Opinion dissidente de M. le juge Robinson

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OPINION DISSIDENTE DE M. LE JUGE ROBINSON
[Traduction]
CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES
1. Le droit a beaucoup à voir avec la raison. Le caractère déraisonnable de l’approche suivie par la majorité apparaît dans la conclusion à laquelle celle-ci parvient, déclarant que « même si un État peut démontrer qu’il a droit à un plateau continental étendu, celui-ci ne peut se prolonger jusqu’à moins de 200 milles marins des lignes de base d’un autre État » (arrêt, par. 81). Ainsi, même si un État démontre que son plateau continental extérieur1 satisfait au critère du prolongement naturel, il ne peut, selon la majorité, jouir de toute l’étendue de ce plateau, celui-ci ne pouvant s’étendre en deçà de 200 milles marins des lignes de base d’un autre État. Normalement, un État côtier jouit de toute l’étendue de son plateau continental extérieur, sous réserve, bien sûr, de l’application des dispositions relatives à la délimitation maritime contenues à l’article 83 de la convention des Nations Unies sur le droit de la mer (CNUDM). La proposition au paragraphe 81 est extraordinaire et ne trouve aucun appui dans la convention ni dans le droit international coutumier ; elle donne un tour incongru et discordant à la relation par ailleurs harmonieuse que le droit de la mer établit entre les différentes zones maritimes. Regrettablement, la majorité n’a pas étayé dans l’arrêt cette proposition, qui suppose que la zone économique exclusive (ZEE) de 200 milles marins d’un État côtier, avec son plateau continental correspondant délimité par le critère de la distance, prime le plateau continental extérieur d’un autre État fondé sur le critère du prolongement naturel. À cet égard, il convient de noter que l’article 77 de la convention, qui reflète le droit international coutumier, ne fait pas de distinction entre le plateau continental qui est déterminé par le prolongement naturel et celui qui est déterminé par la distance, lorsqu’il énonce les droits que possède un État sur cet espace. L’État côtier jouit des mêmes droits souverains sur son plateau continental, que celui-ci soit fondé sur le critère du prolongement naturel ou sur le critère de la distance. Les dispositions de la CNUDM pertinentes sont jointes en annexe à la présente opinion. Il est important de rappeler qu’elles reflètent le droit international coutumier ; elles s’appliquent en l’espèce, car la Colombie, contrairement au Nicaragua, n’est pas partie à la convention.
2. L’arrêt n’établit pas l’existence, en droit international coutumier, d’une relation hiérarchique entre les plateaux continentaux pouvant être revendiqués sur le fondement des critères du prolongement naturel et de la distance énoncés au paragraphe 1 de l’article 76 de la CNUDM. En répondant par la négative à la première question formulée par la Cour, la majorité devait démontrer qu’il existe une limite intrinsèque et inhérente à l’étendue du plateau continental auquel un État peut prétendre au titre du prolongement naturel. En droit international coutumier, il n’existe pas de limite intrinsèque à l’étendue du plateau continental d’un État au-delà de 200 milles marins, qui empêcherait ce plateau de s’étendre à la zone économique exclusive et au plateau continental correspondant d’un État côtier voisin. En pratique, l’arrêt prive un État côtier de la possibilité de tirer pleinement parti du critère du prolongement naturel énoncé au paragraphe 1 de l’article 76 de la convention, lequel reflète le droit international coutumier. La position de la majorité est d’autant plus étrange que la Cour, dans l’affaire du Plateau continental (Tunisie/Jamahiriya arabe libyenne), avait conclu que « [d]’après la première partie du paragraphe 1, c’est le prolongement naturel du territoire terrestre qui est le critère principal » (arrêt, C.I.J. Recueil 1982, p. 48, par. 47). Soulignons cependant que, dans cette affaire-là, la Cour n’avait pas laissé entendre qu’il existât une hiérarchie entre le critère du prolongement naturel et celui de la distance.
1 Je souscris à la remarque sur la nomenclature faite par le tribunal arbitral en l’affaire Barbade/Trinité-et-Tobago, à savoir qu’il convient de parler de plateau continental « extérieur » plutôt qu’« étendu » puisque « l’on ne procède pas à une extension du plateau continental » (Arbitrage entre la Barbade et la République de Trinité-et-Tobago, sentence du 11 avril 2006, Nations Unies, Recueil des sentences arbitrales (RSA), vol. XXVII, p. 165, par. 65, note 4) [traduction du Greffe]. J’emploierai donc le terme « plateau continental extérieur » dans la présente opinion.
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3. L’arrêt ne mentionne aucun élément ou qualité du titre à un plateau continental déterminé par la distance qui en justifierait la primauté sur le titre à un plateau continental déterminé par le prolongement naturel. 4. Dans l’arbitrage Guinée/Guinée-Bissau, la question de la relation entre les deux critères du paragraphe 1 de l’article 76 fut examinée. Au sujet du critère de la distance, le tribunal a déclaré que « [c]ette seconde règle de détermination du plateau continental par référence à une distance, sans porter atteinte à la règle du prolongement naturel, diminue sa portée en se substituant à elle dans certaines circonstances précisées par le paragraphe précité de l’article 76 de la convention de 1982 et par les autres dispositions de cet article ». (Affaire de la délimitation de la frontière maritime entre la Guinée et la Guinée-Bissau (1985), Nations Unies, (RSA), vol. XIX, p. 149, par. 115.)
Ce qui est significatif ici, c’est que le tribunal souligne que la règle de la distance n’annule pas celle du prolongement naturel, ajoutant qu’il y a « ainsi deux règles entre lesquelles il n’y a ni priorité ni hiérarchie » (ibid., par. 116). Certes, cette décision ne concernait pas les circonstances précises de la présente instance, mais si un tribunal a établi qu’il n’y a pas de priorité ou de hiérarchie entre les deux critères, cette conclusion ne saurait, en principe, être remise en question.
5. Étant donné que, selon l’article 76 de la CNUDM, le titre à un plateau continental fondé sur le prolongement naturel est coégal au titre à un plateau continental fondé sur la distance, un plateau continental déterminé par le prolongement naturel qui chevauche un plateau continental déterminé par la distance se prête autant à la délimitation que des plateaux continentaux fondés sur l’un ou l’autre critère qui se chevaucheraient aussi. Certains auteurs considèrent d’ailleurs que l’article 83 relatif à la délimitation entre plateaux continentaux « confirme qu’aucune distinction n’est faite entre le plateau continental en deçà et au-delà de 200 milles marins » (voir Xuexia Liao, « Is There a Hierarchical Relationship between Natural prolongation and Distance in the Continental Shelf Délimitation? », International Journal of Marine and Coastal Law, 2018, vol. 33, n°1, p. 79-115) ; assurément rien dans l’article 83 n’indique que celui-ci ne serait pas applicable à la délimitation de la frontière maritime entre le plateau continental d’un État côtier s’étendant au-delà de 200 milles marins des lignes de base pertinentes et le plateau continental d’un autre État s’étendant jusqu’à 200 milles marins des lignes de base pertinentes. De fait, la convention doit être comprise comme opérant sur la base d’une coégalité entre le titre à un plateau continental fondé sur le prolongement naturel et le titre à un plateau continental fondé sur la distance. Puisqu’il y a coégalité, un titre ne peut éteindre l’autre, tous deux ayant la même valence ; il peut donc y avoir chevauchement, et dans ce cas la délimitation maritime prévue à l’article 83 entre en jeu. Plus généralement, il en va de même de la relation entre les zones maritimes similaires de deux États. Ainsi, la zone économique exclusive d’un État A aura la même valence que la zone économique exclusive d’un État B à laquelle elle est adjacente ou opposée. Le droit de la mer est ainsi fait qu’un État côtier jouit de toute l’étendue de ses zones maritimes ⎯ qu’il s’agisse de la mer territoriale, de la ZEE ou du plateau continental, pour ne nommer que celles-là ⎯ sous réserve, bien sûr, d’une délimitation maritime. Le principe de la coégalité des zones maritimes est un élément nécessaire de la CNUDM, laquelle, selon son préambule, a pour but d’établir, « compte dûment tenu de la souveraineté de tous les États, un ordre juridique pour les mers et les océans ». La coégalité des zones maritimes, postulat de la convention, génère des chevauchements qui nécessitent une délimitation maritime. L’approche suivie par la majorité en la présente espèce est antithétique à la délimitation maritime, outil essentiel à l’« ordre juridique pour les mers et les océans », car elle envisage que le titre d’un État à une zone maritime puisse éteindre le titre d’un autre État à une zone maritime similaire.
6. L’arrêt mentionne au paragraphe 58 que, pour le Nicaragua, les décisions rendues dans les affaires relatives à la délimitation dans le golfe du Bengale ont posé le principe de la création d’une
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zone grise, dans laquelle les deux États « doivent coopérer » (Délimitation de la frontière maritime dans le golfe du Bengale (Bangladesh/Myanmar), arrêt, TIDM Recueil 2012, p. 64-68, par. 225-240 et Arbitrage concernant la frontière maritime dans le golfe du Bengale (Bangladesh c. Inde), sentence du 7 juillet 2014, RSA, vol. XXXII, p. 104-106, par. 336-346). Il est vrai qu’un tel résultat est brouillon en ce que l’un des États détient les droits souverains sur les eaux susjacentes tandis que l’autre les détient sur les fonds marins. Cependant, l’obligation de coopérer ne devrait pas être sous-estimée. Il ne faut pas oublier que l’un des buts des Nations Unies, comme l’indique le paragraphe 3 de l’article 1 de la Charte, est de « [r]éaliser la coopération internationale en résolvant les problèmes internationaux d’ordre économique, social, intellectuel ou humanitaire ». De fait, en 1945, l’un des grands espoirs de la communauté internationale était qu’après les atrocités de la deuxième guerre mondiale, l’ère de la souveraineté nationale serait remplacée par une ère de coopération internationale.
7. L’arrêt mentionne également que la Colombie mettait en avant le fait que la zone économique exclusive était née d’un compromis obtenu pendant la troisième conférence des Nations Unies sur le droit de la mer, qui tenait compte des propositions de pays en développement d’Amérique latine et d’Afrique. La Colombie rappelait à juste titre les caractéristiques générales de la ZEE, qui n’est ni la mer territoriale ni la haute mer, mais dans laquelle l’État côtier jouit de droits souverains exclusifs sur les ressources biologiques et non biologiques. L’arrêt cite l’argument de la défenderesse, à savoir qu’« une zone économique exclusive dont la colonne d’eau serait dissociée des fonds marins et de leur sous-sol ne serait plus une zone économique exclusive » (arrêt, par. 64). Mais l’on pourrait dire de la même manière qu’un plateau continental qui ne peut s’étendre jusqu’à moins de 200 milles marins des lignes de base d’un autre État, même s’il satisfait au critère scientifique du prolongement naturel, n’est plus un plateau continental. En outre, même si les États en développement ont eux-mêmes proposé le concept de la zone économique exclusive, ils n’entendaient pas pour autant renoncer aux bénéfices d’un plateau continental extérieur déterminé par le critère du prolongement naturel ; ce qui fut convenu, c’est que, s’agissant de l’exploitation des ressources non biologiques du plateau continental au-delà de 200 milles marins, une contribution serait versée à l’Autorité internationale des fonds marins pour être répartie entre les États parties à la convention, compte tenu des besoins des pays en développement, selon des critères de partage équitables (voir l’article 82 de la CNUDM).
8. La majorité fait valoir deux arguments principaux pour conclure qu’« en droit international coutumier, le droit d’un État à un plateau continental au-delà de 200 milles marins des lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de sa mer territoriale ne peut pas s’étendre à des espaces maritimes en deçà de 200 milles marins des lignes de base d’un autre État » (arrêt, par. 79). Le premier argument est qu’il existerait en droit international coutumier une règle interdisant que le plateau continental extérieur d’un État s’étende jusqu’à moins de 200 milles marins des lignes de base d’un autre État.
LE PREMIER ARGUMENT PRINCIPAL : IL EXISTE UNE RÈGLE DE DROIT INTERNATIONAL COUTUMIER
9. Dans les affaires du Plateau continental de la mer du Nord de 1969, la Cour a déclaré que le droit international coutumier comprend deux éléments : une pratique abondante et quasiment uniforme, et une opinio juris. La Commission du droit international, organe de l’Organisation des Nations Unies chargé de la codification et du développement progressif du droit international, a conclu que ces deux éléments doivent être établis séparément (voir ses projets de conclusion de 2018 sur la détermination du droit international coutumier, paragraphe 2 de la conclusion 3), et ce, pour éviter, certainement, que l’on ne soit tenté de simplement induire l’opinio juris de la pratique. Au paragraphe 8 de son commentaire du projet de conclusion 3, la Commission souligne que « l’existence d’un élément ne peut pas être déduite de la seule existence de l’autre » ; or, dans les
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circonstances de l’espèce, c’est précisément ce que fait l’arrêt : l’opinio juris est simplement déduite de la pratique existante de 39 États.
10. Dans l’affaire du Lotus, la Cour permanente de Justice internationale avait conclu que la pratique de l’abstention n’était pas en soi suffisante pour constituer une règle de droit international coutumier ; une preuve distincte d’opinio juris, c’est-à-dire une preuve que la pratique était motivée par un sentiment d’obligation juridique, était nécessaire (voir affaire du « Lotus », arrêt no 9, 1927, C.P.J.I. série A no 10, p. 28). Pour reprendre les termes de la Cour permanente, « c’est seulement si l’abstention était motivée par la conscience [des États] d’un devoir de s’abstenir que l’on pourrait parler de coutume internationale » (ibid., p. 28). On ne peut présumer qu’un État qui s’abstient est mû par un sentiment d’obligation juridique. Même si une telle présomption existe, elle reste réfutable. Dans les circonstances de l’espèce, toute présomption d’opinio juris est réfutée par la possibilité évidente, comme on le verra ci-après, que la pratique consistant à s’abstenir soit explicable par des considérations autres qu’un sentiment d’obligation juridique.
11. À la lumière de ce qui précède, j’examinerai à présent les éléments de preuve relatifs, d’une part, à la pratique des États, et, d’autre part, à l’opinio juris.
12. Conformément au paragraphe 7 de l’article 76 de la CNUDM, l’État côtier doit fixer la limite extérieure de son plateau continental lorsque celui-ci s’étend au-delà de 200 milles marins des lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de la mer territoriale. Conformément au paragraphe 8 du même article, il doit communiquer des informations à ce sujet à la Commission des limites du plateau continental (ci-après la « Commission des limites »). Les éléments de preuve dont dispose la Cour montrent que la Commission des limites a été saisie de 55 demandes d’États côtiers qui pouvaient, pour des raisons géologiques ou géomorphologiques, revendiquer un plateau continental s’étendant jusque dans la zone de 200 milles marins d’autres États ; dans 51 de ces demandes, présentées par 39 États, l’État côtier concerné s’est abstenu de fixer des limites en deçà de 200 milles marins des lignes de base d’un autre État.
13. La Cour est certes fondée à conclure que, « [p]rise dans son ensemble, la pratique des États peut être considérée comme suffisamment répandue et uniforme aux fins de l’identification du droit international coutumier » (arrêt, par. 77). Il en est ainsi parce que les éléments de preuve montrent que, sur 43 États qui pouvaient revendiquer un plateau continental extérieur s’étendant en deçà de 200 milles marins des lignes de base d’un autre État, 39 ont choisi de ne pas le faire. Il existe donc bien une pratique susceptible d’être jugée suffisamment répandue et uniforme. Cependant, le raisonnement exposé dans l’arrêt s’effondre complètement en ce qui concerne l’élément de l’opinio juris.
14. La Cour conclut que la pratique des États devant la Commission des limites « révèle l’existence d’une opinio juris, même si cette pratique a pu être motivée en partie par des considérations autres qu’un sentiment d’obligation juridique » (arrêt, par. 77). Cette conclusion est risquée, car la possibilité d’autres considérations est inhérente à la pratique et la corrompt dans son ensemble, l’empêchant ainsi de constituer une opinio juris. Les preuves précises ou directes d’opinio juris dont dispose la Cour en l’espèce sont très rares, voire inexistantes. Cet élément-là sera déterminé, comme c’est le plus souvent le cas, par déduction à partir de toutes les circonstances pertinentes. Faute de preuve attestant clairement le contraire, il est tout simplement impossible, dans la présente affaire, de distinguer la pratique d’abstention qui est dûment motivée par un sentiment d’obligation juridique de celle qui ne l’est pas. Le Nicaragua faisait valoir que l’abstention des États « s’expliqu[ait] par des considérations autres qu’un sentiment d’obligation juridique, en particulier la volonté d’éviter que leur demande ne donne lieu à un différend, ce qui [aurait] am[ené] la
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Commission [des limites] à refuser de l’examiner » (arrêt, par. 57). De fait, il relevait qu’aucune des demandes à la Commission « n’indique directement ou même indirectement que les États concernés s’abstiennent d’empiéter sur la ZEE d’États tiers à raison de la primauté de la ZEE sur toute prétention à un plateau continental étendu »2. Il soulignait également, à propos des États ayant objecté aux demandes de quatre États qui revendiquaient un plateau continental extérieur s’étendant en deçà de 200 milles marins des lignes de base d’un autre État, qu’
« aucun d’entre eux n’a[vait] allégué dans sa protestation qu’il exist[â]t une règle du droit international coutumier accordant automatiquement la primauté à la ZEE ou au plateau continental de 200 milles marins d’un État par rapport au plateau continental étendu d’un autre État ou éteignant toute prétention à un plateau continental étendu chevauchant la ZEE ou le plateau continental de 200 milles marins d’un autre État »3.
15. La procédure devant la Commission des limites décrite au paragraphe 8 de l’article 76 de la CNUDM revêt une importance particulière pour l’État côtier. Ce paragraphe dispose que la Commission, après avoir reçu de l’État côtier les informations voulues, formule des recommandations sur les questions concernant la fixation des limites extérieures du plateau continental. Il précise, dans sa dernière phrase, que « [l]es limites fixées par un État côtier sur la base de ces recommandations sont définitives et de caractère obligatoire ». Tout État côtier voudrait être en mesure de fixer pour son plateau continental des limites qui soient définitives et de caractère obligatoire. Tout État côtier a donc intérêt à éviter de faire quoi que ce soit qui empêcherait la Commission de formuler des recommandations sur la base des informations qu’il lui a communiquées ⎯ ce qui se produirait par exemple dans la situation visée à l’alinéa a) de l’article 5 de l’annexe I du règlement intérieur de la Commission : « [d]ans le cas où il existe un différend terrestre ou maritime, la Commission n’examine pas la demande présentée par un État partie à ce différend et ne se prononce pas sur cette demande ».
16. Il est donc probable que la raison pour laquelle les États s’abstiennent est la possibilité très réelle que la revendication par un État d’un plateau continental extérieur s’étendant en deçà de 200 milles marins des lignes de base d’un autre État suscite des objections, faisant naître un différend, et empêchant ainsi la Commission des limites d’examiner la demande ou de se prononcer à son sujet. Nous savons que c’est ce qui s’est produit pour les quatre États qui avaient revendiqué une telle extension. Il y a eu des protestations, et conformément à l’alinéa a) de l’article 5 de l’annexe I de son règlement intérieur, la Commission n’aura pas traité leurs demandes4.
17. La possibilité que l’abstention s’explique par des considérations autres que juridiques est donc bien réelle dans les circonstances de l’espèce, et c’est une possibilité qui touche chacune des demandes des 39 États. Elle ne concerne pas une partie seulement de ces demandes, comme il est dit dans l’arrêt, car toutes peuvent avoir été motivées par d’autres considérations qu’un sentiment d’obligation juridique. En outre, il est frappant que la Cour, lorsqu’elle rappelle l’argument du Nicaragua au paragraphe 57 de l’arrêt, mentionne « en particulier la volonté d’éviter que leur demande ne donne lieu à un différend, ce qui amènerait la Commission à refuser de l’examiner » (les italiques sont de moi). Il peut donc y avoir eu d’autres cas encore où la demande à la Commission des limites était motivée par des considérations autres qu’un sentiment d’obligation juridique. Fait
2 Voir observations écrites du Nicaragua sur la réponse de la Colombie à la question posée à cette dernière par le juge Robinson (NICOLB 2022/29), p. 3, par. 15.
3 Ibid., p. 5, par. 22.
4 Il apparaît sur le site Internet de la Commission des limites du plateau continental que celle-ci n’a pas fait de recommandations concernant ces quatre demandes (présentées par la Chine, la Somalie, le Nicaragua et la République de Corée).
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notable, s’il est fait référence à cet argument du Nicaragua au paragraphe 57 de l’arrêt, l’analyse qui suit n’en fait plus aucune mention (voir les paragraphes 68-79).
18. L’arrêt accorde un grand poids à l’affaire du golfe du Maine pour étayer la conclusion qu’
« étant donné son ampleur sur une longue période, cette pratique étatique peut être considérée comme l’expression de l’opinio juris, qui est un élément constitutif du droit international coutumier. En effet, cet élément peut être démontré “par voie d’induction en partant de l’analyse d’une pratique suffisamment étoffée et convaincante” (Délimitation de la frontière maritime dans la région du golfe du Maine (Canada/États-Unis d’Amérique), arrêt, C.I.J. Recueil 1984, p. 299, par. 111). » (Arrêt, par. 77.)
Dans la citation tirée de l’affaire du golfe du Maine, il manque la fin de la phrase : «… et non pas par voie de déduction en partant d’idées préconstituées à priori ».
19. Le contexte dans lequel a été fait ce constat dans l’affaire du golfe du Maine est complètement différent de celui de l’espèce. L’arrêt a été rendu en 1984, à une époque où les règles coutumières du droit de la mer n’étaient pas aussi développées qu’aujourd’hui. Dans cette instance, la Cour reprochait aux parties d’adopter des positions traduisant une approche a priori et préconçue plutôt qu’« une démonstration convaincante de l’existence des règles qu’on avait espéré trouver établies par le droit international » (Délimitation de la frontière maritime dans la région du golfe du Maine (Canada/États-Unis d’Amérique), arrêt, C.I.J. Recueil 1984, p. 298, par. 109). Il n’y a rien de nouveau ni d’étonnant dans l’approche suivie par la Cour dans l’affaire du golfe du Maine ; elle relève du bon sens, l’approche empirique étant généralement préférable à celle qui repose sur des notions a priori et préconçues. Point n’est besoin de se réclamer du dictum du golfe du Maine pour démontrer qu’une opinio juris peut être déduite d’une pratique étatique suffisamment étoffée et convaincante. L’arrêt de la Cour en la présente affaire pèche en ce que, dans les circonstances particulières de l’espèce, rien ne permet de déduire une opinio juris de la pratique étatique invoquée.
20. Même à supposer que le dictum du golfe du Maine s’applique en l’espèce, la pratique étatique invoquée ne serait considérée comme l’expression de l’opinio juris que si elle était « suffisamment étoffée et convaincante ». La pratique de 39 États, même si elle est suffisamment étoffée, ne saurait établir l’élément de l’opinio juris, parce qu’elle n’est pas convaincante. Une pratique susceptible d’être motivée par des considérations autres qu’un sentiment d’obligation juridique, comme c’est le cas ici, peut difficilement être qualifiée de convaincante. Par conséquent, le dictum du golfe du Maine n’est d’aucune utilité pour la majorité.
LE SECOND ARGUMENT PRINCIPAL : L’ARTICLE 82 PERDRAIT SA RAISON D’ÊTRE
21. Le second argument principal avancé par la majorité à l’appui de son approche est que l’article 82 de la CNUDM perdrait son sens, voire sa raison d’être, si le plateau continental extérieur auquel un État peut prétendre pouvait s’étendre jusqu’en deçà de 200 milles marins des lignes de base d’un autre État (arrêt, par. 76). L’article 82 faisait partie du compromis auquel sont parvenus les États parties à l’issue de négociations sur une définition du plateau continental qui inclurait les plateaux continentaux s’étendant au-delà de 200 milles marins des lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de la mer territoriale. Une telle définition était demandée par les États dotés d’une large marge continentale. L’article 82 reflète cependant le prix que ces États ont payé pour cette concession. Il s’intitule « Contributions en espèces ou en nature au titre de l’exploitation du plateau continental au-delà de 200 milles marins », et dispose au paragraphe 1 que « [l]’État côtier
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acquitte des contributions en espèces ou en nature au titre de l’exploitation des ressources non biologiques du plateau continental au-delà de 200 milles marins des lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de la mer territoriale ». Rien dans l’intitulé ni dans le paragraphe 1 n’interdit que des contributions soient versées au titre de l’exploitation des ressources non biologiques du plateau continental extérieur d’un État côtier au-delà de 200 milles marins lorsque ce plateau s’étend jusqu’à moins de 200 milles marins des lignes de base d’un autre État. La seule exigence de l’article 82 est qu’il s’agisse de l’exploitation des ressources non biologiques du plateau continental au-delà de 200 milles marins des lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de la mer territoriale. Il est inexact d’affirmer, comme le fait la majorité au paragraphe 76, qu’une contribution ne servirait pas l’objectif de cette disposition dans le cas où le plateau continental extérieur d’un État s’étend en deçà de 200 milles marins des lignes de base d’un autre État. Il ressort clairement d’une lecture ordinaire de l’intitulé et du paragraphe 1 de l’article 82 que la contribution est toujours due dès lors qu’il y a exploitation des ressources non biologiques du plateau continental au-delà de 200 milles marins des lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de la mer territoriale ; dans tous les cas, les contributions « s’effectuent par le canal de l’Autorité, qui les répartit entre les États parties selon des critères de partage équitables, compte tenu des intérêts et besoins des États en développement, en particulier des États en développement les moins avancés ou sans littoral » (CNUDM, art. 82, par. 4).
22. La conclusion à laquelle parvient la majorité, à savoir qu’il existe un lien entre l’article 82 et le principe du patrimoine commun de l’humanité, n’est pas partagée par l’Autorité internationale des fonds marins, qui fait observer dans son étude technique no 4 que
« même si elles bénéficient aux États parties à la Convention, les contributions en espèces ou en nature prévues à l’article 82 ne constituent pas une application du principe du patrimoine commun. Il en est ainsi parce que le plateau continental extérieur et ses ressources sont soumis aux droits souverains de l’État côtier et dissociés du principe du patrimoine commun. » (Autorité internationale des fonds marins, Issues Associated with the Implementation of Article 82 of the United Nations Convention on the Law of the Sea, ISA Technical Study No. 4, Kingston, Jamaïque, p. 23.)
L’objectif de l’article 82, qui est d’assurer une répartition équitable des contributions entre les États parties à la convention, compte tenu des besoins des pays en développement, peut donc être atteint dans une situation où le plateau continental extérieur d’un État empiète sur les 200 milles marins de la zone économique exclusive et du plateau continental d’un autre État.
23. Au vu de ce qui précède, il apparaît que la majorité n’a pas établi que, en droit international coutumier, le plateau continental extérieur d’un État ne puisse pas s’étendre en deçà de 200 milles marins des lignes de base d’un autre État ; par conséquent, la Cour aurait dû faire droit à la demande de délimitation maritime du Nicaragua.
(Signé) Patrick L. ROBINSON.
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ANNEXE À L’OPINION DISSIDENTE DE M. LE JUGE ROBINSON
1. L’article 56 de la convention des Nations Unies sur le droit de la mer dispose ce qui suit :
« 1. Dans la zone économique exclusive, l’État côtier a :
a) des droits souverains aux fins d’exploration et d’exploitation, de conservation et de gestion des ressources naturelles, biologiques ou non biologiques, des eaux surjacentes aux fonds marins, des fonds marins et de leur sous-sol, ainsi qu’en ce qui concerne d’autres activités tendant à l’exploration et à l’exploitation de la zone à des fins économiques, telles que la production d’énergie à partir de l’eau, des courants et des vents ;
b) juridiction, conformément aux dispositions pertinentes de la Convention, en ce qui concerne :
i) la mise en place et l’utilisation d’îles artificielles, d’installations et d’ouvrages ;
ii) la recherche scientifique marine ;
iii) la protection et la préservation du milieu marin ;
c) les autres droits et obligations prévus par la Convention.
2. Lorsque, dans la zone économique exclusive, il exerce ses droits et s’acquitte de ses obligations en vertu de la Convention, l’État côtier tient dûment compte des droits et des obligations des autres États et agit d’une manière compatible avec la Convention.
3. Les droits relatifs aux fonds marins et à leur sous-sol énoncés dans le présent article s’exercent conformément à la partie VI. »
2. L’article 76 de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer dispose ce qui suit :
« 1. Le plateau continental d’un État côtier comprend les fonds marins et leur sous-sol au-delà de sa mer territoriale, sur toute l’étendue du prolongement naturel du territoire terrestre de cet État jusqu’au rebord externe de la marge continentale, ou jusqu’à 200 milles marins des lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de la mer territoriale, lorsque le rebord externe de la marge continentale se trouve à une distance inférieure.
2. Le plateau continental ne s’étend pas au-delà des limites prévues aux paragraphes 4 à 6.
3. La marge continentale est le prolongement immergé de la masse terrestre de l’État côtier ; elle est constituée par les fonds marins correspondant au plateau, au talus et au glacis ainsi que leur sous-sol. Elle ne comprend ni les grands fonds des océans, avec leurs dorsales océaniques, ni leur sous-sol.
4. a) Aux fins de la Convention, l’État côtier définit le rebord externe de la marge continentale, lorsque celle-ci s’étend au-delà de 200 milles marins des lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de la mer territoriale, par :
i) Une ligne tracée conformément au paragraphe 7 par référence aux points fixes extrêmes où l’épaisseur des roches sédimentaires est égale au centième au moins de la distance entre le point considéré et le pied du talus continental ; ou
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ii) Une ligne tracée conformément au paragraphe 7 par référence à des points fixes situés à 60 milles marins au plus du pied du talus continental.
b) Sauf preuve du contraire, le pied du talus continental coïncide avec la rupture de pente la plus marquée à la base du talus.
5. Les points fixes qui définissent la ligne marquant, sur les fonds marins, la limite extérieure du plateau continental, tracée conformément au paragraphe 4, lettre a), i) et ii), sont situés soit à une distance n’excédant pas 350 milles marins des lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de la mer territoriale, soit à une distance n’excédant pas 100 milles marins de l’isobathe de 2 500 mètres, qui est la ligne reliant les points de 2 500 mètres de profondeur.
6. Nonobstant le paragraphe 5, sur une dorsale sous-marine, la limite extérieure du plateau continental ne dépasse pas une ligne tracée à 350 milles marins des lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de la mer territoriale. Le présent paragraphe ne s’applique pas aux hauts-fonds qui constituent des éléments naturels de la marge continentale, tels que les plateaux, seuils, crètes, bancs ou éperons qu’elle comporte.
7. L’État côtier fixe la limite extérieure de son plateau continental, quand ce plateau s’étend au-delà de 200 milles marins des lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de la mer territoriale, en reliant par des droites d’une longueur n’excédant pas 60 milles marins des points fixes définis par des coordonnées en longitude et en latitude.
8. L’État côtier communique des informations sur les limites de son plateau continental, lorsque celui-ci s’étend au-delà de 200 milles marins des lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de la mer territoriale, à la Commission des limites du plateau continental constituée en vertu de l’annexe II sur la base d’une représentation géographique équitable. La Commission adresse aux États côtiers des recommandations sur les questions concernant la fixation des limites extérieures de leur plateau continental. Les limites fixées par un État côtier sur la base de ces recommandations sont définitives et de caractère obligatoire.
9. L’État côtier remet au Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies les cartes et renseignements pertinents, y compris les données géodésiques, qui indiquent de façon permanente la limite extérieure de son plateau continental. Le Secrétaire général donne à ces documents la publicité voulue.
10. Le présent article ne préjuge pas de la question de la délimitation du plateau continental entre des États dont les côtes sont adjacentes ou se font face. »
3. L’article 77 de la convention des Nations Unies sur le droit de la mer dispose ce qui suit :
« 1. L’État côtier exerce des droits souverains sur le plateau continental aux fins de son exploration et de l’exploitation de ses ressources naturelles.
2. Les droits visés au paragraphe 1 sont exclusifs en ce sens que si l’État côtier n’explore pas le plateau continental ou n’en exploite pas les ressources naturelles, nul ne peut entreprendre de telles activités sans son consentement exprès.
3. Les droits de l’État côtier sur le plateau continental sont indépendants de l’occupation effective ou fictive, aussi bien que de toute proclamation expresse.
- 10 -
4. Les ressources naturelles visées dans la présente partie comprennent les ressources minérales et autres ressources non biologiques des fonds marins et de leur sous-sol, ainsi que les organismes vivants qui appartiennent aux espèces sédentaires, c’est-à-dire les organismes qui, au stade où ils peuvent être pêchés, sont soit immobiles sur le fond ou au-dessous du fond, soit incapables de se déplacer autrement qu’en restant constamment en contact avec le fond ou le sous-sol. »
___________

Bilingual Content

515
DISSENTING OPINION OF JUDGE ROBINSON
General Considerations
1. Much of law is about reasonableness. The unreasonableness in the
approach of the majority is revealed in their conclusion that “even if a
State can demonstrate that it is entitled to an extended continental shelf, that
entitlement may not extend within 200 nautical miles from the baselines of
another State” (Judgment, para. 81). Thus, even if a State establishes that its
outer continental shelf meets the criteria for natural prolongation, according
to the majority it cannot benefit from the full extent of its shelf  that is, it
cannot extend within 200 nautical miles of the baselines of another State1.
Ordinarily, a coastal State would benefit from the full extent of such a shelf,
subject, of course, to the application of Article 83 on maritime delimitation.
The proposition in paragraph 81 is an extraordinary one, and it finds no
support in the 1982 United Nations Convention on the Law of the Sea
(UNCLOS) or in customary international law; it strikes a jangling,
discordant note in the otherwise harmonious relationship between the
various maritime zones in the law of the sea. Regrettably, the majority
judgment fails to substantiate its proposition, which assumes that a coastal
State’s 200-nautical-mile exclusive economic zone (EEZ) with its attendant
distance-determined continental shelf has priority over another State’s
outer continental shelf based on natural prolongation. In that regard, it is
to be noted that Article 77 of the Convention, which reflects customary
international law, in setting out the rights of the State over the continental
shelf, does not distinguish between a shelf that is based on natural prolongation
and a shelf that is distance-determined. A coastal State enjoys the same
sovereign rights in respect of its continental shelf, whether in relation to a
natural prolongation-determined shelf or a distance-determined shelf. The
relevant provisions of UNCLOS are set out in the Annex to this opinion. It
is important to note that these provisions reflect customary international
law; they are applicable in the current case because, unlike Nicaragua,
Colombia is not a party to UNCLOS.
1 I agree with the point concerning nomenclature made by the arbitral tribunal in the case
between Barbados and the Republic of Trinidad and Tobago. The tribunal observed that it is
more correct to speak of an “outer continental shelf” than an “extended continental shelf”
“since the continental shelf is not being extended”. This opinion will therefore use the term
“outer continental shelf” (Arbitration between Barbados and the Republic of Trinidad and
Tobago, Award of 11 April 2006, United Nations, Reports of International Arbitral Awards
(RIAA), Vol. XXVII, p. 165, para. 65, fn. 4).
515
OPINION DISSIDENTE DE M. LE JUGE ROBINSON
[Traduction]
Considérations générales
1. Le droit a beaucoup à voir avec la raison. Le caractère déraisonnable de
l’approche suivie par la majorité apparaît dans la conclusion à laquelle celle-ci
parvient, déclarant que, « même si un État peut démontrer qu’il a droit à un plateau
continental étendu, celui-ci ne peut se prolonger jusqu’à moins de
200 milles marins des lignes de base d’un autre État » (arrêt, par. 81). Ainsi,
même si un État démontre que son plateau continental extérieur satisfait au
critère du prolongement naturel, il ne peut, selon la majorité, jouir de toute
l’étendue de ce plateau, celui-ci ne pouvant s’étendre en deçà de 200 milles
marins des lignes de base d’un autre État1. Normalement, un État côtier jouit
de toute l’étendue de son plateau continental extérieur, sous réserve, bien sûr,
de l’application des dispositions relatives à la délimitation maritime contenues
à l’article 83 de la convention des Nations Unies sur le droit de la mer (CNUDM).
La proposition au paragraphe 81 est extraordinaire et ne trouve aucun appui
dans la convention ni dans le droit international coutumier ; elle donne un tour
incongru et discordant à la relation par ailleurs harmonieuse que le droit de la
mer établit entre les différentes zones maritimes. Regrettablement, la majorité
n’a pas étayé dans l’arrêt cette proposition, qui suppose que la zone économique
exclusive (ZEE) de 200 milles marins d’un État côtier, avec son plateau
continental correspondant délimité par le critère de la distance, prime sur le
plateau continental extérieur d’un autre État fondé sur le critère du prolongement
naturel. À cet égard, il convient de noter que l’article 77 de la convention,
qui reflète le droit international coutumier, ne fait pas de distinction entre le
plateau continental qui est déterminé par le prolongement naturel et celui qui
est déterminé par la distance, lorsqu’il énonce les droits que possède un État
sur cet espace. L’État côtier jouit des mêmes droits souverains sur son plateau
continental, que celui-ci soit fondé sur le critère du prolongement naturel ou
sur le critère de la distance. Les dispositions de la CNUDM pertinentes sont
jointes en annexe à la présente opinion. Il est important de rappeler qu’elles
reflètent le droit international coutumier ; elles s’appliquent en l’espèce, car la
Colombie, contrairement au Nicaragua, n’est pas partie à la convention.
1 Je souscris à la remarque sur la nomenclature faite par le tribunal arbitral en l’affaire
Barbade/Trinité-et-Tobago, à savoir qu’il convient de parler de plateau continental « extérieur
» plutôt qu’« étendu » puisque « l’on ne procède pas à une extension du plateau continental »
(Arbitrage entre la Barbade et la République de Trinité-et-Tobago, sentence du 11 avril 2006,
Nations Unies, Recueil des sentences arbitrales (RSA), vol. XXVII, p. 165, par. 65, n. 4). J’emploierai
donc l’expression « plateau continental extérieur » dans la présente opinion.
516
delimitation of the continental shelf (diss. op. robinson)
2. The Judgment does not establish that, under customary international
law, there is a hierarchical relationship between continental shelf entitlements
based on the criteria of natural prolongation and distance set out in
Article 76 (1) of the Convention. The majority’s negative response to the first
question requires a demonstration that there is an intrinsic, inherent limitation
on the extent of a State’s continental shelf entitlement based on the
criterion of natural prolongation. Under customary international law, there is
no inherent limitation on the extent of a State’s continental shelf beyond
200 nautical miles such that it cannot extend into a neighbouring coastal
State’s exclusive economic zone with its attendant continental shelf. In
effect, the Judgment has denied a coastal State the full benefit of the natural
prolongation criterion in Article 76 (1) of the Convention, which reflects customary
international law. The position taken by the majority is all the more
strange given that in the Tunisia/Libya case, the Court concluded that
“[a]ccording to the first part of paragraph 1 the natural prolongation of the
land territory is the main criterion” (Continental Shelf (Tunisia/Libyan
Arab Jamahiriya), Judgment, I.C.J. Reports 1982, p. 48, para. 47). It must
be emphasized, however, that, in that case, the Court did not suggest that
there was a hierarchy between the criterion of natural prolongation and the
criterion of distance.
3. The Judgment fails to identify any quality or element in title to a
distance-determined continental shelf that would make it prevail over title to
a shelf based on natural prolongation.
4. In Guinea/Guinea-Bissau, the question of the relationship between the
two criteria in Article 76 was considered. In that case, speaking of the distance
criterion in Article 76 (1), the tribunal held that
“[t]his second rule for determining the continental shelf by reference to
distance, without derogating from the rule of natural prolongation,
reduces its scope by substituting it in certain circumstances specified in
the above-mentioned paragraph of Article 76 of the 1982 Convention,
and through the other provisions of that Article” (Delimitation of the
Maritime Boundary between Guinea and Guinea-Bissau (Guinea/
Guinea-Bissau), 1985, International Law Reports (ILR), Vol. 77, p. 686,
para. 115).
What is significant here is that the tribunal emphasizes that the distance criterion
does not derogate from the rule of natural prolongation, and then
states that there are “therefore two rules between which there is neither priority
nor precedence” (ibid., para. 116). It is, of course, true that this decision
did not address the precise circumstances of the present case. However, the
statement of law that there is neither priority nor precedence between the
two criteria is, in principle, beyond question.
5. Since, under Article 76 of UNCLOS, title to a continental shelf based
on natural prolongation is co-equal with title to a continental shelf based on
délimitation du plateau continental (op. diss. robinson) 516
2. L’arrêt n’établit pas l’existence, en droit international coutumier, d’une
relation hiérarchique entre les plateaux continentaux pouvant être revendiqués
sur le fondement des critères du prolongement naturel et de la distance
énoncés au paragraphe 1 de l’article 76 de la CNUDM. En répondant par
la négative à la première question formulée par la Cour, la majorité devait
démontrer qu’il existe une limite intrinsèque et inhérente à l’étendue du
plateau continental auquel un État peut prétendre au titre du prolongement
naturel. En droit international coutumier, il n’existe pas de limite intrinsèque
à l’étendue du plateau continental d’un État au-delà de 200 milles marins,
qui empêcherait ce plateau de s’étendre à la zone économique exclusive et
au plateau continental correspondant d’un État côtier voisin. En pratique,
l’arrêt prive un État côtier de la possibilité de tirer pleinement parti du
critère du prolongement naturel énoncé au paragraphe 1 de l’article 76 de la
convention, lequel reflète le droit international coutumier. La position de la
majorité est d’autant plus étrange que la Cour, dans l’affaire du Plateau
continental (Tunisie/Jamahiriya arabe libyenne), avait conclu que, « [d]’après
la première partie du paragraphe 1, c’est le prolongement naturel du territoire
terrestre qui est le critère principal » (arrêt, C.I.J. Recueil 1982, p. 48,
par. 47). Soulignons cependant que, dans cette affaire-là, la Cour n’avait pas
laissé entendre qu’il existât une hiérarchie entre le critère du prolongement
naturel et celui de la distance.
3. L’arrêt ne mentionne aucun élément ou qualité du titre à un plateau
continental déterminé par la distance qui en justifierait la primauté sur le
titre à un plateau continental déterminé par le prolongement naturel.
4. Dans l’arbitrage Guinée/Guinée-Bissau, la question de la relation entre
les deux critères du paragraphe 1 de l’article 76 fut examinée. Au sujet du
critère de la distance, le tribunal a déclaré que
« [c]ette seconde règle de détermination du plateau continental par référence
à une distance, sans porter atteinte à la règle du prolongement
naturel, diminue sa portée en se substituant à elle dans certaines circonstances
précisées par le paragraphe précité de l’article 76 de la
convention de 1982 et par les autres dispositions de cet article » (Délimitation
de la frontière maritime entre la Guinée et la Guinée-Bissau
(Guinée/Guinée-Bissau), 1985, Nations Unies, RSA, vol. XIX, p. 149,
par. 115).
Ce qui est significatif ici, c’est que le tribunal souligne que la règle de la distance
n’annule pas celle du prolongement naturel, ajoutant qu’il y a « ainsi
deux règles entre lesquelles il n’y a ni priorité ni hiérarchie » (ibid., par. 116).
Certes, cette décision ne concernait pas les circonstances précises de la présente
instance, mais si un tribunal a établi qu’il n’y a pas de priorité ou de
hiérarchie entre les deux critères, cette conclusion ne saurait, en principe,
être remise en question.
5. Étant donné que, selon l’article 76 de la CNUDM, le titre à un plateau
continental fondé sur le prolongement naturel est coégal au titre à un plateau
517 delimitation of the continental shelf (diss. op. robinson)
distance, a continental shelf based on natural prolongation that overlaps with
a shelf based on distance is as amenable to delimitation as overlapping continental
shelves based on natural prolongation or distance. Indeed, there is
scholarly writing that Article 83 on the delimitation of the continental shelf
“confirms that no distinction is made between the continental shelf within
and beyond 200 nautical miles” (see Xuexia Liao, “Is There a Hierarchical
Relationship between Natural Prolongation and Distance in the Continental
Shelf Delimitation?”, International Journal of Marine and Coastal Law,
2018, Vol. 33 (1), pp. 79-115); certainly, there is nothing in Article 83 to indicate
that it is not applicable to the delimitation of the maritime boundary
between the continental shelf of a coastal State beyond 200 nautical miles
from the relevant baselines and the continental shelf of another State within
200 nautical miles from the relevant baselines. Indeed, the Convention must
be seen as proceeding on the basis of co-equality between title to a continental
shelf based on natural prolongation and title based on distance. Since
there is co-equality, one title cannot extinguish the other title because both
titles have the same valency; consequently, there may be an overlap, in which
case maritime delimitation under Article 83 comes into play. More generally,
this is also true of the relationship between the maritime zone of one
State and a similar maritime zone of another State. Thus, the exclusive economic
zone of State A has the same valency as the exclusive economic zone
of State B, to which it is adjacent or opposite. The law of the sea is so configured
that a coastal State benefits from the full extent of its maritime
zones — whether territorial sea, exclusive economic zone or continental
shelf, to name a few — subject, of course, to maritime delimitation. The
principle of co-equality of maritime zones is a necessary feature of the Convention,
whose aim is to establish, “with due regard for the sovereignty of all
States, a legal order for the seas and oceans” (UNCLOS, preamble).
Co-equality of maritime zones, an assumption of the Convention, gives rise
to overlapping entitlements which call for maritime delimitation. The
approach of the majority is antithetical to maritime delimitation, a tool
essential for the “legal order for the seas and oceans”, because that approach
sees title to the maritime zone of one State extinguishing title to a similar
maritime zone of another State.
6. The Judgment in paragraph 58 cites Nicaragua’s submission that the
decision in the Bay of Bengal cases means that a grey area is created in
which the two States “must co-operate” (Delimitation of the Maritime
Boundary in the Bay of Bengal (Bangladesh/Myanmar), Judgment, ITLOS
Reports 2012, pp. 64-68, paras. 225-240; Bay of Bengal Maritime Boundary
Arbitration (Bangladesh v. India), Award of 7 July 2014, RIAA, Vol. XXXII,
pp. 104-106, paras. 336-346). It is true that this result is untidy since one
State has sovereign rights over the superjacent waters while another State
délimitation du plateau continental (op. diss. robinson) 517
continental fondé sur la distance, un plateau continental déterminé par le
prolongement naturel qui chevauche un plateau continental déterminé par la
distance se prête autant à la délimitation que des plateaux continentaux fondés
sur l’un ou l’autre critère qui se chevaucheraient aussi. Certains auteurs
considèrent d’ailleurs que l’article 83 relatif à la délimitation entre plateaux
continentaux « confirme qu’aucune distinction n’est faite entre le plateau
continental en deçà et au-delà de 200 milles marins » (voir Xuexia Liao, « Is
There a Hierarchical Relationship between Natural Prolongation and Distance
in the Continental Shelf Delimitation? », International Journal of
Marine and Coastal Law, 2018, vol. 33, n° 1, p. 79-115) ; assurément rien
dans l’article 83 n’indique que celui-ci ne serait pas applicable à la délimitation
de la frontière maritime entre le plateau continental d’un État côtier
s’étendant au-delà de 200 milles marins des lignes de base pertinentes et le
plateau continental d’un autre État s’étendant jusqu’à 200 milles marins des
lignes de base pertinentes. De fait, la convention doit être comprise comme
opérant sur la base d’une coégalité entre le titre à un plateau continental
fondé sur le prolongement naturel et le titre à un plateau continental fondé
sur la distance. Puisqu’il y a coégalité, un titre ne peut éteindre l’autre, tous
deux ayant la même valence ; il peut donc y avoir chevauchement, et dans
ce cas la délimitation maritime prévue à l’article 83 entre en jeu. Plus généralement,
il en va de même de la relation entre les zones maritimes similaires
de deux États. Ainsi, la zone économique exclusive d’un État A aura la
même valence que la zone économique exclusive d’un État B à laquelle
elle est adjacente ou opposée. Le droit de la mer est ainsi fait qu’un État
côtier jouit de toute l’étendue de ses zones maritimes  qu’il s’agisse de la
mer territoriale, de la ZEE ou du plateau continental, pour ne nommer que
celles-là  sous réserve, bien sûr, d’une délimitation maritime. Le principe
de la coégalité des zones maritimes est un élément nécessaire de la CNUDM,
laquelle, selon son préambule, a pour but d’établir, « compte dûment tenu
de la souveraineté de tous les États, un ordre juridique pour les mers et les
océans ». La coégalité des zones maritimes, postulat de la convention, génère
des chevauchements qui nécessitent une délimitation maritime. L’approche
suivie par la majorité en la présente espèce est antithétique à la délimitation
maritime, outil essentiel à l’« ordre juridique pour les mers et les océans »,
car elle envisage que le titre d’un État à une zone maritime puisse éteindre le
titre d’un autre État à une zone maritime similaire.
6. L’arrêt mentionne au paragraphe 58 que, pour le Nicaragua, les décisions
rendues dans les affaires relatives à la délimitation dans le golfe
du Bengale ont posé le principe de la création d’une zone grise, dans laquelle
les deux États « doivent coopérer » (Délimitation de la frontière maritime
dans le golfe du Bengale (Bangladesh/Myanmar), arrêt, TIDM Recueil 2012,
p. 64-68, par. 225-240 ; et Arbitrage concernant la frontière maritime dans
le golfe du Bengale (Bangladesh c. Inde), sentence du 7 juillet 2014,
RSA, vol. XXXII, p. 104-106, par. 336-346). Il est vrai qu’un tel résultat
518 delimitation of the continental shelf (diss. op. robinson)
has sovereign rights over the seabed. However the obligation to co-operate
should not be undervalued. It should not be overlooked that Article 1,
paragraph 3, of the Charter of the United Nations provides that one of the
purposes of the United Nations is “[t]o achieve international co-operation
in solving international problems of an economic, social, cultural, or humanitarian
character”. Indeed, in 1945, one of the great hopes of the international
community was that after the atrocities of the Second World War, the era
of national sovereignty would be replaced by an era of international cooperation.
7. The Judgment refers to Colombia’s submissions emphasizing that the
EEZ was the result of a compromise reached at the Conference and which
took into account proposals by developing Latin American and African
countries. Colombia is correct in outlining the general features of the EEZ,
which is neither territorial sea nor high sea, but in which the coastal State has
exclusive sovereign rights over the living and non-living resources. The
Judgment cites Colombia as contending “that an exclusive economic zone
the water column of which is divorced from the seabed and subsoil is no
longer an exclusive economic zone” (para. 64). However, by the same token,
it could be said that a continental shelf that may not extend within 200 nautical
miles of the baselines of another State, even though it satisfies the
scientific criteria for natural prolongation, is no longer a continental shelf.
Moreover, although the concept of the EEZ emanated from developing
States, it was not part of the bargain that they would surrender the benefits of
an outer continental shelf based on natural prolongation; the bargain was
that, in respect of the exploitation of the non-living resources of the continental
shelf beyond 200 nautical miles, a payment would be made to the International
Seabed Authority (ISA) to be distributed to States parties to the
Convention, taking into account the needs of developing States, on the basis
of equitable sharing criteria (see UNCLOS, Article 82).
8. The majority advance two main arguments for the conclusion that
“under customary international law, a State’s entitlement to a continental
shelf beyond 200 nautical miles from the baselines from which the
breadth of its territorial sea is measured may not extend within 200 nautical
miles from the baselines of another State” (Judgment, para. 79).
The first main argument is that, under customary international law, there is
a rule prohibiting a State’s outer continental shelf from extending within
200 nautical miles from the baselines of another State.
délimitation du plateau continental (op. diss. robinson) 518
est brouillon en ce que l’un des États détient les droits souverains sur les
eaux susjacentes tandis que l’autre les détient sur les fonds marins. Cependant,
l’obligation de coopérer ne devrait pas être sous-estimée. Il ne faut pas
oublier que l’un des buts des Nations Unies, comme l’indique le paragraphe 3
de l’article 1 de la Charte, est de « [r]éaliser la coopération internationale en
résolvant les problèmes internationaux d’ordre économique, social, intellectuel
ou humanitaire ». De fait, en 1945, l’un des grands espoirs de la
communauté internationale était que, après les atrocités de la seconde guerre
mondiale, l’ère de la souveraineté nationale serait remplacée par une ère de
coopération internationale.
7. L’arrêt mentionne également que la Colombie mettait en avant le fait que
la zone économique exclusive était née d’un compromis obtenu pendant la
troisième conférence des Nations Unies sur le droit de la mer, qui tenait
compte des propositions de pays en développement d’Amérique latine et
d’Afrique. La Colombie rappelait à juste titre les caractéristiques générales
de la ZEE, qui n’est ni la mer territoriale ni la haute mer, mais dans laquelle
l’État côtier jouit de droits souverains exclusifs sur les ressources biologiques
et non biologiques. L’arrêt cite l’argument de la défenderesse, à savoir
qu’« une zone économique exclusive dont la colonne d’eau serait dissociée
des fonds marins et de leur sous-sol ne serait plus une zone économique
exclusive » (arrêt, par. 64). Mais l’on pourrait dire de la même manière qu’un
plateau continental qui ne peut s’étendre jusqu’à moins de 200 milles marins
des lignes de base d’un autre État, même s’il satisfait au critère scientifique
du prolongement naturel, n’est plus un plateau continental. En outre, même
si les États en développement ont eux-mêmes proposé le concept de la
zone économique exclusive, ils n’entendaient pas pour autant renoncer
aux bénéfices d’un plateau continental extérieur déterminé par le critère du
prolongement naturel ; ce qui fut convenu, c’est que, s’agissant de l’exploitation
des ressources non biologiques du plateau continental au-delà de
200 milles marins, une contribution serait versée à l’Autorité internationale
des fonds marins pour être répartie entre les États parties à la convention,
compte tenu des besoins des pays en développement, selon des critères de
partage équitables (voir l’article 82 de la CNUDM).
8. La majorité fait valoir deux arguments principaux pour conclure
que,
« en droit international coutumier, le droit d’un État à un plateau
continental audelà de 200 milles marins des lignes de base à partir
desquelles est mesurée la largeur de sa mer territoriale ne peut pas
s’étendre à des espaces maritimes en deçà de 200 milles marins des
lignes de base d’un autre État » (arrêt, par. 79).
Le premier argument est qu’il existerait en droit international coutumier
une règle interdisant que le plateau continental extérieur d’un État s’étende
jusqu’à moins de 200 milles marins des lignes de base d’un autre État.
519 delimitation of the continental shelf (diss. op. robinson)
The First Main Argument:
There Is a Rule of Customary International Law
9. In the 1969 North Sea Continental Shelf cases, the Court held that customary
international law had two elements: extensive and virtually uniform
practice, and opinio juris. The International Law Commission (ILC), the
United Nations body charged with the responsibility of the codification and
progressive development of international law, has concluded that these two
elements must be separately determined (see the ILC’s 2018 Draft conclusions
on identification of customary international law, Conclusion 3,
paragraph 2), no doubt to guard against the temptation of simply snatching
opinio juris from practice. Paragraph 8 of the ILC’s draft Commentary on its
Conclusion 3 emphasizes that “the existence of one element may not be
deduced merely from the existence of the other”; but, in the circumstances
of this case, this is precisely what the Judgment does: it deduces opinio juris
merely from the existing practice of 39 States.
10. In the Lotus case, the Permanent Court of International Justice (PCIJ)
found that the practice of abstention was, by itself, not sufficient to constitute
customary international law; it was necessary to provide separately evidence
of opinio juris, that is evidence that the practice was prompted by a sense of
legal obligation (see “Lotus”, Judgment No. 9, 1927, P.C.I.J., Series A,
No. 10, p. 28). In the words of the PCIJ, “for only if such abstention were
based on [States] being conscious of having a duty to abstain would it be possible
to speak of an international custom” (ibid., p. 28). There can be no
presumption that a State’s abstention is motivated by a legal obligation. Even
if there is such a presumption, it must be one that is rebuttable. In the circumstances
of this case, any presumption of opinio juris is rebutted by the very
clear possibility, as set out below, that the practice of self-constraint may be
explained by considerations other than a sense of legal obligation.
11. Against this background, the opinion now proceeds to examine, first,
the evidence relating to State practice and, secondly, the evidence relating to
opinio juris.
12. Article 76, paragraph 7, requires the coastal State to delineate the outer
limits of its continental shelf beyond 200 nautical miles from the baselines
from which the breadth of the territorial sea is measured. Article 76, paragraph
8, requires the coastal State to submit to the Commission on the
Limits of the Continental Shelf (CLCS or the Commission) information on
the limits of its continental shelf beyond 200 nautical miles from the baselines
from which the breadth of the territorial sea is measured. The evidence
before the Court is that 55 submissions have been made to the CLCS
in which coastal States could have, on geological or geomorphological
grounds, extended their continental shelves within the 200-nautical-mile
zones of other States; of that number, 51 submissions made by 39 States
délimitation du plateau continental (op. diss. robinson) 519
Le premier argument principal :
il existe une règle de droit international coutumier
9. Dans les affaires du Plateau continental de la mer du Nord de 1969, la
Cour a déclaré que le droit international coutumier comprend deux éléments :
une pratique abondante et quasiment uniforme, et une opinio juris. La Commission
du droit international, organe de l’Organisation des Nations Unies
chargé de la codification et du développement progressif du droit international,
a conclu que ces deux éléments doivent être établis séparément (voir ses
projets de conclusion de 2018 sur la détermination du droit international coutumier,
paragraphe 2 de la conclusion 3), et ce, pour éviter, certainement,
que l’on ne soit tenté de simplement induire l’opinio juris de la pratique. Au
paragraphe 8 de son commentaire du projet de conclusion 3, la Commission
souligne que « l’existence d’un élément ne peut pas être déduite de la seule
existence de l’autre » ; or, dans les circonstances de l’espèce, c’est précisément
ce que fait l’arrêt : l’opinio juris est simplement déduite de la pratique
existante de 39 États.
10. Dans l’affaire du Lotus, la Cour permanente de Justice internationale
avait conclu que la pratique de l’abstention n’était pas en soi suffisante pour
constituer une règle de droit international coutumier ; une preuve distincte
d’opinio juris, c’est-à-dire une preuve que la pratique était motivée par un
sentiment d’obligation juridique, était nécessaire (voir affaire du Lotus,
arrêt no 9, 1927, C.P.J.I. série A no 10, p. 28). Pour reprendre les termes de la
Cour permanente, « c’est seulement si l’abstention était motivée par la
conscience [des États] d’un devoir de s’abstenir que l’on pourrait parler de
coutume internationale » (ibid., p. 28). On ne peut présumer qu’un État qui
s’abstient est mû par un sentiment d’obligation juridique. Même si une telle
présomption existe, elle reste réfutable. Dans les circonstances de l’espèce,
toute présomption d’opinio juris est réfutée par la possibilité évidente, comme
on le verra ci-après, que la pratique consistant à s’abstenir soit explicable par
des considérations autres qu’un sentiment d’obligation juridique.
11. À la lumière de ce qui précède, j’examinerai à présent les éléments de
preuve relatifs, d’une part, à la pratique des États et, d’autre part, à l’opinio
juris.
12. Conformément au paragraphe 7 de l’article 76 de la CNUDM, l’État
côtier doit fixer la limite extérieure de son plateau continental lorsque
celui-ci s’étend au-delà de 200 milles marins des lignes de base à partir desquelles
est mesurée la largeur de la mer territoriale. Conformément au
paragraphe 8 du même article, il doit communiquer des informations à ce
sujet à la Commission des limites du plateau continental (ci-après la « Commission
des limites »). Les éléments de preuve dont dispose la Cour montrent
que la Commission des limites a été saisie de 55 demandes d’États côtiers
qui pouvaient, pour des raisons géologiques ou géomorphologiques, revendiquer
un plateau continental s’étendant jusque dans la zone de 200 milles
marins d’autres États ; dans 51 de ces demandes, présentées par 39 États,
520 delimitation of the continental shelf (diss. op. robinson)
refrained from asserting limits that extended within 200 nautical miles of
the baselines of another State.
13. It is acknowledged that there is a basis for the Court’s conclusion that,
“[t]aken as a whole, the practice of States may be considered sufficiently
widespread and uniform for the purpose of the identification of customary
international law” (Judgment, para. 77). This is so because the evidence
shows that of 43 States that could have claimed an outer continental shelf
that extends within 200 nautical miles of the baselines of another State,
39 have chosen not to so extend their shelves. There is therefore practice that
can be considered sufficiently widespread and uniform. However, the reasoning
in the Judgment completely breaks down in relation to the element of
opinio juris.
14. The Court found that the practice before the CLCS “is indicative of
opinio juris, even if such practice may have been motivated in part by considerations
other than a sense of legal obligation” (Judgment, para. 77). This
conclusion is unsafe, because the possibility that the practice was motivated
by considerations other than a sense of legal obligation permeates and infects
that practice in its entirety, thereby disabling it from constituting opinio
juris. The Court has before it very little, if any, specific or direct evidence of
opinio juris. This element will, as is most usually the case, be determined
inferentially from all the relevant circumstances. In the absence of clear evidence
to the contrary, it is simply impossible in this case to separate practice
that is properly motivated by a sense of legal obligation from practice that is
not so motivated. Nicaragua has submitted that the self-constraint of States
“is motivated by considerations other than a sense of legal obligation, in particular
a desire to avoid the possibility of their submission giving rise to a
dispute with the result that the Commission would not consider it” (ibid.,
para. 57). Indeed, Nicaragua points out that not even one CLCS submission
“states directly or even indirectly that they refrain from encroaching into the
EEZ of third States because the EEZ has priority over any claim of an
extended continental shelf”2. It also points out that, in respect of the protests
filed in relation to the CLCS submissions of the four States that claim an
outer continental shelf within 200 nautical miles of the baselines of another
State,
“not a single one of the protests has alleged that there was a rule of customary
international law that automatically gave priority to the EEZ or
200 [nautical miles] continental shelf of one [S]tate over the extended
continental shelf of another, or extinguished such overlapping extended
continental shelf claims”3.
2 See Written comments by Nicaragua on the reply of Colombia to a question put to it by a
Member of the Court, p. 3, para. 15.
3 Ibid., pp. 4-5, para. 22.
délimitation du plateau continental (op. diss. robinson) 520
l’État côtier concerné s’est abstenu de fixer des limites en deçà de 200 milles
marins des lignes de base d’un autre État.
13. La Cour est certes fondée à conclure que, « [p]rise dans son ensemble,
la pratique des États peut être considérée comme suffisamment répandue et
uniforme aux fins de l’identification du droit international coutumier » (arrêt,
par. 77). Il en est ainsi parce que les éléments de preuve montrent que, sur
43 États qui pouvaient revendiquer un plateau continental extérieur s’étendant
en deçà de 200 milles marins des lignes de base d’un autre État, 39 ont
choisi de ne pas le faire. Il existe donc bien une pratique susceptible d’être
jugée suffisamment répandue et uniforme. Cependant, le raisonnement
exposé dans l’arrêt s’effondre complètement en ce qui concerne l’élément de
l’opinio juris.
14. La Cour conclut que la pratique des États devant la Commission des
limites « révèle l’existence d’une opinio juris, même si cette pratique a pu
être motivée en partie par des considérations autres qu’un sentiment d’obligation
juridique » (arrêt, par. 77). Cette conclusion est risquée, car la
possibilité d’autres considérations est inhérente à la pratique et la corrompt
dans son ensemble, l’empêchant ainsi de constituer une opinio juris. Les
preuves précises ou directes d’opinio juris dont dispose la Cour en l’espèce
sont très rares, voire inexistantes. Cet élément-là sera déterminé, comme
c’est le plus souvent le cas, par déduction à partir de toutes les circonstances
pertinentes. Faute de preuve attestant clairement le contraire, il est tout simplement
impossible, dans la présente affaire, de distinguer la pratique
d’abstention qui est dûment motivée par un sentiment d’obligation juridique
de celle qui ne l’est pas. Le Nicaragua faisait valoir que l’abstention des États
« s’expliqu[ait] par des considérations autres qu’un sentiment d’obligation
juridique, en particulier la volonté d’éviter que leur demande ne donne lieu à
un différend, ce qui [aurait] am[ené] la Commission [des limites] à refuser de
l’examiner » (ibid., par. 57). De fait, il relevait qu’aucune des demandes à la
Commission « n’indique directement ou même indirectement que les États
concernés s’abstiennent d’empiéter sur la ZEE d’États tiers à raison de la primauté
de la ZEE sur toute prétention à un plateau continental étendu »2. Il
soulignait également, à propos des États ayant objecté aux demandes de
quatre États qui revendiquaient un plateau continental extérieur s’étendant
en deçà de 200 milles marins des lignes de base d’un autre État, que
« aucun d’entre eux n’a[vait] allégué dans sa protestation qu’il exist[â]t
une règle du droit international coutumier accordant automatiquement
la primauté à la ZEE ou au plateau continental de 200 milles marins
d’un État par rapport au plateau continental étendu d’un autre État ou
éteignant toute prétention à un plateau continental étendu chevauchant
la ZEE ou le plateau continental de 200 milles marins d’un autre État »3.
2 Voir observations écrites du Nicaragua sur la réponse de la Colombie à la question posée
à cette dernière par un membre de la Cour, p. 3, par. 15.
3 Ibid., p. 5, par. 22.
521 delimitation of the continental shelf (diss. op. robinson)
15. The CLCS procedure set out in paragraph 8 of Article 76 of the Convention
has special significance for the coastal State. Under that paragraph,
after the Commission has received the information submitted to it by the
coastal State, it makes recommendations on matters related to the establishment
of the outer limits of the continental shelf. In accordance with the last
sentence of paragraph 8, the “limits of the shelf established by a coastal State
on the basis of these recommendations shall be final and binding”. Every
coastal State would wish to be in a position to establish limits of the shelf
that are final and binding. Every coastal State, therefore, has an incentive to
ensure that it does not take any action that would prevent the Commission
from making recommendations on the basis of the information that it has
submitted to the Commission. One such action that would have that result is
addressed by Article 5 (a) of Annex I of the Rules of Procedure of the
CLCS, which reads: “In cases where a land or maritime dispute exists, the
Commission shall not consider and qualify a submission made by any of the
States concerned in the dispute.”
16. It is therefore likely that the reason for the States’ self-constraint is the
very real possibility that the claim to an outer continental shelf which extends
within 200 nautical miles of the baselines of another State would lead to a
protest, giving rise to a dispute, thereby preventing the Commission from
qualifying or considering the coastal State’s submission. We know that this
has happened to the four States that have claimed such an extension. There
were protests; in accordance with Article 5 (a) of Annex 1 of the Rules of
Procedure of the CLCS, their submissions would not have been processed4.
17. The possibility that the self-constraint is explicable by other than legal
considerations is, therefore, very live in the circumstances of this case, and
it is a possibility that affects every single claim made by the 39 States. It is
not confined, as the Judgment claims, to a part of those claims because the
entirety of the claims may have been motivated by considerations other than
a sense of legal obligation. Moreover, it is notable that in describing Nicaragua’s
submission, in paragraph 57 of the Judgment, the Court uses the
language “in particular a desire to avoid the possibility of their submission
giving rise to a dispute with the result that the Commission would not consider
it” (emphasis added). Thus, there might have been other examples of a
situation in which the submission to the CLCS was motivated by considerations
other than a sense of legal obligation. Notably, although the Judgment
in paragraph 57 makes reference to Nicaragua’s submission, nowhere in its
later analysis (see paragraphs 68-79) does it address that submission.
18. The Judgment places great reliance on the Gulf of Maine case to support
its conclusion that
4 The website of the CLCS shows that there have been no recommendations made by the
Commission in relation to those four submissions (by China, Somalia, Nicaragua and the
Republic of Korea).
délimitation du plateau continental (op. diss. robinson) 521
15. La procédure devant la Commission des limites décrite au paragraphe
8 de l’article 76 de la CNUDM revêt une importance particulière
pour l’État côtier. Ce paragraphe dispose que la Commission, après avoir
reçu de l’État côtier les informations voulues, formule des recommandations
sur les questions concernant la fixation des limites extérieures du plateau
continental. Il précise, dans sa dernière phrase, que les « limites fixées par
un État côtier sur la base de ces recommandations sont définitives et de
caractère obligatoire ». Tout État côtier voudrait être en mesure de fixer pour
son plateau continental des limites qui soient définitives et de caractère obligatoire.
Tout État côtier a donc intérêt à éviter de faire quoi que ce soit qui
empêcherait la Commission de formuler des recommandations sur la base
des informations qu’il lui a communiquées  ce qui se produirait par
exemple dans la situation visée à l’alinéa a) de l’article 5 de l’annexe I du
règlement intérieur de la Commission : « [d]ans le cas où il existe un différend
terrestre ou maritime, la Commission n’examine pas la demande
présentée par un État partie à ce différend et ne se prononce pas sur cette
demande ».
16. Il est donc probable que la raison pour laquelle les États s’abstiennent
est la possibilité très réelle que la revendication par un État d’un plateau
continental extérieur s’étendant en deçà de 200 milles marins des lignes de
base d’un autre État suscite des objections, faisant naître un différend, et
empêchant ainsi la Commission des limites d’examiner la demande ou de se
prononcer à son sujet. Nous savons que c’est ce qui s’est produit pour les
quatre États qui avaient revendiqué une telle extension. Il y a eu des protestations
et, conformément à l’alinéa a) de l’article 5 de l’annexe I de son
règlement intérieur, la Commission n’aura pas traité leurs demandes4.
17. La possibilité que l’abstention s’explique par des considérations autres
que juridiques est donc bien réelle dans les circonstances de l’espèce, et c’est
une possibilité qui touche chacune des demandes des 39 États. Elle ne
concerne pas une partie seulement de ces demandes, comme il est dit dans
l’arrêt, car toutes peuvent avoir été motivées par d’autres considérations
qu’un sentiment d’obligation juridique. En outre, il est frappant que la Cour,
lorsqu’elle rappelle l’argument du Nicaragua au paragraphe 57 de l’arrêt,
mentionne « en particulier la volonté d’éviter que leur demande ne donne
lieu à un différend, ce qui amènerait la Commission à refuser de l’examiner »
(les italiques sont de moi). Il peut donc y avoir eu d’autres cas encore où la
demande à la Commission des limites était motivée par des considérations
autres qu’un sentiment d’obligation juridique. Fait notable, s’il est fait référence
à cet argument du Nicaragua au paragraphe 57 de l’arrêt, l’analyse qui
suit n’en fait plus aucune mention (voir les paragraphes 68-79).
18. L’arrêt accorde un grand poids à l’affaire du Golfe du Maine pour étayer
la conclusion que,
4 Il apparaît sur le site Internet de la Commission des limites du plateau continental que
celle-ci n’a pas fait de recommandations concernant ces quatre demandes (présentées par la
Chine, la Somalie, le Nicaragua et la République de Corée).
522 delimitation of the continental shelf (diss. op. robinson)
“given its extent over a long period of time, this State practice may be
seen as an expression of opinio juris, which is a constitutive element of
customary international law. Indeed, this element may be demonstrated
‘by induction based on the analysis of a sufficiently extensive and convincing
practice’ (Delimitation of the Maritime Boundary in the Gulf of
Maine Area (Canada/United States of America), Judgment, I.C.J.
Reports 1984, p. 299, para. 111).” (Judgment, para. 77.)
However, the Judgment does not quote the sentence from the Gulf of Maine
Judgment in full. The last eight words have been omitted: “and not by deduction
from preconceived ideas”.
19. The context in which the dictum in Gulf of Maine was made is completely
different from the present case. Gulf of Maine was decided in 1984, a
time when customary rules of the law of the sea were not as developed as
they are now. In that case, the Court criticized the parties for adopting positions
that reflected an a priori and preconceived approach rather than a
“convincing demonstration of the existence of the rules that each had hoped
to find established by international law” (Delimitation of the Maritime
Boundary in the Gulf of Maine Area (Canada/United States of America),
Judgment, I.C.J. Reports 1984, p. 298, para. 109). There is nothing novel or
startling in the Court’s approach in the Gulf of Maine case; it is supported by
common sense, as an empirical approach is generally to be preferred over
one based on a priori, preconceived notions. One does not need to have
recourse to the Gulf of Maine dictum as authority for the proposition that
opinio juris may be derived from extensive and convincing State practice.
The Court’s Judgment is open to criticism because in the particular circumstances
of this case there is no basis for deriving opinio juris from State
practice relied upon.
20. If the Gulf of Maine dictum is to apply in this case, the State practice
relied on will only be seen as an expression of opinio juris if it is “sufficiently
extensive and convincing”. The practice of 39 States, even if sufficiently
extensive, will not establish the element of opinio juris, for the reason that it
is not convincing. Practice which may be motivated by considerations other
than a sense of legal obligation, as is the case here, can scarcely be described
as convincing. Consequently, the Gulf of Maine dictum is not helpful to the
majority.
The Second Main Argument:
Article 82 Will Lose Its Raison D’Être
21. The second main argument advanced by the majority for its approach
is that Article 82 would lose its meaning, if not its raison d’être, if the
entitlement of a State to an outer continental shelf were allowed to extend
within 200 nautical miles of the baselines of another State (Judgment,
délimitation du plateau continental (op. diss. robinson) 522
« étant donné son ampleur sur une longue période, cette pratique étatique
peut être considérée comme l’expression de l’opinio juris, qui est un élément
constitutif du droit international coutumier. En effet, cet élément
peut être démontré “par voie d’induction en partant de l’analyse d’une
pratique suffisamment étoffée et convaincante” (Délimitation de la frontière
maritime dans la région du golfe du Maine (Canada/États-Unis
d’Amérique), arrêt, C.I.J. Recueil 1984, p. 299, par. 111). » (Arrêt, par. 77.)
Dans la citation tirée de l’affaire du Golfe du Maine, il manque la fin de la
phrase : « et non pas par voie de déduction en partant d’idées préconstituées
à priori ».
19. Le contexte dans lequel a été fait ce constat dans l’affaire du Golfe du
Maine est complètement différent de celui de l’espèce. L’arrêt a été rendu en
1984, à une époque où les règles coutumières du droit de la mer n’étaient pas
aussi développées qu’aujourd’hui. Dans cette instance, la Cour reprochait
aux parties d’adopter des positions traduisant une approche a priori et préconçue
plutôt qu’« une démonstration convaincante de l’existence des règles
qu’on avait espéré trouver établies par le droit international » (Délimitation
de la frontière maritime dans la région du golfe du Maine (Canada/États-
Unis d’Amérique), arrêt, C.I.J. Recueil 1984, p. 298, par. 109). Il n’y a rien de
nouveau ni d’étonnant dans l’approche suivie par la Cour dans l’affaire du
Golfe du Maine ; elle relève du bon sens, l’approche empirique étant généralement
préférable à celle qui repose sur des notions a priori et préconçues.
Point n’est besoin de se réclamer du dictum du Golfe du Maine pour démontrer
qu’une opinio juris peut être déduite d’une pratique étatique suffisamment
étoffée et convaincante. L’arrêt de la Cour en la présente affaire pèche en ce
que, dans les circonstances particulières de l’espèce, rien ne permet de
déduire une opinio juris de la pratique étatique invoquée.
20. Même à supposer que le dictum du Golfe du Maine s’applique en l’espèce,
la pratique étatique invoquée ne serait considérée comme l’expression
de l’opinio juris que si elle était « suffisamment étoffée et convaincante ». La
pratique de 39 États, même si elle est suffisamment étoffée, ne saurait établir
l’élément de l’opinio juris, parce qu’elle n’est pas convaincante. Une pratique
susceptible d’être motivée par des considérations autres qu’un sentiment
d’obligation juridique, comme c’est le cas ici, peut difficilement être qualifiée
de convaincante. Par conséquent, le dictum du Golfe du Maine n’est
d’aucune utilité pour la majorité.
Le second argument principal :
l’article 82 perdrait sa raison d’être
21. Le second argument principal avancé par la majorité à l’appui de son
approche est que l’article 82 de la CNUDM perdrait son sens, voire sa raison
d’être, si le plateau continental extérieur auquel un État peut prétendre pouvait
s’étendre jusqu’en deçà de 200 milles marins des lignes de base d’un
523 delimitation of the continental shelf (diss. op. robinson)
para. 76). Article 82 was part of the compromise reached in the UNCLOS
negotiations for a definition of the continental shelf that would incorporate
continental shelves beyond 200 nautical miles from the baselines from which
the breadth of the territorial sea is measured. The wide-margin States
insisted on such a definition. However, Article 82 reflects the price that was
paid by those States for that concession. The title of Article 82 is: “Payments
and contributions with respect to the exploitation of the continental shelf
beyond 200 nautical miles”. Paragraph 1 of Article 82 provides:
“The coastal State shall make payments or contributions in kind in
respect of the exploitation of the non-living resources of the continental
shelf beyond 200 nautical miles from the baselines from which the
breadth of the territorial sea is measured.”
There is nothing in either the title or in paragraph 1 that prohibits payments
in respect of the exploitation of the non-living resources of the continental
shelf beyond 200 nautical miles when a coastal State’s outer continental
shelf extends within 200 nautical miles of another State. The only requirement
of Article 82 is that the exploitation must relate to non-living resources
of the continental shelf beyond 200 nautical miles from the baselines from
which the breadth of the territorial sea is measured. It is incorrect to assert,
as the majority does in paragraph 76 of the Judgment, that the payment
would not serve the purpose of this provision in a situation where the outer
continental shelf of one State extended within 200 nautical miles from the
baselines of another State. A plain reading of the title and paragraph 1 of
Article 82 makes it clear that the payment is due whenever and wherever
there is exploitation of the non-living resources of the continental shelf
beyond 200 nautical miles from the baselines from which the breadth of the
territorial sea is measured; in all such cases, the payments are
“made through the Authority, which shall distribute them to States Parties
to this Convention, on the basis of equitable sharing criteria, taking
into account the interests and needs of developing States, particularly
the least developed and the land-locked among them” (UNCLOS,
Art. 82 (4)).
22. The relationship that the majority finds between Article 82 and the
principle of the common heritage of humankind is not shared by the International
Seabed Authority in its Technical Study No. 4, which concluded
that
“although Article 82 payments and contributions are for the benefit
of States Parties to the Convention, they are not an application of the
common heritage principle. This is because the [outer continental shelf]
and its resources are subject to the coastal State’s sovereign rights and
délimitation du plateau continental (op. diss. robinson) 523
autre État (arrêt, par. 76). L’article 82 faisait partie du compromis auquel sont
parvenus les États parties à l’issue de négociations sur une définition du plateau
continental qui inclurait les plateaux continentaux s’étendant au-delà de
200 milles marins des lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur
de la mer territoriale. Une telle définition était demandée par les États
dotés d’une large marge continentale. L’article 82 reflète cependant le prix
que ces États ont payé pour cette concession. Il s’intitule « Contributions en
espèces ou en nature au titre de l’exploitation du plateau continental au-delà
de 200 milles marins », et dispose au paragraphe 1 que
« [l’]État côtier acquitte des contributions en espèces ou en nature au
titre de l’exploitation des ressources non biologiques du plateau continental
au-delà de 200 milles marins des lignes de base à partir desquelles
est mesurée la largeur de la mer territoriale ».
Rien dans l’intitulé ni dans le paragraphe 1 n’interdit que des contributions
soient versées au titre de l’exploitation des ressources non biologiques du
plateau continental extérieur d’un État côtier au-delà de 200 milles marins
lorsque ce plateau s’étend jusqu’à moins de 200 milles marins des lignes de
base d’un autre État. La seule exigence de l’article 82 est qu’il s’agisse de
l’exploitation des ressources non biologiques du plateau continental au-delà
de 200 milles marins des lignes de base à partir desquelles est mesurée la
largeur de la mer territoriale. Il est inexact d’affirmer, comme le fait la majorité
au paragraphe 76, qu’une contribution ne servirait pas l’objectif de cette
disposition dans le cas où le plateau continental extérieur d’un État s’étend
en deçà de 200 milles marins des lignes de base d’un autre État. Il ressort
clairement d’une lecture ordinaire de l’intitulé et du paragraphe 1 de l’article
82 que la contribution est toujours due dès lors qu’il y a exploitation des
ressources non biologiques du plateau continental au-delà de 200 milles
marins des lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de la mer
territoriale ; dans tous les cas, les contributions
« s’effectuent par le canal de l’Autorité, qui les répartit entre les États
parties selon des critères de partage équitables, compte tenu des intérêts
et besoins des États en développement, en particulier des États en développement
les moins avancés ou sans littoral » (CNUDM, art. 82, par. 4).
22. La conclusion à laquelle parvient la majorité, à savoir qu’il existe un
lien entre l’article 82 et le principe du patrimoine commun de l’humanité,
n’est pas partagée par l’Autorité internationale des fonds marins, qui fait
observer dans son étude technique no 4 que,
« même si elles bénéficient aux États parties à la Convention, les contributions
en espèces ou en nature prévues à l’article 82 ne constituent pas
une application du principe du patrimoine commun. Il en est ainsi parce
que le plateau continental extérieur et ses ressources sont soumis aux
524 delimitation of the continental shelf (diss. op. robinson)
are separate from the common heritage principle.” (International Seabed
Authority, Issues Associated with the Implementation of Article 82
of the United Nations Convention on the Law of the Sea, ISA Technical
Study No. 4, Kingston, Jamaica, p. 23.)
Thus, the purpose of Article 82, which is to ensure the equitable distribution
of the payments to States parties to the Convention, taking into account the
needs of developing States, is achievable in a situation where the outer continental
shelf extends into the 200-nautical-mile EEZ and continental shelf
of another State.
23. In light of the foregoing, the majority has failed to establish that, under
customary international law, the outer continental shelf of a State may not
extend within 200 nautical miles from the baselines of another State; consequently,
the Court should have granted Nicaragua’s request for maritime
delimitation.
(Signed) Patrick L. Robinson.
délimitation du plateau continental (op. diss. robinson) 524
droits souverains de l’État côtier et dissociés du principe du patrimoine
commun. » (Autorité internationale des fonds marins, Issues Associated
with the Implementation of Article 82 of the United Nations Convention
on the Law of the Sea, ISA Technical Study No. 4, Kingston, Jamaïque,
p. 23.)
L’objectif de l’article 82, qui est d’assurer une répartition équitable des
contributions entre les États parties à la convention, compte tenu des besoins
des pays en développement, peut donc être atteint dans une situation où le
plateau continental extérieur d’un État empiète sur les 200 milles marins de
la zone économique exclusive et du plateau continental d’un autre État.
23. Au vu de ce qui précède, il apparaît que la majorité n’a pas établi que,
en droit international coutumier, le plateau continental extérieur d’un État ne
puisse pas s’étendre en deçà de 200 milles marins des lignes de base d’un
autre État ; par conséquent, la Cour aurait dû faire droit à la demande de délimitation
maritime du Nicaragua.
(Signé) Patrick L. Robinson.
525 delimitation of the continental shelf (diss. op. robinson)
Annex to the Dissenting Opinion of Judge Robinson
1. Article 56 of UNCLOS provides:
“1. In the exclusive economic zone, the coastal State has:
(a) sovereign rights for the purpose of exploring and exploiting, conserving
and managing the natural resources, whether living or
non-living, of the waters superjacent to the sea-bed and of the seabed
and its subsoil, and with regard to other activities for the
economic exploitation and exploration of the zone, such as the production
of energy from the water, currents and winds;
(b) jurisdiction as provided for in the relevant provisions of this Convention
with regard to:
(i) the establishment and use of artificial islands, installations and
structures;
(ii) marine scientific research;
(iii) the protection and preservation of the marine environment;
(c) other rights and duties provided for in this Convention.
2. In exercising its rights and performing its duties under this Convention
in the exclusive economic zone, the coastal State shall have due
regard to the rights and duties of other States and shall act in a manner
compatible with the provisions of this Convention.
3. The rights set out in this article with respect to the sea-bed and subsoil
shall be exercised in accordance with Part VI.”
2. Article 76 of UNCLOS provides:
“1. The continental shelf of a coastal State comprises the sea-bed and
subsoil of the submarine areas that extend beyond its territorial sea
throughout the natural prolongation of its land territory to the outer edge
of the continental margin, or to a distance of 200 nautical miles from the
baselines from which the breadth of the territorial sea is measured where
the outer edge of the continental margin does not extend up to that
distance.
2. The continental shelf of a coastal State shall not extend beyond the
limits provided for in paragraphs 4 to 6.
3. The continental margin comprises the submerged prolongation of
the land mass of the coastal State, and consists of the sea-bed and subsoil
of the shelf, the slope and the rise. It does not include the deep ocean
floor with its oceanic ridges or the subsoil thereof.
4. (a) For the purposes of this Convention, the coastal State shall
establish the outer edge of the continental margin wherever the
délimitation du plateau continental (op. diss. robinson) 525
Annexe à l’opinion dissidente de M. le juge Robinson
1. L’article 56 de la convention des Nations Unies sur le droit de la mer dispose
ce qui suit :
« 1. Dans la zone économique exclusive, l’État côtier a :
a) des droits souverains aux fins d’exploration et d’exploitation, de
conservation et de gestion des ressources naturelles, biologiques ou
non biologiques, des eaux surjacentes aux fonds marins, des fonds
marins et de leur sous-sol, ainsi qu’en ce qui concerne d’autres activités
tendant à l’exploration et à l’exploitation de la zone à des fins
économiques, telles que la production d’énergie à partir de l’eau, des
courants et des vents ;
b) juridiction, conformément aux dispositions pertinentes de la Convention,
en ce qui concerne :
i) la mise en place et l’utilisation d’îles artificielles, d’installations
et d’ouvrages ;
ii) la recherche scientifique marine ;
iii) la protection et la préservation du milieu marin ;
c) les autres droits et obligations prévus par la Convention.
2. Lorsque, dans la zone économique exclusive, il exerce ses droits et
s’acquitte de ses obligations en vertu de la Convention, l’État côtier tient
dûment compte des droits et des obligations des autres États et agit d’une
manière compatible avec la Convention.
3. Les droits relatifs aux fonds marins et à leur sous-sol énoncés dans
le présent article s’exercent conformément à la partie VI. »
2. L’article 76 de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer
dispose ce qui suit :
« 1. Le plateau continental d’un État côtier comprend les fonds marins
et leur sous-sol au-delà de sa mer territoriale, sur toute l’étendue du prolongement
naturel du territoire terrestre de cet État jusqu’au rebord
externe de la marge continentale, ou jusqu’à 200 milles marins des
lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de la mer territoriale,
lorsque le rebord externe de la marge continentale se trouve à
une distance inférieure.
2. Le plateau continental ne s’étend pas au-delà des limites prévues
aux paragraphes 4 à 6.
3. La marge continentale est le prolongement immergé de la masse
terrestre de l’État côtier ; elle est constituée par les fonds marins correspondant
au plateau, au talus et au glacis ainsi que leur sous-sol. Elle ne
comprend ni les grands fonds des océans, avec leurs dorsales océaniques,
ni leur sous-sol.
4. a) Aux fins de la Convention, l’État côtier définit le rebord externe
de la marge continentale, lorsque celle-ci s’étend au-delà de
526 delimitation of the continental shelf (diss. op. robinson)
margin extends beyond 200 nautical miles from the baselines
from which the breadth of the territorial sea is measured, by
either:
(i) a line delineated in accordance with paragraph 7 by reference
to the outermost fixed points at each of which the
thickness of sedimentary rocks is at least 1 per cent of the
shortest distance from such point to the foot of the continental
slope; or
(ii) a line delineated in accordance with paragraph 7 by reference
to fixed points not more than 60 nautical miles from the
foot of the continental slope.
(b) In the absence of evidence to the contrary, the foot of the continental
slope shall be determined as the point of maximum change
in the gradient at its base.
5. The fixed points comprising the line of the outer limits of the continental
shelf on the seabed, drawn in accordance with paragraph 4 (a) (i)
and (ii), either shall not exceed 350 nautical miles from the baselines
from which the breadth of the territorial sea is measured or shall not
exceed 100 nautical miles from the 2,500 metre isobath, which is a line
connecting the depth of 2,500 metres.
6. Notwithstanding the provisions of paragraph 5, on submarine
ridges, the outer limit of the continental shelf shall not exceed 350 nautical
miles from the baselines from which the breadth of the territorial
sea is measured. This paragraph does not apply to submarine elevations
that are natural components of the continental margin, such as its plateaux,
rises, caps, banks and spurs.
7. The coastal State shall delineate the outer limits of its continental
shelf, where that shelf extends beyond 200 nautical miles from the baselines
from which the breadth of the territorial sea is measured, by
straight lines not exceeding 60 nautical miles in length, connecting fixed
points, defined by co-ordinates of latitude and longitude.
8. Information on the limits of the continental shelf beyond 200 nautical
miles from the baselines from which the breadth of the territorial
sea is measured shall be submitted by the coastal State to the Commission
on the Limits of the Continental Shelf set up under Annex II on the
basis of equitable geographical representation. The Commission shall
make recommendations to coastal States on matters related to the establishment
of the outer limits of their continental shelf. The limits of the
shelf established by a coastal State on the basis of these recommendations
shall be final and binding.
9. The coastal State shall deposit with the Secretary-General of the
United Nations charts and relevant information, including geodetic
délimitation du plateau continental (op. diss. robinson) 526
200 milles marins des lignes de base à partir desquelles est mesurée
la largeur de la mer territoriale, par :
i) Une ligne tracée conformément au paragraphe 7 par référence
aux points fixes extrêmes où l’épaisseur des roches
sédimentaires est égale au centième au moins de la distance
entre le point considéré et le pied du talus continental ; ou
ii) Une ligne tracée conformément au paragraphe 7 par référence
à des points fixes situés à 60 milles marins au plus du
pied du talus continental.
b) Sauf preuve du contraire, le pied du talus continental coïncide
avec la rupture de pente la plus marquée à la base du talus.
5. Les points fixes qui définissent la ligne marquant, sur les fonds
marins, la limite extérieure du plateau continental, tracée conformément
au paragraphe 4, lettre a), i) et ii), sont situés soit à une distance
n’excédant pas 350 milles marins des lignes de base à partir desquelles
est mesurée la largeur de la mer territoriale, soit à une distance n’excédant
pas 100 milles marins de l’isobathe de 2 500 mètres, qui est la ligne
reliant les points de 2 500 mètres de profondeur.
6. Nonobstant le paragraphe 5, sur une dorsale sous-marine, la limite
extérieure du plateau continental ne dépasse pas une ligne tracée à
350 milles marins des lignes de base à partir desquelles est mesurée la
largeur de la mer territoriale. Le présent paragraphe ne s’applique pas
aux hauts-fonds qui constituent des éléments naturels de la marge continentale,
tels que les plateaux, seuils, crêtes, bancs ou éperons qu’elle
comporte.
7. L’État côtier fixe la limite extérieure de son plateau continental,
quand ce plateau s’étend au-delà de 200 milles marins des lignes de base
à partir desquelles est mesurée la largeur de la mer territoriale, en reliant
par des droites d’une longueur n’excédant pas 60 milles marins des
points fixes définis par des coordonnées en longitude et en latitude.
8. L’État côtier communique des informations sur les limites de son
plateau continental, lorsque celui-ci s’étend au-delà de 200 milles marins
des lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de la mer
territoriale, à la Commission des limites du plateau continental constituée
en vertu de l’annexe II sur la base d’une représentation géographique
équitable. La Commission adresse aux États côtiers des recommandations
sur les questions concernant la fixation des limites extérieures de
leur plateau continental. Les limites fixées par un État côtier sur la base
de ces recommandations sont définitives et de caractère obligatoire.
9. L’État côtier remet au Secrétaire général de l’Organisation des
Nations Unies les cartes et renseignements pertinents, y compris les
527 delimitation of the continental shelf (diss. op. robinson)
data, permanently describing the outer limits of its continental shelf.
The Secretary-
General shall give due publicity thereto.
10. The provisions of this article are without prejudice to the question
of delimitation of the continental shelf between States with opposite or
adjacent coasts.”
3. Article 77 of UNCLOS provides:
“1. The coastal State exercises over the continental shelf sovereign
rights for the purpose of exploring it and exploiting its natural resources.
2. The rights referred to in paragraph 1 are exclusive in the sense that
if the coastal State does not explore the continental shelf or exploit its
natural resources, no one may undertake these activities without the
express consent of the coastal State.
3. The rights of the coastal State over the continental shelf do not depend
on occupation, effective or notional, or on any express proclamation.
4. The natural resources referred to in this Part consist of the mineral
and other non-living resources of the sea-bed and subsoil together
with living organisms belonging to sedentary species, that is to say,
organisms which, at the harvestable stage, either are immobile on or
under the sea-bed or are unable to move except in constant physical
contact with the sea-bed or the subsoil.”
délimitation du plateau continental (op. diss. robinson) 527
données géodésiques, qui indiquent de façon permanente la limite extérieure
de son plateau continental. Le Secrétaire général donne à ces
documents la publicité voulue.
10. Le présent article ne préjuge pas de la question de la délimitation
du plateau continental entre des États dont les côtes sont adjacentes ou
se font face. »
3. L’article 77 de la convention des Nations Unies sur le droit de la mer dispose
ce qui suit :
« 1. L’État côtier exerce des droits souverains sur le plateau continental
aux fins de son exploration et de l’exploitation de ses ressources
naturelles.
2. Les droits visés au paragraphe 1 sont exclusifs en ce sens que si
l’État côtier n’explore pas le plateau continental ou n’en exploite pas
les ressources naturelles, nul ne peut entreprendre de telles activités
sans son consentement exprès.
3. Les droits de l’État côtier sur le plateau continental sont indépendants
de l’occupation effective ou fictive, aussi bien que de toute
proclamation expresse.
4. Les ressources naturelles visées dans la présente partie comprennent
les ressources minérales et autres ressources non biologiques
des fonds marins et de leur sous-sol, ainsi que les organismes vivants
qui appartiennent aux espèces sédentaires, c’est-à-dire les organismes
qui, au stade où ils peuvent être pêchés, sont soit immobiles sur le fond
ou au-dessous du fond, soit incapables de se déplacer autrement qu’en
restant constamment en contact avec le fond ou le sous-sol. »

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Opinion dissidente de M. le juge Robinson

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