Arrêt du 5 octobre 2016

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160-20161005-JUD-01-00-EN
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Incidental Proceedings
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5 OCTOBER 2016

JUDGMENT

OBLIGATIONS CONCERNING NEGOTIATIONS RELATING TO CESSATION
OF THE NUCLEAR ARMS RACE AND TO NUCLEAR DISARMAMANT

(MARSHALL ISLANDS v. UNITED KINGDOM)

PRELIMINARY OBJECTIONS

___________

OBLIGATIONS RELATIVES À DES NÉGOCIATIONS CONCERNANT LA CESSATION
DE LA COURSE AUX ARMES NUCLÉAIRES ET LE DÉSARMEMENT NUCLÉAIRE

(ÎLES MARSHALL c. ROYAUME-UNI)

EXCEPTIONS PRÉLIMINAIRES

5 OCTOBRE 2016

ARRÊT T ABLE DES MATIÈRES

Paragraphes

Q UALITÉS 1-14

I. NTRODUCTION 15-25

A. Contexte historique 15-21
B. Instances introduites devant la Cour 22-25

II. PREMIÈRE EXCEPTION PRÉLIMINAIRE :ABSENCE DE DIFFÉREND 26-58

DISPOSITIF 59

___________ COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

ANNÉE 2016

2016
5 octobre
Rôle général
n 160
5 octobre 2016

OBLIGATIONS RELATIVES À DES NÉGOCIATIONS CONCERNANT LA CESSATION
DE LA COURSE AUX ARMES NUCLÉAIRES ET LE DÉSARMEMENT NUCLÉAIRE

(ÎLES MARSHALL c. ROYAUME-UNI)

EXCEPTIONS PRÉLIMINAIRES

Contexte historique  Activités de l’Organisation des Nations Unies en matière de
désarmement  Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires du 1 juillet 1968  Avis
consultatif rendu par la Cour le 8 juillet 1996 sur la question des armes nucléaires.

Instances introduites devant la Cour.

*

Exception préliminaire fondée sur l’absence de différend.

Sens du terme «différend» dans la jurisprudence de la Cour  «[P]oints de vue des deux
parties» devant être «nettement opposés»  Existence d’un différend étant une question de fond, et
non de forme ou de procédure  Négociations préalables n’étant pas requises lorsque la Cour est

saisie sur la base de déclarations faites en vertu du paragraphe 2 de l’article 36 de son Statut, à
moins que l’une de ces déclarations n’en dispose autrement  Protestation diplomatique officielle
n’étant pas requise  Notification de l’intention d’introduire une instance n’étant pas
requise  Existence d’un différend devant être établie objectivement par la Cour  Cour pouvant

tenir compte de déclarations ou de documents échangés dans un cadre bilatéral ou
multilatéral  Comportement des parties pouvant également entrer en ligne de compte  - 2 -

Eléments de preuve devant démontrer que le défendeur avait connaissance, ou ne pouvait pas ne
pas avoir connaissance, de ce que ses vues se heurtaient à l’«opposition manifeste» du
demandeur  Existence d’un différend devant en principe être appréciée à la date du dépôt de la
requête  Pertinence limitée du comportement ultérieur des parties.

Argument selon lequel l’existence d’un différend est établie par des déclarations faites dans
des enceintes multilatérales  Déclaration faite le 26 septembre 2013, lors d’une réunion de haut
niveau des Nations Unies sur le désarmement nucléaire  Déclaration faite le 13 février 2014,

lors de la conférence de Nayarit, au Mexique  Aucune des deux déclarations ne suffisant à
établir l’existence d’un différend — Aucune des autres déclarations invoquées par les
Iles Marshall n’étayant la thèse de l’existence d’un différend.

Argument selon lequel le dépôt même de la requête et les positions exposées par les Parties

en cours d’instance permettent d’établir l’existence d’un différend  Jurisprudence invoquée par
les Iles Marshall n’étayant pas cette thèse — Requête et déclarations faites en cours d’instance ne
pouvant créer un différend qui n’existe pas déjà.

Argument selon lequel l’existence d’un différend est établie par les votes exprimés par les

Parties sur le désarmement nucléaire dans des enceintes multilatérales — Très grande prudence
étant requise avant de conclure, au vu de votes exprimés devant des organes politiques, à
l’existence d’un différend — Votes sur des résolutions contenant nombre de propositions ne
permettant pas d’établir l’existence d’un différend.

Argument selon lequel l’existence d’un différend est établie par le comportement du
Royaume-Uni  Déclarations du demandeur ne concernant pas spécifiquement le comportement
du Royaume-Uni  Impossibilité de conclure que le Royaume-Uni avait connaissance, ou ne
pouvait pas ne pas avoir connaissance, de ce que les Iles Marshall soutenaient qu’il manquait à

ses obligations  Comportement du Royaume-Uni ne permettant pas d’établir l’existence d’une
divergence de vues.

Exception préliminaire du Royaume-Uni retenue  Nul besoin pour la Cour de se pencher
sur les autres exceptions préliminaires  Cour ne pouvant procéder à l’examen de l’affaire au

fond.

ARRÊT

Présents : M. BRAHAM , président ; M. YUSUF , vice-président ;MM. O WADA , TOMKA ,

BENNOUNA , CANÇADO T RINDADE , GREENWOOD , MMES X UE, DONOGHUE , M. GAJA ,
M ME SEBUTINDE , MM. B HANDARI , R OBINSON, C RAWFORD , G EVORGIAN , juges ;
M. BEDJAOUI , juge ad hoc ; MOUVREUR ,greffier.

En l’affaire des obligations relatives à des négociations concernant la cessation de la course
aux armes nucléaires et le désarmement nucléaire, - 3 -

entre

la République des Iles Marshall,

représentée par

S. Exc. M. Tony A. deBrum, ministre des affaires étrangères de la République des
Iles Marshall,

M. Phon van den Biesen, avocat, van den Biesen Kloostra Advocaten, Amsterdam,

comme coagents ;

Mme Deborah Barker-Manase, chargé d’affaires a.i. et représentant permanent adjoint de la
République des Iles Marshall auprès de l’Organisation des Nations Unies à New York,

comme membre de la délégation ;

Mme Laurie B. Ashton, avocat, Seattle,

M. Nicholas Grief, professeur de droit à l’Université du Kent, membre du barreau
d’Angleterre,

M. Luigi Condorelli, professeur de droit international à l’Université de Florence, professeur
honoraire de droit international à l’Université de Genève,

M. Paolo Palchetti, professeur de droit international à l’Université de Macerata,

M. John Burroughs, New York,

Mme Christine Chinkin, professeur émérite de droit international à la London School of
Economics, membre du barreau d’Angleterre,

M. Roger S. Clark, Board of Governors Professor à la faculté de droit de l’Université
Rutgers, New Jersey,

comme conseils et avocats ;

M. David Krieger, Santa Barbara,

M. Peter Weiss, New York,

M. Lynn Sarko, avocat, Seattle,

comme conseils ;

Mme Amanda Richter, membre du barreau d’Angleterre,

Mme Sophie Elizabeth Bones, LL.B., LL.M., - 4 -

M. J. Dylan van Houcke, LL.B., LL.M., doctorant au Birkbeck College, Université de
Londres,

M. Loris Marotti, doctorant à l’Université de Macerata,

M. Lucas Lima, doctorant à l’Université de Macerata,

M. Rob van Riet, Londres,

Mme Alison E. Chase, avocat, Santa Barbara,

comme assistants ;

M. Nick Ritchie, chargé de cours en sécurité internationale à l’Université d’York,

comme conseiller technique,

et

le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord,

représenté par

S. Exc. sir Geoffrey Adams, K.C.M.G., ambassadeur du Royaume-Uni de Grande-Bretagne
et d’Irlande du Nord auprès du Royaume des Pays-Bas ;

M. Iain Macleod, conseiller juridique au ministère des affaires étrangères et du

Commonwealth,

comme agent ;

Mme Catherine Adams, directrice juridique du ministère des affaires étrangères et du
Commonwealth,

comme agent adjoint (jusqu’au 29 septembre 2016) ;

M. Douglas Wilson, directeur juridique du ministère des affaires étrangères et du
Commonwealth,

comme agent adjoint (à partir du 29 septembre 2016) ;

M. Shehzad Charania, conseiller juridique à l’ambassade du Royaume-Uni de
Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord au Royaume des Pays-Bas,

comme agent adjoint (jusqu’au 15 août 2016) ;

M. Philip Dixon, conseiller juridique à l’ambassade du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et
d’Irlande du Nord au Royaume des Pays-Bas,

comme agent adjoint (à partir du 15 août 2016) ; - 5 -

M. Christopher Stephen, conseiller juridique adjoint au ministère des affaires étrangères et

du Commonwealth,

comme conseiller ;

sir Daniel Bethlehem, Q.C., membre du barreau d’Angleterre,

M. Guglielmo Verdirame, professeur de droit international au King’s College de Londres,
membre du barreau d’Angleterre,

Mme Jessica Wells, membre du barreau d’Angleterre,

comme conseils et avocats,

L AC OUR ,

ainsi composée,

après délibéré en chambre du conseil,

rend l’arrêt suivant :

1. Le 24 avril 2014, le Gouvernement de la République des Iles Marshall (ci-après

dénommée les «Iles Marshall» ou le «demandeur») a déposé au Greffe de la Cour une requête
introductive d’instance contre le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord (ci-après
dénommé le «Royaume-Uni» ou le «défendeur»), lui faisant grief d’avoir manqué à ses obligations
conventionnelles et coutumières. Les Iles Marshall allèguent que :

«15. Le Royaume-Uni n’a pas poursuivi de bonne foi des négociations pour
mettre fin à la course aux armements nucléaires à une date rapprochée par un

désarmement nucléaire complet ou d’autres mesures, et au lieu de cela, cherche à
améliorer son système d’armes nucléaires et à le conserver pour une durée illimitée.

16. De même, le Royaume-Uni, au lieu de s’acquitter de son obligation de
poursuivre de bonne foi des négociations conduisant à un désarmement nucléaire dans
tous ses aspects effectué sous un contrôle international strict et efficace, s’est opposé

aux efforts déployés par la grande majorité des Etats pour engager de telles
négociations.»

Dans leur requête, les Iles Marshall entendent fonder la compétence de la Cour sur les
déclarations faites, en vertu du paragraphe 2 de l’article 36 du Statut de la Cour, par le
Royaume-Uni le 5 juillet 2004 (déclaration déposée auprès du Secrétaire général de l’Organisation
des Nations Unies le 5 juillet 2004 également) et par elles-mêmes le 15 mars 2013 (déclaration

déposée auprès du Secrétaire général le 24 avril 2013).

2. Conformément au paragraphe 2 de l’article 40 du Statut, le greffier a immédiatement
communiqué la requête au Gouvernement du Royaume-Uni ; conformément au paragraphe 3 du
même article, il en a également informé tous les autres Etats admis à ester devant la Cour. - 6 -

3. Sur les instructions données par la Cour en vertu de l’article 43 de son Règlement, le
greffier a adressé les notifications prévues au paragraphe 1 de l’article 63 du Statut aux Etats

parties au traité sur la non-prolifération des armes nucléaires de 1968 (ci-après le «TNP»).
En application des dispositions du paragraphe 3 de l’article 69 du Règlement, le greffier a en outre
adressé la notification prévue au paragraphe 3 de l’article 34 du Statut au Secrétaire général de
l’Organisation des Nations Unies.

4. La Cour ne comptant sur le siège aucun juge de nationalité marshallaise, les Iles Marshall
se sont prévalues du droit que leur confère le paragraphe 2 de l’article 31 du Statut de procéder à la

désignation d’un juge ad hoc pour siéger en l’affaire : elles ont désigné M. Mohammed Bedjaoui.

5. Par ordonnance en date du 16 juin 2014, la Cour a fixé au 16 mars 2015 et au
16 décembre 2015, respectivement, les dates d’expiration des délais pour le dépôt du mémoire des
Iles Marshall et du contre-mémoire du Royaume-Uni. Le mémoire des Iles Marshall a été déposé
dans le délai ainsi prescrit.

6. Le 15 juin 2015, dans le délai prescrit au paragraphe 1 de l’article 79 du Règlement, le
Royaume-Uni a soulevé des exceptions préliminaires à la compétence de la Cour et à la
recevabilité de la requête. En conséquence, par ordonnance du 19 juin 2015, le président de la
Cour, constatant que la procédure sur le fond était suspendue en application du paragraphe 5 de
l’article 79 du Règlement, et compte tenu de l’instruction de procédure V, a fixé
au 15 octobre 2015 la date d’expiration du délai dans lequel les Iles Marshall pourraient présenter
un exposé écrit contenant leurs observations et conclusions sur les exceptions préliminaires

soulevées par le Royaume-Uni. Les Iles Marshall ont déposé un tel exposé dans le délai ainsi fixé,
et l’affaire s’est trouvée en état pour ce qui est des exceptions préliminaires.

7. Par lettre en date du 26 novembre 2015, le Gouvernement de la République de l’Inde,
invoquant le paragraphe 1 de l’article 53 du Règlement, a demandé à recevoir copie des pièces de
procédure et documents annexés produits en l’espèce. Ayant consulté les Parties conformément à

cette même disposition, le président de la Cour a décidé d’accéder à cette demande. Par lettres en
date du 10 décembre 2015, le greffier a dûment communiqué cette décision au Gouvernement de
l’Inde et aux Parties.

8. Conformément au paragraphe 2 de l’article 53 de son Règlement, la Cour a décidé, après
avoir consulté les Parties, que des exemplaires des pièces de procédure et documents annexés
seraient rendus accessibles au public à l’ouverture de la procédure orale.

9. Des audiences publiques sur les exceptions préliminaires soulevées par le Royaume-Uni
ont été tenues du mercredi 9 au mercredi 16 mars 2016, au cours desquelles ont été entendus en
leurs plaidoiries et réponses : - 7 -

Pour le Royaume-Uni : M. Iain Macleod,
sir Daniel Bethlehem,

M. Guglielmo Verdirame,
Mme Jessica Wells.

Pour les Iles Marshall : S. Exc. M. Tony deBrum,
M. Phon van den Biesen,
M. Luigi Condorelli,
Mme Laurie B. Ashton,

Mme Christine Chinkin,
M. Paolo Palchetti,
M. Nicholas Grief.

10. A l’audience, des questions ont été posées aux Parties par des membres de la Cour,
auxquelles il a été répondu oralement et par écrit, dans le délai fixé par le président conformément
au paragraphe 4 de l’article 61 du Règlement. Chacune des Parties a présenté des observations sur

les réponses écrites de l’autre Partie, conformément à l’article 72 du Règlement.

*

11. Dans la requête, les demandes ci-après ont été formulées par les Iles Marshall :

«Sur la base de l’exposé des faits et des moyens juridiques qui précède, la
République des Iles Marshall prie la Cour

de dire et juger

a) que le Royaume-Uni a manqué et continue de manquer aux obligations
internationales qui lui incombent au regard du TNP, et en particulier de son
article VI, en s’abstenant de poursuivre de bonne foi et de mener à terme des

négociations conduisant à un désarmement nucléaire dans tous ses aspects effectué
sous un contrôle international strict et efficace ;

b) que le Royaume-Uni a manqué et continue de manquer aux obligations
internationales qui lui incombent au regard du TNP, et en particulier de son
article VI, en prenant des mesures visant à améliorer, et à conserver pour une durée
illimitée, son système d’armes nucléaires, ainsi qu’en s’abstenant de mener des
négociations qui mettraient fin à la course aux armements nucléaires par un

désarmement nucléaire complet ou d’autres mesures ;

c) que le Royaume-Uni a manqué et continue de manquer aux obligations
internationales qui lui incombent au regard du droit international coutumier en
s’abstenant de poursuivre de bonne foi et de mener à terme des négociations
conduisant à un désarmement nucléaire dans tous ses aspects effectué sous un
contrôle international strict et efficace ; - 8 -

d) que le Royaume-Uni a manqué et continue de manquer aux obligations
internationales qui lui incombent au regard du droit international coutumier en

prenant des mesures visant à améliorer, et à conserver pour une durée illimitée, son
système d’armes nucléaires, ainsi qu’en s’abstenant de mener des négociations qui
mettraient fin à la course aux armements nucléaires par un désarmement nucléaire
complet ou d’autres mesures ;

e) que le Royaume-Uni a manqué de s’acquitter et continue de ne pas s’acquitter de
bonne foi des obligations qui lui incombent au regard du TNP et du droit

international coutumier en modernisant, actualisant et mettant à niveau ses
capacités en matière d’armes nucléaires, ainsi qu’en poursuivant, pour une durée
illimitée, sa politique déclarée en matière d’armes nucléaires, tout en s’abstenant
de mener des négociations, tel qu’exposé aux quatre points précédents ; et

f) que le Royaume-Uni a manqué de s’acquitter et continue de ne pas s’acquitter de
bonne foi des obligations qui lui incombent au regard du TNP et du droit
international coutumier en empêchant de fait la grande majorité des Etats non

dotés d’armes nucléaires de respecter leur part des obligations qu’imposent
l’article VI du traité et le droit international coutumier en ce qui concerne le
désarmement nucléaire et la cessation de la course aux armements nucléaires à une
date rapprochée.

En outre, la République des Iles Marshall prie la Cour

d’ordonner

au Royaume-Uni de prendre toutes les mesures nécessaires pour se conformer, dans
un délai d’un an à compter du prononcé de l’arrêt, aux obligations qui lui incombent
au regard de l’article VI du TNP et du droit international coutumier, parmi lesquelles
celle de mener des négociations de bonne foi, si nécessaire en engageant celles-ci, en
vue de conclure une convention relative à un désarmement nucléaire dans tous ses
aspects effectué sous un contrôle international strict et efficace.»

12. Au cours de la procédure écrite sur le fond, les conclusions ci-après ont été présentées au
nom du Gouvernement des Iles Marshall dans le mémoire :

«Sur la base de l’exposé des faits et des moyens juridiques qui précède, la
République des Iles Marshall prie la Cour

de dire et juger

a) que le Royaume-Uni a manqué et continue de manquer aux obligations
internationales qui lui incombent au regard du TNP, et en particulier de son
article VI, en s’abstenant de poursuivre de bonne foi et de mener à terme des
négociations conduisant à un désarmement nucléaire dans tous ses aspects effectué
sous un contrôle international strict et efficace ; - 9 -

b) que le Royaume-Uni a manqué et continue de manquer aux obligations
internationales qui lui incombent au regard du TNP, et en particulier de son

article VI, en prenant des mesures visant à améliorer, et à conserver pour une durée
illimitée, son système d’armes nucléaires, ainsi qu’en s’abstenant de mener des
négociations qui mettraient fin à la course aux armements nucléaires par un
désarmement nucléaire complet ou d’autres mesures ;

c) que le Royaume-Uni a manqué et continue de manquer aux obligations
internationales qui lui incombent au regard du droit international coutumier en

s’abstenant de poursuivre de bonne foi et de mener à terme des négociations
conduisant à un désarmement nucléaire dans tous ses aspects effectué sous un
contrôle international strict et efficace ;

d) que le Royaume-Uni a manqué et continue de manquer aux obligations
internationales qui lui incombent au regard du droit international coutumier en
prenant des mesures visant à améliorer, et à conserver pour une durée illimitée, son
système d’armes nucléaires, ainsi qu’en s’abstenant de mener des négociations qui

mettraient fin à la course aux armements nucléaires par un désarmement nucléaire
complet ou d’autres mesures ;

e) que le Royaume-Uni a manqué de s’acquitter et continue de ne pas s’acquitter de
bonne foi des obligations qui lui incombent au regard du TNP et du droit
international coutumier en modernisant, actualisant et mettant à niveau ses
capacités en matière d’armes nucléaires, ainsi qu’en poursuivant, pour une durée

illimitée, sa politique déclarée en matière d’armes nucléaires, tout en s’abstenant
de mener des négociations, tel qu’exposé aux quatre points précédents ; et

f) que le Royaume-Uni a manqué de s’acquitter et continue de ne pas s’acquitter de
bonne foi des obligations qui lui incombent au regard du TNP et du droit
international coutumier en empêchant de fait la grande majorité des Etats non
dotés d’armes nucléaires de respecter leur part des obligations qu’imposent
l’article VI du traité et le droit international coutumier en ce qui concerne le

désarmement nucléaire et la cessation de la course aux armements nucléaires à une
date rapprochée.

En outre, la République des Iles Marshall prie la Cour

d’ordonner

au Royaume-Uni de prendre toutes les mesures nécessaires pour se conformer, dans

un délai d’un an à compter du prononcé de l’arrêt, aux obligations qui lui incombent
au regard de l’article VI du TNP et du droit international coutumier, parmi lesquelles
celle de mener des négociations de bonne foi, si nécessaire en engageant celles-ci, en
vue de conclure une convention relative à un désarmement nucléaire dans tous ses
aspects effectué sous un contrôle international strict et efficace.»

13. Les conclusions ci-après ont été présentées au nom du Gouvernement du Royaume-Uni

dans les exceptions préliminaires : - 10 -

«Pour les raisons exposées dans les présentes exceptions préliminaires, le
Royaume-Uni prie la Cour de dire et juger que la demande présentée par la

République des Iles Marshall est irrecevable, ou qu’elle n’a pas compétence pour en
connaître.»

Les conclusions ci-après ont été présentées au nom du Gouvernement des Iles Marshall dans
l’exposé écrit contenant ses observations et conclusions sur les exceptions préliminaires :

«Considérant l’exposé qui précède, la République des Iles Marshall prie la
Cour :

 de rejeter les exceptions préliminaires soulevées par le Royaume-Uni ; et

 de dire et juger :

i) qu’elle a compétence pour connaître des demandes présentées par les
Iles Marshall ; et

ii) que lesdites demandes sont recevables.»

14. Dans la procédure orale sur les exceptions préliminaires, les conclusions ci-après ont été
présentées par les Parties :

Au nom du Gouvernement du Royaume-Uni,

à l’audience du 14 mars 2016 :

«Le Royaume-Uni prie la Cour de dire et juger :

 qu’elle n’a pas compétence pour connaître de la demande présentée contre lui par
les Iles Marshall ; et/ou

 que la demande présentée contre lui par les Iles Marshall est irrecevable.»

Au nom du Gouvernement des Iles Marshall,

à l’audience du 16 mars 2016 :

«Les Iles Marshall prient la Cour :

a) de rejeter les exceptions préliminaires à sa compétence et à la recevabilité des

demandes des Iles Marshall qui ont été soulevées par le Royaume-Uni de
Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord dans ses exceptions préliminaires du
15 juin 2015 ;

b) de dire et juger qu’elle a compétence pour connaître des demandes présentées par
les Iles Marshall dans leur requête du 24 avril 2014 ; et

c) de dire et juger que les demandes des Iles Marshall sont recevables.»

*

* * - 11 -

I. NTRODUCTION

A. Contexte historique

15. Depuis sa création, et conformément à ses buts énoncés à l’article 1 de la Charte,
l’Organisation des Nations Unies a toujours placé la question du désarmement au cœur de ses
préoccupations. A cet égard, la Charte assigne à trois organes distincts un rôle en matière de
désarmement à l’échelle internationale : l’Assemblée générale (paragraphe 1 de l’article 11), le

Conseil de sécurité (article 26) et le Comité d’état-major (paragraphe 1 de l’article 47).
L’Assemblée générale a été active dans les domaines du désarmement international en général et
du désarmement nucléaire en particulier. S’agissant du désarmement international en général, elle
a créé en 1952 la première commission du désarmement de l’Organisation des Nations Unies,
placée sous l’autorité du Conseil de sécurité (résolution 502 VI) du 11 janvier 1952). En 1978, elle
a tenu une session extraordinaire consacrée au désarmement, au cours de laquelle elle a mis en
place les mécanismes de désarmement actuels de l’ONU, qui regroupent : la Première Commission

de l’Assemblée générale, dont le mandat a été redéfini pour porter exclusivement sur les questions
relatives au désarmement et les questions de sécurité internationale y afférentes ; une nouvelle
commission du désarmement (remplaçant la commission du désarmement de l’Organisation des
Nations Unies créée en 1952), établie en tant qu’organe subsidiaire de l’Assemblée générale et
composée de l’ensemble des Etats Membres de l’Organisation ; et un comité du désarmement,
organe de négociation (résolution S-10/2 du 30 juin 1978, par. 117, 118 et 120) qui allait devenir, à

partir de 1984 (résolution 37/99 K de l’Assemblée générale du 13 décembre 1982, pertie II ;
rapport du comité du désarmement à l’Assemblée générale des Nations Unies, 1 septembre 1983,
doc. CD/421, par. 21), la conférence sur le désarmement et qui compte à présent 65 membres.

En ce qui concerne plus particulièrement le désarmement nucléaire, il y a lieu de rappeler
que, dans sa toute première résolution, adoptée à l’unanimité le 24 janvier 1946, l’Assemblée
générale a instauré une commission chargée d’étudier «les problèmes soulevés par la découverte de

l’énergie atomique» (résolution 1 I) du 24 janvier 1946 ; cette commission a été dissoute en 1952,
lorsque la première commission du désarmement mentionnée ci-dessus a été établie). Dès 1954,
l’Assemblée générale a par ailleurs lancé un appel en faveur d’une convention sur le désarmement
nucléaire (résolution 808 IX) A du 4 novembre 1954), appel qu’elle a réitéré dans nombre de
résolutions ultérieures. En outre, les entités mentionnées ci-dessus, créées par l’Assemblée
générale pour œuvrer en faveur du désarmement international en général, ont aussi traité plus

spécifiquement de la question du désarmement nucléaire.

16. Par sa résolution 21 du 2 avril 1947, le Conseil de sécurité de l’Organisation des
Nations Unies a placé un groupe d’îles de l’océan Pacifique, dont celles qui constituent aujourd’hui
les Iles Marshall, sous le régime de tutelle instauré dans la Charte des Nations Unies, et désigné les
Etats-Unis d’Amérique comme autorité chargée de l’administration. Entre 1946 et 1958, alors

qu’elles relevaient de ce régime, les Iles Marshall ont été à maintes reprises le théâtre d’essais
nucléaires. Par sa résolution 683 du 22 décembre 1990, le Conseil de sécurité a mis fin à l’accord
de tutelle sur les Iles Marshall. Par la résolution 46/3 de l’Assemblée générale en date du
17 septembre 1991, celles-ci ont été admises en tant que Membre de l’Organisation des
Nations Unies.

17. Le défendeur est l’un des Membres fondateurs de l’Organisation des Nations Unies et
fait partie des membres permanents du Conseil de sécurité. Le 3 octobre 1952, le Royaume-Uni a
fait exploser son premier dispositif nucléaire dans les îles Montebello, au nord-ouest de l’Australie,
et il détient des armes nucléaires. - 12 -

18. A la suite de longues négociations menées dans les années 1960, auxquelles ont participé

aussi bien des puissances ercléaires que des Etats non dotés d’armes nucléaires, le TNP a été
ouvert à la signature le 1 juillet 1968. Il est entré en vigueur le 5 mars 1970 et a été prorogé pour
une durée indéfinie en 1995. Depuis son entrée en vigueur, des conférences d’examen se sont
tenues tous les cinq ans, en application du paragraphe 3 de son article VIII.
Cent quatre-vingt-onze Etats sont devenus parties au TNP ; le 10 janvier 2003, la République

populaire démocratique de Corée a annoncé qu’elle s’en retirait. Les Iles Marshall ont adhéré au
TNP le 30 janvier 1995. Le Royaume-Uni y est lui aussi partie, et il enerst, en vertu de l’article IX,
l’un des trois gouvernements dépositaires. Il a signé le TNP le 1 juillet 1968 et a déposé ses
instruments de ratification le 27 novembre 1968 à Londres et à Washington, et le
29 novembre 1968 à Moscou.

19. Le TNP vise à limiter la prolifération des armes nucléaires et prévoit certains droits et
obligations pour les parties, qui y sont désignées comme «Etat[s] doté[s] d’armes nucléaires qui
[sont] Partie[s] au Traité» ou «Etat[s] non doté[s] d’armes nucléaires qui [sont] Partie[s] au Traité»
(notamment le droit qu’ont tous les Etats de produire et d’utiliser de l’énergie nucléaire à des fins
pacifiques, l’obligation qui incombe aux Etats dotés d’armes nucléaires qui sont parties au traité de
s’abstenir de transférer des armes nucléaires à qui que ce soit, et l’obligation imposée aux Etats

non dotés d’armes nucléaires qui sont parties au traité de ne pas accepter pareil transfert). Son
préambule fait en outre état de l’intention des parties «de parvenir au plus tôt à la cessation de la
course aux armements nucléaires et de prendre des mesures efficaces dans la voie du désarmement
nucléaire». A cet égard, l’article VI du TNP prévoit ce qui suit :

«Chacune des Parties au Traité s’engage à poursuivre de bonne foi des

négociations sur des mesures efficaces relatives à la cessation de la course aux
armements nucléaires à une date rapprochée et au désarmement nucléaire, et sur un
traité de désarmement général et complet sous un contrôle international strict et
efficace.»

Aux fins du TNP, un «Etat doté d’armes nucléaires est un Etat qui a fabriqué et a fait exploser une
er
arme nucléaire ou un autre dispositif nucléaire explosif avant le 1 janvier 1967» (paragraphe 3 de
l’article IX). Les Etats ainsi visés sont au nombre de cinq : la Chine, les Etats-Unis d’Amérique, la
Fédération de Russie, la France et le Royaume-Uni. En outre, d’autres Etats détiennent ou
détiendraient des armes nucléaires.

20. Par sa résolution 49/75 K du 15 décembre 1994, l’Assemblée générale a demandé à la

Cour internationale de Justice de donner un avis consultatif sur la question de savoir s’il est permis
en droit international de recourir à la menace ou à l’emploi d’armes nucléaires en toute
circonstance. Dans l’exposé des motifs de son avis en date du 8 juillet 1996, la Cour a mesuré
«toute l’importance de la consécration par l’article VI du [TNP] d’une obligation de négocier de
bonne foi un désarmement nucléaire» (Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires,

avis consultatif, C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 263, par. 99). Elle a ajouté que cette obligation
«dépass[ait] … une simple obligation de comportement» et consistait à «parvenir à un résultat
précis — le désarmement nucléaire dans tous ses aspects — par l’adoption d’un comportement
déterminé, à savoir la poursuite de bonne foi de négociations en la matière» (ibid., p. 264, par. 99).
La Cour a par ailleurs précisé que «[c]ette double obligation de négocier et de conclure concern[ait]
formellement [tous] les … Etats parties au [TNP], c’est-à-dire la très grande majorité de la

communauté internationale», et que «toute recherche réaliste d’un désarmement général et complet,
en particulier nucléaire, nécessit[ait] la coopération de tous les Etats» (ibid., par. 100). Dans la - 13 -

partie finale de son avis consultatif, la Cour a déclaré à l’unanimité qu’«[i]l exist[ait] une obligation
de poursuivre de bonne foi et de mener à terme des négociations conduisant au désarmement

nucléaire dans tous ses aspects, sous un contrôle international strict et efficace» (Licéité de la
menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 267,
par. 105, point 2) F).

21. Dans sa résolution 51/45 M du 10 décembre 1996, l’Assemblée générale a «[s]oulign[é]
la conclusion unanime de la Cour, selon laquelle il existe une obligation de poursuivre de bonne foi
et de mener à terme des négociations conduisant au désarmement nucléaire dans tous ses aspects,

sous un contrôle international strict et efficace», et

«[d]emand[é] instamment à tous les Etats d’exécuter immédiatement cette obligation
en engageant des négociations multilatérales en 1997 en vue de parvenir à la
conclusion rapide d’une convention sur les armes nucléaires interdisant la mise au
point, la fabrication, l’essai, le déploiement, le stockage, le transfert, la menace ou
l’emploi de ces armes et prévoyant leur élimination».

Depuis, l’Assemblée générale adopte chaque année une résolution analogue sur la suite donnée à
l’avis consultatif de la Cour. Elle a également adopté nombre d’autres résolutions encourageant le
désarmement nucléaire.

B. Instances introduites devant la Cour

22. Le 24 avril 2014, les Iles Marshall ont déposé, outre la requête introductive de la présente

instance (voir le paragraphe 1 ci-dessus), des requêtes distinctes contre les huit autres Etats qui,
selon elles, possèdent des armes nucléaires (la Chine, les Etats-Unis d’Amérique, la Fédération de
Russie, la France, l’Inde, Israël, le Pakistan et la République populaire démocratique de Corée), et
auxquels elles reprochent également d’avoir manqué à leurs obligations relatives aux négociations
concernant la cessation de la course aux armements nucléaires à une date rapprochée et le
désarmement nucléaire. Les affaires contre l’Inde, le Pakistan et le Royaume-Uni ont été inscrites
au rôle général de la Cour, le demandeur ayant invoqué, comme base de compétence, les

déclarations par lesquelles ces Etats ont reconnu la juridiction obligatoire de la Cour (en vertu du
paragraphe 2 de l’article 36 du Statut). Dans les requêtes qu’elles ont présentées contre la Chine,
les Etats-Unis d’Amérique, la Fédération de Russie, la France, Israël et la République populaire
démocratique de Corée, les Iles Marshall ont invité ces Etats à accepter la compétence de la Cour
aux fins de l’affaire, ainsi qu’il est envisagé au paragraphe 5 de l’article 38 du Règlement. Aucun
ne l’ayant fait, lesdites requêtes n’ont pas été inscrites au rôle général de la Cour.

23. Le Royaume-Uni a soulevé cinq exceptions préliminaires à la compétence de la Cour ou
à la recevabilité de la requête. Dans la première, il soutient que les Iles Marshall n’ont pas établi
qu’il existait, au moment du dépôt de la requête, un différend justiciable entre les Parties le mettant
en cause au motif qu’il n’aurait pas poursuivi de bonne foi des négociations concernant la cessation
de la course aux armements nucléaires à une date rapprochée et le désarmement nucléaire. Dans
ses deuxième et troisième exceptions, le défendeur avance que certaines réserves dont les Parties
ont assorti les déclarations qu’elles ont faites en vertu du paragraphe 2 de l’article 36 du Statut font

obstacle à la compétence de la Cour. La quatrième exception préliminaire est fondée sur l’absence
à l’instance de tierces parties, en particulier les autres Etats dotés d’armes nucléaires, dont les
intérêts essentiels seraient en cause en l’espèce. Selon la cinquième exception du Royaume-Uni, la
Cour devrait refuser d’exercer sa compétence parce qu’un arrêt sur le fond en la présente affaire
n’aurait aucune conséquence pratique. - 14 -

24. Dans leurs observations écrites et les conclusions finales qu’elles ont présentées à

l’audience, les Iles Marshall ont prié la Cour de rejeter l’ensemble des exceptions préliminaires
soulevées par le Royaume-Uni et, partant, de dire qu’elle a compétence et que la requête est
recevable (voir paragraphes 13 et 14 ci-dessus).

25. La Cour examinera tout d’abord l’exception fondée sur l’absence de différend.

*

* *

II.PREMIÈRE EXCEPTION PRÉLIMINAIRE :ABSENCE DE DIFFÉREND

26. Dans sa première exception préliminaire, le Royaume-Uni affirme que, à la date du dépôt
de la requête des Iles Marshall, il n’existait pas, entre les deux Etats, de «différend justiciable». En
conséquence, il considère que la Cour n’est compétente pour examiner aucune des demandes des
Iles Marshall ou que ces demandes sont irrecevables.

27. Le Royaume-Uni soutient qu’il existe un principe de droit international coutumier
suivant lequel l’Etat qui a l’intention d’invoquer la responsabilité d’un autre Etat doit lui notifier sa
réclamation, cette notification étant un élément constitutif de la condition relative à l’existence d’un
différend. Il allègue que ce principe trouve son expression dans l’article 43 des Articles de la
Commission du droit international sur la responsabilité de l’Etat pour faits internationalement
illicites (ci-après les «Articles de la CDI sur la responsabilité de l’Etat») et dans les dispositions de
divers mécanismes de règlement obligatoire des différends en droit international. Le défendeur

ajoute que, dans les affaires relatives à l’Application de la convention internationale sur
l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Géorgie c. Fédération de Russie) et à
des Questions concernant l’obligation de poursuivre ou d’extrader (Belgique c. Sénégal), la Cour a
elle aussi jugé que la notification antérieure des griefs constituait une condition préalable aux fins
d’établir l’existence d’un différend.

28. Le Royaume-Uni fait valoir qu’il n’a pas été satisfait à ces conditions en la présente
espèce. S’agissant des deux déclarations auxquelles les Iles Marshall se réfèrent plus
particulièrement, il affirme que ni leur contenu ni les circonstances dans lesquelles elles ont été
faites ne constituent une preuve de l’existence, à la date du dépôt de la requête, d’un différend entre
les Parties. La première déclaration a été faite le 26 septembre 2013 à la réunion de haut niveau de
l’Assemblée générale sur le désarmement nucléaire par le ministre des affaires étrangères des

Iles Marshall, qui a «appel[é] instamment tous les Etats dotés d’armes nucléaires à intensifier leurs
efforts pour assumer leurs responsabilités en vue d’un désarmement effectif réalisé en toute
sécurité». Le Royaume-Uni relève que cette déclaration ne le mentionnait pas spécifiquement et
soutient qu’elle ne pouvait d’aucune manière être considérée comme mettant en cause sa - 15 -

responsabilité au regard du droit international pour une quelconque violation du TNP ou du droit
international coutumier. La seconde déclaration, elle aussi de nature générale, a été faite le

13 février 2014, soit à peine plus de deux mois avant le dépôt de la requête introductive de la
présente instance, à la deuxième conférence sur l’impact humanitaire des armes nucléaires tenue à
Nayarit, au Mexique. Cette déclaration se lit comme suit :

«Les Iles Marshall sont convaincues que des négociations multilatérales visant à
créer et à maintenir un monde dépourvu d’armes nucléaires auraient dû être engagées
depuis longtemps. Nous estimons en effet que les Etats possédant un arsenal nucléaire

ne respectent pas leurs obligations à cet égard. L’obligation d’œuvrer au désarmement
nucléaire qui incombe à chaque Etat en vertu de l’article VI du traité de
non-prolifération nucléaire et du droit international coutumier impose l’ouverture
immédiate de telles négociations et leur aboutissement.»

Le Royaume-Uni fait observer qu’il n’assistait pas à cette conférence, et soutient que les
Iles Marshall n’ont pris aucune mesure pour porter la déclaration précitée à son attention. Il ajoute
que le demandeur a eu d’autres occasions de lui notifier le prétendu différend, mais qu’il n’en a

rien fait.

29. Le défendeur fait valoir que, à la date du dépôt de la requête, les Iles Marshall n’avaient
pas pris les mesures les plus élémentaires pour l’informer de leur réclamation ou d’un quelconque
aspect du différend — ou simple désaccord — qui les aurait opposés. Il estime en outre qu’il n’est
pas suffisant qu’une divergence de vues ait été constatée publiquement ; il doit y avoir un échange
entre les parties en cause. Le Royaume-Uni soutient en conséquence qu’il n’existait aucun conflit

entre les positions juridiques des deux Etats et, partant, aucun «différend justiciable». Il ajoute que
le dépôt d’une requête ne saurait être considéré comme constituant à la fois une notification et la
cristallisation d’un différend naissant. De la même manière, le comportement postérieur au dépôt
de la requête ne saurait suffire à établir l’existence d’un «différend justiciable» entre les Parties au
moment de la saisine de la Cour ; il ne peut en être tenu compte que pour définir la portée ou
l’objet du différend.

*

30. Les Iles Marshall soutiennent que la première exception préliminaire soulevée par le
Royaume-Uni devrait être rejetée.

31. Selon le demandeur, il n’existe aucun principe général imposant à un Etat qui entend
introduire une instance contre un autre Etat de notifier cette intention ou ses réclamations à celui-ci
avant de saisir l’organe judiciaire. Les Iles Marshall font ainsi valoir que l’article 43 des Articles
de la CDI sur la responsabilité de l’Etat est dépourvu de pertinence car il ne traite pas de
l’introduction d’une instance devant une juridiction internationale. A l’appui de cet argument, les
Iles Marshall invoquent le commentaire relatif à l’article 44, qui indique que les Articles de la CDI
«ne traitent pas des problèmes de compétence des cours et tribunaux internationaux, ni en général

des conditions de recevabilité des instances». Elles allèguent en outre que la tentative du
Royaume-Uni d’inférer un principe d’application générale de certaines dispositions contenues dans
divers instruments internationaux est indéfendable et ne trouve aucune justification dans la
jurisprudence des juridictions internationales. - 16 -

32. Les Iles Marshall ajoutent que la Cour a toujours nié l’existence d’une obligation
générale de notification préalable de l’intention d’introduire une instance, et que rien dans les

affaires Belgique c. Sénégal et Géorgie c. Fédération de Russie ne corrobore l’allégation du
Royaume-Uni concernant pareille exigence. Elles affirment en outre que, non seulement la Cour
n’a jamais reconnu l’existence d’une obligation générale de notification préalable des griefs, mais
qu’elle a aussi, ainsi que cela appert de sa jurisprudence, systématiquement veillé à ne pas fixer de
critères trop stricts pour déterminer l’existence d’un différend, admettant notamment qu’un
différend pouvait «se cristalliser» par suite de la formulation, par un Etat, d’une réclamation contre
le comportement constant d’un autre Etat (par exemple, Certains biens (Liechtenstein

c. Allemagne), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2005, p. 19, par. 25 ; Frontière
terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c. Nigéria), exceptions
préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1998, p. 317, par. 93 ; Application de la convention pour la
prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Yougoslavie), exceptions
préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1996 (II), p. 614-615, par. 29).

33. De l’avis des Iles Marshall, l’existence d’un différend est démontrée par les attitudes

opposées des Parties en ce qui concerne la question du respect, par le Royaume-Uni, de l’article VI
du TNP et des obligations de droit coutumier correspondantes. Le demandeur affirme, en premier
lieu, avoir clairement communiqué sa réclamation à tous les Etats dotés d’armes nucléaires  y
compris le Royaume-Uni  par la déclaration qu’il a faite le 13 février 2014 lors de la conférence
de Nayarit (voir le paragraphe 28 ci-dessus). Selon lui, le défendeur, bien que n’ayant pas participé
à celle-ci, doit avoir eu connaissance de cette déclaration, puisque tous les documents et

déclarations issus de la conférence étaient à la disposition du public et aisément consultables,
notamment sur l’Internet. A titre subsidiaire, les Iles Marshall soutiennent que, même à admettre la
thèse du Royaume-Uni quant à la nécessité d’une notification préalable (que le demandeur
interprète comme signifiant que le défendeur doit «avoir connaissance du grief de l’autre partie de
manière à avoir la possibilité d’y répondre»), cette exigence serait ici remplie.

34. Les Iles Marshall soutiennent par ailleurs qu’elles ont également notifié leur réclamation

en déposant leur requête.

35. Selon les Iles Marshall, le propre comportement du défendeur témoigne de son
opposition à cette réclamation, et les déclarations qu’il a faites dans le cadre de ses exceptions
préliminaires et à l’audience attestent qu’il continue de s’y opposer quant au fond. Les
Iles Marshall invoquent en outre les votes respectivement exprimés par les Parties dans diverses
enceintes multilatérales comme preuve de l’opposition de leurs points de vue. Enfin, selon elles,

l’opposition entre les Parties découle du fait que le Royaume-Uni a suivi, et continue de suivre, une
ligne de conduite considérée par elles comme une violation du droit international, ainsi que des
déclarations du Gouvernement britannique qui, en 2006 et 2010, à l’occasion de débats
parlementaires, a affirmé que le renouvellement de son système de dissuasion nucléaire était
conforme aux obligations qu’il tenait du TNP.

* * - 17 -

36. Selon l’article 38 du Statut, la mission de la Cour est de régler conformément au droit
international les différends qui lui sont soumis par les Etats. Aux termes du paragraphe 2 de
l’article 36 du Statut, la Cour a compétence à l’égard de tous les «différends d’ordre juridique» qui
peuvent se faire jour entre des Etats parties au Statut ayant fait une déclaration en vertu de cette
même disposition. L’existence d’un différend entre les Parties est donc une condition à la

compétence de la Cour.

37. Conformément à la jurisprudence bien établie de la Cour, un différend est «un désaccord
sur un point de droit ou de fait, une opposition de thèses juridiques ou d’intérêts» entre des parties
o o
(Concessions Mavrommatis en Palestine, arrêt n 2, 1924, C.P.J.I. série A n 2, p. 11). Pour qu’un
différend existe, «[i]l faut démontrer que la réclamation de l’une des parties se heurte à l’opposition
manifeste de l’autre» (Sud-Ouest africain (Ethiopie c. Afrique du Sud ; Libéria c. Afrique du Sud),
exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1962, p. 328). ««[L]es points de vue des deux
parties, quant à l’exécution ou à la non-exécution» de certaines obligations internationales,

«[doivent être] nettement opposés».» (Violations alléguées de droits souverains et d’espaces
maritimes dans la mer des Caraïbes (Nicaragua c. Colombie), exceptions préliminaires, arrêt du
17 mars 2016, par. 50, citant Interprétation des traités de paix conclus avec la Bulgarie, la Hongrie
et la Roumanie, première phase, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1950, p. 74.)

38. La détermination par la Cour de l’existence d’un différend est une question de fond, et
non de forme ou de procédure (cf. Application de la convention internationale sur l’élimination de
toutes les formes de discrimination raciale (Géorgie c. Fédération de Russie), exceptions
préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2011 (I), p. 84, par. 30 ; Interprétation des arrêts n 7 et 8
(usine de Chorzów) (Allemagne c. Pologne), arrêt n 11, 1927, C.P.J.I. série A n 13, p. 10-11).

Lorsque la Cour est saisie sur la base de déclarations faites en vertu du paragraphe 2 de l’article 36
de son Statut, la tenue de négociations préalables n’est pas requise, à moins que l’une des
déclarations pertinentes n’en dispose autrement (Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun
et le Nigéria (Cameroun c. Nigéria), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1998, p. 322,
par. 109). Par ailleurs, «si la protestation diplomatique officielle peut constituer un moyen

important pour une partie de porter à l’attention de l’autre une prétention, pareille
protestation … n’est pas une condition nécessaire» à l’existence d’un différend (Violations
alléguées de droits souverains et d’espaces maritimes dans la mer des Caraïbes (Nicaragua
c. Colombie), exceptions préliminaires, arrêt du 17 mars 2016, par. 72). De la même manière, la
notification de l’intention d’introduire une instance n’est pas requise aux fins de pouvoir saisir la

Cour (Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c. Nigéria),
exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1998, p. 297, par. 39).

39. L’existence d’un différend doit être établie objectivement par la Cour sur la base d’un

examen des faits (Violations alléguées de droits souverains et d’espaces maritimes dans la mer des
Caraïbes (Nicaragua c. Colombie), exceptions préliminaires, arrêt du 17 mars 2016, par. 50). A
cette fin, celle-ci tient notamment compte de l’ensemble des déclarations ou documents échangés
entre les parties (Questions concernant l’obligation de poursuivre ou d’extrader (Belgique
c. Sénégal), arrêt, C.I.J. Recueil 2012 (II), p. 443-445, par. 50-55), ainsi que des échanges qui ont - 18 -

eu lieu dans des enceintes multilatérales (Application de la convention internationale sur
l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Géorgie c. Fédération de Russie),

exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2011 (I), p. 94, par. 51, p. 95, par. 53). Ce faisant,
elle accorde une attention particulière «aux auteurs des déclarations ou documents, aux personnes
auxquelles ils étaient destinés ou qui en ont effectivement eu connaissance et à leur contenu» (ibid.,
p. 100, par. 63).

40. Le comportement des parties peut aussi entrer en ligne de compte, notamment en
l’absence d’échanges diplomatiques (Violations alléguées de droits souverains et d’espaces

maritimes dans la mer des Caraïbes (Nicaragua c. Colombie), exceptions préliminaires, arrêt du
17 mars 2016, par. 71 et 73). Ainsi que l’a écrit la Cour,

«un désaccord sur un point de droit ou de fait, un conflit, une opposition de thèses
juridiques ou d’intérêts ou le fait que la réclamation de l’une des parties se heurte à
l’opposition manifeste de l’autre ne doivent pas nécessairement être énoncés expressis
verbis… [I]l est possible, comme en d’autres domaines, d’établir par inférence quelle

est en réalité la position ou l’attitude d’une partie.» (Frontière terrestre et maritime
entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c. Nigéria), exceptions préliminaires,
arrêt, C.I.J. Recueil 1998, p. 315, par. 89.)

En particulier, la Cour a jugé que «l’existence d’un différend p[ouvait] être déduite de l’absence de
réaction d’un Etat à une accusation dans des circonstances où une telle réaction s’imposait»
(Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de
discrimination raciale (Géorgie c. Fédération de Russie), exceptions préliminaires, arrêt,

C.I.J. Recueil 2011 (I), p. 84, par. 30, citant Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le
Nigéria (Cameroun c. Nigéria), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1998, p. 315,
par. 89).

41. Les éléments de preuve doivent montrer que les «points de vue des … parties [sont]
nettement opposés» en ce qui concerne la question portée devant la Cour (voir le paragraphe 37
ci-dessus). Ainsi que cela ressort de décisions antérieures de la Cour dans lesquelles la question de

l’existence d’un différend était à l’examen, un différend existe lorsqu’il est démontré, sur la base
des éléments de preuve, que le défendeur avait connaissance, ou ne pouvait pas ne pas avoir
connaissance, de ce que ses vues se heurtaient à l’«opposition manifeste» du demandeur
(Violations alléguées de droits souverains et d’espaces maritimes dans la mer des Caraïbes
(Nicaragua c. Colombie), exceptions préliminaires, arrêt du 17 mars 2016, par. 73 ; Application de
la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale
(Géorgie c. Fédération de Russie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2011 (I), p. 99,

par. 61, p. 109-110, par. 87, p. 117, par. 104).

42. En principe, la date à laquelle doit être appréciée l’existence d’un différend est celle du
dépôt de la requête (Violations alléguées de droits souverains et d’espaces maritimes dans la mer
des Caraïbes (Nicaragua c. Colombie), exceptions préliminaires, arrêt du 17 mars 2016, par. 52 ;
Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination
raciale (Géorgie c. Fédération de Russie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2011 (I),

p. 85, par. 30). Lorsqu’il est dit, au paragraphe 1 de l’article 38 du Statut de la Cour, que la
mission de celle-ci est de «régler conformément au droit international les différends qui lui sont
soumis», ce sont en effet bien des différends existant à la date de leur soumission qui sont visés. - 19 -

43. Le comportement des parties postérieur à la requête (ou la requête proprement dite) peut
être pertinent à divers égards et, en particulier, aux fins de confirmer l’existence d’un différend

(Timor oriental (Portugal c. Australie), arrêt, C.I.J. Recueil 1995, p. 100, par. 22 et p. 104,
par. 32), d’en clarifier l’objet (Obligation de négocier un accès à l’océan Pacifique (Bolivie
c. Chili), exception préliminaire, arrêt, C.I.J. Recueil 2015 (II), p. 602, par. 26), ou de déterminer
s’il a disparu au moment où la Cour statue (Essais nucléaires (Australie c. France), arrêt,
C.I.J. Recueil 1974, p. 270-271, par. 55 ; Essais nucléaires (Nouvelle-Zélande c. France), arrêt,
C.I.J. Recueil 1974, p. 476, par. 58).

Cependant, ni la requête ni le comportement ultérieur des parties ou les déclarations faites
par elles en cours d’instance ne sauraient permettre à la Cour de conclure qu’il a été satisfait à la
condition de l’existence d’un différend dans cette même instance (Questions concernant
l’obligation de poursuivre ou d’extrader (Belgique c. Sénégal), arrêt, C.I.J. Recueil 2012 (II),
p. 444-445, par. 53-55). Si la Cour était compétente à l’égard de différends résultant d’échanges
qui ont eu lieu au cours de la procédure devant elle, le défendeur se trouverait privé de la possibilité
de réagir, avant l’introduction de l’instance, à la réclamation visant son comportement. De surcroît,

la règle selon laquelle le différend doit en principe déjà exister à la date du dépôt de la requête
serait vidée de sa substance.

* *

44. La Cour note que les Iles Marshall, de par les souffrances qu’a endurées leur population

par suite des importants programmes d’essais nucléaires dont elles ont été le théâtre, ont des raisons
particulières de se préoccuper du désarmement nucléaire (voir le paragraphe 16 ci-dessus).
Toutefois, cet état de fait ne change rien à la nécessité d’établir que les conditions régissant la
compétence de la Cour sont remplies. Bien que la question de savoir si celle-ci a compétence soit
une question juridique qui demande à être tranchée par elle, il appartient au demandeur de
démontrer les faits étayant sa thèse relative à l’existence d’un différend (Actions armées
frontalières et transfrontalières (Nicaragua c. Honduras), compétence et recevabilité, arrêt,

C.I.J. Recueil 1988, p. 76, par. 16).

45. Comme cela a été relevé aux paragraphes 27-29 ci-dessus, le Royaume-Uni, à l’appui de
sa position selon laquelle il n’existe pas de différend entre les Parties, invoque le fait que les
Iles Marshall n’ont pas engagé de négociations et ne lui ont pas notifié la réclamation formulée
dans la requête. Il se fonde plus particulièrement sur l’article 43 des Articles de la CDI sur la
responsabilité de l’Etat, qui prescrit à un Etat lésé de «notifie[r] sa demande» à l’Etat dont il

invoque la responsabilité. Aux termes du paragraphe 3 de l’article 48, cette exigence s’applique,
mutatis mutandis, à l’invocation de la responsabilité par un Etat autre qu’un Etat lésé. La Cour
observe toutefois que, dans son commentaire, la CDI précise que ses articles «ne traitent pas des
questions de compétence des cours et tribunaux internationaux, ni en général des conditions de
recevabilité des instances introduites devant eux» (voir le commentaire de la CDI sur le projet
d’articles sur la responsabilité de l’Etat pour fait internationalement illicite, rapport de la
Commission du droit international de 2001, Nations Unies, doc. A/56/10, paragraphe 1 du

commentaire relatif à l’article 44, p. 120-121). De plus, la Cour a rejeté l’idée selon laquelle une - 20 -

notification ou des négociations préalables seraient requises lorsqu’elle a été saisie sur la base de
déclarations faites en vertu du paragraphe 2 de l’article 36 du Statut, à moins que cela ne soit prévu

dans l’une de ces déclarations. La jurisprudence de la Cour traite la question de l’existence d’un
différend comme une question afférente à la compétence qui impose de rechercher s’il existe un
différend au fond, et non quelle est la forme que prend ce différend ou s’il a été notifié au
défendeur (voir le paragraphe 38 ci-dessus).

46. Pour l’essentiel, les Iles Marshall cherchent à démontrer de quatre manières qu’un
différend les oppose au Royaume-Uni. Premièrement, elles renvoient à certaines déclarations

qu’elles ont faites elles-mêmes dans des enceintes multilatérales. Deuxièmement, elles avancent
que le dépôt même de la requête ainsi que les positions qu’ont exprimées les Parties au cours de la
présente instance attestent l’existence d’un différend entre ces dernières. Troisièmement, elles
invoquent les votes émis par le Royaume-Uni sur le désarmement nucléaire dans des enceintes
multilatérales. Quatrièmement, elles se fondent sur le comportement qui a été celui du défendeur
tant avant qu’après le dépôt de la requête.

47. Les Iles Marshall reconnaissent que ces questions n’ont fait l’objet d’aucun échange
diplomatique bilatéral, et ce, en dépit du fait qu’un certain nombre d’échanges bilatéraux, y
compris des visites de hauts représentants du Royaume-Uni aux Iles Marshall, ont eu lieu au cours
de la période précédant le dépôt de la requête, dans le cadre desquels lesdites questions auraient pu
être soulevées.

48. Le demandeur invoque un certain nombre de déclarations faites dans des enceintes

multilatérales avant la date du dépôt de sa requête, qui, selon lui, suffisent à établir l’existence d’un
différend. Ainsi que la Cour l’a déjà précisé, la divergence de vues entre les Parties pourrait aussi
être attestée par des échanges ayant eu lieu dans un tel cadre (voir le paragraphe 39 ci-dessus).
Toutefois, lorsque la Cour se livre à l’examen d’échanges ayant eu lieu dans un contexte
multilatéral, elle doit notamment accorder une attention particulière au contenu de la déclaration
d’une partie et à l’identité des personnes auxquelles elle était destinée, afin de déterminer si cette
déclaration, ainsi que toute réaction à celle-ci, montrent que les points de vue des parties en cause

étaient «nettement opposés» (voir les paragraphes 37 et 39 ci-dessus). La question qui se pose en
la présente espèce est donc de savoir si les déclarations invoquées par les Iles Marshall suffisent à
démontrer l’existence d’une telle opposition.

49. Les Iles Marshall se fondent sur la déclaration faite le 26 septembre 2013 à la réunion de
haut niveau de l’Assemblée générale sur le désarmement nucléaire par leur ministre des affaires

étrangères, qui a «appel[é] instamment toutes les puissances nucléaires [à] intensifier leurs efforts
pour assumer leurs responsabilités en vue d’un désarmement effectif réalisé en toute sécurité».
Cette déclaration, qui revêt un caractère d’exhortation, ne saurait toutefois être considérée comme
une allégation selon laquelle le Royaume-Uni (ou toute autre puissance nucléaire) manquait à l’une
quelconque de ses obligations juridiques. Il n’y est pas fait mention de l’obligation de négocier,
pas plus qu’il n’y est indiqué que les Etats dotés d’armes nucléaires manquent aux obligations qui
leur incombent à cet égard. Cette déclaration donne à penser que ces derniers font des «efforts»
pour assumer leurs responsabilités et plaide en faveur d’une intensification de ces efforts ; elle ne

dénonce pas une inaction. En outre, une déclaration ne peut donner naissance à un différend que
s’il y est fait référence «assez clairement à l’objet [d’une réclamation] pour que l’Etat contre lequel - 21 -

[celle-ci est] formul[ée] … puisse savoir qu’un différend existe ou peut exister à cet égard»
(Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de

discrimination raciale (Géorgie c. Fédération de Russie), exceptions préliminaires, arrêt,
C.I.J. Recueil 2011 (I), p. 85, par. 30). Bien que cette conclusion ait été énoncée dans le contexte
d’une clause compromissoire, le même raisonnement s’applique à un différend relatif à toute
obligation indépendamment de la base de compétence invoquée, la Cour ayant précisé qu’elle
examinait les exigences relatives à l’existence d’un différend au sens général (ibid., p. 84, par. 29).
La déclaration de 2013 sur laquelle se fondent les Iles Marshall ne satisfait pas à ces exigences.

50. La déclaration que les Iles Marshall ont faite lors de la conférence de Nayarit le
13 février 2014 (voir le paragraphe 28 ci-dessus) va plus loin que celle de 2013, en ce qu’elle
contient une phrase dans laquelle il est affirmé que «les Etats possédant un arsenal nucléaire ne
respectent pas leurs obligations» au regard de l’article VI du TNP et du droit international
coutumier. Or, le Royaume-Uni n’était pas présent à la conférence de Nayarit. De plus, cette
conférence ne portait pas spécifiquement sur la question de négociations en vue du désarmement
nucléaire, mais sur celle, plus large, de l’impact humanitaire des armes nucléaires ; par ailleurs, si

elle dénonce, d’une manière générale, le comportement de l’ensemble des Etats possédant un
arsenal nucléaire, cette déclaration ne précise pas le comportement du Royaume-Uni qui serait à
l’origine du manquement allégué. Une telle précision aurait été particulièrement nécessaire si,
comme l’affirment les Iles Marshall, la déclaration de Nayarit visait à mettre en cause la
responsabilité internationale du défendeur à raison d’une ligne de conduite qui était restée
constante depuis de nombreuses années. Ladite déclaration, étant donné son contenu très général et
le contexte dans lequel elle a été faite, n’appelait pas de réaction particulière de la part du

Royaume-Uni. Aucune divergence de vues ne peut donc être déduite de cette absence de réaction.
La déclaration de Nayarit ne suffit pas à faire naître, entre les Iles Marshall et le Royaume-Uni, un
différend spécifique ayant trait à la portée de l’article VI du TNP et d’une prétendue obligation
correspondante de droit international coutumier, ou au respect par le Royaume-Uni de telles
obligations.

51. Aucune des autres déclarations plus générales sur lesquelles se fondent les Iles Marshall

en la présente espèce n’étaye la thèse de l’existence d’un différend, puisque aucune ne fait état d’un
prétendu manquement du Royaume-Uni à l’obligation consacrée par l’article VI du TNP ou à
l’obligation correspondante de droit international coutumier invoquée par le demandeur.

52. Dans ces circonstances, l’on ne saurait affirmer, sur la base de ces déclarations — prises
individuellement ou dans leur ensemble —, que le Royaume-Uni avait connaissance, ou ne pouvait
pas ne pas avoir connaissance, de ce que les Iles Marshall alléguaient qu’il manquait à ses

obligations.

53. Deuxièmement, le demandeur soutient que le dépôt de la requête pourrait, en tant que tel,
suffire à établir l’existence d’un différend : «rien n’interdit de concevoir que la saisine de la Cour
puisse être un mode approprié et parfaitement légitime par lequel l’Etat lésé «notifie sa demande» à
l’Etat dont la responsabilité internationale est invoquée». Il invoque également d’autres
déclarations faites en cours d’instance par les deux Parties pour démontrer la divergence de vues

entre ces dernières. - 22 -

54. Les Iles Marshall se réfèrent à trois affaires à l’appui de leur affirmation selon laquelle
les déclarations que les Parties ont faites en cours d’instance peuvent permettre de démontrer

l’existence d’un différend (voir le paragraphe 32 ci-dessus). Ces affaires n’étayent cependant pas
cette assertion. Dans l’affaire relative à Certains biens, les échanges bilatéraux qui avaient eu lieu
entre les parties avant la date du dépôt de la requête attestaient clairement l’existence d’un
différend (Certains biens (Liechtenstein c. Allemagne), exceptions préliminaires, arrêt,
C.I.J. Recueil 2005, p. 19, par. 25). Dans l’affaire Cameroun c. Nigeria, la prise en compte
d’éléments postérieurs à cette date avait trait à la portée du différend, et non à l’existence de
celui-ci (Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c. Nigéria),

exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1998, p. 317, par. 93). En outre, s’il est vrai que,
dans l’arrêt qu’elle a rendu en l’affaire relative à l’Application de la convention pour la prévention
et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Yougoslavie), la Cour ne s’est pas
expressément référée à quelque élément de preuve antérieur au dépôt de la requête pour démontrer
l’existence d’un différend, dans le contexte particulier de l’espèce  qui avait trait à un conflit
armé en cours , le comportement des parties avant cette date était suffisant à cet égard

(exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1996 (II), p. 614, par. 27 à 29) ; la réflexion de la
Cour était centrée, non pas sur la date à laquelle le différend s’était fait jour, mais sur les points de
savoir quel était le véritable objet du différend, si celui-ci relevait de la clause compromissoire
pertinente et s’il «persist[ait]» à la date de la décision de la Cour. Ainsi que cela a déjà été indiqué,
si des déclarations ou réclamations formulées dans la requête, voire après le dépôt de celle-ci,
peuvent être pertinentes à diverses fins — et, en particulier, pour préciser la portée du différend
soumis à la Cour —, elles ne sauraient créer un différend de novo, c’est-à-dire un différend qui

n’existe pas déjà (voir le paragraphe 43 ci-dessus).

55. Troisièmement, les Iles Marshall se réfèrent aux votes exprimés par les Parties dans
diverses enceintes multilatérales traitant du désarmement nucléaire (voir le paragraphe 35
ci-dessus). A titre d’exemple, en réponse à une question posée par un membre de la Cour, elles ont
évoqué la résolution 68/32 de l’Assemblée générale en date du 5 décembre 2013, intitulée «Suivi
de la réunion de haut niveau de l’Assemblée générale sur le désarmement nucléaire de 2013». Au

paragraphe 2 de ladite résolution, l’Assemblée demandait «que soient respectés sans attendre les
obligations juridiques et les engagements pris en matière de désarmement nucléaire» ; au
paragraphe 4, elle demandait «que des négociations commencent au plus tôt, dans le cadre de la
Conférence du désarmement, en vue de l’adoption rapide d’une convention globale relative aux
armes nucléaires». La résolution a été adoptée par 137 voix contre 28, avec 20 abstentions. Les
Iles Marshall ont voté pour, le Royaume-Uni, contre.

56. La Cour estime qu’il faut faire preuve d’une grande prudence avant de conclure, au vu de
votes exprimés sur des résolutions d’organes politiques tels que l’Assemblée générale, à l’existence
ou à la non-existence d’un différend d’ordre juridique portant sur une question visée par pareil
texte. Le libellé d’une résolution et les votes ou habitudes de vote sur des résolutions ayant le
même objet peuvent, dans certaines circonstances, constituer des éléments de preuve pertinents
concernant l’existence d’un différend d’ordre juridique, notamment en présence de déclarations
d’Etats visant à expliquer leur vote. Cependant, certaines résolutions contiennent nombre de

propositions différentes ; le vote d’un Etat sur une résolution de ce type ne saurait en soi être
considéré comme indiquant la position de cet Etat sur chacune des propositions qui y figurent, et
moins encore l’existence, entre lui-même et un autre Etat, d’un différend d’ordre juridique relatif à
l’une de ces propositions. - 23 -

57. Quatrièmement, les Iles Marshall invoquent le comportement du Royaume-Uni, qui

aurait refusé de participer à certaines initiatives diplomatiques, n’aurait pas engagé de négociations
sur le désarmement et aurait remplacé et modernisé ses armes nucléaires, ainsi que les déclarations
qu’il a faites selon lesquelles son comportement était conforme à ses obligations conventionnelles.
Selon les Iles Marshall, ce comportement et cette licéité proclamée, mises en regard de leurs
propres déclarations dans lesquelles était formulée une réclamation visant précisément ledit
comportement et la position juridique du Royaume-Uni, démontrent l’existence d’un différend
relatif à la portée des obligations du défendeur découlant de l’article VI du TNP et d’une obligation

correspondante de droit international coutumier, ainsi qu’au respect de celles-ci.

La Cour rappelle que la question de l’existence d’un différend dans une affaire contentieuse
dépend des éléments de preuve relatifs à une divergence de vues (voir les paragraphes 37, 39 et 40
ci-dessus). A cet égard, le comportement d’un Etat défendeur peut aider la Cour à conclure que les
parties ont des points de vue opposés (voir le paragraphe 40 ci-dessus). En la présente espèce,

toutefois, ainsi que la Cour l’a conclu précédemment (voir les paragraphes 49-52 ci-dessus),
aucune des déclarations faites par les Iles Marshall dans un cadre multilatéral ne concernait
spécifiquement le comportement du Royaume-Uni. Sur la base de telles déclarations, l’on ne
saurait affirmer que celui-ci avait connaissance, ou ne pouvait pas ne pas avoir connaissance, de ce
que les Iles Marshall alléguaient qu’il manquait à ses obligations. Dans ce contexte, le
comportement du Royaume-Uni ne permet pas de conclure à l’existence d’un différend entre les
deux Etats devant la Cour.

* *

58. En conséquence, la Cour conclut que la première exception préliminaire soulevée par le

Royaume-Uni doit être retenue. Il s’ensuit qu’elle n’a pas compétence en la présente espèce au
titre du paragraphe 2 de l’article 36 de son Statut. Aussi n’est-il pas nécessaire pour la Cour
d’examiner les autres exceptions soulevées par le Royaume-Uni.

*

* *

59. Par ces motifs,

L AC OUR ,

1) Par huit voix contre huit, par la voix prépondérante du président,

Retient la première exception préliminaire d’incompétence soulevée par le Royaume-Uni de
Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord et fondée sur l’absence de différend entre les Parties ; - 24 -

POUR : M. Abraham, président ; MM. Owada, Greenwood, Mmes Xue, Donoghue,
MM. Gaja, Bhandari, Gevorgian, juges ;

CONTRE : M. Yusuf, vice-président ; MM. Tomka, Bennouna, Cançado Trindade,
Mme Sebutinde, MM. Robinson, Crawford, juges ; M. Bedjaoui, juge ad hoc ;

2) Par neuf voix contre sept,

Dit qu’elle ne peut procéder à l’examen de l’affaire au fond.

POUR : M. Abraham, président ; MM. Owada, Tomka, Greenwood, Mmes Xue, Donoghue,

MM. Gaja, Bhandari, Gevorgian, juges ;

CONTRE : M. Yusuf, vice-président ; MM. Bennouna, Cançado Trindade, Mme Sebutinde,
MM. Robinson, Crawford, juges ; M. Bedjaoui, juge ad hoc.

Fait en anglais et en français, le texte anglais faisant foi, au Palais de la Paix, à La Haye,
le cinq octobre deux mille seize, en trois exemplaires, dont l’un restera déposé aux archives de la
Cour et les autres seront transmis respectivement au Gouvernement de la République des

Iles Marshall et au Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord.

Le président,

(Signé) Ronny A BRAHAM .

Le greffier,
(Signé) PhilippeOUVREUR .

M. le juge A BRAHAM , président, joint une déclaration à l’arrêt ; M. le juge USUF ,
vice-président, joint à l’arrêt l’exposé de son opinion dissidente ; MM. leWADAgeet TOMKA
joignent à l’arrêt les exposés de leur opinion individuelle ; MM. les juges B ENNOUNA

et CANÇADO T RINDADE joignent à l’arrêt les exposés de leur opinion dissidente ; Mmes les
juges XUE et DONOGHUE , ainsi que M. le juge AJA joignent des déclarations à l’arrêt ; Mme la
juge SEBUTINDE et M. le juge B HANDARI joignent à l’arrêt les exposés de leur opinion
individuelle ; MM. les jugesOBINSON et RAWFORD joignent à l’arrêt les exposés de leur opinion
dissidente ; M. le juge ad hoEDJAOUI joint à l’arrêt l’exposé de son opinion dissidente.

(Paraphé) R. A.

(Paraphé) Ph. C.

___________

Bilingual Content

INTERNATIONAL COURT OF JUSTICE
REPORTS OF JUDGMENTS,
ADVISORY OPINIONS AND ORDERS
OBLIGATIONS CONCERNING NEGOTIATIONS
RELATING TO CESSATION
OF THE NUCLEAR ARMS RACE
AND TO NUCLEAR DISARMAMENT
(MARSHALL ISLANDS v. UNITED KINGDOM)
PRELIMINARY OBJECTIONS
JUDGMENT OF 5 OCTOBER 2016
2016
COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
RECUEIL DES ARRÊTS,
AVIS CONSULTATIFS ET ORDONNANCES
OBLIGATIONS RELATIVES À DES NÉGOCIATIONS
CONCERNANT LA CESSATION
DE LA COURSE AUX ARMES NUCLÉAIRES
ET LE DÉSARMEMENT NUCLÉAIRE
(ÎLES MARSHALL c. ROYAUME-UNI)
EXCEPTIONS PRÉLIMINAIRES
ARRÊT DU 5 OCTOBRE 2016
Official citation :
Obligations concerning Negotiations relating to Cessation
of the Nuclear Arms Race and to Nuclear Disarmament
(Marshall Islands v. United Kingdom), Preliminary Objections, Judgment,
I.C.J. Reports 2016, p. 833
Mode officiel de citation :
Obligations relatives à des négociations concernant la cessation
de la course aux armes nucléaires et le désarmement nucléaire
(Iles Marshall c. Royaume-Uni), exceptions préliminaires, arrêt,
C.I.J. Recueil 2016, p. 833
ISSN 0074-4441
ISBN 978-92-1-157302-2
Sales number
No de vente: 1107
OBLIGATIONS CONCERNING NEGOTIATIONS
RELATING TO CESSATION
OF THE NUCLEAR ARMS RACE
AND TO NUCLEAR DISARMAMENT
(MARSHALL ISLANDS v. UNITED KINGDOM)
PRELIMINARY OBJECTIONS
OBLIGATIONS RELATIVES À DES NÉGOCIATIONS
CONCERNANT LA CESSATION
DE LA COURSE AUX ARMES NUCLÉAIRES
ET LE DÉSARMEMENT NUCLÉAIRE
(ÎLES MARSHALL c. ROYAUME-UNI)
EXCEPTIONS PRÉLIMINAIRES
5 OCTOBER 2016
JUDGMENT
5 OCTOBRE 2016
ARRÊT
833
4
TABLE OF CONTENTS
Paragraphs
Chronology of the Procedure 1-14
I. Introduction 15-25
A. Historical background 15-21
B. Proceedings brought before the Court 22-25
II. First Preliminary Objection: Absence of a Dispute 26-58
Operative Clause 59
833
4
TABLE DES MATIÈRES
Paragraphes
Qualités 1-14
I. Introduction 15-25
A. Contexte historique 15-21
B. Instances introduites devant la Cour 22-25
II. Première exception préliminaire : absence de différend 26-58
Dispositif 59
834
5
INTERNATIONAL COURT OF JUSTICE
YEAR 2016
5 October 2016
OBLIGATIONS CONCERNING NEGOTIATIONS
RELATING TO CESSATION
OF THE NUCLEAR ARMS RACE
AND TO NUCLEAR DISARMAMENT
(MARSHALL ISLANDS v. UNITED KINGDOM)
PRELIMINARY OBJECTIONS
Historical background — Disarmament activities of the United Nations —
Treaty on the Non-Proliferation
of Nuclear Weapons of 1 July 1968 — Court’s
8 July 1996 Advisory Opinion on nuclear weapons.
Proceedings brought before the Court.
*
Preliminary objection based on absence of a dispute.
Meaning of “dispute” in case law of the Court — Parties must “hold clearly
opposite views” — Existence of a dispute is a matter of substance, not form or
procedure — Prior negotiations not required where Court seised on basis of declarations
under Article 36 (2) of Statute unless one of these declarations so provides
— Formal diplomatic protest not required — Notice of intention to file claim
not required — Existence of dispute is matter for objective determination by the
Court — Court may take into account statements or documents exchanged in
bilateral or multilateral settings — Conduct of parties may also be relevant — Evidence
must demonstrate that Respondent was aware, or could not have been
unaware, that its views were “positively opposed” by Applicant — Existence of
dispute to be determined in principle as of date application is submitted — Limited
relevance of subsequent conduct.
2016
5 October
General List
No. 160
834
5
COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
ANNÉE 2016
5 octobre 2016
OBLIGATIONS RELATIVES À DES NÉGOCIATIONS
CONCERNANT LA CESSATION
DE LA COURSE AUX ARMES NUCLÉAIRES
ET LE DÉSARMEMENT NUCLÉAIRE
(ÎLES MARSHALL c. ROYAUME‑UNI)
EXCEPTIONS PRÉLIMINAIRES
Contexte historique — Activités de l’Organisation des Nations Unies en matière
de désarmement — Traité sur la non‑prolifération des armes nucléaires du 1er juillet
1968 — Avis consultatif rendu par la Cour le 8 juillet 1996 sur la question des
armes nucléaires.
Instances introduites devant la Cour.
*
Exception préliminaire fondée sur l’absence de différend.
Sens du terme « différend » dans la jurisprudence de la Cour — « [P]oints de
vue des deux parties » devant être « nettement opposés » — Existence d’un différend
étant une question de fond, et non de forme ou de procédure — Négociations
préalables n’étant pas requises lorsque la Cour est saisie sur la base de déclarations
faites en vertu du paragraphe 2 de l’article 36 de son Statut, à moins que
l’une de ces déclarations n’en dispose autrement — Protestation diplomatique officielle
n’étant pas requise — Notification de l’intention d’introduire une instance
n’étant pas requise — Existence d’un différend devant être établie objectivement
par la Cour — Cour pouvant tenir compte de déclarations ou de documents échangés
dans un cadre bilatéral ou multilatéral — Comportement des parties pouvant
également entrer en ligne de compte — Eléments de preuve devant démontrer que
le défendeur avait connaissance, ou ne pouvait pas ne pas avoir connaissance, de ce
que ses vues se heurtaient à l’« opposition manifeste » du demandeur — Existence
d’un différend devant en principe être appréciée à la date du dépôt de la requête —
Pertinence limitée du comportement ultérieur des parties.
2016
5 octobre
Rôle général
no 160
835 nuclear arms and disarmament (judgment)
6
Contention that dispute exists based on statements made in multilateral fora —
Statement made at United Nations High-Level Meeting on Nuclear Disarmament
on 26 September 2013 — Statement made at conference in Nayarit, Mexico, on
13 February 2014 — Neither statement sufficient to establish existence of dispute
— None of the other statements relied on by the Marshall Islands supports
existence of dispute.
Contention that the very filing of Application and position of Parties in proceedings
show existence of dispute — Case law relied on by Marshall Islands does not
support this contention — Application and statements made during judicial proceedings
cannot create dispute that does not already exist.
Contention that dispute exists based on the Parties’ voting records on nuclear
disarmament in multilateral fora — Considerable care required before inferring
existence of dispute from votes cast before political organs — Votes on resolutions
containing number of propositions provide no basis for postulating existence of
dispute.
Contention that dispute exists based on United Kingdom’s conduct — Applicant’s
statements did not offer any particulars regarding United Kingdom’s conduct
— Cannot be said that United Kingdom was aware, or could not have been
unaware, that the Marshall Islands was making an allegation that the United
Kingdom was in breach of its obligations — Conduct of United Kingdom cannot
show opposition of views.
Preliminary objection of United Kingdom upheld — Not necessary for the Court
to deal with other preliminary objections — Case cannot proceed to the merits
phase.
JUDGMENT
Present: President Abraham; Vice‑President Yusuf; Judges Owada, Tomka,
Bennouna, Cançado Trindade, Greenwood, Xue, Donoghue,
Gaja, Sebutinde, Bhandari, Robinson, Crawford, Gevorgian;
Judge ad hoc Bedjaoui; Registrar Couvreur.
In the case regarding obligations concerning negotiations relating to cessation
of the nuclear arms race and to nuclear disarmament,
between
the Republic of the Marshall Islands,
represented by
H.E. Mr. Tony A. deBrum, Minister for Foreign Affairs of the Republic of
the Marshall Islands,
Mr. Phon van den Biesen, Attorney at Law, van den Biesen Kloostra Advocaten,
Amsterdam,
armes nucléaires et désarmement (arrêt) 835
6
Argument selon lequel l’existence d’un différend est établie par des déclarations
faites dans des enceintes multilatérales — Déclaration faite le 26 septembre 2013,
lors d’une réunion de haut niveau des Nations Unies sur le désarmement nucléaire —
Déclaration faite le 13 février 2014, lors de la conférence de Nayarit, au
Mexique — Aucune des deux déclarations ne suffisant à établir l’existence d’un
différend — Aucune des autres déclarations invoquées par les Iles Marshall
n’étayant la thèse de l’existence d’un différend.
Argument selon lequel le dépôt même de la requête et les positions exposées par
les Parties en cours d’instance permettent d’établir l’existence d’un différend —
Jurisprudence invoquée par les Iles Marshall n’étayant pas cette thèse — Requête
et déclarations faites en cours d’instance ne pouvant créer un différend qui n’existe
pas déjà.
Argument selon lequel l’existence d’un différend est établie par les votes exprimés
par les Parties sur le désarmement nucléaire dans des enceintes multilatérales
— Très grande prudence étant requise avant de conclure, au vu de votes
exprimés devant des organes politiques, à l’existence d’un différend — Votes sur
des résolutions contenant nombre de propositions ne permettant pas d’établir
l’existence d’un différend.
Argument selon lequel l’existence d’un différend est établie par le comportement
du Royaume‑Uni — Déclarations du demandeur ne concernant pas spécifiquement
le comportement du Royaume-Uni — Impossibilité de conclure que le Royaume‑Uni
avait connaissance, ou ne pouvait pas ne pas avoir connaissance, de ce que les
Iles Marshall soutenaient qu’il manquait à ses obligations — Comportement du
Royaume‑Uni ne permettant pas d’établir l’existence d’une divergence de vues.
Exception préliminaire du Royaume‑Uni retenue — Nul besoin pour la Cour de
se pencher sur les autres exceptions préliminaires — Cour ne pouvant procéder à
l’examen de l’affaire au fond.
ARRÊT
Présents : M. Abraham, président ; M. Yusuf, vice‑président ; MM. Owada,
Tomka, Bennouna, Cançado Trindade, Greenwood, Mmes Xue,
Donoghue, M. Gaja, Mme Sebutinde, MM. Bhandari, Robinson,
Crawford, Gevorgian, juges ; M. Bedjaoui, juge ad hoc ;
M. Couvreur, greffier.
En l’affaire des obligations relatives à des négociations concernant la cessation
de la course aux armes nucléaires et le désarmement nucléaire,
entre
la République des Iles Marshall,
représentée par
S. Exc. M. Tony A. deBrum, ministre des affaires étrangères de la République
des Iles Marshall,
M. Phon van den Biesen, avocat, van den Biesen Kloostra Advocaten, Amsterdam,
836 nuclear arms and disarmament (judgment)
7
as Co‑Agents;
Ms Deborah Barker‑Manase, Chargé d’affaires a.i. and Deputy Permanent
Representative of the Republic of the Marshall Islands to the
United Nations, New York,
as Member of the delegation;
Ms Laurie B. Ashton, Attorney, Seattle,
Mr. Nicholas Grief, Professor of Law, University of Kent, member of the
English Bar,
Mr. Luigi Condorelli, Professor of International Law, University of Florence,
Honorary Professor of International Law, University of Geneva,
Mr. Paolo Palchetti, Professor of International Law, University of Macerata,
Mr. John Burroughs, New York,
Ms Christine Chinkin, Emerita Professor of International Law, London
School of Economics, member of the English Bar,
Mr. Roger S. Clark, Board of Governors Professor, Rutgers Law School,
New Jersey,
as Counsel and Advocates;
Mr. David Krieger, Santa Barbara,
Mr. Peter Weiss, New York,
Mr. Lynn Sarko, Attorney, Seattle,
as Counsel;
Ms Amanda Richter, member of the English Bar,
Ms Sophie Elizabeth Bones, LL.B., LL.M.,
Mr. J. Dylan van Houcke, LL.B., LL.M., Ph.D. Candidate, Birkbeck, University
of London,
Mr. Loris Marotti, Ph.D. Candidate, University of Macerata,
Mr. Lucas Lima, Ph.D. Candidate, University of Macerata,
Mr. Rob van Riet, London,
Ms Alison E. Chase, Attorney, Santa Barbara,
as Assistants;
Mr. Nick Ritchie, Lecturer in International Security, University of York,
as Technical Adviser,
and
the United Kingdom of Great Britain and Northern Ireland,
represented by
H.E. Sir Geoffrey Adams, K.C.M.G., Ambassador of the United Kingdom of
Great Britain and Northern Ireland to the Kingdom of the Netherlands;
Mr. Iain Macleod, Legal Adviser to the Foreign and Commonwealth Office,
as Agent;
Ms Catherine Adams, Legal Director at the Foreign and Commonwealth
Office,
as Deputy Agent (until 29 September 2016);
Mr. Douglas Wilson, Legal Director at the Foreign and Commonwealth
Office,
armes nucléaires et désarmement (arrêt) 836
7
comme coagents ;
Mme Deborah Barker‑Manase, chargé d’affaires a.i. et représentant permanent
adjoint de la République des Iles Marshall auprès de l’Organisation
des Nations Unies à New York,
comme membre de la délégation ;
Mme Laurie B. Ashton, avocat, Seattle,
M. Nicholas Grief, professeur de droit à l’Université du Kent, membre du
barreau d’Angleterre,
M. Luigi Condorelli, professeur de droit international à l’Université de Florence,
professeur honoraire de droit international à l’Université de Genève,
M. Paolo Palchetti, professeur de droit international à l’Université de Macerata,
M. John Burroughs, New York,
Mme Christine Chinkin, professeur émérite de droit international à la London
School of Economics, membre du barreau d’Angleterre,
M. Roger S. Clark, Board of Governors Professor à la faculté de droit de
l’Université Rutgers, New Jersey,
comme conseils et avocats ;
M. David Krieger, Santa Barbara,
M. Peter Weiss, New York,
M. Lynn Sarko, avocat, Seattle,
comme conseils ;
Mme Amanda Richter, membre du barreau d’Angleterre,
Mme Sophie Elizabeth Bones, LL.B., LL.M.,
M. J. Dylan van Houcke, LL.B., LL.M., doctorant au Birkbeck College, Université
de Londres,
M. Loris Marotti, doctorant à l’Université de Macerata,
M. Lucas Lima, doctorant à l’Université de Macerata,
M. Rob van Riet, Londres,
Mme Alison E. Chase, avocat, Santa Barbara,
comme assistants ;
M. Nick Ritchie, chargé de cours en sécurité internationale à l’Université
d’York,
comme conseiller technique,
et
le Royaume‑Uni de Grande‑Bretagne et d’Irlande du Nord,
représenté par
S. Exc. sir Geoffrey Adams, K.C.M.G., ambassadeur du Royaume‑Uni de
Grande‑Bretagne et d’Irlande du Nord auprès du Royaume des Pays‑Bas ;
M. Iain Macleod, conseiller juridique au ministère des affaires étrangères et
du Commonwealth,
comme agent ;
Mme Catherine Adams, directrice juridique du ministère des affaires étrangères
et du Commonwealth,
comme agent adjoint (jusqu’au 29 septembre 2016) ;
M. Douglas Wilson, directeur juridique du ministère des affaires étrangères et
du Commonwealth,
837 nuclear arms and disarmament (judgment)
8
as Deputy Agent (from 29 September 2016);
Mr. Shehzad Charania, Legal Adviser at the Embassy of the United Kingdom
of Great Britain and Northern Ireland in the Kingdom of the Netherlands,
as Deputy Agent (until 15 August 2016);
Mr. Philip Dixon, Legal Adviser at the Embassy of the United Kingdom of
Great Britain and Northern Ireland in the Kingdom of the Netherlands,
as Deputy Agent (from 15 August 2016);
Mr. Christopher Stephen, Assistant Legal Adviser, Foreign and Commonwealth
Office,
as Adviser;
Sir Daniel Bethlehem, Q.C., member of the English Bar,
Mr. Guglielmo Verdirame, Professor of International Law, King’s College
London, member of the English Bar,
Ms Jessica Wells, member of the English Bar,
as Counsel and Advocates,
The Court,
composed as above,
after deliberation,
delivers the following Judgment:
1. On 24 April 2014, the Government of the Republic of the Marshall Islands
(hereinafter the “Marshall Islands” or the “Applicant”) filed in the Registry of
the Court an Application instituting proceedings against the United Kingdom
of Great Britain and Northern Ireland (hereinafter the “United Kingdom” or
the “Respondent”), in which it claimed that the Respondent has breached treaty
and customary obligations in the following manner:
“15. The United Kingdom has not pursued in good faith negotiations to
cease the nuclear arms race at an early date through comprehensive nuclear
disarmament or other measures, and instead is taking actions to improve
its nuclear weapons system and to maintain it for the indefinite future.
16. Similarly, the United Kingdom has not fulfilled its obligation to pursue
in good faith negotiations leading to nuclear disarmament in all its
aspects under strict and effective international control and instead has
opposed the efforts of the great majority of States to initiate such negotiations.”
In its Application, the Marshall Islands seeks to found the jurisdiction of the
Court on the declarations made, pursuant to Article 36, paragraph 2, of the
Statute of the Court, by the United Kingdom on 5 July 2004 (deposited with the
Secretary‑General of the United Nations also on 5 July 2004) and by the Marshall
Islands on 15 March 2013 (deposited with the Secretary‑General on
24 April 2013).
2. In accordance with Article 40, paragraph 2, of the Statute, the Registrar
immediately communicated the Application to the Government of the
United Kingdom; and, under paragraph 3 of that Article, he notified all other
States entitled to appear before the Court of the Application.
armes nucléaires et désarmement (arrêt) 837
8
comme agent adjoint (à partir du 29 septembre 2016) ;
M. Shehzad Charania, conseiller juridique à l’ambassade du Royaume‑Uni
de Grande‑Bretagne et d’Irlande du Nord au Royaume des Pays‑Bas,
comme agent adjoint (jusqu’au 15 août 2016) ;
M. Philip Dixon, conseiller juridique à l’ambassade du Royaume‑Uni de
Grande‑Bretagne et d’Irlande du Nord au Royaume des Pays‑Bas,
comme agent adjoint (à partir du 15 août 2016) ;
M. Christopher Stephen, conseiller juridique adjoint au ministère des affaires
étrangères et du Commonwealth,
comme conseiller ;
sir Daniel Bethlehem, Q.C., membre du barreau d’Angleterre,
M. Guglielmo Verdirame, professeur de droit international au King’s College
de Londres, membre du barreau d’Angleterre,
Mme Jessica Wells, membre du barreau d’Angleterre,
comme conseils et avocats,
La Cour,
ainsi composée,
après délibéré en chambre du conseil,
rend l’arrêt suivant :
1. Le 24 avril 2014, le Gouvernement de la République des Iles Marshall
(ci‑après dénommée les « Iles Marshall » ou le « demandeur ») a déposé au Greffe
de la Cour une requête introductive d’instance contre le Royaume‑Uni de
Grande‑Bretagne et d’Irlande du Nord (ci‑après dénommé le « Royaume‑Uni »
ou le « défendeur »), lui faisant grief d’avoir manqué à ses obligations conventionnelles
et coutumières. Les Iles Marshall allèguent que :
« 15. Le Royaume-Uni n’a pas poursuivi de bonne foi des négociations
pour mettre fin à la course aux armements nucléaires à une date rapprochée
par un désarmement nucléaire complet ou d’autres mesures et, au lieu
de cela, cherche à améliorer son système d’armes nucléaires et à le conserver
pour une durée illimitée.
16. De même, le Royaume-Uni, au lieu de s’acquitter de son obligation
de poursuivre de bonne foi des négociations conduisant à un désarmement
nucléaire dans tous ses aspects effectué sous un contrôle international strict
et efficace, s’est opposé aux efforts déployés par la grande majorité des
Etats pour engager de telles négociations. »
Dans leur requête, les Iles Marshall entendent fonder la compétence de la
Cour sur les déclarations faites, en vertu du paragraphe 2 de l’article 36 du Statut
de la Cour, par le Royaume‑Uni le 5 juillet 2004 (déclaration déposée auprès
du Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies le 5 juillet 2004 également)
et par elles‑mêmes le 15 mars 2013 (déclaration déposée auprès du Secrétaire
général le 24 avril 2013).
2. Conformément au paragraphe 2 de l’article 40 du Statut, le greffier a
immédiatement communiqué la requête au Gouvernement du Royaume‑Uni ;
conformément au paragraphe 3 du même article, il en a également informé tous
les autres Etats admis à ester devant la Cour.
838 nuclear arms and disarmament (judgment)
9
3. On the instructions of the Court, pursuant to Article 43 of the Rules of
Court, the Registrar addressed to States parties to the 1968 Treaty on the
Non‑Proliferation of Nuclear Weapons (hereinafter the “NPT”) the notifications
provided for in Article 63, paragraph 1, of the Statute of the Court. In accordance
with the provisions of Article 69, paragraph 3, of the Rules of Court, the Registrar
moreover addressed to the Secretary‑General of the United Nations the notification
provided for in Article 34, paragraph 3, of the Statute of the Court.
4. Since the Court included upon the Bench no judge of the nationality of the
Marshall Islands, the latter proceeded to exercise the right conferred upon it by
Article 31, paragraph 2, of the Statute to choose a judge ad hoc to sit in the case:
it chose Mr. Mohammed Bedjaoui.
5. By an Order of 16 June 2014, the Court fixed 16 March 2015 as the
time‑limit for the filing of the Memorial of the Marshall Islands and 16 December
2015 for the filing of the Counter‑Memorial of the United Kingdom. The
Marshall Islands filed its Memorial within the time‑limit so prescribed.
6. On 15 June 2015, within the time‑limit set by Article 79, paragraph 1, of
the Rules of Court, the United Kingdom raised preliminary objections to the
jurisdiction of the Court and the admissibility of the Application. Consequently,
by an Order of 19 June 2015, the President of the Court, noting that, by virtue
of Article 79, paragraph 5, of the Rules of Court, the proceedings on the merits
were suspended, and taking account of Practice Direction V, fixed 15 October
2015 as the time‑limit for the presentation by the Marshall Islands of a written
statement of its observations and submissions on the preliminary objections
raised by the United Kingdom. The Marshall Islands filed such a statement
within the time‑limit so prescribed, and the case became ready for hearing in
respect of the preliminary objections.
7. By a letter dated 26 November 2015, the Government of the Republic of
India, referring to Article 53, paragraph 1, of the Rules of Court, asked to be
furnished with copies of the pleadings and documents annexed in the case. Having
ascertained the views of the Parties in accordance with that same provision,
the President of the Court decided to grant this request. By letters dated
10 December 2015, the Registrar duly communicated that decision to the Government
of India and to the Parties.
8. Pursuant to Article 53, paragraph 2, of the Rules of Court, the Court,
after ascertaining the views of the Parties, decided that copies of the pleadings
and documents annexed would be made accessible to the public on the opening
of the oral proceedings.
9. Public hearings on the preliminary objections raised by the United Kingdom
were held from Wednesday 9 to Wednesday 16 March 2016, at which the
Court heard the oral arguments and replies of:
For the United Kingdom: Mr. Iain Macleod,
Sir Daniel Bethlehem,
Mr. Guglielmo Verdirame,
Ms Jessica Wells.
For the Marshall Islands: H.E. Mr. Tony deBrum,
Mr. Phon van den Biesen,
Mr. Luigi Condorelli,
Ms Laurie B. Ashton,
Ms Christine Chinkin,
Mr. Paolo Palchetti,
Mr. Nicholas Grief.
armes nucléaires et désarmement (arrêt) 838
9
3. Sur les instructions données par la Cour en vertu de l’article 43 de son
Règlement, le greffier a adressé les notifications prévues au paragraphe 1 de l’article
63 du Statut aux Etats parties au traité sur la non‑prolifération des armes
nucléaires de 1968 (ci‑après le « TNP »). En application des dispositions du paragraphe
3 de l’article 69 du Règlement, le greffier a en outre adressé la notification
prévue au paragraphe 3 de l’article 34 du Statut au Secrétaire général de
l’Organisation des Nations Unies.
4. La Cour ne comptant sur le siège aucun juge de nationalité marshallaise,
les Iles Marshall se sont prévalues du droit que leur confère le paragraphe 2 de
l’article 31 du Statut de procéder à la désignation d’un juge ad hoc pour siéger
en l’affaire : elles ont désigné M. Mohammed Bedjaoui.
5. Par ordonnance en date du 16 juin 2014, la Cour a fixé au 16 mars 2015 et
au 16 décembre 2015, respectivement, les dates d’expiration des délais pour le
dépôt du mémoire des Iles Marshall et du contre‑mémoire du Royaume‑Uni. Le
mémoire des Iles Marshall a été déposé dans le délai ainsi prescrit.
6. Le 15 juin 2015, dans le délai prescrit au paragraphe 1 de l’article 79 du
Règlement, le Royaume‑Uni a soulevé des exceptions préliminaires à la compétence
de la Cour et à la recevabilité de la requête. En conséquence, par ordonnance
du 19 juin 2015, le président de la Cour, constatant que la procédure sur
le fond était suspendue en application du paragraphe 5 de l’article 79 du Règlement,
et compte tenu de l’instruction de procédure V, a fixé au 15 octobre 2015
la date d’expiration du délai dans lequel les Iles Marshall pourraient présenter
un exposé écrit contenant leurs observations et conclusions sur les exceptions
préliminaires soulevées par le Royaume‑Uni. Les Iles Marshall ont déposé un tel
exposé dans le délai ainsi fixé, et l’affaire s’est trouvée en état pour ce qui est des
exceptions préliminaires.
7. Par lettre en date du 26 novembre 2015, le Gouvernement de la République
de l’Inde, invoquant le paragraphe 1 de l’article 53 du Règlement, a
demandé à recevoir copie des pièces de procédure et documents annexés produits
en l’espèce. Ayant consulté les Parties conformément à cette même disposition,
le président de la Cour a décidé d’accéder à cette demande. Par lettres en
date du 10 décembre 2015, le greffier a dûment communiqué cette décision au
Gouvernement de l’Inde et aux Parties.
8. Conformément au paragraphe 2 de l’article 53 de son Règlement, la Cour
a décidé, après avoir consulté les Parties, que des exemplaires des pièces de procédure
et documents annexés seraient rendus accessibles au public à l’ouverture
de la procédure orale.
9. Des audiences publiques sur les exceptions préliminaires soulevées par le
Royaume‑Uni ont été tenues du mercredi 9 au mercredi 16 mars 2016, au cours
desquelles ont été entendus en leurs plaidoiries et réponses :
Pour le Royaume‑Uni : M. Iain Macleod,
sir Daniel Bethlehem,
M. Guglielmo Verdirame,
Mme Jessica Wells.
Pour les Iles Marshall : S. Exc. M. Tony deBrum,
M. Phon van den Biesen,
M. Luigi Condorelli,
Mme Laurie B. Ashton,
Mme Christine Chinkin,
M. Paolo Palchetti,
M. Nicholas Grief.
839 nuclear arms and disarmament (judgment)
10
10. At the hearings, Members of the Court put questions to the Parties, to
which replies were given orally and in writing, within the time‑limit fixed by the
President in accordance with Article 61, paragraph 4, of the Rules of Court.
Each of the Parties submitted comments on the written replies provided by the
other, pursuant to Article 72 of the Rules of Court.
*
11. In the Application, the following claims were made by the Marshall
Islands:
“On the basis of the foregoing statement of facts and law, the Republic
of the Marshall Islands requests the Court
to adjudge and declare
(a) that the United Kingdom has violated and continues to violate its international
obligations under the NPT, more specifically under Article VI
of the Treaty, by failing to pursue in good faith and bring to a conclusion
negotiations leading to nuclear disarmament in all its aspects under
strict and effective international control;
(b) that the United Kingdom has violated and continues to violate its international
obligations under the NPT, more specifically under Article VI
of the Treaty, by taking actions to qualitatively improve its nuclear
weapons system and to maintain it for the indefinite future, and by
failing to pursue negotiations that would end nuclear arms racing
through comprehensive nuclear disarmament or other measures;
(c) that the United Kingdom has violated and continues to violate its international
obligations under customary international law, by failing to
pursue in good faith and bring to a conclusion negotiations leading to
nuclear disarmament in all its aspects under strict and effective international
control;
(d) that the United Kingdom has violated and continues to violate its international
obligations under customary international law, by taking
actions to qualitatively improve its nuclear weapons system and to
maintain it for the indefinite future, and by failing to pursue negotiations
that would end nuclear arms racing through comprehensive
nuclear disarmament or other measures;
(e) that the United Kingdom has failed and continues to fail to perform in
good faith its obligations under the NPT and under customary international
law by modernizing, updating and upgrading its nuclear weapons
capacity and maintaining its declared nuclear weapons policy for
an unlimited period of time, while at the same time failing to pursue
negotiations as set out in the four preceding counts; and
(f) that the United Kingdom has failed and continues to fail to perform in
good faith its obligations under the NPT and under customary
international
law by effectively preventing the great majority of non‑nuclear‑weapon
States parties to the Treaty from fulfilling their part
of the obligations under Article VI of the Treaty and under customary
international law with respect to nuclear disarmament and cessation
of the nuclear arms race at an early date.
armes nucléaires et désarmement (arrêt) 839
10
10. A l’audience, des questions ont été posées aux Parties par des membres de
la Cour, auxquelles il a été répondu oralement et par écrit, dans le délai fixé par
le président conformément au paragraphe 4 de l’article 61 du Règlement. Chacune
des Parties a présenté des observations sur les réponses écrites de l’autre
Partie, conformément à l’article 72 du Règlement.
*
11. Dans la requête, les demandes ci‑après ont été formulées par les
Iles Marshall :
« Sur la base de l’exposé des faits et des moyens juridiques qui précède,
la République des Iles Marshall prie la Cour
de dire et juger
a) que le Royaume‑Uni a manqué et continue de manquer aux obligations
internationales qui lui incombent au regard du TNP, et en particulier
de son article VI, en s’abstenant de poursuivre de bonne foi et de mener
à terme des négociations conduisant à un désarmement nucléaire dans
tous ses aspects effectué sous un contrôle international strict et efficace ;
b) que le Royaume‑Uni a manqué et continue de manquer aux obligations
internationales qui lui incombent au regard du TNP, et en particulier
de son article VI, en prenant des mesures visant à améliorer, et à conserver
pour une durée illimitée, son système d’armes nucléaires, ainsi qu’en
s’abstenant de mener des négociations qui mettraient fin à la course aux
armements nucléaires par un désarmement nucléaire complet ou d’autres
mesures ;
c) que le Royaume‑Uni a manqué et continue de manquer aux obligations
internationales qui lui incombent au regard du droit international coutumier
en s’abstenant de poursuivre de bonne foi et de mener à terme
des négociations conduisant à un désarmement nucléaire dans tous ses
aspects effectué sous un contrôle international strict et efficace ;
d) que le Royaume‑Uni a manqué et continue de manquer aux obligations
internationales qui lui incombent au regard du droit international coutumier
en prenant des mesures visant à améliorer, et à conserver pour
une durée illimitée, son système d’armes nucléaires, ainsi qu’en s’abstenant
de mener des négociations qui mettraient fin à la course aux armements
nucléaires par un désarmement nucléaire complet ou d’autres
mesures ;
e) que le Royaume‑Uni a manqué de s’acquitter et continue de ne pas
s’acquitter de bonne foi des obligations qui lui incombent au regard du
TNP et du droit international coutumier en modernisant, actualisant et
mettant à niveau ses capacités en matière d’armes nucléaires, ainsi qu’en
poursuivant, pour une durée illimitée, sa politique déclarée en matière
d’armes nucléaires, tout en s’abstenant de mener des négociations, tel
qu’exposé aux quatre points précédents ; et
f) que le Royaume‑Uni a manqué de s’acquitter et continue de ne pas
s’acquitter de bonne foi des obligations qui lui incombent au regard du
TNP et du droit international coutumier en empêchant de fait la grande
majorité des Etats non dotés d’armes nucléaires de respecter leur part
des obligations qu’imposent l’article VI du traité et le droit international
coutumier en ce qui concerne le désarmement nucléaire et la cessation
de la course aux armements nucléaires à une date rapprochée.
840 nuclear arms and disarmament (judgment)
11
In addition, the Republic of the Marshall Islands requests the Court
to order
the United Kingdom to take all steps necessary to comply with its obligations
under Article VI of the Treaty on the Non‑Proliferation of Nuclear
Weapons and under customary international law within one year of the
Judgment, including the pursuit, by initiation if necessary, of negotiations
in good faith aimed at the conclusion of a convention on nuclear disarmament
in all its aspects under strict and effective international control.”
12. In the written proceedings on the merits, the following submissions were
presented on behalf of the Government of the Marshall Islands in its Memorial:
“On the basis of the foregoing statement of facts and law, the Republic
of the Marshall Islands requests the Court
to adjudge and declare
(a) that the United Kingdom has violated and continues to violate its international
obligations under the NPT, more specifically under Article VI
of the Treaty, by failing to pursue in good faith and bring to a conclusion
negotiations leading to nuclear disarmament in all its aspects under
strict and effective international control;
(b) that the United Kingdom has violated and continues to violate its international
obligations under the NPT, more specifically under Article VI
of the Treaty, by taking actions to qualitatively improve its nuclear
weapons system and to maintain it for the indefinite future, and by
failing to pursue negotiations that would end the nuclear arms race
through comprehensive nuclear disarmament or other measures;
(c) that the United Kingdom has violated and continues to violate its international
obligations under customary international law, by failing to
pursue in good faith and bring to a conclusion negotiations leading to
nuclear disarmament in all its aspects under strict and effective international
control;
(d) that the United Kingdom has violated and continues to violate its international
obligations under customary international law, by taking
actions to qualitatively improve its nuclear weapons system and to
maintain it for the indefinite future, and by failing to pursue negotiations
that would end the nuclear arms race through comprehensive
nuclear disarmament or other measures;
(e) that the United Kingdom has failed and continues to fail to perform in
good faith its obligations under the NPT and under customary international
law by modernizing, updating and upgrading its nuclear weapons
capacity and maintaining its declared nuclear weapons policy for
an unlimited period of time, while at the same time failing to pursue
negotiations as set out in the four preceding counts; and
(f) that the United Kingdom has failed and continues to fail to perform in
good faith its obligations under the NPT and under customary international
law by effectively preventing the great majority of non‑nuclear‑weapon
States parties to the Treaty from fulfilling their part of
the obligations under Article VI of the Treaty and under customary
armes nucléaires et désarmement (arrêt) 840
11
En outre, la République des Iles Marshall prie la Cour
d’ordonner
au Royaume‑Uni de prendre toutes les mesures nécessaires pour se conformer,
dans un délai d’un an à compter du prononcé de l’arrêt, aux obligations
qui lui incombent au regard de l’article VI du TNP et du droit
international coutumier, parmi lesquelles celle de mener des négociations
de bonne foi, si nécessaire en engageant celles‑ci, en vue de conclure une
convention relative à un désarmement nucléaire dans tous ses aspects effectué
sous un contrôle international strict et efficace. »
12. Au cours de la procédure écrite sur le fond, les conclusions ci‑après ont
été présentées au nom du Gouvernement des Iles Marshall dans le mémoire :
« Sur la base de l’exposé des faits et des moyens juridiques qui précède,
la République des Iles Marshall prie la Cour
de dire et juger
a) que le Royaume‑Uni a manqué et continue de manquer aux obligations
internationales qui lui incombent au regard du TNP, et en particulier
de son article VI, en s’abstenant de poursuivre de bonne foi et de mener
à terme des négociations conduisant à un désarmement nucléaire dans
tous ses aspects effectué sous un contrôle international strict et efficace ;
b) que le Royaume‑Uni a manqué et continue de manquer aux obligations
internationales qui lui incombent au regard du TNP, et en particulier
de son article VI, en prenant des mesures visant à améliorer, et à conserver
pour une durée illimitée, son système d’armes nucléaires, ainsi qu’en
s’abstenant de mener des négociations qui mettraient fin à la course aux
armements nucléaires par un désarmement nucléaire complet ou d’autres
mesures ;
c) que le Royaume‑Uni a manqué et continue de manquer aux obligations
internationales qui lui incombent au regard du droit international coutumier
en s’abstenant de poursuivre de bonne foi et de mener à terme
des négociations conduisant à un désarmement nucléaire dans tous ses
aspects effectué sous un contrôle international strict et efficace ;
d) que le Royaume‑Uni a manqué et continue de manquer aux obligations
internationales qui lui incombent au regard du droit international coutumier
en prenant des mesures visant à améliorer, et à conserver pour une
durée illimitée, son système d’armes nucléaires, ainsi qu’en s’abstenant de
mener des négociations qui mettraient fin à la course aux armements
nucléaires par un désarmement nucléaire complet ou d’autres mesures ;
e) que le Royaume‑Uni a manqué de s’acquitter et continue de ne pas
s’acquitter de bonne foi des obligations qui lui incombent au regard du
TNP et du droit international coutumier en modernisant, actualisant et
mettant à niveau ses capacités en matière d’armes nucléaires, ainsi qu’en
poursuivant, pour une durée illimitée, sa politique déclarée en matière
d’armes nucléaires, tout en s’abstenant de mener des négociations, tel
qu’exposé aux quatre points précédents ; et
f) que le Royaume‑Uni a manqué de s’acquitter et continue de ne pas
s’acquitter de bonne foi des obligations qui lui incombent au regard du
TNP et du droit international coutumier en empêchant de fait la grande
majorité des Etats non dotés d’armes nucléaires de respecter leur part
des obligations qu’imposent l’article VI du traité et le droit international
841 nuclear arms and disarmament (judgment)
12
international law with respect to nuclear disarmament and cessation of
the nuclear arms race at an early date.
In addition, the Republic of the Marshall Islands requests the Court
to order
the United Kingdom to take all steps necessary to comply with its obligations
under Article VI of the Treaty on the Non‑Proliferation of Nuclear
Weapons and under customary international law within one year of the
Judgment, including the pursuit, by initiation if necessary, of negotiations
in good faith aimed at the conclusion of a convention on nuclear disarmament
in all its aspects under strict and effective international control.”
13. In the preliminary objections, the following submissions were presented
on behalf of the Government of the United Kingdom:
“For the reasons set out in this pleading, the United Kingdom requests
the Court to adjudge and declare that the claim brought by the Marshall
Islands is inadmissible and/or that the Court lacks jurisdiction to
address the claim.”
In the written statement of its observations and submissions on the preliminary
objections, the following submissions were presented on behalf of the Government
of the Marshall Islands:
“In consideration of the foregoing, the Republic of the Marshall Islands
requests the Court:
— to reject and dismiss the preliminary objections of the United Kingdom;
and
— to adjudge and declare:
(i) that the Court has jurisdiction in respect of the claims presented by
the Marshall Islands; and
(ii) that the Marshall Islands’ claims are admissible.”
14. In the oral proceedings on the preliminary objections, the following submissions
were presented by the Parties:
On behalf of the Government of the United Kingdom,
at the hearing of 14 March 2016:
“The United Kingdom requests the Court to adjudge and declare that:
— it lacks jurisdiction over the claim brought against the United Kingdom
by the Marshall Islands; and/or
— the claim brought against the United Kingdom by the Marshall Islands
is inadmissible.”
On behalf of the Government of the Marshall Islands,
at the hearing of 16 March 2016:
“The Marshall Islands respectfully requests the Court:
(a) to reject the preliminary objections to its jurisdiction and to the admissibility
of the Marshall Islands’ claims, as submitted by the United Kingdom
of Great Britain and Northern Ireland in its preliminary objections
of 15 June 2015;
armes nucléaires et désarmement (arrêt) 841
12
coutumier en ce qui concerne le désarmement nucléaire et la cessation
de la course aux armements nucléaires à une date rapprochée.
En outre, la République des Iles Marshall prie la Cour
d’ordonner
au Royaume‑Uni de prendre toutes les mesures nécessaires pour se conformer,
dans un délai d’un an à compter du prononcé de l’arrêt, aux obligations
qui lui incombent au regard de l’article VI du TNP et du droit
international coutumier, parmi lesquelles celle de mener des négociations
de bonne foi, si nécessaire en engageant celles‑ci, en vue de conclure une
convention relative à un désarmement nucléaire dans tous ses aspects effectué
sous un contrôle international strict et efficace. »
13. Les conclusions ci‑après ont été présentées au nom du Gouvernement du
Royaume‑Uni dans les exceptions préliminaires :
« Pour les raisons exposées dans les présentes exceptions préliminaires, le
Royaume‑Uni prie la Cour de dire et juger que la demande présentée par
la République des Iles Marshall est irrecevable, ou qu’elle n’a pas compétence
pour en connaître. »
Les conclusions ci‑après ont été présentées au nom du Gouvernement des
Iles Marshall dans l’exposé écrit contenant ses observations et conclusions sur
les exceptions préliminaires :
« Considérant l’exposé qui précède, la République des Iles Marshall prie
la Cour :
— de rejeter les exceptions préliminaires soulevées par le Royaume‑Uni ;
et
— de dire et juger :
i) qu’elle a compétence pour connaître des demandes présentées par les
Iles Marshall ; et
ii) que lesdites demandes sont recevables. »
14. Dans la procédure orale sur les exceptions préliminaires, les conclusions
ci‑après ont été présentées par les Parties :
Au nom du Gouvernement du Royaume‑Uni,
à l’audience du 14 mars 2016 :
« Le Royaume‑Uni prie la Cour de dire et juger :
— qu’elle n’a pas compétence pour connaître de la demande présentée
contre lui par les Iles Marshall ; et/ou
— que la demande présentée contre lui par les Iles Marshall est irrecevable.
»
Au nom du Gouvernement des Iles Marshall,
à l’audience du 16 mars 2016 :
« Les Iles Marshall prient la Cour :
a) de rejeter les exceptions préliminaires à sa compétence et à la recevabilité
des demandes des Iles Marshall qui ont été soulevées par le Royaume‑Uni
de Grande‑Bretagne et d’Irlande du Nord dans ses exceptions préliminaires
du 15 juin 2015 ;
842 nuclear arms and disarmament (judgment)
13
(b) to adjudge and declare that the Court has jurisdiction over the claims of
the Marshall Islands submitted in its Application of 24 April 2014; and
(c) to adjudge and declare that the Marshall Islands’ claims are admissible.”
* * *
I. Introduction
A. Historical Background
15. Since the creation of the United Nations, and in line with its purposes
under Article 1 of the Charter, the issue of disarmament has been
central to the Organization’s concerns. In this regard, the Charter gives
three separate bodies a role in international disarmament efforts: the
General Assembly (Art. 11, para. 1), the Security Council (Art. 26) and
the Military Staff Committee (Art. 47, para. 1). The General Assembly
has been active in the field of international disarmament generally and
nuclear disarmament in particular. With respect to international disarmament
generally, the General Assembly created the first United Nations
Disarmament Commission under the Security Council in 1952 (resolution
502 (VI) of 11 January 1952). In 1978, it held a Special Session on
disarmament, at which it established the current United Nations disarmament
mechanisms consisting of: the First Committee of the General
Assembly, the mandate of which was redefined to deal exclusively with
questions of disarmament and related international security questions; a
new Disarmament Commission as a subsidiary organ of the General
Assembly, composed of all Member States of the United Nations (replacing
the United Nations Disarmament Commission created in 1952); and
a Committee on Disarmament devoted to negotiations (resolution S‑10/2
of 30 June 1978, paras. 117, 118 and 120). The latter was redesignated the
Conference on Disarmament with effect from 1984 (General Assembly
resolution 37/99 K, Part II, of 13 December 1982; Report of the Committee
on Disarmament to the United Nations General Assembly, 1 September
1983, doc. CD/421, para. 21) and now consists of 65 members.
With respect to nuclear disarmament efforts in particular, it may be
recalled that, in its very first resolution, unanimously adopted on 24 January
1946, the General Assembly established a Commission to deal with
“the problems raised by the discovery of atomic energy” (resolution 1 (I)
of 24 January 1946; this Commission was dissolved in 1952 when the first
United Nations Disarmament Commission, mentioned above, was established).
As early as 1954, the General Assembly also called for a convention
on nuclear disarmament (resolution 808 (IX) A of 4 November 1954)
and has repeated this call in many subsequent resolutions. In addition,
the mechanisms set out above, created by the General Assembly in view
armes nucléaires et désarmement (arrêt) 842
13
b) de dire et juger qu’elle a compétence pour connaître des demandes présentées
par les Iles Marshall dans leur requête du 24 avril 2014 ; et
c) de dire et juger que les demandes des Iles Marshall sont recevables. »
* * *
I. Introduction
A. Contexte historique
15. Depuis sa création, et conformément à ses buts énoncés à l’article 1
de la Charte, l’Organisation des Nations Unies a toujours placé la question
du désarmement au coeur de ses préoccupations. A cet égard, la Charte
assigne à trois organes distincts un rôle en matière de désarmement à
l’échelle internationale : l’Assemblée générale (paragraphe 1 de l’article 11),
le Conseil de sécurité (art. 26) et le Comité d’état‑major (paragraphe 1 de
l’article 47). L’Assemblée générale a été active dans les domaines du désarmement
international en général et du désarmement nucléaire en particulier.
S’agissant du désarmement international en général, elle a créé
en 1952 la première commission du désarmement de l’Organisation des
Nations Unies, placée sous l’autorité du Conseil de sécurité (résolution
502 VI) du 11 janvier 1952). En 1978, elle a tenu une session extraordinaire
consacrée au désarmement, au cours de laquelle elle a mis en place les
mécanismes de désarmement actuels de l’ONU, qui regroupent : la Première
Commission de l’Assemblée générale, dont le mandat a été redéfini pour
porter exclusivement sur les questions relatives au désarmement et les questions
de sécurité internationale y afférentes ; une nouvelle commission du
désarmement (remplaçant la commission du désarmement de l’Organisation
des Nations Unies créée en 1952), établie en tant qu’organe subsidiaire
de l’Assemblée générale et composée de l’ensemble des Etats Membres de
l’Organisation ; et un comité du désarmement, organe de négociation (résolution
S‑10/2 du 30 juin 1978, par. 117, 118 et 120) qui allait devenir, à partir
de 1984 (résolution 37/99 K de l’Assemblée générale du 13 décembre 1982,
partie II ; rapport du comité du désarmement à l’Assemblée générale des
Nations Unies, 1er septembre 1983, doc. CD/421, par. 21), la conférence sur
le désarmement et qui compte à présent soixante-cinq membres.
En ce qui concerne plus particulièrement le désarmement nucléaire, il y
a lieu de rappeler que, dans sa toute première résolution, adoptée à l’unanimité
le 24 janvier 1946, l’Assemblée générale a instauré une commission
chargée d’étudier « les problèmes soulevés par la découverte de l’énergie
atomique » (résolution 1 I) du 24 janvier 1946 ; cette commission a été dissoute
en 1952, lorsque la première commission du désarmement mentionnée
ci‑dessus a été établie). Dès 1954, l’Assemblée générale a par ailleurs
lancé un appel en faveur d’une convention sur le désarmement nucléaire
(résolution 808 IX) A du 4 novembre 1954), appel qu’elle a réitéré dans
nombre de résolutions ultérieures. En outre, les entités mentionnées
843 nuclear arms and disarmament (judgment)
14
of general international disarmament efforts, have also dealt specifically
with questions of nuclear disarmament.
16. By resolution 21 of 2 April 1947, the United Nations Security
Council placed a group of Pacific Islands, including those making up the
present‑day Marshall Islands, under the trusteeship system established
by the United Nations Charter, and designated the United States of
America as the Administering Authority. From 1946 to 1958, while under
this trusteeship, the Marshall Islands was the location of repeated
nuclear weapons testing. By resolution 683 of 22 December 1990, the
Security Council terminated the Trusteeship Agreement concerning the
Marshall Islands. By General Assembly resolution 46/3 of 17 September
1991, the Marshall Islands was admitted to membership in the United
Nations.
17. The Respondent is one of the founding Members of the United
Nations and a permanent member of the Security Council. The United
Kingdom first detonated an atomic device in the Monte Bello Islands off
north‑western Australia on 3 October 1952 and possesses nuclear weapons.
18. Following extensive negotiations in the 1960s, in which both
nuclear‑weapon States and non‑nuclear‑weapon States participated, the
NPT was opened for signature on 1 July 1968. It entered into force on
5 March 1970 and was extended indefinitely in 1995. Review conferences
have been held every five years since its entry into force, pursuant to Article
VIII, paragraph 3, of the NPT. One hundred and ninety‑one States
have become parties to the NPT; on 10 January 2003, the Democratic
People’s Republic of Korea announced its withdrawal. The Marshall
Islands acceded to the NPT on 30 January 1995. The United Kingdom
is a party to the NPT and is one of three Depositary Governments
for the Treaty under Article IX; it signed the Treaty on 1 July 1968 and
deposited instruments of ratification on 27 November 1968 in London
and Washington and on 29 November 1968 in Moscow.
19. The NPT seeks to limit the proliferation of nuclear weapons and
provides certain rights and obligations for parties designated as
“nuclear‑weapon State Part[ies]” and “non‑nuclear‑weapon State Part[ies]”
(including, inter alia, the right of all States to develop and use nuclear
energy for peaceful purposes, the obligation of nuclear‑weapon States parties
not to transfer nuclear weapons to any recipient, and the obligation of
non‑nuclear‑weapon States parties not to receive such a transfer). The Preamble
to the NPT also declares the intention of the parties “to achieve at
the earliest possible date the cessation of the nuclear arms race and to
undertake effective measures in the direction of nuclear disarmament”. In
this connection, Article VI of the NPT provides:
“Each of the Parties to the Treaty undertakes to pursue negotiations
in good faith on effective measures relating to cessation of the
armes nucléaires et désarmement (arrêt) 843
14
ci‑dessus, créées par l’Assemblée générale pour oeuvrer en faveur du
désarmement international en général, ont aussi traité plus spécifiquement
de la question du désarmement nucléaire.
16. Par sa résolution 21 du 2 avril 1947, le Conseil de sécurité de l’Organisation
des Nations Unies a placé un groupe d’îles de l’océan Pacifique,
dont celles qui constituent aujourd’hui les Iles Marshall, sous le
régime de tutelle instauré dans la Charte des Nations Unies, et désigné les
Etats‑Unis d’Amérique comme autorité chargée de l’administration.
Entre 1946 et 1958, alors qu’elles relevaient de ce régime, les Iles Marshall
ont été à maintes reprises le théâtre d’essais nucléaires. Par sa résolution
683 du 22 décembre 1990, le Conseil de sécurité a mis fin à l’accord
de tutelle sur les Iles Marshall. Par la résolution 46/3 de l’Assemblée générale
en date du 17 septembre 1991, celles‑ci ont été admises en tant que
Membre de l’Organisation des Nations Unies.
17. Le défendeur est l’un des Membres fondateurs de l’Organisation
des Nations Unies et fait partie des membres permanents du Conseil de
sécurité. Le 3 octobre 1952, le Royaume‑Uni a fait exploser son premier
dispositif nucléaire dans les îles Montebello, au nord‑ouest de l’Australie,
et il détient des armes nucléaires.
18. A la suite de longues négociations menées dans les années 1960, auxquelles
ont participé aussi bien des puissances nucléaires que des Etats non
dotés d’armes nucléaires, le TNP a été ouvert à la signature le 1er juillet
1968. Il est entré en vigueur le 5 mars 1970 et a été prorogé pour une
durée indéfinie en 1995. Depuis son entrée en vigueur, des conférences
d’examen se sont tenues tous les cinq ans, en application du paragraphe 3
de son article VIII. Cent quatre‑vingt‑onze Etats sont devenus parties au
TNP ; le 10 janvier 2003, la République populaire démocratique de Corée a
annoncé qu’elle s’en retirait. Les Iles Marshall ont adhéré au TNP le 30 janvier
1995. Le Royaume-Uni y est lui aussi partie, et il en est, en vertu de
l’article IX, l’un des trois gouvernements dépositaires. Il a signé le TNP le
1er juillet 1968 et a déposé ses instruments de ratification le 27 novembre 1968
à Londres et à Washington, et le 29 novembre 1968 à Moscou.
19. Le TNP vise à limiter la prolifération des armes nucléaires et prévoit
certains droits et obligations pour les parties, qui y sont désignées
comme « Etat[s] doté[s] d’armes nucléaires qui [sont] Partie[s] au Traité »
ou « Etat[s] non doté[s] d’armes nucléaires qui [sont] Partie[s] au Traité »
(notamment le droit qu’ont tous les Etats de produire et d’utiliser de
l’énergie nucléaire à des fins pacifiques, l’obligation qui incombe aux
Etats dotés d’armes nucléaires qui sont parties au traité de s’abstenir de
transférer des armes nucléaires à qui que ce soit, et l’obligation imposée
aux Etats non dotés d’armes nucléaires qui sont parties au traité de ne pas
accepter pareil transfert). Son préambule fait en outre état de l’intention
des parties « de parvenir au plus tôt à la cessation de la course aux armements
nucléaires et de prendre des mesures efficaces dans la voie du désarmement
nucléaire ». A cet égard, l’article VI du TNP prévoit ce qui suit :
« Chacune des Parties au Traité s’engage à poursuivre de bonne foi
des négociations sur des mesures efficaces relatives à la cessation de
844 nuclear arms and disarmament (judgment)
15
nuclear arms race at an early date and to nuclear disarmament, and
on a treaty on general and complete disarmament under strict and
effective international control.”
For the purposes of the NPT, a “nuclear‑weapon State is one which has
manufactured and exploded a nuclear weapon or other nuclear explosive
device prior to 1 January 1967” (Article IX.3). There are five nuclear‑weapon
States under the NPT: China, France, the Russian Federation, the United
Kingdom and the United States of America. In addition, certain other
States possess, or are believed to possess nuclear weapons.
20. By resolution 49/75 K of 15 December 1994, the General Assembly
requested the International Court of Justice to give an advisory opinion
on whether the threat or use of nuclear weapons is permitted in any circumstance
under international law. In the reasoning of its Advisory
Opinion of 8 July 1996, the Court appreciated “the full importance of the
recognition by Article VI of the [NPT] of an obligation to negotiate in
good faith a nuclear disarmament” (Legality of the Threat or Use of
Nuclear Weapons, Advisory Opinion, I.C.J. Reports 1996 (I), p. 263,
para. 99). It added that this obligation went “beyond . . . a mere obligation
of conduct” and was an “obligation to achieve a precise result —
nuclear disarmament in all its aspects — by adopting a particular course
of conduct, namely, the pursuit of negotiations on the matter in good
faith” (ibid., p. 264, para. 99). The Court stated that “[t]his twofold obligation
to pursue and to conclude negotiations formally concerns [all]
States parties to the [NPT], or, in other words, the vast majority of the
international community”, adding that “any realistic search for general
and complete disarmament, especially nuclear disarmament, necessitates
the co‑operation of all States” (ibid., para. 100). In the conclusions of the
Advisory Opinion, the Court unanimously declared that “[t]here exists an
obligation to pursue in good faith and bring to a conclusion negotiations
leading to nuclear disarmament in all its aspects under strict and effective
international control” (ibid., p. 267, para. 105 (2) F).
21. In its resolution 51/45 M of 10 December 1996, the General Assembly
“[u]nderline[d] the unanimous conclusion of the Court that there
exists an obligation to pursue in good faith and bring to a conclusion
negotiations leading to nuclear disarmament in all its aspects under strict
and effective international control” and
“[c]all[ed] upon all States to fulfil that obligation immediately by commencing
multilateral negotiations in 1997 leading to an early conclusion
of a nuclear‑weapons convention prohibiting the development,
production, testing, deployment, stockpiling, transfer, threat or use
of nuclear weapons and providing for their elimination”.
The General Assembly has passed a similar resolution on the follow‑up to
the Court’s Advisory Opinion every year since then. It has also passed
numerous other resolutions encouraging nuclear disarmament.
armes nucléaires et désarmement (arrêt) 844
15
la course aux armements nucléaires à une date rapprochée et au
désarmement nucléaire, et sur un traité de désarmement général et
complet sous un contrôle international strict et efficace. »
Aux fins du TNP, un « Etat doté d’armes nucléaires est un Etat qui a
fabriqué et a fait exploser une arme nucléaire ou un autre dispositif
nucléaire explosif avant le 1er janvier 1967 » (paragraphe 3 de l’article IX).
Les Etats ainsi visés sont au nombre de cinq : la Chine, les Etats‑Unis
d’Amérique, la Fédération de Russie, la France et le Royaume‑Uni. En
outre, d’autres Etats détiennent ou détiendraient des armes nucléaires.
20. Par sa résolution 49/75 K du 15 décembre 1994, l’Assemblée générale
a demandé à la Cour internationale de Justice de donner un avis consultatif
sur la question de savoir s’il est permis en droit international de recourir à la
menace ou à l’emploi d’armes nucléaires en toute circonstance. Dans l’exposé
des motifs de son avis en date du 8 juillet 1996, la Cour a mesuré « toute
l’importance de la consécration par l’article VI du [TNP] d’une obligation de
négocier de bonne foi un désarmement nucléaire » (Licéité de la menace ou
de l’emploi d’armes nucléaires, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 263,
par. 99). Elle a ajouté que cette obligation « dépass[ait] … une simple obligation
de comportement » et consistait à « parvenir à un résultat précis — le
désarmement nucléaire dans tous ses aspects — par l’adoption d’un comportement
déterminé, à savoir la poursuite de bonne foi de négociations en
la matière » (ibid., p. 264, par. 99). La Cour a par ailleurs précisé que « [c]ette
double obligation de négocier et de conclure concern[ait] formellement [tous]
les … Etats parties au [TNP], c’est‑à‑dire la très grande majorité de la communauté
internationale », et que « toute recherche réaliste d’un désarmement
général et complet, en particulier nucléaire, nécessit[ait] la coopération de
tous les Etats » (ibid., par. 100). Dans la partie finale de son avis consultatif,
la Cour a déclaré à l’unanimité qu’« [i]l exist[ait] une obligation de poursuivre
de bonne foi et de mener à terme des négociations conduisant au
désarmement nucléaire dans tous ses aspects, sous un contrôle international
strict et efficace » (ibid., p. 267, par. 105, point 2) F).
21. Dans sa résolution 51/45 M du 10 décembre 1996, l’Assemblée
générale a « [s]oulign[é] la conclusion unanime de la Cour, selon laquelle
il existe une obligation de poursuivre de bonne foi et de mener à terme des
négociations conduisant au désarmement nucléaire dans tous ses aspects,
sous un contrôle international strict et efficace », et
« [d]emand[é] instamment à tous les Etats d’exécuter immédiatement
cette obligation en engageant des négociations multilatérales en 1997
en vue de parvenir à la conclusion rapide d’une convention sur les
armes nucléaires interdisant la mise au point, la fabrication, l’essai, le
déploiement, le stockage, le transfert, la menace ou l’emploi de ces
armes et prévoyant leur élimination ».
Depuis, l’Assemblée générale adopte chaque année une résolution analogue
sur la suite donnée à l’avis consultatif de la Cour. Elle a également adopté
nombre d’autres résolutions encourageant le désarmement nucléaire.
845 nuclear arms and disarmament (judgment)
16
B. Proceedings Brought before the Court
22. On 24 April 2014, the Marshall Islands filed, in addition to the
present Application (see paragraph 1 above), separate applications
against the eight other States which, according to the Marshall Islands,
possess nuclear weapons (China, the Democratic People’s Republic of
Korea, France, India, Israel, Pakistan, the Russian Federation and the
United States of America), also alleging a failure to fulfil obligations
concerning
negotiations relating to the cessation of the nuclear arms race
at an early date and to nuclear disarmament. The cases against India,
Pakistan
and the United Kingdom were entered in the Court’s General
List, as the Applicant had invoked these States’ declarations recognizing
the compulsory jurisdiction of the Court (pursuant to Article 36,
paragraph 2, of the Statute of the Court) as a basis for jurisdiction. In
the applications against China, the Democratic People’s Republic of
Korea, France, Israel, the Russian Federation and the United States of
America, the Marshall Islands invited these States to accept the jurisdiction
of the Court, as contemplated in Article 38, paragraph 5, of the
Rules of Court, for the purposes of the case. None of these States has
done so. Accordingly, these applications were not entered in the Court’s
General List.
23. The United Kingdom has raised five preliminary objections to the
jurisdiction of the Court or the admissibility of the Application. According
to the first preliminary objection, the Marshall Islands has failed to
show that there was, at the time of the filing of the Application, a justiciable
dispute between the Parties with respect to an alleged failure to
pursue negotiations in good faith towards the cessation of the nuclear
arms race at an early date and nuclear disarmament. In its second and
third preliminary objections, the United Kingdom argues that the Court’s
jurisdiction is precluded by reservations in the Parties’ declarations under
Article 36, paragraph 2, of the Statute. The fourth preliminary objection
is based on the absence from the proceedings of third parties, in particular
the other States possessing nuclear weapons, whose essential interests
are said to be engaged in the proceedings. According to the fifth preliminary
objection, the Court should decline to exercise its jurisdiction
because a judgment on the merits in the present case would have no practical
consequence.
24. In its written observations and its final submissions presented during
the oral proceedings, the Marshall Islands requested the Court to
reject the preliminary objections of the United Kingdom in their entirety,
and accordingly to find that it has jurisdiction and that the Application is
admissible (see paragraphs 13 and 14 above).
25. The Court will first consider the preliminary objection based on the
absence of a dispute.
* * *
armes nucléaires et désarmement (arrêt) 845
16
B. Instances introduites devant la Cour
22. Le 24 avril 2014, les Iles Marshall ont déposé, outre la requête
introductive de la présente instance (voir le paragraphe 1 ci‑dessus), des
requêtes distinctes contre les huit autres Etats qui, selon elles, possèdent
des armes nucléaires (la Chine, les Etats‑Unis d’Amérique, la Fédération
de Russie, la France, l’Inde, Israël, le Pakistan et la République populaire
démocratique de Corée), et auxquels elles reprochent également d’avoir
manqué à leurs obligations relatives aux négociations concernant la cessation
de la course aux armements nucléaires à une date rapprochée et le
désarmement nucléaire. Les affaires contre l’Inde, le Pakistan et le
Royaume‑Uni ont été inscrites au rôle général de la Cour, le demandeur
ayant invoqué, comme base de compétence, les déclarations par lesquelles
ces Etats ont reconnu la juridiction obligatoire de la Cour (en vertu du
paragraphe 2 de l’article 36 du Statut). Dans les requêtes qu’elles ont présentées
contre la Chine, les Etats‑Unis d’Amérique, la Fédération de Russie,
la France, Israël et la République populaire démocratique de Corée,
les Iles Marshall ont invité ces Etats à accepter la compétence de la Cour
aux fins de l’affaire, ainsi qu’il est envisagé au paragraphe 5 de l’article 38
du Règlement. Aucun ne l’ayant fait, lesdites requêtes n’ont pas été inscrites
au rôle général de la Cour.
23. Le Royaume‑Uni a soulevé cinq exceptions préliminaires à la compétence
de la Cour ou à la recevabilité de la requête. Dans la première, il
soutient que les Iles Marshall n’ont pas établi qu’il existait, au moment du
dépôt de la requête, un différend justiciable entre les Parties le mettant en
cause au motif qu’il n’aurait pas poursuivi de bonne foi des négociations
concernant la cessation de la course aux armements nucléaires à une date
rapprochée et le désarmement nucléaire. Dans ses deuxième et troisième
exceptions, le défendeur avance que certaines réserves dont les Parties ont
assorti les déclarations qu’elles ont faites en vertu du paragraphe 2 de
l’article 36 du Statut font obstacle à la compétence de la Cour. La quatrième
exception préliminaire est fondée sur l’absence à l’instance de
tierces parties, en particulier les autres Etats dotés d’armes nucléaires,
dont les intérêts essentiels seraient en cause en l’espèce. Selon la cinquième
exception du Royaume‑Uni, la Cour devrait refuser d’exercer sa compétence
parce qu’un arrêt sur le fond en la présente affaire n’aurait aucune
conséquence pratique.
24. Dans leurs observations écrites et les conclusions finales qu’elles
ont présentées à l’audience, les Iles Marshall ont prié la Cour de rejeter
l’ensemble des exceptions préliminaires soulevées par le Royaume‑Uni et,
partant, de dire qu’elle a compétence et que la requête est recevable (voir
les paragraphes 13 et 14 ci‑dessus).
25. La Cour examinera tout d’abord l’exception fondée sur l’absence
de différend.
* * *
846 nuclear arms and disarmament (judgment)
17
II. First Preliminary Objection: Absence of a Dispute
26. In its first preliminary objection, the United Kingdom argues that,
on the date of the filing of the Marshall Islands’ Application, there was
no “justiciable dispute” between the Marshall Islands and the United Kingdom.
Consequently, it considers that the Court lacks jurisdiction to
address all of the Marshall Islands’ claims and/or that those claims are
inadmissible.
27. The United Kingdom contends that there is a principle of customary
international law which requires that a State intending to invoke the
responsibility of another State must give notice of its claim to that State,
such notice being a condition of the existence of a dispute. It asserts that
this principle is reflected in Article 43 of the International Law Commission’s
Articles on the Responsibility of States for Internationally Wrongful
Acts (hereinafter “ILC Articles on State Responsibility”) and
provisions to that effect can be found in various compulsory dispute settlement
arrangements under international law. The United Kingdom
argues that prior notification of claims was also held by the Court to be a
precondition to the existence of a dispute in both the case concerning
Application of the International Convention on the Elimination of All Forms
of Racial Discrimination (Georgia v. Russian Federation) and the case
concerning Questions relating to the Obligation to Prosecute or Extradite
(Belgium v. Senegal).
28. The United Kingdom asserts that these requirements have not been
satisfied in the present case. With regard to the two statements particularly
relied upon by the Marshall Islands, the United Kingdom maintains
that neither the content of these statements nor the circumstances in
which they were made provide any evidence that a dispute existed between
the Parties at the date on which the Application was filed. The first statement
was made on 26 September 2013 at the High‑Level Meeting of the
General Assembly on Nuclear Disarmament, when the Minister for Foreign
Affairs of the Marshall Islands “urge[d] all nuclear weapons states to
intensify efforts to address their responsibilities in moving towards an
effective and secure disarmament”. The Respondent observes that the
statement did not specifically mention the United Kingdom, and argues
that it could not in any way be viewed as invoking the latter’s responsibility
under international law for any breach of the NPT or of customary
international law. The second statement, also of a general nature, was
made on 13 February 2014, just over two months before the filing of the
Application before the Court, at the Second Conference on the Humanitarian
Impact of Nuclear Weapons held in Nayarit, Mexico, and reads as
follows:
“[T]he Marshall Islands is convinced that multilateral negotiations
on achieving and sustaining a world free of nuclear weapons are long
armes nucléaires et désarmement (arrêt) 846
17
II. Première exception préliminaire : absence de différend
26. Dans sa première exception préliminaire, le Royaume‑Uni affirme
que, à la date du dépôt de la requête des Iles Marshall, il n’existait pas,
entre les deux Etats, de « différend justiciable ». En conséquence, il considère
que la Cour n’est compétente pour examiner aucune des demandes
des Iles Marshall ou que ces demandes sont irrecevables.
27. Le Royaume‑Uni soutient qu’il existe un principe de droit international
coutumier suivant lequel l’Etat qui a l’intention d’invoquer la responsabilité
d’un autre Etat doit lui notifier sa réclamation, cette
notification étant un élément constitutif de la condition relative à l’existence
d’un différend. Il allègue que ce principe trouve son expression dans
l’article 43 des Articles de la Commission du droit international sur la
responsabilité de l’Etat pour faits internationalement illicites (ci‑après les
« Articles de la CDI sur la responsabilité de l’Etat ») et dans les dispositions
de divers mécanismes de règlement obligatoire des différends en
droit international. Le défendeur ajoute que, dans les affaires relatives à
l’Application de la convention internationale sur l’élimination de toutes les
formes de discrimination raciale (Géorgie c. Fédération de Russie) et à des
Questions concernant l’obligation de poursuivre ou d’extrader (Belgique
c. Sénégal), la Cour a elle aussi jugé que la notification antérieure des
griefs constituait une condition préalable aux fins d’établir l’existence
d’un différend.
28. Le Royaume‑Uni fait valoir qu’il n’a pas été satisfait à ces conditions
en la présente espèce. S’agissant des deux déclarations auxquelles les
Iles Marshall se réfèrent plus particulièrement, il affirme que ni leur
contenu ni les circonstances dans lesquelles elles ont été faites ne constituent
une preuve de l’existence, à la date du dépôt de la requête, d’un
différend entre les Parties. La première déclaration a été faite le 26 septembre
2013 à la réunion de haut niveau de l’Assemblée générale sur le
désarmement nucléaire par le ministre des affaires étrangères des
Iles Marshall, qui a « appel[é] instamment tous les Etats dotés d’armes
nucléaires à intensifier leurs efforts pour assumer leurs responsabilités en
vue d’un désarmement effectif réalisé en toute sécurité ». Le Royaume‑Uni
relève que cette déclaration ne le mentionnait pas spécifiquement et soutient
qu’elle ne pouvait d’aucune manière être considérée comme mettant
en cause sa responsabilité au regard du droit international pour une quelconque
violation du TNP ou du droit international coutumier. La seconde
déclaration, elle aussi de nature générale, a été faite le 13 février 2014, soit
à peine plus de deux mois avant le dépôt de la requête introductive de la
présente instance, à la deuxième conférence sur l’impact humanitaire des
armes nucléaires tenue à Nayarit, au Mexique. Cette déclaration se lit
comme suit :
« Les Iles Marshall sont convaincues que des négociations multilatérales
visant à créer et à maintenir un monde dépourvu d’armes
847 nuclear arms and disarmament (judgment)
18
overdue. Indeed we believe that States possessing nuclear arsenals are
failing to fulfil their legal obligations in this regard. Immediate commencement
and conclusion of such negotiations is required by legal
obligation of nuclear disarmament resting upon each and every State
under Article VI of the Non‑Proliferation Treaty and customary
international law.”
The United Kingdom observes that it was not present at this conference,
and contends that the Marshall Islands took no steps to bring this statement
to its attention. The United Kingdom adds that the Marshall Islands has
had other opportunities to notify it of the alleged dispute but did not do so.
29. The Respondent argues that, at the date of the filing of the Application,
the Marshall Islands had not taken the most basic steps to notify
the United Kingdom of its claim, or any aspect of the alleged dispute or
even disagreement between them. Furthermore, the United Kingdom
contends that it is not enough that there is a public record of views that
are not the same; there needs to be an exchange between the parties to a
dispute. Accordingly, it argues, there was no conflict of legal positions
between the Marshall Islands and the United Kingdom, and thus no “justiciable
dispute”. The United Kingdom adds that the filing of an application
cannot amount both to notice and the crystallization of an incipient
dispute. Similarly, post‑application conduct cannot on its own establish
the existence of a “justiciable dispute” between the Parties at the time
of the seisin of the Court; it may only be used to define the scope or
subject‑matter of the dispute.
*
30. The Marshall Islands contends that the first preliminary objection
of the United Kingdom should be rejected.
31. The Marshall Islands asserts that there is no general principle
imposing on a State that intends to institute proceedings the obligation to
notify the other State of this intention or of its claims prior to seising the
adjudicatory body. It argues that Article 43 of the ILC Articles on State
Responsibility is irrelevant as that provision does not relate to the institution
of proceedings before an international court or tribunal. In support
of that argument, the Marshall Islands refers to the ILC’s Commentary
to Article 44, which indicates that the ILC Articles on State Responsibility
“are not concerned with questions of the jurisdiction of international
courts and tribunals, or in general with the conditions for the admissibility
of cases”. It further submits that the United Kingdom’s attempt to
infer a principle of general application from specific provisions in various
international instruments is untenable and does not find any support in
the case law of international courts and tribunals.
32. The Marshall Islands adds that the Court has consistently denied
the existence of a general requirement of prior notice of the intention to
institute proceedings, and that the Belgium v. Senegal and Georgia v. Rus-
armes nucléaires et désarmement (arrêt) 847
18
nucléaires auraient dû être engagées depuis longtemps. Nous estimons
en effet que les Etats possédant un arsenal nucléaire ne respectent
pas leurs obligations à cet égard. L’obligation d’oeuvrer au
désarmement nucléaire qui incombe à chaque Etat en vertu de l’article
VI du traité de non‑prolifération nucléaire et du droit international
coutumier impose l’ouverture immédiate de telles négociations
et leur aboutissement. »
Le Royaume‑Uni fait observer qu’il n’assistait pas à cette conférence, et soutient
que les Iles Marshall n’ont pris aucune mesure pour porter la déclaration
précitée à son attention. Il ajoute que le demandeur a eu d’autres
occasions de lui notifier le prétendu différend, mais qu’il n’en a rien fait.
29. Le défendeur fait valoir que, à la date du dépôt de la requête, les
Iles Marshall n’avaient pas pris les mesures les plus élémentaires pour
l’informer de leur réclamation ou d’un quelconque aspect du différend
— ou simple désaccord — qui les aurait opposés. Il estime en outre qu’il
n’est pas suffisant qu’une divergence de vues ait été constatée publiquement
; il doit y avoir un échange entre les parties en cause. Le Royaume‑Uni
soutient en conséquence qu’il n’existait aucun conflit entre les positions
juridiques des deux Etats et, partant, aucun « différend justiciable ». Il
ajoute que le dépôt d’une requête ne saurait être considéré comme constituant
à la fois une notification et la cristallisation d’un différend naissant.
De la même manière, le comportement postérieur au dépôt de la requête
ne saurait suffire à établir l’existence d’un « différend justiciable » entre les
Parties au moment de la saisine de la Cour ; il ne peut en être tenu compte
que pour définir la portée ou l’objet du différend.
*
30. Les Iles Marshall soutiennent que la première exception préliminaire
soulevée par le Royaume‑Uni devrait être rejetée.
31. Selon le demandeur, il n’existe aucun principe général imposant à
un Etat qui entend introduire une instance contre un autre Etat de notifier
cette intention ou ses réclamations à celui‑ci avant de saisir l’organe
judiciaire. Les Iles Marshall font ainsi valoir que l’article 43 des Articles
de la CDI sur la responsabilité de l’Etat est dépourvu de pertinence car il
ne traite pas de l’introduction d’une instance devant une juridiction internationale.
A l’appui de cet argument, les Iles Marshall invoquent le commentaire
relatif à l’article 44, qui indique que les Articles de la CDI « ne
traitent pas des problèmes de compétence des cours et tribunaux internationaux,
ni en général des conditions de recevabilité des instances ». Elles
allèguent en outre que la tentative du Royaume‑Uni d’inférer un principe
d’application générale de certaines dispositions contenues dans divers instruments
internationaux est indéfendable et ne trouve aucune justification
dans la jurisprudence des juridictions internationales.
32. Les Iles Marshall ajoutent que la Cour a toujours nié l’existence
d’une obligation générale de notification préalable de l’intention d’introduire
une instance, et que rien dans les affaires Belgique c. Sénégal et
848 nuclear arms and disarmament (judgment)
19
sian Federation cases do not support the United Kingdom’s allegation of
such a prior notification requirement. The Marshall Islands also avers
that the Court has never recognized the existence of a general requirement
of prior notification of claims, and that a perusal of its case law
reveals that it has always avoided setting overly rigid parameters to determine
the existence of a dispute, in particular allowing for the possibility
that a dispute can “crystallize” as a consequence of the claim made by a
State against the consistent course of conduct of another State (e.g., Certain
Property (Liechtenstein v. Germany), Preliminary Objections, Judgment,
I.C.J. Reports 2005, p. 19, para. 25; Land and Maritime Boundary
between Cameroon and Nigeria (Cameroon v. Nigeria), Preliminary
Objections, Judgment, I.C.J. Reports 1998, p. 317, para. 93; Application of
the Convention on the Prevention and Punishment of the Crime of Genocide
(Bosnia and Herzegovina v. Yugoslavia), Preliminary Objections, Judgment,
I.C.J. Reports 1996 (II), pp. 614‑615, para. 29).
33. In the Marshall Islands’ view, the existence of a dispute is evidenced
by the opposing attitudes of the Parties with respect to the question
of the United Kingdom’s compliance with Article VI of the NPT and
the corresponding customary law obligations. First, the Marshall Islands
avers that it clearly communicated its claim to all States possessing
nuclear weapons — including the United Kingdom — through its 13 February
2014 statement at the Nayarit conference (see paragraph 28 above).
According to the Marshall Islands, the United Kingdom must have been
aware of this statement — even if it did not attend the relevant meeting
— because all statements and records therefrom were publicly available
and easily accessible, including on the Internet. Subsidiarily, the
Marshall Islands contends that even if one were to accept the test of prior
notice of the claim suggested by the United Kingdom (which the Applicant
interprets as requiring that the Respondent “be aware of the claim of
the other Party so as to be given the opportunity to respond to such
claim”), this statement would fulfil that requirement.
34. The Marshall Islands further argues that it also gave notice of its
claim by means of its Application.
35. For the Marshall Islands, the opposition of the United Kingdom to
this claim is evidenced by the Respondent’s own conduct. It adds that the
statements made by the United Kingdom in the preliminary objections
and during the hearings show that it continues to oppose the merits of the
claim. Moreover, the Marshall Islands refers to the Parties’ respective voting
records in multilateral fora as demonstrating the opposition of views
between them. Finally, according to the Marshall Islands, such opposition
results from the fact that the United Kingdom has engaged, and continues
to engage, in a course of conduct alleged to be in breach of international
law, as well as from statements of the Government of the United Kingdom
in parliamentary debates in 2006 and 2010, stating that the renewal of its
nuclear deterrent was consistent with its obligations under the NPT.
* *
armes nucléaires et désarmement (arrêt) 848
19
Géorgie c. Fédération de Russie ne corrobore l’allégation du Royaume‑Uni
concernant pareille exigence. Elles affirment en outre que non seulement
la Cour n’a jamais reconnu l’existence d’une obligation générale de notification
préalable des griefs, mais qu’elle a aussi, ainsi que cela appert de
sa jurisprudence, systématiquement veillé à ne pas fixer de critères trop
stricts pour déterminer l’existence d’un différend, admettant notamment
qu’un différend pouvait « se cristalliser » par suite de la formulation, par
un Etat, d’une réclamation contre le comportement constant d’un autre
Etat (par exemple, Certains biens (Liechtenstein c. Allemagne), exceptions
préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2005, p. 19, par. 25 ; Frontière terrestre
et maritime entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c. Nigéria), exceptions
préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1998, p. 317, par. 93 ; Application
de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide
(Bosnie‑Herzégovine c. Yougoslavie), exceptions préliminaires, arrêt,
C.I.J. Recueil 1996 (II), p. 614‑615, par. 29).
33. De l’avis des Iles Marshall, l’existence d’un différend est démontrée
par les attitudes opposées des Parties en ce qui concerne la question du
respect, par le Royaume‑Uni, de l’article VI du TNP et des obligations de
droit coutumier correspondantes. Le demandeur affirme, en premier lieu,
avoir clairement communiqué sa réclamation à tous les Etats dotés
d’armes nucléaires — y compris le Royaume-Uni — par la déclaration
qu’il a faite le 13 février 2014 lors de la conférence de Nayarit (voir le
paragraphe 28 ci-
dessus).
Selon lui, le défendeur, bien que n’ayant pas
participé à celle‑ci, doit avoir eu connaissance de cette déclaration,
puisque tous les documents et déclarations issus de la conférence étaient
à la disposition du public et aisément consultables, notamment sur l’Internet.
A titre subsidiaire, les Iles Marshall soutiennent que, même à
admettre la thèse du Royaume-Uni quant à la nécessité d’une notification
préalable (que le demandeur interprète comme signifiant que le défendeur
doit « avoir connaissance du grief de l’autre partie de manière à avoir la
possibilité d’y répondre »), cette exigence serait ici remplie.
34. Les Iles Marshall soutiennent par ailleurs qu’elles ont également
notifié leur réclamation en déposant leur requête.
35. Selon les Iles Marshall, le propre comportement du défendeur
témoigne de son opposition à cette réclamation, et les déclarations qu’il a
faites dans le cadre de ses exceptions préliminaires et à l’audience attestent
qu’il continue de s’y opposer quant au fond. Les Iles Marshall invoquent en
outre les votes respectivement exprimés par les Parties dans diverses enceintes
multilatérales comme preuve de l’opposition de leurs points de vue. Enfin,
selon elles, l’opposition entre les Parties découle du fait que le Royaume‑Uni
a suivi, et continue de suivre, une ligne de conduite considérée par elles
comme une violation du droit international, ainsi que des déclarations du
Gouvernement britannique qui, en 2006 et 2010, à l’occasion de débats parlementaires,
a affirmé que le renouvellement de son système de dissuasion
nucléaire était conforme aux obligations qu’il tenait du TNP.
* *
849 nuclear arms and disarmament (judgment)
20
36. Under Article 38 of the Statute, the function of the Court is to
decide in accordance with international law disputes that States submit to
it. Under Article 36, paragraph 2, of the Statute, the Court has jurisdiction
in all “legal disputes” that may arise between States parties to the
Statute having made a declaration in accordance with that provision. The
existence of a dispute between the Parties is thus a condition of the
Court’s jurisdiction.
37. According to the established case law of the Court, a dispute is “a
disagreement on a point of law or fact, a conflict of legal views or of
interests” between parties (Mavrommatis Palestine Concessions, Judgment
No. 2, 1924, P.C.I.J., Series A, No. 2, p. 11). In order for a dispute to
exist, “[i]t must be shown that the claim of one party is positively opposed
by the other” (South West Africa (Ethiopia v. South Africa; Liberia v.
South Africa), Preliminary Objections, Judgment, I.C.J. Reports 1962,
p. 328). The two sides must “‘hold clearly opposite views concerning the
question of the performance or non‑performance of certain’ international
obligations” (Alleged Violations of Sovereign Rights and Maritime Spaces
in the Caribbean Sea (Nicaragua v. Colombia), Preliminary Objections,
Judgment, I.C.J. Reports 2016 (I), p. 26, para. 50, citing Interpretation of
Peace Treaties with Bulgaria, Hungary and Romania, First Phase, Advisory
Opinion, I.C.J. Reports 1950, p. 74).
38. The Court’s determination of the existence of a dispute is a matter
of substance, and not a question of form or procedure (cf. Application of
the International Convention on the Elimination of All Forms of Racial Discrimination
(Georgia v. Russian Federation), Preliminary Objections,
Judgment, I.C.J. Reports 2011 (I), p. 84, para. 30; Interpretation of Judgments
Nos. 7 and 8 (Factory at Chorzów) [Germany v. Poland], Judgment
No. 11, 1927, P.C.I.J., Series A, No. 13, pp. 10‑11). Prior negotiations are
not required where the Court has been seised on the basis of declarations
made pursuant to Article 36, paragraph 2, of its Statute, unless one of the
relevant declarations so provides (Land and Maritime Boundary between
Cameroon and Nigeria (Cameroon v. Nigeria), Preliminary Objections,
Judgment, I.C.J. Reports 1998, p. 322, para. 109). Moreover, “although a
formal diplomatic protest may be an important step to bring a claim of
one party to the attention of the other, such a formal protest is not a
necessary condition” for the existence of a dispute (Alleged Violations of
Sovereign Rights and Maritime Spaces in the Caribbean Sea (Nicaragua v.
Colombia), Preliminary Objections, Judgment, I.C.J. Reports 2016 (I),
p. 32, para. 72). Similarly, notice of an intention to file a case is not
required as a condition for the seisin of the Court (Land and Maritime
Boundary between Cameroon and Nigeria (Cameroon v. Nigeria), Preliminary
Objections, Judgment, I.C.J. Reports 1998, p. 297, para. 39).
39. Whether a dispute exists is a matter for objective determination by
the Court which must turn on an examination of the facts (Alleged Violations
of Sovereign Rights and Maritime Spaces in the Caribbean Sea (Nica-
armes nucléaires et désarmement (arrêt) 849
20
36. Selon l’article 38 du Statut, la mission de la Cour est de régler
conformément au droit international les différends qui lui sont soumis par
les Etats. Aux termes du paragraphe 2 de l’article 36 du Statut, la Cour a
compétence à l’égard de tous les « différends d’ordre juridique » qui
peuvent se faire jour entre des Etats parties au Statut ayant fait une déclaration
en vertu de cette même disposition. L’existence d’un différend entre
les Parties est donc une condition à la compétence de la Cour.
37. Conformément à la jurisprudence bien établie de la Cour, un différend
est « un désaccord sur un point de droit ou de fait, une contradiction,
une opposition de thèses juridiques ou d’intérêts » entre des
parties
(Concessions
Mavrommatis en Palestine, arrêt no 2, 1924, C.P.J.I.
série A no 2, p. 11). Pour qu’un différend existe, « [i]l faut démontrer que la
réclamation de l’une des parties se heurte à l’opposition manifeste de
l’autre » (Sud‑Ouest africain (Ethiopie c. Afrique du Sud ; Libéria c. Afrique
du Sud), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1962, p. 328). « « [L]es
points de vue des deux parties, quant à l’exécution ou à la non-exécution
»
de certaines obligations internationales, « [doivent être] nettement opposés
». » (Violations alléguées de droits souverains et d’espaces maritimes
dans la mer des Caraïbes (Nicaragua c. Colombie), exceptions préliminaires,
arrêt, C.I.J. Recueil 2016 (I), p. 26, par. 50, citant Interprétation
des traités de paix conclus avec la Bulgarie, la Hongrie et la Roumanie,
première phase, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1950, p. 74.)
38. La détermination par la Cour de l’existence d’un différend est une
question de fond, et non de forme ou de procédure (cf. Application de la
convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination
raciale (Géorgie c. Fédération de Russie), exceptions préliminaires,
arrêt, C.I.J. Recueil 2011 (I), p. 84, par. 30 ; Interprétation des arrêts nos 7
et 8 (usine de Chorzów) [Allemagne c. Pologne], arrêt no 11, 1927,
C.P.J.I. série A no 13, p. 10‑11). Lorsque la Cour est saisie sur la base de
déclarations faites en vertu du paragraphe 2 de l’article 36 de son Statut,
la tenue de négociations préalables n’est pas requise, à moins que l’une
des déclarations pertinentes n’en dispose autrement (Frontière terrestre et
maritime entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c. Nigéria), exceptions
préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1998, p. 322, par. 109). Par ailleurs,
« si la protestation diplomatique officielle peut constituer un moyen
important pour une partie de porter à l’attention de l’autre une prétention,
pareille protestation … n’est pas une condition nécessaire » à l’existence
d’un différend (Violations alléguées de droits souverains et d’espaces
maritimes dans la mer des Caraïbes (Nicaragua c. Colombie), exceptions
préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2016 (I), p. 32, par. 72). De la même
manière, la notification de l’intention d’introduire une instance n’est pas
requise aux fins de pouvoir saisir la Cour (Frontière terrestre et maritime
entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c. Nigéria), exceptions préliminaires,
arrêt, C.I.J. Recueil 1998, p. 297, par. 39).
39. L’existence d’un différend doit être établie objectivement par la
Cour sur la base d’un examen des faits (Violations alléguées de droits souverains
et d’espaces maritimes dans la mer des Caraïbes (Nicaragua
850 nuclear arms and disarmament (judgment)
21
ragua v. Colombia), Preliminary Objections, Judgment, I.C.J. Reports
2016 (I), p. 26, para. 50). For that purpose, the Court takes into account
in particular any statements or documents exchanged between the parties
(Questions relating to the Obligation to Prosecute or Extradite (Belgium v.
Senegal), Judgment, I.C.J. Reports 2012 (II), pp. 443‑445, paras. 50‑55),
as well as any exchanges made in multilateral settings (Application of the
International Convention on the Elimination of All Forms of Racial Discrimination
(Georgia v. Russian Federation), Preliminary Objections,
Judgment, I.C.J. Reports 2011 (I), p. 94, para. 51, p. 95, para. 53). In so
doing, it pays special attention to “the author of the statement or document,
their intended or actual addressee, and their content” (ibid., p. 100,
para. 63).
40. The conduct of the parties may also be relevant, especially when
there have been no diplomatic exchanges (Alleged Violations of Sovereign
Rights and Maritime Spaces in the Caribbean Sea (Nicaragua v. Colombia),
Preliminary Objections, Judgment, I.C.J. Reports 2016 (I), pp. 32‑33,
paras. 71 and 73). As the Court has affirmed,
“a disagreement on a point of law or fact, a conflict of legal views or
interests, or the positive opposition of the claim of one party by the
other need not necessarily be stated expressis verbis . . . [T]he position
or the attitude of a party can be established by inference, whatever
the professed view of that party.” (Land and Maritime Boundary
between Cameroon and Nigeria (Cameroon v. Nigeria), Preliminary
Objections, Judgment, I.C.J. Reports 1998, p. 315, para. 89.)
In particular, the Court has previously held that “the existence of a dispute
may be inferred from the failure of a State to respond to a claim in
circumstances where a response is called for” (Application of the International
Convention on the Elimination of All Forms of Racial Discrimination
(Georgia v. Russian Federation), Preliminary Objections, Judgment,
I.C.J. Reports 2011 (I), p. 84, para. 30, citing Land and Maritime Boundary
between Cameroon and Nigeria (Cameroon v. Nigeria), Preliminary
Objections, Judgment, I.C.J. Reports 1998, p. 315, para. 89).
41. The evidence must show that the parties “hold clearly opposite
views” with respect to the issue brought before the Court (see paragraph
37 above). As reflected in previous decisions of the Court in which
the existence of a dispute was under consideration, a dispute exists when
it is demonstrated, on the basis of the evidence, that the respondent was
aware, or could not have been unaware, that its views were “positively
opposed” by the applicant (Alleged Violations of Sovereign Rights and
Maritime Spaces in the Caribbean Sea (Nicaragua v. Colombia), Preliminary
Objections, Judgment, I.C.J. Reports 2016 (I), p. 26, para. 73; Application
of the International Convention on the Elimination of All Forms of
Racial Discrimination (Georgia v. Russian Federation), Preliminary Objec-
armes nucléaires et désarmement (arrêt) 850
21
c. Colombie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2016 (I),
p. 26, par. 50). A cette fin, celle-
ci tient notamment compte de l’ensemble
des déclarations ou documents échangés entre les parties (Questions
concernant l’obligation de poursuivre ou d’extrader (Belgique c. Sénégal),
arrêt, C.I.J. Recueil 2012 (II), p. 443‑445, par. 50‑55), ainsi que des
échanges qui ont eu lieu dans des enceintes multilatérales (Application de
la convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination
raciale (Géorgie c. Fédération de Russie), exceptions préliminaires,
arrêt, C.I.J. Recueil 2011 (I), p. 94, par. 51, p. 95, par. 53). Ce
faisant, elle accorde une attention particulière « aux auteurs des déclarations
ou documents, aux personnes auxquelles ils étaient destinés ou qui
en ont effectivement eu connaissance et à leur contenu » (ibid., p. 100,
par. 63).
40. Le comportement des parties peut aussi entrer en ligne de compte,
notamment en l’absence d’échanges diplomatiques (Violations alléguées
de droits souverains et d’espaces maritimes dans la mer des Caraïbes (Nicaragua
c. Colombie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2016 (I),
p. 32‑33, par. 71 et 73). Ainsi que l’a écrit la Cour,
« un désaccord sur un point de droit ou de fait, un conflit, une opposition
de thèses juridiques ou d’intérêts ou le fait que la réclamation
de l’une des parties se heurte à l’opposition manifeste de l’autre ne
doivent pas nécessairement être énoncés expressis verbis… [I]l est
possible, comme en d’autres domaines, d’établir par inférence quelle
est en réalité la position ou l’attitude d’une partie. » (Frontière terrestre
et maritime entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c. Nigéria),
exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1998, p. 315,
par. 89.)
En particulier, la Cour a jugé que « l’existence d’un différend p[ouvait]
être déduite de l’absence de réaction d’un Etat à une accusation dans des
circonstances où une telle réaction s’imposait » (Application de la convention
internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination
raciale (Géorgie c. Fédération de Russie), exceptions préliminaires, arrêt,
C.I.J. Recueil 2011 (I), p. 84, par. 30, citant Frontière terrestre et maritime
entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c. Nigéria), exceptions
préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1998, p. 315, par. 89).
41. Les éléments de preuve doivent montrer que les « points de vue
des … parties [sont] nettement opposés » en ce qui concerne la question
portée devant la Cour (voir le paragraphe 37 ci‑dessus). Ainsi que cela ressort
de décisions antérieures de la Cour dans lesquelles la question de l’existence
d’un différend était à l’examen, un différend existe lorsqu’il est
démontré, sur la base des éléments de preuve, que le défendeur avait
connaissance, ou ne pouvait pas ne pas avoir connaissance, de ce que
ses vues se heurtaient à l’« opposition manifeste » du demandeur (Violations
alléguées de droits souverains et d’espaces maritimes dans la mer des
Caraïbes (Nicaragua c. Colombie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J.
Recueil 2016 (I), p. 26, par. 73 ; Application de la convention internationale
851 nuclear arms and disarmament (judgment)
22
tions, Judgment, I.C.J. Reports 2011 (I), p. 99, para. 61, pp. 109‑110,
para. 87, p. 117, para. 104).
42. In principle, the date for determining the existence of a dispute is
the date on which the application is submitted to the Court (Alleged Violations
of Sovereign Rights and Maritime Spaces in the Caribbean Sea
(Nicaragua v. Colombia), Preliminary Objections, Judgment, I.C.J. Reports
2016 (I), p. 27, para. 52; Application of the International Convention on
the Elimination of All Forms of Racial Discrimination (Georgia v. Russian
Federation), Preliminary Objections, Judgment, I.C.J. Reports 2011 (I),
p. 85, para. 30). Indeed, when it is stated in Article 38, paragraph 1, of the
Court’s Statute that the Court’s function is “to decide in accordance with
international law such disputes as are submitted to it”, this relates to disputes
existing at the time of their submission.
43. Conduct subsequent to the application (or the application itself)
may be relevant for various purposes, in particular to confirm the existence
of a dispute (East Timor (Portugal v. Australia), Judgment,
I.C.J. Reports 1995, p. 100, para. 22 and p. 104, para. 32), to clarify its
subject‑matter (Obligation to Negotiate Access to the Pacific Ocean
(Bolivia v. Chile), Preliminary Objection, Judgment, I.C.J. Reports
2015 (II), p. 602, para. 26) or to determine whether the dispute has disappeared
as of the time when the Court makes its decision (Nuclear Tests
(Australia v. France), Judgment, I.C.J. Reports 1974, pp. 270‑271,
para. 55; Nuclear Tests (New Zealand v. France), Judgment, I.C.J. Reports
1974, p. 476, para. 58).
However, neither the application nor the parties’ subsequent conduct
and statements made during the judicial proceedings can enable the Court
to find that the condition of the existence of a dispute has been fulfilled in
the same proceedings (Questions relating to the Obligation to Prosecute or
Extradite (Belgium v. Senegal), Judgment, I.C.J. Reports 2012 (II),
pp. 444‑445, paras. 53‑55). If the Court had jurisdiction with regard to
disputes resulting from exchanges in the proceedings before it, a respondent
would be deprived of the opportunity to react before the institution
of proceedings to the claim made against its own conduct. Furthermore,
the rule that the dispute must in principle exist prior to the filing of the
application would be subverted.
* *
44. The Court notes that the Marshall Islands, by virtue of the suffering
which its people endured as a result of it being used as a site for extensive
nuclear testing programs, has special reasons for concern about
nuclear disarmament (see paragraph 16 above). But that fact does not
remove the need to establish that the conditions for the Court’s jurisdiction
are met. While it is a legal matter for the Court to determine whether
it has jurisdiction, it remains for the Applicant to demonstrate the facts
underlying its case that a dispute exists (Border and Transborder Armed
armes nucléaires et désarmement (arrêt) 851
22
sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale (Géorgie
c. Fédération de Russie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2011
(I), p. 99, par. 61, p. 109‑110, par. 87, p. 117, par. 104).
42. En principe, la date à laquelle doit être appréciée l’existence d’un
différend est celle du dépôt de la requête (Violations alléguées de droits
souverains et d’espaces maritimes dans la mer des Caraïbes (Nicaragua
c. Colombie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2016 (I),
p. 27, par. 52 ; Application de la convention internationale sur l’élimination
de toutes les formes de discrimination raciale (Géorgie c. Fédération de
Russie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2011 (I), p. 85,
par. 30). Lorsqu’il est dit, au paragraphe 1 de l’article 38 du Statut de la
Cour, que la mission de celle‑ci est de « régler conformément au droit
international les différends qui lui sont soumis », ce sont en effet bien des
différends existant à la date de leur soumission qui sont visés.
43. Le comportement des parties postérieur à la requête (ou la requête
proprement dite) peut être pertinent à divers égards et, en particulier, aux
fins de confirmer l’existence d’un différend (Timor oriental (Portugal
c. Australie), arrêt, C.I.J. Recueil 1995, p. 100, par. 22, et p. 104, par. 32),
d’en clarifier l’objet (Obligation de négocier un accès à l’océan Pacifique
(Bolivie c. Chili), exception préliminaire, arrêt, C.I.J. Recueil 2015 (II),
p. 602, par. 26), ou de déterminer s’il a disparu au moment où la Cour
statue (Essais nucléaires (Australie c. France), arrêt, C.I.J. Recueil 1974,
p. 270‑271, par. 55 ; Essais nucléaires (Nouvelle‑Zélande c. France), arrêt,
C.I.J. Recueil 1974, p. 476, par. 58).
Cependant, ni la requête ni le comportement ultérieur des parties ou
les déclarations faites par elles en cours d’instance ne sauraient permettre
à la Cour de conclure qu’il a été satisfait à la condition de l’existence
d’un différend dans cette même instance (Questions concernant l’obligation
de poursuivre ou d’extrader (Belgique c. Sénégal), arrêt, C.I.J.
Recueil 2012 (II), p. 444‑445, par. 53‑55). Si la Cour était compétente à
l’égard de différends résultant d’échanges qui ont eu lieu au cours de la
procédure devant elle, le défendeur se trouverait privé de la possibilité de
réagir, avant l’introduction de l’instance, à la réclamation visant son comportement.
De surcroît, la règle selon laquelle le différend doit en principe
déjà exister à la date du dépôt de la requête serait vidée de sa substance.
* *
44. La Cour note que les Iles Marshall, de par les souffrances qu’a
endurées leur population par suite des importants programmes d’essais
nucléaires dont elles ont été le théâtre, ont des raisons particulières de se
préoccuper du désarmement nucléaire (voir le paragraphe 16 ci‑dessus).
Toutefois, cet état de fait ne change rien à la nécessité d’établir que les
conditions régissant la compétence de la Cour sont remplies. Bien que la
question de savoir si celle-
ci a compétence soit une question juridique qui
demande à être tranchée par elle, il appartient au demandeur de démon-
852 nuclear arms and disarmament (judgment)
23
Actions (Nicaragua v. Honduras), Jurisdiction and Admissibility, Judgment,
I.C.J. Reports 1988, p. 75, para. 16).
45. As noted above at paragraphs 27‑29, the United Kingdom relies on
the fact that the Marshall Islands did not commence negotiations or give
notice to it of the claim that is the subject of the Application to support
its contention that there is no dispute between the Parties. The
United Kingdom lays particular emphasis on Article 43 of the ILC Articles
on State Responsibility, which requires an injured State to “give
notice of its claim” to the allegedly responsible State. Article 48, paragraph
3, applies that requirement mutatis mutandis to a State other than
an injured State which invokes responsibility. However, the Court notes
that the ILC’s commentary specifies that the Articles “are not concerned
with questions of the jurisdiction of international courts and tribunals, or
in general with the conditions for the admissibility of cases brought before
such courts or tribunals” (see ILC Commentary on the Draft Articles on
the Responsibility of States for Internationally Wrongful Acts, Report of
the International Law Commission, United Nations doc. A/56/10, 2001,
paragraph 1 of the Commentary on Article 44, pp. 120‑121). Moreover,
the Court has rejected the view that notice or prior negotiations are
required where it has been seised on the basis of declarations made pursuant
to Article 36, paragraph 2, of the Statute, unless one of those declarations
so provides. The Court’s jurisprudence treats the question of the
existence of a dispute as a jurisdictional one that turns on whether there
is, in substance, a dispute, not on what form that dispute takes or whether
the respondent has been notified (see paragraph 38 above).
46. The Marshall Islands seeks to demonstrate that it had a dispute
with the United Kingdom in essentially four ways. First, it refers to its
own statements, as formulated in multilateral fora. Secondly, it argues
that the very filing of the Application, as well as the positions expressed
by the Parties in the current proceedings, show the existence of a dispute
between the Parties. Thirdly, it relies on the United Kingdom’s voting
records on nuclear disarmament in multilateral fora. Fourthly, it relies on
the United Kingdom’s conduct both before and after the filing of the
Application.
47. The Marshall Islands accepts that no bilateral diplomatic exchanges
have taken place on these issues. This is despite the fact that a number of
bilateral exchanges, including visits by senior United Kingdom personnel
to the Marshall Islands, took place in the period prior to the filing of the
Application at which such issues could have been raised.
48. The Marshall Islands refers to a number of statements made in
multilateral fora before the date of the filing of its Application which, in
its view, suffice to establish the existence of a dispute. As the Court has
armes nucléaires et désarmement (arrêt) 852
23
trer les faits étayant sa thèse relative à l’existence d’un différend (Actions
armées frontalières et transfrontalières (Nicaragua c. Honduras), compétence
et recevabilité, arrêt, C.I.J. Recueil 1988, p. 76, par. 16).
45. Comme cela a été relevé aux paragraphes 27‑29 ci‑dessus, le
Royaume‑Uni, à l’appui de sa position selon laquelle il n’existe pas de
différend entre les Parties, invoque le fait que les Iles Marshall n’ont pas
engagé de négociations et ne lui ont pas notifié la réclamation formulée
dans la requête. Il se fonde plus particulièrement sur l’article 43 des
Articles de la CDI sur la responsabilité de l’Etat, qui prescrit à un Etat
lésé de « notifie[r] sa demande » à l’Etat dont il invoque la responsabilité.
Aux termes du paragraphe 3 de l’article 48, cette exigence s’applique,
mutatis mutandis, à l’invocation de la responsabilité par un Etat autre
qu’un Etat lésé. La Cour observe toutefois que, dans son commentaire, la
CDI précise que ses articles « ne traitent pas des questions de compétence
des cours et tribunaux internationaux, ni en général des conditions de
recevabilité des instances introduites devant eux » (voir le commentaire de
la CDI sur le projet d’articles sur la responsabilité de l’Etat pour fait
internationalement illicite, rapport de la Commission du droit international
de 2001, Nations Unies, doc. A/56/10, paragraphe 1 du commentaire
relatif à l’article 44, p. 120‑121). De plus, la Cour a rejeté l’idée selon
laquelle une notification ou des négociations préalables seraient requises
lorsqu’elle a été saisie sur la base de déclarations faites en vertu du paragraphe
2 de l’article 36 du Statut, à moins que cela ne soit prévu dans
l’une de ces déclarations. La jurisprudence de la Cour traite la question de
l’existence d’un différend comme une question afférente à la compétence
qui impose de rechercher s’il existe un différend au fond, et non quelle est
la forme que prend ce différend ou s’il a été notifié au défendeur (voir le
paragraphe 38 ci‑dessus).
46. Pour l’essentiel, les Iles Marshall cherchent à démontrer de quatre
manières qu’un différend les oppose au Royaume‑Uni. Premièrement,
elles renvoient à certaines déclarations qu’elles ont faites elles-mêmes
dans des enceintes multilatérales. Deuxièmement, elles avancent que le
dépôt même de la requête ainsi que les positions qu’ont exprimées les
Parties au cours de la présente instance attestent l’existence d’un différend
entre ces dernières. Troisièmement, elles invoquent les votes émis par le
Royaume-Uni sur le désarmement nucléaire dans des enceintes multilatérales.
Quatrièmement, elles se fondent sur le comportement qui a été celui
du défendeur tant avant qu’après le dépôt de la requête.
47. Les Iles Marshall reconnaissent que ces questions n’ont fait l’objet
d’aucun échange diplomatique bilatéral, et ce, en dépit du fait qu’un certain
nombre d’échanges bilatéraux, y compris des visites de hauts représentants
du Royaume‑Uni aux Iles Marshall, ont eu lieu au cours de la
période précédant le dépôt de la requête, dans le cadre desquels lesdites
questions auraient pu être soulevées.
48. Le demandeur invoque un certain nombre de déclarations faites
dans des enceintes multilatérales avant la date du dépôt de sa requête, qui,
selon lui, suffisent à établir l’existence d’un différend. Ainsi que la Cour l’a
853 nuclear arms and disarmament (judgment)
24
already explained, the opposition of the Parties’ views could also be demonstrated
by exchanges made in multilateral settings (see paragraph 39
above). In such a setting, however, the Court must give particular attention,
inter alia, to the content of a party’s statement and to the identity of
the intended addressees, in order to determine whether that statement,
together with any reaction thereto, show that the parties before it held
“clearly opposite views” (see paragraphs 37 and 39 above). The question
in this case is therefore whether the statements invoked by the Marshall
Islands are sufficient to demonstrate the existence of such opposition.
49. The Marshall Islands relies on the statement made at the High‑Level
Meeting of the General Assembly on Nuclear Disarmament, on 26 September
2013 by its Minister for Foreign Affairs, “urg[ing] all nuclear
weapons states to intensify efforts to address their responsibilities in moving
towards an effective and secure disarmament”. However, this statement
is formulated in hortatory terms and cannot be understood as an
allegation that the United Kingdom (or any other nuclear power) was in
breach of any of its legal obligations. It does not mention the obligation
to negotiate, nor does it say that the nuclear‑weapon States are failing to
meet their obligations in this regard. It suggests that they are making
“efforts” to address their responsibilities, and calls for an intensification
of those efforts, rather than deploring a failure to act. Moreover, a statement
can give rise to a dispute only if it refers to the subject‑matter of a
claim “with sufficient clarity to enable the State against which [that] claim
is made to identify that there is, or may be, a dispute with regard to that
subject‑matter” (Application of the International Convention on the Elimination
of All Forms of Racial Discrimination (Georgia v. Russian Federation),
Preliminary Objections, Judgment, I.C.J. Reports 2011 (I), p. 85,
para. 30). While the Court reached that conclusion in the context of a
compromissory clause, the same reasoning applies to a dispute over any
obligation regardless of the underlying jurisdictional basis alleged, since
the Court made clear that it was dealing with the requirements of a dispute
in general (ibid., p. 84, para. 29). The 2013 statement relied upon by
the Marshall Islands does not meet these requirements.
50. The statement made by the Marshall Islands at the Nayarit conference
on 13 February 2014 (see paragraph 28 above) goes further than the
2013 statement, in that it contains a sentence asserting that “States possessing
nuclear arsenals are failing to fulfil their legal obligations” under
Article VI of the NPT and customary international law. However, the
United Kingdom was not present at the Nayarit conference. Further, the
subject of the conference was not specifically the question of negotiations
with a view to nuclear disarmament, but the broader question of the
humanitarian impact of nuclear weapons, and while this statement con-
armes nucléaires et désarmement (arrêt) 853
24
déjà précisé, la divergence de vues entre les Parties pourrait aussi être
attestée par des échanges ayant eu lieu dans un tel cadre (voir le paragraphe
39 ci‑dessus). Toutefois, lorsque la Cour se livre à l’examen
d’échanges ayant eu lieu dans un contexte multilatéral, elle doit notamment
accorder une attention particulière au contenu de la déclaration
d’une partie et à l’identité des personnes auxquelles elle était destinée, afin
de déterminer si cette déclaration ainsi que toute réaction à celle-
ci
montrent que les points de vue des parties en cause étaient « nettement
opposés » (voir les paragraphes 37 et 39 ci‑dessus). La question qui se pose
en la présente espèce est donc de savoir si les déclarations invoquées par
les Iles Marshall suffisent à démontrer l’existence d’une telle opposition.
49. Les Iles Marshall se fondent sur la déclaration faite le 26 septembre
2013 à la réunion de haut niveau de l’Assemblée générale sur le
désarmement nucléaire par leur ministre des affaires étrangères, qui a
« appel[é] instamment toutes les puissances nucléaires [à] intensifier leurs
efforts pour assumer leurs responsabilités en vue d’un désarmement effectif
réalisé en toute sécurité ». Cette déclaration, qui revêt un caractère
d’exhortation, ne saurait toutefois être considérée comme une allégation
selon laquelle le Royaume‑Uni (ou toute autre puissance nucléaire) manquait
à l’une quelconque de ses obligations juridiques. Il n’y est pas fait
mention de l’obligation de négocier, pas plus qu’il n’y est indiqué que
les Etats dotés d’armes nucléaires manquent aux obligations qui leur
incombent à cet égard. Cette déclaration donne à penser que ces derniers
font des « efforts » pour assumer leurs responsabilités et plaide en faveur
d’une intensification de ces efforts ; elle ne dénonce pas une inaction. En
outre, une déclaration ne peut donner naissance à un différend que s’il y
est fait référence « assez clairement à l’objet [d’une réclamation] pour que
l’Etat contre lequel [celle‑ci est] formul[ée] … puisse savoir qu’un différend
existe ou peut exister à cet égard » (Application de la convention internationale
sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale
(Géorgie c. Fédération de Russie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J.
Recueil 2011 (I), p. 85, par. 30). Bien que cette conclusion ait été énoncée
dans le contexte d’une clause compromissoire, le même raisonnement
s’applique à un différend relatif à toute obligation indépendamment de
la base de compétence invoquée, la Cour ayant précisé qu’elle examinait
les exigences relatives à l’existence d’un différend au sens général
(ibid., p. 84, par. 29). La déclaration de 2013 sur laquelle se fondent les
Iles Marshall ne satisfait pas à ces exigences.
50. La déclaration que les Iles Marshall ont faite lors de la conférence
de Nayarit le 13 février 2014 (voir le paragraphe 28 ci‑dessus) va plus loin
que celle de 2013, en ce qu’elle contient une phrase dans laquelle il est
affirmé que « les Etats possédant un arsenal nucléaire ne respectent pas
leurs obligations » au regard de l’article VI du TNP et du droit international
coutumier. Or, le Royaume‑Uni n’était pas présent à la conférence de
Nayarit. De plus, cette conférence ne portait pas spécifiquement sur la
question de négociations en vue du désarmement nucléaire, mais sur celle,
plus large, de l’impact humanitaire des armes nucléaires ; par ailleurs, si
854 nuclear arms and disarmament (judgment)
25
tains a general criticism of the conduct of all nuclear‑weapon States, it
does not specify the conduct of the United Kingdom that gave rise to the
alleged breach. Such a specification would have been particularly necessary
if, as the Marshall Islands contends, the Nayarit statement was
aimed at invoking the international responsibility of the Respondent on
the grounds of a course of conduct which had remained unchanged for
many years. Given its very general content and the context in which it
was made, that statement did not call for a specific reaction by the United
Kingdom. Accordingly, no opposition of views can be inferred from the
absence of any such reaction. The Nayarit statement is insufficient to
bring into existence, between the Marshall Islands and the United Kingdom,
a specific dispute as to the scope of Article VI of the NPT and the
asserted corresponding customary international law obligation, or as to
the United Kingdom’s compliance with such obligations.
51. None of the other more general statements relied on by the Marshall
Islands in this case supports the existence of a dispute, since none
articulates an alleged breach by the United Kingdom of the obligation
enshrined in Article VI of the NPT or the corresponding customary international
law obligation invoked by the Marshall Islands.
52. In all the circumstances, on the basis of those statements — whether
taken individually or together — it cannot be said that the United Kingdom
was aware, or could not have been unaware, that the Marshall
Islands was making an allegation that the United Kingdom was in breach
of its obligations.
53. Secondly, the Marshall Islands argues that the very filing of the
Application could suffice to establish the existence of a dispute: “nothing
excludes the possibility of conceiving the seisin of the Court as an appropriate
and perfectly legitimate mode by which the injured State ‘notifies
its claim’ to the State whose international responsibility is invoked”. It
also points to other statements made in the course of the proceedings by
both Parties as evidence of their opposition of views.
54. The Marshall Islands relies on three cases in support of its contention
that the statements made by the Parties during the proceedings may
serve to evidence the existence of a dispute (see paragraph 32 above).
However, these cases do not support this contention. In the case concerning
Certain Property, the existence of a dispute was clearly referenced by
bilateral exchanges between the parties prior to the date of the application
(Certain Property (Liechtenstein v. Germany), Preliminary Objections,
Judgment, I.C.J. Reports 2005, p. 19, para. 25). The reference to
subsequent materials in the Cameroon v. Nigeria case related to the scope
of the dispute, not to its existence (Land and Maritime Boundary between
Cameroon and Nigeria (Cameroon v. Nigeria), Preliminary Objections,
Judgment, I.C.J. Reports 1998, p. 317, para. 93). Moreover, while it is
true that the Court did not explicitly reference any evidence before the
filing of the application demonstrating the existence of a dispute in its
armes nucléaires et désarmement (arrêt) 854
25
elle dénonce, d’une manière générale, le comportement de l’ensemble des
Etats possédant un arsenal nucléaire, cette déclaration ne précise pas le
comportement du Royaume-Uni qui serait à l’origine du manquement
allégué. Une telle précision aurait été particulièrement nécessaire si,
comme l’affirment les Iles Marshall, la déclaration de Nayarit visait à
mettre en cause la responsabilité internationale du défendeur à raison
d’une ligne de conduite qui était restée constante depuis de nombreuses
années. Ladite déclaration, étant donné son contenu très général et le
contexte dans lequel elle a été faite, n’appelait pas de réaction particulière
de la part du Royaume‑Uni. Aucune divergence de vues ne peut donc être
déduite de cette absence de réaction. La déclaration de Nayarit ne suffit
pas à faire naître, entre les Iles Marshall et le Royaume‑Uni, un différend
spécifique ayant trait à la portée de l’article VI du TNP et d’une prétendue
obligation correspondante de droit international coutumier, ou au
respect par le Royaume‑Uni de telles obligations.
51. Aucune des autres déclarations plus générales sur lesquelles se
fondent les Iles Marshall en la présente espèce n’étaye la thèse de l’existence
d’un différend, puisque aucune ne fait état d’un prétendu manquement
du Royaume‑Uni à l’obligation consacrée par l’article VI du TNP
ou à l’obligation correspondante de droit international coutumier invoquée
par le demandeur.
52. Dans ces circonstances, l’on ne saurait affirmer, sur la base de
ces déclarations — prises individuellement ou dans leur ensemble —, que
le Royaume‑Uni avait connaissance, ou ne pouvait pas ne pas avoir
connaissance, de ce que les Iles Marshall alléguaient qu’il manquait à ses
obligations.
53. Deuxièmement, le demandeur soutient que le dépôt de la requête
pourrait, en tant que tel, suffire à établir l’existence d’un différend : « rien
n’interdit de concevoir que la saisine de la Cour puisse être un mode
approprié et parfaitement légitime par lequel l’Etat lésé « notifie sa
demande » à l’Etat dont la responsabilité internationale est invoquée ». Il
invoque également d’autres déclarations faites en cours d’instance par les
deux Parties pour démontrer la divergence de vues entre ces dernières.
54. Les Iles Marshall se réfèrent à trois affaires à l’appui de leur affirmation,
selon laquelle les déclarations que les Parties ont faites en cours
d’instance peuvent permettre de démontrer l’existence d’un différend (voir
le paragraphe 32 ci-
dessus).
Ces affaires n’étayent cependant pas cette
assertion. Dans l’affaire relative à Certains biens, les échanges bilatéraux
qui avaient eu lieu entre les parties avant la date du dépôt de la requête
attestaient clairement l’existence d’un différend (Certains biens (Liechtenstein
c. Allemagne), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2005,
p. 19, par. 25). Dans l’affaire Cameroun c. Nigéria, la prise en compte
d’éléments postérieurs à cette date avait trait à la portée du différend,
et non à l’existence de celui‑ci (Frontière terrestre et maritime entre
le Cameroun
et le Nigéria (Cameroun c. Nigéria), exceptions préliminaires,
arrêt, C.I.J. Recueil 1998, p. 317, par. 93). En outre, s’il est vrai que, dans
l’arrêt qu’elle a rendu en l’affaire relative à l’Application de la convention pour
855 nuclear arms and disarmament (judgment)
26
Judgment in the case concerning the Application of the Convention on the
Prevention and Punishment of the Crime of Genocide (Bosnia and Herzegovina
v. Yugoslavia), in the particular context of that case, which
involved an ongoing armed conflict, the prior conduct of the parties was
sufficient to establish the existence of a dispute (Preliminary Objections,
Judgment, I.C.J. Reports 1996 (II), p. 614, paras. 27‑29). Instead, the
issues the Court focused on were not the date when the dispute arose but
the proper subject‑matter of that dispute, whether it fell within the scope
of the relevant compromissory clause, and whether it “persist[ed]” at the
date of the Court’s decision. As stated above, although statements made
or claims advanced in or even subsequently to the application may be
relevant for various purposes — notably in clarifying the scope of the
dispute submitted — they cannot create a dispute de novo, one that does
not already exist (see paragraph 43 above).
55. Thirdly, the Marshall Islands refers to the Parties’ voting records
in multilateral fora on nuclear disarmament (see paragraph 35 above).
For example, in response to a question from a Member of the Court, it
referred to General Assembly resolution 68/32 of 5 December 2013, entitled
“Follow‑up to the 2013 High‑Level Meeting of the General Assembly
on Nuclear Disarmament”. Paragraph 2 of that resolution called for
“urgent compliance with the legal obligations and the fulfilment of the
commitments undertaken on nuclear disarmament”. In paragraph 4, the
General Assembly called for “the urgent commencement of negotiations
in the Conference on Disarmament for the early conclusion of a comprehensive
convention on nuclear weapons”. The resolution was passed by
137 votes to 28 with 20 abstentions. The Marshall Islands voted in favour
of the resolution; the United Kingdom voted against.
56. In the Court’s view, considerable care is required before inferring
from votes cast on resolutions before political organs such as the General
Assembly conclusions as to the existence or not of a legal dispute on some
issue covered by a resolution. The wording of a resolution, and votes or
patterns of voting on resolutions of the same subject‑matter, may constitute
relevant evidence of the existence of a legal dispute in some circumstances,
particularly where statements were made by way of explanation
of vote. However, some resolutions contain a large number of different
propositions; a State’s vote on such resolutions cannot by itself be taken
as indicative of the position of that State on each and every proposition
within that resolution, let alone of the existence of a legal dispute between
that State and another State regarding one of those propositions.
57. Fourthly, the Marshall Islands invokes the United Kingdom’s conduct
in declining to co‑operate with certain diplomatic initiatives, in failing
to initiate any disarmament negotiations, and in replacing and
armes nucléaires et désarmement (arrêt) 855
26
la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie‑Herzégovine
c. Yougoslavie), la Cour ne s’est pas expressément référée à quelque
élément
de preuve antérieur au dépôt de la requête pour démontrer l’existence
d’un différend, dans le contexte particulier de l’espèce — qui avait
trait à un conflit armé en cours —, le comportement des parties avant
cette date était suffisant à cet égard (exceptions préliminaires, arrêt,
C.I.J. Recueil 1996 (II), p. 614, par. 27-29) ; la réflexion de la Cour était
centrée non pas sur la date à laquelle le différend s’était fait jour, mais sur
les points de savoir quel était le véritable objet du différend, si celui-
ci
relevait de la clause compromissoire pertinente et s’il « persist[ait] » à la
date de la décision de la Cour. Ainsi que cela a déjà été indiqué, si des
déclarations ou réclamations formulées dans la requête, voire après le
dépôt de celle‑ci, peuvent être pertinentes à diverses fins — et, en particulier,
pour préciser la portée du différend soumis à la Cour —, elles ne
sauraient créer un différend de novo, c’est‑à‑dire un différend qui n’existe
pas déjà (voir le paragraphe 43 ci‑dessus).
55. Troisièmement, les Iles Marshall se réfèrent aux votes exprimés par
les Parties dans diverses enceintes multilatérales traitant du désarmement
nucléaire (voir le paragraphe 35 ci‑dessus). A titre d’exemple, en réponse
à une question posée par un membre de la Cour, elles ont évoqué la résolution
68/32 de l’Assemblée générale en date du 5 décembre 2013, intitulée
« Suivi de la réunion de haut niveau de l’Assemblée générale sur le désarmement
nucléaire de 2013 ». Au paragraphe 2 de ladite résolution, l’Assemblée
demandait « que soient respectés sans attendre les obligations
juridiques et les engagements pris en matière de désarmement nucléaire » ;
au paragraphe 4, elle demandait « que des négociations commencent au
plus tôt, dans le cadre de la Conférence du désarmement, en vue de
l’adoption rapide d’une convention globale relative aux armes nucléaires ».
La résolution a été adoptée par 137 voix contre 28, avec 20 abstentions.
Les Iles Marshall ont voté pour, le Royaume-Uni contre.
56. La Cour estime qu’il faut faire preuve d’une grande prudence avant
de conclure, au vu de votes exprimés sur des résolutions d’organes politiques
tels que l’Assemblée générale, à l’existence ou à la non‑existence
d’un différend d’ordre juridique portant sur une question visée par pareil
texte. Le libellé d’une résolution et les votes ou habitudes de vote sur des
résolutions ayant le même objet peuvent, dans certaines circonstances,
constituer des éléments de preuve pertinents concernant l’existence d’un
différend d’ordre juridique, notamment en présence de déclarations
d’Etats visant à expliquer leur vote. Cependant, certaines résolutions
contiennent nombre de propositions différentes ; le vote d’un Etat sur une
résolution de ce type ne saurait en soi être considéré comme indiquant la
position de cet Etat sur chacune des propositions qui y figurent, et moins
encore l’existence, entre lui-
même et un autre Etat, d’un différend d’ordre
juridique relatif à l’une de ces propositions.
57. Quatrièmement, les Iles Marshall invoquent le comportement du
Royaume‑Uni, qui aurait refusé de participer à certaines initiatives diplomatiques,
n’aurait pas engagé de négociations sur le désarmement et
856 nuclear arms and disarmament (judgment)
27
modernizing its nuclear weapons, together with statements that its conduct
is consistent with its treaty obligations. According to the Marshall
Islands, this conduct and assertion of legality, juxtaposed with statements
of the Marshall Islands containing a complaint aimed precisely at that
conduct and the legal position of the United Kingdom, demonstrate the
existence of a dispute as to the scope of and compliance with its obligations
under Article VI of the NPT and a corresponding customary international
law obligation.
The Court recalls that the question whether there is a dispute in a particular
contentious case turns on the evidence of opposition of views (see
paragraphs 37, 39 and 40 above). In this regard, conduct of a respondent
can contribute to a finding by the Court that the views of the parties are
in opposition (see paragraph 40 above). However, as the Court has previously
concluded (see paragraphs 49-52 above), in the present case none of
the statements that were made in a multilateral context by the Marshall
Islands offered any particulars regarding the United Kingdom’s conduct.
On the basis of such statements, it cannot be said that the United Kingdom
was aware, or could not have been unaware, that the Marshall
Islands was making an allegation that the United Kingdom was in breach
of its obligations. In this context, the conduct of the United Kingdom
does not provide a basis for finding a dispute between the two States
before the Court.
* *
58. The Court therefore concludes that the first preliminary objection
made by the United Kingdom must be upheld. It follows that the Court
does not have jurisdiction under Article 36, paragraph 2, of its Statute.
Consequently, it is not necessary for the Court to deal with the other
objections raised by the United Kingdom.
* * *
59. For these reasons,
The Court,
(1) By eight votes to eight, by the President’s casting vote,
Upholds the first preliminary objection to jurisdiction raised by the
United Kingdom of Great Britain and Northern Ireland, based on the
absence of a dispute between the Parties;
in favour: President Abraham; Judges Owada, Greenwood, Xue, Donoghue,
Gaja, Bhandari, Gevorgian;
against: Vice‑President Yusuf; Judges Tomka, Bennouna, Cançado Trindade,
Sebutinde, Robinson, Crawford; Judge ad hoc Bedjaoui;
armes nucléaires et désarmement (arrêt) 856
27
aurait remplacé et modernisé ses armes nucléaires, ainsi que les déclarations
qu’il a faites selon lesquelles son comportement était conforme à ses
obligations conventionnelles. Selon les Iles Marshall, ce comportement et
cette licéité proclamée, mises en regard de leurs propres déclarations dans
lesquelles était formulée une réclamation visant précisément ledit comportement
et la position juridique du Royaume-Uni, démontrent l’existence
d’un différend relatif à la portée des obligations du défendeur
découlant de l’article VI du TNP et d’une obligation correspondante de
droit international coutumier, ainsi qu’au respect de celles‑ci.
La Cour rappelle que la question de l’existence d’un différend dans une
affaire contentieuse dépend des éléments de preuve relatifs à une divergence
de vues (voir les paragraphes 37, 39 et 40 ci‑dessus). A cet égard, le
comportement d’un Etat défendeur peut aider la Cour à conclure que les
parties ont des points de vue opposés (voir le paragraphe 40 ci‑dessus).
En la présente espèce, toutefois, ainsi que la Cour l’a conclu précédemment
(voir les paragraphes 49‑52 ci‑dessus), aucune des déclarations faites
par les Iles Marshall dans un cadre multilatéral ne concernait spécifiquement
le comportement du Royaume-Uni. Sur la base de telles déclarations,
l’on ne saurait affirmer que celui‑ci avait connaissance, ou ne
pouvait pas ne pas avoir connaissance, de ce que les Iles Marshall alléguaient
qu’il manquait à ses obligations. Dans ce contexte, le comportement
du Royaume‑Uni ne permet pas de conclure à l’existence d’un
différend entre les deux Etats devant la Cour.
* *
58. En conséquence, la Cour conclut que la première exception préliminaire
soulevée par le Royaume‑Uni doit être retenue. Il s’ensuit qu’elle
n’a pas compétence en la présente espèce au titre du paragraphe 2 de l’article
36 de son Statut. Aussi n’est-il pas nécessaire pour la Cour d’examiner
les autres exceptions soulevées par le Royaume‑Uni.
* * *
59. Par ces motifs,
La Cour,
1) Par huit voix contre huit, par la voix prépondérante du président,
Retient la première exception préliminaire d’incompétence soulevée par
le Royaume‑Uni de Grande‑Bretagne et d’Irlande du Nord et fondée sur
l’absence de différend entre les Parties ;
pour : M. Abraham, président ; MM. Owada, Greenwood, Mmes Xue, Donoghue,
MM. Gaja, Bhandari, Gevorgian, juges ;
contre : M. Yusuf, vice‑président ; MM. Tomka, Bennouna, Cançado Trindade,
Mme Sebutinde, MM. Robinson, Crawford, juges ; M. Bedjaoui, juge ad hoc ;
857 nuclear arms and disarmament (judgment)
28
(2) By nine votes to seven,
Finds that it cannot proceed to the merits of the case.
in favour: President Abraham; Judges Owada, Tomka, Greenwood, Xue,
Donoghue, Gaja, Bhandari, Gevorgian;
against: Vice‑President Yusuf; Judges Bennouna, Cançado Trindade,
Sebutinde, Robinson, Crawford; Judge ad hoc Bedjaoui.
Done in English and in French, the English text being authoritative, at
the Peace Palace, The Hague, this fifth day of October, two thousand and
sixteen, in three copies, one of which will be placed in the archives of the
Court and the others transmitted to the Government of the Republic of
the Marshall Islands and the Government of the United Kingdom of
Great Britain and Northern Ireland, respectively.
(Signed) Ronny Abraham,
President.
(Signed) Philippe Couvreur,
Registrar.
President Abraham appends a declaration to the Judgment of the
Court; Vice-President
Yusuf appends a dissenting opinion to the Judgment
of the Court; Judges Owada and Tomka append separate opinions
to the Judgment of the Court; Judges Bennouna and Cançado Trindade
append dissenting opinions to the Judgment of the Court; Judges
Xue, Donoghue and Gaja append declarations to the Judgment of the
Court; Judges Sebutinde and Bhandari append separate opinions to the
Judgment of the Court; Judges Robinson and Crawford append dissenting
opinions to the Judgment of the Court; Judge ad hoc Bedjaoui
appends a dissenting opinion to the Judgment of the Court.
(Initialled) R.A.
(Initialled) Ph.C.
armes nucléaires et désarmement (arrêt) 857
28
2) Par neuf voix contre sept,
Dit qu’elle ne peut procéder à l’examen de l’affaire au fond.
pour : M. Abraham, président ; MM. Owada, Tomka, Greenwood, Mmes Xue,
Donoghue, MM. Gaja, Bhandari, Gevorgian, juges ;
contre : M. Yusuf, vice‑président ; MM. Bennouna, Cançado Trindade,
Mme Sebutinde, MM. Robinson, Crawford, juges ; M. Bedjaoui, juge ad hoc.
Fait en anglais et en français, le texte anglais faisant foi, au Palais de la
Paix, à La Haye, le cinq octobre deux mille seize, en trois exemplaires,
dont l’un restera déposé aux archives de la Cour et les autres seront transmis
respectivement au Gouvernement de la République des Iles Marshall
et au Gouvernement du Royaume‑Uni de Grande‑Bretagne et d’Irlande
du Nord.
Le président,
(Signé) Ronny Abraham.
Le greffier,
(Signé) Philippe Couvreur.
M. le juge Abraham, président, joint une déclaration à l’arrêt ; M. le
juge Yusuf, vice‑président, joint à l’arrêt l’exposé de son opinion dissidente
; MM. les juges Owada et Tomka joignent à l’arrêt les exposés de
leur opinion individuelle ; MM. les juges Bennouna et Cançado Trindade
joignent à l’arrêt les exposés de leur opinion dissidente ; Mmes les
juges Xue et Donoghue, ainsi que M. le juge Gaja joignent des déclarations
à l’arrêt ; Mme la juge Sebutinde et M. le juge Bhandari joignent à
l’arrêt les exposés de leur opinion individuelle ; MM. les juges Robinson
et Crawford joignent à l’arrêt les exposés de leur opinion dissidente ;
M. le juge ad hoc Bedjaoui joint à l’arrêt l’exposé de son opinion dissidente.
(Paraphé) R.A.
(Paraphé) Ph.C.

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Exceptions préliminaires

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Document Long Title

Arrêt du 5 octobre 2016

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