S. EXC. MME LA JUGE JOAN E. DONOGHUE, PRÉSIDENTE DE LA COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE La Cour internationale de Justice vue de l’intérieur
Sixième Commission de l’Assemblée générale, le 28 octobre 2022
Monsieur le président de la Sixième Commission, Excellences, Mesdames et Messieurs,
C’est un grand honneur pour moi que de m’adresser à la Sixième Commission de l’Assemblée générale pour la deuxième fois en ma qualité de présidente de la Cour internationale de Justice. Je me réjouis de cette nouvelle occasion qui m’est offerte de resserrer les liens qui unissent nos deux institutions, et tiens à féliciter Son Excellence Monsieur Pedro Comissário Afonso de son élection à la présidence de la Sixième Commission pour la soixante-dix-septième session de l’Assemblée générale et à le remercier pour l’accueil chaleureux qu’il m’a réservé à mon arrivée à New York cette semaine.
De tous les discours qu’un président de la Cour est amené à prononcer chaque année, un seul son intervention devant la Sixième Commission lui offre la possibilité de s’adresser aux experts qui conseillent les Etats en matière de droit international public et de règlement des différends. Comme je l’ai mentionné devant la Commission à l’automne dernier, avant de siéger à la Cour, ma position de juriste auprès d’un ministère des affaires étrangères faisait de moi l’une d’entre vous. Je portais alors sur le fonctionnement de la Cour le regard d’une observatrice extérieure. Ayant siégé douze années à la Cour, j’ai acquis une connaissance approfondie de certains aspects de ses travaux et procédures, dont je me propose de vous entretenir aujourd’hui.
J’entends évoquer trois points en particulier. Je parlerai d’abord de l’institution du juge ad hoc. Je traiterai ensuite du rôle de la Cour en tant que juridiction de première instance, rôle que l’on néglige trop souvent. Enfin, je dirai quelques mots du rythme auquel se déroulent les procédures devant la Cour.
L’institution du juge ad hoc
Je commencerai par la question du juge ad hoc. Avant mon élection à la Cour, je savais que l’intérêt de l’institution du juge ad hoc avait été mis en doute dès la rédaction du Statut de la Cour permanente de Justice internationale (que j’appellerai la «CPJI»), et qu’elle avait également fait l’objet de critiques plus récentes.
Avant d’examiner ces critiques plus en détail, permettez-moi de rappeler brièvement que l’article 31 du Statut autorise tout Etat partie à une affaire qui ne compte sur le siège aucun juge de sa nationalité à désigner un juge ad hoc1. Ce dernier, une fois en fonction, participe aux décisions concernant l’affaire dans des conditions de complète égalité avec les 15 membres de la Cour2.
La Cour a hérité l’institution du juge ad hoc de sa devancière, la CPJI3. Le comité consultatif de juristes chargé par la Société des Nations de rédiger le statut de la CPJI dans les années 1920 était
1 Statut de la Cour internationale de Justice, art. 31, par. 2 et 3.
2 Ibid., par. 6.
3 Statut de la CPJI, art. 31.
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très divisé sur ce point, certains rédacteurs craignant d’introduire, avec la figure du juge ad hoc, une créature issue du monde de l’arbitrage qui n’aurait nullement sa place au sein d’une juridiction permanente
4.
Il ressort des procès-verbaux des discussions tenues en 1920 par le comité consultatif de juristes que les tenants de la proposition tendant à autoriser les Etats à désigner un juge ad hoc avaient plusieurs objectifs en tête. A ainsi été exprimé l’espoir que ce juge ferait profiter la Cour de ses «connaissances … spéciales» concernant le système juridique de l’Etat l’ayant désigné5, et que la possibilité d’une telle nomination permettrait de maintenir une égalité entre les parties lorsque l’une d’elles seulement comptait un juge de sa nationalité sur le siège6. Je voudrais partager avec vous quelques-unes de mes réflexions sur la question de savoir si ces objectifs demeurent pertinents à l’heure actuelle.
Les rédacteurs du Statut de la CPJI partaient du principe qu’un Etat choisirait un juge ad hoc parmi ses propres ressortissants. De fait, dans les échanges du comité consultatif de juristes, ainsi que dans les dispositions pertinentes du Règlement de la CPJI de 19227 et les premières décisions rendues par la Cour permanente8, l’expression «juge national» était employée pour décrire le juge ad hoc. Bien que la référence à la nationalité ait été par la suite supprimée du Règlement9, du temps de la CPJI et tout au long des premières décennies d’existence de la Cour, les Etats ont, dans la vaste majorité des cas, continué de choisir les juges ad hoc parmi leurs ressortissants. Dans les affaires contentieuses dont la Cour a été saisie au cours des dix années (1946-1955) qui ont suivi sa création, plus de 80 % des juges ad hoc étaient des ressortissants de l’Etat qui les avait désignés.
Au fil du temps, cette pratique a considérablement évolué. Si l’on regarde les nominations dans les affaires introduites au cours des dix dernières années (2012-2021), les proportions se sont inversées : environ 80 % des juges ad hoc n’étaient pas des ressortissants de l’Etat qui les avait désignés. Cette tendance semble indiquer que, souvent, les Etats n’attachent guère d’importance à la connaissance spéciale qu’aurait le juge ad hoc du droit national.
Quant à l’objectif du comité consultatif tendant à garantir l’égalité des deux parties à une affaire, il entre en jeu lorsque seul l’un des deux Etats en litige compte un juge de sa nationalité sur le siège. La désignation d’un juge ad hoc n’est toutefois pas le seul moyen de veiller à l’égalité des parties. On pourrait ainsi envisager d’interdire à un membre de la Cour de siéger dans une affaire à laquelle l’Etat dont il a la nationalité est partie.
La solution consistant à mettre les parties sur un pied d’égalité en «soustrayant» un membre de la Cour plutôt qu’en «ajoutant» un juge ad hoc peut sembler tentante si l’on estime que l’intérêt premier de la nomination d’un tel juge réside dans la possibilité de neutraliser le point de vue — et le vote — adverse d’un juge de la nationalité de l’autre partie. Mais il est évident, sur le plan arithmétique, que, même à supposer qu’un Etat désigne comme juge ad hoc quelqu’un qui votera aveuglément en sa faveur, la garantie d’un vote favorable sur 16 ou 17 n’aura, dans la plupart des cas, qu’une utilité très limitée pour l’Etat en question.
4 Comité consultatif de juristes, procès-verbaux des séances du comité, 16 juin-24 juillet 1920, p. 531 (Loder).
5 Ibid., p. 528 (Lord Phillimore).
6 Ibid., p. 528 (Lord Phillimore).
7 Règlement de la CPJI du 24 mars 1922, art. 2, 3 et 4.
8 Voir, par exemple, Vapeur Wimbledon, arrêts, 1923, C.P.J.I. série A no 1 (17 août 1923) et Concessions Mavrommatis en Palestine, arrêt no 2, 1924, C.P.J.I. série A n° 2 (30 août 1924).
9 Règlement de la CPJI du 11 mars 1936, art. 2, 3 et 4.
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Je tiens à relever à cet égard que le Statut de la Cour se contente de permettre, sans pour autant prescrire, la désignation d’un juge ad hoc10. Deux Etats parties à une affaire peuvent convenir de n’y procéder ni de part ni d’autre. En pratique, cela n’est arrivé que rarement dans l’histoire de la Cour11, et jamais au cours des 12 années pendant lesquelles j’y ai siégé, ce qui semble indiquer que les Etats estiment utile de pouvoir désigner un juge ad hoc même dans les cas où la question de la neutralisation de leurs votes respectifs ne se pose pas.
Pour le comité consultatif de juristes, une troisième raison de permettre aux Etats de désigner un juge ad hoc tenait à l’objectif plus général consistant à persuader les Etats d’accorder leur confiance à une Cour mondiale. Selon M. Elihu Root, représentant des Etats-Unis d’Amérique auprès du comité, l’institution du juge ad hoc garantirait aux Etats «qu’il y a[urait] dans la Cour au moins une personne qui p[ourrait] les comprendre». Sir Root précisa, dans des termes sans équivoque, que, à moins de pouvoir assurer les Etats qu’ils seraient représentés à la Cour, il serait impossible d’obtenir leur consentement à la compétence de celle-ci12. Il est tout à fait possible que cette observation relevant de la realpolitik reflète un point de vue largement partagé par les Etats. On peut toutefois se demander si ceux-ci ont raison d’attacher de l’importance à la désignation du juge ad hoc. Si la connaissance spécialisée du droit national et la neutralisation des votes ne suffisent pas à justifier l’existence de cette institution, quel en est véritablement l’intérêt ? Pour répondre à cette question, je voudrais vous faire part de mes réflexions sur l’évolution de l’institution du juge ad hoc à la Cour.
Le juge ad hoc Elihu Lauterpacht a éloquemment exposé son avis sur le rôle de cette institution dans une opinion individuelle qui date de 1993 :
«[T]out en étant tenu par son devoir d’impartialité, le juge ad hoc joue un rôle particulier. Selon moi, il est spécialement tenu de veiller à ce que, dans toute la mesure possible, chacun des arguments pertinents de la partie qui l’a désigné ait été pleinement pris en considération au cours de l’examen collégial et soit, en fin de compte, reflété — à défaut d’être accepté — dans sa propre opinion individuelle ou dissidente.»13
Ainsi entendue, la désignation d’un juge ad hoc permet à chaque partie à une affaire d’être assurée que, à chaque délibération de la Cour en chambre du conseil, quelqu’un, sur place, veille tout particulièrement aux intérêts et aux droits équitables de cet Etat, et fait valoir ces considérations pendant les échanges confidentiels qui se tiennent entre les juges.
Néanmoins, les juges ad hoc, comme les membres de la Cour qui ont la nationalité d’un Etat partie, perdraient toute crédibilité en salle de délibération s’ils ne prenaient la parole que pour défendre le point de vue de l’Etat qui les a désignés ou dont ils ont la nationalité. Comme l’a relevé Mme Higgins, ancienne présidente de la Cour, «le meilleur des juges ad hoc n’est pas un avocat de plus pour son camp … : de l’avis général à la Cour, ce n’est pas là [son] rôle»14. Ces réflexions font écho à mes propres observations sur la manière dont les juges ad hoc peuvent le plus utilement contribuer au travail de la Cour.
Ayant pu observer le comportement des juges ad hoc à la Cour, j’ai le sentiment que les Etats qui les désignent ont de plus en plus pour optique celle qu’avaient envisagée le juge Lauterpacht et
10 Statut de la Cour, art. 31, par. 2 et 3.
11 Voir, par exemple, Ile de Kasikili/Sedudu (Botswana/Namibie), arrêt, C.I.J. Recueil 1999 (II), p. 1045 ; et Temple de Préah Vihéar (Cambodge c. Thaïlande), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1962, p. 6.
12 Comité consultatif de juristes, procès-verbaux des séances du comité, 16 juin-24 juillet 1920, p. 538 (Root).
13 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Yougoslavie (Serbie et Monténégro)), mesures conservatoires, ordonnance du 13 septembre 1993, C.I.J. Recueil 1993, opinion individuelle de M. le juge ad hoc Lauterpacht, p. 409, par. 6.
14 C. Brower, E. Weiss, R. Higgins & T. Meron, “Plenary Keynote: Decision-making in International Courts and Tribunals: A Conversation with Leading Judges and Arbitrators”, (2011) 105 Proceedings of the ASIL Annual Meeting 220, p. 230 (Higgins).
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la présidente Higgins, et qu’ont faite leur plusieurs juges ad hoc dans diverses affaires par la suite
15. Il s’agit de privilégier les personnes qui — indépendamment de leur nationalité — ont une connaissance approfondie de la Cour et de ses procédures, sont spécialisées dans un domaine touchant à l’objet de l’affaire en question, et sont susceptibles d’être considérées comme crédibles et justes par les membres de la Cour.
En résumé, la pratique récente confirme l’importance et la pertinence que continue de revêtir l’institution du juge ad hoc. L’idée fondamentale formulée par les rédacteurs du Statut de la CPJI il y a un siècle reste valable : est véritablement utile une institution qui renforce, chez l’ensemble des Etats, la certitude que la Cour, dans ses délibérations, prend toute la mesure et tient dûment compte de leurs arguments et de leurs droits équitables. Je suis convaincue que les juges ad hoc jouent effectivement un rôle important dans les délibérations privées de la Cour, et que leur désignation profite à cette dernière dans son ensemble.
Bien que je vous aie brossé un tableau flatteur du rôle que remplit la désignation du juge ad hoc, je voudrais, avant d’en venir au sujet suivant, exprimer ma déception sur un point. Les juges ad hoc nommés par les Etats sont, en très grande majorité, des ressortissants de pays développés et, à quelques rares exceptions près, des hommes. Je comprends certaines des considérations qui peuvent guider ce choix. Mais j’invite chacun d’entre vous à ne pas oublier, au moment de désigner les membres de notre profession appelés à occuper cette fonction, la possibilité de nommer des ressortissants de pays en développement ou des femmes. Un accueil chaleureux sera réservé à la Cour aux juges ad hoc, hommes et femmes, ainsi désignés, et la diversité des profils qui en résultera viendra certainement enrichir nos débats.
Le rôle de la Cour en tant que juridiction de première instance
J’en arrive à présent à la deuxième partie de mon allocution, qui a trait au rôle de la Cour en tant que juridiction de première instance, rôle que l’on néglige trop souvent.
Lorsqu’un président de la Cour donne lecture d’un arrêt dans la grande salle de justice, l’une des principales questions qui taraude les représentants des parties, assis à quelques mètres du siège, est la suivante : «Avons-nous gagné ou perdu ?».
Les décisions de la Cour sur des points de droit n’intéressent pas que les parties à une affaire. Peu après le prononcé d’un arrêt, les vues de la Cour sur tel ou tel point peuvent faire l’objet de tweets ou d’articles de blog, puis à terme d’analyses plus approfondies de la part des spécialistes.
L’attention portée à l’issue de l’affaire et aux décisions juridiques que rend la Cour peut masquer une autre dimension importante de son travail. La Cour n’est pas une juridiction d’appel ou de cassation, uniquement saisie de questions de droit. Elle est également une cour de première instance et, en tant que telle, elle remplit certaines fonctions similaires à celles qu’exercent les juridictions de premier ressort de vos pays respectifs.
15 Voir, par exemple, Demande d’examen de la situation au titre du paragraphe 63 de l’arrêt rendu par la Cour le 20 décembre 1974 dans l’affaire des Essais nucléaires (Nouvelle-Zélande c. France), ordonnance du 22 septembre 1995, C.I.J. Recueil 1995, opinion dissidente de M. le juge ad hoc Palmer, p. 420, par. 118 ; Mandat d’arrêt du 11 avril 2000 (République démocratique du Congo c. Belgique), arrêt, C.I.J. Recueil 2002, opinion individuelle de M. le juge ad hoc Bula-Bula, p. 101, par. 3 ; Souveraineté sur Pulau Ligitan et Pulau Sipadan (Indonésie/Malaisie), arrêt, C.I.J. Recueil 2002, opinion dissidente de M. le juge ad hoc Franck, p. 693, par. 9 ; Différend frontalier (Bénin/Niger), arrêt, C.I.J. Recueil 2005, opinion dissidente de M. le juge ad hoc Bennouna, p. 153, par. 3 ; et Questions concernant l’obligation de poursuivre ou d’extrader (Belgique c. Sénégal), mesures conservatoires, ordonnance du 28 mai 2009, C.I.J. Recueil 2009, opinion individuelle de M. le juge ad hoc Sur, p. 201, par. 2.
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Dans un système juridique national, le tribunal de première instance est appelé à trancher de nombreuses questions de procédure, allant de la plus banale à la plus complexe. Il se prononce également sur des points de fait en se fondant sur les éléments de preuve dont il dispose.
Je vous invite à imaginer les types de questions de procédure qui pourraient se poser à une juridiction nationale de première instance. Faut-il accéder à la demande d’une partie tendant à obtenir la prorogation d’un délai ? Comment structurer l’interrogatoire des experts et des témoins de faits présentés par les parties ? Convient-il d’autoriser une partie à produire de nouveaux éléments de preuve quelques heures avant le début des audiences ? Dans de nombreux tribunaux nationaux, ces questions relèveraient d’un juge unique, qui pourrait les trancher dès qu’elles lui sont soumises.
La Cour est souvent appelée à se prononcer sur des questions semblables, mais la manière dont elle prend ses décisions est fort différente. En tant que juridiction de première instance composée de 15 juges, elle tranche les points de procédure à l’issue de discussions internes auxquelles l’ensemble des juges participe.
D’aucuns pourraient se demander s’il serait plus efficace que certaines décisions d’ordre procédural soient prises par son seul président. Cette possibilité existe, puisque les instruments régissant le fonctionnement de la Cour autorisent le président, dans certaines circonstances, à prendre des décisions de ce type lorsque celle-ci ne siège pas16. Cependant, même lorsqu’il s’agit d’un point que le président pourrait trancher seul, la pratique, à quelques rares exceptions près, veut que la Cour participe en formation plénière aux décisions portant sur les questions de procédure, même celles qui peuvent paraître relativement mineures, comme le nombre de minutes dont disposent les parties pour leurs plaidoiries à chaque tour de la procédure orale, ou le point de savoir s’il faut autoriser l’une d’elles à projeter une vidéo particulière à l’audience.
Comment expliquer cette façon de procéder ? Il ne s’agit pas d’un manque de confiance à l’égard du président, mais plutôt d’une prise en considération de l’importance qu’accordent les parties aux questions d’ordre procédural, sur lesquelles elles s’opposent souvent énergiquement. Bien que tous les juges soient parfaitement conscients que les procédures de la Cour doivent respecter les principes de l’équité et de l’égalité des armes, nous sommes rarement d’accord sur la manière d’appliquer ces principes. Nos points de vue respectifs peuvent avoir été influencés par la pratique de nos juridictions nationales, par notre expérience de juristes ou par notre travail auprès d’autres cours internationales. Une prise de décision collective sur les points de procédure permet de s’assurer que les vues de chaque juge sont prises en compte et de tisser, au fil du temps, une pratique constante qui s’inspire des diverses manières de voir de juges provenant de nombreux systèmes juridiques différents.
Un autre aspect du travail de la Cour en tant que juridiction de première instance a trait aux questions qui concernent l’administration de la preuve. Une juridiction de ce type apprécie les éléments de preuve présentés par les parties à l’appui de leurs demandes et arguments. Pour comprendre comment une juridiction donnée traite les questions relatives à la preuve, nous pourrions notamment nous intéresser aux modes de preuve qu’elle juge convaincants, à la manière dont elle évalue la force probante des éléments de preuve, et à la façon dont elle se procure des éléments de preuve scientifiques et techniques.
Si l’on observe la manière dont ces questions relatives à la preuve sont traitées par les tribunaux de première instance nationaux, on constate d’importantes différences de méthode selon que ceux-ci s’inspirent du système de common law ou privilégient un modèle de droit romano-germanique. La Cour n’appartient à aucune de ces deux catégories. En matière de preuve, son Statut et son Règlement reflètent principalement un désir de laisser la porte ouverte à des
16 Règlement de la Cour, art. 44.
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méthodes issues de ces deux traditions, ce qui a donné à la Cour toute liberté d’instituer ses propres pratiques au fil du temps.
Le mode de preuve renvoie aux types de preuve sur lesquels la Cour se fonde pour tirer ses conclusions factuelles. Le Statut et le Règlement autorisent les parties à présenter des preuves documentaires et des témoignages17 ; ils n’établissent aucune hiérarchie entre les différents types de preuve. Dans ses arrêts, la Cour s’est toutefois amplement exprimée sur les catégories de preuve qu’elle juge les plus convaincantes et celles auxquelles elle tend à reconnaître une moindre valeur probante.
La Cour a ainsi indiqué préférer, comme c’est le cas dans les pays de droit romano-germanique, les preuves documentaires aux témoignages18. Elle traite avec prudence les éléments de preuve établis aux fins d’une affaire ainsi que ceux provenant de sources secondaires19. En outre, elle prête habituellement une attention toute particulière aux déclarations dignes de foi attestant de faits ou de comportements défavorables à l’Etat que représente celui dont émanent lesdites déclarations20.
S’agissant de l’appréciation des éléments de preuve, on peut penser aux concepts de charge de la preuve et de critère d’établissement de la preuve.
En ce qui concerne la question de savoir à qui incombe la charge de la preuve, l’approche adoptée par la Cour ressort de plus en plus clairement de ses arrêts. En règle générale, il appartient à la partie qui allègue un fait particulier d’en démontrer l’existence21. La Cour a toutefois fait preuve de souplesse dans certains cas, notamment lorsque la partie qui avançait un fait donné ne se trouvait pas en possession des éléments de preuve nécessaires, alors que la partie adverse y avait accès22.
Pour se prononcer sur les éléments qui lui sont soumis, la Cour n’a pas pour pratique de définir un critère d’établissement de la preuve particulier, comme le font souvent les juridictions de première instance dans les pays de common law. C’est au lecteur de déduire le critère auquel sont tenues les parties dans une affaire donnée. Le fait qu’il répugne à la Cour de définir un critère spécifique, qui rappelle l’approche adoptée par les pays de droit romano-germanique, a parfois été critiqué par les juges originaires de pays de common law23.
17 Statut de la Cour, art. 43 ; Règlement de la Cour, art. 50, 56, 57 et 58.
18 Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda), arrêt, C.I.J. Recueil 2005, p. 201-204, par. 60-68 ; Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 130, par. 213.
19 Différend territorial et maritime entre le Nicaragua et le Honduras dans la mer des Caraïbes (Nicaragua c. Honduras), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (II), p. 731, par. 244 ; Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda), arrêt, C.I.J. Recueil 2005, p. 201, 204 et 225, par. 61, 68 et 159 ; Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 41, par. 65.
20 Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda), arrêt, C.I.J. Recueil 2005, p. 201, par. 61, citant Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 41, par. 64.
21 Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua), indemnisation, arrêt, C.I.J. Recueil 2018 (I), p. 26, par. 33 ; voir aussi Ahmadou Sadio Diallo (République de Guinée c. République démocratique du Congo), arrêt, C.I.J. Recueil 2010 (II), p. 660, par. 54.
22 Ahmadou Sadio Diallo (République de Guinée c. République démocratique du Congo), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 2010 (II), p. 660-661, par. 54-56.
23 Plates-formes pétrolières (République islamique d’Iran c. Etats-Unis d’Amérique), arrêt, C.I.J. Recueil 2003, opinion individuelle de Mme le juge Higgins, p. 233, par. 31 ; Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay (Argentine c. Uruguay), arrêt, C.I.J. Recueil 2010 (I), opinion individuelle de M. le juge Greenwood, p. 230, par. 25-26.
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Pour donner un dernier exemple de la manière dont procède la Cour en matière de preuve, je voudrais évoquer les témoignages d’experts, qui portent généralement sur des points scientifiques ou techniques. Le Statut et le Règlement24 disposent que les parties ont la possibilité de faire entendre des experts, lesquels peuvent être, le cas échéant, soumis à un contre-interrogatoire par l’autre partie au cours des audiences, comme c’est généralement le cas dans les juridictions de common law25. Ils prévoient également que la Cour elle-même peut désigner des experts, comme le font souvent les tribunaux de première instance des pays de droit romano-germanique26. La Cour l’a parfois fait, notamment dans deux affaires récentes : celle des Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda), dans laquelle elle a désigné quatre experts pour l’aider à déterminer le montant de l’indemnisation au titre de trois chefs de préjudice allégués par la République démocratique du Congo27, et l’instance relative à la Délimitation maritime dans la mer des Caraïbes et l’océan Pacifique (Costa Rica c. Nicaragua), dans laquelle elle a fait procéder à une expertise s’agissant de l’état d’une portion spécifique de la côte pertinente aux fins de l’établissement de la frontière maritime entre les deux Etats28.
Comme ces exemples semblent le montrer, et comme il ressort des échanges entre les juges, des approches adoptées en matière de preuve et de procédure qui peuvent convenir parfaitement aux juridictions de première instance d’un système juridique national particulier ne sont pas nécessairement convaincantes aux yeux des membres de la Cour. Puisque je m’adresse aujourd’hui à la Sixième Commission, je suis en présence de personnes qui sont susceptibles de participer à l’introduction d’une instance devant la Cour. Lorsque les désaccords relatifs aux éléments de preuve occupent une place importante dans l’instance en question, ou si vous estimez que les décisions d’ordre procédural tirent particulièrement à conséquence, il est essentiel que votre équipe juridique connaisse parfaitement les pratiques et la jurisprudence de la Cour en matière de preuve et de procédure, en sus des décisions prises sur des points de droit.
Le rythme des procédures devant la Cour
J’en viens à présent à la troisième et dernière partie de mon intervention, qui touche au rythme des procédures. Je me souviens de ce que l’on m’avait dit lorsque ma candidature a été présentée : que le rythme de travail me paraîtrait tranquille, que la Cour ne travaillait jamais que sur une ou deux affaires à la fois, et que ses procédures internes étaient regrettablement inefficaces. On m’a encouragée à faire mon possible pour accélérer la cadence de ses travaux.
Au fil du temps, j’ai compris que certaines critiques n’étaient probablement plus d’actualité, tandis que d’autres ne tenaient pas suffisamment compte des justifications de certaines méthodes de travail.
De l’introduction d’une instance à l’arrêt définitif, il y a trois phases : la procédure écrite, la procédure orale, et les délibérations de la Cour menant à la rédaction de l’arrêt. Je ferai quelques remarques à propos de chacune de ces phases.
24 Statut de la Cour, art. 43, par. 5 et art. 51 ; Règlement de la Cour, art. 57 et 63-65.
25 Chasse à la baleine dans l’Antarctique (Australie c. Japon ; Nouvelle-Zélande (intervenant)), arrêt, C.I.J. Recueil 2014, p. 237, par. 20-21 ; Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua) et Construction d’une route au Costa Rica le long du fleuve San Juan (Nicaragua c. Costa Rica), arrêt, C.I.J. Recueil 2015 (II), p. 677-678, par. 34 et p. 680, par. 45.
26 Statut de la Cour, art. 48 et 50 ; Règlement de la Cour, art. 67.
27 Activités armées sur le territoire du Congo (République démocratique du Congo c. Ouganda), ordonnance du 12 octobre 2020, C.I.J. Recueil 2020, p. 295.
28 Délimitation maritime dans la mer des Caraïbes et l’océan Pacifique (Costa Rica c. Nicaragua), ordonnance du 16 juin 2016, C.I.J. Recueil 2016 (I), p. 240.
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Le Statut et le Règlement disposent que la Cour, après avoir consulté les parties, décide du nombre de pièces écrites et des délais pour leur présentation29. Peu après le dépôt, au Greffe, d’un compromis ou d’une requête introductive d’instance, le président rencontre les parties pour connaître leurs vues sur les délais aux fins du premier tour d’écritures. Compte tenu des informations ainsi obtenues, la Cour fixe le délai pour le dépôt des pièces de procédure de chaque partie. Une fois ces pièces reçues, et après nouvelle consultation des parties, la Cour décide de l’opportunité d’un second tour d’écritures et, le cas échéant, fixe les délais prévus à cet égard.
La Cour ne respecte pas systématiquement les voeux des parties s’agissant du calendrier de la procédure écrite, mais l’avis exprimé par celles-ci est un élément qu’elle prend dûment en considération lorsqu’elle fixe les dates d’expiration des délais pour le dépôt des pièces.
Certains observateurs extérieurs ont tendance à supposer que les demandeurs souhaitent que la procédure aboutisse rapidement à un arrêt définitif, tandis que les défendeurs ont intérêt à atermoyer. Il est peut-être vrai que, en règle générale, un demandeur n’introduit une instance que s’il s’attend à obtenir gain de cause, et qu’il est donc pressé qu’une décision définitive soit prise. Mais, à mesure que l’affaire suit son cours, le point de vue des parties sur le rythme de la procédure et le fond de l’affaire évolue inévitablement. Par exemple, il est courant que le demandeur prie la Cour de prescrire un second tour d’écritures, plutôt que de passer promptement aux audiences à l’issue du premier tour. Et souvent, les deux parties demandent un délai long, parfois jusqu’à un an, pour élaborer leurs pièces de procédure respectives.
Je tiens également à faire observer que la phase écrite est souvent interrompue par des procédures incidentes. Notamment, si une partie soulève des exceptions préliminaires d’incompétence de la Cour ou d’irrecevabilité de la requête, la procédure sur le fond est suspendue jusqu’à ce que la Cour ait statué sur ces exceptions. Parmi les autres procédures incidentes figurent également les demandes en indication de mesures conservatoires, les demandes reconventionnelles et les demandes d’intervention déposées par des Etats tiers. Les questions qu’elles soulèvent doivent être tranchées avant que toute décision définitive ne puisse être prise sur le fond. Les procédures incidentes, qui sont devenues fréquentes ces derniers temps, peuvent également contraindre la Cour à reporter ses travaux sur d’autres affaires.
Après avoir reçu les pièces écrites, la Cour est appelée à fixer la date des audiences. Comme chacun le sait, la Cour a éprouvé des difficultés, par le passé, à faire face au nombre croissant d’affaires inscrites à son rôle, ce qui s’est traduit par un arriéré considérable d’affaires en état et des délais excessivement longs entre la clôture de la phase écrite et l’ouverture des audiences. En réformant progressivement ses procédures et ses méthodes de travail, la Cour est peu à peu parvenue à rattraper le retard ainsi accumulé30.
A cet égard, une évolution importante s’est opérée s’agissant du nombre d’affaires que la Cour examine simultanément. En 1996, un groupe d’étude s’intéressant à l’efficacité des procédures et des méthodes de travail de la Cour, composé d’experts ayant une connaissance approfondie du travail de celle-ci, a établi que l’un des principaux problèmes venait de ce que «la Cour ne trait[ait] qu’une seule affaire — ayant atteint un stade avancé (c’est-à-dire au terme de la présentation des exposés) — à la fois»31. Bien avant que je n’entre en fonctions à la Cour en 2010, il était devenu parfaitement évident que celle-ci ne pouvait plus s’offrir le luxe de n’examiner qu’une seule affaire à la fois, au vu de l’augmentation du nombre d’instances inscrites à son rôle.
29 Voir, par exemple, Statut de la Cour, art. 43, par. 3 ; Règlement de la Cour, art. 31, 44, 46 et 48.
30 Rapport annuel de la Cour internationale de Justice, 1er août 2009-31 juillet 2010 (1er août 2010), doc. A/65/10, p. 6, par. 22.
31 “Report of the Study Group established by the British Institute of International and Comparative Law to examine the efficiency of procedures and working methods of the International Court of Justice” 45 ICLQ S1 (1996) 1, par. 28.
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Aujourd’hui, comme il ressort clairement du rapport annuel pour l’année en cours, la Cour examine systématiquement les questions de fond en cause dans de multiples affaires en même temps, parallèlement à l’examen individuel et collectif d’un flux constant de questions de procédure dans des affaires pendantes qui ne sont pas encore en l’état. J’ai ainsi pu constater que les présidents successifs, de même que les autres juges, étaient soucieux de programmer des audiences dès la clôture de la phase écrite, dans la mesure où les circonstances de l’espèce et la charge de travail de la Cour le permettaient.
Comme je l’ai fait remarquer devant l’Assemblée générale hier, la Cour a tenu des audiences dans sept affaires pendant la période que couvrait son dernier rapport annuel, entre le mois d’août 2021 et celui de juillet 2022. Une autre série d’audiences a eu lieu en septembre, et la Cour prévoyait d’entendre encore trois affaires avant la fin de l’année civile, bien qu’une annulation soit intervenue en raison du retrait, la semaine dernière, d’une demande en indication de mesures conservatoires. Nous avons reçu plusieurs demandes en indication de mesures conservatoires, parmi d’autres procédures incidentes, ce qui mobilise fortement nos ressources. Je tiens également à souligner que les parties ont tendance à présenter des pièces écrites et des annexes fort volumineuses.
Quelle est l’incidence de l’accélération du rythme des activités judiciaires de la Cour sur sa capacité à faire face à cet afflux de nouvelles affaires, qui pourrait encore s’amplifier dans les années à venir ? En réponse à cette question, je voudrais exprimer une préoccupation. L’effectif du Greffe ne s’est pas accru de manière proportionnelle au surcroît de travail qu’a connu la Cour ces dernières années. La Cour a fait preuve d’une grande retenue dans ses demandes de crédits budgétaires, et mon but n’est pas aujourd’hui de recommander une quelconque augmentation des ressources mises à la disposition de notre Greffe. Cependant, vu le nombre d’affaires dont la Cour est saisie et la fréquence à laquelle sont introduites des procédures incidentes complexes et urgentes, notamment des demandes en indication de mesures conservatoires, c’est uniquement grâce au travail acharné et au dévouement de son Greffe, dont l’effectif est limité, que la Cour a pu garder la cadence. Je me demande si cette situation est tenable. Une autre solution pourrait s’avérer nécessaire.
Je formulerai à présent quelques observations sur la dernière phase du travail qu’accomplit la Cour dans les affaires dont elle est saisie : les délibérations et l’élaboration de l’arrêt. Avant ma nomination à la Cour, on m’avait souvent dit que ce processus était trop lent. Je ne suis pas d’accord avec cette affirmation, pour les raisons que je vais vous exposer brièvement.
Pour les arrêts au fond, après la tenue des audiences, la Cour procède comme suit. Chaque juge rédige une note détaillée exposant, à titre préliminaire, son point de vue sur l’affaire. S’ensuivent plusieurs jours de délibérations, puis l’élection d’un comité de juges chargés de rédiger un avant-projet d’arrêt. Des amendements écrits sont ensuite soumis par chaque juge siégeant en l’affaire. On procède alors à deux lectures, au cours desquelles les projets d’arrêt successifs, après avoir été examinés par la Cour plénière, paragraphe par paragraphe, font l’objet d’un vote. Les délibérations et toutes les phases écrites et orales se déroulent dans les deux langues officielles de la Cour, l’anglais et le français, ce qui implique certaines contraintes en matière de traduction et d’interprétation. Dernièrement, l’ensemble de cette phase s’est étalé, en moyenne, sur six mois environ, de la clôture de la procédure orale jusqu’au prononcé de l’arrêt dans la grande salle de justice.
Ce processus pourrait-il gagner en efficacité ? Certainement. Par exemple, l’échange des notes écrites entre les juges est une pratique à laquelle nous pourrions renoncer. Un juge pourrait rédiger chaque arrêt, la possibilité pour les autres membres de la Cour d’y contribuer étant plus limitée. Mais une telle efficacité aurait un coût. Par exemple, je suis convaincue que la rédaction et le partage des notes nous aident considérablement, sur les plans individuel et collectif, à appréhender les points à trancher dans une affaire. Tandis que je rédige ma note, assise à mon bureau, ayant pris une certaine distance avec les arguments des parties, je parviens à mieux discerner les questions les plus épineuses. Et l’examen des notes des autres juges, l’altérité de leur analyse et de leurs conclusions me permettent d’affiner mes propres idées. Ces échanges écrits enrichissent les débats qui
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s’ensuivent, et améliorent la qualité des arrêts et des ordonnances que nous rendons. En outre, les nombreuses possibilités offertes à la plénière d’examiner le texte des décisions, paragraphe par paragraphe et de manière collégiale, permettent de veiller à ce que chaque arrêt non seulement soit rédigé avec soin, mais encore reflète fidèlement les vues de la majorité sur un point donné.
Pour conclure mon propos sur le rythme de travail de la Cour, je dirais que certaines des observations exprimées avant mon entrée en fonctions ne sont plus d’actualité, notamment les critiques concernant le nombre d’affaires sur lesquelles la Cour délibère simultanément. Les autres récriminations à l’égard des méthodes de travail de la Cour auxquelles j’étais sensible avant mon arrivée me semblent à présent peu convaincantes. Pour que la Cour internationale de Justice ne se contente pas de porter le nom de «Cour mondiale», mais agisse comme telle, il est fondamental que l’ensemble de ses membres se voient offrir suffisamment d’occasions d’échanger, de débattre et d’ajuster leurs vues en fonction de celles de leurs collègues, et que chacun d’entre eux participe activement à toutes les étapes du processus de prise de décision.
Conclusion
Monsieur le président,
Voilà qui m’amène au terme de mon intervention. J’ai voulu mettre en perspective certaines des «idées reçues» que m’avaient transmises de fins connaisseurs de la Cour dans la période qui a précédé mon élection, et que j’ai souvent retrouvées dans des ouvrages de doctrine, mais également partager ma manière de voir en tant que membre de la Cour.
Sur ce, Monsieur le président, je voudrais remercier l’auditoire de son attention et je me réjouis du fructueux échange de vues qui s’annonce. Je suis convaincue que chacun d’entre vous veillera à ne pas soulever de questions touchant à des affaires pendantes. A cette réserve près, je discuterai volontiers de tout sujet qui peut intéresser les membres de la Sixième Commission.
Monsieur le président, je vous remercie.
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Discours de S. Exc. Mme la juge Joan E. Donoghue, présidente de la Cour internationale de Justice, devant la Sixième Commission de l’Assemblée générale