DÉCLARATION DE M. LE JUGE BHANDARI
[Traduction]
Notion de « plateau continental unique » Déclaration de la Cour concernant le plateau continental unique Absence de nécessité d’inclure une déclaration.
1. Je souscris à l’arrêt de la Cour et à sa motivation. En particulier, je partage la conclusion de la Cour selon laquelle
« en droit international coutumier, le droit d’un État à un plateau continental au-delà de 200 milles marins des lignes de base à partir desquelles est mesurée la largeur de sa mer territoriale ne peut pas s’étendre à des espaces maritimes en deçà de 200 milles marins des lignes de base d’un autre État » (arrêt, par. 79).
2. Cette conclusion découle, à mon sens, de considérations touchant tant au régime de la zone économique exclusive qu’à celui du plateau continental, et de la relation entre ces régimes respectifs, ainsi que cela est exposé dans l’arrêt de la Cour.
3. À propos du régime du plateau continental,
« [l]a Cour relève que, en droit international coutumier contemporain, il existe un plateau continental unique en ce sens que les droits substantiels d’un État côtier sur son plateau continental sont, de manière générale, les mêmes en deçà et au-delà de 200 milles marins de ses lignes de base » (arrêt, par. 75).
4. La notion de plateau continental unique remonte à une déclaration figurant dans la sentence rendue le 11 avril 2006 en l’affaire Barbade c. Trinité-et-Tobago. Dans cette instance, le tribunal arbitral, constitué en application de l’annexe VII de la convention des Nations Unies sur le droit de la mer, avait déclaré que « de toute manière, il n’existe en droit qu’un “plateau continental” unique plutôt qu’un plateau continental intérieur et un plateau continental étendu ou extérieur distinct » (Arbitrage entre la Barbade et la République de Trinité-et-Tobago, relatif à la délimitation de la zone économique exclusive et du plateau continental entre ces deux pays (Barbade c. Trinité-et-Tobago)), Nations Unies, Recueil des sentences arbitrales (RSA), vol. XXVII, p. 208-209, par. 213). Dans l’arrêt qu’il a rendu en 2012 dans l’affaire relative à la délimitation de la frontière maritime entre le Bangladesh et le Myanmar, le Tribunal international du droit de la mer a fait une déclaration du même ordre, faisant observer que « [l]’article 76 de la Convention consacre la notion de plateau continental unique » (Délimitation de la frontière maritime dans le golfe du Bengale (Bangladesh/Myanmar), arrêt, TIDM Recueil 2012, p. 96, par. 361 ; voir également Délimitation de la frontière maritime dans l’océan Atlantique (Ghana/Côte d’Ivoire), arrêt, TIDM Recueil 2017, p. 136, par. 490).
5. À mon avis, il n’était pas nécessaire d’inclure au paragraphe 75 du présent arrêt la déclaration précédemment citée et en particulier de dire que les droits sont « de manière générale, les mêmes ». Au contraire, les implications de la notion de plateau continental « unique » en ce sens ont été une source de désaccord et de confusion dans la présente instance (voir, par exemple, CR 2022/25, p. 38, par. 54 (Lowe) ; CR 2022/26, p. 28, par. 25-27 (Wood)). De surcroît, en l’absence de plus amples précisions sur les différences potentielles, on ne voit pas très clairement ce que signifie le fait que les droits substantiels d’un État côtier sur son plateau continental soient, « de
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manière générale, les mêmes » en deçà et au-delà de 200 milles marins de ses lignes de base. L’expression « de manière générale » employée dans ce contexte pourrait être interprétée comme vidant de sa substance la notion de « plateau continental unique ». Bien qu’apparemment anodine, elle pourrait ainsi être même une source d’incertitude pour les États côtiers dans de futures affaires.
6. Le paragraphe 75 de l’arrêt aurait pu commencer simplement ainsi : « Le fondement du droit à un plateau continental diffère en deçà de 200 milles marins et au-delà de 200 milles marins des lignes de base. » C’est aux fondements respectifs de ce droit en deçà et au-delà de 200 milles marins que la Cour aurait dû s’attacher dans ce passage. En commençant le paragraphe par une déclaration qui réaffirme la notion de plateau continental « unique » tout en employant l’expression « de manière générale », comme on l’a vu ci-dessus, elle prend le risque de faire perdurer l’incertitude quant aux conséquences pratiques de cette notion.
(Signé) Dalveer BHANDARI.
Déclaration de M. le juge Bhandari