Duplique de la France

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163-20190814-WRI-01-00-EN
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COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
AFFAIRE RELATIVE AUX
IMMUNITÉS ET PROCÉDURES PÉNALES
(GUINÉE ÉQUATORIALE c. FRANCE)
DUPLIQUE DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
,
Liberté • Egalité • Fraternité
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION ................................................................................................................................... 1
I. PROCEDURE DEVANT LA COUR ......................................................................................... 1
II. OBSERVATIONS LIMINAIRES SUR LA REPLIQUE ........................................................... 2
III. OBJET DU DIFFEREND ....................................................................................................... 4
IV. PLAN DE LA DUPLIQUE ..................................................................................................... 6
CHAPITRE 1 - LA PERSISTANCE D’INCOHERENCES DANS LA PRESENTATION DES FAITS
CONCERNANT L’IMMEUBLE SIS 42 AVENUE FOCH PAR LA REPUBLIQUE DE GUINEE
EQUATORIALE ..................................................................................................................................... 7
CHAPITRE 2 – L’ABSENCE DE VIOLATION DE LA CONVENTION DE VIENNE SUR LES
RELATIONS DIPLOMATIQUES EU EGARD A L’IMMEUBLE DU 42 AVENUE FOCH ............ 14
I. LA QUESTION DE LA PROPRIETE DE L’IMMEUBLE DU 42 AVENUE FOCH EST
SANS RAPPORT AVEC CELLE DU RESPECT DE LA CONVENTION DE VIENNE SUR LES
RELATIONS DIPLOMATIQUES ................................................................................................... 17
A. La Guinée équatoriale entretient une confusion entre la propriété et l’usage de l’immeuble 18
II. LE REGIME D’INVIOLABILITE PREVU PAR LA CONVENTION DE VIENNE N’EST
PAS APPLICABLE A L’IMMEUBLE DU 42 AVENUE FOCH .................................................... 25
A. En dépit de concessions formelles, la Guinée équatoriale continue de soutenir à tort que
l’État accréditant peut unilatéralement imposer le choix des locaux de sa mission diplomatique à
l’État accréditaire .......................................................................................................................... 26
B. La Guinée équatoriale continue de soutenir à tort que l’État accréditant peut étendre à des
immeubles un statut diplomatique indépendamment de leur affectation réelle ............................ 30
III. LA FRANCE N’A PAS VIOLE SES OBLIGATIONS A L’EGARD DE LA GUINEE
EQUATORIALE AU TITRE DE L’ARTICLE 22 DE LA CONVENTION DE VIENNE ............. 34
CHAPITRE 3 - L’ABUS DE DROIT COMMIS PAR LA GUINEE EQUATORIALE ...................... 38
I. LES NOUVELLES CONTRADICTIONS DE LA GUINÉE ÉQUATORIALE ...................... 40
A. Les nouvelles variations de la Guinée équatoriale quant à la date de début d’utilisation des
locaux de l’immeuble du 42 avenue Foch ..................................................................................... 41
B. La France a agi de bonne foi et de manière constante face aux revendications abusives de la
Guinée équatoriale concernant l’immeuble du 42 avenue Foch .................................................... 48
II. L’ABUS DE DROIT COMMIS PAR LA GUINÉE ÉQUATORIALE JUSTIFIE LE REFUS
DE LA FRANCE DE RECONNAÎTRE UN STATUT DIPLOMATIQUE À L’IMMEUBLE DU 42
AVENUE FOCH ............................................................................................................................... 53
A. Le régime prévu par la Convention de Vienne autorise la France à refuser de reconnaître un
statut diplomatique à l’immeuble du 42 avenue Foch en raison de l’abus de droit commis par la
Guinée équatoriale ......................................................................................................................... 53
B. L’absence de demande reconventionnelle en réparation est sans effet sur l’existence d’un abus
de droit commis par la Guinée équatoriale .................................................................................... 56
CHAPITRE 4 – L’ABSENCE DE RESPONSABILITE INTERNATIONALE DE LA FRANCE ..... 59
I. LES PREJUDICES ALLEGUES ................................................................................................... 60
II. LE CONTENU DE LA RESPONSABILITE ............................................................................... 66
CONCLUSIONS ................................................................................................................................... 73
ANNEXE 1 ........................................................................................................................................... 75

1
INTRODUCTION
0. La présente duplique est déposée, en application de l’article 45 du Règlement de la
Cour, en réponse à la réplique produite par la Guinée équatoriale, le 8 mai 2019. En
introduction de cette duplique, la France rappellera les derniers développements de la
procédure devant la Cour (I) avant de présenter les observations liminaires qu’appelle la lecture
de la réplique de la demanderesse (II). L’introduction précisera ensuite les contours de l’objet
du différend soumis à la Cour en la présente affaire (III), et exposera le plan retenu pour la
présente duplique (IV).
I. PROCEDURE DEVANT LA COUR
0.1 La présente instance trouve son origine dans la requête introduite par la Guinée
équatoriale contre la France, dans l’affaire dite des « Immunités et procédures pénales »,
enregistrée au Greffe de la Cour le 13 juin 2016.
0.2 A la demande de la Guinée équatoriale, la Cour a rendu une ordonnance en indication
de mesures conservatoires le 7 décembre 2016. Comme l’y autorise l’article 79 du Règlement
de la Cour, la France a soulevé des exceptions préliminaires qui ont fait l’objet d’un arrêt, le 6
juin 2018. La procédure au fond a ensuite donné lieu, conformément aux prescriptions de la
Cour, au dépôt d’un mémoire et d’un contre-mémoire, respectivement par l’Etat demandeur et
l’Etat défendeur en la présente affaire.
0.3 Par une ordonnance en date du 24 janvier 2019, la Cour a autorisé la demanderesse et
la défenderesse à présenter des écritures complémentaires. Dans son ordonnance du 17 avril
2019, la Cour a reporté, en application de l’article 48 de son Statut et de l’article 44 de son
Règlement, la date de dépôt des réplique et duplique respectivement au 8 mai et 21 août 2019.
La Guinée équatoriale a, par suite, déposé sa réplique en application de ces délais. La présente
duplique est, subséquemment, déposée conformément à cette ordonnance.
2
II. OBSERVATIONS LIMINAIRES SUR LA REPLIQUE
0.4 Selon l’article 49, § 3 du Règlement de la Cour,
« La réplique et la duplique, si la Cour en autorise la présentation, ne répètent
pas simplement les thèses des parties mais s’attachent à faire ressortir les points
qui les divisent encore ».
0.5 La France considère, à titre liminaire, que la réplique présentée par la Guinée
équatoriale revient largement sur des éléments, notamment factuels, déjà présentés dans son
mémoire. Conformément à l’article 49, §3 du Règlement de la Cour, la France ne répondra
qu’aux points de la réplique qui, de son point de vue, divisent encore ou méritent d’être
clarifiés, à ce stade de la procédure, en complément des éléments déjà présentés dans le contremémoire.
0.6 La France relève également que, dans sa réplique, la Guinée équatoriale avance à
plusieurs reprises des éléments qui ne sont appuyés par aucune pièce probante. Il en est
notamment ainsi lorsque la demanderesse affirme, sans étayer son propos par aucun document
(note verbale, courrier, procès-verbal ou toute autre pièce pertinente) qu’elle aurait eu, « bien
avant [la] date [du 4 octobre 2011] »1, l’intention d’utiliser l’immeuble du 42 avenue Foch aux
fins de sa mission diplomatique. Ce type d’allégation ne repose sur aucun élément probant.
0.7 Ainsi que cette Cour l’a constamment affirmé, on peut considérer que, « selon le
principe bien établi onus probandi incumbit actori, c’est à la partie qui avance certains faits
d’en démontrer l’existence »2. Il en découle notamment que « le demandeur doit naturellement
commencer par soumettre les éléments de preuve pertinents pour étayer sa thèse »3. L’on ne
peut que constater, à la lecture de la réplique présentée par la Guinée équatoriale, que ces
éléments font très largement défaut. Dans ces conditions, la crédibilité de certaines des
assertions avancées par la demanderesse ne peut que difficilement être appréciée, a fortiori au
regard des contradictions et incohérences qui, comme on le verra dans cette duplique, persistent
dans l’exposé des faits.
1 Réplique, p. 22, par. 1.41
2 CIJ, Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay (Argentine c. Uruguay), arrêt du 20 avril 2010, C.I.J.
Recueil 2010, p. 71, par. 162.
3 Ibid., par. 163.
3
0.8 La France regrette enfin les accusations portées à son encontre dans la réplique, selon
lesquelles elle ferait « montre de mépris à l’égard des autorités de la Guinée équatoriale, ses
avocats et leur position juridique »4. La France déplore et réfute cette assertion. Au contraire,
depuis l’origine du différend, la France a fait montre de pragmatisme et s’est montrée
conciliante afin d’éviter que le différend n’affecte l’ensemble des relations bilatérales entre la
France et la Guinée équatoriale, auxquelles la France a rappelé son attachement à de
nombreuses reprises depuis le début de la procédure5 ; tout comme la Guinée équatoriale
d’ailleurs6.
0.9 Les débats qui peuvent naître à l’occasion d’une procédure judiciaire – et les
inévitables divergences de point de vue qu’ils emportent – ne devraient, en aucun cas, être
perçus comme des actes inamicaux ou méprisants.
0.10 Les écritures de la France se limitent à réfuter les thèses juridiques soutenues par la
Guinée équatoriale au regard d’une question importante du droit diplomatique, d’un intérêt
particulier pour l’ensemble des Etats, et soumise à la bienveillante appréciation de la Cour.
4 Réplique, p.1, par. 0.2
5 Voir CR 2016/15, 18 octobre 2016 (mesures conservatoires), p. 8, par. 2 (F. Alabrune) ; CR 2018/2, 19 février
2018 (exceptions préliminaires), p. 10, par. 1 (F. Alabrune).
6 Voir CR 2016/14, 17 octobre 2016 (mesures conservatoires), p. 14, par. 4 (C. Nvono Nca) ; CR 2018/3, 20
février 2018 (exceptions préliminaires), p. 8, par. 1 (C. Nvono Nca).
4
III. OBJET DU DIFFEREND
0.11 Conformément aux prescriptions de l’arrêt rendu le 6 juin 2018, la Cour a en l’espèce
uniquement « compétence, sur la base du protocole de signature facultative à la convention de
Vienne sur les relations diplomatiques concernant le règlement obligatoire des différends, pour
se prononcer sur la requête déposée par la République de Guinée équatoriale le 13 juin 2016, en
ce qu’elle a trait au statut de l’immeuble sis au 42 avenue Foch à Paris en tant que locaux de la
mission »7. Dans ce contexte, et comme cela a été précisé par la Cour,
« L’aspect du différend à l’égard duquel la Guinée équatoriale invoque le
protocole de signature facultative à la convention de Vienne comme base de
compétence concerne deux demandes sur lesquelles les Parties ont présenté des vues
divergentes. La première est celle de savoir si l’immeuble sis au 42 avenue Foch à
Paris fait partie des locaux de la mission de la Guinée équatoriale en France et peut
donc bénéficier du traitement accordé à pareils locaux par l’article 22 de la convention
de Vienne. Les Parties sont également en désaccord sur la question de savoir si les
mesures prises par les autorités françaises à l’égard de l’immeuble emportent violation
par la France des obligations lui incombant en vertu de l’article 22 »8.
0.12 L’arrêt du 6 juin 2018 a circonscrit, avec clarté, la portée du différend soumis à
l’examen de la Cour, qui ne porte donc que sur le statut de l’immeuble du 42 avenue Foch et
sur le régime d’inviolabilité susceptible d’y être associé, à l’exclusion de toute autre question.
Partant, le différend porté à la connaissance de la Cour concerne uniquement l’application et
l’interprétation de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques, et cela seulement
sur ce point précis.
0.13 Dans sa réplique, la Guinée équatoriale estime que la France adopte « une lecture
excessivement restrictive »9 du paragraphe 70 de l’arrêt rendu, le 6 juin 2018, par la Cour. Elle
fait notamment valoir que la Cour devrait « ten[ir] compte, en même temps que du contexte, de
toute règle pertinente de droit international applicable dans les relations entre les parties »10.
0.14 La Guinée équatoriale tente, par cette affirmation, d’élargir indûment la portée du
différend pour lequel la Cour s’est reconnue compétente. Une telle tentative procède d’une
confusion entre l’objet d’un différend porté à l’examen d’une juridiction internationale et le
7 CIJ, arrêt, 6 juin 2018, Immunités et procédures pénales (Guinée équatoriale c. France)
8 Ibid., par.70
9 Réplique, p.5, par. 0.20
10 Ibid, par. 0.21
5
droit applicable par cette même juridiction au règlement de ce différend. La réplique équatoguinéenne
feint, en effet, d’ignorer qu’il existe de façon bien établie une « distinction entre
l’étendue des droits et obligations qu’un tribunal international est compétent pour mettre en
oeuvre et le droit que, ce faisant, il aura à appliquer »11. Comme la Cour l’a elle-même affirmé,
le différend en la présente espèce porte uniquement sur la Convention de Vienne sur les
relations diplomatiques, dont la violation de l’article 22 est alléguée par la Guinée équatoriale,
et non sur d’autres dispositions de cet instrument ou du droit international général. Soutenir le
contraire, comme semble vouloir le faire la Guinée équatoriale, revient à méconnaître les règles
fondamentales qui régissent l’encadrement de la compétence des juridictions internationales.
0.15 La France établira donc, dans la suite de sa duplique, qu’elle n’a en aucune manière pu
méconnaître les stipulations de l’article 22 de la Convention de Vienne sur les relations
diplomatiques12.
11 CPA, sentence partielle du 30 janvier 2007, The Channel Tunnel Group limited & France Manche S.A. c.
France et Royaume-Uni, § 152. V. dans le même sens CPA, ordonnance n°3 du 24 juin 2003, Irlande c.
Royaume-Uni, Affaire de l’usine MOX, § 186. CPA, sentence du 14 août 2015, Royaume des Pays-Bas c.
Fédération de Russie, § 188 ; CIJ, arrêt, 17 juillet 2019, Jadhav (Pakistan c. Inde), par. 36 ; v. aussi M. Wood, «
The ITLOS and General International Law », The International Journal of Marine and Coastal Law, vol. 22, no.
3, 2007, p. 356 : « There is an elementary but important distinction between a court or tribunal’s jurisdiction to
hear a case, and the law to be applied by the tribunal in deciding a case which is within its jurisdiction »
12 Voir infra Chapitre 2
6
IV. PLAN DE LA DUPLIQUE
0.16 La présente duplique s’attachera à répondre aux éléments développés par la Guinée
équatoriale dans sa réplique. Dans un premier temps, la duplique mettra en exergue la
persistance de diverses incohérences et contradictions dans les faits tels qu’ils sont exposés par
la République de Guinée équatoriale (CHAPITRE 1).
0.17 Dans un deuxième temps, la France reviendra sur l’absence de violation de la
Convention de Vienne sur les relations diplomatiques eu égard à l’immeuble du 42 avenue
Foch (CHAPITRE 2).
0.18 Dans un troisième chapitre, la duplique montrera que le comportement de la Guinée
équatoriale est en l’occurrence constitutif d’un abus de droit (CHAPITRE 3).
0.19 Dans un quatrième temps – et à titre tout à fait subsidiaire et superfétatoire puisque la
France n’a, en la présente affaire, violé aucune de ses obligations internationales – la duplique
abordera la question de sa responsabilité internationale (CHAPITRE 4).
7
CHAPITRE 1 - LA PERSISTANCE D’INCOHERENCES DANS LA PRESENTATION
DES FAITS CONCERNANT L’IMMEUBLE SIS 42 AVENUE FOCH PAR LA
REPUBLIQUE DE GUINEE EQUATORIALE
1.1. La France rappelle, à titre liminaire, qu’il n’est pas utile de revenir sur les éléments de
fait liés aux procédures pénales dont fait l’objet M. Teodoro Nguema Obiang Mangue. Ainsi
que l’énonce l’arrêt sur les exceptions préliminaires en date du 6 juin 2018, la Cour a décliné sa
compétence pour examiner cet aspect du différend. Par conséquent, la présente duplique ne
concernera que les éléments factuels se rapportant au statut de l’immeuble sis 42 avenue Foch.
1.2. La réplique énonce par ailleurs, à tort, que « les faits exposés dans le contre-mémoire
de la France se basent, dans une très grande mesure, sur l’information produite par les autorités
judiciaires et policières françaises au cours des procédures pénales contre le Vice-Président de
la Guinée équatoriale »13. A tous les stades de la procédure, les écritures françaises se sont
fondées sur une vaste gamme de documents, incluant principalement les échanges de notes
verbales fournies par l’ambassade de la Guinée équatoriale elle-même. La France considère que
ces derniers documents officiels sont ceux qui mettent le mieux en lumière les nombreuses
contradictions de la Guinée équatoriale. En outre, la Guinée équatoriale elle-même se réfère
également souvent aux éléments d’information produits par les autorités judiciaires françaises,
qu’elle a en grande partie joints en annexe de son mémoire.
1.3. Partant, la France constate que la réplique présentée par la Guinée équatoriale expose
une nouvelle fois les éléments factuels de façon partielle et incomplète, dans le but de
reconstruire a posteriori une chronologie des faits qui puisse sembler conforme à la thèse
qu’elle défend sur le fond, et que la France réfute.
1.4. En vue de rétablir une présentation exacte des faits, la présente duplique complétera
les éléments factuels du contre-mémoire de la France concernant l’affectation de l’immeuble du
42 avenue Foch en relevant les incohérences et contradictions que la Guinée équatoriale n’est
toujours pas parvenue à dissiper. La France ne juge par ailleurs pas utile de revenir sur les faits
relatifs à la propriété de l’hôtel particulier, largement abordés dans les réponses aux questions
13 Réplique, p.12, par.1.7
8
posées par les Juges Bennouna et Donoghue, et sans rapport avec les violations alléguées de la
Convention de Vienne, comme la présente duplique le démontrera14.
1.5. S’agissant donc de l’affectation de l’hôtel particulier sis 42 avenue Foch et pour tenter
de surmonter les incohérences de dates – incohérences relevées, par la France, tout au long de
la présente procédure devant la Cour – la Guinée équatoriale établit une distinction artificielle
entre ses prétendus « affectation diplomatique » et « statut diplomatique ».
1.6. La réplique énonce en effet que, « [e]n ce qui concerne l’immeuble sis au 42 avenue
Foch, la Guinée équatoriale a décidé de l’affecter aux fins de sa mission diplomatique même
avant son acquisition le 15 septembre 2011 »15 tout en soulignant, par ailleurs, que « la Guinée
équatoriale n’a jamais prétendu que l’immeuble jouissait du statut diplomatique avant le 4
octobre 2011 »16.
1.7. Outre le fait que la Guinée équatoriale soutenait dans sa requête que l’immeuble
jouissait du statut diplomatique depuis le 15 septembre 2011, selon cette nouvelle présentation
des faits, il y aurait donc une période avant le 4 octobre 2011 – période dont la date exacte de
commencement reste, au demeurant, indéterminée – durant laquelle l’immeuble du 42 avenue
Foch aurait été affecté à une activité diplomatique sans que l’Etat équato-guinéen ait estimé
utile de requérir, pour ces locaux, le statut diplomatique17 et donc les protections et exemptions
fiscales y afférentes.
1.8. Cette affirmation semble au moins corroborer les termes de la note verbale de
l’ambassade de la Guinée équatoriale en date du 4 octobre 2011, par laquelle il avait été
indiqué à la France que la Guinée équatoriale disposait « depuis plusieurs années » dudit
immeuble qu’elle avait prétendument affecté à sa mission diplomatique.
1.9. En sus des interrogations que soulève nécessairement une telle affirmation, celle-ci est
contredite par les éléments factuels déjà versés au dossier, et que la France juge utile de
14 Voir infra Chapitre 2
15 Réplique, p.17, par.1.25
16 Réplique, p.19, par. 1.33
17 Voir Note verbale n°365/11 de l’ambassade de la République de Guinée équatoriale adressée au ministère des
Affaires étrangères de la République française, le 4 octobre 2011 [ANNEXE 1 des documents produits par la
France, le 14 octobre 2016, dans le cadre de la demande de la Guinée équatoriale en indication de mesures
conservatoires].
9
rappeler. L’immeuble du 42 avenue Foch n’était ainsi affecté à aucune activité diplomatique
effective lorsqu’il a fait l’objet de mesures de perquisition entre le 28 septembre 2011 et le 23
février 2012, pas plus qu’il ne l’était lorsque la saisie pénale immobilière a été diligentée le 19
juillet 2012.
1.10. On signalera, à cet égard, qu’au cours des perquisitions qui ont eu lieu du 14 au 23
février 2012,
« aucun document officiel concernant l’Etat de Guinée équatoriale ou
permettant de penser que cet immeuble pouvait servir comme lieu de
représentation officielle n’a été découvert »18.
1.11. Dans sa réplique, la Guinée équatoriale ne parvient pas plus à démontrer comment
l’immeuble sis 42 avenue Foch pouvait abriter son ambassade le 4 octobre 2011, puis la
résidence de sa déléguée permanente auprès de l’UNESCO le 17 octobre 2011. Elle n’explique
pas non plus les raisons pour lesquelles cette prétendue nouvelle affectation n’a été notifiée à
l’UNESCO que le 14 février 2012, soit le premier jour des perquisitions et des saisies
mobilières diligentées au 42 avenue Foch et plusieurs mois après que la France lui a signalé
qu’un tel changement d’adresse devait être signalé au Protocole de l’Organisation. La France
relève par ailleurs que la Guinée équatoriale n’explique pas davantage les raisons pour
lesquelles une note verbale de l’ambassade en date du 27 juillet 2012, soit plusieurs mois après
sa prétendue installation au 42 avenue Foch, indique toujours en pied de page l’adresse
reconnue par les autorités françaises comme étant celle de son ambassade, le 29 boulevard de
Courcelles, à Paris. Elle n’explique pas non plus pourquoi le curriculum vitae de sa
représentante permanente auprès de l’UNESCO, transmis aux autorités françaises le 16 février
2012, précise que Mme Bindang Obiang réside au 46 rue des Belles Feuilles alors que le 17
octobre 2011, puis le 14 février 2012, les autorités équato-guinéennes affirmaient qu’elle avait
élu domicile au 42 avenue Foch.
1.12. La réplique équato-guinéenne ne parvient pas à dissiper les doutes et à lever les
contradictions qui ont marqué l’ensemble de cette procédure quant à la date de la prétendue
affectation diplomatique de l’immeuble litigieux. Ainsi que la France l’a rappelé à plusieurs
reprises, dans la note verbale du 4 octobre 2011, les autorités équato-guinéennes faisaient valoir
que
18 Jugement de la 32ème chambre du Tribunal correctionnel de Paris, 27 octobre 2017, p. 31.
10
« l’Ambassade dispos[erait] depuis plusieurs années d’un immeuble
situé au 42 avenue Foch, Paris XVIème qu’elle utilise[rait] pour
l’accomplissement des fonctions de sa Mission diplomatique sans qu’elle ne
l’ait formalisé expressément auprès de[s] services [du ministère] jusqu’à ce
jour »19.
1.13. Le 17 octobre 2011, ces locaux étaient soudainement présentés par l’ambassade de
Guinée équatoriale comme abritant la nouvelle résidence de la déléguée permanente auprès de
l’UNESCO. Une note verbale de l’ambassade précisait, en effet, à cette date
« [qu’en] attendant l’arrivée de son successeur, la Direction de
l’Ambassade sera assurée par Mme Mariola Bindang Obiang, déléguée
permanente de la République de Guinée équatoriale auprès de l'Unesco, en
qualité de chargé d’affaire par intérim et vous informe que la résidence
officielle de Mme la déléguée permanente de la République de Guinée
équatoriale auprès de l’Unesco se trouve dans les locaux de la mission
diplomatique situé au 40-42, avenue FOCH, 75016, Paris, dont dispose la
République de Guinée équatoriale »20.
1.14. Par ailleurs, dans sa réponse à la question de Mme la Juge Donoghue, la Guinée
équatoriale a confirmé que le changement de résidence de sa déléguée permanente auprès de
l’UNESCO n’a été notifié à cette organisation, pourtant concernée en premier lieu, que le 14
février 2012, soit le premier jour des perquisitions et des saisies mobilières diligentées au 42
avenue Foch. Outre la tardiveté de cette notification, la France ne peut que relever cette
concordance dans les dates, qui n’a rien de fortuite.
1.15. Dans une autre note verbale du 27 juillet 2012, l’ambassade de la Guinée équatoriale
en France a notifié aux autorités françaises, par courrier portant en pied de page l’adresse de
l’ambassade au 29 boulevard de Courcelles, Paris 8ème, que
« Les services de l’Ambassade sont, à partir du 27 juillet 2012, installés
à l’adresse sise 42 Avenue Foch, Paris 16, immeuble qu’elle utilise désormais
19 Note verbale n°365/11 de l’ambassade de la République de Guinée équatoriale adressée au ministère des
Affaires étrangères de la République française, le 4 octobre 2011 [ANNEXE 1 des documents produits par la
France, le 14 octobre 2016, dans le cadre de la demande de la Guinée équatoriale en indication de mesures
conservatoires].
20 Note verbale n°387/11 de l’ambassade de la République de Guinée équatoriale adressée au ministère des
Affaires étrangères de la République française, le 17 octobre 2011 [ANNEXE 3 des documents produits par la
France, le 14 octobre 2016, dans le cadre de la demande de la Guinée équatoriale en indication de mesures
conservatoires].
11
pour l’accomplissement des fonctions de sa Mission diplomatique en
France »21.
1.16. Dans sa réplique, la Guinée équatoriale s’étonne par ailleurs de ce que la France se soit
interrogée face aux affichettes en papier mentionnant « République de Guinée équatoriale –
Locaux de l’Ambassade », collées sur le porche d’entrée de l’immeuble. La réplique équatoguinéenne
ajoute que « cela n’a rien d’extraordinaire. Il faut du temps pour commander et
obtenir des affiches propres pour une mission diplomatique »22.
1.17. La Guinée équatoriale n’explique cependant pas comment elle estime pouvoir, d’un
côté, raisonnablement prétendre qu’elle réfléchissait, depuis plusieurs mois – voire années
dans certaines écritures – à faire de l’immeuble sis au 42 avenue Foch son ambassade sans
avoir eu, d’un autre côté, la diligence d’anticiper la commande et la pose d’une plaque à cette
fin. La précipitation dans laquelle furent collées les affichettes en papier mentionnant
« République de Guinée équatoriale – Locaux de l’Ambassade »23 confirme que leur
apparition ne peut être dissociée des procédures pénales engagées par les autorités judiciaires
françaises, auxquelles elles avaient, dans l’urgence, vocation à faire obstacle.
1.18. Une fois de plus, la présentation biaisée des faits de l’affaire doit inévitablement
conduire à réfuter les allégations de la Guinée équatoriale selon lesquelles l’immeuble litigieux
aurait été ou aurait pu être valablement affecté aux fins d’une mission diplomatique.
1.19. L’ordonnance du 22 octobre 2013 rendue, en référé, par le Tribunal de grande instance
de Paris que la Guinée équatoriale invoque pour la première fois n’est pas non plus de nature à
dissiper tout doute sur l’affectation de l’immeuble sis 42 avenue Foch.
1.20. Cette ordonnance a été rendue dans le cadre d’une procédure civile d’urgence
introduite par le syndicat des copropriétaires du 42 avenue Foch, lequel s’inquiétait des
conséquences de la tentative de transformation de l’immeuble en local diplomatique. Le
21 Note verbale n°501/12 de l’ambassade de la République de Guinée équatoriale adressée au ministère des
Affaires étrangères de la République française, le 27 juillet 2012 [ANNEXE 22 des documents produits par la
France, le 14 octobre 2016, dans le cadre de la demande de la Guinée équatoriale en indication de mesures
conservatoires].
22 Réplique §1.42.
23 Voir CMF, p. 15, pars. 1.20-1.22.
12
demandeur requérait, notamment, le retrait des drapeaux de la Guinée équatoriale et la
libération des parties communes de l’immeuble.
1.21. Le juge civil français n’a pas fait droit à cette demande en estimant qu’il
« résult[ait] d’une note verbale du 4 octobre 2011 adressée par
l’Ambassade de la République de Guinée Equatoriale au Protocole du
ministère des affaires étrangères de la République Française que cet Etat a[vait]
entendu affecter les locaux du 40-42 avenue Foch à l’accomplissement des
fonctions de sa Mission Diplomatique »24.
1.22. Dans le cadre de cette procédure, la Guinée équatoriale s’est donc prévalue de la note
verbale du 4 octobre 2011. Elle s’est en revanche bien gardée de produire la réponse à cette
note du 11 octobre 2011, par laquelle le service du Protocole du ministère des Affaires
étrangères refusait de considérer l’immeuble comme faisant partie des locaux de la mission
diplomatique.
1.23. Il importe de rappeler que l’ordonnance du 22 octobre 2013, rendue par un juge unique
dans le cadre d’une procédure en urgence, ne préjuge pas de l’appréciation que peuvent porter
d’autres autorités françaises, judiciaires ou exécutives, sur le statut de l’immeuble sis au 42
avenue Foch. Le juge des référés, sans doute convaincu de la bonne foi de la Guinée
équatoriale, n’a pas estimé utile de saisir le ministère français des Affaires étrangères quant à
la portée de la note verbale du 4 octobre 2011. Il va de soi que si le ministère français des
Affaires étrangères, seule autorité en mesure de reconnaître le statut diplomatique à des
locaux, avait été saisi, il aurait alors fourni toutes les informations requises au juge judiciaire
pour que celui-ci puisse, en toute indépendance, statuer en connaissance de cause.
1.24. Enfin, et en tout état de cause, la France relève que l’ordonnance du 22 octobre 2013
dont se prévaut la Guinée équatoriale montre, une nouvelle fois, que la date de la prétendue
affectation de l’immeuble sis 42 avenue Foch est, dans les faits et contrairement à ce
qu’affirme la Guinée équatoriale, bien postérieure au 4 octobre 2011. En effet, la procédure
d’urgence introduite par le syndicat de copropriétaires contestant la transformation de
l’immeuble en mission diplomatique date, selon l’ordonnance produite par la demanderesse,
24 Ordonnance en référé du Tribunal de grande instance de Paris, 22 octobre 2013, p. 2.
13
d’une assignation des 31 août 2012 et 8 juillet 2013, soit bien après sa prétendue affectation
officielle à des fins diplomatiques.
1.25. Cet élément confirme ainsi a minima que l’hôtel particulier du 42 avenue Foch ne
présentait, avant ces dates, aucun signe distinctif permettant, comme il est d’usage,
d’identifier ces locaux comme étant une mission diplomatique.
* * *
1.26. Ces faits ayant été rappelés, la suite de la présente duplique montrera que la France ne
pouvait pas et n’a pas méconnu ses obligations au titre de la Convention de Vienne sur les
relations diplomatiques.
14
CHAPITRE 2 – L’ABSENCE DE VIOLATION DE LA CONVENTION DE VIENNE
SUR LES RELATIONS DIPLOMATIQUES EU EGARD A L’IMMEUBLE DU 42
AVENUE FOCH
2.1. Dans le paragraphe introductif de sa réplique, la Guinée équatoriale donne la
présentation suivante de l’objet du différend l’opposant à la France :
« La Cour ayant déterminé qu’elle n’a pas compétence sur la base de la Convention
des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, l’affaire porte
désormais sur les actions illégales des juridictions et d’autres autorités françaises par
rapport aux locaux de la mission diplomatique de la Guinée équatoriale en France,
situés au 42 avenue Foch à Paris »25.
Tout en préjugeant le fond de l’affaire en déclarant les actions de la France « illégales », la
Guinée équatoriale se range à la conclusion à laquelle la Cour est parvenue dans son arrêt sur
les exceptions préliminaires du 6 juin 2018, en déclarant qu’« elle a compétence, sur la base
du protocole de signature facultative à la convention de Vienne sur les relations diplomatiques
concernant le règlement obligatoire des différends, pour se prononcer sur la requête déposée
par la République de Guinée équatoriale le 13 juin 2016, en ce qu’elle a trait au statut de
l’immeuble sis au 42 avenue Foch à Paris en tant que locaux de la mission »26.
2.2. Si cette délimitation de la compétence de la Cour est donc acquise, elle ne suffit pas à
résoudre la question de l’étendue des demandes que la Guinée équatoriale entend présenter
sur le fondement de la Convention de Vienne. La réplique apporte sur ce point des précisions
utiles. Il est vrai que le demandeur avait, auparavant, beaucoup varié à cet égard : dans sa
requête, il affirmait que la France « a violé ses obligations à 1’égard de la Guinée équatoriale
en vertu de la Convention de Vienne […], notamment son article 22 »27 ; le mémoire
indiquait que « [l]e différend devant la Cour concerne l’interprétation et l’application de
plusieurs dispositions de la CVRD, y compris, sans s’y limiter, l’article 1, alinéa i, et l’article
22 »28 et mentionnait, sans autre explication, les articles 20 (drapeau et emblème de l’État
25 Réplique, p. 1, par. 0.1.
26 CIJ, arrêt, 6 juin 2018, Immunités et procédures pénales (Guinée équatoriale c. France), p. 154 (italiques
ajoutés).
27 RGE, p. 11, par. 38 (italiques ajoutés).
28 MGE, p. 78, par. 5.46 (italiques ajoutés).
15
accréditant)29 et 21 (facilitation de l’acquisition des locaux)30 de la Convention ; dans le cours
de la procédure relative aux exceptions préliminaires, l’article 23 (exemption d’impôts) avait
encore été ajouté à cette liste non étayée31.
2.3. Désormais, et tout en dénonçant la « lecture excessivement restrictive »32 que la
France ferait de l’arrêt du 6 juin 2018, la Guinée équatoriale entend uniquement fonder ses
demandes sur des violations éventuelles de l’article 22 de la Convention. Pour elle, « il s’agit
de déterminer les circonstances dans lesquelles un immeuble peut être considéré comme
« locaux de la mission » au sens de l’article 1, alinéa i), de la CVRD, ainsi que les actes d’un
État accréditaire qui peuvent constituer des violations de l’article 22 »33. Le chapitre de la
réplique consacré au « non-respect de l’inviolabilité de l’immeuble sis au 42 avenue Foch en
tant que locaux de la mission diplomatique »34 le confirme encore : toutes les violations
alléguées sont rapportées au seul article 2235, sans référence aux dispositions précédemment
évoquées. La mention lapidaire de l’article 47 de la Convention36, relatif au respect du
principe de non-discrimination dans l’application de celle-ci, n’est assortie d’aucune précision
matérielle et ne trouve d’écho ni dans le chapitre consacré à la responsabilité internationale
éventuelle de la France ni dans les conclusions finales de la Guinée équatoriale.
2.4. Ainsi délimité, le différend apparaît circonscrit à des questions de droit aisément
identifiables. La Guinée équatoriale les complique pourtant, en affirmant que « la question de
la propriété sur l’immeuble sis au 42 avenue Foch est pertinente pour l’application de la
CVRD »37 ; selon elle en effet, « [l]es arguments de la partie adverse au sujet de la pertinence
de la propriété sur l’immeuble [seraient] en réalité étroitement liés aux violations de la
CVRD »38. La lettre même de la Convention de Vienne ne laisse pourtant subsister aucun
doute à cet égard : la question de la propriété de l’immeuble considéré est sans rapport avec
celle du non-respect éventuel de ce traité (I). Ce point éclairci, il importera de montrer
29 Ibid., p. 137, par. 8.18.
30 Ibid., p. 142 par. 8.32.
31 OGE, par. 1.57. Lors des audiences sur les exceptions préliminaires, la Guinée équatoriale avait indiqué que
« les dispositions des articles 20, 21 et 23 sont incidemment violées dès lors que l’inviolabilité consacrée par
l’article 22 n’est pas respectée » (CR 2018/3, p. 47, par. 10 (M. Kamto)).
32 Réplique, p. 5, par. 0.20.
33 Ibid., p. 6, par. 0.24.
34 Ibid., p. 25.
35 Cf. ibid., pp. 43-45, pars. 2.49 et 2.51-2.56.
36 Ibid., p. 49, par. 2.69.
37 Ibid., p. 5, par. 0.21.
38 Ibidem.
16
qu’aucun des arguments présentés par la Guinée équatoriale dans sa réplique n’est susceptible
de mettre en cause le constat selon lequel cet immeuble ne pouvait bénéficier du régime
d’inviolabilité établi par l’article 22 de la Convention de Vienne (II). Dès lors, et enfin, la
France rappellera qu’elle n’a commis aucune violation des obligations que la Convention met
à sa charge vis-à-vis de la Guinée équatoriale (III).
17
I. LA QUESTION DE LA PROPRIETE DE L’IMMEUBLE DU 42
AVENUE FOCH EST SANS RAPPORT AVEC CELLE DU RESPECT DE LA
CONVENTION DE VIENNE SUR LES RELATIONS DIPLOMATIQUES
2.5. La France a déjà abondamment montré que les arguments avancés par le demandeur
pour revendiquer la propriété de l’immeuble sis au 42 avenue Foch à Paris étaient dépourvus
de pertinence aux fins d’apprécier les violations de la Convention de Vienne par lui
alléguées39 ; se conformant aux prescrits de l’article 49, paragraphe 3, du Règlement de la
Cour, elle ne croit pas nécessaire d’y revenir ici. Du reste, la Cour a, dans son arrêt du 6 juin
2018, clairement dissocié les demandes formulées par la Guinée équatoriale au titre de la
Convention de Palerme – en ce compris celles ayant trait « au prétendu non-respect par la
France de l’immunité de l’immeuble sis au 42 avenue Foch à Paris en tant que bien d’Etat de
la Guinée équatoriale »40 – de celles relevant de la Convention de Vienne, qui concernent « le
prétendu non-respect par la France de l’inviolabilité de l’immeuble sis au 42 avenue Foch à
Paris en tant que locaux de la mission diplomatique de la Guinée équatoriale »41. Ainsi que l’a
explicité le Juge Gaja dans sa déclaration jointe à cet arrêt :
« la question de la propriété de l’immeuble sis au 42 avenue Foch est à distinguer de
celle de l’inviolabilité et de l’immunité des locaux de la mission. Si cette dernière
relève du protocole de signature facultative, la partie du différend relative à la
propriété de l’immeuble n’entre pas dans son champ d’application. La Cour n’est pas
compétente pour trancher cette partie du différend au titre dudit protocole »42.
2.6. Dans sa réplique, la Guinée équatoriale cherche pourtant à faire fi de cette distinction.
Dès l’« aperçu général » qu’elle veut donner de sa position, elle affirme qu’« [i]ncapable de
répondre [à ses] arguments […] concernant son droit de propriété sur l’immeuble, la France
invite la Cour à ne pas aborder cette question, car à son avis une mesure qui affecte la
propriété sur un immeuble abritant les locaux d’une mission diplomatique ne peut pas violer
l’article 22 de la CVRD. Cet argument est insoutenable, d’autant plus que […] la France a
refusé de reconnaître le statut diplomatique de l’immeuble sis au 42 avenue Foch parce
39 Voir EPF, par. 141 ; CR 2018/2, p. 38, par. 23 (P. Bodeau-Livinec) ; CMF, pars. 2.13-2.20.
40 CIJ, arrêt, 6 juin 2018, Immunités et procédures pénales (Guinée équatoriale c. France), par. 52.
41 Ibid., par. 53.
42 CIJ, arrêt, 6 juin 2018, Immunités et procédures pénales (Guinée équatoriale c. France), déclaration de M. le
Juge Gaja.
18
qu’elle a considéré, de manière erronée, que celui-ci relevait du « domaine privé » en octobre
2011 »43.
2.7. Une telle assertion appelle plusieurs remarques. La revendication du « droit de
propriété » que la Guinée équatoriale affirme avoir sur l’immeuble doit être reçue avec la plus
grande circonspection. Les incohérences de la position défendue sur ce point par le
demandeur participent d’ailleurs des pratiques abusives que la France n’a eu de cesse de
dénoncer dans la présente affaire44. Il n’en va pas autrement de la confusion que le demandeur
tente de créer entre « propriété » et « domaine » privés (A). Du point de vue du régime
d’inviolabilité établi par la Convention de Vienne, la question de la propriété de l’immeuble
considéré reste, en tout état de cause, indifférente (B).
A. La Guinée équatoriale entretient une confusion entre la propriété et l’usage
de l’immeuble
2.8. Dans sa réplique, la Guinée équatoriale affirme à plusieurs reprises que « la propriété
est le motif évoqué (de manière erronée) par la France pour ne pas reconnaître le statut
diplomatique de l’immeuble [du 42 avenue Foch] en octobre 2011 »45. Cette assertion renvoie
directement à la réponse que le service du Protocole du ministère des Affaires étrangères a
apportée à l’Ambassade de la République de Guinée équatoriale à Paris lorsque celle-ci a,
pour la première fois, entendu placer cet immeuble au nombre des locaux de sa mission
diplomatique en France et revendiquer à son bénéfice le régime d’inviolabilité y afférent.
L’échange des notes verbales directement pertinentes mérite ici d’être reproduit une nouvelle
fois, car il éclaire la confusion que le demandeur veut désormais entretenir entre la propriété
et l’usage de l’immeuble.
2.9. Dans une note verbale du 4 octobre 2011, l’Ambassade de Guinée équatoriale informe
le service du Protocole du ministère des Affaires étrangères qu’elle
« dispose depuis plusieurs années d’un immeuble situé au 42 avenue Foch, Paris
XVIème qu’elle utilise pour l’accomplissement des fonctions de sa Mission
diplomatique sans qu’elle ne l’ait formalisé expressément auprès de vos services
43 Réplique, p. 7, par. 0.26.
44 Voir infra chapitre 3.
45 Réplique, p. 60, par. 3.24. Voir aussi ibid., p. 15, par. 1.16.
19
jusqu’à ce jour. Dans la mesure où il s’agit des locaux de la Mission diplomatique,
conformément à l’article 1er de la Convention de Vienne du 18 avril 1961 sur les
immeubles [sic] diplomatiques, la République de Guinée équatoriale souhaite vous
informer officiellement afin que l’État français, conformément à l’article 22 de ladite
Convention, assure la protection de ces locaux »46.
Quoi qu’il en soit de la véracité des assertions qui y sont formulées, il apparaît nettement que
cette note verbale, à laquelle la Guinée équatoriale attache une importance décisive aux fins
de la présente affaire, ne fait aucune mention d’un droit de propriété sur l’immeuble du 42
avenue Foch. La « disposition » qu’elle prétend en avoir pourrait prendre plusieurs formes, de
la propriété à l’occupation à titre gratuit, en passant par la location à un tiers.
2.10. Dans sa réponse, le service du Protocole du ministère des Affaires étrangères ne s’est
aucunement arrêté à la question de la propriété de l’immeuble : la note verbale de la Guinée
équatoriale ne l’y invitait pas et l’identification du propriétaire de l’immeuble était inutile en
droit pour déterminer la réaction appropriée47. Le passage pertinent de la note verbale du 11
octobre 2011 se lit comme suit :
« Le Protocole rappelle que l’immeuble [sis 42 avenue Foch] ne fait pas partie des
locaux relevant de la mission diplomatique de la République de Guinée équatoriale. Il
relève du domaine privé et, de ce fait, du droit commun. Le Protocole est donc au
regret de ne pouvoir faire droit à la demande de l’ambassade »48.
De manière générale49 comme dans les circonstances spécifiques ici en cause, la référence au
« domaine privé » ne saurait être comprise comme un renvoi à la propriété de l’immeuble.
Elle se rapporte à la seule considération qui soit pertinente pour déterminer la réponse à
apporter à la revendication équato-guinéenne : celle de savoir si l’immeuble fait l’objet d’un
usage à des fins diplomatiques – lesquelles relèvent d’une mission de service public à des fins
46 Note verbale n° 365/11 de l’ambassade de la République de Guinée équatoriale adressée au ministère des
Affaires étrangères de la République française, le 4 octobre 2011 (italiques ajoutés) [ANNEXE 1 des documents
produits par la France, le 14 octobre 2016, dans le cadre de la demande de la Guinée équatoriale en indication de
mesures conservatoires].
47 Voir infra pars. 2.17-2.19.
48 Note verbale n° 5007 du ministère des Affaires étrangères de la République française adressée à l’ambassade
de la République de Guinée équatoriale, le 11 octobre 2011 (italiques ajoutés) [ANNEXE 2 des documents
produits par la France, le 14 octobre 2016, dans le cadre de la demande de la Guinée équatoriale en indication de
mesures conservatoires].
49 Selon le Vocabulaire juridique de G. CORNU, le domaine public peut être défini comme le « [d]omaine
constitué par les biens qui sont affectés soit à l’usage du public soit à un service public et soumis en tant que tels
à un régime juridique particulier » ; à l’inverse, le domaine privé est le « [d]omaine constitué en principe de tous
les autres biens et dont le régime est celui du droit commun » (G. CORNU, Vocabulaire juridique, Paris, PUF,
12ème éd., 2017, p. 367).
20
autres que commerciales50 et sont, partant, régies par un régime juridique spécifique – ou s’il
est utilisé à titre privé et doit, dès lors, continuer de relever du droit commun. La propriété,
publique ou privée, de l’immeuble est indifférente à cet égard. Bon nombre de missions
diplomatiques sont ainsi établies dans des biens loués à des personnes privées en vertu de
contrats de bail privés, ce qu’atteste au demeurant la pratique adoptée pendant plusieurs
années par la Guinée équatoriale en France51.
2.11. Dans ses communications ultérieures avec l’Ambassade de Guinée équatoriale, le
service du Protocole a constamment maintenu cette position. Ainsi, en réponse à la note
verbale du 17 octobre 2011 par laquelle l’Ambassade de Guinée équatoriale entendait
informer le ministère des Affaires étrangères que la résidence de la Représentante permanente
de la République de Guinée équatoriale auprès de l’UNESCO se trouvait « dans les locaux de
la Mission Diplomatique située au 40-42 avenue Foch, 75016, Paris, dont dispose la
République de Guinée équatoriale »52, le service du Protocole a rappelé que l’immeuble en
question « ne fai[sai]t pas partie des locaux de la mission, qu’il n’a jamais été reconnu comme
tel et rel[evait], de ce fait, du droit commun »53. Aucune considération relative à la propriété
de l’immeuble n’apparaît, à juste titre, dans ces échanges.
2.12. Lorsque les autorités judiciaires françaises ont diligenté, dans le cadre de la procédure
visant M. Obiang Mangue, de nouvelles perquisitions au 42 avenue Foch, la Guinée
équatoriale a entendu, par une note verbale portant l’adresse du 29 Boulevard de Courcelles à
50 Selon l’article 21, § 1, a), de la Convention des Nations Unies sur l’immunité juridictionnelle des États et de
leurs biens du 2 décembre 2004, « ne sont notamment pas considérées comme des biens spécifiquement utilisés
ou destinés à être utilisés par l’État autrement qu’à des fins de service public non commerciales […] [l]es biens
[…] utilisés ou destinés à être utilisés dans l’exercice des fonctions de la mission diplomatique de l’État ».
51 Dans son exposé des faits, la Guinée équatoriale relève qu’« [e]n juin 1980, la mission diplomatique a
déménagé à un immeuble, mis à disposition à titre de location, situé au 6 rue Alfred de Vigny. La Guinée
équatoriale avait l’intention d’acheter cet immeuble, mais s’est finalement trouvée dans l’impossibilité de le
faire. Pour cette raison, elle a dû annuler le contrat de location et chercher des nouveaux locaux » (réplique,
p. 14, par. 1.13 (italiques ajoutés)). Comme les notes de bas de page associées le confirment, cette situation
locative a perduré pendant près de vingt ans ; la Guinée équatoriale ne fait état à aucun moment de difficultés
qu’elle aurait pu poser quant à l’inviolabilité de l’immeuble considéré.
52 Note verbale n°387/11 de l’ambassade de la République de Guinée équatoriale adressée au ministère des
Affaires étrangères de la République française, le 17 octobre 2011 (italiques ajoutés) [ANNEXE 3 des
documents produits par la France, le 14 octobre 2016, dans le cadre de la demande de la Guinée équatoriale en
indication de mesures conservatoires].
53 Note verbale n°5393 du Ministère des Affaires étrangères de la République française adressée à l’ambassade
de la république de Guinée équatoriale, le 31 octobre 2011 (italiques ajoutés) [ANNEXE 4 des documents
produits par la France, le 14 octobre 2016, dans le cadre de la demande de la Guinée équatoriale en indication de
mesures conservatoires].
21
Paris (VIIIe arrondissement), revendiquer expressément la propriété de l’immeuble, encore
qu’elle l’ait fait dans des termes où subsiste une certaine ambiguïté :
« La République de Guinée équatoriale a acquis un hôtel particulier au 42 avenue
Foch, il s’agit d’un immeuble qui appartient aujourd’hui au patrimoine de l’État de la
Guinée équatoriale en France.
Le 17 octobre 2011, il a été indiqué que la résidence officielle de Madame la Chargée
d’Affaires en charge de la Direction de l’Ambassade de Guinée équatoriale en France
était fixée au 42 avenue Foch 75116 Paris. Il s’agit donc des locaux inviolables
conformément à la Convention de Vienne. […]
L’obtention du titre de propriété en faveur de la Guinée équatoriale est en cours et
vous trouverez ci-joint les certificats d’actions des entreprises au nom de l’État de la
Guinée équatoriale »54.
Ainsi, non seulement la Guinée équatoriale admet qu’elle ne possède pas encore de titre de
propriété sur l’immeuble du 42 avenue Foch mais encore elle ne revendique pas le régime
d’inviolabilité sur le fondement du droit de propriété, qui est effectivement indifférent à cet
égard.
2.13. La manière dont le service du Protocole a répondu à ces assertions est intéressante à
plusieurs titres. Il commence par réitérer le statut de l’immeuble tel que celui-ci a déjà été
explicité dans les notes des 11 et 31 octobre 2011 ; il rappelle ensuite que « le Protocole ne
peut prendre en compte un changement d’adresse pour une chancellerie ou une résidence que
si certaines informations vérifiées lui sont communiquées : date de fin d’occupation du
précédent local et situation nouvelle de celui-ci (vente ou fin de contrat de location,
documents à l’appui) qui entraînent la fin du statut officiel et des privilèges et immunités y
afférents ; date d’emménagement dans le nouveau local notifiée officiellement par note
verbale (dans le cas présent par le Protocole de l’UNESCO) »55. Enfin, après avoir cité les
dispositions pertinentes de l’article 41, paragraphe 1, de la Convention de Vienne, le service
du Protocole souligne que, « [l]’immeuble de l’avenue Foch relevant du droit commun,
Madame BINDANG OBIANG, en tentant de s’opposer à une action menée par les autorités
54 Note verbale n°187/12 de l’ambassade de la République de Guinée équatoriale adressée au ministère des
Affaires étrangères de la République française, le 15 février 2012 (italiques ajoutés) [ANNEXE 10 des
documents produits par la France, le 14 octobre 2016, dans le cadre de la demande de la Guinée équatoriale en
indication de mesures conservatoires].
55 Note verbale n°802 du ministère des Affaires étrangères de la République française adressée à l’ambassade de
la République de Guinée équatoriale, le 20 février 2012 (italiques ajoutés) [ANNEXE 13 des documents produits
par la France, le 14 octobre 2016, dans le cadre de la demande de la Guinée équatoriale en indication de mesures
conservatoires].
22
judiciaires, a contrevenu aux dispositions de la Convention de Vienne »56. Ce n’est donc en
rien la propriété de l’immeuble qui détermine son statut et le régime juridique qui peut
éventuellement y être associé ; seul l’usage compte à cet égard, dans le strict respect de la
lettre de la Convention de Vienne.
B. La propriété d’un immeuble est sans incidence sur le bénéfice du régime
d’inviolabilité prévu par la Convention de Vienne
2.14. Dans sa réplique, la Guinée équatoriale adopte une position peu cohérente sur
l’incidence que pourrait éventuellement avoir la propriété d’un immeuble sur son statut au
regard de la Convention de Vienne et le régime d’inviolabilité y afférent. Selon elle,
« Il est vrai que, selon l’article 1, alinéa i), de la Convention, les « locaux de la
mission » sont ceux utilisés aux fins de la mission « quel qu’en soit le propriétaire ».
Cela ne signifie pas pour autant que des mesures prises par l’État accréditaire contre la
propriété de l’État accréditant ne peuvent jamais constituer une violation de l’article
22. De telles mesures peuvent bel et bien violer cette disposition, surtout lorsque la
propriété est le seul titre qui permet à l’État accréditant d’utiliser un immeuble aux fins
de sa mission diplomatique »57.
2.15. Comme la France l’a déjà rappelé à plusieurs reprises58, à ce jour, ce sont toujours des
sociétés de droit suisse – et non la Guinée équatoriale – qui sont juridiquement propriétaires
de l’immeuble du 42 avenue Foch ; en l’absence de vente du bien, ce ne serait qu’au prix
d’une confusion entre le patrimoine de ces sociétés et celui de leur actionnaire que la Guinée
équatoriale pourrait se prétendre « propriétaire »59 de l’immeuble, confusion que rien en droit
ne justifie ni ne permet. Comme la Cour l’a relevé, « [l]’attribution à la société d’une
personnalité morale indépendante entraîne la reconnaissance à son profit de droits sur son
patrimoine propre qu’elle est seule à même de protéger »60. Par voie de conséquence, il est
56 Ibidem.
57 Réplique, p. 44, par. 2.53. V. aussi ibid., p. 15, par. 1.16.
58 V. not. les observations de la République française sur la réponse de la Guinée équatoriale aux questions
posées par M. le Juge Bennouna et Mme la Juge Donoghue, 31 octobre 2016, pp. 2-3, pars. 6-10.
59 Réplique, p. 44, par. 2.54.
60 CIJ, Ahmadou Sadio Diallo (République de Guinée c. République démocratique du Congo), exceptions
préliminaires, arrêt du 24 mai 2007, C.I.J. Recueil 2007, p. 605, par. 61. V. aussi CIJ, Barcelona Traction Light
& Power Company, Limited, arrêt du 5 février 1970, C.I.J. Recueil 1970, p. 34, par. 41 (« [l]a séparation des
patrimoines de la société et de l’actionnaire est une manifestation importante » de la distinction entre les deux
entités).
23
erroné de prétendre que la France, en tant qu’État accréditaire, aurait pris des mesures
« contre la propriété » de la Guinée équatoriale en tant qu’État accréditant.
2.16. Au surplus, et surtout, la Guinée équatoriale ne fait état d’aucune mesure prise à
l’encontre de la propriété de l’immeuble du 42 avenue Foch qui aurait effectivement constitué
une violation de l’article 22 de la Convention61. Elle se borne à évoquer une situation
hypothétique dans laquelle le comportement de l’État accréditaire entraînerait « un risque
permanent d’expulsion »62, lui-même constitutif d’une « insécurité qui entrave le bon
fonctionnement de la mission »63. Les faits prétendument reprochés à la France tout autant
que le préjudice qu’aurait supposément subi la Guinée équatoriale restent ainsi purement
conjecturels64.
2.17. La Convention de Vienne ne laisse subsister aucun doute quant à l’absence de lien
entre propriété et inviolabilité. Les trois paragraphes de l’article 22 rapportent directement aux
« locaux de la mission » le régime d’inviolabilité que cette disposition énonce. Or, comme la
Guinée équatoriale le concède elle-même, l’article 1er, alinéa i), de la Convention définit de
tels locaux uniquement par l’utilisation qui en est faite, en écartant expressément toute
considération relative à leur propriétaire. Le bénéfice du régime de l’article 22 n’est donc en
rien tributaire de la propriété de l’immeuble considéré.
2.18. Dès lors, et contrairement à ce qu’affirme la Guinée équatoriale, considérer, comme la
Cour européenne des Droits de l’Homme l’a fait dans l’affaire Hirschhorn c. Roumanie, que
« l’existence d’une éventuelle immunité dont bénéficierait l’organisation susmentionnée ne
s’opposait nullement au transfert dans le patrimoine du requérant des attributs du droit de
propriété sur l’immeuble litigieux »65 n’a rien d’« extraordinaire »66 ; il n’y a là qu’une
transposition aux faits particuliers de l’espèce de la logique de distinction entre inviolabilité
diplomatique et propriété. Cette dissociation des questions relatives à la propriété d’un
61 Voir infra pars. 2.39-2.42.
62 Réplique, p. 44, par. 2.54.
63 Ibidem. Sur l’absence de risque de cet ordre, v. CR 2016/15, pp. 37-40, pars. 22-32 (H. Ascensio) ; CMF,
p. 99, par. 5.7 et p. 100, par. 5.11.
64 V. infra chapitre 4.
65 CEDH, 26 juillet 2007, Hirschhorn c. Roumanie, n°29294/02, par. 60. Voir également Cour constitutionnelle
fédérale allemande, 30 octobre 1962, Jurisdiction over Yugoslav Military Mission (Germany) Case, Case No
AVR XI (1963/64), ILR, vol. 38, pp. 162-170 (« an action for rectification of the land register aiming at the
cancellation of an entry stating that a foreign State was the owner of the mission premises was not an action
which interfered with the performance of the diplomatic functions of a foreign State, and accordingly the
plaintiff’s action for rectification of the land register should be allowed to proceed »).
66 Réplique, p. 45, par. 2.56.
24
immeuble, d’une part, et de celles qui ont trait à son statut diplomatique et au régime juridique
y associé est clairement opérée dans la Convention de Vienne ; elle repose également sur une
pratique bien établie67.
2.19. Au demeurant, et après avoir affirmé le contraire, la Guinée équatoriale finit par
concéder qu’« il est bien établi que la propriété sur un immeuble n’est pas concluante pour
déterminer si cet immeuble constitue les locaux d’une mission diplomatique »68. La cohérence
interne de la démonstration à laquelle le demandeur entend ici procéder n’est pas évidente. Au
moins ce dernier constat coïncide-t-il avec ceux que la Guinée équatoriale avait faits
antérieurement, en admettant notamment que le principe d’inviolabilité n’était « pas soumis
au droit de propriété de l’État sur le bien utilisé comme locaux de la mission diplomatique »69.
La seule question qui importe donc est toujours celle de savoir si, aux dates des actions
contestées devant la Cour par la Guinée équatoriale, l’immeuble du 42 avenue Foch pouvait
être considéré comme faisant partie des locaux de la mission équato-guinéenne à Paris et,
partant, être couvert par le régime d’inviolabilité établi par l’article 22 de la Convention de
Vienne. Ce n’est que si et seulement si la réponse à cette question devait être positive (quod
non en l’espèce) que l’on pourrait alors éventuellement se demander si une mesure prise en
lien avec l’immeuble pourrait affecter son inviolabilité diplomatique. La propriété est sans
effet à cet égard.
67 V. à titre d’exemple, la note interne au Département fédéral des Affaires étrangères helvétique publiée in L.
CAFLISCH, « La pratique suisse en matière de droit international public 2004 », RSDIE, vol. 15, 2005/5, pp.
733-735.
68 Réplique, pp. 46-47, par. 2.61.
69 MGE, p. 140, par. 8.26.
25
II. LE REGIME D’INVIOLABILITE PREVU PAR LA CONVENTION DE
VIENNE N’EST PAS APPLICABLE A L’IMMEUBLE DU 42 AVENUE FOCH
2.20. Depuis le dépôt de sa requête introductive d’instance, la Guinée équatoriale a
sensiblement varié dans la présentation de la date à partir de laquelle l’immeuble du 42
avenue Foch devait, selon elle, être considéré comme ayant acquis un statut diplomatique70.
Ces contradictions ne sont que le reflet des représentations fluctuantes de la réalité que la
Guinée équatoriale a données au gré des développements de la procédure judiciaire
concernant cet immeuble71. Elles sont, surtout, caractéristiques du comportement abusif du
demandeur, qui a cherché le secours de la Convention de Vienne pour tenter de soustraire
l’immeuble aux conséquences judiciaires des actions pénales engagées à l’encontre de
Teodoro Nguema Obiang Mangue72.
2.21. De prime abord, la réplique apporte sur ce point une clarification utile. Dès l’aperçu
général qu’elle donne de sa position, la Guinée équatoriale indique en effet :
« En ce qui concerne l’immeuble sis au 42 avenue Foch à Paris, il a acquis ce statut
[diplomatique] le 4 octobre 2011. Par conséquent, toutes les mesures contraires à
l’article 22 de la CVRD prises par les autorités françaises contre l’immeuble après
cette date engagent la responsabilité internationale de la France »73.
Cette précision, si elle conduit déjà à écarter du champ de la Convention de Vienne les actions
décidées par les autorités judiciaires françaises avant le 4 octobre 2011, ne s’accompagne
toutefois d’aucune justification convaincante en droit quant au choix de cette dernière date.
Sur ce point, la Guinée équatoriale se borne à indiquer qu’elle « demeure convaincue que son
interprétation de la CVRD est correcte et qu’un immeuble acquiert le statut diplomatique
lorsque l’État accréditant notifie l’État accréditaire de l’affectation dudit immeuble aux fins
de sa mission diplomatique »74. Une telle construction continue de reposer sur une conception
infondée de la Convention de Vienne, qui voit dans l’identification des locaux d’une mission
diplomatique une prérogative unilatérale de l’État accréditant (A), exercée indépendamment
de la réalité de l’affection de l’immeuble à des fins diplomatiques (B).
70 Pour un rappel de ces incohérences, v. CMF, pp. 83-84, pars. 4.23-4.24 et infra chapitre 3, pars. 3.8 – 3.20.
71 V. ibid., pp. 79-83, pars. 4.20-4.22.
72 V. infra chapitre 3.
73 Réplique, p. 7, par. 0.25.
74 Ibid., pp. 6-7, par. 0.25.
26
A. En dépit de concessions formelles, la Guinée équatoriale continue de
soutenir à tort que l’État accréditant peut unilatéralement imposer le choix
des locaux de sa mission diplomatique à l’État accréditaire
2.22. Dans la partie de sa réplique où elle s’attache à montrer que l’acquisition du statut
diplomatique d’un immeuble « n’est pas tributaire »75 de la position adoptée à cet égard par
l’État accréditaire, la Guinée équatoriale affirme l’existence d’un « droit de l’État accréditant
de désigner les locaux qu’il considère les plus appropriés et dignes pour abriter sa mission
diplomatique dans l’État accréditaire. Cela en soi suggère que « la notification officielle et
préalable par l’État accréditant de son intention d’affecter des locaux » suffit, et que la « non
opposition » ou le « consentement implicite », tels que décrits par la France dans son contremémoire,
ne sont pas requis par le droit international »76.
2.23. De prime abord, cette affirmation semble marquer une légère évolution au regard des
prises de position antérieures du demandeur sur la question. Poussant à l’extrême la logique
du « régime déclaratif »77 qu’elle avait invoqué dans sa réponse à la question de Mme la Juge
Donoghue, la Guinée équatoriale avait en effet avancé que l’article 1er, alinéa i), de la
Convention de Vienne pouvait « s’entendre comme autorisant l’autodéfinition par l’État
accréditant des locaux de sa mission diplomatique »78 ; dans cette perspective, la notification
contenue dans la note verbale du 4 octobre 2011 relèverait de la simple « courtoisie »79, sans
que « [l]a Convention n[e l’]exige »80. À lire le passage précité de la réplique, il semble
désormais que la Guinée équatoriale accepte a minima l’exigence d’une notification officielle
et préalable à toute affectation de locaux diplomatiques. Encore faut-il accueillir cette avancée
avec circonspection : la Guinée équatoriale continue par ailleurs de présenter l’affectation
diplomatique d’un immeuble comme une « décision souveraine »81 de l’État accréditant, sur
laquelle l’État accréditaire n’a aucune prise.
75 Ibid., p. 27.
76 Ibid., p. 28, par. 2.10 (citant des extraits du contre-mémoire de la France).
77 Réponses écrites de la Guinée équatoriale aux questions posées par M. le Juge Bennouna et Mme la Juge
Donoghue, 26 octobre 2016, p. 7, par. 23.
78 OGE, p. 27, par. 1.61.
79 MGE, p. 143, par. 8.35.
80 Ibidem.
81 Réplique, p. 17, par. 1.25.
27
2.24. Ce primat de l’unilatéralisme continue en réalité de caractériser l’approche équatoguinéenne
de la question : selon elle, « pour qu’un immeuble acquière le statut diplomatique
et bénéficie des protections prévues par la CVRD, il suffit généralement pour l’État
accréditant d’affecter ledit immeuble aux fins de sa mission diplomatique et de notifier l’État
accréditaire de ce fait »82. Comme l’emploi de termes tels que « suggère »83 ou
« généralement »84 en témoigne, la Guinée équatoriale est cependant dans l’incapacité
d’étayer juridiquement l’affirmation de ce pouvoir d’auto-appréciation au bénéfice exclusif de
l’État accréditant. Ainsi, les extraits d’analyse doctrinale qu’elle cite au soutien de cette
construction85 – censés montrer que la procédure d’établissement des locaux des missions
diplomatiques est indépendante de toute forme d’’assentiment de l’État accréditaire – ne
portent pas sur la question de l’affectation mais sur celle de la propriété86.
2.25. Il en va de même des éléments que la Guinée équatoriale entend tirer de la pratique
des États pour corroborer sa propre interprétation de la Convention : qu’il s’agisse des
Guidelines for the Diplomatic and Consular Corps de la Nouvelle-Zélande, des Diplomatic
Privileges and Immunities in Finland ou encore du Manuale sul trattamento riservato al
corpo diplomatico accreditato presso la Repubblica italiana, la liberté de choix de l’État
accréditant ou l’absence de nécessité du consentement de l’État accréditaire ne concernent,
respectivement, que la possibilité de « locate and acquire property of their choice »,
l’« acquisition or sale of real property in Finland » ou « les conditions pour l’acquisition de
biens immobiliers par les missions diplomatiques »87.
2.26. De manière similaire, il est difficile de comprendre en quoi l’examen que la Guinée
équatoriale propose des législations britannique et américaine88 vient à l’appui de sa propre
position. Ces instruments de droit interne – que la France a évoqués avec plusieurs autres
illustrations de pratiques étatiques dans son contre-mémoire89 – montrent au contraire que
l’État accréditaire a la faculté d’encadrer la désignation par les États accréditants des locaux
82 Ibid., p. 25, par. 2.3.
83 Ibid., p. 28, par. 2.10.
84 Ibid., p. 25, par. 2.3.
85 V. ibid., p. 25, pars. 2.3-2.4.
86 À titre d’exemple, dans l’extrait du commentaire de la Convention de Vienne cité par la Guinée équatoriale,
l’auteur indique que « Article 1(i) of the Convention does not require a sending State to seek the approval of the
receiving State before acquiring property for use as premises of its mission » (E. Denza, Diplomatic Law:
Commentary on the Vienna Convention on Diplomatic Relations, Oxford, OUP, 4ème éd., 2016, p. 16 (italiques
ajoutés)).
87 Réplique, pp. 26-27, par. 2.5 et note 61.
88 V. ibid., pp. 34-35, pars. 2.27-2.29.
89 CMF, pp. 41-45, par. 3.18.
28
de leurs missions diplomatiques sur son territoire, en subordonnant une telle désignation à des
obligations de procédure ou de fond, sans que l’on perçoive précisément comment les États
accréditants pourraient « s’opposer » à un tel encadrement, comme la Guinée équatoriale le
suggère curieusement à propos de la législation britannique90. Ainsi que la France l’a déjà
rappelé à plusieurs reprises91, l’absence de formalisation textuelle des pratiques des États
accréditaires est indifférente du point de vue du droit international : de nombreux États,
comme la France, exercent la faculté d’apprécier si la désignation des locaux diplomatiques
par l’État accréditant est acceptable en fait comme en droit, sans qu’il ait jamais été considéré
que de telles pratiques fussent contraires à la Convention de Vienne92. Leur existence
confirme au contraire l’interprétation que la France fait de la CVRD comme autorisant un
pouvoir de contrôle de l’Etat accréditaire. Si la Convention devait être interprétée comme
excluant un tel pouvoir, il faudrait en conclure que ces différentes pratiques et législations
violeraient la Convention, conclusion que la Guinée équatoriale ne fait elle-même pas sienne.
2.27. Au demeurant, la tentative réitérée93 à laquelle la Guinée équatoriale se livre, pour
trouver dans l’article 12 de la Convention de Vienne94 une confirmation a contrario de la
thèse selon laquelle l’État accréditaire n’aurait d’autre possibilité en droit que d’entériner le
choix par l’État accréditant de ses locaux diplomatiques, n’est pas davantage de nature à
emporter la conviction. En attribuant à l’article 12 une portée qu’il n’a manifestement pas –
celui-ci règlerait la question de la désignation des locaux d’une mission diplomatique « de
manière exhaustive »95 – la Guinée équatoriale avance qu’il comporte une « exception
expresse à la règle générale », avec pour seul effet de « limiter les cas où le consentement de
l’État accréditaire est nécessaire dans le cas de figure de l’article 12 »96. C’est oublier, une
fois encore, que cette disposition requiert le consentement « exprès » de l’État accréditaire et
induit logiquement, à rebours de ce qu’allègue la Guinée équatoriale, que la désignation de
locaux de la mission diplomatique dans la capitale de l’État accréditaire reste en tout état de
cause subordonnée à l’approbation tacite de ce dernier97.
90 Réplique, p. 35, par. 2.28.
91 Voir EPF, p. 70, par. 165 et CMF, pp. 46-47, par. 3.21.
92 V. CMF, p. 46, pars. 3.21-3.23.
93 V. MGE, p. 144, par. 8.36 et CR 2018/3, p. 49, par. 20 (M. Kamto)).
94 L’article 12 se lit comme suit : « L’État accréditant ne doit pas, sans avoir obtenu au préalable le consentement
exprès de l’État accréditaire, établir des bureaux faisant partie de la mission dans d’autres localités que celles où
la mission elle-même est établie ».
95 Réplique, p. 32, par. 2.21.
96 Ibidem.
97 V. CMF, pp. 39-40, par. 3.16.
29
2.28. Soutenir l’inverse, comme le fait le demandeur, revient à prôner une lecture unilatérale
et déséquilibrée de la Convention de Vienne allant à l’encontre des principes fondamentaux
régissant les relations diplomatiques entre États souverains. Peut-être est-ce pour atténuer les
incohérences et les excès d’une telle vision que la Guinée équatoriale avance dorénavant une
interprétation de l’article 1er, alinéa i), fondée sur l’existence d’une « présomption de
validité ». Selon le demandeur en effet,
« Plutôt que conférer un droit à l’État accréditaire de s’opposer aux revendications du
caractère diplomatique des biens par l’État accréditant chaque fois qu’il considère
qu’il existe un abus, l’objet et le but de la Convention donnent lieu à une présomption
de validité de telles revendications qui est fondamentale pour le bon déroulement des
relations diplomatiques fondées sur le principe de réciprocité »98.
2.29. De prime abord, cette « présomption de validité » a le mérite de nuancer la portée que
la Guinée équatoriale entend par ailleurs conférer à la notification par l’État accréditant de
l’usage d’un immeuble à des fins diplomatiques, en laissant logiquement à l’État accréditaire
la possibilité de la renverser si les circonstances l’exigent. D’ailleurs, l’extrait de l’arrêt de la
Cour suprême fédérale de l’Allemagne que le demandeur reproduit à l’appui de cette
présomption99 témoigne clairement du rapport qui doit s’établir entre État accréditant et État
accréditaire quand l’usage d’un immeuble à des fins diplomatiques est en cause ; comme la
France l’a souligné dans son contre-mémoire, la haute juridiction allemande a, dans cette
affaire, autant prêté attention aux éléments d’information fournis à suffisance par l’État
accréditant pour étayer sa demande qu’à la confirmation donnée par le ministère allemand des
Affaires étrangères100. Plus fondamentalement, si régime de « présomption » il y a comme le
soutient désormais la Guinée équatoriale, c’est bien qu’il existe au minimum un droit de l’Etat
accréditaire de remettre en cause les prétentions de l’Etat accréditant.
2.30. De même – et il est assez étrange que le demandeur ne le relève pas lui-même – une
telle présomption aurait pour conséquence logique d’écarter les risques qu’il agite par ailleurs,
lorsqu’il dénonce la « situation de vulnérabilité »101 dans laquelle l’État accréditant se
trouverait au regard de l’État accréditaire. Sur la base d’une telle présomption, tout État
accréditant se comportant de bonne foi pourrait considérer que le silence conservé par l’État
98 Réplique, p. 29, par. 2.14.
99 Ibid., pp. 30-31, par. 2.16.
100 V. CMF, p. 54, par. 3.37 et note 136.
101 Réplique, p. 33, par. 2.23.
30
accréditaire à la suite d’une notification d’usage vaut assentiment de ce dernier à la
destination de l’immeuble. Seules des circonstances particulières pourraient alors conduire
l’État accréditaire à exprimer son refus. C’est exactement ce qui s’est produit dans la présente
affaire : une semaine seulement après avoir reçu la notification de la Guinée équatoriale le 4
octobre 2011, le service du Protocole lui a fait connaître les raisons pour lesquelles la France
ne pouvait faire droit à sa demande102. En l’occurrence la diligence des autorités françaises
n’a laissé subsister aucun risque quant à la situation de vulnérabilité redoutée par la Guinée
équatoriale : dès le 11 octobre 2011, celle-ci savait parfaitement à quoi s’en tenir.
2.31. Pourtant, la « présomption de validité » invoquée par la Guinée équatoriale apparaît, à
l’examen de ses explications, comme un paravent visant à masquer le privilège unilatéral
qu’elle continue de revendiquer au bénéfice de l’État accréditant. Si le demandeur n’indique
pas expressément qu’une telle présomption devrait être irréfragable, les moyens qu’il avance
pour permettre à l’État accréditaire de la renverser s’avèrent en réalité inopérants103. Qu’il
s’agisse de l’article 9 (déclaration d’une persona non grata), de l’article 31, paragraphe 4
(immunité de juridiction des agents diplomatiques) ou de l’article 32 (renonciation à
l’immunité de juridiction des agents diplomatiques), aucune des dispositions de la Convention
de Vienne évoquées ne serait susceptible de permettre à l’État accréditaire de réagir à la
notification par laquelle un État accréditant entendrait faire admettre au nombre des locaux de
sa mission diplomatique un immeuble qui ne serait manifestement pas utilisé à de telles fins.
B. La Guinée équatoriale continue de soutenir à tort que l’État accréditant
peut étendre à des immeubles un statut diplomatique indépendamment de
leur affectation réelle
2.32. Face à l’exposé détaillé que la France a fourni du critère de l’affectation réelle104 – et
qu’elle maintient intégralement, la Guinée équatoriale n’oppose dans sa réplique que quelques
considérations dépourvues de pertinence juridique.
102 V. supra par. 2.10.
103 V. Réplique, p. 30, par. 2.15.
104 V. CMF, pp. 48-58, pars. 3.24-3.42.
31
2.33. Ainsi, l’invocation soudaine105 de la Convention des Nations Unies sur l’immunité
juridictionnelle des États et de leurs biens (d’ailleurs non en vigueur) apparaît tout à fait
incongrue ici. Dans le cadre de la présente affaire, la Cour s’est déclarée compétente sur le
seul fondement de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques ; elle ne saurait
dès lors être saisie d’une « méconnaissance »106 éventuelle de la Convention de 2004. En
outre, l’examen des dispositions que la Guinée équatoriale invoque ne vient aucunement au
soutien de ses prétentions et s’avère plutôt « éclairant »107 de la manoeuvre à laquelle celle-ci
se livre. Manifestement, le demandeur entend montrer par ce biais que le principe d’immunité
des États à l’égard des mesures de contrainte postérieures au jugement, énoncé à l’article 19
de la Convention, s’étend aux biens « utilisés ou destinés à être utilisés dans l’exercice des
fonctions de la mission diplomatique de l’État », visés par l’article 21, paragraphe 1er,
alinéa a). Cependant, et en-dehors même du fait que cette dernière disposition a
essentiellement pour objet de s’appliquer aux biens qui, à l’instar des comptes bancaires, ne
sont pas évoqués dans la Convention de Vienne de 1961108, la Guinée équatoriale omet de
préciser deux points importants : d’une part, comme le précise l’article 3, paragraphe 1er,
alinéa a), de la Convention de 2004, celle-ci « n’affecte pas les privilèges et immunités dont
jouit un État en vertu du droit international en ce qui concerne l’exercice des fonctions […]
[d]e ses missions diplomatiques » ; d’autre part, il est généralement admis que la Convention
de 2004 ne couvre pas la matière pénale, ici en cause109.
2.34. Dans une veine similaire, la Guinée équatoriale cherche à donner à la Cour une vision
manifestement infondée de la pratique française en matière d’affectation de locaux à des fins
diplomatiques, y compris en ayant recours à des citations tronquées. Dans son contre-
105 Réplique, pp. 37-38, pars. 2.35-2.36.
106 V. ibid., p. 38, par. 2.36.
107 Ibid., p. 37, par. 2.35.
108 V. C. BROWN, R. O’KEEFE, « Article 21 », in R. O’KEEFE, C J. TAMS (dirs.), The United Nations
Convention on Jurisdictional Immunities of States and their Property – A Commentary, New York, OUP, 2013,
p. 340.
109Dans la résolution par laquelle elle a adopté la Convention, l’Assemblée générale des Nations Unies indique
qu’elle « [p]artage la conclusion générale à laquelle le Comité spécial est parvenu, à savoir que la Convention
des Nations Unies sur les immunités juridictionnelles des États et de leurs biens ne couvre pas les poursuites au
pénal » ; v. A/RES/59/38, Convention des Nations Unies sur les immunités juridictionnelles des Etats et de leurs
biens, 2 décembre 2004, par. 2. V. aussi T. TREVES, « Some Peculiarities of the UN Convention on
Jurisdictional Immunities of States and Their Property: a Footnote on the Codification Technique », in I.
BUFFARD, J. CRAWFORD, A. PELLET, S. WITTICH (dirs.), International Law Between Universalism and
Fragmentation, Festschrift in Honour of Gerhard Hafner, Leiden/Boston, Martinus Nijhoff Publishers, 2008, p.
505 ; G. HAFNER, « Historical Background to the Convention », in R. O’Keefe et C. Tams (dirs.), The United
Nations Convention on Jurisdictional Immunities of States and their Property, Oxford University Press, Oxford,
2013, p. 1.
32
mémoire110, la France s’est attachée à montrer que la Guinée équatoriale était parfaitement
informée de l’application constante par le service français du Protocole du critère de
l’affectation réelle, non seulement dans le cadre des échanges ayant trait à l’immeuble du 42
avenue Foch mais déjà, bien auparavant, à l’occasion du traitement d’une demande
d’exonération fiscale concernant la résidence officielle de l’Ambassadeur de Guinée
équatoriale, rue de Verzy (Paris, XVIIe). Pour la Guinée équatoriale, « l’exemption fiscale a
été accordée bien avant que l’Ambassadeur de la Guinée équatoriale s’installe dans les
nouveaux locaux, et […] l’usage que la Guinée équatoriale envisageait pour l’immeuble a
suffi aux yeux des autorités françaises »111. Les termes exacts de la note verbale par laquelle
le service du Protocole a transmis à la Guinée équatoriale la décision prise en l’occurrence par
la Direction de la Législation fiscale du ministère de l’Économie et des Finances ne
corroborent en rien cette interprétation réductrice. Pour accorder l’exonération demandée112,
le service compétent a tenu expressément compte des éléments suivants :
- L’acte de vente des locaux visés, transmis par notaire, stipulait que « l’acquéreur
déclare et s’engage par les présentes à ce que les biens, objet de la présente vente, soient
destinés à être utilisés exclusivement pour la résidence officielle de l’ambassadeur de la
République de Guinée équatoriale »113 - aucun acte de vente (ou contrat de bail) – susceptible
de comporter a fortiori un engagement d’usage exclusif – n’existe pour ce qui concerne
l’immeuble du 42 avenue Foch ;
- L’exonération accordée « pourrait faire l’objet d’une remise en cause si l’affectation
de l’immeuble était modifiée »114 ;
- L’ambassade devait informer les services français compétents « de la date
d’installation de l’ambassadeur dans ces nouveaux locaux et également communiquer
l’affectation donnée aux locaux libérés situés 16 avenue Baudelaire à Sartrouville
(Yvelines) »115.
2.35. Cette explicitation détaillée est le juste reflet de la pratique française, telle que celle-ci
a été rappelée à la Guinée équatoriale lorsque cette dernière a entendu faire reconnaître
l’inclusion de l’immeuble du 42 avenue Foch parmi les locaux utilisés aux fins de la mission
110 V. CMF, pp. 51-52, pars. 3.33-3.34.
111 Réplique, p. 40, par. 2.43.
112 Note verbale n° 3190 du ministère des Affaires étrangères de la République française adressée à l’ambassade
de la République de Guinée équatoriale, le 6 juillet 2005 [ANNEXE 9 du contre-mémoire de la France].
113 Ibid.
114 Ibid.
115 Ibid (italiques ajoutés).
33
diplomatique équato-guinéenne. Pour mémoire, le service du Protocole a alors signifié à la
Guinée équatoriale que,
« conformément à une pratique constante de la France, une Ambassade qui envisage
d’acquérir des locaux pour sa mission en informe au préalable le Protocole et s’engage
à affecter lesdits locaux aux fins de l’accomplissement de ses missions ou pour la
résidence du chef de mission. La reconnaissance officielle de la qualité de « locaux de
la mission », au sens de l’article 1er, alinéa i), de la Convention de Vienne sur les
relations diplomatiques du 18 avril 1961, s’apprécie à la date de réalisation de
l’affectation desdits locaux aux services de la mission diplomatique, soit au moment
de l’installation effective. Le critère de l’affectation réelle doit donc être rempli. Ce
n’est qu’à compter de cette date, notifiée par note verbale, que les locaux bénéficient
des protections idoines prévues notamment par l’article 22 de la Convention de Vienne
sur les relations diplomatiques du 18 avril 1961 » 116.
2.36. Dans sa réplique, la Guinée équatoriale n’hésite pas à caricaturer cette pratique, en
émettant l’hypothèse selon laquelle elle reviendrait à considérer qu’un immeuble est utilisé à
des fins diplomatiques une fois seulement qu’un « déménagement complet » y a été
effectué117. La France n’a pas employé ces termes. Elle demande seulement qu’un immeuble
destiné à faire partie des locaux « utilisés aux fins de la mission [diplomatique] », au sens de
l’article 1er, alinéa i), de la Convention de Vienne soit effectivement affecté à de telles fins.
Pour tout État accréditant se comportant de bonne foi, une telle exigence ne soulève aucune
difficulté.
116 Ministère des Affaires étrangères et européennes, Note verbale n°1341 PRO/PID, 28 mars 2012 [ANNEXE
18 des documents produits par la France, le 14 octobre 2016, dans le cadre de la demande de la Guinée
équatoriale en indication de mesures conservatoires].
117 Réplique, p. 38, pars. 2.37-2.38.
34
III. LA FRANCE N’A PAS VIOLE SES OBLIGATIONS A L’EGARD DE
LA GUINEE EQUATORIALE AU TITRE DE L’ARTICLE 22 DE LA
CONVENTION DE VIENNE
2.37. Dans sa réplique, la Guinée équatoriale note que
« L’argument principal de la France pour expliquer que les mesures prises contre
l’immeuble sis au 42 avenue Foch ne constituent pas des violations de la CVRD
consiste en ce que l’immeuble n’aurait pas acquis le statut diplomatique le 4 octobre
2011. Elle ne nie par conséquent pas que, s’il est démontré que l’immeuble a acquis ce
statut, lesdites mesures engageraient sa responsabilité internationale »118.
Depuis le début de la procédure devant la Cour internationale de Justice, la France n’a jamais
concédé une telle admission ni laissé entendre quoi que ce soit qui puisse donner prise à ce
raisonnement circulaire et à la déduction hasardeuse que la Guinée équatoriale croit pouvoir
en tirer.
2.38. Le contre-mémoire a exposé de manière détaillée les raisons pour lesquelles la France
considère qu’elle n’a violé aucune des obligations lui incombant au titre de l’article 22 de la
Convention de Vienne119. Il ne parait donc pas nécessaire d’y revenir, si ce n’est pour
répondre brièvement aux quelques allégations nouvelles que comporte la réplique.
2.39. L’une de ces nouveautés, au moins, est bienvenue. Dans son mémoire, la Guinée
équatoriale avait laissé entendre que la France aurait « porté atteinte à l’interdiction que lui
fait l’article 22 »120 lors de « la perquisition du 28 septembre et du 3 octobre 2011 »121, c’està-
dire avant la notification du 4 octobre 2011. Elle concède désormais sans ambiguïté que
seules les mesures prises par les autorités françaises « après cette date »122 sont en cause. Au
demeurant, la période durant laquelle des manquements auraient pu se produire est, selon la
Guinée équatoriale elle-même, très étroitement définie puisque le demandeur ne cite aucune
mesure ou incident postérieurs à la date de la saisie pénale immobilière de l’immeuble le 19
118 Ibid., p. 43, par. 2.50.
119 V. not. CMF, pp. 68-71, pars. 3.61-3.68.
120 MGE, p. 133, par. 8.12.
121 Ibid., p. 134, par. 8.15.
122 Réplique, p. 43, par. 2.49. Plus loin, la Guinée équatoriale précise encore qu’elle « n’insiste plus sur la
question des perquisitions du 28 septembre et 3 octobre 2011 car la Cour a décidé qu’elle n’est pas compétente
pour trancher l’aspect du différend concernant les violations par la France de l’immunité des biens de l’État »
(ibid., p. 68, par. 4.12).
35
juillet 2012. En tout et pour tout, ce sont donc uniquement deux événements précis – la
perquisition du mois de février 2012 et la saisie opérée cinq mois après – qui pourraient être,
selon la Guinée équatoriale, à l’origine des violations alléguées de la Convention.
2.40. Celle-ci ne fournit aucune explication détaillée des raisons pour lesquelles la
perquisition du 14 au 23 février 2012 constituerait une violation de l’article 22. Tout en
reconnaissant que les biens meubles saisis à cette occasion n’appartenaient pas à sa mission
diplomatique, elle se borne à affirmer que « la saisie des biens est de toute façon illicite
puisqu’elle est le résultat du fait que les autorités françaises ont pénétré dans l’immeuble en
violation de l’article 22 de la CVRD »123. La circularité du raisonnement est manifeste. En
réalité, cette perquisition, ordonnée dans le cadre de la procédure judiciaire visant M. Obiang
Mangue, n’a concerné que le patrimoine personnel et privé de celui-ci ; comme le Tribunal
correctionnel de Paris l’a relevé dans son jugement du 27 octobre 2017, « aucun document
officiel concernant l’Etat de Guinée-Equatoriale ou permettant de penser que cet immeuble
pouvait servir comme lieu de représentation officielle n’a été découvert »124 à cette occasion.
C’est dire qu’à ce moment-là au moins, l’immeuble restait entièrement à la « libre
disposition »125 d’un particulier et n’était en aucune manière utilisé aux fins de la mission
diplomatique de la Guinée équatoriale en France.
2.41. Quant à la saisie pénale immobilière du 19 juillet 2012, la Guinée équatoriale
considère d’abord qu’elle constitue une mesure attentatoire à la propriété susceptible de
constituer per se une violation de l’article 22126. Il a déjà été rappelé que la question de la
propriété d’un immeuble était sans incidence sur le bénéfice du statut diplomatique et, partant,
du régime d’inviolabilité prévu par la Convention de Vienne127 ; l’argument du demandeur ne
saurait donc prospérer à cet égard. La Guinée équatoriale fait également valoir que l’article
22, paragraphe 3, de la Convention proscrit toute mesure d’exécution à l’encontre des locaux
de la mission128. Mais, précisément, à la date de la saisie, l’immeuble du 42 avenue Foch ne
pouvait être objectivement considéré comme faisant partie des locaux de la mission
diplomatique équato-guinéenne à Paris. Quel autre sens donner à la note verbale du 27 juillet
2012, par laquelle la Guinée équatoriale a entendu informer le Protocole que « [l]es services
123 Ibidem.
124 Jugement du Tribunal correctionnel de Paris, 32ème Chambre correctionnelle, 27 septembre 2017, p. 31.
125 Ibidem,
126 V. Réplique, p. 44, par. 2.53.
127 V. supra pars. 2.17-2.19.
128 V. Réplique, p. 45, par. 2.55.
36
de l’Ambassade sont, à partir du 27 juillet 2012, installés à l’adresse sise 42 Avenue Foch,
Paris 16ème, immeuble qu’elle utilise désormais pour l’accomplissement des fonctions de sa
Mission diplomatique en France »129 ?
2.42. Face aux failles de ce raisonnement, la Guinée équatoriale fait valoir un nouvel
argument, en invoquant l’article 22, paragraphe 2, de la Convention130. Selon elle, « la paix de
la mission s’est vue troublée du fait des perquisitions et de la saisie pénale de 2012. Ces
mesures ont également amoindri la dignité de la mission, d’autant plus qu’elles ont été
amplement médiatisées en créant une image fausse et insultante de la Guinée équatoriale en
France et ailleurs »131. Plus loin, le demandeur évoque encore à cet égard « un risque
permanent d’expulsion »132 et la difficulté d’installer dans l’immeuble « tous les systèmes
nécessaires pour son fonctionnement effectif et efficace en tant que mission diplomatique »133.
Pourtant, depuis qu’elle a déclaré s’y être installée le 27 juillet 2012, l’ambassade de Guinée
équatoriale n’a jamais fait état auprès des autorités françaises d’incidents ayant pu affecter la
paix de l’immeuble du 42 avenue Foch. Dans un autre passage de la réplique, elle indique
elle-même que, « [d]epuis le 27 juillet 2012, tous les services de l’Ambassade ont bien été
installés dans l’immeuble »134. Au demeurant, comme la France a déjà eu l’occasion de
l’expliquer, une protection a été accordée aux locaux du 42 avenue Foch – sans préjudice de
la non-reconnaissance de leur statut diplomatique – notamment le 13 octobre 2015 (du fait
d’une manifestation des membres de l’opposition équato-guinéenne en France) et à l’occasion
des élections du 24 avril 2016, car un bureau de vote y était installé135.
2.43. Enfin, « à titre subsidiaire », le demandeur fait valoir que, « quelle que soit la bonne
interprétation » de la Convention, « la Guinée équatoriale a été soumise à un traitement
arbitraire et discriminatoire »136. L’arbitraire tiendrait en particulier au fait que la France
aurait refusé d’accepter le caractère diplomatique de l’immeuble sur le fondement d’une
129 Note verbale n°501/12 de l’ambassade de la République de Guinée équatoriale adressée au ministère des
Affaires étrangères de la République française, le 27 juillet 2012 [ANNEXE 22 des documents produits par la
France, le 14 octobre 2016, dans le cadre de la demande de la Guinée équatoriale en indication de mesures
conservatoires].
130 Le texte de l’article 22, paragraphe 2 se lit comme suit : « L’État accréditaire a l’obligation spéciale de
prendre toutes mesures appropriées afin d’empêcher que les locaux de la mission ne soient envahis ou
endommagés, la paix de la mission troublée ou sa dignité amoindrie ».
131 Réplique, p. 44, par. 2.52.
132 Ibid., p. 44, par. 2.54.
133 Ibidem.
134 Ibid., p. 22, par. 1.42.
135 CR 2016/15, 18 octobre 2016, p. 39, § 25 (H. Ascensio).
136 Réplique, pp. 45-46, par. 2.58.
37
appréciation erronée de sa propriété137 ; il a déjà été montré que tel n’était pas le cas138. De
même, contrairement à ce qu’affirme le demandeur139, les autorités françaises ont clairement
indiqué à la Guinée équatoriale quelle était la pratique de la France en matière de
reconnaissance du statut diplomatique d’un immeuble et ont suivi cette pratique avec
constance en l’occurrence140.
2.44. Quant au comportement discriminatoire – caractérisé par le fait qu’« aucun autre État
ne semble avoir été soumis au traitement que la Guinée équatoriale a reçu »141 – sa
dénonciation supposerait a minima que la Guinée équatoriale puisse établir que, confrontées à
une revendication similaire à celle qu’elle a portée le 4 octobre 2011, les autorités françaises
auraient réagi différemment. Il n’y a pas à s’étonner que de tels cas soient aussi difficiles à
identifier : dans leurs relations diplomatiques ordinaires avec la France, les États accréditants
ne se retranchent pas – fort heureusement – derrière les pratiques abusives auxquelles les
autorités françaises ont été ici confrontées. Le fait qu’en dernier recours, la Guinée équatoriale
puisse reprocher à la France de n’avoir pas cherché à mettre en oeuvre les moyens offerts par
la Convention de Vienne142 ne change rien à ce constat, si ce n’est pour le conforter : aucun de
ces moyens n’aurait en effet été susceptible d’apporter une solution au problème que la
conduite de la Guinée équatoriale a suscité143 aux seules fins, abusives, de préserver
l’immeuble du 42 avenue Foch d’une procédure judiciaire visant un particulier.
137 V. ibid., pp. 46-47, pars. 2.59-2.62.
138 V. supra pars. 2.9-2.13..
139 V. réplique, pp. 47-49, pars. 2.63-2.67.
140 V. supra par. 2.35.
141 Réplique, p. 49, par. 2.68.
142 V. ibid., pp. 50-51, pars. 2.72-2.74.
143 V. infra chapitre 3.
38
CHAPITRE 3 - L’ABUS DE DROIT COMMIS PAR LA GUINEE EQUATORIALE
3.1 Dans sa réplique, en date du 8 mai 2019, la République de Guinée équatoriale soutient
qu’elle « a agi de manière raisonnable et de bonne foi »144, et demande par conséquent à la
Cour de rejeter les « accusations » d’abus de droit145 formulées par la République française
dans son Contre-Mémoire, en date du 6 décembre 20018.
3.2 La France convient que « [l]’abus de droit ne doit pas être présumé à la légère, et que
toute constatation d’un abus de droit ne peut être faite que dans des circonstances
exceptionnelles »146. Mais, dans son Contre-Mémoire, elle a précisément démontré que les
circonstances exceptionnelles de l’espèce caractérisent l’existence d’un abus de droit de la
Guinée équatoriale.
3.3 Liminairement, il convient de rappeler que la France soutient, à titre principal, que la
Guinée équatoriale ne pouvait pas lui imposer d’octroyer à l’immeuble du 42 avenue Foch le
statut de local de la mission diplomatique, et les protections qui y sont attachées en vertu de la
Convention de Vienne. Dans l’hypothèse où la Cour conclurait qu’il existe un droit pour
l’État accréditaire d’établir sa mission diplomatique sur le territoire de l’État accréditant, en
vertu de la Convention de Vienne, de manière entièrement libre et sans que l’État accréditant
ait son mot à dire, il n’en resterait pas moins que l’exercice de ce droit par la Guinée
équatoriale constitue en l’espèce un abus de droit justifiant le refus de la France de reconnaître
le statut diplomatique à l’immeuble.
3.4 Dans sa réplique, la Guinée équatoriale ne consacre guère de développements à cette
question alors que, dans ses observations écrites sur les exceptions préliminaires, elle
annonçait attendre l’examen au fond pour y procéder147. Quelques remarques
complémentaires n’en semblent pas moins utiles. En premier lieu, il convient de rappeler que
pour établir l’existence (ou non) d’un abus de droit il est indispensable de s’intéresser aux
faits et circonstances d’espèce. Or l’exposé des faits effectué par la Guinée équatoriale dans sa
réplique et l’interprétation qu’elle en donne ne font que confirmer l’existence en l’espèce d’un
144 Réplique, p. 53, par. 3.3.
145 Réplique, p. 64, par. 3.35.
146 Réplique, p. 54, par. 3.5.
147 Voir OGE, p. 33, par. 1.76.
39
tel abus (I.). Dans ces circonstances, il paraît clair que le régime de la Convention de Vienne
ne fait pas obstacle à ce que la France refuse l’octroi d’un statut diplomatique à l’immeuble
du 42 avenue Foch non seulement pour les raisons énoncées dans les chapitres précédents,
mais également en raison de l’abus de droit commis par la Guinée équatoriale (II.).
40
I. LES NOUVELLES CONTRADICTIONS DE LA GUINÉE ÉQUATORIALE
3.5 Quand bien même les États accréditants pourraient imposer aux États accréditaires la
qualification de mission diplomatique à n’importe quel immeuble sis sur le territoire de ces
derniers – quod non comme la France l’a à nouveau montré dans le chapitre précédent,
l’invocation par la Guinée équatoriale du bénéfice de la Convention de Vienne et l’installation
de facto d’une partie de ses services dans les locaux du 42 avenue Foch après le refus exprimé
par les autorités françaises de reconnaître à cet immeuble la qualité de locaux d’une mission
diplomatique148, constituent un abus de droit. Les circonstances de l’espèce présentent un
caractère tout à fait exceptionnel149 et ne laissent aucun doute à cet égard, comme le
démontrent l’ensemble des éléments de preuve produits au cours de la présente procédure.
3.6 La France a amplement établi, dans ses précédentes écritures150, l’existence de cet
abus de droit de la Guinée équatoriale qui consiste à revendiquer le bénéfice du statut
diplomatique pour un immeuble visé par des procédures pénales concernant M. Teodoro
Nguema Obiang Mangue, c’est-à-dire pour des faits privés. Les actes et comportements de la
Guinée équatoriale, et les positions contradictoires prises par les autorités de ce pays, résultent
non pas de « déductions contestables mais […] [d’]éléments clairs et convaincants qui
appellent nécessairement pareille conclusion »151. Et, pris ensemble, ces faits caractérisent une
situation objective d’abus de droit.
3.7 Les faits relatifs à l’utilisation de l’immeuble par la Guinée équatoriale constituent une
question centrale au regard de l’abus de droit. Or la réplique de la Guinée équatoriale met à
nouveau en lumière les contradictions de cette dernière (A.), et lorsqu’elle prétend relever des
incohérences dans la position de la France, ce sont ses propres confusions qu’elle expose (B.).
148 Voir CMF, pp. 77-85, pars. 4.15-4.27.
149 Dans son Opinion dissidente jointe à l’arrêt rendu par la Cour le 6 juin 2018 dans la présente affaire, Mme la
Juge Donoghue relevait à cet égard que : « The present case is such an exceptional circumstance. The sequence
of actions taken by the applicant State is established […]. The purpose of those actions […] is manifest. The
evidence regarding the character of the Applicant’s conduct is conclusive, easily meeting the heightened
standards of proof » (par. 18).
150 Voir CMF, pp. 77-97, pars. 4.15-4.57.
151 CIJ, arrêt, 5 décembre 2011, Application de l’Accord intérimaire du 13 septembre 1995 (Macédoine c.
Grèce), Rec. 2011, p. 685, para. 132.
41
A. Les nouvelles variations de la Guinée équatoriale quant à la date de début
d’utilisation des locaux de l’immeuble du 42 avenue Foch
3.8 Dans sa réplique, la Guinée équatoriale affirme que, « [d]ans les années précédant
l’acquisition de l’immeuble sis au 42 avenue Foch par la Guinée équatoriale, M. Teodoro
Nguema Obiang Mangue, qui occupait un rang élevé dans l’État équato-guinéen, permettait
l’utilisation dudit immeuble à des fins diplomatiques et officielles. La Guinée équatoriale a
effectivement fait un tel usage de l’immeuble »152. Une telle position est à la fois contredite
par les propres affirmations de la Guinée équatoriale et par la réalité des faits. Les
incohérences dont a fait preuve la Guinée équatoriale, depuis l’origine du différend, en
apportent la preuve.
1. Incohérences relatives à l’utilisation de l’immeuble du 42 avenue Foch à des fins
diplomatiques
3.9 S’agissant du début de l’utilisation de l’immeuble du 42 avenue Foch à des fins
diplomatiques, un bref rappel des variations de la Guinée équatoriale au cours de la procédure
est utile.
3.10 Dans sa requête, la Guinée équatoriale a affirmé que, « [l]e 15 septembre 2011, [M.
Teodoro Nguema Obiang Mangue] a cédé ses droits sociaux dans [l]es sociétés [propriétaires
de l’immeuble] à l’État de Guinée équatoriale. Depuis lors, cet immeuble est affecté à la
mission diplomatique de la Guinée équatoriale »153. C’est donc au 15 septembre 2011 que la
Guinée équatoriale a initialement fixé le début de la prétendue « affectation » de l’immeuble à
des fins diplomatiques, sans qu’il ne soit jamais allégué qu’une utilisation à des fins
diplomatiques ait eu lieu antérieurement.
3.11 Dans sa réponse écrite à la question de Mme la Juge Donoghue à l’issue des audiences
sur sa demande en indication de mesures conservatoires, la Guinée équatoriale a affirmé que
l’immeuble avait « acquis le statut de locaux de sa mission diplomatique à partir de l’envoi au
Ministère français des affaires étrangères, le 4 octobre 2011, d’une note diplomatique
152 Réplique, p. 9, par. 1.2.
153 Requête, p. 6, par. 20 (italiques ajoutées).
42
l’informant que l’immeuble était utilisé pour l’accomplissement des fonctions de sa mission
diplomatique »154 ; elle a fait de même dans son Mémoire155.
3.12 Il convient de rappeler que, dans cette note verbale du 4 octobre 2011, la Guinée
équatoriale prétendait « dispose[r] depuis plusieurs années d’un immeuble situé au 42 Avenue
FOCH, Paris XVIème qu’elle utilise pour l’accomplissement des fonctions de sa Mission
Diplomatique sans qu’elle ne l’ait formalisé expressément […] jusqu’à ce jour »156. Dans le
même sens, dans sa réponse à la question de Mme la juge Donoghue, la Guinée équatoriale a
affirmé qu’« il est arrivé, par le passé, et avant le 4 octobre 2011, que l’immeuble accueille le
personnel diplomatique de la Guinée équatoriale ou d’autres personnalités en mission
spéciale »157. Jamais la Guinée équatoriale n’a apporté le moindre début de preuve au soutien
de cette affirmation. Au contraire, la France a amplement démontré qu’une telle assertion était
insoutenable au regard des constatations factuelles quant à l’utilisation de l’immeuble.
3.13 Dans l’espoir d’échapper à l’objection, la Guinée équatoriale s’était limitée, dans ses
observations sur les exceptions préliminaires soulevées par la France, à avancer que,
« souligner à répétition que dans la note verbale du 4 octobre 2011, la Guinée équatoriale dit
‘disposer depuis plusieurs années’ de l’immeuble du 42 avenue Foch est de peu d’importance
au regard de ce qui est reproché à la France. Ce qui importe dans cette note verbale est que la
Guinée équatoriale entendait notifier à la France l’affectation de l’immeuble comme locaux
de sa mission diplomatique »158. Il ne s’agit pourtant pas d’une inadvertance ou d’une formule
maladroite, mais d’une affirmation tout à fait fausse. Et le rappeler n’est pas « de peu
d’importance » : cela démontre la duplicité dont a fait preuve la Guinée équatoriale dans son
invocation du régime diplomatique depuis l’origine du différend. Et c’est « ce qui importe
dans cette note verbale » au regard de la question de l’abus de droit.
3.14 Dans sa réplique, une nouvelle fois, la Guinée équatoriale n’apporte aucune preuve
d’une quelconque utilisation de l’immeuble par sa mission diplomatique en France ou à des
fins officielles, avant le 4 octobre 2011, contrairement à ce qu’elle affirme, contre toute
154 Réponses, p. 6, par. 21 (italiques ajoutées).
155 Mémoire, p. 25, par. 2.30.
156 Note verbale n°365/11 de l’ambassade de la République Guinée équatoriale au ministère des affaires
étrangères et européennes de la République française, 4 octobre 2011 [ANNEXE 8 à la Requête de la Guinée
équatoriale].
157 Réponses, p. 6, par. 22.
158 OGE, p. 19, par. 1.38.
43
vraisemblance159. Cette assertion qui n’est assortie d’aucun élément de preuve est contredite
par les faits établis à l’occasion de l’information judiciaire menée par les juridictions
françaises, et par les témoignages des employés de M. Teodoro Nguema Obiang Mangue, qui
ont établi qu’il n’y a jamais eu ni documents ni activités diplomatiques dans l’immeuble
jusqu’à l’été 2012160.
3.15 En outre, dans son mémoire, la Guinée équatoriale a indiqué qu’à l’automne 2011, elle
ne faisait que débuter le déménagement de ses services dans l’immeuble du 42 avenue Foch,
qui se serait poursuivi jusqu’au 27 juillet 2012161 ; ce qui contredit complètement l’idée que,
le 4 octobre 2011, l’immeuble était déjà utilisé à des fins diplomatiques. Et ce d’autant plus
qu’en février 2012, au moment de la saisie des biens mobiliers se trouvant dans l’immeuble
du 42 avenue Foch, aucun service de l’ambassade, documents ou archives diplomatiques n’y a
été découvert.
3.16 Dans sa réponse à la question posée par Mme la Juge Donoghue, la Guinée équatoriale
a admis que, concernant la demande faite par son ambassade, dans une note verbale en date
du 15 février 2012162, de protection de deux ministres équato-guinéens devant se rendre à
l’immeuble du 42 avenue Foch, « il s’agissait en réalité de superviser la préparation de
l’occupation effective de l’immeuble acquis pour servir de locaux de la mission diplomatique
de la Guinée équatoriale »163. À la mi-février 2012, la Guinée équatoriale en était donc
toujours au stade de la préparation de l’installation de l’ambassade dans l’immeuble. Elle
159 V. réplique, p. 9, par. 1.2, citée supra au par. 3.8.
160 CR 2016/15, 18 octobre 2016 (mesures conservatoires), p. 29, par. 25 (A. Pellet). Voir Procès-verbal de
transport et perquisition de l’hôtel particulier sis 42 avenue de Foch 75016 Paris du 14 février 2012 (pièce
D.555) [ANNEXE 42 des documents produits par la France, le 14 octobre 2016, dans le cadre de la demande de
la Guinée équatoriale en indication de mesures conservatoires]; procès-verbal de transport et perquisition de
l’hôtel particulier sis 42 avenue de Foch 75016 Paris du 15 février 2012 (pièce D.556) [ANNEXE 43 des
documents produits par la France, le 14 octobre 2016, dans le cadre de la demande de la Guinée équatoriale en
indication de mesures conservatoires]; procès-verbal de suite de perquisition de l’hôtel particulier sis 42 avenue
de Foch 75016 Paris du 16 février 2012 (pièce D.557) [ANNEXE 44 des documents produits par la France, le 14
octobre 2016, dans le cadre de la demande de la Guinée équatoriale en indication de mesures conservatoires] ; V.
également Jugement de la 32ème chambre du Tribunal correctionnel de Paris, 27 octobre 2017, p. 31.
161 MGE, p. 25, par. 2.30 : « [l]a mission diplomatique de la Guinée équatoriale en France a déménagé [dans
l’immeuble] l’ensemble de ses services, après quelque temps nécessaire pour la préparation [sic] ce
déménagement, le [?] juillet 2012 ». Voir aussi Réplique, p. 11, par. 1.2 : « [e]ntre septembre 2011 et juillet
2012, [elle] a progressivement déménagé les services de son Ambassade et a cessé d’utiliser les locaux situés au
29 boulevard de Courcelles en tant que locaux de sa mission diplomatique ».
162 Note verbale n°185/12 de l’ambassade de la République de Guinée équatoriale adressée au Ministère des
Affaires étrangères de la République française, 15 février 2012 [ANNEXE 9 des documents produits par la
France, le 14 octobre 2016, dans le cadre de la demande de la Guinée équatoriale en indication de mesures
conservatoires]
163 Réponse de la Guinée équatoriale aux questions des juges Bennouna et Donoghue, p. 9, par. 28.
44
reconnaît d’ailleurs que l’ensemble des biens mobiliers saisis dans l’immeuble en février 2012
appartenait à M. Teodoro Nguema Obiang Mangue, et non à elle ou à sa mission diplomatique
en France164. Tout ceci démontre qu’entre septembre 2011 et février 2012, la Guinée
équatoriale n’avait toujours pas débuté le déménagement effectif des services de sa mission
diplomatique dans l’immeuble du 42 avenue Foch.
3.17 Dans sa réplique, la Guinée équatoriale affirme, au contraire, que l’immeuble « a été
affecté exclusivement aux fins de sa mission diplomatique en France »165 dès qu’elle l’a
acquis le 15 septembre 2011, et qu’elle « a informé la France de cette affectation » le 4
octobre 2011166. Les faits soumis à la Cour et qui viennent d’être rappelés contredisent
totalement cette allégation. Ainsi qu’il est établi, l’ensemble des biens mobiliers saisis par les
autorités françaises dans l’immeuble ou dans sa cour intérieure, lors des perquisitions
réalisées les 28 septembre 2011, 3 octobre 2011, et du 14 au 23 février 2012, appartenaient à
M. Teodoro Nguema Obiang Mangue, et non à la Guinée équatoriale ou à son ambassade en
France. La Guinée équatoriale le reconnaît expressément dans sa réplique167. À l’en croire,
dès septembre 2011, l’immeuble aurait exclusivement été affecté à sa mission diplomatique
en France ; pourtant, ce sont les effets personnels de M. Teodoro Nguema Obiang Mangue qui
s’y sont exclusivement trouvés jusqu’à ce qu’ils soient saisis en février 2012. Étrange
situation – d’autant plus que la Guinée équatoriale avait antérieurement prétendu qu’entre
septembre 2011 et février 2012 elle avait affecté l’immeuble à d’autres fins que celles de sa
mission diplomatique.
3.18 Dans sa réplique, la Guinée équatoriale laisse entendre que la décision de déménager
les services de sa mission diplomatique dans l’immeuble du 42 avenue Foch résulte d’un long
processus de réflexion entamé en 2010168, tout à fait indépendant des procédures judiciaires
engagées à l’encontre de M. Teodoro Nguema Obiang Mangue. Elle soutient également que
les arrangements pour l’emménagement de son ambassade ont débuté « bien avant »169. Il
convient de rappeler que, le 17 octobre 2011, l’ambassade de Guinée équatoriale a présenté
164 Réplique, p. 68, par. 4.12.
165 Réplique, p. 17, par. 1.24 (italiques ajoutées).
166 Ibid., p. 17, par. 1.24.
167 Réplique, p. 68, par. 4.12 : « la France soutient que la Guinée équatoriale ne fait pas valoir que les biens
meubles saisis appartenaient à sa mission diplomatique. Cela est correct ». Elle affirme seulement que « la saisie
des biens est de toute façon illicite puisqu'elle est le résultat du fait que les autorités françaises ont pénétré dans
l'immeuble en violation de l'article 22 de la CVRD ».
168 Réplique, p. 15, par. 1.18.
169 Réplique, p. 15, par. 1.19.
45
l’immeuble comme abritant la nouvelle résidence officielle de la déléguée permanente auprès
de l’UNESCO170. Dans sa réponse à la question posée par Mme la Juge Donoghue à l’issue de
la procédure orale concernant la demande en indication de mesures conservatoires, la Guinée
équatoriale a admis n’avoir notifié à l’UNESCO ce changement de résidence de sa déléguée
permanente que le 14 février 2012 – soit justement le premier jour de la seconde série de
saisies mobilières diligentées au 42 avenue Foch. Il est donc faux de soutenir maintenant, au
stade de la réplique, que l’immeuble « a été affecté exclusivement aux fins de sa mission
diplomatique en France »171 dès qu’elle l’a acquis le 15 septembre 2011, et qu’elle « a
informé la France de cette affectation » le 4 octobre 2011 sans en varier172.
3.19 En outre, il ressort de la situation qu’en février 2012, la Guinée équatoriale a
revendiqué pour l’immeuble le bénéfice à la fois du statut de local de sa mission
diplomatique, auprès de la France en vertu de la CVRD, et du statut de résidence de sa
déléguée permanente, auprès de l’UNESCO en vertu de l’Accord de siège conclu entre la
France et l’UNESCO173, qui y aurait résidé à partir, au moins, du 17 octobre 2011. Et ce, alors
qu’il est établi que l’immeuble ne contenait trace ni d’une occupation de Mme Bindang
Obiang, ni d’une utilisation par la mission diplomatique de Guinée équatoriale, l’ensemble de
l’ameublement et des effets saisis appartenant à M. Teodoro Nguema Obiang Mangue,
comme le concède la Guinée équatoriale174. Tout ceci contredit à l’évidence la thèse d’un
emménagement qui aurait été soigneusement planifié en amont des perquisitions de
l’immeuble menées entre septembre 2011 et février 2012. Cela démontre surtout que
l’objectif de la Guinée équatoriale était de défendre l’immeuble et les biens qui s’y trouvaient
170 Note verbale n°387/11, en date du 17 octobre 2011, de l’ambassade de République de Guinée équatoriale au
ministère des affaires étrangères et européennes de la République française (annexe 36 MGE).
171 Réplique, p. 17, par. 1.24 (italiques ajoutées).
172 Réplique, p. 17, par. 1.24.
173 Accord entre le Gouvernement de la République française et l’Organisation des Nations Unies pour
l’éducation, la science et la culture relatif au Siège de l’UNESCO et à ses privilèges et immunités sur le territoire
français, signé à Paris le 2 juillet 1954. L’article 18 prévoit que : « 1. Les représentants des États membres de
l’Organisation aux sessions de ses organes ou aux conférences et réunions convoquées par elle, les membres du
Conseil exécutif ainsi que leurs suppléants, les délégués permanents auprès de l’Organisation et leurs adjoints,
jouiront pendant leur séjour en France pour l’exercice de leurs fonctions, des facilités, privilèges et immunités
qui sont reconnus aux diplomates de rang comparable des missions diplomatiques étrangères accréditées auprès
du gouvernement de la République française.
2. Ces facilités, privilèges et immunités s’étendent aux conjoints et enfants de moins de vingt et un ans des
personnes désignées ci-dessus.
3. Seront seuls assimilés aux chefs de missions diplomatiques, les chefs de délégation des États membres aux
conférences générales de l’Organisation, le Président du Conseil exécutif et les délégués permanents accrédités
auprès de l’Organisation avec rang d’ambassadeur ou de ministre plénipotentiaire ».
174 Réplique, p. 68, par. 4.12.
46
contre toute saisie judiciaire – ceci au seul bénéfice personnel de M. Teodoro Nguema Obiang
Mangue.
3.20 Cette addition de contradictions et d’errements dans la position de la Guinée
équatoriale quant aux dates relatives aux utilisations prétendues de l’immeuble du 42 avenue
Foch suffit à démontrer l’abus de droit auquel se livre la Guinée équatoriale en invoquant le
régime de la Convention de Vienne pour protéger ce bien des poursuites pénales engagées en
France à l’encontre de M. Teodoro Nguema Obiang Mangue.
2. Incohérences liées au droit de propriété de la Guinée équatoriale sur l’immeuble du
42 avenue Foch
3.21 S’agissant du droit de propriété allégué de la Guinée équatoriale sur l’immeuble du 42
avenue Foch, la question n’entre pas dans le champ du différend soumis à la compétence de la
Cour175. En revanche, d’un point de vue factuel, les prétentions de la Guinée équatoriale à ce
propos ne sont pas sans intérêt au regard de la question de l’abus de droit. La Guinée
équatoriale essaie de faire croire qu’elle est devenue propriétaire de l’immeuble « bien avant
que les procédures pénales contre le Vice-Président de la Guinée équatoriale soient initiées et
avant que toute mesure de contrainte soit prise contre l’immeuble »176. L’acte de cession des
droits sociaux des sociétés suisses propriétaires de l’immeuble est daté du 15 septembre 2011.
Or les premières perquisitions et saisies de voitures dans la cour de l’immeuble sont
intervenues les 28 septembre et 3 octobre 2011 ; soit moins de 15 jours après. Ce n’est pas
« bien avant », c’est tout à fait concomitant. Du reste, ce n’est pas « avant », mais bien après
les premières perquisitions menées dans l’immeuble que la Guinée équatoriale a entrepris
d’informer les autorités françaises du fait qu’elle avait acquis les droits sur la propriété de
l’immeuble et qu’elle entendait y installer son ambassade. Une nouvelle fois, la Guinée
équatoriale interprète cette troublante coïncidence avec une grande légèreté.
3.22 Il est en outre étrange que, d’un côté, la Guinée équatoriale affirme avoir
soigneusement préparé l’installation de sa mission diplomatique dans l’immeuble (qu’elle
prétend avoir utilisé depuis plusieurs années, contre toute vraisemblance et sans en apporter
aucune preuve), l’avoir effectivement et exclusivement utilisé à des fins diplomatiques dès le
175 Voir supra Introduction.
176 Réplique, pp. 15-16, par. 1.19 (italiques ajoutées).
47
4 octobre 2011 (ce qui est contredit par les constatations factuelles effectuées par les autorités
judiciaires françaises), et, d’un autre côté, avoir pourtant attendu près d’un an pour essayer de
se faire enregistrer comme propriétaire de l’immeuble au registre de la propriété foncière.
Entre le 15 septembre 2011 (date qui figure sur l’acte de cession des parts des sociétés suisses
propriétaires de l’immeuble) et le 19 juillet 2012 (date de la décision des juridictions
françaises de pratiquer une saisie pénale immobilière sur l’immeuble), rien ne faisait obstacle
à cet enregistrement.
3. Incohérences liées à la connaissance qu’avait la Guinée équatoriale des procédures
engagées à l’encontre de M. Teodoro Nguema Obiang Mangue
3.23 Dans le même sens, la Guinée équatoriale affirme que « c’est le 14 février 2012, soit le
jour où les autorités françaises se sont introduites à l’intérieur de l’immeuble sis au 42 avenue
Foch pour la première fois en dépit de l’opposition expresse de la chargée d’affaires a.i. de
l’Ambassade, qu[’elle] a pris connaissance du fait que l’immeuble pourrait être l’objet de
mesures de contraintes »177. Selon elle, le fait que l’immeuble ait été perquisitionné et que des
biens y aient été saisis ne pouvait l’informer d’un tel risque puisque la perquisition « visait
uniquement les véhicules appartenant à M. Teodoro Nguema Obiang Mangue, stationnés dans
la cour »178. D’un côté, la Guinée équatoriale avait connaissance que des poursuites pénales
étaient engagées contre M. Teodoro Nguema Obiang Mangue et ses biens (mobiliers au
moins) acquis en France – puisqu’elle en contestait la licéité179 –, et elle savait que l’intéressé
détenait, moins de deux semaines plus tôt, les parts des sociétés suisses propriétaires de
l’immeuble dans lequel ces premières perquisitions avaient été effectuées. Mais, d’un autre
côté, la Guinée équatoriale n’aurait pas pris conscience de l’existence du risque que ce bien
(immobilier) soit également visé par les procédures judiciaires. Cela paraît totalement
invraisemblable. En septembre 2011, la Guinée équatoriale « a uniquement attiré l’attention
de la France sur l’information judiciaire en cours qu’elle considérait comme étant illicite »180
pour protéger M. Teodoro Nguema Obiang Mangue et ses biens. Constatant la poursuite des
procédures pénales malgré ses protestations, c’est, dans un deuxième temps, en invoquant le
bénéfice de la Convention de Vienne que la Guinée équatoriale a tenté de protéger les biens
177 Réplique, p. 18, par. 1.29.
178 Réplique, p. 18, par. 1.28.
179 Réplique, p. 19, par. 1.32.
180 Réplique, p. 19, par. 1.32.
48
appartenant à M. Teodoro Nguema Obiang Mangue. Cette situation caractérise l’existence
d’un abus de droit.
4. Incohérences de la position de la Guinée équatoriale sur les constatations faites par
les autorités policières et judiciaires françaises dans l’immeuble du 42 avenue Foch
3.24 Enfin, il convient de relever que, si la Guinée équatoriale conteste le bien-fondé des
constatations opérées par les autorités judiciaires et policières françaises181, elle ne remet
précisément en cause aucun des faits ainsi constatés. En particulier, elle reconnaît
implicitement que, au moins jusqu’au 15 septembre 2011, les investigations reposaient
légitimement sur la considération que l’immeuble appartenait à M. Teodoro Nguema Obiang
Mangue182, de même que l’ensemble des biens qui y ont été saisis, puisqu’elle ne présente
aucune demande de réparation à ce dernier titre183. Or ce sont les seuls faits qui intéressent la
Cour au regard de la question de l’abus de droit. Les conclusions de la procédure judiciaire
relatives aux faits de blanchiment ne sont aucunement pertinentes au regard de l’objet du
différend tel qu’il subsiste (si la Guinée équatoriale entend contester la validité des
constatations faites par les autorités policières et judiciaires françaises).
3.25 Une nouvelle fois, contre toute vraisemblance, la Guinée équatoriale s’efforce de
convaincre, maladroitement, que le choix de faire de l’immeuble sis 42 avenue Foch les
locaux de sa mission diplomatique – au moment même où celui-ci faisait l’objet
d’investigations judiciaires –, était en réalité très antérieur à tous ces évènements ; bien
qu’elle ne l’ait jamais fait valoir jusqu’à présent et qu’elle n’en apporte aucune preuve.
B. La France a agi de bonne foi et de manière constante face aux revendications
abusives de la Guinée équatoriale concernant l’immeuble du 42 avenue Foch
3.26 Indépendamment de ses propres contradictions, la Guinée équatoriale entend, dans sa
réplique, questionner la cohérence et la constance de la position de la France concernant le
statut de l’immeuble du 42 avenue Foch. Un bref examen des points soulevés suffit à
181 Réplique, pp. 12-13, pars. 1.8-1.9
182 La Guinée équatoriale affirme seulement que l’intéressé lui a cédé les parts des sociétés suisses propriétaires
de l’immeuble, le 15 septembre 2011.
183 Réplique, p. 68, par. 4.12.
49
démontrer que ces critiques sont infondées. Il apparaît au contraire que, compte tenu des
circonstances d’espèce, la France a fait preuve de pragmatisme et s’est montrée fort
conciliante.
3.27 Suggérant une contradiction dans la position des autorités françaises, la Guinée
équatoriale s’étonne que, d’un côté, la France maintienne son refus de reconnaître à
l’immeuble du 42 avenue Foch le statut de local de la mission diplomatique de la Guinée
équatoriale, et, « de l’autre côté [qu’]elle permet[te] à ses autorités de s’y rendre pour obtenir
des visas »184. La raison en est pourtant fort simple : la France ne souhaite pas voir l’ensemble
de ses relations bilatérales avec la Guinée équatoriale affecté par le présent différend. La
France a rappelé à de nombreuses reprises son attachement à la relation bilatérale185, tout
comme la Guinée équatoriale d’ailleurs186. Afin de permettre l’organisation de visites et
d’échanges, il était indispensable pour les autorités françaises de s’adresser, d’un point de vue
pratique, au service des visas équato-guinéen, implanté de fait 42 avenue Foch, sans pour
autant que cela change quoi que ce soit à sa position de principe.
3.28 Il est regrettable que la Guinée équatoriale s’efforce d’exploiter les bonnes
dispositions affichées par les autorités françaises pour tenter de faire valoir ses prétentions. Il
en va tout particulièrement ainsi lorsque la Guinée équatoriale indique qu’« [à] l’occasion des
audiences sur la demande en indication de mesures conservatoires la France a également
reconnu, par le biais de son Agent et ses conseils, avoir accordé à l’immeuble une protection
conformément à la CVRD le 13 octobre 2015 en raison d’une manifestation et le 24 avril
2016 à l’occasion des élections présidentielles en Guinée équatoriale »187. Ainsi que l’un des
conseils de la France l’avait clairement indiqué lors de ces audiences – et c’est la citation
exacte –, « la République française a accordé une protection aux locaux du 42 avenue Foch,
tout en rappelant sa position constante, à savoir que la mission diplomatique de la
République de Guinée équatoriale restait située au 29 boulevard de Courcelles »188. Ce n’est
donc pas sur le fondement de la Convention de Vienne que la France a pu accorder par le
passé – elle y est en l’état provisoirement tenue sur le seul fondement de l’ordonnance de la
184 Réplique, p. 61, par. 3.28.
185 Voir CR 2016/15, 18 octobre 2016 (mesures conservatoires), p. 8, par. 2 (F. Alabrune) ; CR 2018/2, 19
février 2018 (exceptions préliminaires), p. 10, par. 1 (F. Alabrune).
186 Voir CR 2016/14, 17 octobre 2016 (mesures conservatoires), p. 14, par. 4 (C. Nvono Nca) ; CR 2018/3, 20
février 2018 (exceptions préliminaires), p. 8, par. 1 (C. Nvono Nca).
187 Réplique, p. 62, par. 3.28.
188 CR 2016/15, 18 octobre 2016, par. 25 (H. Ascensio) (italiques ajoutées).
50
Cour en date du 7 décembre 2016189 – une protection particulière à l’immeuble. Placée devant
une situation de fait, mais souhaitant éviter une dégradation de la situation et de sa relation
bilatérale, les autorités françaises ont adopté, dans l’attente du règlement du différend entre
les deux pays, certaines mesures pragmatiques, sans pour autant revenir sur leur refus de
reconnaître le bénéfice du régime de la Convention de Vienne à l’immeuble du 42 avenue
Foch.
3.29 Dans le même sens, la Guinée équatoriale prétend que les autorités fiscales françaises
auraient « officiellement » reconnu la Guinée équatoriale comme propriétaire de l’immeuble
en percevant les taxes et impôts y relatifs190. Pourtant, au cours même de la présente
procédure, la Guinée équatoriale a reconnu, dans sa réponse à la question posée par M. le juge
Bennouna à l’issue des audiences sur la demande en indication de mesures conservatoires de
l’État requérant, qu’« à cause de la saisie pénale qui a été publiée au service de la publicité
foncière de Paris 8ème, le 31 juillet 2012, par le Tribunal de grande instance de Paris, la
Guinée équatoriale s’est trouvée dans l’impossibilité juridique de faire inscrire directement à
son nom son titre de propriété en tant que propriétaire de l’immeuble sis au 42 avenue
Foch »191. Il ne fait donc pas de doute que, du point de vue des autorités fiscales françaises, la
Guinée équatoriale n’est pas propriétaire de l’immeuble du 42 avenue Foch. Et le fait que les
services fiscaux français acceptent le règlement par la Guinée équatoriale des taxes et impôts
relatifs à l’immeuble n’a rien d’étonnant. Aucune règle ne fait obstacle au paiement de ceuxci
par un tiers. Les services fiscaux s’occupent du recouvrement des taxes et impôts.
S’agissant de la question du propriétaire d’un bien immobilier situé sur le territoire français,
c’est vers le registre de la conservation foncière qu’il faut se tourner. Et, comme la Guinée
équatoriale l’admet elle-même192, elle n’y est pas inscrite en tant que propriétaire de
l’immeuble du 42 avenue Foch. Du reste, il convient de relever qu’« [a]ucune demande
d’exonération de la taxe foncière ou de la taxe d’habitation n’a été présentée par l’ambassade
de la République de Guinée Equatoriale pour les locaux sis 42 avenue Foch, taxes dont sont
exonérés les locaux officiels abritant l’ambassade reconnus comme tels, conformément aux
stipulations de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques du 18 avril 1961.
189 CIJ, ordonnance, 7 décembre 2016, Immunités et procédures pénales (Guinée équatoriale c. France), Rec.
2016, p. 1171, par. 99 : « La France doit, dans l’attente d’une décision finale en l’affaire, prendre toutes les
mesures dont elle dispose pour que les locaux présentés comme abritant la mission diplomatique de la Guinée
équatoriale au 42 avenue Foch à Paris jouissent d’un traitement équivalent à celui requis par l’article 22 de la
convention de Vienne sur les relations diplomatiques, de manière à assurer leur inviolabilité ».
190 Réplique, p. 58, par. 3.21 ; p. 59, par. 3.22 et p. 62, par. 3.28.
191 Réponse de la Guinée équatoriale aux questions des juges Bennouna et Donoghue, 26 octobre 2016, par. 16.
192 Idem.
51
Aucune demande de remboursement de TVA pour les dépenses de fonctionnement de
l’ambassade pour l’immeuble sis 42 avenue Foch, n’a été présentée »193.
3.30 La Guinée équatoriale se prévaut d’une ordonnance en référé du Tribunal de grande
instance de Paris, en date du 22 octobre 2013, pour prétendre que la France aurait « reconnu le
droit de propriété de la Guinée équatoriale sur l’immeuble »194. En l’espèce, le ministère des
Affaires étrangères de la République française n’a pas été interrogé par le juge des référés, qui
s’est donc fondé exclusivement sur les allégations de la Guinée équatoriale pour considérer
que l’immeuble du 42 avenue Foch bénéficiait du statut de local diplomatique. Il convient en
outre de souligner le caractère particulier de la procédure de référé, qui est une procédure
d’urgence visant « à obtenir d’un juge unique […] toutes les mesures qui ne se heurtent à
aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend »195. Le syndicat des
copropriétaires de l’immeuble n’ayant pas poursuivi la procédure, les juges du fond n’ont pas
eu l’occasion de se prononcer.
3.31 Il ne peut être tiré aucune conclusion du fait que le ministère des Affaires européennes
et étrangères n’ait pas protesté, auprès de l’Ambassade de Guinée équatoriale, suite à la
transmission de l’ordonnance en référé du Tribunal de grande instance de Paris. À cet égard,
la Guinée équatoriale oublie de souligner que, conformément aux procédures de notification
des actes introductifs d’instance contre les États étrangers (art. 684, alinéa 2, du Code de
procédure civile), l’assignation a été transmise par l’intermédiaire du ministre de la Justice
aux fins de signification diplomatique, et le Protocole du ministère des Affaires étrangères de
la France l’a adressé à l’ambassade de Guinée équatoriale, située 29, boulevard de
Courcelles196, et non au 42 avenue Foch.
3.32 Enfin, selon la Guinée équatoriale, « dans des notes verbales plus récentes, le
Ministère français des affaires étrangères s’est adressé à l’Ambassade de la Guinée
193 Déclaration écrite de Madame de Coquereaumont, sous-directrice des privilèges et immunités diplomatiques
et consulaires, en date du 24 juillet 2019, jointe à la présente duplique (Annexe 1).
194 Réplique, p. 59, par. 3.22.
195 G. Cornu (dir.), Vocabulaire juridique, Paris, Presses universitaires de France, 7e éd., 2005, p. 767. Voir aussi
Article 808 du Code de procédure civile : « Dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal de grande
instance peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que
justifie l'existence d'un différend » (texte disponible à l’adresse suivante :
https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI0…
T000006070716&dateTexte=19760101).
196 Voir Réplique, Annexe 6.
52
équatoriale située au « 42 avenue Foch » »197. Encore une fois, l’assertion n’est pas étayée par
le moindre début de preuve. Aucune référence ne figure et aucune annexe n’est produite. Le
service du Protocole du ministère français des Affaires européennes et étrangères veille
attentivement à ne pas adresser officiellement sa correspondance au 42 avenue Foch à Paris,
ainsi que les notes verbales annexées aux présentes écritures en attestent198. De plus, il
convient de souligner qu’en pratique, afin de s’assurer de la bonne remise du courrier, le
service du Protocole contacte l’Ambassade de la République de Guinée équatoriale afin qu’un
de ses membres vienne le récupérer en mains propres au Quai d’Orsay. C’est l’arrangement
pratique auquel s’est résolue la France pour éviter que le différend ne trouble le bon
fonctionnement de la relation bilatérale, sans que cela ne change rien à son refus des
prétentions abusives de la Guinée équatoriale.
3.33 Après avoir protesté contre le fait que « [l]a France a[it], dès le début, refusé de
connaître » les prétentions de la Guinée équatoriale, celle-ci soutient à présent que les
autorités françaises auraient fait preuve d’inconstance, au point de reconnaître les droits de la
Guinée équatoriale en tant que propriétaire de l’immeuble du 42 avenue Foch. Pareille
tentative est vaine.
3.34 Face au différend qui l’oppose à la Guinée équatoriale à propos du statut de
l’immeuble du 42 avenue Foch, la France a mis en place des arrangements pratiques pour
préserver ses relations bilatérales et assurer, par la même occasion, l’accomplissement de ses
fonctions par la mission de Guinée équatoriale à Paris, peu importe où précisément. Elle a
répondu à chacune des sollicitations de la Guinée équatoriale, par note verbale ou à l’occasion
d’entretiens entre l’ambassade et le ministère. Elle a en revanche maintenu fermement son
refus de considérer l’immeuble du 42 avenue Foch comme faisant partie des locaux de la
mission diplomatique de Guinée équatoriale en France. Se fût-elle comportée en acheteur de
bonne foi, cette dernière, aussitôt informée de l’existence de poursuites aurait demandé
l’annulation de la vente de cet immeuble qui faisait l’objet d’une enquête pénale pour des faits
de blanchiment au lieu d’invoquer le bénéfice d’une protection juridique internationale pour
faire obstacle à ces poursuites.
197 Réplique, p. 62, par. 3.28.
198 Déclaration écrite de Madame de Coquereaumont, sous-directrice des privilèges et immunités diplomatiques
et consulaires, en date du 24 juillet 2019, jointe à la présente duplique (Annexe 1).
53
II. L’ABUS DE DROIT COMMIS PAR LA GUINÉE ÉQUATORIALE JUSTIFIE
LE REFUS DE LA FRANCE DE RECONNAÎTRE UN STATUT
DIPLOMATIQUE À L’IMMEUBLE DU 42 AVENUE FOCH
3.35 Au vu de ce qui précède, et compte tenu des positions défendues par la Guinée
équatoriale dans sa réplique, la France rappellera, d’une part, que le régime prévu par la
Convention de Vienne n’exclut nullement que la France refuse de reconnaître l’immeuble du
42 avenue Foch en raison de l’abus de droit commis par la Guinée équatoriale (A.), et, d’autre
part, que la mesure contestée (à savoir le refus de reconnaître l’immeuble du 42 avenue Foch
comme des locaux diplomatiques) ne constitue pas une contre-mesure, mais doit s’analyser, à
titre subsidiaire, comme la conséquence logique de l’abus de droit dont la Guinée équatoriale
s’est rendue responsable (B.).
3.36 Liminairement, car ceci remet en perspective l’objet réel du différend et les droits qui
sont en litige, il convient de rappeler que la France a refusé de reconnaître un statut
diplomatique au seul immeuble sis 42 avenue Foch. En revanche, en ce qui concerne les
autres locaux de la mission diplomatique de Guinée équatoriale en France, ou logements de
ses membres, aucune difficulté ne s’est jamais produite.
A. Le régime prévu par la Convention de Vienne autorise la France à refuser de
reconnaître un statut diplomatique à l’immeuble du 42 avenue Foch en
raison de l’abus de droit commis par la Guinée équatoriale
3.37 Dans sa réplique, la Guinée équatoriale soutient que la Convention de Vienne prévoit
des « moyens spécifiques pour l’État accréditaire si celui-ci considère qu’il existe une
violation ou un abus quelconque. L’État accréditaire peut, par exemple, déclarer le chef ou
toute autre membre du personnel diplomatique persona non grata, voire rompre les relations
diplomatiques avec l’État accréditant »199, et, en conséquence, « il [ne serait] pas possible de
prendre des contre-mesures qui ne sont pas permises, telles que le non-respect de
l’inviolabilité et l’immunité des locaux des missions diplomatiques »200.
199 Réplique, p. 56, par. 3.11.
200 Réplique, p. 56, par. 3.11.
54
3.38 C’est une façon singulière de présenter les choses. Sur un plan général, il convient tout
d’abord de rappeler que les « contre-mesures […] ne sont [par nature] pas permises »201 en ce
sens qu’elles sont des mesures en elles-mêmes dérogatoires au droit, mais dont l’illicéité est
exclue si elles constituent une réponse à un fait internationalement illicite originel202. En outre
et de toute manière, en l’espèce, la France n’a adopté aucune contre-mesure, à l’encontre de la
Guinée équatoriale. Contrairement aux allégations de la Guinée équatoriale, elle n’a jamais eu
l’intention et n’a pas pris « des contre-mesures […] telles que le non-respect de l’inviolabilité
et l’immunité des locaux des missions diplomatiques »203. Elle a refusé de reconnaître à
l’immeuble du 42 avenue Foch le bénéfice du statut diplomatique dès que la Guinée
équatoriale en a formulé la demande204.
3.39 S’il est vrai que la Cour, comme sa devancière, n’a jamais rejeté une requête sur le
fondement de l’abus de droit, il est erroné de soutenir qu’elle « n[e] [l]’a jamais appliqué[]
dans un cas d’espèce »205. Elle a examiné à plusieurs reprises les allégations d’abus de droit
avancées par certains États mais a estimé, dans chaque cas d’espèce, que les circonstances
nécessaires à son existence n’étaient pas établies. L’arrêt récemment rendu dans l’affaire
Jadhav (Pakistan c. Inde) en livre une nouvelle illustration206. Loin de remettre en cause la
validité du principe en droit positif207, ces précédents en confirment l’existence. Du reste, la
Guinée équatoriale elle-même se réfère à la jurisprudence de la Cour permanente de Justice
internationale relative à l’abus de droit208, et la Cour actuelle a invité les Parties, dans son
arrêt en date du 6 juin 2018, à revenir au stade du fond de la présente affaire sur la question de
l’abus de droit209 – passage auquel a d’ailleurs fait référence la Cour dans son arrêt rendu le
201 Ibid., p. 56, par. 3.11.
202 Voir les articles 49 à 54 des Articles de la Commission du droit international sur la responsabilité de l’État
pour fait internationalement illicite (résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies 56/83 du 12 décembre
2001 (A/RES/56/83)).
203 Réplique, p. 56, par. 3.11.
204 Voir Note verbale n° 5007 du ministère des Affaires étrangères de la République française adressée à
l’ambassade de la République de Guinée équatoriale, le 11 octobre 2011 [ANNEXE 2 des documents produits
par la France, le 14 octobre 2016, dans le cadre de la demande de la Guinée équatoriale en indication de mesures
conservatoires] en réponse à la Note verbale n° 365/11 de l’ambassade de la République de Guinée équatoriale
adressée au ministère des Affaires étrangères de la République française, le 4 octobre 2011 [ANNEXE 1 des
documents produits par la France, le 14 octobre 2016, dans le cadre de la demande de la Guinée équatoriale en
indication de mesures conservatoires].
205 Réplique, p. 54, par. 3.4.
206 CIJ, arrêt, 17 juillet 2019, Jadhav (Pakistan c. Inde), pars. 54-58 and 121-124.
207 Réplique, p. 54, pars. 3.4-3.5.
208 Réplique, p. 54, par. 3.6.
209 CIJ, arrêt, 6 juin 2018, Immunités et procédures pénales (Guinée équatoriale c. France), par. 151.
55
17 juillet 2019 dans l’affaire Jadhav210. Si le régime de l’abus de droit est exigeant, cela ne
veut pas dire qu’il n’a pas d’existence en droit positif.
3.40 L’abus de droit constitue un « principe juridique général »211 que la Convention de
Vienne ne tient en aucune manière en échec. Au contraire, la Convention y fait expressément
référence dans son préambule212. En abusant des droits qu’elle prétend tenir de la Convention,
la Guinée équatoriale s’est privée de la faculté de se prévaloir du bénéfice de ceux-ci à l’égard
de l’immeuble sis 42 avenue Foch ; c’est en ceci que consiste l’abus et sur cette base qu’il
faut raisonner pour déterminer les droits corrélatifs de la France. Contrairement à ce qui était
le cas dans l’affaire des Otages qu’invoque l’État requérant213, dans laquelle les ripostes
envisagées par la Convention étaient de nature à répondre efficacement aux violations
alléguées, dans l’espèce présente, ces remèdes seraient inappropriés :
- en vertu de l’article 9, l’État accréditaire peut déclarer un ou des membres du
personnel diplomatique de l’État accréditant persona(e) non grata(e) ; mais ceci n’aurait
nullement permis de remédier à la situation de l’immeuble du 42 avenue Foch abusivement
travesti en mission diplomatique par la Guinée équatoriale ;
- la même remarque s’applique à la levée des immunités juridictionnelles envisagée
aux articles 31, paragraphe 4, et 32 de la Convention de Vienne qui concerne les seuls agents
diplomatiques, et non la mission et qui, au demeurant, dépend de la bonne volonté de l’État
accréditant ;
- quant à la rupture des relations diplomatiques mentionnée à l’article 45, outre qu’elle
n’eût répondu aux souhaits d’aucune des Parties, elle n’aurait en aucune manière permis
d’atteindre le but recherché puisque, même dans une telle hypothèse, « a) L’État accréditaire
est tenu (...) de respecter et de protéger les locaux de la mission, ainsi que ses biens et ses
archives » : autrement dit, en recourant à cette solution extrême, la France n’aurait nullement
mis fin à l’abus ; elle aurait été tenue de respecter le principe d’inviolabilité à l’égard de
l’immeuble du 42 avenue Foch, sans autre perspective que d’attendre que la Guinée
équatoriale veuille bien mettre fin à ses agissements abusifs.
210 CIJ, arrêt, 17 juillet 2019, Jadhav (Pakistan c. Inde), par. 54.
211 ORD, Crevettes, Rapport de l’Organe d’appel (WT/DS58/AB/R), 12 octobre 1998, par. 158.
212 Convention de Vienne sur les relations diplomatiques, 18 avril 1961, 4ème alinéa du Préambule : « le but
desdits privilèges et immunités est non pas d’avantager des individus mais d’assurer l’accomplissement efficace
des fonctions des missions diplomatiques en tant que représentants des États ».
213 V. RGE, p. 28, par. 2.15.
56
3.41 En l’espèce, la France était en droit de refuser d’appliquer les dispositions de la
Convention de Vienne à l’égard de l’immeuble du 42 avenue Foch en raison de l’abus de droit
que constituait la demande en ce sens de la Guinée équatoriale. Ce faisant, elle n’a pas
conditionné l’exécution de la Convention au respect par la Guinée équatoriale d’autres
obligations de droit international ; elle a fait application de la Convention de Vienne qui
prévoit que les droits et obligations qui y sont prévus ne doivent pas aboutir à avantager des
individus, ce qui constitue une claire illustration de l’abus de droit214.
3.42 En conséquence, d’une part, la France n’était pas tenue, en vertu des dispositions de la
Convention de Vienne, de reconnaître un statut diplomatique à l’immeuble sis 42 avenue
Foch ; d’autre part et en tout état de cause, compte tenu des circonstances particulières de la
présente affaire, elle était fondée à s’opposer à ce qui constituait manifestement un abus des
droits conférés aux États parties par la Convention de Vienne.
B. L’absence de demande reconventionnelle en réparation est sans effet sur
l’existence d’un abus de droit commis par la Guinée équatoriale
3.43 Dans sa réplique, la Guinée équatoriale affirme qu’« [i]l ne peut exister aucun abus de
droit parce que la France a empêché l’exercice des droits en question et aucun préjudice ne lui
a été causé »215. Ce raisonnement est entièrement circulaire et postule l’existence de droits,
dont la réalité et la portée sont précisément l’objet même de la présente affaire. En admettant
même que la Convention de Vienne confèrerait à la Guinée équatoriale les droits qu’elle
invoque (dont la France a montré dans son contre-mémoire et les précédents chapitres de la
présente duplique qu’ils n’étaient pas fondés), l’État requérant ne pourrait de toute manière
pas s’en prévaloir en l’espèce du fait de son comportement abusif.
3.44 Ainsi que la France l’a démontré216, l’invocation par la Guinée équatoriale du régime
de la Convention de Vienne a eu pour seul objet de faire échapper l’immeuble du 42 avenue
Foch aux poursuites judiciaires engagées devant les juridictions françaises à l’encontre de M.
Teodoro Nguema Obiang Mangue, c’est-à-dire en vue « d’avantager [un] individu[] [et non
pas d’]assurer l’accomplissement efficace des fonctions de[] [la] mission[] diplomatique[] »,
214 En ce sens, voir CIJ, arrêt, 17 juillet 2019, Jadhav (Pakistan c. Inde), par. 123.
215 Réplique, pp. 62-64, pars. 3.30-3.34.
216 Voir CMF, pp. 77-97, pars. 4.15-4.57.
57
ce qui est contraire à l’objet et au but de la Convention de Vienne 217. C’est ce qui caractérise
la situation d’abus de(s) droit(s) de la Convention de Vienne dans la présente espèce.
3.45 En second lieu, la Guinée équatoriale soutient que la France n’a pas subi de préjudice
du fait de l’abus de droit commis par elle. Ce serait « précisément parce que la France a refusé
l’exercice par la Guinée équatoriale de ses droits au titre de la CVRD qu’elle ne peut non plus
se prévaloir d’un préjudice à son encontre »218. L’argument est fallacieux : du fait de l’abus de
droit auquel la Guinée équatoriale s’est livrée, celle-ci oppose à la France des prétendus droits
qu’elle ne s’adjuge que suite à des manoeuvres frauduleuses et à la manipulation de certains
faits. Or l’invocation de ces « droits » a pour but – et, si elle venait à être reconnue, aurait
pour conséquence – de faire échapper aux perquisitions et à la saisie décidée par les juges
français l’immeuble du 42 avenue Foch et d’obliger la France à lui garantir le statut
diplomatique. Comme ceci a été relevé, « Si les mesures qu’a prises [la Guinée équatoriale]
sont suivies d’effet, les biens immobiliers se trouvant sur le territoire français, qui avaient été
entre les mains d’un individu faisant l’objet de poursuites, seront protégés de toute action des
autorités françaises en tant que locaux inviolables de la mission ne pouvant ‘faire l’objet
d’aucune perquisition, réquisition, saisie ou mesure d’exécution’ en vertu de l’article 22 de la
convention de Vienne »219. Il s’agit là d’une atteinte à un droit de nature évidemment
préjudiciable : aux termes du paragraphe 2 de l’article 31 de ses Articles sur la responsabilité
de l’État, la CDI a défini le préjudice comme comprenant « tout dommage, tant matériel que
moral, résultant du fait internationalement illicite de l’État » et, dans le commentaire de cette
disposition, la CDI a précisé qu’« [i]l comprend le dommage causé aux intérêts juridiques
d’un État en tant que tels, que ce dommage puisse ou non être considéré comme un dommage
‘moral’ »220.
3.46 En la présente espèce, il ne fait pas de doute que le comportement de la Guinée
équatoriale a créé un préjudice à la France en raison des interférences provoquées dans des
procédures judiciaires engagées devant les juridictions françaises auxquelles elle n’est pas
217 Convention de Vienne sur les relations diplomatiques, 18 avril 1961, 4ème alinéa du Préambule : « le but
desdits privilèges et immunités est non pas d’avantager des individus mais d’assurer l’accomplissement efficace
des fonctions des missions diplomatiques en tant que représentants des États ».
218 Réplique, par. 3.32.
219 CIJ, arrêt, 6 juin 2018, Immunités et procédures pénales (Guinée équatoriale c. France), Opinion dissidente
de Mme la Juge Donoghue, p. 5, par. 14.
220 Projet d’Articles sur la responsabilité de l’État pour fait internationalement illicite et commentaires y relatifs,
CDI, A.C.D.I., 2001, vol. II(2), p. 243, par. 5) du commentaire de l’article 31.
58
partie, des ressources et moyens mobilisés pour y faire face, et du seul fait que les accusations
infondées de violations par la France du droit international constituent un dommage moral.
3.47 Au demeurant, la France qui n’a pas formulé de demande reconventionnelle,
considère, à ce stade, que le rejet par la Cour des demandes de la Guinée équatoriale
constituera un remède satisfaisant221.
3.48 Pour les motifs exposés dans le présent chapitre, la République française prie de
nouveau la Cour de bien vouloir rejeter, pour abus de droit, l’ensemble des demandes
présentées par la Guinée équatoriale, sur le fondement de la Convention de Vienne sur les
relations diplomatiques, à propos de l’immeuble sis 42 avenue Foch et de l’ameublement et
des autres objets saisis dans le cadre des procédures judiciaires engagées en France à
l’encontre de M. Teodoro Nguema Obiang Mangue. Elle précise cependant à nouveau qu’il ne
s’agit là que d’une demande subsidiaire formulée dans l’hypothèse, à ses yeux improbable,
dans laquelle la Cour conclurait que la CVRD obligerait par principe la France à reconnaître
la qualité de locaux diplomatiques à l’immeuble situé au 42 avenue Foch.
221 Dans l’affaire du Mandat d’arrêt, la Cour a indiqué que la reconnaissance du caractère illicite des actions
d’une des Parties peut, en certaines circonstances, « constitue[r] une forme de satisfaction permettant de réparer
le dommage » (CIJ, arrêt, 14 février 2002, Mandat d'arrêt du 11 avril 2000 (République démocratique du Congo
c. Belgique), Rec. 2002, p. 31, par. 75) ; v. aussi : CIJ, arrêt, 9 avril 1949, Détroit de Corfou (Royaume-Uni c.
Albanie), Rec. 1949, p. 35. Le rejet de demandes infondées et la reconnaissance du comportement licite de la
France en l’affaire peut, mutatis mutandis, constituer une forme satisfaisante de réparation du dommage causé à
la France en raison de l’abus de droit commis par la Guinée équatoriale.
59
CHAPITRE 4 – L’ABSENCE DE RESPONSABILITE INTERNATIONALE DE LA
FRANCE
4.1. La République française n’a porté atteinte à aucun droit dont la République de Guinée
équatoriale puisse se prévaloir au titre de la Convention de Vienne sur les relations
diplomatiques en la présente affaire. Dès lors, les remarques figurant dans ce quatrième
chapitre et consacrées à la responsabilité sont formulées à titre tout à fait subsidiaire ; elles
poursuivent la clarification entreprise à ce propos dans le contre-mémoire.
4.2. A titre liminaire, la France regrette que la République de Guinée équatoriale, tout en
assurant que « les parties sont d’accord sur l’objet du différend désormais devant la Cour »222,
brouille à dessein les limites de la compétence matérielle de la Cour telles qu’elles résultent
de l’arrêt rendu le 6 juin 2018. Ainsi dit-elle maintenir « tous ses arguments » par référence à
son mémoire223, alors qu’une très grande partie d’entre eux ne sont pas pertinents car ils se
référaient à l’immunité de M. Teodoro Nguema Obiang Mangue et à la protection des biens
de l’Etat. Elle prétend analyser les violations alléguées de la Convention de Vienne « à la
lumière des procédures pénales illicites par rapport auxquelles elles ont été commises »,
élargissant ainsi la discussion à la « propriété » de l’immeuble du 42 avenue Foch, qui n’entre
pas dans le champ du différend pour lequel la Cour est compétente224. Elle parle de saisie
pénale des « locaux de la mission diplomatique », et non de l’immeuble, ou encore de
confiscation « des locaux », plutôt que de l’immeuble, entretenant ainsi la confusion entre
l’affectation de locaux à une fonction diplomatique et la propriété d’un immeuble225. Elle fait
porter sa demande de cessation de l’illicite sur la saisie et la confiscation – « de l’immeuble »
cette fois226. Tout ceci obscurcit en permanence la discussion sur la responsabilité et appelle
certaines précisions et rectifications.
4.3. Dans la mesure où les arguments avancés dans la réplique équato-guinéenne suivent la
structure du contre-mémoire de la France, la présente duplique retiendra cette même
structure : elle traitera des préjudices allégués (I) puis du contenu de la responsabilité (II).
222 Réplique RGE, par. 4.3.
223 Réplique RGE, par. 4.2.
224 Réplique RGE, par. 4.4.
225 Réplique RGE, par. 4.6.
226 Réplique RGE, par. 4.6.
60
I. LES PREJUDICES ALLEGUES
4.4. Il existe à l’évidence un désaccord entre la France et la République de Guinée équatoriale
quant aux préjudices susceptibles d’être allégués dans le cadre de la présente affaire. Aux
perquisitions et au refus de reconnaître le statut diplomatique des locaux, qui entrent bien dans
le champ du différend, la Guinée équatoriale ajoute « la saisie pénale de l’immeuble sis au
42 avenue Foch, puis sa confiscation »227. Plusieurs remarques s’imposent à ce propos.
4.5. En premier lieu, et à titre de rectification factuelle, on rappellera que cet immeuble n’a
jusqu’à présent pas été confisqué, en raison de l’effet suspensif de l’appel dans la procédure
pénale concernant M. Teodoro Nguema Obiang Mangue228. En deuxième lieu, il faut
également rappeler que la saisie pénale affecte seulement la libre disposition du titre de
propriété, non l’usage de l’immeuble ; elle ne saurait donc être assimilée à une mesure
d’exécution relative aux locaux diplomatiques, dans l’hypothèse où la qualité diplomatique
serait reconnue à ces locaux229. En troisième lieu, et surtout, la propriété de l’immeuble est
une question ne relevant pas de la compétence matérielle de la Cour dans la présente affaire,
car aucune disposition de la Convention de Vienne ne porte sur la protection des biens de
l’Etat230.
4.6. De surcroît, la partie de la réplique consacrée à la responsabilité ne précise nullement la
nature du préjudice subi du fait d’une éventuelle confiscation de l’immeuble du 42 avenue
Foch à l’issue de la procédure pénale. La lecture d’un autre passage permet de comprendre
que ce préjudice résulterait de l’incertitude de l’occupant des locaux en raison du risque
d’expulsion subséquent à la confiscation231. Le préjudice serait donc à la fois immatériel –
l’inconfort moral de la situation pour un Etat – et doublement hypothétique, puisque soumis à
l’éventualité i/ d’une confiscation prononcée de façon définitive par les juridictions
françaises ; ii/ d’une mesure d’expulsion dont on ne peut présumer qu’elle aurait lieu, et
moins encore si, par extraordinaire, le caractère diplomatique des locaux était reconnu par la
Cour. Il faudrait aussi qu’aucun bail ne soit conclu entre la République de Guinée équatoriale
227 Réplique RGE, par. 4.8.
228 Voir contre-mémoire de la France, par. 1.55.
229 Voir contre-mémoire de la France, par. 1.37-1.39.
230 Voir supra, dans cette duplique, chapitre 2, par. 2.1, 2.5, 2.14-2.19.
231 Réplique RGE, par. 2.53-54.
61
et le propriétaire. Le supposé préjudice dépend ainsi de spéculations sur une conjonction tout
à fait incertaine d’événements futurs, situation qui ne peut donner lieu à réparation232.
4.7. La Guinée équatoriale aborde ensuite le préjudice découlant des actes de perquisition, en
revenant tout d’abord sur le parallèle avec l’affaire du Personnel diplomatique des Etats-Unis
à Téhéran. Tout en admettant la différence flagrante de contexte factuel, la Guinée équatoriale
estime que « le principe applicable est le même »233. Or, le principe n’est pas du tout le
même : il a été établi dans cet arrêt que la responsabilité de l’Iran était engagée en raison de
« violations successives et continues »234 ; à l’inverse, les actes de perquisitions en cause dans
la présente affaire sont précisément situés dans le temps et sont donc des faits instantanés.
Cela a pour conséquence qu’une demande de cessation de l’illicite ne peut porter sur les
perquisitions, comme le confirment les commentaires des Articles de 2001 de la Commission
du droit international sur la responsabilité de l’Etat pour fait internationalement illicite235.
4.8. Par ailleurs, au paragraphe 4.12 de la réplique, la République de Guinée équatoriale
concède un certain nombre de points qui avaient été relevés dans le contre-mémoire de la
France. Tout d’abord, elle « n’insiste plus » sur le fait que les perquisitions des 28 septembre
et 3 octobre 2011 auraient été en cause dans la présente affaire236. Si elle se réfère alors à
l’arrêt de la Cour du 6 juin 2018 ayant conclu qu’elle n’était pas compétente à propos de
« l’immunité des biens de l’Etat »237, cela implique aussi qu’elle n’invoque pas de violation
de la Convention de Vienne en raison de l’entrée des autorités françaises dans l’immeuble. On
pourra y lire l’aveu qu’à ces dates l’immeuble n’était pas affecté à des fonctions
diplomatiques.
4.9. Dans le même paragraphe, la République de Guinée équatoriale confirme que les biens
saisis lors des perquisitions survenues du 14 au 24 février 2012 ne lui appartenaient pas238. Le
232 Alabama (Etats-Unis c. Grande-Bretagne), sentence arbitrale, 14 septembre 1872, RSA, vol. XXIX, p. 133 ;
Fonderie de Trail (Etats-Unis c. Canada), sentence arbitrale, 11 mars 1941, RSA, vol. III, p. 1931 ; CIJ, arrêt, 19
juin 2012, Ahmadou Sadio Diallo (République de Guinée c. République démocratique du Congo), indemnisation,
Rec. 2012, p. 342, par. 49.
233 Réplique RGE, par. 4.11.
234 CIJ, arrêt, 24 mai 1980, Personnel diplomatique et consulaire des Etats-Unis à Téhéran, Rec. 1980, p. 42,
par. 90 (italiques ajoutées).
235 Ann. C.D.I., 2001, vol. 2, deuxième partie, commentaires, pp. 233-234. Voir également le contre-mémoire de
la France, par. 5.5 et 5.14.
236 Réplique RGE, par. 4.12.
237 Ibid.
238 Réplique RGE, par. 4.12.
62
préjudice allégué résulterait donc exclusivement de la manière dont les biens ont été saisis et
la Guinée équatoriale ne prétend nullement que la conduite des perquisitions ait causé un
dommage matériel. Le préjudice invoqué est donc un préjudice immatériel.
4.10. S’agissant de la non-reconnaissance du statut diplomatique des locaux, la République de
Guinée équatoriale s’étonne de la qualification de fait instantané plutôt que continu239. Cette
qualification résulte pourtant des thèses soutenues par les deux parties dans la présente affaire.
Dans sa réplique, la République de Guinée équatoriale explique désormais que le choix du
lieu d’établissement de sa mission bénéficie d’une « présomption de validité » en vertu de la
Convention de Vienne240. Dans le même temps, elle envisage l’hypothèse de « possibles abus
ou violations »241. Cela devrait la conduire, par souci de cohérence, à admettre que la
présomption est réfragable. Dès lors, et si l’on devait suivre cette idée, le débat juridique ne
porterait pas sur un fait continu, mais bien sur un acte précisément situé dans le temps : celui
par lequel l’Etat accréditaire notifie son refus afin de renverser la « présomption de validité »
sur laquelle s’appuie la République de Guinée équatoriale. Il en va a fortiori de même si l’on
estime, conformément à la position de la France, que l’affectation de locaux à une mission
diplomatique repose nécessairement sur le consentement, implicite ou exprès, de l’Etat
accréditaire et ne saurait lui être imposée lorsqu’il s’y est expressément opposé. Le différend
porte alors sur l’acte refusant l’affectation des locaux à des fins diplomatiques, en
l’occurrence la note verbale du 11 octobre 2011242.
4.11. Ainsi, quelle que soit la position soutenue, l’acte marquant le refus de reconnaître le
caractère diplomatique des locaux du 42 avenue Foch est le fait générateur du différend : il
s’agit d’un fait instantané243. A l’inverse, la République de Guinée équatoriale, en transférant
239 Réplique RGE, par. 4.13.
240 Réplique RGE, par. 2.14 et 2.15
241 Réplique RGE, par. 2.15.
242 Note verbale n°5007/PROD/PID du ministère des Affaires étrangères de la République française adressée à
l’ambassade de la République de Guinée équatoriale, le 11 octobre 2011 ANNEXE 2 des documents produits
par la France, le 14 octobre 2016, dans le cadre de la demande en indication de mesures conservatoires.
243 Voir, mutatis mutandis, CPJI, Phosphates du Maroc (exceptions préliminaires), arrêt, 14 juin 1938, Série A/B
n°74, p. 26. Voir également Mariposa Development Company and Others (United States) v. Panama, 27 juin
1933, Recueil des sentences arbitrales, vol. VI, p. 338-341 ; Commission EDH, Mayer e.a. c. Allemagne, req.
n°18890/91, 19048/81, 19342/92, 19549/92, décision, 4 mars 1996, Décisions et rapports (DR) 85-B, p. 5 ;
Commission EDH, Brežny c. Slovaquie, req. n°23131/93, décision, 4 mars 1996, DR 85-A, p. 65 ; Cour EDH,
Malhous c. République tchèque, req. n°33071/96, décision sur la recevabilité, 13 décembre 2000, p. 16 ;
Cour EDH, Prince Hans-Adam II de Liechtenstein c. Allemagne, req. n°42527/98, arrêt, 12 juillet 2001, par. 85 ;
Cour EDH, Beshiri e.a. c. Albanie, req. n°7352/03, arrêt, 12 février 2007, par. 76. ; Cour EDH, Von Maltzan e.a.
c. Allemagne, req. n°71916/01, 71917/01 et 10260/02, décision, 2 mars 2005, par. 74 ; Cour EDH, Preussische
Treuhand GmbH & Co. KG A.A. c. Pologne, req. n°47550/06, décision, 7 octobre 2008, par. 61 ; Cour EDH,
63
ses activités à partir du 27 juillet 2012 dans l’immeuble du 42 avenue Foch malgré le refus
exprès des autorités françaises, a créé une situation de facto qui, elle, est un fait continu.
Comme l’indique l’article 30 (a) des Articles de 2001 sur la responsabilité de l’Etat, la
cessation n’est une conséquence de l’illicite que « si le fait continue ». Elle ne peut être
réclamée à propos d’un acte de refus, précisément situé dans le temps. En revanche, une
demande de cessation pourrait s’appliquer à la situation de facto créée par la République de
Guinée équatoriale nonobstant ce refus.
4.12. La République de Guinée équatoriale soutient encore qu’il y aurait eu « à tout le moins »
une « série de refus illicites »244. Si tel était le cas, il ne s’en agirait pas moins d’une pluralité
de faits instantanés, et non d’un fait continu. Il convient cependant de se pencher sur le
contenu des notes verbales échangées, ce que la République de Guinée équatoriale ne fait pas
car elles révèlent des fluctuations considérables dans sa propre position. A partir du 17
octobre 2011, l’immeuble est présenté comme étant la résidence de la représentante
permanente de la République de Guinée équatoriale auprès de l’UNESCO245. La note verbale
du 12 mars 2012 revient à l’allégation initiale ; elle fait alors état d’un différend juridique et
« réitère » une demande portant seulement sur la protection des locaux246. Les réponses de la
France se réfèrent à son refus initial, tout en apportant des précisions247. Les notes ultérieures
approfondissent la discussion juridique, compte tenu de la situation créée par la notification
d’un transfert d’activités dans l’immeuble du 42 avenue Foch à partir du 27 juillet 2012 ;
Chiragov e.a. c. Arménie, req. n°13216/05, décision, 14 décembre 2011, par. 96. ; Cour EDH, Călin e.a. c.
Roumanie, req. n°25057/11, 34739/11 et 20316/12, arrêt, 19 juillet 2016, par. 60.
244 Réplique RGE, par. 4.14.
245 Note verbale n°387/11 de l’ambassade de la République de Guinée équatoriale adressée au ministère des
Affaires étrangères de la République française, le 17 octobre 2011 ANNEXE 3 des documents produits par la
France, le 14 octobre 2016, dans le cadre de la demande de la Guinée équatoriale en indication de mesures
conservatoires ; note verbale n°173/12 de l’ambassade de la République de Guinée équatoriale adressée au
ministère des Affaires étrangères de la République française, le 14 février 2012 ANNEXE 37 du mémoire de la
République de Guinée équatoriale ; note verbale n°251/012 du ministère des Affaires étrangères de la
République de Guinée équatoriale adressée au ministère des Affaires étrangères de la République française, le 14
février 2012 ANNEXE 38 du mémoire de la République de Guinée équatoriale ; Lettre du président de la
République de Guinée équatoriale adressée au président de la République française, le 14 février 2012
ANNEXE 39 du mémoire de la République de Guinée équatoriale.
246 Note verbale n°249/12 de l’ambassade de la République de Guinée équatoriale adressée au ministère des
Affaires étrangères de la République française, le 12 mars 2012 ANNEXE 44 du mémoire de la République de
Guinée équatoriale.
247 Note verbale n°1341 PRO/PID du ministère des Affaires étrangères de la République française adressée à
l’ambassade de la République de Guinée équatoriale, le 28 mars 2012 (« se référant à la note verbale … du
Protocole n°5007/PROD/PID en date du 11 octobre 2011 ») ANNEXE 18 des documents produits par la
France, le 14 octobre 2016, dans le cadre de la demande de la Guinée équatoriale en indication de mesures
conservatoires ; note verbale n°1946/PRO/PID du ministère des Affaires étrangères de la République française
adressée à l’ambassade de la République de Guinée équatoriale, le 2 mai 2012 ANNEXE 46 du mémoire de la
République de Guinée équatoriale.
64
ladite notification n’est pas accompagnée d’une nouvelle demande de reconnaissance du
caractère diplomatique des locaux248. Ces échanges traduisent donc plutôt une « phase de la
discussion »249, qui porte toujours sur le refus initial des autorités françaises de reconnaître le
caractère diplomatique des locaux.
4.13. Il convient encore de souligner que la République de Guinée équatoriale n’apporte
aucun élément de preuve concret d’un quelconque préjudice causé par le refus de reconnaître
l’inviolabilité des locaux, tout en entretenant une certaine confusion. Selon elle, « il n’est
pas nécessaire de montrer l’existence d’incursions réelles, ou de préjudices matériels, pour
que la Guinée équatoriale subisse un préjudice »250. On croit alors comprendre qu’elle
invoque exclusivement un préjudice immatériel, résidant dans la violation de sa dignité251.
Pourtant, elle consacre ensuite un paragraphe au préjudice matériel qu’elle aurait subi : celuici
semble avant tout destiné à introduire des demandes relatives aux biens de l’Etat252.
4.14. Le préjudice matériel allégué résiderait tout d’abord dans le coût d’acquisition de
l’immeuble. A l’évidence, cette demande traduit la défense d’un intérêt patrimonial
uniquement, non celle d’un intérêt juridique qui découlerait du statut diplomatique des locaux.
La Guinée équatoriale cite ensuite le coût d’entretien, sans que l’on sache exactement s’il
s’agit de l’entretien de l’immeuble incombant à tout propriétaire, ou de l’entretien ordinaire
des locaux incombant très normalement à celui qui en a l’usage, et ce quel que soit son statut.
Elle mentionne enfin les impôts payés, alors même qu’elle tire argument du paiement des
impôts et taxes pour tenter d’établir son titre de propriété en droit français253. La réplique
équato-guinéenne obscurcit donc une nouvelle fois les questions de responsabilité en
réintroduisant subrepticement la question des biens de l’Etat sous l’angle du préjudice. Or,
248 Note verbale n°501/12 de l’ambassade de la République de Guinée équatoriale adressée au ministère des
Affaires étrangères de la République française, le 27 juillet 2012 ANNEXE 47 du mémoire de la République de
Guinée équatoriale ; note verbale n°517/12 de l’ambassade de la République de Guinée équatoriale adressée au
ministère des Affaires étrangères de la République française, le 2 août 2012 (« suite à ses précédentes notes
verbales » – italiques ajoutées) ANNEXE 48 du mémoire de la République de Guinée équatoriale ; note
verbale n°3503 du ministère des Affaires étrangères de la République française adressée à l’ambassade de la
République de Guinée équatoriale, le 6 août 2012 ANNEXE 49 du mémoire de la République de Guinée
équatoriale.
249 CPJI, Phosphates du Maroc (exceptions préliminaires), arrêt, 14 juin 1938, Série A/B n°74, p. 28.
250 Réplique RGE, par. 4.16.
251 Réplique RGE, par. 4.17.
252 Réplique RGE, par. 4.18.
253 Mémoire RGE, par. 2.23-2.25 ; réplique RGE, par. 1.20.
65
comme cela a été démontré dans cette duplique254, la question est entièrement distincte de
celle de l’affection des locaux.
254 Voir supra, dans cette duplique, chapitre 2, par. 2.14-2.19.
66
II. LE CONTENU DE LA RESPONSABILITE
4.15. Dans sa réplique, la République de Guinée équatoriale expose de façon synthétique
quelles conséquences devraient, selon elle, être tirées des faits illicites allégués : la cessation
s’agissant de la saisie pénale et de la confiscation ; la satisfaction, y compris les garanties de
non-répétition, s’agissant des perquisitions, de la saisie pénale et de la confiscation ;
l’indemnisation du préjudice matériel et moral ; le maintien de l’obligation d’exécuter les
obligations issues de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques255.
Malheureusement, ces demandes restent imprégnées d’une volonté d’élargir le champ du
différend à la propriété de l’immeuble et ne pas s’en tenir à son statut « en tant que locaux de
la mission », pour reprendre les termes de l’arrêt de la Cour relatif à sa compétence en la
présente affaire. Elles s’appuient par ailleurs sur des arguments qui ne sauraient convaincre en
eux-mêmes et qui ne tiennent pas compte de l’absence de causalité, ni de la contribution de la
requérante aux préjudices qu’elle allègue.
4.16. A propos de la cessation tout d’abord, il est bien évident que l’on ne peut faire cesser la
confiscation de l’immeuble, puisque celle-ci n’a pas eu lieu. De plus, un acte de confiscation
devrait être analysé comme un fait instantané et non un fait continu, ce qui rend la demande
de cessation inappropriée256. Surtout, un tel acte porte sur la propriété de l’immeuble,
nullement sur l’usage diplomatique des locaux, et sort donc du champ du présent litige. Ce
dernier point, évidemment essentiel, conduit à écarter également la demande de cessation
relative à la saisie pénale, car celle-ci suspend le droit du propriétaire d’aliéner son bien mais
n’emporte pas d’effet sur son usage257. Au surplus, les propriétaires sont des sociétés suisses,
non la Guinée équatoriale elle-même.
4.17. La réplique mentionne ensuite la satisfaction, « y compris » les garanties de nonrépétition,
ce qui implique que ces garanties sont réclamées à ce titre seulement. Les
circonstances spéciales alors avancées au soutien de cette demande s’avèrent particulièrement
peu convaincantes258.
255 Réplique RGE, par. 4.6.
256 Voir supra, dans ce chapitre, la jurisprudence citée en note 22.
257 Voir supra, par. 4.5.
258 Réplique RGE, par. 4.20.
67
4.18. La République de Guinée équatoriale argue tout d’abord du caractère « arbitraire et
discriminatoire » du comportement de la France. Le caractère arbitraire résulterait des « fortes
variations dans la position de la France »259, alors que le contre-mémoire et la présente
duplique ont, tout au contraire, démontré la constance de sa position260. Quant à l’allégation
de discrimination, elle repose tout d’abord sur l’absence de législation interne relative aux
relations diplomatiques261, alors que la Convention de Vienne ne contient aucune obligation
de légiférer et que de très nombreux Etats s’en remettent à la pratique administrative et à la
jurisprudence. De plus, elle requiert une comparaison ici impossible, car les circonstances de
la présente affaire sont, fort heureusement, inédites262. Quoi qu’il en soit, l’expression
« arbitraire et discriminatoire » renvoie aux arguments juridiques développés par la requérante
au soutien de son interprétation de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques. Il
ne s’agit nullement d’une circonstance spéciale mais tout simplement d’une des questions
juridiques faisant l’objet du différend et qu’il incombe à la Cour de trancher au fond.
4.19. La Guinée équatoriale fait ensuite semblant de croire que la France invoque son droit
interne, y compris le principe de séparation des pouvoirs, pour s’exonérer de sa
responsabilité263. Cela est complètement faux. La France a pris un soin scrupuleux à expliquer
dans ses différentes écritures, ainsi que lors des audiences survenues dans les phases
antérieures de la procédure, quel est le contenu de son droit interne et quel est l’état de la
procédure judiciaire concernant M. Teodoro Nguema Obiang Mangue. Elle entendait ainsi
informer la Cour au mieux, tout en corrigeant les nombreuses inexactitudes imputables à la
requérante. Il est dès lors fort curieux de faire de ces éclaircissements relatifs au contexte
juridique et factuel de l’affaire une circonstance spéciale qui justifierait le prononcé de
garanties de non-répétition.
4.20. Il est tout aussi étrange de tirer argument de l’ordonnance en indication de mesures
conservatoires adoptée par la Cour dans la présente affaire pour justifier des garanties de nonrépétition
264, alors que cette ordonnance vise seulement à préserver les droits plausibles des
parties dans l’attente du jugement, et cela sans préjuger aucunement des questions de fond265.
259 Réplique RGE, par. 2.68.
260 Contre-mémoire France, par. 3.44-3.46, et supra, chapitre 2, par. 2.11 et 2.13, et chapitre 3, par. 3.26-3.34.
261 Réplique RGE, par. 2.68.
262 Voir supra, chapitre 2, par. 2.44.
263 Réplique RGE, par. 4.20
264 Réplique RGE, par. 4.20.
265 Ordonnance du 7 décembre 2016, par. 98.
68
Au demeurant, la République française a parfaitement respecté cette ordonnance, ce qui n’est
pas contesté par la République de Guinée équatoriale.
4.21. Les deux dernières formes de réparation demandées par la requérante sont
l’indemnisation et le maintien de l’obligation d’exécuter la Convention de Vienne sur les
relations diplomatiques. Le maintien de l’obligation va de soi, et ne justifie pas une demande
spécifique, puisqu’aucune partie ne conteste que la Convention de Vienne sur les relations
diplomatiques reste applicable dans les relations entre les parties266. La demande
d’indemnisation appelle en revanche davantage de commentaires.
4.22. Dans la réplique, l’indemnisation est présentée comme incluant aussi bien le préjudice
matériel que le préjudice moral. Or, comme cela a été expliqué plus haut267, la plupart des
préjudices mentionnés dans la réplique et qui entrent dans le champ de compétence de la Cour
sont des préjudices immatériels. Pour ceux-ci, et à considérer par extraordinaire que la Cour
conclue à une violation de la Convention, la forme de réparation appropriée serait la
satisfaction prenant la forme d’un constat de violation268.
4.23. S’agissant des préjudices matériels allégués, leur lien avec le refus de reconnaître
l’affectation diplomatique des locaux n’est pas établi. La réplique se borne à affirmer, de
façon lapidaire, qu’ils résultent « de l’impossibilité d’utiliser pleinement et en toute sécurité
l’immeuble sis au 42 avenue Foch », sans fournir la moindre preuve de dommage, ni a fortiori
un début d’évaluation269. Elle cite seulement, comme illustration, le coût d’achat de
l’immeuble, alors que cet achat n’entretient aucun lien de causalité avec le refus et, d’après la
réplique elle-même, lui est antérieur de quelques jours. La causalité n’est pas davantage
présente pour les coûts et dépenses qui incomberaient en tout état de cause au propriétaire de
l’immeuble, en l’occurrence des sociétés suisses, ou à l’occupant dudit immeuble. La
République de Guinée équatoriale se plaît ainsi à rester dans le flou dans l’espoir de renvoyer
l’ensemble de la réparation à une phase ultérieure de la procédure270. Or, s’il est vrai que, dans
certaines affaires portées devant la Cour, l’indemnisation a fait l’objet d’une phase distincte,
266 Voir contre-mémoire de la France, par. 5.23.
267 Voir supra, par. 4.9 et 4.13.
268 Voir contre-mémoire de la France, par. 5.24.
269 Réplique RGE, par. 4.18.
270 Réplique RGE, par. 4.25.
69
encore faut-il pour cela que l’existence d’un dommage important ait été établie au
préalable271. Tel n’est à l’évidence pas le cas dans la présente affaire.
4.24. Il reste enfin à aborder un dernier aspect du droit de la responsabilité, d’un intérêt
majeur compte tenu des circonstances de l’affaire. Si par extraordinaire la Cour devait
conclure à la violation par la France de la Convention de Vienne sur les relations
diplomatiques et exclure l’abus de droit, deux questions deviendraient alors déterminantes à
propos de la réparation dans son ensemble : l’existence d’un lien de causalité et la
contribution de la République de Guinée équatoriale aux préjudices allégués.
4.25. Les Articles de 2001 sur la responsabilité de la Commission du droit international
reconnaissent, à l’article 39, qu’une contribution de l’Etat lésé au préjudice doit être prise en
compte pour déterminer la réparation272. Ce principe du droit de la responsabilité a été admis
par la jurisprudence de la Cour273 ; il a été appliqué à plusieurs reprises par des tribunaux
arbitraux internationaux saisis de litiges d’investissement274. La Guinée équatoriale cite quant
à elle les commentaires de la Commission, comme s’ils amoindrissaient la position française,
alors qu’ils explicitent les éléments requis pour démontrer la contribution : une action ou une
omission de l’Etat lésé, intentionnelle ou par négligence, qui a contribué au préjudice, sans
que la négligence ou l’action ou omission délibérée ait besoin d’être qualifiée de grave ou de
manifeste275. Ces mêmes commentaires ajoutent :
« On peut envisager des situations où le préjudice en question est entièrement imputable
au comportement de la victime et pas du tout à celui de l’Etat “responsable”. Les
situations de ce type sont couvertes par l’exigence générale de la cause directe, visée à
l’article 31, et non par l’article 39. »276
271 Voir CIJ, arrêt, 16 décembre 2015, Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière
(Costa Rica c. Nicaragua) et Construction d’une route par le Costa Rica le long du fleuve San Juan (Nicaragua
c. Costa Rica), Rec. 2015, par. 226 (demande d’indemnisation du Nicaragua).
272 Voir contre-mémoire, par. 5.16.
273 CIJ, arrêt, 27 juin 2001, LaGrand (Allemagne c. Etats-Unis d’Amérique), Rec. 2001, p. 508, par. 116.
274 MTD Equity Sdn. and MTD Chili S.A. v. Chili, affaire CIRDI n°ARB/01/7, décision sur la demande
d’annulation, 21 mars 2007, par. 93-101 ; Occidental Petroleum Corporation, Occidental Exploration and
Production Company v. The Republic of Ecuador, affaire CIRDI n°ARB/06/11, sentence, 5 octobre 2012,
par. 663-687 ; Hulley Entreprises Limited (Cyprus) v. The Russian Federation, affaire CPA n°AA226, Yukos
Universal Limited (Isle of Man) v. The Russian Federation, affaire CPA n°AA227, Veteran Petroleum Limited
(Cyprus) v. The Russian Federation, affaire CPA n°AA228, sentences finales, 18 juillet 2014, par. 1594-1637 ;
Copper Mesa Mining Corporation v. The Republic of Ecuador, affaire CPA n°2012-2, sentence, 15 mars 2016,
par. 6.86-6.102.
275 Ann. C.D.I., 2001, vol. 2, deuxième partie, commentaires de l’article 39, par. 5.
276 Ibid., note 660.
70
La pertinence de ces deux articles, 31 et 39, en matière de causalité est bien connue277. Cela
conduit à distinguer le préjudice qui serait en réalité entièrement causé par le comportement
de l’Etat prétendument lésé (article 31) et le préjudice ayant plusieurs causes dont l’une est le
comportement intentionnel ou négligent de ce même Etat (article 39).
4.26. La réplique équato-guinéenne y répond en arguant qu’elle a acquis l’immeuble du 42
avenue Foch « bien avant que les procédures pénales soient initiées et que des mesures
coercitives soient prises contre l’immeuble » et qu’elle « a toujours agi de manière
raisonnable et de bonne foi, et conforme à sa position constante selon laquelle l’immeuble
était bien les locaux de sa mission diplomatique »278.
4.27. Le premier argument, qui conduit à confronter la chronologie de la procédure judiciaire
française et la date d’acquisition de l’immeuble via des parts dans des sociétés suisses, est de
toute évidence faux, comme cela a été démontré dans la présente duplique279. Il confirme, a
minima, une très grande constance dans l’approximation, ce qui est une forme de négligence.
4.28. Quant à la position supposément constante relative à l’affectation des locaux à la
mission diplomatique équato-guinéenne, elle est démentie par la succession des notes
verbales, traduisant des variations telles qu’elles révèlent a minima une particulière
négligence280. On rappellera ainsi que l’ambassade de Guinée équatoriale en France a
expressément reconnu, dans sa note verbale du 4 octobre 2011, avoir omis d’informer les
autorités françaises du fait qu’elle disposait « depuis plusieurs années » d’un immeuble utilisé
pour « l’accomplissement des fonctions de sa Mission diplomatique »281. Elle désignait peu
après l’immeuble comme destiné à servir de résidence à la déléguée permanente de la
277 Occidental Petroleum Corporation, Occidental Exploration and Production Company v. The Republic of
Ecuador, affaire CIRDI n°ARB/06/11, sentence, 5 octobre 2012, par. 665-668 ; Hulley Entreprises Limited
(Cyprus) v. The Russian Federation, affaire CPA n°AA226, Yukos Universal Limited (Isle of Man) v. The
Russian Federation, affaire CPA n°AA227, Veteran Petroleum Limited (Cyprus) v. The Russian Federation,
affaire CPA n°AA228, sentences finales, 18 juillet 2014, par. 1595-1599 ; Copper Mesa Mining Corporation v.
The Republic of Ecuador, affaire CPA n°2012-2, sentence, 15 mars 2016, par. 6.87 et 6.91.
278 Réplique RGE, par. 4.24.
279 Voir supra, chapitre 3, par. 3.21-3.24.
280 Voir supra, chapitre 3, par. 3.9-3.20.
281 Note verbale n°365/11 de l’ambassade de la République de Guinée équatoriale adressée au ministère des
Affaires étrangères de la République française, le 4 octobre 2011 ANNEXE 1 des documents produits par la
France, le 14 octobre 2016, dans le cadre de la demande en indication de mesures conservatoires.
71
République de Guinée équatoriale auprès de l’UNESCO282. Elle a ensuite affirmé que le
transfert effectif des activités de sa mission au 42 avenue Foch prenait effet le 27 juillet
2012283, ce qui contredit l’idée d’une utilisation « depuis plusieurs années ». La présentation
négligente de l’affectation de l’immeuble, affectation dont l’effectivité était parallèlement
contredite par les observations réalisées lors des perquisitions, est ainsi la source principale, si
ce n’est unique, des préjudices aujourd’hui allégués par la République de Guinée équatoriale.
4.29. Enfin, la République de Guinée équatoriale croit distinguer du « mépris » dans la
référence faite, au paragraphe 5.22 du contre-mémoire, à l’immeuble sis au 29 boulevard de
Courcelles ; elle réaffirme à ce propos sa liberté de choisir le lieu d’établissement de sa
mission diplomatique284. Pourtant, les conditions d’un tel choix sont précisément l’objet du
différend juridique porté devant la Cour, et ce serait mépriser la fonction judiciaire de la Cour
et le principe du règlement pacifique des différends que d’interdire à la France d’en discuter.
Le choix qui importe en termes de réparation est celui fait par la Guinée équatoriale de
transférer les activités de sa mission diplomatique, à partir d’un immeuble reconnu jusque là
comme le siège de sa mission par les deux parties et qui le reste de jure pour la France, vers
un immeuble dont le statut comportait de grandes particularités. A cet égard, la date pertinente
est celle de la réalisation effective du transfert, car elle permet d’apprécier le lien de causalité
avec le préjudice allégué, à savoir la supposée atteinte au bon fonctionnement de la mission.
4.30. Le transfert des activités de la mission au 42 avenue Foch a été notifié le 27 juillet 2012,
dans des termes ne laissant aucune place au doute (« désormais »). Dès lors, il n’est pas
contestable que le transfert est intervenu à un moment où, après avoir varié dans le choix
d’affecter l’immeuble à telle activité plutôt que telle autre – et ces variations figurent
expressément dans les notes verbales adressées aux autorités françaises rappelées supra –, la
République de Guinée équatoriale ne pouvait ignorer qu’une procédure judiciaire en cours
concernait directement l’immeuble sis 42 avenue Foch. La République de Guinée équatoriale
a donc décidé seule et en toute connaissance de cause de créer de facto une situation qu’elle
présente désormais comme la source de préjudices. La cause de ceux-ci se trouve dans son
propre comportement.
282 Voir supra note 23.
283 Note verbale n°501/12 de l’ambassade de la République de Guinée équatoriale adressée au ministère des
Affaires étrangères de la République française, le 27 juillet 2012 ANNEXE 47 du mémoire de la République de
Guinée équatoriale.
284 Réplique RGE, par. 4.25.
72
***
4.31. En conclusion de ce chapitre, la République française réaffirme son plein respect des
obligations figurant dans la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques. Si la Cour
devait en juger différemment, elle devrait écarter les demandes de cessation et de garanties de
non-répétition, qui ne sont nullement justifiées, et constater que les préjudices allégués
trouvent leur cause dans le comportement de la République de Guinée équatoriale. A titre
plus subsidiaire encore, si des mesures de réparation devaient être prononcées, la forme
appropriée de la réparation serait une mesure de satisfaction consistant en un constat de
violation de la Convention.
73
CONCLUSIONS
Pour les raisons exposées dans la présente duplique, le contre-mémoire de la République
française et pour tous autres motifs à produire, déduire ou suppléer s’il échet, la République
française prie la Cour internationale de Justice de bien vouloir rejeter l’ensemble des
demandes formulées par la République de Guinée équatoriale.
Paris, le 14 août 2019
François ALABRUNE
Agent de la République française
75
ANNEXE 1
Déclaration écrite de Madame de Coquereaumont, sous-directrice des privilèges et immunités
diplomatiques et consulaires, en date du 24 juillet 2019.
77

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Duplique de la France

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