dans leç journaux
parisiens suivants: I'Agrncrdconomigue et finonci2re. L'informalioet Ln vie Iran-
raire(A.D. no 164. doc. 1,vol. III.p. 321 etsuiv.).
La procuration avait étéétablieà Bruxelles. l2, décembre1951. et elle donnait
aux mandataires notamment les pouvoirs suivants:
Sommer les personnes qui assisteraient aux ventes aux encheres. ou dont on
suppose qu'elles pourraient y assister, de s'abstenir d'y prendre part. sous peine
de laire l'objet des actions et poursuites estiméespertinentes. en dommages et
intérétsentreautres:commettre, aux finsprécédemment indiquées. les notaires.
avocats.avoués. courtiers. agents de change. experts aupres des tribunaux. offi-
ciers ministériels,agents commerciaux au simplement privés n(nouv. doc., II.q.
P. 25).1 A.D. no165,doc. I. 2 et 3. vol. III, p. 326-331 342 BARCELONA TRACTION
d'hui i espliqucr pourquoi la Harcclona Traction n'a pas exercé I'op-
tion, inais prétend sculeiiicnt que la clause d'option Ctait un instriiri~cnt
ill+al destin; à Cloigner de la \.ente les é\.entiiels riichCrisseuri (VIII,
P. 397).
Il est absolument évidentque cette accusation n'a aucun fondement.
Si hie Grégoirea des doutes au sujet de la légalitéde cette clause. il lui
suffira de consulter l'article506du code de procédure civilequi prévoit
expressément une option analogue pour toutes les espècesde ventes aux
encheres judiciaires sans prix minimum.
Quant à l'éloignement des tiers, quel est l'homme d'affaires qui
renoncerait à participer à une vente aux enchères, laquelle il serait
réellementintéressé,uniquement par peur de perdre le temps et l'argent
~ ~~~saires à l'étudede l'affaire? D'autant ~lus si le ~rix de vente était
aussi \.il ilu~Ic prCteri13 P;irtic ;i(li,erw? Comriicrilp Gr6goirc peut-il
oiit>lierque c'est prt:cis&mt~iiItcgroupc que le Cou\~ernrment hclgedéfenil
oui a dbclerichéune violente camuxnc en \.uc <I'>luizncrle3tiers?
' Est-il enfin logique que les déftnseurs de la ~Gcelona Traction se
plaignent d'une clause qui a été incontestablement établie en faveur de
la faillie?
Tels étant les faits. il est inadmissible. MonsieurlePrésident,hIessieurs,
que l'on prétende que la vente aux enchères était iiun simulacre, un
trompe-l'Œil. une véritable comédiejudiciaire a!
La position de la Partie adverse face à I'offrede Fecsa à Sidro est la
répétitionde celle qu'elle a adoptéeen ce qui concerne l'option octroyée
à la sociétéfaillie.
La question étant posée,dans le contre-mémoire, de savoir pourquoi

Sidro n'avait pas acceptél'offresi le prix etait vil et dérisoire,le Gouver-
nement belge a multiplié les explications dans la réplique. Il a affirmé
qu'il ne s'agissait pas d'une offre véritable, que Fecsa n'était!pas liée
et que Sidro avait répondu en donnant les raisons de son refus. (R:, V,
p. 124). A cela le Gouvernement espagnol a répondu dans la iduplique
(VII,p. 654-655)et mon contradicteur a gardP le silence.
Pour faire oublier que Sidro n'a pas fait usage del'option. MeGrégoire
affirme maintenant que l'offre n'était qu'un acte de propagande. Son
seul argument dans ce sens est tiré de la publication de I'offredans la
presse mondiale. Maisoù donc, Messieurs, la BarcelonaTraction avait-elle
procédé à sa campagne contre la vente en dénonçant sa prétendue illé-
galitéet en prétendant que les biens étaient vendus à un prix dérisoire?
Où doncNational Trust avait-elle publié ses<<misee sn garde Daux obliga-
taires? Le télégramme mêmd ee Fecsa (A.C.M.no 160, doc. I. vol. VIII,
p. 370) indique expressément que I'offre faite à Sidro était une consé-
quence de la campagne de publicité orchestréepar cette société.
Mon estimé contradicteur affirme aussi que l'offre est incompatible
avec le désir des obligataires majoritaires d'acquérir l'entreprise à vil
prix; et, compte tenu de cette incompatibilité. il conclut que I'offrene
pouvait pas êtrehonnète. Se référant à la sagesse populaire, il affirme
que l'offreétait iitrop belle pour êtrehonnêtes (VIII, p. 399). ,
Il est évident que I'offreétait belle, car si Sidro avait étésincère elle
aurait suffi i satisfaire toutes ses prétentions. Et elle était honnête,car
si Sidro avait accepté il n'y a aucun doute que Fecsa aurait honoré
I'offrequ'elle avait faite. Mais l'honnêteté desuns met parfois en lumiere
la malhonnêteté desautres. L'offre de Fecsa a obligéSidro à démasquer
sa propre malhonnêteté. Sidroa dû inventer les prétexteslesplusspécieux PLAIDOIRIE DE M. CARRERAS 343

pour tenter de dissimuler la vérité, savoir qu'elle ne voulait ou ne pou-
vait pas l'accepter.
Selon la Partie adverse, Sidro savait aue les transferts de devises au
profit (lessociCt6sen Espagne ne seraient pas autorisés utant que ccllcs-ci
n'auraient pas régulariséleur situatioii \.is-i-\.ii de l'Espagne 11. 1.2
orécisionest sianificative Ce n'est 133sfaut? dc séri~us aue I'oiir~:LCté
;efusée,c'est parce qu'il ne convenâit pas de l'accepter; parce que,outre
qu'il aurait fallu payer, accepter l'offre aurait impliqué pour Sidro
l'obligation de régulariser la situation de l'entreprise en Espagne, c'est-
à-dire d'agir sans tromperies ni dissimulations.
Comme la duplique l'a souligné, sans être démentie par la Partie
adverse, le sérieux de cette offre &tait indiscutable. Une lettre a été
déposéedevant la Cour (nouv. doc.. II, 3. p. zz), qui ne laisse subsister
aucundoutesur ce point. Le 31décembre1951,M.Juan March a adressé
au ministre des affairesétrangères espagnol une lettre dans laquelle il
lui faisait part de la décisionque le conseil d'administration de Fecsa
avait prise de faire l'offrà Sidro, au cas oh Fecsa serait adjudicataire des
biens. Dans cette lettre,sur laquelle j'attire respectueusement l'attention
de la Cour, M.Marchdisait au ministre:

iIl me semble impossible, Monsieur le Ministre, d'offrir de plus
grandes facilités au groupe étranger qui a des intérêts dansles
affaires de Barcelona Traction Dour lui ~ermettre. en Davant les
créanciers de cette socii.t&,de Cùnsrrvcr'sa sitiintion ~&onorni~iiz
actuelle et la propri6tC des biens mis aux enclii.res,ce qui démystifie
la campagne injistifiée qui a étémenée. D

Cette lettre confirme, une fois de plus, tout comme L'offre,que les
créanciers avaient un seul but: encaisser ce qui leur était dû et ne pas
s'emparer de l'entreprise.
En résumé,le dernier cpili6r de la sagesse ide Me Grégoireconsiste à
oublier la véritable raison pour laquelle Barcelona Traction n'a pas fait
usae,.de l'o~tion et ~our laouelle Sidro n'a Das acceotél'offre. Mon col-
I+LQCl,e professeur Surïda. (lémontrera quelle,~jt la \.raie c;iiisedc.<:ette
double abstention: la \,c'ritablt:\.aleur ile l'exploitation <:taitinf6rieu;LU
oaçsif oblicat;iire de 1;isociété faillie.L)ela mCmc manière. il montrera
Que, pour ïa même raisonrenforcéeencore par la campagie lancéepar
Barcelona Traction, Sidro et National Trust, aucun tiers n'a été tenté
de se présenter comme enchérisseur.
Si mon contradicteur est choqué de voir le Gouvernement espagnol
reconnaître que les obligataires majoritaires étaient dans une position
plus favorable pour devenir adjudicataires des biens (VIII, p. 395).je lui
suggère de lire ce qu'affirme M. Duncan, administrateur de Barcelona
Traction, dans son affidavit du zg septembre 1949(Receivershifi,vol. II,
folio 354).
II est reconnu sans ambages dans ce texte que si M. Juan hlarch
achetait les obligations First Mortgagequi se trouvaient entre les mains
de la Westminster Bank (obligations que Sidro aurait pu et n'a pas voulu
acheter), et étant donné que la majorité des obligations Prior Lien
étaient déjàentre les mains de son groupe, <ilse trouvera ainsi dans une
situation privilégiéepour acheter les biens situés en Espagne de la
société défenderesse et ses filial». Cecise passe de tout commentaire.
Je passerai maintenant, avec votre permission, Monsieur le Président
et Messieurs, à la seconde partie de ma plaidoirie.344 BARCELONA TRACTION

En vous décrivant ce que j'ai appeléles .piliers de la sagesse)) de
MeGrégoire,qui ont al'oublin pour fondations, j'ai voulu faire ressortir
une réditéqui, avec plus de force que ne le sauraient fairw'mesparoles,
aboutit à trois conclusions qui mep_araissent éminemment:raisonnables:
1. La vente des biens.de ~arceloh~i'raction a étéautorisée et a été
effectuéeparce que ni Barcelona Traction ni Sidro-Sofina n'ont voulu
payer aux obligataires,à tous les obligataires. ce que la société faillie leur
devait depuis de longues années.
2. Il n'y a eu.dans la vente des biens, aucun élémentde discrimination
contre Barcelona Traction ni contre ses actionnaires, quels qu'ils fussent;
et il n'y a eu, de la part des organes de la faillite, aucune intention d'écar-
ter des enchères lestiers enchérisseurs.
3. Si Fecsa s'est vu adjuger les biens mis en vente, c'est parce que
tiers indépendanti-,o,absolument personne n'a estiméque cesbiens aientucun
eu une xzaleursupérieure au montant du capital-obligations de la société
faillie augmentédes intérêtsarriérés.

De cesionclusions, l'on peut déduire deux conséquences:
Premièrement: il n'y a aucun lien de cause à effet entre le prétendu
fait illicite et les prétendus préjudices. Si Barcelona Traction a subi un
quelconque préjudice, ce ne peut êtreque du fait d'actes ou d'omissions
imputables à elle seule.
Barcelona Traction aurait pu éviter la mise en vente de ses biens en
proposant à ses créanciers un concordat raisonnable; elle aurait pu
éviterl'adjudication des biensà Fecsa en faisant usage de l'option que lui
offrait le cahier des charges; et Sidro-Sofina auraient pu accepter l'offre
de Fecsa et se subroger a cette dernière dans ses droits.
Elles n'en ont rien fait ni l'une ni l'autre et':cette circonstance suffit
à éliminer le lien de cause à effet entre les.,illégalités que dénonce
Me Grégoire,eussent-elles existé,ce que pour m+ part je conteste, et les
conséquences dommageablesdont fait grief le Gouvernement demandeur.
Deuxièmement: la procédure de faillite n'a pas eu pour but de trans-
mettre à M. Juan March le patrimoine de Barcelona Traction. La
procédure de faillite a eu pour objet de faire en sorte que le droit des
dicteur, les prétendues illégalités dela vente étaient un moyen mis au
service d'une fin'dont il s'avèrequ'elle n'existe pas, tous les griefs de la
Partie adverse s'effondrent. faute de fondement.

Tout cela me paraît si clair, hlonsieur le Président, que je pourrais
clore ici cette partie de mon exposé. Jlalheureusement. si nous ne nous
employons pas à réfuter les prétendues illégalitésque dénonce la Partie
adverse. l'on nous accusera tout aussitôt de les reconnaître. C'est Pour-
quoi je me trouve obligéde répondre. très brièvement, à ces accusaiions.
Toutefois, et encore que cela ne soitpeut-êtrepas nécessaire,je formule
l'expresse réservequ'eh aucun cas nois n'acceptons les accusaiions de la
Partie adverse.
Les accusations d'illégalitédirigéescontre les tribunaux espagnols ont
pour fil conducteur, abondamment utilisé. un arrêtrendu le 27 janvier
1951 par la cour d'appel de Barcelone (VIII, p. 308).
l'arrêtprécité.aurait pu se heurter la solution du probleme dont étaiton
saisie la cour d'appel. mon contradicteur a longuement ironisé à propos PLAIDOIRIE DE M. CARRERAS 345

de l'xélasticité u que, d'après lui. la cour d'appel aurait reconnue aux
~~elesd'ordre Dublic.
<La Partie adverse a toujours considérécet arrêt de la cour d'appel

comme une trouvaille': mais il faut dire qu'eue s'est trompée et que sa
itrouvaille n se retourne contre elle dès que l'on procède i une lecture
attentive et fidèledu texte de l'arrèt.
II est exact que, dans ce texte, il est question de 1'sélasticité u - ou,
pour mieux dire, de la souplesse - qu'il convient d'apporter à l'inter-
prétation des textes de lois. compte tenu des!, dificultés insurmontables n

qui pourraient résulter de la «coloration internationalen propre à la
faillite de Barcelona Traction. Mais ie Dense au'en faire erief à la cour
d'appel de Barcelone équivaudrait a réprochérla soupl&se dont font
preuve les tribunaux des pays de common law ou le Conseil d'Etat
irancais.
souplesse est d'autant moins critiquable - c'est ici que le raison-

nement de Me Gré~oireseheurte àla réalité - qu'elle ne concerne aucune-
ment la iisolutio~~ratiaue idont il est ouestiôn à la fin du considérant.
E; effet, il suffit délire ie teste (pour plAsde brièvetéje me permettrai,
Monsieur le Président, de l'insérer en espagnol et en français dans le
compte rendu4 pour constater que ce n'esfpgs lacour d'appél. maisbien

Cf. M., 1, p. 179. et C.hl., IV, 539.
Ica~sioÉn~rir que pour statuer sur le présent recours dirigé contre la désigna-
tion de syndics dans la faillite de la sociétéappelante Harcelona Traction,Light and
l'ower Company. Limited, il importe de tenir le plus grand compte du fait qu'en

raison des circonrtarices exceptionnelles de cette faillite, qiinecertaine color;ition
internationale étant donnd que I;i sociétéa sonsièae principal à Toronto (Canada)
et qu'un grand nombre de créanciers sont domiciliés ou éparpillés dans différentes
villes d'Europe, il est évident qu'en raison de la complexitédesquestionssusceptibles
de se poser et qui sont principalement de caractère procédural il faut résoudre ces
questions non pas en se basant sur le sens grammatical des dispositions legales
applicables. mais eB les interprétant de façon rationnelle et en leur conférant une
certaine souplesse; car autrement I'inrtructionde cette faillite deviendraien tous
points impossible. 6tant donné les difficultés insurmontables qui pourraient se
présenter; ceci n'implique toutefois pas qu'il y ait lieu de faire abstraction des
principes que la loi établit pour In garantie des droinon seulementdu failli, mais de
ses créanciers; il ne faut cependant pas les dénaturer, pur une interprétation qui soit
en contradiction avec l'esprit de la loi, qui ne peut que viser h étabune réglemen-
tation adéquate et rationnelle pour régir la procedure applicableà ce genre de procès
afin d'aboutir à une solution pratique. n
nco~sio~n~~oo que para la resoluci6n del presente recurso sobre impugnsci6n
al nonbramiento de Sindicos en la quiebra de la entidad apelante #BarceIona

Traction, Light and Power Company. Limited n,precisa tener muy en cuenta que
dadas las circunstanciaî cxcepcionïles concurrentes en dicha quiebra que reviste un
cierta matiz de caricter inteniacionalpuesto quela Sociedad quiebrada tiene su scde
principal en Toronto (Canadi) y gran nlimero de acreedores se hallan avecindados
o repartidos en diforentes poblaciones europeas resulta evidente que dada la com-
plejidad de las cuestiones que pueden suscitarse, principalniente de indole procesal
hay que resolverlas, no por el sentido gramatical de las preceptos legales applicables.
sinointerpret~ndoloçracionalme~ted~ndolesciertaey lnsqteicedoaro, modo
seria de todo puiito imposible el poder tramitar dicha quiebra, por las dificultades
insuperables que podian presentarse, y sin que ollo quicra significar que hayande
prescindirse de aqurllos preciptas que laLey establece para de los derechos,
no s61o del quiebrado sino de sus acreedores, pero sin tergiversarloîcon una inter-
pretaci6n que pugne conel espiritu de dicha Ley. que no puede ser otro sino una
ordenacion adecuada y racional en el procedimiento porel que se regula esta clase de
juicio para llegara una soluti6n prictica. 346 BARCELONA TRACTION

le législateur qui a \,oulu - je cite ici le texte mêmede I'arrét-aune
réglementation adéquateet rationnelle pour r(.gir la procédureapplicable
3.ce eenre de orocéjafin d'aboutir à une solution oratioue o.
~acour d'appel espagnole a opposé à une in&rprétation strictement
grammaticale une interprétation logique et rationnelle (et c'est là un
principe d'interprétation unanimement reconnu par la doctrine). Il faut
souligner que la cour d'appel a ajouté qu'il ne pouvait êtrefait abstrac-
tion des principes que la loi établit pour la garantie des droits non seule-
ment du faillimais de ses créanciers,indiquant enfin qu'il ne fallait pas
les dénaturer par une interprétation contraire à l'esprit de la loi. Cette
mise en garde est lourde de sens du point de vue juridique et elle dément
l'interprétation fantaisiste de Me Grégoire qui, pour cette raison, en
parle dédaigneusement comme d'un «coup de chapeau à l'orthodoxie

juridique n (VIII,p. 308).
Je me félicite.Monsieur le Président, que les tribunaux de mon pays
aient toujoursgrand soin de préciserque. s'ilest souhaitable de chercher
à atteindre l'objectif pratique d'une nome, surtout lorsque l'on a affaire
à un plaideur hostile ou un fraudeur. il importe de ne jamais perdre de
vue les principes que pose la loi pour garantir les droits de toutes les
oarties au liti-e. Point n'est besoin d'énumérerici toute une séried'arrêts
2.,ins le,queljla cour ;uprimc esp;ignole a énonceIn nihe doctriiie I\lnis
littit:iis i signaler qiie l'arrbt dii17 avril 1017, dont a longiiement traité
mon collfgiir. le professeur Cria. étnhlit clairement lui aussi qiie les
tribunaiix doivent passer outre aux obstacles que pçut opposer le débi-
teur dc niniiv:iiiz foiet prccise que tourrj les dé~i~ions qui pcu~.erttCtre
adoutées dans une intention iaussi louable et iuste n sont i n lei ne ment
justiti~cs clans I:I riicsure ou cllei iic coiitrcdisciit p:i5 oii\.~:Bcmçnt iej
diipo>itioni d'iint loi quélconque les intcrdisarit <le facon ekprcsse r
(A.D., nq7z. app. I. vol: II. p. 559).
Le droit espagnol. que Me Grégoireen soit assuré, ne consacre pas le
principe selon lequel la fin justifie les moyens. Par contre, il consacre cet
autre urincioe d'a~résleauel si la lettre tue. l'esurit vivifie. Barcelona
~racti8n ai;rait vbiilu. ei le Gou\,erncmeitt l)elie le \,oudrait encore

. aujourd'liui. que les tribunaux espagnols se soitiit ahstenus en présence
du mccanirne fraiidiileus échafnudépar Izs:~\~oc;iti<l'un lailli.eiioubli3nt
que lecode civil espagnol. de mémeqiie lescodescivils français ou belge.
\.a jusqu'à affirmer la re;l>oiiial>ilité(Iiijuge (~iiis'al),tiriidrait de statuer
joiii prjteite du sileilce. de I'obscurit; ou de I'iiisutTisancede la loi
Celndit. jevais maintenant étii<lii.rles trois actes de 1:i \lonumentale
hérCiieiuridiciue <lela vente M.c'est-:Air? iiu drame uuc vous s -prc'senth
avec une remarauable virtuosité. mon estimé contradicteur.
Lerideau se le've à la nomination dessyndics;c'est ce thémeiqui cons-
titue l'argument du premier acte. consacré aux prétendues -.sures
préparatGres à la venie.
L'assemblée des créanciers, nous a-t-on dit (VIII, p. zz et 318), ne
pouvait se tenir parce que la procédure de faillite était doublement
bloouée. Elle aurait étébloauée d'abor~ ~ ~ ~ ~ cause~du dé~ ~ ~ ~ire Boter
et ekuite en raison de l'impo;sibilitéoù aurait étéle commissaire de dres-
ser la listedes créanciers de la sociétéfaillie'.

' C'estIc professeur Ralin quii'cïch:xrge<Ir,aii:iirationconcernant Ic pretendu
I,l<icagcausépar la suspensionde lal,roïédiir<(Vm, 1,zjo etauiv.):et >leGrégoire
3trairedu crielrcl:ittlu 1.r.4trnddéfaut de listedecréancier(V~,I> 3iOet sui".). PLAIDOIRIE DE M. CARRERAS 347

Je traiterai ces deux thèmes en accordant au premier une plus grande
attention. Ce n'est pas qu'il soit mieux fondéque le secoiid, mais c'est à
cause de la surprenante signification que lui a donnée leprofesseur Rolin
en attribuant au lait que lessyndics furent nommés, alorsque se trouvait
suspendue la première section de la procédure, une gravité qui ne le
céderait qu'à la gravité du jugement déclaratif de faillite lui-même
(VIII,p. 241).
La convocation de l'assembléedes créanciers chargée de désigner les
syndics d'une faillite est réglementéepar l'article 1062 du code de com-
merce de 1829. dont le texte, fort clair,,dispose:
«La date à laquelle se tient la première assembléedes créanciers
est fixéeen fonction du temps qui est rigoureusement nécessaire
pour que les créanciersqui se trouvent sur le territoire du royaume
soient informés de la faillite et puissent désignerleurs représentants
à I'assemblée.En aucun cas la tenue de cette assembléene peut être
différée au-delàde trentejours à compterde la déclarationjudzciairede
failliteii

Le délaide trente jours au maximum que fixe la loi commence donc à
courir à partir de la déclaration judiciaire de faillite. Et en aucun cas la
tenue de l'assembléene pourra être difléréeau-delà de trente jours à
compter du jugement déclaratif.
Le professeur Rolin (VIII,p. 251) oppose à ce texte tout à fait clair
l'article 114 du code de procédure civile qui. en effet, prescrit que les
déclinatoiresont pour effet de suspendre la procédure jusqu'à ce que l'on
ait statué sur la-question de compétence. De l'avis du professeur Rolin,
I'assembléedes créanciers convoquée pour désigner les syndics aurait
dù tomber sous le coup de la suspension découlant du déclinatoire Boter.
Le probl6me consiste donc à déterminer laquelle de ces deux règles
étaitapplicable au cas d'espèce:était-cel'article 114du code de procédure
civile, règle de caractère généralqui, d'après son texte même,admet
certaines exceptions, ou bien était-cel'article 1062du code de commerce.
réglespécialequi prescrit que la nomination des syndics ne saurait en
aucun cas êtredifférée?
Est-il oossible. Messieurs les , u .. de douter de la réoonse à cette
ijuestionj En l.p:ign~:. cornrne d:iiis le monde entier, la ;t!glt:spécinle
s'ap,pliqiit:<Irprfl$renceA la r,'gl<:gënéralr, iiiioiii-.qi~eI'oiilie prgtcnde
bou everser les principes de l'interprétation des textes'.
Ir.vais esposïr briéi.einent la fnçoii dont lei tribunaux ejp:ignols oiit
appIi<~uC Icir;.xlc parttcuIi2rrle:inc t~oriidr;i:Lrclc,vcrIr;faits les pluj
im~oitants ~oür ;ne bonne com~réliensiondu ~roblème.
En recevint le déclinatoire siter. le tribunaiestima que la suspension
de la procédure affectait la convocation de l'assembléedes créanciers
appelés à désigner les syndics. Aucun recours ne fut forméet nul ne
demanda que l'assembléedes créanciersse réunît en dépit de la suspen-
sion.
Nous arrivons ainsi au 3 janvier 1949, date où la société Namel.
créancihrepartie au litige, demanda que l'assembléefîit convoquée.Elle
invoquait à cet effet- cela a été reconnupar le professeur Rolin (VIII,
p. 251-252) - l'article 1062 du code de commerce et affirmait quel'ar-

' Cf. I'arr(nuio)de lacour d'appel deBarcelone,endate du 7 juin,949 (C.Dl..
w, P. 392). 348 BARCELONA TRACTION
ticle 114 du code de procédure civile n'était pasnpplicable à la nomina-
tion des syndics.
La société Namel.Messieurs, ne demanda pas au juge d'excepter la
convocation de l'assembléedes créanciersde la suspension provoquée par
le déclinatoire Boter. Pourquoi,voudrait-on qu'elle eût demandé cela,
puisqu'elle estimait que la décisionde convoquer l'assembléedes créan-
ciers devait être orise en déoit de la suspension? C'est oourauoi le iu,e-
spcciai. par or(1oRn3ncc. en datc du 12 f6vricr rq49, re)Lt;i pLremt.nt <t
,iriiplement In derr.andç de Samel. sans sc prrnnoiicersur la question de
sa\.oiriiIncon\~vcUrior< i II'nsiçiiil~lees crt'aricicrsdcvair étreexce~t6e
de la suspeiision, car personne ne lui avait demandécela1.
C'est donc une erreur de dire (VIII,p. 255-256) que la cour d'appel de
Barcelone. en soustravant de la susoension la convocation des créanciers.
le7 juin 19~ a~u.ait'infirmé l2ordÔnnancedu 12 février, puisque nul ne
l'avait demandé. Comment la cour d'appel aurait-elle pu. Messieurs le$
,u-es. infirmer une ordonnance aui statuait sur une aiestion différente
de ceile que trancha la cour d'appel2?
Pour tenter de donner de la consistance àcette confusion, le professeur
Rolin rappelle (VIII,p. 252) que le juge spécialavait pris, pour motif de
sa décision. le fait que le cours de la procédure se trouvait suspendu.
Pour refuser la requêtede convocation de l'assembléedes créanciers, le
juge a alléguéune raison juridique, mais ce qu'il a rejetéc'est la demande
formuléepar Xamel. sans se prononcer sur la possibilité de prévoir des
exceptions à la suspension. Il existe une différence notoire entre le motif
oii la raison de la décisionet la décision elle-mêmeI.I est évident oue les
tribunaux supérieurs ne peuvent entériner ou réformerque la déciLionet
non les motifs dont s'est inspiréle jute pour la rendre.
Le tribunal, aussi bien en frappant de suspension la convocation des
créanciers qu'en rejetant la demande de Namel, aurait commis une
erreur. II avait appliqué la règlegénérale,en oubliant qu'une règleparti-
culière lui interdisait de différerla convocation des créanciers en aucun
cas.
Comme, en raison de l'erreur commise par le tribunal, il s'étaitécoulé
plusieurs mois depuis la déclaration de faillite. la cour d'appel a pu certes
appliquer la loi. mais elle ne possédait pas le pouvoir thaumaturgique
suivant la déclaration de faillite. Une cour d'appel peut bien, comme l'a
dit mon collègue, le professeur Gil-Robles, corriger une erreur commise
par l'instance inférieure,mais elle ne peut pas faire le miracle de remonter
le cours du temDs.
Ainsi que l'a;appelé mon estimé collègue,le professeur Guggenheim,
du ooint de vue du droit international, ce sont les décisionsrendues en
dernière instance qui comptent principalement et non pas les déci-
sions des instances inférieures. De l'erreur qu'a commise le tribunal,
McGrégoire nesaurait tirer aucune conséquencevalable.
Durant cette mêmejournée du 12 février 1949. au cours de'laquelle
il avait rejeté la demande de Namel, le juge spécialrendit un jugement
par leque! il rejetait le déclinatoire Hoter et reconnaissait la compétence
destribunaux espagnolspour connaitre dela faillite deBarcelonaTraction.

' Cf.ordonnance du tribunal spécial.en date d12 février,949 (A.M. no 145
vol.III. p. 564).
' C.hi., IV. 389. noteI. PLAIDOIRIE DE M. CARRERAS 349

Ces deux dbcisions donnèrent lieu l'une et l'autre à des recours de la
part des pzrties: Namel interjeta un recours en rétractation contre
l'ordonnance et le sieur Boter fit appel du jugement.
Ainsi qu'il le devait. le juge spécialreçut à deux effets - c'est-à-dire
avec effet dévolutif et avec effet suspensif - l'appel interjeté contre le
jugement qui rejetait le déclinatoire. En vertu de ce mêmeeffet suspensif
de l'appel. le juge devint incompétent pour connaître de la première
section de la procédure de faillite et le dossier fut transmis à l'instance
supérieure.
Quel était, A ce moment-là, l'étatde la procédure? Le juge ne pouvait
statuer sur le recours forméDarNamel. Darce ou'il avait .e~ ~ c~m~é.~
tencc ct que le dossier a\.air(ti transmiii lacoii;d'appel. Cette<lerniL\re.
de son coté.avait cornpitcnce polir statiier siir le recours interieti par IC
sieur Boter et sur les i'ncidenti concernant ce recours: mais elle n'avait
le moins du monde compétence pourprendre, dans ie cadredu proc&s,
des décisionsqui relevaient du tribunal inférieur.
-~ v eut alors. devant la cour d'avvel. 8:us nouvelles démarches
rll. I)'IIIICpart. I9arci.lonn 'Traction ciriiip:irii:< la proicdiire eii
<I<.iiiand:ariqiii~.I'3ppvl1L)terfiit rqiiIi ii>ciilefft:t.
1)':iiitrep:artI:sot:i;tC(;,nor:i crr'ancicre dc la sociLitcfaillie, dvinanda
~II,.liit rc.ndti<;IIIjuge:>j>;:i:~ll:icomj,vt~iict-nCct,ss~~rci III< iil(le
st:,tiit.iiir1.zrecoiir.. cil rrtr.tct;itioiiS:iiiiclct cc pour ;iti.fairc ila
r&glede l'article 1062 du code de commerce d'apr&slaquelle. comme on
l'a vu, la nomination des syndics ne doit en aucun cas êtredifférée.
La cour d'appel avait à statuer sur les deux questions, soulevées
parallèlement. ËIle statua le 7 juin 1949. en prenant' deux décisions ui
ont été vivement critiquées par la Partie adverse. La .duplique (V 3 1,
p. 570 et suiv.) aesposé~endétailles raisons pour lesquelles cescritiques
sont dépourvues de fondement, et le professeur Rolin n'a répondu à
aucun de ces argiiments.
Qu'il me suffise de dire, Messieurs les juges, que la cour d'appel de
Barcelone, statuant sur la demande de Barcelona Traction, dut la rejeter
en vertu de l'article 1x4,règlegénérale,qui prescrit que la procéduredoit
étresuspendue tant qu'il n'a pas étéstatué sur le déclinatoire.
Et la cour d'appel, elle-mêmestatuant sur la demande de Genora,
estima que la convocation des créanciersen assemblée pour nommer les
syndics était régiepar l'article roGzdu code de commerce, règlespéciale,
qui prescrit - comme je l'ai indiqué - que l'assembléedes créanciers ne
sera différéeen aucun cas.
La cour d'appel avait affaire à une règle impérative qui ne souffre
aucune exception et elle était tenue d'en assurer le respect. Mais, comme
je l'ai dit. elle n'avait pas compétence pour ordonner elle-mémela con-
vocation de l'assembléedes créanciers.Aussi prit-elle, Messieursles juges,
la seule décisionque la loi lui permit de prendre: elle ordonna que fiit
établieune copie authentique des actesde la procédureet quecette copie
fùt transmise au juge spécial afinque ce dernier statuàt ce que de droit
sur le recours de Namel dans les limites de sa compétence.
Ce faisant. la cour d'appel rendit au tribunal spécial la compétence
que celui-ci avait perdue et lui renvoya les éléments dudossier dont il
avait besoin pour pouvoir se prononcer.
On voit donc que les griefs qu'a formulésmon contradicteur n'existent
pas. L'ordonnance du rz février, qui rejetait la demande de Namel, n'a
pas étéinfirméepar la cour d'appel, puisque celle-ci a précisémentlaissé 350 BARCELONA TRACTION

à la compétencedu juge le soin de prendre une décisionsur le recours en
rétractation qu'avait interjeté Namel. Au surplus, la cour d'appel ne
pouvait infirmer une décisionque le juge n'avait pas prise, car le juge n'a
jamais décidéde ne pas excepter de la suspension la convocation de
l'assembléedes créanciers.
Ainsi que l'a démontréla duplique (VII,p. 570).la cour d'appel n'a pas
statuéultra petita. Selon une jurisprudence constantede la cour suprême,
il n'y a pas de décisionultra 4elita lorsque le iu~e se borne à ordonner
queique chose qui est une coniéquence iécessa;r&de ce qu'ont demandé
les parties, méme sicelles-ci n'ont pas demandéque lesmesures décidées
soient prises'.
Il n'y a pas non plus la moindre contradiction entre les deux décisions
de la cour d'appel. Comment pourrait-il y en avoir, hfessieurs les juges,
puisque dans l'une de ces décisionsla cour d'appel a appliqué la règle
généraledel'article 114 du code de procédure civile et, dans l'autre. la
règle spécialede l'article 1062du code de commerce? Si l'on en croyait le
professeur Rolin, il y aurait contradiction chaque fois qu'un tribunal
appliquerait une règlegénérale à descas qui en relèvent et simultanément
une règlespécialeaux cas particuliers visésparladite règle.
C'est donc une manifestation d'ironie tout à fait déplacéeque de dire
que l'appel Boter aurait étéadmis à *un effet et demi n (VIII, p. 256).
L'article 1062 du code de commerce vise la convocation des créanciers
et non pas les autres actes de procédure qui relèvent de la premiere
section de la faillite. En conséquence.la règle spécialene pouvait s'appli-
querqu'à la seule nomination des syndics. elle ne pouvait pas s'appliquer
aux autres actesde la procédure.qui sont régispar la règlegénéralede la
suspension.
Pour la mêmeraison, il est sans pertinence de discuter du point de
savoir s'il y avait ou non des causes d'urgence de nature à inciter le
tribunal à excepter de la suspension la convocation des créanciers (VIII,
p. 257). La loi, M.Rolin l'oublie de nouveau. ne subordonne pas la con-
vocation de l'assembléedes créanciers à desmotifs d'urgence, elle impose
cette convocation dans un délai péremptoire clairement fixé et non
susceptible de prorogation.
Cela étant, Monsieur le President. Messieurs les juges. à quoi bon
discuter mille et mille détails de la procédure.espagnole? Les autres
griefs du professeur Rolin sont d'unenature telle qu'une cour de cassation
n'aurait méme pas à en connaître.
Quelle importance pratique peut avoir. par exemple. le fait que la
cour d'appel ait transmis au tribunal la copie authentique du dossier à
la datedu 7 iuillet oà la date du II ou du 12 de cemèmemois? Or.c'est
à propos déCedétailsans importance que la Partie adverse fait un grand
nombre de commentaires sur lesrecours dits desh4lica. sur les demandes
en nullité, sur les pourvois en cassation, etc. @III, p. 254-255). et a
déposédes nouveaux documents contenant telles ou telles décisions
judiciaires dépourvuesde tout intérêt.
A quoi tendent tous les griefs tirésdu fait que le juge spécial,lorsqu'il

reçut la copie authentique de l'extrait du dossier et statua sur le recours
de Namel, a modifiéson point de vue et a ordonné la convocation de

Cf. Fenech MiguelDoclrinaprocesal civil del Tribunal Supevol.II. Barce-
lone.1956.p. 3259:et Prieto CastroLeonardo, El principio de congrucncb, in
Tmbajos y o*ienln~iond~ Dsre~hopvoccsoiMadrid,1964,p.298-299. PLAIDOIRIE DE M. CARRERAS 35'
l'assembléedes créanciers?Ayant recouvré compétencepour statuer sur
ce point, le juge adapta sa décisioà l'état dela procédure,tel quel'avait
définila cour d'appel.
On nous dit que le juge spécial aurait été contraint par l'instance
supérieure de convoquer l'assemblée. Qu'est-ce que cela signifie? Si cela
veut dire que le juge ne partageait pas l'opinion de la cour d'appel, je
n'ai rienà dire. car cela manaue totalement de ~ertinence.
J'entends bien. certes, qu'ii n'est jamais agréablepour un magistrat de
voir ses décisions réformées,mais je me refuse à croire qu'en Bel~ique,
lorsqu'une cour d'appel rectifie une erreur commise par in triburiai de
première instance, I'on estime que le juge est victime d'une contrainte et
que son indépendance est violée. Jeme refuse aussi à croire qu'un juge,
pour maintenir son indépendance, modifie un arrêtde l'instance supé-
rieure qui vaà l'encontre de son opinion personnelle.
A quoi bon analyser les recours qu'a formésla sociétéfaillie contre le
,u-ement Dar leauel le tribunal avait ordonné la convocation de I'assem-
b1t.e<lesc;éanciérs?Tous ces recours devaient iiéccssairenient ccl.oiier.
~erdrxi donc oîi un 1nst:lnt 21c.j;in:livier c;ir ceil m'oi>iiccàarin6tcr
ies mêmesarguments. . "
Je vais donc clore mon exposésur ce point en formulant une ultime
observation. Mon éminent collèeue.le ~rofesseur Gua~enheim. a raooelé
qu'il existe une présomptionimportant;: celle qui pr&Ïame la Confo;Aité
des décisions judiciaires internes avec le droit interne. C'est doncà la
Partieadverséqu'il incombe de prouver que les décisionsqu'elle critique
étaient illégales.Et il se trouve, Messieurs de la Cour. qu'après tant de
discussions sur des vétillesde procédure,on a fini par reconnaître:
a) qu'en droit espagnol, les syndics doivent êtrenommésdans le délai
de trente jours au maximum à partir de la déclaration de faillite
(VIII,P. 310) ;

b) qu'il n'existe pas de jurisprudence qui interprete le droit espagnol
dans un sens opposé à l'interprétation donnéepar la cour d'appel de
Barcelone (VIII,p. 258).
Etant donnéque la Partie adverse a reconnu ces vérités, quelintérêt
peut-ily avoir à discuter du point de savoir si un auteur. ou deux auteurs
>sl>"fin61j.pcnjent qii'il ;er;;it pliij r;<isonqueb1% :l6lnicommiii~~t à
courir i partir dii moment oii In d6clarntion <lefaillit,: serait clt:venue
irri;\.ocable et non pas p:irtir de1;(late iiihe de la <ICclarationde fail-
lite? L'opinion d'un auteur ou de deux auteurs n'est pas une source de
quer la loi. Au demeurant, la duplique a mis en pleine lumièrela fausseté
de cette opinion isolée(D.,VII. p. 574et suiv.).
MaisI'oncomprend la raison pour laquellela Partie adverse tient telle-
ment à discuter de cette question dépourvue de pertinence. M' Grégoire
(Vm, p. 318) s'aventure beaucoup plus loin que son éminent collègue:
il dit que la convocation des créanciers aurait étéillégale parce que
le jugement déclaratif de faillite n'aurait pas étéirrévocable. Or, Mes-
sieurs les juges, comme vous avez déjà pu le vérifier, cela est faux en
fait et en droit. En fait, parce que la déclaration de faillite était irrévo-
cable, en droit parce que le caractère révocableou irrévocable du juge-
ment de faillite n'a rien à voir avec le calcul du délaiau cours duquel
doit êtreconvoquéel'assembléechargéede désigner lessyndics. 352 BARCELONA TRACTION

C'est cela, ni plus ni moins, que la cour d'appel de Barcelone a déclaré
à la sociétéfaillie; la duplique (VII,p. 577). afin de démontrer que cette
thèse n'avaitpas été inventéeàdessein pour porter préjudice à Barcelona
Traction. a citédeux affaires dans lesquelles des svndics sont intervenus
dans des recours en opposition, ce qui impliqueuuécessairement qu'ils
avaient éténommés avant que le jugeme~. de faillite fùt devenu irré-
vocable.
Le professeur Rolin met en doute la pertinence de ces précédents sous
un prétexte qui n'affecte eu rien la validité de l'argument. Je ne vois pas
le moindre inconvénient à invoquer d'autres précédents. Ainsi, lors de la
faillite quia donné lieu à l'arrêt rendu par le Tribunal suprême le
20 décembre 1870 (C.L., T.23, no 48, p.213). les.syndics avaient étépar-
tiesàla procédure d'appelcontre le jugement (sentencia) rendu: sur oppo-
sition. La cour d'appel ayant fait droit à ladite opposition, ce,furent les
syndics eux-mêmes qui se pourvurent en cassation et obtinrent que
l'arrêt de la cour d'appel fùt infirmé. Il en fut de méme dans l'affaire

sur laquelle a statué la cour suprème. le 23 juin 1961(Colecciinlegislativa,
no 5x1, p.585). Dans les faillites qui ont donné lieu aux arrêts de la cour
du 16 mai 1881 (ibid., no 233. p. 271) et du 24 mars 1886 (ibid.,no 123,
p. 581), l'assembléedes créanciers chargéede nommer les syndics se tint
alors qu'il n'avait pas été statué en premi8re instance sur l'incident
d'oppojition soulevépar le failli. Cela implique que, dans tous ces cas, les
syndics avaient éténommés avant que le jugement déclaratif de faillite
fiit irrévocable.
Tevais traiter maintenant de la seconde cause aui. à en croire la Partie
n<l\crjc.:iiir;iiI>luiliIn procc'dureet cml>écliC 13coii\.ocntiuide I'a,sein-
I>IC I I<.cr:niici~i;1.3I'nrtic niivcrsca con~lcr? be~iicoii~)dc ~ciiiysyuiir
tenter de vous convaincre qu'il aurait étéimpossible de ionvoquèr cette
assemblée pour la raison qu'il n'y aurait pas eu de liste des créanciers
(VIII, p. 310 et 318).
J'ai le sentiment que l'on a fait ici du mot blocage r un usage tout à
fait impropre. L'idéede MeGrégoireme semble claire. II ne prétend pas
que les syndics n'auraient pas dîi êtrenommés en 1949 pour la raison
que la procédure se serait alors trouvée bloquée. Selon sa thèse, les
syndics de la faillite de Barcelona Traction n'auraient jamais pu ètre

nommés.
II ne s'agit donc pas de je ne sais quel blocage,!mais plutôt d'une ten-
tative de plus pour c stérilisen la faillite. Selon la Partie adverse, lesé-
questre-dépositaire aurait dû demeurer perpétuellement en fonctions, en
attendant au'il fùt donné effet a une commission roeatoire aui n'aurait
jamais pu [tre exécutéeou en attendant que la sociéféfailliesedécide à
fournir aux orEanes de la faillite la liste de ces créanciers, ce qui- l'on
s'en doute - &ait aussi illusoire aue d'esoérerau'elle o.v-t uniour à ses
créanciers ce qu'elle leur devait.'
hlon éminent contradicteur a dit (VIII, p.315):
,cLa loi espagnole suppose des êtres de chair et des réalitéscon-

crètes et n'a nullement prévu une procédure poursuivie par des
fantômes dans le royaume des ombres. i,
C'est danscette phrase que se trouve la cléde l'erreur; la loi espagnole.
certes, est faite pour des êtresréelset concrets, et les activités de Barce-
lona Traction en Espagne étaient assurément réelles et concrètes. Mon
collègue, le professeur Waldock, a démontréde facon irréfutable que la PLAIDOIRIE DE M. CARRERAS
353
sociétéfaillie était présente en Espagne, que c'est dans ce pays que se
trouvait sa substance même, que cest dans ce pays qu'elle agissait
directement et indirectement. La société faillien'était pas un fantôme
dans le rovaume des formes.
.fai~-auc~ne loi n'est concue Dour oue les ~rescriutions au'eiie énonce
soient tournées et balouées'à l'abri de fictions pu;ement 'formelles. L;
tribunal et le commissaire ne pouvaient tolérer que Barcelona Traction.

pour se soustraire A la compktence effective dés tribunaus espagnols.
maintînt sa substance même dissimulée en Espagne au fonddu royaume
des ombres.
La cour suprêmeespagnole, dans son arrêtdu 17 avril 1917 (A.D. 72,
app. r, vol. II, p. 557). dont j'ai déjà parlé,a estimé quec'étaitun devoir
que de surmonter de tels obstacles par tous les moyens qu'offre la loi iet
d'adonter toutes les mesures oaui ne vont oas directement à l'encontre de
r~&gles'légale qsui les interdisent de fayon éxpresse ».
Les formes derrière lesquelles hl.Pearson, suivant l'avis de conseillers
astucieux, avait masqué. son activité. n'ont pas prévalu devant les
tribunaus du Texas ou de New York. Elles ne devaient pas prévaloir
non plus devant la justice espagnole dans l'affaire Earcelona Traction.
Mais voyons les faits.
Dans le jugement (azito) du 28 juillet 1949, par lequel il décidait de
convoquer l'assembléedes créanciers, le juge spécialavait ordonné que
BarceIona Traction fût somméede présenter le bilan d'ensemble de ses
affaires. Et cet ordrefut communiqué à BarcelonaTraction enla personne
de son avoué.

livres et des papiers. ' . .
En revanclie. elle fit valoir, pour excuser sa carence, que son avoué
n'avait vas aualité vour recevoir la sommation oui lui était adressée.Elle

C'est là une excuse qu'on ne saurait accepter, ainsi qu'on I'a ample-
ment démontrédans la duplique (A.D. no 85, vol. II, p. 662). II.Carlos
hluntaner Felip. que Barcelona Traction avait désigné commemandataire
en Espagne, avait des pouvoirs exprès «pour adresser et recevoir des
notifications et des sommationsi, (A.C.M.no 1g4.1vol. IX, p. 276); et
M.Carlos hluntaner, lorsqu'il donna pouvoir' aux avoués de Barcelona
Traction, leur conféra à son tour la totalité des ~ouvoirs qu'il avait lui-
mCmereçus de la société.D'ailleurs, RIC GrégoireÔublieau& que lorsque
Uarcelona Traction elle-mgme voulut adresser des sommations, ce ne
lut vas son conseil d'administration oui s'cn cliareea"ni RI.Muiitaner. oui
étai'tson mandataire en Espagne, mais précisémentl'avouémêmedont ôn
nous dit aujourd'hui qu'il n'avait pas qualité1.
Eta~it donné l'inaction de la sociétéfaillie,qui ne donna pas suite la
sommation qui lui avait étéadressée. le juge,par ordonnance en date du
4 août 1949 (A.D. no 14j. vol. III, p. 241). ordonna que le bilan fUt
dressépar un négociant de la localité, ainsi que le prescrit l'article 1061
du code de commerce de 1829.Le négociant désigné lut RI.Juan AlartoreIl,

' A-D. no 85 et app. 1, vol. II, p. 662,ainrique les dùcumenta deposéspar le
Gouvernemerit esl>agnol crijuille1968. 354 BARCELONA TRACTION
quidressa le bilan à partir des livres et documentsqui lui furent présentés
nar le commissaire.
r-Il est vrai, Messieurs les juges, que ces livres et documents n'étaient
pas ceux que la société faillieavait au Canada. Mais c'étaient les livres
et documents qui avaient été trouvés dans les archives de Barcelona
Traction à Barcelone et qui permettaient parfaitement de connaître la

sitOr, que révélaient le bilanet.les archives de Barcelona Traction? Ils
révélaientun fait désormais bien connu: les créanciers de la société
faillie ne pouvaient être énumérés individuellement. avec leurs noms et
leurs adresses, parce que toutes les obligations étaient au porteur. Ni A

Barcelone ni en Ontario, si on avait pu s'y rendre. il n'était possible de
savoir quels étaient, à un moment donné, les détenteurs des obligations.
Ni les représentants qu'avait la société faillie à Barcelone ni ceux
qu'elle pouvait avoir dans l'Ontario n'étaient en mesure de fournir sur
ce point des éclaircissements au commissaire.
La procédurefut donc conforme à l'esprit du code de commerce. bien
que ce dernier, en 1829, n'eiit pas pu prévoir le cas d'une faillite dans
laquelle tous les créanciers seraient des personnes inconnues du failli
parce que leurs titres seraient des titresau porteur.
Les créanciers dont l'adresse était déjà connue furent convoqués
directement à l'assemblée(A.D. no 146, doc. 1,vol. III, p. 242); parmi
eux se trouvaient les a cointéressés »de Barcelona Traction, MX. Andreu,
Sagnier et Teixidor.
Pour convoquer les autres créanciers, des avis furent publiésdans la
presse officielle et la grande presse de Madrid, Barcelone, Tarragone.
Paris, Genève.Rome, Londres et Toronto (A.D. no 146. doc. 2, vol. III.
r. -77,.
Toutes les précautions furent donc prises pour qu'aucun détenteur
d'obligations ne demeurât dans l'ignorance du fait que l'assernbléedes
créanciers avait étéconvoquée. La preuve que cette façon de procéder
avait atteint son but, c'est que, le16septembre, il fut possible de dresser
une liste des créanciers. comorenant lés.auatre cent-soixante-dix oer-
sonnes quiavaient l&rs titres dei~réances,soit avant. soit après
la convocation (A.D. no147.vol. II. p. 245).
Aucun créancier n'a jamais protesté devant les tribunaux espagnols
en prétendant qu'il aurait ignoréla réunionde l'assembléefaute d'y avoir
été convoquéou en prétendant qu'un vice aurait affectél'établissement
de la liste des créanciers.
Durant l'assemblée, personne ne fit valoir que la liste des créanciers
n'avait pas étéétablie au siège socialde la société failliàToronto.
Enfin, les dispositions auxquelles la Partie adverse attache tant d'im-
portance partent de l'idéeque les livres et les documents du failli per-
mettront d'établir l'identité des créanciers et c'est pourquoi elles
orescrivent aue cette liste doit orécéderla convocation. Dans le cas de
linrcélonal';;titiun, au contrnir;.. In lisr11,poiii.;iit itrc dre;s&: qu'une
fois que lei oblipr;iirc; seseraient lait connaitrc. et dails ccs conditioiis
il était iitC\'irah,111Inconvocntion Li11 Iaitc a\.aiit I'Ctnblisicment (le la
liste.
On ne saurait donc dire qu'i! n'ya paseu de liste. Tout au plus peut-on
direau'il v a eu.comme il etait loe-..e. inversion dans l'ordre de succes-
sion des &tes. Est-il possible de dire, sans manquer absolument à l'ob-
jectivité. qu'ily aurait eu, dans cette manière de procéder,un élément PLAIDOIRIE DE M. CARRERAS
355
d'injustice? Est-il permis d'affirmer que les tribunaux espagnols auraient
porté préjudice au droit d'un créancier quelconque ou de la société
faillie elle-même?Est-il possible d'admettre qu'un préjudice quelconque
ait étécausé?
Un mot encore. Au cours de. la procédure orale sur les exceptions
préliminaires. le professeur Rolin, parlant de la sériede décisions judi-
ciaires espagnoles qu'il critiquait, a prononcédes paroles qu'il me faudra
rappeler plusd'une fois.Iladit-et cesont ses propres termes (III,p. 989:
cisi contre uri seul de ces jugements. L'exercicedes recours a~zaitété
omis Dar les intéressésdu erouDe de la liarcelona Traction. le
~ouvrrnement espagnol serst eR droit aujourd'hiii d'exiger bue
nous biffions ce jugement de la liste de nos griefs».

hlon collègue. le professeur Malintoppi. le moment venu. tirera de
cette affirmation les conclusions qui s'imposent en ce qui concerne
l'exception de non-épuisement des recours internes. Qu'il me soit pemis
ici de rappeler cos paroles du professeur Rolin pour démontrer combien
est dépourvu ile pertinence le grief relatif la prétendue absence de liste
des créanciers, questioii qui n'a jamais étéposéeet qui n'a jamais fait
l'objet d'aucun recours devant les tribunaux espagnols.
Jusqu'à la réplique, la Partie adverse ne s'était pas aviséede la pré-
tendue absence d'une liste de créanciers. C'estce qu'a relevéla duplique
(VII,p. 561) et mon adversaire n'y a pas répondu.
Ainsi,AIonsieurle Président. hlessieurs de la Cour. le rideau va tomber
sur ce premier acte du mélodrame, tandis que je réfuterai les accusations
que mon distingué contradicteur porte contre les syndics tant pour ce
qu'ils ont fait que pour cequ'ils n'ont pas fait.
On reproche aux syndics d'avoir émisde nouveaux titres de certaines
des sociétésfiliales et sous-filiales de Barcelona Traction, et l'on prétend
y voir une inanŒuvre préparatoire à la vente.
Je n'entreprendrai pas de redire ici ce qu'ont exposémes collègues,
les professeurs Guggenheini et Uria, à propos des nouveaux titres. Ces
conseils du Gouvernement espagnol ont démontréqu'il n'y a pas eu le
moins du moiide violation du droit interne ni iisurpation de ce que la
Partie adverse appelle la e compétenced'exécution in.
Mais la Partie adverse reprend le grief pour présenter l'émissionde
titres comme unemanŒuvre destinée à rendre la verite possible, manŒu-
vre que les syridics sont supposés avoirrEaliséedans le cadre de leur plan.
L'essentiel de ce grief, tant dans le mémoire (1,p. 77) que dans la
réplique(V,p. 407, 406 et 5453,consistait en ce que, en droit espagnol, il
aurait étéimpossible d'aliéner des actions et obligations d'une société
sans avoir la possessioii physique des titres correspondants.

Le Gouvernement espagnol, dans la duplique et ses annexes', a
amplement répondu cette accusation. Ni le professeur Van Ryn ni
MCGrégoiren'ont osécontester cette réponse.
La vente judiciaire de droits incorporels comme des actions ou des
obligations ne suppost: pas nécessairement la détention physique des
titres ou documents représentatifs. La remise ou tradition des biens
vendus peut s'opérer par voie d'acte authentique ou par la transmission
d'une copiecertifiée conforme du jugement d'adjudication2.

VI, p. 351 et VIp.633. etA.D. no71, vol. II. p. 552 et sui"
* VI. p. 33et suiv.. etA.Dno 72,vol.II. p. 555 et ruiv.356 BAKCELONA TRACTION
Lors de la vente aux enchères des biens de Barcelona Tra~tion, ce sont
le B caoital-actions D et le <caoital-obligations ii des filiales directes de
~arcel8na Traction et les droits s'y rattachant qui furent mis en vente.
La tradition des biens vendus devait s'opérer - et s'est effectivement
ooérée - Dar la délivrance d'un orocès-GerbaiviséDar un courtier de
cimmercei.
Les titres qui se trouvaient au Canada, pas plus que les titres nouveaux
émisen Esoaene n'étaient nécessaires nioour vendre les biens ni Dour
. u
opérer l'adjudication. La preuve évident; en est que, par exempfe, le
capital-actions d'International Utilities a étévendu sans que les syndics
eussent émisde nouveaux titres de cette société;bien entendu, la Partie
adverse n'en a pas soufflémot.

L'audie~iceest levéeà 13 hetires

' A.D. no 161. vol. III.p.296 et sui". TRENTE-QUATRIÈME AUDIENCE PUBLIQUE (6 VI 69, IO h 15)

Présents: [Voir audience du 20 V 69.1

hl. CARRERAS: Au cours de la séanced'hier, j'ai eu l'honneur d'ex-
poser à la Cour les oublis commis par la Partie adverse, seul moyen de
mettre en scène le mélodramede la vente des biens de I3arcelona Trac-
tion. J'ai erisuite abordé le premier acte de la pièceen montrant que la
nomination des syndics avait étérégulièreau regard de la loi espagnole,
et que l'artifice montépar les avocats de la sociétéfaillie pour stériliserla
faillite était inadmissible.
A la fin de l'audience, j'ai ébauchéma réponseaux accusations for-
muléespar la Partie adverse contre l'intervention des syndics. Les gnefs
de la Partie adverse - la Cour s'en souviendra - visent l'action des
~ylldlii, cn tniit qii'iirg:,nci<leI:If;iillitc cCL.tliiiconcerne I'Cnii~iioridi!
tilrc?, ci1c.11i~i.iction:II,,p.1;:i\,olr csi~2 (l,..,iil1:IV~)t~icil~clit leurs
obligations eiivers la société mme. -
Mesderniers mots ont servi à montrer l'absence de fondement du grief
relatif à l'affirmation selon laquelle l'émissiondes titres était indispen-
sable pour qiie la vente fût possible. J'ai indiqué qu'endroit espagnol la
remise ou lraditio des actions et obligations peut se faire sans remise
matérielledestitres ou documentsqui les représentent.
l'en viens maintenant à la deuxième accusation. blon distinguécontra-

<iii';ciiracciisc.les 3ynilio dc ri':~\.uip:irl)a),éau.%ol~li~~ti~irt:~l'rinLr1i.n
cr /?rd .\lorlg«gl hi 1cit;ilitde Ieiirscr$:iiit.vviipiii>:int(Lin, les Xïl>ici
cl,:>lili:~Is:sc.c qiii, 11r':tcnJ11,Icur aiirait G1nrII<ii;ccssitCdc pr,)cCdt.ii
la vente.
Les syndics avaient-ils légalement l'obligation d'agir de la manière
indiquéepar mon contradicteur?
Le Gouvernement espagnol a montré que cette obligation n'existait
pas (D., V, p. 585), puisque l'article 1218 du code de procédure civile,
qu'invoque la Partie adverse, n:impose pas aux syndics des devoirs précis,
mais leur confère des attributions ou des pouvotrs propres à leur per-
mettre de s'acquitter de leur mission. Me Grégoire(VIII,p. 322) prétend
ou'il v aurait une contradiction entrecette thèseet celle quele Gouverne-
Aenf espagnol soutient à propos du pouvoir de vendré, que le même
article confèreaiix syndics. Dans un cas, dit-il, il s'agirait d'«une simple
faculté 1,:dans l'autre id'un devoir imvhr,eux 1)
Cette ioritr:,~lictiuii ii'e\i:t~isi.c:ir j;,in:iii :;oii\~eriicniciitiipajinol
n'.i ilit iiiic Ici i>ouvuiridti î\.nilics coiijijtenr cniiiiétsiniplc.f3cuIl1: 1.
ni aue la vente soit un idevoii imoérieux ,)abstraction faitedes circons-
tan'cesde fait dans lesquelles la cliestion se pose.
Il s'agit là de pouvoirs - comme l'a clairement exposé la duplique
(,II..& - - , - a.i sont conférésailx svndics pour qu'ils s'acquittent de
leur mission. Si, dans l'exercice de ces i>ouvoiriet leur né~ligence!ils
portent préjudice à la masse, ils doiveiit répondre des dommages ainsi
Causés.Sil~nC~.lirreiitde ~ercevair des créances,alorsqu'il est possible et
convenable deye-faire, l&r responsabilité est engagée:s'ils n&ligent de
vendre aux moments opportuns, leur responsabilité est également
engagée.Ce sont donc là des pouvoirs dont l'exercice doit êtreapprécié39 BARCELONA TRACTION

selon les circonstances de fait qui se présentent dans chaque cas d'espèce,
et l'exercice du pouvoir de vendre, si le failli ne propose pas de concordat,
finit par devenir obligatoire pour les syndics qui ne sauraient maintenir
indéfiniment la faillite en l'état.
II n'y aurait donc pas eu, en tout état de cause, ces adeux justices.
dont parle la Partie adverse (VIII, p. 323).
Mais il est une autre circonstance qui interdit de parler de deux jus-
tices: c'est que jamais les tribunaux espagnols n'ont étépriésd'obliger
les syndics à exercer le pouvoir qu'ils avaient de percevoir les créances
que détenait la société failliecontre Ehro.
Bien au contraire. comme l'a exposé la duplique (VII, p. 584). le
receiuercanadien, dans son mémorandum du 20 juin 1951 - c'est-à-dire
avant la vente -, exprimait la crainte qu'il avait, et que partageaient les
avocats de Barcelona Traction, que les syndics ne vendent les obligations
GeneralMortgage etCumulativeIncome d'Ebro, ce qui aurait eu pour effet
de créer une situation dans laquelle la société filialeeût étécontrainte de
payer ses dettes (Receiuershie, fol.667). On craignait donc que les choses
n'aboutissent,par une autre voie, à ce qu'aujourd'hui l'on estime que les
syndics auraient eu l'obligation de faire. Et le receiuer ajoutait que les
avocats espagnols conseillaient d'exercer une action en Espagne pour
empêcherles syndics de vendre les obligations d'Ebro.
Cela étant, je crois que je peux faire miennes les paroles de M. Rolin

(P.O.. III, p. 989) que j'ai citées tout à l'heure et arriver à la conclusion
que
n le Guuver nement espagnol est en droit aiijourd'tiui d'exiger que le
Goiivernenient belge biffe ce grief dr sa lister.

Mais indépendamment de ces considérations, l'accusation de la Partie
adverse est particulièrement dépourvue de fondement. pour la raison
qu'elle s'appuie sur des prémissesde fait qui sont absolument fausses.
La Partie adverse imagine. tout à fait à tort.aue I'entre~rise de Barce-
lonii Tracrion Liraitflorisiintc ct l>rospC\r:ti:iJnnt 1,;f:iie'q~i'npr~\sque
celle-ci eut Ctédéclar6e. Ics re\,ciius de I'esploit;~tion<lev:iieiitsufirc ;lux
syndics pour fairesubsister l'entreprise, la faire fonctionner et, en outre,
payer le principal et l'intérêtdes obligations.
Mais nous savons qu'avant la déclaration de faillite, au dire des as-
sociésde Barcelona Traction et comme l'a reconnu larréoliaue..le. liqui-
ditésdu groupe ne pc.rmctt:ii*.iitmkniép:ii il'3surrr Icservicc des inr;:réts
des ot>lig;itionsde I3arctli~iin~i'raction:Intot:ilité du produit <leI'rxploi-
tation étant nécessaireoour maintenir tant bien que mai I'exoioitation en
état de marche, encore'avait-on bien des difficuités à effecker tous les
investissements indispensables. Or, Messieurs, voici qu'une fois la faillite
déclarée,on nous assure aue les svndics. avec les revenus de l'exuloitation.
aur;iient yu assiircr 1:hhne iii:Lrcheet le ~ICviloppcriiciitclc l';iitrePrisc;
le pni,:mcnt des intérCtset, par-dessus le m:irchC. 1 ariiortisserncrit ii-t$gr;il
du passif obligataire.
La contradiction est si manifeste qu'elle nous dispense de commen-
taires.
Comment la Partie adverse essaie-t-elle de résoudre le problème? Elle
voudrait faire croire à la Cour qu'Ebro aurait pu obtenir des emprunts
très considérables; mais nous avons déjà vu que la réplique elle-même
reconnaissait qu'à cette époque les sociétésd'électricitén'avaient pas
accésau marché des capitaux. Autre paradoxe: les éventuels prêteurs, PLAIDOIRIE DE M. CARRERAS 359

peu enclins à fournir des fonds à des entreprises,élect~iquessaines; n'au-
raient. nous dit la Partie adverse, pas vu le moindre inconvénient à con-
sentir à Ebro de trés gros prêts.tout en sachant que les sommes ainsi
remises n'auraient pas du tout servi à financerl'entreprise débitrice, mais
uniquement â épongerdes dettes, de sorte qu'une fois les dettes payees
l'exploitation industrielle de l'empmnteu: serait restée exsangue et
dépourvuedes moyens de faire face aux obligations les plus pressantes.
Mon illustre contradicteur. en outre, semble avoir oubliéque l'éaui~e
dirigearite de 1I.ircelonn1'r:ii:tiri':# i:rid aliniciittr iinc cinil):iëi;c Sc
presse en Espagrii. eti I'c'lr;iiigroiir discré8literIci adiiiini5trnteiirs dri
filiales. Comment ueiit-on ~rbtcndrr. aprèscela. .ii. ces mtmes adminis-
trateurs n'auraient eu au&e peine'àAseprocurer des prêts quietaient
difficileà obtenir même pourdes entreprises solvables?
Voilà, Monsieur le Président, voilà, Messieurs de la Cour, pourquoi le
receiueret les avocats du groupe, à cette époque-là,redoutaient que les
syndics ne vendent les obligations GeneralMorfgageet CumulaliueIncome
Bonds. Ils savaient que si l'on venait à exiger la liquidation de ces obli-
gations-là. les filiales auraient étiifrappées à mort ,,Il nes'agit donc pas
làd'une affirmation gratuite de la duplique, comme le dit Me Grégoire, il
s'ad d'un fait indiscutable.
Contre Eette évidence,dont faisait déjàétat la duplique, mon contra-
dicteur essaie de brandir un argument nouveau, et tout à fait inédit. II
n'était Das nécessaire.dit-il. aÜe les svndifois des sommes au cours dese
années,iusqu'au moment où ils auraientobtenu l'intégralitédu montant
nécessaiie Dour désintéresserles créanciers, ce qui lG aurait menésen
1963ou à l'infini.
Mais cet argument se heurte à deux obstacles évidents. La faillite est
une Drocédureaui tend à l'aliénationdes biens du failli: elle n'est Dasun
arti6ce destiné'à permettre aux créanciers d'exploiterl'affaire et'de se
payer sur son revenu au cours des années. pourrendre ensuite l'affaire au
débiteur failli. De plus si, en 1951, l'on n'avait pas vendu les droits de
Barcelona Traction qui donnaient à celle-ci la maîtrise de l'entreprise, le
danger aurait étégrandqu'au cours des annéessuivantes il n'existât plus
d'affaire permettant d'obtenir le moindre revenu.
La comptabilité de la Partie adverse, au demeurant, est tr&scurieuse.
Barcelona Tractiondevait uniquement à sescréanciers,en 1948.la somme
de 371 millions de pesetas et, en 1951,les disponibilités des filialess'éle-
vaient à 266 millions de pesetas; les 105 millions qui manquaient &aient
.cette relativement faible somme>,que les syndics auraient pu emprun-
ter
Or. ces trois cliiffrcssont égalementinndnii~siblcs 1.e113ssiloblig:it;iire
caI~:iilcn livrcs itt.rlirig ilev;iit Ctrc .îiijinieiitérlii riioii2;fj.{ouo~
livres d'oblit.;irioiI:tr\t.Ilor"ir..u.ir <Ii:tçn::13 \\'i:itniiiiit~r 1Lnk et
que cette b;ntliic .î\,;iiensuite \.cndiies, ;iprCi Ics ;ivuir propùsr'cs i
M. 1-leinemanqui refusa, a I'cpo~liir.de les acliet<,r poiir Ic coriiptc de
Sidro-Sofinn. IIest dorizinaJmissible dc c~lciilerle pajhif sans meiitiuiiiier
cette perte (que la soci6tc faillie avait d'ailleurs rnentionni:~danslépaisif
dans son 11land'arrangtinent (A.C.31..\.al.1'11.11'8.p. 66). IIest encore
~lus in:idrnisiiblc di: u:i>scrsous silence lei int6rCts Çihus du chef de cc:s
;l~li~atiori;ILIcours de ces ;innCej-l;i.c;iils'ajiiss:iit <l'ublig:itiun;privi-
Icci4csqui ni:icsscnt pas ,le pri>diiirrdrî iiiti5rcti.
De pius, si mon cintradiiteur veut apprécier le passif en pesetas, il 360 BARCELOSA TRACTIOX
n'est Das correct d'a~~.. .er le taus de change au'u..li.e la Partie ad-
\.r>rscd:iii1111de ces tours dc pasjc-~lnîsedont cllr est coutiiiiiiCrï Puiir
se procurer lei Ii\.rrs itcrlinl: nCcr>s;nirç< fiIn liiliii<l:itiondu p:i;jif, rii I,.s

Davant en DeSetas.c'est unésomme voisine d'un milliard deûesetas ou'il . ~-
;~;ait fall; à cette époque.
Enfin, la trésoreried'Ebro n'atteignait pas la somme de zG6millions,
même si l'ontient pour bonnes des dorinéespurement comptables. Se
pourrait-il que mon distinguécontradicteur ait oubliéque 81 millions de
pesetas se trouvaient déposés à la Caisse\généraledes dépbts et consi-
gnations et que Barcelona Traction avait: fait tout ce. qu'elle pouvait
pour empêcherles filiales de disposer de cette somme?
&lais.Monsieur le Président, si cette comptabilité de la Partie adverse
était exacte, comment pourrait-on comprendre que les personnes extrê-
mement intelligentes qu'étaient les dirigeants de Barcelona Traction
n'aient pas, avant la faillite, consigné lesfonds utcessaires en pesetas ou
n'aient pas demandé à un tribunal de déclarer la sociétéen état de sus-
pension de paiements, ce qui leur aurait permis de conclure un arrange-

ment avec les obliaataires?
Comment compiendre encore que Barcelona Traction n'ait pas pro-
po.é,dans le cadre de la procédiirede faillite, un concordat à ses créan-
ciers?
Comment comprendre, enfin, que Barcelona Traction et Sidro-Sofina
aient refusé,après la vente, de récupérerune entreprise aussi florissante,
alors qu'il leur sufisait pour cela de désintéresserles obligataires de la
sociétéfaillie?
Le Gouvernement belge n'a jamais répondu de fa~onraisonnable à ces
questions-là que le Gouvernement espagnol a-po-ées à maintes reprises
ail cours de laprocédure écrite.
Pour toutes ces raisons, Monsieur le Président, je crois que je peux
laisser tomber le rideau sur la fin du premier acte de la pièce de
11'Grécoire. en constatant oue le bilan !de I'o~érationest, totalement
~ ~ ~
négatifj>our'laPartie adversé.
Monsieur le Président, Messieurs de la Cour, le second acte du drame
com~os4Dar hie Gréeoirea ~our thème l'autorisation aui fut donnéeaux
syndics déprocéder i;la vente des biens.
Cetteautorisation a étédonnéepar une ordonnance en datedu 27 août
rqji - <loiit,poiir la coiniiio~litd> In Coiir. jtferai figiirerdniis IIchnil>te
rendu IL.teste espagnol et In trndiiction fran(aisel -qui comliortc iine
triple décision

' .Con el anterrur ri<-ritdel Curi>~sariadr. 1.1iluiel~con ci formulnda jknrLos
Siiidicd,).ion loi d>cuinci~i.5~(>11111:1t>:li1r>1.~~rilt>se) ,xril~<~u~c<lan dIL*
\.oliiiticiic, canrcmiziiil<iri:iii<.r iiinaiio en i>udcrdel jecrct~rio.v h:iliiih,
Ins consideraciones y razonnmirntos contenidos en el esciito de los segundoç, el
informe favorable del priniero, asi coirio la inaiiifestadoelCorredor de Comercio
de esta I'lazasenor Climent y la resultancia de autosse accede a la petici.5" formu-
ladn {>orla Sindicatura en orden a la venta de los efectos mercantiles propiedad de
la quiebrada, la quedeber&realirarseensubastapûblicacon las debidas formalidades.
previa la oportuna tasaci6n y debiendo en todoeaso intervenir en aquella un coriedor
.de comercio colegiado en estaCiudad.
cQue l'on forme un dossier sépareavec l'acte du Commissaire de la faillite, celui
présenté parlessyndics. et les documents annexes, les volumes contenant les rapports
restant, vu leur dimension,i la yardedu greffier.Vu lei considérations et arguments
contenus dans l'acte des syndics, le rapport favorable du commissaire de mEme que PLAIDOIRIE DE M. CARRERAS 361
En premier lieu, le juge, eu accordant l'autorisation de vendre Les
biens, a repris à son compte les raisons de fait dont les syndics avaient
fait état pour justifier la nécessitéet l'urgence de ladite vente.

En second lieu, il a estiméque les motifsjuridiques qu'invoquaient les
syndics étaient corrects, puis u'il lesa ex ressémentfaits siens.
Et, en troisihe lieu, il affxé les moialités de la vente, c'est-&-dire
qu'il a préciséque cette vente devait s'effectuer aux enchères publiques,
dans les formes prescrites et après fixation du prix.
Je vais donc traiter de chacun de ces points pour montrer la parfaite
régularitéde cette ordonnance.
Nous allons voir d'abord que la vente était nécessaire.
Au mois de juillet 1951 ,ivers obligataires attirerent l'attention des
syndics sur cles dangers que, pour la conservation de la valeur des biens,
signifie l'actuelle immobilisation en rapport avec le contenu de la note
diplomatique précitée » (souscrite par le ministre de l'industrie et I'am-
bassadeur d'Angleterre) (A.C.M.,vol. VIII, no 152, doc. z, p. 286).
Les syndics - que l'on voudrait nous présenter comme d'obéissants
serviteurs de al. Juan March - nese contentèrent pas des affirmations
des obligataires, encore que leur oplnion fût la même,et, bien que la loi
ne les y obligeat pas le moins du monde, ils demandèrent l'avis d'experts

comptables, d'un courtier de commerce et d'éminents professeurs de la
faculté de droit de Barcelone (D., VII, p. 590, et ,A.C.M.,vol. VIII,
no 152. doc. 3et 4, p. 295 et suiv.).
Voici, Monsieur le Président, comment se sont comportésces syndics
qui, à en croire la Partie adverse (VIII, p. 336). auraient étédes instru-
ments dociles dans les mains de M.hlarch.
Interrogés sur la réalitédes risques évoquéspar les obligataires, les
experts comptables déclarèrent que l'entreprise supportait deux caté-
eories de risoues extraordinaires: les uns résultaient des irréeularités
qu'avaient cÔmmises les anciens dirigeants de la sociétéfailli:, et les
autres procédaient de la difficultéinsurmontable qu'i. . avait à se pro-
curer un financement approprié1.
Grégoirefait doncerreur quand il dit (4'111,p. 348) que les syndics
n'auraient alléguéd'autres risques que ceux qui découlaientde ladéclara-
tion tripartite. En reprenant ce cricf de la ré~liaue(V, D. 44). mon dis-
ringiit;ruiitr:idiciiiir ;ion ~~iil~mentferiiie 1,-s\t.iix I;Ir(fiitntion i~ii'cii
a CICIIIIIla~~II[)~I~UC (\'II,p yj~,, mals encor,- ~'Cc;~rtc<l.<~I~l~t;r~'.r~~~~it

conclusions des ciperts, MM. Bardia et Ibafiez, relatives à la seconde
-~

l'opinion du courtier de commerce de cette ville. Al. Climent. et le résultat de
concerne la vente des #effets de commerce. propriétéédeala sociétéfaillie, laquelle
devra Ptre réalisée,par la voie des enchères publiques, selon les formes prescrites.
après estimation préalable. Etant entendu qu'un corredorde camercio (courtier de
commerce) officiel decette ville devra y intervi(A.C.M..vol. VIII,no 152.doc.6.
p. 318; et D..VI1:pi 624.)
Les experts diraient textuellement:

sont essentielleinenderdeux sortes:quels est exposé l'actif actuel de la faillite

a) risques découlant des irregularitésrelevéedans les opérations de lBarce-
lona Traction et des sociétéssubordonnéeou subsidiaires:
b] risques provenant de la difficultéinsurmontable de financer convenablement
legroupe de sociétésn (A.C.M.. vol.VIII,no 152, doc. 3,p. 302.)362 BARCELONA TRACTION
caté~oriede risques extraordinaires. La Cour trouvera ces conclusions

dangles annexe; au contre-mémoire; soucieux d'êtrebref. je m'abstien-
drai d'en donner lecture,mais j'en reprendrai le texte dans une note au
compte rendu l.
Les syndics, le 13 aout rggr, demandèrent au commissaire I'autori-
sation de procéder à la vente des biens de Barcelona Traction, joignant à
leur requêtele rapport des deux experts et reprenant à leur com te,
expressis verbis. les conclusions dq leurs rapports ,(A.C.M.,vol. V II. P
no 152, doc. 2,p. 286 et suiv.).
En rapprochant dans leur demande les risques qui résultaient de l'im-
mobilisation de l'actif et ceiix qui procédaient de la déclaration tripar-
tite, les syndicsindiquaient que cesrisques menaçaient en mêmetemps

tout le patrimoine dont ils avaient la charge.
Le 20 aodt, le commissaire remit au juge spécial la requétedes syndics
ainsi que les documents et rapports y annexés, en émettant un avis
favorable à la demande des syndics (A.C.M., vol. VIII, no 152, doc. 5,
p. 317). Au nombre desdits documents figurait le rapport de la Commis-
sion internationale d'experts, avec ses annexes.
Le juge spécial, le 27 août 1951, prit une ordonnance autorisant la
vente,faisant ainsi siennes les raisons que les syndics, apres avoir sollicité
les avis nécessaires,avaient invoquées pour affirmerque la vente était
~ ~ ~ ~ ~ ~t ureente.
La Partie adGerse attaque la décisiondu juge spécialen prétendant

que les risques qui menaçaient le patrimoine de la sociétéfaillie n'étaient
qu'un simple prktexte. '
Je n'ai pas besoin d'insister sur ce qu'était la véritable situation éco-
nomique de l'entreprise à ce moment-là et à quel point les risques décou-
lant du manque de trésorerie n'étaient pas imaginaires. Je voudrais
toutefois, avant de parler des autres risques, rappeler à la Partie adverse
quelle était, à ce moment-là, l'opinion de Barcelona Traction elle-même.
La sociétkfaillie a introduit un recours contre l'ordonnance autorisant
la vente; or, dans ce recours, elle a soutenu une thèse qui est diamétrale-
ment opposée à celle du Gouvernement belge. Elle n'a pas niéque les

Les experts concluaient que:
.Le manque de financement adéquat. capable de fournir les ressources
indispensablesau développement normal des services publics en jeu. non
seulement peut entratner la perteou la réduction des concessions qui sontà
la base mEme des exploitations de ce groupe de sociétés, mais doit nécessai-
rernerit, mbme dans I'hypothhse la plus favorable. provoqueun recul marqué
dans la rentabilith de l'affaire. du fait que s'acla concurrence des autres
entreprises d'électricité qui sont peut-&enemesure de satisfaire la demande
croissante dupublic.
Les préjudicesque ce risque pourrait comporter auraient des répercussions
matérielles et tangiblesr la dépréciation genérale de tout le systbme de pro-
duction et de distributionen méme temps qu'ils aggraveraient lu concurrence
faLesasyndics de la faillite qui, par mandat légal, doivent limileur action
àla gestion des biens qui constitulamasse, ne sont pasen mesure derépondre
aux besoins financiers. puisqu'ils ne peuvent ni augmenter le capital social des
sociétés,ni émettre des emprunts. ni négocier des crédits destànfinancer les
exigences croissantes dservices publics.
Dans ces conditions, le risque devienpratiquement insurmontable et peut
causer une baisse graduelle de la valeur de l'actif de la fail(A.C.hl.. vol.
VIII. no152, dot. 3. p310.)364 BARCELONA TRACTION
pas i'argent qu'il faudrait pour les travaux extraordinaires en vue de
l'augmentation de la production. Nous ne pouvons pas non plus vendre
une partie de l'actif, parce que l'entreprise est un tout dont les éléments
sont indissociables.
Enfin, ajoutent-ils, nous ne pouvons pas non plus mettre en exploi-
tation de nouvelles chutes et de nouvelles centrales, faute de moyens
financiers, de sorte que nous ne sommes pas en mesure de répondre à
l'accroissement de la demande. De plus, une entreprise nationale, qui a
pris pied sur le marché,est siir le point de mettre l'eiitreprise de Barce-
lona Traction dans l'incapacitéde faire face à la concurrence.
Ifonsieur le Président, Messieurs de la Cour, ce juge, auquel on expose
une telle situation avec toutes sortes de documents et de rapports
d'experts à l'appui. ce juge peut-il étre accusé d'avoir manqué aux
devoirs de sa charge pour avoir penséque l'entreprise était menacéede
très graves risques de dépréciation?A tout prendre, il s'agit d'une ques-
tion de fait: est-iluelqii'un qui puisse, sansmanquer totalement d'objec-
tivité, prétendre que ce juge aurait commis une grossière erreur en
appréciant les faits? En droit espagnol. le juge doit apprécier les preuves
conformément aux règlesd'une saine critique: est-il permis de dire que,
dans le cas d'espece, ces règles, qui sont de simple bon sens, aient été
méconnues?
d'inliirri, <:Iiif:ii~:ti111proccis~I'iiit~:iit<*tri)111ioiiférniitUIIdon degc
prescience qui ne saurait êtreexigéde personne. Mais, si nous nous repla-
çons par la peiisée à la date du 27 août ~gjr, est-il qiielqu'un qui ait le
droit de dire que le juge aurait commis une erreur grossièreet inexcusable
en pensant que les risques qu'on lui décrivaitétaient des risques réels?
La Partie adverse affirme, itort, qu'il n'y aurait pas eu d'irrégularités
commises par les dirigeants; et elle prétend que la déclaration tripartite
n'aurait étéqu'un prétexte fourni par le Gouvernement espagnol pour
faire pression sur le juge, ce que nul ne saurait sérieiisementcroire. Elle
soutient que les autorités administratives n'avaient exercéaucurir:pour-
suite et que l'amende imposée par le tribunal des délits monétairesfut
très inférieiireà 400 millions de pesetas. C'est oublier que le juge ne
pouvait rien en savoir le 27 aoiit 1951. Tout ce que savait le juge c'est
qu'il y avait eu des irrégularitéset qii'il existait, en conséquence, une
saisie. Comment faire grief à un juge de n'avoir pas pris en considération
des faits qui ne s'étaient pasencore produits?
IIon contradicteur n'ose aller jusqu'à accuser ouvertement le juge
d'avoir commis le délitde prévarication et soutient qu'à cette époque-là
il était de notoriété publiqueque les amendes infligéespour délitsmoné-
taires n'étaient jamais supérieures au double du inontant sur lequel
avait portéle délit.Sicela étaitvrai, comment coinprendre que Barcelona
Traction n'ait pas invoqué cette circonstance, prétendument publique et
notoire. lorsau'elle forma recours contre l'ordonnance du 27 août lo51?
Je prie;espeCtueusement laCoiirde sereporter aux annexe; au mémoire
(A.&[., vol. III, no 180,p. 604-60;): la sociétéfaillie n'a consacré qu'un
seul .arae-.vlie de ses ionclusi&s - lesouelles remvlissent vin~t-trois
pnçcr iriipriiii;~csdu voliiiiic <I':iniicxrs:- aii risq;ie résiilrnnt de la
saisie (c~i~rlfiro,rdonn,:~ p;ir Ictril)iiiial dci dt:,litsiiion~tairrs; riicore.
(Inni cc nnrarr~iili~ n'<,sr-il1x1s{nit In mriiridre nlliisiun iIn nr8;tendiie
notSi cette notoriétéavatt étéchose certaine, comment s'expliquerait le PLAIDOIRIE DE M. CARRERAS 365

fait que le nouveau conseil d'administration d'Ebro ait fait, dès 1948,
toutes sortes d'efforts et de démarcliespour faire réduirele montant de la
saisie (embargo)? Et, soit dit en passaiit, comment ces démarcheset ces
efforts peuvent-ils se concilier avec l'idéeque tout cela n'était qu'un
c coup monté »? (Il., VII, p. 597.)
La Partie adverse (VIII, p. 347) pr6tend que les syndics. en diviil-
guant l'existence d'une saisie, auraient contribué à déprécier lepatri-
moine de Barcelona Traction. Et elle ajoute, pour lie démontrer, une
phrase dig.e de retenir notre attention:

II est clair que si I'acquCreiird'un bien croit que celui-ci est grevé
d'une dette de 400 millions, il le paiera moins cher que s'ilsait qu'il
n'est grevéque d'une dette de 66~miIIions. II
Nais, Messieurs les juges, la Partic adverse n'a-t-elle pas prétendu
qu'il était piiblic et notoire que l'amende ne dépasserait pas le double du
montant? N'y a-t-ilpas là une gravecontradiction? La notoriété,d'après
Pero Grullo, quien Espagneest le pendant de XI.de La Palice. s'attache
à un fait coiinii d'un très grand nombre de personnes. II semble, toute-
fois, quecette notoriété-làait étési particulière que le fait n'étaitconnu
que des syndics et qu'il était, en revanche. ignoréde la sociétéfaillie -

puisqii'elle ne le dénonça pas au tribunal - et des tiers qui auraient pu
étretentés de participer aux enchères.
Sur ce point comme sur tant d'autres, la thèse belge n'est autrechose
qu'une manreuvre de diversion.
Je ne saurais toutefois poursuivre sans signaler ce qu'il y a d'incorrect à
insinuer que les sanctions fiscales ne furent pas infltgéesparce que les
biens étaient passésaux maiiis du groupe Alarch. Au lieu de poser ce pro-
blème,on devrait se deniander ce qii'est venu faire en Espagne! en 1951,
le veceiver canadien. Ori devrait aussi se demander pourquoi, afin de
rendre possible le voyage du receiuer,;\lelioberto Sanchez, avocat, a, de
~~ri .roLrc avcii..interi,~~ des recoiirs aui n'avaient d'autre but Quede
cgagner di1teiiips BI.
L'intérêtqu'avait le receiuerà ce que des négociationsentre les obliga-
taires et les dirigeants de la sociétéfaillie fussent ouvertes. intfrét en vue
duquel il bénéficiaitde l'appui du Gouvernement canadieii, l'incita à
prier le Gouvernement espagnol de s'abstenir de tout acte qui aurait
risquéde rendre les négociations malaisées.Comme l'a dit hl.l'agent du
Gouvernement espagnol (strpra, p. rj), l'administration espagnole n'a
mis aucun obstacle à un arrangement entre les parties privées.
En ce qiii coiiceriic la question de savoir pour quelle raison le juge des
délits monÇtaires imposa seiilemcnt iinc amende d'un montant double du
montant du délit,il suffit de lire son iu~ement (A.C.M.. vol. VII, no 63,
doc. 1,p 312) 1.1 ]>riiicipnlcr~ison >rïr;t quela condnmnntion \.isSt
diiccteriicrrtles <Irr~ge~nrs cI'1:'bret de Rarcclonn 'l'r;icrion.rCsidniir à
I'Ctr;~i~~t.rcdl'fnill;iiitsdc\,ani ltri1iiiii;tAiriii I';inic.iiderctomti:iii. en
définiti've,par voie subsidiaire, sur Ebro, de sorte que comme le disait
le juge lui-même. ipar un paradoxe hident, c'est l'économieespagnole
elle-mêmequi subirait la sanction» (ibid.,p. 322).
Quels sont Icsautres arguments qiic blc C~régoirteait valoir pour semer
le doute? 11nffirine, une fois de plus, que l'exploitation kiisait des biné-
ficessuffisants poiir que la sociétépût s'acquitter de toiites sesobligations
d'ordre fiscalet monétairesaris qii'ilfîit iiécessairede procé<ler&,lavente.
Ce n'était pas, Alessieurs les juges, l'avis de la societé faillie à ce PLAIDOIRIE DE M. CARRERAS 36?

taires n'ont pas touché leurs créances, c'est parce qu'ils ne l'ont pas
voulu. Cela ne les empêche as de prétendre se servir du présent litige
~our se faire v..er. .vec l'ai $e de la Cour internationale. des oblieat-ons
{ii'ils ri'ont jainais \,oiilii pr6senti.r 3 1ciicnissernc.nt.
Monsieur Ic l'résident. \leisieurs de la Cour je vais traiter maiiitenant
de la Iégalit; de l'ordonnance autorisant In vente. Les syndics, lorstlii'ils
dzninndèrent I'aiitorisation dt: i~endre.tnloiiric';cornme ils I'étaieritp;ir
les pcrili urgents qiii pe;:iit'iit sur I'cxploitntioii. iii\~o(liiL'rcdtes rklei,
de droit et uiic doctririe e$n<r~lcen \.ertii (lc Ia<~uellc Ic~A~uestre-dCwsi-
taire peut, bien qu'il n'ait pas le pouvoir gén'érad le veAdre, proioser
l'aliénation des biens qui lui ont étéconfiés,lorsque ces biens courent un
grave danger (A.C.M.,vol. VIII, n" 152,doc. z, p. 290).
Une conclusion s'impose: si le séquestre-dépositaire, qui n'a pas le
ouv voir aénéralde vendre, Deut être autorisé à effectuer des ventes
d'urgence, on ne saurait à plus forte raison refuser ce même pouvoiraux
syndics. C'est ce qu'a bien dù reconnaître mon illustre contradicteur
, ~. ... .
1.ejuge spécialautori;a la vente pour les raisons et en wrtu des prSs-
cril~tions Ikgales qu'invoquaient Ics syndics \)tins ces ioii<litioiii, puib-
qu:il y ;iv:iit des raisons <lefait de proc6di.r :Liirie vriite d'uigcritr, et
puiiquc icttc: iorti: (1,.v<.iitcst autoriiL:epar 1orclréjuriiliqii<.eip:igriol,
corninrnt I:I Partic :id\.rric priit-elle prctviidrc que 1:iiitorij;itiuii dc
vente accordéeaux syndics n'aurait pas étélégale?
On nous dit (VIII, p. 341)que les articles 1181 et 1354 du code de
procédure civilen'étaient pas applicables au cas d'espèce,du fait que la
vente d'urgence n'est pas autorisée lorsqu'ils'agit de biens immeubles.
La vente d'urgence, à ce que l'on dit, n'affecterait que les biens qui peu-
vent se corrompre et, au demeurant, il ne peut êtrequestion quede biens
isoléset non pas de la totalité des biens du failli.
Je ne pense pas qu'il soit nécessaire d'infliger à la Cour un débat
minutieux sur la façon dont il convient d'interpréter ces deux règles.La
duplique (VII, p. 612et suiv.)a donné de la thèse espagnole sur ce point
un exposé completauquel la Cour pourra se reporter.
Il est toutefois indéniable que l'article 1354 du code de procédure
civile autorise les ventes d'ureence sans faire la moindre distinction selon
In nature des hizriset ,lut:1'3~ticleiiSr <lislx,scque le sé<lire~tre-(l/.posi-
taire a l'obligation et I;iniission de: . 3O proposer au jiige 1'alil:nation
des I>iensmeiihles <iuirie nourraient 035 Ctreconscr\,Cs n.Cell sutht voiir
réfuterles objectiois de 1; Partie adGerse.
La vente des biens de Barcelona Traction a portésur lecapita!-actions
et sur le capital-obligations dont la sociétéfaillie était titulaire e,t le
n'imagine pas que la Partie adverse aille jusqu'à prétendreque les actions
et obligations d'une sociétéanonyme soient des biens immobiliers. .
La doctrine généraleen matière de faillite - les syndics invoquaient
l'autoritéde Brunetti, et l'on pourrait citer d'autres noms - est de Iavis
quelesbiensne peuventètreconservéslorsqu'ilssont susceptiblesdedété-
rioration ou decorruutionou lorsaii'ilssont suietsà unediminution immi-
ncnte de valeur. ~'c;t ainsi qiu: 1; jiigc sPi(ii;lS.iiit~r]>rLtiI':iuti<.1I?l
dii code de procL:durccivile et oii ne s;iiir;iir mis iii;inqiicr rot;~lt~iiii~iit
<i I'objrctivir;, prLtzii(1i.i.qu.1;nit &té I:tiiiiiint,:r~)r&t:it~uiirl)itr.cir~;
II 1 Pare r \.iciit nous(lire nixiiitt~iiant~IIC IUFSLIIlIaC,lu1
espnprii>lrparle de cbieiisqiii nc ,i~ii\~~iise conserver ,tilf:tiitobliptoir<~-
menf comprendre «biens qui pe;vent se corrompre rr.368 BARCELONA TRACTION

Ce n'est pas là interpréter la loi, c'est changer de façon arbitraire les
termes qu'a employésle législateur et un telchangement ne peut prendre
appui sur aucun précédent de jurisprudence ni sur aucune autorité doc-
trinale constante émise temporenonsuspecto.A l'interprétation du juge,
qui en vertu du droit international, jouit de la présomption de conformité
au droit interne dont bénéficient les décisionsjudiciaires, I'on oppose
l'opinion de l'avocat de la sociétéfaillie et un ouvrage de doctrine écrit
plusieurs annéesaprès les faits.
La Cour pourra vérifier que, dans les règles juridiques qu'invoque la
Partie adverse, il n'est nullement préciséque la vente d'urgence ne con-
cernerait que certains biens et non pas la totalité d'un patrimoine,
lorsque la totalité de ce patrimoine est menacée d'un risque imminent de
dépréciation.11n'y aurait d'ailleurs aucune raison logique à cela.
Bien au contraire, dans la faillite d'une sociétéanonyme,la loitémoigne
d'un souci logique de sauvegarder la continuité de l'entreprise menacée.

L'exposédes motifs de notre code de coniinerce montrait déjà le besoin
qu'il y avait de parvenir, à n'importe quel moment de la faillite, à un
concordat pour assurer la coiitinuité ou le transfert de l'entreprise de la
société,besoin ressenti aussi bien par I:isociétéfailliequepar la personne
ou la sociétéqui acquiert cette entreprise. C'est ce principe qui a inspiré
larédaction<lesarticles 928 et 929 du code. La sociétépeut, à tout mo-
ment, présenter une proposition de concordat qui peut avoir pour objet
soit la contiiiuationsoit la cessioii de l'entreprise
On a certes tenu compte de ces prescriptions légalesdans la rédaction
du cahier des charges. Car le capital-actioiis et le capital-obligations des
sociétés filiales,patrimoine de la sociétéfaillie, représentaient uiie entre-
prise unique, dont la conservation importait, à la fois, à la sociétéfaillie,
aux créancierset à l'économienationale.
Etant donnéque les risques menaçaient la totalité des biens qui repré-
sentaient une entreprise, non seulemeiit le juge n'a pas forcéle seris de
l'articleXISI du code de procédure ci\&, mais il l'a interprété systéma-
tiquement coiiformément aux prescriptions du code de commerce.
L'ordonnance du 27 août 1951, qui a autorisé la vente des bieiis, était

donc tout a fait légaleet il semble impossible que la Partie adverse pré-
tende y trouver qiielque chose d'aussi érioriiiequ'uri dénide justice.
Contre cette ordonnance, Barceloiia Traction a interjeté le recours en
rétractation que I'on a si soiivent ineiitioiii(r\.Jl.vol. III, norSo;p.bS5
et suiv.). Non seulement Barcelona l'ractioii a prétendil qiie la veiite
des biens ne se justifiait pas par une raison de nécessité, niais elle a
encore affirniéau'en aucun cas les bieiis de Barcelona Traction ne nou-
vaient ètre ven'diis. du fait jugemelit de faillite n'était pas'irré-
vocable et que la procédurese trouvait suspeiidue du fait du déclinatoire
IJoter. de sorte aue les svndics étaient dé»our\,us du oouvoir de disnoser
des biens. De cet'te façon, la sociétéfai~liedévelo~pai~,à titre subsid'iaire,
une double argumeiitation juridique qu'il n'aurait fallu examiner que si
le tribunal avait, au préalable, estimé qu'il ne s'agissait pas d'uiie vente
d'urgence, car c'est à cette conditioii seulement qu'il y aurait eu lieu de
rechercher si le pouvoir généralde disposition dont jouissent les syndics
était ou n'était pas efficace, étant donnéle prétendu état de la procédure.
En réponse i ce recours, les syndics maintinrent leurs allégations
conceriiant la nécessitéde la vente. Ils rejetèrent également les thèses
subsidiaires de la socihtéfaillie eii faisaiit valoir que le jugemeiit déclarqif
de faillite était irrévocableet que la suspension découlant du déclinatoire PLAIDOIRIE DE M. CARRERAS
369
n'affectait pas la vente,car la seconde section de la faillite, dans laquelle
la veiite devait avoir lieu, était soustraite à ladite suspensioii.

Le débat se présentant ainsi, le juge spécial,dans son jugement (nzrto)
du 15 septembre 1951 (C.M..IV, p. 405, et A.C.M., vol. VIII, no 153,
doc. 2,p. 324 et suiv.), apres avoir rejetéles griefs généraux deBarcelona
Traction contre la faillite, consacra les quatre derniers considérants de sa
décisionà confirmer qu'il y avait bien des raisoiis de droit et de fait qui
permettaient d'autoriser une vente d'urgence. Eri revanche, il refusa,
dans le considérant no 29,des'engager dans la discussion siir le ])oirit de
savoir si le jugement de faillite était ou non irrévocable. Quant à la sus-
pension de la procédure, il se borna à constater que la deuxi6mc section
était soustraite à la suspeiision.
Barcelona Traction interjeta un appel contre le jugement du juge

spécial qui a donné lieu à l'arrêtrendu par la cour d'appel le 5 février
1952 (A.C.M., vol. III, no 153. doc. 3, p: 332 et suiv.). Devant la coiir
d'appel, la sociétéfaillie présenta les mêmesarguments qu'elle avait déjà
énoncésdans son recours en rétractation.
La cour d'appel de Barcelone fit exprcssémciit sieris les argiimeiits du
juge spécialet, repreiiant les mêmesmotifs que ce dernier, elle coiifirma
I'ordoiiiiance qui autorisait I;ivente des bieiis. II n'y a doiic pas eu de
changement d'attitude; il n'y a eu ni liésitation ni doute dans le compor-
tement des juridictioiis espagnoles.
II se trouve que la cour d'appel - soucieuse de répondre à tous les
arguments que l'avocat de la sociétéfaillie avait présentés,pour siibsi-
diaires qu'ils fussent, et bien que présentés à titre d'hypothèses ne corres-

pondant pas ail cas d'espèce - eiitreprit de les cxariiiner et d'y répondre.
C'est pourquoi, après avoir déclaré que le jugeinent de faillite était irré-
vocable et indiquéque, les syndics ayantétéiioininés,rien ile pouvait plus
les empecher d'exercer le pouvoir généralqii'ils avaient de procéder à la
vente, In cour d'appel démontra qu'il n'était pas impossible que la vente
s'efiectuàt alors mêmeque le jugement de faillite aurait été,encorerévo-
cable et alors mème que la premiéresection <lela faillite était suspendue.
Aussi bien dans le contre-mémoire (IV, p. 406) que dans la buplique
1VII. p. soo et suiv.). or1a tciiuà montrer A la Cour que la cour d appel a
également soutenu une tliése correcte en statuant' sur les :ifgiimcnts
avancés subsidiairement par la société faillie.Mais cela-lie signifie pas le

moins dii monde au'il iit :itvouluintervertir l'ordre chronoIoei..Ï. des
décisioiis judiciaire;, ni faire passer les arguments subsidiaires de la cour
d'appel avant les fondeinents sur lesquels avait pris app-- le juge pour
autoriser la vente.
La P:irtie adverse met tout eii euvre précisémeiitpolir combattre les
arguments qu'ont avancés les tribunaux espagnols pour statuer sur la
thèse subsidiaire de la soçiCtéfaillie. La Cour pourra coiistatcr qiie mon
d~s~int.uk c~-~~adicteur. loin ~ ~ ~ ~battre ouvertement les \,&rit:ibles
arguiiients énoncés &II; les écritures espagnoles, utilise toutes sortes de
~rocédésdialectiaues Doiir les éluder; parfois. il iiivcnte des :~rEumcnts
i011t iioiiveaux, qui n8n seulement ne.réfutent pas le moiiis di inonde
les allégations de la duplique, mais constituent en outre des coristructions

juridiques totalement inédites en droit espagnol. Tel est, par csemple, le
cas de I'iiiterprétation qu'il doiine de l'article 1330, alinéaze,dii code de
procédure civile (VIII, p. 331).
Pour Mc Grégoire, qui suit les cxplicatioiis du seul juriste (lrii semble
compter pour Iiii, Ne Garrigues, et de la consultatioii qu'il a rédigk pour 370 BARCELONA TRACTION
la défensede Rarcelona Traction, le jugement qui rejette l'opposition du

failli ne peut être exécuté qu'en ce qui concerne une sériede mesures
qu'il appelle .conservatoires n. L'appel, bien qu'il n'ait pas. en droit,
d'effet suspensif, devrait - nous dit-on, et I'on se demande en vertu de
quelles légales- laisser pratiquement en suspenstoutes les
branches de la procédure de faillite. Admettre cette thèse reviendrait à
conférer à l'appel non pas aun effet et demi », comme l'a ironiquement
prétendu parfois la Partie adverse, mais bien iun effet et trois quarts ».
Mais en revanche, et selon cette thèse même,si le jugement fait droit

à l'opposition du failli, alors aucun obstacle ne s'oppose plus à ce que,
malgré l'appel, ce jugement puisse êtreexécutédans son intégralité et
qu'il puisse être mis fin à la faillite. L'exécution du jugement, malgré
l'appel, affecterait donc toute la faillite et non seulement sa phase con-
servatoire, ce qui irait & I'encoiitre de l'esprit mêmede la thèse énoncée.
Je conclus: ni les tribunaux espagnols ni le Gouvernement espagnol
n'ont prétendu s'engager dails des discussions d'ordre théorique sur le
point de savoir si la vente, quand le jugement de faillite est encore
révocable, est une règlegénéraleou un cas d'exception. S'agissant du cas
de Barcelona Traction, cette question n'avait pas la moindre pertinence,

puisque le jugement de faillite était irrévocable et que la cour d'appel de
Barcelona l'a envisagéeuniquement parce qu'elle :avait étésoulevéepar
la société faillie.
11il'? :i donc p3.; CU d'atermoicni<>iiti ilans I'arguiiieiit;ititiri dii Gou-
\.arncnicnt cip:igiiul uii ile'scj tril>unsiix:Ii:<:uiitr:xdiitioiis(lue mon :iil-
versaire s'est complu à imaginer avec plus de talent que de iespect pour
les faits n'existent pas. Et la façon dontla Partie adverseprésente tout le
problème révèlequ'en définitiveelle se fait une idéefausse de ce qu'est un
litige international. Le Gouvernement belge voudrait soulever à nouveau,

devant la Cour, toutes les questions de fait et de droit qu'eut A trancher
en son temps le juge espagnol.
II prétend ainsi faire oublier qu'il n'a jamais réussi & prouver que la
décision du juge autorisant la vente ait étési gravement contraire au
droit qu'elle iie pourrait êtrejustifiée par aucune raison valable de droit
ni de fait. Or, tant qu'il ne réussirapasàprouvercela,ilnesau yraviir,
comme l'a rappelé le professeur Guggenheim, responsabilité pour 1'Etat
espagnol du chef de décisionsde ses magistrats.
Nais, en fin de compte, Monsieur le Président, les deux Parties ne

s'accordent-elles pas à penser que c'est la vente des biens du failli, opérée
pour désintéresser les créanciers de ce dernier, qui constitue l'objet
principal dc la faillite?
Est-il normal que I'on consacre des heures entières à discuter sur des
points de technique juridique alors que la vente en soi est le point essen-
tiel de toute procédure de faillite?

L'ai<dieitce,suspeiidzreà II h 20, est reprise àII h 40

J'eii i.iciis maintenant, \Ioiisiciir le I'r6sidi:nt. .\le;;icuri de la Coiih.

In dcrnihr,: îcrit:cln<]iic.tions posics pir Id I'artic ndvcr.:~ i propos (Ir.
1'aiit~iii~.1ti(icv~iitc cl1127 ;,UNI IC,~I: il fut :iI~ri 0;:idC d'cficctu~rc lij
\.cntc des ~1fi:tsd<.I:.>iniiierie:ipp:irtvii:ir:ili;irccloii:i Trn~rioni,CI lcs
<li,(~u;irionsal>proprii:rs Iiirciit priic? cona:riiarit1ciii~rdcde iisstioii dii
prik et les modalites de la vente-desbiens.
Au moment où se déroulaient les événements, Barcelona Traction PLAIDOIRIE DE M. CARRERAS 371

savait parfaitement que les effets de commerce qui allaient êtremis en
vente étaient .les actions, obligations et créances ide la sociétéfaillie
contre ses filiales; c'est ce que reconnaît explicitement l'avis que son
conseil rl'adrninistratiori publia dans la presse madrilène du 18 décembre
-71- 1.
La Partie adverse s'est Evertuée à compliquer la qiicstion de I'objet sur
lequel portait la vente. et cela dans une double intention: elle a voulu,
d'unepart, afiïrmer que la vente aurait Eténulle. parce que I'objet vendu

n'aurait Das étéun obiet certain; d'autre .art, elle a \,oulu contester la
qiialific;iiion juridiqué donnée par le juge aux biens vendus et accuser
ainsi ledit iuge d'avoir violéles règ-.s qui régissent le mode de fixatioii du
prix et les midalitks de la vente.
Lors de la procédure orale sur les exceptions préliminaires de 1964,
Ne Rolin (III,p. g88), parlant de I'objet de la vente, prétendait que les
titres déposEs à Toronto aiiraient étéannuléspar l'effet de je ne sais quels
rayons de la mort qui auraient traverse I'Atlaiitique, et que les actions et
obligations auraient étéreprésentées par d'autres titres. ceux qu'il

appelle iles faux titres inqui auraient étéceux que l'on aurait vendus.
Et voici que Rlc Vari Ryo a étécontraint de convenir qu'il n'y avait
pas de délit de falsification; il y a là un progrès, un progrèstrès modeste
certes, mais un progrès tout de mêine.
Ilon estimé contradicteur n'a pas repris - il y a songétoutelois -
l'histoire des rayons de la mort et des faus titres; il a dit (I'Iiï,p. 353)
que l'on aurait vendu, simultanément, semble-t-il, premièrement, la
possession médiate et civilissime des titres déposés hors d'Espagne;

deuxihriicmciit, les titres des filiales de Barcelona Traction imprimés en
Espaane: et enfin. les biens aui constituaient l'actif social des sociétés
ausilraires, tout au moins ind&ectemeiit, dans la niesureoù cet actif était
meiitioiiné au cahier cles cliar~es comme entrant dans l'ensemble des
droits inhérents aux titres vend%s.
Telle était le version de la réplique (V, p. 103 à 107); il n'y a donc pas
grand-cliose de noiiveaii dans ce qu'adit ale Grégoire.
Ce qui frappe, en rev:rnche, c'est la persistance dans l'erreur. La du-
plique (VII, p. 623 & 634) a démontréquel a réellement étél'objet de la

vente, et la pertinence de ce qu'a dit la duplique n'a pas étéle moins du
monde émousséepar les tentatives de la Partie adverse pour embrouiller
ce qui est clair.
En effet, la question est d'une clarté parfaite. Il suffit de lire le cahier
des charges pour comprendre combien il est fantaisiste de prétendre que
I'objet de la vente aurait porté sur les trois élémentsdont parle le Gou-
vernement belge.
Le cahier des charges, sous le sous-titre ubiensqui font I'objet dela
vente »,énumèreles effets de commerce de la façon suivante: n) la to-

talité dii capital-actions, avec tous les droits et prérogatives inhérents,
c'est-à-dire les actions représentatives dii capital social des sociétésEbro,
Cataloriinn, Electricistn Catalnna, Union Eléctrica de Catalufia, et Iiiter-

'Cet avis. qui fut publidans le journal ABC de hladrid (A.D., vol. IIIno 164.
doc. 1.p. 321).se terminaitainsi:

.lessociétés (filiales) respectiet lu société Barcelona Traction.Light und
Power Co.. Ltd., ne reconnaîtrontle moment venu, aucune efficacitb juridique
aux acquisitionsd'actions et d'obligationque Vonprdtcnd réaliser su muyen
desdites enchèresu. BARCELONA TRACTION
372
national Utilities; b) la totalité du capital-obligations d'Ebro etde Cata-
lonian et c) toutes les obligations et autres dettes que les documents
fournis révèlentavoir étécontractées par International Utilities. Lorsque,

dans le cahier des charges, il était question des conditions de la vente, il
étaitdit à nouveau, sous le titre de iibiens qui font l'objet de la vente in,
que ce qui était mis en vente c'étaitla totalitédesactionset desobligations
de toutes les sociétés filialesdirectes de Barcelona Traction avec tous les
droits inhCrentsl.
Je ne crois pas que I'on puisse dire que l'expression capital-actions »
soit un terme bizarre ou hermétique, car la Partie adverse n'a pas hésité
à s'en servir dans son mémoire(1,p. 19 et 181) lorsqu'elle a prétendu que
les personnes que protège le Gouvernement belge étaient c propriétaires
de quelque 88 pour cent du capilal-actions» de Barcelona Traction.
Lorsque I'on vend la totalité du capital-actions d'une société,on vend
latotalité de son capital social,doiit chaque action représente une partie;
ce aui ne sieiiifie vas que la vente soit seulement vossible s'il existe des
. .
~loc~iiwnt~~cpr~:.ciit.tt~is iniqiic,.i r,,~Ll~~~:~i~i~ c'~xstcst la \cilta: portt,
,tir sciils ~Iu~.~ii~it~i1t, inon!.,ii! ri11~~:tp~t~l-:i~:~iuaitcoiistatti <l:inj
1':ictt:c,~iistitiitil (1,:la i,~ciét?.danIc;irntiirj (1,:cclli -c<:t:i îoii111l:~ii.
du fait de ln souscriptioii des actions correspondantes, que les titres aient
étéou n'aient pas étéémis.
A partir du inoment mêmeoù la sociétéa étéconstituée et les actions
souscrites, cesderiiières sont identifiées par le niiméro qu'elles portent.
Où mon distingué coritradicteiir a-t-il pris l'idéeque les actions ne rece-
vraient de iiiiméro qu'après l'émissiondes titres? S'il en était ainsi, il
serait impossible d'identifier les actions entre le moinent où la sociétése
constitue et le moment où un titre est émis pour chaque action. Quant
au caoital-oblieations. lorsou'il est aliénédans sa totalité. tout se vasse

comme si l'o~\~end~it u& créance unique, constituée par une,.série
entière d'oblig-tions qui.fi~u-e en tant que telle dans les actes d'émission
et au bilan.
L'on ne vciidit donc ni les titres ni les actifs des filiales; l'on vendit ce
qui avait étCsaisi, et l'objet de la vente découlait directement dii texte
mêmedi1jugement déclaratif (le faillite et des dispositions complémen-
taires de celui-ci. L'on vendit la seule chose dont fiit propriétaire Barce-
lona Traction, la chose qui avait fait I'obiet de la saisie,conséqueiice de la
faillite
Le Gou\reriiement belge prétend que la totalité du capital-actions et la
totalité du capital-obli~ations, avec tousles droitsinhérents, ne pouvaient
avoir étésaisies en EsPagnc sans appréhension des titres; il s'in remet à
la démoiistratioii qiie, dit-il. eii nurait fournie M" Van Ryn (VIII,p. 356).
Mon collèguï, le professeur Uria, a déjà relevC que cette déinonstyation

n'a mêmer>asététentée et aile. comme l'a dit la duplique, la . .sie des
nitioiij ct ol)li~:itioiis, coiiiin1;) \.tiiri(li ces acrioiii olilig;ilioli~rit
~~os;iblï t:1~-~:iIî:iiis . .,prCli~iijio-.pli)-i<liic dcs titrIr.ii':tdonc ricil i
ajouter.
En coiiclusion, >lessieurs de la Cour, l'objet de la vente est clair. On
vous a dit (VIII, p. 21) que les syndics auraient vendu, le 4 janvier 1952,
((l'actif iiittkrnl de Rarceloii:i Traction >r:si Uarceloria Traction n'avait
pas interPo$ entre elle-mêmeet son entreprise en Espagne les personiies
morales de filiales qu'elle possédait intégralement, la vente aurait eu

A.C.M..vol. VIII. ne $58. doc.i.p. y,r-354 et 358. PLAlDOlRlE DE M. CARRERAS 373

pour objet cette entreprise elle-mêmeconsidéréeen tant qu'unité. hlais
Barcelona Traction était propriétaire de l'entreprise par l'intermédiaire
du capital-actions et du capital-obligations de ses filiales; par la vente de
cecapital-actionset de ce capital-obligations, l'entreprise fut transmise à
l'acquéreur dans les conditions mêmesoù Barcelona Traction l'avait
possédéeet dominée.
Par contre, si l'on avait aliénéles a faux titres,, ou la possession des
titres déposés à Toronto, nous ne serions pas ici à discutersur les conclu-
sions du Gouvernement demandeur, en raison de la vente de l'actif de la
sociétéfaillie (R., V, p. 763). Cela revient à dire que le mécanismede la
vente fut imposéaux organes de la faillite par la structure mêmeque la
sociétéfaillie avait choisie pour effectuer ses affairesen Espagne. Elle ne
saurait donc faire grief d'un effet qui ne fut que l'inévitableconséquence
de son propre comportement.
J'en viens maintenant, Monsieur le Président, Messieurs lesjuges, à la
partie finale du second acte, qui est consacréeau mode de fixation du prix
et à la vente des biens.
Le contre-mémoire (IV,p. 396-397)et la duplique (VII,p. 636-637)ont
exposéque, pour déterminer les modalitésde la fixation du prix et de la
vente, la loi répartit les biens du failli en trois groupes, isavoir: les biens
immobiliers, les biens mobiliers non commerciaux et les effets de com-
merce: aile. lorsau'il s'aeit de ces derniers, la fixation du ~rix des biens
est opGrc'epar IL;..urnmisinir,:: ct qu'unc foisque cc ilcrnier ;iTisile pris.
les byii<licsprocèd~ litil'orclinnirvi iiiie vente de gr6 i gr;. daris I:i(liielle
iritervicnt un coiirticr de coriinicrce aiii ioiie Ic ri~ll:c1'inierrii;ilixir'
Exceptionnellement, toutefois, la vente peut s'effectuer par voie d'en-

chè~'est'seulément lorsqu'il s'agit de biens mobiliers non commerciaux
ou de biens immobiliers que le codeprévoit qu'ilsoit procédé j.la fixation

du prix par voie contradictoire et que la vente ait lieu aux enchères pu-
bliques3.
L'ordonnance du 27 aoi~tIgjr autorisait la vente des iiegets de com-
merce qui appartenaient à Barcelona Traction iiLes actions, obligatioqs
et créancesdont la société faillieétait orou.iéAaire ont donc étéauali-
fiéespar le juge d'eeffets de commerce >n.
La réplique(V,p. 538)a prétendu quecette qualification n'était qu'un
jeu de mots, une simplequestion de terminologie soulevéepar le Gouver-
nement espagnol dans le contre-mémoire.La duplique (VI!, p. 637) a dû
rectifier cette étourderie en faisant constater que la. qualification a été
faite par le juge et non par le contre-mémoire et que.
iiquand une règle juridique prescrit un traitement distinct pour
trois catégoriesde biens, l'application de cette règle nedépendpas
d'iiun jeu de mots »et ne se ramène pas à ,une simple iques'ion de
terminologiea. mais à la qualification juridique qu'il convient de
donner aux biens objet de la vente 1,.

Mon illustre contradicteur a étécontraint de convenir de l'exactitude
de ces observations (VIII, p. 358). Il en a convenu, non pas certespour

Article 1084 ducode decommerce de 1829 (A.C.M., vol.VIII. no 1.50p. 281).
' Articl,0e85 du codedecommerce de 1829 (ibid.).
' Articles ,087 et 1088 ducode decommerce de i829 (A.C.M.. vol. VIII. no 150.
p.281). PARCELONA TRACTION
374
confesser l'erreur de la Partie adverse. mais pour arriver à cette conclu-
sion que la question ~3trancher dans ce litige, l'unique question - nous
dit-il -, consiste à savoir si l'objet de la vente, tel que l'a définile Gou-
vernement espagnol, est bien constitué par des iieffets de commercen

appartenant à la sociétéfaillie, au sens des articles pertinents du code de
procédure civile et du code de commerce (VIII,p. 359).
Au sujet de cette façon de poser la question, Monsieur le Président,
Messieurs les juges, il me faut apporter un éclaircissement.
Nous ne sommes pas ici pour discuter des points puTement techniques
de droit espagnol; il ne s'agit pas ici de savoir si les actions, obligations et
créances de Barcelona Traction pourraient être qualifiées de telle ou
telle façon. Ce qui est en cause ici, c'est la question de savoir si le jiige,
en émettant la qualification qu'il a émise, a commis une violation de son
propre droit interne dans les conditions requises pour que prenne iiais-
sance une responsabilité internationale imputable au Gouvernement es-
pagnol; cela a étéexposépar mon collègue, le professeur Guggenheim.
Alondistingué contradicteur a été contraint de confesser (VIII, p. 358)
que ni la jurisprudence ni la doctrine ne lui permettent de démontrer que
le juge spécial ait violéla loi espagnole dans son ordonnance du 27 août
1951, en qualifiant d'effets de commerce les actions, obligations et

créances dont Barcelona Traction Etait propriétaire. Et pour se soiis-
traire à la charge de la preuve. il pose le problème faussement.
Parr:iiit (1,:1:sprémiise inili:iii:ihlc qcc lot le jugcmeiit csp:ignol et
uiir CC fiireiit les tiibiinaux c;ii:iciiolsqui qunliiiCrent lesbiciisde Unrceloiia
Traction, je vais vous démontrer, hleisieürs les juges:
1) qu'il n'y a pas eu la moindre violation du droit espagnol dans le fait de
qualifier les biens d'aeffets de commerce in;
z) que. cette qualification ayant été faite,la sociétéfaillie a bénéficié du
. .
maxiiiiiim de; garantie; ,iu'autoris:tir in loi cspagnoie.
3) qu'il f:iiiu d~:diré.comme IL.l:ii13I'artie;id!,crjc.. qiic les tribunaux
aient ilris désdCcisioni coiitradictoires afin CILpcrriiettrv i~i11rCtcridu
reviiement des svndics n:
4) que toute la thhéde mon distingué contradicteur. en ce qui concerne
la fixation du prix minimum, est pleine de contradictions qui sont, du
point de vue juridique, insurmoniables.

Je ne parlerai pas, en revanche, Messieurs les juges, de la critique que
Me Grégoire s'est cru le droit de faire de l'expertise de M. Soronellas.
Cette question, qui a un caractère économique, sera traitée plus loin.
Le juge spécial, Monsieur le Président, n'a pas procédéde façon arbi-
traire en qualifiant d'aeffets de commerce» les actions, obligations et
créancesdont Barcelona Traction était propriétaire.
Sont des effets de commerce les marchandises ou'achète et vend un
négociant; de mêmesont des effets de commerce les'lettres de change, les
actions et les obligations, et tous les biens qui entrent dans l'activité
normale d'une entreorise ou oui font ~artie iniéerante de son ~atrimoine
social considérédu point de vue de ~'~ccom~liss~mentde son Objet social.
Tous les effetsde commerce sont nécessairement des biens mobiliers.
Et lorsque la loi parle de biens mobiliers qui ne sont pas des effets de
commerce, elle vise des biens mobiliers qui font partie du patrimoine
coinmcr<:inl clclnçoii stariquc ct [ion pas dt:l?(oii dynaniiqu~

11it't?ui;tr donc pas de d;>hnitioic inique et~iiu~iunblédes I>i~,iisui sont
cles effets décoinmerce ct de ceiix qui n'en sont pas. Cii %CU eIt mCme PLAIDOIRIE DE M. CARRERAS 375

bien pourra ètre un effet de commerce dans une certaine entreprise et ne
pas l'êtredans une autre. Encore cela ne constitue-t-il pas une règle
générale,car il y a des biens qui, du faitdu rôle particulier qu'ils jouent
dans la vie commerciale, sont per se des effets de commerce, qu'ils se
trouvent ou non entre les mains de commerçants et qu'ils entrent ou non
directement dans l'activité de i'entre~rise: tel est le cas des lettres de
cli;iiigr, dcs :ictions e~lcsob11g;itioni.
l'arnii les art~cl~s<IIIco<lcl<: ommcrcc ct du code de procCdiir<:a:i\.ilr.
nombreuses sont les ~rescri~tions où les actions et obliaations d'une
sociétésont explicitement q;alifiées d'.effets de commercë»'. Si le code
de commerce et le code de procédure civile rangent normalement les
actions et les obliaations sousce conceDt. c'est parce qu'ils estiment qu'il
y a lieu de les qudifier de la sorte. . .
Mon distingué contradicteur objecte cela mêmeque la sociétéfaillie
objecta autrefois, à savoir que l'article 1086du code, en énonçant les
règlesselon lesquelles le commissaire doit fixer le prix des effets de com-

merce, établit une procédurequi, de l'avis de la Partie adverse, ne serait
applicable qu'aux marchandises. hle Grégoire ne va pas jusqu'à dire
ouvertement, comme le faisait la réplique,que la notion d'effets de com-
merce ne peut s'entendre, en droit espagnol, que des marchandises du
commerçant 2.
Pourquoi ne va-t-il pas jusque-là? C'est parce que la duplique (VII,
p. 641) a clairement exposéque, mêmepour certains auteurs parmi les-
quels se trouve Garrigues, les marchandises ne sont pas des effets de
commerce^.A quoi se réduit donc, dèslors, la thèse de mon contradic-
teur?
Je relaterai maintenant deux faits qui,à eux seuls, suffiraient à faire
ressortir la correction avec laquelle le juge spécial aagi. Ils sont relatés
dans la duplique et Me Grégoirea eu grand soin de n'en riendire.
Barcelona Traction, en faisant recours contre l'ordonnance du 27 août
1951,qui qualifiait les biens d'iieffets de commerce", non seulement n'a
pas formulé la moindre protestation contre cette qualification, mais
encore a reconnu vingt-quatre fois que les biens à vendre étaient des
«effets de commercev; vingt-trois fois elle a, parlé des .effets de com-
merce u dont la sociétéfaillie était propriétairelet une fois des Ieffetsn'.
Tene crois nas avoir fait d'erreur en corn~tant. mais si l'on medisait aue
ïe chiffrees; de vingt seulement, je m'y résigne;ais sans peine. Commedi-
rait MeGréaoire.Messieurs de la Cour. «tout le reste n'est &u'ar-uties ou
diversions <
Et le 29 septembre 1950. un an avant que fussent qualifiéslesbiens de
la sociétéfaillie par le juge, le receiver avait fait savoir, à en croire la
déclaration de son conseiller juridique espagnol, que si l'on vendait les
actions d'Ebro et de Catalonian à la place des actifs de ces sociétés,«la
formalité de l'évaluation n'existerait pas suivant le droit espagnolu

'A.C.M.,vol. VIII. no r49,p. 274,et A.D., vol. III. 161, p.jog.
'R., V,p. 54'.
a Garrigues,Joaquin, Cursa deDerccho Merçnnfil,1936. Madrid, vol.1,p. 415:
En définitive, il peut y avoir une notion legale de marchandise forméepar
exdusion; les marchandises sont des choses meubles qui ne sontni des fruits,
ni de3 titres-valeurs, ni des effecommerce. x
' Acte de recoursen date du i" septembre ,951(A.M.. vol. IIIno 180.1).085 et
sui".; cf.. en outre. V,,p. 638).376 BARCELONA TRACTION

(Receiverskip,fol. 538, et D., V, p. 639). Le contexte indique, sans erreur
~ossible. aue le receivervoulait ~arler de la fixation contradictoire du orix
Qui est prescrite pour les bien4 mobiliers non commerciaux et pou; les
biens immobiliers.
La Partie adverse peut-elle continuer à prétendre que le juge aurait
violé la loi? Manifestement non. Peut-on admettre que le juge aurait
commis une erreur sur une question d'appréciation? Le Gouvernement
espagnol estime qu'il n'en est rien non pliis, inais en fût-il ainsi, il est

manifeste que Barcelona Traction et l'avocat du receiveret de la société
failliel'ont également commise.
Etant donné la qualification donnée aux biens Dar le iuae. il était
possible de vendre ies actions, obligations et créances dohtYearcelona
Traction était propriétaire. en vente de gréà gré, av.c la seule interven-
tion d'un agent intermédiaire.
La Partie adverse n'a jamais étécapable d'expliquer pourquoi les
syndics ont proposéau commissaire une vente aux enchères au lieii d'une
vente de gréà gré si, comnie on le prétend, leur but était de vendre les
biens aux obligataires majoritaires eri éliminant les tiers.

Que nous disent à ce sujet les conseils du gouvernement demandeur?
n Je ne corninente pas » (VIII, p. 362); et cela se comprend car je riepense
pas qu'on piiisse opposer le moindre commentaire à l'argumentation du
Gou\~ernement espagnol.
Mon contradicteu? se borne à aiouter aue la vente de are à eréaYrait
étéill&galeparce que Ics biens nn"étaieni pas des effets de cokinel.ce a.
Mais il saute aux yeux que ce n'est pas là donner une explicatioii, c'est
confesser aile l'on n'a d'exulication à donner.
I.i.~syn<lics.Icc.~~iiiriiiisaircI 1,:juge, \.~ii,I':IVCZfort t>ici~\.II,siiccnr-

d;iient :II>cuscrque Ics I)iriii Ctaiciii udri <:fiersde COII~III~~~C2, 1.:)SOCI~I;.
f:iillic clle-mCmi: r,~coiiiiai$snitcelte au:ililic:rtion aii't,llri<:troniix5t oii
non, le fait est que c'est en partant de cette qualif;cation et sur fa base
de celle-ci que les syndics, qui pouvaient choisir la vente de gréà gré, se
décidérent pour la vente aux eiichéres publiqiies.
LaPartie adverse n'a pas davantage su expliquer pourquoi le commis-
saire, alors qu'aucune prescription légale ne l'y contraignait, demanda
l'autorisation de recourir à des avis d'exoerts. Si le commissaire avait
fixélui-mêmedirectement le prix, le ~ou;eriiement demandeur ne pour-
rait pas se servir aujourd'hui du rapport d'expertise pour attaquer les

. -
l+c.:i)~~i~ii;sIL.i~i,i~i~l?rc:Itjugc que 1:~ tix:~tioi~<ILpIrix s'c~f~ct~i~p ~.t-r
i :xc~ 1 l I I iitlri. 1.cj~ig,:,d:tiii soli ~~rio~iii~ii~.~:
(III27 ,i<)iit iic n1':' .Iiuit:ict:itc <Iri~i:iridl;ivciile il':ii,t,i<:;oiiiiii,:rC<.
ailx ?1i:!i2rcs piiI~li<liirc;t ~ertc, t.xs,t-ptionn~ll~ 11i;iisc,llt.<SI yr;viic:
I'arri~I~ioSg %II .od,. (le coiiiiiicrcc. Sc.ilcineiit. la ri:%ti~iiidu prix dr. ces
t:fft:t(Icconiiiiercc - la loi est forlii<:llt:sur ce i>oir-i iloit Ctrc toiiiuiirs
réaliséepar le commissaire, quelles que soient 16smodalités de la veiite.
Que prktend donc la Partie adverse? Ellept,end qu'il n'est pas vrai
que le juge ait rejeté la deiiiande des syn ics, que l'ordonnance du

27 août aurait prescrit que la vente fût effectuée. aprésdueestimations,
ce qui serait revciiu, de l'avis de inon distingue:contradicteur, à accepter
ce que demandaient les syndics; dans le cas-,contraire, nous dit-il, le
juge aurait refuse explicitement la demande qui lui était adressée (VIII,
P. 361).
On nous dit ensuite que les syndics, après avoir présentéleur demande ' Ecrit des syndics en date du 11 octobre rgsr (A.C.i\I.. vol. VIII. no r5q. dac. r.

p. 337-339); acte du commissaire du 13 octobre ,951 (A.C.M.. vol. VIII. no 154,
doc. 2. p. 340); ordonnance du 15octobre 1951 (A.C.M.. vol. VIII. no 154. dot. 3,
p. 341); recours de BarceIona Traction contre ladite ordonnance (A.hl.. val. III.
no198, p. 754 et sui".); ecrit des syndicasttaquant le recours (A.D., val. III. no 163,
doc. 1.p. 316-320) etjugement(aufoJ du 5 novembre 195r (A.C.M..vol. VIII. no 157.
doC. 2. p. 346).378 BARCELONA TRACTION
C'est verserdans une contradiction insoluble que de prétendreen même
temps que les syndics voulaient vendre à bas prix et qu'ils voulaient

éloigner les enchérisseurs.
Deuxièmement: entre la fixation du prix minimum d'une vente aux
enchères, consécutive à une estimation par voie d'expertise, contradic-
toire oii non, et la vente des biens, il n'existe pas de relation précisede
cause à effet. Le prix de la vente dépend essentiellement des offresdes
enchérisseurset de leur présenceaux enchéres. Si les biens mis en vente
ont une valeur supérieure au prix minimum fixé,les enchérisseurs ac-
~-~~r~ ~ et offriront davantaeeu lorsaue nul n'est dis~od à en offrir le
ris iiiinimum. qiiecc prix soit ou iiuricorri!ct. la venté n'aiira pis liçii.
?Ion L:minerit<:ollCgiiel.e prolcsseur Gil-Kobles, a dG)hmontréila Cotir
oue I'iiicsisrénir d'iirliéide causalitécritre ici cleux laits siifitA iiiv:i-
<der tous les griefs adverses concerna"t la fixation du prix minimum.
Cela est si vrai que, dans les droits qui s'inspirent du droit romain
- comme, par exemple, dans le droit civil actuellement en vigueur en
Catalogne ou en droit autrichien - l'action de lesioenormis.résolutoire
des veiites à vil prix, ne peut précisémentêtreexercée lorsquela vente a
eu lieu par voie d'enchères publiques.
Troisièmement: la réplique (V, p. 544) prétendait qu'une vente aux
enchères ne garantit les droits du failli que si elle est précédéde'une éva-
luation qui a lieu de façon contradictoire. En soutenant cette thése,elle
ne discutait pas les solutions que pouvait offrir le droit espagnol, elle
formulait un argument tiréde ce qu'elle appelle .le bon sens n.
La duplique (VII, p. 642) a contestéce postulat sur le terrain mêmeoù
il avait étéformulé.Elle a soutenu qu'une vente aux enchèresremplit son
rôle de earantie mêmeauand l'évaluationn'a pas eu lieu par voie contra-
dictoir;
Prévoyant que mon distingué contradicteur pouvait insister sur ces
arguments de prétendu «bon sens s,j'ai fait quelques modestes recherches
de droit comparé.J'ai constaté que la fixation du prix minimum par voie
contradictoire préalable à une vente aux enchères constitue un cas que
j'aurais l'audace dc qualifier d'exceptionnel. 1, est un groupe de légis-
lations (la britannique, la philippine, la nigériane, la néerlandaise, la
canadienne, etc.) où la vente aux enchères n'est pas mêmeprécédéd ee la
moindre fixation d'un prix minimum. ,Un second groupe de législations
(la péruvienne,l'uruguayenne, etc.) exige la fixation d'un prix minimum
pour la vente d'immeubles mais non pas pour la rentede biens mobiliers.
Enfin, un troisième groupe de législations (l'italienne. la française, le
Baizkrt<plcyAct de 1698aux Etats-Unis, etc.) exigela fixation d'un prix
minimiim pour toutes les sortes de ventes aux enchères. Mais la règle
généraled , ans ces deux derniersgroupes de législations,est que la fixation
du prix minimum est confiée h un expert désignépar le tribunal et non
qu'elle a lieu par voie d'expertise contradictoire.
La Partie adverse, dans ce cas, n'est pas.allée jusqu'à invoquer «le
bon sens»: par une de ces pirouettes dont elle a le secret, elle a, une fois
de plus, déplacé ledébat. Elle a dit: peu,importe que la fixation du prix
minimiim par voie d'expertise contradictoire confère ou non plus ou
moins de garanties puisque c'est ledroit espagnol qui l'exige (VIII, p. 362).
hlon enquêtede droit comparé me permet d'offrir à la Cour une expli-
cation plausible de ce nouveau changement de direction. &le Grégoire
savait fort bien qu'un avocat belge ne saurait soutenir que ile bon sens »
exigeait que toute vente aux enchères soit précédée de la fixation d'un PLAIDOIRIE DE M. CARRERAS 379
prix minimiim par voie d'expertise contradictoire. Pourquoi cela? Parce
que le droit belge de la faillite n'exige aucuiie fixation de prix, ni rnsme
celle d'un prix minirniim. La protection des droits du failli est assuréede

façon exclusive et complète par le caractère public de la vente aux
enchères; encore n'en est-il ainsi que lorsqu'il s'agit d'immeubles; quant
aux biens mobiliers, le curateur les vend librement sansêtre assujetti au
moindre prix minimum.
Monsieur le Président, Messieurs de la Cour, cette fois encore nous
pouvoiislaisser tomber Ic rideau surla fin du second acte de la pièce.
Monsieur le Président, Messieurs de la Cour, j'éprouve la satisfaction
que vous partagerez, sans doute, d'aborder maintenant la dernière partie
de ma plaidoirie. Elle traitera. comme je l'indiquais en comrnenqant,du
cahier des charges qui régissait la vente ailx enchères des biens de Bar-
celona Traction.
Les conseils du Goiivcrnement belge prétendent que le cahier des
charges constituerait uii clocumeiit unique dans les annales du droit de
la faillite, et qu'il pourrait figurer dans un muséedes horreurs juridiques

(VIII, p. 398): ses clauses ont étéqualifiées .d'aberrantes». de iiviola-
tions des règlesd'ordre publicn, iid'illégalitésflagrantesinet j'en passe.
Le caractère excessif de ces attaques pourrait nous dispenser A Iiii seul
de commeiitaires. 1,'ona vraiment quelque difficiilté i croire qu'un cahier
des charges, qui fut rédigépar les syndics avec le concours de conseillers
juridiques de renom et après consultation d'éminents professeurs de
droit et qui reçut, au surpliis, l'approbation du juge spécial, méritede
telles oualifications.

crDire que chaque clause contenait une violation flagrante du droit es-
pagnol et chaque aliiiéa une mesure discriminatoire; il est inimaginable
de conclure que le cahier des charges constituait iune véritable antho-

logie <ledispositions illégales eiimatière de faillitD(VIII, p.398). L'accu-
mulation detant d'accusations leur enlève toute valeur.
En matière d'interpdtation des contrats, les actes contempor:iins et
postérieurs des parties ont uiie importance décisive.De mêmeil importe,
je pense, avant tout, pour juger du cahier des charges, de rappeler la
réaction qu'il suscita, à l'époque, chez les geiis de Barcelona Traction.
En effet, s'il avaitrevêtules caractéristiques que lui prêtela Partie ad-
verse, ileiit éténaturel que Harcelona Traction réagît vigoureusement au
moyen d'un recours énergiqiie. Toutefois. aucun recours n'a réellement
étéexercécontre le cahier des charges.
La correspondance diplomatique qu'échangèrent les deux gouverne-
ments, à cette époque,ne contient pas non plus un seul grief dirigécontre
la légalitédu cahier des charges; il suffit, pour s'en assurer, de lire les
notes diplomatiques belges de l'année 1951. Ce n'est que cinq ans plus
tard, dans le mémorandum joint à la note du 31 décembre 1956, que le

cahier des charges fut taxéd'illégal; or, cettenote est déjàunpréanibuleà
la requête de 1958, ce qiii laisse soupçonner que ces accusations ont été
élaborées cn songeant au litige international.
Peut-on admettre qu'iiii cahier des charges, contre lequel ne fut exercé
aucun recours, soit aujourd'hui considérécoinme une espèce de monstre
juridique? Est-il possible que ce document, qui n'a jamais étéattaqué
devant la justice espagnole, soit aujourd'hui devenu une anthologie de
dispositions illégales?3x0 BARCELONA TRACTIOS

Les actes postérieurs confirment ceux qui ont étéréalisésà l'époque.
Je n'ai pas besoiii de rappeler quelle fut I'attitiide de Natioiial Trust et de
M. Frère à l'égarddu cahier des charges.
L'opinion des conseils du Gouvernement belge au sujet du cahier des
charges me parait réellement inadmissible.
Après cette introduction qui était, je pense, indispensable, nous allons
assister maintenant ail troisieme acte de la pièce de nion estimécontra-

dirtpu~ ~ ~
Avant tout, il est une idéecentrale que nous ne devrons jamais perdre
de vue. Les svndics avaient, de Darla loi, le devoir. auu.el i.s ne uouvaient
iii:iiiilliÇII I~UCUIIcils, de protCgcr 1,;ilioit> .IV; cr&:iii;itrj dc I3;iri~luii;i
'i'ririo~~. Er C'CSI <lu p~int <Ir \.UC CI<l.n prnrcctinn <lescr;nn;ivri qii'il
convient d'a~~récier Ii uuestion de savoi; si les lois esDae.oi-s ont-été
.-i ~ .~~~nr ~ ~~ ~ ~ées. '
Je ne m'efforcerai pas de réfuter tous les arguments de la Partie
adverse: ie crois aue.ie .ois é~arz.er - la Cour des discussions su~erflues
iiir <Icaqiicjtioiià qiii 0111 61;':tiiil~lciiicnt tr:iit&~il;iiiàles <sritiirc.idii
~~ui~~~rii~:i~ite!iipit;ignoI. Il est bi,:rVIII~~II ~iicIsi 1,:11%11:irIvp,is(1~ .el
i)oiiit ii.irticiili~r. ccl;~iie ~iciiiii<.~iiiII~in1t11:ii:~~~~ie;~em~5ntla rlièic:

idverie que je rejette; il s'agit simplement d'un ren;oi au contre-mémoire
et à la duplique.
Tous les problèmes qu'a soulevésle Gouvernement belge à propos du
cahier des charges gravitent autour de deux points fondamentaux.
I. Les syndics out déterminé les charges qui grevaieiit les biens à
mettre en vente, et dont il a été tenu compte pour fixer la mise à prix.
Car, en définitive, elles Faisaient partie du prix qu'il y aurait lieu de
payer.
2. Lessyndicsont mis au point, pour la liquidation et le paiement de
ces charges, un mécanisme efficace qui était absolument nécessaire pour
quela vente fût possible.
Si l'on regroupe les accusations de la Partie adverse autour de ces deux
points foi>dameiitaux, I'pn s'aperçoit qu'elles sont fréquemment contra-

dictoires et qu'elles s'excluent mutuellement.
Je traiterai séparémentde ces deux points fondamentaux.
Les passages du cahier des charges qui concerneiit ladétermination des
charges font l'objet d'une double attaque; la Partie adverse prétend
critiquer ce que les syndics ont fait et déplorer ce qu'ils n'ont pas fait.
Ainsi, selon la Partie adverse, les syndics auraient dû considérer que les
obligations en livres étaient déjà converties en obligations en pesetas;
cette conversion aurait dû se réaliser au taux de change pratique le jour
de la déclaration de faillite. Pour utiliser une image audacieuse, le passif
de la faillie aurait ainsi étédéfinitivement pétrifié n à cette date.
La Partie adverse rét tend. Dar contre. uue les svndics se seraient
arrog;,. <I;ii~sI;idéterniinntioii d<-Frhnrgci, .des Ioncrions souver:iiiics ),
(lui <taient à la Loisill~gillcsct di'criiniiiatoircs.

Soi15nllon; voir. .\loiisieiir le 1'r;~idcnt. ce riiie recouvrent ccs ericls.
La première question qui s'impose est lasuivante: peut-on estimer que
le tribunal spécial,en approuvant le cahier des charges, ait violéune loi
espagnole qui lui aurait imposé l'obligation de iipétrifier »définitivement
le passif au jour dela déclaration de faillite et de convertir en obligations
en moneta loriles obligations en monnaie étrangère?
Je crois que l'on ne saurait accuser un tribunal d'avoir violéune loi,
si l'on n'a pasd'abord établi l'existence de cette loi; ou, en l'absence d'une PLAIDOIRIE DE hl. CARRERAS 38 I

telle loi, sans avoir démontréau moins que la jurisprudence constante
des tribunaiix déduit la regle en question d'aiitres prescriptions légales.
Voilà donc ma réponse, d'autant plus que mes contradicteurs recon-
naissent (VIII, p. 392) que:

<Sans doute, en droit espagnol, il n'existe aucune disposition qui
édicte, expressis verbis, In nécessitéde la conversion. i>
La Partie adverse n'a pu citer un seul précédent selon lequel cette

règleest déduite, par les tribunaux espagnols, des regles généralessur la
faillite. Elle est, en outre, obligéede reconnaître qu'à cette époque-là un
seul auteur espagnol avait défendu la nécessitéde la conversion.
Dans ces conditions, comme l'a souligiié mon collcigue, le professeur
Guggenheim, on ne saurait formuler un grief de dénide justice du chef de
la teneur de décisionsjudiciaires espagnoles.
La Partie adverse prétend esquiver cet argument d'une manière fort
ingénieuse mais Den convaincante. Elle dit - ie résume - Que le droit

espagnol, le droit français et le droit belge, da& la réglemenLtion qu'ils
donnent des effets de la déclaration de faillite,renferment des dispositions
analogues à celles du droit espagnol, et qu'aucun de ces droits ne prévoit
la conversion des obligations en monnaie Ctraiigère en obligations en
monela lori. Pourtant, en France et en Belgique, 1es:tribunaux. nonobs-
tant l'absence d'iinc règle expresse, ont statu6 quo la conversion était
nécessaire. Toiijours selon la Partie adverse. l'ordre juridique de ces pays
étant analogue à celui de l'Espagne, la mêmerègle devrait exister en

Espagne (VIII, p. 392 et suiv.).
Cette conclusion est inacceptable. Ce que prétend en réalitéla Partie
adverse, c'est que le juge spécial et les tribunaux espagnols auraient
réagide la mêmefaçon que les tribunaux Iraiiçais ou belges si la question
leur avait étésoumise, ce qui ne fut pas le cas. Cela revient à dire que,
faute de pouvoir invoquer un seul précédent espagnol, l'on prétend
donner forceobligatoire pour les tribunaux espagiiols à la jurisprudence
rendue par les tribunaux français et belges, jurisprudence que d'ailleurs
nul n'invoque jamais devant la justice espagnole!

Cette façon de raisonner est inacceptable. Un mêmecode, une même
loi ou un niêmedécret peuvent donner lieu & des interprétations fort
diverses, qui toutes sont également plausibles. 1.e code civil en vigueur à
Porto liico, par exemple,est pratiquement identique au icode civil espa-
gnol; pourtant. l'interprétation qu'en donnent, sur bien des points, les
juristes portoricains, formés à l'écolede la common law, est tout à fait
diffirente de celle qu'en donnent les juristes espagnols. Cela autorise-
rait-il les juristes espagnols à dire que les tribunaux de'Porto Rico n'ont
pas le droit d'interpréter eus-mêmes leurs propres lois?

La Partie-a~ ~ ~ ~ Ales~ ~ ~s~. l'audace de se substituer aux tribunaux
espagnols et de leur dénier le dioit d'interpréterleiirs propres lois.
Moi ie ne vois pas d'inconvénient à suivre mon adversaire sur son
propre terrain pair révélerce que recouvre le grief. Je rends la liberté
de prier la Cour de vbrifier, aux pages 394-395 de l'auxience du 5 mai
(VIII), les articles di1 code de commerce belge et du code de com-
merce français qu'a cités mon contradicteur. Dans les uns, il est
question des effets produits par la déclaration de faillite <<àl'égard du
failli,,; dans les autres, il est question des effets produits iiàl'égardde la

masse seulement ».
Je me demande alors si la conversion des obligations, en France et en382 BARCELONA TRACTION

Belgique, est un effet a à l'égarddu failli » ou s à l'égardde la masse ».Le
code de commerce français, dans la rédaction qu'a donnée à l'article 475
le décret du 20 mai Igj5 que transcrit la réplique (V, p. 556). ne laisse pas
place au moindre doute; la conversion op& <<àl'égard de la masseii;
selon les commentateurs de la loi francaise. cela signifie aue la rèele de la

cieis, si le taux de change pratiqué le jouridupaie&eni est plus favorable
à ces derniers que celui qui était pratiqué le jour de la déclaration de
faillite. Si la faillite se solde par un excédent ou si le failli redevient
prospère, il est tenu de payer la différence ses créanciers. -
Les commentateurs relevent que cette règle obéit à un élémeiitaire
impératif de justice. Si un débiteur ne tombe pas en faillite, il est obligé
de payer dans la monnaie convenue ou bien en monela fori au taux de
change du jour de paiement; si l'on admettait que, pour la raison extrê-
mement erave au'il a cesséses ~aiements. un dkbiteur ~ût se trouver
avantag&~celn ;evirndrait ;idonner une prime aux manqiiements et
r6compcnser iine 1)ersonne.tlont le comllortement a port6 prCiudice au

1.ti i':~rtie ;x(lv~.~IIYO~II~ (It811la prCt,!i~rI~~r,(!>gl<Ic l:it.t,~~v,.r~i~~i
pour 1;ifiiire vi~lo.n I ;.gnr(l(lu faill8t:tnon p;ii. ;iI'>g.ir<l i: l:i iiin..c
C'eîi noiiroiioi I:idiii>lioiic IVII.1) 671 ét sui!..) ili:iit. cr,iiiiiie Ia
.. ,.
rappelé mon 'éminent Eolkguè, le professeur lieuter - que Barcelona
Traction, depuis 1940, cherchait un moyen de se libérer de l'onéreuse
charge de seçobligitionsen sterling; c'est-à cela que tendait, notamment,
le plan d'arrangement de 1945. La faillite que provoquèrent en 1948 les
obligataires aurait - si la thèse adverse était vraie - procuré à Harce-
lona Traction un bénéficede beaucouo sunérieur à celui ou'aurait ~ro~.~~
curé ce plan. Si la faillite avait ent;ainé'ltobligationde converti; les
obligations <<à l'écard du failli », Barcelona Traction, qui n'était Das une
novrce dans le monde des affaires. n'aurait Das bésité'àse orésehter e~ ~ ~
Espagne en état de faillite volontaire car e11Eaurait fiit ai"& une magni-
fique affaire. une affaire de plus aux dépensde ses oblieataires.
si, du terrain du droit, nous passoni au terrain desfaits, il me faudra
rappeler que,durant la faillite,l'un des griefs de Barcelona Traction con-
sistait précisémentà dire que les obligataires seraielit lésésdu fait qu'ils
percevraient leurs créances en pesetas nu lieu de les percevoir en livres

sterling. C'est à propos de ce grief qu'elle a déchaîné une de ses plus in-
tenses campagnes de propagande.
Les reorésentants de National Trust et de Barcelona Traction ainsi
~IIC le recervrr coniparurent de\,aiit 13 cour d'01it:~rio. Ir 26 iiu\wmbrc
1948; ils en\,isagt'ren' dt.; lvrs l'é\.cntiinlir&de ln vente,,:t11.Graydon,
rei)r&sentant de a socitte faillie. exixima l'avis u.e..si les trihunalix ~-,>a-
giols autorisaient la vente,
ales droits des obligataires seront déterminés en pesetas et payés en
pesetas, ce que nul ne souhaite: National Trust Company ne le

souhaite pas& les obligataires minoritaires non plus ne Geuieut pas
êtrepayésen pesetas (ReceiuerskiP,folios 243-244).
Cela re\,ic.nti <lire<~i~q~erjoniiene i.oiil;iit que lei oblijintaires fujsaiii
payL:s éiipesïtt~s: 1;iiori6tc' f.lillie iic le voul;y3s, du inuiiij orricielle-
nient: Sational'Trusr non plus. lesot)ligat;iires ininont:iiri:sp;isda\.antage. PLAIDOIRIE DE M. CARRERAS 383

Je me demande. Monsieur le Président, étant donnéces faits, s'il est
admissible que les conseils du Gouvernement belge aient retenu votre
attention aussi longtemps en prétendant qu'une irrégularitéaurait été
coinmise parce que les créanciersde Barcelona Traction ont perçu leurs
créances,précisément,dans la monnaie convenue.
J'en viens maintenant, avec l'agrément de la Cour, à parler de la
détermination des charges par les syndics; à en croire nos adversaires,
ceiix-ci auraient agi indûment.
Le cahier des charges (Première partie, sect. IV à VI l) énumèreles
charges qui grevaient les biens à mettre en vente. Dans la deuxième
clause', il étaitdit que leprix minimum.de mise en vente aux enchères
etait de dix millions de pesetas, l'adjudicataire étant en outre tenu de
payer la somme de 9 591 857 livres sterling ainsi que la somme de
45842 170 pesetas, montant du principal des obligations Prior Lien et
FirstMortgnge ainsi que des intérêtsnon payésde l'une et del'autre série
d'obligations, y compris le coupon échule ler décembre 1951 .'adjudi-
cataire était en outre tenu de Daver les intérêtséchusdeouis le rerdé-
cembre 19j1 i~i~qii':iijiour OU s"eMcctiicraitle paieiiient:ii;iique. enfin.
cttous autres dr<,itsdesditcs ~blig:irionj.~
De cette clause. \le~~ieurs.aile noiiî dit In Partie adversr? 1:llr alfirmr:.
d'une part, cette vente, il n'y avait pas de prix,,, de
sorte qu'il ne s'agissait pas d'une vente (VIII,p. 390); mais auparavant
(VIII, p. 366), elle avait affirméque~dans cette vente, iile prix était
ill6gal ... parce qu'il était indbterminéi,. 11faudrait s'entendre. S'il n'y
a pas de prix, le prix ne saurait êtreni illégalni indéterminé.Ainsi appa-
rait une première contradiction. Ces deux affirmations, au surplus, sont
absolument fausses.
II n'y aurait pas de prix, à en croire mes adversaires, parce qu'en
contreoartie des biens vendus. l'acheteur adiudicataire devait: D.v.r
un prix -- IO millionsde pcsetas ---et contractt:r uneoliligation de fair-
rembourser les ~bligitti~iis. VoilAlin t)cIcxcmple de ~origlerirjiiridiqiie.
aiii consistei faire aooar;iitrç de~iui>rzst:itionsidentiaucs corilinr si ellcs
&aient de nature dihirente. On au& pu dire que l'adjudicataire assu-
mait deux obligations de faire: celle de remettre IO millions de pesetas
et celle de faire parvenir aux obligataires le montant de leurs créances.
On aurait pu dire que c'étaient là deux obligations de remettre des
sommes d'argent. Mais ce qui est inadmissible, c'est de prétendre les
rése entercomme des obliaations avant des obiets différents. C'est
~oiirqiioi. I'iin er l'autre montant conjtitiieiit Ir i>rix. le prix iiniqiir.
mesure rri argtriit. airisi qus le veiit 1':ir1445c,lu code cii.11.
Telle est la raison Dourlaauelle sont des ventes 3.urix uniuue toutes les
ventes réalisées dan: une piocédure d'exécution dans lesq;elles, confor-
mément au droit espagnol, l'adjudicataire paie en argent une part du
prix et s'engage, d'autre part,à acquitter les redevances et charges perpé-
tuelles, lesgaranties réelles commel'hypothkque ou les créancesgaranties
par une saisie privilégiée3.

' A.C.RI.vol.VIII. no 158, doc 1,p.355-357.
Ibid.p,.359.
a L'articl151i du codede procbdure civilrnodifih pal'artic133.alinhaP. de
laloi sur lehypothhques,qui disposeque:
alesdispositionsde l'articlijivisant lemaintiendes hypothequeset autres
chargesant6rieureçou privilegieesgrevanlacr6ance de celuquifaitex6cuter.384 BARCELONA TRACTION

Le prix n'est donc pas illégal pour cause d'indétermination ni pour
cause de je ne saisquelle prétendue illégalitéqui aurait étécommise dans
la détermination des charges. Si l'on groupe et que l'on classe les objec-
tions de la Partie adverse, il est possible de dire que celle-ci adresse aux
syndics quatre accusations que je vais examiner ci-après.

Première ac'cusation: Les charges ont été déterminéessans que les
créancesdesoblieatuires eussent étéreconnues DarI'assembléetdescréa~-~ ~-~ ~ ~~
ciers. <:cite asîeml>l<c -- nous dit-on - aurait di1SC rci~ir<Inni:le cadre
(le 13<~iiatril'nicsection iIc la fnillitc. seçtioii siisi>~i~<IIIfair dii dr'cli-
natoiré Boter (\'III, p. 379).
Sur ce point. comme sur tous les autres, la Partie adversesecramponne

désespérément à un formalisme absolu. Avant d'accuser le juge espagnol
de n'avoir pas respecté la formalité de vérification et de reconnaissance
des créances, il aurait fallu commencer par se demander quelles sont la
signification et la raison d'êtrede cette formalité et dans quelle mesure
cette dernière était applicable aux créancesqui nous occupênt,lesquelles
étaientdes créancesincorporéesà des titres-obligations.

La vérification et la reconnaissance des créances jouent, dans le droit
de la faillite, un double r6le. Il'iine part, elles servent à la détermination
du montant global du passif que doit supporter la masse des biens.
D'autre part, elles jouent un r6le de clarification et de détermination du
droit de chaque créancier individuel. Dans l'un et dans l'autre cas, ce
rôle revêt unrôle purement procédural et sort ses effets dans le cadre de

la Drocédure.mais sans ~roduire iamais de conséaueiices définitives. Le
créancier exclu conserve;on droit'et peut le faire baloir dans une procé-
dure ordinaire. Inversement, si une créance simuléeouinexistantevenait
à être tenue Dour valable. cette reconnaissalice n'emvorte Das e ré-
somption de vkrité et, si la &ance était payte, l'on paie;ait iiiind;.
Que se passe-t-il donc - il faut se le demander - dans le cas de

créancesrésultant id'un emDrunt effectuévar l'intermédiaire d'une émis-
si(ind'ohligatioris? 'l'oiitela tlit!sc ad\.crsl: repose iiis~qiliiinieq111con.
siste a iraitcr Icj cr;:inccs incurpor;cs i dcs tiirvs-ot>ligntioiis ioniinc s'il
5'a~iss:iitdecr6aiiccj1r~liiinircsd d;'o~i);ilnanitoiisconiii iOIIcinl~~s
rantes. Ce n'est pas que les unes soient des ciéances r à deus HOU n à trois
étoiles ,,et les autres des créances à une iseule étoiler. Mais, indubitable-

ment, ce sont des créances différentes. Le créancier qui a livrédes mar-
chandises ou des matières premières n'est pas dans la mémesituation que
le créaiicier obligataire; dans le cas dii premier, on peut discuter sur le
point de savoir si la marchandise a étéou non remise, si sa qualité était
acceptable, si le prix facturé &tait correct, etc.; dans le cas du créancier
obligataire, en revanche, oii ne peut rien discuter: il présente un titre qui

atteste, d'une façon qui fait foi, qu'il est créancier d'un certain montant,
et le lait qu'il présente l'obligation prouve de façon irréfutable qu'il n'a
pas perçu son dû.
Or. daiis le cas de Barcelona Traction. il se trouve orécisémentaue
pratiquement la totalité des créanciersétaient (les obligataires.
Le bon sens devrait inciter nos doctes contradicteurs à comprendre

seront applicables,non seulement aux cas où laditecrdance estune créance
hypothécaire mais aussi aux autres cas dans lesquels esexercée une action
quelle qu'elle soit, rbello ou personnellc, entrainant la vendes biens im-
mobiliersn. PLAIDOIRIE DE M. CARRERAS 385

~111'11ét;iit ~bsoliim~iit iriil~u~~ihl~i.l,;iii> Ic cas di: 13;ircéloii.ïi'raction. Jc
v2riricr s;l):irt~iiit.iitclia<]iie crcance, c'est-a-,lire ilisiliic ol,lig:iriori. Cl:
n'.:it pas qur. cela aiir;iit étésii1~i:rdii< . 't.it quc cela aurait ;té iinpussihlr.
Pour L:tablir uri 6121des titres ou uiic liste iriiiiii~:r:iiittoii; le; posjcjseiirj
dci titr~.s.inili\.iduellïment <IL'sirciiFiil,faudrait roriiprz 1:ilui dl: la ciriii-
latioii (lu titr,: -qiii dc\*:iit<lei&urçr rn \,igul:ur - pciidarit I:iI:iillite et
rziripl;icer la crjniic~ par uiil::iutrc CIuiie ri:iture <liifi:rent#.1Srisorii~ii~:i,l

faiitIr:iit :iiiriuIcr Iw ulilifi:itionj<!II r:~ii<III~telIr> YII:IIICl~ e titre l:,r :fi11
porteur, ce titre peut cotÏtinuef à circuly; il doit coniinuer à circuler et il
est transmis par simple tradition, à titre onéreux ou à titre gratuit.
L'établissement d'une liste destinée à être utilisée dans la procédure
aurait pour effet de violer la loi de la libre circulation des titres au por-
teur.
11se trouve, en outre, que nul ne peut ignorer que l'obligation est un
titre qu'il faut présenter pour exercer les droits qui lui sont incorpores,

de sorte que tout ce que I'on peut exiger de l'obligataire c'est qu'il
rése ent son titre à l'encaissement.C'est. en outre. un titre émiseii série.
;%, t~iiul~li~t :in[)[~lii]iicr:itoui 1'i iici iiil~l~. 1i,:iilivtiiiiiiii. ri:giiijiiii-
OIC~IIV Fit-il irii;~~lii:il~li<~;u'iiiir.n;,r,ml>lCedc rrc-iiic.ii.r; I>LIIS;~1)ri.ii.1rC:
di.; d;:ision; inJividiil:llrs ct (liffcrr.iire~:i I't:c;irJ IC cli;itiu~iibI~"i~ti~~rc'
Ne nous méprenons pas. L'on ne peut plis appliquer aux créances
engendrées par les opérations commerciales courantes - les iicréances
à une étoile »-les mémesidéesqu'aux créancesdérivant d'une émission
d'obligations. En s'obstinant à soutenir le contraire, on use peut-êtred'un

procédérhétorique adroit, mais I'on ne peiit convaincre persorine.
Il aiirait étéimpossible de coiivoquer les obligataires pour procéder à
la reconriaissance des créances. Premierement, parce que 1'011 n'aurait pu
attrihiier la créance à un criancier individitalisé sans violer ln loi de la
circulation des titres. Deuxièmement, parce qu'une assemblée de créan-
ciers n'aurait jamais pu prendre des décisionsindividualisées.
C'est pourquoi le cahier des charges ne reconnaît à personne une
créance déterminée: il détermine le montant des obli~ations émises et
ni 1 c~rc~~ltinr~ r lrccl~a I'raior II rie rcconnair iii rie rcfiisc

<Ir.rcconnaitrp i <liii:onqiie iiiidruir, cç <Ir<.it<I;pcnd il<, Iciqiicstiori di?
s.tv<.ir;i I irir<:it.i:CLl;.tieiit,iiiiiiii1,; titri:~.Ijt i.i.it<dL~~riii~~i.~tioili1 i 1
opi.ii.c cn prfnanr porir haj~. IPS :ii.trj iioti~ii;~~d';riii>sioi) Ln P:irtii,
:i~Ivc~rsieii~riiil-c11.:qiit. Icj ol~'i~iiti~iii~xi,t:ii~iit<IIIV (ii'tiifiil IC dC:tc11-
teur? Ce gr.,f n'a aucun sens.
I)eiixi;iiic :ic<:iis:itiori~].'on iiirur1ior:i :$IIp:i,jif 11.5liit;r?t; des obil-
gations l'cliiiesclei~iiisInd>clariitioii 11cI3illite jiisqii'aii coiipon dii I" dC-
ccmhré I~,=,I.s;iiir ciiicI'lissenibl;e drs crl:;incicr'ciit ;IIIi>r;;ilnl)le;t;ibli
,- .
si ces oblig:itions, Aalgré la déclaration de faillite, contiLuaient ou non à
porter intérêt (VIII, p: 379).
hloii estimécontradicteur s'empresse de dire qu'il ne préjuge pas de la
valeur qu'il y a lieu de doniier au fnortgageen droit espagnol. Iilais 11
prétend que c'était I'asseniblée des créailciers qui devait décider de
I'inclusioii ou de la nori-inclusion des intérètsdans le passif, sous i-éserve
d'un éventuel recoiirs ?Ila justice.
Cette accusation, Mi:ssieurs, me remplit de stupeur. Le mortgage.qui
earantissait les oblieations f'rior Lien et First Morleaee. ne saurait être
.. .
ioii.;i<l;r; vii ~Ir~~lIiT.li:iKiiulcuriiiiiviiiig:igc LIIC~IIb ~i:cn rnoiiii t.i,iiiiiic
1111yige sp;ciiiqiit. ,1111,.<I~C,IIII;i S.itiuriCtlï'rii:t Ir III<JI I,: ,I<:iii?n.l~rI:I
s>~):xr;ition cil i.r:rtu dl:I~iti~le $ib <!il;o<lcJe coiiirii<.l-,..!:ci.1 CC (IU',~ilil386 BARCELONA TRACTION
la duplique (VI, p. 374 et suiv.) et ce qu'a redit mon collègue. le pro-
fesseur Urfa. Mais de la Aconsidérer commedes créances communes les
obligations Prior Lien et Firsl Mortgage,il y a un abîme.
Le cahier des charges contenait l'énumération détaillée des charges
spécifiquesqui grevaient les biens mis en vente; si on les qualifie con-
formément la lez fori, il est hors de doute qu'elles constituaient une
garantie réelle,du genre de celles que vise l'article 884 du code de com-
merce. Lesobligations garanties continuaient ciporter intérêts,malgré la
déclaration de faillite.
Le problème se pose donc de la fason suivante: était-il légalque les
intérêtsfussent incorporés A la détermination des charges? La Partie
adverse n'a pas l'audace de nier ce point. Nul n'a mis la chose en doute.
Aucun tribunalespagnoln'aurait jamais estiméque ces créances fussent
des créancescommuneset qu'ellescessassent de porter intéréts du faitde
la déclaration de faillite. Puisqu'il était légalde les faire entrer dans le
calcul, il ne pouvait y avoir la moindre illégalitédans le fait d'effectuer
ce calcul.

L'audienceest leriéeà 13heures TRENTE-CINQUIÈME AUDIENCE PUBLIQUE (9 VI 69, 15h)

Présenls:[Voir audience du 20 1'69.1

QUESTIONS BY JUDGE JESSUP'

ludge JESSUP: 1sliould like to ask for some clarification of a jloint
which is involved in the pleading of Professor Uria. It hasto do witli the
contentions of the SpanishGovernment regarding the extent of the extra-
territorial reach of s~anish la\\...esueciallv venal law. in accordance with
the principles of pri\:ate iiiternational la';.
In the record, at page 286, stifirn. Professor Uria, as 1 understand,
stressed the oblieation of the bankruot under Snanish law to CO-o~erate
with the authoriyies of the bankruptiy. ~rofessir Uria referred to Article
890 of the Codede commerceaiid to Article 520of the Code.bé~z1 liiier-
sfood Iiimto contend that urider Svanish lab tliird oartics ivhoIia\.e some
control over property of the baiikrupt also ha\,c'a duty to co-operate
with the aiitliorities of thc bankruptcy under peiialty ofbeingcharged
\\+th coinplicity in the délof fraudulent bankruptcy.
On page 286 of the same record it seems to be indicated that the fore-
going statcnient applies to Xational Trust and tliat its residence in
another country-that is Canada-would be no excuse for failure to
CO-operate
Then, on page 288,supra, it isstated that under Spanish law Barcelona
Traction from the moment of the declaratioii of bankriiptcy \vas abso-
lutely incnpable of administering or having control over rights attached
to the shares of the subsi<liariesaiid that any such act would bc null.
On pages 289 to 290 of the same record it is said-citing a Belgian
"that the Receiver appointed by the Ontario judge" for Bar-
!k,"p#~tion-and the Receiver, presumably, 1tliink, represented the
rights or former rights ofBarcelona Traction-"the Receiver took part in
a general nieeting of Ebro in Canada on 30 April 1949, and . . . [there]
exercised the votinc richts" of Barcelona Traction in Ebro.
On par 290 to 291 of the same record there are further statements
about lia ilities and disabilities of National Trust.
My questions then are these:
I. 1s it the contention of the Spanish Government, and 1 state a
hypothetical case by way of esample: that if the Canadian Receiver of
Barcelona Traction, who \vas appointed by the Ontariojudge, exercised
an authority, which 1 shall assume he had under Canadian la\%.t,o sellin
Canada alter 12 February 1948 shares of Ebro endorsed in blaiik, the
Receiver would have been guilty of a violation of Spanish penal law-
would his acts have been null?
2. If a bona fide piirchaser in such a sale in Canada carried those
shares endorscd in blaiik to London or Pans, would Spanish authority.
or the syndics and other officers, have been competent under the prin-
ciples of private international law to challenge in English or French

'See infra..554.388 BARCELONA TRACTION

courts the validity of such shares or the right of ownership of the pos-
sessor of the certificates?
3. If a Canadian bank had Barcelona Traction cornpany's deposits in
Canada and if, after 12 February 1948 on demand of the president of
Barcelona Traction in Canada, it paid out these funds to some tliird
person and if that Canadian bank had a hranch in Barcelona, would that
branch, in conformity with the principles of private international law,
be subject to civil or penal liability under Spanish law? PLAIDOIRIEDE M. CARRERAS(suite)

CONSEIL DU GOUVERNEMENT ESPAGKOL

M. CARRERAS: Lors de la séancede vendredi dernier, j'ai entamé
l'examen du cahier des charges qui réglementait la vente aux enchères
des biens de Barcelona Traction.
Les accusations d'illégalitéque la Partie adverse a accumuléescontre
le cahier des charges tournent autourdedeux points essentiels: première-
ment, la façon dont furent fixéesles chargesqui grevaient les biens qui
allaient êtrevendus et dont la liquidation et le paiement par l'adjudica-
taire constituaient une partie du prix de vente; deuxièmement, l'effi-
cacitédu mécanismede liquidation et de paiement desdites charges.
Lorsque j'ai répondii aux griefs formuléssur le premier point, j'ai
souligné combienil était inadmissible de prétendre que le droit espagnol
ait étéviolésous prétexte que les obligations en livres sterling n'avaient
pas étéconverties en obligations en pesetas, au cours du jour de la décla-
ration de faillite.
J'ai égalementsignaléque,dans ce premier groupe de griefs, la Partie
adverse prétend que les syndics ont illégalement déterminéles charges;
et que les objections qu'elle formulait pouvaient êtresynthétiséesen
quatre accusations, toutes aussi dépourvuesde fondement.
Il n'y eut aucune illégalitédans le fait que les charges aient étéfixées
sans que les créancesdes obligataires aient étéreconnues par l'assemblée
des créanciers. II n'y eut pas non plus d'illégaliàécomprendre dans le
oassif les intérèts des obli~ation.. d.~uis la déclaration de la faillite
jusqu'au coupoii du Terdécembre 1951 .prèsavoir répondu à ces deux
premières acciisations lors de la dernière audience,e réfuterai mainte-
nant, avec votre autorisation, la troisième et la quatrième et traiterai
enTroisième accusation: On incorpora au passifa 2640ooo livres sterling
d'obligations FirslMortgage; si, selon le Gouvernement espagnol, iious
dit-on. Iliestminster Bank n'avait pas un droit de gage sur ces obliga-
tions-là, la vente de ces obligations serait illégale,car le droit espagnol ne
tient DasDourlicite la vente de biens du failli en dehors de la ~rocédure
de fa~llite'(~11, . 380).
Cet argument-là constitue lui aussi un pur sophisme. Comme dans le
casprécédent,le fait que Westminster Bank ne fût pas créancièregagiste
ne signifie pas le moins du monde que la vente des obligations Fzrst
Mortgage fût illégaleen droit espagnol. Comme l'a déjàrelevéla duplique
(A.D., vol.III, n"155 ,. 274). ce que \\'estminster avendu ce n'étaient
pas des biens de la société faillie,c étaient des créancescontre la société
faillie, ce qui est fort différent.
Le droit espagnol interdit qu'un créancier, qui n'a pas le droit de
demander la séparation, puisse vendre des biens incorporésàla masse de
la faillite, mais il n'interdit pas que le détenteur légitimede titres cède
ces titres ou les aliène en exécutionde contrats dont la validité ne peut
êtrecontestéepar personne, surtout pas par Bsrcelona Traction.
Les syndics devaient donc faire entrer ces obligations-là en ligne .de
compte lors de la détermination des charges, qu'elles fussent aux mainsil, \\'c.-tiiiiiisi~r I3:iiikoii .iiix i~lc11ii~IIIII\I~ircliGII:IUX III.~~I(Ir
11 II~.iiiçiii;niiqiicltIle;Iiireiii:.pliiiit:iiri rcpriii,if,:rti.s.
-iintricrne ncciis;iiioii1.3 .>Ï~:vII(IcI~USS C~ILIUI: IuIe Indiu<licntnirc
serait tenu de payer:

(<Tousautres droits desdites obligations, droitsque les syndics ont
le poiivoir de reconnaitre, déterminer et déclarer effectifs i,(A.C.I\l.,
voi. VIII. no 158, doc. r, p. 359).

Ce texteétait siiivi par ce qui suit:
<Afin de vouvoir déterminer exactement ce uue I'adiudicataire
devra payerdes divers chefs énoncésau paragra;he A cildessus, les
documents relatifs aux émissions desdites obligations ainsi que les
consultations et études faites sur leurs divers oints varticuliers
sont à la disposition de I'adju<lic:itaire..

Au dire de la Partie adverse, cette clause-là était illégale - du fait
qu'elle aurait transformé le prix eii prix indéterminé - et discrimina-
toire - puisqii'elle aurait étéinséréepour avantager les obligataires
majoritaires (VIII, p. 381 et 385 et sui\,.).
Pour exposer les raisons sur lesqiielles se fondait cette clause, que la
Partie adverse a durement attaquée lors de la procédure écrite, le Gou-
vernement espagnol a présentéen méme temps que la duplique divers

documents aui démontrent combien les accusations de nos contradic-
teurs à faux. Je vais tenter, ci-apres, de résumerce qu'exposela
duplique (VII,p. 682).
Devant quelle situation se trouvaient les syndics lorsqu'ils ont rédigé
le cahier des charges? Les oblig:itioiis qu'il s'agissait de faire honorer
étaient régies. à leur avis, par les lois de l'Ontario; c'est pourquoi ils
avaient demaridé à un juriste canadien un avis de droit (A.D., vol. III,
no 174, p. 367)sur le point de savoir si les obligatairesavaient le droit de
percevoir desintérétssur les intérétsdesobligations matérialisésdansdes
coupons échus et non payés, selon le droit de l'Ontario. La conclusion à
laquelle on aboutit quand on lit le rapport de l'expert est que les intérêts
sont dus; mais toutefois il faut qu'un jury l'autorise sur la base d'un
usage ou d'une coutume. Cela signifie que les iritérêtsd'intérêts ne
semblent pas êtredusde façon autoinatique, ex lege,mais qu'il faut une
réclamation du créancier.
Des documents présentésil ressort que les syndics ont prévu que cer-

tains obligataires, se fondant sur cetie règle de droit, pourraient réclamer
le paiement d'intérétssur les couponséchus et non payés. Le droit de ces
obligataires aurait découlé,le cas échéant,de leur réclamation. Tant que
la reclamation n'avait pas étéprésentée,les syndics ne pouvaient, à titre
général,incorporer aux charges les intérêtsdes coupons; mais, s'ils ne
prévoyaient pas un mécanisme approprié, des litiges auraient pu surgir
entre certains obligataires et l'adjudicataire au préjudice des premiers.
Les syndics n'ont donc jamais songé le moins du inonde qu'ils avaient
le pouvoir d'augmenter ou de diminuer le prix après la vente, comme l'a
prétendu la Partie adverse. D'après leur propre déclaration, ils ont décidé
que, pour le cas où un obligataire, postérieurement à la vente aux
enchères, viendrait à réclamer à l'adjudicataire le paiement d'intérêts
sur les coupons, il était de leur devoir à eux, syndics, de le protéger et
d'exiger que lesdits intérêtsfussent effectivement versés.
Lorsque Fecsa, qui souhaitait SC présenter aux enchères, s'adressa aux PLAIDOIRIE DE M. CARRERAS
39'
syndics par l'entremise d'un notaire (A.D., vol. III, no 173, p. 364 et
suiv.), les syndics répondirent dans le sens que je viens d'indiquer, ense
référant à l'avis de droit émispar le juriste canadien; lorsqu'ils firent
savoir à Fecsa qu'elle serait tenue <iau moins » de . .er les intérêtsdes
coiipoiis. I'ru])r~:ision :IIrnoinj ,.n'a <leseri, clneil on I:trapprochc de
I'a\,isde droit de Iespert t:tilrI;ifonction que s':ittribunieiitle, s\.II~~L.~
La sociCtGaJiiiJii;itnirc niirait :ii>:i\.eau moins. Iç iirincip.~ldcj ol,li-
gations, le montant des coupons lésintérêtsde ces Couponsau cas où
un obligataire en réclameraitle paiement.
C'est bien ainsi que Fecsa (A.D., vol. III, no 175, p. 372)interpréta la
réponsedes syndics: elle déclaraqu'à son avis,l'adjudicataire s'obligeait
à payer les intérêtsdes coupons iulecas échéant inc'est-à-dire en cas de
réclamation.
Je ne prétends pas affirmer, hfessieurs, que la clause soit parfaite ni
qu'il soit impossible d'en discuter la validité. Du moins fournit-elle une
explicationraisonnable de ceque visait lecahier des charges et met-elleen
relief le fait qu'il n'y avait là aucune illégalitéqui pùt êtredéclarée
d'officeni la moindre intention discriminatotre.
D'oùproviendrait la prétendue illégalité?Deceque I'onappelle i'indé-
termination diipris.Deusraisonspermettent deréfutercetteaccusation:

I. La réclamation qu'aurait formuléeun obligataire aurait, pour qu'il
lui fùt faitdroit. dû décoiilerdes obligationsPrior Lien et FirstMortgage
cotisidéréesconjointement avec les études et consultations dont le texte
était mis Bla disposition de tout enchérisseur. Nousavons donc affaire à
une somme qui pouvait varier en fonctioii du volume des réclamations,
mais qui ne pouvait dépasser un montant maximum, montant que I'ad-
judicataire s'obligeait à payer. La détermination existait donc par rap-
port uii maximum que ne pouvait dépasser lemontant desintérêtsdes
coupons.
2. Une décisiondes syndics qui serait allée à l'encontre du texte du
caliier des charges, en iniposant des charges qui n'auraient pas découlé
des obligations et desdocumentsannexes, aurait pu êtreattaquéedevant
les tribunaux espagnols. L'adjudicataire pouvait m&me contester la
validité de la clause elle-même,étant bien entendu qu'une éventuelle
déclaration de nullitéaurait affectécette seule clause, considéréeen tant
qu'obligation accessoire, et non pas la vente elle-même envisagée en tant
quecontrat valable.

rifin de contester ces arguments, la Partie adverse a été contrainte
d'inventer la thèse -qu'elle-même reconnaîtêtre s outranciére i,et c in-
discutablement erronée i,-selon laquelle les syndics :iur:iieiit pu exiger
de l'adjudicataire 20 millions de dollars du fait de la dépréciationde la
livre sterling (VIII, p. 388). Et, pour donner de lavraisemblance à I'argu-
ment. on nous dit: «c'étaient les syndics qui tranchaient souveraine-
ment L.Je serais fort reconnaissant à la Partie adverse d'avoir I'obligean-
ce d'indiquer dans quel passage du cahier des charges il est dit que les
syndics avaientun pouvoir que I'onpourrait qualifier de souverain ou un
pouvoir qui leur eût permis de trancher n'importe quel genre de ques-
tions; le cahier deschargesest un contrat. il n'est pasune sentencearbi-
tralequi s'imposerait aux cours de justice comme une décisionsansappel.
Les syndics n'avaient donc pas le pouvoir d'imposer à l'adjudicataire
une telle charge pour cause de dépréciationde la livre sterling ni aucune
autre charge que pourraient imaginer mes coritradicteurs. car les tri- BARCELONA TRACTION
392
bunaux espagnols auraient infirmé, le cas échéantet le moment venu, une
décisionqui eût outrepassé les limites qu'imposait le cahier des charges
lui-même;il fallait doiic que les droits que I'on ferait valoir découlassent
des obligations elles-mêmes oudes consultations et études présentéespar

les syndics.
Le caracthre prétendument discriminatoire de la clause est démenti
Dar la thésede la Partie adverse elle-même.

d'affaire, mon illustre contradicteur, afin d'éviter Sëylla, met le cap sur
Charybde.
Les deus lettres échaiigéespar l'entremise d'iin notaire et la seconde
lettre de Fecsa auraient eu pour motivation, si I'on en croit la Partie
adverse, le désir des créanciers majoritaires de pouvoir éventuellement
opposer cette correspondance zi l'adjudicataire, au cas où les biens
n'auraient pas étéadjugés à Fecsa. Mais, hlessieurs! ne nous a-t-on pas

dit que la création de Fecsa avait étéun acte de cynisme? Ne nous a-t-on
oas dit et redit que Fecsa avait l'absolue certitude aue les biens lui
ieraient adjugés ei que c'est précisémentpour cela que.l'on avait rédigé
un cahier des charces discriminatoire? S'il en était ainsi, comment com-
prendre que Fecsa; quelques jours à peine avant la vente aux enchères,
ait niis au point une manŒiivre qui tendait à assurer le droitdes obliga-
taires majoritaires, au cas où un tiers plus offranteût enlevéles enchères?
Si les oblirrataires maioritaires avaient eu la certitude aue les biens
seraient adiugés zi~e&a, cet échange de lettres était supérflu, car Ces
lettres, dii fait qii'elles avaient été échangéespar l'entremise d'un no-
taire, auraient pu Stre in\roquées contre Fecsapar tout obligataire qui
voulait faire valoir ses droits; et si les obligataires majoritairesn'avaient
pas cette certitude - et les faits prouvent qu'ils ne l'avaient pas -, c'est

qu'il n'y avait iii conspiration ni discrimination et donc aucune raison de
douter de la bonne foi des syndics ou de Fecsa.
Je traiterai maintenant, Alonsieur le Président, Messieurs les juges, du
second des points entre lesquels j'ai divisé mon propos, en abordant cette
question, j.savoir du problème soulevé par la Partie adverse à propos
de la licéitédu cahier descharges, dans la mesure où il exigeait de I'adju-
dicataire la liquidation et le paiement des obligations.
Le gouvernement demandeur fait grief de ce que I'on ait payé les obli-
gataires, alors que l'assemblée des créanciers n'avait pas au préalable
etabli le ranz des créances. Dès lecontre-mémoire (IV. o. 617). le Gou-
vernement ei'pagno~a exposé que les seuls créanciekspRvii&giésétaient
les détenteurs d'obli~atioiis des deus séries éinisespar Barcelona Trac-
tion; que le problèmedu rangaurait pu se poser si l'on n'avait paspayé à

tous les détenteurs d'obligations de l'un et de l'autre rang tout ce qui leur
était dû. II ne pouvait donc y avoir violation dit principe élémentairede
la faillite, qui ordonne de respecter l9ar condilio credilorum.
La réplique (V, p. 552-563). dans un effort désespéré pourchercher un
créancier qui aurait pu être lésé,a imaginé que tel aurait étéle cas de
National Trust. du chef des frais et honoraires vrévus dans Ics actes de
r~rzcl\loncc,nr;:i<li:riir.:rcpri; siircc point le ii;;iiie nrKiiiiit.iir cn iiigli-
gcaiir1:ircl1(,11>~[IC la duplique (\'II,1) (><y "vair foiiriiic. L'c~ci~i~~I~:
i.9 for1 iiinl clioisi c:ir S;iti<~iinITr~sr n'a i:iiiiais lusritic de\.niit les
organes de la laillit'e ou devant les tribunauséspagnols, avant ou après PLAIDOIRIE DE M. CARRERAS 393

la vente, de la moindre créance pour frais oii honoraires. Les seuls titres
qui ont étéprésentéspar Xational Trust furent des obligations, qui lui
fiiri:iit I>;~!.;'tibissiiiiI'onglc.
II iiic s~~iibl~l.ii:idiii~siiblcqiic1:iP:irtlc ;i~lvcr.;rvlcnrie iil <l;leiirlr~. IV.,

liit;r;.r.d iiri pr~t~ild~iiri.ari:it.r ]>ri\.ilC~lC q~iii n.i jiiliiaiî t<.litcidt. f.tirc
valoir sa prétendue créance.
J'en viens maintenant à l'argument que le Gouvernement demandeur
a le plus amplement développé. A son avis. l'on aurait dù exiger que
I'adiudicataire pavât la totalité du pris en Desetas à la remise des biens.
l.,.iiotit:~~iritttSgi:ilcliipris ..iuri,ItAi ~.IISII<I(Ic~ii~-iirt:rI;IIIlsi,,ti>jc clc:
I:ikiill~te jii',lo'.ti111III~CIIIou 1,. >~i.lnt:t~-t~t<lc:l ]~r~~~~~( l\,e,I Cr2

1 : il :11ri1t 1 i l 1 r r 1 ii~ri;ii tloi. Eiifitl. 1111~fois
que les assemblée<des créanciers chaigées de vérifier et de classer les
créancesauraient été tenues. les syndicsauraieiit dîi effectuer eux-mêmes
le paiement (VIII, p. 376-377,383-384).
Poiir défendre une telle thèse, il faut oiiblier queue était la situ t' a ioii
réelle.
Les oblications Prior Liesi et First Mort~flee étaient ~aranties Dar une
. . " -
cIi;trge s~wctfiqi~cgrcv:,i~t 1~:s bi~ii~~~i:iiill~ici~tktrt: itiijei!~CIII<. I)?pl~is,
Icj 7'rri.d»~.~.nn 's\:iiciiti:riC tl';iiitrci~Ii:ir~cs. Ici iiiiei 5 titrl; ;~)i.ciii(lii<:.
les autres sous forme de charge flottante, [lui sans doute aricungrevaient
l'entreprise, placéesous le masque formel de In personnalité juridique des
filiales. Le cahier des charges ériumérait ces g;iranties. Pour abréger, je
m'abstiens d'en donner lecture à la Cour, mais j'en joins le texte en note
de bas de pageL.

Les obligations First iIjorl6.nge. obligations de second rang,étaient en
outre garanties par l'hypothèque qu'avait constitue Ebro sur ses propres
actifs en faveur de National Trust.
Si les syndics avaient exigédc 1'adjudicat:iire le paiemcnt en argent
liquide, comme Ic voudrait la Partie adverse, on serait arrivé à la si-
tuation suiv:iiite. L'acheteur acquittant le pris, la garantie qui grevait

spécifiquement les biens vendus pouvait se troii\.er annulée; niais qu'ad-
venait-il alors cles autres charges que supportaient les bicns des filiales?
II n'était pas possible d'y mettre fin sans dépouiller les obligataires d'une
garontie qui leur avait étéaccordée lors tlc l'émission,dcs obligations.
L'acheteur se serait trouvé dans la situatioii absurde d avoir acquitté la
\.:iIi:iir clci :~ciioriset d,.i o1,li~ationi ohl,:t di: I:Ivi.111~ L:.I(Ir.ilt iiitiircr
nl:anriii,iiii ri:ipuiis:il~l~;ivec I'c1itrcpri.i: i.11~-niéine de I'L'vcn~uell~ri)]ii-
dice qu'un retard pourrait causer aui obligataires.

C'est à cela que devait peiiser inon contraclicteur lorsqu'il disait (VIII,
p. 376) que le fait de différer le paiemcnt aus créanciers n'aurait pas
-
1 "b) Suivant lesstipulations des actes enonces au titre 11 du présent cahier des
charges, la Barcelona Traction declare hypothéquïr et aKecter en garantie, non
seulement les biens qui y sont mentionn6s, mais nussi en tant que igarantie sp6ci-
fiose 8,tous les biens immenbles. concessions, droits. autorisations. baux et toutes
ot;ligations. obligations hypoth6cnires et autres valeurs, ainsi que toutes les actions
de toute soci6té et autre entité juridique que Icisociétéposséderait alors ou sur
laquelle elle aurait des droits. ou qu'elle pourrait acriuérirà l'avenir avec les oblign-
tir& garanties par lesdits actes. et en t&t que dite <flottanter, ses entre-
prises présentes et futures. d6jà en cours d'exploitation ou en cours de construction
ou qu'elle exploitera ou fera construire à Yaveiiir. ainsi que toutes ses propri6tés

présentes et a venir. ses droits et biens de toute classe,~où qu'ils soient situdsi
(:\.C.hl.,vol.\'III. no 158, doc. r.11.357).394 BARCELONA TRACTION

entraîiié de préjudice, étant donné que l'entreprise ne cessait de se
valoriser. Il s'agit de l'entreprise transmise à d'autres mains, aux inains
de l'acheteur.
+\IL':d\.eriaires in\,oquent h tout instant Ic bon sens, on riir pzrniettra
donc, faisant :ippel au bon seiia,il,:dem3n.lcr qiicl est Icgroupe iinancicr.
saiii d esnrit.iiiiiaiir:rit coii\eriti h vn\.cr Ir>i~rixCL. .ui, en défin~~i\,~,
étaitla réprés&tation d'une entrep;isé, pou;coiitinuer àêtreresponsable
avec cette entreprise des retards de paiement que risquaient de causer tels
ou tels obstacles de procédure? C'est alors, certes, que I'on aurait pu
dire,* juste titre, que la clause était discriminatoire et qu'elle avait été
inséréedans le cahier des charges pour faire fuir lesenchérisseurs.
Tant que les obligataires n'auraient pas été payéseffectivement, ils
auraient continué à avoir droit aux intérêtsdes obligations. Ainsi, en
roG? ou au moment où la susoension aurait étélevée,le ~assif obligataire
déBarce~ona Traction aurait augmenté dans une prÔportion ehaor-
dinaire et les sommes verséespar l'adjudicataire n'auraient pas suffi à
désintéressertous les créanciers orivilé~ié- a.. auraient ou sëretourner
contre I'eiitreprije ;icqtiisr p:ir I'sd]u~iis;it.iire fout cel<i,'sniis11;irlercles
Ii~potliéquesqiii gre\,;iiciit Ics bii.1il'l-lhroet qiie Satioii;il 'l'roit aiir;iit
pli faire ex6cuter pour ~;rot<'gerles iiit6rétsdes oblijiataires Firsl .\fort-
finf;.Icsqu:l,- Ctant di: second raiig -- auraient Ct( ICsispar le retard.
Ourco~icilii:rIcsiiitér6ts des ohlig:ct;iircset tic1:;<.;iétCfaillie:#\CCIci
intérEt5<le1':tdjudicatnire.il n'!. ;iv;,ip:,s d';iiitir soliiiioii que ~IÇprenclrc
des disl~ositioriipour qiie le ~>aicnientfi11irniii6diat ct entrainir 3 la fois
1'niiniil:itioclc toutes les g:ir:intiei et I':,rrétde13protluitiuii d'intCréts.
SiIn I'artie :irlverseprCtciidai1quecette solution.qui tçii;<itcoinptc dés
iiitcrCts des crc'nnciers. pnsinit outre ;? I'intGrStde In ioci<;rGf:iillic. il
faudrait reconnaître que ce dernier intérêtétaitexclusivement et unique-
ment celui - contraire à la morale et au droit - qu'avait la société
faillieà ce que ses créanciersne pussent percevoir leur dû. étant donné
que personne n'aurait étédisposé à participer à une vente aux enchéres
opéréedans ces conditions-là.
En approuvant le cahier des charges, le tribunal n'a fait que sanc-
tionner une mesure lein nede sag-sse aui ne coinoortait la violation
11':iuciineloi qiii I':,iir:iir t:spr,.iiénient ~iit~rihiiiii ~IIC R<~US I':I\.oI~s
:ifliiiii>clcpiiIc ..iiiirc-iiii:iiiuirii'!:i[i iil*.loit(iiiritcr<lis<.s[~r~,sC-
ment auxsyndics de déléguerle paienieni à un tiers.
Les règles de procédure qu'invoque la Partie adverse confient aux
syndics, en tant qu'organes de la faillite. certaines fonctions dans le cadre
de la procédure. La prétendue "délégationde fonctions» n'aurait de
sens que si les syndics avaient chargé un tiers de s'acquitter, dans le
cadre de la procédure,des fonctions qui leur étaientpropres. On ne saurait
parler d'une telle délégationquaiid il s'agit d'effectuer un paiement qui
se situe en dehors de la procédurede faillite. Le grief du Gouvernement
belge, comme tous ceux qui en découlent (VIII, p. 381), s'évanouit en
fuméedèsque I'onconsidèrelesfaits.
Mon distingué contradicteur, toutefois, a cru prudent d'ajouter un
rief de plus à ceux qiii avaient étéformulésdans la procédure écrite.
gelon lui, le caliier des charges aurait étéillégal. parce qu'il aurait
entraîné une novation des obligations par changement de débiteur, sans
l'assentiment des créanciers(VIII,p. 382.353)
Ce qui sauteaux yeux tout d'abord, quand on prend connaissance de
cette accusation, c'est que la Partie adverse tombe une fois de plus dans PLAIDOIRIE DE M. CARRERAS 395

une contradiction. De deux choses l'une. Ou bien il y a eu novation des
obligations par changement du débiteur, auquel cas ce dernier a payé des
dettes qui étaient des dettes propres;au bien il y a eu délégationdes
syndics à l'adjudicataire pour que ce dernier payàt les dettesde la masse,
sans êtrelui-méme débiteur. Mais il n'est Das ~o.sibl. de soutenir en
inCmc tciiips qiie I'adjudicntairc &tait de\.eiiu tI<:l)itet:tqtie 1'adjudic:i-
taire p:i!.;iit clci dettcs qiii ii'étaicnt pnj les siciiiies
II se trouve d'ailleurc ou'eii outri, cette acciisation est dér>our\wede
tout fondement. Le régiGeinstaiiré par lecahier des chargeske compor-
tait pas une véritable novation, puisqu'il n'avait pas pour objet de rem-
lacer la Dersonne du débiteur Dar une autre erso o dnsticte ni de
iibr'rïr, I>:f;lc seiil f:iit Jc l'eiig:i~cmcnt pris. le d;.bitc.ur pr,leirois
qii? c'estICI qiiv se pI;i<.elc s:iut ~~~~rill~i:ilx.l'a10~dt: l:i c:l~u3, où
il i.stilirn ilfct qiiy 1:iiil.i5~(IVI:If'il~~lt%r,l llll~,r&cl<?;dcttcs.,11
ii'eît 1x1s<litque 1;tclitrlihc5rationirr:i up<rcc piir le "ul fait Iciidnge-
mriit :issumCpar I'aJludicat;iirc - cr c'est crla qiii niir:iir \,r:ritnhlcinciit
constitué une-novation -, mais il est dit que cette libération s'opérera
(cunefois accomplies parl'adjudicataire les obligations prévuesci-dessus i,
(A.C.M., vol. \'III, p. 371, no 158, doc. 1). C'est-à-dire: 1) une fois le

uaiement effectué!z) une fois le montant dé~osé! ...une fois la -arüntie
Lnncairc. coiijtitii<c.I et -UII~fois q11ilCII i~;~r616s~>i.cifiqii?niïiitcon.
\,eiiii aiiisi ,1\.r.2I'otli~:~t:iire.L:i lil)iratIt\.oit.SC~>iotliiitgrAs<;III
aiem ment ou à ses substituts et. dans un seul cas - celui de la ëarantie
il.iii::,i-,:Inr suit$,<l'iinvSIIOYC~?L/I/OY r:i:~,i~ii:iI~l~
'l'oiitce que1.11';irrie:i,I\.crjc truii\.c :?ol11;Iccl:i. c'vst le f:iit que,
lorsaue se tint en 1,6.,l'assemblée des creaiiciers consacrée à la véiifi-
cation des cri,;inces, un oblig:irnirv bclgc pr63ziit;i léstitres ile sis ohli-
g;itionj et qut: Ics JLitr~i crGaiici<.rj rcfiiiLIr~lit de Iciir récoiiii:iitrr. 1-1
iiii;ilit; di: i:r~~:ti.t.1:tr~iiiii<;ntii:iD:I;l:i iiiuinili..ilriiiiriJi<iu~.
Car ce ne sont pas les cré~iicicrsréunisin assemblée qui, enÉspaine,
décident desdroits des individus ou qualifient les contrats.
Si l'obligataire belge avait attaqué la décision en justice et que les
tribunaux eussent rejetésademande, l'on pourrait certesdire aujourd'hui
quecette clause du cahier descharges comportait véritablement une nova-
tion. Comme il n'en est pas aiiisi, tout ce que l'on peut dire c'est que les
créanciers pensèrent ce qu'ils voulurent mais que leur décision;contre
laqiielle l'intéressén'a pas recouru, ne saurait êtreprise comme base d'une
qualification juridique.
Mon distingué contradicteur a parlé avec une certaine insistance dela
«mésaventure »de cet obligataire (VIII, p. 383) . oyons alors en quoi
coiisista la «mésa\,enture» de hl. Bersez, qui était titulaire de six obli-
gations de Barcelona Traction. Depuis le mois de janvier 1951. M. Ber-
sez aurait pu présenter ses titres à l'encaissement dans n'importe le-
quel des établissements bancaires désignes par Fecsa. Mais, croyant tou-
jours êtrecréancierde Barcelona Traction, il attendit que s'ouvrît en 1963
la quatrième section de la faillite. Tout homme de bon sens ne peut que
troiiver étrangequ'un obligataire,qui pouvait percevoir l'intégralitéde sa
créanceen s'adressant à Fecsa, se soit obstiné à présenter ses titres A une
assemblée de créanciers dont les créancesallaient demeurer insatisfaites,
fautede moyens de paiement. On nesaurait faire reproche aux créanciers
de s'êtreopposés à l'excessive fidélitéque manifestait M. Bersez à son
débiteur.

Qiie fit alorsM. Bersez, obligataire beige? Ilretrouva d'un seul coupson bon sens et s'adressa à Fecsa, à laquelle il demanda leremboursement

de ses obligatioiis. C'est la raisoii polir laquelle il n'attaqua pas en justice
la décision de l'assemblée. Et. Nonsieur le Président, Fecsa, en 1963,
paya à M. Bersez le montant de la créance. Le Gouvernement espagnol a
déposéle procès-verbal de l'assemblée de vérification ainsi que l'état
dressé par les syndics, dans lequel figurent les numéros des titres pré-
sentés par hl. Bersez (nouv. doc.. II, 6, p. 214 et 223). Avec ces docu-
ments, il a également déposé lessix titres d'obligations qui ont été
payées par Fecsa (nouv. doc., 11, 6, 11.227 et suiv.).
Quelle mésaventure, Xlessieurs! Un obligataire belge a étépayé inté-

gralement par la société adjudicataire espagnole.
La Partie adverse perd son temps à échafauder des hypothèses de
faillite ou d'insolvabilité de 17ecsaoui. comme elle le reconnait elle-même,
IICSC ;oiit 11.1,pro(1111tt:~Soi1 >~III~IIIT. lc,cn111rrdi.; CII.XI~ cConiport II~
<IciiIirsIlr<iproprv; :IgSir.intir~LIC tous IL<u ,l)ligar:iire> pu;;c,iit 1)~rcevoir
leur clii cl:insiiiirl;l;ii r:~l~iiii~l~lf,in:iii i:iicorc, IIIi1111>les gârnntie;
aicnt z.lisl):irtIr5uhliç.ir;iirïs qui ~i\,:iii.t;irJL dur.1111dr; :iiinCe; ct dci
nnnCcs i ~)r;,sentcrIriirJ titres ;i I'ciic.ii~s~:iiieiitoiit (16 intr:~râlciii~i~t
payés. -

La dernière accusation dont le cahier des cliarges Fait l'objet, en ce qui
concerne le second des deux groupes de probléines dont je parlais en
commençant, est celle qui taxe d'illégalela clause qui excluait du paie-
ment, de la garantie ou du dépôt les obligations et coupons dont les
détenteurs en seraient ainsi convenus avec I'adjudicataire dans les
ouatre-vinet-dix iours.

inent arbitraires. Le contre-mémoiFe (IV, p. 420) a exposéAquesi cette

clause n'avait pas existé,nul n'aurait pu interdire à l'adjudicataire de se
mettre d'accord avec des obligataires consentaiits. Si je dois payer une
somme à un créancieret que ce dernier convieniie avec moi librement d'un
autre mode d'extinction de l'obligation, par voie de compeiisation, de
confusion, de dation en paiement, de renonciation, etc., et qu'il me
remette le titre de sa créance, je puis fairela preuve que l'obligation est
éteintesans que iiul. pas plus les autres créanciers que la sociétéfaillie,
sansque nul, dis-je, puisse prétendre qu'il ait subi un préjudice. Sou:enir
le contraire aboutirait à cette absurdité que,.si I'adjudicataire était un
obligataire, il aurait dit se payer lui-mêmepour donner effet aux clauses

du cahier des charges.
La répliqiiea cherchéà trouver par tous les moyens une règledont elle
pouvait préteiidre qu'elle était etifreinte, et elle a cru la trouver à l'ar-
ticle8q.. du code de commerce aui interdit oiie le failli et ses créanciers
p~iis,crit ~~ori~lur e S CIIIL'~ICSC;I <Irlwr; (1,:in (tro~c:<liirti.rcc p:ar la loi
pour ILS <oniorrl:iti 1. IIIIII: \II i &jS) :<f;iir çoin~irïiidr~ ;iIn
I'artit- ;~d\.ersc<111cctcr ~i~t~rdictioi~\.ii<-IC~;LII <It IPian~tioiiiie ;III CRS
où il cherche à i\rantager ceux qui se mettent d'accord avec lui au pré-
judice des autres créanciers.

Est-il vraimeiit nécessairede rénéterou'eiitre le cas du débiteur failli,
LIIII;'ci~tt.nd;I~FC cirt<~iiis(IL'SC; cr;aA;iLri il11 ~irC]ti~lii~d:e tuii; 1c.a
nlltrc; ~r&;iii~i,:rs,t 1,:cas (le 1'a~l~~i~l1iac.11 ttl~(,lut!l'cil\ is:,ge le <nl~irr
cl<!;c:li:irgc~IIn'esi;te 1x1s l:tnioin~lrvr~~jcitiIil;t~icck:Iil)ieii,iitori~onrr.~-
cli.:teui. :iv<.i:uii nl>lomt>i~iiisiiiciti: vr;LiriiciitI'cnvii., :i,utient cI;irl:-
plirluc .iiir:,it <IL:monrr<:(ticIn cl.,,ii< <.(iiiif>orrairuiic iiilrnccion ni] (Iroic PLAIDOIRIE DE M. CARRERAS 397
ct.p:lgiio(VI11, 1139;). cn ic g.irdant bisii dc prLcisçr cluc.lltpoiirr:xient
bieii GtrcIcsrcglciîdi: droit clii;iiiraiciit Gr::sinsit~nfreiiit,:~.
\l:iiiln'est ~oinr I>ejoinde rcr)rcndre icil':ina1\.se:Iln~iiicllea ~rocccl;,
le ~ouvernemint espagnol dan; les écritures. Nous nobs bornérons à
formuler une réflexionde bon sens. L'égalitéde traitement à laquelle ont
droit les créanciersse trouve violée. lorsque ceux d'entre eux aui n'ûdliè-
rcnt pnï :iIn<:uii\.cntiuiisiibi>-ciiiii:~iii~~niii~cme(nItr Iciiri droits ou se
troii\.ent Ir's?<d'unr façon quelconque. .\lais Ir.c;iliiçr ,les iliar~ci ii'ot~li-
rrcnit auciin ol>lia:itaire iSC mettre d'accord avec I';idiiidir:it;iir; celui
qui ne voulait pas se mettre d'accord avec l'adjudicaiaire percevait sa
créance au comptant, en espèces, dans la monnaie convenue, pour le
montant intégral del'obligation au titre du principal et des intérêts.
Etait-ce lii imposer ailx obligataires un traitement inégalet discrimi-
natoire?
Alevoici parvenu au terme de mo? intervention. J'ai dit, lorsque j'ai
commencé, que j'avais l'espoir de dissiper l'image déforméeque mon
honorable contradicteur avait donnéede la vente des biens de Barcelona
Traction.
J'esphre avoir prouvé.Monsieur le Président, Messieursles juges. qu'en
réalitéla monumentale hérésiejuridique dont llleGrégoire nousa parlé
n'a jamais existé. Les tribunaux espagnols ont agi dans le cadre d:une
orthodoxie procéduraleet juridique la plus pure et ont observéune ligne
d'équitéet de bon sens.
En guise de conclusion, 'etiens, Monsieurle Président, iivous exprimer
ma gratitude envers la A our pour la patience avec laquelle elle m'a
écouté,surtout dans un domaine aussi aride. PLAIDOIRIEDE M.CASTRO-RIAL

AGENT DU GOUVERNEMENT ESPAGXOL

1 C.ASIl0-1 :Il IIII.II~ le I'r.Int, I~er le II Cor, 1 Ii;
jiigeir (;crald I~itzmaiiricc;~dc.iii;iii~le,jjuiii (srrpr~i.1).319). dcs;ilair-
ci.cseiiieriisiir rrrt;iiiis r>i,iiit1:ii>rosC(liirt(1%f::iillitcAe"oaciiolr. En
accord avec mes conseils'i'ail'honneii;d'apporter les précisionssuivantes:

A) IJn droit espagnol,comme dans d'aiitres ordres juridiques, il existe
deux procédures d'exécution universelle:
I. La déconfitureoii faillite civil(concursode acreedores) quis'applique
exclusivement aiix débiteurs civils, c'est-à-dire aux personnes qui ne
sont pas des commerçants; la condition première en est l'insolvabilité ou

l'insuffisance patriinoiiiale du débiteur.
2. La faillite (quiebra) applicable aux seuls débiteurs commerçants,
c'est-à-dire aux personnes qui exercent une activité commerciale ou iri-
dustrielle à titre professionnel. La con<lition première de cette procédure
-comme l'a rappelé le professeiir Uria (szrpra,p. 254 et suiv.) -est la
cessationgénéraledespaiements (sobreseiiiiientou cesacibngeneralenlos
pagos), et non pas l'insolvabilité du débiteur; c'est également le critère
en vigiieur dans les systèmes belge et français, où on peut déclarer enfail-
lite le débiteur qui est en cessation de paiements, mEme si son actif est
supérieiir au assif (Ri ert Koblot, Trailéélémenfairdeedroit commercial,
II, Paris,198 4,no 275 R, p.305. Van Ryn, Principes de droit cominercial,
IV, liruxelles, 1965, p. 211).

Cette dualité de procédures d'exécution universelle existe dans plu-
sieurs pays. Dans ces pays, la rigiieur de la discipline dela faillite vis-à-vis
dii débiteur s'est vue justifiée par la signification toute particulière qu'a
le crédit dans la vie commerciale et où le fait du paiement est aussi im-
>ortarlt a.e lefait d'étreo1 ,en tem»s votilu et où le défautde ~aieineiit
d'un débiteur peut engendrer une ré;ictioiien chaine de manquements et
des troubles dans le cours normal du trafic cominercial [C.M.,IV, . --.
et 340).

13) Dans le cas exposé par sir Gerald Fitzmaurice - c'est-à-dire le cas
d'une personne qui, résidant à Aladrid, se rendrait en Amérique poiir y
donner une sériede conférenceset négligerait de payer une facture quel-
conque au cours de son absence - il coii\.iendrait de considérer séparé-
ment le cas où cette personne est un commerçant et celui où elle n'est pas
lin conimerçant.
1. Si cette personne n'est pas un commerçant, s'ils'agit par exemple,
d'un professeur d'enseignement, elle ne pourrait eii aucun cas êtredé-
claréeen déconfiture Dour la seule raison qu'en son absence telle ou telle
facture serait demeuréeimpayée. En effet.in droit espagnol, pour qu'iiiie
personne soit déclaréeen déconfitiire, il est nécessaire que soient réuiiies
deris conditions. B savoir: al aile le titre de crtance ait force exéciitoire
(art.i I~C,dii iodr <Ir~>rc~i.;diii\.il<;)cr1, qiic le crcniicicr rjiiIi.j~r2an-
ciers fajs<,iitI:Iprctive q111:~ICIIX 011 plii~iei~rsprocétl~r~s t1'cx;~iition
sont en cours coiitre le débiteur et qu'ail cours de ces procédures d'exé- PLAIDOIRIE DE M. CASTRO-RIAL 399

cution il n'a pas ététrouvé desbiens suffisants pour acquitter le montant
de la somme réclamée(art. 1158du mêmecode). Par Conséquent,dans le
cas que nous envisageons, il n'y aurait pas lieu de déclarer la di.confiture,
non seulement parce que le titre ne serait pas suffisant (une facture, par
elle-même,n'a pas force exécutoire), mais encore parce que la preuve de
l'insuffisance uatrimoniale du débiteur n'aurait Das été faite.dans les
conditions viskes audit article 1158.
2. Si. au contraire, la personne en question possédait, aux yeusde la
loi, la qualité de commerçant, le régimequi luiserait applicable serait
celui de la faillite, plus rigoureux pour le débiteur, et les conséquences
pourraient êtredifférentes.En effet, pour que la faillite soit déclarée,il
;'est Dasnécessaireaue lecréancierutésentiun titre cxécutoire(art. 676.
par. ;. dii code dc cohinierce. ct i\.C.lI . vol. \'Il. n-31, p. 170et suis.).
pis pluj t~ti'ii'est ni:ces:iiri. qu'h~ir liiPIL.II\Y<Ic I'insol\~~b~Iit~,IIde
I'iiiiuttisaiice vatrimoiiiiile du dcl>itciir. uiiir-ciu'ilsu<iii'tlCmontrr. I:I
légitimitéde Sa créanceet qu'il prouve $e le hébiteura cesséd'assurer le
paiement courant de sesengagements (art. 874 et 876, par. 2, du code de
commerce, art. 1325 du code de procPdure civile et A.D.. vol. II, no65,
p. 522et suiv.). Rien entendu, la faillitepourrait aussi rtre déclaréesur !a
demande du créancier, à condition qu'une exécution individuelle n'ait
'as- Loduit. .ar saisie. suffisamment de biens libres oour couvrir la
crkance (art. 876, par. I',du code de commerce).
Comme nombre d'autres systèmes iuridiques, le droit espa~nol n'exige
pas que le débiteur ait étéau préalable m.isen demeure depayer poÜr
pouvoir êtredéclaréen faillite. Il est certes possible - comme il a été
dit - de demandersans plus la déclaration de faillite aprèsqu'une action
exCcuioirc ;ic'i~,:>icrsc~:ali-;qii'ié~ir<:juitciiiïfi.;in\iiii.rit de biciii psur
pa)?r (art. Sj6, par. r i \las, (<Ilninotrc i\'sc>me.ionlrilc (1311 s~~~111
(l';itirrcs r>:~ilest Iial~itii~l~.tnurriial de d~iii:iiidIcid;~cliir;itiuiido la
faillite, Sacs mise en demeure préalable de payer. en faisant la preuve
de l'existence de la créance et de la cessation générale des paiements
(art. 876, par. 2,cite). La cessation des paiements permet d'omettre la
mise en demeure préalable de paiement.
A propos du nombre et du volume des dettes impayéesqui seraient
nécessairespour qu'il soit permis d'estimer qu'il a cessation générale
des paiements, la doctrine et la jurisprudence a 2 rment que le plus ou
moins grand nombre de manquements n'est pas à lui seul décisifet que,
selon les circonstances propres au cas d'espèce, le non-paiement d'une
seule dette peut suffire à faire déclarer la faillite (Van Ryn, op. cil.,

kenault;quiRipert-Roblot, op. cit., p. 307; Garrigues, Curson-Caen de Derçcho

Mercanlil, II, Madrid. 1940, p. 458).
Cette doctrine montre que l'on ne doit pas nécessairement estimer la
<généralité ade la cessation des paiements.envertu seulement du nombre
des manquements, mais en tenant compte de leur importance, de leur
caractère et de leur portée. Comme l'a dit l'un de nos auteurs, les plus
autorisés,de droit sur la faillite «la généralité provientici de la somme,
quifait que lenon-paiernent soit important, et non pasdu nombre d'actes,
qui ne l'est pasa (Gonzales Huebra, Tralado de qictebras,hfadrid, 185G.
p. 19); cette idéeest reprise par Garrigues lorsqu'il dit que, pour juger
de la généralité, plusque les-compter, il faut peser les manquements
(op. cil., p. 458).
Cela, toutefois, ne signifie pas qu* le non-paiement d'une dette, ou BARCELOSA TRACTIOS
400
d'une seule dette, eiitraine iiiéluctableineiit le commeryaiià uiie situatioii
de faillite. Cela dépend de I'importaiice de la dette ou des dettcs et des
circonstances propres du cas d'espèce. Dans celui qui nous occupe, la
circonstance qu'une créaiice soit demeurée impayée en I'abseiice du
commerçant n'implique pas que le juge soit absolument coiitraint de
déclarer la faillite, à la demande d'un créancier légitime.En efiet, comme
l'a indiqué le professeur Uria (srtpra,p. 25S), la cessation despaiements
est toujours une question de fait qui, aussi bien dans le système espagriol
que daiis les réginiesbelge et français, est laisséeà l'appréciation du juge.
C'est ce que reconnaissent très généralementla doctrine et la jurispru-
dence des pays dont le système juridique est analogue à l'ordre juridique
espagnol (Gonzales Huebra, op. cil.etlac.cil.Langle, DerechoMercaittil,

Madrid, 1941, p. 373; Garrigues, op. cil., p. 458; Percerou, Les faillites,
batigrrerorttest liquidatio?~~judiciaires.1, Paris, 1935. p. 271 et suiv.;
Ripert-Roblot. op. cif.no,2763, p. 309; Van Ryn, op. cit.,p. 212; et la
jurisprudence citee par cesauteiirs)
Aiiisi doiic, daiis le cas précisde la question posée,le juge déciderait
s'il y a lieu ou iioii de déclarer la faillite, eu ég:irà l'importance, au
caractère et à la portéede l'engagement ou des engagements iion honorés.
C) A propos de l'absence du débiteur considérédans l'hypothèse
envisagée, on doit également signaler qu'en cas de déclaration de décon-
fiture cette déclaration doit inimédiateinent être notifiée au débiteur

Ainsi donc',dans le cas énvisagé,si la personne eii question était uii
débiteur civil pur, il faudrait lui notifier le jugeineiit de déclaration de
déconfiture
D'autre part, quand bien inêmele débiteur serait iircomnierçant, il ne
serait pas à prévoirque le juge, faisant usage de sa discrétion,déclarât la
faillite pour le non- aiement de quelques ou d'une seule facture. sans
relever l'existence Be la cessation des paiements. Toutefois, si, néan-
moiris, il estimait opportiiii de la déclarcr et que la personne failliene lit

aucun recours contre le jugeineiit dans le délaide huit jours à partir de la
publication du jugement, il serait indiscutable, selon notre droit, que
cette déclaration de faillite deviendrait ferme et qu'en conséquence
seraient maintenus le dessaisissemerit ope legisdu failli et la déchéance
qui interdit au failli d'administrer ses biens (art. 878 du code de com-
merce).
Cependant, mêmedans ces conditions-là, il n'y aurait pas situation
irréversible, puisque, an cas où le failli aurait étéempêchéde former
recoiirs contre le jugement parce qu'il n'aurait pas étéinformé de la
déclaration de faillite. du fait d'intriguesou d'areutiesrockd dura les e ses
créanciers, il poilrrait'interjeter recoürsen revisiOnet obtenir, ie moment
venii, la nullitédu lugement; il pourrait inêrne,avaiitqu'il soit statué sur
ce recours. demaiide;oue soit susoendue l'exécutionde la déclaration de
faillite, en'versant un Cautioiinement. Et s'il n'y avait pas eu d'intrigue
dirigbe contre lui, mais que, pour quelque autre raison, le iailli n'ait pas
eu coiinaissauce da jugement déclaratif, il pourrait toujours faire usage
du recours en audience accordéeau défaillant, ainsi que l'a déjhindiqué
le Goiivernement espagnol lors des esceptions préliminaires de 1963 (II,

P. J,espère que la présente réponse à la question poséepar M. le juge PLAIDOIRIE DE M. CASTRO-RIAL 401

sir Gerald Fitzmaurice, pourra êtresuffisante. Bien entendu, si elle ne
l'était pas, je demeure tou'ours à l'entière disposition de la Cour.
Je reviens maintenant, alonsieur le Président, à l'autre qiiestion posée
par M. le juge sir Gerald Fitzmaurice, l'aiidience du 27 mai (supra,

p. 116).
Je demande respectueusement l'indulgence de la Cour pour les imper-
fections dema lecture en langue anglaise.
In the absence of Sir Humphrey \\'aldock who expresses his regret that
he is detained in Geneva by his duties as rapporteur to the I.L.C., 1 have
to read myself the reply that has been drafted to the ueîtion asked by
Sir Gcrald Fitzmaurice in tlic course of tlic hearing oq'z; hlay (sidpvn.
11.I 16).This rcply siipplemciits theinterim e~planation~previoiislyrnade
by Sir Humphrey \Valdock in thecourseof the heariiig on 26 May (SZI~Y~,
p. 146). and lias been prepared in consultatioii with esperts from the

hlinistry of Finance of my delegation. 1would also mention that \ve have
considered it to be appropriate to reply to these questions at this point
in the proceediiigs as we consider tliat our reply is particularly relevaiit to
the arguments that are about to be presented to the Court by Professor
Sureda.
For practical reasons we propose to reply to Sir Gerald Fitzmaurice's
questions in a slightly diiferent order from that in which the)- were
asked, but which 1trust will deal with them fully.
Firstly: how did the creation of Internatioiial Utilities Iielp Barcelona

Traction to evade the provisions of the Royal Decree of 14 June 1921,
relatine"to-~oncessions?
Secondly: why \vas it advaiitageous for Ebro to transfer its profits to
Barcelona Traction bv wav of interest on bonds and debts rather than
by paying dividends on itsushares?
So far as the first point is coricerned, the creation of tlie International
Utilities companv was never directlv related to the fact that Barcelona

not relate to the concessions that had been acquired prior to thit date
whethcr by Ebro itself or aiiy otlier foreign company. Therelore, so kir
as tliese concessions were concerned the question did not arise of having
to conceal the presence of foreign interests. In any event, the presence of
foreign interests in the Ebro company was ivcll known in Spain. It is for
this reason that the presence of &Ir.La\ston and 3lr. Hubbard \vas re-
earcled as rntirelv normal bv the authorities there.
,7
l'liu. ~,t~--il,lc:iili..ini:~gdi:irijiiig froiii ilic iii&iiri c\o:ioti. ,liO
iiui III:X~V~I:,~Iiiniil tltv ~~iir~li~~,sfii<:u ~~OII~~~:S~IO~va: I?LII-;IIC"~.
tiated.
Sir Hurnphrey \\'aldock h;id occasion to speak in the course of his
pleading of certain of the most striking esamples of these evasionsivhich
have shown the ertent to \vIiich the directors of the undertaking were
afroid that the Spanish authorities would discover the truc relatiorisliip
tlint existed hctween Barceloiin Tractioii, Ebro and tlie other Spanish
subsidiaries actiially acquiring the new concessions. One of the metliods

used to conceal the presence of foreign interest was the Ariius-Gari Bank.
At a later date Barcelona Traction created a ne\%.compaiiy "Saltos de
Cataluna" (Rej., VI, p. 46). in order to avoid the autliorities discoveriiig
tliat it was effectivcly acquiriiig these concessioris for its olvriaccount.402 BARCELONA TRACTION
Therefore, the creation of International Utilities did not play a direct

role in implementing the transactions that were aimed towards concealin
the presence of foreign interests in new concessions acquired on behalf O7
Barcelona Traction.
It is now appropriate to consider the second point relating to the
transfer of profits of Ebro in the form of interest paid to its creditors
rather than dividends paid on its share capital. This question has been
considered in the reports of the experts of the Spanish Ministry of Fi-
nance which have been attached to the Rejoinder as Aniiex No. I.
As Sir Humphrey \$'aldock has already pointed out, the creation of
International Utilities \vas pnmarily motirated by the desire of the
directors to evade tax on company profits assessed under the third
schedule. This tax was the most significant tax to which the compnnies
operating in Spain were liable at that time.
Amounts paid by way of dividends to shareholders were never an
allowable deduction in amving nt the profits assessable to this tax. In
contrast, in the period before the new tax legislation enacted in 1920

came into force (Act 29 Apnl 1920) the interest that n company paid to
its bondholders or to other creditors was an allowable deduction in
arriving at the taxable profits for the purpose of this schedule. However,
the Act of 1920 introduced a new and important rule. This was that
interest effectively payable to a foreign parent company, or any other
comparable device that would have enabled the profits taxed in Spain
to be reduced \vas, for tax purposes, treated as if it were a dividend, tliat
is to say that it was not an alloivable deduction in arnving at the profits
iipon which company tax \vas assessed.
In accordance with the provisions of the second schedule and. as
appreciated by Judge SirGerald Eitzmaurice, tas \vas also due in respect
of interest payable (whetherdeducted from it or not) although for Ehro
in 1922 at a lower rate than in respect of dividends. and this tas was
eventually paid hy Ebro. It must be emphasized that the taxation payable
in respect of either dividends or interest under the second schedule
(remuneration of capital) \vas independent from that payable on the

underlv2ne"'rofits under the third schedule.
It is now relevant to discuss the application of these rules to the case of
Ebro, Barcelona Traction and International Utilities.
Firstly, in order to remove any possible misunderstanding it shoiild be
made clear that Ebro-Barcelona.ne\.er. in fact, transferred profits to
Ebro-Toronto; no consideration, therefore, requires to be given to tliis
possibility.
In practice, the two principal methods by which profits were normally
estracted by Barcelona Traction from Ebro were via the Ebro General
Mortgage bonds entirely owiied beiieficially by Barccloria 'ïractio!~, aiid
the International Utilities current account.
The status that Barcelona Traction had as the foreign parent company
of Ebro would therefore have reauired Ebro. once the Act of 1020 l~ad
come into force, to include in ijs computation of taxable the
amounts that were efiectively payahle to Barcelona Traction b?. way of
interest. --. . ~
It was the desire to avoid thistaxation liability that Icd to the cre t'n

of International Utilities (IV, C.M., p.75 and A.C.M.. Chap. 1, Ann. 93).
This company played an important role in concenling the preselice or
participation of Barcelona Tractioii in Spain and thus avoiding the difi- PL.4lDOIRIE DE M. CASTRO-RIAI.
403
culties that would have resulted from the application of the new fi'ical
legislation in Spain relating to compnny profits.
International Utilities !vas constituted with an aiithorized capital of
$roo,ooo which wasonly actually issued to the estent of Sro,ooo. Never-
theless, Ebro's liabilities owing to Rarcelona Traction on ciirrent accouiit
were transferred hy Barçelonri Traction to International Utilities to the
extent of some l7 million, nearly $35 niillion.
As al1the sharecapital and bondcd debt of Ebro, as well asthe coiitrol
ofInternational Utilities, was in the hands of Barcelona Traction, Inter-
national Utilities was nothing but an accounting technique ta m:ike it
seem that amounts originally and effectively owed ta Rarcelona Traction
by its principal subsidiary in Spain appeared, su far as the books in Spriin
were concerned, to be owed on current account tu an independent financc .
rnmnanv
'~ ,~
In addition, the creation of International Utilities had the importaiit
result of rem ovin^ the iiame of Liarcelona Traction from the brilarice-
sheets and from the account books of Ebro in Spairi as Ebro's debts
subsequcntly appeared tu bepayable not to Barcelona'rraction but r;ithcr
to International Utilities.
The bonds of Ebro a<:re denominated as to principal and interest in
. pounds sterling; they were thus shown as liabilities in the accoiiiit.; of
Ebro in Spain in sterling and interest was payable in sterling at the officrs
of Ebro in Barcelona. The directors of the undertaking always informcd
the Spanish authorities that they did not know the identity of the hol<lcri.
of the bonds of Ebro: on a number of occasions after 1071 thev eveii weiit
;O far as to present the coupons for encasliment in ~a&lona ;n the iiariie
of compaiiics other thaii liarcelona Tractioii. These com~aiiies tlieii cven
registered a protest heforc a notary as a result of the default in paynierit
in pounds sterling (A.C.X.. Chap. 1.Anii. 762).
In addition, they had recourse to extremely complev maneuvres to
ensure that the Spanish authorities coiild not prove t1i;it the profits made
by the undertaking in Spain were in reality transferrerl to Rarcelona
Traction. Had the authorities bcen able to prove this, Iieavy adrlitionril
taxation would have beeii payable.
Furthemore. before International Utilities was lormed, Ebro con-
cealed itscharacter as a siibsidiary of Barcelona Traction lrom the Spanisli
authorities. In this coiinectiori. it held out th9t Xational Trust \vas the

holder of the majority of its shares and as a result of this untrue state-
ment the company continued after rgzo to deduct from the profits tliat
itdeclarecl for the piirposcs of corpor:itt: tas the interest effectively p:iirl
to Barcelona Traction iii respect of the debts due on current accoiint.
The risk inlierent in this procedure a:is one of the principal reasons tliat
motivated the creation of International Ijtilities. \Vlieii Ebro's debts
were transferred from I3nrcelona Traction to Iiiternntional Utilities. the
interest thcreon appcare<l to be paid to ;in indeperitlent company wliosc
links with Barcelona Trriction werc iiot disclosed. Tlius, evcn if the fiscal
authorities had succeedeil in proving that Ebro was legally a subsiiliary
of Rarcelona Traction, Ebro could nevertheless have coiitinued to dedtict
from the profits that irrere assessed to corporate taxation, the iiitcrest
transferred to Rarcelona Tractioii via Iiitcrnational Utilities.
In this way Ebro siiccee<ledin almost completely evading tasatioii iii
Spain on the profits tliat. it obtainccl in Spaiiish territory. So far as ,il]-
terest on honds w;is concerned, the incchnnism consistcd of conce;ilin(:404 BARCELONA TRACTION
tlie fact tliat tliesc horicls\rereiiircality, o\vneclbv 13arcclonaTractioii.
\\'ilIr i..fi.,i(iiii.i~;iuii rl~~<iiiii:ii:..:i:iiiitli*iii~cli:iiii~ci>ii.i,~~~l
of co~ic~alrnpthe facr that Iriternational Utilities \vas notliing more than
a scrcen interpojrd bei\veçri Barcclona Traction and Ebro in Spain.
111ordcr to apprçciatz the over-al1 zFlectof ttiesz <lisiimulationj. itis
;ils0 iiccrîi.îr\. to litive rccîr<l to tlie ta\: dconitth<:distril~iition of in-
conie. tliat is: reniuneratibn of callital under tlie second schediil-~~Under ~
the régulations relating ta tl~istas, the rate of tas applicable in 1922
\vas higher in tlie case of dividends than it was in the case of interest.
Thus. to recapitulate-if Ebro had transferred profits to Barcelona
Traction in the form of dividends, the former would have had to pay
corporate tax on the underlying profits (third schedule), in addition to
taxes on remuneration of ca~ital (second schedulel. I3v effectivelv trans-
ferring profits in the form ofinterèst. by means of'the'devices referred ta
above, Ebro paid onlv taxes on the remuneration of capital and evaded
the payrnent bf taxeson profits.
In order that the Court may fully appreciate the quantitative signi-
ficance of the taxation frauds in\rolved, we have drawn up a simple
example based on the structure of Ebro which relates to thetax rates in
force during 1922,that is ta say the year when International Utilities was
created.
We have considered three possible situations. as follows:
(a) If Ebro had earned a profit of 100 which \vas available lor distri-
bution to Barcelona Traction and if this had been done in the [orm of
dividends, the company would have had to pay the following taxes:
First, tax on profits'at a rate of
approximately 14.75 per cent., i.e. ........... 14.75
Second, tax on dividends at a rate of
17.25 per cent. of 85.25 (roo - 14.75).i.e. ........ 14.70
Total .. zg,4j
-
Of course this situation never actually arose.
(b) If Ebro had available for traiisler to Barcelona Traction the same
profit and declared tothe authorities thatit was a profit flowingby way of
interest from a subsidiary company ta a foreign parent company, the
taxes payable would have been as follows:
by way of tax on profits, at a rate of
approximately 14.75 per cent., i.e. ............ 14.75
by \vay of tas on interest, at a rate
of5.7jpercent.,i.e. ................. 5.75
Total ... 20.50
-
This situation did not, in fact, ever occur.
(c) Finally, if Ebro had obtained tlie same profit of 100, ivliicli it
transferred to Barcelona Traction as interest, but concealed the fact that
Ebro \vas both the debtor and the subsidiary of Barcelona Traction, tax
would only have been lcvied as follows:
by way of tax on profits ............... O
by way of tas oii interest at the
rate of 5.75 per cent., i.e. ............... 5.75
Total ... - 5.75
- PLAIDOIRIE DE M. CASTRO-RIAL 405
This is, of course. the situation that actuallv arose in practice.
It is aiso important to mention that the amount of'tax involved in
respect of corporate profits increased substantially bet~qzz and
1947 as a result of the rate at which tax was payable increasiig from
approximately 14.7 per cent. in1922to 32 per cent. i1947 and the
report submitted by the experts of the Spanish Ministry of Finance
(A.Rej., No.IA, table 28) shows that largely as a result of the fraiids
discussed above, national taxes evaded by Ebro increased from nearly
2 million pesetas 1922 to orerzzmillion pesetas i1947.
In conclusion, 1 would mention that the experts of my delegation are
always at the disposal of the Court for any further clarification that the
Court might requir1.would also like to thank Sir Geralù Fitzmaurice for
açking a question that ha1,hope. clarified an important and comples
issue.

TheCourtadjourned/rom4.35 p.m. tu4.55p.m. PLAIDOIRIEDE M.SUREDA1

CONSEIL DU GOUVERNEMENT ESPAGNOL

M. SUl<EI)A: hlonsieur le Président. Messieurs les juges, la matière
que j'ai I'honiieur d'exposer à la Cour porte sur la situation économique

et financière de l'entreprise de Barcelona Traction en Espagiie ail 12 fé-
vrier 1948 et au momeiit de la vente aux eiichères publiques qui eut lieu
le 4 janvier rgjz à un prix réelminimum de I IIO ooo ooo de pesetas.
La thèse que les conseils du Gouvernement belge ont avancéeàmaintes
reprises, par écrit et oralement, devant la Cour,est qu'au début de 1948
laI3arcelonaTraction étaitiien pleine prospérité >e,t qu'il s'agissaiid'une
entreurise saine. solvable. tout à fait viable et rentable II1VIII. o. 110).
~otir nos adversaires. cette thèse repose sur l'aiialyse ditailiééde cétte
situation financière. à laquelle les experts consultés Dar le Gouvernement
belge ont procédérécemment (VIII, p. 110).
Lesconclusions, que le Gouvernement belge prétend tirer de ce tableau

d'une prospéritéqui n'existait pas, vont dans trois directions: première-
ment, la faillite de 13arceloiiaTraction aurait éténon seulement illégale,
mais artificielle, en raison de la solvabilité intrinsèque de l'entreprise.
Deuxièniement. le ~rix réelminimum de I IIO ooo ooo de nesetas fut un
prix cil oii scandalc:iis. Et, troi;i;iiieniciiIc ~>!i]iidisecni.'s~aiix nction-
rinira:~dc I3îrzcloii;i 'frnctioii pni .<uitc<13 dcclnrntioii <Icfnillirc ciait
<IcSS.6iiiillioiisdc dollars. cliiffr~IIIrcpr6wii~t;iit In ixtrt~c<lela vnlcur
<leI'ciitrïl~riir en K~pngne nii12 Ici rier 194s. revenaiir au c3piinl-nctions
11 I G 'l'ri111 dr'~liiciionf:iiti: (Ics sli:ir~ci ou ddtte<lit1rire-
vaieiit l'affaire. - . -
Le contre-mémoire du Gouvernement cspagnol avait, en son temps,
formulé l'objection que l'image de l'entreprise financièrement saine,

présentée par la requéte et le mémoireavec un<:certaine insouciance en
ce qui concerne les nioyens de preuve. était tot&lemeiit invraisemblable,
compte tenu de l'histoire financière de I'eiitreprise de 1911 à 1948.
11 est trois faits iiidiscutables, Monsieur le Président. Alessieurs les
juges, qui frappent immédiatement quiconque se penche sur les docu-
ments qui relatent cette histoire.
Le premier coiicerne la série deréorganisations ou iarrangements 11sur
lesqiiels oii a insisté au début de la prtseiitation de l'affaire par le Gou-
vernement espagnol, les 20 et zr mai (si~pra,p. 13-14 et 32-35). Celles-
ci visaient d'une ilart le cauital-ohlieations de Barcelona Traction
et. d'autre part. le capital-actiÔns initial et se chiffraient. rien qu'en pertes

de capital. sans tenir compte des intérêts, à 4 millions de livres sterling
pour ies seuls obligataires (A.D., vol. 1,noz, p. 374 et suiv.).
L'étude des pratiques fiiiancières qui furent mises en elivre lors de la
fondatiori de Barcelona Traction a révélé que les difficultés. auxquelles
s'était heurtée l'entreprise tout au long de sa vie, avaient pour origine
l'utilisation de méthodes semblables à celles étudiéesen détail par la
United States Federal l'rade Commission dans les aniiées trente (D..
VI, nos24-26, p. 34-37).

' I'laidoirie prononcCe en langue espagnole (voir ci-desp. 19) Y1.AIDOIRIE DE M. SUREDA 407

Cette constitution viciéede l'entreprise eut pour conséquenceles deux
tristes réalitésque la Cour connaît b.ien. La p'emière e~t'~ueBarcelona
Traction a étéconstituéeavec un capital-actions de 25millions de dollars.
consistant en concessions et pr.iet. sans a..ort d'argent.,ladeuxième est
,lt~':icours ,!CS~-iii(lprcm12rcj :iiiiiLcs~I':ictivit<,:,Iurs que l,.; :iciivii?j
iiiilustri~llci :iv.iicii11rii1tt:uiiiiiit:ncC,I(.irc+;loii:i'l'i:.-<\.Ni ;isiii-
muléune lourde, une knorme dette de 10,5 millions de livres environ,
dont une part substantielle avait abouti, par divers chemins, entre les
mains des promoteurs eux-mêmes.Aussi peut-on dire et répéterque
Barcelona Traction était née enétat de faillite latente.
Pour passer outre à cette réalité,quis'impose par la force indiscutable
des faits, le Gouvernement belgesuit une voie aiséepour lui bien qu'ineffi-
cace; il rejette puremeiit et simplement ces faits comme apparfeiiaiit à
une ~préhistoiren antérieure à la fondation de Sidro; oii il consiilére
comme établique les effets de la faillitelatente, pour ainsi dire congéni-
tale, avaient disparu au 12 février1948 (VIII,p. II et 12, III et 463).
11 est toutefois notoire qu'en dépit de nombreuses réorganisations
financières et de la perte de capital subie par les obligataires, Rarcelona
Traction trairiait toujours une dette équivalant, en principal et en intérêts
arriérés.à environ 6 300 ooo livres sterling, sans compter une dette en
pcsetas de quelque 88 millions au total, en date du II février1948,c'est-
à-dire à la veille de la faillite. Il est également vrai que cette dette en
livres sterling et une partie de la dette en pesetas pendante en 1948 pro-
venaient des obligations créés enlivres sterling en 1911ainsi qu'en 1924,
c'est-à-dire après la création de Sidro. Cela revient à dire que les faits
.préhistoriques i>produisaient leurs effetsà l'époque contemporaine de la
faillite et aue leur trace n'avait Dasdis~aru.
,ILnc cr;>i.ji:i.:iioii plus qiI'uiipiiissc stiier (l:insIn prchistoire le fait
quc les demaiiclaiir> 3 I:If:iillirc :i\.;iicnt (lunlilc pour Inrleni:iiiclcrcii tant
aue dCtenteur> i cc inorii~~iit-l(I'iinccrt;iin nuiiibre ti'ollifi.iiinns cr;Cr.s
1911 et qu'ils avaient achetées à une personne qui étzt obligataire
pratiquement depuis la fondation de la société.
J'en viens maintenant aux deus autrcs faits indiscutables de l'histoire
de la société.L'un d'eus est u'au 'ourde la déclaration de la faillite il y
a\,ait pltis de onze ans que 'Barce1ona Traction n'honorait pas les obli-
gatjons qu'elle avait contractées en livres sterling. L'autre est que, le
13 juillet 1945, un juge de la Cour suprSrne d'Ontario avait rendu une
décisionqui autorisait Barcelona Traction à convoquer les assemblées(les
obligataires en livres sterling, afin de leur soumettre un plan d'arrniige-
ment, conformément au Compa?tiesCreditors Arvangement Act du
Canada. Les ternes de cette loi impliquent la «faillite » ou 1'.insolva-
bilité» de la sociétéaui faisait vareille demande. Aussi. ~our obtenir

l'autorisation demandke, arce el k Traction dut-elle in\.oquer, devant
les tribunaux canadiens, son étatde iifailliti,ou d'ainsolvabilité n(C.M.,
IV. no*205.206. D. III-112). En outre. lesconditions de ce vlan d'arrange-
riii li18rojct2 rii1',45,;t;,i~iit .tii;ilc,giici:auxr;ur<:iiii-:itic;ii i>u;,rrniige-
nitnri finûilcicrj ~~ri~cCderi ctj coiii~mrtûwni par consC:<~ii~.~ iit,iinpor-
tciiitjncrifict<Ici <Iroits ilej ohl0entnirc;, la"esmeiit sui>i.ricur ?I 2 iiiil-
lions de livres sterling (C.M .V,,nos226-229,p. 118-II())',
Cesdeux derniersaspects de l'histoire financièrede Barcelona Traction
semblent avoir ~lus sérieusement inauiété la Partie adverse. Dès la
prciilicrc niiiiieiii~~I,cscoii.;i:ili(lu ~0ii;criiciiit:iit rlt.iii:iiiilii\.il>uiit
contraints <I'.idiiicttrc.ilut:it:tt<.ciitr<:priii>:,iiicct iIniisii,iiLIUct;iit408 BARCELONA TRACTION
Barcelona Traction, s'est débattue dans une asphyxie financière »(VIII,
p. 18)entre 1939et 1948.annéede la faillite.
La thèse du Gouvernement belge est que cette asphyxie ne modifie en
rien le caractèreuartificiende la déclarationde faillite.Pour la soutenir,
ses défenseurs ont imaginéla tâche. plutôt délicate. de montrer que la
situation prétendument florissante de Barcelona Traction était compa-
tible avec onze annéesde manquement aux obligations et avec le plan
d'arrangement de 1945.
Me Rolin a rappelé à la Cour que la structure de Barcelona Traction
était telle que, d'une part, les recettes de l'entreprise provenaient des
filialesquifonctionnaientenEspagne - et qui,par conséquent,gagnaient
des pesetas - et que, d'autre part. ces recettes en pesetas étaient indis-
pensables pour assurer le service des dettes contractées en livres sterling
(VIII, p. 14). Pour le conseil du Gouvernement belge, cette structure
rendait l'entreprise vulnérable à certaines circonstances extérieures qui
entravaient le transfert de fonds de l'Espagne au Canada et qui se résu-
maient en ce que l'on peut appeler l'accident involontaire de la pénurie
de devises. Si nous en croyons les conseils du Gouvernement belge, telle
était la seule origine de l'asphyxie financière dans laquelle Barcelona
Traction se débattait à partir de 1939.
Mais il existait une autre cause de vulnérabilitéque Me Van Ryn a
qualifiée d'caccident volontaire 1,(VIII, p. 112). à savoir la mauvaise
volontédes autorités espagnoles chargees du contrôle des changes. Cette
mauvaise volontése serait traduite à l'occasiondes autorisations deman-
déespour l'exécutiondu plan d'arrangement de 1945et, tout particulière-
ment. lors de la modalité de financement oro~oséeen octobre et en dé-
cemb;e 1946.D'aprèsle Gouvernement be&e, 'cettemauvaise volonté est
la seule cause pour laquelle l'as.h.xie de Barcelona Traction s'est pro-
longéejusqu'a< 12 févher1948.
Pour le Gouvernement belge, blonsieur le Président, Messieurs les
juges, le plan d'arrangement de 1945. qui devait clore la sériede réorga-
nisations financières grâce auxquelles Barcelona Traction liquidait aux
dépensdes obligataires les dettes en livres sterling créées en1911 et en
1924, n'était qu'une tentative bien intentionnee d'échapper à une
asphyxie produite par la pénuriedes devises.
Le fait que Barcelona Traction ait invoqué en Ontario son état de
dicteurs (A.R., vol. 1, no31, doc. 2.p.114). Il s'agissait-urdisent-ils--
d'une faillite ou insolvabilité au senstechnique querevêtent ces termes.
J'entrevois mal ce que pourrait êtreune faillite ou une insolvabilité
qui ne revétirait pas un senstechnique.
Quant aux sacrifices que le fameux plan d'arrangement représentait
pour les obligataires, le Gouvernement belge s'estime satisfait en ajoutant
à la réplique quelques spéculations arithmétiques fantaisistes sur la
valeur de la contrepartie que devaient recevoir ces obligataires (A.R.,
vol. II, no8j, p. 435.441). Comme on pouvait s'y attendre, lesconseils du
Gouvernement belge n'ont pas jugé bonde faire allusion à cette question
lors de la phase orale actuelle de la procédure. Il leur eût fallu citer le
fait consignédans la duplique et rappeléil y a quelques jours par le pro-
fesseur Reuter, que National Trust avait, en décembre 1945. calculéla
perte des obligataires à partir de données semblables à celles qui furent
iitilisées pour les calculs du contre-mémoire (sf~pra. p. 205) et qu'en
décembre 1946, dans la lettre qu'il adressait au ministre espagnol PLAIDOIRIE DE M. SUREDA
409
hl. Suanzes, le président de BarcelonaTrnction estimaitqiiel'importance
des sacrificcs que les obligataires étaient disposés i accepter doiinnit
u une inesiire de leurs craii:tesi> (A.C.31.. vol. 1'1, no6, doc. 2,p. 332).
En somme, Monsieur le Président. Alessieursles juges. pour les conseils
oui sont assis de l'autre côté de la barre, la faillite avouée en Ontario

isi.r:iit que teclirii~~ii~:xspIi!~sir~r2pr~iid:tir:\IIY,CXII;~, 21r:iri:;.r*>i 1.1
\wIniit6 (le I'ciitr,-pris<:;a11:!III>:nuritic?n'6t:iit iinpt,.<::liix ot~lig~tt,iir~~;~
In f.iillire or<l<,nnC.,n ICspagiic;.t:tit nrtiiici<,llc. mais le rcjiidite cniis6
;*III:ictioniiair+,. 6t:iit. p:ir coiitrc. an*:ré;rl:t rli;iir e& sanR.'J;imais
dc.; :irgiiiiicnts aiissi ntid.icicii\ ii'ontr'tci'lnl>oit;isiirI:iI>nsedi faits
aussi eFroiiés!
Mon collègue, le professeur Reuter, a montréà la Cour qiie la cessation
des paiements de Barccloiin Traction ne trouve pas son origine dails la
pénurie de devises et ne s'est pas prolongée jusqu'en 1948 pour des
raisons imputables aux autorités administratives espagnoles (supra,
p. 190 et suiv.).
Le professeur Urfa a signalé,de son côté, que la notion d'insolvabilité.

telle que l'interprètent les conseils dii Gouvernement belge. ne joue pas
dans le systenie juridique espagnol le rôle qu'on asans aucun fondement
voulu Iiii attribuer ls,ilAvrr..,.z...et sui\..).
II in';ippnrricrir iii.iiiitcii;iiit rlc iiiuiirrcr 13i~>r?tivefourni,. p.ir Ic
(;oii\.<:rneineiitc;pagii~,I.(luciimcnt~i I':~l>piiii.<giifirmI'iii\r:iijc.iiibl;t~~ce
et I'inrxactitiid~~<II: iiiingc [lec~:ttr I3nrceluiia lrnctioii mine ct proil>Pre.
sir laqoclle SV fonileni les argiiiiit.iitj du C80u\.crnemciitI~elgc. (:es (locu-
ini.nts montreiit qiic I:istriicturt, di. I3:trcclori:iTraction, issue dii corii-
portement financier Iégcrde l'entreprise dans sa préhistoire - pour ne
pas appliquer une autre épithète qui, quoique plus dure, ne serait pas
moins exacte - est la cause véritable de la dégradation progressive de
1939 à 1948 de la situation économique et financière de l'entreprise;
celle-ci a abouti à la conséquence inévitable qu'est la faillite. Ces docu-
ments révèlentégalement que les administrateurs de l'entreprise étaient
~leinement conscients des causes ~rofondes et véritables de l'as~hvsie. à

iel point que dèsmars 1940 - a&nt mêmeque la première deAaAde de
devises ait été formulée en avril dc la même année - ils ont uréparb
les graiides lignes d'une réorganisation liiiaiicière qui compor<ait 'une
rectification compléte de In striictiire dc l'entreprise. Le plan d'arran-
gement de 1945 était iiiie étape préalable et indispeiisable de cette
réorganisatioii.
Il me faudra également montrer que les arguments comptables par
lesquels les conseils du Gouvernement belge ont prétendu prouver la
solvabilité intrinsèque de Barcelona Traction, lors de la faillite, sont
dépourvus de toute valeur; et je devrai, en meme teiiips, résumer les

donnéesqui traduisent la situation difficile dans laquelle Liarcelona Trac-
tion se trouvait en février 1948. Cette situation s'est prolongée jusqu,'en
19j1 en raison de la structure de l'entreprise et a obligé les syndics,
comme l'a indiqué mon collègue, le professeur Carreras (srrprn, p. 35S),
à procéder à la vente de l'entreprise.
11m'appartiendra aussi de montrer le manque de fondement des affir-
mations de la Partie adverse selon lesquelles le prix réelminimum de
I 1x0 ooo ooo de pesetas fut iin prix ivil,,- «une croate de pain », pour
reprendre l'expression ~iussiimagée qii'escessive de 31'Gregoire (VIII,
p. 328 et 361) - et de prouver également l'absence de préjudice caiisé
aux actionnaires.410 BARCELONA TRACTION

I. Les moyens de preuve
Avant d'aborder l'examen des causes véritables de l'asphyxie dans

laquelle Marcelona Traction s'est débattue au cours de la période1939-
1948,j'cstime de mon devoir. hlonsieur le Président, hlessieurs les juges,
de commenter l'attitude du Gouverneinent demandeur à l'éeard des
preuves avancées en ce qui concerne l'allfgatiori que le prix aurzt été~\.il
et que les actionnaires auraient subi un préteiidiipréjudice.
C'cttetache vréliminaire suvoose une revision sommaire des éléments
dont dispose la:Cour pour se i6rger une opinion sur les deux problè&,
qu'a posésla requêtebelge en ce qui concerne la valeur de I'eiitreprise de
~arcélonaTraction en Eivaeiie. -
Cette revision me semblg indispensable, hlonsieur le Président, cai
hlc Lautervacht, le conseil du Gouverneinent belge, a soutenu, au cours
dt,s3iidieriieiil<:.>ct 9 riiai1111~I;Coiir iictlisl~~sc~~r;iiiqiicnicritqii,. clc
1, .L . ~ I ln., 10 2 qiii srrt d~ foiiclciiii;il1tcstc .rclnti\.c-
nieiit bref (liiii;riioirc bclcr qui trnitc(Iiinoiitniit du rir;iudicc iV111,
p. 465,et 485). Mc ~auterpichi ajoute que ce manque>'éiéments à 1;
disposition de la Cour ne saurait êtreimputé à 1'Etat demandeur qui, en
fin de comote. est celiii oui a orésentéles seiils élémentsdisoonibles. à
savoir la n8te de ~i~ro~u~cons~ituc1'ini~~ortaiit~ :iliiiéiiieircz~z
(V111, p.455 ,Içiiinnqiied'il&nir.ntscuiiccrnniit I'i'v~lu;itioiidcvrtiit Ctrc
iriiilutc suil .iu GOUV~III~IIIC C~IP~ZI~OI ii<I;lib~~r<~iiitI.:iii:):i>i,.r
lesdeux occasions quïi a eues de déniontrir lesinexactitudes éveiit;elles »
dans les chiffres soumis par le Gouverriernent belge dans la ilote de Sidro
(VIII,p. 483). soit pourrait êtreinhérent à la situation, en raison du laps
de temps considérablequi s'est écoulédepuis la date du préjudiceet du
fait des immenses transformations qui ont eu lieu dans la structure de
l'entreprise depuis 1948,et en particulier depuis la vente à Fecsa en 1952

(VILa position du Gouvernement belge est déslors, Monsieiir le Président,
sans équivoque;il a fait, de son cOté,tout ce qu'il pouvait. Uien plus, ila
agi de la seule façon possible qui était, semble-t-il, de présenter la note

de Sidro en annexe àson mémoireet defonder sur elle tous sesarguments.
Je signalerai au passage que cette annexe au mémoire, dite ~substan-
tiellei,traitede l'importante affairede l'évaluationde la valeur de I'entre-
prise en Espagne et de la partie-decette valeur qui correspond au capital-
actions de Barcelona Traction en deux vaees .t ~,mie (A.M.. vol. IV.
iioZN? 1,'.IO~U-I~>L)M . oini 111rn <lir;i.iiiiciix iel~ v:tiidrn:
Cc ii'cst toutciois p;is sur Ics(liriivn~ioiijiiiiit~ri'llei de ccttt: :i;aileïc
iiii~iiiùirsaiiIC td6-ircnrtir~r I'nttrntion de la (:nur. iii;iis bi~ii sur l';ah-
sence totaje déconsistance, dans la perspective d'une é\ialuation. d'une
annexe qui repose sur des opinions-d'ingénieurs au suiet du coùt de la
construction de nouvelles centrales en-Ek~aene,e" 1ai6. or,...ée , à des
tiiis :iutrci~iiv~llcs d'uiic ;\faluation. 1.:inotc (Ir Sidro [,reiid niiiqi en
coniiil6r;itiuii dc-; coiitj [lc rrni~~l;iiçniri.tarl~itr:tdeitoiite iiiiiicrie
d inst;ill;itii~iii,,'3ccjtrCsdivers. ~li,iiscert3it:ij(l'ii:,CC v&iidr:~l~ lI.
p:ir <:ij~isC:c]~icnuri,i~i:tii~ailri degres <l'nhsolcsreiiie diffcrrnrj qui
cI:.iiccrtaini cas, leur donnniciit iirie val~.iir toialcni~.nt iiijigiiifiniite
(:ette abscncc (Iriihstancc cst cc ~iuiduit asjiirFint.iit inaiiiéterILICour.
que je me permets de renvoyer à lSahalysede la note de sidro quicontient
le rapport sur l'estimation de MM. Peat, Mar\vick. Mitchell Br-Co.,
communiqué en annexe à la duplique (A.D., vol. 1,no 3. p. 443 à 448). PLAIDOIRIE DE M. SUREDA 411

Je dois en outre signaler que la note ne renferme pas les devis et les
évaluationsdes prix de revient qui.dit-on, constituent le point dedépart
du calcul. Mais ce détail est naturellement sans importance puisque,
d'aprésla note de Sidro, il s'agit également d'un calcul cdont le sérieux
n'est pas contestable>) (A.M., vol. IV, no 282. p. 1081).
Pour le Gouvernement belge, les affirinations de Sidro étant des
axiomes, elles ne demandentpas à êtrejustifiées.C'estpourquoi il prie la
Cour de se fierà la parole de Sidro et non pas uniquement au sérieuxdu
calciil qui sert de point de départ à l'évaluation. La Cour doit accepter
comme étant juste, parce que Sidro l'a dite raisonnable, une «majoration
de 15pour cent à titre d'intérêts intercalaires,frais d'étude, frais géné-
raux, etc.» (A.M.,vol. IV, no282, p. 1081); cettecimajorationa, Monsieur
le Président,se monte à 360 millions de pesetas. II faut égaleiiientaccep-
ter.salis autre discussion. une marc- de 200 niillions de Desetas. car on
sait hien qiiv1,:sprix r&li des travaux soiil t~iii~ousup21ieiirsic<.usqui
juiir~I~C+\,rl;ins Ici devi:Cc3 tni:ijsraiioii,oii nrroiiili.i~c.mciitsreyr?.
seiltent une augmentation d'environ un quart ou un cinquième de l'ësti-
mation debase. Lorsqii'ils'agitdesdéductions. le calcul dc Sitlro traduit le
meme manque desérieux :sansaucune donnéesur la dépréciationeffective
des actifs que l'on dit évaluer. lanote propose une réductiond'un tiers à
titrede dépréciatioii;àpropos descoefficientsd'obsolescence qu'ilfaudrait
appliquer aux diverses installations - problème qu'aucuii expert en
év;iluritionde prix de remplacernerit ne manquerait de poser -, Innote de
Sidro ne fait pas lamoindre alliisionà la question. La Cour observera que
la somine coquette en pesetas ne peut qu'étre enharmonie avec le peu de
sérieuxdes données de base dii calcul. Mais iious aurons d'autres sur-
prises; il faut encore accepter, eiifin, la conversion en dollars de ce mon-
taiit en pesetas par application d'un taux de change arbitraire peseta-
dollar, que Sidro justilie en disant qu'autremeiit con arriverait à une
valeur de 131ooo ooode dollars pour l'entreprise, ce qui paraît exagéré »
(ibid., p. 1032).
II suffirait, Monsieur le Président. Dour iustifier le oint de vue du
Gouvernement espagnol, de reprendre& meition incomplètequ'en a faite
11. Lauterpacht. Selon ce conseil belge, le contre-mémoireaurait invoqué
notaminent deux arguments, à savok que la note de Sidro était un calcul
effectuépar une partie privée siirla base de considérations Irintaisistes
qui ne s'appuyriieiit suraucunsystéme objectil etque,d'autrepart, l'éva-
luation établie par Soronellas en 1951 était une éi~aloatioiid'expert,
opéréedans des conditions qui réunissaient les garanties adéquates (VIII,
p. 465). Le rapport d'expertise Soronellas a étéjoint au contre-mémoire,

L'évaluationétabliepar cet expert est confirméepar référenceivoliiiIr enta-
bilitéde l'entreprise,à la différencede I'évaluntioride Sidro qui, dépoiir-

vue detoute base réelle,flotte dans le royaume dcs chimères.
Je donnerai de ce point une illustration eii me référant,de laçon
précise,aux bénéfices qu'a réalisésl'entreprise en Espagne en i9j1. année
à laquelle le Gouvernement belge semble attribuer une graiide impor-
tance. Cesbénéfices-làs,i l'on prend pour basel'évaluation de III millions
de pesetas établie par les experts qu'a consultésle Gouverneiiient belge
et qui contient de graves erreurs sur lesquelles jc reviendrai (nouv. doc.
1369,vol. I.PMM Reporl, par. 232). équivaudraient, convertis au taux
de change approximatif de cette aiinée-là, à une somme de z 750ooo
dollars USA. Les conseils du Gouvernement belge font valoir qu'il est4I2 BARCELONA TRACTION

etc1051vet révdent auc. selon Sidro. la valeur de I'entre~rise en Es~aene
~' "
dollars. avant de déduire la dette oblieataire de Barcelona Traction. Less de
béiiClices(leit,ji.rapl>ri><liCIiI<r,crtc\;ilrii:tfirnie~.par Si,Iro. c'qiiiv;iii-
tJr:iicii;iiiiiiriiil~.nit:iirdipaciniit ICg;renit:n2 polir cciitc.t;cr;~iciit
Ié~éremens tupérieurs àI pour cent anrésla rectific~tion des erreurs ouc ie
vigns de mentionner. Les Eonseiisdu.Gouvernement belge prétendront-;ls
que ce rendement puisse êtreautre chose qu'une absurdité économique
et que, par consfqiient, il faut qiie ce soit aussi iiiie absurdité que la
valeur de l'entreprise que l'oii obtient en appliqiiant la méthode de
Sidro?
Le Gouvernement belee a DU a~orécierla force des obiections.oni>osées
par lecontrc-iiii~iioirci-1:snote (leSicIro.I'iii~<l~1,:~hi;vcrtit:~iientcs11a-
gnol avait rclct,? I'?vnlii.iiioii ,q~(r;c p:,r SIII~UI.ioI;r;ii.*ui'1"'CC"':
Cvalu;ition n';.tait pas coiiliriii!;ariinc rii?tIti~ilerl'Cv;,luatioiiol~jcitivc,
ilseinhlt: qii'il eiit 61; i~idiiprnsnble (le la ~oiimertr<iuiic veriticntion.
qu'auraient opc'rc'csoit lest,xpcrtj inérncsdi. I'i:tat I>c.l..uit (Icsesln:rts
indéi>entJnnts.Or. In Rirtic nilvers~:n'a riciiI;iitde tel: zllr;Itruuie nlus
comhode de s'employer, dans la réplique, à discréditer l'évaluation de
Soronellas.
Ilans ces conditions, le Gouvernement espagnol a cru opportun de
soumettre l'affaire à l'appréciation critique d'experts qui, grâce à leur
indépendance professionnelle, offraient la possibilitéde se procurer sur
ladite affaire une opinion impartiale. Commele sait la Cour. le Gouverne-
ment espagnol s'est adressé à la firine d'experts comptables XJ1. Peat,
Marwick, Xlitchell R-Co., ilaquelle le Gouvernement britannique avait
fait coiifiance Dourdésienerl'ex~ert britannioue de la commission inter-
nationale con;tituée enUr95o. L; travail d'expertise de MM. Peat, Mar-
wick, Mitchell & Co. a pris la forme des deux importants rapports qiii
occupent les pages 305 a 461 du volume 1 des annexes à la dûplique; la
Cour n'aura pas manqué d'apprécierl'impartialité de ces rapports; il sied
de préciserque, comme il est dit dansla dnpliqiie (VII,no 12, p. 31).ces
deux rapports avaient étéinitialement demandés à l'intention des con-
seils du Gouvernement espagnol. Toutefois, aprésen avoir pris connais-
sance, le Gouvernement espagnol a estimé que l'un et l'autre rapport
~ourraient rendre des services à la Cour et il a recu l'autorisation de les
Publier intégralement.
La procédure écriteétait close. Les seuls éléments a techniquesn sur
lesquels le Gouvernement belge pouvait s'appuyer étaient la note de
Sidro et les attaques gratuites adressées par la rkplique à l'évaluation
Soronellas. Ce qu'il en subsistait,après la réfutation de la duplique, était
si oeu de chose. Monsieur le Président. ou. .e Gouvernement belee. uui -. .
n'ivait pas crunécessaire de disposer d'un rapport d'expertise dans la
procédureécrite,a présenté A la derniere minute les rap. .tsque connaît
la Cour.
Je ne m'arréterai pas, pour le moment, pour parler de leur contenu;
pour en estimer la valeur, la Cour peut sereporter au nouveau rapport de
MM. Peat, Marwick, Mitchell R-Co., que le Gouvernement espagnol a
verséaiix pièces(nouv. doc. 196 vol. 1).Je tiens simplement à indiqiier
que les rapports qu'a déposes ?P Gouvernement belge paraissent, une
fois de plus, répondre à l'intention d'obscurcir les choses et non pas
d'apporter aux débats une apprkciation objective. Il ne sera passuperflu, PLAIDOIRIE DE M. SUREDA 4'3

cet égard, de formuler une br&veremarque qui mettra en évidence
quelles méthodes applique la Partie adverse en une matière si délicate.
Le rapport adressé à l'agent du Gouvernement belge porte la signature
de deux techniciens des questions d'électricité;l'autre rapport, adressé à
Sidro et rédigé à la demande de Sidro, a, pour lui, le nom d'une firme
d'caoerts com~tables de réoutation internationale. MM. Arthur Andersen
& CL. lcsqiicl~.ail l~nraSrn'l~c(Icleur iappoi t,(1i.iiii:lit1;pr8rt'r de
leur trai.:~i(I'iiif:~curi~iini: I.li;sr i>nii>ln211iiioiridre doute. Si~lr~i
ne semble pas avoir cru nécessairede donner à MM.Arthur Andersen &
Co. - qui sont des certified public accounlandûment reconnus - acc&s
aux comptes et relevés financiers de Barcelona Traction et d'Ebro; de
sorte quecette firme a étécontrainte d'émettreson avis avec les réserves
du ramort den fo?.ihi.i'eat, RIar\\.ick,fiitc~i&~lCo. (tî.I)., vol1,ono z,
p.379 a16).En prïsence d'uii tel maiique de sources de renseignements
directs, MM.Arthur Andersen 8:Co. ont assumé, néanmoins, latâche de
reconstituer, sans vérification, certains états financiers du rapport de
Rlhl. Peat, Marwick. Mitchell & Co. et ils ont cru possible de suggérer
certaines comparaisons, qu'ilstiennent quant àeux pour favorables, entre
la situation de l'entreprise de Barcelona Traction en Espagne en 1947et
les chiffres combinésde la quasi-totalité du secteur privé des entreprises
d'hlectricitédes Etats-Unis d'Amériquedu Nord pour 1947,et pour une
date postérieurede vingt aris. Comparaison n'est pas raison, Monsieur le
Président,d'autant plus que, dans ce cas particulier, ces comparaisons-là
n'ont pas le moindre sens.
Contrairement à ce qui se passe dans le cas du rapport de MM.Arthur
Andersen& Co.,le rapport des deus techniciens del'flectricité révèleque
cestechniciens ont eu accès à la comptabilitéet àd'autres renseignements
d'ordre financier de l'entreprise de Barcelona Traction. qui leur ont été
fournis par les anciens administrateurs de cette entreprise, lesquels, en
outre, semble-t-il, ont répondu à diverses demandes de précisions et
d'tclaircissements. D'autre part, le rapport desdeuxexperts techniciens,
avecl'aide du rapport de MM.Artliiir Andersen& Co.,fait 'desi~ictirsions
dans le domaine de l'interprétation des donnéescomptables, et j'esphe
ouv voirdémontrer. à la satisfaction de la Cour. au'ils sont fort loin de
i>arveiiiri une appréciation correcte ,Ir 1;itiiathi de l'ci~trcpriscdi:
R:irceluiia Tr:i~iiuiitçl<~ii'<.nlévolué enk:spagnc jiisqii';~ftivricr ],)?S.
airisi ou'il ressort dcs con~i~ci ct (les reI~.s.&hn:irii.itrs (Ir I'rritrc~~ri~ï,
correciement interprétés. '
Les choses s'étant ainsi dérouléestout ail long de la procédureécrite,
Monsieur le Président, Messieurs les juges, je crois qu'il ne m'est pas
possible de ne pas poser les questions suivantes: est-il logique de venir
nous dire, au cours de la présente procédureorale,qu'en matièred'évalua-
tion la Cour en est réduite à la substantielle annexe 282 du mémoire
belge? De quelle logique s'inspirel'allégationselon laquelle'Etat deman-
deur ne serait pas responsable de la prétendue pauvreté de la documen-
tation relative à la valeur de l'entreprise de Barcelona Traction en Es-
pagne? Au nom de quelle logique laisse-t-on entendre que le Gouverne-
ment espagnol n'aurait pas contestéles çliiffresde la note de Sidro, ce qui,
aujourd'hui, l'empêcheraitd'en discuter? Si,pour une fois, on me permet
de parler dans la langue de la réplique, je demanderai: iQui donc le
Gouvernement belge espére-t-il abuser en ayant recours à de tels pro-
cédés? n (R.,Y, p. 24.)4'4 BARCELOXA TRACTION
2. La sit!~ationécono~~ziqu elefina~zcière
de UnrcelonaTraction, 1940-1948

SC v;tis t!iiirt:prcndrIII~~III~:II~I~II, \I~~ii~le I'r<.>i<l~ntl,lt.:~i~iiIV%
]iiy" dd't:sl)oic:rII>II<;UX(:lit; c;~lii[.~ii\qiii di>iiiiiit:ii~I'<~xi..t<>nicïiii:iii-
ciere (le Ilnrieluiin Tr:i<:tioiidniilt-.iiiii2<~ii<i?iia I~MXtl'iiiiv i,.irt. onzc
ans de cessation de paiements pour la dette Enii\&s'steriing êt,d'autre
part. le projet de plan d'arrangement de 1945, qiii amputait gra\.ement
Tessoiiiiiesilues aux créaiiciersen livres sterling:
Mon premier point est qiie les administrateurs de I3arcelona Traction
- ccli ressort des dociiments pertinents des aniiécs 1940-1948 - ne
part:igc:licnt pas I'opiiiiori clireprofesse le Couvcriicnieiit belgc, à s:i\,oir
que l'entreprise aurait étéune entreprise saine et rentable, dont la ccs-
satioii des paierneiits aurait étédiie escliisi\~ciiicnt h des circoiistaiices

extérieures à l'entrevrise elle-iiiéme. Les administrateurs. bieii nii con-
traire, peiisaieiit que'l'eiitrel~riseétait en proie:ide très graves problèiiics
iiitcriies et, depuis 1940. ils estimaient qii'il était iiidispensablc de les
résoiidreen réoreanisaiit de foiiclen comble lastructure et les mécaiiisines

peris:iicrit qiie les risqiics <lur:ivait assuniés I'eiiireprise, à 1'Crc.pré-
historique >)en mettant ail point des mécariismcs coiiyus et utilisés aiix
fins de fraude, entravaient gravement sa liberté d'action pour affronter
I'esCciitioii d'uii auelcoii<.iic .,roiet de réorr;iiiisatioii' finaiici&rc. C'est
(Iir~:qiit:II f:tr:eilSpr?lii:iorii~ii~:ilc I't.ntrcpri;c, qti':;i I~~III~IIIIIILII~
iiiisc aii rr:iiirl ioiir iiiiin collCriic. sir Iluiiiiilirc\~ \\:nlduik. coii.~tii~i:iir.
entre 1940et 'g4S. un très gros ohstacle, q6aiid-il s'agissait de inencr h
bieii les projets que I'eiitreprise avait besoiii dc réaliser pour pouvoir se
développer sur des bascs financièrement saines.

Ilepiiis 1939, les adniinistr:iteiirs de Uarceloiia Traction avaient prêvu
le gciirc de difficultésausquellcs allait se Iiciirtcr I'cntreprisc, air Icndc-
main dela guerre civile. La circulaire du 17juin 1939, qui annonçait qiic
l'entreprise avait recouvr6 ses installations en Espagne, faisait état de
I'inipossil~ilitt!qu'il y ;i\.ait de réunir des asscinhlécsd'actioiinaircs et de
formiiler des propositions concernant les diverses émissionsd'obligatioiis
doiit le service finaiicier se troii\.ait suspciidu depiiis 1936. Le cotiseil
d'a<lministration assiir:iit qiie, (lèsque l'nniélioration de la situatioii de
l'entreprise s'afferinirait sur des bases plus diirahles, elle pourrait s'adres-
ser aiix obligataires et nus :ictioniiaires et leiir proposer un plaii destiiii:A
faireface à la situation (C.hl., IV, no 147, p. 96).
Les obst:lcles créésDar I;iseconde giierrr: nioiidiale eurent pour effet
que les oliligataires di;reiit :ittendre jusqii'au 14 aoiit 1945 que Ic
conseil d'adininistration de I3arcelona 'l'ractioii leur soumît des propo-
sitioiis qui prirent la forme dc ce qii'on appelle le plan d'arrangeiiient de

1945 (A.C.I\I.,vol. II, na 113, doc. I, p.365).
>lais les adininistrateiirs et les tcchiiicieiis: de Barcelona Traction.
hlonsicur le Président, n'a\r:iicnt pas attendu jiisqu'à cette date pour
entreprendre l'étude de I'irié\4tableréorgaiiisatioii financière de l'eiitrc-
prise. 1.e 7 riiars 1940, AI.Hicriiaiis avait di:jh rCdigCiinc iiote intitiiléc
n 1'rojr:t <Icréorgnriisatioii (lu groiipc UI'I.I'ii. C'r:st an dociirnerit rliic
coiiiiiiciitc le coiitre-mCiiioirc(C.;\I.IV, no' IGS-183,p. 101-105). doiit a
parlé inon collegue, le prc~fesseurlieuter, h l'eiidicnce du 29 mai (s~rfirci,
p. zoz), et sur lequel le Gouvernement belge a gardé le plus complet PLAIDOIRIE DE M. SUREDA 4'5

jilcn~w IIf;iiiqiit:jc~C.\.ICHIIsi11crtt~: notedc 1941i.lurie qii'cllr.rC\,éli.
>Ioi~siciiIV l'ié;idciii, I,.s pr~~bICiiictsin:i~icierjt1,:~~iiclsed4xiitnit
13:trccloii;i'i'raction tels qiie Ics vnyai~1110.10ICS ndniinistr:iteiirde ln
sociétéainsi que les solutions que ces administrateurs tenaient, depuis
1940, pour indispensables.
La note assigne 3 la réorganisation de l'entreprise trois buts qui répon-
dent aux trois problèmes qui préoccupaient, en 1940. les administrateurs
de Rarcelona Traction.

Voyons siiccessi\~ement les buts à atteindre et les soliitions que les
administrateurs tenaient pour indispensables. D'abord les buts.
Premièrement: il faut éviter aue Rarcelona Traction ne ouisse étre
placée sous un receiuer par ses obligataires dans le cas où Ebro ne par-
viendrait Das à effectuer des transferts de tonds hors d'Esnaene en da nt
une longie période, et où Barcelona Traction se trouviraTt ei consé-
quence dans I'impossibilitE de teriir ses engagements.
I)euxièmement: il faut éliminer progressivement le caractère exclu-
sivement étranger de l'entreprise en Espagne, en situant aii premier pl;in
de l'organisation une espagnol: dans laquelle puisseiit êtreintro-
duits des intérétsespagnols, soit en faisant appel à l'épargne espagnole,
soit par vote de fusion avec d'autres sociétés espagnoles.
Troisièmement: il faut siinplifier ln complexe organisation existante,
afin cle faciliter les fiisions avec d'autres sociétésespagnoles ou d'autres
opérations analogues, lesquelles seraient fort difficiles dans l'état actuel
de l'organisation.

Le priiicipe dont s'inspire la solution proposée pour le premier pro-
blCine - c'est-à-dire Insolution propre à éviter la füillitc de Barcelona
Tractiori - est siinplc. Monsieur le l'résident: les administrateurs de
Iiarcelona Traction estiment, en 1940, nécessaire de Iiqiiider la structure
finaiiciérede l'entreprise telle qu'elle existait alors, et eii vertu de laquelle
Harcelona Traction. qiii percevait ses recettes en pesetas, derait payer
ses dettes en livres sterling. On lit dans la note de 1940 que la première
idée qiiivient a l'esprit <Icchacun est de faire en sorte que les détenteurs
d'obligations en livres sterling acceptent de percevoir les intéréts et
I'nmortisscment eii vesetas. et cela à titre temporaire ou définitif.
Seulement, il jVa cela une grave objectionkt c'est Iiqu'apparaissent,
pour la première fois, les entraves qu'apportait à la liberté d'action de
1'eritrei)hse le cornuorternent antéGeil; uii'elle avait eir vis-$-vis des
autorit'és.En effet. ;i la note du 7 mars rj40 écarte la soliition mention-
nbe, ce n'est pas eii raison des objections éveiituelles d'obligataires en
livres qui auraient pli ne pas vouloir toiichcr leurs intérets en pesetas.
ohjectiuiis dont p:irler:i pliis tardM. Hiihl~ard dans la lettre qu'a corn-
ment& le professeur Reuter à l'audience du 29 mai (sziprn,p. 204). La

ilote du 7 mars 1940éliminecette soliition parce qu'elle exigeait qu'Ebro.
de son cOté,payàt Barcelona Traction eii pesetas, en Espagne, et irle fait
qiie BarceIona Tractioii encaisserait eii Espagne ses reveniis et les distri-
hiierait en Espagnc également à ses propres obligataires est vnisembla-
blcnient de natiire à accentuer les tendaiiccs dCjàrévéléea sntérieurement
par le fisc dans la voie d'une double imposition» (A.C.M., vol. II, no112,
doc. n" 1, p. 294). Est-il nécessaire que je précise que ce que révèlela
prcrnièrc partic dc ccttc plirase - le fait que Rarcelonn Tr;iction obtenait
ses recettes en Espagne - est préciséinciitce que le fisc espagnol soup-
çonnait depilis bien loiigtenil~set qu'il n'arrivait pas à pro~i\~eren raison
des iiioyriis inis en jeii par l'entreprise pour dissimiiler la présence de416 BARCELONA TRACTION

BarcelonaTraction en Es~aan. ..aut-il ~réciseroue la Drétendue adouble
iml>o;itioii8,i:r?it le paiemciit rlcs impVtj diis p:ir I3ari~loria l'rnrrion cil
tant que soci6téCrrnng2re rénlisniitiles ;ifInires en F.sp:igiietlepiii; iqi 1,
ct oii'ellc amit Gludi!;tu mo\.eii dt,i ur,~çr:déstie la (:oiir coiiiiait'
Pour éiiniincr la tructurc finnnc;éreiiélns;~'dont était dotr:~.I'tntre-
prise dc Barcelonn 'l'rxtion. le I>rolcrdc 19-10rct?n:i~t une :i~iir~solution.
3 5avuir ccllc.qiii conjist:ii3.coiiv~rtir Il:; ohligîtioii(1,IS;ircélon;,I'r? :-

tiim en ol)lig;iti,,ris d'libro. Eii fait, iominc IL.<:lit la Cuiir t<:llfiit 1.1
lormiilc quc reiinr Ic pl:iii d'zirrnngtni<:iitdeiqqi, s\vi ccrtüiiic, moiliri-
cations par rapport à ce que prévoGaitla note de 1940: les deux premières
modalités du plan envisageaient la vente d'obligations libellées enpesetas
d'Ebro pour un montant nominal de 367 millions; la troisième modalité
du plan envisageait la vente des obligations en livres sterling d'Ebro
convertibles en pesetas, sous réservede l'autorisation du Gouvernement
espagnol.
Les conséquence$ qu'aurait exercées le plan d'arrangement sur la
structure financière de l'entreprise de Barcelona Traction sont exposées,
Monsieur le Président, dans I'affidavit de Al.E. A. Graydon, secrétaire de
Barcelona Traction, présentéà l'appui de la demande adressée au juge
de la Cour suprême d'Ontario en 1945 (A.C.>l., vol. II, no 114, doc. 2,

p. 387 et suiv.). Dans cet affidavit, hl. Graydon déclarait quc Barcelona
'Traction ne pouvait se procurer des livres sterling ni des dollars pour
payer les intértts, mais qu'elle espérait en contrepartie pouvoir conclure
des accords qui lui procureraient les livres sterling nécessaires pour
mener à bien le ~lan d'arran~ement oui existait à titre de roie et:selon
II. Graydon, à ce plan «les oblig~tioiis consolidées eiilfvris sterling
seraient rapatriées en Espagne n et les accords qui seraient coiiclus pour
obtenir des livres sterline com~orteraient iila vente d'oblieations en Dese-
tas~de la plus importaite fiiiale d'exploitation de la usocifté. (lbid.,

P. Loin de moi l'idéed'imposer à la Cour, Monsieur le Président, l'analyse
du plan d'arrangement de 1945, analyse à laquelle ile Goiivernement
espagnol a procédéminutieusement dans les actes de procCdure écrite

(C.M., IV: p. 192 213, D., VI, p. Ij3 à 167). Je me bornerai à rappeler
que son eventuelle mise en ceuvre aurait présentéles caractéristiques
suivantes.
En premier lieu, il y aurait en nationalisation de la dette en livres
sterling que Barcelona Traction trainait coinme un boulet depuis 1911
en rgzq. En second lieu, selon le calcul effectué par National Trust en
décembre 1945 (A.D., vol. II, no28, p. 360), les obligataires dc Barcelona
Traction étaient invités à sacrifier en substance plus de deux millions de
livres sterling de la somme que leur devait la société.En troisiènie lieu,
ceux qui auraient financé le plan d'arrangement auraieiit acquis 367
millions, valeur nominale, en obligations en pesetas d'Ebro ou, selon la
troisième modalité, des obligations en livres éventuellement convertibles
en obligations en pesetas, et auraieiit dû payer une somme équivalant à

226 842 500 pesetas, c'est-à-dire qu'ils auraient gagné dans l'opération,
d'apres les deux premières modalités, un solde excédentaire norrinal de
IAO millions de ese et asen oblieations d'Ebro CM.. . 11'. no'27s-244.
p.'~z~-~z3).~nfin, comme l'adémontré ~e~rofess~ur~euter, si lesaiit&i:
téses~aanolesavaient autorisélamiseà exécution du plan, elles auraient
reconiuÏes mécanismes - fort suspects - de paiements existant entre
Ebro et Barcelona Traction, ce qui aurait frayéla voie à la réalisation des PLAIDOIRIE DE M. SUREDA 417

autres fins que le pro.et .e 1q4o at.r.buait à la réor~anisation" de I'entre-
prise.
Le plan d'arrangement fut présenté à une époquedifficile au milieu des

tensions monétaires qui caractérisaient les lendemains de la guerre; et
Barcelona Traction, devant la Cour suprémc d'Ontario et devant ses
obligataires, affirma qii'elle ne pouvait pas trouver des livres sterling
pour payer les intérêts, mais qu'elle en trouverait en revanche pour
financer la mise en Œuvre du plan. Pour le Gouvernement belge. il n'en
faut pas davantage: le plan d'arrangement, selon lui, ne fut autre chose

qu'un effort pour arracher Barcelona Traction à I'asp.vs.e financière
tianj Ix~uellr se JCl~attair rlcpiii: 1039 SIC<.IIISC- n cluse sciileinc'iit
ilc 1;1peiiiirie rlc <Itr\~ia:s1 I I V I I I l :itr 13:iriclwn:iTraction ne
tirai1 aiiciin avant,?<,: tic 13 mise cn (euvrc (111 11111d'~rr:iri;~ni~nt CI l:IIc'
r'.iai a a mnr i:111t IIIICI~ I r r I<arirloii:i Ti:,ctiuii
il':i\.ait pni, cil raison dc ioil ~~r~iii~~ur1ril1p ii:iitssk. I:i iliuiiil~rci)iirztion

en SuS~ëns en ce aui concerne les autorités fiscalcs et monétairésesua-
gnoles: BarcelonaTraction ne sacrifiait pas, une foisde plus, les irité;êts
de ses créanciers. Barcelona Traction était victime d'une «faillite iiou
d'une insolvabilité » artificielle Purement technioiies
.Auciine (12 ers :itlirrii;itii>iii au ~i>ii\~,.in~:irici;rI>t:Ige. ~It~iisi~iirle
PrL:sitli:iit11,.reiiste riii Is confronration avec lei oliinioiis <lu'ni:iient :i

I'Cpooiicle, :itlmiiiistr:iteiir~ dc I<arcclori:i Trnciiori. ni i I',.snnicn des
doinées qui reflètent la situation économiqueet financière de l'entreprise
en Espagne dans la périodede 1940 à 1948.
Le ~remier obiectif de la réor~anisation ~roietée Dar les adrninistra-
teurs depuis ~~qo'était,comme jeiiens de le airé,de &former la structure
financière inadéquate de l'entreprise. La Partie adverse a admisque cette

structure financière était, d'une certaine façon, à l'origine de la vulnera-
bilité de Barcelona Traction. Mais ellc n'a nas voulr voir d'a~tre~raison ~ ~ ~ ~ ~
\,uliiéraliilitéqut: celle qui provcnnit (I'iiiimarique 6\'entiicl il? dçvist~i.
Et pourtant, il s:iiitç ai!\: !.1.11\ (IIIC1,:ri~q~icfond:iiiic:ntnl ~IIC: Ie:a(l~iiinis-
trntciirïtle R:ircclorin Tr:ii.tiori .î\.aiciir nc~t,l)t; vii .Iriiiii,inr.i I',.iirr<.liri;~
it.ttc structur<. fiiioii~i'r,., 5,: ~roi~\.c;111Icur;En r<:ilitL:, Ic Iiiiiiic;~iiiticl

itnit QI.< lii rrl~t~bllit~ t\(:I'cntr~l>rijc JL. R,ir~~lur.:~ 'i'r:1<:11~ si1trn~lvait

~~lérenicnc trron;. <lehe;iiicuiip iI':trgiinieriti csl1os2sici p:ir incs tli~tiii~ii~~
co~itraclict~:~irv siciit .Ic cc i1iic i.cus-ci uiit i,iil~liiI ~iiili~.rt.~iirOUrisqiie

d orilrc rnoii+rîirt. qui Ct:~it inhrrcrit .i In structure fin:iririirc <It.1critr<.-
prise. 011 ii'iiiii~tt.~;j;iiii:ii>.t;;ct siir le laitque I'cntrcyri~c (1,:I3nr<,:lnna
Tractiun :iv:~ir rii b:îp:~.:iii:l;i totnlilc' de soi1,zploitntifin. <leiort<-qiic lies
recettes de cette expioiiation étaient obtenuesixclusivement en pesetas.
Du fait de la structure financière crééepar ses adrninistrateurs en 1911et
en 1924. l'entreprise se trouvait dails l'obligation d'assurer le paiement

d'une grosse dette en livres sterling à l'aide des pesetas qu'elle tirait de
son exploitation.
Rien n'illustre mieux l'importance de ce risque que la répercussion
qu'exerça la dépréciationde la peseta au cours de la période de 192s à
1935, période que l'on nous présente comme la belle époque de I'entre-
prise. Au cours de ces années-la, la forte augmentation des bénéfices

d'exploitation exprimés en pesetas se trouva annulée et au-delà par la
déprkciation de la valeur de la peseta par rapport au dollar, irionnaie41~ BARCELONA TRACTION
dans laquelle étaient libellés lescomptes annuels de Barcelona Traction.
II était naturel que le présidentde Barcelona Traction écrive,le 30 avril

1935,ce qui suit:
.Comme je vous l'ai écritil ya quelques jours, je suis fort préoc-
cupé par toutes les conséquences que pourrait avoir pour notre
entreprise une noiivelle dbvaluation de la peseta» (nouv. doc. 1969,
vol. 1RMM, ann. no2).

L'ncidienceest levén 18hezrres TREXTE-SIXIÈ>IE AUDIEXCE PUBLIQUE (IO VI 69, IO h)

Préso~ls: [Voir audience du 20 V 69.1

M. SUREDA: J'ai teririiiié mon intervention d'hier en rappelant
l'importance du risque inoiiétaire inhérent à la structure fin~inciérede
Barcelona Traction et le souci, qu'il causait aux administrateurs de
I'eiitrcprise.
Je ne crois pas me tromper en supposant que, malgré les appareiices,
les conseils de la Partie adverse, tout comme naguère les admiiiistrateurs
de Barcelona Tractiori, soiit sensibles à l'importance du risque dont je

parlais Iiier. 1-es conseils du Gouverneincnt belge ont coutume de s'es-
])riiiier comme si I'entrel~risede Barceloiin Traction avait étéiinc eritre-
prise qui gagiinit des dollars: ils commettent ainsi la graiide crreiir dont
je parl:iis hier. Xéaniiioiiis.à l'audieiice d2 iiiai, mon distitigué contra-
dicteur. >leGr&goirc, a bien voulu préciserqu'il allaitexprimer eii pesetas
le béiiéficenet des aniiécs 1948 à 1951 "alors que je l'espriinais toiil à
l'heure en dollars». C'est ce qiii lui a permis <l'exposer,sauf pour l'année
1949. iine échellecroissaiitc de bénéficesavaiit de dédiiireles intérétsdes
ohligatioris payables par 8;ircelona Traction. Partant de gfi niillions de
pesetas eii 1948, il est nyri\,éàI!I millioiis de pesetas en 1951. Pour des
raisoiis que j'exposer;ii pliis loin, ce deriiier niontaiit ne représente
d'ailleiirs pas le b6iiéficcde l'entreprise eii Espagne (VIII, p., 369). 11
coiiirient de signaler mairiteriant que les mfincs sommes, espriinL:es cn
dollars, auraient inoritrc!, Monsieur le PrCsident, une évoliition fort diffé-
reiite de celle qui a étépréseiitéeà I;i Cour. La progression. cette fois

desccrid;inte, noiis aurait coiidoits de j inillions de dollars en 1948 à
queIrliiez 750 ooo dollars USA en ~gjr. ISt ceci parce qu'eiitrc 1948 et
1951. il s'était produit uiie forte déprécintioii<lela peseta par rapport au
doll;ir. ,Je suis donc cil droit de conclure que I'eiitrep~ise de I3;1rceloria
Tr;iction. du fait de Ir1structure firinricièrcdoiit I'avaieiit dot& ses ad-
iriiiiistr:iteurs, était esposCi un risque bc:iircoup plus iniportaiit qiie
celui qui pou\.ait déci~iilerd'iiii accideiit iiivoloiitaire attrihuéi une
péiiiiriédédevises. Et ces :idmiiiistrateurs cn étaient conscientp.
1.a note du 7 mars 1940 (A.C.lI., vol. 11, no 112, doc. I.p. 292-2971,
Aloiisicur le Présideiit, iie dit rien des caiises pour lesquelles 11.Hieriiaux
croyait qii'il était à criiiiidre qu'Ebro iic ~~iitpas. pendaiit iin certain
temps, traiisfércr des fiinds liors d'Espagiic. ce qui mettrait 1S;ircelona
Trnction cil danger de toiiihcr pendarit ccttc criod o sdus I'aiitoi'itCd'uii
~ecciu~:r,airtc de poiivoir p;iyer ses cr&ailcierscri livres sterling. 1,;i1':irtie
ad\rcrsc y verra, salis aucun doute, iiiie prC\~isioiidela pénuriedc dei,ises.
AprCs In pl:iidoiric de iiioii éiniiient colli.goe, le professeur I:ciitcr, j';ii le

sci~tiiiieiit que je n'ai p:is hesoiii d'ajoiitcr quoi que cc soit pour quc la
Cour cuinpreiine coinbicii cette esplicatioii est inconipatiljlc avec la
façondont Ehro prbsenta ses demandes et en suivit le cours officiel. Il
in'ai>uarticnt. eii revaiiclie. de inoiitrer cornbicri les deus autres buts420 BARCELONA TRACTION

d'une orranisatioii et d'une structure v~iivaiit la rendre finaiici6reinent
viable et rentable au cours de la périodéqui allait s'ouvrir.
.Ledeuxiémeet le troisième but du proiet de 1940étaient, la Cour s'en
souviendra. de simolifier la com~lexe orFanisation existante pour mettre
en ~vaiit une sociéiét.ipaGii~ilc,'atinquë Icntrcpriit piit :icc'ii<:ilr Inn,
sun sein des intcrétsespagnol;, suit cn f:iis;iiita11l1il l'6p:irgiicr.spagiiolc~.
soit ni1 iiiu\.cn d':iccords dc fusioii avec d'alitrci iocl~r6s. I.;iiiute du
7 mars 19~6précise,enoutre,que polir réiissiràfaireentrer dans l'entre-
prise des intérêtsespagnols, il était indispensable d'éliminer les accords
iom~liqués ~ui avaiéni étéconclus entreles diverses sociétésdu croupe
et dédônneià la société espagnolequi serait mise en avant iine orgaii-
sation simple, dans laquelle l'on piit voir clair. L'organisation et les
mécanismes préhistoriques de l'entreprise avaient, sur la situation finan-
cière de Barcelona Traction, Monsieur le Président, deux répercussions
que je crois de mon devoir de commenter.
En vremier lieu. ils rendaient dificile l'accèsau marché esriaanol des
capitaùx. Poirit n'est besoin (Ir souligiirr I'iinportance di. ce f;;i~:~~oiir
qiii est dii développement et dc In vinhilité financiere de I'~ntrcprisc. 1.3.

Partie adverse a ëÜ soin de le montrer, en soulignant que les entreprises
d'électricité financent leur développement par voie d'emprunts et,
d'autre part, en prétendant que les organes de la faillite en Espagne
auraient DU aisément résoudre toutes les difficultésfinancières de Rarce-
loii;iTrn~:rionen recuurnrii?iI'~.mprunt(\'III. p 321-322).TOIIIC entreprise
LIéIectrisit&a bcjoin d uiic striictiirr et d'iine orjianis;itir>n$1naturc J
1\1f:~ciIitcrl'n:ct!s di] in;ircIiClocal dt.5 C;IDI~:IYS.aut;iiiDIIIS Iurs~iiir.,
comme c'était le cas de Rarcelona b rait ion,cette entreprise s'éiait
fermé les portes du marché international par son passé de mauvaise
~>;i\.t~iili n'y a rien <I'r:trlnqei cc quen 1940 Ics idiniiiistr;iteurs de
I<arcél,~ri:'il'raction aient cr\.~,ii~le inoment de sub~titucr A In \~ieille
striictiire uiie autre or#nnijatioii. plus siiii~ilc.(lui leur ;iiir;iit uuvIr.
marchélocal des caoitcux
Sciilciii~:iit.IL'Sa~n~inisir~teiir; dr Barceluna 'i'racti~~iilurciit incapn-
bli.>IIC 1940 A 1948.de rneiicr 5bien cette rCorg:~iiii:itioiiqii'ils liigeaiciit
iiidi;prii~.iblr.. C'est le st:<.uiiilpoint oii les iii~c;iiiisiiiei préhirtr>;i~lii~:
de I'ciiir~l>ri~~sont i In i<,iirt.cdc l':,sph!'xii: tiii.iitcclcrI3arctloii.i
Tr.iition. I.'uiitrcpriscsi. troii\-lit rinl~risunnc'c cI:irI;>trnnic qu't:llc
avait tisséepour frauder le fisc espagnol et ses administrateurs saGaient
qu'en soumettant un plan de réorganisation aux autorités espagnoles
on courrait le risque de voir ces fraudes d6couvertes.
Le Gouvernement belge ne oarvieiit Dns i voir la réalitéde ce risoue
fondamental que les a&nini;trateurs de Rarcelona Traction avaiént
assumé avec les décisions prises dans la préhistoire de la société. IIn'y
oarvient o.s. mêmea~rks-les travaux dé la commission internationaie
~l'~~xl>crtt-st niimç nlj;èi13déc13riitiuiiconlointr dt, ~<)jtiignC:epar les
Coiivi~riiemcnt?de ~~rniiilc-l3rctagne dii t::iii:id:i ct d'Esp;igiir IIsiiffit.
.\lnnsi~~iirIc I'rciidciitde t>:iriuurir les dt,ciiinciiti coiic,i.rii:giltI'6l:ibu-
ration du plan d'arrangement, que le Gouvernement espagnol a rassem-
blésà l'annexe IIZ du chapitre 1 du contre-mémoire (vol. II, p. 292 et
suiv.). uour voir à auel oint les administrateurs de Rarcelona Traction
a\.nisnt iuiiscicncr. de cc risqut que ILGOIIVC~IICIIIC I>I~IRii';~iri\,c\pai

coiiiprcn<lrc. 1.e~adiiiini~rr;itc~ir(Ir13;irrr.lon:i'lrnrtiu~vii si'nient pnr
Conti- t~~llcmeiitcoiis~:irii~<:iii'iinenote d.\lClark. cii d:itc di2 octobrc
1944, indique comme vraisemblable que, lorsque le plan d'arrangement PLAIDOIRIE DE M. SUREDA 421

serait présentéail Gouvernement espagnol. ce dernier profiternit de
l'occasion pour mener à bien une enquête approfondiesur les affaires de
l'entreprise (A.C.11..vol. II, noIrz, doc. 3, p. 305). Lefait que,un an plus
tard. cette orévisionde M.Clark se soit réalisée,c'est. Monsieur le Prési-
dent; \lessieurs Ici luges, ce qu'au]ourd'liui le (;ouverricment belge (>ri.-
sent^ici comriiçI;ipreuve manifeste du cnractérearbitraire des décisioiis
du miinistre,hl.Suânzes.
Lorsqu'eii décembre 1945 le ministre espagnol esprime pour la pre-
miere foisle désird'y voir clair, avant de se prononcer sur les autorisations
administratives concernant le plan d'arrangement (A.C.M.,vol. VI. no5,
doc. 7, p. 284). les administrateurs de Barcelona Traction se trouvent
devant un dilemme aui découlede leur comportement antérieur. Il leur
faut ou I>icnlaisser les autoritCs espagii01t:~I;rendre ionii3issaiice ~lcrcn-
seigrieiiients (lii'orileur av;iit tuujourj refusés,ou birri renoncer au proj<,~
dc rGorganisation financière dc l'~:iitrrlirise I.'un ét l'autre terme de
l'alrernnti~~~iomportnicnt des ronscc]ii~iiccsgraves En rcriseignant les
;iiitorit&s.oiidi'coii\,r:iitl'ampleur de fraiideJe, tromperies coniriiises
auparavant. En renonçant B la réorganisation de l'entreprise, on conti-
nuait à s'exposer au risque de voir Barcelona Traction tomber aux mains
d'un receiver,paralyser le développement de I'entreprise et nuire à sa
viabilité financière. Peut-on imaginer une preuve plus évidente de la
toile d'araienée dans laauelle les administrateurs de la Barcelona Trac-

en Espagne et leur interdisait simultan6ment de pFocédersans riSques
graves à la réorganisation financière nécessaire.Sir Walter Scott n'avait-
il pas raison lorsqu'il écrivaiiOh,what a tangled web we weave, when
first we practise to deceive?n
Pour ne rien négliger. jedois aussi mentionner une autre caractéris-
tique interne de I'entreprise de Barcelona Traction, qui est également à
l'origine des difficultésfinancières des années 1940.1948. Je veux parler
de sa structure industrielle déséquilibrée.L'entreprise de Barcelona
Traction en Espagne avait, d'emblée,choisi de baser la plus grandepartie
de son exploitation sur les ressources naturelles du pays, qui variaient
fort d'une année à l'autre et sur lesquelles les administrateurs de l'entre-
prise n'avaient guère la possibilité d'agir. Ainsi l'entreprise était-elle
extrêmement sensible aux conditions hydrauliques défavorables d'une
année de sécheresse. Dans les conditions difficiles qui prévalaient en
Espagne après 1939.les administrateurs de Barcelona Traction ne purent
mémepas rétablir toute la capacité de production thermique installée à
la veille de la guerre civile. qui était manifestement insuffisante dans la
situation des années 1939-1948. Dans la centrale de San Adrian. d'une
puissance totale de 27 ooo kW en 1935, on n'a réparéqu'un groupe de
7500 kW. Dans celle de Figols, la puissance de IO ooo kW en 1935 a été
portée à 14400 kW. Dans l'ensemble, la puissance installée dans les
centrales thermiques appartenant à l'entreprise, qui était de 64 750 k\\'
en 1935. avait été réduite en1947 à 49 650 kI\'. qui n'étaient mémepas
en totalité de la vuissance utile. En fait. I'entreorise de Barcelona Trac-
tion en Espagne S'est révéléiencapable de répoidre à la demande de sa
clientèle pendant cette période. L'importance des restnctioiis de con-
soinmation au'elle dut imposer àsesclients est due. vour une bonne Dart.
outre les ob;tacles résultint de la situation en ~spi~ne. au déséquhibre
qui marquait dès l'origine sa structure industrielle. Ces restrictions,422 BARCELONA TRACTION
jointes au coùt élevéd'une production thermique tiréede centrales qui,
pour une bonne part, étaient de mauvais rendement, exercèrent une
influence défavorablesur la capacité de faire des bénéfices de I'entreprise
entre 1939et 1948.
Dans ces circonstances - l'entrevrise étant uaral.sée .ar les entraves
que ses ;i<liiiiiiistrateiiii lui ü\~;iiciit'imposCes.;\an[ uncstructurc iiidiis-
iriellc di.-t;qiiilibrCiiiiitriiitiirlfinnncicr~.iili:idC~uatcCI une orgnni-
sation interne inefficace et pleine de risaues -. il n'est vas survrenant.
Monsieur le Président, Mesiieurs les juges, que IsentrepriSede ~arceloni
TractionenEspagne ait offert, de 1q30 a 1048. le tahleau d'une entreprise
stagnante et finalicièrementnon vigbI&,c'ést-à-direune imaee totalement
diffcrate <le icll~prCscntccp:ir lei conscils (IIIc;oiiv~.riicni,:nibi:lg<:.
1.c;tecliriiciens qiic le(;ouverncmcnt belgea coiisiiltc'soiit rnpp16qu'il
est normal (iu'une entrrnrisc <I'6lectricitc:loiiblt~d'irii~iortaiieii une-~i-
par. 75). La façon, toutefois, dont ils ont présenté Vanà lavCour les statis-
tiquesexprimant le développementindustriel de Barcelona Traction n'a
pas permis de voir à quel point l'entreprise de Barcelona Traction en
Esvaane s'est maintenue loin decette norme dans la décennieaui va de
iqjox i<)jo.,Qu'ilnie wit toiit siiiilileriieiit p<.rnii>de ralil>e;lniponr
tolite l'Espagne la ~>uissaiiceinstalléedesceiitrales. riitre 1940et iqiua .
aiigmenti~.de 52.6 polir rciit, tandis que In prodiictiun glol)alr (I'électri-
citc:aiigmeiitnit de 07.7 puur cent. ce qiii sr rapproche fort sensiblement
de la iiorriic éiioiic6epar Icj espcrts du (;oiivcriiement bzlgt.. Or. ;lu
cours de ces mêmesannées,c'est&-dire entre 1940 et 1950. la-puissance
installée de l'entreprise de Barcelona Traction en Espagne n'a aug-
menté que de 23.8 pour cent et sa production totale. y compris l'énergie
électrique qu'elle achetait à d'autres entreprises, a augmenté de 57.32
pour cent (nouv. doc. 1969, vol. 1,PMM Report, p. 38). Du point de vue
industriel. au coiirs de cette période.l'entreprise de Barcelona Traction
apparaît donc comme très en retard par rapport à la croissance de I'in-
dustrie électriaue en Esoa.,e,~~-~
La st&natiÔn industriell de Barcelona Traction devait nécessaire-
ment se refléterdans les résultats qu'obtenait l'entreprise en Esuaane.
Les conseils dii Gouvernement belge ont prétendu tirer des réiufiats
publiéspour la période1940.1947 une vision optimiste de la rentabilité
de I'entreurise. Cette vision ovtimiste ne reioint assurément vas les oni-
ni0113t~x11riinC~psiir 1~i~di~iiiti;ir:it~?iird~e I~~iic~~~riciiioi;IIIt.u(ir5
<Icrc.itr: 1ii6riiepi'rioiCI dont cr.rt;iiiio sont ioinnicnti.cs dans le iioii.
\.cati rni)i>ort de \1\1 l'eat, >Iar\vick. .\litcti~II8:CO.aile le Gouveriie-
ment es'pagnola déposéau~reffe. JC n'entrerai pas dins l'examen dé-
tailléde ces documents que la Cour trouvera dans ledit rapport, mais je
de deux de ces gocuments.er certains des enseignements qui découlent
II s'agit, d'une part, de la prévision des résultats d'exploitation pour
1944. 1945 et 1946, effectuéepar M. Hiernaux au debut de 1944 (nouv.
doc. 1969. vol. 1, PMM, ann. no 3) et, d'autre part, d'iine étude pliis
complète, du meme auteur, aux environs du mois de septembre de la
méme année,qui prend en considération différentes hypothèses con-
cernant le développement industriel et la réorganisation financière de
l'entreprise (A.D., vol. II, n" 8, doc.7. p. 243 et suiv.).
Du premier document il ressort qu'en cas de conditions hydrauliques
favorables et inalgré une forte augmentation des ventes d'énergie, PLAIDOIRIE DE M. SUREDA 423

\1 kI~,!rii:,iix[>r<;vu\,:t1iicl>:tl.<d!5 I)~n~lkt.snvr~ ]:II dc .ull~~llluli~
Iiydraiili,]u~s iIi'l:i\~or;il>l-scl c'cst cctti: Iiy])i,tliisc quSC. rC.tli;n nui
cùiirs JC cc. ;iiinc:ei-la-, \I Ilicriiaus urr:v~,\.:iitiinc forrc chiirc des
bénéficesnets. La seconde étude, qui se fonde sur les hypothèses d'une
situation hydraulique favorable etde la stabilité du taux de change de la

veseta. aboutissait à la conclusion que le dévelou~ement industriel

ncts. II mi faut souligner quecette diminution prévue des bénéficesnets
aiirait Etérnoiiis accentuée si la structure financière de l'entreprise avait
Etcréorganiséedans lesconditionséno~icéesau plan d'arrangement. c'est-
h-dire si les obligations en livres sterlingavaient étéconverties en obliga-
tions en pesetas. 1SlleCtait au contraire plus marquée si les dettes &taient

maintenues en livres sterling mémesi le coiirs de la peseta restait stable.
Force m'est de conimenter brièvement deux des coiisidérations siir
lesquelles reposaient les conclusioris de M. Hiernaiix. Ces deux considé-
rationssont les suivantes:
(iI. Avaiit 1936, l'intérètque l'entreprise obtenait des nouveaux

investissemeiits qu'elle faisait était d'environ 8%.
A l'heure actuélle. le revenu qu'elle obtient dëses investissemeiits
est de l'ordre de 4(;/,et ne lui pe'rmet pas de faire face h l'intérêtdes
oblipations qu'elle doit émettre, et en terme final, l'entreprise se
ruin'éraitau fur et à mesure de son développement si des augmenta-
tions de tarif ne Iiii sont pas accordCcs.
2. Tant qiic I'tiit <Ird~~s;qtiilil~re:ictiiel ;iil>sistera, nolis seroiis

CI]v~:rit,i~~l.~~t~ci~l:iI~ li$!~~,;i~It:tt, i~~~~i~~r~~ cioglirt:iiip..rtie
(le, ,.u~id~tior~II~~I~~II~I~IIISI.:,IIcoiirs(i IIII3n116c. ces ~:~~II(\III~II~
sont favorables,~oiis p&rrons obtenir pour cette annéedesrésultats
beaucoup meilleurs que ceuxindiqués dans les prévisions;par contre,
pour les années i régime défavorable, nos résultats pourront être
très affectés.»

La Cour appréciera mieux l'importance de la prcmi&re considération
quand j'aurai rappelé qiie le loyer réelde l'argent sur le niarchéespagnol
des capitaux était à l'époque supérieurà 5 pour cent et que, selon les
techniciens belges, une eiitreprise d'électricité se développenormalelnent
en recourant à I'empruiit (rapport Gelissen et Van Staveren, par. 12). Or,
cette entreprise que AI. Hiernaux baptisait de véritablement spéculative

tarit que l'on n'aurait pas réussi hcorriger le déséquilibredorit souffrait
sa striictiire industrielle et qui, de plus, était soiis le coiip d'un risque
grave de dépréciationde Lapeseta, c'cst, Monsieur le Président,la même
entreprise que les coiiseils du Gou\,ernenicnt belge dépeignent comme fon-
damentalement saine, financièrement viable et possédant une excellente
rentabilité.
>lx. Peat, Afar\i.ick, hlitchellBr Co. -consultés par le Gouvernement
espagnol en vue d'obtenir une appréciation objective de la situatiori
financière de I'entreprise en Espagne, à la datedu 12 février1948 -ont
étudiéles donnéesde cette situation qu'ils énumèrentdaris leur rapport,

annexé h la dupliqiie. Ils aboutissent h des coriclusions qui rejoignent
l'opinion nettement pessimiste de M. Hiernaux en 1944 et la conviction
qiie les administrateiirs avaient acquise en 1940 qu'uiie réorganisation
profonde dela structure et des mécanismes héritésdu passéétait indis-
pensable. Cesconclusions (A.D., vol. 1,II"2, p. 416). à mon sens, permet- BARCELONA TRACTION
424
tent de formuler les constatations suivantesquidécriveut objectivement
la situation de l'entreprise en février8.

I. Dans l'immédiat, la situation financière de l'eiitreprise12février
1948 ,emblait viable dans la mesure -et dans la mesure seulement -
où Ebro n'effectuait pas de transferts de fonds hors d'Espagne et où les
obligataires de Barcelona Traction s'abstenaient de réclamer judiciaire-
ment le paiement des dettes arriéréesen livres sterling. La situationn'était
donc viable qu'en apparence.
2. Si Ebroavait transférédes fonds hors d'Espagne, à partir de 193 ,
les administrateurs de Barcelona Traction auraient été contraints 2e
reconsidérer tout l'avenir de l'entreprise en Espagne. Un seul fait suffira
prouve? cette affirmation. En 1948 le transfert de la somme nécessaire
au paiement des sommes dues aus obligataires n'aurait pas laissédans les
caisses de I'entreprise en Espagne assez d'argent pour acquitter les enga-
gements courants au fur et à mesure des échéances.Cela signifie que le

transfert des fonds aurait révélau grand jour l'insolvabilité intrinsèque
de I'entreprise, au sens habituel que l'on donne à ce terme.
3.Sur ces bases, il ne semblait pas probable qu'à la longue l'entreprise
fût financièrement viable, sans une profonde réorganisation financiere.
Je juge superflu d'insister sur l'importance des motifs qui, d'après les
administrateurs de Barcelona Traction. rendaient depuis 1040 cette
réorganisation indispensable et sur la nature des risq& qu'ai affron-
taient en proposant la modification des vieilles structures de I'entreprise.

C. L'analysefinancière dlea situationdel'entrepriseen Espagne

II m'incombe maintenant, Alonsieur le Président, Messieurs les juges,
de démontrer combien les arpuments des conseils belees. tirésamarem.
ment d'une profonde étude des résultats publiés l'cntrepri& pour
la période 1940-1947, sont dépourvus de fondement. De l'avis dcsdits
conseils.cesÏésultats~rouveralent aue AI.Hiernaus se'serait tromué lors-
i111'c194. i4I>rr\.i>!.:ilrque 1's<>I.sept arii16i:s.;iii~.niltesjcr:iient pur
I'e~itrci>risciinc ii.ritnble sp6ciilatinn. :\vant iev;iis cvnsidcrcr Ics
deux aigurnents suivants: d'après le premier, les disponibilités en pesetas
de l'entreprise en Espagne prouveraient que la cessation de paiements
aurait d'autres causes que les difficultés financières dans lesquelles se
débattait l'entreprise. D'après le deuxième, le chiffre tirédu bilan, repré-
sentant les actifs nets, confirmerait la prétendue valeur réellede l'entre-
prise et constituerait un critère adéquat pour démontrer que celle-ci
aurait étésolvable au momeiit de la déclaration de faillit(VIII,p. III,
112, 319, 349, 368, 464-46 et 486) .es deux arguments se trouvaient
formul6s en termes identiques ou similaires dans la requête (1, p. 6,
par. II)et dans le mémoire (1.p. 22. no 36) Ils avaient éti.aupara\.ant
utilisés par Sidro dans le litige qu'elle a eu à Londres avec le comité des
obligatairesPrior Lien.
Il me semble opportun de rectifier ici l'interprétation qMe Van Ryn

a donnée de l'un des documents de ce litige, au cours du développement
qu'il a consacréà la claire et simple notion de l'insolvabilité qui, à son
dire, est iipresque une simple question de comptabilitéi>(VIII,p. 128).
Le conseil de la Partie adverse a invoqué,àcette occasion, un document
(BlzreBook, vol. II,p.8) pour attribuer aux avocats anglais du comité
l'affirmation que <clesbilans de la Barcelona pour les années 19351946, inclusivement, montraient indiscutablement iiBarcelona as being sol-
vent » (VIII, p. 131). 11suffit de se reporter au teste de dociiment uour
s'al>erw\.oir que. dniis ct.liii-ci. 1c.sa\,ocnt%niiglaii dii iomitc ne forniilc~nt
1x1s'l'upiniun 1icr;uniielle i cet Ignrd ~.t qiie Ik texte dc cc do<:iiincnt iit.
r>~.riiietiii?riie p:de dirc ciii'icr iiinnient-li Ie,(lits ;ivocats aient \,Iles
bilans en quesiion. Voici ce qu'ils disent dans ce passage: cles deman-
deurs [c'est-&:dire Sidro] se proposent de prendre appui sur les bilans de
Barcelona pour les annees 1935 à 1946 incliise n.Ainsi, ces avocats présu-
ment oue lesdits bilans iridiaueront sans aucun doute iiiiétat de solva-

biiité it que, pour attaquer ies arguments que la partie adverse allait
fondersur les bilans i~nousaimerions connaître la direction de l'offensive,
pour pouvoir envisager quelle espèce de pretive, s'il en est, devrait être
présentéeà l'appui inTout ce que l'on peut tirer de ce texte, Monsieur le
Président, c'est que Sidro, dans le litige qui s'est dérouléà Londres, se
proposait aussi do ramener le problème de l'insolvabilité à cette .presque
simple question de coinptabilité u à laquelle voudrait la réduire Me Van
R!.il
le iiiï<li.iii.iiiiiiic propa;, c~iii~llidcc s<:fitiriiion distingué roiirr:l-

dicteiir dc I:iiiitiirc cles ~)ritt,l>n(.1:oniptnhilit6. lur$qii'iIiiivoqiit. Ieiir
appnreiitc iiiiipliciic. :\ mon avi.;, ce i~iiiioii<laiiiiiIc.pli15cl;iiremciit les
argiimeiits du ouver~ri~~t I~elgc LUII~.CIIK~II~1~3 di~p~~niI~ilitCc~i,
pcsct:ij ct l;t\.:ileiir des :titiiit3t:(IrI'cntrcpri~c, ~ell?s~~~~'cllr~ 6s1iItt~irt
du bilan, c'est précisénientla simplicité.
La simplicité de ces arguments permet de les ramener, en derniere
analyse, à deux propositions absolument invraisemblables.
La premiere est que les techniques complexes de l'analyse financière,
laborieusement mises au point et perfectionnées chaque jour par les
comptables et les économistes afin d'arriver à des opinions fondéessur la

situation financiere des entreprises qu'ils étudient, seraient des passe-
temps oiseus de spécialistes atteints de déformation professionnelle. Les
conseils du Gouvernement belge prétendent, suivant en cela leurs tech-
niciens, que l'on pourrait se passer de l'analyse financiéreet qu'il suffit de
lire le chiffreexprimant les disponibilités d'une entreprise et de le com-
parer avec les arriérésde cette mêmeentreprise pour pouvoir constater
aue le non-uaiement des dettes obligatair.. n'aurait rien A voir avec les
<iiflicult;!sfinn~ici~rciclccette eiitr.:},rije.
!.a seconde propositiùii coiiiiite eii cç qiie le; iei:liiii<luejde I';i.alu:ition
des entrepises, qui ne sont pas moins coniplexes que celles de l'analyse

financière, seraient superflues, lorsqu'il s'agit de déterminer la valeur de
l'entreprise. .4en croire les conseils et techniciens du Gouvernement belge,
il suffirait de pratiquer la simpleopération comptable qui consiste à éta-
blir la valeur nette, selon le bilan, des actifs de l'entreprise pour tenir
pour établi que l'entreprise de Barcelona Traction aurait étéaune entre-
prise parfaitement saine. solvableii (VIII, p. IIO), «qu'il ne pouvait pas
êtrequestion d'insolvabilité de la Barcelona Traction r (ibid p .131)et
que la faillite déclaréeen Espagne aurait ététiune faillite artificielle3
(ibid p. 127).
J'ai la conviction qu'aucune de ces deux propositions auxquelles se

rarnèncnt les démonstrations des conseils belges n'est admissible.
Selon la Partie adverse, les disponibilités de l'entreprise auraient tou-
jours étésuffisantes, entre 1940 et 1947. pour réglersans délai lesarriérés
des intérèts et de l'amortissement des obligations, et cela démontrerait
que la cessation des paiements n'avait pas d'autre cause que la pénurie 426 BARCELONA TRACTION
de devises (rapport de IlM. Gelissen et Van Staveren, par. 52, notamment
VIII, p. 64. 72, III et 367). L'argument est inexact: en fait, l'insuffisance
des disponibilités au regard des arriérés des obligations peut être
évaluée,à la datedu 31 décembre 1945. à I248000 dollars (nouv. doc.
1969, vol. 1, PMiM Report, p. 49) et, si l'on admet 1es.prévisions de
hl.Hiernaux concernant le déficit de l'amortissement 'desobligations,
l'insuffisance des disponibilités devrait être évaluée à z millions de

dollarsenviron. c'est-à-dire àune vingtaine de millions de pesetas (t~ouv.
doc. 1969, vol. 1, PMM, ann. no 9). Quant à la situation au milieu de
1947, la Cour peut se reporter à une lettre de Il. Speciael, présiderit de
BarcelonaTraction. adresséeà M. hlenschaert. en date du 31 iuillet1047.
où se trouve commentée une autre lettre émanant de;i\l. Graydo;i;
secrétaire de Barcelona Traction, dans les termes suivants:
«par laquelle vour verrez que le total des arriérésen intér6ts et
amortissement s'élèveà plus de cent quarante-six millions de pesetas.
Or, nous avons en caissc cent quarante-deux millions de pesetas.
Donc, veillez aus dépenses pour maintenir le chiffre des dis oni
bilites supérieur à celui des charges arriéréesi, (A.C.M., vor \':

no 99% P. 350).
I.'ohlection esii,rit.~.lle dii Gouvcriirriit:rit c.;yngii~il.touti fi,is. rie coii-
jistc 1ni en cc(lut I'nigumeiit helcc e,t iiit.sact en fai1.ul~iccridiIn pli15
imooitante coiisiste en ce aue &te simole~c~ ~araison éntre les dis-
pohibilités en pesetas et le montant des arriérésd& obligations ne saurait
êtreconsidérée commele seul facteur entrant en ligne de compte, lors-
qu'on prétçnd. coinilie IL.fair le Goiivernemeiit ~i~l~c:'~lLniontrer'~iiiiiic
la sitii:ition hii:iiisi+r~:de I'enrrepri>t,niiinir crc ~~arfaitrrniiic eque

1'ciitrq)riqe aiirnit il6 iolvabli: lorxlii'ellc liit dSclart!e en f.iillitc
l'oiit expert qui est faniilier avvc In techniqiie qii'il appliqiir anal!.scra
:ici%fini dci t!l&inent..~iiis auciiii dout,. plu>suiiipl~s~:~que sçus i1ii'an;i-
I\.scnt les teclinici~iis l>~ljies.In natur~ çt le niont:iiit drs ii~tifi r&ilisable.
cr de: oblig;ition-:Icoiirt tsrmii dt: I'cntrel~ri;1-ii:itiir~r 1,:voliiinc;di
1'endett~:iiienrgcii;.in[leI'ciitr<!prisv iviiiiiris lcs Loiitr<:ricoiirs pxr
exemol.. oo.rÏes besoins de cinstruitions Aeuves. aussi l'influence iue
~~eii\,ziitcssri:er Ici oblig:itioiii sont ingçiitvî ou i\.enru~~lde I'ciitre-
priie. mimc îi le mont;iiit n'en s [)ni ciicore 6t6 stiiffré,etc. ISn~Iéiiiiiti\,t:.
\lonsicur IV I'rbsident. il est difficilrnicnr coiicc\~al>l~ouc dei clnerti
expriment un avis surla situation financière~d'une entréprise et sir les
causes de sa cessation de paiements sans envisager ces facteurs-là et
d'autres facteurs similaires et, bien entendu, il est impossible de recon-
naître la moindre valeur à uiie opinion qui, comme celle de l'adversaire,
se fonde sur la méthode fort simple qui consiste à comparer les disponi-
bilitésliauides et le montant des ~~~-~.~s.
C'est fa raison pour laquelle hlhl. Peat, hlarwick, Mitchell SrCo., en
analysant l'histoire financière de Barcelona Traction et la situation de
celle% au 12 février 1948, ont accordél'attention qu'il convenait à l'ana-
lyse et à l'évoiution du workin~ cafiital de l'entreprise aux momeiits et
aux périodes que concernait le& ripport et, plus précisément,à la date

du 31 décembre 194;. D'autre part, les experts consultés par le Gouver-
nement espagnol, lorsqu'ils tachent de se faire une opinion sur les possi-
bilités qu'avait l'entremise de faire face i ses oblirrations au fur et à
mesure que celles-ci venaient A échéance,au cüurs de la période qui est
intéressante pour la faillite, se sont préoccupésd'anaiyser correctement PLAIDOIRIE DE M. SUREDA 4'7
les actifs réalisableset lesbligattons à court terme de I'entreprise. Ceci
en vue d'éliminer des actifs réalisables certains éléments difficilement
convertibles en argent liquide et afin de iie pas faire entrer en ligne de
compte certaines obligations déjà contractées, comme les obligations
fiscales, qui, en pratique, pouvaient ne pas devoir nécessairement Ctre
acquittées au cours de la périodeenvisagée.
Le résultat de leur analyse effectuéesur des bases extrêmement con-
servatrices a été qu'ilsn'ont éliminédes actifs réalisablesde I'entreprise
que la somme de 3 441 000 dollars.alors qu'ils ont réduitles obligationà
court terme d'un montant de 8 812 ooo dollars. dont s818 ooo dollars
correspondaient à des obligations fiscales des innées ;récédentes pour
lesquelles il avait étéfait provision en comptabilité. En mêmetemps,
les experts se sont abstenu; d'évaluer certaines obligations contingentes
ou éventuellesde l'entreprise que, avec la connaissance qu'ils avaient des
choses au moment de la rédaction de leur rapport, ils auraient eu des
raisons suffisantes de faire entrer dans leur évaluation. Sur ces bases,
entiérement raisonnables, MM. Peat, Marwick, Mitchell gi Co., sont
arrivésà la conclusion que, tant au 31 décembre1947qu'à la mêmedate
de l'année 1948,la situation de l'entreprise était telle qu'elle n'aurait pas
pu faire face aux obligations minimales qui étaient en la pratiqiie exi-
cibles, durant la période considérée.sans avoir recours à des sources
~upplémentairesdéfinancement (A.D., vol. 1,no z, p. 413, et nouv. doc.
1969, vol.1, PMM Report, p. 30-31).
Tedois maintenant montrer bri6vement le défaut de fondement de la
crzique que les experts consultés parle Gouvernement belge ont adressée
aux passages du rapport de Mhf. Peat. Marwick, Mitchell & Co., con-
cernant le zorkine caaital (ra~~ort de MM. Gelissen et Van staveren,
p. 38 et suiv.). L& m;>yens'dÔit on s'est servi pour formuler cette cri-
tique ne sont certes pas, Monsieur le Président, de nature àrenforcer la
valeur nulle de l'argument que le Gouvernement belge
fonde sur les disponibilités en pesetas.
Je dirai d'abord que l'existence d'un working capital nbgatif peut
n'avoir pas de signification dans le cas d'une entreprise d'électricité, si
c.-taines ~ ~ ~nstances sont réunies. C'est le cas lorsaue,l'entreorise
p,i..,iilt: (le>;ictib librcs de <:litrloisi(i~'cll: f.ti:ilt:nicnr:ic:,iin
iiinrcliéabona1:int<lecarlit;,iix sur Iccsïcr~r;iti<iiir,iit:iii.<l'inrr'r>ti
raisonnables. L'existence d'un worklng capital négatif, en revanclie, est
un fait extrêmement pertinent, lorsque l'on envisage la situation écono-
mique et financière d~'uneentreprise d'électricitéqui se trouve dans la
situation oùétait Barcelona Traction le 12 février1948c, 'est-&-direlors-
qu'on considère une sociétéqui a cesséde payer ses obligations exté-
rieures depuis pres de douze ans, qui est menacéedes risques que Bnrce-
lona Traction avait assumésdu fait des violations commises durant de
longues années au regard des règles fiscales et moiiétaires et dont la
liberté d'action est entravée par une organisation complexe et tortueuse.
Pour une société comme BarcelonaTraction, c'est l'existence ou I'ab-
sence d'une marge appropriée de working capital qui ermet de dire si
elle est ou si elle n'est pas insolvable; c'est-à-dire si eest ou non ca-
uable de faire face à sesobli"ationscourantes à mesure aue ces obliea-
tions viennent àéchéance.
Le nouveau rapport de MM.Peat, Marwick, Mitchell & Co. déposéau
Greiie par le Gouvernenient espagnol donne une réponsecomplhte à la
prétention sans fondement de MM. Arthur Andersen & Co. (p. 15 et428 BARCELONA TRACTION
suiv.), selon laquelle les experts consultéspar le Gouvernement espagnol
auraient établitrois évaluations,mutuellementincompatibles,du working
capitalde Barcelona Traction et qu'ils auraient choisi l'évaluation laplus
défavorable pour tirer leurs conclusions. J'ai déjà ra peléque les con-
clusions de MM. Peat, Marwick, Mitchell & Co., surP situation finan-
cièrede Rarcelona Traction en 1948reposent sur des bases extrêmement
prudentes. Etant donnéla clarté avec laquelle le rapport de MM. Peat,
Marwick, hlitchell& Co., définit les buts de son estimation (nouv. doc.
1969, vol.1,PMM Report, p. 25-29), il est absolument inexplicable que
Mill. Arthur. Andersen & Co. n'aient pas étéen mesure d'apprécier les
formuler l'imputation gratuite que les experts du Gouvernement espagnolour
fonderaient leurs conclusions sur une sous-estimation durkingcapital
de Rarcelona Traction. sous-estimation qui serait de l'ordre de plus de
II millions de dollars (rapport Arthur Andersen& Co., p. 23-24).
Pour ce qui est de latentative de MM.Arthur Andersen & Co. de sou-
tenir que la situationde Barcelona Traction, en matièrederkingcapital
et de liquidités, soutiendrait favorablement la comparaison avec cer-
taines statistiquesdes Etats-Unis (rapport Arthur Andersen & Co.,
p. 24-25!. jecrois que je ne saurais mieux faire que de citer le para-
graphe 117 du nouveau rapport déposépar le Gouvernement espagnol:
.The comoarison bv hIessrs. Artliur Andersen& Co.with electri-
cal utility c&npaiiies ;n the U.S.A. (Ann. 6, paras. 34-35) is equally
erroneous in terms of figures. quite apart from the fundamental
fallacy that such a comparison with- an aggregation of figures
extracted from balance sheets of United States privately owned
electric utilities at either 31st December1947 or, even more so,
some twentv vears later. is in anv wav meanineful. We do not con-
sider that i<i;possible tb make avalii comparEon of one particular
Group, in a countrv such as Spain in 1q47 with al1 the dificulties
thenLbeing experiënced, with conglo%ration of figures. which
could include a wide variety of individual financial situations, of
companies in the U.S.A., whether in 1947 or 1967. Mere figures of
themselves, at a point in time. with no regard to the problems of
relative stability vis-à-vis external currencies-whichpresumably
are not applicable to any significaut extent to the U.S.A. com-
panies-have no regard to the realities of the situation in Spa»n.
(Nouv. doc. 1969,vol.1,PMM Report, p. 32.)
Monsieur le Président, j'espère que la Cour conviendra avec moi que
des attaaues aussi mal fondéesne sont Dasle meilleur moven de donner
une r~alehrquelconque aux coriclusionç'hâtii~es concernant la situation
financière de Barcelona Traction en 1948, que le Gouvernement belce
prétenddonner pour établies en opéran une Simplecomparaison des dk-
ponibilitésenpesetasavec lemontant desarriérésafférentsau service des
obligatioiis en livres sterling de Barcelona Traction. Je pense ainsi avoir
réfuté eficacement l'usage qu'a fait mon distingué contradicteur,
>lVran Ryn, des conclusions desdits experts du Gouvernement belge.
L'importance considérable qu'avait le défaut de working capital de
Barcelona Traction en 1948et la conclusion des experts du Gouvernement
espagnol relativeà l'incapacitéde Barcelona Traction de faire faàeses
contracter de noiirelles dettes. m'anièneàtexaminer les allégations de PLAIDOIRIE DE M. SURBDA 429
la Partie adverse concernant les possibilitésqu'aurait eues l'entreprise de
Barcelona Traction en Espa~ne deseprocurer aisémentdenouveaux Drêts.
Au coiirs de I'audiencid;; 29 avni. le cunjcil du (;o~\~eriiernenti>rlgc.

les organes de la fdillitr, d'?nii>ruii~er«cettt! r<:l;iti\.emenrfaible ioDiiiii,?
qui, gson avis, aurait été sifisante, en décembre 1951, pour payer le
p~incipal et les intérêts dela dette en livres sterling de Barcelona Trac-
tion et, par conséquent, obtenir la levéede la faillite (VIII, p. 321). Dans
ce but,Me Grégoirea comparé266 millions de pesetas. qui représentaient
d'apres lui les liquidités disponibles dSEbro en décembre 1951, avec une

somme de 371 millions de pesetas. qui représenterait, d'après mon dis-
tinguécontradicteur, le montant que les s 7 ndics auraient dîi payer aux
créanciersde Barcelona Traction en capita et en intérêts.En supposant
que tous les problèmeslégauxet de procédureaient pu êtrerésolus - et
je dois signaler combien ces problèmes sont complexes et sérieux -, les
organes de la failliteauraient pu, d'après Me Grégoire. réglercomplète-
ment les obligataires de Barcelona Traction s'ils avaient pu obtenir un
8 faible prêtude 105millions de pesetas.
En réalité.comme l'adéjàsignaléleprofesseur Carreras (sziprn,p. 359).
mon distingué contradicteur a étésérieusementinduit en erreur par son
argumentation. II n'est pas certain que les 266 millions de pesetas qu'il
présente comme les disponibilités d'Ebro au 31 décembre 1951 auraient
été dis~onibles à la seule et uniaue fin de rembourser les oblieataires de
H;irrr:lonn 'l'raction~n~li~)~:iiil;~i;iides be,oiiii norin:iiixudczorkr~rg
rapilul, qiie l'on ii'n m2m~ dnignéprciidre cn cu~i~idératiu~iI.ci or-
v.iiie>di: In i;iillite. en ~lCcenil)re1041.<lev:iicntrvnir roiiii)tc <leI:Iii6ccs-
Fitéqu'il y avait'd'acquitter desobligations fiscales &pplémentaires
afférentesaiix exercices précédentsainsi que de la.nécessitéd'acquitter
d'éventuelles ainendes uui oourraient êtreim~oséesau terme de la oro-
cédure en cours pour c:;uséde délit d'ordre monétaire. En réalité.'des
266millions de pesetas qui auraient constituéles dis~onibilitésd'Ebroau
31 décembre 1951. 81 millions se trouvaient déjà déposés à un compte
spécial àla caisse des dépàtset consignations, en vue de la liquidation des
obligations encourues du chel des délits monétaires. ce qui à lui seul
aurait élevéle (ifaible prêtià 166millions.
Les erreurs dans lesquelles est tombé >le Grégoiresont plus graves
encoreen ce qui concerne le second terme de son calcul. Non seulement
il ne s'est pas souciédu fait que les créanciers de Barcelona Traction
avaient le droit d'êtrepayésen livres sterling. mais encore il a comparé
les prétendues disponibilitésd'Ebro au 31 décembre 1951 avec ce qu'il
dit êtrela dette globale de Uarcclona Traction, en principal et intérêts
arriérés.Pour formuler son argument, il a pris pour base la dette de
Uarcelona Traction au 12 février1948.laquelle, au seul titre du principal
exprimé en livres sterling, était inférieure de z640 ooo livres sterling
additionnelles vendues par \\'estminster Bank à la dette existant au
ZI décembre 1a5,- ~..s il a converti cette dette de 1o46 au taux officiel
au change pratiqué en 1948, en faisant abstraction déEe que le taux de
change officieldu marchélibre au 31 dGcembrergjr était d'eriviron Iro
oesefas Dourune livre. Ainsi donc, outre le droit 4;'avaient les créanciers
de Barcèlona Traction d'êtrepayéseii livres sterîing, ori constate que la
dette globale de 13arcelona Traction, principal et intérêtsarriérés,
calculée au 31 dbcembre 1951, équivalait à quelque chose coniiiie 1100
millions de pesetas.430 BARCELONA TRACTIOX

Eiicoiiclusioii, si moi1distingué coiitrnclicteur veut vraiment se mettre
dans la situation réelledes syndics eri décciiibre 1951, il devra coiistater
que le ofaible prét qui leur &tait nécessaire pour apurer l'cnsenihlede la
dette» n'aurait pas été deroj millions de pesetas, comme AI' Grégoire
veiit bien le dire, inais de g~j millions de pesetas au ininiinurn. Et cette
évaluation da moiitaiit à einpruiiter se fondesur I'hypotlièse que toutes
les diponibilités d'Ebro. réservefaite des SI millioiis de pesetas déposésà
la caisse des dépôts,auraient pu ètre consacrées à rembourser les créan-
ciers de Barcelona Traction. C'est dire qu'elle repose sur l'hypothèse
absurde que les orgniies de la faillite auraieiit pu priver I'eritrcprise qui
leiir était confiéedes foiids iiécessaires polir faire face aux besoiiis cou-
rniits do working cnpilirl et qu'ils auraieiit pii se désiiitéressei-desobliga-
tions coiitin~cntes oii éventuelles de ladite eiitrevrise. l'aiiiierais savoir

decontinuer à dire que iila carence des s!.iidics, en cette inatière, est
doiic fondamentaleiiicrit iiiescusahle ,,et qii'elle seraitiirévélatricede
Ieiirs inauvaises iiiteiitioiis à l'égardde la K;ircelon,(VIII,p. 322).
ICtaiit doiiiié le caractère énorme du inoiitünt de l'emprunt dont je
viciis de parler, il nie sïnible superflu de rii'étendrcdavantage siir I'argu-
ment qii'a développé 3 cet é ard la Partie adverse. Je tiens cependant à
insister sur un autre rioint. fis'aeit de Ir1déclaration faite v:ir moi1dis-
tiiiguécontradicteur ;l'après laquelle, se basaiit sur l'opinioi; des experts
coiisultéspar le Gouveriiement belge, de l'avis de tous les spfcialistes, les
entreprises d'électricité, pour financer Ieiirs investisseme;its noiiveaux
(VIII, p. 321). font notamment appel au marché des capitaux et
particulièreinent aux eiiipruiits. J'ai déji indiqué qu'eii règle généraleil
se peut en effet qu'il en soit ainsi, et je dois souligner que le fait que

13arcelonaTractioii n'ait pas pu, au cours dc la périodecornpi-iscciitre les
années 1935 et 1948, se coiifornier à cette règle norinalc, coristituc
précisément une preuve de plus dii cnractèrc aiiormal de s;i situation
écoiioniiqoeet financière. La situatioii dans laquelle se tioiiv:iit l'entre-
prise de Uarcelona Tractioii, de 1939 à ~gjr - situation dans laquelle
c'était l'anormal (lui. nour une raison ou vour ilne autre, était la uiior-

le cadre d'iine 1-éorg:iiiisatioiifiiiancifre proforide oii au 1ciidcin;iiiid'une
telle réorganisation (nouv. doc. I 6 , vol 1,PMM Report, p. 39-43).
Comme i'ai déià eu l'occasion c?e?'ex&ser, Monsieur le Président. les

qui va de rqlo à 1951et, par conséqùerit,aussi diirant la pkrio<ic0ù cette
entreprise fiit adiiiiiiisti-&cpar les orgaiics dc la faillite.
J'ai ainsidémontrb, à la satisfaction dela Cour, je l'espère, que l'argu-
ment fondésur los dis~~oiiil>iliié eii pcsct;is ii'iridic~uIiiisciil, ricii de la
situation fcononiiqiie dc I'eiitrepi-isede 13;irceloiiTractioii cii 1948; que
lc,,,~faible prét», qui ;inrait pu résoiidi-etous les probl&iiics cil 19j1,
n etait pas aussi modique qii'il pourrait paraître à première vile; et
qii'enfin le marché espagnol des capitaux n'était pas aussi facilement
accessible àla Barcelona Traction en Espagne que veut le fairecroirela
Partie adverse. PLAlDOIRIE DE M. SUREDA 43'

II me faut maintenant consacrer moi1 attention à la simple questioii
de comptabilité, àlaquelle mon contradicteur, MeVan Ityri, croit pouvoir
ramener la solvabilité dc l'entreprise de Harcelona Traction en 1948.
Les conseils du Goiivernement belge ont souvent fait étatd'une somine
de 55oz ooo dollars, doiit Me Grégoirea dit qu'elle était la avaleur des
actifs netsi, (VIII, p. 368). calculée par hlhI. Arthur Andersen K: Co.
(p. 14) sur la base des chiffres fournis par les experts qu'a consultés le
Goiivernement espagnol. J'espère pouvoir démontrer'qiie ce chiffre, une
fois qu'on l'a analys&, n'est lui aussi qu'une chimère ;de plus des conseils

du Gouvernement belge et qu'elle ne confirme pas lemoins du monde la
valeur qu'il leur plaît de donner à I'entre~rise. le déolore la comvlexité
CI?~nuri'~~r~iiiii~iii:itioqiii~'CXJ~IIOII~p:Ir I;, C~III~II~'YICI,CL,>,'iin,i~~;
q~i~!stioiitic c~~ni~~~:~I~ llt~:1):irl:tit>le \':#IIl<!VIipar la ct~iiipIt.sitG
de la striictiirc dc 1'entrzi)ri;r dc Barcelona Traction 'iinsioiic inr Infncori
doiit les comptes de cettéentreprise étaient tenuspar ses aiirnikstrateirs.
13nprcmier lieu, 'e dois signaler qiic l'on chercherait eii vain, dans le
rapport de Mhl. Jeat, Marwick, Mitchell & Co., la description que
M' Grégoirea faite de la somme de 88 millions de dollars. Tout ce que l'on
y trouvera, c'est qu'après avoir fait un certain nombre de réserves les

experts déclarent que il'ensemble des actifs corporels iiets air jr dé-
cembre 1947 »équivalaient à 38062ooo dollars (A.D., vol. 1, no z,p. .9~ ~
et 400).
Entre cette somme ct celle dont font état les conseils dii Gouverne-
ment belge, il existe unc substantielle diff6rcricc d'un peu plus de 50 mil-
lions de dollars qu'rissiirément il serait I~ond'expliquer. I.'explication,
c'est <luela auasi-tot:ilité de cette différeiicesubstantielle reurésente des

tion et-résultent donc d'une transaction interne de I'entreorise. Les
22 a11rrt; ~iiilliur~s~lc~lull:irj ~,ro\.iciincrit <lugood xi11 drins i'acl.t<ttle
sociCi&siilinlei et t1cconze;sion; non aniortics ,ilid. p. looj.
Par con5i.auent .l'anal\.se13 1)Iiiiiii)trtici~IJt 1;\.1011~.sur les S.7mil-
lions de doll&s dont le; conseils du ~ouverne&nt belge, 50 mil-
lions de dollars sont un élémentpurement comptable qu'aucun expert
ne rleut. à mon avis. évaluer autrement ou'en estimant-la ca~acité de

reiitribilité.
C'est pourquoi le rap art de hlhf. Peat, hlarwick, Mitchell & CO.
indiqiiait clairement qiic Tetableau financier des actifs matériels iiets du
groupe au 31 décembre1947ne prétendait pas étreuneévaluation (le I'eii-
treorise et au'il n'avait étédressé ou'aux fins d'anal\rscr la viabilité
finincière d; groupe en février 1~48'(ibid). En effet, dans le rapport
consacré à l'évaluation, -les experts consultés Dar le Gouvernement
esp:ignoi ont déclarb.,en termesAnoii éqiiivoqucs; que toute é\raluation
(l'un goiiigconcern doit reposer essciitiellcrncnt sur 1'estim:ition dcs béii6-
ficcs fiiturs dc l'entreprise et sur la capit;ilisation de ces bénéfices i iin

taux de rendeiiient tenant comvte. iliter nlin. de la i1atiii.e des actifs de
centreprise àévaluer (A.D., voi. 1,'n0 3,p. 442 et suiv.). En terminologie
comptablc, on entend par soodu:ill positif ou négatif, toute différencequi432 BARCELOSA TRACTIOS
peut apparaître entre la valeur de l'entreprise considérée comme going
concern et les actifs matériels nets. Point n'est besoin d'ajouter que, dans
la situation où se trouvait Barcelona Traction tant en IO& ou'à la date
où ses biens furent mis en vente en Espagne, il était inimaginable qu'il
piit exister un~oodwill positif. Mêmeles conseils du Gouvernement belce
n'ont Dasosélë ~rétend;e.

Eii sscond IICII,s<:OSC In qiiçstion <JI:IrCilllf6i:c~~i~lr(ILqtii IX.II~
dissimuler <Icrri&rcle cliifire conil>table clc.3, iiiilliLICdoliarh qliirf.<.
tent, maintenant que nous avons éliminéles 50 millions correspÔndant
aux actifs immatériels. Pour la résoudre, il faut tenir compte d'un fait
important: JIM. Peat, Jlarwick, llitchell& Co. ont pris comme oint de
décart les comptes tenus en pesetas et ont opéréla Conversion des actifs
matériels estimés en pesetas en faisant usage de deux taux de change
différents:le premier;ie taus en vigueur àl'époque,de 11,042pesetaspour
un dollar, a étéappliqué aux actifs et obligations à court terme ainsi
qu'aux investissements; le second, le taux historique de 5.18 pesetas par
dollar, a étéappliqué aux actifs immobilisés ainsi qu'aux actions et
obligations des filiales se trouvaiit au pouvoir de tierces persoiiiies(A.D.,

vol. 1, no2, p. 399).Cette méthode, je le répète,était appli iiéedans le
hut de s'adapter alitant que possible à la pratique comptab ?e de I'entre-
prise de Barcelona Traction. Etant donné le but de l'état financier dont
nouj parlons, cette méthode était admissible puisque, dans I'aiialyse de
la viabilité financikre de l'entreprise, ce qui importait, ce n'était pas le
coût historique des actifs immobilisés,mais les actifs réalisables, les.obli-
gations àcourt terme et la dépense de capital prévisible.
Que deviendraient les 38 millions de dollars d'actifs matériels du rap-
port de hIbl. Peat, hfarwick, XIitchell & Co. si la conversion était effec-
tuée au taux de 11,042 pesetas par dollar au lieu de l'êtreau taux liisto-
rique de 5,18 pesetas par dollar? Après ce que ]'ai dit du défaut complet
de pertinence de ces chiffres comptables pour l'évaluatioii de l'entreprise,
il semblesuperflu de le calciiler. Coinme je n'ai pas accèsaux livres d'Ebro

tenus à Toronto, il me serait en oiitre impossible de chiffrer avec précision
certaines de ces rectifications. Néanmoins, et afiii d'établir l'ordre de
grandeur des sommes en question, je voudrais sigiialer l'effet de la diffé-
rence de change de quelque 22 millions de dollars qiii figure i l'état
financier établi par Jlhl. Peat, Alarwick, Mitchell & Co. (A.D., vol. 1,
no 2, p. 400). Cette rectification ne concerne que les actifs physiques des
filiales espagnoles - Ebro n'est donc pas prise en considération. La rec-
tification aurait pour effet de réduirela somme de 38 millions de <lollars à
16 millions environ. De plus. d'après les renseignements dont je dispose.
il est certain qu'il y aurait lieu d'apporter une importaiite rectification
au rnoiitant des actifs immohilisés d'Ebro et aux provisions de dépre-
ciation correspondantes. Si je me livrais aux mêmesmanipulntioiis comp-
tables que mes contradicteurs, je poiirrais conclure triomphalement que
les rectifications à apporter nous auraient amenésà constater une iivaleur

nette des actifs iinégative. La réalitéest plus complexc car il faudrait
également tenir compte de la différence des changes dans Ic calcul des
provisions pour dépréciation constituées par Ebro et dans l'estimation
des ohligntions de Barcelona Traction, dont la valeur indiquée ail bilan
de la sociétéa étécalculéed'après le taux de change historique.
3la coriclusion, Monsieur le président, hlessieurs les jilges, est que cette
simple opération de comptabilité qui, selon AleVan Ryn (VIII, p. 129 et
suiv.), aurait di1établir la solvabilité iiitrinsèque de Barceloiia Traction, PLAIDOIRIE DE M. SUREDA 433

se révkle.en pratique, beaucoup plus compliquée.surtout si, comme c'est
le cas pour Barcelona Traction, il existe une structure complese et si la
sociétéappliquedesméthodescomptables particulièrement compliquées.
J'ajouterai que la prétendueévaluation desactifs tangiblesnetsà 36mil-
lions de dollars au31décembre 1947 serait réduiteàun montant relati-
de change alors en vigueur. Enfin, je tienàorépéter quele résultat finalaux
de cette pure manipulation comptable n'équivaudrait pas davantage à
une évaluation de l'entreprise considérée commegoing concern,car I'éva-
luation d'une entreprise doit considérer en premier lieu les bénéfices
futurs escomptéspar l'entreprise.

L'audience,strspendue àII h zo, estreprisà II II40

Plusieurs des distinguésconseils du Gouvernement belge ont également
faitétat d'un chiffre qui représenterait les «bénéfinets 1de Barcelona
Traction au cours de la période1941.194 et6ils ont présentéàla Cour iin
chiffre degzmillions de dollars qui, selon eux, représenterait la part de la
valeur de l'entreprise de Barcelona Traction, attribuable au capital-
actions, obtenue par capitalisation des résultats de 1947.hle Van Ryn
notamment a cru possible de faire l'élogede iila rentabilité excellente de
l'ensemble de ces entreprises.meme, je le répète,après la déclaration de
faillitn (VIII,p. 111).
Je n'ai rienà ajouter à ce que ]'ai dit touà l'heure de l'opinion bien
différente qu'avaient les administrateurs de l'entreprise, ainsi qu'il
ressort des-documents contemporains présentés par le Gouvernement
espagnol. J'ai maintenant le devoir de démontrer combien sont dépour-
vues de fondement lesinterprétations comptables de la Partie adverse et
je tiens, avant toutà attirer l'attention de la Cour, une fois de plus, sur
les précautions qu'il y a lieu de prendre quand on examine les interpré-
tationsdes conseils du Gouvernement belge.
C'est ainsi, par exemple, que Me Grégoirea assuré la Cour que le
chiffre concernant les bénéfices de Barcelona Traction au cours de la
période 1941-194 serait tiré des bilanaapprouvés > ,ar les audilors de
l'entreprise et aurait été«confirméi,pratiquement par MM. Peat, Mar-
wick, hfitchell& Co. (VIII,p. 366et suiv.). Ni l'une ni l'autre affirmation
ne sont soutenables sous cette forme-là.
Pour ce qui est de hfll. Peat, hfarwick, hlitchel& Co., ils n'ont ni
confirméni re'etéun seul chiffre; ils se sont bornésà la tâche qui leur
avait étécon ée, à la tache que l'on pouvait leur confier, c'est-à-dire
l'analyse de certaines donnéeset renseignements, u'ils énumkrent dans
leur rapport, afin d'étudier l'histoirefinancikre dercelona Traction et
sasituation à la date du12 février1948Q .uant à Mhf.Turquand, Youngs
& McAuliffe,auditors de Barcelona Traction, ils n'ont fait des rapports
que sur les bilans età partir de 1934s,ur la façon dont les résultatsdes
filiales avaient été traitésdans la comptabilité de la sociétéholding;
en revanche. ils n'ont iamais rendu de rapport spécifiqueconcernant les
bénéfices del'exercicehi, par conséquent,';ur la question de savoir sices
bénéfices étaient ou non l'expression correcte des résultats de l'exercice.
Cette faqon de procéder conforme aux prescriptions de la Loicana-
dienne et à la pratique courante au Canada, puisque l'Institut canadien
des comptables publics n'avait pas, jusqu'en1951c, 'est-à-dirà une date
postérieure à la période qu'envisageait Me Grégoire,recommandé spé-434 BARCELONA TRACTION
cialement à ses adhérents de faire, dans leurs rapports aux actionnaires,
mention des comptes de profits et pertes.
Au surplus. il jia lizu'dr souligner que la Partie espiignole na jamais
prétendu que les airdilors de Uarcelona Traction aient approu\.c'dc faux
bilans En revanctie, les conseils du (;nuvernement belge prétendent faire
dire aux ardtlors de Uarcelona Traction plus que ceus-ci n'ont cru bon
de dire. S'ils avaient lu les rapports et les annotations portésaux hilans
Dar \I\I. Tiirouand. ïoiinej& \lcAiiliffr. ils auraient constat; qiie. sluf
$our les ann& 1926 à 193 ~e. auditors n'ont pas rendu des ;apports
nets. mais ont au contraire rendu des rapports assortis d'importantes
observations et réservesaue le Gouvernement es.aguol a démontréêtre
pleinement justifiées.
L'une des réserves les plusimportantes est celle qui a traità la valeur
d~--inve~~issements de Barcelona Traction dans ses filiales et la valeur
des creanccs de la BarceIona Traction contre ces filiales; ce genre de
réser\.ene fait dcfaiit que ilans les rapports aflérciitsaux annécs iqz4 à
193j. cette derniéreanni.? iricluse. L'neautre ré;er\,e,importante contenue
dans les rapports des audilors de Bïrcelonl Tractiun concerne l'insufli-
s:inc? i>o.~sihldes provisi~ns faites r~arI'entrcririw pour I'act~uitt~rii~nt
des im'pôtsespagnols; cette réserve<étéformuiéepour la premiere fois, à
propos d'Ebro. en 1916et on la retrouve sous forme d'annotation spéciale
de 1919 à 1925, puis.A nouveau, dans lesrapports afférentsaux exercices
1942 à 1946; au surplus, à cet égard, je dois signale! qu'à partir de 1934,
l'annotation relative à l'éventuelle existence d'obligations contingentes
a étérédigéeen termes d'une plus large -.rtée. de sorte qu'il n'est pas
témérairevdesupposer que cetic annotation, San?Ir préciscrspCcifique-
ment. visait les obligations contingentesd'ordre ti~cal.
1.a Cour constatera qiic les deux réservesdorit léviens de parler son-
cernent des faits importants dont le Gouvernenirnt espagnol, dans la
présente prnccdurc. a fait la preuve. )Isa\.oir, premi&rement. que les
chiffrri comptables repri-sentant les investissementj de Ba~celona 'l'ras-
tion dans ses filiales et les cliiifres compt;ibles exprimant Iendettement
des fili:ilA~1'ég:irdde Uarcelona Traction ne sont pas néccsslirçriient
I'ex~ressionde la \,llcur des invesiissemïnt, de Barceluna l'rartir~n dlns
ses hliales et par conséquent en Espagne; deuxièmement, que les méca-
nismes utiliséspar Barcelona Traction pour réduirela charge fiscale que
supportait l'entreprise en Espagne étaient illégaux. au ~egard des lois
fiscaleses agnoles, et que l'entreprise courait dèslors le risque que cette
illégalitéf,t prouvée par les autorités compétentes espagnoles, ce qui
aurait en pour effet d'augmenter fortement la somme à payer par,l'entre:
prise an titre des impôts et l'aurait obligéà supporter les sanctions qui
lui auraient étéimposéespour évasion fiscale.
Te donnerai encore un autre exem~le de la circon;pection dont il
fait user à I'l'gard de tout ce que ~~s'conicil,du Gou\:t;rnemcnt tieljie
disent avoir lu dans les rapports cornptahlej. I.es conseils <IcIn Piirtie
distinctioris qui. du point de \.ue technique, sont importantes. Q savoir.
premièrement. la distinction entre les chifires qiii représentent des mou-
vements du solde dii cornute des ~rohtset ncrtrset leschiffr?scorr~?spon-
dant aux bénéficesobténus l'entreprise au ,cours de l'exercice;
deuxièmement. la distinction entre les chiffresqui concernent la seule
Barcelona Traction et leschiffresqui concernent l'entreprise de Barcelona
Traction, c'est-à-dire les chiffres consolidésde toutes les sociétés du I'LAIDOIRIE DE M. SUREDA 435

groupe. L'augmentation du solde du compte des profits ct pertes d'une
année à l'annéesuivante peut englober des sommes qui ne sont pas, à
.ro.rement~arler. des bénéfices de l'année, mais seulement des monve-
rnents oii de: :ijustenieiits aficrcnts h des exercices aiitixieurs; IiolCiiicrit
quant aux chiffres qui concernent la seule Uarczlona 'l'r~crioriconsidCrée.
iis nesont Dasnécessairementidentiques aux résultats annuels de l'entre-
prise,con.<ililidcleI3:irc?lonaTr.ictiuii. parce qiir ILSpreiiiicrs cliiffrcj rie
contienni:nt ~:IScer1:iirib6lcriir.iilsile I:iîon1yt:ibiiitédes socl6~I~I~~CS
mais corres6ondent seulement à la part dis recettes desdites sociétés
- dividendésnormalement,intérêtsdans le cas de Barcelona Traction -
qui sont viréessur les comptes de la sociétémere.
Ces technicalit~eont. auSur~lus. de l'im~ortance ~ourles areu.,nts du
genre de ceus qii'ont i31t \.ilioii,.con&iii du ~8u\,erriement i>eig~ >t
fiszs(l'iiiit:x,.r,:icf:,iiCtr?(I,icisiir criicle cliif:ivec lc<iuclon o~Cre-
3" titr~ (11~ts>i.ii*?fris<l';ir~iLviitic,n'IL,L.>;n>ficrde 1':;niiGct ;icn
(IV11liij:lors(lu'ono11Creawc 1,c:liiiirdi:^Lt~ii;ficc: I'u~.i~si&t<'h~./~li~ig,
il l;iiir i-tre<iii'is'aeitÙivrid,:c~la ét rit3ti;isilii chiffre des béiii:lices
(le 1entreprise ~oniolid& ou \.icc\,cria S'Ili ;;v~iciit ;ip~,liqiieces ri,glcs.
les tccliniciens ct les coriscili dii (;ouvernrmcnt bclge se scrniciit Gpnignt
i,ltiiieiirs dei critiaues aui Iciir sunt faites et ils auraf:iitI'6cùiioiiiie
h'autres cr%ques,'qu'il; ont pris la liberté d'adresser indiiment aux ex-
perts consultéspar le Gouvernement espagnol.
C'est ainsi qu'AI'aiidiencedu z mai, Me Grégoire a fait étatd'un chiffre
des bénéfices nets de liarcelona Traction pour 1:exercice1941-1946,selon
les bilans approuvés par les auditors, chiffre qui s'établiraia 20 645 167
dollars canadiens et que confirmeraient. en pratique, selon le conseil du
Gouvernement belge, MAI.Peat, Marwick, Mitchell& Co. pour ce quiest
de l'ordre de arandeur. puisaueces Messieurs auraient avancé le chiffre
(11.id 156ouo'dollnrs,sins ~r'~li~u~.trvutcfois I:iIiff;.icn~.ecxistanr entre
leur cliifirv c,t cclui qu ~~v:ili.ri:ti~~,)le:s ui<d!rors,VIII.p. 306). C'est
M iiniireiiint,rtir,de I'uridt,ii:is iii.iiiifritcIciiti~:liiiiilen coniiilr(i
par le Gouvernement belge ont étéincapable? de comprendre la termi-
nologie comptable. Ces techniciens ont pris l'augmentation du solde du
compte des profits et pertes de Barcelona Traction toute seule, I'ont
inter~rétécomme si ce solde ex~rimait les bénéficesnets des années
consi'déréeest ils I'ont misen re&d d'autres chiffres tirésdu rapport de
MM.Peat. Marwick, Mitchell & Co., en s'offrant mêmele luxe de chiHrer
dans un tableau comparatif les iidifférencesnexistant entre les deux
groupes de chiffres. Seulement, ils ne se sont pas aperçus que les chiffres
qu'ils tiraient du rap ort de MM. Peat. Marwick, :Mitchell & Co. ne
représentaient pas les lénéficesde l'annéemais les mouvements du solde
des comptes de profits et pertes; au surplus. ils ne sesontpas aperçus non
plus que les chiffres qu'ils tiraient du raport de MM. Peat, Manvick,
Mitchell & Co. ne concernaient pas la.seule Barcelona Traction. mais
l'entreprise consolidée. IIest d'autant plus curieux que les techniciens du
Gouvernement belge aient ainsi perdu leur temps que, dans lerapport de
MhI.Peat, hlarwick, Mitchell& Co., ils auraientpu trouver. tout élaboré,
le chiffre précisémentsur lequel ils prétendaient opéreret sur lequel ils
n'opéraientpas, c'est-à-dire le chiffre qui,en comptabilité, exprimait les
bénéfices nets de la seule Barcelona Traction au cours de la période1941-
1946 (A.D., vol. 1,no 2,par. 365- 66)
Ce dédain pour les subtilités de 1; technique comptable aboutit, en436 BARCELONA TRACTION

mettent les erreurs les nlus mossières et ont l'audace de formuler desm-

jugements déplacéset infondés.Comme le sait la Cour, les technicien;
l'entreprise auraient 'augmenté de façon spectaculaire, passant de
23 707 000 pesetas en 1949 à 89 millions en 1950 et III millions de
pesetas en r95r (VIII, p. 369). L'apparition de ce nouvel argument du
Gouvernement belge n'a pas apparemment d'autres fins que d'essayer,
une fois de pluS.de discréditertous ceux qui, à un titre ou à autre, ne
font pas leurs les thèses que soutient Sidro; I'ar ument, dans le cas pré-
sent, est non seulement dirigé contre l'expert % oronellas et contre les
efforts du Gouvernement espagnol pour éclairerla Cour, mais met égale-
ment directement.en question la compétence professionnelle de MM.
Peat, Marwick, Mitchell& Co. (VIII, p. 369-370).
Le rapport généralde MM.Peat, Marwick, Mitchell & Co. examinait,
conformément aux directives reçues. l'histoire financière de l'entreprise
de BarcelonaTraction jusqu'au 12février1948et procédait àl'examen de
la situation financière de l'entreprise à cette date (A.D., vol. 1, no 2.
P. 309 et 310). hlll. Gelissen et \'an Staveren ont décidé.de leur côté.de
compléter cétte histoire financière en la prolongeant j;squ'aux années
1q5oet r951, et cela h la double fin, semble-t-il. que voici: premikrement,
démontrer que la situation financière de l'entreprise aurait connu une
amélioration spectaculaire sous l'administration' tant dénigréedes or-
ganes de la faillite; deuxièmement, tirer certaines conclusions touchant
I'évaluation. Dans ce but, les experts du Gouvernement belge avaient
besoin' d'établircertains chiffres concernant les bénéfices consolidéd se
I'entreprise en Espagne pour 1950 et 1951; ils se sont attaqués Acette
iichr lvec 11désln\.ultii;e proi~rcaiix geiis qiii ne se sciiteiit )as tenui
par Ics rc.glestecliiiiques applicables (rapport Gclijjcniet \'ankta\eren..'
p. 56 et suiv.).
Nous allons examiner successivement l'information sur laquelle se
fondent la technique qu'ils emploient et la valeur que l'on peut attribuer
aux résultats qu'ils obtiennent.
Quelles sont les informations sur lesquelles ils se fondent? Ils .n'ont
v~~-~~~~l~blcment nas vu les livres officielsdes sociétésDourles années
eu question; ils n'ont interrogé aucune des personnesqui avaient lacharge
d'administrer I'entre~rise au cours de ces années-là: ils n'ont mêmepas
vu les bilans avec le; comptes de profits et pertes approuvés par les ad-
ministrateurs et présentésaux autorités espagnoles. Tout ce qu'ils ont
eu en main. en ce oui concerne la sociétéla plus imnortante. c'est-A.-dire
Ebro, ce sont des brouillons de bilan. sans Compte<de profits etpertes,
et présentant d'importantes différences avec les bilans officiels. Ces
renseignements leui suffisent pour affirmer, avec leur assurance cou-
tumière, que les bénéfices de 1950 auraient atteint 8s millions de pesetas
et ceux de 1951 III millions de pesetas (ibid.p. 62 et 64).
Quelle technique ont-ils employée pour parvenir à ce résultat? Une
technique élémentaire et fort simple, celle des soustractions, celle des
iidifférencesii,pour laquelle ils sembleiit avoir un goût particulier. On
compare les chiffres d'ouverture et de clature de certaines rubriaues des
tli13nspoiir Icsannéesen\.i;~gies et on calcule 13dirf;rciicc-. 1.csrcsuIt31~
dç cci soustrnctioiis sont t:rihiiiteaiiistes. ail grt ile; aiitriiri, pour ohtenir
les chiffres que l'on désiretrouve;.
Quelle valeur peut-on attribuer .hla demonstration opéréesur la base PLAIDOIRIE DE M. SUREDA 437

de semblables renseignements et A l'aide de la technique que je vieiis
d'exposer? L'autorité d'une telle démonstration ne peut qu'être fort
minime. La Cour peut consulter. si elle le juge bon, le nouveau rapport
de MM. Peat, llarwick, llitchell & Co., déposépar le Gouvernement
espagnol. En corrigeant simplement diverses erreurs de calcul des au-
teurs du rapport belge,MM.Peat, hfarwick, Mitchell & Co. démontrent
que le montant du bénéficenet de l'entreprise, que les experts du Gou-
vernement belge auraient dû troiiirer d'après les métliodeset techniqiies
qu'ils avaient adoptées, aurait dû êtrede 50300ooo pesetas pour 1950
et 577ooooo pesetas pour 1951 (nouv. doc. 1969, vol. 1,PMM Report.
p. 66).
Vu l'ampleur et la nature des erreurs techniques commises par les
experts consultés par le Gouvernement belge, je vais résumer.et com-
menter bri6vement les rectifications opéréespar MM. Peat, Marwick,
hlitchell 61Co. en ce qui concerne le prétendu montant des bénéficesde
1951(nouv. doc. ~gGg,vol. 1,FMM Xepor!.p. 61 66).Lepoint dedepart
du calcul est la somme de III millions de pesetas que les experts du
Gouvernement belee ont définicomme renrésentant les bénéfices de l'en-
treprise en ~s~a~ne avant la déductiondes intérêtsdes obligations de
Barceiona Traction; à ce chiffre il est indispensable d'a..orter trois
corrections.
Premièrement, il y a lieu de déduire25millions de pesetas, qui ne repré-
sentent que des mouvements des réserves ne correspondant pas aux
bénéfices de l'exercice. C'est là la conséauencedu fait aue I'onn'a Dassu.
comme je ledisais tout à l'heure, faire ladistinction enire les mouv&nents
du solde du compte des profits et pertes et les chiffres qui expriment
réellementles bénéfices dèl'année. .
Deuxièmement. il faut opérer une déductionde 7 millions de pesetas,
correspondant à une augmentation des provisions de base pour dépré-
ciation proposéespar les experts du Gouvernement belge ainsi qu'! la
correction d'une erreur qu'ils ont commise en évaluant les provisions
effectivement faites pour 1951.
pesetas qui correspondautàopl'augmentation que subiraient les chargeso
fiscales en cas de rectification des bénéficesdéclaréspar l'entreprise et
ris comme base du calcul par les experts du Gouvernement belge. Les
gén6ficesnets s'entendent toujours comme des bhéfices impôts déduits,
et les experts du Gouvernement belge ont oubliéde faire entrer en ligne
de compte. dans leur évaluation, l'augmentation de la charge fiscale. Ils
ont ainsi donnéla preuve d'une émouvante fidélitéenvers les méthodes
comptables de Barcelona Traction en Espagne. Je dois signaler que cette
déduction en raison des charges fiscalessupplémentaires a étécalculéede
façon extrêmement pmdente, puisque: 1) on a fait usage d'un taux
d'imposition aui aurait facilement DU êtredépassé si I'on considèrele
monfant total'dii bénrlice imposablé. ?) on n'a pas tenu conipte deire.
percussions fiscalesqii'aiirait pu avoir I'incorliiiintion. par les experts du
Goii\ft.rnrment belge, du nioiitant de certaines rcientes au total des béné-
fices: et3) la total116de I'impOtsur le revenu deuxieme cPilule corres-
pondant aux obligations Çenerol .Ilortfagd'Ebro nétéconsid6réecoinnie
un acompte d'impôt.
Il me faut maintenant, Monsieur le Président, Alessieurs les juges,
montrer les déficiencestechniques dont est entachée I'evaluation, par
capitalisation des bénéfices,à laquelle ont procédé à plusieurs reprises438 BARCELONA TRACTION
les conscils du C.oii\,crnement belge ai! cours de la ~)rocCdurcorale (\'III,
p. 13, III, 367-365et 457) Coinriit:1;1Cour Ic s:iir. ils ont fait Gtat d'un
chiffreJe 3 700 ooo ilollars qiii rzprCjenterait In fraction dii héiiéfi!et
de l'entreprke en 1947revenant aux actionnaires de Barcelona Traction;
ils ont capitalisé ce chiffre au taux de 4 pour cent estimé «prudent ,iou
<cplusque prudent », selon les conseils du Gouvernement belge, par les
experts consultéspar cegouvernement; ilsont ainsi obtenu une prétendue
valeur de rendement de l'entreprise au 31 décembre 1947,de l'ordre de
92 millions de dollars; et ils ont conclu que cette capitalisation des béné-
fices confirme admirablement le montant que la note de Sidro urésentait
coinrnc titant I:Ip:irt de la \,alcur <IIIcapital-actions dc I'entrcprise Bar-
cclona Tr:~ciioneii date (lu 12 février1948.Du poiiit di: viii!teclinit]uc,
cela sicnitic auc les ci>n;<:iu Couverncmeiit belac considéréntla somme
de 3 $0 ooo'dollars comme étant la part des bénéficesfuturs (Future
maintainab +leo/ilsprévisiblesde I'entreprise qui devrait être attribuée
aux actionnaires de la société:cela sienifië. en outre. aue les conseils du
Gou\~criit.iiientbelge estiment qu'un ;L.iidenicnt dc .lp;>iircent des capi-
taiis .in\,t.stir aurait 616cuiiiidérécomine adCqiint p-ir un lcheteur Cven-
tucl d? 1entrei>riirtdt: 13.iic<:lo'Tr:ictiondiiiis la sitiiatiun uii sc trouv:iit
celle-ci au déht de l'année1948.Du point de vue technique, Monsieur le
Président, les conseils du Gouvernement belge font erreur, non seulement
lorsqu'ils évaluent le montant du bénéficenet de I'entreprise, qui aurait
pu à l'avenir êtreverséaux actionnaires, mais encore lorsqu'ils choisis-
sent le taux de rendement qu'un investisseur éventuel aurait tenu pour
adéquat dans la situation où se trouvait au début de l'année 1948I'entre-
prise de Barcelona Traction. Les résultats d'un seul exercice, pris isolé-
ment et sans examen d'autres éléments, nepeuvent d'ailleurs jamais être
considérés commeune indication valable des bénéfices futurs.
Pour ce qui est du prétendu montant du bénéficenet revenant au.
actionnaires, il est évidemment absolument faux de raisonner comme si
Barc~~ona Traction avait eae., -es dollars et non des nesetas. Te suis
ferniemcnt con\,:iincii que tout :tclit:teur &\.entuel dr 1'r;itrcprise"aurait
constat? qii il:$ll:iiisquérirdesactifs ~)rodilisant(1r.st>Fnificcseiipesettis.
et ie suis tout aussi fermement convaincu aue ce fait n'aurait D.séc..ppé
il:i~.siit;ige i un cupt-rt en matiére d t.vaiiintion d'cntrepriies. lout' ;iu
coiitrairc. aussi bien l'acheteur é\~ciituelque l'expert en riiatiCred'&a-
luation auraient pris cil consiil6r;itiori le risqiic forid:iriiriit;il inh6àeiit
unc entreprise qiii. gagnant iles pesetas, a\,ait des di:ttes rn li\,res sterling;
aussi aiir.iit-nt-ils rcti.iiii un taux de capitalisation qui eiit tznii compte
de la nature de ce risque. A l'appui démon opinioÏn, je me bornerai à
rappeler qu'entre 1935.derniere annéeconsidéréecomme normale par le
Gouvernement belge, et la date de la vente aux enchères des biens de
Barcelona Traction en Espagne, la peseta a subi une dépréciation de plus
de 500 pour cent par rapport au dollar USA. Il s'agit là d'un risque d'une
importance capitale et aucun :icticteur é\,entuel-de l'entreprise. aucun
expert en rnatiere iI'i:valiintion n':<uraitnégliIr fait que les b6néficesde
1'entrt:priseét;iiciitprodiiits en pesetas. Tel est, hlonsicur le Président, Ic
facteui important que les conseils et experts du Gouvernement belge ont
négligéquand ils ont fait état devant la Cour de leur prétendueméthode
d'évaluation par capitalisation des bénéfices.
point de départ les bénéficesen pesetas réaliséspar le groupeen Espagne.ur
c'est-à-dire les bénéficeavant déduction desintérêtsdela dette en livres PLAIDOIRIE DE M. SUREDA 439
sterling de Barcelona Traction. Le montant pour l'annte 1947 serait
54 millions de pesetas, équivalantà 4886000 dollars, aii taus officielen
vigueur cette année-la.Cemontant résultede l'étatpréparépar MM. Peat,
Marwick, hlitchell PrCo. (A.D., vol.1, no 2,p. 396) après l'addition des
intérêts desobligations de Barcelona Traction. Il correspond approxi-
mativement au chiffre utilisé par les conseils du Gouvernement belge
après l'addition des I233 ooo dollars revenant aux obligations de Barce-
lona Traction. Un acheteur éventuel ou un expert en matière d'évalua-
tion, dûment informéde la situation réellede l'entreprise de Barcelona
Traction en 1948, ne prendrait pas non plus ce chiffre de 54 millions de
pesetas pour l'expression correcte des bénéficesfuturs de I'entreprise,
mêmedans l'hypothèse absolument invraisemblable où il estimerait les
bénéficesfuturs prévisiblessur la base d'un seul résultat passéet sans
tenir compte de tous les facteurspertinents.
En ~remier lieu. un acheteur éventuel et un exDert en matière d'éva-
luation ne se laisser3ient pn5 facilenieiit persuader que l'entreprise pour-
rait continiicr:%pratiqiier A l'avenir kj fraudes fiicûles auxquell~s elle
avait eu recours-dans-le passé: d'autant plus que I'organisaiion et les
mécanismes qui rendaient possibles ces fraudes avaient pour effet de
fermer àl'entreprise les portes du marchélocal descapitaux. Par consé-
quent, ils auraient dû ajuster les charges fiscales de l'entreprise en les
chiffrant aux montants auxquels elles se seraient établies apres la réor-
anisation de la structure, c'est-à-dire après la complète élimination des
fraudes fiscales résultant des manceuvres des administrûteiirs de Bar-
celona Traction durant cette périodeque la Partie adverse est encline à
appeler la tipréhistoiren. Il est difficile de faire actuellement des hypo-
theses sur la forme qu'aurait pu prendre une telle réorganisation et sur
l'effet final u'elle aurait pu exercer s!r le niveau des bénéfices. L'aug-
mentation les impdts, en ne considérant que les impôts nationaux,
aurait DU être de l'ordre de zz 700 ooo Desetas. d'a~rb le raan..t du
ministeÎe espagnol des finances, joint en annexe; à la'duplique.
En second lieu, aucun acheteur éventuel et aucunexpertenévaluation
n'aurait renoncé à analvser minutieusement la facon dont les administra-
teurs pr6iédents avaient agi en mntiZrz de prov;îions poiir déprGci3tion
des installations de l'entreprise. Dans le nouveau rapport de hl.11.Pcnt.
blanvick. Mitchell& Co. diaos6 nar le Gouverneinent esnncnol. la (:ou1
trquvera'des preii\.cs irnp&tan&s. ét;iÏblissantque les haGts fonctiol-
naires de I'entreprise en Espagne avouaient que les provisions pour dr-
quates, étant donnéles con2itions éc&ot&ue$ qui ;évalaiêntalors etlus inadé-
lestarifs en vigueur (nouv. doc. 1q60, vol. I, PMM $ep&l, p. 62 à 64).
Il faut aussireconnaitre franchement au'il est auiourd'hÜi estrême-
ment dificile de dire quelles sont Irs provi'iions poiir ht'prGciaticmqo'iin
expert en matiere d'é\.aluatioiiou un acheteur évciituelaurait tenues pour
adéquates. II s'agissait d'adapter les resultats de 1947 pour pou\>oir
proceder à I'(.\raluation.Je croi: pouvoir avancer un chifire ininimum de
l'ordre de 30 million; de pesetas, qiii représeriterait les provisions iiir le
coUt histori(]iic cnlciilr:j.uii t;iiis sensibleiiient inltrieiir i c,:Iiii:le
3 pour cent. <Ill.\IHierntiux recornniand;iit en 1014pour un nou\.el III-
vestissenit-nt de225 millionsdcprsttas (:ID. v,l. II. nS.doc 7, p.24;).
Cela m'obligerait à opérer un ajustement supplémentaire des r6sultîts
de 1947qai serait de l'ordre de 12 zoo ooo pesetas. Jedois ajouter. pour
etre complet. que si les aiitorir6s fiscales :<vairnt acceptécette aiigmtn-44O BARCELONA TRACTION
tation des provisions pour dé~réciationil en serait résultéune réduction
d'environ ? 700 000 pesetas de l'auementation d'imubt dont ie uarlais
tout à l'heÜre. - , .
En définitive. lemontant de 54 millions de pesetas correspondant aux
résultats nets de l'entreprise en1947,avant la déduction des intérêtsdes
obligations de Barcelona Traction, serait. après ces inévitables ajuste-
ments, ramenéti 23 200 000 pesetas.
En supposant, ce qui est exclu. que le bénéficed'une seule annéepuisse
être, sans autre examen, considérécomme représentatif des bénéfices
futurs, le montant que je viens d'indiquer devrait êtrecapitalisé au taux
de 6.3 pour cent enviroii. pour ;irrii,3iinévaleur de I'entreprisc siriiple-
[nent Cgalc au total des drttt:s et des intt'rêtsarriérésde la Rarcelona
Traction en livres et en pesetas Un tel rend~riicnt ne laisseraijun aclie-
teur potentiel aucune rémunération pour son propre investissement.
même s'ilavait eu la possibilitéde se procurer, au taux officielde change,
les livres sterling dont il aurait eu besoin pour rembourser la dette en
livres de Barcelona Traction. Le seul argent qu'il aurait pu se procurer
sur le marché des capitaux pour financer l'achat des livres sterling lui
aurait coûté à tout le moins un intérêtde 6,ç pour cent (nouv. doc. 1969,
vol. 1, PMM Report, p. 82, par. 288-289). Le rendement de l'investisse-
ment ne lui aurait donc pas suffi pour acquitter les intérêtsde son em-
prunt, et ne lui aurait rien laissépour faire face aux risques industriels
inhérents à l'affaire.
La con~lusioii. en ce qui concerne le moritniit des bénoficrspns pour
base par les experts et Irs conseils du Goiiveriieiiient bclge polir l'éva-
luation var ca~italisation des hénbficcsreicti.? dans la note de Sidro. est
qu'un acheteu; éventuel aurait dû se fair; une idéeoptimiste de l'avenir
de l'entreprise,à la date de la faillite, pour pouvoir attribuer une valeur
positive aux droits des actionnaires. Une telle idée aurait toutefois été
ibsolument injustifice. étant donnéla situationde I'entrepnscei~ Espagne
en datç du rz février1948. En gardant ;I l'esprit cette considération. et
étant donni. les critkres <I'alir csqucls les décisiorisd'invrstissenient
sont normnlement prises. je crois que jen';il pas grand-chose Qajouter à
bénéficesnde 1447au taux de d4rpour cent, mêmè~uensupposant aue lesbén8-s
ficesde cette &fiGeét;~icntnormaux et siiirrptihles de se repttrr.
Je tiens pour absolument invraisemblable qii'un investisseur r'ventuel,
quel qu'il fiit. ait étédisposAaccepter un taux de rendement qui eùt 2tP
infériçur à la rémunérationqu'aurait pu lui procurer son argent sur le
marchédes capitaux h lonn terme. plac2 (lari; des valeurs pratiquement
exemptes de tout risque. -
Toute évaluation raisonnable d'un taux de capitalisation adéquat
devrait prendre en considération le loyer de l'argent, augmenté d'une
prime propre ti garantir l'investisseur contre les risques industriels inhé-
rents à l'acquisition de l'entreprise de Barcelona Traction en Espagne.
Je tiens simplement à direque l'id& de déterminer le rendement adéquat
parréférenceau loyer de l'argent et au risque inhérent l'investissement
etait une idéefamilièreaux administrateurs de Barcelona Traction. C'est
ainsi que, dans un note iointe à une lettre de M.Speciael en date du 5 dé-
cenil>;e 1939.l'on cn\.ijagciiitaux de 7 porir ceni polir la cnpita~is:Ltion
des bénéfice;d'un projet d'in\,cstissement. L'on parwnait S ce tauxdc
capitalisation en prenant 6 pour cent pour loyer de base de 1':trgent.et en
ajoutant I pour &nt pour tenir cornpie du nique que comportait I'inves-442 BARCELONA TRACTION
(A.hl., vol. IV, no282, p. 1078); et celle que l'on appelle «évaluationde
l'entreprise ila date de l'arrêtde la Cour, sur la base des résultats actuels
de la Fecsa » (ibid., p. 1079).
D'après M. Lauterpacht, la première de ces méthodes ia été écartée
Dour une raison oui. elle non DIUS. ne ~araît Dascontroversée: Dar suite
des coiiditions anorm;ilc.sqiii oiit regnr:3 m;Lintesreprises entre 1i)35et~ ~
iuj8, il n'a en cffct pi, etc posiitle de dc5terminer.d'une maniéresatis-
fiiiante, les recetteçordinaiÎes pour évaluer sur cette base les bénéfices
futurs» (VIII, p. 476). Le conseil du Gouvernement belge s'est même
permis d'ajouter l'allégation totalement inexacte suivante: «Les parties
ne semblent pas êtreen désaccordsur la nécessitéd'écarter les chiffres
antérieurs à 1948 comme base d'estimation des recettes futures » (ibid.,
. .
P. 478).
le démontrer, il me suffira de rappeler que le chiffrequi. d'après hl. Soro-

nellas, exprime la rentabilité de l'entreprise et confirme les rEsultats
auxquels il était parvenu en évaluant directement les actifs. est tiré de
l'étude de; bénéficesobtenus par l'entreprise au cours des cinq années
aui sesont écoulées entre lexer ianvier 1446et le ?I décembre 1,....der-
nier exercice financier complet dont les chiffre fusjent connus :iiimoment
de l'Cvaluation (A.C..\I..vol. III, no101. (loc 1. par. 391 et 39~).
le riens toutefoij moins imettre eii évidcncela manifesteinexactitude
mktionnée ci-dessus qu'a. insister sur les raisons pour lesquelles les
auteursdela note de Sidro reietaient la méthode d'évaluation reposant
sur la ca~italisation des bénéficesobtenus au cours des années aui ont
pr6c4déiq46 Leur point Jc vue était qu'6t;iiit donnéles condition; anor-
males dans lesqucllcs I';icti\.it6de I'eiitrrprir s'6tait d&roul&au coursde
ces années-là. «la ca~italisation des bénéficesdes dernières années est
une méthodequi ne pourrait êtreretenue en l'espècequ'en y appliquant
d'importants correctifs» (A.hl., vol. IV, na 262, p. 1078).
A mon sens. la note de Sidroconcernait les bénéficessoi-disant anor-
malement hasde l'entreprise au cours (les ;inn;es rg3j-1946. Ce qui me
confirme dans cette idée.c'est que 11 Lautcrp~cht, aux audiences dii A
et du o mai a varlt drs adifficultés sui sç r>résriitaientlorsou'on entendit
évaluérl'entrépriseen 1948 en se fondani par trop 5ur les'bénéfices réa-
lisésde 1935 à 1948 O (VIII, p. 478et 485).
Sicetteaipmentation a unsens. elle signifieen effet que les bénéfices
de l'entreprise de Barcelona Traction, dans la période 1935-1948, ane
sauraient exprimer son véritable potentiel». Ce potentiel, selon le Gou-
vernement belee. serait indiaué Dar la valeur de 116 millions de dollars
qiie la note dy ~idro attribie a l'entreprise Je Harci:loiia l'ractionen
Espagii~,considtrie comme un goi~ig conctrn, i la date du 12 février1946.
avant la dcdiictioii des (Iettca (le Uarcelona 'I'ractioiielle-iiiénie.1j;iiisla
note de Sidro, le Gouvernement belge proposait une évaluation qui ne
pouvait êtrecorroborée par la capitalisation des bénéficesdes années
antérieures à 1946, et c'est ce qu'il reconnaissait en déclarant que cette
méthode n'étaitpas applicable, à moins d'y apporter d'importantes cor-
rections.
C'étaitlà la ~osition ado~téedans le mémoireet confirméeau cours de
la procédureoiale actuelle~uclle n'a pas 2tF ma stup~factioii lorsque ;'ai
entend11iin éloqiiriitdoge de tila rentabilité excellente de l'ensemble de
ces eiitrevrises. m?me. ie le révère.ar>rèsla diclaratioii de failliteo(VIII,
p. III)!Et ma'stupéfa6tion na &témoindre lorsquej'ai constat'éque PLAIDOIRIE DE M. SUREDA 443
les conseils du Gouvernement belge avaient allégué à maintes reprises
que la valeur obtenue par la méthode de la note de Sidro pouvait être
aisémentconfirméeparla capitalisation des bénéhcesde 1947.
Somme toute, Monsieur le Président, Messieurs les juges, que furent
pour Barcelona Traction, d'apres le Gouvernement belge, ces annéesqui
se sont écouléesde 1935 à 1948? Est-ce que ce furent des andes où la
rentabilité fut anormale ou est-ce aue ce furent des annéesexcellentes?
Etait-il, d';ipr&sIniiot,:11cSiclro,l)o;;ihle ileconfirmer la valeur de I'entre-
prix CIL;i~pliqiiant sirnplcnienr 1;ical~italiation des bcnrfices drs années
ântérieurëià i948?
Dans la note de Sidro, il est dit que ce furent là des annéesd'une renta-
bilité anormale et que la valeur de Kentreprise ne pouvait, sans opérer
d'im~ortantes rectifications. Das êtredéterminéeDar voie de ca~itali-
s;itioii des I>éiiéficdscs nnncésantkrieiircs i 1948. Les cori,eili du (;ou-
v<,rririnentbelgc ont <iffirinéa.ti contr:iirc, qiie ce furenli des anné<,soù
la rent:ibilitéfiitc(:rllente et que la \,nleur dt:l'entreprise, indi(lu6edans
In iiute dc Sidro, poiiv.iit :iij$mcnt êtrecoiifirmce par Lac;ipit:ili;rition dii
I~ïnCficerittde ri).+;Pour le pr;,tcndre, ils orit certes di1coiiiriirttre lei
ericuri oiie i ai >i~n,,l<:r;.tant siIr le ~liifirédei b2nénc:icavir3liscr (iiie
sur le c6ois' du Faux de capitalisation de 4 pour cent. ~eienons donc
l'opinion expriméedans la note de Sidro: qu'elle fût normale ou anormale,
la rentabilité de l'entreprise en Espagne au long des années 1940 à 1948
était loin d'êtreaussi excellente que l'ont prétendu les conseils du Gou-
vernement belge.
Avant de ~oursuivre. au'il me soit Dermisde ~rier la Cour de prendre
acte <lecett,! nouvell,-roritra(lictiori cl:;nslaquéllttombe leÇou\~ernenicnt
belge 1urï011'1p lr;t~\nJ coiiririncr In \,.ilciir ilc I'<iiitrccriit.r6lc:rant
;iiiu rL:siilt:itidc Fccs.~.1.nnote dc Sidro niait fornicll<trnc.ntciuccel;ifiit
possible. Les conseils du Gouvernement belge semblent n'aboir étéde
cet avis que de temps à autre. Et, en effet, il est absurde de prétendre
évaluer la valeur d'une entremise en se référant à une autre entre~rise
tout à fait différente. La strdcture juridique et financiere de ~ecsa est
tout à fait différentede celle de Barcelona.Traction: elle a une adminis-
tration toute nouvelle aui ne se soucie aue du dbveloonement de l'affaire
et qui a su doter l'entreprise d'une struc'ture industrielie équilibrée.Eecsa
est le contraire mêmede ce qu'était, en février1~48.Barcelona Traction.
Cette derni6re était paralysLe par les risques in6éients sa structure in-
dustrielle déséquilibrée et par la menace de ladépréciation extérieurede
la peseta. Elle ne pouvait faire appel ni au marché international ni au
marché esoaanol des ca~itaux en raison de son lone ~asséde mauvaise
payeuse, d'es-réorganisationsfinancieres effectuéeset de son organisation
tortueuse. Elle était enfin géréeDardes personnes dont le seul souci était
d'écha~..raux risaues aüi leui faisait Courir leur com~ortement passé.
riclle cil troriiprnéi, cri\,cr; les aiitoritéi ~il>;#gnoies.
Lescoiitr:idictioiij (lu (;oiivcrnenient t~cl~em';irnknentila questionde
1.1posnon dcs <leus P:irties cn ce qui cliri,:crncles niétlioilc;~I',:\~alu:ition
d'iiii :i~r!rgcwic~rn~pylic;il>lesnu ici;J'cipCcç. 1.econseil di1(;ouverii<?-
mcrit I>elgi::iposéIcyrohl6me d'uiie f;içoiipar trop iiinplistc i 1';iudienct;
(IiS mai. Pour inon <li;tin~~iic .ontr:i~licteur. le désaccordconsiste en ceci
que la méthoded'évaluati& des actifs aura& la faveur du Gouvernement
belge, tandis que la méthode de capitalisation des bénéfices serait celleà
laquelle irait la préférencedu Gouvernement espagnol (VIII, p. 474).
Le Gouvernement espagnol n'accorde pas la préférence à une méthode444 BARCELONA TRACTION

particuliérc d~v~1uatioii. Ccqu.11estime. c'est que les actifs d'une entrc-
prise. é\,aluC.en tarit quc goitil:co~icern,ne valent pas <la\.antage que les
bbnéficesau'ils sont cai~al>lesde i~rodiiire.et riii'aucone iiii'tliode d'6vn-
luation, raisonnablemeRt app~icableau cas:d'èspèceet raisonnablement
appliquée, ne saurait faire abstraction de la capacité de gain de l'entre-
prise (D., V, p. 665-666). Par conséquent, il croit qu'il faut écarter toute
nouvelle méthode d'évaluation -comme celle de la note de Sidro -dont
les résultats ne peuvent être confirmés lorsqu'on applique de façon
raisonnable les techniques habituelles des comptables et des économistes.
Je ne crois pas non plus que ce soit apprécier de façon objective la
position du Gouvernement belge que de dire que sa position se ramène
~ ~rrf~re~l~~~é~h-d~ de l'évaluationdes actifs. Ceaue préfèrele Gouver-
nement belge, c'est le résultat auquel I'on parvieit à'l'aide des calculs
d'ingénieurs quiservent de point de départ àla méthodede Sidro. Ceque
le Gouvernement belge écarte, c'est une application raisonnable de la
méthodede capitalisation des bénéficese ,t il voudrait que I'on oublie les
tristes résultats révélépsar les comptes de l'entreprise entre 1915et 1948
lorsqu'ils sont correstemcnt analys:s. Cequ'il n'ai1mc.t pt5,~'cit(~iiel'on
c~pit~lise les b&ii~fiszi,ioininc ccI;i est norin:.A,iiit:+us coiifi>rniénii
lovi:r (It.I'arccnt iIndntcde 1'L'valuation.comutc tenu des risi~ucsindus-
tnels urour& à l'affaire.
~~~~~-r ~ ~ r ~ ~ -
Cesconstatations, Monsieur le Président, rennent toute leur valeur si
l'on sesouvient aue les auteurs de lanote de 8idro admettaient tacitement
que l'évaluation'd'une entreprise considéréecomme un gmng concernest
pure fantaisie, si elle n'est pas fondéesur la capacité de rapport des
actifs. Les auteurs de la note de Sidro, qui connaissaient fort bien ce
principe élémentaire, indiquaient à la Cour que, si elle voulait s'assurer
du caract6re raisonnable de l'évaluationopéréeselonla méthodede Sidro,
elle pouvait procéder à la capitalisation des bénéficesde l'entreprise en
1935 (A.hI.,vol. IV, no 282, p. 1083). La valeur de rendement obtenue
pour 1935aurait dù ensuite êtrerectifiée afinde tenir compte
«d'abord de ce qu'était à cette époquele pouvoir d'achat du dollar
par rapport à ce qu'il était en 1946, et ensuite de l'importance des

travaux d'extension réaliséspar autofinancement de 1935 i 1948 »
(A.>{.,vol. IV. no282, p. 1083).
Qu'ilme soit permis, Monsieurle Président, de mettre en relief la désin-
volture avec laquelle à étérédigéela note de Sidro sur le point dont je
viens de parler. La note de Sidro - nous avons I'babitude du fait - ne
fournissait aucune des données nécessaires au calcul proposé: eue ne
mentionnait ni ne définissaitle montant des bénéficespris pour base de
la capitalisation de 1935, elle n'indiquait pas le taux de capitalisation
appliqué et elle ne chiffrait pas les deux rectifications qu'elle proposait
d'ouérer pour ~ar\renir à la valeur de 1048. On peut évidemment re-
noncer à éxpo<erune d6inonitr~tion détiiil6e. II kt par contre inad-
missible de ne pas fournir les donnéesfond;iinent;ilrs indispensables à la
Coiir uoiir \.érifi~,lr'rx:ictitu<lr (IIIrCsii1t;itnllieiir.
chose de plus grave
Ily a toutefois, Monsieur le Président,
encore. Le Gouvernemeiit bel~e, dans la réplique (A.R., vol. 1, no 40,
p. I~I), a fait état du chifire de'62ooooo dollars qu'il donne pour le mon-
tant des bénéfices de 1935devant servir de base à la capitalisation; il l'a
fait dans l'intention de montrer l'erreur qu'aurait prétendument com-
mise l'expert Soronellas dans son évaluation. Ce chiffre, que le Gou- PLAIDOIRIE DE M. SUREDA 445
vernement belge a pris 3titre d'ciemplt, &tait.cn réalité.I'Pquivalent en
dollars dcs bt:néficesde I'entrcprisc rn Espagne. établis pour 1935 p3r
Soroncllas. Ces hénéficess'cnt<:rid:iimr donc lisant <Ikluctioii ~-e~--r:iis
générauxet des intérêtsde la dette en livres sterling de Barcelona Trac-
tion hors d'Espagne. Le chiffre de 6 ZOO ooo dollars, donnécomme étant
celui des bénéficesà capitaliser pour 1935, supposerait l'application d'un
taux de capitalisation de 9.26 pour cent, si'onvoulait aboutir à la valeur
de 67 millions de dollars que la note de Sidro attribuaità l'entreprise en
1935 (A.hl.,vol. IV, no282. p. 1082).
Or, voici que le Gouvernement bel e expli ue maintenant (rapport de
Mhl. Gelissen et \'an Çtaveren, par. go, et"31 p.13 ainsi que 485-486)
que le montant des bénéfices de 1935 à capitaliser est de 3 385 ooodollars
etque ce montant. au taux de 5 pour cent,permet d'aboutir à la somme
de 67 millions de dollars: le chiffre des béneficàscapitaliser. par consé-
quent. nc a:r:iit 1x1scelui <lesbCnCficcsdc I',~ntrel)risçen Kspngnt.. mais
celui des benéticzs;ipréjdtduction de4 charges. mais ;i\.;int la dCduction
<leI';imortissemeiit des obiig;itioil? Hdrcclona 'i'ractiori
La \,alcur de 67 millionsJe dollars nc ii:r;tit donc p:is. d'aprésla nou-
velle eu~>licationdu C;ou\,ernemcnt belge, la valeur de I'rntrcpnse en
Espagne, mais la fraction de cette valeu; revenant au capital-aciions de
Barcelona Traction, aprés déduction des dettes. Et pourtant, la termi-
nologie utiliséedans la note de Sidro ne laissait pas place à la moindre
équivoque: la note de Sidro parlait de ((lavaleur de l'entreprises,ce qui
signifie le plus clairement du monde qu'il ne s'agissait pas de la valeur
attribuable au capital-actions - valeur qui, à la page précédentede la
note, était définiecomme ala valeur nette de l'affaire correspondant à
l'ensemble des actions. -. mais bien à ce qui avait étéauparavant
désignépar le terme inla valeur vénale pour l'entrepriseii, ou, ce qui
revient au même,la valeur de l'entreprise en Espagne, avant déduction
des dettes de Barcelona Traction (A.bl.,vol. IV, no282. p. 1082et 1083).
La conclusion qui découlede cela peut êtreexposéesous forme d'une
alternative: ou bien nous avons affaire, une fois de plusàune déplorable
étourderie par laquelle le Gouvernement belge a.écrit - ou a laissé
écrire- .la valeur de I'entreprisinalors qu'il voulait parle! de la valeur
nette corresoondant au ca~ital-actions: ou bien. et cela serai. lusucrave.
le Cou\.crnCni~iit belge3 [ait usage <l'\inr:iuu de ciipitalivation sup;rieur
ail taux de5 poiir cciit 11ourabouti;IIiliiffrc de 67 millionsiIc(lull:irset,
maintenani, afin de neApasse mettre en contradiction avec les taux qu'il
chiffre de 67 millions de dollars n'a jamais concernéque la valeur nettee
attribuable au capital-actions (VIII,p. 485). Quel que soit celui des deux
termes de l'alternative que l'on retienne, le manque deshrieux des calculs
du Gouirernement belge se trouve clairement établi.
Ouoi au'il en soit. et indéoendamment de l'absurdité de la rétention
que le tiibunal se réfère j.ia capitalisation des bénéficesde i935 pour
confirmer le caractéreraisonnable d'une estimationqui porte sur la valeur
de l'entreprise au12 février1948,soit treize années plus tard, il reste une
conclusion à tirer, Monsieur le Président: le Gouvernement belge recon-
naissait tacitement l'importance qu'ily a à ce que toute éva!uation d'un
going concern soit confirméepar référenceaux bénéficesqu il peut pro-
duire.
Une autre preuve du fait que le Gouvernement belge donne de l'irnpor-
tance à ce principe et redoute les conséquences de son application sur446 BARCELONA TRACTION

l'évaluation proposée par Sidro apparaît dans la nouvelle justification
qu'il a donnée, à l'audience du 8 mai, de sa répugnance àévaluerI'entre-
prise de Barcelona Traction en Espagnc en capitalisant ses bénéfices.
D'après cette nouvelle explication, la préférencedu Gouvernement belge
pour la méthodede l'évaluationdirectedesactifs provient de ce que
xtoute tentative d'évaluer le revenu constant futur de l'entreprise
en se reportant à ce qui a étéconnu ou n'a pas été connu en1.948
est une méthode qui fait la part trop belle à la conjecture pour avoir
une valeur quelconque i(VIII,p. 475).

Après ceque je viens de rappeler, la Cour ne manquera pas de voir que
l'explication de M. Lauterpacht n'exprime pas l'opinion du Gouverne-
ment belge,telle qu'elle a étéformuléeen 1962.
Au surplus, je crois pouvoir dire, Monsieur le Président. qu'elle n'ex-
prime pas non plus sincèrement l'opinion actuelle dii Gouvernement
belge. telle quel'a exposée AI.Lauterpacht lui-même, à la mêmeaudience
du 8 mai. La Cour se souvient que. quelques instants apresavoir donné
l'esplication que je viens de rappeler, mon distingué contradicteur a
examiné cet élémentnouveau des tlihses bel-es ~u'il ~~pelait
I:idi~iixii:mcquestion qui sc rapporte Jla d:it~(le I'i)\~aluation:ct:llt
désavoir si l'on priit, en é\.nliiant. prendre eii consi(lér:~tise que
I'oii sait d'6\.rncriients survciiiis aprés ladit~ dstc , (\'III,.tj.j).

Le conseil du Gouvernement belge a répondu affirmativement à cette
question, à l'issue d'un long développement dans lequel il a invoquédes
précédentsde jurisprudence internationale et de jurisprudence britan-
nioue.
Étant donnéce à quoi pense le Gouvernement belge en la formulant,
cette conclusion ne possede pas l'importance que semble lui conférer
AI. Lauterpacht. ans le cas'd'espéc~,en effet,'c2est le Gouvernement
espagnol qui prie la Cour de préférer lesfaits aux spéculations. C'est au
contraire le Gouvernement belge qui demande que les faits cedent le pas à
des soéculationset oui orétend faire admettre àla Cour aue. orécisément
durah les cinq annéésqui sesont écoulées de 1952 à 1~~6,les'administra-
teurs de Barcelona Traction auraient été capables de réalisercela méme
- la ctiosc cst prou\,Ceet Ic (;oii\.erii::incnt'Iiclge l'a recuiiiiue -,qu'ils
a\,aient étéiricapables (le réaliserde iqjj J 1<)$3,c'est-.?-direI'assainisse-
iiiciit de Insitiiniiuii finïiidcArUnrceloiia'fractiuii. Cette teiitnti\~cne
vaut assurément pas les efforts qui ont étédéployéspour lui donner un
semblant de bien-fondé,mais on ne peut manquer d'y voir une nouvelle
preuve de la conviction du Gouvernement belge de ce que la faible renta-
bilitéde l'entreprise de Barcelona Traction durant la période 1940.1948
réduit à néant l'évaluation fantaisiste de l'importante annexe. 282 au
mémoire.

L'alidie7iceest leude 13 heiires TRENTE-SEPTICME AUDIEXCE PUBLIQUE (II 1'1 69, IO h)

Présents: [Voir audience du 20 V 69, hl. Padilla Nervo, jirge, absent.]

M. SUREDA: A I'aiidience d'hier, j'ai pu terminer l'examen des in-
suffisances techniques dont souffrent les arguments comptables du
Gouvernement belge et des contradictions commises en ce qui concerne
les méthodes d'évaluation. applicables au cas présent. d'une entreprise
pr,ise comme going concern. Après quelques brèves observations sur les
critiques formuléesDar le Gouvernement belce à l'égardde l'évaluation
de l'expert Çoronelias je serai en mesure d'abord& les considérations
finales de mon exposé.
Les critiques adresséespar le Gouvernement belge il'égardde l'opinion
de Soronellas, exprimée aux effets de la fixation d'un prix minimum en
vue de la vente aux enchères, constituent en réalité uneanthologie des
raisonnements fallacieux et des erreurs techniaues commises Dar le
Gouverncmciit bvlgr J'ai eu I'lionneur d'en faire In preu\.c. qiic j'espcre
sntisfni-arite pour InCoirrC1.jcririquts opposerit iI'ol,iiiiode>oronr.ll;is
le r6siiltat nuqiiel aboutit 1;im;!tliodc ori~ini~lt:~1'~valu;i cla notr de
SicIro.Ellrs lui opposent iii~.liiffredc 103~nillioii>aledull:irs tirédu Ililan
de I<arrrloii:i~l'r:iciiori<.tqiii a tiIn vnleur comlit;il,lc der inv<.stiisc-
ments dans les sociétésfifiales et des montants aui étaient dus Dar ces
dernières. Ainsi que j'ai dEjàeu l'occasion de le rabpeler (szrpra, 433 et
suiv.), les audilors de Barcelona Traction considérèrentutile de faire état
dansleur raDwrt. en ce aui concerne ledit chiffre. d!une aualification
relative à lâ'valéur que 'pourraient avoir les interêts dé Barcelona
Traction dans les filiales, qualification qui ne fut omise que dans les
rapports des années 1924 à-1935. A part'cela, je ne pense pas qu'il me
faillediscuter Vidéeextraordinaire selon laquelle un chiffre non consolidé,
qui exprime le coût historique des investissements dans les filiales et des
dettes de celles-ci. convertiàtaux de change divers et sujet. pour ce qui
est des dettes, à une série d'inflations hautement discutables, pujsse
servi? en quelque sorte de point de repère de la valeur d'une entreprise,
considérée commeun going concern. Ainsi ce chiffre présente des vices
analogues à ceux que j'ai mis hier en relief au sujet de laditNvaleur des
. actifs netsa, selon les comptes combinésdu groupe, de 88 millionsde '
dollars, chiffre qui est également opposé à l'évaluation de Soronellas
(supra, p. 431 et suiv.). Dans ces critiques on ne manque .pas d'utiliser
leschjffres en dollars pour exprimer les bénéficesd'une entreprise qui
gagnait des pesetas en Espagne: et on prétend de surcroît qu'il n'aurait
pas fallu évaluer l'entreprise d'après les conditions dites .anormales u
dans lesquelles elle avait développé sonactivité de 1935 à 1951, mais
comme s'il s'agissait d'une entreprise diffkrente ou florissante. Je n'ai
rienà ajouter à ce que j'ai dità cet égard,et je me permets de renvoyer
la Cour aux réponses donnéessur cette matière dans la duplique du
Gouvernement espagnol (D., VII, p. 660 et suiv., et. A.D., vol.1,no 3.
et vol. III, no'166à 170).
Je désire,cependant. formulerdeux observations relatives à I'évalua-
tion faite par Soronellas: la première est que le prix fixéaux effetsde la
vente aux encheres était un prix minimum à partir duquel n'importe BARCELONA TRACTION
448
quel acheteur éventuel pouvait faire une offre et payer n'importe quel
montant qu'il estimerait nécessaireau vu des offreséventuellesdes autres
enchérisseurs. La deuxième est que le prix minimum qualifiési Iégère-
ment de vil ou scandaleux était, en fait, un prix minimum réelqui se
situait aux environs de ~~rooooooo de pesetas. Ce yrix, coniparé
au chiffre rectilié des bénéficesde 1951, calculé à partir des données
établies paf les experts du Gouvernement belge, plaçait un acheteur
éventuel devant des perspectives de rendement de l'ordre de 5 pour
ceFt. Ce facteur prouve, à lui seiil, que les perspectives de rende-
ment n'étaient guère tentantes pour cet acheteur éventuel, et que, con-
séquemment, le prix minimum réelde I IIO ooo ooo de pesetas, pour
la vente aux enchères, était un prix qu'on ne peut qualifier de vil ou
scandaleux qu'en se refusant à se rendre à l'évidence.Et l'on ne saurait
oublier qu'un acheteur éventuel de cette entreprise savait, en 1951, qu'il
faudrait immédiatement procéder à la réorganisatiorique les administra-
teurs de Barcelona Traction jugeaient indispensable depuis rgqo. et dont
le coiit et les effetssur les bénéfnetsde l'entreprise seraient loin d'être
négligeables.

E. Conclusions

J'en viens maintenant, Monsieur le l'résident, Messieurs les juges.àla
dernière partie de mon exposé,dans laquelle je voudrais formuler cer-
taines conclusions que j'indiquerai en suivant, dans une certaine mesure,
un ordre inverse de celui dans lequel j'ai exposé mes arguments. Je
commencerai donc par les conclusions qui concernent l'attitude du
Gouvernement belge à l'égard duproblèmede l'évaluationde l'entreprise
de Barcelona Traction en Espagne à la date du 12 février 1948 et en
novembre 1951.
hla conclusion générale - je ne vois pas pourquoi je ne dirais pas
franchement ce que je pense - c'est que les incohérences, pour ne pas
dire les véritables contradictions, que l'on constate dans I'argument+ion
du Gouvernement belge démontrent que celui-ci n'a pas pris au sérieux
son obligation de prouver deux graves allégations fondamentales de sa
requête: il s'agit de l'allégation concernant le prétendu montant du
dommage et de l'allégation selon laquelle le prix minimum fixé pour la
vente aux enchères effectuéeen Espagne le 4 janvier 1952 serait un vil
prix. Les arguments du Gouvernement belge s'appuient exclusivement
- c'est un point sur lequel la Partie adverse a insisté durant les plat-
doiries (VIII,p. 465 et 485) - sur la note de Sidro jointe en annexe au
mémoiresous le numéro282.
Cette note de Sidro formule une évaluation extravagante en se fondant
sur certains calculs d'ingénieurs effectuésdans des buts totalement
étrangers à ceux de l'évaluation d'un going concern.Elle propose toute
une séried'ajustements importants et arbitraires, ainsi qu'une conversion
en dollars aui n'est Das moins arbitraire. La note de Sidro reconnaît,
mis le dire', IC prinGipt: fon<l;iniental dI ;vnliintioii <l'uticcritrcyriie
con~tdér6ccoriirncgoi~ipcd~icrrti. savoir "uc Icsactifs (1,:cette cntreprijc
ne sauraient val06 divantaee aue ne v'alent les bénéficesqu'ils sont
capables d'engendrer. A cet efet:la note de Sidro rejette l'idée'd'évaluer
l'entrepriseà partir des résultats obtenus au cours desannéesantérieures
à 1948, parce'que ces résultats furent peu satisfaisants. et propose à la
Cour, pour vérifierle résultat de son évaluation, de s'en remettre à un PLAIDOIRIE DE M. SUREDA 449
calcul opéré à partir de la capitalisation des bénéfices de1935. soit
treize ans avant l'évaluation (A.M., vol. IV, no 282, p. 1082 et ra83).
calcul oui. comme ie l'ai égalementmontrén'est nullement sérieux.
La sécondeindiiation Gntenue dans la note de Sidro adressée à la.
Cour, au cas où celle-ci souhaiterait vérifierle caractère raisonnable de
I'évaluation proposéepar Sidro. renvoie, sans plus préciser, à «la valeur
de l'affaire en 1948. en se fondant sur les comptes de l'ensemble du
groupe au 31 décembre1946"(A.X., vol. IV,no2Sz.p. 1083).Cette indi-
cation sommaire renvoie mut-être à un areurnent semblable ?celiii des
8Smillioiij de dollars que les coiiseili <lu<;~u\,eriieriientbclg~prétendent
faire passer pour la ivaleur dei actif; nets). du groupe :III31décembrc
-,,,..et .u'ils nrésentcnt ila Cour commt iinç confiriiiatioii de I'Ci.;iliia-
tion effectuéedans la note de Sidro (VIII, p. III, 129et 359).cet argu-
ment n'a aucun sens en ce qui concerne une évaluation et j'ai,montréque,
une fois qu'on en a dissocié les actifs immatériels et une fois qu'on a
réajustéle chiffre comptable des actifsmatériels ou physiques de I'entre-
prise. de maniere àrendre ce chiffre conforme au taux du change pratiqué
à l'époque,le chiffre de 88 millions de dollars aboutirait à une somme
relati\.ement insignifiante et, en tout cas, fort éloignéedu chiffre de
I'évaluation de Sidro.
J'ai également mis en relief combien est vain l'effort déployé à la
onzieme heure par les experts et les conseils du Gouvernement belge en
ayant recours à la capitalisation des bénéfices de1947 pour étayer
l'évaluation faite par Sidro. Les deux piliers sur lesquels se fonde cet
effort.à savoir le chiffre de 3 700 ooo dollars et le tauxde capitalis at'ion
de 4 pour cent, ne résistent pasà l'examen. La prétendue valeur de rende-
ment de 92 millions de dollars, établie A partir des résultats de 1947
(VIII, p. 13, rrr, 367-368et 487). est une autre construction artificielle
qui, d'ailleurs, est incompatible avec l'idée contenue dans la note de
Sidro. isavoir aue les résultats des annéesantérieures à 1oa8ne sauraient
servi; à confi&er, par capitalisation des bénéfices1 , 3éva&+tion proposée
par Sidro. Tous les armments comptables des conseils du Gouvernement
belge apparaissent. $ l'examen, 'comme des données et des chiffres
arbitrairement manipulés, à l'unique fin de parvenir à un chiffre se
ra..rochant de l'évaluation de Sidro.
l'cri\.iriii rii;~intrn;im;iconclusiuii gl:iii,rnleconcerii;iI:ituation
écononiique cr financi?rc iIc 1ciitn:l~rix. (lc 1larcc.lon.i'1'r;iitioiicn fi,\,rirr
1048. I;iiocii:tt: 2t;iit alors dniis iinc aituatJcii~ol~:,t,ilité~iiir~:iiient
aidficielle, provenant du fait qu'Ebro ne transférait pas de fonds hors
d'Espagne pour assurer le service financier des obligations en livres
sterling. et du fait aue les détenteurs de ces obligations s'étaient,iusau'à
ce manient-là, absfenus de revendiquer en just'ice les sommes Qui ieur
revenaient. Si, en février 1948,Ebro avait transféréles sommes néces-
saires en paiement des arrikrés de toutes sortes dus à ses oblkataires.
I'iiisol\~:~l>~ltnciércde I'entr*:(~ri~acurait Lclatésu grarileur i.'nrccnt
qui serait rrjti dan.. lesC~ISSCSn'aurait en ~ffct 1)~ sut??II<IIIIairr facc
aux obligations courantes à mesure qu'elles venaient a échéanceet
devaient êtrepayées.
Les conditions dans lesquelles se trouvait l'entreprise rendaient
pratiquement impossible de pallier cette déficienceen faisant appel au
marché local des capitaux. L'organisation complexe et tortueuse de
l'entreprise lui interdisait en effet virtuellement l'accèsde ce marché.
Dans cette situation, au demeurant, le développement industriel de 450 BARCELONA TRACTION
l'entre~rise se trouvait ~aralvséet son faible rendement ne cessait de se
dégrad& progressivemeht. foutes ces tensions et ccs difficultés finan-
ciéresn'aurairnt pu Ctre rCsoluesque dans Ir cadre d'une réorganisation
profonde de I'entreprise. Or, )<l'heure d'y procPder, les adniinistrateiiri
voyaient leur Iibert; d'action limitée par l'usage frauduleux qu'ils
avaient fait des m;caiiisrnes compleuc.sde l'entreprise.
.4mon a\.is. \ionsieur le l'r&i<lent,les con<litioriir&lles clanslcsourlleî
l'entreprise de Barcelona Traction a exerci.son activité de 1940 3 14~8.et
les causes réellesde ses difficultésfinanciéres.expliquent une bonne part
des événements de cette affaire com~liauée. et Üne bonne art-des
décisionsapparemment inexplicables que les administrateurs dé Barce-
lonaTraction ont adoptéesau cours de leur litige.avec les créanciers. T'en
donnerai seulement qüelques exemples.
En premier lieu, I'interprëtation du plan d'arrangement de 1945, qui
invitait les obligataireà sacrifier plus de z millions de livres sterling que
leur devait la société,et que le Gouvernement belge a dépeint comme si
favorable leur égard. Place dans sa véritable perspective, ce plan appa-
rait comme tint 6iapr préliminaired'une profoiide ;&irganisatlon quilcj
administrateurs de I'entrclirise tenaieiit pour irtdispensable depuis le
moisde mars 1940et qui avait pour hut <lecorriger la structure financiére
inadéquate de- l'entreprise et de simplifier la complexe organisation
qu'elle avait reçueà l'époquedite upréhistorique a.
La situation économique réellede I'entreprise en Espagne permettait
certes aux administrateurs de Barcelona Traction d'invoquer, en 1945.
devant les tribunaux canadiens. l'état defaillite ou d'insolvabilité de la
société.pour obtenir l'autorisation dont ils avaient besoin pour proposer
aux obligataires les gros sacrifices du plan d'arrangement. Cette situation
économiaueréellede l'entre~rise Dermettait assurément à National Tmst.
d'appuy& du fait de sa pksence, devant le tribunal, la demande de
Barcelona Traction. Il n'est pas superflu de rappeler i cet égard, un des
motifs Dour lesauels National Trust tenait Dour raisonnables les condi-
tions q;e le d'arrangement offraitaux 'obligataires First Mortgage,
aui les invitaià sacrifier plus de la moitiéde ce que leur devait la société.
' La raison invoquée National Trust dans son mémorandum du
7 décembre 1945. que j'ai déjà eu l'occasion de citer, était qu'il fallait
tenir compte de

ntheir junior position and the possibility that they might be
wiped out altogether, if the Prior Lien bondholders should take
proceedings to realize upon the portfolio securing their bonds and
the Court should effect a sale for a netpice lessi than ~4350000,
which is approximately the amount that would be required to pay
off the principal and interest on the Prior Lien bonds »(A.D.,vol. II,
no 28, doc. 1,p. 361).
National Trust tient donc comDte de la ~ossibilitéau'une vente des
garanties opbrkt au Canada produ.iseun {>ri<qui ne soi( mkme pd5 sufi-
sant pour i,erser quoi que cesoit aux obligations de secon<lrang qu'btaient
les oblieations First Morteuee. Or. ces obliaations-li. \!onsieur le I'rPsi-
dent. ont étépayéesintégralement en verCu des clabses qui régissaient
la vente aux enchéres effectuéeen Espagne, et comme l'indique la note
diplomatique du Gouvernement belge du-z7 mars 1948 (ide4o~à45% des
obligations First Mortgage de la B.T.L.P. sont également détenues par
des Belges n (A.M.,vol. IV, no 250. p. 976). PLAIDOIRIE DE M. SUREDA 45'

Si In sant6 financihre de l'?iitréprisede Rarccloiia Traction ;<\,ait;té
telle (Iiil'ont décrite ici si $loqucnimerit le; coriseils du Gouvcrncmcnt
belge. vu la laqon dont les <I~ninnclrîde devii?~ ont étéforniiilc'espar
I'Ebro - ce que la Cour n'ignore pas - 1,:scon(1itions que le plan
(I'arranycnieiit offrait aux oblig?t:iircs nous obligeraitnt i en donncr.
.\lonsicur Ic Prtsident unz interprr:tation qur l'aurais prïférénr pas
avoir i iuggkrrr. h snvoir qiir Ic plan d'arraiigemcnt 2t:iit simplement
iinc Diirr.tcritati\.t <I. FI~OUIIIlCe.LcrC&iicirri<IL1.3aic~.lonit'Ir;iction
sous'prétexte des tensions monétaires qui sévissaient en Europe au
hlessieurs les juges. continuereà estimer que les conditions qu'offrait le
plan d'arrangement aux obligataires de Barcelona Traction traduisaient
la situation véritable au sujet des difficultés financièresque traversait

l'Rlon second exemple concerne la faqon dont les adniinistrateurs de
Barcelona Traction ont réagi à la demande de renseignements que leur
adressa le ministre Suanzes en décembre 1945 (A.C.M., vol. VI, no 5,
doc. 7, p. 284): ils cherchèrent à échapper au dilemme dans lequel ils
avaient eux-mêmesenfermé l'entreprise et dont les deux termes étaient
soit de révélerles fraudes qu'ils asaient commises auparavant soit de
maintenir une oreanisation et une structure aui ne oouvaient aboutir
qu'à la ruine. ~'iGue qu'ils trouvèrent, la courie sait, consista àimaginer
de nouvelles modalitésde financement du plan d'arrangement et notam-
ment cette extraordinaire formule de septembre 1G6 selon laquelle
Sofina, Sidro et Sovalles se déclaraient disposées à procurer 3 500 ooo
livres pour financer le plan d'arrangement (C.M.,IV, p. 125et 126),alors
au'elles n'avaient Das éti.caoables de trouver les 2 200 000 livres aui

no 5.doc. 12, p.292). Cet effort exceptionnel que SO& 6tait disposée
à fournir ne prouve-t-il pas que RI. Speciael, président de Barcelona
Traction, dans sa fameuse lettre de décembre 1946 au ministre Suanzes,
devait réellement avoirdes raisons de poids pour prophétiser que Barce-
lona Traction edevait, à la suite de L'échecdu Plan of cornpro+nise,
tomber aux mains d'un receiuer'pourêtretôt ou tard livree aux enchères
publiques après qui sait quelles longues difficultési>(A.C.ïll., vol. VI,
no 6, doc. no 2, p. 332).
Alon troisième et dernier exemple porte sur la déclaration conjointe
que signèrent, le 81 juin 1951, les Gouvernements de Grande-Bretagne,
du Canadaet de l'Espagne, ainsi que sur le comportemerit consécutif du
Gouvernement canadien et du receiuer désienéDar la Cour suprême
d'Ontario, d'une part, et l'attitude des organG deia faillite en ~spagne.
d'autre part. Après la déclaration coniointe, tant le Gouvernement
canadien- que li receiuer s'employèrent -2. promouvoir la solution du
problème de Barcelona Traction par voie de négociationsentre lesintérêts
privésantagonistes et à demander et i attendre que le Gouvernement
espagnol reportât ses exigences légitimes derégularisation de la situation
de l'entreprise en Espagne jusqu'à ce que les parties privées intéressées
aient résoluleur différendpar voie de négociations. Les intérêtsque le
Gouvernement belge protège aujourd'hui ne voulurent pas - la Cour le
sait- appuyer les propositions du receiuer.soutenues à partir de décem-
bre 1951par la Cour siiprémed'Ontario. et en revanche. reprirent leur
libertéd'action, mêmeen ce qui concerne la direction des procéduresqui 452 BARCELONA TRACTION

se déroulaient en Espagne. De leur côté,soumis aux tensions financières
propres à l'entreprise et aux obligations qui pouvaient peser sur elle,
les organes de la faillite demandèrent I'auto~isation nécessaire pour
réaliserla vente. la seule solution qui fût possible. faute de règlement
nr'goci;,.Cette jolution. ils In prop%2;ent cn iorte <lut:l3.ircçlonalYrnction
piit conjervcr les droits. s'il en csistait, rt.!~enni1ctipital-actions. la
s~~le con<ljtion de ricler les soninies qui étaient (lue; cri livres jtcrli-g
aux créanciers.
Malgrécela. en janvier 1952, les protégésdu Gouvernement belge,
d--~~--ent de ne Daslutter Dour la défensede leurs intérêtsdansI'entre-
prise, mêmemoyennafit lé paiement du vil prix de I~~ooooooo de
pesetas auquel l'entreprise avait été adjugée. 1,'option accordé à
Barcelona Traction par le cahier des charges régissant la vente aux
enchères de ses biens et l'extension de cette option aux personnes qui
disaient représenter les intérêtsdes actionnaires offraient à ces dernihs
une autre possibilité de conserver la pr6tendue part de la valeur de
l'entreprise qui pouvait revenir au capital-actions. Le Gouvernement
belge a qualifiéces options-là de dernière hypocrisie. Quand on connaît
la véritable situation financière de Barcelona Traction, peut-il y avoir
hypocrisie plus grande que de dire que le prix réel de IIIOOOOOOO
de pesetas était un vil prix, un prix scandaleiix?
J'aimerais conclure. Monsieur le Président, Messieurs les juges, sur
quel ues mots du distingué philosophe et lord chancelier d'Angleterre,
sir Jrancis Bacon. II commen~ait son essai De la simz'lation el de In
dissimulalion par les termes suivants, que je me permettrai de citer dans
l'original:

«Dissimulation isbut a faint kind of policyor wisdom; forit asketh
a strong wit and a strong heart to know when to tell truth, and to
do it. Therefore it is the weaker sort of politics that are the great
dissemblers. »

Cej propos ne s'nppli<lurrit-ils pas ndmirnblcnicnt aux actes des
;idriiinistrnteiirs de 13nrcelun:i'l'ractionen Esi>ncnc'
Je tiens, Monsieur le Président, ~essie,ur; l& juges, à témoigner ma
reconnaissance à la Cour pour l'attention qu'elle m'a prêtée. ARGUMENT OFMR.JIMÉNEZDE ARÉCHAGA

COUNSEL FOR THE GOVERNMENT OF SPAIN

Mr. JIMÉNEZ DE ARCCHAG A :. President and Members of the
Court, its my duty to answer that part of the Belgian case dealing with
the so-called ovcr-al1 complaint which is no longer a separate head of
complaint but a technical procedure designed to take account of what
can be revealed by an over-al1 examination of the case (VIII, pp. 569-
572).
Contrary to what has been stated here (ibid.p. 572), the Spanish
Government does not refuse to take account of what may be,revealed
by such an over-al1 examination of the case. Indeed. we believe it 1s
necessary to place the decisions of the Spanish administrative a?d
judicial authorities, which have been attacked by the complainant. in
their adoption.eniporary context. which better explains the reasons for
According to Professor Van Ryn's presentation of the over-al1 com-
plaint (VIII,p. 119).the most striking feature. indeed, the very kernel of
the Belgian argument is found in the repeated accusations and insinua-
tions that theee existed a three-sided conspiracy between some Spanish
private investors, the SpanishGovernment andadministrative authorities
and the Suanish iudiciarv. It is alle~ed that the Duruose of this ulot was
to allow t'heownérship & the arcd do ~ractio; enterprise to ];ass into
the hands of a group of Spanish bondholders.
This is an extremelv serious accusation: one without ~recedent in the
annals of this Court.
The Spanish Governinent has therefore decided that, although it has
been pahially considered in various arguments by Spanish'counsel.
because of its grave nature it requires an independent andsystemat?c
examination. This 1 will now try to do in a review of the case which will
consist of three sections.
The first section will treat of the true intentions of the Spanish bond-
ministration andonthe conduct of the enterprise towards the Span.ish-
administration. The third section will deal with the judicial authorities.
and will itselffall into three parts comprising: firstly, the so-called
blocking of reniedies; secondly, the allegcd misuse of bankruptcy
proceedings; and, thirdly. the damaging consequences said to have
resulted fromthe judicial decisions.
\\?th regard to the accusations made against the private group of
Spanish investors,1 will preface my remarks with an initial observation
which, in my suhmission, does not admit of argument. No criticism can
be made, on either legal or moral grounds, of the aspirations of a body,of
businessmen, of whatever nationality,to acquire control of an enterprise
as long as they act within the boundaries of morality and the law.
The Belgian Memorial itself,in its account of the history of Barcelona
Traction, recalls how. between rgrI and 1947, the enterprise acquired
coiitrol of many other electrical companies which were already operating
in Catalonia (31.1, para. 27 and Ann.22). \Ve assuine that the authors BARCELONA TRACTION
454
of the Mernorial \vould not claim that this right to acquire control is
exclusively a right of Barcelona Traction. Rut in any event we must
examine this Bclgian allegation that the Spanish group of bondholders
had designs to acquire the Barcelona undertaking since it is central to
their whole thesis of a conspiracy. We submit that the claimants have
failed to substantiate this allegation,,and that their thesis is thus without
foundation.
In ttiis context, counsel for the claimant Government has asserted
the right to have recourse to infcrences of fact and circumstantial
evidence. relying on the authority ofthe CorlnChannelcase (VIII, p. 97).
Although such recourse would not alarm us, we deny that that case is
of the case's special circumstances and. particularly. of the submissions
of the United Kingdom Government. the then claimant. as to the onus
probandi. The United Kingdom Government there made reference to
the common law doctrine of res ipsa loq~ritirrto fix the defendants with
liability (CorfuChannelcase. Pleadings, Vol. IV, pp. 480.481). It thus
sought to avail itself of what civilian jurisdictions know as une pre-
somption de responsabilitépour le fait des choses.
TheCourt, in its Judgment, did not go to the length of accepting that.
on the facts.any such presumption operated or that the burden of proof
had shifted. However, it permitted recourse to inferences of fact and
circumstantial evidence to establish responsibility "provided", as the
Court said. "that they leave no room for reasonable doubt" (Corfu
Channel case, I.C.J. Reports 1949, p. 18). It is submitted that this was
done by way of response to the claimant's contentions and in the very
exceptional context of that case.
Thesituationhereis very different, indeed opposite to what.it was in
the CorfuChaiinelcase. The claimant Government has not claimed. nor
can it claim. that there is any presumption that here operates in its
favour. On the contrary,it is the Spanish Government which has properly
invoked a relevant presumption. the presumption of the regularity of
al1More important, whether or not inferences of fact be accepted by this
Court as proof of facts giving rise to responsibility. the other Party has
sought to adduce, as a basis for such inferences, evidence which would be
inadmissible in most iurisdictions. and hence it isuselessfor that auruose.
For esamplr., th*.claimniits have pur in c\tidcncc pri\.atc coniiiiunicatioiis
paîsing bet\vczii thircl parties. \\'ere wtiat t\vo priv:itc indi\.iduals chance
to writc to ench other ;ihoiit e\.cnts of \vhich tlir.\. have no direct knutvl-
edge to be acceptable in a court of law as evideke about those events,
then it would be possible to prove almost anything.
Beleian counsel have also referred to ex barle assertions such as those
contahed in the \\.'ilmers and Duncan affidavits. Their account of what
March allegedly told them is but hearsay evidence of its truth. and its
credibilitv-is undermined bv other factors. Professor Gil Robles has
alreaily s'Itn\vntlint the esien;ivc and iniagin~tiv,%start.iiients made by
\lr 1)iincan untler oatli or beforc;i~linreholdïri' nir.ctiiig uill no1al\vays
coincide exactly on essential points of fact (szipra,pp. 49-51).
By contrast. the Spanish Government, though not legally bound to
-evidence which has not been contested-aboutive dothe real intentionof the
Spanish group of bondholders. which was to participate in the control ARGUMENT OF MR. JIM~NEZDE AR~CHAGA 455

of the undertaking until the debts were paid-the legitimate right of
every creditor (see A.C.M., Chap. 1.Vol. II, Ann. 118,pp. 482and 487).
Even Mr. Duncan, in his statement ta the shareholders, recognized that,
after the adjudication in bankruptcy in 1948h ,larch himself insisted on
such joint control (A.hl., Vol. 1.Ann. 47p. 249).
The Spanish Government has presented positive evidence that he
persisted in this view from an unimpeachable source, no less than the
Canadian Receiver. Mr. Glassco.
Here 1 would respectfully draw the Court's attention to the interview
which took place in Geneva on 27 July 1951between Don Juan hlarch
and the Canadian Receiver, Mr. Glassco, as the latter reported it to the
Ontario court.
1 would first ask the Court to recall briefly the occasion on which this
interview took place. The Spanish gronp was at that time in a stronger
position than ever. It had already become the most important creditor
and the sindicos had been elected. The Joint Statement of the three
Governments had recently completely justified what the Spanish ad-
ministrative authorities had done, while simultaneously denouncing
the various and grave irregularities against the Spanish law committed
of the bondholders themselves. Finally, 1 would remind this Court that,
at the date of the interview in July 1951. the sindicos had not yet
requested the judicial sale of the bankrupt's assets.
Could there have been a better opportunity for March to yield to the
irrepressible desire to become exclusive owner of the Barcelona Traction
undertaking, which the Belgian Government say possessed him? Yet
the report of the interview, filed by Receiver Glassco. demonstrates
above al1else that March was more than willing ta reach a solution of the
question, not by further litigation in the Spanish courts, but through a
negotiated settlement with the controlling group of shareholders.
Far from lending support ta any theory that he had designs ta own
the company, Receiver Glassco advises the Canadian court in opposite
terms. He said "Rlarch disclaimed any desire to control the company;
he has tao many other interests to become involved in the operation of
utility companies; al1 he wants is his money" (Receivership, p. 773;
Spanish Red Book No. r, p. 150).
Of course here tao the Receiver merely repeats what he has heard.
But he felt no need to offer any words of caution to the Canadian court.
And the manner in which he records this statement constitutes animplied
but eloquent admission of the sincerity of March'spioclaimed position.
The attitude exhibited in this report is corroborated by Glas~co's
subseouent behaviour. From that moment on the Receiver conceived
his miision in a different way; he Ieft that meeting a convert. He cesed
ta be the officialwhose task it waç to oppose the Spanish proceedings and
to obtain their annulment bv everv m&ns and at anv cnsi.
From that moment on be Eonsidéredit his duty to promate a negotiated
settlement between shareholders and bondholders, to be secured, in his
own words. throueh "the formation of a new comnanv to be owned
joiiitly by the RfarChinterest and thisofina group. and the paying offOf
theminoritv boiidholders" (ibid ...,,4.S~anish Kcd RookA70.r. p. 151).
The SofiiÏagroup tiowe\.t.kpiit ofi uritil ~cytember 1951tlieir icpls fo
tlie ovcrtures madc by hlÿrcli and sonveycd to tliem Li!.the K~ceiver in
July 19jr. Thesc.&tes :,i-iniport~rittumnicnikr sinie it \vasprcciselv 458 BARCELONA TRACTION

We may now submit our conclusions on this first aspect of the Belgian
accusation that there was some three-sided collusion or conspiracy.
First: The claimant Government has failed to prove its contention
that the group of Spanish bondholders acted systematically from 1940
onwards with the preconceived and persistent plan of becoming owners
of the undertaking. The Belgian charge of conspiracy has therefore, in
Our submission. failed in limine, since its essentialfoundation, that same
preconceived and persistent plan, is shown to be without substance.
Second: On the contrary. the defendant Government has conclusively
proved that the real and legitimate intention of the Spanish bondholders
was that representatives of the bondholders should have some participa-
tion in the control of the undertaking until the debts had been paid.
Third: The Spanish bondholders were unable to fulfil this intention
solely because of the obstinate and protracted refusa1of the Sofina group
to negotiate or to accept the elementary right of every creditor that his
claim be recognized for its full amount, in the same currency which he
has Daid out and in which the debtor had aereed he should be re~aid.
1 Î~owcome to the second section of this address which deals With the
actions of the Spanish administration.
Professor Reuter has already shown there are no grounds for criticism
fully justified. This was determined in the Joint Agreement of the three
Governments which bound Canada. the com~anv's State of nationalitv.
As Professor Keuter has brilliaiitl" esplai&d, Cnnnd? tlius ri.ai!,c<a"y
claims its protectcd natioii:il micht Iiavi:had in rc.cpt,of tlic ncts ol tlic
Spanish administration. No clsm therefore can kow be made in this
respect on behalf of the alleged shareholders, since their rights derive
entirely from those of the Company (szrpra,pp. ~31.~32). 1 only rvish to
add that this argument, already advanied in the Counter-Memorial and
the Rejoinder (C.M.,,IV, p. 474. Rej., VII, pp. 801-802) has not been
answered bv the Belaian Government.
The cornplainant however insists on reopening this Pandora's box.
Moreover, the legal basis of the accusations against the Spanish
administration, as sët out in the oral pleadings, m&e it imperative,to
re-examine the conduct of the enterprise vis-à-vis the administrative
authorities in Spain. Counsel for the Belgian complainantshas chosen to
allege that the Spanish administration was guilty of abuse of rights
(abus de droit).
The concept of abuse of rights is closely linked with the principle of
good faithas that principle has been established by the pronouncements of
this Court, cited by the complainants (VIII, p. 37) and especially the
dictum of the Permanent Court in the Upper Silesia case. The Court
referred in that case in the French text to 'un abus de . . . droit ou un
manquement au principe de la bonne foi" (case concerning Certain
GermanInferestsin Polish UpperSilesia, Merits,P.C.I.J., SeriesA, No. 7,
p. 30) though the English version of the Judgment speaks only of a
"misuse of this right". One may conclude from this, and also from,the
:,est of the Jument, that the Court considered the French expressions
abus de droit" or "manquement au principe de la bonne foi" t0 be
synonymous (cf. Scerni, L'abwsodi diri& nei rapporti inlernazionale.
Rome. 1930. pp. 104-105).
Civil law doctrine on this point is to the same effect; the notion of,
abuse of rights is there conceived of as the counterpart oftheprincipleof ARGUMENT OF MR. JIMÉNEZ DE ARÉCHAGA
459
good faith. Thus the judge has to look at the attitude of the parties in
front of him in the light of that principle (Gmür, Ko~nnzentavzzcm
SckweizerischenZiuilgeselzbuch,1,Berne, 1919,p. 57,Tüor, Le CodeCivil
Suisse, Fr. tr., pp. 40, 43, 44).
As aresult, in determining whether or not there has been an "abus de
droit", one must consider whether not only the person exercising his
rights, but also his so-called victim, has acted in good faith.
The legal submission of the Belgian counsel thus spotlights this ele-
ment of good faith and provokes one to examine whether the company
showed good faith in its conduct and dealings with the Spanish ad-
ministration, particularly with the currency and eschange authorities.
Professor Mann has referred to the visit that Seiior Ridruejo, the
director of the exchange autliority in Spain, "Centro de Contratacion de
hloneda", paid to the enterprise's centre of operations at Plaza de
Cataluiia No. 2, Barcelona. It is his contention that the questions arising
from this inspection were "resolved", and that the Spanish administra-
tion "expressed themselves completely satisfied (VIII, p. 63).
This is not the case. As the Court already knows from Sir Humphrey
Waldock's speech (szfpra,p.148). the director of the Spanish exchange
authori~~.was told bv ,he comvan. officials that the Ebro shares were
(:\.C.\I.. Chal). III, \'ol. \'I 1,:\nri. 60, 11.:\srcg;~rJs International2re8'
Gtilities. liivai told "Ire know notliing about the liitcriintion;il Gtil-
ities" (ibid.).
In the light of what we know today it is impossible to deny in front of
this tribunal that these replies were totally devoid of good faith.
The Spanish exchange authoritieswho now stand accused of "abus de
droit" and, consequently, of bad faith asked precise and specific ques-
tions. But not only were the). met with a smokescreen and an effort to
hide tlie real facts; they were told palpable untruths, which were
designed deliberately to mislead them. The Company was guilty in this
not only of szfppressio uevibut also of sztggestio/alsi.
Professor Mann has complained of the "absence of any request for
specific information, the absence of any questions put to the applicants"
(VIII, p. 78). Evidently no-one has told liim that, because of the un-
satisfactory results of this visit, Mr. Ridruejo himself delivered a
written questionnaire containing the five crucial questions which the
enterprise were not to answer nntil December 1946-and we were in
1932 then-some 15 years later, and then only partially.
hlr. Ridruejo wished to know, first, dates and rates of issue of the
Ebro bonds; second, are the Ebro bonds in the hands of Spaniards or of
foreigners? Tliird, amount of Ebro share capital;are these shares nomi-
native or "to the bearer"? Fourth, ,do the shares, the bonds and the
credit in Canadian dollars belong to the same erson? Fifth, have the
amount of the bonds issued and the credit Oy International Utilities
been invested in works and constructions in Svain? fA.C.hl., Chap. II,
Vol. VI, Ann. 4, App. 1, Doc. No. 4, p. 260). '
This questionnaire, which formulated "the precise points which
neeThe reason appears'froiIII.;nte&al correspondence between company
officials. &Ir.Lawton wrote:

" ... giving information about the price of issue of the Ebro Bonds
willprobablycause difficiiltiesand coupling it with the later question460 BARCELONA TRACTION
as to whether al1the money has been spent on works makes it still
more serious.
The 50 per cent. discount on these Bonds amounts practically to
the total of the International Utilities credit." (A.C.M., Chap. II,
Vol. VI, Ann. 4.Doc. No. 4. p. 258.)

We agree with Professor Mann that these matters should be examined
with the enquiring mind of a detective, but of a detective who does not
o.e~ ~ ~~ ~tal documents.
In the lilriodI~~o-Ic,.)~,from th,. standpoint ofgond fait\) tlir attitude
of the cornpaii!. tuufnrdi the Spnish iiionetary aiithorities invites still
hra\.ir:r criticism.It no loncer had tlic sincle :iirn of concealmciit of tax
frauds, it had a second purpose, still more important in those troubled
times.
1invite the attention of the Court in this context to a revealing letter
from Mr. Heineman, filed as an annex to the Counter-Mernorial (A.C.M..
Chap. 1,Vol. II, Ann. 112,Doc. No. 2,pp. 298-302).where he established
the policy followed by the company in that period. Mr. Heineman
writes that the company would explain to holders of Prior Lien and First
Mortgage bonds "that in view of the restrictions governing transfers,it
is not possible for it to actually pay these coupons" (ibid p. 302). As
Professor Reuter has pointed out (supra, p. 202), tliis is written on 29
March 1940, not after the company had received a refusal from the
Spanish anthorities but before it had even submitted a request for
foreign exchange to the new authorities established in Spain after the
Civil War. We feelentitled to repeat a question asked in this Court about
another individual: "Was he [Heineman] clairvoyant, could he foresee
the future?" (VIII, p. 243).
The company's Spanish lawyer, Mr. Tomos, advised Mr. Heineman at
least to deposit in pesetas for the benefit of the bondholders the sterling
interest which wasretained then. In brushing aside this advice. Heineman
reveals the commercial considerations which determined his whole
policy ;1quote again from his letter:

". .. these funds thus accumulated would be unproductive precisely
at a time when they might usefully be employed for financing capital
expenditure operations of the enterprise. especially if it is decided
to construct the Flix power house" (A.C.M..Chap. 1. Vol. II, Ann.
112,DOC.NO. 2, p. 301).

The Company officiaisknew they could guarantee a refusal of foreign
currency by a policy of silence or evasion; and a refusal suited them
better than a grant. They made it a splendid pretext for the continued
suspension of payment of interest on the sterling bonds, which they
explained on this ground to the sterling creditors and to the public at
large. Thus not only did they attempt to transfer the hlame for the
prolonged default to the Spanish authorities but, more important. they
assured the company of a steady supply of interest-free capital. It was
an involuntary. gratuitous and unsolicited loan.
This hlachiavellian plan was executed to perfection. Let me give you,
Mr. President. one example. The officialsof Barcelona Traction carefully
ignored the advice furnished by the Company lawyers in Madrid and in
London about the best way to make successful requests for foreign exchange, so asto provoke an unfavourable responsewhich was, ofcourse,
what they really desired. Thus Mr. Tornos advised that, to make the
applications succeed, they had to indicate that the requested exchange
was to be devoted to the payment of Rarcelona Traction sterling coupons
(A.C.M., Chap. II, Vol. VI, Ann. z, Doc. No. 18, p. 163; A.K., Ann. 80,
p. 414). His advice was not followed. >Ir. Hubbard advised from London
that reference should be made to the Anglo-Spanish Payments Agreement
&Rej., Vol. II, Ann. 17, Docs. Nos. r and 2,pp. 325.326). That adrice
\vas not followed eitlier.
In the first application, in April 1940. one month after Heineman's
letter, they requested a vast sum of foreign currency, comprising al1the
accumulated arrears of interest in International Utilities' current account
from 1931 onwards. This was again done in disregard of Mr. Tornos'
advice (A.C.M.,Chap. Il, Vol. VI, Ann. 2, Doc. No. 18, p. 163).
Finally, as we know. they did not accompany their requests with the
requisite documents, nor did they follow up their applications with
personal interviews and visits. in marked contrat to what was done in
the period 1931to 1936,and to what \vas again done to promote the Plan
of Compromise.
They displayed a different attitude in respect of the Plan of Com-
promise because the controlling group had reasons then to wish for an
affirmative response.
Keference has already been made in the oral pleadings to the "go
ahead" given in June 1945and coufirmed by hlinister Suanzes in August
1945. Incidentally, llinister Suanzes' reaction illustrates his lack of
prejudice against the Company and his absence of desire to nationalize
it bv whatever means came to hand.
The Minister has however been accused of a "complete and unexplained
reversal of the approval in principle given in June and August" (VIII,
Y. /Il.
Since this accusation involves a question of good faith it is important
briefly to recall the facts.
The request as it was first formulated on 14 June 1945 merely stated
that those who financeclthe Plan of Compromise "would be reimbursed
in peseta bonds issued by Riegos" (A.C.M.,Chap. II. Ann. 5. Doc. NO. 1,
Vol. VI. p. 262).This led the Spanish exchange authorities to believe. as
they later pointed out. that "the amount to be reirnhursed . . . \vas the
equivalent ofthe value ofthe sterling poundsat theofficialexchange rates
plus expenses" (ibid.. Doc. No. 13, Vol. VI, p. 299).
The provisional authorization to start negotiations which nevef yas
"an approval in princil~le" was obtained on the bais of a submission
that concealed an essential fact: the euphemistically called "nominal
surplus". This was in fact a huge profit to be made by the promoters of
the plan on the actual issue of the peseta bonds. This profit of 140million
pesetas, described later by bondholders as a "foreign exchange killing"
(Statements by Mr. Horace Samuel at the Prior Lien bondholders'
meeting of 8 April 1948 (London Proceedings, Vol. III, p. 46). Spanish
Red Book iVo.I, p. 276)-and 1apologizc for the collo~iialisni-\uould
have been made at the expense of the eschange value of the peseta. Those
who promoted the plan had at first decided to distribute this profit
arnong themselves. However. it \vasso enormous and soout of proportion
to any effort expended in making it that they ultimately felt obliged t0
offer the Spanish administration a slinre. Although this suggestion usas 462 BARCELONA TRACTION
made to the aiitlioritir.. in th& oficiill c:ipacity, it ~~rid<~iibt~.d~l!3z3
rnost iinpropvr iuggeitlon \vtiich entirel); jujtifics \Ir. Suniiztr,' attitude
of "mLfinnce et ~oiipqon" (\Ir. Suanres' ;pc.ech. 11, :Inn 40, \',JI. 1,
p. 221).
The main feature of the Plan of Compromise was the utilization of the
Ebro bonds at their full nominal value. This brought to light, in the
phrase of the Rejoinder, "the skeleton iii the company's closet", the 50
per cent. discount in issue which also had serious tax repercussions in
1945 and 1946 (A.C.M.,Chap. 1. Ann. 112, Doc. Xos. II and 12, Vol. II,
pp. 345.346. 347; DOC.No. 13,Vol. II. p. 351; Doc. Ho. 5, Vol. II, p. 311;
A.Re]., Ann. 1, pl>.137-13s; SZI~Y~, pp. 152 ff.).
Professor Mann has stated that the company "did not wish to supply
figures for the years before 1926. but this \%,asbecause it ~vouldhave
delayed matters to have to furnish esplanations for this period and it
was, therefore, troublesome" (VIII, p. 68).
He chose the right epithet. "Troublesome" it would indeed have been
to those seeking approval of the plan. For this reason the company had
always taken great care in its officialstatements to avoid any reference
to that critical period from 1923 to 1926 during which, in the words of
one of its officials.t grew the "root of our financial structure" (A.C.M.,
Vol. IV, Chap. 1, Ann. 493, p. 59): with the formation and gratuitous
transferof credits to International Utilities; the enormous capitalization
of Ebro without the makina of anv new investment: the re-issue of Ebro
Mortgage bonds at a 50 dkcount, describedon the balance sheet
as new constructions in Catalonia; the acquisition of Barcelonesa shares
at a 300percent. premium, etc. (sripra,pp. 153ff. ;A.Rej., Ann. 1, Vol. 1,
pp. 136 to 141). In mentioning these facts 1 make no journey into what
has been called "pre-history". Most of the juggling with the accounts
occurred after 1923,when Sofinaand Sidro were already in the picture.
The truth is that the company always made special efforts to avoid
revelations about that "troublesome period and to put a screen in front
of it. Tliere is in one of their interna1 documents a reference to "the pre-
occupatioii not to furnish figures prior to 1926" (A.C.M.,Vol. VI, Chap.
II, Ann. 2, Iloc. No. 21, pp. 171-172). The same preoccupation was
disolaved durine al1the neaotiations over the Plan of Comnromise (ibid..
~nh. j,Doc. N< 30, p. 324).
For esample, during this ver); period we find a description of Inter-
national Utilitieseiven in writina to tlie Soanish hlinister. What was that
description? lntehational ~tiliTies was described as "a Canadian cor-
poration with the object of financing public utilities morks" (ibid., Doc.
No. 21-.o.A71-). ,oihintz in that sentence is literallv untrue. but its
implications are entirel; misleading. It brings to And that' pointed
dictum of Lord hlcNa~hten, "Everybody knows that sometimes half a
truth is no better than a downright falsehood" (Gluckstein v. Barnes
(Oficial ReceiuerOlympia Ltd.), 1900A.C.. pp. 250-251).

The Court adjourned/rom 11.15 a.m. lo 11.40 a.m

1 refer now to early December 1946 whcn Mr. Spéciael,President of
Barcelona Traction, made his last minute efforts for obtaining approval
for the Plan of Compromise. It was a very dificult task. He had to com-
pensate in one week for 30 years of what has been described by Peat,
Alarwick'sreport as "the deliberate concealment and prevarication . . . ARGUMENT Of MR. JIMÉNEZ DE ARÉCHAGA 463

practised by the management of Ebro in its relations with the Spanish
Authoritics" @.Rej., Vol. 1, Ann. 2,p. 351. par" 172). \\le agree that
Mr. Spéciael'sletter to Minister Suanzes of 7 December 1946,is in many
respects informative aiid precise. It contained five crucial revelations
which had not been previously admitted before the Spanish exchange
authorities:
First: that Barcelona Traction had properties in Spain, since it was
recognized "in fact the only proprietor of its immense installations"
(A.C.M.,Vol. VI, Chap. II. Ann. 6. Doc. No. z,p. 330).
Second: that Barcelona Traction was "the only shareholder of Ebro"
(i6id..p. 333).
Third: that Barcelona Traction was "the only bondholder of Ebro"
(ibid.). Until then, Ehro bonds had bccn descrihed as "circulant h
I'Ctranger" (A.C.M., Vol. VI, Cliap. II, Ann. 2,L'oc.No. 8, p. 145). .
Fourth: that Barcelona Traction was the "only foreign creditor of
Ebro" (ibid., Ann. 6. Doc. No. z,p. 331)W . hat happened then to those
dollar and peseta current accounts of International Utilities which were
the basis foral1reauests of exchance transfer?
l'irtliiinally, tt;ar lnteriiatiorin'i IJtiliiiej \vas;ifiliatcdcornpaii),
of U~rcclona Traction. rlie larier. pojjesjin-: alitjstock" fihid. .t>-20,.
In the light of these sudden revelations, so flagrantly at odds with
previous statements. one can understand why the Spanish Government
should have confirmed its October requioment, articulated before any
resolution was passed at the United Nations, that a detailed study be
made of the Company. These admissions not only affected the exchange
pictiire. They had eriormoos implicatioris in tlie field of tax. It cannot
therefore be argued that to submit the petition to prior verification was
a hostile or arbitrarv act. or a rnisuse of the Government's power of
.urr.~~," -o~ ~ ~ ~
Even accepting that currency control had the limited object. ascribed
to it bv Professor Mann. "to maintain adequate monetarv reserves", that
abject-to borrow words used by this Court in the advisory opinion on
Admission for New Members of the United Nations-"does not forbid
the taking into account of any factor wh'ichit is possible reasonably and
in good faitli to connect with such purpose" (Conditions of Admission
of a Slate 10 Membershi9 in the United Nations, I.C.] Re$orls 1948,
P. 63).
The study order by the Spanish administration was interrupted by
circumstances beyond the control of the authorities and of the Sofina
group. It was fmstrated by the judicial action promoted hy some bond-
holders to protect their rights and by the subsequent adjudication in
bankruptcy.
MI. Spéciaei'sletter, with al1its serious and even damaging admissions.
contributed to set in motion forces which in the end wrested from the
Sofina group the control of the undertaking. These revelations were
divuleed in the sneech of the Minister at the Cortes.
lnYview of the relevance of the information volunteered by Mr.
Spkciael and incorporated in the Minister's speech. one can well under-
stand why the petitioners seeking the adjudication in bankruptcy
should buttress their contentions with that very speech.
The study and investigation of the company's financial structure and
its relations with the exchange authorities, which had been adjourned 464 BARCELOSA TRACTlOS

because of thebankruptcy proceedings, usascarried out for the main part
by an iiiternational commission of enquiry.
Statement, not only determined that the decisions of the Spanishntal
authorities were fully justified but also contained proof that the com-
pany's policy was necessary to cover up its irregular tax structure and
conduct.
The deceotion, the denial of information to the authorities. the tax
frauds carriédout by the company, led in turn, by a sort of chainieaction,
to monetary irregularities, which culminated in the clandestine extrac-
tion from Spain of more than 40million pesetas.
Efforts have been made before this tribunal to justify this monetary
fraud on the ground of the patriotism of its perpetrators (VIII, pp. 89,
ool. This is a case in \\!hich.as the classical maritime law savine orovides.
'16pavillon ne couvre pas ia marchandise". . - A
The patriotic motives which doubtless animated some British officials
in Spain who obtained pesetas for their war needs, cannot be vicariously
attributed to the managers of a private company who obtained pounds
sterling in London, or other ciirrencies elsewhere, not only by way of
exchanee for the Desetas delivercd to the British officials. but also for
tliose \;hich were'delivercd to persons uiiknown and foi destinations
unrevealed (see in this connection Captain HiIlpart-'s aflidavit. A.Rei.
Ann. 33.Doc. Xo. 1).
Once again this operation was performed with concealment and
prevarication; ". . . the existence of such assets mas implicitly denied
[in the Plan of Compromise] by the statement that no remittances from
Spain had been possible" (Belgian Blue Book, Vol. 1, pp. 11-12); after
the approval of the Plan of Compromise by the bondholders, those in
charge of the company continued for more than three years those
irregular extractions.
This al1goes to explain wliy the British and Canadian reprcsentatives
remained eloquently silent when reference was made in the Joint State-
ment to "irregularities of al1kinds as regards the Spanish economy and
law noted in the conduct of this group of Companies" (A.C.M.. Vol. VI,
Chap. II. Ann. 1, Doc. Xo. r, p. 7).
We can now conclude. hlr. President, this section of our address. We
have recalled to your notice important facts, which illustrate the bad
faith of the company in its conduct and relations with the Spanish
exchange authorities. Such facts are of vital importance for the decision
on the present claim. There is here a linked chain of events. The tax
frauds inil moii<.tar). irregularitics aiid the <irlit~eratcsclienie to rr-
in\.c,t tlit: hondholdcr.' riioiic\.<Ict<niiitli.ithe r<quc.irsforexilinrig~i
were not accompanied with the neccssary information. The inadequacy
escliange and the Plan of Compromise. Finally, the refusal of transfers

dication in bankruptcy and to the sale of the assets. Thus. the irregularu-
conduct ofthe officersof Barcelona Traction \vas the ions elorigoof the
events which ended in the adjudication in bankruptcy. Once this is
acknowledged, the tribunal must surely reject the daim on its merits.
It isabasicprincipleof international law which has been acknowledged
here by Professor Lauterpacht (VIII, p. 493). that consideration must,be
taken of the conduct of protected subjects where the issue is to determine 4'35 BARCELONA TRACTIO'I

pioneer of Catalonia's hydro-electrical development. Born in 1877,still
active today, he was the man who, in 1911, sought contact with Dr.
Pearson to interest him in that development, as he had previously
contacted other Spanish and foreign financial groups, and he participated
in the initialconstruction.And, what isimportant now, he was an original
bondholder of Barcelona Traction from IQII and. out of enthusiasm for
the hylro-clrctrical <I~~velo~)niconftC;itnloiiia, h~.\v:h irnprudsnr cnoiigli
to in\.cst al1thjsvinp of the most pro<luctive !.cari of hi3lifL 26 orin;
and that \y33 in 1011-in Harcclonn l'ractioii Firit \lort.,i.. hnndi ~.\'.
c.31.. paras. 1~~-16~,pp. 99.101; ,p.253, footnote; London Proceedings,
Vol.3. pp. 27-30and42; Spanish .Red BookA'o. I,pp. 257-260and 272).
There u,ere two possible arenas for the court proceedings: Canada
orThe creditors began by exploring the possibilities offered by judicial
proceedings in Canada; hence the mission headed by Mr. L6pez Olivin,
aformer Ambassador of Spain. a distinguished former Registrar of this
Court and of the Permanent Court. The date of this mission to Canada in
August 1947 shows, incidentally, how unfounded is the Belgian accusa-
tion that when the Spanish bondholders acquired bonds in 1945and 1946
they already counted on the support of the Spanish judicial and ad-
ministrative authorities.
&Ir.LOpezOlivan's exploratory mission failed in its aims not because
an enforcement action would have been refused by the courts of that
country, as Belgian counsel has claimed (VIII, pp. 111.113). but hecause
hlr. LOpez Olivin realized that it would have been impossible to give
effect tosuch an enforcement action in this particular case. The reasons
for this were twofold: first, the Company had no physical assets in
Canada-anobstacle already foreseenin a Canadian legal O inion of 1915
which we accompany to our Rejoinder (*.Rej., Vol. IlPl, Ann. 190,
p. 443)-and second, the trustee had made thinly veilcd.tlireats that he
would create legal delays of up to IOyears hy opposing the rights of the
First Mortgage bondholders to those of the Prior Lien issue. This is
shown in Annex 187 of the Rejoinder (A.Rej.,Wol. III, pp. 437-436). In
these circumstances *Ir. LOpez Olivin wisely concluded that "any
enforcement action in Canada would have no prospect of practical
snccess" (A.Rej.. Vol. III, Ann. 187, p. 438).
Those were undoubtedly the reasons which moved the Sofina group
to wish that Canada should be the arena for the unavoidable judicial
confrontation which would take the form of a receivership there. They
confess this preference openly in the Reply (V, Part II. 3rd footnote to
para. 498, p. 353). They wanted to obtain a friendly receivership of the
type obtainedin 1914and again in July 1948.This Canadian Receivership
of 1948 was thus described by the Chief Justice of Ontario:

"The receiver and manager was appointed in July i948 and is still
carrying on. The action meanwhile is standing still. No pleadings
have heen delivered, and, so faras appears, the desired end of the
receiver and manager.".en (A.C.M., Vol.thIS,pAnn. 191. Doc. :No. I,

P. 264.)

These friendly receiverships characteristically guarantee the main-
tenance ofthe status ouo. accommodating trustee, requests the protection of a court in order to an
frerze creditorClaims. At the same tiine it makes sure that the comnanv
in ilGf;~i~l\vil1coiiriiiu,: tu br a<liniiii~tcrcdh!. p?r.oii> \i.lioi<;ii:iîri.
nroi>oc,i ro the ludgcs bv niid \i.lioriijoy tlie confiilriicr.of rlicsoiitrollin,:
group. .-. . ~ -
In the Barcelona Traction receivership in 1948, National Trust chose
as Receiver a Caiiadian accountant, MI. Clarkson (London Proceedings.
Vol. IV, p. 174; Spanish Red BookNo. I, p. 284). One month later his
name usas proposed to and accepted by the court. That Receiver, like
his successors, belonged to a fim, Clarkson, Gordon and Company,
which had close business relations with the undertaking.
Professor Van Ryn bas said that the person appointed was iiot drawn
"from amongst tlie Barcelona Traction auditors" (VIII, p. 195). This fact
was not maintained by Professor Briggs but attrihuted by Iiim to tlie
Prior Lien bondholders' committee. (See paras. 76 and 79 of Professor
Briggs' consultation. A.Rej., Vol. 111, Ann. 161, pp. 426-427.) This
statement, while narro\rrly accurate, is misleading. That same firm of
accountants had just been appointed auditors of Barcelona Traction
though it had apparently not yet started to act as such (London Pro-
ccedings, \'ol. IV, pp. 186.187; Receivership, p. 409; Spanish Red Book
No. I, pp. 290.2 I and 297).
On the other 1land, I'rofessor Van Ryn should have pointed out that
that firm were, at that tirne, the auditors of iioiieother than International
Utilities, and continued to act as such auditors of International Utilities
for at least onc vear aftcr one of its nartners was aonoin..d Receiver
(VII, Rej.-,p. 8z7j.
Iii the coninion law, in England and Canada, the auditors' duty is to
protect the interest of the shareholders (prr L. J. Lindley in Re London
and General Bnnk (N0.2) (1S9j) 2 Ch. 673 (C.A.)at pp. 652 H. 121 1).and
122 of the Canada Corporations Act (1968) ;Fraser& Stewart,,Conifinny
Lam of Callada, 5th ed., pp. 694-700). The oiily shareholder of Inter-
national Utilities was liarcelona Traction.
\Vliile friendly receiverships are so org:inized as to permit the dehtor
to continue in posscssioii of its properties and assets, the situation is
reverseci in bankruptcy proceedings. There, tire control and possession
of the assets passes to thc creditors ~vlioadmiriister thern through their
legThe insinuations made by Belgian counsel about the links esisting
between some creditors and the sindicos are wide of the mark. Any
bankruptcy legislation aims to put the administration of tlie assets
ultimately under tlie control of the creditors through sindicos or trustees
chosen by them. In Spaiii, aiid analogous jurisdictions, there is an interim
provisional sindico or dePositario wlio may or ma? not bc a
creditor bijut whose prime duty in eitlier case is to watch over the
creditors' interests.
The differences hetween friendly receiverships and bankruptcy
proceedings do iiot affect the validity of the criticisms made by Professor
Rriggs in his opinion presented to the Court. There he pointed out the
double standards of the IIelgian Goveriirnent ivliich complained bitterly
of certain decisions of the Spanish judiciary but said nothiiig about
equivalent decisions adoptcd in the receivership proceedings in Canada
(A.Rej., Vol. III, Ann. 181,pp. 412 to428) Professor Briggs' opinion has 4'33 BARCELONATRACTION

been severely criticized by Belgian counsel, but. as we shall see, if 1may
digress for a while. that criticism is unfounded.
authorized to take possession of assets other than the shares oivned by
Barcelona" (VIII, p. 197). Duly advised as we have been by Canadian
counsel, we must give the lie to this statement and insist that Professor
Briggs isright aboutthisvital point.
The Canadian Receiver was expressly authorized to take the necessary
steps to obtain possession of assets other than the shares. The receivership
order comprised. besides shares and bonds, al1the property and assets of
Ebro, mortgaged and charged under the terms of the trust deeds. This,
in effect, included al1the properties of Ebro which were capable of being
mortgaged in Spain.
The Prior Lien Trust Deed of IO July 1915 defined the mortgaged
premises as including "al1 other property hereby mortgaged or charged
or covenanted to be mortgaged". This peculiar expression "covenanted
to be mortgaged" is explained by Article fi. paragraph z. of the trust
deed. according to which Barcelona Traction "co\~enants with the
Trustee that it will . . . procure the Ebro Company to enter into a cove-
nant with the Trustee" to increase the existing Ebro hyfiofhèqne, which
already guaranteed the First Mortgage bond issue so that it would-1
quote again the words of the trust deed-"include and embrace al1 the
property of the Ebro Company in Spain. wliich is capable of being
mortgaged". This meant tliat iiot only Ebro sliares and bonds but also
al1 the property and assets of Ebro capable of being mortgaged were
mortgaged premises within the definition of the trust deed. This, as ae
shall see, is an important conclusion.
Why is this? Because the receivership order gave the Receiver "pos-
session of al1the undertaking, property and assets [not in the possession
of the Xational Trust] of every iiature and kind comprised in or subject
to the triists of or mortgaged or charged by or pursuant to the said trust
deed" (Receivership, p. 68; Spanish Red RooRAra. r,p. II)..Now there
is something which we find interesting on this point.
The draft receivership order-not the fiiial order as approved but the
draft order-referred to ail the undertaking, property and assets of the
defendant, that is to say, of Barcelona Traction. Rut this draft \vas
amended, in handwriting.and the amendments were initialled apparently
by Judge Scliroeder himself. They corisisted iiideleting the words "of
the defendaiit" or the words "of Barcelona Traction" and replaciiig them
by the \vider expression which included al1 the property and assets
comprised or mortga ed pursuant to the trust deeds (Receivership. pp. 59
and 63; Spanish Ref~ook No. r,pp. 2 and 6).. \trith those amendments
the Receiver became authorized to take steps to obtain possession of
Ebro's property and assets, tliereby ensiiring that the legal personality
of Ebro slioirld be no obstacle in Caiiada to the possession of the real
assets of the eiiterprise under tlic aiitliority of the court. This, by the
way, is analogous to the receiversliip order iiithe Sait A$sto~$ioase-the
order given by the Bexar County District Jirdgc-whicli comprised,
besides the shares owned by Saii Aiitoiiio Land, the dams, reservoirs
Irrigation and syAledilia Valley Company (New Docs. deposited byna
Spanish Governmeiit. 1969. Vol. 111, p. 69). So, you see, there are
precedents to this Scliool of Reus doctrine. ARGUMENT OF MR. JIMÉNEZ DE AK~CHAGA 469
We have relied for the foregoing argument about the Canadian receiv-
ership on the opinion of Canadian counsel. the Toronto law firm of
Fasken and Calvin, advisers on Canadian law to the Spanish delegation.
It is clear from what you said, Mr. President, on 28 April last. that
this opinion cannot be considered as a new document "faisant partie .. .
de la documentation de l'affaire" (VIII, p. 267). However, the opinion
of the Canadian counsel to which that decision of 28 April last referred
was, as we understand, available to the Members of the Court. 1 am
authorized by the Spanish Agent to express our earnest hope that, on the
basis of the principle of equality of parties, some way might be found by
which this opinion from the law firm of Fasken and Calvin might also
be made available to the Members of the Court and, of course, to our
distinguished opponents.
We have had confirmation of other observations made by Professor
Briggs. For instance, he remarks that while the Belgian Government
complains of the appointment of new boards, change of instructions
and replacemeiit of attorneys in Spain, it is silent about the analo-
himself as president of Ebro ord bythe change of tactics in dismissing
Mr. Sanchez Jiménez and engaging blr. Serrano Suner under pressure
from Sidro.
Professor Van Ryn stated that "the Receiver always acted by exer-
cising his voting rights" (VIII, p. 197); but this was exactly the method
followed by the depositario for replacing the boards and, through them.
the attorneys.
Professor Van Ryn adds that, contrary to Professor Briggs' assertions,
the Receiver "far from disregarding the juristic personality of Ehro ...
as an independent company" showed "concern to respect the separate
iuristic ~ersonalitv and the Dowers of each comoanvA, oreaiis" (VII\ .
PP 197 and 198). '
We ask the Court to look at a receiver's memorandum informing the
Court that "he obtained assurances from the orinci~al officers . . . ofthe
subsidiaries . . that they would take no action .:. without the prior
consent and approval of the Receiver" (Receivership, pp. 390-391:
Spanish Red Book No. I, pp. go- 1) This is undoubtedly a very odd
way of showing respect forthe inc?epéndenceof a company's board.
The complainants have freely used arguments ad hominem to try to
diminish the weight of Professor Briggs' opinion, questioningihis know-
leThus, Professor \'an Ryn purports to discover in Professor Briggs'
opinion "errors of procedural law, for example. the claim that it was
impossible for the Prior Lien bondholders committee to .. .[ohject] to
the appointment of the receiver" (VIII, p. 196). The Court will have
observcd. from reading Professor Uriggs' opinion. that nowhere in thdt
opinion docs he make such a claim. Really, Professor Van Ryn sliould
~ractise what he ~reaches: "one should examine the document more
E~ose~y"(VIII, p. G7).
Despite al1efforts by Belgian counsel to discredit details of Professor
Briggs' opinion. the general comparison and parallels are there for al1to
see and evidence his main conclusion that the Canadian receivers and
the Canadian court regarded the enterprise-the Barcelona Traction
company and its subsidirariesand suhsub~idiaries-as one economic uiiit,
subject to their legal control. 470 BARCELONA TRACTION
\\'e have a saying in our country about ad komi)iem arguments: the
ensign has been attacked,but the flag keeps flying.
One general observation may be made about the Belgian pleadings
from the standpoint of international law. \{'hile the Spanish judiciary

\vas accused of breaclies aiid misapplications of Spanish law, no-one
explained how those purported breaches \vould create an international
responsibility for Spain.
In order that a judicial decision should create an international respon-
sibility in international law, it is indispensable-the more detailed
requirements explained by Professor Guggenheim aside (supra, pp. 82,
2 .-that it causes what arbitral tribunals and writers have described
3% n pxlpal~l~i.ii]ii;ric~Itirerrr~~lr/rr.r!t<,l~rt\vtiirI>~oincrliiiig<Iificr~nt
31111f;~rIIILI~j,:rioiijtIi;i~l)rc~tcl~~ or~~II~.I~~~~~I~~~II ufIiii~~iiicip:iIII$$,
1 I~cIic\.c.froiii rr:i(liitlic I<t.i>I\.. tlitlii: iicoriiiiioncrou~iilIi<:t~ir.cn
the parties (R.. V, 459, 46;. 462,463, 471, pp. 31:, 314.3~9).
This Court, in the rccent Judgment on the North Sen Con6t)zeiztaS liself
cases. made a ~ronoiincement whicli mieht be inter~reted hoth as an

~ ~~~-~ 0
reasoning of a court if jistice. its decisions must by definition be just,
and therefore in that sense equitable." (NovthSen Contine~ttnlShell cases,
ludement. I.C.1. Reborts IOGO.o. AS.\

to this test of justice, and, as a matter of fact, such an examination \vas
made iii our Rejoinder, VII,pages 780 to 792. 1believe it will be sufficieiit
to refer to tliem without repetition of their contents. As they illustrate,
the judicial decisions of whicli complaint \irasmade were in al1cases just.
fair and equitable. while the decisions \\.hich our opponents ivould have
preferred would, on the contrary, have been unlust, unfair and in-
equitable, particularly as regards the party protected in bankruptcy
proceedings. namely the creditors.
It must be poiiited out, in this connection, that in the oral pleadings.
Belgian couiisel have carefully avoided any discussion of this aspect of

th? case, and in general have abstained from refuting, or even referring
to pages 763 to 876 of the Rejoinder (VII). The Court:will undoubtedly
draw the proper conclusion from this significant silence.
In making these subniissions, the SpanishGovernment is not appealing
to equity and turning away from positive international law. We do not
want to be misunderstood in this respect. It is our submission that the
positive rules of customary international law on State responsibility
for the contents of niunicipal judicial decisions already require that, to
create an international responsibility, the decisions must be grossly
unjust, notoriously unfair and manifestly inequitable.
Thesituation in this respect is the same as that very properly described
by this Court in the North Sea cases: "in short, it is not a question of
applying equity simply as a matter of abstract justice, but of applying
a rule of law which itself requires the application ofequitable principles"
(North Sen Co?itinentnlSltelf cases, Judgrnent, I.C.J. Reports 1969, p. 47).

We may therefore disregard the various complaints concerning ille-
galities and examine in three subsections the grounds upon which the
Belgian Government has attempted to show the existence of gross or 472 BARCELONA TRACTION
No legal system worthyof that name can subordinate the effectiveness
of its laws, and their application to a company operating in its territory,
to the requirement that any judicial service, notification or publication,
must be made, and agreed to. by the judicial organs of another State,
even of the State where incorporation liad taken place and which the
charter of incorporation indicated as the officia1and formal seat of the
comoanv.
~hy\<ay, those advising the company were confident that the transfer
of al1 share-certificates to Canada, and the absence of anv reristered
agent or address in Catalonia, would make it necessary to*sen&letters
rogatory to the Ontario courts (A.C.M.,Vol. IV. Chap. 1.Ann. 757). The
controlling group of shareholders hoped, once those letters were sent, to
succeedindefending the jurisdiction of their friendly receivership against
any attempt by the Spanish courts seriously-to exercise a bankruptcy
jurisdiction.
If there were an adjudication in bankruptcy duly neutralized in its
economic effects by the dissociation of the subsidiaries and a friendly
receivershi~ of the tvoe finallv obtained in Canada. this \vould unavoid-
ah1) lmst'pune tlie iikthcr r~iml>urscnicnt of the bondlioldzrs' unpaicl
dcl)ts Siicli irath2 plan. \vIi:iive li~\.ccalle<l-l)orro\i.i~~gpliras~.sfroiii
tlic I3cleian rilt,;idincî-tliccomi~li:~aiid craltv m:~ctiinntion of tlie
controii~ng
There is in the London proceediiigs an affidavit (rom one of the
members of llr. L6pez Oliviii's inission to Canada and the United States,
in wbich he recalls a discussion with Mr. Duncan in New York:
"V'hen 1 suggested that perhaps the bondholders, tired of waiting,
would seek justice in the Courts, Rlr. Duncan told me with loud
laughter that al1precautions Iiad been taken for that event and that
the bondholders would never succeed in collecting in ten years."
(London Proceedings, Vol. 5, p. 36; Spanish Red Book No. r.

P: 299.)
The existence of such a plan explaius othenvise incomprehensible
conduct. namely Rarcelona Traction's failure to appear to oppose tlie
adjudication in bankruptcy and the intervention in its stead of the
subsidiaries who denied aiiy relationship with the bankrupt.
Professor Rolin. in his final pleading. volunteered ail explanation of
why Barcelona Traction had chosen not to appear before the Spanish
tribunals (\'III, p. 585).
He stated that the company had not entered an appearance because
it \vas advised by its lawyers that under contemporary common law
doctrine in England and Canada. if a company appears in order to protest
that a foreign court lias riojurisdiction and the court decides that it has.
then the company might he taken to have suhmitted to the jurisdictioii
of that court.
inconsistent with one furnished to this Court by Professor Roliii Iiiinself
20 days before (VIII,p. 240).
In the Rejoinder, the Spanish Government observed that many of
the misadventures of Barcelona Traction resulted from its choice of
non-Spanish lawyers to advise it on delicate roblems of Spanish law
(Rej., VII.p. 831. For the acceptance of Spanis ].urisdiction in another
instance, see A.C.;\I., Vol. V, Chap. 1. Anns. 960 and 969). We alluded in this connection to the dangers of colonialism in the field of legal
advice and legal assistance.
The explanation finally furnished to this Court more than corroborates
Our observation on this point; not only was the advice followed given
by non-Spanish lawyers, it was furnished on the basis of non-Spanish
law, for the case that Professor Rolin cited \vas concerned with the law
of the Isle of Man. (Harris v. Taylor (1915) K.R. 580.)
The explanation also tellingly reveals the company's real attitude
towards courts in general. Not only did it deny the Spanish jurisdiction,
but it also refused the Spanish courts the ri~ht to decide whether thev
were çoriiprtriit or iiot.it acted ;is jiidgc in-its 0a.n c:iusean<~rt:jccted.
b!, its own <Irci;ion, an!, .Sp:iiiiah]iiritli,:tiThus :iprivîtc coiiil~;inv
had adootcd what mi~ht be clescril~t(l;is a soit of nutoniatit: r<,ser\.atioii
to the jGrisdiction ofSpain. Rarcelona Traction was prepared to accept
the jurisdiction of Spain "as determined by Rarcelona Traction".
The company had concluded that it could not aflord to lose on this
point. Therefore, it refiised to appear in court.
Despite its conduct at that time the company and its protecting
Government still complain today that the saleanticipated a final decision
last riiiniitcoiri~~ssion.'Harc<:lonn ~r;,ction !vas iiot rcall!. cor,cerne<l
îbout sucli a (1,-cision.siliit hnd <I~.teniiiiicdto cv;idr.as far a; posjible
a11conscqiicnics of tlic ezi:rciac of ]urr%liciion b!. tlic Sli;ini?h c~oiirti
I.çg;il corisi<lcr:iriuiisapart. li:irc.clona Traction's failiire to,nppcar
and the attcmptt.(l .tcriliz:ition of tlic L>.~nkriiptc.,v III,, iu0;idi:trici'
action had seviral advnntages from the economic poi<t of viewand that
was what mattered most to those in charge of strategy.
It preserved the fiction that the company was immune from, and had
not submitted to, the Spanish jurisdiction and thus avoided the much
feared tax consequences of such subrnission. It prevented judicial
examination of the bankrupt's objections which would have revealed
that the arguments it could raise against its adjudication in bankruptcy
were devoid of substance. Further, a settlement after a sterilized bank-
ruptcy adjudication in Spain would be the most expedient way at law to
obviate the necessity of a studyby the administrative authorities of the
company's financial history.
Last but not least. the controlling group was .soon advised that it
might pcrhaps gain this most important advnntage from the Spanish
bankruptcy. By paying the hondholders in pesetas at the official rate
of exchange on the day of adjudication, the company might hope to
extricate itself from an impossible finaucial situation by the reduction
of its bonded debt to a third of its amount.
This defensive strategy explains the two most striking and curious
features of the present case.
The first is this: althoiigh these are the most hotly disputed bank-
ruptcy proceedings on record, the bankrupt company chose not to exer-
during the critical period fromle12o February 1948to 18 June 1948. 'l'hat
period lasted more than four months, during which judicial measures
were adopted which reversed the status quo and determined the shape
and sequence of further proceedinrs.
The second of those characterisrics. even more curious than the first.
is that during this whole period of four months iieither thebankrupt 474 BARCELOSA TRACTIOX
Company, nor the subsidiaries, nor anybody else on behalf of the bank-
rupt. called the attention of the Spanish judges to the main legal argu-
ments against the adjudication in bankruptcy which are now so stren-
uously developed by Belgian counsel. The main objections now made
before this Court-the Spanisli "fait du prince", the lack of jurisdiction,
the absence of locus standi of the petitioners or the need to publish in
Canada-none of these objections was raised before the Spanish tribunals
during al1this crucial period.
\Ve thus find an unexplained and inexplicable situation. without
precedent in the history of international claims. \\'hile in their diplomatic
Notes presentedon 27 hlarch 1948 (A.C.M.,Vol. IV, Ann. 250, p. 976and
A.C.M.,Chap. III, Vol. VI'II, Ann. 121,Doc. Xo. 3. p. 170)the Canadian
and Relgian Governments complained of a series of denials of justice on
the strength of the arguments just refened to-absence of jurisdiction,
of fitness for bankruptcy, oflegal standing of the petitioners or of notifica-
tion of judgment-none of those legal submissions had at that time
been presented to the Spanish courts by the bankrupt compariy, the
subsidiaries, their managers or anyone acting on the bankrupt's behalf.
Apparently they scrupulously said nothing before the judicial organs
which might lead to the setting aside of the adjudication in bankruptcy . .
itself.
Of course, it may be asked: what of Ebro's and the other subsidiaries'
applications?
The subsidiaries, which led the judicial fight during this four-month
period, did not advance the contentions 1 have referred to. nor did they
attack the adjudication in bankruptcy in itself. They only objected to
the extension of certain provisional effects ofthe judgment: those which
affected their assets and subjected them to temporary custody (VIII,
P. 269).
Now, it is the rule in Spanish law that a third party who alleges that
he is such and that his rights are adversely affected by an adjudication in
bankruptcy-for example, on the ground that his property has been
seized as part of the bankrupt's assets-can only assert his rights in an
action incidental to the bankruptcy proceedings, which iscalled terceria de
dominio, for only the creditors and the bankrupt may be parties to the
bankruptcy proceedings. This is a basic and undisputed rule which 1ask
the Court to keep in mind throughout my present esamination of
Professor Rolin's complaint of denial of justice by reason of "défaut de
otherwise he would have no case. He has argued the point at length insince
six pages of the oral proceedings (VIII, pp. 272.277) invoking the opinion
of a single writer,Ramirez, and citing several wholly irrelevarit decisions.
We will not examine those arguments again, and will refer the Court to
Ourwritten pleadings on this question (C.M.,IV,pp. 337-339and A.C.M.,
Vol.VIII.Ann. 89,p. 5o;Rej.,VI,pp.488-490; A.Rej.,Ann. 114,App. 2).
1 will only add two comments. The first is that to base a complaint of
violation of Spanish law on the opinion of a single writer, on the argu-
ment that one finds no writer defendinga contrary theory (VIII, p. 274).
mns counter to the presumption of regularity referred to by Professor
Guggenheim (supra, p. gr), especially if one recog3izes. as Professor
Rolin does, that "we have not really found court decisions in the strict
sense of the term" (VIII, p. 274. See, for the opposite view, A.Rej., .Vol.
III, Ann. 114, App. 1, pp. 107 ff. and App. 3,pp. 119 ff.). The second comment has to do with the London proceedings, so often
cited by the other side. In that case, where Sidro was interested to defend
the opposite view, we find a conclusive admission on this point of law.
The lawyer for Sidro, hlr. Kenneth Diplock, as he then was, stated:
". . only a bankrupt and creditors of the bankrupt can appear in
bankruptcy proceedings in Spain. 1 had understood that that
proposition \vas not disputed. It is to be found in al1 the opinions
. .. and it is, of course. also the opinion of my Spanish lawyers."
(London Proceedings, Vol. V, p. 218; Spanish Red Book No. r,
P 307.)

This was stated by Sidro in London; 1 submit that different inter-
pretations of Spanish law cannot be advanced by the same interests, in
London, Reus, Barcelona or The Hague. depending on the convenience
of the argument; hlr. Lauterpacht has said in this very Court nobody
should "be allowed to blow hot and cold" (VIII, p. 434).
\\'e have to place ourselves now in this over-al1view of the case in the
position of the Spanish judge. Professor Rolin made a detailed analysis
of the decision of 17 hlarch 1948dismissing Ebro's application. He failed,
however. to analyse thc application itself, which provides the key to
the decision.
Ebro made no reference in their application to the precise nature of
its relationsliip with the bankrupt. This was an extraordinary omission.
As a result of the adjudication in bankruptcy Ebro's assets had been
taken into provisional custody.The judge had made such an order on the
basis that Barcelona Traction owned al1 Ebro's shares, a conclusion he
had reaclied on the evidence before him. And on the truth or falsity of
that fact alone could the court resolve whether or not Ebro was a eenuine
"tliiid ~nir!,". in<lcl~cn<lt.norf rlic b.iiikiupt cori1p:~iiy
H:ld ISbro :icied iiigood f:>iiit iiiiiiIi:t\.cuy,enl\.<Iccl~r~c?\lu uwn, d
1 Ir I'lic IU(IECcould ilot ICVIC\? Ili,ili.ii>ioii\~.itIiotliiinforma-
tion, which onli the Company was in any position to provide.
However, oii tliis vital question Ebro equivocated. Its statements to
the Spanish judges echo the evasive declarations made to alr. Ridruejo in
1932. Let us read its submissio~is,and take note of their inherent ambi-
guity:
"Il pourra donc être exact qu'entre les deux sociétésil y ait eu
les relations financières indiquées au jugement de déclaration de
faillite...I)e même,nous admettons comme possible qge Barcelona
Traction possède une partie et que, à un moment mime, elle ait
possédéln totalité des actions Riegos y Fuerza del Ebro; mais ...
la.. . saisie... part d'une hypoth6se absolument incertaine et dou-
teuse, savoir que la société faillieest actuellement possesseur de la
totalité des actions émises parma mandante.
Sur quoi se fonde le tribunal pour parvenir à une conclusion si
concrète?
... sur...lin rapport ...relatif à.l'exercice 1946.-
Mais veut-il dire que le douze février mil neuf cent quarante-
huit.. . cette sociétécontinoe à les posséder?
Etant donné la facilitéavec laquelle peuvent se transmettre les
actions au porteur d'une société anonyme bere it repeats the lie
told to the director of the Exchange that Ebro shares were bearer 476 BARCELONA TRACTION
shares]. .. personne.. . en Espagne ne peut affirmer avec raison
que la Barcelona Traction continuait à posséder la totalite des
actionsdeRiegos ..." (A.C.M..\'ol. VIII, Chap. III. Ann. 84, pp. 24

and 26.)
By such evasiveness Ebro on the one hand refused to furnish proof of
its independent third-party status, on the other refused to admit its
identification with Barcelona Traction. In a moment 1shall describe how
the judge reacted to this furtive submission, which frustrated his hope
for a full explanation of the facts; but first 1 shall continue with my
analysis of the submission itself.
Ebro insisted in its applications that the provisional measures taken
in respect of its assets should be executed only when the bankruptcy
organs had acquired custody of its share certificates, those exported to
Toronto and alleged to he "to the bearer". For instance, its submission
of II March stated:
". ..lorsque les titres indiquant le capital social de Riegos y Fuerza
del Ebro auront étématériellement saisis, le dépositaire pourra
alors utiliser les droits.. ." (A.C.M.,Chap. III, Vol. VIII, Ann. 88,
p. 48 and Ann. 84, p. 26).

Such insistence was ohvioiisly designed to gain a few days' grace in
Such a scherne \vas indeed essayed, not without success (A~c.M.,Chap..
III, Vol. VII, Ann. 71, Doc. No. I, p. 361; Ann. 70, Doc. No. 4. p. 357:
Doc. No. 2,p. 355; Ann. 42. p. 234; Chap. II. \'ol. \II, Ann. I: Doc. No. 8,
pp. ~g-20;Chap. 1. Vol. II, Ann. 107. Doc. No. 2, p. 229).
The jiidge was thus strengthened in his resolve to maintain its provi-
sional measures of control over the subsidiaries' assets and therehy avert
that fiericulurn in mora which would otherwise threaten the creditors'
rights.
Ebro's suhmissions, siipported as they were hy others from tlie mana-
gerial staff, could only stimulate distrust in the Spanish magistrates, the
same "méfianceet soupçon" referred to by Mr. Suanzes.
In claiming that its assets were immune from any liability for the
Barcelona Traction bonded debt, Ebro hecame guilty of attempted
fraud on the bondholders.
The sole rznioii \vIiy l'inrceloiinTinctioii colild obt;~iiilo;iri, fur ~iiillid~is
of ~)oiiiidi sterling iii Erigl:iii<l. I:r;iiisr. Sliniri, l<elgiiiiii. S\iitrcrland.
Cnna<l:i :iri(otli<r soiiritries irai becau~ein the urojr>t.ctusi\.liicli..oiictit
those loans from the public, the compaky invoked 'ascollateral for The
issue the shares, stocks and bonds of the Spanish suhsidiaries owned by
it. Now, not only were those assets invoked, but the physical iiistallations
of Ebro and Barceloiiesa wcrc described, and the economic unity of the
whole enterprise was mentioned to attract private savings from various
countries (A.C.M.,Vol. 1, p. 69; Vol. II. pp. 305.306, 522, 577; Vol. III.
Pp. 17, 18, 19.47. 131, 239, 408-409).
\Vhen the bondholders tried to enforce theirdebts, which they had been
unable to do for II vears. the subsidiaries claimed tliat thev and their
nsjets lincliiotliiiig ro do \;ith I<nrcclonnTr;iitii>iioritil>on(l;?r(llebt In
doing so tlii.y (lid iiot L>~tii~ons fide,1,11violâtcd \\.Ilntlie I',:rm:iiic.nt
Coiirt oiicc dsicriht-d ns "tlic fnitliol tlie »rusi~cciiii" ll~r~izili,rirLu~iris
case. P.C.I.J., Series A, Nos. 20.21, p. 1x4 ~Lrthermore the indignant protest made in the submission against the initial decision, read here by
Professor Rolin at the end of his pleadinas, did nothinn to reassure the
judges. Shakespeare has counselled us to 6eware of those who do protest
too much.
Despite al1 this, Ebro and the other subsidiaries were not refused a
hearing or denied access to the court. On the contrary. the judge went
out of his way to indicate to the applicants what was the proper method
and procedure by which to advance their claims. (A.C.M., Chap. III,
Vol. VII, Ann. 46. p. 263.)
The Spanish judge tried to make Ebro understand that it should have
been driven by the logic of its application to furnish evidence that
Barçelona Traction was not at that time its only shareholder. The judge
reminded Ebro that the evidence of hfr. Spéciael'çletter and the latest
open to conversion. The judge thus never refused Ebro a hearing. Hewas
invited it to return to coiirt with an appropriate application and proper
proof of its claims. The "third party action" or terceria de dominio is
self-descri tive Ebro was asked to prove that it had ownership or
dominiaofits assets; it was asked to prove that it was a third party, a
tercero,independent of the bankrupt. Incidental proceedings with their
inherentguarantees would have been theeasiest wayinwhich toprovesuch
independence. This decision of 17March 1948 was theii no déni de justice
à I'élatprrr as Professor Rolin has claimed (VIII, p.270). Rather it \sras
an offer of justice.
The subsidiaries chose not to exercise this remedy for the simple
reason that nobody coold prove that anyone other than the bankrupt
owned their shares. They could not establish that their interest differed
from that of Barcelona Traction. As the Kejoinder pertinently asks:
"Qui, en derniéreanalyse. &taitintéressé à ce que les biens d'Ebro soient
ou non saisis? Seulement Barcelona Traction" (VI,Rej., p. 490).
And alter IO April 1948. when the provisional custody of Ebro's
board appointed by the de osthrio in exercise of his voting rights, tlicre
\vas no longer any ground i"rthis third party action.
The remedies sought by the dismissed employees were equally tainted
by de/at<t de qualité, since Mr. Menschaert and the other compaiiy
officials who were dismissed were neither the bankrupt nor.creditors
of the bankrupt.
I'rofessor Rolin invokes a tert wliich refers to "any interested party"
(Rej.. VI,p. 490) bot it isob\rious that this text has to beread in the light
of what hlr. Kennetti Diplock. as he then was, recognized to bc the basic
rule of Spanisli law by wliich only tlie bankrupt and its creditors may be
parties to the bankruptcy proceedings.
The claims of those employees to continue in tlieir jobs were estra-
neous to the bankruptcy proceedings.
\\'bat tlicse people really wanted, and their applicatioiis showed this,
\vas to rctaiii, at least forifew days, control of tlie assets and, p~irticu-
larly, of tlic company's bank accounts.
but. oii rhc coiitrnr!..ne.ijel>ioicicor ~itiinitice nopoinr~tl outof(wpr,<arinl:
11 89). tlie jiidgcs ruok ~,;iit,)intlicate the prol)t-rprocediire ?nd forum
!vIiicltltt!It:,<tu u*t-IIor&r to IL:I\tlvir cont~i~tioii~t!umi~tc<I
Again, {liedismissed ernployees chose not to use the proper procedure. ARGUMENT OF YR. JIMEXEZ DE ARÉCHAGA 479

Professor Rolin complains tliat those decisions were based on the
mechanical application "on the ground that that document was the later
in date" (VIII, p. 293). This is a ivholly unfair description. The Spanish
judicial decisions took into account which power of attorney had been
registered in the Trade Register, and, which, therefore were the powers
issued pursuant to the law and the judicial decisions in force in Spain.
Substantive arguments supported this attitude. Thus, the Barcelona
appeal court said "it is indisputable that Barcelona Traction \vas
entirely incapacitated as regards any act of administration of its assets"
(A.C.M.,Vol. VIII, Ch. III, No. 99, p. 117). And as Professor Rolin has
recognized (VIII, p. 290). the supreme tribunal. so severely criticized by
the Belgian Governrnent, went out of its may to suggest to the applicant
the proper procedure to follow, which was, instead of claiming to repre-
sent the Ebro company, to promote the declaratory action on a personal
basis (IV, C.Jf., p. 506, footnoteI and p. 513, footnote 1),since such an
action could not be withdrawn by somebody else. This judicial advice
was not followed.
For the reamns 1 have just explained, the appearances entered on
behalf of the so-called Canadian board could not be descrihed as that
famous terceviade dominio, as Helgian counsel claims (VIII, p. 286). As
already indicated, siich terceria de dominio requires proof not only of
domiwio or ownership but abovc al1of status as a third party or tercero
independent ofthe bankrupt company.

TheCourtrose al 12.jj p.m. THIRTY-EIGHTH PUBLIC HEARING (12 VI 69, IO a.m.)

Presenl: [See hearing of 20 V 69.1.

Mr. JIMÉNEZ DE ARÉCHAGA: At the end ofyesteiday's hearing 1
was-describing-to you the strategy pursued by the controlling group of
shareholders of Barcelona Traction towards the Spanish bankruptcy
pr0ceedings:During-the-four months' period it made no direct attack
upon the adjudication in bankruptcy. Hence it avoided raising before
the Spanish judges the arguments against that adjudication that Belgian
counsel have put forward in this Court. Rather, it indirectly attacked the
extension of its effects to Ebro's assets. It hoped thereby, in Professor
Kolin's phrase, to take tlie sting out of the wasp. To this end it used
various manŒuvres with a single aim: to abstract from the bankriipt's
estate its real assets. These manŒuvres were successively atternpted.
Firstly, the subsidiaries posed as independent companies who merely
sought by their applications to lay their handson what was their owii;
company's affairs, namely the bank deposits, so as to be able to transler
them abroad; thirdly, the grantees of powers of attorney by thesubsid-
iaries were instructed by the bankrupt to take action on behall of the
subsidiaries, with a similar purpose; fourthly, a new board of Ebro was
elected in Canada at a meeting of shareholders controlled by the bank-
rupt wlio,uiider the Spaiiishlaw, lackedsuchrights tovote. It wasplaiined
that this board would also try to abduct Ebro's assets from Spain.
1 iiow come to the fifth stratagem, the most elaborate one, the
remedies sought by Xational Trust.
National Trust initially hesitated to assume this role, in vie\\, of its
position as atrustee for the bondholders. To overcome itsscruples about
appearing in the Spanish courts, it was arranged that the Toronto court
should not simply authorize but should actually order it to make such
appearances. In tliis way National Trust would be protected against any
liability for its interventions.
At the start, Judgc Scliroeder wassomewhat reluctant to issue such an
unprecedcnted order to a plaintiff. The lawyers for Barcelona Tractioii
and thosc for National Trust gave tlie appearance of divisioii on tliis
issue. If tliat same situatioii liad Iiappeiied in Spain our opponents woiild
speak of a comédiejzrdicinire.However, tliey ail presentcd such a black
picture to tlie judgc of the baiikruptcy proceedings in Spaiii which, tliey
claimed, had tlic ultirnate danger that thc bondholders would collect iii
pcsctas, tliat Jiidgc Schroeder was thereby influenced to make an order
for whicli tlicrc were no precedeiits in the common law of Ontario
(Receivership. pp. 239-2446;Belgian Blue Book,Vol. III, pp. 22-29).
receivers, the saine cilérile'sirspecle of which Belgian coiinsel would of
cornplain il these \tpcreSpanish actions-Xational Trust made an appli-
cation in Spain to becoine a party to the bankruptcy and siibinit a
decliiinlorioin favour of thc Ontario courts.
National Trust \vas not at that timeadmitted as a party to the bank- ARGUMENT OF MR. ]I>~ÉNEZ DE ARBCHAGA qSr

ruptcy and the Belgian Governmcnt therefore complairis of a denial of
justice and a refusa1 of access to court.
On this first application tlie locus slandi of National Trust rtzas not
accepted for the simple reason that it did not appear as a creclitor or
representing creditors, or as a debtor, who alone. as we know, possess
locrrs slnndi in bankruptcy proceedings, as was clearly stated by hlr.
Diplock, as he then was, on behalf of Sidro in London.
National Trust invoked alid attempted to avail itself of its status as
trustee which, on its own admission, was an iiistitiition unkiiown in
Spanish-law.-Professor I7oliiiapparentlydoes-notiiisistmuch-on-tl~is
complaint because he has stated in this context, on the tenth day of
hearings, tliat "it is not necessary for the Court to take up a position 011

this question, the complesity of which 1 recogiiize" (VIII, p. 285). His
complaint now seems to be focused on the discrimination ivhich is alleged
to have arisen from the admission in the proceedings of a Prior Lien
committee (ibid., pp. 285-287).
In order to prove that discrimination esisted, Professor Rolin makes
the point that National Trust esplained-in itsnpplicatioii to the Spariish
courts tliat the trust deeds "confer on-it-the-rir-it.to.re~resent-tliecredi=
tors" (ibid.. p. 285).
This is correct neither in law nor in fact. In linglisli coniinon law the
trustee-as Sir Andrew Clark stated in the Loiidoii proceedings-"does
not represent the bondholders" (London Proceedings. Vol. 1'11, p. 367;
Spanish Red Book No. I. p. 366).
In fact. in itsao~licatioii before the S~anish tribiinals. Xational Trust
e~~ressl~disclai~~d acting as representktive of the hondholders. 1 refer
the Court to Annes 140 of the Memorial in wliicli the submission made
by National Trust is transcribed and which 1 qiiotc. 1 heg the Court to
pay attciition to'the paragraph 1 will read. National Trust has statcd
that it appeared:

"...non pas enreprésentation de personnes qui. lorsque le contrat a
616 conclu et lorsque les droits dont il s'agit ont étécréés, nepov-
vaient êtrereprésentées pour le simple motif qii'on ne peut repre-
senter celui qui n'a pas d'existence" (A.M., vol. III, ann. 140.
P. 520).

Therefore National Trust clearly disclaimed acting as represeiitative of
creditors. Neither did National Trust avnil itself, in its application, of
itsstatusas ;créancier hypothécairewhich undoiibtedly it posscssed. as
a bondholder. or as someoiic entitled to fees. It appeared, as alrcady
indicated, as the trustee: only as a trustee. On the other hand, as other
colleayes have mentioned, wlien Xational Triist availed itself, belore
the Spanish tribunals, of its statiis as a bondholder, it Iind no difficulty in
being admitted by the Spanish courts and, as a matter of fact,it partici-
pated and voted in the meeting of creditors-in the Jtij~tn de Acree~lores
(Rej., VI, p. 516 and footnote; supra, p. go).
To turn now to the Prior 1,ieti Hondholders Coinmittee. It was electetl
at a formal meeting of bon<lholders held in I.oiidon on S April 1948,
convened bv the Triistee aiid attended bv a large nu.,er of Prior Lien
hndlioklcri 'llicinceriiigi\.;iprciitlr,l $>;.,:rb;tiinde~~ii~lvni:rccoun-
tant nppoiiited t>! S:i~ioii;ilTriiit. ;iiid rt-prescntntiof tlir.triistee:iii(I
uf H;ircclorin'i'r:i,~riiricrt: nlso in nrrcnJ3ncc 'l'liçii,iiu dt~ubt 1li:i311
those who voted had presented evidence of their status as boiidholders41i2 BARCELONA TRACTION
since, as it appears from the records of that meeting which the Spanish
Government has filed before the Court, voting tickets were issued and a
poll was taken (proceedings of the meeting, London Proceedings, Vol.
III, p 26 and 51; Spanish Red BookNo. r, pp. 256 and 281). The fact
that tie names of the bondholders were not recordcd is irrelevant since
the bonds are to the bearer.
Those Prior Lien bondholders had the right to intervene as creditors
in the Spanish bankruptcy proceedings. The only people who could
a..ear on their behalf were a comrnittee aooo,,ted bv them: othenvise.
itirould have bi.rii iiecejsary forevery boritlliolder to nppt::ir inrlividu:all!.:
'Thecornrnittee, io çlected, ;ipoointr<liiiits turn a Si>niiislipr~o<rddorto
appear in court as the Spani& law requires.
This group of bondholders was recognized by the Spanish judges in
order merely that they might assert those rights which the law accords to
creditors. Professor Rolin has said here:
"Si cela était vrai, toute possibilitéde contradiction avec l'attitude
adoptée par le juge spécial àl'égardde la National Trust s'évanoui-
rait" (VIII, p. 286).
Mais cela est vrai-it is true. 1 cal1the Court's attention to the text of
the judgment of IO December 1948 which provides that thecommittee
firocurador has locus standi "sous la limite qu'il ne pouvait user que des
droits accord& par la Loiauxcréanciers" (A.Rej.,Vol. III.Ann.13x,p.zo1).
Its situation was entirely different tothat of National Trust when the
latter chose to appear as trustee. Therefore, there could be no discrim-
ination (Rej., VI; pp. 519-521).
Belgian counsel has also referred to the National Trust applications of
1949, 1950and 1951 (VIII, p. 289). Thiswasanother attempt to abstract
the assets of the subsidiaries from the bankru~t's estate bv takine
advantage of the retention iiiToronto of the shar& and bond certificat;
of Ebro and Catalonian.
This attempt had its source in an opinion given bythe Spanish lawyer,
Mr. Sanchez Jiménez,who suggested that third party actions (tercerias)
might be brought "by persans to whom shares of Ebro and Catalonian
Land have been transferredfor that purpose" (Receivership, pp. 538-539;
Spanish Red BookNo. r, pp. 117-118).
The Receiver did not dare to take a step so obviously irregular, which
could affect even innocent third parties. But, as a result of this sugges-
tion, the odd idea emerged of having National Trust appear before the
Spanish courts not as a trustee or as a creditor,but as the only one en-
titled to, or exclusive owner, le seul titulaire, of Ebro shares and bonds.
Ontario court, and duly financed by Sidro (VIII, p. 23): National Trust
appeared in Spain almost three years alter the adjudication in bank-
ruptcy, on the basis, humedly fabricated, that it was "the private, par-
ticular owner" of a number of Ebro shares. It demanded from the
Spanish tribunals a declaration to this effect-"that the whole of the
thles rcpresenting Ehro's capital do no1helong and h;<\.t:iie\.er hclonged
to Barceloii:~'l'r:iction"; and u,lint about Yr. Spésinel'slettcr? 13:ircrloiia
Traction w;is<Icscribçdas "the nnv~irciit liol(ler of the3~ct'' i:\.C..\I..
Vol. IX, pp. 95 and gr. A similar'request was made on the e;e of the
auction, requesting its suspension. A.C.M.. Vol. IX, No. 181. Dac.
No. I, p. 125; supra, p. go).panying as evidence a certificate which the Relgian Government has filed
as Annex 29, Appendix z, toits Reply.
The filing of this document has permitted the Spanish Government to
verify that when this same certificate was presented to the Spanish courts
it had been altered. The word "trustee" which appears hand-written
between lines and qualifvina the statement that National Trust was the
owner of the shares'had beei deleted from the certificate when presented
to the Spanish courts. This deletion not only shows the liberties taken
with documentary evidence but, above all, constitutes an implied recog-
nition of the incompatibility between the quality of trustee and that of
absolute owner of the shares.
A correspondirig reqiiest was made in respect of Ebro bonds, includiiig
the famous General Mortgage bonds. The accommodatin trustee
appeared before tlie Spanish tribunal and, contradicting hlr. %péciael's
letter. claimed National Trust to be the only bondholder creditor of
Ebro. And hcre we find something astonishing. National Trust, in that
submission. denounced both Barcelona Traction and Ebro because "they
have combined together to declare that the first owns a credit against
the second of eleven million sterling pounds" (A.C.11.. \'ol. IX, Ann.
180, Doc. No. 1, p. 115). TO borroiv Professor Rolin's favourite ex-
pression, "on croit rêver".
to defraud the real crcditors of Barcelona Traction, this was the mosted
serious and the most dangerous. If such a claim had bcen coiiccded,
Xational Trust would have been allowed to abstract al1the real assets of
the bankrupt's estate as creditor of Ebro.
This was clearly an attempt to deceivc the Spanish courts since Na-
tional Trust appeared in the bankruptcy proceedings in the guise of
olvner of certain sliares and bonds, but witliout revealing the existence of
a beneficial owner. what Professor Lauter~acht would cal1the owner in a
meaningful sense,of al1Ebro and Cataloninn bonds and shares, who was
none other than the bankrupt itself (VIII, p. 442).
Although the Spanishcourts frustrnted fhcse atternpts. one can under-
stand why tlie sindicos, mindful of their responsibilities. dccided to
execute measures previously adopted to ncutralize the dangers arising
from the retention in Canada of the shares and bonds of the suhsidiaries.
In June 1951, before any request for a sale had been submitted, the
sindicos and the boards decided to confer on the persons who werc
legally entitled to possess such sliares and bonds documentary proof of
their legal entitlement. Their purpose was to deprive those who wrong-
fully retained the original certificates and bonds of the means of trans-
ferring them to innocent third parties or of promoting actions in Spain
or elsewhere, of the kind just described, which might defraud the real
creditors.
Such documentary proof was to be giveii only to those perçons who
(A.C.M., Vol. \'III, Aiin. 146, Doc. No. 3,p. 256), so that the deeds of
oivnership ivouldonce again be in thehands of the actual owners.
The modusopernndiwasdiflerent inrespect of the shares and tlie bonds.
For the former, properly printed documents weredelivered. replacing the
typewritten, global certificates retained in Canada; for the bonds, a
registry of bondholders was opened (ibidD .o,c. No. 5, p. 259). 130th484 BARCELONA TRACTION
measures were confined in their intention and application to Spain alone
and no attempt was made to enforce them outside S anish territory.
Neither measure, closely inter-related as they were (d. ,, para. 195).
can be thought of as a prepafation for the sale. Their common design
was, through different technical methods, ta prevent the possibility
of frauds on the creditors and on bona fide third parties.
The general principle of law which justified these actions is not, as
Belgian counsel claimed, that the end justifies the means, but that f~aud
must be prevented, since /razasomnia corrrrmpil.
1 must now answer the points made ta this Court about the alleged
discrimination in the effects to which the appeals were liable.
Professor Rotin complained of the double effect allowed to Boter's
appeal (VIII, pp. 300-301. 343). However, in the London proceedings,
Sidro's lawyer, Mr. Kenneth Diplock, Q.C., as he then was, stated: "1
do not say thatit was improper to allow thisappeal to two effects. 1 ain
not making any suggestion against the Special Judge in that res ect"
(London Proceedings. Vol. \'II, pp. 99.100; Spanish Red Book 80 I,
PP. 352-353).
Here ag.in we find our opp~~ents blowing ho. and cold at the same
time.
All the other appeals of which they complain relate to the sale of the
assets, as Bel.iaii counsel have expresslv recognized (VIII, p. .302 and
303Xow, appeals against decisions relating to judicial sales u,itliin the
bankruptcy proceedings have only one effect. namely that lodging the
appeal does not cause the stay of esecution of the original order.
So much was common ground for at least four years, until blr. Serrano
Suner entered into tlie picture, or maybe a little earlier, on the eve of the
sale when Mr. Sinchez Jiménez was instriicted from Canada to delay
proceedings as far as possible, albeit at tlie cost of eating his own words.
In 1948, Barcelona Traction had argued that in bankruptcy proceed-
ings al1 appeals can have onlyone effect. On the strengtli of tliis view it
succeeded then in defeating an application bythe bankruptcy petitioners
who wanted to have double effect allowed to an appeal alter deposit of a
giiarantee, as provided in Article 385 of the Code of Civil Procedure.
13arcelonaTraction opposed tliis, contendiiig forcefully that Article 385
did not apply to bankruptcy proceedings (Rej., VI, para. 493, 11.542).
13arceloiiaTraction was, therefore, in an awkward position, to say the
least, whcn it requested, iii 1951, the application in its favour ofthat
same provision whose aid it had denied to tlie other party in 194s. The
Barcelona Court of Appeal denied this motion on 27 Kovember 1951.
There seems to be no discriminatioii when one compares tliese 1948
and 1951decisions, one in favour of tlie bankrupt, the other against it,
biit both holding tliat Article 38j did not apply.
Professor Rolin, however, complains of discrimination by comparing
the 1951 decision iiot with ttiat of 1948 issiied in the saine proceedings
but with a decision in anotlier entirely diifcrent bankruptcy, wliicli can
be easily distinguislied from tlie Barcelona Traction proccediiigs (VIII,
PP. 302-303).
In that case, that other case of another bankruptcy, a request had
nothing to do with the sale, but rather with the decision to close the
bankrupt's commercial establishment. Tlie request was made on thatoccasion by a creditor. and wasnot opposed byanyone (C.M.,IV,2. 546.
paras. 204-zoj). Professor Rolin himself has said about another ju gment
certain request, in my opiniontakesbjectial1authority from "the decisions"
(VIII, p. 258).
In another decision of which complaint has been made, on 13 June
1952, the Barcelona Court of Appeal further elaborated the thesis that
appeals against bankruptcy sales cannot have suspensive effects. It
based this thesis on an article in the Code of Civil Procedure which spe-
cifically provides that appeals on foreclosure sales, what is called in
S~anish via de abremio can onlv have one eftect. This ~rovision is an~li-
c~11)lto:civil ~>ni;l;rii~)tc(\cu~rrr;rsos,:ilid, ili~~rrforc,nii;sbi.<.xrïnd-
cil to coiiiiii~:i~i:ilh;irikri\,(qli~~,hrus,for und, r nnorlii:r ~)ro\.i<ionof
Spanish law the legal rules- concerning concursos supplement those of
qcriebras(for an elahoration of the argument, VI, Rej., pp. 542 and j44).
This closely reasoned and cohererit legal argument was supported by
reference to the ratio legis (for the judgment, A.C.AI.,Vol. IX, Ann. 18,
p. 364).here the need to avoid deliberate delays caused by a debtorin the
execution of a sale. Iii tliis case the attem ted delay ivas intentioiially
caused (Receivership, p. 853, Spanish ~edP~ookNo. r, p. zo6;~sziprn.
pp. 63-64; Rej., VI, pp. 246-247 and VII, 703-705; A.C.hl., Vol. IX, Ann.
166, pp. 16 ff.); italso had a purely vexatious purpose: not to postpone
the sale which had already taken place but delay its final approval, al-
thoiigh tlie highest bidder had already satisfied the creditors
And this was the decisiori \\.hich produced the extraordinary reaction
of Afr.Serrano Suner, when he challenged al1the membcrs of one of the
"Salas" of the Barcelona Court of Appeal.
1will now deal ivith the subject of the declinatorias.
The analysis of this question, made by Professor Rolin, \vas clearly
designed to present a black and white picture, sliowing. on one hand, tlie
bankrupt com~anv keen on a s~eedv examination of its com~laints
against'the acijudlcation iii bankrupïcy and, on the other ha&, tlie
Spanish hondholders and judge. a.tiiig in concert to obstruct or delay
that esamiriation.
This picture is eiitirely unfair and lias no hasis in reality. To show
this, it is iiecessary to examine separately first, what the judges did, and
second, what Barcelona Traction and other persons acting or appearing
in its interest did or omitted to do in respect of these siispensivc eiiects
of which tlie Belgian Government now coniplains.
But hcfore doing tliis, 1 would like to speculate about the reasons ivhy
the Roter rleclinntorir~wns lodeed-~~,eit tliis is not a matter for the
SpaiiishGovernment to determine.
cornplaints for, at the tirne it \vas lodged on 30 ?Jarch 1948. the adjudi-
cation in bankruptcy had been declared fiiial, the bankrupt had not yet
entered ail appearance, and the subsidinries had already discontinued
their own quest for reinedies.
It is likely, therefore, that its piirpose was to stop the too rapid
acceleration of the proceediiigs which was tlireatened by reason of the
bankriipt's unexpected failiire to appear and, further, to afford tlie pri-
vate parties an opportu~iity for negotiatioii. Later, the resulting sus-
pension allo~vedthe same parties to await the results of the joint inves-
tigation.486 BARCELONA TRACTION

Tlierc iiiio doulrt rliar ttic coricliisions of tlic joint in\.cstigation al>our
[lie rea.ons fur thcessation of I)ri\.mciiiiiJ tlie nllcgcd I;iit du ~>rincc"
would influence the course of liiigition in the present>ase.
The plaintifls in the London and Oiitario proceedings similarly
awaited these eonclusjons and therefore delayed such proceedings by
means of the appropriate local procedural devices. In London, wliere
Sidro had the initiative as plaintiff, it delayed its application to the
Court to fis a date for the trial (London Proceedings, Vol. II, pp. 274.
251 and 245; Spanish Red BookNo. r, pp. 337, 331 and 327). The action
was started in 1949. the fiiial trial took place only in1952. In Ontario,
Mr. Pattillo, at tliat time the counsel for National'l'rust, admitted:"that
his clients wanted to have the proceedings delayecl as long as possible,
until the outcome of high level government talks following the report of
the four experts" (London Proceedings, Vol. 11, p. 89; Spanish Red
Book No. r, p. 320. This referred to the. Westminster Rank action for
delivery of tlie printed bonds. See Rej., VII, p.826, footnote 3).
Let us now examilie the first issue 1have indicated: the attitude of the
Spanish judge towards the declinatoriasand relatcd pleas.
1must emphasize, at the outset, how definite was the attitude taken
by the Spanish jud es towards both declinatorias;the first one of Garcia
del Cid was rcjectea onlytwo weeks after its submiscion. This shows what
an independeiit position the judge at Reus adopted towards these tactics

and what lie was able to do before the proceedings became slowed by the
various applications and submissions from the different parties. This
decline iii pace explains why it took longer to dispose of the Roter
declinatoria.Anyway, it was rejected jiist ten months after presentation.
although the opinion of the piiblic ministry had to be sought and a spe-
cial term of eight months graiited to produce evidence from Canada. It is
submitted that, in the circumstances, no court could have proceeded
much faster. Furthermore. Boter's declinatoriawas rejected in a well-
reasoned judgment which ordered liim to pay ttie costs. It is not fair,
therefore, to contend, as Professor Rolin has, that the Spanisli judges
encouraged such tactics (VIII, pp. 211.212).
After such rejection, there \vasan appeal from Roter. The final rejection
of that appeal was delayed by the introductioii of various side issues by
the parties, mainly, as we shall see, by the Barcelona Company, but tliis
delay \vas not due to any fault of the Spanish judiciary. The main re-
sponsibility forsuchadelay belonged to the Company and to the claimant
Government.
What, thcn, is complained of?
Clearly, a government cannot attribute an iiiternational respoiisibility
to another State where unlounded petitions have been presented by
private parties to its tribunals, particularly when such petitions have
been speedily dismissed with an order for the costs against the petitioners.
The Relgians' only source of grievance is that, instead of rejecting the
declinntorias in two weeks or in ten months, the Spanish judges sliould
have dismissed them "off-hand" in 24 hours!
This estraordinary complaint relies on a peculiar feature of Spanish
procedural law. When an application is made to a judge, hehas theduty
to admitit atrdmite except wliere the law forbids sucli admission (A.C.M.,
Vol. VII, Ann. 13, pp. 101 ff.). It is obvious that such an admission or

rejectiona trdmite within 24 hours, cannot constitute a final decision on
the admissibility of the petition but is only a suinmary exainination of ARGUMENT OF hlR. JIMÉNEZ DE ARÉCHACA 489

is not to blame for a failure to exercise powers of enquiry which he does
not have at this stage. It was, on the contrary, the responsibility of the
bankrupt to raise and prove this point when exercising those local
reniedies which it Iailed to exhaust.
Beleian counsel similarlv com~lains that the courts admitted a trdmile

, .
(III, O.P., 1964, p. 635).
\Vhatever the reasons, the Iact remains that no-one put forward to the
judge the groiinds voiced here as to wliy such a plea should have been
rejected de plaico. No-one denounced to the judge the relationship or
coiispiracy that it is alleged esisted between Roter and the petitioners.
The judge, acconling to Professor liolin, was supposed to realize this
from the fact tliat a joint submission was made about the time-liinit for
producing evidence. Even in the niost disputed proceedings, municipal
or international, opposing parties may make concurring or everi joint

submissions on matters of procedure or of extension of time. In that joint
submission, request was madefor the trust deeds,documents needed by
al1 the parties. If Barcelona Tractioii had really wished to avoid delays.
it should have produced the trust deeds, either directly or through a
friendlv creditor. and it tvould then have been unnecessarv for tlie court
IO sraiit n slrci;il ssrt:iiiit?igf~IIIICfur III<.~~~~IIIICI0I1 O .I.iclenct:fruiii
C:ti~:~t,iFiiv.~Ily I i.iin\~ort.,ilt to ~cc.LIIIovd,,r to ~1~prcci:~1 vv, jti~lg<:
IIIII, tli;iitlic iii~l~iiii:ii)ii13utcr 5 i>Iï:i iiot ~i.1~ili~iiii~c~l it in
strong critical termi, bÜt contained an oder for costs.against him, the
special judge descrihing some of his contentions as vexatious. The
Belgian complaint agairist the judge is that he did not do al1 this in 24
hours. This seems a frivolous charge: every judge needs at least a reason-

able time to consider'and reject even the rnost haseless applications.
The Belgian complaiiit about the Genora incident erhibits the same
defects.
Genora had previously attempted to exclude Uarcelona Tractioii from
the proceedings and, in this particular applicatiori, it questioned the
sufficiency of the power of attorney of the solicitor acting for the bank-
rupt. Though Genora's objections were finally rejected they were prima
facie serious, and no tribunal could have refused in limine litis to liear
them. So the Barcelona court admitted a trdmite the Genora plea. and the
baiikrupt agairi failed to challenge that decision. Professor Kolin admits
this omission and attemptsto explain it on the ground that by proceeding
otherwise "it would only have lost time" (VIII, p. 262). This has never

been an acceptable excuse for the failure to exhaiist local remedies.
If Barcelona Traction had really wished to avoid the delays resulting
from the Genora application, it would have filed a riew poiver of attorney
tn remedy the omissions and formal defects objected to by Genora. as
any diligent lawyer would have advised. That should have been done by
what Professor Iiolin, quoting Mr. Bourquin in the Nottebohm case49O BARCELONA TRACTION
describes as "un plaideur normal ayant le souci de défendreses intérêts"
(Nottebohmcase, Pleadings, Vol. II, p. 236).
To sum up: the Belgian complaint about the attitude of the Spanish
iudees towards the declinatoriasand related lea asdoes not meet an\, of
iheUrcquiremenrj euplaincd before rtiiiCciiiil by I>rofessor~ii~~eiilicim
on belialf of the Spanish Go\,ernrnent (st1 rn 1) 91) Thcre !!,asno \.;O-
I:ition of niunicival I:iiitliere !%,ano m:i piiuii.iiiiiitor discriniiiintion
on the part of the judges and, at the relevant time. the enterprise made
no challenge to their decisions, as in law it was entitled to do.
Let us now examine Barcelona Traction's attitude towards the decli-
nalorias and related pleas.
From the start it wholly favoured the suspensive effect of the dedi-
nalorias; Barcelona Traction acquiesced in the continued halt in pro-
ceedings because it felt that this would protect the company from the
normal consequences of an adjudication in bankruptcy.
The proof that the company welcomed such suspensive effects lies both
in what it did and in what it did not do. Barcelona Traction helped to
maintain and prolong that suspensive effect by its failure to take certain
steps, quite apart from the matter of local remedies. The company also
initiated, or caused to be initiated, actions and applications designed
further to delay the proceedings.
1 will deal first with the significant omissions. The first one was its
failure to contest the decision of 31 March 1948 which suspended the
course of the proceedings. Neither Barcelona Traction nor any of the
creditors it controlled challenged the decision of the judge at Reus, which
became thus final and prevented other judges from dealing with later
applications, such as those of the company in June and July 1948. This
was another and important consequence of the failure to contest the
bankruptcy.
A second omission is that Barcelona Traction did not even once bring
this question of suspension belore the supreme tribunal by means of a
remedy of cassation.
A third and more important omission concems the provision of Spanish
law which allows exceptions from the general suspension of proceedings.
Besides the appointment of sindicos and the sale, to which Professor
Carreras has already referred (supra, pp. 346 ff., and 369), the grant
by the judge of other exceptions on the ground that the postponement of
certain steps might entail irreparable harm \vas twice requested and was
twice acceded to. once in favour of the Detitioners. once ol Saenier. who
was a creditor acting in the interest of ihe bankrubt. This is Ggnificant,
for it proves that the Spanish tribunals, particularly as the suspension
continued, were willing ?O entertain and grant special requests where it
was shown that the postponement would entail irreparableharm.
The Belgian Reply asserted that the Spanish judges should have
separate dossier iramo separado) to examine the bankrupt's subkissions

of The Rejoinder answered that the judge could not on his own motion
grant such exception, but that the bankrupt itself had toapply for such a
jeparate dossier (Rej., VII, pp. 573-574).
The Reioinder also asked whv Barcelona Traction never s~ecificallv
requested'such an exception in ifs own favour (ibid., para. 73;, p. 768):
During the oral pleadings no reply was given to tliis question. ARGUMENT OF MR. JIMÉNEZ DE ARECHAGA 49 r
Silence may speak louder than words. The Companynever made such a
request because it knew perfectly well that the remedies it had exercised
had no basis in fact or in law and would have been reje~ted, as indeed
they finally were. It did not really want to haveits complaints examined:
it preferred tlie adjournment to continue so that it might be cited later
as a denial of iustice.
1 now corné to the actions which reveal the connivance of Barcelona
Traction in the suspensive effects of the declinatoriasand other adjourn-
ments.
The enterprise submitted two declinatoriasknowing full well of their
necessarily suspensive effects,one, by Iiarcelona Traction itself when
joining Boter's nppeal in 1953,the other in November 1948 by National
Trust but, of course we aretold, financed by Sidro (VIII,p. 23).
The circuinstances which surround the presentation of this decliltaloria
- -eal miicli about the real attitude of the comDanv .owadds the sus-
pensive effects of such tactics.
The Receivership proceedings show how anxious were both Barcelona
Traction and National Trust that this decliiialoria be submitted before
the expirv of the time-limit granted to Boter to produce evidence from
Canadi.
How does Professor Rolin explain this indiputable fact? He has
stated:
"The wish that the intervention should take place before the
exnirv of the extraordinarv time-limit of eieht months eranted to
131;~;~for rlic ~iro~liictii iévi~lcncecariiiutiliercforc bekotiv;ircd
n h or III .. the !vis1IO parricipart cffccti\,cl!. iii tli,:
.siil>iiii.jiunof cviJciicc \\.liicli Roli;i<rc~riic.;ted\riilioiit Ii;ivinr
to apply for any time-lirnit whatsoever ..." '(VIII,p. zgo).

One cannot accept this explanatiori which does not take into account
an elementary rule of Spanish Iaw. \VitIlin the extraorùinary time-limit
granted in Spanish law for producing evidence from abroad, no new evi-
dence may be requeste~l.Therefore IIINovember 1948the National Trust
could not ask for new evidence. The time-limit for such a request had
expired much earlier, on 16 April 1948.
One can interpret Professor Rolin's explanation in another way:
namely that tlie National Trust did not intend to produce evidence of its
own but simply wanted to participate in the submission of Boter's
evidence, for iristarice, by attending the hearings of his witiiesses, asking
thThisis no more plausible. The only evidence which Boter had requested
or was allowed to produce was documentary evidence consisting merely
of the First XIortgageand Prior Lien trust deeds.National Trust did not
need to appear in Spain with such extraordinary haste to participate in
the submission of that kind of evideiice; it would have been quitesufficient
to send the documents or to have them produced by a friendly creditor.
Furthermore, in fact the trust deeds were not produced, since the letters
rogatory sent to Canada for that purpose were never executed.
The real explanation for Natiorial Trust's appearance and the extra-
ordinary hastc with which it was made is the one advanced by the
Spanish Government. Barcelona Traction, National Trust and Sidro were
concerned witli what would happen in the Spanish proceedings after the
time-limit granted to Boter for the production of evidence had expired.492 BARCELONA TRACTION

They had the experience of what had Iiappeiied with the Garcia del Cid
declinaloria fresh in their minds. There, as sooii asthe matter was ready
for a decision by the judge, the declinatoria was dismissed in a few days;
Garciadel Cid had appealed, but he had discontinued the appeal andthe
bankruptcy proceedings had been resumed. The London proceedings

reveal a constant preoccu ation with the ossibility of Boter with-
drawing its appeal. (Vol. !', pp. 272-274; gp_ish Red Book No. I,
PP. 309-311). .
Barcelona Traction and its wiisorts did not want anv reo,.iti2n of
tlio;~ ei~eiits.I-ticy \vishcJ for the prutçcti~ni oi [lie siis1ienjii.ceiicctjuf .I
rlr<lr>ra/uria,1)iit ;i,lcrlr~i~~lurioaf ttic,ir u\r.ii. a dzcli~rnturrii\i.liicli tlic\.

could co~~rol. and thus avoid beiiie take- bv sur~ris,. .
'l'liI~eccivcrshipdo~iimziitsslioir tIi;ittieconip:iny ii.:iiiot coiiccriit~<l
\i.itti the jiijpc.iisivc eflrcts of tlie drrlritnlori~raj siicli, but rnther \ras
I~.irfol~~lini :iltcr III,:isi>ir\. ul thé lin><-liiiiit tu orodu.~ e\,iilen~ - ~ ~ -~ ~
judge would be in a positi& to reject Boter's decllnatoria and hence cut
shoft the suspension.

Jlr. hlcKelcan, for National Trust, advised the Ontariocourt on 26 No-
vember 1948, and 1 quote from the Keceivership documents appearing
in the Belgian Blrre Book. He tells Judge Schroeder in Canada that "the
judge in Reus granted them eight months within which to adducc proof
in support of their motion. That eight months period is espiring next
Tuesdap.. . the 30th of Novemher" (Belgian Blire Book, Vol. III, p.14).

Mr. Justice Schroeder then asked: "did that have the effect, theii of
suspeiidirig the proceedings in so far asthe special Judge is concerned?"
(ibid.) The witiiess's reply was, "Yes" (ibid.).
It is clear from this affirmative reply that neither the judge nor the
witness was referring to the general suspensive effect of the decli~taloria,
since that effect resulted froin an earlier decision of 71 AIarch aiid that
0
cifcct a.uiild contiiiii.: :ifti.r 30 So\,ciiil>crl'lit:!.\i.crc hotli rt,Ierring to thc
îii1>eiiiivc cffect \\Iiicli the ~rniitiri~ 01 iitiiiie-liinit for tlic ~)io~lii~tionol
evidence has on the poweroca judgëto accept or rcject a mociionpresented
t.. ~-....
Clearly. tlie special judge could not reject Botcr's declinaloria while
Roter wns still within the time-limit eranted to him for ~roduction of his ~ ~~
,
cvid~nic It 1s 10 this iiijpc~~si<jn,tlirr,'fore, tlint \Ir '\l~liclc;iii rcfrrj
ivlieii Iic statcs. in tlic ii<,stpage of the récor~l,that IJon I<ol>c.rio S5ncliez
liiiiiiic~. thc Iiii.\,cr huth lor III,:I<t~ccivcr;iiid tlic S:itiuii:s-~T- ~ ~ - "ii
ansious 'that this [the intervention that we are to make before the spe-
cial judge] should take place prior to the expiration of the suspense"
(Belgian Blzre Book, Vol. III, p. 15) A.nd this is confirmed hy National

Trust's subsequentconduct.
If reference had heen made to the ceneral sus..ensive effects of the
dzrliir,rlorin, ~IIL~\C \.oiiId ti3vç hccn no necd lor sllcci:il li:i,ti.. siiicc tlrnt
.~iiipt:iisioncontiniieil :iltcr th,: csl)ir!. of ttic tiiiir?-limirgr;iiite<lto I<oter,
tli:~tis to sav, 10 Sove~iiher Ilo~v,:v~:rS , :itio~iaI 'l'riiit nti~)care(IIISI):~III
on the very AeGtday of tlie hearing, zj Novemher, \vithalong and dÔcu-

mented written submission. They showcd extraordinary speed-\vIiat
our colleagues on the otlier side would describe as une célérité suspecte-to
appear before the expiry of the time granted to I3oter, that is to Say,
to appear before the judge could reject Boter's declinatoria and assert the
Spanish jurisdiction in a positive way. They eshibited a manifest wish,
an ansiety it was called by Sanchez Jiméiiez, to avoid any hiatus, any ARGUMENT OF MR.JIMENEZ DE ARECHAGA
493
interruption in tlie suspensive effcctsof the declinalovias by submitting
one of their own.
Another aspect of Barcelona Traction's activity tellingly illustrates its
interest in tlie suspension of the proceedings. In several of its submissions
to the Spanish courts it specifically asked, on various grounds, for an
adjourriment of the main proceedings. It dirl so in its nullity pctition of
5 July 1948, in which it.reqiicstecl that, periding examiiiation of its sub-
inissions, ttic proceedings should be suspended with the exception of
section n and the separate dossier (ramasefiarado) on the accountiiig.
Other examples of Barceloiia Traction's petitions and applications for
an adjournmeiit are listed in Annexes 136 arid 137 to Chapter III of tlie

Counter-i\Iemorial. .
Also, in its submission of II April 1953, joiniiig Boter's appeal, Barce-
lona Traction at Iast presentcd a declinaloria of its own, subjcct to its
coiitrol. atitl one wliicli Uoter could not uiiilatcrallv withdrau,Iiso doine

TheCozcrlndjozirned/rom n.rj a.ni. lu1r.3j a.nl.

>Ir. Presideiit and >Iembcrs of the Court, iithis catalogue of delaying
actions by tlie bnrikrupt eritcrprise, which 1 \%,asdeveloping before tlie
interruptiori. we reach now those that they siiccesslullv carried out at the
beginnhig of 1953.
At the end of ~gjz tlie Geiiora incident was rejected by tlie Supreme
Tribuii:il. This meant thiit tlie Hoter appeal could be decided, arid the
Barcelona Court of Appeal woiild uiidoubtedly confirm that tlie Spanish
courts had jurisdiction and dcclare inadmissible the remedies cscrcised
by Rarccloiia Traction.
The prospect of thesc decisioiis, handed do1i.11 wliile the sale \vas still
being carried out, ivas not to the liking of Barceloiia Tractiori because
its case would theii have lost ;~ii)shadow of i~lairsibiliti-.Barceloiia Trac-

tion therefore decided that it must find soke \va). to ireeze tlie existing
sitnatioii in the bankruptcy proceedings. To tliat ciid, two piippet boiid-
holdcrs, Andreu and Sagiiicr, were ordered to delay the Botcr appeal
still forthcr by nttacking the irisslaradiof tticsiildicosaiid othcr crcrlitors
on the grourid tliat, accordiiig to the Geiici.:il Coiiditioris of Sale, "it
miglit have I~eciisiipposed" tliat the bondlioldcrs "sliould norrnally Iiave
been paid" (VIII,p. 264). It was a shot in the dark, planned, as Professor
Rolin has stiited, "to clear tlie judicial stage of al1 the moiiiitel~aiiks"
(ibid.). At the same time, the same Andreu and another controlled
bondholder, Lostrie, promoted an action against the sindicos and Fecsa.
Now, \i~li;itw:is the jus slundi of those supposed creditors irlio Iioped
to cleai- tlic judicinl stage? Siignier aiid Aiidrcti asci-epeseta bondlioldcrs
who, as such, Iiad already I>ceiireimhursed (A.C.hI.. Vol. IX, Cliap. IV,
Anii. 3, p.323 and Vol. IS, Chap. III, Anri. 192,p. 266), aiid Lostrie, in
order to prove hi5 jrrs standi. Iiiicldeclarecl I~elorca public iiotary tliat
lie had bonds deposited iii a bniik iri Barcelona, xvhich batik later cer-
tified that it Ii:i<never had custody of sucli bonds (A.C.hl., Vol. IX,
cIl:i1>IV, i\ilii5, p. 329).
Wehave then tliisgroupof fictitiousor false creditorswho wereinduced
hy tlie baiikriipt Company to contest, on fliriisy iind fancifiil grouiids,
tlicjlrsslnirdiof tliesiizdicoaiid of the otlier renl aiidlegitimatecreditors.494 BARCBI.ONA TRACTION

Unless we say tliat those advising Barcelona Tr;ictioii were utterly
foolish. which ive can hardly do, we rnust inevitably conclude that this
manreuvre was not only organized by the bankrupt. as has been proved
and is now even admitted by Belgium (A.C.\I., 1'01.IS, Chap. IV,p. 323;
K., V, para. 124). but that it had the purpose of creating such turmoil in
the proceedings that tliere would be, as there was, a long delay before the
rejection of Boter's appeal.
As Professor Gil Robles has already shown (srtfirapp. 57-58), the
Uelgian Government coiitributed to this delay by its refusal to execiite
the lctters rog;itory concerniiig Lostrie's procedure (A.C.hl., Vol. IS,
Chap. IV, p. 323; R., V, para. 124).
At about tlie same time, in Febriiary of that year, Sidro commenced

an action for alleged procedural fraiid \r.liich sought simultaneously to
have the bankruptcy proceedings nullified. This application by Sidro also,
inerits some cornmeiit.
The very fact that it \vas presented is significant. Firstly, it constituted
ail iinplied but cloquent admission tliat the conteinplated iriternatioiial
claim basîd, as tlie overall complaint has shown, oii ;IIIacciisation of
collusion and coiispiracy had to be preceded by a parallel claim in the
miiiiicipal coiirts, which role Sidro's action adeqiiately fulfilled. The
similarity betwecii Sidro's application and the Belginri Alemorial is
striking, and made the more so by the Belgian oral presentation before
this Court, which \vas built arouiid tlie conspiracy charge. This al1 goes
to confirm that Sidro's application \vas the local remedy which had to be
exhausted before the present international claim could be considered.
Secondly, it recogiiized that Sidro's dual role as actiial bondholder and
alleged shareliolder gave it both greater powers aiid heavier respon-
sibilities-greater po\rrersbecause this role conferred upon it the required
jrrsstandi to be a part? in the baiikruptcy proceedings before the special
judge; heavier responsibilities becaiise thestatus at once of alleged pilot
shareholder and actual creditor imposed upon it the diity to exhaust al1

a\.ailable local rcmedies. For. to determine mhether the nrotected Derson
has in fact eshausted locai remedies, one must esakiine in c&creto
wliether it has exercised al1those means of redrcss at its disposal for the
protection of itsrights in wliatever qiiality it enjoyed tlierii.
In making this application, Sidro recognized its diity to exhaust al1
possible reinedies, in particular tlie locril remedy for procedural fraud
and nullitv. \\'e ma\. .resume that in thisit was followiiie tlie advice of its
iiiteriia~ioii;il I:iu.ycrs llouc\,r.r. Sirlro siil>iiiittc<ltl~is~;i~>~>lr~iii
1:dr ribinal rlr I:i r il cil i l t I I \\'lien i\i.:is
<lisniisiïd for ivnnr of \.cnuc Siclro ni>i>cnlc<iliiitead of ~CIII.~I.I~IItlie
action before the appropriate'court. TÎI~right legnl reincdy was thekore
exercised, but iri the wrong place and before a judge wlio lacked the
power to deal with the action. Tlius, competent Sp;iiiisli tribunals were
never given a chance to pass jiidgment upon the allegations of fraud and
collusion with wliich we are dealing before this Court.
To sum up: when the Madrid tribunal told Sidro, on 13 Xarch 1953.
that it should go before the special judge. the enterprise instead started
those manceiivres to freeze the baiikruptcy proceedings. On II April
19j3, Barcelona Traction joined the Boter appeal, coiifessingit \\-asin no
hurry to finish the case (Mr. Gil Robles, in sfrpra, p. 57) and, less than
zo days after, the Andreu-Sagnier-Lostrie blocking coiispiracy was
launched. ARGUMENT OF MR. JIMÉXEZDE ARÉCHAGA 495
So, early in 1953, the Sofina group took two steps to prepare for the
prcsent internationalclnim: it crented ail artificial dclny so as to scparate
in tirne, as far as possible, the sale anda final decision by the Spanish
courts that they had jurisdiction, ancl it pretended to coinply with the
rule ofexhaustion of local remedies.
1 will deal now, AIr. President, with the question of res jttdicata and
purportcd blockirigof remedies.
I3elgi;incoiinsel has zisserted that the decisions declariiig tlie adjudi-
cation in bankruptcy to be final "had a definite link witli the decisions
coiiceriiing theblocking of the remedies" (VIII,pp. 242. 298).This isnot
the case. The adjudication in bankruptcy became final and acqiiired the
force of res jicdicatabecaiise no challenge was made toit within the sta-
tiiFrom tlie point of view of Spanish In\v.the decisions adoptcd on 12 and
17 hlarch 1948 may well have added nothing to the force of res judicala
acq~iiredipso inre by the adjudication in bankruptcy.
Howcver, from tlic point of view of iiitcrnational law, tliose dccisions
have tliis importance, that neither I3arcclona Traction, nor Sidro, nor
Sofiria,nor anybody else, opposed them. For this reason the Belgians are
estopped froin challeiiging the concliisive nature of the adjudication in
baiik~uptcy because of tliis lack of esliaustioii of local remedies by the
interested parties.
'Thisis an important conclusion for, :is Professor Carreras has shown
(szipra.p.323), the Barceloiia Court of lippeal authorized tlie sale of the
asscts, inter alia, becnuse the adjudication in bankruptcy Iiad become
...... .
Therefore, Belgian couiisel was wrong \vhen he said to this Court that
the firrncharacter of tlie adjudication played only a secondary role (VIII,
p. 299) in the bankruptcy proceedings.
In order to undermine this part of the Spanish case, Professor Rolin
asserts that for the Barcelona Court ofAppeal "there was only provisional
anriulrnent" (ibid.).urt by no means escluded the possibility of a later
The Barcelona court neither said nor meant any such thiiig. A pro-
\~isioiralresjudicataissornething niikno~vnin Spanish law. The Barcelona
Court of Appeal based itself. in its decision of 5 February 1952, unequi-
\rocally on the acquisition of the force of resjtrdicalaby the adjudication
in bankruptcy. The court made a as4n reference to tlie incidental
procccdings on the grounds of nul ity, ir ich had been proinoted by
13arcelona Traction in lulv 10~8. Since the admissibilitv of tliis aunli-
cation was then sub jtid;ceJbef&e the spccial judge, tlie Court of Ap@al
had to be careful to nvoid anv ~reiud~inerit. wliichexplaiiis wliv reference
to tliat applicationwas mad; ieuGal terms.
It is true that the Court of Appeal also referred to some othertype of
remedy. in Spanish. recztrsosde olra rmtzrrnleza,but it is clear from the
context that the court meant to refer to the extraordinary remedies in
Sp;iiiish lalv for the revision of final juclgrnents which esist in al1 legal
systems. This reservatioii, tlierefore,hnrdly authorizes one to speak of
provisional resjtulicnln.Onemiglit as wellspe:ik of provisional resjudicnta
a1loir.sit to revise its judgrneiits in exceptional circumstances.tatute
I3ereft of support for his complaints from the positive rules of Spanish
law, our distinguislied opponent asserts that the Court of Appeal's496 UAKCELOh'A TRACTIOS

decisions"1ed to tlie csccution of Uarceloiiri Traction without its being
able to defend itself" (VIII,p.299).
1 must answer this accusation ori its own terms. Firstly, \vliat natural
justice requires is tliat ail opportunity for a [:tir hearing be giveii to the
defeiidant. If such opportiinity is delibcrately iiot utilized, as iii the
preserit case, tlien, forobvious reasoiis, tlie la\\. most take its coiirse.
Secoiidly, in point of fact the Spanish tribunals esamined on tlieir mcrits
the contentions and objections advance<l by Barceloiia Traction, waiving
coiisiderations of prcscribed time-limits. .l'liey gave this baiikrupt
conipriiiy its day in court. As Professor Guggcnlieirn liasalrcady iii<licated
(supra, pp. 87 ff. B)arcelonaTraction was nllowed, in opposiiig tlie sale,
to argile at length al1 its cornplaints agairist "the bankruptcy procedure
as a whole" (A.C.11..Vol. \'III, p. 333). These are tlie words iised by tlie
13arcclona Coiirt of Appeal ori dealiiig ivitli Ur. Serrano Siiiier's objec-
tions. He criticizediitter nlinthe applicatioii of the initial decisioiis to
tlie siibsidiaries' assets aiid the esercisc of jiirisdiction over n Company
whicli claimed not to Iiave a centre of opcratioiis in Spain (r\.hl., Vol. III,
p. 686). Iii coming to tlieir dccisions oii tlie sale, the Spaiiish tribiinals
esaniined those comlilaiiits and coiiteiitioiis aiid rejected thciii as devoid
of incrit. The judgiiiciit ordering tlie salc coiitnins esterisivc coiisider-
atioiis as to the ccssritiori of payments, propcrty of the sliares, coritrol of

tlie baiikrupt over tlie subsidiaries, retentionof certificates iii Cariada,
etc. (A.C.AI.,\'ol. \'III, pp. 33ff. )learly, they would iiot lia\zeautho-
rizcd the saleif tliey liad been inipressed1))tliose objections.
Admittedly, sectioii 2 of tlie bankriiptcy \vas not the appropriate
sectioii bv mhicli to Iienr or Dassiudeiiieiit oii those com~laiiits. But this
departurè froin normal procediire \v:is caiised by ~arcélori:~Trrictioii's
f:iilore to coiitest tlie baiikruptcy adiudic:ition, arid its owri use of
sectioii2 to develop its objections.-ThiGf taialpearrewas tlic reasori
why ttiese bankruptcy proceedings were iiot typical.
lielgian couiiscl complaiii too that the sale \vas authori~ed before
decision on tlie question of jurisdictioii. This is not iiholly true. \\'lien the
salc was autliorized, t\rrodecisions had already asserted tlie existence of
Spanish jurisdiction, both analysed beforethis Court by Sir Nuinplirey
\\'al<lock-one by tlie jiidge of lieus, tlie otlicr by tlie special judge.
\\'heii tlie order of sale \iras issued, tliere was no pendideclilinloria
subinitted by the baiikrupt or its consorts. liarcclona Tractroii \%.asoiily
to siibriiit idecli~c~ilorii April 1953, iiiorc tlian one year :ifter tlic sale.
Neitlicr nas Natioiial Trust's declitinforipendiiig since its locus slancii
Iiad hccn deiiied. Tliis sliows, by tlie ivriy,tliat even on tliis basic question
of jiirisdiction,he propcr remedies ivere not esercised at the proper time.
Still more irnportaiit, at the time of the sale there \<.as no pending
(iecliitntoriiii favoiir of the Ontario coiirts. Tlie London courts wcre the
oiily alternative foriiiii proposed to the jiidgc at that tiine. This \vas tlie
aiin of Roter's declincrlori(wliicli wris bascd on such frivoloiis grounds
tliat AIr. Diplock, ris lie theii was, could say of it in rgqg: "\\'heri one
lookcd at it [tlie Boter decli+~ntoviu ]ii tlie face of it, it wns one wiiich
woiild be dismissecl" (Loiidon Proceediiigs, Vol. VI1, p. 68: Spanish
Red Book No. I, p.351).
His prophecy iws confirmed by siihseqocnt eients. Once proceedings
iiiider sectionI wcre resuined, the court haiided down final decisions on

the submissions of Boter and BarceIona Traction. They declared tliat tlie
pending petitions Ivere iiiadmissible aiid devoid of inerit. Thiis the baiik-4g8 BARCELONA TRACTION
would have made another foreign exchange killing, still more profitable
than the one conceived in the Plan of Compromise. This is perhaps what
MI. Grégoirewoulddescribe as "une solution pratique". His earlier phrase
about a "happy bankrupt" and a "happy bankruptcy" (VIII, p. 320) is
thus endowed with a deeper meaning.
The Sofina group saw this practical solution as the only way, the labula
possible situation in which it had placed itself. It would, witli one blow,
reduce tlie bonded liability by half or two-thirds and allow that settle-
ment to be eliected witliin the lramework of judicial proceedings, thus
avoidinga Spanish administrative inquiry into its past activities.
According to a revealing document from the London proceedings, a
memorandum from hlr. Benson of the Prior Lien committee on 18 May
1951,one month before the tripartite declaration, Mr. Laivson of Binder,
Hamlyii and Co., who often represented thc Sofina group in important
negotiations (Receivership, p. 772; Spanish Red Book No. r, p. 149)~
advised the Prior Lien committee that his clients-that is to say the
Sofina group-"were willing to make full repayment and restitution in
respect of outstanding bonds and interest. This would have to be in
pesetas as this was the only currency in which they could make asettle-
ment". Mr. Lawson added that his clients "would CO-operate to the
fullest extent in endeavouring to ensure that, if appropriate, the Spanish
agreed settlement in pesetas" (London Proceedings, Vol. II, pp. 117.118;
Spanish Red BookNo. 1, pp. 321-322).
This was indeed a neat operation. The Sofina group recovered pos-.
session of the undertaking, settled its bonded debt with hall or one-tbird
of the amount due. and placed the bondholders in their turn in the
position of ti;ivirigto ask for forcigii eucli:ingr.
\\'bat\vasiiiorc rcpreli~.nsit:i;lioiit thc Sofinngroiip's attitiidr 1stti;it
nt itie wr\, tiiiirwas rn:ikinrrli~.si)rii;itr uror)u~.anclrr\.iiir:to t,ike
advanta& of the peseta co&ersion as if ft &re somcthiRg &hich it
really wanted and of which it approved, it was taking an eiitirely dif-
ferent line before the courts in London and in Ontario. There it aas
using that,same possibility of the peseta conversion as an argument
tu discredit the Spanish proceedings and to discredit those wlio
supported them.
Before the London courts Sidro appeared as a minority hondholder
procedure and thus compromising the rights of bondholders as a whole
because "the ultimate result of the bankruptcy . . .willbe the distribution
of the pesetas between creditors" (London Proceedings, Vol. VI, pp. 85-
86; S anish Red BookNo. 1, pp. 314-315. Also London Proceedings,
VOI.e p.. 297 and Spanish Red ~ook N~:I, p. 312).
Sidro'slawyer, Mr. Kenneth Diplock, as he then was, who uridoubtedly
was not au courant with the private offers, complained to tlie English
court on behalf of Sidro: "1 sliall get for a sterling debt Spanisli currency
and not sterling" (ibid.).
Inthe Ontario Receivership, the same argument was used to convince
Judge Schroeder to issue an order directing h'ational Trust to present
adeclinaloriain Spain.
AIr.Graydon stated, on behalf of Barcelona Traction, what Professor
Carreras has already recalled: "The claims of the bondholders will be ARGUMENT OF MR. JIMÉNEZ DE ARÉCHAGA 499
determined in pesetas and paid in pesetas, which nobody wants, the
National Trust does not want it, neither do the minority bondholders
[Sidro] want payment in pesetas". And Mr. Clarkson then interposed
with words which have, in retrospect, a certain irony:"Mr. MarcIl might
want that." (Receivership, pp. 243-244and Belgian BlrreBook, Vol.III.
pp. 26-27.)
Now, before this Court it is contended that the Spanish triblinals
perpetrated a denial of justice because they did not niake an order
whereby the bondholders would have received a mere third of the amount
due to them. Spanish law does not require sucli conversion, as Professor
Carreras has shown (supra p,p. 380-382). English law would not have
permitted it and international law clearly cannot compel national tri-
bunal~ to reach so utterly unjust a decision.
One can understand then that the negotiations which started in May
1951, on the basis that payment would be made in pesetas, could not
continue, and we have seen tliat Sidro, for its part, was reluctant to
negotiate in July 1951on the basis that the bondholders were entitled to
be Mr. Grégoireremarked that this shows thiit the sale was requested
because of the failure of negotiations and not because the property was
threatened by deterioration (VIII, p. 335).
It is beyond doubt that by 1951, alter three-and-a-half years of
judicial control, the undertakiiig was progressively deteriorating. The
sindicp ooirited out the reasons for this, includingone whoseexamination
Rfr.Grégoirecarefully avoided: this was the impossibility offinancing the
new investments so necessary to meet increasing demand and of devel-
oping water concessions which would lapse if not exploited. Such im-
possibility resulted, as the sindicp osinted out, from their inability as
organs in a bankruptcy to increase tlie social capital or to issue bonds or
publicloans (A.C.M., Vol. III. pp. 302 and 310; R., V, p. 94,,footnote 3,
and p. 117,para. 195).They were preventrd from doiiig that.
Such situation of stagnation could be ended either by settlement
whereby judicial control would cease. or by sale. I.:ithrr of these two
solutions would do, and tliey were not incompatible.
If Mr. Grégoirewas here, 1would tell him that, profiting frombisearlier
situation to a dilemma. tlie two given alternatives must really be in-
compatible" (VIII, p. 328).
If we now examine the method of the sale, not froni the point of view
of economics, but of legal form. we can further see that there has been in
this case no such diversion from the legitimate purposes of bankruptcy
legislation, as has been alleged.
Thecomparative study made in the Rejoinder with other legal systems
where there have been bankriiptcy and foreclosure sales on the same
scale shows that often in such cases the bondholders are bound to con-
tinue the undertaking, as oiitside purchasers witti enough ready cash
cannot be found. Thesame comparative studv shows that, in anticipation,
the courts have had to set out in advance the special conditions wliich
must govern judicial sales of that scale and effect (Rej.. VII, pp. 786-790
and 824; A.Rej., Vol. III, Ann. 182, p. 429).,
In that type of judicial sale the highest bidder is freqiiently granted
permission to enter into agreements with the bondholders for the ex-
change of the defaulted bonds with shares of a newCompanyincorporated

- AKGU.\IEST OF IR. JI~IÉSEZ DE ARÉCH.AGA
501
In our sabmission the reasoii for this failure by the lZecei\~erand his
Spanisli 1:twyers was that they Iioped thcn that the gciicral coiiditions
of sale could well serve as a legal iristrutnent by whicli tlie negotiated

scttlemciit tliat tlicy Ivese proniotiiig could be carried irito cffcct. The
Court ii-il1rec;ill t1i;it such a sclicriie iii\~olved the formation of a ne!\.
compatiy, to be owned jointlp by the groups, and the payiiig off of the
minority of bondliolders. Sinchez Jirnénez referrcd specifically in this
coiinectioii to "the possible soliitioiis wliich the conditions offer" (Re-
ceivership, p. S25; Spariisli liedBookhTo. I,p. 202).
\\'hatever tliç reasons for his oinissiori, it is a fact t1i:it the judicial
decision whicli approved the general conditions of sale incorporating
Soronellas' valiiation caiinot be criticized from the poiiit of view of inter-
national law. becailse al1 the mcnris of rcdress available under Suanish
law were not'esliausted.
1 iiolv retiirn to tlie United States decision. The coiirt dismissed the
shareholdcrs' contentioiis. in the follo\iting words:

"That tliere should be a reorganization agreement for the purpose
of buyiiig in tlie property of the hankrupt corporation cannot be
objected to. Iri fact, it fiirnishcd the only way tliat a large, diver-
sified propcrty and plant like tli:it of the Southern Steel Company
caii be sold :ind purchased withoot disastrous resiilts to creditors

and stockliolrlers and the creditors have every right to organize
themselvcs for the purpose of protecting their interests. These are
propositions that need neither argument nor autliority to support."
(Fed. 177, p. 125.)
The shareliol<-lersalso objected that the terms of sale were unequa!?nd
unfair because, and again 1 read,the réslitnéof their objections. the
purchaser wns permitted to tiirn in iri payment of tlie price, admitted

securities, tlienrgumeiit being tlicit the liolders of seciirities could buy
without paying cash, while an outsider would be coinpclled to pay cash
(ibid.. p. 126).
Il'e have 1ie;irdthese same objections in this Court (VIII, pp. 395,396).
Let us rcad now the categorical ternis in which the court dismissed this
technical objection:

"The contention in this case seems to disregard the genera! rule
which prevailsin al1foreclosure and execution sales wlierein it is not
deemcd proper and necessary to require purchasers to put up cash
with one tinnd, to take it down with the other." (Fed. 177, p. 126.)
To sum iip: the methods and procedures followed in the Spanish
judicial proccediiigs did not constitute a diversion frointlie legal purposes

of bankruptcy proceedings in general since, in the final analyses, that
purpose is to obtain for the creditors the fullest possible satisfaction of
their claims witli the debtor assets.
By contrast, Harcelona Traction's attempts, through successive
stratagems, to abstract the physical assets from the bankrupt's estate,
and its proposa1 to settle the debts with one-third of its amount, would
have constitute<-1a real abuse of barikriiptcy proceedings and a diversion
from its legitiniate purpose.
1 now comc to tlie third and final subsection of this address, the
Belgian argument that the "palpable injustice" which is required to
establish Spain's international responsibility is evinced by the final result502 BARCELONA TRACTION
of the proceedings, described by Belgian coiinsel as "the ultimate, total
and final loss sustained by the shareliolders as a result of the sale" (VIII,
P. 52).
It caniiot be doubted that the confrontation between shareliolders and
boridholders is the key, not only to the bankruptcy proceedings, but to
the wliole history of the Barcelona Tractioii enterprise.
The financial history of tlie cornpany shows tliat, since 1914, the diffi-
culties iiaturally encoiintered by an iindertaking with a watered-dorvn
capital and a disproportionate bonded liability were systematically
solved to the detririiciit of bondholders ciiid tlic benefit of shareliolders
(A.Kej., 1701.1,Ann. z, pl> 353-3761,The outstanding feature of tlie four

siiccessive plaris of cornpromise adopted betweeii 191 jand 1924 "as that,
in spite of the heavy losses suffered by, the bondholders, no part of the
social capital passed into their hands iiicompensation for sucli losses.
The shareholders, on the other haiid. whose shares had been issued
witliout aiiy cash subscriptions, einerged iiiiliarmed from this same period
(ibid.,p. 326).
These ivas, however, an exception, a bondholder ivho also became a
stroiig sliareliolder. 1 refer to the exchange that the so-callcd Belgian
groiip carried out in 1924, when it traiisformcd its positioii from l'irst
hlortgage bondholder, iiito privileged shareholder, not to speak of its
receipt of almost LI million in cash froni tlie dcal.
This group %vaspractically the orily bondholder wlio accepted an
exchange which ultiniately had such profitable consequences. l'hat group
seeins to have sliared. as Professor Gil liobles said. the secret of the eods.
for that conversion karked a turning-point iii the financial liistory o"fthé
Company: it was siiicc then that it established a policv of distribution of
diiridends (ibid., pp. 372.373, paras. 272-275). . .
After that, we lind, iii 1936, the total suspension of the payment of
interest on the bonds and in 1940 the deliberate decision not to renew
payment of interest iii respect of tlie sterling bonds, a decision coldly
adopted before the slightest request'had been made to the Spanish
excliai>geauthorities.

Finally, to cap it all, tlie 1945 Plan of Compromise assured succulent
profits, in the foriii of the so-called "nominal surplus", to compaiiies
liiiked with the shareholders while, by coiitrast. a sacrifice was imposed
on the boiidholders cstiiiiated by Barcelona Traction itself to bc almost
L3 rnillion (A.C.Al., Vol.VI, Chap. II,Aiin. 5, p. 295).
As from 10 February 1948, tlie conflict between shareliolders and
bondholders mas controlled hy the principles of law wliich in most coun-
tries govern the respective positions of tlie creditors of a bankrupt cor-
poration and its stockholders. \\'bat happened in Spain alter that date
\iraçdetemined by tliose principles and not by any attitude of pnrtiality,
discrimination or pcrsecution on the part ofthe Spanish judiciary towards
the shareholders.
1would have thought it unnecessasy to refer this Court to the principles
tliat regulate those relations. However, Belgian counsel seem to have
forgotten that creditor-bondholders havo absolute priority over stock-
holders. On the basis of this principle many municipal courts have
established the concept that no compromise or settlement may be deemed
fair which safeguards tlie rights of shareliolders \\-hile at the same time
in any way at al1affecting or dimiriishing the prier rights of bondholders.
The Supreme Court of the United States has stated in this context ARGUMENT OF MR. JIMÉINEZ DE ARÉCHAGA 503

that "any arrangement of the parties by which the subordinate rights
and interest of the stockholders are attempted to be secured at the
expense of the prior rights of either class of creditors comes within the
judicial denuiiciation" (Louisuille Trust Co. v. Louisuille Ry. 174 U.S.
674 at 684 (1899)).
In order to iinplement this principle, it is now required by law in the
United States that any plan of compromise must be declared by a court
toA recent United Statese"decision explained:

". . . as n prerequisite to such a finding, the Court must test the plan
by tlie riile of absolute priority, that is. the plan must preserve for
each set of interests the priority which itheld before the reorgani-
zation . .. In most cases this means that the shareholders of the
debtor corporation have no right to participate in the new corpo-
ration until al1the claims of creditors have been satisfied in cash or
by someother method agreeable to them" (Inthematterof~Muskegon
~MofoS rpecialties, 366 F. zd 522-6th Circ. 1966).
A noted Ainerican lawyer who has played a role iii negotiations inthis
case, Mr. Arthur H. Dean, in a book, A Review of the Law of Corporate
Reorganizntion, New York 1941(p. 27)has compared this rule of absolute
priority of creditors and bondholders to Portia's award in the Merchant of
Venice. Tlie bondliolders must receive intact their pound of flesh, not a
single drop ofblood falling into the handsofthe shareholders.
From thisstandpoint, the Plan of Compromise of 1945"as unfair and
inequitable, since it exacted a sacrifice from the bondholders while the
rights of the shareholders remained iinimpaired.
It was precisely in support of this rule of absolute prioriof creditors
that the British Goveriiment refused its approval to the Plan of Com-
promis~.
The Belgian Governinent has denied before this Court that such a
refusa1 ever occurred (R.,V, para. 43G.p. 301). Yet a document issued
by the board of directors of Barcelona Traction and annexed to the
Counter-Mernorial (A.C.M., Vol. II. Chap. 1, Ann. 113, p. 375-Public
announcement issued on 19 Decernber 1946) gives the lie to that denial.
For the board announced that the plan expired "because of thetinability
of the Company to obtain the requisite governmental consents". The
word "consents" is used in the plural; if it did not comprise the refusal
of the British Government together with that of tlie Spnnish Government,
it couldbe said with Voltaire "ce pluriel est bien singiilier".
The statement also gives the reason for this refusal: "the British
Treasury has recently intimated to the Company that it would bereluc-
tant to approve any proposal which involved the abandonment of the
payment of arrears of interest." Or, as 3lr. Eggers from the British
Treasury put it more bluntly to hlr. Lawson in a stormy interview
recorded by the Receiver, the British Treasury did not approve the plan
because "the amount offered was insufficient" (Receivership, p. 772;
S anish Red Book No. I,p. 149). Thos, the British Treasury, applying
tRe principle of law to which we have referred did not consider a plan
which safeguarded completely the riglits of shareholders while it par-
tially abandoned the rights of bondliolders ta be fairand eqiiitable. By
since they recognized the absolute priority of creditors overstock holders.504 BARCELOXA TRACTION
Under the General Conditions of Sale, tlie bondholders would satisfy
their credits with absolute priority, aiid the shareholders would receive
their reliquat, if therice paid in the sale revealed some equity left for
them in the company. The question, therefore, is wlietlier there was aoy
equity left for the sliareholders of Barcclona Traction when the sale
took place.
In this connection, one should remember that the compaiiy had been
considered insolvent by the Supreine Court of Ontario in 1945 when it
approved the Plan of Com romise (Rej., VII, pp. 791-792 and Peat.,
hlarwick report of 9 Alay 19k9, paras. 187-192,Igj and 196). It had been
declared bankrupt and in cessation of payments by the Spaiiish tribunals
in 1948.
or 1948 As stated by Judge Devlin, relying on hfr. Diplock's admission,5
"the assets had depreciated as a rcsult of the bankruptcy" (A.C.M.,Vol.
IX, Ch:ip. III, Ann. 188, Doc. No. 4, p. 218); the sterliiig liahilities Iiad
increased considerahly as a coiisecluenceof the sale of the liirst Mortgage
bonds held by the U'estminstcr Bank as a collateral for the pcscta bonds;
the adjudication in bankruptcy mzideimniediately payable, not only the
arrears of interest, but also tlie principal, includiiig al1 siiiking fund
arrears; last but not least, the pesetas representing the earnings of the
enterorise had been further devalued in 1,"0 in relation to the sterli-e
owed'by the company.
It is easvthen to understand whv the companv, wliich had been al-
ready coniidered insolvent by the Canadian iouits in 1945, {vasagain
considered insol\-ent by the Soronellas valuation in 19j1.
The extensive discussions which have taken place in this Court as to
should not obscure two tliiiigs: firstly, this Court does iiot seem called
upoii, as we respectfully i1iiderst:iiidit, to revise the Soronellas valuation
or tu ieopen an issue already decided by events in Spain; secondly, that
report inerely proposed aii upset pricc, the minimum acceptable bid.
It\vas the public auction \%,hicproved conclusively that there was no
equity left for the shareholders. The hard economic facts spoke for
thernselves.
The bid \irasnot high enough to meet the claims of the shareholders.
Tbere was no higher bid. The shareholders failed to protect themselves
by iiot participatingin theauction. If the Sofinagroup really believed that
there \vas an equity left for the stockholders in the undertaking, it should
have iiitervened, directly or indirectly, to protect sucli interests, either
by causing bids to be made whicli might have raised the price or by ac-
made bv Fecsa to Siclrotained in the General Conditions of Szileor the offer
Sidro's failure to exercise its option to purchase sliows that BarceIona
Traction had lost al1cauacitv.to borroar riot onlv frorn the eericral uubiic
but even froni its own~ecori~micgroup. It wasno longer ConsideFedan
asset. It was written off as a liability. Sidro could only recoup any value
from it if the prospective international claim met with success.
In hlay 1952, in a documeiit in the London proceedings, Sidro ex-
plained the reasons for not exercising this option before the Belgian
Government had a chance to put forward its own version ofwhat these
reasons were (Sidro's amended bill of particulars, para. 52 G; London
Proceedings, Vol. VI, pp. 328-329;Spanish Red BookNo. I,pp. 346-347).506 BARCELONA TRACTION
part in the past history of the undertaking were too great. Lack of clean
hands prevented the Sofina group from participating in the auction in
1952. The same lack should now defeat their claim for an indemnity in
this Court.
In the light of this conclusion the Belgian complaint, the very basis
of their whole case, dissolves into nothing. They claim that the share-
holders were despoiled. But where there was no equity, there could be no
spoliation.
In his introduction Professor Rolin made a revealing remark. It
suggested that this eminent and experienced international lawyer may
deep down be in doubt about the soundness of his case. He asserted that
from the Spanish point of view this litigation might be descrihed in
Shakespeare's words as "ifluch Ado about Nothing". For once, 1 entirely
agree.
hlr. President, 1 have now come to the end of my speech. It only
remains for me to express mygratitude to you and to the hfembers of the
Court for your patience and attention. PLAIDOIRIEDE M.WEIL

COSSEIL DU GOUVERXEJIENT ESPAGSOI

hl. \VEIL: Monsieur le Président, Messieurs de la Cour, il m'incombe,
dans I'exoosésue ie vais avoir l'honneur de faire devant vous. de pré-
senter le; obsèrvaiions qu'appellent, de la part du Gouvernement
espagnol. les demandes de réparation formulées par le Gouvernement
belgé.
En elles-mémes,ces diverses demandes ne mériteraient guere. à vrai
dire, que l'on s'y attarde. Le Gouvernement espagnol espère, en effet,
établir que l'action belge, dans son ensemble. est à la fois irrecevable
et non fondée,tant et si bien que la question de la forme et des modalités
de la réparation demandéene se pose pas à ses yeux et lui parait dépour-
vue en elle-mêmede tout intérêt pratique.
Aussi bien n'est-ce pas le contenu concret des diverses demandes de
réparation qui retiendra l'attention du Gouvernement espagiiol, rilais le
fait que ces demandes constituent comme le miroir grossissant ail travers
duquel se reflètent les traits caractéristiques de l'action menée par la
13elgique contre l'Espagne. Plus que tout autre aspect de l'affaire, en
effet. ce sont oeut-Etrc les demandes de réoaration aui constituent le
testje la maGièredont le Gouvernement b&e a contu et conduit son
intervention devant la Coiir iusqu'i ce jour.
Le Gouvernement espagnoi a, maintes reprises, dénoncé lecaractere
insolite que revêt la protection accordéepar I'Etat belge aux intérêts
privés patronnés par lui, aussi bien que sou comportement au cou,rsde
la hase di~lomatiaue d'abord. nuis tout au lone de l'instance iudiciaire:
nuile part mit:tixq;'~~~ ,C c:ir;iilere n':<lq>araitrnavcc:iritnn;l'bclat.Et
cela n'a yÿs de quoi surl)r<iiidr~~<,:.ce ,uiit Ici dcm:iiid<.i(1,:rcp;lr;iiion
ciiiicoristitu<:iitI:ir:tijon <I'étrri.les cifort; (l;:rx.tr le (;oiiicrii<nient

vices auiruinent l'action belee dans son ensemble aux veux du Gouverne-

conduite: voilà le sens que le ~ouvernemenf espagnol voudrait donner
aux explications qui vont suivre.
Comme les professeurs Castro-Rial et Gil-Robles l'ont montré! le
procès international intenté par la Belgique h l'Espagne ne constitue

lona Traction.e la stratégiegénérale poursuiviepar le groupe de Rarce-

Les dirigeants de Barcelona Traction. n'ayant pas réussi à consefver
à la faillite en Espagne le caractéreiplatonique >iqu'ils luiavaient assigne
dans leurs plans, tentent à présent d'effacer. par la voie internationale,
les séquelles de cette faillite. La fabuleuse réparation demandée à
l'Espagne n'a finalement pas d'autre signification.
Telle est,aux yeux dii Gouvernement espagnol, l'essence de ce singu-
lier procks. Et voilà aussi, sans doute, l'explication de la téméritédes
dernancles de réparation forinuléespar le Goiivernement belge au nom
de ses prot6gés. 506 BARCELOXA TRACTION
Téméritéd , 'abord, dans la diversité et dans l'ampleur des r6clamations
demandées: on acciimule demaride sur demande. de manière assez ~--
arbitraire, dans l'espoir de permettre aux intéréts privés responsables
de la gestion qui les a co,nduits, après uiie faillite lateiiteà une faillite

effectix-e,d'opérer une fois de pliis une ponction massive sur l'économie
espagnole. Coninie le Gouvernement espagnol l'a dit dails sa duplique:
«La réparatioii demandée constituerait en définitiveune nouvelle
contribuiioii de l'économieespagiiole à un groupe qui pendant tant
d'années a dCjà drainé tant (Icrichesses hors de l'Espagne ii(D., VII,
. .
na 849, p. 640).
Mais téméritéaiissi dans la méconnaissance de certaines des règles
les mieiix établies du droit internatioiial en matière de rénaration. On
poiivait s'attendre que le Gouvernement belge, ayaiit accepté de porter
l'affaire sur le plaii iiiternatioiial, eiit à àetout le moins, de demeiirer
logique avec lui-inéme et de corifornier sa réclamatioii ails exigences dii
droit internatioiial cri matière de réparation. Le Gouveriieincnt espagnol

avait attiré son attention, àaiis la diipliquc (VII,p. 637 et sui\,.), sur
certaines de ces règles, élémentaire s vrai dire et noii contestées. Le
Goiivernement belge n'en a pas moins mainteiiu, dans ses exposésoraux,
siir ces problènies qu'il qualifiera peut-être de techniqiies, unediscrétion
qui en dit loiig siir la solidité des clemandes qu'il soumet à la Cour. Sans
doute hl. Lauterpaclit s'est-il attaché à parler loiiguemeiit de la questioii
du quantum dc l'indemnité réclamée,mais les problèmes de fond de
damnge ami dnmagcs (VIII, p. 426). pour reprendre son expression, ont
étédavantage évoquésque réellenient traités.
Pour justifier cctte discr4tioii. Ic Gouverriemcnt belge a allégué,sans
doute, que le problème de ccr~réjudice et réparatioii n coïncidait, pour
l'essentiel, avec le problème du jus stui~diC. 'est aiiisi qiM. Lauterpacht

a pu renvoyer l'eiisemble du problème ail professeur Virally (VIII, p. ~zS),
eii déclarant que, qiiaiit à lui, il lie traiterait pas de la question (lu
caractère indeiniiisable. au regard du droit interiiatioiial, du préjudice
allégiié (VIII, P.459). Et comment 31. Virally a-t-il raiiinsséla balle que
Iiii lançait aiiisi hl. Lauterpacht? Tout simplement, en sï ùurriant à faire
observer:

~Xoiis noiis trouvons ...dans un domaine où, eu égard aux
principes gériéraiixdu droit'iiiterriational, le droit d'agir est insé-
parable du droit à réparation, dont il est véritableriieiit l'accessoire.
Qui peut se plaiiidre d'urie atteinte dommageable àses droits a droit
aussi à obtciiir réparation, et qui a droit à une réparation peut la
poursuivre par la voie judiciaire internationale ..» (VIII, p. 501-
502.)

Il me semble que cette manière de poser le problème des rapportsentrc
les questions de réparation et les qiiestions de jtcs stn~$diconsiste à
l'obscurcir pour mieux l'éluder,car, après toiit, les problémes de qualité
pour agir et de réparation sont, qiioique voisins à certaiiis égard?,bel et
bieiidistinctsl'unde l'autre. Laquestiondu jzrsshitdi - de la qiialitépour ,
agir - se pose au début dii processiis intellectuel qiie comporte toute
démarche juridictionnelle, si l'on ine permet une expression un peu
pédante, je dirais volontiers qu'elle se situe ex (iiile. Aii contraire, le
problème dii droit à réparatioii se pose l'extrêmefin du processus doiit
je viens de parler; il se situex 90s~. PLAIDOIRIE DE 31.\VEIL
509
S'il est vrai. d'autre part, que l'octroi d'une réparation suppose que le
demandeur ait qualité pour la réclamer, il est non moins exact que la
qualité pour agir n'entraîne pas nécessairement le droit effectif à I'alloca-
tion d'une réparation. En (l'autres termes. et plus simplement, si la
qualité pour agir est une condition nécessaire du droit à obtenir répara-
tion, elle n'en constitue pas une condition suffisante. A elle seule, cette
considération jiistifierait. me semble-t-il. un examen distinct des pro-

blèmes du droit à réparation.
Pour mettre a nu les faiblesses de la demande belge de réparation, le
Gouvernement espagnol va suivre la Partie adverse sur son propre
terrain: il fera un instant- le temps de mon exposé - comme si Sidro
était dominéi! par des intérêtshclges, comme si Sidro avait vraiment
été I'actionriaire majoritaire de 1Jarcelona Traction aiix dates critiques,
comme si vraiment 1'Espagne était l'auteur de tous les :ictcs internatio-
nalement illicites envers la Belgique qu'on lui reproclie. comme si le jus
siandi de la I3el~iaue était établi, etc. Tout cela. bien enteiidu. sur un

A -
par l'intermédiaire d'autres conseils:
A cette fin, je me propose de procéder en deux temps, selon un plan
qui, à défaut du mérite de l'originalité, aura, du moins je l'espère, celui
de la simplicité. J'envisagerai, d:ins les deux premières sectioiis de mon

exposé, d'abord le problème du préjudiceinvoqué par le Goii\.ernement
belge, pour aborder ensuite celui de la réparation qu'il réclame. Cela
- préjudice d'abord, réparation ensuite -, en ce qui concerne la de-
mande de réparatioii du préjudice principal, celui que M. Lauterpacht a
appelé la «perte de I'entreprisei,. Après quoi, dans une troisième et
dernière section, je dirai quelqiies mots des diverses demandes de répara-
tion des préjudicesaccessoives.

L'audietzceest lede à 12 h 58 TRENTE-NEUVIÈME AUDIENCE PUBLIQUE (13 VI 69, oh)

Présents: [Voir audience du 20 V 69.1

hf.\VEIL: J'aborde à présent lapremière section de mon exposé - la
plus longue - consacréeau problème relatif au préjudice, Pour la com-
modité de la Cour. ie'ranoellerai oue cette ~remièresection sera suivie
d'une seconde con&crée la réparation et q& mon exposés'achèverasur
une section assez brève concernant les préjudices accessoires.
En ce qui concerne le préjudice. le Goivernement espagnol voudrait
poser deux questions très simples.
Premièrement, de quel préjudice esactement est-il demandé répara-
tion?
I)~:uzii:ni~rn~iit,exiite-t-illin r3pl1ort <le caui;ilitl cntrc l I:tits
illicites allCguCset le pr6judicc invoqui'
C'c>r .i <l<:us.iiic.tii,i<ILIL IC\,ouiIrdi, iii':itt.îciiert4nondrc cil
examinant successi\:ement, en de;s paragraphes, d'abord ~e'~roblème
de la déerminrilion du préjridice ollégtré et ensuite celui du rapport de
car<salité.
*
* *

Et. tout d'abord, de -uel ..éizldiccle Gouvernement belge demande-t-il
réparation?
On peut, àvrai dire. hésitersur ce point, tant les formulations données
par le Gouvernement belge à sa demande sont entachéesd'incertitude et
d'équivoque. Le Gouvernemeiit espagnol avait déjà relevé. dans la
duplique, la dificulté qu'il y a de cerner la significatioii précise des
moins décrirele dommageinvoqué (D., VU, no869,p. 850).Les plaidoiriesnir, du
belges n'oiit guère apporté de progrès sur ce point par rapport aux
écritures, et la présentation des t1ii:ics belges reste ausscfoisonnante et
fluide n- pour reprendre une expression du professeur lieuter (supra,
p. 208) -sur le terrain du préjudice qu'elle l'est sur celui de la détermi-
nation des actes illicites invoqués.
TantOt, en effet. on invoque la perte par les actionnairesde Barcelona
Traction de certains de leurs droits d'actionnaires; hl. Lauterpacht, pour
sapart, a relevéla perte de trois de ces droits: le droit d'administration.
le droit à des bénéficeset le droit de participer à la répartitioii de l'actif
(VIII,p. 459). l'expression d'atteinte directe et immédiate aux droits des
actionnaires est cl'ailleurs revenue fréquemment dans les plaidoiries
belges (VIII, p. 433. 520,545).
A d'autres occasions. on a fait état de la perte du contrôle. lequel a à
son tour étéprésentétantôt comme un droit ,(VIII, p. 433) -un droit de
contrOle - tantàt comme un simple pouvoir économiquede faits.
A d'autres occasions encore, l'ccanéantissementdu droit des actiok
nairesu - c'est irrie expression qui figure dans la réplique (V, no 218.
p. 130) - semble passer à l'arrière-plan, voire mêmefaire l'objet de
certaines critiques au profit d'une description purement économique du
dommage invoqué (VIII, p. 462).512 BARCELONA TRACTION

f;iis.iiioiit ?,I'li~iir~-il< ~ltiiiiir1%;Iiiiiiii.i;rtIi.11il i;;l:.iiic r;li:ir.iri~ii,
il I I r i i vît I'.ti~c'.~~it~~sr.ii~cl.~~ilruiii LI.iiii iiiii.iir,: (It. Si~lio:
CI lurstji~ciiuu; 1111~I~~ii~iiiruiiq~i~':iii~ii~<le cci (liait> n ;i616 :III<~IIII,il
s'i.ioiiiicilc 1'~csl~cr.iel':ti113rnc1i1~1i .l- CC illu1 ~51 dv \I \,'~r:~Il!(.l'Ill,
1) 517, - CIIIV IIIO~I.; IIIC~~U:Xi*:irc ~I~~IIII)II~I~ .~ ~iij~ ~iio,ils ~Iii-o~i,
I:iiii~tioiiiiiCiiie(Ic~lruitsil .iitit,nii:iirt: ciiiirttv i z;iiitit~ii
c r i I r ri loi ci, i t 1 i~uII~C rCiciiic rlCiisioii

CI, :.iCiii~iiiii+ii,ii;irI)irr.iIr.:Ici I~iciij,tlit,iisc.1iiiri:ii:t<II:\II<iii.~gii~:i
ioiiriii iiii,. t:iiii~iicriiidt':i,III:<. iii;:isi il .:ilii ir. \Ii.-:it.iii iiii.,ii<.;.
Cette décision,du 5 iioveinbre 1965, a étérendiie soiis In présidence dii
regretté professeiir Sauser-Hqll, d;iiis l'affaire Brincurd (\,ol. VI11 des
Décisionsde ln Co~iiniission,n,' 143). En effet, danscette affaire, la coni-
mission a eu à défiiiirclairemerit les droitsdes actionnaires, car les requé-
rants dernaiidaieiit très précisénierit la restauration de leurs droits

d'actionnaires daiisdiverses sociétés allemandes. La coinmission s'exprime
comme suit:
iLa deniaiide de restitution des titres'n'étaiit pliis formulée, seule
demeure la demande en restniir;ition des droits cles actionnaires;

celle-ci siipposc l'aiialyse de ces droits. 1)
et la commission coiitiiiue:

NLes droits de l'actionnaire coinnrennent le droit ail dividende. le
droit i iiiie éventuelle quote-pari de liquidatioii de l'actif social; le
droit de bkiiéficierd'éveiituclles soiiscriptions d';ictioris, de prendre
part aux asscin1)léesgéiiéralcs,cl'), exercer le droit de vofe et de

contrôle, cl'ftrc éventuellemciit :issociéà la gestion de la société,le
droit d'obtciiir iiiie valeur de reiiil~lacement eri cas de perte ou de
destructiori de son titre n (p. 348).

Quoi qu'il en soit, I:icommissioii, et i sa têtele professeiir Sauser-Hall,
ont ainsi réussiqiiaiit i eux à mener i bien cette tàclie de définirles droits
des actionnaires qiie le professeiir \'iraIl? tient torit :Ila fois pour peu
utile et pour difficilemeiit réalisable.
Cela étaiit - et cette parenthèse refcrmée - on :iquelque peiiie i
déceler leq~icl de ces divers droits d'actionnaire ;i effcctivcment été
atteint en .ce qui concerne Sidro, prise dans sa qualité d'actionnaire de

13arcelona Traction - qualité que rioiis adrnettroiis pour les besoiris do
raisonnemeiit, iiiais qiie rious coiitestons évidemmeiit, ainsi que le
développera le professeur Ago.
A cet égard,le Gouvernement espagnol croit opportun de rappeler qiie
la sociétéUarceloiia Traction continue à exister au Canada en tant aue
sociétécanadienne, cc qu'elle a toiijoiirs été.Elle a iin siègesocial, jes
actionnaires, uii coiiseil d'adrniiiistrritioii désigiiépar les actioiinaires.

Elle a coiitiniié sa vie sociale après 1348, et mêinëaprès In vente ails
eiichères de 1952: son conseil d'adrriiiiistration s'est réoiii pliisieurs fois
après ces deus dates. Elle a agi en justice à de nombreuses reprises, tarit
eii Es~aene QLI'~ I'étraneer. Elle a mêmetellcinent bicii continué soi1

- a Bruxelles même.avec l'accord dii Gou\~ernement belei: ces actions PI.AIDOIRIE DL M. WEIL 513
celui pour leqiiel la Belgique préteiid intervenir - n'ont perdu aucun de
leurs droits: ils coiitinuent à sihger aux assemblées gfiifralcs, ils oiit

dcstitiié, ils oiit noniinédes adniinistrriteurs, ils continiici:iparticiper à
lagestion de la sociétéau prorata de leur quote-part dails le capital; leur
droit decoiitrblc ail sein des organes statutaires n'a pas subi la inoindre
ainputatioii, et c'est bien d'ailleiirs pourquoi ils devraieiit- je le redirai
-dans la rnesure où ce seraient des actioiinaires-pilotes, 6tre reconnus
responsables de la politique qu'ils ont dictée,après coinine avant 1948, à
la société.
Des trois droits d'actionnaire, doiit XI. Lauterpacht a déploréla perte,
lequel doric a tlisparu? Aucuri, absoliimeiit aucuri, comiiic l'a dCjà montré
le professeirr Ago, dans sa plaidoirie de 1964 (II,p. zoo; cf. D., VII,
p. 1019). Le droit d'administration? Alais les actionnaires de Barcelona
Tractioii coiitiriiientà administrer la société cominevar le nassk. Saiis
doute est-il vrai qii'ils lie peuvciit pliis administrer, pa; I'iiite&iiédiairede

Barcelona Traction, les filiales et les sous-fiiiales de Barcelona Traction.
JIais est-ce qiie le Gouvernemeiit belge irait jusqu'à soutenir que I'action-
naire d'une société aun droit -je dis bien un droit -d'administrer par
l'intermédiaire de sa sociétéles filiales et les sous-filiales de cette socifté?
Le droit ides bénéficesou le droit de participer à la répartitiori dcl'actif?
Mais ce droit n'existe que cl;iiis I:iinesurc où il y a iiib&iiéficeet où il
existe un rcliqiiat d'actif à distrihiicr: comme l'a dit Al. Ago en 1964, ici
méine,con n'a jamais entendu dire que l'actionnaire ait le droit,entoute
circonstance, de toucher uri dividende » (ibid. )t,ce qu'il dit du di\+
dende est vrai bicii ciitendii aiissi dii rcliqiiat d'actif.
A quoi I'oii peut ajouter que l'actionnaire n'a aucuii droit direct sur
les bieiis de la sociétéavant la dissolution de cette dernière. La jurispru-
denceinternationale estconstante cri ce sens. Je n'en relèr.erai qu'un seul
exemple, In sentence bien connue rendue dans l'affaire Ii~iiilzardl,qui

s'exprime de I:imanière sui\raiitc: iLa propriétéd'une société in esse
appartient, rion pas aux actionnaires ...inais à la sociétéelle-même>>
(Nations Unies. Rectreildes se~ttetlcesarbitrales',vol. IX. p. 175); et la
sentence ajoute, ce que chacun sait,qu'un droit direct sur les biens de la
sociétén'apparaitra que lors de la dissolution de cette dcriiière.
La Cour se soiiviendra, sans doiite, avec quelle prédilectioii les conseils
du Gouvernemeiit belge se sont i.éféré s ce principe, à vrai dire incon-
testé, lorsqu'ils sont p:irtis en guerre contre les mesures prises à l'égard
des filiales de Barcelona Traction lors de la faillite de ces dernières. On se
souviendra des p:iroles vigoureiises dii professeur l'an I<yn, qui a déclaré:

aPersoiiiic n'a jamais soutenir que le patrinioine d'une société
aiioriymc est une $ertenencia de ses actionnaires. II iie leur appar-
tiendra éveritiiellement qu'après la dissolutioii de la sociétéet le
paierilent des créanciers n (\'IIIp. 189).

Nais alors, ce qui est véritédans le chapitre de la faillite deviendrait-il
erreur dans celui de la réparation, puisqiie, dans ce deriiier, rios adver-
saires naraissent vouloir Ïeconnaîtré un droit direct àl'actionnairesur le
patrimoine de la société?
Telles sont les<lueltluesobservatioiis, bien décevaiites sans doute pour
le Gouvernement belge, quel'on petit faire en ce qui conceriic Iripreinière514 BARCELONA TRACTION

forme, la plus simple. de la définitiondu préjudice allégué comme résul-
tant de l'anéantissement desdroits d'actionnaire.

Ilais le Gouvernement belge ira sans doute plus loin et dira que Sidro
détenait un droit de caractère particulier: z~t~.droitde conlr0le.que la
réplique qualifie également de ~pouvoirr> (V, no$87,p. 646). et que les
événementsqui se sont produits ont fait perdre à Sidro ce droit de con-
trôle, ce pouvoir-là, et que c'est cette perte-là dont le Gouvernement
belee demande ré~aration.

Sur la gestion d'une société,c'est-à-dire en avoir ce que l'on appelle
communément le contrôle, ou même jouer ce que le Gouvernernent belge
appelle le rôle d'un iactionnaire-pilote inCommel'a dit leprofesseur I'aul
De L'isscher,dails son cours à l'Académiede droit internationalde 1961,
il s'agit là d'une iinotion de pur fait ... difficilement préhensible par le
droit u (Recueildes cours, 1961, t. 102, p. 444). En effet, l'existence et la
portée d'un contrble dépendent beaucoup des circonstances concrètes:
dans telle sociétéil faudra avoir 51 pour cent des actions pour détenir
le contrôle. dans telle autre. il suffira. mettons.de 25 ou de 3-.~oiir cent.
en raison de la dispersion trèsgrande desautres acti6ns.
Mais sur le plan juridique il faut noter que l'existence d'un contrôle ne
confère pas à~son détenteur un droit particulier, en dehors de ccliii qui
résulte normalement de la possession d'un important paquet d'actions.
Je m'explique: l'actionnaire à 51pour cent aura évidemment un droit de
vote plus important que celui qui ne détient que 5 pour cent des act'ons,
cela va de soi; mais c'est là l'effet normal des droits des actionnaires et
non pas l'existence d'une prérogative juridique entraînant des droits
spéciaux.Le contrôle est un pouvoir de fait qui est le résultat de,l'exer-

cice normal desdroits d'actionnaires.
On peut remarquer au passage que le Gouvernement belge ne paraît
Dasvouloir soutenir le contraire: la réuliaueénonce.en effet - à .ro~.s
&'unautre chapitre que celui-ci, bien intendu -, le pouvoir de con-
trôle est une situation de fait et non un iidroit »au sens p-op-e du terine.
Elle nous dit, et elle a raison:
iiun pouvoir n'est pas un droit, mais est la conséquenceéconomiqiie
de la titularité et de l'exercice de certains droits, en l'espèce, les
droits [d'actionnaire] que confèrent les actionsu (R.. V, no 573.
P. 428).

II n'existe en effet pas, nous sommes tout à fait d'accord avec la
réplique sur ce point, de "droit de contrôle Dindépendamment du droit
accordé à chaque actionnaire de voter, et donc de contrôler la gestion
de la société,au prorata de saparticipation au capitalde la société.
Cela a étérappelé dans l'affaire Brincard, qui parle très justement de
la faculté, pour les actionnaires, d'exercer dans les asseinbléesgénérales
le <droit de vote et de contrôle >- le second étant ainsi considéré comme
un aspect du premier. Cela a étéjugé aussi par la décision no 17 du
16mars 1949de la commission de conciliation franco-italienne dans I'af-
fairesouvent citéedéjàdevant la Cotir: Sociélé Bo?ttielel TessilzrraSerica
Piemontese, décisiondans laquelle la commission affirme expressément PLAIDOIRIE DE M. WEIL 5I5
<III'In soii;tC fr:inyni;e Uoniiet, qiii di)ieiinit jroo ;iitit,iii sir tiooo ilc 13

sociét;.italicniie 1'cssitur.i Scricn ,n'a i I'Cg;irddc icttc drrrii>rc q~ieles
I r ronriis I I ictioiiii:~~r:s r 1 s:ti~t .S.l. o. XlII,
P. 77).
Avant d'aller plus loin, le Gouveriiement espagnol voudrait à cet égard
rappeler la différence, à ses yeus fondamentale, qui existe, en ce qui
concerne ce fameux contrôle, entre un pouvoir de contrôle résultant de la
possession d'un important paquet d'a'ctions d'une soci6téet le pouvoir
absolu de domination qu'implique la réuniondela totalité des actions en
une seule main: le urofesseu; Urfa en a entretenu la Cour ..trfira,.P.280).
Alor, q11c 1'~ctioi;ii:tire iii:iji>riinir<: t~<,riit::i exercer uiit: iiilliiencc
proportionnelle nu iionil)rc (le scj ;iition3. Sins cnip6iiivi polir :iiitniit 1:i
maiiifcst;ition d'autrcj \.uloiit;!. iniiiuritaircs. I'nctionrinir~ iiiiiriiic.Iiii.
s'i[I~iitifi,~tr~tnIcii~~:t l:i ~1ci;tC: I':tcii~~ii~i:iirnajorit:,ire co~iiiit~ii~

nias<ivcniciit pc.it-Ctre. :i Ifornintiun cl<II i~oli>rit>uii.ili.: I':i~rioiiii;iire
iirii<liic~<<:<:ttcvt~l~iit~i:oc1.1t::11<:-111~111111 I<.>IIIIIIIV, >IIr:coiitii,l~.
d'iii.~ socic'tL'nr In po;ii.;si<>n[l'une iiin]nrit,: <I'.ictiunjns iI:nntiirc ~);ts,
n'nlt6re LM.; Ics droit; ~lcI'nztioniinir< ninlnritniie, les droits <le Inctioii-
naire uniriue dans la société universonnelie ont uii tout autre caracthre:
In iliff~rei;cc n'est plus ;ilordc &grC ~cul~~nieiit ,:II<di:vii~ri,IV ii:itiir<;,
CLIC n't.51pliis sc~~lci~ici~III:III[I~:I~~clle ~IcvicntvCrit:il~leiiicnt~~ii:~Iit;i-
tive.
La Cour se rappellera à cet égardles effortsdéployéspar Me Van Ryn
pour démontrer que le patrimoine d'une sociétéunipersonnelle ne doit
pas étreconsidéré commeune propriétéde l'actionnaire unique, et pour

établir que I'on ne doit pas attribuer, ail mépris de la distinction des
personnalités juridiques de la sociétémere et de sa filialeà IOO pour cent,
un droit direct à la première sur les biens de la seconde.
Sans entrer dans cette controverse en ce qui concerne les effets de la
faillite - LaCour conriaît le point de vue espagriol à ce sujet (supra,
o. 187) - ie ferai sim~lcment remarauer aue si le Gouvernement bei~e
a co~,acré'tant de dé;eloppements pour éiablir l'absence de tout drGt
spécialau profit de l'actionnaire à roo pour cent, il doit reconnaitre aussi
qu'à plus iorte raison l'actionnaire shplement majoritaire n'a pas de
droits autresque ceux qui découlent de sa qualité d'actionnaire.
Ainsi, Monsieur le Président, que I'on parle de adroits d'actionnaires »
en généralou, plus précisément,de droit de contr8le. le préjudice nllbgué

apparaît, à l'analyse, difficilement saisissable.

Mais il faut aller plus loin. Le Gouvernement espagnol se propose en
effet d'examiner un autre asvect du uroblème. Car il est vossible ~ue le
Gouvernement bclge nous objecte q;e le préjudice dont iiréclame ;&Pa-
ration ne résidepas tellemeiit dans la perte par Sidro de droits d'action-
naire. ou ménied'un droit de contrôlcau sens techniauc du terme, que
dnni 18:[.ait(~iiï,Iklr~el~iiin'I'~;IC~IOn<II:poiiilant plils )tiljc~urcl'liuiI>~ur-
jiii\,rc coniriii: :iiitrefsei ;ictivitCs en Eipxgnc, p~r I'intcrmi:ili:iire cles
socii.tCs dc son groiipe. lvs<Iroits dc Siclruiiir linriclona 'l'ra<.tioii,toiit en

sub;iit;int formcllcnierit, n'nur;iierit plii.. 1,:rii&iiicconriii~ irorrotnryitî
qu'svarit 13 fiiillite. C'est Ih iinc théw qiii n c'téég-i1crricritcxposcc ici
méme.
Le Gouvernement espagnolestime que la demande belge est aussi peu 516 BARCELOXA TRACTION

solide dans cette nouvelle version que dans les précédentes,et ce pour
plusieurs raisons.
Il'abord, parce qu'elle méconnait deux données fondamentales de
l'affaire, sur lesquelles oii n'insistera jamais assez, bien que la Cour les
connaisse déjà.
La première, c'est que Barcelona Traction était, le 12 février 1948, loin
de constituer une entreprise prospère,ainsi que l'a démontréle professeiir

Sureda (supra. p. 440). Il a montré que si 1'011tenait comptede tous les
élémentsde la situationde Barcelona en 1948 l'entreprise ne comportait
en aucuiie manière un quelconque attrait pour uii acheteur éventuel. Elle
opérait :ivec un capital-actions et un capital-obligations extérieur qu'elle
ne rémunérait pas depuis 1936 et avec des foiids ilu'elle devait à 1'Etat
.espagnol. et que par coiiséquent elle ne rémunéraitpas davantage, et ce
sans parler de toutes les autres charges éveiituelles.
La seconde donnée économique dont il ne faut pas négliger l'impor-
tance, c'est que le prix de la vente de 19jn correspondait, aux yeux du
Gouvernement espagnol, à la rEalité.Dans la mesure doiic où, comme l'a
dit le Gouvernement belge, ce serait iila vente à vil prix» de 19.52qui
aurait <<engendrela majeure partie du dommage» (VIII, p. z3j), on
constate que, dans ce cas-là, le prbjudice invoqui! n'existerait pas. Ces
données, que je me permets simplement de rappeler, condamneraient à
elles seules la réclamatioii belge.

Mais ce n'est pas tout. 1311 effet, si le Gou\reriiement belge conçoit le
préjudice d'actionnaire qu'il allègue comme lié, non pas à la qualité
iuridioue. techniaue dirait-il. d'actionnaire. mais aux intérêtséconomi-

intérêts- c'est-à-dire par Sofina et, plus exactement, les intérêtsqui
domiiieiit Sofina.
Je ii'entrerai bien entendu pas dans ce problème, qiic le professeur Ago
étudiera à propos du jrrsstnndi; je voudrais simplement souligiier une
noiivelle fois que le Gouveriiement belge ne peut quand même pas
tout à la fois et en mêmetemps s'appuyer sur le réalisme économique
lorsqu'il veut faire état du coiitr6le de fait de Sidro sur les filiales et sous-
filiales de Barcelona Traction en Espagne, et s'abriter derrière les con-
cepts juridiques d'actioniiaires lorsqu'il entend refuser au Gouvernement

espagiiol et à la Cour le droit de rechercher qiielles seraient les véritables
victimes du préjudice allégiié.S'il m'est permis de citer un passage de la
dupliqiie:
(uleréalisme économioueaurait droit de citéen aval de Sidro. mais
serait à récuseren am8nt; la Barcelona Traction et Ebro seraient des
fictions, la Sidro ...serait, quant à elle. une réalitépremière)) (D.,
VIL no847, P. 839).

Il faut rappeler, d'autre part, que contrairement aiix assertions belges,
Barcelona Traction était eii état de faillite latente depuis longtemps et
que cet état n'avait rien d'accidentel, mais était le fruit d'une volonté
systématique du groupe. S'il est permis d'employer le jargon des écono-
mistes. je dirais volontiers que la faillite de Barcelona Traction était, rion
pas conioncturelle. mais structurelle. Or. la faillite une fois survenue.
n'est-ilpas normal que les créanciersaienteu prioritésiir les actionnaires?
De cela on ne peut pas faire grief au Gouvernement espagnol, car il n'y PLI\IVOIRIE DE hl. WEIL 5I7

a là rien quede plus normal. Chaque fois qu:il y a liquidation ou dissolu-
tion d'une société.mêmeen dehorsd'unefaillite.lescréanciersl'em~ortent
sur lesactionnairés: sije puisciter une nouvelle foisla sentenceK~r;ihardt:
. ii siiili cnsc thc créditorc~fIII<corpor;itii>nIiave ;riglit of priiirity
ofpa~i~ic~itinyrefcreiic~tutIicstuckl,i vol.~lcr11~.ij). K..~.:l

D'une manière plus générale,en dehors mêmede la dissolution ou de
la faillite, on peut relever dans la sentence de la Delagoa Bay Railway
Comfianyle passage suivant:
C:,iisii I>iciile moiitûiit :illoii;. lerprLsenl jug,-ni~iit ne ~v~it-il
itrc attrihiii:iiI:ic.uinpagnir :iiigl:ii,t qui';'1;'con~liiioi11iéccllt:-ri
1':ifft:ctcail i~aiciiiciitde scj crCaricicrir,l>lirnt:iii-..c.ietj:iiitrci,
s'il y a leu, Seionleur rang 11(i'asicrisie, p.-409).

Alors, à plus forte raison lorsqu'il y a faillite, il est normal que les
actionnaires passent aprésles créanciers.La fonction mê,me de la faillite
est de désintéresserd'abord les créanciers: tant et si bien qiie dans la
mesure où le Gouvernement belge vient se plaindre de ce que les action-
naires de Barcelona Traction n'aient pas tiré de la faillite un résultat
suffisamment Iieureux, le Gouvernemeit belge détourneen quelquesorte
la procédurede la faillite de sa fonctionnormale.

hlais, à supposer mêmeque les dirigeants de Ba~elona Traction
n'aient pas réussiainsi «stériliseriila faillite, pourrait-on dire qu'ils
aient subi un préjudiceappelant réparation au regard du droit interna-
tional? II ne nous le semble vas. car. tout au ~lus ~ourrait-oii oarler alors
d'une réperciissionéconomi\ue de la faillit; de harcelonsaction sur
ses actionnaires: s'il y a eu atteinte économique,c'est une atteinte par
voie de répercussion.
Or, le Gouvernement espagnol l'a montrédans ses écritures (C.31..IV,
p. 644,et D., VII,p. 1019et suiv.), larépercussion sur un tiers de mesures
ayant causé undommage à la victime principale n'est pas susceptible de
réparation en droit international. Le professeur Ago aura l'occasion de
concerne la oortée de la sentence Dickson Car Wheelur Virally eCo.. qaui a été
viveni,:iit coi;~ejt<:p.r 11. \'iriiIly (VIII1) 523 :t SIIIVJ.
Pour ~)cli;ipper 3 rttte coiist:,tntion qii'il j agit d'unr réperrii;sion
écorioiiii<iu ts: lfaillitr sur les :iitioniiaires flui 'unt déstiers. leC;oiivcr-
nement belge avance un double argument 1 car il sait bien, et il le
reconnaît lui-mêmedans la procédure orale de 1964,qu'une répercussion
n'est oas indemnisable (III.1).560).Cesdeus arcuments sont les suivants.
~e'prernier, c'est que.le Gouvernement belgEaffirme invoquer non pas
une répercussion, mais une atteinte directe et immédiate à la situation
des aciionnaires - l'exvression est revenue des dizaines de fois dans la
boiiihc dc noscoriir:iiliiteurs 1.esécondsrgiirneni, c'e,t q~ic1'3ciiorin~tirr.
nc iieiit pas étrccon-id<rf cilniiiic iin tii.ri. Tant et>i hivii <~iic,'actioii-
naiie n'&tantplus un tiers, on ne peut pas parler d'une répercussionde la
faillite sur un tiers.
Essayons, si vous me le permettez, de creuser ces deux arguments.
Peut-on dire tout d'abord, comme le fait hl. Virally, que ce que le
Gouvernement belge invoque, c'est exclusivement et uniquement une518 BARCELONA TRACTION
atteinte directe aux actionnaires sans passer par le biais de la société?

M. Virally l'a affirméavec force:
iiLa Belgique ne se préoccu e pas du réjudicesubi par la Barcelona
Traction elle-même ..1,(v~I, p. 517f

Peut-on affirmer cela avec un semblant de vraisemblance? Cela paraît
assez difficile, si l'on se souvient que la prcmiere requêtebelge concernait
précisémentla protection de Rarcelona Traction, et elle seule; cela paraît
encore plus malaisé, si possible. lorsque l'on a entendu, comme la Cour
l'a fait et comme nous l'avons tous fait, les conseils du Gouvernement
belge dénoncer, pendant des jours et des jours, à cette barre, les actes
prétendument illicites coinmis par l'Espagne, envers qui? envers Barce-
lona Traction, sans qu'ait jamais, mais absolument jamais étéévoquée
la moindre mesure directe à l'encontre des actionnaires ou de Sidro.

J'irai niéme plus loin: les professeurs Rolin, Van Ryii et $18 Grégoire
n'nitraient pas eu à changer uii mot à leurs plaidoiries si la Belgique avait
invoqué le préjudice causé 5 la société:ce sont les mémes actes préten-
dument illicites qui auraient &téinvoqués, c'est le même préjudiceque
l'on aurait essayé de démontrer, et c'est selon les mémesmétliodes que
la réparation demandée aurait étécalculée. Je reviendrai là-dessus
ultérieurement.
Pour conibattre une évidence aussi éclatante, le Gouvernement belge
invoque alors son second argument, plus subtil, à savoir que toute
atteinte à la sociétédoit être considéréeipso facto, et dans la méme
mesure, comme une atteinte à l'actionnaire: l'actionnaire ne serait plus
un tiers par rapport à la société,il serait en quelque sorte l'aller ego de la
société. Sicela était vrai, il est évident que l'objection que nous tirons du

caractère de répercussion sur un tiers de la mesure prise contre la victinie
principale, en l'espece une société,tomberait du mémecoup.
hl. Lauterpacht (VIII, p. 433) et M. Virally ont eii à cet +rd des
expressions trèscaractéristiques:
(cilexiste [a ditM. Virally] ..une association tellement étroite,une
cominunaiité de destin et d'intérêtstellement maroiiée entre une
sociétéet ses actionnaires qu'un dommage infligé à Casociétéporte

atteinte aussi et en méme temps, presque automatiquemeiit. aux
intérets de ses actionnaires ... lorsqu'on frappe iine société,on
frappe du mime coiip et inévitablement ses actionriaires, il ne
s'agit pas d'une répercussion indirecte et é\rentuelle, il s'agit d'une
conséqtience immédiate, directe et nicessaire ..ir(VIII, p. 522 et
525).

Ces formiiles heureusement trouvées servent de justificat'ion au
Gouvcrncment belge pour écarter l'idéeque l'actionnaire serait un tiers
par rapport àla société. Sont-elles sérieusementsoutenables? II ne nous le
seinble pas, car elles reposent sur uii certain nombre de postulats, que le
Gouvernement espagno!a dénoiicésdans sa diiplique (VII,p. 1029.1030).
Sur le ~lan économioue, en effet. les mesures rise escontre une société
peuveiit lertcr, iiiilie ic iiier;~.afi~clI:val,-~ir;le5 iitrc~IICJCi~~~iiiv~it
lésnctionn:iirts; iii:iis le Goiivtriictiit:iil I,clge nt:gligc uii 6l;tiient. c'<,si
que I:valciir <lei titres <l'unnctioiiiinire d;[icn<l dc I>iciid'nuire: facti.iirs
a:ni@rr ~IICd'~\~eniiwll~~m i.esiIres ~>riies5 I'I:g:(1,I:IsociL:tri,el no1;im-
iiit:iit dc f3ctelir3 (ISur(Ircsp6cuI:iiif
Sur le plan juridique, in peut s'étonner que le Gouvernement belge PLAlDOlRIE DE M. WEIL 5'9

fasseainsi disparaître, d'un coup de baguette magique, la sociétéen tant
que personne directe et centre d'intéfêtsdistincts, pour venir nous dire
que, en quelque sorte. la sociétén'existe pas et que si l'on frappe l'une,
la société, onfrappeen mêmetemps l'autre. Il est évidentque, la société
une fois rayée de la sche juridique, cette thèse devient facilement
soutenable.
La théorie que l'on iious propose de la commun?uté de destin et qui
està la base mémede toute la thèse,belge sur le pre~udice,cette théorie
est d'autant plusétrangeque nous senons en présenced'une communauté
de destin et d'intérêtsqui serait à la fois à sens unique et à éclipse.Je
m'explique.
Cette communauté serait d'abord à éclipseen ce sens que nos adver-
saires Ii&siteraientsans doute à soutenir qu'elle puisse conduire à rendre
les actionnaires responsables des actes ou redevables des dettes de la
société. Sidro,par exemple - si je puis poser la q!iestion - serait-elle
disposée à répondre des dettes de Barcelona Traction envers, mettons,
National Trust, ou bien des préjudices causéspar BarcelonaTraction à
1'Etat ou à l'économieespagnols? Dans l'affaireOscarChinn, le Gouverne-
ment belge avait refusé
cid'adrricttre que le fait pour un Etat d'avoir la niajorité desactions
d'une sociétéentraîne pour lui la resl>oiisabilitédes actes acconiplis
parcettepersonnemoraledistincte ..ii(C.P.I. J. sérieCno 75, p. 97).

Voilà ce que disait le Gouvernement belge devant la Cour permanente.
Riais, s'il eii est ainsi, si les actionnaires sontl'abri d'une poursuite
directe sur leurs biens personnels pour les dettes de la société,la thèse
de la communauté de destin s'effondre, et on ne peut plus parler d'une
atteinte directe immédiate, nécessajre,inévitable.de toutes les mesures
prises contre la sociétésur les actionnaires. Curieuse communauté de
destin alors, que celle qui ne jouerait pas pour les dettes et pour la
responsabilité!
Biaiselle aurait aussi, cette communauté de destin, lecurieux privilege
d'êtreh sens unique. Car si le Gouvernement belae ~laide avec tant
d'éloquencela commuiiauté de destin, mêmeentre une sociétéet son
actionnaire minoritaire ou simple~nent majoritaire, lorsqu'il veut établir
que toute mesure qui frappe [a sociétéfrappe aussi lei actionnaires, il
affirme également, et avec combien de vigueur, la séparation complète
des patrimoines entre I'actioniiaire, memc unique, et la société.lorsqii'il
veut critiquer les mesiires prises à l'égarddes filiales à IOO pour cent de
Barceloiia Traction A ln suite de la mise en faillite de cette dernière
(VIII, p. 164, 166, 170. 189). Là encorc. selon les chnpitres, la tlièse
chanee. Ciirieiise cornmiinnuté de destin. eii tout cas. ici ericore. oiie
ccll~ i~iiireiiiuiitcr.iii (I;ijoci<tl i I'a~t~o~i~iiiirm.2nic iniii~rilnirt'.
sans jnriinis rc(lcsctn<lre <Ic!'actionnaire.ri~iiiiii~iirlii3.I:'<>cil'!;..'
I.'ol>scr\~:iti~iiir1,i,iensd,: f:iiri!conduit isoulignerlaprofoii(leinii-
trodictinii qiii;iii~>ctiI.'eiijc.ii.lrI:itli;,se a<I\.r.rie.sur cc=~>rnl>l;~nics
LO~SSIII I:.Gou\~ernenieiit I>el~<t'raite de 1:I;ii!lite et de In \.tXiitz(les
biens, iin'a pas de mots assez vigoureux pour affirmer. je viens de le dire,
la séparation complète et totale entre le patrimoine de la sociétémèreet
celui de ses filiales IOO pour cent: pour lui, le pouvoir de domination de
l'actionnaire unique sur la société unipersonnelle n'existe pas; hfe
Grégoire,en tout cas, a affirmé à la Cour que, pour sa part,au cours de sa
longue carrière, il ne l'a jamais rencontré (Vm, p. 353). Lorsque le BARCELONA TRACTION
520
Gouvernement belge, au contraire, parle de'préjudice, de réparation ou
de jus staitdi, il découvresoudain le pouvoir de contrôle et ce qu'il appelle
l'influence prépondérante de I'uactionnaire-pilote »,alors mêmeque ce
dernier ne détiendrait qu'une partie des actions, et non pas IOO pour cent
des actions, et la séparation des patrimoines quitte alors discrètement le
devant de la scènepour laisser apparaître en gros plan lacommunauté de
destin. .
Cela dit, le Gouvernement espagnol espère avoir montré que, con-
traireineiit aux assertions de la Partie adverse, I'actionnaire est un tiers
parrapport à la sociétéet que la répercussionsur l'actionnaire de mesures
prises à l'encoiitre de la société neconstitue pas une atteinte directe et
immédiate à la situation de l'actionnaire.

1

Désireux toutefois de scruter les thèses adverses dans tous leurs
aspects, je voudrais pousser l'analyse plus avant encore.
A cet effet, ie laisserai mainteiiant de côtéle problème de savoir si le
domniaçe cau& à une suci?té constitue ou non' une atteinte portée A
l'actionnaire ou s'il j'rigit seulement d'une rCpercussioii sur un tiers.
Je me propose, eu ine plaçant toujours dans la perspective d'un
préjudice qui serait définipar une atteiiite ail contenu économique de la
situation d'actionnaire - nous sommes toujours sous l'angle économi-
que -, d'examiiier si une telle atteiiite à une situation économique
d'actionnaire est susceptible de réparation en droitinternational: je pense
que nous touchons ainsi de plus près le cceur de la tlièse belge.
Il va de soi aue I'actionnaire d'une société aun intérst à ce aue le
p:itriiiioiiic <lecette soci6rl' ioii le plus grxncl ~>oiîilIIv;i CI*soi que
I'actionnaire d'une socit;tt; a un interet ce que la sociiti fasse d'excel-
lentes affaires il \.a de soi oii'il a intérctce oiieI:isoci2téne soit oas
déclaréeen faiilite. Mais a-tri1 pour autant un droit à cela? Peut-on dire
qu'un droit de l'actionnaire est lésédès lors que la sociétéfait de mau-

vaises affaires ou tombe en faillite?
Le Gouverneinent espagnol ne le peiise pas. Il estime qu'uneatteinte à
un simple intérêtne constitue pas, en droit international, un préjudice
susceptible <leréparation; il estime que, pour que le droit international
accorde une possibilité de réparatioii, il faut qu'aient étéatteints non
seulement un intérêtmais un droit. et je voudrais, avec votre autorisa-
tion. donner ou. .ues ex~iiiations sur le ooint de vue du Gouvernement
espagnol à ce sujet.
La distinction du droit et de l'intérêtest une donnée probablement
fondamentale et inéluctable de tout système juridique.
Dès lors, en effet, que ce dernier accorde une protection certaines
situations, il y a toujoursun seuilau-dessous duquel cette protection n'est
plus accordée. Quelle que soit la terminologie employée - et elle est
variable -, elle revient toujours à affiriner qu'à un moment donné on
passe d'un intérêt - non protégé - à un droit - protégé.En matière de
responsabilité, puisque c'est de cela que nous parlons, toute atteinte
mêmefautive à un avantage matériel ou moral ne donne pas, dans la
quasi-totalité de nos systèmes juridiques nationaux, ouverture à un

droit à réparation: un intérêtd'une certaine qualité, d'une certaine
substance est requis pour que la victime ait droit a indemnisation, une
limite est presque toujours tracée - si ce n'est toujours - entre les PLAIDOIRIE DE M. WEIL 521

intérêtsdorit IciICsioriouvre droit à réparation ef les autres. Qiie l'oii
oppose les i<droits proprement dits ,,aux isimples iiitéréts >i,ou que I'ori
utilise toute autre terminoloeic. l'idéed'uii seiiil ne s'en retrouve g as

i cette néceisitéde clisiinguer entre ies avantages qiii demeurent ihris le
domaine des laits et ceiix qui bénéficientd'une protection juridique?
Le problème des droits et des iiitérCtsa étéé\rocliié par les coriseils du
Gouvernement belge en vue essciiticllement de justifier le jzrss&n?zr le la
Belgique quel qiie soit le droit ou l'intérêten cause (iiotammeiit VIII,
p. 444. pour la question des no~ninees;ibid., p. 500, pour l'ensemble de
la protection des actionnaires). C'est le professeur t\go qui se chargera de

répondre sur ce plan à Xlhl. 1.autcrp:iclit et Virally.
En ce qui rne concerne, je voiidrais n'envisager le problème des droits
et iiitérétset répoiidre à la quehion que je viens di: poser qii'eri,cc qui
coiicerrie la d&tïririiii;ition dii préjudice qui est siisceptible d'êtreinclcm-
niséen droit interiiational.
Je reviens donc àla question que je me suis permis de pose!: Existe-t-il,
en droit international, et plus particulièrement eii ce qui conceriie la
ré.>ar~ ~ ~.,iie distinction entre le droit et l'intérét.aue.l. aue soit la
terminologie qiie l'oiiemploie?
Le profcsseiir I'irally a semblé - et probablement plus que seniblé -
le contester. Il a cité?II';ippui de son argiimcntatiori l'expression,coiiraiite
dans les traités et la jurisprudence, de «biens, droits et intérêts il,voulant
montrer par li que droitset intérêtsétaient la mêniecliose.
II a cité aussi, clans le mêmebut. le .ass.ee de-l'arrêtaue la Coiir a
rendu dans la présente affaire eii 1964, dans lequel on lit'l'expression:
« iiidroit oii uri intérêtin.
Dans les obser\,ations formuléesà cet égard par nos adversaires - et
qiie la Cour a sans doutc présentes :i l'esprit -, ily a, me semble-t-il,
deus élémentsexacts et un troisihine qui l'est nioiiis.
II est exact - 31.Lauterpaclit n raison - (Liiele droit international
protége <inon seulement des biens, mais desdroitset des intérêtsrelatifs à

des biensn (VIII, p. 444). Le Goiivernement espagiiol peut sooscrire à
cette propositioii (le 31.Lauterp:icht, de mêmequ'il peut se rallier à une
autre proposition de la Partie adoerse quiest la suivaiite:
11est déslors indifférent que le domrnage dont il est demandé
réparation :rit atteint les pnrticiiliers en caiise en leur qiialité de
propriétaires d'iin bien, de titulaires d'une concession ou encore
d'actiorinaires d'une société commerciale étrangère » (VIII, p.500).

En tout cela hl. Lauterpacht et 31.Virally ont, à coup sUr, raison: le
droit international protège non seulement les titulaires de droits de
propriété, mais aussi les titulaires de droits coritractuels, de,droits de
créance,de droits incorporels - et bien entendu de (Iroits d'actionnaires:
nous n'avons jamais ditautre cliose.
IIest exact aiissi que, dans cert:iiiis cas, la terminologie du droit inter-
national n'est pas d'une rigueur absolue sur ce probléme, et que le niot
d'cintérét > ,st souvent pris comme synonyme de droits, en généralde
droits autres que de propriété,par exemple des droits incorporels. On
parlera alors volontiers, lorsqu'on s'exprime en anglais, de Iegali?zlerests
- d'intérêtsjuridiques.

La sentence El ï'riunto, par exemple - Qoiit ori a souvent parlé -522 BARCELONA TRACTION
emploie indifféremment, à quelques lignes d'intervalle, à proposdesdroits
d'actionnaires, les deux expressions de: inteests in that enterfirisect de:
firofiertyrights (R.S.A., vol. XV, p. 476) mettant l'une sur le mêmeplan
que l'autre.
L'arrèt de la Cour sur le Cameroa~n septentrionalne semble pas non plus
faire de différenceentre ce qu'il appelle les aintérêtsjuridiques n des par-
ties et ce qu'il appelle, trois lignes plus loin, leurs udroits ou obligations
juridiques » (C.I.J. Recueil1963,p. 34). et l'onretrouve cette acception du
mot d'.iiitérét» dans plusieurs opinions dissidentes de membres de la
Cour, d:ins les affaires du Szid-Ouestafricain de 1gGG(par exemple: C.1. J.
Recueil 1966, p. 239 et 252).
Mais c'est évidemment dans l'expression classique - dont on nous a
parlé - de .biens, droits et intérêts» que résidel'exemple le plus signifi-
catifde cette acception du mot iiintérê t au sens de legalinlerests. Daris
cette formule assez particulière, issue du Traité de \'ersailles, le terme
d'aintérêtsnest manifestement pris dans son sens - de la langue ail-
glaise - de legd inlerests.Je ii'e~iveux pour preuve que le Dictio~~izaird ee
la terminlogie du droit internationd, appelé généralement Dictionnaire
Basdevant, qui définitde la manière suivante l'expression "biens,droits
et intérêts »:

<,Termesemployésdans les traités de paix de 1919, 1920et 1947
pour désigner tous les avoirs, meubles ou immeubles, corporels ou
incorporels, appartenant à l'un des Etats belligérants ou à ses
ressortissants, etc.n
Et le Dictionnaire cite en exemple un extrait d'une sentence arbitrale
rendue en 1939entre l'Allemagne etla Roumanie; cet extrait ne manque
pas d'iiitérè:-

«L'expression biens, droits et intérêtsest tellement large [dit la
sentence citée par le Dictionnaire] qu'elle,comprend certainetnent
des parties aussi importantes d'un patrimoine que des actions. »
Les droits d'actionnaires sont donc protégés comme lesautres «biens.
droits et intérêts"l,ee"l inlerests): le Gouvernement espag.ol-n'a iamais
dit autre chose.
Alais là où, selon nous, le Gouvernement belge commet une erreur,
c'est lorsqu'il transpose une assimilation termiriologiqrie - qui n'est
d'ailleurs pas la règleabsolue, nous leverrons dans un instant - lorsqu'il
transpose, mettons, une hésitation terminologique .u- le plan des con-
ceptCjuridiques.
En cifet, s'ilestvrai qiie la terminologie du droit international n'oppose
pas 1'.intérê t au iidroit» avec la rigieur que connaît par exemple le
droit français, le droit international ne traite certainement pas le simple
avantage de fait de la même façonque l'intérêt quibénéficied'une
protection juridique. Ce qui ne peut manquer d'évoquer la célèbrefor-
mule, selon laquellele droit est un intérêtjuridiquement protégé;cela est
vrai aussi en droit international.
Et l'on rejoint ainsi l'observation faitepar un membre de la Cour dans
une opinion dissidente dans les affaires du Sztd-Ouestafricain, opinion qui
évoque lepassage progressif. au fil de l'évolutionde l'humanité, de cer-
taines valeurs du rang d'intérétsnon protégés - ce que nous appellerions
de simples inttrets - au rang d'intérêtsprotégésjiiridiquement, c'cst-
h-dire ce que nous appellerions des droits (C.I.]. .Recneil1966. p. Ijz). PLAIDOIRIE DE M. WEIL 523

Le Dictionnaire Basdevant, pour le citer encore, définiten termes très
différents le iidroitiiet I'iiintérê t: pour ne pas lasser la Cour, je me
permettrai de ne pas donner Lccturedes définitions proposées,qui sont
assez longues. J'indiquerai simplement que sousle mot «intérêt n figure
un exemple qui mérite d'êtresignalé; c'est un teste qui dit ceci:

«Un droi.~~ans sa notion simnle au ooint de vue oui no.s occuoe
est un a\.;irit;igc ninrilué(Iiijcc:iide I'iii\~iolnbilitÊp:lI:lui inter-
1i:itiu11:1IC:'CS/i (.r~111~disli~ic~/)~ti/~~»l~nl.l~~~~/P(!loi11/1si»lp/e
intérêo tiiavantage 5ur lequ<l on ne possède pas de droit, ou'de
l'expectative, qui n'est que l'espoir fondédc posséder un jour un
avantage comme droit. r
Ce texte, Monsieur le Président, citépar le Dictionnaire Basdevant,est
extrait du ranoort surles Accords de Locarnoair Sénatbelee IDoc. no 7a.
- ~ ,,~
Session 1925;r'gz6,p. 328).
Cela dit, il me reste à niontrer, pour achever de rencontrer la thèse
adverse surcc oo.~~. o..ela distinction du droit et de l'intérêtrestconsa-
crée effectivement en droit international dans un certain, nombre de
domaincs qu'il ne m'appartient pas ici, bien entendu, d'explorer ex-
haustivement: l'étudieraicette distinction uniquement en vue de inon:
trer qu'elle existe également sur Ic plan de la réparation qui est celui qu!
nous intéresseici.
La matière du respect desdroits acquis constitue, comme il est naturel,
un domaine d'élection pour cette distinction entre le droit, qui est pro-
tégé,et l'intérêtq , ui ue l'est pas.
Si j'insiste en premier lieu sur cette matière, c'est non seulement en
raison de son importance propre, mais aussi parce que c'est dans cette
matière que le Gouvernement belge a eu l'occasionnaguère, dans l'affaire
OscarChinn. de faire connaître. avec beau cou^ de g ré ci siet de force.
sa po~ition sur cette théorie<ludroit et de l'iniérêt.'
Le Gouvernement britannique ayant demandéréparation à laBelgique
- on le sait - oour des inesurës nrises Dar elle dans le secteui des
transports, mesutes qui avaient conduit à rendre pratiquement sans
valeur l'entreprise d'un ressortissant britanniqu., le Gouvernement bel-e
a soutenu, dans son contre-mémoire, que:
n Sises in-êts [ils'agit des intirêts de Chinn] ont pu souffrir ...tous
ses droils ont étéscrupuleuseinent res~ectés ..ii(C.P. i;I. sbie C

no 75. p. 107).
Ce ne sont pas des mots employés n'importe comment: ils sont mis en
italique dans le texte du contre-mémoire belge.
La duplique belge reprend la mémethèse, en soulignant à nouveau,
dans la typographie, les termes de droit et d'intérêt(ibid., p. 191); et,
dans sa plaidoirie devant la Cour, l'agent du Gouvernement belge a
vigoureusenient insistésur la distinction des deux notions en reprochant
avec force au Gouvernement britannique de négligercette distinction
(ibid., p. 288).
La Cour permanente, quant i elle, a fait droit, dans une certaine
mesure, à la thèse belge: elle a estimé qu'eiil'espèceles mesures prises
par le Gouvernement belge avaient certes apporté un «changement dans
la situation économiquede hl.Chinn o.mais elle a refuséde voir là une
atteinte à des droits acqiiis (C.IJ.J.I. séried/R no 63, p. 88). Aiissi, et524 BARCELONA TRACTION

peut-être mêmeplus intéressant encore que le passage de l'arrêt,est
celui de l'opinion individuelle de sir Cecil Hurst qui reléveqiie Chinn
n'avait, en effet, aucun droit à trouver des clients qui contractent avec
lui, tant et si bien que les personnes quinecontractaient plus avec Chinn
et qui s'adressaient à d'autres fournisseurs n'avaient violéaucun droit de
Cliinn, tout en portant bien entendu atteinte gravement à ses intérêts;
et sir Cecil continuait en disant nue la situation aurait ététout à fait
~liM1:rïiit.:ICliinii :<vair~iosscdi;iin c<~iitisi1vigu~iir. lui ;issiir;giitlei
trniiîpor[s <IVtvllr oii tcllc p,.rsoiiiic. c:icc muiiii:iit-l~ilv :xiir.tcii
un ilroit. et Ic fait imiir Ic (;oiivcriir.iiiziit Oclrrv~l'ciiin;.clicruii <Ic<Ir:cuii-
rager de'stiers deContracter avec AI.chin; aurait'porté atteinte non
seulement à un intérét, à un simple avantage de fait, mais, au sens propre
du terme, à un droit (ibid., p. 121-122.)
Ilans d'autres domaines, la distinction est également retenue par le
droit international. Par exemple, dans une matière qui n'a aucun rapport
avec celle-ci, on se souviendra que, dans la sentence de 1957 relat'ive au
Lac Lanoüx, le tribunal disait, .la th&seespagnole ne peut étre acceptée
par le tribunal, car elle tend à mettre sur le mêmeplan les droits et les
iiitérètsi(R.S.A., vol. XII, p. 315); cette sentence a suscité, à 1'Annnaire
français de droit international (1960, p. 426) un commentaire du profes-
seur Gervais, axésur ces notions de droits et d'intéréts.
Et comment ne pas songer aussi aux débats qui ont eu lieu devant la
Cour, dans les affaires du Szrd-Ozresatfricainen 1962et en 1966,ainsi que
dans l'affaire du Camerouttscptentrional en 1963,au sujet de l'intérêd tes
Etats demandeurs à agir devant la Cour? Pour les uns, un simple intérêt
suffisait, pour d'autres, il fallait ce que l'on appelait. selon des mots
assez variés. iiun intérêtiuridique.. ou iiun intérêtIé~itime-,. ou un
, 111t2rC<t oncrct,t, ~:'~;t-i-~lirc,si ;'t~i<,iro~iiyr~sIAcontruv<:rsc, un
interCtproti.~<.p:iilcclroiintcr~i~tioii,~~ I,-~:l'~~~;t,~~~~cI~fin~tIc~,i~n~lroit
Eii iii.iti<tlt: rt:sl)uii,:ibilitL:.ciifiii ir yliis ~ii<;cLIIin;iti;rc. LI,!
r6 ) rition, ln ~1iirin~:tiii,:Sc~:iI~riit.ntIIII~,~>.>;.~
\J:?icntcncc Dirkson Car Il'hetl Co.. dont ~nr~erale professeur Apo, Ic
montre en ce aui concerne les cocontractaits: elle montre <lueI'iitérét
rlu'iinc pcrmnn?pyeiit ;ivuir i 13\.icULI3 In~~ro.pt!ritCd'iiii cocoiitr;ictaiit
n est pas iin clroir.rluiit la ciol:ition donne druit ii rcpnration
Alais plus remarquable peut-être encore est la yosition prise par la
jurisprudence et la doctrine internationales à l'égarddes créanciers.Un
créanciera, certainement, un intérét,et même unintérêtconsidérable, à
ce que la solvabilitéde son débiteursoit maintenue; maisalors la question
se pose:est-ce qu'une atteinte portéepar un acte illicite d'uii Etat à cette
solvabilité du débiteur, par exemple une confiscation illicite de tout le
patrimoine du débiteur, est-ce que cette atteinte, qui lèse certainement
les intérêtsdu créancier, constitue la violation d'un droit et entraîne,
pour ce dernier, un préjudicesusceptible de réparation? La question est
évidemment intéressante. II semble que la réponsentgativc soit aujour-
d'huiacquise.Elle est énoncée avec fermetépar Ralston,dont l'opinion, qui
s'appuie sur diverses sentences, dont j'épargnerai la lecture à la Cour, a
étéreproduite in extensodans une sentence rendue par la Commission
anglo-mexicaine de réclamation en 1931, dans l'affaire Tlie Debenture
Holders offheSan Marcos and Pinos Co.,qui se trouve dans le Digest de
Hackaorth (vol.V,p. 848).La sentence arbitralerendue parOsten Undén
dans l'affaire des Forêtsdu Rhodope central évoque la même solution
(N.S.A., vol. III, p. 1426). PLAIDOIRIE DE M. WEIL 525

Dans la mêmeperspective, la jurisprudence internationale a dû tracer
une limite entre ceux des parents de la victime d'un accident mortel qui
ont droit à réparation et ceux des parents de lavictime d'un accident
mortel auxquels la réparation va êtrerefuséealors mêmequ'ils avaient
un intérêt certainà la survie de la victime. Ainsi que Roth l'a écritdans
soli ouvrage sur la réparation en droit international, il doit, dans ces
matières, y avoir, entre le réclamant et la victime, une «relation juridi-
que ii(eine Rechtsbeziehüt~g)d,it-il, faute de quoi il manquerait la lésion
d'un intérêtjuridiquement protégé'.
Cesexplicationsquelqiie peu théoriques.dont je prie respectiieusement
la Cour de vouloir bien excuser la longueur, eussent été inutileset dépla-
céessi la Partie adverse n'avait pas cherché à confondre les notions si
évidemmentdistinctes en droit international de droit et d'intérêt.A-t-elle
elle-mêmeétéentièrement convaincue par ses dénégations?On peut
s'interroger là-dessus, caràdeux reprises au moins elle parait avoir fait de
son côté une certaine distinction entre le droit et l'intérêt.Dans la
répliquedéjà,on pouvait lire cette phrase, assurément exacte,que
,,les intérêts sont quelque chose de moins que la propriété des
iibiens,) et mèmepeut-êtreque des iidroitsn (R., V, no977, p. 708).

Et le professeur Virally, de son côté, a soutenu que les mesures incrimi-
néespar le Gousernement belge atteignaient
iinon seulement les intérèts de l'actionnaire, mais plus encore sa
situation juridique, le droit qu'il a de voir l'entreprise ..n, etc.
(VIII, P. 520).

admettant ainsi, ou semblant admettre - mais peut-être la phrase lui
a-t-elle échappé - que <<droit » et «intérê t constituent des notioris
distinctes.
Des lors, la situation des actionnaires, mêmemajoritaires, devient
parfaitement claire. Ils ont un intérêtà ce que le patrimoine de la société
dont ils ont des titres subsiste et s'accroisse; ils n'y ont aucun droit. En
d'autres termes. si la sociétéfait de mauvaises affaires, si les es~ectatives
quant à un éventuel reliquat, un boni de liquidation s'amenuisent,
l'actionnaire est certainement atteint dans ses iritérèts,mais il ne peut
faire état d'aucun droit lésé.car Dersonne n'a iamais soiiteriu &'un
actionnaire a un droit à ce que la so'ciétéfasse de bonnes affaires 01;à ce
que l'actif social augmente ou mêmesoit maintenu. Dans la mesure donc
où un actionnaire bëlee aurait détenu un im~ortant Daauet d'actions de
Barcelona Traction, GU méme lamajorité de ces âcti'ons, le fait que
Barcelona Traction ait perdu dans sa faillite - provoquéepar elle,
d'ailleurs, niais ceci n'est-pas la question ic- une partie de son patri-
moine n'entraîne, pour lesdits actionnaires, aucune atteinte à auciin de
leurs droits, au sens où il tant une atteinte à un droit pour qu'il y ait
réparation en droit international. En d'autres termes, le Gouvernement
belge ne peut faire état, dans sa réclamation internationale, d'aiicun
préjudiceappelant une réparation.
J'en ai ainsi terminé,Monsieurle Président, de la question de savoir de
quel préjudicele Gou\,ernement belge réclameréparation. J'ai souhaité
pouvoir établir que la demande belge est difficile à saisir et que, dans la

' Roth, SchadexersatifüVerlefrutigenPrivatcrbei uolkerrcchflicherzD~2riran.526 BARCELONA TRACTION
mesure on l'on arrive à la définiravec un peu plus de précisionqu'elle ne
se formule elle-même. elle n'est nulletneiit fondéeen droit international.

*
* *

J'en arrive, à présent, au second paragraphe de cette première section,
c'est-à-dire l'exigence d'un rapport de cairsalité.
Dans sa duplique (VII, p.854 et 861). le Gouvernement espagnol avait
rappelé l'exigence, évidente, et d'ailleurs non contestée par la Partie
adverse, que, pour qu'il y ait préjudice indemnisable, un lien de cause à
effet doit exister entre les actes interiiationalement illicites commis par
1'Etat défendeur et le dommage dont il est demandé réparation.
Sur ce problème encore, les plaidoiries belges se sont révéléesd'une
grande discrétion. hl. Lauterpacht s'y est, comme il l'a dit lui-même,
référébriepy, en se bornant à vrai dire à renvoyer à d'autres conseils; il

est revenu sur la question, je dois l'avouer, lorsqu'il a parlédes préjudices
accessoires, ensebornant à affirmerpour chacun d'eus le lien de causalité
sans, Avrai dire, aller plus loin que cette affirination (VIII,p. 490).
Alors, on peut poser la question de savoir si In demande belge respecte
iila règle fondamentale qui, dans toute action en responsabilité, exige un
rao..rt de ~a~ ~ ~ A effet entre l'acte incriminé et le dommaeen~~l,-Cour
aiira reconiiii titpassage la formule <lela sentence arbitrale rendiic le
30juin 193ocnrrcI'.Ai)eniagneet lePortu6al (R.S.A., vol. I1.p. 1040).La
dCinonstratiuii (Iccc rapport dc cniis:tliir'iiicoiiih;ILdeinan<leur, et nous
n'cil \.<.iiloii..coiiimï prciivc <(11cr~~iiariliiefillte p:1111 IIICII~~dr: I;i
Cour daiissoiio~inionindi\~idurllcsurI'aflaireduCanierotr~isc~le~~lrro~ial:
l'auteur de cetté opiiiiori soulignait que l'une des rais~ns~ouriest~uellesla
Cour ne pouvait pas, dans cetteaffaire, statuer au fond sur la demande du
Cameroun est que, si elle l'avait fait, le demandeur aurait obtenu une

décision ensa faveur en ne prouvant que les seuls faits illicites. Or,ajoute
le juge auteur decette opinion, le demandeur
nn'aurait pas eu àétablir - ce qu'il aurait dû faires'il avait demandé
une réparation - que ces violations [de l'accord de tutelle] étaient la
cause réelle et directe du préjudice allégué» (C.I.J. Recueil 1963,

P. 99).
On ne saurait mieux confirmer que c'est bien au demandeur de faire la
i~reuvedu ravvort de causalité.
Or, cette pteuve, le Gouvernement belge ne semble pas mêmeavoir
cherchéà la fournir.
Avec votre permission. Monsieur le Président, je souhaiterais consacrer
à ce problème de la causalité quelques explications. Pour ce faire. après

avoir rappelé les principes de droit international applicables, du moins
dans la mesure où ils sont pertinents dails la présente espece, je m'effor-
cerai de montrer que la demande belge de réparation les méconnait
gravement.
*

Le droit international se montre, comme chacun le sait, en matièrede
rapport causal. à la fois libéral et rigoureiix. Selon une expressioii cou-
ramment utilisée,il exige un rapport de caiisalitéadéquate. D'un côté,en
effet, il parait aujourd'hui admis - et noiis ne le contestons pas - que PLAIDOIRIE DE M. WEIL 527

certains~ d~mmaee~u~iial.fiés oarfois d'indirects sont susce~tibles de
rcparatioii: nuus ri'iroiisdonc jusqu'h ad0ptt.r 1;i~~ositionetrbinr. qui
a ;tg celle dii (;oiivi~rnementLiclrelors de InConf+rcnce (12 codificnrionde
1930. lorjq~ie1,: i;o~i\~crricriicnt'l~~lga, qunrit 3 lui, proyod d'cscliire
coiiipll'tciiient In rGpnration tlii duriirnwe indircst (Co~rléreizrp eonr ln
co,/ific~rl~n~iddr~~/r~r/~rii~rtr~ii~l~.r~cd~d~~r~~.~stico> ~riiic111..14... 1ci1
~~?\..IIICIsIiLd,s don~ni:~g~(slii;il~ii;:ip.t~foijd'iiidirectOU tl'6luigiiisOU
dt, ~PIIIO~ UI,d I:trniigers. on de coirscqi<enlials.i de tclj dommncrs, dis-le.

Deuvent donner lieu iréoaration. encore faiit-il au'il v ait uric <:haine
ininterrompue de causalit'éentre eux et les actes idicitésinvoqués. C'est
cette idéede chaîne de causalité qui se trouve sans doute au cŒur de la
matiére. et son im~ortance dans la présente affaire ne saurait être
niiiiiiiiis>eI.:iil;tiniiiun cii n (loniieccI:iiiiiri~>.$-i:ig;coiiv<:~tilCi(IV
I;iicntcncc ruiicliir cn it,-S <I;,iiI';xif.iir~ilIciKrrpoiisir6ili1Ede 1':llle-
~ntrpnîd rdis~n de.;ilorninaces CRIIS~Sd<i?lsIF$ ci~/nni~ )O~/IIC~ISC'(R.S.:1.,
vol: II, p. 1013et suiv.). Les arbitres s'expriment ai&i:
aII ne serait pas équitable de laisser à la charge de la victime les
dominages que l'aiiteiir de l'acte illicite initial a prévus et peut-être
même &uluk. sous le seul rét texte«uc. dans la chaine oui cesrelie à
. .
son acte, il y a des aiinca;x intermediaires. Mais par cmtre tout le
monde est d'accord que, si même on abandonnele principe rigoureux
que seuls les dommages directs donnent droit à r*ipara60n,%n n'en
doit pas moins nécessairement exclure, sous peine d'aboutir à une
extension inadmissible de la responsabilité, les dommages qui ne se
rattachent à l'acte initial que par lin enchaînement imprévu de cir-
constances exceptionnelles et qui n'ont pu se produire que grâce au
concours de causes 6tr:ingères i l'auteur et échappant à toute prévi-
sion de sa part II(ibid., p. 1031).
Il semble que l'on peut distinguer, dans le principe de causalité ainsi
défini,trois aspects, intimement liés à vrai dire l'un à l'autre, mais que
l'on séparera ici poiir la seule commoditéde l'exposé.

Le premier. c'est que, positivement, le préjudicedoit étredù à l'acte
illicite de 1'Etat défendeur.Dans son opinion dissidente sur l'affaire Oscar
Chinii, Anzilotti reprochait au Gouvernement britannique de s'être
contenté d'établir aue l'industrie orivée des trans~orts fluviaux du
Congo av;iit cc& :iI;r2sles iiit,iiiri:i ;<:proclniis(;u;ivernL.nitnt I,clgc.
.npréj.n nc si:iiifie pas c;iiisede,,. or. aloiitnit l'illiistrt. ji1,ilfaut
écalement que cette cessation se rélie.comme l'effet à sa cause,
auxdites inesuresii (C.I'.J.I. sérieAIB no 63, p. 103).
Dans iiiie déclaration faiteTi la Coiiférericede codification de 1930,
Nicolas Politis a de meme soiilignéque seul peut êtrerépaféle dommage
qui se présente comme «la conséquence nécessaireet inévitable » du fait
générateurde la responsabilité » (Coniérertcepozirla codificationdu droct
international, Base de disctassion, tome IV, p. 132); des expressions
comme: conséquence nécessaire,inévitable, raisonnable, etc., se retrou-
vent dans rnnintes seiitences, par exemple, dans la sentence Yuille,
Shortridge & Co. (La Pradelle et Politis, Recueil des arbitrages inferna-
tionaux, vol. II, p. 109).ainsi que dans l'opinion individuelle que j'ai déjà
citéede sir Cecil Hurst dans l'affaire Oscar Chinn (C.P. 1.1. sérieA/B
ico67. D. 120).
Sans doute est-il vrai. et nos adversaires pourront nous l'objecter, que,
comme l'a montréAnzilotti dans son Cours de droit international (p. 532528 BARCELONA TRACTION

de la traduction française), l'existence d'une causalité adéquate est
généralement une question d'espèce-le juge ou l'arbitre ayant tendance
à qualifier de directs les dommages qu'il considère comme suffisamment
liés à l'acte générateurde responsabilité, et d'indirects ceux pour lesquels
il n'est pas parvenu à établir une causalité suffisante. 11n'en reste pas
moins qu'au-delà de cet empirisme. qui est exact, la jurisprudence se

réfèregénéralementà un double critère: pour êtresusceptible de répara-
tion, le dommage doit avoir étéiiormalement prévisible. d'uiie part, et,
d'autre part, il doit avoir étévoulu par les organes de I'Etat défendeur.
Ces deux éléments,l'un objectif -le caractère raisonnable de la consé-
ouence de l'acte illicite - et l'autre subiectif - le caractère reclierché.
;oulu, de la coiiséquence - sont, à des degrésdivers, relevéspar la quasi-
totalité des sentences, par exemple par celle que je me suis permis de citer
tout à l'heure, ainsi qÜe par lei auteurs, notamment - je ne donnerai

qu'un seul exemple - par Reitzer daiis son ouvrage sur La réparationen
conséq~renc de l'acte illicite endroit inter?iational (1938, p. 178) qui donne
un bon tableau de la matièrei. Voilà pour l'aspect positif.
En secoiid lieu,.et négativement. toute interruption de la chaîne de
causalité entraîiie rupture du rapport causal. Il en est ainsi, notamment,
lorsque ont coricouru à la production du dommage des causes étrangères,
c'est-à-dire des causes autres que des actes illicites de 1'Etnt défendeur:

actes de simples particuliers, actes d'Etats tiers, circonstances économi-
o,es ~<,érales.a~.es licites de I'Etzit défendeur. faits de la victime elle-
m;m? I'oilr cd qui CS[ clc ccttr ~Icr~iiGr~~::~!<gnii ~1%c:ius~j &tr;t~~g(,rc? j,
l,cii,eC~UL ICGoi~~~r~iviiiciilttclgc cotltt:st<.ra~I'~i~t~~it~IOII~IL; III,:I:I;:>
de I:iconiliii~ ~1~ I:ivi~t;iiic5\111.1(I;tcriiiiii.it~orliiA ,i.iiidicc inii~osnblc
qu'il en a lui mêmefait la théorie naguère, en termes excellents, dans
l'affaireOscarChinn. Dans cette affaire, ce thème de la faiite de la victime

qui a préféré tout abandonner et ne pas faire elle-meme ce qu'elle devait
faire, et qui a préféréprendre à partie le gou\.erneinent - qui était à
l'époque le Gouvernement belge - ce thème se trotive marqué avec
beaucoup d'emphasedans les écritures et les plaidoiries belges. (C.P.J.I.
série C no 7j, p. 185 et zj8.)
L'importance du fait de la victime en tant qu'élémentiiiterroinpant le
rapport de causalité a été, 1iencore, soulignéepar tous les auteurs. Je me

permettrai de faire simplement mention de l'article classique de l'ancien
ju e Spiropoulos sur ce point (IDie Haftung der Staaten fürindirekten
Sc f adeii aus \~olkerrechtlichen Delikten inXiemeyers Zeitschriftfür inter-
natio~talesRecht, 1929, p. 92 et sui~.)~.

L'audie~tces .uspend~re a Ir h 20, est reprise à Ir h 45

J'en arrive, hlonsieur le Président, au troisième aspect di1 rapport
causal qiie j'ai cru pouvoir distinguer. La réparation doit êtreproportion-

nelle à l'influence causale de l'acte illicite, relevé à la charge de I'Etat
défendeur dans la production du dommage. La réparatiori sera donc
écartée complètement ou réduite. selon le cas, pour tenir compte de
l'interférencedecaujes étrangères et, notamment, de la conduite de la
-
Cf. Roth, op. ril.. p. 78;Personnaz, Ln réparniion du préjudice en droit infer-
nalio>rol public,938,p. 142 et suiv.; SalvioliaLa responsabilite des Etats et la
fixation des dommages et interets par les tribunaux internationaux n, Recueil des
cours,1929,t. 28. p. 249.
' Cf. Hotli, op.cif.p. 63et siiiv.: Salvioliop.cil., p. 265 esui". PLAIDOIRIE DE M. WEIL 529

victime elle-même.Ce principe n'est pas discuté: il a étémis en lumière,
entreautres, par Eagleton dans sori ouvrage classique The Kesfionsibility
ofSlalesl; il est admis mêmepar un auteurcomme le professeur Salmon.
peu enclin pourtant i considerer que In conduite blirnable de l'étranger
puisse rendre irrecevable une demande de protection diplornatique faite
cri sa faveur, mais qiii estime néaiinioiiisqu'une conduite hliinable peut
coiitrihuer à réduire et mrme à siipprimer l'obligation <le réparation.
(Saliiion, inDes iirnains propres» coiiiine condition dc recevabilité des

r&clamations iiiteriiationales~, Anflzraire /rnnçuis de droit internationul,
1954, p. 237 et sui\).)
La jiirisprudence arbitrale offre au surplus de nombrciis exeniples de
veiitilation de l'indemnitk en cas de concurrence de plusieurs causes à la
prodiiction du d3mrnage. le préjudice ii'iitant pas alors réparéen totalité,
mais seulement à concurrence de In quote-part afférente à l'acte illicite
relevé coiitrz I'Etat. Cette règle est l'évidence mêmeet nous aurions
qiii:ltlues srrupiilhsInrappeler devant InCour sila Partie atlvcrse n'avait
pas montré quelqiic vcllkitédela contester en ayant recours cette fois-ci
au procédédu grief global.

La penséeexacte de nos contradicteurs est à vrai dirc enveloppée, là
eiicore, dans des formules si bien étiidiéesque l'on arrive rnal i la cerner.
Dès le début des plaidoiries belges, le professeur Rolin a montre qu'il
entendait se servir di1grief global, entre autres, sur le plan de la répara-
tion. C'est du moiiis aiiisi que nous nvoiis cru le coinpren<lre. Il s'est
espriiné dans les termes suivants, qui iiiériteiit d'êtrernppelés:

tIl est ...simpkment impossible d'apprécier ce dommage, en
fonction des effets immédiats de chaque acte et de chaque décision.
Sans doute les ressortissants belges, actionnaires de Barcelona
Traction ...ont-ils subi lin préjudice immédiat du fait du prononcé
du jugement de faillite, des saisies effectuées sur les avoirs des
sociétés auxiliaires. de l'exercice abusif par les organes de la faillite
des droits afférents niis actions de ces sociétéscomposant le patri-
moine de la IJ;ircçloiia Traction, iiiais cc trouble de jouissance et sa
proloiigation ne sont rien en comparaison de la perte fiiialc, totale,
définitive qui résiilta pour eux de la vente des titres coniposant la

totalité du patrimoine de Barceloiia Traction àlaquelleconcoururent
les actes et décisionsincriminés » (\'III,p.j~).
Et Me Rolin d'ajouter:

<iNombreux soiit au surplus les esemples que la jiirisprudence
internationale nous offre de sentences basCes siir iiiie série d'illégali-
tés ou d'anomalies diverses aboutissant à une condamnation unique 11
(ibid.).

Plus tard, se référant a ces développeinents de Ile Rolin, dont les termes
ont étécertainement très pesés, JI.Lauterpacht précisa:

aPour évident qiie soit le rapport de causalité entre les actes illicites
alléguéset le préjudice subi, l'effet global desdits actes illicites(the
crrmtrlativeeffect of the wrongful ucts) doit également Ctre pris en
coiisid4ration (VIII, p. 460)

1Voir: Bagleton, The RespoiisibililyO/Slalasp,. 203; La I'radelle et Politis.
Recueil derarbitragerinterrtn~io~v tol.Ix,p.977; Salvioli.op.cil.p,.245; Roth.
op. cil.p. 80-6,; Personnarop. cif.p.146 et suiv.530 BARCELONA TRACTION
La traduction française rend mal la savciir de l'expression anglaise de
hl. Lautcrpaclit qui parlait de: cthe cuiiiiilative effect of tlie mronafiil
. .
acts ».
.-~ ~eulent dire oar là. Alonsieur le Président. les conseils du Gouver- ~ ~
neinent belge?
Dans la mesure où ils entendent affirmer qu'une indemnité globale
peut étre fixéeau cas de pluralité d'actes illicites, sansqu'ilsoit nécessaire
pour le juge ou l'arbitre de détailler la réparation correspondant à chacun
des actes illicites, ils enfoncent, si la Cour me permet cette expression un
Deu familière. une Dorte lareement ouverte. 11est tout à fait normal. de
&ne, qiie 1; jugé ou l'arkitre fixe une indemnité unique et globale
lorsqu'un délit internatiorial, paresemple un dénide justice, est constitué
par la réunion de plusieurs faits matériels distincts qui en forment les
élémentsconstitutils.
Or, c'étaitlà-la situation qui se présentait dans les quelques affaires que
hl. Roliii a citées. Je les reprends très rapidement. Dans l'affaire Brown

(R.S.A.. vol. 1'1,p. 120) il y avait un délit.unique, à savoir un déni de
justice, qiii était composé par plusieurs faits matériels distincts. Dans
l'affaireChntliit (R.S.A., vol. 11'.p. zSz), plusieurs actes illicites avaient
été.tenus, et le juge, très iiormalemeiit, au lieu d'affecter un montant de
réparation à chacun des actes illicites, a fixéune indemnité globale. Des
caractéristiqiies analogiies se présentent dans les deux antres affaires
citéespar Me Rolin, l'affaire Solomon (R.S.A., vol. VI, p. 370) et l'affaire
Fabiani 1Pflsicrisie. D, .....
..liisii bic-i jc il,:ii1'nv;iiic:u'a\.cc prii(lciicc - In port&. dei rt:iiinr-
qiics q11elquc~c.iisib!.llines de iioi ~.oiitra<l~cteiir~:irait-elle nller ail-rlclii
(1,:ccs soiiji:it:itiori~ ~I'c\~i(lenc1.e(;ouveriicriit:nt bclec sciiil)l~<:IIvffct
laisser entendre - mais peut-être ai-je inal compris sa pensée - que

lorsqu'on est en présence d'une situation complexe, comprenant une
sériede délits connexes. la réoaration à allouer ne doit Das corres~ondre
à la somme des dommages liésp 'ar un lien de causalité adéquatc à chacun
des délits commis, mais doit correspondre d'emblée à la perte finale et
totale subie. Si les niots ont un seni, cela signifierait dans'le cas présent
que, dans l'hypothèse où, par impossible, la Cour retiendrait un ou deux
faits illicites parmi les très nombreux délits invoqués par la Belgique
contre l'Espagne, la Cour ne devrait pas - je reprends les mots de
AIC Rolin - iapprécier le doinmage en fonction de effets immédiats de
chaque :icte ct de cliaqiie décision», ce qui serait normal, inais tenir
compte du cz<rnt<latiu efefcctde l'effet glob:il, et assurer la réparation de
la N perte finale, totale et défiiiitiven (\'III, p. 52) subie prétendument
par les protégésdu Gouvernement belge.
Si c'est là la thèse de nos adversaires, elle est assurément novatrice et

audacieuse. Elle consiste, en effet, en rien de moins qu'à écarter toute
exigence tiréedu rapport de causalité et à faire supporter par un Etat la
conséqiience d'actes qui ne sont pas iiiternationalement illicites. Que le
Gouverneinent belge deinande à la Cour d'accepter de telles viles, libre à
lui. Mais il ne saurait en tout cas prétendre que la jurisprudence partage
son point de vue.
L'affaire Martini, citéepar Ale Rolin, ne peut en tout cas lui apporter
heaucoup de satisfaction: comme Ale Rolin l'a lui-mêine recoiinu. la
Commission mixte italo-vénézuélienne.dans c~.te affaire. a orécis.men.
iii,tiiigu; .~i.ccsoiii les 1):irticic, ':irri.tdc In Cuiir CI<C:ir:icas (Iul ;t;iient
er.t.îchccs~l'illï~.ilitet ceIlcicl11iic I';.r:iicpni (li .$..1 ,vol II.1,.rljoij i'1,AIDOIRIE DE M. WEIL 53I
Bien mieiis. il n'v a pas eu seulement dans cette affaire une distinction
entre :ictcs licites et octtj illicite, iiy:int cuiicfiii;i iiiiiiciiic doniningï,

iii:iiI'analvjc est ;ilIt;~.itisqii'i (liiriiigiicr IV, as(icIC~riti.~cr ill~~~:~ii.x
d'un seul ei mémeacte. en I'esdce le kizcment de Caracjs. et seuls ceus
des aspects de cet acte uiiiqiie qui ont'éiéconsidéréscornme illégaux ont
fait I'obiet d'une réparation sous la forme de l'anniilatiori de la partie
critiouable de l'arrêf
0; pourrait citer bien tl'autres esemples niontrant que la ventilation
entre la partie du dornmagc afférente à l'acte illicite et celle aiféreiite à
d'autres'causes est pr:itiiuée par la jiirisprudence, mCme lorsque ces
autres causes sont aussi imputables à I'Etat défendeur mais sont des
actes licites de 1'Etat défendeur.
le inc bornerai àfairebtat d'iinseiilesenii~le: I'aff~iireIJcl~ocelli1H..5..~l..
..~ ~
\,al.X, 1).s~I,, cl,tn;ln~u~llc Ir >iir.irI,itI<~II~I~ .I.11sti11;iitl~iis.<<te>
;.iiiniiC1 iiict Iiiiirc du éou\.crnciii<iit ~Ii[<:ii~Leiiiri.inis doiit I uii ;t:iit
internationalement illiciteet l'autre internationalement licite. A-t-on fait
jouer le c~il~irilatiuee//ccO/ the wrong/irl ncfs? Xon! L'arbitre a mis à la
charge du gou~.crnemeiit tléfendeiir iirie réparation correspondant à une
partie seiilement du dommage subi, en l'espèce, la moitic.
On ne voit guère, dhs lors, où il y aiir:iit place en droit international
pour l'effet global des actes illicites.
Telssont Icsquelques principes - à \.rai dire élémentaires et difficile-
ment contestables - de droit international que je voulais rappeler.

A la lumière de ces considérations géiiérales,la méconnaissance, par la
demande bclgc de réparation, des règles du droit international en matière
de causalité apparaît pleinement.
Je voudrais, me plaçant maintenant sur le plan concret de notre
affaire, le montrer en reprenant successivement les troisaspects du prin-
cipe de causalité que j'ai cru pouvoir distiiiguer tout à I'lieure.
Et, d'abord. le problèmede l'établissemeiit positif du rapport causal.
La préseiitation doniiéc par le Gouvcriicment belge h ses thèses est à
vrai dire, coinme je l'ai déjà indiqué, d'uric confusion telle que l'on
éprouve,là encore,une difficulté à dégagerquelest exactement le rapport
causal sur lequel le Gouvernement belge s'appuie.

M. Lauterpaclit présente la chaîne de caiisalité de la manière suivante:
activités des autorités espagnoles daris l'adiniriistration du contrble des
changes - paralysie du plail d'arrangement - faillite.Et il dit très
clairement - je ne pense pas trahir sa pensée: iSi ce plan ii'avait pas
échoue,rien de ce qui a siiivi ne se serait produit » (VIII, p. 460). L'accent
est donc mis sur l'échecdi1plan d'arrangement.
Pour 3Ic Van Ryn, noiis sommes dans iin autre domaine: irc'est la
vente B vil prix de ce portefeuille ... (de «faus titres,)) [c'est loi qiii
emploie cctte expression] qui a engendré la majeure partie du dommage a
(VIII, P. 235).
Si nous nous ~e~ortoris .i hfc Rolin. nous constatons aue ladéfinition du
rapport causal e$ infiniment moins Précise.

Traitant du blocage des recours, Me Rolin a qualifié la décisionde la
cour d'appel de Barcelone du 7 juin 1949de décisionqui, dans l'ordre de
la gravité - suivant nous -, prend place immédiatement après le
jugement de faillite n(\'III,p. 242). BARCELONA TRACTION
532
Un peu plus tard, il a attribué un effet déterminant tout à la fois -et
sur le mêmeplan - à des événementsextrêmement divers: il a cité le
jugement de faillite, le refus d'autorisation du plan d'arrangement,
l'impressiondessoi-disant fauxtitres, l'autorisation devente, le cahier des
charges et - a-t-il ajouté pour faire bonne mesure - «coinbien d'autres
actes* (VIII,p. 573): cette dernière mention ne facilite guère ni la tache
de la Partie défenderesse ni celle probablement de la Cour! Lelendemain,
reprenant les divers griefs, àl'occasion de l'examen deI'unedesexceptions
préliminaires, hie Roliii à préciséque

~I'opposition au plaii d'arrangement ne consitue pas le seul grief
dirigécontre les autorités administratives,, (VIII, p. 583).

et il a fourni une longue liste d'élémentsqu'il considère également comme
déterminants.
Si nous avons bien compris la thèse belge - mais là encore nous ne
pouvons en êtreabsolumeiit sùrs -, il y aiirait donc eu dans cette affaire
une série d'actes illicites se conditionnant I'un l'autre et reliés I'un à
l'autre en une série ininterrompue: ce serait là la caractëristique du
problème du rapport causal dans la présente affaire.
Mais alors, et indépendamment du fait mêmeque, selon le Gouverne-
ment espagnol. aucun maillon de cette chaîne ne constitue en lui-même
un acte illicite -les autres conseils ont essayéde l'établir - la chaîne de
causalité invoquée par le Gouvernement belge apparaît tres rapidement

comme ayant été eii fait interrompue à plusieurs endroits; il semble en
effet que maints anneaux intermédiaires font défaut. Le professeur
Reuter a montré. par exemple, qu'une véritable coupure sépare les déci-
sions de 1946reprochées auxautoritésespagnoles,d'une part, et la faillite,
d'autre part: il a longuement et minutieusement essayé d'établir que les
négociations privéesqui ont eu lieu eii 1947 et en 1948, et notamment les
décisions prises librement et par l'effet d'un choix volontaire par les
dirigeants de Barcelona Traction àl'égardde ces négociations, ont changé
les données de l'affaire et interdisent de relier aujourd'hui les événe-
ments postérieurs à 1948 à ceux qui les ont précédéspour en faire un
ensemble unique et cohérent (supra, p. 223 et 226).
M. Reuter a montré également qu'une autre coupure radicale -et il y
en a d'autres encore - se situe en 1951, lorsque le Canada a adressé à
ses ressortissants une invitation de négocieret que cette solution, accep-
téepar hl. March, a étérefuséepar les dirigeants de Uarcelona 'Sraction.
Si je puis me permettre de reprendre les termes de M. Reuter:

«Ce libre chois [il s'agit du libre chois des dirigeants de Barcelona]
permet d'écarter, d'une part, l'intention délictuelle prétendument
attribuée an Gouvernement espagnol, et d'autre part, le lien de
causalité qui rattacherait à son attitude les conditions de la vente 1)
(supra, p. 245).

II faut ajouter que, dans la mesure où le Gouvernement belge présente
les divers actes invoqués par lui comme reliéspar une mênieintention
-ce qui est I'un des éléments fondamentau. dela thése du grief glo-
bal -, on serait en présence d'une tentatiye difficilement vraisemblable
ou crovable d'attribuer une intention identique àdes personnes tellement
nomb;euses sur une si longue période de temps: Comment imaginer,
Xlonsieur le Président, que, pendant de si longues années, ministres,
fonctionnaires, juges de-tout rang aient prévu et voulu ce qui s'est PLAIDOIRIE DE hl. WEIL 533

produit à la fin, sans que des décisionslibrement prises par les cleux
groupes privés intéresses - et notamment par celui de la Barcelona
Traction - aient eu la moindre influence dans la production des événe-
ments successifs? Ce serait vraiment réduire à peu de chose l'effet de la
libre détermination des deux eroupes intéressésdans cette masse com-
plexe d'événementsqui se soncdér6ulésau cours de la période litigieuse.
Commel'adit leprofesseur Reuter, leGouvernement belge aprésenté à
la Cour une histoire apparemment cohérente, mais cohérentep:lrce que
reconstituée, après coup. en la récrivant par la fin (supra, p. 222). Et
- c'est cela qui m'intéresseici dans le cadre de mon propos d'aujour-
d'hui-c'e~t~ ~decette facon-là seulement aue leGouvernement belee Deuu .
rcntcr de diiiiiit:rI'illii!,iond'urie i.lininc dz cnusaliie <:onrinue.
On const3rc en outre ~ue, Iors<111l' <o.n esninine les diiiCrents r;ipporrs
d~ ~cn~-~il~t~ da115Ic (ICrnil.ils~..onr:~isi~:nctoriiin,<:t.iic.sir2meincnr
fra iles, pour ne pas employer un mot plus expressif.
Buel rapport, par exemple, peut-il bien exister entre le prix soi-disant
trop bas, le fameux c Cilprix »,auquel les biens ont étévendus en 1952et
un acte quelconque de 1'Etat espagnol? Car une mise à pris trop basse
aurait, en toute logique. dû augmenter le nombre d'enchérisseiirs et,
partant, faire monter le prix de vente. Je prie la Cour respectueusement
de se reporter sur ce point aux explications données par le professeur
Carreras (supra, p. 378), lequel a montré qu'il n'y avait pas de lien de
causalité précisentre la fixation d'un prix minimum pour une vente aux
enchèreset le prix de vente lui-même.En revanche, on peut se demander
dans quelle mesure - et si je me le demande, c'est que la réponse est
claire pour nous - un certain rapport de causalité n'aurait pas existé
entre la violente campagne déchaînée par Barcelona Traction et Sidro
pour découragertoute personne intéresséeéventuellement de se présenter
aux enchéresde 1952, et le fait qu'en fin de compte une seule personne
s'est présentée, à savoir la Fecsa.
Ensecondlieu, et cela correspond àl'aspect négatifdont j'ai parlétout
à l'heure, le Gouvernement belge négligeprécisémentl'existence de tous
élémentsétrangers qui sont intervenus dans la causalité du préjudice
qu'il allègue.D'après lui l'affaire forme un tout et, sous c: prétexte, il
n'est que trop facile de dire que mêmedes actes imputables à des tiefs,
ou aux prétendues victimes elles-mêmes,doivent être imputésen réalité
à 1'Etat espagnol; globalement, tout est mis àla charge de 1'Etat espa-
gnol.
Cela est éclatant d'abord pour les actes de personnes tierces, aussi
bien publiques que privées.Publiques: en effet. &leRolin a cité, parmi les
griefs qu'il considèrecomme déterminants! la iidénaturationa - le mot
est de lui- des travaux de la commission internationale ...Par qui? Par
la déclaration conjointe. Ceseraient ainsi les actes du Royaume-Uniet du
Canada qui seraient également, parmi bien d'autres, imputés à crime à
1'Etat espagnol. Le rapport de causalité est vraiment mince. Personnes
privéesaussi, car le Gouvernement belge n'hésitepasdavantage à rendre
I'Etat responsable de l'attitude des demandeurs à la faillite, ainsi que
d'une manière généraledes mille et une décisionset démarchesdes deux
groupes financiers intéressésau cours des tres complexes procédures
judiciaires. Cela est d'autant plus inadmissible que, la Cour le sait, le
Gouvernement espagnol a toujours eu àcceur de ne pas s'immiscer dans
un litige d'ordre privéen instance de règlement devant ses tribunaux. En
imputant à I'Etat espagnol desactes de simples particuliers, le Gouverne- BARCELONATRACTIOX
534
ment belge manifeste une fois de plus ue, conformément àla stratégie du
groupe qu'il patronne, il entend trans ?ormer en un différendinternational
Ünc6nflctdecaractère vrivé
Cette méconnaissanc'edes élémentsde causalité extérieurs est encore
plus frappante, s'il est possible, en ce qui concerne les agissements des
personnki mêmespour -qui le Gouveriiëment belge prétënd intervenir.

Pour le montrer, le Gouvernement espagnol va suivre un instant encore
le Gouvernement belge sur le terrain où il s'est placé, à savoir la perte par
un actionnaire belge, jouant le r6le d'un actionnaire-pilote et exerçant à
ce titre une iiinfluence déterminante » (cesmots sont tous de la Belgique:
13..V, p. 765, 646 et 749). un mpouvoir n, un ucontrôle absolu nde I'entre-
prise, la perte donc,dis-je, de ce contrble, de ce pouvoir, de cetteinfluence.
Ce que le Gouvernement espagnol voudrait montrer, et indépendam-
ment du peu de consistance detoutes cesthèses, c'est que cette façon de
présenter le problème, prise comme elle est, comporte eii elle-ménie les
germes de sa propre destruction et ;iffiche, si l'on peut dire. ses irrémé-
diables dCfauts un peu comme le Candide de Voltaire, dont l'auteur disait
que .sa physionomie annonrait son âme o.
Ilès lors en effet que Sidro aurait joué dans Barcelona Traction ce
fameux rble prépondérant dont se prévaut le Gouveriiement belge, ce
r61e <I'actioiinaire-pilote. elle devrait aujourd'hui ètre déclaréerespon-
sable de la politique suivie par 13arcelona Traction dalis ses rapports
tant :ii.t:le; cri;iii;it:r5 qu'>\.cc les ;iiiiurltt~~t~sp:igiiolciilil~loiiit
que IL;OLIV~~IICIIIIIII)elpscriihlcoiiblic:r.Coniiiic,sir Hiimptircy \\'al<lu<:k
1': fa o r IC \.ïrit:il)lc c~icliai~)~~it<i.it~~~i(,1lCCI~L'iif[:t~rc.
c'est celui qui part de la gestion de Barcelona Traction pour aboutir
à la faillite. C'est la politique poursuivie à l'égard desiautorités espa-

gnoles qui a provoqué de la part de ces dernières - les autres conseils
du Gouvernement espagiiol l'ont dit - le refus de devises et le refus
d'atitoriser le plan d'arrongcnicnt, et donc la faillite (voir notainment
szlpra, p. 104) Or, de tout cela, qui donc serait responsable,. si ce
n'est l'actionnaire majoritaire ui, au dire du Gouvernement belge,
contrBlait la société,y faisait 1 gure d'actionnaire-pilote, inspirait sa
politique, dictait ses décisions?
Ce serait donc Sidro..au p.ofit de aui le Gouvernement belge n-us dit
iiit~.rveiiir. qiii scrnir ri:pun;aI)cl~,':I ~~uliticlconsistant i hii:iiicer
I'ciitrepriic ;iiix (Ibpens dcs ol>lignt;iircs. ~~olitiqiic:icon(liiit inexo-
r~iI>lc~~~t::iat,~iilissue ~io~sihlcpour 111~.rC:incicr,cil face d'iiii (ICliit~!~~r
rCcalcitrant. i sa\.oir la d<;~~i:incc lifiillitcl
Cc5er;tit Siclrocncvre cliiia:r;iit rcspuiij:i*~I1';clir.cilcs ii;.jioi:i:ition>
oui ont eiilieu avec les reorésentants des vorteurs d'obligations Prior Lien
& ,947 et ,948, négociatio,is dont le professeur euh a entretenu la
Cour (szrprn.p.226 et suiv.). Le professeur Reuter a montré aussi, comme
je l'ai rappelé, que la solution négociéeavait aussi été rejetée par les
dirigeaiits de Barcelona en 1951 "en vertuid'un clioix:toiit aifait librer,
a-t-il dit, choix cqiii poiivait 2tre différent>,(szlfirn.p245).
Si vraiment Sidroavait le contrble absolu de Barcelona Traction, ce
serait elle qui aurait négligéd'exercer ce pouvoir en vue d'ameiier Barce-

lona à faire des offres sérieusesde paiement ou de consignation en pegetas
pour les obligations en livres sterling. Ce serait elle qui aurait omis de
faire obstacle à la faillite par un recours à la cessation officielle des
paiements ou par une offre de concordat. Ce serait elle encore qui aurait
négligé de susciter, de la part de Barcelona Traction, une opposition, dans PLAIDOIRIE DE M. WEIL 535

le délai requis, au jugement déclaratif de faillite. Ce serait elle qui
n'aurait pas voulu reprendre en 1952, cpour ainsi dire gratuitement ,,
-puisque, à en croire leGouvernement belge, telles étaientles conditions
de la vente - le contrôle de la Barcelona Traction. Ce serait elle encore
qui n'aurait pas profité - ou qui n'aurait pas fait profiter Barcelona
Traction - de la faculté de substitution à la Fecsa apres la vente aux
enchères. Et faut-il rappeler encore une fois la campagne d'intimidation
et de menaces lancée dr Barcelona et Sidro pourdécourager en 1952tout
enchérisseul éventue de se présenter à la: vente, campagne dont
MA{ . il-Robles et Carreras ont longuement ientretenu la Cour (srrpra,
p. 63, 340.341). 11est trop facile, alors, de' parler d'actes de I'Etat
espagnol et de faire remonter le rapport causa1;à I'Etat espagnol pour la
vente a cvil prix » de 1952.
Si ces observations sont exactes, le prétendu actionnaire-pilote pour
qui le Gouver~iement belge prétend intervenir et qui serait donc la
victime dans ce procèseu responsabilité, recueillerait ainsi, aujourd'hui,
les fruitsde sapropre politiqiie. Bien mieux. àchaciimdes actes prcsqiie,
dont le Gouvernement belge fait grief aus autorités espagnoles, on peut
assigner une responsabilité directe de Barcelona Traction et, par consé-
quent, si l'on suit nos adversaires sur leur terrain, de son actionnaire-
p.ilote Sidro. Par exemple, le jugement de faillite que l'on reproche si
vivement à l'Espagne est imputable en réalitéau refus de Barcelona
Traction, et donc de son actionn:iire-pilote, de payer leur dû aux créan-
ciers; le dominage résultant prétendument de la saisie des actifs des
filiales est imputable à la structure de l'entreprise; le déroulement de la
procédure de faillite est imputable à la décision prise par Barcelona
Traction, et donc par Sidro, d'éluderla justice espagnole; l'émissionde
nouveaux titres est due au détournement de fonds de la société faillie,
etc. Ainsi, à la fois dans le détailet dans l'ensemble, la situation dont le
Gouvernement belge se plaint est due à l'action de 13arcelonaTraction,
et donc de l'actionnaire qui, selon le Gouvernemerit belge, la contr6lait.

Le professeur Gil-Robles a montré à la fin de sa plaidoirie que
ciLa Barcelona Traction n'a pas étéla victime d'ennemis imagi-
naires ... mais a succombé 6cras6e soiis le poids de ses propres
fautes" (ssprn, p. 67).

et iln dc;iioncl'- I:Coitr >'et1soii\fiendr~.ji pensc - I'~Cioi.i~:iiitep:ts-
=ivlr; .11~ii1tîrccl~tii a f:iii prcut.~: L';k~r<l(Iilugcrnciit d;.l:trntil iIc
fiilIlite cil iitîti.i.iii>ut I:i ruifriin ~ ~ (1~r~ ~ours <~c~ ~ir~s sort-s
voués à un écheccertain (sz~pra,p. 42 et 44).
Or est-il nécessaire que je rappelle une nouvelle fois l'importance
qu'occupent dans lajurisprudenceinternationaleles incidences de l'action
comme de l'abstention des particuliers intéressés?Je me bornerai à citer
une seule phr:~se parmi des dizaines d'autres, extraite d'une sentence
arbitrale, Friedri chCo., dans laquelle le surarbitre a refiisé toute
indemnité àla victime parce quecette victime - disait l'arbitre- was
the primary and potent cause of its own misfortunen (R.S.A., vol. X,
P. 54).
A la lumière de ces indications - que la Cour connaissait fort bien
d'ailleurs-on comprend mieux maintenant pourquoi le Gouvernement
belge a cherchéd'entréede jeu à rejeter dans les ténèbres extérieuresde
la .préhistoire » toute une sériede faits, parce que ces faits expliquaient
trèsexactement le rapport causal par la faute desdirigeants de Barceloiia536 BARCELONA TRACTION

Traction eux-mêmes.Le but de cette opération, si je puis dire, a consisté
à empEcher de faire apparaitre le véritable rapport causal. Comme l'a
remarqué le professeurGuggenheim,le Gouvernement belge est d'autant
moins bien venu de demander aujourd'hui une appréciation d'ensemble
de l'affaire, comme il le fait. qu'il a déniéconstamment au Gouvernement
espagnol le droit de plaider ce qui, de l'avis du Gouvernement espagnol,
constituele fond même,lasubstancemême del'affaire (cf.supra, p. 101).
Mais. et ce sera le troisièmeasuect. la demande belre ne se borne uas à
reposer. sur une chaîne de causâlitéfragmentaire et% méconnaître l'in-
fluencedescausesétrangéresqui se sont immiscéesdans le rapport causal;
elle comporte également, je l'ai indiqué, un appel à la curieuse théorie
du grief global. Je ne reprendrai pas, bien entendu, les objections que l'on
peut avancer contre cette thèseet qued'autres conseils du Gouvernement
espagnol ont formulées.
J'indiquerai simpleinent que, comme l'ont montré les professeurs
Guggenheim et Reuter, il suffit qu'un seul élémentdu complot tripartite
imaeiné Dar le Gouvernement belee tombe. ou bien qu'un seul des in-
nonibrablej net,.‘ ~<liiiiniirr:itift.t~ii<licinireiiiivotluCase révélcne p.ij
avoir Li12inspiri, par cetle intention ioniiniine qui eïr la base iiiêrneclc I;i

thèse adver&. oour oue celle-ci s'écrouletout entière à la manière d'un
château de caries (st;pra,p. 101-103et 223).
Si l'on y réfléchitun peu, on constate que la fonctiondu grief global
est. en définitive. de couvrir d'un mot - un mot brillant certes. ie le
coiicCdï. et trci bicn rroiii.? - IL,:I:,cun<i dc lidr~ii:~n<lac<lvcrje. 1)ans
si ~x<.nuérv c~riion. l;itlir.urit:dii glob.il~ici.;iiiI:Cnurs'cilsuiivir.iit,
crrvir ifaire 1i:tiicr poiir illicitc un<-~tlditiuii d'.ict<?;Ii:ite;iir ce point.
la ttikj:I612;ih.iiidoiiiic:cSous ;riforiiie.ictucllc.,ellc;t iitilis;~ crip;irtic
polir coriibler Ici d2iicieiiccs iIc I:adcrnaiide di: rrp:ir.ition,ct ci:11i un
iriAl. ooint de vue
En premier lieu, elle doit fournir l'élémentintentionnel commun qui est
destiné à remplacer les anneaux manquants de la chaine de causalité.
Eii iccoiitllkii,VIIY Joit pcriiitttirJ'Î~ir;~r~r<l;in.<Licii:iiiit.de caii~.iI~t~
Ir5;l&m<;iiricztcriiçi rt d'iiiipiitcr :i1'l:t:it esp:ignol ileï :icté(Ic;iriiplcs
i>;irtiziilie-s la concliiite dc I(:irccloii;i I'ractiuii et de Sidro elles-m2-
mes - et les actes licites de I'Etat espagnol; on pourrait presque dire
que la définitiondu grief global consiste à faire grief globalement à I'Etat
espagnol d'actes qui ne lui sont pas imputables en mêmetemps que
d'actes qui émanentde lui.
Enfin, la notion de grief global doit justifier, si notre interprétation est
exacte, la demande tendant à l'allocation d'une réparation correspondant
à la totalité du fabuleux préjudiceallégué,quels que soient par ailleurs
la nature et le nombre des actes illicites susceptibles d'êtreretenus.,
Ces tentatives de suppléerles déficiencesdu rapport causal à l'aide de
formules brillantes comme le grief global oitle cumulativeefect, le Gouver-
nement espagnol se devait de les démasquer afin de mieux les déjouer.

Le moment est venu, hfonsieur le Président, de conclure cette première
section, la plus longue, de la demande principale de r6paratioi1, c'est-
à-dire le préjiidice.
Les conseils de la Partte adverse ont attirmé à deux reprises que le
préjudice dont ils demandaient réparation était reconnu en droit inter-
national - l'expression s'est trouvéedans les plaidoiries adverses (VIII,
p. 459et 522). Ils ne l'ont, bien entendu, pas prouvé.Le Gouvernement
espagnol espèrequant à lui avoir montré à quel point nous sommesloin, PLAIDOIRIE DE M. WEIL
537
dans la présente affaire, de la preuve d'un préjudice reconnu en droit
international.

*
* *

IInous faut a ~rbsent aborder Iïsecoiid asuect de cette analvse critioue
de la demaiidc belge , savoir I3es:imcn de la réparation sollic;tée
ment dite. Tel sera I'obiet de In seconde section de cet exposé.
J'examiiicrai succesçivement Iç problème de la lornze de la réparation
demandbe et ccliii de son é7ialzration.

*

CciiiiiiiI;IC'oiiiIci:,it.I.Ldcnini~tl<:>t,Ig.i,iiliicii :,l'l):xrcn~Jiiinr,iiij,
iiiir:iii~l~c,rr:ti~-:~~~Iiiii~~l~.piiii1-1rt.tlii;tf. clI~)s\ ]II%III':l:il~l~.i;t

ils!la (l~~iii.~i~(t::Igt-.1~ iiit<~~~rcnrcr:~ (i,:rappeler qiic, d, ~In~~hlcin~nr~nt

~uh~i~I~;lir~c~ii'clleCr:iiien 1qj,5,l:i(le~n~~nJ~ ,~I'iii~Icr~in~;rrrt:spar~da~~t
5SA pourcciir <leI:i v:iIciir~lcI':~ciiIioci:il;~~~uiiiiiic irr;jijtil)lc nicciisiori
(l'iinx II~I:IS5 I':iiiir<Ir I:I ~~rocCiliiirIiuiir toniiaitrL.II~~II:IItrio in pli^
dans In répliquede 1968.
La Cour srlit comment cette lente et constaiite progression de la
deniande d'indemnisation pécuniaire a été justifiée, dans chacune de ses
&tapes. par le Gouvernemeiit belge eii invoquaiit l'existence d'obstacles
matériels et juridiqiies à une remise en état de la société.AI.Lauterpacht
a ajouté à ces obstacles matériels et juridiques des obstacles d'ordre
psychologique, IJarcelona Tractioii et sessuccursales n'étant plusj4erso1za
grata en Espagne (VIII, p. 463).
La véritéest, comme l'a d&jà fait observer le professeur Gil-Robles

(strpra, p. 64), que le Gouvernement belge n'a jamais demandé la
reslitutio in i~~tcgrz~ mue du bout cles lèvres et qiic la préférencede ses
protégésest toiijoiirs allée vers ilne indemnité pécuniaire. C'est assuré-
ment leur droit. Le Gouverneiiieiit espagnol n'aurait aiicun commentaire
à faire sur ce choix si les motifs qui l'ont inspiréii'en étaient pas riches de
signification, car, par-delà les raisons techniquesinvoquées par le Gouver-
nement belge, se profilent en effet des motivatioiis autrement sérieuses.
La prédilection de la Partie adverse pour l'indemnité pécuniaire ne
s'explique probablernerit qu'à la lumièrede la stratégie globale poursuivie
par le groupe.
Comme la Cour le saitmaintenant -nous l'avons bien souvent dit -
Ics dirigeants de Barcelona cherchent. en portaiit l'affaire sur le plan
international, à effacer les consk]uences de la faillite par l'octroi d'une
réparation intern:ition;ile qui leur permettrait de sortir dans de bonnes

conditions de la situation où ils se sont placés. Or, il est clair qu'une
reslitutio in integrz~m aurait rétabli, ou rétablirait ipso facto, la situation
tellequ'elle esistriit à la veille de la faillite, c'est-à-dire qu'elle reconsti-
tuerait une Barcelona Traction écrasée sousle poids de ses dettes et prise
au piègede ses dissimulatioiis, et le groupe se retrouverait ainsi instanta-
nément dans l'impasse où il étaiten 1948 et dont les seules issues - I'his-
toire l'a montré - résidaient soit dans un nouveaii sacrifice irn~oséaux
créanciers soit précisément dans la faillite. L'objectif pou;sui\,i en
déclenchant le processus de la protection internationale serait du méme
coupmanqué. Par contre,si le groupepouvait obtenir, par le truchement538 BAIICELOSA TRACTION

de l'action iiiteriiationale dii Gouvernement belge, une iinport:iiite
somme d'argent, uiie indemnisation pécuniaire, l'affnire prendrait pour
lui une tout autre tournure. Voilà le véritable motif, nous semble-t-il, de
la demaiide d'iiidemiiisation péciiiiiaire.
Blais la Cour aura remarqué que si le Goiiveriiement belge demande
aiijourd'liui exclusivement tiiie réparation pécuniaire. il continue
néanmoins de présenter celle-ci comme le siibstitut d'une reslilulio irz

pour espiiqiier juridiquement qii'ildemande poiir iin préjudicesoi-cIis?nt
d'actionnaires une indemnité calculéed'après la valeur du patrimoine
social (D., VII, no 857, p. 843).Sans cette alliision à la restitzrlio de la
sociétéon ne pourrait plus justifier une demande d'indemnisation d'un
préjudicepréseiitécomnie uii préjudiced'actioiiii;iires d'aprks la valeur du
patrimoine de la société.
' .\l iiiv~.s~:iInillt~~irl ~~,:CL~IIII;LLI~ I>IIII.:I111~1 fsr!$.cl<.l*110tiuii
~I'~ii~lr!~ini t*:~xpli~lu~n,iirr~le>c~~i~~~~l~ca~ <iIVjtrit2.g1?dont jc viens
(le 11.trlçr.~>xun doiil~lcs.ouci i:istiqiie ~l':il,urti,rloiiiier qiicl~liicrr~<lil.i-

litC .I li11i;j~.(l'une ~~sotccrioi(il':ictisniiair~iL.I. ~.iijiiit;.ili:tlq>cr niiv
crititliic; ~)ait'-;'trt:,Il:ci-ii.cs :i<lrc.;s,ieIL.(;o~~\.<:rn<!m~cii~ptagnol :î
In dcni:iii<le(le rrslrlrilro dans ses i)laiclniriesde io(8. \v. iintnniiiient II.
p. 200, et III, p. 834) et dans 1; contre-mémoice (v. notamment IV;
P. 575. 575 et 647-6491,
L échec dç ces tentatives noiis ~araît toutefois aussi patent sur le
premier point que sur le second. E; ce qui concerne In voiontéde faire
croire davaiita~e à la thèse d'une protection d'actionnaires, le professeiir
Ago moiitrera\ltérieureinent qui le chaiigeiiieiit de cap opérépar la
réplique lie vient pas conforter une qualité pour agir bien déficiente; et
pour ce quiest de l'espoir du Gouverriement ùelgc d'échapperails objec-
tions dirimantes qui coiidainnnient sa demande de remise eii état, la
duplique espagnole a montré qii'ilétaitbien fallacieux. Je prie la Courde
vouloir bien se reporter sur ce point aux pages 844 à 849 (VII) de la
duplique: je ne puis mieux faire que de contiriner les développements
fournis daiis ce passage de ses écriturespar le Gotivernemerit cspngiiol.
II n'y aurait rien à ajouter siir ce problème<leIn modalitéde la répara-
tion demandée - restilirtio011 indemnité pécuniaire - si le Gouverne-
ment belge n'avait pas jugé nécessaire de s'élevercontre une - et
d'ailleurs une seule - des obiections formulées par le Gouvernement
t:sl>a~nul:Ll'ui1cd1itrt:l< l:i~:$r;li,li211i>!l<.g~it~ii~s:i~~~ir,~ rl~~ircCOln--
tit1r.11 iiiii sitii:iti~il~iiivii,lc I:, lui ~~~i;il;iiolcl '1118r':iIlltc di.
Irau(iii cl dc.tromiicricj ililiitiuic; .;\I I.niitcsp:iciit ;iri1 itiut soiitcnii
que la Cour était ainsi priéepLr le Gouvernement espagnol de trancher
des qiiestions de pur droit espagnol, ce qui est hors de ses attribiitions;
il a ajouté que c'était là I'uiie des raisons qui ont conduit le Gouverne-
ment belge à déclarer que ces problèmes de fraude étaient dénuésde

pertinence (\'III,p. 462) et à les rejeter dans la «préhistoire n.
La Cour appréciera cette attitude, assez piquante de la part d'un
gouvernement dont I'argcimeiitation essentielle a consisté précisémen t
chercher à convaincre la Coiir que les tribunaux espagnols avaient yi?lé
ledroit espagnol: pourquoi la Cour serait-elle compétente pour apprecler
la conformité au droit espagnol des mille et un actes de la faillite et
pourquoi ne pourrait-elle pas s'occuper de la violation du droit espagnol PLAIDOIRIE DE 31.WEIL 539

Ir#r;ili~'il<';iilc Ii.iiIV,uii rlc(li;siiniil iiiuiis coiniiiii,:~ p:ir Ilnrc~lori.~?
I.:i Irr,~itiit:iitrclIii,f~irc:vc la 1~rLIii-ic~ir,LLlti~i~lC~~i:~~I't tr~ti~;,~~
:i:i)eci-. Sitliiiiiiilir~\Y,il~lu:k;iil':iiIlciiI.titiiisticc :iwi Itiiiiioi.I,:
cette coiiccntion iueloue aeu nouvelle selon laaielle. a-t-il (lit. u, m~n~~~.
songe ou une tromperie ne serait un mcnsoiige ou une tromperie devant

uii tribunal iiiternational que s'il a étéau préalable défiiiicomme tel Dar
un tribunal national (srr$ra. p. 163).
Hais laissons là ces questioiis qiii appartiennent au passé, puisque
seule I'indeiniiisatioii eri espèces est aujourd'hui demandée. Or, cette
indemiiisatioii en espèces soiilè\.e, la diiplique l'a montré (VII, p. 844 à
848), les inCrties objections que 13 demande de restitii.lioin i+ttegrum,
ct je inc pcririets, là eiiçorc, de nc pas reprendre l'nrgiiiiicntation de la
dupliqiie. Xlais eii plus de cela elle soulè\re des critiques qui lui sont
propres et sur lesquelles il convieiit que je m'attarde un iiistnrit.
La preinihre ne mérite qii'iiricbrhre mention. Dans soi1priiicipe, faut-il
le rappeler, l'opération que l'on demande à la Coiir d'entkriiicr consiste à
effacer par uiie réparation internatioiiale la faillite de Barcelona Traction.
Or, quelle est In technique employée à cette fin? Elle est fort simple.
Comme le professeur Ago l'a montré en 1964 dans ses plaidoiries (II,
p. zo~), et cornnie Ic Gouvernenieiit espagiiol l'a soiiligiiédaiis ses Gcri-

tures (C.M., IV, ria22, p. 651.65'; Il., VII, na 889, p. 863). on demande
à la Coiir de procéder hic etnunc à une liquidation théorique anticipée
de la sociktéet d'attribuer 88 pour cent de l'actif, si tant est qu'il en
reste, à ses prétendus actionnaires belges (le sort des 12 pour cent
restant denieiire d'ailleurs quelque peu incertain).
La Cour est aiiisi priée de méconnaitre le principe universellement
admis auqiiel je ine siiis permis de faire allusion déjà, selon lequel le
patrimoine d'one sociétéappartient à la sociétéet non pas à ses action-
naires. Ce p:itrimoiiie sert de gage :lux créanciers de la sociétéet les
actioiiriaircs n'ont un droit à une oiiote-oart de ce oatriinoine au'au
moment de la liqiiidntioii deI:isociété.
Aloiisicur le Présideiit. je voudrais poser une question. La deniaiide du
Gouvernement belge n'est-elle pas étrange, aloÏs que le Gouvernement
belge prétciid vouloir reconstituer des .droits d'actioiinairesii et qu'il
vient affiriiicr qiic irl'avenir de la sociéténe sera en rien affecté par les
indemnités que le Goiivernemeiit belge aura pu procurer h ses ressortis-
santsactioiiiiaircsu (R., V, no1025, p. 754) ? omment. en cffet, la société

pourrait-elle \.airson patrimoine social reconstitué si 88 pour ceiit desa
valeur sont attribués d'ores et déjh à certains de ses actioniiaires? Et
comriient les actionriaires belges poiirraiciit-ils recevoir iniinfdiatement,
dèsà préseiit, leur quote-part du p;itrinioine social tout eii conservant le
droit de toiit :ictioiinaire à une partie de l'actif social? Ce n'est plus du
droit, nous semble-t-il, ce serait pliitôt diicdroit-fictioii...in.
La seconcle obsenration que jë voudrais faire est pliis importante. Elle
concerne la remarque faite par AI. Laiiterpacht selon laquelle, eii deman-
dant que soieiit déduites de I'indemiiitééventuellenieiit diie à la Belgique
les sommes correspondant au tort que l'entreprise a fait ?t1:économie
espagnole et h 1'Etat espagnol, le Gouvernement espagnol aurait formulé
une demande recoriventionnelle (VI11 ,. 462). La Coiir se souviendra que
c'est là l'intcrpr6tation que hl. Laiiterpacht a donnée à l'observation
citée. hf. Lauterpaclit ajoutait que l'article 63 du Règlement de la Cour
stipule qu'curie demande reconventioiinelle peut être présentée dans
les conclusions du contre-mémoire>,,mais que l'on chercherait en vain540 BARCELONA TRACTION
dans les conclusions du contre-mémoire espagnol l'énoncéd'une telle
demande (ibid., p. 462).
L'étoiinement de M. Lauterpacht est à vrai dire surprenant. Si les
dis~ositions du R6clement concernant les demandes reconventionnelles.
l'article 63. n'oiit p:is CILi:nvo<lii.c5pnr le (;oiiveriienit-iit tsp:igC',,SI
que ce (leriiirr n':i formiilt: :iiii.iiiie<luiiinnder~~convciitioiiii~.iiion,
ilI'nurnit dit <:lnirt:rnciitSaiii <loistela qiicstion r<r,rr-1-rlle po;& d<:v:iiit
13 Coiir. .\!:LI15 Gou\.cr~ie~nt>ii~ t...1>:1:11l2 pas j~~iqii'iciiorniul;.Jc
clciiinii<lcrcruii\~ciitionncllu:,fin <l'&vi~rI':iggr;~v~iri,.ure iI:tv:iiit:~gt1;.
~oiiivlcxit; ilcct:tti. :arf:~icc,tiiiiIbicni:iitcii~liii'iiiiiiIi<(1.r:i1)-iri
auck renonciation ,2 scs droi'ts. Le Gouvernement éspagnol résirve
formellement tous les droits qu'il aurait pu faire valoir dans le cadre
d'une demande reconventionnelle.
Si I'oiise reporte à la définitionde la demande reconventionnelle que
l'on trouve dans l'étudeclassique d'Anzilotti sur r La riconvenzione nella
procedura internazionaleir (Kiuista di dirillo interiznzionnle,1929 - tra-
duite en français dans le, Joi~ritalde droit interitnliottalde 1930 (p.S57et
suiv.)) -on lit qu'il yn une demande reconventionnelle lorsque, je cite
Anzilotti,
«par cette demande. le défendeurtend à obtenir en sa propre faveur,
dans le mêmeorocèsintenté oar ledemandeur.auelaue chose de olus
que le rejet des prétentions du demandeur, de plus, par conséq;ent,
que l'affirmation juridique sur laquelle se base lerejet r (ibzd..p. 867).

Or, en l'espèce,le Gouvernement espagnol s'est borné à s'élevercontre
une évaluation de l'indemnité demandéequi ne tenait pas compte
ades gigantesques dommages causés à 1'Etat espagnol 'par les
fraudes et les multiples irrégularités commises par le groupe de la
Barcelona Traction» (D., VII, no 891, p. 865).

Voilà. Monsieur le Président. les a,ela.ies observations oue nous
souhaitions faire en ce qui cui;cçrrie Ics mnd3lit;s de la r~par:itiuii
demanclce: l'aborde 3 prés~iitILi,t.;oiid volet. le problcme de I'~valiintiori
de cette réparation. '
*

Le Gouvernement belge s'est vivement plaint du silence que leGouver-
nement espagnol aurait cardéau sujet de l'évaluationde l'indemnité.La
Cour se siuGendra au'cux termes d'un lone historiaue de la ~rocédure
écrite sur ce point >f. Lauterpacht a indiq<éque
«cette manière absol~~ent extraordinaire ri1s'a-it de la mani6re
espagnole, bien entendu] d'exposer un point essentiel de la présente
affaire place le Gouvernement belge da-s une .situation difficileii
(VIII, p.468).
M. Lauterpacht a alors indiqué les trois positions qu'à son avisle
Gouvernement espagnol aurait pu adopter, et il a essayéde montrer qu'à
son grand regret aucune d'entre elles n'avait étéeffectivement adoptée
par le Gouvernement espagnol; il a ajouté qu'il espérait que .la Cour
comprendra pourquoi il se sent dans une situation un peu difficile u(ibid.,
p. 469). Mais M. Lauterpacbt ne s'est pas contenté de demander la
sympathie de la Cour pour cette situation délicate.Il a mis en garde aussi PLAIDOIRIE DE M. WEIL 541

le Gouvernenient espagnol contre ile grand risque que le Gouvernement
espagnol courtsur le plan juridique en plaidant de la sorte »(ibid.,~.468).
Cherchant sans doute à ~Ilustrer immédiatement ce péril, il a indiqué
qu'à son avis le Gouvernement espagnol a laissé passer l'occasion de
discuter les chiffres avancés par la Belgique et qu'il iiest maintenant
forclos (precliided) de contester ces cliiffres>i (ibid.,p. 483); sur quoi il
a demandé à la Cour de faire application de l'article 53 de son Statut,
c'est-à-dire d'adjuger à la Belgique ses conclusions après s'êtreassurée,

comme l'exige le Statut, u'elles sont fondées en fait et en droit. Peu
convaincu peut-être, sembqe-t-il, du succèsde cette première demande, il
a suggéréà la Cour, au cas où elle déciderait de ne pas appliquer l'ar-
ticle 53, de faire procéder à une expertise en application de l'article 50
du Statut (ibid.p. 470) et il a réservéles droits du Gouvernement belge
à cet égard (VIII, p. 336).
Monsieur le Président, le Gouvernement espagnol souhaiterait aider la
Partie adverse à sortir de ce au'elle ap..lle une situatioli difficile. -uant
:II;Iposition <ILGIoiivcrnement esp;igiiol siir 1,:sconcliijions foriiiiilr.esp:ir
I;iHçIziquc. irI'cxl>oicr:iiplus tard :iprt!s s\.oir esniiiiriéIcs<lerii~iidejde
réparaions afférenies aux divers préjudices accessoires.
Le Gouvernement belge feint donc de croire que le Gouvernement
espagnol n'a jamais contesté les chiffres avancés par les écritures belges,
et notamment parla fameuse annexe au mbmoire no 282,quiconstitue le
siègede la demande belge quant au mode d'évaluation et au quantum de

l'indemnité réclamée.
Mais la véritéest tout autre.
Elle est qiie le Gouvernement espagnol a contesté tout à la fois, et le
principe mèmede la demande belge. et les modes et les principes de 1'éi.a-
luation retenue. et les chiffres avancés. La contestation a étéfaite à trois
niveaux différents, et il est vraiment quelque peu exagéréde parler
d'acquiescement tacite du Gouvernement espagnol.à .a demande belge de .
répafation.
Le Gou\,ernement espagnol estime d'abord qu'il ne lui incombe aucune
obligation de réparation vis-à-vis de la Belgique. Toutes les écritures
espagnoles. toutes les plaidoiries espagnoles ont tendu à le montrer. Aussi
-et l'on comprendra sa position -lui apparaît-il irréaliste de descendre
dans le détail chiffré de l'évaluation d'une indemnité dont il conteste
jusqu'au principe mème.
D'autre part, le Gouvernement espagnol n'a jamais accepté,sur le plan
des principes de l'évaluation, l'idéequ'un préjudice d'actionnaires puisse
êtreréparé, i le supposer existant, d'après la valeur de i'actif net de la

société;il ;itoujours soutenu qu'un tel préjudice, à le supposer existant,
ne peut se réparer qu'en tenant compte de la valeur des actions telle que
cette valeur reflete la valeur de l'entreprise en tant que goingconcern sous
réservede la déduction des dettes obligataires et des charges. Or, la Cour
le sait, ce n'est jamais que de L'évaluationde l'entreprise que nous ont
entretenus nos adversaires.
Enfin, et en tout état de cause, le contre-mémoire et la dupliquesesont
élevéstousdeux contre l'évaluation de l'entreprise faite par le Gouverne-
ment belge, et le professeur Sureda a fait-connaitrele point de vue
espagnol sur la question.Le Gouvernement espagnol, dois-je le rappeler,
a indiqué ce que valait, d'après lui, l'entreprise, et pour ce faire il s'est
référé à l'expertise de Soronellas. Mais c'est au Gouvernement demandeur
qu'il appartient d'établir la preuve de ses prétentions et non pas au542 BARCELONA TRACTION
Gouvernement défendeurd'apporter la preuve contraire. Dire, comme le
fait le Gouvernement belge par l'intermédiairede hl.Lauterpachtque
«pour procéder à une évaluation du préjudice, la Cour ne doit
vraiment Daschercher olus loin oue l'annexe 282 au mémoirebelee.
assortie désderniers rairports dMM G.elissen et van Staveren etYdé
la firme Arthur Andersen D (VIII,p. 483).

dire cela relève, nous semble-t-il. d'une curieuse conception de la procé-
dure internationale.
Le professeur Sureda s'est élevéavec force contrecetteméthodequi
consiste, de la part du Gouvernement demandeur, à produire, pour
justifier une évaluation aussi faiitastique de l'indemnité demandée, un
bref rapport d'ingénieurs, élaboréa des fins toutàfait différentes,conte-
nant au surplus des erreurs. et puis de venir dire, ici même, à la Cour,
qu'elle n'a vraiment pas besoin de chercher plus loin que ce ,<substantiel
- le mot est de la Partie adverse - document, le défendeur étant de
toute façon forclos aujourd'hui à la discuter (supra, p. 409-413).
L'étrange logique de cette position a étédénoncéepar le professeur
Sureda en des termes auxquels je me permets respectueusement de
renvover la Cour fibid.... . -..
Je Goudrais toutèfois revenir un instant sur l'une des critiques les plus
importaiites élevéespar le Gouveriiement es.a-nol contre la demande
beige à cet égard. a
Comme la Cour le sait, et comine je l'ai d'ailleurs déjà iiidiqué, le
Goii\pernement espagnol s'espliqiie mal comment la réparation d'un
préjudice prétendument causé à des actionnaires peut êtreréparéen
prenant comme base la valeur de l'actif de la société.Un préjiidicecausé
à une sociétése répared'après la valeur du patrimoiiie de la société,un
préjudice causé à des actioniiaires se répared'aprèsdes élémentsafférents
ment belge paraît l'igiiorer, aulieii de quoi il se base sur la skried'équa-
tions imaeiiiéesoar hl.Lautcri);iclit et orouoséeà Iriour. savoir. ie

Serait égaleà la valeUr de l'entreprise (VIII,p. 46jj.
On ne peut manquer d'ailleurs d'être frappépar le faitque le Gouver-
nement belge demande aujourd'hui, au titre d'une protectioii d'action-
naires et eii raison d'un préjiidiceprétendument subi par des actionnaires,
très exactement la mêmeréparatioii que celle qu'il sollicitait dans la
preinièrepliasedel'affaireau titre deIcprotection de 1:isociétéet pour un
pré'udice subipar la société.Le Gouvernement espagnol s'est élevédans
Induplique contre le caractère polyvalent decette demande de réparation
qui a étéformulée, *dans les memes termes. d'abord dans le cadre d'une
action destinée à protéger la sociétéet en vue de couvrir le préjudice
causé A la sociétéet aujourd'liiii daiis le cadre d'une actioii destinéà
protéger les actionnaires et en de couvrir un préjudice causk aiix
actionriairesn (VII,no848. 1).839, et noSS7,p. 662). A s'en teiiir ail seul
plaii de la réparation, je voudrais si vous me le perniettez, poser cette
question. Si un Etat prétendant agir ail nom des actionnaires pouvait
demander pour ceux-ci une indeiiinité calculée d'après la valeur du
patrimoine de la société,que resterait-il donc encoreà demander pour le
Gouveriiement auquel est reconnu le droit de protéger la société elle- PLAIDOIRIE DE M. WEIL 543
même?Si d'aventure, demain, le Canada poursuivait l'Espagne en tant
que protecteur de la société, quelleautre réparation pourrait-il donc
demander que celle calculéed'aprésla valeur de l'actif de la société?
Le Gouvernement belge invoque, bien entend?, on pouvait s'yattendre,
la fameuse communauté d'intérêtset de destin entre la sociétéet ses
actionnaires (VIII, p. 524). J'ai déjàévoquécette question et j'ai rap-
peléégalementce que le Gouveriiement esp?gnol pensait de l'octroi aux
actionnaires, avant la liquidation de la societé,d'une quote-part de son
actif. Le professeur Ago évoquera le problème de plus près,et il fouriiira
des Dreuvesiiouvellesde la fragilitéde la thèsebelge- le..e bornerai pour
mn Part iuii,:seulc-obierv.itio~, en viiv<lereii.:dittrcriiinrgunieiit psrti-
..iilicr d'ordr~ tc.clini<luc,ini,oqii<:Ixlc (;oiivcrnt.nient belge <I:iiiw
réplique.
En effet, danssa tentative de faire admettre, ce qui est un problème
très important, qu'un préjudiced'actionnaires peut se réparer normale-
ment par une indemnité calculéed'après la valeur du patrimoine social,
le Gouvernement belge a invoqiié, à la page 754 de sa réplique (V), le
traité de paix avec l'Italie et la jurisprudence de la Commission de con-
ciliation franco-italienne. Le Gouvernement belge semble avoir fait
preuve d'une certaine imprudence en appelant BSon secours des précé-
dents qui vont très exactemeiit A l'encontre de ses thèses. Le Gouverne-
mc:iitc;l):igiiol éstiine:ivrai dire.qu'il ; agit I:ide situations r;gicj p:;r
dei ~Iijpo~itioitscoii\~t:ntiotincllcs&,nt1;por1L:ciic pi:iit étrcfictiér,alisee
ci qiii sont eii elles-mCmesd~nti2cs(le toute pertinence dans 1:t)lrcjelltL.
affaire: mais ~. .aue le Gouvernement bel& a mis le débat un-instant
sut cc tçrrain. Ic i;oiivcrn~incnt espagnol ne ~iciitiii:inqucr <Irsoiilifiiizr
ci>itik~iies ~ir&c&n di,; invo.ii6z.p;ir II1;irii:t<lvcrs.luiorii,en rGaIitL'.
défavorables.
Il est exact -sur ct:point la répliquebelge a raison - queI'article76,
paragraphe 4 4) du traité de paix avec l'Italie permet d'accorder à un
ressortissant des Nations Unies, par exempleàuncitoyen français,action-
naire d'une sociétéqui n'est pas ressortissante des Nations Unies, par
exemple une sociétéitalienne, et qui a subi des atteintes à ses biens en
Italie, une indemnité calculéed'après le montant de la perte subie par la
société et fixéeau prorata de la part d'intérêts détenue par leressortissant
en Appnreniinent, certes, cette disposition peut sembler venir i l'appui de
la tlièsede nos adversaires. En réalité,il en va tout autrement, et voici
pourquoi.
Ce «ue le Gouverneinent belee a en effet omis de signaler. c'est aue la
~omdssion de conciliation fr:nco-italienne consid& elle&ême,'dans
ses décisions.cette dis~osition comme tout à fait dérogatoire:aux prin-
cipesmêmesposéspar ie traité et comme destinéeiremzdier à,I'inconvé-
nient pratique que, dans lin cas particulier, l'application normale de ces
règles ouvait présenter; je me permets de renvoyer à ce sujet h la déci-
sion n 236 du 29 janvier 1958dansl'affaire Sifca, dans laquelle la pen-
séede la Coniinission est es )oséeavecclarté (R.S.A., vol. SIII. p. 775et
suiv., notamment p. 778),aécisionque le professeur Ago aura l'occasion
d'esrimincr de plus pres ultérieurenient.
Bien mieux: d'autres décisioiisde la mêmecommission confirment
expressément qu'aux yeux de la Commission le traité de paix avec
l'Italie ne permet nullement, en dehors de ce cas considérépar la Com-
mission elle-mêmecoinme exceptionnel, d'accorder à des actionnaires,544 BARCELONA TRACTION

mêmes'ilssont majoritaires, une réparation qui n'est due qu'à la société
elle-même.
Par exemple, dans la décision DeruilléeSocide 1950 (décisionno48 du
13mai 1950,ibid., p. 40et suiv.), la Commissionaffirmeque le montant de
l'indemnité, pour les dommages de guerre subis par la sociétéitalienne
propribtaire des biens, ne peut être attribué 'qu'à lasociété elle-même,
et non pas à la société françaisequi en détenait pourtant 90 pour cent des
actions.
D'autre part, une desdécisionsrendues dans l'affaire Bonnet-Tessilttra.
(décisioiino82 du 1'' décembre1950, ibid., p. 76 et suiv.) préciseque la
restitution d'une usine qui a appartenu à une société italienne, filialed'une
société francaiseaui détenait la .IUS ..ande partie de ses actions. et mise
sous sC:<1uç5trpte:iid.iiit 1.1giicrre <luitLtrefnitésnrrc lesni:iiiirlc la sucicti:
itiilieiiii~:cllc-miiiiet iion pasentre Ics in:iin;ilçI:isuci:tE iii;ie ir;iii(;iisc
(P. 83):
Je tiens à répéterune nouvelle fois,afin qu'il n'y ait point de malenten-
du, que le Gouvernement espagnol ne cherche pas, quant à lui,à tirer
argument des dispositions du traité de paix avec l'Italie, pas plus que de
la jurisprudeiice que je viens d'évoquer. Pour le Gouvernement espagnol,
il s'agit là. encore une fois, d'une matière régiepar destextes s~éciauxet
com~lètement en marge de la présenteaffaire. Ce que j'ai voul; montrer,
c'est tout simplement et en passant, que le Gouvernement belge, dans la
mesure où il entend s'au~u\..r,,lui , sur ce traité et sur la ,ur~s.ruderice
Je la Coiiiriiisjinri. riepeut eii rt5alit; eii rcrircr aucune satisf;ictioii.
Pour achever ,.et t~\:iiii<:de 13 deniaiide bclgc teii<lnnr :II:Ii;,]iaration
Je ce CIIIC ll'ai-ticad\.crse ai>i)elle1.1ii~:ride I'eiilrepr~~~I.I11,. IIreste
plus à'formuler quedeux reiiarques, quelque peu en marge des observa-
tions précédentes.
La uremière a trait aux incidences de la receivershibcanadienne sur la
demaide de réparation.
Ide Gouvernement belge parait en effet avoir oublié que Barcelona
Traction est placée depuis le 15 juillet 1948, et se trouve toujours
placéeAl'heureactuelle, sous un régimede receivershiPau Canada, régime
qui a étéinstitué sur la demande de National Trust avecl'assentiment
exprès de Barcelona Traction, et en tout cas pas à la demandedes auto-
ritésespagnoles. Par conséquent, Barcelona Traction, et donc son pré-
tendu actionnaire majoritaire Sidro, ont acceptépar là mêmele tiansfert
de leurs droits au receiveret se trouvent empêchés de fonder sur de tels
droits la réclamation qu'ils formulent aujourd'hui, à la Cour, par le
truchement du Gouvernement belge.
La seconde observation porte sur la requête en fraude procédurale

déposéele 7 février 1953 par Sidro devant le tribunal de première iiis-
tance no 14de Madrid (noiiv. doc., vol. II, no5, p. 40 et suiv.) et dont
le professeur Jiménez de Aréchaga a déji parlé hier (slipru, p. 494 et
- --.).
~e&erequêteestintéressaiite à plusieurs titres. Elle montred'abord, par
un passage que jen'ai pas citétout à l'heure, que Sidro elle-même con-
sidérait que Barcelona Tractioii était toujburs en vie et que, elle, Sidro,
continuait toujours,en 1953,doncaprèsles événemeiitsde 1948et de 1952,
à exercer les droits d'actionnaires - il v a de iolies formules dans cette
rc<liiét<ji-li. propre iiioi .~IIV l3.1rcc:luii.I'r:i~~ioi:i,tirait ~.UIIWIet sur
la persistance des droit. <leiidru
.\1;iicïir,: rmliil.tt.;iiiitr'rcssnntv3 d':iiitrc? titrvs eniort..II.Jirii6nez PLAIDOIRIE DE M. WEIL 545
de Aréchagaa montréhier qu'en formantcette requêteen fraude procé-
durale, qui demande à des particuliers la mêmeréparation que celle qui
est demandée au juge international, devant un tribunal manifestement
incomoétent. Sidro a néeli-éde resuecter la r-elerelative I'éouisement
des recours internes.
Enfin, et c'est le point qui va nous intéresser ici de plus prés, cette
requête, par laquelle Sidro demandait donc à des articuliers espagnols
la mêmercparation que la Belgique va denian cer ou a dernaildé à
l'Espagne, illiistre 1a.politiqire constante du groupe tendaàtéluder le
débat entre personnes privéesdevant la justice espagnole, puisque l'on
n'est pas allédevant le juge que l'on savait êtrecompétent, en vue d'y
substituer le débat entre Etats devant le juge international. Comme je
l'Espagne est en effet celle-là mêmeque Sidro formulait en 19-devante
un tribuiinl choisipour son iricompétenc- contre des personnes privées,
à ladifférencepr&s,je lereconnais. que la requêtede 195de Sidro tendait
esclusivemerit à la reslit~~tioin integrsi(v. la conclusioii no1,ibid.,
$1.191).alors que la demande inter,nationale a subi l'évolutionque l'on
connaît vers l'indemnisation pécuniaire.
J'en ai terminé, Alonsieur le Président, de l'analyse de la demande de
réparation principale et, par conséquent, des deux premières sections
consacrées l'une au ~~réjudice,l'autre à la réparation. Il ine resteà
présent - et ce sera beaucoup plus bref - à dire quelques mots des
demandes de réparation des préjudices accessoires,vétitable fourre-tout
de réclamations diverses,destinéesà mettre àla chargedeI'Etat espagnol
tous les mécomptesde Rarcelona Traction et de ses dirigeants;àla suite
de quoi il n'y aura plus qu'à exposer le point de vue du Gouvernement
espagnol sur les diverses conclusions formulées par le Gouvernement
belge.

L'audienceestlevéeà ra h55 QUARANTIÈME AUDIENCE PUBLIQUE (16 VI Gg,15h)

Présenfs:[Voir audience du 20 V 69.1

M.WEIL: J'ai achevévendredil'examen desdeux premiéressectionsde
mon exposé consacré à la demande de réparation du préiu. .eprincipal.
II nie reste i pr;sent 3.tr.iitcr.dniis I:troi;i+riie section, des deinnii(les de
réparatioiicoiii:ernnnt les prijidic?s dtls ~ICC<~SSOIYP.S.
Avant d'examinerles demandes bel~esune - à une. ie voudrais formuler
une observatioii dl. c;iractbri: gén6r:il.
J'ni longiieiiicrii tr:iiti. dii rapport dl! c:iii;:~lit(!en ce qiii conceriic I:i
deinniidc de rt'l,:lr;ttioii priiicip:ilc, inil\.;i<lzsoi qi~cI'csigencc.(I'unr
causalité nd4qii.itc (laitCtrï rcs11cctCc.xi1niini~: titre:,puiir cl1:iciin\IV.;
pr>ji~,lic~s:i~~~~ssuir~ (lotitil ~st ~Ieiii~.~~ri;~~rmioii Ur, cil ~IIIS (1c.c
uliicctioii.~ciii1'011:,ura ;iluriniilci cuiitrc cl~ncuii~.,I'~.llvs.Ics Jcni:iiiclrj
relatives a& préjudicessecondaires appellent toutes des Critiques en ce
qui concerneleur rapport de causalité avecles faits allégués.
On peut rappeler d'abord à cet égard que les préjudices trop éloignés,
n'ayant que des rapports incertains, mêléd s'élémentsextérieurs,avecle
dommage principal et qui n'en sont pas la conséquence nécessaireet
raisonnable. sont écartésDar la iuris~rudence. C'est ainsi oue dans i'af-
faire du Wimbledon le professeiir ljasdevant réclamait iu nom des
demandeurs, outre les frais d'immobilisation du navire, iine somme cor-
resoondant à la contribution dc ce dernier aux frais eénérauxde I'entre-
piSe ainsi que divers autres remboursements. Or lavcour permanente a
rejet6 cette demande par une formule lapidaire, se bornant h faire obser-
ver qiie iles déperises'enquestion n'on6pas de rapport avec lc refus de
passage* (C.P.J.I. sérieA no I, p. 32). De même,dans une autre affaire
q.e i,ai déià eu l'occasioii de citer, l'affaire Yuille, Shorlridre & Co., la
sciitciiiretic jcbarri,p:4s L Ccnricrles pcrt~3(1i1t.i des c;ius<:~;tr:iiigCr~:s,
elle dCsl;ircCgdleni,-iit - et ce pnjsagc ni. iii;iiiiliicpns d'intérit clans la
présente affaire: c certaines dépenses ont enclouti des sonimes .impor-
ianteset on ne peut pas décou'vfirun lien entre elles et le procèsn'(La
Pradelle et Politis, Recueildes arbitragesinlernafionazrx.vol. II, p. 110).
D'autre part - et ceci est important - la jurisprudence arbitrale
considére comme non susceptibles Je réparation les dépenses occasion-
nées à la victime par des mesures de protectionque la victime a elle-même
cru devoir prendre librement et de sa propreinitiative. Dans l'affaire Diz,
parexcmple,I'intéressé,victiined'un vol de bétailpar des mcinbres d'une
arrnéerévolutionnaire, avait vendu librement et sanscontrainte le restant
de son trouueau à vil urix pour éviter de nouveaux vols. Or. tout en
retcii;iiit13 rtiil~ons;ibiiitt;i;itcrii:ttionnl~:di. I'l:t:ir {iuiir ICvol coniiiiis
par les rncinl~rci dt.1';irinGcrCvoluiioii~i.~ir~In,coiiiriii;sio:iécnrtétoiitt,
irideinnicatioii i>ourIn \.ciitcvolontaire 3.vil prix <IIIrcstc du bktail ititie
de mesure de préservation (/?.S.A., vol. 12, p. 121). L'exemple le plus
connu à cet égardest, bien entendu, celui des assurances pour risques de
guerre contractées par des transporteurs maritimes américains à la suite PLAIDOIRIE DE M. WEIL
547
ainsi p:iyées,au motif qu'il s'agissait de mesures de protection prises par
les intéressés,volontairement et en pleine liberté(ibid., vol. II, p. 72).
Dans toute la mesure, par conséquent, où les prétendus préjiidices
accessoires invoaués..ar l. Gouvernement belre seraient clus à des
décisionsprises spoiitaiiément, et de leur propre rnitiative. par les parti-
culiers intéressés,le rapport serait rompu entre les actes prétendtiment
illicites revrochés à 1'Etnt es~.e.,l et le vr.iud,cealléeué.tarit et si bien
<IIIC Ioii se tr<iti\.<cr.itn prc~cnced'iiii t.:it!~~~i<~ u cl:ntt:rl?rcnce d'!in=
c~iise6tratit;rc cl~~isle ralBport~::i~is;.lC . <,II~~:I~IIII'Es~ng~ic:,II? I?)I;I-
r.io ,n (le ti:ls ~>rt'lu(liccrc\,icn<lr;iir:i cnlrvLr ;i1.1rt-sponsnbilit: inter-
n;itiuiiiilc son c3ract;>re(>iIrcIIi~.n~ tun~[i~llsiitoirc'
Soiis Itl>;.iiX~t.(t:1c:et~c ol>ii:rv:tt~on~211L:ralr II III,reitc iiexi~iiiiner
rapidement les diverses demandes une à Üne.
1.e Gouvernement belge réclamed'abord - la Cour le sait - l'alloca-
tion d'une somine de 3 800 ooo dollars, sans parler des intérêts,comme
.réparation du montant total des frais exposéspar la sociét4Sidro ...
pour assurer,en Espagne et ailleurs, la défensedes intérêtsdc la Barce-
loria Traction i,(R., V, ilD 1034. p. 758). La répliqiie précisait que cette
somme comprend - «les frais de procédureexposéspar le nieme ressortis-
sant [ils'agit de Sidro bien entendu] dans les cinq procèspoursuivis Iiors
d'Espagne, relcvésàaiis l'annexe 134n (ibid., p. 739) et notamment <les
soinmes exposéespar le mêmeressortissant pour souscrire aux Receiver's
Certificales i>(ibid.).
AI.Lauterpacht a - la Cour s'en souvient - rayéI'un de ces procès
-en I'espbce1'affa;rcIllnllord c. Garcelona Tracfion et~Vntio~iaT lrtlst-
de cette liste de cinq procCs,car, dit-il, cl'affaire n'a rien Avoir avec la
kiilliten (l'III, II. 492). NOILS Iiii eii donnoris volontiers acte.

Apres ccla, on aurüit pu penser que, pour corriger cette erreur - tout
à fait excusable, je rn'emprcsse de le dire - le Gouveriicment belge
diminnerait d'alitant le niontant réclaméau titre des frais iudiciaires.
L'il11clcscinq prnc$sayant (Ii;p:,rii de l:t Iislc, 1,:niontail1 rti'l:ini&:tiir:ill
dii nor~iiiil<~ni~~ LiIiItI~~IILIais~11o11 11.Lniircr~~ailitnuiis ricx]iliqii>rj~ic
la ioniinc rc;lain;~. <:'est-:i-(lire SO~cI~oodolliri. sai1.iIiaiIer iles intCr6t5.
cit t:iitit!rt.iiit iii:,iiiti.iiiI.:iiiII .luii~croirv tlii'c'c.it 11."unc*:rrt:ur
~ii.~t;ri:llc~~IILI;Irï~)It.]iivi:iii:,iiiilition(IL ce IlruLci i 111%riippt>ut i~\.v~.
In l:iillit~.011 11,i:iii? \.r:,i (lin. t. A .iri~cn>cr. :;~roii iic~iin sciilciiitIII
expliqué -je cite AI.Laiiterpacht - qiie:
iL'affaire n'a rieri à voir avec la faillite. Bien qu'elle figuyc à juste
titre comme indication d'arrière-plan [l'original était: tn the de-
scrifiliue nialerial] à l'annexe 134 de la réplique,iln'aurait pasfallu,
en réalité, y faire allusion dans le paragraphe 1034 de la même
rCplique. ii(VIII, 11.492).

Cela dit, cet incident, niincur en lui-mQie. jette une vive Lumièresur
la manièredolit le Gouvernenient belee se comvorte en aualitéde illaideur
devaiit la Cour. Car est-il vraiinentusérieus, je me pe;mets de 'poserla
question. de réclamer 3 600 ooo dollars, sans parler des intéréts,pour de
multiules frais iudiciarres. et salis avvorter &ritablement un commen-
ccme;it de pre;\,e? Et est-il sérieus'he raycr de la liste des procès in-
voqiiésI'un d'entre cux parce qu'une erreur a étécommise et de laisser
intactc I:isomme réclam&c?
Celaétant, on se dcrnaiidc vraiment à quel titre I'Etat esp;igrioldevrait
supporter les frais de justice afférents à des luttes financibres qui ont548 BARCELONA TRACTION

opposédesgroupes privéset auxquels il est demeuréétranger. Il s'agit là,
en outre, de frais que les intéressésont exposés à la suitede choix libres et
spontanés, tant et si bien que faire droit à de telles réclamations revien-
drait, pour ainsi dire, à laisser le Gouvernement demandeur seul juge du
montant de la réparation qu'il réclame,car la majeure partie des procé-
dures en cause ont étépoursuivies, comme je l'ai indiqué,dans le cadre
d'unetactique judiciaire librement arrètéeparles intéressés.
Cela est vrai à la fois des procèsqui se sont déroulésen Espagne et des
procès qui ont eu lieu hors d'Espagne.
mCme.on voit in:il coriiiiit.iit1'Eta.tesp3jinol poiirrtiitseSCEvoir impoicr<,1.i
cli:irgc des Ir;iis ilc ct,nt?iiic.s <Ic rcmirs inuti1:s. ~iipcriliii, ioii\.~,iit
<I?rni;onnnblci. «uc lei filinl<:sde la kiillii. st-i nr~ioiiii:iircj uI;iflillic.
elle-mêmeont pi former de leur plein gré. ' ~ ~ ~ ~ - ~ ~ ~ -
Quant aux procèsqui ont eu lieu hors d'Espagne, on voit encore plus
mal it quel titre I'Etat espagnol devrait en assumer les frais. Je ne sache
pas, en effet, qu'une autorité espagnole quelconque ait jouéun rôle quel-
conque dans l'action de National Trust c. Barcelona Traction ou dans
l'action de la llieslntinster Bafik c. National Trttst et Bnrcelona Traction
ou dans l'action de National Trust c. Ebro, CatalofiianLand et Fecsa ou
dans l'action de Zidro etHolrnestedc. lecomitédesobligatairesPrior Lien.
11est intéressant au surplus d'observer que l'action de la \Vcstminster
Bank s'est achevée par une condamnation de Rarcelona Traction aux
dépens: cela n'empéchepas la Partie adverse de proclamer que le droit
de Sidro i récupéreraujourd'hui, par l'intermédiaire de la Cour, les
avances consenties à cet égard est cid'une évidence criante)) - crystal
clearnous a-t-on dit (VIII,p. 492).
Il n'est pas sans interêtnon plus, et dans lememe ordre d'idées.de noter
que dans l'affaire Sidro etHolmestedc. 16comilédesobligalairesPrior Lien
le juge Danckwaerts a estiméne pas devoir condamner l'une ou l'autre
Partieaux dépens.Le juge s'est expriméde la manière suivante:

<<after careful consideration of al1the circumstances of the case, that
it is not a.proper case in which there should be any Order for pay-
ment of costsby either sidea (A.C.M.,vol. IX, n0166,,doc. I,p. 204).
La Belgique demande ainsi en quelque sorte à la Cour de corriger les
décisions prisessur les dépenshors d'Espagne et par des juridictions non
espagnoles.
D'autre part, sur les quatre proces hors d'Espagne qui restent sur la
liste, un seul comportait Sidro comme partie; dans les autres, Sidro ne
figurait en aucune manière. Encore M. Lauterpacht nous a-t-il précisé
a.e. .ette action-là. Sidro l'avait enaae.e.,ar .esure de réc cautione .n
\.iiriiuiii ;i-t-<lit~I'cinl>iilicrIc :omit; dei ol,liga.tnir<:s(ILcoriip;ir.iitie
<I.IIIl:,pr<,cédiircdt. f.iiIliteri1 1Csp;ngiic\'III1, 4~~2,
Ainsi: la Cour se voit sollicitéedeTondamner I'Éi~aane i. - rembourser
des frais occasionn>; par ilcs proces dans lesqucIsIrs ;iiitoritésesp:igiiolcs
n7taient pas impliquées, pas plus d'ailleurs que n'!. figiir~irnt lei prr-
sontics au nom dcs<liicllesIcGouvernenient belge pictend iiitcrvcnir.
Ces proch rie peuvent au ~urlilusCtreconsidirks coinnie ayaiit uii lien
ntcessaire et raiioiiiiahlv :iwc qiielqiit actç rc~>rosIi;ible3 l'Espagne que
cc soir. le \,ieni de Ic niontrcr pour I'nctioiidr Sidru coiitre Icioiiiit;,dcs
obligat;res, mais cela est toit aussi vrai pour les autres. Nous nous
bornerons i un seul exemple. PLAIDOIRIE DE M. WEIL 549

l.:ir;cl;ini:~iion de1;i\\'estmiiistcr Harik contre Ijnrcclona 1'r;ictioncl
Saiion;il Triist Ctaii f~>iiclisir IL.1'111s/)<.i dIII1'' iiiî1927 {)a :-: mtrc
Rarcelona CI la \\'estiiiiii;tçr Rank Cet ai:tt:suroris3it le trrrsiee3 rcaliser
sa garantie, entre autres cas, lorsque la sociétéinterrompait pendant six
mois l'exécution de ses obligations ou lorsque, quelque part dans le
monde. un séauestre iudiciaire ou un administrateur de la sociétéétait
dCsign6et que cettc r;orniii:stionGtait, I'a\.is dii rrr<\t3s.prCjiidicial~l~~
à Il g;irantir.. Or. IcJ+llut d'aniorii,seriicnr des übligationi pi:riil:~ntplus
de six mois Ctait :intt)ricur 3 la décl:ir.irion de l;iillitc et deniciir:iit
étranger à toutacte imputable à 1'Etat espagnol; d'autre part, l'ouverture
de la receivership n'était pas davantage due à des organes de I'Etat
esoaenol. On voit mal dès lors auel ra~vorA Ae orocèsveut avoir avecdes
a&eyreprochés A l'Espagne. A
Pour ce qui est, enfin, des receiver'scertificafes,dont 1'Etat espagnol
est également priéd'assumer la charge, le Gouvernement belge oublie
que ce n'est pas Sidro qui a souscrit à ces certificats, mais une autre
société,la sociétéaméricaine Amitas, enregistrée dans 1'Etat du Dela-
ware, et contrôlée,d'après les documents fournis dans la duplique (VII,
p. 867),non pas par Sidro, le protégédu Gouvernement belge, mais par
la Sofina. En bref. le Gouvernement bel~e demande aue l'Es~aene soit
condariintie :iremboiirier Ic5 sommes a\~~rii$i.spar 1;i;i,ci<'rtl ;iiiiéric&iiic
Amitas, cüritrU1;cpar la îoci$t$ bel@ Soîinî, 3 iiiifonctionnaire qiii :ii.îit
Gtt?dCîignG par un tribunal c:iri:i<licnpour :idriiinistrer la 1j:ircelona
Trncrion 113 dtmnii<lc (lc 'Iational Trust.
Oiir.;t vraiment Ioiiiil'iinc consL:qucnceiiéccsi:~ireet rnisonri:ible. pour
ne vas dire inLivitabI~<d .'acics c~iiiriiiq):ir I'Etnt esi)aanol. Ce n'est
d'ailleurs -je le note en passant - méconnaissancede la person-
nalité juridique d'Amitas et dans l'ignorance de l'autonomie de son
patrimoine que le Gouvernement belge peut aujourd'hui réclamer,le
remboursement des sommes qu'Amitas, sociétéaméricaine, a investies
en bons du receiver,ce qui, par ailleurs, soulèvesans doute un probleme
de protection diplomatique que l'on ne saurait passe! sous silence.

l'aidéjànoté,que la receivershipa étéinstituéesurla demande de National

Trust et avec l'assentiment de Barcelona, en dehors de toute action de
1'Etat espagnol. Elle était fondéejuridiquement sur l'interruption du
paiement par Barcelona des intérêtsde ses obligations, c'est-à-dire là
encore sur des faits bien antérieurs à l'époqueoù le Gouvernement belge
situe ses premiers griefs contre les autorités espagnoles.
Voilà pour les frais judiciaires.
Le Gouvernement helae n'arrêtece~endant pas là ses demandes. Il
rficlame en effet une inde'knitéde plus Ar 43jooi livres jterlirig repr6scii-
tant le inoiitaiit. a\.cc iiitCrits (a4 jaiiiirr ir)jz,. (les obligations Raric-
lona l'ractioii en Iivrci iterling détcnues par Sidro ct Solina et que ces
dcrnir'res ii'ont pas pii enc:,ii;er t- <litle Gou\~ernçrnentbelge .-celte
inderilnit? iIc\,ani <:llc-mCin~ ~.son toiir. purtcr int2ri.t dt.~>iile4 jan\.icr
102"iu,au'. l'arrêtde la Cour sur le fond
Monsieur IL.l'rCsi(!eiit.Ic Gouvcrncrneiit Ijelge n'ignori:cf.rrc.5pas que
Sidro et Sofina aurnrr.rir pi1l>réjcnterces ohlig:itions au rcmbourernent
avrès la vente aux enchèrei et au'elles n'auraient pas eu la moindre
diffit:iilti:obtenir cr rrmlioiirsem~nr
Le Couvcrncrnent Iirlgc ne s'a\,i.nturt (l':iillriirspas ii contés1i:rce lait,
et ilsr borne d indii1ut:rceci dont In Cour se sdu\.i~:n(lr:i Si<lroet Sofina550 BARCELONA TRACTION
auraient estimé que présenter leurs obligations au remboursement eùt
étécontraire à la position juridique prise par elle comme par Barcelona
Traction devant les tribunaux espagnols et eût donc comportéun acquies-
cement aux mesures intervenues (M. n,o381, p. 187-188; VIII, p. 492).
Ainsi, le Gouvernement belge reconnait que c'est librement et volon-
tairement, à la suite d'un choix réfléchi,que les deux sociétésont
décidé,par prudence nous a-t-on dit, de ne pas présenter leursobligations
Barcelona Traction au remboursement. Elles savaient que les autres obli-
gataires avaient étérembourséssans difficulté.Elles savaient que Natio-
nal Trust, gardien des intérêts desobligataires, avait présentéau rem-
boursement les obligations qu'elle détenait elle-même,en sa qualité de
trustee,et qu'elle avait conseilléaux autres porteurs d'obligations d'agir
de la mêmemanière. Elles savent aussi que depuis 1952 l'adjudicataire
n'a jamais refusé,en dépit de l'expiration du délaifixépar le cahier des
charges, de rembourser, enintérêtset encapital, les obligationsBarcelona
Traction qui lui étaient présentées(cf. szr$ra,p. 338). Elles ont décidé
d'opter pour le non-remboursement. C'était leur droit, certes. hlais ce
n'est plus leur droit de venir réclameraujourd'hui, par l'intermédiairedu
Gouvernement belge, une réparation de 1'Etat espagnol pour effacer les.
conséquencesde leur décision. Comment le Gouvernement belge peut-il
demander une réparation de ce chef, alors qu'il n'y a mêmepas l'ombre
d'une cause imputable à une autorité espagnole, mais que l'on est en
préseuce d'une pure et simple conséquence d'une décision librement
prise par les deux sociétésintéressées?
Dans sa tentative d'écarter cette objection. à laquelle il s'attendait
évidemment, leGouvernement belge a fait état - je cite M.Lauterpacht
-d'une
Nrèelede droit en matiere de réclamationsinternationales qui aurait
pauire gravement à la position du Gouvernement beige si la
Sidro ... et la Sofina ... avaient adopt6 unc autre attitude que celle
qui fut la leur» (VIII, p. 493).

LaCour me Dermettra. i'en suis sûr. de ne pas m'attarder à discuter un
argument niissi peu con\,liinc;iiit, puisqu.\I1.auterp:iclit3 ioy3lcmént
recoiinii lui-iiiCnicque ncçtte interprtitritioii du droit n'Ccliappe pià 1:i
coriiroverse IlrLtd , Eii tout ttat de c:liiieilnc rlévaii snns cluiitrP;IS
m3nquer de iiioyeiiî :lux Iionimrs d':iff;iircsaverti; que d~iveiit Ftr~ les
dirigcÿnts de Siriroet de Sofiii:~poiir arriveiipr6iciiter leurs oblijptiuii~
au Ïemboursement tout en évitant de com~romettre leursdroits. -
Au surplus, le professeur Carreras a rappelé que lors des négociations
de 1961entre M.Frèreet M.Juan March,Sidro avaitdemandé, expressé-
ment. .u. les obli~.tions détenues Dar elle-mêmeet Dar Sofina soient
payces conforni&rnent3u cahier desciinrgcs (st~pra,1)33s). Si l'onajoute
a cel;iI'nttitude const:intc ct poritivc- je l';iiiidiqur'e- de S;itional
Tru.,t :II(~'arrldc ce nroblcline.l'lraurnciit tir6 de Incrninte<iu';iiiraicnt
éprouvéesydro et sofina de paraître-acquiescer à la vente prend toute sa
valeur.
M. Lauterpacht a avancé, enfin, à l'appui de la demande belge, un
argument d'ordre comptable; il a dit ceci:
nLorsqu'on a calculéla valeur de l'entreprise, la dette dont elle s'est
trouvédéchargeé par suite desévénementssurvenus partirde 1948
a été déduitede sa valeur brute. Mais les obligationscontractées à PLAIDOIRIE DE M. WEIL 551

l'égardde la Sidro et de la Sofina n'ont pas étéremplies, elles ne
devraient donc pas être défalquées de la valeur bmte.n (VIII,
P. 494.)
Sij'ai bien comprisL'argumentde RI.Lauterpacht, cedernier me semble
avoircommisune confusion.L'annexe au mémoire no282, quiconstitue
en uelque sorte la bible du Gouvernement belgeen matièred'évaluation
de i'entreprise et à laquelle Ill.Lauterpacht n'a cesséde se référer, a
conseillé - la Cour s'en souvient - de fixer le montant de la réparation
demandée à partir d'une valeur de l'entreprise obtenue par application
du système d'évaluation qui consiste àcalculer la valeur de l'actif net de
l'entreprise, c'est-à-dire fixer la valeur brute des actifs età en déduire
toutes les charges, autrement dit, toutes les dettes existantesà la date de
L'évaluation.
Appliquant cette méthode, la note de Sidro avait déduit de la valeur
brute des actifs le total de la dette obligataire de Barcelona Traction
pendante au jour désignépour l'évaluation, à savoir le jour de la faillite.
Or, le professeur Lauterpacht suggke maintenant d'apporter une !ég&re
retouche à la méthode adoptée dans la note, retouche qui consiste à
déduire de la valeur brute des actifs, non pas la totalité de la dette qui
existait le jour de l'évaluation, c'est-à-dire le jour, de la faillite, mais
seulement la partie de ces dettes qui sera effectivement payéeplus tard,
après 1952.
Il me reste enfin, et c'est la troisième demande, à évoquer la réclama-
tion de I 623 ooo dollars représentant, d'après la réplique, d'une part
l'arriéréde la créancede Sofina sur Ebro au titre du contrat de presta-
tions de services liant les deux sociétfs,d'autrepart un manque à gagner
depuis 1948, fixéforfaitairement à dix ans de rémunération, le tout
portant intérêt.
Le caractère abusif de cette demande apparaît en pleine lumière si
l'on songe qu'elle est faite pour une sociétéqui n'a jamais été actionnaire
de Barcelona Traction. Elle concerne de surcroit un dommage que l-. -
~rétendile victime a. là encore. volontairement décidéd'encourir en ne
;iclom;irit p:~;Icp:iiemcnt dc sacri3nce. cl i:ns';lbstcn:iiit suignçiij~~lneiit
di. t(,iite ;ictiiicct cffct. Ilirc, coiilme le fait \I. L;iiiterl~:~cIit.que les
lien; dr Sidr<?et (fiSoliiia soiit tïllciiieiit Ctraiti que I'a~qiiicsc~~teriid
I:iSofina aiirait pu Cire cuiiiprii coiiiiiiiiii:icqiiiesccment dc la Sidro
(VIII,r> 494) n'ejt vraiiiientpas. semble-t-il;III(;oii\.~rnement c.ln-inol.
un argûm'éiitrèssérieux.
Enfin, à la créance invoquée au profit de Sofina correspondait bien
évidemment une dettedu groupe. Or, le Gouvernement belge n'ayant pas
déduit de la valeur de l'actif du groupe le inontant de I623 ooo dollars
réclamé pour Sofina, celarevient à dire qu'il réclameaujourd'hui deux
fois la méme chose.
*
* *

J'en aurais terminé, Monsieur le Présideiit, s'ilne me restait à exposer
en quelques mots la position du Gouvernement espagnol quant aux
conclusions formuléespar hl. Lauterpacht en son nom.
Je commeiice par la conclusion fondéesur l'article 53 du Statut de la
Cour. Abstraction faite de ce que le Gouvernement espagnol a effective-
ment pris position, et de manière ferme, sur la demande belge de répara-552 BARCELONA TRACTION

tion, il sufit de lire l'article 53 pour constater qu'il ne s'applique nulle-
meAprèsuneétudeattentive desprécédentsrelatifsge le Gàul'article 53, hl.Ro-
senne a conclu en souli nant le caractère restrictif de l'application de
cette disposition (The fam and Procedure of the Internattonal Court of
Justice, p. 590-591).
Dans l'affaire du Détroit dCorfou,par exemple, l'arrêtdu 9 avril 1949
n'a pas considéréque l'absence de contestation chiffréeet détailléede
l'indemnité entraînât application de l'article 53. La Cour a simplement
déclaré:

«Le Gouvernement albanais n'a pas encore indiqué quels sont,
parmi les diverses sommes réclamées,les articles qu'il conteste, et le
Gouvernement du Royaume-Uni n'a pas présenté de preuve à
l'appui de ses demandes.
La Cour estime donc qu'il y a lieu d'instituer à cet égard une
procédiire...» (C.I.J. Recueil 1949, p. 26.)
Lorsque, en revanche, au cours de la nouvelle procédure instituée par
la Cour, l'Albanie ne présenta aucune conclusion et ne comparut pas à la
procédureorale, la Cour décida,cette fois-ci,d'appliquer l'article 53.
Ce texte, comme on le voit, concerne la procédure par défaut et ne
saurait recevoir application dans une affaire où l'on serait vraiment mal
venu de reprocher au Gouvernement espagnol de ne pas avoir fait con-
naître ses conclusions et ses moyens. La conclusion formuléepar le Gou-
vernement belge sur le fondement de ce texte est à tout le moins in-
attendue
Cela dit. le Gouvcrnrriicnt eil~:igiioleittend rc'ser\,rrtous ses droits et
not;iiiiiticnt scliii de Lav:ili)itous ;lément5 jiij,:cptibl,:s d'ètre pris en
consid$ration cil vticd'écarter cuiiipl&teiii<:iirtoute rc'p~ratioii.Clt~iiii.rits
que le Gouvernement belge n'a que trop tendance à oublier.
En second lieu, le Gouvernement espagnol prend acte de la demande
subsidiaire d'expertise exposéepar M. Lauterpacht au nom du Gouver-
nement belge (VIII, p. 470et 495).
Le Gouvernement espagnol estime n'avoir pas à prendre position sur
cette demande. Il ajoute que la demande d'expertise, alors que l'action
belge dans son ensemble ne lui semble ni recevable ni fondée, s'inscrit
dans le cadre de la tactique dilatoire qui a toujours étécelle de Rarcelona
Traction dans cette affaireet qui a étédénoncée,notamment, par le
professeur Gil-Robles (szipra,p. 58).
Pour ce qui est, enfin, de la demande d'indemnité provisionnelle, que la
réplique avait déjàformulée (R., V, no 1036, p. 759, et conclusion no IO.
p. 767) et que M. Lauterpacht a reprise (VIII, p. 496). je me permets de
renvoyer la Cour à ce que le Gouvernement espagnol avait répondudans
la duplique (VII, no892, p. 866). en soulignant son étonnement devant
une telle demande.
*
* *

Iéespar le Gouvtiriiernent bclgeil;ii~p:iraitque ces (lemandes conceiitrriit
ritiiii:Iauesorte en cllI;iquiiitcssense <IcI;<coiiduite du Gou\~crnement
demandéur dans ce singulier proc6s. Celui-ci comporte. certes, un véri-
table feu d'artifice de positioiis assez inhabituelles de la part d'un PLAIDOIRIE DE M. WEIL 553

gouvernement devant la Cour internationale de Justice; mais la demande
de réparation en constitue comme le bouquet final.
L'Espagne paiera: tel parait êtrele mot clé-et il est conformeà la
nature mêmede ceproc&s.Car celui-ci - dois-je le rappeler une dernière
fois- n'est ni plus ni moins que.le substitut imaginépar les dirigeants
du groupe à cette faillite qui devait leur permettre de conserver leurs
biens en Espagne tout en étant libérésde leurs dettes; si la Cour condam-
nait l'Espagne à la réparation réclamée,la situationserait rétablie, et la
faillite deviendrait ce qu'elle aurait dù rester aux yeux des dirigeants du
groupe: un coup d'épée dans l'eau.
On s'explique ainsi l'extraordinaire richesse des demandes de répara-
tion: on réclame réuaration de tout. de n'im~orte moi. au ~rofit de
n'importe qui. ~'esséntieln'est-il pas trace ne subsiste pour
personne de l'erreur de calcul faite? Et cela on le demande à I'Espaene,
promue ainsi, on ne le redira jamais assez, aurang d'assureur tous risques
des conséquencesfâcheuses de tous ordres que les responsables proches et
lointains de Barcelona Traction peuvent avoir subies du fait de leur
en~n'utilisant a'inz la demande de réparation à des fins étrangèresà sa
nature propre, le Gouvernement belge a, en quelque sorte, commis un
détournement de ~rocéduredans l'exercice dela ~rotecfion di~iomatioue.
Le ~ouvernemént espagnol ne.pouvait manGer, à lafinde ses ;lai-
doiries sur le fond, de dénoncerle caractère insolite de la demande que la
Belgique sollicite ainsi la Cour d'entériner.
Permettez-moi pour terminer, Monsieur le Président, d'exprimer
respectueusement à la Cour le très grand honneur que j'ai éprouvé
prendre la parole devant elle, ainsi que ma gratitude pour l'attention
qu'elle a bien voulu me porter. RÉPONSES A DESQUESTIONS DE LA COUR

PAR L'AGENT DU GOUVERNEMEKT ESPAGNOL

M. CASTRO-RIAL: Monsieur le Président, Messieurs de la Cour, j'ai
l'honneur. en accord avec mes conseils, d'apporter certains éclaircisse-
ments aux questions posées à l'audience du 9 juin par M. le juge Jessup
fsrrbra.o. 187).
je tiens. tout d'abord. i préciserque ces réponsesont nécessairement
un caractère général,car l'application et I'i~iterprétationdes règles du
svstème iuridi'aue esoaanol. danstous les cas ~articuliers. sont dukessort
des autohtés jidiciaire; compétentes.
A) Les principes de territorialité et de pluralité inspirent le régime
espagnol de la faillite. En vertu de ces principes fondamentaux, le failli
est. en Espagne, frappédedéchéance.quel que soit le lieu où ilse trouve:
les actes de disposition qu'il accomplit sont frappésde nullitéen quelque
lieu qu'il les réaliseet le dessaisissement des biens prend effet, quel que
soit le lieu où ces biens se trouvent en territoire national.
B) Le principe fondamental de l'application des règles pénalesdans
l'espace est également, en Espagne, celui de la territorialité, au double
sens que les tribunaux espagnols ne doivent juger et sanctionner que les
délitscommis en territoire espagnol et que, en outre, seule est applicable
à cesdélitsla loiespagnole (lex locideliclicommissi). Les seules esceptions
à ce principe de la territorialité, pour ce qui est des délitscommis par des
Iersnnncjde natioiitilitc: Ctranfiércenterritoire ktrniiger. suiii celles
<1u'6n11riiL1\rnrtit:l336 de In loi(II15ieptcinlire 1370 jiirI'orfia!i~i.it,iori
dii pouvoir iii<lici:iirc etIc c3s (1,:In f:iillitt: fr;iudiileii:,: n'cst pni du
nombre dc ces exceptions.
C) En vertu des principes fondamentaux indiqués, M. le professeur
Uria n'a pas prétendu, dans sa plaidoirie. attribuer un caractère extra-
territorial aux règles ou normes d'ordre pénal. Dans sa plaidoirie, il a.
certes. affirméque National Trust, dont le siège social se trouve hors
d'Espagne, n'était pas exemptée,en Espagne, de l'obligation de commu-
niauer ou de mettre à la dis~osition des oreanes de la faillite les effets
appnrt<n:iiit d In;ocit;tc failli>qii't:llepoiivniÏ<l~tciiir lZi~ii~ntci~llii.cettc
niï~rriiatioi;ii:t;fnite :IIIregni<l(1: la ligiilntiuii es{i.ijiriolri'nISJS
clicrché3coiif::rt:r3 iiiieloi p5nnlcdc, cff,:tscstr;itt:rritorinus
II eit3 sigii;iler. niissi. que Ir.~iig~riii:27tja~ivicr 1964, pÿr Irqiiel
la f;tillitcde Unrcclonn'fraction nstt;di.clnréefrauduleujc. ii'aaffect6tiuc
la seule sociétéfaillie et ne comporte aucune mention de complicit& à
l'égard de laNational Triist.
11) Je reviens maintenant, de façon plus concrète, sur les trois ques-
tions poséespar M.le juge Jessup.
Primo, en ce qui concerne la responsabilité pénaledu receiuercanadien
dans l'hypothèse où il aurait fait vendre au Canada des actions d'Ebro
après le12 février1948. ilest hors de question qu'il y ait un délit qualifié
par les lois espagnoles, puisque, dans ce cas, il s'agirait d'un acte d'un
organe public (le receiver)agissant dans son propre territoire et confor-
mément àson propre droit.
Cependant, du point de vue civil, les actes réaliséspar le receiver à l'encontre des lois espagnoles devraient être tenuspour nuls en Espagne
(art.4 du code civil et 878du code de commerce).
En tant qu'exemple pratique, il y a lieu de citer le fait que le receiuer
a vendu au Canada,après la faillite de Barcelona Traction, desactionsde
Canadian Finance, l'une des filiales de la société faillie,sans que cette
vente ait eu de répercussionsen Espagne et sans que les syndics ou les
tribunaux aient engagéune quelconque action en responsabilité contre le
receiuer.
D'autre D.rt. .êmeau cas où cet acte aurait ,U. êtredélictueux. il ne
salir:iiCtrc poursiiivi par I:Ijustice t:spngnolc. piii3,1ii'ilne s'n~irait pas
là de l'un des ddits commis ciI'ctrannrr par dcs étriinscrs visis :II'sr-
ticle 336 de la loi sur l'organisationdu Ôuvoir judiciaGe.
Toutefois, la vente des titres d'Ebro, $ans le cas hypothétique auquel a
fait allusionM.le juge Jessup, ne produirait pas, selon l'ordre juridique
espagnol, d'effets dans le territoire national: en premier lieu,parce que le
dessaisissement upelegi dusfailli aurait conféréautomatiquement aux or-
-eanes de la faillite loss sessio nt l'administration des biens de la société
faillie et, en deuxième lieu, parce qu'aucun acte du receivershipn'a fait
l'objet d'une demande d'exequatur auprès des tribunaux espagnols.
pour contester, devant les tribunaux anglais ou français, la validité dese
actions ou le droit de propriétédu possesseur des récépissési.l est clair
qu'il n'existe pas de principe de droit international privé, en Espagne,
qui empêche lesorganes de la faillite d'exercer, éventuellement dans un
pays étranger, les actes pertinents decontestationpourvu, naturellement.
qu'ils justifient de leur qualitépour agir dans lesconditions requises par la
lex lori.
En tout état de cause, je dois indiquer que, comme les droits de la
sociétéfaillie sur Ebro se trouvaient situés en Esoaene et avaien~ ét~
saisis par les organes de la faillite,il ne semble pas qui ces derniers aient
DU avoir. en ~rinciue. la nécessitéde formuler de telles réclamations
devant les trihunaui étrangers.
Tertio, quant A la responsabilité pénaleou civile qui pourrait ou non
êtreexigéede la succursale à Barcelone d'une banque canadienne qui
aurait, aprésle 12 février1948,payédes fonds du failli à un tiers,A la
demande du président de la sociétéfaillie, il faut prendre en considération
les précisionssuivantes:

a) Le droit espagnol ne connaît pas la responsabilité autonome des
succursales.
b) Dansle cas envisagé,il s'agit. d'ailleurs.d'actes hypothétiquesd'un
siègecentral situéen territoire étranger.
c) II ne pourrait pas étre question de responsabilité pénaledes diri-
geants ou administrateurs de la banque étrangère, qui aurait donné
les ordres de transfert au Canada, car il s'agirsit d'un acte réalisé à
l'étrangerpar des étrangers et que, en conséquence, le principe de terri-
torialité de la loi pénale lui serait applicable.
II en irait tout autrement si la banque réalisait des actes de disposition
sur des biens situés, précisément.dans la succursale espagnole, puisque
son directeur. dans ce cas, serait éventuellement soumis aux lois espa-
gnoles.
d) La responsabilité civile de la banque canadienne ne serait pas, en
principe, une question qui pourrait ètre tranchée par la loi espagnole,556 BARCELONA TRACTION
tant que ladite banque ophe en territoire canadien. En ce qui concerne
la res~onsabilité hv~othétiaue provenant d'une faute ou d'une néeli-
gence:envisagée je code &vilèspagnol(art. ~goz),lesrèglesespagn2es
des conflits de lois renvoient, selon l'interprétation doctrinale la plus
répandue, A la loi matérielle du lieu où l'acte a étécommis.
Du point de vue civil. les actes de disposition de la société faillie
réalisésdirectement ou par le truchement de ses banques au Canada
seraient tenus pour nuls en Espagne, quelle que soit leur valeur juridique
au Canada, puisque ces actes seraient contrairàla loi espagnole (art. 4
du codecivil et 878du codede commerce).
Je voudrais remercier M. le juge Jessup de nous avoir permis.
grice à ces questions, de donner des éclaircissementssur certains points
de la plaidoirie du professeura.
J'espère, Monsieur le Président, Messieurs de la Cour, que les réponses
aux questions poséespar M. le juge Jessup seront suffisantes. Sinon,
je demeure, bien entendu, toujours à )(entière disposition de la Cour. PLAIDOIRIEDE M.MALINTOPPI

CONSEIL DU GOUVERNEMENT ESPAGNOI

M. MALINTOPPI: Alonsieiir le Président, Messieurs les juges. au
cours de son exposé introductif, le professeur Rolin, dont j'ai apprécié
une fois de plus le talent et la maestria, a consacréaux exceptions pré-
liminaires une partie de sa plaidoirie. Il a tenu notamment à souligner
que. dans la présente affaire, les recours internes auraient été exercés
cipar centaines,), et qu'au surplus ce serait Sidro, le principal des sujets
pour lesquels le Gouvernement belge voudrait prendre ici fait et cause,
qui. des le début de la faillite de Barcelona Traction, aurait sonnéle
«branle-bas de combat i(~III.... 27).
Pe~it-Strea->-il!.ouli~.parle CI~OI.Y"~'IL~~C~IIIV;.i\.oqiier l'iiiiage (l'un
grand cnpitaiiie du teinps j;ldi; aliiiîiirpns par une attaqiie .;uii~l:~iiie.
s'dance à 13 trte deses lioiiirr~eviii;!rc1cv;c CLs:lt>r~:LNcI:II~cuiitrc?lin
ennemi dans lequel il voit le symbole iles forces du mal:
Cette image est sans doute saisissante. Il m'appartient toutefois de
vous montrer combien elle est éloignéede la réalité. Il m'appartient de
vous montrer que ce grand capitaine, qui prévoyait l'attaque depuis
longtemps, nel'a guèrejugéedangereuse. Au contraire, saisi d'une n douce
hilarité», il s'est borné à utiliser quelques patrouilles de mercenaires
pour une manceuvre d'ailleurs vouée d'avance à l'échecétant donnC
l'attitude passive de la formation priiicipale. Et celle-ci ne devait,à son
tour, êtrejetée dans la bataille qu'au moment où l'issue en était iyré-
médiablement compromise par l'inaction initiale. Et le brave capitaine,

quant à lui, estimait que des raisons impérieuses l'obligeaient à rester
bien caché à l'arrière-garde. Il s'est donc borné àreconiiaitre le terrain,
mais après la bataille, et n'a guère tiré que quelques coups dans le
\.I'rC\.c<Iriii~~t;ipliorc..\Iciiiciira. II ni'incurii\us <moiirrcr quc Ics
al)par,!nces sont troinptiiscs ct qu'm cl2pit (Ics litiges qui uiit tu Iidu cn

1-;pagne i 1'occa.siondc la lnillitr de Il;trczlonn l'r;,ctioiilii'a pa;Cté
sat~sfaità I'csigcnce de I'&l>ui~cniend tci rzcours internes dans lei con-
devant votre haûte jiiridiction.c iiitro(luite par le Goii\.eriiemerit belge
Teme nrooose de traiter le suiet de la manière suivante:

Ën pre'niiérlieu, j'examineral certains probl&mes relatifs à la règle
internationale dont il est ouestion. afin de montrer comment elle devrait
êtreappliquée en 13espècê ~.'aurii notamment l'occasion de m'arrêter
aux caractèresd'une demande qui vise à protégercertainssujets pour des
lésionsque l'on préterid causéespar des actes affectant un autre sujet
et de souligner les conséquencesqui en clécoulentdu point de vue de la
présente exception.
En deuxième lieu, j'aiiraià vous inontrer par quoi et pourquoi les
griefs du Gouvernement belge se rattachent à la procédurede faillite de
Barcelona Traction en Espagne. Cet examen me permettra de préciser
en particulier que,de l'aveu de nos adversaires eux-mêmes,il s'agit d'une
procédure unique et non pas de décisions isoléessans lien entre elles
(VIII, p. 52). Mais on verra également qu'il s'agit, en l'espèce,d'une558 BARCELONA TRACTION
procédure caractériséepar le fait que l'on n'a pas attaqué. ainsi qu'il se
devait, le jugement par lequel cette procédurea étéouverte.
En troisième lieu, l'on verra que les sujets qui auraient dû épuiser les
recours dans la présente affaire ont eu à leur disposition non pas une
seule. niais deux voies de recours spécifiques,I'opposition et le recours en
revision. Mais l'on verra aussi qu'aucun de ces recours n'a étéépuisé.
On n'a pas utilisél'opposition, qui constituait le moyen le plus spécifique
que l'on puisse imaginer. On n'a pas utilisélerecours enrevision, quiest
resté ouvert jusqu'à 1953 et qui, s'il avait été fondé,aurait pu aboutirà
la reslilz<liin integrum, mêmeaprès la vente. des biens de Barcelona
Traction.
En quatrième lieu. j'inviterai la Cour à prendre acte de l'attitude
passive non seulement de 13arcelonaTraction. mais aussi de Sidro et de
Sofina. c'csr-i.<iire dcs ioiiGtr'; pour I~squelleon prCtt:iiil riiniiit~iiniit
pr~.nclr<I:nil t:t c:iii.,,. Cctt~ 1i:5't:qpoiirsuiviv ]ii;qu';iprc\jI;,vviitc
(les 111t:se l<~rc~lot~':~'~:~CIIctI,Il'aiIleurj mbnc IcarccoiirIIII~~I~~II~LS
depuis lors n'ont pas étémenés à leur terme.
En cinquième lieu, et à titre dès lors toutà fait surabondant, je ferai
allusion aiix omissions quicaractérisent l'attitude des personnes protégées
et de Barcelona Traction elle-mème,tant à l'égardde la compétencejuri-
dictionnelle des juges espagnols que du soi-disant blocage des recours ct
de la pürtie de la faillite qui a traià la vente des biens du failli, ainsi
qu'aux omissions relatives aux actes administratifs antérieurs à la
faillite.
Finalement. il y aura lieu de montrer à la Cour que ces défaillances
n'ont pas étéoccasionrielles. mais qu'elles relèvent d'un plan concertéet
d'une tactique délibéréeet ne sauraient en aucun cas étre invoquées
pour justifier le non-épuisement des recours internes dans la présente
affaire.
*
* *

En ce qui concerne, Monsieur le Président. hlessieurs de la Cour, les
problèmes relatifs à l'interprétation de la règleinternationale qui exige
l'épuisementpréalable des recours internes, je n'ai aucune peine à suivre,
en principe, mon distingué contradicteur et à renvoyer aux exposésqui
figurent dans lecontre-mémoire(IV,p. 587-602)et dans la duplique (VII,
p. 885.890).
II me permettra cependant de garder intacte ma confiance en les thèses
d'autant qu'elles se rattachent au mémeordre d'idéesque celles quee écrj'ai
eu l'honneur d'exposer à la Cour il y a cinq ans. Il me permettra aussi,
je l'espère,dedire à la Cour que ma confiance n'a pas étéébranléepar les
considérations qu'il a consacréesaux conditions d'application de la règle
dans la présente affaire tout en affectant de ne pas vouloir toucher aux
principcs juridiques applicables. II me permettra enfin, je le souhaite, de
souligner que ma confiance a surtout été nourrie par la virtuosité avec
laquelle il a glissésur certainesquestionsgènantes pour la Partie adverse.
Les problhmes que le professeur Rolin a jugéopportun d'aborder avec
plus de détailssont au nombre de trois. C'est dans l'ordre suivant que je
me propose de les traiter pour contrer les argumentsde la Partie adverse
et pour dé\~elopper à mon tour devant vous, Messieurs, ma propre argu-
mentation. II s'agit donc: I) des critères d'interprétation de la règle, en l'état actuel de la com-
munauté internationale et de son droit;
2) de la détermination des sujets qui auraient dû épuiser les recours
internes dans la présente affaire;
3) descaractères dÜgrief du Gouvernement demandeur.

Le premier problème vise en réalitédeux questions qui appellent des
commentaires relativement limités, mais qui exigent un examen distinct.
II y a tout d'abord une divergence d'opinions entre les Parties en ce
qui concerne les rapportsentre juridictions internationales et juridictions
nationales et les consé<luencesqu'il faut en déduire pour I'interprétation
de la règle de l'épuisement des recours internes. Dans ses écritures
(C.M., IV, p. 589.595; D., VII, p. 885-887), le Gouvernement espagnol
avait soulignéque la règleen question existe en fonction de la confiance
qui est due au système judiciaire de chaque pays et que son but n'est
pas simplement d'imposer des formalitéspour apaiser lasusceptibilité des
Etats à l'égardde leur souveraineté. S'ilen est ainsi, l'on voit mal pour-
quoiledéveloppement progressif du systèmede protection judiciaire dans
l'ordre interne ne devrait pas avoir pour corollaire que les juridictions
iirternationales apprécient avec une rigueur croissante la conditioii de
l'épuisement préalabledes recours internes. Contrairement à l'opinion
de la Partie adverse (VIII, p. 571). une telle constatationn'implique
aucunement une atténuation du contrôle international.Le contrôle inter-
national, d'ailleurs encore très limité, n'est au'une garantie de plus. .r
r:ipport ?Ictllei qiie le; 1:tlti pcrf~ctioiiiicrt;lrijses% dans Icur 1>r01>1e
hystiinc <leprotcctioii jii<lizi:tir~.(Lin; Ic soiici <l':i,>iirerI'am<lir,r;itiuii
conct;inte d,: 1'a~lmiiiistrationaleI;iju;tiir. >loi; lc~~iitrilc ~iiternâlio~i:~I
je sitiie i iin niveau drffLrent. :7I'esllrieur #lc1or,.niii~:irioiijudicinirc
(lecliaqui: ICtnt II a poiir but d'nppiCcicrsi, 1.condition clcI'Cpuiserncnt
des recours iritcriics 6t:irit rt.nil>lie:.Ir.coiiipurteniJcI'Etat peut &,eii-
tuellement ;tr~ considCr2 coninic In \~iolntioii <I'iiiicotli$ation iiitcr-
n;itionnle. S'il eii ,<i3it<liff6rïninit:nt, le coiitrhlc iiit~.riiatioii:ilsc tro-
duirait Dar l'institutioii d'une su~er-cour de cassation. Nous savons fort
bieri. de'notre côtéde la barre, qÛec'est précisémentdanscette direction
que la Partie adverse voudrait entrainer la Cour. II n'en est pas moins
vrai qu'il y a un grand pas à franchir avant de pouvoir imaginer le con-
tr6le international des juridictions nationales sous une forme pareille.
Le Gouvernement espagnol a soulignéque la jurisprudence de la Com-
mission européennedes droits de l'homme (C.M.,IV, 1).594-595) offreun
exemple typique de développementdu contrOleinternational réalisétout
en assiirant en mémetemps le respect de l'organisation judiciaire interne
des Etats et la vérificationde la condition de l'épuisement ~réalabiedes
recoiirs intrrnci. 1.cprofessciir Holiii 3 birii \,oiil;irccoiiii;ii~e (et j'ai 61;
Iit~iirciisdc 1,:con>tntcri 81i13Coniniissioii~:iirop<<?ii~s'ircat ni ont -i.ce
sont ses propres mots(V111, p. 571) - crelatlvement exigeanter dans

l'application de la rEglcqui est à la base de notre exception. Si la Cour
veut bien se pencher sur les extraits qui figurent dans le contre-mémoire
espagnol (IV, p. 594-595).elle pourra aisément constater qu'en réalité la
Commission européenne s'est montrée beaucoup plus exigeante encore
que le professeur Rolin ne voudrait le croire. Ce à quoi, en tout cas, j'ai
des d~f~ ~ultésà souscrire. c'est '.e oareille attitude serait due au fait aue
la Commission européciiiieest le pliis souvent appelée à se prononcer A
l'égard deréclamations formuléespar des particiiliers contre leur propre560 BARCELONA TRAC~ON

Etat. Mes difficultéssont dues à ce que, d'après l'article 26 de la Con-
vention de Rome, la Commission européenne nepeut êtresaisie qu'après
l'épuisementdes recours internes, utel qu'ilest entendu selon lesprincipes
du droit international généralement reconnus n (C.M., IV, p. 594). Des
lors, je ne vois pas en quoi la portée de la rkgle internationale devrait
êtremodifiéedu fait que. dans certains cas,.la Convention de Rome ouvre
la voie du recours directement aux particuliers et contreleur propre Etat.
J'en viens maintenant à l'autre point concernant l'interprétation de la
règleinternationale. Il s'agit de savoir si l'absence de précédentdans la
jurisprudence nationale à propos d'un recours donné peut dispenser le
particulier d'en tenter l'épuisement.Cette question se rattache, d'après
le Gouvernement espagnol, à l'opinion exprimée par la Commission
européenne des droits de l'homme en s'inspirant d'un principe formulé
par la Cour permanente dans une affaire trèsconnue lorsqu'elle a souligné
que
«s'il existe un doute quant à la question de savoir si uni voie de
recours déterminée peut étreou non de nature à offrir une chance
réellede succès,c'est Iàun point qui doit êtresoumis aux tribunaux
internes eux-mêmes,avant tout appel au Tribunal international »
(D.. VII,p. 888).

Est-il besoin de préciser aussitôt qu'il est grotesque d'accuser le Gou-
vernement espagnol de vouloir déduirede cette citation que les particu-
liers sont tenus d'épuiser (ides recours tellement absurdes que jamais
personne avant eux ne les aurait tentés o (VIII,p. 578)? De quoi s'agit-il
concrètement? La Cour aura constaté,dans les écrituresdes Parties, qu'il
n'y a pas de précédent spécifiquedans lequel le Tribunal suprême espa-
gnol ait eu à statuer sur un recours en revision introduit contre un
jugement déclaratif de faillite (cf. notamment C.M., IV, p. 623-625;
D., VII, p. 922-925). A-t-on besoin de dire aussitôt que le recours en
revision n'apparaît pas, idu ocnli,comme un moyen tellement absurde.
dèsque l'on accuse le juge de Reus d'avoir eu, avec.les requérants, des
contacts .autres que ceux prévus par le code de procédure. (R., V,
D. 18\? Ainsi. et .uisa.e le Gouvernement es~ae.ol-.'avait en vue. en
I'espéce,qiic Id ri6cessitC(I'Cpuiieruii rrcoiira ]~sriiïiiliircment pertiiiciit
et d'iiiic rfficacitc'certain18(:roi; r>oiivoir,pour Ic moinciit nic borncr
à Drendre acte de ce aue la Partie adverse $est montrée d'accord ~our
admettre que
<I'<ib,ciicede jurisyrudencc rclati\.ci I'objct cl'iin recours oà sa
rr.c~v;it~iline suffi~3.ij.écarter~OUJOU~S I'0bIi~3tiotid'él)iiisement.
à diîl>mser lcs iiitéress;~d'iihercece recoiirht(\'III,1)578).

II suffit donc de prendre acte de cette citation

L'audience,susPendue à 16 h IO, estvepviseà 16 h 35

Je passe maintenant au deuxième ordre de problèmes générauxcon-
cernant des points de droit international. Il s'agit, cet égard, de déter-
miner quels sujets auraient dû épuiserles recours internes dans la pré-
sente affaire.
Je suis heureux de constater que la Partie adverse a finalementdaigné
exposer ses arguments à cet égard.La question est tellement importante dans la présente afiairc. qii'on aurait eu dc la peine 3 comprendre un
iilcnce objtir16. (:cpendant.A la lumiérc(les arguments di\~~lopp;s par
nion honorable contradicteur à l'audience du 14mai. I'onest en droit de
se dernandor si la causédu Cou~crnçini.nt dckancleiir n'auiait pas étL:
miçiix szr\,ipr une :ittitudc bcaucoup l>liisdi>crt?te.
1)c <iuoii'iigit-i.\lcs,i~iir,? 1.c contrr-m;iooire csnacriol (IVp.602-
604) a;ait sodigné d'abord une différenceremarqua$le>ntrè la ;equête
belge de 1959et la nouvelle requétede 1962.Dans la première, la Partie
adverse Üréiendait assurer directement la ~rotection de la société
~arcelonâ Traction, nonobstant le fait que la hationalité canadienne de
celle-ci lui interdisait de le faire. Dans sa deuxième requête, la Partie
adverse, tout en laissant, pour le restant, les choses inchangées,a essayé
de présenter son action comme si elle était exercéeen faveur d'autres
sujets. Ellea déclaréprendre fait et cause pour une autre sociétédont le
siègeest àBruxelles qui, en tant qu'actionnaire et obligataire, est préten-
dument intéresséedans Barcelona Traction et qui aurait été léséepar
certains actes affectant cette sociét. ependant.et ainsiauemon collèpue
le ~)rufeiîeiir-\gVOUS ICmontrer:i inuivcnil, lei efl~tsd:.CCcli:ingcm';nt
<Irpo'ition dii Zuiii.~.rii~rii~iitbi;iprop~; (lu siijet ~iriitCgtr;i1>ri:-
sente affaire restent fort douteux.
Dans ces conditions, le Gouvernement espagnol a jugé nécessaire
d'attirer l'attention de la Cour sur le fait que l'incertitude qui plane quant
aux sujets auxquels se réfèreréellement la réclamation belge, risque
d'avoir comme corollaire une éeale incertitude auant aux suiets a,i .
auraient dû épuiserles recours infernes dans la présinte affaire.
En effet, avant lestade actuel de la procédure,le Gouvernement bclpe
n'ajaniaisessa~édesoiitenir qiieIcchangcmcnt desÿ yusition, quant aiyx
sulcts qu'il prLtq-iiclorotigcr. de\,raii cn iiii.iiic tcinps ciitr~irier (lt:s
changementssensibIe5 quant aux sujets qui auraient dû épuiser les
recours internes. De toute évidence, le Gouvernement espagnol n'avait
aucune difficultéà marquer son accord sur la nécessitéde déterminer si
les recours ouverts à Barcelona Traction avaient étéé~uiséspar cette
sociétéen tant que telle, puisqu'en tout cas le prétendu préjudik decoule
en m6me temps le Goiivernement espaanol ne ~ouvait manauer demème.Mais
souligner cqu'aicas où le grief aurait au& pu étreredressépar des.recours
ouverts aux actionnaires ou aux obligataires,l'on serait en droit de véril
fier également l'épuisementde ces recours, puisqu'ils auraient ,précisé-
ment dîi être introduits et poursuivis par les sujets que I'on entend
protéger.
La réplique belge, pour sa part, n'avait pas cru devoir opposer un
argument quelconque à ces considérations de droit. Et pour cause, car la
Partie adverse n'a pas le moindre intérêt à examiner les recours ouverts
à Sidro et Sofina, puisqu'il est de fait- ce qui n'est d'ailleurs pas con-
testé par elle- que les premières actions intentées par l'un de ces sujets
en Espagne datent de 1953,c'est-à-dire, pour emprunter une expression
chère à la Partie adverse, d'une date à laquelle le dommage aurait déjà
étéaconsolidé » (R.. V,p. 595). alors que l'autre de ces sujets n'a intenté
aucun recours.
Le Gouvernement espagnol, àson tour, ne s'est pas seulement borné à
prendre acte, dans sa duplique (VII, p. 892-8g3), do silence de la Partie
adverse. Il a développéson argumentation, et ce en deux points, que I'on
peut r6sumer en reprenant les termes mêmesde la duplique espagnole:562 BARCELONA TRACTION
«En ~remier lieu. la demande du Gouvernement belrceco-cernant
Ic préj;dicc.prétendunient subi par des ;ictionn:iirésrn tant (lu'obli-
gata~rc~tend iiécessaircmrnt à yrot?ger ce; jujets dans leiir qualité
d'oblig:~t;iirst. dèslors. I'onest en droit d'excil>lanon-utilisation
des reciiurs ou\,erts aux 0biigat;iires.
lin deuxiCriielieu çtconiptc tenu des circoii;taiices de I'cîl)~ce,le
Gouvernement espagnol est en droit de faire état de ce que les
actionnaires, que I'onprétend protéger, n'ont pas utiliséles recours
qu'ils auraient pu exercer précisémenten raison de leur qualité
d'obligataires, dans la procédurede faillite de Barcelona Traction et
notamment à l'encontre du jugement déclaratifde la faillite de cette
société».

Finalement contrainte à répondre, quenous dit la Partie adverse?
La meilleure défense,on le sait, dans une situation difficile, est I'at-
taaue. D'a~rèsmon honorable contradicteur. notre thésere~oserait sur
de& princjpes qui, à ses yeux, constitueraient autant de posiulats. Il les
résumedans les termes suivants:
~iPrimo, pour qu'un recours interne satisfasse à l'obligation
d'épuisement, il ne suffit pas qu'il ait fourni au juge national la
possibilitéde redresser le grief dénoncé,il faut encore qu'il émane
de la personne en faveur dëqui une action internationaleâ étéintro-
duite.
Secundo, si le droit interne ouvre des recours à diverses catégories
de personnes, il est nécessaireque toutes les catégoriesaient uséde
cette facultén (VIII, p. 575).

Voilà notre these telle qu'elle est présentéedans l'exposédu professeur
.-.....
Qu'il me soit permis d'abord d'examiner le premier point. Ainsi donc
la Partie adverse nous reproche d'avoir exigéque I'ontienne en tous cas
compte des recours ouverts à la personne protégée.Ce qui implique que,
selon le Gouvernement belre, il ne serait aucunement nécessaireaue le
recours émane de la en faveur de laquelle une action inter-
nationale a étéintroduite.
de notre thèse et que la Cour elle-mêmel'aurait implicitement écartéeappui
dans l'affaireInlerhandel lorsqu'elle a indiqué,comme raison d'être dela
regle d'épuisement, la nécessitéde permettre à I'Etat où la lésioiis'est
produite d'y remédierdans le cadre de son ordre juridique interne. II faut
en déduire que, d'aprèsle professeur Rolin, la Cour aurait indiquépar là
la seule et unique raison d'êtrede la règle. Et il s'agirait d'une raisonà
tel point exclusive de toute autre que les recours iiiternes devraient ttre
tenus pour épuisés dès lorsque I'Etat a été d'unequelconque façon en
mesure de redresser le grief, et ce, nous dit-on, même lorsquela personne
léséen'a aucunement fait al'effort et le sacrifice d'action judiciairea
(VIII.p. 576).
Blessieurs, je suis tout disposéà me rallier à l'affirmation faite par la
Cour dans l'affaireIviterhandel.Et ce d'autant plus que le passage citépar
le professeur Rolin figure d'ailleurs en têtedes citations de jurisprudence
et de doctrine reproduites dans nos exceptions préliminaires de 1963
(1p. 237et sui\,.). ce qui témoigne del'importance que cette décisioiia à
nos yeux. PLAIDOIRIE DE M. MALINTOPPI 563

Ce que, par contre. j'avoue avoir peine à comprendre, c'est que I'on
nuisse nous reorocher de iueer nécessaire lecontrôle de I'é~uisementdes ~-
kecours ouverts à la perio&e léséeet surtout qu'on en Gienne à nous
accuser de ne pas avoir cité desautorités à l'..pui de la nécessitéde ce
contrôle.
J'ai la faiblesse de croire, Monsieur le Président, Messieurs,que si votre
haute iuridiction, dans le passaae de I'arrét Interhandel que nous discu-
tons. fi's pas indiqué queis sujëts auraient dU épuiser lésrecours, cela
n'implique nullement qu'il ne soit pas nécessairede vérifier sila personne
Iéséea réellement exercéles recours qui lui étaient ouverts. J'ai la fai-
blesse de croire que si pareille précisionne figure pas dans le passage en
question, c'est seulement parce qu'elle est de toute évidence, self-aident.
Du reste, la jurisprudence et la doctrine ont, l'une et l'autre, mis en
lumihre cette donnée démentaire, contrairement aux affirmations de la
Partie adverse. Ce qui est amusant. c'est que je puisse me borner à faire
état des autorités invoquéespar mon honorable contradicteur lui-même
à l'audience du 13 mai, c'est-à-dire la veille du jour oii il allait nous
reprocher de n'en avoir cité aucune lorsque nous affirmions que ledroit
international impose le contrôle de l'épuisement des recoursouverts à la
personne Iésée.Il s'agit - la Cour I'aiira deviné - de la résolution de
l'Institut de droit international et de la sentence arbitrale dans l'affaire
Ambntielos, dont les extraits pertinents figurent déjàdans nos exceptions
préliminaires de 1963 (1, p. 237 et suiv.). Or, le professeur Rolin nous a
fait savoir - ce sont ses propres mots - que le Gouvernement belge a
xsouscrit volontiers u à la définitionde l'Institut, dontilfaut rappeler ici
le passage qui nous intéresse:
« Lorsqu'un Etat prétend quela lésionsubie par un de ses ressor-
tissants dans sa personne ou dans ses biens a étécommise en vio-
lation du droit international, toute réclamation diplomatique ou
judiciaire lui appartenant de ce chef est irrecevable. s'il existe dans
l'ordre juridique interne de 1'Etat contre lequel la protection est
élevéedes voies de recours accessibles à la bersonne Iésée .t aui
vraisemblablement sont efficaceset suffisante;. et tant que 12nsâge
norm:il de ces voies n'a pas étéépuisé ..n (Annuaire de I'lnslilnt de
droit international,1956.P. 358). -
Et ouant à la sentence dans l'affaireAmbalielos. oue le ~rofesseur Rolin
a égalémentcitée(VIII,p. 573) en reprenant les &;mes Quifigurent dans
la duplique espagnole (VII,p. 887).il y est dit ce qui suit:

iiL'Etat défendeur a le droit d'exiger qu'oii ait profitépleilzemenl
de tous les recoursinternes avant aue les auestions en litiae soient
portées sur le plan international par 1'Eta'tdont les personnespré-
lendumeittlésée sont les ressortissants.r
Je crois pouvoir me dispenser de toute autfe citation. Je crois surtout
pouvoir souligner que le professeur Rolin, qu~nous a adresséun reproche
tout i fait gratuit, n'a pas été enmesure de citer, quant à lui, aucun
précédent véritable à l'appui de son affirmation.
Av,nt ainsi dPmontri: ou3ilest tout à fait iustifiéd'ex-rrerle contrôle de
l'épuisement desrecours ouverts à la persoh prétendinnent Iésée pour
laquelle on prend fait et cause sur le plan international, j'en viens
maintenant à la deuxième objection que nous oppose le professeur Rolin.
Je ne crois pas que I'on puisse nous reprocher d'avoir affirmé,d'une564 BARCELONA TRACTION

façon aussi générale, que si ledroit interne ouvre des recours à plusieurs
catégoriesde personnes, il est nécessaireque toutes ces personnes aient
uséde cette faculté.
Nous n'avons pas raisonnédansl'abstrait, mais in conc7elo.Nous avons
remarqué,en d'autres termes (D.. VII, p. 893), qu'il faut tenir compte des
circonstances de I'espèce.Dans la présente affaire, quelles sont les cir-
constances de I'espèce?Elles ont trait, primo, aux sujets que la Partie
adverse prétend protéger et. secundo, au genre de lésionqu'ils auraient
prétendument subie.
Or, dans la toute dernière version que le professeur Virally a soumise à
la Cour, I'onprétendqu'une sociétéayant son siège à Bruxelles et que l'on
suppose avoir des intérêts dansBarcelona Traction aurait subi un pré-
judice àcause decertainesdécisions quelesautorités espagnoles ont prises
à l'égardde Barcelona Traction. Il est donc évident que, selon les préten-
tions de la Partie adverse, la personne lésée,le sujet pour lequel elle
s'achariie à déclarer qu'elle prend fait et cause, c'est bien Sidro et, en
plus, Sofina dont on affirme qu'elle contrôle Sidro. Dans ces conditions,
on voit mal pourquoi I'on devrait se dispenser de vérifier.sur le plan du
droit international, l'épuisementdes recours que Sidro ou Sofina auraient
pu exercer.
Tout autre. bien entendu. est la auestion de savoir si. sur le ~lan du
droit intcriic,'ces(leux sociét~sdii~>o;:iientin conrri~loetdansles Airconi-
taiices de I'espcce,de recours qii'clles auraient )>IIruercrr. Ori vcrra pliis
avant, lors dël'examen des recours ouverts en Espagne, que la réponse à
cette question est affirmative. Qu'il nous suffise ici d'avoir établiqu'aux
yeux de la Partie adverse Sidro et Sofina semblent finalement êtreles
personiies léséeset que le Gouvernement espagnol est donc en droit
d'exiger que l'épuisement par elles des recours internes soit tenu pour
acquis avant que la responsabilité internatioiiale de l'Espagne puisse
êtremise en cause.

II s'agit maintenant de voir, toujours en fonction des circonstances de
I'espèce, s'il y a lieu d'exciper aussi du non-épuisement des recours
ouverts à Barcelona Traction, c'est-à-dire à la sociétécanadienne direc-
tement affectéepar les actes prétendument illicites que I'on impute à
1'Etat espagnol. Sur ce point. si je raisonnais comme mon distingué
contradicteur et ami hl.Lauterpacht, je pourrais êtretenté d'invoquer
une sorte de forclusion, une espèce d'estoppel, car la Partie adverse ne
s'est jamais refusée à discuter du non-épuisement des recours ouverts à
Barcelona Traction. Je suis plutôt porté à remarquer que la penséedes
auteurs des chapitres des écrituresbelges consacrées à la présenteexcep-
tion semble ne pas avoir évolué - s'il m'est permis d'employer cet
euohémisme - bari basszr. au mêmervthme aue les transformations
q~~o~is tubies ~es'ar~iikeiits destinés à étb!.çrle j;<sslatrdidii Gouverne-
ment hzlgt:t lai^I;i[>r;ieiitc :,tïnirc Cnrriit:+tii~tIt~:c>or~liiintientre
les exoocéssur les-deux exceotions n'est réellement interveiiue au'au
cuiir, ~lcI:<pi<:;t.rilipioc?<liircor;ilCLqiii ~xplic]ui.poiirquoi l'ontroiivc
tricort:. de 1tiutrc cbte de InInir,:. Ici s6ilinienti (Ic; tliées d':inr;~ii.
En tout c:is. ct i~ii.rn~s'il faiit prcndrc acte (Ir:l'attitudde In Pnrtic.
:idverse, ]c croii [>oiivoirsoiiligiier que le contrùlc de I'r'~)uisçrn~:i(iltes
rccour.; ou\.eits i I~arceloiinTr;ictioii s'inipose surtout en raison des rir-
constniices de I'espficc..Airis<III<je vit:tis de le rcmnrquer. lei ;ictc-sin-
criiniiiri,iitr.iit ails ~ir<:rni;;c la PsiIlitedc I(:ircïloii;i Traclion, oj.
In faillite ellr-ni;nic-. Déslor;. il rit t;ifait nornial qiie les orgmci de PLAIDOIRIEDE M. MALINTOPPI 565

I'Etat espagnol aient dû êtremis à l'épreuvepar les destinataires de ces
actes. L'on ne saurait donc nous reprocher, comme l'a fait le professeur
Rolin (VIII,p. 576). d'exiger le contrôle de l'épuisement des recours
ouverts à toutes les personnes qui, en vertu du droit interne, auraient pu
intervenir. Notre these, elle est fort simule. Elle visait et vise touiours
I'h!.potli$se suivarite, quiest tout à kilt '~~écifi<~uuen.e drmnride inter-
nation:ile conirrrinrit certains p:irticiilierj prc'tendunirnt ICsesp;ir des
actes orCtendurnçnt illicites cornmi5iI'6eîrcld'un autre n3rtici1licr. i 13
supp&er admissible - ce que nous contestons fermement -, devrait en
tout cas et nécessairement entraîner, toute autre condition mise a part,
que l'on contrôle l'utilisation des recours ouverts à ces deux catégoriesde
personnes.
Tel est donc, hlonsieur le Président, Messieurs les juges, le système
aui est à~~ ~ ~se de I'exce~tiondu Gouvernement esoaenol.e~,ce aui con-, ~ ~
cerne les sujets qui auraient (liCl~iiisrrles recours iiittrries dans la pri).
sente affaire. 11exige I';ippr6ciation du coniportemcnt de la persorinc qiie
I'onprctcnd ICsiç.:iinaiqu'ilet conjt;lnt eiijiiri>liriidenc(:ct en <loctrinc.
.\lxiril esiger;iit aiissi 1'apyrki;ition dii coniportc~iiicntcl'iin dciixiCinc
siilet. ressortissant d'lin Et;it tier,. qu;i616l'objet (Ir, sctcs incrimiii;.î,
daiiî l'iivootli&ie où le droit iiit~rriational admettrait. (1~11s <IL.tel-~-
conditio;;, la protection de la première personne. Il sciait évidemment
trop facile de nous opposer qu'il n'y a pas de précédent à l'appui de cette
thèse, ni, d'ailleurs,à son encontre. Cela est fort compréhensible pour la
raison bien simple que le droit international, ainsi que mon collègue,le
professeur Ago, vous le montrera ensuite, n'admet pas, dans ces con-
ditions. la protection de sujets autres que celui qui a étél'objet des actes
incriminés.
Du reste, le systbme de défensede la Partie adverse se résumeen deux
affirmations qui, précisément.ne sont que de simples affirmations.
D'abord, on l'a vu, on affirme qu'il ne serait point nécessaireque les
organes de 1'Etat où la lésiona étécauséeaient étésaisis par la personne
Iéséec ,ar il suffirait qu'ils l'aient été par'un quelconque des sujets que
I'on englobe indistinctement dans la formule vague de iicointéressésu
(VIII, p. 576). C'est là précisémentl'affirmation qui est formellement
contredite par les précédentsqui exigent bien l'épuisementdes voies de
recours ouvertes à la personne Iésée.
Ensuite, on nous a dit qu'en cas de protection diplomatique d'action-
naires. et lorsque les actionnaires ne disposent pas de voies de recours
propres, il serait loisibleà ceux-ci d'agir par personne interposée (ibid.,
p. 588).Par conséquent, il suffirait que des recours introduits par l'une
quelconque de ces personnes aient étéépuisés envain pour que la regle
internationale soit considéréecomme respectée.
Messieurs,je ne crois pas pouvoir me rallier à cette doctrine de I'épuise-
ment des recours par personne interposée.
On verra ensuite qu'en fait Sidro et Sofina, tout en n'ayant pas de
recours spécifiques en tant qu'actionnaires, étaient en mêmetemps
obligataires de Barcelona Traction et que. à ce titre, elles pouvaient
comparaître dans la procédure de faillite et y exercer les recours perti-
nents et pleinement efficaces.
On verra égalementque Sidro a introduit, apres la vente des biens de
Barcelona Traction, un recours en tant qu'actionnaire, mais qu'elle ne l'a
pas épuisé.Des lors. le postulat de l'inexistence, en l'espèce,de recours
directement ouverts à Sidro et Sofina, ne résiste pas à l'examen. Mais,566 BARCELONA TRACTION
mêmes'il n'enétaitpas ainsi, l'on voit mal pourquoi l'ondevrait accorder
aux actionnaires le privilège - car c'est un véritable privilège - de
choisir des «personnes interposées net notamment de susciter les recours
de sujets autres que celui auquel s'adressaient les actes incriminés. La
nécessité d'apprécier les actes- je dirais plutôt les omissions- de Bar-
celona Traction qui avait précisémentétél'objet de la procédurede fail-
lite n'est Dascontestée.
En rei,inche. il n'e5pz3 admissible que I'on puisje satisfaire à la régl'
internationale par des recour; émanant de sujets tçls qii'Ebro et l3arze-
lonesa. qui n'avaient pas qualité pour introdiiire lei recours appropriL's
et qui. en tout cas, ne sont ni la sociétédL:clar>een faillite ni les sociéti.>,
araiit leur sic'cé3 l{ruxt~llei.ail profit d~.;<iuelleiI'on rir&tcndcuercer I;I
Gotection diPlornatique en raiion des 6ouséqueuc& de cette même
déclaration de faillite.
C'est donc vainement que la Partie adverse essaie de soutenir 1VIII.
p. 576),qu'il suffirait queles recours aient étéépuiséspar ~a,~erSonné
protegee ou, génériquement, par des acointéressés~, parmi lesquels
fimrait la société déclarée en faillite en raison de l'influence aue ces
&&mes actionnaires auraient pu exercer pour susciter les recours de
ladite société. On a vu que le fondement du contrôle de l'épuisementdes
recours ouverts à la sociétéest tout autre. Leur épuisement est requis en
raison de la nature et de l'objet des actes incriminésdu chef d'un délit
international et non pas à cause de l'influence que les actionnaires
auraient DU exercer sur elle. Loin d'avoir le ~rivilè-e du choix de Der-
sonnes i iiiteryosérpour l'exercice des recours. les actionii;tircs ont donc
la charge d'épuiserleurs recours aussi bitii (111rcellc de s'assiirer que les
rccours ont étC&i)uiiC. i:II lsociétéoui avait FtC l'ohiet de I:Idcclaration
de faillite.
J'en viens finalement au troisieme ordre de problèmes générauxcon-
cernant des points de droit international.
Il s'agit, cette fois, de l'influence des caractkes du grief formulépar le
Gouvernement demandeur sur l'application en l'espèce de la règle de
l'épuisementdes recours internes.
Au dire de la Partie adverse, nous prendrions prétexte de la thèse
belge relative au grief global pour soutenir que ses griefs - et je laisse
maintenant la parole au professeur Rolin -
bien qu'en apparencemultiples, n'en font qu'un et qu'aucun d'entre
eux ne pourra êtreexaminépar la Cour sans qu'au préalable nous
ayons [c'est le professeur Rolin qui parle] justifié que les voies de
recours interne ont étéutiliséeset épuisées,relativement à l'acte qui
est à l'origine de la procédure de faillite, à savoir le jugement de
faillite (VIII,p. 572).
Messieurs, il est bien vrai oue nous attribuons au iueement de faillite.
tout comme aux omissions qÛile concernent, une im>&tance fondamen:
tale dans la présenteaffaire, ne fût-ce que pour l'appréciation de recours
extrêmement mrtinents qui auraient DU saver à la-base la ~rocédurede
faillite pour la'mettre à &nt d'un sehl coip II est également vrai que.
d:ins ces conditions. nous estimons que les oiiii;sions concernant Ir juge-
mrnt rlr faillite se suffisànelles-mhes ct aue - sans l~rr'iudicrrl'autres
omissions non moins importantes affectant les autres actes incrimin(>s -
la réglede l'épuisementdes recours internes 11'3pas étére;pectéedan; la
pr(>sentcaffaire. Mais mon distingué contradicteur se iiiéprend. lorsqu'il PLAIDOIRIE DE M. MALINTOPPI 567

nous reproche de déduirel'importance du jugement de faillite du fait que
la Partie adverse a formulé son ugrief globalm. '
Oue la Cour se rassure. Ten'ai oint l'intention de disserterà nouveau
su;ce fameux grief globaï. Je mêbornerai strictement aux donnéesqui
concernent la présente exception. Cesont des donnéessurtout historiques
qui ont un intérêtparticuliër.
Dans ma première plaidoirie de 1964 (II, p. 281-283: 308-309) j'avais
notamment soutenu,alors que l'idéemêmed un grief global n'était pas
encore venue à l'es~rit de nos adversaires. aue les griefs du Gouverne-
méntderiiandcur se'ratt:icliaient tous i la fiiilitc de Üar&loi~a Traction;
que cette f:iillitc constitiisit. tout naturellcmcnt. un,: procL'durc:IIsens
iiiridiuucde I'csnresjion:.ui.c Ic ,ii,,meiit <Ir f:iillitr. Ctsbien le fnit
fi.i.ni.r;;tcde ceitç proccdiirc; finalciiient, qii~ce fnit gin6r;itcur étnit
dt \.~.iiirrCversihli c:iiisedc la n;cliccnse (lufnillçt ~uc. dr'slors, cette
omission entraînait le non-épuisemënïdes recours internes.
C'est en contrant mon exposéque la Partie adverse a utilisépour la
premiérefoisla notion du grief global. C'est à ce moment-là que i'idéedu
grief global est née, sous la denomination de cigrief d'ensemble>i (III,
p. 644). Le grief d'ensemble nous était alors opposé précisément pour
échapper aux conséquences du défaut d'opposition au jugement de
faillite. Il était aussi utile. de toute évidence, pour étayer la demande
subsidiaire de jonction de cette exception au fond de l'affaire.
Apres l'arrêtrendu par la Cour en 1964 et aprhs le contre-mémoire
espagnol, une évolution assez étrange semble avoir marqué la tactique
de la Partie adverse et avoir diviséles rangs de ses conseils. Ceux qui
étaient chargésdu fond proprement dit ont dù se rendre compte de la
faiblesse des griefs qu'ils tentaient d'accrocher à chacune des décisions
judiciaires espagnoles. Le grief, que la réplique (V, p. 586) qualifie de
«en auelque sorte globalii. a dù leur ap~araitre, dans ces conditions,
comme uie planchëde sal& leur perme'tt'ant tout de mêmede nourrir
quelque espérancepour la réussite de leurs efforts.
Pa; contre, une tout autre tactique a étéconçue et utilisée à propos
du non-épuisement des recours internes.
Sans doute nos honorables contradicteurs ont-ils considéréqu'ayant
servi pour demander la jonction de I'exception au fond, l'idéedu igrief
d'ensemble 1)n'avait plus de rble stratégique à jouer. Mieux valait donc
concentrer la riposte, à propos de cette exception, sur une ligne tout à
fait différente,à savoir cila multiplicité des griefs et la multiplicité des
recours à prendre en considération n(R., V,p. 597).
La situation qui résiilte ainsi de la réplique belge ne manque pas de
~iqurint: la ~artie consacrée à l'examen du fond de l'affaire se termine à
ia 'page586 'par une section finale consacrée précisément au grief global;
la partie qui concerne la présente exception s'ouvre à la page suivante
et se prolonge sur une cinquantaine de pages sans qu'un-seul mot soit
consacréau griefglobal. Dans la dernière piècede la procédure écrite,les
arguments opposés à l'exception ont donc étéépurés, Ndésinfectés IIde
toute allusion au griefglobal.
hIais ce n'est pas tout. Le grief global n'est mêmeplus un grief. L'on
vient précisénientde nous informer qu'il ne constitue pas un grief, ni
distinct ni supplémentaire, mais

un procédétechnique indispensable à tout juge ou arbitre appelé à
apprécier le caractère culpeux d'une série d'actes connexes ....
(VIII,p. 52 et 572).568 BARCELONATRACTION

A vrai dire, Messieurs, j'ai l'impression, surtout après l'exposéde mon
collègue le professeur Aréchaga, que le grief global. tel que la Partie
adverse l'a formulé, n'est ni un grief, ni un procédétechnique, ni même
un argument.
Est-il besoin de dire que cette curieuse manikre de ionaler avec des
notions aussi fuyantes nésemble guère témoigner, chez nos contradic-
teurs, d'une conviction très profonde du bien-fondéde leur argumenta-
tion?
Je rre crois pas avoir besoin d'insister davantage sur cette étrange
attitude de la Partie adverse. En ce qui concerne la présente exception,
il nous est parfaitement indifférent que la demande du Gouvernement
belge soit fondéesur une multiplicité de griefs et non pas sur un grief
d'ensemble ou bien à la fois sur une multiplicité de griefs et sur un grief
d'ensemble.
Sotis estimons que, coiitrairemtiit i cc que sotitisnt la I'artiç ad\,crse.
il ne r~5siiltciiiilleriient Je 1.1multiplicitc: des gricfs qu'il faille prendre en
consi~lCrntioii.dans la i)r<:jciiteafi.,ire. unc multiolicitC de rï~oiirs. car ccs
griefs se rattachent tous à une déclaration de faillite contenue dans un
jugement qui n'a pas étédùment attaqué, alorsque, au dire de:la Partie
adverse elle-même, la prétendue manŒuvre frauduleuse aurait été
impensable (R., V,p. 130)sans ce jugement.
S'il a fallufaire appel à la notion de grief global, c'est parce que l'on
reproche à 1'Etat espagnol un rdétournement de la procédurede faillite"
(ibid.,p. 586).Maispareille accusation suppose nécessairementl'existence
d'un lien déterminant avec lejugement defaillite.La responsabilitéinter-
nationale de 1'Etat espagnol serait ici engagée nonpas du chef decertains
actes de ses organes, mais du chef d'abus de procédure, c'est-à-dire, d'un
abus affectant une séried'actes liésles uns aux autres par un lien à la
fois logique et juridique. Et je crois ne pas avoir besoin, Messieurs,
d'ajouter que ce lien est caractéristique de toute procédure et qu'une
procédure possède, par définitionet par nécessité,une source, un point
de départqui conditionne son déroulement ultérieur.
Sur le plan des principes, il ne suffit certes pas que le Gouvernement
demandeur présente formellement une sériede griefs articulés sur des
faits distincts et dégradeson grief global au rang de procédétechnique
pour qu'il devienne nécessairede prouver le non-épuisement des recours
internes en ayant égard à chaque fait précis.Ainsi que la Cour l'a vu au
cours de l'examen du fondde l'affaire. m~.e à ~~t é-ard nous avons bien
des critiques :îfniriJ la I'artie ad\,eric.
.\I:iisnen ii'r.nil>CiliiCoiirde \+rifier sila rCnlit6dcjctio~escorrespond
aux :itlirmatioiis dc In I'artie :id\,erse. Rirn n'eini>écenCcur de coiijint<.r
que des actes qui relèvent de la mêmelxocédire de faillite ne sont pas
séparables les uns des autres. Mêmedans sa dernihre version du grief
..obal. la Partie adverse a dû reconna~~~e ou',l s'~ ~ < .n l'eso.ce.d.oactes
coiiiii:xés,qui ~concotirerit au mEini:résultat )I(VIII,p. 572). Encore une
fois, riende plus nori~ial.parce (lu'ilsrrl(.\,ent cssenticlleiiierit cl'uiieseule
et unique procédure.
Est-il besoin d'ajouter, une foisde plus, que si les actes sont connexes,
c'est une raison encore pour qu'il y ait un point de départ commun. qui
est déterminant car, pour n'avoir pas fait l'objet de recours, il oriente
toute la procédure à venir qui se trouve ainsi conditionnée non pas
par le fait des organes de 1'Etat. mais par le comportement du parti-
culier? PLAIDOIRIE DE M. MALINTOPPI 569

Quant à la sentence rendue dansl'affaire Ambatielos,c'est àtort qu'on
nous reproche (VIII,p. 573)de 1:avoirinvoquéesur ce point précis. Nous
l'avions invoquée dans la duplique (VII, p. 887) à propos des critères
généraux d'interprétation de la règle de l'épuisement. Mais elle est
néanmoins utile pour permettre l'appréciation de l'épuisementen fonc-
.i~ ~ ~s caractères du eru .. car elle met l'accent sur la nécessitéd'avoir
profité pleinement de tous les recours internes. Peut-on concevoir que
telle estla situationdes sui.ts qu. auraient dii épuiser lesrecoursinternes
dans la rés--enteaffaire?
llconvient de se placer sur le terrain des particularités du cas d'espèce.
afin de montrer. une fois de plus, le rôle du .u-ement de faillite dans la
présente affaire.
C'est donc sous cet angle que j'aborderai la deuxième partie de mon
exposé.

Monsieurle Président.Messieursdela Cour, sil'onsedemande pourquoi
le jugement déclaratif de la faillite de Barcelona Traction - cet acte du
juge de Reus du 12 février1948, dont vous avez tant entendu parler -
ioue un rôle essentiel dans la présente affaire.l'on pourrait êtretenté de
;;pondre que cela relèvedu shple bon sens, cc simple bon sens au noni
duquel les deus Parties iroiiisent si ~ti\,citt l'iiiieBUS d6l)eiij dc l'niitre.
ApÏès tout, puisqu'on prétend que des dénisde justice ont étécommis
par le détournement d'une procédure de faillite de son but normalafin
d'aboutir à une gigantesque manceuvre de spoliation, il saute aux yeux
que le jugement déclaratifde cette faillite, qui est censéconstituer à lui
seul un dénide justice, est le pivot de toute la procédureinterne.
Mes collègues,et notamment le professeur Aréchagaau cours de son
intervention du 12 juin, vous ont déjà montré leseffets que le jugement
de faillite a eus et lesconséquencesqui ont découlédu fait que le failli ne
l'avait pas attaqué en temps utile. Ce que, pour ma part, je voudrais
souligner, c'est que la Partie adverse n'a pu éviter de reconnaître le rôle
du jugement de faillite. Je ne crois pas devoir reprendre ce que j'ai eu
l'occasion de signaler à ce propos lors des discussions orales de 1964 (II,
II.281-2871. Teme bornerai donc ici à urendre notc surtout de ce aui
iipire 3 set ég:~rdil:iiiInrGplique ctil:ins'lt-jesl,os~soraiis<Icnosiontia-
clicteurs. Quclques <*xr*iiil>lsçujffiront, car II 1';irtiead\,eri:jtinctipable
<l'Cchapper A I'G\.ideiiceet d'g\.iter 1;iqtialiiication qui nc'ccss:iireiii?rit
s'iriiposc. lléineà.ses yeux, le jugemciit (le laiIlite n'ejt pas seulenient le

premier en d;ite dcï actes de I;iprocédureouverte par le ~iigt:(Ic Reus.
hais aussi celui aui revêt. en ïes~éce..un c.ractere décehinant Dar
rapport à i'ensembie de l'affaire.
iil'affaire- nous dit la Partie adverse au début de sa réplique (V,
1de l'introduction) -présente, à maints égards, un caractère excep-
gionnel. ,Cecaractère exceptionnel del'affaire se résumeainsi:
u[Rarcelona Tr:iction] a étC \.i~lgede son contenu ccoiioniiqiie et ses
actionnaires totaleiiient dipouillés p;ir l'effet d'une procsdure de
faillite illécalernentdGclnréeen Es~aciir. détournéede son but lécal
et dont leIdéroulementa étésystématiquement faussé,de manier:570 BARCELONA TRACTION
favoriser les desseins du groupe financier espagnol qui l'avait
provoquée » (ibid.).

Ainsi, l'affaire se situe- dit-on - autour d'une procédurede faillite
imaginée par un groupe espagnol afiri de s'emparer de l'entreprise de
13arceloiiaTraction. Mais la déclaration de failliteest au cŒur mêmede
l'affaire, ainsi que la Partie adverse s'empresse de le souligner. Divers
passagescontenant cet aveu ont étécitésdansla duplique (VII, p. 881,
et siiiv.). Il convient. toutefois, de relire ici, dans sa totalité, le para-
gfaplie 219 de la réplique belge (V), car il suffit à liii seiàlpréciserle
role de la déclaration de faillite et. par conséquent, la portée du compor-
tement de Barcelona Traction qui, en pleine connaissance de cause,
dédaigna d'attaquer ce jugement par la voie la plus appropriée. Je cite
donc le paragraphe 219 de la réplique belge:
(Tel Cttiibicn 1zhui que Juaii .\lnrcli s';tait propos6 désI'orrgiiit::
Ic ?<tiuiin:tirc.sde In I3ircelon;i Trnctio.e)aiitrcfiii tlc lui c;~lcr Ic
cuiitrt'>~lcI'.iii:,iniix coiiditioiis <I;iisoi<iii'isciiiblait di=no;>i
offrir, il a voulu tout simplement prendre leur'place.
Le procédé utilisé par lui (une procédure illégalede déclaration de
faillite contre Barcelona. Traction, im..iauait effectivement. o.r lui-
mCmr.. iiiic nit,:iiite directe:iiisciroiti <Ici nctioriiinires dr ceitc
soci6t; C~ttc procCdurz, cri ellz~, ilç\.tiit normnleiiient dessni;ir la
soiiéti de I'ciisciiihlcde ses hizns. ICIIeincttait fin aiissi aux i>oii\.oirs
de gestion du conseil d'administration élupar les actionnaires; ces
derniers se trouvaient ainsi privésde la prérogative essentielle de
faire eérerla sociétéDarles mandataires de leur choix.
cece atteinte prekière et illicite aux droits des actionnaires n'est
pas seulement le point de départ de la manŒuvre. lVeuillez bien
iemarquer ceci, hlèssieurs.]C'estellequi a vendupossiae son déroule-
ment. Il suffit de rappeler àcet égardl'usage qu'ont fait les organes
de la faillite de ce pouvoir de gestion usurpé aux mandataires
désignéspar les actionnaires de la Barcelona Traction, les destitu-
tions de conseil, les nominations, I'hispanisation, la création des faux
titres [et voilà la réplique belge de conclure]: ces actes ez~ssent été
impensablessi, au préalable. le conseil d'administration de la Bar-
celona Traction, nommépar les actionnaires, n'avait pas étédessaisi
du pouvoir d'administratioii. n

Qu'ilsoit permis, Messieurs,de commenter aussitbt cette citation: qui a
dessaisi Barcelona Traction du pouvoir d'administration? Le jugement
déclaratif de la faillite, bien entendu; et est-il besoin d'ajouter que dans
n'importe quelle procédurede faillite il en irait de même?
La Cour voudra bien excuser cette lecture, mais nous tenons à ce que
la Partie adverse ne puisse insinuer que ce que nous présentons comme
uii aveu n'est en fait qu'un collage composéd'une sériede passages isolés.
11 1,a là, hfessieurs, une argumentation pleinement développéeet pré-
souscris pas aux accusations lancéespar le Gouvernemeiit demandeurJe ne
dans le passage que je viens de citer, mais je crois que le Gouvernement
espagnol est justifié à se prévaloir de cette reconnaissance formelle du
r6le déterminant qu'a jouéle jugement déclaratif de la faillite à tous les
stadesde la présente affaire.
La Cour aura remarqué que le leitmotiv des accusations belges est PLAIDOIRIE DE M. MALINTOPPI 57'

resté essentiellement le mêmetout au long du premier tour des discus-
sions orales. Encore une fois, le rôle de la déclaration de faillite.par rap-
port à ces griefs saute aux yeux à la lecture des plaidoiries prononcéesde
l'autre côtéde la barre.
Le professeur Rolin Lui-même n'a pas manqué de le souligner à i'occa-
sion de sa premièreintervention (VIII,p. II).
J'ai déjàeu l'occasion de remarquer qu'il s'est efforcéde présenter le
soi-disant grief d'ensemble du Gouvernement demandeur comme un
procédétechnique. Or, ce procédétechnique
.permet seul de faire apparaitre l'abus de droit ou le détournement
de pouvoirs résultant de l'utilisation de la procédurede faillite, à la
faveur de ces divcrscs irrégularités,à des fins tout à fait étrangéres
au but normal de cette iiistitution,à des fins dont le caractère illicite
ne fait aucun doute, à savoir, uneexpropriationsansindemnitéetpour
caused'intérêp tsrivés,(VIII,p. 50).

:\irisid';,l~&sla I'artiv :tdvr~rsï.une \WC d'enienil~lc s'impos~. Ccttc
\.uc d'eiisciii1)l~.noiisdit-(i1,id.p. 51-52) s"i~~posq~>uuIr'd1)prcci;itioii
~Icsnctc~desaiiturit~snrlniinis~r~tiv~sniis~i I)icn<luepour cciis dicniit<)-
ritésjudiciaires. De cette fason, mon honorable coiitradicteur estime que
iila Cour ne pourra perdre de vue que ce qui est soumis à son appré-
ciation ce nesont pas des décisions isoléessans lien entre elles, mais
une procédure unique dont l'aboutissement inadmissible fut dès le
début dénoncépar les auteurs des divers recours et par le Gouver-

nement belge »(ibid., p52).
Le professeur Rolin, bien entendu, n'a pas admis qu'en l'espèce onn'a
pas pris la peine d'attaquer immédiatement l'acte qui déclencha cette
procédureunique. estimant sans doute que désle début on pouvait, par
un remarquable don de prophétie. deviner qu'elle allait aboutir à une
solution inadmissible. 'l'outefois,et mise àpart cette considérationqui ne
manquera pas de retenir votre attention à nouveau, ce que je tiens à
souligner ici, c'est que la position de la Partie adverse semble ainsi
coïncider avec celle adoptée par le Gouvernement espagnol. Le Couver-
nement espagnol avait précisédans son contre-mémoire, en utilisant
presque les mêmesmots. mais avec une conclusion différente. qu'il y a
dans la présenteaffaire:

(<10 une ;hic <I'nctcsincrirninr's20 un Iicnentre ces actci rasr.eiiil11;~
d:ini une mimc pioc;(liirc~,3''iiiiesuuclic uiiique Al'origine de route
c<!ttci~roclidurc: ~avnirla d$clarntioii (1,:fnillite. 40 iirionitsston
fiagra;ttede la Rarcelona Traction par rapport à cett'esouche de la
procedureii (C.M..IV, p. 634).
Dans ces conditions. veut-on rendre acte de ce que les positions des
I'arties sï scr.iient consid<rai)li:n;critrapproclii.cs et de cc que nos adver-
sairesscrnl11t:ritavoir ;lu inoini rcconnu quc la Ç<?urcit nppcli'c:h apprc-
cier une procédureunique, c'est-à-dire non pas des actes isolésmaisune
série d'actes caractériséspar un lien juridique? Une telle suppositon
semblerait logique. mais, ainsi qu'on le verra, le professeur Rolin qui a
donnéle coup d'envoi à la procédure orale du caté belge n'est paç du
même avisque le professeur Rolin qui a clos cette même procédure.

Le professeur Van Ryn. quant à lui, a cru ne pas devoir se faire devan-
cer par son estimé confrkre. IIs'est exprimésans équivoque.572 BARCELONA TRACTION
Il a tenu à souligner que vous êtes enprésence d'une umanŒuvre
gigantesque ,,(VIII, p. 116). consistant dans une a faillite artificienle
(ibid.,p. 117)ouverte à son tour par une sériede décisionsjudiciaires du
juge de Reus qui sont .la source de tout le maln (ibid.,p. 118) et qui
sont donc s à la base de la plupart des griefs du Gouvernement belge ii
(ibid.).Et pour écartertoute équivoquepossible. le professeur Van Ryn
s'est empresse d'ajouter aussitôt que:

c Le jugement le plus important, celui qui déclenchetoute l'affaire,
c'est évidemment celui du 12 février1948qui lui aussi fait droit à
une longue requête présentéepar les hommes de paille de Juan
March »(VIII,p. 119).
Messieurs, tout l'exposédu professeur Van Ryn ne fait que confirmer
le ràle du jugement de faillite. Il vous a notamment démontré d'une
manière, àson avis. exacte,par exemple, que
.c'est en vertu de la décisiondu juge de Reus [jugement de faillite]
que les organes de la faillite ont ëxërcé les droits inhérents aux ac-
tions qu'ils ne possédaientpas » (VIII,p. 234).

afin de procéder l'émissiondes nouveaux titres destinés à remplacer les
anciens titres des sociétés filiales.
Mnis le professeur \'an Kyn vous a cgalernerit riioritrC..d'une fnqon,A
soii avis, non nioins pertinente, que des conjidEr3tio1isanalogues s'appli-
ouent i la vente des biens de 13nrccloiia'i'ractionaux enchéres~ubliuur..i.
Cette derniere égalementse rattache - et sans trop de difficùltés,nous
dit-on -à
xl'usage qu'ont su faire les organes de la faillite de cette possession
fictivequi leur avaitétédonnéearbitrairement par le juge de Reus n
(ibid.).
parce qu'aux yeux de nos adversaires et en dépit de nos arguments, on
nous informe que

riiln'y a aucun doute ...quela vente, qui a eu lieu en 1952,a bien
porté, entre autres, sur les faux titres, et c'est la ventevil prix de
ce portefeuille de la Barcelona Traction qui a engendréla majeure
partie du dommage a (ibid.,p. 234-235).
Messieurs, nous rejetons en tous points - mes colléguesl'ont diment
souligné - les arguments de la Partie adverse quant A l'existence, en
I'esphce, de cette iimanŒuvre gigantesque8 de spoliation, quant au
caractère artificiel d'une faillite qui n'avait que trop tardé, et quant à
l'obiet de la vente tel oue la Partie adverseprétend le définir.Mais ce que
non; avons le droit de ietenir dans le cadre de la présenteexception, c'est
que mêmedans les exposésde nos adversaires la notion de procédure
iemble avoir finaleme;t repris son sens naturel, son sens juridique. La
Partie adverse semble avoir notamment compris que non seulement les
pouvoirs accordésaux organes de la faillite, mais aussi la vente en 'ant
qu'aboutissement naturel d'une procédure de ce genre, découlent luri-
diquement de la mêmesource: ce jugement de faillite qui, à ses yeux, est
bien entendu la base .de tout le mal o et qui à nos yeux est l'issue inévi-
table del'activité de Barcelona Traction en Espagne.
MaisleGouvernement belge, qui tient à souligner la valeur du jugement
de faillite lorsqu'il s'agit d'apprecier sespropres griefs,n'est pas duie
avis lorsqu'il s'agit de la présenteexception. PLAIDOIRIE DE M. MALINTOPPI 573
Une sorte de distinction est implicitement suggérée entre l'importance
du jugement de faillite, que l'on reconnaît capitale, et celle des recours
dont il aurait dû faire l'objet de la part de personnes qualifiées.
Le Gouvernement belge n'a certes pas épargnéles efforts pour montrer
que lejugement déclaratifde la faillite n'aurait qu'un intérêtrelativement
secondaire du point de vue du non-épuisementou, pour mieux dire, de la
non-utilisation des recours prévus par la loi pour en obtenir la rétrac-
tation.
C'est biensous cet angle, Messieurs,qu'il faut apprécier latactique qui
consiste à soutenirque les dénisde justice auraient éténotamment causés
à l'occasion des recours internes introduits par les particuliers. L'on se
souviendra peut-être du ton quelque peu 'dramatique avec lequel le
conseil de la Partie adverse nous reprocha, lors des discussions orales de
106~.oue tout recours aurait été.selon les thèses es~arnoies. fra~véde
malédiction, alors que le seul recours approprié était ~réciséme~t'celui
uui n'avait pas étéintenté. Messieurs, une fois pour toutes, il faut s'en-
bdre sur ies recours qui, en fait, ont étéintentés contre le jugement
déclaratif de la faillite. L'examen du fond de l'affaire a permis de cons-
tater, à cet é ard, qu'il s'agissait de recours hors délai, insuffisants,
o-ver~e~~~~~-~ jestiné~~ à entraver la ~rocédure. ou bien. ainsi uue la
Partie atl\.crse le so~ilijineellc-m2iiic.daii, sesubwr\.atioiiset concliisiuns,
introduits ..[,luspour CI,..rai>oiijn1or:ileiqiie m;itL:ri,J(O;C.,I,p. ?()TI.
Ic n'ai nas l'intention de (lisscrtririioii\.c~usur Icsintentions uiii ont
in;piré ce; recours, le point de savoir s'ils n'ont été intentésqu'en'déses-
poir de cause et en vue des seules procédures internes, ou bien s'ils ont
étéintroduits afin de créer une xa~~arence d'é~uisement » des recours
internes en prétendant remplacer la pertinence et la qualité par la per-
sévéranceet la quantité, aussi bien que dans un effort calculé pour mini-
miser les conséaûencesdes omission; relatives au iueement diclaratif de
la faillite. , "
Certes. à en juger par la présentation qui est faite des procédures
internes dans les exposésde la Partie adverse, on a nettement l'impres-
sion d'uu double effort, d'une part pour souligner les dénisde justice qui
se rattachent aux recours qu'on prétend avoir étéintentés et d'autre
art pour atténuer les omissions fondamentales. Les deux élémentssur
Pesquels porte cet effort ont pourtant ceci en commun qu'ils ont pour
conséquence de dénaturer complètement le contenu de la regle inter-
nationale. La condition requise par la règleinternationale serait eneffet
remplie, selon la thèsesous-jacente à l'argumentation de la Partie adverse,
par l'utilisation de recours introduits par n'importe quel sujet, ou en tout
cas laissésau choix du demandeur, qui serait tout à fait libre d'omettre
les autres, y compris ceux qui, de toute évidence, possédent seulsla
nature et ont seuls les effets d'uu recours adéquat.
Ainsi, selon la Partie adverse, l'épuisement des recours internes se
réaliserait-il par personnes interposéeset en choisissant des recours qui ne
sont pas pertinents.
Mais revenons au jugement de faillite de Barcelona Traction. Pour
retenir son caractéreessentiel, il suffit d'ajouter, au point de vue objectif,
que nous ne serions pas devant votre haute juridiction si le jugement
déclaratif de la faillite avait étérétractéà un moment quelconque, à la
suite de l'introduction d'un recours approprié.
Celarevient à dire que le jugement de Reus est essentiel non seulement
du point de vue des procéduresinternes,mais aussi du point de vue des574 BARCELONA TRACTION

griefs sur lesquels se fonde la demande internationale. Certes, I'on a fait
preuve d'une habileté remarquable pour décelerdesdénisde justice dans
tous les coins et les recoins de la procédurede faillite de Barcelona Trac-
tion, et pour les regrouper dans le faisceau dua grief global. .ependant,
il est certain que chacun des prétendus dénis de justice découledirecte-
ment d'un point de départ commun, le jugement de faillite, que I'on a
graCeci dit, Messieurs, le moment est venu de souligner que le jugement
de faillite até l'objet d'omissions volontaires et délibérées.
Le Gouvernement belge n'a jamais osésoutenir que Barcelona Traction
n'aurait pas pu faireopposition contre le jugement déclaratif de la faillite
dans le délaide huit jours prévupar la loi. C'est déjà un progrès remar-
quable par rapport à ce que, dans la procédure de mayor cuanlia intro-
duite en 1953 contre Juan March et consorts devant le tribunal de pre-
mibre instance de Madrid, les avocats de Sidro avaient essayéd'établir
en soutenant qu'il était matériellement impossible que parviennent en
Espagne, dans le délaide huit jours, les pouvoirs de Barcelona Traction
(nouv. doc. 1969,vol. II, p. 56).Dans laprésente procédureinternationale
Darcontre, l'idéede cette nimoossibilitématériellen n'a étéau'insinuée
dansun tout petit passage del'introduction ila rCplique (V,I>.'19),c'est-
à-dire daas une pihcc manifestement consacrCe à des arguments et ddcs
movens destinés1créerI'aimos~hèredu roc ès international. L'a-cument
a été compl&tementabnn~lo1iri6'~aI rnsiiite.ilne figure<:raiizuii iiionient
danslesréponsesque nosadversairesont donnéesà l'exceptionespagnole.
aue ce soii DX 6cÏit ou dans les discussions orales. Bien au contraire, la
partir ad\.&se. jeluien dorine acte. a tenuà soulignerque Icdcfniit d'op-
po.iition ail jiigrinciit di.cIar3tiladkiillit;>L:tC<li:>di.;.niotifs niitres
<lueI'im~osiil>ilitCrnat6rielle d'iritroduirc ce recours.
M. ~oiin a étéformel à ce sujet en 1964; il a dit:
R Il n'est jamais entré dans la penséedu Gouvernement belge de
soutenir ... que la sociétén'aurait pu faireioppositiou dans les huit
jours qui ont suivi la publication de la décision'déclarantla faillitI)
(III, p. 627).

Et la réplique développe à son tour cette même idée dans son expli-
cation désinvoltede l'omission de Barcelona Traction. lorsaue laréoliaue
soutient que la public:ition du jugeiiieiit de lieu;i!.:i~:rr:'irr~~iiliéic.'ct
que. par conséquent .<cettesociCtbn'n\,ait Iéxalemeiitaiiciiiic obligation
d'êtreprésente-à la procédure. à un moment plutôt qu'a un autrë » (V,
p. 602). Ce qu'il faut donc retenir ici, c'est que Barcelona Traction a
choisi, en pleine connaissance de cause, de ne pas attaquer le jugement
déclaratifde sa faillite dans le délaiutile.
II s'agit donc, Messieurs, d'une omission consciente. Je crois pouvoir
aiouter, qu'étant donné les circonstances dans lesquelles elle s'est pro-
duite, l'omission n'est pas seulement consciente, c'eit aussi une ornisiion
délibéréec,ar l'on ne saurait qualifier autrement l'attitude d'une société
qui, déclaréeen faillite et ayant la possibilitématérielle de former son
recours, ne prend pas la peine d'attaquer immédiatement et sans la
moC'est donc d'une omission délibéréqnceue la Partie adverse voudrait se
faire absoudre pour pouvoir démontrer ensuite que la régle qui exige
l'épuisementdes recours internes a étérespectéedans la présente affaire. PLAIDOIRIE DE M. MALINTOPPI 575

Il serait donc déplacéde faire appel à votre bienveillante indulgence à
propos du défaut d'opposition au,jugement déclaratif dela faillite, sous
prétexte qu'il serait injuste de releter la demande belge qui fait suite à
de longues procédures ail seul motif qu'une omission s'est produite
dans le cadre d'un délai légalde huit jours à l'origine mêmede toute
l'affaire.
Qu'il me soit permis d'attirer l'attention de la Cour sur le danger inhé-
rent à pareille attitude.
II est aisé de rétorquer que l'injustice risque plut& de frapper le
Gouvernement défendeur, car c'est aux organes de 1'Etat espagnol que
sont reprochésdes dénisde justice, c'est-à-dire ce qui constitue l'un des
faits illicites les plus graves que I'on puisse reprocheà un sujet du droit
international.
Or, c'est précisémenten raison de la nature et des élémentsconstitutifs
de ce délitinternational que I'Etat ainsi accusé ale droit d'exiger queson
systeme de protection judiciaire ait étémis à l'épreuvepar le particulier
intéressé,avant que l'on puisse mettre en cause sa responsabilité inter-
nationale. Admettre que, dans le cas d'un jugement déclaratifde faillite,
dont on prétend qu'à lui seul il constitue un dénide justice, I'on puisse
<iglisser» discrètement sur le comportement du failli lui-mêmequi a
dédaignéd'attaquer le jugement en temps utile, ce serait dénaturer de la
maniere la plus radicale le sens et la portéede la règlequ'exige I'épuise-
ment préalable des recours internes. L'Etat défendeur serait ainsi tenu
pour responsable de l'activité de ses organes judiciaires à l'égardd'un
particulier sans avoir eu la possibilité de redresser le grief à cause de
l'omission de ce mêmeparticulier.
Il est temps de laisser désormaisde côtécette question. 11fallait ce-
pendant en parler parce que la Partie adverse, par l'ensemble de son
areumentation sinon expressément. aime à laisser entendre au'une
oGission imputable à lhrcelona Traction à l'encontre du jugément
déclaratif de la faillite pourrait, pour ainsi dire, être"compensée Dpar
l'activité fiévreuse - ie n'ai aucune hésitation à em~.oveA ce~ ~ta-
déployéepar la suite.
IdaPartie adverse, hilessieurs,n'a certes perdu aucune occasion de vous
reciter la liste des décisions judiciaires rendues dans les procédures in-
ternes se situant dans le cadre de la faillitede Uarcelona Traction et elle
n'a pas manqué d'y revenir au cours des présentes discussions orales.
Pour notre part, nous craignions si peu ce récit que nous avions nous-
mêmesfait remarquer. dans nos exceptions préliminaires de 1963 (ann.
no 69, p. 716)q .ue I'onavait déjà rendu. à L'époque~ , 2736ordonnances,
494 jugements. 37 arretés ». A nos yeux. une activité aussi fiévreuse,loin
d'entraîner une sorte de «présomption » d'épuisement des recours in-
ternes. serait plutôt- n'est-il vas vrai?- de nature à provoouer, d+sle
début,la suspicion, en raison dunomtre beaucoup trop élevé dédécisions.
Mais 1'011 a suffisamment discutéde ce point, dans la procédiireécrite
et ici mêmeil y a cinq ans (II, p. 273);pour quiil soit nécessaired'y
revenir. Je tiens seulement i remarquer qiie I'on ne comprend aucune-
ment jusqu'où la Partie adverse prétend entrainer la Cour en insistant
tellementsur le nombre des décisionsrendues.La seule h,~.thèse raison-
II:II)I.st11ii'..1ioi~<liaiiiiili>iitii1;quantit; 11thrcsi>iirit I:iqii;iliti:.
ci -iIrtoilt nowr 1,:.cuii~r:<lucncc~1;.I:i titc omii-1011 soii; I:i riinr&
des recours qui, à tout hasird parfois et endésespoir de cause, ont ensuite
616utilises, et le plus souvent mêmeincomplèlement. 576 BARCELONA TRACTION

Le Gouvernement espagnol, par contre, se doit d'opposer la qualitédes
recours à la quantité; la peqinence des recours au défaut manifeste de
fondement; la charge d'épuiser les recours caractérisés à une pseudo-
doctrine qui laisserait à l'intéresséle soin de déterminer, isa guise, les
-,.--rs qu'il lui convient de tenter et les personnes qu'il lui convient
d interposer~dansfaeulsouci-desatisfaire~on purement apparente à
la-gle internationale qui exige l'épuisement des recoursinternes.
qui lui,sont ouverts et qu'ainsi 1'Etat puisse avoir l'occasion de redressers
le grief. Lorsqu'il s'agit de saisir les tribunaux internes,l'initiative appar-
tient au particulier qui se prétend léséet. en cas d'inaction de sa part,
1'Etat n'est pas en mesure de redresser un grief, mémefondé.
Qu'il me soit permis, Monsieur le Président, Messieurs les juges, de
résumermaintenant brièvement cette partie de mon exposé.
L'effort consacrépar la Partie adverse àminimiser le rôle du jugement
déclaratif de la faillite dans le cadre de la présente exception ne saurait
aboutir.
On a vu qu'il porte essentiellement vers deux directions. D'un côté,
l'on a essayé de minimiser le rôle du jugement de faillite lui-même, à
l'égardde l'exception; de l'autre, l'on a cherché à minimiser les consé-
quences du jugement de faillite par rapport à la procédure de faillite
ultérieure. Ainsi, le jugement de faillite. reconnu par les observations et
conclusions comme le apremier anneau nde la chaîne (O.C., 1,p. 224) et
devenu ensuite dans la répliquele apremier en date D (R., V, p. 597)des
actes incriminés,n'est plus aujourd'hui ni le premier ni le plus important
des actes en question. Et quant à laprocédurede faillite, il s'agirait plutôt
de voir quel a étéle sort de chacun des actes qui la composent, et ce en
les examinant séparément les uns et les autres, comme s'ils étaient
détachés detoute procédure.
Pourtant, quelle que soit la direction vers laquelle la Partie adverse
s'efforcede détourner l'attention de la Cour, deux obstacles s'élèventsur
son chemin. Le premier est constitué par le jugement de faillite. dont le
sens et la portéesont bien différentsde ce que souhaitent nos adversaires
qui aimeraient n'y voir qu'un petit rien susceptible tout au plus de sus-
citer la .douce hilarité I,d'un failli tout-puissant. Si les dirigeants de
Barcelona Traction ont cru bon d'affecter la plus souve'raineindifférence,
voire mOmele plus parfait mépris,pour cet acte judiciaire qu'ils enten-
daient froidement <<stérilise )pour le détourner à leur propre profit, ce
n'est pas l'opinion, le dessein ou le vŒu de ces personnages qui pour-
raient modifier, dans la présente affaire. le rBle que joue naturellement
toute déclaration de faillite dans n'importe quel pays du monde.
Le deuxième obstacle -infranchissable luiaussl - est représentépar
la notion de procédureelle-même.Encore une fois, ce ne sont certes pas
les affirmations - car il ne s'agit que d'affirmations - de la Partie
adverse qui pourraient transformer une procédure de faillite, qui est un
tout, en une séried'actes isolés.La faillite est, par définition, une procé-
dure avant vour obiet la liauidation d'une entremi.e commerciale aui se
trouv<dans'une cï;taiiie siiuation de fair et de droit. Eiicorc une lo;s. Ics
conditions reqiiist:i pour l'ouverture d'une fi~illitcpeiivcnr varier (l'un
pays à1'autre;mais iiy a toujours un jugement qui o'uvreune procédure,
c'est-à-dire qui ouvre une séried'actes rattachés au premier par un lien
juridique. Plus précisément encore. lesactes qui composent la procédure
trouvent leur origine commune dans le jugement déclaratif de la faillite PLAIDOIRIE DE M. MALINTOPPI
577
et demeurent, au surplus, liés lesuns aux autres par ce rapport de pré-
supposition qui constitue l'essence mêmede la procédure.

I *

Monsieur le Président, Messieurs les juges, ayant ainsi montré quel a
été le rble du jugement déclaratif de la faillitede.Barcelona_Traction,je
crois pouvoir aborder ce soir au moins une partie de la troisième section
de mon exposé.Cette section a trait aux omissions relatives au jugement
de faillite, et notamment à celles qui entraînent le non-épuisement de
deux remèdes spécifiqueset d'une efficacitéassurément radicale: l'oppo-
sition et la revision.
J'examinerai cesdeux recours séparément.II va de soique, pour autant
que de besoin. ce n'est pas seulement Barcelona Traction que nous re-
qrochons le non-épuisement desdits moyens, c'est-à-dire ausujetqui a été
1objet de la mise en faillite. mais aussi A Sidroët S5finataiitque
sujets pour lesquels le Gouvernement demandeur prend ici fait et cause.
Cecidit, il convient d'entrer in mediasres.
On a donc vu, hlessieurs, que le jugement déclaratif de la faillite de
Barcelona Traction joue un rôle à tous égards prépondérant dans la
présente affaire. Comment s'étonner. dès lors. de l'insistance avec
inquelle la1':irticadvcrse >'c;t efforcéede vous démontrer cc qu'elle croit
pou\.oir nppelcr la ~iCnlii6 O de l'opposition qui. seldii elle. auraitr'tk
forniCennr Ikirsclona 'l'rnctioncoiitre Iriuccmeiit dv iaillit~?
A ce Propos je voudrais prier la Cour debien vouloir fixer tout parti-
culièrement son attention sur les faits suivants:
1) le jugement en question datedu 12 février1948;
2) conformément àl'article 1028du code de commerce de 1829. il aurait

dù êtreattaqué par la voie de L'oppositiondans un délaide huit jours,
ce qui plaçait l'expiration du délaiau 24 février:
3) c'est le 18 juin 1948, et donc presque quatre mois après l'expiration
du délai prévu pourun acte de procédure bien déterminéet non pas
pour un acte quelconque, que se situe la première comparution de
Barcelona Traction.
Ces dates me paraissent éloquentes.
Sans doute, dans ces conditions, est-ce un labeur de Sisyphe auquel
s'est attelée la Partie adverse en s'obstinantà vous présentercomme une
véritable Oopposition iiau sens de la loi, un acte de procédurequi. quelle
que soit sa nature. a en tout cas étéaccompli hors délai. Pourtant la
Partie adverse a tentéde développer unefoisde plus cette argumentation.
Force m'est donc de 1-épondret,out en me limitant aux aspects vraiment
essentiels de cette question.
La Partie adverse avait donc pour tâche de montrer pourquoi la regle
qui exige l'épuisement des recoursinternes devrait êtretenue pour res-
pectéelorsqu'une sociétédéclaréeen faillite. qui disposait d'un délaide
huit jours pour introduire un recours spécifique, n'a rien fait pendant
quatre mois. La Partie adverse, pour étayer sa position, a avancé toute
une série d'arguments dont on a longuement débattu au cours de la
procédure.
Mais au fond sa ~osition demeure aujourd'hui essentiellement celle
qu'exposait son conseil avec précisionil y a cinq ans dans cette même
salle: BARCELONA TRACTION
578
<iSi la sociétéBarcelona Traction, la sociétémère,n'intervient pas
en son propre nom dans les tout premiers mois, c'est uniquement
parce que cette intervention lui apparaît àla foiscomme superflue et
prématurée.Bien entendu brai déjàcitécette partie de ce passage],
il n'est jamais entré dans la pensée du Gouvernement belge de
soutenir, comme le lui impute la Partie adverse. que la société
n'aurait pu faire opposition dans les huit jours qui ont suivi la
~ublication de la décisiondéclarant sa faillite. Le Gouvernement
belge [dit M. Kolin] n'a jamais rien soutenu de semblable; il a
soutenu et il maintient que la Barcelona Traction avait, à bon droit,
différésapropre intervention parce que les tribunaux espagnols se
trouvaient saisisd'un recourssuffisant etparce qu'elle-même pouvait

garder en rkserve sa propre opposition éventuelle, vu que les délais
d'opposition n'avaient pas commencé à courir ...(III,p. 627).
Ainsi, la position de la Partie adverse comporte trois affirmations et
une négation.En les plaçant dans un ordre logique, les trois affirmations
sont les suivantes:

1) le délaide huit jours pour exercer l'opposition contre le jugement de
failliten'aurait pas, en réalité, commencé à courir, en raison des pré-
t~-~-~s~ ~rr~Uulaiitésdont aurait étéentachéesa ~ublication:
2) le jGgement de faillite aurait. en tout cas, étévalablement attaqué par
les recours des sociétés filiales,qui n'avaient pas étédéclaréesen
faillite, mais qui avaient étéaffectéespar des mesures ordonnées par
le jugement de faillite de Barcelona Traction;
3) dès lors, ce serait iià bon droit » que Barcelona Traction a différésa
propre intervention.

Quant à la négation,elleserésume,par conséquent,dans la proposition
suivante: le Gouvernement belge ne soutient pas que Barcelona Traction
n'a pas étéen mesure defaire opposition daniles huit jours qui ont suivi
lejugement déclarantsa faillite.
Nous avons déjàvu cette proposition négative. La Cour me permettra
d'y revenir un instant avant la suspension de l'audience.
J'ai déjà souligné moi aussi que Barcelona Traction ne se trouvait
certes pas dans l'impossibilitématériellede faire opposition au jugement
de faillite. Nous avons également vu que cette tlièse de l'impossibilité
matérielle aétésoutenue par Sidro dans la piècepar laquelle elle assignait
Alarch et consorts devant le Tribunal de première instance de Madrid,
Nous avons vu aussi pourquoi le Gouvernement belge n'a pas endossé

une thèse pareille. Assurément, cette thèse d'antan <-le la prétendue im-
possibilité matérielle d'exercer I'opposition n'est du reste que l'un des
témoignages de l'embarras que cause à la Partie adverse l'attitude de
13arcelona Traction à l'égarddu jugement de sa faillite. La Cour me
permettra d'en signaler ici un autre. qui est lui aussi tréssignificatif et
qui m'amènera à passer de l'élément négatia fux explications affima-
tives de la Partie adverse. ce que je réserve pour l'audiencede demain.
La nécessitéde trouver une justification quelconque à cette omission
ne s'est pas manifestée seulement dans ce procès international et par
rapport à la règle de l'épuisementdes recours internes. Ce mêmepro-
bléme,ainsi qu'on l'avoue, s'étaitdéjàposé à Sidro. Ilans cette demande,
les conseils de Siclro se sont efforcés de faire oublier que, selon la loi
espagnole, la publicitédes jugements de faillite est normalement réalisée PLAIDOIRIE DE M. MALINTOPPI 579

par la voie de la publication dans les journaux officielslocaux, qui est
obligatoire, et non pas par cellede lanotification quin'est quefacultative.
Ils ont cherché à faire oublier aussi qu'en tout cas, et donc même si
notification il avait, c'està compterde la publication qu'il faut calculer
le délai d'opposition. La question n'a jamais ét$ incertaine en droit
espagnol et notre contre-mémoire l'a diiment souligné en tout cas (IV,
p. 346 et suiv.). Cependant les avocats de Sidro ont essayéde soutenir
ceci:
NTant aue la notification n'est Das effectuéedans la forme Iéeale
ou tant q;e la sociétéen faillitené se tient pas pour informéedans
l'instance,ledélai pour former opposition au jugement déclaratif de
faillite ne cornmeice pas à coÏ~Ïir..i,(nouv. hoc, 1969, vol. II,
P. 163).

De toute évidence, une telle argumentation, contraire la loi et la
jurispmdence. ne pouvait pas porter. Elle démontre pourtant à quelle
extrémité ilfallait arriver pour s'acquitter de l'impossible tâche de jus-
tifier le silence de Barcelona Traction. Les conseils du Gouvernement
belge ontétébeaucoup plus prudents cet égard. [ls semblent,depuis les
discussions orales de 1964, avoir renoncé. dans Ic cadre de la prCsente
exception, à invoquer le défautd'une notification que la loi espagnole ne
requiert pas. Ce n'est que lors de l'examen du fond de l'affaire que la
Partie adverse a ressuscitécet argument tout en affectant de ne pas lui
attribuer un grand poids (VIII,p. 139).

L'audience estlevéea 18 heures QUARANTE ET UNIÈME AUDIENCE PUBLIQUE (17 VI 69, IO h)

Prdsents:[Voir audience du 20 V 69.1

M. hIALINTOPPI: J'en viens maintenant aux arguments formulés
par la Partie adverse afin de justifier le fait que Barcelona Traction n'a
pas attaqué le jugement de faillite en temps utile. Pour ce faire, la Partie
adverse a notamment invoqué de prétendues irrégularitésdu jugement
déclaratif de la faillite de Barcelona Traction.
Nous avons cependant déjà vu que le délai de huit jours doit être
calculé à dater de la publication et non pas de la notification. La Partie
adverse ne saurait non plus contester que le délai d'oppositionne pouvait
pas êtresuspendu sous prétexte que la question de la compétence juri-
dictionnelle du juge de Reus aurait été sr<bjudice. II est de fait que la
compétence de ce juge n'était l'objet d'aucun recours au moment de
l'expiration du délai prévupour l'opposition, c'est-à-dire à la date du
24 février1948.
II s'ensuit que, au fond. sur les quatre arguments originairement
invoqués(et résumésdans la duplique espagnole, VII, p. 905 et suiv.) nos
adversaires n'en sauraient invoquer en réalitéqu'un seul: celui qui est
déduit de la prétendue irrégularitéde la publication du jugement de
faillite.
Je ne me propose certes pas de montrer à nouveau à quel point cette
affirmation est dépourvue de fondement. Cette démonstration a étéfaite
d'abondance par mon collègue, leprofesseur Urfa (supra,p. 265et suiv.).
Il vous a indiquénon seulement que la publication du jugement de faillite
a étéeffectuée conformément aux lois espagnoles. mais aussi qu'elle
devait ètre faite en Espagne et qu'elle ne pouvait pas êtrefaite en dehors
d'Espagne et en particulier au Canada. 11a, au surplus, montré qu'en
cherchant à accréditer sa propre interprétation du droit espagnol, le
Gouvernement belge voudrait une fois de plus vous amener àtrancher un
poiiit qui est de pur droit espagnol. L'exposéde mon collègueet les élé-
ments qui se dégagent de la procédure écrite me permettent donc de
rester strictement dans le cadre de l'exception qui m'a étéconfiéeet, par
conséquent. d'aborder le problème de la publication du jugement de
faillite dans une optique assez différente.
Auparavant, je voudrais toutefois faire justice de deux tentatives de
diversion que la Partie adverse a cru bon de renouveler dans son exposé
relatifà la présente exception(VIII, p. 593).
Examinons d'abord la première.Déjàen 1964,le professeur Rolin avait
claironné une erreur qu'il avait déceléedans les exceptions préliminaires
première requéte belge. Il alla,, c'est-à-dire celles ayant trait à la
vernement espagnol d'êtreresponsable d'une «vulgaire altérationr le nodes
textes de son propre droit etàsuggérerqu'on l'avait faite afin desoutenir
que la publication du jugement de faillite au domicile du failli n'était
point nécessaire.Et puisqu'il ne pouvait certes pas contester que cette
erreur eiit été spontanémentéliminéepar leGouvernement espagnol dans
l'édition de 1963 des exceptions préliminaires. il crut possible de laisser
sous-entendre qu'on avait eu vent de la réponse que le Gouvernement PLAIDOIRIE DE M. MALINTOPPI 581

belge avait rédigéeà l'époque maisqui ne fut pas remise à la Cour à cause
du désistementde la premièrerequête (P.O.,III,p. 628-62 )
Lai eu,je l'avoue, la faiblesse decroire que ma réponseje'1~6~pouva>
su re à ramener le débat sur un plan qui aurait mieux convenu aux
Parties. J'ai eu le regret de constater qu'il n'en a pas étéainsi. Dans ces
conditions, je me dois de demander à la Cour de bien vouloir me per-
mettre de relire mon deuxihme exposéoral de 1964,auquel je n'ai abso-
lument rien à ajouter. Je le fais d'autant plus volontiers qu'au moment de
la rédaction des exceptions préliminaires de 1gGo.je n'étais pas per-
sonnellement encore associé à la défensedu Gouvernement espagnol, ce
qui m'a permis d'apprécier les choses en toute objectivité. Voilà les
termes de mon exposéd'il y a cinq ans:
«En ce qui concerne les exceptions préliminaires de 1960, la réfé-

rence au contenu des dispositions touchant cette mati6re [il s'agit,
qu'il me soit permis de le rappeler. de la publication des jugements
de faillite] contenait, nous le reconnaissons volontiers, une erreur.
de laquelle d'ailleurs aucune conclusion essentielle n'étaittirée.Cela
étant, le Gouvernement espagnol rejette de la façon la plus nette
l'insinuation d'une cialtération» des textes de sa propre loi. que le
porte-parole du Gouvernement belge s'est permis de faire à maintes
reprises devant la Cour. Le Gouvernement espagnol n'a jamais
eu connaissance des observations rédigéespar le Gouvernement
belge en 1960 mais qui n'ont pas étéprésentées à la Cour àcause
du désistement. C'était donc tout à fait spontanément que le
Gouvernement espagnol. a veillé lui-même à éliminer l'erreur dans
ses exceptioiis préliminaires de 1963.
Dans ses exceptions préliminaires de 1963, 1,page 248, le Gou-
vernement espagnol s'est borné à déclarer que La publication du
jugement déclaratif de la faillite avait étéréaliséeconformément à
ses propres lois. Il n'appartenait pas au Gouvernement espagnol
d'entrer dans les détailsà ce stade de la ~rocédure.Lorsaue le Gou-
verncmrnt belge ;conrcstf dari, ..ciobscrvatiori,. lioi13 premierc
fuij;IIIcoiirs de la procCdurc. In r;.jiul:iritk dc la piil~lic:itiI:iiir
bnsz<leI'nrticl~IOU ldii codt de coinliicrccdib2al ieinesuij cfforc;.
en réponse,de dérn&trer dansma plaidoirie [ils'a& de ma
plaidoirie de 19641 avec tous les détailsla régularitéde ladite pu-
blicationa (III,p. 796-797).
Tel est donc le texte de mon exposéde 1964.
J'avais ajouté aussi que jusqu'alors ma these n'avait pas étérencontrée
par des arguments d'ordre juridique. M. Rolin devait toutefois le faire
dans sa réplique. puisque la Partie adverse fut la dernière à prendre la
parole. 11lui a étérépondu, du côtéespagnol, dans la suite de la procé-
dure et notamment dans l'exposéde mon collegue le professeur Uria. La
Cour me permettra ainsi de considérer, pour ma part, que cet indicent
est clos.
Passons à la deuxieme tentative. Je pense pouvoir en débarrasser la
Cour en très peu de mots.
Le professeur Roliri a fait état d'une décision rendue par le juge
spécial de la faillite, le 28 juillet 1949, pour convoquer l'assemblée
généraledes créanciers.Le jugement révoyaitnotamment la publication
de l'avisde convocation dans les bulhns officielsde 1'Etat espagnol et
des provinces de Barcelone et de Tarragone, aussi bien que dans deux des582 BARCELONA TRACTION

journaux à plus grande diffusion de Madrid. Barcelone, Tarragone. Reus,
Toronto. Londres, Genève, Paris et Rome. Et le professeur Rolin d'affir-
mer triomphalement que:
"Ainsi la démonstration fut faite par le premier juge spécialque
loin de relever de l'imperium, la publication à l'étranger d'un avis
iudiciaire relatifà un acte qui, chose dauante. est rév vudans le
Aiéine:irticle 1044 (Iicode di çonimerck dc 1329que \:ipiit>lic:ition
dii jugement <lefaillitei anLoir,sous le 70. &tait poàsit>li.saris mCme
avoir recours hdes comrnis,ions rogatoires o (VlI1.p. jgq).
On croit ri.\,er. Qii'il soit prrmis dc suggércrqu'une t<:lleailïrmation
est poiir le moiiis hasardée. Car le juge syr'cinlde In faillite se conforma
au~'~rescri~tions de l'article en questjon en ordonnant que l'avis de con-
vocation des créanciers fût publié dans les bulletins officiels, car c'est
bien là la forme de publicité exigéepar la loi. Si le juge spgcial estima
néanmoinsutile d'en ordonner l'insertion dans certains journaux. assuré-
ment dépourvus de tout caracthre officiel.c'est qu'il estima à juste titre
que l'ondevait tout faire pour que lescréanciersdu failli puissent prendre
connaissance de l'avis. compte tenu de la circulation des titres dont ils
étaientlesdétenteurs.Est-il besoin d'ajouter qu'une telle publicité supplé-
mentaire, nullement exigéepar la loi, n'a rien à voir avec la publication
en tant que moyen légalayant trait à l'exercice du pouvoir juridictionnel
de I'Etat? Peut-on vraiment admettre que la condition de la publication
du jugement qui a ouvert la procédurede faillite aurait étésatisfaite par
l'insertion d'un avis dans un quotidien quelconque, comme s'il s'agissait
de faire part du décèsde M.Dupont?
Mais laissons finalement de côté ces digressions - et je m'excuse
d'avoir dû m'y laisser entraîner - pour aborder le problème de la publi-
cation du jugement de faillite, dans l'optique de la présente exception.
Je crois que pour ce faire il me suffira, Messieurs. de répondre à une
question trèssimple.
Du point de vue de l'épuisementdes recours internes. Barcelona Trac-
tion peut-elle avoir subi un préjudice particulier du fait de la prétendue
irrégularitédont serait entachée la publication du jugement de faillite?
Messieurs, la Partie adverse se charge elle-mêmede répondre par la
négativedans sa réplique:
ciLa Barcelona Tractionn'a sans doute pas subide préjudiceparti-
culier du fait de l'absence de publication régulière. puisqu'en fait.
son opposition. mèmeintroduite avant le 18 juin 1948,se fût heurtée
aux suspensionssuccessivesrésultant des déclinatoiresGarciadel Cid
et Boter et à leurs complications qui ont retardé pendant près de
quinze ans la décisionsur l'opposition de la Barcelona Traction. II
(R., V, P. 364.)

Donc, une justification expost?
Messieurs, j'ai déjàindiqué qu'aucun déclinatoiren'était pendant lors
de l'échéancedu délai d'opposition, c'est-à-dire le 24 février 1948. Le
déclinatoire Garcia del Cid n'avait lus d'effet sur la procédure et le
déclinatoireBoter n'avait pas encore ltéproposé.Dèslors, c'est un procés
d'intention que d'affirmer que Barcelona Traction aurait été justifiée
ne pas attaquer en temps utile son jugement de faillite sous prétexte
qu'un déclinatoireallait être introduit plus tard, et qu'un tel déclinatoire
aurait nécessairement affecté un recours en opposition introduit, par PLAIDOIRIE DE M. MALINTOPPI 583
hypothèse, en temps utile. Le fait que la suite de la procédure ait été
affectéepar le déclinatoire Boter rend d'autant plus incompréhensible le
comportement de Barcelona Traction qu'elle n'a pas veillé à soulever la
question de la compétenceen temps utile et par la voie appropriée, de
façon à obtenir que la question soit tranchée à l'égardde son moyen et
non paj A l'égard d'unmoyen formulépar autrui.
Mais cette question ne nous intéresse pas ici. Ce qui nous intéresse,
c'est la reconnaissance, de la part du Gouvernement demandeur, que
Barcelona Traction n'a pas subi de préjudice particulier du fait de la
Drétendueoublication irréeuiiéredu iue.m-nt déclaratifde sa faillite.
1.n Part& adverse. en r&litc. a réconniideux cliuses primo, (lue 1Iar-
celona 'Traction n'étlritp:is dxnj I'irnpossil~ilirnatbrielle de faire oppo-
sition dails le ddai Iéu:ilde Iiiiit iours. et. seciirido. oiie la or<teiidtie irrc'-
gularité de la du jugement défaillite n'a entraîné aucun pré-
judice susceptible d'empécher de faire opposition en temps utile.
Comment, dans ces conditions, la Partie adverse pourrait-elle encore
soutenir que Barcelona Traction était en droit de différer son inter-
vention au-dela des délaislégaux?Cela dépassel'imagination!
Ainsi. l'absence de publication au,Canada n'a pas entraîné le moindre
préjudice ence qui concerne les droits de la défensede Barcelona Trac-
tion. Non seulement la responsabilité de 1'Etat es.a.*ol. de ce chef. ne
saurait Ctremis2en cause. maiserit.orc fniit-il oiiligner que, Ixur I:iiicrnt:
raison. les prPt.:ndues irrc:gularité=dans 1.1publication du jiigerncnt de
Kcus ne sauraient constituer. au profit de I{;irscluiiaTraction et <lesi.s
protecteurs, une cause d'exonérafion de la charge d'épuiserles recours
internes.
Monsieur le Président. Messieurs. l'effort de svnthèse imposé par la
nature mêmed'une plaidoirie exige que I'onécartetoute quesdon n'ayant
qu'un intérêtpurement académique.
- Avec votreDermission. ie crois pouvoir ranger dans cette catégoriela
question de la'véritable nature de'l'acte de p6cédure présenté Bar-
celona Traction le 18juin 1946. Il n'est pas contestéentre les Parties qu'il
s'aeit du oremier acte de ~iocédureaciom~li D. .Barcelona Tractiofi au
cours de Safaillite en ~s~&ne.
Cependant, le Gouvernement espagnol a toujours soutenu - et j'ai
presque quatremoisapr6sI'expiration d" d6lai iitile pour faire oppositiorie

oui la Partie adverse a essavéd'attribueruiic àol'acte du 18iuin la naiureier
juridique d'une «opposition »alorsqu'il ne la possède aucunement. c'est
donc pour souligner combien la Partie adverse, nonobstant ses déné-
gations, attache de l'iinportance à l'omission constatée à l'encontre du
jugement de faillite.
I'u I'intérètqu'a la Partie adverse à découvrir et à vous présenter un
auelconoue recours en o~~osition. mêmeintroduit a~rèsoui I'on se soit
;;-1ir2 d; I'espiratioii (le; (IC13isIéfi~ilxcst ais;<lt\~~ir'~,oiiri~ufniiion
Iionornblc coiitra<lictcur:ttniit insiit; iiir iinc dbcouv<:rtcf.iitc pir nus
adversaires lors de la rédaction de leur ré. .oue et invoauée à nouveau
!>:grc profcsjeur Koliii(\'III,p. 5911
Cette flande découvérteconsiste en ceci: d:inj Cadécisiondii 7 luin
1963 le jiigc spr'cial dc 1.1faillite. tout en rejetant, I~icncritciidii, Inde-
ninridç de U~r~.elonaTr:~ctiondii rS jiiin 1043parcc qii'ell~r't.iit tartlivc.
aurait furmellcrnent nl>lit.l?ettc dcrii:iiideippo;itioiiin.584 BARCELONA TRACTION
Et alors, Messieurs?
Cefaisant, le juge spécialde la faillite est-il entréen contradiction avec

sa propre décisionquant au caractère tardif de la demande?
Cefaisant, le juge spéciala-t-il transformé la nature juridique de l'acte
dufait au'il lui a attribué, incidenter tantum. un certainnom?
~uani à la première question, personne ne saurait contester que la
réponse soitcertainement négative.
Mais la négative s'imvose éaalem-nt en ce aui concerne la deuxi6me
<~iiestion.prc'cis6riientparcc quc. en tout cas. Ir ;ilcc nr s'est p35prononce
sur In nariire juridique de l'acte d< procédure de Rnrcelona Tractiun.
Crln ne lui était d'nilleuri :iucuiizmént<lern;iii<lé C.r n'6t;iit Daj non i)lus
nécessaire pourdéclarer tardive la demande. Si, par contre: il avait' dù
vérifier, contrôler la nature juridique de l'acte dont il s'agissait, un
examen approfondi se serait imposé. Et je ne crois par avoir besoin
d'insister davantage pour vous montrer que les élémentsconstitutifs d'une

véritableopposition faisaient défautdans un acte commecelui du 18juin
1948 (C.M..IV,p.354,et D.VII,p. 913).Aucuneatteinteà notrethèsen'a
étéportée à cet égardpar les arguments développéspar mon honorable
contradicteur. La duplique faisait observer oue l'acte du 18iuin ne con-
tenait ~UC 1';innoiiceb'une oppo3ition 3611s r2sr.rt.e<l'criilt!ic'~o~~~ucitc-
rieiircmt:nt les iiiotili. l.e profes~eur I(i11ii;I(lii reconn:.itre (\'III, p. j5.j)
aiir I'i.critde 133rcclon;ifraction du ?sc.uteml>reti~8 se bornait ~récisc-
ment à une simple confirmation, sans~uêlesmotifs'de la pétendÛe oppo-
sition y fussent développés,et l'on ne comprend pas par conséquent son
insistance (ibid.. p. 592) SUT cette deuxième pièce de procédure, aussi
manifestement inachevée et aussi peu pertinente que la première. La
piece du 3 septembre ne pouvait donc pas purger le recours visé par la
demande du 18 juin de ce que la Partie adverse qualifie de vice d'équi-

voque et que je qualifierais plutôt de défautd'un élément essentiel.
J'en viens maintenant au deuxième rempart érigépar la Partie ad-
verse dans sa quêted'une quelconque explication pour justifier le fait
que Barcelona Traction, déclaréeen faillite, a décidé,en pleine connais-
sance de cause, de ne pas intervenir dans sa procédurede faillite. Je me
réfère à l'affirmation selon laquelle, avant l'expiration du délaid'oppo-
sition, les juges espagnols se seraient trouvés saisisd'un recours approprié
et suffisant.
La Cour se souviendra au'à la suite de la mise en faillite les dirieeants.,
de I?nrcclonxTrxtion :adoptciit iine ;ittittid$:singiilièrc. Ils prCf2rziit iic
pis ntt,qiier <Iirestrnieii~le ]iigrSiiicnt<IV f;iillite. Il. :iduptr,nI:it,ictiiiie
oiii cuiisiste 3 Iniicéri I'nttauiic ccrt.iiii~ ~~~~so~ ~i.ti~~filin~~s.Pourraiir.
hfessieurs, ces sociétésfiliales;'ont pas étédéclaréesen faillite.
Or, c'est ce petit détail, malheureusement pour la Partie adverse. qui

fait toute la différence,car le droit espagnol réserve exclusivement au
failli le droit de faire opposition au jugement de faillite.
Malgrécela, la Partie adverse a longuemen- essavéde tirer ~rofit des
rvrour, clri soci&téinlinl~s. 1.eprofr.seur I<oliiiii';i~cVrtr.p s:i.< tï avare
d':i<lj(,ctifil).n cinq ans. pour ilccrirr. i la Cour IV> vertiii th<rn[~cutiques
des rccouri des sociCtk fi1i:ilejEhro rt U:irceloiiei~:
$L'objet de ma démonstration [disait le ~rofesseur Rolin en cette
ocs:iiion! est de prou\.cr que Iï rccours dei ;ocictCs au\tlt;iircs de

I'El~roçt dc I;i1iarceloni:s.i :IIIleiidçninin (lu jiigati'ciit dc fdillitc
hi1 Iégitiiiic.nl'cessaii~..ircc\..ililc, ad;riuat VI siiilisant ;ilui ~rul
pour CpÜiserles voics <lerccours interiics ;)(III,p. Grq). PLAIDOIRIE DE M. MALINTOPPI 585

Ces recours ayant itC rejetés par le juge de Relis. la Partie ad\.crse a
cru bon d'in,istcr sur lcur iorr, afin d'kttiyer ia rh&e principale lors des
d;>b3tjsur Içiexci:ptioii~ prr'liniin:iirc.s.C'cstnotammen- nousdit-on -
cn ~si:ivaiit <l'escrcerle, rccviirj iiitçriies que 13arceIona'i'r:~ctionaurait
étr'la Cictiriicde di.nis dd iiistice. Et iiuiiriiie les sculs recourj formésen
temps utile à l'égarddu jugement de failli& ont étéprécisément ceuxdes
sociétés filiales,la Partie adverse voudra bien admettre que sa thèse
aboutit à rem~lacer le recours aue Barcelona Traction a omis d'exercer
des recour; introduits par les'sociétéfsilialesqu- il faut le répéte-
n'avaient pas étédéclaréesen faillite.
C'est bien, une fois de plus, l'épuisement des recours par personnes
interposées (\'III, p. 589).
~Üpoint de vuede I'ëxception que nous discutons ici, la question est
exactement là. La prétention de suppléerl'omission de Barcelona Trac-
tion par l'action des sociétés filialesnetient pas, et ce pour deux raisons.
D'abord. parce que le droit espagnol réserve au seul failli le pouvoir
d'exercer l'opposition prévue par l'article 1028du code de commerce de
1829.
Ensuite, parce qu'en fait les sociétés filiales,concrètement Ebro et
Barcelonesa. n'ont évidemment attaqué le jugement de faillite qu'en se
référant àla seule partie relativetla saisie de leurs biens.
Cesdeux oints nesont plus contestésDarla Partie adverse.
En ce qui'concerne le Gemier point, Ôna montré à plusieurs reprises,
au cours des discussions orales de 1964aussi bien que dans nos écritures,
aue le droit esoa~nol est formel: il Ïéserveau failli~età lui seul ce moven
de recours qu;, &ut au plus, pourrait être exercépar des créanciersdu
faiBien entendu. tel n'est pas le cas des sociétés filialesde Barcelona
Traction et, du reste, la Partie adverse. quoique son imagination soit
particulièrement fertile, n'a jamais songé à soutenir que les sociétés
filiales avaient baséleurs recours sur un titre de créanciersdu failli.
Mais je crois que nous avons mis le point final à cette question dans la
procédureécrite. Nous y avons notamment montré que le juge de Reus
avait lui-mêmesouligné.en rejetant le recours d'Ebro, que seule Bar-
celona Traction avait qualité pour exercer un tel recours. Cette décision
du juge de Reus est particulièrement importante parce qu'elle fut rendue
avant l'expiration du délaidans lequel Barcelona Traction aurait encore
pu introduire valablement son recours. Voilà un détail qui est très im-
portant. Le 18 février 1948le juge de Reus a statué ainsi le 18 février
1948,six jours avant l'expiration du délai:

cEbro n'a pas qualité pour former ce recours contre le jugement du
12 février.carce droit est reconnu au seul failli. suivant l'article 1126
du Code de procédurecivile a (CM., IV, no 1~1; p. 334).

Mais nous avons égalementmontréque la constatation faitepar le juge
ne pouvait pas échapper aux protecteurs de Barcelona Traction qui
avaient eux-mêmes,après tout, suscité les recours des sociétés filiales.
Le rapport du conseil d'administration de Sidro pour l'exercice couvrant
la mêmeannée (D., VII,p. 911)en témoigne à tous égards.
Ainsi. l'ou peut dire que, pratiquement, le juge de Reus est alléjusqu'à
rappeler à Barcelona Traction, en temps utile, que l'artifice des recours
des sociétés filialesn'avait aucune chance d'aboutir et qu'il lui &ait 586 BARCELONA TRACTION
encore loisible, en tant que failli. d'attaquer directement le jugement du
rz févrierpar la voie de l'opposition. hfais je crois, hfessieurs, qu'il n'est
pire sourd que celui qui ne veut pas entendre ...
En ce qui concerne le fait que les sociétés filialesn'ont en tout cas
attaqué le jugement de faillite que pour la partie qui les concernait, c'est
une question relativement secondaire.
Les sociétés filialesn'ont jamais prétendu obtenir que le jugement de
faillite soit rétracàél'égarddu failli, c'est-à-diàel'égardde Barcelona
Traction. Ainsi, mêmeen supposant - ce que le droit espagnol n'admet
pas - mème en supposant que les sociétés filialesaient pu exercer une
voie de recours réservéeau failli, il est de fait qu'en l'espèce elles nel'ont
pas tentéet ont seulement essayéd'attaquer, dans le jugement defaillite,
la partie qui les affectait. Finalement,. le professeur Rolin a admis que:

jugement de faillite et ne peut donc suffire pour ouvrir la porteu à
l'action internationale relativement a toutes les illégalitésque M.le
professeur Van Ryn a relevéesdans le jugement de faillite et les
jugements connexes »(VIII,p. 590).

C'est déudémentune bonne marche en arrière par rapport aux affir-
mationsde 1~64.
L'on verrien tout cas plus avant que même à l'égarddes mesures qui
sont visées,les recours des sociétés filialesne pouvaient pas aboutir. Sur
le plan des principes, ilest acquis, dèsmaintenant:
I) que les sociétés filialesn'avaient pas qualité pour se substituer au
failli dans l'exercice d'un recours aue la loi lui réserve.et
z) que les sociétés filial,n fait, n'/nt pas demandé que le jugement de
faillite fût rétracté'égard du failli.

Qu'il me soit permis d'ajouter une toute dernière considération. La
Cour sait que tous les recoursdes sociétés filiaont, en fait. donnélieuà
une sériededésistements, à la demande de nouveaux administrateurs des
sociétés filialesnommép sar les organes préposéà la faillite. Moncoll&gue.
le professeur Uria (supra, p. 306 et suiv.) vousa montré que cette nomi-
nation était tout à fait réguliere.hfais je n'ai pas besoin de revenir sur
cette question pour une autre raison, qui me dispensera detout examen
ultérieur des recours des sociétés filiales.En effet, il me suffit de vous
soumettre une constatation très simple, qui est cependant péremptoire
au point de vue de la présente exception. Les organes qui ont nomméles
nouveaux administrateurs des sociétésfilialesétaientles organes préposés
à la faillite de Barcelona Traction. en d'autres termes, les organes dé-
sfesseurRolin l'a du reste admis en 1964.Lorsqu'il essaya de minimiser la
portéedu jugement defaillite. il dut néanmoinsadmettre ce qui suit:

[cilsaute aux yeux que le seul effet pratique immédiat [veuillezbien
retenir ceci, Messieurs] du jugement déclaratif de faillite, le seul
trouble réelapporté au groupe de la Barcelona Traction. c'est le fait
qu'elle a perdu [et hfcRolin veut bien reconnaître que «ce n'est pas
sans importanceal le contrôle des sociétésauxiliaires ..n (III,
p. 809-810).
Ainsi les dirigeantsde Barcelona Traction savaient parfaitement qu'en
s'abstenant de faire faire opposition au jugement de faillite par le failli PLAIDOIRIE DE M. MALINTOPPI 587

lui-mêmeils allaient perdre irrémédiablement le contrôle des sociétés
filiales. Et~ourtant. la société mère persista dans son silence hautain.
~u'a~oiiicr de pliis?
\'raiment, \li.~;iciirs. Ir$alcawiniles~lirigeaiitsil,: I<:,ricloii;~1'r;tctioll
sont toujours singulièrement insondables ...

T'esdre vous avoir démontré. Monsieur le Président. Messieurs les
juges, Quele défautd'opposition au jugement de failliteest acquis à tous
points de vue. que la Partie adverse n'a pu vous soumettre aucune jus-
iification valable. et (lue cette omission ne saurait êtrecom»ensée,ni en
g;rii.ral iii d.iIV,ci~~:onit:incridi:I'<.FI>;CpG.,r nii<:l>r~.~t:&lcctivit;:
Cninnaiit dc iiij,-autre, que Ilarcclnnn 'rr;iztion ou 5t.sactioiin:iircs.
le voudrais rn:iinteii;iiit r;<r)ieru'i la Iiimihrcdcs acciisntiuiiiiiiIcS
protecteurs de Barceloiia TrkctioR ont lancées contre le jugemint de
faillite, nous avons toujou~s soutenu qu'en supposant ces accusatioiis
qualifiéespar un fumus boni luris. l'on aurait pu. mêmeapres l'échéance
des délais utiles pour faire opposition, attaquer le jugement de faillite par
la voie dc la révision. Il s'agit, comme nous l'avons montré à maintes
reprises, d'un moyen extraordinaire ouvert, d'après L'alinéa4 de L'ar-
ticle 1796 de la loi sur la procédure civile, o lorsque le jugement irré-
vocable aura étéobtenu indûment par subornation, violence, ou toute
autre manŒiivre frauduleusea.
Voilà donc un autre moyen d'une efficacitéassurément radicale. Le
droit espagnol, ainsi que. je pense. tous les droits du monde, envisage la
possibilitéqu'un lugement, bien que possédant la forcede la chose jugée.
couvre une injustice manifeste pour avoir étérendu grâce à.des ma-
nceuvres frauduleuses. Si donc. ainsi qu'on le prétend dans la présente
affaire. le jugement de faillite étaitdû àla collusion du juge de Reus avec
M. Juan March, il y avait là le moyen de porter la question directement
avoir étémis en discussion par la Partie adverse. De cette façon, les
intéressésauraient pu obtenir l'annulation du jugement de faillite et cette
reslilulioin iutegrum qui, jusqu'au dbpôt de la réplique, constituait le
premier objet de la deniande belge.
Le déroulement de la procédure devant le Tribunal suprêmen'aurait
ainsi éténullement affectépar le prétendu blocage des recours. Et même
le fait de ne pas avoir introduit l'opposition au jugement de faillite, en
temps utile n'aurait pas étéun obstacle au recours en revision. Ainsi
Barcelona Traction. Sidro et Sofina ont ~erdu l'occasion uniaue de faire
Cchcc. si ~cIIcCinit vrainient 1t:iirinti:iition. diir suspcniionj partic.llt.sde
certaiiies prnciidurcset polir rcml:dicr au <It:faut<I'ol)pojitionau jugement
de Keui. cri déracinant l'arbre de la i)rocédiir~d:c faillitetout entier.
Dans cesconditions, la Partie advêrses'est livrée un grand effort pour
vous convaincre, d'une part, que le jugement de faillite est affectéde
vices susceptibles d'entraîner, non pas un seul, mais toute ciunesériede
dénisde justice», tout en affirmant, d'autre part. qu'aucun de ces vices
ne serait de nature A justifier un recours en revision.
J'ai été.je L'avoue,étonné parcetteattitude.
Monétonnement s'explique par le fait que notre réponsea étéélaborée588 BARCELONA TRACTION

en feuillttnnt les dossi~r.;(le la Pnrtie ad\,erje. 1.e; pages 620 à 622 du
contre-mémoire espagnol (IV) et les pages 917 A gr9de la duplique (VII)
ont Ctéprécishent consacr e sonstituer cette sorte d'antliologie. pour
cueillirIL/los//crirnrdcj ncc~isationsqiic ILI1'~rrica~l~~~~rsLcII':~m~biJit;>
<I'adres%caru jugement de faillite. Point ii'ejt I~c.iciijç pense, tl'ahuscr
(le la pnticrice de la Cour en lui rclisarit cette Iistr impressionnante de
turpitiides dont serait entouré. au dire de la I'artic adverse, le iuaernent
de Reus. Du reste, la Cour aura remarqué à quel point le jugement de
faillite a le don de susciter l'indignation de la Partie adverse.
Certes. le ~rofesseur Rolin a affectéde ne uas &treimuressionné du
tout par les ;loniiccs qui Iigiirent dans Ici éc;itiir,:î du iioui,+rnt:ni<:rit
espagnol. II n'a méniep:<sjugéopj)ortun <lese peiiclier sur ce Iixssagede
la ré~lioiirhelae où ilest dit. à .ro.o, de la nomination du commissaire
et d; sé~ue~trë~rovisoire, que:
.Il n'est, sans aucun doute, aucune disposition du jugement de
faillite qui témoignede façon aussi flagrante de la connivence qui a
existé entre le juge de Reus, M. Carlos Andreu Domingo, et les
demandeurs à la faillite..r (R., V, p.17).

II ne s'est pas non plus proiioncL:sur Inconclusion que II rt?pli<luvhelge a
cru dt:\,oir ~ICgngcdc ce rlii'cllenppelle 1,;s siiigul;iriude cette noiiii-
nation, et je Gtëà nouveau le Gouvernement beige:
aDèslors, une conclusion s'impose: les requérants ou leurs avouésont
eu avecle iupede Reus d'autrescontacts oue ceuxbrévusbar leCodede
procédure ,I(zbzd.,p. 18).

Le professeur Rolin a abordéla question comme si les passages que je
viens de citer ne figuraient pas dans le dossier de la procédure écrite. II
semble êtretout à fait sûr, quant aux griefs du Gouvernement belge,

t que Ici griefs fomiuli.s par lui /le (;ou\~erneiiient belge1au sujet de
Inconduire (les nutorités]ii<licinir<sesp~griole;. pxs plus du retc que
ceux rel;itif:iiisnutoritt.i ndiniiiiitr~ti\.cs. ii'oiit r(Icconiriiun
avec lescauses derevision invoquéespar lesexceptions préliminaires
et reprises dans le contre-mémoire et la duplique. à savoir la subor-
nation, la violence ou autre machination frauduleuse. suivant les
termes de la loi i(VIII,p. 601).
A-t-on besoin de rappeler que c'est le Gouvernement belge qui a parlé
de connivence entre le juge et les demandeurs à la faillite? Que c'est
encore lui qui a alléguél'existence decontacts autres que ceux prévuspar
le code de procédure?Nais a-t-on égalementbesoin de rappeler à nouveau
quel'alinéa4 del'article 1796de la loi de procédurecivile est libelléd'une
façon beaucoup plus généraleque mon contradicteur n'aimerait le faire
croire? A-t-on ainsi besoin de souligner que cette norme se réfère à tout
jugement qui-aurait-été-"obtenu-indûment par subornation, violence ou
toute autre manoeuvre frauduleuse n?
Comurenne qui pourra. Du'elle soit voiléeou non. toute accusation de
collusiÔnentreies juges esiagnols et les particuliers aurait dû êtreportée
devant le Tribunal suprême d'Espagne avant de saisir votre haute iuri-
diction. En disant ceci, ie crois n'avoir besoin de rien aiouter auant-aux
moyens ~u~~lérnentaire~~uiauraient pu êtreutilisésafik de m&ux prou-
ver cette prétendue connivence des juges, qui sont résumésdans la PLAIDOIRIEDE M. MALINTOPPI
589
dupliqiie (\'II, p 9?S et ,tiiv , riotej) el qiii oiit Gti indiqurs p3r le pro-
fcsseiir Gil-Robles dans sa plaidoirie (srtpra. p. 49).
Ce n'est donc aue vainement aue lecoa~eiii du-Gouvernement belee a
essayéde passer Ùn coup d'époige sur ce; accusations de collusion. qui " ~ ~
touchent notamment le juge de Reus. Certes, il faut reconnaître que les
conseils du Gouvernement belge ont étéinfiniment pliis prudents que
les rédacteurs des écritures. Ils ont essayéd'éviterdes affirmations trop
directes. Ils ont pesé lesmots tout en gardant la substance de leurs accu-
satioiis. Et ~ourtant. ce eraud effort d'évuration se traduit Dar du for-
"
malisme pur et simple.
Le professeur Rolin a pesélesmots, il a affirméquand même:
ndivers magistrats furent prévenus, partiaux, passioniiément
hostiles à Barcelona Traction. décidés à avvorter à I'aoolication de
la loi les assouplissements nécessaires conduire faillite au
dériouementvoulu par Juan hlarch »(VIII,p. 601).

Mais les autres conseils ont étébeaucoup moins mesurés.Tour à tour
l'on a ainsi accuséle juge de lieus d'une rextraordinaire complaisance
aux désirsdu groupe Xarch »(ibid..p. 250); I'ona fait allusion aux cimani-
festations du zèle que mit le juge de Reus ,isuivre les représentants du
groupe hfarch dans le labyrinthe de leurs procéduresii (ibid., p. 282);
I'on a mis en relief ((la volonté du juge de Reus de donner à tout prix
satisfaction aux demandes que lui adressaient les représentants du
groiipe Marchi, (ibid.,p. zgg). Ce zèledu jiige de Reus ne s'arrêtait pas
devant la loi. au dire de la Partie adverse. M.le bitonnier Vari Ryn a
notamment affirme que

Odans leur z&le à satisfaire aux demandes introduites par les hommes
de paille deJuan hlarch, les tribunaux espagnols - ci je vise ici tout
particulièrement le tribunal de Reus - ont en effet commis d'innom-
brables illégalités » (ibid.,p. 118).
II a également ajouté que la loi espagnole ne permettait pas que I3ar-

celona Traction fiit declarbe en faillite, et que:
rIlans ces conditions il fallait, pour que les plans de Juan hlarch
piiissent se développer et sc réaliser, disposer d'un tribunal que les
scrupules que je viens d'indiquer n'arrêteraient [>oint.11 (VIII,
p.121.)

Cejuge de Reus, nous dit-on, cicen'est pas un juge, c'est un prestidigita-
teur » (VIII,p. 199).que 31.hlarch ifaisait tout le temps sauter d'un pied
à l'autre» (VIII,p. 157).pour qu'il rende des ~décisiorispurement arbi-
traires, conçues uniquement pour complaire à ceux qui formaient ces
demaiides tout à fait fantaisistes 1(VIII,p. 206).
A quoi bon continuer?
Si une seule de ces allégations était vraie, comment peut-on soutenir,
avec l'assurance de mon distingué contradicteur, qu'il n'y avait pas là
uiie manŒuvre fraudiileuse de nature à ouvrir les recours en rév!sion
devant le Tribunal suprême.Mais il y a plus, hlessieurs. Qu'en est-11du
reste de la fameuse déclaratioii attribuée à hl. hlarcli var hl. \Vilmers et
sr.loiiInqiiel1,-lc prïiiiicr niirnit av~tit!qiii: le jiigc (le tfer;iii toutcc,
q~reIIII,SIarc11,~ICIII:~IIr(x~t,,<::Ict11 1311ille coiitrGl.tit,,(I'JIJ,1)2:i).
F:!~ti-ilrilc:ort.rani>cIvOIIV l'~~tlidavi(IV\\. \i'iInicr$ lut ni~~~lut(tl\:v:~nt
la Cour suprêmc'de1'0itario en 1949, et donc alor4 la voie de la BARCELONA TRACTION
590
révision était bien ouverte? Décidémentles dirigeants de Barcelona
Traction n'avaient finalement pas trop de confiance dans cet affidavit,
sinon cela aiirait étéune base pour une demandede revision
Force est doilc dc cuiicliirt: iriiifois pour toiit~~sq, ut In jw..itiuii deI;i
P:irtie :id\.crse roiiiportciiii~ioiitrndiction fr:ipl>:iiite.
Si le iiidt:mciit dv L;iillitc?tnir nus-i \,ic<IIIoii I( nr~:tciicl ci
ilsiifit.
à cet épayd,de rappeler. que selon la répliGe belg;, il ferait apparaitre
qu'il y a eu,entre les requérants ou leurs avoués et le juge de Reus des
ccontacts 8 autresque ceux prévuspar le code de procédure -, si, donc,
ce jugement était le fruit de manŒuvres frauduleuses, pourquoi Bar-
celona Traction n'a-t-elle pas tenté un recours en revision? Et si, à
l'inverse. ces vices dont on ré tendau'ils affectent le iueement de faillite ~ ~
n'étaient nullement de natire à justher un tel recour;, Comment peut-on
soutenir que ce méme jugement comporte un dénide iustice, ou ulutôt
une sériede dénisde justke?
Ici, le désaccordentre les deux côtésde la barre est absolu. La Partie
adverse a soutenu dans ses écritures, toujours avec la mémeassurance,
que si le jugement de Reus fait apparaître des iicontacts >entre les requé-
rents et le juge autresque ceux prévuspar la loi, par contre.

ale Gouvernement belge n'a jamais prétendu non: plus,, parce que,
pas plus que la Barcelona Traction, il n'en avait la preuve, qii'il y
ait eu subornation, cormption ou concert frauduleuxauquel lejuge
de Reus aurait été mêlé.(R., V, p. 618).

Ainsi, l'accusation de icontactsautres que ceux prévuspar le code de
~rocédurei,est rabaissée par le Gouvernement demandeur lui-même à
une affirm:ition gratuite. qii'il avoiie n'Ctre pas cri mesiirt. <leproiiver.
Unc;ifirmation iiunproii\~éed ,onc uneinsiiiiiation, .\lessiçiirs,riei~U'UIIL'
insinuation.
Quant à la question de savoir si le recours en revision est ouvert, en
droit espagnol, contre un jugement de faillite, elle se pose en des termes
fort simnles. D'a~rèsl'article 17abde la loi de ~rocédurecivile. le recours
en reviiion est &ri@ contre uqugement définitif, une sentencia firme.
La Cour aura constatéque le jugement de faillite est dénommé,en droit
espagnol. aulo de quiebra. La Partie adverse est, sur ce point, remarqiia-
blement formaliste: un autone serait jamais équivalent à une sentencia.
Nous croyonsavoir montré,dans nos écritures,que pareilraisonnement
de la Partie adverse n'est point fondé. Mondistinguécontradicteur, pour
sa part, a renvoyé aux arguments développésdans la réplique belge. Il
me suffira donc de résumer, en tres peu de mots, la these de la duplique

espagnole (VII,p. 919-926).
La référencefaite par l'article 1796 à la sentencia firmeen tant que
point de départ derecours en revision ne vise, en réalite,quela généralité
descas. Ainsi que la cour suprémeespagnole l'a précisé à propos d'un aulo
ordonnant des mesures provisoires, dans l'arrét du 3 juin 1959(D., VII,
p. 922-923).mêmeun aulopeut Etfesoumis revision àcondition qu'ilait
<iabordéet résolulaquestion fondamentaleenvisagéedansle procEs r.Or,
le jugement déclaratif de la faillite. auquel il n'a pas étéfait opposition,
est certainement un aufo qui, d'une manière autrement irréversible, a
<iabordéet résolula auestion fondamentale envisacéedans lu nrocès in.
On :i notsiiiment ~ouligii2. <ILI inté espngnol. rliiuii :ictc (1::poiivuir
jurlicinire est assorti de la force (le chose jugie ;iiiscris iiinti.rii.1lorsqu'il
affecte d'uiie façon définiti\,cla jitiiation juriclique de l'une des p:irti~s I'LAIDOIRIE DE hl. MALlNTOPPl
59'
et que le recours en revision est le seul moyen pour écarter, dans des
conditionsdonnées, les effets de la chose jugée.La déclaration de faillite,
à laquelle il n'a pas étéfait opposition en temps utile, bien entendu,
entraîne nécessairement une modification de la situation juridique du
failli, puisqu'elle affecte,par exemple. sa capacité juridique et ses droits
quant à I'adrninistration età la libre disposition de son patrimoine.
Voyons maintenant les seuls arguments que la Partie adverse nous
oppose à ce stade de la procédure. Il y avait, nous a-t-on dit à l'audience
du 14 mai dernier, trois sraisons péremptoires de ne pas recourir à une
demande de revisionn (VIII,p. 601).
La premièrede cesraisonspéremptoires serait Que.faute deaublication
réguli'erel,e délaipour l'oppôsitioni'avait pas cimmencé àcourir, et que
le jugement de faillite, par conséquent, n'avait pas acquis force de chose
jugéë.
On a vu cependant qu'une telle conclusion n'est issue que de l'ima-
gination des dirigeants de Barcelona Traction. Ceux-ci étaient, bien en-
tendu, tout naturellement libres de garder leur conviction mais ils ne
pouvaient pas ne pas se rendre compte du danger qu'ils couraient eri se
fondant sur leurs opinions personnelles. Ils savaient tres bien, d'ailleurs,
que le juge de Reus avait déclaré à deux reprises que le jugement de fail-
lite, faute d'opposition, avait acquis force de chose jugée.
Ln deuxième raison invoquéepar le ~rofesseur Kolin est connexe à la
première. 11estime que, tant l'on'n'avait pas encore statué sur la
prétendue opposition tardive du 18 juin 1948, Barcelona Traction ne
~ouvait pas: sans se contredire. demander la revision du jiipement de
iaillite. favoue ne pas comprendrela portée d'un tel argument. Il m'est
aiséde vous montrer qu'un tel souci, loin de préjugerla position de Bar-
celona Traction, aurait dii, par contre, l'amener à-introduire un recours
en revision, nefiit-ce que pourcette seuleraison. Car, Messieurs, de deux
Traction quant au défaut de force de chose jugéedans le jugement delona

fond. Si, en revanche, le Tribunal suprémeavait déclaréirrecevable lasur le
demande en revision au motif que lejugement de faillite ne possédaitpas
force de chose jugée, Barcelona 'i'raction en aurait tiré le plus grand
avantage aux fiiisde la recevabilité de l'opposition qu'elle prétend avoir
introduite Darson écritdu 18iuin 1aa8.
Qti;iii:iLitruiji(:rric~on~i~l~~r.~~,i1i1inncGpe:ir IVproicjscur I<UIIIl,le
se réfhe ailx prcmisses de fait siirlçsquellesla demaiidede revision devait
se fonder, et je viens partant de la contrer lorsque j'ai montré la contra-
diction qui subsiste entre d'une part les accusations du Gouvernement
belge et d'autre part les protestations qu'il émetlorsqu'il prétend ne pas
y voir les élémentspour justifier un recours de ce genre. Et c'est pourtant
à propos de cette troisième considération que mon estimé contradicteiir
a tenu àaioiiter un areument suu~lémentaire. aui est toutefois dénuéde
pertincrict~a.insi qu'il me sert:ii;<Lc\,ou. 1,:montrer CIItri., pcu rieriiors.
I.'i.clicc(lei dcninn<lc (Icriili.iat10n <Ic(iivcrs jugv~aurait jllIlOlldit-
on, :t~II:.II)vle, tlr,iit,:ssuIIIIIIO.S~I,II~l'obt,:~iUII rt-iiltar difiCrt.111
par la voiêde la revision.
Pourquoi cet argument n'est-il pas pertinent? Il n'est pas pertinent
Darce aue la demande de revision aurait donné lieu à une procédure
devatir 11.1'ribiiril cipr;rnc,nlori que toiiris lcs riciii-;itioiii forriiulCt;en
I'esl>Gct.:ivniciit Ir.: iiitrr,<luite clc<Iciijiiridiitinnj iiiftriciirt:;. 1JCs 592 BARCELONA TRACTION

lors, c'est un procès d'intention que de prétendre que le Tribunal su-
prême,s'il avait statué au surplus en revision du i. .,ent de faillite et
non p;ii en ri.cu~.~iioirl<c jugcj. aunit nr:cc~~;.irr.iiit:t cartc Ics :III;:-
gatioiii dcs <lirigcnnt;<IrIkircclona l'ractioii quniii :I1csistciice ,I'iiiit-
m;iiiiciivre Ir:iii<liileii;e afff:ctnni II procl:dure ile faillite. Aiiiii le Tri-
biiii;iIsuprcmc ii'a jaiiiais crt:t:n mesure dc se prononcer siir ccite gignn-
tcsquc niriiicL.iivrcde ii,~lintioii <!<>ntn I'lrtie a~lv<-rsse pl:iiiit au-
jouÏd'liui devant votre haute juridiction.
J'estime donc pouvoir réaffirmerque le recours en revision aurait dii
êtreutilisédans la présente aitaire. Son efficacitéétait certaine. II était
aussi accessible et assurément suffisant pour faire tomber d'un coup la
procédiire incriminée. Je ne crois pas, iiotamment, que l'absence de
précédentsspécifiquesdans la jurisprudence espagnole à cet égard puisse
dispenser de la cliarge d'utiliser un moyen de cegenre, si l'ontient comj~te
surtout des circonstances de l'espèce.Dans sa duplique (VII, p. 926-928).
le Gouvernement espagnol a aisément réfuté unethèse amorcée pour la
première fois dans la réplique (V, p. 618.619) dans le but d'invoquer des
limitations qui seraient admises eli matière d'épuisemeiitdes recours in-
ternes et qui dispenseraient de la charge d'utiliser lerecours en revision
dans la présente affaire.J'ai étéheureux de constater qu'une telle thèse
ne semble pas avoir étéreprise dans les ternes qui figurent dans la
réplique au cours des discussions orales. 11ne saurait d'ailleurs en être
pas des limitations pareilles.puisement des recoursinternes ne connaît
En effet, le droit international ne saurait dispenser de la charge
d'éouiserles voies internes ni lorsau'il s'aeit de recours extraordinaire du
geBredu recours en revision, ni mime s'il y a un élémentde doute quant

à l'admissibilité d'un moven particulipoint, que votre Cour, dans l'arrêt
rendutdà l'occasion de l'affaire I~tterhnndel(C.I.J., Recueil I9.59,p. 27 et
suiv.), a fait droit I'exceptioridu Gouirernement défendeur parce que la
procédure interne pendante aux Etats-Unis avait étérouverte grâce à
un moyen extraordinaire. Et quant au deuxième point, il estétabli que le
droit iiiternational accorde la protection diplomatique seulement lors-
qu'il s'agit de particuliers diligents qui prennent soin d'utiliser mênieles
voies dont l'admissibilité pourrait étre mise en doute. C'est pour<-luoi,
mêmesi, en présencede thèses opposéesdes Parties, il pouvait encore
sembler douteiix aue le recours en revision ait étéouvert en droit à
Rarceloiia Traction, la Cour pourra quand mêmeretenir l'exception, en
faisant application de la doctrine énoncéepar la Cour permanente et par
la Commksion eurooéennedesdroits de l'homme dans ie cas où un doute
semblable avait été'formulé.
Dans l'affaire du CltenzindeferPaiceoezys-Saldntiskis (sérieAIB no 76,
p. 191,la Cour a dit en effet que:

ciLe point de savoir si les tribunaux lithuaniens sont ou non com~
pétents pour connaitre d'une instance déterminée,dépend dela loi
litliiianienne, et seuls les tribunaux lithuaniens peuvent, en cette
matière. rendre une décisiondéfinitive. La Cour n'a Das à a~nrécier
les arguments d6veloppésdevant elle soit en vue d'établir laLompé-
tence des tribiinaiix lithuaniens en invoquant certaines dispositions
des lois en vigueur en Lithuanie, soit pour dénier leur compétence
en attribuant uii caractère particulier (saisiejztreimperii)à l'acte du PLAIDOIRIE DE M. MALINTOPPI
593
Gouvernement lithuanien. Tant que l'on n'aura pas nettement dé-
montré devant elle que les tribunaux lithuaniens n'ont pas compé-
tence pour connaître d'une notion introduite par la sociétéEsinzene
afin defaire reconnaitre son titre de propriétésur la ligne Panevezys-
Saldutiskis, la Cour ne peut accepter la thèse de.l'agent du Gouver-
nement estonien selon laquelle la regle de l'épuisementdes recours
internes ne trouverait pas son application dans le cas présent, parce
que la loi lithuanienne ne fournit point de remède ».

Je vbudrais ajouter que c'est en s'inspirant expressément de cette
doctrine que la Commission européenne des droits de l'homme s'est
exprimée, dans l'affaire Relimng (Annzrairede la comsiission, 1961,
p. 401). dans les termes suivants:

iis'il existe un doute quant à la question de savoir si une voie de
recours déterminéepeut êtreou non de nature à offrir une chance
réellede succ&s,c'est là un point qui doit êtresoumis aux tribunaux
internes eux-mémes,avant tout appel au Tribunal international n.

Défautd'opposition au jugement de faillite dans le délaiaccordépar la
loi, non-utilisation du recours en revision qui aurait pu êtreintroduit
contre ce mémejugement dans un délaide Einq ans après la date de sa
publication; voilà deiix oinissions capitales et irréparables que nous
sommesen droit. Monsieurle Président,Messieursde la Cour, de reprocher
à la Partie adverse lorsqu'elle préte- assurer la protection diplomatique
de particuliers qui, selon elle, auraient étéléséspar un préjudice pré-
tendument causé à Barcelona Traction.
J'aborde ici la quatrihme partie de mon exposé,dont l'objet est de
vous montrer que notre reproche s'adresse, en l'espèce,non seulement à
Bazcelona Traction mais aussi à Sidro et Sofina, c'est-à-dire aux sujets
Dourlcsauels le Gouvernement demandeur voudrait auiourd'hui nrendre
[nit CI c:n'iiseI'ourIci r;iisi~iCIIIC]'JI<.II'liunneur di. \:uiii,r.xpr&r Jnns
In pr,:iiii;r~ >~itiondc iii:~~il:.iiluirir (;~~II~~~II~II~C~I~l>.i~i~<v,jItini,:
itrv i~c;ileiii~:ii,t.riiiroii de ft!l;l~lt.oniissivii, iiiii)ut;ibl:Icci <I,:iis
sujet; 11me reste, iuaintenant, à voiis montrer de q;elle façon ces deux
sociétéssesont comportéesdans le cadre de la faillite de Barcelona Trac-
tion en Es~aeiie. Cet exoosé Drendra un temos relativement court.
yiii;quc I,.s>utiL.r;.cn qiii.irioiilsi11uliiiiL'.iuclin recùliri jii;,lu'.tl1:'i
\.t.nte des Itiçns de B;irc~l<m;~Trnctici~ <:tdonc io%~u'auni\>ii.eiitoii. :iii
dire de laPartie adverse. le domma~e étaitconiolidéet. Darconséouent.
tout recours était deven" insuffisan?. A &moment, nous dit-on en effet
dans la réplique (V,p. 59$), "il n'eiit servi Arien à la Barcelona Traction
OU aux autres cointeresses de continuer un combat dépourvu de pers-
pectives~~.Si le Gouvernement espagnol est tout à fait convaincu que

cette prétendue ,<consolidation iidu dommage ne saurait êtrela coiisé-
quence que de la chose jugéequi, àson tour, résulteen l'espècede l'inac-
tion des particriliers, le Gouvernement espagnol est également certain
que la chose jugée ayant trait au jugement de faillite aurait pu être
ecartée,maisce uniquement par la voie de larevision,,jusqu'au 24 février
1953.,c'est-à-dire jusqu'à l'échéancedu délaide cinq ans. II estime aussi 594 BARCELONA TRACTION
que l'appréciation de la négligencedes particuliers dans la phase qui
suit la vente des biens n'échappepas non plus au contrble de l'épuisement
des recours, et ce pour les considérations qui ont étéénoncéesdans la
duplique (VII,p. gig et suiv.) et que je ne Ïeprends pas ici pour ne pas
abuser de la patience de la Cour.
Dans ces conditions. il convient donc de simplifier le débat et, pour
l'appréciationde la conduite de Sidro et Sofina, de prendre acte de ce qui
suit.
Primo: la Partie adverse a affirméque tout recours intenté après le
17 juin 1952, date de l'adjudication definitive des biens de Barcelona
Tractioii, aurait été insuffisant (R., V, p. 595).
Secundo: il est constant qu'aucun recours de Sidro ou de Sofina n'a
étéintroduit avant cette date.
Dans ses écritures (C.M.,IV, p. 629-631; D., VII, p. 931-932). le Gou-
vernement espagnol a soutenu qu'en vertu de leur qualité d'obligataires,
qui n'est d'ailleurs pas contestéepar la Partie adverse (VIII,p. 577),tant
Sidro que Sofina auraient pu exercer plusieurs recours et notamment
attaquer le jugement de faillite mémepay la voie directe de l'opposition.
Ainsi qu'on le verra, il n'y a pas contradiction entre cette affirmation et
l'article1028du code de commerce de 1829qui réserveau failli le pouvoir
d'exercer l'opposition. L'extension de ce pouvoir au profit des créanciers

- mais à leur profit seulement - découlede l'application conjointe de
deux articles de la loi de procédure civile.J'en ai apporté la démonstra-
tion il y a cinq ans, sans êtrecontredit (P.O.,III,p. 802).Lesobligataires,
en tant que tels, sont assurément des créanciers à l'égarddu failli. Dans
ces conditions. les protecteurs de Barcelona Traction avaient une possi-
bilitéde plus d'attaquer le jugement de faillite. Mais le silence est d'or,
et Sidro aussi bien que Sofina ont pris soin, tout comme Barcelona Trac-
tion, d'ignorer le jugement de faillite, d'affecter cette «douce hilarité ),,
dele considérer, somme toute, bel et bien comme un ichiffon depapiers.
Que répond finalement la Partie adverse aux arguments tires de
l'inaction de Sidro et de Sofina?
La thèsedu professeur Rolin tient en très peu de lignes. Il s'est essen-
tiellement borné à affirmer
tque Si,lro -- coiiiiiiepi-iiis.ilinl~ctionniiin ds B;~rccloiiii'I'r3cti-ii
nvnit plciiicnieiit ioiiii~i>i.i11iedii coiitrnt intcr\.ciiii t%iitrelnI<:ii--
celon;i l'r:ictioi<:t I;?r';itii~iiTriiit niis tirincî du<iiitl IYS:<tiuii;tl
~rust avait le inonopole de la protection des~obk&ttaiies et qu'il
étaitmoralement tout à fait impossible à Sidro d'intenter une action
judiciaire aux lieu et place de la National Trust en violation d'une
clause formelle dcs contrats de trust 1(VIII,p. 577).

Messieurs, i vrai dire, l'on ne comprend pas très clairement, en relisant
ce passage, si mon estimécontradicteur fait allusioii à une pure et simple
impossibilité morale d'exercer les recours en question, ou bien s'il est
resté fidèle à la thèse amorcéedans la réplique belge (V, p. 611), selon
laauelle la no actioii clairsedes emDriints obli~ataires entraînait. ~our les
défenteurs de ces titres, la renodation au droit d'action. ~eu'ik~orte.
Puisque les scrupules du particulier à l'égardd'un tiers ne constituent
certe; pas un motif valible de non-épuysement des recours internes,
supposoiis que la thèse belge soit toujours celle de la réplique.
Que la Cour veuille bien se pencher pour quelques instants sur le teste
de cette fameuse no actioti clazue,dans la traduction française suggérée PLAIDOIRIE DE M. MALINTOPPI 595

par la Partie adverse elle-meme: Vous pourrez aisément constater,
hlessieurs, queladite clause ne visait que
« iin procèsou une procédure quelconque en vue d'une exécutionou
d'une vente fondée sur le présent gage ou pour l'exécution des
engagements fiduciaires (trusts)qui y sont prévus, ou pour le
recouvrement de toute somme en principal ou intérêtsreprésentée
par les obligations2(R., Y,p. 345).

Ifais assurément, Messieurs,.le Gouvernement espagnol n'a jamais
prétendu le moins du monde que si Sidro et Sofina avaient dù compa-
d'obtenir le recouvrement des créancesrenrésentéesDarles titres au'ellesn
détenaient. De méme,nous n'avons jama'isreprochg à Sidro ou à'sofina
de ne pas avoir agi pour demander que le patrimoine de Barcelona Trac-
tionsÔit mis en Gente. En auciin cas don; la no action clausene saurait
impliquer de renonciation qu'au droit d'entamer des actions dirigées
contre le débiteur, c'est-à-dire contre Rarcelona Traction. Ce que Sidro
et Sofina auraient pu et dù faire, si elles avaient vraiment eu intérêtà
mettre ànéant la faillite de Barcelona Traction, c'était comparaître dans
cette procédure et y intenter tout recours utileà l'appui de Barcelona
Traction et non pas coutre Rarcelona Traction.
II n'existeaucuné mention des moyens que l'on exerce au profit de
Barcelona Traction. Sidro et Sofina avaient, pour ce faire, plusieurs
moyens àleur disposition. Voyons quelques exemples.
Primo, en tant que créanciers du failli, Sidro et Sofinapouvaient
demander à comparaître dans la procédure de faillite et à y êtrecon-
sidérées commeparties. En tant que parties à la procédure, Sidro et
Sofina auraient pli y soulever toute autre question susceptible d'être
discutée Dar des créanciersdu failli. Le contre-mémoire (IV,p. 630) en a

priés contre la nomiiiation des syndics; <le méme, elles auraient pu
attaquer les décisionsayant trait à la vente des biens et notamment
celles concernant le cahier des charges.
Secundo, en cette mêmequalité, Sidro et Sofina pouvaient attaquer
directement le jugement de faillite. Le moyen aurait étécelui de I'oppo-
sition viséepar l'article 1170de la loi de procédurecivile qui, tout en se
référant à la faillite civile, est applicaàlla faillite d'une société com-
merciale en vertu du renvoi prévu par l'article319de la mêmeloi. Cette
opposition, si elle était fondée, aurait abouti exactement au meme
résultat que l'opposition ouverte au failli par l'article 1oz8 du code de
commerce de 1629. Ces arguments ne sont pas contestés par la Partie
adverse.
Tertio, Sidro et Sofina, agissant toujours en tant que créanciers!au-
raient pu essayer de contester la compétence juridictionnelle des luges
espagnols, d'autant plus que, n'étant ni l'une ni l'autre de nationalité
espagnole, ellesne seseraient pas heurtéesaux difficultésqui frappent les
juridictionnelle de leurs propres tribunaux.s'élevercontre la compétence
11n'est peut-êtrepas inutile de rappeler qu'en réalitétous les argu-
ments que je viens d'exposer figurent déjà dans les écrituresdu Gouyer~-
nement espagnol. Ilais la Partie adverse s'est esseiitiellemeut bornee a
nous opposer la no action cdaz~se,omme si le Gouvernement espngiiol BARCELONA TRACTION
596
n'avait jamais démontré qu'entout cas cette clause n'a rien à voir avec
des recours introduitsà i'appu,idu failli. Je pense donc pouvoir conclure
en soulignant que le iion-épuisement des recours ouverts à Sidro et à
Sofina en tant que créanciersdu failli est acquis en tous points.
J'en vieiis maiiitenaiit, àttous égardssurabondamment, àlaquestion
des recours que Sidro ou Sofiiiauraient pu exercer àdestitres autresque
celui d'obligataire. On sait, cet égard,qu'il n'y a pas de recours spéci-
fiques pour les actionnaires en tant que tels, ainsi qu'il arrive dans la
majoritédes pays. Cependant, mémes'iln'y a pas de recours spécifiques,
il ya lieu de voir si des recours de droit commun sont susceptibles d'étre
utiliséspar les actionnaires. En l'espèce, c'estla Partie adverse elle-méme
qui nous a rappelé que le 7 février 1953Sidro intenta une action de
fraude procédurale devant le tribunal de première instance de Madrid
(VIII, p. 598). Cette action, qui visait la procédure de faillite dans son
ensemble, a étéelle aussi prise en considération dans le contre-mémoire
(IV,p. 433-434)et mêmele chapitre consacré àl'exception l'avait relevée
(p. 629),,bien que seulement par voie de référence.Le professeur Rolin a
fait aussi une allusioniscrkte au sort funeste de cette demande.
Messieurs, fa demande de Çidro était irrecevable pour le simple fait
de ne pas avoir étéportéedevant le juge compétent. Bien qu'ayant été
introduite contre31.Alarchet consorts, cette demande visait l'annulation
de la procédure de faillite de Barceloua Traction. Dans ces conditions,
on voitinal pourquoi une telle action aurait pu êtresoustraiteà la com-
pétence du juge spbcial de la faillite. Rien d'étonnant, par conséquent,
que le tribunal de première iiistaiice, la cour d'appel de 3fadrid.et le
Tribunal suprêmeaient dû déclarer irrecevable la demande et souligner
qu'elle devait êtreintroduite à nouveau devant le juge spécial de la
faillite. Ce aui.oar contre. est vraiment étonnant. c'este. nonobstant

adverse a beau nous opposer qu'auprKs de cette juridiction la demande
serait tonibéesous le coup de la suspension qui affectait une partie de la
procédure de faillite. Non seulement pareille prétention se traduit-elle,
une fois de plus, parlin procès d'intention, mais encore se heurte-t-elle
au faitque Sidro aurait pu, en introduisant son action, demander qu'elle
fùSidro a donc introckt un recours qui,rà ses yeux, devait être utile. II
est de fait qu'il s'agit d'un recours qui était formémais qui n'a pas été
mené à son terme.
La preuve est ainsi faiteàla fin de la quatrième partide mon exposé,
que les sujets pour lesquels on prétend prendre fait et cause dans la
présente affaire-n'ont épuiséles recours internes

L'audience.suspendue à IIh20, es1reprise à II h40

Le professeur Rolin (VIII,p. 579 et suiv.). fidèlà soi1système, a con-
sacré une grande partie de son exposé à examiner les différents recours
qu'il prétend avoir étéépuisés à l'égardde cliacun des cinq groupes de
griefs: griefs concernant les actes des organes administratifs, griefs
concernant la compétence des juges espagnols, griefs coiicernant les
mesures ordonnéespar le jugement de faillite,griefs concernant le pré-
tendu blocage des recours et, finalement, griefs concernant la vente des
biens de Barcelona Traction. PLAIDOIRIE DE M. hlALINTOPPI 597

Pourma part, je me dois de luiopposer un systèmetout à fait différent.
Ainsi qu'on l'a vu, le Gouvernement espagnol estime que, dans les cas
d'espèce,les griefs du Gouvernenient belge se rattachent tous à la procé-
dure de faillite de Barcelona Traction, c'est-à-dire à une procédure au
sens juridique, dont le déroulement a étéconditionné par l'omission du
failli qui n'a pas attaqué le jugement de faillitepar les deux moyens qui
lui étaient ouverts. hi1 surplus, le Gouvernement espagnol a montré les
raisons pour lesquellesilest égalementen droit de faire étatdes omissions
des prétendusactionnaires belges. Ainsi, leGouvernement espagnol pour-
rait méme se dispenser, en ce qui concerne la présente exception, de
discuter des diffcrents moyens qu'on a vainement essayéde faire valoir
alors que la procédurede faillite avait déjà été conditionnéepar le com-
portement du failli.
Ceci dit, j'avoue ne pas voir clairement quel profit la Partie adverse
peut en réalitétirer de l'examen des différents recours qui concernent
chacune des catégoriesde griefs dans lesquelles elle voudrait regrouper
l'objet de sa demande. Bien entcndu, il est certain que la Partie adverse
tient àmettre l'accent sur ces recours, ne fût-ce qu'en désespoirde cause
et afin de faire oublier les omissions qui entachent de façon irrémédiable
la phase qui ouvre la procédrirede faillite de Barcelona Traction. Maissi
l'on examine les choses de plus près,le cadre de l'activitédes particuliefs
devant les juges espagnols s'av&rebeaucoup plus décevant que la Partie
adversen'aimerait le croire.
La Cour aura en effet remarqué que mes collègueschargésde l'examen
du fond de l'affaire ont pu lui signaler,à la charge des particuliers, de
trésnombreuses omissionsqui ont, ellesaussi, conditionné ultérieurement
pu relever que, mêmeite àl'égard d'une bonne partie des décisionsjudi-
ciaires autres que le jugeinent de faillite, les particuliers n'ont certes pas

fait preuve de cette diligence qui est exigéepar la regle de l'épuisement
geants de Barcelona Traction ont adopté. tout au long des procéduress diri-
internes. une tactique tout à fait particulière et consistantà toujours
essayer de plier la procédure de faillite de façoiià conserver intact le
patrimoine du failli tout en se débarrassant de la lourdecharge querepré-
sentaient les dettes de la société.
Dans ces conditions, le Gouvernement espagnol est pleinement en
droit,à titre encore plus justifié,de faire état de l'ensemble de ces omis-
sions et de ces défaillances.Sansdoute me serait-il aiséde suivre pasàpas
mon distingué contradicteur dans les longues considérations qu'il a
consacréesaux procéduresentamées en Espagne à la suite de la mise en
faillite de Barcelona Traction. Mais, pour ce faire, je devrais reprendre
point par point les exposés de mes collègues et notamment ceux des
professeurs Carreras et Jiménez de Aréchaga. Pour cette raison, nous
avons estimé,d'un commun accord, que l'économiede la discussion orale
exigeait que l'examen des omissions des particuliers qui affectent !es
décisionsautresque lejugement de faillite fût fait lors de la présentation
de nos arguments concernant le fond de l'affaire. Cela n'empêchepas la
Cour, bien entendu,de retenir l'ensemble de ces omissions, non seulement
dans l'appréciation du fond de l'affaire proprement dit, mais aussi dans
le cadre de la présente exception. Notre défenseconstitue, pour ainsi
dire, un corps unique, et l'exception, du fait qu'elle a étéjointe au fond,
peut maintenant s'appuyer, à toutes fins utiles, sur une base élargie. 5g8 BARCELONA TRACTION
Teme bornerai donc à vous donner une indication tout à fait sommaire
des omissioiisconstntCei par mcs collc'guc~cetlecompte rcndu conticiidrn ~ ~ ~ ~ ~
les rcft5renrej nécessnirci. (:cpend:iiir. et :iriiidc coiiii,Ic!t;ibl,:;iil.
sera nécessaire de donner qÙelques précisionsau suiet des recours qui
n'ont pas étéintroduits contre les actes administratifs, bien que ces
derniers constituent l'une des prémissesde la faillite et aue. Dar consé-
quent, le prétendu c fait du prince x eùt pu êtreinvoquédans le cadre
d'une éventuelle opposition contre le iugement de faillite.
En ce qui concëine, tout d'abord,'les mesures prises par le juge de
Reus lors de la mise en faillitede Barcelona Traction, l'exposéconcernant
les omissions de Barcelona Traction se comol6te Darles remaraues faites.
à propos des recours des sociétésfiliales, 'par léprofesseur ~iménezde
Aréchaga, qui vous a notamment montré pourquoi ces recours ne
~ouvaiéntvis aboutir.
Il vous surtout.montré que les sociétésfiliales, si elles étaientdes
tiers véritables par rapport au failli, auraient eu à leur dispositionun
moyen certainement efficace, la lerceriade dominio, pour soustraire leurs
biens à la masse de la faillite.
Maisil a finalement soulignéque, vu les liens qui subsistaient entre les
sociétés filialeset la sociétémère, c'étaitvraiment une brobafiodiabolica
quede vouloir prouver, dans les circonstances de llespè&,que les sociétés
filiales n'avaient rien à voir avec le patrimoine de Barcelona Traction
- , ....
' je passe maintenant aux omissions principales relatives à la compé-
tence iuridictionnelle des iuges espa.n-ls et à la question connexe du
prétendu blocage des recourt
En ce qui concerne la compétence juridictionnelle pour la déclaration
de faillite et toute mesure connexe, il n'y a pas de doute qu'elle aurait
éventuellement di1êtreattaquée dans le mêmedélai prévupour l'oppo-
sition. II n'en a pas étéainsi et mou collegue le professeur Jiménez de
Aréchaga vous en a montré les conséquences négatives pour Barcelona
Traction (supra, p. 487-490).
Le professeur Jiménez de Aréchaga vous a aussi montré que le pré-
tendu blocace des recours a également étéaffectévar les omissions de
Barcelona ~Yaction (supra. p.~g~). Il y a là, en effét,une preuve ulté-
rieure du conditionnement de la procédure à cause du comportement du
failli qui montre une fois de ~lusaue la règlede I'é~uisemeitdes recours
internésest loin d'avoir étéiespeEtéedansla préSeite affaire.
Les omissions des particuliers concernent aussi - et mon collègue,le
doyen Carreras en a signalé plusieurs - l'activitédes syndics, l'exercice
de leurs pouvoirs et la vente des biens.
Je n'y reviendrai pas non plus et me permettrai de renvoyer la Cour
aux donnéesexposéesaux audiences des 5 et 6 juin (supra, p. 335-339.
358 et 375-377). La Cour aura surtout remarqué qu'aucun des griefs
formulés par la Partie adverse à l'égard du cahier des charges n'a
étéinvoquédevant les juges espagnols. Ainsi, Barcelona Traction, à cet
égard. a adopté une attitude non moins décevante, pour la Partie ad-
verse,que celle adoptéeau lendemain de sa mise en faillite.
J'en viens, avec plus de détails,aux omissions qui concernent certains
actes desautorités administratives espagnoles.
Il s'agit. concrètement, des deux décisionsde l'Institut0 Espaïiol de
Moneda,Extranjera (IEME), prises à l'égarddes demandesd'autorisation
du troisième plan d'arrangement proposépar les dirigeants de Barcelona I'LAIDOIRIE DE M. &%ALINTOPPI 599

Traction. Mon collègueleprofesseur Reuter vous a montré le bien-fondé
et la légalitéde ces décisions.Il me suffira donc de souligner à mon tour
que ces décisionsn'ont fait l'objet d'aucun recours spécifique,alors que
deux moyens étaient hla disposition des intéressés.
Ainsi, les griefs formulés par le Gouvernement demandeur n'ont ja-
mais étésoumis ni aux autorités administratives ni aux autorités judi-
ciaires de I'Etat espagnol.
,Je me propose doni (l'es:iniiner la qiivstioii sur ILplaii du rccoiirs
hi6r:irshique. qiii aurait di1étrcintroduit aiipr6.i (lu iiiiiiiiIc I'in<lus-
trie rtiliicoriiiii,:ric. et iiir ci?luidii rccouri <ontsnti<,ii\ :iilininistrntif.
o.i relèvede la com~étencedu Tribunal suvrême
Le recours hic'rarctiiqiieest prbvu3.1':irtic?G du rCglciiicntdc proc6-
dure du ministérede l'agriculture (approuvr: par décret du 14 juin 1935).
aiiir,<éenleineiit;~ni~licahle:IIIrninistércde l'industrie et du coinmerce
(décret ZU 25 juin i442).
Le recours contentieux administratif est régipar la loi du 22 juin 1894;
il doit êtreprécédé par le recours hiérarchique, si celui-ci est ouvert en
l'espèce.
En ce qui concerne le recours hiérarchique, la Partie adverse avait
essayéde soutenir, mêmedans sa réplique (V, p. 627). qu'il n'était pas
toutefoisprouvé dans sa duplique (VII,p. 895 et suiv. et ann. nonol a I 1)
9
l'existence et I'effectivitéde pareil recours que la pratique, au surp us,
àla duplique cinq décisions(A.D., no3193spaàn197)du ministredel'industrie

et du commerce rendues sur des recours hiérarchiques introduits contre
deCette documentation a forcéla Partie adverse h une retraite straté-
gique. Le professeur Rolin a dû ainsi admettre ce qu'il avait essayéde
contester en 1964 (III,p. 606.607). Il a notamment affirméque:

ciilest exact qu'il résultait de deux autres arrêtsde 1957 et 1959
qu'en fait des particuliers, avant de s'adresser au Tribunal suprême
par la voie du contentieux administratif ...avaient eîfectivement
utilisé lavoie administrative n (VIII,p. 579).
Cependant, d'après mon estimé contradicteur, ni cette jurisprudence
ni les cino décisionsaue nous avons vroduites n'auraient un caractère
d4cisif.pa;ce qii'ellesdatent d'iinc~~ojucpust?ricure Qccllcdes dçcisions
dc I'IE.\IT-:aifcctnnt li>l:id'nrr;<iixement
On verra sous peu qü'à propos dÜ recours contentieux administratif,
la Partie adverse nous fait exactement le reproche contraire, c'est-à-dire
qu'elle nous fait grief de nous appuyer sur une jurisprudence antérieure
I'é~oaueoù furent rendues les décisions incriminées(V-II.D. 581). En
toutka; je croisqu'en ce qui concerne lajurisprudence relative au recours
hiérarchique, la Partie adverse ne saurait écarter cet élémentdécisif
qu'en nous démontrant que pareille jurisprudence aurait étéla consé-
quence d'un changement dans la loi qui régitla matière. Tel n'est toute-
fois pas le cas, car les décisions incriminéespar la Partie adverse et la
jurisprudence dont nous avons fait état relèvent les unes et les autres
des mêmesdbcrets de 1935et de 1942que je viens de citer.
Mais la Partie adverse est tellement consciente de la faiblesse de cet
argument qu'elle s'empresse d'en invoquer un autre. L'article 19 du
règlement génkralde 1935, nous dit-on, exigerait quela notification des600 BARCELONA TRACTION

décisio-s~administratives contienne l'indication des recours dont les ~ ~~--
intéresséspeuvent é\sentuellementse prévaloir.Et le professeur Rolin de
souligner que les communications adressées au,représentant du groupe
de Barcelona Traction ne contenaient aucune indication à cepropos et
qne,par contre,lescommunications relatives aux actes visésdans les cinq
déciGonsproduites par nous auraient sans doute étéaccompagnées dë
l'indication des recours ouverts.
Sur le plan des principes, l'argument de la Partie adverse est certes
suranné. car i'ai déià dû le contrer dans les discussions orales de 106~ , .
(III,P. 793). '
Et nous ayonségalementmontré dans la duplique (VI]!p. 896-897)que .
l'omissionde la mention des recours dans la communication adressee aux
intErcsj6s ne f.<itpas ol)st;iclià I';~rliiiissil>i<cj recours pertiiiciitj. 1.1
j~iils COIIS&IU~~~ II'u,i:tt.11otiii~s~r,est q~i'rllernip6cIit: I'~cli~:tid,:s
délaisutilecpour attaquer les actes envisagés,ce qui',au surplus. permet
aux intéressésde demander à l'administration de leur indiquer s'il y a
lieu à recours, ce qui se fait couramment dans la pratique.
11est évident que le silence de l'administration dont relève l'acte ne
peut supprimer des recours prévus par la loi. Il serait donc absurde de
suggérerque Barcelona Traction n'a pasfait de recours parce que 1'IEME
eaurait induit en erreur les membres du groupe de la Rarcelona Traction
en lui taisant l'existence de pareil recours », ainsi que le prétend le pro-
fesseur Rolin (VIII,p. 580).
La vérité,ainsi que mon collèguele professeur Reuter (supra, p. 219)
vous l'a démontré,estque ce ne sont pas des prétendues machinations de
I'IEME, mais c'est le fait que le grief a étéconçu ex posl factoqui explique
que Barcelona Traction n'a pas forméde recours à l'époque.
Ces arguments me semblent donc décisifs.Dèslors, il serait superflu
de vérifier siles actes viséspar les cinq décisionsannexées à la duplique

avaient étél'objet d'une communication aux intéresséscontenant I'indi-
cation des recours ouverts. Le professeur Rolin semble pencher pour
l'affirmative ~VIII.... ",2,. ".me suis renseiené à cet é-ardet ie ne crois
pas pou\roir partager son avis.
La Cour sait que quatre des cinq décisions annexées à la duplique
(A.D.. nos IO? A 106) visaient des recours en matière d'autorisation de
devisésconck;nan<dks licences d'importation. Or, je suis autorisé à vous
préciser que dans la pratique de I'IEhIE pareilles autorisations résul-
taient d'un cachet apposésur la licence d'importation et que le cachet
qui était utilisé à l'époquene contenait aucune indication des recours
ouverts. Je suiségalement autorisé à vous préciserque la communication
adresséepar I'IEME aux intéressés à l'époquerésultait d'un texte im-
priméet qu'elle ne contenait pas non plus mention des recours ouverts.
Je crois pouvoir passer maintenant à la réponse du Gouvernement
belge concernant le recours contentieux administratif. La Partie adverse
prétendl'écarteren soutenantque la loi du 22 juin 1894sur la juridiction
contentieuse administrative n'admet pareil recours que si la matière ne
reléve- 8 du oouvoir discrétionnaire et ~ ~ ~à la condition ou'un droit de
caractérc administrntil nit L:tCl<,sk.Cs; argument> iie sunr p3j iiou\.zaux.
Ils ont dtii étr'contres soit dans le contre-mc'moire (I\'. i>610.61 1)soit
dans la diplique (VII,p. 901-goz). Nous avons notaimeGt montré,'&cet
égard, que les données qui se dégagent de la jurisprudence de la Cour
suprêmepermettent d'établir les points suivants: primo, que les décisions
de I'IEME touchaient à des droits de caractére administratif selon la PLAIDOIRIE DE M. MALINTOPPI 601
définitionjurisprudentielle; secundo, que l'existence d'un droit n'est pas
requise comme condition du recours en abus de pouvoir; et, tertio, que le
pouvoir discrétionnaire n'est pas soustrait au contrôle judiciaire lorsque
l'acte attaqué a étépris d'une maniere arbitraire.
te professeur Kolin voudrait écarter cette jurisprudence au prétexte
qu'aucun des arrêtscitésdans la duplique ne serait postérieur au début
de la guerre civile. Oit voit cependant mal la portéed'un tel argument,
car s'il est vrai que la voie contentieuse administrative a étésuspendue
en 1938,il est non'moins vrai qu'elle a étérouverte en mars 1944.On voit
mal cette critique, d'autant plus que des jugements datant de 1gq4,de
1945 et de 1947, visant le contrôle du détournement de pouvoir, ont été
citésdans le contre-mémoire(IV,p. 611, note I)sans que la Partie adverse
en conteste la portée.La voie contentieuse administrative étaitdonc bien
ouverte à l'époque oùfurent rendues les décisionsde I'IEAIE affectant
le plan d'arrangement. Quoi qu'il en soit, le professeur Rolin essaie
d'expliquer que dans la jurisprudence en question il n'y aurait en réalité
que des obiterdicto au des formiiles sans pertinence (VIII, p. 580.582).
Pour ma part, j'estime que j'abuserais de la patience de la Cour en exami-
nant ces arrêts à nouveau et en détail. Il convient plutôt de se rap..rter
aux Jonnkvj qui figurriit dan; Indiiplirliic(VII, p.~j00-~02) rii).oloutaitt
qiitlqiicj coiisidcr~tioiis qui dr'iiioiitrriit poiirquni cettc jiirijprii<lriire
6t;iit ~leiii<.incnta~dicable 3u.xncirs :icliiiinistraiifs concrrn;irit 1,.ilInn
d2arra'ngement.si îe; griefs belges étaient fondés.
Ce qui est surtout important, c'est de comparer d'une part les griefs
qui oit étéformuléspaÏmon estimécontradiiteur le profësseur Mann à
l'égard desactes de 1'IEME et, d'autre part, le contenu des précédents
que le Gouvernement espagnol a invoqués dans la procédure écrite.
D'après le ~rofesseur Mann. I'IEAIE aurait adooté une attitude mani-
fcst:~inïiirc:nitrndictoirc eii aut~?risuit, d'une 1,.serviceclcj iritCr2ts
des ot,li~3rioii3tn pérct:xic1çI3nrct:lori.iTr:~ition a\.ec les fonds d'l-liru
jusqu'àVjanvier 1948, et en refusant, d'autre part, en 1946, un plan
d'arrangement préteiidument fondésur le mêmeprincipe. Et le profes-
seur Mann d'ajouter:
ule Gouvernement espagnol rompit si soudainement et si complhte-
ment avec le passé, il agissait d'une maiiikre si contraire à la pra-
tique et aux précédents,que son attitude justifie le grief généralque
lui oppose la Belgique du chef d'une violation des normes minimales
d'équitéet de justice que le droit international imposeii (VIII,
p.82).

Le professeur Mann a égalementaffirmé.entre autres, que
«ces autorités ont refusé l'autorisation afin, selon nous, d'aider les
efforts de financiers es agnols envue de s'emparer de l'actif espa-
gnol des filiales de lai arcelona Tractionii (ibid., 1).72).

Le professeur Mann a poséaussi une question rhétorique. \'oilà ce qu'il :e
demande:
ILes autorités espagnoles chargées du contrôle des changes se sont-
elles sincercment attachées, en octobre et décembre 1946, au pro-
blkme déterminé concernant le contrôle des changes qui se posait
àelies,ou bien, comme la Belgique le suggere, ont-elles poursuivi des
objectifs si manifestementétrangers au contrôle des changes et ont-602 BARCELONA TRACTION
elles ferméles yeux si résolument au véritable problème à trancher
que leur décisionen devient arbitraire? o (VIII,p. 109).

Et In Cour nie pcrmettra dc rappeler uiic aiitre remiirqiie dii professciir
hnn. iiir I:i<iuelleic dc\.r;ii r<:\,Anirvar In siiite. >Ion ~stimécnntrndic-
teur a'déclarden toites lettres que
iles décisionsdu 30 octobre et du 14décembre1946constituent l'un
des cas les plus frappants d'abus de pouvoir et de discrimination
dont un tribunal international ait jamais eu à connaitren (VIII,
p. 80).
Mais, si tel est le grief concernant les actes de 1'IEME. il tombe assu-
rément sous le coup de la jurisprudence citée dans la duplique (VII,
p. 901-.gaz), puisque toute pratique arbitraire ne saurait échapper au
contrble de la Cour suprême.Si le plan d'arrangement avait réellement
constitué, selon l'expression du professeur Mann, 1'.un des cas les plus
frappants d'abus de pouvoir »,I'on aurait étéen présence d'un acte à
l'égard duquel le contrôle de la Cour suprêmene rencontre aucunelimite,

Ncar s'il y en avait [dit l'arrêtdu 29 mars 1933 en se référant à une
jurispnidence.constante et en reprenant presque à la lettre uncon-
sidérant de I'arrét du 2 octobre 193x1 le droit du particulier se
trouverait sans protection contre les actes arbitraires, les injustices
ou les exds de pouvoir de l'Administration, d&slors que dans tout
Etat de droit ces actes doivent nécessairement, enraisond'impératifs
de justice, êtrecorrigéset réparés »(D.,VII,p. 902).
Et si le professeur Rolin tient à souligner que le contrôle du pouvoir
discrétionnaire ne serait admis qu'en présenced'une violation de règles
obligatoires (VIII,p. 581). je peux aisément lui répondre d'abord qu'à
sun.,ser fondéle eri"f du ~rofesseur Mann I'on aurait manifestement
\,ioléle priiiçipe ghncynld'aprl's lequel toute compthcnce .~dniinistrntive
est lice p3r l'obligiition dc ne i>ai tombér dans l'arbitraire.. Je pcux
kgalcmeiit Iiiiopy~scr qiie IL.Gouicrncmcn~ belge est en tout cas mal
\.ciiui soiiteiiir (lIt.poiivoir discrétioiiii:iirrrie rericoritre p3s Je Iiiiiites
alors que Iiii-mêincrernnrqunit dans Ca replique (\'.p. 5;0-571) ce qui
.iuir:
les autorités es~aanoles avaient. il est vrai. en tout temns iiun
pouvoir de cont;ôle» sur tout trjnsfert de devises d'EspLgne à
l'étran~er,et mêmesur tout mouvement de fonds en Espagne con-
cernant un étranger - cela est incontestable et, répétons-le,incon-
testé.Maisil n'en résultepas que l'exercice de ce pouvoir fût entièfe-
ment discrétionnaire et exempt de toute restriction. Au contraire
l'exercice de leur compétence par les autorités espagnoles du change
était soumis, en droit espagnol, à l'obligation de respecter les fins
en vue desquelles cette compétence leur était attribuée ..».
Vous savez bien, Messieurs, après l'exposéde mon collègue le profes-
seur Reuter, ce qui s'est réellement passélors du refus opposéau plan
d'arrangement. Vous savez notamment que la Commissioninternationale
d'enquêtea reconnu que ce refus était pleinement justifié. Il n'est donc
point surprenant que le Gouvernement belge ait jugéopportun de nous
o..oser. ...DroDosdes recours administratifs. a.e.
Barcelona Traction et les sociétésintéresséesne disposaient pas
d'éléments depreuve pour démontrer que les refus opposés à leurs PLAIDOIRIE DE M. MALINTOPPI 603

demandes d'autorisation étaient «arbitraires et constituaient Un
abus de pouvoir ,i(R., V,p. 632).
Assurément la Partie adverse a toujours des problEmes qui la troublent
en matière de preuves. Cette question des élémentsde preuve, Bpropos
des actes administratifs, ne mériterait pas decommentaire, précisément
parce que ces affirmations sont habituelles chez la Partie adverse. Il
importe toutefois de montrer, une fois de plus, les contradictions d'un
(leinandetir à bout d'arguments. Le professeur Rolin a repris la inéme
idée pour affirmer que les intéressésn'étaient pas en mesure, à l'époque,

iid'étayer leurs soupçons d'arbitraire et de discrimiiiation par les
nombreux faits et documents qui ne vinrent qii'ultérieurenient à
leur coiinaissance et dont M. Mann vous a fait le lumineux exposé»
(V111,P. 553).
Pour ma part, je laisse volontiers au professeur Mann lui-mêmeIc soin
de répondre àina place à l'affirmation de son confrère.Ainsi s'est exprimé
Mann dans son lumineux exposé:
le
«Si le ministre et l'Institut s'étaient abstenus de motiver leurs
décisions, si l'on ne savait rien des circonstances dans lesquelles
elles avaient étéprises, si leur conteste étaitresté obscur,le Couver-
nement belge aurait de la peine à soutenir que les décisions du
30 octobre et du 14 décembre 1946constituent l'un descas les plus
frappantsd'abus de poiivoir et de discrirninatiori dont un tribunal
international ait jamais eu à connaître ,,(ibid., p. 50).
1.3plir:iscqiicje vii 11dt!rappeler. Zlon~iciirle Pr<si<lcnt.\l<~siit.iiriIçs
jiige,f:iiicl2ji rcisortir iniplicitciiiciit quc Iés<I~ris;rises pir I'Il<ZII*:
ii't:t:aiipnst(ICpn~ir\.ii~i~ ~iiutif~.1:it'nrtit: .icI\.~. a dn11cICSOII~III,
tout en s6uteiiant que son grief aurait été surabondamment confirmépar
les événementsultérieurs. Maisil y a mieux encore, et le professeur Mann

lui-mêmes'est exclamé:
(iHeureiisement, ces décisionsfurent motivéespar des raisons telle-
ment bizarres, on a tellement d'informations à Iciir suiet. tant de
choses ont été confirmkes Dar les événementsuitérieufs. aue nous
pou\,ons faire cette asserti& avec toutes les assurances po&ibles de
pouvoir le démontrer surabondamment I,(Ibid.).

Si tel était le cas,peut-on imaginer obligatioii pliis caractérisée d'épui-
ser les recours internes, déslors que les motifs prétendument bizarres
établissaient l'abus de pouvoir?
Vraiment, Messieurs, mon exposésur les recours administratifs peut
fort bien s'arr6ter ici.

Monsieur le Président, Messieurs de la Cour, j'en viens maintenant à
la dernière partie de mon exposé.que je me propose de consacrer à une
analyse rapide du comportement de Barcelona Traction et de ses diri-
geants, afin de jeter quelque lumièresur les motifs qui ont pu amener le
failli- attitude sans nul doute singulière - à ne pas attaquer le juge-
ment de faillite directement etdans les délais. 0°4 BARCELONA TRACTION

Cette nartie de mon esnosé sera coiisidérablement ~lus brève. Il
n'appartient pas au Gouvekement défendeur de recheriher les motifs
d'une décision que le failli a prise en pleine connaissance de cause. Sa
tactique et ses arrière-penséecne sauraient aucunement être irivoquées
pour justifier, d'une facon quelconque, le refus de comparaître devant le
juge de Reus pour contester, alors qu'il pouvait le faire. la régularitéou
la iustice de la déclaration de faillite.
Si, néanmoins, la défenseespagnole juge utile de consacrer quelques
développemeiits à la conduite de Barcelona Traction et consorts, c'est
parce qu'il est opportun de montrer, une fois de plus, le caractère fonda-
mental de cette omission. Noirs avons tenu,tout aii long de ce procès, à
distinguer trois phases dans la tactique de la sociétédevant les juridic-
tions espagnoles. Dans la duplique (VII, p. 929.931) on a notamment
signalé,d'abord, la phase de l'inactioii de Barcelona Traction, entre la
déclaration de faillite et le 16 juin 1948; ensuite la phase qui va de cette
dernièredate à1gj6, de l'activitédestinée i pallier, en désespoirdecause,
l'inaction initiale. Et enfiii, dès1956,le retouàla passivitédes premiers
mois de 1948.
Or, le silence de la première phase,pourtant décisifdans le cadre de la
présente exception, répond à un dessein bien précis,qui ressort de trois
élémentsetaui se traduit Darun véritable mévrisvour la iustice du vaA ,
d'où Barcelo;>aTraction &ait tiré tousses béAéfiLes.
Ceméprisde la justice résultede troiséléments:
I) le dessein de Barcelona Traction de porter tout de suite la question
sur le plan international:
2) la teniative, froidement admise, de provoquer par le silence de Barce-
lona Traction et les recours des sociétés filiales,la astérilisation»du
jugement de faillite;
3) la prétention de se siibstituer aux juges pour apprécier la validité des
actes du pouvoir judiciaire.

faitétat dans le cadre de leur exposé,seulement au point de vue de monéjà
exception.
En ce qui concernele premier point, on rappellera que,la faillite ayant
étédéclaréele 12 février1948, le Gouvernement espagnol fut saisi d'une
preniikre note diplomatique, celle du Gouvernement du Royaume-Uni,
le 23 février (A.E.P., no87). Il s'agit d'une notedecaractère très général
et relative surtout aux intErEts des obligataires domiciliésau Royaume-
Uni. II est néanmoins symptomatique qii'une référencey soit faite à la
destitution de certains fonctionnaires des sociétésfiliales (ce qui avait
évidemment plus d'iiitérêtpour Barcelona Traction que pour ses obliga-
taires). Il est surtout symptomatique que cette note soit intervenue
avant l'expiration du délaifixépar la loi pour que le failli puisse faire
o~vosition.
. Mais. Jlessirtirs. ce qiii es1 cn toiit cnl~liiimportant, c'est qiic Ir
27 iiiars. donc<i~rincirinioiset denii ;ti>rcsIndécl;irntiùiide f;iillite. trois
notes ont étéremises au Gouvernefieh espagnol: deux émanaient du
Gouvernemeiit du Royaume-Uni, l'une au nom du Gouvernement cana-
dien et la seconde en son propre nom et à l'appui de la première; la
troisième note émanait du Gouvernement belge. Ilans cette dernière
note, il est question, non seulement d'un déni dc justice, mais plut6t
d'«une sériede dénisde justice)) et l'espoir est expriméque PLAIDOIRIEDE M. MALINTOPPI 605

ale Gouvernement espagnol prendra les mesures nécessairespour
assurer I'annulatioii complètedes niesures prises.»(A.X., vol. IV,
no250, P. 979).
Pareille prétention- qiii figure également dans la note du Gouverne-
ment canadien - a entraîné naturellement une réponsetrès fermede la
part du Goiivernement espagnol dans la note du z juillet 1948 (.4.M.,
vol. IV, no251. p. 980). Le Gouvernement espagnol ne pouvait évideni-
ment admettre ni iine intervention étrangèrequelconqiie dans I'adniinis-
tration de la ustice en Espagne, ni qii'il Iiii soit,demai!àéIiii-même
d'intervenird ans ledomaine réservéail pouvoir ]u~d!ciaire
11n'est pas sansintérêtde voir comment le rôle + Barcelona Traction
par rapport à la déclaration de faillite est mentionne dans les notes
diplomatiques en question. En effet, les arguments qui, cet égard,sont
endossés par la note du Gouvernement belge, ne correspondent pas
entièrement àceux dont fait étatla note remise au nom (lu Gouvernement
canadien, qiioi<lu'ellessoieiit toutesdeuxdatées du niêrnejour.
Aucun accent n'est mis dans ces deux notes sur le comportement de
Barcelona Traction à l'égarddu jugement déclaratif de faillite. Mais il y
a. entre les deux notes, une différencetrèssignificative.Gouvernement
belge estime que
rrnotification par la voie diploniatiqiie aurait dû en tout état de
cause, êtrefaite à la R.'I'.L.P.».(A.M., vol. IV. ann. 250. p.978)

sans d'ailleurs tirer de cela des conséquencespréci~s, Far la note se ter-
mine par la référencebien connue à "un dénide lustice ou plutBt une
sériede dénisde justice» (laccit.E ). particulier, il eii ressort clairement
qne le Gouvernement belge ne prétendait pas, àl'époque,pas plus qu',il
ne le prétend aujourd'hui, que Barcelona Traction ait étédansl'impossi-
bilitématérielle d'attaquer l'acte de Reus dans les délais,ou que cette
même société eût dû êtreassignée en justice avant le prononcé de la
déclaration <lefaillite.
Et pourtant, c'est précisémentcette dernière prétention que les diri-
canadien. Dans la note remise au nom du ~ouvèrnement canadien, lent
jugement de lieus està ce titre,attaqué du chef de dénide justice:

«In the view of tlie Canadian Government tlie issuance of the
bankruptcy order (even if the Court had jurisdiction to isye it)
constituted a denial of justice to Barcelona Traction because it aas
made ivithciut prior notice to the Coinpany and without giviiig the
Compariy a chance to be heard in Court before the order was made il
(A.C.M.. vol. 1X.p. 353)'.
Dénide justice parce qu'il est intervenu sans notificationpréalabàela
sociétéet sans que lui soit donnée une possibilitéd'êtreentendue par le
tribunal avant Ièprononce <lujugemeni!
De toute évidence,les dirigeants de Barcelona Traction, pour obtenir
I'interventioii di1Gouverneinent canadien, lui avaient présentéles faits

' #De l'avis du Gouvernementcanadien. le urononc.4 ."-iuaernent de faillite
(meme si le tribunal avait cornp6tence pour rendre ce jugement) a constitue un d6ni
de justicàI'egard de BarceIona Traction parce qu'il est isansnotification
le tribunal avant le prononce du jugnment.e une uosaibilitéd'être entenduepar 606 BARCELONA TRACTION
de manière à invoquer l'un des arguments les plus forts que l'on puisse
trouver dans un pays de droit anglo-saxon. En effet, il est bien connu

que dans ces pays l'on n'admet pas qu'une décisionjudiciaire de ce genre
soit rendue inaudita parfa debiforis. Rendue dans ces conditions, par
exemple, une décisioncanadienne aurait violéun principe fondamental
de la procédure de son pays.
Ifais les dirigeants de Barcelona Traction ne tentèrent pas de faire
endosser une thèse pareille par le Gouvernement belge. Et pour cause,
car dans les pays de droit continental, et notamment en Belgique aussi
bien qu'en Espagne, c'est la règle opposée qui régit la procédure de
faillite, laquelle débute par une décision inaudita parle debiloris, qui
ouvre au failli la voie de l'opposition ex posl s'il désirecomparaître à la
procédure.
Le sens de ces considérations sommaires est simple. Elles montrent
jusqu'où les dirigeants de Barcelona Traction étaient capables d'aller,

pour s'assurer de l'intervention de plusieurs gouvernements. Ils allaient
jusqu'à déformer la réalitédes faits et faire soigneusement le silence sur
les règles les plus élémentairesdu droit de la faillite cn vigueur daris les
pays continentaux. La fin justifiait, à leurs yeux, les moyens, car il
fallait s'assurer à tout urix un nombre suffisant d'interventions diuloma-
tiqiiej pour imprcîsio~ner Ic i;ouvcrnciiiciit chpagnol. c.1poiir rc'iouclre.
sur le plan interiintional. les pro1,lGinr:sde l<nrrelori;i Trnçtion i I'-çnril
de ses Créanciers.
En deuxième lieu, je voudrais ajouter quelques commentaires à propos
du but des recours des sociétés filiales, lancéesà l'attaque au lendemain
de la déclaration de faillite à la place du failli lui-méme.
Ces recours, on l'a vu, ne po;vaient pas aboutir. Ils furent néanmoins
introduits pour soustraire les sociétés filiales, dont les actions étaient à

concurrencë de IOO uour cent la prouriétéde Barcelona Traction. aux
conséquences de la faillite. Ainsi, vidéla faillite de tout contenu
économique - et ici ie laisse volontiers la parole à mon distingué contra-
dicteur dé 1964,
~Ile iuaement de Reusl avait toutes chances de demeurer lettre
riiorte coiiiinv le serait ;IIjugeiiici~t de f:iillite qiii irrnit ~iroiioiist~
~IFOIIS cil lilnn~lc cuiitrc la >oi:i;tc (;eiier:il \lotor4 ou nii (;ii:itcni:il:i

contre I;iSociCt6GtnCrnlt: clc 1:r:iiiccou iur iiritribuii.11(Ic1;iI'ICiiii-
bliqiie du Tchad contre la société~nilevér; ces sociétéstrouveraiint
cela une assez mauvaise plaisanterie, mais leurs actions en bourse
ne bougeraient pas d'un point n(P.O., III, p.616).
Quelle singulière conception, Afessieurs! On vous a dit,du cütébelge,

que Barcelona Traction, privée du contrüle de ses filiales espagiioles,
n'était désormais qu'un emPly eggshell,une coquille vide. Et pourtant,
l'on voudrait établir une comparaison entre la faillite de Uarcelona
Traction en Espagne et une faillite hypothétique de General hlotors en
Islande, comme si Barcelona Traction était une sociétéqui agissait dans
tout le monde et qui n'avait, eii Espagne, qu'une partie assez réduite de
ses affaires.
Et c'est dans ces conditions que l'on a cyniquement tenté de réaliser
cette ahurissante i<stérilisationadu iu,e,.nt de faillite.
.\le5 collégii~oiit dc'ji juffii:iiriiiient soiili~ii>~cttc rriitntiJ,: ticlis
seulc.iiieiit i faire r-marquçr que ~~arcillctcnt:iti\.c se tr:i~liiit, ellc nii;si,
p:ir iiivr'ritablc niéprisde 13 Iiistiie espngiiolc Uri niCpris d'.iiiinnt pliij PLAIDOIRIE DE M. MALINTOPPI 607

grave si l'on considèreque la procédurede failliteest caractériséepar la
présence d'un intérêtpublic. Une fois déclaréeen faillite, Barcelona
Traction ne fait pas opposition. Elle n'a que le souci de voir comment cet
incident peut étre exploitépour son plus grand profit. Peu importe que,
mêmeaujourd'hui, Barcelona Traction prétendeque les conditions exigées
pour sa mise en faillite n'étaient pas remplies. A condition que la faillite
ne parvienne pas à sa conclusion, c est-&-dire à la liquidation du patri-
moine de Barcelona Traction,le jugement de Reus, dûment stérilisé»,
pouvait représenter une issuepossible aux longues difficultésde la société.
Vraiment, Messieurs, j'ai l'impression que pareil procédépourrait
aisément êtrequalifiéde «détournement d'une procédure de faillite de
son but légal».Par une bizarre inversion des rôles, cette qualification est
exactement celle employéepar la Partie adverse pour désignerce qu'elle
appelle le odessein x des créanciersde BarcelonaTraction.
Et je voudrais poser une question fort simple. Qui est donc, en l'espèce,
réellementresponsable d'un détournement de la procédurede faillite?
Les créanciers,qui demandaient à recevoir ce qui leur étaitdû?
Ou plutôt Barcelona Traction, qui a froidement essayé de paralyser la
procédurede faillite sans mêmeintervenir directement?
Le sens de la présente affaire est tout entier dans la réponse à ces
questions.
Il y a, en dernier lieu, un troisième élémentqiii montre également le
méprisde Barcelona Traction pour la justice espagnole.
En effet, plus regrettable que les manŒuvres des dirigeants de Barce-
lona Traction pour obtenir dèsl'abord des interventions diplomatiques
et pour porter ainsi l'affaire sur le plan international, plus inadmissible
encore que la tentative de tourner les loiset de transformer la déclaration
de faillite en un bénéficepour le failli au détriment des créanciers,il y a la
prétention qu'avalise aujourd'hui le Gouvernement belge pour expliquer
l'inaction initiale de Barcelona Traction. Selon celui-ci:

q1.a~)ul)licntioridc la faillire. n';iynI>;ISi~6fait<:1i.gnltinr.iit.cl.tte
sosiit; !ljnicelon:i Trnctiori] ii'nvait Icjialéiiicntaiiciine oblig;itioii
d ;trc i~rcsentcA In ynxr'durr. 2 iin moriicnt r>liiti.ciii'niin niitrrt.
(R., vino 828, p. 60;).
C'est, encore une fois, la thèse du «bon droit » de Barcelona Traction
(P.O., III,p. 627) à différersonintervention.
Mais, peut-on sedemander, quel bon droit?
Puisque la répliquerattache la clégalité » de la passivitéde Barcelona
Traction à la prétendue rillégalité iide la publication du jugement de
faillite, il faut en déduireque. d'après la Partie adverse, il appartenait à
Barcelona Traction d'apprécier la validité de la publicité dont le juge-
ment de faillite avait fait l'objet.
Qu'il me soit permis de suggérerqu'une telle conception est, pour le
moiiis, difficilement admissible. Car ce que les dirigeaiits de Barcelona
Traction ont fait endosser par le Gouvernement bel~e, ce n'est rien de
moins que le droit pour un particulier de se substitüer aux juges dans
l'appréciation de la validité de la publicité donnée à une décisiondes

autorités judiciaires.
C'est Barcelona Traction oui. .n s'attribuant. touiours selon ses
niitli~clcs.111poiivuir ioii\.er:iini,l;.cidi:clut la yiil,lic~r~ii dii jugciii;.nt
ilc Iaillitc n'c'taitpas rr'gulicr,tp;ir corisi:~liit..IIç<:t:ilC~a1cmentcil
état de passer outre Icsloiset de ne pas respecter lesdclais fisCs~iarelles! 608 BARCELONA TRACTION

II est évident qu'une telle attitude n'est aucunement justifiable. Pour
ma part, je suis plut6t d'avis que si un lailli, tout en n'admettant pas le
bien-fondé de sa mise en faillite, omet d'attaquer le jugement de faillite
sous le prétexte de la prétendue irrégularitéde sa publication, ou bien il
se trompe, ou bien il préfèrecourir un risque. S'il se trompe, son com-
portement n'est pas justifiable, car error iuvis non excusat. S'il veut
courir un risque, il doit évidemment en subir les conséauences car si.

ultérieurement, la justification qu'il pourrait invoquer piur former SOI;
recours hors délai n'était pas retenue par les autorités judiciaires, son
recours serait entaché d'irrecevabilité
Apri.' toiit, cc que I:iI'nrtie :i(lvrriç invoque ici, iç n'rît pas I'i~i~xis-
tenw (Iijiigcinciit (l6,lnr:itif cl<;I:i Inillit<:.I.':içte de Rq.iis<sr cciii(ILI
cl~cf<lt.l~tiiun-v~li(l~t~,IrS:I~)iibIi~:itioiiI'):aiices coii~litioi~s,et niiijcit~e
dans aucun droit interne il n'y a de nullité sansinstance, Barc~loi~a T&-
tion, qui connaissait à la fois l'existence de l'acte (et les modalités desa

publication), dès le lendemain de son prononcé, n'avait qu'un moyen
pour se mettre à l'abri de tout risque: attaquer cet acte dans le délai
utile, quitte à soulever dèsle premier moment la question des vices affec-
tant sa publicité. II appartient au juge, et au juge seulement,d'apprécier
le bien-fondé de pareilles allégations, car le plaideur n'a aucunement le
droit de s'ériger lui-mêmeeii censeur de la validité des actes du pouvoir
judiciaire.
Ce qu'on peut certes reconnaître, c'est que pareille préteiition à se

substituer aux juges dans l'appréciation de la légalitédes actes du pou-
voir judiciaire correspond adniirablement à la <personnalité» de Bar-
celona Traction. Tout ail long de son existence orageuse, Barcelona
Traction s'est considéréecomme étant au-dessus de la loi. Ce véritable
mépris de la justice n'est donc que le digne couronnement de l'histoire
d'une sociétéqui a toujours affectéla plus grande indifférence à l'égard
des lois et des institutions du pays dont elle a largement exploité les

ressources au cours de trou Ioneues années.
Force sera au ouv ver né me b;lge de recoiinaître un jour que l'atti-
tude passive des dirigeants de Rarcelona Traction a été plutôt dictée
par une stratégie bien précise et par une tactique qui cÔmportait un
risque. La stratégie était à la fois de maintenir bien cachésles liens exis-
tant entre la société mère etses filiales et de B stériliserila déclaration de
faillite pour l'exploiter au détriment des créanciers. La tactique était à
la fois de susciter les recours des sociétés filialessans faire intervenir le

failli dans la procédure et de provoquer tout de suite les interventions
diplomatiques de plusieurs gouveriiements, afin d'exercer une pression
sur les autorités espagnoles et d'obtenir, sinon la remise en état de la
société,du moins l'élaboration d'un nouveau plan d'arrangement au
détriment des créanciers.
Mais le risque était celui de laisser intervenir. par la passivité de Bar-
celoria Traction, la firmeza de la déclaration de faillite et, par conséquent,
de se trouver en présenced'un jugement désormais devenu inattaquable

en raison, précisément,des omissions de la part de la sociétédéclarée en
faillite.Tenter desubstituer sa propre interprétation de la loi espagnole à
celle qui relève du pouvoir judiciaire du pays comportait nécessairement
ce~r~sn1~-.
Or. di! point de \.uc (lc I'cscel)tioii soiilcv& IgîrIL Goiivcriieincnt islia-
gnol, IIIla arratCgi? III12 tactiqi~c, nl lc risqi!t,IIC sc311dtt!~>IL~ii,~iit..lc
naturv .i j~~~tilicrle IIUII-~~~I~~~III~!I<leliitgyenj (1, rc;uurs pertii~tnt, et PLAIDOIRIE DE hl. MALINTOPPI 609

efficacesquiauraient pu réduire ànéant la base mêmede la procédurede
faillite.
11n'y a donc pas de meilleure réponse aux allégations de la Partie
adverse que de rappeler la décisionde la Commission européenne des
droits de l'homme, le II janvier 1961, sur la recevabilité d'une requête
introduite par l'Autriche contre l'Italie (requêteno7SS/60,11.40-41). La
Commission européenne a écartéles arguments que le Gouvernement
demandeur avait avancés à l'encontre de l'exception de non-epuiscmeiit
des recours internes en faisant valoir que celui-ci
a n'a développé à cet égardque des arguments se situant sur le ter-
rain de l'opportunité, et plus précisément,de la tactique que les
accusésavaient ou n'avaient pas intérêt à adopter ».

C'estexactement le mêmeargument que je me doisd'opposer aux pré-
tentions du Gouvernement demandeur.
Que reste-t-il donc, Alonsieurle Président, Messieurs les juges, du plan
concertépar les dirigeants de Barcelona Traction à l'égardde la procé-
dure de faillite de leur sociétéen Espagne? La réponseme semble bien
décevante pour la Partie adverse. Deux remarques finales s'imposent à
cet égard. En premier lieu. il convient de souligner que les recours que
l'on prétend avoirétéintroduits «par centaines »ne sont que la traduction
de desseins stratégiques et de plans tactiques qui, en tant que tels, sont
dépourvusde tout intérêt lorsqu'ils'agit d'appréciersiles voiesde recours
ont étéépuiséesainsi que l'exige le droit international. Ensuite, il faut
ajouter que la stratégie et la tactique des dirigeants de Barcelona Trac-
tion ont été malconçues db le début, parce que fondéessur le mépris
qu'ils affectaientà l'égarddu jugement de faillite. Dèslors, on voit mal
comment le professeur Rolin a pu évoquer un branle-bas de combat à
proposde l'attitude adoptée au lendemain de la faillite. Vraiment, Mes-
sieurs,j'ai l'impression que le lendemain mêmede la faillite, les dirigeants
de Barcelona Traction, par leur comportement, ont plutôt fait sonner la
chamade ...
Je remercie la Cour de sa bienveillante attention. PLAIDOIRIEDE M.AG0

CONSEIL DU GOUVERNEMENT ESPAGNOL

Monsieur le Président, Messieurs de la Cour, c'est la seconde fois que
j'ai l'honneur d'êtreappelé à défendre devant vous le point de vue du
Gouvernement espagnol au sujet d'un aspect important de ce procès: le
défaut de qualité pour agir du Gouvernement belge dans l'affaire de la
Barcelona Traction, Light and Power Company, Limited.
Le Gouvernement espagnol a soulevécette question pour la première

fois au cours de la corres~ondance diolomatiaue. Il l'a fait au moment où
il lui est apparu que, coitrairement a ce qu'fi lui avait sembléjusque-là.
son interlocuteur belge ne se limitait pas à apouver les démarches du
Gouvernement canadien, mais prétendait pisSéder en propre un jus
stand;dans l'affaireet avoir titre, partant, à engager des procéduresinter-
nationales.
Le Gouvernement belge, en dépit des invitations réitéréesque lui
adressait le Gouvernement espagnol, s'est toujours dérobé, dans ses
réponses, à la tâche qui lui incombait de fournir la preuve de ses pré-
tentions à ce sujet. Preuve qui aurait étéd'autant plus nécessaireque le
Gouvernement belge reconnaissait lui-mêmelanationalité canadienne de
Barcelona Traction, et qu'il savait parfaitement que des démarches
~arallèles étaient en cours de la Dart du Goiiverneme~ ~-~~~~anada. ~~ ~~ ~,
hémarchesqui furent mêmesuiviesdsune procédureinternationale.
Toutefois le Gouvernement belge avait dii reconnaître lui-niême, dans
sa note verbale du S juillet 1957 dans la proposition de compromis qui y
était attachée etdans la note ultérieure du 6 février 1958, quela contes-
tation du caractere national de sa réclamation oo~os..oai le Gouverne-
iiicni e~y~igiivln\,:iit uii c;,r:iztérc itristcrncnr pr6liniiii;iirt.. I'ar coii~i..
qixiit, ilnv;tit reconnii :IICouveriieriir.iit csp~giiul11d:roit <IVil<;vclopper
cc point cri vue dc f;iircCcliec i I:irvcev:tbilit;dr Indemnnilc belge.
Lors de la ~irçiiiiércplinsi:de la ~~roié(liirct.:iiitpropos <Ir I;iprciiiibre
qiie de I;i~1i:iixiCm tis rcqu6tc.i 1,rr.icntr'r.sil;iiisci.ttc ;ifl;iircpar le Gou-
vcrnciiiviit I>clgc,Ir-(;t>ii\,ernciii~<ispngnol avait donc testirnL :lii'2r:iit
tciiu <IV îouleier crtie qur.itiuii .ititre rl'cscc.ptioii pr<lliriiin.iirvCcie II
\.ticiI'a>htenirpr;ciCniciir qiic In,lem:iiide soit tl;cl:irc'eirrei.~v;ib:i\.;iiit
mêmeque le défendeursoitobligé de répondresur le fond.
La majorité des membres de votre haute juridiction a toutefois jugé
que cette exception comportait un tel enchevêtrement de questions de
droit, defait et de qualitépour agir, que la Cour n'attrait pas étécertaine

d'êtreen possession de tous les élémeiitssusceptibles d'influencer la
décision.Ayant estiméque lesquestions de fait et de droit relatives ?Icette
exception pourraient êtremieux éclairéespar un examen du fond, la
Cour a décidé à la majoritéde joindre l'exception au fond afin de pouvoir
statuer à son kgard en meilleure connaissance de cause.
Soucieux de se conformer en tout à la décisionainsi orisc Dar la Cour.
Ic(;oi~vi:ir~i.nicnrtîpnjinol. diiiis In plinse siii\.nnrc dç In prur;.dii;i Iiii-
niêiiiepris I'iiiiti;itidc trnitt:r cl13 qiicstion du d6fatit ili.quiilii613011r
aeir dii (;ou\.~.riieinciit bzlcc hIii fi1(le ses ~xi>osés écrits.'l'outcn dc-
Geurant coiivnincu que, dans le processus normal de l'examen de l'affaire, PLAIDOIRIE DE M. AGO 611

cette <liiestionprkcédeen quelque sorte Ics lutres ila i-oiilumanifehter
aiii.i,011 a<-lhiiionIn 1,Iiiaitrictt:à vutrc diir de ne p:is 5t:itiicr déiiiiiti\.e-
riicnt :icet é-nrdav;iiit <IV coriiinitrc tulis Icj ClGmciitsdii foiitl En niFii~ ~
temps. il a voulu montrer aussi qiie, s'il a fait valoir, sans jamais se
démentir, le défaut de jus slandi du Gouvernement belge, c'est parce
qu'il y voit une question de principe absolument essentielle et certes pas
parce qu'il aurait un intérêtquelconque à éviterque l'affaire soit connue
dans toute son étendueet dans tous ses détails.
C'est donc après la double analyse détailléedu fond de l'affaire pré-
sentée dans les documents de la procédure écrite, et après le nouvel
examen auquel ont procédé lesconseils du Gouvernement espagiiol au
cours decette phase de la procédureorale,que je viens reprendre devant
vous, sous son nouvel aspect, l'examen de la question du défaut de

qualité pour agir du Gouvernement belge dans la présente affaire. Le
Gouvernement espagnol, je tiens à le souligner à nouveau, attribue à
cette question une place logiqueme~t~préalable et une importance pri-
triorilinle.
Coiiimepoiiit de (Ir'p:,rttlc nion argiimentatioii ji: IIIrcfi.rtr:ii;iI';,igii-
inent fond;imental que le (Goii\,crncmeiitbelge a iiivoquCpour teiitrr.de
iu;tifier toilt ri'at)ord ici IiltCr\'ClltlOtl~~iilliolna~i<lllcs .Ulri ;on .1ctlOn
;iirIc pI;iii jiidicinirc. Cet argiiinent. oii le sait, cst conitituP p3r IJ pr'.-
sc!iic:tdw.s 1:isoci>tcc:ina~Iic~incI'x~r~~~I~ 'rri:ii:ctiu~~(.cc qiic l:i I':I~IIT.
ad\,er,c ;ii)iiclli: des < iiit6rhs belces or2i~ondr'r:tiits .Crst (Inn; cetrc
présence<;'elle prétend trouver lefoidement et la preuve de la qualité
pour agir qu'elle voudrait s'arroger dans la présente affaire. L'oii com-
prend donc que le Gouvernemeiit belge se soit souci6 d'étayer la réalité

dc cette prétendue «présence n cn avançaiit à son appui toute une série
de données.
Or, au siijet de ces donnéeset de la w justification a qu'elles devraient
fournir, deux questions - ou si l'on veut deus groupes de questions - se
posent par ordre de siiccession logique.
Le premier groupe de questions peut sc formuler ainsi: les données
dont le Gouvernement belge prétend faire état - abstraction faite, pour
le moment, de leur utilisation éventuelle aux fins de la justification
recherchée - sont-elles des donnéessûres, correspondent-elles à la réalité
et, surtout, le Gouvernement belge en a-t-il fourni une preuve valable?
Ces questions comportent des aspects de fait portant sur la réalité
matérielle des donnéesalléeuées.aussi bien aue des asnects de droit aui
coiirvrn~nt Lirli~:~liiicatioijiiiridiqiic de certn;iics iituaiio~l, t t ses con*-
(111eiicis.Il est Cvident i~iit*le~oiiitwl'interrogatiuii qiii siihiiitent :iiriii

ont un carnct>r~ln~ioi".iiie~itnri;il:il>lc. <;IIsi I;ri~uiisc dcviit Ctr~.111~3-
tive il devieridrait manifestement inutile de poseries questions suivanies
qui n'auraient plus de raison d'être.
Le second er.>oede,ouesti~8s ne se Dosedonc aue dans l'hv~othèseoù , .
ICGuii\~~rneiiiciitbelge ;iur:iit iti capni>lt.<lefoiiri;ir iiilcpiciivc i>hject,ivr
iiicuiirc5t:,ljlc .lys <loiinL:ej:i\.:lnsCcs 1)31 1111 :\ IL.;sii~>~>osi~ 1rCniontrtcs.
ces données seraient-elles de nature'à confkrer au Gouvernement belge
une qualité pour agir en l'espèce?Plus précisément, auraient-elles pour
conséquencede lui conférercette qualité pour agir au titre de la protec-
tion di~l.rnatioue ,e~arce~o~ ~ ~ ~ ~ Traction en tant aue telle. comme le
t;uiiv~:rnemciir hrlgc 1'.ipn'tciidii Onns I:i ~ikinst CI<I':Lci.rrcspoiid:inri
~lipIoni:itiq~it:et ilaiij l:i 18rc11116rr< cqii;,te intrudiiitc (!:#ris l:iprC~elltC
;iff:iirc' Ou bi,:ii, ces il<iriii;c,-i.t:r;iient elles Jti niuiiis dc nature i~lon~ivr 612- BARCELONA-TRACTION
audit Gouvernement qualitépour agir au titre qu'il prétend actuellement

s'octrover. à savoir la protection diplomatique des prétendus «action-
naires ; belges de Barceiona Traction?
C'est autour de ces deux groupes de questions que s'articulera ma
~laidoirie: et. avec votre Dermission, ie vais dès à présent en aborder la
i>rriiiii.rc pnrtic, selle coiiinsrée prCiis;iiiciit i I'c\.,nien des doniii.es
<IVS~III~dC a~s. IVS inteiitions <Ir:In l'artic :ldvcrst>,i coiifiriiicr lacprC-
sz~icc il' inr<'ifrj1~~~lxi.~s~r~.puii(l~.r:in(ta:11ils<:trc~lnii:t'rr:!ctinn.
A ce propos, unetâché préliminaire m'incombe avant toute autre
chose: celle de retracer l'évolutionqu'a subie, à travers les différentes
phases de notre affaire, la présentation decette prétendue «présence in.
Car il nous faut détermineravant toutsur quelplan se place la discussion
entre les Parties.
Dans sesnotes diplomatiques, leGouvernement belge avait adopté une

certaine attitude pour présenter les prétendus ciintérêtsbelges» dans
Barcelona Traction qui devraient servir de fondement 2sa qualité pour
agir en l'espèce:il avait adoptéuiie attitude qui se voulait en tout nette-
ment « rkaliste». L'accent était mis sur les intérêts del'ciEpargne ii(avec
un grand E) et des <épargnants belges. Trois fois ces termes figuraient
dans la lettre de l'ambassadeur de BelcW .e du I?.,,uillet 14,- (A.M..
no 254). A truii rel>rijej ~:CSm;mcs terme:, tilipargiir~~(toi~]ouriIvec II~>
ernnd 171 et Nt:l>;<rgnants1,.rcnl~l):<r.~i;snicii,tdans tiois nutics Icttres du
même akbassâdeur. au. .e GoÛ6eruement belee a omis de re~roduire. et
qui datent respectivement du IO septembre, dU 30 octolre ét du; 7 no-
vembre 1951.Finalement, dans lanote belge dii 31 décembre1956 (A.hl..
no 262) qui, polir la première fois. fait mention d'un recoiirs à 1â Cour
internationale de Justice, il est question dèsle commencement du i<grave

préjudicesubi par les épargnants belges ».A part cela, ilest fait mention à
chaque instant, dans ces lettres et ces notes, des iintérétsbelges iou des
aintérêtsde ressortissants belges,), le mot «actionnaireii n'étant alors
employéqu'arec une grande parcimonie.
Aprèsl'ouverture du procèsdevant la Cour, c'est encore dans la même
optique que le Gouvernement belge raisonne et, chose re,marquable, on
peut noter également la mêmeattitude dans son mémoirede 1959, et
dans celui de 1962,présentéaprèsl'introduction de la deuxièmeinstance.
La preuve en est, entreautres,que le mémoiresepréoccupe nonseulement
de chiffrer les proportions de la participation alléguéede Sidro au capital-
actions de Barcelona Traction, mais aussi d'indiquer les pourcentages
destinés - ce sont les termes mêmesdu mémoire - à cidissiper tout
doute à l'égarddu caractère belge des intérêtsinvestis iidans Sidro elle-

mêmeet, au-delà de Sidro. dans Sofina. L'idéede base est donc toujours
celle d'un jrrsstandi basésur la réalité belgedes intérêts enjeu, sur le
caractère effectivement belce des investissements effectués dans Bar-
celona Traction, sur la contFibution de l'épargne ibelge n au développe-
ment de l'entreprise de cette société.
Le langage së fait quelque peu plus ambigu dans les observations et
conclusio~s.~On irtrouve en ef~et~ ~ooinément avancée. mais à vrai dire
sJns trop d'iiisistence, lnpr6teiition d~~liriiiterI'OIII Irobn~rdi <IIGI oiiver-
ri%-iiiciitcl~ç II III!3l)pariiiiidrait sciilcnient dc pr<iiiver (11iSidro pré-
tcil<lii nclir,iinaire de 1iar~.i~ ~:i 'Ir:,ctiun. r:t unc, sncl(t; <IcZtntt11
bclgc (~uirtcai1(~ouvçiiit.iii,~ntcjp:igiiol de sr.sli..rg~:riitel rst ion <I;sir.
<le proiiver 1~ (:;ir:ictCrtnon cflcctil i<leicttc iiatioiinlit6. \lai. ct:tnices
soidain de formalisme est, pour le moment, sans lendemain. Dans les autres page; dii nicinc dociiriicnt. l'an contiriue d'ailleiir:irel>rochcr ;iii
Gou\~~rrii:iiientrspngiiol d'avoir le fçtiihijmcdr Inpersonnnlit> iiiri<li(lui..
(1,: niCconii.iitri13 r;nlitC Cionoiniiliic.. dc nc pnwcnir so~iipt~,en
matière d'investissements, des .êtres humains, seuls véritablës inté-
ressés ».
Cette attitude semaintiendra lors de la procédure orale sur les excep-
~i- ~ ~ -liminaires.où la Partie adverse raooellera des dizaines de fois la
néces&téde <révélerl'intérêtéconomique'~éritab1equi se trouve sous-
iacent sous la nationalité purement juridique » et mettra en évidencela
prééminencede la position des ~individusn par rapport à la personne
morale. Elle indiquera sans équivoque qu'Ason avis alesintéressés véri-
tables, les intéressés effectifs,sont ceux qui ont placédes fonds dans la
société»,en d'autres mots, les épargnants, qui ont mis dans la société les
capitaux qu'ils ont formés.
Tout à couo. après l'ouverture de la procédure sur le fond. le Gouver-
nement belge nous fait assister Aune b;usque volte-face: une volte-face,
envérité,de 18odegrés.En effet, aprèstout ce que l'ona pu lire et écouter
auparavant, l'on a-peine à en croire ses yeux quand on voit ce qui fi ure
àla page 736 de la réplique(V). De quoi accuse-t-on niaintenant le (!ou-
verncment espagnol! Il est accuséde vouloir introduire un élémentab-
solument nouveau. niodifiaiit comol&tement les bases inridiaues de la
présenteaffaire et de vouloir place;« la question du jus ;andi Curun ter-
rain où elle ne s'étaitencore jamais posée 8.Mais nous ne sommes pas au
bout de nos surprises: comment IeCouvernement espagnol se sérait-il

rendu coupable de ces mifaits? En voulant - ce sont les terines mêmes
de la réplique belge - cfaire de la «participation réellede l'épargne ila
base mêmedu jus slaqtdide la Belgique ».
Ainsi donc, Alonsieurle Président, Alessieurs,ce serait nous qui auriolis
inventé la irparticipation réellede l'épargnebelgea et l'atteinte préten-
dument infligéepar l'Espagne à cette épargne » et qui serait la raison
d'êtredes interventions belges! Qu'en deduire, évideniment, sinon que
certaines personnalités ont eu des visions; entre autres, en premier lieu,
l'ambassadeur de Belgique à Madrid -qui est,entre parenthèses, l'auteur
de la lettre à son gouvernement dont ce dernier a fait état et qu'il vou-
drait présenter comme preuve du prétendu abandon des intérêts belges
par le Canada. Cet :imbassadcur, disions-nous, n'a-t-il pas mentionné
dans quatre lettres officielles adressées au Gouvernement espagnol, et
rien de moins que trois fois par lettre, le préjudiceinflige à l'iiEpargne
belgerr, avec un grand E? Et que dire du rédacteur de la note du 31 dé-
cembre 1956 émanant du ministère des affaires étrangères belgé, qui
justifiait l'introduction de la requêtebelge auprès de la Cour interna-
tionale de Justice en invoquant le préjudice infligéaux répargnants
belges in?
Qu'à cela ne tienne: lancée désormaisdans cette nouvelle direction, la
Partie adverse confirmera, par la plaidoirie du professeur Virally du
lundi 12 mai (VIII,p. 542 et suiv.), qu'à son avis la recherche des iivéri-
tables intéressés » derrière Sidro et Sofina serait sans importance dans la
présente affaire. Ainsi donc, ce terme mêmede «véritables intéressés in,
nous ne l'aurions pas lu dans les piècesécritesdu Gouvernement belge, il
n'y aurait pas étéemployépour qualifier lesparticuliers épargnants: c'est
le Gouvernement espagnol qui l'aurait inventé. A en croire Me Grégoire,
dans sa plaidoirie du 13 mai (ibid., p. 547) ce serait une bien singulière
position qu'aurait prise le Gouvernement espagnol en pretant au Gou-614 BARCELONA TRACTION

vernement belge l'intention de protéger les épargnants belges qui ont
investi leurs économiesdans Sidro et Sofina. Et pourtant la Partie ad-
Bruxelles de consacrer une iournée entière de plaidoiriecaàsessayer dee

Lelgesdans Sidro-Sofina? En \.&riri..on nousdi; qi;ecette mesure n'aurait

pas du tout r'tt~nse .pour s'acquitter d'un de\*oir iuridiqueu. Son seul
but serait «la mbralité'du procèsa.
L'audience estleuée d rz h 55 QUARANTE-DEUXIÈME AUDIENCE PUBLIQUE (18 VI 69, IO h)

Présents:[Voir audience du 20 V 69; hl. Bustamante y Rivero,
Président,absent.]

Le VICE-PRÉSIDENT, faisant fonction de Président: L'audience est
ouverte. Le Président de la Cour sera absent pendant trois jours.Il m'a
priéde prés9er les audiences de la Cour en son absence.
11.,\(;O: Au couri clcI':tudienit d'hier, je m'étaisattachi. 3 d6crirc le
revirement optrt! par la I'artii: liilvrrje Jans sa yriscntatioii des prt!ten(us
iiitéri-tsbclgcs prepundéraiits daiij UnrieIona Traction et de leur )ustifi-
cation. Je m'étaisarrî.téen citaiit \le Grégoirect le passage où il nous a
dit aiic la Partie a<I\,ersriie l>:irl<~ritésormaisdes intCr&tsbelges dans
Sofifia-Sidro que pour cla moralitédu proces ». -
Mieux vaut, en vérité,nc pas épiloguersur cette déclaration. La Partie
adverse nous a habitués, d'ailleurs, à des volte-face dans lesquelles ilest
parfois aussi malaisé dala suivre. Demandons-nous donc plutôt quelles
peuvent êtrecette fois-ci les raisons de ce revirement. Elles ne sont, à
notre avis,pas difficilesAdéceler.
A l'origine - on le sait, car on l'a abondamment prouvé - l'idéedu
Gouvernement demandeur étaitde sebaser sur le caractère prétendument
prépondérant des intérêtsbelges réels dans Barcelona Traction pour
revendiquer un droit à la protection diplomatique de cette société,en
dépit de sa nationalité juridiquement canadienne. Plus tard, toutefois,
le demandeur a étéforcéd'abandonner cette position cause de l'impos-
sibilite d'invo(liicIlitliéorie dite du contrbic. ce qu'il :Icxpressi~cnt
reconnii Iiii-méiiie,ori s'en soii\.içiidra. II ~.hoisissaitdonc de se rcplier
sur I'idccde In i)rotectiori iioii ii;i13sociCtCen taiit oiic telle. inais des
seuls prétt.n<-lu;actionr~nireshelgrs de Rarcclonn l'rastibri.
A cc moment. une exigence ci>!~tr;idictoire:'est impost:~ ?Ilui. S)'uii
côté. i.our reiidre accei)tatl~. I'iJcc niCme dr soli inter\.riitiuii d:~iisle
cas d'cspéccau titre (lc'ln protection d'uactioniiaires j,il Iiii aurait fallii
accentuer sa campagne en faveur dc la pré6minencedes rL:alit&s éconoiiii-
ques sur les ticonitrüctions juridiques nque sont la personne morale et sa
nationalité. Mais, d'un autre côté, il risquait, ce faisant, qu'on lui de-
mande d'être'cohérentet de montrer quelle était la réalitééconomique
derrière l'édificede Sofina et Sidro. II ne pouvait manquer de sentir le
danger.
Toutefois. pendant tout le proces sur les exceptions préliminaires, le
Gouvernement belee a,,u t.rer oarti du faitaue le Gouvernement esoa-
giiol :\vair cstiiidr: son devoir 'd:ins iinc relie Iiro:;LliiCIL .inintc'tiir
I'nrgurneritation rcllitii.~ 1 suri e\ceptioii suriiiiplail tricteiiieiit)uri-
adverse ;tait lihrz de coritiniier irnpunémeiitet de rkitcrcr ses appls.la nunrtie
dcmeiirant 1)leinsd'attrait. en f;i\.cur de la prioritéiattrihuer ;iiix faits
réelsde la <ie économiaueDar raoDort aux koarences du droit.
Lasituation n'a après l'ouverture du
procès sur le montrer. dans ses
écritures, l'inconsistance totale des assértTonsdu'demandeur à propos616 BARCELOXA TRACTION

de la participation de I'6pargnc belge dans Sofiii;iet Sidro et a pu mettre
taees avancks àcet éeard-~arla Partie adverse. Le Gouvernement beleeiircen-

s'est trouvé alors dans l'impossibilitéde contrer efficacement l'argum&-
ment formaliste. Il a prétendu, en ce qui concerne la sociétén Sidro, présen-
téecomme priiicipal bénéficiairede sa protection dansla présenteaffaire,
que la seule chargequi luiincomberait endroitserait de montrer que cette
sociétéest actionnaire de Rarcelona Traction et qu'elle a juridiquement
la nationalité belge. Iln'appartiendrait pasau Gouvernement belge d'aller
au-delà et de prouver en fait que Sofina et Sidro auraient réellement
drainé l'épargne belge vers Barcelona Traction et son entreprise en
Espagne.
A ce propos, je tiens à dire qu'en relevant, comme il l'a fait, le revire-
ment opérépar la Partie adverse,en s'efforçant d'en trouver une explica-
tion vraisemblable, le Courrerriement espagnol n'entend pas critiquer le
fait mémede ce changement de position. Il ne prétend nullement qu'une
partie à un différendne puisse pas changer d'avis et de position, surtout
au cours d'un procès aussi Ion que celui-ci.
Mais, par contre, ce que le f oivernement espagnol ne peut admettre,
c'est la tentative belge, qu'il a maintes fois dénoncéedéjà, de jouer sur
deux tableaux. En d'autres termes, l'on est libre de choisir le plan sur
lequel on veut se placer. L'on peut mémeadmettre, à la rigueur, que l'on
abandonne à un moment donné le plan choisi à l'origine et que l'on se
place, désormais et définitivement, sur un autre. Mais l'on ne saurait en
choisirsimultaiiéinent deux DournasAer continuellement de l'un à l'autre.
selon sa convenance.
Le Gouvernement belge iupe-t-il utile de soutenir qu'il ne faut tenir
comptc qiic de ces r6nlic.j ;'cÜnoiiiiqiieset hum3inc.s,'(liic sans cesse il
opl)oitniis iictioiii du druir? Eiitciicl-il affirmer I'importancc priorit;iire
(IVces rC3lit;s ;!us fin, tlc In prorcitiuii dii>l~nintioiic?I.il)r:ilui <leIc
faire. En fait, c'est cette qui conititue son argument principal
lorsqu'il essaie de battre en br6che la règleselon laquelle la qualité pour
agir, en cas de préjudice illicitement subi par une sociétédu fait d'un
Etat étranger, est réservée à I'Etat national de la société.C'est ainsi
qu'il a prétendu légitimer l'exercice de la protection diplomatique en
faveur de ceux oui ont investi leur are..t dans le ca~ital-actions de la
sociit:. (1cc :IInpI?i ~:~ÏIicCtL (IVI;~~rutcctivii<IVI:iju~i<t; cuiiiiiictcll~,.
Se nuiis<lrman<lons 1';~niaiiitenant si cette pri'tentiuii tient: c'eUIIL.
autre question au'on Dosera au moment o~~oitun..Ce au'il im~orte de
nuter, c'est qiie;i le(;&uvernçiiiciit h<:lgeveut s't,iitenir :;CI<t-els'crittrc;,
illui fiiiir recoiiiiaitre la nGiçsjd':.lierjujili~'aiibout (Iaiii Itxr applica-
tioii.0ii iic i>cii>:,i.'.,iritci iiii-t:t.t.iiiiii(I:rïclicrclic (le la r6slir6
c:conoiiiiqiir:sculemcnt p:iicc que l'on ~C>I~COII~Iun ;critil juriiliqiie. 1.e
(;oiii~eriienient I,elgc-rit:peut pas >c]>r&\.nloru fait que les r:ipitaiisdc
Ijarcelona Traction ne seraient D:IS des c:ir>itauxiaiindiens r>:irccoue la
plupart des actions de Barcelonâ ~raction'se trouveraient eR mai& non
Sofina seraient des capitaux belaes mémesi la DiuDartdes actions dc ces
sociét;>sne se troii\,ni6nt pas efiniaiiis helgrs. L'& ne saurait prkh~r la
1i6ccsqifil '6carrer le ride.iu dc la ~icrsoririnlit>niorale lorsque la pcrsonnc
morale est étriiii~èrccl s'accrocher i ce rideaii d2s uu'il s'arit d'une oer-
sonnemorale belge. - PLAIDOIRIE DE M. AG0 617

Le Gouvernement belge serait-il persuadé, au contraire, de la nécessité
de se placer sur le terrain du droit et de s'en tenir aux réalitésnon moins
solides au'on v rencontre? Nous ne pourrions que nous en réiouir. Ilfais
alors ilde\.raic admc.trrc: q111l:a pr;>trcrion Ji; iii\.citijscniCnts rciinis
il:iiilecadre d'une socii.16conirc 1,:sprc'iiidices;\sntiielleiiicnt c;iusésp;ir
un Etat étranger doit se faire, quelle que soit leur origine, au moyende
la protection de la sociétépar son Etat national. Il devrait alors cesser de

prétendre que la détermination de 1'Etat autorisé à exercer la protection
diploniatique, dans l'hypothèse envisagée. devrait dépendre de la levée
du voile de !a personnalité juridique de la sociétéet de la recherche des
véritables intérêtséconomiques, de leur origine et de leur nationalité.
Cet~~ orétention. oour infondée au'elle soit en général.Derd toute
apl,~:Lrc~~d cejustihcation lorsqiic ia le\,?e di1 \soilede la 'y&rsonnaliti
~iiri<Ii~~int.cloit1x1ss~,rvir I;I r~~~l~~r~ 'li~1.1vr~it.origine clesc.ipit2ux
de la skciétél.orsiu'elle n'est au'un rét texteDourremplacer une ~eisonne
morale par "ne ktre, et ce pour la'simple râison que la proteciion de la
deuxième est plus commode et plus facilement réalisable.
C-~~~~nécesiairemise au ~oini étant faite. au'.l.me soit oermis mainte-
nant de concentrer mon attention sur laquestion qui, en ce moment, nous
occupe au premier chef. Il s'a~it, commenous l'avons dit, de savoir avant
tout Siles donnéessur lesquelies leGouvernement belge voudrait appuyer
ses prétentions sont des données réelles et établies par des preuves
valables. Et puisque le Gouvernement belge semble hésiter dans le choix
du plan sur lequel il doit bâtir son argumentation, le Gouvernement
espagnol est disposéiposer successivement cette question sur les deux
plans. Nous l'examinerons donc d'abord sous l'angle du droit et de ses
qualifications; ensuite, du point de vue des réalitéséconomiques.
Vu en termes de droit, le problème qui se pose à propos des données
alléguéespar le Gouvernement belge est le suivant: le Gouvernement
belge a-t-il valablement prouvé l'existence, dans les proportions qi!'il
allègue, de personnes physiques ou morales ayant ila fois la nationalité
belge et la qualification juridique d'actionnaire de Barcelona Traction?
En fait, ce problème sesubdivise en deux: il concerne d'une part I'exis-
tence de ce que l'on a appeléles«actionnaires belges individuelsn de Bar-
celona Traction; d'autre part il consiste à se demander si Sidro, aux
époques critiques, avait ou non titre à se qualifier, en droit, d'aaction-
naire ide Barcelona Traction.
Vovons donc. tout d'abord. ce au'il en est des rét tendus caclio~rnaires
b<~lgc;it:di:idi<cls.,.En cc-qiii les cniiceriie, dans 1;pliasc yrr:liminairzde
I;ii.orrcs~>o:icl:iiicciploiii;iti~~iic,Ici;ouveriit:iiii~iitI),:lgt:s1><t1t hien
dCrob6;,IIf;iril<.;iiil<;1;.]irviiiJcIIn',:iln foiirii:iiiiiiii~iln 3 miiiit: pni

iii,Iiqi~,!I'csisrciice d'uiit.I)ICII\.(111~lionqiiç.1)~ii; pIujit.iirs ~iotcs. il
cst Ciit mciition de la pr2sencç clc cci prr'rcii~liiiactioiiii.irr~tsnuiii-
breuxr. auxauels on attribuait IO oui cent des actions Barcelona
Traction. ~a:s les auteurs de ces not& en remettaient la démonstration
A plus tard,. si cela s'avéraitnécessaire ».
-Au cours du procès les proportions revendiquées ont méme progressé.
Les prétendus <ractioiinaires belges individuels. se sont vu attribuer
15 pour cent des actions de Barcelona Traction à la date de la faillite et
II,I pour cent à la datede l'introduction de l'instance. Et qu'en est-il
de la preuve? E!le a certes fait moins de progrès, car le Gouveriiement
belge n'a jamaig pu produire, à ce sujet, autre chose que la fameuse
lettre du rg février 1959de I'I~istitut belgo-luxembourgeois du change,618 BARCELONA TRACTION

publiéedés 1959 en annexe 29 au mémoire belgede cette date et repro-
duite àl'annexe 7 au mémoirede 1962.
Je suis presque gêné de parler encore de cette lettrà,laquellea été
consacrée, au cours du proces, une attention dépassant de loin sa pré-
tendue valeur probatoire. En fait, cette valeur, aux fins poursuivies par
la Partie adverse. est inexistantNulle elle est et nulle elle demeure. en
dépitde tous lesefforts accomplis pour la consolider, en obtenant, après
des années,des explications complémentaires du mémeofficeet en four-
nissant d'abondanies <considérations,et «gloseiidestinéesàfaciliter au
lecteur lacomprehension de la lettre.
Cette pièce se borne àrapporter un fait très simple:244 88 6ctions
certification requise par les dispositions alorsen vigueur, et cependant une
période compriseentre une date certainement bien antérieure la faillite

valable àl'appui de la présomption que le Gouvernement belge voudrait
établir et aui luirmettrait d'attribuer en bloc l2u 886 actions àdes
actionnairésbel& à la date du12 févrie1948. ,,
Comme le Gouvernement belne l'a observé lui-même, à la paEe37 de
son mémoire de 1959' 'ans dbute, les renseignements que fournit la
procédure de certification ne révèlent-ils pas la situation une date
déterminée,puisque lesdéclarations sesont échelonnées partir d1945 n.
A la page II du mémoirede 1962 (1)une autre date. celle 21 octobre
1946 ,st indiquée comme date initiale de la procédure de certification,
mais il est confirm8qu'elle ne fournit aucune indication directe quànt
la situationexistanà la date précisedlafailliteu.
Cen'est donc pas la lettre de l'Institut, mais bien plutuconsidéra-
tions» développées à propos de cette lettre par la Partie adverse qui
devraient nous persuader du bien-fondéde la conclusion à laquelle elle
voudrait parvenir. Cependant, n'en déplaiseà la Partie adverse, si ces
considérations ont un effet quelconque, c'est plutôt celui de prouver le
contraire.
II suffit, en effet,d'y réfléchir:on nous a dit que la procédurede certifi-
cation des titres n'était obligatoire que pour les porteurs qui désiraient
s'en senir pour aliéner leurs titres. On nous a dit aussi que la grande
maiorité des certifications a étéfaite tout de suite: «avant la fin de
1946 >-, est-il dit dans le mémoired1959 D.'autre part, on nous a aussi
rappelé que la certification comportait des frais: qui ne voulait pas
vendre nese hatait donc pas d'y avoir recours.
Fort bien. L'on sera donc bien d'accord pour reconnaître que toutes les
certifications faites en46et en 1947 - de loin les plus nombreuse-
sont plutôt l'indice d'une vente antérieàrla failliteque d'un maintien
de la propriétéjusqu'à cette date et après. Il est en mémetemps normal
que les actionnaires belges se soient hatés de saisir la première occasion
pour se débarrasser enfin des actions d'une sociétéperpétuellement en
difficultéet qui ne donnait plus de dividendes depu1936 .l est égale-
ment vraisemblable que nombre d'entre eux aient vendu à l'étranger
quand ils ont pu le faire, car par ce moyen ils pouvaient s'assurer des
disponibilités de deviseà l'étranger, et ceà un moment où de telles
disponibilitésétaient plus que précieuses.
Aux termes des dispositions législatives belges en vigueurl'époque

'C.I.J. Mb>noirer,Barcclono Traction, LiPowernCompany. Limiled. PLAIDOIRIE DE hl. AG0 619

- citées, d'ailleurs, par la Partie adverse- le produit des ventes de
titresétraiigers effectuéesà l'étranger était portéau crédit d'un compte
libellé dans la monnaie de l'opération. Ce compte pouvait êtreutilisé
pour acheter des titres étrangers plus solides, plus rentables et siirtout
rése entantdes persoectives d'avenir plus sùres que Barcelona Traction.

que nous parlons de l'époquehéroïquede la reconstruction européenne,
l'époqueoù l'Europe n besoin de tout, l'époquedu plan hrarshall et du
dollar-gnp.Dans ces conditions nous essayons encore de comprendre sur
quelles bases la Partie adverse a pu affirmer. la page 729de la réplique
(V), qu'il aurait étapeu avantageux apour un Bel eide faire vendre ses
titresBarcelona Traction à l'étranger; et sur quefis bases le distingué
(VIII,p. 453)qu'une telle vente aurait été«peu attrayanterieadu point de

vuLa Partie adverse nous a dit, d'ailleurs, toujours à la page rg du
mémoirede 1959,que les actions Barcelona Traction n'ont recommencé à
êtrenégociées à la bourse de Bruxelles qu'à partir du juin 1947; et
que les opérations sur titres Barcelona Traction à cette bourse entre le
Ierjuin 1947et le 12 février1948n'ont pas atteint 14ooo titres. Quelle
meilleure orcuve peut-on trouver du véritable but de cette ruéevers la
certificatiôn qui avoireu lieu dèsl'instauration de cette procédure?
Ce but ne pouvait êtreque de vendre aussitôt que possible les titres
I'étraneer. L'on Deut donc sérieusement présumer aue la Dlu~art des
actions" ~arcelona Traction certifiées par'l'Institut 'belgo-iuxémbour-
geois du change ne se trouvaient plus aux mains de porteurs belges le
Ïz février1948.
Quant aux certifications faites aprks 1948 et jusqu'en 1954, tout ce
que I'on doit dire une fois de plus c'est que la certification constitue la
preuve de la propriété belge » de ces actions à la date de la ccertifica-
tion n et également la preuve de leur ibonne propriété » (àsavoir pro-
priéténon ennemie) à la date de la faillite. Mais cette certification ne
prouve nullement que les actions en question aient aussi été, à cette
dernière date, la propriétéde Belges. Pour s'en convaincre, il suffit de
lire le texte trèsclair du fac-similéduicertificat de bonne provenance de
titres canadiens),, qui figureà l'appendice A à l'annexe 5 au mémoire
belge de 1962(p. 62).
II est certes normal que, pour établir la propriéténon ennemie des
titres certifiés, L'Institut belgo-luxembourgeois du change se soit fait
produire la preuve ininterrompuedel'identité des différentspropriétaires
successifsdepuis une date antérieure au 4 septembre 1939.Mais en même
temps il est hors de doute que,dans la lettre du rg février1959(que l'on
peut lire aux pages 64 et suivantes de l'annexe 7 au mémoirede 1962),
l'Institut a indiqué le chiffre global des titres dont il avait établi la
~ro~riété Ibelaen à la date de la certification et la «bonne oropriété »
'andrieuremen; à cette date. 11 n'a pas du tout indiqué ii eitefdu
indiquer le nomhre de titres - d'ailleurs vraisemblablement impossible
à reconstituer a posleriori- dont il serait résultéqu'à partir de 1939
tous les propriétaires successifs auraient éténon seulement «non enne-
mis n,mais en plos tous nbelges a.
A la page gj9 de la duplitue (VII), le Gouvernement espagnol, dans
un souci de courtoisie, s'etait borné à dire que I'on ne saurait accepter620 BARCELONA TRACTION

usans quelque réserve » l'assertion. toute nou\.elle, qui figure à I'avant-
dernier paragraphe de la lettre que la Partie adverse a obtenue de 1'Ins-
titut belgo-luxembourgeois du cliange le 8 mars 1967 (et qui figure à la
page 753 de l'annexe 129 à la réplique). Il s'agit du passage où, en iiinter-
prétant » la lettre du 19 février 1959 ,'on voudrait déduire des iiiodes
d'exécutionde la procédurede certification la conclusion que toutes les
actions certifiées aurès le 12 février 1048 comme étant de uroor. .é
I>clgcaiiraierit 6tét;elses aussi à ccttc dite mime.
1.c7 ni:,' drriiic-r (\'III,453) iiii,Iionorabl~c~iitrnilicteur, Iç prufei-
scur 1.aut~rii;tcI~t.:i t:j~;ivta SII~ Ir,ilr II',iiitcr~~rI.,l i~~i.t~~v~~.~lr~r~~~it
pourtant &dent; de laduplique espagiiole; l'interpréter comme une
«acceptation u, quoique ahésitante n (à cette occasion. le mot français
nréserve a a étérendu en anglais par le mot hesilation).Je regrette d'être
obligéde décevoir nion savant ami et de devoir mettre les points sur les
ci n en précisaiit qu'à notre avis le fonctionnaire de l'Institut qui a
rédigéle paragraplie en question s'est visiblement trompe dans sa déduc-'
tion. Peut-être avait-il oublié, apres tant d'années, en quoi consistait
exactement la procédure de certification. Ou encore sa plume k-t-elle

tralii s:i I>ci~iCc:'eii (lisoiispis plus; dizons siniplcmeiit. i tiiic <lecon-
clusiuii.ilii'icst bicii t;\.idtii'III'I<.ic~rtificatioiii faitc(1s:104s i 19j4
iic zoritII;IIni>rt:uvcd'iiric-1iroi)ri;r; bclc~iiiz f&\.ricri<,.tS.toiit coninic
ne le~~ ~t certaineme~~ ~ D~S lei certificafions faites en lo,, et en IO,,,
1.;)prt,ii\c qui insuiiil>3itsu Guiivi%rrit-riiiictlgt-au iiijct Jvs pr~:tcndiis
tt:ictionnaircs belges autres uiie Siilro *&taitJoiibl~. II aiirait Jii prouvcr,
d'une part, que Gs actions i3arcelona Traction qu'il revendique comme
belges appartenaient à des Belges au 12 février 1948 il aurait dù prouver,
d'autre art. la continuité de cette ~ro~riétéiusau'en 1062.
A ce propos, il faut le noter, le ~iuvérnern&t belge néprocèdeque par
présomption. Avancer une présomption, c'est affirmer l'existence d'un
Tait dont on n'est pas à mêmede fournir une preuve directe, mais que
l'on peut toutefois déduire logiquement d'indices certains. Pour que ce
procédé soitlégitime,deux conditions sont donc requises: le lien logique
entre les indices et la ~résomution à établir doit être indiscutable. et les
in<licc.<:ii.\-iii;niei<loiiit;t;c di f.,its IJ~~UV? t.tiiii,Or IcGt)u\.crnc-
ritcricl~rlgiritr~riiplitni I'iiri~i.ii I'autde cci conditiori,.
Son raiioiincinziit. en r6iumé.eît Ir suiv:int ili:xiitc - dii-il - dcs
éI6inciitspcrriiettniit de peiijcr qii'rii 1'annCe1962 les trniijnctioiis :i la
boursc CILJ(ri~xt:lleisurIri:<ctioiiiHarc~.loiiiiI'ractioiiail porteur ;iur;iient
CtC i)liis;iiti\.c(IIIniix Iioiir.~; de Loiiilrtit rlc I'.iri,ISiim;iiir. t<.nins.
il néfaudrait pas'faire entrer en ligne de compte celles de New York etde
Toronto et ce pour la raison que, paraît-il. l'on n'y aimerait guère les
actions au portëur. . . -
Cesseuls arguments devraient suffirepour conclure, sansplus, qu'en ce
qui concerne le nombre d'actions Barcelona Traction appartenant à des
Uelees. la situation de 1062 n'aurait oas étésensiblement différentede
ccllç dc 104s Et cc n'esrsi):iatout. ca;. en klinfn~il.înt prL:joniptioiisur
prCsomption. on en a\.aiiceericorc une aiitrc: iiiiefois admisle fait que la

sitiintioii (lei actioiis cil 1062 ii'aurait ilaCtÏ iruti diliir~.nte (lit.11~(le
1948 'on pourrait présuméraussi 1948 ei 1962 le mêmenombre
d'actions Barcelona Traction se serait toujours maintenu en mains
belges.
Toute autre considération mise à part et. surtout, toute réservefaite
quant aux arguments invoqués. notons d'abord que. dans ce raisonne- PLAIDOIRIE DE hl. AGO 621

ment, l'on llerie11llucullCOnll)lidu I:iii111':lCoursde; illlllccjconll>ri~t.i
ciitrc 1013ci 1062 lisituatio~itlc5tt,in'>:iCiiotiisur di.^actions I$;ircLlon:i
Traction' aux différentes bourses ~eut avoir ététout autre ou'en 1062.
De mime, on y passe allégrement Sur le fait que les actions \,Endues 2~1;
bourse de Bruxelles peuvent fort bien avoir été vendues à des étrangers

et Dasseulenient à dis Belces.
fvlaislà n'est pas le défGitessentiel du raisonnement de la Partie ad-
verse. Pour pouvoir aboutir concrétement à la conclusion voulue, &
savoir qu'en kg62 le nombre d'actions BarceIona Tractioii aux mains
d'actionnaires belgesicidividuels devaitêtred'eiiviron zoo ooo, il faudrait
partir, comme d'un fait absolument siir et prouvé,de la prémissequ'en
1948 ce nombre était de 244 ooo. Or, oii a vu qu'à ce propos la Partie
adversea bien avancédes assertions, mais que la documentation qu'elle a
produite à leur appui n'en donne nullement cette preuve certaine et
incontestable qui aurait étérequise. C'est donc le point d'appui principal
qui fait défaut: et ce n'est pas sur de telles bases que l'on peut établirune
présomption valable. Les spéculations belgcs quant à la situationde 1962
restant donc complètement gratuites.
Moii éminent contradicteur, à la fin de sa plaidoirie du 7 mai (VIII,
p. 456), n:a pas lui non plus l'air entièrement convaincu du raisonnement
qu'il contiiiiie de présenter. hlais ilsemble vouloir reprocher ail Gouverne-
ment espagnol d'avoir été troploin dans ses critiques et de ne pas avoir

avancéde son cotéaussi un chiffre à propos de ce qu'il estimerait avoir
étéle nombre'des actionnaires belges individuels dc IJarcelonn Traction.
Entre I et zoo ooo, parait-il vouloir dire, ou aurait peut-êtrepu trouver
un moyen terme raisonnable.
On oublie vraiment,del'autre côtéde la barre, que la question qui nous
occupe ici est une question de preuve. Ce n'est pas le Gouvernement
espagnol, c'est le Gouvernement belge qui s'est cru autorisé à présenter
une réclamation interriatioiiale; c'est lui qui prétend que cette réclama-
tion serait eii faveur de ressortissants belges, qu'il affirme avoir été
actionnaires de ljarcelona Traction aux dates critiques. Dans ces condi-
tions, il était de son devoir strict de fournir avant tout une preuve
précise,sûre et irréfutable <lubien-fondé de sesassertions. Le Gouverne-
meiit espagnol a montré que ce devoir n'a pas étérempli; et c'est tout ce
que, de son côté,il avait à faire. Mais puisque le Gouveriiement belge n'a
pas étécapable d'apporter la preuve qu'il lui inconibait de fournir, sa
préteiition tombe et tombe en entier; il ne peut certes pas penser la
sauver en partie, et peut-6tre mêmeavec l'aide bienveillante du Gouver-
nement espagnol.

Avant de conclure à cesuiet il sera mut-êtreutile, d'ailleurs, d'exposer

à la ~résentation de ~Ïésom~tiins aiii ne concernent aue des chiffres
glol):i~~xtid<:sl>8~~~u,:vi~t: ~tgcf-.iis.int 11innliIIII~fois(lx l>Iti> cl~i'il 11'3
p:i, cI~~~~:irs6+,~ll1:ni<12 prt!liiii.rt!pIixs<:5011 ;tcttnn :ontrc 1Esl~:igii~?.
c,:rtc ohx;c. dnii; 1;~~iit~~Iil ixt'tcn<l:~itavoir un titrc i I,I nrotcctii,ii
~~i~>loi~:i~i~ (1~:iIcn ;oci:tïl<;irc~~luii'l'r;icttui*;IIvertu <III C;I~;ICI~~C
~ir~pon(I~r:tt~q titc Ira ,III[&I;<>>Sl~clgc; aiii.nlcnt CU (l:xtiWII c:~[>itxI-
c 1 ! I l 1 : t cor 11:,t1. 1 ; . Ill,. <Ir:
~~oII~c~:II~:p ~li~tiginioi11-prL.!ini<s 11;iis$1111s la pl.a:t..i~tli~llcui~ lc?
<;oiiverii~-incntIiclgt*pr;tzn$l c\ricc:r In piot,.;rion iioii I).11" lS;ir:~.lc,ii.i
'I'r;icrioii.m:iij dec rc;;oi.rijsanis bclgw fiactionn:iirc.j dc cr.tti:sncii:Iil.622 BARCELONATRACTION

est manifestement inadmissible d'allLgiierd<.spr2somptions de ce genre.
mCmc si elles Ctaient beaucoiip plus fondée,qii'ellei ne le sont Coiitrnirc-
ment :tce que îcmble pL.nscrmon horiorahle coiitra<lictcur. la cliiirgt qiii
incombe au (lem;indcur est prr'cisl:riientd'iii<li<luerI'inclcntitCclcs pcr-
sonnes qiii, [I'apris liii. ~urniciit subi uri ~>ré]udir.d ei, fait dc I'Et:it
espsgriol: elle est de (lonner j.propos de chacune I:iprruve de sa <luiil>l,:
qu;ilit<:(le (nation:il i belge vt il'(,:ictionnsirc> dt: Ihrcelona l'ra;tion
pendant la date critique. Le Gouvernement belge ne peut pas sérieuse-

ment penser que pour s'acqiiitter de ce devoir élcmentaire, il serait suffi-
sant de présenter des estimations approximatives (in proximafe lermsj
du nombre de ces personnes.
En réalité,il est à peine croyable que le Gouvernement belge, depuis le
temps qu'il parle de prendre fait et cause pour ses ressortissants lésésn , e
se soit pas assuréde l'identité des ressortissants dont il dit défendreles
intérêts:au'.l n'ait Das trouvé le moven d'indiouer les noms de ces ~ ~
prétcn(lus Ijelges qui nuraient Ct;.nctiorinnires de I<nrcrlonnTrnctiuri ile
194s i 1962 I:tcc ri'est pas uiic excuse <lu<d'nllt;gurr UIIL.prl:tciiiiuu
difficultéi les retrou\.i:r. On ~i'ajsiirinls In nrotcction d~ rornatir- 1 ~ ~~~
personnes dont on ne sait ni qui elles sont ni mêmesi elles existent. Il
est évident que si le Gouvernement belge pouvait un jour espérerobtenir
une réparation destinée, dans une certaine proportion, à êtreversée à de
telles personnes, il faudrait bien qu'il abandonne lesprésomptions basées
sur desraisonnements gratuits; il faudrait bien qu'ilrecherche et découvre
enfin concrètement les noms des ressortissants belges qui auraient été
actionnaires de Barcelona Traction pendant la périodecritique; il fau-
drait bien qu'il exige d'eux une preuve valable du fait qu'ils remplissent
les conditions nécessaires. Il lui était donc possiblè de procéder à une
enquêteau préalable. et c'étaitson devoir de le faire avant de se placer
sur le dan international Dour demander une révaration et avant d'en

établir 1iioiit;intiur la b:;sdc iiippoiitions faiit~i~i~r~i.
Sous poii\.ons donc concliirr que 13 [)reuve ydr le (;ou\.eriicmeiit belgc
de I'cxistçnced't actionnaires helgcsiiidivi<luelsde 13arccloriaTractioii n a
complCtenient éclioii(:;et piiiiqii'il en est ainsi, leur pr>teridtie e~iitziice
iic peut en aucune manière Etre r ri een considér~tion aux fins di] pré-
sent procès. Ces prétendus «act;ionnaires» doivent retourner dans les
limbes d'où seule l'imagination de la Partie adverse a tenté de les faire
sortir.
Ayant ainsi écartéles prétentions de la Partie adverse à propos des
soi-disant «actionnaires belees individuels n. il me reste à examiner
maintenant les questions relatives à la situation de Sidr olle-mime: à sa
prétention d'avoir eu droit, aux dates critiques, à la qualification iuridi-
aue d'ciactionnaire ,,.et bien entendu d'actionnaire mGoritaire. de Barce-
iona Traction.
Ces questions comportent aussi bien des aspects de fait que, surtout,
des as~ects dedroit. .
~es'as~ects de fait ont un caractère préliminaire, quoique manifeste-
ment moins important. Ils se résumentdans I'a~préciationdes ipreuves »
fournies par Sidro et par son *patron » Sofiià. et ce sur trois points
surtout:

1) sIt0x2i688 actions nominatives sur lesquelles on fonde la prétention

de Sidro au titre d'actionnaire de Barcelona Traction à cette date; PLAIDOIRIE DE M. AG0 623

2) situation au 14 juin 1962 des I 354 776 actions nominatives sur les-
qurlles Sidro fonde la même prétention à cette nouvelle date;
3) continuité de cette situation au cours de la périodecomprise entre les
deux dates.

A ce propos, il y a à présent vingt ans que le Gouvernement espagnol
demande au Gouvernement belee de fournir sur chacun de ces oints des
preuves objectives et incontestibles.
Or ces preuves, refuséesavec hauteur àl'époquede l'échangedes notes
di~lomatioues. n'ont étéfournies. mêmeanrès l'ouverture du arésent
p;ocès, qu'au compte-gouttes.
Il faudraattendre lesobservations et conclusions de 1963pour trouver,
à l'annexe 6 (vol. II, p. 224 et suiv.), la photocopie des formulaires de
déclarations remplis par Sidro le 12 mars 1946 et reçus par la Banque
nationale de Belgique, le 29 mai de la mêmeannée.Et il faudraattendre
la rénli,ue--- 1067 nour nouvoir lire àl'annexe 128l'attestation du con-
trbledes contributions di 24 janvier 1967 relative aux déclarations des
revenus de Sidro de 1446 à 1062!
i'r6cisémerith prop6i de ch dernier docuriient. que iiiuii honorable
contr;idicteur. dans ion entliousiaim<:. truu\.c flxceedin~lycoge~it.IL.
Couvern~.rneritesp:<gnol :iCti.le l~remier ciircgistrer IL.fait qiie 1.1I'nrtii.
:id\,crjr sc soit crifiil1i;ci:,pr~scnr~~rn,i1siiji!,111pr0l)i;rii<Ir I:con-
tinuit; entre lesdeux dates critiques. uriccrtiiicnr qui peut Crrecoiisi(l(.rC
comme un commencement de preuve. Cela en dé& du fait qu'il est en
contradiction avec d'autres ass'ertionsde la Part& adverse et'que, pour
l'accepter. il faut présumerque les déclarations de Sidro concernant ses
revenus aient reflétéexactement et entièrement ia situationà DroDosde
nioiiveinenrs dt:titres qiii juireiiie~itiic ()ro(liiisliiciitp:ii de rc\eiius. \I:ii
ce que ILG:ou\'erneinent c,spagnol trou\,? inconcc\*abli:,c'est qii'il ait
fallu tant <I'efiurtsde sa part uuur uue ln Pnrtic :ul\,er;c sc dCcideenlin
à la présentation de ce dbcumênt.Êt ce qu'il y a de plus inconcevable,
c'est que sur d'autres points, mêmeplus importants, des pièces essen-
tielles pourl'appréciation dela sitiiation n'ont toujourspasété produites.
L'on peut se référerpar exemple à la situation des titres au 12 février

19Une connaissance com~lètedes ra~~orts fort com~leses entre Sidro et

Securitas à l'époqueest'indi~~ensabie pour se rendre compte de cette
situation. on voudra bien en coiivenir. Néanmoins, l'onne connaît. de la
nartie la ~lus imoortante de ces ranwrts, Que ce uue la Partie adverse
in a dit éans u& description don& à l'annexe IÎ aux observat/onset
conclusions. A l'en croire, le rapport de trust, instauré entre Securitas et
Sidro en 1940, aurait pris fin aÜ?omatiquement lc 14 aoiit 1946 et. à ce
moment. se serait trouvéremis en vigueur. tout aussi automatiquement,
le contrat de custody (dépbtplus mandat) opérant précédemmententre
les deux s- ~ - ~ ~ar conséouent. au 12 février1a,,..Sidro aurait eu de
nou\.i.au sur les:actionsl~:ir~<~lon':i.ract10ci droits qu'~:llc;iv:iit.IvaIr;
tr?isl. CC:.,:il;i>irdu kiit qiiçt:sactions coiitiiiu.iiLnt (6.trouver :~ii.s
mains de Securitis.
Ce n'est, toutefois, qu'un récit. Les deux document? essentiels pour
comprendre ces rapports et leurs conséquences, à savoir les contrats de
trust du 6 septembre 1939 et du 27 février 1940, n'ont en effet jamais
étéproduits. Inutile d'en dire plus.
En passant maintenant aux aspects de droit de la qzreslionqui consiste 624 BARCELONA TRACTION
à savoir si Sidro aurait vraiment été,aux dates critiques, l'actionnaire
maioritaire de Barcelona Traction. on remarauera à cet é~-rd. tout
cl'~i~ordq , uci<:>aspects soiit ceiitrCtisur iiiipoint bivii précis.
A<linettuni, 3 titre d'liypotli~se. <]II,II ;iru;itioii des titres au riionicnt
dc Inf:tillite <IL1I;ircelonnTrnction :aitrr'cllernclit;té trllc que I..st:r\*irr.s
dr Sofiiin-Sidru Icdécriverit,ct que l'on ÇIIait (IoniiCcette preiive objec-
tivt, ttt cert:iiii,: qii'i:iifait on üttrnd cnco1.3qiiestion se 1)oserditalors,
comme on l'a indiquéàolusieurs reorises. de sacoir auelle<conséauences
IIOII~~~IIa\,oir le fait ~iu~lesartions~e troiivaicnt itrr'inscrites au ;e istre
des ;i<:tionn;iiréi,:iii12 fi.\,rit.r 10.4;<IIiiuni de Cliarlei Gordoii 5 Co.
et, au 14juin 1962, au nom de Newman & Co. Qui, dans ces conditions,
avait titre, respectivement à l'une et à l'autre de ces deux dates, à se
qualifier juridiquement d'ciactionnaire »de Barcelona Traction?
La discussion de cette ouestion - fort simole en elle-mêmeet ouiserait

facile A résoudre si la ~irtic adverse accepiait dr la \,airdans <,s \+ri-
tables termes - n (té coinpliqii;.c et prolongc'etout 3 fait nrtiiiiielle-
niriit en raii~n des efforts r>it:~é~ de diversion faits ou nos honorabl~ ~ ~
contradicteurs.
La dernière, dans l'ordre chroiiologique, de ces tentatives de diversion,
est celle zilaquelle mon honorable contradicteur, au débutdesa plaidoirie
du 7 mai, a consacré des développements qui couvrent onu: pages
entièresdu compterendu de cette date (VIII,p. 428-434).
Le but de cette argumentation si prolongbe? Il serait de faire taire le
Gouvernement espagnol, de l'empêcherde soulever la question juridique
que je viens d'indiquer ainsi que les autres questions qui se posent à
propos de la réalitéeconomique des cinthrêts belges* dans Barcelona
Traction. L'obstacle qu'on voudrait opposer au Gouvernement défen-
deur serait représentépar un ensemble de prétendues reconnaissances et
admissions du double fait a.~~ Sidro eta~t l'ciactionnaire IIorincioal de
Bnrc~loiin 'l'r.ictioiit:t qiir 'klro et wii tpatron .5oriri3 r<:l~r;icntnient
des iiii:rÇts b*.ljie011 voudrait voir Id iiiit!m~cliement ~IiriiiiantBtoote
contestation dëla réalitédeces faits
Qu'il me soit permis avant tout d'observer, clce sujet, que les faits
dont il est question peuvent trouver leur confirmation ou leur démenti
exclusivement dans la réalité objectiveet non pas dans une admission
ou dans une dénégationsubjective de la part de quiconque. S'ils sont
réels, ilsne cessent pas de l'êtreparce qu'on ne veut pas le reconnaître.
S'ilsne lesont oas. ils n'acouièrent oas une réalitéaui leur fait autrement
défaut parce ~uelqu'ui les au;ait erronément'crus tels ou reconnus
comme tels. Les autorités es~agnbles auraient DU des dizaines de fois
considérer comme vrai et m&ë comme certain'que Sidro était juridi-
quement "actionnaire » de Barcelona Traction aux dates critiques, ou
encore que le capital-actions de Sofina était belge roo pour cent, que
cela ne sienifierait touiours rien. Cela n'emoêcherait certainement oas
les mêmesautorités de'coil-iger leur informaiion et d'exprimer une &n-

viction différentedes qu'ellesseraient amenées, à un moment quelconque,
à constater aue la rkalltéest autr~ ~~~
l'.tr cons~qiiviit, iloiilitpoiiviiiis qlic rcpoi1;si.r feriilemciit le3spécii-
Iatioii; tciitlancieii~~,lela I1;<rtic;i<l\.c.i311itiit:de ccr1;iiiiesr&fi:rcncc$
à des sitiiatiom de fait ou de certaines descripiions de ces situations. ou
encore de certaines absences de réaction, face zides assertions dont on
attendait, pour se prononcer, qu'elles fussent prouvées par leurs auteurs.
Vouloir fairede cela des reconnaissances constitutives ou des aveux qui PLAIDOIRIE DE M. AG0
625
engageraient à jamais leurs auteurs et les pays de ces derniers, c'est
tellement dé~ourvu de sens aue i. po. Aais bien me disoenser de tout
autre commentaire à ce sujet.
Toutefois, je ne voudrais pas que mon honorable contradicteur tire
oarti de ma volonté de concision ~our venir lus tard m'imouter. i
mon tour, iIt:srcconnaiiinnces et dt:s aveux qui>ur;iient pour moi force
obligatoire. Je ne \,oudrsis p;isqu'il interprete isa fn~oninon sil,,iict et
diit. (tut 11':I;i j'nur:gi-,nilriiisqtie lro.proPo.tftlei nriitu<lrs dt,~milieiis
cspngiiols ~>iiblicest pri\.i'; clu'iln citk a~~r;iicntcil le contenivt I:Iport&
qu'il SC ~hit a leur attribuer C'est pourquoi je nie permcii iIr;~)iendre
encore qÙelques minutes du temps di la Courpour faire certain& mises
au point nécessaires.
Primo. Personne ne doutait par le passéet ne doute aujourd'hui que
Sidro et Sofina soient des sociétésde statut belge et, comme telles, des
ressortissants belges. Mais qu'elles le soient ne signifie certainement pas
que les autorités et les oarticuliers espa~nolsqui ont ouvertement reconnu
te fait aient indiqué p'arlà qu'ils cônsydéraièntcomme belges également
ce que mon honorable contradicteur appelle les underlying inleresls. les
intérêtssous-iacents. Personne ne met-en doute non~~lus le fait 4ue
I<:ircclonxl'riztion 5011 une sociCit:c;in:i<lieonc, 1.tpoÛr poii\.oir l:;ir<:
ciirrer en ichc Sidroct îotiiin dqni nor rr;iii:iirc.,le(;oiivcriicnirrit bclgcn
soutcii~i<tu11fallait Ir\.cr Ir \.oint de I<<irceloii:i raction vour voir <iuels
étaient iês.intérêtssous-jacents n. Par conséquent,si ~'ois'engage dans
cette voie, il faut aussi lever le voile de Sidro et de Sofinnpour voir quels
sont les vrais intérêtssous-iacents à ces sociétés.L'on aura l'occasion de

rt:\,ciiiriircc point pni In -iiitç Qii'ilsufisc <lerii:irqucricicl;iirvmt.ntqiic
rtcuniinitri: qiic Sidro et 50fiiia soiit dcj sociit& 0i:lgei et p:<riillcurs
reconiiaitrc qiie Ics iriti.r;t rxi5t:ini dans Sidro er SoFinascr:iicnt I,r.lgci.
sont deux choi,.s entiércmciit <IifiFrviis c,tiaii, rnpport eiitrt<-II<%
Scciindo Quant ;lux rcl;itionj de 5ofirin-Si<lronvi.,:r<nrcelon<'îI'r;iction.
personne ne songe à nier que grâce à une sériede liens personnels, con-
tractuels et autres moins connus, les dirigeants de Sofina aient exercé une
influence sur la conduite et l'action de Barceloua Traction. Ce qu'ont
montréles conseils du Gouvernement espagnol qui m'ont précédé permet
mêmede dire que, nialheureusement pour Rarcelona Traction, cette
influence s'est exercée.Mais cela n'a rien à voir avec le fait de savoir si,
aux évoouescritiaues. Sidro était ou n'étaitvas. en droit. iiactionnaire,,
de Bkceiona ~raition'. On peut trèsbien do&ine; une socktéet en déter-
miner l'action sans en étre Nactionnaire ».Les deux formes derapport. .
situent sur deux olans entièrement différents.
Cc tic FO~IIclon; ccrtxiriinieiit 1i.iIr5 dejcriptit,ii,Jc cctt<c iriflii~.nc.>
con1ciiuf.i<Inri; IV,concluiioiis ilc-cspfrta ~.s113~iioiIi~icinbivs <IrI:nioiii-
mission internationale d'esperts qui peuventchanger en quoi que ce
soit la situation juridique dont il est question. A propos decette dernihre,
il est à noter que la situation qui pouvait êtreconnue en Espagne et
ailleurs était toujours celle qui avait existéjusqu'en 1939q ,uand Sidro
était vraiment iiactionnaire »majoritaire de BarceIona Traction et avait
son nom rémliérement inscrit dans le registre de cette société.Rien
d'étonnant. donc. a,e dans olusieurs milieuc esna~.ol.. ~ublics et vrivé..
on ait siipl)ocCqiie ceitc sit;:ttioii~it.r>iit:iiI'crsoiiii~ii'~tn1ti.rni;t~riihl:i-
1)lerncritau coiirnnt <ILS cli:ang~inentiop6ri's iI:iiiIliregiitrc- (lesnction-
naires dc Rarcelona Traction, pendant ia guerre et aprgs, ni des rapports
créésentresidro, Securitas, Gordon, Newman, etc. D'ailleurs la Partie626 BARCELONA TRACTION
adverse ne nous a pas mis à mêmede connaître avec exactitude ces
...-.-.----~~~~ à l'heure actuelle.
Dans ces conditions, l'on se demande comment un ministre espagnol,
reauis de décrire dans un discours la situation telle qu'il en avait con-
naissance, aurait pu le faire autrement qu'en se servant, à propos de
Sidro, des mots Non su ose qu'elle possèdela majorité des actions de
Barcelona Traction» (1x 1919,.na 40,P. 175) Abstraction faite des
commentaires que l'on pouriait faire à pÏopo;de la signification de ces
mots, faudrait-il, de toute façon, voir danscette référenceune reconnais-
sance aui devrait engager définitivement le mêmeministre et, au-delà
du mi~;istre, 1'~s~ag~e~elle-mème àne jamais plus dire, ou mieux à ne
jamais plus r su. .ser nrien de différent? C'est. disons-le, proprement
iidicule:
Tertio. Que les particuliers espagnols désireux de mettre fin une fois
pour toutes aux pressions réitéréesa,u battage organisé,l'action multi-
forme engagéesur le plan internationald'abord, puis sur le plan interne,
par les tuteurs de Barcelona Traction, aient acceptà certains moments
d'entrer en pourparlers avec les personnages qui menaient le jeu, c'est
fort comnréhensible. Mais au. .ourrait sérieusement soutenir au.. ce
faisaiit. iis auraient fouràileurs interlocuteurs uiie sorte de certificat
d'où il ressortirait que Sidro avaujuridiquement n la qualité d'naction-
naire ude Barcelona Traction et fait à ce-sujet une reconnaissance sans
possibilite de retour en arrikre? Et qui pourrait sérieusement soutenir
qu'en parlant de Sidro et de Sofina comme de sociétés belgesou du
lacents àces sociétésétaient belges? reconnaitre que les intérêtssous-
A plus forte raison- et c'est bien plus important encore- l'on ne
voit vas comment les autorités es~aenoles. aui.à contre-cŒur. ~ressées
par tant de gouvernements différênt;,acceptaient parfois de recévoirles
défenseursde ceux qui prétendaient avancer des griefs, auraient fait par
là mêmedes aveux~com~romettants. L'on ne voit Das. en ~articulier.
quélles conséquences 1'0; devrait tirer du fait que 'ces'autôrités aient
reçu un a\,ocat en renom préscntépar le Gouvernement canadien. pro-
tecteur attitré dearcelona Traction. et en mCiiietemns Darle Gouverne-
ment américain, et qui se qualifiait lui-même tantôt'd'avocat de Sidro.
tantôt d'avocat de Sofina. Et rien qu'à cause de cela le Gouvernement
espagnol se serait définitivement privéde la possibilitéde vérifier,le jour
où un procès dans l'affaire s'ouvrirait devant la Cour internationale de
Justice, si en 1948 Sidro avait vraiment, en droit, la qualitéaaction-
naire »de Barcelona Traction? Il suffit de poser cette question pour se
rendre compte de la nécessitéd'une réponse,négative.Et avec cela on
mettra un point final àces remarques à propos d'une argumentation qui
n'en mérite certes pas davantage.
Mais les tentatives de diversion faites par la Partie adverse au sujet de
la auestion dedroit aui nous occupe ne sesont Daslimitéeà celle que I'on
vie& d'évoquer.On dii perdre dans le passéÙntemps considérable pour
examiner toute une liste, toujours renouvelée. d'affaires dans lesquelles
la Partie adverse a voulu trouverà chaque fois.une réponse Idécisive»
aux observations du Gouveriirnient esy;ignol Souveiit 'l'ona étéobligé
de replacer patizninient ces cas dans lcur contcste. en les débarrassant
des dL:formationî dont ils avaient étél'objet Et I'on a DU finalemént
constater soit qu'il s'agissait d'hypoth&ses'dépourvuesdétout rapport
avec la situation d'espece et la question qui s'y pose, soit que, pour PLAIDOIRIE DE M. AG0 627

moindrc goutte d'eau ail niouiin des thésesi>elges.e nature a..rter la
Toutefois, &\,idemiiicnt convaincue de I'utilit; qu'il y aiirait polir elle
ii~oiirsiii\frc~iiirune \oirsusceptiblededctourner l'attention ilu vérit;~ble
p;obl&meet d'éviterainsi de 16placer dans soncontexte propre. la Partie
adverse a repris, dans ses dernieres plaidoiries, ses exercices précédents.
Dix pages du compte rendu du 7 mai (VIII,p. 444 et suiv.) sont en effet
consacrées à de nouvelles gloses sur de nouveaux prétendus précédents
judiciaires ou au rappel de situationspratiques ou d'opinions doctrinales.
Et sur ces dix pages, huit ne traitent que d'une affaire qui nous a déjà
occupés bien plus qu'elle ne le mérite, mais à laquelle il paraît que. de
l'autre cOtéde la barre, l'on continue attribuer de l'importance. Il
s'aeit du cas du ressortissant américain RlcPherson. dont la Commission
am,:ricariv-nitsic;iinc :tc~ileillitiq2.3 la r;cl;im.ition contrc le Cou\,er-
ncment mrxic~in, ce ileriiier ayiiiit refusé dc Iiii]13)'çrdcj maiidats
poitaux que .\lcPhcrson 3i2aitfait ;ictirttr par un qrnt :iupr2s d'autorités
illégaleset que cesdernière; avaient 6misau nom de cet agerit
La Partie a<lversenuiis pardonnera si. iouciriix de passer rapidement
ides areuments Douvant ~Ïusutilement nous aider à risoudre laauestion
qui nous occul>e,'noii~.sacrifionsmtiintciiant ;icrttc ;~fi;~irnon ptis Iiuit
p:iges mai.; seulenient qiit~l(]ueslignes. Cela d'autniit plus que. dails les
loiies dé\~eloooement.çionsacr4s 3.l';iff;iire.\lcf'licrîon nar mon honorable
co&~dicte<r: je ne trouve absolument rien qui pui;se m'empêcherde
confirnivr çii entier les remarques faites ():IrIC(;ou\,erncment espngriol
ails pngcs969 et 970dr.la dul~liilii~ .\'II).La dt'iiîion, dxiis rrttc ~ffnirc.
quel qu'en soit le bicn-fond6 qiie noii, ne prenons pas icieii coiiîidtration.
essentiels et dans son esprit même,et non pas d'un seul point de vue
comme le voudrait la Partie adverse, est manifestement dérogatoire par
rapport aux principes du droit international général.
Ce que, par contre, nous tenons &préciser,c'est que si nous avons dit
et si nous répétonsque l'affaire McPherson est sans rapport avec la
nBtre. ce n'est vas Darce au'il nous dairait d'exclure en théorie toute
possit;ilitc'd<.comparaison bnrro la siiiiation d'un no?nrtrepail nom diiquel
on inscrit de; titres et celle d'un m:indataire auquel on confie I'acliat
d'un mandat uostal. Ceaue nous tenons à relever. c'est aue dans l'affaire
\lcl'hsrson la'clii?stionl't:iit dc savoir ii qiii rcvriiait le contenu Cconorni-
qiie de la propriété del'argent repr6sentépar le mniidat Dans notri: CU.
par contre, il-ne s'agit nuliementde savoir qui peut revendiquer en der-
nier ressort le contenu économique de la propriétéd'une action. La
question est de savoir qui des deux peut se qualifier d'icactionnaire »,
c'est-à-dire uui est. iuridiuuement, membre de la société: l'actionnaire
iiiscrit ail re&sire dela iociété,ou bien le beneficidlowiidr.:iiiqiicl juste-
rilent ne rc\*ici~tque le contenu Cconomiquc dc la propriét; de 1';iction.
On aura. d'ailleiirs. I'occaiioride revenir d'une inaniCrep.u., -;iiéralc.sur
cet aspect, qui est ?aspect cléde la question.
Qu'il suffise de dire ici, à propos des prétendus précédents,qu'il est
entièrement incorrect de dire. comme on le lit dans le comDte rendu du
7 mai (VIII,p. 444), que chaque fois qu il y a une division déla propt'iété
entre un leeal owneret un beneficialowner on aurait coiisidéréla position
aîpectç de la propri6tL,vit 11,giqiit.nirritprC~miiir.ntqii3n4rili'aqit (le la
partie qui lui re\.ient. Le L?>ie/icilÿtitr entrrre sri11en I.gne dr.compte628 BARCELONA TRACTION
là où la question ne concerne que le contenu économiquede la propriété;
ce sera lelegalowirer,par contre, là où la question a essentiellement trait
au contenu juridique de cette propriétéet à ses conséquences.
Quant aux autres citations faites par mon honorable contradicteur au
cours de sa plaidoirie du 7 mai (VIII, p. 447 et suiv.). je ne m'attarderai
pas sur celles qui ne sont qu'une simple expression d'opinion, ou une
description de la pratique d'un organe de droit interne auquel nous nous
sommes déjàlargement arrêtésdans la duplique (VII,p. 970 à 973).
J'aimerais par contre dire encore un mot à propos de l'article 20 du
projet rédigépar les professeurs Sohn et Baxter pour le compte de la
Harvard Law School. àla suited'une suggestion de la division de codifica-
tion du département juridique des Xations Unies.

L'audience.suspendue à II h 15, est reprisà II h 40

Ceprojet est bien connu des membres de la Commission du droit inter-
national, qui ont eu l'occasiond'assister àla présentation de ceprojet A
la Comniission et qui. se souvenant des réactions qu'il y a provoquées,
auraient quelque hésitation à lui attribuer une autorité autre que celle
d'une opinion personnelle. Nais soit: puisque mon honorable contradic-
teur y a fait allusion. voyons ce qu'il contient.
Prévoyant la possibilitéd'une réclamation individuelle de la part d'un
étranger qui a subi un préjudice,le projet de convention envisage, entre
autres, le cas d'un étranger qui détient une action ou un autre «titre
analogue de propriétéou d'intérêt dansune personne morale »(an alien
whokoldsa sharei91,or otheranalogouseuidenceof ownershiporinterestin
a jurislic perso~r).
Alonhonorable contradicteur, tout en étant trèsprudent dans la forme
de ses commentaires, aimerait manifestement pouvoir déduire de ce
texte que les auteurs du projet n'auraient pas pris en considération seule-
ment la position de l'cactionnairer proprement dit (shareholding); ils
y auraient ajouté aussi celle dei personnes ayant autrement des droits
ou des intérétsdans une société.Et il plairait toujours à mon honorable
contradicteur de pouvoir eri conclure que la situation du berieficialowiier
serait, par là, couverte par cet article.
Seulernent, attention! Le texte en question ne concerne pas seulement
des sociétéspar actions, des cornfianiesou corporations,mais toute forme
de jrtrislic perso~i,de personne morale. Or, ce ne sont que les cornpatries
qui émettent des actions en tant que document faisant la preuve de la
participation à la société.Siletexte n'avait mentionnb que le dbteriteur
d'une action, il n'aurait pas couvert la situation des membres d'une
personne morale autre qu'une sociétéanonyme, c'est-à-dire de l'une
quelconque de ces nombreuses autres formes de personne morale prévues
dans les différentssystèmes juridiques du monde. Il suffit de penser. à
titre d'exemple, aux associés d'une #arlnershi# qui ont la propriété
(ownership) de leur part dans l'association. ou aux membres d'une
société à responsabilité limitée, dont le nombre des parts indique la
proportion de leur iiitérétdans la société. C'estpour cela qu'à cOtédu
détenteiir de l'action le projet mentionne aussi le détenteur de tout autre
titre an:ilogue de participation dans une personne morale d'un autre type.
Quelle conclusion en tirer? 11semble évident que le projet des profes-
seurs Sohn et Baxter n'admet de réclamatioii de la part d'un membre
d'une personne morale que s'il détient le document destiné à prouver PLAIDOIRIE DE M. AGO 629

nrécisémentsa aualité de membre: l'action dans le cas d'une société
fin~n~iiic,uiititr;analogiir.dans le c:ij d'unr pcrsonna rnorale difi2rerite
Ce qu'il faut, d..ri-.tous les c:i~.c'cjt 1'~sistcncttitirconstituant 13

Monhonorable contradicteur a dit, à un moment donné,que la formule
de l'article esaminé couvrait nécessairement la situation dunominee. Te
serais tenté de lui dire que je suis parfaitement d'accord, mais enttr'i-
buant peut-être à cette phrase un sens diamétralement opposé à celui
qu'il voudrait lui donner. Car l'actionnaire inscrit au registre est effective-
ment celui qui holds the sharequi iidétient l'actioin,ce document qui
seul est la preuve deça qualité de membre de la sociétéet qui lui donne
tous les droits afférents cette qualitb. C'est lui, donc, qui, dans le sys-
présenter une réclamation; c'est lui et non pas lbeneficialowner,qui ne
détient pas l'action et qui n'est pas juridiquement membre de la société.
Si une conclusion donc peut êtretirée de l'examen du projet Sohn et
Baxter, elle ne pourrait quo confirmer celle que j'ai énoncée,sur le plan
rrénérali.l va auelaues minutes.
- La ~artre aader;e a aussi fourni, au cours de ce procès,certaines con-
sultations qu'elle a demandées à des cabinets d'avocats reiiommés.Ces
consultations contiennent ~arfois des observations savantes et fort utiles
pour qui voudrait enrichir Sesconnaissances au sujet de certaines iiistitu-
tions iuridiques des pays de common law. Nous nous sommes parfois
ran~octésnous aussi. dans la hase écritede ce urocès. àdes ~assiees de
ce;'consultations, montier que ce qui s'y frouvait écrith'ap@rtait
nullement aux conclusions de la Partie adverse l'aide que celle-ciespérait
v trouver. Cela étant. toutefois. la Partie adverse nous excusera de ne
pas considérer cesconsultations'données à une partie à un procèscomme
vérité d'évaneileen la matière et de refuser de transformer notre débat
en une oolémiaue sur I'internrétation de ces testes. Nous référons
continue; à &ndre comme kférence des autorités doctrina'les dont
l'objectivité est lus évidente et auxquelles nous avons souvent fait
alluiion. En mêmê temps, nous ne pensons pas qu'il faille perdre du temps
pour recliercher si le systhme particulier de droit interneà la lumière
duquel doit être appréciéela situation respective de Gordon & Co.et de
Sidro par rapport à Barcelona Traction doit être le droit de 1'Etat de
New York ou plutôt. comme nous le pensons et comme nous l'avons
déjà notédans la duplique, le droit cariadien. Les questions fondamen-
tales, et en définitivetrès simples, qui nous intéressent, ne se posent pas
d'une manière différentedans le premier ou dans le second ni non plus
dans les autres systèmes se réclamant du commonlaw. Et mon honorable
contradicteur qui, plein d'indulgence pour nous qui lui semblions nous
perdre dans les méandres d'un monde juridique mal connu, a fort aima-
blement fait, lors des plaidoiries sur les exceptions préliminaires (II,
p. 513 et suiv.) une leçon sur les principes générausde ces systèmes. me
paraît être le dernier qui puisse parler aujourd'hui avec mépris d'un
svstème de contmoptlaw -énéralet non déterminé, a veneral and unspect-
Gd comntonlamsyslem auquel,à son avis, nous ferions référence.
Celaétantdit. et polir en venià l'essentiel, nousvoudrionscommencer
par mettre en évidence que, en dépit des réticences plus ou moils
avouéesque l'on peut rencontrer dans les écritures ou dans les expo:es
oraux de nos contradicteurs. les Parties sont bien d'accord sur certains
points fondamentaux.630 BARCELONA TRACTION

Le premier de ces points d'accord est que l'inscription de biens et, en
oarticulier. de titres au nom d'un nominee a oour effet de scinder la
propriétédes titres en deux:la legalownershipoÙlegaltiUequi revient au
nomineeet la beneficialownershibou beneficialinkrest qui reste à l'ancien
propriétaire.
La legalownership - à propos de laquelle on a pris acte très volontiers
qu'elle a son origine dans le acommonLawns la-réet la beneficial ownership,
- dont on est égalementsatisfait de savoir qu'elle émanede I'equity -,
représentent. chacune de son côté. un ensemble. un faisceau de droits
diitincts. II y a une deuxième constatation sur laquelle les deux Parties
se trouvent avoir des opinions concordantes. En général, comme nous
l'avons fait remarquer,-l'on peut dire que l'élémentplus proprement
juridique du droit de propriété setrouve réunientre les mains du legal
owner, tandis que l'élémentou, mieux, le bénéficeéconomique de la
propriété revientau beneficialowner.
En troisième lieu. dans le cas particulier où le rapport ici examiné a
pour objet des actions, on reconnaît de part et d'autre de la barre que
c'est le leeal owner. c'est-à-dire l'actionnaire inscrit aux reeistres. aui a
certains dioits. Cesont les droitssuivants: participer aux assemblées'ety
prendre la parole; voter sur des questions d'administration ordinaire
. ..robation des cornotes. élection-des administrateurs): .o.er sur des
question; d'administ;ation exiraordiriaire (nioditication de* statuts.
ctiangement du siège.augmentation (Ic.capital. transfo~ations. fusion>.
dissolution de la société.etc.); 2trc informédans certaines circonstances
de la situation de la ~ociét6;\<rifier Ics livres; attaquer. le cns t!çlii.ant.
lesdélib4rationsde I'assemblSc; a~ir en respon~al~ilit~coiitr~Irsa<lniiiiis-
trateurs; encaisser les dividendes; exerce; les options; vendre les ac-
tions; recevoir sa part du reliquat d'actif en casde dissolution.
Le beneficialowner, par contre, a le droit d'exiger du legal owner la
remise du montant des dividendes ou, le cas échéant.du résidud'actif;
et la Partie adversenous signale que c'est luiqui, par conséquent. paie les
impôts sur ces montants. ce qui nous semble parfaitement normal. C'est
aussi le benefinalorner oiii a ie droit de donner au lepalo~ ~rdes -i~ec-
tives en ce qui concerne~ussi hienlesvoiesqiielcsactionsàengagercoiitre
les décijiorisde I'assi!mbléeou contre les atlminijtrateurs: de doiiner,
toujours au legal owner, des instructions relatives l'exercice d'options
ou à la vente des actions; et, finalement, d'agir en réparation contre le
legal owner en cas d'abus dans l'exercice de ses pouvoirs. Il est enfin
également reconnu par les deux Parties que le legalowneret le beneficial
mner peuvent tous deux disposer des droits qui entrent dans leur compé-
tence respective et les transférerà d'autres.
Ilans &!sconditions. IL.Gouvcrnriii<:nt espagnol tient A réafirmer une
fois de plu, q11'iln':~jamais eii I'i<l$edprétendre que le lepl ou ne7<tait
tout court des actions.n droit. le véritable. .opriétairc.ou le. .opri6taire
11a toujours fait valoir que ni le legal owner ni le benejkial owner ne
sont propriétairesau senspropre du terme et n'ont droit à se qualifier tels,
cela pour la bonne raison que le droit de propriétéest scindéen deux et
qu'un véritable propriétaire ne réapparaîtra que le jour où les deux
parties séparéesde la propriété setrouveront de nouveau réunies chezla
même personne.
La position du Gouvernement espagnol à ce sujet n'a absolument pas PLAIDOIRIE DE M. AGO 631

varié.Par contre, c'est la Partie adverse, ce sont le Gouvernement belge
et les intéressés pourlesquels il agit, qui, en changeant d'avis non sans
désinvolture, selonleur convenance, ont pris tour à tour sur ce point des
attitudes extrêmeset contrastantes, aussi erronéesles unes que les autres.
Nous avons déjàeu l'occasion de noter qu'à une époque nonsuspecte
- c'est-à-dire avant que le Gouvernement espagnol ait soulevé des
questions découlant de l'inscription des actions Barcelona Traction au
nom des firmes Charles Gordon et Newman - le Gouvernement belge
n'avait pas hésité à traduire expressément l'expression legal ownership
par le termeiipropriétéa. Et il faut remarquer aussi qu'Ala mêmeépoque
la description de la situation respective du legal owner et du beneficial
oww faitepar la Partie adverse était singulièrement plus objective que
celle qu'on a eu l'occasion d'entendre par la suite.
Mais ce n'est pas tout, car ily a eu par le passédes manifestations de
sympathie beaucoup lus pousséespour la position du lecal owner. A la
Gagé812 des annexe< au mémoirebelge on-peut lire l'appui d'une
demande de terceriadedominio présentéeau tribunal de Reus le 3 janvier
1052 au nom du National Trusi. le reouérant avait produit une attesta-
ti& d'un notaire public du canada domiciliéen Ontario. On y attestait
que le National Trust apparaissait, du II avril 1913 au 19 avril 194g.
dans le livre-reeistre dei actions de Ebro Irrigation tenu Dar le même
National ~rusc comme détenteur enregistré-de 24840'actions. Le
notaire canadien en déduisait que National Trust était «le propriétaire
absolu desdites actions sans limttation aucune W.Il convient de noter tout
de suite, pour prévenirdes remarques faciles de la Partie adverse, que si
le tribunal a refuséde tenir compte de l'attestation, cela a été.comme on
peut le constater dans les mêmesannexes au mémoire(p. 817). pour les
raisons suivantes: que ce n'était pas le livre-registre comme tel qui était
produit mais une attestation d'un notaire relative à son contenu; que ce
liwe émanait du demandeur lui-mêmeet ne ~ouvait donc oas être
considkrécomme probant en sa fa\.eur: que la d2d;ction <lunotait! quant
à la propriétédes actions n'avait que la \.aIcur d'une opinion personnelle.
En d'autres termes. le tribunal n'a ris aucune ~osition conire la thèse
elle-même.
Avec cela - disons-le une fois de plus, quitte à donner à notre hono-
rable contradicteur le plaisir de nous accuser de nous répéter - le Gou-
vernement espagnol ne partage nullement l'idéeque le fait d'êtreinscrit
au registre fasse de la personne enregistrée le iipropriétaireabsolu » des
actions. Mais il ne peut partager non plus l'opinion opposéeque la Partie
adverse avance aujourd'hui avec une égale aisance et avec une non
ownerre-imserait le beneficialowner.e rvéritable propriétairae- thetrue
Dans notre cas, en effet - et c'est bien là le nŒud de l'affair- il ne
s'agit pas de savoir qui est le propriétaire, ni même s'il y a un proprié-
taire. Moins encore s'agit-il de retrouver cet être inexistant auquel on
essaie arbitrairement de donner une existence en parlant de "véritable
propriétaire n.
O'nsait pÿrfaitemcnt. de ce c6téde la barre comme de l'autre, que la
propriétécomme !elIr:ne pouvant résulterq~iede la jonction du lr(l1Lille
avec le beneficialtnlercst. ni Charles Gordon & Co. ou Newman & Co. en
tant que simple legnlownn. ni à plus forte raison Sidro en tant que bene-
ficial owner, ne pouvaient se qualifier en droit de ((proprictairesn des
actions inscritesau nom deCharlesGordon d'abordet de Neufmiinensiiite.632 BARCELONATRACTION

D'ailleurs, ce que la Partie adverse a pu tirer comme conclusion de sa
fouille minutieuse de la pratique, c'est que celle-ci a toujours refuséde
considérer comme plein iipropriétaire iiun legal owner auquel ferait
défautla beneficialowitership: nous l'avions reconnu avant mêmeque la
Partie adverse ne s'adonne à cet exercice. Mais de l'examen de la même
pratique il ressort avec une non moindre clartéque, dans aucun cas non
plus. un beneficialowner ne possédant pas aussi le legal title n'a été
traité comme un iipropriétaire>,. et ce en particulier aux fins d'une
réclamation internationale. Libre à la Partie adverse de se consoler
facilementen faisant observer que l'absence de tout précédenten faveur
de sa thésen'est pas encore un précédentcontre sa thèse. La constata-
tion qui s'impose n'en est pas moins là: si la pratique n'offre pas de
précédent pourappuyer les conclusions qu'il aurait plu au Gouvernement
belge d'étayer,c'est que la pratique ne peut pas consacrer quelque chose
quiseraitlogiquement uneaberration, àsavoirquepartieseraitégal àtout.
Cela étant. ce qu'il faut établir aux fins qui entrent ici en Iigiie de
compte. ce n'est pas non plus si. des deux sujets qui, au moment de la
faillite, se partageaient la propriété dissociée des actions Barcelona
Traction, Charles Gordon & Co. devait êtreconsidéré commeayant
été plus propriétaire que Sidro ou vice versa. Comme ou l'a dit dès le
début, la question est de savoir lequel des deux, à l'époque,devait être
qualifié d'cactionnaire a.
cActionnaire a et iipropriétaire d'actions » ne sont pas des termes
synonymes. encore que, dans le cas le plus normal, les deux qualités se
trouvent réuniesen la même Dersonne.
En disant cela, l'entends dijà le commentaire de mon éminent contra-
dicteur: argument terminoloaia.-,.formalisme. verbalisme. Il distribue
\,<gloiitiece-,qiialihcatifs<~ii;iiidiinr.arçiinicnr;~li panni~s.convienr
11.;jcsoii lorsqii'il lierroiivc lnsd'oblvctir>n [>liissl><'<.iIiiiolq.oser.
Mais nous n'avons aucun uenchant DOU; le Gerbaliime ni ~our les
questions de pure terminologie. Xouc posons tout simplement des
questions de droit. Et en droit les termes ont, normalement du moins,
une sienification orécise. S'ilssont distincts. c'est.au~,oar eux l'on veut
(l&igiierdi.< r;:ilit;.i diitincr171?iiii',:srdonc plti, iii,idiiii,~il~l~aliicdt:
1t.itrsit~:rcoinriies'ilsGtniviitiiircrcliniic~:il~lc,uii Iiivn(lem~.itrcl'un Qla
olace de l'autre. ouitte à déchareer sauconscience en accomoaenant les
kots Na'ctionnarré,,ou . proprigaire » d'adjectifs tels que' ";rai n ou
iiréelo,ou de locutions comme cpour toutes fins importantes iiet d'autres
encore.
Quant au terme spécifiqued'ilactionnaire r,nousl'avons entendu men-
tionner tant de fois par la Partie adverse au cours de ce procès, que ce
n'est pas sans surprise que nous assistons maintenant à sa dépréciation
inattendue, et que iious voyons le Gou\,ernement espagnol accusé de
s'intéresser à quelqu'un qui possède le nom mystique d'ciactionnaire 3)
(somebodywhopossessesthelnystic name ofshareholder) - je me référe à
la page 442, VIII.
Alaislaissons la mystique à des occasions plus propices et revenons-en
au but. Nous raisonnons ici, en particulier, dans le cadre de cette institu-
tion si chère à la Partie adverse qu'est la nprotection diplomatique des
actionnaires d'une sociétécommerciale». Nous ne discutons pas ici du
point de savoir si et dans quelles conditions une telle protection peut
êtrelégitime.Demandons-nous seulement ce qu'elle peut signifier.
Protéger I'uactionnaire nd'une société ne peutvouloir dire autre chose, PLAIDOIRIE DE M. AGO 633

en termes de droit, que proteger le socius, le partenaire de l'organisa-
tion sociale, le membre de la corporalion. Le lien qui unit la sociétéet
les actionnaires - je cite ici la réplique du Gouvernement belge, V,
page 644-«est un lien statutaire et organiquecnquelquesorte, puisque
les actionnaires forment précisémentle gror~fiemend t ont la sociétéper-
sonne juridique est l'expression ou l'actualisationn.
Si donc il y a lieu de protéger l'ciactionnaire u,ce n'est pas, comme le
voudrait maintenant - et pour cause - mon honorable contradicteur
(voir VlIi, p. 443), àcause de son lien avec les <iactions u,mais à cause de
son lien avec la esociété ».
Les. actionnaires IDcomme le dit toujours le Gouvernement belge, sont
les <imembres » de la société.Par conséquent, uactionnaire » ne peut
être que celui qui détient et exerce, envers la société commeenvers les
autres partenaires. les droits de imembre » de la société.
Or. l'on a vu et l'on a notéen détailquels sont les droitsqui se trouvent
respectivement attribués au legal owner et au beneficialowner. C'est le
premier et lui seul qui détient des droits sociaux, qui est cimembre n de la
sociétéet qui agit en cette qualité. II est, lui et lui seul, isociétaire 2.La
situation juridique du beireficialowner se résumeen une série dedroits
envers I'actionnaire, non pas envers la sociétéou envers les autres
membres.
II est partant manifestement impossible, voire logiquement absurde.
de considérer comme actionnaire»
la personne dont les intérèts par
rapport aux actions sont justement protégéspar l'attribution de droits
envers 1'«actionnaire n.Oue l'on ne vienne surtout vas obiecter aue dans
ccrt:iiii> iy>tkriicajiiri(Ii;ji1'011coiiii.îitrni(ICS iR;titutions. te'iiejque
Icidcrra?lric.saris dii droit xii6ri<::iin<~iifcr:iient :il>[>:.rniezc~ptioii-
iiellcnic-litla rx>îsil~ilclrI'csercicc d'une action socinle mLbine de ln I1:irt
du beneficialowner.
La derivative sacilest une action que l'actionnaire minoritaire peut
exercer aux lieu et place de la sociétédans les cas exceptionnels où la
société, dominéepar une majorité coupable, refuse d'agir ou manque à
son devoir dans ce sens. Et sidans un cas - dans un seul cas en fait 7 il
parait qu'on ait admis aussi un beneficialowner à agir, cela a étéaux lieu
et place de I'actionnaire, ce dernier à son tour n'ayant pas agi. Ce n'est
pas sans raison que de telles actions sont qualifiéesde derivafiue.Leur
c:~r.icrbrr.il'actior;; e>t.r(:;',.ipilr <IU~I~'U3xIII~PIeIt p13ce(le~~uc.Iqu~iiii
iI':aiitrcsuirlrgnc ni:iiiii~:s~~-niit.lurjr ~liidc 1';~tr~iiii~rl.n tliitiri~tion
cntrc l~ctioriiiiiirect le b?iitfir1[11ÿncr, coniiiie elle .,oi-li~ii~cellt: entre
l'actionnaire etla société.
Les conclusions auxquelles nous avons abouti sont en général valables
pour toute hypothese où des actions d'une société commercialese trou-
vent étre inscrites dans les registres de cette dernière au nom d'un
cactionnaire IIqui n'est pas en mame temps le beneficialownerdes actions
en question.
Maintenant. soucieux de ~arder à son ex~osédes limites raisonnables
et de ne pas abuser de la paFience de la CO&, le Gouvernement espagnol
ne rapportera pas ici une fois de plus toutes les raisons pour lesquellesces
concïGions në veuvent aue s'imooser à dus forte raison dans un cas
conini,:IV iii~trc.'uùILf.ii;ii;mi: I<.>nct;t,ni sontiii~ritc,j:nunoiii ,l'un
actionnaire tliîtiiict Jii Lzr~rfici03 >r?rn ,:SIpn; uu\.rrti.nient (1;clnrCet
n'a~~araît pas au mand jour, mais reste undisclosed.son but étantvréci-
sémèntde créerune app&ence différente.634 BARCELONA TRACTION
A ce sujet, nous nous permettons donc de renvoyer avant tout aux
considérations détailléesdéià exooséesdans le contre-mémoireet dans la
duplique. Ce que nous ne >ou;ons toutefois pas manquer desouligner
avec plus de force encore, c'est précisément lefait que, dans notre affaire,
nous ne sommes pas du tout en présence de l'un de ces cas de simple
recours à la pratique dite des nominees,qui n'a d'autre but réelque celui
de rendre plus facile la négociation des actions nominatives, et dans
laauelle la oualification de nomineeaooaraît dans la raison sociale de ce
deinier, ou iui est ajoutée dans les régistres, ou encore est de notorikté
publiaue. Si. dans le cas d'espèce, lestitres ont étéostensiblement ins-
critsau registre de la société-au nomd'un autre actionnaire. dont rien
n'indique Gx tiers la ualité de nominee,c'est que, ce moyen. Sidro
personne,turedissimuler autant que possible leur existence et, surtout.
leur nationalité, pour parer Ades dangers ou pour se procurer desavan-
tages.
Que l'on ne se méprennepas: nous ne voulons pas du tout exprimer..
par la, des critiques Apropos de ce que l'on a fait. Nous voulons simple-
ment dire aue l'on neveut oas iouer sur le fait.ue~ ~ m~meterme ~uisse
&Ireappliq;é A la de;c;ipti;n d'iiyl>othésesqui n'ont aucune rcssem6lance
entre elles pour essayer d'zssin~ilerune situatiori donnéeAune autre toute
différente.-Pour juger du sens et de la portée d'une opération, ce qui
compte c'est sa réalité concrète, ce sont les conditions de son exécution
et les finalitéspoursuivies. II n'est pas permis d'entretenir deséquivoques
verbales pour minimiser l'importancede cette opérationet pour se libérer
de ses conséquencesquand elles ne font plus l'affaire.
Pour en revenir au cas d'espèce,l'on ne voudra certes pas nous faire
croire que le partnership de droit américain Charles Gordon & Co. avait
quelque chose decommunavec l'une quelconquede cesfirmes profession-
nelles de nominees, crééespar des banques et des agents de change et
dont on utilise les services pour les transactions et autres opérations
courantes sur les titres. Ce partnership était composé de MM.James
Swciael. Charles Wilrners. tous. aui vlus oui moins. membres des conseils
d'administration, vice-présidents, présidéntsde sociétéscomma Sofina,
Sidro, Secuntas. Chade, Sovalles, Barcelona Traction. Mexican Light,
etc. De telles personnes ne prêtaient certes pas leurs noms et ne s'aiso-
ciaient certes pas entre elles pour l'exercice des fonctions habituelles
d'une firme professionnelle de nominees.
L'inscriotion au nom de Charles Gordon & Co. des actions orkcedem-
ment insches au nom de Sidroa étédécritepar les intéresséseux-mêmes,
dans l'annexe II aux observations et conclusions. Il s'a~issait d'une
opération conçue et réaliséedans le cadre de l'ensemble dei précautions
prises contre les risques de guerre. A l'origine sonbut était donc de créer,
pour certains biens, une situation à tout le moins avoarente - mais
d'autant plus solide qiie l'apparence s'approchait dc la ifal-tédcstinee
A les protc'ger contre les mesurrs (.ientuelle; qu'aurait pu prendre le
Canada. ou aussi de; pscii<lo-~ou\.çrnernentcr6ésvar I'.~llemarnz dans
les pays occupés. Toitefois, jar la suite, l'opération a étémaintenue,
malgréla finde la guerre et de ses dangers. Ellea mêmeétérenouvelée.ou
Traction. Sidro n'a pas donnésuite1àI'intentionqu'elle avait manifestéeen
1946de demander que les actions luisoient retransférées.Cesactions sont PLAIDOIRIE DE M. AGO 635
restées inscrites au nom de Charles Gordon & Co.Jusqu'au 21 mai 1948.
date à laquelle elles ont ététransorées au nom d'un autre parlnership
américain, Newman & Co. En fait, elles sont restées dans les mêmes
mains,, car Newman & Co. n'est qu'une nouvelle association, créée
ipso factoet sans un nouvel acte constitutif en vertud'un articlede l'acte
de création de Charles Gordon & Co., et composée exactement des
mêmes pari?iersà l'exception naturellement de M. Gordon A,uchincloss,
décédé et remplacépar M.Samuel Newman,trésorier de Securitas.
Toute l'opération. donc, aussi bien lors de sa premièreréalisationque
lors de son renouvellement. a étéeffectuéeafin de créer. à vropos de
l'appartenance des titres déjà inscrits au nom de Sidro. ;ne apparence
américaine. En l'espèce,la nature juridique des rapports instaurés finit
mèmeDaravoir uneim~ortance toute relative. car c'est touiours le même
groupi qui apparait &us différents bonnets, comme ben'eficialowner,
cuslodian. truske, acent.nominee.etc. Souvent c'est la même personnequi
signe une convention des deux côtés.C'est en fait le groupéen tant que
tel- largement composé d'Américainsd'ailleurs -qui tend à se donner
des traits américains en se reconstituant. et ce jusqu'à deux échelons,
sous forme de sociétésaméricaines.
L'apparence ainsi crééet surtout préservée pourassurer une continuité
manquer de noter le rapport entrecette apparence et les notes diplomati-
ques envoyéesau Gouvernement zspagnol le 22 juillet 1949,l12 juin et le
z juillet 1951(A.E.P. 1960.no 171,doc. nos1,3 et 4) par le Gouvernement
des Etats-Unis. Ce dernier, on le sait, y manifestait son très profond
intérétpour cette affaireà cause des intérêtsde ressortissants américains
dans Barcelona Traction.
Préoccuo. .ar ce ra~vrochement. le Gouvernement belge a vri-
récemment - le 25 mG'1~6~ - l'initiative d'envoyer une lettre au
Gouvernement américain pour lui demandcr si la formule «les intérêts de
ressortissants américains,;mentionnée dails la première des trois notes
se référaitseulement à des personnes intéresséesà la sociétéen tant que
rpropriétaires ou beneficinlownersa (possessing a proprielary or beneficial
interestiithe corporation), ou bien si elle se référaitauàdes ressortis-
sants américains qui, agissant en tant que trusteesou agentsou nomznees
d'autres personnes non américaines,n'étaienteux-mêmes nipropri-taires
ni bencfiAalowners (lacked n proprietary or beneficialinterestj.
Admirons I'habiletb avec laquelle la lettre est rédigée.Elle paraît faite
pour appeler la réponsedésirée;et, en effet, la réponsen'a pas tardé. Le
Gouvernement américain a répondu le 5 juin que les «intéréts deressor-
tissants américainsn mentionnés dans la note en,question étaient bien
entendu ceux de personnes possédant dans la société irapropuielary O*
beneficialinteres».La plaidoirie de rnon honorable contradicteur n'a pas
manqué, comme il fallait s'y attendre, d'exploiter cette réponse et de
nous dire (VIII, p. 450) qu'il était bien évident que le Gouvernement
américain n'avait en aucune manière considéré Gordon & Co: et New-
d'épiloguersur une séried'autresecoiollaires d'où il ressortirait naturelle-
ment oue le Gouvernement américain é~oiiseraittoutes leç thèses belres
sur le &jet dont nous traitons. r -
Nous serions-nous donc trompés?Faudrait-il penser, comme le veut le
Gouvernement belge, que le Gouvernement des Etats-Unis serait inter-
venu àtrois reprises pour des personnes de nationalité américaineautres636 BARCELONA TRACTION

que Gordon & Co. ou Newman & Co.? Pris de scrupules. nous avons
procédé à notre tour à une petite enquête, non pas sur la base de let-
tres officielles et savamment rédie-.s.mais sur de sim~les faits. bien
établis.
Xous avonsdonccompté dans le registre des actionnaires de Barcelona
Traction pour 1q4S - qui constitue sous plusieurs aspects une lecture
intéressante - ii nombre des actions inscrites au uÔm d'actionnaires
américains autres que Gordon & Co. Ce nombre était de 1354 actions
sur un total de1 078 232,soit 0.12 pour cent.Or, ilest absolument impen-
sable. voire exclu. a.e ~ou. un tel nombre d'actions le Gouvernement
ni~icric;iiiisoit iiitcrvecc tioii tuoins <troii iit~;~liplom:itii~uc-;ù
il reprLriit:<itlexitencc d:iiis Hnrcc1oii:i'1.r:ictioii11iniGriti de rcisor-
tissânts américains. et cela sans comnr~~~d~ ~tres formes d'in~ ~ ~ ~i~n~
utiliséespar le même On ne nous a rappelé que trop de
fois que le Gouvernement américain n'intervient sur le plan international
que iorsque les intérêtsaméricains dans une société;ont substantiels,
voire prépondérants.Partant, dans le cas concret, il a dît nécessairement
inclure dans ses références Gordon & Co. ou Newman & Co. parmi les
(<actionnaires» américains: il n'y a pas moyen d'échapper à cette con-
clusion.
Cela étant, le Gouvernement américain a-t-il agi ainsi parce qu'il
ignorait que les titres étaient alors inscrits au nom d'un actionnaire qui
n'était pasen mêmetemps le beneficiralownerdes actions? L'absence. si
soigneusement agencée,de toute indicationextérieure à cesuiet. l'ait-clle
amen6 à assumeÏ. comme il était normal, que les firmes Gordon*.&Co.
ou Newman & Co. avaient en entier le . .$rielary interessur les actions
inscritesà leur nom?
C'est de loin l'hypothèse la plus vraisemblable. Si, comme tout le fait
penser, c'est aussi la bonne, nous ne pouvons qu'êtrereconnaissants au
Gouvernement belge d'avoir suscité la réponsedu Gouvernement améri-
cain. Car cette lettre vient confirmer de la manière la plus patente
l'exactitudede nos remarques quant àla profonde différencequ'il y a, en
pénéral.entre le cas où l'inscription de titres au nom d'un nominee est la
gimple application ouvertemént déclaréed'une pratique ayant des
finalitésbien connues, et le cas où,au contraire, l'existence d'un rapport
nomirtee-beneficialowrierest un fait Durement interne. ne ressortant as au
grand jour et destiné à créeret à maintenir une apparence à des fins tout
autres. Si, comme nous le répétons,c'est cette hypoth~?~ qui est juste,
nous ne ~ourrions souhaiter confinnation ~lus au6Ïisée du bien-fondéde
ceque njus avions relevé: à savoir que ~e'~rou~eintéresséavait magni-
fiquement réussi à se donner une apparence américainesolide.
Ou plutôt, autre hypothèse possible quoique moins vraisemblable, le
Gouvernement américain était-il au courant de tout, et avait-il pu élu-
cider tous les mysteres des rapports Sidro-Securitas -Gordon - Newman?
Et iustement Darce aue informé de toute la réalité.et connaissant la
composition de 18assÔciationGordon & Co. ou ~ewman & Co., s'est-il
refusé à voir dans ces dernièresd'innocents nominees ou de simple a~enls?

Les aurait-il considéréspar conséquent comme une vraie incarnation,
bien américaine,du groupe intéressé,et comme possédant donc aussi la
berteficialownership sur les titres inscrits à leur nom? Nous pouvons
laisser au Gouvernement belge le choix entre ces deux hypothèses, car.
à notre avis, il n'y ea pas d'autres possibles.
Ou bien, à la réflexion,il pourrait y en avoir encore une plus extrême, PLAIDOIRIE DE M. AG0 637

et ce ,.r:lit que le (;ou\~erni~rili!tniericnin. soi1n:lijj:ln1;icompoiitiun
(IIIc;ipitnl <leSolina-Sidru. ait considCrécvî soci:téî coiiinie re~réjcntant
des iitérêtsaméricains. Là aussi, nous pouvons laisser le chocx au Gou-
vernement belge.
Les trois notes di~lomatiaues iusau'ici mentionnéesne sont Dasla seule
manifestation dc l'intérêt du Gou\;ernement américain pou;13arcelona
Traction. Ce couvernement était certainement l'un des trois qui, selon
le télé-raminëde M. Heineman du 24 février 1,-0 (~ouveau docun~ent
1)rcjentépar Ic (;ouvernciiici~t bclgc en r;:poii.;fXII\ e~ccptions pr0limi-
niiirco, I;\.rici<,(q. app. 8. p. 17) aur31~111~ppu)'<un? lmmiiiciitc iI6-
iii:iri:ii~:c3nad1~1in; 'citII:~I'inier\.cnfiui~<IrI'anil>a;saileiirclc1Sr:ir;.
Unis à Madrid, hl. ~od~e: que l'avocat Arthur Dean - Américainlui-
aussi - obtiendra des entrevues avec des miiiistres espagnols; et c'est du
mémeambassadeur Lodge que hl.Dean s'efforcera,avec succèsd'ailleurs,
soit directement. soit par l'intermédiaire du département d'Etat. d'obte-
nir qu'il fasse des démarches a~iprésdu Gouvernement espagnol pour la
défeiisedes intérêtsaméricains dans Barcelona Traction. II ressort en
effet d'une note interne du ministère espagnol des affairesétrangères du
30 mars 1955 (nouv. doc. 1969,vol. III, p. 176)que, ce mêmejour, l'am-
bassadeur des Etats-Unis avait téléphonéau ministère pour souligner
<<l'intérê etxtraordinaire» que le département d'Etat attribuait à une
solution rapide et satisfaisante de cette affaire, qui continuait à préoccu-
Der ledit dé~artement. L'ambassadeur avait mémeinsistéDour aue l'on

~ ~ ~ ~ ~ ~
1955,l'on peut bien présumer que si, peu après, n'était pas apparue une
possibilitéd'action oui rendait ouuortun d'arborer désormaisesclusive-
iiivnt Icj ri,i~lciirsbelges, on :~iir:iitciicore clircndu p:~rlt.rlongtemps iles
ii~t?rCts;~iiiCric:~iIsdn~isl<:nr:clo~ix'I'ra~.tiui~.
Tout cela est. et ne Deut certes Dasêtreeffacéd'un trait de ~lume en
assimilant aprèscoup l'opérationrialiséedans le cas qui nous oc&e à un
simple et innocent recours aux services d'un Lombavd Streetnonaince.Ce
auel'on a voulu A uii moment donné. en vue de finalités~robablement
;alables, c'est que l'actionnaire titulaire du plus important paquet
d'actions Rarcelona Traction soit officiellement un actionnaire américain.

En vue d'autres finalitésque noiis ne discutons pas non plus, I'ona aussi
voiilii que cette situation se perpétue pendant toute la périodecritique
concernaiit la présente affaire. II est donc de fait que, pour toutes les
raisons que nous venons d'indiquer, soit d'ordre général,soit particulières
au cas d'espèce, Sidro en tant que telle n'avait le droit de se qualifier
d'iractionnaire u de Barcelona Traction ni en 1948ni en 1962 :la personiie
ayant titre àcette qualification était une firme de nationalité américaine
et non pas denationalité belge.
On peut donc conclure l'analyse que I'on vient d'effectuer sur un plan
juridique en formiil;iiit finalement, et de la manière la plus ferme, une
constatation. Le Goiivernement belge a déjà été incapable, en ce qui
concerne Barcelona Traction, de produire les noms des prétendus
qtactionnairesn belges individuels de cette sociétécanadienue. Nous
avons pu relever la gravité de ce fait. Alaisil n'est pas moins grave que,
lorsqu'il a avancéle nom de Sidro, le Gouvern!ment belge ait erronement
et sciemment attribué la qualit6 d',,actionnaire iià une societén'ayant
aucun titre à s'arroger cette qualité aux dates critiqiies. Partant, le 638 BARCELONA TRACTION

Gouvernement belge a tout A fait manqué la preuve de l'existence
d'uactionnairesn belges de Barcelona Traction. Déià sous cet aspect.
donc, et abstractionfaite des considérations qui suivront plus taid, il
est impossible de reconnaitre au Gouvernement belge une qualité pour
agir en la présente espèce autitre de la protection des soi-disant eaction-
naires belges de Barcelona Traction ii.
Monsieur le Président, Messieurs, nous avons pu constater abondam-
ment aue.dans l'o~tiaue du droit.la Partie adverse ne réussitDas à faire
admetire ilue les donnéesqu'elle all2gue nient la consistance ci la \,aleur
nkcessaires pour pouvoir ctayer ses prktentioiis 1.es 11r6tçndusractiori-
naires belges individuels. <ILB , arceloiia .l'ractinn ri'existent que dans ses
présomptions. d'ailleurs gratuites; d'autre part, Sidro n'a pas titre à se
vr&\.aloir, aux dates critiques, dr la qualit6 iuridiquc d'actionnaire de
Barcelona Traction.
La situation apparaîtrait-elle sous une lumière plus favorable à la
Partie adverse si l'on seplaçait sur le plan, qui semble lui êtresi cher,des
réalités «économiques ei humaines »?-
Evidemment, nous devons le dire et le dire fermement, mêmedes
réalitéséconomiquesqui seraient claires, certaines, prouvées, mais qui
refuseraient de se laisser traduire Dar les données iuridiaues reauises. ne
sauraient suffire i clles seules ii itnblir une qualité pour'agir <l<;.ant"ne
irlstaiice internntionale. SCaninoins, ilest si lacilc de faire appt:IIIréalis-
me et d'affubler de I'étiauette de formalistes ceux uui se nernictterit de se
référeraux constructioh du droit. Il est si tentant'd'évÔquer demère les
prétendues fictions iuridiques, l'existence desétres humains qui, Dar leur
iravail et leur capacité d'épargne, ont constitué des capitiux,'et qui,
ayant acheminé ou laisse acheminer ces capitaux vers une certaine
entreprise. ont subi le contrecoup des vicissitudes de cette dernière, des
mauvais traitements qu'on dit lui avoir étéinfligés.Nous allons donc
céder nousaussi à cettetentation et nousplacer sur ceplan. Nous verrons
ainsi qu'il ne s'avérera guere plus favorable aux prétentions de la Partie
adverse que celui sur lequel on s'étaitplacéjusqu'ici.
La première chose qu'il faut souligner, dès que l'on se trouve sur ce
nouveau terrain, c'est qu'ici il ne peut plus êtrequestion d'essayer
d'écarter une constmction juridique au profit d'une autre. Il ne s'agit
pas de mettre de côtéla personne morale. son existence. ses droits, sa
nationalité, pour mettre en avant l'existence, les droits, la nationalité des
«actionnaires iiIl ne s'agit pas non plusd'aller recherchercomment, dans
certaines circonstances, se dissocie et se partage, entre des sujets diffé-
rents. le contenu du droit de propriétésur des titres. ni d'aller voir aui
reviennent certninsdroitset h'qui reviennent cert:iins autres Siir le
des rCalitLiskco~ioini<lueso.n ne ~>nrlelias ssocii:tb1 etu nctionnnirçi .on

&pargne qui, tient ~ne'~lace si importante' dans les pré-
occupations exprimées par certains porte-parole du Gouvernement
belgë.
Ce que le Gouvernement belge devrait prouver, donc. une fois qu'il a
choisi de se tenir sur ce plan, ce n'est plus que Sidro &tait«actionnaire i,
majoritaire de Barcelona Traction, et Sofina cactionnaire s majoritaire de
Sidro, ni non plus que Sidro et Sofina sont des sociétés belges.Ce qu'il
devrait prouver, c'est que les capitaux réunis dans les sociétésqu'il a
mises en avant comme ayant fait des investissements dans l'affaire
Barcelona Traction sont des capitaux <ibelges», c'est-à-dire qu'ils PLAIDOIRIE DE M.AG0 639

représentent de l'*épargne belges. Il s'agira pour nous. donc, de nous
demander sile Gouvernement belge a ou n'a pas fourni cette nreuve.
Avant de nous poser cette importante toutefois: nous aime-
rions faire, avec la permission de la Cour, une petite digressioà propos
,~-~~ment des investissements effectuésDar ces sociétés:à DroDosde leur
portCc et de leurs effets pour l'cntrepri& de Uarceloiia i'rActi'on.et plus
"<néralement.,>oiirIr développement économiquede la résion-iii cons-
tituait son domaine d'exploitation.
L'occasion de cette digression m'est fournie par la brillante plaidoirie
du 15 avril dernier du professeur Rolin. A cette occasion, il nous a fait
une de ces descriptions coloréesqui caractérisent ses exposésà propos de
la situation de la Catalogne du point de vue des équipements électriques
avant et après l'arrivée de Barcelona Traction. Et il a affirméque les
actionnaires belges sont fiers de pouvoir dire que ula tres grande partie
de ces progrhs est dueàleur propre effortà celui notamment de la société
Sofina, principale actionnaire de Sidro, elle-mêmeprincipale actionnaire
deOr l'on peut se demander si Sidro et Sofina ne se font pas d'étranges
illusions et si elles ne sont pas dans l'erreur la plus totale quand elles
pensent que le développement électriquede la Catalogneserait dù à leur
effort et, pour employer encore les termes du professeur Rolin, que ce
serait grâce A leur aide extérieure qu'auraient jailli du sol les usines
destinéesà utiliser l'eau àtla transformer en énergie.
Cette aide extérieure est, dans la penséedu professeur Rolin, d'une
part une aide technique dueaux capacités d'organisation et aux connais-
sances scientifiques de certaines personnes et, d'autre part, une aide
financière constituée par les capitaux apportés par certaines sociétéset
par l'épargneque ces dernières ont étécapables de drainer vers I'entre-
nriw
En cequi concerne la premièreforme d'aide, mon savant ami a rappelé,
une fois de plus, le nom de L'ingénieurPearson. II n'est nullement dans
nos intentionsde discuter ici lesméritesde ce spécialiste,dont lesservices
&aient évalues à un si haut prix dans les contrats passéspar Barcelona
Traction. Bornons-nous seulëment à souligner que ce Yan&ee, comme on
l'a qualifiéde L'autre cBtéde la barre, n'était certes pas né dans les
plaines des Flandres ni non plus au milieu des collines des Ardennes. Ce
au'il Deut avoir fait n'est certes nas snscentibie de Dasser Dour une con-
iribuiion du géniebelge au d;.\,eioppemen; iiidustri;~ de ~R~atalogne.
Qunnt àl'aide finsncic?re,la burprise pro\'oquk par les m:~riifestatioris
d'orrrucilde Sidro et Sofina est encore plus crande L:Icréation<leBarce-
loncl'raction <I;~tede 1911, celle de $idrodc 1923. Douze atis après le
cominriicement de I'activitC de I'cntreprix en Espagne, Icj usines et 1,:s
installations avaient bieii di iaillir du sol. et cc. sms attendre la ~réten-
dite ;<ide2conomique de sidro'.
II n'est d'ailleurs que trop connu. la suite (Ir la démonstration qui
en n Ctcnbondamment donnéeDar Ics autres coiiseils cliiC;ouvcrnemerit
espagnol, que le financement del'entre rise de Barcelona Traction a été
assuréessentiellement par le recours à fémission d'obligations. Mémesi,
de l'autre côtéde la ba&e. on a cru récemmentnouvoir donner une exnli-
cation de ce fait en indiquant cela serait i8maldans une entrep;ise
d'électricité,le fait n'en est pas moins là: au contraire, il est encore con-
firmépar ces prétendues jus'tifications.
Ce recours aux empmnts obligataires se fait, à l'origine, en émettant 640 BARCELONA TRACTION
des oblijiations en livres I.'apport d'arjirnprovenant de ces éinisjions.
qiiel qu'il aii réelleinent été.cesse d'ni1leur.ien 1916.L.arles ol>lig;irioiis
éiiii;e; apri.~cette date n'oiit essentielltni?nt pour but que de reinplacer
oii de rnilicti,r des oblig:itiuiis deji eii iiriu:\ipartir (le 1915.doiic
- c'est-A-direcinq 311s;i\..~iI'entr?~viisccne<IcSiilro- le fiii:iiirriiiL~iit
de l'entreprise deABarcelona Traction se fait par le recours au marché
obligataire espagnol; et cela sous forme massive, aussi bien de la part
de la sociétmere a.e. .lus encore. des sociétésfiliales.
A CL'Is:'aloiitcrcette :#titréforiiic iiiigulikrc dr firi;iricemciitqui a\.ait
1.a.\..iiitn~~t,~xtrnor~Iiii:iired'Arc t.iit~>~r:ttuit: 1~~~tofin:iii:~:iii~:iit
réalisévar l'évasion fiscale.L'on ne veut certeSvasdouter aue cette sorte
de fina;icement, dont on connait 1:s proportio~s, fasse abpel exclusive-
ment à des ressources espaanoles. En fait, ce sont les autres contribuables
espagnols quien font, bcen-involontairement, les frais.
A partir de 1918. donc, l'argent nécessaire pour assurer la vie et
promouvoir le développement ultérieur de l'eiitreprise est de provenance
esvacnole. Bans ce contexte. Sidro eriti-een scène à orooos de Barcelona
affaireoiuaéerentable, mais non pas comme quelqu'un qui entend con-une
sacrer deccapitaus au financement de 1'entrevrise:au déGeloovementde

Tramways, angÏo-saxons à plus de 60 pour,cent. Cette constitution et le
remplacement, chez ceux qui donnent naissaiice au trust, des actions
Barcelona Traction par des actionsSidron'entraînent évidemment pas la
sortie de moyens financiers des caisses de la nouvelle société,et moins
encore de moyens destinés à aliineiiter l'entreprise.
Plus tard, Sidro achètera un petit paquet d'actions ordinaires qui,
comme on l'a prouvésurabondamment, n'ont pas représentéle moindre
apport réelpour I'eiitreprise Barcelona Traction. Il y ala, peut-être,une
petite affaire pour les détenteurs précédentsde ces actions ordinaires,
mais sans aucune répercussion pourl'entreprise en Espagne.
Ouant au gros paquet d'actions privilégiéesde Barcelona Traction dont

nombre sis foi; plus grand -d'actions ordinaires, et donnera automati-
quement à Sidro la majorité du capital-actions de la société,que peut
avoir représenté son acquisitioii? Sidro elle-mêine,dans la brochure
publiée à l'évoqueet qui fieure au voluiiie 1 des annexes au contrc-
mémoire(chLp. 1,anii.<, p.77 dit avoir achetéa un prix à peine supérieur
à 40 pour cent du nominal un lot d'obligations Barcelona Traction qui
était sur le marché. Admettons que ce soit esact. Un autre lot plus ou
donné. Nous avons bien des raisons de penser qu'elle doit les avoirment
obtenues à des conditions fort peu onéreuses. Mais faisoiis à Sidro la
partie belle et supposons qu'elles lui aient coiitéle méine prix que les
autres. Elle se sert donc de ces obligations pour payer par ce moyen la
souscription des actions privilégiées,tout en sefaisant remettre en même
temps uiie somme en espèce.Cette somme,rappelons-le,représente à elle
seule le remboursement de 20 pour celit de la valeur nominale des obliga-
tions remises à Barcelona Traction et correspond àenviron la moitié du
prix réellement payé pour les acheter. L'opération, beaucoup plus PLAIDOIRIE DE M. AGO 641

limitée, exécutéeen 1926 pour compléterle paquet d'actions privilégiées
et, par conséquent,d'actions ordinaires six foisplus nombreuses, n'est en
fait, pas bien-différente.
Dans l'ensemble. selon les renseianements ~ui nous oroviennent de
sidro elle-même,la somme globale qüe ce trust 'afait sortir de sescaisses
Dour l'investir en actions Barcelona Traction avant la faillite de cette
Sociétéa étéd'environ I450 ooo ljvfes. somme qui n'est déjà guère
imposante en elle-même,surtout si l on garde present à l'esprit, par
exemple,le fait que la dette qui subsistait, au moment de la faillite,envers
les obligataires de Barcelona Traction elle-mêmeétait, comme l'a rappelé
leprofesseursureda (srrpra,p.407).équivalente,ene niitécritsalet
arriérés,à environ 6 300 ooo livres sterling, plus 88 millions de pesetas;
dette provenant des obligations émisespar les sociétésfiliales et attei-e
gnant environ 245 millions de pesetas (A.D.. vol. 1.no2, p. 403); que la
perte infligéeaux obligataires lors des diffé~entesopérations d'échange

réaliséesau cours des réajustements financiers pénodiquement réalisés
compte desintérêts,ifàquelque 4 millions de livres sterling; et que l'auto-
financement réaliségrâce à l'évasion fiscale de la principale filiale de
l'entrepriseen Es agne, à savoir Ebro, s'élève,omme I'amis en évidence
leprofesseur Gil- obles (srrpra,p. 35) àenviron 211 millions .de pesetas
(A.D. vol. 1,no1,p. 128-IZ~),ce quiéquivaut à quelque 5.4 millions de
livres sterling moyennant l'application, par année, des taux de change
correspondants. que MM. Peat, Marwick, Mitchell & Co. ont utilisés
(A.D., vol.1,no2, p. 420).
&lais,mêmeabstraction faite de ces remarques et de cesconfrontations,
ce qu'il importe surtout de mettre en relief, c'est justement ce que je me
suis permis d'indiquer dès le début: à savoir que le montant global
investi DarSidro enactions Barcelona Tractiona reorésenté.somnie toute,
une bonne affaire pour Sidro et pour ses patrons sf l'on tient conipte des
profits qu'ils en ont tirés.Mais cette même sommene peut certes pasêtre
handie; mêmedans ses proportions modestes, comme une contribution
du capital de Sidro et de Sofina au développement de l'entreprise en
Espagne, à la multiplication de ses installationsà l'essor iiidustriel et
électrique de la Catalogne. On peut donc bien dire que, en dépit des
illusions que sefont Sidro et Sofina, s'il n'avait tenu qu'à eux eà leur
prétendue aide financière, les eaux de I'Ebre et de ses affluents se per-
draient encore inexorablement dans la hléditerranée.,
La petite digression que je me suis permis de faire avait essentielle-
ment pour but de ne pas perdre de vue, à propos du sujet dont nous
traitons. ce au'a vraiment étél'investissement fait Dar Sidro dans Bar-
celona ~racti'on.On peut parler àcet égardd'un invktissement de spécu-
lation sur des titres, mais non pas d'un inirestissement pour coiitribuàr
la constitution ou à la promotcon d'une entreprise et ab développement
de la régionoù elle opère. Et puisque I'on s'est placé sur leterrain des
réalitéséconomiqueset que, sur ce nirme plan, 1'on.asi abondamment
parlé. an cours de ce procés,des besoins de protection des investisse-
ments destinésau progrès des pays sous-développés,les remarques que
I'on vient de faire ne sont peut-êtrepas dépourvuesd'importance.

L'audienceest leuéeà 12 h 55 Présents:[Voir audience du 20 V 69; M.Bustamante y Rivero, Prési-
dent, absent.]

hl. AGO: Ayant donc fait cette mise au point qui fait justice,à notre
avis, de certaines assertions par trop répétéesde la Partie adverse, re-
venons donc au point où nous nous étions arrêtéset à la question que
nous nous étionsposée àce moment: les capitaux réunisdans Sidro et
Sofina étaient-ils, au moment de la faillite de Barcelona Traction, des
capitaux ~8belgesw,représentatifs de la«épargne belgn?
En ce qui concerne ce point, le Gouvernement espagnol pense avoir
abondamment démontré le caractère parfaitement arbitraire et, pour
mieux dire. l'inconsistance totale des orétendus critères oue la Partie
adverse a cru pouvoir proposer pour é;aluer l'importance ;espective de
la ~artici~ation belge et étrangèredans les deux sociétés. L'insistance
avec laqÙelle, de l'autre cbtédi la barre, on s'accroche envers et contre
tout à ces critères et aux présomptions qu'on voudrait établir sur leur
base. n'est aue l'aveu évident de l'impossibilitéd'étaverplus solidement
lei Ixét~~i~nin\,;tncics. Cu. en fai~PS dt.rni&rt.UI;Ini~niff::tt.mtnt en
o.p-iition avec iiiie r6nlitLiitlcont~stnblc et. ail alirjiliisJeotous.c
On sait auels sont les ucrit6resa oro~osésDar là Partie adverse. Les
services de Sofina et de Sidro ont rlpéiédan; leurs archives les anciens
titres au porteur des deux sociétés,titres qui avaient étéprésentés pour
êtreéchangéscontre des titres nouveaux à partir de 1950pour Sofina,de
1956pour Sidro. Ils ont relevéque les anciens titres se divisaient en trois
groupes: ceux qui se présentaient nantis d'un certificat de déclaration
apposé àl'étranger; ceux qui étaient munis d'un certificat de déclaration
apposé en Belgique; et ceux qui n'étaient munis d'aucun certificat de
déclaration. Le nombre des actions entrant dans chacun des trois groupes
a étécalcul6 par le représentant des commissaires aux cornPtesdes ;O-
ciétésen question; et nous n'avons pas mis en doute l'exactitude de ces
calculs.
Cest alors. toutefoi~,~.~'entrent en scènelescritères»aue les services
de sofina-Sidro ont ima inés Le ouv verne espagehot a déjà eu
l'occasion (C.M.,N, p. 68 et 692-693) de noter qu'à propos de ces
critères. aussi bien lescommissaires aux comptes aue. d'ailleurs. les
juristes consultésàl'occasion ont déclinéleur ~e;~ons;biiité et ont ~aisd
l'entièrepaternité de cesRcritères1aux services mentionnés.
Efforcons-nous de s~ivr~ le cheminement du raisonnement de Sofina-
Sidro. ces services ont pensé fairepreuve de beaucoup de générosité en
acceptant de présumeraue les titres nantis d'un certificat de déclaration
app6sé à l'étrangerétaient de propriété étrangèreA. prk quoi. ils se sont
les titres certifiésen Belgique et tous les titres présànl'échangesans
être nantis d'aucun certificat de déclaration. Le tout sur la base de spé-
culations fort hardiesà propos du lieu où on devrait présumer que les
titres se seraient trouvés lors de leur déclaration et de leur certification.
à propos de la date à laquelle on devrait présumer que ces opérations PLAIDOIRIE DE M. AG0 643

auraient eu lieu, et - dulcis in /zutdo - de la nationalité que l'on pour-
rait présumer êtrecelle du propriétaire des actions, compte tenu de la
localisation présuméede ces dernières.
Nous pensions. ie doisle dire. aue la Partieadverseseserait finalement
rendu compte de I'op~>orttiriité dd renoncer i ce gcrirc d'tx<:rcice Car.
rious tenons à Ir.rfnfiirmcr une fois<Icpli];. si iiricconclusion quelconque
peiit Ctre tiréede 1'es;iinen des données relatives à l'échangedes titres.
ce ne peut Ctre que I;iprïpond<rancc des intirets r'trengrrs d:ins Sofina
tt Sidro. 'l'outefois.de 1':iutrecUt<de la 1~:irre.oii a repriscet esariieii au
cours des récentes plaidoiries et c'est pourquoi nous sommes forcks de
nous arrêter à nouveau à ces questions.
Le point auquel il faut surtout s'arrêter est la question des titres pré-
sentés à l'échangedémunisde tout certificat de déclaration. Il s'agit d'un
point que mon honorable contradicteur doit considérer comme très
brûlant. Dans sa plaidoirie du 13 mai (VIII, p. 554) il passe là-dessus
comme chat sur braise.
Le Gouvernement espagnol a exposé déjà au contre-mémoire (IV,
p. 691-692et 695) les raisons qui nous forcent à conclure que la plupart
de ces titres devaient appartenir à des étrangers. Nous avons alors
souligné le caractére plus ou moins extravagant de la prétention de la
Partie adverse d'attribuer la masse considérable do ces titres à des pro-
priétaires belges aux mains desquels, selon ses dires. les mêmes ti'tres
seraient restéssans interruption à partir du moment de la déclaration et
jusqu'au moment de I'échango.N6us ne commenterons pas davantage à
nouveau la thèse qui voudrait que les déclarations aient été faites,dans
leur quasi-totalité, déjàfin 1944-début1945c ,'est-à-dire juste au moment
où l'offensive de von Rundstedt se diri-eait vers le cŒur du pav..,où
1c.sforces nint;ricainei orjinnisaiciit fit<i-reuseniciiIs r&ist:incc de Ras-
rogne, oii Irs \'Ier \'2 d;frrlaient ;tir Hrusellei et iiir.Aii\.ers Xniii nous
I>uri~croiisi dire <IIon n <lum:iI :Iconil>rcnclrc(liic 1,:ssi:r\.icci ile Sidro-
Sofiiia et iiir,ii Iionci.nlilc c<,iitradi;tciir (VIII,5j21 \.ciiillciit inaistcr
Ciicorr.sur uiic :ii;crti(iri nettenicitt coiitredite p:ir In r:t11(.ire m2mc
des arrêtés de1946 et de 1949 et par leur texte. dans lequel oii trouve
expressément allégué, pourjustifier la prolongation des délais,le fait que
«la non-déclaration peut rtre imputée aux circonstances anormales du
momeiit, mêmeen dr:hors du casde force maieiire diiment établi ».
;itr art ilresiorr <Iciti'nioigii.igesI>~o<ltiit;arlitIIi~rticad\.i.r;c
elle-niCmeque dei dl:îlnr:itions oiii pu étre prCavnt6i:sni;nic nti-del.)dei
diires limitvj tiltL:riciircnientiisCes piir les rliq~ositioiismini~tL'ricllIlri
grri6rnl nt,iis pciisonr qti'il cst dél)oiirvii<II:seni dc \)oiiloir attriliurr
rL'tr<~ipc~tivinit:nitin c:ir:ict$rc tiltr.i-rig:,tin i\.st?rnc<Ii.r?gli.s iionr
tout montre que l'application pratiqueén a étéreiidue, surtout avec le
temps, plut6t souple. Tout comme l'arrrté-loidu 6 octobre 1944relatif au
recensement des titres belges et iitrangers, l'autre arrèté-loide la même
date prévoyant la déclaration des titres étrangers et avoirs à l'étranger
prescrivait également un délai très court - deux mois - potir cette
déclaration. Et pourtant l'Institut belgo-luxembourgeois du change nous
a informés lui-même dans sa lettre publiée à l'annexe 7du mémoire belge
(A.hl., vol.1, p. 65)qu'il a recueilli ces déclarationsjusqu'au 20 décembre
rggr!
Mais n'insistons pas davantage sur cette question de la date des décla-
rations, qui a été suffisammentana1ysi.edans les pihces écrites du Gou-
vernement espagnol - dernièrement, aux pages 981 et suivantes de la644 BARCELONA TRACTION
duplique(VI1). hlentionnonsplutOtiinautre argument quenousestimons
d'un poids décisifpour la question que nous examinons.
Le Gouvernement espagnol avait observé, au contre-mémoire (IV,
p. 691et 695).qu'ilétait peu vraisemblableque despersonnesrésidant en
Bel ique et qui,au dire de la Partie adverse, se seraient hâtéesde faire,
dèsfa finde 1944.la déclarationdes titres en leur possession, aient ensuite
eu pendant tant d'annéesl'étrangeidée de renoncer aux avantages que
cette formalitéelle-mêmecomportait. L'avantage essentiel était précisé-
ment la remise d'un certificat attestant la déclaration et sans lequel on
ne pouvait en aucune manière disposer des titres. On a rétorquéen accu-
sant le Gouvernement espagnol de perdre de vue le fait que l'avantage
essentiel de faire la déclaration des titres en temps utile étaitd'éviter que
ces titres fussent annuléset que leur contre-valeur fîit attribuée 1'Etat
en application de l'article 22 de l'arrêté-lodiu.6 octobre 1944.La certi-
fication n'intéressait, par contre, que ceux qui envisageaient de vendre
leurs titres ou d'en disposer d'une autre manière; il serait donc normal
-nous dit-on - qu'au moment de l'échange lestitres Sofina déclarés en
Belgique et non certifiés se soient avérésêtreplus nombreux que les
titres certifiés.
Or, il nous semble qu'en disant cela l'on perd de vue quelque chose
d'important.
Il est vrai, comme mon honorable contradicteur l'a deux fois rappelé
(VIII, p: 549 et 551). que l'article 22 de l'arrêté-loi du6 octobre 1944
prévoyait in abstractol'annulation des titres soustraitsàla déclaration et
l'attribution de la contre-valeur à I'Etat. Mais. en fait, il renvovait le
règlement des conditions de cette sanction, ainsi que l'adoption des
mesures pour le rétablissement de la libre circulation des titres, à un
arrêtéroyal futur.
Or, I'écliangedes titres belges anciens contre de nouveaux et I'attri-
bution à 1'Etat des titres non admis à l'échangeont étédécidésen 1949.
Ils ont forméalors l'objet de deux réglementations successives: l'une
prévue par l'arrêtédu 17 janvier et l'autre du 7 avril 1949.Ces arrètés
figurent respectivement au Mo~$ilear belgedu zr janvier et du 14 avril de
ladite année. Les dispositions du premier arrêtéétaient plus sévères,
puisque, à l'article 8, on n'admettait pas à l'échangeles titres anciens
non déclarés etnon munis d'un certificat de déclaration, ou munis d'un
certificat de déclaration faux, et qu'on attribuait leur contre-valeur à
1'Etat. D'autre part, l'article 6disposait que, dèsl'ouverture du délaipour
les opérations d'échange, délaiqui serait fixéindividuellement pour les
êtremunis du certificatde déclaration.s anciens titres n'auraient plus pu
Ayant pris connaissance de ces dispositions et face aux risques que
uouvait comuorter le fait d'en arriver à la date de I'échan~eavec des
iitrcs non ce;tifics.ilest logique que toutt,i 1'sperjonnes pliysiques ct
nior:ilr.srl'sidaiii en l3cl~iqiicaientjeihitcr <If:regiilnrijer Insituation
des titres belges quiIeuFappartenaient. On ne saurai? imaginer que, sauf
en cas de vraie force majeure, des personnes normalement aviséesaient
négligéde prendre une mesure qui, déjà nécessaire pour exécuter des
ooérations sur les titres. devenait maintenant indisuensable ~our ne Das
lésperdre <I<'finiti\.enici..a I'nrtir ;id\~i:rsc.qui ridécrireles:ictiori-
n:iires belges cornrne trbs rcspectiieiis des lois et très prcoccupCi dri
sanctions possibles, et ce au point de se précipiter pour Caireleu; décla-
ration mêmesous les bombes ennemies. sera certes la dernière à vouloir PLAIDOIRIE DE M. AG0 645
coritr.stci l1)ic.n-foi de la coiistatatioii que ilous \~eiioil,fair? I'our
paraphraser ce que dit mon lionorable contradicteur (\'III, 1) 551). qui
aiiraittireffet ris<iii(de tout wrdrc en nc .tcertifianr 1>3<itsmns?
Si donc les titrés dont il s'agissait avaient déjirétédéclarés,iéurspro-
priétaires qui se trouvaient en Belgique n'auraient pu manquer de se
procurer d'urgence le certificat de déclaration auquel ils avaient droit.
Et si les titres n'avaient pas encore étédéclarés, lesmèmespersonnes se
seraient certainement hâtées de profiter de la nouvelle possibilité de
déclaration tardive offerte par l'arrètéministériel publiétout juste le
lendemain, soit le 18 janvier 1949,pour déclarerles actions et les munir
du certificat de déclaration requis pour I'échanpe.On nc vouvait pas vré-
voir alors que, quatre mois taÎd, l'arrêtedÜ7avril 14~ au~rah admis
à I'échangecertaines catégo.iesde titres démunis du certificat de décla-
ration.
Par conséquent, le fait qu'un nombre aussi élevéde titres non certifiés
ait pu êtrefinalement présenté à l'échangene peut avoir qu'une expli-
cation: la .lu.art de ceititres ne vouvaien? a. .rtenir au'à des ~ersonkes
rési<lariten pnyi ;.tr:iiigcr et donci des Irrsonnc.; qui 11';ivdivntpai eu
connaisancc dei iiiipoiitions dc I'arr2tCdu 17 laiivier 1949:lu niomcnt
mCnicdc la ~ublicatlon de ce dsrnicr. Et lors<iueces oersonncs. r)liitard.
ont été avekes de l'échange imminent de leurs tit;es, elles ont dès lors
profitédes dispositions pliis libéralesadoptées entre-temps.
Les titres non certifiésappartenant à des étrangers pouvaient être des
titres qui se trouvaient en dépôtou en garde en Belgique. Dans ce cas ils
pouvaieiit avoir étédéclarésen Belgique par les soins du dépositaire ou
d'un autre détenteur. mais ne pas avoir étémunis du certificat de décla-
ration: l'article 3 de l'arrêtédu 7 avril 1949 les a admis désormais à
I'échange;et en vertu de l'article 5,paragraphe I, ils ont pu êtrepré-
sentés à I'échangepar le déclarant si le propriétaire résidait àl'étranger.
Les titres en question pouvaient aussi ne pas avoir étédéclarés jus-
qu'alors. et dans ce cas ils ont pu faire, en vue de I'échange,l'objet
d'une déclaration tardive.
Enfin, il pouvait s'agir de titres qui, au moment où l'échange aété
annoncé,se trouvaient Bl'étrangeret, notons-le, pas nécessairementdans
de'ddclaration et de certificationraor12&trangerpouvait se révéieren faite
trop longue et compliquéepourêtreutilement suivie aux finsdel'échange,
comote tenu aussi du retard avec leouel cette ~rocédureavait étéorea-
niséé.Ces titres ont dîi alors êtreei;voyésen Belgique pour y êtredé-
claréset présentés àl'échangesans avoir à remplir la formalitéde la cer-
tification.Le fait, qu'on nous a opposé,que, formellement, la possibilité
d'une déclaration tardive n'était offerte qu'à ceux qui détenaient les
titres en Belgique au 6 octobre I 44, n'aurait pas pu représenter un
obstacle réeloour cette ovération. le but du réeime missur ~ied var le
législateur bige était, comme l'a rappelé mon Yhonorable contradicteur
dans sa plaidoirie du I? mai (VIII,P. 549)de u déceleret saisir les valeurs
mobi1iè;esqui sont enpossession de ïèhnemi ou qui sont détenues pour
son compte». Partant, les dispositions du régime en question se pré-
occupaient d'exiger qu'on prouve la (bonne propriété a des titres et,à
cet effet, la continuité de cette propriété;non pas la continuité de leur
détention. qui n'avait aucun intérêt.La déclaration tardive prévue par
les arrêtés-loisde 1946et de 1949pouvait donc être présentéepar toute
personne détenant les titres en n'importe quelle qualité,et la documenta- 646 BARCELONA TRACTION

tion:à1on devait seulement établir que les titres appartenaient en bonneten-

ne présentait donc aucune vraie difficulté si le propriétaire étrangerion
remplissait cette condition.
En résumé,il est pratiquement impossible, et ce pour des raisons évi-
dentes. aue des propriétaires bel~es aient pu se trouver. sauf dans des
cas abioiument e;<ceptionnels,av& en main au moment de I'échangedes
titres démunis de certificat de déclaration, alors qu'il est tout à fait
compréhensible, par contre, qu'un grand nombre de-propriétaires étran-
gers se soient trouvés dans cette situation. La très grande majorité des
titres présentésà I'échangesans avoir étécertifiésne pouvait donc être
que de propriété étrangère. Or. pourSofina, le nombre de ces titres, joint
à celui des titres présentésà I'échangeavec un certificat de déclaration
apposé àl'étranger, donneun ensemble de 109679actions, soit 63,7pour
cent des 172176 titres unitaires Sofina pris en conçidération. Si I'on
ajoute à ce calcul celui des certificats de cinquantième d'action ordinaire,
le pourcentage est d'un peu plus de 61 pour cent. Notons que le pour-
centage n'est pas également élevéen ce qui concerne Sidro; mais cela
évidemment à cause du fait que, pour cette société, I'échangees titres a
étébeaucoup plus tardif, s'étant échelonnéde 1956 à 1961.Comme nous
l'avonsdéjà relevé,les actions qui, à l'origine, se trouvaienà l'étranger,
ont donc eu tout loisir d'êtretransféréesenBelgique et d'y êtrecertifiées
avant qu'on ne les échange.Le raisonnement à l'égardde Sidro ne peut
donc pas êtreaussi probant qu'à l'égardde Sofina.
En limitant, partant, nos remarques à cette derniere société,notons
donc que. sur la base <lela seule const:itation laite ci-dessus,l'existence
d'une prkpondéranceétrangércdans Sufina Al''poque de la faillite parait
établir d'une iiianic'rcpratiquerlient certaine. et les donnies utiliséespour
amver àce résultat ne sont~autres que celles produites par lesservices de
Sofina-Sidro dans l'illusion d'arriveà prouver le contraire.
Malheureusement, ces mêmesdonnées ne peuvent pas êtreutilisées
pour établir la proportion véritable de cette prépondérance étrangkre.
Pour arriver à des résultats suffisammentconcluants àce sujet, il faudra
se baser sur d'autres éléments.Car ceux qu'on a pris en considération
iusau'ici à la suggestion de la Partie adverse négligent entièrement un
;utFe aspect quipeut n\,oir iiiie grande impurtnri~e~'celuide siivoirsiet
clansquelles proportions Icstitres<IIrroisic?rgroupe - ceux qui a\.aient
étédéclaréset certifies en l3elgiqiic uouv;iicri:ileur tour auvartenir j.
des étrangers. Les conditii~os~~iis les<iiiellesles anciens tit;r;présen-
taient au inornent de l'&changene peu\.ent itre d'aucun iccours pour
rét>ondre A cette oiieition Mai; ilestauand niime essentiel de soulianer
toiitde suitc que ;itri. nbsolurnt,nt rien: nc s'oppAjl'idce qu'unr pirtie
très importaiite, rt mhe I:irscnient maiorit:iirz. des titres dc cette
demihë catégorieait pu représënter, elle aussi, une participation étran-
gère.
Inutile de nous attarder maintenant à discuter à nouveau le point de
savoir où I'on pourrait présumer que les titres se seraient trouvés lors de
leur déclaration et de leur certification, au cas où l'on accepterait la
supposition non démontréeque ces opérations auraient eu lieu en 1944.
Notons simplement que, même lestitres qui se seraient trouvés en Bel-
gique au 6 octobre 1944, qui y seraient restés jusqu'au moment de
l'échangecontre de nouveaux titres, et qui auraient fait l'objet, dans les PLAIDOIRIE DE M. AG0 647

délais prévuspar les dispositionsen vigiieur, d'une déclaration confirmée
ensuite par l'apposition d'un certificat,pouvaient être,mêmedans une
trèLeGouvernement espagnol aindiqué en détail,ngèreàla page 693du contre-
mémoire (IV), les raisons multiples qui font qu'il est absolument nor-
mal et habituelque les titres d'unesociétéayant lestatut d'un paysdéter-
miné soient laissés en dépbt dans ce mêmepays par leurs acheteurs
étrangers. Mon honorable contradicteur dit (VIII,p. 555) n'avoir trouvé
nulle part la moindre indication probante au suiet de l'existence de cette
prétendue pratique. Tesuis quelque Deusurorisqu'il ne l'ait pas trouvée
dans ce ucomportement personnel .u niiqiieilse réfère(liielquealignes plus
loin, ou dans rclui des banrlucj ou dcs cigentsdr chan^^ (:oiit la pratique
courante lui est certainement familière. -
Faute d'arguments plus solides, les services de Sofina-Sidro ont voulu
arguer que, encore qu'exacte en général, la thkse du Gouvernement es-
pagnol serait dénuéede pertinence en l'espèce. Et mon honorable contra-
dicteur nous a accusés,dans sa plaidoirie du 13 mai (ibid., p. s~'), de
méconnaître ce qui s'est passéen Belgique entre septembre 1939 et mai
1940. A leur avis, donc, étant donnéla situation où se trouvait la BeI-
gique avant d'êtreentraînée dans la deuxikme guerre mondiale,seulsdes
Belces auraient pu envisager de Earder leurs titres dans le pavs. Les
étrangers ne résidant pas ën Belgrque les auraient certaineminiretirés
et déposésdans leur pays de résidence.
Onse demande si les auteurs de cesremarques ont DU les formuler sans
sourire. Sous pouvons concevoir. ila rigueii;, que ciux de5 actioiinnircs
de Sofiiia qui rc'sid:iient dans des pn\,l; lointains ;tient pu :ivoir I'idit.
d'uiit. telle opCration. mnii cçttc idcc nc doit pas Ctrc \,cnue fasilcnij.it
l'esprit des rcjsortisjnnts <lespays européens. F'ourrait-on nous intliqiicr
beaucoup <lep:i\s d'l:urope qui. A I'6poque.auraient sembléreprésenter
un refuge mieux protSg4 contrç I'~\~eiitualit<d'ctre entrainés daiis le
conflit? Aur:iit-il étéiitilz de rvtircr des titres d'un pays dont la iieiitr:iliti
seml)l;iit reprcst.nteiiimiiiirnum de caraiitir, iwiir 1~.iIJ~~ICCd~ns un
autrepays déjàbelligérantou, entout cas, tout aussi menacé?
La Partieadverse dit quelaBelgique nepouvait pasêtre,en I 39 1940,
un refuge pour les capitaux, ou, selon l'expression de mon Roiorable
contradicteur, un (havre de paix npour les ccapitalistes &rangers ».Mais
nous ne parlons pas ici de ceux qui auraient eu l'idke d'aller investir de
l'argent en Belgique à ce moment; nous parlons de ceux qui, ayant eu
cette idéeauparavant, devaient déciders'ils y laisseraient ou non leurs
titres. Les capitaux restaient investis dans la société même s cies titres
étaient placés ailleurs: une telle opération risquait donc de comporter
pluD'ailleurs, sans trop insister sur des considérations d'ordre abstrait,
tenons-nous en àun fait certain. Le règlement no 12 du 22 mars 1946 de
l'Institut belgo-luxembourgeois du change,auquel mon honorable contra-
dicteur s'est lui-même référé (ibid., p. 556). a consacré,tout son cha-
pitre III, comprenant douze articles, à définirle statut .des dossiers de
titres situés en Belgique et appartenant A des étran~ers. Une réglemen-
tation tellement détaillée aurait étédiffici1ement:explicablesi le phéno-
mèneavait étéaussi négligeableque la Partiecadverse le prétend.
Pour conclure, donc, sur ce point, nous pouvons être assurés,car tout
le confirme, que mêmeparmi les titres déclaréset certifiésen Belgique
avant d'êtreéchangés - qu'ilssesoient trouvésdéjàdans le pays en 1944 BARCELONA TRACTION
648
ou qu'ils y soient parvenus plus tard - il pouvait y avoir un pour-
centage élevéde titres de propnétéétrangère.
En conséauence.la .rép.ndérancedes intérêtsétranzers d-ns Sofina a
pu Ctre l~c~n;cuu~ plus fuite cncorç que cc <lu'cllcparait dc'ji. <IIIçcul lait
Je I:ipréscnn:(I'unc majoritr JL.titres pre~cntéî a I'6cliûiigemunis d'iiiie
~e~tification faite h1't:trnnrcroii bien d6riiunis de certilication.
Peu de mots paraissent'suffire, à ce stade, pour faire justice de I'ad-
mirable prétention subsidiaire de la Partie adverse, selon laquelle la
nationalité despropriétaires des actions pourrait se déduiredu lieu où ces
propriétaires ont encaisséou fait eiicaisser leurs dividendes. Le dividende
Sofina en 1946 ayant étépayéen Belgique à concurrence de 86,72 pour
cent il faudrait, dit-elle, en déduire que ce mêmepourcentage pourrait
s'appliquer aussi à la détermination des actionnaires de Sofina de na-
tionalitébelge.
A cet éeard ie,dois noter Queles lones déveio~~emen..nleins d'assu-
rance et il? tioiiiie hiiiiiciir suiisnc:icctt<,ilur.stit~ripar nion Iioiior,?blc
contradicteur ne repondent pas du tout à l'essentiel de la critique déla
faite àce propos le Gouvernement espagnol dans ses pièces&tes, ét
restent à cotéde la question.
II sera donc suffisant de noter quetous les arguments que nous venons
d'indiquer à propos de la possibilité que les titres détenus en Belgique
aient été,et mêmelargement, la propriétéd'étrangers, valent logique-
ment aussi Dour ce gui concerne le aiem mend tes dividendes. Et, à cet
l'gar(l.que ilion Iionor.?l)l~soiitradicteiir iiic 11~rriictttde Iiiirappeler que
ce réglement noiz de I'Insritiit hclno-liisemboiirgeois du change. auqiiel
nousnous sommes tous les deus référésc,onsacrait deux artiFlesentiers
(lesnos30et 31) à prévoir l'encaissementen Belgique de coupons de titres
belges détenus par des étrangers. Voila une prévisionqui aurait été bien
étéréaliste.comme le voudrait la Partie adverse, l'hypothèse n'avait pas

Quant aux titres se trouvant à l'&ranger, rappelons encore qu'un
porter librement m-mec'est-à-dire sans besoin d'une autorisation spécialedeim-
l'Institut belgo-luxembourgeois du change - à partir d'une sériede pays
comprenant la Grande-Bretagne, la France, les Etats-Unis, le Danemark,
la Suisse et le Portugal. lescoupons remboursables de titres belges!
Xous osons doiic espérer que la Partie adverse sera finalement con-
\.;iinciic Je I'opl~ortuniiC(Ir ie12~iierdan;. l'oubli lepr;trnclii arguiiicnt
tir,diilicii(Ir 11;iienienrdii di\,i~l<:lce Sufina pour i<]qO.
Les raisons successivement avancées par la Partieadverse et qui de-
vraient constituer des emoêchementsdirimants cont~ ~ ~ ~ ~ ~ la oossibilitéde
rcconn;iiire. iI:iiis Sofiri;i.I'Cpoqiiedc la 1:iillit<le l<arcel;iia '1'r:iction.
une pr2por1(li.rnncectrnng2rc iiinrqii&. se soiit n\.:r&s. i 1'aiinll.w. dé-
)>oiir\.ues(It:toute ii~iiSljt3ilw II r.jtdun: tciii~),de I:iis;er iilaiiiteiinnt
0,: ci~til15doniii.c; foiiriiic- p;ir les .~:r\.icci(1,:sjuciiréi ,:IIqii~et den
~~reiidrccii ~~orisidcrtirioidi'autrej I;ictr.ur, wjsei>tiblr., <lenoii.-liporter
des indices plus précis.
A ce propos, nous nous devons de donner une précision préalable.
Jusqu'ici nous avons raisonnésur des donnéeset des indices susceptibles
de s'appliquer aussi bien à Sidro qu'à Sofina. Dans l'analyse qui suivra,
par contre, c'est surtout à la situation de cette dernière société que nous
comptons nous référer. L'histoirede Sofina et les événements quil'ont
marquéeonteu en effetune notoriétébeaucoup plus grandeque n'en a eu PLAIDOIRIE DE M. AG0 649

l'histoire de Sidro et nous offrent, partant, des élémentsrévélateurs
beaucoup plus documentés.
Toutefois, nous voiidrions éviterque,par là, une équivoquene se pro-
duise. Nous n'oublions pas que, en partant de Barcelona Traction, c'est
Sidro que l'on rencontre en premier; que le voile de Sidro est le premier
~.~il -~~~ ~~~l-~er oour essaver de nous rendre comDte de la réalité
économiquequ'il disçimule. .
Mais à propos de Sidro le Gouvernement espagnol a déjà eul'occasion
d'exposer. dans le contre-mémoire (IV, p. 696A 698). des remarques qui
belge. Nous avons indiqué clairement,tioà cette occasion, les différentes
raisons qui font présumer, d'une manikre difficile réfuter, qu'en ce qui
concerne une moitié des actions Sidro la participation étrangère ne
pouvait vraisemblablement êtrequelargement majoritaire à l'époquede
la faillite de BarcelonaTraction.
D'autre part, il est notoire que l'autre moitié des actions Sidro se
trouve ~artapée entre Sofina d'une part et le croupe Chade-Sovalles-
Sodec de i'auire, selon des proportions qui sont, ~ppioximativement, de
deux tiers pour lapremi6re et d'un tiers pour le second. Il n'y a là, on le
sait, que deux incarnations du méme roupe international, arborant, et
probablement de façon tout aussifond e, l'une la cocarde belge et l'autre
une cocarde différente.
Dans ces conditions, donc, il est évident, et nous tenons à bien le
souligner, qiieia seule possihilitr'Jc ?:iii\.iIç priiit.il>ciiit.iiic (I'iinc
majoritb d'irit&rCtsbclgi:s <\aiiiSiJro sc.di.pruii\.er qi~1y "HT'L~une
mn)oriti :ihsoluinent ~>réponderantd'iiitïrCts bclgcsdaiis Soiina. C'estce
que la Partie ndvcrsc n trbj bien i-ornpriset c'esCC qui cxpliqu~ <1u'elle
ait cru nkessnir,: d'~\~.iliiI;participatioii I~clgvdans Sofin:.un 11,1ur-
centage aussi élevéque 81 pourcent, quitte à courir le risque d'accentuer
encore par là I'invraisemblance flagrante de ses prétentions. C'est ce qui
explique aussi le fait que mon honorable contradicteur, dans sa plai-
doirie. ait concentrétous les feux sur Sofina.
Si nous noiis appretons à en faire autant ici. c'est doiic en indiqiiaiit
hicn cl;iir<!iiieiitq<:1fniî:int, iious cnt~~iidu;itr;i<liivrlc d~rnier rcni-
vnrt (lé1&vu,itioii n(lver;? Soiis rC;iffirmnntr& n2ttenicnt. cnJ :~iitrt-s
iermes, qi;e s'ejt it:ulc.incnt si Ic C;oii~crnement bclge pou\',ait yruiivcr
que 13parti%-ipaiionbclgc dans Sofiii:intteiiit une majoritCcscesii\.eiiieiit
élei~ceou'il noiirr:iit écilrr. i ixovos de Siill:icoiiclusi(>riinexoral~lr
que les Intérktsétrangers y seriieit excessivement prépondérants.
En ce qui concerne Sofina donc, la recherche patiente à laquelle le
Gouvernement espagnol a dû s'astreindre - en s'assignant une tâche qui,
répétons-lebien clairement, incombait entierement à la Partie adverse-
a permis de déceler toute une sériede données et de témoignagesqui
pernicttciotJitsctf:tir,: ui.lc'su~liiaiiirii~~iiptrc1111r;ippdrt cntr? I:I
pnrticip.~tion bclge etI:pnrtiiipatioii 2traiigi.r~ nu cnpitnl Je la iosiCtL:
aiix diffCrentes &po(luei,ainsi que de I'L:\,olutioiide ce rapport Ci:rtaiiis
d'entre cils ont dr'liCtc'jominsirc.inc.nt in(liquéspnr le ~;ouverri~:niciit
espagnol dans sesésriturcs. On Icsrappellera ici d'iine riianiéresystéma-
tiaiie et di~ciimcnt~e.:ici)t<tl'niitrrs !>lusricrnimciit auuarus.de mnnil're
à aresser un tableau' historique av& le moins possible'de lacunes. Aux
moments opportuns, on ajoutera à ce tableau quelques commentaires
appropriés afin de contrer les efforts accomplis par la Partie adverse, 650 BARCELONA TRACTION

avec si peu de succes d'ailleurs,, pour éluder les conséquences de faits
préciset de constatations irréfutables.
Ainsi qu'il ressort du procès-verbal de l'assembléeconstitutive. publié
au Moniteur beJgedu9 mars 1898,Sofina a été, à l'origine, une créationde
la haute finance allemande. Sur les 20 ooo actions représentant le total
du capital social, presque les deux tiers étaient souscrits, égalité,par la
Disconto Gesellschaft et la Dresdner Bank, et un tiers par les banques
belges Cassel et Allard, lesquelles étaientà leur tour contr8léespar deux
grandes banques allemandes. La Gesellschaft für Elektrische Unter-
nehmungen faisait son entrée en qualité de chef de file, avec 8000 ac-
tions, lors de l'augmentation de capital décidéel'année suivante. En
Heineman, Américaind'origine allemande.s l'hiAtol'assembléeextraordinaire
de 1908. on note pour la première fois la présencede la Banqueinterna-
tionale de Bruxelles, dans laquelle le capital allemand étaitprépondérant,
et qui devait assumer plus tard un rôle très important, quoique éphé-
mhe. dansla société.
D:iris la p&riorlcpustericureJ la 11reiiii5rcgucrrc iiiondi;,le, In partici-
p:ition all~ninndc apl)arais.iant aux a;îi:iiibléesa natiirc.lleiiicnt I~c;iusoup
diminué. encore qu'elle soit touiours restée présente. surtout sous ie
couvert de la pnrtkipation de ceriaines banques heljiesr que. en partie.
elle dut rc'app:irairr~.ouvsrrement pliis t;ird.A chte d'une parricip3tion
belaeaui. àGmoment.sembleaccruë.intervie ~rnoirosivemeintdes
pa;ticipations hollandaises, anglaises, suisses, espainoks et françaises.
Les renseignements fournis par les études économiques, que le Gou-
vernement espairnol a déià ciiées. nous montrent oue Sofina entrait,
toiitelois. da& crie périodedificile. à cau;e surtoiit h'uiie Iiitte ;<\,ccle
jiroiipc Loe\<,enstein.Suil pr6~idciit. Heinciii;in. sut 1'i:nsurtir victorieuse-
meni mais en faisant appel à des capitaux internationaux qui souligne-
ront désormais, et pour longtemps, son caractère de holding financier
cosmopolite. L'opération effectuée à ces fins comporta trois étapes: tout
d'abord la constitution d'un trust financier dénomméTrufina; puis la
mise en liquidation de Sofina; et finalement, la réabsorption de l'ancienne
Sofina par Trufina qui, peu après, en reprenait le nom.
A l'assemblée constitutive de Trufina, tenue le 19 octobre 1028 (le
procès-verbal figure au Moniteur belgedu 25octobre (A.E.P. 1960,no175,
doc. 1)), le capital constitutif du nouveau trust était souscrità concur-
rence de 18 Dourcent Dar des actionnaires ~~éricains. auxauels on doit
rnrorc njoutcr o,y pou; serit =ou~critpersuiiii~IIeni~iitpar >I.Hcinem;in:
disoiis donc.riitout Acuiiciirrciicc~ic16.1 psur ieiit. 151niimc tciiii>jil
était souscrità concurrence de 15 pourlent par des actionnairesalle-
mands; de 14,75 pour cent par des actionnairesbritanniques; de IZ pour
cent par des actionnaires francais: de 8 pour cent Dar des actionnaires
hollandais; de 6,5 pour cent par des act;onnaires <spagnols; de 3 pour
cent par des actionnaires suisses. La participation du capital belgerepre-
sentait 17~45pour cent, la grande majorité de ce pourcentage étant tou-
jours détenuepar la Banquede Bruxelles,suivie par lesbanques Cassel et
Allnrd
A l'assemblée extraordinaire du 22 janvier 1929, Trufina décidait
d'absorber l'ancienne Sofina, mise entre-temps en liquidation. Pour ce
fa?re,elle transforma les zoo ooo actions ordinaires déjhémisesen actions
privilégiéeset décidal'émissionde 200 ooo actions ordinaires nouvelles
dont 68 162 remises aux liquidateurs de l'ancienne Sofina pour en ré- PLAIDOIRIE DE M. AGO 651

munérer l'apport actif, mais à charge de payer le passif. Les 131 638
actions restantesétaient toutes souscrites par les fondateurs de Tmfina,
à charge seulement d'en offrir 102 243 en souscription, au mémeprix,
auLes services actuels de Sofina ont prétendu (A.R., vol. II,p. 781) qu'il
serait impossible de se faire une idée, mémeapproximative, de la répar-
tition entre Belges et étrangers du capital de l'ancienne Sofina à la veille
de la fusion de 1929.Ils onteu tort d'êtreaussi pessimistes. Al'assemblée
de I'ancieiine Sofina du 10 décembre1928 (Moniteur belgedu 22 décem-
bre). où la mise en iiiiuidation fut décidée,Dresaue la moitiédu caoital-
;iitioiis était rcprr'scntt>z:iiiie ~)ropurtiuiidonc Iargcrnent suflisniiti.'poiir
sc f:iire unLi<I&épliis i~ii':ipproxim:iti\.c<leln ripnrtition rechcrcliCe Et
encore, il ne faut pas oublier que les actionnaires résidant sur place
devaient naturellement êtreplus largement représentésque les action-
naires résidant à l'étranger. Sur 31 801 actions unitaires représentées,
17 794 étaient de propriété étrangèreet 14007 de propriétébelge. De ce
dernier chiffre, plus du tiers appartenaitàla Banque de Bruxelles et pres
d'un deuxième-tiers aux autres banques connues: qui étaient toutesdes
fondateurs et souscripteurs de Trufiia. L'on pe"tdonc en conclure en
toute séciiritéque, rnémesi les anciens actionnaires de Sofina avaient dû
~rofiter larremënt de l'offrequi leur était faite de souscrire une part im-
Gort:liitdc; aq.tiuiisurdiiisiris du 'l'riifina,celn iie piXutp?s avo;r ;~ffrst?
,,;riçiij<:nieiirI'biioriiizpr2pondCraiicçi.tr;ing?rr.qui existnit Jans l'riiiiiin
des sn constitiition. Un sviidicat de bloc:icc étaiten r)luscunstitiic par les
soins de hl. Heineman eRtre les fondateurs. II y av&t en tout 62 partici-
pants dont 59 sociétés.Dix étaient allemands, neuf américains, neuf
français, neuf anglais, neuf belges, six espagnols, quatre hollandais, trois
suisses, un luxembourgeois, un hongrois, un tchécoslovaque. L'esprit
qui inspirait ce syndicat, les prescriptions qu'il prévoyait à l'égarddu
nombre d'actions que les participants pouvaient vendre chacun de leur
côtéavaient évidemmentpour but de maintenir la proportion entre les
participations decapitaux provenant des différentesorigines.
La nouvelle Sofina a tenu une assembléeextraordinaire le 14mai 1930
(Moniteur belgedes 2-3 juin de la mêmeannée). Y étaient: représentees
54 064 actionsunitaires, soit considérablement plus du quart du capital.
Sur ce chiffre, 51 ozg actions sont de propriétéétrangere, 3 035 de pro-
priétébelge, àsavoir 5,6 pour cent. Pourtant, le nombre des actionnaires
belges représentésétait plus de deux fois celui des actionnaires étrangers
représentés.
l'ourquoi ccttz baise progressive et coniidér:il~le de 1:ip:irticil):ition
belge? !.es i:tiid<,sd'histoire ~conoiiii<liir(consiilt6rs iiousen <Ionnent
I'~-xi>licntio1..3I3nniiuc<leHriiselles.:I:,siiitJc loiirdes nertc5 ïiiu\.Ccs
pendant la crise, a dtliquider sa participation au profit désautres mgm-
bres di1 syndicat Heineman. D'autres banques belges ont dû en faire
autant. En effet, plusieurs de ces banques ne sont désormaisreprésentées
à l'assembléede 1930que pour un nombre trEs réduitd'actions. Seule la
banque Josse Allard reste présente avec un paquet de 1381 actions, A
côté d'une sériede petits actionnaires. Parmi les membres étrangers du
groupe Heineman,cesont surtout la Chade et leCréditSuisse qui parais-
sent avoir recueilli une partieimportantede l'héritagedesbanques belges
oui sesont retirées.
Fixcc de cette maniCrenu <l6l,utdes aiiiiécstrente, la ~~roportionrr'ci-
proquz des participationi belge et 6tr:ingére ne suhirn pas di: iiiodifi- 652 BARCELONA TRACTION
cations tres sensibles au cours des années suivantes, avant et après la
deuxième guerre mondiale. Les services de Sofina-Sidro n'aiment pas
qu'on le relèveet on le comprend; mais tout cequ'ilssavent opposer,c'est
que les épargnants belges, depuis 1930, n'auraient cesséd'investir dans
les sociétés belges.Libreà eux de considérercette remarque comme per-
tinente et comme probante.
Une constatation fort simple permet de voir que nous sommes dans le
vrai. Ou sait que dans la presse économique belge,et souvent aussi dans
celle des autres pays, la vie des sociétésd'une certaine importance qui
existent dans le pavs se trouve suivie et ré~ulièrementdécrite. On v
enregistre presquédans le détailles modifications qui se produisent dans
la composition, le capital, les participations de ces sociétéset de leurs
groupements. En ce qui concerne Sofina. les mouvements desannées 1928
à 1930et également ceux qui se produiront plus tard en 1955.1957, pour
ne pas parler de ceux plus marquésde 1964-1965. se trouvent tous évo-
quésdans les journaux belges de l'époque.et aussidansla presse française,
anglaise, américaine, allemande, suisse: ils y font l'objet de longs com-
mentaires. En plus, l'évolutiondes principaux groupements financiers est
relatée avec une richesse d'information considérable dans une série
d'ouvrages économiques connus. Le Gouvernement espagnol a déjà eu
l'occasion de s'v référerdans lesiècesécritesde ce procès.Citons auand
mi.mv.avant tout, dr.5oii\.rngçs ;6dig?s par les soin!rle centres d';;udei.
coiiiiiir la .l/orpholo:rerlcsgri)rinaircrer;.piihli>ecn 1962;iUriisellcs
nnr Iri:eiitre dc r,clic.rcctrl'i111oriii;itsucio-uuli~iiiiic.:tii~cl:ih:r-
ioire périodiquement mis à jour et utilisé mê& par'l'~~~k comme
source derkférenceautorisée:oul'étudeHoldingetdémocralie~.économrque,
publiéeà Liègeen 1gj6 par la Fédérationgénéraledu travail de Belgique.
Citons aussi des monographies individuelles comme celle de Delmotte,
De Belgische Koloniale Holdings, publiée à Louvain en 1948; celle de
Roubinstein, La diplomatie secrètedes monopolesinternationaux, dont la
traduction en français a paru à Paris en 1946; celle, plus importante, de
Pierre Joye, Les trusts en Belgique,publiée à Bruxelles en trois éditions
entre 19j6 et 1961; et finalement le tome 11de L'Histoireéconomiqne de la
Belgique de Baudoin, dont nous avons pu consulter la deuxième édition.
parue A Briixelles en 1946. On ne peut certainement pas dire que I'his-
différentes.ina soit négligéedans ces ouvrages d'origine et de tendance
Or. quand on les examine, et quand on Darcourt la Dresseéconomique
des années1930-1939,l'onneretrouve auc&ie indicatioi d'un changement
important qui se serait produit au cours de cette période.Et pourtant il
aurait dû s'a~ir d'un chincement radical. ~uisau'il aurait dù Eomoorter.
pour le capifal de la sociéré.rien de mo& qui le passage rapid& d'une
majorité étranghe écrasante à une majorité belge également écrasante:
quelque chose de beaucoup plus imnressionnant aue la iibelaification~i
ènvis'agée en 1964 et qui a'siAlargeméntoccupéles'colonnes de la presse
de l'époque.Au contraire, tous les rensei~nements permettent de con-
clure qu'au cours de la décennie qui a sÜivi la récormede 1929-1930
- et au cours de la suivante d'ailleurs - Sofina a entièrement gardé,
dans la composition de son capital, le caractere largement cosmopolite
que lui avait impriméson président, M.Heineman, et au maintien duquel
il veillait avec soin. Cette stabilité est aussi confirméepar le fait que la
composition des organes de direction ne présente, au cours de toute cette
période.aucune trace d'une modification de son équilibre. PLAIDOIRIE DE M. AG0 653
Examinons ensuite, aux fins d'une confirmation ultérieure, les deux
seules assembléesextraordinaires tenues par Sofina après 1930 et avant
la deuxième guerre mondiale: celle du 5 avril 1935 (Moniteur Belge du
28 avril) et celle du 27 février1936 (Moniteurbelgedu 16-17mars). On y
constate, quoique sur une présencelimitéed'actionnaires, une majorité
étrangère énorme, majorité qui. en 1936, atteint la quasi-totalité. Ce
qui aurait ététrès étonnant s'il avait étévrai que la sociétévoguait à
pleines voiles vers une prépondérance belae massive dans son capital-
actions! . .
La périodede la guerre n'était certes pas la plus appropke pour des
chan~ements massifs, ou simplement importants; et personne, d'ailleurs,
n'oserait leprétendre
En revanclie on posséde,pour cette i:poque, un témoignageinteressant
qui confirme que la sitiitition de nette prépondCr;siiceCtrangere et en
int.nie terni), d'&uuilihreriitre les diffcrr-ntcs sourcçs de fiiianieriit:nt. oui
ktait le ré&ltat des opérations de 19zg-1g30, demeurait inchangéevérs
la fin de la guerre. Comme plusieu~s auteurs l'indiquent, Sofina avait
transféréalors certaines de ses activités à Lisbonne. Sous l'égide per-
sonnelle de M.Heineman, descontactsétaient maintenus dans cette ville
entre les groupes int4ress4s dans Sofina, en dépit du fait qu'ils se trou-
vaient des deux cbtésdela barricade ou encore dans des pays neutres. En
particulier. dans un passage d'une intervention prononcée en mai 1945
au Congrèsaméricain (reproduite à la page 4848du Congressio-1 Record-
House du 21 mai 1945) le Congress?mnforCalifornia, Voorhuis, rappor-
tait qu'en mai-juin 1944 avait eu lieu,à Lisbonne, une réunion sous les
auspices de M.Heineman, dont il était préciséqu'il était citoyen améq-
cain et principal représentant de Sofina aux Etats-Unis. Sofina était
définiepar le député'américaincomme une grande holding de services
d'utilité publique, crééeà Bruxelles, enregistrée au Panama, ayant sa
comptabilité à Cuba. sa directionà New York et son personnel technique
àLisbonne. Le mémeCon~ressmandénonçait le fait que, dans le groupe,
il y avait des intérets allemandssubstantiels;et il précisait qu'à laréu-
nion de Lisbonne étaient représentésdes industriels anglais, français,
allemands, américains, italiens. espagnols et suisses. Enfin de compte,
les Belges seuls n'étaient pas représentés!(Le texte complet du passage
de l'intervention de M. Voorhuis figure aux pages 163 et suivantes du
volume III des nouveaux documents présentés par le Gouvernement
espagnol au coursde cette prockdure.)
On en arrive ainsià l'après-guerre. Le premier fait révélateur que l'on
rencontre au débutdecette Dériodeest représentépar certaines données
rtiultant de L'applicntioii<1;13loi belge611 17 octobre 1945 qui ~>r<:scrit
iiriirnpbt de 5 pour cent siir le capital, et,.n particulier de la rijtoiirne
nré\,ucvar In rn&iiieloi ?rifa\.i;ur des societ6s belctiliii3u q octohre

Î9#, pÔssédaientdes titres d'une autre sociétéayant &misde nouvelles
actLeGouvernement espagnol ad4ji relevé,aux pages 703et suivantes du
contre-mémoire (IV), que les actions So6na ristourn6es.à des soci4tés

anonymes belges ont étéen tout au nombre de 214, ce qui prouve que le
anonymes de nationalité belge était de 4 280. Comme il ressort d'unetés
lettre adressée le 22 novembre 1946 par le minist&re des finances à
Sofina (A.O.C., vol. II, p. 388 et suiv.), les services de cette dernière ont
dû avouer qu'il n'y avait rien à redireà cela, et mon honorable contra- 654 BARCELONA TRACTION
dicteur, dans sa plaidoirie a gardé à ce sujet le silence le plus complet.
En plus, la Partie adverse n'a rien pu objecter à la constatation que, sur
les 4 280 actions, 2 080 ne représentaient quedes participations de Sofina
elle-même,par l'intermédiaire de Sidro et Cobti. Cela ramène la parti-
cipation effective de sociétésanonymes belges au capital-actions de
Sofina,en 1944. à un total de 2 200 actions, soit I,Ipour cent du capital.

Le Gouvernement espagnol avait mis en parallèle ce résultat. à lui seul
tellement éloquent, avec le fait que l'action unitaire Sofina. excessive-
ment lourde, était plus apte à se trouver en paquets importants dans le
portefeuille de sociétésque dans celui de particuliers. Une preuve en est
le fait que les membres du groupe cosmopolite contrdlant Sofina, afin de
favoriser une certaine diffusion des titres Sofina parmi le public de leurs
pays respectifs, avaient décided'émettre des certificats d'un cinquan-
tième d'action. hlon honorable contradicteur n'a trouvé de meilleur
commentaire à formuler à ce sujet que celui qu'il n'est pas toujours facile
de répondreavecsérieux à un argument quien seraittotalement dépourvu
(VIII, p. 562).Nous nous permettrons d'observer ql'il y a là une manière
un peu trop facile de se sortir d'une difficulté.
Aucune obiection sérieuse n'avant donc étéformulée. nous n'avons
qu'a confirmÊr, 3 ce propus, que Ici donii6es rclati\,rs ?Ila ristourne des
;ictions Sofiiiai des %oci<.t;sbe1gt:sconfirriient <I'iiiitniaiiii.re iicttc et
bien dificilemciit conteit;ible Ic c~rxitbrc cxirimeinciit r&liiit dc In
participation belge au capital-actions de Sofina à une époque très
rapprochée de la date critique.
En ce qui concerne l'autre fait important de cette mêmepériode, à
savoir l'assembléeextraordinaire de Sofina le 6 décembre 1946, le Gou-
vernement espagnol a également eul'occasionde mettre en évidencedans
le contre-mémoire (IV, p. 705-706) son caractère révélateur. A cette

assemblée, sur 23 104 actions ordinaires représentées, 3 198 étaient de
propriétébelge, réparties entre 66 actionnaires, tandis que les 37 action-
naires étraneers étaient détenteurs de ra 006 actions: 1?.8a W.ur..ent de
belge contre 86.16 pour cent'de participation étrangère.
En commentant ces constatations, nous avions observé qu'en sup~o-
sant - comme nous avions acce~téde le faire - aue les-action;ion
représentées :i1'nssçmbl;c :lient ci6rGpsrtics do In m'~nicrnniii6rc entre
Belgeset étr;iiigersque les;ictions re~~r~seiitl'eiq .,ui :irt~.ignnieri12 1)uur
cent du tot;il. on ris(iiiait de I:iusserIrcalcul au (l6trinicnt <le 13 i~:irtici-
pation étrangère plutht qu'au détriment de la participation belge:'
Mon honorable contradicteur. dans sa plaidoirie. du 13 mai (VIII,
p. 553et suiv.), nousa infornie,sque Solina a;,aitbes participitionsinipor-
tantes dans certaines des ioçietes 2tr:iiigi.r~~qui. :ileur tour, ai.aiciit iles
~articipations importantes dans Sofina. et qui étaient représentées à
i'a~s-~~lée. Nou<sommes bien aises dele savoi~ ~~ais noui ne Densons
pas que cela puisse-changer en quoi que ce soit ~es'~ro~ortionscoistatées
auant à la participation respective bel~e et étrangère à l'assembléedont
~~
A part cela, les services de Sofina ont prétendu qu'il ne serait pas
"sérieux »de faire de telles déductions. On se demande ce aui nous vaut
de tels qualificatifs. Et, notre tour, nous aimerions qui ces mêmes
services nous disent s'ilsestiment «sérieux ad'avancer des prétentions en
vertu desquelles il faudrait conclure qu'en décembre 1945, vingt mois à

peine après la fin de la guerre, la grande majorité (en fait les trois cin-
quièmes) des actionnaires étrangers de Sofina, dont beaucoup se trou- PLAIDOIRIE DE M. AG0 655
vaient dans des pays encore bien plus détruits et bouleversés par la
guerre que ne l'était la Belgique, auraient trouvé le moyen de se faire
représenter à Bruxelles cette assemblée,alors que seul un pourcentage
vraiment dérisoire des actionnaires belges qui se trouvaient sur place
aurait eu soin d'en faire autant.
Cette réflexionfaite, quels sont les arguments par lesquels la Partie
adverse a essayéde contrer les constatations que l'on fait en examinant
les procès-verbaux non seulement de l'assembléede 1946 mais de toutes
les assembléesextraordinaires de Sofina et les conclusions que l'on peut
tirer de cesconstatations?
Le plns grand atout de la Partie adverse consisteà faire valoir que les
actionnaires belges sont gravement atteints d'absentéisme. Nos contra-
dicteurs font tort à leurs compatriotes: cette maladie, pour autant
qu'elle en soit une, n'est pas plus répandue en Belgique qu'ailleurs. En
tout cas, on ne nous fera pas croire une chose: que lors des assemblées
qui se tiennent en Belgique l'absentéisme des actionnaires belges puisse
étreplus grand que celui des actionnaires étrangers.
N'oublions pas non plns, avions-nous rema1qué.à une occasion anté-
rieure, que c'est une pratique courante dans les différents pays que, en
orévision des assemblées. des banaues ou des sociétésfinancières. ou
d'autres agents, fassent cies démarihes auprès des..actionnaires indivi-
duels.pour sefaire donner le mandat de lesreprésenter à ces assemblkes;
et cette démarche est sans doute plus aiséeauprès des actionnaires qui
se trouvent sur placequ'auprésde ceux qui résident à l'étranger.
Cette remarque particulière a fourni à mon honorable contradicteur
l'occasion d'une réoonse triom~hante: en Bel~ioue les banaues ne
sauraient être manhataires dS&tres actionnairës'aux assemblées de
Sofina étant donné.d'une part, que les statuts de Sofina ne permettent
pas la représentation d'un'actioinaire par quelqu'un qui ne-serait pas,
lui aussi, un actionnaire, et d'autre part les banques, en vertu d'une dis-
position de 1935 ,e euvent plus êtreactionnaires d'une société com-
merciale telle quesolna. Nous nous serionsdonc lanc6s dans une argu-
mentation dépourvuede tout fondement, nous aurions cconstruit sur du
vent j(VI11,p. 560).
Mon honorable contradicteur a-t-il vraiment raison d'exulter de la
sorte? Prenons la peine de regarder la liste de présencedes a~tidnnaires
aux assembléesde Sofina. Certes, on n'y trouve pas de banques, encore
qu'on y trouve différentessociétés financièresqui, après 1935. ont rem-
placé aux assemblées certaines banques qui y figuraient auparavant,
ainsi aue des banouiers aui sont ~résents A titre individuel. Alaissurtout
(III trouw rionibrc <Irn1andnt;~iir.squi ,ont prGsciitscil t;iiit quc reprc-
seritantidc la [>ltip:iri<lesritulnir~~,deeaciioii. d<:po:\qiiui ùoii (lire,
donc. aue la oiatiaue à laauelle nous avons fait allusion ne peut pas étre
appli'qÙéeenLBelgi'que des banques, alors que la représentaiion par
d'autres mandataires est possible?

L'audience,suspendue à II hzo, est reprise n h40

Ces quelques remarques faites, revenons au point qui nous occupe.
Pour trouver une preuve concréte du fait que l'absentéismedes action-
naires belges individuels n'est pas aussi accentué qu'on le prétend de
l'autre côtéde la barre, jetons un coup d'oeil sur ce qui se passe à une
autre assemblée, égalementde Sofina: l'assemblée spécialedes porteurs 656 BARCELONA TRACTION
de coupures d'un cinquantième d'action ordinaire, tenue le 12 mars
1954 .lle figure au Moniteu6elgedu 18 mars (p.2537 et suiv.). Remar-
quons que, parmi le nombrelimitédesporteurs de ces coupures, il devait
y avoir une majorité de Belges; toutefois, nous savons que ces coupures
ont aussi étémises en vente sur de nombreux marchés étrangers, précisé-
ment afin de susciter un peu partout, quoique de façon limitéeet contrô-
lée,un certainintérêtauprèsdes petits épargnants. L'on déduit d'ailleurs
de l'annexe 16au mémoire belge(A.M.,vol. 1,p.133 )u'au comptage de
ces coupures on en avait reperé 59.95 pour cent nanties de certificats
délivrés enBelgique contre 25,6 4our cent démunies de..certificats et
14~4 1our cent nanties de certificats délivrésen Angleterre, France,
Suisse, Etats-Unis, Luxembourg, Hollande et autres pays. La majorité
semblablement pas excessive. ce cadre très restreint, n'y était donc vrai-
Or,à i'assembléede 1954 a participation des porteurs belges s'élàve
16004 voix, réparties entre une sériede petits actionnaires dont la liste
s'étendsurplusieurs pages et qui etaient largement représe-ténotons-
le- par des mandataires.La participation des porteurs étrangers tota-
lise 650 voix. L'absentéismedes actionnaires étrangersest donc bien plus
marqué - et c'est normal- que celui des actionnaires belges. Et il est
clair que là où une majorité belge existe vraiment, elle se trouve non pas
annuléeou diminuéedans le calcul des présences à une assembléemais,
au contraire, nettement marquée;tandis que,dans ce mêmecalcul, l'éva-
luation de la participation étrangère se trouveétre nécessairement faussée
et diminuée.
Pour évaluer la valeur de l'argument de l'absentéisme, donc, ces
données relatives A une assemblée de Sofina elle-mêmenous semblent
êtrepnrtisuli;~r~irient sigiiiricatiieî; plus sigriific~tii~esen tout cas que
celles que inoi, honornblc coiitradicreiir n \,oiilu(VIII.p. 561) cles
~rocès-verbaux des assembléesextraordinaires d'autres sociétéset uui,
au surplus, ne dise111ricii quaitIn rt:partition qui noiis'intéresseentre
participation i,trangéri:et participatioil n:itioriale
conseils vont vraiment loin quand ils veulent tirer du prétendu absen-
téisme des actionnaires belges la conclusion que la totalité ou presque
des actions non représentéesà l'assembléeextraordinaire de1946 aurait
étéaux mains de petits épargnants belges.
La Partie adverse a eu aussi recoursàd'autres moyens de défenseet,
en ~articulierAcequ'elle acru êtreunecritiauede su..ositions avancées
par nous qiiant {I l'ayl~nrteiiniice probnblc d'iiiir grande parrie des
:içtioris qui ri'3pp:iraisscni In;=ei~ihl~edont on parle
LeGouvernement esiiaanols'était basC sur la consideration. aue les so-
ciétésétrangèresqui fâisa'ientpartie du groupe cosmopolite~décontrôle
- ce groupe de contrôle dont nous avons vu clairement, la compo-
sitionà I'orieine et au sein duuuelhl.Heineman veillait à maintenir
I'Cqiiilib-'il ;x\,nieiitpns l)c>ui;id'Ctrc rcprésrnti~ss:1iix3jseiiibl2cs de
Sufiiin pourIOO polir cende Ii:ur poids. II suffis;iit que I'c'qiiilibrcïritre
les différentes ~artici~ations soit assuré: Dour ce faire. une~résence des
princii):ius meinbrcR\Y Cn nombre d'aitions trej infcrieu; nii iiombre
reste des actions se trouvaient donc trèsprobablement, 1948let après,
dans les oortefeuilles de sociétésdominéesDar le atouve de contrô..u.
Mon hkorable contradicteur (VIII, pi64) a tout simplement rem- PLAIDOIRIE DE M. AGO 657

pl;icél'expression ctsociétésdominees par Irgruiipe de contrfile A par celle,
qu'il nous a attribuéc. tic ttjoci216setrangères qiii ét~iriit des hlinles (Ir
Sofina h. Je ne sais pas qiiclltrerreur a pu ainzncr mon honora!)lc contra-
dicteur i prCicnter unc iléformarion :iiiisi niariifeste <Ir 1ripensée dii
Gouvernemeiit esparnul. Quoi riu ile11 SJL~. ilest C:vldentau'elle cnl&ie
tout intérêtaux foniues &gum&ntations que mon honora6le contradic-
teur a développéessur cette base.
Les efforts de la Partie adverse pour essaver de renverser les consé-
quences des constatations faites à Propos dél'assembléeextraordinaire
de Sofina de 1~46 n'ont donc manifestementpas de succhs. Ajoutons, à
~ ~ ~ de c0ncluiion sur ce oint. a.'.n ~lus. si cette assembléea"ne sieni- -
iic:itiori,ce n','si yds tant eritnnt que Iiiit iiol;, niais pnrcc qii tllc i'insere
daiis iiii,.unterte. Elle n'vst (lu'uiie iii;iiiifiit:ition ~lcplui d un et*[ ilr
C~OSÇF jiirqu'alors constiiiit, qui ne s est j..niaij dCmenti dcpuis l'él~uquz
(lela rCorg.~ni>ationde Sotiii:~eii liolding tinnn<:iL\rcuïmop~ilit<:é, tablieen
Belrique pour iles raison3 de comrnu<lit<:iiiridiqiie ci d'ovr~ortunitCgéo-
. -
polZi$ue.~ -
Le ait que, à la veille de la faillite de Barcelona Traction encore, et
mêmedans les annéesquiont suivi, la participation étrangère dans Sofina
ait éténettement prépondéranteet la participation belge fort limitée, ne
constituait, à vrai dire,un secret pour personne. Il y avait là, comme le
Gouvernement espagnol l'a soulignéaux pages 706et suivantesdu contre-
mémoire (IV). un fait de notoriété~ubliaue.
~us~u'iii, ia Partie adverse n'à'rien ;u objecter de valable à cette
constatation. Pourtant. au lieu de continuer à réitérer sesassertionsnon
démontrées,elle aurait mieux fait de produire des, élémentsqui soient
réellement de nature à montrer que l'opinion publique se trompait, de
façon ?Iinfirmer la preuvenégative que l'onpeut tirer contre sesthèses de
ce~~~-~onv~ct~ ~~eé-éral~ ~ ~
Dans ces conditions, nous ne pouvons que coiifirmer les observations
déjdfaiteset lesréférencesdéjà abondamment données.Nous pensons qu'il
peut étre utile d'ajouter encore quelquestémoignages et quelques indices.
La matière qui forme l'objet de ce procèsintéresselargement le monde
des juristes. C'est sans doute ce qui nous a valu la floraison d'une abon-
danie littératured'actualité sur lèsthèmes débattus devant vous.
Dans lecadre de cette littérature nous avons relevéun ouvrage de
M.de Hochepied sur La pro&ec&io diplonrafiqziedes sociétiseeldes action-
naires, paru à Paris en 1965.II s'agit d'une thPse de doctorat présentée à
la facultéde droit de Paris. En France. seules les meilleures thèses sont
actnellemeiit imorimdcs avec l'aide de subventions de 1'Etat. Or. cette
thCie n'a pn-;ol~tciiuune mciitio!i siifisaiit~ pnur R\OI~ droit A iiii~sut)-

v<:iitioiieii vuc de I'iml~rtsiion îoiitcluis, ti~~iir<~useiii<p ~oitr Iaiiteiir,
I'interet di1 iiiiett?fdci orliiiions formiilcts lui 3 quall<l~ll~lllepcrniiscir
troiiver les rnucens nc'cess;;irci:aI:piihlication dc ion oiivr:age.Se dcrnirr
R CIOII Cu I'honncur d'éirt.cit;: <l;iiiLa r;iili<li: ii C~nu\,eriicmciitI,clg<:.
Comme il s'aeissait d'une these. nous avons cru utile de coiisulter.
oiitre le texte ikprimé, îvlui originaireriient présenté i In faculté.cri
Iwnsniit que pciit-Ctrc les iilrts de I'iiiiteiir ;~iir;,icntpuysrroiiver rt:tlC..
tics d'iine in.iniL\reblir;ct>inr)l;tt et. r~arlà, i11nsaut!ienri<iue S~tre zi.1~.
a trouvé sa récornpinse car'nous avons pu- retrouver dés passages en
véritéfort intéressants, qui malheureusement ont été sacrifiésdans le
texte imprimé. A la page rrr du livre, par exemple, figure un court
alinéa,qui concerne notre affaire et qui dit:658 BARCELONA TRACTION
«Enfin, l'Espagne estime que ,l'insuffisance des intérêtsbelges
prétendument lésés nepeut justifier une intervention déjà injus-
tifiéeendroit.n

Mais cet alinéa, dans le texte d'origine, ne s'arrêtait pas là. Il était
complétépar un passage assez long, particuliérement intéressant dans sa
totalité. (On le trouve reproduit àla page 189des nouveaux documents
du Gouvernement espagnol, volume III.) La premiérephrase de ce pas-
sage qui ne figure pas dans le texte imprimé et que je lis textuellement
disait:
.En effet, la participation belge dans le capital de la Sofina a été
sans cesse minoritaire depuis la réorganisation de 1928, oscillant
entre 14et 18%.En ce qui concerne Sidro, la participation belge
entre 1923 et 1958 est tombéede 76 à 34%.".

Nous nous demanderons pourquoi la phrase quej'ai lue a étésupprimée
lors de la publication!
Passons maintenant à un autre document, plus autorisé certes, et qui,
en fait. représente plus qu'un simple indice dcnoton~t4 publiqiie.
Le 7 avril 195j. M. Arthur Denii. alors avocat de Harcelona Traction.
de Sidroet de Sofina. Ccrkait une lcttre;i11.Art;iio. rriiriistredes affaires
étrangéres d'Espagne. Nous avons retrouvé récemment cette lettre, qui
est reproduite à la page 179du volume III des nouveaux documents du
Gouvernement espayol. M:Dean remerciait d'abord le ministre espa no1
de l'entrevue qu il ui avait accordée à la demande de I'ambassa 3eur
des Etats-Unis. Il disait ensuiteà hl. Artajo que l'impossibilit.é,irelevée
jusqu'alors de parvenir à un règlement de la question de Barcelona
Traction était une source de préoccupation grave pour la direction
intérêtaniéricain substantiel» (a matteri lO/qvery greal concern /or the
managementand shareholders ofSofina,i~rwhichthereis nowasnbstantial
Americalzinterest).
Les termes que nous venons de lire ne sont pas des termes quelconques,
employésau hasard. Ils ont, au contraire, une sjgnification trésprécise.
En eHet, par l'expression szrbstantialAmerican rnterest - comme Bor-
chard l'a montréaux pages 621et suivantes desa Diplomalic Protectionof
Citirens Abroad, et comme la Partie adverse l'a d'ailleurs rappelé plus
d'une fois - le département d'Etat désignela condition à laquelle il
soumet son consentement à intervenir en faveur d'une sociétincorporated
aux Etats-Unis. Et, ainsi que Paul de Visscher à la page 454de son cours
de 1961sur La protectiondiplomatique des personnes moralesl'a mis en
évidence,cette expression est plus ou moins, dans la pratique américaine,
l'équivalent de ce que «l'intérêtsuisse prépondérant »est dans la pra-
tique helvétique.
Or. M.Dean. avocat amCriCainde rr.,d renom. lui-mêmeambassadeur
dc FOIIpnys - ~IIIC ;':eii J'nillriirs I'honnetiIcrviiiinitr-, ii'ctait
certes pas lioiniiir i ,:iiiplo!.cr ccs ternies dan, uiie a,-icption impropre oii
Cuui\.ouuc d;irii une Icttre ndressCe au miiiistre ,:s~ariiol des affaires
é&ang$reset écrite à la suite d'une entrevue organi;éëpar les soins de
l'ambassadeur des Etats-Unis. Moins encore, pensons-nous, était-il
homme à rendre la res~onsabilité de rése ente àr son interlocuteur une
situ:ition lie corrrspoiidnnt pai la réalité.
Sous Jevi~iisd~nc yrcndrï ;~çtcdu fait qu'il y avait dans SoFin;iunc PLAIDOIRIE DE M. AG0 '359
participation américaineque l'on pouvait qualifier de substantial,au sens
indique.
Cela ne peut étonner personne, étant donnéque dans la réorganisation
de Sofina de 1929-1930déjàla participation américaineavait la majorité
relative dans le capital-actions de la sociétéet que M. Heineman avait
vraisemblablement eu soin. parla suite, d'augmenter encore cette parti-
-~r--ion.
En mêmetemps. il y avait vraisemblablement un rapport entrel'impor-
tance du capital américaindans la sociétet l'importance accrue aussi des
investissements de Sofina aux Etats-Unis qui, comme le montre Pierre
Joye & la page 171de son ouvrage,représentaient 34,Gpour cent du total,
contre 44.5 pour cent dans despays tiers, et seulement zo,9 pour cent en
Belgique. L'on conçoit aisément les raisons pour lesquelles les capitaux
provenant d'un pays donné peuvent avoir intérét à êtreinvestis dans le
mêmepayspar le truchement d'une sociétéétrangère.
D'autrepart. àcôtéd'une participation américaine prépondérante,il y
avait notoirement, dans Sofina, d'autres participations importantes:
anglaise, française, suisse, allemande, espagnole, hollandaise, italienne et
autres. Il ne restait pas beaucoup de place pour une participation belge
qui, en tout cas, vu ce que nous venons de rapporter, ne pouvait mani-
festementpas être, ne disons pas majoritaire, mais simplement prépon-
dérante.
Pourtant, à l'époque oh M. Dean adressait au ministre Artajo la
lettre que l'on vient d'examiner, la Situation de Sofina n'était déjàplus
la mémequ'à l'époquede la faillite. Elle avait aussi commencéà évoluer
vers une participation belge plus importante, encore que toujours mino-
ritaire. C'était lesigne avant-coureur d'une transformation quin'aboutira
que beaucoup plus tard. A rèsle groupe Boël, le groupe Lambert avait
commencéi s'intéresser i kofina et, précisémentautour clesannées14,7-
cominc ILr.;ipporte Pii:rrcJo!.c. IIavait acU~C.prçnii2re ~nrticipÿtion
importante i Iÿquclle<l'itutr<;.,'a)outéreiit par lz 1.cbaron l.~iiibcrt
ofaits. JI tlcinen~nscrctirait <IIIj~ode rneriibrcdu somitb permanent.s
Inlii \inrs r pcu npr& aubsi, le Frnn,ni5 IZené.llnyer, Ir rcni-
placèFent à la ùirection.de Sofina.
Le départ de M. Heineman en 1955 ne pouvait que marquer le début
de la dislocation progressive du système qu'il avait crééet qu'il s'était
efforcéde sauvegarder au cours de sa présenceprolonghe à la têtede la
société. L'équilibrentre les différentesparticipations n'étaitplus main-
tenu et entre certaines parties commençait à se dessiner une lutte pour
s'assurer le contrôle de Sofina. Tout cela avait aussi ses répercussionssur
la composition du conseil d'administration. En mémetemps, l'abandon
de certaines ositions pouvait favoriser progressivement une beaucoup
plus large diAsion des actions Sofina dans le grand public; et il n'est pas
exclu que d'autres facteurs aient aussi exercéleurinfluence dans ce même
sens: entre autres,à partir d'une certaine période,le désengagement de
certaines positions au Congo et la disponibilité accrue de capitaux qui
en résultaen Belgique.
Nous ne prendrons pas maintenant le temps de la Cour pour exposer à
nouveau, à propos de Sofina, les événementsdes années 1955-195'3.Le
Gouvernement espagnol les a déjà brièvement décritsdans sesécritures.
Nous nous bornerons à indiquer simplement combien vaine est la pré-
tention des services de Sofina qui, contre toute évidence et contre le 660 BARCELONA TRACTION

tfinoigiinge iiiisniml. rt:ssortsiit dt:s uii\,rages qui ont trsit: I:, ,lii,~;tiuii.
vuu~lr;iieiit ÿicrcditt.r la \.crsir,n rl'iiiii: sociitb qui ;,iir;iit cuiàipt..
I'CSous soiilignerons en particulier I'inconsistaiice d'un rL'citqui, en
d(.fiiiiti\.?, voiidrair noiis repr4srntcr iiiie situatiuii où un pçtit groupe de
sosi6t2s étraiic2rci. rie possr'dant d:iii, leiir eiiîeni-lenous dit-on -
que gpour ce& du capital-actions, aurait néanmoinsréussiàcontrôleret à
dominer une sociétéoù 7,g pour cent des actions auraient appartenu à
des sociétés belgeset où 83 pour cent auraient été,pour l'iiimmense
majorité »,entre les mains de particuliers, naturellement promus aurang
de Belges!
Plusextraordinaire encore devient le fait de ce contrble si l'on se réfère
aux pourcentages réajustés indiqués par mon honorable contradicteur
dans sa plaidoirie du 13mai (VIII,p. 559).Un coup de baguette magique
lui suffitpour transformer en 6.6 pour cent les g pour cent attribués aux
sociétésétrangerespar les auteurs de l'annexe 133 à la réplique.
Il n'est pas non plus dans notre intention de revenir en détail sur les
événemenkbien cônnus de 1964-1965.si ce n'est seulement pour relever
la contradiction évidente entre ces événementset la prétendue iiinter-
prétation Dque laPartie adversevoudrait en donner. -
En effet, le porte-parole de la banque Lambert déclarait en toutes
lettresà la presse que l'opérationqu'il proposait - et qui, rappelons-le,
consistait, pour un groupe qui possédait déjàun paquet important d'ac-
tions Sofina, à lancer une offre d'achat de 250 ooo autres actions, avec
une majoration de prix de 3000 francs environ - que cette opération,
disais-je, avait pour but .de faire de la Sofina une sociétévraiment
belge ».Comment cela aurait-il pu signifier, comme les services de Sofina
aimeraient le faire croire. que la banque Lambert avait seulement I'in-
tention de s'assurer une maiorité au sein d'un ero-.e fort restreint de
gros acrioniiair*i coiitrCI:~I:jocictC.IVseiilgroiipi aiisi.iidiiquel >eiilc-
ment ilY :iur;iiciicncorï uiic.prC~ioiiiIcrnncçetrniig<'rc)Coiiimc.iirnotre
honorable contradicteur a-t-il-DU penser au'on lesuivrait auand il a
avancé (VIII, p. 559) que la diclaiation d; porte-parole de \a banque
aurait viséles actionsqui apparaissaient aux assembléesgénéraleset ces
actions-là seulement?Pour un but aussi limité.une o~érationde moindre
envergure et surtout de moindre coiit aurait'été t&t à fait suffisante.
Bien au contraire,pour éliminerle contrôle étranger de la société - con-
trôle qui, toujours selon le porte-parole de labanque, ressortait d'une
étude de la répartition du capital-actions de la société - l'auteur de
l'offrejugeait nécessairede porter le paquet d'actions qui étaitaux mains
d'un actionnaire belge à un chiffre qui voisinait la moitié du total du
capital-actions de la société.Et il est à remarquer que I'ofire du groupe
Lambert n'était pas présentée à Bruxelles seulement, mais aussi à
Londres. New York. Paris. Francfort. Amsterdam. Zurich, h~il~n.~etc.
ce qui confirme le caiactère'et les finalitésde ];opération.
La presse belae de l'époque(voir par exemple 1'Echode la Boursedu
23 nocembre $4) n'a d'aiïleurs manqué.de souligner que les résis-
tances qui ont fait finalement échouerl'opération venaient surtout de
l'étranger.
D'autre part, référons-nousun moment à l'opération lancée par la
Sociétégénéralede Belgique (Lakeove7bid), et présentéedans les jour-
naux les plus importants de toutes les places financières du monde occi-
dental. Nous ne pouvons que noter une fois de plus que le commentaire formulépar une agence de presse financikre indiquait quecette opération.
qui dans son ensemble s'approchait des proportions de celle qu'elle
voulait empêcheret remplacer, aurait étédenature à adonner une majo-
rité belgea à la société. Lesmilieux spécialisésétaient donc convaincus
que, même àcette époque,i!n'existait p. encore de majoritébelge dans
la sociétéet que, pour l'atteindre, il fallaitune opération de proportions
tout à fait exceptionnelles. Et nous n'avons connaissance d'aucun
démenti rendu public àl'époque.
Si l'histoire récente de Sofina peut revêtirun intérêtaux fins qui nous
l'exactitude des conclusioi~sauxquelles nous sommes parvenussi.àpoàtpropos,
de la situation du capital-actions de Sofina à l'époquede la faillite de
BarceIona Traction: c'est-à-dire à une époque où l'idée mêmed'une
cbelaification. future de la sociéténe s'était pas encore profilée à I'hori-
zon.
Kous ne pouvons toutefois pas laisser sans un dernier commentaire les
donnéesque la Partie adverse a récemment publiées dans les~nouveaox
documents présentéspar le Gouvernement belge (no3) àpropos desrésul-
tats de l'offrede la Sociétégénérald ee Belgique. Mon honorable contra-
dicteur leur a attribué beaucoup d'im~ortance dans son argumentation
(VIII, p. 562-563et 566). -
Il ressort de ces donnéesque les conditions d'achat vraiment inespérées
qui étaientfaites avaient attiré31017 offresde titres, correspondant à un
total de 362585 actions. soit plus de la moitié des 627ooo actions en
circulation.
Les offres- ce oui. soit dit en vassant. ne veut Dasdire les ~orteurs-
relatives à un nombre d'actions comprisentre Iet 50 action;, représen-
taient 56 pour cent des 362585 actions offertes; les offres relatives à lin
nombre com~ris entre 50 et zoo représentaient 14 DoUrcent. Et finaie-
ment 2; l>~u;~riit&taientrepriscntss ~viirdesoflresrel;itii.cs.i un noinbre
d'actioiis trh dont iinc visait 14495:ictioris.
I(itléchis:oni, in:tinttn:iàices pourceiit:igt-s II en ressort nv:iiit tout
OIIC les ép:~rgiixiit;indii.iJuclj, i.t;int <lonnc:f~ii'il\':igiss:tit d'unï nctioii
ti?s loiiril- on p:,\nit II nfio1r:iiii; hclgi:; par actio- dcvr.ii?iit se
trouver essentiellëmënt parmi les ~remieÏs -. vour cent. Ils reurésen-
raient, i ce <~ii'ori (lit l'~:~o(~ue,'l~uasi-rotalité des actioiina;rcsiii-
dividiicls csiit.iiit.~. et IL.iornprcn<l. Siir ic.groiipe, uii pourcciir:igc
I'levéde\.ait iiiianrl iiiCr: trr 6tr:"nc... niAisaii'orinote enc:II'assein-
bléeextraordinaire de 1956 que, parmi les iipetitss actionnaires repré-
sentés, les étrang-rs, surtout français, étaient plus nombreux que les
Belges.
Quant aux 44 pour cent quirestaient, il était à présumerque, du moins
en ce qui concerne ces 25 pour cent qui représentaient des paquets
d'actionsallant de zoo à plus de 14 ooo - et d'un prix aussi élevé -, la
majorité devait se trouver aux mains de sociétés.Et ces sociétés nepou-
vaient êtrequ'étrangères,puisqu'onsait quelessociétésbelgesactionnaires
de Sofina étaient en nombre minime, à l'exception, bien entendu, de
celles qui étaient derrière l'opération et qui, certes, ne mettaient pas
leurs titres en vente. Il n'est pas dépourvu de signification, à ce propos,
que le journal bruxellois LIe Standaard du 21-22 novembre 1964ait noté
que certains milieux étaient sceptiques à propos du résultat d'une opé-
ration de ce genre, <à cause de la dispersion géographiquedes titres dans
l'Europe entière,i; et qu'il ait ajouté à cette note les mots suivants: 662 BARCELONA TRACTION
« Beaucoup reeardent avec curiositévers la Suisse où la oortion la olus
importa& pirrÿit bien Fetrou\.Fr 0
Qiinnt aux actions non présentees à l'achat, une fois<Iéduitescellesqiie
le groupe 1-ambert s'étaitprociiréesentre-temps. largeiiit.nt au détriment
de participations étrangcres pr6cédcntcs.aussi bieii que celles de l'Union
Boél.le restant devait êtreencore. plus ou moini. aux mains de certaiiis
groupes étrangers que l'on a souvent rencontrés et qui participaient
ouvertement à l'opérationde la Sociétégénéraldee Belgique.
Où était donc, en 1964 encore, et en dépit de toute l'évolutionde la
situation, qui avait changé si.nettement depuis une décennie, en dépit
aussi du progrès déjà réalisésur la voie de la nbelgificationu de la
société,cette majorité belge quasi exclusive qui aurait été nécessaire
-et nécessaireen 1948.non pas en 1964-pour étayer les prétentions
de la Partie adverse à propos de la participation belge dans Barcelona
Traction? Où étaient ces 81 pour cent d'actionnaires belges de Sofina
dont le Gouvernement belge a alléguél'existence avec tant de témé-
rité? Vraiment la Partie adverse n'aurait pu mieux détruire de ses
propres mains les prétentions formuléeset maintenues depuis le début
de cette affaire.
Monsieur le Président, Messieurs, nous avons déclaré à plusieurs
reprises - et nous le réaffirmonsfermementaujourd'hui - qu'il était du
devoirdu Gouvernement belge de fournir la preuve de cette participation
belee écrasante dans Sofina au'il affirmait avec assurance et dont il
entendait se prévaloir pour étiyer ses prétentions. Non seulement il ne
l'a pas fait, mais au contraire, c'est finalement le Gouvernement espagnol
qui, allant au-dela de ce qu'étaient ses obligations, peut se flatter, pen-
sons-nous, d'avoir donné la preuve irréfutable du caractère minoritaire
de la participation en question, du moins à l'époquecritique.
Maintenant, au vu de ce qui ressort de l'analyse -longue et détaillée,
nous nous en excusons - que nous avons dîi effectuer pour rétablir la
réalitédes choses, nous ne croyons pas qu'il soit encore nécessairede vous
infliger l'exposédes calculs précisde ce qu'a pu être,en dernier ressort,
l'apport de l'«épargne belge» à Barcelona Traction: l'apport résultant
du jeu successif de la participation de cette épargneau capital de Sofina,
de celle de Sofina et d'autres «épargnants » dans Sidro, et de celle de
Sidro dans le capital-actions de la sociétécanadienne. Les proportions
finales de cet aooort peuvent êtrefacilement imaeinées.
et [>çrdudans le fleuve ilçs Iinniic~-nizntsdont Uarceloiia Traction a ruhle
besoin oour alimenter son entreprise. Et pourtant c'est pour ce filet d'eau
que les'intéressésont mobiliséie ~ouvknement 'belge: lui ont fait exé-
cuter des démarches réitérées auprès du Gouvernement espagnol; c'est
pour cela au'on a orétendu metire en auestion le contenu ët le bien-
iond6 des régie lei'inieux établies du droit internntioiial et qu'on a fait
clamer aux quntre vents l'urgence dc voir le droit iiiteriiationnl s'C\,eiller
aux besoins de protection de<investissements internationaux; c'est pour
cela qu'on a monté un procès devant la plus haute juridiction inter-
nationale!
Au cours de la loneue analvse conduite iusau'ici nous avons donc DU
acqiiérirla certitude Je 1'inexi;tence de cette participation prépond4rante
d'aintéréts belaesn dont précisémentl'importance escei>tionriellc est
invoquée comme étant déterminante pour hous amener $lever le voile
de la personnalité morale de Barcelona Traction et à justifier l'inter- PLAIDOIRIE DE M. AGO 663

vention du Gouvernement belge au titre de la protection des sociétésde
statut belge couvertes par ce ~ile.
Ce sont ces remarques qui m'amènent à passer, maintenant, à la
deuxième partie de mi plaidoirie.
Monsieur le Président, Messieurs, au début de ma plaidoirie, je me
suis permis d'indiquer que l'exception soulevéepar le Gouvernement
esr~-nol touchant le défaut de aualité du Gouvernement bel~eentra-nait
Fex:irnen de deux groiipcs de qi~--ionj.
II s'arrissait. en premier lieu, de détrrminer si les donnéesa\wiicéespar
le GouGemement-belge,. et sur lesquelles il voudrait s'appuyer pour
justifier son jus slandi, correspondaient à la réalitéet avaient étéprou-
vées.
II s'agissait. en second lieu. dans I'iiypothèsz où la réponse:iiix pre-
mières questions aurait 616a1firm;itive d'Ctablir si ces riiêmcsdonnécs
auraieiit hi. de nature i font1r.r\,alablenicnt, A iiiititrr ou i iir:iiitre. la
qualits pour agir que le Gouvernement belge re\.endiquc cn I'espésr.
Or, Inréponse aupremic,rgroupe dr qiirstioiis n';ipu Ctreque né$ati\.e.
Nous avoris pi1le constater. tant ilii point de vue jiiriciiquc. au sulet des
prétendus actionnairesu belges. que diipint de yu: des réalitCsécono-
niiques, au sulet des rion moins prctcn us ~uintcrrta t belges dÿiis lhr-
celona 'l'ractiori.L'oii ooiirrait d~?slors je dcnianiler s'ilest utile (le Dour-
suivre,à du sec'ondgroupe de questions,une analyse dont lepoint
de départ mêmefait défaut.
Nous ne renoncerons toutefois pas à assumer égalementcette deuxième
tâche, car ilimporte, surtout .4ce stade final. que l'examen des difféients
aspects de cette exception soit complet. Avec votre permission, je pour-
suivrai donc jusqu'au bout le chemin que je m'étais tracé,tout en sou-
lignant que la discussion a désormaispour base une hypothèse dont on a
vu qu'elle ne correspond pas à la réalité.
A propos du deuxième groupe de questions qui se posent dans le cadre
de cette exception, je crois que l'onpeut dire qu'au cours de ce procès l'on
n'aurait gu&repu débattre plus longuement et plus en détailde certaines
d'entre elles. Je me réfkresurtout aux problèmes générauxqui touchent
la protection diplomatique d'une personne moraleou de ses membres (et
en particulier des actionnaires d'une société anonyme), ou encore celle des
intérêtsqui s'y regroupent. On pourrait soutenir, non sans fondement,
quepratiquement tout a étédit, soit sur le plan généraldesprincipes,soit
sur celui. plus concret, de leur application aux aspects spécifiquesde la
r---- ~n~--.r..c~.
Dans ces conditions, c'est évidemment un effort de synthèse qui s'im-
Doseet aue ie m'efforcerai d'accom~lir. Toutefois. la volontéde synthèse
ne doit pagnous faire perdre de bue une néceisitéprimordiak: celle
d'empêcherque des questions qui nous occupent soient déplacéesdu
cadre où elles se Dosent. Douraile l'on essaie de lesformuler en des termes
impropres et Je Îessousiraire pnr Ii<i~';i~>~licatiocnorrecte dr.5prin<:ipcs
qui les concernent et aiix conVqiieiices de cette application.
Si le tieris 3.precisc-rceci. c'est que In dcrniéreplaidoirie de mon hono-
rable contradicteur. le professeur \'irall\., m'est apparue surtout comme
un suprrme effort. extrêmement habile d'ailleurs. pour écarter les
concliisions aui s'irnooseiit dans notre affaire. Cet effort - aiii n'&tait
pas le premiér - a largement consisté en un leu de iiuance< dans le-
quel s'inséraient opportunC.ment certains aménagements des principes

invoqués et des asprcts coricrets de l'affaire, ani4nagernents résiiltant 664 BARCELONA TRACTION

souvent de l'oubli apparemment innocent des précisions nécessaires.
Kiccniinent cet effori i be~ucoiip porté aur un ;~;~cct.lugésusceptible
d'offrir;lux theses belxes un moyeri de les sortir des diiiirultés auxquelles
elles se heurtent. hlss mon honorable contradicteur a soieneusèment
laisséouvertes aussi les portes donnant sur d'autres voies, iour mieux
ménagerl'avenir.
C'est ~ourauoi il nous faut maintenant re~rendre une fois de ~lus la

Partie adverse; s'y teni;.réciserces termes de manière à contraind~e ~a
La Cour nous pardonnera si. pour ce faire, je serai obligéune fois de
~lus de raooeler les orincioes a~~licabies afin de les rétablir dans leur
Significatiin'et dans léurpirtée :>;actes. C'est par rapport à ces principes
que nous réaffirmeronsbrièvement les thèsesdu Gouvernement espaanol,
qui présentent, pour qui doit les exposer, l'appréciableavantage de süivri
une ligne constante. Nous feronsensuite denotre mieux pour ne pas nous
perdre au milieu des eaux, combien plus tourmentées, des thèses belges.
Nous essayerons de montrer d'abord l'évolutionde la position du Gou-
vernement belge: depuis la phase à laquelle il affirmait ouvertement
prendre fait et cause pour la sociétécanadienne Barcelona Traction
jusqu'à la phase ultérieure où il a essayé de dissimuler une réalitéqui
restait entiéremeiit la niéniesous le couvert d'une prétendue protection
des actionnaires belges de Harcelona Traction. Nous nous efforcerons
ensuite de suivre le Gouvernement belge dans son exploration, conduite,
tantôt successivement, tantôt parallèlement, dans trois directions prin-
ci~aies où ila espérétrouver in a~~ui solide pour ses prétentionCà la
p;otection des aciionnaires en ques'tion. Ce sera, nous oions l'espérer,le
meilleur moyen de constater que les efforts de la Partie adverse restent et
ne peuvent.que rester plus infructueux les uns que les autres et que le
Gouvernement belge ne peut pas sesoustraire à la constatation inexorable
de son défautde jus stand; dansla présenteaffaire.
D'abord, les principes. Quels sont les principes de droit international
applicables et quelles sont les conséquencesde leur application au cas
d'espece? C'est une question que le Gouvernement espagnol s'est posée
à chaque étape de ce proces, à laquelle il s'est efforcéde répondre d'une
manière que nous osons espérer simple, linéaireet rigoureuse. La Partie
adverse.elle-mêmen'a pas pu sérieusement le contester. L'on s'est plu,
de l'autre côté de la barre, à constater l'existence de points d'accord
même si,après, la définition de ces points d'accord cachait mal I'inten-
tion de nous faire dire quelque chose de différent de ce que nous avions
dit. Quoi qu'il en soit, nous nous bornerons ici à résumer le plus impor-
tant.
Le droit international met à la charge de tout Etat sur le territoire
duquel des personnes physiques ou morales étrangères résident.séjour-
nent ou opkrent, ou mêmesimplement possedent desbiens, une obligation
envers l'Et,at national de ces personnes: l'obligation de leur réserverun
certain traitement. Ce traitement, définiplus fréquemment et plus en
détail par des règlesde droit conventionnel,est néanmoins prévupar le
droit international coutumier dans ses exigences minimales. Sans vouloir
rappeler àce propos des polémiquesqui ne nous intéressent pas ici,disons
simplemeiit que ces exigences minimales consistent essentiellement dans
le respect, dans des limites et des conditions données, de certains droits PLAIDOIRIE DE M. AGO 665

de nature ersonnelle ou patrimoniale, et dans l'qctroi, en mêmetemps,
de la possigilitéd'utiliser, sibesoin est, lesrecours ludiciaires ou adminii-
tratifs appropiés.
En corrélationavec cette obligation, 1'Etat national dont cespersonnes
sont les ressortissants a, sur le plan international. le droit d'exiger de
1'Etat destinataire de l'obligation qu'il s'y conforme; et, le cas échéant.
de présenter une réclamation, dans les formes et par les voies admises,
au casoù cette obligation se trouverait violée. C'estprécisémentce qu'on
a~velle l'exercice de la protection diplomatiaue. Disons. pour éviter des
é;l;i\,oq~~es,que dans son :~cceptionia plus large, qiii est'cellr qiie nous

avoiis touiourj cmploy4e d:irisce procés,elle comprend aussi la prorccrion
au mov~,du recours i la iuridiction internationale.
En iorrCl;ition *\.cc les coiist~t;~tionsque nous vcnoiis de faire - et
doiit jc ni'cscuie - iious lie pou\.oiis clucnotçr :ivtc satisfnctii,n que nion
ho~i.~~ble contradicteur. Ir~rof~s%ciir \'ir:illv. iiaiij sa ulaidnirdu a mai
(VIII,p. 500), a fait une ttès opportune rikrence. 1ia rappelé Ge la
Cour, dans son arrêtde 1964a ,soulignéque les droits invoquéspar I'Etat
oui nrésente une demande devant un tribunal international sont néces-
;airément des <droits qu'il estime lui êtreconférés, en faveur de ses
ressortissants, par les règ-esdu droit international relatives au traitement
des 6rrarigers .,.I'nrcoiitri:, noiisiipoii\.oiij<liii.iii:tïqiiiiutresiirprise et,
disor~s-letait de jiiitc, iintre npposition trh fzrme à I'6g;iidde I'ltrnnge
assertion faite par mon honorable contradicteur à la mème occasion
~ibid.,.lorsou'il déclareaue "la nature iuridiaue s~,cifi.uedes droits et
intirctj (1e.i'p;irticuliers Icik cst sails iniportancc ail poiiit de vue (III
droit (1~ I;1)rorci:tiuiide I'Etat dont ils sont 1f.inatioiiaiin .Sou; assuris
étéles premiers à reconnaître, et à rappeler à la Partie adverse, que les
droits attribués à I'ICtatpar les règlesjuridiques internationales concer-
nant le traitement des étrangers, d'une part; et, d'autre part, les droits
confé~-~aux ~articuliers Darles rèelesdu-droitinterne se situe~t~sur~ ~ ~ ~~~ . -..
plans juridiq;es différents.Mais nous ne saurions admettre qu'on oublie
.u'il,v a un lien nécessaireentre les uns et les autres. L'existence du droit
du plrticulicr siir le plaii iiiterne est I:icnn(lition pour que I't:tat soit
:iiitnri;i. ~ur1,.plan iiitvrnarionnl I csigcr qiic ce droit ne suit pas Ica;.
Laisson; <Lec0tC Ic-.cas. ~bjolumciit cxcc~itioiinc.li,où I'urclrcjuridique
intcriiz iii;coiinairrait eii géntral cc,rtaiiij droits ;il~soliiiiit:ntesjciiticls
oii coriiieiidrait <I'iritolcrnl~lï,~lijcriir~ination;iI'é~riri lc-sCtrangers: ce
ne sont vas. certainement. des cas oui Deuvent nous intéresser-ici. En
dehors déces casextrêmes;tout ce q>u/~tat peut~demander à un autre
Etat c'est le respect, à l'écarddu particulier oui est son ressortissant, des
droits qui sont ;ecoriiius 5 ce dernier par I'oidre juridique national, tels
qu'ils sont définispar cet ordre juridique.

Ayaiit donnéces précisions,que nous serons,hélas! forcésde reprendre
et de compléterpar la suite-car l'assertion qui nous en a fourni I'occa-
sion est loin de représenter un fait isolédans la plaidoirie de mon hono-
rable contradicteur -revenons donc à l'énoncé des principes fondamen-
taux aue nous avions commencéde raoueler. ,,
U;I;S Ic.cïs où l'ctcingcr en <Iiiestir,n ,:SI iine pcrsoiiiir iiior.ile. les
cliojes ne sc ~irkciitcnt p.i5, ,.ipriniil>e,difii'rciiinieiit du ci,, oùil s;tg11
d iiiie periuiinc physique. 1'11prol>l<'riieh.irii <iitendu. se pose ;lu prCa-
I:!l>lccelui ile savoir si unc ciitit; donii6c a ou n'a p3.j.en droit, iiiiecsis-
t?rire <iisriiictedc cclls des ii~*rjoriiie. - Asiaucs (iiicri sont iricmbrrs; en
d'autres termes, si elle est Ôunon une vraie perç'onnemorale. Les régles666 BARCELONA TRACTIQN

en vigueur dans plusieurs systèmes juridiques font douter de ce!a à
DroDosdes sociétésde personnes. dont l'existence. d'aprèsles conceptions
âdÔptées ar ces sys<&mes,se résout dans celle de-leurs membres OU
associés.8 ar contre, tous les systèmes de droit sont d'accord pour consi-
dérercomme desentités juridiques indépendantes lessociétés de capitaux.
Ces dernières représentent des centres autonomesd'imputation de droits
et d'obligations; elles sont, en un mot, par elles-mêmes,des sujets de
drLes théories sur la nature de la personnalité morale sont nombreuses
et on n'en a que trop parléau cours de ce procès. Mais, en vérité,il est
hors de doute que le Gouvernement espagnol n'est pas seul à refuser de
souscrire à une conception qui annulerait la perçonnalité morale; le
Gouvernement belge ne semble non plus y êtredisposé, à l'heure actuelle
du moins. Il n'osecertes pas aller jusqu'à décrireunesociét-et surtout
une sociétéanonyme - comme une simplejuxtaposition d'individus et à
résoudreen des droits et des obligations de ces individus les droits et les
obligations que le système juridique confèreàla sociétéen tant que telle.
Le professeur Van Ryn, dans sa plaidoirie du 22 avril (VIII,p. 163)~n'a
pas hésitéà nous rappeler

.aue la personnalité morale des sociétésanonymes. et notamment
fondement mêmedu fonctionnement de ces sociétésdont le rôletue le
fondamental dans l'économiecontemporaine n'a pas besoin d'être
souligné..B.

Le droit' international. d'ailleurs. aussi bien coutumier que conven-
tioniicl, reconnait sans I'oiiil)ryniin doiitç, pr;cisément propos di1
traitement des étrangers, I'rxistencz des soiiét:s en tant qu'cntit6s
distiiictcs de leiirs rnenibr(:riarend donc académiaue toute dib~.ujjion
à ce sujet et tout à fait vaines les tentatives faite; pour minimiser la
personnalité morale auxquelleson s'est adonné si volontiers par le passé
de l'autre côté de la barre. Nous espéronsque la Partie adverse, lorsque
récemment, par la voix de mon honorable contradicteur, elle déplorait
((certains préjugésrelatifs notamment à la nature, à la portée et aux
conséquences de la personnalit6 morale des soci6tésn (VIII, p. 502).
entendait réciterun mea cul$aet renoncer définitivement aux tentatives
que nous dénonçons.
d'une personne morale n'impliquent aucune déviation par rapport auxalité»
principes qui régissent notre matière. On peut, en théorie, vouloir
souligner plutôt les différencesou les ressemblances entre la nationalité
d'une personne morale et celle d'une personne physique; on peut soutenir
aussi, si l'on veut, qu'aux fins du droit privéla nationalité d'une société
serait autre chose quesa nationalité aux fins du droit public. Il n'en reste
pas moins que, pour les personnes morales commepour les personnes phy-
siques, lav nationalitéiexprime un lien d'appartenance juridique à un
Etat déterminé.Ici aussi 1'Etat est libre, dans certaines limites du moins,
de se baser sur un critère plutôt que sur l'autre pour établir cette appar-
tenance. Il faut seulement. selon votre ensei-nement. hlessieurs. qu'une
foisclioisi un critLIrc,il >'ytienne. Ln szulc exigence s~p~léiiientair~,pour
les pvrsonna moralcs comme pour les pcrsoiiiies pti)ii<liir.s,est I'~YIs-
teiicc du licii d'appartt.ii;iii<:çjiiridiiluepa1.sdCtermiiiédoit, piiur PLAIDOIRIE DE M. AG0 ‘337

êtreopposable sur le plan international, se doubler de la présenced'un
li(:ci principci crarii gi~iicrilciiit.ritreconiius. le (;oiivrriiemeiit espagnol

ne fair qu'cil rirer dcï coiiséqiivi~cs~rijio~ireuscrnr.nrI<ijiiqueslorl eti'im
en évidencedeux noints. à son avisindiscutables:
primo, endroit international général,un Etat n'est pasen droit d'exiger
un traitement déterminé à l'égardd'une personne qui n'a pas sa natio-
nalité et il ne peut donc se plaindre que ce traitement n'ait pas été
accordé à cette personne;
secundo, un Etat peut présenter une réclamation en faveur de son
ressortissaiit s'il s'av&reque l'on a violéun droit qui appartient à ce
dernier; mais aucun Etat ne peut présenter une réclamation en faveur
d'une personne de sa nationalité au motif que l'on n'aurait pas respecté
un droit qui appartient à une autre personne, possédant une autre
nationalité.
Le cas oh, dans ces hypothèses, il s'agirait, d'une part, d'une personne
morale et, de l'autre, d'un de ses membres - ou, plus spécifiquement.
d'urie part, d'une sociétéanonyme et.de l'autre, de l'un de sesaction-
naires - ne saurait évidemment entrainer une exception à la règle.
L'Etat national de la sociétépeut présenter une réclamation pour la
violation d'un droit de la sociétéen tant que telle; 1'Etat national de
l'actionnaire peut présenter une réclamation pour la violation d'un droit
de l'actionnaire en tant que tel; mais l'on nesaurait admettre une con-
fusion entre les compétencesrespectives des deux Etats sous prétexte du
rapport qui existe entre l'actionnaire et la société,et quelle que soit la
définition que l'on veuille donner de ce rapport. Le fait qu'il y ait des
rannorts et des liens entre des Dersonnes différentesn'im~liaue pas leur
fuii'onen une personne unique'. On reviendra. d'ailleur;, sÛr c'epoint
lorsqu'on parlera de certaines tentatives de la Partie adverse de se baser
sur les rapports en question pour essayer d'oublier les consé-
quences de la distinction que l'on vient de rappeler.
Toujours à ce propos, disons, par contre, que le Gouvernement espa-
-nol s'est vu contraint de nr.ciser à maintes renrises au'il ne lui est
jamais i.tii;iIc>prit iitsoutenir qu'iine pcrsuiilitIIIIIESperdre <ontitrc
fi i;protection diplomntiqui. polirI< t.iiLait<Ifde\.cnir actionn:biri.d'unc
sociité anonvme: Bien au contraire. le Gouvernement esnaenol affirme
depuis toujo;rs que 1'Etat national'd'une personne qui ;e Gouve dans
cette situation a pleinement qualité pour exi~er, en faveur de cette per-
sonne. qu'on ne porte pas atieinte aux droits qui lui appartiennent; s'il
s'agit de droits dont le respect peut étre internationalement demandé.
Et au nombre de ces droits peuvent naturellement êtrecompris ceux que
la personne en question tire précisémentde sa qualité de membre d'une
sociétécommerciale.
résumer commesuit. La réclamation d'un Etat au titre de la protection
diplomatique d'un ressortissant actionnaire d'une société commerciale
n'est admise qu'à une double condition: il faut que I'Etat réclamant
puisse alléguerla violation d'un droit de l'actionnaire en tant que te!;
et il faut qu'il soit établi que 1'Etat auteur de la violation alleguéeétait
internationalement obligé,envers 1'Etat réclamant, d'assurer le respect
du droit en question. A l'inverse, la recevabilité d'une réclamation à,Ce
titre est exclue s'il apparaît: primo, que le droit qu'on dit avoir étéles6668 BARCELONA TRACTION

est un droit de la société et non uas dc l'actionnaireet. secundo.au.l.obli-
gnrioii intcrii:itionale d ajsiirsr le respcct durlit druit iniuiiil>;~àiI'Etat
tlefcii<lt~irnvers 1'Ctar ii;itioiial dc In ;ociCiGet iioii pas ciivtXrsI'ICtat
national de I'actionnaire.
En ce qui concerne le point spécifiquede la distinction entre, d'une
part, les droits de l'actionnaire et, d'autre part. ceux de la société,le
Gouvernement espagnol a eu plus d'une fois l'occasion de rappeler aussi
quels sont, dans le droit commer~ial des différentspays, les droits spéci-
fiques qui appartiennent aux actionnaires d'une sociétéanonyme. Il a pu
souligner à quel point ils sedistinguent nettement desdroits de la société.
On dirait que rien ne déplaît davantage à la Partie adverse que lerappel
de cette distinction. Cette fois-ci, e!le semble avoir renoncé, à cepropos, à
jouer, comrne tant de foiselle l'a fait par le passé,sur de prétendues équi-
voques de terminologie. hIonhonorable contradicteur seborne maintenant
à dire (VIII,p. 519) que la liste des droits propres des actionnaires ne
serait établie ini clairement ni exliaustivement ».Qu'ilnous permette de
lui répondre que cette liste, tout en étant assurément variable d'un
systèmejuridique à un autre, est,néanmoinsassez clairement établiepour
en conclure qu'aucun de ces droits n'a étéatteint en l'esp6ce. Je rappel-
lerai aussi que mon distingué am! le professeur Weil est revenu de noii-
veau sur ce point dans sa plaidoirie du 13 juin. II s'est opportunément
référé, à ce su'et, à l'excellente définitiondes droits de I'actionnaire don-
néedans la dkcision de l'affaire Brincard par la commission arbitrale sur
les biens, droits et intérêtsen Allemagne.
D'autre part, déjàdans la duplique (VII,p. 1010 et suiv.), le Gouver-
nement espagnol a eu l'occasion d,'illustrer longuement les différentes
hypothèses possibles d'atteinte illicite aux droits des actionnaires ainsi
oue les hvuoth6ses de violation des droits de la société.II a indinuéles
sitiiatioiis d:iiis lesq~ielle~il est plu, facilement concevnblc.que ces AsPo-
tliéi,-3troii\.ent une api~lii.ntioiicoiicrèrv. 113 montre qucllc est I'errctir
-. c~ ~ ~ui voudraient'méconnaitre une distinct~on o~ ~ ioin de conduire à
des conclusions «déraisonnables »,est la logique mêmeet ne fait que ra-
mener l'ordre et la clarté dans une matikre que la Partie adverse a par
trop cherché à rendre confuse et obscure.
D'ailleurs, quelle est la seule observation que mon honorable contra-
dicteur a pu faire à ce sujet danssa plaidoirie du 12 mai (VIII,p. 520 et

suiv.)? Il a noté qu'en faisant application de ces principes l'on pourrait
setrouverdevant descasou,dit-il, la soci6téne pourrait faire appel à une
urotection dinlomatiaue et. de ïeur côté.les actionnaires se trouveraient
l:ri Il'cii îer3;t ainsi iiot:iniiiient dana Ih!,putliési. où un Etat
cuntisqii~r:,it lei I~ieniluiir i<jci6id~n:itibii:d,: cet Et;it ni:iis ~v:ii~tCILS
actionnaires étrangers.
Qu'il nous soit permis de lui répondre que, dans cette hypothèse, la
société bénéficid ee la protection dont jouit normalement tout ressor-
tissant envers son uroure Etat national. c'est-à-dire la urotection que lui
apportent les disp6sitions de l'ordre juridique interneét les moyéns de
recours qu'il prévoit. Quant aux actionnaires étrangers, il n'est que
normal iue non seulement ils nuissent tirer les ava<tares. mais..ussi
11i1ils resicnteiit Irs <lci:<v~iit;i~~s;i!~:eptibldc r;,iilt,r d uiie op6r:ition
telle que I:, cuiiitiiiition cl'tirit.jocir'té3v:inI;iii:ationalit; deI Et3toÙ
l'on veut exercer son activité. Et en diiant cela, nous n'entendons pas
préjuger - par rapport à cette mêmehypoth6se - une question, à
laquelle nous avons nous-m&mes fait allusion. à savoir la possibilité PLAIDOIRIE DE M. AG0 669

d'apporter des correctifà cette situation pour le cas où ce serait 1'Etat
lui-mêmequi aurait imposé à desétrangers la constitution d'une société
nationale purement apparente, et ce dans le seul but de faire écàeses
propres obligations internationales.

L'audienceest levéeà 13 heuresQUARANTE-QUATRI~ME AUDIENCE PUBLIQUE (zoVI 69,g h 30)
Présents: [Voir audience du 20 V 69;M. Bustamante y Rivero,
Président.absent].

QUESTIONS
BYJUDGESSIR GERALD FITZMAURICA EN' DJESSUP'

Sir Gerald FITZMAURICE: 1 want to put two questions first to the
Belgian side and they are as follows:
Can the Belgian side, in the course oftheir second round ofstatements,
indicate what was the value of Barcelona Traction shares in the open
market on such dates as may appear most relevant-in particular, just
before the adjudication in bankxuptcy, just after the sale to Fecsa, and
at the respective dates of the two applications made to the Court?
The second question: Can they also indicate more fully whether the
Belgian claim is based exclusively on damage alleged ta have been done
ta the Belgian shareholders in consequence of the treatment given ta the
Barcelona Traction Company in Spain, or whether it also includes
damage resulting from an alleged infringement of any of the recognized
direct rights of a shareholder asuch, and if so which of those rights?
Now. Mr. President, 1 have a question ta address to the Spanish side,
which is as follows:
Throughout the Spanish statements great stress has been laid on the
charges of fiscal and other irregularities made against the Barcelona
Traction Company. Counsel for the Spanish Government have, however,
not always adopted quite the same approach on this matter. Professor
Gil Robles for instance (supra, p.36)said:
"If 1 have summarized the irregular history of Barcelona Traction,
this is not because 1 mean to justify its bankruptcy by reference to
the fraudulent conduct which was a constant featureofits existence
throughout, even if in fact thelatter[i.e.,thefra cuddulc]ntas
at the origin of the former [namely the bankruptcy]."

Professor Gil Robles then went on to indicate three contexts in which
he considered the company's conduct had affected later events or ac-
counted for its own subsequent action or inaction.
Professor Jiménezde Aréchaga onthe other hand, contended thatthe
company'sconduct constituted perse a ground for rejecting the Belgian
claim, and 1 refer to pages464 and 465 supra, and again to page 505
supra. Here Professor Jiménez said:

". . . the Spanish Government is right formally to submit that the
past conduct of the undertaking is a bar ta its whole claim on the
merits . . ."

See X. pp.259,286 and 371.
*See X, pp. 234290.291. 3x1, 312, 313, 372 624 QUEST~ONS BY JUDGES 671

and a little later he said:
". . . Lack of clean hands prevented the Sofina group from partici-
pating in the auction in 1952T .he same Lackshould now defeat their
claim for an indemnity in this Court".

It seemsclear that ProfessorJiménez here wcnt agood deal further than
Professor Gil Robles or other counsel for Spain had done, for in these
passages he seems to raise-what would really amount to a sort of addi-
tional preliminary exception, though one arising on the merits, as a plea
in bar. This heing so, 1 would like to have a clearer definition of the
Spanish attitude.
It would appear tliat three approaches to this matter are possible.
First there is the fact that the Spanish GoYernment contends that the
actions of its authorities and courts involved no violations either of
Spanish law or international law. Presumably the Spanish Government
would make exactly the same daim irrespective of the irregularities
with which it charges the com any, and-even if-it tiad'no occasion to
make anv such charees. Looke at from this stand~oint therefnre. ~ ~ ~ - ~ ~-
past conauct of theCompany has no~relev&tce at al~, or has only an
incidental relevance. to theacts which the Belaian Govemment com~lains
of in connection with the bankruptcy, since"in Spanish eyes the& acts
would, given the character and alleged financial situation of the corn-
pany's undertaking in Spain, be justified in any event.
Secondly, there is the contrary view put forward on behalf of the
Belgian Government, that the acts of the Spanish authorities.and courts
were irregular. This the Spanish Government denies. But does it, while
maintaining its denial, invoke the past conduct of the Company as an
element which would, in faw, justify irregularities on the Spanish side,
should anv have occurred? If this in nol the s~anish attitude. then
of tlic:ioiiipaiivexccyttinilirçctly,ai .iMuriIinç;in cnylanniioii of ninttcrjict
that mighï otherwisëbe obscure? ?
Finally, there is the line taken by Professor Jiménez and to some
extent, though in a slightly different way, by Professor Weil, namely
that the company's conduct precludes or estops the Belgian'Government
froni complaiuing at what happened and that its claim should be rejected
on that ground alone. Taken to its logical conclusion, this approach
would involve the rejection of the Belgian claim irrespective of the truth
of the allegations of irregularity made against the Spanish courts and
authorities-and even if these allegations should be true. In short, on
this view, it would, strictly, become irrelevant to enquire into the cor-
rectness of these allegations since, whether they were correct or not, the
Belgian claim could not succeed.
In order to Savetime 1will not ask for adirect answer to theseouestions
assuili. llur 1Iiopetliat iitlie iuiirjc: of their second round of st:i;ciiicnts.
couii;~.l fnr tlie Spaiiisti Ço\,6riinieiit \\,IIIbe able to indicate clcnrlv
ivhich of 111sattitiidcj or ;~nnronches Iha\,e dcscnl~t~<lo.r ivliirh com-
bination of them, represents'the Spanish position ou thiLmatter.

The VICE-PRESIDENT: Je pense que les Parties désireront réfléchir
avant de répondre à cesquestions. Commel'adit sir Gerald, elles pourront
le faire pendant le deuxième tour de plaidoiries.672 BARCELONA TRACTION

Judge JESSUP: 1 should first like to put to the Spanish Agent a
question which, in some respects, involves aspects of the case similar to
those involved in the question just put by Sir Gerald Fitzmaurice.
In Chapter 1of the contre-mkmoire in Section 135 and in Volume 1of
Annexes to the Rejoinder it is indicated that the Spanish authonties
obtained evidence of frauds, alleged to have been perpetrated by Bar-
celona Traction, immediately after the bankruptcy, that is presumably
in February or March 1948. Were any criminal proceedings brought
against Barcelona Traction thereafter? 1 am not refemng to the pro-
ceedings against Ebro and its officersin which Ebro was condemned to
paya fineof 66 million pesetas. Did the Spanish authonties consider that
any fine imposed on Barcelona Traction for tax frauds or the like could
not be collected out of the assets of Barcelona Traction in Spain?
Next. Mr. President, 1 should like to address two questions to the
Belgian Agent.
MI.GrégoireinVIII,on page 560, stated that Belgian banks are forbid-
den to be a shareholder of a company like Sofina. Does this mean that
under Belgian law, a Belgian bank cannot accept from a customer the
deposit of bearer shares in a company such as Sofina, according to a
practice called dépbitrrégulierw , hereby (asisstated by some writers), the
bank becomes the legal owner of the secunties and the customer merely
has a contractual right against the bank?
My second question icthis:
In the same pleading, on page 557. Mr. Grégoiresaid that Sofina had
addressed a circular letter"à tous les banquiers, belges et étrangers, et
& tous les agents de change" asking them ta indicate the number of
coupons of Belgian provenance. Does "all" mean "all" located in Belgium
or was the enquiry addressed to banks and agents in other countnes as
well? What percentage of the banks actually replied?
Next, MI. President, 1 should like to have some further clarification
of the position of both Parties relative to the requirement of continuity
for the presentation of international claims.
First, isit the Belgian contention that if Sidro had sold al1 of the
shares at its disposal in Barcelona Traction in March 1948 and re-
purchased such shares only in June 1952, the continuity requirement
would be satisfied?
Secondly, without reference to particular facts in this case, is it the
s~anish contention that a transfer of shares to nominees of another
nitionalit!. breaks the tlirt:ad of continiiit)? Or is tlir coiitiiiiiity rt:qiiirr-
ment iiiet ifthe e<~iiitableor beneficial intcresr r,,niainiiiitlichands of
the original nationility?
Thirdly, since there is some difference of view in the arbitral juris-
prudence and in the literatureon the question of the final date for testing
continuity, willboth Partiesindicatetheir conclusions on this question.
Finally, Mr. President, 1 have this question to put, and 1 will explain
it with its background.
On 27 April 1964 1 put the following question to both Parties, and 1
quote from the Oral Proceedings, III, page 672:

ha vin^ in mind item 78of Annex 170 of Vol~ ~ ~ ~ o~ ~e~Annexes
to rtie S-pnisli Prclirn&ar!. 0bjccti&jof 1960.;ind aljo pxragr&h
ro of :inne>; 115of the 'Kou\,eau Doviirnenr'of the Ob~er~atioiisand
Submissions of the Belgian Government, deposited with the Court QUESTIONS BY JUDGES 673
on 26 Fehruary 1964,can either of the Parties supply the Court with
information concerning the attitude of the Canadian Government
subsequent ta the dates of those two communications, relative ta
diplomatic representations on hehalf of Barcelona Traction?"

AsJudge Bustamantestated in hisSeparate Opinion of 1964-". . .this
enquiry produced no appreciable result.. ." (I.C.J. Reports 1964.p. 83).
On rz May, Professor Virally discussed the Canadian interpositions
in the interests of Barcelona Traction. Professor Virallyaid:
"Unlike the opposing Party, we do not intend toreveal ta the Court
the profound thoughts of the Canadian Government, which it alone
knows." (VIII, p. 540.)

His conclusion seemed to he that any consideration of the position of the
Canadian Government could he dismissed.
the discontinuance ofsCanadian interposition. This will he found at page

45Another interpretation is given in the contre-mémoire, IV, p. 750.
Note I.
On 7 May, Mr. Lauterpachthad called attention-to he found in VIII,
p. 449-to the fact that on 25 Ma 1 67 the Belgian Government had
sent a note to the Government of txe 8nited States asking for clarifica-
tion of the considerations which induced it to communicate its Note of
22 July 1949to the Spanish Govemment with reference to the Barcelona
Traction Company. The Belgian Note and the reply from the United
States Government are reproduced in the Belgian New Document No. 5.
Now my questions are these, Mr. President.
1s it correct for the Court to reach the conclusion that the Belgian
Government made no comparable effort to ascertain the position of the
Canadian Government although this was a suhject on which the Court
had sought enlightenment?
1s the Court ta understand that the Belgian Govemment did not in-
form the Canadian Government eitherin 1958or in 1962that it was suh-
mitting the Barcelona Traction case to the Intemational Court of
Justice?
If the Belgian Govemment did inform the Canadian Govemment, is
the Court to understand that the Canadian Government did not then,
and had not previously, indicatedits attitude towards this procedure? PLAIDOIRIEDE M.AG0 (suite)

CONSEIL DU GOUVERNEMENT ESPAGNOL

Y. AGO: Au moment où ie me suis arrêté à la fin de l'audience d'hier.
]'&taisen train de rappelcr 14saspects essentiels de In théir du <;ouverne-
mrnt espagnol au sujet des diffërentes h).l)ortiésesposiibles de violation
desdroitsde la société d'un cbté.dii droit des actionnaires de l'autre.
\Ion lionorable contradicteur, dans sa l>laidoirie dii12 mai (VIII,
11.517etstiii..). nousfait direcracternent Iecontrairt.de ce ~iienous n\.ons
dit dans la 'du~liaue lorsau'il nous accuse d'avoir nréiendu oue les
hypothéses d'un; atieinte illicite aux droits de la sociétiet aux dr6its des
actionnaires s'exclueraient mutuellement. Qu'il me permette de lui
montrer son erreur. Ce que nous avons voulu mettre in évidencec'est
que, pour justifier. dans un cas donné, deux réclamations paraIlAles en
faveur de deux sujetsdifférents, il faut qu'en l'espèce il y ait eu la viola-
tion distinctedesdroitsdesdeuxsujets en question, mêmesi cette double
violation résulte matériellement d'une seule et mêmeaction.
C'est cela aue l'on entend indiquer lorsau'on uarle. à . .Dosd'une
cspecc uiiiquz: d'iine plurnlitc'd'actes pr~Judicinh16s.rspreisioii qiir mon
honorablr coiitradicteur. en fnisÿiit tort. le croiS,ses Iiautrs qiialitc';de
juriste, affecte de trouver compliquéeet peu compréhensible. Jë voudrais
lui faire observer que lecas del'accident d'avion, auquel ilrevient coiis-
tamment, constitue l'exemple typique où l'on ne trouve pas la. lésion
du droit d'un seul sujet, suivie éventuellement de dommages économiques
ressentis par d'autres, mais précisémentla lésionparallèle des droits de
sujets différents: d'un côté, si l'ou veut, les droits de la compagnie à
laauelle l'avion a~~artient et. de l'autre cbté.ce droit Dronre de chacun
de; passagers, qu;G'est rien démoins que le droit à lSexi;teI;ce.
En mêmetemps, ie voudrais faire à mon honorable contradicteur une
Cour leeIIavril 1949.relatif àla Réfiaraliondesdo>ni>zagessubisaa;servicela
desNations Unies déjàsilargement analysé dans la duplique (VII,p. 1014
et suiv.). Là où la Cour indique que ,iles bases des deux réclamations ,i
-ce sont ses termes - sont différentes,elle souligne trèsexactement par
cette affirmation ce que, de notre c6té.nous voulons mettre en évidence
en indiquant que chacun des Etats réclamants fait valoir des griefs
différents.
Maisil est temps de conclure ce rappeldes principes. Le Gouvernement
espagnol estime avoir amplement montré qu'il était prêt à aller jusqu'à
l'extrême limitedu raisonnable pour retrouver et admettre les diflérentes
hypothèses où une intervention au titre de la protection diplomatique
d'actionnaires peut légitimementavoir lieu. Mais cette limite extrêmeest
représentéeprécisémentpar le fait que les droits dont on allégue la
violation doivent êtredes droiti de l'actionnaire lui-même.Ce aui cons-
tituerait,JOUI ,le .Gouvernement espagnol, une violation 6e;taine et
flagrante es principes du droit international, ce serait d'admettre I'Etat
national de l'actionnaire à intervenir en faveur de ce dernier en raison
<I'iirienrtéintcà iiidroit qiii n';ippnrtiendr;iit p:ii lactioiinnire. rn;iis
bien i ln iuci&t&en tant que telle. P;ireille situationc pourrait d'ailleurs PLAIDOIRIE DE M. AG0 6>5
rr:iiilter 'lu,:d'iinc ioiifusir,n dcs droits13csoci;t;B\'CC CC~S des ;istion-
ILI^ t i r : II Ilinii: il,.c.:ttc ii~r'ct~riiiai;;:dt~I;,;oi.i<'t<

en tant qu'entité juridique indépendante, de cette négation pure et
simple de la personrialité morale que le Gouvernement belge lui-même
tient à exclure.
Nous pouvons considérer à présent comme accomplie la tâche prélimi-
naire que nous nous étionsassignéeet qui consistait à rappeler les prin-
cipes essentiels applicables à une espècecomme la niitre et à réaffirmer
ainsi les fondements mémesde la position qu'a adoptéele Gouvernement
espagnol, en l'étayant précisémentsur les principes en question.
II s'agit maintenant de passer à I'examcn, plus délicat, des thèses
belges, très difficilesà saisir dans lciirs aspects continuellemeiit chan-
geants et parfois m&mefuyants.
Qu'il nous soit pcrmis, toutefois, à titre d'introduction à cet examen
qui risque parfois de nous amener aux détails, de faire une remarque
d'ordre général.La Partie adverse. malgréles réservesct les objections
qu'elle a successivenient cherché à formuler, inalgré les déformations
répétéed se nos affirmations et de notre argumentation et les tentatives de
sollicitation desoriiicivesauxauelles nous avons vu assister, mêmetout
cleriiiL'rciiicrit,cst nii funcl pnrfnitcmcnt corisiii~iiri.<le I'~s3ititud~. de
I'éii<ini.ril.idr'sI'originc. 1.:(;oii\,srncineiit csp;igiiofnii .IVces mCmej
~>III~..I~><.S III;II~tciiips.1.1P.~itir::id\.r.r,nit .iiij.i p;irf.iit<:iiiciitqué
;L..prlllt.iî,tr;lp]l~>rl,t11r:rq C~>;CC.,lit<11<.11\.1q:1l1mcIlCr iir~>cUIl-
naitrt,,VI cc i pliiiiciirs titre3, I'incuistviice nl)~nluc<l'uiiequ;ilit;' puiir
agir du C;uii\~eriieiiieiitbelcc en la r~res~iitt::illnirc. llicn des iiidicei iiciui
v
lemontrent.
A ce propos, l'appel au ,(bon sensa, auquel le professeur Rolin a eu
recours daris sa plaidoirie du 15 avril (VIII,p. 23) comme à un ultime
argument contre la troisième exception, m'est apparu comme l'aveu le
plus évidentde l'iinpossibilitédans laquelle se trouve la Partie adverse de
faire appel, plus simplement et plus efficacement, aux principes de droit.
Cette remarque étant faite, voyons donc comment la Partie adverse a
espéré,aux différentesphases de ce procès, et comme elle espère encore
échapper aux concliisions qui s'imposent.
Son argumentatioti a passépar des étapes successives et différentes,
qu'il n'est pas inutile de rappeler ici, ne fiit-ce que pour mieux apprécier
la portéede la position qu'elle a adoptée en fin de compte.
A l'origine, on l'a déjà rappelé, l'idéedu Gouvernement belge a été
d'invoquer les donnéesavancées à propos d'une prétendueprépondérance
d'intérètsbelges dans Barcelona Traction pour fonder sur cesdonnéesune
qualité pour agir au titre de la protection diplomatique de Barcelona
Traction elle-même. Telleest la position adoptéedans la correspondance
diplomatique (voir lanote bclge du 6 fbvrier 1958,A.M.,vol. IV, no 267,
p. 1043)et maintenue au cours de la phase de ce procès quiva de I'intro-
duction de la remière requête,en 1958, jusqu'au désistement de cette
instance en IgFI.
Le Gouvernement belge se basait. à l'époque,sur la conviction que
l'intérêt prépondérand tevrait en quelqiie sorte primer la nationalité de
la sociétéqui résultede l'incorfiorationou dii siège.et devrait conlere~ à
I'Etat dont relève ce prétendu «intérêt ile droit d'exercer la protection

diplomatique de la société.
Ilisons, à ce propos. que la position prise alors par le Goiiveriiement
belge, en dépit des difficultésévidentesqu'elle allait rencontrer, avait du 676 BARCELONA' TRACTION
moins, en comparaison avec les positions que le mêmegouvernement
devait assumer parla suite, le mérited'êtreplus cohérente.
Que!les étaient, en effet, les conclusions de la requêtede 1958? On y
accusait le Gouvernement espagnol d'une série de prétendus actes.
décisions, mesures et omissions, perpétrés au préjudice de la société
Barcelona Traction; on y demandait à la Cour de juger que le traitement

réservé à Barcelona Traction était contraire au droit des gens et que
1'Etat espagnol, responsable. était tenu de rétablir intégralement Barce-
lona Traction dans ses biens, droits et intérêtset d'assurer l'indemnisa-
tion de cette sociétépour tous les autres préjudicessubis par elle; on y
demandait également à la Cour de juger qu'au cas où la vestitutio in
integrum s'avérerait impossible, I'Etat espagnol serait tenu de verser à
1'Etat belge une indemnité équivalente à la valeur des biens, droits et
intérêtsdont Barcelona Traction avait été dépouill6e.
Da~~~~- te~ ~s~conditions.il étaithonnêtede reconnaî~~e ouv~ ~eme~t
que Ir bcnilice de la protection qu'on entendttit exercer par la voie du
procés ainsi entariiéallait à la sociét6,Barcelona Traction, et c'est juste-
ment ce qiie le C;ouverriement helge farsait A l'époque.
Sc'anmoin;. il était é\,identqiie la prctention du Gou\~ernement hclge
Aa\,oir qualité pour agir au titrc de la protection de la SOCIC~ 133r~elonü
Traction îe heurtait à un obstacle insiirmoiit;ible. Cette sociitr: ét;,it dc
natioiialitl: canadienne et In Belgique ne le contest3it pas. I<it:n.d'autre

part. ne ~>eriiiett:~itde ;uppo;cr que li so1i>t2 tût pi1 poss;(lsr :iusji,
ini.me à la seulefiilde la protection diplomatique. la n:itionulitGbrlgi.. II
est exclu oiie le crith de I'intirit ix6iioiid6rnnt ou du coiitri)le- iii;iiie
-~ns ~~ ~ ~ ~ ~ ~ -~voir si ce critereâuÏait DU vraiment i,u~r en faveur du
demandeur en l'espèce - puisse êtreutil& pour déterminer, en quelque
sorte du dehors. I'.u.artenance iuridiaue d'une société à un Etat donné.
en opposition flagrante avec les Critèresadoptl's par le s!.st&iiirjuridique
dr cet F.t:it Or, ce critère est :ihsoliinient étrangérau systèriie luridiqiir
belge en ce qui concerne la nationalité des personnes morales: D'autre
part, le Gouvernement belge lui-même devra reconnaitre plus tard
explicitement dans les observations et conclusions (1, p. 176-177)
I'inapplicabilité de la théorie du contrôle à;la protection diplomatique.
C'est pour ces raisons que, ayant ainsi pris connaissance des objections
formuléespar le Gouvernement espagnol dans ses premières exceptions
préliminaires,leGouvernement belge décidaitde profiter de l'occasionque
lui offrait la nouvelle iiitroduction de l'affaire, aprks désistement, pour

changer de route. II abandonnait formellemerit le rôle de protecteur de
Barcelona Traction et se repliait sur celui de simple protecteur des
prétendus «actionnaires belges iide cette société.
Si nous avons rappelé ces faits désormaislointains, ce n'est pas seule-
ment par goùt des évocations historiques. C'est parce que les objections
que le Gouvernement espagnol faisait valoir à l'égardde la requêtebelge
dans sa premiere formulation gardent toute leur valeur par rapport à la
seconde. La demande n'a changé qu'en apparence; sa substance est
restéela mêmeet elle se heurteaux mêmesobstacles.
Le Gouvernement es~aen.l "'a cesséd'aooeler ..attention du Gouver-
neinent deninndzur sur ce poiiit ;ilI'nfait a toutes les pliases ;ucce;>ivcs
dr re prochs. II 3 clniremciir niontrr' qu'iinc injtniice n'est pris défiiii<e-t
c:irnct;risL:e par la mniiikrc îobjrîti\.e dont la p:irtic iiitércssic ;';itt;xclie
3 li~rcpr~,ciiter, inlis par ses doniict:~ol)~i:cti\,~;,isavoir p;tr 1t.sgricls
qu'oii ).;<vnnceet par la r6paration qu'oii!~dc>iiinndeS .iICS niv;iircs qu'oii PLAIDOIRIE DE M. AG0 677

met en cause sont des mesures,qui auraient prétendument lésé les droits
d'un suiet déterminéet de Lu1seul; si le caractère internationalement
illicite déces mesures ne veut ressortir Quede la violation d'une oblieation
internationale de 1'Etat auteur de ces mesures envers 1'Etat national du
suiet qui en a étéle destinataire; si la réparation que l'on demande con-
cerne ie préjudice causépar ces mesures au mémesujet. c'est manifeste-
ment sur la situation de ce dernier que I'on fonde son action et non pas
sur celle de quelqu'un d'autre. Le professeur Weil l'a bien marqué, lui
aussi, danssa plaidoirie du 13juin.
A tout cela, qu'a répondujusqu'icile Gouvernement belge? Il a trouvé

des accents indignéspour affirmer que la position espagnole était prise
«au m6pris de l'évidence »,qu'elle reposait usur une pétition de principe in,
et enfin que la Cour se serait iidéjàprononcée sur ce point i,(sic!) de
sorte 4ue I'areumentation espagnole serait désorinais iiinutile»et au'il n'v
auraiCpas à idiscuter da<a$age ».Un point, c'est tout.
Etant donnécette carence persistante de toute argumentation en-sens
contraire. le Gouvernement eivagnol eut se borne< une fois de vlus. à
confirme;, dans son ensemble'et-poiit par point, lrargumentatiÔn dkjà
exposéepar le passé.Toutefois,pour que la Partie adverse n'interprète
paS à sa-fantakie ce renvoi à une argumentation déjà ancienne ët ne
prétende pas y voir une sorted'abandon discret des objections formulées
par le Gouvernement espagnol, nous nous permettons de revenir bri6ve-
ment sur ou...ues voints essentiels.
Commciiyonï p:ir iioui <Ii:iii;inder.3 wt ;g;ir~l. d:ini qiiéllescoiiditions
ilest i>crmisdedirr. A laIiimi~redesprinci~~es r;i~i~iel~saii~>ari~v:iiqu'iin
~ta~ ~ .t~ee,>- de ses ressortissints en tait-au'gcaciionnaire» d'une
so,.itti. comrnercisle 1.a rcponje ne fait pi~~de doute: lorsque cet Etiit
f:iir\..iloii.1'ericontri.d'un Et:ir étrnngr:r.l'obligation intcrn:iti<irialr.que
ce derriicr aiirnit eii\.ersIiii(Ir respvcier cr.rt;iiiij druitj iqiiidCioiilcnt,
)Our 1;iperionnc vii qiir.,tiuii, désa qualit; sll6:itiqi1e d âcti~nn;~li~!I.
hrtkentcr iin,: r;il:iiiinrioicilf;ivcur <leccttc i~cijuiiiiCII montrant oii'il
a précisémentétéporté atteinte aux droits iRdiqués:c'est cela prendre
fait et cause pour un <<actionnairea. Demander le rétablissement des
droits propres de l'actionnaire qui ont étéléséso , u bien une réparation

du préjudice qu'il a subi dans ces mêmesdroits: c'est cela exercer la
protection d'un uactionnaire ».Alaisen dehors de ces hypothèses, il n'y a
pas de iprotection diplomatiqued'actionnaire ».
Or, il n'y a rien, dans la demande belge, qui permette de la classer
parmi les hypotheses d'une protection d'actionnaires. A qui, en effet,
le Gouvernement belge prétend-il qu'on aurait infligéen Espagne un
traitement internationalement illicite?' Toujours et exclusivement à
Barcelona Traction. C'est à cette sociétéou, mieux encore, à une de ses
filiales dont elle était l'actioiinaire unique, que I'on aurait indûment
refuséles devises qui auraient pli permettre à la sociétéde ne pas en
arriver à uiie cessation des paiements. C'est à l'égard de Barcelona
Traction au'un tribunal rét tendu mentincom~étent aurait indiiment
yroiioiic~~i;n jugcmenr dt. fnillitcet ailrait. en plii,, conimi.;de ~ireirn(liies
irrigul:irit&s graves cii iii;itiCrc de publication du jugement. C'cd i
I'c'gnrcliles fili:ild,. U~rielon;~l'raction i~ii'oiiniirait prij riisiiit~:de,
rnriiiri:s p~<rciidiiiiieiir illt'giriines. CL i~jiit Ics recoiirs cles hli:dt:s
I<arcelona 1raition rt, plu; tard. de Hnrieloii:~Tractioii elle-niéiiiii.qiii
;iiir:~ieiititc indUment bloc lui^;çt c'est toiijouri5 proy des rciour; (Ivs
filiales(le1j;ircçloiiaTraction et de ceux dç I3nriclona raction ellt.-mCme 678 BARCELONA TRACTION

IILI'O~pritcncl clocdes ~iigciiif~iitd'iiiic iiiliijtice tla r.iiitt. d,III61;.
rciidus en viointioii <li;loi:CC:sorit lei bicnscjc.l<nrceYon.î r;,ir% qu'on
dit avoir étévendus d'une manière illégale;et c'est enfin pour dépouiller
BarceIona 'Traction de son entreprise qu'on aurait prétendument ourdi le
complot que recouvre le terme de «grief global ».
Tous ces eriefs concernent donc ou Barcelona Traction elle-même.
ou, plus fréquemmentencore, des sociétésfilialesdont Barcelona ~raction
était l'actionnaire. Pas un seul de ces griefs ne concerne un traitement
qu'auraient subi des Nactionnaires belgesn de Barcelona Traction; pas
un seul ne résultede la lésionindue d'un droit qui aurait étéle leur.
On voit donc bien que le changement apparent dans la présentation de
-'instance be~ue n'a étésuivi d'ancun chaneement réeldu fond de l'affaire.
II est restéexactement ce qu'il était à13épGquo eù le ouv verne bemlgeent
admettait ouvertement au'il ~renait fait et cause Dour la sociétéBar-
celoria Traction. La coucertuie du livre a changé,ion pas les pages et
leur contenu. En mêmetemps, le bien-fondé de cette conclusion est
é.,lement confirmé.et de manière très nette. Dar les modalités de la
rbparation qui z:t cleninndrc.par le i;viiverneiiiciit I~clgc.
011 sait iltir, rnéiii,:a11rCsIc ravalrnienr dcf3qn(lc rCnlisl'i propos (Ifs
t bL:iiciiiieirc.ofi~:lcl5cicFa Gr0rr:tion. Ic~oui~~rii~~iiiciti,tr.Ict:a in:tlii-
tenu pendant longtemps comme deminde principale la r&litutio in
integrum de la société.Cette resfitutioaurait dû êtreréaliséepar l'annula-
tion du jugement de faillite et des actes, judiciaires et autres,qui en ont
découlé.
Point n'est besoin de beaucoup de mots pour rappeler de nouveau
qu'une mesure de ce genre n'aurait eu rien à voir avec la réparation d'un
quelconque préjudice que les «actionnaires belges nde Barcelona Traction
auraient pu prétendre avoir subi dans leurs propres droits. C'est en vain
aue la Partie adverse avait essavé de iustifier le maintien de cette
dcriiandc. I<iridc I:iproc2iliire 'ur l(;scél~iioiispr~liiiiiiiair~s\II1).555).
Elle in<liquair,piiur ce I;iire.qiiI:idcmni~(leteiicl:iiitir;,tal,lir I3:ircc.li>ii:<
Tr:içtioii et ion ciitrcvrise d;iiii la silu;itioui ,:lie ;t;iit avan13 fnillitt:
aurait eu pour seul b'ut ...de rétablir les actionnaires de cette société
dans leur situationd'actionnaires. Il avait alors été aisépour leGouverne-
ment espagnol d'opposer à cela:

primo, que la «situation d'actionnaires ndes actionnaires de Barcelona
Traction n'avait nullement été atteinte par les mesures prises par les
autorités espagnoles;
secundo, que si cette .situation d'actionnaires. avait étéréellement
affectée,il aurait fallu, pour la rétablir, des mesures autres quel'annula-
tion du jugement de faillite de Barcelona Traction et des actes qui en ont
découlé.
Aussi, comprenons-nous très bien que, plus récemment avec la répli-
que (V, p. 751-752). le Gouvernement belge, après une défensede pure
forme de la Ié~itirnitéde cette demande. l'ait en fait abandonnée, in-
voquant pour Couvrir sa retraite le prétéxtedes nobstacles infranchis-
sables iique la reslilutio in inte~rulde Barcelona Traction rencontrerait à
l'heure actuelle.
Mais une foiséliminée la demande de reslilutio in integrumde Barcelona

Traction, il reste quand mêmel'extraordinaire demandevisant l'attnbu-
tion de 88 pour cent du patrimoine de cette société.Nous avons parlé à
plusieurs reprises de cette question (II, p. 201, et III, p. 834; C.M..IV, PLAIDOIRIE DE ni. AG0
679
p. 649 et suiv.) et, en dernier lieu, le professeur Weil s'y est longtemps et
efficacement arrêtéclans sa plaidoirie.
II a étédémontrépar là, et d'une manikre difficilement réfutable, quela
prétention qu'avance le Gouvernement belge est sans rapport avec un
prétendu préjudicequ'auraient pu subir des nactionnaires nde Barcelona
Traction. Sa demande n'a rien à voir avec la réparation de la lésion
éventuelle d'un adroits des actionnaires qui, d'ailleurs, ne s'est pas
I>rod~~tr.JClltn'a auciin rapport ilon pliis a\,ez ces r&percusjioiis&coiio-
miqucs indirectci ausquel1c.s oii ~'cjt dzjh réleréri1ainrt.sfois et sur
]~j,~i~~lli~iisiira encore l'ocinsir>iide rcïcnir pour monrrcr qii?dc tourc
manikre, elles ne sauraient fonder une réclamation internationale.
Mêmesi I'on voulait imaginer, par impossible, le dédommagement
correspondant àde telles répercussions,ce dédommagement devrait alors
êtrelié à la perte que I'onconstaterait éventuellement dans le patrimoine
de l'actionnaire à la suite d'une baisse de la valeur commerciale des
actions, qui sont, en sa qualité d'actionnaire, ses seuls cbiens ,nII y a
là d'ailleurs une véritési évidenteque mémemon honorable contradicteur
dans sa plaidoirie du 12 mai (VIII,p. 520) n'a pu s'.empêcher d'indiquer
que «c'est la valeur économique de son action qui compte pour un
actionnaire ..»
A part cela, nous pensons avoir suffisamment montré le caractere
anormal et aberrant de la demande belge. Au cas où I'on aurait établi
- . .nui serait la rém miss neécessaire de I'acce~tation de n'importe
quelle demande - que la sociétéBarcelona Traction, contre tout- évi-
dence. aurait étéla victime d'un préiudice internationalement illicite et
aurait, par conséquent, droit à-réparation, la restitutio in integ~um
entraînerait la restitution à la sociétéde son patrimoine. Or, avec sa

recevoir, pour le compte des prétendus iiactionnaires belgesi,, 88 pour A

cent du patrimoine social, aurait en réalitéla double conséquence de
soustraire à la société son proprebien et de l'attribuer à des sujets qui
n'ont pas et n'ont jamais eu sur ce bien un droit quelconque. Car s'il est
une chose sur laquelle la pratique et la doctrine, de droit commercial
comme de droit international, sont unanimes, c'est pour affirmer que les
actionnaires n'ont que le droit de recevoir une quote-part du reliquat
d'actif éventuellement reconnu existant quand la société ?,étéregulière:
ment dissoute et liquidée en conformité avec les dispositians de la loi
applicable, et après que ladette sociale a étéentièrement honorée. Tant
que tout cela n'a pas étéréalisé, lesactionnaires n'ont aucun droit sur
les biens de la société.Et à ce propos, je voudrais épargner à la Cour
l'ennui d'une énièmecitation des référencesarbitrales et doctrin?les à
l'appui de cette affirination. Je me bornerai à citer le passage,à vra? dife
tr&sefficace,de la plaidoirie du professeur Van Ryn du 22 avril, où il dit
que:
<iQuiconque méconnaît le principe du patrimoine distincf de la
personne morale en permettant aux associés ou aux creanclers
d'exercer leurs droits sur le patrimoine social méconnaît par là
méme, et nécessairement, laApersonualité morale de la société 1)
(VIII,p. 162.)

Le professeur Weil, dans sa plaidoirie, a déji fait justice des pâles
arguments par lesquels la Partie adverse voudrait défendrela demande
de réparation qu'elle présenteactuellement. 680 BARCELONA TRACTION
II a aussi démasquéles vraies raisons de la préférenceque. en fin de
compte, les intéressésont donnée à la forme de réparation qui y est
prévue.Qu'il suffisede réaffirmerici à nouveau que la demande avancée
Dar le Gouvernement belae ne concerne en rien la réparation de droits
&vrntuels de ressortissani; belges. Elle n'est qu'une ientativc 6videntc
d'invoquer nbusivement. au profit de prctçnduj « a,-tionn:iires helg.aiin
droit qui. s'il existait, reviendrait escltiji,veàniinz iociéténon belge
et dont beul I'Etat national de cette societi. pourrait t.xiger le respect.
Id'ltnalvse(lela r2pawtioii demandée coiifiriiie donc pli:iiiement l'esac.
titude dénotre conçtatation. La petite odration réaliséeen 1462 DOUr
remplacer sur la scèneRarcclona Tr.iction par les pr2ten<ius actionn~iires
belges. de cette sociétén'a pas pu changer Ic fond des ilioscs iii laire
disparaitrc led6faiit coinplet de car:ictérenational dcla r6clarii;itioiihc.lge.
Or. je n'aicertainement pas besoin de ral~pclcr (lutI:iprésencede cc
c:ir;ictérenltiunal réprCseiite,en droit internatiuiiril ~<iiér;il,uiic con-
ditionsine aua non Üour m'une réclamation internatronale ~uisse être
admise.Le Principe &t trip généralementreconnu et j'abukrais de la
patience de la Cour si j'ajoutais des commentaires à son simple énoncé.
Il n'y a d'ailleurà,ce sujet, aucune divergence de vues entre les Parties
au présentdiffkrend. Qu'il suffisedonc d'indiquer simplement, à titre de
conclusion de cette partie de mon exposé,queie Gouvernement espagnol
demande nue la réclamation belee soit. de ce chef. reietée.
~onsieir le Président, hlessiks, étant donné 1; conclusion que 'e
viens d'énoncer.il me semble évidentquel'analyse des autres aspects de
l'affaire nepeut êtrepoursuivie maintenant qukn raisonnant hypo-
these.
Faisons mêmeabstraction des faits constatés auparavant. Oublions
que le seul ressortissant belge dont le Gouvernement belge avance le
nom n'avait aucun titre àse dire, en droit,<iactionnaire» de Barcelona
Traction: faisons comme s'il était vrai que les iiintérêtsbelges» dans
l'affaire avaient, sur le plan des réalitéskconomiques, l'impo&ance qui
leur est attribuée par le Gouvernement belge. Mêmetout cela mis àpart.
il reste qu'onnous demande encore de fermer les yeux: sur le fait, cette
fois, que le Gouvernement belge, en l'espèce,ne prend pas réellementfait
et cause pour un ressortissant belge, prétendument ~actionnairen de
Barcelona Traction. ~uisau'il fait valoir. à tout b ointde vue et à tous
effets,une situationqk n'éstpas celle dece ressohissant, mais celle d'un
ressortissant d'un autre pays.
Néanmoins.toutes ces réservesétant faites. nous voulons bien accepter
d'examiner comment les choses se si l'on ne devait pas tènir
sommes sûrs, in effet, que quel que soit le terrain sur lequel on se place
pour l'examiner, la réclamation belge ne peut qu'apparaître tout aussi
inacceptable.
Passons donc au chapitre suivant et voyons - en ayant toujours
présentes à l'esprit les réglesapplicables- comment le Gouvernement
belge a tenté de justifier la demande qu'il a présentée enI'espece en se
réclamant du titre de protecteur des prétendus eactionnaires belges n
de Barcelona Traction.
Au commencement de cette partie de ma présente plaidoirie, j'avais
indiquéque la Partie adverse a exploré trois directions différentes dans
l'espoir de trouver une justification possible de sa qualité pour agir en
l'espece au titre invoqué. PLAlDOlRIE DE M. AG0 681

Pendant la préparation et le,déroulement .de la procédure sur les
placés essentiellement dans ce qu'il appelait alors avec assurance lesé
"précédentsimportants B.C'étaitla première des directions explorees.
A l'époque, laPartie adverse ne sqngeait pas du tout à exclure aussi
radicalement qu'elle l'a fait par !asuite la reconnaissance de la règlede
base qui, en application des principes généraux régissantla matière, veut
que ce soit 1'Etat iiational de la sociétéde faire valoir les droits de la
sociétésur le plan international, au cas où ces droits auraient étéin-
dûment méconnuspar un Etat étranger. A son avis, toutefois, cette règle
se serait avéréeparfois inadéquate poyr répondre aux situations con-
crètescrééesDarl'essor des grandes societés financièreset aux besoins de
leur protectio'n. Tournant dinc les yeux vers la pratique des Etats et la
jurisprudence arbitrale, la Partie adverse s'était fait l'illusion de pouvoir
j~déieler une tendance àl'instauration progressive d'une dérogation par
rapport à la r&le classique: dérogation consistant admettre, parfois,
1'Etat national des actionnaires à faire valoir. pour le compte de ces
derniers. certaines violations illicites des droits de la société.Sur sa
lancée,élleavait cru pouvoir parler, à ce propos, dSune,vé"tablecoutume
internationale qui, sans remplacer complètement l'ancienne,serait venue
corriger ce que celle-ciaurait eu d'insuffisant (O.C1,p. 175) Ce prétendu
ajustement se serait surtout appliqué au cas où i'Etat coupable du
.ré,udiceserait en mêmetemps 1'Etat national de la société.Mais on
;iiir:iit pu cn f:iire nl~l)lic:ition;iiissi ,'iI'liypotl-+;iioii sans Iinr-
ri;iti<inal{leIn suciCriaurai>tC:uii Etat tiers qui iaiiriiit,tourelois. relusi
ou nl'gligL' cn assunier 1:protcstion, :i c;iiidii iiinnque diiitcritdu 3u
carnctGrc iion effcctil de In iiatioiialirtI;iocii,tc.
\l.illiiuréaxmeiit pour la Ptirti? ;icl\.er.e. ses illusions se basitient ,tir
une analvse tro~. .eu attentive de la ~ratiaue. Ce vice d'orici-e a été
dr'icrniinant et s'est néce5snirenieiitr;iduitpar I'iiisuccésrcncoiitr; tou-
tes11.5fois oiiplu? tard et niErnetout deriiièrcmerit. clle est rwcnue sur
la question dais l'espoir de sauver quelque chose de ses affirmations
initiales.
Le patient examen critique des différentes affaires. auquel s'est con-
sacrée à plusieurs reprises In Partie défenderesse. depuis les exceptions
préliminaires jusqu'i laduplique et à ses annexes (E.P., 1,p. Igg et suiv.;
P.O. 1964,II, p. 230 ct suiv.; III, p. 857et suiv.; C.M.,IV,p. 723et suiv.;
D., VII,p. 1047et suiv.; A.D., vol. III, n0zor, p. 477 et suiv.), a permis,
en effet, de bien rétablir la véritàce sujet.
Les constatations essentielles que ce réexamen nous a amenés à faire
peuvent être synthétisées en quatre points. Ces points concernent
respectivement: primo, l'attitude de la pratique arbitrale à l'égardde,la
protection diplomatique d'actionnaires en cas de préjudice internatio-
mêmepratique arbitraleé à àl'égardde la protection diplomatiqued'action-
naires lorsaue la sociétéa la nationalité de I'Etat destinataire de la récla-
mation; tehio. I'attitude des Etats destinataires face à des réclamations
présentéesau titre de la protection d'actionnaires. mais fondéessur un
préjudice prétendument causé à la société;quarto, les tendances de la
pratique conventionnelle en la matière. 11sera utile, je m'en excuse, de
consacrer quelques moments d'attention à ces quatre points et aux
conclusionsqui se dégagent de chacun d'entre eux: 682 BARCELONA TRACTION

La premiere - et. de loiii. la plus çjsentirl-e des constatationsqui
se sontimposées à la suitt d'une analyse critiqiie de la pratique arbitrale.
c'est que,Ln aucun cas - je me permets de Iësoulignër: en aucun cas -
la pratique arbitrale n'a admis la protection diplomatique d'action-
naires, ou autres sociétaires, par leur Etat national, en cas de préjudice
internationalement illicite causé Dar un autre Etat à une sociétéétran-
gère.
II s'agit, reconnaissons-le, d'une conclusion plut8t décevante pour qui
se proposait de démontrer la formation d'une coutumeinternationale en
sens contraire. En d'autres termes, la pratique exclut entièrement la
possibilitéd'admettre un Etat autre que 1'Etat national de la société à
faire valoir sur le Dian international un ~r.iud,ceDortant atteinte aux
droits dc In socic'tL:,ans la seule Iiypoth~sç ou. ci; fait. ilcst question
d'une application possible des r&glrsrelatives ii la protrction diploriia-
tioue Car CC n'est oiie dans cette hvuothL'ieaii'il s'arit d'un trsiteiiient
inAigéparun ~tat à;nepersonneét~ngère;e~tion diplomatique
est précisémentl'exercice actif du droit d'exiger d'un autre Etat qu'il
réserve un certain traitement aux perzonnes physiques et morales
étrangères.
Passons maintenant A l'hypothèse spécifique, et radicalement diffé-
rente, où 1'Etat auteur des mesures préjudiciables incriminéesest I'Etat
mêmedont la sociétéporte les couleurs. II s'agit, comme nous l'avons
remaroué ~lus d'une fois. d'une hvnothèse aui est. Dour ce aui concerne
~'entite!coilective en talit'que teIlé,'touà fait extkheure audomaine du
traitement des étrancers et, partant, de leur ~rotection diplomatique.
C'estpar rapport à ceite hypoihèse seulement qÙel'on a pu repérer,dans
la pratique arbitrale, quelques cas rares et anciens, notons-le, où 1'Etat
national des actionnaires d'une sociétéanonyme, ou des membres d'une
association ou d'une sociétéd'un autre genre, ont étéadmis à présenter
une réclamation en leur faveur.
En mêmetemps. un examen auDrofondi des circonstances de ces
ressortir les trois points suivants:at't'achent à la mêmehypothèse a fait

a) Dans la plupart des affaires où la réclamation a étéadmise, il
s'agissait en réalitéde questions relatives à des sociétésde personnes.
auxauelles la ~luvart des svstèmes de droit dénient toute uersonnalité
juridique distikté de celle ies associés.Mêmelà où cette diitinction est
admise, il est impossible en fait qu'une lésiondes droits de la société
n'aille Dasde Dai; avecune lésion directe des droits des associés. à cause
du fait'qii'il a pas une distinction nette entre la situation Patrimo-
niale respective des premières et de la seconde. Afin d'évitertoute perte
de tempi, nous noui permettrons de renvoyer aux renseignementsplus
détaillés déjà donné àsce sujet dans la duplique (VII,p. 1052-1053).
1 Ihnj le, <leiisir:uls -3s. tr>i niicirn:tuiurpliis, oii I'I ;idniis iiiie
r6cl:iiii;iti:$IItitrc de1.tlirutc~tion d':ictiuiiii.ii(I'uiiso,i+t( Je i;~pi-
t;iiiu.Içs 13t:,rrcslnm;int5 faisaient \.?loir cuiitri. l'Et11~i:.tiùilndi. 11
sociétédes préjudices prétendument infligésaux droits des actionnaires
eux-mêmes.En plus, dans la plus significative de ces deux espèces, celle
de la Delagoa Bay, la circonstance décisivea étél'existence d'un accord
particulier entre les Etats intéressésqui permettait, explicitement et
exceptionnellement, la iisubstitutioni~ d'un sujet à l'autre et admettait
ainsi la sociétéétrangère à faire valoir les droits de la société:nationale
comme s'ilsavaient étéles siens. Je voudrais souligner cet aspect, car ici PLAIDOIRIE DE M. AGO 683

comme dans le cas des dispositions particuli$res de ceftaines conventions
de réclamations - je me réfhreaux conventions mexicaines -,le moyen
dont les Etats se senvent pour dérogeraux conséquencesdu principe qui
exclut toute réclamation de I'Etat national des actionnaires pour un
préjudice infligéaux droits de la sociétéest précisémentcelui de la subs-
titution d'un sujet àiin autre. Il y alà, manifestement, uneconfirmation
explicite du principe au moment mémeoù l'on veut en écarter les effets
par rapport à certains cas concrets. En l'espèce,la dérogation avait été
justifiéepar le fait que la prétenduesocjété ccnationale 1n'étaitque pure
fiction, crééeexclusivement pour satisfaire à des exigences formellesde la
législationlocale.
i) Par contre, dans tous les cas où les arbitresont pu constater que le
préjudice invoqué avait étécausé à la sociétéen tant que telle, ils pnt
rejeté, précisémentsur cette base, la réclamation présentéeau nom d ac-
tionnaires, en dépitdu fait que la sociétéétait nationale de 1'Etat accusé
d'avoir causéle préjudice.
Ces constatations ont étédûment prouvées et la Partie adverse n'a

pas pu en contester le bien-fondé. Nous pouvons dire ceci en dépit de
certaines réaffirmations. toutes ~latoniou.s, de la valeur des précédents
pour la rliii, bslgc. que inori honorabl.. contr~dicteur a faites ;iiicours
dc sr- plai<loin~s(\'Ill, p. 503 ct suit,.: 11.5j3 ct iuiv.) et qui p:,raihçiit
dictCcs ,iirtout par 11dcsir d hoiiorer ljjignJtiirç de scs pr<d&ccsicuri
En cffrt, il II';cis;,y& de nietire en rloiite 1 ;iii;il\;dii ~;Iuv~riiciiiciit
cq~:igiiol11ii':propos d'ilnc sciilr :~ffi~iiel':tfI<x1:lï'?~i<ti!oa, Ia<~ti<:lI
a con5:icrEd'assez loiigi commcntairci (VI11, p 505-5<,". 11iic 5':igit
certes pas <le~ireridrcIc.temps <le la Cour poiir ïiitrer en polémi<luta .u
SIIIÇ~dc I:Idcscription qu'il iiJVIIII<;:~,on tour de certains aq>~ctsdc
çctt,. iffair<, dt:xription qui suntieiit<Le rrreur.; é\,identes'p:ir ~xcriiplc.
le fait dr dirc q11'enI'çqir'ce I'iictioii s<icinleaiiraitCtE LCXL'IC~<parla
soci(!rt;et iinii p:is ples:ictionnairesma~ontnirrs \1Fiiie:ibstractioiif.iiit:
de ceciquelle ionciusion mon honorable c'oiitradicteur a-t-il pu tirer de sa
nouvelle analyse? II a dit que les atteintes directes auxdroitsdes action-
naires, qu'il ne nie pas, auraient touchéen mémetemps la société.Ad-
mettons, par hypothèse. que cela ait été.Le fait essentiel de la lésiondi-
recte des droits des actionnaires ne disparaît pas pour autant, niparconsé-
auent le droit de présenter une réclamationde 1'Etat national des action-
iinirt3i quc rtttc 1csionjustifi:~it. Oii est LIOIIL1.1~~LIIiIlS~\~i<I~<~ .iciv11
inon Iii~nor:ihlccoiitr;idictt:tir voii<lrnit(I?nonct:r?Ceci inisi pnrt. 1..dui5
ajouterque ce n'est pas sans un certain amusement que je vois lal'artie
adverse en êtrerkduite à fonder ses ultimes espoirs sur une affaire qui
remonte à 1902 et qui ne brille vraiment ni par la précisiondansla défi-
nition des positions des parties ni par la clarté dela décisionou la richesse
des motifs. Les remarques formuléesdans ce cadre excluent doncnette-
ment la possibilitéd'alléguer, surla base de la pratique, l'existence d'une
prétendue iexception idestinée à faire échec à la conclusion généralequi
se déduit logiquement des principes applicables et qui veut que la pro-
tection diplomatique du sociétaire ou de l'actionnaire ait comme fonde-
ment la lésiond'un droit du sociétaireou de L'actionnaire.
Tout à fait l'encontre des espoirs de la Partie adverse, la pratique
arbitrale internationale relative aux cas de sociétésnationales de I'Etat
auteur des mesures préjudiciables confirme pleinement l'exactitude des
conséquences que nous avions tirées de L'application des principes. La
prétendue .exception 1que la Partie adverse - se fondant sur les con- 6-34 BARCELONA TRACTION

clusions quelque peu hâtives de certains auteurs - avait espéré pouvoir
établir, n'en est donc en réalitépas une. Et avec cela tombe définitive-
ment l'espoir de pouvoir cgonflerii opportunément cette cexceptionn
pour les besoins de la cause et de l'étendàedes hypotheses différentes.
L'audience,suspendue dIO h50, estreprise d rr h 5

Avant d'en terminer avec ce deuxième point desconstatationsqui se
déduisent de l'analyse de la pratique arbitrale internationale, je ne
saurais manquer de mentionner brièvement un prétendu «précédent »
que mon honorable contradicteur, en désespoir de cause semble-t-il, a
voulu mentionner danssa plaidoirie du 12 mai (VIII,p. 528).Ce aprécé-
dent »lui a paru ètre l'exemple d'une pratique qui, dit-il, en ce qui con-
cerne les problèmes que nous débattons, cse généralisede plus en plus
età la formation de laquelle participent,tous les Etatsa. 11s'agit de la
décisiondu 4 octobre 1966de la Commissiondesdroits de l'homme, cette
instance à l'égardde laquelle la Partie adverse a montré,à tort, si peu de
considération àpropos de la question de l'épuisementdes recours inter-
nes. De auoi s'agissait-il? 11s'agissait d'un recours d'un ressortissant
autrichie;, actionnaire d'une sociétéautrichienne, se plaignant d'une
violation des droitsde l'homme de la part d'autorités ...aiitrichiennes.
le me demande si. en mentionnant cette affaire. mon honorable contra-
dicteur a voulu faire de l'humour à ses propres dépens. Je cite textuelle-
ment son commentaire: .Son intérêttient à ce que cette décisionnous
fait sortir du cadre de la orotection diplomatiaue et mêmede celui du
traitement des étrangers. ~'(lbid.,p.528.)C3est,éneffet, le meilleur com-
mentaire que l'on puisse faire.
La troisiAmedes constatations qu'une analyse approfondie de la pra-
tique arbitrale et diplomatiquepermet de faire est que les Etats destina-
taires des quelques rares réclamations qui ont étéprésentéesau titre de
la protection d'actionnaires, mais qui étaient fondéessur un préjudice
prétendument causé à la société,s'y sont opposés toujours et de la
manière la plus nette. Mon honorable contradicteur ne prétendra pas
voir une exce~tion à cette oratiaue dans l'affaire Petsamo Nickeli au'il a
mentionnée({bid,p. 529et kuiv.); où il s'agissait en réalitéd'un reglément
entre alliésdes conséquences d'un transfert de pro. .été découlantde
l'accord d'armistice avec un ancien ennemi.
Au surplus, il esà remarquer que l'opposition des Etats destinataires
des réclamations est devenue radicale et catégorique lorsque. à propos
d'une mêmesituation concrète.deux Etats étrangers ont essayéd'inter-
venir parallèlement ou successivement, l'un en tant qu'Etat national de
la société,et l'autre en tantii'Etat national des actionriaires, pour faire
valoir. l'un et l'autre, des préjudices prétendument causés à la société.
Un exemple frappant de cette prise de position, exprimée dans les termes
à la fois les plus préciset les plus efficaces, a étédonnépar le Gouverne-
ment britannique dans l'affaire de la sociétébelge Armes automatiques
Lewis. Les circonstances de cette affaire ont étéévoquéesen détail dans
la duplique (VII, p. 1050-1051). Qu'il suffise de dire ici que le droit ex-
clusif pourI'Etat national de la sociéde présenterdes réclamationsdans
niii ne laissent placàsaucune éouivoaue. Et la tentative de mon hono-es
fable contradicieur qui voudrait' diminuer l'importance. justement par
rapport à notre espèce, de l'attitude adoptée par le Gouvernement bri- PLAIDOIRIE DE M. AG0 685
tanniaue en s'opposant à la réclamation américaine, est vraiment mal
\,cliue: Lc ~oii\,&int.nicntI)ritaiiiii<liit:lie lioui~~it.cn cffct. espririicr daris
des lermes plus cl:iirs queIcr;cl;iriintioii qléGou~~crncriii:riatmiric;tiii
i>rr'ieiit;iitau lioJrs nctioiiiloire5 ;irnr'rlc~insd'iiilc soci&t&hcl~t: ne
pouvait pasêtreconsidérée commeune réclamation présentéeréellement
en faveurde ces derniers et devaitêtreconsidérée commeune réclamation
en faveur de la société,le prétendu préjudiceinvoquéayant étéinfligé à
la sociétéen tant quc telle. C'est exactement le mêmeprincipe que fait
valoir ici et depuis toujours le Gouvernement espagnol.

ment infligésà la sociétédoit êtreconsidérée commeétant une ré-u-
clamation faite pour le compte de la société,qui est de nationalité
belge. »

Tels sont les termes, textuellement cités,par lesquels s'exprime la note
britannique du 2 aoiit 1933. et qui sont reproduits à l'annexe 201 à la
duplique (p. 501 et suiv.). alon honorable contradicteur ne leur a évi-
demment pas consacréson attention..
En ce qui concerne, enfin, la pratique conventionnelle à laquelle se
réfère laquatrième et dernière des constatations auxquelles nous amène
l'analyse de la pratique, ce que l'on doit noter c'est que cette pratique
ne rkvèlenullement l'existence d'une prétendue tendance progressive à
admettre une protection diplomatiqued'actionnaires pour des préjudices
et il est inutile que, pour prouver le contraire.,le Gouvernement belge;
continue àsolliciter le texte de certaines conventions et notamment d'une
formule sur la signification de laquellenous reviendrons par la suite.
Le Gouvernement espagnol considèreavoir prouvé(D., VII,p. 1058et
suiv.) le caractère coiisciemment ~ceptionnel et,nettement dérogatoire,
par rapportaux principes dudroit internationalgenéral,de certaines con-
ventions bilatérales de réclamations peu récentes de surcroît. Il s'agit
notamment, comme nous l'avons indiqué,de cellespasséesde 1923 à 1927
entre divers pays et le Mexique. Par la mêmeoccas!on le Gouvernement
espagnol a aussi mis en evidence que ces conventions confirment, par
leurs termes mêmes.le principe selon lequel les actionnaires n'ont, en
tant que tels. aucun droit àêtreindemnisés pour les dommages subis du
fait d'un préjudice causé à la société.Les actionnaires n'ont étéadmis à
akir. en effet. que dans des cas où ilv avait eu cessionà leurprotit d'un
dÏoi'tpropre dêlasociété.
Et à ce pro os n'en déplaise à mon honorable contradicteiir (VIII,
p. 530 et suiv.f ci qui reprhente dans cesconventions l'élémentdéroga-
toire Darrao.&rt au droitinternational e-néral.c'est la vossibilitéexceD-
tionnellement reconnue à l'actionnaire de présenter une réclamation; Le
n'est Dasla condition. à laquelle il doit satisfaire, qui limite la portéede
cession d'un droit de lapart de la société.IIufit derelire lepassage très
clair dela décisionde la Commission arbitrale dans l'affaire Dickson Car
H'heelCo. ivubliée à la oaee 102.1de la du~lioue. VIII~our n'avoir vas
de doutes &r ce point. . ., - . . , ,.
Dans le texte de cesconventions, si imprudemment mentionnéespar la
Pnriie ;i<l\.eric,l'on iic troii\.c donc. eri r;:aljt6, quc la ncite coniirnintiori
(11I;irc.coniini~s;iiiccpaIciEtati clipriiirip,. fiCnLira:li~corJ:iii>r~il
1Stntn;itioiilldc 1ssi>ci;iCletiroitIIC-iplnintlrtd uii prl-'judiccc.iusi: 686 BARCELONA TRACTION

la sociétéen tant que telle. Pour ce qui est de l'application pratique de
tionnaires nationaux de l'un des Etats cocontractants aient demandé auac-
Mexique la réparation des dommages causés à leurs intérêtsdans ces
sociétés.C'est assez réussi, comme preuve d'une tendance évidente du
droit international moderne!
Quant aux conventions multilatérales,enfin, etaux projets de conven-
tions multilatérales relatives aux investissements étrangers, le Gouver-
nement belge n'a plus ététentéd'y faire appel. Aprèsl'abandon de fait
du projet de convention de l'OCDE et l'adoption du nouveau texte de
convention de la BIRD (A.D.,vol. III, no 201. p. 504-505), il n'a pu que
reconnaître lui-mêmeaue la tendance la ~lus récente va nettement à
l'encontre de toute poss'ibilitéd'admettre, mêmedans les limites les plus
restreintes. l'idée d'une réclamation au nom d'actionnaires Dour des
préjudices causés à des sociétés.Si, d'ailleurs, on voulait troÙver une
confirmation de cettétendance négativedans les traités d'établissement,
qui sont les plus importants pour la matière qui nous intéresse,il sufirait
de se référerau texte de la conveiition sur l'établissement des sociétés
adoptée par les pays membres du Conseil de l'Europe et ouverte à la
sienature à Strasbourg le 20 ianvier 1466(voirle textedansle Mémorialdu
&and-~uché du ~uXérnbo;rg, 1~68:~ n"51, p. 511.)
La conx~entionn'accorde pas la moindre importance aiix actionnaires
et à leur nationalité. .ue ce ;oit Douradmettreune orotection éventuelle
des actionn:iires poiir des 1ir;jiidiccs c:iiiiésiInsoci6tL:oii pour attribuer
a 1'l:t:iii:ition:ilciint;r&ts 1>r~l)uiid6rniitI. roit dr proi2gt.r I:isoci(!t<:.
II y est fait référenceexclu;ivëment aux critères qui son? propres au
droit international généralen matiere de protection de sociétésà,savoir la
nationalité de la sociétéen tant que lien juridique doublé,le cas échéant,
de l'existence d'un lien effectif et continu avec l'économiedu pays.
Il est temps de conclure, maintenant, à propos de cette première
direction explorée par le Gouvernement belge pour y trouver un appui
pour ses thèses, à savoir celle du recours aux prétendus précédents.La
Partie adverse n'a elle-même puque se rendre compte du caractère irré-
futabledes constatations que le Gouvernement espagnol a pu lui opposer
sur la base desfaits. En réalité, en dépit desarguments défensifs de!.pure
forme présentésici ou là, la Partie adversea amorcédéji, dèsles derniers
moments de la procédure orale sur les exceptions préliminaires, un mou-
vement de repli quiaboutit finalement Aabandonner complètement l'idée
de trouver dans les précédents qu'elleavait avancésavec tant d'assurance
la vreuve d'une évolution du droit international vers les thèses qu'elle
pr&onije. Elle ne paile iiliisde la furriiniioÇIIdroit iiiteriiatiuiial, (I'iine
rcgle zoiitumi+rr. nou\,ellt.: une r&glcqui devrait répoiidrc aux I)c~soins
accru; de protection dcj irive~tij~eiiieiitjell~.ctu;.ipdes si~ciCtCf;iiiaii-
ciérci iiiternation:ilr,i.tqui :xiirnii ~~rogrcsjivciiienradmis Ica Etat;
nntioii:iiiil.::ictioiin:iir<dc so<iCtés~~oiiiiiiercinlà:fair*:~aloir. dit11s
certaines circonstances, les préjudicescausésaux droits de la société.On
secontente désormaisde prétendre - également à tort d'ailleurs- que
cette pratique ne révélerait rieri de vraiment décisif à l'encontre des
applicationdes principes généraux.L'argumentation de la Partie adverse,
combien modeste, combien candide - nous l'avons déjà noté par le
passé - consiste à présent à affirmer que l'Espagne n'aurait pas prouvé,
par son analyse, l'existence d'une regle prohibitive faisant obstacle à PLAIDOIRIE DE M. AGO 657

l'application d'un prétendu principe généralaffirmécomme postulat, qui
permettrait spécifiqiiementl'exercice, par un gouvernement, de la pro-
tection de sesressortissants actionnaires d'une sociétéétrangèreenraison
d'un préjudice causéaux droits de la société.Mon honorable contradic-
teur a réaffirmécette idéedans ses plaidoiries du g mai (VIII,p. 510) et
du 12 mai (ibid.,p. 53"). C'est une manière comme une autre d'avouer
l'échec leplus complet des efforts antérieurement accomplis.
La deuxième des directions em~runtées Dar le Gouvernement belge
dans ses efforts pour sauver ses pre*tentionséstcellequi devrait ameneÏà
attendre le salut des princi.es -énérauxdu droit international répissant
la matiere.
C'est,en effet, dans cesprincipes ou, pour mieux dire, dans un opportun
aménagement de ces principes que la Partie adverse a place ses nouvelles
illusions, surtout depuis qu'elle a dû constater la vanité de celles que lui
avaient auparavant inspirées lesprétendus précédentsen sa faveur et la
non moins prétendue évolutionque ces précédentsauraient faif subir au
droit ~ ~-~~~~~.~~~.
iustification des demandes belaes en la ~rbsente affaire est devenue en
quelque sorte le leitmotiv de ladéfense beige. On la retrouve presque à
chaque moment depuis la réponsedonnéeen son temps aux questions po-
séeslors de la procédure orale sur les exceptions préliminaires par sir
Gerald Fitzmaurice, jusqu'aux plaidoiries actuelles de mon honorable
contradicteiir.
Rien n'est plus facile, toutefois, que de déclarerhautement son inten-
tion de fonder ses coi~clusionsunique~nt sur L'applicationdes principes
de droit international généralqui régissent la matière dans laquelle se
situe le cas d'espèce. C'est,sans aucun doute, la voie maîtresse à suivre
pour la démonstration du bien-fondé d'une conclusion. Seulement, la
difficultévient après. Ce qui est beaucoup moins facile,c'est de prouver
que I'application des principes en question aboutit vraiment au triomphe
des conclusions souhaitées.
Les nrinci~es de droit international, en effe- ces principes dont nous
a\.onshir dtit aucornineri~:errientd~cettr:~>articdi.pi~'-.eiit~:pIai(l-c.i
admettent I'esercice par un Etat du droit de prbsenter unc riclai1,;ition
en faveur d'un n;itioiinl.i une con<lltioii Cet Etat doit poii\.oir all~%iier
que son ressortissant airait subi une atteinte à ses proPres droits de la
part d'un Etat étranger, et à des droitsdont ce dernier Etat était tenu
d'assurer le resoect en vertu d'une oblica-ion internationale le liant à
1'Etat réclamah.
Dans notre cas donc, comme nous l'avons mis en évidence,il ne guffi-
rait pas au Gouvernement belge d'invoquer, sur la base de ces principes,
un préjudice causé hdesdroits de la société:il lui incomberait de proutrer
actionnaires belges de Barcelona Traction et. bien entendu,ts dàdes droits
dont le respect serait exigépar une obligation internationale de l'Espagne
envers la Belgique.
11est donc intéressant de voir par quels moyens - je serais tenté de
dire par quels artifices, mais n'anticipons pas sur nos conclusions -la
Partie adverse a cherché à se sortir des difficultésqu'elle a inévitablement
rencontréeset à concilier l'inconciliablà.savoir les ~rincipes applicables
et ses propres thèses.
Pour ce faire elle a, une foisde plus, battu différentschemins. 688 BARCELONA TRACTION

La voie maîtresse aurait été,évidemment, de pouvoir découvrirun ou
plusieurs droits quelconques, qui auraient vraiment été propres aux
actionnaires de Barcelona Traction en tant que tels, et de pouvoir
montrer que les mesures prises par les autorités espagnoles auraient illi-
citement portéatteinte à ces droits. Dans le mémoire(1,p. 182)et dans
les observations et conclusions (ibid., p. 181) on avait essayé, en effet,
d'alléguerune prétendue atteinte nimmédiate et directe n que les actions
ou omissions des organes de 1'Etat espagnol auraient infligée à certains
droits fondamentaux des actionnaires, à savoir celui de choisir les ad-
ministrateurs de la société,celui de recevoir leur part du produit de la
gestion sociale et celui de participer à la répartition du reliquat d'actif en
casde dissolution et de liquidation de la société.
II avait été aisé au Gouvernement espagnol, déjà lors de la procédure
orale sur les exceptions préliminaires (II,p. 199-z00), de montrer toute

l'inconsistance de ces prétentions. Jamais les mesures prises par les
autorités espagnoles n'ont porté atteinte à de tels droits à l'égard des
actionnaires de Barcelona Traction. Les conseils du Gouvernement belge
n'avaient donc pas cru opportun d'insister sur ce point.
La Partie adverse a néanmoins voulu revenir sur la question dans la
réplique,où elle a reprisla vieille assertion d'un prétendu préjudice causé
aux actionnaires cibelges Ide Barcelona Traction par une atteinte directe
aux droits déjà rappelés. Elle l'a fait, chose qui nous a frappés,dans une
petite section séoaréeet non Dasdans le cha~itre consacré à l'exceotion
dont nous trnitôns. Elle y a insiste pnrticii~&renicnt sir uiie pr&t/ndiie
perte. par les v:ictionnaires belges .Jdes pr+rog:~tii.c~toucli:int la gestion
de la société.Enfin. au cours des rkcentes plaidoines. c'est Ir profcsscur
L:~iiterpacht qui 3 de nouvcau essayéde soutrriir qiie Ir*;ictioiinaires de
Harcelons Tractioii auraierit &tédCpouillésde ce qu'il appclle les trois
aspects oiiéléments traditionnelsde leur: droits IIa toutefois ai)i>ortéun
petit changement à leur présentation: le droit de choisir les administra-
teurs de la sociétés'est transformé, chemin faisant, en un adroit d'ad-
ministration n (right 10 administration) (VI11 . 459). Le professeur
Virally, poussapart, a étémémeplus généreux (ibid., p. 545).A son avis
les adroits propres »des actionnaires ayant subi une atteinte directe de la
part des autorités espagnoles seraient les suivants:

iidroit de érerlesaffaires de la sociétéparl'intermédiaired'adminis-
trateurs %&signép sar eux, droit d'exercer l'action sociale, sans se
heurter à un dénide justice, droit de participer à une liquidation
régulihredes actifs de la sociétéet de ne pas êtresoumis, par consé-
quent, à une vente judiciaire abusive ,i.
Or, précisonsd'abord que les actionnaires ont bien le droit de nommer
les administrateurs. Par contre, ils n'ont eux-mêmes,et dans aucun
système juridique, un iidroit ide gérerou d'administrer la société. At-

tention donc à ne pas créerd'équivoqueen sollicitant les définitions!
Cette précision faite, venons-en à l'essentiel, non sans avoir rappel6
toutefois à la Partie adverse les observations que nous avions déjà
faites à cesujetdans laduplique (VII,p. 1018-10x9)et que nos honorables
contradicteurs paraissent avoir oubliées.
En oremier lieu. .l est hors de doute. me.s~ ~~e-~-il. aue ,e' oréro-
gativeS des actionnaires de Barcelona Traction en ce qui concerne la
nomination des administrateurs de la sociétén'ont iamais étéaffdctées.
Les administrateurs qu'ils ont choisis n'ont jamais.été écartéspar une' PLAIDOIRIE DE M. AGO 689

action quelconque des autorités espagnoles, ni empêchés de tenir leurs
réunions, d'exercer leurs fonctions et d'assurer la défensede la société.
Le professeur Weil n'aurait pu le montrer mieux qu'il ne l'a fait dans sa
du 13juin (szrpra,p. 510). Pour ne pasprendre inutilement de
votre temps, Messieurs, je vous demande donc seulement la permission
de citer textuellement le passage pertinent de la requête en fraude procé-
durale, présentéepar Sidro devantletribunal no14de première.:instance
de Madrid le 7 février 19.5( 3nouv. doc., vol: II, p. 160).
Il y est dit textuellement ce quisuit:
«Ainsi, donc, chez la MBarcelona Traction ii,non seulement ses
actionnaires ont conservé leurs droits oolitiaues. mais a subsisté
aussi son propre et authentique conseil'd'administration, sans que
les oreanes de la faillite aient prétenduy fairedes remplacementsou
des ciïangements quelconquei. u

Aprèscette lecture. j'ose espérerque la Partie adverse cessera enfin de
nous parler de la perte par Sidro de son droit de participer au choix des
administrateurs de Barcelona Traction, ou, ,pour se servir d'une autre
expression qui lui est famili&re,de,faire administrer Barcelona Traction
par desadministrateurs de soi1choix.
Dans i'h\moth&se où. var hasard, nos honorables contradicteurs
auraient simplement fait une confusion Ace propos et auraient,vouiu se
référernon pas aux administrateurs de Barcelona Traction mais à ceux
des sociétésfiliales,nous devrions leur rappeler que ces derniersgéraient
des sociétésdont Barcelona Traction et nul autreétait actionnaire: non
pas Sidro, assurément. ni d'autres Belges non plus. Si, donc, il était
vrai - ce qui n'est certainementpas le cas - que parmi les faits allégués
par le Gouvernement belge, l'on pourrait décelerune atteinte c première
et illicite aux droits des actionnairesn, les ,droits mis en question ne
seraient finalement que ceux de l'cc act/onnaire» ...Rarcelona Traction:
c'est-à-dire d'un <iactioiinairei, canadien et non' pas d'<actionnaires
belees». Si c'est à cela au'il veut se référer.le Gouvernement belce
c~iriiiriiie.en I'aggrai,;~nt.'sa ter1tatii.c eiitiCremeiit inadmissible de faire
\,aloi1siirlé plnii inrérnationnlIcs griefs<l'une sociétéd'une iintionalité
autre quela sienne.
En ce qui concerne la mention du droit d'exercer l'action sociale, nous
ne pouvons que la trouver fort étrange. Ou bien mon lionorable contra-
dicteur veut oarler ,d'uneaction exercéeDar les administrateurs de Bar-
celoiia TractiÔn (quoique, dans ce cas, leterme so!t plutôt impropre); et
alors, tout en repoussant entikrement l'accusation implicite et toute
réservefaite auan? A l'exercice de cette action en l'espèce, nouspouvons
comprendre à\a rigueur le sens d'une référenceau cidériide'justicê».Mais,
dans ce cas, le droit dont il s'agit est un droit de Rarcelona Traction et
non pas de ses actionnaires. Sir.par contre, ce quel'on a voulu désigner
plu~~techni~uement, c'e:t l'action sociale que lésactionnaires eu Fe nt
exercer contre les administrateurs, alors disons simplement que nous
n'avons pas la moindre connaissance du fait qu'une action de ce genre
ait étéexercéedans le cadre de Sidro. ni du fait qu'elle sesoit heurtéeàun
dénide justice.
Ouant au droit de ~articiper à la distribution du reliauat d'actif, ce
deGier, comme nous i'avon; mis en évideye en d'autre: occ?sions, et
comme sa définition elle-même l'indique clairement, est un droit envers
les administrateurs et envers les autres membres de la société,qui se 6g0 BARCELONA TRACTION

concrétiseau moment de la dissolution et de la liauidation de la s-ci~ -~~ ~ ~ ~ ~
Mais ce n'est pasdu tout un droit à ce qu'il y ait un reliquat d'actif ou un
droit à prétendre que les tiers ne fassent rien qui puisse empêcherl'exis-
tence de ce reliquat ni en diminuer l'importance. La mention de ce droit
dans notre cas à propos de la vente des biens de Barcelona Traction n'a
doncpas de sens.^
Les recherches de la Partie adverse en direction des «droits des action-
naires» proprement dits s'étant avéréessi décevantes, elle s'est alors
tournée vers ce aue nous pourrions a~~eler des ~seudo-droits. ~ratiaue-
ment fabriqués de toutes pieces pour'lêsbesoins'de la cause. ~'éstcCqui
nous fait comprendre les réserves si constantes du professeur Virally
(VIII,p. 545),.Contrel'idée même des droits npropres;, des actionnairés
et son souci d indiquer que la listehabituelle de ces droits -même cellesi
savamment dressée, à l'époque.par le regretté professeurSauser-Hall en
tant aue Drésidentde la commission oui a tranchél'affaire Brincard - ne
serait'iii Complétcni exhaustive.
Qiicls seraient donc ces psriido-droits fiimeus .dont les autorités espa-
cnoles aur;~ientindiimeiit i)riv; les sociCtEshelres rér rendu menatction-
Raires de Barcelona Traction? Le professeur Lau&rpacht, dans sa plai-
doirie du 8 mai (VIII,p. 459)parle d'un ccontrôle idont on ne sait pas
bien si.dans son es~rit, il constituerait un droit ou non. ni s'il serait un
droit confcre Q tout à~tio~inaircou sculenicnt - mais coinnient - à cette
entité cliangennte, dificilrrnent détiniisable. qu'est 1'actiorin.îire niliio-
ritaire: uneentité sûrement déuourvue d'une situation iuridioue sr>&-
fiqiic..Pour ma p:irt, j'aichtrshCd;iiis Icsnianucls de ~roit'soinr~erci~ldes
diifërenta pays une réfc'rence à ce prétendu .(droit .et, cette recherclie
faite.ie me suis demandé devant auellc autorité iudiciairc du monde on
pouriait intenter une action pour'le faire valoir: Comme le1professeur
Weil l'a bien montré (szrfira,p. 514). le iicontrôle» que peut avoir dans
une sociétéun actionnaire et parfic;iièrement un acti'onnairemajoritaire
est une situation de fait; il est - ie cite les paroles de mon éminent
confrère - aun oouvoir de fait aui est le résultai de l'exercice normal des
droits d'actionn'airesu; il est, a'jouterions-nous, une conséquence «poli-
tique n, au sens où ce termepeut êtreemployédans ce domaine, desdroits
n6rmalement conférés aux-actionnaire;. Mais il n'est certainement Das
une prérogative juri<lique.et lie saurait itre dr'criten termes de *droii .).
Le professeur Virally (VIII, p. 520) nc iemble pas suivre son confrére
sur'cc térr;iiiiglissant. .\lais sa fantaisie n'a pas éti.iiioins fertile, puisqu'il
a pu nous préseiiter un prdtendu tdroit .S de voir l'entreprise j.laquelle
il est associépoursui\~rt son activité normale dails le cadre des lois coni-
merciales aui;'au~liauent à tous. avec les chances de eain et de Derteaui
en résultent pou;*to;s, et non pas êtreconfisquéeou-transft!ré~sans :n-
demnitépar une intervention ouverte ou déguiséede 1'Etat o.
Quel étrange contenu pour un droit: on népeut vraiment pas dire qu'il

soit facile à définir. Une foisde plus on se demande où mon honorable
contradicteur est allé lire l'indication de l'existence de ce droit; car je
pense qu'il est convaincu comme moi qu'un auteur, mêmetres savant,
n'a pas le pouvoir de créerdes droits: il a seulement celui de les recon-
naître comme existant dans la vie juridique. Monhonorable contradicteur
sait d'ailleurs tellement bien que ce prétendu droit n'a de place dans
aucun des systèmesde droit commercial du monde, qu'il essaie de sauver
son affirmation. renforcée même par un «à ne pas en douter n, en faisant
appel au droitinternational. Il y aiirait là, dit-il, «un élémentfondamen- PLAIDOIRIE DE M. AG0 691

ta1de la situation juridique de l'actionnaire telle que ledrinternational
la reconnait iiXous voilà revenus. de l'autre c6t6 de la barre, à l'idée
f~ntastique d'un droit international qui s'aviserait de reconnaître. au
~rofit deDersonnes oui sont des suiets de droit interne et non vas de droit
n'aioute, pour le moment, pas d'autre commentaire, car nous rencon-t. J;
trerons dé nouveau cette idée, expriméedans des termes encore plus
gbnéraux.
Pas de droit propre à l'actionnaire, dont on puisse invoquer la lésion
dans le cas d'espèce. Pas non plus de possibilité d'imaginer, pour les
besoins de la cause, un autre prétendu adroit n car en plus de l'avoir
imaginéil faudraiten prouver l'existence concrète.
Dans ces conditions. il ne restait b.la Partie adverse au'une uossibilité:
celle d'abandonner carrl.ment le domaine des <.droits n pour'se tourner
vers celui. certairieiiicdus commode. des. intéréts .JC'est Ih que \.ont
surtout. derniércrnent. 1r.î~r&lérencesmarau6es dc In P:irtie adverse. oui
a cru pouvoir y trouver eifin ce qu'il lui iallait pour faire accepte; Ses
prétentions àune qualitépour agir en la présenteaffaire.
Une fois lacéesur le terrain des intérêts - en s'abstenant. bien en-
tendu, soigneusernent de trop préciserce que l'on entend par ce terme -
la Partie adversesemble, en effet,se sentir beaucouu plus l'aise. On peut
enfin contrer ces objections ennu).euses qui consisicntA faire remariuer
que ce droit-ci n'a paCtC:et ne peut pas avoir <t6toucht.. qiie ce droit-la
n'existe pas ou bien a~partient à auelau'un d'autre. Peu importe aue
tout lenionde - y compris les con;eil;du Gouvernement beige -ait
confirméque les actionnaires ne posskdent aucun droit sur les biens de
la société- on pourra bien admeitre que l'actionnaire a un intérêtpar
rapport aux biens de la société.Et qu'importe le fait que le préjudice
causéb.une sociététouche aux droits de cette dernière mais n'affectepas
les droits propres aux actionnaires. Les intérêtséconomiquesde ces der-
niers en sont tout de mêmeaffectésindirectement: leurs biens propres,
c'est-à-dire les actions, peuvent voir diminuer leur valeur boursière.
Nous-mêmesnous aurions reconnu - et nous avons en fait reconnu -
qiie si les actionnaires ne subissent aucune atteiiitc dans leurs droits, ils
peuvciit tout <lemêmeressentir. par ricoctiet, de hples répercussions
économiquesindirectes sur leur patrimoine.
Bien sûr. mêmedanscette voie. la Partie adverse ne peut pas se dissi-
muler qu'il y a des obstacles. ILy a, par exemple, dans la pratique inter-
nationale, toute cette série de prkédents, parmi lesquels figurent les
Mexicans KEagle,où l'on ne s'est pas contenté de souligner que les action-
naires n'ont aucun droit sur le vatrimoine de la societé.On en a déduit
aussi quc. sur le plan intcrnatioial. l'on ne priit pr6ieiitcr de r&clamation
en fni.eur des actionnnirvs en raison d'un pré'udicï iiiflighaux hiens de la
sociétéEt il ya aujii cette dkision de la ornrni->ionde réclamations
Etats-Cnis->lexique dans l'affaire BicksonCar Il'k~lCo.,dont égalenient
l'on a didilit si clairtmerit aue. de l'avis dc la Conimiision. 11ne saurait
être question, en droit infern'ational gknéral. de la réparation d'une
urépercussion n, c'est-à-dire d'un dommage économique subi indirecte-
ment par un actionnaire. à la suited'un préjudiceintemationalement illi-
cite causéà la société.
La Partie adverse ne se soucie toutefois pas trop de ces obstacles. Elle
se lance donc hardiment vers l'idéeque le droit international protkgerait 692 BARCELONA TRACTION

non seulement les ndroits >imais aussi les .intérêts »et que par cette pro-
tection même,il se chargerait, lui, de transformer ces intérêtsen des
droits, en des rights in terms ofInlcrnalional Law. Pourquoi. d'ailleurs, le
droit international devrait-il tenir compte du fait que certains intérêts
ne sont pa. ilr.s en considératioii eii tant que adroitsn dans cc cadre
~iiI~nrdoiiii.>t, poiir1:il'itrti~,tdvcrse, 0,idt.iiini~iit ii~~lig~:~I~i'c:t IC
kit interiic :ii,cc-CSI~~i~krii~iiliri~us' a II roi ~iitrn:t~ii:il .
a dit la Cour uermanente à olusieurs reuriies - et on nous le raoor'l~---
pour que no~<ne 1'0ub1iions'~as -, iles'lois nationales soiit de simples
faits». En nous référantprécisémei> t cette formule, aussi exacte que
connue, nous pensions que, lorsqu'une règlede droitinternational, comme
toute règlede droit, prend acted'un fait quelconque et en tire des consé-
quences, elle ne peut prendre ce faitque tel qu'il est. Nous pensions que
le droit international ~ouvait rendre acte du fait aue le droit interne
confère ou ne confère pas à dei particuliers des droit; déterminés,et en
faire le point de départ de sesdispositions. Mais il ne peut assurémentDas
constater autre chose que ce qui'est, et qui ne dépendd'ailleurs pide
lui, car s'il le faisait cela entrainerait une déformation inadniissible des
donnéesdefait.
La Partie adverse ne semble pas se laisser arrêterpar de telles considé-
rations ni avoir de telles préoccupations. Aussi étonnant que cela puisse
paraître, elle ne voit mêmepas à quel point il est inconcevable, lorsque le
droit interne ne reconnait au'à un oarticulier donné des droits sur un
certain ensemble de biens, d'imagine; que le droit international puisse se
croireautorisé àétablirquelque chose de différentet à confërer à d'autres
uarticuliers aussi desdroits &r les mêmesbiens.Et uourtant c'est à cela
que revient la thèsede laPartie adverse quand elle soutient que les pax
culiers actionnaires d'une société~ourraient avoir. en vertu du droit in-
teriintionnl. un , droit ,)siir les biens dc 13su~iïti~,a1015 ~UC 1: dioit in-
terne, et en pieniier lieu le droit intcrnc applir.~hIt:.il? con;i(l~:r~.i;ipris
lei~r~trii(Iii iiit(.r<,de ct:s ~:trticiiIiers sur lv~~litsI~ieiiscoiiinic Gt.,nt
dig'riede protection juridique.'
Abstraction faite, ici, de considérations de principe démontrant à quel
point tout cela serait impossible dans la logique du système, il est clair
que, si le droit international s'engageait dans cette voie, il deviendrait
alors. contrairement à ce qui est, par essence, sa fonction, un facteur de
désordredans les rauuorts iuridiaues.
Attachons-noiis miintenant I'idCede la Partie nd\.ersc. selon la-
qudle le droit iiiternational eii ni;itiérede tr;iiteriirnt des Ctrnngers assu-
ferait la nrotection non seulement de leurs droits. mais aussi de leurs
intéréti kt je n'ai pas hesoiii de souligner 'pnrri~ulil.r~:iiic'~ qute. daiis le
domainedii traiteiiiciit des étrangera. ce qui I'intGrés.iciirtoiit, :iuu finsici

iridiaiices. c'est12 tr?itenicnt Jc ccttt: cntl:coric uartiiiilir\rc d'Ctr:iiiccrs
aya<t la qualité d'actionnaires de sociétésano~mes. Cette idéedë la
Partie adverse entraînerait donc la conséquence que 1'Etat réclamant
n'aurait Das besoin d'allé~uercomme mief le fait aue son ressortissant
aiirnit siibi un pr6jiidice dins ses prop& droit;. tlriits d'actionnaire ou
autres II Iiisiilfirait de montrer que ce res;orti;s:iiit aurait étéICsCJans
un «intérêt »~our être automatiaüement autorisé à rendre fait et cause
pour ce derniEr siir le pian iiiternationai.
C'est préciséinentsur cette idéeque la Pnrtic ndvrrse a iiisisté.surtoiit
tout derni&rcment. et c'est cette mCiiieidce oui a ét6traitée dans des
développements d'une ampleur jusqu'ici jamais atteinte dans les plai- PLAIDOIRIEDE M. AG0 693

doiries [voir surtout VIII, p. 443 et suip.516 et suiv.). Cequi montreà
quel poillt la I'artie ;idverîe place maint;iiniit ses espoirs dins iin argu-
ment de ,.genre afin d'essayer d'knrter IL'Sob~cctioiisqui ont ju,q11'1ci
éttopr>os~i:sàsa pritendiir qii:llitt! poiir agir en I'eîpCcc.
~en'aurai pas besoin de bëaucoup de paioles pou; montrer que.quand
elle parle ici d'intérêtset de protection des intérêts,la Partie adverse
entend se référerà des intérêtsqui ne sont que celaà ce qu'on appelle de
usimples intérêts»,afin de bien marquer qu'il ne s'agit pas d'intérêts
auxquels un système de droit cational accorde une protection juridique.
Il ne s'agit pas d'intérêtsqui s'élévent,dans ce système, au rang de
droits, de situations juridiques.
Toutefois, pour réussir cette «opération intérêts>>n,os honorables
contradicteurs ont bien dû chercher des points d'appui. Ils ont cru les
utiliséedans le traité de Versailles, ainsi que dans d'autres conventions,
et qui se retrouve logiquement dans quelques décisionsde la Cour per-
manente de Justice internationale où l'on a fait application de ces con-

\%Nos Iionorablcs cniitradictçiirs ont ég:ileiiicntcru pou\,oir s'appu!,er
sur Ir pnssagede votre dccisioii d1964 où l'onpose la question <lesa\.oir
si les actionn;iircs d'une soci;t@aiiraient ou nuun droit ou un intérGt
distincts et indépendants».
Dans la plaidoirie du 12 mai du professeur Virally (VIII,p. 516) on
trouve mêmesoulignéque, alorsque la Cour a eu à considérer la base
d'une réclamation internationale, elle ne s'est jamais limitée à l'idée
d'iiiie atteintà lin droit, ou même nel'a pas di1tout évoquée...)).
Mon coll&gueet ami le professeur Weil, dans sa plaidoirie du 13 juin
(stip! p.,521et suiv.) a consacréde très intéressants développements: à
la istinction entre le droit et l'intérêt,entre ce que sont, d'un côté,de
«simplesintérèts net, de i'autre, des intérêtsque le droit prend en consi-
dération: ceux dont il fait des «intérêtsiuridiauement ~rotéeésn.ou
encore des <<intérêjtusridiques»tout court.' a^^&é à ce prÔpos;ne &rie
de référencesbien choisies qui montrent comment ces deux différentes
notions se distineuent et se- réc ci se netn'ai donc au'à renvover à ce
qu'il a dit, sans abuser du temps de la Cour par :desÎépétitionsinutiles.
Je résisterai même àla tentation, très forte, ie l'avoue. de lire une autre
rois le passage du contre-mémoiredu Gouvernement belge dans l'affaire
Oscar Chinn ;e Gouvernement belge y faisaitpreuve d'une conception
toute différente de celle d'aujourd'hui touchant l'importance respective
des sdroits uet desK intérèts»de la personne prétendument lésée aux fins
d'une réclamation internationale.
Je crois, par contre, qu'il peut être utile d'ajouter encore quelques
remarques, aussi bien à propos de la fameuse formule «biens, droits et
intérêts>)dont on a fait si largement état de l'autre cbtéde la barre que,
plus généralement, à propos de l'idée,qui semble êtreaujourd'hui l'idée
maîtresse de la Partie adverse, de l'admissibilitéen général d'unerécla-
mation internationale dans laquelle 1'Etat demandeur avancerait comme
grief un réjudicecausénon pas à des droits maisàde simples cintérêts»,
non juriiquement qualifiés,de son ressortissant.
En ce qui concerne le premier point, j'ose à peine, Monsieur le Prési-
dent, Messieurs. exposer devant vous auel est. àmon avis. le sens qu'il
faut attribiie3 l'ciprejsionc biens. dro'itset intcréts.
II s'agit. oii le sait. il'iirir formule d'origine anglo-saxonne: l'une de ces694 BARCELONA TRACTION
expressions familières au langage juridique d'outre-Manche - et à
d'autres aussi d'ailleurs - grâce auxquelles on désigneune réalité prati-
quement unique par une pluralité determes, et ce dans lesouci decouvrir
tous les aspects possibles de cette réalité.Propertyrightsandintereslsest

une expression destinée à couvrir toutes les situations juridiques possibles,
qu'il s'agisse d'un droit de propriétéou de droits d'une autre nature, ou
mêmedes aintérêtsjuridiquement protégés)),qui peuvent parfois être
décrits par des termes autres que la stricte qualification de droit ou de
right.Les expectatives en sont un exemple bien connu.
L'emploi de cette formule ou d'une autre du mêmegenre se recom-
mande tout particulierement dans un traité de paix et dans d'autres
conventions où l'on a besoin de se référerglobalement à des situations
juridiques de particuliers qui peuvent être quatifiéesdifféremment dans
des systemes juridiques différents. La nécessitée ,n particulier, d'éliminer
toute possibilitéd'échappatoires qui consisteraient à objecter qu'il serait
impropre de définircertaines situations juridiques comme des adroits »,
et qu'il faudrait utiliser un terme juridique différent,explique mieux que
tout le recours Ade telles formules.
Pour bien montrer que je ne présente pas du tout. ici, une interpré-
tation personnelle, je me permets de faire référence à un ouvrage resté
classique en la matdre, Die priuatenRechleund Interessenim Friedens-
uertrag(Les droits privéset les intérêtsdans les traités de paix), d'Isay,
dont la troisièmeédition aétépubliée à Berlin en 1923.A la page gzde ce
livre figure le passage suivant (j'espere quela traduction est exacte) :
"Cela n'a aucune valeur ~ratioue de sé~arer.les~tro-- ~-.-. ..-.. ~...
moinsencore delesdélimiter l'un parrapport àl'autre ...Si,itoutefois,
l'on veut distinguer la notion d'uintérêts a de celle de ndroits n, il
faudrait songer A des expectatives ou situations analogues. Mais il
est plus probable qu'une telle différence subsiste aussi peu que la
diffLrence entre propcrty et rights ..r

Ilest donc certain que ni dans le traité de Versailles, ni dans lesautres
conventions qui ont employéla mêmeformule,ni d'ailleurs non plus dans
les décisionsde la Cour qui en ont fait application, l'expression interest
(intérêt)n'a étéprise dans le sens d'un intérêtsimple mais, et sansdoute
possible.dansle sens d'un legalinterest,d'un intérêtjuridiquement protégé
selon la définition célèbreque Thering donnait précisémentdu terme
Rechl, à savoir cdroit s,.droit subjectif inright.
Le point d'appui que nos honorables contradicteurs avaient espéré
trouver pour leurs thèses actuelles dans la formule que l'on vient de
commenter est, partant, depourvu de toute consistance.

L'audience. suspendue à rz h 5, est repriseà 12 h 15

Ayant fait ces considérations à propos de la formule «biens, droits et
intérêts »,j'aimerais encore, comme je l'avais indiqué, faire deux brkves
remarques d'ordre plus généralau sujet de l'idée mêmd e'une protection
diplomatiquefondée sur la lésionde simples intérêts.
Premikre remarque. La Cour elle-même, dans son arrêt de 1964,
souligne, comme on l'a rappelédesdeux c8tésde la barre, que 1'Etat qui
présente une demande devant un tribunal international ninvoque néces-
sairement les droits qu'il estime lui êtreconférése ,n faveur de ses ressor- tissant$, par les regles du droit international relatives au traitement des
étrangers n.
Or, les règles du droit international généralqui concernent le traite-
ment des étrangerssont, on le sait, limitéeset dans leur nombre et dans
leurs exigences. Elles s'inspirent d'une grande prudence dans la déter-
mination des obligations mises à la charge des Etats dans cedomaine. On
sait aussi, d'autre part, que le principe de base dont s'inspirent les rkgles
relatives au traitement des étrangers est celui.de la non-discrimination
entre nationaux et etrangers. Faisons abstraction du cas extrême, dont
--.-~....~~ mêmeest d'ailleursdiscutée. où l'ordre iuridiaue de 1'Etat mis
en cause serait inférieur àun certain standard minimum-c'est un cas qui
n'intéresse vraisemblablement pas la détermination des droits des ac-
.~.nnair.- d'une société commerciale.Cecas mis à .art. donc. le maximum
qu'un Etat puisse exiger d'un autre Etat en faveur de ses propres ressor-
tissantsest aue leur soient accordés les mêmesdroits, les mêmespréroaa- -
tives ijuridiques rqu'aux nationaux.
Or, comment concilier cette conclusion incontestableavec la possibilité
que soit adressee à un Etat une réclamation en faveurd'un étranger pour
la lésiond'un simple intérêt,c'est-à-dire d'un intérêtdontle systeme juri-
dique propre de 1'Etat en question n'estime pas qu'il doive êtrenanti
d'une protection juridique, ni qu'il doive êtreélevéau rang d'un iidroitii
ou d'une autre situation juridique analogue? Admettre cela signifierait
discriminer à rebours, en faveur des étrangers et au détriment des natio-
naux. L'idéemêmeque nous avons vu avancer, de l'autre côtéde la barre,
de cdroits udes particuliersétrangers quiseraient reconnus à ces derniers
par le droit international en contradiction avec les dispositions du droit
national, cette idéerevient à dire que le droit international opere une
discrimination en faveur des étrangers, là où il n'y aurait vraiment pas la
moindre justification pour une telle discrimination. Parler d'une pro-
tection diplomatique d'intérêtsnon juridiques. c'est donc se mettre en
contradiction avec l'essence mêmedu régimedes étrangers et de la pro-
tection diplomatique.
Deuxième remarque. S'ilest un principe dont l'existence n'est pas con-
testée en droit international général, c'estbien celui que l'on dénomme
regle de l'épuisementdes recours internes. Les professeurs Rolin et Malin-
to~~i ont discuté des conséauences de l'a~~lication de la reele à notre
e&e: ils n'ont certes pas drscutb de son existence. Or, le pari;iculier qui
s'adresse aux juridictions internes pour faire valoir devant elles des
droits. des situations iuridiaues. ne Ûeut assurément Dasfaire valoir de
simplés intérêts.~'cx;stence de'la r&le contirme don; ?Ielle seule qu'il
nationals jmoinsd'all6euer la violation d'une situation susceotible d'etre-
défendueau préalableudevant un tribunal inteme, donc la violation d'un
droit et non pas d'un simple intérêt.Admettrait-on que 1'Etat réclamant

prétend léséne serait pas une situation juriàique? Il sufiït d'énoncer'il
I'hmthèse pour en saisir l'absurdité. Et pourtant c'est à des conclusions
dei; genre qu'amknerait l'application désnouvelles thkses belges.
Nous pouvons maintenant conclure à propos des efforts du Gouverne-
ment helae pour fonder besprétentionssur les principes aénérauxdu droit
international aoolicables erila matiere. - -

abouti le recours aux prétendus précédents.Les principes générauxenait 696 BARCELONA TRACTION

ouestion exig~.t aue toute réclamation d'un ~tat en faveur d'un na-
Lional--qu'il soit indi\.idii. socil'té,sociétnirt:,actionnair- soit foiidée
sur un préjudice illiciteiiient iiifligi par un Etat Ctrangcr i un droit du
national en <iu~~;tioiiO. r. en I'esdce. la I'artic lidvtrsr n';i r1ur>rouver
l'existence d'aucune atteinte à in <(droit »quelconque d'un act;onnaire
belge de Barcelona Traction, sitant est qu'il sesoit agi d'un iiactionnaire,,
belge. Quant à l'idéede remplacer la lésiond'un droit ou, plus générale-
ment, d'une situation juridique, par la prétendue lésion d'un simple
intérêt,le mieux paraît être, après ce que nous avons pu constater,
o~1~~l~ ~ ~le reioindre discrètement dans l'oubli d'autres idées.tout aussi
gratuites, qui pavaient précédée.
II est temps, maintenant, Monsieur le Président, Messieurs, d'aborder,
aussi brièvement que possible, l'examen de la troisième et dernière
direction explorée par laPartie adverse dans l'espoir d'y rencontrer une
justification du jus stand; du Gouvernement belge en la présente affaire.
Il s'agit de la prétendue absence de protection de Barcelona Traction par
son Gouvernement national.
L'argumentation développéedu côtébelge à propos de cette question
a étéplacéedans des cadres différentssuivant les étapessuccessives de
notre procès.
Le point de départ, bien entendu, était en fait toujours le même.Il a
consisté à présenter Barcelona Traction comme une sociétéqui, à cause
de la proportion restreinte desintérêtscanadiens qui s'y seraient trouvés
réunis.n'aurait nas bénéficié de la orotectiou. ou tout au moins d'une
protection efficace, de lapart de son Gouvemement national.
Autour de ce point de départ, des constructions différentes ont été
échafaudées.En-un premie; temps, comme ou l'a rappelé, l'on avait
pensé justifier l'intervention du Gouvemement belge au titre de la pro-
tection diplomatique des prétendus actionnaires belges de Barcelona
Traction, en rapprochant simplement l'hypothèse décrite à propos du
cas d'espèce d'une autre hypothèse, à propos de laquelle on avait cru
pouvoir déceler,dans la pratique, le principe de l'admissibilitéde la pro-
tection diplomatique d'actionnaires: l'hypothèse d'un préjudice causé
par un Etat à une sociétépossédant sa propre nationalité.
Plus tard. notamment dans la réoliaue. la Partie adverse avait cru

pouvoir situer se rapprochenient d;ins'lccadre d'une oy>retiori plus
coniplexe. consistant en unc sorte de transposition ou ~,ro]çctii,nsur,le
pl211intcrnntional d'une situation prcvue par certaine. Ir'gislntionsin-
ternes. 'l'outcfois,3.la suitede la critique wrrte quc contenait la duplique.
la Partie adverse semble iivuir renoncé entiircmcnt Accttc op2ration.
car l'on n'en retrouve guèrequ'une trace dansla plaidoirie de min hono-
--b~-.contradictei~~-
A présent, l'allégation relative au défaut de protection de la part de
1'Etat national de la sociétése trouve surtout liée.dans cette même plai-
doirie. à des consid6rations de Iegeferendu et de pr4tendut. 3.
propos de ce qu'on :ipprllc les bcsoiiis de protection des actionnaires de
sociGtts commerciales Iksoins dc orotéction sur le olsii intcrii;ition:il,
hien entendu, car la protection noriialrmeiit fournie bar le droit interne
est constamment ignoréepar la Partie advcrse. II ne s'agit pas d'argii-
ments nouveaux et. ;tant don116l'heure avancie. ilmrait or;féralilt. de
nous limiter, à ce piopos, à rappeler les commentaire; déjàfaitspar nous
en des occasions précédentes.
C'est pourquoi, à ce propos, je me bornerai à me rapporter exclusive- PLAIDOIRIE DE M. AG0 697

ment aux faits mêmesde la protection diplomatique exercée par le
Canada.~,t~c~ ~fin dedémentir la descn~tion vraiment Par tro~ déformée
qui en a ét&doiink par le Gouvernemrht belge.
Il ne sera vas inopriorfun de rem~rquer, eii gbn&raI,avant d'en venià
un examen cbncret désfaits, que la décisiond'exercer ou de nepas exercer
la protection diplomatique enfaveur d'une personne déterminée,est une
prérogative discrétionnaire de I'Etat. Le refus de présenter une réclama-
tion internationale en faveur d'une société peut être,motivépar bien
d'autres raisons que le défaut d'une participation nationale importante
dans ~e ca~ital de la société.II peut, par exemple, êtredû au fait que les
autorités Compétentes ont eu 'connaissance d'un comportement ?épré-
hensible de la part des particuliers réclamants. Ce refus peut êtrecausé,
plus simplement encor&,par le fait que les autorités enquestion, après
avoir examinél'affaire dans ses aspectsconcrets,ont acquis la conviction
qu'il n'y a pas eu, en fait, dans le traitement réservé,la sociétérécla-
mante, une violatioii par 1'Etat étranger d'une obligation internationale.
Dans notre cas,il est hors de doutequ'il n'y a eu, de la part du Gouver-
nement canadien, aucun refus opposé à la demande des dirigeants de
Barcelona Traction tendant à ce qu'il intervienne officiellement en leur
-faveur auprès du Gouvernement espagnol. Au contraire, l'adhésion à
cette demande a étéon ne peut plus rapide, et la note qui a étéenvoyée
n'aurait pu êtrerédigéeen des termes plus énergiques. Mon honorable
contradicteur lui-même a reconnu dans sa plaidoirie du 12 mai (ViIi,
p. 539)que sle Gouvernement canadien est intervenu trèsactivement .au
début »de l'affaire.
Y aurait-il eu, même plustard, une communication quelconque des
autorités canadiennes à Barcelona Traction, ou à Sidro-Sofina, ou au
Gouvernement belge lui-mêmedont il ressortirait que le Gouvernement
canadien, ayant mieux examiné la situation, aurait dû constater l'ab-
sence d'intérêts canadiens véritablesdans Barcelona Traction et aurait
donc décidéde mettre fin à sa protection? Si quelque chose de semblable
avait existé, il y a longtemps que nos adversaires L'auraient produit.
Parler donc, par rapport au cas d'espèce, d'un «refus de protectionn
fondésur la raison dont il s'agit serait pure absurdité.
D'autre part, les bénéficiairesde sept ans de protection diplomatique
active,ferme, pressante, ne devraient-ils pas s'abstenir de parler aujour-
d'hui de négligenceet de mollesse de la protection diplomatique cana-
dienne à l'égardde Barcelona Traction? Comment a-t-on u parler de
cette dernière comme d'une sociétéqui ne bénéficiepas de a protection
de son Etat national. alors aue l'action de cet Etat aét6 efficaceau ooint
de provoquer la soumission'des esseiitiel, de I'aifnirl'e&men
d'une commission internationale d'esuerti? Ce n'est certes pas parce que
la protection diplomatique a manq& de vigueur que cet éxame; a
finalement prouvé. d'une mani6re objective, que la vérité n'étaitpas
telle que les réclamants la décrivaient.
La réalitéde la protection canadienne de Barcelona Traction a notam-
ment étémise en évidence àla fin des écritures du Gouvernement espa-
gnol (D.,VII, p.1037et suiv.). 11sera néanmoins utile d'y revenir pour
rappeler certains faits essentiels.
Tout d'abord, le Gouvernement canadien all&gue que les autorités
espagnoles auraient violédes obligationsdécoulant du droit international
général:il avance les griefs de déni de justice et d'injustice manifeste
- comme mon collègueet ami le professeur Malintoppi l'a rappelédans BARCELONA TRACTION
698
sa plaidoirie(supra,p. 605) - baséssur de fausses informations reçues
des intéressésà propos d'un prétendu refus d'accésaux tribunaux et d'un
non moins prétendu «fait du prince espagnol" qui aurait été àl'origine
de la cessation des paiements de la sociétéet. partant.de la faillite.
Rapidement, l'action exercéede lacon coritinue par les autoritbs cana-
diennes et concordant avec le dkir du Gouvernement esp3gnol que pleine
lumiérc.soit faite sur l'ensemble de la situation a abouti Aun résultat
concret d'une importance exceptionnelle pour ln solution d'un diffGrend
d'origine privée: la décision prise. d'ailleiiàsl'initiative de l'Espagne,
de nrucéder A une enouéte internationale sur l'affaire A cette en<iuCte
part des experts nomméspar le Gouvernement canadien, en
tant que aouvernement national de la société,par le Gouvernement
britannique en tant que gouvernement du pays d'émissiondes obliga-
tions pour te service desquelles les devises avaient été demandéeset.
naturellement. par le Gouvernement espaanol.
L'enquete seÏa donc réguliérementmde; aprés quoi. les rzprésen-
tants des trois gouvernements se penchcroiit sur ses résultatet feront,
le IIjuillet 1951,une déclaration conjointe dans laquelle ilsreconnaitront
qiie le refus du Gouvernernent espagnol d'autoriser des transferts de
devises avait étépleinement justifié.et ils imputeront aux soci6tc:srequé-
rantes la responsabilitédu refus, vu le caractère inadéquat des renseigne-
ments fournis.
A la suite des résultats de l'enquêteet de la déclaration signéepar ses
Dronres re~résentants. le aouvernement national de la sociétésera
nécêssairetxientamené à donner un nouveau contenu et une nouvelle
tournure à ses interventions au titre de la protection diplomatique de
Barcelona Traction.
L'inconsistance, maintenant prouvée de façon définitive, des accu-
sations formulées par les dirigeants de Barcelona Traction contre les
devenu manifeste, de l'idéedu prétendu refus d'audience initialement
reprochéaux juges espagnols, rendront évidente l'impossibilitéde main-
tenir le grief d'un dénide justice basésur des prétendues violations des
principes du droit international généralen matikre de traitement des
ktrangers.
Les résultats de cette enquête,les constatations faites dans la décla-
ration des gouvernements, qui lui fait suite, marquent la fin de la pre-
miere phase de la protection canadienne et ouvrent la seconde. Le iou-
vernement de l'Et& national de Barcelona Traction se rend compteque
les griefs avancésàl'originen'avaient pas de consistance: il en formule de
nouveaux, concernant des faits ultérieurs, dans lesquels il croit recon-
naître un manquement. non plus aux obligations découlant du droit inter-
nationalgénéral,mais aux clauses de certains traités en vigueur entre les
deux pays (note du 28 septembre 1951, A.E.P. 1960, vol. III, p. 226 et
suiv.). Notons, à ce propos, à quel.point la position du Gouvernement
belge est intenable puisqu'il ne peut, de sonc8té.baser ses réclamations
que sur la prémisse d'aprés laquelle l'Espagne aurait manqué. dans le
traitement rbservé à Barcelona Traction et, partant,à l'égarddu Canada,
à des obligations de droit international général.
Dans la troisiémephase. enfin. on ne retrouve Das non ~lus le erief de
violation du traité décommerce et de navigationanglo-espagnol de 1922
ni, en gbnéral,l'accusation adressée au Gouvernement espaanol d'avoir
manqus. d'une quelconque façon, à une obligation interiatyonale (note PLAIDOIRIE DE M. AG0 699

du 21 avril 1952, nouveaux documents produits par le Gouvernement
belge en mai 1964)I. l devient clair qu'au vu des résultats de l'enquête
~ ~nartite. des arguments ultérieurement fournispar le Gouvernement
es&agnol;t des idormations obtenues par d'a~treisou~ces, le (;ou\,crne-
ment canadien a.acquis la conviction que l'affaire ri'Etait pas de naturà
justifier une réclamation d'Eut Etat. I.'exercice de la protection diplo-
inatiquc de ce gouivrnrment - qui n'en reste pas nioins une -- se rirac-
térisedonc désormais par des d>mnrches visarit ?Ifa\.onser. avec l'appui
des deux gouvernements, une solution amiable par voie de négociation
directe entre les parties privées intéresséesau différend.En prêtant ses
bons offices, il joinà l'action des diplomates celle d'un fonctionnairede
l'administration judiciaire, le receiver de Barcelona Traction, nommé
entre-temps par le tribunal de l'Ontario et auquelle ministérecanadien
donne des instructions àce sujet.
Mais ce fonctionnaire se heurte maintenant àune difficultéinattendue,
qui ressort clairement des informations ,qu'ilenvoie à plusieurs feprises:
la mauvaise volonté, non pas de la partie espagnole, mais des dingeants
de Barcelona Traction qui ne veulent pas, ?ice moment du moins, suivre
son conseil de négocierdirectement avecles créanciersde la société en vue
d'un concordat aui mettrait fin à la ~rocédurede faillite. C'est touiours le
receiver qui relate que ces dirigeah posent des, conditions abiurdes,
demandant notamment que la déclaration des trois gouvernements soit
modifiée.ou encore indiauant au'ils veulent ~agnef du tem~s pour se
mettre dans une position'plus favorable en vue de négociatioRsfutures.
.En fait, ce que les dirigeants de la sociétévoudraient obtenir, c'est une
ingérencearbitraire duGouvernement espagnol dans le domaine de com-

pétencedu pouvoir judiciaire. Et ils voudraient la provoquer par de vén-
tables pressions politiques et économiquessur ce gouvernement, comme
l~ ~-ve~ ~ ~le~ lettres de leur avocat à l'é~oaue.C'est cela aue le Gou-
vernement canadien fait comprendre qu'il R'eStpas disposé à ?aio.
Néanmoins l'action diplomatique en vue d'un règlement amiable se
poursuit. A la suite Curie démaiche antérieure effectuéeen mars 1954
par l'ambassadeur du Canada à Madrid, le secrétaire d'Etat aux affaires
étrangeres en personne fait, en juillet de la mêmeannée,une visite à son
collégueespagnol. Au cours de cette visite, il lui rappelle le profond inté-
rêt du Gouvernement canadien pour le sort de Barcelona Tractlon et il
luiexprime sa préoccupationdu faitque lesparties intéresséesn'aient pas
abouti un accord entre elles; il formule aussi l'espoir que leGouveme-
ment espagnol voudra prêterses bons officespour facilitercet accord. Ce
mêmesecrétaire d'Etat réiterel'affirmation de l'intérêtet des espoirs de
son Gouvernement dans une note du 21 mars 1955 (A.E.P. 1960,vol. III,
p. 144) .es deux démarches se réf&renten outre à l'action déployéepar
l'avocat de Barcelona Traction dans ses ~our~arlers b.Paris.
.\lais diins une lettàece mCmeavocat: le sécrétaired'Etat lui sigliifit.
nouveau trt's clairemerit que le Gou\fernement canadien n'tst pïs dispose
b.exercer une quelconquë pression sur le Gouvernement espàgnol pour
lui indiquer les mesures qu'il devrait prendre pour un règlement de
l'affaire. 11confirme et souligne par la même occasionsa conviction qu'un
reelement satisfaisant doit êtrerecherchk dans des négoci-tions privées
entre les parties intéressées.
L'on ne saurait donc montrer d'une manière plus manifeste que le
Gouvernement canadien, à la suite desrésultats de l'enquêtetnpartite,
desdonnéeset desarguments ultérieurement fournis par le Gouvernement 700 BARCELONA TRACTION
espagnol, et des informations qui lui sont parvenues pard'autres sources,
a finalement acquis la conviction que l'affaire, comme je le disais, n'est

pas de nature à faire l'objet d'une réclamation d'Etat à Etat. Il s'agit,
à ses yeux, d'un différend entre des groupes privés, qui doit rester dans
ce cadre et êtrerésolupar un accord négociéexclusivement entre ces
groupes. On se trouve donc,devant l'un de ces cas où les gouvernements
ne eu ventaei-..ue Dourfaciliter les néeociations: et la ~rotection di~lo-
ma;iqtic rie peut s'es~rcer que pur obtenir dii goiiverneLmentauquel'ellc
s'ndrcsc qu'il prCtc ses bons ohct:.; en \,lie deI:ifinalit6 uoursuivie. Elle
nepeut etne doit pas aller plus loin.
Cette prise de position finale, objective et délibéréen ,'est vraisembla-
blement pas du goût des dirigeants de Barcelona Traction. Elle va nette-
ment à l'encontre du dessein, nourri dès l'origine, de transformer l'affaire
en un différendinterétatique.
Les regards des dirigeants et des patrons de Barcelona Traction se
tourneront des lors toujours davantage vers le Gouvernement belge, plus
disposé,apparemment, à donner aux plans ambitieux de cespersonnages
l'appui qu'ils demandent. La circonstance décisivesera, à un moment
donné,la constatation que cet autre Etat est liédepuis 1927 à l'Espagne
par un traité de conciliation, de règlement judiciaire et d'arbitrage. qui
ré voitla iuridiction obli-atoire de la Cour Dermanente de Tus-iceinter-
nationale. Au riionient ou l'Espagne entrer,; ;tiisSiitions Cniei et <Iccc
f;iitdcviendr:~p:irtic 3u si:itiit (le la nou\.ell,, Coiir, oii concevra Inpos>i-
biliti iioii ~eiilenirnt clc rc':ilijcr Ic \.ieuu rh\,~-d'iiiternationali~~t(Ic
l'affaire, mais mêmede porter cette affaire devant la Cour internationale
de Justice.
Dans le cadre de ce nouveau programme, la protection diplomatique
exercéepar le Canada devient non seulement inutile, mais mêmeterri-
blement gênante.L'on choisira donc de ne plus réclamerd'interventions
desapart. Il est tres caractéristique de noter, à ce sujet, que la dernière
note diplomatique que l'on demande au Gouvernement canadien d'en-
voveï au Gouvernement es~acnol au suiet de Barcelona Traction est de
mars 1955e :lle ne précedeque-de quelq;es mois l'entréede l'Espagne aux
Nations Unies.
Mais cela ne suffit Das. Pour donner une auelconaue aoDarence de
I~g~iiniitc';1 I',autre.. protcctioii cliploniaiiq;~e. il (si iniportiiiit de
miniiniser. mCnic par r:i[q>ori ati p:i-3;. l'importance (le cellc qiii a Gt6

exercéeixir le C;~ii:ida 011 dCcrir;i<loiiccelli-ci coninic ftiible. s:iiis nior-
dant, péu efficace, de courte durée. L'on arrivera mêmeà'mettre en
doute que le Gouvernement canadien, dans ses interventions, se soit
iamais souciéde sauvecarder les intérêtsd~~-a~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ ~ Et pour
justifier ce doute 1'0; mettra en avant l'idée du prétendu manque
d'intérêtdu Gouvernement canadien dans l'affaire. dU A l'absence d'un
nombre important d'actionnaires canadien~ ~a~ -B~~~~~-na Traction
Ce qui. 'surtout. parait esscritiel. c'ebt de rPussir a tr~iisforiiicr. aux
).eux dc l'extérieur, le renicmeiit de I:iprotection diplomati(]iic caria-
dienne par Ics particuliers en caiise en iiiii>r$tendiiabandon de ces parti-
culiers et de leurs iniérétspar le (~ou\~~rneriieiitcana<lien. Pour,accré-
diter le rc'sultntde cette opérntion.l'on commence. eii dépitdes laits. par
reculer tout bonnement déquatreansla date des dernièies intervent+
canadiennes. Puis, au cours des débats sur les exceptions préliminaires,
on produit une lettre au contenu stupéfiant: une lettre d'où devrait
ressortir que la décision du Gouvernement canadien d'abandonner PLAIDOIRIE DE M. AG0 701

définitivement à leur destin lesintérêtsprotégésaurait étécommuniquée
à l'ambassadeur de Belgique. Par qui? Par le ministre des affaires
étrangèresd'Espagne! On ne se soucie mêmepas du fait que le contenu
de cette lettre, datée du 12 février 1952 (uouv. doc. Gouv. belge,
mai 1964), est étrangement contredit par !a cifconstance que, deux
mois lus tard. le secrétaire canadien aux affaires etr.,skres enverra une
nou\.;~~eiirite311 Gou\.ernernc.ni e,p:ignoi en s'enipressant. d ;ii!i~.uis.
infurmt:rIs Gouvernc:iiient t>t,lge N'iriiporte: 3ushi stupéli~ntc iliie
soit cette histoire, l'on peut toujours espérerqu'il se trouvera quelqu'un
pour en êtreimpressionné.
En tout cas, la lettre envoyée àl'agent du Gouvernement espagnol, le
IO mai 1969, par le ministre Artajo lui-même,et publiéeaux pages 181
et suivantes du volume III des nouveaux documents espagnols,montre
clairement que l'ambassadeur de Belgique n'avait pas rapporté fidèle-
ment à son gouvernement le contenu de son entretien avec le ministre.
Ce n'étaitd'ailleurs pas la première fois qu'il interprétait erronément les
déclarations du miiiistre, ainsi que le prouve la lettre que ce dernier
devait lui adresser le22 février 1952 (A.C.M., vol. VI, ann. 1, doc. 32.
p. 1x4)enréponse à sa note du15 févrierde lamême année (ibid p...3).
En réalite, ce n'est certes pas le Gouvernement canadien qui laisse
tomber la protection d'une socibté«incorporée »au Canada et y ayant
son siège, qui abandonne à leur sort des «intérêts qu'il a qualifiés à
maintes remises de canadiens IIce sont ces uintérêts>oui laissent tom-
ber la protéction de ce gouvtriiement. Ils nc se soucient i,!iis du fait qiie
ce il,-riiier IL.guii\,erneriientnational . dc H:irtclori:i l'raçtioii. dont
on a sollicité lesinterventions au cours de toute la vie de la société.dont
on a obtenu l'appui. en 1931 et en 1932 déjà, auprésdes autorités ad-
ministratives espagnoles. Ils oublient qu'ils ont laissélesreprésentants
du mêmegouvernement les défendre en 1936 aupr&s du Gouvernement
de Catalogne. Peu importe que le Gouvernement canadien,immédiate-
meut alerté, soit intervenu avec tant d'empressement à la suite de la
déclaration de faillite de la société,et n'ait pas cessé, pendant tant
d'années, d'envoyer au Gouvernement espagnol notes sur notes et de les
appuyer par des démarches verbales réitéréesP . eu importe que son ac-
tion ait étésingulièrement efficacepuisqu'elle a abouti à ce que l'affaire
soit soumise à une enquêteinternationale.
Aujourd'hui on croit n'avoir plus besoin ae lui: on le laisse donc de
côtéet l'on cherche plutôt à faire oublier ce qu'il a fait jusqu'ici. Il n'est
pas surprenant que le Gouvernement canadien n'ait mêmepas cru devoir
accuser réception - c'est la Partie adverse qui nous le dit- le jour où
on lui a communiqué officiellement que le présent procès allait être
instauré.
Tevoudrais m'excuser auprès de VOUSM , onsieur le Président, Mes-
sinirs. de cet exposéun eu'lo~i~et détaillédes aspects saill?ntî de la
prolection de Uarcelona 8;ictioii cïercr'e pnr le Goiivcrnement cilnadien.
de son é\,olutiuii et dcs rai5onj de cette éi~olutiur~e.t finsleirient de la
manière dont les particuliers intéressésont cesséde faire appel à cette
protection. Cet exposé était quand meme nécessaire pour rétablir,l?
vérité surce point essentiel et -pour emprunter un expression qui a ete
employée à d'autres occasions de l'autre c8téde la barre - pour clla
moralitéde l'affairein.
Il est clair, désorinais, qu'à la suite de cette analyse historique et des
conclusions qui en ressortent, le troisième des moyens invoqués par le 702 BARCELONA TRACTION
Gouvernement belge à l'appui de son prétendu jus standi dans l'affaire
ne peut que paraître dépourvu de tout fondement, non seulement en
droit ou mêmeen équité,mais, avanttout et surtout, en fait.
Sur cette constatation finale se termine aussi, Monsieur le Président,
Messieurs, mon exposé de l'exception concernant le défaut de qualité
pour agir du Gouvernement belge en l'espèce. Il a étélong et j'ai eu
souvent l'impression de mettre à dure épreuvevotre patience. Je ne vous
suis que plus reconnaissant de votre bienveillance.
Les conclusions auxquellesnous avons abouti sont claires et s'imposent
d'elles-mêmes.Nous avons pu constater, tout d'abord, que les données
de fait et de droitsur lesquelles leGouvernement belge voudrait s'appuyer
pour justifier ses prétentions ne sont ni prouvéesni réelles,quel que soit
le terrain sur lequel on se place pour lesexaminer.
Nous avons PU montrer ensuite que, tout en ayant modifiédans la
foniie les conrl~isionspr6senti.eà I'6riginc, Ic dL.niaiidzur n'a nullenient
chniigc:la siibîtance de sa r6claiiiation. En effet. pour rrprrn<lrc une foi;
de plÜs les termes employéspar le Gouvernement britanniaue dans sa
répknse à propos de l'affaire-des Armes automa2iquesLW;;, elle reste
.une réclamation concernant des préjudices infligés à la sociétéet doit
partant &tre considérée commeune réclamation faite pour le compte
de la sociétéiqui, dans notre cas - c'est la seule différenc- n'est pas
de nationalité belge.
Nous avons pu clairement établir, enfin, queni les principes généraux
du droit international régissant letraitement des étrangers et làprotec-
tion diplomatique, quel que soit l'aspect sous lequel on lesinvoque, ni la
pratique internationale, ni aucun autre facteur ne sauraient justifier, en
l'espèce,la prétention du Gouvernement belge à présenter une réclama-
tion pour les prétendus n actionnaires belges,)de Barcelona Traction.
Tout cela nous amène à conclure, Monsieur le Président, Messieurs de
la Cour, au rejet de la demande du Gouvernement belge, en raison de
son défaut de qualité pour agir en l'affaire de la Barcelona Traction,
Lighl and Power Company. Limiled.
Monsieur le Président, Messieurs, au moment de conclure ma plai-
doirie et avec elle lauremiéreuartie des exposésoraux du Gouvernement
espagnol, je tiens ibous dirêcombien je >eus suis reconnaissant de la
patiente attention que vous avez bien voulu m'accorder. TABLEDE CONCORDANCD EESEXPOSE ORSAUX

On trouvera:ci-après une table de concordance entrela pagination des
expos6s orauxdans la prksente éditionimprimCe et leurpagination dans
le texte polycopiéprovisoire distribué aux membresde la Cour pendant
la procédure orale sous la cote CR 691 . Plusieurs des opinions indivi-
duelles ou dissidentes joAl'arrêt du5 février 1970 (C.I.J. Recueil
1970, p. 54-357) ayant cité les exposés oraux selon la pagination du
texte polycopié provisoire, la table ci-après permettra de retrouver
aisément dans la présente édition imprimée les passages ainsi cités.

TABLEOFCONCORDANCO EFTHEORAL STATEMENTS

The following table indicates the relationship between the pagination
(stencil-duplicated)of the speechesmade in Court, issued to Members of
thecourt during the hearings, carrying the referenc.Anumber
of references to the CR appear in the separate and dissenting opinions
of Members of the Court annexed to the Judgment ofbruary 1970
(I.C.J. Reports 1970, pp. 54-357); the passages so referred to can be
identified by means of this table.

Présent Présent Présent Présent
CR volume CR volume CR volrrme CR volume
pages puce pares @ce Pages Pace Pag~ fiacd

CR 69/22
12-14 5
14-15 6704
Préscnl Présent Présent Présent
CR volume CR volume CR volume CR volume

pages Pace pages fiace pages page pages Page
CR69/30 TABLE DECONCORDANCE 705
Présent Priseni Prisent Présent
CR volume CR volume CR volr&me CR volume
pages page Pages Page
pages page pages Page
17-19323 63-65416
19-21324 65-67417
21-23325 67 418
23-25326
25-27327 CR 69/36
27-29328 12-13419
23-30329 13-15420
30-32330 15-17421
32-34331 17-19422
34-36332 19-21423
36-38333 21-23424
38-40334 23-25425
40-42335 25-27426
42-44336 27-29427
44-45337 29-30428
45-47338 30-32429
47-49339 32-34430
49-51340 34-36431
51-52341 38-40433
52-54342 40.41434
54-56343 41-43435
56-58344 43-45436
58-59345 45-47437
62-63347 47-49438
63-65348 49-51439
65-67349 51-53440
67-70350 53-55441
70-72351 55-57442
72-74352 57-59443
74-76353 59-61444
76-78354 61-63445
78-80355 63-64446
80 356
CR 69/37
12-13447
13-15 448
15-18449
18-19450
20-21 451
21-22 452
24-264454
26-28455
28-30456
30-32457
32-34458
34-36459
36-37460 CONCORDANCE

Présent Présent Présent Présent
volume CR volume CR volume CR volume
Page Pages Page Pages Page Pages Page

25-26 553 49-51 600
27-28 554 51-53 601
28-31 555 53-54 602
31 556 54-55 603
32-33 557 56-57 604
33-35 558 57-59 605
35-37 559 59-61 606
37-39 560 61-63 607
39-40 561 63-65 608
41-42 562 66-68 610
42-44 563 68-70 611
44-46 564 70-72 612
46-48 565 72-73 613
50-52 567 73-74 6'4
52-54 568
54-55 569 CR 69/42
55-57 570 12-13 615
57-58 571 13-15 616
58-60 572 15-17 617
60-62 573 17-19 618
62-64 574 19-22 619
64-65 575 22-24 620
66-67 576 24-25 621
67-69 577 25-28 622
69-70 578 28-30 623
70-71 579 30-32 624
32-34 625
CR 69/41 34-36 626
12-13 580 36-38 627
13-15 581 38-41 628
15-17 582 41-43 629
17-19 583 44-45 630
21-23 585 45-47 631
23-25 586 49-51 633
25-27 587 51-54 634
27-28 588 54-56 635
28-30 589 56-57 636
30-31 590 57-59 637
31-34 591 59-61 638
34-35 592 61-63 639
35-36 593 63-65 640
36-39 594 65-67 641
39-41 595
41-43 596 CR 69/43
43-45 597 12-13 642
45-47 598 13-15 643
47-49 599 15-18 644 TABLE DE CONCORDANCE 707
Présent Pre'sent Présent Présent
i CR volume CR volume CR volume CR volume
I Pages Page pages page fJn8es Page Pages Page

45-48 688
48-49 689
49-51 690
53-55 692
55-57 693
57-59 694
59-61 695
61-64 696
64-65 697
65-67 698
67-69 699
69-71 700
71-73 701
73-75 702

Document Long Title

Procès-verbaux des audiences publiques tenue au Palais de la Paix, La Haye, du 20 mai au 20 juin 1969 sous la présidence de M. Bustamante y Rivero, Président

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