OPINION INDIVIDUELLE DE M. LE JUGE IWASAWA
[Traduction]
Existence de différences importantes dans le fondement juridique du droit à un plateau continental en deçà et au-delà de 200 milles marins Critère de la distance étant seul pertinent pour le plateau continental en deçà de 200 milles marins Régime de la zone économique exclusive, tel que l’organise en particulier l’article 56 de la CNUDM, permettant de conclure avec autorité que le plateau continental étendu d’un État ne saurait s’étendre à des espaces maritimes en deçà de 200 milles marins d’un autre État Opinio juris pouvant dans certains cas se déduire de la pratique générale des États Choix fait par les États ayant déposé une demande auprès de la Commission des limites de ne pas revendiquer un plateau continental étendu se prolongeant jusqu’en deçà de 200 milles marins des lignes de base d’un autre État Opinio juris devant être recherchée non seulement auprès de ceux qui prennent part à la pratique, mais aussi auprès de ceux qui sont en mesure d’y réagir Nicaragua n’ayant pas droit à un plateau continental étendu dans les espaces maritimes situés à l’est de la ligne des 200 milles marins des îles colombiennes de San Andrés, Providencia et Santa Catalina.
1. J’ai voté pour les conclusions que la Cour énonce dans le dispositif de son arrêt (paragraphe 104) et je souscris de manière générale au raisonnement qu’elle a tenu dans ce dernier. Dans le présent exposé de mon opinion, je me propose de compléter les motifs sur lesquels la Cour appuie ses conclusions et d’examiner certaines questions sur lesquelles elle ne s’est pas étendue dans l’arrêt.
*
2. Comme la Cour, je considère que, « en droit international coutumier, le droit d’un État à un plateau continental au-delà de 200 milles marins des lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de sa mer territoriale ne peut pas s’étendre à des espaces maritimes en deçà de 200 milles marins des lignes de base d’un autre État » (paragraphe 79 de l’arrêt).
3. Le Tribunal international du droit de la mer et différents tribunaux arbitraux ont conclu, dans des affaires de délimitation maritime, qu’il n’existe en droit qu’un plateau continental unique (voir, par exemple, Arbitrage entre la Barbade et la République de Trinité-et-Tobago, décision du 11 avril 2006, Nations Unies, Recueil des sentences arbitrales (RSA), vol. XXVII, p. 208-209, par. 213 ; Délimitation de la frontière maritime dans le golfe du Bengale (Bangladesh/Myanmar), arrêt, TIDM Recueil 2012, p. 96, par. 361). Il est certain que les droits et obligations des États côtiers et des autres États sur le plateau continental sont, de manière générale, les mêmes en deçà et au-delà de 200 milles marins.
4. Cependant, et comme le reconnaît la Cour, il existe des différences importantes dans le fondement juridique du droit à un plateau continental en deçà et au-delà de 200 milles marins (paragraphe 75 de l’arrêt). En 1969, la Cour définissait le plateau continental par renvoi au prolongement naturel du territoire terrestre de l’État côtier dans et sous la mer (Plateau continental de la mer du Nord (République fédérale d’Allemagne/Danemark ; République fédérale d’Allemagne/Pays-Bas), arrêt, C.I.J. Recueil 1969, p. 22, par. 19). Or, depuis cette époque, la distance a remplacé le prolongement naturel comme critère de définition du plateau continental en
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deçà de 200 milles marins. Sans doute le paragraphe 1 de l’article 76 de la CNUDM mentionne-t-il à la fois le prolongement naturel et la distance de 200 milles marins, mais seul le critère de la distance est pertinent pour le plateau continental en deçà de 200 milles marins ; le prolongement naturel ne saurait constituer le fondement juridique du droit à un plateau continental en deçà de 200 milles marins. Les éléments scientifiques associés au critère du prolongement naturel sont énoncés dans les paragraphes suivants de l’article 76, qui ne s’appliquent qu’au plateau continental au-delà de 200 milles marins.
5. Dans son arrêt de 1985 en l’affaire du Plateau continental (Jamahiriya arabe libyenne/Malte), la Cour a décrit comme suit cette évolution. Jusqu’à 200 milles marins de la côte, « le titre ne dépend que de la distance à laquelle les fonds marins revendiqués comme plateau continental se trouvent par rapport aux côtes des États qui les revendiquent ». En conséquence, « il n’existe aucune raison de faire jouer un rôle aux facteurs géologiques ou géophysiques jusqu’à cette distance », puisqu’ils n’y « jouent [pas] le moindre rôle » (arrêt, C.I.J. Recueil 1985, p. 35, par. 39). De plus, rappelant qu’elle avait antérieurement attribué aux facteurs géophysiques ou géologiques un rôle dans la délimitation dans les affaires du Plateau continental de la mer du Nord (1969) et du Plateau continental (Tunisie/Jamahiriya arabe libyenne) (1982), la Cour a expliqué que cette jurisprudence « se légitimait par référence à une réglementation du titre lui-même qui faisait à ces facteurs une place appartenant désormais au passé, en ce qui concerne les fonds marins situés à moins de 200 milles des côtes » (ibid., p. 36, par. 40 ; les italiques sont de nous).
6. Dans son arrêt de 2012 en l’affaire du Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie), la Cour a rappelé qu’elle avait « précisé maintes fois que les considérations géologiques et géomorphologiques n’avaient aucun rôle à jouer dans le cadre de la délimitation d’une zone de chevauchement en deçà de la limite des 200 milles marins à partir des côtes des États en cause » (arrêt, C.I.J. Recueil 2012 (II), p. 703, par. 214).
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7. Jusqu’à 200 milles marins, les droits de l’État côtier sur son plateau continental découlent non seulement du régime du plateau continental, mais aussi du régime de la zone économique exclusive. Comme le dit la Cour, ces deux régimes juridiques « sont reliés entre eux » (paragraphe 70 de l’arrêt). Renvoyant à l’article 56 de la CNUDM, la Cour souligne que le régime de la zone économique exclusive « confère notamment à l’État côtier l’exclusivité des droits souverains d’exploration, d’exploitation, de conservation et de gestion des ressources naturelles [des fonds marins et de leur sous-sol] jusqu’à 200 milles marins de sa côte » (paragraphe 69 ; les italiques sont de nous). Le régime de la zone économique exclusive permet de conclure avec autorité que le plateau continental étendu d’un État ne peut pas s’étendre à des espaces maritimes en deçà de 200 milles marins d’un autre État.
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8. En ce qui concerne la détermination du droit international coutumier, la Cour a déclaré que « la substance du droit international coutumier doit être recherchée en premier lieu dans la pratique effective et l’opinio juris des États » (Plateau continental (Jamahiriya arabe libyenne/Malte), arrêt, C.I.J. Recueil 1985, p. 29, par. 27).
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9. En l’espèce, la Cour constate que « dans la pratique, la grande majorité des États parties à la convention ayant déposé des demandes auprès de la Commission des limites ont choisi de ne pas revendiquer un plateau continental étendu dont les limites extérieures se situeraient à moins de 200 milles marins des lignes de base d’un autre État ». Elle fait observer que seul un petit nombre d’États ont revendiqué, dans leurs demandes, une limite extérieure située en deçà de 200 milles marins des lignes de base d’un autre État et que, « dans ces cas, les États concernés se sont opposés à ces demandes ». En ce qui concerne le petit nombre d’États côtiers non parties à la convention, la Cour note qu’elle « n’a connaissance d’aucun cas où l’un d’entre eux aurait revendiqué un plateau continental étendu se prolongeant jusqu’en deçà de 200 milles marins des lignes de base d’un autre État ». Elle en conclut que, « [p]rise dans son ensemble, la pratique des États peut être considérée comme suffisamment répandue et uniforme » et que « cette pratique étatique peut être considérée comme l’expression de l’opinio juris » (paragraphe 77 de l’arrêt).
10. Pour décrire la constance de cette pratique, la Cour la qualifie de « suffisamment répandue » et d’« uniforme ». Elle a employé les termes de « largement répandue » et d’« uniforme » dans plusieurs affaires précédentes (Délimitation maritime et questions territoriales entre Qatar et Bahreïn (Qatar c. Bahreïn), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 2001, p. 102, par. 205 ; Différend territorial et maritime entre le Nicaragua et le Honduras dans la mer des Caraïbes (Nicaragua c. Honduras), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (II), p. 703, par. 141 ; Souveraineté sur Pedra Branca/Pulau Batu Puteh, Middle Rocks et South Ledge (Malaisie/Singapour), arrêt, C.I.J. Recueil 2008, p. 100, par. 296).
11. Bien que la Commission du droit international ait conclu que « [c]hacun des deux éléments constitutifs [la pratique et l’opinio juris] doi[ve] être établi séparément »1, elle a admis que ces deux éléments « peuvent être indissolublement liés » et que, dans certaines circonstances, « le même matériau puisse être utilisé pour établir une pratique et son acceptation comme étant le droit (opinio juris) »2. En l’espèce, la Colombie et le Nicaragua ont, l’une et l’autre, admis expressément que la pratique peut constituer une preuve de l’opinio juris. La Colombie a déclaré qu’« il importe de relever que la pratique peut parfois être la preuve de l’acceptation comme étant le droit (opinio juris) » et qu’« une pratique générale peut en effet attester d’une conviction quant à ce qu’est le droit, en particulier lorsque la question qui se pose relève clairement du droit international, ou lorsque le comportement en cause va à l’encontre des intérêts de l’État qui en est l’auteur » (CR 2022/26, p. 29-30, par. 31-32 (Wood) ; CR 2022/28, p. 14, par. 13-14 (Wood)). Le Nicaragua a approuvé ces déclarations de la Colombie comme étant l’expression d’un principe juridique et déclaré que « la pratique [des États] … témoigne amplement de la conviction qu’il s’agit d’un droit » et que, comme « Sir Michael [Wood] l’a affirmé avec force : “it is important to note that practice may sometimes be evidence of acceptance as law (opinio juris)” » (CR 2022/27, p. 26, par. 14 (Pellet)). En effet, l’opinio juris peut se déduire, dans certaines circonstances, de la pratique générale des États. La Cour reconnaît ce principe, affirmant que, compte tenu de « son ampleur sur une longue période », cette pratique étatique peut être considérée comme l’expression de l’opinion juris (paragraphe 77 de l’arrêt).
12. En ce qui concerne la pratique des États à la Commission des limites, le Nicaragua prétend que la pratique consistant à s’abstenir de revendiquer un plateau continental étendu dont la limite extérieure se situerait en deçà de 200 milles marins des lignes de base d’un autre État « s’explique par des considérations autres qu’un sentiment d’obligation juridique, en particulier la volonté d’éviter que leur demande ne donne lieu à un différend, ce qui amènerait la Commission à refuser de l’examiner (paragraphe 57 de l’arrêt). Il s’agit là d’une pure conjecture que rien ne vient étayer. Les États n’ont pas l’habitude de s’abstenir quand ils estiment avoir un droit. Si une question est régie
1 Rapport de la Commission du droit international sur les travaux de sa soixante-dixième session, Annuaire de la Commission du droit international (ACDI), 2018, vol. II, deuxième partie, p. 125, conclusion 3, par. 2.
2 Ibid., p. 136, par. 6 et 8 du commentaire de la conclusion 3.
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par le droit international et que les États s’abstiennent d’un certain comportement même quand cette abstention va à l’encontre de leurs intérêts, on peut présumer que leur abstention est motivée par le sentiment qu’ils se conforment à une obligation juridique. Le Nicaragua n’a présenté aucune preuve susceptible de réfuter cette présomption.
13. De fait, certains États qui se sont abstenus de prolonger leur plateau continental étendu en deçà de 200 milles marins des lignes de base d’un autre État ont expressément mentionné ce sentiment d’obligation juridique. Dans le résumé de sa demande à la Commission des limites, l’Équateur, par exemple, a déclaré que « [c]ette décision a été prise par excès de prudence, afin de ne pas porter préjudice à la détermination de la limite extérieure de tout espace maritime relevant de la juridiction nationale du Pérou à une distance de 200 milles marins » (Équateur, demande, 1er mars 2022, résumé, section 6, p. 16 ; les italiques sont de nous). De même, dans le résumé de leur demande conjointe à la Commission des limites, le Costa Rica et l’Équateur ont déclaré que « [c]ette décision a été prise par excès de prudence, afin de ne pas porter préjudice à la détermination de la limite extérieure de tout espace maritime relevant de la juridiction nationale de la Colombie à une distance de 200 milles marins » (Costa Rica et Équateur, demande conjointe concernant le bassin de Panama, 16 décembre 2020, résumé, section 6, p. 18 ; les italiques sont de nous). De même encore, dans le résumé d’une demande à la Commission des limites, l’Indonésie a déclaré que « [l]a limite extérieure a tenu compte des contraintes suivantes, à savoir … la projection à 200 milles marins du plateau continental de l’île Christmas (Australie) » (Indonésie, demande partielle concernant la région au sud de Java et au sud de Nusa Tenggara, 11 août 2022, résumé, section 7, p. 5 ; les italiques sont de nous). Il ressort de ces exemples que c’est en raison d’un sentiment d’obligation que, dans leurs demandes à la Commission des limites, les États se sont abstenus de prolonger leur plateau continental étendu jusqu’à moins de 200 milles marins des lignes de base d’un autre État.
14. De plus, le fait que les demandes soumises à la Commission des limites par des États prétendant prolonger leur plateau continental étendu jusqu’à moins de 200 milles marins des lignes de base d’autres États se soient heurtées aux objections systématiques de ces autres États prouve que leur prétention n’est pas recevable en droit international. En effet, l’opinio juris « doit être recherchée non seulement auprès de ceux qui prennent part à la pratique, mais aussi auprès de ceux qui sont en mesure d’y réagir »3.
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15. En ce qui concerne la demande formulée par le Nicaragua dans sa deuxième conclusion, la Cour rappelle que les Parties sont convenues en 2012 que San Andrés, Providencia et Santa Catalina « engendrent des droits à une mer territoriale, à une zone économique exclusive et à un plateau continental » (Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie), arrêt, C.I.J. Recueil 2012 (II), p. 686, par. 168). Dans son arrêt de 2012, la Cour a ensuite déclaré que « [c]es espaces maritimes peuvent, en théorie, s’étendre dans toutes les directions sur une distance de 200 milles marins » et, en particulier, s’étendre vers l’est jusqu’à une zone située « au-delà de la limite de 200 milles marins [à partir d]es lignes de base nicaraguayennes » (ibid., p. 686 et 688, par. 168) (voir le paragraphe 90 de l’arrêt).
3 ACDI, 2018, vol. II, deuxième partie, p. 148, paragraphe 5 du commentaire de la conclusion 9. Voir également ibid., p. 136, paragraphe 7 du commentaire de la conclusion 3.
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16. La Cour a également souligné l’importance qu’elle attachait à
« ne pas priver San Andrés, Providencia et Santa Catalina des droits à une zone économique exclusive et à un plateau continental que ces îles pouvaient générer vers l’est, en particulier dans la zone qui se trouve à moins de 200 milles marins de leurs côtes mais à plus de 200 milles marins des lignes de base nicaraguayennes » (Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie), arrêt, C.I.J. Recueil 2012 (II), p. 716, par. 244).
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17. En ce qui concerne la demande formulée dans le troisième chef de conclusion du Nicaragua, la Cour relève deux possibilités et fait observer que
« [d]ans l’un ou l’autre cas, compte tenu de la conclusion de la Cour concernant la première question …, en deçà de 200 milles marins des lignes de base de Serranilla et Bajo Nuevo, il ne peut y avoir de zone de droits concurrents à un plateau continental qui requière une délimitation en la présente instance » (paragraphe 99 de l’arrêt).
La Cour conclut « qu’il n’est point besoin pour elle de déterminer la portée des droits de Serranilla et Bajo Nuevo à des espaces maritimes pour régler le différend soumis par le Nicaragua dans sa requête » (paragraphe 100 de l’arrêt).
18. La deuxième possibilité relevée par la Cour dit que si les formations de « Serranilla ou Bajo Nuevo n’ont pas droit à une zone économique exclusive ou à un plateau continental, alors elles ne génèrent aucun droit maritime dans la zone où le Nicaragua revendique un plateau continental étendu ». La Cour conclut que, dans un tel cas, il ne peut y avoir de zone de droits concurrents à un plateau continental qui requière une délimitation (paragraphe 99 de l’arrêt).
19. En choisissant de conclure ainsi son analyse, la Cour n’a pas répondu à la question de savoir si, dans ce cas, le Nicaragua aurait droit à un plateau continental étendu dans la zone située à l’est de la ligne des 200 milles marins des îles colombiennes de San Andrés, Providencia et Santa Catalina. Dans cette zone, il existe un petit espace maritime qui se trouve au-delà des zones de 200 milles marins auxquelles peuvent prétendre les îles colombiennes, le territoire terrestre colombien, la Jamaïque, le Panama et Haïti (voir la figure 6.1 de la réplique du Nicaragua).
20. Même si cet espace se trouve au-delà des zones de 200 milles marins auxquelles peuvent prétendre d’autres États, le Nicaragua ne saurait y revendiquer légalement un plateau continental. Cette conclusion s’appuie sur une interprétation du paragraphe 1 de l’article 76 de la CNUDM. L’espace en question est en effet entièrement déconnecté de la côte et du plateau continental du Nicaragua en deçà des 200 milles marins par les plateaux continentaux en deçà de 200 milles marins d’autres États. Le plateau continental dans cet espace ne saurait donc être considéré comme le prolongement naturel immergé du territoire terrestre du Nicaragua et ne saurait par conséquent constituer un plateau continental « étendu » du Nicaragua.
21. En conséquence, peu importe que Serranilla et Bajo Nuevo soient enclavées et bénéficient ou non chacune d’une mer territoriale de 12 milles marins, le Nicaragua n’a aucun droit dans cet espace. Compte tenu de la réponse que la Cour a donnée à la première question, la demande contenue
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dans le troisième chef de conclusion du Nicaragua est devenue sans objet. C’est pour ce motif qu’elle ne peut être accueillie (paragraphe 102 de l’arrêt).
22. Dans son arrêt en l’affaire du Différend relatif à la délimitation de la frontière maritime entre Maurice et les Maldives dans l’océan Indien (Maurice/Maldives), la Chambre spéciale du Tribunal international du droit de la mer a entériné l’interprétation du paragraphe 1 de l’article 76 de la CNUDM exposée ci-dessus. En l’espèce, Maurice revendiquait un plateau continental étendu formé par le prolongement naturel de certaines îles qui s’étendrait jusqu’au pied du talus de ce plateau. La Chambre spéciale a déclaré qu’« [u]n État côtier ne saurait … valablement revendiquer de titre sur un plateau continental extérieur au-delà de 200 [milles marins] en se fondant sur le prolongement naturel traversant le plateau continental incontesté d’un autre État » et conclu qu’
« [é]tant donné que la … trajectoire présentée par Maurice passe par le plateau continental des Maldives en deçà de 200 [milles marins], qui n’est pas contesté par Maurice, elle ne saurait constituer le fondement du prolongement naturel de Maurice jusqu’au point critique du pied de talus ni, partant, de son titre sur le plateau continental au-delà de 200 [milles marins] ».
La Chambre spéciale a fondé sa conclusion sur le paragraphe 1 de l’article 76 de la CNUDM et le paragraphe 2.2.3 des directives scientifiques et techniques de la Commission des limites. Elle a déclaré clairement que la demande de Maurice était « inadmissible pour des raisons juridiques au regard de l’article 76 de la Convention » (arrêt du 28 avril 2023, par. 442-444 et 449).
(Signé) IWASAWA Yuji.
528
SEPARATE OPINION OF JUDGE IWASAWA
There are important differences with regard to the legal basis for the
entitlement to a continental shelf within and beyond 200 nautical miles
Only the distance criterion is relevant for the continental shelf within
200 nautical miles The régime of the exclusive economic zone, in particular
as provided for in Article 56 of UNCLOS, affords a strong basis for
the conclusion that the outer continental shelf of a State may not extend
within 200 nautical miles of another State Opinio juris may be inferred in
certain circumstances from the general practice of States In their
submissions to the CLCS, States have refrained from extending an outer
continental shelf within 200 nautical miles of the baselines of another State
out of a sense of legal obligation Opinio juris is to be sought with respect
to both the States engaging in the relevant practice and those in a position
to react to it Nicaragua is not entitled to an outer continental shelf in
the area to the east of the 200-nautical-mile line of the Colombian islands of
San Andrés, Providencia and Santa Catalina.
1. I voted in favour of the Court’s decisions in the operative paragraph
(paragraph 104 of the Judgment) and generally agree with the reasoning set
out in the Judgment. The purpose of this opinion is to supplement the reasons
underlying the Court’s conclusions and to elaborate upon some issues which
are not addressed at length in the Judgment.
*
2. I agree with the Court that,
“under customary international law, a State’s entitlement to a continental
shelf beyond 200 nautical miles from the baselines from which the
breadth of its territorial sea is measured may not extend within 200 nautical
miles from the baselines of another State” (paragraph 79 of the
Judgment).
3. The International Tribunal for the Law of the Sea (ITLOS) and arbitral
tribunals have stated in maritime delimitation cases that there is in law a single
continental shelf (see e.g. Arbitration between Barbados and the Republic
of Trinidad and Tobago, Award of 11 April 2006, United Nations, Reports of
International Arbitral Awards (RIAA), Vol. XXVII, pp. 208-209, para. 213;
528
OPINION INDIVIDUELLE DE M. LE JUGE IWASAWA
[Traduction]
Existence de différences importantes dans le fondement juridique du
droit à un plateau continental en deçà et au-delà de 200 milles marins
Critère de la distance étant seul pertinent pour le plateau continental en
deçà de 200 milles marins Régime de la zone économique exclusive, tel
que l’organise en particulier l’article 56 de la CNUDM, permettant de conclure
avec autorité que le plateau continental étendu d’un État ne saurait
s’étendre à des espaces maritimes en deçà de 200 milles marins d’un autre
État Opinio juris pouvant dans certains cas se déduire de la pratique
générale des États États n’ayant pas, dans leurs demandes à la Commission
des limites, revendiqué un plateau continental étendu se prolongeant
jusqu’en deçà de 200 milles marins des lignes de base d’un autre État par
sentiment de se conformer à une obligation juridique Opinio juris devant
être recherchée non seulement auprès de ceux qui prennent part à la
pratique, mais aussi auprès de ceux qui sont en mesure d’y réagir
Nicaragua n’ayant pas droit à un plateau continental étendu dans les
espaces maritimes situés à l’est de la ligne des 200 milles marins des îles
colombiennes de San Andrés, Providencia et Santa Catalina.
1. J’ai voté pour les conclusions que la Cour énonce dans le dispositif de
son arrêt (par. 104) et je souscris de manière générale au raisonnement
qu’elle a tenu dans ce dernier. Dans le présent exposé de mon opinion, je me
propose de compléter les motifs sur lesquels la Cour appuie ses conclusions
et d’examiner certaines questions sur lesquelles elle ne s’est pas étendue
dans l’arrêt.
*
2. Comme la Cour, je considère que,
« en droit international coutumier, le droit d’un État à un plateau continental
au-delà de 200 milles marins des lignes de base à partir desquelles
est mesurée la largeur de sa mer territoriale ne peut pas s’étendre à des
espaces maritimes en deçà de 200 milles marins des lignes de base d’un
autre État » (paragraphe 79 de l’arrêt).
3. Le Tribunal international du droit de la mer (TIDM) et différents tribunaux
arbitraux ont conclu, dans des affaires de délimitation maritime, qu’il
n’existe en droit qu’un plateau continental unique (voir, par exemple, Arbitrage
entre la Barbade et la République de Trinité-et-Tobago, sentence du
11 avril 2006, Nations Unies, Recueil des sentences arbitrales (RSA),
529 delimitation of the continental shelf (sep. op. iwasawa)
Delimitation of the Maritime Boundary in the Bay of Bengal (Bangladesh/
Myanmar), Judgment, ITLOS Reports 2012, p. 96, para. 361). It is true that
the rights and obligations of the coastal and other States in relation to the
continental shelf are largely the same whether within or beyond 200 nautical
miles.
4. However, as the Court acknowledges, there are important differences
with regard to the legal basis for the entitlement to a continental shelf within
and beyond 200 nautical miles (paragraph 75 of the Judgment). In 1969, the
Court described the continental shelf by reference to a natural prolongation
of the coastal State’s land territory into and under the sea (North Sea Continental
Shelf (Federal Republic of Germany/Denmark; Federal Republic
of Germany/Netherlands), Judgment, I.C.J. Reports 1969, p. 22, para. 19).
Since that time, however, natural prolongation has been replaced by distance
as the criterion used to define the continental shelf within 200 nautical
miles. While Article 76, paragraph 1, of UNCLOS refers both to natural
prolongation and to the distance of 200 nautical miles, only the distance criterion
is relevant for the continental shelf within 200 nautical miles; natural
prolongation cannot form the legal basis for the entitlement to the continental
shelf within 200 nautical miles. The scientific elements associated
with the natural prolongation criterion are set out in the subsequent paragraphs
of Article 76, which are relevant only for the continental shelf beyond
200 nautical miles.
5. The Court described this evolution as follows in Continental Shelf
(Libyan Arab Jamahiriya/Malta) (1985). Up to 200 nautical miles from the
coast, “title depends solely on the distance from the coasts of the claimant
States of any areas of sea-bed claimed by way of continental shelf”. Thus,
within 200 nautical miles, there was “no reason to ascribe any role to geological
or geophysical factors”, which were “completely immaterial”
(Judgment, I.C.J. Reports 1985, p. 35, para. 39). Moreover, recalling that the
Court had previously ascribed a role to geophysical or geological factors in
delimitation in the North Sea Continental Shelf (1969) and Tunisia/Libyan
Arab Jamahiriya (1982) cases, it explained that this was because it found
warrant for doing so in “a régime of the title itself which used to allot those
factors a place which now belongs to the past, in so far as sea-bed areas less
than 200 miles from the coast are concerned” (ibid., p. 36, para. 40; emphasis
added).
6. The Court reaffirmed in Territorial and Maritime Dispute (Nicaragua
v. Colombia) (2012) that, in respect of overlapping entitlements within
200 nautical miles of the coasts of States, it had “repeatedly made clear that
geological and geomorphological considerations are not relevant” (Judgment,
I.C.J. Reports 2012 (II), p. 703, para. 214).
*
délimitation du plateau continental (op. ind. iwasawa) 529
vol. XXVII, p. 208-209, par. 213 ; Délimitation de la frontière maritime dans
le golfe du Bengale (Bangladesh/Myanmar), arrêt, TIDM Recueil 2012,
p. 96, par. 361). Il est certain que les droits et obligations des États côtiers et
des autres États sur le plateau continental sont, de manière générale, les
mêmes en deçà et au-delà de 200 milles marins.
4. Cependant, et comme le reconnaît la Cour, il existe des différences
importantes dans le fondement juridique du droit à un plateau continental en
deçà et au-delà de 200 milles marins (paragraphe 75 de l’arrêt). En 1969, la
Cour définissait le plateau continental par renvoi au prolongement naturel du
territoire terrestre de l’État côtier dans et sous la mer (Plateau continental de
la mer du Nord (République fédérale d’Allemagne/Danemark ; République
fédérale d’Allemagne/Pays-Bas), arrêt, C.I.J. Recueil 1969, p. 22, par. 19).
Or, depuis cette époque, la distance a remplacé le prolongement naturel
comme critère de définition du plateau continental en deçà de 200 milles
marins. Sans doute le paragraphe 1 de l’article 76 de la CNUDM mentionne-
t-il à la fois le prolongement naturel et la distance de 200 milles
marins, mais seul le critère de la distance est pertinent pour le plateau continental
en deçà de 200 milles marins ; le prolongement naturel ne saurait
constituer le fondement juridique du droit à un plateau continental en deçà
de 200 milles marins. Les éléments scientifiques associés au critère du prolongement
naturel sont énoncés dans les paragraphes suivants de l’article 76,
qui ne s’appliquent qu’au plateau continental au-delà de 200 milles marins.
5. Dans son arrêt de 1985 en l’affaire du Plateau continental (Jamahiriya
arabe libyenne/Malte), la Cour a décrit comme suit cette évolution. Jusqu’à
200 milles marins de la côte, le titre « ne dépend que de la distance à laquelle
les fonds marins revendiqués comme plateau continental se trouvent par rapport
aux côtes des États qui les revendiquent ». En conséquence, « il n’existe
aucune raison de faire jouer un rôle aux facteurs géologiques ou géophysiques
jusqu’à cette distance », puisqu’ils n’y « jouent [pas] le moindre rôle »
(arrêt, C.I.J. Recueil 1985, p. 35, par. 39). De plus, rappelant qu’elle avait
antérieurement attribué aux facteurs géophysiques ou géologiques un rôle
dans la délimitation dans les affaires du Plateau continental de la mer du
Nord (1969) et du Plateau continental (Tunisie/Jamahiriya arabe libyenne)
(1982), la Cour a expliqué que cette jurisprudence « se légitimait par référence
à une réglementation du titre lui-même qui faisait à ces facteurs une
place appartenant désormais au passé, en ce qui concerne les fonds marins
situés à moins de 200 milles des côtes » (ibid., p. 36, par. 40 ; les italiques
sont de moi).
6. Dans son arrêt de 2012 en l’affaire du Différend territorial et maritime
(Nicaragua c. Colombie), la Cour a rappelé qu’elle avait « précisé maintes
fois que les considérations géologiques et géomorphologiques n’avaient
aucun rôle à jouer dans le cadre de la délimitation d’une zone de chevauchement
en deçà de la limite des 200 milles marins à partir des côtes des États
en cause » (arrêt, C.I.J. Recueil 2012 (II), p. 703, par. 214).
*
530 delimitation of the continental shelf (sep. op. iwasawa)
7. Up to 200 nautical miles, the rights of the coastal State over the continental
shelf derive not only from the régime of the continental shelf but also
from the régime of the exclusive economic zone. As the Court acknowledges,
the two legal régimes “are interrelated” (paragraph 70 of the
Judgment). Referring to Article 56 of UNCLOS, the Court stresses that the
régime of the exclusive economic zone “confers exclusively on the coastal
State the sovereign rights of exploration, exploitation, conservation and
management of natural resources [of the seabed and its subsoil] within
200 nautical miles of its coast” (ibid., para. 69; emphasis added). Thus, the
régime of the exclusive economic zone affords a strong basis for the conclusion
that the outer continental shelf of a State may not extend within
200 nautical miles of another State.
*
8. With regard to the identification of customary international law, the
Court has stated that it must be “looked for primarily in the actual practice
and opinio juris o f S tates” (Continental Shelf (Libyan Arab Jamahiriya/
Malta), Judgment, I.C.J. Reports 1985, p. 29, para. 27).
9. In the present case, the Court observes that “in practice, the vast majority
of States parties to the Convention that have made submissions to the
CLCS have chosen not to assert, therein, outer limits of their extended continental
shelf within 200 nautical miles of the baselines of another State”. It
points out that only a small number of States have asserted in their submissions
outer limits that extend within 200 nautical miles of the baselines of
another State, and that “in those instances the States concerned have objected
to those submissions”. As regards the small number of coastal States that are
not States parties to the Convention, the Court notes that it “is not aware of
any that has claimed an extended continental shelf that extends within
200 nautical miles from the baselines of another State”. The Court thus concludes
that, “[t]aken as a whole, the practice of States may be considered
sufficiently widespread and uniform”, and that “this State practice may be
seen as an expression of opinio juris” (paragraph 77 of the Judgment).
10. In describing the consistency of State practice, the Court employs the
terms widespread and uniform. It has used these terms in previous cases
(Maritime Delimitation and Territorial Questions between Qatar and Bahrain
(Qatar v. Bahrain), Merits, Judgment, I.C.J. Reports 2001, p. 102,
para. 205; Territorial and Maritime Dispute between Nicaragua and
Honduras in the Caribbean Sea (Nicaragua v. Honduras), Judgment, I.C.J.
Reports 2007 (II), p. 703, para. 141; Sovereignty over Pedra Branca/Pulau
Batu Puteh, Middle Rocks and South Ledge (Malaysia/Singapore), Judgment,
I.C.J. Reports 2008, p. 100, para. 296).
11. While the International Law Commission has concluded that “[e]ach of
the two constituent elements [general practice and opinio juris] is to be
délimitation du plateau continental (op. ind. iwasawa) 530
7. Jusqu’à 200 milles marins, les droits de l’État côtier sur son plateau
continental découlent non seulement du régime du plateau continental, mais
aussi du régime de la zone économique exclusive. Comme le dit la Cour, ces
deux régimes juridiques « sont reliés entre eux » (paragraphe 70 de l’arrêt).
Renvoyant à l’article 56 de la CNUDM, la Cour souligne que le régime de
la zone économique exclusive « confère notamment à l’État côtier l’exclusivité
des droits souverains d’exploration, d’exploitation, de conservation et de
gestion des ressources naturelles [des fonds marins et de leur sous-sol]
jusqu’à 200 milles marins de sa côte » (ibid., par. 69 ; les italiques sont de
moi). Le régime de la zone économique exclusive permet de conclure avec
autorité que le plateau continental étendu d’un État ne peut pas s’étendre à
des espaces maritimes en deçà de 200 milles marins d’un autre État.
*
8. En ce qui concerne la détermination du droit international coutumier, la
Cour a déclaré que « la substance du droit international coutumier doit être
recherchée en premier lieu dans la pratique effective et l’opinio juris des
États » (Plateau continental (Jamahiriya arabe libyenne/Malte), arrêt, C.I.J.
Recueil 1985, p. 29, par. 27).
9. En l’espèce, la Cour constate que, « dans la pratique, la grande majorité
des États parties à la convention ayant déposé des demandes auprès de la
Commission des limites ont choisi de ne pas revendiquer un plateau continental
étendu dont les limites extérieures se situeraient à moins de 200 milles
marins des lignes de base d’un autre État ». Elle fait observer que seul un petit
nombre d’États ont revendiqué, dans leurs demandes, une limite extérieure
située en deçà de 200 milles marins des lignes de base d’un autre État et que,
« dans ces cas, les États concernés se sont opposés à ces demandes ». En ce
qui concerne le petit nombre d’États côtiers non parties à la convention, la
Cour note qu’elle « n’a connaissance d’aucun cas où l’un d’entre eux aurait
revendiqué un plateau continental étendu se prolongeant jusqu’en deçà de
200 milles marins des lignes de base d’un autre État ». Elle en conclut que,
« [p]rise dans son ensemble, la pratique des États peut être considérée comme
suffisamment répandue et uniforme » et que « cette pratique étatique peut être
considérée comme l’expression de l’opinio juris » (paragraphe 77 de l’arrêt).
10. Pour décrire la constance de cette pratique, la Cour la qualifie de « suffisamment
répandue » et d’« uniforme ». Elle a employé les termes de
« largement répandue » et d’« uniforme » dans plusieurs affaires précédentes
(Délimitation maritime et questions territoriales entre Qatar et Bahreïn
(Qatar c. Bahreïn), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 2001, p. 102, par. 205 ; Différend
territorial et maritime entre le Nicaragua et le Honduras dans la mer
des Caraïbes (Nicaragua c. Honduras), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (II),
p. 703, par. 141 ; Souveraineté sur Pedra Branca/Pulau Batu Puteh, Middle
Rocks et South Ledge (Malaisie/Singapour), arrêt, C.I.J. Recueil 2008,
p. 100, par. 296).
11. Bien que la Commission du droit international ait conclu que « [c]hacun
des deux éléments constitutifs [la pratique et l’opinio juris] doi[ve] être établi
531 delimitation of the continental shelf (sep. op. iwasawa)
separately ascertained”1, it has accepted that the two elements “may be intertwined
in fact” and that in certain circumstances “the same material may be
used to ascertain practice and acceptance as law (opinio juris)”2. In the
present case, both Colombia and Nicaragua have explicitly accepted that
State practice may be evidence of opinio juris. Colombia stated that “it is
important to note that practice may sometimes be evidence of acceptance as
law (opinio juris)”, and that “a general practice may, indeed, indicate a conviction
as to what the law is, especially when the matter at issue is clearly
governed by international law or where the conduct in question is against the
interests of the acting State” (CR 2022/26, pp. 29-30, paras. 31-32 (Wood);
CR 2022/28, p. 14, paras. 13-14 (Wood)). Nicaragua embraced these
statements by Colombia as a matter of legal principle, declaring that
“[State] practice provides ample evidence” to support a belief, and that, “as
Sir Michael forcefully asserted, ‘it is important to note that practice may
sometimes be evidence of acceptance as law (opinio juris)’” (CR 2022/27,
p. 26, para. 14 (Pellet)). Indeed, opinio juris may be inferred in certain circumstances
from the general practice of States. The Court accepts this
as a matter of principle, stating that, in light of “its extent over a long period
of time”, State practice may be seen as an expression of opinio juris (paragraph
77 of the Judgment).
12. As concerns the practice of States before the CLCS, Nicaragua argues
that the practice of refraining from asserting outer limits that extend within
200 nautical miles from the baselines of another State “is motivated by considerations
other than a sense of legal obligation, in particular a desire to
avoid the possibility of their submission giving rise to a dispute with the
result that the CLCS would not consider it” (see paragraph 57 of the Judgment).
This is mere speculation which is unsubstantiated. States usually do
not curtail themselves when they believe that they have a right. If an issue is
regulated by international law and States abstain from certain conduct in a
way that is inconsistent with their own interests, it may be presumed that
their abstention is motivated by a sense of legal obligation. Nicaragua did not
submit any evidence capable of rebutting such a presumption.
13. In fact, this sense of legal obligation has been expressly indicated by
some States that have refrained from extending an outer continental shelf
within 200 nautical miles of the baselines of another State. For example,
Ecuador stated in the executive summary of its submission to the CLCS that
“[t]his action was taken with great caution in order to avoid any potential
1 Report of the International Law Commission on the work of its seventieth session, Yearbook
of the International Law Commission (YILC), 2018, Vol. II, Part Two, p. 90, Conclusion 3,
para. 2.
2 Ibid., p. 96, paras. 6 and 8 of the Commentary to Conclusion 3.
délimitation du plateau continental (op. ind. iwasawa) 531
séparément »1, elle a admis que ces deux éléments « peuvent être indissolublement
liés » et que, dans certaines circonstances, « le même matériau
puisse être utilisé pour établir une pratique et son acceptation comme étant
le droit (opinio juris) »2. En l’espèce, la Colombie et le Nicaragua ont, l’une
et l’autre, admis expressément que la pratique peut constituer une preuve de
l’opinio juris. La Colombie a déclaré qu’« il importe de relever que la pratique
peut parfois être la preuve de l’acceptation comme étant le droit (opinio
juris) » et qu’« une pratique générale peut en effet attester d’une conviction
quant à ce qu’est le droit, en particulier lorsque la question qui se pose relève
clairement du droit international, ou lorsque le comportement en cause va à
l’encontre des intérêts de l’État qui en est l’auteur » (CR 2022/26, p. 29-30,
par. 31-32 (Wood) ; CR 2022/28, p. 14, par. 13-14 (Wood)). Le Nicaragua a
approuvé ces déclarations de la Colombie comme étant l’expression d’un
principe juridique et déclaré que « la pratique [des] États … témoigne amplement
de la conviction qu’il s’agit d’un droit » et que, comme « Sir Michael
[Wood] l’a affirmé avec force : “it is important to note that practice may
sometimes be evidence of acceptance as law (opinio juris)” » (CR 2022/27,
p. 26, par. 14 (Pellet)). En effet, l’opinio juris peut se déduire, dans certaines
circonstances, de la pratique générale des États. La Cour reconnaît ce principe,
affirmant que, compte tenu de « son ampleur sur une longue période »,
cette pratique étatique peut être considérée comme l’expression de l’opinio
juris (paragraphe 77 de l’arrêt).
12. En ce qui concerne la pratique des États à la Commission des limites,
le Nicaragua prétend que la pratique consistant à s’abstenir de revendiquer
un plateau continental étendu dont la limite extérieure se situerait en deçà de
200 milles marins des lignes de base d’un autre État « s’explique par des
considérations autres qu’un sentiment d’obligation juridique, en particulier
la volonté d’éviter que leur demande ne donne lieu à un différend, ce qui
amènerait la Commission à refuser de l’examiner » (paragraphe 57 de l’arrêt).
Il s’agit là d’une pure conjecture que rien ne vient étayer. Les États n’ont
pas l’habitude de s’abstenir quand ils estiment avoir un droit. Si une question
est régie par le droit international et que les États s’abstiennent d’un certain
comportement même quand cette abstention va à l’encontre de leurs intérêts,
on peut présumer que leur abstention est motivée par le sentiment qu’ils se
conforment à une obligation juridique. Le Nicaragua n’a présenté aucune
preuve susceptible de réfuter cette présomption.
13. De fait, certains États qui se sont abstenus de prolonger leur plateau
continental étendu en deçà de 200 milles marins des lignes de base d’un
autre État ont expressément mentionné ce sentiment d’obligation juridique.
Dans le résumé de sa demande à la Commission des limites, l’Équateur, par
exemple, a déclaré que « [c]ette décision a été prise par excès de prudence,
1 Rapport de la Commission du droit international sur les travaux de sa soixante-dixième
session, Annuaire de la Commission du droit international (ACDI), 2018, vol. II, deuxième
partie, p. 125, conclusion 3, par. 2.
2 Ibid., p. 136, par. 6 et 8 du commentaire de la conclusion 3.
532 delimitation of the continental shelf (sep. op. iwasawa)
prejudice to the determination of the outer limits of any maritime spaces
under the national jurisdiction of Perú at a distance of 200 nautical miles”
(Ecuador, Submission, 1 March 2022, Executive Summary, Section 6, p. 16;
emphasis added). Similarly, Costa Rica and Ecuador stated in the executive
summary of their joint submission to the CLCS that “[t]his action was taken
with great caution in order to avoid any potential prejudice to the determination
of the outer limits of any maritime spaces under the national jurisdiction
of Colombia” (Costa Rica and Ecuador, Joint Submission in the Panama
Basin, 16 December 2020, Executive Summary, Section 6, p. 18; emphasis
added). Furthermore, Indonesia stated in the executive summary of its submission
to the CLCS that “[t]he outer limit has taken into consideration the
following constraint[] namely: . . . [t]he projection of 200 M of the continental
shelf of Christmas Island, Australia” (Indonesia, Submission in respect
of the Area of South of Java and South of Nusa Tenggara, 11 August 2022,
Executive Summary, Section 7, p. 5; emphasis added). These examples illustrate
that, in their submissions to the CLCS, States have refrained from
extending an outer continental shelf within 200 nautical miles of the baselines
of another State out of a sense of legal obligation.
14. In addition, the invariable protests of States affected by submissions
made to the CLCS by other States seeking to extend an outer continental
shelf within 200 nautical miles of the baselines of the former States are also
good evidence of opinio juris that such an extension is not permissible under
international law. Indeed, opinio juris “is to be sought with respect to both
the States engaging in the relevant practice and those in a position to react to
it”3.
*
15. With regard to the request contained in Nicaragua’s second submission,
the Court recalls that the Parties agreed in 2012 that San Andrés,
Providencia and Santa Catalina “are entitled to a territorial sea, exclusive
economic zone and continental shelf” (Territorial and Maritime Dispute
(Nicaragua v. Colombia), Judgment, I.C.J. Reports 2012 (II), p. 686,
para. 168). In its 2012 Judgment, the Court then declared that, “[i]n principle,
that entitlement is capable of extending up to 200 nautical miles in each direction”
and, in particular, that it extends to the east “to an area which lies
beyond a line 200 nautical miles from the Nicaraguan baselines” (ibid.,
pp. 686 and 688, para. 168) (see paragraph 90 of the Judgment).
16. Importantly, the Court also stressed that
“San Andrés, Providencia and Santa Catalina should not be cut off from
their entitlement to an exclusive economic zone and continental shelf to
3 YILC, 2018, Vol. II, Part Two, pp. 102-103, paragraph 5 of the commentary to Conclusion
9. See also ibid., p. 96, paragraph 7 of the Commentary to Conclusion 3.
délimitation du plateau continental (op. ind. iwasawa) 532
afin de ne pas porter préjudice à la détermination de la limite extérieure de
tout espace maritime relevant de la juridiction nationale du Pérou à une distance
de 200 milles marins » (Équateur, demande, 1er mars 2022, résumé,
section 6, p. 16 ; les italiques sont de moi). De même, dans le résumé de leur
demande conjointe à la Commission des limites, le Costa Rica et l’Équateur
ont déclaré que « [c]ette décision a été prise par excès de prudence, afin de ne
pas porter préjudice à la détermination de la limite extérieure de tout espace
maritime relevant de la juridiction nationale de la Colombie à une distance
de 200 milles marins » (Costa Rica et Équateur, demande conjointe concernant
le bassin de Panama, 16 décembre 2020, résumé, section 6, p. 18 ; les
italiques sont de moi). De même encore, dans le résumé d’une demande à la
Commission des limites, l’Indonésie a déclaré que « [l]a limite extérieure a
tenu compte des contraintes suivantes, à savoir … la projection à 200 milles
marins du plateau continental de l’île Christmas (Australie) » (Indonésie,
demande partielle concernant la région au sud de Java et au sud de Nusa
Tenggara, 11 août 2022, résumé, section 7, p. 5 ; les italiques sont de moi). Il
ressort de ces exemples que c’est en raison d’un sentiment d’obligation que,
dans leurs demandes à la Commission des limites, les États se sont abstenus
de prolonger leur plateau continental étendu jusqu’à moins de 200 milles
marins des lignes de base d’un autre État.
14. De plus, le fait que les demandes soumises à la Commission des limites
par des États prétendant prolonger leur plateau continental étendu
jusqu’à moins de 200 milles marins des lignes de base d’autres États se soient
heurtées aux objections systématiques de ces autres États prouve que leur
prétention n’est pas recevable en droit international. En effet, l’opinio juris
« doit être recherchée non seulement auprès de ceux qui prennent part à la
pratique, mais aussi auprès de ceux qui sont en mesure d’y réagir »3.
*
15. En ce qui concerne la demande formulée par le Nicaragua dans sa deuxième
conclusion, la Cour rappelle que les Parties sont convenues en 2012
que San Andrés, Providencia et Santa Catalina « engendrent des droits à une
mer territoriale, à une zone économique exclusive et à un plateau continental
» (Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie), arrêt, C.I.J.
Recueil 2012 (II), p. 686, par. 168). Dans son arrêt de 2012, la Cour a ensuite
déclaré que « [c]es espaces maritimes peuvent, en théorie, s’étendre dans
toutes les directions sur une distance de 200 milles marins » et, en particulier,
s’étendre vers l’est jusqu’à une zone située « au-delà de la limite de
200 milles marins [à partir d]es lignes de base nicaraguayennes » (ibid., et
p. 688, par. 168) (voir le paragraphe 90 de l’arrêt).
16. La Cour a également souligné l’importance qu’elle attachait à
« ne pas priver San Andrés, Providencia et Santa Catalina des droits à une
zone économique exclusive et à un plateau continental que ces îles pou-
3 ACDI, 2018, vol. II, deuxième partie, p. 148, paragraphe 5 du commentaire de la conclusion
9. Voir également ibid., p. 136, paragraphe 7 du commentaire de la conclusion 3.
533 delimitation of the continental shelf (sep. op. iwasawa)
their east, including in that area which is within 200 nautical miles of
their coasts but beyond 200 nautical miles from the Nicaraguan baselines”
(Territorial and Maritime Dispute (Nicaragua v. Colombia),
Judgment, I.C.J. Reports 2012 (II), p. 716, para. 244).
*
17. With respect to the request contained in Nicaragua’s third submission,
the Court sets out two possibilities and points out that,
“[i]n either case, as a consequence of the Court’s conclusion in relation
to the first question . . . , within 200 nautical miles from the baselines of
Serranilla and Bajo Nuevo, there can be no area of overlapping entitlement
to a continental shelf to be delimited in the present proceedings”
(paragraph 99 of the Judgment).
The Court therefore concludes that “it does not need to determine the scope
of the entitlements of Serranilla and Bajo Nuevo in order to settle the dispute
submitted by Nicaragua in its Application” (paragraph 100 of the Judgment).
18. The second possibility set out by the Court is that “Serranilla or Bajo
Nuevo are not entitled to exclusive economic zones or continental shelves”
and thus “do not generate any maritime entitlements in the area in which
Nicaragua claims an extended continental shelf”. The Court concludes that,
in such a case, there can be no area of overlapping entitlement to a continental
shelf to be delimited (paragraph 99 of the Judgment).
19. In finalizing its analysis with this conclusion, the Court does not
answer the question whether, in such a case, Nicaragua would be entitled to
an outer continental shelf in the area to the east of the 200-nautical-mile line
of the Colombian islands of San Andrés, Providencia and Santa Catalina.
In this area, there is a small maritime space which is outside the 200-
nautical-mile entitlements of the Colombian islands, the Colombian mainland,
Jamaica, Panama and Haiti (see figure 6.1 of the Reply of Nicaragua).
20. Even though this space is outside the 200-nautical-mile entitlement of
any State, Nicaragua cannot legally claim an outer continental shelf there.
This conclusion derives from the interpretation of Article 76, paragraph 1, of
UNCLOS. This space is entirely disconnected from Nicaragua’s coast and
from its continental shelf within 200 nautical miles by the continental
shelves within 200 nautical miles of other States. The continental shelf in
this space cannot be regarded as a natural prolongation of the submerged
land territory of Nicaragua and thus cannot constitute an “extended” continental
shelf of Nicaragua.
délimitation du plateau continental (op. ind. iwasawa) 533
vaient générer vers l’est, en particulier dans la zone qui se trouve à moins
de 200 milles marins de leurs côtes mais à plus de 200 milles marins des
lignes de base nicaraguayennes » (Différend territorial et maritime (Nicaragua
c. Colombie), arrêt, C.I.J. Recueil 2012 (II), p. 716, par. 244).
*
17. En ce qui concerne la demande formulée dans le troisième chef de
conclusions du Nicaragua, la Cour relève deux possibilités et fait observer
que
« [d]ans l’un ou l’autre cas, compte tenu de la conclusion de la Cour
concernant la première question …, en deçà de 200 milles marins des
lignes de base de Serranilla et Bajo Nuevo, il ne peut y avoir de zone de
droits concurrents à un plateau continental qui requière une délimitation
en la présente instance » (paragraphe 99 de l’arrêt).
La Cour conclut « qu’il n’est point besoin pour elle de déterminer la portée
des droits de Serranilla et Bajo Nuevo à des espaces maritimes pour régler le
différend soumis par le Nicaragua dans sa requête » (paragraphe 100 de
l’arrêt).
18. La deuxième possibilité relevée par la Cour dit que si les formations de
« Serranilla ou Bajo Nuevo n’ont pas droit à une zone économique exclusive
ou à un plateau continental, alors elles ne génèrent aucun droit maritime
dans la zone où le Nicaragua revendique un plateau continental étendu ». La
Cour conclut que, dans un tel cas, il ne peut y avoir de zone de droits concurrents
à un plateau continental qui requière une délimitation (paragraphe 99
de l’arrêt).
19. En choisissant de conclure ainsi son analyse, la Cour n’a pas répondu à
la question de savoir si, dans ce cas, le Nicaragua aurait droit à un plateau
continental étendu dans la zone située à l’est de la ligne des 200 milles
marins des îles colombiennes de San Andrés, Providencia et Santa Catalina.
Dans cette zone, il existe un petit espace maritime qui se trouve au-delà des
zones de 200 milles marins auxquelles peuvent prétendre les îles colombiennes,
le territoire terrestre colombien, la Jamaïque, le Panama et Haïti
(voir la figure 6.1 de la réplique du Nicaragua).
20. Même si cet espace se trouve au-delà des zones de 200 milles marins
auxquelles peuvent prétendre d’autres États, le Nicaragua ne saurait y revendiquer
légalement un plateau continental. Cette conclusion s’appuie sur une
interprétation du paragraphe 1 de l’article 76 de la CNUDM. L’espace en
question est en effet entièrement déconnecté de la côte et du plateau continental
du Nicaragua en deçà des 200 milles marins par les plateaux
continentaux en deçà de 200 milles marins d’autres États. Le plateau continental
dans cet espace ne saurait donc être considéré comme le prolongement
naturel immergé du territoire terrestre du Nicaragua et ne saurait par conséquent
constituer un plateau continental « étendu » du Nicaragua.
534 delimitation of the continental shelf (sep. op. iwasawa)
21. Accordingly, regardless of whether Serranilla and Bajo Nuevo are
enclaved and granted a territorial sea of 12 nautical miles, Nicaragua has no
entitlement in this space. Given the Court’s answer to the first question, the
request contained in Nicaragua’s third submission no longer has any object.
It is in this sense that it cannot be upheld (paragraph 102 of the Judgment).
22. In its judgment in the Dispute concerning Delimitation of the Maritime
Boundary between Mauritius and Maldives in the Indian Ocean
(Mauritius/Maldives) case, the Special Chamber of the International Tribunal
for the Law of the Sea endorsed the interpretation of Article 76,
paragraph 1, of UNCLOS set out above. In that case, Mauritius claimed an
extended continental shelf formed by the natural prolongation of certain
islands which extended to the foot of the continental slope. The Special
Chamber declared that “a coastal State cannot validly claim an entitlement to
a continental shelf beyond 200 [nautical miles] based on the natural prolongation
through another State’s uncontested continental shelf”, and concluded
that,
“[a]s the . . . route presented by Mauritius passes within the continental
shelf of the Maldives within 200 [nautical miles] that is uncontested by
Mauritius, it cannot form a basis for Mauritius’ natural prolongation to
the critical foot of slope point and thus for its entitlement to the continental
shelf beyond 200 [nautical miles]”.
The Special Chamber based its conclusion on Article 76, paragraph 1, of
UNCLOS and paragraph 2.2.3 of the Scientific and Technical Guidelines of
the CLCS. It clearly stated that Mauritius’ claim was “impermissible on
legal grounds under article 76 of the Convention” (Judgment of 28 April
2023, paras. 442-444 and 449).
(Signed) Iwasawa Yuji.
délimitation du plateau continental (op. ind. iwasawa) 534
21. En conséquence, peu importe que Serranilla et Bajo Nuevo soient
enclavées et bénéficient ou non chacune d’une mer territoriale de 12 milles
marins, le Nicaragua n’a aucun droit dans cet espace. Compte tenu de la
réponse que la Cour a donnée à la première question, la demande contenue
dans le troisième chef de conclusions du Nicaragua est devenue sans objet.
C’est pour ce motif qu’elle ne peut être accueillie (paragraphe 102 de
l’arrêt).
22. Dans son arrêt en l’affaire du Différend relatif à la délimitation de
la frontière maritime entre Maurice et les Maldives dans l’océan Indien
(Maurice/Maldives), la Chambre spéciale du Tribunal international du droit
de la mer a entériné l’interprétation du paragraphe 1 de l’article 76 de la
CNUDM exposée ci-dessus. En l’espèce, Maurice revendiquait un plateau
continental étendu formé par le prolongement naturel de certaines îles qui
s’étendrait jusqu’au pied du talus de ce plateau. La Chambre spéciale a
déclaré qu’« [u]n État côtier ne saurait … valablement revendiquer de titre
sur un plateau continental extérieur au-delà de 200 [milles marins] en se fondant
sur le prolongement naturel traversant le plateau continental incontesté
d’un autre État » et conclu que,
« [é]tant donné que la … trajectoire présentée par Maurice passe par le
plateau continental des Maldives en deçà de 200 [milles marins], qui
n’est pas contesté par Maurice, elle ne saurait constituer le fondement du
prolongement naturel de Maurice jusqu’au point critique du pied de talus
ni, partant, de son titre sur le plateau continental au-delà de 200 [milles
marins] ».
La Chambre spéciale a fondé sa conclusion sur le paragraphe 1 de l’article 76
de la CNUDM et le paragraphe 2.2.3 des directives scientifiques et techniques
de la Commission des limites. Elle a déclaré clairement que la
demande de Maurice était « inadmissible pour des raisons juridiques au
regard de l’article 76 de la Convention » (arrêt du 28 avril 2023, par. 442-444
et 449).
(Signé) Iwasawa Yuji.
Opinion individuelle de M. le juge Iwasawa