Mémoire du Costa Rica sur la question de l'indemnisation

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150-20170403-WRI-01-00-EN
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14678
COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
AFFAIRE RELATIVE À CERTAINES ACTIVITÉS MENÉES PAR LE NICARAGUA
DANS LA RÉGION FRONTALIÈRE
(COSTA RICA c. NICARAGUA)
MÉMOIRE DU COSTA RICA SUR LA QUESTION
DE L’INDEMNISATION
VOLUME I
Y COMPRIS
ANNEXES 1 À 5
3 AVRIL 2017
[Traduction du Greffe]
Note :
Cette traduction a été préparée par le Greffe à des fins internes et n’a aucun caractère officiel.
TABLE DES MATIÈRES
Page
CHAPITRE 1 - INTRODUCTION ............................................................................................................. 1
CHAPITRE 2 - LE DROIT DU COSTA RICA À RÉPARATION ................................................................... 5
A. La demande du Costa Rica au titre du préjudice matériel subi .......................................... 5
B. La portée de l’indemnisation réclamée .............................................................................. 6
1. Dommages causés à l’environnement .......................................................................... 6
2. Dépenses et coûts ......................................................................................................... 8
C. Le lien de causalité .......................................................................................................... 11
D. L’évaluation des dommages indemnisables subis par le Costa Rica ............................... 12
E. Le droit du Costa Rica au paiement d’intérêts ................................................................. 13
CHAPITRE 3 - DÉTERMINATION DU MONTANT DE L’INDEMNISATION DUE AU COSTA RICA ........... 15
A. Dommages quantifiables causés à l’environnement ........................................................ 16
B. Dépenses engagées du fait des activités illicites menées par le Nicaragua en
territoire costa-ricien ........................................................................................................ 25
1. Dépenses engagées entre octobre 2010 et mars 2011 du fait de la présence et
des activités illicites du Nicaragua en territoire costa-ricien ..................................... 25
2. Dépenses engagées pour assurer la surveillance du territoire litigieux ...................... 29
3. Dépenses engagées pour assurer la mise en oeuvre de l’ordonnance rendue par
la Cour en 2013, s’agissant des travaux nécessaires pour empêcher qu’un
préjudice irréparable soit causé à l’environnement du territoire litigieux ................ 39
CONCLUSIONS .................................................................................................................................. 49
CERTIFICATION ................................................................................................................................. 50
LISTE DES ANNEXES ......................................................................................................................... 51
___________
CHAPITRE 1
INTRODUCTION
1.1. Le différend entre les deux Etats concernant les activités menées par le Nicaragua à
Isla Portillos (et la souveraineté qu’il a par la suite revendiquée sur ce territoire) a été soumis à la
Cour par le Costa Rica dans l’affaire relative à Certaines activités menées par le Nicaragua dans la
région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua). La portion de territoire revendiquée par le Nicaragua
à Isla Portillos a été dénommée le «territoire litigieux» par la Cour1.
1.2. Dans le dispositif de l’arrêt qu’elle a rendu sur le fond en décembre 2015, la Cour a dit
que le Costa Rica avait souveraineté sur le territoire litigieux2 et que, en creusant trois caños et en
établissant une présence militaire en territoire costa-ricien, le Nicaragua avait violé la souveraineté
territoriale du Costa Rica3. Elle a également déclaré que «le Nicaragua a[vait] l’obligation
d’indemniser le Costa Rica à raison des dommages matériels qu’il lui a[vait] causés par les
activités illicites auxquelles il s’[était] livré sur le territoire costa-ricien»4.
1.3. S’agissant des trois caños mentionnés par la Cour dans le dispositif de son arrêt, il est
rappelé que :
a) à la fin de l’année 2010, le Nicaragua a déployé du personnel militaire et d’autres agents à
Isla Portillos, territoire costa-ricien, pour y établir une présence et leur y faire creuser un caño
artificiel au prix de l’environnement, auquel il a causé des dommages tant par ses travaux de
creusement qu’en détruisant arbres et végétation ;
b) en contravention de l’ordonnance en indication de mesures conservatoires rendue par la Cour le
8 mars 20115, le Nicaragua a creusé deux autres caños dans le territoire litigieux, causant
encore davantage de dommages à celui-ci. Il a par la suite reconnu devant la Cour que, ce
faisant, il avait manqué aux obligations qui lui incombaient au titre de l’ordonnance de 20116.
Par une nouvelle ordonnance en indication de mesures conservatoires rendue en 2013, la Cour a
chargé le Costa Rica de prendre des mesures appropriées au sujet des deux nouveaux caños,
pour empêcher qu’un préjudice irréparable soit causé à l’environnement du territoire litigieux7.
1 Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua), mesures
conservatoires, ordonnance du 8 mars 2011, C.I.J. Recueil 2011(I), p. 19, par. 55.
2 Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua) et
Construction d’une route au Costa Rica le long du fleuve San Juan (Nicaragua c. Costa Rica), arrêt, C.I.J. Recueil
2015 (II), p. 740, par. 229 1).
3 Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua) et
Construction d’une route au Costa Rica le long du fleuve San Juan (Nicaragua c. Costa Rica), arrêt, C.I.J. Recueil
2015 (II), p. 740, par. 229 2).
4 Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua) et
Construction d’une route au Costa Rica le long du fleuve San Juan (Nicaragua c. Costa Rica), arrêt, C.I.J. Recueil
2015 (II), p. 740, par. 229 5) a).
5 Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua), mesures
conservatoires, ordonnance du 8 mars 2011, C.I.J. Recueil 2011(I), p. 27, par. 86 1).
6 Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua) et
Construction d’une route au Costa Rica le long du fleuve San Juan (Nicaragua c. Costa Rica), arrêt, C.I.J. Recueil
2015 (II), p. 713, par. 125.
7 Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua) ;
Construction d’une route au Costa Rica le long du fleuve San Juan (Nicaragua c. Costa Rica), mesures conservatoires,
ordonnance du 22 novembre 2013, C.I.J. Recueil 2013, p. 370, par. 59 2) E).
1
2
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En application de cette ordonnance, et sur recommandation du Secrétariat de la convention de
Ramsar, le Costa Rica a alors pris des mesures correctives concernant l’un des deux nouveaux
caños ;
c) le territoire concerné fait partie de la zone humide du nord-est des Caraïbes, qui constitue une
zone humide d’importance internationale protégée au titre de la convention de Ramsar.
1.4. Par la suite, dans son arrêt du 16 décembre 2015, la Cour a déclaré que, à défaut
d’accord entre elles dans un délai de douze mois, «elle procédera[it], à la demande de l’une des
Parties, au règlement de la question de l’indemnisation due au Costa Rica»8.
1.5. En résumé, les dommages causés par les activités illicites du Nicaragua en territoire
costa-ricien revêtent trois formes (voir également le chapitre 3 ci-dessous). Il s’agit :
a) de dommages quantifiables que le Nicaragua a causés à l’environnement en creusant un premier
caño en 2010-2011, puis un deuxième et un troisième en 2013 ;
b) de dépenses engagées par le Costa Rica du fait des activités illicites menées sur sol par le
Nicaragua, et notamment de l’occupation et de la revendication par celui-ci d’un territoire
relevant de la souveraineté costa-ricienne ; et
c) de dépenses engagées par le Costa Rica pour mettre en oeuvre des mesures correctives
concernant le caño oriental construit en 2013 par le Nicaragua.
1.6. Dès le prononcé de l’arrêt du 16 décembre 2015, le Costa Rica a entrepris de quantifier
les indemnités qu’il estimait lui être dues en se conformant aux indications fournies par la Cour
dans son ordonnance. Cette opération a nécessité de vastes consultations auprès de divers
départements et agences du Gouvernement costa-ricien, dont chacun avait engagé des dépenses sur
de longue périodes en conséquence directe des activités illicites menées par le Nicaragua en
territoire costa-ricien. Le Costa Rica a également obtenu un rapport détaillé de la
Fundación Neotrópica, organisation non-gouvernementale costa-ricienne spécialisée dans le
développement durable et l’évaluation des fonctions et services des écosystèmes, rapport qui
quantifie les dommages matériels causés par le Nicaragua à l’environnement du territoire
costa-ricien9.
1.7. Le 7 juin 2016, le Costa Rica a présenté au Nicaragua sa demande d’indemnisation,
justificatifs à l’appui, à hauteur d’environ 6,7 millions de dollars des Etats-Unis d’Amérique10 ; il
s’agissait d’une estimation modeste des dommages matériels qu’il avait subis du fait des activités
illicites nicaraguayennes. Il lui proposait également une rencontre au mois d’août 2016 afin de
8 Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua) et
Construction d’une route au Costa Rica le long du fleuve San Juan (Nicaragua c. Costa Rica), arrêt, C.I.J. Recueil
2015 (II), p. 741, par. 229 5) b).
9 Fundación Neotrópica, «Evaluation pécuniaire des dommages à l’environnement résultant de la construction de
caños et de l’arrachage d’arbres et de végétation par le Gouvernement nicaraguayen sur le territoire costa-ricien
d’Isla Portillos, déposée en application de l’arrêt de la Cour internationale de Justice du 16 décembre 2015» (ci-après le
«rapport Neotrópica»), 3 juin 2016, vol. I, annexe 1.
10 Le montant indiqué par le Costa Rica en juin 2016 était de 6 723 476,48 dollars des Etats-Unis. Il diffère
légèrement du montant désormais demandé par le Costa Rica dans ses conclusions. La demande du Costa Rica est fondée
sur plus de mille objets de dépense, tandis que le chiffre indiqué en juin 2016 avait été calculé en incorporant par erreur
certains objets de dépense qui ont à présent été déduits. Le Costa Rica a depuis vérifié la totalité du montant demandé en
se référant à des éléments de preuve exhaustifs, qui sont annexés au présent mémoire.
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discuter de toute question relative à cette demande11. Les échanges entre les Parties se sont par la
suite déroulés comme suit :
a) Le Nicaragua n’a pas répondu à la lettre du Costa Rica du 7 juin 2016. N’ayant reçu de celui-ci
aucun accusé de réception ni aucune communication officielle sur la question, le Costa Rica lui
a de nouveau écrit le 5 octobre 2016 en le priant de répondre à sa demande d’indemnisation et à
sa proposition de négocier12.
b) Le 18 novembre 2016, le Nicaragua a enfin répondu à la demande d’indemnisation du
Costa Rica. Il affirmait dans sa lettre que «la majorité des éléments» inventoriés par le
Costa Rica ne pouvaient faire l’objet d’une indemnisation puisqu’ils ne présentaient pas «le lien
de causalité nécessaire avec les dommages matériels causés par le Nicaragua, tels qu’établis par
la Cour», et que l’évaluation des dommages à l’environnement figurant dans le rapport de
Neotrópica n’était pas étayée. Il priait le Costa Rica de revoir sa demande d’indemnisation
initiale et de fournir davantage de pièces justificatives13. Il rejetait par ailleurs la proposition,
formulée par le Costa Rica dans sa lettre du 7 juin 201614, de discuter de la question dans le
cadre de négociations bilatérales.
c) Le Costa Rica a réagi à la lettre du Nicaragua le 14 décembre 201615 en fournissant davantage
de documents et un second rapport de Neotrópica répondant à ses critiques quant à l’évaluation
des dommages à l’environnement contenue dans le premier rapport16. Il a également fait au
Nicaragua une offre de règlement sous réserve de tous droits, afin de faire avancer les
négociations en vue d’un règlement raisonnable, et dans l’espoir d’éviter que la procédure
devant la Cour ne se prolonge. Il n’a cependant reçu aucune réponse du Nicaragua.
1.8. Compte tenu de ce qui précède, le Costa Rica a estimé qu’il n’avait pas d’autre choix
que de porter la question à l’attention de la Cour, ce qu’il a fait par une lettre en date du
16 janvier 2017.
1.9. Par une ordonnance rendue le 2 février 2017, la Cour a fixé les dates d’expiration des
délais pour le dépôt d’écritures sur la question du montant de l’indemnisation due au Costa Rica.
Le présent mémoire est soumis en application de cette ordonnance.
1.10. Le plan du mémoire du Costa Rica est le suivant :
11 Lettre ECRPB-043-16 en date du 7 juin 2016 adressée à M. Carlos Argüello, agent du Nicaragua, par
M. Sergio Ugalde, coagent du Costa Rica, vol. II, annexe 35.
12 Lettre ECRPB-092-16 en date du 5 octobre 2016 adressée à M. Carlos Argüello, agent du Nicaragua, par
M. Sergio Ugalde, coagent du Costa Rica, vol. II, annexe 36.
13 Lettre HOL-EMB-280 en date du 18 novembre 2016 adressée à M. Sergio Ugalde, coagent du Costa Rica, par
M. Carlos Argüello, agent du Nicaragua, vol. II, annexe 37.
14 Lettre ECRPB-043-16 en date du 7 juin 2016 adressée à M. Carlos Argüello, agent du Nicaragua, par
M. Sergio Ugalde, coagent du Costa Rica, vol. II, annexe 35.
15 Lettre ECRPB-148-16 en date du 14 décembre 2016 adressée à M. Carlos Argüello, agent du Nicaragua, par
M. Sergio Ugalde, coagent du Costa Rica, vol. II, annexe 38.
16 Fundación Neotrópica, «Addenda explicatifs au rapport intitulé «Evaluation pécuniaire des dommages à
l’environnement résultant de la construction de caños et de l’arrachage d’arbres et de végétation par le Gouvernement
nicaraguayen sur le territoire costa-ricien d’Isla Portillos, déposée en application de l’arrêt de la Cour internationale de
Justice du 16 décembre 2015», en réponse à la demande d’éclaircissements formulée par le Nicaragua dans sa lettre
HOL-EMB-280 en date du 18 novembre 2016 adressée à l’ambassadeur du Costa Rica, M. Sergio Ugalde» (ci-après les
«addenda explicatifs au rapport Neotrópica»), 8 décembre 2016, vol. I, annexe 2.
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a) le chapitre 2 expose le fondement juridique de la demande d’indemnisation présentée par le
Costa Rica, conformément à l’arrêt rendu par la Cour le 16 décembre 2015 ;
b) le chapitre 3 présente, justificatifs à l’appui, les différents éléments à raison desquels le
Costa Rica demande une indemnisation ; et
c) la dernière partie expose les conclusions du Costa Rica.
1.11. Ce mémoire est assorti de 39 annexes, dont certaines figurent dans le présent volume I
et les autres, dans le volume II.
- 5 -
CHAPITRE 2
LE DROIT DU COSTA RICA À RÉPARATION
2.1. Le Costa Rica demande la réparation intégrale du préjudice causé par le comportement
internationalement illicite du Nicaragua, tel que constaté dans l’arrêt au fond que la Cour a rendu
en décembre 2015. Dans cet arrêt, la Cour a dit que, en creusant trois caños, le Nicaragua avait
violé la souveraineté territoriale du Costa Rica, et que, en se livrant à diverses activités en territoire
costa-ricien, il avait enfreint le droit international17. La Cour a également dit que, en creusant les
deuxième et troisième caños et en établissant une présence militaire sur le territoire litigieux, le
Nicaragua avait manqué aux obligations qui lui incombaient au titre de l’ordonnance en indication
de mesures conservatoires du 8 mars 201118. Elle a ajouté que le Nicaragua avait, en conséquence,
l’obligation d’indemniser le Costa Rica à raison des dommages matériels occasionnés par ce
comportement internationalement illicite en territoire costa-ricien19.
A. LA DEMANDE DU COSTA RICA AU TITRE DU PRÉJUDICE MATÉRIEL SUBI
2.2. Les dommages matériels que le Costa Rica a subis en conséquence directe des activités
illicites menées sur son territoire par le Nicaragua comprennent :
a) les dommages quantifiables que le Nicaragua a causés à l’environnement en creusant un
premier caño en 2010-2011, puis le caño oriental de 2013 ;
b) les dépenses engagées par le Costa Rica du fait des activités illicites menées sur son sol par le
Nicaragua, et notamment :
i) celles engagées entre octobre 2010 et mars 2011 du fait de la présence et des activités
illicites du Nicaragua sur le territoire costa-ricien par la suite dénommé le «territoire
litigieux» ;
ii) celles engagées pour assurer la surveillance du territoire litigieux, en conséquence directe
des activités illicites du Nicaragua et en application des ordonnances en indication de
mesures conservatoires rendues par la Cour en 2011 et en 2013 ; et
iii) celles engagées pour assurer la mise en oeuvre de l’ordonnance en indication de mesures
conservatoires rendue par la Cour en 2013, s’agissant des travaux nécessaires pour
empêcher qu’un préjudice irréparable soit causé à l’environnement du territoire litigieux.
2.3. Le présent chapitre présentera les grands principes juridiques fondant la demande
d’indemnisation du Costa Rica. Le chapitre 3 traitera de manière détaillée des faits et éléments de
preuve justifiant chacune des indemnités réclamées.
17 Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua) ;
Construction d’une route au Costa Rica le long du fleuve San Juan (Nicaragua c. Costa Rica), arrêt, C.I.J. Recueil
2015 (II), p. 740, par. 229 2).
18 Ibid., p. 713, par. 127.
19 Ibid., p. 740, par. 229 5) a).
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B. LA PORTÉE DE L’INDEMNISATION RÉCLAMÉE
2.4. Le Costa Rica demande réparation pour le préjudice matériel causé par le comportement
internationalement illicite constaté par la Cour dans son arrêt au fond, pour autant que la Cour ne
lui a pas déjà accordé satisfaction par voie de déclaration20. Le principe de la réparation intégrale a
été exposé en ces termes par la Cour permanente de Justice internationale dans l’affaire relative à
l’Usine de Chorzów (fond) :
«Le principe essentiel, qui découle de la notion même d’acte illicite … est que
la réparation doit, autant que possible, effacer toutes les conséquences de l’acte illicite
et rétablir l’état qui aurait vraisemblablement existé si ledit acte n’avait pas été
commis.»21
2.5. Ainsi, conformément à ce principe de la réparation intégrale, le Costa Rica sollicite une
indemnisation lui permettant, autant que possible, de rétablir l’état qui aurait existé en l’absence
des actes illicites dont la Cour a constaté qu’ils emportaient violation du droit international.
2.6. Tous les types de dommages au titre desquels le Costa Rica demande une indemnisation
sont bien établis comme indemnisables en droit international. Ils relèvent de deux grandes
catégories : premièrement, celle des dommages à l’environnement causés par le Nicaragua sur le
territoire du Costa Rica et, deuxièmement, celle des différents frais et dépenses engagés par le
Costa Rica du fait des activités illicites du Nicaragua, tels qu’énumérés au paragraphe 2.2
ci-dessus.
1. Dommages causés à l’environnement
2.7. S’agissant des dommages à l’environnement, il est acquis que ceux-ci ouvrent droit à
réparation et à indemnisation en droit international. Diverses instances judiciaires ou arbitrales et
commissions d’indemnisation internationales ont accordé des indemnités pour de tels dommages en
application du droit international. La Commission d’indemnisation des Nations Unies a ainsi, dans
plusieurs décisions, alloué des indemnités substantielles au titre de dommages causés à
l’environnement et de pertes connexes. Dans sa résolution 687 de 1991, le Conseil de sécurité a
«réaffirm[é] que l’Iraq … [était] responsable, en vertu du droit international, de toute perte, de tout
dommage  y compris les atteintes à l’environnement et la destruction des ressources
naturelles  … du fait de son invasion et de son occupation illicites du Koweït»22.
2.8. L’Iraq a contesté les demandes pour dommages à l’environnement présentées par le
Koweït, l’Iran, la Jordanie, le Royaume d’Arabie saoudite, la République arabe syrienne et la
Turquie, soutenant que «les dommages purement écologiques» (c’est-à-dire causés aux ressources
écologiques dépourvues de valeur économique et non susceptibles de transactions commerciales)
n’étaient pas indemnisables. Dans son rapport concernant les réclamations «F4», la Commission
20 La Cour a déclaré qu’en creusant les caños et en établissant une présence militaire sur le territoire litigieux, le
Nicaragua avait violé la souveraineté territoriale du Costa Rica ; qu’en creusant deux des caños et en se livrant à des
activités militaires en territoire costa-ricien, il avait manqué aux obligations lui incombant au titre de l’ordonnance en
indication de mesures conservatoires du 8 mars 2011 ; et qu’il avait enfin, dans des conditions rappelées à la section D de
l’arrêt, violé le droit de navigation du Costa Rica (Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière
(Costa Rica c. Nicaragua) et Construction d’une route au Costa Rica le long du fleuve San Juan (Nicaragua
c. Costa Rica), arrêt, C.I.J. Recueil 2015 (II), p. 717, par. 139).
21 Affaire relative à l’Usine de Chorzów (demande en indemnité), fond, arrêt no 13, 1928, C.P.J.I. série A no 17,
p. 47.
22 Résolution 687 (1991) du Conseil de sécurité, 8 avril 1991, Nations Unies, doc. S/RES/687 (1991)*, par. 16.
9
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d’indemnisation des Nations Unies a, par l’intermédiaire de son comité de commissaires, rejeté ce
point de vue en ces termes :
«une perte due à la destruction de ressources naturelles ou aux dommages causés à ces
ressources, y compris les ressources sans valeur économique, peut, en principe, donner
lieu à indemnisation, en application de la résolution 687 (1991) du Conseil de sécurité
et de la décision 7 du Conseil d’administration, pour autant que cette perte résulte
directement de l’invasion et de l’occupation du Koweït par l’Iraq»23.
2.9. La Commission d’indemnisation a ensuite répondu directement à l’argument de l’Iraq,
selon lequel pareille conclusion était contraire aux principes généraux du droit international, en le
rejetant de manière tout aussi catégorique :
«Le Comité [de commissaires de la Commission d’indemnisation] ne considère
pas que cette conclusion soit incompatible avec un principe ou une règle quelconques
du droit international général. Il est d’avis que l’affirmation selon laquelle le droit
international général exclut l’indemnisation pour les dommages purement écologiques
n’est pas fondée. En particulier, il ne considère pas que le fait que certaines
conventions internationales relatives à la responsabilité civile pour les dommages et à
l’indemnisation écartent l’idée d’une réparation pour les dommages purement
écologiques soit une raison valable d’affirmer que le droit international exclut, en
règle générale, l’indemnisation pour de tels dommages quel que soit le cas, même
lorsque les dommages résultent d’un acte internationalement illicite.»24
2.10. La Commission a ensuite procédé à l’évaluation de l’indemnisation qui était due aux
différents Etats concernés au titre des dommages purement écologiques subis par chacun d’eux.
Elle a ainsi accordé à l’Iran une indemnisation pour les dommages causés à ses zones de parcours
par les camps de réfugiés établis à la suite de l’invasion du Koweït, dommages que l’Iran avait
quantifiés en se référant à la valeur par hectare de la fonction écologique des parcours
endommagés25. La Jordanie s’est elle aussi vu accorder une indemnité pour les dommages causés à
ses ressources en eaux souterraines26 et pour les «importants dommages environnementaux aux
parcours et aux habitats de la faune et de la flore sauvage» occasionnés par l’arrivée d’un grand
nombre de réfugiés avec leur bétail, ainsi que pour l’atteinte portée à son «programme d’élevage en
captivité de l’oryx d’Arabie et de la gazelle des sables»27. Le Koweït a, pour sa part, obtenu une
indemnité au titre, notamment, des dommages causés à ses ressources littorales28. Dans le cadre de
tous ces exemples, la Commission d’indemnisation des Nations Unies a prescrit une indemnisation
entre Etats au titre de dommages purement écologiques.
23 Commission d’indemnisation des Nations Unies, conseil d’administration, rapport et recommandations du
comité de commissaires concernant la cinquième tranche de réclamations «F4», Nations Unies, doc. S/AC.26/2005/10,
30 juin 2005, par. 57.
24 Ibid., par. 58. Les conventions internationales invoquées étaient les suivantes : la convention internationale de
1969 sur la responsabilité civile pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures, telle que modifiée par le
protocole de 1992 (Nations Unies, Recueil des traités, no 14097, vol. 973, p. 3) et la convention internationale de 1971
portant création d’un fonds international d’indemnisation pour les dommages dus à la pollution par les hydrocarbures,
telle que modifiée par le protocole de 1992 (Nations Unies, Recueil des traités, no 17146, vol. 1110, p. 7).
25 Commission d’indemnisation des Nations Unies, conseil d’administration, rapport et recommandations du
comité de commissaires concernant la cinquième tranche de réclamations «F4», Nations Unies, doc. S/AC.26/2005/10,
30 juin 2005, par. 174-181.
26 Ibid., par. 325-328.
27 Ibid., par. 36[1]. Le comité a alloué une indemnité totale de 160 335 200 dollars des Etats-Unis au titre de ces
pertes.
28 Ibid., par. 446.
11
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2.11. Un certain nombre d’autres instances internationales judiciaires ou arbitrales ont
également octroyé une indemnisation pour des dommages à l’environnement. Ainsi, s’agissant de
dommages environnementaux causés aux terres d’une communauté autochtone, la Cour
interaméricaine des droits de l’homme a, en l’affaire Kaliña and Lokono peoples v. Suriname,
reconnu les «dommages causés à l’environnement et aux terres des communautés Kaliña et Lokono
du fait des opérations d’extraction de bauxite menées dans la réserve naturelle de Wane Kreek»29,
et a accordé des réparations (y compris une indemnisation) à cet égard. Dans l’arbitrage concernant
la fonderie de Trail (Etats-Unis/Canada), le tribunal a estimé «établi que des dommages dus aux
fumigations a[vaient] été causés» dans différentes parcelles de terrain de l’Etat de Washington, aux
Etats-Unis, et a alloué une indemnité à ce titre30. En résumé, il est clair que les dommages à
l’environnement sont, en eux-mêmes, dûment susceptibles d’indemnisation sur le plan du droit
international.
2. Dépenses et coûts
2.12. Il est bien établi que les coûts et dépenses résultant d’un fait internationalement illicite
sont susceptibles d’indemnisation en vertu du droit international, dès lors qu’un lien de causalité est
établi. Tel est notamment le cas des dépenses liées aux mesures de surveillance ou aux mesures
correctives qui ont été prises, ou devront l’être, en conséquence du dommage causé à
l’environnement (le montant remboursé devant être ajusté dans la mesure nécessaire afin d’éviter
une double indemnisation lorsqu’une indemnité a déjà été accordée pour le dommage
environnemental lui-même). En outre, la pratique internationale admet les réclamations liées aux
frais de personnel, qu’il s’agisse d’employés ou de prestataires extérieurs, qu’un Etat doit
raisonnablement engager pour surveiller ou examiner les effets de dommages (ou, plus
généralement, pour faire face aux conséquences d’un comportement internationalement illicite).
2.13. S’agissant des réclamations pour dommages à l’environnement, le conseil
d’administration de la Commission d’indemnisation des Nations Unies a, dans sa décision 731,
donné les indications suivantes quant aux types de coûts et dépenses susceptibles d’indemnisation :
«[Il p]ourr[a être] bénéfici[é] de ces indemnités … au titre des dommages
directs causés à l’environnement et des pertes de ressources naturelles provoquées par
l’invasion et l’occupation illicites du Koweït par l’Iraq. Il s’agit des pertes ou frais
dus :
a) Aux mesures prises pour réduire et prévenir les dommages à 1’environnement, y
compris les frais liés directement à la lutte contre les incendies de puits de pétrole
et aux mesures prises pour enrayer la marée noire dans les eaux côtières et
internationales ;
b) Aux mesures raisonnables déjà prises pour nettoyer l’environnement et le remettre
en état ou aux mesures dont il est raisonnable de penser, preuves à l’appui, qu’elles
seront nécessaires pour ce faire ;
29 Kaliña and Lokono peoples v. Suriname, Merits, Reparations and Costs, Cour interaméricaine des droits de
l’homme (série C), no 309, 25 novembre 2015, par. 290.
30 Trail Smelter Case (United States, Canada), 11 mars 1941, Recueil des sentences arbitrales des Nations Unies
(ci-après «RSA»), vol. III, p. 1920 et 1925-1926.
31 Au paragraphe 2 de sa décision 7, la Commission d’indemnisation précise que les critères énoncés ne revêtent
pas un caractère définitif : ces «critères ne visent pas à assurer le règlement de toutes les questions qui pourront se poser à
propos de ces réclamations. Ils ont simplement pour objet de donner des orientations suffisantes pour permettre aux
gouvernements de préparer des réclamations groupées.» Voir Commission d’indemnisation des Nations Unies, conseil
d’administration, décision 7 (critères applicables à d’autres catégories de réclamations), 17 mars 1992, Nations Unies,
doc. S/AC.26/1991/7/Rev.1, par. 2.
12
13
- 9 -
c) A un contrôle et une évaluation raisonnables des dommages causés à
l’environnement afin d’estimer et de réduire les dommages et de remettre
l’environnement en état ;
d) A un contrôle raisonnable de la santé publique et aux tests de dépistage médicaux
visant à enquêter sur les risques accrus pour la santé qu’entraînent les dommages
causés à l’environnement et à prévenir ces risques ;
e) Aux pertes de ressources naturelles ou aux dommages qui leur ont été causés.»32
2.14. Le conseil d’administration a considéré toutes ces formes de pertes comme étant
susceptibles de constituer des «pertes, dommages ou préjudices directs» découlant de l’invasion et
de l’occupation du Koweït par l’Iraq.
2.15. D’autres frais salariaux et dépenses de personnel résultant d’un comportement
internationalement illicite sont reconnus comme susceptibles d’indemnisation en droit
international. La pratique internationale en donne divers exemples. Ainsi, dans le cadre de la
réclamation qu’il a soumise à la Commission d’indemnisation des Nations Unies, l’Iran a demandé
une indemnisation «pour les heures supplémentaires ou les indemnités d’astreinte versées au
personnel médical ainsi qu’au personnel financier, aux techniciens et aux agents d’administration
qui travaillaient dans les camps de réfugiés»33. Il soutenait également que,
«pour fournir aux réfugiés des soins médicaux et des services connexes, du personnel
provenant d’autres provinces du pays a[vait] été envoyé dans ces camps et que des
indemnités journalières de subsistance [avaient] été versées à ces personnes pour leur
permettre de subvenir à leurs besoins hors de leur province d’origine» ;
il faisait aussi valoir que des heures supplémentaires ou d’autres indemnités avaient été payées à
une partie du personnel. La Commission d’indemnisation a déclaré que toutes ces dépenses étaient,
en principe, indemnisables34.
2.16. En outre, plusieurs Etats, dont l’Arabie saoudite et la Jordanie, ont formulé des
réclamations contre l’Iraq pour diverses prestations salariales ou liées à la main-d’oeuvre qu’ils
avaient dû verser (rémunérations additionnelles, avantages ou paiement d’heures supplémentaires).
Dans son rapport concernant les réclamations de la catégorie «F2», la Commission d’indemnisation
a, par l’intermédiaire de son comité de commissaires, conclu ce qui suit :
«[L]es dépenses au titre des compléments de salaire et du paiement d’heures
supplémentaires encourues pour aider les réfugiés pendant la période de l’invasion et
de l’occupation du Koweït donnent lieu en principe à l’indemnisation.»
«Les paiements au titre des compléments de salaire et des heures
supplémentaires comprennent les montants versés en sus des montants habituels au
personnel permanent en conséquence directe de l’invasion et de l’occupation du
Koweït ainsi que les salaires et heures supplémentaires versés au personnel recruté
32 Voir Commission d’indemnisation des Nations Unies, conseil d’administration, décision 7 (critères applicables
à d’autres catégories de réclamations), 17 mars 1992, Nations Unies, doc. S/AC.26/1991/7/Rev.1, par. 35.
33 Commission d’indemnisation des Nations Unies, conseil d’administration, rapport et recommandations du
comité de commissaires concernant la cinquième tranche de réclamations «F4», Nations Unies, doc. S/AC.26/2005/10,
30 juin 2005, par. 258.
34 Ibid., par. 258-259.
14
- 10 -
spécialement par suite de l’invasion et de l’occupation du Koweït. Dans tous les cas,
pour donner lieu à indemnisation, il faut que les montants versés au titre des salaires et
des heures supplémentaires aient été raisonnables.»35
2.17. Des réclamations ont ainsi été admises, en principe, au titre de personnel ou de
responsables détournés de leurs fonctions habituelles, ou lorsque le demandeur avait dû recruter de
nouveaux employés, consultants ou agents pour l’aider à faire face aux conséquences directes du
comportement internationalement illicite.
2.18. D’autres organes internationaux de règlement ont eux aussi considéré que les dépenses
de personnel et de gestion occasionnées par un fait internationalement illicite étaient indemnisables
en vertu du droit international. Dans l’affaire Pope and Talbot Inc. v. Government of Canada, le
tribunal de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international (la
«CNUDCI») a accordé au demandeur une indemnisation pour ses débours, et notamment pour les
honoraires qu’il avait dû acquitter, par suite d’un manquement du Canada à son obligation
d’accorder à tout investisseur un traitement juste et équitable et, en particulier, du fait de
l’imposition d’une «procédure de vérification» illicite36. Dans le cadre d’un arbitrage sous les
auspices du centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (le
«CIRDI»), le temps consacré à la gestion de l’investissement considéré a également été pris en
considération dans l’évaluation globale. Ainsi, dans l’affaire Lemire v. Ukraine, le tribunal a
apprécié la valeur de l’investissement du demandeur en tenant compte des sommes engagées par
celui-ci, et en observant qu’«à ces dépenses s’ajout[ait] le temps que le demandeur a[vait]
lui-même investi durant 15 années, ce qui était incontestablement loin d’être négligeable d’un point
de vue économique»37.
2.19. Les dépenses raisonnablement engagées pour surveiller, prévenir et étudier les
dommages à l’environnement (ou toute autre conséquence d’un comportement internationalement
illicite sur le territoire national) sont susceptibles d’indemnisation. Il convient de rappeler que, dans
la décision 7, la Commission d’indemnisation des Nations Unies a reconnu que les sommes
dépensées pour assurer «un contrôle et une évaluation raisonnables des dommages causés à
l’environnement afin d’estimer et de réduire les dommages et de remettre l’environnement en état»
constituaient une forme indemnisable de perte associée aux dommages environnementaux38.
2.20. Les ministères de différents Etats ont cherché à obtenir auprès de la Commission
d’indemnisation des Nations Unies
«une indemnisation au titre des coûts salariaux supplémentaires, notamment les
compléments de salaire et les heures supplémentaires, les primes et les prestations
(indemnités de repas, d’hébergement et de déplacement) versés au personnel requis
35 Commission d’indemnisation des Nations Unies, conseil d’administration, rapport et recommandations du
comité de commissaires concernant la deuxième tranche de réclamations de la catégorie «F2», Nations Unies,
doc. S/AC.26/2000/26, 7 décembre 2000, par. 52-53.
36 Le tribunal a envisagé d’allouer une indemnité particulière correspondant à la valeur du temps consacré à la
gestion des démarches requises par la «procédure de vérification» illicite imposée le Canada. Au regard des faits,
toutefois, le tribunal a refusé d’allouer une indemnité à ce titre dans la mesure où le comportement illicite du Canada
n’avait pas occasionné de frais de gestion supplémentaires au demandeur. Voir Pope and Talbot Inc. v. Government of
Canada, CNUDCI, sentence sur l’indemnisation, 31 mai 2002, par. 82. Dans le même passage, le tribunal a également
refusé d’allouer une indemnité au titre du temps consacré à la gestion de la procédure devant lui.
37 Lemire v. Ukraine, CIRDI affaire no ARB/06/18, sentence, 28 mars 2011, par. 300.
38 Voir Commission d’indemnisation des Nations Unies, conseil d’administration, décision 7 (critères applicables
à d’autres catégories de réclamations), 17 mars 1992, Nations Unies, doc. S/AC.26/1991/7/Rev.1, par. 35.
15
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- 11 -
pour mettre en oeuvre des dispositifs d’urgence et d’autres mesures de prévention et de
protection suite à l’invasion et l’occupation du Koweït par l’Iraq»39.
2.21. Le comité de commissaires a déclaré de tels coûts indemnisables dans son rapport
concernant la deuxième tranche de réclamations de la catégorie «F2»40.
C. LE LIEN DE CAUSALITÉ
2.22. Tous les dommages à raison desquels le Costa Rica demande réparation ont été causés
par le comportement internationalement illicite du Nicaragua, tel que constaté par la Cour dans son
arrêt sur le fond. Pour tous les dommages subis par le Costa Rica et invoqués dans la présente
procédure, «il existe un lien de causalité suffisamment direct et certain entre le fait illicite … et le
préjudice subi par le demandeur»41.
2.23. Cela étant, afin d’écarter tout doute, le Costa Rica tient à préciser que, conformément à
la pratique internationale établie, il a droit à réparation pour tout dommage causé par le
comportement internationalement illicite du Nicaragua, quand bien même d’autres facteurs y
auraient contribué. Partant, à supposer que la Cour conclue que certains des dommages au titre
desquels le Costa Rica demande réparation ont été occasionnés par l’action conjuguée du
comportement internationalement illicite du Nicaragua et d’un ou de plusieurs autres facteurs, ce
dernier n’en serait pas pour autant dispensé de son obligation d’apporter réparation pour
l’intégralité du dommage ainsi causé. En effet, à propos de la concomitance de causes, la
Commission du droit international a déclaré ce qui suit dans son commentaire de l’article 31 de son
projet d’articles sur la responsabilité de l’Etat pour fait internationalement illicite :
«Bien que dans de tels cas le préjudice en question ait été effectivement causé
par une combinaison de facteurs dont un seulement doit être attribué à l’Etat
responsable, la pratique internationale et les décisions des tribunaux internationaux ne
39 Commission d’indemnisation des Nations Unies, conseil d’administration, rapport et recommandations du
comité de commissaires concernant la deuxième tranche de réclamations de la catégorie «F2», Nations Unies,
doc. S/AC.26/2000/26, 7 décembre 2000, par. 55.
40 Ibid., par. 56 et 58.
41 Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine
c. Serbie-et-Monténégro), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 233-234, par. 462. Voir également Ahmadou Sadio Diallo
(République de Guinée c. République démocratique du Congo), indemnisation, arrêt, C.I.J. Recueil 2012 (I), déclaration
de M. le juge Greenwood, p. 332.
17
- 12 -
consacrent pas la réduction ou l’atténuation de la réparation pour des causes
concomitantes, sauf dans les cas de faute ayant contribué au dommage.»42
D. L’ÉVALUATION DES DOMMAGES INDEMNISABLES SUBIS
PAR LE COSTA RICA
2.24. Les pertes et préjudices allégués par le Costa Rica sont dûment attestés. Ainsi qu’elle
l’a relevé en l’affaire Ahmadou Sadio Diallo (République de Guinée c. République démocratique
du Congo), lorsqu’elle examine une demande en réparation, la Cour «commenc[e] par
s’intéresser»43 aux éléments de preuve présentés par le demandeur à l’appui de chacun des chefs de
préjudice qu’il allègue44. Le Costa Rica a joint au présent mémoire des éléments détaillés pour
appuyer sa demande d’indemnisation, et il s’y réfèrera au chapitre 3 ci-dessous.
2.25. Selon le paragraphe 2 de l’article 36 du projet d’articles sur la responsabilité de l’Etat
pour fait internationalement illicite, «[l]’indemnité couvre tout dommage susceptible d’évaluation
financière»45. Toutefois, l’indemnité ne se limite pas aux pertes financières ou économiques. De
nombreuses autres formes de dommages (notamment, ainsi qu’il a été exposé ci-dessus, ceux
causés à l’environnement) ont été, dans la pratique judiciaire et arbitrale internationale, traitées
comme susceptible d’indemnisation. Il importe de noter que, si certaines formes de dommages sont
plus difficiles à chiffrer d’un point de vue financier, cela ne signifie pas qu’elles ne peuvent donner
lieu à indemnisation. La commission saisie des affaires Lusitania a ainsi reconnu la difficulté de
quantifier certains types de dommages tels que les préjudices corporels et les atteintes à la
réputation, tout en relevant que «le simple fait qu’ils soient difficiles à mesurer ou à chiffrer ne les
rend pas moins réels et ne constitue nullement une raison qui puisse empêcher une victime d’être
42 Projet d’articles de la Commission du droit international sur la responsabilité de l’Etat pour fait
internationalement illicite, rapport de la Commission du droit international, cinquante-troisième session, Annuaire de la
Commission du droit international (2001), vol. II (2), p. 94, par. 12 (références omises). Cette conception se retrouve
dans les décisions d’autres juridictions internationales, comme dans celle rendue en l’affaire Zafiro (Great Britain
v. United States), dans laquelle le tribunal a déclaré les Etats-Unis responsables de l’intégralité des dommages,
nonobstant sa conclusion selon laquelle une «partie impossible à déterminer» de ces dommages avait été causée au navire
par des insurgés philippins : voir Zafiro (Great Britain v. United States), 1925, RSA, vol. VI, p. 164-165. La Commission
d’indemnisation des Nations Unies s’est exprimée dans le même sens s’agissant de réclamations pour dommages
environnementaux causés non seulement par le comportement internationalement illicite de l’Iraq, mais peut-être aussi
par d’autres facteurs : voir Commission d’indemnisation des Nations Unies, conseil d’administration, rapport et
recommandations du comité de commissaires concernant la cinquième tranche de réclamations «F4», Nations Unies,
doc. S/AC.26/2005/10, 30 juin 2005, par. 37 («Le Comité a affirmé précédemment que l’Iraq n’est pas responsable de
dommages qui ne sont pas liés à son invasion et à son occupation du Koweït, ni des pertes ou dépenses qui ne résultent
pas directement de l’invasion et de l’occupation. Cependant, le Comité a aussi noté que le fait que d’autres facteurs
auraient pu contribuer aux pertes ou dommages subis n’exonère pas l’Iraq de sa responsabilité à l’égard des pertes ou des
dommages résultant directement de l’invasion et de l’occupation. La question de savoir si des atteintes à l’environnement
ou des pertes au titre desquelles une indemnisation est demandée résultent directement de l’invasion et de l’occupation du
Koweït par l’Iraq est fonction des moyens de preuve présentés pour chacun des préjudices considérés»).
43 Ahmadou Sadio Diallo (République de Guinée c. République démocratique du Congo), indemnisation, arrêt,
C.I.J. Recueil 2012 (I), p. 332, par. 16.
44 Ibid., déclaration de M. le juge Greenwood, p. 393, par. 5, où il est indiqué que, quoique des considérations
d’équité «puissent intervenir lorsque le demandeur [d’une indemnisation pour dommages matériels] est dans
l’impossibilité de fournir les preuves voulues», pareils principes «ne sont pas destinés à combler les lacunes du dossier du
demandeur, en suppléant à l’absence d’éléments de preuve qui auraient pu être produits s’ils avaient véritablement
existé : il ne faut pas confondre équité et alchimie».
45 Voir le projet d’articles sur la responsabilité de l’Etat pour fait internationalement illicite, rapport de la
Commission du droit international, cinquante-troisième session, Annuaire de la Commission du droit international
(2001), vol. II (2), p. 26, art. 36, par. 2.
18
19
- 13 -
indemnisée sous la forme de dommages et intérêts»46. Cela s’applique tout autant aux dommages à
l’environnement.
2.26. S’agissant de la méthode à appliquer pour évaluer et quantifier les coûts et dépenses
dûment établis découlant de dommages à l’environnement, elle est essentiellement mathématique.
Il n’y a pas de modèle unique d’évaluation de ce type de dommages, et diverses méthodes ont été
appliquées dans la pratique, tant au niveau international qu’au niveau national. Le modèle pertinent
est notamment fonction de la nature, de la complexité et du degré d’homogénéité des dommages
causés à l’environnement.
2.27. Ainsi qu’exposé plus avant au chapitre 3, le Costa Rica a fait estimer et quantifier les
dommages causés à son environnement en la présente affaire par des experts indépendants qui ont
adopté à cette fin un «cadre d’évaluation des services environnementaux» en se fondant, en tant
que de besoin, sur les indications fournies dans l’évaluation des écosystèmes pour le millénaire
réalisée sous la coordination du Programme des Nations Unies pour l’environnement47. La méthode
utilisée pour chiffrer les pertes occasionnées par le comportement illicite du Nicaragua est décrite
au chapitre 3 ci-après.
E. LE DROIT DU COSTA RICA AU PAIEMENT D’INTÉRÊTS
2.28. Le Costa Rica a droit à des intérêts sur les indemnités qui lui sont dues, et prie
respectueusement la Cour de les lui allouer. Voici ce qu’énonce l’article 38 du projet d’articles sur
la responsabilité de l’Etat pour fait internationalement illicite, qui a trait à cette question :
«Des intérêts sur toute somme principale due en vertu du présent chapitre sont
payables dans la mesure nécessaire pour assurer la réparation intégrale. Le taux
d’intérêt et le mode de calcul sont fixés de façon à atteindre ce résultat.
Les intérêts courent à compter de la date à laquelle la somme principale aurait
dû être versée jusqu’au jour où l’obligation de payer est exécutée.»48
2.29. Le Costa Rica réclame le paiement d’intérêts compensatoires et d’intérêts moratoires,
deux formes d’intérêts bien établies dans la pratique internationale49. Le droit international prescrit
le paiement d’intérêts lorsque celui-ci est nécessaire pour assurer une réparation intégrale50. Il ne
peut être remédié aux pertes subies par le Costa Rica sans le versement d’intérêts (notamment
compensatoires). Le Costa Rica a essuyé de lourdes pertes à cause du comportement
internationalement illicite constaté par la Cour dans son arrêt. Etant donné l’ampleur des
dommages subis, la réparation ne peut être intégrale sans le paiement d’intérêts.
46 United States-Germany Mixed Claims Commissions, Opinion in the Lusitania Cases, 1er novembre 1923, RSA,
vol. VII, p. 40.
47 Rapport Neotrópica, 3 juin 2016 (annexe 1), p. 40.
48 Projet d’articles sur la responsabilité de l’Etat pour fait internationalement illicite, rapport de la Commission du
droit international, cinquante-troisième session, Annuaire de la Commission du droit international (2001), vol. II (2),
p. 26, art. 38.
49 P. Nevill, «Awards of Interest by International Courts and Tribunals» (2008), British Yearbook of International
Law, vol. 78, p. 255, et E. Lauterpacht et P. Nevill, «The Different Forms of Reparation : Interest», in J. Crawford et al.
(dir. publ.), The Law of International Responsibility (Oxford, OUP, 2010), p. 613.
50 Projet d’articles sur la responsabilité de l’Etat pour fait internationalement illicite, rapport de la Commission du
droit international, cinquante-troisième session, Annuaire de la Commission du droit international (2001), vol. II (2),
p. 107, par. 2.
20
- 14 -
2.30. S’agissant des intérêts compensatoires, ce type de paiement est bien établi dans la
pratique arbitrale internationale51. Ainsi, en l’affaire Metalclad Corp v. United Mexican States, le
tribunal en a justifié la nécessité en ces termes : «[e]n vue de replacer le demandeur dans une
situation vraisemblablement similaire à celle dans laquelle il se serait trouvé si l’acte illicite n’avait
pas été commis, il a été fixé des intérêts de 6 % par an, composés annuellement»52.
2.31. Le Costa Rica réclame des intérêts compensatoires sur l’ensemble des indemnités
demandées à la Cour, en compensation des pertes qu’il a subies en conséquence directe des
activités illicites du Nicaragua. Bien que les dépenses qu’il a dû engager soient, pour l’essentiel,
intervenues entre octobre 2010 et décembre 2015, le Costa Rica ne présente qu’une demande
modeste d’intérêts compensatoires pour la période ayant commencé à courir le 16 décembre 2015,
date de l’arrêt rendu par la Cour sur le fond de l’affaire. Il prie en outre la Cour d’appliquer un taux
annuel de 6 %, ce qui est un taux raisonnable, ainsi qu’il sera exposé plus en détail dans les
paragraphes qui suivent.
2.32. Le Costa Rica réclame également des intérêts moratoires (en cas de retard de paiement)
au taux annuel de 6 %, conformément à la position adoptée par la Cour en l’affaire Ahmadou
Sadio Diallo (République de Guinée c. République démocratique du Congo)53. Les taux d’intérêt
n’ayant pas changé de manière substantielle depuis cette époque, ce taux de 6 % est raisonnable et
justifié. Le Costa Rica est en droit de percevoir des intérêts moratoires sur l’ensemble des
indemnités qu’il sollicite (au titre à la fois des dépenses qu’il a engagées et des dommages
environnementaux quantifiés qu’il a subis), comme il sera exposé plus en détail au paragraphe 3.47
ci-dessous.
2.33. Le Costa Rica demande la réparation intégrale des dommages causés par le
comportement internationalement illicite du Nicaragua, selon les principes établis du droit
international, dont les plus importants ont été rappelés dans le présent chapitre. Les faits et
éléments de preuve fondant la demande du Costa Rica sont présentés de manière détaillée au
chapitre 3.
51 Voir notamment Compañía del Desarrollo de Santa Elena v. Costa Rica, CIRDI, affaire no ARB/96/1,
sentence finale, 17 février 2000, par. 96-107. Dans la sentence qu’il a rendue le 15 juin 1990 en l’affaire Asian
Agricultural Products Limited v. Republic of Sri Lanka (no ARB/87/3), le tribunal du CIRDI a estimé (par. 114) que «les
intérêts f[aisaient] partie intégrante de l’indemnisation proprement dite et d[evaient] donc courir à compter de la date à
laquelle la responsabilité internationale de l’Etat concerné [était] engagée».
52 Metalclad Corporation v. United Mexican States, CIRDI, affaire no ARB (AF)/97/1, sentence, 30 août 2000,
ILM, vol. 40, p. 36 (2001), par. 128.
53 Ahmadou Sadio Diallo (République de Guinée c. République démocratique du Congo), indemnisation, arrêt,
C.I.J. Recueil 2012 (I), p. 343, par. 56.
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22
- 15 -
CHAPITRE 3
DÉTERMINATION DU MONTANT DE L’INDEMNISATION
DUE AU COSTA RICA
3.1. Ainsi qu’il a été précédemment exposé au chapitre 2, le Costa Rica a droit à une
indemnisation à raison des «dommages matériels qu[e le Nicaragua] lui a causés par les activités
illicites auxquelles il s’est livré sur le territoire costa-ricien»54. Le «territoire» en question est la
partie d’Isla Portillos dénommée par la Cour le «territoire litigieux», à savoir «la zone humide
d’environ trois kilomètres carrés comprise entre la rive droite du caño litigieux55, la rive droite du
fleuve San Juan lui-même jusqu’à son embouchure dans la mer des Caraïbes et la lagune de Harbor
Head»56, y compris la plage donnant sur la mer des Caraïbes57. La Cour a constaté que les
«activités illicites» menées par le Nicaragua sur ce territoire avaient consisté à y «creus[er] trois
caños et [à y] établi[r] une présence militaire»58.
3.2. Dans l’arrêt sur le fond qu’elle a rendu en décembre 2015, la Cour a adjugé au
Costa Rica la souveraineté sur le territoire litigieux59 et conclu que, en y creusant trois caños et en y
établissant une présence militaire, le Nicaragua avait violé la souveraineté territoriale
costa-ricienne60. Elle a également jugé que le Nicaragua avait «l’obligation d’indemniser le
Costa Rica à raison des dommages matériels qu’il lui a[vait] causés par les activités illicites
auxquelles il s’[était] livré sur le territoire costa-ricien»61.
3.3. Les dommages matériels que le Costa Rica a subis en conséquence directe des activités
illicites menées sur son territoire par le Nicaragua comprennent :
a) les dommages que le Nicaragua a causés à l’environnement en creusant un premier caño en
2010-2011, puis le caño oriental de 2013 ;
b) les dépenses engagées par le Costa Rica du fait des activités illicites menées sur sol par le
Nicaragua, et notamment de l’occupation et de la revendication par celui-ci d’un territoire
relevant de la souveraineté costa-ricienne ; et
c) les dépenses engagées par le Costa Rica pour mettre en oeuvre des mesures correctives
concernant le caño oriental construit en 2013 par le Nicaragua.
54 Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua) et
Construction d’une route au Costa Rica le long du fleuve San Juan (Nicaragua c. Costa Rica), arrêt, C.I.J. Recueil
2015 (II), p. 740, par. 229 5 a).
55 Il s’agit du premier caño construit par le Nicaragua en 2010 et 2011.
56 Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua), mesures
conservatoires, ordonnance du 8 mars 2011, C.I.J. Recueil 2011(I), p. 19, par. 55.
57 Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua) ;
Construction d’une route au Costa Rica le long du fleuve San Juan (Nicaragua c. Costa Rica), mesures conservatoires,
ordonnance du 22 novembre 2013, C.I.J. Recueil 2013, p. 365, par. 46.
58 Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua) et
Construction d’une route au Costa Rica le long du fleuve San Juan (Nicaragua c. Costa Rica), arrêt, C.I.J. Recueil
2015 (II), p. 740, par. 229 2) ; voir également par. 229 3).
59 Ibid., par. 229 1).
60 Ibid., par. 229 2).
61 Ibid., par. 229 5) a).
23
24
- 16 -
3.4. Ces différents chefs de préjudice seront examinés individuellement dans le présent
chapitre.
3.5. Afin d’éviter toute ambiguïté, le Costa Rica précise que sa demande d’indemnisation
n’inclut aucun des frais de justice liés à l’introduction de la présente instance.
A. DOMMAGES QUANTIFIABLES CAUSÉS À L’ENVIRONNEMENT
3.6. Comme la Cour s’en souviendra, le Nicaragua a violé la souveraineté territoriale du
Costa Rica en procédant au dragage de trois caños. Le Nicaragua a reconnu avoir dragué les trois
caños62 : le premier entre octobre 2010 et mars 2011 (ci-après, le «caño de 2010»), puis un
deuxième et un troisième (lequel sera dénommé ci-après le «caño oriental de 2013») en 2013. La
Cour a jugé que, en menant ces activités sur le territoire du Costa Rica, le Nicaragua avait porté
atteinte à la souveraineté territoriale de celui-ci et était en conséquence tenu de réparer les
dommages causés par ses activités illicites63. Elle a également conclu que, en adoptant un tel
comportement en 2013, le Nicaragua avait manqué aux obligations lui incombant au titre de
l’ordonnance de 201164.
3.7. Afin de quantifier les dommages causés à l’environnement par le Nicaragua, le
Costa Rica a fait réaliser un rapport d’experts indépendants par la Fundación Neotrópica, une
organisation non-gouvernementale costa-ricienne spécialisée dans le développement durable et
l’évaluation des fonctions et services écosystémiques65. Neotrópica possède plus de trente ans
d’expérience acquise sur le terrain dans des zones et écosystèmes protégés du Costa Rica. Les
auteurs du rapport sont des professionnels des sciences de l’environnement, et ont consulté le
personnel technique de la zone de conservation de Tortuguero ainsi que l’unité responsable de la
zone humide du nord-est des Caraïbes (protégée au titre de la convention de Ramsar). Ledit rapport
est le fruit de travaux approfondis, les experts ayant examiné de nombreux éléments de preuve,
consulté des professionnels expérimentés et procédé à une inspection aérienne en survolant le
territoire concerné66.
3.8. Dans son rapport, Neotrópica passe en revue les différentes méthodes d’évaluation des
dommages environnementaux. Comme elle l’expose, l’«Evaluation des écosystèmes pour le
millénaire», réalisée sous les auspices de l’Organisation des Nations Unies, fournit une définition
des services écosystémiques ou environnementaux qui constitue un cadre pour la catégorisation et
l’appréciation des différents services susceptibles d’être perdus à la suite de dommages
environnementaux67. Ces services comprennent :
62 Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua) et
Construction d’une route au Costa Rica le long du fleuve San Juan (Nicaragua c. Costa Rica), arrêt, C.I.J. Recueil
2015 (II), p. 696, par. 68.
63 Ibid., p. 703, par. 93.
64 Ibid., p. 714, par. 129.
65 Rapport Neotrópica, 3 juin 2016, vol. I, annexe 1. Neotrópica a ensuite complété ce rapport au moyen
d’addenda explicatifs, 8 décembre 2016, vol. I, annexe 2.
66 Addenda explicatifs au rapport Neotrópica, 8 décembre 2016, vol. I, annexe 2, p. 2. Voir également le rapport
Neotrópica, 3 juin 2016, vol. I, annexe 1, p. 6-7.
67 Rapport Neotrópica, 3 juin 2016, vol. I, annexe 1, p. 15-19.
25
- 17 -
a) les services d’approvisionnement, c’est-à-dire les produits procurés par les écosystèmes
(aliments, fibres, bois, combustible ou ressources médicinales, notamment)68 ;
b) les services de régulation, c’est-à-dire les bienfaits pour l’homme de la régulation assurée par
certains processus écosystémiques (rétention biologique ; stockage et rétention d’eau douce ;
régulation de l’eau ; régulation du climat, de l’atmosphère et des gaz ; lutte contre certaines
maladies humaines ; protection contre les inondations et les tempêtes ; lutte contre l’érosion ; et
traitement des déchets, notamment) ;
c) les services culturels, c’est-à-dire les bienfaits non matériels procurés par les écosystèmes ; et
d) les services de soutien, c’est-à-dire ceux nécessaires à la protection de tous les autres services
écosystémiques.
3.9. Ainsi qu’exposé par Neotrópica, la méthode d’évaluation pécuniaire la plus exhaustive
qui existe et soit utilisée en économie environnementale et écologique est celle de l’«équation de la
valeur totale», méthode qui est décrite dans un rapport de l’initiative baptisée «Economie des
écosystèmes et de la biodiversité» (TEEB), dont le bureau est hébergé par le Programme des
Nations Unies pour l’environnement (PNUE). Cette équation consiste à apprécier des valeurs
d’usage direct (valeur commerciale des ressources ou provenant de leur consommation, par
exemple) et d’usage indirect (services naturels ou relatifs au capital culturel, par exemple)69, et a
été approuvée par le Secrétariat de la convention de Ramsar, qui estime qu’il s’agit d’une méthode
d’évaluation appropriée s’agissant des zones humides70. Les différents éléments d’une évaluation
pécuniaire au moyen de cette équation sont utilement présentés dans un rapport Ramsar et
schématisés sur la figure 7 du rapport Neotrópica, schéma qui est reproduit ci-après par souci de
commodité. Telle est la méthode retenue par Neotrópica pour évaluer les dommages que le
Nicaragua a causés à l’environnement en territoire costa-ricien, certaines adaptations y ayant été
apportées pour tenir compte de l’expérience récemment acquise au Costa Rica et en Amérique
latine de manière plus générale71.
68 Rapport Neotrópica, p. 16-17.
69 Ibid., 3 juin 2016, vol. I, annexe 1, p. 21-22.
70 Ibid., p. 25-27.
71 Ibid., p. 39-40.
26
27
- 18 -
VALEUR D’USAGE
DIRECT
Ressources utilisées
directement
VALEUR
D’USAGE
INDIRECT
Ressources
utilisées
indirectement
VALEUR
D’OPTION
Usage futur
éventuel
VALEUR
D’HÉRITAGE
Usage possible
pour les
générations futures
VALEUR
D’EXISTENCE
Droit à
l’existence
- Services
d’approvisionnement
(p. ex. eau, poissons)
- Services culturels
et d’agrément
(p. ex. loisirs)
- Services de
régulation
(p. ex.
prévention des
inondations,
purification de
l’eau)
- TOUS les
services
(y compris
les services
de soutien)
- TOUS les
services
(y compris les
services de
soutien)
- Services de
soutien
(p. ex. pandas,
baleines
bleues, aigles
sauvages)
Figure 3.1
Eléments de la valeur économique totale, assortis d’exemples
des services écosystémiques correspondants
Source : De Groot et al. (2007), figure 7 du rapport Neotrópica, annexe 1
3.10. Neotrópica a ensuite appliqué la méthode d’évaluation afin d’apprécier la valeur des
dommages que le Nicaragua a causés à l’environnement en menant ses activités. Dans son rapport,
elle présente en détail les éléments de preuve y afférents. Les zones touchées sont clairement
indiquées sur la figure 2, reproduite ci-dessous par souci de commodité.
28
- 19 -
Figure 3.2
Emplacement des caños artificiels creusés en territoire costa-ricien dans le cadre
d’incursions ordonnées par le Gouvernement nicaraguayen en 2010 et en 2013
Source : rapport Neotrópica, fig. 2, annexe 1
Légende :
Location of new caños excavated by Nicaragua in 2013 = Emplacement des nouveaux caños creusés par le
Nicaragua en 2013
“Disputed territory” = «Territoire litigieux»
Finca Aragón constructions = Installations construites à Finca Aragón
Artificial caño excavated by Nicaragua in 2010 = Caño artificiel creusé par le Nicaragua en 2010
3.11. Sur la base de son examen des éléments de preuve, Neotrópica est parvenue à
circonscrire avec précision les zones du territoire costa-ricien auxquelles le Nicaragua a porté
atteinte. Elle a ainsi conclu que, en construisant le caño de 2010, le Nicaragua avait déboisé
2,48 hectares et arraché le sous-bois sur 3,28 hectares. Lors de la construction du caño oriental de
2013, il a causé des dommages à une zone de 0,43 hectare. La superficie totale touchée est de
6,19 hectares et, en tout, 9502,72 mètres cubes de terre ont été enlevés72. Les deux zones sont
représentées sur la figure 10 du rapport Neotrópica, qui est reproduite ci-dessous par souci de
commodité.
72 Rapport Neotrópica, 3 juin 2016, vol. I, annexe 1, p. 55.
- 20 -
Figure 3.3
Zones où des dommages ont été causés à l’environnement dans le périmètre de C2010
(encadré de gauche), CO2013 et CE2013 (encadré de droite)
Source : Rapport Neotrópica, annexe 1, fig. 10
Légende :
San Juan River = Fleuve San Juan
Felling 1 — 16,712 m² = Zone déboisée n° 1 — 16 712 m²
Felling 2 — 3,292 m² = Zone déboisée n° 2 — 3292 m²
Felling 3 — 4,785 m² = Zone déboisée n° 3 — 4785 m²
Los Portillos Lagoon = Lagune de Los Portillos
Elimination of undergrowth — 32,784 m² = Destruction du sous-bois — 32 784 m²
Artificial caño = Caño artificiel
Sediment deposit = Dépôt de sédiments
Estimation de la superficie des zones touchées
1 2 Total
Superficie (m²) 4 340,9 2 189,7 6 530,6
Longueur (m) 210,3 323,5 533,8
Largeur (m) 31 novembre 4 novembre
Distance entre les caños 360
3.12. Les dommages causés par le Nicaragua apparaissent en outre clairement sur plusieurs
photographies qui ont été soumises comme preuves en l’espèce et sont reproduites sur la figure 11
du rapport Neotrópica, ainsi que ci-dessous par souci de commodité.
29
- 21 -
Figure 3.4
Image composée de plusieurs photographies versées au dossier qui attestent les dommages causés par
l’élimination d’arbres et de végétation, ainsi que par le dragage de C2010 et de CE2013
Source : Figure 11 du rapport Neotrópica, annexe 1
Légende :
Campsite = Site du camp
Straight alignment of canal = Tracé rectiligne du canal
Dredge = Drague
Vertical canal banks = Rives verticales du canal
3.13. Après avoir constaté les dommages à l’environnement causés par le Nicaragua en
territoire costa-ricien, Neotrópica en a évalué les effets sur les biens et services écosystémiques.
Elle n’a toutefois tenu compte que des dommages dus au caño de 2010 et au caño oriental de 2013,
faisant abstraction du caño occidental que le Nicaragua a également creusé en 201373. Pour cette
raison (et pour celles qui sont exposées ci-dessous), il s’agit d’une estimation prudente.
3.14. Neotrópica a recensé 22 catégories de biens et de services écosystémiques touchés par
les dommages causés par le Nicaragua74, dont :
a) les services d’approvisionnement, y compris la nourriture ; l’eau douce ; le bois d’oeuvre, les
fibres combustibles et d’autres matières premières ; les ressources biochimiques et
médicinales ; les matières génétiques ; ainsi que les ressources ornementales ;
b) les services de régulation et de soutien, y compris la régulation de la qualité de l’air et la
régulation des gaz ; la régulation climatique ; les services hydrologiques ; l’atténuation des
73 Rapport Neotrópica, 3 juin 2016, vol. I, annexe 1, p. 14.
74 Rapport Neotrópica, 3 juin 2016, vol. I, annexe 1, p. 40 ; voir également le tableau 8.
30
31
- 22 -
risques naturels ; la lutte contre la pollution ; la régulation d’autres déchets ; la lutte contre
l’érosion ; la formation du sol ; le cycle nutritif ; la lutte contre les parasites et les maladies ; la
lutte biologique ; ainsi que la pollinisation ; et
c) les services culturels et d’agrément, dont les services historiques, spirituels, esthétiques,
artistiques, ainsi que les sciences et les loisirs75.
3.15. Sur ces 22 catégories de biens et de services écosystémiques susceptibles d’avoir été
touchés, 11 peuvent se voir attribuer une valeur pécuniaire selon Neotrópica, à savoir :
a) le bois d’oeuvre ;
b) les fibres, combustibles et autres matières premières ;
c) les ressources biochimiques et médicinales ;
d) les ressources ornementales ;
e) la régulation de la qualité de l’air et la régulation des gaz ;
f) l’atténuation des risques naturels ;
g) la lutte contre l’érosion ;
h) la formation du sol ;
i) le cycle nutritif ;
j) la lutte biologique ; et
k) les services scientifiques et éducatifs76.
3.16. Neotrópica a ensuite déterminé les données requises pour chiffrer la perte de ces biens
et services écosystémiques77. Pour chaque catégorie de biens et services, elle a cherché des études
récentes sur des écosystèmes similaires (à savoir des zones humides côtières sous climat tropical)
afin de disposer d’informations de référence à partir desquelles procéder à un transfert de valeurs,
c’est-à-dire de chiffrer la perte subie dans le cas d’espèce. Neotrópica s’est appuyée sur les études
analogues trouvées en les adaptant en tant que de besoin pour pouvoir les appliquer au territoire
touché en l’espèce78. Ce faisant, elle a ramené à six le nombre de catégories de biens et de services
écosystémiques devant être prises en compte dans l’évaluation :
a) bois sur pied ;
b) autres matières premières ;
c) régulation des gaz ;
75 Rapport Neotrópica, 3 juin 2016, vol. I, annexe 1, tableau 8.
76 Rapport Neotrópica, 3 juin 2016, vol. I, annexe 1, tableau 8 (voir la colonne intitulée «évaluation pécuniaire») ;
et tableau 9 (dans lequel le bois d’oeuvre est recensé dans une catégorie distincte des fibres et autres matières premières).
77 Rapport Neotrópica, 3 juin 2016, vol. I, annexe 1, tableau 10 (colonne intitulée «données requises»).
78 Rapport Neotrópica, 3 juin 2016, vol. I, annexe 1, p. 45-47. Voir également les addenda explicatifs au rapport
Neotrópica, 8 décembre 2016, vol. I, annexe 2, p. 4-6.
32
33
- 23 -
d) atténuation des risques naturels ;
e) formation du sol et lutte contre l’érosion ; et
f) biodiversité, en matière d’habitats et de zones de reproduction79.
3.17. Il s’ensuit que, sur les 22 catégories potentielles de pertes de biens et de services
écosystémiques, Neotrópica n’en a retenu que six, ce qui rend son évaluation très prudente80.
3.18. Son évaluation relative à la perte de ces six catégories de biens et de services
écosystémiques, qu’elle a effectuée tant pour le caño de 2010 (dénommé «C2010») que pour le
caño oriental de 2013 (dénommé «CE2013»), est exposée dans le tableau 14 de son rapport,
reproduit ci-après par souci de commodité. Après avoir chiffré la perte correspondant à la première
année, Neotrópica en a calculé la valeur actuelle nette sur une période de cinquante ans, en
appliquant un taux d’actualisation de 4 %. En adoptant ces deux paramètres, elle a fait le choix de
la prudence étant donné que :
a) certains des arbres abattus par le Nicaragua étaient vieux de plus de 200 ans (leur âge moyen
étant de 115 ans81). L’adoption d’une période de cinquante ans aux fins de l’évaluation est donc
empreinte de prudence82. Cette approche est également conforme à la jurisprudence récente des
juridictions costa-riciennes, qui ont retenu une telle période dans des cas où l’âge moyen des
arbres abattus dans les deux zones déboisées était de 112 et de 83 ans83 ;
b) le taux d’actualisation de 4 % est supérieur à ceux employés dans la jurisprudence récente des
juridictions costa-riciennes84, et sensiblement supérieur à ceux proposés dans des études de
premier plan (à titre d’exemple, l’initiative TEEB préconise le recours à un taux d’actualisation
nul)85. Plus ce taux est élevé, plus l’indemnisation demandée sera basse, puisqu’il a pour effet
de réduire la valeur actuelle.
3.19. Dans cette logique de prudence, Neotrópica a évalué la valeur actuelle nette de la perte
causée par le caño de 2010 à 2 148 820,82 dollars des Etats-Unis et celle due au caño oriental de
2013 à 674 290,92 dollars des Etats-Unis, ce qui donne un montant total de 2 880 745,82 dollars
des Etats-Unis86.
79 Rapport Neotrópica, 3 juin 2016, vol. I, annexe 1, tableau 11.
80 Voir également les addenda explicatifs au rapport Neotrópica, 8 décembre 2016, vol. I, annexe 2, p. 2-4.
81 Addenda explicatifs au rapport Neotrópica, 8 décembre 2016, vol. I, annexe 2, p. 9.
82 Rapport Neotrópica, 3 juin 2016, vol. I, annexe 1, p. 50.
83 Addenda explicatifs au rapport Neotrópica, 8 décembre 2016, vol. I, annexe 2, p. 7-9.
84 Addenda explicatifs au rapport Neotrópica, 8 décembre 2016, vol. I, annexe 2, p. 10.
85 Addenda explicatifs au rapport Neotrópica, 8 décembre 2016, vol. I, annexe 2, p. 10-11.
86 Rapport Neotrópica, 3 juin 2016, vol. I, annexe 1, p. 60.
34
- 24 -
Tableau 3.1
Evaluation pécuniaire du coût social (perte de biens et de services écosystémiques) des dommages
causés à l’environnement dans le périmètre de C2010 et CE2013
Source : Tableau 14 du rapport Neotrópica, note de bas de page omise
Bien ou service
écosystémique Zone touchée Quantité et unité de
référence de la perte
Valeur pécuniaire
à l’unité
(en dollars E.-U.)
Montant total
estimé de la perte
(en dollars E.-U.)
(2016)
Approvisionnement
Bois sur pied (y
compris le coût
d’opportunité des
forêts, COF)
C2010 211 m3/ha pour le bois
sur pied avec un taux de
récolte de 50 % et COF
de 6 m3/ha par année de
croissance avec un taux
de récolte de 50 % sur
2,48 ha
64,65 19 558,64
CE2013 211 m3/ha pour le bois
sur pied avec un taux de
récolte de 50 % et COF
de 6 m3/ha par année de
croissance avec un taux
de récolte de 50 % sur
0,43 ha
40,05 1 970,35
Autres matières
premières (fibres et
énergie)
C2010
(y compris la
zone dégagée)
Valeur du service/ha sur
5,76 ha
175,76 794,06
CE2013 Valeur du service/ha sur
0,43 ha
175,76 38,14
Régulation et soutien
Régulation des
gaz/qualité de l’air
(y compris le stock
et le flux annuel)
C2010 Valeur du service/ha sur
2,48 ha
14 982,06 37 139,03
CE2013 Valeur du service/ha sur
0,43 ha
14 982,06 6 502,21
Atténuation des
risques naturels
C2010 Valeur du service/ha sur
2,48 ha
2 949,74 7 312,11
CE2013 Valeur du service/ha sur
0,43 ha
2 949,74 1 280,19
Formation du
sol/lutte contre
l’érosion
C2010 Coût du remplacement
de 5815 m3 de terre
enlevée (ramassage et
transport)
5,87 33 610,69
CE2013 Coût du remplacement
de 3687,72 m3 de terre
enlevée (ramassage et
transport)
5,87 21 315,00
35
- 25 -
Bien ou service
écosystémique Zone touchée Quantité et unité de
référence de la perte
Valeur pécuniaire
à l’unité
(en dollars E.-U.)
Montant total
estimé de la perte
(en dollars E.-U.)
(2016)
Habitats et zones de
reproduction
(biodiversité)
C2010 Valeur du service/ha sur
2,48 ha
855,13 1 613,52
CE2013 Valeur du service/ha sur
0,43 ha
855,13 282,49
Coût social total
pour la première
année
C2010 100 028,04
CE2013 31 388,38
Coût social total
sur cinquante ans
C2010 2 148 820,82
CE2013 674 290,92
3.20. Afin de lever toute ambiguïté, le Costa Rica précise que cette évaluation n’inclut pas
les dépenses qu’il a engagées par ailleurs au sujet du caño oriental de 2013 afin d’empêcher qu’un
préjudice irréparable soit causé à l’environnement du territoire litigieux, conformément à
l’ordonnance en indication de mesures conservatoires de 2013. Ces dépenses sont exposées
ci-après, au point 3 de la section B.
B. DÉPENSES ENGAGÉES DU FAIT DES ACTIVITÉS ILLICITES MENÉES
PAR LE NICARAGUA EN TERRITOIRE COSTA-RICIEN
3.21. Le Costa Rica a engagé un certain nombre de dépenses en conséquence directe des
activités illicites menées par le Nicaragua, et notamment du fait que celui-ci a occupé un territoire
costa-ricien et revendiqué la souveraineté à son égard. On peut globalement classer ces dépenses en
trois catégories :
a) les dépenses engagées entre octobre 2010 et avril 2011 du fait de la présence et des activités
illicites du Nicaragua sur le territoire costa-ricien par la suite dénommé le «territoire litigieux» ;
b) les dépenses engagées pour assurer la surveillance du territoire litigieux, en conséquence directe
des activités illicites menées par le Nicaragua et en application des ordonnances en indication
de mesures conservatoires rendues par la Cour en 2011 et en 2013 ; et
c) les dépenses engagées pour assurer la mise en oeuvre de l’ordonnance en indication de mesures
conservatoires rendue par la Cour en 2013, s’agissant des travaux nécessaires pour empêcher
qu’un préjudice irréparable soit causé à l’environnement du territoire litigieux, dépenses
rendues nécessaires en conséquence directe des activités illicites du Nicaragua sur le territoire
costa-ricien.
Ces chefs de dépenses seront examinés individuellement ci-après.
1. Dépenses engagées entre octobre 2010 et mars 2011 du fait de la présence
et des activités illicites du Nicaragua en territoire costa-ricien
3.22. Premièrement, depuis le moment où il a eu connaissance de la présence militaire du
Nicaragua sur son territoire, à la fin de l’année 2010, jusqu’au moment où ce dernier a retiré son
campement militaire en application de l’ordonnance en indication de mesures conservatoires
rendue par la Cour en 2011, le Costa Rica a engagé diverses dépenses aux fins d’effectuer des
36
37
- 26 -
visites sur les lieux et des survols de la zone pertinente87, d’obtenir des images satellite pour
confirmer la présence militaire du Nicaragua ainsi que les travaux menés par ses agents et
ressortissants sur le premier caño artificiel et autour de celui88, et d’obtenir des rapports de
l’UNITAR/UNOSAT analysant les images satellite pertinentes pour détecter et évaluer les
changements causés à l’environnement du territoire concerné par les activités illicites du
Nicaragua89. Ces dépenses ont été rendues nécessaires par le comportement illicite du Nicaragua.
3.23. Ainsi que la Cour se souviendra, le Costa Rica, lorsqu’il a eu connaissance de la
présence militaire du Nicaragua sur son territoire et des activités que celui-ci y menait, a tenté de
régler le différend par la voie diplomatique, d’abord de façon bilatérale90, puis par l’entremise de
l’Organisation des Etats américains (ci-après l’«OEA»)91. Le Nicaragua a refusé de coopérer au
règlement du différend, obligeant le Costa Rica à introduire l’instance relative à Certaines activités
et à demander immédiatement des mesures conservatoires. Ces démarches ont été rendues
nécessaires par le comportement illicite du Nicaragua et la tactique obstructionniste qu’il a adoptée,
et s’imposaient pour l’empêcher d’achever ses travaux illicites et de mettre ainsi la Cour devant le
fait accompli. En introduisant une instance et en présentant une demande en indication de mesures
conservatoires, le Costa Rica a engagé des frais de justice qui auraient été évités si le Nicaragua
n’avait pas adopté un comportement et une stratégie illicites dans le cadre des échanges bilatéraux.
Ces frais ne font pas partie de la présente demande. Le Costa Rica a toutefois également engagé des
87 Ceux-ci ont eu lieu les 20, 22, 27 et 31 octobre ainsi que les 1er, 8 et 26 novembre 2010.
88 Par exemple, voir les images en date du 19 novembre 2010 (Certaines activités, MCR, appendice 1,
figure 1.17), du 14 décembre 2010 (Certaines activités, MCR, annexe 234), du 24 janvier 2011 (Certaines activités,
MCR, appendice 1, figure 1.19) et du 22 février 2011 (Certaines activités, MCR, appendice 1, figure 1.43).
89 Voir UNITAR/UNOSAT, «Evaluation de l’évolution morphologique et environnementale du bassin du fleuve
San Juan (y compris Isla Portillos et Calero), Costa Rica», 4 janvier 2011, Certaines activités, MCR, annexe 148 ;
UNITAR/UNOSAT, «Evaluation de l’évolution morphologique et environnementale du bassin du fleuve San Juan (y
compris Isla Portillos et Calero), Costa Rica», 3 mars 2011, Certaines activités, MCR, annexe 149.
90 Le 21 octobre 2010, le Costa Rica a protesté contre la présence du Nicaragua sur son territoire et demandé
l’assurance que les personnes présentes seraient retirées de la zone concernée et qu’aucun dommage à l’environnement
n’y serait causé : lettre DM-412-10 en date du 21 octobre 2010 adressée au ministre des affaires étrangères du Nicaragua
par la ministre par intérim des affaires étrangères et des cultes du Costa Rica, Certaines activités, MCR, annexe 47. En
réponse, le Nicaragua a rejeté les protestations du Costa Rica, sans toutefois fournir d’explications quant à sa présence et
à ses activités illicites sur le territoire costa-ricien : lettre MRE/DVM/AJST/660/10/10 en date du 26 octobre 2010
adressée au ministre des affaires étrangères et des cultes du Costa Rica par le ministre par intérim des affaires étrangères
du Nicaragua, Certaines activités, MCR, annexe 48. Le Costa Rica a réitéré ses protestations et demandé que cette
question soit inscrite à l’ordre du jour d’une réunion bilatérale : lettre DM-429-10 en date du 1er novembre 2010 adressée
au ministre des affaires étrangères du Nicaragua par le ministre des affaires étrangères et des cultes du Costa Rica,
Certaines activités, MCR, annexe 49 et lettre DM-430-10 en date du 1er novembre 2010 adressée au ministre des affaires
étrangères du Nicaragua par le ministre des affaires étrangères et des cultes du Costa Rica, Certaines activités, MCR,
annexe 50. Le Nicaragua n’a pas répondu à ces deux lettres.
91 Le Costa Rica a sollicité l’assistance de l’OEA : voir lettre DE-065-10 en date du 2 novembre 2010 adressée au
président du conseil permanent de l’OEA par le représentant permanent du Costa Rica auprès de cette organisation,
Certaines activités, MCR, annexe 51. Une session extraordinaire d’urgence du conseil permanent a été convoquée le
3 novembre 2010 et le secrétaire général de l’OEA a effectué une visite d’inspection à Isla Portillos les 5 et
6 novembre 2010. Il a ensuite recommandé que les deux Etats évitent la présence de forces armées ou de sécurité sur le
territoire litigieux et ses recommandations ont été adoptées sous la forme d’une résolution formelle par une écrasante
majorité des Etats membres de l’OEA : voir la résolution 978 (17777/10), conseil permanent de l’OEA, référence
OEA/Ser.G CP/INF 6134/10, 12 novembre 2010, Certaines activités, MCR, annexe 53. Le Nicaragua a immédiatement
déclaré qu’il ne se conformerait pas à cette résolution : voir la déclaration de M. Denis Ronaldo Moncada, ambassadeur
du Nicaragua auprès de l’OEA, telle que rapportée dans l’article intitulé «Appel au retrait des troupes dans le différend
opposant le Nicaragua au Costa Rica», CNN International, 13 novembre 2010, Certaines activités, MCR, annexe 112 ; et
la traduction anglaise d’une allocution prononcée par le président Ortega à la télévision nationale nicaraguayenne le
13 novembre 2010, Certaines activités, MCR, annexe 113. Par la suite, le Nicaragua ne s’est pas présenté à une réunion
bilatérale tenue sous les auspices de l’OEA le 26 novembre 2010 et a refusé de se conformer à une seconde résolution
adoptée lors de la réunion de consultation des ministres des affaires étrangères tenue le 7 décembre 2010 et appelant à la
mise en oeuvre de la résolution adoptée par le conseil permanent de l’OEA le 12 novembre 2010 : résolution concernant
la situation entre le Costa Rica et le Nicaragua, adoptée le 7 décembre 2010 lors de la vingt-sixième réunion de
consultation des ministres des affaires étrangères, doc. RC.26/RES.1/10, Certaines activités, MCR, annexe 67.
39
38
- 27 -
dépenses aux fins de démontrer la présence et les activités illicites du Nicaragua sur son territoire,
lesquelles dépenses sont directement attribuables auxdites activités. De fait, ce n’est qu’à la fin du
mois de novembre 2010, soit plus d’un mois après que le Costa Rica eut pour la première fois émis
des protestations au sujet du comportement du Nicaragua, et une semaine après qu’il eut introduit
la présente instance devant la Cour, que le Nicaragua a revendiqué la souveraineté sur le territoire
occupé92. Il a d’abord occupé le terrain et s’est justifié ensuite.
3.24. Les dépenses dont le Costa Rica demande le remboursement dans cette catégorie
comprennent :
a) le coût du carburant et de la maintenance de l’aéronef de la police utilisé pour atteindre et
survoler le territoire litigieux les 20, 22, 27 et 31 octobre, ainsi que les 1er et 26 novembre 2010.
En conséquence directe du comportement illicite du Nicaragua, ces vols étaient nécessaires
pour vérifier les informations faisant état de la présence et des activités illicites nicaraguayennes
en territoire costa-ricien. Le coût total du carburant et de la maintenance de l’aéronef utilisé
pour ces survols s’élève à 37 585,60 dollars des Etats-Unis ;
b) la rémunération des agents du service de surveillance aérienne requis à bord de l’aéronef de la
police utilisé pour atteindre et survoler le territoire litigieux les 20, 22, 27 et 31 octobre, ainsi
que les 1er et 26 novembre 2010. En conséquence directe du comportement illicite du
Nicaragua, ces vols étaient nécessaires pour vérifier les informations faisant état de la présence
et des activités illicites nicaraguayennes en territoire costa-ricien. Le coût total de la
rémunération du personnel navigant s’élève à 1 040,66 dollars des Etats-Unis ;
c) le coût d’acquisition d’images satellite auprès d’un prestataire homologué du secteur privé, de
décembre 2010 jusqu’à la date de l’ordonnance en indication de mesures conservatoires rendue
par la Cour en 2011. En conséquence directe du comportement illicite du Nicaragua, ces achats
étaient nécessaires pour vérifier les informations faisant état de la présence et des activités
illicites nicaraguayennes en territoire costa-ricien. Ils ont également servi à déterminer
l’étendue des dommages causés par le Nicaragua, notamment à la suite de l’excavation du caño
de 2010 et d’opérations d’abattage massif dans une vaste zone forestière associée à une zone
humide. Le coût total de l’acquisition de ces images satellite s’élève à 17 600 dollars des
Etats-Unis ;
d) le coût du rapport établi par l’UNITAR/UNOSAT (en date du 4 janvier 2011), dans lequel sont
analysées les images satellite pertinentes en vue d’identifier les changements environnementaux
causés en territoire costa-ricien par les activités illicites que le Nicaragua y a menées. En
conséquence directe du comportement illicite du Nicaragua, ce rapport et d’autres étaient
nécessaires pour constater et évaluer les agissements nicaraguayens dans la zone concernée, en
particulier pour déterminer plus précisément l’étendue des dommages environnementaux que
ces agissements ont causés en territoire costa-ricien. Le coût total d’obtention de ce rapport et
d’autres s’élève à 15 804 dollars des Etats-Unis ;
e) la rémunération des agents de la garde côtière nationale requis pour piloter les bateaux
transportant les policiers costa-riciens qui se sont rendus sur le territoire litigieux entre le
21 octobre 2010 et le 5 mars 2011. En conséquence directe du comportement illicite du
Nicaragua, ces missions étaient nécessaires pour vérifier les informations faisant état de la
présence et des activités illicites nicaraguayennes en territoire costa-ricien. Le coût total de la
rémunération des agents de la garde côtière nationale s’élève à 6 780,60 dollars des Etats-Unis ;
92 Voir Gouvernement du Nicaragua, «Le San Juan de Nicaragua : les vérités que cache le Costa Rica»,
26 novembre 2010, Certaines activités, MCR, annexe 30.
40
- 28 -
f) la rémunération des agents de la zone de conservation de Tortuguero (ACTo) appelés à
participer aux missions de surveillance environnementale conduites entre octobre 2010 et
janvier 2011. En conséquence directe du comportement illicite du Nicaragua, ces missions
étaient nécessaires pour évaluer l’impact de la présence et des activités illicites nicaraguayennes
sur l’environnement du territoire costa-ricien administré par l’ACTo. Compte tenu du nombre
d’agents requis pour les opérations de protection de l’environnement à Isla Portillos et du
nombre de jours de ces missions93, le coût de la rémunération des agents de la zone de
conservation pour la période du 21 octobre 2010 au 20 janvier 2011 a été évalué à
1 309,90 dollars des Etats-Unis ;
g) le coût de l’approvisionnement en eau et vivres des agents de la zone de conservation de
Tortuguero appelés à effectuer les visites sur site qui, en conséquence directe du comportement
illicite du Nicaragua, étaient nécessaires pour évaluer l’impact de la présence et des activités
illicites nicaraguayennes sur l’environnement du territoire costa-ricien administré par l’ACTo.
Le Costa Rica a engagé des frais pour assurer l’approvisionnement en eau et vivres de ces
agents pendant leurs missions. Le montant de cette dépense pour la période du 21 octobre 2010
au 20 janvier 2011 a été chiffré à 446,12 dollars des Etats-Unis ;
h) les agents de la zone de conservation de Tortuguero appelés à participer aux missions ont dû
naviguer sur le Colorado et ses chenaux, de Barra del Colorado au secteur de Laguna de Agua
Dulce. Le seul moyen de transport possible pour se rendre à Laguna de Agua Dulce était alors
le bateau, puis la marche à pied jusqu’au territoire occupé par le Nicaragua. En conséquence
directe du comportement illicite du Nicaragua, ces missions étaient nécessaires pour évaluer
l’impact sur l’environnement de la présence et des activités illicites nicaraguayennes en
territoire costa-ricien. Le coût total du carburant utilisé lors des déplacements par bateau pour la
période du 21 au 26 octobre 2010 s’élève à 92 dollars des Etats-Unis ; et
i) les agents de la zone de conservation de Tortuguero appelés à participer aux missions ont dû se
déplacer par voie terrestre pour assister aux réunions de coordination et effectuer leurs
interventions dans le territoire litigieux et à proximité. En conséquence directe du
comportement illicite du Nicaragua, ces réunions et missions étaient nécessaires pour évaluer
l’impact sur l’environnement de la présence et des activités illicites nicaraguayennes en
territoire costa-ricien. Le coût total du carburant utilisé lors des déplacements par voie terrestre
pour la période du 10 janvier au 15 février 2011 s’élève à 263,57 dollars des Etats-Unis.
3.25. En résumé, le montant total de ces dépenses s’élève à 80 926,45 dollars des
Etats-Unis. Le tableau 3.2 ci-dessous les décrit succinctement, en renvoyant aux justificatifs
correspondants.
93 Entre le 21 octobre 2010 et le 16 novembre 2015, les agents de la zone de conservation de Tortuguero ont passé
157 jours à surveiller l’environnement, entretenir les équipements, assister à des réunions de coordination et effectuer des
missions conjointes avec le Secrétariat de la convention de Ramsar. Ces activités et leur coût sont détaillés dans le
tableau figurant à l’annexe 6, qui contient une estimation du coût de la participation du personnel du réseau national des
zones de conservation (SINAC) à des activités en rapport avec la situation à Isla Calero.
41
42
- 29 -
Tableau 3.2
Dépenses engagées entre octobre 2010 et avril 2011 du fait de la présence et
des activités illicites nicaraguayennes sur le territoire litigieux
Date de la dépense Description de la dépense Montant
(en dollars des
Etats-Unis)
Justificatif
20 octobre-26 novembre 2010 Carburant et maintenance de l’aéronef
de la police utilisé pour atteindre et
survoler le territoire litigieux
37 585,60 Annexe 9
20 octobre-26 novembre 2010 Rémunération des agents du service de
surveillance aérienne ayant participé aux
survols du territoire litigieux et aux vols
à destination du même
1 044,66 Annexe 10
Décembre 2010-mars 2011 Acquisition d’images satellite pour
constater la présence et les activités
illicites du Nicaragua sur le territoire
litigieux
17 600,00 Annexe 16
Janvier 2011 Obtention de rapports de l’UNITAR/
UNOSAT pour constater les activités
illicites du Nicaragua sur le territoire
litigieux
15 804,00 Annexe 17
21 octobre 2010-5 mars 2011 Rémunération des agents de la garde
côtière nationale ayant assuré le
transport par bateau jusqu’au secteur
proche du territoire litigieux
6 780,60 Annexe 7
21 octobre 2010-20 janvier 2011 Rémunération des agents de la zone de
conservation de Tortuguero ayant
participé à des missions sur le territoire
litigieux ou à proximité
1 309,90 Annexe 6
21 octobre 2010-20 janvier 2011 Approvisionnement en eau et vivres des
agents de la zone de conservation de
Tortuguero ayant participé à des
missions de surveillance
environnementale sur le territoire
litigieux ou à proximité
446,12 Annexe 6
21-26 octobre 2010 Carburant utilisé pour les déplacements
par voie fluviale des agents de la zone
de conservation de Tortuguero ayant
participé à des missions sur le territoire
litigieux ou à proximité
92,00 Annexe 6
10 janvier-15 février 2011 Carburant utilisé pour les déplacements
par voie terrestre des agents de la zone
de conservation de Tortuguero ayant
participé à des missions sur le territoire
litigieux ou à proximité
263,57 Annexe 6
Total 80 926,45
2. Dépenses engagées pour assurer la surveillance du territoire litigieux
3.26. Deuxièmement, le Costa Rica a engagé diverses dépenses pour assurer la surveillance
du territoire litigieux, en conséquence directe du comportement illicite du Nicaragua et en
application de l’ordonnance en indication de mesures conservatoires rendue par la Cour en 2011.
Dans cette ordonnance, il était indiqué ce qui suit :
43
- 30 -
«afin d’éviter que des activités criminelles ne se développent sur le territoire litigieux
en l’absence de forces de police ou de sécurité de l’une ou l’autre Partie, chacune des
Parties a la responsabilité de le surveiller à partir des territoires sur lesquels elles sont
respectivement et incontestablement souveraines, à savoir, s’agissant du Costa Rica, la
partie de Isla Portillos située à l’est de la rive droite du [premier] caño, à l’exclusion
de celui-ci»94.
3.27. La Cour a en outre relevé que le territoire litigieux était situé dans la zone humide du
nord-est des Caraïbes, par rapport à laquelle le Costa Rica a des obligations au titre de la
convention de Ramsar, et que, partant, celui-ci «d[evait] être en mesure d’éviter qu’un préjudice
irréparable soit causé à la partie de cette zone humide où ce territoire est situé»95.
3.28. Dans son ordonnance de 2013, la Cour a réaffirmé celle de 2011 (confirmant ainsi les
obligations de surveillance incombant au Costa Rica aux termes de cette dernière),96 et rappelé plus
particulièrement que, au titre de la convention de Ramsar, le Costa Rica a des obligations à l’égard
de la zone humide protégée dans laquelle est situé le territoire litigieux.97
3.29. En application des ordonnances de 2011 et 2013, qui lui imposent de surveiller le
territoire litigieux à partir de son propre territoire et d’empêcher qu’un préjudice irréparable soit
causé à la zone humide protégée, et en conséquence directe des activités illicites du Nicaragua, le
Costa Rica a engagé diverses dépenses pour lesquelles il demande à être indemnisé. Ces dépenses
sont les suivantes :
a) Dans la période qui a immédiatement suivi le prononcé de l’ordonnance de 2011, le Costa Rica
a coordonné avec le Secrétariat de la convention de Ramsar la venue, au début du mois d’avril
de la même année, d’une mission consultative sur le territoire litigieux, accompagnée d’agents
costa-riciens chargés de la protection de l’environnement98. Cette visite, directement imposée
par les activités du Nicaragua, devait permettre d’évaluer l’état de l’environnement de la zone
et, ainsi, de déterminer les mesures à prendre pour empêcher que le moindre préjudice
irréparable soit causé à la zone humide protégée99. La visite a eu lieu les 5 et 6 avril 2011, en
dépit de l’obstruction à laquelle la mission s’est heurtée, de la part non seulement d’agents
nicaraguayens naviguant sur le San Juan à proximité du territoire litigieux mais aussi de civils
94 Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua), mesures
conservatoires, ordonnance du 8 mars 2011, C.I.J. Recueil 2011(I), p. 25, par. 78.
95 Ibid., p. 25-26, par. 80
96 Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua) ;
Construction d’une route au Costa Rica le long du fleuve San Juan (Nicaragua c. Costa Rica), mesures conservatoires,
ordonnance du 22 novembre 2013, C.I.J. Recueil 2013, p. 369, par 59 1).
97 Ibid., p. 367, par. 54.
98 Voir la lettre ECRPB-029-11 en date du 8 avril 2011 adressée à M. Philippe Couvreur, greffier de la Cour
internationale de Justice, par M. Jorge Urbina, coagent du Costa Rica, vol. II, annexe 18. Le Costa Rica avait
préalablement informé le Nicaragua de la visite qu’il entendait effectuer sur le terrain.
99 Voir la lettre ECRPB-029-11 en date du 8 avril 2011 adressée à M. Philippe Couvreur, greffier de la Cour
internationale de Justice, par M. Jorge Urbina, coagent du Costa Rica (vol. II, annexe 18) et, plus particulièrement, les
pages 2-3 ; voir également le procès-verbal de la réunion de coordination entre la mission consultative technique du
Secrétariat de la convention de Ramsar et des représentants du ministère de l’environnement, de l’énergie et des
télécommunications, 4 avril 2011, Certaines activités, MCR, annexe 151.
44
45
- 31 -
et de journalistes nicaraguayens qui, sur place, les ont harcelés100. En raison de cette obstruction
et des problèmes de sécurité qu’elle a engendrés, la mission n’a toutefois pas pu atterrir sur le
site le 6 avril et n’a pu observer le territoire litigieux qu’en le survolant101. Quant aux vols qui
ont été effectués avant et après la mission, ils étaient nécessaires pour assurer le transport des
personnels d’appui d’autres institutions costa-riciennes qui ont également pris part à la mission
ou y ont apporté leur concours depuis Barra del Colorado. Aux fins de cette inspection de deux
jours, les dépenses engagées par le Costa Rica pour le carburant et l’entretien des aéronefs de la
police qui ont été utilisés se sont élevées à 20 110,84 dollars des Etats Unis, auxquels s’ajoute la
rémunération des agents de surveillance aérienne embarqués à bord de ces appareils, pour un
montant de 1017,71 dollars.
b) Afin de s’acquitter de son obligation de surveiller le territoire litigieux102, le Costa Rica a
également dû prendre des dispositions pour établir de nouveaux postes de police dans certains
lieux situés à proximité dudit territoire103. Il a commencé par établir un poste dans la zone de
Laguna de Agua Dulce, site le plus proche d’Isla Portillos pouvant être rallié par bateau sans
emprunter le fleuve San Juan. En décembre 2010, la police a ainsi effectué des travaux
d’aménagement dans une vieille maison de Laguna de Agua Dulce, complétant cette installation
par des tentes pour y loger certains des policiers. A partir de ce poste d’Agua Dulce, les
policiers costa-riciens se rendaient à Isla Portillos par la plage. Au début de l’année 2012, le
Costa Rica a engagé de nouvelles dépenses pour construire et équiper des postes de police à
Laguna de Agua Dulce et Isla Portillos104. Leur emplacement est indiqué sur les croquis 3.1 et
3.2 ci-après. Ces postes ont été construits par la police, et le Costa Rica ne demande pas à être
indemnisé pour les dépenses engagées à cet effet ; il demande en revanche à l’être pour certains
des équipements utilisés et pour les dépenses liées à leur réparation. Après plus de trois ans de
fonctionnement, il s’est en effet révélé nécessaire d’effectuer des travaux sur les portes et les
plafonds, et de remplacer certains équipements tels que des extincteurs, machines à laver ou
réfrigérateurs, ainsi que du matériel de bureau. Une partie des achats effectués entre mars et
avril 2015 était également liée au concours du poste de police d’Agua Dulce aux travaux de
fermeture du caño oriental de 2013. Le montant total que le Costa Rica réclame au titre de
100 Lettre ECRPB-029-11 en date du 8 avril 2011 adressée à M. Philippe Couvreur, greffier de la Cour
internationale de Justice, par M. Jorge Urbina, coagent du Costa Rica, vol. II, annexe 18, p. 3-4. Voir également les
photographies de ressortissants nicaraguayens débarquant sur Isla Portillos au cours de la mission environnementale
conjointe, 5 avril 2011, Certaines activités, MCR, annexe 235 ; la photographie de ressortissants nicaraguayens harcelant
les membres de la mission environnementale technique à Isla Portillos, MCR, annexe 238 ; la note DM-235-11 en date du
6 avril 2011 adressée au ministre des affaires étrangères du Nicaragua par le ministre des affaires étrangères et des cultes
du Costa Rica, Certaines activités, MCR, annexe 81 ; la note ECR-258- 2011 en date du 8 avril 2011 adressée aux
missions permanentes et aux missions d’observation permanentes auprès de l’Organisation des Nations Unies par la
mission permanente du Costa Rica, Certaines activités, MCR, annexe 76. Ces actes ont été soutenus par le Nicaragua :
voir El Nuevo Diario (Nicaragua), «L’armée capturerait les pilotes costa-riciens s’ils atterrissaient», 7 avril 2011,
Certaines activités, MCR, annexe 127.
101 Voir le procès-verbal de la réunion de coordination entre la mission consultative technique du Secrétariat de la
convention de Ramsar et des représentants du ministère de l’environnement, de l’énergie et des télécommunications,
7 avril 2011, Certaines activités, MCR, annexe 152, par. 2. Pour un rapport de la visite, voir Ministère de
l’environnement, de l’énergie et des télécommunications du Costa Rica, rapport technique adressé au Secrétariat de la
convention de Ramsar, intitulé «bilan et évaluation de l’état de l’environnement dans la Humedal Caribe Noreste,
conformément à l’ordonnance de la Cour internationale de Justice», 28 octobre 2011, Certaines activités, MCR,
annexe 155.
102 Voir Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua),
mesures conservatoires, ordonnance du 8 mars 2011, C.I.J. Recueil 2011 (I), p. 25, par. 78.
103 Pour une description des travaux importants qui ont été réalisés, voir Ministère des affaires étrangères du
Costa Rica, «nouveaux travaux dans la zone humide du nord-est des Caraïbes», rapport à l’intention du Secrétariat
exécutif de la convention de Ramsar sur les zones humides, juillet 2013, vol. I, annexe 3.
104 Dans différents documents, cette zone est également dénommée «Punta Castilla», «Santa Teresa» et «Laguna
Los Portillos» ; le poste de police ici désigné comme le poste de Laguna Los Portillos est parfois également dénommé
poste de Punta Castilla.
46
- 32 -
l’équipement et de la réparation de ces deux postes de police s’élève à 24 065,87 dollars des
Etats-Unis.
Croquis 3.1
Postes de police et station biologique costa-riciens nouvellement établis
à proximité du territoire litigieux
Légende :
Sketch-map of the relevant area = Croquis de la zone pertinente
Costa Rican police posts = Postes de police costa-riciens
Costa Rican biological station = Station biologique costa-ricienne
Heliport = Héliport
Town = Localité
Airport = Aérodrome
Costa Rican police post at Los Portillos/Harbor Head
Lagoon
= Poste de police costa-ricien établi au niveau de la
lagune de Los Portillos/Harbor Head
Costa Rican police post at Laguna de Agua Dulce = Poste de police costa-ricien établi au niveau de Laguna
de Agua Dulce
For illustrative purposes only = Croquis fourni à seule fin d’illustration
47
- 33 -
Croquis 3.2
Poste de police et station biologique costa-riciens nouvellement établis à Los Portillos,
à proximité immédiate du territoire litigieux
Légende :
Sketch-map of the relevant area = Croquis de la zone pertinente
Costa Rican police post at Los Portillos/Harbor Head
Lagoon
= Poste de police costa-ricien établi au niveau de la
lagune de Los Portillos/Harbor Head
Costa Rican biological station = Station biologique costa-ricienne
Nicaraguan military camp* = Campements militaires nicaraguayens*
Dyke built by Costa Rica to avoid irreparable damage = Digue construite par le Costa Rica pour empêcher tout
préjudice irréparable
* The Nicaraguan military camps shown are those
established by Nicaragua on Costa Rican territory
between 2010 and 2013
= * Les campements militaires nicaraguayens représentés
sur ce croquis sont ceux que le Nicaragua a établis en
territoire costa-ricien entre 2010 et 2013
“Caños” constructed by Nicaragua in 2013 = Caños construits par le Nicaragua en 2013
“Caño” constructed by Nicaragua in 2010 = Caño construit par le Nicaragua en 2010
For illustrative purposes only = Croquis fourni à seule fin d’illustration
c) Par ailleurs, le Costa Rica a dû affecter des agents à ces postes de police, et ce, en nombre
suffisant pour surveiller les activités du Nicaragua dans les environs du territoire litigieux (et à
l’intérieur), et pour assurer la sécurité de la zone, ainsi que la Cour l’avait prescrit. A cet effet, il
lui a fallu engager des dépenses supplémentaires liées au recrutement et à la formation des
agents en question. Comme le précise l’ancien ministre de la sécurité publique, M. Mario
Zamora Cordero, dans une déclaration sous serment,
48
- 34 -
«la police a dû faire face à un changement opérationnel drastique, puisque nous avons
été contraints de redéployer des agents de nombreuses unités urbaines pour fournir les
effectifs nécessaires à l’établissement d’une présence dans la zone d’Isla Portillos»105.
L’ancien ministre expose ce qui suit :
«Après que la Cour eut indiqué des mesures conservatoires [en 2011], j’ai
donné des instructions visant à organiser une présence policière durable à Isla
Portillos, afin d’assurer la sécurité de ce que l’on appelait alors le «territoire litigieux».
Cela s’est révélé particulièrement difficile puisque, en raison des actes du Nicaragua,
le Costa Rica n’était pas en mesure de choisir l’emplacement adéquat pour mettre en
place cette présence policière. Il lui a fallu établir un camp de base sur la rive droite de
la lagune de Los Portillos, lieu présentant une complexité considérable car il constitue,
dans son intégralité, une zone humide et, partant, n’offre pas de sol dur permettant de
construire un abri approprié. Outre l’emplacement du camp, le problème principal a
été le redéploiement des agents de police dans la zone en question. Ne disposant pas
de forces immédiatement mobilisables pour ce type de mission, le ministère que je
dirigeais a dû réaffecter à Isla Portillos des agents d’unités oeuvrant dans des villes et
villages au service des communautés et des citoyens du pays. Le déplacement de ces
forces de police n’a pas non plus été aisé. Celles-ci étaient tout d’abord emmenées
jusqu’au poste dit d’Agua Dulce pour s’acclimater et se préparer à ce qui les attendait
au poste d’Isla Portillos, vers lequel elles étaient ensuite transportées. Du fait de
conditions particulièrement inhospitalières, le poste d’Isla Portillos présentait des
difficultés opérationnelles extrêmes. Privés d’eau courante, d’évacuation des eaux
usées, d’électricité et d’équipements appropriés, les personnels étaient exposés à de
rudes conditions climatiques, à des maladies endémiques et à l’hostilité permanente
des forces armées nicaraguayennes. Aussi les différentes unités ne stationnaient-elles
dans la zone que pendant une dizaine de jours d’affilée. Une fois leur mission achevée,
cela ne signifiait cependant pas que les intéressés regagnaient immédiatement leur
affectation urbaine initiale. Ils avaient en effet besoin de repos et, dans bien des cas,
devaient prendre un congé de maladie, voire démissionnaient purement et simplement.
Cette opération a grandement perturbé l’organisation des missions de la police
costa-ricienne à l’échelle nationale, puisque nous rencontrions des problèmes de
recrutement. Non seulement cette situation imposée au Costa Rica a gravement
amputé les ressources financières de la police, mais elle a entraîné des sous-effectifs
constants parmi les différentes unités, les communautés costa-riciennes ne bénéficiant
donc plus des services et de la protection dont elles auraient dû bénéficier. De fait, ne
disposant pas d’une unité spécialisée pour faire face à la situation, j’en suis venu à
prendre les mesures nécessaires pour former une unité de police des frontières
spécialisée. Par souci de clarté, je précise que cette unité a été mise sur pied en
prélevant des ressources humaines et financières sur d’autres structures
opérationnelles de la police. Il me faut aussi préciser que ces ressources, que j’ai été
contraint d’employer pour faire face à la situation créée par les activités du Nicaragua,
provenaient essentiellement des forces de police générales, des gardes-côtes et du
service de surveillance aérienne.»106
105 Déclaration sous serment de M. Mario Zamora Cordero en date du 22 mars 2017, vol. I, annexe 5, par. 2.
106 Déclaration sous serment de M. Mario Zamora Cordero en date du 22 mars 2017, vol. I, annexe 5, par. 2.
49
50
- 35 -
Le Costa Rica inclut par conséquent dans sa demande d’indemnisation le remboursement de la
rémunération des 48 agents de police qui ont été affectés aux postes de Laguna Los Portillos et
de Laguna de Agua Dulce entre le mois de mars 2011 et le mois de décembre 2015107. Ces
postes étant situés dans des lieux reculés, les personnels concernés effectuaient des rotations de
10 jours (suivis de 10 jours de repos hors zone) et exerçaient leur mission en deux postes de
12 heures. Au départ, il s’agissait de membres de la force publique du Costa Rica, mais au
début de l’année 2011, en conséquence directe des actes illicites du Nicaragua, le
Gouvernement costa-ricien a créé une police des frontières, mesure qui a nécessité le
recrutement de nouveaux personnels appelés à suivre la formation requise108. Entre mars 2011
et septembre 2013, les traitements des agents en question étaient versés par la force publique
costa-ricienne ; d’octobre 2013 à décembre 2015, ils l’ont été par la police des frontières. Des
précisions sur ce point, ainsi qu’une explication détaillée de la manière dont les dépenses
correspondantes ont été calculées et justifiées, figurent dans une lettre signée par la
vice-ministre costa-ricienne de la sécurité109. Le coût total de la rémunération versée à ces
effectifs sur cette période de plus quatre ans et demi s’élève à 3 092 834,17 dollars des
Etats-Unis.
d) En outre, pour pourvoir le poste de Laguna de Agua Dulce en personnel et y acheminer des
cargaisons, ainsi que pour aider à la surveillance du territoire litigieux depuis son poste de
Laguna Los Portillos, le Costa Rica a également dû financer des déplacements par bateau. La
garde côtière nationale a ainsi assuré le transport de membres de la force publique et d’agents
de la police des frontières, ainsi que de leur chargement, entre Delta, Barra del Colorado et
Laguna de Agua Dulce. Ces lieux sont indiqués sur le croquis 3.1 ci-dessus. En conséquence,
des frais supplémentaires, correspondant à la rémunération des agents de la garde côtière
nationale, ont été occasionnés. Sur la période allant de mars 2011 à décembre 2015, la somme
de 22 678,80 dollars des Etats-Unis a été dépensée à ce titre.
e) Du fait de l’isolement géographique des postes de police nouvellement construits à Laguna Los
Portillos et Laguna de Agua Dulce, il a fallu fournir au premier des véhicules tous terrains pour
permettre le transport d’agents et de cargaisons entre ce poste et celui de Laguna de Agua
Dulce. En raison des conditions météorologiques et de la salinité de l’air, l’état de ces véhicules
s’est rapidement détérioré et, en conséquence, le Costa Rica demande à être indemnisé à
hauteur du prix d’achat. Ce sont au total quatre véhicules tous terrains qui ont été acquis. La
commission nationale pour la gestion des situations d’urgence a acheté le premier pour la police
le 31 mars 2014, au prix de 23 212,10 dollars des Etats-Unis. Les trois autres ont été achetés
directement par le ministère de la sécurité publique le 22 octobre 2015 pour la somme de
19 332,10 dollars des Etats-Unis chacun, ce qui donne un montant total de 57 996,30 dollars110,
dans le cadre des dépenses liées à l’entretien et au fonctionnement courant des postes de police
d’Agua Dulce et de Laguna Los Portillos.
107 Comme le précise l’ancien ministre de la sécurité publique, cette demande d’indemnisation est modeste car
elle ne prend en compte ni les coûts opérationnels internes, ni le temps de traitement administratif, ni le préjudice général
subi par les communautés costa-riciennes qui ont directement pâti du déclin de la présence policière dans les villes et
villages concernés, dû à la nécessité d’assurer la sécurité du territoire litigieux. Voir la déclaration sous serment de
M. Mario Zamora Cordero, vol. I, annexe 5, par. 4.
108 L’on a ainsi assisté, en 2011 et 2012, à une augmentation sensible du recrutement de personnels pour faire
face à ce besoin urgent ; voir la lettre DVA-284-2017 en date du 21 mars 2017 adressée à M. Alejandro Solano, ministre
par intérim des affaires étrangères et des cultes, par Mme Bernardita Marín Salazar, vice-ministre de la sécurité, vol. II,
annexe 39.
109 Voir la lettre DVA-284-2017 en date du 21 mars 2017 adressée à M. Alejandro Solano, ministre par intérim
des affaires étrangères et des cultes, par Mme Bernardita Marín Salazar, vice-ministre de la sécurité, vol. II, annexe 39.
110 La facture (annexe 14) atteste l’acquisition de sept véhicules tous terrains, le ministère de la sécurité publique
les ayant tous achetés au même moment, mais le Costa Rica ne demande d’indemnisation qu’au titre des trois véhicules
achetés pour les postes d’Agua Dulce et de Laguna Los Portillos.
51
52
- 36 -
f) Afin de satisfaire aux obligations qui lui incombent au titre de la convention de Ramsar, telles
que constatées par la Cour dans son ordonnance de 2011, et d’y satisfaire en tenant compte des
restrictions imposées par celle-ci à son accès au territoire litigieux, le Costa Rica a, mi-2012,
construit une station biologique à Isla Portillos, près de Laguna Los Portillos (et du poste de
police récemment établi à cet endroit). Cette station est représentée sur les croquis 3.1 et 3.2
ci-dessus. Son installation était nécessaire pour permettre au Costa Rica d’assurer une
surveillance continue de l’environnement du territoire litigieux (en coordination avec le
Secrétariat de la convention de Ramsar), afin d’empêcher qu’un préjudice irréparable y soit
causé du fait de l’occupation et des activités illicites du Nicaragua. Le Costa Rica ne demande
pas à être indemnisé pour les frais de construction de la station biologique, mais demande à
l’être au titre de l’acquisition en mars 2014, par la commission nationale pour la gestion des
situations d’urgence, d’un tracteur indispensable pour effectuer certains travaux dans le
périmètre de la station, afin d’en assurer l’entretien et l’accès. En raison des conditions
météorologiques et de la salinité de l’air, l’état du tracteur s’est rapidement détérioré et, en
conséquence, le Costa Rica demande à être indemnisé à hauteur du prix d’achat. Ce tracteur a
coûté, au total, 35 500 dollars des Etats-Unis.
g) Les agents de la zone de conservation de Tortuguero (ACTo) étaient chargés de prendre toutes
les mesures nécessaires pour surveiller, évaluer et atténuer les dommages causés à
l’environnement par l’occupation et les activités illicites du Nicaragua sur le territoire litigieux.
Ils ont dû passer beaucoup de temps à assister à des réunions de coordination internes et entre
institutions, à effectuer des patrouilles, à consulter les missions du Secrétariat de la convention
de Ramsar et à collaborer avec elles, à recueillir et à analyser des données ainsi qu’à examiner
de possibles mesures d’atténuation en rapport direct avec l’occupation et les activités illicites du
Nicaragua sur le territoire litigieux. Faute de ressources suffisantes, tant humaines que
matérielles, ils n’ont pas été en mesure d’accomplir certains de leurs habituels travaux généraux
de conservation. L’ACTo est responsable de quelque 1270 kilomètres carrés de zone terrestre
protégée et d’environ 500 kilomètres carrés de zone marine protégée, et a pourtant dû
concentrer des moyens considérables sur les trois kilomètres carrés envahis par le Nicaragua.
Compte tenu du nombre d’agents requis pour les opérations de protection de l’environnement à
Isla Portillos et du nombre de jours de ces missions111, sur une période de quatre ans et sept
mois et demi (du 1er avril 2011 au 15 novembre 2015), le coût de la rémunération des agents de
la zone de conservation a été évalué à 25 161,41 dollars des Etats-Unis.
h) Les agents de la zone de conservation de Tortuguero qui ont participé à des visites sur les lieux
à des fins de surveillance ou autres ont dû se rendre jusqu’au territoire litigieux et séjourner à
proximité, à la station biologique, pour accomplir leur mission. Le Costa Rica a donc financé
leur approvisionnement en vivres et en eau. Ces dépenses, engagés sur une période de
quatre ans et sept mois et demi (du 1er avril 2011 au 15 novembre 2015), ont été chiffrées à
8 412,55 dollars des Etats-Unis.
i) Les agents de la zone de conservation de Tortuguero qui ont participé à des visites sur les lieux
ont été transportés par bateau sur le Colorado, de Barra del Colorado jusqu’au poste de Laguna
de Agua Dulce. Il s’agissait du seul moyen de transport possible pour se rendre jusque-là sans
emprunter le fleuve San Juan. De ce poste, ils poursuivaient leur route jusqu’à la station
biologique à bord de véhicules tous terrains. Par conséquent, ces dépenses comprenaient
également le prix du carburant des véhicules utilisés pour acheminer les agents et les cargaisons
du poste de Laguna de Agua Dulce jusqu’à la station biologique. S’agissant de leur transport
111 Entre le 21 octobre 2010 et le 16 novembre 2015, le personnel de la zone de conservation de Tortuguero a dû
surveiller l’environnement, assurer la maintenance du matériel, assister à des réunions de coordination et mener des
missions conjointes avec le Secrétariat de la convention de Ramsar, et ce, pendant 157 jours. Ces activités et leur coût
sont détaillés dans le tableau figurant à l’annexe 6, qui contient une estimation du coût de la participation du personnel du
réseau national des zones de conservation (SINAC) à des activités en rapport avec la situation à Isla Calero.
53
54
- 37 -
par bateau pour la période du 2 avril 2011 au 16 novembre 2015, le Costa Rica a dépensé
3 213,04 dollars en carburant.
j) Du fait de l’isolement de la station biologique, il a fallu acheter deux véhicules tous terrains,
ainsi que trois remorques, qui ont tout d’abord été utilisés pour construire la station puis pour y
accéder et y acheminer matériel, personnel et provisions depuis le poste de Laguna de Agua
Dulce. En raison des conditions météorologiques et de la salinité de l’air, l’état de ces véhicules
s’est rapidement détérioré et, en conséquence, le Costa Rica demande à être indemnisé à
hauteur du prix d’achat. Les deux véhicules tous terrains et les trois remorques ont été achetés
pour l’ACTo par la commission nationale pour la gestion des situations d’urgence le 11 janvier
2012, au prix de 42 752,76 dollars des Etats-Unis.
k) Le Costa Rica a par ailleurs eu à supporter des frais de carburant pour acheminer du personnel
de la zone de conservation de Tortuguero lors des différentes visites, ainsi que pour organiser
des réunions avec d’autres institutions et y participer, notamment dans les locaux du ministère
des affaires étrangères. Le coût total du carburant utilisé lors des déplacements par voie terrestre
pour la période du 10 mars 2011 au 11 décembre 2015 s’élève à 6 435,12 dollars des Etats-
Unis.
l) En sus de ces dépenses, le Costa Rica a supporté des frais liés à l’acquisition d’images satellite
du territoire litigieux auprès d’un prestataire homologué du secteur privé. Ces images lui ont
permis, dans un premier temps, de vérifier l’étendue des dommages que le Nicaragua avait
causés en creusant un caño et en abattant des arbres en 2010 puis, de 2011 à septembre 2015, de
satisfaire à son obligation de surveiller le territoire litigieux découlant des ordonnances en
indication de mesures conservatoires rendues par la Cour en 2011 et en 2013, ainsi que de
détecter les activités illicites du Nicaragua sur le territoire litigieux et d’en surveiller l’impact.
Le coût de l’acquisition de ces images satellite, sur une période de plus de quatre ans, s’élève à
160 704 dollars des Etats-Unis.
m) En outre, en novembre 2011, le Costa Rica a engagé des dépenses afin d’obtenir de
l’UNITAR/UNOSAT un rapport évaluant les dommages causés par le Nicaragua entre octobre
2010 et novembre 2011112. Le coût total de l’obtention de ce rapport est de 27 339 dollars des
Etats-Unis.
112 UNITAR/UNOSAT, «Evaluation de l’évolution morphologique et environnementale du bassin du fleuve
San Juan (y compris Isla Portillos et Calero), Costa Rica», 8 novembre 2011, Certaines activités, MCR, annexe 150.
55
- 38 -
Tableau 3.3
Dépenses engagées pour assurer la surveillance du territoire litigieux
Date de la dépense Description de la dépense Montant
(en dollars E.-U.)
Justificatif
5-6 avril 2011 Carburant et maintenance de l’aéronef de la
police utilisé et rémunération des agents du
service de surveillance aérienne ayant participé
à la mission consultative du Secrétariat de la
convention de Ramsar des 5 et 6 avril 2011
21 128,55 Annexes 9
et 10
11 septembre 2014-
26 novembre 2015
Equipements destinés aux deux nouveaux
postes de police de Laguna Los Portillos et
Laguna de Agua Dulce
24 065,87 Annexe 14
Mars 2011-
décembre 2015
Personnel affecté aux postes de police de
Laguna Los Portillos et Laguna de Agua Dulce
3 092 834,17 Annexe 13
Mars 2011-
décembre 2015
Transport fluvial par la garde côtière nationale
de personnel et de cargaisons, notamment à
destination du poste de police de Laguna de
Agua Dulce
22 678,80 Annexes 7
et 8
31 mars 2014 et
22 octobre 2015
Quatre véhicules tous terrains pour les postes
de police de Laguna de Agua Dulce et Laguna
Los Portillos
81 208,40 Annexes 14
et 15
7 mars 2014 Tracteur utilisé pour l’équipement et
l’entretien de la station biologique de Laguna
Los Portillos, aux fins de la surveillance de
l’environnement du territoire litigieux
35 500,00 Annexe 15
1er avril 2011-
15 novembre 2015
Rémunération des agents ayant participé aux
différentes visites faites sur les lieux pour
surveiller l’environnement du territoire
litigieux
25 161,41 Annexe 6
1er avril 2011-
15 novembre 2015
Approvisionnement en eau et vivres des agents
de la zone de conservation de Tortuguero ayant
participé aux différentes visites sur les lieux
8 412,55 Annexe 6
2 avril 2011-
16 novembre 2015
Carburant utilisé pour les déplacements des
agents de la zone de conservation de
Tortuguero ayant participé aux différentes
visites sur les lieux ; livraisons
3 213,04 Annexe 6
11 janvier 2012 Acquisition de deux véhicules tous terrains et
trois remorques destinés à la station biologique
42 752,76 Annexe 15
10 mars 2011-
11 décembre 2015
Carburant utilisé pour transporter du personnel
et des cargaisons entre Laguna de Agua Dulce
et la station biologique
6 435,12 Annexe 6
Septembre 2011-
septembre 2015
Acquisition d’images satellite du territoire
litigieux aux fins d’en assurer une surveillance
effective et de constater la présence du
Nicaragua sur ledit territoire en 2013 ainsi que
les activités illicites auxquelles il s’y est livré,
en violation de la souveraineté du Costa Rica
et de l’ordonnance de 2011
160 704,00 Annexe 16
Novembre 2011 Obtention d’un rapport de l’UNITAR/
UNOSAT pour constater les activités illicites
du Nicaragua sur le territoire litigieux et les
dommages causés à celui-ci
27 339,00 Annexe 17
Total 3 551 433,67
56
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- 39 -
3. Dépenses engagées pour assurer la mise en oeuvre de l’ordonnance rendue par la Cour
en 2013, s’agissant des travaux nécessaires pour empêcher qu’un préjudice
irréparable soit causé à l’environnement du territoire litigieux
3.30. Aux mois de septembre et d’octobre 2013, le Nicaragua a, en violation de l’ordonnance
en indication de mesures conservatoires rendue par la Cour en 2011, construit deux nouveaux
caños artificiels à l’intérieur du territoire litigieux. Comme celle-ci l’a relevé dans son ordonnance
en indication de mesures conservatoires du 22 novembre 2013,
a) des images satellite prises en septembre et en octobre 2013 ont confirmé que deux nouveaux
caños étaient présents sur le territoire litigieux et qu’une tranchée débutant là où le caño
oriental s’achevait en direction de la mer avait été prolongée113 ;
b) «[l]e Nicaragua admet que les opérations de dragage menées pour construire les caños sont
l’oeuvre d’un groupe de ressortissants nicaraguayens conduits par M. Pastora, dans le cadre de
l’exécution d’un projet visant à améliorer la navigation sur le San Juan», projet qui a reçu l’aval
du ministère nicaraguayen de l’environnement et des ressources naturelles114 ;
c) en 2013, en conséquence des opérations menées par le Nicaragua sur le territoire litigieux, il
existait un risque réel qu’un préjudice irréparable soit causé aux droits revendiqués par le
Costa Rica115 ;
d) la construction des deux nouveaux caños sur le territoire litigieux était «contrair[e] à
l’ordonnance du 8 mars 2011»116, ce que la Cour a confirmé dans son arrêt du
16 décembre 2015117 et que le Nicaragua a reconnu à l’audience118.
3.31. Dans son ordonnance de 2013, la Cour a également conclu que,
«[a]près avoir consulté le Secrétariat de la convention de Ramsar et préalablement
informé le Nicaragua, le Costa Rica pourra[it] prendre des mesures appropriées au
sujet des deux nouveaux caños, dès lors que de telles mesures ser[aient] nécessaires
113 Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua) ;
Construction d’une route au Costa Rica le long du fleuve San Juan (Nicaragua c. Costa Rica), mesures conservatoires,
ordonnance du 22 novembre 2013, C.I.J. Recueil 2013, p. 364, par. 44.
114 Ibid., p. 364-365, par. 45. Voir également Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région
frontalière (Costa Rica c. Nicaragua) ; Construction d’une route au Costa Rica le long du fleuve San Juan (Nicaragua
c. Costa Rica), arrêt, 16 décembre 2015, par. [68] («Le Nicaragua ne nie pas avoir dragué les trois caños») et 93 («Il
n’est pas contesté que, depuis 2010, le Nicaragua a mené un certain nombre d’activités sur le territoire litigieux, y
procédant notamment au creusement de trois caños et à l’établissement d’une présence militaire par endroits»).
115 Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua) ;
Construction d’une route au Costa Rica le long du fleuve San Juan (Nicaragua c. Costa Rica), mesures conservatoires,
ordonnance du 22 novembre 2013, C.I.J. Recueil 2013, p. 366, par. 49.
116 Ibid., p. 367, par. 50.
117 Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua) ;
Construction d’une route au Costa Rica le long du fleuve San Juan (Nicaragua c. Costa Rica), arrêt, 16 décembre 2015,
par. 129 («en creusant les deuxième et troisième caños et en établissant une présence militaire sur le territoire litigieux, le
Nicaragua a manqué aux obligations qui lui incombaient au titre de l’ordonnance de 2011»). Voir également par. 229 3)
(«en creusant deux caños en 2013 et en établissant une présence militaire sur le territoire litigieux, le Nicaragua a violé
les obligations auxquelles il était tenu en vertu de l’ordonnance en indication de mesures conservatoires rendue par la
Cour le 8 mars 2011»).
118 Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua) ;
Construction d’une route au Costa Rica le long du fleuve San Juan (Nicaragua c. Costa Rica), arrêt, 16 décembre 2015,
par. 125 («Le Nicaragua a également reconnu à l’audience que le creusement des deuxième et troisième caños emportait
manquement aux obligations lui incombant au titre de l’ordonnance de 2011»).
58
59
- 40 -
pour empêcher qu’un préjudice irréparable soit causé à l’environnement du territoire
litigieux»119.
3.32. Comme suite à cette ordonnance, le Costa Rica a, en consultation avec le Secrétariat de
la convention de Ramsar (et après en avoir préalablement informé le Nicaragua), mené le
10 décembre 2013 une visite technique sur le territoire litigieux afin d’évaluer les dommages
résultant de la construction, par le Nicaragua, des deux nouveaux caños120. D’autres visites ont eu
lieu en mars (avec du personnel dudit Secrétariat)121 et en juillet 2014122.
3.33. A la suite de ces visites sur les lieux, le Secrétariat de la convention de Ramsar a établi
en août 2014 un rapport relatif aux mesures nécessaires pour empêcher qu’un préjudice irréparable
soit causé à l’environnement du territoire litigieux123, conformément à l’ordonnance en indication
de mesures conservatoires rendue par la Cour en 2013124. Ce rapport traitait surtout du caño
oriental : la Cour se souviendra que la construction de ce dernier par le Nicaragua avait atteint un
stade bien plus avancé que celle du caño artificiel occidental125. Ledit rapport confirmait :
a) que le caño oriental — qui était un caño artificiel, excavé de manière mécanique — existait bel
et bien126 ;
b) que le caño oriental captait une partie des eaux du fleuve San Juan127, et que la lagune située à
son extrémité recevait des eaux charriant davantage de sédiments en suspension, ce qui altérait
la qualité de ses eaux128 ;
c) que des sédiments libérés par l’excavation étaient déposés sur les deux rives du caño, mais
probablement aussi en d’autres endroits129 ;
d) que des arbres avaient été abattus au cours de la construction du caño oriental130 ;
119 Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua) ;
Construction d’une route au Costa Rica le long du fleuve San Juan (Nicaragua c. Costa Rica), mesures conservatoires,
ordonnance du 22 novembre 2013, C.I.J. Recueil 2013, p. 370, par. 59 2) E).
120 Lettre ECRPB-094 en date du 9 décembre 2013 adressée à M. Philippe Couvreur, greffier de la Cour
internationale de Justice, par M. Jorge Urbina, coagent du Costa Rica, vol. II, annexe 19.
121 Lettre ECRPB-056 en date du 10 mars 2014 adressée à M. Philippe Couvreur, greffier de la Cour
internationale de Justice, par M. Jorge Urbina, coagent du Costa Rica, vol. II, annexe 20.
122 Lettre ECRPB-078 en date du 17 juillet 2014 adressée à M. Philippe Couvreur, greffier de la Cour
internationale de Justice, par M. Jorge Urbina, coagent du Costa Rica, vol. II, annexe 21.
123 Secrétariat de la convention de Ramsar, «rapport de la mission consultative Ramsar n° 77, 10-13 mars 2014»,
août 2014, pièce jointe n° 5 de la lettre ECRPB-090-2014 en date du 22 août 2014 adressée à M. Philippe Couvreur,
greffier de la Cour internationale de Justice, par M. Sergio Ugalde, coagent du Costa Rica, vol. II, annexe 22.
124 Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua) ;
Construction d’une route au Costa Rica le long du fleuve San Juan (Nicaragua c. Costa Rica), mesures conservatoires,
ordonnance du 22 novembre 2013, C.I.J. Recueil 2013, p. 370, par. 59 2) E).
125 Ibid., p. 362, par. 36.
126 Secrétariat de la convention de Ramsar, «rapport de la mission consultative Ramsar n° 77, 10-13 mars 2014»,
août 2014, pièce jointe n° 5 de la lettre ECRPB-090-2014 en date du 22 août 2014 adressée à M. Philippe Couvreur,
greffier de la Cour internationale de Justice, par M. Sergio Ugalde, coagent du Costa Rica, vol. II, annexe 22, p. 10.
127 Ibid., annexe 22, p. 10 (de la pièce jointe n° 5).
128 Ibid., annexe 22, p. 11 (de la pièce jointe n° 5).
129 Ibid., annexe 22, p. 10 (de la pièce jointe n° 5).
130 Ibid., annexe 22, p. 11 (de la pièce jointe n° 5).
60
- 41 -
e) que l’abondance et la répartition des espèces de faune et de flore terrestres avaient
probablement été modifiées dans la zone du caño oriental, et que des habitats terrestres avaient
été sacrifiés131 ;
f) que le banc de sable isolant la lagune à l’extrémité du caño oriental n’avait pas cédé (preuve
que la tranchée creusée à travers par le Nicaragua avait été comblée, comme la Cour l’avait
prescrit dans son ordonnance en indication de mesures conservatoires de 2013)132 ; et
g) qu’il y avait un risque qu’une liaison hydraulique permanente se crée entre le San Juan, le caño
oriental et la mer des Caraïbes, de sorte que le fleuve pourrait se jeter dans la mer par le caño133.
3.34. Dans ces conditions, le Secrétariat de la convention de Ramsar recommandait que
soient mises en oeuvre des
«mesures d’atténuation en vue d’endiguer les perturbations générées par le Caño Este
dans la HCN [Humedal Caribe Noreste]. Cela implique d’éviter que le contrôle
volumétrique qu’exerce actuellement le fleuve San Juan sur le comportement du
Caño Este et de la lagune dans laquelle il débouche (modification des niveaux
hydriques) ne risque de devenir un contrôle hydraulique par le débit  ce qui revient
à éviter toute mise en relation hydraulique entre le fleuve San Juan et la mer des
Caraïbes via la Laguna Este. Au moyen de mesures d’atténuation empruntant aux
technologies environnementales, il est par exemple possible, en recourant à des
matériaux présents dans la HCN, de stabiliser ou de renforcer la zone du Caño Este où
les eaux se divisent naturellement. De tels travaux pourraient temporairement
«contenir» toute augmentation du volume d’eau charrié par le Caño Este lors des
crues du fleuve San Juan. Lorsque l’on connaîtra mieux l’hydrodynamique du réseau
constitué par le fleuve San Juan, le Caño Este, la Laguna Este et le banc de sable, le
dispositif mis en place pourra être repensé.»134
3.35. Pour que les mesures d’atténuation requises puissent être mises en oeuvre, le Secrétariat
de la convention de Ramsar demandait au Costa Rica de soumettre un plan d’action, en lui
recommandant également de lancer un programme de surveillance rigoureux dans la région du
caño oriental135.
3.36. Comme demandé par le Secrétariat, le ministère costa-ricien de l’environnement et de
l’énergie a établi un plan d’action, daté du 12 août 2014136. Y étaient exposées en détail les mesures
proposées, qui consistaient à construire une digue pour empêcher que les eaux du fleuve San Juan
soient détournées à travers le caño oriental. Il y était expressément précisé que ces travaux avaient
pour but de «prévenir le risque imminent qui, à la suite d’une saison marquée par de fortes
131 Secrétariat de la convention de Ramsar, «rapport de la mission consultative Ramsar n° 77, 10-13 mars 2014»,
août 2014, pièce jointe n° 5 de la lettre ECRPB-090-2014 en date du 22 août 2014 adressée à M. Philippe Couvreur,
greffier de la Cour internationale de Justice, par M. Sergio Ugalde, coagent du Costa Rica, vol. II, annexe 22, p. 11 (de la
pièce jointe n° 5).
132 Ibid., annexe 22, p. 10 (de la pièce jointe n° 5).
133 Ibid., annexe 22, p. 17 (de la pièce jointe n° 5).
134 Rapport du ministère de l’environnement et de l’énergie du Costa Rica (MINAE), «mesures visant à la remise
en état provisoire du caño oriental», 12 août 2014, pièce jointe n° 4 de la lettre ECRPB-090-2014 en date du
22 août 2014 adressée à M. Philippe Couvreur, greffier de la Cour internationale de Justice, par M. Sergio Ugalde,
coagent du Costa Rica, vol. II, annexe 22, p. 18.
135 Ibid., annexe 22, p. 18-20 (de la pièce jointe n° 4).
136 Ibid., annexe 22, p. 18 (de la pièce jointe n° 4).
61
62
- 42 -
précipitations, exist[ait] de voir les eaux du fleuve pénétrer dans le caño, et le banc de sable céder,
reliant définitivement le fleuve à la mer des Caraïbes via le caño et causant, de la sorte, un
préjudice irréparable à la zone humide»137. L’emplacement prévu de cette digue est représenté sur
une photographie de septembre 2013 qui est reproduite sur la figure 3.5 ci-dessous.
Figure 3.5
Photographie montrant l’emplacement approximatif du projet de digue destiné à fermer le caño
oriental de 2013, afin d’empêcher qu’un préjudice irréparable soit causé
à l’environnement du territoire litigieux
Légende :
Location of the proposed dyke = Emplacement de la digue envisagée
3.37. Conformément au rapport du Secrétariat de la convention de Ramsar et au plan
convenu, le Costa Rica a, le 22 août 2014, informé la Cour de son intention d’exécuter les travaux
appropriés pour éviter que des dommages irréparables soient causés à l’environnement du territoire
litigieux138.
3.38. A cette fin, le Costa Rica a proposé de lancer le chantier en septembre 2014, et
demandé au Nicaragua de lui assurer qu’il ne l’empêcherait pas d’exercer son droit de libre
navigation sur le San Juan pour accéder au territoire litigieux et, ainsi, ne pas devoir s’y rendre
uniquement par les airs, mode de transport autrement plus coûteux139. Après avoir tout d’abord
137 Ibid., annexe 22, p. 11 (de la pièce jointe n° 4).
138 Lettre ECRPB-090-2014 en date du 22 août 2014 adressée à M. Philippe Couvreur, greffier de la Cour
internationale de Justice, par M. Sergio Ugalde, coagent du Costa Rica, vol. II, annexe 22, p. 1.
139 Ibid.
Location of
the proposed
dyke
63
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- 43 -
refusé de donner pareilles assurances140, le Nicaragua a consenti à ce que des bateaux du
Costa Rica empruntent le San Juan aux fins de l’exécution desdits travaux141. Ceux-ci ont par la
suite dû être reportés en raison de fortes précipitations qui s’étaient abattues dans la région du
fleuve et avaient provoqué des inondations dans certaines parties de la zone humide du nord-est des
Caraïbes142. Comme convenu avec le Nicaragua, et après l’en avoir informé, le Costa Rica a ensuite
tenté de faire naviguer ses bateaux sur le San Juan pour exécuter les travaux en question, mais le
Nicaragua s’y est opposé143, puis a confirmé son refus de laisser des navires costa-riciens
emprunter le fleuve à cet effet144.
3.39. Début décembre 2014, le Costa Rica a de nouveau essayé de s’entendre avec le
Nicaragua pour acheminer par voie fluviale un premier lot de matériel nécessaire à la construction
de la digue requise dans le caño oriental145. Le Nicaragua a tenté de subordonner tout
consentement à la navigation de bateaux costa-riciens sur le San Juan à la tenue d’une «réunion
technique» sur les travaux à réaliser146, ce qui témoignait d’une interprétation erronée de l’accord
conclu entre les Parties147. Lorsque le Costa Rica a voulu faire emprunter le San Juan à ses bateaux,
140 Lettre HOL-EMB-107 en date du 29 août 2014 adressée à M. Philippe Couvreur, greffier de la Cour
internationale de Justice, par M. Carlos Argüello, agent du Nicaragua, vol. II, annexe 23. Voir également la lettre
MRE/DM/AJ/414/09/14 en date du 19 septembre 2014 adressée à M. Manuel Gonzalez Sanz, ministre des affaires
étrangères et des cultes du Costa Rica, par M. Samuel Santos Lopez, ministre des affaires étrangères du Nicaragua,
vol. II, annexe 24, et la lettre DM-AM-0574-14 en date du 22 septembre 2014 adressée à M. Samuel Santos Lopez,
ministre des affaires étrangères du Nicaragua, par M. Alejandro Solano Ortiz, ministre par intérim des affaires étrangères
et des cultes du Costa Rica, vol. II, annexe 25.
141 Lettre HOL-EMB-124 en date du 23 septembre 2014 adressée à M. Philippe Couvreur, greffier de la Cour
internationale de Justice, par M. Carlos Argüello, agent du Nicaragua, vol. II, annexe 26. Cette lettre contenait des
affirmations factuelles erronées, que le Costa Rica a rectifiées dans la lettre ECRPB-103-14 en date du
25 septembre 2014 adressée à M. Philippe Couvreur, greffier de la Cour internationale de Justice, par M. Sergio Ugalde,
coagent du Costa Rica, vol. II, annexe 27.
142 Voir le rapport du Costa Rica en date du 21 novembre 2014 concernant la mise en oeuvre des mesures
conservatoires, par. 8, transmis sous le couvert de la lettre ECRPB-116-2014 en date du 21 novembre 2014 adressée à
M. Philippe Couvreur, greffier de la Cour internationale de Justice, par M. Sergio Ugalde, coagent du Costa Rica, vol. II,
annexe 28.
143 Rapport du Costa Rica en date du 21 novembre 2014 concernant la mise en oeuvre des mesures conservatoires,
par. 8-9, transmis sous le couvert de la lettre ECRPB-116-2014 en date du 21 novembre 2014 adressée à M. Philippe
Couvreur, greffier de la Cour internationale de Justice, par M. Sergio Ugalde, coagent du Costa Rica, vol. II, annexe 28.
Voir également Costa Rica, ministère de l’environnement et de l’énergie, «Compte rendu de la notification, par les agents
du Costa Rica, de leur entrée sur le fleuve San Juan pour naviguer jusqu’au territoire qualifié de litigieux par la Cour
internationale de Justice», 12 novembre 2014, pièce jointe n° 2 de la lettre ECRPB-116-2014 en date du
21 novembre 2014 adressée à M. Philippe Couvreur, greffier de la Cour internationale de Justice, par M. Sergio Ugalde,
coagent du Costa Rica, vol. II, annexe 28.
144 Lettre MRE-DM-DGAJST-456-11-14 en date du 11 novembre 2014 adressée au ministre des affaires
étrangères du Costa Rica par le ministre des affaires étrangères du Nicaragua, pièce jointe n° 3 de la lettre ECRPB-
116-2014 en date du 21 novembre 2014 adressée à M. Philippe Couvreur, greffier de la Cour internationale de Justice,
par M. Sergio Ugalde, coagent du Costa Rica, vol. II, annexe 28.
145 Lettre DM-AM-0774-11-14 en date du 2 décembre 2014 adressée au ministre des affaires étrangères du
Nicaragua par le ministre des affaires étrangères et des cultes du Costa Rica, pièce jointe n° 1 du rapport du Costa Rica en
date du 20 février 2015 concernant la mise en oeuvre des mesures conservatoires, transmis sous le couvert de la lettre
ECRPB-020-2015, vol. II, annexe 29.
146 Lettre MRE/DM/677/12/14 en date du 2 décembre 2014 adressée au ministre des affaires étrangères et des
cultes du Costa Rica par le ministre des affaires étrangères du Nicaragua, pièce jointe n° 2 du rapport du Costa Rica en
date du 20 février 2015 concernant la mise en oeuvre des mesures conservatoires, transmis sous le couvert de la
lettre ECRPB-020-2015, vol. II, annexe 29.
147 Lettre DM-AM-0789-14 en date du 4 décembre 2014 adressée au ministre des affaires étrangères du
Nicaragua par le ministre par intérim des affaires étrangères et des cultes du Costa Rica, pièce jointe n° 3 du rapport du
Costa Rica en date du 20 février 2015 concernant la mise en oeuvre des mesures conservatoires, transmis sous le couvert
de la lettre ECRPB-020-2015, vol. II, annexe 29.
65
- 44 -
le 5 décembre, le Nicaragua l’en a empêché148. Soucieux de parvenir à une entente, le Costa Rica
lui a proposé d’organiser une réunion avant que ses bateaux n’empruntent le San Juan à destination
du territoire litigieux149. Le Nicaragua a alors exigé, comme condition préalable à la tenue d’une
telle réunion, que le Costa Rica s’engage à se conformer aux dispositions du décret 079-2009 ainsi
qu’à lui soumettre, pour vérification, les mesures qu’il envisageait de prendre à l’intérieur du
territoire litigieux150. Le Costa Rica a indiqué qu’il ne pouvait consentir à aucune de ces requêtes
déraisonnables et injustifiées, mais qu’il acceptait néanmoins de bonne foi de participer à la
réunion prévue151. Au cours de cette réunion qui s’est tenue le 17 décembre 2014, la délégation
nicaraguayenne a toutefois cherché à subordonner à de nouvelles conditions la navigation des
bateaux costa-riciens sur le San Juan, avant de finalement refuser d’autoriser cette navigation152. Le
Costa Rica ne pouvait qu’en conclure que, selon toute apparence, le Nicaragua n’était pas disposé à
faciliter la navigation des bateaux costa-riciens afin de lui permettre de procéder aux travaux requis
pour fermer le caño oriental153 ; le Costa Rica a donc pris des dispositions pour accéder à la zone
concernée par voie aérienne (ce qui entraînait inévitablement des dépenses supplémentaires, ainsi
qu’il sera exposé plus loin)154.
3.40. En faisant obstacle à la navigation des bateaux costa-riciens sur le San Juan, le
Nicaragua a retardé les opérations, puisque le Costa Rica a dû faire approuver le financement de
l’acheminement aérien puis passer un contrat, par appel d’offres, avec une entreprise privée pour
affréter un hélicoptère civil155. Il a dû louer un hélicoptère civil car son service de surveillance
aérienne ne possède aucun type d’appareil adapté à la mission requise, laquelle incluait par
exemple le transport de sacs de sable pesant presque une tonne chacun. Des policiers et des agents
de la zone de conservation de Tortuguero ont apporté leur concours au sol, aidant notamment à
148 Costa Rica, ministère de l’environnement et de l’énergie, compte rendu de la mission du 5 décembre 2014
intitulé «Compte rendu de la notification, par les agents du Costa Rica, de leur entrée sur le fleuve San Juan pour
naviguer jusqu’au territoire qualifié de litigieux par la Cour internationale de Justice», pièce jointe n° 4 du rapport du
Costa Rica en date du 20 février 2015 concernant la mise en oeuvre des mesures conservatoires, transmis sous le couvert
de la lettre ECRPB-020-2015, vol. II, annexe 29.
149 Lettre DM-AM-0818-14 en date du 12 décembre 2014 adressée au ministre des affaires étrangères du
Nicaragua par le ministre des affaires étrangères et des cultes du Costa Rica, pièce jointe n° 6 du rapport du Costa Rica en
date du 20 février 2015 concernant la mise en oeuvre des mesures conservatoires, transmis sous le couvert de la lettre
ECRPB-020-2015, vol. II, annexe 29.
150 Lettre MRE/DM-AJ/482/12/14 en date du 15 décembre 2014 adressée au ministre des affaires étrangères et
des cultes du Costa Rica par le ministre des affaires étrangères du Nicaragua, pièce jointe n° 7 du rapport du Costa Rica
en date du 20 février 2015 concernant la mise en oeuvre des mesures conservatoires, transmis sous le couvert de la lettre
ECRPB-020-2015, vol. II, annexe 29.
151 Lettre DM-AM-0826-14 en date du 16 décembre 2014 adressée au ministre des affaires étrangères du
Nicaragua par le ministre par intérim des affaires étrangères et des cultes du Costa Rica, pièce jointe n° 8 du rapport du
Costa Rica en date du 20 février 2015 concernant la mise en oeuvre des mesures conservatoires, transmis sous le couvert
de la lettre ECRPB-020-2015, vol. II, annexe 29.
152 Costa Rica, ministère de l’environnement et de l’énergie, compte rendu de la réunion tenue avec les autorités
nicaraguayennes le 17 décembre 2014, intitulé «Compte rendu de la réunion tenue le 17 décembre 2014 dans les locaux
du poste de l’armée nicaraguayenne de Delta aux fins de la notification, par les agents du Costa Rica, de leur entrée sur le
fleuve San Juan pour naviguer jusqu’au territoire d’Isla Portillos déclaré litigieux par la Cour internationale de Justice en
l’affaire Costa Rica c. Nicaragua», pièce jointe n° 9 du rapport du Costa Rica en date du 20 février 2015 concernant la
mise en oeuvre des mesures conservatoires, transmis sous le couvert de la lettre ECRPB-020-2015, vol. II, annexe 29.
153 Lettre DM-AM-0832-14 en date du 18 décembre 2014 adressée au ministre des affaires étrangères du
Nicaragua par le ministre des affaires étrangères et des cultes du Costa Rica, pièce jointe n° 10 du rapport du Costa Rica
en date du 20 février 2015 concernant la mise en oeuvre des mesures conservatoires, transmis sous le couvert de la lettre
ECRPB-020-2015, vol. II, annexe 29.
154 Rapport du Costa Rica en date du 20 février 2015 concernant la mise en oeuvre des mesures conservatoires,
transmis sous le couvert de la lettre ECRPB-020-2015, vol. II, annexe 29, par. 18-20.
155 Rapport du Costa Rica en date du 20 février 2015 concernant la mise en oeuvre des mesures conservatoires,
transmis sous le couvert de la lettre ECRPB-020-2015, vol. II, annexe 29, par. 20.
66
- 45 -
remplir les sacs de sable, de sorte que l’entreprise privée mandatée pour construire la digue puisse
faire les travaux dans les meilleurs délais. L’hélicoptère a également servi à placer les sacs
nécessaires à la construction de la digue : les photographies reproduites ci-dessous à la figure 3.6 le
montrent en train d’effectuer cette tâche les 3 et 4 avril 2015.
Figure 3.6
Photographies de l’hélicoptère civil en train de transporter
et déposer, les 3 et 4 avril 2015, des sacs de sable dans
le caño oriental de 2013
67
- 46 -
3.41. Une fois ce long et fastidieux processus achevé, le Costa Rica a, le 30 mars 2015,
informé la Cour, le Nicaragua et le Secrétariat de la convention de Ramsar qu’il allait débuter les
travaux nécessaires pour empêcher qu’un préjudice irréparable soit causé à l’environnement du
territoire litigieux, conformément au plan d’action convenu avec ledit Secrétariat156. Les travaux
ont duré sept jours, du 31 mars au 6 avril 2015157. Leur réalisation a requis l’achat de matériaux
divers, dont 650 mètres carrés de géotextile, des cordes, du plastique et des pelles. Un rapport
complet sur les travaux liés à la construction de la digue est joint sous l’annexe 4158.
3.42. Le Costa Rica a également informé la Cour que ses agents chargés de la protection de
l’environnement se rendraient périodiquement sur le territoire litigieux pour vérifier l’état des
ouvrages et apprécier si d’éventuels aménagements ou nouveaux travaux seraient nécessaires pour
empêcher qu’un préjudice irréparable soit causé à l’environnement dudit territoire, étant entendu
que ces visites seraient effectuées conformément aux ordonnances en indication de mesures
conservatoires rendues par la Cour159. Après en avoir préalablement informé le Nicaragua, le
Secrétariat de la convention de Ramsar et la Cour, le Costa Rica a effectué des survols du territoire
litigieux en juin, en juillet et en octobre 2015, afin d’évaluer les travaux de construction de la digue
dans le caño oriental. Ces survols ont permis de confirmer que les travaux avaient été efficaces160.
3.43. Dans le tableau 3.4 ci-dessous sont décrites les dépenses engagées par le Costa Rica
pour procéder aux travaux nécessaires à la prévention de tout préjudice irréparable sur son territoire
pendant la procédure en cours :
156 Lettre ECRPB-046-2015 en date du 30 mars 2015 adressée à M. Philippe Couvreur, greffier de la Cour
internationale de Justice, par M. Sergio Ugalde, coagent du Costa Rica, vol. II, annexe 30. Voir également le rapport du
Costa Rica en date du 22 mai 2015 concernant la mise en oeuvre des mesures conservatoires, transmis sous le couvert de
la lettre ECRPB-080-2015, vol. II, annexe 31, par. 3-4.
157 Lettre ECRPB-098-201[5] en date du 16 juillet 2015 adressée à M. Philippe Couvreur, greffier de la Cour
internationale de Justice, par M. Sergio Ugalde, coagent du Costa Rica (vol. II, annexe 32), apportant une correction
relative au nombre et au poids des sacs de sable.
158 Ministère de l’environnement et de l’énergie du Costa Rica (MINAE), rapport en date du 16 avril 2015
concernant les travaux réalisés du 26 mars au 10 avril 2015, vol. I, annexe 4.
159 Rapport du Costa Rica en date du 22 mai 2015 concernant la mise en oeuvre des mesures conservatoires,
transmis sous le couvert de la lettre ECRPB-080-2015, vol. II, annexe 31, par. 5.
160 Rapport du Costa Rica en date du 21 août 2015 concernant la mise en oeuvre des mesures conservatoires,
transmis sous le couvert de la lettre ECRPB-111-2015, vol. II, annexe 33, par. 3-4 ; rapport du Costa Rica en date du
20 novembre 2015 concernant la mise en oeuvre des mesures conservatoires, transmis sous le couvert de la
lettre ECRPB-137-2015, vol. II, annexe 34, par. 3-4.
69
68
- 47 -
Tableau 3.4
Dépenses engagées par le Costa Rica pour procéder aux travaux requis dans le caño oriental
de 2013 afin de prévenir tout préjudice irréparable sur son territoire
Date de la dépense Description de la dépense Montant
(en dollars E.-U.)
Justificatif
25 juillet 2014 Heures de vol de l’hélicoptère civil loué à une
entreprise privée pour effectuer une visite sur
le territoire litigieux, aux fins d’évaluer la
situation dans les deux caños et de déterminer
en conséquence les mesures à prendre pour
prévenir tout préjudice irréparable à
l’environnement dudit territoire161 (voir plus
haut, par. 3.32).
6 183,00 Annexe 15
26 mars-10 avril 2015 Matériaux de construction et location d’un
hélicoptère civil à une entreprise privée pour
transporter le personnel et le matériel
nécessaires à la construction de la digue dans
le caño oriental (voir plus haut, par. 3.34)
156 446,27 Annexe 15
9 juin 2015 Heures de vol de l’hélicoptère civil loué à une
entreprise privée pour se rendre sur le territoire
litigieux aux fins d’évaluer l’efficacité des
travaux réalisés en mars et en avril 2015 (voir
plus haut, par. 3.32)
11 070,75 Annexe 15
8 juillet 2015 Heures de vol de l’hélicoptère civil loué à une
entreprise privée pour se rendre sur le territoire
litigieux aux fins d’évaluer l’efficacité des
travaux réalisés en mars et en avril 2015 (voir
plus haut, par. 3.42)
10 689,00 Annexe 15
3 octobre 2015 Heures de vol de l’hélicoptère civil loué à une
entreprise privée pour se rendre sur le territoire
litigieux aux fins d’évaluer l’efficacité des
travaux réalisés en mars et en avril 2015 (voir
plus haut, par. 3.42)
11 282,00162 Annexe 15
Total 195 671,02
3.44. Les dommages matériels subis par le Costa Rica en conséquence directe des activités
illicites menées sur son territoire par le Nicaragua se divisent selon les catégories et montants
exposés ci-après :
a) dommages que le Nicaragua a causés à l’environnement en creusant un premier caño en
2010-2011, puis le caño oriental de 2013 : évalués au minimum à 2 880 745,82 dollars des
Etats-Unis ;
b) dépenses engagées par le Costa Rica du fait des activités illicites menées sur son sol par le
Nicaragua, notamment :
161 Dans la demande présentée au Nicaragua aux fins de négociation, le montant correspondant à ce survol a été
inversé, par inadvertance, avec celui du survol en date du 25 juillet 2014, mais cette correction n’a pas d’incidence sur le
montant global de l’indemnisation demandée.
En outre, s’agissant du survol du 25 juillet 2014, le Costa Rica ne demande d’indemnisation que pour le coût des
heures de vol et non pour le salaire ou les indemnités de subsistance du personnel navigant.
162 Le montant donné pour cette dépense dans la demande présentée au Nicaragua avait été sous-évalué. Après
vérification au vu des éléments de preuve, le montant correct est celui qui figure ici.
70
71
- 48 -
i) dépenses engagées entre octobre 2010 et mars 2011 du fait de la présence et des activités
illicites du Nicaragua sur le territoire litigieux, pour un montant total de 80 926,45 dollars
des Etats-Unis ;
ii) dépenses engagées pour assurer la surveillance du territoire litigieux, en conséquence
directe des activités illicites du Nicaragua et en application des ordonnances en indication
de mesures conservatoires rendues par la Cour en 2011 et en 2013, pour un montant total
de 3 551 433,67 dollars des Etats-Unis ;
iii) dépenses engagées pour assurer la mise en oeuvre de l’ordonnance en indication de
mesures conservatoires rendue par la Cour en 2013, s’agissant des travaux nécessaires
pour empêcher qu’un préjudice irréparable soit causé à l’environnement du territoire
litigieux, dépenses rendues nécessaires en conséquence directe des activités illicites du
Nicaragua en territoire costa-ricien, pour un montant total de 195 671,02 dollars des
Etats-Unis.
3.45. Le montant total de l’indemnisation réclamée par le Costa Rica s’élève à
6 708 776,96 dollars des Etats-Unis. Ce montant est justifié par les éléments de preuve avancés et
présentés au chapitre 3 du présent mémoire. Le Costa Rica demande que ce montant lui soit versé
immédiatement et en totalité, faute de quoi il demande des intérêts moratoires, ainsi qu’il est
exposé plus avant ci-dessous. C’est en juin 2016 que le Costa Rica a présenté sa demande
d’indemnisation au Nicaragua ; celui-ci n’a pas accepté la proposition qui lui était faite de débattre
la question dans le cadre de négociations bilatérales et a tardé plus de cinq mois à répondre à la
lettre que le Costa Rica lui avait adressée en juin. Dans ces conditions, le Costa Rica estime avoir
droit à une indemnisation immédiate, ou à défaut au versement d’intérêts moratoires.
3.46. En outre, comme il a été exposé précédemment au chapitre 2, le Costa Rica demande
des intérêts compensatoires sur l’ensemble des indemnités auxquelles il peut prétendre en
conséquence directe des activités illicites du Nicaragua. Bien que les dépenses qu’il a dû engager
soient, pour l’essentiel, intervenues entre octobre 2010 et décembre 2015, le Costa Rica ne présente
qu’une demande modeste d’intérêts compensatoires pour la période ayant commencé à courir le
16 décembre 2015, date de l’arrêt rendu par la Cour sur le fond de l’affaire. Il demande que le taux
annuel de ces intérêts compensatoires soit fixé à 6 %. Le montant total des intérêts pour la période
allant du 16 décembre 2015 à la date du dépôt du présent mémoire (soit le 3 avril 2017) s’élève à
522 733,19 dollars des Etats-Unis. Ce montant devra être ajusté en fonction de la date à laquelle
sera rendu l’arrêt de la Cour sur la question de l’indemnisation. Le Costa Rica se tient à la
disposition de la Cour pour lui fournir un montant actualisé des intérêts compensatoires.
3.47. Le Costa Rica demande également des intérêts moratoires sur l’ensemble des
indemnités auxquelles il peut prétendre, au titre à la fois de toutes les dépenses qu’il a engagées et
des dommages environnementaux quantifiés qu’il a subis, au taux annuel de 6 %. Comme il a été
exposé précédemment au paragraphe 2.32, cette demande est conforme à la position adoptée par la
Cour en l’affaire Ahmadou Sadio Diallo (République de Guinée c. République démocratique du
Congo)163, et elle est raisonnable et justifiée, les taux d’intérêt n’ayant pas changé de manière
substantielle depuis cette affaire.
163 Ahmadou Sadio Diallo (République de Guinée c. République démocratique du Congo), indemnisation, arrêt,
C.I.J. Recueil 2012 (I), p. 343, par. 56.
72
- 49 -
CONCLUSIONS
1. Le Costa Rica prie respectueusement la Cour d’ordonner au Nicaragua de verser
immédiatement au Costa Rica :
a) la somme de 6 708 776,96 dollars des Etats-Unis ; et
b) la somme de 522 733,19 dollars des Etats-Unis correspondant au montant total des intérêts
compensatoires pour la période allant jusqu’au 3 avril 2017, montant qui devra être ajusté en
fonction de la date à laquelle sera rendu l’arrêt de la Cour sur la présente demande
d’indemnisation.
2. Dans l’hypothèse où le Nicaragua ne verserait pas immédiatement les sommes demandées,
le Costa Rica prie respectueusement la Cour d’ordonner à celui-ci de verser des intérêts moratoires
au taux annuel de 6 %.
Fait à La Haye, le 3 avril 2017.
Le coagent du Costa Rica,
ambassadeur,
M. Sergio UGALDE.
73
- 50 -
CERTIFICATION
J’ai l’honneur de certifier que les documents annexés au présent mémoire sont des copies
exactes et conformes des documents originaux et que leur traduction anglaise établie par le
Costa Rica est exacte.
Fait à La Haye, le 3 avril 2017.
Le coagent du Costa Rica,
ambassadeur,
M. Sergio UGALDE.
75
- 51 -
LISTE DES ANNEXES
Rapports techniques
N° Document Page
1. Fundación Neotrópica, «Evaluation pécuniaire des dommages à l’environnement
résultant de la construction de caños et de l’arrachage d’arbres et de végétation
par le Gouvernement nicaraguayen sur le territoire costa-ricien d’Isla Portillos,
déposée en application de l’arrêt de la Cour internationale de Justice du
16 décembre 2015», 3 juin 2016
1
2. Fundación Neotrópica, «Addenda explicatifs au rapport intitulé «Evaluation
pécuniaire des dommages à l’environnement résultant de la construction de
caños et de l’arrachage d’arbres et de végétation par le Gouvernement
nicaraguayen sur le territoire costa-ricien d’Isla Portillos, déposée en application
de l’arrêt de la Cour internationale de Justice du 16 décembre 2015», en réponse
à la demande d’éclaircissements formulée par le Nicaragua dans sa lettre
HOL-EMB-280 en date du 18 novembre 2016 adressée à l’ambassadeur du
Costa Rica, M. Sergio Ugalde», 8 décembre 2016
62
3. Ministère des affaires étrangères du Costa Rica, «nouveaux travaux dans la zone
humide du nord-est des Caraïbes», rapport à l’intention du Secrétariat exécutif
de la convention de Ramsar sur les zones humides, juillet 2013 [non traduite]
4. Ministère de l’environnement et de l’énergie du Costa Rica (MINAE), rapport en
date du 16 avril 2015 concernant les travaux réalisés du 26 mars au 10 avril 2015
70
Déclaration de témoin
5. Déclaration sous serment de M. Mario Zamora Cordero, ancien ministre de la
sécurité publique du Costa Rica, en date du 22 mars 2017
74
VOLUME II
N° Document
Rapports sur les dépenses engagées par le Costa Rica en conséquence des activités
illicites du Nicaragua
6. Zone de conservation de Tortuguero, réseau national des zones de conservation, rapport
sur les dépenses engagées pour gérer la situation découlant de l’occupation d’Isla Calero
par le Nicaragua, 8 janvier 2016
7. Garde côtière nationale du Costa Rica, département des salaires et traitements, rapport
sur les heures de travail effectuées par le personnel de la garde côtière dans le cadre de
missions menées par suite de l’occupation d’un territoire costa-ricien par le Nicaragua,
21 octobre 2010-19 janvier 2015
8. Garde côtière nationale du Costa Rica, département des salaires et traitements, tableau
indiquant la rémunération moyenne des garde-côtes, 2010-2015
- 52 -
9. Service national de surveillance aérienne du Costa Rica, département des opérations
aéronautiques, rapport sur les dépenses liées aux opérations, 2 mars 2016
10. Service national de surveillance aérienne du Costa Rica, département des salaires et
traitements, rapport sur les rémunérations versées d’octobre 2010 à avril 2011
11. Service national de surveillance aérienne du Costa Rica, département des salaires et
traitements, tableau indiquant la rémunération moyenne des pilotes, 2010-2011
12. Service national de surveillance aérienne du Costa Rica, département des opérations
aéronautiques, journaux de bord, 14 avril 2016
13. Ministère de la sécurité du Costa Rica, département des salaires et traitements, rapport
sur la rémunération versée au personnel de la police de mars 2011 à décembre 2015
14. Ministère de la sécurité du Costa Rica, direction de la police des frontières, rapport sur
les frais de maintenance et d’équipement du poste de police d’Agua Dulce, factures à
l’appui, mars 2016
15. Commission nationale du Costa Rica pour la prévention des risques et la gestion des
situations d’urgence (CNE), département chargé des processus de reconstruction,
rapport sur les dépenses engagées par la commission pour gérer la situation découlant de
la violation par le Nicaragua de la souveraineté costa-ricienne, factures à l’appui,
4 avril 2016
16. Ministère des affaires étrangères et des cultes, rapport et factures relatifs aux dépenses
engagées par le ministère pour l’acquisition d’images satellite et le traitement de
données géospatiales correspondant à la zone d’Isla Portillos et de l’embouchure du
fleuve San Juan, 1er décembre 2010-2 octobre 2015
17. Ministère des affaires étrangères et des cultes, rapport et factures relatifs aux dépenses
engagées par le ministère pour l’obtention de rapports de l’UNITAR/UNOSAT
analysant les images satellite afin de détecter toute modification environnementale au
Costa Rica, décembre 2010 et septembre 2011
Correspondance
18. Lettre ECRPB-029-11 en date du 8 avril 2011 adressée à M. Philippe Couvreur, greffier
de la Cour internationale de Justice, par M. Jorge Urbina, coagent du Costa Rica (pièces
jointes omises)
19. Lettre ECRPB-094 en date du 9 décembre 2013 adressée à M. Philippe Couvreur,
greffier de la Cour internationale de Justice, par M. Jorge Urbina, coagent du Costa Rica
20. Lettre ECRPB-056 en date du 10 mars 2014 adressée à M. Philippe Couvreur, greffier
de la Cour internationale de Justice, par M. Jorge Urbina, coagent du Costa Rica
21. Lettre ECRPB-078 en date du 17 juillet 2014 adressée à M. Philippe Couvreur, greffier
de la Cour internationale de Justice, par M. Jorge Urbina, coagent du Costa Rica
22. Lettre ECRPB-090-2014 en date du 22 août 2014 adressée à M. Philippe Couvreur,
greffier de la Cour internationale de Justice, par M. Sergio Ugalde, coagent du
Costa Rica (avec pièces jointes)
- 53 -
23. Lettre HOL-EMB-107 en date du 29 août 2014 adressée à M. Philippe Couvreur,
greffier de la Cour internationale de Justice, par M. Carlos Argüello, agent du Nicaragua
24. Lettre MRE/DM/AJ/414/09/14 en date du 19 septembre 2014 adressée à M. Manuel
Gonzalez Sanz, ministre des affaires étrangères et des cultes du Costa Rica, par M.
Samuel Santos Lopez, ministre des affaires étrangères du Nicaragua
25. Lettre DM-AM-0574-14 en date du 22 septembre 2014 adressée à M. Samuel Santos
Lopez, ministre des affaires étrangères du Nicaragua, par M. Alejandro Solano Ortiz,
ministre par intérim des affaires étrangères et des cultes du Costa Rica
26. Lettre HOL-EMB-124 en date du 23 septembre 2014 adressée à M. Philippe Couvreur,
greffier de la Cour internationale de Justice, par M. Carlos Argüello, agent du Nicaragua
(pièce jointe omise)
27. Lettre ECRPB-103-14 en date du 25 septembre 2014 adressée à M. Philippe Couvreur,
greffier de la Cour internationale de Justice, par M. Sergio Ugalde, coagent du
Costa Rica
28. Lettre ECRPB-116-2014 en date du 21 novembre 2014 adressée à M. Philippe
Couvreur, greffier de la Cour internationale de Justice, par M. Sergio Ugalde, coagent
du Costa Rica (avec pièces jointes)
29. Rapport du Costa Rica en date du 20 février 2015 concernant la mise
en oeuvre des mesures conservatoires, transmis sous le couvert de la
lettre ECRPB-020-2015 (avec pièces jointes)
30. Lettre ECRPB-046-2015 en date du 30 mars 2015 adressée à M. Philippe Couvreur,
greffier de la Cour internationale de Justice, par M. Sergio Ugalde, coagent du
Costa Rica
31. Rapport du Costa Rica en date du 22 mai 2015 concernant la mise en oeuvre des mesures
conservatoires, transmis sous le couvert de la lettre ECRPB-080-2015
32. Lettre ECRPB-098-2015 en date du 16 juillet 2015 adressée à M. Philippe Couvreur,
greffier de la Cour internationale de Justice, par M. Sergio Ugalde, coagent du Costa
Rica
33. Rapport du Costa Rica en date du 21 août 2015 concernant la mise en oeuvre des
mesures conservatoires, transmis sous le couvert de la lettre ECRPB-111-2015
34. Rapport du Costa Rica en date du 20 novembre 2015 concernant la
mise en oeuvre des mesures conservatoires, transmis sous le couvert de la
lettre ECRPB-137-2015
35. Lettre ECRPB-043-16 en date du 7 juin 2016 adressée à M. Carlos Argüello, agent du
Nicaragua, par M. Sergio Ugalde, coagent du Costa Rica
36. Lettre ECRPB-092-16 en date du 5 octobre 2016 adressée à M. Carlos Argüello, agent
du Nicaragua, par M. Sergio Ugalde, coagent du Costa Rica
37. Lettre HOL-EMB-280 en date du 18 novembre 2016 adressée à M. Sergio Ugalde,
coagent du Costa Rica, par M. Carlos Argüello, agent du Nicaragua
- 54 -
38. Lettre ECRPB-148-16 en date du 14 décembre 2016 adressée à M. Carlos Argüello,
agent du Nicaragua, par M. Sergio Ugalde, coagent du Costa Rica (pièces jointes
omises)
39. Lettre DVA-284-2017 en date du 21 mars 2017 adressée à M. Alejandro Solano,
ministre par intérim des affaires étrangères et des cultes, par Mme Bernardita Marín
Salazar, vice-ministre de la sécurité
___________
RAPPORTS TECHNIQUES
ANNEXE 1
FUNDACIÓN NEOTRÓPICA,
«EVALUATION PÉCUNIAIRE DES DOMMAGES À L’ENVIRONNEMENT RÉSULTANT
DE LA CONSTRUCTION DE CAÑOS ET DE L’ARRACHAGE D’ARBRES ET
DE VÉGÉTATION PAR LE GOUVERNEMENT NICARAGUAYEN
SUR LE TERRITOIRE COSTA-RICIEN D’ISLA PORTILLOS,
DÉPOSÉE EN APPLICATION DE L’ARRÊT DE LA COUR
INTERNATIONALE DE JUSTICE
DU 16 DÉCEMBRE 2015»
3 juin 2016
Bernardo Aguilar González
Marcia Carranza Vargas
Marco Hidalgo Chaverri
Adriana Fernández Sánchez
Equipe technique :
Coordinateur : Bernardo Aguilar González (directeur exécutif, économiste écologiste et
avocat spécialisé dans le droit rural et de l’environnement, Fundación Neotrópica)
Techniciens : Marcia Carranza Vargas (coordinatrice du Groupe d’analyse)
Marco Hidalgo Chaverri (technicien en biologie tropicale, Groupe d’analyse, Fundación
Neotrópica)
Adriana Fernández Sánchez (technicienne en gestion de l’environnement, Groupe d’analyse,
Fundación Neotrópica)
Cités comme suit :
Aguilar González, B. ; Carranza Vargas, M. ; Hidalgo Chaverri, M. et Fernández Sánchez,
A. (2016). Evaluation pécuniaire des dommages à l’environnement résultant de la construction de
caños et de l’arrachage d’arbres et de végétation par le Gouvernement nicaraguayen sur le territoire
costa-ricien d’Isla Portillos, dans la zone humide dite la «Humedal Caribe Noreste», déposée en
application de l’arrêt de la Cour internationale de Justice à la Haye. Fundación Neotrópica, San
José, Costa Rica.
TABLE DES MATIÈRES
Page
I. INTRODUCTION......................................................................................................................... 1
II. CADRE DESCRIPTIF ET JURIDIQUE DE L’ÉVALUATION PÉCUNIAIRE DES DOMMAGES :
ARRÊT DE LA COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE DU 16 DÉCEMBRE 2015 ............................ 2
III. CONTEXTE TECHNIQUE ET ENVIRONNEMENTAL DE L’ÉVALUATION PÉCUNIAIRE
DES DOMMAGES ....................................................................................................................... 4
IV. APERÇU DE L’ÉTAT DES CONNAISSANCES AU NIVEAU INTERNATIONAL EN MATIÈRE
D’ÉVALUATION PÉCUNIAIRE DE DOMMAGES ENVIRONNEMENTAUX ..................................... 10
A. Biens et services écosystémiques ou environnementaux ................................................. 11
1. Services d’approvisionnement ................................................................................... 13
2. Services de régulation ................................................................................................ 14
3. Services culturels ....................................................................................................... 15
4. Services de soutien ..................................................................................................... 16
B. Approche théorique de l’économie des ressources naturelles et de l’économie
écologique pour l’évaluation des services écosystémiques et des dommages
environnementaux ............................................................................................................ 16
1. Existence de divers types de capital ........................................................................... 16
2. Evaluation pécuniaire des services écosystémiques .................................................. 18
3. Application du cadre susmentionné aux zones humides : recommandations
de la convention de Ramsar ....................................................................................... 22
4. Cadre de l’évaluation des dommages environnementaux .......................................... 27
C. Applications des cadres décrits au Costa Rica et en Amérique latine ............................. 30
1. Evaluation des services écosystémiques .................................................................... 30
2. Evaluation des dommages environnementaux ........................................................... 34
V. ESTIMATION DE LA VALEUR PÉCUNIAIRE DES DOMMAGES ENVIRONNEMENTAUX
CAUSÉS SUR ISLA PORTILLOS, CONFORMÉMENT AUX FAITS CONSTATÉS DANS L’ARRÊT
DE LA COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE DU 16 DÉCEMBRE 2015 ..................................... 39
A. Détermination préliminaire des biens et services écosystémiques à prendre
en considération ............................................................................................................... 39
B. Evaluation de la disponibilité des données et perfectionnement de la méthode
d’estimation ..................................................................................................................... 46
C. Recueil et traitement méthodologique des données requises ........................................... 50
E. Résultats ........................................................................................................................... 54
1. Dommages environnementaux causés aux biens et services écosystémiques
recensés mais non évalués ......................................................................................... 55
2. Valeur pécuniaire estimée des dommages environnementaux ................................... 57
VI.RÉSUMÉ ET CONCLUSION ............................................................................................................ 60
- ii -
Bibliographie et appendices non traduits
Appendice 1. Liste des études utilisées pour les estimations fondées sur la méthode de
transfert de valeurs
Appendice 2. Prix utilisés pour le bois sur pied
Appendice 3. Valeurs pécuniaires pondérées pour le transfert de valeurs
Tableaux (table des matières)
Page
Tableau 1. Cadre descriptif : faits constatés dans l’arrêt de la Cour internationale de
Justice du 16 décembre 2015. Source : Certaines activités menées par le
Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua) et
Construction d’une route au Costa Rica le long du fleuve San Juan
(Nicaragua c. Costa Rica), C.I.J. Recueil 2015 (II)
2
Tableau 2. Eléments d’appréciation présentés par le Gouvernement costa-ricien relatifs à
l’établissement des faits présentant un intérêt sur le plan technique pour
l’évaluation pécuniaire des dommages causés. Source : Préparé par les
auteurs sur la base des sources citées
6
Tableau 3. Services écosystémiques du cadre d’analyse sur la base de l’Evaluation des
écosystèmes pour le millénaire. Source : Adaptation d’après Kocian, Batker
& Harrison-Cox, 2011, d’après De Groot et al. (2002)
13
Tableau 4. Adéquation des méthodes d’évaluation des services environnementaux et de
la transférabilité selon les types de services écosystémiques inclus. Source :
Liu et al. (2010)
22
Tableau 5. Services procurés par certaines zones humides côtières sélectionnées et
importance relative de chaque service. Source : Adaptation d’après De Groot
et al. (2007)
25
Tableau 6. Récapitulatif/recension de la littérature sur l’évaluation par Moreno (2005).
Source : Résumé par Moreno (2005)
31
Tableau 7. Contextes méthodologiques appliqués à l’évaluation des dommages en
Equateur et au Costa Rica. Source : préparé par les auteurs sur la base des
études citées
36
Tableau 8. Sélection préliminaire des biens et services écosystémiques pour l’évaluation
pécuniaire réalisée par l’équipe d’évaluation et l’équipe technique du SINAC
ainsi que le ministère costa-ricien des affaires étrangères. Source : Préparé par
les auteurs
42
Tableau 9. Méthodes les plus utilisées dans la littérature et données requises pour
l’évaluation pécuniaire des biens et services écosystémiques présélectionnés.
Source : Préparé par nous
46
Tableau 10. Etudes de référence pour le transfert de valeurs en conformité avec les
spécifications adoptées. Source : Préparé par les auteurs
47
Tableau 11. Sélection finale des biens et services écosystémiques en vue de leur
évaluation et description qualitatives, selon les données et ressources
disponibles et sur la base des études de référence. Source : Préparé par les
auteurs
48
Tableau 12. Emplacement des données requises dans les sources parmi les données
techniques disponibles pour étayer l’évaluation pécuniaire ou la description
qualitative. Source : Préparé par les auteurs
51
- iii -
Tableau 13. Description qualitative des biens et services écosystémiques dont les
dommages peuvent être confirmés dans les éléments d’appréciation
techniques disponibles, mais pas évalués. Source : Préparé par nous
56
Tableau 14. Valeur pécuniaire du coût social (perte de biens et services écosystémiques)
des dommages environnementaux causés dans les zones touchées de C2010 et
CE2013. Source : Préparé par les auteurs
58
Tableau 15. Espèces présentes dans le Caño Pastora et liste de prix. Source : Préparé par
les auteurs à partir des données de l’office costa-ricien des forêts pour 2009
[non traduit]
Tableau 16. Espèces présentes dans le Caño Pastora et liste de prix. Source : Préparé par
les auteurs à partir des données de l’office costa-ricien des forêts pour 2013
[non traduit]
Figures (table des matières)
Figure 1. Carte représentant le territoire litigieux, dont l’appartenance au territoire costaricien
d’Isla Portillos, dans la zone humide dite la «Humedal Nacional Caribe
Noreste», a été confirmée par l’arrêt de la Cour internationale de Justice.
Source : Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière
(Costa Rica c. Nicaragua) et Construction d’une route au Costa Rica le long
du fleuve San Juan (Nicaragua c. Costa Rica), C.I.J. Recueil 2015 (II)
4
Figure 2. Emplacement des caños artificiels creusés sur le territoire costa-ricien par
intrusions sur ordre du Gouvernement nicaraguayen en 2010 et 2013. Source :
MINAE (2014)
5
Figure 3. Services écosystémiques. Source : Groupe de travail MEA-PNUE (2003) 12
Figure 4. Vue schématique regroupant les différentes composantes du capital dans la
biosphère. Source : Aguilar (2007)
17
Figure 5. Synthèse du rapport intitulé «TEEB – Economie des écosystèmes et de la
biodiversité», approche relative à l’évaluation des valeurs de la nature. Source :
TEEB (2010)
18
Figure 6. Synthèse du cadre d’évaluation pécuniaire adopté. Source : Aguilar et al.
(2012)
20
Figure 7. Composantes de la VET (valeur économique totale) et exemples de services
écosystémiques correspondant à chaque composante. Source : De Groot et al.
(2007)
26
Figure 8. Représentation graphique des dommages environnementaux. Source :
Barrantes et Di Mare (2001)
28
Figure 9. Photographie de l’extrémité septentrionale du CE2013, sur laquelle on peut
observer la présence de mangroves. Source : Araya & Mena (2013)
54
Figure 10. Zones touchées par les dommages environnementaux dans les caños C2010 (à
gauche), C02013 et CE2013 (à droite). Source : MINAET (2011) et Araya
(2013)
55
Figure 11. Image constituée de plusieurs photos versées aux archives, montrant les
dommages causés par l’enlèvement des arbres et de la végétation et par le
dragage des caños C2010 et C2013. Source : Rapports techniques indiqués
dans le tableau 2
57
Figure 12. Valeur pécuniaire du coût social des dommages environnementaux calculée
pour les caños C2010 et CE2013 avec un taux d’actualisation de 4 % sur
cinquante ans. Source : Préparé par les auteurs
59
I. INTRODUCTION
Fundación Neotrópica a été créée en 1985 afin de remplir une mission inédite dans la
tradition environnementale au Costa Rica. Ses premières actions se caractérisent par l’application
de modèles novateurs dans le cadre du développement durable du pays qui, en dépit d’un contexte
régional tumultueux, s’est fixé des objectifs ambitieux en matière de protection des ressources
forestières et de gestion bio-régionale des systèmes socio-environnementaux.
Cette mission consiste à rechercher le juste équilibre entre les coûts et les avantages de la
conservation et du développement. Depuis plus de trente et un ans, la fondation mène des actions
dans les domaines techniques suivants : modèles de développement durable, conservation
communautaire centrée sur les zones humides côtières, gestion participative des zones naturelles
protégées, tourisme rural communautaire, conflits socio-environnementaux et évaluation des
services écosystémiques et des dommages environnementaux au Costa Rica et à l’étranger (Evans,
1999 ; Aguilar et al., 2012 ; Aguilar et al., 2013 ; Aguilar González, 2014 ; Aguilar et al., 2015).
Dans les années 1980, Fundación Neotrópica figurait parmi les premières organisations non
gouvernementales à mettre en oeuvre une gestion de fonds pour remises de dettes en échange de
programmes de protection de l'environnement. À cette époque, elle menait des projets d’avantgarde
en matière de développement durable au niveau local, tels que BOSCOSA, ainsi que le projet
POCOTSI dans la partie nord des Caraïbes, destiné à atténuer les conflits socio-environnementaux
dans les zones tampons situées entre les parcs nationaux et d’autres zones protégées.
Dans le domaine des zones humides côtières, la fondation bénéficie d’une vaste expérience
fondée sur l’application d’évaluations pécuniaires multicritères des fonctions et services
écosystémiques en vue de renforcer les zones naturelles protégées (Aguilar-González & Moulaert,
2013). Par ailleurs, depuis 2009, elle s’attache à promouvoir et développer des modèles de
conservation communautaire dans ces écosystèmes (Sepúlveda-Machado & Aguilar-González,
2015).
Aux termes de sa mission, Fundación Neotrópica s’efforce de contribuer au règlement du
conflit transfrontalier résultant des dommages juridiquement reconnus qui ont été causés à la
Humedal Caribe Noreste (HCN, zone humide du nord-est des Caraïbes), en apportant son
expérience technique dans certains domaines afin de trouver une issue positive au différend
opposant le Costa Rica et le Nicaragua. En outre, elle s’emploie à garantir la pleine restauration de
cette précieuse zone humide transfrontalière. Enfin, elle souhaite que le règlement de cette affaire
et l’attention que les deux pays accordent à cette région débouchent sur un engagement à améliorer
les conditions de vie des communautés qui sont directement tributaires de l’écosystème touché.
Nous remercions le Gouvernement de nous avoir accordé sa confiance en permettant à notre
organisation de réaliser ce travail durant les périodes 2010-2014 et 2014-2018.
Ce rapport a pour objectif de réaliser une évaluation pécuniaire des dommages à
l’environnement résultant de la construction de caños et de l’arrachage d’arbres et de végétation
par le Gouvernement nicaraguayen sur le territoire costa-ricien d’Isla Portillos, au sein de la zone
humide susmentionnée, aux termes de l’arrêt de la Cour internationale de Justice du 16 décembre
2015. Afin de fournir une base technique à cette évaluation, nous avons structuré ce rapport en
quatre parties, suivies d’un résumé et d’une conclusion.
La deuxième partie présente le cadre descriptif et juridique de l’évaluation, conformément à
l’arrêt final et définitif de la Cour internationale de Justice dans le différend entre les deux pays.
Vient ensuite la présentation du contexte technico-écologique établi en corrélation avec les rapports
qui étayent les dommages environnementaux constatés, et ont récemment fait l’objet de
vérifications (partie 3).
- 2 -
La quatrième partie expose l’état des connaissances utiles pour l’évaluation des services
écosystémiques et des dommages environnementaux, et procure le fondement de la démarche
méthodologique utilisée pour l’évaluation pécuniaire. Elle détaille la mise en oeuvre régionale et
nationale de ces deux cadres, et analyse l’application des recommandations formulées par la
convention de Ramsar au sujet des écosystèmes de zones humides.
La cinquième partie consiste en l’évaluation pécuniaire proprement dite, centrée sur les actifs
environnementaux et les services inclus, les processus de collecte de données récemment menés à
bien, et le choix de la méthode utilisée. Elle se termine par l’estimation pécuniaire de la valeur des
dommages environnementaux, réalisée sur une période prospective de cinquante ans  pour
laquelle on peut escompter une reconstitution complète , sur la base d’un taux d’actualisation
pour l’environnement de 4 % aux fins de détermination de la valeur actuelle nette.
La conclusion est ensuite présentée, suivie des sources bibliographiques citées. Ainsi, ce
rapport dresse une analyse du cadre descriptif et juridique défini dans le cadre de l’affaire examinée
par la Cour internationale de Justice.
II. CADRE DESCRIPTIF ET JURIDIQUE DE L’ÉVALUATION PÉCUNIAIRE DES DOMMAGES :
ARRÊT DE LA COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE DU 16 DÉCEMBRE 2015
Ce rapport a été élaboré comme suite à l’arrêt de la Cour internationale de Justice du
16 décembre 2015, qui a reconnu que la souveraineté sur le territoire litigieux appartient au Costa
Rica, et que le Nicaragua, en établissant une présence militaire et creusant trois caños artificiels sur
ce territoire, a violé la souveraineté territoriale du Costa Rica. Par ailleurs, la Cour a dit qu’en
creusant deux nouveaux caños et en établissant une présence militaire sur le territoire litigieux, le
Nicaragua a violé les mesures conservatoires qu’elle avait indiquées dans son ordonnance du
8 mars 2011. Toujours selon la Cour, le Nicaragua a l’obligation d’indemniser le Costa Rica à
raison des dommages matériels qu’il lui a causés par les activités illicites auxquelles il s’est livré
sur le territoire costa-ricien (Certaines activités menées par le Nicaragua dans la région frontalière
(Costa Rica c. Nicaragua). Construction d’une route au Costa Rica le long du fleuve San Juan
(Nicaragua c. Costa Rica), 2015).
À l’origine, le 18 novembre 2010, le Costa Rica a déposé une requête faisant en particulier
grief au Nicaragua d’avoir envahi et occupé un territoire costa-ricien et provoqué des dommages
environnementaux dans cette région. Ce même jour, le Costa Rica a sollicité des mesures
conservatoires, qui ont été définies par la Cour dans son ordonnance en indication de mesures
conservatoires du 8 mars 2011.
Le tableau 1 ci-dessous présente une brève synthèse des faits constatés par la Cour dans son
arrêt, qu’il convient de prendre en considération dans le cadre de cette évaluation.
Tableau 1
Cadre descriptif : faits constatés dans l’arrêt de la Cour internationale de Justice
du 16 décembre 2015. Source : Certaines activités menées par le Nicaragua
dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua) et Construction d’une
route au Costa Rica le long du fleuve San Juan (Nicaragua c. Costa Rica),
CIJ Recueil 2015 (II)
Paragraphes Sous-titre dans l’arrêt Récapitulatif des faits
65-99 III. A. Souveraineté sur le
territoire litigieux et
violations alléguées de
celle-ci
La rive droite du caño creusé par le Nicaragua en 2010
ne correspond pas à la frontière entre le Costa Rica et le
Nicaragua. Le territoire relevant de la souveraineté du
Costa Rica s’étend depuis la rive droite du cours
inférieur du San Juan jusqu’à l’embouchure de celui-ci
- 3 -
Paragraphes Sous-titre dans l’arrêt Récapitulatif des faits
dans la mer des Caraïbes. La souveraineté sur le
territoire litigieux appartient donc au Costa Rica. En
outre, la Cour a déterminé que le Nicaragua a mené
certaines activités dans le territoire litigieux depuis
2010, notamment le creusement de trois caños et
l’établissement d’une présence militaire par endroits.
Ces activités ont été effectuées en violation de la
souveraineté territoriale du Costa Rica. Le Nicaragua est
responsable de ces actes ; en conséquence, il a
l’obligation d’indemniser le Costa Rica à raison des
dommages matériels causés par ses activités illicites.
121-129 III. C. Respect des mesures
conservatoires
Dans son ordonnance en indication de mesures
conservatoires du 8 mars 2011, la Cour a indiqué que les
parties devaient s’abstenir d’envoyer ou de maintenir sur
le territoire litigieux, y compris le caño, des agents,
qu’ils soient civils, de police ou de sécurité, et par
ailleurs s’abstenir de tout acte qui risquerait d’aggraver
ou d’étendre le différend dont elle est saisie ou d’en
rendre la solution plus difficile. Sur la base des faits
désormais incontestés, la Cour a conclu que, en creusant
deux caños supplémentaires et en établissant une
présence militaire sur le territoire litigieux, le Nicaragua
a manqué aux obligations qui lui incombaient au titre de
l’ordonnance susmentionnée. Indépendamment de la
conclusion formulée à la section III. A., la Cour
considère que ces agissements emportent également
violation de la souveraineté territoriale du Costa Rica.
137-144 III. E. Réparations La Cour considère que le Costa Rica est fondé à
recevoir indemnisation pour les dommages matériels
découlant des violations dont elle a constaté la
commission par le Nicaragua. Elle déclare ne pouvoir
procéder à l’évaluation de ces dommages et du montant
de l’indemnité que dans le cadre d’une procédure
distincte. Elle estime que les Parties devraient mener des
négociations afin de s’entendre sur ces questions.
Toutefois, si celles-ci ne parviennent pas à un accord
dans un délai de 12 mois à partir de la date de l’arrêt, la
Cour déterminera, à la demande de l’une d’entre elles, le
montant de l’indemnité sur la base de pièces écrites
additionnelles limitées à cet objet.
L’arrêt inclut l’image présentée dans la figure 1 ci-après, qui illustre l’emplacement des faits.
Le territoire d’Isla Portillos est visible, avec un agrandissement de la partie septentrionale de l’île
sur laquelle a été confirmé le creusement d’un caño artificiel en territoire costa-ricien à la fin de
l’année 2010.
- 4 -
Figure 1
Carte représentant le territoire litigieux, dont l’appartenance au territoire costa-ricien
d’Isla Portillos, dans la zone humide dite la «Humedal Nacional Caribe Noreste», a été
confirmée par l’arrêt de la Cour internationale de Justice. Source : Certaines activités
menées par le Nicaragua dans la région frontalière (Costa Rica c. Nicaragua) et
Construction d’une route au Costa Rica le long du fleuve San Juan
(Nicaragua c. Costa Rica), C.I.J. Recueil 2015 (II)
Légende :
Lake Nicaragua = Lac Nicaragua
Marker II = Borne II
Caño dredged in 2010 = Caño creusé en 2010
Enlargement of the northern part of the Isla Portillos
and surroundings area
= Agrandissement de la partie septentrionale d’Isla
Portillos et de la zone alentour
Harbor Head lagoon = Lagune de Harbor Head
Caribbean Sea = Mer des Caraïbes
Former Taura River = Ancien fleuve Taura
Lower San Juan River = Cours inférieur du San Juan
San Juan River = Fleuve San Juan
Infiernito river = Infiernito
San Carlos river = San Carlos
Sarapiquí river = Sarapiquí
Colorado river = Colorado
This sketch map has been prepared for illustrative
purpose only
= Croquis cartographique établi aux seules fins
d’illustration
Universal Transverse Mercator projection = Projection de Mercator transverse universelle, zone
11N
WGS84 Datum = Système géodésique mondial WGS-84
Les faits constatés résultent des éléments d’appréciation techniques fournis par le Costa Rica
dans son mémoire, en plusieurs volumes, et dans des documents complémentaires. Le chapitre qui
suit passe en revue les éléments à prendre en considération aux fins de l’évaluation des dommages.
III. CONTEXTE TECHNIQUE ET ENVIRONNEMENTAL DE L’ÉVALUATION
PÉCUNIAIRE DES DOMMAGES
Le tableau 2 répertorie les éléments d’appréciation versés aux actes de procédure dont il
convient de tenir compte pour l’évaluation des dommages environnementaux. Il recense au total
13 rapports techniques sur lesquels le Costa Rica s’est fondé pour étayer ses demandes. Nous avons
retenu ces rapports, parmi tous ces éléments d’appréciation, car ils nous ont paru opportuns dans le
- 5 -
cadre de cette évaluation. Ils corroborent les faits présentant un intérêt qui sont constatés dans les
actes et mentionnés dans le tableau n° 1. Cette liste n’englobe pas les documents audiovisuels
complémentaires versés au dossier  notamment les nombreuses cartes, photographies et
vidéos , qui sont répertoriés séparément et ont permis d’étayer ce rapport.
La figure 2 montre l’emplacement du caño artificiel creusé en 2010 et celui des deux caños
(ouest et est) creusés en 2013, sur Isla Portillos, dans la Humedal Nacional Caribe Noreste (zone
humide du nord-est des Caraïbes). Cette image figure dans le rapport du ministère costa-ricien de
l’environnement (Ministerio del Ambiente de Costa Rica, MINAE) intitulé «Evaluation des
dommages causés à l’environnement du fait de la construction, par le Gouvernement nicaraguayen,
de nouveaux caños artificiels à l’extrémité septentrionale d’Isla Portillos en septembre 2013»,
élaboré pour le Secrétariat de la convention de Ramsar (MINAE, 2014).
Figure 2
Emplacement des caños artificiels creusés sur le territoire costa-ricien par intrusions
sur ordre du Gouvernement nicaraguayen en 2010 et 2013.
Source : MINAE (2014)
Légende :
Location of new caños excavated by Nicaragua in 2003 = Emplacement de nouveaux caños creusés par le
Nicaragua en 2013
“Disputed territory” = «Territoire litigieux»
Finca Aragón constructions = Constructions de Finca Aragón
Artificial caño excavated by Nicaragua in 2010 = Caño artificiel creusé par le Nicaragua en 2010
Les faits confirmés sur le plan technique qui figurent dans le tableau 2 ci-après peuvent être
divisés en deux parties. La première concerne les faits techniques des dommages causés par la
construction du premier caño en 2010 (C2010). Ces dommages sont confirmés par huit rapports
techniques émanant d’experts internationaux, du Secrétariat de la convention de Ramsar, d’une
ONG costa-ricienne, du MINAE et du Sistema Nacional de Áreas de Conservación ou SINAC
(réseau national des zones de conservation).
- 6 -
Tableau 2
Eléments d’appréciation présentés par le Gouvernement costa-ricien relatifs à l’établissement des faits présentant un intérêt sur le plan technique
pour l’évaluation pécuniaire des dommages causés. Source : Préparé par les auteurs sur la base des sources citées
Numéro et
emplacement
Titre Préparé par, date Faits présentant un intérêt sur le plan technique
1. Mémoire du Costa
Rica, vol. I (V1),
appendice 1
Evaluation de l’impact physique des
travaux effectués par le Nicaragua depuis
octobre 2010 sur la géomorphologie,
l’hydrologie et la dynamique des
sédiments du fleuve San Juan, ainsi que de
leur impact environnemental en territoire
costa-ricien
Colin Thorne, Université
de Nottingham, Royaume-
Uni, octobre 2011
1. Description détaillée du caño artificiel creusé en 2010 (C2010), de sa
chronologie et de la transformation du paysage d’origine
2. Description du dégagement des arbres du fait de la construction du
C2010, caractéristiques physiques et âge approximatif des arbres
3. Description du dégagement des sous-bois du fait de la construction du
C2010
4. Description physique des dimensions et du volume du C2010
5. Impacts réels et potentiels de la construction du C2010 sur les
écosystèmes des zones humides, notamment les services écosystémiques,
les impacts sur l’hydrologie, l’érosion, la diversité biologique, etc.
6. Valeur écologico-économique des dommages causés par les actions du
Gouvernement nicaraguayen à compter de 2010, notamment le C2010
2. Mémoire du Costa
Rica, vol. IV (V4),
appendice 143
Rapport ACTO-RNVSBC-CyP-057-2010 Sistema Nacional de Áreas
de Conservación (SINAC),
ministère de
l’environnement, de
l’énergie et des
télécommunications du
Costa Rica (MINAE),
22 octobre 2010
1. Description détaillée du C2010 et des transformations du paysage
d’origine
2. Brève description du dégagement des arbres du fait de la construction du
C2010
3. Description du dégagement des sous-bois du fait de la construction du
C2010
3. Mémoire du Costa
Rica, V4,
appendice 145
Estimation de l’âge moyen maximum des
arbres abattus dans les zones de forêt
primaire situées dans le secteur costaricien
de Punta Castilla, dans le district du
Colorado, sis dans le canton Pococí de la
province de Limón, comme suite à son
occupation par l’armée nicaraguayenne au
Miguel Araya Montero
(SINAC-MINAE),
décembre 2010
1. Description du dégagement des arbres du fait de la construction du
C2010, caractéristiques physiques et âge approximatif des arbres
- 7 -
prétexte du dégagement d’un chenal
existant
4. Mémoire du Costa
Rica, V4,
appendice 147
Rapport de la mission consultative Ramsar
n° 69 : zone humide d’importance
internationale du nord-est des Caraïbes
(Humedal Caribe Noreste), Costa Rica
Secrétariat de la
convention de Ramsar
1. Impacts réels et potentiels de la construction du C2010 sur les
écosystèmes des zones humides, notamment les services écosystémiques,
les impacts sur l’hydrologie, l’érosion, la diversité biologique, etc.
2. Mesures recommandées pour la prévention et le suivi/la restauration
5. Mémoire du Costa
Rica, V4,
appendice 154
Âge approximatif des arbres abattus dans
la zone dont la gestion environnementale
relève du Costa Rica, dans le couloir du
chenal artificiel construit à travers une
partie d’Isla Calero pour relier le fleuve
San Juan à la lagune de los Portillo
Miguel Araya Montero
(SINAC-MINAE), août
2011
1. Description du dégagement des arbres du fait de la construction du
C2010, caractéristiques physiques et âge approximatif des arbres
2. Description du dégagement des sous-bois du fait de la construction du
C2010
3. Description physique des dimensions et du volume du C2010
6. Mémoire du Costa
Rica, V4,
appendice 155
Examen et évaluation de l’état de
l’environnement dans la Humedal Caribe
Noreste, conformément à l’ordonnance de
la Cour internationale de Justice
MINAE, 28 octobre 2011 1. Description du dégagement des arbres du fait de la construction du
C2010, caractéristiques physiques et âge approximatif des arbres
2. Description du dégagement des sous-bois du fait de la construction du
C2010
3. Description physique des dimensions et du volume du C2010
4. Impacts réels et potentiels de la construction du C2010 sur les
écosystèmes des zones humides, notamment les services écosystémiques,
les impacts sur l’hydrologie, l’érosion, la diversité biologique, etc.
5. Temps nécessaire à la reconstitution de l’écosystème
7. Mémoire du Costa
Rica, V4,
appendice 157
A summary of Actual and Potential
Environmental Service Losses Due to the
Current Ecological Conflict in the
Portillos/Calero Island Region in the
Caribe Noreste Wetland in Northeastern
Costa Rica [résumé des pertes de services
environnementaux déjà causées, ou
pouvant l’être, par le conflit écologique
touchant actuellement la région de Isla
Portillos/Calero, située dans la zone
humide d’importance internationale du
nord-est des Caraïbes]
Bernardo Aguilar
González et. al.
(Fundación Neotrópica),
10 octobre 2011
1. Description du dégagement des arbres du fait de la construction du
C2010, caractéristiques physiques et âge approximatif des arbres
2. Description du dégagement des sous-bois du fait de la construction du
C2010
3. Impacts réels et potentiels de la construction du C2010 sur les
écosystèmes des zones humides, notamment les services écosystémiques,
les impacts sur l’hydrologie, l’érosion, la diversité biologique, etc.
4. Temps nécessaire à la reconstitution de l’écosystème
- 8 -
8. Appendices à la
demande en
indication de
nouvelles mesures
conservatoires
(ARINPM) PM-6
Journal de la visite du territoire litigieux Miguel Araya et Olman
Mena (MINAE-SINAC),
18 septembre 2013
1. Description physique et description de la transformation du paysage du
fait du creusement du nouveau caño artificiel en 2013 au nord du C2010 :
Caño Este (CE2013)
2. Description du dégagement des arbres du fait de la construction du
CE2013
9. ARINPM PM-33 Rapport sur l’impact de la construction de
deux nouveaux caños sur Isla Portillos
Colin Thorn, Université de
Nottingham, Royaume-
Uni, 10 octobre 2013
1. Description physique et description de la transformation du paysage du
fait du creusement des nouveaux caños artificiels en 2013 au nord-ouest
du C2010 : Caño Este (CE2013) et Caño Oeste (CO2013)
2. Brève description des impacts réels et potentiels de la construction du
CE2013 et du CO2013 sur les écosystèmes des zones humides,
notamment les services écosystémiques, les impacts sur l’hydrologie,
l’érosion, la diversité biologique, etc.
10. ARINPM PM-19 Evaluation technique des caños artificiels
sur Isla Portillos
Rafael Oreamuno Vega,
Roberto Villalobos Herrera
(CIEDES, Université du
Costa Rica), octobre 2013
1. Description physique et description de la transformation du paysage, sous
un angle technique, du fait de la construction du CE2013 et du CO2013.
2. Mesures de restauration technique
11. Estimation préliminaire de l’impact du
creusement de deux nouveaux chenaux
artificiels à l’extrémité septentrionale
d’Isla Portillos entre juin et septembre
2013
Miguel Araya Montero
(SINAC-MINAE), octobre
2013
1. Description physique et description de la transformation du paysage du
fait du creusement du CE2013 et du CO2013
2. Description du dégagement des arbres du fait de la construction du
CE2013, caractéristiques physiques et âge approximatif des arbres
3. Description de la végétation éliminée du fait de la construction du
CO2013
4. Description du dégagement des sous-bois du fait de la construction du
CE2013
5. Brève description des impacts réels et potentiels de la construction du
CE2013 et du CO2013 sur les écosystèmes des zones humides,
notamment les services écosystémiques, les impacts sur l’hydrologie,
l’érosion, la diversité biologique, etc.
12. Appendice au
second rapport
sur le respect des
mesures
Rapport final pour le Secrétariat de la
Convention de Ramsar. Evaluation des
dommages environnementaux causés par
le Gouvernement nicaraguayen du fait de
MINAE – Mars 2104 1. Description physique et description de la transformation du paysage du
fait du creusement du CE2013 et du CO2013
2. Description du dégagement des arbres du fait de la construction du
CE2013, caractéristiques physiques et âge approximatif des arbres
- 9 -
conservatoires en
date du 21 mai
2014 (SRCPM
CR-1)
la construction de nouveaux caños
artificiels à l’extrémité septentrionale
d’Isla Portillos en septembre 2013
3. Brève description des impacts réels et potentiels de la construction du
CE2013 et du CO2013 sur les écosystèmes des zones humides,
notamment les impacts sur l’hydrologie, la diversité biologique, etc.
4. Mesures de restauration immédiate
13. Appendice au
troisième rapport
sur le respect des
mesures
conservatoires en
date du 21 mai
2014 (TRCPM
CR-1)
Rapport définitif de la mission
consultative Ramsar n° 77 : zone humide
d’importance internationale du nord-est
des Caraïbes (Humedal Caribe Noreste),
Costa Rica
Secrétariat de la
convention de Ramsar,
août 2014
1. Description physique et description de la transformation du paysage du
fait du creusement du CE2013
2. Description du dégagement des arbres du fait de la construction du
CE2013
3. Description des impacts réels et potentiels de la construction du CE2013
sur les écosystèmes des zones humides, notamment les impacts sur
l’hydrologie, la diversité biologique, etc.
4. Mesures de restauration et de surveillance du CE2013
14. http://www.icjcij.
org/docket/file
s/150/18484.pdf
Déposition écrite. Différend relatif à
Certaines activités menées par le
Nicaragua dans la zone frontalière (Costa
Rica c. Nicaragua)
Colin Thorne, Université
de Nottingham, Royaume-
Uni, mars 2015
1. Réitération de la description de 2010 et de la transformation du paysage
d’origine
2. Réitération de la description du dégagement des arbres du fait de la
construction du C2010
3. Impacts réels et potentiels de la construction du C2010 sur les
écosystèmes des zones humides, notamment les services écosystémiques,
les impacts sur l’hydrologie, l’érosion, la diversité biologique, etc.
4. Description physique et description de la transformation du paysage du
fait de la construction du CE2013 et du C02013
5. Description synthétique du dégagement des arbres et de l’enlèvement de
la végétation du fait de la construction du CE2013 et du CO2013
6. Récapitulatif des impacts réels et potentiels de la construction du C2010
et du CE2013 sur les écosystèmes des zones humides, notamment les
services écosystémiques, les impacts sur l’hydrologie, l’érosion, la
diversité biologique, etc.
- 10 -
Ces rapports ont été versés au mémoire du Costa Rica en tant qu’appendices à la demande en
indication de nouvelles mesures conservatoires déposée par le Costa Rica auprès de la Cour
internationale de Justice le 24 septembre 2013, en tant qu’appendices au deuxième et troisième
rapports sur le respect des mesures conservatoires déposés par le Costa Rica auprès de la CIJ le
21 mai 2014, ainsi que dans la version définitive de la «Déposition écrite» du professeur Colin
Thorne, de l’Université de Nottingham au Royaume-Uni.
Ces documents comportent huit (8) tableaux confirmés des faits présentant un intérêt sur le
plan technique, à savoir : 1. une description détaillée du C2010, de sa chronologie et de la
transformation du paysage d’origine ; 2. une description de la destruction des arbres du fait de la
construction du C2010, avec les caractéristiques physiques et l’âge approximatif des arbres ; 3. une
description de l’enlèvement de la végétation des sous-bois, du fait de la construction du C2010 ; et
4. une description physique des dimensions et du volume du C2010. De plus, ils confirment : 5. la
description des impacts réels et potentiels de la construction du C2010 sur les écosystèmes des
zones humides, notamment les services écosystémiques, les impacts sur l’hydrologie, l’érosion, la
diversité biologique, etc. ; 6. l’estimation préliminaire de la valeur économico-écologique des
dommages causés par les actions du Gouvernement nicaraguayen à compter de 2010, notamment le
C2010 ; 7. les mesures recommandées pour la prévention et le suivi/la restauration ; et 8. le temps
nécessaire à la reconstitution de l’écosystème.
La seconde partie se compose des appendices présentés et produits entre 2013 et 2014, en
appui de la demande en indication de mesures conservatoires découlant du creusement de deux
nouveaux caños au nord-ouest du C2010 : Caño Este (CE2013) et Caño Oeste (CO2013). Ces
documents proviennent de sources similaires et confirment : 1) la description physique et la
description de la transformation du paysage du fait de la construction du CE2013 et du CO2013 ;
2) la description du dégagement des arbres du fait de la construction du C2013, des caractéristiques
physiques et de l’âge approximatif des arbres ; 3) la description de l’élimination de la végétation du
fait de la construction du CO2013 ; et 4) la description du dégagement des sous-bois du fait de la
construction du C2013. Les données suivantes sont elles aussi confirmées : 5) la description des
impacts réels et potentiels, sur les écosystèmes des zones humides, de la construction du CE2013 et
du CO2013, notamment les services écosystémiques, les impacts sur l’hydrologie, l’érosion, la
diversité biologique, etc. ; 6) les mesures de restauration technique ; et 7) les mesures immédiates
pour la restauration et le suivi.
Chacun de ces tableaux récapitulatifs des faits fera l’objet d’une présentation détaillée dans
la partie de ce rapport consacrée aux résultats et dans l’évaluation pécuniaire des dommages
proprement dite. Les documents audiovisuels jugés pertinents sont joints à ce rapport. Par ailleurs,
l’on définira la base de la méthode utilisée pour l’estimation des services écosystémiques, leur
évaluation pécuniaire, et l’évaluation des dommages environnementaux. Ainsi, l’on disposera d’un
cadre méthodologique complet.
IV. APERÇU DE L’ÉTAT DES CONNAISSANCES AU NIVEAU INTERNATIONAL EN MATIÈRE
D’ÉVALUATION PÉCUNIAIRE DE DOMMAGES ENVIRONNEMENTAUX
Comme indiqué précédemment, cette partie dresse un bilan détaillé des connaissances en
termes de ressources naturelles et d’économie écologique et de l’environnement qui constituent la
base de l’état d’avancement au niveau international. Le premier volet porte sur le cadre relatif aux
biens et services écosystémiques ou environnementaux.
- 11 -
A. Biens et services écosystémiques ou environnementaux
Le document intitulé «Evaluation des écosystèmes pour le millénaire» (Millennium
Ecosystem Assessment) définit les services écosystémiques ou environnementaux comme les
avantages, tant économiques que culturels, que les personnes tirent des écosystèmes (Groupe de
travail MEA-PNUE, 2003). L’on peut avancer que les êtres humains et les différentes espèces sont
tributaires des services écologiques et écosystémiques de l’environnement, ou la biodiversité, dans
lequel ils sont immergés. Ainsi, toutes les espèces tirent parti du cycle naturel des processus de
croissance et de développement de la biodiversité, et de l’écosystème dans son ensemble, mais la
différence réside dans la valeur, économique ou culturelle, que les êtres humains — contrairement
aux autres espèces — peuvent attribuer à ces services écosystémiques.
Le Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), quant à lui, définit les
services écosystémiques comme les avantages que les écosystèmes procurent aux hommes, ce qui
englobe : les services d’approvisionnement, notamment en nourriture et en eau ; les services de
régulation, dont la maîtrise des crues et des maladies ; les services culturels, tels que les avantages
sur les plans spirituel et culturel et en termes de loisirs ; et les services de soutien  tels que le
cycle des substances nutritives , qui maintiennent les conditions de vie sur Terre (Groupe de
travail MEA-PNUE, 2003).
Les effets négatifs des systèmes de production non durables compromettent, modifient ou
anéantissent certains services environnementaux. Récemment encore, les processus humains de
production ne tenaient pas compte de l’ampleur des effets négatifs de l’extension des superficies
agricoles sur les écosystèmes, par le biais de la déforestation par exemple. En économie, ces effets
produits sont appelés externalités négatives ; ils touchent la communauté des organismes vivants
tout au long du processus de production.
Selon l’Evaluation des écosystèmes pour le millénaire (2005), environ 60 % des services
écosystémiques évalués (soit 15 sur 24) sont dégradés ou utilisés de manière incompatible avec un
développement durable ; cette constatation concerne notamment l’eau potable, les pêcheries, la
purification de l’air et de l’eau, la régulation du climat régional et local, et le contrôle des risques
naturels et de la lutte antiravageur. Tous ces éléments sont autant de sources de préoccupation qui
conduisent à rechercher un moyen d’action immédiat pour enrayer et inverser ces tendances. Pour
changer cette situation, il existe différents types d’incitations économiques ou de mesures
dissuasives, dont des sanctions proportionnelles aux dommages environnementaux causés à la zone
affectée.
Comme nous l’avons mentionné ci-dessus, les écosystèmes génèrent différents types de
services environnementaux. La figure 3 intitulée «Services écosystémiques» les divise en quatre
groupes : 1) les services d’approvisionnement ; 2) les services de régulation ; 3) les services de
soutien ; et 4) les services culturels. Tous sont liés à des composantes du bien-être de l’Homme et
sont décisifs pour permettre l’analyse globale des écosystèmes vivants.
- 12 -
Figure 3
Services écosystémiques. Source : Groupe de travail MEA-PNUE (2003)
Légende :
Ecosystem Services = Services écosystémiques Basic material for good
life
= Matières premières pour une
bonne qualité de vie
Provisioning = Approvisionnement Adequate livelihoods = Moyens de subsistance
adéquats
Food = Aliment Sufficient nutritious
food
= Aliments nutritifs en quantité
suffisante
Fresh water = Eau potable Shelter = Abris
Wood and fiber = Bois et fibres Access to goods = Accès aux biens
Fuel = Combustible Health = Santé
Supporting = Soutien Strength = Force
Nutrient cycling = Cycle des substances
nutritives
Feeling well = Se sentir bien
Soil formation = Formation du sol Access to clean air and
water
= Accès à un air pur et une eau
saine
Primary production = Production primaire Good social relations = Relations sociales de qualité
Regulating = Régulation Social cohesion = Cohésion sociale
Climate regulation = Régulation du climat Mutual respect = Respect mutuel
Flood regulation = Maîtrise des crues Ability to help others = Capacité à aider les autres
Disease regulation = Contrôle des maladies Freedom of choice and
action
= Liberté de choix et d’action
Water purification = Purification de l’eau Opportunity to be able
to achieve what an
individual values
doing and being
= Opportunité pour un individu
de parvenir à ce qu’il
apprécie en termes d’action
et d’existence
Cultural = Valeur culturelle Source: Millennium
Ecosystem
Assessment
= Source : Evaluation des
écosystèmes pour le
millénaire
Aesthetic = Valeur esthétique Arrow’s color = Couleur des flèches
Spiritual = Valeur spirituelle Potential for mediation
by socioeconomic
factors
= Potentiel de médiation par
des facteurs
socioéconomiques
Educational = Valeur éducative Low = Faible
Recreational = Loisirs Medium = Moyen
- 13 -
Life on earth -
biodiversity
= Vie sur terre - biodiversité High = Elevé
Constituents of wellbeing
= Composantes du bien-être Arrow’s width = Largeur des flèches
Security = Sécurité Intensity of linkages
between ecosystem
services and human
well-being
= Intensité des liens entre
services écosystémiques et
bien-être de l’homme
Personal safety = Sécurité personnelle Weak = Faible
Secure resource access = Accès sécurisé aux
ressources
Medium = Moyenne
Security from disasters = Sécurité en cas de désastre Strong Forte
Le tableau 3 récapitule la classification des services écologiques dans l’Evaluation des
écosystèmes pour le millénaire. Les caractéristiques de chacun des quatre types de services
écologiques sont présentées ci-dessous.
1. Services d’approvisionnement
Les services d’approvisionnement, parfois appelés services de production, sont les produits
obtenus par les hommes à partir des écosystèmes (Beaumont et al., 2007). Ils incluent les éléments
ci-dessous.
1. Aliments : les écosystèmes procurent une large gamme de services d’approvisionnement,
notamment fruits, légumes, espèces forestières comestibles, et produits marins et d’eau douce.
Tableau 3
Services écosystémiques du cadre d’analyse sur la base de l’Evaluation des écosystèmes pour le
millénaire. Source : Adaptation d’après Kocian, Batker & Harrison-Cox (2011),
d’après De Groot et al. (2002)
Biens et services
écosystémiques
Exemples d’avantages
Approvisionnement
Approvisionnement en eau Approvisionnement en eau pour la
consommation, notamment qualité et quantité
Aliments Chasse, cueillette des fruits, agriculture et pêche
de subsistance à petite échelle
Matières premières Construction et production, combustible et
énergie, fourrage et engrais
Ressources génétiques Amélioration de la résistance des cultures aux
agents pathogènes et aux ravageurs
Ressources médicinales Médecines traditionnelles, produits pharmaceutiques,
modèles chimiques, outils et organismes
pour essais biologiques
Ressources ornementales Fourniture de ressources pour les vêtements,
l’artisanat, les bijoux, les animaux, le culte, la
décoration et les souvenirs
Régulation
Régulation des gaz Fourniture d’un air propre et respirable,
prévention des maladies, planète habitable
Régulation climatique Maintien d’un climat propice favorisant la santé
humaine, la productivité des récoltes, les loisirs,
et d’autres services
Régulation des risques
naturels
Prévention et atténuation des risques et aléas
naturels, tels que les tempêtes et autres conditions
météorologiques hostiles
- 14 -
Rétention des sols Rétention des terres arables, prévention de
l’érosion et soutien à la productivité agricole
Régulation hydrique Prise en compte de l’irrigation naturelle, de
l’écoulement, de la recharge des eaux
souterraines, et du débit des fleuves
Contrôle biologique Lutte contre les maladies et les ravageurs,
réduction des dégâts causés aux cultures
Traitement des déchets Régulation de la pollution/détoxification, filtrage
des particules de poussière par le biais de la
canopée
Formation du sol Soutien à la productivité agricole et l’intégrité
écosystémique
Pollinisation Pollinisation des espèces végétales sauvages et
domestiques
Cycle des substances
nutritives
Soutien aux sols sains et productifs, et régulation
des gaz, du climat et de l’eau
Habitat
Habitat et biodiversité Maintien de la diversité génétique et biologique
(et ainsi de la plupart des autres fonctions)
Cycle de pépinière Maintien des espèces exploitées commercialement
Culture/informations
Beauté naturelle Profiter du paysage
Loisirs Profiter de la nature et d’activités de plein air
Science et éducation Utilisation des systèmes naturels pour l’éducation
et la recherche scientifique
Valeurs historiques et
spirituelles
Utilisation de la nature à des fins religieuses ou
historiques
Informations culturelles et
artistiques
Utilisation de la nature comme modèle dans des
livres, films, peintures, symboles nationaux,
architecture, publicité, etc.
2. Fibres, bois et combustible : les écosystèmes forestiers et côtiers renferment ce type de biens.
Dans les zones côtières, les mangroves constituent une importante source de bois, charbon,
tanins, alcools, etc.
3. Médicaments et autres ressources : un large éventail d’espèces microbiennes, végétales et
animales (et de leurs gènes) entre dans la composition de produits commerciaux fabriqués dans
l’industrie, notamment dans les secteurs pharmaceutique, botanique et médical, la protection
des cultures, les cosmétiques, l’horticulture, les semences agricoles, la surveillance de
l’environnement, et un certain nombre de secteurs manufacturier et de la construction. Les
produits dotés d’une valeur ornementale, telles que les plantes utilisées dans la décoration
d’intérieur, sont inclus dans cette catégorie.
2. Services de régulation
Les services de régulation sont les avantages que les hommes obtiennent à partir de la
régulation des processus écosystémiques.
1. Régulation biologique : interactions entre les différents niveaux trophiques qui préservent la
diversité et les interactions fonctionnelles. Certaines publications classent ce service comme
service de soutien. La lutte biologique antiravageur et la pollinisation sont considérées comme
- 15 -
des fonctions de soutien. Le tableau 3 répertorie ce service aux côtés de la prévention des
maladies. De par leur importance, le service et la fonction de pollinisation en sont dissociés.
2. Stockage et rétention de l’eau douce : stockage et rétention d’eau, approvisionnement en eau à
des fins d’irrigation et de consommation humaine. Ce service écosystémique est le plus
important dans les estuaires d’eau douce et les zones humides.
3. Régulation hydrique : cet aspect concerne la recharge et la décharge des eaux souterraines dans
les terres et les écosystèmes forestiers, et influence l’irrigation, la navigation et le débit des
cours d’eau.
4. Régulation climatique, atmosphérique et des gaz : le couvert forestier et les écosystèmes marins
influencent et sont influencés par le climat et les conditions atmosphériques. Ils participent
notamment à la purification de l’air et à l’équilibre des gaz à effet de serre. Le tableau 3 divise
ce service en deux composantes.
5. Lutte contre les maladies humaines : l’Evaluation des écosystèmes pour le millénaire met
l’accent sur le rôle des écosystèmes dans la lutte contre les maladies humaines infectieuses qui
ont une influence sur la santé publique. Le tableau 3 associe ce service au contrôle biologique.
6. Protection contre les crues et les tempêtes : cette fonction est liée à la capacité des écosystèmes
à réduire les risques et désastres naturels.
7. Lutte contre l’érosion : la fonction de rétention des sols repose avant tout sur les aspects
structurels des écosystèmes, en particulier le couvert végétal et le système radiculaire.
8. Traitement des déchets : la capacité des écosystèmes à assimiler, réaliser la détoxification,
traiter et piéger les déchets varie en fonction du type des déchets, de leur concentration, des
rapports de charge et du type d’écosystème (Naber, Lange & Hatziolos, 2008).
3. Services culturels
Les écosystèmes peuvent également fournir aux hommes des avantages non matériels
(Beaumont et al., 2007).
1. Culture et plaisir : les communautés ont un impact sur les écosystèmes environnants et, en
retour, subissent les effets de la nature. Celle-ci modèle les traditions et croyances des
communautés, et les valeurs culturelles des écosystèmes perdurent en dépit des changements de
mode de vie. Le tableau 3 divise ce service en valeurs spirituelles et historiques d’une part, et
culture et plaisir d’autre part.
2. Loisirs : la valeur récréative des écosystèmes occupe une large part des études d’évaluation, ce
qui n’est guère surprenant compte tenu de la croissance de l’industrie du tourisme. Selon
l’Evaluation des écosystèmes pour le millénaire (2005), au début des années 1990 les voyages
de découverte de la nature ont connu une augmentation comprise entre 10 et 30 % par an.
3. Beauté de la nature : nombreux sont ceux qui apprécient les paysages et les zones naturelles, ce
qui se traduit clairement par l’envie de vivre et de visiter de préférence des environnements
agréables sur le plan esthétique.
4. Education et recherche : les écosystèmes forestiers et marins offrent de nombreuses possibilités
en termes de recherche et d’éducation, par le biais d’excursions, d’études sur le terrain et de
sélection de zones de référence pour surveiller les changements environnementaux (De Groot,
Wilson & Boumans, Ecosystem functions, goods and services : Classification, description and
valuation guidelines, 2002).
- 16 -
4. Services de soutien
Les services de soutien sont ceux nécessaires à la production de tous les autres services
écosystémiques. Ils génèrent des avantages pour les hommes par le biais des services de régulation
et d’approvisionnement et des services culturels (Beaumont et al., 2007). À cet égard, les ouvrages
consacrés à l’évaluation les distinguent légèrement des services de régulation.
1. Habitat et pépinière : il s’agit de l’habitat procuré par les organismes vivants (Beaumont et al.,
2007). Le tableau 3 regroupe l’habitat et la diversité biologique et distingue les services de
pépinière.
2. Cycle des substances nutritives et fertilité : les écosystèmes régulent les concentrations et flux
de substances nutritives par le biais d’un ensemble de processus complexes qui permettent leur
extraction à partir de sources minérales (l’atmosphère, l’hydrosphère et la lithosphère) ou leur
recyclage depuis des organismes morts. Ce service est soutenu par la diversité des espèces
(Naber, Lange & Hatziolos, 2008). Le tableau 3, à l’instar des autres ouvrages sur le sujet,
classe cet aspect en tant que service de régulation. La formation du sol est également considérée
comme une fonction et un service.
D’autres caractéristiques écosystémiques, classées dans la catégorie des services par
certaines publications, doivent être distinguées en tant que fonctions, car elles sont essentielles à
l’existence des écosystèmes. Tel est le cas de la résilience, parfois considérée comme un service
(Beaumont et al., 2007).
Le cadre des services écosystémiques étant ainsi dressé, nous passons à l’évaluation des
services écosystémiques des dommages environnementaux.
B. Approche théorique de l’économie des ressources naturelles et de l’économie écologique
pour l’évaluation des services écosystémiques et des dommages environnementaux
1. Existence de divers types de capital
Dans leur rapport technique relatif à l’analyse des dommages environnementaux causés par
le projet d’extraction minière à Crucitas au Costa Rica, Aguilar et al. (2012) indiquent qu’au moins
deux courants théoriques ont étudié l’évaluation des services environnementaux : l’école de
l’économie des ressources naturelles et de l’environnement, et celle de l’économie écologique.
L’économie des ressources naturelles et de l’environnement a été définie pour traiter les
questions liées à l’optimisation de l’utilisation et l’extraction des ressources naturelles (en fonction
des taux d’extraction viables, des taux d’extinction, des avantages et des coûts pécuniaires) et à la
relation entre le coût social des dommages environnementaux et les avantages privés des activités
productives. Cet exercice économique suscite l’intérêt des économies traditionnelles ou
néoclassiques, face à la nécessité de surmonter la crise environnementale initialement mise en
lumière dans les années soixante-dix, et aujourd’hui intégrée à des problèmes tels que le
changement climatique. Cet axe de réflexion a porté ses fruits sur le plan scientifique grâce à
l’élaboration de techniques pour l’évaluation pécuniaire de l’environnement (Aguilar et al., 2012).
L’économie écologique, quant à elle, fait valoir que dans les processus de développement et
de conservation nous utilisons divers types de capital, pour proposer un système de capital qui
dépasse les concepts traditionnels. Il est d’usage d’assimiler le capital aux facteurs de production
qui ont suivi un processus de production ou de fabrication. L’économie écologique en adopte une
définition plus fonctionnelle, puisqu’elle l’assimile à une réserve produisant des flux de biens et
- 17 -
services utiles. Ces flux peuvent être considérés comme des revenus. L’érosion de cette réserve
correspond à une consommation du capital (Aguilar, 2007).
Cette définition fonctionnelle du capital nous procure une vision globale susceptible de nous
aider à garantir la durabilité. Le capital naturel est constitué de toutes les réserves de ressources
dans la biosphère qui permettent les flux de biens et services environnementaux. Il diffère du
capital manufacturier, dans la mesure où il ne nécessite pas de transformation du fait de l’homme
(Aguilar, 2007).
La figure 4 présente le système du capital dans son ensemble, et illustre les interactions entre
ses différentes catégories et les limites en termes d’importance imposées par ces interactions. Le
capital se compose des réserves de capital naturel, culturel (ou social) et manufacturier. Les flux de
matières et d’énergie à travers ces sous-catégories permettent tous les processus naturels, sociaux et
économiques. Dans ce modèle, la conceptualisation de l’économie va d’un système fermé à un
système ouvert, soutenu par le flux d’énergie et de matières. Les limites de la croissance sont
déterminées par le niveau de base (capital culturel et naturel). L’adaptation entre capital naturel et
capital manufacturier est rendue possible par le capital culturel/social (Aguilar, 2007).
Les principes de durabilité exercent une influence sur tous les niveaux de capital. Etant
donné que ceux-ci sont complémentaires, les investissements doivent porter sur leur maintien et
leur croissance qualitative d’une manière générale. Ainsi, la vision d’ensemble du capital justifie
l’adoption d’un cadre d’évaluation global, ou d’une théorie pluridimensionnelle de la valeur
(Aguilar, 2007).
Figure 4
Vue schématique regroupant les différentes
composantes du capital dans la biosphère.
Source : Aguilar (2007)
Légende :
Recycling = Recyclage
Economy = Economie
Ecosystem = Ecosystème
S = solar energy = S = énergie solaire
H = heath = H = bruyères
M = matter = M = matières
E = energy = E = énergie
Types of capital = Types de capital
Manufactured = Manufacturier
Cultural = Culturel
Natural = Naturel
- 18 -
2. Evaluation pécuniaire des services écosystémiques
Le rapport intitulé «TEEB  Economie des écosystèmes et de la biodiversité» du PNUE
confirme la coexistence de diverses méthodes d’évaluation en tant qu’expression d’une démarche
globale, incluant les approches biophysique et fondée sur les préférences (pécuniaires et
qualitatives) (fig. 5).
Le cadre méthodologique d’évaluation pécuniaire le plus exhaustif, élaboré et utilisé tant
dans l’économie environnementale que dans l’économie écologique, et présenté dans le rapport
TEEB comme l’une des approches économiques néoclassiques, est l’équation de la valeur totale
(Dixon & Sherman, 1990 ; Pearce & Turner, Economics of Natural Resources and the
Environment, 1990 ; De Groot, Environmental Functions and the Economic Value of Natural
Ecosystems, 1994 ; Pearce & Moran, The Economic Value of Biodiversity, 1994 ; Aguilar B.,
Paradigmas Económicos y Desarrollo Sostenible: La Economía al Servicio de la Conservación,
2002 ; TEEB, 2010). Cette méthode présente l’avantage de permettre une classification
systématique des différents services décrits dans le cadre d’analyse proposé. Selon cette
perspective, les valeurs des services environnementaux peuvent être regroupées en deux catégories
principales : les valeurs d’usage direct (VD) et les valeurs d’usage indirect (VI). Les VD sont liées
à la consommation des services et l’existence du capital. Les VI se rapportent généralement aux
changements affectant le bien-être de l’homme, qui ne découlent pas d’une consommation
physique et tiennent compte de la valeur intrinsèque de la nature (Aguilar B., Paradigmas
Económicos y Desarrollo Sostenible: La Economía al Servicio de la Conservación, 2002).
Figure 5
Synthèse du rapport intitulé «TEEB – Economie des écosystèmes et de la biodiversité»,
approche relative à l’évaluation des valeurs de la nature. Source : TEEB (2010)
Légende :
Preference-base
approaches
= Approches fondées sur les
préférences
Joint analysis = Analyse commune
Conceptual approach = Approche conceptuelle Neoclassical
economics/market
theory
= Economie
néoclassique/théorie du
marché
Valuation/accounting
subject
= Evaluation/sujet de
comptabilité
Political science = Science politique
Methods/tools/models = Méthodes/outils/modèles Biophysical approaches = Approches biophysiques
Disciplinary framework = Cadre disciplinaire Insurance value = Valeur d’assurance
Output value = Valeur produite Resilience value = Valeur de résilience
- 19 -
Use value = Valeur d’usage Probability of flips = Probabilité de basculement
Non-use value = Valeur de non-usage Regime shift analysis = Analyse du changement de
régime
Direct use value = Valeur d’usage direct Adaptative cycles = Cycles adaptatifs
Indirect use value = Valeur d’usage indirect Panarchies = Panarchies
(Quasi) option value = Valeur d’option (ou de
quasi-option)
Risk analysis = Analyse des risques
Legacy/existence/altruism = Héritage/existence/altruisme Resilience theory = Théorie de la résilience
Social justice = Justice sociale Physical consumption = Consommation physique
Deontological values = Valeurs déontologiques Physical cost = Coût physique
Lexicographic
preferences
= Préférences
lexicographiques
Energy/exergy/emergy = Energie/exergie/émergie
Non human values = Valeurs non humaines Embodied energy = Energie grise
Market analysis = Analyse de marché Exergy analysis = Analyse de l’exergie
Cost methods = Méthodes des coûts Emergy analysis = Analyse de l’émergie
Production function = Fonction de production Industrial ecology/
thermodynamics
= Ecologie industrielle/
thermodynamique
Hedonic pricing = Prix hédoniste Materials/surface/
landcover
= Matières/surface/couverture
terrestre
Contingent evaluation = Evaluation contingente Material flow analysis = Analyse des flux de matières
Replacement cost method = Méthode des coûts de
remplacement
Input-output analysis = Analyse entrées-sorties
Avoided cost method = Méthode des coûts éludés Ecological footprint = Empreinte écologique
Contingent election = Choix contingent Land-cover flow = Flux de la couverture
terrestre
Group valuation = Evaluation de groupe Industrial Ecology/
Thermodynamics
= Ecologie industrielle/
Thermodynamique
Deliberative evaluation = Evaluation délibérative
Les valeurs d’usage direct peuvent être divisées en valeurs d’usage productif (VUP) et
valeurs d’usage de consommation (VUC). La VUP recouvre la valeur des biens et services
environnementaux qui font l’objet d’échanges commerciaux. Cette valeur peut être identifiée par le
prix du marché. La VUC correspond à la valeur des biens et services environnementaux
consommés sans avoir été mis sur le marché en vue de leur évaluation, alors qu’ils auraient pu
l’être. Cette consommation implique une amélioration des conditions de vie résultant de l’utilité qui
en découle et des économies réalisées par rapport à la valeur potentielle qui aurait été payée sur le
marché. Les produits d’autoconsommation en sont un exemple caractéristique. En l’occurrence, la
consommation s’entend de l’ingestion, la dépense ou l’utilisation au sens strict (Aguilar B.,
Paradigmas Económicos y Desarrollo Sostenible: La Economía al Servicio de la Conservación,
2002).
Les valeurs indirectes sont généralement liées aux services de capital naturel ou culturel qui
génèrent une qualité de vie humaine ne découlant pas de leur consommation, et tiennent compte de
la valeur intrinsèque de la nature. Elles peuvent être regroupées en valeurs d’usage autres que la
consommation (VUAC), valeurs d’option (VO) et valeurs d’existence (VE) (Aguilar B.,
Paradigmas Económicos y Desarrollo Sostenible: La Economía al Servicio de la Conservación,
2002). Les VUAC procèdent des services de capital naturel ou culturel qui procurent une hausse de
la qualité de vie sans être consommés ni échangés sur le marché. Elles proviennent également des
usages n’impliquant aucune consommation des biens ou services concernés, tels que les loisirs, le
tourisme ou l’éducation. Les valeurs d’option constituent une sorte de prime d’assurance sur
l’accès futur aux services écosystémiques. L’incertitude liée à l’offre à venir concernant certains
services environnementaux, ainsi que l’aversion de l’homme pour le risque, justifient le besoin de
disposer de ces valeurs. Les VO incluent la valeur de découverte potentielle de biens et services
susceptibles d’accroître le bien-être à venir. Les VE recouvrent les valeurs intrinsèques, intangibles
et éthiques de biens et services qui ne sont pas liés au bien-être. Elles découlent d’une prise en
compte des entités non humaines. Il n’est pas nécessaire de les estimer, et leur inclusion dans
l’équation repose sur l’impératif logique d’adopter une position qui n’est pas exclusivement
utilitaire (Aguilar B., Paradigmas Económicos y Desarrollo Sostenible: La Economía al Servicio de
la Conservación, 2002).
- 20 -
Ainsi, l’équation de la valeur totale peut être exprimée de la manière suivante :
1) VETt = VDt + VIt ;
Avec
2) VDt = VUPt + VUCt ;
Et
3) VIt = VUACt + VOt + VEt.
La figure 6 présente une synthèse du cadre de référence pour l’évaluation des services
écosystémiques exposés jusqu’à présent. Notons qu’elle prend en compte le fait que les valeurs
d’usage direct incluent les services d’approvisionnement et que les services de régulation, l’habitat
et l’information figurent parmi les valeurs d’usage autres que la consommation car ils n’impliquent
généralement pas de consommation physique. Les valeurs d’option sont une projection de toutes
les catégories. Les techniques d’estimation de la valeur économique totale (VET) dépendent des
informations disponibles. Elles vont de l’évaluation au moyen des prix du marché à l’utilisation du
coût de renonciation et de techniques basées sur des enquêtes (Aguilar B., Paradigmas Económicos
y Desarrollo Sostenible: La Economía al Servicio de la Conservación, 2002). On applique des
techniques d’évaluation simples lorsque l’on dispose d’informations complètes et fiables sur les
prix du stock du capital et des flux en découlant. En principe, on s’efforce d’expliquer les coûts et
avantages en fonction des informations du prix de marché (Aguilar B., Paradigmas Económicos y
Desarrollo Sostenible: La Economía al Servicio de la Conservación, 2002).
Figure 6
Synthèse du cadre d’évaluation pécuniaire adopté. Source : Aguilar et al. (2012)
Légende :
Total economic value = Valeur économique totale
Direct values = Valeurs directes
Indirect values = Valeurs indirectes
Productive use values = Valeurs d’usage productif
Consumptive use values = Valeurs d’usage de consommation
Non consumptive use values = Valeurs d’usage autres que la consommation
Option values = Valeurs d’option
Existence values (unquantifiable) = Valeurs d’existence (non quantifiables)
Provisioning ecosystem services = Services écosystémiques d’approvisionnement
Regulating, habitat and information ecosystem
services
= Services écosystémiques de régulation, d’habitat
et d’information
- 21 -
Provisioning, regulating, habitat and information
ecosystem services
= Services écosystémiques d’approvisionnement, de
régulation, d’habitat et d’information
Les techniques d’évaluation du coût de renonciation (ou substituts), également connues sous
le nom d’approches des préférences révélées, sont fréquemment utilisées. Ces techniques
permettent d’estimer la valeur des biens et services par le biais du prix d’autres biens et services. Il
s’agit notamment de techniques telles que les changements de productivité, les changements de
revenus, le prix hédoniste, les coûts de remplacement et le coût du trajet (Aguilar B., Paradigmas
Económicos y Desarrollo Sostenible: La Economía al Servicio de la Conservación, 2002).
On recourt également aux approches de préférence déclarée (enquêtes ou évaluation
contingente), fondées en substance sur l’opinion des parties intéressées auxquelles l’on demande
comment elles réagiraient dans certaines circonstances spécifiques. Foncièrement, il s’agit de
simuler un marché par le biais de techniques d’enquêtes (Aguilar B., Paradigmas Económicos y
Desarrollo Sostenible: La Economía al Servicio de la Conservación, 2002).
L’investissement en temps et le coût d’application de ces méthodes peuvent être
considérables, car ils dépendent de la collecte systématique d’informations primaires et secondaires
qui doit s’effectuer de manière rigoureuse, par le biais du cadre de services environnementaux
décrit plus haut. C’est pourquoi d’aucuns les qualifient de méthodes lentes.
La technique d’évaluation dite du transfert des bénéfices s’est répandue dans les années
1990. Cette technique rapide a fait des adeptes grâce aux travaux de Costanza et al. (1997) diffusés
dans notre hémisphère notamment par l’Institut économique Gund de l’Université du Vermont aux
Etats-Unis et l’ONG Earth Economics. Ainsi, pour les situations dans lesquelles l’obtention
d’informations pour l’application de méthodes lentes se révèle très onéreuse ou impossible (conflits
majeurs, par exemple), le facteur temps est extrêmement limité, ou encore il est souhaitable de
disposer d’une estimation préliminaire, cette méthode propose foncièrement d’extrapoler les
valeurs d’autres études au cas analysé, sur la base des différentes couvertures de sol trouvées sur le
site. Elle repose sur l’existence d’études d’écosystèmes présentant des conditions analogues à
celles de l’écosystème analysé, et d’informations fiables concernant les pourcentages d’utilisation
des terres de la zone étudiée.
De nos jours, cette méthode est fort répandue et considérée par l’étude TEEB (Pascual,
Muradian, Brander, Gómez-Baggethun, & Martín-López, 2010)  très influente  comme l’une
des alternatives valables en situation de conflits, ou lorsque le temps est limité et l’accès à
l’information restreint. Aux Etats-Unis, elle est également appliquée à la criminalistique
environnementale (Aguilar et al., 2012).
En raison de l’attrait qu’elle présente, des études de premier plan ont défini plusieurs
paramètres à respecter afin de prévenir les distorsions et erreurs de transfert. Parmi ces paramètres,
il convient tout particulièrement de vérifier l’adéquation des méthodes utilisées dans l’étude ou
l’étude de base, et de s’assurer de la transférabilité des valeurs. Le tableau 4 recense les
recommandations des publications qui présentent l’état actuel des connaissances en la matière (Liu,
Costanza, Farber & Troy, 2010).
- 22 -
Tableau 4
Adéquation des méthodes d’évaluation des services environnementaux et de la transférabilité
selon les types de services écosystémiques inclus. Source : Liu et al. (2010)
Service
environnemental
Adéquation pour
l’évaluation
économique
Méthode la plus
appropriée utilisée
dans l’évaluation
Transférabilité entre
les sites
Régulation des gaz Moyenne EC, CE, CR Elevée
Régulation climatique Faible EC Elevée
Régulation des crues,
désastres et
événements analogues
Elevée CE Moyenne
Régulation biologique Moyenne CE, P Elevée
Régulation hydrique Elevée M, CE, CR, H, P, EC Moyenne
Rétention des sols
(érosion)
Moyenne CE, CR, H Moyenne
Régulation des déchets Elevée CR, CE, EC Moyenne à élevée
Cycle des substances
nutritives
Moyenne CE, EC Moyenne
Approvisionnement en
eau
Elevée CE, CR, M, CT Moyenne
Aliments Elevée M, P Elevée
Matières premières Elevée M, P Elevée
Ressources génétiques Faible M, CE Faible
Ressources
médicinales
Elevée CE, CR, P Elevée
Ressources
ornementales
Elevée CE, CR, H Moyenne
Loisirs Elevée CT, EC, classement Faible
Esthétique Elevée CT, EC, classement Faible
Science et éducation Faible Classement Elevée
Spirituel et historique Faible EC, classement Faible
CE = coûts évités (défensifs) ; EC = évaluation contingente ; H = prix hédonistes ; M = prix du marché ; P =
effets de productivité ; CR = coûts de remplacement ; CT = coûts de trajet
La convention de Ramsar a adopté, pratiquement dans sa globalité, le cadre élaboré en vue
de réaliser l’évaluation des zones humides  ce que décrit brièvement la partie ci-dessous.
3. Application du cadre susmentionné aux zones humides : recommandations de la
convention de Ramsar
La convention de Ramsar a publié deux documents portant sur l’application des procédés
d’évaluation pécuniaire aux zones humides. Le premier, paru en 1997, revêt la forme d’un guide à
l’attention des décideurs et planificateurs. Il justifie cette démarche par le fait que l’évaluation
pécuniaire permet de mesurer et comparer les différents avantages qu’offrent les zones humides, et
peut ainsi constituer un instrument efficace pour contribuer à améliorer l’utilisation et la gestion
rationnelles des ressources globales des zones humides. Selon les auteurs, jusqu’à lors les zones
- 23 -
humides avaient été sous-évaluées, car nombre de services écologiques, biologiques et d’agrément
qu’elles procurent ne sont ni achetés ni vendus, ce qui rend leur estimation difficile (Barbier,
Acreman & Knowler, 1997).
L’ouvrage indique que les principes de la convention de Ramsar reposent sur un concept
fondamental : le fait que les zones humides présentent une valeur importante. Leur conservation
n’est possible que si l’on peut démontrer leur valeur qui, dans certains cas, est supérieure aux
utilisations alternatives proposées du site proprement-dit ou des eaux qui l’alimentent. Dans cette
logique, les Parties contractantes sont tenues d’indiquer les valeurs physiques et sociales des zones
humides dans les informations requises pour leur inscription sur la Liste des zones humides
d’importance internationale, comme c’est le cas de la Humedal Caribe Noreste (HCN). Par ailleurs,
avant de lancer des projets susceptibles d’avoir des répercussions sur ces zones humides, elles
doivent réaliser des évaluations de l’impact sur l’environnement prenant tout particulièrement en
compte la conservation de leurs valeurs (Barbier, Acreman & Knowler, 1997).
Toujours selon le guide, en ce qui concerne le cadre d’évaluation pécuniaire recommandé, il
convient d’élaborer un cadre distinguant et regroupant ces valeurs afin que les chercheurs évaluent
les utilisations faites des zones humides et que les dirigeants en tiennent compte lors de
l’élaboration de politiques ayant des incidences sur ces mêmes zones. Le concept de valeur
économique totale (VET) propose un tel cadre qui, selon un consensus croissant, est le plus
approprié (Barbier, Acreman & Knowler, 1997).
Concernant son application, dans Barbier et al. (1997) les auteurs soulignent que pour bien
faire une évaluation doit déboucher sur une évaluation économique de tous les avantages et coûts
associés à chaque option d’usage de zone humide à évaluer. Ils recommandent l’application de la
technique d’analyse coûts-avantages. Cependant, étant donné que les limites en termes de données
restreignent fréquemment la capacité de l’analyste à évaluer de nombreuses fonctions et ressources
environnementales, la méthode d’évaluation sera adaptée en fonction des circonstances afin de
fournir les meilleures informations possibles pour étayer la prise de décision. Cette démarche
découle de l’importance de prévenir une stagnation des décisions potentielles exerçant une
influence sur la protection de ces précieux écosystèmes, qui se trouvent ainsi exposés. Il convient
donc de ne pas perdre de vue la nécessaire mise en oeuvre du principe de précaution (Barbier,
Acreman & Knowler, 1997).
Les auteurs présentent l’application du cadre pour l’identification des avantages
économiques en prenant comme exemples les zones humides de Petexbatún, dans le département
de Petén au Guatemala, et les zones humides de mangrove de la côte du Pacifique nord du
Nicaragua.
Pour l’estimation de la valeur pécuniaire, ils acceptent la nécessité, mentionnée ici, de
combiner des méthodes d’évaluation directe avec les informations du marché et des méthodes
d’évaluation indirecte. Un examen détaillé d’études de cas concernant des zones humides au
Nigéria, aux Etats-Unis, au Royaume-Uni, en Suède et en Indonésie vient compléter ce rapport.
Concernant les zones humides côtières, deux études de cas sont présentées, l’une portant sur le sudouest
des Etats-Unis et l’autre sur des zones humides de mangrove en Indonésie (Barbier, Acreman
& Knowler, 1997).
Le second document, publié en 2007, consiste en une compilation de directives pour
l’évaluation des services écosystémiques des zones humides. Il s’inscrit dans le cadre d’une
révision de l’ensemble des orientations de Ramsar relatives à l’inventaire, l’évaluation et la
surveillance des zones humides, effectuée entre 2002 et 2005 par le Groupe d’évaluation
scientifique et technique de la convention, qui a ainsi établi la nécessité de disposer d’orientations
en matière d’évaluation des zones humides afin de compléter et mettre à jour les travaux de Barbier
et al. (1997) préparés pour la convention de Ramsar (De Groot, Stuio, Finlayson, & Davidson,
2007).
- 24 -
Ce document inclut dans ses directives une vision plus globale et structurée des causes de la
sous-évaluation et la surutilisation des zones humides. Selon le rapport, il s’agit notamment des
causes suivantes.
 Les carences du marché : bien publics. Nombre des services écologiques, ressources
biologiques et valeurs d’agrément procurés par les zones humides présentent les qualités d’un
bien public, à savoir que certains de leurs services sont considérés comme «gratuits» et ne sont
donc pas pris en compte sur le marché (purification de l’eau ou prévention des crues, par
exemple).
 Les carences du marché : externalités. Un autre type de carence résulte du fait que les marchés
ne reflètent pas pleinement les coûts et avantages sociaux d’un changement de disponibilité
d’un bien ou service (ce qu’il est convenu d’appeler externalités). Ainsi, le prix de produits
agricoles obtenus à partir de zones humides drainées ne fait pas apparaître les coûts — en
termes de pollution et de perte de services des zones humides — imposés à la société par le
processus de production.
 Mesures d’incitation pernicieuses (telles que taxes et subventions stimulant la surutilisation des
zones humides). Par ses nombreuses politiques et décisions qui procurent des facilités en
termes d’activité économique, le Gouvernement va fréquemment, sans le vouloir, à l’encontre
d’un usage rationnel des zones humides, ce qui se traduit par une dégradation et une
destruction des ressources au lieu d’une gestion durable en la matière. On peut citer notamment
les subventions accordées aux crevetticulteurs, qui provoquent la destruction des mangroves.
 Répartition inégale des coûts et avantages. Habituellement, les parties prenantes qui tirent
profit d’un service écosystémique, ou de sa surutilisation, ne sont pas celles qui en supportent
les coûts. Ainsi, lorsqu’une zone humide est touchée par la pollution d’un bassin supérieur par
un ruissellement provenant d’une terre agricole, les personnes qui vivent en aval de cette zone
peuvent en subir les effets. La perte de valeur en résultant (en termes de santé ou de revenu, par
exemple) n’est pas prise en compte et les parties prenantes en aval ne perçoivent généralement
aucune indemnisation pour les dégâts qu’elles subissent.
 Manque de clarté concernant le régime de propriété. Il peut être difficile de déterminer les
droits de propriété sur des zones humides. Les écosystèmes de ces zones sont généralement
dépourvus de délimitations naturelles évidentes et, même lorsqu’il est possible de les cerner,
elles ne correspondent pas forcément à une frontière administrative. C’est pourquoi les limites
de responsabilité d’une organisation gouvernementale ne sont pas faciles à attribuer et les
valeurs d’usage ne sont pas immédiatement manifestes pour les dirigeants.
 Prise de décision qui n’incombe plus aux utilisateurs ni au gestionnaires. Les responsables et
planificateurs omettent de tenir compte de l’importance que revêtent les zones humides pour
ceux qui en sont tributaires, de manière directe ou indirecte (De Groot, Stuio, Finlayson &
Davidson, 2007).
Le rapport souligne la nécessité de disposer d’instances participatives à l’élaboration et
l’analyse des politiques et, en conséquence, aux processus d’évaluation. De la même manière, dans
le cadre d’une proposition globale, il établit le besoin d’identifier et de créer un inventaire des
fonctions et services écosystémiques.
Pour identifier ces services, il adopte le modèle de l’Evaluation des écosystèmes pour le
millénaire. Le tableau 5, adapté de ce rapport, montre une comparaison de la taille relative (par
unité de surface) de chaque service écosystémique procuré par les différents types de zones
humides d’après l’avis d’experts internationaux (De Groot, Stuio, Finlayson & Davidson, 2007).
- 25 -
Tableau 5
Services procurés par certaines zones humides côtières sélectionnées et importance relative
de chaque service. Source : Adaptation d’après De Groot et al. (2007)
Services Estuaires et marécages Mangroves
(zones humides forestières
tropicales soumises aux marées)
Approvisionnement
Aliments Elevée Elevée
Eau douce Faible Aucune
Fibres et combustible, et autres
matières premières
Moyenne Moyenne
Ressources biochimiques et
ressources médicinales
Faible Faible
Patrimoine/matériel génétique Faible Faible
Ressources ornementales Faible Faible
Régulation
Régulation de la qualité de l’air Faible Moyenne
Régulation climatique Moyenne Moyenne
Régimes hydrologiques (recharge
et décharge)
Faible Aucune
Lutte contre la pollution et
détoxification
Moyenne Moyenne
Services Estuaires et marécages Mangroves
(zones humides forestières
tropicales soumises aux marées)
Protection contre l’érosion Moyenne Moyenne
Atténuation des risques naturels Elevée Elevée
Régulation biologique Moyenne Elevée
Culture et loisirs
Patrimoine culturel et identité Elevée Faible
Inspiration spirituelle et artistique Elevée Faible
Loisirs Elevée Faible
Esthétisme Elevée Faible
Education Faible Faible
Soutien
Biodiversité et sites de reproduction Moyenne Moyenne
Formation du sol Moyenne Moyenne
Cycle des substances nutritives Moyenne Moyenne
Le tableau initial comportait plusieurs types de zones humides continentales et côtières.
Nous avons retenu ici deux systèmes qui nous paraissent importants pour déterminer les paramètres
aux fins de cette étude : les estuaires et marécages, et les mangroves, qui constituent des zones
humides forestières tropicales soumises aux marées.
- 26 -
De la même manière, ce rapport présente des indicateurs qui permettent de déterminer
l’utilisation durable des différents services écosystémiques des zones humides, et définit des
paramètres pour l’évaluation écologique et socioculturelle. En termes économiques, il adopte
également le cadre VET (valeur économique totale) pour l’évaluation pécuniaire des services
écosystémiques. La figure 7 montre l’application des systèmes écosystémiques procurés par les
zones humides, d’après les auteurs.
Figure 7
Composantes de la VET (valeur économique totale) et exemples de services
écosystémiques correspondant à chaque composante.
Source : De Groot et al. (2007)
Légende :
Total economic value = Valeur économique totale
Use value = Valeur d’usage
Non-use value = Valeur de non-usage
Direct use value = Valeur d’usage direct
Resources used directly = Ressources utilisées directement
Provisioning services (e.g., water, fish) = Services d’approvisionnement (par exemple : eau,
poissons)
Cultural and amenity services (e.g., recreation) = Services culturels et d’agrément (par exemple : loisirs)
Indirect use value = Valeur d’usage indirect
Resources used indirectly = Ressources utilisées indirectement
Regulating services (e.g., flood prevention, water
purification)
= Services de régulation (par exemple : prévention des
crues, purification de l’eau)
Option value = Valeur d’option
Our future possible use = Notre usage potentiel futur
All services (including Supporting services) = Tous les services (notamment les services de soutien)
Bequest value = Valeur de transmission
Future generation’s possible use = Usage potentiel pour les générations futures
All services (including Supporting services) = Tous les services (notamment les services de soutien)
Existence value = Valeur d’existence
Right of existence = Droit d’existence
Supporting services (e.g., panda, blue whales, wild
eagle)
= Services de soutien (par exemple : pandas, baleines
bleues, aigles sauvages)
- 27 -
Dans ce cadre, ce rapport s’intéresse en particulier à la nécessité de disposer de diverses
méthodes d’évaluation directe et indirecte, en prenant en considération toutes les méthodes
présentées dans le rapport TEEB. Celui-ci inclut les méthodes d’évaluation directe lentes, le coût
de renonciation, l’évaluation contingente, et la méthode de transfert de valeurs rapide. Concernant
cette dernière, lorsque le temps manque pour effectuer une enquête initiale ou en l’absence de
données, il est possible d’utiliser le transfert de bénéfices, néanmoins avec précaution (De Groot,
Stuio, Finlayson & Davidson, 2007).
À présent que le cadre d’évaluation de la VET pour l’estimation des services écosystémiques
a été élaboré en vue de l’appliquer aux zones humides, nous nous intéressons à la méthode mise en
oeuvre par ce cadre pour l’évaluation des dommages environnementaux.
4. Cadre de l’évaluation des dommages environnementaux
L’application de ce cadre à l’évaluation pécuniaire des dommages environnementaux trouve,
comme l’indique Moreno (2005), l’une de ses principales expressions dans la méthode des coûts
biophysiques et sociaux de l’Instituto de Políticas para la Sostenibilidad (Institut des politiques de
durabilité) au Costa Rica.
Le document de base de cette méthode date de 2001 ; il a été élaboré par une équipe
pluridisciplinaire d’une organisation à but non lucratif, dont l’objectif était d’analyser et de
formuler des politiques pour le développement et la conservation. Ses principales activités se
concentrent sur la recherche et la formation. Ce document a été mis au point pour le SINAC
(Barrantes & Di Mare, Metodología para la evaluación económica de daños ambientales en Costa
Rica, 2001).
Pour commencer, le dommage environnemental est défini comme une action ou une activité
qui provoque une perturbation défavorable dans l’environnement naturel. Cette action entraîne un
changement de l’état des ressources touchées ; de ce fait, il est nécessaire de connaître l’état de
conservation de ces ressources avant et après la perturbation. Aussi ce changement est-il examiné
conformément à l’analyse de la teneur de l’expression, des effets, des causes et des agents
impliqués, qui sert de base à la méthode proposée dans l’estimation des coûts de restauration et du
coût social (Barrantes & Di Mare, Metodología para la evaluación económica de daños ambientales
en Costa Rica, 2001).
Pour définir les dommages environnementaux, l’étude détermine tout d’abord les états
antérieur et postérieur à l’action entraînant ces dommages (Barrantes & Di Mare, Metodología para
la evaluación económica de daños ambientales en Costa Rica, 2001), exprimés par l’équation
suivante :
4) 􀜦Aj =􀝂x
t0 [f1(􀝐)−f2(􀝐)]dt
Dans laquelle
DA est le dommage causé à la ressource naturelle, j,
f1(􀝐) correspond au comportement de la ressource naturelle (ou du facteur environnemental)
avant le dommage,
f2(􀝐) correspond au comportement de la ressource naturelle (ou du facteur environnemental)
après le dommage,
t est le temps,
- 28 -
x est la durée de l’effet sur le facteur j.
Le changement est représenté de manière graphique sur la figure 8.
Le coût total est exprimé par trois composantes :
5) CT = CR + CS+ CE
CT étant le coût pécuniaire total associé au dommage environnemental,
CR étant le coût de restauration (utilisé en tant qu’indicateur de la valeur du dommage
biophysique) de l’environnement naturel touché à son état initial de conservation,
CS étant le coût social, qui dépend de la perte des avantages générés en raison des effets sur
l’état de conservation de l’environnement naturel, et de la qualité et la quantité de flux procurés par
le capital naturel, et
CE étant la valeur de la production extraite totale, dans le cas des extractions (Barrantes &
Di Mare, Metodología para la evaluación económica de daños ambientales en Costa Rica, 2001).
Figure 8
Représentation graphique des dommages environnementaux.
Source : Barrantes et Di Mare (2001)
Légende :
Evolution of a factor or of the environment without
action
= Evolution d’un facteur ou de l’environnement sans
action
Quality of an environmental factor = Qualité d’un facteur environnemental
Environmental impact = Impact environnemental
Evolution with action = Evolution avec action
Period of interest = Période d’intérêt
Moment when the action begins = Moment où débute l’action
Time = Temps
Ainsi, Barrantes et Di Mare (2001) indiquent qu’afin de pouvoir estimer les coûts de
restauration il est nécessaire d’identifier l’état de conservation des ressources naturelles touchées et
l’ampleur des effets subis. Lorsque l’on connaît l’état de conservation antérieur à la perturbation,
on peut estimer le temps nécessaire à la reconstitution des ressources, ce qui permet une
- 29 -
approximation plus exacte des coûts économiques en découlant. Plus précisément, la méthode
élaborée pour estimer les coûts de restauration dépend des contributions requises et du temps
nécessaire à la restauration des ressources naturelles touchées à leur état antérieur à la perturbation.
Etant donné que l’action peut avoir des répercussions sur une ou plusieurs ressources, le temps
nécessaire à cette restauration doit correspondre à la ressource nécessitant le plus long temps de
reconstitution (Barrantes & Di Mare, Metodología para la evaluación económica de daños
ambientales en Costa Rica, 2001 ; Vega, Evaluación Económica del daño ambiental causado por
los incendios forestales en Costa Rica, 2004).
L’estimation des coûts sociaux prend en considération la perte d’avantages du fait des
dommages environnementaux provoqués. L’on doit donc déterminer le groupe d’avantages
procurés par l’environnement naturel touché et la manière dont ces avantages ont diminué du fait
de la perturbation environnementale. Si les avantages peuvent être mesurés, on propose une
méthode directe qui dépend des informations disponibles sur les pertes en termes d’avantages et les
moyens de les compenser. Si, à l’inverse, les avantages ne sont pas mesurables, l’on propose une
méthode selon laquelle le coût social est proportionnel au coût de restauration, la constante de
proportionnalité reposant sur le changement d’état de conservation (Barrantes & Di Mare,
Metodología para la evaluación económica de daños ambientales en Costa Rica, 2001 ; Vega,
Evaluación Económica del daño ambiental causado por los incendios forestales en Costa Rica,
2004).
En outre, la méthode permet d’évaluer l’état initial des ressources naturelles concernées en
mesurant les possibilités de procurer les flux ou services environnementaux qui profitent à la
société. Les qualités suggérées sont 1) l’ampleur, 2) la résilience, 3) la représentativité, 4) la
complexité, et le fait d’être ou non un 5) composant décisif. Une proposition de pondération et des
plages sont présentées. En outre, la méthode précise un ensemble d’indicateurs possibles pour
déterminer l’état de conservation des ressources naturelles. La flexibilité doit être de mise lors du
choix des indicateurs et de la pondération en fonction des facteurs des contextes spécifiques
(Barrantes & Di Mare, Metodología para la evaluación económica de daños ambientales en Costa
Rica, 2001 ; Vega, Evaluación Económica del daño ambiental causado por los incendios forestales
en Costa Rica, 2004).
Si le cadre de services environnementaux défini par cette méthode n’est pas aussi large ni
aussi détaillé que celui développé ci-dessus sur la base du MEA (il n’envisage pas la
systématisation des services d’approvisionnement, de régulation, d’habitat et d’informations), il
n’en demeure pas moins assez complet. La pondération de l’état de conservation repose
théoriquement sur des vérifications directes sur le terrain ou, selon ce qui est défini par l’étude, sur
l’élaboration d’une base de données à jour, fiable, systématique, continue et cohérente, qui permet
de disposer de statistiques sur l’état biophysique des ressources naturelles et les flux qui participent
au bien-être de la population (Barrantes & Di Mare, Metodología para la evaluación económica de
daños ambientales en Costa Rica, 2001 ; Vega, Evaluación Económica del daño ambiental causado
por los incendios forestales en Costa Rica, 2004).
Les méthodes d’évaluation recommandées sont foncièrement les méthodes lentes
d’évaluation directe et indirecte indiquées ci-dessus. En outre, il convient de noter que l’étude
n’adopte pas expressément de cadre de gouvernance pour l’estimation, comme une estimation de la
valeur totale ; un tel outil a été adopté ici et précédemment, lors de l’application de ce contexte au
projet d’exploitation minière à Crucitas par Aguilar et al. (2012).
Le conflit lié à l’extraction minière à Crucitas, au Costa Rica, a généré des avancées en
matière d’application de ce cadre d’évaluation, en ce qu’il a introduit des variantes avec la méthode
de transfert de valeurs rapide dans les études requises par le bureau du contrôleur national et le
tribunal administratif des contentieux permettant de déterminer, lors de l’exécution du jugement en
première instance, la valeur pécuniaire des dommages environnementaux provoqués par ce projet,
- 30 -
déclaré illégal par cette instance judiciaire (Aguilar, et al., 2012 ; Marozzi, Chacón, Alpizar, &
Mata, 2012).
C. Applications des cadres décrits au Costa Rica
et en Amérique latine
1. Evaluation des services écosystémiques
L’étude la plus exhaustive a été réalisée par Mary Luz Moreno, chercheuse de l’Universidad
Nacional, qui recense — dans les ouvrages portant sur l’évaluation au Costa Rica — les tendances
concernant tant les services écosystémiques que les dommages environnementaux, jusqu’à la
première décennie du XXIe siècle (Barrantes & Di Mare, Metodología para la evaluación
económica de daños ambientales en Costa Rica, 2001 ; Vega, Evaluación Económica del daño
ambiental causado por los incendios forestales en Costa Rica, 2004). Ses travaux mettent en relief
sept types d’études, parmi les plus connues et les plus influentes. Le tableau 6 répertorie les
36 études examinées par M. Moreno, par catégories et méthodes identifiées. Il précise par ailleurs
celles qui ont infléchi les prises de décision en matière d’environnement dans le pays.
L’on peut résumer ainsi certaines tendances de ses travaux : en premier lieu, les études sont
majoritairement de la littérature grise constituée avant tout de recherches publiées avec l’accord de
réviseurs, qui portent sur l’analyse des réserves d’espèces sauvages protégées et des ressources en
eau. Par ailleurs, les études ayant eu un impact sur les politiques environnementales concernent
essentiellement les ressources en eau et les estimations des dommages environnementaux. Celles
utilisant des méthodes alternatives avec des éléments participatifs ou une analyse multicritère ne
semblent pas avoir exercé beaucoup d’influence jusqu’à ce récapitulatif. Enfin, on retiendra de
l’étude de Moreno que dans la plupart des cas aucune distinction n’est opérée entre les implications
des études d’évaluation relevant de l’économie de l’environnement et celles s’inscrivant dans
l’économie écologique.
Il existe une étude majeure non prise en compte par Moreno (2005) : celle de René Castro,
ancien Ministre de l’environnement, de l’énergie et des télécommunications, qui réalise une
évaluation des services environnementaux générés par les forêts costa-riciennes pour
contrebalancer le changement climatique (Castro, 1999).
Les tendances mises en évidence par Moreno apparaissent également dans la recension de
55 études en Amérique latine effectuée ultérieurement par Aguilar (2007). Il convient de noter que
pour la première fois les travaux collectifs y figurant font clairement la différence entre les études
relevant du cadre de l’économie environnementale et celles s’inscrivant dans l’économie
écologique. L’ouvrage publie plusieurs enquêtes répertoriées par Moreno, et d’autres enquêtes
récentes. Il inclut trois études considérées comme découlant de l’économie écologique (l’une
présente la méthode de l’analyse typologique, et deux l’analyse multicritère). Il comporte
également dix autres études qui adoptent une démarche d’économie de l’environnement (Aguilar
B., Reflexiones y estudios de caso utilizando una Teoría Multidimensional del Valor:
recomendaciones para Centroamérica, 2007).
- 31 -
Tableau 6
Récapitulatif/recension de la littérature sur l’évaluation par Moreno (2005).
Source : Résumé par Moreno (2005)
Catégorie Etude Méthodes Effets sur
les politiques
environnementales
costa-riciennes
Publiées
avec
analyse/
littérature
grise
Evaluation
liées aux
ressources
hydriques
Barrantes, Vega and
Maldonado (2003)
Evaluation directe et
préférences révélées
(coût de renonciation)
Décret stipulant la facturation
de frais aux
concessionnaires d’eau
au Costa Rica
G
Corella (2001) Evaluation directe et
préférences révélées
(coût de renonciation)
G
Segura et al. (2001) Préférences révélées
(coût de renonciation)
G
Reyes et Córdoba
(2000)
Préférences révélées
(coût de renonciation)
G
Barrantes et Castro
(1999)
Préférences révélées
(coût de renonciation)
et préférences déclarées
(évaluation contingente)
Sert de base à l’élaboration
d’un plan pour la
collecte et le paiement
des services environnementaux
de l’eau, afin
d’ajuster le taux de distribution
d’eau potable en
fonction de l’environnement.
P
Barton (1999) Préférences déclarées
(évaluation contingente)
G
Merayo (1999) Préférences déclarées
(évaluation contingente)
G
Barrantes et Castro
(1998a)
Préférences déclarées
(évaluation contingente)
L’étude sert de fondement
à un débat sur les
taux et revenus potentiels
provenant de la part
relative à l’eau dans le
domaine environnemental.
G
Barrantes et Castro
(1998b)
Evaluation directe et
préférences révélées
(coût de renonciation)
P
Marozzi (1998) Préférences déclarées
(évaluation contingente)
G
Valera (1998) Préférences déclarées
(évaluation contingente)
G
- 32 -
Catégorie Etude Méthodes Effets sur
les politiques
environnementales
costa-riciennes
Publiées
avec
analyse/
littérature
grise
Solórzano et al.
(1995)
Evaluation directe et
préférences révélées
(coût de renonciation),
et préférences déclarées
(évaluation contingente)
G
Evaluation
des services
écosystémiques
forestiers
Hearne et Motte
(2001)
Expériences des choix G
Mejías, Alízar et
Watson (2000)
Evaluation directe et
préférences révélées
(coût de renonciation)
G
Bolaños et al. (1996) Evaluation directe G
Carranza et al. (1996) Préférences révélées
(coût de renonciation)
La première somme a été
payée pour PSA au Costa
Rica en 1997, sur la base
de cette étude.
G
Menkhaus et Lober
(1995)
Préférences révélées
(coût de renonciation)
P
Evaluation
d’écosystèmes
spécifiques
De Sena (1997) Préférences révélées
(coût de renonciation)
et préférences déclarées
(évaluation contingente)
G
Barton (1995) Evaluation directe G
Evaluation de
zones de
conservation,
parcs
nationaux
et réserves
biologiques
Adamson (2001) Préférences déclarées
(évaluation contingente)
P
Mejías (2001) Evaluation directe et
préférences déclarées
(évaluation
contingente)
G
Echeverría et al.
(1997)
Evaluation directe et
préférences révélées
(coût de renonciation)
et préférences déclarées
(évaluation contingente)
G
Shulz et al. (1994) Préférences déclarées
(évaluation contingente)
P
Gutic (1993) Evaluation directe G
Tobias et Mendelsohn
(1991)
Préférences révélées
(coût de renonciation)
P
Evaluation
pour mesurer
les dommages
environnementaux
Barrantes et Vega
(2004)
IPS - Evaluation
directe et préférences
révélées (coût de
renonciation)
G
Barrantes et al. (2004) IPS - Evaluation Suggestion faite au G
- 33 -
Catégorie Etude Méthodes Effets sur
les politiques
environnementales
costa-riciennes
Publiées
avec
analyse/
littérature
grise
directe et préférences
révélées (coût de
renonciation)
tribunal administratif
pour l’environnement de
punir le responsable et de
mener des actions liées à
la reconstitution, la compensation
ou l’atténuation
du dommage.
Vega et al. (2004) IPS - Evaluation
directe et préférences
révélées (coût de
renonciation)
G
Vega, Vega et
Barrantes (2004)
IPS - Evaluation
directe et préférences
révélées (coût de
renonciation)
G
Espinoza et al. (2001) Evaluation directe et
préférences révélées
(coût de renonciation)
Sur la base de ces informations,
le SETENA
(secrétariat technique
national à l’environnement)
a déterminé que
la compagnie devait
s’acquitter d’une
pénalité. Tout en
considérant que le
dommage était non
mesurable, il a estimé
que la pénalité serait
une juste mesure pour
faire face à la contamination
du cours d’eau
provoquée par les eaux
usées de la compagnie
accusée. Dans cette
affaire, le tribunal
administratif pour l’environnement
a rendu une
décision fondée sur
l’évaluation réalisée.
G
Evaluation
avec d’autres
méthodes
Marozzi (2004) Analyse multicritère G
Reyes et al. (2004a) Analyse multicritère G
Reyes et al. (2004b) Evaluation directe et
préférences révélées
(coût de renonciation)
avec groupes de
réflexion
G
Camacho et al. (2003) Etude de cas et analyse
multicritère
G
Hartley (2002) Analyse multicritère G
- 34 -
Catégorie Etude Méthodes Effets sur
les politiques
environnementales
costa-riciennes
Publiées
avec
analyse/
littérature
grise
ICE (1994) Evaluation directe et
préférences révélées
(coût de renonciation)
avec groupes de
réflexion
G
L’étude de Moreno (2005) ne tient pas compte de l’existence d’évaluations biophysiques
pour le Costa Rica. Les travaux élaborés par Hall (2000) constituent un exemple notable en la
matière. Ils incluent une évaluation de l’énergie implicite dans le modèle de développement du
pays ainsi qu’une série d’études par secteur de production fondées sur diverses méthodes de ce type
(Hall, 2000). Cette tendance a été suivie par d’autres études, telles qu’Informe del Estado de la
Nación qui, dans ses derniers numéros, rend compte de l’évolution de l’empreinte écologique du
pays (Programa del Estado de la Nación en Desarrollo Humano Sostenible, 2011).
Il convient de citer une étude de 2007 qui associe des méthodes pécuniaires et qualitatives
dans le contexte du Costa Rica et du Panama. Ainsi, une étude de Marozzi et Solís (2007) reconnait
expressément la valeur de l’association entre les techniques VET et la technique multicritère. Cette
méthode exhaustive est appliquée à la question de la conservation des zones humides Gandoca-
Manzanillo et San Pond Sak au Panama (Marozzi & Solís, Valoracíon e económica total de los
humedales Gandoca-Manzanillo San San Pond Sak en el caribe fronterizo entre Costa Rica y
Panamá, 2007).
Les évolutions ultérieures ont mis en évidence la tendance consistant à réaliser des
évaluations qui mesurent la contribution socio-économique des zones naturelles protégées par une
méthode d’analyse par segmentation (Moreno, Choden, Floquet & Mongbo, 2011). On peut
également mentionner les études qui combinent des méthodes, ou soutiennent leur combinaison,
dans un cadre pluridimensionnel pour l’évaluation des dommages environnementaux concernant
Isla Portillos dans la zone humide du nord-est des Caraïbes ou la zone humide de Térraba-Sierpe
(Aguilar-González & Moulaert, 2011; Aguilar-González & Moulaert, 2013). Les recherches
rassemblées dans la seconde étude ont ouvert la voie en termes d’utilisation de la méthode
multicritère et d’impact sur les politiques environnementales, dans la mesure où elles ont joué un
rôle déterminant dans l’approbation du plan de gestion pour cette zone naturelle.
2. Evaluation des dommages environnementaux
Dans une étude récapitulative très complète, le PNUE rend compte des connaissances les
plus récentes concernant d’identification des méthodes pour l’évaluation des dommages
environnementaux jusqu’en 2006, en mettant en particulier l’accent sur l’Union européenne et
l’Amérique latine (Castañon del Valle, 2006). Plusieurs constantes ont été extraites des documents
examinés.
En premier lieu, l’étude différencie les systèmes selon qu’ils se fondent sur une
compréhension subjective ou objective des dommages environnementaux. Le système subjectif
considère l’initiateur comme responsable en cas d’éléments subjectifs de culpabilité ou de
négligence. C’est le système qui prévaut notamment en Italie, en France, au Royaume-Uni, en
Nouvelle-Zélande et aux Pays-Bas. Selon ce mécanisme, le comportement des parties ayant suscité
les dommages environnementaux est pris en compte en vue de leur réparation. Dans le système
objectif, en revanche, l’initiateur est tenu pour responsable indépendamment de la preuve de sa
culpabilité ou négligence, et ne peut être déchargé de cette responsabilité que s’il est prouvé que les
- 35 -
dommages résultent d’un cas de force majeure, ou étaient inévitables ou inéluctables (Castañón del
Valle, 2006). Castañón del Valle considère deux concepts centraux qui constituent des étapes
caractéristiques des divers systèmes examinés : 1) l’identification et la détermination des effets des
dommages ; et 2) l’évaluation des dommages (Castañón del Valle, 2006 ; Barrantes, Metodología
para la evaluación económica del daño ambiental, 2011).
En second lieu, l’examen de ces documents permet de vérifier que le cadre théorique de
l’équation de la valeur totale est considéré dans ces deux environnements juridiques comme l’un
des cadres directeurs d’application courante. Toutefois, il convient de souligner que, sans doute en
raison de sa date, l’étude ne mentionne pas l’utilisation généralisée d’un cadre d’organisation pour
services environnementaux, tel que celui du MEA. En outre, d’après cette source, la théorie
juridique et les textes examinés tiennent compte de la diversité des méthodes d’évaluation, depuis
les méthodes directes et indirectes lentes jusqu’à celles rapides (transfert de valeurs) et
multicritères (Castañon del Valle, 2006).
L’étude cite des exemples de textes qui préconisent l’évaluation des dommages
environnementaux, tels que le décret n° 233 de la loi générale sur l’environnement d’El Salvador
daté de 1998, la loi générale sur l’environnement n° 41 du Panama datée de 1998, ou encore celle
du Pérou (n° 28611) de 2005, puis conclut d’une manière générale que les textes examinés ne
comportent aucune norme définissant des procédures d’évaluation ou des critères communs pour
mettre en pratique leurs dispositions, ce qui crée des problèmes concernant la sécurité juridique des
contrevenants. Même au sujet de l’Union européenne, l’étude indique que le livre blanc sur la
responsabilité environnementale de la Commission européenne recommande, lorsqu’une
restauration n’est pas possible à strictement parler, de fonder l’évaluation des ressources naturelles
sur les coûts de solutions alternatives, en vue de créer des ressources naturelles équivalentes à
celles détruites. Hormis cette directive, il n’existe aucune directive spécifique pour l’évaluation des
dommages environnementaux dans l’Union européenne, tout comme dans pratiquement l’ensemble
de la communauté internationale. L’étude précise que l’Union européenne et d’autres régions
recourent dans certains cas à : 1) la valeur des dommages environnementaux, quels que soient les
coûts de reconstitution ou de nettoyage ; 2) la compensation des ressources par restauration
primaire ou compensation depuis un autre site ; et 3) une combinaison de ces deux éléments
(Castañon del Valle, 2006).
En conséquence, l’étude conclut que le processus d’évaluation des dommages
environnementaux ne saurait se résumer à une simple application de techniques d’évaluation
définies au préalable, puisqu’il doit faire l’objet d’une élaboration plus progressive. Il convient tout
d’abord de fixer un point de départ, de déterminer les conditions initiales des dommages
environnementaux causés, d’évaluer ces dommages, d’établir le nombre de parties touchées et
l’état initial de l’environnement ayant subi les dommages, etc. Cette première phase est suivie de
l’évaluation proprement dite, qui doit estimer la perte subie. Enfin, sur la base de toutes les
informations qui précèdent, l’on décide de la réparation la plus appropriée au fait concerné. Lors
des différentes étapes, l’ensemble du processus doit être adapté aux caractéristiques propres à
chaque situation (Castañon del Valle, 2006).
Concernant cette analyse, deux points supplémentaires méritent d’être mentionnés. Tout
d’abord, certains dispositifs définissent des valeurs normalisées par quantité ou surface de
dommages environnementaux. C’est par exemple le cas des Etats-Unis, touchés par des dommages
découlant de déversements d’hydrocarbures, pour lesquels les coûts d’atténuation ont été
normalisés suite à la marée noire provoquée par l’EXXON-Valdez en Alaska (1998). Par ailleurs,
d’autres dispositifs précisent une valeur standardisée unique par espèce (ou dommage causé à une
espèce). C’est le cas du décret n° 4 du 22 janvier 1986, qui élargit la liste des espèces protégées et
fixe des règles pour leur protection sur le territoire de la Communauté autonome d’Andalousie en
Espagne ; ainsi, la valeur d’une tortue de mer est estimée à 3 005,10 euros, tout comme celle d’un
aigle impérial et d’autres mammifères marins (Castañon del Valle, 2006).
- 36 -
Nous pouvons citer ici, à titre d’exemples récents en Amérique latine, des méthodes
d’évaluation de dommages environnementaux récemment appliquées en Equateur et au Costa Rica,
conformément à leur droit de l’environnement respectif dans la sphère administrative. Le tableau 7
en présente un récapitulatif. Ces pays semblent tendre vers l’élaboration de cadres
méthodologiques plus perfectionnés.
Tableau 7
Contextes méthodologiques appliqués à l’évaluation des dommages en Equateur et
au Costa Rica. Source : Préparé par les auteurs sur la base des études citées
Zone de
référence
Années Valeur
économique
des
dommages
environnementaux
(en dollars
E.-U.)
Hectares
touchés
Valeur
par
hectare
(en dollars
E.-U.)
Méthode Réalisée par
Zones
humides
tropicales en
Equateur
2001
et 2008
2 160,43 1,000 2 160,43 Coût de
restauration,
pondération du
marché et de
l’écosystème
Accords
ministériels
n° 442 de 2001
et n° 178 de
2008 relatifs aux
coûts de
restauration,
d’après Barrantes
(2000)
Zones
humides
tropicales en
Equateur
2001
et 2008
1 357,76 1,000 1 357,76 Coût de
restauration,
pondération du
marché et de
l’écosystème
Accords
ministériels
n 442 de 2001 et
n° 178 de 2008
relatifs aux coûts
de restauration,
d’après Barrantes
(2000)
Zone de
protection de
cours d’eau à
Puriscal au
Costa Rica
2010 71 698,00 0,020 71 698,00 Investissement
entraînant le
dommage et
pondération de
l’écosystème
Techniciens de
l’ACOPAC pour
le tribunal pour
l’environnement,
d’après Barrantes
(2002)
Forêts
primaires
naturelles et
forêts ayant
subi des
interventions
en Equateur
2012 2 000,00-
20 000,00
1,000 2 000,00-
20 000,00
Coûts de
restauration par
hectare et
pondération de
l’écosystème,
valeurs élevées à
faibles
Accord
ministériel
n° 1330 de 2012
relatif aux coûts
de restauration
Zone de
protection de
cours d’eau à
Alajuela au
Costa Rica
2012 533,21 0,004 143 220,52 Pondération du
marché et de
l’écosystème
Techniciens du
bureau Grecia de
l’ACCVC pour
le tribunal pour
l’environnement
- 37 -
Zone de
référence
Années Valeur
économique
des
dommages
environnementaux
(en dollars
E.-U.)
Hectares
touchés
Valeur
par
hectare
(en dollars
E.-U.)
Méthode Réalisée par
Déforestation
découlant du
projet d’extraction
minière de
Crucitas au
Costa Rica
2012 4 600 000,00 86,500 53 179,19 Coût de
restauration et
transfert de
valeurs sur la base
du SIG pour la
perte de services
environnementaux
Equipe
pluridisciplinaire
de Fundación
Neotrópica, à la
demande du
MINAE
Zone de
protection de
cours d’eau à
Alajuela au
Costa Rica
2014 312,34 0,040 8 008,72 Pondération du
marché et de
l’écosystème
Techniciens du
bureau Grecia de
l’ACCVC pour
le tribunal pour
l’environnement
Déforestation
découlant du
projet
d’extraction
minière de
Crucitas au
Costa Rica
2015 6 400 000,00 58,000 110 344,83 Coût de restauration
et coût des
services environnementaux,
estimés par une
combinaison de
techniques, sur la
base d’un travail
de terrain et d’une
pondération
Equipe
pluridisciplinaire
nommée par le
tribunal administratif
à la
requête du
demandeur
On observe que les données pour l’Equateur, qui datent du début des années 2000, indiquent
la détermination d’un prix fixe par hectare de forêt primaire et de forêt secondaire, sur la base de la
méthode recommandée par IPS, et ultérieurement par le Paraguay (Barrantes & Cháves, Valoración
Económica del Daño en Bosques Naturales. Estudio de Caso: Bosque Húmedo Tropical en
Ecuador, 2000). La valeur estimée par hectare varie entre 1 357,76 et 2 160,43 dollars des Etats-
Unis).
Cette démarche a perduré dans le pays jusqu’en 2012, lorsque le dispositif d’application du
droit en vigueur a été modifié en un mécanisme fondé sur la valeur de base et une pondération
écosystémique de quatre facteurs : l’eau ; le bois d’oeuvre et les produits non ligneux ; le stockage
de carbone ; et la biodiversité, par le biais de l’échelle de Likert. Cette nouvelle méthode entraîne
une augmentation des valeurs par hectare, qui se situent alors dans une plage de 2 000,00 dollars à
20 000,00 dollars, en fonction du rang de priorité des facteurs d’évaluation (accord ministériel 1330
de l’Equateur datant de 2012).
Dans le cas du Costa Rica, l’évolution est analogue, avec des manifestations intéressantes au
niveau judiciaire. Durant la première moitié de la première décennie de ce siècle, l’élaboration de
ces méthodes a suscité un certain intérêt — un aspect traité dans les travaux d’IPS. Néanmoins,
toutes les entités administratives n’adoptent pas la méthode proposée. Ainsi, dans le cas du Réseau
national des zones de conservation (SINAC), chaque zone choisit des méthodes d’évaluation
indépendantes. Ceci découle en partie de la création du tribunal administratif pour l’environnement
qui, de par sa fonction punitive, leur impose de procéder de la sorte aux termes de l’article 99 de la
loi environnementale organique du Costa Rica (loi n° 7554 de 1995).
- 38 -
Ainsi, certaines régions ont mis au point des évaluations qui semblent disproportionnées et
ne correspondent pas aux normes théoriques les plus courantes de la doctrine sur l’évaluation des
services écosystémiques. Tel est le cas de l’évaluation des dommages environnementaux réalisée
par la zone de conservation du Pacifique central (Sequeira, 2010), qui se fonde ici sur la valeur de
l’investissement provoquant le dommage, augmentée de 1000 % après pondération — par un
expert technique — des indicateurs de gravité du dommage causé. La valeur du dommage par
hectare figurant dans le tableau 5 est de toute évidence extrême comparée à d’autres incluses dans
l’exemple.
Pour 2012 et 2014, il existe des rapports techniques ayant la même finalité, qui reposent sur
la quantification de la valeur des dommages environnementaux dans le total des coûts de
restauration (reconstitution, suivi et surveillance) et du coût social exprimé dans la perte de services
écosystémiques. Le total est abaissé par pondération du niveau de dommages environnementaux
causés aux ressources, et du niveau de conservation initiale du site touché (avant les dommages).
On peut ainsi déterminer les dommages imputables. Ces applications dans la sous-région
administrative de Grecia, qui fait partie de la zone de conservation de la chaîne volcanique centrale
(ACCVC), ont néanmoins le défaut de ne pas rechercher de moyens ni d’informations
supplémentaires qui permettraient de procéder à un transfert de valeurs en l’absence d’estimations
primaires du «coût social». Elles se limitent à l’utilisation des recherches d’IPS, qui réitère les
coûts de restauration (Barrantes & Cháves, Valoración Económica del Daño en Bosques Naturales.
Estudio de Caso: Bosque Húmedo Tropical en Ecuador, 2000). Cela signifie que le coût de
restauration est ajouté à deux reprises, et diminué selon le niveau des dommages imputables. Puis
la valeur actuelle nette est calculée pour la période écoulée jusqu’à la reconstitution de
l’écosystème (dans le cas présent, 25 ans) (Jiménez, Valoración del Daño Ambiental. Propiedad
Kattia Vargas Arias Rodríguez de Valverde Vega-, 2014). Concernant l’évaluation de 2012, la
différence est que les coûts de reconstitution ne sont pas estimés en raison de la petite superficie de
la zone ; en revanche, les coûts de suppression des travaux à l’origine des dommages sont estimés
(Jiménez, Valoración del Daño Ambiental Area de Protección Quebrada Pilas Propiedad de Digna
Prendas Loría, Candelaria de Naranjo-Alajuela, 2012).
Dans le cas des procédures administratives relatives aux dommages provoqués par le projet
d’extraction minière à Crucitas, la pratique au Costa Rica a introduit de nouveaux éléments. Après
avoir déclaré, dans le cadre du tribunal, l’illégitimité des permis et décrets qui ont facilité le
démarrage du projet d’exploitation à ciel ouvert, le bureau du procureur général a demandé au
ministère de l’environnement (MINAE) de réaliser une évaluation des dommages
environnementaux causés par l’enlèvement des arbres et de la végétation et des coûts de
restauration, pour se faire une idée de la responsabilité susceptible d’incomber à l’Etat,
conformément à la décision de justice, étant donné que les règlementations établissent la
responsabilité conjointe avec l’auteur des dommages. Le ministre Castro a engagé Fundación
Neotrópica en tant que tierce partie indépendante pour réaliser cette tâche (Aguilar et al., 2012).
Puisqu’il a été demandé que l’évaluation soit effectuée dans un bref laps de temps, et que la
société en infraction a refusé l’entrée des lieux aux fins d’inspection tandis que l’exécution de la
phase de jugement était sur le point de commencer, une méthode de transfert de valeurs a été
retenue. Une équipe interdisciplinaire a été établie, constituée de trois économistes écologiques,
d’un expert en écologie politique, d’un technicien en gestion des ressources naturelles, d’un
biologiste tropical, d’un sociologue et d’un technicien en tourisme durable. Des photos satellite et
un survol ont permis de mesurer le changement d’utilisation des sols dans la zone d’opération du
projet, et par là même d’estimer les coûts des pertes des services environnementaux, qui ont été
ajoutés aux coûts de restauration mis en évidence par une recension des écrits et une consultation
de techniciens de la Huetar Norte Conservation Area. L’on a estimé une plage de valeurs par
rapport à la perte de services environnementaux, au moyen de la méthode de transfert de valeurs et
de divers cas d’espèce de la valeur actuelle nette (VAN), avec une projection du flux de perte des
services environnementaux sur 10 et 25 ans, et des taux d’actualisation de 1 %, 4 % et 10 %. La
VAN la plus élevée sur 25 ans avec un taux d’actualisation de 1 % atteint 11,86 millions dollars ;
- 39 -
combiné à un coût de restauration de 159 449,75 dollars, cela correspond à une VAN de
11,88 millions. De manière prudente, en se fondant sur l’utilisation de la valeur médiane des
estimations de cette plage, l’on propose une évaluation avec un taux d’actualisation de 4 % et une
projection de la VAN sur 25 ans pour la reconstitution des services environnementaux, ce qui
représente 4,6 millions de dollars (Aguilar et al., 2012).
Lors de la phase d’exécution du jugement, un groupe interdisciplinaire de témoins experts
nommés par le tribunal, à la demande et sur recommandation du requérant, a réalisé une évaluation
avec vérification de l’état des lieux par le biais d’inspections sur le terrain. L’évaluation a nécessité
plusieurs mois, et abouti à l’estimation de 58 hectares endommagés, avec des coûts de restauration
et une perte en termes de bois gisant équivalant à 6,4 millions dollars. Cette estimation a été
calculée avec un taux d’actualisation de 3 % et une projection du flux de services pour la VAN de
cinquante ans. L’équipe technique avait suggéré une estimation plus élevée, soit
10,4 millions dollars, fondée sur un taux de 0 % (Marozzi, Chacón, Alpizar & Mata, 2012). Le
tribunal a retenu prudemment la première estimation lors de sa décision, dont il a été fait appel.
En résumé, cette étude repose sur le cadre de services environnementaux défini par
l’Evaluation des écosystèmes pour le millénaire. L’estimation pécuniaire procède du cadre de
l’outil théorique de l’équation de la valeur totale, constituée des valeurs directe et indirecte des
biens et services environnementaux, largement acceptée par la théorie des ressources naturelles/de
l’économie environnementale et l’économie écologique. En conséquence, le rapport TEEB du
PNUE, qui a fait école, y souscrit également. Par ailleurs, il s’agit d’une référence en matière
d’application de l’évaluation économique des écosystèmes de zone humide, comme le montrent les
rapports de recommandations techniques publiés par la convention de Ramsar.
La valeur du dommage est estimée par une combinaison des méthodes prescrites par l’IPS,
modifiées à la lumière des expériences récentes au Costa Rica et en Amérique latine. Plus
précisément, l’estimation se fonde sur les méthodes d’évaluation directe et du coût de renonciation.
En outre, les méthodes lentes et rapides sont associées, s’il y a lieu, aux consignes indiquées dans la
littérature.
V. ESTIMATION DE LA VALEUR PÉCUNIAIRE DES DOMMAGES ENVIRONNEMENTAUX CAUSÉS
SUR ISLA PORTILLOS, CONFORMÉMENT AUX FAITS CONSTATÉS DANS L’ARRÊT
DE LA COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE DU 16 DÉCEMBRE 2015
Ce chapitre présente la méthode d’évaluation des dommages provoqués par la construction
des trois caños sur le territoire costa-ricien d’Isla Portillos dans la zone humide dite la «Humedal
Caribe Noreste» (HCN). Il expose tout d’abord le processus de sélection des biens et services
écosystémiques devant faire l’objet de l’évaluation pécuniaire des dommages, puis le processus de
collecte des données auprès des sources techniques et juridiques disponibles. Enfin, il rend compte
des spécifications méthodologiques de l’estimation, avant de s’achever avec la présentation des
résultats.
A. Détermination préliminaire des biens et services écosystémiques à prendre en
considération
Le Gouvernement costa-ricien a exprimé son souhait d’agir avec la bonne foi suggérée par la
Cour dans son arrêt, en accordant aux parties un laps de temps judicieux pour se mettre d’accord
sur les réparations des dommages matériels causés par les actions du Gouvernement nicaraguayen
sur Isla Portillos entre 2010 et 2013. À cette fin, l’équipe d’évaluation, l’équipe technique du
SINAC et l’équipe technique du ministère des affaires étrangères [du Costa Rica] ont tenu trois
réunions. Le cadre des biens et services écosystémiques définis dans l’Evaluation des écosystèmes
- 40 -
pour le millénaire, assorti des adaptations faites par la convention de Ramsar concernant les zones
humides, ont servi d’orientations pour la classification des effets dans la zone des trois caños.
Par ailleurs, dans le tableau 4, nous avons présenté le tableau des évaluations de Liu et al.
(2010) publié dans Annals of the New York Academy of Sciences, pour mesurer le potentiel
d’évaluation — conformément aux règles en vigueur — des biens et services devant faire l’objet
d’une estimation adéquate. En outre, afin de disposer d’une base appropriée pour l’évaluation par le
transfert de valeurs de certains de ces biens et services concernés, lorsqu’il y a lieu, nous nous
sommes appuyés sur l’estimation de la transférabilité des évaluations de ces services réalisée par
cette publication scientifique.
Ainsi, il a été convenu que pour l’évaluation des dommages sur Isla Portillos le pays axerait
ses efforts sur les biens et services environnementaux qui, outre le fait qu’ils ont été touchés,
offrent les enseignements les plus complets et les plus crédibles quant à leurs possibilités
d’évaluation, ainsi que la transférabilité la plus élevée. Les biens et services touchés mais offrant de
faibles possibilités en termes d’évaluation et une moindre transférabilité sont simplement cités. Le
résultat de ce processus est présenté dans le tableau 8.
Afin d’étayer ce choix, nous avons inclus l’ampleur relative des services dans les
écosystèmes des zones humides côtières figurant dans le tableau 5. Nous avons uniquement
modifié l’ampleur du service de régulation du régime hydrologique compte tenu des considérations
techniques spécifiques des missions technique de Ramsar, qui font apparaître
l’importance/l’ampleur du service dans la HCN, en renvoyant au temps et au régime hydrologique
propres à cette région (Secrétariat de la convention de Ramsar, 2010).
Concernant les services d’approvisionnement, au vu de la forte présence et de la valeur
écologique élevée de la biodiversité dans la zone (Secrétariat de la convention de Ramsar, 2010), il
est admis que celle-ci comporte des stocks ou réserves perceptibles. Néanmoins, étant donné qu’il
s’agit d’une zone naturelle protégée par des réglementations quant à ses possibilités d’utilisation,
on ne saurait dire qu’il existe un flux de service en termes de chasse, pêche ou cueillette de plantes
comestibles. Comme cette zone comporte des mangroves (Araya & Mena, Informe de Gira. ACTo-
GMRN-EPMF-364-2013, 2013 ; Monge, Jiménez, & Bonila, 2013), la seule pêche non artisanale
autorisée est celle limitée à un usage national, la récolte de crustacées et mollusques est restreinte,
etc. C’est pourquoi l’équipe technique préfère ne pas inclure ce service dans les dommages
exigibles et, par conséquent, imputables.
De la même manière, il est possible de comptabiliser le bois sur pied et les matières
premières ligneuses, dont les pertes sont avérées, comme pertes de réserves. Malgré les restrictions
relatives à l’usage commercial, il existe des réserves nationales susceptibles de représenter tout au
moins une valeur d’option, étant donné que le pays pourrait décider, faisant usage de son droit
souverain, d’utiliser ces matières dans diverses circonstances, notamment en situation d’urgence.
C’est pourquoi il a été convenu de rendre compte de cet aspect en termes tant de perte en bois sur
pied que d’estimation des matières premières (fibres, énergie et ressources ornementales). Une
description qualitative et une quantification pécuniaire ont été réalisées.
En ce qui concerne les services d’approvisionnement découlant de la biodiversité (ressources
biochimiques et médicinales), l’expérience du Costa Rica en matière d’utilisation durable est
largement décrite du point de vue de l’extraction d’échantillons dans le cadre de la loi sur la
biodiversité, à des fins d’information. C’est notamment le cas de la HCN (ACTO-SINACMINAET,
2009). Cependant, les sources d’informations et le temps disponible pourraient limiter la
quantification spécifique de ce service.
- 41 -
Nous avons jugé pertinent de faire le point sur la possibilité de quantifier les pertes du point
de vue des flux, avec les services d’habitat et de pépinière (régulation biologique), l’information/la
culture, la science et l’éducation. S’il est possible d’évaluer au moins l’une de ces catégories, au
moyen des données ou d’études de référence disponibles, nous pourrons alors nous faire une idée
de l’ensemble. Nous avons opté pour cette démarche prudente bien qu’elle soit susceptible de
déboucher sur une sous-évaluation de ces services. Pour la lutte contre les maladies et les ravageurs
ainsi que la pollinisation, en dépit des flux manifestes dans la zone, nous ne sommes pas parvenus à
trouver, dans les rapports techniques, de données étayant la perte de ces flux du fait des dommages.
- 42 -
Tableau 8
Sélection préliminaire des biens et services écosystémiques pour l’évaluation pécuniaire réalisée par l’équipe d’évaluation et l’équipe technique du SINAC ainsi que
le ministère costa-ricien des affaires étrangères. Source : Préparé par les auteurs
Biens et services
écosystémiques
Facilité
d’évaluation
Transférabilité
de la valeur
pécuniaire
Ampleur
dans
l’écosystème
Réserves perceptibles
dans la zone
Flux perceptible/légal
dans la zone
Perte vérifiable
du fait des
dommages
Description
qualitative
Evaluation
pécuniaire
Approvisionnement
1. Aliment Elevée Elevée Elevée Oui Non Non Non Non
2. Eau douce Elevée Moyenne Aucune Non Non Non Non Non
3. Bois d’oeuvre,
combustible,
fibres et autres
matières
premières
Elevée Elevée Moyenne Oui Non Oui Oui Oui
4. Ressources
biochimiques et
médicinales
Elevée Elevée Faible Oui Oui Oui Oui Oui
5. Ressources
génétiques
Faible Faible Faible Oui Oui Oui Oui Non
6. Ressources
ornementales
Elevée Moyenne Faible Oui Non Oui Oui Oui
Régulation et
soutien
7. Qualité de l’air
et régulation
des gaz
Moyenne Elevée Moyenne Oui Oui Oui Oui Oui
8. Régulation du
climat
Faible Elevée Moyenne Oui Non Non Non Non
- 43 -
Biens et services
écosystémiques
Facilité
d’évaluation
Transférabilité
de la valeur
pécuniaire
Ampleur
dans
l’écosystème
Réserves perceptibles
dans la zone
Flux perceptible/légal
dans la zone
Perte vérifiable
du fait des
dommages
Description
qualitative
Evaluation
pécuniaire
9. Régime
hydrologique -
recharge et
décharge
Elevée Moyenne Moyenne* Oui Oui Oui Oui Non
10. Atténuation des
risques naturels
Elevée Moyenne Elevée Oui Oui Oui Oui Oui
11. Lutte
antipollution
Elevée Moyenne à
élevée
Moyenne Oui Non Non Non Non
12. Régulation
d’autres déchets
Elevée Moyenne à
élevée
? Oui Non Non Non Non
13. Lutte contre
l’érosion
Moyenne Moyenne Elevée Oui Oui Oui Oui Oui
14. Formation du
sol
Moyenne Moyenne Moyenne Oui Oui Oui Oui Oui
15. Cycle des
substances
nutritives
Moyenne Moyenne Moyenne Oui Oui Oui Oui Oui
16. Lutte contre les
ravageurs et les
maladies
Moyenne Elevée Elevée Oui Oui Non Non Non
17. Lutte
biologique
(contrôle,
habitat et
pépinière)
Moyenne Elevée Elevée Oui Oui Oui Oui Oui
18. Pollinisation Moyenne Elevée Elevée Oui Oui Non Non Non
- 44 -
Biens et services
écosystémiques
Facilité
d’évaluation
Transférabilité
de la valeur
pécuniaire
Ampleur
dans
l’écosystème
Réserves perceptibles
dans la zone
Flux perceptible/légal
dans la zone
Perte vérifiable
du fait des
dommages
Description
qualitative
Evaluation
pécuniaire
Culture et loisirs
19. Histoire et
spiritualité
Faible Faible Faible Oui Non Non Non Non
20. Loisirs Elevée Faible Faible Oui Oui Oui Oui Non
21. Valeurs
esthétiques et
artistiques
Elevée Faible Faible Oui Oui Oui Oui Non
22. Science et
éducation
Faible Elevée Faible Oui Oui Oui Oui Oui
- 45 -
De la même manière, s’il est manifeste que l’existence d’une diversité biologique élevée a un
effet positif sur le nombre de ressources génétiques des forêts anciennes dans les écosystèmes
complexes (Thorne, Evaluation de l’impact physique des travaux menés par le Nicaragua depuis
octobre 2010 sur la géomorphologie, l’hydrologie et la dynamique sédimentaire du fleuve San Juan
et des impacts environnementaux sur le territoire costa-ricien, 2011), l’élaboration et la mise en
oeuvre de techniques pour leur évaluation et la faible transférabilité de valeurs depuis d’autres sites
nécessiteraient une étude primaire incluant la mesure d’échantillons, ce qui suppose des coûts
élevés. De ce fait, l’équipe a convenu de ne pas intégrer cet aspect dans l’évaluation réalisée.
L’eau potable n’est pas quantifiée en raison de l’absence d’approvisionnement en la matière
de la part des services publics dans la zone concernée et du faible nombre de maisons dans les
environs, dont plusieurs ont été abandonnées du fait du différend frontalier, qui a pris fin avec la
décision de décembre 2015 (Monge, Jiménez & Bonila, 2013).
Concernant les services de régulation et de soutien, plusieurs groupes de biens et services ont
fait l’objet d’une évaluation, compte tenu de la difficulté de réaliser une étude primaire pour
l’évaluation des services et réserves considérés comme touchés et recouvrables. C’est le cas des
services de régulation concernant la lutte contre l’érosion, de formation du sol et de soutien au
cycle des substances nutritives.
La qualité de l’air et les services de régulation des gaz, essentiels aux objectifs
environnementaux du pays, sont évalués. Par ailleurs, le service d’atténuation des risques naturels a
été considéré d’une importance majeure pour la zone, les infrastructures et les villes voisines,
notamment car ces sites sont particulièrement exposés aux effets du changement climatique
(ACTO-SINAC-MINAET, 2009 ; Monge, Jiménez & Bonila, 2013). Aussi a-t-il été identifié
comme un service nécessitant une mise en lumière spécifique.
Les biens et services de support, de régulation et culturels restants ne feront pas l’objet de
mesure. Au vu du temps et des ressources requises pour l’évaluation du service de régulation du
régime hydrologique, par le biais de méthodes lentes, et de l’absence d’études récentes dans les
zones humides côtières tropicales, l’équipe d’évaluation technique a convenu de ne pas procéder à
leur estimation en dépit de leur importance. Comme dans d’autres situations, nous avons opté pour
une description qualitative.
Concernant la lutte contre la pollution et d’autres services de régulation de déchets ainsi que
le service historique et spirituel, l’équipe considère que les flux ne sont pas suffisamment
perceptibles dans la zone. Il en va autrement pour les services esthétiques, de loisirs et culturels
qui, bien que non évalués économiquement, ont fait l’objet d’une description qualitative.
Les dommages ayant été causés à des dates distinctes, les estimations sont séparées pour
chaque zone touchée, et plus précisément pour C2010 et CE2013. Dans chaque cas, le nom fait
référence aux zones affectées dans leur ensemble (déforestation, enlèvement de végétation,
creusement physique du caño, etc.). Pour ce qui est du CO2013 — ainsi que les tests techniques le
suggèrent —, sa construction n’a pas eu d’impact significatif (Secretaría de la Convencíon Ramsar,
2014), de sorte que le Costa Rica a choisi de ne pas réclamer d’indemnisation pécuniaire.
En résumé, sur les 22 catégories de biens et services écosystémiques pris en considération,
dix ont été retenus à des fins d’examen préliminaire pour leur évaluation pécuniaire. Une
description qualitative des dommages est fournie pour quatre autres services, sans évaluation
pécuniaire. Les quatre services restants ne sont soumis ni à l’une ni à l’autre. La sélection et
l’évaluation définitives sont effectuées compte tenu de la possibilité d’accéder aux informations
requises pour l’évaluation des ressources selon les méthodes les plus répandues dans la littérature
ou, en leur absence, aux études de référence adaptées pour l’application de la méthode de transfert
de valeurs. Les dommages sont différenciés en fonction des zones touchées en 2010 et 2013,
appelées C2010 et CE2013.
- 46 -
B. Evaluation de la disponibilité des données et perfectionnement
de la méthode d’estimation
Pour évaluer comme il convient l’équilibre entre les données requises et la nécessité d’une
évaluation, nous avons tout d’abord déterminé les besoins en matière de données et les méthodes
d’évaluation directe et indirecte qui prévalent dans la littérature. Le résultat de ce processus figure
dans le tableau 9. L’on détermine les méthodes les plus utilisées en établissant une corrélation entre
les informations du tableau 4 et les orientations de Ramsar les plus récentes en termes d’évaluation
des zones humides (De Groot, Stuio, Finlayson & Davidson, 2007 ; Liu, Costanza, Farber & Troy,
2010).
Au vu des besoins en matière de données indiqués dans le tableau 9, les biens et services qui
peuvent être estimés au moyen des données rassemblées dans les rapports techniques consignés se
limitent à l’approvisionnement en bois d’oeuvre et à la lutte contre l’érosion ou la formation du sol.
Les exigences en termes de temps et de ressources, et les difficultés d’accès à la zone, empêchent
l’estimation de la valeur des autres biens et services.
Tableau 9
Méthodes les plus utilisées dans la littérature et données requises pour l’évaluation pécuniaire
des biens et services écosystémiques présélectionnés. Source : Préparé par nous
Biens ou services présélectionnés Méthode la plus
utilisée
Données requises
Approvisionnement
3. Bois d’oeuvre M, P Volume, prix du marché, coût de renonciation
3. Fibres, combustibles et autres
matières premières
M, P Volume, prix du marché, coût de renonciation
4. Ressources biochimiques et
médicinales
CE, CR, P Coûts médicaux et coûts de santé
6. Ressources ornementales CE, CR, H Coût des éléments décoratifs de remplacement,
effet des aménagements créés avec les ornements
sur le prix des biens afférents (immobiliers, par
exemple)
Régulation et soutien
7. Qualité de l’air et régulation
des gaz
EC, CE, CR Consentement du Costa Rica à payer, coûts de
nettoyage, coûts d’atténuation, taux de fixation des
gaz à effet de serre, tarification du carbone
10. Atténuation des risques
naturels
CE Coût évités dans la destruction des infrastructures
et propriétés foncières
13. Lutte contre l’érosion CE, CR, H Etendue de la perte en termes de sols, coûts de
fertilisation pour remplacer les substances
nutritives, coût de la reconstitution des côtes suite à
leur érosion, prix du marché des biens fonciers,
coûts des machines nécessaires pour la remise en
état des sols érodés, effet des aménagements créés
avec les sols non érodés sur le prix des biens
afférents (immobiliers, par exemple)
14. Formation du sol CE Etendue de la perte en termes de sols, prix du
marché des biens fonciers, coûts des machines
nécessaires pour la remise en état des sols érodés
- 47 -
Biens ou services présélectionnés Méthode la plus
utilisée
Données requises
15. Cycle des substances nutritives CE, EC Etendue de la perte en termes de sols, coûts de
fertilisation pour remplacer les substances
nutritives, consentement du Costa Rica à payer
17. Lutte biologique (contrôle,
habitat et pépinière)
CE, M Coûts de l’application de produits agrochimiques
ou d’autres méthodes pour réguler les espèces que
l’on souhaite réguler, valeur sur le marché des
espèces sélectionnées
Culture et loisirs
22. Science et éducation CR, M Opinions d’expert, informations relatives aux
revenus découlant des sciences et de l’éducation
générés dans le pays et la région pour les
informations produites
CE : coûts évités (défensifs) ; EC : évaluation contingente ; H : prix hédonistes ; M : prix du marché ; P :
effets de productivité : CR : coûts de remplacement ; CV : coût de voyage
Au vu des circonstances, des recherches ont été menées pour identifier les études de
référence potentielles permettant un exercice de transfert de valeur, en respectant un certain nombre
de critères afin de prévenir les risques et distorsions inhérents à cette méthode (Pascual, Muradian,
Brander, Gómez-Baggethun & Martín-López ; Aguilar et. al., 2012). Tout d’abord, nous avons
recherché des études portant sur des écosystèmes similaires, tels que des zones humides côtières
tropicales (la majeure partie de la littérature concerne les mangroves). Puis nous avons sélectionné
des études postérieures à l’an 2000, et des études se fondant sur les méthodes les plus courantes
pour l’évaluation des biens et services dont il est ici question (De Groot, Stuio, Finlayson &
Davidson, 2007 ; Liu, Costanza, Farber & Troy, 2010). Dans la mesure du possible, nous ne nous
sommes appuyés que sur des études publiées dans des journaux indexés validés par des pairs. En ce
qui concerne la littérature grise, nous adoptons le protocole de révision suivi par l’ONG Earth
Economics (http://www.eartheconomics.org/), spécialisée dans l’évaluation des services
écosystémiques, pour examiner les études d’évaluation à inclure dans sa base de données générales
en la matière. Nous ne cherchons qu’à transférer la valeur des biens et services présentant une
facilité d’évaluation, et une transférabilité des valeurs, élevées ou moyennes (tableau 8). D’autre
part, lors de la sélection des valeurs et de leur adaptation au site concerné, nous nous conformons
aux recommandations techniques des équipes d’évaluation locales et des techniciens du SINAC et
du ministère costa-ricien des affaires étrangères (Costanza et al., 2014). Les biens et services
identifiés et les études de références sont présentés dans le tableau 10.
Tableau 10
Etudes de référence164 pour le transfert de valeurs en conformité avec les spécifications adoptées.
Source : Préparé par les auteurs
Etude Bien ou service évalué Site de l’étude
Arguedas (2015) Régulation des gaz Golfe de Nicoya (Costa Rica)
Barbier (2007) Atténuation des risques naturels Thaïlande
Barbier et al. (2002)
Habitat et pépinière
Thaïlande
Atténuation des risques naturels
164 La liste complète des études figure dans l’appendice 1.
- 48 -
Etude Bien ou service évalué Site de l’étude
Camacho-Valdez et al. (2014)
Fibres et matières premières
énergétiques
Habitat et pépinière Golfe du Mexique (Mexique)
Atténuation des risques naturels
Cooper et al. (2009) Atténuation des risques naturels Belize
De la Peña et al. (2010) Régulation des gaz Ciénaga Grande Santa Marta
(Colombie)
Emerton (2005) Rétention des sols Ecosystèmes des zones humides
côtières en Asie et en Afrique
Gómez (2001) Régulation des gaz Sabana Camagüey (Cuba)
Mendoza-González et al. (2012) Fibres et matières premières
énergétiques
Golfe du Mexique (Mexique)
Samonte-Tan et al. (2007)
Habitat et pépinière Triangle marin de Bohol
Rétention des sols (Philippines)
White et al. (2000) Fibres et matières premières
énergétiques
Olango Island, Philippines
Sur la base de ces études, on peut opérer la sélection finale des différents services
écosystémiques pour déterminer les pertes en termes de biens et services écosystémiques entrant en
ligne de compte dans les dommages environnementaux, selon l’équation 5). Les biens et services
restants pour lesquels les pertes apparaissent clairement dans les rapports techniques mais qui ne
font l’objet d’aucune estimation sont pris en compte de manière qualitative uniquement, comme le
montre le tableau 11.
En résumé, sur les 22 catégories de biens et services écosystémiques considérés, six font
l’objet d’une évaluation pécuniaire. Huit sont décrits de manière qualitative et huit autres ne sont
pas inclus dans la comptabilité des pertes.
Tableau 11
Sélection finale des biens et services écosystémiques en vue de leur évaluation et description
qualitatives, selon les données et ressources disponibles et sur la base des études
de référence. Source : Préparé par les auteurs
Biens ou services écosystémiques Méthode à utiliser
Approvisionnement – à évaluer
Bois sur pied Evaluation directe et coût de renonciation
Autres matières premières (fibres et énergie) Transfert de valeur
Régulation et soutien – à évaluer
Régulation des gaz Transfert de valeur
Atténuation des risques naturels Transfert de valeur
Formation du sol/lutte contre l’érosion Coûts de remplacement
Habitat et pépinière (biodiversité) Transfert de valeur
Approvisionnement – à décrire
Ressources biochimiques et médicinales Description qualitative des pertes
- 49 -
Biens ou services écosystémiques Méthode à utiliser
Ressources génétiques Description qualitative des pertes
Ressources ornementales Description qualitative des pertes
Régulation et soutien – à décrire
Régulation hydrologique Description qualitative des pertes
Cycle des substances nutritives Description qualitative des pertes
Culture et loisirs – à décrire
Loisirs Description qualitative des pertes
Esthétique et artistique Description qualitative des pertes
Science et éducation Description qualitative des pertes
L’équation 5) devient ainsi :
6) CTt = CRt + CSt
CT étant le coût pécuniaire total associé aux dommages environnementaux dans la HCN du
fait du creusement des caños artificiels, et du dégagement des arbres et de la végétation ;
CR étant le coût de reconstitution (utilisé comme indicateur de la valeur des dommages
biophysiques) de la zone HCN touchée pour qu’elle retrouve son état initial ; ici, cette méthode est
préconisée par les techniciens du SINAC spécialisés dans les forêts, avec une intervention de trois
ans au minimum ;
CS étant le coût social, qui dépend de la perte de bénéfices découlant des six groupes de
biens et services écosystémiques (sélectionnés comme étant représentatifs de tous ceux procurés
par l’écosystème), générée par les effets sur l’état de conservation de l’environnement naturel, et
sur la qualité et la quantité des flux de biens et services fournis par le capital naturel de la zone
HCN touchée, par rapport à son état initial de conservation ;
t étant le temps qui s’écoule jusqu’à ce que la zone HCN touchée retrouve son état initial de
conservation ou, si ce n’est pas possible, un état de reconstitution jugé suffisant.
La valeur du flux de pertes en termes de coût social au fil du temps, quant à elle, est calculée
en fonction des normes de la valeur actuelle nette (VAN), à savoir :
7) SCt = Σt
1 BSE/(1 + r)t ;
BSE étant la valeur pécuniaire de la perte de bénéfices générée par les effets sur l’état de
conservation de l’environnement naturel et sur la qualité et la quantité des flux de biens et services
(sélectionnés en tant que représentation de tous ceux procurés par l’écosystème) fournis par le
capital naturel de la zone HCN touchée, par rapport à son état de conservation initial ;
r étant le taux d’actualisation utilisé pour la valeur courante du flux des biens et services
écosystémiques ; et
t étant le temps qui s’écoule jusqu’à ce que la zone HCN touchée retrouve son état initial de
conservation, ou si cela n’est pas possible, un état de reconstitution jugé suffisant.
Le choix du taux d’actualisation est un point délicat, qui fait l’objet de discussions
approfondies dans la littérature sur l’économie écologique. Ce taux est appliqué en tant que
convention économico-financière pour déterminer la VAN, puisque l’on considère que pour cette
- 50 -
valeur future il convient de prendre en compte le coût de renonciation consistant à utiliser le capital
à d’autres fins. À cette approche s’oppose l’idée d’un taux d’actualisation social qui fait intervenir
les préférences sociales à venir. Dans les questions d’environnement, le recours à l’actualisation est
accusé de dévaluer les futurs flux de services environnementaux. L’économiste écologique Clive
Spash (1993) fait apparaître une corrélation entre les perspectives économiques et
épistémologiques. Selon lui, le recours au taux d’actualisation comporte un jugement moral.
L’économiste indique qu’un taux égal à zéro empêche implicitement d’éluder les dommages
environnementaux à venir (Spash, 1993).
Le rapport TEEB consacre tout un chapitre à ce sujet. Si l’on récapitule les principales
réflexions, il est intéressant de noter la différence entre les taux d’actualisation fondés sur une
perspective individuelle et ceux reposant sur une préférence sociale, la responsabilité envers les
générations futures pouvant alors être prise en compte. Etant donné que l’évolution des générations
actuelles découle en grande partie de l’appauvrissement des réserves en capital naturel, l’étude
recommande l’utilisation de taux faibles, y compris un taux égal à zéro ou négatif, selon la période
considérée, le niveau d’incertitude, la responsabilité éthique envers les personnes les plus
défavorisées et l’envergure du projet ou de la politique faisant l’objet de l’évaluation. Toutefois,
elle préconise de s’intéresser aux implications macroéconomiques des taux retenus, en sus des
implications microéconomiques, puisqu’un faible taux d’actualisation pour l’économie toute
entière dans un modèle de développement tel que le modèle actuel pourrait favoriser un
renforcement des investissements, de la croissance, et par là-même de la destruction
environnementale. En raison de la périodicité des relations d’interdépendance entre les pays, cette
destruction peut être transférée aux zones les plus pauvres dans d’autres pays, les plus défavorisés
de la planète souffrant ainsi de manière disproportionnée des pertes en termes d’écosystèmes et de
biodiversité (Gowdy, Howarth & Tisdell, 2010).
La jurisprudence costa-ricienne a créé un précédent lors de la phase d’exécution de la
décision relative au conflit environnemental de Crucitas. Le rapport des experts indépendants a
défini d’autres taux d’actualisation, à savoir 4 % et 0 %, dans l’évaluation des dommages
environnementaux causés à Crucitas de Cutris dans le nord du Costa Rica, à proximité de la HCN
(Marozzi, Chacón, Alpizar & Mata, 2012). Dans sa décision, le tribunal administratif pour
l’environnement a retenu le taux d’actualisation de 4 % (Resolución 2015111438 de 24 noviembre
2015). Nous adoptons ici la même démarche.
C. Recueil et traitement méthodologique des données requises
Une fois les biens et services écosystémiques sélectionnés, nous avons déterminé les données
requises pour l’évaluation pécuniaire. Elles sont répertoriées dans le tableau 12, qui indique la
source utilisée parmi tous les éléments d’appréciation.
Comme nous l’avons expliqué ci-dessus, l’estimation de la valeur pécuniaire repose
entièrement sur les éléments d’appréciation figurant dans le tableau 2. De la même manière, les
catégories de biens et services devant faire l’objet d’une présentation qualitative sont étayés par les
sources indiquées.
- 51 -
Tableau 12
Emplacement des données requises dans les sources parmi les données techniques disponibles pour
étayer l’évaluation pécuniaire ou la description qualitative. Source : Préparé par les auteurs
Bien ou service écosystémique
touché
Données requises Source dans les données
techniques disponibles
Approvisionnement — à évaluer
Bois sur pied Inventaire des arbres abattus, volume par
zone et mesure de la zone d’arbres abattus
1, 2, 3, 5, 6, 7, 8, 11, 12, 13,
14
Autres matières premières
(fibres et énergie)
Mesure de la zone et description de
l’élimination de la végétation dans les
zones déboisées et dégagées
1, 2, 5, 6, 7, 8, 9, 11, 12, 13,
14
Régulation et soutien - à évaluer
Régulation des gaz Mesure de la zone et description de
l’élimination de la végétation dans les
zones déboisées et dégagées
1, 2, 5, 6, 7, 8, 9, 11, 12, 13,
14
Atténuation des risques naturels Mesure de la zone et description de
l’élimination de la végétation dans les
zones déboisées et dégagées, zone totale
modifiée dans les caños, description de
l’impact hydrologique sur la zone
1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10,
11, 12, 13, 14
Formation du sol/lutte contre
l’érosion
Mesure de la zone, description de
l’élimination de la végétation dans les
zones déboisées et dégagées, zone totale
modifiée dans les caños, volume de sol
excavé
1, 2, 5, 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12,
13, 14
Habitat et pépinière
(biodiversité)
Mesure de la zone, description de
l’élimination de la végétation dans les
zones déboisées et dégagées, informations
sur les espèces présentes dans la zone
1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 10,
11, 12, 13, 14
L’estimation de la composante coût social des dommages environnementaux nécessite deux
éléments supplémentaires, confirmés dans les faits présentant un intérêt sur le plan technique qui
figurent dans le tableau 2. Tout d’abord, il convient de définir une période pour calculer la valeur
actuelle nette de la perte du flux des biens et services écosystémiques. Conformément aux
spécifications méthodologiques du cadre adopté pour l’évaluation des dommages
environnementaux, cette période correspond à la durée de restauration de l’écosystème à l’état
antérieur aux dommages causés (Barrantes & Di Mare, Metodología para la evaluación económica
de daños ambientales en Costa Rica, 2001). Sur la base des rapports techniques confirmés, elle est
fixée à cinquante ans, bien que certains arbres de plus de 200 ans ont été abattus (Aguilar-Gonzalez
et al., 2011 ; MINAET, 2011 ; Thorne, Evaluation de l’impact physique des travaux effectués par
le Nicaragua depuis octobre 2010 sur la géomorphologie, l’hydrologie et la dynamique des
sédiments du fleuve San Juan, ainsi que de leur impact environnemental en territoire costa-ricien,
2011). Etayant cette valeur, la période est égale au temps considéré comme nécessaire dans le
rapport d’évaluation des dommages environnementaux préparé par l’équipe témoin d’experts
nommés par le tribunal administratif pour l’environnement dans le conflit relatif à l’extraction
minière à Crucitas qui a touché une forêt tropicale proche de la HCN, dont il est ici question
(Marozzi, Chacón, Alpizar & Mata, 2012).
Il convient de signaler que l’état initial des zones touchées correspond à des surfaces non
modifiées abritant des forêts de plus de 200 ans, qui se situent dans une zone naturelle protégée
dans le cas des caños C2010 et CE2013 et des espaces dégagés. Ce point est clairement établi dans
les rapports techniques et l’arrêt de la CIJ. Concernant le caño CO2013 et d’autres zones touchées
- 52 -
par la sédimentation sur Isla Portillos, les éléments d’appréciation techniques ont permis de
constater qu’il existe certaines surfaces de pâturages exploitées par des occupants sans titre ou dont
les droits de propriété ne sont pas clairement établis (Thorne, Evaluation de l’impact physique des
travaux effectués par le Nicaragua depuis octobre 2010 sur la géomorphologie, l’hydrologie et la
dynamique des sédiments du fleuve San Juan, ainsi que de leur impact environnemental en
territoire costa-ricien, 2011 ; Monge, Jiménez, & Bonila, 2013).
Il convient de tenir compte d’un autre élément majeur : la recommandation prônant
l’inclusion de mesures de remise en état, en tant que composante supplémentaire de la valeur totale
des dommages environnementaux. Les différentes sources des documents techniques cités
mentionnent des mesures techniques de remise en état ainsi que la reconstitution directe et indirecte
de l’écosystème (Secrétariat Ramsar, 2010 ; Oreamuno & Villalobos, 2013 ; MINAE, 2014 ;
Secretaría de la Convención Ramsar, 2014). L’on peut déduire de ces recommandations qu’il serait
judicieux d’opter pour des modèles de reconstitution active, plutôt qu’une régénération naturelle,
du fait de l’ampleur des dommages et de l’état de la zone.
Cependant, la littérature relative aux forêts costa-riciennes ne mentionne aucun modèle de
coût spécifique pour la reconstitution des écosystèmes dans la région compte tenu de la nature de la
zone touchée et du type de dommage causé (qui associe l’élimination d’arbres et de végétation à
l’excavation de volumes considérables de sol). Certaines études traitent des coûts de reconstitution
de zones humides englobant différentes espèces, dont yolillo (Raphia taedigera) et marillal, avec
une prédominance d’espèces telles que cedro maría (Callophylum brasiliense), cerillo (Symphonia
globulifera) et Campnosperma panamense, endommagées par des incendies. Tel est le cas de la
réserve naturelle Caño Negro, située dans le nord du Costa Rica, qui fait partie du complexe de
zones humides transfrontalières entre le Costa Rica et le Nicaragua. Le coût par hectare touché y a
été estimé à 929,21 dollars, ce qui inclut le repeuplement d’espèces, le contrôle, la surveillance et
les infrastructures (Vega, Evaluación Económica del daño ambiental causado por los incendios
forestales en Costa Rica, 2004 ; Montes de Oca Lugo, 2006). En revanche, il existe des modèles
permettant de déterminer le coût de plantations forestières comportant des espèces natives, avec un
schéma de maintien sur 5 ans élaboré pour la partie septentrionale du Costa Rica, qui suppose des
coûts fixes et variables par hectare à hauteur de 2169 dollars (Ulate, 2010). Compte tenu du volume
de déblais excavés dans les zones touchées (9 502,72 m²), le coût de remplacement des sols
découlant des effets du dragage des caños doit s’ajouter au modèle choisi. L’équipe d’évaluation
privilégie un choix prudent des coûts de restauration figurant dans l’étude sur la réserve naturelle
Caño Negro, en ajoutant les coûts de reconstitution des sols.
Un survol des zones de dégagement des arbres et de la végétation des sous-bois ainsi que des
caños, effectué par le responsable de l’équipe d’évaluation accompagné de deux membres de
l’équipe technique du SINAC (Miguel Araya) et du ministère des affaires étrangères (Arnoldo
Brenes) le 31 mai 2016, est venu compléter le traitement des données. Cet exercice a permis
d’affiner les critères de rassemblement et de traitement des données requises pour l’évaluation.
Les informations relatives aux biens et services touchés ont été analysées conformément aux
méthodes retenues. Pour déterminer la valeur pécuniaire du bois sur pied, l’on quantifie la perte du
point de vue des réserves supprimées et du potentiel de croissance de ces réserves entre la survenue
des dommages et l’élaboration de cette étude. C’est pourquoi l’on présente une valeur pour les
dommages découlant de la perte de bois sur pied et de réserves nationales, compte tenu de
l’estimation du volume par hectare dans les études techniques et de la zone touchée dans C2010 et
CE2013 (Araya, Appraisal of maximum average age of trees felled in primary forest areas in the
Punta Castilla, Colorado, Pococí and Limón sectors of Costa Rica, as a result of the Nicaraguan
Army´s occupation for the apparent restoration of an existing canal, 2010 ; Araya, Âge
approximatif des arbres abattus dans la zone dont la gestion environnementale relève du Costa
Rica, dans le couloir du chenal artificiel construit à travers une partie d’Isla Calero pour relier le
fleuve San Juan à la lagune de los Portillos, 2011 ; MINAET, 2011 ; Thorne, Evaluation de
l’impact physique des travaux effectués par le Nicaragua depuis octobre 2010 sur la
- 53 -
géomorphologie, l’hydrologie et la dynamique des sédiments du fleuve San Juan, ainsi que de leur
impact environnemental en territoire costa-ricien, 2011 ; Araya, Estimación preliminar de impactos
en el extremo norte de Isla Portillos por la apertura de dos nuevos canales artificiales entre junio y
setiembre de 2013, 2013 ; MINAE, 2014 ; Secretaría de la Convención Ramsar, 2014 ; Thorne,
Déposition écrite, Dispute concernant certaines activités menées par le Nicaragua dans la zone de
frontière (Costa Rica vs Nicaragua), 2015). Pour effectuer ce calcul, on utilise le prix moyen du
bois sur pied par mètre cube pour les espèces répertoriées, selon les publications du Bureau
forestier national les plus appropriées aux faits survenus les années correspondantes, converti en
dollars américains (Salazar & Salas, 2009 ; Oficina Nacional Forestal, 2013). Pour les espèces pour
lesquelles aucun prix n’est indiqué dans cette publication, on se fonde sur les prix les plus bas
publiés pour les espèces identifiées. Ces prix figurent dans l’appendice 2. Ces mêmes informations
sont utilisées pour le potentiel de croissance durant la période écoulée depuis la survenue des
dommages jusqu’à aujourd’hui, ce que l’on appelle le «coût de renonciation» (Delgado, 2007). Le
volume utilisé de bois sur pied par hectare est de 211 mètres cubes, avec un taux d’abattage de
50 %. De la même manière, on s’appuie sur un taux de croissance de volume par hectare de six
mètres cubes par an, avec le même taux d’abattage.
Le coût de remplacement est utilisé pour le service écosystémique de formation de sols/lutte
contre l’érosion. Il résulte de la multiplication du volume de sol excavé (MINAET, 2011 ; Thorne,
Evaluation de l’impact physique des travaux menés par le Nicaragua depuis octobre 2010 sur la
géomorphologie, l’hydrologie et la dynamique sédimentaire du fleuve San Juan et des impacts
environnementaux sur le territoire costa-ricien, 2011 ; Araya, Estimación preliminar de impactos en
el extremo norte de Isla Portillos por la apertura de dos nuevos canales artificiales entre junio y
setiembre de 2013, 2013 ; MINAE, 2014) par les coûts des excavations et mouvements de terre par
mètre cube publiés par l’Association costa-ricienne des ingénieurs et architectes (Colegio Federado
de Ingenieros y Arquitectos de Costa Rica, 2007). Ce prix a servi de base à l’équipe témoin
d’experts et a été retenu par le tribunal administratif et le tribunal civil des finances lors de
l’exécution de la décision portant sur le conflit relatif à l’extraction minière à Crucitas au Costa
Rica (Marozzi, Chacón, Alpizar, & Mata, 2012 ; Resolución 2015111438 de 24 de noviembre,
2015). L’équipe technique d’ACTO a affiné les calculs initiaux du volume au moyen d’outils de
SIG (Araya, Entrevista sobre los Daños Ocasionados por la Construcción de los Caños Artificiales
en Isla Portillos en los Años 2010 y 2013, 2016).
Les biens et services écosystémiques pour les catégories matières premières, habitat et
pépinière (biodiversité) sont estimés par transfert de valeurs, en calculant la moyenne des valeurs
par hectare indiquées dans les études écosystémiques des documents de référence, à l’instar de
chercheurs réputés (Costanza et al., 1997 ; Costanza et al., 2014). Cette valeur est multipliée par les
hectares touchés dans les caños C2010 et CE2013. Dans le cas des matières premières, les zones
dégagées mais dans lesquelles les arbres n’ont pas été enlevés sont également incluses.
En ce qui concerne la perte des services environnementaux liés à l’atténuation des risques
naturels, le transfert de valeurs est nuancé par la sélection d’une valeur faible située dans la plage
des études sélectionnées. On procède de la sorte car, conformément aux indications figurant dans
les rapports techniques et confirmées lors de la visite de terrain, la zone présente une faible densité
de population, avec des villes situées à 4 kilomètres de distance, quelques rares maisons sur les
méandres du fleuve, des infrastructures du SINAC sur le côté costa-ricien, et une piste
d’atterrissage du côté nicaraguayen (ACTO-SINAC-MINAET, 2009 ; Monge, Jiménez, & Bonila,
2013).
La situation spécifique des services écosystémiques liés à la régulation des gaz et, par
conséquent, à la qualité de l’air, mérite qu’on s’y attarde. Bien que nous disposions de plusieurs
études de référence, nous avons choisi de nous fonder sur les calculs de l’étude menée en 2015 par
Maureen Arguedas au Centro Agrícola Tropical de Investigacíon y Enseñanza (CATIE) sous la
direction de Miguel Cifuentes, principal expert au Costa Rica en matière d’estimation des réserves
en carbone dans les zones humides. Cette étude possède l’intérêt de s’appuyer sur l’estimation des
- 54 -
recherches menées sur les zones humides costa-riciennes concernant le carbone fixé tant dans la
biomasse que dans les sols. En outre, elle présente la réserve par hectare et la fixation annuelle
(flux) par hectare estimées pour les zones de mangrove du golf de Nicoya (Arguedas, 2015). Au vu
des avantages de ce niveau de spécificité, et après avoir identifié les mangroves dans la zone
concernée (Araya & Mena, Informe de Gira. ACTo-GMRN-EPMF-364-2013, 2013), nous avons
choisi d’utiliser ces chiffres pour estimer les pertes de ce service écosystémique en termes de
réserves aussi bien que de flux. La figure 9 montre la zone de mangrove identifiée dans la partie
septentrionale de CE2013.
Après avoir ainsi exposé les sources des données utilisées et leur mode de traitement, nous
présentons les résultats, divisés en plusieurs sections, conformément aux explications ci-dessous.
E. Résultats
Les résultats sont divisés en deux sections. La première présente les dommages
environnementaux dus aux effets attestés sur les biens et services écosystémiques qui ne peuvent
faire l’objet d’une évaluation pécuniaire. La seconde expose l’estimation pécuniaire des dommages
environnementaux réalisée compte tenu des informations disponibles.
Les résultats sont indiqués séparément pour C2010 et CE2013. La zone dégagée qui a été
touchée en 2010 est mise en exergue selon les besoins. Les résultats sont ensuite réunis pour
déterminer la somme finale de la valeur pécuniaire des dommages environnementaux. Comme
indiqué précédemment, le Costa Rica a choisi de ne pas réclamer d’indemnisation pour les
dommages causés par la construction du C02013, bien qu’ils soient recensés dans les éléments
d’appréciation présentés dans le tableau 2.
Figure 9
Photographie de l’extrémité septentrionale du CE2013, sur laquelle on peut
observer la présence de mangroves. Source : Araya & Mena (2013)
- 55 -
La figure 10 montre les zones touchées par les dommages environnementaux dans les caños
C2010, C02013 et CE2013. La surface totale d’abattage des arbres est égale à 2,48 hectares.
Figure 10
Zones touchées par les dommages environnementaux dans les caños C2010 (à gauche), C02013 et
CE2013 (à droite). Source : MINAET (2011) et Araya (2013)
Légende de gauche :
Portillos Lagoon = Lagune de Los Portillos
Felling = Abattage
Elimination of undergrowth = Elimination du sous-bois
Artificial caño = Caño artificiel
Sediment deposit = Dépôt de sédiments
Légende du tableau :
Estimation of the size of the affected areas = Estimation de la superficie des zones touchées
Area = Surface
Length = Longueur
Width = largeur
Distance between caños = Distance entre les caños
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
1. Dommages environnementaux causés aux biens et services écosystémiques recensés mais
non évalués
Comme indiqué plus haut, pour un certain nombre de catégories de biens et services
environnementaux identifiés, les pertes peuvent être confirmées par le biais des rapports techniques
existants, mais les données sont insuffisantes pour permettre la réalisation d’une évaluation
pécuniaire des dommages.
Le tableau 13 fournit des descriptions qualitatives des impacts identifiés sur ces biens et
services écosystémiques. Il inclut en outre les sources issues des rapports techniques consignés et
des sources bibliographiques supplémentaires. Ces descriptions révèlent que l’estimation
pécuniaire débouche sur un montant relativement prudent et partiel, fondé sur la valeur
substantielle qui peut être mesurée à partir de ces descriptions pour les communautés voisines, le
pays et le monde. Nous présentons ensuite l’estimation de la valeur pécuniaire des dommages
causés aux biens et services qui peuvent être quantifiés grâce aux données disponibles.
- 56 -
Tableau 13
Description qualitative des biens et services écosystémiques dont les dommages peuvent être
confirmés dans les éléments d’appréciation techniques disponibles, mais pas évalués
Source : Préparé par les auteurs
Biens et services
écosystémiques
Description de l’environnement et source
Approvisionnement
Ressources biochimiques et
médicinales
Impact recensé de la perte de végétation sur de vastes superficies de zones
humides et forêts primaires (Secrétariat Ramsar, 2010 ; Thorne, 2011 ;
Secretaría de la Convención Ramsar, 2014 ; Thorne, 2015). Parmi les
espèces mises en évidence dans les sous-bois d’Isla Portillos figure
Passiflora sp., également connue sous le nom de fleur de la passion
(Monge, Jiménez & Bonila, 2013). Par ailleurs, selon l’Herbario Nacional
de Costa Rica (herbier national du Costa Rica), Passiflora quadrangularis
possède notamment des vertus anti-diarrhéiques et décongestionnantes
(Quesada, 2008).
Ressources génétiques Impact attesté, sur la faune, de la baisse potentielle de la reproduction des
espèces marine dans les zones humides des environs. Cette faune est la
plus importante de la région. Sur le plan piscicole, la province de San Juan
compte huit familles, 25 genres et 54 espèces de poissons d’eau douce, et
au moins 84 espèces de poissons marins. Par ailleurs, on notera la
présence d’espèces réglementées ou en danger, telles que le lamantin
(Trichechus manatus) ou le requin-marteau halicorne (Sphyrna lewini)
(Secrétariat Ramsar, 2010 ; Thorne, 2011 ; Monge et al., 2013 ; Thorne,
2015).
Ressources ornementales Impacts attestés de la perte de végétation dans de vastes surfaces de zones
humides et forêts primaires (Secrétariat Ramsar, 2010 ; Thorne, 2011 ;
Secretaría de la Convención Ramsar, 2014 ; Thorne, 2015). Parmi les
espèces recensées dans la végétation de sous-bois d’Isla Portillos figurent
fougères, orchidées et broméliacées, communément utilisées à des fins
ornementales (Monge et al., 2013).
Régulation et soutien Impacts signalés sur les éléments des systèmes physiques et hydrologiques
suivants : hydrologie de surface, réseau de drainage des eaux de surface,
changements des eaux souterraines et de surface, aquifères, altération de
l’interface eau douce-eau salée, etc. (Secrétariat Ramsar, 2010 ; Thorne,
2011 ; Secretaría de la Convención Ramsar, 2014 ; Thorne, 2015).
Cycle des substances nutritives Effets signalés sur l’équilibre des sédiments dans les zones humides.
L’écoulement accru des sédiments vers certaines zones modifie l’équilibre
nutritionnel, ce qui se répercute sur l’état trophique des lagunes. Ce type
de perturbation peut provoquer un déséquilibre de la chaîne alimentaire, et
avoir ainsi des effets défavorables sur les sources de nourriture des
habitants (Secrétariat Ramsar, 2010 ; Thorne, 2011 ; Secretaría de la
Convención Ramsar, 2014 ; Thorne, 2015).
Culture et loisirs
Loisirs Effets signalés sur le potentiel touristique de la zone (Aguilar-Gonzalez
et al., 2011 ; Thorne, 2011), qui enregistre une certaine activité
touristique, bien qu’émergente et irrégulière. Des touristes originaires du
pays viennent camper dans les zones d’eau douce, pour pêcher et se
détendre. Les habitants des environs les accueillent dans des cabines et
leur proposent des transports par voie d’eau (Monge et al., 2013).
Esthétique et artistique Effets attestés sur la valeur esthétique de la zone du fait de la
fragmentation des habitats et de l’obstruction des couloirs biologiques
dans les zones humides, qui entraînent une perte de la continuité spatiale
- 57 -
préalablement observée dans les formations de végétation des environs
(Secrétariat Ramsar, 2010 ; Thorne, 2011 ; Secretaría de la Convención
Ramsar, 2014 ; Thorne, 2015).
Sciences et éducation Les pertes et changements de l’écosystème modifient la possibilité
d’usage de cette valeur dans les régions du pays concernées par les
dommages. Ainsi, les recherches et la documentation portant sur les
utilisations des espèces prédominantes dans les environs, telles que le
yolillo (Raphia taedigera), suscitent un intérêt croissant (Calco-Gutiérrez
et al., 2013). De même, dans ses bases de données, l’Instituto Nacional de
Biodiversidad (Institut national de la biodiversité) enregistre des
informations sur les connaissances scientifiques des espèces de la zone
(Monge et al., 2013).
2. Valeur pécuniaire estimée des dommages environnementaux
Le tableau 14 présente l’estimation de la composante valeur pécuniaire des coûts sociaux
(perte des biens et services écosystémiques) des dommages environnementaux causés dans les
zones de C2010 et C2013 du fait de l’élimination des arbres et de la végétation et des travaux
d’excavation, y compris les zones dans lesquelles la végétation a été enlevée, pour la première
année de modification de l’écosystème. En outre, la valeur actuelle nette est calculée pour les coûts
sociaux sur cinquante ans, avec un taux d’actualisation de 4 %.
Les estimations montrent que les valeurs pécuniaires les plus élevées pour les dommages
subis dans les zones de C2010 et CE2013 correspondent aux pertes des services de fixation des gaz
à effet de serre, de formation du sol et de lutte contre l’érosion, à la perte de réserve en bois
d’oeuvre, et aux coûts de renonciation de la végétation forestière. Cette situation résulte du
processus d’enlèvement des arbres et d’excavation des caños qui s’est déroulé dans la zone
(processus confirmé par des photos telles que celles de la figure 11) et de l’immense capacité des
zones humides des régions côtières à fixer le carbone non seulement dans la biomasse mais
également dans leurs sols (Cifuentes, 2012 ; Sepúlveda-Machado & Aguilar-González, 2015 ;
Arguedas, 2015).
La figure 11 nous montre les conséquences du dégagement des arbres et de la végétation
ainsi que de l’excavation des caños, desquelles découlent les valeurs déterminées, et qui nous
aident à comprendre la relation existant entre la valeur pécuniaire et l’ampleur des dommages
causés.
Figure 11
Image constituée de plusieurs photos versées aux archives,
montrant les dommages causés par l’enlèvement des arbres et
de la végétation et par le dragage des caños C2010 et C2013.
Source : Rapports techniques indiqués dans le tableau 2
Légende :
Campsite = Campement
Straight alignment
of canal
= Alignement
rectiligne du canal
Dredge = Drague
Vertical canal
banks
= Rives verticales
du chenal
- 58 -
La figure 12 montre le coût social au fil du temps pour les caños C2010 et C2013, à compter
de la première année et sur une projection de cinquante ans, soit la période attestée pour permettre à
l’écosystème de retrouver sa capacité minimale à fournir les services écosystémiques perdus. Outre
le critère économico-financier, cette estimation illustre la possibilité d’une diminution progressive
de la valeur de la perte pécuniaire à mesure que les services écosystémiques se reconstituent
progressivement.
Tableau 14
Valeur pécuniaire du coût social (perte de biens et services écosystémiques) des dommages
environnementaux causés dans les zones touchées de C2010 et CE2013.
Source : Préparé par les auteurs
Biens et services
écosystémiques
Zone
touchée
Ampleur et unité de référence
de la perte
Valeur
pécuniaire
par
unité165
(en dollars
E.-U.)
Estimation totale
de la perte en
dollars des Etats-
Unis (2016)
Approvisionnement
Bois sur pied (coût de
renonciation des
forêts, ou CRF, inclus)
C2010 211 m3/ha pour le bois sur pied, avec
un taux de récolte de 50 %, et CRF
de 6 m3/ha/an de croissance avec un
taux de récolte de 50 % sur 2,48 ha.
64,65 19 558,64
CE2013 211 m3/ha pour le bois sur pied avec
un taux de récolte de 50 %, et CRF
de 6 m3/ha/an de croissance avec un
taux de récolte de 50 % sur 0,43 ha.
40,05 1 970,35
Autres matières
premières (fibres et
énergie)
C2010
(zone
dégagée
incluse)
Valeur du service par ha sur 5,76 ha 175,76 794,06
CE2013 Valeur du service par ha sur 0,43 ha 175,76 38,14
Régulation et support
Régulation des gaz/
qualité de l’air
(réserves et flux
annuel inclus)
C2010 Valeur du service/ha sur 2,48 ha 14 982,06 37 139,03
CE2013 Valeur du service/ha sur 0,43 ha 14 982,06 6 502,21
Atténuation des
risques naturels
C2010 Valeur du service/ha sur 2,48 ha 2 949,74 7 312,11
Formation du sol/lutte
contre l’érosion
C2010 Coût de remplacement de 5 815 m3
de sol excavé (déblaiement et
transport)
5,87 33 610,69
CE2013 Coût de remplacement de
3 687,72 m3 de sol excavé
(déblaiement et transport)
5,87 21 315,00
Habitat et pépinière
(biodiversité)
C2010 Valeur du service/ha sur 2,48 ha 855,13 1 613,52
CE2013 Valeur du service/ha sur 0,43 ha 855,13 282,49
165 Les différentes valeurs pondérées figurent dans l’appendice 3.
- 59 -
Coût social total pour
la première année
C2010 100 028,04
CE2013 31 388,38
Coût social total pour
cinquante ans
C2010 2 148 820,82
CE2013 674 290,92
Figure 12
Valeur pécuniaire du coût social des dommages environnementaux calculée pour les caños
C2010 et CE2013 avec un taux d’actualisation de 4 % sur cinquante ans.
Source : Préparé par les auteurs
La valeur de la restauration de la zone humide, selon les hypothèses préalablement formulées
(coût de 929,79 dollars des Etats-Unis par ha pour les coûts de restauration d’une zone humide
dans la région humide transfrontalière située entre le Costa Rica et le Nicaragua) se monte à
2 304,86 dollars pour C2010 et 403,53 dollars pour CE2013, soit un total de 2 708,39 dollars.
Conformément aux estimations ci-dessus, la valeur totale du remplacement du sol excavé est égale
à 33 610,69 dollars pour le C2010 (du fait de l’excavation de 5 812 m3 de sol) et à 21 315,00
dollars pour le CE2013 (du fait de l’excavation de 3 867,72 m3 de sol). Compte tenu de ces valeurs,
le coût global de restauration de la zone touchée s’élève à 57 634,08 dollars.
Ainsi, le calcul pécuniaire des dommages environnementaux conformément aux hypothèses,
avec les biens et services écosystémiques pouvant être évalués dans la zone concernée et les
méthodes présentées, est le suivant :
7) CTt = 57 634,08 dollars + 2 823 111,74 dollars = 2 880 745,82 dollars
Comme nous l’avons mentionné précédemment, cette estimation reste prudente, car
l’inventaire des biens et services écosystémiques utilisés est partiel. Notre conclusion figure cidessous.
- 60 -
VI. RÉSUMÉ ET CONCLUSION
Ce rapport présente une évaluation pécuniaire des dommages à l’environnement découlant
des actions confirmées par la Cour internationale de Justice dans son arrêt définitif sur les activités
ordonnées par le Gouvernement nicaraguayen dans la Humedal Caribe Noreste, du fait de
l’ouverture de trois caños et du dégagement d’arbres et de végétation en 2010 et 2013. Pour réaliser
cette estimation, nous avons tout d’abord analysé les faits constatés par la Cour et les rapports
techniques disponibles, à des fins d’évaluation.
Nous avons précisé le cadre méthodologique de l’évaluation à l’aide de trois éléments
reconnus par la littérature la plus récente. Ainsi, nous avons identifié l’utilisation du cadre de
services écosystémiques admis par l’Evaluation des écosystèmes pour le millénaire, qui organise
ces services en quatre groupes : l’approvisionnement, la régulation, le soutien, et les services
culturels/d’information. Ceci permet de structurer et choisir systématiquement les biens et services
écosystémiques à évaluer.
Concernant le deuxième élément de ce cadre théorique, nous avons adopté la valeur
économique totale (VET) qui est considérée, d’après l’état actuel des connaissances, comme
appropriée pour combiner les valeurs directe et indirecte des biens et services écosystémiques
découlant des valeurs de consommation, de vente, d’utilisation autres que la consommation, et
d’option. Cette composante définit les méthodes les plus adaptées et les plus utilisées pour
l’évaluation des éléments qui constituent la VET, selon une perspective d’évaluation directe (au
moyen des prix du marché) et d’évaluation indirecte (coût de renonciation, études, etc.). Elle
introduit également l’option consistant à utiliser des méthodes d’évaluation rapide du transfert de
valeurs lorsque les conditions l’exigent ou avec les précautions méthodologiques indiquées par les
ouvrages les plus récents.
Nous avons analysé la mise en oeuvre de ces instruments dans le cadre existant pour
l’estimation des dommages environnementaux au Costa Rica, ainsi que leurs applications dans
d’autres pays d’Amérique latine. Cette méthode, à l’origine mise au point par Barrantes et Di Mare
(2001), tient compte d’éléments de dommages environnementaux tels que les coûts de restauration,
la réparation des dommages biophysiques et les coûts sociaux des pertes dans le flux des biens et
services écosystémiques. Ce flux doit faire l’objet d’une estimation jusqu’à la pleine reconstitution
de l’élément écosystémique qui nécessite le plus de temps. Nous avons présenté plusieurs
applications des méthodes retenues en Amérique latine qui montrent leur évolution et prévalence
pour les besoins du présent rapport technique.
Nous avons sélectionné les biens et services écosystémiques pour lesquels l’impact
découlant des dommages peut être quantifié sur le plan pécuniaire selon les informations
techniques disponibles. Nous y avons inclus les services d’approvisionnement en bois sur pied et
autres matières premières, de même que les services de régulation et de soutien en matière de
régulation des gaz et de qualité de l’air, d’atténuation des risques naturels, de formation et de
rétention des sols, et d’habitat et de pépinière. En outre, nous avons sélectionné les services pour
lesquels il est possible de recenser les pertes sur le plan qualitatif, sur la base des informations
techniques disponibles. Cette sélection comprend plusieurs catégories de services
d’approvisionnement, de régulation et de soutien et de services culturels et d’informations. Elle a
été opérée avec circonspection, et c’est ainsi qu’il convient d’interpréter les résultats, puisqu’avec
d’avantage de ressources disponibles nous aurions pu choisir plusieurs groupes de biens et services
écosystémiques et mesurer quantitativement leur perte.
Nous avons estimé la valeur pécuniaire des dommages environnementaux en combinant les
méthodes d’évaluation directe, de coût de remplacement et de transfert de valeurs. Conformément
aux rapports techniques disponibles, nous avons retenu la période de cinquante ans comme durée
nécessaire à la reconstitution de l’écosystème suite aux dommages subis.
- 61 -
Par ailleurs, les rapports techniques ont corroboré les superficies des dommages, à savoir
2,48 hectares pour l’abattement des arbres et 3,28 hectares pour l’enlèvement des sous-bois dans la
zone du caño construit en 2010, appelé Caño Pastora (C2010). Dans cette zone, le volume de
déblais excavés du fait du dragage se montait à 5 815 mètres cubes. Concernant la zone touchée en
2013, nous n’avons pris en compte que les dommages causés du fait de l’un des deux caños, le
Caño Este (CE2013). La zone concernée mesure 0,43 hectares, et 3 687,72 mètres cubes de déblais
ont été retirés. La superficie du Caño Oeste (CO2013) mesure 0,22 hectares.
Nous avons estimé les coûts de restauration en nous appuyant sur le modèle d’estimation
appliqué dans le Refugio de Vida Silvestre Caño Negro (réserve naturelle Caño Negro), qui fait
partie du complexe des zones humides transfrontalières entre le Nicaragua et le Costa Rica. À la
valeur par hectare estimée dans ce modèle, nous avons ajouté les coûts de ramassage et de transport
en tant qu’approximation du coût de remplacement du volume de déblais retirés dans les zones
touchées.
Nous sommes ainsi parvenus à estimer la valeur pécuniaire des dommages
environnementaux à 2 880 745,82 dollars. Cette estimation se compose de coûts de restauration à
hauteur de 57 634,08 dollars et d’un coût social de 2 823 111,74 dollars lié à la perte des réserves et
flux de services écosystémiques, avec une durée de reconstitution de cinquante ans et un taux
d’actualisation environnemental de 4 %.
___________
- 62 -
ANNEXE 2
FUNDACION NEOTRÓPICA
ADDENDA EXPLICATIFS AU RAPPORT INTITULÉ «EVALUATION PÉCUNIAIRE DES DOMMAGES À
L’ENVIRONNEMENT RÉSULTANT DE LA CONSTRUCTION DE CAÑOS ET DE L’ARRACHAGE
D’ARBRES ET DE VÉGÉTATION PAR LE GOUVERNEMENT NICARAGUAYEN SUR LE
TERRITOIRE COSTA-RICIEN D’ISLA PORTILLOS, DÉPOSÉE EN APPLICATION DE
L’ARRÊT DE LA COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE DU 16 DÉCEMBRE 2015»,
EN RÉPONSE À LA DEMANDE D’ÉCLAIRCISSEMENTS FORMULÉE PAR LE
NICARAGUA DANS LA LETTRE HOL-EMB-280 EN DATE DU
18 NOVEMBRE 2016 ADRESSÉE À L’AMBASSADEUR
DU COSTA RICA, M. SERGIO UGALDE
8 décembre 2016 [SC – NDBP 16, par. 1.7]
I. Précisions relatives au processus d’évaluation pécuniaire des services écologiques ou
écosystémiques
Le processus de sélection des services écosystémiques à prendre en compte en tant que
pertes dans l’évaluation pécuniaire des dommages environnementaux a été mené avec minutie,
dans le délai imparti et conformément aux informations techniques disponibles confirmant les
dommages. À cette fin, le rapport décrit le contexte technique environnemental de cette évaluation,
et cite en particulier les documents et contributions utiles ainsi que leur emplacement spécifique
(récapitulés dans le tableau 2). Nous avons mis en évidence les faits pertinents sur le plan technique
qui corroborent les pertes attestées. Les faits constatés et les éléments d’appréciation techniques
disponibles constituent le lien de causalité avec les dommages allégués.
Ces faits techniques, constatés par l’Arrêt de la Cour, sont étayés par des spécialistes en
biologie, sylviculture et hydrologie — plus précisément en matière de zones humides —, dont les
avis sont versés au dossier, notamment le professeur Colin Thorne (Université de Nottingham au
Royaume-Uni), les techniciens du SINAC (Costa Rica), le personnel technique du Secrétariat de la
convention de RAMSAR, et le personnel technique du CIEDES (Centro de Investigación en
Desarrollo Sostenible, à l’Universidad de Costa Rica).
Ils ont également fait l’objet d’un examen et d’une évaluation de la part de l’équipe
technique ayant travaillé à ce rapport, qui était constituée de trois spécialistes des sciences de
l’environnement, membres de l’équipe de Fundación Neotrópica, une organisation forte de plus de
trente ans d’expérience sur le terrain en matière de zones protégées et d’écosystèmes au Costa Rica.
Cet examen et cette évaluation prennent en compte les avis formulés régulièrement par le personnel
technique de la zone de conservation de Tortuguero, qui forme l’unité de conservation
biogéographique chargée de la région de la Humedal Caribe Noreste, dans laquelle se situe Isla
Portillos. Le processus de vérification de l’état actuel incluait une inspection aérienne, par le biais
d’un survol effectué par le personnel du ministère des affaires étrangères, de la zone de
conservation et de la Fundación Neotrópica.
Par ailleurs, nous avons structuré les services allégués et les méthodes disponibles
conformément au bilan des connaissances sur le plan international en matière d’évaluation
pécuniaire des services écosystémiques et des dommages environnementaux, pour disposer d’une
meilleure visibilité des méthodes utilisées mais aussi permettre une évaluation exhaustive des
fonctions écosystémiques concernées, éviter les éléments superflus et conserver une certaine
proportionnalité par rapport aux dommages constatés. Cette démarche prend en considération une
composante majeure : l’analyse de l’application des méthodes aux écosystèmes de zone humide
- 63 -
côtière, réalisée pour le compte de la Convention de RAMSAR proprement-dite, afin d’offrir une
perspective sur leur mise en oeuvre propre à ces écosystèmes et sur leurs difficultés inhérentes. En
outre, nous avons recensé les applications en la matière en Amérique latine, et plus
particulièrement au Costa Rica qui, comme le confirme l’arrêt de la Cour, a souveraineté sur le
territoire sur lequel se sont produits les dommages. Dans ce cadre, les spécialistes qui ont dirigé ce
rapport ont pu mettre à profit leur préparation sur le plan technique, à savoir leur formation et une
vaste expérience en matière de droit de l’environnement, d’économie de l’environnement, et
d’économie de l’écologie, sur les plans national et international.
En nous fondant sur ces éléments d’appréciation, et dans un esprit hautement sélectif, nous
avons effectué un choix préliminaire de biens et services écosystémiques pour lesquels des pertes
ont été constatées dans l’Arrêt, et dont il convient de tenir compte dans l’évaluation (tableau 8).
Nous avons pris en considération les paramètres fixés dans la littérature internationale relative à la
facilité de réalisation d’une évaluation de ces biens et services, la transférabilité des valeurs
pécuniaires estimées depuis des écosystèmes similaires situés dans d’autres régions, l’ampleur des
dommages dans la zone, les réserves et flux qui y sont perceptibles, et la mesure dans laquelle il est
possible de vérifier les pertes du fait des dommages causés et constatés dans l’Arrêt selon l’avis des
techniciens spécialistes de l’environnement et des juristes consultés. Nous avons ainsi constitué une
liste de 11 catégories de biens et services présélectionnés.
Cette sélection préliminaire résultait d’un examen approfondi des données disponibles pour
réaliser l’évaluation conformément aux méthodes les plus reconnues et à leur fiabilité. Nous en
remettant à la bonne foi du Gouvernement du Costa Rica, nous n’avons retenu que six (6)
catégories pour l’évaluation des dommages imputables et sélectionné huit (8) catégories pour une
description qualitative. Pour ces services, nous avons appliqué l’évaluation directe, les coûts de
renonciation et les coûts de remplacement pour le bois sur pied et la formation des sols/la lutte
contre l’érosion. Ceci représente environ 60 % de l’estimation de base. Il convient de signaler ici
une erreur figurant dans le rapport initial, qui n’a toutefois pas d’incidence sur les calculs. Le
tableau 16 a été intitulé «Espèces présentes dans le Caño Pastora et liste de prix». Le titre correct
aurait dû être «Espèces présentes dans le Caño Este 2013 et liste de prix». Les espèces sont les
mêmes, et le tableau indique les niveaux de prix utilisés pour le calcul de la valeur pécuniaire en
2013 lors du creusement du CE2013, qui diffèrent de ceux utilisés en 2010 lors du creusement du
Caño Pastora.
Nous avons estimé les trois autres catégories (matières premières, régulation des gaz,
atténuation des risques naturels, habitat et pépinière) au moyen de la méthode de transfert de
valeurs, sur la base de sites similaires. Lors du processus de sélection, nous avons utilisé des
paramètres rigoureux afin de respecter les recommandations des publications techniques, de sorte
que les études de base se fondent sur les recherches les plus reconnues en la matière et la
transférabilité des services est moyenne ou élevée (tableau 8). En outre, comme cela est précisé à la
page 46 de ce rapport166 :
«Tout d’abord, nous avons recherché des études portant sur des écosystèmes
similaires, tels que des zones humides côtières tropicales (la majeure partie de la
littérature concerne les mangroves). Dans la mesure du possible, nous ne nous sommes
appuyés que sur les études publiées dans des journaux indexés validées par des pairs.
En ce qui concerne la littérature grise, nous adoptons le protocole de révision suivi par
l’ONG Earth Economics (http://www.eartheconomics.org/), spécialisée dans
l’évaluation des services écosystémiques, pour examiner les études à inclure dans sa
base de données générales des études d’évaluation. D’autre part, lors de la sélection
des valeurs et de leur ajustement en fonction du site concerné, nous nous conformons
166 Note du traducteur : ce numéro de page correspond à la traduction anglaise. Il s’agit de la page 48 dans
l’original en espagnol.
- 64 -
aux recommandations techniques des équipes d’évaluation locales et des techniciens
du SINAC et du ministère costa-ricien des affaires étrangères (Costanza et al., 2014).»
De ce fait, les études retenues et présentées au tableau 10 sont conformes aux indications du
PNUE dans son étude «L’économie des écosystèmes et de la biodiversité», qui définit l’état des
connaissances en la matière.
Il convient par ailleurs de noter que, pour chacune des catégories de biens et services inclus
dans l’évaluation, au tableau 10, le fondement et le lien de causalité avec les faits constatés par la
Cour sont corroborés conformément aux sources répertoriées dans la colonne «Source dans les
données techniques disponibles» du tableau 12.
II. Précisions relatives à l’exactitude de la méthode de transfert de valeurs et à l’adéquation
des valeurs transférées
La méthode de transfert de valeurs est utilisée pour estimer le plus faible pourcentage des
catégories sélectionnées ; elle est mise en oeuvre avec la rigueur qui s’impose, après examen des
études de base (leur méthode, leur caractère actuel et leur emplacement) et de la transférabilité des
valeurs dans la catégorie spécifique des biens et services écosystémiques. Plus précisément, les
études de base privilégiées concernent principalement les zones humides côtières au Costa Rica, en
Amérique centrale et dans les Caraïbes, avec des exceptions justifiées par le fait que nous
cherchions à obtenir une évaluation prudente et précise.
Nous citons la page 52167 du rapport et complétons les informations y figurant.
«Les biens et services écosystémiques pour les catégories matières premières,
habitat et pépinière (biodiversité) sont estimés par transfert de valeurs, en calculant la
moyenne des valeurs par hectare indiquée dans les études écosystémiques des
documents de référence, à l’instar de chercheurs réputés (Costanza et al., 1997 ;
Costanza et al., 2014). Cette valeur est multipliée par les hectares touchés dans les
caños C2010 et CE2013. Dans le cas des matières premières, les zones dégagées mais
dans lesquelles les arbres n’ont pas été enlevés sont également incluses.
En ce qui concerne la perte des services environnementaux liés à l’atténuation
des risques naturels, le transfert de valeurs est nuancé par la sélection d’une valeur
faible située dans la plage des études sélectionnées. On procède de la sorte car,
conformément aux indications figurant dans les rapports techniques et confirmées lors
de la visite de terrain, la zone présente une faible densité de population, avec des villes
situées à 4 kilomètres de distance, quelques rares maisons sur les méandres du fleuve,
des infrastructures du SINAC sur le côté costa-ricien, et une piste d’atterrissage du
côté nicaraguayen (ACTO-SINAC-MINAET, 2009 ; Monge et al., 2013).
La situation spécifique des services écosystémiques liés à la régulation des gaz
et, par conséquent, à la qualité de l’air, mérite qu’on s’y attarde. Bien que nous
disposions de plusieurs études de référence, nous avons choisi de nous fonder sur les
calculs de l’étude menée en 2015 par Maureen Arguedas au Centro Agrícola Tropical
de Investigacíon y Enseñanza (CATIE) sous la direction de Miguel Cifuentes,
principal expert au Costa Rica en matière d’estimation des réserves en carbone dans
les zones humides. Cette étude possède l’intérêt de s’appuyer sur l’estimation figurant
dans les recherches menées sur les zones humides costa-riciennes en ce qui concerne
le carbone fixé tant dans la biomasse que dans les sols. En outre, elle présente la
167 Note du traducteur : ce numéro de page correspond à la traduction anglaise. Il s’agit de la page 55 dans
l’original en espagnol.
- 65 -
réserve par hectare et la fixation annuelle (flux) par hectare, estimées pour les zones
de mangrove du golf de Nicoya (Arguedas, 2015). Au vu des avantages de ce niveau
de spécificité, et après avoir identifié les mangroves dans la zone concernée (Araya &
Mena, 2013), nous avons choisi d’utiliser ces chiffres pour estimer les pertes de ce
service écosystémique en termes de réserves aussi bien que de flux. La figure 9
montre la zone de mangrove identifiée dans la partie septentrionale de CE2013.»
Le tableau 14, quant à lui, présente les valeurs transférées dans les catégories suivantes :
autres matières premières, régulation des gaz/qualité de l’air, atténuation des risques naturels, et
habitat et pépinière (biodiversité). La valeur pécuniaire de la perte du service par hectare et par an
est indiquée dans le tableau. Les valeurs transférées sont incluses dans l’appendice 3, ainsi que
l’indique la note 2. Les références complètes des études figurent dans l’appendice 1.
Les autres matières premières sont estimées à partir des valeurs moyennes d’études portant
sur la côte Pacifique mexicaine, les Caraïbes mexicaines et les Philippines. Toutes les valeurs sont
tirées de zones humides tropicales côtières comportant des mangroves. Les documents incluent
trois études publiées avec examen par des pairs. Notons que ce service environnemental se prête
parfaitement à une évaluation économique et présente une transférabilité des valeurs élevée
(tableaux 4 et 8).
Il convient de mentionner ici une autre erreur fortuite qui n’a aucune répercussion sur les
résultats. Dans l’appendice 3, pour la zone d’étude de Camacho-Valdez, il faut lire «Golf de
Californie, au Mexique».
Pour la régulation des gaz et du climat, nous nous sommes appuyés sur l’étude d’Arguedas
dans les zones humides côtières du golf de Nicoya sur la côte pacifique du Costa Rica. La valeur
pécuniaire correspond à la somme de la valeur des réserves et de la valeur moyenne du flux par
hectare. Il convient de noter que ce service environnemental présente une transférabilité de valeurs
élevée (tableaux 4 et 8).
En ce qui concerne la régulation des risques, nous avons choisi une approche plus prudente,
comme nous le mentionnons dans le texte, étant donné que la zone d’Isla Portillos présente une
faible densité de population. Ainsi, nous avons utilisé la valeur la plus basse identifiée dans les
études qui remplissent les conditions requises dans la plage de temps souhaitée et ont été réalisées
dans des écosystèmes de zone humide côtière comportant des mangroves en Thaïlande (Barbier
et al., 2002). Ce service environnemental présente une transférabilité de valeurs moyenne
(tableaux 4 et 8).
Les valeurs des services d’habitat et de pépinière sont estimées à partir de la moyenne des
études indiquées dans l’appendice 3 des zones humides côtières comportant des mangroves au
Mexique, aux Philippines et en Thaïlande. Ce service environnemental présente une transférabilité
de valeurs élevée (tableaux 4 et 8).
III. Précisions relatives à la projection adoptée sur cinquante ans (au lieu d’une autre durée)
Comme il est indiqué en page 50 du rapport168 :
«L’estimation de la composante coût social des dommages environnementaux
nécessite deux éléments supplémentaires, confirmés dans les faits présentant un intérêt
sur le plan technique qui figurent dans le tableau 2. Tout d’abord, il convient de
définir une période pour calculer la valeur actuelle nette de la perte du flux des biens
168 Note du traducteur : ce numéro de page correspond à la traduction anglaise. Il s’agit de la page 53 dans
l’original en espagnol.
- 66 -
et services écosystémiques. Conformément aux spécifications méthodologiques du
cadre adopté pour l’évaluation des dommages environnementaux, cette période
correspond à la durée de restauration de l’écosystème à l’état antérieur aux dommages
causés (Barrantes & Di Mare, 2001). Sur la base des rapports techniques confirmés,
elle est fixée à cinquante ans, bien que certains arbres de plus de 200 ans ont été
abattus (Aguilar-Gonzalez et al., 2011 ; MINAET, 2011 ; Thorne, 2011). Etayant cette
valeur, la période est égale au temps considéré comme nécessaire dans le rapport
d’évaluation des dommages environnementaux préparé par l’équipe témoin d’experts
nommés par le tribunal administratif pour l’environnement dans le conflit relatif à
l’extraction minière à Crucitas qui a touché une forêt tropicale proche de la HCN, dont
il est ici question (Marozzi et al., 2012). Il convient de signaler que l’état initial des
zones touchées correspond à des surfaces non modifiées abritant des forêts de plus de
200 ans, dans une zone naturelle protégée dans le cas des caños C2010 et CE2013 et
des espaces dégagés. Ce point est clairement établi dans les rapports techniques et
l’arrêt de la CIJ.»
L’on constate donc que le Costa Rica, qui aurait pu justifier une plus longue période étant
donné que des dommages ont été constatés sur des arbres âgés de plus de 200 ans, adopte de bonne
foi un délai raisonnable pour la reconstitution des flux écosystémiques touchés, conformément au
lien de causalité établi et consigné.
Nous développons ce raisonnement spécifique plus bas. Comme l’indique notre rapport,
p. 31169 :
«afin de pouvoir estimer les coûts de restauration il est nécessaire d’identifier l’état de
conservation des ressources naturelles touchées et l’ampleur des effets subis. Lorsque
l’on connaît l’état de conservation antérieur à la perturbation, on peut estimer le temps
nécessaire à la reconstitution des ressources, ce qui permet une approximation plus
exacte des coûts économiques en découlant. Plus précisément, la méthode élaborée
pour estimer les coûts de restauration dépend des entrées requises et du temps
nécessaire à la restauration des ressources naturelles touchées à leur état antérieur à la
perturbation. Etant donné que l’action peut avoir des répercussions sur une ou
plusieurs ressources, le temps nécessaire à cette restauration doit correspondre à la
ressource nécessitant le plus long temps de reconstitution (Barrantes & Di Mare,
2001 ; Vega, 2004).»
Selon les rapports présentés par le Costa Rica, la période la plus longue aurait pu excéder
200 ans, puisque certains arbres des zones touchées dépassaient cet âge. Ceci aurait entraîné une
plus longue durée de projection et, de ce fait, une indemnisation nettement supérieure. Quoi qu’il
en soit, dans ce cas également nous avons privilégié de bonne foi une estimation très prudente.
Ainsi, notre estimation visait à trouver un délai susceptible de permettre une croissance
suffisante pour les arbres de la zone garantissant la restauration de tous les services
écosystémiques. Pour justifier notre démarche, nous avons eu recours à deux sources/critères.
1. Les rapports d’évaluation acceptés dans le cadre de l’affaire Crucitas dans des zones boisées
possédant certaines caractéristiques similaires en termes de conditions climatiques et d’autres
particularités écosystémiques et situées à environ 70 km de distance, pratiquement sur une ligne
droite horizontale jusqu’au site d’Isla Portillos. Plus précisément, nous avons examiné la
méthode proposée dans le rapport « Evaluación del daño al bosque afectado por la empresa
Industrias Infinito en Crucitas de Pocosol, Alajuela » (Evaluation des dommages causés à la
forêt touchée par la Société Industrias Infinito à Crucitas, dans le district de Pocosol, dans la
169 Note du traducteur : ce numéro de page correspond à la traduction anglaise. Il s’agit de la page 53 dans
l’original en espagnol.
- 67 -
province d’Alajuela) rédigé par une équipe pluridisciplinaire de spécialistes des sciences
naturelles.
Ces derniers émettent l’idée de déterminer le temps nécessaire à la reconstitution de la zone
déboisée en estimant l’âge moyen des arbres sur la parcelle. Ils ont ainsi estimé l’âge moyen et
le pourcentage des arbres dépassant un certain âge, et obtenu les moyennes (pour les zones
mesurées) de 112 et 83 ans. Dans l’une des zones, la moitié des arbres étaient âgés de plus de
45 ans, et dans l’autre de plus de 55 ans. Partant de ces estimations, les spécialistes suggèrent
un délai de reconstitution des services écosystémiques non inférieur à cinquante ans, qui peut
correspondre à l’âge requis pour que la forêt retrouve une situation — en termes de structure,
richesse et composition des espèces — identique à celle de l’époque des dommages (Chacón
et al., 2012). Le tribunal costa-ricien qui a rendu sa décision en première instance dans le cadre
du conflit de Crucitas a souscrit à ce rapport, qui constituait le fondement de l’évaluation
pécuniaire des dommages acceptée par ce même tribunal en 2015.
Dans notre cas, l’âge moyen des arbres dans la zone déboisée, tel que mesuré pour le Caño
Pastora par la SINAC et confirmé par Colin Thorne, était de 115 ans ; 66 % des arbres de la
zone déboisée étaient âgés de plus de 50 ans, 55 % de plus de 75 ans, et 46 % de plus de
100 ans. Il convient de signaler que, conformément aux données disponibles, l’estimation de
l’âge des arbres pour le CO2013 et le CE2013 admise par la Cour internationale de Justice
reposait sur l’inventaire du Caño Pastora.
2. Dans les actes de procédures, Colin Thorne a déjà précisé que les diamètres des arbres
permettent une bonne estimation de leur âge (Mémoire du Costa Rica, vol. 1, p. 366). Ainsi,
dans son rapport, il indique que le taux de croissance du diamètre se situe entre 4 et 6 mm par
an. Si l’on pose comme hypothèse une croissance moyenne de 5 mm, sur une durée minimale
de cinquante ans les arbres de la zone présenteraient un diamètre approximatif de 25 cm et des
hauteurs supérieures à 20 mètres. Nous avons interrogé les scientifiques de notre équipe et de
l’équipe technique du SINAC pour savoir si ces paramètres correspondaient à un minimum
raisonnable pour que la forêt de la zone humide continue de procurer les services
écosystémiques allégués dans l’estimation pécuniaire présentée.
IV. Précisions relatives au choix d’un taux d’actualisation de 4 %
Nous apportons ici quelques précisions aux informations déjà signalées dans le rapport. La
jurisprudence costa-ricienne a créé un précédent dans la phase d’exécution de la décision relative
au conflit environnemental de Crucitas. Le rapport des experts indépendants a défini des taux
d’actualisation de 3 % et 0 % dans l’évaluation des dommages environnementaux causés à Crucitas
de Cutris, dans le nord du Costa Rica, à proximité de la HCN (Marozzi et al., 2012). Dans sa
décision, le tribunal administratif pour l’environnement a accepté un taux d’actualisation de 3 %
(Décision n° 2015111438 du 24 novembre 2015). Dans le cadre de ce conflit, Fundación
Neotrópica a retenu un taux légèrement plus prudent, proche de 4 %, dans un rapport d’évaluation
élaboré pour le ministère de l’environnement à la demande du bureau du procureur général
(Aguilar et al., 2012). Dans la présente étude, nous adoptons la même démarche.
Cette décision se fonde sur la littérature récente concernant les taux spécifiques à utiliser. Le
rapport TEEB indique que des taux sociaux d’actualisation différents devraient être utilisés pour
des scénarios différents, en se basant sur un taux égal à zéro dans le cas des investissements pour la
durabilité environnementale et sur d’autres taux dans le cas d’investissements publics
(Vardakoulias, 2013).
En 2010, une économiste réputée de Synapse Economics, Liz Stanton, a résumé la situation
concernant les taux d’actualisation utilisés en rappelant que la sagesse actuelle préconisait un taux
d’actualisation quelque peu analogue au taux d’intérêt «sans risque» (entre 3 et 5 %) pour le calcul
- 68 -
de l’estimation actuelle des valeurs qui existeront dans les 20 ou 30 prochaines années, et
légèrement inférieur pour des horizons à plus long terme (Stanton, 2010). De manière plus
prudente, l’administration Obama recommandait des taux d’actualisation de 2,5 à 3 et de 5 % pour
déterminer le coût social du carbone dans le cadre d’une analyse qui s’étendrait sur plusieurs
siècles à venir (Interagency Working Group on Social Cost of Carbon, Gouvernement des Etats-
Unis, 2010).
Goulder et Williams (2012) font état de taux d’actualisation sous-entendus tirés de trois
études influentes sur les orientations en matière de changement climatique, qui se situent dans la
plage de 1,4 % à 4,3 %. Parmi ces études figurent les travaux de Nicholas Stern, qui ont fait école,
intitulés «The Economics of Climate Change : The Stern Review». Cette étude atteste de la
nécessité de distinguer les taux de performance financiers et les taux utilisés pour des situations
dans lesquelles l’élément important est l’effet sur le bien-être social, comme c’est ici le cas.
L’étude réaffirme la difficulté de traiter de la subjectivité inhérente à la définition des fonctions de
bien-être social. En outre, elle tient compte de l’effet de l’incertitude de ces estimations, en
suggérant des taux décroissants pour des horizons à long termes (Goulder & Williams, 2012). Cette
dernière proposition est utilisée dans d’autres rapports qui réaffirment l’absence de consensus sur
des taux spécifiques et préconise l’utilisation de taux décroissants dans le cadre d’une démarche
pragmatique, en citant des études qui suggèrent des taux de 4 % pour les cinq premières années,
3 % entre 6 et 25 ans, 2 % entre 26 et 75 ans, 1 % entre 76 et 300 ans, et 0 % pour des horizons à
plus long terme (Cunninghmam, 2009).
L’Angleterre recourt à une approche quelque peu analogue pour actualiser les coûts et
bénéfices des projets sociaux, qui consiste à appliquer un taux de 3,5 % pour les 30 premières
années et un taux inférieur pour des périodes plus longues (Vardakoulias, 2013).
Au vu de ces paramètres internationaux relatifs à la difficulté de définir des points
d’inflexion pour lesquels il est possible d’utiliser des taux différentiels et compte tenu des débats en
cours au niveau international, cette étude adopte une approche prudente par le biais d’un taux
légèrement supérieur parmi les plages indiquées dans la littérature et les études portant sur Crucitas
au Costa Rica, à savoir 4 %. Ce taux représente la moyenne des plages présentées par Stanton
(2010) et suggérées par l’administration Obama pour le coût social du carbone. Il s’agit par ailleurs
du taux le plus prudent proposé par Goulder & Williams (2012). Dans cette étude, nous utilisons ce
taux pour actualiser le flux de valeurs permettant de déterminer la valeur pécuniaire actuelle nette
des dommages environnementaux estimés pour la perspective retenue de cinquante ans.
___________
- 69 -
ANNEXE 3
MINISTÈRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES DU COSTA RICA, «NOUVEAUX TRAVAUX DANS LA
ZONE HUMIDE DU NORD-EST DES CARAÏBES», RAPPORT À L’INTENTION DU SECRÉTARIAT
EXÉCUTIF DE LA CONVENTION DE RAMSAR SUR LES ZONES HUMIDES,
JUILLET 2013
[Non traduite]
___________
- 70 -
ANNEXE 4
MINISTÈRE COSTA-RICIEN DE L’ENVIRONNEMENT ET DE L’ÉNERGIE (MINAE)
RAPPORT EN DATE DU 16 AVRIL 2015 CONCERNANT LES TRAVAUX RÉALISÉS
DU 26 MARS AU 10 AVRIL 2015
Sistema nacional de áreas de conservación área de conservación tortuguero
gerencia de manejo de los recursos naturales
Le 16 avril 2015
ACTo-GMRN-O-093-2015
Laura Rivera Quintanilla, Ing.
Adresse ACTo
Affaire : rapport concernant les travaux menés du 26 mars au 10 avril 2015 dans le cadre de
la mise en oeuvre du VI Plan d’investissement en vertu du décret n° 36440-MP intitulé
«Mesures d’atténuation dans les caños artificiels construits par le Gouvernement du
Nicaragua sur Isla Portillos, le territoire litigieux, conformément à la décision
de la Cour internationale de Justice de la Haye»
1. Contexte
En septembre 2013, le Costa Rica a informé la Cour internationale de Justice de nouvelles
activités graves menées par le Nicaragua sur le territoire litigieux, sur la base d’images satellite de
la zone concernée. Plus précisément, il a indiqué que le Nicaragua avait débuté la construction de
deux nouveaux caños artificiels sur le territoire litigieux, situés tous deux dans la partie
septentrionale de ce territoire, le plus grand des deux se trouvant vers l’Est (ci-après «le caño
oriental».
Suite à la demande en indication de mesures conservatoires présentée par le Costa Rica, le
22 novembre 2013 la Cour internationale de Justice a rendu une ordonnance en indication de
mesures conservatoires, dans laquelle elle prend en considération le fait que les caños se situent
dans le territoire litigieux, à l’intérieur de la zone humide dite «Humedal Caribe Noreste» (dans le
nord-est des Caraïbes), qui se trouve sous la responsabilité du Costa Rica en application de la
convention de Ramsar.
De ce fait, le paragraphe E) du dispositif de l’ordonnance de la Cour du 22 novembre 2013
stipule qu’
«après avoir consulté le Secrétariat de la convention de Ramsar et préalablement
informé le Nicaragua, le Costa Rica pourra prendre des mesures appropriées au sujet
des deux nouveaux caños, dès lors que de telles mesures seront nécessaires pour
empêcher qu’un préjudice irréparable soit causé à l’environnement du territoire
litigieux ; ce faisant, le Costa Rica évitera de porter atteinte de quelque façon que ce
soit au fleuve San Juan.»
En application de la décision de la Cour, en août 2014, une visite du site effectuée par une
mission consultative Ramsar a permis de déterminer qu’il existe de fait un risque de préjudice
- 71 -
irréparable pour la zone si une combinaison de facteurs entraînent la poursuite du fleuve San Juan
jusqu’à la mer, en créant une nouvelle embouchure par le biais du caño creusé par le Nicaragua. A
ce sujet, le Secrétariat Ramsar a noté que :
«Concernant l’analyse des scénarios potentiels, la Mission consultative Ramsar
a recommandé, suivant le principe de précaution et en vue d’améliorer l’analyse
quantitative de la zone d’étude, la mise en oeuvre du scénario 1 [mesures pour fermer
le caño] assortie d’une application rigoureuse d’un programme de surveillance.»
Il importe de préciser que l’autre scénario proposé, appelé scénario 0, consistait à ne mettre en
oeuvre aucune mesure pour fermer le caño.
Conformément aux recommandations figurant dans le rapport de la mission consultative
Ramsar no°77, il en va de l’intérêt supérieur du Costa Rica d’empêcher la survenue de ce préjudice
et d’agir aussi rapidement que possible pour les motifs suivants :
a) La rupture du banc de sable provoquerait la modification irréversible du cours du fleuve
San Juan, entraînant ainsi une perte en terres pour le Costa Rica au détriment de l’intégrité
territoriale du pays.
b) Les travaux de fermeture doivent être effectués avant la fin de la diminution des pluies
caractéristiques du mois d’octobre, qui sont immédiatement suivies de très fortes précipitations
dans la zone, augmentant ainsi le risque de rupture du banc de sable qui sépare le caño de la
mer des Caraïbes.
c) Les délais de réalisation des travaux entraîneront une hausse des coûts de mise en oeuvre, en
raison de la hausse des coûts d’exploitation (combustibles, matériaux, main d’oeuvre) inhérents
à ces travaux.
d) L’ordonnance de la Cour a été rendue en novembre 2013 et la coordination du Secrétariat
Ramsar a recommandé la réalisation des travaux de fermeture pour août 2014.
En novembre 2014, en application du décret exécutif n° 36440-MP, la Commission
d’urgence nationale a approuvé le plan d’investissement V pour le projet intitulé «Construction
d’une digue en tant que mesure d’atténuation à l’emplacement des caños artificiels creusés sur Isla
Portillos, le territoire litigieux, conformément à la décision de la Cour internationale de Justice de
la Haye». En résumé, ce plan d’investissement envisageait la construction de deux digues à
proximité du «caño oriental» par le transport de sacs de sable à travers le fleuve San Juan.
Le 12 novembre 2014, le 5 décembre 2014 et le 17 décembre 2014, notamment, les autorités
environnementales de la zone de conservation de Tortuguero se sont rendues depuis Delta
Costa Rica jusqu’au site du «caño oriental» pour débuter la construction des digues dans ledit caño.
Toutefois, les autorités militaires postées à Delta Nicaragua ont empêché leur navigation sur le
fleuve San Juan, alléguant notamment qu’il leur fallait une autorisation du ministère nicaraguayen
des affaires étrangères ou que le Costa Rica devait respecter les dispositions du droit nicaraguayen
lors de l’utilisation du San Juan. Ce dernier point n’a pas été pris en considération dans
l’ordonnance de la Cour du 22 novembre 2013.
Du fait de l’obstacle susmentionné, en janvier 2015 le Costa Rica a entrepris la coordination
nécessaire pour repenser les actions en vue de se conformer à l’ordonnance de la Cour et aux
recommandations de la mission consultative Ramsar no 77.
Ainsi, vers la fin du mois de mars 2015, le plan d’investissement VI a été définitivement
approuvé en application du décret exécutif no 36440-MP, pour l’exécution du projet intitulé
«Construction de digues en tant que mesure d’atténuation à l’emplacement où se situent les caños
- 72 -
artificiels sur Isla Portillos, le territoire litigieux, conformément à la décision de la Cour
internationale de Justice de la Haye». Contrairement au plan d’investissement précédent, cette
initiative se concentre sur la construction d’une digue unique, avec transport de matériaux par les
airs, en particulier par hélicoptère, qui constitue le seul moyen disponible du fait du refus du
Nicaragua d’autoriser la navigation sur le fleuve San Juan.
Par la suite, le 30 mars 2015, par note diplomatique no DM-AM-166-2015, avant le début
des travaux et conformément à ce qui a été arrêté par la Cour, le Costa Rica a avisé le Nicaragua
des opérations de fermeture du «caño oriental».
Le même jour, par note diplomatique no DM-AM-165-2015, le Costa Rica a également
informé la convention de Ramsar relative aux zones humides du commencement des travaux, à
l’issue des recommandations fournies dans le rapport de la mission consultative Ramsar no 77.
Enfin, le 31 mars 2015, par la note ACTo-GMRN-O-092-2015, la société retenue suite à
l’appel d’offres n° SINAC-CDE-001-2015 a été avertie que les travaux du «caño oriental»
débuteraient le 1 avril 2015.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Conclusions
 La digue a été construite en conformité avec les recommandations techniques décrites dans le
projet original et les réajustements suggérés par la gestion technique du projet, sur la base des
conditions actuelles du site.
 La longueur finale de la digue mesurait 19 mètres, avec une largeur de 4,25 mètres sur le
premier rang de sacs (base) et 2,55 mètres sur le troisième rang de sacs. Sa hauteur était
d’approximativement 1,6 mètre.
 La construction a nécessité moins de matériaux que ceux prévus lors de la conception
d’origine.
 Les effets de la construction sur l’environnement étaient minimes.
Recommandations
 Il est nécessaire de garantir un suivi sur le site, afin de vérifier que la digue se comporte comme
il se doit et en conformité avec son objectif proposé, en tant qu’obstacle pour empêcher tout
type de raccordement artificiel entre le fleuve San Juan et la mer des Caraïbes.
 En outre, le suivi permettrait de vérifier la progression de la restauration des conditions
naturelles dans la zone humide touchée.
 Il est recommandé de réaliser des visites d’inspection à deux semaines d’intervalle, à compter
de la 17e semaine, puis à la 19e semaine ; par la suite, ces visites seront menées chaque mois,
les semaines 23, 27, 31, 36, 40, 44, 49 en 2015 et les semaines 02 et 06 en 2016.
 Pour les tâches susmentionnées, il est nécessaire de réserver un total de 45 heures de survol en
hélicoptère à des fins de suivi, sur le nombre d’heures autorisé dans le plan d’investissement VI
en vertu du décret n° 36440-MP intitulé « Construction d’une digue en tant que mesure
d’atténuation à l’emplacement des caños artificiels creusés sur Isla Portillos, le territoire
litigieux, conformément à la décision de la Cour internationale de Justice de la Haye».
- 73 -
 Si les sacs à sable et les grands sacs situés à Agua de Dulce ne sont destinés à aucune autre fin,
ils devraient être utilisés comme enceintes de confinement sur les bords de cette lagune, en
particulier dans la zone proche du poste de patrouille de la police des frontières d’Agua Dulce,
en raison de l’impact visible des mouvements d’eau sur ce site. Cette zone est assez proche de
l’emplacement des matériaux. La police des frontières pourraient être en mesure d’aider à la
réalisation de ces tâches.
Bureau de la gestion des ressources naturelles,
Miguel Araya MONTERO.
Programme de gestion forestière,
Olman Mena VALVERDE.
MAM/mam/Oficios/2015*16.04.2015
Liste annexée du personnel participant favorable au processus de fermeture du caño artificiel d’Isla
Portillos, le territoire litigieux entre le Costa Rica et le Nicaragua, conformément à la décision de la
Cour internationale de Justice.
___________
- 74 -
ANNEXE 5
DÉCLARATION SOUS SERMENT DE M. MARIO ZAMORA CORDERO, ANCIEN MINISTRE
DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE DU COSTA RICA, EN DATE DU 22 MARS 2017
NUMERO 109-10 : Par devant moi, Me Gustavo ARGUELLO HIDALGO, notaire sis à
San José, San Pedro de Montes de Oca, boulevard Dent, cinquante mètres au sud du conseil
monétaire centraméricain, comparaît M. Mario ZAMORA CORDERO, de nationalité costa-ricienne,
majeur, deux fois divorcé, avocat, résidant à San José, dont la carte d’identité porte le numéro deux
 zéro quatre cent quarante-neuf  zéro cent cinquante. Et dit que : Ayant connaissance des
peines imposées par la loi pour parjure et faux témoignage, il fait la déclaration sous serment
suivante : premièrement : j’ai occupé les fonctions de vice-ministre de l’intérieur du Costa Rica
entre le 8 mai 2010 et le 30 avril 2011, puis de ministre de la sécurité publique du Costa Rica du
1er mai 2011 au 8 mai 2014. Deuxièmement : En ma qualité de ministre de la sécurité publique, j’ai
été chargé de diriger les forces de police et d’en assurer le contrôle général. La police du
Costa Rica est une institution civile, dont le but est de garantir la sécurité et de préserver l’ordre
public conformément à la constitution. Sa tâche principale consiste à empêcher que des personnes
ou des groupes organisés commettent des infractions, à les poursuivre le cas échéant et à les arrêter.
Dans le cadre de cette tâche, et compte tenu des ressources humaines et matérielles limitées dont
dispose un petit pays comme le Costa Rica, la police exerce l’essentiel de ses activités dans les
zones urbaines et, de ce fait, son équipement et son entraînement sont axés sur la lutte contre la
criminalité dans les villes et villages, de manière à garantir la sécurité et la protection des personnes
et des communautés qui respectent la loi. Et même si les zones rurales bénéficient également de la
présence de certains agents des forces de police, leur nombre y est réduit. Troisièmenent : Par suite,
tout d’abord, de l’occupation d’environ trois kilomètres carrés du territoire costa-ricien dans le
secteur septentrional d’Isla Portillos par les forces militaires nicaraguayennes au cours des mois
d’octobre et novembre 2010, puis d’une ordonnance en indication de mesures conservatoires prise
par la Cour internationale de justice le 8 mars 2011, la police a dû faire face à un changement
opérationnel drastique, puisque nous avons été contraints de redéployer des agents de nombreuses
unités urbaines pour fournir les effectifs nécessaires à l’établissement d’une présence dans la zone
d’Isla Portillos. Nombre des forces de police réaffectées à cette zone provenaient d’unités situées
dans la région de la Vallée centrale, plus précisément de San José, Cartago, Heredia et Alajuela
mais, plus généralement, les ressources redéployées venaient de presque toutes les unités de police
du pays. La mise en place et le maintien d’une présence policière dans la zone d’Isla Portillos, en
conséquence des actions que le Nicaragua y a menées, ont demandé des efforts opérationnels et
logistiques considérables. Premièrement, au plus fort du conflit, soit immédiatement après
l’invasion du territoire costa-ricien par le Nicaragua, le Costa Rica a posté aux environs
d’Isla Portillos des agents de police chargés d’assurer la sécurité et d’apporter l’assistance
nécessaire aux communautés vivant dans cette région et, lorsque cela était possible, de protéger le
territoire costa-ricien d’autres avancées des forces militaires nicaraguayennes. Dans ces conditions,
et compte tenu en particulier des inquiétudes de plus en plus vives des habitants des environs
d’Isla Portillos, j’ai dû mettre en place une présence policière importante dans cet zone. Après que
la Cour eut indiqué des mesures conservatoires le 8 mars 2011, j’ai donné des instructions visant à
organiser une présence policière durable à Isla Portillos, afin d’assurer la sécurité de ce que l’on
appelait alors le «territoire litigieux». Cela s’est révélé particulièrement difficile puisque, en raison
des actes du Nicaragua, le Costa Rica n’était pas en mesure de choisir l’emplacement adéquat pour
mettre en place cette présence policière. Il lui a fallu établir un camp de base sur la rive droite de la
lagune de Los Portillos, lieu présentant une complexité considérable car il constitue, dans son
intégralité, une zone humide et, partant, n’offre pas de sol dur permettant de construire un abri
approprié. Outre l’emplacement du camp, le problème principal a été le redéploiement des agents
de police dans la zone en question. Ne disposant pas de forces immédiatement mobilisables pour ce
type de mission, le ministère que je dirigeais a dû réaffecter à Isla Portillos des agents d’unités
oeuvrant dans des villes et villages au service des communautés et des citoyens du pays. Le
déplacement de ces forces de police n’a pas non plus été aisé. Celles-ci étaient tout d’abord
- 75 -
emmenées jusqu’au poste dit d’Agua Dulce pour s’acclimater et se préparer à ce qui les attendait au
poste d’Isla Portillos, vers lequel elles étaient ensuite transportées. Du fait de conditions
particulièrement inhospitalières, le poste d’Isla Portillos présentait des difficultés opérationnelles
extrêmes. Privés d’eau courante, d’évacuation des eaux usées, d’électricité et d’équipements
appropriés, les agents étaient exposés à de rudes conditions climatiques, à des maladies endémiques
et à l’hostilité permanente des forces armées nicaraguayennes. Aussi les différentes unités ne
stationnaient-elles dans la zone que pendant une dizaine de jours d’affilée. Une fois leur mission
achevée, cela ne signifiait cependant pas que les intéressés regagnaient immédiatement leur
affectation urbaine initiale. Ils avaient en effet besoin de repos et, dans bien des cas, devaient
prendre un congé de maladie, voire démissionnaient purement et simplement. Cette opération a
grandement perturbé l’organisation des missions de la police costa-ricienne à l’échelle nationale,
puisque nous rencontrions des problèmes de recrutement. Non seulement cette situation imposée au
Costa Rica a gravement amputé les ressources financières de la police, mais elle a entraîné des
sous-effectifs constants parmi les différentes unités, les communautés costa-riciennes ne
bénéficiant donc plus des services et de la protection dont elles auraient dû bénéficier. De fait, ne
disposant pas d’une unité spécialisée pour faire face à la situation, j’en suis venu à prendre les
mesures nécessaires pour former une unité de police des frontières spécialisée. Par souci de clarté,
je précise que cette unité a été mise sur pied en prélevant des ressources humaines et financières sur
d’autres structures opérationnelles de la police. Il me faut aussi préciser que ces ressources, que j’ai
été contraint d’employer pour faire face à la situation créée par les activités du Nicaragua,
provenaient essentiellement des forces de police générales, des gardes-côtes et du service de
surveillance aérienne. Quatrièmement : J’ai conscience que le véritable coût financier de la
mobilisation par le Costa Rica de ses forces de police dans la zone d’Isla Portillos, par suite du
comportement illicite du Nicaragua, ne sera pas intégralement couvert, car, en dehors du paiement
des traitements et de certaines dépenses afférentes à cette mobilisation qui ont été présentées dans
les tableaux, la demande de réparation ne prend en compte ni les autres coûts opérationnels
internes, ni le temps de traitement administratif ni, plus important encore, le préjudice général subi
par les communautés costa-riciennes qui ont directement pâti du déclin de la présence policière
dans les villes et villages. La demande de réparation du Costa Rica qui vise à obtenir le paiement
des traitements des agents de police employés à lutter contre les actes du Nicaragua est donc
modeste. En fait, le transfert de ressources policières a eu une grande incidence sur l’organisation
de l’activité de ces forces, car nombre des plans visant à lutter contre la criminalité, en particulier la
criminalité organisée, ont été interrompus voire abandonnés, en conséquence des activités illicites
menées par le Nicaragua sur le territoire du Costa Rica. Fin de la déclaration. J’ai informé le
déclarant de la valeur et de la portée juridiques de sa déclaration. J’en délivre par la présente une
première expédition. Ce document a été lu à haute voix, accepté par le déclarant et signé à
San José, à 14 heures, le 22 mars 2017.
Mario ZAMORA CORDERO Gustavo ARGUELLO HIDALGO
La déclaration ci-dessus est la reproduction exacte de l’acte numéro 109-10, qui figure au
dos de la page 103 du volume 10 du registre du notaire soussigné. Elle est jugée conforme à son
original et, en même temps que j’établis la minute du présent acte notarié, j’en délivre une première
expédition.
(Signature)
(Sceau)
[Original espagnol non reproduit]
___________

Document file FR
Document Long Title

Mémoire du Costa Rica sur la question de l'indemnisation

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