Résumé de l'arrêt du 13 juillet 2023

Document Number
154-20230713-SUM-01-00-EN
Document Type
Number (Press Release, Order, etc)
2023/5
Date of the Document
Document File

COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
Palais de la Paix, Carnegieplein 2, 2517 KJ La Haye, Pays-Bas
Tél : +31 (0)70 302 2323 Télécopie : +31 (0)70 364 9928
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Résumé
Non officiel
Résumé 2023/5
Le 13 juillet 2023
Question de la délimitation du plateau continental entre le Nicaragua et la Colombie au-delà de 200 milles marins de la côte nicaraguayenne (Nicaragua c. Colombie)
La Cour rappelle que, par sa requête du 16 septembre 2013, le Nicaragua a introduit une instance contre la Colombie concernant un différend relatif à
« la délimitation entre, d’une part, le plateau continental du Nicaragua s’étendant au-delà de 200 milles marins des lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de la mer territoriale du Nicaragua et, d’autre part, le plateau continental de la Colombie ».
Dans la demande qu’il formule par son premier chef de conclusions, présenté dans le mémoire puis réaffirmé dans la réplique, le Nicaragua propose des coordonnées pour délimiter le plateau continental entre la Colombie et lui-même dans la zone située au-delà de 200 milles marins des lignes de base de sa côte mais en deçà de 200 milles marins des lignes de base de la côte continentale colombienne.
Dans la demande qu’il formule par son deuxième chef de conclusions, présenté dans le mémoire puis réaffirmé dans la réplique, le Nicaragua propose des coordonnées pour délimiter les zones de plateau continental où, selon lui, le plateau continental étendu auquel il peut prétendre chevauche le plateau continental de 200 milles marins auquel la Colombie peut elle-même prétendre à partir des lignes de base des côtes de San Andrés et de Providencia.
La demande contenue dans le troisième chef de conclusions du Nicaragua, tel qu’il est présenté dans la réplique, concerne les droits à des espaces maritimes générés par Serranilla, Bajo Nuevo et Serrana. Plus précisément, le Nicaragua prie la Cour de dire que « Serranilla et Bajo Nuevo sont enclavées et bénéficient chacune d’une mer territoriale de 12 milles marins, et [que] Serrana est enclavée, ainsi que la Cour en a décidé dans son arrêt de novembre 2012 ».
Dans son ordonnance du 4 octobre 2022, la Cour a considéré que, dans les circonstances de l’espèce, avant de procéder à tout examen des questions scientifiques et techniques relatives à la délimitation du plateau continental entre le Nicaragua et la Colombie au-delà de 200 milles marins des lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de la mer territoriale du Nicaragua, il était nécessaire de se prononcer sur certaines questions de droit, après avoir entendu les Parties à leur sujet. En conséquence, le Nicaragua et la Colombie ont été priés de circonscrire les arguments qu’ils présenteraient dans leurs plaidoiries à deux questions.
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Dans son arrêt, la Cour examine la première question (I) puis la seconde (II), avant de se pencher sur les demandes contenues dans les conclusions du Nicaragua (III).
I. PREMIÈRE QUESTION FORMULÉE DANS L’ORDONNANCE DU 4 OCTOBRE 2022 (PAR. 35-79)
La Cour rappelle que la première question qu’elle a formulée dans l’ordonnance du 4 octobre 2022 est ainsi rédigée :
« En droit international coutumier, le droit d’un État à un plateau continental au-delà de 200 milles marins des lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de sa mer territoriale peut-il s’étendre à des espaces maritimes en deçà de 200 milles marins des lignes de base d’un autre État ? »
A. Le caractère préalable de la première question (par. 37-45)
La Cour observe que la détermination de l’existence d’une zone de chevauchement entre les droits de deux États, fondés respectivement sur un titre juridique distinct, est la première étape dans toute délimitation maritime, car « la délimitation consiste à résoudre le problème du chevauchement des revendications en traçant une ligne de séparation entre les espaces maritimes concernés ». En conséquence, la première question a un caractère préalable, en ce sens qu’il faut y répondre afin de savoir s’il y a lieu pour la Cour de procéder à la délimitation demandée par le Nicaragua, et, par suite, s’il est nécessaire d’examiner les questions scientifiques et techniques qui se poseraient aux fins d’une telle délimitation.
La Cour relève qu’elle a demandé aux Parties de fonder leurs arguments sur le droit international coutumier, qui est applicable à la présente instance puisque, contrairement au Nicaragua, la Colombie n’est pas partie à la convention de 1982 des Nations Unies sur le droit de la mer (ci-après la « CNUDM » ou la « convention »). La Cour en vient donc à la détermination du droit international coutumier applicable aux espaces en cause, soit la zone économique exclusive et le plateau continental.
B. Le droit international coutumier applicable aux espaces maritimes en cause (par. 46-53)
La Cour rappelle que la substance du droit international coutumier doit être recherchée en premier lieu dans la pratique effective et l’opinio juris des États, et que les conventions multilatérales peuvent avoir un rôle important à jouer en enregistrant et définissant les règles dérivées de la coutume ou même en les développant.
La Cour note que la CNUDM a été élaborée dans le cadre de la troisième conférence des Nations Unies sur le droit de la mer. Comme le précise son préambule, l’objectif de la convention était de parvenir à « la codification et [au] développement progressif du droit de la mer ». Avant même la conclusion des négociations, certains aspects des régimes juridiques régissant les espaces maritimes des États côtiers, notamment le plateau continental et la zone économique exclusive, faisaient l’objet d’une pratique des États qui agissaient, le plus souvent, au travers de déclarations, lois et règlements. Cette pratique a été prise en considération lors de l’élaboration de la convention. Un très grand nombre d’États sont depuis devenus parties à celle-ci, ce qui a contribué de façon significative à la cristallisation de certaines règles coutumières.
Comme l’indique le préambule de la convention, « les problèmes des espaces marins sont étroitement liés entre eux et doivent être envisagés dans leur ensemble ». La méthode de négociation de la conférence fut conçue dans cette optique et avait pour objectif la recherche d’un consensus à travers une série de textes provisoires et interdépendants sur les différentes questions en cause, ce qui a abouti à un texte exhaustif et intégré formant un compromis global (package deal).
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Se référant à sa jurisprudence pertinente en la matière, la Cour rappelle que l’article 56 de la convention reflète les règles coutumières sur les droits et obligations de l’État côtier dans la zone économique exclusive et que la définition du plateau continental visée à l’article 76 fait partie du droit international coutumier.
C. En droit international coutumier, le droit d’un État à un plateau continental au-delà de 200 milles marins des lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de sa mer territoriale peut-il s’étendre à des espaces maritimes en deçà de 200 milles marins des lignes de base d’un autre État ? (par. 54-79)
La Cour observe que les Parties s’opposent sur le point de savoir si le droit d’un État à un plateau continental au-delà de 200 milles marins des lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de sa mer territoriale peut s’étendre à des espaces maritimes en deçà de 200 milles marins des lignes de base d’un autre État.
La Cour rappelle que le régime gouvernant la zone économique exclusive tel qu’il est défini dans la CNUDM confère notamment à l’État côtier l’exclusivité des droits souverains d’exploration, d’exploitation, de conservation et de gestion des ressources naturelles jusqu’à 200 milles marins de sa côte, tout en précisant certaines obligations de l’État côtier (article 56), ainsi que les droits et les obligations des autres États dans cette zone (article 58). La Cour a dit que les droits et obligations des États côtiers et des autres États dans la zone économique exclusive, énoncés aux articles 56, 58, 61, 62 et 73 de la CNUDM, reflètent le droit international coutumier.
Comme il a été dit plus haut, les régimes juridiques qui gouvernent la zone économique exclusive et le plateau continental en deçà de 200 milles marins des lignes de base de l’État côtier sont reliés entre eux. En effet, dans la zone économique exclusive, les droits relatifs aux fonds marins et à leur sous-sol doivent être exercés conformément au régime juridique applicable au plateau continental (paragraphe 3 de l’article 56 de la CNUDM), et l’État côtier exerce sur le plateau continental des droits souverains s’agissant de l’exploration et de l’exploitation de ses ressources naturelles (paragraphes 1 et 2 de l’article 77 de la CNUDM).
La Cour observe que, dans les deux affaires du Golfe du Bengale, l’une opposant le Bangladesh et le Myanmar devant le Tribunal international du droit de la mer et l’autre le Bangladesh et l’Inde devant un tribunal arbitral, le recours à une ligne d’équidistance ajustée, dans une délimitation entre deux États adjacents, a donné lieu à une « zone grise », en tant que conséquence fortuite de cet ajustement. Les circonstances dans ces affaires sont distinctes de la situation en l’espèce, dans laquelle un État revendique un plateau continental étendu qui se situe en deçà de 200 milles marins des lignes de base d’un ou de plusieurs autres États. La Cour est d’avis que les décisions précitées ne sont d’aucune aide pour répondre à la première question posée dans la présente affaire.
Dans l’affaire relative à la Délimitation maritime dans l’océan Indien (Somalie c. Kenya), la Cour a retenu une ligne d’équidistance ajustée comme frontière maritime unique entre les zones de 200 milles marins des parties. La ligne de délimitation se poursuivait selon ce tracé au-delà de 200 milles marins des lignes de base de chacune des parties. La Cour a fait observer que la délimitation pouvait faire apparaître une zone de taille limitée située en deçà de 200 milles marins de la côte somalienne mais du côté kényan de la frontière. Cependant, contrairement à la situation qui prévalait dans les deux affaires du Golfe du Bengale, elle a considéré que l’existence d’une « zone grise » n’était qu’une éventualité, en fonction de l’étendue des droits du Kenya à un plateau continental étendu. Elle n’a donc pas jugé nécessaire de se prononcer sur le régime juridique qui s’appliquerait dans cette « zone grise » éventuelle.
La Cour en vient ensuite à certaines considérations relatives au régime gouvernant le plateau continental étendu.
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La Cour relève que, en droit international coutumier contemporain, il existe un plateau continental unique en ce sens que les droits substantiels d’un État côtier sur son plateau continental sont, de manière générale, les mêmes en deçà et au-delà de 200 milles marins de ses lignes de base. Cependant, le droit d’un État à un plateau continental en deçà de 200 milles marins de ses lignes de base et son droit à un plateau continental étendu au-delà de 200 milles marins n’ont pas le même fondement. En effet, en droit international coutumier, tel que reflété au paragraphe 1 de l’article 76 de la convention, le droit d’un État au plateau continental est déterminé de deux manières différentes : en deçà de 200 milles marins de sa côte, selon le critère de la distance, et au-delà de 200 milles marins, selon le critère du prolongement naturel, dont les limites extérieures doivent être déterminées sur la base de critères scientifiques et techniques.
La Cour note en outre que les conditions de fond et de procédure qui entrent en ligne de compte pour la détermination des limites extérieures du plateau continental au-delà de 200 milles marins étaient le résultat d’un compromis obtenu au cours des dernières sessions de la troisième conférence des Nations Unies sur le droit de la mer. Il s’agissait d’éviter des empiètements abusifs sur le fond des mers et des océans, ainsi que leur sous-sol, au-delà des limites de la juridiction nationale, considérés comme « le patrimoine commun de l’humanité » et désignés dans la convention comme la « Zone » (paragraphe 1 de l’article premier de la convention). Le texte de l’article 76 de la CNUDM, notamment les règles aux paragraphes 4 à 7, le rôle dévolu à la Commission des limites au paragraphe 8, et l’obligation de remettre des cartes et des renseignements pertinents qui est énoncée au paragraphe 9, semble indiquer que les États participant aux négociations considéraient que le plateau continental étendu ne pouvait se prolonger que dans des espaces maritimes qui, autrement, feraient partie de la Zone. Le paragraphe 1 de l’article 82 de la convention prévoit, pour sa part, que des contributions en espèces ou en nature doivent être acquittées, par l’intermédiaire de l’Autorité internationale des fonds marins, au titre de l’exploitation « des ressources non biologiques du plateau continental au-delà de 200 milles marins des lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de la mer territoriale ». Une telle contribution ne servirait pas l’objectif de cette disposition dans le cas où le plateau continental d’un État au-delà de 200 milles marins s’étendrait à des espaces maritimes en deçà de 200 milles marins des lignes de base d’un autre État.
La Cour constate que, dans la pratique, la grande majorité des États parties à la convention ayant déposé des demandes auprès de la Commission des limites ont choisi de ne pas revendiquer un plateau continental étendu dont les limites extérieures se situeraient à moins de 200 milles marins des lignes de base d’un autre État. La Cour estime que la pratique des États devant la Commission révèle l’existence d’une opinio juris, même si cette pratique a pu être motivée en partie par des considérations autres qu’un sentiment d’obligation juridique. De même, à la connaissance de la Cour, seul un petit nombre d’États ont prétendu, dans leurs demandes, avoir droit à un plateau continental étendu empiétant sur les zones maritimes en deçà de 200 milles marins d’autres États et, dans ces cas, les États concernés se sont opposés à ces demandes. Parmi le petit nombre d’États côtiers non parties à la convention, la Cour n’a connaissance d’aucun cas où l’un d’entre eux aurait revendiqué un plateau continental étendu se prolongeant jusqu’en deçà de 200 milles marins des lignes de base d’un autre État. Prise dans son ensemble, la pratique des États peut être considérée comme suffisamment répandue et uniforme aux fins de l’identification du droit international coutumier. En outre, étant donné son ampleur sur une longue période, cette pratique étatique peut être considérée comme l’expression de l’opinio juris, qui est un élément constitutif du droit international coutumier. En effet, cet élément peut être démontré « par voie d’induction en partant de l’analyse d’une pratique suffisamment étoffée et convaincante ».
La Cour fait observer que le raisonnement précédemment exposé repose sur la relation qui existe entre, d’une part, le plateau continental étendu d’un État et, d’autre part, la zone économique exclusive et le plateau continental jusqu’à 200 milles marins des lignes de base d’un autre État.
Au vu de ce qui précède, la Cour conclut que, en droit international coutumier, le droit d’un État à un plateau continental au-delà de 200 milles marins des lignes de base à partir desquelles est
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mesurée la largeur de sa mer territoriale ne peut pas s’étendre à des espaces maritimes en deçà de 200 milles marins des lignes de base d’un autre État.
II. SECONDE QUESTION FORMULÉE DANS L’ORDONNANCE DU 4 OCTOBRE 2022 (PAR. 80-82)
La Cour rappelle que la seconde question qu’elle a formulée dans l’ordonnance du 4 octobre 2022 est ainsi rédigée :
« Quels sont en droit international coutumier les critères sur la base desquels il convient de déterminer les limites du plateau continental au-delà de 200 milles marins des lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de la mer territoriale ? À cet égard, les paragraphes 2 à 6 de l’article 76 de la convention des Nations Unies sur le droit de la mer reflètent-ils le droit international coutumier ? »
Il découle de la conclusion à laquelle la Cour est parvenue concernant la première question que, quels que soient les critères selon lesquels est établie la limite extérieure du plateau continental étendu auquel un État a droit, ce plateau continental étendu ne peut pas chevaucher la zone du plateau continental qui est située en deçà de 200 milles marins des lignes de base d’un autre État. En l’absence de droits concurrents sur les mêmes espaces maritimes, la Cour ne peut procéder à une délimitation maritime. Dès lors, point n’est besoin pour elle de se prononcer sur la seconde question.
III. EXAMEN DES CONCLUSIONS DU NICARAGUA (PAR. 83-103)
Sur le fondement de la conclusion à laquelle elle est parvenue précédemment, la Cour examine à présent les demandes contenues dans les conclusions du Nicaragua et formulées dans ses écritures.
A. La demande contenue dans le premier chef de conclusions du Nicaragua (par. 85-87)
S’agissant de la demande contenue dans le premier chef de conclusions du Nicaragua, dont la substance est rappelée en introduction du présent résumé, la Cour considère qu’il découle de la conclusion à laquelle elle est parvenue concernant la première question que, indépendamment de toute considération scientifique ou technique, le Nicaragua n’a pas droit à un plateau continental étendu se prolongeant jusqu’à moins de 200 milles marins des lignes de base de la côte continentale colombienne. Par conséquent, en deçà de 200 milles marins desdites lignes de base, il n’y a pas de zone de droits concurrents à délimiter en l’espèce.
Pour ces motifs, la demande contenue dans le premier chef de conclusions du Nicaragua, tendant à ce que la Cour délimite, en suivant les coordonnées qu’il propose et qui sont rappelées au paragraphe 19 de l’arrêt, le plateau continental entre la Colombie et lui-même dans la zone située au-delà de 200 milles marins des lignes de base de sa côte mais en deçà de 200 milles marins des lignes de base de la côte continentale colombienne, ne peut être accueillie.
B. La demande contenue dans le deuxième chef de conclusions du Nicaragua (par. 88-92)
S’agissant de la demande contenue dans le deuxième chef de conclusions du Nicaragua, dont la substance est rappelée en introduction du présent résumé, la Cour note que le Nicaragua admet que, en principe, les îles de San Andrés et Providencia ouvrent droit chacune à un plateau continental s’étendant sur 200 milles marins au moins. Il affirme cependant que ces plateaux continentaux ne devraient pas s’étendre à l’est de la limite de 200 milles marins de sa propre zone économique exclusive, parce que ces îles sont de petite taille et que l’arrêt de 2012 leur a déjà attribué des espaces maritimes « [bien] plus que suffisants ».
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Dans son arrêt de 2012, la Cour avait constaté que les Parties s’accordaient sur les droits potentiels de San Andrés, Providencia et Santa Catalina à des espaces maritimes, en particulier sur le fait que ces îles « engendr[ai]ent des droits à une mer territoriale, à une zone économique exclusive et à un plateau continental ». Elle avait ajouté que « [c]es espaces maritimes p[ouvai]ent, en théorie, s’étendre dans toutes les directions sur une distance de 200 milles marins » et, en particulier, s’étendre vers l’est jusqu’à une zone située « au-delà de la limite de 200 milles marins [à partir des] lignes de base nicaraguayennes ». En la présente espèce, le Nicaragua fait valoir que cette zone se trouve dans celle de son plateau continental étendu.
La Cour relève que les espaces maritimes auxquels ont droit San Andrés et Providencia s’étendent vers l’est au-delà de 200 milles marins des lignes de base du Nicaragua et donc dans la zone où celui-ci revendique un plateau continental étendu. Or, il découle de la conclusion à laquelle la Cour est parvenue concernant la première question que le Nicaragua n’a pas droit à un plateau continental étendu se prolongeant jusqu’à moins de 200 milles des lignes de base de San Andrés et de Providencia. Par conséquent, en deçà de 200 milles marins desdites lignes de base, il n’y a pas de zone de droits concurrents à délimiter en l’espèce.
Pour ces motifs, la demande contenue dans le deuxième chef de conclusions du Nicaragua, tendant à ce que la Cour délimite, en suivant les coordonnées qu’il propose et qui sont rappelées au paragraphe 19 de l’arrêt, les zones de plateau continental où, selon lui, le plateau continental étendu auquel il peut prétendre chevauche le plateau continental de 200 milles marins auquel la Colombie peut elle-même prétendre à partir des lignes de base des côtes de San Andrés et de Providencia, ne peut être accueillie.
C. La demande contenue dans le troisième chef de conclusions du Nicaragua (par. 93-102)
S’agissant de la demande contenue dans le troisième chef de conclusions du Nicaragua, dont la substance est rappelée en introduction du présent résumé, la Cour rappelle que, dans son arrêt de 2012, elle a conclu que la Colombie détient la souveraineté sur les îles de Serranilla, Bajo Nuevo et Serrana. Elle note aussi que, par la demande qu’il a présentée dans sa requête, telle qu’il l’a ensuite précisée dans ses écritures, le Nicaragua sollicitait la délimitation de la frontière maritime entre les portions de plateau continental relevant de chacune des Parties au-delà des limites établies par la Cour dans l’arrêt de 2012. Aussi faut-il comprendre le troisième chef de conclusions du Nicaragua, dont celui-ci a dit qu’il venait préciser la demande de délimitation contenue dans sa requête, comme demandant une conclusion précise quant à l’effet qu’auraient, le cas échéant, les droits à des espaces maritimes générés par Serranilla, Bajo Nuevo et Serrana sur toute délimitation maritime entre les Parties.
La Cour relève deux possibilités en ce qui concerne les droits maritimes que peuvent générer Serranilla et Bajo Nuevo. Si ces formations ont droit chacune à une zone économique exclusive et à un plateau continental, alors, selon la conclusion à laquelle la Cour est parvenue précédemment, le plateau continental étendu que revendique le Nicaragua ne peut pas se prolonger jusqu’à l’intérieur des espaces maritimes auxquels ces îles peuvent prétendre sur 200 milles marins. Si, à l’inverse, Serranilla ou Bajo Nuevo n’ont pas droit à une zone économique exclusive ou à un plateau continental, alors elles ne génèrent aucun droit maritime dans la zone où le Nicaragua revendique un plateau continental étendu. Dans l’un ou l’autre cas, compte tenu de la conclusion de la Cour concernant la première question, en deçà de 200 milles marins des lignes de base de Serranilla et Bajo Nuevo, il ne peut y avoir de zone de droits concurrents à un plateau continental qui requière une délimitation en la présente instance. La Cour considère donc qu’il n’est point besoin pour elle de déterminer la portée des droits de Serranilla et Bajo Nuevo à des espaces maritimes pour régler le différend soumis par le Nicaragua dans sa requête.
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La Cour rappelle en outre avoir déjà déterminé dans l’arrêt de 2012 l’effet produit par les droits de Serrana à des espaces maritimes. Dans le dispositif de cet arrêt, la Cour avait décidé que, autour de Serrana, la frontière maritime entre les Parties suivrait une enveloppe d’arcs à une distance de 12 milles marins mesurée à partir de la caye de Serrana et des cayes avoisinantes. L’effet produit par les droits de Serrana à des espaces maritimes ayant été déterminé de manière définitive dans l’arrêt de 2012, point n’est besoin pour la Cour de le confirmer en la présente espèce.
Pour ces motifs, la demande contenue dans le troisième chef de conclusions du Nicaragua, tendant à ce que la Cour dise que « Serranilla et Bajo Nuevo sont enclavées et bénéficient chacune d’une mer territoriale de 12 milles marins, et [que] Serrana est enclavée, ainsi que la Cour en a décidé dans son arrêt de novembre 2012 », ne peut être accueillie.
IV. DISPOSITIF (PAR. 104)
Par ces motifs,
LA COUR,
1) Par treize voix contre quatre,
Rejette la demande par laquelle la République du Nicaragua la prie de dire et juger que sa frontière maritime avec la République de Colombie, dans les zones du plateau continental qui, selon la République du Nicaragua, reviennent à chacune au-delà de la frontière fixée par la Cour dans son arrêt du 19 novembre 2012, suit des lignes géodésiques reliant les points 1 à 8 dont les coordonnées figurent au paragraphe 19 ci-dessus ;
POUR : Mme Donoghue, présidente ; M. Gevorgian, vice-président ; MM. Abraham, Bennouna, Yusuf, Mmes Xue, Sebutinde, MM. Bhandari, Salam, Iwasawa, Nolte, Brant, juges ; M. McRae, juge ad hoc ;
CONTRE : MM. Tomka, Robinson, Mme Charlesworth, juges ; M. Skotnikov, juge ad hoc ;
2) Par treize voix contre quatre,
Rejette la demande par laquelle la République du Nicaragua la prie de dire et juger que les îles de San Andrés et Providencia ont droit à un plateau continental jusqu’à une ligne constituée d’arcs de 200 milles marins partant des lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de sa mer territoriale et reliant les points A, C et B dont les coordonnées figurent au paragraphe 19 ci-dessus ;
POUR : Mme Donoghue, présidente ; M. Gevorgian, vice-président ; MM. Abraham, Bennouna, Yusuf, Mmes Xue, Sebutinde, MM. Bhandari, Salam, Iwasawa, Nolte, Brant, juges ; M. McRae, juge ad hoc ;
CONTRE : MM. Tomka, Robinson, Mme Charlesworth, juges ; M. Skotnikov, juge ad hoc ;
3) Par douze voix contre cinq,
Rejette la demande de la République du Nicaragua portant sur les droits à des espaces maritimes générés par Serranilla et Bajo Nuevo.
POUR : Mme Donoghue, présidente ; M. Gevorgian, vice-président ; MM. Abraham, Bennouna, Yusuf, Mmes Xue, Sebutinde, MM. Bhandari, Salam, Iwasawa, Brant, juges ; M. McRae, juge ad hoc ;
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CONTRE : MM. Tomka, Robinson, Nolte, Mme Charlesworth, juges ; M. Skotnikov, juge ad hoc.
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M. le juge Tomka joint à l’arrêt l’exposé de son opinion dissidente ; Mme la juge Xue joint à l’arrêt l’exposé de son opinion individuelle ; M. le juge Bhandari joint une déclaration à l’arrêt ; M. le juge Robinson joint à l’arrêt l’exposé de son opinion dissidente ; MM. les juges Iwasawa et Nolte joignent à l’arrêt les exposés de leur opinion individuelle ; Mme la juge Charlesworth joint à l’arrêt l’exposé de son opinion dissidente ; M. le juge ad hoc Skotnikov joint à l’arrêt l’exposé de son opinion dissidente1.
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1 Les résumés des déclarations et opinions rédigées par les membres de la Cour en anglais sont annexés au résumé de l’arrêt en anglais.

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Résumé de l'arrêt du 13 juillet 2023

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