Demande en indication de mesures conservatoires

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17964
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Incidental Proceedings
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D EMANDE EN INDICATION DE MESURES CONSERVATOIRES PRÉSENTÉE

PAR LE G OUVERNEMENT DU T IMOR -LESTE

[Traduction]

I. Introduction

1. J’ai l’honneur de me référer à la requête introductive d’instance déposée ce jour à la Cour
au nom de la République démocratique du Timor-Leste («le Timor-Leste») contre le

Commonwealth d’Australie («l’Australie») et de présenter, conformément au paragraphe 1 de
l’article 36 et à l’article 41 du Statut, ainsi qu’aux articles 73, 74, 75 et 78 du Règlement, une
demande tendant à ce que la Cour, en attendant de se prononcer sur les questions soulevées dans la
requête, indique d’urgence des mesures conservatoires afin de préserver les droits qui sont ceux du
Timor-Leste en vertu du droit international.

II. Les circonstances exigeant l’indication de mesures conservatoires

2. Les faits qui sous-tendent la présente demande sont exposés dans la requête. En résumé,
ces faits sont les suivants. Le 3 décembre 2013, des agents des services de renseignement
australiens (Australian Security Intelligence Organisation (ASIO)), agissant dans le cadre de
mandats émis par l’Attorney General de l’Australie, se sont présentés dans des locaux
professionnels et d’habitation situés à Canberra, au 5 Brockman Steet, à Narrabundah, Territoire de

la capitale australienne, et y ont saisi des documents, données et autres biens appartenant au
Timor-Leste ou que celui-ci a le droit de protéger en vertu du droit international (ci-après «les
documents et données»). Le propriétaire des lieux susmentionnés est conseiller juridique et
représentant juridique du Gouvernement du Timor-Leste.

3. Les éléments saisis comprennent des documents et données contenant une correspondance
échangée entre le Gouvernement du Timor-Leste et ses conseillers juridiques, parmi lesquels

certains documents se rapportant à la conduite de l’arbitrage qui se déroule actuellement entre le
Timor-Leste et l’Australie en application du traité relatif à la mer du Timor.

4. Tout semble indiquer que les documents et données saisis se trouvent actuellement en la
possession de l’Australie.

III. Les conséquences que le Timor-Leste cherche à éviter

au moyen des mesures conservatoires

5. La présente demande a pour objet i) de protéger les droits du Timor-Leste sur les
documents et données saisis, ii) d’empêcher que l’Australie fasse usage de ces documents et
données au détriment des droits et intérêts du Timor-Leste, et iii) de mettre fin à l’entrave illicite à
la conduite des affaires du Timor-Leste causée par la saisie et la détention des documents et
données, en particulier (mais pas seulement) en ce qui concerne la conduite de l’arbitrage qui se

déroule actuellement entre les deux Etats en application du traité relatif à la mer du Timor
(ci-après «l’arbitrage»).

6. Le Timor-Leste est préoccupé de ce que l’Australie puisse, en examinant les documents et
données saisis, a) prendre connaissance de conseils protégés par le secret professionnel qui lui ont
été donnés par ses conseillers au sujet de l’arbitrage, ainsi que de sa position concernant cet
arbitrage, b) prendre connaissance de conseils protégés par le secret professionnel qui lui ont

été donnés par ses conseillers au sujet d’autres questions relatives à la mer du Timor et à ses
ressources, ainsi que de sa position concernant ces questions, et c) prendre connaissance d’autres
questions traitées dans les documents et données et que le Timor-Leste juge confidentielles.
De surcroît, ayant pris connaissance de ces informations, l’Australie aura irrémédiablement affaibli - 2 -

la position du Timor-Leste dans le cadre de l’arbitrage et à l’égard d’autres questions auxquelles se
rapportent les documents et données, et ce, à son propre profit.

7. Par ailleurs, le Timor-Leste est gravement préoccupé par le fait que, la saisie des
documents et données ayant prétendument été effectuée pour des raisons liées à la sécurité
nationale de l’Australie, il n’est pas crédible que ses communications avec le conseiller juridique
dans les locaux duquel les documents ont été saisis ne soient pas placées sous la surveillance
constante d’agences du Gouvernement australien ; aussi est-il impossible au Timor-Leste
d’entretenir des communications confidentielles avec ses conseillers juridiques, que celles-ci

portent sur l’arbitrage ou sur d’autres questions.

8. Le Timor-Leste est également préoccupé par le fait que, ne sachant pas dans quelle mesure
l’Australie a d’ores et déjà révélé à des tiers les informations qu’elle a obtenues à partir des
documents et données, il se trouve dans l’incapacité de prendre des dispositions efficaces pour
atténuer le dommage causé par de telles révélations.

IV. La raison de l’urgence

9. Le 10 décembre 2013, le Timor-Leste a adressé au Gouvernement australien une demande
tendant à la restitution des documents, demande qui est demeurée sans effet. De toute évidence, le
risque est que ces documents soient examinés et copiés, et que l’Australie acquière ainsi des
informations confidentielles qu’elle pourra par la suite utiliser librement à son propre profit et au
détriment du Timor-Leste, et communiquer à des tiers. La capacité du Timor-Leste de se préparer
à l’arbitrage est, de surcroît, gravement compromise.

V. Les mesures demandées

10. En conséquence, le Timor-Leste prie respectueusement la Cour d’indiquer les mesures
conservatoires suivantes :

a) que tous les documents et données saisis par l’Australie au 5 Brockman Street, à Narrabundah,
Territoire de la capitale australienne, le 3 décembre 2013 soient immédiatement placés sous
scellés et remis à la Cour internationale de Justice ;

b) que l’Australie fournisse immédiatement au Timor-Leste et à la Cour internationale de Justice
i) une liste de tous les documents et données, ou des informations qui y sont contenues, qu’elle
a révélés ou communiqués à toute personne, employée ou non par un organe de l’Etat australien
ou de tout Etat tiers et exerçant ou non des fonctions pour le compte de pareil organe, et ii) une
liste contenant l’identité ou une description de ces personnes et indiquant leurs fonctions
actuelles.

c) que l’Australie fournisse, dans un délai de cinq jours, au Timor-Leste et à la Cour internationale
de Justice une liste de toutes les copies qu’elle a faites des documents et données saisis ;

d) que l’Australie i) procède à la destruction définitive de toutes les copies des documents et
données qu’elle a saisis le 3 décembre 2013, et prenne toutes les mesures possibles pour assurer
la destruction définitive de toutes les copies qu’elle a communiquées à des tierces parties, et
ii) informe le Timor-Leste et la Cour internationale de Justice de toutes les mesures prises en

application de cette injonction de destruction, que celles-ci aient ou non abouti.

e) que l’Australie donne l’assurance qu’elle n’interceptera pas ni ne fera intercepter les
communications entre le Timor-Leste et ses conseillers juridiques, que ce soit en Australie, au
Timor-Leste ou en tout autre lieu, et n’en demandera pas l’interception. - 3 -

11. Par ailleurs, le Timor-Leste prie respectueusement le président de la Cour, en attendant

que celle-ci examine la présente demande en indication de mesures conservatoires et se prononce à
cet égard, de faire usage du pouvoir que lui confère le paragraphe 4 de l’article 74 du Règlement
pour demander à l’Australie :

i) de fournir immédiatement au Timor-Leste et à la Cour internationale de Justice une liste de tous
les documents et dossiers contenant des données électroniques qu’elle a saisis au
5 Brockman Street, à Narrabundah, Territoire de la capitale australienne, le 3 décembre 2013 ;

ii) de placer immédiatement sous scellés ces documents et données [ainsi que toute copie qui en a
été faite] ;

iii) de déposer immédiatement les documents et données placés sous scellés [ainsi que toute copie
qui en a été faite] à la Cour internationale de Justice ou au 5 Brockman Street, à Narrabundah,
Territoire de la capitale australienne ; et

iv) de ne pas intercepter ou faire intercepter les communications entre le Timor-Leste (et
notamment son agent, S. Exc. M. Joachim de Fonseca) et ses conseillers juridiques en la
présente procédure (DLA Piper, MM. E. Lauterpacht, QC, et Vaughan Lowe, QC), ni en
demander l’interception.

12. Compte tenu de la gravité et de l’urgence de la situation causée par les actes de

l’Australie, le Timor-Leste prie en outre respectueusement la Cour de tenir dès que possible des
audiences sur la présente demande.

Le 17 décembre 2013.

L’agent du Timor-Leste,
(Signé) Joachim A. M. L. DA F ONSECA .

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