Exposé écrit de la République de Corée

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169-20180228-WRI-04-00-EN
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Note: Cette traduction a été établie par le Greffe à des fins internes et n’a aucun caractère officiel
15084
COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
EFFETS JURIDIQUES DE LA SÉPARATION DE L’ARCHIPEL
DES CHAGOS DE MAURICE EN 1965
(REQUÊTE POUR AVIS CONSULTATIF)
EXPOSÉ ÉCRIT DU GOUVERNEMENT
DE LA RÉPUBLIQUE DE CORÉE
28 février 2018
[Traduction du Greffe]
I. INTRODUCTION
1. Le 22 juin 2017, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté la résolution 71/292
par laquelle elle a demandé à la Cour internationale de Justice de donner un avis consultatif sur les
effets juridiques de la séparation de l’archipel des Chagos de Maurice en 1965. Le 14 juillet 2017,
la Cour a rendu une ordonnance, conformément au paragraphe 2 de l’article 66 de son Statut, dans
laquelle elle a décidé que l’Organisation des Nations Unies et ses Etats Membres étaient
susceptibles de fournir des renseignements sur la question, et fixé au 30 janvier 2018 la date initiale
d’expiration du délai dans lequel des exposés écrits sur la question pourraient être présentés. Par
son ordonnance du 17 janvier 2018, elle a prorogé le délai susmentionné jusqu’au 1er mars 2018. Le
présent exposé vise à porter à la connaissance de la Cour l’avis de la République de Corée, en sa
qualité d’Etat Membre de l’Organisation des Nations Unies, conformément aux ordonnances
susvisées, en vue d’aider la Cour à répondre à la demande qui lui a été soumise par l’Assemblée
générale. Le présent exposé traitera plus particulièrement de la question de l’opportunité judiciaire
de rendre un avis consultatif.
2. La République de Corée juge parfaitement légitime que la question de la décolonisation
figure parmi les priorités de l’ordre du jour de l’Assemblée générale ; comme celle-ci l’a reconnu
dans sa Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux, «les peuples
du monde souhaitent ardemment la fin du colonialisme dans toutes ses manifestations»
(Nations Unies, Documents officiels de l’Assemblée générale, doc. A/RES/1514 (XV), 1960).
Ayant elle-même subi la colonisation, la République de Corée connaît bien le contexte historique et
les incidences politiques d’un tel processus et se félicite en conséquence de la manière constructive
dont l’Assemblée générale traite la question.
3. A cet égard, la République de Corée tient à préciser que le présent exposé ne vise ni à
revenir sur les approches adoptées par l’Assemblée générale à l’égard de la question de la
colonisation, ni à évaluer la pertinence de celle-ci en tant que thème à l’ordre du jour de
l’Assemblée générale. Comme la République de Maurice l’a indiqué dans son document en date du
12 juin 2017, la question concerne directement l’Organisation des Nations Unies dont l’Assemblée
générale a joué un rôle historique et central dans le processus de décolonisation.
4. En outre, la République de Corée ne prend pas position sur le différend juridique et
politique qui oppose Maurice et le Royaume-Uni. Elle espère que les deux pays parviendront à une
solution amiable grâce aux divers mécanismes de règlement pacifique des différends qu’offre le
droit international. La République de Corée tient également à préciser que le présent exposé ne
préjuge pas de sa position sur toute autre question de droit international sans rapport avec la
demande d’avis consultatif dont l’Assemblée générale a saisi la Cour.
II. COMPÉTENCE ET POUVOIR DISCRÉTIONNAIRE DE LA COUR
EN MATIÈRE D’AVIS CONSULTATIFS
A. Compétence de la Cour
5. La République de Corée considère que la Cour a «compétence» pour donner un avis
consultatif sur la question que lui a posée l’Assemblée générale dans la résolution susmentionnée,
en vertu du paragraphe 1 de l’article 96 de la Charte des Nations Unies et du paragraphe 1 de
l’article 65 du Statut de la Cour. En particulier, le paragraphe 1 de l’article 96 de la Charte autorise
l’Assemblée générale à demander un avis consultatif sur «toute question juridique» et,
conformément au paragraphe 1 de l’article 65 de son Statut, la Cour peut donner un avis consultatif
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sur «toute question juridique» à la demande de l’Assemblée générale. Le fait qu’une question posée
par cette dernière puisse présenter des aspects politiques ne suffit pas à lui ôter son caractère
essentiellement juridique.
6. Si l’Assemblée générale peut demander un avis consultatif sur toute question juridique, la
Cour «a parfois, dans le passé, donné certaines indications quant à la relation entre la question
faisant l’objet d’une demande d’avis consultatif et les activités de l’Assemblée générale»
(Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis
consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 145). L’Assemblée générale est fondée à demander un avis
consultatif à la Cour sur des questions touchant au processus de décolonisation. L’un des buts de
l’Organisation des Nations Unies est le développement entre les nations de relations amicales
fondées sur le respect du principe du droit à l’autodétermination, tel que consacré aux articles 1 et
55 de la Charte. Cet objectif a été réaffirmé par l’Assemblée générale dans plusieurs résolutions
clés, parmi lesquelles la résolution 1514 (XV) du 14 décembre 1960, qui contient la Déclaration sur
l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux. Dénier à l’Assemblée générale la
compétence pour solliciter un avis de la Cour sur de telles questions irait à l’encontre des principes
et de la pratique judiciaire établis. La République de Corée s’abstiendra donc d’examiner plus
avant les aspects relatifs à la compétence et portera son attention sur le pouvoir discrétionnaire de
la Cour.
B. Pouvoir discrétionnaire de la Cour et principe du consentement
7. Comme elle l’a dit à maintes reprises dans des affaires antérieures, la Cour, une fois
établie sa compétence pour répondre à une demande d’avis consultatif de l’Assemblée générale,
doit déterminer s’il existe des raisons pour elle de refuser de ce faire, et il est constant que seules
des «raisons décisives» pourraient l’amener à opposer un tel refus (Certaines dépenses des
Nations Unies (article 17, paragraphe 2, de la Charte), avis consultatif, C.I.J. Recueil 1962,
p. 155 ; Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé,
avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 156).
8. Il est vrai que la Cour n’a jamais, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, refusé de
donner suite à une demande d’avis consultatif (Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes
nucléaires, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 235). Pour autant, dans chaque procédure
consultative, les Etats ont continué de faire valoir divers arguments pour tenter de la convaincre de
l’existence de «raisons décisives», invoquant la nature abstraite de la question posée, l’absence de
portée utile, l’indisponibilité des faits et des éléments de preuve nécessaires, le risque de saper ou
de compliquer le processus politique concerné, ou encore le défaut de consentement de l’une des
parties à soumettre un différend à une procédure de règlement judiciaire.
9. Eu égard aux questions soulevées dans la présente instance, il convient d’examiner plus
particulièrement l’applicabilité du principe selon lequel un Etat qui ne serait pas consentant n’est
pas tenu de se soumettre au règlement judiciaire. La Cour a déclaré que «le défaut de consentement
d’un Etat intéressé peut, dans certaines circonstances, rendre le prononcé d’un avis consultatif
incompatible avec le caractère judiciaire de la Cour» ; cette question est traitée sous l’angle de
«l’opportunité judiciaire» dans sa jurisprudence (Sahara occidental, avis consultatif,
C.I.J. Recueil 1975, p. 25).
10. Comme l’énonce l’article 36 du Statut, la compétence de la Cour repose sur le
consentement des parties aux litiges. La Cour internationale de Justice, tout comme sa devancière,
la Cour permanente de Justice internationale, a confirmé à maintes reprises que cet aspect
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constituait le fondement essentiel de sa compétence. Ce principe du consentement au règlement
judiciaire d’un différend est présenté comme un corollaire de la souveraineté. Il est permis
d’affirmer que le soin que la Cour a mis en de nombreuses circonstances à en garantir le respect a
fortement contribué à renforcer la confiance que la communauté internationale place non seulement
en elle mais même, plus généralement, en la justice internationale.
11. A une exception près, qui remonte à la Cour permanente de Justice internationale et
l’affaire du Statut de la Carélie orientale (avis consultatif, 1923, C.P.J.I. série B no 5), la Cour n’a
jamais retenu le principe du consentement comme raison décisive de refuser de donner un avis
consultatif. Toutefois, elle ne considère pas qu’il n’y ait pas lieu d’en tenir compte dans le cadre
d’une procédure consultative (Sahara occidental, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1975, p. 25 ;
Conséquences juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis
consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), opinion individuelle de Mme la juge Higgins, p. 209). Les
raisons pour lesquelles la Cour permanente de Justice internationale avait estimé ne pouvoir rendre
l’avis consultatif demandé dans l’affaire de la Carélie orientale n’ont rien perdu de leur pertinence.
Ces raisons étaient les suivantes :
«La question posée à la Cour n’est pas de droit abstrait, mais concerne directement le
point essentiel du conflit entre la Finlande et la Russie, et il ne peut y être répondu
qu’à la suite d’une enquête sur les faits qui sont à la base de l’affaire. Répondre à la
question équivaudrait en substance à trancher un différend entre les parties. La Cour,
étant une Cour de Justice, ne peut pas se départir des règles essentielles qui dirigent
son activité de tribunal, même lorsqu’elle donne des avis consultatifs.» (Avis
consultatif, 1923, C.P.J.I. série B no 5, p. 28-29.)
12. Il est vrai que les différends juridiques bilatéraux sont souvent également inscrits au
programme de l’Organisation des Nations Unies. En tant qu’instance de politique générale dont la
principale mission consiste à maintenir la paix et la sécurité internationales, celle-ci s’est penchée
sur plusieurs différends juridiques entre Etats Membres, essentiellement sous un angle politique, et
tout différend de cette nature peut donner lieu à un examen ou à l’adoption de mesures par
l’Assemblée générale ou le Conseil de sécurité. A cet égard, la Cour a relevé que presque toutes les
procédures consultatives avaient été marquées par des divergences de vues (Conséquences
juridiques de l’édification d’un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif,
C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 7). En conséquence, se borner à faire valoir qu’une question figure à
l’ordre du jour de l’Assemblée générale pourrait avoir pour effet d’affaiblir le principe du
consentement. Il convient de rechercher un juste équilibre entre ce dernier et la fonction
consultative de la Cour. Celle-ci n’a pas pour objet d’apporter des solutions juridiques à des
différends entre Etats sans le consentement de l’un ou de l’autre. La nécessité s’impose donc, dans
une procédure consultative, de peser avec soin l’opportunité de rendre un avis consultatif lorsqu’il
apparaît qu’une telle procédure risque d’enfreindre ou de tourner le principe du consentement au
règlement judiciaire.
13. Dans ce contexte, il convient de relever que, pour déterminer l’applicabilité du principe
du consentement, la Cour emploie le critère des «raisons décisives» : elle ne conclut pas de manière
automatique qu’il est inopportun de rendre un avis au seul motif qu’il existe un différend bilatéral
entre les Etats intéressés. Les raisons pouvant lui interdire de rendre un avis consultatif sur une
question juridique à laquelle les Nations Unies s’intéressent légitimement sont au contraire passées
au crible. En d’autres termes, il existe une forte présomption que la Cour a compétence pour rendre
un avis consultatif. Etant donné l’approche rigoureuse adoptée par la Cour, il convient de procéder
à un examen minutieux de ce qui constituerait une raison décisive dans le cas où l’exercice par la
Cour, organe des Nations Unies, de sa fonction judiciaire serait susceptible d’aboutir à trancher en
substance un différend juridique bilatéral sans le consentement de chaque partie concernée. Il
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convient donc de définir plus clairement l’expression «un différend de cet ordre» employée dans
l’avis consultatif sur le Statut de la Carélie orientale (avis consultatif, 1923, C.P.J.I. série B no 5,
p. 28).
14. Cette clarification revêt une importance particulière alors que le rôle et les
responsabilités des organisations internationales, et notamment de l’Organisation des
Nations Unies, ne cessent de croître. Elle pourrait contribuer à lever les incertitudes et les
préoccupations que les Etats pourraient avoir concernant la fonction consultative de la Cour et
renforcer ainsi la confiance de ces derniers à l’égard du système juridique international au sein
duquel celle-ci joue un rôle fondamental.
III. CRITÈRES PERMETTANT DE CONCLURE À L’EXISTENCE DE «RAISONS DÉCISIVES»
À LA LUMIÈRE DU PRINCIPE DU CONSENTEMENT
15. Lorsqu’un avis consultatif est sollicité sur des questions de droit qui se rapportent à un
différend juridique entre Etats et dont est, en même temps, saisie l’Organisation des Nations Unies,
plusieurs critères peuvent être pris en compte pour déterminer s’il existe des «raisons décisives» de
refuser de donner un tel avis. Les critères présentés dans les paragraphes suivants sont proposés à
titre d’exemples concrets à utiliser selon les circonstances propres à chaque espèce.
A. Objet de la requête
16. Premièrement, il existerait une raison décisive de refuser de faire droit à une demande
d’avis consultatif si celle-ci avait pour objet d’obtenir ensuite, sur la base d’un tel avis, le règlement
d’un différend entre Etats sans le consentement mutuel de ceux-ci, ainsi que l’avait relevé la juge
Rosalyn Higgins dans son opinion individuelle sur les Conséquences juridiques de l’édification
d’un mur dans le territoire palestinien occupé (avis consultatif, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 210).
Naturellement, l’Assemblée générale formulera la question à soumettre à la Cour de manière à ce
qu’il ne lui soit pas reproché de rechercher, par l’avis consultatif demandé, le règlement d’un
différend bilatéral entre Etats Membres, mais sa véritable intention ou l’objet réel de sa requête
pourront être percés à jour à l’examen des exposés oraux et écrits, ou d’autres aspects ou
circonstances propres aux délibérations de l’Assemblée générale sur la question. S’il y a alors
raisonnablement lieu de conclure que la majorité des Membres de l’Assemblée générale cherche de
facto à imposer la résolution du différend par la voie judiciaire, la Cour pourra invoquer l’existence
d’une raison décisive pour refuser de rendre l’avis consultatif qui lui est demandé. Ce critère
pourrait se révéler plus déterminant si l’un des Etats directement en cause a exprimé son refus de
porter le différend devant la Cour ou un autre organe judiciaire, par voie de déclaration faite au titre
du Statut de la Cour ou d’autres traités applicables.
B. Objet d’une affaire portée devant une instance
juridictionnelle internationale
17. Deuxièmement, il pourrait exister une raison décisive pour la Cour de refuser de rendre
un avis consultatif si la question qui lui était posée recoupait de fait l’objet de procédures
contentieuses passées ou pendantes devant une instance juridictionnelle internationale, y compris
un tribunal d’arbitrage.
18. Alors qu’un tribunal international aurait déjà statué sur un différend, une partie
mécontente de la décision rendue pourrait utiliser la procédure consultative pour en obtenir
l’examen en appel ou la révision dès lors que l’Assemblée générale, à l’initiative de ladite partie ou
d’un autre Etat intéressé, solliciterait de la Cour un avis consultatif dont l’objet serait
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fondamentalement le même. Une telle tentative d’obtenir l’examen en appel ou la révision d’une
décision reviendrait manifestement à enfreindre ou à tourner le principe du consentement au
règlement judiciaire, et constituerait très vraisemblablement une raison décisive de ne pas rendre un
avis consultatif. Elle constituerait également une violation du principe de l’autorité de la chose
jugée.
19. D’aucuns pourraient faire valoir qu’il existe une distinction entre le règlement judiciaire
et la procédure consultative : la dernière fait intervenir les Etats en tant que parties à la procédure,
tandis que la première est engagée par des organes internationaux tels que l’Assemblée générale et
le Conseil de sécurité. Cette distinction formelle est toutefois dépourvue de pertinence dès lors que
la demande d’avis consultatif vise en réalité à introduire un recours contre une décision judiciaire
ou à en obtenir la révision. Les questions en cause, dans ces circonstances, sont celles du pouvoir
discrétionnaire et de l’opportunité, et il convient, pour les aborder, d’en examiner les effets
pratiques et concrets plutôt que de se focaliser sur une distinction de pure forme.
20. Quand bien même l’instance internationale saisie se serait déclarée incompétente pour
connaître d’une affaire et ne se serait pas prononcée sur le fond, l’introduction d’une demande
d’avis consultatif devant la Cour sur la même question constituerait un abus de la procédure
consultative et une tentative de tourner le principe du consentement. En pareil cas, la Cour serait
tenue de refuser de rendre un avis consultatif afin de préserver l’intégrité du système judiciaire
international. On pourrait en quelque sorte affirmer que l’Assemblée générale et le Conseil de
sécurité détiennent le pouvoir discrétionnaire prima facie d’«exploiter» la procédure consultative,
dans la mesure où ils sont autorisés à demander un avis consultatif sur «toute» question juridique.
La Cour, quant à elle, dispose d’une certaine latitude pour s’opposer à une telle pratique, et peut au
besoin faire usage de ce pouvoir discrétionnaire qui est le sien.
21. Dans le cas d’un différend en cours devant une instance juridictionnelle internationale,
les parties ont déjà choisi de rechercher le règlement judiciaire sur la base du principe du
consentement. L’intervention de la Cour, sous forme d’un avis consultatif, ne contribuera pas, dans
ces circonstance, à promouvoir le développement harmonieux du régime international de règlement
des différends.
22. D’un point de vue stratégique, par-delà les raisonnements juridiques, le fait de permettre
que la Cour rouvre, au moyen d’une procédure consultative, une affaire déjà tranchée, sans le
consentement des deux parties entamerait plus qu’il n’aurait l’effet escompté de renforcer la
confiance générale placée dans le système judiciaire international, et ce, même si l’avis consultatif
en question avait toutes les chances d’apporter une contribution substantielle à la résolution
effective d’un différend international ainsi qu’au développement du droit international. La
démarche la plus appropriée en pareil cas consisterait pour l’Assemblée générale à encourager la
résolution du différend par voie de négociation et de compromis, au lieu d’imposer à la Cour la
responsabilité de le régler par voie judiciaire sans le consentement des deux parties, en lui
soumettant une demande d’avis consultatif. L’Assemblée générale serait malavisée de soumettre à
la compétence de la Cour un différend dont seule l’une des parties concernées consentirait à la voir
saisie.
C. Fonction judiciaire inhérente aux instances juridictionnelles
en matière de droits exclusifs
23. Troisièmement, l’on peut considérer qu’une raison décisive existe lorsque, pour répondre
à une question juridique, une instance juridictionnelle doit exercer la fonction judiciaire qui lui
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échet en matière de confirmation et de détermination de droits exclusifs dans une procédure
contentieuse, tels que la souveraineté territoriale sur un espace géographique donné, la délimitation
maritime ou territoriale ou encore la propriété de certains objets de valeur tels que des ouvrages et
vestiges historiques. Précisons que la fonction judiciaire des instances juridictionnelles ne se limite
pas aux domaines susmentionnés puisqu’elle s’étend notamment aux questions liées aux droits
humains et aux droits environnementaux.
24. Il est difficile de définir la notion de «fonction judiciaire inhérente aux instances
juridictionnelles» mais l’on peut affirmer à tout le moins que la résolution des questions
susmentionnées (souveraineté territoriale, délimitation, propriété d’objets, etc.) ne devrait pas être
le résultat d’un vote à la majorité des voix d’un organe politique tel que l’Assemblée générale.
Rendre un avis consultatif qui présenterait un lien direct avec l’objet principal d’un différend de cet
ordre équivaudrait en substance à trancher le différend entre les parties. Il existe donc une raison
décisive pour la Cour de s’abstenir de donner un avis consultatif si la demande vise à résoudre des
questions judiciaires de ce type sans le consentement mutuel des parties, même si certains aspects
de la question juridique posée se rapportent à la paix et à la sécurité internationales.
D. Remarques finales : un pouvoir discrétionnaire fluctuant
25. Les différentes raisons décisives susceptibles d’inciter la Cour à refuser de rendre un avis
consultatif ont été exposées dans les sections précédentes ; elles visent à servir de guide pratique
pour aider à préserver l’intégrité du système judiciaire international, sur la base de considérations
réalistes à l’aune desquelles pourra être déterminé le juste équilibre entre la nécessité de fournir les
conseils juridiques dont l’Organisation des Nations Unies a besoin pour mener à bien son action et
la fonction judiciaire de la Cour en tant qu’organe juridictionnel dont la compétence est
consensuelle.
26. Comme cela a déjà été dit, de nombreux différends juridiques figurent aussi à l’ordre du
jour des organes politiques de l’Organisation des Nations Unies. L’opportunité de rendre un avis
consultatif dépendra donc dans une large mesure de la teneur particulière de la question posée à la
Cour et du contexte dans lequel s’inscrit cette question. En d’autres termes, le pouvoir qu’a la Cour
de rendre un avis consultatif varie et fluctue selon la nature de chaque requête. Lorsque la Cour est
saisie d’une question relevant de l’une des trois catégories décrites plus haut, son pouvoir
discrétionnaire est au plus bas.
IV. CONCLUSION
27. La République de Corée s’abstiendra d’analyser les éléments matériels du différend qui
oppose les deux parties à l’instance et, partant, d’émettre un avis sur l’applicabilité des trois critères
proposés ci-dessus. En revanche, elle tient à souligner qu’il est à la fois possible et nécessaire de
tenir compte de ces critères lorsque la demande d’avis consultatif se rapporte à un différend
juridique entre deux Etats dont l’un ne consent pas au règlement judiciaire.
28. La présente requête offre à la Cour l’occasion de fournir des indications plus claires sur
la question de l’opportunité de rendre un avis consultatif eu égard au principe du consentement au
règlement judiciaire. La République de Corée espère que la Cour saura profiter au mieux de cette
occasion pour étudier avec soin l’étendue de son pouvoir discrétionnaire en l’espèce.
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Exposé écrit de la République de Corée

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