Observations écrites du Japon sur la déclaration d'intervention de la Nouvelle-Zélande

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148-20121221-WRI-01-00-EN
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Note: Cette traduction a été établie par le Greffe à des fins internes et n’a aucun caractère officiel
OBSERVATIONS ÉCRITES DU JAPON SUR LA DÉCLARATION D’INTERVENTION
DE LA NOUVELLE-ZÉLANDE
1. Le Japon prend acte de la décision de la Nouvelle-Zélande d’exercer son droit d’intervenir
en l’affaire relative à la Chasse à la baleine dans l’Antarctique (Australie c. Japon) au titre de
l’article 63 du Statut de la Cour et des articles 82 à 85 du Règlement de celle-ci, avec pour
conséquence que l’interprétation contenue dans la sentence sera également obligatoire à son égard.
Mon gouvernement se sent toutefois tenu d’appeler l’attention de la Cour sur certaines anomalies
graves qu’entraînerait l’admission de la Nouvelle-Zélande en qualité d’Etat intervenant.
2. Ces anomalies découlent du contexte dans lequel la présente déclaration d’intervention a
été déposée par la Nouvelle-Zélande, contexte qui ressort clairement du communiqué de presse
conjoint daté du 15 décembre 2010 et publié au nom de MM. Kevin Rudd et Murray McCully,
respectivement ministres australien et néo-zélandais des affaires étrangères. Copie de ce
communiqué de presse est jointe aux présentes observations écrites.
3. Il y est constaté que «[l]’Australie et la Nouvelle-Zélande s[e sont] entend[ues] sur la
stratégie à suivre dans le cadre de l’affaire relative à la chasse à la baleine». Ce communiqué de
presse conjoint, publié six mois après le dépôt de la requête de l’Australie, indique clairement que
le demandeur a «eu de fréquents échanges de vues avec le Gouvernement néo-zélandais concernant
la meilleure manière de promouvoir [leur] objectif commun de mettre un terme à la chasse à la
baleine»13. Les raisons du choix de l’article 63 comme fondement de l’intervention de la
Nouvelle-Zélande y sont exposées ainsi :
«L’Australie a indiqué qu’elle ne souhaitait pas que la Nouvelle-Zélande se
constitue partie à l’instance. En effet, étant donné qu’un juge néo-zélandais,
sir Kenneth Keith, siège déjà à la Cour internationale de Justice, la jonction des deux
actions ferait perdre à l’Australie le droit de désigner un juge ad hoc en l’affaire.»14
M. McCully a fait observer que, «[à] la suite des élections australiennes, … la Nouvelle-Zélande
[a] ten[u] à entendre les vues de l’Australie avant de prendre une décision concernant sa
participation à l’affaire»15.
4. La démarche adoptée par la Nouvelle-Zélande semble avoir permis à l’Australie de
parvenir à ses fins. La Nouvelle-Zélande dit avoir fondé sa décision d’intervenir en l’affaire sur
«sa participation de longue date aux travaux de la Commission baleinière internationale et ses vues
concernant l’interprétation et l’application de la convention, et en particulier la chasse à la baleine
pratiquée au titre d’un permis spécial»16. Or, la Nouvelle-Zélande ayant, dans le communiqué de
13 Communiqué de presse conjoint en date du 15 décembre 2010 de M. Kevin Rudd, député et ministre australien
des affaires étrangères, et M. Murray McCully, député et ministre néo-zélandais des affaires étrangères, «L’Australie et la
Nouvelle-Zélande s’entendent sur la stratégie à suivre dans le cadre de l’affaire relative à la chasse à la baleine».
14 Ibid.
15 Ibid.
16 Déclaration d’intervention déposée par le Gouvernement néo-zélandais en vertu de l’article 63 du Statut de la
Cour, 20 novembre 2012, par. 8.
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presse conjoint, déclaré avoir «encore une fois confirmé qu’elle épaulait solidement l’Australie
dans sa démarche visant à mettre un terme à la chasse à la baleine «scientifique» et à promouvoir la
conservation des cétacés à l’échelle de la planète»17, tout porte à croire qu’elle appuie sans réserve
la thèse de l’Australie.
5. L’égalité des Parties sera gravement menacée si les Etats peuvent en quelque sorte choisir
eux-mêmes les règles qu’ils souhaitent voir appliquer et éviter certaines des mesures visant à
protéger l’égalité procédurale prévue par le Statut et le Règlement de la Cour en mettant en oeuvre
ce qui semble être en fait une affaire conjointe sous le couvert d’une intervention au titre de
l’article 63. Il n’est pas difficile de voir dans le choix d’une telle intervention un stratagème conçu
pour éviter à l’Etat de devoir démontrer qu’«un intérêt d’ordre juridique est pour lui en cause»,
comme le requiert l’article 62, alors que les circonstances font apparaître l’existence de tels intérêts
et commandent une démarche processuelle soigneusement préparée pour les défendre.
6. En outre, le paragraphe 5 de l’article 31 du Statut de la Cour et le paragraphe 1 de
l’article 36 de son Règlement excluent la possibilité de désigner un juge ad hoc lorsque deux
Parties au moins font cause commune et ne doivent ainsi compter que pour une seule. Tel est le cas
en l’espèce.
7. Lorsque le demandeur a désigné son juge ad hoc, mon gouvernement a, dans sa lettre
datée du 22 mars 2011, exprimé l’intention de se réserver le droit de revenir sur cette question.
Mon gouvernement souhaite à présent faire part de ses graves appréhensions quant à l’égalité des
Parties à la présente instance devant la Cour et de son profond malaise à l’égard de la situation qui
découle de la manière dont la Nouvelle-Zélande a décidé d’intervenir.
8. Le Japon se permet de faire observer que, dans ces conditions, la Cour devra veiller avec
le plus grand soin à garantir l’égalité des Parties au différend lorsqu’elle se prononcera sur la
procédure à suivre ensuite en l’espèce, et ce, d’autant plus que les arguments relatifs à la
compétence doivent être présentés avec les arguments sur le fond et qu’un seul tour de procédure
écrite a été autorisé.
9. Pour commencer, mon gouvernement soutient que les observations écrites que la
Nouvelle-Zélande pourrait présenter conformément à l’article 86 du Règlement de la Cour doivent
pouvoir faire l’objet d’une réponse écrite de la part des Parties initiales. Lorsqu’il y a collusion
entre le demandeur et l’Etat souhaitant intervenir, les observations de ce dernier reviennent, en
substance, à un second tour de procédure écrite pour le demandeur, tandis que le défendeur n’a pas
la possibilité de répondre. Par conséquent, le Japon réitère le souhait de se voir accorder la
possibilité d’exprimer par écrit ses vues sur le fond de l’intervention formée par la
Nouvelle-Zélande, et de disposer pour cela d’un délai convenable.
10. Ensuite, mon gouvernement considère que, si l’intervention de la Nouvelle-Zélande est
admise, l’Etat intervenant ne devrait pouvoir présenter que des conclusions orales, et ce, à l’issue
du premier tour de plaidoiries de l’Australie et avant celui du Japon. En outre, le droit d’intervenir
au titre de l’article 63 étant limité à «la question qu’il s’agit d’interpréter en l’espèce et
17 Communiqué de presse conjoint, op. cit.
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n’autoris[ant] pas une intervention générale en l’affaire»18, mon gouvernement se permet de faire
valoir que l’Etat intervenant devrait, pour la procédure orale, se voir allouer un temps bien inférieur
à celui qui lui serait accordé dans le cas d’une intervention au titre de l’article 62.
11. Enfin, mon gouvernement conclut que, toujours dans l’hypothèse où elle serait admise,
l’intervention de la Nouvelle-Zélande en collaboration avec le demandeur ne devrait pas avoir pour
effet de réduire le temps dont disposera le défendeur pour répondre aux arguments de l’Etat
demandeur ainsi qu’à ceux de l’Etat intervenant. Le Japon souhaite insister sur la nécessité de
disposer de suffisamment de temps pour préparer sa procédure orale, tant au premier qu’au
deuxième tour, compte tenu en particulier du fait que cette affaire techniquement complexe ne
compte qu’un seul tour de procédure écrite et que le demandeur doit encore répondre à l’exception
d’incompétence formulée par le défendeur.
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18 Plateau continental (Tunisie/Jamahiriya arabe libyenne), requête à fin d’intervention, arrêt,
C.I.J. Recueil 1981, p. 15, par. 26.
Communiqué de presse conjoint en date du 15 décembre 2010 de MM. Kevin Rudd
et Murray McCully, députés et ministres des affaires étrangères
respectifs de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande
[Traduction]
L’Australie et la Nouvelle-Zélande s’entendent sur la stratégie à suivre dans le cadre de
l’affaire relative à la chasse à la baleine
Le Gouvernement néo-zélandais a décidé de ne pas se constituer partie à l’instance introduite
devant la Cour par l’Australie contre le programme japonais de chasse à la baleine «scientifique»
dans l’océan Antarctique, mais plutôt d’«intervenir» officiellement en l’affaire, geste salué par le
Gouvernement australien.
Les ministres des affaires étrangères respectifs des deux pays, MM. Kevin Rudd et
Murray McCully, affirment que ceux-ci se sont mis d’accord pour collaborer à l’élimination de la
chasse à la baleine dans l’océan Antarctique au moyen de stratégies complémentaires.
M. Rudd s’est félicité de la décision prise par la Nouvelle-Zélande d’intervenir en l’affaire,
qu’il a qualifiée de judicieuse et conforme à la préférence de l’Australie.
«La Nouvelle-Zélande a encore une fois confirmé qu’elle épaulait solidement l’Australie
dans sa démarche visant à mettre un terme à la chasse à la baleine «scientifique» et à promouvoir la
conservation des cétacés à l’échelle de la planète», a affirmé M. Rudd.
«En intervenant en l’affaire, la Nouvelle-Zélande aura la possibilité de présenter
à la Cour des conclusions écrites et orales pour démontrer que la chasse à la baleine
pratiquée par les Japonais dans l’océan Antarctique est contraire aux obligations qui
leur incombent en vertu des conventions internationales applicables, auxquelles
l’Australie et la Nouvelle-Zélande sont également parties.
Nous avons eu de fréquents échanges de vues avec le Gouvernement
néo-zélandais concernant la meilleure manière de promouvoir notre objectif commun
de mettre un terme à la chasse à la baleine. Nous nous félicitons donc du précieux
soutien que la Nouvelle-Zélande nous apportera dans cette affaire capitale.»
M. McCully a annoncé que le cabinet avait, cette semaine, entériné sa recommandation
privilégiant la déclaration d’intervention en l’affaire plutôt que l’intervention en tant que partie.
«A la suite des élections australiennes, j’ai fait savoir à M. Rudd que la Nouvelle-Zélande
tenait à entendre les vues de l’Australie avant de prendre une décision concernant sa participation à
l’affaire», a confié M. McCully.
«L’Australie a indiqué qu’elle ne souhaitait pas que la Nouvelle-Zélande se
constitue partie à l’instance. En effet, étant donné qu’un juge néo-zélandais,
sir Kenneth Keith, siège déjà à la Cour internationale de Justice, la jonction des deux
actions ferait perdre à l’Australie le droit de désigner un juge ad hoc en l’affaire. Le
choix opéré par la Nouvelle-Zélande permettra que l’affaire suive son cours sans
délai.»
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«Cette décision étant prise, nous avons commencé à privilégier de nouvelles stratégies
diplomatiques et communicationnelles pour tenter de convaincre le Japon d’abandonner la chasse à
la baleine dans l’océan Antarctique. Dans cette optique, je me suis entretenu avec le ministre
japonais des affaires étrangères, M. Seiji Maehara, afin d’explorer la possibilité de nouvelles
initiatives diplomatiques», a dit M. McCully.
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