Observations écrites du Royaume-Uni

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169-20180514-WRI-01-00-EN
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Note: Cette traduction a été établie par le Greffe à des fins internes et n’a aucun caractère officiel
15242
COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
EFFETS JURIDIQUES DE LA SÉPARATION DE L’ARCHIPEL DES CHAGOS DE MAURICE EN 1965
(REQUÊTE POUR AVIS CONSULTATIF)
OBSERVATIONS ÉCRITES DU ROYAUME-UNI DE GRANDE-BRETAGNE ET D’IRLANDE DU NORD
14 mai 2018
[Traduction du Greffe]
TABLE DES MATIÈRES
Page
CHAPITRE I. INTRODUCTION ......................................................................................................... 1
PREMIÈRE PARTIE. LES FAITS ........................................................................................... 8
CHAPITRE II. LE DÉTACHEMENT DE L’ARCHIPEL DES CHAGOS ET L’ACCESSION
DE MAURICE À L’INDÉPENDANCE ............................................................................ 8
A. L’administration par le Royaume-Uni de l’archipel des Chagos en tant
que sous-dépendance .......................................................................................................... 9
B. Les événements qui ont abouti à la décision prise le 5 novembre 1965
par le conseil des ministres mauricien de consentir au détachement de l’archipel
des Chagos en échange de divers avantages ..................................................................... 11
C. Le premier ministre Ramgoolam voulait éviter le référendum que réclamait le Parti
mauricien social-démocrate .............................................................................................. 21
D. Les suites de la conférence constitutionnelle  l’accord donné le 5 novembre 1965
par le conseil des ministres mauriciens ............................................................................. 23
E. Les élections législatives de 1967 et le vote de l’Assemblée législative pour
l’indépendance .................................................................................................................. 25
F. La réaffirmation de l’accord par Maurice après son accession à l’indépendance ............. 27
G. Conclusions ....................................................................................................................... 30
DEUXIÈME PARTIE. LE POUVOIR DISCRÉTIONNAIRE DE LA COUR ....................... 32
CHAPITRE III. LA COUR DEVRAIT EN L’ESPÈCE USER DE SON POUVOIR DISCRÉTIONNAIRE
POUR REFUSER DE DONNER UN AVIS CONSULTATIF ............................................... 32
A. Réponse aux arguments avancés par Maurice au sujet de l’exercice par la Cour
de son pouvoir discrétionnaire .......................................................................................... 33
i) L’existence du différend bilatéral de longue date ....................................................... 33
ii) L’argumentation de Maurice sur le respect du principe du consentement ................. 37
iii) Autres facteurs d’appréciation de l’opportunité judiciaire ......................................... 42
B. Conclusions ....................................................................................................................... 42
TROISIÈME PARTIE. LES POINTS DE DROIT SOULEVÉS PAR LES QUESTIONS
POSÉES À LA COUR ....................................................................... 43
CHAPITRE IV. RÉPONSE À LA QUESTION A) : LE PROCESSUS DE DÉCOLONISATION A ÉTÉ
VALIDEMENT MENÉ À BIEN EN 1968 ................................................................................................. 44
A. Maurice a validement consenti au détachement de l’archipel des Chagos par la voix
de ses représentants élus ................................................................................................... 45
B. Les concepts de décolonisation et d’autodétermination ne sont pas coextensifs .............. 47
- ii -
C. Il n’existait pas en 1965/1968 de droit à l’autodétermination reconnu en droit
international ...................................................................................................................... 48
D. Le maintien avant leur accession à l’indépendance de l’intégrité territoriale de la
«totalité» des territoires non autonomes ne fait pas partie du droit à
l’autodétermination et ne procède pas d’une règle de droit international coutumier ........ 53
E. La libre expression de la volonté de la population concernée ne requiert pas
l’organisation d’un plébiscite ou d’un référendum ........................................................... 63
F. Conclusions ....................................................................................................................... 64
CHAPITRE V. RÉPONSE À LA QUESTION B) : CONSÉQUENCES EN DROIT INTERNATIONAL
DU MAINTIEN DE L’ARCHIPEL DES CHAGOS SOUS L’ADMINISTRATION
DU ROYAUME-UNI ................................................................................................. 66
A. Les arguments que tire Maurice des articles de la Commission du droit international
sur la responsabilité de l’Etat sont totalement dénués de pertinence ................................ 67
B. Les assertions de Maurice concernant le «calendrier pour la réalisation complète
de la décolonisation» ........................................................................................................ 69
C. Les prétendues obligations qui, selon Maurice, incomberaient au Royaume-Uni
pendant une période de transition ..................................................................................... 70
a) La demande tendant à ce que le Royaume-Uni coopère avec Maurice en vue
de faire progresser les efforts de celle-ci pour la réinstallation des Mauriciens
d’origine chagossienne et garantir l’accès à d’autres citoyens mauriciens
à l’archipel des Chagos en conformité avec le droit mauricien ................................ 72
b) La demande tendant à ce que Maurice se voie accorder un accès aux ressources
naturelles de l’archipel des Chagos .......................................................................... 72
c) La demande visant la pleine protection de l’environnement de l’archipel
des Chagos................................................................................................................ 72
d) La demande tendant à ce que Maurice soit associée à l’autorisation,
au contrôle et à la réglementation des travaux de recherche scientifique
réalisés dans l’archipel des Chagos et aux alentours ................................................ 73
e) La demande tendant à ce que le Royaume-Uni permette à Maurice
de soumettre des informations concernant l’archipel des Chagos
à la commission des limites du plateau continental .................................................. 73
f) La demande tendant à ce que le Royaume-Uni permette à Maurice
de procéder à la délimitation de la frontière maritime entre l’archipel
des Chagos et les Maldives ...................................................................................... 74
D. Les prétendues conséquences juridiques pour les Etats tiers et les organisations
internationales ................................................................................................................... 74
E. Conclusions ....................................................................................................................... 74
CONCLUSION ................................................................................................................................... 75
LISTE DES ANNEXES ......................................................................................................................... 77
___________
CHAPITRE I
INTRODUCTION
1.1. Le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord (ci-après le
«Royaume-Uni») soumet à la Cour, conformément à ses ordonnances du 14 juillet 2017 et du
17 janvier 20181, les présentes observations écrites sur les exposés écrits que d’autres Etats lui ont
présentés.
1.2. Pour mémoire, la demande d’avis consultatif que l’Assemblée générale a présentée à la
Cour par sa résolution 71/292 porte sur les deux questions suivantes :
«a) Le processus de décolonisation a-t-il été validement mené à bien lorsque Maurice a
obtenu son indépendance en 1968, à la suite de la séparation de l’archipel des
Chagos de son territoire et au regard du droit international, notamment des
obligations évoquées dans les résolutions de l’Assemblée générale 1514 (XV) du
14 décembre 1960, 2066 (XX) du 16 décembre 1965, 2232 (XXI) du 20 décembre
1966 et 2357 (XXII) du 19 décembre 1967 ?
b) Quelles sont les conséquences en droit international, y compris au regard des
obligations évoquées dans les résolutions susmentionnées, du maintien de
l’archipel des Chagos sous l’administration du Royaume-Uni de Grande-Bretagne
et d’Irlande du Nord, notamment en ce qui concerne l’impossibilité dans laquelle
se trouve Maurice d’y mener un programme de réinstallation pour ses nationaux,
en particulier ceux d’origine chagossienne ?»2.
1.3. Les présentes observations portent essentiellement sur l’exposé écrit de la République de
Maurice (ci-après «Maurice»). On ne saurait s’en étonner, vu le différend qui oppose de longue
date le Royaume-Uni à Maurice au sujet de l’archipel des Chagos, en particulier de la souveraineté
sur celui-ci, qui est en fait la question centrale posée sous couvert de la requête pour avis
consultatif3. En effet, Maurice, dans son exposé écrit, soumet à la Cour des points essentiels de fait
et de droit se rapportant à ses relations bilatérales avec le Royaume-Uni, y compris la question de
savoir si elle a consenti au détachement de l’archipel4. Dans son exposé, elle reprend également les
arguments relatifs au consentement et à l’autodétermination qu’elle a récemment avancés dans une
1 Effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 1965 (Requête pour avis
consultatif), ordonnance du 14 juillet 2017, par. 1 et 2 ; ordonnance du 17 janvier 2018.
2 Version anglaise :
(a) “Was the process of decolonization of Mauritius lawfully completed when Mauritius was granted
independence in 1968, following the separation of the Chagos Archipelago from Mauritius and having regard to
international law, including obligations reflected in General Assembly resolutions 1514 (XV) of 14 December 1960,
2066 (XX) of 16 December 1965, 2232 (XXI) of 20 December 1966 and 2357 (XXII) of 19 December 1967?”;
(b) “What are the consequences under international law, including obligations reflected in the abovementioned
resolutions, arising from the continued administration by the United Kingdom of Great Britain and Northern
Ireland of the Chagos Archipelago, including with respect to the inability of Mauritius to implement a programme for
the resettlement on the Chagos Archipelago of its nationals, in particular those of Chagossian origin?”.
3 Voir le chapitre V et le paragraphe 7.13 de l’exposé écrit du Royaume-Uni ; voir également le chapitre III
ci-après.
4 Parmi les Etats qui ont soumis des exposés écrits, seuls Maurice et le Royaume-Uni y ont abordé des points de
fait, ce qui met en évidence le caractère bilatéral des questions maintenant soulevées devant la Cour.
- 2 -
procédure arbitrale introduite contre le Royaume-Uni conformément à la convention des
Nations Unies sur le droit de la mer (ci-après l’Arbitrage concernant les Chagos)5.
1.4. La position du Royaume-Uni est la suivante : il ne semble pas possible (ni d’ailleurs
voulu, du moins par Maurice) que la Cour donne suite à la demande d’avis du 22 juin 2017 sans se
prononcer sur ce différend bilatéral de longue date ou des questions s’y rapportant directement ; à
moins qu’il ne se méprenne là-dessus, le Royaume-Uni considère donc que la Cour, dans l’exercice
de son pouvoir discrétionnaire, devrait, pour servir la bonne règle judiciaire, refuser de répondre à
la demande d’avis. Il y a lieu de relever que la position du Royaume-Uni coïncide avec celles
défendues par de nombreux Etats devant l’Assemblée générale6, ainsi qu’avec celles que viennent
d’exprimer dans leur exposé écrit l’Australie, le Chili, les Etats-Unis, la France et Israël. Il est à
noter aussi que d’autres Etats se sont vivement inquiétés du risque de voir la Cour exercer sa
compétence consultative dans une procédure où elle est en fait appelée à se prononcer sur un
différend bilatéral : voir à cet égard les exposés écrits de l’Allemagne7, de la Chine8, de la
Fédération de Russie9 et de la République de Corée10.
1.5. Le Royaume-Uni formule ci-après six observations liminaires.
1.6. Premièrement, les Etats qui ont soumis des exposés écrits, qu’ils soutiennent la position
de Maurice ou celle du Royaume-Uni ou qu’ils se montrent plus ou moins ambivalents, s’accordent
à considérer que la Cour, dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire qu’elle tient de l’article 65,
paragraphe 1, de son Statut, devrait s’abstenir de répondre à une demande d’avis lorsque «accepter
de répondre aurait pour effet de tourner le principe selon lequel un Etat n’est pas tenu de soumettre
un différend au règlement judiciaire s’il n’est pas consentant»11.
1.7. Deuxièmement, par l’argumentation même qu’elle développe dans son exposé écrit,
Maurice renforce notablement la position du Royaume-Uni selon laquelle la demande d’avis tend
en fait à saisir la Cour du différend bilatéral qui l’oppose de longue date à Maurice. En effet, cette
argumentation, outre qu’elle reprend celle employée par Maurice dans une procédure contentieuse
(l’Arbitrage concernant les Chagos12), fait apparaître clairement que Maurice attend de la Cour
qu’elle énonce l’équivalent d’un «dispositif» où elle se prononcerait sur la question de la
souveraineté sur l’archipel des Chagos13.
5 Arbitrage concernant l’Aire marine protégée des Chagos (Maurice c. Royaume-Uni) (ci-après l’«Arbitrage
concernant les Chagos»). Voir également le chapitre III ci-après, en particulier le passage consacré à la sentence
arbitrale du 18 mars 2015 (dossier ONU, no 409).
6 Voir Exposé écrit du Royaume-Uni, par. 1.15.
7 Exposé écrit de l’Allemagne ; voir en particulier le passage consacré à l’interprétation correcte des questions
posées à la Cour, notamment les paragraphes 151 et 154.
8 Exposé écrit de la Chine, par. 18.
9 Exposé écrit de la Fédération de Russie, par. 29-32.
10 Exposé écrit de la République de Corée, par. 16 et suivants.
11 Sahara occidental, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1975, p. 25, par. 32-33, renvoyant à Interprétation des
traités de paix conclus avec la Bulgarie, la Hongrie et la Roumanie (première phase), avis consultatif, C.I.J. Recueil
1950, p. 71.
12 Voir le chapitre VI de l’exposé écrit du Royaume-Uni, en particulier le paragraphe 6.5 (renvoyant au
mémoire de Maurice dans l’Arbitrage concernant les Chagos, p. 155) ; voir également les paragraphes 6.6-6.30.
13 Exposé écrit de Maurice, p. 260, point 3 a).
- 3 -
a) Certes, Maurice s’emploie maintenant à présenter le différend bilatéral comme portant sur une
question de décolonisation, et insiste sur le rôle central joué par l’Assemblée générale dans le
processus de décolonisation14. Cependant, cette position fait abstraction du fait que le différend
ne s’est élevé dans les relations bilatérales entre le Royaume-Uni et Maurice que de nombreuses
années après l’accession de celle-ci à l’indépendance15 ; de plus, s’il est vrai que l’Assemblée a
joué un rôle très important dans la décolonisation en général, il est vrai aussi qu’elle n’a
pendant des décennies abordé aucune question de décolonisation ou autre concernant l’archipel
des Chagos.
b) Comme le Royaume-Uni l’a relevé dans son exposé écrit16, c’est uniquement parce que Maurice
prétend en l’espèce, comme elle l’a fait récemment dans l’Arbitrage concernant les Chagos17,
que l’accord de 1965 ne reposait pas sur un consentement valide de sa part, que les questions
posées dans la requête pour avis consultatif sont susceptibles de donner lieu à débat.
c) La réalité que recouvre la demande d’avis est que c’est seulement après avoir constaté que
malgré plusieurs tentatives, elle n’était pas parvenue à obtenir le règlement du différend
bilatéral de longue date par la voie contentieuse que Maurice a entrepris de poursuivre le même
but par le biais d’une procédure consultative introduite devant la Cour. En outre, Maurice
procède à cet égard comme si elle n’avait pas déjà, dans l’Arbitrage concernant les Chagos,
défendu sa cause devant un tribunal qui, dans sa sentence, a conclu que le Royaume-Uni avait
pris l’engagement juridiquement contraignant de lui rendre l’archipel lorsqu’il ne serait plus
nécessaire à des fins de défense18.
d) Les «conclusions» énoncées par Maurice à la fin de son exposé écrit, au lieu d’être formulées
en fonction de l’agencement des travaux de l’Assemblée générale sur la décolonisation, se
présentent sous la forme d’une série d’injonctions dont l’Assemblée ne pourrait rien tirer qui
puisse la guider utilement19.
1.8. Troisièmement, les faits se rapportant aux circonstances du détachement de l’archipel,
qui tiennent une place cruciale dans l’argumentation avancée par Maurice, sont depuis longtemps
contestés20. Par exemple, Maurice affirme dans l’introduction de son exposé écrit que le
détachement de l’archipel a été «exécuté sans tenir compte de la volonté du peuple de Maurice»21,
que la décision de permettre l’implantation d’une base militaire sur l’île de Diego Garcia a été
«prise en secret»22, et que le consentement des ministres mauriciens au détachement a été obtenu
«en situation de contrainte», du fait que ceux-ci se trouvaient devant un choix impossible entre
consentir au détachement ou renoncer à l’indépendance23. Or, ces allégations ne résistent pas à
l’examen rigoureux des faits :
14 Voir notamment le paragraphe 1.2 de l’exposé écrit de Maurice.
15 Voir le chapitre V et le paragraphe 7.13 de l’exposé écrit du Royaume-Uni ; voir également le chapitre II
ci-après.
16 Voir Exposé écrit du Royaume-Uni, par. 1.18 et 7.15.
17 Voir pour plus de détails le chapitre II ci-après.
18 Arbitrage concernant les Chagos, sentence, par. 547 (dispositif), point B.
19 Exposé écrit de Maurice, p. 260.
20 Voir notamment Arbitrage concernant les Chagos, mémoire de Maurice, chap. 3 ; réplique de Maurice,
chap. 2 (III).
21 Exposé écrit de Maurice, par. 1.7.
22 Ibid.
23 Exposé écrit de Maurice, par. 1.10-1.11 et 3.111-3.112.
- 4 -
a) Aucune décision n’a été prise en secret. Le conseil des ministres mauricien avait été informé du
projet d’implantation d’une base militaire des Etats-Unis sur l’une des îles bien avant que ne
soit prise une décision définitive, et il ne s’était pas montré opposé au principe de ce projet24.
b) Aucune contrainte n’a été exercée sur les ministres mauriciens, qui d’ailleurs n’ont pris aucune
décision sur le détachement de l’archipel en septembre 1965. Voici comment se sont
effectivement déroulés les faits :
i) Le 24 septembre 1965, le Royaume-Uni a annoncé qu’il accorderait l’indépendance à
Maurice ; il l’a fait de la manière suivante :
Lors d’une séance plénière de la conférence constitutionnelle tenue le
vendredi 24 septembre, le secrétaire d’Etat a … déclaré qu’à son avis, il était juste que
Maurice accède à l’indépendance et prenne place parmi les Etats souverains. Il a
ajouté que lorsque la commission électorale aurait rendu son rapport, une date serait
fixée pour des élections législatives qui se dérouleraient selon le nouveau régime
électoral, après quoi serait formé un nouveau gouvernement. Le Gouvernement de Sa
Majesté, après avoir consulté le nouveau Gouvernement mauricien, serait alors prêt à
fixer la date à laquelle serait déclarée l’indépendance de Maurice et à prendre les
autres mesures nécessaires en vue de celle-ci, la déclaration d’indépendance devant
prendre effet à l’issue d’une période de pleine autonomie interne d’une durée de six
mois si l’Assemblée législative nouvellement élue se prononçait dans ce sens par un
vote à la majorité simple25.
ii) Les ministres mauriciens n’ont pris leur décision sur le détachement de l’archipel que de
nombreuses semaines après cette annonce, soit le 5 novembre 1965, après en avoir débattu
à Port-Louis à la suite de négociations qui leur avaient permis d’améliorer les conditions
dont serait assortie leur acceptation du détachement26.
c) Contrairement à la version des faits présentée par Maurice dans son exposé écrit, la solution de
l’indépendance ne se heurtait pas, en 1965, à l’hostilité du Royaume-Uni, mais à celle de partis
politiques mauriciens (notamment le Parti mauricien social-démocrate (PMSD)), lesquels
préféraient la conclusion d’un accord de libre association avec le Royaume-Uni27.
d) L’accession de Maurice à l’indépendance a été précédée en 1967 d’élections législatives, qui
ont permis à l’électorat mauricien de s’exprimer alors que la décision de détachement de
l’archipel était depuis longtemps de notoriété publique, et aux partis politiques mauriciens de
faire de cette décision un thème de leur campagne électorale s’ils le jugeaient bon28.
1.9. Les allégations portées par Maurice dans son exposé écrit sont extrêmement graves.
Elles procèdent manifestement de l’intention de montrer le Royaume-Uni sous un jour aussi
défavorable que possible. Pareilles allégations auraient peut-être leur place pendant les débats
contradictoires qui sont le propre d’une procédure contentieuse, encore que les témoins clés  sir
Seewoosagur Ramgoolam, alors premier ministre mauricien, et M. Harold Wilson, alors premier
ministre britannique  aient depuis longtemps emporté dans la tombe ce qu’ils auraient pu dire de
24 Exposé écrit du Royaume-Uni, par. 3.10-3.16 ; voir également les paragraphes 2.21 et 2.29 ci-après.
25 Command Paper, rapport sur la conférence constitutionnelle de Maurice de 1965, par. 20 (annexe 22).
26 Exposé écrit du Royaume-Uni, par. 3.17-3..32 ; voir également les paragraphes 2.17, 2.31-2.32 et 2.72-2.76
ci-après.
27 Voir pour plus de détails les paragraphes 2.43-2.46 ci-après.
28 Exposé écrit du Royaume-Uni, par. 3.33-3.37 ; voir également les paragraphes 2.84-2.85 ci-après.
- 5 -
la réunion du 23 septembre 1965, que Maurice présente comme étant d’importance capitale29. Ces
allégations ne sont en revanche pas vérifiables dans une procédure consultative, faute d’un dossier
rendant compte de tous les faits, d’un échange complet d’écritures contradictoires et d’une
audience comprenant deux tours de plaidoiries, qui aurait permis au Royaume-Uni de répondre à
l’argumentation finale de Maurice.
1.10. Quatrièmement, et c’est là un point qui se rattache à ce qui précède, tous les documents
du Royaume-Uni invoqués par Maurice ou bien relèvent depuis longtemps du domaine public, ou
bien ont été produits par le Gouvernement britannique lors de procès intentés contre lui devant des
tribunaux internes30. Ainsi, les documents se rapportant au détachement de l’archipel des Chagos et
au traitement extrêmement regrettable réservé aux Chagossiens sont depuis longtemps du domaine
public. Maurice, en revanche, n’a nullement fait preuve d’une telle transparence. Par exemple, le
Royaume-Uni n’a pas accès aux documents mauriciens internes se rapportant à la réaffirmation par
Maurice après 1968 de l’accord de 1965 (alors qu’il y a tout lieu de penser qu’il existe de tels
documents). Malgré cela, la Cour est invitée à émettre des conclusions sur cet épisode et sur
d’autres points de fait tout aussi importants.
1.11. Cinquièmement, Maurice a abordé la question du pouvoir discrétionnaire de la Cour
comme si elle n’avait pas déjà soumis les mêmes points contentieux de fait et de droit à l’Arbitrage
concernant les Chagos, et elle a de même choisi de passer sous silence ce qu’a dit le Tribunal
arbitral après avoir examiné la question de l’accord de 1965. Le Tribunal, bien qu’il se soit déclaré
incompétent pour se prononcer sur la thèse d’invalidité avancée par Maurice31, a dit ce qui suit au
sujet de l’accord :
«En échange du détachement de l’archipel des Chagos, le Royaume-Uni a
pris une série d’engagements touchant à ses relations futures avec la République de
Maurice. Maurice, en accédant à l’indépendance, et le Royaume-Uni, en maintenant
sa présence dans l’archipel des Chagos, ont satisfait aux conditions requises pour
donner effet à l’accord de 1965 et par leur comportement ils ont confirmé son
applicabilité entre eux.»32
1.12. Maurice n’a pas contesté, parce qu’elle ne le pouvait pas, cette conclusion du Tribunal
sur la réaffirmation de l’accord de 1965. C’est à Maurice qu’il incombe d’établir que l’accord était
invalide en 1965 et qu’il l’est resté depuis 1968 malgré sa réaffirmation et sa qualité d’instrument
de droit international33. Or, Maurice n’a même pas tenté d’invoquer les règles de droit international
relatives à l’exercice de contraintes34. Elle s’est en revanche appliquée à tirer argument de l’opinion
dissidente exprimée par les juges-arbitres Kateka et Wolfrum à l’issue de l’Arbitrage concernant
les Chagos, comme si cette opinion reflétait une position incontestée35, alors que les juges-arbitres
majoritaires avaient tout simplement refusé d’aborder la question de la souveraineté compte tenu de
29 Voir notamment les paragraphes 1.10-1.11 et 3.72-3.73 de l’exposé écrit de Maurice.
30 Voir à ce sujet le chapitre IV de l’exposé écrit du Royaume-Uni.
31 Exposé écrit du Royaume-Uni, par. 6.8, renvoyant à Arbitrage concernant les Chagos, sentence, par. 418-420.
32 Arbitrage concernant les Chagos, sentence, par. 425 (les italiques sont de nous).
33 Ibid., par. 428.
34 Voir les paragraphes 8.16-8.18 de l’exposé écrit du Royaume-Uni.
35 Voir aide-mémoire de Maurice, mai 2017, par. 7 ; voir également l’exposé écrit de Maurice, entre autres son
paragraphe 1.14.
- 6 -
leur décision sur la compétence du Tribunal, et que leur raisonnement vient confirmer le caractère
véritablement bilatéral du différend36.
1.13. Enfin, le Royaume-Uni tient à réaffirmer ce qu’il a dit dans son exposé écrit au sujet du
sort réservé aux Chagossiens37, à savoir qu’il reconnaît très franchement les avoir fort mal traités
lors de leur déplacement et pendant la période qui a suivi, et qu’il le regrette profondément. Au
chapitre IV de son exposé écrit, il s’est attaché à brosser un tableau équilibré du traitement réservé
aux Chagossiens, en rendant compte de l’examen approfondi (et très critique) de cette question par
les tribunaux anglais.
1.14. Maurice s’est beaucoup intéressée à l’expulsion des Chagossiens, mais il y a lieu de
noter qu’elle s’est montrée très discrète sur le règlement opéré par la conclusion entre elle et le
Royaume-Uni de l’accord de 198238 et sur les mesures qui ont suivi ; elle a aussi été très discrète
sur l’examen ultérieur par le Royaume-Uni de la question du repeuplement de l’archipel (examen
dont les conclusions sont actuellement contestées devant des tribunaux anglais), ainsi que sur
l’annonce faite par une déclaration ministérielle en novembre 2016 d’un programme d’un coût
approximatif de 40 millions de livres destiné à améliorer les conditions d’existence des
Chagossiens là où ils résident actuellement (qu’il s’agisse du Royaume-Uni, de Maurice ou des
Seychelles)39. Or, l’existence de l’accord de 1982, tout comme celle de l’accord de 1965 et la
réaffirmation de celui-ci après 196840, montre que les questions soulevées dans la requête pour avis
consultatif relèvent en fait d’un différend bilatéral de longue date dont l’examen par la Cour aurait
pour effet de tourner le principe selon lequel un Etat n’est pas tenu de se prêter au règlement
judiciaire d’un différend s’il n’est pas consentant41.
*
* *
1.15. Les présentes observations écrites sont subdivisées en trois parties.
1.16. La première partie porte sur les points de fait. Elle ne comprend qu’un seul chapitre
(chap. II), consacré aux observations du Royaume-Uni sur les assertions de fait pouvant figurer
dans l’exposé écrit d’autres Etats. Il se trouve que ce chapitre porte uniquement sur l’exposé écrit
de Maurice, seul Etat à avoir soulevé des points de fait.
36 Exposé écrit du Royaume-Uni, par. 6.17, renvoyant à l’opinion partiellement dissidente et partiellement
concordante des juges Kaketa et Wolfrum, par. 74-80 (dossier ONU, n° 409).
37 Exposé écrit du Royaume-Uni, par. 1.5.
38 Ibid., par. 4.8-4.20.
39 Ibid., par. 4.31-4.39.
40 Ibid., par. 3.38-3.50 ; voir également le chapitre II ci-après.
41 Sahara occidental, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1975, p. 25, par. 32-33, renvoyant à Interprétation des
traités de paix conclus avec la Bulgarie, la Hongrie et la Roumanie (première phase), avis consultatif, C.I.J. Recueil
1950, p. 71.
- 7 -
1.17. La deuxième partie, qui elle aussi ne comprend qu’un seul chapitre (chap. III) expose
les observations du Royaume-Uni sur les questions soulevées au sujet de l’exercice par la Cour de
son pouvoir discrétionnaire de donner ou non l’avis qui lui est demandé.
1.18. Dans la troisième partie, le Royaume-Uni formule ses observations sur les points de
fond que soulèvent les questions posées dans la requête, sans préjudice de sa position selon laquelle
la Cour devrait, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, refuser de répondre auxdites
questions. Cette partie comprend deux chapitres :
 Le chapitre IV renferme les observations du Royaume-Uni sur les positions que les autres Etats
ayant soumis un exposé écrit ont pu y exprimer au sujet de la question a).
 Le chapitre V contient les observations du Royaume-Uni sur les positions exprimées par lesdits
Etats au sujet de la question b).
1.19. A la fin des présentes observations écrites, le Royaume-Uni énonce sa conclusion, à
savoir que la Cour, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, devrait en l’espèce refuser de
répondre aux questions posées par l’Assemblée générale.
- 8 -
PREMIÈRE PARTIE
LES FAITS
CHAPITRE II
LE DÉTACHEMENT DE L’ARCHIPEL DES CHAGOS ET
L’ACCESSION DE MAURICE À L’INDÉPENDANCE
2.1. Le présent chapitre traite des faits se rapportant à l’histoire constitutionnelle de Maurice,
aux événements qui constituent le contexte de la conclusion de l’accord de 1965 entre le
Royaume-Uni et Maurice sur le détachement de l’archipel des Chagos en échange d’avantages
financiers et autres, à l’accession de Maurice à l’indépendance après les élections législatives de
1967, et à la réaffirmation de l’accord de 1965 par Maurice après la date de son indépendance. Le
Royaume-Uni consacre l’intégralité de ce chapitre à l’examen et à la réfutation des assertions de
fait avancées par Maurice dans son exposé écrit sur les sujets énumérés ci-dessus.
2.2. Le Royaume-Uni s’en tient à la relation des faits figurant dans son exposé écrit42.
Comme le voulait le caractère bilatéral du différend de souveraineté, Maurice est le seul autre Etat
à avoir traité dans son exposé écrit des faits qui sont au coeur de ce différend.
2.3. Le Royaume-Uni montre dans le présent chapitre que la version des événements que
donne Maurice procède d’une représentation des faits qui n’est ni objective, ni rigoureuse. Maurice
a revu le scénario du détachement pour y introduire la contrainte, en ne retenant que les documents
qu’elle estime servir son propos. Elle confond et condense certains événements et brouille la
chronologie afin de présenter à la Cour un tableau à la fois simpliste et déformé. Elle glisse sur les
périodes où des preuves ou l’absence de preuves pourraient nuire à sa cause.
2.4. Le présent chapitre s’articule comme suit :
a) La section A porte sur l’administration de la colonie de Maurice et le statut de ses dépendances,
y compris l’archipel des Chagos.
b) La section B porte sur le déroulement des événements qui ont précédé le consentement donné le
5 novembre 1965 par les ministres mauriciens au détachement de l’archipel.
c) La section C explique que certains ministres mauriciens militaient pour l’organisation d’un
référendum offrant à la population de la colonie le choix entre l’indépendance et une formule
d’association au Royaume-Uni, tandis que le premier ministre mauricien y était opposé, son
principal souci en septembre 1965 étant d’obtenir du Royaume-Uni qu’il s’engage pendant la
conférence constitutionnelle à accorder son indépendance à Maurice.
d) La section D traite de la décision par laquelle le conseil des ministres mauricien, le 5 novembre
1965, a exprimé son consentement au détachement de l’archipel des Chagos en échange de
certains avantages, conformément à ce qui avait été convenu en principe lors de la conférence
constitutionnelle (accord de 1965).
42 Exposé écrit du Royaume-Uni, chap. II et III.
- 9 -
e) La section E explique ensuite à quoi tient l’importance des élections législatives de 1967 et du
débat et du vote de l’Assemblée législative qui ont précédé l’accession de Maurice à
l’indépendance.
f) Enfin, la section F montre que Maurice, pendant une période passablement longue, a maintes
fois réaffirmé l’accord de 1965.
A. L’administration par le Royaume-Uni de l’archipel
des Chagos en tant que sous-dépendance
2.5. Comme le Tribunal l’a dit dans la sentence qu’il a prononcée à l’issue de l’Arbitrage
concernant les Chagos, «[e]ntre [sa] cession [par la France] et le 8 novembre 1965, date à laquelle
les Chagos ont été détachées de la colonie de Maurice, l’archipel a été administré par le
Royaume-Uni en tant que dépendance de Maurice»43. Dans son exposé écrit, le Royaume-Uni a
brièvement expliqué comment, de 1814 à 1965, il a administré l’archipel en tant que
sous-dépendance de Maurice44. Par-delà le régime constitutionnel de la sous-dépendance, qui a été
modifié de temps à autre, il importe de considérer quels ont été concrètement durant cette période
les liens entre Maurice et l’archipel des Chagos. Il s’agissait de liens lâches, entretenus de loin.
L’archipel n’était pas traité comme faisant partie intégrante de Maurice.
2.6. Selon l’exposé écrit qu’ils ont chacun soumis à la Cour, le Royaume-Uni et Maurice
sont en accord sur le fait que l’archipel des Chagos, situé à environ 1150 milles marins (2150
kilomètres) de Maurice, a été administré en tant que dépendance de celle-ci45. Il n’est pas non plus
contesté que la distinction entre Maurice et ses dépendances a été maintenue jusqu’au terme de la
dernière conférence constitutionnelle de Maurice, tenue avant le détachement de l’archipel46. En
revanche, les deux Etats ont des positions divergentes sur le sens et les effets de cet arrangement.
2.7. Maurice persiste à affirmer que la dépendance constituée par l’archipel faisait «partie
intégrante» de son territoire47. Elle a consacré plusieurs paragraphes de son exposé écrit à une
description de l’attitude de hauts responsables britanniques à l’égard des liens entre Maurice et
l’archipel. Elle prétend que le fait que le Royaume-Uni ait cherché à obtenir le consentement des
ministres mauriciens et conclu avec eux un accord prévoyant des avantages en contrepartie du
détachement de l’archipel montre que les Chagos faisaient bien partie intégrante de Maurice48.
2.8. Ce qui ressort logiquement de ces affirmations lorsqu’elles sont ramenées à leur contenu
factuel est évidemment que le Royaume-Uni a effectivement cherché à obtenir le consentement des
représentants légitimes de Maurice au détachement de l’archipel, en échange duquel il leur a offert
des avantages et une indemnisation substantiels. De fait, le 5 novembre 1965, le conseil des
ministres mauricien a donné son accord au détachement en échange de certains engagements pris
par le Gouvernement du Royaume-Uni (accord de 1965).
43 Arbitrage concernant les Chagos, sentence, par. 61 (dossier ONU, no 409).
44 Exposé écrit du Royaume-Uni, par. 2.12-2.29.
45 Exposé écrit de Maurice, par. 2.15 ; exposé écrit du Royaume-Uni, par. 2.13.
46 Décret de 1964 relatif à la Constitution de Maurice, 26 février 1964, section 90 (annexe 10).
47 Exposé écrit de Maurice, par. 1.32 et 2.16-2.38.
48 Ibid., par. 2.34-2.38.
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2.9. L’un des facteurs importants pris en considération lors de la conclusion de l’accord de
1965 était la laxité des liens entre Maurice et l’archipel des Chagos. Comme le Royaume-Uni l’a
expliqué dans son exposé écrit49, il était de pratique courante tant sous le régime colonial
britannique que sous le régime français de modifier le statut constitutionnel d’une île ou d’un
territoire éloigné et peu développé pour le rattacher à un territoire d’outre-mer plus vaste et plus
avancé de la même région, capable d’y exercer effectivement son autorité50. Sous le régime
britannique, il était fréquent qu’une dépendance soit détachée d’une colonie pour être rattachée à
une autre, par décision prise en vertu de la prérogative royale.
2.10. C’est ce qui s’est passé dans le cas des Seychelles, qui ont été détachées de Maurice en
1903 pour devenir une colonie distincte. Auparavant, les Seychelles étaient, comme l’archipel des
Chagos, une dépendance de la colonie de Maurice, dont elles relevaient administrativement. Le
scénario a été le même pour l’archipel des Chagos, dépendance qui en pratique n’avait avec
Maurice que des liens économiques pour l’écoulement de sa modeste production de dérivés de la
noix de coco.
2.11. Les îles Chagos, pour des raisons d’ordre pratique, étaient sommairement administrées
par la colonie de Maurice en tant que dépendance de celle-ci. C’est en raison de l’éloignement de
l’archipel de Maurice que les Chagossiens entretenaient peu de contacts avec celle-ci et n’étaient
pas représentés dans son Assemblée législative51. Comme Maurice l’a elle-même constaté dans son
exposé écrit, la seule activité de quelque importance nécessitant des relations économiques suivies
entre Maurice et l’archipel était l’exportation de sa production de coprah vers la colonie52. Il était
peu fréquent que des fonctionnaires en poste à Maurice se rendent dans l’archipel53.
2.12. L’éloignement de l’archipel explique aussi pourquoi les représentants de Maurice se
sont montrés disposés à en accepter le détachement en échange de certains avantages. Sir
Seewoosagur Ramgoolam a lui-même noté plus tard que l’archipel des Chagos «était composé
d’îles très éloignées de Maurice et pratiquement inconnues de la plupart des Mauriciens», que ces
îles «étaient une partie [du] territoire [mauricien] que très peu de gens connaissaient», et que les
îles «étaient si lointaines que nous ne nous y rendions jamais et que nous ne pouvions pas nous y
rendre»54. Prétendre que l’archipel faisait «partie intégrante» de Maurice revient à nier une réalité
que le premier ministre mauricien a lui-même invoquée pour expliquer sa décision d’accepter le
détachement de l’archipel moyennant contrepartie.
2.13. C’est compte tenu de ce contexte que la Cour devrait examiner les événements qui, en
1965, ont abouti à la décision prise le 5 novembre par le conseil des ministres mauricien de donner
son accord au détachement de l’archipel en échange de divers avantages. La distance qui,
géographiquement et figurativement, sépare Maurice de l’archipel des Chagos explique aussi
pourquoi Maurice, après être devenue un Etat indépendant, a longtemps réaffirmé cet accord.
49 Exposé écrit de Maurice, par. 2.12-2.29.
50 Ibid., par. 2.16.
51 Compte rendu établi par le Royaume-Uni d’un entretien entre le premier ministre britannique et le premier
ministre mauricien ayant eu lieu au 10, Downing Street, le 23 septembre 1965 à 10 h (annexe 32) : «sir Rangoolam a
affirmé que les habitants de l’archipel n’avaient au Parlement mauricien aucun représentant élu», Exposé écrit du
Royaume-Uni, annexe 32.
52 Exposé écrit de Maurice, par. 2.24-2.31.
53 Voir par exemple l’annexe 10 de l’exposé écrit de Maurice.
54 Rapport de la commission restreinte sur le détachement de l’archipel des Chagos, juin 1983, p. 10
(annexe 90).
- 11 -
B. Les événements qui ont abouti à la décision prise le 5 novembre 1965
par le conseil des ministres mauricien de consentir
au détachement de l’archipel des Chagos
en échange de divers avantages
2.14. Dans son exposé écrit, Maurice reste fidèle à la tactique qu’elle a adoptée dans les
années 1980, très longtemps après les événements pertinents : elle essaie de montrer qu’il y avait
un lien très étroit entre le détachement de l’archipel et l’octroi de l’indépendance, allant jusqu’à
prétendre que le consentement du conseil des ministres mauricien, organe élu, était une condition
de l’indépendance. De plus, après l’avoir d’abord fait dans l’Arbitrage concernant les Chagos, elle
soutient que le consentement des ministres a été obtenu par la «contrainte»55.
2.15. Cette version des événements déforme la réalité. Maurice s’emploie à défendre sa
position en négligeant la chronologie de certains événements, en faisant totalement abstraction de
ce qui a pu se passer durant de longues périodes, en insistant sur l’importance de réunions de
moindre pertinence, en échafaudant des scénarios à partir de très minces éléments de preuve et en
passant sous silence les faits qui la dérangent, dont certains, comme ceux se rapportant aux
avantages dont elle a bénéficié en échange de son consentement au détachement, sont d’une
importance cruciale.
2.16. Comme le Royaume-Uni l’a expliqué dans son exposé écrit, le conseil des ministres
mauricien a souscrit à l’accord de 1965 le 5 novembre de cette année-là56. Les questions se
rapportant à l’accord sont également examinées en détail dans la sentence prononcée à l’issue de
l’Arbitrage concernant les Chagos57.
2.17. En résumé :
a) La conclusion de l’accord de 1965 a été précédée d’une série d’échanges entre de hauts
responsables britanniques et les ministres mauriciens qui, entamés en juillet 1965, se sont
poursuivis en marge de la conférence constitutionnelle tenue à Londres en septembre de la
même année.
b) La réunion tenue à Lancaster House le 23 septembre 1965 a été suivie d’échanges à l’issue
desquels il a été convenu du compte rendu officiel de cette réunion, où était consigné l’accord
«de principe» des représentants de Maurice au détachement de l’archipel en échange de certains
avantages.
c) D’autres échanges ont eu lieu ensuite en octobre à Port Louis entre le gouverneur de Maurice et
le conseil des ministres mauricien, à l’issue desquels ceux-ci, ayant négocié des conditions plus
favorables pour Maurice, ont souscrit l’accord du 5 novembre 1965.
d) Durant toute cette période, les ministres mauriciens ont agi en pleine connaissance de
l’intention du Royaume-Uni d’autoriser les Etats-Unis à implanter une base militaire sur l’île de
Diego Garcia. Le Royaume-Uni et les Etats-Unis ont conclu le 30 décembre 1966 un accord à
cet effet, qui a été enregistré auprès du Secrétariat de l’ONU et publié ensuite dans le recueil
des traités des Nations Unies.
55 Sans toutefois faire référence à la définition de la «contrainte» en droit international.
56 Exposé écrit du Royaume-Uni, par. 3.7-3.32.
57 Arbitrage concernant les Chagos, sentence, par. 69-80 (dossier ONU, n° 409).
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e) Environ deux ans plus tard, en août 1967, l’électorat mauricien et l’Assemblée législative
mauricienne nouvellement élue ont voté pour l’indépendance en pleine connaissance des
conséquences géographiques de l’accord de 1965.
2.18. La tentative faite par Maurice pour montrer que le détachement de l’archipel était la
contrepartie de l’octroi de l’indépendance en tant qu’élément d’un «accord global»58 ne résiste pas,
pour plusieurs raisons, à un examen rigoureux.
2.19. Comme elle l’a fait dans l’Arbitrage concernant les Chagos, Maurice fonde dans une
large mesure sa position sur un entretien entre le premier ministre britannique Wilson et le premier
ministre mauricien Ramgoolam ayant eu lieu en marge de la conférence constitutionnelle59. Elle
s’appuie sur des documents britanniques internes relatant cette rencontre pour alléguer que c’était à
l’initiative du Royaume-Uni que la question du détachement avait été discutée en marge de la
conférence, que les ministres mauriciens ne savaient pas que des pourparlers avaient eu lieu sur
l’implantation dans l’archipel d’une base militaire des Etats-Unis, et qu’ils avaient donc été mis
devant un fait accompli.
2.20. Ces assertions sont toutes inexactes. Premièrement, contrairement à ce que prétend
Maurice60, ce sont les représentants de Maurice, et non ceux du Royaume-Uni, qui ont proposé que
la question du détachement soit examinée à Londres pendant la conférence constitutionnelle. Le
Royaume-Uni a accepté qu’il en soit ainsi, alors qu’il avait plusieurs fois exprimé sa préférence
pour le traitement séparé des questions relatives à l’indépendance et des questions de défense
devant faire l’objet de négociations61.
2.21. Deuxièmement, Maurice allègue que le Royaume-Uni et les Etats-Unis suivaient un
«plan secret» en vue de la conclusion d’un accord sur l’implantation d’installations militaires dans
l’archipel62. Or, les ministres mauriciens avaient appris bien à l’avance quelles étaient les intentions
du Royaume-Uni et des Etats-Unis. Lors des pourparlers engagés en juillet 1965 entre le
gouverneur de Maurice et les ministres, il était déjà clair qu’il existait un projet d’implantation dans
l’archipel d’une base militaire américaine, sans quoi les ministres, lors de ces échanges avec le
gouverneur Rennie, n’auraient pas demandé, le 30 juillet, que les Etats-Unis accordent à ce titre
une compensation à Maurice63.
2.22. Lors des discussions sur le détachement de l’archipel et ses suites qui ont eu lieu
pendant la conférence constitutionnelle de septembre 1965, il était entendu qu’une fois qu’un
accord aurait été conclu, les Etats-Unis construiraient des installations militaires dans l’archipel64.
S’il en avait été autrement, l’éventualité d’accorder un bail de 99 ans aux Etats-Unis n’aurait pas
été discutée, non plus que la possibilité d’accorder à Maurice une compensation plus généreuse au
titre du détachement.
58 Exposé écrit de Maurice, par. 3.77.
59 Exposé écrit du Royaume-Uni, par. 3.60-3.90 et 6.99-6.104.
60 Exposé écrit de Maurice, par. 3.38.
61 Exposé écrit du Royaume-Uni, par. 3.12 et annexes 26 et 27.
62 Exposé écrit de Maurice, chap. 3, sect. III.
63 Exposé écrit du Royaume-Uni, annexe 26.
64 Voir, par exemple, l’annexe 33 de l’exposé écrit du Royaume-Uni, Compte rendu de la réunion sur le point
intitulé «Maurice  Questions de défense» tenue à Lancaster House le 23 septembre 1965 à 14 h 30.
- 13 -
2.23. De plus, à l’époque pertinente, la question du détachement de l’archipel était bien
connue du public mauricien : «avant le départ pour Londres de la délégation mauricienne à la
conférence constitutionnelle, la presse mauricienne avait fait état des plans envisagés pour
l’utilisation de l’archipel des Chagos»65.
2.24. Entre la conclusion d’un accord et les élections législatives de 1967, qui ont ouvert la
voie à l’indépendance, le public mauricien était au courant des conditions du détachement 
principalement des compensations accordées en échange. En fait, comme il est expliqué ci-après, le
Parti mauricien social-démocrate (PMSD) critiquait ouvertement les termes du détachement
(uniquement pour déplorer l’insuffisance des compensations)66. Il n’y avait donc là rien de secret.
La perspective du détachement était de notoriété publique au moins depuis septembre 1965, ayant
été évoquée avant l’ouverture de la conférence constitutionnelle. Enfin, il est incontesté que
l’accord entre le Royaume-Uni et les Etats-Unis n’a été signé que le 30 décembre 196667, soit plus
d’un an après que le conseil des ministres mauricien eut consenti au détachement de l’archipel et
aux avantages compensatoires, si bien que les ministres n’ont nullement été mis devant un fait
accompli comme le prétend Maurice.
2.25. Dans son argumentation, Maurice fait également grand cas de l’entretien du
23 septembre 1965 entre le premier ministre britannique Wilson et son homologue mauricien
Ramgoolam. Elle s’intéresse tout spécialement à une brève note préparatoire établie à l’intention du
premier ministre britannique68, et à un bref passage du compte rendu de cette rencontre établi par le
Royaume-Uni69, et s’en autorise pour prétendre ce qui suit :
«Le premier ministre Ramgoolam a interprété les propos de son
homologue Wilson comme une menace. Il a compris que si lui-même et ses collègues
ne «consentaient» pas au détachement de l’archipel des Chagos, Maurice n’obtiendrait
pas son indépendance.»70
2.26. Toutefois, Maurice n’invoque aucun élément de preuve de l’époque pour étayer cette
assertion. Elle tente de tirer argument de ce qui s’est passé lors d’une rencontre privée fort ancienne
dont il ne reste aujourd’hui aucun témoin, tout en s’abstenant de produire un quelconque élément
provenant des participants qui puisse justifier son interprétation des événements. Elle cite
sélectivement des déclarations faites longtemps après les faits, laissant de côté ou interprétant
tendancieusement les propos de Ramgoolam qui confirment que lui-même et ses collègues avaient
bien consenti au détachement, d’abord pendant la conférence constitutionnelle, puis à Port-Louis en
conseil des ministres.
2.27. Quelles que soient les tentatives que fait Maurice pour interpréter à sa convenance le
compte rendu de cette rencontre, le fait demeure que rien, dans ce document, ne fait état d’une
quelconque menace, comme il est expliqué ci-après.
65 Kevin Shillington, Jugnauth: Prime Minister of Mauritius, (Hong Kong: Macmillan 1991), p. 64 (annexe 91).
66 Adele Smith Simmons, Modern Mauritius: The politics of decolonization (Bloomington: Indiana University
Press 1982), p. 173 (annexe 92); The Times, dimanche 12 novembre 1965 (annexe 93).
67 Exposé écrit du Royaume-Uni, annexe 49.
68 Exposé écrit de Maurice, par. 3.69.
69 Ibid., par. 3.72.
70 Ibid., par. 3.73.
- 14 -
2.28. Cette rencontre et les autres événements dont il est question dans la présente procédure
doivent être considérés dans leur ordre chronologique. Les événements portent à des conclusions
toutes différentes de celles avancées par Maurice s’ils sont examinés en fonction de l’intégralité de
leur contexte, de leur échelonnement et d’une appréciation objective des éléments de preuve.
2.29. Lorsqu’en juillet 1965, l’idée du détachement a été pour la première fois soulevée
devant les ministres mauriciens, ceux-ci ont d’abord réagi négativement, mais ils n’ont pas tardé à
s’intéresser à la possibilité d’un détachement qui apporterait certains avantages compensatoires au
futur Etat de Maurice. Une semaine seulement après que la question eut été abordée avec les
ministres, M. Rennie, gouverneur de Maurice, relatait ce qui suit : «Le premier ministre a déclaré
que lui-même et tous ses collègues étaient favorablement disposés à l’égard de la demande et
étaient prêts à jouer leur rôle dans la défense du Commonwealth et du monde libre.»71
2.30. Ensuite, pendant la conférence constitutionnelle, Maurice a négocié afin d’obtenir le
maximum d’avantages en contrepartie du détachement de l’archipel. Les faits pertinents sont
rapportés dans l’exposé écrit du Royaume-Uni72.
2.31. À l’issue de la réunion du 20 septembre 1965 entre le secrétaire britannique aux
colonies et les ministres mauriciens, il était entendu que le détachement ne soulevait pas
d’objection de principe. Les deux parties ont ensuite continué de négocier les conditions du
détachement et sont parvenues à un accord de principe, consigné au paragraphe 22 du compte
rendu définitif de la réunion avec les ministres mauriciens ayant eu lieu le 23 septembre 1965. Les
ministres acceptaient provisoirement le détachement, étant entendu que le secrétaire d’Etat aux
colonies recommanderait que :
i) des négociations soient prévues sur la conclusion d’un accord de défense entre la
Grande-Bretagne et Maurice ;
ii) en cas d’accession de Maurice à l’indépendance, une entente soit conclue entre les deux
gouvernements, prévoyant qu’ils se concerteraient si une situation interne difficile mettant
en péril la sécurité de Maurice venait à se présenter ;
iii) une indemnité d’un montant pouvant atteindre 3 millions de livres soit payée au
Gouvernement mauricien en sus des dédommagements accordés directement aux
propriétaires terriens et de la prise en charge des frais de réinstallation des autres habitants
concernés des îles Chagos ;
iv) le Gouvernement britannique exerce ses bons offices auprès du Gouvernement des
Etats-Unis pour soutenir la demande de concessions de Maurice concernant les
importations de sucre et la fourniture de blé et autres produits ;
v) le Gouvernement britannique fasse de son mieux pour convaincre le Gouvernement
américain d’employer de la main-d’oeuvre et des matériaux mauriciens pour les travaux de
construction prévus sur les îles ;
vi) le Gouvernement britannique exerce ses bons offices auprès du Gouvernement des
Etats-Unis pour faire en sorte que dans l’archipel des Chagos, le Gouvernement mauricien
conserve dans la mesure du possible :
71 Exposé écrit du Royaume-Uni, annexe 26.
72 Ibid., par. 3.7-3.32.
- 15 -
a) l’usage des stations météorologiques et d’aide à la navigation ;
b) les droits de pêche ;
c) le droit d’utiliser la piste d’atterrissage, pour les atterrissages d’urgence et le ravitaillement en
carburant des avions civils, sans débarquement des passagers ;
vii) les îles soient rendues à Maurice si les installations s’y trouvant n’étaient plus jugées
nécessaires ;
viii) les avantages découlant de toute découverte de minéraux ou de pétrole dans l’archipel des
Chagos ou aux alentours reviennent à Maurice 73.
2.32. Alors qu’il se trouvait encore à Londres, le premier ministre Ramgoolam a consulté ses
collègues et, quelques jours plus tard, a proposé l’adjonction à l’accord de conditions
supplémentaires. Les représentants du Royaume-Uni les ayant acceptées, ces conditions ont été
consignées aux alinéas vi) et viii) du paragraphe 22 du compte rendu définitif de la réunion du
23 septembre 196574. Les avantages accordés à Maurice en contrepartie du détachement de
l’archipel ont donc été négociés par les ministres mauriciens présents à Londres, qui les ont
acceptés en principe en attendant que le conseil des ministres mauricien exprime son consentement
comme il est expliqué ci-après.
2.33. Quant à la rencontre entre le premier ministre britannique et le premier ministre
mauricien, il ressort des citations plus amples figurant dans l’exposé écrit du Royaume-Uni75 que
sir Ramgoolam était favorable à la conclusion d’un accord sur le détachement de l’archipel : «[Sir
Seewoosagur Ramgoolam, à propos du détachement] a affirmé que ses collègues et lui-même
étaient tout disposés à jouer leur rôle»76.Comme ses collègues, le premier ministre mauricien
estimait que les avantages offerts par le Royaume-Uni et les conditions négociées avec lui en
échange du détachement de l’archipel des Chagos présentaient pour Maurice plus d’intérêt que la
conservation d’îles très lointaines.
2.34. En réalité, rien dans le déroulement de la rencontre et le compte rendu qui en a été
établi n’indique qu’une menace ait été proférée. Il n’est dit nulle part que Wilson ait menacé de
refuser l’indépendance de Maurice. Il a énoncé une évidence en disant que le Royaume-Uni
souhaitait un accord sur le détachement avec le premier ministre mauricien et ses collègues. En
même temps, Wilson a pris acte de ce que Ramgoolam souhaitait que le Royaume-Uni s’engage
publiquement pour l’indépendance pendant la conférence, alors que certains des autres ministres
mauriciens cherchaient à obtenir du Royaume-Uni qu’il se prononce pour une formule d’étroite
association (si bien que deux issues également légitimes de l’exercice par le peuple mauricien de
son droit à l’autodétermination étaient envisagées). Wilson a fait observer à son homologue qu’ils
étaient l’un et l’autre en position de se prévaloir, à la clôture de la conférence, d’une avancée
décisive, et il n’a jamais été question de fermer la voie de l’indépendance.
73 Compte rendu de la réunion sur le point intitulé «Maurice  Questions de défense» tenue à Lancaster House
le 23 septembre 1965 à 14 h 30 (annexe 33); la liste comprenait des points qui, à la demande du premier ministre
britannique, avaient été quelques jours après la réunion ajoutés à ceux figurant dans le compte rendu.
74 Exposé écrit du Royaume-Uni, par. 3.29 ; compte rendu de la réunion sur le point intitulé «Maurice 
Questions de défense» tenue à Lancaster House le 23 septembre 1965, à 14 h 30 (annexe 33).
75 Exposé écrit du Royaume-Uni, par. 3.24.
76 Ibid.
- 16 -
2.35. Alors que Maurice, dans son exposé écrit, porte de très graves allégations de contrainte,
les documents pertinents ne révèlent aucun fait qui puisse constituer une quelconque menace, et il
est intéressant de noter que Maurice n’a produit aucune preuve à l’appui de ses allégations. Comme
il ressort de la note établie à l’usage du premier ministre Wilson par le secrétaire britannique aux
colonies, le Royaume-Uni entendait qu’aucun lien direct ne soit établi entre la question de
l’indépendance et celle du détachement de l’archipel des Chagos77.
2.36. Maurice affirme également ce qui suit :
«[l]e premier ministre Ramgoolam, ... en poste jusqu’en juin 1982, [a expliqué] à
maintes reprises que la puissance administrante ne leur — [à] lui et ses collègues
ministres mauriciens — avait donné aucun choix : on leur avait dit que l’indépendance
ne serait accordée que si Maurice «consentait» au détachement de l’archipel des
Chagos, et que sans un tel «consentement», l’indépendance ne pourrait pas être
octroyée. Le premier ministre Ramgoolam [a promis] également que Maurice
s’efforcerait d’obtenir la restitution de l’archipel des Chagos du Royaume-Uni.»78
2.37. Or, il importe de noter que les documents invoqués par Maurice à l’appui des
affirmations ci-dessus ne viennent en aucune façon étayer son assertion selon laquelle Ramgoolam
aurait subi une menace consistant à subordonner l’indépendance au détachement de l’archipel79.
Par exemple, Maurice fait référence à une déclaration faite par Ramgoolam le 26 juin 1974 devant
l’Assemblée législative mauricienne dans le cadre des débats sur un projet de loi relatif au budget
de l’Etat (1974-1975). Voici ce que Ramgoolam a effectivement dit à cette occasion :
«Le Gouvernement mauricien, après des pourparlers qui avaient eu lieu
en Angleterre, a néanmoins été informé que cela avait été fait, et nous avons donné
notre accord. C’est ainsi que les choses se sont passées, mais le jour où le
Royaume-Uni n’aura plus besoin de ce territoire, il nous le rendra. Maurice a
cependant réservé ses droits sur les ressources minérales, ses droits de pêche et ses
droits d’atterrissage, et obtenu certaines autres concessions, en d’autres termes
conservé des attributs de la souveraineté qu’elle exerçait précédemment sur l’île. Voilà
où nous en sommes. Je pense que même si nous n’avions pas voulu du détachement, la
Grande-Bretagne, du point de vue juridique, aurait été en droit de prendre les
dispositions qu’elle jugeait utiles. Le principe du détachement avait même été
approuvé par le P.M.S.D., qui à l’époque était dans l’opposition ; nous avons tenu des
consultations, et cela s’est fait dans l’intérêt du Commonwealth, et pas seulement de
Maurice. C’est tout ce que je peux vous dire au sujet de Diego Garcia.»80
2.38. La déclaration de Ramgoolam, dont il ressort que les ministres mauriciens ont donné
leur consentement au détachement après avoir réfléchi aux intérêts du futur Etat de Maurice, ne
concorde pas avec l’argument selon lequel il aurait agi sous la «contrainte».
77 Colonial Office, note à l’usage du premier ministre pour sa rencontre avec sir Ramgoolam, 22 septembre
1965 (annexe 31).
78 Exposé écrit de Maurice, par. 4.4.
79 Ibid., notes de bas de page 393 et 394.
80 Exposé écrit de Maurice, annexe 102 (les italiques sont de nous).
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2.39. De même, Maurice invoque une déclaration prononcée le 9 avril 1974 par M. Ollivry,
dans laquelle il reprochait à Ramgoolam d’avoir accepté la vente des îles et le désignait comme
responsable de la création d’une base militaire à Diego Garcia :
«La politique de détente du Gouvernement !! Il aurait fallu y avoir songé
en 1965 quand on a, pour des raisons de stratégie et de tactique électorales, donné
Diégo Garcia pour Rs. 40m…parce que le Gouvernement sait que c'est le Premier
ministre lui-même qui a été complice de la vente de Diégo Garcia.»81
2.40. L’assertion selon laquelle Ramgoolam, resté au pouvoir jusqu’en 1982, avait promis
que les îles seraient restituées est également trompeuse. Ce qu’il a dit en fait est qu’il avait suivi
une politique consistant à négocier avec le Royaume-Uni pour que soit précisé le moment où les
îles seraient restituées à Maurice, et c’est ainsi qu’il a été spécifié dans l’accord de 1965 que la
restitution aurait lieu lorsque l’archipel ne serait plus nécessaire à des fins de défense. Le
20 novembre 1979, Ramgoolam a répondu clairement à un membre de l’Assemblée législative qui
voulait savoir quand les îles seraient rendues : «les îles seront rendues à Maurice si les installations
qui y sont implantées cessent de répondre à un besoin, mais je ne peux pas vous dire quand
exactement cela se produira …»82. Cette réponse faite par Ramgoolam en 1979 indique on ne peut
plus clairement quelle était la position juridique de Maurice vis-à-vis du Royaume-Uni : elle
reposait sur l’accord de 1965, dont les termes avaient été acceptés par lui et ses collègues.
2.41. La version des faits que présente Maurice achoppe en outre à une réalité élémentaire, à
savoir que l’accord de 1965 n’a été consenti que le 5 novembre de cette année-là, soit six semaines
après la rencontre à Londres de Wilson et Ramgoolam. Rien de ce que l’on sait de cette rencontre
n’indique qu’elle ait donné lieu à l’exercice d’une contrainte. Le consentement au détachement a
été donné des semaines plus tard, non pas à Londres, mais à Port Louis, par une décision à laquelle
ont été associés les ministres qui n’avaient pas participé à la réunion bilatérale. Ce point est
examiné plus en détail à la section D ci-après.
2.42. Maurice cherche aussi à montrer que l’octroi de l’indépendance était subordonné au
détachement de l’archipel en invoquant des documents internes où de hauts responsables
britanniques, longtemps après les faits, se sont exprimés sur des événements auxquels ils n’avaient
pas pris part83. Elle va même jusqu’à accorder une valeur probante au fait que selon le compte
rendu d’une réunion à laquelle il participait, le premier ministre Wilson se serait abstenu de
corriger les propos d’un intervenant84.
2.43. En réalité, ces documents ne font nullement état de menaces, mais montrent que la
situation politique était très complexe en raison de divergences de vues entre les ministres
mauriciens. Le Parti travailliste mauricien et ses alliés n’étaient pas d’accord avec le PMSD sur la
question de savoir s’il fallait rechercher l’association avec le Royaume-Uni ou l’indépendance.
2.44. Par exemple, Maurice cite le passage suivant d’une intervention de M. Fairclough, haut
fonctionnaire de l’administration coloniale britannique, pendant les pourparlers des 23 et
24 septembre 1965 entre le Royaume-Uni et les Etats-Unis : «La partie britannique avait essayé de
81 Exposé écrit de Maurice, annexe 101.
82 Ibid., annexe 116.
83 Ibid., par. 3.74-3.80.
84 Ibid., par. 3.74.
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tenir la question de l’indépendance, qui était l’objet réel de la conférence, distincte du projet de
défense, mais il s’avéra que l’issue de celle-ci dépendait en partie de la première question.»85
2.45. Premièrement, il est à noter que M. Fairclough disait là que le Royaume-Uni voulait
traiter séparément la question de l’indépendance de celle du détachement. Il ajoutait que les partis
politiques mauriciens cherchaient en revanche à rattacher ces deux questions86 :
«Qu’ils soient ou non favorables à l’indépendance, les partis voyaient
dans le projet de défense une carte qu’ils pourraient jouer lors des négociations soit
pour obtenir la pleine indépendance, soit pour l’éviter. Aucun chef de parti ne voulait
que la question du projet de défense soit réglée avant celles se rapportant à
l’indépendance. Tous les ministres mauriciens avaient accueilli favorablement le
projet de défense, considérant comme nous qu’il était de l’intérêt de Maurice. Les
discussions ont porté principalement sur les arrangements commerciaux favorables
qu’ils entendent obtenir.»87
2.46. Fairclough a donc en réalité dit ce qui suit :
a) que tous les ministres mauriciens considéraient que le détachement de l’archipel des Chagos,
moyennant une compensation qui en serait le juste prix, servirait mieux les intérêts de Maurice
que sa conservation ; et
b) que, comme il est expliqué ci-après à la section D, si la question du détachement avait sa place
dans les travaux de la conférence, ce n’était pas parce qu’elle était une condition de
l’indépendance, mais parce que les ministres mauriciens considéraient que l’aborder servirait
leurs ambitions politiques.
2.47. De toute manière, les propos de quelques hauts responsables qui n’étaient pas présents
lors de la réunion ne sont qu’un piètre témoignage de ce qui a pu s’y passer. Pour ne prendre qu’un
exemple, Margaret Walawalkar, fonctionnaire du département de la recherche du Foreign Office,
écrivait dans une note de 1983, «j’imagine» que la suggestion du premier ministre Wilson
«pourrait» avoir été interprétée comme une menace par le premier ministre Rangoolam. Maurice a
jugé bon de souligner le mot «pourrait»88. N’en déplaise à Maurice, cette citation montre tout au
plus qu’elle en est réduite à invoquer des spéculations de seconde main. Il y a lieu également de
noter que les comptes rendus des rencontres de ce genre sont des résumés qui ne donnent pas
forcément une image fidèle de ce qui s’est effectivement passé, comme Mme Walawalkar l’a
elle-même relevé dans sa note89.
2.48. Il est également révélateur que Maurice en arrive à invoquer des «preuves» aussi
douteuses pour tenter d’établir ce qu’elle prétend avoir toujours été sa position. Il est très probable
que si elle agit ainsi, c’est parce qu’il n’existe aucune preuve de l’époque qui montrerait que le
premier ministre Ramgoolam, les autres ministres mauriciens ou qui que ce soit d’autre à Maurice
considéraient que la promesse de l’indépendance était assortie de conditions ou de menaces, ou que
le consentement des ministres au détachement n’était pas sincère.
85 Exposé écrit de Maurice, par. 3.79, citant l’annexe 62.
86 Ibid.
87 Ibid.
88 Ibid., par. 3.76.
89 Ibid.
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2.49. Dans la même veine, Maurice se fonde uniquement sur des documents britanniques
internes des années 1960 pour étayer son argumentation. Elle s’est abstenue de produire ses propres
documents de l’époque pertinente. Le fait qu’elle passe sous silence ces documents (qui selon
Ramgoolam ont existé et ont pour certains été versés aux archives mauriciennes90, et qui
probablement existent encore) mérite particulièrement de retenir l’attention. On ne peut qu’être
porté à supposer que les documents mauriciens de l’époque n’étayaient pas la version des faits que
Maurice présente à la Cour. En réalité, la position de Maurice a été bâtie après coup sur des
suppositions et des hypothèses.
2.50. Les éléments de preuve fournis par les comptes rendus des discussions qui ont eu lieu
ultérieurement à Maurice contredisent l’argument qu’elle avance maintenant, après de nombreuses
années, selon lequel ses dirigeants auraient agi sous la contrainte.
2.51. Par exemple, comme il est indiqué ci-dessus, Ramgoolam a confirmé son consentement
au détachement dans sa déclaration du 26 juin 197491.
2.52. S’exprimant le 26 juin 1980 devant la commission chargée d’examiner en première
lecture le projet de loi relatif à l’interprétation et aux clauses générales (amendement)
(no XIX, 1980), sir Harold Walter a déclaré ceci : «N’oublions pas que le détachement a été
consenti»92. En réponse à une question du président de la commission, sir Harold a dit également
que le Territoire britannique de l’océan Indien (BIOT) «fai[sait] partie de la Grande-Bretagne et de
ses territoires d’outre-mer, tout comme les Dom Tom fai[saient] partie de la France, et que son
appartenance au territoire britannique [était] une réalité incontournable…»93.
2.53. Voici la transcription d’un autre échange éclairant, qui a eu lieu le 25 novembre 1980
entre des parlementaires et le premier ministre :
«M. Boodhoo : L’excision de ces îles était-elle une condition de l’indépendance
de ce pays ?
Le premier ministre : Pas exactement.
M. Bérenger : Puisque le premier ministre dit maintenant que l’«excision» aurait pu se
faire sans son consentement, puis-je lui demander pourquoi il a néanmoins donné ce
consentement, dont il a été fait état aussi bien en Grande-Bretagne que devant ce qui
était alors le conseil législatif mauricien ?
Le premier ministre : La question a fait l’objet de négociations, nous avons obtenu
certains avantages, et nous avons donné notre accord»94.
2.54. Ce passage montre que le premier ministre Ramgoolam, à qui il était demandé
directement s’il avait été forcé de renoncer à l’archipel en échange de l’indépendance, a maintenu
sans aucune réserve que l’accord de 1965 avait été négocié et accepté par lui et ses collègues.
90 Exposé écrit de Maurice, annexe 124.
91 Ibid., annexe 102.
92 Compte rendu des débats de l’Assemblée législative de Maurice, 26 juin 1980, col. 414 (annexe 46).
93 Ibid., col. 3415.
94 Exposé écrit du Royaume-Uni, annexe 48.
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2.55. Il est révélateur aussi que dans ses mémoires, publiés en 1982, Ramgoolam raconte sa
victoire «triomphale» lors de la conférence constitutionnelle, et ne parle absolument pas de
manoeuvres coercitives, de contraintes ou de chantage95. Il n’est question dans cet ouvrage que du
succès sans mélange remporté par Maurice lors de la conférence constitutionnelle de 1965. On peut
supposer que s’il avait agi sous la contrainte, il n’aurait pas passé sous silence un fait aussi
important dans son autobiographie, qui allait paraître alors que les anciens partis d’opposition
étaient au pouvoir.
2.56. Maurice invoque également le rapport établi en 1983 par la commission restreinte de
l’Assemblée législative mauricienne chargée d’examiner les circonstances du détachement de
l’archipel des Chagos96. Il fait référence à sa conclusion selon laquelle un «chantage» aurait été
exercé et cite notamment les propos de Ramgoolam sur le choix qu’il avait fait entre les «îles
lointaines» et l’indépendance97.
2.57. Il importe de garder à l’esprit que les passages du rapport de la commission restreinte
cités par Maurice rendaient compte des propos tenus par des politiciens près de vingt ans après la
conférence constitutionnelle, dans le cadre d’une enquête très politisée, dont les conclusions étaient
prédéterminées. Ces références n’ont tout au plus qu’un poids très limité. L’enquête était si chargée
politiquement et si peu objective que Maurice admet franchement qu’elle n’avait d’autre objectif
que justifier la «poursuite» d’une politique déjà arrêtée98.
2.58. Quoi qu’il en soit, les éléments de preuve fournis par le rapport de la commission
restreinte confirment que l’accord n’a pas été conclu sous la contrainte. Le rapport cite les
observations en ce sens de plusieurs politiciens qui avaient soit participé aux pourparlers sur le
détachement de l’archipel, soit appris à l’époque ce qui s’y était passé de membres de leur parti
politique qui y avaient pris part. La commission restreinte a convenu que Ramgoolam s’était
«refusé à qualifier de chantage les tractations ayant abouti à l’accord»99, mais a choisi de ne pas
tenir compte de ce fait. Pourtant, Ramgoolam avait déclaré devant elle que l’une des raisons pour
lesquelles «il avait accepté le détachement» était qu’il «ne mesurait pas à l’époque l’importance
stratégique d’un archipel constitué d’îles très éloignées de Maurice et pratiquement inconnues de la
plupart des gens»100.
2.59. M. Paturau, membre indépendant du conseil des ministres mauricien qui avait pris part
aux pourparlers de Lancaster House le 23 septembre 1965, a dit qu’il avait alors «exprimé son
désaccord parce qu’il estimait la compensation insuffisante, mais que les autres membres de la
délégation mauricienne avaient accepté» ce qui était proposé101.
95 Seewoosagur Ramgoolam, Our Struggle (1982), p. 109 (annexe 94).
96 Rapport de la commission restreinte sur le détachement de l’archipel des Chagos, juin 1983, p. 10
(annexe 90).
97 Exposé écrit de Maurice, par. 4.12-4.14.
98 Ibid., par. 4.9-4.10.
99 Rapport de la commission restreinte sur le détachement de l’archipel des Chagos, juin 1983, p. 36
(annexe 90).
100 Ibid., p. 10.
101 Ibid., p. 16.
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2.60. Sir Harold Walter, également membre du Parti travailliste mauricien, a pour sa part
«souligné que les membres de la délégation mauricienne présents à Lancaster House n’avaient
soulevé aucune objection quant au principe du détachement»102.
2.61. Sir Veerasamy Ringadoo, membre lui aussi du Parti travailliste mauricien, a
«confirmé que la question du détachement de l’archipel des Chagos n’avait jamais été
mise sur le tapis lors de la conférence constitutionnelle de septembre 1965. Lui-même
ne voyait pas d’objection au principe du détachement, estimant que compte tenu de
l’accord de défense conclu avec le Royaume-Uni … — soutenu unanimement par les
représentants des partis politiques présents à Lancaster House —, et surtout eu égard à
la détérioration de la situation sociale à Maurice, il fallait donner au Royaume-Uni les
moyens d’exécuter ledit accord. C’était dans ce contexte qu’il voyait le détachement
des îles où allait être implantée une station de télécommunications.»103
2.62. La commission a elle-même dit qu’«[il] serait faux, cependant, de prétendre que le
détachement de l’archipel des Chagos avait résulté d’un acte unilatéral de la Grande-Bretagne»104,
et a conclu ce qui suit :
«la commission n’entend pas imputer à ce dernier [sir Seewoosagur Ramgoolam]
toute la responsabilité de l’acceptation sans réserve de la demande du Royaume-Uni.
Il existe des preuves de ce que le premier ministre avait abordé la proposition de
détachement faite par le Royaume-Uni avec certains au moins des participants
indépendants, dont M. Paturau, D.F.C., et leur avait exposé les intérêts des Etats-
Unis»105.
La commission restreinte a pris acte de ce que la décision de consentir au détachement de l’archipel
avait été prise par le conseil des ministres mauricien à sa séance du 5 novembre 1965106 et, dans la
conclusion de son rapport, elle a «dénonc[é] le conseil des ministres de l’époque pour avoir sans
hésitation donné son accord au détachement des îles»107.
C. Le premier ministre Ramgoolam voulait éviter le référendum
que réclamait le Parti mauricien social-démocrate
2.63. Dans son rapport, la commission restreinte a écarté des témoignages montrant ce qui
s’était réellement joué entre le premier ministre Ramgoolam et ses collègues durant la conférence
constitutionnelle : sir Gaëtan Duval, membre du PMSD, parti favorable à une formule d’étroite
association avec le Royaume-Uni, et non à l’indépendance,
102 Rapport de la commission restreinte sur le détachement de l’archipel des Chagos, juin 1983, p. 12.
103 Ibid., p. 11.
104 Ibid., p. 4, par. 12.
105 Ibid., p. 23, par. 37.
106 Ibid., p. 26, par. 44.
107 Ibid., p. 35.
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«a soutenu que le choix à opérer était entre le détachement et un référendum sur
l’indépendance. La commission considère que cette contradiction est essentiellement
dénuée de pertinence»108.
2.64. Il n’est sans doute pas étonnant que cette commission très politisée ait décidé de laisser
délibérément de côté des faits importants au sujet du détachement de l’archipel, l’entente régnait
entre les ministres mauriciens et+- qu’ils acceptaient le détachement en échange de certains
avantages.
2.65. En réalité, le premier ministre Ramgoolam et son parti souhaitaient bien
l’indépendance. Alors que le Royaume-Uni avait déjà indiqué qu’il était favorable à
l’indépendance109, les Mauriciens n’en étaient pas tous partisans. Le PMSD, en particulier, y était
opposé :
«Le Parti travailliste mauricien et l’Alliance indépendante pour l’avenir
voulaient que Maurice devienne pleinement indépendante, et le Comité musulman
d’action était pour l’indépendance sous réserve que le régime électoral protège les
droits de la communauté musulmane. Le Parti mauricien, quant à lui, souhaitait une
formule de «libre association avec la Grande-Bretagne» et demandait qu’elle fasse
l’objet d’un référendum.110
2.66. Comme l’a reconnu Maurice, le programme du Parti travailliste mauricien comprenait
l’accession à l’indépendance. Ce parti et ses alliés, qui lors des élections de 1959 avaient emporté
29 des 40 sièges de l’Assemblée législative, n’en avaient obtenu que 23 aux élections de 1963,
voyant ainsi leur majorité et leur influence s’amenuiser111.
2.67. Comme le Royaume-Uni l’a déjà indiqué dans son exposé écrit112, le compte rendu de
la rencontre du 23 septembre 1965 entre le premier ministre britannique et son homologue
mauricien montre que celui-ci souhaitait que le Gouvernement britannique se prononce pour
l’indépendance, parce que sa position face au PMSD, qui y était opposé, s’en trouverait renforcée.
Il cherchait aussi à obtenir pour Maurice le maximum d’avantages en échange de son accord au
détachement, sous la forme notamment de droits sur les ressources minérales, halieutiques et
agricoles, de l’installation de stations météorologiques et d’aides à la navigation maritime et
aérienne, de clauses de défense et de l’intervention du Royaume-Uni auprès des Etats-Unis pour
qu’ils accordent à Maurice des conditions préférentielles d’achat de sa production de sucre et
d’autres concessions commerciales (avantages dont il avait été question lors des pourparlers de
juillet 1965 avec le gouverneur et de la réunion du 20 septembre 1965)113. Le premier ministre
britannique, quant à lui, souhaitait obtenir l’accord du conseil des ministres mauricien au
détachement, même si le Royaume-Uni estimait que juridiquement, cet accord n’était pas
nécessaire.
108 Rapport de la commission restreinte sur le détachement de l’archipel des Chagos, juin 1983, par. 52E (les
italiques sont de nous).
109 Shillington, p. 61 (annexe 91).
110 A. Ramaoutar Mannick, Mauritius: The Development of a Plural Society, (Nottingham: Spokesman 1979)
(extrait), p. 123 (annexe 95).
111 Exposé écrit de Maurice, par. 3.9-3.12.
112 Ibid., par. 3.23.
113 Exposé écrit du Royaume-Uni, par. 3.11-3.23 ; annexes 26 et 29.
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2.68. Le premier ministre Ramgoolam, ne disposant que d’une très faible majorité, craignait
que les partisans de l’association au Royaume-Uni ne l’emportent si un référendum offrait le choix
entre celle-ci et l’indépendance114.
2.69. La question en jeu était donc de savoir si pendant la conférence constitutionnelle, le
Royaume-Uni s’entendrait avec les ministres mauriciens sur l’indépendance, ou s’il déciderait
d’organiser un référendum sur la question, ces deux options étant l’une et l’autre légitimes. Le
premier ministre Ramgoolam et ses collègues qui, dès juillet 1965, avaient accueilli favorablement
l’idée d’un accord sur le détachement assorti de certains avantages, pensaient que s’ils insistaient
trop lourdement sur ce que devraient être ces avantages, ils risquaient d’inciter le Royaume-Uni à
adopter la position du PMSD115.
2.70. C’est dans ce contexte particulier que l’éventualité d’un accord sur le détachement en
échange d’avantages a pu jouer un rôle pendant la conférence constitutionnelle de 1965. Le
Royaume-Uni souhaitait le détachement avec l’accord de Maurice (ce que celle-ci ne conteste pas
dans la présente procédure), et les factions politiques mauriciennes en étaient conscientes. Elles
n’étaient pas d’accord sur le point de savoir s’il valait mieux prévoir un référendum pour
déterminer quel régime d’autonomie avait la préférence de la population, ou accepter
l’indépendance pendant la conférence constitutionnelle. Les ministres étaient cependant tous portés
à consentir au détachement parce qu’ils estimaient que les avantages qu’ils tireraient de ce
consentement et de leur disposition à jouer un rôle dans la défense du Commonwealth présentaient
plus d’intérêt que la conservation d’un groupe d’îles lointaines. Chacun des deux camps espérait
obtenir du Royaume-Uni qu’il s’engage publiquement en faveur de sa position plutôt que de celle
du camp adverse. C’est dans ces circonstances qu’un accord «de principe» a été conclu,
Ramgoolam et ses collègues ayant donné leur consentement au détachement après avoir négocié
l’obtention en échange d’avantages aussi favorables que possible, qu’ils jugeaient être un bon prix
pour l’archipel.
D. Les suites de la conférence constitutionnelle  l’accord donné
le 5 novembre 1965 par le conseil des ministres mauriciens
2.71. Les événements postérieurs à la conférence constitutionnelle qui, à Maurice, ont abouti
à ce que le conseil des ministres mauricien entérine l’accord de principe conclu à Londres montrent
que le détachement de l’archipel a été librement consenti. Lorsque se préparaient les élections
législatives de 1967, les Mauriciens savaient qu’un accord avait été conclu sur le détachement en
échange d’avantages. Le PMSD a tenté de faire du détachement un thème de la campagne
électorale, non pas en critiquant la décision en soi, mais en soutenant que les avantages obtenus en
échange étaient insuffisants.
2.72. L’une des plus grandes faiblesses de la position adoptée par Maurice dans la présente
procédure est qu’elle ne tient aucun compte de la chronologie des événements. Maurice passe ainsi
sous silence le fait crucial que le Royaume-Uni avait annoncé sa position sur l’indépendance de
nombreuses semaines avant que le conseil des ministres mauricien ne débatte de la question du
détachement de l’archipel des Chagos et n’y donne son accord.
114 Jean Houbert, “Mauritius: Independence and Dependence”, Journal of Modern African Studies, vol. 19.1
(1981), p. 75-105, en particulier la page 84 (annexe 96).
115 Ibid.
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2.73. C’est le 24 septembre 1965, soit à la fin de la conférence constitutionnelle, que le
Royaume-Uni a annoncé publiquement qu’il avait décidé et pris l’engagement d’avancer sur la
voie de l’octroi à Maurice de son indépendance :
«Lors d’une séance plénière de la conférence tenue le vendredi
24 septembre, le secrétaire d’Etat a … déclaré qu’à son avis, il était juste que Maurice
accède à l’indépendance et prenne place parmi les Etats indépendants. Il a ajouté que
lorsque la commission électorale aurait rendu son rapport, une date serait fixée pour
des élections législatives qui se dérouleraient selon le nouveau régime électoral, après
quoi serait formé un nouveau gouvernement. Le Gouvernement de Sa Majesté, après
avoir consulté le nouveau Gouvernement mauricien, serait alors prêt à fixer la date à
laquelle serait déclarée l’indépendance de Maurice et à prendre les autres mesures
nécessaires en vue de celle-ci, la déclaration d’indépendance devant prendre effet à
l’issue d’une période de pleine autonomie interne d’une durée de six mois si
l’Assemblée législative nouvellement élue se prononçait dans ce sens par un vote à la
majorité simple.»116
2.74. Le 6 octobre 1965, le Colonial Office a adressé au gouverneur de Maurice une
communication reproduisant le texte définitif du compte rendu de la réunion du 23 septembre, dans
laquelle il appelait son attention sur les termes de l’accord et l’affirmation que tant Ramgoolam que
le ministre Mohamed avaient confirmé l’exactitude du compte rendu. Il priait le gouverneur
d’obtenir du gouvernement mauricien qu’il confirme qu’il était disposé à donner son accord au
détachement de l’archipel des Chagos aux conditions énoncées dans la version finale du compte
rendu des pourparlers de Lancaster House117.
2.75. Après avoir examiné la question en octobre, le conseil des ministres mauricien a
confirmé son accord au détachement de l’archipel le 5 novembre 1965, sous réserve des
engagements supplémentaires consignés dans les minutes de la réunion des ministres118 et un
télégramme adressé le même jour au secrétaire d’Etat par le gouverneur119. Malgré les efforts que
fait Maurice dans son exposé écrit pour présenter le conseil des ministres mauricien comme n’étant
que le porte-voix du gouvernement britannique120, le fait est que cette décision a été prise par les
représentants élus du peuple mauricien, ce que la commission restreinte a d’ailleurs reconnu (pour
le leur reprocher)121. Tout en admettant que les ministres étaient habilités à négocier l’indépendance
et à l’accepter au nom du peuple mauricien, elle cherche à montrer qu’ils n’étaient en quelque sorte
pas qualifiés pour donner leur accord au détachement au nom de ce même peuple.
2.76. Le Royaume-Uni a donc annoncé sa politique favorable à l’indépendance de Maurice
le 24 septembre 1965, dernier jour de la conférence constitutionnelle, soit bien avant que le conseil
des ministres mauricien ne donne le 5 novembre 1965 son accord au détachement de l’archipel. Si
le conseil des ministres avait ce jour-là refusé de consentir au détachement aux conditions
négociées à Londres en septembre, la voie de l’indépendance n’aurait pas pour autant été bloquée.
116 Command Paper, compte rendu des travaux de la conférence constitutionnelle de 1965, par. 20 (annexe 22).
117 Télégramme no 423 en date du 6 octobre 1965 adressé au gouverneur de Maurice par le Colonial Office
(annexe 35).
118 Rapport de la commission restreinte sur le détachement de l’archipel des Chagos, juin 1983, p. 36
(annexe 90).
119 Télégramme no 247 en date du 5 novembre 1965 adressé au Colonial Office par le gouverneur de Maurice
(annexe 37).
120 Exposé écrit de Maurice, par. 3.13.
121 Voir ci-dessus, par. 2.61.
- 25 -
E. Les élections législatives de 1967 et le vote de l’Assemblée
législative pour l’indépendance
2.77. Comme il est expliqué ci-dessus et dans l’exposé écrit du Royaume-Uni,
«La décision de détacher l’archipel était de notoriété publique. La loi par
laquelle elle a été prise a été dûment publiée, et le parlement britannique et les
Nations Unies en ont été informés, la question du détachement a été débattue à
l’Assemblée législative mauricienne, et des dissensions au sujet des compensations à
obtenir ont conduit un parti politique à se dissocier de la coalition de gouvernement.
En 1968, alors que Maurice s’acheminait vers l’indépendance, le public mauricien
savait que le détachement avait eu lieu et que l’archipel des Chagos ne ferait pas partie
du territoire du nouvel Etat indépendant de Maurice.»122
2.78. Bien qu’il ait consenti au détachement de l’archipel, le premier ministre Ramgoolam a
été accueilli en héros à son retour à Maurice, qu’il raconte ainsi dans ses mémoires : «lorsque je
suis rentré après notre triomphal succès à la conférence constitutionnelle, j’ai été chaleureusement
accueilli à l’aéroport et acclamé par des milliers de citoyens enthousiastes tout au long du trajet
jusqu’à Port-Louis»123. Rien n’indique que le détachement de l’archipel ait en quoi que ce soit
inquiété le public.
2.79. Le PMSD, en revanche, était déçu de la décision de ne pas organiser de référendum.
Voici ce que dit à ce sujet Ramgoolam dans ses mémoires : «à la suite de la victoire que nous
avions remportée à la conférence constitutionnelle, le PMSD a quitté le gouvernement de coalition
et entrepris de mobiliser toutes ses ressources pour nous battre aux élections législatives124».
2.80. Lors de son enquête de 1982-1983, la commission restreinte a d’ailleurs reproché au
PMSD de ne pas s’être opposé au détachement et de s’être borné à critiquer le montant de
l’indemnisation125.
2.81. Le PMSD voulait des avantages compensatoires plus généreux, mais ne contestait pas
le détachement :
«Quelques jours plus tard, la décision de détacher de Maurice l’archipel
des Chagos a été rendue publique, et le PMSD a saisi cette occasion pour retirer ses
trois ministres du cabinet de coalition, pour la raison qu’il estimait insuffisante
l’indemnité de 3 millions de livres offerte au Gouvernement mauricien pour le
détachement de l’archipel. En réalité, le PMSD s’était rendu compte qu’il était temps
pour lui de traiter le «parti de l’indépendance» comme un adversaire. C’est ce qu’a fait
Duval en organisant le 5 décembre une grande manifestation pour lancer la campagne
du PMSD contre l’indépendance.»126
122 Exposé écrit du Royaume-Uni, par. 3.36-3.37.
123 Seewoosagur Ramgoolam, Our Struggle, 1982, p. 109 (annexe 94).
124 Ibid.
125 Rapport de la commission restreinte, p. 33-34 (annexe 90).
126 Shillington, cit. supra, p. 65 (les italiques sont de nous) (annexe 91); The Times, dimanche 12 novembre 1965
(annexe 93).
- 26 -
Les propos suivants ont été prêtés au ministre Gaetan Duval, membre du PMSD :«Nous
n’accepterons pas l’implantation d’une base anglo-américaine si l’Amérique et le Royaume-Uni ne
sont pas prêts à acheter toute notre production de sucre à un prix préférentiel et à accueillir les
immigrants mauriciens»127.
2.82. Durant toute la campagne qui a précédé les élections législatives de 1967, le PMSD a
clamé que l’indemnité au titre du détachement de l’archipel était insuffisante :
«le 5 décembre [1965], le Parti mauricien social-démocrate a organisé sa plus grande
manifestation … parce qu’il estimait que les îles en question valaient plus de
3 millions de livres … Diego Garcia n’était que le prétexte de cette manifestation, dont
Duval espérait qu’elle inciterait de nombreux Mauriciens à se rallier au PMSD et à
soutenir son véritable objectif, qui était de bloquer l’indépendance voulue par les
travaillistes … Personne ne voyait la contradiction entre les accusations portées par
Duval contre les Britanniques et sa volonté de substituer à l’indépendance une formule
d’association avec la Grande-Bretagne.»128
2.83. Cette appréciation de la situation est confirmée par la teneur des échanges qui ont eu
lieu au parlement :
«Le chef-adjoint de l’opposition demande des débats. M. Gaetan Duval,
chef-adjoint de l’opposition, demande au Premier s’il entend donner à l’Assemblée la
possibilité de débattre du détachement de l’archipel des Chagos de Maurice et de son
inclusion dans le Territoire britannique de l’océan Indien, eu égard en particulier à la
position prise par l’Inde et d’autres pays afro-asiatiques.
Le ministre Forget : Non, Monsieur. Autant que je puisse en juger d’après
la déclaration publique faite le 12 novembre par le chef de l’opposition, il n’y a aucun
désaccord entre l’opposition et le gouvernement sur le principe du détachement de
l’archipel des Chagos et de l’utilisation de celui-ci à des fins de défense.»129
2.84. Le détachement de l’archipel n’a pas été contesté durant la campagne qui a précédé les
élections législatives d’août 1967 ou lors du débat à l’issue duquel l’Assemblée législative
nouvellement élue a voté pour l’indépendance. Le public ne pouvait ignorer le détachement, la
question des avantages accordés à Maurice en échange ayant été abondamment débattue. Or, rien
ne montre que la décision du détachement ait été mise en cause lors des élections qui ont précédé
l’indépendance, alors qu’à première vue, la période électorale offrait aux éventuels détracteurs de
l’accord de 1965 une occasion idéale de s’exprimer.
2.85. Il ressort de ce qui précède et de l’exposé écrit du Royaume-Uni130 que l’accord
prévoyant le détachement de l’archipel en échange de divers avantages était une question politique
couverte par les médias et bien connue du public. La majorité des représentants de Maurice, et plus
tard celle de la population mauricienne, n’ont exprimé aucune objection de principe au
détachement. Le fait que ni le Royaume-Uni, ni Maurice n’aient pu relever des preuves que l’un
quelconque des partis politiques mauriciens ait contesté le détachement à l’occasion des élections
127 The Times, lundi 8 novembre 1965 (annexe 97).
128 Simmons, op. cit., p. 174 (annexe 92).
129 Le Mauricien, 15 décembre 1965, p. 4 (annexe 98).
130 Voir les paragraphes 3.33-3.36.
- 27 -
législatives indique que malgré la notoriété de l’accord de 1965, le détachement de l’archipel
n’était pas un sujet controversé. Les élections et les débats parlementaires qui ont suivi au sujet de
l’indépendance sont donc venus confirmer que le détachement était accepté tant par les
représentants de Maurice que par son peuple. Le PMSD a certes cherché à exploiter l’accord de
1965 à son avantage pour jeter le doute sur les succès remportés par Ramgoolam lors de la
conférence constitutionnelle, mais sa critique de l’accord portait uniquement sur la valeur des
avantages offerts en échange de l’archipel des Chagos, et ne mettait nullement en cause le
détachement lui-même.
F. La réaffirmation de l’accord par Maurice après
son accession à l’indépendance
2.86. Maurice prétend que sa position actuelle et sa revendication de souveraineté sur
l’archipel des Chagos ne s’écartent en rien de la ligne de conduite qui a toujours été la sienne
depuis 1965, et s’appuie pour ce faire sur des déclarations soigneusement choisies de ses
représentants devant des instances internationales, prononcées presque toutes dans les années 1980
ou après131.
2.87. Dans son exposé écrit, le Royaume-Uni a montré incontestablement que pendant une
période passablement longue, Maurice, loin de contester la validité de l’accord par lequel elle avait
accepté le détachement de l’archipel moyennant contrepartie, avait en fait réaffirmé cet accord par
des actes positifs et dans des déclarations132. Dans la sentence qu’il a prononcée à l’issue de
l’Arbitrage concernant les Chagos, le Tribunal est parvenu à la même conclusion, à savoir qu’il
existe maintenant entre le Royaume-Uni et Maurice un accord international par lequel l’archipel
des Chagos a été détaché moyennant divers avantages133.
2.88. Comme le Royaume-Uni l’a montré dans son exposé écrit, l’archipel ne faisait pas
partie de la colonie de Maurice lorsqu’elle est devenue indépendante le 12 mars 1968, et dans la
constitution entrée en vigueur à cette date, l’archipel des Chagos n’était pas compris dans la
définition du territoire mauricien134. En ne comprenant pas l’archipel dans son territoire une fois
devenue un Etat indépendant, Maurice a affirmé son acceptation de l’accord de 1965135. Elle a
ensuite confirmé à plusieurs reprises cette acceptation dans le cadre des échanges bilatéraux qu’elle
entretenait avec le Royaume-Uni136. Ces réaffirmations ont d’autant plus de poids qu’elles ont
notamment été exprimées publiquement par de hauts responsables mauriciens, dont le chef de
l’Etat137. En particulier :
a) Les documents invoqués par Maurice dans son exposé écrit renforcent en fait la position du
Royaume-Uni. Par exemple, Maurice fait valoir les déclarations que ses représentants ont
prononcées «en plus de 30 occasions» devant l’Assemblée générale des Nations Unies138. Or,
toutes les déclarations citées à l’annexe 100 de son exposé écrit datent de 1980 ou d’années plus
131 Exposé écrit de Maurice, par. 4.16-4.22.
132 Exposé écrit du Royaume-Uni, par. 3.38-3.50.
133 Arbitrage concernant les Chagos, sentence, par. 4.24-4.28 (dossier ONU, no 409).
134 Exposé écrit du Royaume-Uni, par. 3.38-3.40.
135 Ibid.
136 Ibid., par. 3.41-3.45.
137 Ibid., par. 3.46-3.49.
138 Exposé écrit de Maurice, par. 4.15 et annexe 100.
- 28 -
récentes, à une seule exception près. La seule déclaration citée antérieure à 1980 date de
1974139. La teneur de cette déclaration est révélatrice. Il n’y est aucunement question de
souveraineté. L’orateur se dit préoccupé de l’extension par le Royaume-Uni et les Etats-Unis de
leurs installations militaires de Diego Garcia, et préconise des mesures propres à favoriser la
paix dans la région de l’océan Indien plutôt qu’à y aviver les tensions. L’absence de toute
mention de la souveraineté mérite attention en ce que, comme d’autres déclarations ou traits de
comportement de Maurice et du Royaume-Uni, elle montre que l’accord de 1965 était le fruit
d’un consentement mutuel, et contredit donc l’argumentation maintenant avancée par Maurice.
b) L’absence de tout souci de souveraineté ressort également d’un discours prononcé à la même
année (1974) par Ramgoolam, dont le texte figure dans un recueil de ses discours publié à
l’occasion du sixième anniversaire de l’indépendance de Maurice140. Il y disait ceci : «[je suis]
préoccupé par les rumeurs concernant la création d’une base navale à Diego Garcia, île à
laquelle nous avons renoncé avant l’indépendance … nous voulons que l’océan Indien soit une
zone de paix»141. Il n’émettait là aucune revendication de souveraineté sur l’archipel, se bornant
à dire que Maurice avait «renoncé» à l’archipel des Chagos, sans aucunement laisser entendre
que cette renonciation avait été obtenue par la contrainte comme le prétend Maurice dans la
présente procédure.
c) Dans un autre discours, prononcé en 1975 à l’occasion de la visite du ministre britannique de la
défense, le premier ministre Ramgoolam a évoqué le retrait prévu du HMS Mauritius et des
services connexes, auquel Maurice était opposée. Il a dit à ce sujet ce qui suit :
«le retrait [du HMS Mauritius] ne doit pas signifier que la Grande-Bretagne cesse de
s’intéresser à Maurice. Je pense que cet élément du dispositif de Diego Garcia est
aujourd’hui très important du point de vue stratégique, et je ne doute pas que vous
pèserez soigneusement tous les faits avant d’abandonner complètement cette partie du
monde. En fait, vous ne l’abandonnez pas complètement ; nous avons seulement
entrepris de revoir notre politique commune et de définir avec l’aide de nos amis un
nouveau modus vivendi.»142
Ramgoolam réaffirmait une fois de plus que Maurice avait conclu un accord avec le
Royaume-Uni sur le détachement de l’archipel des Chagos, et se montrait favorable au maintien de
la présence britannique dans l’océan Indien.
2.89. Dans son exposé écrit, Maurice a également choisi de passer sous silence un autre fait
élémentaire, à savoir qu’elle a accepté de recevoir les avantages prévus par l’accord de 1965,
notamment le versement d’une indemnité en espèces. L’exposé écrit du Royaume-Uni renvoie aux
documents qui attestent de l’octroi des avantages prévus par l’accord et des changements qui en ont
résulté143.
2.90. Le fait est qu’après son accession à l’indépendance et jusque dans les années 1980,
Maurice a réaffirmé son accord au détachement de l’archipel en échange de divers avantages, et
s’est prévalue de ces avantages. C’est seulement après cette période que l’accord de 1965 est
139 Exposé écrit de Maurice, déclaration prononcée par sir Abdul Razack Mohamed le 27 septembre 1974 lors
de la vingt-neuvième session de l’Assemblée générale des Nations Unies.
140 Sir Seewoosagur Ramgoolam, Selected Speeches (1979) (extrait) (annexe 99).
141 Ibid., p. 134.
142 Ibid., p. 171.
143 Exposé écrit du Royaume-Uni, par. 3.43-3.48.
- 29 -
devenu une question âprement débattue de politique intérieure, comme il ressort clairement des
travaux de la commission restreinte. La commission a par exemple relaté ce qui suit :
«En 1980 … [u]ne proposition d’amendement présentée devant
l’Assemblée législative par l’opposition, qui tendait à inclure les îles [dans le territoire
de Maurice] a été rejetée, le ministre des affaires étrangères ayant affirmé ceci :
«Diego Garcia est juridiquement un territoire britannique. Il en est ainsi qu’on le
veuille ou non. C’est un fait incontestable ; et des flots d’encre rouge n’y changeront
rien. En tout état de cause, je ne suis pas pressé de voir partir les Américains».»144
2.91. Comme il est indiqué dans l’exposé écrit du Royaume-Uni, une tentative a été faite en
juin 1980 pour réviser la constitution mauricienne et faire figurer l’archipel des Chagos dans la
définition du territoire de Maurice145. L’échec de cette tentative a été qualifié d’«erreur» par
l’opposition146. Le lendemain du rejet de la proposition d’amendement, le premier ministre a
déclaré ce qui suit :
«Hier soir, certains membres de l’Assemblée législative ont demandé que
Diego Garcia soit comprise dans la définition du territoire de l’Etat de Maurice. Si
nous avions accédé à cette demande, nous nous serions couverts de ridicule vis-à-vis
du reste du monde, étant donné que depuis son détachement, Diego Garcia ne nous
appartient plus.»147
Le premier ministre a ensuite tenu des propos du même ordre jusqu’en novembre 1980148.
2.92. C’est l’attitude adoptée par l’opposition qui, après son accession au pouvoir, a
provoqué le revirement complet de la position de Maurice observé dans les années 1980. Ce n’est
qu’en juillet 1982, après la défaite du Parti travailliste de Ramgoolam aux élections législatives,
que ce revirement s’est concrétisé par le vote par l’Assemblée législative d’un amendement à la loi
relative à l’interprétation et aux clauses générales supposé intégrer l’archipel des Chagos au
territoire de Maurice, avec effet rétroactif.
2.93. Anerood Jugnauth, nouveau premier ministre mauricien, a déclaré ceci en 1982 :
«ceux qui étaient au pouvoir dans ce pays après l’indépendance … n’ont jamais
affirmé notre souveraineté. Ils sont allés jusqu’à presque dire que cette partie du
monde ne faisait pas partie du territoire de Maurice et que le pays qui possédait
légitimement la souveraineté sur Diego Garcia et les îles Chagos  détachées de
Maurice  était le Royaume-Uni»149.
2.94. Maurice déforme complètement la réalité des faits en prétendant maintenant devant la
Cour que la position ainsi exprimée a toujours été la sienne depuis son accession à l’indépendance.
144 Houbert, 1981, p. 85, citant Le Mauricien, 27 juin 1980 (annexe 96).
145 Exposé écrit du Royaume-Uni, par. 3.47.
146 Ibid.
147 Ibid., par. 3.48.
148 Ibid., par. 3.49.
149 Compte rendu des débats de l’Assemblée législative mauricienne, 6 juillet 1982, col. 336 (annexe 43).
- 30 -
2.95. Les positions prises par la communauté internationale attestent aussi clairement de la
réaffirmation de l’accord conclu entre le Royaume-Uni et Maurice. Le 16 décembre 1965,
l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté sa résolution 2066 (XX) sur le point de son ordre
du jour intitulé «Question de Maurice», et elle a ensuite, sur le même sujet, adopté sa
résolution 2232 de 1966 et sa résolution 2357 de 1967. Ces résolutions sont analysées dans
l’exposé écrit du Royaume-Uni150. On aurait pu s’attendre à ce que l’Assemblée hausse le ton après
l’accession de Maurice à l’indépendance en 1968 sans l’archipel des Chagos. Or, dans les années
qui ont suivi l’indépendance, l’Assemblée a gardé un silence qui peut paraître surprenant, mais qui
est en fait explicable vu la position de Maurice elle-même qui, dès lors qu’elle avait consenti au
détachement de l’archipel en échange de divers avantages par un accord ayant force obligatoire en
droit international, ne voyait pas matière à soulever la question devant l’Assemblée générale.
2.96. Les autres organisations sont également restées muettes sur la question jusqu’au
moment où Maurice a changé de position après 1980. Comme Maurice elle-même, les autres
membres de la communauté internationale, pendant de nombreuses années après son accession à
l’indépendance, se sont abstenus d’aborder la question, malgré l’opposition de certains Etats à
l’implantation dans l’océan Indien d’une base militaire des Etats-Unis.
G. Conclusions
2.97. La version des faits que présente Maurice, fondée sur une interprétation déformante de
la position qui a assez longtemps été officiellement la sienne après son accession à l’indépendance,
ne résiste pas à un examen rigoureux.
2.98. Il ressort des faits que les pourparlers qui ont eu lieu le 23 septembre 1965 entre la
délégation de Maurice et le Royaume-Uni ont abouti à un accord de principe librement consenti par
les représentants élus de Maurice sur le détachement de l’archipel des Chagos en échange d’un
paiement, d’avantages commerciaux, de la réserve de certains droits et d’autres engagements.
2.99. Six semaines plus tard, Maurice ayant entre-temps obtenu du Royaume-Uni des
engagements supplémentaires, le conseil des ministres mauricien, le 5 novembre 1965, a
officiellement consenti au détachement de l’archipel aux termes de l’accord de 1965. Ce
consentement a été donné de nombreuses semaines après que le Royaume-Uni eut annoncé sa
position favorable à l’indépendance de Maurice et pris publiquement l’engagement d’agir en
conséquence. Le peuple mauricien a quant à lui exprimé son consentement au détachement de
l’archipel en votant pour l’indépendance lors des élections législatives organisées en août 1967
préalablement à l’indépendance, alors que ce détachement était de notoriété publique, après quoi
l’Assemblée législative nouvellement élue a fait de même en votant elle aussi pour l’indépendance.
2.100. Après son accession à l’indépendance, Maurice a pendant de nombreuses années
confirmé par sa politique intérieure son acceptation du détachement de l’archipel. Devant les plus
hautes instances internationales, les ministres mauriciens ont à plusieurs reprises réaffirmé l’accord
de 1965.
150 Exposé écrit du Royaume-Uni, par. 8.7, 8.50-8.54.
- 31 -
2.101. La version des événements présentée par Maurice n’est pas fidèle à la réalité des faits.
Pour accréditer cette version, Maurice invoque des documents soigneusement choisis et laisse de
côté ceux qui ne servent pas sa cause. Elle conjugue et condense certains événements, les présente
sans tenir compte de leur chronologie et de leur contexte et glisse commodément sur les périodes
où les preuves, ou leur absence, nuisent à son propos. De plus, nombre des documents sur lesquels
s’appuie Maurice montrent en fait la faiblesse de sa position actuelle.
- 32 -
DEUXIÈME PARTIE
LE POUVOIR DISCRÉTIONNAIRE
DE LA COUR
CHAPITRE III
LA COUR DEVRAIT EN L’ESPÈCE USER DE SON POUVOIR DISCRÉTIONNAIRE
POUR REFUSER DE DONNER UN AVIS CONSULTATIF
3.1. Comme le reconnaissent tous les Etats qui ont soumis un exposé écrit, la Cour tient de
l’article 65, paragraphe 1, de son Statut le pouvoir discrétionnaire d’accepter ou refuser de donner
un avis consultatif151. D’autre part, il est largement admis  y compris par Maurice  que dans
l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, la Cour devrait refuser de répondre à une demande d’avis
consultatif lorsque «accepter de répondre aurait pour effet de tourner le principe selon lequel un
Etat n’est pas tenu de soumettre un différend au règlement judiciaire s’il n’est pas consentant»152.
3.2. La question cruciale que doit trancher la Cour est de savoir si, comme le soutient le
Royaume-Uni, mais comme le conteste Maurice, répondre à la demande d’avis aurait pour effet de
tourner ce principe fondamental parce qu’il apparaît que pour répondre aux questions qui lui sont
posées, la Cour serait inévitablement amenée à donner son avis sur un différend bilatéral de longue
date se rapportant (en particulier) à la souveraineté sur l’archipel des Chagos. Il y a lieu de noter
que Maurice ne conteste pas l’existence de ce différend de souveraineté, mais cherche à en faire
une question de décolonisation153 (voir la section A i) ci-après), et elle s’emploie principalement à
montrer qu’en répondant à la demande d’avis, la Cour ne tournerait pas le principe du
consentement au règlement judiciaire154 (voir la section A ii)).
3.3. Le Royaume-Uni maintient sa position, à savoir que l’interdiction de tourner le principe
du consentement au règlement judiciaire s’applique en l’espèce, à moins que la Cour ne décide de
l’abandonner complètement, ce qui serait contraire à sa jurisprudence, à la position des Etats qui,
dans leur exposé écrit, ont reconnu et accepté cette jurisprudence, et à un principe fondamental de
droit international155. La Cour est en fait saisie d’un différend bilatéral, et il ressort à l’évidence de
l’exposé écrit de Maurice qu’il lui est demandé de se prononcer sur une série de questions
bilatérales qui sont depuis longtemps en litige entre Maurice et le Royaume-Uni, dont celle de la
validité et de l’effet de l’accord de 1965 sur le détachement de l’archipel des Chagos, conclu entre
le Royaume-Uni et le conseil des ministres mauricien156, et celle de la réaffirmation répétée de cet
accord après 1968 (question que Maurice a jusqu’à présent préféré passer sous silence, comme le
montre le chapitre II ci-dessus).
151 Voir, par exemple, l’exposé écrit de Maurice, par. 5.18.
152 Sahara occidental, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1975, p. 25, par. 32-33, renvoyant à Interprétation des
traités de paix conclus avec la Bulgarie, la Hongrie et la Roumanie (première phase), avis consultatif, C.I.J.
Recueil 1950, p. 71, cité notamment dans l’exposé écrit de Maurice (par. 5.29). Pour ce qui concerne les Etats qui
soutiennent en gros la position de Maurice, mais admettent la règle qui interdit de tourner le principe du consentement
de l’Etat au règlement judiciaire, voir les exposés écrits de l’Argentine (par. 26), du Brésil (par. 11), de Chypre
(par. 24) et du Guatemala (par. 24).
153 Exposé écrit de Maurice, par. 1.38.
154 Ibid. , par. 1.14, 5.29-5.37.
155 Exposé écrit du Royaume-Uni, par. 7.21.
156 Exposé écrit de Maurice, par. 6.95-6108.
- 33 -
3.4. Il s’agit là de questions qui concernent le Royaume-Uni et Maurice en tant qu’Etats, qui
ne se prêtent pas à être requalifiées comme étant des questions de décolonisation. C’est d’ailleurs
pourquoi Maurice a cherché plusieurs fois à obtenir que le différend soit réglé par la Cour dans
l’exercice de sa compétence contentieuse ; et c’est pourquoi aussi, et surtout, les questions sur
lesquelles elle défend sa position dans son exposé écrit sont exactement les mêmes que celles dont
était saisi le Tribunal dans l’Arbitrage concernant les Chagos157.
3.5. La position du Royaume-Uni, qui estime que la Cour, dans l’exercice de son pouvoir
discrétionnaire, devrait refuser de répondre aux questions qui lui sont posées, est aussi celle qu’ont
exprimée dans leur exposé écrit l’Australie, le Chili, les Etats-Unis, la France et Israël. Le
Royaume-Uni note également que la présente procédure n’est pas de celles sur lesquelles les Etats
prennent des positions diamétralement opposées. Parmi les Etats qui ont soumis un exposé écrit, il
s’en trouve certes qui soutiennent la position de Maurice, mais certains ont choisi un moyen terme,
consistant à exprimer de sérieuses préoccupations quant à l’exercice par la Cour de sa compétence
consultative lorsqu’un différend bilatéral lui est en fait soumis : voir à cet égard les exposés écrits
de l’Allemagne158, de la Chine159, de la Fédération de Russie160 et de la République de Corée161.
A. Réponse aux arguments avancés par Maurice au sujet de l’exercice
par la Cour de son pouvoir discrétionnaire
3.6. Dans la présente section, le Royaume-Uni répond aux arguments avancés par Maurice
dans son exposé écrit au sujet de l’exercice par la Cour de son pouvoir discrétionnaire. Ce faisant,
il est parfois amené à formuler des observations sur des points soulevés par des Etats qui
soutiennent la position de Maurice sur la question.
i) L’existence du différend bilatéral de longue date
3.7. Dans son exposé écrit, Maurice s’attache à minimiser l’importance du différend bilatéral
qui l’oppose depuis longtemps au Royaume-Uni au sujet (en particulier) de la souveraineté sur
l’archipel des Chagos. Par exemple, lorsqu’elle traite de la question du pouvoir discrétionnaire162,
Maurice laisse soigneusement de côté le fait important que les points qu’elle soulève et les
157 Exposé écrit du Royaume-Uni, par. 5.19 et 6.1-6.21. Il est intéressant de constater que l’Inde, bien qu’elle
soutienne la position de Maurice, désigne dans son exposé Maurice et le Royaume-Uni comme étant les «parties» (voir
le paragraphe 12 de l’exposé écrit de l’Inde).
158 Exposé écrit de l’Allemagne ; voir en particulier les passages consacrés à l’interprétation correcte des
questions posées à la Cour (se reporter entre autres aux paragraphes 151-154).
159 Exposé écrit de la Chine, par. 18.
160 Exposé écrit de la Fédération de Russie, par. 29.32.
161 Exposé écrit de la République de Corée, par. 16 et suivants, où sont proposés des critères de détermination
des «raisons décisives» de nature à conduire la Cour à exercer son pouvoir discrétionnaire de refuser de répondre à une
demande d’avis consultatif. Il serait satisfait aux critères envisagés par la République de Corée si : a) une demande
d’avis de l’Assemblée générale procédait en réalité de son intention d’imposer le règlement judiciaire d’un différend ;
b) la question posée était pratiquement identique à l’objet d’une instance contentieuse introduite précédemment devant
une juridiction internationale ; c) la réponse à la question posée relevait de l’exercice de la fonction judiciaire inhérente
aux cours et tribunaux consistant à déterminer ou confirmer des droits exclusifs dans une affaire contentieuse portant
sur des questions telles que la souveraineté sur telle portion de territoire.
162 Exposé écrit de Maurice, par. 5.18-5.38. Il est intéressant de noter, cependant, que pour défendre sur le fond
les réponses qu’appellent selon elle les questions posées dans la demande d’avis, Maurice s’appuie dans une très large
mesure sur l’opinion dissidente des arbitres minoritaires ; voir à cet égard, entre autres, le par. 1.14 de l’exposé de
Maurice.
- 34 -
arguments qu’elle avance dans son exposé écrit sont exactement les mêmes que ceux qu’elle a
présentés au Tribunal dans l’Arbitrage concernant les Chagos163.
3.8. Le Royaume-Uni relève que l’Argentine, qui soutient la position de Maurice sur
l’exercice du pouvoir discrétionnaire, n’en admet pas moins qu’«il ne fait aucun doute qu’un
différend territorial existe entre Maurice et le Royaume-Uni sur des sujets liés directement aux
questions posées par l’Assemblée générale»164. Maurice dit pour sa part que «pendant des
décennies [elle] a essayé de mettre fin à la colonisation de l’Archipel des Chagos, en soulevant la
question devant plusieurs instances internationales ainsi que directement avec la puissance
administrante». Cependant, elle ajoute ce qui suit :
«Cela ne confère pas au différend un caractère «bilatéral» : lorsque se
perpétue une colonisation illicite, il en résulte certes un différend de souveraineté entre
l’Etat dans lequel le territoire est colonisé et la puissance administrante, mais la
question ne s’en trouve pas pour autant soustraite à la compétence consultative de la
Cour. S’il en était autrement, certaines des questions juridiques les plus importantes
sur le plan international ne pourraient pas faire l’objet d’un avis consultatif de la
Cour.»165
3.9. Autrement dit, selon Maurice, bien que le différend soit en fait de caractère bilatéral
(puisqu’il oppose deux Etats), il ne doit pas être considéré comme tel lorsqu’il s’agit de déterminer
si la Cour doit se conformer à sa jurisprudence pour éviter de tourner le principe du consentement.
Cet argument est mal fondé, et ce, pour trois raisons.
3.10. Premièrement, l’argument de Maurice repose sur une prémisse viciée. En effet, à
supposer qu’il y ait eu «colonisation illicite», il n’en serait pas forcément résulté un différend, et cet
hypothétique différend n’aurait pas porté nécessairement sur une question de souveraineté
territoriale. Alors que Maurice cherche à présenter la question comme mettant en jeu un principe
général, la Cour doit quant à elle déterminer si le différend entre Maurice et le Royaume-Uni est
d’ordre bilatéral, et donc susceptible de faire jouer l’interdisant de tourner le principe du
consentement. Or, tel est manifestement le cas, notamment pour les raisons invoquées au
paragraphe 7.15 de l’exposé écrit du Royaume-Uni, à savoir que par l’accord de 1965, le conseil
des ministres mauricien a consenti au détachement de l’archipel, et que c’est seulement parce que
Maurice conteste dans la présente procédure la validité de ce consentement que la Cour est invitée
à aborder les points que soulèvent les questions qui luis sont posées. En outre, ce n’est qu’à partir
du début des années 1980, soit longtemps après l’accession de Maurice à l’indépendance, que le
différend s’est élevé entre elle et le Royaume-Uni dans le cadre de leurs relations bilatérales ; au
moment de la décolonisation, et ensuite pendant plus de dix ans, il n’a existé aucun différend.
163 Exposé écrit du Royaume-Uni, par. 1.2, 5.19 et 6.1-6.21. Voir également le deuxième critère de l’exercice
par la Cour de son pouvoir discrétionnaire de refuser de donner un avis que la République de Corée propose aux
paragraphes 17 à 22 de son exposé écrit (critère selon lequel le refus de répondre se justifie si la question qui fait l’objet
de la demande d’avis est pratiquement identique à l’objet d’une procédure contentieuse introduite précédemment
devant une juridiction internationale).
164 Exposé écrit de l’Argentine, par. 23.
165 Exposé écrit de Maurice, par. 1.38. Quant à la référence de Maurice à des questions juridiques
particulièrement importantes, il est bien établi que dans les affaires contentieuses, l’existence d’obligations procédant
de normes fondamentales et l’applicabilité du principe du consentement à la juridiction sont deux choses bien
différentes – même s’il s’agit de normes de jus cogens ; voir par exemple à cet égard Activités armées sur le territoire
du Congo (nouvelle requête : 2002) (République démocratique du Congo c. Rwanda), compétence et recevabilité,
arrêt, C.I.J. Recueil 2006, p. 32, par. 64.
- 35 -
3.11. Deuxièmement, l’argument de Maurice va à l’encontre de la jurisprudence de la Cour,
telle qu’elle ressort en particulier de l’avis qu’elle a donné dans la procédure relative au Sahara
occidental. S’il suffisait qu’un différend oppose une ancienne colonie à l’ex-puissance
administrante pour qu’il soit considéré comme n’ayant pas un caractère bilatéral, et ne justifiant
donc pas l’invocation de l’interdiction de tourner le principe du consentement, la Cour, dans la
procédure relative au Sahara occidental, aurait sans hésiter donné son avis sur les droits souverains
que possédait alors l’Espagne. Or, le raisonnement qui l’a conduite à conclure qu’en répondant à la
demande d’avis, elle ne tournerait pas le principe du consentement, reposait dans une large mesure
sur sa constatation que le règlement du problème des droits que possédait le Maroc sur le Sahara
occidental au moment de la colonisation serait sans effet sur les droits possédés «actuellement» par
l’Espagne en tant que puissance administrante (pour plus de détails, voir la section A ii) ciaprès)
166.
3.12. Troisièmement, il n’y a pas en l’espèce une puissance administrante qui, concernée par
une procédure consultative sur une question de décolonisation, tenterait par opportunisme de
présenter cette question comme un différend bilatéral. La situation est exactement l’inverse. C’est
seulement maintenant que Maurice, après avoir pendant de nombreuses années (en tant qu’Etat)
tenté d’obtenir le règlement d’un différend l’opposant au Royaume-Uni sur (en particulier) une
question de souveraineté territoriale, et ce tant par la voie bilatérale qu’en cherchant à introduire
des procédures contentieuses devant des juridictions internationales et des tribunaux arbitraux, que
Maurice a porté la question devant l’Assemblée générale et la Cour en la présentant comme se
rapportant à la décolonisation167.
3.13. Les arguments que Maurice soumet à la Cour dans son exposé écrit ne font que
confirmer que la requête pour avis consultatif touche un différend bilatéral de longue date.
3.14. Il y a lieu tout d’abord de noter que ce que Maurice «soutient» dans les conclusions de
son exposé écrit n’est autre que le «dispositif» qu’elle voudrait que la Cour énonce168. En
particulier, les conclusions qu’elle attend de la Cour ne sont qu’une série d’injonctions qui
laisseraient à l’Assemblée générale fort peu de latitude pour prendre des décisions ; elle affirme
ainsi que «le droit international exige que» :
a) «Le processus de décolonisation de Maurice soit mené à bien immédiatement … afin que
Maurice puisse exercer sa souveraineté sur la totalité de son territoire»169. Ce qu’elle demande
là est en fait une conclusion lui conférant la souveraineté sur l’archipel des Chagos. Cette
conclusion est celle qu’elle attendait  en vain  de la procédure bilatérale constituée par
l’Arbitrage concernant les Chagos170.
b) «Maurice puisse mettre en oeuvre avec effet immédiat un programme de réinstallation sur
l’archipel des Chagos pour ses nationaux, en particulier ceux d’origine chagossienne»171. Dans
ses communications bilatérales avec le Royaume-Uni, Maurice a déjà prétendu que celui-ci
166 Sahara occidental, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1975, p. 27, par. 42.
167 Exposé écrit du Royaume-Uni, par. 7.13-7.14.
168 Exposé écrit de Maurice, p. 259.
169 Ibid., point 3 a) (les italiques sont de nous).
170 Voir l’exposé écrit du Royaume-Uni, chap. VI, en particulier le paragraphe 6.5 (où il est fait référence à la
page 155 du mémoire de Maurice dans l’Arbitrage concernant les Chagos), et les paragraphes 6.8-6.30. Voir également
le dispositif de la sentence prononcée par le Tribunal à l’issue de l’Arbitrage concernant les Chagos, par. 547,
point A1.
171 Exposé écrit de Maurice, p. 260, point 3 b).
- 36 -
avait agi «en violation de la convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination
raciale» en empêchant les anciens habitants de l’archipel des Chagos d’exercer leur droit de
retour et les autres ressortissants mauriciens d’exercer leur droit d’entrée dans ledit archipel»172.
En outre, en demandant à la Cour la déclaration citée plus haut, Maurice fait totalement
abstraction du traité bilatéral qu’elle a conclu en 1982 avec le Royaume-Uni au sujet du
règlement des réclamations présentées par les Chagossiens installés à Maurice ou en leur nom
(l’accord de 1982)173, nonobstant la décision prise en 2012 par la Cour européenne des droits de
l’homme sur exactement le même sujet174.
3.15. Deuxièmement, dans le passage de son exposé écrit où elle présente ses arguments sur
ce qu’elle appelle «les conséquences juridiques dans l’attente de la réalisation de la décolonisation
complète», Maurice demande en fait à la Cour d’émettre une série de directives détaillées sur la
manière dont le Royaume-Uni et elle-même devraient se comporter dans leurs relations bilatérales
immédiatement après le prononcé d’un avis consultatif175. Or, comme Maurice semble elle-même
l’admettre176, les déclarations qu’elle attend de la Cour se rapportent à des points sur lesquels le
Tribunal arbitral s’est déjà prononcé dans l’Arbitrage concernant les Chagos177. Autrement dit,
Maurice entend obtenir que la Cour, dans l’exercice de sa compétence consultative, émette des
directives applicables au comportement des deux Etats dans leurs relations bilatérales, espérant
obtenir ainsi des résultats plus favorables que ceux de la démarche semblable suivie par elle dans
l’Arbitrage concernant les Chagos.
3.16. De plus  et cela vient renforcer la position du Royaume-Uni selon laquelle la Cour
est en réalité saisie d’un différend bilatéral  seuls les exposés écrits de Maurice et du
Royaume-Uni entrent dans le détail des faits sous-jacents à la présente procédure, lesquels
tiendront une place cruciale dans la détermination des réponses à donner éventuellement aux
questions posées dans la demande d’avis178.
ii) L’argumentation de Maurice sur le respect du principe du consentement
3.17. En invoquant les avis donnés par la Cour dans les procédures relatives au Sahara
occidental et aux Conséquences juridiques de l’édification d’un mur, Maurice soutient que «le
principe du consentement au règlement judiciaire n’est pas tourné si : i) l’avis consultatif est
172 Voir l’exposé écrit du Royaume-Uni, par. 5.19, al. d), renvoyant à une lettre en date du 20 octobre 2011
adressée au secrétaire britannique aux affaires étrangères par le ministre mauricien des affaires étrangères, de
l’intégration régionale et du commerce extérieur (annexe 70).
173 Pour plus de détails, voir l’exposé écrit du Royaume-Uni, par. 4.9-4.18.
174 C’est seulement dans une seule phrase figurant dans une note de bas de page de son exposé écrit (note
no 510, p. 150) que Maurice fait référence au fait que la Cour européenne des droits de l’homme a conclu que dans leur
très grande majorité, les Chagossiens de Maurice avaient réglé leurs réclamations avec le Royaume-Uni.
175 Exposé écrit de Maurice, par. 7.42-7.61.
176 Ibid., par. 7.44.
177 Exposé écrit du Royaume-Uni, par. 9.20.
178 Le paragraphe 77 de l’exposé écrit de l’Afrique du Sud :
«Il y aurait apparemment désaccord sur les faits à propos de la validité en droit international de
l’accord conclu entre le Royaume-Uni et Maurice en 1965 concernant la séparation de l’archipel des
Chagos de Maurice. L’Afrique du Sud ne dispose pas d’informations de première main sur la manière
dont cet accord a été conclu et ne peut donc aider la Cour à déterminer si l’exception au principe de l’uti
possidetis pourrait s’appliquer en l’instance. Selon l’Afrique du Sud, cette question doit être examinée par
les Etats qui ont accès à l’information qui aiderait la Cour à faire cette évaluation.»
- 37 -
demandé sur des questions se situant dans un cadre bien plus large que celui d’un différend
bilatéral ; et ii) l’objet de la requête est d’obtenir de la Cour un avis que l’Assemblée générale
estime utile pour pouvoir exercer ses fonctions»179. Maurice ne sert pas la Cour en cherchant ainsi à
distiller des principes généraux et à les appliquer à la présente procédure : elle se garde d’aborder
les caractéristiques spécifiques des procédures relatives au Sahara occidental et aux Conséquences
juridiques de l’édification d’un mur et les différences considérables qui les distinguent de la
présente espèce180.
3.18. En ce qui concerne la procédure relative au Sahara occidental, Maurice concentre son
attention sur le rejet par la Cour de l’argument de l’Espagne selon lequel répondre à la requête
aurait pour effet de tourner le principe du consentement à l’exercice de la compétence
contentieuse181. Or, Maurice préfère glisser sur deux points essentiels :
a) Le premier est que la procédure relative au Sahara occidental a été introduite parce qu’«une
controverse juridique a[vait] surgi au cours des débats [de la quatrième commission de
l’Assemblée générale] au sujet du statut dudit territoire au moment de sa colonisation par
l’Espagne», et que l’Assemblée considérait dès lors «qu’il [était] hautement souhaitable
[qu’elle] obtienne pour poursuivre l’examen de cette question lors de sa trentième session, un
avis consultatif sur certains aspects juridiques importants du problème»182. Dans ces
circonstances, la Cour était fondée à dire, comme elle l’a fait, que la question de savoir si elle
tournerait le principe du consentement ne se posait pas, vu que la controverse juridique avait
«surgi lors des débats de l’Assemblée générale et au sujet de problèmes traités par elle»183. En
revanche, dans la présente procédure, la Cour se trouve dans une situation qui est exactement la
situation problématique qu’elle avait envisagée dans son avis sur le Sahara occidental, à savoir
celle où l’Assemblée générale porterait devant elle un différend afin d’exercer plus tard, sur la
base de son avis consultatif, ses pouvoirs et ses fonctions en vue de régler pacifiquement ledit
différend184. Il est incontestable que i) telle est la situation que Maurice a expressément cherché
à créer en s’adressant à l’Assemblée générale185, et il est tout aussi incontestable que ii)
lorsqu’en juillet 2016, Maurice a pour la première fois évoqué la possibilité d’une demande
d’avis, l’archipel des Chagos n’était pas, et ce depuis de nombreuses décennies, l’objet d’une
question dont l’Assemblée générale était saisie à quelque titre que ce soit186.
b) Les questions soulevées dans la requête pour avis consultatif dans la procédure relative au
Sahara occidental ne comprenaient pas le différend en cours sur la souveraineté territoriale. Il
est intéressant de constater que dans son exposé écrit, Maurice ne fait absolument aucune
mention du passage cité ci-après de l’avis consultatif donné par la Cour dans cette procédure,
179 Exposé écrit de Maurice, par. 5.29.
180 Voir l’exposé écrit du Royaume-Uni, par. 7.17-7.18,
181 Exposé écrit de Maurice, par. 5.27.
182 Extrait de la demande d’avis de l’Assemblée, Sahara occidental, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1975, p. 14,
par. 1.
183 Sahara occidental, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1975, p. 25, par. 34 ; voir également le paragraphe 20.
184 Ibid., p. 26-27, par. 39. Au sujet de la genèse de la résolution 71/292, voir les paragraphes 1.8-1.16 de
l’exposé écrit du Royaume-Uni.
185 Voir Nations Unies, doc. A/71/PV.88 (22 juin 2017), p. 8 (intervention du représentant de Maurice) :
«Par conséquent, sachant que rien ne laisse entrevoir la fin de la colonisation de Maurice, c’est à
l’Assemblée générale qu’il incombe toujours d’agir. Plus de 50 années se sont écoulées et le moment est
venu d’agir. Il serait bon que l’Assemblée générale s’acquitte de cette fonction sur la base de l’avis de la
Cour internationale de Justice concernant la licéité de la séparation de l’archipel des Chagos en 1965.»
(dossier ONU, n° 6).
186 Voir l’exposé écrit de l’Argentine, par. 26.
- 38 -
alors qu’il est manifestement un élément central du raisonnement qui l’a conduite à sa décision
sur l’exercice de son pouvoir discrétionnaire :
«42. En outre, l’origine et la portée du différend, telles qu’elles sont décrites plus
haut, présentent de l’importance quand il s’agit d’apprécier, du point de vue de l’exercice
par la Cour de son pouvoir discrétionnaire, les conséquences en l'espèce du défaut de
consentement de l’Espagne. Le problème qui se pose entre le Maroc et l’Espagne au sujet
du Sahara occidental ne concerne pas le statut juridique du territoire à l’heure actuelle
mais les droits du Maroc sur ce territoire au moment de la colonisation. Le règlement de
ce problème sera sans effet sur les droits que l’Espagne possède actuellement en tant que
Puissance administrante mais il aidera l’Assemblée générale à se prononcer sur la
politique à suivre pour accélérer le processus de décolonisation du territoire. Il en résulte
que la position juridique de 1’Etat qui a refusé son consentement à la présente instance
«ne saurait à aucun degré être compromise par les réponses que la Cour pourrait faire aux
questions qui lui sont posées» (Interprétation des traités de paix conclus avec la
Bulgarie, la Hongrie et la Roumanie, première phase, C.I. J. Recueil 1950, p. 72).
43. L’Espagne a présenté d’une deuxième manière l’objection tirée du défaut de
consentement ; elle prétend qu’il s’agit d’un différend territorial et que le consentement
d’un Etat au règlement judiciaire d’un différend concernant l’attribution de la
souveraineté territoriale est toujours nécessaire. Les questions posées dans la requête ne
se rattachent pourtant pas à un conflit territorial, au sens propre, entre les Etats
intéressés. Elles ne mettent pas en cause devant la Cour la situation actuelle de
l’Espagne en tant que Puissance administrante du territoire ; la résolution 3292 (XXIX)
elle-même reconnaît le statut juridique actuel de l’Espagne comme Puissance
administrante. La validité des titres auxquels l’Espagne doit d’être devenue Puissance
administrante du territoire n’est pas non plus en cause devant la Cour et cela a été
reconnu pendant la procédure orale. La Cour estime que la requête pour avis consultatif
n’appelle pas de sa part un prononcé sur des droits territoriaux existants ni sur la
souveraineté sur un territoire.»187
3.19. Il est frappant que Maurice se soit abstenue d’examiner (et même de mentionner) ce
passage essentiel.
a) Ce silence pourrait s’expliquer si Maurice niait que répondre à la requête implique en fait que
soit abordée la question litigieuse de la souveraineté territoriale actuelle sur l’archipel des
Chagos, mais elle ne prend nullement position en ce sens dans son exposé écrit.
b) Répondre à la question b) posée dans la requête — rédigée par Maurice188  amènerait la Cour
à concentrer son attention sur les conséquences juridiques «du maintien de l’archipel des
Chagos sous l’administration du Royaume-Uni». Or, lorsqu’il s’agit d’expliquer pourquoi elle
considère que la réponse de la Cour à cette question est «nécessaire» à l’Assemblée générale,
Maurice se borne à paraphraser ladite question en quelques lignes, sans ajouter aucun argument
de fond189.
c) Maurice soutient donc que la Cour devrait s’écarter considérablement de sa jurisprudence, mais
elle n’explique pas pourquoi cela est «nécessaire».
187 Sahara occidental, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1975, p. 27-28, par. 42-43 (les italiques sont de nous).
188 Exposé écrit du Royaume-Uni, par. 7.16.
189 Exposé écrit de Maurice, par. 5.35 ; voir également le paragraphe 1.40.
- 39 -
3.20. Maurice soutient aussi que dans la procédure relative au Sahara occidental, la Cour a
dit qu’aucun Etat «ne pouvait ... valablement objecter à ce que l’Assemblée générale exerce ses
pouvoirs pour s’occuper de la décolonisation d’un territoire non autonome et demande un avis
consultatif sur des questions intéressant l’exercice de ces pouvoirs»190. Or, elle tire là argument
d’une citation hors contexte de l’avis consultatif où la Cour traite de la question distincte du
consentement général de l’Espagne à sa compétence consultative, avant d’aborder la question de
l’exercice de son pouvoir discrétionnaire considérée du point de vue de l’opportunité judiciaire,
question qui est d’une importance cruciale en la présente procédure. Dans le passage que cite
Maurice, la Cour ne traitait pas de la question critique à laquelle elle allait s’arrêter dans la suite de
son raisonnement, qui était celle de savoir si répondre à la demande de l’Assemblée générale aurait
pour effet de tourner le principe selon lequel un Etat n’est pas tenu de se prêter au règlement
judiciaire d’un différend s’il n’est pas consentant. Il est incontesté, même par Maurice, qu’il peut
exister des situations où la Cour devrait refuser  pour servir la bonne règle judiciaire  de
donner un avis consultatif sur la question de la décolonisation des territoires non autonomes.
3.21. Quant à la référence de Maurice à la procédure relative aux Conséquences juridiques
de l’édification d’un mur, il y a lieu de noter que le différend pris en considération dans cette
procédure n’avait aucun point commun avec celui dont il s’agit dans la présente instance. En
particulier :
a) La question de la souveraineté sur l’archipel des Chagos fait l’objet d’un différend qui tient une
place centrale dans les relations entre Maurice et le Royaume-Uni. En revanche, le différend sur
l’édification du mur n’était qu’un élément relativement mineur du différend opposant de longue
date Israël à la Palestine, et de surcroît n’était pas un différend bilatéral de souveraineté
territoriale191.
b) Dans la procédure relative aux Conséquences juridiques de l’édification d’un mur, l’avis
demandé à la Cour portait sur «une question qui intéress[ait] tout particulièrement les
Nations Unies»192. Le différend bilatéral qui est maintenant soumis à la Cour ne présente sur ce
point aucune analogie avec celui dont il s’agissait dans la procédure relative au Mur, et il en
diffère également en ce que, contrairement à ce que prétend Maurice, il ne s’inscrit pas dans un
«cadre bien plus large que celui d’un différend bilatéral»193. Lorsque Maurice prétend que la
question figure «depuis longtemps … parmi [les] principales priorités» de l’Assemblée
générale194, elle fait abstraction d’un point évident, à savoir que pendant de nombreuses
décennies, l’Assemblée ne s’est pas intéressée activement à l’archipel des Chagos (voir le
différend entre Israël et la Palestine, et voir également l’avis consultatif sur le Sahara
190 Exposé écrit de Maurice, par. 5.37, renvoyant à Sahara occidental, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1975,
p. 24, par. 30.
191 Voir le paragraphe 5.24 de l’exposé écrit de Maurice, où celle-ci donne une version inexacte de la position
exprimée par le Royaume-Uni dans son exposé écrit de janvier 2004 sur la procédure relative aux Conséquences
juridiques de l’édification d’un mur, où, au paragraphe 3.32, auquel Maurice fait référence, il était dit en fait ceci :
«Que ce soit devant l’Assemblée générale ou au sein du Conseil de sécurité, les orateurs ont tous
déclaré que ce n’était pas la construction du mur qui constituait en soi une violation du droit international,
mais le fait que cette construction avait lieu sur un territoire occupé. Les conséquences possibles en
matière de propriété territoriale ont été évoquées comme un des principaux sujets d’inquiétude en la
matière. Ainsi, les questions à l’examen font manifestement partie d’un différend bilatéral entre Israël et
la Palestine, et le principe confirmé dans l’affaire du Sahara occidental est donc applicable. De plus, il est
manifeste qu’Israël n’accepte pas la compétence de la Cour. La seule question est donc de savoir si
l’exception de l’affaire du Sahara occidental peut s’appliquer ici.»
192 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le Territoire palestinien occupé, avis consultatif,
C.I.J. Recueil 2004, p. 158-159, par. 49-50.
193 Voir l’exposé écrit de Maurice, par. 5.25.
194 Voir ibid., par. 5.21.
- 40 -
occidental, dans lequel la Cour a dit qu’il existait une controverse «qui a[vait] surgi lors des
débats de l’Assemblée générale et au sujet de problèmes traités par elle»195).
c) Maurice accorde un poids considérable à la résolution adoptée par l’Assemblée générale en
décembre 2010 à l’occasion du cinquantième anniversaire de la déclaration sur l’octroi de
l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux196, bien que cette résolution soit d’un bout à
l’autre rédigée en termes généraux. Maurice ne prétend cependant pas que cette résolution ait
été inspirée en partie par la situation concernant l’archipel des Chagos ; ce texte ne fait
d’ailleurs aucune mention de l’archipel.
d) Il est certes exact d’affirmer que l’Assemblée générale a continué de s’occuper de la question
de la décolonisation en général, mais ce fait n’a qu’un intérêt limité vu que la requête ne porte
pas sur la colonisation en tant que relevant d’un principe général197. Selon un raisonnement
analogue à celui suivi dans la procédure relative aux Conséquences juridiques de l’édification
d’un mur, la question pertinente serait de savoir si la question litigieuse soulevée par la requête
s’inscrit «dans un cadre bien plus large» et donne de ce fait motif à l’Assemblée générale à
s’intéresser spécifiquement aux relations qu’entretiennent Maurice et le Royaume-Uni. Or, il
est évident que tel n’est pas le cas : aucune analogie ne peut être établie entre l’intérêt, actif ou
non, que l’Assemblée générale a pu porter à ces relations et l’intérêt, associé à la conscience de
leur responsabilité, que les Nations Unies manifestent à l’égard des rapports entre Israël et la
Palestine198.
3.22. Ainsi, malgré ses références aux procédures relatives au Sahara occidental et aux
Conséquences juridiques de l’édification d’un mur, Maurice, n’a pas pu relever un cas où la Cour
aurait exercé son pouvoir discrétionnaire pour accepter de répondre à une requête pour avis
consultatif l’invitant à exprimer sa position sur un différend en cours relatif à la souveraineté
territoriale.
3.23. Maurice tente de montrer que, comme elle le prétend, le principe du consentement ne
serait pas tourné si la Cour acceptait de répondre, en affirmant que, «étant donné que les
obligations relatives à la décolonisation, notamment le principe de l’autodétermination, sont des
obligations erga omnes, elles ne peuvent pas être considérées simplement comme une question
bilatérale»199. Cette affirmation appelle les observations suivantes :
a) Maurice cite à l’appui de ce qu’elle affirme un passage de l’avis consultatif sur les
Conséquences juridiques de l’édification d’un mur où il est question des obligations
erga omnes. Or, ce passage200 se trouve dans la partie de l’avis qui traite de la licéité de la
construction du mur, alors que dans celle où la Cour examine des questions touchant l’exercice
de son pouvoir discrétionnaire201, il n’y a aucune mention du point de savoir s’il existe ou non
des obligations erga omnes. Il n’y a pas lieu de s’en étonner : comme il ressort clairement de
195 Sahara occidental, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1975, p. 25, par. 34 (voir aussi le paragraphe 20) ; Exposé
écrit de Maurice, par. 5.30.
196 Exposé écrit de Maurice, par. 5.33, renvoyant à A/RES/65/118 (10 décembre 2010), p. 2-3, par. 2 et 9.
197 Voir l’exposé écrit du Royaume-Uni, par. 7.16.
198 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le Territoire palestinien occupé, avis consultatif,
C.I.J. Recueil 2004, p. 158-159, par. 49-50.
199 Exposé écrit de Maurice, par. 5.31. Voir également : exposé écrit du Brésil, par. 12 ; exposé écrit de Chypre,
par. 3 ; exposé écrit de la Serbie, par. 26.
200 Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif,
C.I.J. Recueil 2004, p. 199, par. 156.
201 Ibid., par. 43-65.
- 41 -
l’arrêt rendu par la Cour en l’affaire du Timor oriental (à laquelle il est fait référence dans l’avis
sur les Conséquences juridiques de l’édification d’un mur), l’opposabilité erga omnes d’une
norme est sans incidence sur la question de savoir si un Etat a consenti ou non à la juridiction
de la Cour à l’égard de l’application de cette norme202.
b) En invoquant ainsi des obligations opposables erga omnes, Maurice non seulement présume
que ces obligations existaient à l’époque pertinente203, mais encore laisse de côté le fait qu’elle
a consenti au détachement de l’archipel des Chagos et a ensuite réaffirmé son consentement,
comme il lui était parfaitement loisible de le faire quelle qu’ait alors été la nature du droit
international en matière d’autodétermination. Aucun Etat tiers ne possédait un quelconque droit
opposable erga omnes ou un intérêt qui ait pu empêcher Maurice de donner ce consentement,
dont elle peut seule contester la validité comme elle le fait dans la présente procédure (même si
sa position à cet égard est infondée)204. Il n’est donc pas étonnant que ni des Etats tiers, ni des
organisations internationales ne se soient exprimés sur cette question pendant la longue période
où, comme il est indiqué au chapitre II, Maurice a réaffirmé l’accord de 1965 alors qu’elle était
devenue un État indépendant.
iii) Autres facteurs d’appréciation de l’opportunité judiciaire
3.24. Comme le Royaume-Uni l’a déjà dit dans son exposé écrit205, la Cour est invitée à
examiner un ensemble complexe de faits contestés, et (apparemment) à exprimer son opinion sur la
question contentieuse de la souveraineté sur l’archipel des Chagos. Or, la Cour ne dispose que d’un
dossier incomplet sur les faits, cependant que le Royaume-Uni ne jouit pas de la protection qui va
de pair avec une procédure contentieuse. Une affaire contentieuse comprendrait une phase écrite
complète, qui serait très probablement suivie d’une phase orale d’au moins deux semaines, lors de
laquelle l’Etat défendeur serait bien entendu pleinement à même de répondre aux arguments
avancés contre lui. Il serait particulièrement utile que ce droit de réponse puisse être exercé lors de
la phase orale lorsque, comme c’est le cas dans la présente procédure, les écritures des Etats
concernés sont déposées simultanément. Cependant, le Royaume-Uni ne pourra pas exercer ce droit
de réponse au stade de la procédure orale, étant donné que Maurice et lui-même n’auront droit, le
même jour qu’à un seul tour de plaidoiries.
3.25. Comme il ressort de ce qui précède, la Cour ne pourra s’appuyer ni sur un tableau
complet des faits, ni sur un jeu complet d’écritures contradictoires déposées par les Etats concernés
au premier chef, cependant que le Royaume-Uni n’aura ni la faculté de répondre de façon
circonstanciée aux plaidoiries de Maurice, ni celle de simplement répondre aux plaidoiries des
autres Etats qui s’exprimeront devant la Cour. Ce sont là des questions qui bien évidemment
donnent matière à de sérieuses préoccupations quant à l’intégrité de la procédure, mais Maurice les
a complètement laissées de côté dans son exposé écrit.
202 Timor oriental (Portugal c. Australie), arrêt, C.I.J. Recueil 1995, p. 102, par. 29. La Cour a énoncé une
conclusion semblable au sujet des normes de jus cogens dans l’affaire des Activités armées sur le territoire du Congo
(nouvelle requête : 2002) (République démocratique du Congo c. Rwanda), compétences et recevabilité, arrêt, C.I.J.
Recueil 2006, p. 32, par. 64 ; voir également la référence à ces normes figurant au paragraphe 3 de l’exposé écrit de
Chypre.
203 Voir Exposé écrit du Royaume-Uni, par. 8.27 et suivants. Il est à noter également qu’il est faux de parler
d’«obligations relatives à la décolonisation», étant donné que la décolonisation est un processus politique. Voir aussi le
chapitre IV ci-après.
204 Voir l’exposé écrit du Royaume-Uni, par. 7.15.
205 Exposé écrit du Royaume-Uni, par. 7.18, alinéas e) et f).
- 42 -
B. Conclusions
3.26. Le Royaume-Uni maintient sa position, à savoir qu’à moins qu’elle ne trouve le moyen
de répondre à la requête sans se prononcer sur le différend qui oppose de longue date Maurice au
Royaume-Uni ou sur des questions s’y rapportant directement, la Cour s’écarterait en l’espèce de la
bonne règle judiciaire si elle acceptait de donner un avis consultatif.
3.27. Comme il ressort de l’avis consultatif donné par la Cour dans la procédure relative au
Sahara occidental et comme l’ont fermement rappelé les Etats qui ont soumis à la Cour un exposé
écrit (qu’ils soient pour ou contre l’exercice par la Cour de son pouvoir discrétionnaire de refuser
de répondre à la requête), il est établi que le prononcé d’un avis consultatif est incompatible avec le
caractère judiciaire de la Cour lorsque répondre à la requête aurait pour effet de tourner le principe
selon lequel un Etat n’est pas tenu de se prêter au règlement judiciaire d’un différend s’il n’est pas
consentant. Tel est exactement le cas qui se présente en l’espèce.
- 43 -
TROISIÈME PARTIE
LES POINTS DE DROIT SOULEVÉS PAR
LES QUESTIONS POSÉES À LA COUR
La présente partie comprend deux chapitres qui traitent respectivement de la question a) et
de la question b) posées dans la requête pour avis consultatif. Maurice demandant en substance à la
Cour d’énoncer un dispositif comme elle le ferait dans une affaire contentieuse opposant deux
Etats. Elle cherche à soumettre à la Cour un différend strictement bilatéral en passant outre au
défaut de consentement de la partie adverse à sa juridiction.
Le Royaume-Uni maintient que la Cour devrait s’abstenir d’examiner le différend bilatéral
qui lui est ainsi soumis. Les observations qu’il formule ci-après dans les chapitres IV et V le sont
donc à titre subsidiaire, pour le cas où la Cour déciderait néanmoins de répondre aux questions a) et
b). Ces observations portent sur les arguments de Maurice et montrent à quel point les faits que la
Cour aurait à établir pour trancher le différend sont complexes et contestés.
- 44 -
CHAPITRE IV
RÉPONSE À LA QUESTION A) :
LE PROCESSUS DE DÉCOLONISATION
A ÉTÉ VALIDEMENT MENÉ À BIEN EN 1968
4.1. La question a) est libellée comme suit :
«Le processus de décolonisation a-t-il été validement mené à bien lorsque
Maurice a obtenu son indépendance en 1968, à la suite de la séparation de l’archipel
des Chagos de son territoire et au regard du droit international, notamment des
obligations évoquées dans les résolutions de l’Assemblée générale 1514 (XV) du
14 décembre 1960, 2066 (XX) du 16 décembre 1965, 2232 (XXI) du 20 décembre
1966 et 2357 (XXII) du 19 décembre 1967 ?»
4.2. La réponse à la question a) que Maurice propose au chapitre 6 de son exposé écrit
repose sur un argument factuel concernant le (défaut de) consentement des représentants élus de
Maurice, et quatre arguments juridiques sur l’autodétermination. Le chapitre II des présentes
observations montre comment Maurice a déformé les faits dans son exposé écrit. La section A du
présent chapitre explique pourquoi l’argumentation de Maurice sur l’invalidité du consentement est
dénuée de fondement tant factuel que juridique. La réponse courte à la question a) est que les
représentants de Maurice ont donné validement leur consentement au détachement de l’archipel des
Chagos, quelles qu’aient pu être en 1965/68 la valeur juridique et la portée du droit à
l’autodétermination.
4.3. Les sections B à E du présent chapitre traitent des quatre arguments juridiques avancés
par Maurice sur l’autodétermination, à savoir :
1) que les deux notions distinctes de décolonisation et d’autodétermination peuvent être
considérées comme n’en faisant qu’une pour répondre à la question a) ;
2) que le droit à l’autodétermination était «solidement établi» en droit international en 1965206 ;
3) que le droit à l’intégrité territoriale de «la totalité» d’un territoire non autonome est un
«corollaire juridique» (un «droit corollaire») du droit à l’autodétermination interdisant la
«division arbitraire» d’un territoire dans les années précédant son accession à l’indépendance.
Maurice soutient que le paragraphe 6 du dispositif de la résolution 1514 (XV) (1960) a établi
ce droit corollaire, et que ce droit était devenu en 1965 une règle de droit international
coutumier207 ; et
4) que l’autodétermination nécessite «le consentement libre et authentique de la population
concernée»208. Maurice, tout en jugeant préférable que ce consentement soit exprimé «par un
référendum»209, admet qu’il peut être et a été exprimé par la participation à des élections210.
206 Exposé écrit de Maurice, par. 6.3, al. 2.
207 Ibid., par. 6.3, points 4) et 7), 6.50, point 3), 6.58 et 1.4, point iv).
208 Ibid., par. 6.3, point 3).
209 Ibid., par. 6.58-6.60 ; voir également le par. 1.41, point iii).
- 45 -
4.4. Le point 1) repose sur une prémisse erronée. La décolonisation est un processus
politique dont l’accomplissement peut être apprécié sur la base de faits ; l’autodétermination est
une notion juridique liée au processus souvent complexe d’habilitation politique d’un «peuple»,
mais non à l’intégrité territoriale (voir ci-après la section B).
4.5. Au sujet du point 2), le Royaume-Uni montre que le droit à l’autodétermination n’était
pas reconnu en droit international en 1965. Les sources que cite Maurice sont incomplètes et leur
analyse n’est pas concluante. Le droit à l’autodétermination s’est cristallisé après les années 1960.
La première résolution de l’Assemblée générale où il est question d’un tel «droit» (plutôt que du
«principe» de l’autodétermination) est celle contenant la Déclaration sur les relations amicales
entre les Etats, adoptée le 24 octobre 1970, et rédigée dans des termes passablement différents de
ceux employés dans les résolutions précédentes. Et le premier instrument juridiquement
contraignant à avoir codifié ce droit est le Pacte relatif aux droits économiques, sociaux et culturels,
entré en vigueur le 3 janvier 1976 (voir la section C).
4.6. En ce qui concerne le point 3), le Royaume-Uni conteste l’existence à l’époque
pertinente d’un droit à l’intégrité territoriale de la totalité d’un territoire non autonome qui aurait
fait partie d’un quelconque droit à l’autodétermination. Les textes que Maurice cite comme
exemples, y compris la résolution 1514 (XV), ne servent pas sa thèse. L’autodétermination est le
processus d’émancipation politique, économique, sociale et culturelle d’un «peuple». Le territoire
est important en ce qu’il fait partie de la définition d’un peuple et donne un sens à l’exercice par lui
de son droit à l’autodétermination, mais cela ne nécessite pas que ses limites restent absolument
inchangées pendant un nombre indéterminé d’années avant l’indépendance (voir la section D).
4.7. Pour ce qui est du point 4), le Royaume-Uni convient que la libre expression par un
peuple de sa volonté est un élément essentiel de l’autodétermination telle qu’on la conçoit
aujourd’hui. Il ne considère pas, cependant, qu’un référendum supervisé par l’ONU soit le seul
moyen d’expression de cette volonté. Un peuple peut validement déterminer son statut politique de
diverses manières, y compris par le consentement de ses représentants élus et par l’organisation
d’une conférence constitutionnelle suivie d’élections législatives, comme cela a été le cas pour le
peuple mauricien (voir la section E).
A. Maurice a validement consenti au détachement de l’archipel
des Chagos par la voix de ses représentants élus
4.8. Les arguments avancés par Maurice au chapitre 6, section V, de son exposé écrit sont la
répétition de ceux qu’elle a employés dans l’Arbitrage concernant les Chagos. Le Royaume-Uni y
a déjà répondu en détail lors de cet arbitrage et dans son exposé écrit.
4.9. Maurice a consenti en 1965 au détachement de l’archipel par la voix de ses représentants
élus. Le peuple mauricien a en outre exprimé son acceptation du détachement en votant pour
l’indépendance  alors que le détachement de l’archipel était de notoriété publique  lors des
élections législatives d’août 1967, et l’Assemblée législative nouvellement élue en a fait autant le
même mois211. Le processus de décolonisation a donc été validement mené à bien en 1968. Ce
210 Exposé écrit de Maurice, par. 6.3, point 3) («L’autodétermination nécessitait le consentement libre et
authentique de la population concernée  tel qu’exprimé par un référendum, élection ou plébiscite, par exemple
 afin de déterminer le statut futur du territoire») (les italiques sont de nous).
211 Voir le chapitre II ci-dessus et l’exposé écrit du Royaume-Uni, chap. III et chap. VIII, sect. B.
- 46 -
consentement, réaffirmé par le comportement ultérieur de Maurice, apporte la réponse à la
question a) sans le secours des arguments juridiques exposés ci-après (par souci de complétude),
étant donné que même si la notion d’autodétermination avait été entendue en 1965 comme elle l’est
aujourd’hui, aucune restriction n’aurait empêché que l’archipel soit détaché avec le consentement
des représentants élus de Maurice.
4.10. Comme il est montré au chapitre II, la version des événements que Maurice présente
dans son exposé écrit passe sous silence les échanges entamés en juillet 1965, déforme ce qui s’est
passé lors des réunions du 23 septembre 1965, fait abstraction du fait que le secrétaire d’Etat
britannique avait annoncé publiquement la décision du Royaume-Uni de s’engager sur la voie de
l’octroi à Maurice de son indépendance avant que ne soit conclu l’accord de 1965, glisse sur les six
semaines de négociations qui ont précédé la conclusion de l’accord et sur les avantages et
l’indemnisation substantiels obtenus par Maurice, minimise l’importance du fait que le conseil des
ministres mauricien a avalisé l’accord le 5 novembre 1965, donne une image simplifiée et
déformée du débat politique interne dans lequel l’un des partis mauriciens (le PMSD) voulait un
référendum non pas en lieu et place des élections ou pour protester contre le détachement en soi,
mais parce qu’il militait pour une formule d’association avec le Royaume-Uni, passe sous silence
le fait que le PMSD critiquait le détachement parce qu’il jugeait la compensation insuffisante, et
non parce qu’il alléguait que le consentement avait été obtenu sous la contrainte, laisse de côté le
fait qu’en pleine connaissance des termes de l’accord de 1965, le peuple mauricien a librement
exprimé sa volonté lors des élections législatives de 1967 et que l’Assemblée législative a ensuite
voté pour l’indépendance, et enfin ne tient pas compte de ce que, durant une période passablement
longue, Maurice a réaffirmé cet accord après être devenue un Etat indépendant et souverain.
4.11. Il suffit ici de noter qu’à supposer même que le consentement des ministres mauriciens
ait été «recherché pour des raisons essentiellement politiques»212, il reste que ce consentement a été
recherché et obtenu au cours d’un processus échelonné qui a laissé aux Mauriciens le temps de
réfléchir et de négocier des avantages supplémentaires. Il est par ailleurs inexact d’affirmer comme
le fait Maurice que le peuple mauricien n’a pas pu «exprimer … une opinion sur la question du
détachement» lors des élections législatives de 1967213. Le peuple mauricien n’a pas été mis devant
un fait accompli. Il lui était parfaitement loisible d’émettre des objections et de voter
majoritairement pour un parti qui aurait promis de renégocier ou rejeter le détachement de
l’archipel. Or, à l’issue d’un scrutin à très forte participation, les partisans de l’indépendance (qui
avaient négocié le détachement) ont emporté la majorité des sièges. L’électorat mauricien a voté
pour l’indépendance sachant que le territoire de Maurice resterait ce qu’il était en 1967, soit sans
l’archipel des Chagos.
4.12. L’argument de Maurice selon lequel l’accord de 1965 a été «obtenu par la
contrainte»214 est un argument juridico-factuel récent, qu’elle a opposé pour la première fois au
Royaume-Uni en 2012 dans son mémoire dans l’Arbitrage concernant les Chagos. Comme le
Royaume-Uni l’a expliqué dans son exposé écrit (chap. III) et au chapitre II ci-dessus, cet argument
est contredit à la fois par les documents versés au dossier et la chronologie des principaux
événements.
4.13. Il est frappant que dans son exposé écrit, Maurice soit restée muette sur le fait que de
nombreuses semaines se sont écoulées entre l’annonce par le Royaume-Uni de sa position
212 Exposé écrit de Maurice, par. 6.89.
213 Ibid., par. 6.93.
214 Ibid., par. 6.96.
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favorable à l’indépendance et le débat du conseil des ministres mauricien sur la question du
détachement de l’archipel qui a abouti à ce qu’il y donne son accord. Elle n’invoque aucun élément
de preuve de l’époque lorsqu’elle affirme que le premier ministre Ramgoolam avait conscience
d’une menace ; or, ses propres paroles et ses actes montrent qu’il considérait la conclusion de
l’accord de 1965 en échange de divers avantages comme une «victoire» et un «triomphe»215.
Maurice s’abstient également d’indiquer sur quel critère tiré de la convention de Vienne sur le droit
des traités ou du droit constitutionnel britannique elle fonde son allégation de contrainte216. Il faut
de solides motifs pour établir que la conclusion d’un accord a été viciée par l’exercice d’une
contrainte. Il est nécessaire qu’il existe des preuves patentes et convaincantes montrant que la
contrainte a été exercée sur le représentant d’un Etat au moyen d’actes ou de menaces dirigés
contre lui en tant qu’individu, ou que la conclusion de l’accord a été obtenue par la menace ou
l’emploi de la force217.
4.14. Il est frappant aussi que Maurice passe sous silence le fait qu’au fil des années, elle a
maintes fois réaffirmé l’accord de 1965  adoptant ainsi un comportement qui s’accordait avec
son consentement valide au détachement de l’archipel des Chagos. Shaw, universitaire dont
Maurice invoque les écrits tout au long de son argumentation, note en fait que la position de
Maurice est affaiblie par l’existence de preuves de son consentement au détachement. Il cite à cet
égard la carte officielle de 1980 où ne figure pas l’archipel des Chagos, le rejet par l’Assemblée
législative d’une proposition tendant à comprendre les îles dans la définition de territoire mauricien
figurant dans la constitution, et la déclaration suivante du ministre mauricien des affaires
étrangères : «Diego est juridiquement britannique. C’est une réalité incontournable, un fait
indéniable»218. Le premier ministre mauricien a quant à lui fait le 17 juillet 1980 une déclaration
dans laquelle il reconnaissait la souveraineté du Royaume-Uni sur l’archipel219.
B. Les concepts de décolonisation et d’autodétermination
ne sont pas coextensifs
4.15. Dans la question a), il est demandé à la Cour de dire si la «décolonisation» de Maurice
a été validement menée à bien. Maurice assimile à tort la décolonisation à l’autodétermination. Elle
parle du «droit de la décolonisation»220, mais lui prête un contenu qui découle du droit à
l’autodétermination. Maurice tente de jeter un voile sur le différend de souveraineté qui l’oppose de
longue date au Royaume-Uni en en faisant une question de décolonisation, en présentant la
décolonisation comme un concept juridique plutôt que politique. Comme le font justement observer
les Etats-Unis dans leur exposé écrit, la politique de décolonisation suivie par l’Assemblée générale
des Nations Unies dans les années 1950 et 1960 doit être considérée séparément de la question de
savoir s’il existait à l’époque pertinente une obligation juridique spécifique qui aurait interdit au
Royaume-Uni de détacher l’archipel des Chagos221.
215 Voir les paragraphes 2.55 et 2.78 ci-dessus.
216 Voir l’exposé écrit du Royaume-Uni, par. 8.16-8.17.
217 Articles 51 et 52 de la convention de Vienne sur le droit des traités ; voir le paragraphe 8.17 de l’exposé écrit
du Royaume-Uni.
218 Malcolm Shaw, Title to Territory in Africa: International Legal Issues (13 mars 1986). Exposé écrit de
Maurice, annexe 135, p. 132.
219 Exposé écrit de Maurice, annexe 135, p. 132.
220 Exposé écrit de Maurice, par. 6.3.
221 Exposé écrit des Etats-Unis, par. 4.18-4.20.
- 48 -
4.16. La décolonisation est un processus politique, et non un principe juridique ou un droit
reconnu en droit international. Ce processus a pour but d’éliminer la domination coloniale de
certaines parties du monde. Le champ de la décolonisation se limite aux configurations politiques
considérées comme de caractère «colonial». L’autodétermination, en revanche, peut avoir pour
point d’application tout groupe considéré comme un «peuple» dans un contexte qui n’est pas
forcément colonial.
4.17. Dans la présente procédure consultative, il importe que soit bien mesurée la différence
entre la «décolonisation» et l’«autodétermination». Bien que le processus politique de
décolonisation se soit étalé sur de nombreuses décennies, d’abord dans le cadre de la Société des
Nations, puis dans celui de l’Organisation des Nations Unies, ce n’est qu’après les années 1960 que
s’est dégagé un droit à l’autodétermination. Cependant, les deux concepts ne sont pas coextensifs.
Maurice a été validement décolonisée en 1968, que le droit à l’autodétermination ait alors existé ou
non (voir la section C ci-après). De plus, même si un droit à l’autodétermination avait existé à
l’époque, il n’aurait pas déterminé les frontières de l’Etat nouvellement indépendant de Maurice,
parce qu’il se serait appliqué à la réalisation des droits du peuple mauricien et non à l’étendue du
territoire de Maurice, comme il est expliqué ci-après à la section D.
C. Il n’existait pas en 1965/1968 de droit à l’autodétermination
reconnu en droit international
4.18. Comme le Royaume-Uni l’a déjà dit dans son exposé écrit222, l’existence ou non en
1965/1968 d’un droit à l’autodétermination reconnu en droit international ne détermine pas la
réponse à la question a). Quand bien même un tel droit aurait alors existé, il ne suivrait pas qu’il
aurait interdit le détachement de l’archipel des Chagos, parce que le droit à l’autodétermination
concerne la détermination par un peuple de son statut politique et la réalisation de son
développement économique, social et culturel, et non l’intégrité de la «totalité» du territoire où il
vit.
4.19. En dépit du libellé de la question a) (qui vise le «processus de décolonisation» et non le
droit à l’autodétermination) et du défaut de pertinence de la controverse sur l’existence d’un tel
droit à l’époque, Maurice, comme elle l’a déjà fait dans l’Arbitrage concernant les Chagos,
soutient que le droit à l’autodétermination est pertinent et était clairement établi en 1965223. Elle
admet que la Charte des Nations Unies n’énonçait pas un droit applicable aux territoires non
222 Exposé écrit du Royaume-Uni, par. 8.65.
223 Exposé écrit de Maurice, chap. 6, sect. II. Voir également Arbitrage concernant les Chagos, sentence,
par. 172 (dossier ONU, no 409) et les références qui y sont faites à ses écritures et plaidoiries.
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autonomes224, mais invoque les travaux de l’Assemblée générale et du Conseil de sécurité, ainsi
que les commentaires d’universitaires, pour définir le moment où, selon elle, le principe non
contraignant de l’autodétermination est devenu un droit opposable.
4.20. Le Royaume-Uni tient à rappeler qu’à de rares exceptions près, les résolutions de
l’Assemblée générale ont valeur de recommandations225. Maurice cherche à réfuter cette
proposition en s’appuyant sur le passage suivant de l’avis consultatif donné par la Cour dans la
procédure relative à la Namibie :
«II serait en effet inexact de supposer que, parce qu’elle possède en
principe le pouvoir de faire des recommandations, l’Assemblée générale est empêchée
d’adopter, dans des cas déterminés relevant de sa compétence, des résolutions ayant le
caractère de décisions ou procédant d’une intention d’exécution.»226
Or, la Cour faisait là référence à un cas très précis, celui de la résolution 2145 (XXI) par laquelle
l’Assemblée générale a mis fin au mandat de l’Afrique du Sud sur le Sud-Ouest africain comme
elle avait le pouvoir de le faire selon l’avis consultatif rendu par la Cour en 1950, confirmé par son
arrêt de 1962 en l’affaire du Sud-Ouest africain (qui avait force obligatoire pour l’Afrique du Sud
en sa qualité de partie à l’affaire)227. Ce cas ne peut pas être extrapolé à n’importe quelle résolution
de l’Assemblée générale, et encore moins à une résolution telle que la résolution 1514 (XV), dont
le libellé indique qu’elle est un instrument exprimant des aspirations, qui énonce des principes à
suivre et non des obligations précises228. Les résolutions remontant aux années 1950 que cite
Maurice sont de même l’expression d’aspirations et non le reflet d’obligations existantes de droit
international229.
4.21. Pour marquer l’importance qu’elle attache à la résolution 1514 (XV) (1960), Maurice
affirme que son adoption «a constitué un moment décisif pour la reconnaissance formelle d’un
droit à l’autodétermination pour les territoires non autonomes»230. Or, les Etats avaient à l’époque
224 Maurice observe que dans le texte français de l’article 1, paragraphe 2, de la Charte, il est question du droit
des peuples à disposer d’eux-mêmes, et que la version française fait foi tout autant que la version anglaise qui invoque
le principe … de l’autodétermination («principle … of self-determination») (voir le paragraphe 6.22 de l’exposé écrit
de Maurice). Voir également l’exposé écrit de l’Union africaine, par. 81 et l’exposé écrit de Djibouti, par. 28. Maurice,
l’Union africaine et Djibouti s’abstiennent de mentionner que dans les quatre autres textes officiels de la Charte (arabe,
chinois, espagnol et russe), le paragraphe 2 de l’article 1 fait référence au «principe» de l’autodétermination et non au
«droit» à l’autodétermination. Le fait que dans ce paragraphe l’autodétermination est rattachée à l’«égalité de droits»
montre clairement que les rédacteurs du texte entendaient l’égalité de droits des Etats, et non des individus. Ailleurs
dans son exposé écrit (par. 6.14), Maurice admet que le chapitre XI de la Charte «ne prévoyait pas immédiatement
l’application d’un droit à l’autodétermination aux territoires non autonomes». Il y a lieu de noter que lorsqu’elle cite le
chapitre XI de la Charte, Maurice omet systématiquement des mots qui atténuent la portée des engagements des Etats
Membres se rapportant aux territoires non autonomes : voir à cet égard son exposé écrit, par. 6.13 ; voir entre autres la
manière dont elle cite l’alinéa b) de l’article 73, en omettant le membre de phrase souligné ci-après : «de développer
leur capacité de s'administrer elles-mêmes, de tenir compte des aspirations politiques des populations et de les aider
dans le développement progressif de leurs libres institutions politiques, dans la mesure appropriée aux conditions
particulières de chaque territoire et de ses populations et à leurs degrés variables de développement».
225 Exposé écrit du Royaume-Uni, par. 8.32 et 8.67.
226 Exposé écrit de Maurice, note de bas de page 587, citant Conséquences juridiques pour les Etats de la
présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil
de sécurité, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1971, p. 50, par. 105.
227 Conséquences juridiques pour les Etats de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest
africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1971, p. 50,
par. 105.
228 Voir l’exposé écrit du Royaume-Uni, par. 8.33.
229 Exposé écrit de Maurice, par. 6.23-6.26.
230 Ibid., par. 6.33.
- 50 -
des positions divergentes sur cette résolution231. Comme Robert Rosenstock, alors conseiller
juridique de la mission permanente des Etats-Unis auprès de l’Organisation des Nations Unies, l’a
expliqué sur le ton comminatoire qui lui était coutumier232 :
«La plupart des Etats d’Afrique et d’Asie considèrent que [cette
résolution] est presque aussi sacrée que la Charte, et qu’elle énonce des règles de droit
applicables à toutes les situations coloniales. Cependant, les autres Etats, en particulier
les Etats occidentaux, n’ont pas la même révérence pour ce texte, et sont portés à voir
dans certains de ces paragraphes, même s’ils ne sont que des déclarations de desiderata
politiques, des prétentions très excessives.»
4.22. Le texte de la résolution ne satisfait pas au critère selon lequel une pratique des Etats ne
peut donner naissance à une règle de droit international coutumier que si elle est «fréquente et
pratiquement uniforme» et s’est manifestée «de manière à établir une reconnaissance générale du
fait qu’une règle de droit ou une obligation juridique est en jeu»233. Rosenstock ajoute qu’il a fallu
attendre l’adoption en 1970 de la Déclaration sur les relations amicales entre les Etats pour que le
«droit» à l’autodétermination soit reconnu : «De nombreux Etats n’avaient jamais reconnu
auparavant l’autodétermination comme un droit»234. Et même à cette époque, il s’était avéré
difficile de rédiger un texte qui emporte l’adhésion de tous les Etats. Le texte final de la
Déclaration n’a été établi qu’à l’issue de six années d’un travail de rédaction minutieux confié à la
sixième commission de l’Assemblée générale, et il a fallu attendre avril 1970 pour que soient
surmontées toutes les divergences de vues qui portaient sur de nombreux aspects de
l’autodétermination235. Shaw, que Maurice cite dans son exposé écrit sur d’autres points, exprime
un avis nuancé sur l’importance de la résolution 1514 (XV). Il note que certains y ont vu une
interprétation contraignante de la Charte, tandis que d’autres ont considéré qu’elle «n’était rien
d’autre qu’une déclaration générale d’objectifs». Il note que des «critiques dignes d’attention» ont
fait état de divergences entre la résolution 1514 (XV) et la Charte236.
4.23. Maurice fait observer que dans son avis consultatif sur le Sahara occidental, la Cour a
dit que la résolution 1514 (XV) avait été «la base du processus de décolonisation»237. Or, par ce
prononcé  qui date de 1975 , la Cour n’a pas fait sienne la thèse selon laquelle
l’autodétermination serait devenue en 1960 un droit emportant des obligations contraignantes. Son
observation s’applique au rôle que la résolution a joué dans le développement du processus
politique de décolonisation, qui a abouti à l’admission de nouveaux Etats Membres à
l’Organisation des Nations Unies. C’est en 1971, dans son avis consultatif sur la Namibie, que la
Cour a eu pour la première fois l’occasion de faire référence à la résolution 1514 (XV), dont elle a
231 Pour des références détaillées aux positions exprimées par les Etats lors du débat sur la résolution, voir
Exposé écrit des Etats-Unis, par. 4.42-4.46.
232 Robert Rosenstock «The Declaration of Principles of International Law concerning Friendly Relations: A
Survey» (1971) 65 American Journal of International Law 713, 730 (annexe 100).
233 Plateau continental de la mer du Nord (République fédérale d’Allemagne/Danemark ; République fédérale
d’Allemagne/Pays-Bas), arrêt, C.I.J. Recueil 1969, p. 43-44, par. 74-77.
234 Rosenstock, op. cit. supra, p. 731 (annexe 100).
235 Rapport du comité spécial des principes du droit international touchant les relations amicales et la
coopération entre les Etats, doc. ONU A/8018 (1970) (extraits), par. 68 (annexe 101).
236 Shaw, exposé écrit de Maurice, annexe 135, p. 77-79.
237 Exposé écrit de Maurice, par. 6.33.
- 51 -
dit qu’elle marquait «une autre étape importante de … [l’]évolution [du droit international]»238.
Dans cet avis, elle a qualifié l’autodétermination de «principe»239.
4.24. Quant aux pactes, dont l’article premier commun énonce un «droit» à
l’autodétermination, Maurice n’en fait mention qu’en passant. Elle reconnaît que lors de la
négociation des pactes, il y avait une divergence d’opinions entre les Etats qui voyaient
l’autodétermination comme un «principe politique» et ceux qui la considéraient comme «un
droit»240. Cependant, elle affirme à tort que cette profonde division a été «résolue] très tôt dans les
négociations, en faveur des derniers241. En effet, les pactes n’ont été adoptés que le 16 décembre
1966 (après le détachement de l’archipel des Chagos en 1965) et ne sont entrés en vigueur qu’en
1976. Comme il l’a expliqué dans son exposé écrit, le Royaume-Uni, tout au long des années 1950
et 1960, a systématiquement élevé des objections à ce que l’autodétermination soit qualifiée de
«droit»242.
4.25. Maurice cite plusieurs auteurs pour étayer sa thèse selon laquelle le droit à
l’autodétermination faisait partie en 1965 du droit international coutumier243. Toutefois, outre
qu’elles ne sont qu’un «moyen auxiliaire» de détermination des règles de droit244, les conclusions
doctrinales de ces auteurs ne sont pas aussi tranchées que Maurice ne le prétend.
a) Higgins, dans un ouvrage de 1963, conclut que le concept d’autodétermination «a évolué pour
devenir un droit international», mais elle note aussi que «l’étendue et la portée de ce droit sont
encore quelque peu controversées»245. Lorsqu’elle en vient à examiner la nature de ce droit (et
non plus sa simple existence), elle observe que «[l]e degré actuel de développement du droit
international et des relations internationales» ne permet que de formuler «certaines observations
provisoires»246.
b) Maurice cite Shaw hors contexte247. Il note certes que «[l]e grand nombre de résolutions de
l’Assemblée réclamant l’autodétermination dans certains cas illustre la pratique internationale
quant à l’existence et la portée d’une règle d’autodétermination en droit coutumier», mais il ne
conclut pas qu’une telle règle s’était déjà dégagée en 1965.
c) Raič dit seulement qu’il «semble plausible» que la résolution 1514 (XV) ait reflété une règle
existante de droit international coutumier, puis, ajoute que la thèse selon laquelle la résolution
«est une interprétation de la Charte faisant autorité … ne tient pas, du moins si on l’entend
comme valant pour l’ensemble de la résolution»248. Il conclut que le droit à l’autodétermination
238 Conséquences juridiques pour les Etats de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest
africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1971, p. 31,
par. 52.
239 Ibid.
240 Ibid., par. 6.24.
241 Ibid.
242 Exposé écrit du Royaume-Uni, par. 8.71. Pour un aperçu de l’évolution de la position du Royaume-Uni à
l’égard de l’autodétermination de 1960, où il la considérait comme un principe, à 1976, où il l’a reconnue comme une
obligation contraignante, voir I. Hendry and S. Dickson, British Overseas Territory Law (2011) (annexe 102).
243 Exposé écrit de Maurice, par. 6.22 et 6.29-6.30.
244 Statut de la Cour, art. 38, par. 1, al. d).
245 Exposé écrit de Maurice, annexe 19, p. 103-104.
246 Ibid., p. 104.
247 Exposé écrit de Maurice, par. 6.30.
248 Ibid., annexe 145, p. 216-217 (les italiques sont de nous).
- 52 -
«s’est développé pour devenir une règle de droit international coutumier dans le courant des
années 1960»249.
d) Maurice cite Mensah et Oeter à l’appui de la proposition selon laquelle «l’existence d’un droit à
l’autodétermination peut remonter à la date d’entrée en vigueur de la Charte»250. Quant à
l’affirmation générique de Mensah à l’effet que le droit à l’autodétermination «a été l’une des
pierres angulaires des activités des Nations Unies depuis 1945», elle est tirée de sa thèse de
doctorat de 1963, non publiée mais disponible à la bibliothèque juridique de l’université de
Yale251. Mensah qualifie l’autodétermination tantôt de «principe» et tantôt de «droit».
e) Oeter dit quant à lui qu’«il reste incertain que les auteurs de la Charte aient voulu, par la
formule employée à l’Article 1, paragraphe 2, codifier un droit à l’autodétermination»252. Selon
lui, le «vieux principe (politique)» de l’autodétermination a été transformé en un droit collectif
par deux pactes des Nations Unies relatifs aux droits de l’homme253 qui, comme indiqué
ci-dessus, sont entrés en vigueur en 1976.
4.26. Dans un ouvrage de 1971, Emerson a contesté la thèse avancée en 1963 par Higgins
selon laquelle le droit à l’autodétermination faisait partie du droit international coutumier, et a
appelé l’attention sur les travaux de Gross qui, à partir des mêmes éléments de preuve de la
pratique des Etats et de la formation d’une opinio juris, a conclu qu’il n’existait aucune règle
coutumière concernant l’autodétermination254. Sinha, en 1973, a de même conclu qu’il était
impossible d’«établir avec certitude» l’existence en droit international coutumier d’un droit à
l’autodétermination255. En 1967, Schwarzenberger avait pour sa part conclu que
l’autodétermination «ne fai[sait] pas partie intégrante du droit international coutumier»256. En 1968,
Verzijl écrivait que l’autodétermination ne faisait pas partie du droit international coutumier257.
Jennings et Brownlie considéraient également que dans les années 1960, l’autodétermination n’était
pas un droit258. En 1973, dans son rapport à la session du centenaire de l’Institut de droit
international, Fitzmaurice écrivait qu’il considérait comme un «non-sens» l’idée qu’il existait un
«droit» à l’autodétermination259.
4.27. Maurice s’appuie ensuite sur les résolutions du Conseil de sécurité pour étayer son
assertion selon laquelle le droit à l’autodétermination faisait partie en 1965 du droit international
coutumier. Elle renvoie à 30 résolutions, dont trois seulement sont antérieures à son accession à
249 Exposé écrit de Maurice, p. 217-218.
250 Ibid., par. 6.22.
251 Ibid., annexe 94, p. 23.
252 Ibid., annexe 160, p. 315.
253 Ibid., p. 315, 322.
254 Rupert Emerson, «Self-Determination» (1971) 65 American Journal of International Law 459, 461
(annexe 103), citant le chapitre intitulé «The Right of Self-Determination in International Law», signé Leo Gross, qui
allait paraître dans un ouvrage collectif publié sous la direction de Kilson, intitulé New States in the Modern World
(1975) 137, 139 (annexe 104).
255 S. Prakash Sinha, «Is Self-Determination Passe?» (1973) 12 Columbia Journal of Transnational Law 260,
271 (annexe 105).
256 Georg Schwarzenberger, A Manual of International Law (5e édition, 1967) 74 (annexe 106).
257 JHW Verzijl (International Law in Historical Perspective (1968), 324 (annexe 107).
258 RY Jennings, The Acquisition of Territory in International Law (1963), 78 (annexe 108) ; Ian Brownlie,
Principles of Public International Law (1966), 483-4 (annexe 109).
259 GG Fitzmaurice, «The Future of Public International Law», Livre du Centenaire 1873-1973, Institut de droit
international, (extrait), p. 233 (annexe 110).
- 53 -
l’indépendance en 1968. Rien, dans aucune de ces résolutions, ne donne à penser que certains
membres du Conseil de sécurité, et encore moins le Conseil tout entier, considéraient que la
résolution 1514 (XV) avait force obligatoire. Les deux résolutions antérieures au détachement de
l’archipel des Chagos  les résolutions 180 et 183 (1963), relatives aux territoires administrés par
le Portugal  portaient sur la politique suivie par celui-ci consistant à revendiquer l’intégration à
son territoire métropolitain de territoires non autonomes, politique contrairement à la Charte et aux
résolutions de l’Assemblée générale et du Conseil qui compromettait gravement la paix et la
sécurité en Afrique. Trois des membres permanents du Conseil se sont abstenus lors du vote de la
résolution 180260.
4.28. La résolution 232 (1966) relative à la Rhodésie du Sud ne fait pas mention de
l’autodétermination. Le Conseil y réaffirmait le droit du peuple de la Rhodésie du Sud «à la liberté
et à l’indépendance» et lançait un appel à tous les Etats «pour qu’ils s’efforcent de rompre les
relations économiques avec la Rhodésie du Sud» pour protester contre le régime raciste imposé à
son peuple.
D. Le maintien avant leur accession à l’indépendance de l’intégrité
territoriale de la «totalité» des territoires non autonomes
ne fait pas partie du droit à l’autodétermination et
ne procède pas d’une règle de droit
international coutumier
4.29. L’intégrité territoriale est un principe fondamental du droit international. Dans la
présente procédure, la question est de savoir comment il joue dans le cas des territoires non
autonomes.
4.30. Maurice prétend que le maintien de l’intégrité territoriale de la totalité d’un territoire
non autonome avant son accession à l’indépendance est un «corollaire juridique» ou constitue un
«droit corollaire» du droit à l’autodétermination qui interdit la «division arbitraire» de ce
territoire261. Cette position procède d’une conception erronée du rapport entre l’intégrité territoriale
et l’autodétermination, fondée sur une interprétation sélective et elle-même erronée du droit et de la
pratique, y compris de la résolution 1514 (XV).
4.31. Le principe de l’intégrité territoriale n’est pas un simple corollaire de celui de
l’autodétermination. L’application de ces deux principes ne produit pas forcément des effets
convergents. L’autodétermination peut être revendiquée contre l’intégrité territoriale (par exemple
si des frontières coloniales tracées arbitrairement entravent l’émancipation politique d’un peuple
parce qu’il est géographiquement scindé par ces frontières). D’autre part, l’accession à la qualité
d’Etat indépendant n’est pas la seule forme de l’exercice du droit à l’autodétermination. Comme il
est dit dans la Déclaration de 1970 sur les relations amicales entre les Etats, «[L]a création d'un
Etat souverain et indépendant, la libre association ou l'intégration avec un Etat indépendant ou
260 Nations Unies, doc. S/PV.1049 (31 juillet 1963), par. 17 (Etats-Unis, France, Royaume-Uni). Le
représentant du Royaume-Uni a expliqué qu’il n’avait pas pu voter pour le paragraphe 1 de la résolution qui
«confirm[ait] la résolution 1514 (XV) de l’Assemblée générale», parce que ce paragraphe était «hors de propos», et il a
réaffirmé que l’autodétermination était un «principe» (par. 44-45). Voir également S/PV.1083 et corr. 1 (11 décembre
1963), par. 76 («Nous pensons aussi que la libre détermination relève, dans son essence, de la politique, et non d’une
obligation de droit.»).
261 Exposé écrit de Maurice, par. 6.3, al. 4 et 7, 6.50, al. 3, 6.58 et 1.4, al. iv.
- 54 -
l'acquisition de tout autre statut politique librement décidé par un peuple»262 sont les formes que
peut revêtir l’exercice du droit à l’autodétermination..
4.32. Lorsqu’elle argue qu’«un nouvel Etat est formé à partir de la totalité du territoire non
autonome antérieur», Maurice délaisse son interprétation élargie du principe de l’uti possidetis263.
Elle admet en effet dans une note de bas de page de son exposé écrit que ce principe «vise à
préserver le statu quo après l’accession à l’indépendance et possède un rôle distinct de celui de
l’intégrité territoriale dans la mesure où celui-ci a été appliqué aux entités d’autodétermination
avant l’indépendance»264.
4.33. Maurice essaie donc de montrer qu’une règle de respect de l’«intégrité territoriale»
distincte de l’uti possidetis s’était dégagée «bien avant» 1965265. Cependant, la pratique qu’elle cite
n’établit pas l’existence d’une telle règle. Les exemples qu’elle a choisis sont examinés ci-après
dans l’ordre où elle les a cités.
4.34. Chypre, 1958 : Maurice prétend qu’en 1958, «lors des débats sur la proposition du
Royaume-Uni pour la partition de Chypre, la grande majorité des Etats au sein de la première
commission de l’Assemblée générale s’opposa fermement à la partition comme une violation du
droit à l’autodétermination.»266 Or, le débat s’inscrivait en fait dans une situation plus complexe
que ne l’indique l’affirmation de Maurice. Les propositions faites en 1958 par le Royaume-Uni sur
la question de Chypre ne comprenaient pas un plan de partition. Comme son représentant l’a
expliqué pendant le débat, le plan préconisé par le Royaume-Uni prévoyait que pendant une
période de transition, un représentant de la communauté grecque et un représentant de la
communauté turque collaboreraient avec le gouverneur britannique de la colonie et que les deux
communautés auraient chacune une chambre des représentants s’occupant des affaires
communautaires et des questions de sécurité intérieure267. Le statut international de l’île devait
rester inchangé pendant plusieurs années, sans préjudice aucun de son avenir268. La Grèce
n’accusait pas le Royaume-Uni de viser la «partition», mais la délégation britannique a tenu à
souligner que les deux chambres communautaires n’avaient pas été prévues dans l’intention de
faire triompher le séparatisme à Chypre269. Les Etats dont les représentants ont pris la parole
pendant le débat ont exprimé des positions diverses. Parmi ceux que Maurice cite dans son exposé
écrit, bon nombre ont émis des avis plus nuancés qu’elle ne le donne à entendre. Le Maroc, la
Pologne et l’Arabie saoudite, tout en reconnaissant le droit de Chypre à l’autodétermination, n’ont
pas mentionné la partition270. La Yougoslavie271 s’est dite opposée à la partition, mais a admis que
262 Voir également la résolution 1541 (XV) (1960), principe VI.
263 Exposé écrit de Maurice, par. 6.58 ; voir également le mémoire de Maurice dans l’Arbitrage concernant les
Chagos, par. 6.23-6.24, consultable à l’adresse suivante https://pcacases.com/web/sendAttach/1796.
264 Exposé écrit de Maurice, note de bas de page 699.
265 Ibid., par. 6.50, al. 3.
266 Ibid.
267 Assemblée générale, Première Commission, compte rendu analytique de la 996e séance tenue le mardi
25 novembre 1958 à 10 h 40 (A/C.1/SR.996), par. 42-44 ; compte rendu analytique de la 1003e séance tenue le lundi
1er décembre 1958 à 15 h 15 (A/C.1/SR.1003), par. 58-59 (annexe 111).
268 Assemblée générale, Première Commission, compte rendu analytique de la 996e séance tenue le mardi
25 novembre 1958 à 15 h 40 (A/C.1/SR.996), par. 44 (annexe 111).
269 Ibid., par. 9 et 52.
270 Assemblée générale, Première Commission, compte rendu analytique de la 1005e séance, tenue le mardi
2 décembre 1958 à 15 h 5 (A/C.1/SR.1005), intervention du Maroc ; compte rendu analytique de la 1000e séance tenue
le vendredi 28 novembre 1958 à 11 h (A/C.1/SR.1000), intervention de la Pologne ; compte rendu analytique de la
1004e séance tenue le mardi 2 décembre 1958 à 10 h 45 (A/C.1/SR.1004), intervention de l’Arabie saoudite.
- 55 -
la proposition du Royaume-Uni ne l’envisageait pas ; elle n’a pas fait mention de
l’autodétermination. Le Népal272 s’est aussi déclaré contre la partition, mais pas parce qu’il y voyait
une entrave à l’exercice du droit à l’autodétermination. L’Espagne273 a demandé que la proposition
du Royaume-Uni soit examinée de près, tout en reconnaissant que la partition n’y était pas
préconisée. Enfin, la proposition britannique a suscité des commentaires favorables ou neutres
(dont Maurice s’abstient de faire mention) de la part de l’Australie, de Ceylan, de la Chine, de la
Colombie, de l’Ethiopie, de la France, de l’Iran, du Pakistan, des Pays-Bas, du Portugal et de la
Turquie274.
4.35. Paragraphe 6 de la résolution 1514 (XV) (1960) de l’Assemblée générale : Maurice
invoque la résolution 1514 (XV) pour affirmer que dès 1960, l’autodétermination était devenue une
règle contraignante de droit international coutumier (question dont il est traité ci-dessus à la
section C) et, plus précisément, que son paragraphe 6 établissait un droit à l’intégrité territoriale
s’exerçant sur la totalité d’un territoire non autonome. Comme il l’a déjà expliqué dans son exposé
écrit, le Royaume-Uni considère qu’une lecture attentive de la résolution, tenant compte des
circonstances de sa rédaction et de son adoption, révèle qu’elle n’était pas le reflet du droit
international coutumier en vigueur à l’époque275. Outre que les résolutions de l’Assemblée
énoncent généralement des recommandations et non des décisions obligatoires, les négociations de
dernière minute sur le libellé du paragraphe 6 de la résolution 1514 (XV) montrent qu’il a été
constaté alors que subsistaient des divergences sur son sens. Dans une section de leur article qui ne
figure pas dans l’extrait cité par Maurice à l’annexe 109 de son exposé écrit, Franck et Hoffman
expliquent comme suit le manque de clarté de la résolution 1514 (XV) :
«La portée que les auteurs de la résolution avaient voulu assigner à la
restriction du droit à l’autodétermination prévue au paragraphe 6 ne ressortait pas
clairement des débats. La Jordanie, par exemple, considérait que «[l]’usurpation d’une
partie du territoire arabe de la Palestine ayant résulté de l’agression commise
conjointement par les tenants du colonialisme et du sionisme» était l’exemple d’une
situation où le droit de recouvrer l’intégrité territoriale devait avoir priorité sur le droit
des populations du territoire à l’autodétermination. L’Indonésie voyait de même dans
le paragraphe 6 une incitation à absorber la colonie néerlandaise de la Nouvelle-
Guinée occidentale (Irian occidental) quelles que soient les préférences de ses
habitants. Le représentant de l’Indonésie, s’adressant à celui du Guatemala, a affirmé
que «l’idée que tendait à exprimer l’amendement guatémaltèque [l’était] déjà
pleinement dans le texte existant du paragraphe 6 du projet de résolution et … que les
territoires et les peuples [que le Guatemala] avait à l’esprit avaient été pris en
considération lors de la rédaction du projet de paragraphe 6.» Le rappel de cette
intervention rend encore plus poignant l’épisode où l’Indonésie a renoncé à soutenir la
cause du Guatemala lors du vote de la résolution sur le Belize adoptée par l’Assemblée
générale à sa trentième session. Le Maroc a lui aussi souligné que selon lui, le
paragraphe 6 procédait de l’intention de contrer la tactique sournoise employée par la
vipère  le colonialisme français  pour diviser le Maroc et compromettre son unité
271 Assemblée générale, Première Commission, compte rendu analytique de la 1000e séance tenue le vendredi
28 novembre 1958 à 11 h (A/C.1/SR.1000), intervention de la Yougoslavie.
272 Assemblée générale, Première Commission, compte rendu analytique de la 1005e séance tenue le jeudi
2 décembre 1958 à 15 h 5 (A/C.1/SR.1005), intervention du Népal.
273 Assemblée générale, Première Commission, compte rendu analytique de la 1003e séance tenue le lundi
1er décembre 1958 à 15 h 15 (A/C.1/SR.1003), intervention de l’Espagne.
274 A/C.1/SR.1000 (interventions de l’Australie, de la Colombie et de l’Iran) ; A/C.1/SR.1002 (interventions de
la Chine et de Ceylan) ; A/C.1/SR.1004 (interventions de l’Ethiopie et du Pakistan) ; A/C.1/SR.998 (intervention de la
France) ; A/C.1/SR.1003 (interventions des Pays-Bas et du Portugal) ; A/C.1/SR.997 (intervention de la Turquie).
275 Exposé écrit du Royaume-Uni, chap. VIII, sect. C.
- 56 -
territoriale en créant un Etat artificiel dans le Sud marocain, appelé «Mauritanie» par
les colonialistes.»276
4.36. Comme Franck et Hoffman l’ont noté, l’Indonésie et le Maroc, qui étaient parmi les
principaux auteurs de la résolution, voyaient dans le paragraphe 6 un moyen de justifier la mise en
question de la souveraineté territoriale sur un territoire non autonome en vue d’un remembrement
fondé sur les liens territoriaux qui existaient avant la colonisation. Une fois la résolution adoptée, le
Bénin (alors le Dahomey) l’a invoquée pour justifier sa mainmise sur l’enclave portugaise de São
João Baptista de Ajudá en 1961, et par l’Inde pour justifier l’annexion des territoires portugais de
Goa, Daman et Diu quelques mois plus tard.
4.37. Il semble cependant que d’autres Etats n’aient pas partagé cette interprétation du
paragraphe 6, encore qu’aucun ne l’ait expressément réfutée lors du débat. Selon Clark, le débat sur
le paragraphe 6 était plombé par la crise du Katanga. Voici ce qu’il a écrit à ce sujet :
«[L]e but implicite [du paragraphe 6] était d’empêcher une partie d’un
territoire non autonome, en particulier la plus riche d’entre elles, de négocier
séparément un accord avec l’ancienne puissance coloniale. Certains craignaient
également que la partie la plus riche ne se sépare du reste du territoire pour devenir un
Etat associé à cette puissance.»277
4.38. La tentative de sécession du Katanga, qui voulait se détacher de la République du
Congo (aujourd’hui la République démocratique du Congo) s’inscrivait dans des circonstances bien
différentes de celles de l’actuel différend sur l’archipel des Chagos. La République du Congo avait
obtenu son indépendance de la Belgique le 30 juin 1960. La crise du Katanga a éclaté après
l’indépendance, et elle résultait d’une tentative de sécession et non d’un détachement opéré avant
l’indépendance. De plus, cette crise ne soulevait pas la question du consentement des autorités
congolaises, vu que leur opposition à la tentative de sécession était patente.
4.39. Franck et Hoffman ont observé que la résolution 1514 avait été «invoquée aussi
fréquemment pour contester la proposition que les petits territoires avaient un droit à
l’autodétermination que pour la défendre»278. Selon Clark, «le paragraphe 6 a été invoqué
principalement pour nier l’existence d’un droit à la sécession qu’une partie d’un territoire aurait pu
exercer au moment de l’accession de celui-ci à l’indépendance, ou après»279, et non pour soutenir
qu’il existait un droit au maintien de l’intégrité territoriale d’un territoire dans les années qui
précédaient son indépendance.
4.40. La question posée par le représentant du Royaume-Uni en septembre 1964 devant le
comité des 24 est citée hors contexte par Maurice au paragraphe 6.75 de son exposé écrit. Le
276 Thomas Franck et Paul Hoffman, «The Right to Self-Determination in Very Small Places» (1976) 8 NYU
Journal of International Law and Politics 331, 370 (annexe 112), dont un extrait figure à l’annexe 109 de l’exposé écrit
de Maurice.
277 Roger S. Clark, «The «Decolonization» of East Timor and the United Nations Norms on Self-Determination
and Aggression» (1980) 7 Yale Journal of World Public Order 2, 30 (annexe 113).
278 Ibid., 369 (les italiques sont de nous). Il est intéressant de noter qu’alors qu’ils écrivaient en 1976, huit ans
après l’accession de Maurice à l’indépendance, Franck et Hoffman n’ont pas compris celle-ci parmi les territoires et
états dont le cas était analysé dans leur article. La raison en est que rien n’indiquait qu’une décolonisation n’ait pas été
validement menée à bien.
279 Clark, op. cit. supra, 31 (annexe 113).
- 57 -
compte rendu de la séance n’est pas reproduit dans une annexe de cet exposé, et le passage
pertinent ne figure pas non plus dans l’extrait se trouvant sous l’onglet no 251 du dossier fourni par
l’ONU. La déclaration en question a été faite par le Royaume-Uni lors de l’examen par le comité
de la question de Gibraltar, en réponse aux arguments avancés par le représentant de l’Espagne
pour justifier le refus de celle-ci d’appliquer à Gibraltar le principe de l’autodétermination, refus
qui s’appuyait sur une interprétation erronée du paragraphe 6 de la résolution 1514 (XV)280. Le
Royaume-Uni a expliqué que le paragraphe 6 «ne pouvait pas être détourné de son sens pour
justifier le comportement de tel ou tel Etat qui cherchait à étendre sa souveraineté à de nouvelles
portions de territoire revendiquées par lui dans un différend remontant à plusieurs siècles»281
[traduction du Greffe]. Dans ce contexte, le Royaume-Uni a expliqué que le paragraphe 6 avait
pour but de «protéger les territoires coloniaux ou les pays qui étaient récemment devenus
indépendants»282 [traduction du Greffe]. Il a cité, en s’y associant, la déclaration du représentant de
l’Iran selon laquelle «le crime d’agression était aggravé lorsqu’il était commis contre un pays
devenu récemment indépendant qui traversait encore les difficultés inhérentes aux phases initiales
de son développement»283 [traduction du Greffe]. Le Royaume-Uni a rappelé la tentative de
sécession du Katanga (qui s’était détaché de la République du Congo nouvellement indépendante),
dont l’Assemblée avait été saisie alors qu’elle discutait et adoptait la résolution 1514 (XV)284. De
plus, lors de cet échange, le Royaume-Uni a pris soin de désigner l’autodétermination comme étant
un «principe» et non un «droit».
4.41. Maurice prétend que le paragraphe 6 a été «réitéré» dans la Déclaration de 1970 sur les
relations amicales entre les Etats285. Comme le Royaume-Uni l’a fait observer dans son exposé
écrit286, la Déclaration a été rédigée en omettant délibérément toute référence à la résolution
1514 (XV). Dans son analyse de la négociation et de la rédaction de la Déclaration, Rosenstock
explique que «la résolution 1514 (XV) était une source de difficultés» pour les négociateurs287. Les
Etats n’étaient toujours pas d’accord sur la valeur et la portée de la référence à l’intégrité
territoriale figurant dans son paragraphe 6288. Selon Rosenstock, la mention, au paragraphe 7 de la
Déclaration sur les relations amicales entre les Etats de «l’intégrité territoriale ou l’unité politique
de tout Etat souverain et indépendant» était «l’affirmation de l’applicabilité du principe aux
peuples des Etats existants et de la nécessité que les gouvernements représentent les gouvernés»289.
Toujours selon Rosenstock, le huitième paragraphe, où il est dit qu’un Etat doit s’abstenir de toute
activité «visant à rompre partiellement ou totalement l’intégrité territoriale et l’unité nationale d’un
280 Assemblée générale, comité spécial de la décolonisation (dit «comité des 24 »), 284e séance, doc. ONU
A/AC.109/PV.284 (30 septembre 1964) (extrait), par. 148 (annexe 114).
281 Ibid.
282 Ibid., (les italiques sont de nous).
283 Ibid., par. 150.
284 Ibid., par. 148.
285 Exposé écrit de Maurice, par. 6.50, point 3.
286 Exposé écrit du Royaume-Uni, par. 8.47-8.48.
287 Rosenstock, op. cit. supra, 730 (annexe 100).
288 Il est intéressant de comparer, par exemple, le document des Nations Unies A/AC.125/SR.91 (23 septembre
1968) qui rend compte de la position du Ghana selon laquelle le paragraphe 6 de la résolution 1514 (XV) signifiait que
l’application du principe de l’autodétermination était limitée aux unités politiques déjà définies comme constituant des
pays ou colonies, le document A/AC.125/SR.68 (4 décembre 1967), où il est dit que selon l’Inde, le paragraphe 6 avait
pour objet de souligner que le principe de l’autodétermination ne pourrait pas être invoqué pour justifier des actes
visant à rompre partiellement l’unité nationale et l’intégrité territoriale d’un Etat souverain, le document
A/AC.125/SR.44 (27 juillet 1966), où il était rendu compte de l’interprétation que le Guatemala donnait du
paragraphe 6, qui pour lui signifiait que le principe de l’autodétermination ne pouvait pas porter atteinte au droit à
l’intégrité territoriale ou au droit de recouvrer un territoire (annexe 115).
289 Rosenstock, op. cit. supra, 732 (annexe 100).
- 58 -
autre Etat ou d’un autre pays» avait pour objet, en même temps que le cinquième paragraphe,
d’empêcher le recours à la force pour priver les peuples de leur droit à l’autodétermination290.
4.42. Algérie, 1960-1961 : Maurice soutient que l’Assemblée générale «a souligné, à
maintes reprises, la nécessité de respecter l’unité et l’intégrité territoriale de l’Algérie» alors que la
France envisageait de diviser ce territoire291. Elle prétend que cela montre que le principe de
l’intégrité territoriale des territoires non autonomes était désormais établi dans la pratique des
Nations Unies292. Premièrement, l’Assemblée générale n’a adopté que deux résolutions sur
l’Algérie où il est question du respect de son «intégrité territoriale», et elles ont été l’une et l’autre
votées avec un grand nombre d’abstentions, dont celles de la France et du Royaume-Uni293.
Deuxièmement, le cas de l’Algérie ne peut pas être comparé à celui de Maurice, et la façon dont il
a été traité ne peut pas être invoquée pour établir l’existence d’une règle de droit coutumier
garantissant l’intégrité territoriale de la totalité d’un territoire non autonome. L’Algérie n’était pas
une colonie ; elle était assimilée à une partie du territoire métropolitain de la France et était divisée
en trois départements représentés à l’Assemblée nationale. Elle est devenue indépendante après une
longue guerre (1954-1962) déclenchée par les activités du Front de libération national, dans
laquelle 1,5 million de citoyens français ont combattu. Dans sa résolution 1573 (XV), l’Assemblée
générale a qualifié la situation en Algérie de «menace contre la paix et la sécurité internationales»,
et dans sa résolution 1724 (XVI), elle se déclarait profondément préoccupée par la «continuation de
la guerre». Des inquiétudes se sont manifestées quant à l’intégrité territoriale de l’Algérie lorsque
Michel Debré, premier ministre et le général de Gaulle ont envisagé en 1960-61 la partition de
l’Algérie selon une ligne est-ouest afin de maintenir le contrôle de la France sur le Sahara algérien
(qui était sous administration militaire, à la différence des trois départements, qui avaient un régime
d’administration civile). C’est dans ce contexte particulier que l’Assemblée générale a adopté deux
résolutions, l’une en 1960 et l’autre en 1961, par lesquelles elle n’a cherché qu’à apaiser la
situation.
4.43. Résolutions de l’Assemblée générale et du Conseil de sécurité : Maurice énumère
une série de résolutions pour essayer de montrer que le paragraphe 6 de la résolution 1514 (XV)
reflétait l’existence dans les années 1960 d’une règle de droit international coutumier294.
Premièrement, 19 de ces 21 résolutions sont postérieures au détachement de l’archipel des Chagos
en novembre 1965. Deuxièmement, un examen attentif de ces résolutions montre qu’elles ne
viennent pas étayer la thèse soutenue par Maurice.
a) Sud-Ouest africain (territoire sous tutelle) : Le statut international du Sud-Ouest africain et
celui de Maurice/archipel des Chagos étaient différents, et ne se prêtent pas à une comparaison.
Le Sud-Ouest africain était un territoire sous mandat relevant du régime juridique institué par
l’article 22 du Pacte de la Société des Nations. Maurice n’a jamais été un territoire sous mandat
ou tutelle. Le Royaume-Uni exerçait sur Maurice une souveraineté incontestée et n’avait pas les
mêmes obligations envers elle que l’Afrique du Sud envers le Sud-Ouest africain. De plus, les
résolutions relatives au Sud-Ouest africain font référence à l’avis consultatif donné par la Cour
en 1950, dans lequel elle avait dit que le fait que le Sud-Ouest africain soit un territoire sous
mandat signifiait que l’Afrique du Sud «agissant seule n’[était] pas compétente pour modifier le
statut international du Territoire du Sud-Ouest africain, et que la compétence pour déterminer et
modifier ce statut international appart[enait] à l’Union sud-africaine agissant avec le
290 Rosenstock, op. cit. supra, 732-733.
291 Exposé écrit de Maurice, par. 6.51.
292 Ibid.
293 La résolution 1573 (XV) (1960) a été adoptée par 63 voix contre huit, avec 27 abstentions ; la résolution
1724 (XVI) (1961) l’a été par 62 voix contre zéro, avec 38 abstentions.
294 Exposé écrit de Maurice, par. 6.55, points 1) à 10).
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consentement des Nations Unies.»295. L’Afrique du Sud voulait exercer sa souveraineté là où
elle ne la possédait pas, alors que le Royaume-Uni a souveraineté sur l’archipel des Chagos.
b) Bassoutoland, Betchouanaland et Souaziland : Ces territoires se sont trouvés mêlés à la
question plus large de l’Afrique du Sud et de l’apartheid. L’appel lancé par l’Assemblée
générale pour que ces territoires ne soient pas annexés et que leur intégrité territoriale soit
respectée s’adressait à l’Afrique du Sud, qui voulait les incorporer à son propre territoire avec
leurs populations de colons blancs.
c) Oman : Les résolutions sur la question d’Oman ne font pas mention de l’intégrité territoriale.
Elles réaffirment le droit de la population du «territoire dans son ensemble», soit de la totalité
du Sultanat de Muscate et d’Oman, à l’autodétermination et à l’indépendance. Le Sultanat n’a
jamais été une colonie, une dépendance ou un protectorat du Royaume-Uni. Celui-ci considérait
qu’il avait avec le Sultanat des relations d’Etat souverain à Etat souverain. C’est pourquoi il a
voté contre les trois résolutions et maintenu sa position selon laquelle la question ne relevait pas
du mandat du comité des 24.
d) Aden : L’Assemblée générale, dans sa résolution de 1966 sur la question d’Aden, se bornait à
prendre note des assurances données par le Royaume-Uni au sujet de l’intégrité territoriale de
l’ensemble de l’Arabie du Sud. Il est intéressant de noter que l’intégrité territoriale à laquelle
l’Assemblée s’intéressait était celle de la Fédération d’Arabie du Sud, comprenant l’ancienne
colonie d’Aden et les protectorats qui l’entouraient  ce qui montrait que l’Assemblée
admettait que des territoires non autonomes puissent fusionner au lieu d’insister sur le maintien
strict des limites qui étaient les leurs avant l’indépendance. La Fédération avait été constituée
en 1963.
e) Nauru (territoire sous tutelle) : L’Assemblée générale a fait mention de l’«intégrité
territoriale» à propos de l’avenir de Nauru, demandant aux Etats Membres de respecter son
intégrité territoriale après son accession à l’indépendance. Ce petit Etat insulaire nouvellement
indépendant, qui n’était pas membre de l’ONU, était considéré comme étant vulnérable aux
luttes d’influence de la guerre froide. De plus, tout comme celui du Sud-Ouest africain, le cas
de Nauru n’est pas comparable à celui de Maurice parce qu’il s’agissait d’un territoire sous
tutelle, ayant en tant que tel un régime juridique international différent. Dans le cas de Nauru,
de surcroît, la question n’était pas l’éventualité de la division de son territoire avant
l’indépendance, mais celle de savoir si Nauru accéderait à la pleine indépendance ou relèverait
d’un régime constitutionnel ou conventionnel l’associant à l’Australie.
f) Guinée équatoriale : Comme dans le cas d’Aden, l’Assemblée avait accepté la fusion de
territoires non autonomes et donc des modifications des limites qui étaient les leurs avant
l’indépendance. En 1962, le territoire insulaire de Fernando Po et le territoire continental de Rio
Uni étaient inscrits séparément dans la liste des territoires non autonomes établie par l’ONU. En
1963, la fusion de ces deux territoires a donné naissance à une nouvelle entité dénommée
Guinée équatoriale. Après la conférence constitutionnelle tenue en Espagne en 1967, un
référendum sur la réforme constitutionnelle (qui n’était pas supervisé par l’ONU) a eu lieu en
1968, lors duquel la population de Fernando Po ne s’est prononcée qu’à une faible majorité
(4 763 voix contre 4 486) pour l’indépendance dans le cadre de cette nouvelle entité.
L’Assemblée générale ne s’est pas opposée à la modification des limites de Fernando Po et Rio
Uni décidée avant l’indépendance.
g) Gibraltar : A la différence de Maurice, l’Espagne n’a jamais été un territoire non autonome, et
à la différence de l’archipel des Chagos, Gibraltar n’a donc jamais été une dépendance d’un
territoire colonial plus vaste. De plus, le Royaume-Uni n’admet pas que la situation de Gibraltar
soit assimilée à une situation «coloniale» et a à maintes reprises affirmé cette position devant la
295 Statut international du Sud-Ouest africain, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1950, p. 144.
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quatrième commission de l’Assemblée générale des Nations Unies. En conséquence, le
Royaume-Uni ne considère pas que le règlement de la question du statut de Gibraltar aurait en
quoi que ce soit pour effet de «rétablir» l’intégrité territoriale de l’Espagne. Il est à noter que
l’Assemblée générale est restée muette sur la question de savoir si Gibraltar, en tant que
territoire non autonome, devrait se voir reconnaître sa propre «intégrité territoriale».
h) Archipel des Comores : Les deux résolutions datent respectivement de 1973 et 1974, et sont
donc postérieures de plusieurs années à la période que Maurice doit considérer comme
pertinente lorsqu’elle cherche à montrer l’existence d’un prétendu droit à l’intégrité territoriale
de la totalité d’un territoire autonome. Le problème dont traitaient les deux résolutions tenait à
ce que le peuple de Mayotte, lors d’un référendum organisé en 1976, avait décidé de conserver
des liens avec la France, alors que le reste de l’archipel («les Comores») était devenu
indépendant en 1975. Depuis 1995, le Bureau de l’Assemblée générale a ou bien reporté
l’examen de la question de Mayotte, ou bien recommandé qu’elle ne soit pas débattue.
i) Côte française des Somalis : La seule résolution de l’Assemblée sur cette question date de
1975. Les préoccupations qui y étaient exprimées au sujet de l’intégrité territoriale de la Côte
française des Somalis concernaient les activités de ses voisins, en particulier de la Somalie, et
ne visaient pas la France, puissance administrante. Dans sa résolution 3480 (XXX),
l’Assemblée constatait que la situation constituait une «menace pour la paix» et demandait aux
Etats de renoncer à leurs revendications sur le territoire (paragraphe 6). L’Organisation de
l’unité africaine et l’ONU considéraient que l’accession du territoire non autonome à
l’indépendance sans modification de ses limites permettrait d’éviter un différend territorial
entre Etats africains. L’intégrité territoriale du territoire en question était menacée de
l’extérieur.
j) Vingt-six territoires non autonomes, y compris Maurice : Maurice fait par là référence à
deux résolutions omnibus de l’Assemblée, les résolutions 2232 (XXI) et 2357 (XXII), datant
respectivement de 1966 et 1967. Dans ces résolutions, qui ne contiennent que des
recommandations, l’Assemblée se disait «profondément préoccupée», d’une manière générale,
par «la persistance de politiques visant notamment à la destruction de l’intégrité territoriale de
certains de ces territoires». S’il avait existé en 1966-1967 un droit à l’intégrité territoriale des
territoires non autonomes, l’Assemblée générale se serait inquiétée de la violation de ce droit.
Le paragraphe 4 de la résolution 2232 (XXI), où l’Assemblée reprend les termes du
paragraphe 6 de sa résolution 1514 (XV) a fait l’objet d’un vote séparé lors duquel 18 Etats se
sont prononcés contre et 27 se sont abstenus (dans le cas de la résolution 2357, 16 Etats ont
voté contre ce paragraphe, et 16 autres se sont abstenus)296.
4.44. Commentaires d’universitaires : Maurice cite Shaw et Raič lorsqu’elle soutient
qu’«un élément fondamental de la décolonisation est que le nouvel Etat est formé à partir de la
totalité du territoire non autonome antérieur»297. Cependant, les opinions de ces commentateurs 
qui ne sont qu’un «moyen auxiliaire» de détermination de l’existence d’une règle de droit  sont
beaucoup plus nuancées que ne le laisse entendre Maurice. Shaw reconnaît expressément ceci :
«Il est clair qu’historiquement, les Etats ont été considérés comme ayant
souveraineté sur leurs territoires coloniaux, et que cela leur conférait compétence pour
modifier l’étendue du territoire de telle ou telle unité. De nombreux arrangements
coloniaux en attestent.»298
296 Dossier ONU, nos 172 et 199.
297 Exposé écrit de Maurice, par. 6.58.
298 Ibid., annexe 135, p. 131.
- 61 -
Shaw dit ensuite que permettre aux autorités administrantes de modifier la configuration territoriale
d’une entité coloniale porterait atteinte au principe de l’autodétermination, mais précise que tel
serait le cas si les modifications étaient apportées «lors de l’octroi de l’indépendance», et non
pendant une période indéterminée précédant celle-ci. Il relève que dans le cas particulier de
Maurice, «le Gouvernement mauricien a apparemment accepté l’arrangement de la date de
l’indépendance à 1980»299.
4.45. Quant à Raič, son principal argument est «que s’était développée une règle de droit
positif voulant que les puissances administrantes soient tenues de procéder à la décolonisation en se
conformant aux souhaits des habitants des territoires coloniaux»300. Selon lui, le principe de
l’intégrité territoriale commandait «que si le démembrement d’un territoire colonial avant son
accession à l’indépendance (ou son intégration ou association à un Etat) était le résultat de la
sécession d’une partie de la population de la colonie, ce démembrement ne soit pas accepté par les
Nations Unies et la communauté internationale dans son ensemble»301. Dans le cas présent,
personne ne prétend qu’il y ait eu sécession. Le commentaire de Raič  qui ne vaut pas pour
Maurice  est motivé par la crainte de voir «des cas de fragmentation territoriale compromettre la
stabilité internationale, eu égard à la composition ethnique souvent complexe de la population des
territoires en question»302. Raič relève aussi dans la pratique des Etats de nombreux cas de
dérogation au principe de l’intégrité territoriale qui n’ont pas suscité l’opposition des
Nations Unies303.
4.46. Bref, ni la pratique ni les auteurs cités par Maurice n’établissent l’existence d’un
«corollaire juridique» ou «droit corollaire» qui imposerait le maintien de l’intégrité territoriale de la
totalité d’un territoire non autonome avant son accession à l’indépendance, et encore moins
l’existence en 1965 d’un tel droit applicable à Maurice et à l’archipel des Chagos.
4.47. L’autodétermination a pour objet l’émancipation politique, économique, sociale et
culturelle d’un «peuple»304. Comme la Cour l’a expliqué, ce principe fonde le droit d’un peuple de
choisir son statut politique305. Le territoire est important en ce qu’il donne un sens à l’exercice par
un peuple de son droit à disposer de lui-même, mais l’exercice de ce droit ne requiert pas que les
limites territoriales restent immuables pendant la période qui précède l’indépendance. Il y a conflit
entre le principe de l’intégrité territoriale et celui de l’autodétermination lorsque, par exemple, la
puissance administrante tente d’appliquer la maxime «diviser pour régner» à des territoires non
autonomes en les découpant en des entités qui, séparément, ne sont pas viables, mais tel n’est pas le
cas en l’espèce. Le peuple d’un territoire non autonome peut exercer son droit à
l’autodétermination sans qu’une dépendance très lointaine de ce territoire y reste attachée. Et quand
bien même une règle à cet effet aurait existé en 1965 (quod non), Maurice admet une exception à sa
299 Exposé écrit de Maurice, p. 131-132.
300 David Raič, Statehood and the Law of Self-Determination (2002), Exposé écrit de Maurice, annexe 145,
p. 208.
301 Exposé écrit de Maurice, annexe 145, p. 208 (les italiques sont de nous).
302 Ibid., p. 209.
303 Ibid., p. 209-210 (îles Gilbert et Ellice, Rwanda et Burundi, Camerouns britanniques, territoire sous tutelle
des îles du Pacifique).
304 Article premier commun aux pactes internationaux ; Déclaration de 1970 sur les relations amicales entre les
Etats, premier paragraphe du «principe de l’égalité de droits des peuples et [du] principe de leur droit à disposer
d’eux-mêmes».
305 Conséquences juridiques pour les Etats de la présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest
africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1971, p. 16,
par. 52 ; Sahara occidental, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1975, p. 36, par. 70.
- 62 -
thèse de l’immuabilité lorsque les limites d’un territoire sont modifiées «à la suite d’une expression
[d’un] libre consentement»306. Dans le cas présent, comme le Royaume-Uni l’a expliqué dans son
exposé écrit et au chapitre II ci-dessus, les représentants de Maurice ont librement donné leur
consentement au détachement.
4.48. Comme le Royaume-Uni l’a expliqué dans son exposé écrit, la décolonisation, telle
qu’elle était pratiquée dans les années 1950 et 1960, comprenait des cas où les limites de territoires
non autonomes étaient modifiées avant leur accession à l’indépendance ou lors de celle-ci,
modifications qui pouvaient résulter d’un détachement, d’une fusion, d’une partition ou de quelque
autre arrangement, avec souvent l’accord des Nations Unies307. Outre qu’elle est réfutée par la
pratique fréquente et pratiquement uniforme des Etats, l’existence d’un «droit» au maintien de
l’intégrité territoriale de la totalité d’un territoire non autonome avant son accession à
l’indépendance aurait pour effet, si elle était reconnue, de jeter le doute sur le tracé de bien des
frontières existantes.
4.49. Maurice affirme aussi que l’«entité d’autodétermination» était constituée par «la
totalité du territoire de Maurice»308. Or, ni le droit ni la pratique ne viennent étayer pareille
interprétation du droit à l’autodétermination. Les limites territoriales retenues aux fins de la
décolonisation sont celles qui existent au moment de l’accession à l’indépendance ; la montre
s’arrête à ce moment-là309. Dans le cas de Maurice, l’archipel des Chagos ne faisait pas partie en
mars 1968 de son territoire. Il n’était pas dans l’intention du Royaume-Uni d’appliquer à Maurice
la maxime «diviser pour régner». Avec le territoire qui était le sien en 1968, Maurice était en
mesure de se prévaloir véritablement du principe de l’autodétermination. De plus, même avant
l’indépendance, l’archipel des Chagos, sous-dépendance distante de 2150 kilomètres de Maurice,
ne faisait pas partie intégrante de son territoire310. A supposer que le principe de l’intégrité
territoriale vaille pour les territoires non autonomes avant leur indépendance, il n’en resterait pas
moins que son application devrait tenir compte des réalités géographiques importantes.
4.50. Contrairement à ce que prétend Maurice, les Nations Unies n’ont pas reconnu que la
totalité du territoire de Maurice constituait l’entité d’autodétermination311. Maurice se fonde à cet
égard sur la résolution 2066 (XX) (1965), mais comme le montre la citation qui figure au
paragraphe 6.68 de son exposé écrit, l’Assemblée s’inquiétait surtout de ce que l’archipel soit
détaché «afin d’y établir une base militaire». Comme le Royaume-Uni l’a expliqué dans son exposé
écrit312, l’Assemblée générale, dans cette résolution, ne condamnait pas le Royaume-Uni et ne
déclarait pas qu’il avait agi en violation du droit international. Elle employait des termes non
comminatoires, y compris lorsqu’elle faisait référence à sa résolution 1514 (XV) (elle «invi[tait]»
le Royaume-Uni à se conformer aux dispositions de cette résolution à l’égard de Maurice).
306 Exposé écrit de Maurice, par. 6.58.
307 Exposé écrit du Royaume-Uni, par. 8.55-8.58. Voir l’exposé écrit des Etats-Unis, par. 4.65-4.72. Voir
également l’exposé écrit de Maurice, annexe 119, où est reproduite la note no FCO 31/2759 en date du 8 juillet 1980,
adressée à M. Hewitt par M. Walawalkar, membre de la section africaine du département de la recherche, où il est dit
que «sous le régime colonial britannique aussi bien que sous le régime français, il est arrivé fréquemment que des
dépendances insulaires soient détachées pour en faciliter l’administration» et que «tel a été le cas par exemple du
détachement des Seychelles de la colonie de Maurice décidé en 1903 pour en faire une colonie distincte».
308 Exposé écrit de Maurice, par. 6.62-6.66.
309 Différend frontalier (Burkina Faso/République du Mali), arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 570, par. 33, et
p. 616-617, par. 116.
310 Exposé écrit du Royaume-Uni, chap. II.
311 Exposé écrit de Maurice, par. 6.67-6.72.
312 Exposé écrit du Royaume-Uni, par. 8.49-54.
- 63 -
E. La libre expression de la volonté de la population concernée
ne requiert pas l’organisation d’un plébiscite
ou d’un référendum
4.51. Dans son exposé écrit, comme elle l’avait fait pour défendre sa cause dans l’Arbitrage
concernant les Chagos, Maurice soutient que le libre consentement de la population concernée doit
s’exprimer «à travers» un référendum ou plébiscite organisé sous la supervision des
Nations Unies313. La pratique qu’elle cite comprend uniquement les cas où la fusion ou la division
d’anciens territoires coloniaux a donné lieu à l’organisation d’une consultation populaire
supervisée par les Nations Unies314.
4.52. Ces références ne couvrent donc qu’une partie des cas. Comme Maurice le reconnaît
incidemment dans son exposé écrit, la population concernée peut aussi exprimer validement son
consentement en prenant part à des élections315. Il existe en fait plusieurs moyens par lesquels une
population peut exprimer son consentement : elle peut le faire dans le cadre de conférences
constitutionnelles, par la voix de ses représentants élus, lors d’élections ou par un vote du
parlement. Il n’est pas nécessaire d’organiser un référendum sur le statut politique d’un territoire, et
encore sur des modifications de ses limites avant son accession à l’indépendance, pouvant résulter
par exemple du détachement d’une de ses dépendances.
4.53. L’obligation juridique énoncée dans la Déclaration de 1970 sur les relations amicales
entre les Etats est celle de respecter «la volonté librement exprimée» du peuple concerné. Mais le
choix du mode d’expression de cette volonté est un choix politique qui dépend du contexte. Il peut
arriver que la majorité des représentants élus d’un territoire non autonome ne veuillent pas d’un
référendum, situation qui s’est présentée à Maurice pendant la période 1965-1968316.
4.54. Dans le cas du Souaziland, il y a eu un référendum non officiel (non supervisé par
l’ONU), suivi d’élections. Dans le cas du Tanganyika, des élections ont eu lieu en 1958, 1959 et
1960 pour pourvoir les sièges du conseil législatif, élections qui ont été suivies de l’instauration en
mai 1961 d’un régime d’autonomie interne sous contrôle parlementaire, puis, en décembre 1961, de
l’accession à l’indépendance317. Dans le cas des colonies françaises d’Afrique, les pratiques ont
varié, certaines de ces colonies se sont acheminées vers l’indépendance en obtenant que de
nouveaux pouvoirs soient conférés à des autorités territoriales élues. Le référendum sur
l’indépendance de Djibouti a été contrôlé, mais non supervisé par les Nations Unies.
4.55. Telle qu’elle est résumée par Hendry et Dickson, la «pratique constante» suivie par le
Royaume-Uni dans le processus de décolonisation qui a suivi la deuxième guerre mondiale
consistait :
«à vérifier que la population d’un territoire était favorable à son accession à
l’indépendance, choix qu’elle pouvait exprimer soit par un vote positif lors d’un
référendum, soit par un scrutin donnant la majorité à un parti favorable à
313 Exposé écrit de Maurice, par. 6.58 ; mémoire de Maurice dans l’Arbitrage concernant les Chagos,
par. 6.28-6.29.
314 Exposé écrit de Maurice, par. 6.59-6.60.
315 Ibid., par. 6.3, point 3), et 6.44.
316 Voir les paragraphes 2.63-2.70 ci-dessus.
317 La fusion du Tanganyika, de Zanzibar et de Pemba a donné naissance en 1964 à la République-Unie de
Tanganyika et de Zanzibar, qui est devenue par la suite la République-Unie de Tanzanie.
- 64 -
l’indépendance lors d’élections législatives. Le recours à ces moyens était considéré
comme satisfaisant au principe de l’autodétermination»318.
4.56. Au Kenya, en Zambie, en Gambie et au Guyana, par exemple, des élections générales
ont eu lieu pour pourvoir les sièges d’un conseil législatif qui est devenu plus tard un parlement.
Dans le cadre de ce processus, des mesures «juridiquement essentielles» ont été prises, dont
l’adoption au Royaume-Uni de la législation nécessaire, l’organisation de négociations et la
rédaction de la constitution qui serait celle du territoire considéré lors de son accession à
l’indépendance319.
4.57. Parfois, l’opinion de la population a été sondée par une commission mandatée à cet
effet. La Jordanie, qui avait été placée sous mandat britannique, est devenue indépendante en 1946
en vertu d’un traité conclu avec le Royaume-Uni. Le Liban a accédé à la pleine indépendance en
1943 après le vote par la chambre des députés d’un amendement à la constitution mettant fin au
mandat français et révoquant les pouvoirs du haut-commissaire. Au Suriname, un vote du
parlement pour l’indépendance a déclenché l’ouverture de négociations avec les Pays-Bas. Ailleurs
dans la région des Caraïbes, où certains territoires ont fusionné tandis que d’autres étaient divisés,
les étapes habituelles étaient l’institution d’une assemblée élue, suivie d’une période d’autonomie
interne avec débats parlementaires sur l’indépendance, puis de nouvelles élections. Lors de
l’accession du territoire à l’indépendance, le gouvernement, dirigé par un premier ministre,
assumait la responsabilité des affaires étrangères et de la défense nationale.
4.58. En résumé, l’expression par un peuple de sa volonté peut prendre diverses formes
autres qu’un plébiscite ou un référendum supervisé par les Nations Unies. Et, comme il est
expliqué ci-dessus dans la section A, ainsi qu’au chapitre II, le premier ministre Ramgoolam et son
parti souhaitaient éviter le référendum demandé par le PMSD, favorable à une formule de libre
association avec le Royaume-Uni plutôt qu’à l’indépendance. Maurice a librement consenti au
détachement de l’archipel des Chagos par la voix de ses représentants, et sa population a signifié
son acceptation du détachement par son vote lors des élections législatives, puis un vote du
parlement.
F. Conclusions
4.59. A supposer même que le différend qui oppose Maurice au Royaume-Uni puisse donner
matière au prononcé par la Cour d’un avis consultatif, ce qui n’est pas le cas, Maurice ne saurait
éluder le fait élémentaire que ses représentants élus ont donné leur accord au détachement de
l’archipel des Chagos dans les années qui ont précédé l’indépendance, que cet accord a été accepté
par l’électorat mauricien et qu’elle a ensuite réaffirmé son consentement une fois devenue
indépendante. Ce n’est qu’après de nombreuses décennies que Maurice a prétendu que ce
consentement avait été obtenu par la contrainte. Cette assertion n’est étayée ni par les faits, ni par la
chronologie des événements, ni non plus par les déclarations des principaux protagonistes. Les
moyens que fait valoir Maurice sont loin de satisfaire aux critères rigoureux de preuve de l’exercice
d’une contrainte qu’a fixés le droit international.
4.60. Indépendamment du fait que le détachement a été consenti, l’examen par la Cour des
concepts généraux que sont l’autodétermination et l’intégrité territoriale ne l’aiderait pas à répondre
318 I. Hendry et S. Dickson, British Overseas Territory Law (2011), p. 279 (annexe 102).
319 Ibid., p. 280-284.
- 65 -
à la question a) au cas où, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, elle accepterait de donner
en l’espèce un avis consultatif.
4.61. A supposer même que Maurice soit parvenue à établi qu’il existait en 1965 un droit
général à l’autodétermination  un droit destiné à permettre l’émancipation politique,
économique, sociale et culturelle des peuples , l’existence d’un tel droit serait sans incidence sur
la question de savoir si le détachement de l’archipel des Chagos a empêché que le processus de
décolonisation de Maurice ne soit validement mené à bien. L’émancipation politique, économique,
sociale et culturelle du peuple d’un territoire n’a en effet rien à voir avec la préservation de
l’intégrité de ce territoire pendant une période de durée indéterminée avant son accession à
l’indépendance.
4.62. De même, considérer le principe de l’intégrité territoriale dans l’abstrait ne révèle rien
sur le processus de décolonisation. La question est de savoir s’il existe un droit à l’intégrité
territoriale de la totalité d’un territoire non autonome. Le présent chapitre a montré que les
frontières imposées pour les besoins de l’administration coloniale n’ont jamais été considérées
comme étant immuables avant l’indépendance. La Cour se trouve devant un cas de détachement
d’une dépendance lointaine, et non devant une situation créée par la volonté de «diviser pour
régner» ou résultant de la sécession de la partie la plus riche d’un territoire, qui aurait voué la partie
restante à des difficultés après son accession à l’indépendance. De plus, le détachement de
l’archipel des Chagos a eu lieu avec le consentement librement exprimé de ses représentants élus,
consentement que Maurice a maintes fois réaffirmé par son comportement ultérieur. Le processus
de décolonisation a donc été validement mené à bien lorsque, le 12 mars 1968, Maurice a accédé à
son indépendance et a été rayée de la liste des territoires non autonomes tenue par l’Organisation
des Nations Unies.
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CHAPITRE V
RÉPONSE À LA QUESTION B) :
CONSÉQUENCES EN DROIT INTERNATIONAL DU MAINTIEN DE L’ARCHIPEL
DES CHAGOS SOUS L’ADMINISTRATION DU ROYAUME-UNI
5.1. La question b) est libellée comme suit :
«Quelles sont les conséquences en droit international, y compris au regard
des obligations évoquées dans les résolutions susmentionnées, du maintien de
l’archipel des Chagos sous l’administration du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et
d’Irlande du Nord, notamment en ce qui concerne l’impossibilité dans laquelle se
trouve Maurice d’y mener un programme de réinstallation pour ses nationaux, en
particulier ceux d’origine chagossienne?»
5.2. Le Royaume-Uni maintient intégralement la position qu’il a exprimée au chapitre IX de
son exposé écrit, à savoir :
a) Pour les raisons qu’il a données dans son exposé écrit320 et au chapitre III ci-dessus, le
Royaume-Uni considère que la Cour devrait, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire,
refuser de répondre aux questions posées par l’Assemblée générale. Il ressort du libellé même
de la question b), ainsi que des demandes formulées par Maurice au chapitre 7 de son exposé
écrit, que celle-ci a spécifiquement pour but d’utiliser la présente procédure consultative pour
compromettre la position juridique du Royaume-Uni.
b) Vu que la question b) est à la fois vague et formulée en des termes généraux, il est difficile de
déterminer avec quelque certitude quels sont les points que la Cour est invitée à examiner pour
y répondre321.
c) La question b) est si générale et si obscure qu’il peut y avoir lieu de douter qu’elle soit une
«question juridique» au sens de l’article 96, paragraphe 1, de la Charte et de l’article 65,
paragraphe 1, du Statut de la Cour322.
d) En tout état de cause, la Cour devrait s’abstenir de revenir sur les conclusions que le Tribunal
arbitral a énoncées dans sa sentence de 2015 à l’issue de l’Arbitrage concernant les Chagos323.
e) Si la Cour venait néanmoins à décider de répondre à la demande d’avis, la réponse correcte à la
question a) serait que la décolonisation de Maurice a été validement menée à bien en 1968, si
bien que la Cour n’aurait pas à répondre à la question b)324.
f) De toute manière, la présente procédure consultative ne peut rien changer au fait que le
Royaume-Uni continuera d’exercer sa souveraineté sur l’archipel des Chagos jusqu’à ce qu’il
cède les îles à Maurice conformément à l’engagement qu’il a pris dans l’accord de 1965325.
320 Exposé écrit du Royaume-Uni, chap. VII ; voir également les exposés écrits de l’Australie, du Chili, des
Etats-Unis, de la France et d’Israël.
321 Exposé écrit du Royaume-Uni, par. 9.2-9.11.
322 Exposé écrit de l’Australie, par. 4 et 17-25.
323 Exposé écrit du Royaume-Uni, par. 9.14.
324 Ibid., par. 9.16.
325 Exposé écrit du Royaume-Uni, par. 9.18.
- 67 -
g) La décolonisation de Maurice ayant été validement menée à bien en 1968, il suit que
contrairement au présupposé qu’implique la question b), le maintien du Territoire britannique
de l’océan Indien sous l’administration du Royaume-Uni n’entraîne en droit international
aucune conséquence autre que :
1) les droits et obligations découlant pour tout Etat de sa souveraineté sur un territoire ; et
2) tous autres droits et obligations qui, du fait que le Royaume-Uni administre l’archipel des
Chagos, découlent pour lui des accords internationaux auxquels il est partie. Il s’agit en
l’espèce des obligations supplémentaires prévues par l’accord de 1965326 telles qu’elles ont
été interprétées avec effet obligatoire par le Tribunal dans l’Arbitrage concernant les
Chagos327.
h) Si la Cour décidait néanmoins de répondre à la question b), elle devrait le faire en se fondant sur
l’accord de 1965 tel qu’il a été interprété avec effet obligatoire dans la sentence rendue par le
Tribunal le 18 mars 2015 à l’issue de l’Arbitrage concernant les Chagos328.
5.3. Le présent chapitre est subdivisé en quatre sections : dans la section A, le Royaume-Uni
répond aux arguments que Maurice prétend être fondés sur le droit de la responsabilité de l’Etat ;
dans la section B, il répond aux assertions de Maurice sur le «calendrier pour la réalisation
complète du processus de décolonisation» ; la section C traite des prétendues obligations qui, selon
Maurice, incomberaient au Royaume-Uni pendant une période de transition comprise entre le
prononcé de l’avis consultatif et la cession de l’archipel à Maurice ; enfin, la section D traite des
prétendues obligations des Etats tiers et des organisations internationales.
A. Les arguments que tire Maurice des articles de la Commission
du droit international sur la responsabilité de l’Etat
sont totalement dénués de pertinence
5.4. Au chapitre 7 de son exposé écrit, Maurice développe une argumentation très artificielle
qu’elle tire des articles de la Commission du droit international (CDI) sur la responsabilité de l’Etat
pour fait internationalement illicite329. Pour les raisons brièvement exposées ci-après, l’invocation
des articles de la CDI est totalement dénuée de pertinence dans les circonstances de la présente
procédure.
5.5. L’argumentation de Maurice repose sur l’hypothèse que le processus de décolonisation
de Maurice n’a pas été mené à bien le 12 mars 1968. Le Royaume-Uni s’inscrit en faux contre cette
hypothèse. Comme il l’a montré au chapitre IV ci-dessus et dans son exposé écrit, l’archipel des
Chagos a été détaché avec le consentement librement exprimé des représentants élus de Maurice, et
ce consentement a ensuite été à maintes reprises réaffirmé par le comportement de Maurice. Le
processus de décolonisation de Maurice a été mené à bien lorsqu’elle est devenue indépendante le
12 mars 1968.
326 Ibid., par. 9.19.
327 Arbitrage concernant les Chagos, sentence, par. 547 (dispositif) (dossier ONU, n° 409).
328 Exposé écrit du Royaume-Uni, par. 9.20.
329 Exposé écrit de Maurice, par. 7.4-7.10.
- 68 -
5.6. L’argumentation de Maurice repose aussi sur l’hypothèse que si le processus de
décolonisation n’a pas été mené à bien le 12 mars 1968 (quod non), la «non-réalisation complète»
(pour reprendre les termes employés par Maurice) de la décolonisation à cette date constitue un
«fait illicite continu», ce qui est le cas, selon elle «lorsqu’une administration coloniale est
maintenue illégalement»330. Pour Maurice, ce fait illicite continu «perdure jusqu’à ce jour», et «il
faut mettre fin à cette situation et restaurer intégralement la légalité»331. Le Royaume-Uni conteste
ces assertions :
a) A supposer même que la décolonisation n’ait pas été menée à bien le 12 mars 1968, cela ne
constituerait pas, de la part du Royaume-Uni, un fait internationalement illicite engageant sa
responsabilité envers Maurice. La question de savoir s’il y a eu, comme le prétend Maurice, fait
illicite «de caractère continu» ne se pose tout simplement pas, et il serait donc inutile que la
Cour se penche sur les subtiles distinctions opérées par Maurice sur ce sujet.
b) Même si le Royaume-Uni avait encore l’obligation de mener à bien la décolonisation de
Maurice, il ne pourrait pas être contraint par l’Assemblée générale ou par la Cour à le faire à
une date déterminée. Aucun délai n’est fixé en droit pour la décolonisation d’un territoire non
autonome, et il en va de même pour la décolonisation d’une ancienne partie d’un tel territoire
qui a lui-même été décolonisé. Comme il est expliqué ci-après à la section C, il ne saurait
appartenir à la Cour, en sa qualité d’organe judiciaire, de fixer une date.
5.7. Même si un fait illicite avait été commis le 12 mars 1968 (quod non), il n’en découlerait
pas nécessairement qu’un fait illicite persiste aujourd’hui ou que le Royaume-Uni contrevient au
droit international en continuant en 2018 d’administrer le Territoire britannique de l’océan Indien.
Pour déterminer l’existence d’un tel enchaînement, il faudrait prendre en considération la manière
dont la question de l’archipel des Chagos a été traitée dans les relations bilatérales entre le
Royaume-Uni et Maurice pendant les cinquante années qui se sont écoulées depuis la date de
l’indépendance. La Cour ne pourrait pas aborder la question du statut actuel de l’archipel sans tenir
compte de la réaffirmation de l’accord de 1965 par Maurice après son accession à l’indépendance
et de tous les autres faits survenus depuis 1968.
5.8. Or, comme il est expliqué ci-dessus au chapitre III, la Cour, dans l’exercice de sa
compétence consultative, ne peut pas et ne doit pas porter des appréciations sur les relations
bilatérales entre Maurice et le Royaume-Uni. Il s’agit de relations bilatérales dont l’appréciation
repose sur des faits et n’a pas sa place dans une procédure consultative. Pour déterminer quelle est
la situation en 2018, la Cour devrait nécessairement examiner des questions bilatérales telles que :
a) La valeur juridique, le sens et la réaffirmation de l’accord de 1965 (questions qui ont déjà fait
l’objet d’une procédure contentieuse devant un tribunal arbitral constitué conformément à la
convention des Nations Unies sur le droit de la mer, lequel a prononcé en 2015 une sentence
ayant force obligatoire)332. Pour se prononcer sur ces questions, la Cour devrait prendre position
sur les très nombreux contacts bilatéraux officiels et informels qui ont eu lieu entre le
Royaume-Uni et Maurice au sujet de l’archipel des Chagos, dont un certain nombre ont certes
été évoqués dans les exposés écrits des deux Etats, mais sur lesquels elle ne disposera ni
d’informations complètes, ni de pièces exposant complètement les moyens de preuve produits
par eux et leurs arguments respectifs.
330 Exposé écrit de Maurice, par. 7.10.
331 Ibid., par. 7.3, point 1).
332 Arbitrage concernant les Chagos, sentence, par. 61 (dossier ONU, n° 409).
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b) L’effet de l’accord de 1982 conclu entre Maurice et le Royaume-Uni au sujet de
l’indemnisation des Chagossiens.
c) L’interprétation et l’application de la sentence prononcée en 2015 à l’issue de l’Arbitrage
concernant les Chagos. C’est là une question qui s’est déjà révélée contentieuse lors de
pourparlers confidentiels entre les parties à l’arbitrage, et il y a un risque évident de conflit
entre la sentence et l’avis qu’émettrait la Cour dans la présente procédure333. (En cas de conflit,
la sentence l’emporterait dès lors qu’elle a force obligatoire).
B. Les assertions de Maurice concernant le «calendrier pour
la réalisation complète de la décolonisation»
5.9. Le maintien du Territoire britannique de l’océan Indien sous l’administration du
Royaume-Uni n’étant pas illicite, la question d’un «calendrier pour la réalisation complète de la
décolonisation» ne se pose pas. Et même si elle se posait, elle donnerait matière à des pourparlers
entre le Royaume-Uni et Maurice, et non à une décision de la Cour.
5.10. Dans son exposé écrit, Maurice développe longuement son argument selon lequel, si la
Cour concluait que la décolonisation n’a pas été menée à bien en 1968, le Royaume-Uni serait tenu
de lui céder l’archipel des Chagos «immédiatement» ou «rapidement», ce par quoi elle semble
entendre un délai de moins d’un an334. Elle va même jusqu’à expliquer en détail quand et comment
le transfert devrait avoir lieu335. Elle oublie, ce faisant, que la Charte laisse quant aux délais une
latitude considérable336. Il n’appartient pas à la Cour, en tant que tribunal, de statuer sur de telles
questions de délai ou de modalités, surtout dans une procédure consultative où au moins l’un des
Etats concernés ne l’a pas invitée à le faire, et ce rôle ne revient certainement pas non plus à
l’Assemblée générale.
5.11. Il est à noter que cette demande de Maurice, et d’autres dont il est question ci-après,
reviennent à inviter la Cour à énoncer un dispositif comme elle le ferait dans une affaire
contentieuse opposant deux Etats. Cela montre bien que Maurice entend amener la Cour à
examiner un différend strictement bilatéral en dépit du défaut de consentement à sa juridiction de
l’une des parties à ce différend.
5.12. A l’appui de sa position, Maurice invoque les conclusions énoncées par la Cour dans
son avis consultatif sur la Namibie, dont celle où elle a dit que «l’Afrique du Sud [avait]
l’obligation de retirer immédiatement son administration de la Namibie et de cesser ainsi d’occuper
le territoire»337. Elle néglige cependant de mentionner que la Namibie se trouvait dans une position
unique du fait que le mandat sous lequel elle avait précédemment été administrée avait été
validement révoqué par l’Assemblée générale. Elle s’abstient aussi de relever que, comme la Cour
l’avait expliqué en détail dans son avis, le Conseil de sécurité avait demandé à l’Afrique du Sud
«de retirer son administration du Territoire [de la Namibie] immédiatement et, en tout état de
333 Arbitrage concernant les Chagos, sentence, par. 61 (dossier ONU, n° 409).
334 Exposé écrit de Maurice, par. 7.3, point 2), et 7.10-7.16.
335 Ibid., par. 7.17-7.41.
336 Voir notamment l’article 73, al. b).
337 Avis consultatif sur la Namibie, par. 133, al. 1).
- 70 -
cause, avant le 4 novembre 1969»338. Les autres procédures ou affaires citées par Maurice ne
servent pas davantage sa cause, vu qu’elles portent sur des situations entièrement différentes de
celle dont il est question en l’espèce : elle renvoie à l’obligation de «cesser immédiatement» les
travaux d’édification du mur (avis consultatif sur les Conséquences juridiques de l’édification d’un
mur), de «faire cesser immédiatement» la détention des otages (affaire du Personnel diplomatique
et consulaire), de «mettre immédiatement fin» à tout acte constituant une violation de certaines
obligations juridiques (affaire des Activités militaires et paramilitaires (Nicaragua c. Etats-Unis
d’Amérique))339, et de «prendre sans autre délai» les mesures nécessaires en vue de saisir les
autorités [sénégalaises] compétentes pour exercer des poursuites contre Hissène Habré (Belgique
c. Sénégal)340.
5.13. Maurice passe complètement sous silence l’engagement pris par le Royaume-Uni de lui
céder l’archipel des Chagos lorsqu’il ne sera plus nécessaire à des fins de défense, engagement que
le Tribunal arbitral a qualifié de juridiquement contraignant341. La base commune de défense
administrée par le Royaume-Uni et les Etats-Unis continue de jouer un rôle crucial dans le maintien
de la sécurité régionale et mondiale. Cette base offre des moyens essentiels de lutte contre certains
des problèmes les plus difficiles et urgents du XXIe siècle, tels que le terrorisme, la piraterie, la
criminalité transnationale et l’instabilité sous toutes ses formes, tout en constituant une base
d’intervention rapide en cas de crise humanitaire. C’est au Royaume-Uni, et à lui seul, qu’il
appartient de déterminer quand l’archipel des Chagos ne sera plus nécessaire à des fins de défense.
Les assurances que Maurice s’efforce de donner sur ce que serait l’avenir de la base si l’archipel
était placé sous sa souveraineté manquent de crédibilité.
5.14. Maurice consacre ensuite la longue section III du chapitre 7 de son exposé écrit aux
dispositions pratiques qu’elle semble prévoir dans les cas où l’archipel viendrait à lui être cédé342.
Or, il n’appartient pas à la Cour, dans la présente procédure, de donner son avis sur ces questions.
Lorsqu’elles se poseront concrètement, elles devront faire l’objet d’entretiens bilatéraux entre
Maurice et le Royaume-Uni.
C. Les prétendues obligations qui, selon Maurice, incomberaient
au Royaume-Uni pendant une période de transition
5.15. Dans son exposé écrit, Maurice donne une longue liste de ses demandes concernant le
comportement du Royaume-Uni (envers le peuple mauricien) pendant la période à courir avant que
l’archipel des Chagos ne lui soit cédé343. Elle prétend que ces demandes découlent de l’article 73 de
la Charte. Son argumentation ne tient pas, et ce pour plusieurs raisons :
5.16. Premièrement, l’article 73 s’applique dans les cas définis dans son paragraphe
introductif, qui se lit comme suit :
338 Avis consultatif sur la Namibie, par. 108, renvoyant aux résolutions 264 (1969) et 269 (1969) du Conseil de
sécurité.
339 Exposé écrit de Maurice, par. 7.12.
340 Ibid., par. 7.13.
341 Arbitrage concernant les Chagos, sentence, par. 547, point B 2) (dossier ONU, n° 409).
342 Exposé écrit de Maurice, par. 7.17-7.41.
343 Ibid., par. 7.43.
- 71 -
«Les Membres des Nations Unies qui ont ou qui assument la
responsabilité d’administrer des territoires dont les populations ne s’administrent pas
encore complètement elles-mêmes reconnaissent le principe de la primauté des intérêts
des habitants de ces territoires. Ils acceptent comme une mission sacrée l’obligation de
favoriser dans toute la mesure possible leur prospérité, dans le cadre du système de
paix et de sécurité internationales établi par la présente Charte et, à cette fin ...»
Maurice s’administre complètement elle-même depuis son accession à l’indépendance le 12 mars
1968. L’article 73 de la Charte ne s’applique tout simplement pas aux relations entre le
Royaume-Uni et Maurice, qui est un Etat souverain indépendant.
5.17. Deuxièmement, Maurice affirme que les mêmes conséquences juridiques découlent de
la sentence prononcée dans l’Arbitrage concernant les Chagos. Selon elle,
«Les mêmes conséquences juridiques découlent de la sentence unanime rendue
dans l’arbitrage concernant l’aire marine protégée des Chagos qui a indiqué que
l’engagement de la puissance administrante «de rétrocéder l’Archipel des Chagos à
Maurice confère à cette dernière un intérêt dans les décisions importantes ayant des
incidences sur les possibles utilisations futures de l’archipel».»344
Maurice cherche donc à obtenir de la Cour qu’elle donne un avis consultatif portant sur des
questions déjà tranchées par le Tribunal arbitral. Suivre pareille démarche serait inapproprié. Le
Royaume-Uni a cherché à entamer avec Maurice des pourparlers sur l’exécution de la sentence
arbitrale de 2015 ; si ces pourparlers sont au point mort, c’est parce que Maurice y a fait
obstruction.
5.18. Dans la section IV du chapitre 7 de son exposé écrit, Maurice exprime une série de
demandes portant sur des consultations et des activités de coopération. Bien qu’elles s’inscrivent
dans le contexte de la thèse de Maurice selon laquelle la cession de l’archipel pourrait et devrait
avoir lieu rapidement, ces demandes, vu leur nature, semblent avoir été faites dans la perspective
d’une longue période de transition. En effet, ce que Maurice semble chercher à obtenir de la Cour
est qu’elle énonce un certain nombre de règles générales ou spécifiques qui s’appliqueraient de la
date du prononcé de l’avis consultatif à la date de la cession de l’archipel, quelle qu’elle puisse
être. Les demandes présentées par Maurice dans son exposé écrit sont examinées ci-après très
brièvement, essentiellement pour réfuter les affirmations trompeuses dont elles sont assorties. Si la
Cour tentait de répondre d’une manière ou d’une autre à la question b), il serait totalement
inapproprié, eu égard à sa qualité de tribunal, que dans l’exercice de sa compétence consultative,
elle aborde comme le voudrait Maurice des questions ressortissant à la politique suivie par deux
Etats et à leurs relations bilatérales.
5.19. Deuxièmement, comme il a été relevé ci-dessus aux paragraphes 5.17 et 5.18, Maurice
a elle-même reconnu que les questions dont il s’agit recoupent celles sur lesquelles, par l’accord de
1965, le Royaume-Uni a pris des engagements envers elle, questions qui ont fait l’objet d’un
examen approfondi dans l’Arbitrage concernant les Chagos345. Il serait inapproprié que la Cour
revienne sur des questions déjà tranchées par le Tribunal arbitral.
344 Exposé écrit de Maurice, par. 7.44.
345 Arbitrage concernant les Chagos, sentence (dossier ONU, no 409).
- 72 -
a) La demande tendant à ce que le Royaume-Uni coopère avec Maurice en vue de faire
progresser les efforts de celle-ci pour la réinstallation des Mauriciens d’origine
chagossienne et garantir l’accès à d’autres citoyens mauriciens à l’archipel des Chagos en
conformité avec le droit mauricien
5.20. Le Royaume-Uni rappelle que dans son exposé écrit, il a déjà traité du passage de la
question b) relatif à «un programme de réinstallation pour [les] nationaux [mauriciens]»346. Comme
il l’a déjà fait observer, Maurice est restée extrêmement vague quant à son «programme» de
repeuplement des îles, et semble envisager que ce programme soit ouvert à tous les Mauriciens, et
non pas seulement à ceux d’origine chagossienne. Il semble aussi que ce programme n’engloberait
pas les Chagossiens n’ayant pas la nationalité mauricienne. Maurice n’a absolument rien dit de la
faisabilité d’un programme de repeuplement.
5.21. Il y a lieu de rappeler à cet égard l’accord du 8 octobre 1982 conclu entre le
Royaume-Uni et Maurice sur la renonciation des Chagossiens de Maurice à toute réclamation347,
accord que la Cour européenne des droits de l’homme a pris en considération dans l’affaire des
Insulaires chagossiens348. Vu l’existence de l’accord de 1982, il est clair que Maurice ne peut pas
maintenant émettre de nouvelles réclamations contre le Royaume-Uni au nom des Chagossiens de
nationalité mauricienne concernant leur traitement ou leur éventuelle réinstallation ; or, c’est
pourtant ce qu’elle tente de faire par le biais de la présente procédure consultative.
b) La demande tendant à ce que Maurice se voie accorder un accès aux ressources naturelles
de l’archipel des Chagos
5.22. Les questions soulevées par cette demande ont déjà été réglées bilatéralement dans le
cadre de l’accord de 1965 et, plus précisément, par les engagements qu’y a pris le Royaume-Uni,
dont celui concernant les «droits de pêche» et celui aux termes duquel le produit «de toute
découverte de minéraux ou de pétrole dans l’archipel des Chagos ou aux alentours revien[dra] à
Maurice». Ces engagements ont été longuement débattus lors de l’Arbitrage concernant les
Chagos, et il en est abondamment question dans la sentence arbitrale, laquelle a force obligatoire
pour les parties.
c) La demande visant la pleine protection de l’environnement de l’archipel des Chagos
5.23. Le Royaume-Uni a pris des mesures exceptionnelles pour protéger l’environnement de
l’archipel des Chagos et les eaux environnantes, notamment l’inscription de l’archipel sur la liste
des sites Ramsar et la création en 2010 de ce qui était alors l’aire marine protégée (AMP) la plus
vaste du monde349. Il a cherché à obtenir de Maurice qu’elle coopère à ces mesures, mais elle s’y
est systématiquement refusée. Elle n’a voulu ni en discuter, ni participer de quelque façon que ce
soit à leur mise en oeuvre.
346 Exposé écrit du Royaume-Uni, par. 9.8-9.10.
347 Ibid., par. 4.9-4.13.
348 Ibid., par. 4.14-4.15.
349 Pour plus de détails sur l’AMP, voir Arbitrage concernant les Chagos, sentence, par. 126-157 (dossier
ONU, no 409) ; ce passage de la sentence traite : 1) des mesures initiales prises en vue de la création de l’AMP, et des
consultations qui ont eu lieu entre le Royaume-Uni et Maurice ; 2) de la réunion des chefs d’Etat du Commonwealth et
de ce qui s’en est suivi ; 3) de la proclamation de l’AMP ; et 4) des consultations entre le Royaume-Uni et Maurice qui
ont eu lieu après cette proclamation.
- 73 -
5.24. La seule mesure précise mentionnée par Maurice dans son exposé écrit consisterait à ce
que le Royaume-Uni «[mette] formellement … fin à sa prétendue «AMP», dont la création fut
unanimement jugée comme étant illicite par le tribunal …»350. En fait, le Tribunal arbitral n’a pas
déclaré catégoriquement que l’AMP était illicite, mais a dit que, «en créant l’AMP autour de
l’archipel des Chagos, le Royaume-Uni [avait] manqué à ses obligations aux termes du
paragraphe 5 de l’article 2, du paragraphe 2 de l’article 56, et du paragraphe 4 de l’article 194 de la
Convention [des Nations Unies sur le droit de la mer]»351, autrement dit à certaines obligations
découlant des engagements qu’il avait pris dans l’accord de 1965352.
d) La demande tendant à ce que Maurice soit associée à l’autorisation, au contrôle et à la
réglementation des travaux de recherche scientifique réalisés dans l’archipel des Chagos
et aux alentours
5.25. Il s’agit là d’une question qui pourrait donner lieu à des pourparlers bilatéraux. Maurice
ne l’a jamais soulevée auprès du Royaume-Uni avant l’introduction de la présente procédure
consultative.
e) La demande tendant à ce que le Royaume-Uni permette à Maurice de soumettre des
informations concernant l’archipel des Chagos à la commission des limites du plateau
continental
5.26. Il s’agit, là encore, d’une question bilatérale, qui a déjà fait l’objet de multiples
échanges entre Maurice et le Royaume-Uni. Dans son exposé écrit, Maurice néglige de mentionner
non seulement ces nombreux échanges sur la question de la limite extérieure du plateau continental
au large de l’archipel des Chagos, mais le fait que cette question faisait l’objet de son troisième
chef de conclusions dans l’Arbitrage concernant les Chagos, lors duquel elle en a abondamment
traité tant dans ses écritures que dans ses plaidoiries. Bien qu’ayant conclu qu’il n’avait pas
compétence pour se prononcer sur ce troisième chef de conclusions, le Tribunal arbitral, dans sa
sentence, a examiné «l’historique de la position adoptée par chacune des parties à cet égard, aussi
bien avant qu’après l’ouverture de la procédure d’arbitrage»353. Comme il ressort de la sentence, le
Royaume-Uni a traité avec une grande diligence la question de la soumission d’informations à la
commission des limites du plateau continental (question qui est étroitement liée à l’engagement
350 Exposé écrit de Maurice, par. 7.58.
351 Arbitrage concernant les Chagos, sentence, par. 547 (dispositif), point B (dossier ONU, no 409). Le point B
du paragraphe 547 de la sentence est libellé comme suit :
«S’agissant du fond du différend des Parties, le Tribunal, ayant notamment considéré :
1) que l’engagement du Royaume-Uni de faire en sorte que Maurice puisse jouir de droits de pêche
dans l’archipel des Chagos pour autant que ce serait praticable a force obligatoire dans la mesure
où il concerne la mer territoriale ;
2) que l’engagement du Royaume-Uni de restituer l’archipel des Chagos à Maurice lorsqu’il ne
serait plus nécessaire à des fins de défense a force obligatoire ;
3) que l’engagement du Royaume-Uni de préserver pour Maurice les avantages de tous minéraux ou
pétrole qui seraient découverts dans l’archipel des Chagos ou à proximité a force obligatoire ;
A l’unanimité, DÉCLARE qu’en créant l’AMP autour de l’archipel des Chagos, le Royaume-Uni a
manqué à ses obligations aux termes du paragraphe 3 de l’article 2, du paragraphe 2 de l’article 56, et du
paragraphe 4 de l’article 194 de la Convention.»
352 Ibid., par. 544 ; voir également les paragraphes 537-541.
353 Ibid., par. 332 ; voir également les paragraphes 333-350.
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qu’il a pris dans l’accord de 1965 de faire en sorte que «les avantages de toute découverte de
minéraux ou de pétrole dans l’archipel des Chagos ou aux alentours reviennent à Maurice»).
f) La demande tendant à ce que le Royaume-Uni permette à Maurice de procéder à la
délimitation de la frontière maritime entre l’archipel des Chagos et les Maldives
5.27. C’est au Royaume-Uni, en tant qu’Etat côtier ayant souveraineté sur l’archipel des
Chagos qu’il appartient d’entamer des négociations avec l’Etat voisin, la République des Maldives,
en vue de la délimitation des frontières maritimes ; et c’est également au Royaume-Uni, en tant
qu’Etat côtier, qu’il revient de conclure avec les Maldives, si nécessaire, les arrangements
provisoires de caractère pratique visés aux articles 74, paragraphe 3, et 83, paragraphe 3, de la
convention des Nations Unies sur le droit de la mer.
D. Les prétendues conséquences juridiques pour les Etats tiers
et les organisations internationales
5.28. Maurice interprète la question b) comme invitant la Cour à indiquer quelles sont les
conséquences juridiques du maintien de l’archipel sous l’administration du Royaume-Uni pour les
Etats tiers et les organisations internationales. Le Royaume-Uni conteste cette interprétation. Rien
n’indique que la question ait été posée dans cette intention. Comme l’Allemagne l’a fait observer
dans son exposé écrit, le libellé de la question b) ne contient rien qui puisse donner à penser qu’elle
porte sur les conséquences que le maintien de l’administration britannique aurait pour tous les
Etats354.
E. Conclusions
5.29. Le Royaume-Uni réaffirme la position qu’il a exprimée dans son exposé écrit355. Les
conséquences juridiques du maintien de l’archipel des Chagos sous son administration ont, en ce
qui concerne ses relations avec Maurice, été dans une large mesure établies avec force obligatoire
par la sentence prononcée en 2015 à l’issue de l’Arbitrage concernant les Chagos. Ces
conséquences n’ont pas changé depuis le prononcé de la sentence.
5.30. Pour les raisons qu’il a données dans son exposé écrit et dans le présent chapitre, le
Royaume-Uni reste fermement convaincu que la Cour devrait, dans l’exercice de son pouvoir
discrétionnaire, refuser de répondre à la question b).
5.31. Comme il l’a expliqué dans son exposé écrit et dans le présent chapitre, le
Royaume-Uni estime que si la Cour décidait néanmoins de répondre à la question b), elle devrait le
faire en se fondant sur l’accord de 1965 tel qu’il a été interprété par le Tribunal arbitral dans sa
sentence du 18 mars 2015, et qu’elle pourrait alors mettre en relief les points qu’il a fait valoir au
paragraphe 9.20 de son exposé écrit.
354 Exposé écrit de l’Allemagne, par. 124.
355 Exposé écrit du Royaume-Uni, chap. IX.
- 75 -
CONCLUSION
Pour les raisons qu’il a données dans son exposé écrit et ci-dessus, le Royaume-Uni prie
respectueusement la Cour internationale de Justice de réaffirmer les principes qu’elle est censée
suivre dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire qu’elle tient de l’article 65, paragraphe 1, de son
Statut, et de refuser de répondre aux questions posées par l’Assemblée générale.
Le représentant du Royaume-Uni de Grande-Bretagne
et d’Irlande du Nord,
(Signé) sir Iain MACLEOD, K.C.M.G.
Le 14 mai 2018.
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- 76 -
ATTESTATION
Je certifie que les documents reproduits dans les annexes des présentes observations sont des
copies conformes des originaux.
Le représentant du Royaume-Uni de Grande-Bretagne
et d’Irlande du Nord,
(Signé) sir Iain MACLEOD, K.C.M.G.
Le 14 mai 2018.
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- 77 -
LISTE DES ANNEXES
Les annexes jointes aux présentes observations sont énumérées ci-après. Leur numérotation
reflétant l’ordre des renvois qui y sont faits dans le corps du texte.
Annexe 90 Rapport de la commission restreinte sur le détachement de l’archipel des Chagos,
juin 1983.
Annexe 91 Kevin Shillington, Jugnauth: Prime Minister of Mauritius, (Hong Kong: Macmillan
1991) (extrait).
Annexe 92 Adele Smith Simmons, Modern Mauritius: The politics of decolonization
(Bloomington: Indiana University Press 1982) (extrait).
Annexe 93 The Times, dimanche 12 novembre 1965.
Annexe 94 Seewoosagur Ramgoolam, Our Struggle (1982) (extrait).
Annexe 95 A. Ramaoutar Mannick, Mauritius: The Development of a Plural Society,
(Nottingham: Spokesman 1979) (extrait).
Annexe 96 Jean Houbert, «Mauritius: Independence and Dependence», Journal of Modern
African Studies, Vol. 19.1 (1981).
Annexe 97 The Times, lundi 8 novembre 1965.
Annexe 98 Le Mauricien, 15 décembre 1965, p. 4.
Annexe 99 Sir Seewoosagur Ramgoolam, Selected Speeches (1979) (extrait).
Annexe 100 Robert Rosenstock «The Declaration of Principles of International Law concerning
Friendly Relations: A Survey» (1971) 65 American Journal of International Law.
Annexe 101 Rapport du comité spécial des principes du droit international touchant les relations
amicales et la coopération entre les Etats, doc. ONU A/8018 (1970) (extraits).
Annexe 102 I. Hendry et S. Dickson, British Overseas Territory Law (2011) (extraits).
Annexe 103 Rupert Emerson, «Self-Determination» (1971) 65 American Journal of
International Law.
Annexe 104 Leo Gross, «The Right of Self-Determination in International Law», Kilson, New
States in the Modern World (1975).
Annexe 105 S. Prakash Sinha, «Is Self-Determination Passe?» (1973) 12 Columbia Journal of
Transnational Law.
Annexe 106 Georg Schwarzenberger, A Manual of International Law (5e édition, 1967) (extrait).
Annexe 107 JHW Verzijl, International Law in Historical Perspective (1968) (extrait).
Annexe 108 RY Jennings, The Acquisition of Territory in International Law (1963) (extrait).
Annexe 109 Ian Brownlie, Principles of Public International Law (1966) (extrait).
- 78 -
Annexe 110 GG Fitzmaurice, «The Future of Public International Law», Livre du Centenaire
1873-1973, Institut de droit international, (extrait).
Annexe 111 Assemblée générale, première commission, débats sur Chypre, 1958 : 996e séance
tenue le mardi 25 novembre 1958 à 10 h 40 (A/C.1/SR.996) et 1003e séance tenue
le lundi 1er décembre 1958 à 15 h 15 (A/C.1/SR.1003).
Annexe 112 Thomas Franck et Paul Hoffman, «The Right to Self-Determination in Very Small
Places» (1976) 8 NYU Journal of International Law and Politics 331.
Annexe 113 Roger S. Clark, «The «Decolonization» of East Timor and the United Nations
Norms on Self-Determination and Aggression» (1980) 7 Yale Journal of World
Public Order 2.
Annexe 114 Assemblée générale, comité spécial de la décolonisation, 284e séance, doc. ONU
A/AC.109/PV.284 (30 septembre 1964) (extrait).
Annexe 115 Assemblée générale, sixième commission, débats sur le projet de déclaration sur les
relations amicales entre les Etats, 1966-1968 : Nations Unies ;
doc. A/AC.125/SR.91 (23 septembre 1968) ; A/AC.125/SR.68 (4 décembre 1967) ;
A/AC.125/SR.44 (27 juillet 1966).
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Observations écrites du Royaume-Uni

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