COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
CONFORMITÉ AU DROIT INTERNATIONAL DE LA DÉCLARATION
UNILATÉRALE D'INDÉPENDANCE DES INSTITUTIONS
PROVISOIRES D'ADMINISTRATION
AUTONOME DU KOSOVO
(REQUÊTE POUR AVIS CONSULTATIF)
CONTRIBUTION ÉCRITE ADDITIONNELLE DE LA
RÉPUBLIQUE DU KOSOVO
17 JUILLET 2009 TABLE DES MATIÈRES
Table des matières .............................................................................................................iii
Abréviations .................................................................................................................. ...vii
PARTIE I INTRODUCTION ........................................................................................2
C HAPITRE I INTRODUCTION ................................................................................................3
I. Observatl omnina...e............................................................................3
II. Résumé de la contribution écrite additionnelle du Kosovo ...........................4
III. La demande d'avis consultatif, la question posée à la Cour et les
auteurs de la déclaration d'indépendance ......................................................4
A. Caractère approprié de la demande d'avis consultatif ............................5
B. Le sens et la portée de la ques tion figurant dans la résolution63/3 de
l'Assemblée générale ..............................................................................9
C. Les auteurs de la déclaration d'indépendance ......................................10
C HAPITRE II LE KOSOVO AUJOURD 'HUI .............................................................................13
I. Relatiotnesrnatio..l.........................................................................14
II. Évolution constitutionnelle et faits nouveaux survenus sur le plan
interne ..........................................................................................................18
III. Présence de la communauté internationale .................................................20
VIC. rièresnissant la qualité d'État ............................................................26
V. L'attitude de la Serbie à l'égard du Kosov O .................................................29
DEUXIÈME PARTIE L'HISTOIRE ET LE CONTEXTE ......................................31
C HAPITRE III L'HISTOIRE ET LE CONTEXTE .......................................................................33
I. La période précédant 1945 ..........................................................................34
II. Le Kosovo était une entité fédérale de RSFY .............................................37
III. L'abolition illégale de l'autonomie du Kosovo en 1989 ..............................42
IV. La période allant de 1989 à 1999 ................................................................44
V. La situation des Serbes du Kosovo de juin 1999 à février 2008 .................55
TROISIÈME PARTIE LE DROIT .............................................................................61
C HAPITRE IV L A DÉCLARATION D 'INDÉPENDANCE N 'A CONTREVENU À AUCUNE RÈGLE
APPLICABLE DU DROIT INTERNATIONAL GÉNÉRAL ...................................63
– iii – I. Le principe de la "souveraineté et [de] l'intégrité territoriale" qui existe
en droit international général ne fa isait pas obstacle à la déclaration
d'indépendance ............................................................................................64
A. Le principe de la souveraineté et de l'intégrité territoriale ne
s'adresse qu'aux États et ne co ncerne pas les déclarations
d'indépendance .....................................................................................65
B. La référence, dans la préambule de la résolution 1244 (1999), à "La
souveraineté et l'intégr ité territoriale" ne fa isait pas obstacle à la
déclaration d'indépendance ..................................................................70
II. Le peuple du Kosovo était habilité à exercer son droit à
l'autodétermination en déclarant so n indépendance par la voix de ses
représentants élus ........................................................................................80
A. Le droit à l'autodétermination en droit international ........................... 81
B. Le peuple du Kosovo était habilité à exer cer son droit à
l'autodétermination en déclarant l'indépendance .................................85
C HAPITRE V L A DÉCLARATION D INDÉPENDANCE N ÉTAIT PAS CONTRAIRE À LA
RÉSOLUTION 1244 (1999) DU C ONSEIL DE S ÉCURITÉ ..............................93
I. Les textes de négociation ay ant précédé la résolution1244 (1999)
n'interdisaient pas aux représen tants du Kosovo de déclarer
l'indépendance .............................................................................................94
II. La résolution 1244 (1999) elle-même n'interdisait pas aux représentants
du Kosovo de déclarer l'indépendance ......................................................102
A. Le dispositif de la Résolution1244 (1999) n'interdisait pas la
déclaration d'indépendance ni n'exigeait que la Serbie y consente ....102
B. La référence, dans le préambule de la résolution 1244 (1999), à "la
souveraineté et l'intégr ité territoriale" ne fa isait pas obstacle à la
déclaration d'indépendance ................................................................113
C. Les références dans la réso lution1244 (1999) au Kosovo en tant
que partie intégrante de la RFY sont des constatations de fait
concernant la période intérimaire .......................................................114
D. La relation de la résoluti on1244 (1999) au droi t international
général ................................................................................................116
– iv – III. Les effets juridiques de la résolution1244 (1999) et les attitudes
politiques laconcernant ont changé une fois que le processus de
détermination du statut final a été engagé .................................................117
IV. La déclaration d'indépendance n'a pas violé la résolution1244 (1999)
au sens où il s'agirait d'un acte ultra vires des IPAA ou parce qu'elle
serait contraire au cadre constitutionnel de 2001 ......................................123
V. Le Conseil de sécurité ayant gé néralement pour pratique de n'imposer
des obligations juridiques qu'aux Ét ats, la déclaration d'indépendance
ne violait pas la résolution 1244 (1999).....................................................127
PARTIE IV RÉSUMÉ ET CONCLUSION ..............................................................131
C HAPITRE VI R ÉSUMÉ ....................................................................................................133
I. Élém...........................................................................................133
II. Résumé des arguments juridiques du Kosovo ...........................................138
C ONCLUSION ..................................................................................................................145
ANNEXES
A NNEXE 1 Allocution du Président Martti Ahtis aari devant l'Assemblée de la
République du Kosovo (15 juin 2009) ......................................................151
A NNEXE 2 Groupe directeur international pour le Kosovo, Pristina, le 15 juin 2009 157
– v – ABRÉVIATIONS
ALK Armée de libération du Kosovo
BCI Bureau civil international
Dossier Dossier soumis au nom du S ecrétaire général en application du
paragraphe2 de l' article65 du Statut de laCour internationale de
Justice
EULEX Mission état de droit de l'Union européenne au Kosovo
G-8 (Groupe des Huit) L'Allemagne, le Canada, les États-Unis d'Amérique, le Fédération de
Russie, la France, l'Italie, le Japon et le Royaume-Uni
GDI Groupe directeur international
Groupe de contact L'Allemagne, les États-Unis d'Amérique, la Fédération de Russie, la
France, l'Italie, le Royaume-Uni
IPAA Institutions provisoires d'administration autonome
KFOR Force internationale au Kosovo (présence militaire internationale au
Kosovo)
MINUK Mission d'administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo
PlaAhtisaari Proposition globale de règlement portant statut du Kosovo
(S/2007/168/Add.1) (également appelée "Règlement Ahtisaari")
RFY République fédérale de Yougoslavie
RCI Représentant civil international
RSEU Représentant spécial de l'Union européenne
socialiseépublique fédérative de Yougoslavie
RSSG Représentant spécial du Secrétaire général
TPIY Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie
eurdréïnne/Uato-Unis Amérique/Fédération de Russie sur le
Kosovo
européenneE Union
– vii – PARTIE I
INTRODUCTION CHAPITRE I
INTRODUCTION
I. Observations liminaires
1.01. La République du Kosovo soumet la prés ente contribution écrite additionnelle
conformément au paragraphe 4 de l'ordonnance de la Cour datée du 17 octobre 2008.
1.02. L'objet de la présente contribution est de commenter les exposés écrits d'autres
États transmis sous couvert des lettres du Greffier datées du 21 avril et du 15 mai 2009. La
présente contribution ne revient pas sur les questions examinées dans la première
contribution écrite de la République du Kosovo (ci-après "la première contribution écrite").
Le Kosovo maintient tout ce qu'il a dit dans sa première contribution écrite, qui demeure
l'exposé fondamental de sa position et est complétée selon que de besoin par la présente
contribution.
1.03. Il ne s'agit pas, dans la présente contribution, de répondre à tous les arguments
avancés dans les exposés écrits ni, en particulie r, à toutes les affirmations factuelles et
juridiques contestables, à toutes les citations et tous les re nvois souvent sortis de leur
contexte qui figurent dans les exposés de ceux qui voudraient démontrer que la déclaration
d'indépendance n'était pas conforme au droit international. La présente contribution se
limite aux principaux arguments avancés dans ces exposés. L'absence d'observations n'est
pas indicative d'un accord.
1.04. La présente contribution écrite additionnelle ne commente pas non plus en
détail les exposés écrits selon lesquels la Cour devrait juge r que la déclaration
d'indépendance n'est contraire à aucune règl e applicable du droit international. D'une
manière générale, le Kosovo souscrit aux thèses énoncées dans ces exposés écrits.
3 II. Résumé de la contribution écrite additionnelle du Kosovo
1.05. La présente contribution écrite additionnelle est structurée comme suit. La
Section III du présent chapitre examine la question posée par l'Assemblée générale à la
Cour, à la lumière de l'approche adopt ée dans certains des exposés écrits. Le chapitre II
rend ensuite compte de l'évolution de la situa tion tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de la
République du Kosovo depuis le début du mois d'avril 2009 (achèvement de la première
contribution écrite du Kosovo).
1.06. La PartieII (qui consiste en un seul chapitre, le chapitre III) commente ce
que la Serbie, en particulier, dit de l'histoire et du contexte intéressants la question posée à
la Cour, notamment en ce qui concerne la période allant de 1974 à 1999.
1.07. La Partie III examine ensuite les principaux arguments juridiques avancés
dans les exposés écrits selon lesquels la déclaration d'indépendance du 17février2008
n'était pas conforme au droit international. Elle le fait en deux chapitres, démontrant
respectivement pourquoi la déclaration d'indépendance i) n'était pas contraire au droit
international général (chapitre IV); et ii) ne violait la résolution 1244 (1999) du Conseil de
sécurité (chapitre V).
1.08. Finalement, la Partie IV (comprenant le chapitre VI) reprend certains
éléments clés et résume les arguments juridiques du Kosovo.
III. La demande d'avis consultatif, la question posée à la Cour et
les auteurs de la déclaration d'indépendance
1.09. La majorité des exposés écrits examinent le caractère approprié de la demande
d'avis consultatif contenue dans la résolu tion63/3 de l'Assemblée générale. Le Kosovo
souhaite commenter de nouveau, très brièvement, cette question (A).
4 1.10. Au sujet de la question figurant dans la résolution63/3 de l'Assemblée
générale, presque tous les exposés écrits, notamment celui de la Serbie, soulignent qu'elle
est strictement limitée et que la Cour devrait y répondre telle quelle. Le Kosovo souscrit
pleinement à cette conclusion, mais juge né anmoins nécessaire de commenter l'approche
plus globale adoptée par certains États (B).
1.11. Le Kosovo entend expliquer une fois de plus 2que les auteurs de la déclaration
d'indépendance ne sont pas les institutions provisoires d'administration autonome (IPAA),
comme la question posée à la Cour semble le donner à penser et comme certains États l'ont
affirmé, mais bien les représentants démocratiquement élus du peuple du Kosovo (C).
A. C ARACTÈRE APPROPRIÉ DE LA DEMANDE D 'AVIS CONSULTATIF
1.12. Les États qui ont présenté des exposés écrits admettent que la Cour a le pouvoir
discrétionnaire de répondre ou de ne pas répondre à la ques tion. La jurisprudence de la
Cour établit que
"le paragraphe 1 de l'article 65 de son Statut, selon lequel "[l]a Cour peut donner un
avis consultatif..." (les italiques sont de la Cour), devait êt re interprété comme
reconnaissant à la Cour le pouvoir discrétionnaire de refuser de donner un avis
consultatif même lorsque les conditions pour qu'elle soit compétente sont remplies
(Licéité de la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires, avis consultatif, Recueil 1996
(1), p. 234-235, par. 14). La Cour n'en gard e pas moins présent à l'esprit que sa
réponse à une demande d'avis consultatif "con stitue [sa] participation ... à l'action de
l'Organisation et [que], en principe, elle ne devrait pas être refusée" (Interprétation des
traités de paix conclus avec la Bulgarie, la Hongrie et la Roumanie, première phase,
avis consultatif, CIJ Recueil 1950, p. 71; voir également, par exemple, Différend
relatif à l'immunité de juridiction d'un rapporteur spécial de la Commission des droits
de l'homme, avis consultatif,- CIJ Recueil 1999 (1), p. 78-79, par. 29). Compte tenu de
ses responsabilités en tant qu'" organe ju diciaire principal des Nations Unies"
(article92 de la Charte), la Cour ne devr ait pas en principe refuser de donner un avis
consultatif. Conformément à la jurisprudenc e constante de la Cour, il faudrait des
"raisons décisives" pour l'amener à opposer un tel refus (Certaines dépenses des
NationsUnies (article 17, paragraphe 2, de la Charte), avis consultatif; CIJ Recueil
1962, p. 155; voir également, par exemple, Différend relatif à l'immunité de juridiction
1 Serbie, par. 19-23. (Dans la présente contribution, c'est sous cette forme que sont donnés les renvois aux
exposés écrits.)
2 Voir Kosovo, par. 6.01 et par. 6.03-6.20.
5 d'un rapporteur spécial de la Commission des dr oits de l'homme, avis consultatif; CIJ
Recueil 1999 ( I), p. 78-79, par. 29). 3
En conséquence, comme elle l'a fait observer, la Cour doit dans le même ordre d'idée
"s'assurer, chaque fois qu'elle est saisie d'une demande d'avis, de l'opportunité
4
d'exercer sa fonction judiciaire, sur la base du critère des "raisons décisives".
1.13. Le Kosovo note que selon plusieurs États, il se pourrait qu'en l'espèce de telles
"raisons décisives" justifient que la Cour refuse d'exercer le pouvoir discrétionnaire qu'elle
tient du paragraphe 1 de l'article 65 du Statut. La demande en cause ne semble pas avoir été
conçue pour permettre à la Cour de participer à l'activité de l'Organisation, mais bien pour
l'amener à donner un avis juridique au bénéfice du seul État ayant parrainé la
résolution63/3 de l'Assemblée générale, la République de Serbie (pour reprendre les
termes qu'elle utilise, "l'État intéressé" 6) et d'autres États. Le représentant de la Serbie a
expliqué durant le court débat qui a eu lieu sur le projet de résolution à l'Assemblée:
"Nous avons choisi de demander l’avis consultati f de la Cour internationale de Justice
(CIJ) sur la légalité de cette déclaration unilatérale d’indépendance. Aujourd’hui, nous
nous tournons vers l’Assemblée générale pour qu’elle transmette cette demande à la
Cour, conformément 7ux pouvoirs et aux f onctions que lui confère la Charte des
Nations Unies."
Et il a souligné:
"Nous pensons également qu’un avis consul tatif de la Cour fournirait un avis
politiquement neutre mais autorisé du point de vue juridique à de nombreux pays qui
se demandent encore comment considérer la déclaration unilatérale d’indépendance du
8
Kosovo au regard du droit international."
3Conséquences juridiques de l'édification d'un mur dan s le territoire palestinien occupé, Avis consultatif,
CIJ Recueil 2004, p. 156, par. 44.
4Ibid., p. 157, par. 45.
5
Par exemple, République tchèque, p.5; France, par.1.6-1.26; Irlande, par.12 et États-Unis d'Amérique,
p. 43-45.
6
Serbie, par. 80.
7Nations Unies, Documents officiels de l'Assemblée générale, soixante-troisième session, 22 séance
plénière, 8 octobre 2008 (A/63/PV.22), p. 1 (les italiques sont de nous) [Dossier, No. 6].
8Ibid. Voir également A/63/195 [Dossier, No. 1] ("De nombreux États Membres tireraient avantage de
l’orientation juridique qu’un avis consultatif de la Co ur internationale de Justice fournirait. Un tel avis
éclairerait en effet leur jugement sur cette question.")
6 1.14. Le rôle de la Cour dans l'exercice de sa compétence consultative n'est toutefois
pas de fournir "un avis ... autorisé du point de vue juridique" à un État ni même aux États
en général, mais "d'éclairer les Nations Unies dans leur action propre" 9. Un État ne saurait
solliciter un avis consultatif de la Cour et demander à l'A ssemblée de "transmettre" sa
demande pour satisfaire aux conditions juridi ctionnelles énoncées dans le Statut, de même
que la Cour ne saurait, au regard de son Statut, jouer le rôle de conseiller juridique d'un ou
10
plusieurs États. Comme la Cour l'a fait observer, l'"avis est donné par la Cour non aux
11
États, mais à l'organe habilité pour le lui demander". La présente demande et les
circonstances de son adoption à l'Assemblée géné rale n'ont pas tenu compte de la nature
"interorganique" de la fonction consultative de la Cour.
1.15. La Serbie ne peut maintenant, dans son exposé écrit, 12 "réajuster" le contexte en
faisant valoir que "cette affaire soulève des questions qui intéressent directement et tout
particulièrement les NationsUnies et l'ensemble du système international" 13 et que,
incidemment, des organes de l'Organisation des Nations Unies, notamment le Représentant
spécial du Secrétaire général (RSSG), pourraient tirer un certain profit de l'avis , outre les4
15
incidences que celui-ci aurait pour les États . Ni le RSSG, ni le Secr étaire général, ni le
Conseil de sécurité, ni l'Assemb lée générale n'ont déclaré qu'un avis de la Cour sur cette
question était nécessaire ou même utile à l'ac tion de l'Organisation des NationsUnies, y
compris à la mission du RSSG et au fonctionnement de la MINUK. Au contraire, toutes les
sources d'information disponibles confirment que l'avis a été demandé pour guider les
16 17
États, comme le montrent clairement le mémoire explicatif de la Serbie , le débat et la
9
Réserves à la convention pour la prévention et la ré pression du crime de génocide, Avis consultatif, CIJ
Recueil 1951, p.19 (les italiques sont de nous). Voir également Conséquences juridiques pour les États
de la présence continue de l'Afrique du Sud en Namibie (sud-ouest africain) nonobstant la
résolution276(1970) du Conseil de sécurité, Avis consultatif, CIJ Recueil1971 , p.24, par.32 (La
demande était "présentée par un organe des NationsUnies à propos de ses propres décisions, en vue
d'obtenir de la Cour un avis juridique sur les conséquences et les incidences de ces décisions.")Sahara
occidental, Avis consultatif, CIJ Recueil 1975, p. 27, par. 41.
10Voir Kosovo, par. 7.20-7.21.
11Interprétation des traités de paix co nclus avec la Bulgarie, la Hongrie et la Roum anie, Avis consultatif,
CIJ Recueil 1950, p. 71.
12Voir, par exemple, Serbie, par. 8.
13
Voir Serbie, par. 75 et 79.
14
Serbie, par. 92-94. Voir aussi Chypre, par. 9-12.
15Serbie, par. 95-96.
16A/63/195 [Dossier, No. 1].
7 18
résolution 63/3 de l'Assemblée générale. Que l'avis de la Cour puisse avoir des effets non
précisés pour l'Organisation des NationsUnies en tant qu'institution ou, comme certains
États semblent le souhaiter, créer un précéd ent sur de prétendus "règles et principes
fondamentaux du droit international qui s'appliq uent dans l'ensemble de l'ordre juridique
international", 19 est dénué de pertinence.
20
1.16. La Cour, "étant une Cour de Justice", n' pas vocation à se prononcer sur des
questions de droit international dans l'abst rait, même dans l'exercice de sa fonction
consultative. Aux termes de l'article 65 de son Statut, sa fonction est donner un avis
consultatif sur toute question juridique, à la demande de tout organe qui le lui demande
pour sa propre action. À cet égard, plusieurs États Membres de l'Organisation 21ont indiqué
qu'ils doutaient sérieusement que l'Assemblée gé nérale puisse au final tirer profit pour sa
propre action d'un avis de la Cour sur cette question. Selon eux, l'Assemblée générale est
utilisée par la République de Serbie pour réa liser son propre objectif à ses propres fins:
obtenir un prononcé judiciaire sur la licéité de la déclaration d'indépendance du Kosovo.
1.17. Pour toutes ces raisons, plusieurs Ét ats Membres ont estimé qu'il y a des
"raisons décisives" pour que la Cour n'accède pa s à la demande d'avis consultatif contenue
dans la résolution 63/3 de l'Assemblée générale. Répondre à la question posée ne serait pas
"particip[er] aux activités de l'Organisation" et la Cour pourrait donc, pour cette "raison
décisive", refuser d'y répondre.
17Voir par. 1.13 ci-dessus.
18
Dossier, No. 7 ("Consciente du fait que cet acte a suscité des réactions diverses de la part des Membres de
l'Organisation des NationsUnies quant à la question de savoir s'il était conforme à l'ordre juridique
international actuel".)
19
Chypre, par. 16. Voir aussi Serbie, par. 97.
20Statut de la Carélie orientale, Avis consultatif, 1923, CPJI, Série B, No. 5, p. 29.
21
Voir note 5 ci-dessus.
8 B. LE SENS ET LA PORTÉE DE LA QUESTION FIGURANT DANS
LA RÉSOLUTION 63/3 DE L 'A SSEMBLÉE GÉNÉRALE
22
1.18. La plupart des États ayant traité de ce point, y compris la Serbie, seul État
ayant parrainé la résolution63/3 de l'Assemb lée générale, ont reconnu que la portée de la
question figurant dans cette résolution était stri ctement limitée à la licéité de la déclaration
23
d'indépendance du 17février2008. La Serbie l'a fait durant le débat à l'Assemblée
générale. Elle a déclaré que, telle que formul ée, la question "représente le plus petit
dénominateur commun des positions des États Membres sur cette question, et il n’est donc
24
pas nécessaire de la modifier ou d’y ajouter des éléments".
1.19. En conséquence, la Cour, à supposer qu' elle juge approprié de répondre à la
question, doit se limiter à la seule question qu' elle contient: la déclaration d'indépendance
du 17février2008 était-elle conforme au dro it international? Cette question est limitée.
Elle n'a pas à être élargie, interprétée ou reformulée. La Cour doit seulement déterminer les
règles juridiques applicables, le cas éch éant, et les applique r à la déclaration
d'indépendance. Contrairement aux affirmations d'un ou deux États, 25 la Cour n'est pas
saisie d'autres questions, comme celle de la qualité d'État du Kosovo aujourd'hui, ou celle
de la licéité des nombreuses reconnaissances de la République du Kosovo en tant qu'État
souverain et indépendant.
1.20. On ne doit pas non plus élargir la ques tion en affirmant que les règles qui
s'appliqueraient à la situation du Kosovo sont des règles fondamentales s'appliquant dans
27
tout l'ordre juridique international, ou qui sont potentiellement applicables à d'autres
28
situations . La question concerne seulement, et la Cour est appelée à examiner
uniquement, la licéité de la déclaration d'indépendance du Kosovo du 17 février 2008, dans
22
Serbie, par. 19.
23
Voir, également, en principe, Espagne, par. 6 iii).
24Nations Unies, Documents officiels de l'Assemblée générale, soixante-troisième session, 22 séance
plénière, 8 octobre 2008 (A/63/PV.22), p. 2 [Dossier, No. 6].
25Chypre, par. 10; Fédération de Russie, par. 52. Voir également Argentine, par. 112, et Venezuela, par. 5.
26
Pologne, par. 2.1; Royaume-Uni, par. 1.16. Voir aussi Espagne, par. 6 iii).
27
Chypre, par. 18; Serbie, par. 75 et 79; Argentine, par. 3. Voir aussi Égypte, par. 23.
28Fédération de Russie, par. 13-14.
9son contexte particulier. La Cour n'est pa s priée de se prononcer en général ou dans
l'abstrait sur la licéité des déclarations d'indépendance.
29 30
1.21. Comme l'a déjà indiqué le Kosovo et comme d'autres l'ont souligné, les
aspects tendancieux et polémi ques du libellé de la questio n, qui qualifie la déclaration
d'"unilatérale" et en qualifie er ronément les auteurs, et l'hypot hèse selon laquelle il existe
effectivement des règles du droit internatio nal régissant l'adoption des déclarations
d'indépendance, ne devraient pas affecter l'a pproche qu'adoptera la Cour dans la présente
procédure.
C. LES AUTEURS DE LA DÉCLARATION D 'INDÉPENDANCE
31
1.22. Il est nécessaire d'examiner de nouveau, très brièvement, qui sont les auteurs
de la déclaration d'indépendance dont il a été donné lecture et qui a été votée et signée le
17 février 2008.
1.23. Comme l'a montré le Kosovo dans sa première contribution écrite, et
contrairement à ce que les termes de la question posée à la Cour pourraient donner à
penser, la déclaration d'indépendance du 17février2008 a été promulguée au nom du
peuple du Kosovo par ses re présentants démocratiqueme nt élus réunis en session
32
extraordinaire, en tant qu'organe constituant, à Pristina . La promulgation de la déclaration
n'a pas été le fait des "institutions provisoires d'auto-administration" (IPAA) du Kosovo, ni
de l'Assemblée du Kosovo agissant en tant qu'une de ces IPAA. Comm e expliqué dans la
première contribution écrite du Kosovo, les ci rconstances spéciales de l'adoption de la
33
déclaration, sa forme et son texte confirment qu'il ne s' agissait pas d'un acte des IPAA .
29
Kosovo, par. 7.04-7.10.
30Luxembourg, par. 13-14.
31Voir Kosovo, par. 6.01 et par. 6.03-6.20.
32
Plusieurs États ont à juste titre désigné ceux qui ont promulgué la déclaration comme étant les
représentants démocratiquement élus du peuple du Kosovo exprimant la volonté du peuple. Voir, par
exemple, Autriche, par.8; Allemagne, p.6-7; Luxembourg, par.13; Suisse, par.79; Royaume-Uni,
par. 1.12; et États-Unis d'Amérique, p. 32-33.
33
Le texte de la déclaration d'indépendance figurantdans le dossier du Secrétariat de l'ONU (Dossier,
No.192) et le texte figurant dans l'exposé écrit de la République de Serbie ( Serbie, annexe2), ne
traduisent pas fidèlement le libellé de la déclaration d'indépendance dont il a été donné lecture (en
albanais), qui a été votée, consignée sous forme solennelle et signée le 17février 2008. Une copie
10Comme le Ministre des affaires étrangères de la République du Kosovo, M.Hyseni, l'a
déclaré au Conseil de sécurité:
"l’indépendance de la République du Kosovo a été déclarée par des représentants élus
du peuple kosovar, notamment par tous les représentants élus des communautés non
albanaises, à l’exception des membres de la communauté serbe". . 34
1.24. Dans son exposé écrit, la Serbie désigne les auteurs de la déclaration comme
étant les "membres de l'Assemblée du Kosovo". 35 En fait, le 17février2008, le Premier
Ministre a donné lecture de la déclaration, et celle-ci a été mise aux voix et signée par les
représentants du peuple démocratiquement élus, y compris des membres de l'Assemblée, le
Président du Kosovo et le Premier Ministre. Quoi qu'il en soit, des "membres de
l'Assemblée" ne sont pas "l'Assemblée", et ces membres et les autres représentants du
peuple du Kosovo n'entendaient pas ce jour-là agir en qualité d'IPAA.
numérisée de l'original de la déclaration, ainsi qu'une traduction en anglais et en français, figurent à
l'annexe 1 de la première contribution écrite du Kosovo.
34 e
Conseil de sécurité, procès-verbal pr ovisoire, soixante-qua trième année, 6144 séance, 17 juin 2009,
S/PV.6144, p. 23.
35Serbie, par. 17.
11 CHAPITRE II
LE KOSOVO AUJOURD'HUI
2.01. L'objet du présent chapitre est double: répondre, selon que de besoin, à
certaines affirmations concernant la situation au Kosovo aujourd'hui figurant dans certains
exposés écrits, et actualiser la description de la situation figurant au chapitreII de la
première contribution écrite du Kosovo.
2.02. Le présent chapitre comprend cinq sections: relations internationales
(Section I); évolution constitutionnelle et autres développements internes ( Section II);
présence de la communauté internationale ( Section III); critères de la qualité d'État
(Section IV) et attitude de la Serbie envers le Kosovo (Section V).
2.03. Comme l'a indiqué le Kosovo dans sa pr emière contribution écrite, l'évolution
de la situation au Kosovo depui s le 17février2008 n'a pas di rectement trait à la question
dont la Cour est saisie 3. Cette question concerne seulement la déclaration d'indépendance
du 17 février 2008, et sa "conformité au droit international". Elle ne concerne pas d'autres
questions, comme le statut de la République du Kosovo aujourd'hui en tant qu'État
souverain indépendant ou sa reconnaissance par d'autres États. Néanmoins, il peut être utile
de mentionner d'importants faits nouveaux qui se sont produits depuis qu'a été rédigée la
première contribution écrite du Kosovo au début du mois d'avril 2009.
2.04. On peut citer, parmi les événements majeurs depuis le début du mois
d'avril2009 la célébration, le 15juin2009, du premier anniversai re de l'entrée en vigueur
de la Constitution de la République du Ko sovo; de nouvelles reco nnaissances de la
République du Kosovo en tant qu'État souvera in et indépendant; son admission au Fonds
monétaire international et à la Banque mond iale, deux institutions spécialisées des
Nations Unies, et à d'autres organisations du Groupe de la Banque mondiale; la nomination
de neuf juges de la Cour constitutionnelle, laquelle est aujourd'hui pleinement
opérationnelle; l'élection par l'Assemblée de l'Ombudsman prévu dans la Constitution; et
36Kosovo, par. 2.01.
37Ibid., par. 7.11-7.15, et par. 1.18-1.21 ci-dessus.
13des efforts accrus de réconciliation interne, av ec "de plus en plus de représentants serbes
38
désireux de participer à l'activité des institutions centrales".
2.05. S'adressant à l'Assemblée du Kosovo le 15juin2009, l'ex-Président finlandais
et Envoyé spécial des Nations Unies Martti Ahtisaari a déclaré:
" L'indépendance du Kosovo est irréversible et ceci ressort à l'évidence des
reconnaissances qui continuent d'arriver du monde entier. L'acceptation par tous de
cette réalité constituerait une contributi on majeure à la stabilité non seulement du
Kosovo mais de l'ensemble de la régio39 des Balkans occidentaux et l'Europe tout
entière. ". [Traduction du Greffe]
I. Relations internationales
Reconnaissances
2.06. Depuis le début du mois d'avril 2009, quatre États supplémentaires ont reconnu
la République du Kosovo en tant qu'État souve rain et indépendant: l'Arabie saoudite, le
Bahreïn, les Comores et la Ga mbie. De plus, de nombreux autres États traitent la
République du Kosovo comme un État souverain et indépendant en l'absence d'acte officiel
de reconnaissance. Un grand nombre d'États qui n'ont pas encore reconnu la République
du Kosovo ont voté pour l'admission du Kosovo au Fonds monétaire international ou aux
41
organisations du Groupe de la Banque mondiale.
2.07. Ainsi, à la date de la présente contribution a dditionnelle, 60États avaient
officiellement reconnu la République du Kosovo en tant qu'État souverain et indépendant,
et de nombreux autres l'avaient traitée co mme un État dans leur pratique. Il est
particulièrement remarquable que la grande majorité des États de la région du monde où se
38BCI, "Consolidating Kosovo’s European Future: Tracing Next Steps", présentation à la London School of
Economics, 1m3a2i009,7. (disponible sur le site web du BCI: http://www.ico-
kos.org/d/LSE_final.pdf).
39Allocution du Président Ahtisaari, annexe 1.
40
Comme la Cour le sait, certains États ont pour pratique de ne pas publier de déclarations officielles de
reconnaissance, se contentant simplement de commencer à traiter un nouveau pays comme un État dans
leurs relations internationales, par exemple en concluant des traités bilatéraux, ou en échangeant des
représentants diplomatiques et consulaires. Sur ce type de reconnaissance implicite, voir Kosovo,
par. 2.32.
41
Par. 2.08-2.11 ci-après
14trouve le Kosovo, c'est-à-dire l'Europe, ont reconnu le Kosovo. Sur les 47États membres
du Conseil de l'Europe, 33 l'avaient reconnu au début de juillet 2009, y compris tous les
voisins immédiats du Kosovo (excep té la Serbie). Ces reconnai ssances ont eu lieu malgré
de violentes campagnes, dirigées par le Président et le Ministre des affaires étrangères de la
République de Serbie, visant à contraindre les États à ne pas reconnaître la République du
Kosovo, et à faire obstacle à la participation du Kosovo aux organisations internationales et
à la coopération internationale. Ces efforts illu strent les politiques rétrogrades et négatives
42
de la Serbie à l'égard du Kosovo.
Relations avec les organisations internationales
2.08. La République du Kosovo est deve nue membre du Fonds monétaire
international le 29 juin 2009, et membre de la Banque internationale pour la reconstruction
et le développement et d'autres organisati ons du Groupe de la Ba nque mondiale le même
jour. Elle est ainsi membre de deux des institutions spécialisées des Nations Unies. 43
2.09. Le 8mai2009, le Conseil d'administration du Fonds monétaire international
(FMI) a certifié un vote du Conseil des gouvern eurs du FMI proposant la à République du
Kosovo de devenir membre de cette instituti on. Cent trente-huit pays membre du FMI sur
185 ont participé au vote. Quatre-vingt-seize ont voté pour l'admission de la République du
Kosovo au FMI; seulement 10 ont voté contre . Le Kosovo est devenu membre du FMI
lorsque son représentant autorisé a signé les statuts du FMI le 29 juin 2009. 44
2.10. Par lettre datée du 22avril2009, les conseils des gouverneurs de la Banque
internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD, aussi appelée Banque
mondiale), de l' Agence internationale de développement (AID) et de la Société
financière internationale (SFI) ont été appelés à voter sur des projets de résolution
intitulés "Admission de la République du Ko sovo". Le délai pendant lequel les votes
pouvaient être reçus a pris fin le 3juin2009. À cette date, le nombre requis de pays avait
42Voir par. 2.56-2.58 ci-après.
43Voir également Kosovo, par. 2.41-2.42.
44
Seuls les "pays" (c'est-à-dire les États) peuvent devenir membres du FMI. Voir statuts du Fonds
monétaire international, 22juillet1944, NationsUniesRecueil des Traités , vol. 2, p. 39, article II 2)
("Les autres pays ont la possibilité de devenir membres du Fonds aux dates et conformément aux
conditions prescrites par le Conseil des gouverneurs.")
15voté et les résolutions invitant la République du Kosovo à devenir membre de ces trois
organisations ont été adoptées. Quatre-vingt-seize pays ont voté en faveur de l'admission
de la République du Kosovo à la Banque mondi ale, alors que seulement sept ont voté
contre. Dans le cas de l'AID, les chiffres co rrespondants ont été 89 et 5, et dans celui de la
SFI, 95 et 6.
2.11. Par lettre datée du 22avril2009, le Conseil des gouverneurs de l' Agence
multilatérale de garantie des investissements (MIGA) a été appelé à voter sur un projet
de résolution intitulé "Admission de la République du Kosovo". Le délai pendant lequel les
votes pouvaient être reçus a expiré le 3juin 2009. À cette date, le nombre requis de pays
avait voté, et la résolution invitant la République du Kosovo à entrer à l'organisation a ainsi
été adoptée. Quatre-vingt-onze pays ont voté pour l'admission de la République du Kosovo
à la MIGA, et sept seulement ont voté contre.
2.12. Une loi qui permettra au Kosovo de donner effet aux sanctions imposées par le
Conseil de sécurité de l'Organisation des NationsUnies est en préparation. Ceci montre
que le Kosovo est attaché à l'Organisation m ondiale alors même qu'il n'y a pas encore été
admis comme État Membre.
Union européenne
e
2.13. La 16 séance plénière du Mécanisme de suivi du Processus de stabilisation et
d'association du Kosovo s'est tenue le 12juin2009 à Pristina. Ont été examinés à cette
occasion les progrès réalisés dans l'exécution du programme européen du Kosovo ainsi que
les priorités immédiates. La Commission euro péenne s'est félicitée d'un certain nombre de
lois adoptées récemment par le Kosovo, et a pr ésenté une mise à jour des préparatifs de
l'étude de faisabilité qui sera publiée en octobre.
2.14. En mai et juin 2009, dans le cadre du dialogue permanent entre la Commission
européenne et le Kosovo, des discussions techniques régulières ont eu lieu concernant six
domaines majeurs. Ces réunions permettent d' évaluer les progrès réalisés par le Kosovo
dans l'application des recommandations du Part enariat européen et l'adoption des normes
de l'UE, y compris la législation et les arrangements institutionnels.
16 45
Relations diplomatiques et établissement d'ambassades
2.15. La Loi sur le Ministère des affaires étrangè res et le service diplomatique de la
République du Kosovo définit des critères concernant les représentants diplomatiques du
Kosovo 46et des procédures pour leur recrut ement et leur nomination, prévoyant
notamment un contrôle de l'Assemblée sur les nominations. 47 Les premiers ambassadeurs
du Kosovo ont été choisis sur concours. De plus, une Loi sur le Protocole d'État de la
République du Kosovo a été adoptée par l'Assemblée en avril. 48
2.16. De hauts responsables de la République du Kosovo ont continué de tenir de
nombreuses réunions bilatérales et multilaté rales avec leurs homologues d'autres pays,
49
dans le cadre de visites officielles ou autrement. Par exemple, vers la fin de juin 2009, le
Président de la République du Kosovo a participé à une réunion à Vlora (Albanie) avec les
Présidents de l'Albanie, de la Macédoine et du Monténégro.
50
Traités et droit international
2.17. La situation générale en ce qui concer ne les traités a été exposée dans la
première contribution écrite du Kosovo. 50 De plus, le Kosovo a conclu divers traités
bilatéraux, notamment:
– un accord entre le Gouvernement de la République du Kosovo et le Royaume du
Danemark sur la coopération pour le développement, entré en vigueur le 3 avril 2008;
– un accord entre le Gouvernement de la République du Kosovo et le Gouvernement de
la République de Turquie sur l'abolition mutu elle des visas, conclu le 13janvier2009
et entré en vigueur le 6 juin 2009;
45
Voir également Kosovo, par. 2.33-2.35.
46
Loi No. 03/L-044, 15 mars 2008, art. 6, Journal officiel de la République du Kosovo, No. 26, 2 juin 2008,
p. 50-53.
47Ibid.
48Loi No. 03/L-132, 14 avril 2009.
49
Kosovo, par. 2.28.
50Voir également ibid., par. 2.36-2.40.
51Publiés ou devant l'être sur le site web dJournal officiel de l'Assemblée de la République du Kosovo
(http://www.gazetazyrtare.com/).
17– un accord entre le Gouvernement de la République du Kosovo et le Gouvernement de
la République de Slovénie sur la coopé ration pour le dével oppement, conclu le
21 avril 2009;
– un accord entre le Gouvernement de la République du Kosovo et le Gouvernement de
la République de Turquie sur la coopération économique, conclu le 28 mai 2009;
– un accord de prêt entre la République du Ko sovo et la Banque internationale pour la
reconstruction et le développement signé le 29 juin 2009;
– un accord visant à favoriser les inves tissements entre le Gouvernement de la
République du Kosovo et le Gouvernement des États-Unis d'Amérique, signé le
30 juin 2009.
2.18. D'autres traités bilatéraux sont à un stade avancé de négociation (notamment
avec l'Albanie et la Turquie).
2.19. Le Kosovo a récemment signé ses deux premiers mémorandums d'accord, avec
le Monténégro et l'Italie respectivement, pour faciliter l'échange d'informations
opérationnelles et judiciaires sur la criminalité organisée.
II. Évolution constitutionnelle et faits nouveaux survenus sur le plan interne
2.20. Le 15juin2009, jour du premier annive rsaire de l'entrée en vigueur de la
Constitution de la République du Kosovo, l'Ambassadeur Pieter Feith, le Représentant civil
international (RCI), tout en reconnaissant que "la route était encore longue" a déclaré:
"il y a des progrès dont on peut être fiers. Ils sont manifestes dans la mise en place des
institutions centrales, dans le domaine de l'état de droi t et dans la dévolution de
pouvoirs exécutifs aux municipalités. Le Gouvernement du Kosovo et ses partenaires
internationaux ont aussi progressé dans le domaine des dr oits et de la représentation
communautaires et de la préservation du patrimoine culturel et religieux". [Traduction
du Greffe]52
2.21. Début juillet, toutes les principales ins titutions prévues dans la Constitution de
la République du Kosovo (et dans le Plan Ahtisaari) avaient été créées et étaient
52Interview parue dans Koha Ditore, 15 juin 2009.
18opérationnelles. Contrairement à l'impressi on que voudrait donner l'exposé écrit de la
Serbie, les Serbes du Kosovo participent de plus en plus à la mise en place des institutions.
2.22. Durant la période de supervision internationale qui suit l'indépendance, la Cour
constitutionnelle de la République du Kosovo est com posée de six juges nommés par le
Président de la République sur proposition de l'Assemblée du Kosovo, et de trois juges
internationaux nommés par le Représentant civil international après consultation avec le
Président de la Cour europ éenne des droits de l'homme. 53Il a été procédé à toutes ces
nominations et le 26 juin 2009, les neuf juges ont pr êté serment devant le Président de la
République. M.Enver Hasani a été élu Président de la C our constitutionnelle, qui est
maintenant pleinement opérationnelle.
2.23. Le 4 jui2009, et conformément à l'artic134 de la Constitution,
l'Ombudsman a été élu par l'Assemblée du Kosovo pour un mandat de cinq ans non
renouvelable. 55
2.24. Un certain nombre de nouvelles lois ont été adoptées par l'Assemblée du
Kosovo. Elles comprennent la Loi sur la participation de la République du Kosovo au
Fonds monétaire international et aux organisations du Groupe de la Banque mondiale.
2.25. En juin2009, le Gouvernement du Kosovo a annoncé qu'un recensement
aurait lieu au printemps de 2011, parallèlem ent à ceux organisés dans d'autres États
européens.
2.26. Le 16juin2009, le Président de la Ré publique a fixé au 15novembre2009 la
date des élections locales dans tout le Kosovo. Ces électio ns seront les premières à être
53Constitution, art. 152.
54Sur les six juges nommés par le Président de la République, quatre sont des Albanais du Kosovo, un
Serbe du Kosovo et un membre de la communauté turque; les trois juges nommés par le RCI viennent de
Bulgarie, du Portugal et des États-Unis d'Amérique.
55
Pour les fonctions de l'Ombudsman, voir Constitution, art. 132.
56Loi No. 03/L-132 du 16 avril 2009 sur le Protocole d'État de la République du Kosovo; Loi No. 03/L-129
du 30 avril 2009 sur les zones économiques; Loi No. 03/L-119 du 27 mai 2009 sur les produits biocides;
Loi No.03/L-152 du 29mai2009 sur la participation de la République du Kosovo au Fonds monétaire
international et aux organisations du Groupe de la Banque mondiale.
19organisées au Kosovo depuis l'indépendance et concerneront 38municipalités, dont 10à
majorité serbe et 1 à majorité turque. Cinq des municipalités à majorité serbe sont
nouvelles et ont été constituées dans le cadre du processus de décentralisation prévu dans
le Plan Ahtisaari.
2.27. Les efforts se poursuivent pour amener les réfugiés et personnes déplacées à
revenir, et il y a des progrès bien que, pour un certain nombre de raisons, les raisons
économiques n'étant pas les moindres, le nombre des retours, s'il a recommencé à
57
augmenter, continue d'être décevant. Il s'agit nécessairement d'un processus à long
58
terme.
2.28. Des progrès ont aussi été faits dans la reconstruction de sites du patrimoine
religieux et culturel, et des appels d'offres pour des pr ojets importants ont été lancés en
59
mai 2009.
2.29. En ce qui concerne la Force de sécurité du Kosovo , le Ministre kosovar des
affaires étrangères a déclaré devant le Conseil de sécurité le 17 juin 2009:
"La constitution de nos forces de sécurité progresse. Comme je l’ai indiqué dans la
déclaration que j’ai faite en mars au Conseil, la Force de sécurité du Kosovo, dont la
formation a été assurée par l’OTAN, est une force démocratique et placée sous
contrôle civil. Cette force pluriethnique et apolitique aura pour objectif principal
l’intervention d’urgence et, de manière générale, les activités de n60ure à favoriser le
développement, la paix, la sécurité et la stabilité régionales."
III. Présence de la communauté internationale
2.30. Contrairement à ce que certains État s veulent donner à penser, notamment
Chypre et la Serbie, la présence internationale au Kosovo ne porte aucunement atteinte à la
57Rapport du Secrétaire général sur la Mission d'administration intérimaire des NationsUnies au Kosovo,
S/2009/300, 5 mai 2009, par. 30-33.
58
Déclaration du RCI à l'Institut pour la justice historique et la réconciliation, La Haye, 26 mai 2009, p. 4-5
(disponible sur le site web du BCI: http://www.ico-kos.org/d/090526 Remarks IHJR(1).pdf).
59
Rapport du Secrétaire sur la Mission d'administration intérimaire des NationsUnies au Kosovo,
S/2009/300, 5 mai 2009, par. 34-36.
6Conseil de sécurité, procès-verbal pr ovisoire, soixante-qua trième année, 6144eséance, 17 juin 2009,
S/PV.6144, p. 9.
20souveraineté de l'État. Au contraire, le principal rôle de cette présence, qui est au Kosovo à
l'invitation de l'État, est de superviser la mise en place d'institutions conformément au Plan
Ahtisaari et à la Constitution de la République du Kosovo et d'y prêter son concours.
2.31. D'importants éléments de la présence in ternationale, en particulier la MINUK
et la KFOR, ont déjà été restructurés et leurs effectifs très sensiblement réduits. Le mandat
d'autres éléments, en particulier le RCI/ BCI et EULEX, doit être révisé en2010. Ces
réductions traduisent le développement des institutions du Kosovo et l'importance attachée
à la maîtrise locale.
2.32. Le Groupe directeur international de 25États 61 continue d'appuyer
l'édification du Kosovo. Il a tenu sa huitièm e réunion à Pristina le 15juin2009, date
anniversaire de l'entrée en vigueur de la Constitution de la République du Kosovo. Dans la
62
déclaration qu'il a publiée à cette occasion, le GDI a noté:
"Durant l'année écoulée, le peuple du Kosovo a fait d'importants progrès dans
l'édification d'un État multiet hnique et démocratique reposan t sur les principes de la
démocratie et des droits de l'homme conformément à sa perspective européenne."
63
2.33. Le RCI a déclaré récemment:
"[l]e Plan Ahtisaari m'invest it du pouvoir exécutif de su perviser la constitution du
Kosovo en État indépendant, et ce fait est aussi reconnu dans la Constitution du
Kosovo. Toutefois, je n'ai jusqu'ici pa s éprouvé le besoin d'exercer ce pouvoir –
essentiellement par respect pour le principe de la maîtrise et de la responsabilité
64
locales ...".
2.34. Le RCI/BCI suit les progrès réalisés dans les grands domaines définis par le
Plan Ahtisaari. Des progrès considérables ont été faits dans divers domaines régis par les
normes européennes (marché interne, passa tion des marchés publics, transports,
61
Kosovo, par. 2.62-2.63.
62Annexe 2.
63Kosovo, par. 2.64.
64
"Consolidating Kosovo’s European Future: Tracing Next Steps", Exposé à la London School of
Economics, 1m32i009, 4. (disponible sur le site web du BCI: http://www.ico-
kos.org/d/LSE_final.pdf).
21télécommunications, affaires sociales, agricu lture et développement rural, énergie,
environnement, justice, liberté et sécurité et gestion intégrée des frontières).
2.35. Comme prévu dans le Plan Ahtisaari , lorsque les pouvoirs du RCI seront
réexaminés en 2010, le GDI décidera si leur maintien est nécessaire.
2.36. Le mandat d' EULEX est un mandat technique, à savo ir aider les institutions
locales dans le domaine de l'état de dro it. EULEX n'a aucune fonction politique. Son
mandat est défini dans l'action commune du C onseil de l'Union européenne en date du
65
4 février 2009, et elle rend compte à Bruxelles. Comme les autres missions relevant de la
politique européenne de sécurité et de défense, le principe de la maîtrise locale est au cŒur
de la mission. En sa qualité de chef de mission, Yves de Ke rmabon a déclaré que ce sont
les locaux qui sont "au volant".
2.37. Le mandat d'EULEX est le suivant:
"EULEX-Kosovo aide les inst itutions du Kosovo, les autorités judiciaires et les
organismes chargés de l'application des lois à progresser sur la voie de la viabilité et
de la responsabilisation et à poursuivre la mise sur pied et le renforcement d'un
système judiciaire multiethnique indépendant, ainsi que de services de police et des
douanes multiethniques, de manière à ce que ces institutions soie nt libres de toute
interférence politique et s'aligne sur les normes reconnues au niveau international et
sur les bonnes pratiques européennes. EU LEX-Kosovo, en pleine coopération avec
les programmes d'assistance de la Commission européenne, met en Œuvre son
mandat en assurant des actions de suivi, d'encadrement et de conseil, tout en
assumant certaines responsabilités exécutives."
2.38. EULEX est décrite comme suit sur son site web:
"La Mission État de droit de l'Union européenne (EULEX) est la plus importante
mission civile jamais déployée dans le cadre de la Politique européenne de défense et
de sécurité. Son objectif principal est d'aider et d'appuyer les autorités du Kosovo
dans le domaine de l'état de droit, en par ticulier dans les domaines de la police, de la
justice et des douanes. La mission n'est pas au Kosovo pour gouverner ni diriger. Il
s'agit d'une mission technique qui mènera des actions de sui66, d'encadrement et de
conseil tout en conservant certains pouvoirs exécutifs limités."
65
Kosovo, par. 2.66.
66http://www.eulex-kosovo.eu/?id=2 (les italiques sont de nous).
22 2.39. Comme le Ministre des affaires étrangè res du Kosovo l'a expliqué durant la
réunion du Conseil de sécurité du 23 mars 2009,
"[l]e déploiement d’EULEX dans l’ensemb le du Kosovo est c onforme au mandat
prévu dans la Déclaration d’ indépendance du Kosovo, aux propositions d’Ahtisaari,
à la Constitution de la Répu blique du Kosovo, à la législature de la République du
Kosovo, à l’action commune de l’Union européenne du 4février 2008, et aux
invitations du Président du 17 février et du 8 août." . 67
2.40. Un deuxième rapport sur les activités d'EULEX portant sur la période allant de
68
février à mai 2009 est annexé au dernier rapport du Secrétaire général de l'ONU. Comme
on peut lire dans ce rapport, "[ d]ans le cadre des fonctions de suivi, d’encadrement et de
conseil qu’elle assume auprès des institutio ns de l’état de droit au Kosovo, EULEX a
dressé l’inventaire des capacités de ces organismes et recensé les domaines où
s’imposaient des réformes".
2.41. Les juges et procureurs d'EULEX opèren t dans le cadre du système judiciaire
du Kosovo, conformément à la Constitution et aux lois de la République du Kosovo. En
particulier, ils opèrent sur le fondement de deux lois adoptées par l'Assemblée du Kosovo
dans le cadre du Plan Ahtisaari, la loi sur la compétence, la sélection des affaires et la
transmission des dossiers aux juges et procureurs d’EULEX au Kosovo et la loi sur le
69
ministère public spécial de la République du Kosovo. L'article premier de la première de
ces lois dispose:
"La présente loi régit l'intégration et la compétence des juges et procureurs d'EULEX
dans le système judiciaire de la République du Kosovo."
2.42. Deux rapports récents du Secrétaire général décrivent la situation actuelle en ce
qui concerne la MINUK: son rapport à la Cinquième Commission (budgétaire)
70 71
d'avril 2009 et son rapport au Conseil de sécurité sur la MINUK de juin 2009 .
67Conseil de sécurité, procès-verbal provisoire, soixante-quatrième année, 6079 séance, S/PV.6079, p. 8.
68Rapport du Secrétaire général sur la Mission d'administration intérimaire des NationsUnies au Kosovo,
S/2009/300, 5 mai 2009, annexe I.
69
Kosovo, par. 2.67.
70Budget de la Mission d'administration intérimaire des NationsUnies au Kosovo pour l'exercice allant du
1 juillet au 30 juin 2010, Rapport du Secrétaire général, A/63/803, 2 avril 2009.
23 2.43. Comme prévu, 72 dans son rapport d'avril2009, le Secrétaire a proposé à
l'Assemblée générale de réduire les eff ectifs de la MINUK en 2009-2010 de près de
90pour cent par rapport aux chiffres approuvés pour 2008-2009 (507personnes au lieu
de 4 911) 73. Dans le domaine de la justice, la MINUK a transféré à EULEX pratiquement
toutes les affaires en instance. 74Au 19 mars 2009, les autorités du Kosovo avaient assumé
la responsabilité de l'entraide judiciaire in ternationale avec les États ayant reconnu le
75
Kosovo.
2.44. Le mandat de la MINUK est maintenant "d’aider le Conseil de sécurité à
atteindre un objectif général, qui est de crée r les conditions nécessaires pour que tous les
habitants du Kosovo puissent vivre en paix et dans des conditions normales et de
promouvoir la stabilité et la prospérité dans les Balkans occidentaux". 76
2.45. Les principales tâches que la MINUK doit encore accomplir sont décrites dans
le rapport d'avril2009: "observer les faits qu i, sur les plans poli tique, sécuritaire et
communautaire, influent sur les relations interethniques et la stabilité au Kosovo et en faire
rapport; faciliter, lorsque cela est nécessaire et possible, les arrangements concernant la
participation du Kosovo à des accords internationa ux; et faciliter le dialogue entre Pristina
77
et Belgrade au sujet de questions d’intérêt pratique". Le Secrétaire général a aussi indiqué
clairement que la MINUK "ne mènera[it] aucune activité dans les domaines de
l’administration intérimaire du Ko sovo ou de l’état de droit, dans lesquels elle a déjà mis
71Rapport du Secrétaire général sur la Mission d'administration intérimaire des NationsUnies au Kosovo,
S/2009/300, 5 mai 2009.
72Kosovo, par. 2.69-2.74.
73
Bueret de la Mission d'administration intérimaire des NationsUnies au Kosovo pour l'exercice allant du
1 juillet au 30juin2010, Rapport du Secrétaire gé néral, A/63/803, 2avril2009. Sur la base de ce
rapport, l'Assemblée générale a adopté un budget fortement réduit pour la MINUK pour l'exercice
2009/2010 (résolution 63/295, 30 juin 2009).
74Rapport du Secrétaire général sur la Mission d'administration intérimaire des NationsUnies au Kosovo,
S/2009/300, 5 mai 2009, par. 21.
75
Ibid., par. 22.
76
Bueret de la Mission d'administration intérimaire des NationsUnies au Kosovo pour l'exercice allant du
1 juillet au 30juin2010, Rapport du Secrétaire général, A/63/803, 2avril2009, par.2; voir également
Rapport du Secrétaire général sur la Mission d'administration intérimaire des NationsUnies au Kosovo,
S/2009/300, 5 mai 2009, par. 18-20.
77
Bueret de la Mission d'administration intérimaire des NationsUnies au Kosovo pour l'exercice allant du
1 juillet au 30juin2010, Rapport du Secrétaire gé néral, A/63/803, 2 avril 2009, par. 34 (dernière
phrase).
24fin à ses opérations suite à la déclaration d’indépendance du Kosovo en février 2008 et au
78
déploiement d’EULEX en décembre 2008". Le rapport ne mentionne aucune fonction
que le RSSG ou la MINUK aurait à accomplir s'agissant de "faciliter un processus
politique visant à déterminer le statut futu r du Kosovo, en tenant compte des Accords de
79
Rambouillet".
2.46. Dans son dernier rapport, le Secrétaire général se trompe lorsqu'il déclare, sans
plus de précision, que "[l]es autorités du Kosovo ... ont fait une série de déclarations
publiques ... affirmant que la résolution 1244(1999) du Conseil de sécurité n’était plus
80
pertinente et qu’elles n’ étaient pas légalement te nues de s’y conformer". Cette
affirmation, qui dans son contexte semble con cerner sur la période couverte par le dernier
rapport (10mars-31mai2009), ne fait que ré péter ce qui a été dit dans le rapport
81
précédent.
2.47. Lors du débat qui a eu lieu au Conseil de sécurité le 17juin2009, le Ministre
kosovar des affaires étrangères a déclaré clairement et sans équivoque:
"Comme je l’ai dit dans ma déclaration de vant cet organe en mars, pour des raisons
pratiques et pragmatiques, nous avons demand é qu’il soit mis fin à la mission et au
mandat de la MINUK. Dans la mesure où la situation continue d’évoluer de manière
positive au Kosovo et compte tenu du large déploiement d’EULEX, je réitère
aujourd’hui cette demande. Je réitère également l’engagement que nous avons pris
dans notre déclaration d’indépendance et dans notre Constitution de respecter le droit
international, y compris les résolutions cont raignantes de cet organe. Cet engagement
n’a jamais faibli." 82
2.48. Jusqu'à ce que le Conseil de sécurité mette fin à son mandat, la MINUK
demeure au Kosovo conformément à la réso lution 1244 (1999) du Conseil de sécurité, qui
78Ibid., par.12. La dernière fonction de la MINUK en matière d'état de droit est d'assurer la liaison avec
INTERPOL. Cette fonction devrait aussi prendre fin lorsque, comme prévu, EULEX conclura un
mémorandum d'accord avec l'Organisation internatio nale de police criminelle (INTERPOL) lors de
l'Assemblée générale de celle-ci en octobre 2009.
79Résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité, par. 10 e) [Dossier, No. 34].
80
Rapport du Secrétaire général sur la Mission d'administration intérimaire des NationsUnies au Kosovo,
S/2009/300, 5 mai 2009, par. 2.
81
Rapport du Secrétaire général sur la Mission d'administration intérimaire des NationsUnies au Kosovo,
S/2009/149, 17 mars 2009, par. 4.
82Conseil de sécurité, procès-verbal provisoire, soixante-qua trième année, 6144eséance, 17 juin 2009,
S/PV.6144, p. 9.
25est le fondement de sa présence du point de vue des NationsUnies, comme l'a accepté le
Kosovo dans sa déclaration d'indépendance. On rappellera qu'au paragraphe12 de la
déclaration d'indépendance, les représenta nts du peuple du Kosovo ont déclaré qu'ils
"agir[aient] en accord avec les principes du dr oit international et avec les résolutions du
Conseil de sécurité de l’Organisation des NationsUnies, y compris la résolution1244
83
(1999)." La situation demeure inchangée.
IV. Critères définissant la qualité d'État
84
2.49. On peut lire dans un ou deux des exposés écrits que la République du Kosovo
ne satisfait pas aux critères "d e Montevideo" définissant l'État . En particulier, dans son
exposé écrit, la République de Chypre fait valoir longuement que le Kosovo n'était pas, en
avril2009, un État parce qu'il ne satisfaisait pas à au moins un des critères. 85 Plus
précisément, Chypre soutient que le rôle de la communauté internationale au Kosovo est
tel qu'il empêche le Kosovo de satisfaire à la condition d'indépendance dans la conduite de
ses relations internationales. Bien que la Cour ne soit pas saisie de cette question, 86 le
Kosovo tient à ce qu'il soit pris acte qu'en r éalité il satisfait clairement aux critères
définissant la qualité d'État.
2.50. L'article premier de la Convention de Montevideo dispose:
"L'État comme personne de droit internati onal doit réunir les cond itions suivantes:
a) une population permanente; b) un territoire déterminé; c) un gouvernement; et d) la
capacité d'entrer en relations avec les autres États."
83
Kosovo, annexe 1, p. 217.
84Chypre, par.159-192. La Fédération de Russie pose la question de savoir si le Kosovo "satisfait aux
critères nécessaires pour avoir la qualité d'État", sans y répondre. Elle fait observer que "tout au long de
cette période [de juin1999 à février2008], et pendant une bonne partie de l'année2008, le Kosovo est
resté largement dépendant du fonctionnement des présence s internationales" (elle ne cite de chiffres que
pour les forces de sécurité) et elle conclut qu e "dans l'ensemble, la situation n'a guère changé"
(Fédération de Russie, par. 52-53). Ceci n'est tout simplement pas exact.
85Chypre, par.159-192. Chypre a dit en outre que le Kosovo ne satisfait pas à une condition de "licéité",
qui n'est pas remplie notamment lorsque "l'entité a été créée de manière qui viole les obligations
85
juridiques, ou les limitations juridiques placées sur les pouvoirs de ceux qui entendent créer l'État".
sera pas répondu ici à cet argument, qui n'ajoute rien à l'affirmation de Chypre selon laquelle les auteurs
de la déclaration d'indépendance ont agit ultra vires, outrepassant les pouvoirs que leur conférait la
résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité (sur ce point, voir par. 5.61-5.66 ci-après).
86Voir Kosovo, par. 7.11-7.15, et par. 1.18-1.21 ci-dessus.
26 2.51. La réalité est que le Kosovo a un territoire déterminé, 87 a une population
permanente, a un gouvernement pleinement effectif et fonctionnel 89 et conduit
activement en son nom propre des relations in ternationales avec des États du monde entier
90
(de même qu'au sein d'organisations internationales).
2.52. En dépit d'affirmations équivoques au sujet des critères de population et de
territoire,91 Chypre semble uniquement contester que le Kosovo satisfait aux critères
définissant la qualité d'État au motif qu'il n' a pas de gouvernement effectif ni la capacité
92
d'entrer en relation avec les autres États. Chypre affirme, de manière assez vague que,
"les autorités du Kosovo ne semblent pas à même de fonctionner indépendamment comme
93
gouvernement effectif sur le territoire", et qu'"une grande part de la responsabilité de la
94
gouvernance incombe toujours aux 'présences internationales'". Chypre semble fonder
ces affirmations en grande partie sur le s fonctions d'EULEX, telles que définies au
paragraphe3 de l'Action commune du Conseil de l'Union européenne , 95et sur le rôle que
selon lui la MINUK continue de jouer en ce qui c oncerne les relations internationales du
Kosovo. 96
2.53. S'agissant de la présence d'EULEX au Kosovo, comme Chypre lui-même le
note, le mandat d'EULEX consiste à "sui[vre], encadre[r] et conseille[r]" et à "contribue[r]
à" certaines autres tâches étroitement définies. 97Comme expliqué dans la première
contribution écrite du Kosovo 98 et ci-dessus, 99 le rôle d'EULEX est un rôle technique, qui
87Kosovo, par. 2.10-2.14.
88Ibid., par. 2.15-2.16.
89
Ibid., par. 2.48-2.56.
90
Kosovo, par. 2.27-2.47 et par. 2.06-2.19 ci-dessus.
91Chypre, par.172. Les changements démographiques passés, qui sont loin d'être propres au Kosovo, sont
dénués de pertinence. Ce qui compte pour la qualité d'État est la population actuelle.
92Chypre, par. 3 k), 172-183 et 193 g).
93Ibid., par. 173.
94Chypre, par. 175
95
Ibid., par. 174.
96
Ibid., par. 178.
97Par. 2.36-2.41 ci-dessus.
98Kosovo, par. 2.65-2.67.
99
Par. 2.36-2.41 ci-dessus.
27se limite strictement à aider les institutions du Kosovo dans certains domaines bien définis
de l'état de droit. Elle opère conformément à la loi applicable au Kosovo et appuie le
principe de la maîtrise locale.
2.54. Chypre affirme que "c'est la MINUK qui conduit la plus grande partie des
relations internationales du Kosovo, sinon toutes". 100Ceci n'est pas exact et Chypre ne cite
aucun fait pour étayer cette affi rmation. Comme on l'a noté ci-dessus, 101 et comme l'a
expliqué clairement le Secrétaire général, le rôle de la MINUK dans ce domaine est
strictement limité: il consiste uniquement à " faciliter, lorsque cela est nécessaire et
possible, les arrangements concernant la pa rticipation du Kosovo à des accords
internationaux". 102Comme convenu entre le RSSG et le Gouvernement du Kosovo, la
MINUK est prête à faciliter la participation du Kosovo à des initiatives régionales et, plus
largement, à des initiatives internationales à la demande du gouvernement. Cette
facilitation peut à l'occasion êt re utile pour régler les ques tions pratiques avec certains
États qui n'ont pas encore reconnu le Kos ovo. À d'autres égards, comme on l'a déjà
103
exposé, le Kosovo conduit ses relations internationales directement et en toute
indépendance.
104
2.55. Comme expliqué dans la première contribution écrite du Kosovo, la présence
et le rôle de la communauté internationale au Kosovo sont comparables à ce qu'ils sont
dans certains autres États dont on admet pleine ment qu'ils ont acquis la qualité d'État. De
fait, si l'on compare la situation du Kosovo à celle d'autres États qui ont été admis à
l'Organisation des NationsUnies, comme la Bosnie-Herzégovine ou le Timor-Leste, ou
d'États qui par le passé avaient sur leur territoire d'importantes présences internationales
lorsqu'ils ont acquis la qualité d'État (y compris d'anciennes colonies et d'anciens territoires
sous tutelle), il est clair que le rôle actuel que joue la communauté internationale au
Kosovo ne peut en aucune manière être considéré comme exceptionnel, encore moins
100Chypre, par. 178.
101
Par. 2.42-2.48 ci-dessus.
102Budget de la Mission d'administration intérimaire des NationsUnies au Kosovo pour l'exercice allant du
1 juillet au 30juin2010, Rapport du Secrétaire géné ral, A/63/803, 2avril2009, par.34 (les italiques
sont de nous).
103Kosovo, par. 2.27-2.47.
104
Ibid., par. 2.58-2.74.
28comme réduisant la qualité d'État souverain et indépendant du Kosovo. La présence
internationale au Kosovo a été bien accueillie et acceptée par le Kosovo, et en tant que telle
constitue une affirmation de l'indépendance et de la souveraineté du Kosovo.
V. L'attitude de la Serbie à l'égard du Kosovo
2.56. L'attitude rétrograde et hostile des haut s responsables de la République de
Serbie à l'égard du Kosovo perdure, 105tout comme leurs ingérences dans les affaires
intérieures du Kosovo. Ceci nuit gravement aux Serbes du Kosovo, en particulier ceux qui
vivent au nord du pays, que des pressions directes et indirectes de la Serbie ont largement
empêché de bénéficier de l'intégration dans les structures de la République du Kosovo.
Comme le Ministre des affaires étrangères du Kosovo en a info rmé le Conseil de sécurité
le 17 juin 2009:
"Notre gouvernement a continué à chercher des moyens d’améliorer les conditions
dans les zones des communautés minoritaires, en particulier dans les zones à majorité
serbe. Malheureusement, la République de Se rbie a continué à empêcher les citoyens
serbes du Kosovo de coopérer avec les institutions du Kosovo. Belgrade a également
continué à faire obstacle à notre coopéra tion avec les pays voisins et avec la
communauté internationale en bloquant notre participa tion à des organes régionaux
ainsi qu’à des organes internationaux plus larges." 106
2.57. Des responsables serbes, en particulier le Ministre des affaires étrangères,
107
M. Jeremić, affirment que la Serbie ne reconnaîtra "jamais" le Kosovo, apparemment
quel que soit le résultat de la présente procédure devant la Cour et quelle que soit l'attitude
du peuple du Kosovo (y compris les Serb es du Kosovo) en ce qui concerne
105
Comme exemple parmi d'autres, on peut citer le manque de modération dont a fait preuve le Ministre
serbe des affaires étrangères au Conseil de sécurité le 17juin2009: "Nous voici à nouveau réunis [a-t-il
déclaré] pour débattre des conséquences dangereuses de la déclaration unilatérale d’indépendance des
autorités de souche albanaise de la province méridionale serbe du Kosovo-Metohija qui a eu lieu le
17février2008" (Conseil de sécurité, procès-verbal provisoire, soixante-quatrième année, 61séance,
17 juin 2009, S/PV.6144, p. 5).
106 e
Conseil de sécurité, procès-verbal pr ovisoire, soixante-qua trième année, 6144séance, 17 juin 2009,
S/PV.6144, p. 9.
107Voir, parmi les nombreuses déclarations similaires, la déclaration de M. Jeremi ć au Conseil de sécurité le
17juin2009: "La Serbie ne reconnaîtra jamais, sous aucun prétexte, directement ou indirectement, la
déclaration unilatérale d’indépendance par les autorités de souche albanaise de notre province
méridionale." (Ibid., p. 6).
29 108
l'indépendance. Ils se livrent à des provocations, comme l'annonce récente d'"élections
locales" devant être organisées dans les munici palités de Peja et Pristina en août2009. En
adoptant de telles positions, les dirigeants serbes cherchent à lier le peuple de Serbie, et
tous les peuples des Balkans, à un avenir indé fini de discorde et d'instabilité. Le RCI a
récemment déclaré:
"La stabilité du Kosovo continue d'être influencée négativement de l'extérieur. Tout en
courtisant activement Bruxelles pour réaliser ses aspirations européennes, la Serbie
exerce une certaine influence sur la co mmunauté serbe vivant au Kosovo, en
particulier dans le nord. Les progrès dans l'instauration d'une société pluriethnique
dépendent en partie de la volont109e Belg rade de laisser les communautés décider
elles-mêmes de leur avenir." [Traduction du Greffe]
2.58. L'attitude négative de Belgrade est en opposition marquée avec la vision
positive du peuple et des dirigeants du Kosovo:
"Le désir du peuple du Kosovo et de ses dirigeants de progresser et de s'intégrer dans
la communauté euro-atlantique est palpable, et l'esprit de maîtrise locale des affaires
du Kosovo se renforce." 110
10Comme le Secrétaire général l'a dit dans son dernier rapport "ils sont de plus en plus nombreux à
demander des cartes d’identité, des permis de conduire et d’autres pièces officielles du Kosovo et à signer
des contrats avec la Compagnie d’électricité du Koso vo afin de faciliter leur existence quotidienne au
Kosovo" (S/2009/300, par.7). Il déclare en outre: "Un nombre croissant d’agents de police serbes du
Kosovo semblent avoir repris le travail depuis cette annonce. Par ailleurs, au sein de la communauté serbe
du Kosovo, nombreux sont ceux qui semblent vouloir présenter leur candidature aux postes qui
deviendraient vacants après le 30 juin" (Ibid., par. 25). En fait, l'immense majorité des policiers serbes du
Kosovo du nord du pays étaient rentrés pour travailler avec la police du Kosovo au 30 juin 2009.
109
"Consolidating Kosovo’s European Future: Tracing Next Steps", allocution à la London School of
Economics, 13mai2009, p. 6-7 (disponible sur le site web du BCI: http://www.ico-kos.org/d/
LSE_final.pdf).
110Observations du RCI à l'Institut pour la justice et la réconciliation historiques, La Haye, 26 mai 2009, p. 6
(disponible sur le site web du BCI: http://www.ico-kos.org/d/090526 Remarks IHJR(1).pdf).
30 DEUXIÈME PARTIE
L'HISTOIRE ET LE CONTEXTE CHAPITRE III
L'HISTOIRE ET LE CONTEXTE
3.01. Le présent chapitre répond à certains arguments précis avancés par la Serbie
dans son exposé écrit 111en ce qui concerne les faits et le contexte historiques au regard
desquels doit être envisagée la déclaration d'indépendance du Kosovo. La Serbie présente
l'histoire de manière sélective et inexacte su r de nombreux points, majeurs et mineurs. Le
présent chapitre ne répond qu'à certaines de ces inexactitudes, et est axé sur la situation
constitutionnelle du Kosovo en tant qu'unité fédérale de 1974 à 1989, et sur l'abrogation
par la force de ce statut en1989, ainsi que su r la perception déformée qu'a la Serbie des
atrocités et actes d'oppression commis c ontre les Albanais du Kosovo entre 1989 et
112
1999 .
3.02. Le contexte historique général est important pour comprendre la situation
particulière du Kosovo. De plus, certains aspects de l'histoire pourraient être pertinents au
cas où la Cour jugerait nécessaire d'examin er si le peuple du Kosovo avait un droit à
113
l'autodétermination en ve rtu du droit international. Quoi qu'il en soit, les détails de
l'histoire ne sont pas directement pertinents pour répondre à la ques tion dont il saisit la
Cour, et qui est seulement de savoir si la déclaration d'indépendance du 17février2008
114
était contraire à une quelconque règle du droit international.
3.03. Le présent chapitre est divisé en cinq sections. La première répond à certaines
affirmations de la Serbie concernant la période précédant 1945 ( Section I). Les arguments
de la Serbie selon lesquels le Kosovo n'éta it pas une entité fédérale de la RSFY sont
examinés à la Section II, et ses affirmations relatives à l' abrogation de ce statut en1989 à
la Section III. Il est ensuite ré pondu à la relation que fait la Serbie de la période de
111
Parmi les États ayant présenté à la Cour des exposés écrits soutenant que la déclaration d'indépendance du
17 février 2008 est illicite, c'est essentiellement la Serbie qui a formulé des arguments détaillés en ce qui
concerne l'histoire. Voir également Chypre, par. 28-40.
112Le Kosovo expose les faits historiques pertinents aux chapitresIII, IV et V de sa première contribution
écrite. Pour une relation détaillée de l'histoire du Kosovo, voir N. MalcoKosovo: A Short History
(1998).
113Voir par. 4.31-4.52 ci-après.
114
Voir par. 1.18-1.21 ci-dessus.
33persécutions des années80 et 90, période qui a culminé avec les atrocités de 1998-1999
(Section IV). Une section finale traite de la s ituation des Serbes du Kosovo durant la
période allant de juin 1999 à février 2008 (Section V).
I. La période précédant 1945
3.04. La Serbie soutient qu'historiquement les Serbes constituaient la population
e e 115
dominante du Kosovo depuis les XIV et XV siècles. Ceci est inexact.
3.05. La Serbie rend compte de manière trompeuse et inexacte de l'histoire
116 e
démographique du Kosovo. L'affirmation selon laquelle c'est "vers le XVII siècle"
qu'on signale pour la première fois la présence "d'une population albanaise de plus en plus
visible" est fausse: la présence d'une population albanaise sur ce territoire est mentionnée à
de nombreuses reprises dans les chroniques médiévales. La Serbie cite l'estimation
extrêmement inexacte et spéculative d'un so ldat autrichien en1871 parce que celui-ci
affirme qu'il y avait une majorité de Serbes au Kosovo; mais la Serbie ne mentionne pas
une étude autrichienne beaucoup plus détaillée publiée en1899 qui analysait
soigneusement les chiffres du recensement o ttoman et constatait qu'il y avait au Kosovo
72 Musulmans (pour la plupart des Albanais) pour 28 non-Musulmans (pour la plupart des
117
Serbes).
3.06. Au cours de l'histoire, le territoire qui forme maintenant la République du
Kosovo a à certaines époques fait partie d'autres entités, tout particulièrement de l'Empire
ottoman. Au fil du temps, le Kosovo a été o ccupé, annexé et échangé entre diverses
puissances, dont la Serbie. En br ef, la Serbie n'a aucun titre historique particulier sur le
territoire que couvre aujourd'hui la République du Kosovo.
3.07. Quoi qu'il en soit, ces questions d'histoire démographique sont d'une pertinence
limitée s'agissant de la question de la licéité de la déclaration d' indépendance du Kosovo
du 17février2008. Tout au plus, deux faits (don t aucun n'a été sérieusement contesté par
115
Serbie, par. 112.
116Ibid., par. 112-118.
117
Sur toutes les questions démographiques, voir N. Malcolm, Kosovo: A Short History (1998), passim.
34la Serbie) peuvent être considérés comme non dénués de pertinence: le fait qu'une majorité
de la population à l'époque de conquête serbe du Kosovo en1912 était composée
d'Albanais, qui n'avaient aucun désir de passer sous l'autorité de la Serbie; et le fait que le
Kosovo a été ultérieurement tr aité par le Gouvernement de Belgrade comme un territoire
colonial, avec ce qui était officiellement décrit comme un programme de "colonisation".
3.08. La Serbie évoque le "rattachement du Kosovo à la Serbie" en1913 et ajoute
que "les dispositions constitutionnelles et législatives de Serbie ont été appliquées
progressivement au territoire et les garanties de l'autonomie locale n'ont été mises en
place qu'après la première guerre mondiale, c'est-à-dire en1919". 118 Il s'agit là d'une
représentation fallacieuse de la situation factue lle comme de la situation juridique. En fait,
le Kosovo a été envahi et occupé par la Serbie en 1912/1913 avant la création du Royaume
119
des Serbes, des Croates et des Slovènes en 1918.
3.09. L'affirmation selon laquelle les ha bitants du Kosovo en sont venus
progressivement à bénéficier de la protection normale de la loi durant la période séparant la
conquête serbe de 1912 de la perte par la Serbie de son autorité sur le territoire durant la
première guerre mondiale (1915) est fausse. Le territoire était gouverné principalement par
120
des "décrets-lois" du Royaume de Serbie. Durant toute cette période, la population
albanaise du Kosovo a été victime de violatio ns flagrantes des dr oits de l'homme aux
mains des autorités serbes. Un rapport détaillé du Consul d'Autriche datant de janvier 1914
indique qu'aucune des promesses serbes d'ég alité de traitement des Albanais n'a été
tenue. 121
3.10. Le territoire du Kosovo n'a pas été ju ridiquement "rattaché" à la Serbie
en 1913. 122Il n'a commencé à être intégré dans un système constitutionnel juridique que
quelque temps après la formation du Royaume des Serbes, des Croates et des Slovènes
118Serbie, par. 138.
119
Kosovo, par. 3.05-3.06.
120N. Malcolm, Kosovo: A Short History (1998), p. 257.
121
Ibid., p. 258.
122
Selon l'article4 de la Constitution serbe de 1903, le consentement d'une "grande Assemblée nationale"
(une assemblée constituante, convoquée spécialement) était requis pour cela; or aucune assemblée
constituante n'a été convoquée. Voir N. Malcolm,Kosovo: A Short History (1998), p. 264-266.
35(appelé ultérieurement le Royaume de Y ougoslavie), en1918. Quelles que soient les
"garanties de l'autonomie locale" qui furent finalement "mises en place", elles étaient
123
yougoslaves et non serbes.
124
3.11. Ainsi, contrairement à l'impression que donne la Serbie, le Kosovo ne faisait
pas partie de la Serbie lo rsque l'État yougoslave a été constitué. Juridiquement, il a fait
partie d'une entité yougoslave avant de faire partie d'une entité serbe.
3.12. La Serbie cite une déclaration de 1943 à l'appui de certaines propositions
125
juridiques concernant le statut du Kosovo. Cette déclaration n'était toutefois pas
undocument constitutionnel, mais simplement une déclaration politique de la direction
communiste faite à un moment particulier à la fin du mois de novembre1943. Un
mop lus tard, une conférence de représentants du Kosovo (Bujan,
31 décembre 1943-2 janvier 1944) a publié une autre déclaration, aux termes de laquelle:
"la seule manière de parvenir à la liberté est que tous les peuples, y compris les
Albanais, aient la possibilité de décider de leur propre destin, en exerçant leur droit à
l'autodétermination jusqu'à et y compris la sécession". [Traduction du Greffe] 126
3.13. La description que fait la Serbie de la création de l'unité territoriale actuelle
127
du Kosovo par la Présidence de l' Assemblée nationale de Serbie en1945 omet une
information essentielle, à savoi r que la Serbie s'est vue conf érer le pouvoir de décider de
ces questions sur la base de la décision (une décision oste nsiblement démocratique et
128
volontaire) prise par le "Conseil populaire régi onal du Kosovo" de faire partie d'une
"Serbie fédérale". Cette décision était, offici ellement, le fondement constitutionnel de la
participation du Kosovo à la République serbe.
123En fait, dans l'administration locale, les pouvoirs étaient détenus presque exclusivement par des Slaves, et
non par des membres de la population albanaise locale, majoritaire.
124Serbie, par. 138.
125
Ibid., par. 144-146.
126N. Malcolm, Kosovo: A Short History (1998), p. 308.
127
Serbie, par. 147.
128
Voir toutefois Kosovo, par. 3.09-3.10.
36 II. Le Kosovo était une entité fédérale de RSFY
3.14. La situation constitutionnelle du Kos ovo au sein de la RSFY peut être
pertinente pour le débat juridique à au moins deux égards: 1)sur le point de savoir si les
déclarations d'indépendance des républiques de laRSFY(laSloie,laCroatie,la
Bosnie-Herzégovine et la Macédoine) dans le s années90 doivent être considérées comme
similaires par leur nature à la déclaration d'indépendance du Kosovo du 17 février 2008 (de
telle manière que le fait que les premières n' ont pas été considérées comme des violations
du droit international serait pertinent pour répondre à la question de savoir si la déclaration
129
d'indépendance du Kosovo était conforme au droit international); et 2) le point de savoir
130
si le peuple du Kosovo bénéficiait du droit à l'autodétermination.
3.15. La Serbie affirme à plusieurs reprises que le Kosovo n'était pas une entité
fédérale de la Yougoslavie . Le Kosovo a examiné cette question dans sa première
contribution écrite. 131Les observations spécifiques ci-apr ès répondent à l'image déformée
que donne la Serbie de la situation du Kosovo au sein de la Fédération.
3.16. La Serbie déclare que lors de la formation de la Yougoslavie fédérale en 1945,
le Kosovo n'était pas considéré comme une entité constitutive de la Fédération. 132Ceci
n'est pas exact. En fait, lors de la réunion du Conseil antifasciste de libération nationale de
la Yougoslavie (AVNOJ)– l'organe constituant de la Yougoslavie fédérale – tenue en
août1945, le Kosovo était représenté par se s propres délégués indépendamment de la
Serbie. 133
3.17. La Serbie affirme que le Kosovo n'était pas une entité fédérale au regard de la
Constitution de la RSFY de 1974, la Constitution en vigueur avant la dissolution de la
RSFY. Ceci est également in exact. Le Kosovo avait de no mbreux pouvoirs, obligations et
droits, indépendants de la Serb ie, et directement garantis pa r la Constitution de la RSFY
129Voir Kosovo, par. 8.22-8.37.
130
Voir ibid., par. 8.38-8.41 et par. 4.31-4.52 ci-après.
131Kosovo, par. 3.17-3.22.
132Serbie, par. 146.
133
Kosovo, par. 3.11.
37de1974. En fait, la Serbie elle-même ad met que le Kosovo était "dirigé presque
exclusivement par [ses] propres institutions" et que si la Constitution du Kosovo était
contraire à la Constitution de la Serbie, "aucun mécanisme juridique n'avait été prévu pour
faire prévaloir cette dernière".134
3.18. Comme expliqué dans la premiè re contribution écrite du Kosovo, 135 une
explication étayée par des extraits du jugement du TPIY dans l'affaire Milutinović, la
position du Kosovo en vertu de la Constitution de1974 de la RSFY était équivalente à
celle des Républiques. En tant qu'entité, le Ko sovo était représenté directement (non par la
Serbie) au Parlement, dans l' exécutif et dans l'appareil judi ciaire fédéraux. En vertu de
pouvoirs que lui conférait la Constitution fédé rale, il a promulgué sa propre constitution
directement, et ne l'a pas reçue de la Républ ique de Serbie, et il avait sa propre Cour
constitutionnelle. Le Kosovo avait son pr opre Parlement, son pouvoir exécutif et son
appareil judiciaire, dotés de compétences équiva lentes à presque tous égards à celles des
républiques. Il avait le droit, qu'il exerçait, de négocier et de conclure des accords avec des
États étrangers. À ce titre, il est légitime de considérer que le Kosovo était une entité
fédérale de la RSFY.
3.19. Nier qu'il était une entité fédérale va à l'encontre du sens simple et
universellement accepté de cette expression, co mme elle serait appliqué dans n'importe
quel système fédéral. Un système fédéral es t un système dans lequel la constitution
distingue deux niveaux de gouvernement: au niveau supérieur, l'autorité est exercée par un
gouvernement fédéral sur la totalité de l'État; au niveau inférieur, l'autorité est exercée par
un gouvernement d'entités territoriales, et ces entités territoriales sont elles-mêmes
représentées au niveau fédéral, supérieur. Le Kosovo était bien une telle entité territoriale,
exerçant un pouvoir de gouvernement sur son propre territoire et étant représenté
directement au niveau fédéral.
3.20. La Serbie affirme dans son exposé écr it que le Kosovo ét ait défini comme
faisant partie de la Serbie dans le cadre de la Constitution de la R SFY de1974. Or si l'on
comprend bien les termes utilisés, il appara ît que le Kosovo n'était pas simplement une
134
Serbie, par. 190.
135Kosovo, par. 3.17-3.22.
38région géographique à l'intérieur du territoire serbe, et que la Constitution définissait en
fait la relation constitutionnelle et structurelle entre le Kosovo et la Serbie. 136 Quoi qu'il en
soit, comme expliqué en détail dans la première contribution écrite du Kosovo, 137 le
Kosovo avait un double statut au regard de la Constitution de la RSFY – il était à la fois
une entité fédérale de la RSFY et une partie de la Serbie.
3.21. Toutefois, dire qu'il était l'une et l'au tre n'implique pas ou ne devrait pas
impliquer quelque chose qui ressemble à une égalité entre elles du point de vue de
l'importance, pour deux raisons fondamentales. Premièrement, le Kosovo ne faisait partie
de la Serbie qu'à la condition que la Serbie reste au sein de la RSFY. La relation du
Kosovo avec la Serbie était définie par la Constitution fédérale et existait en vertu de celle-
ci. Deuxièmement, dans la Constitution de 1974, le statut du Kosovo en tant qu'entité
constitutive de la Serbie était presque sym bolique, n'y étant mentionné que dans quelques
articles de caractère théorique ou général; alors que le statut du Kosovo en tant qu'entité du
système fédéral était établi par de nombreux ar ticles de fond qui défi nissaient ses droits,
ses pouvoirs et ses obligations, tant sur son propre territoire qu'au niveau fédéral.
3.22. La Serbie affirme que ce que les constitutions yougoslaves appellent
"nationalités" (" narodnosti") peut être raisonnablemen t traduit par "minorités
nationales". 138 Cette traduction serbe est gravement trompeuse, car le terme "nationalités"
("narodnosti") était en fait utilisé d'une manière très différente dans la terminologie
juridique yougoslave – dans un sens qu'il av ait aucune relation avec le fait que la
population en question était une minorité ou une majorité sur un territo ire particulier. La
théorie yougoslave, particulière (directement inspirée de la théorie et de la terminologie
soviétiques), était qu'une population au se in de la Yougoslavie était appelée une
"nationalité", non une "nation", s'il existait une population plus importante de même ethnie
136L'expression "u njenom sastavu" est traduite par la Serbie par "[qui en font] partie". Or au paragraphe 159
de l'exposé écrit de la Serbie, l'expression " u sastavu republike" est traduite par "dans une république".
Ceci montre combien il est difficile de traduire le terme abstraitsastav", qui signifie "composition",
"structure" ou "construction". "[qui entrent] dans sa composition" ou "... dans sa structure" et "dans la
composition d'une république" ou "dans la structure d'une république" seraient de meilleures traductions.
Ces expressions impliquent que la relation de la Serbie avec les provinces autonomes était une relation
structurelle; dans la mesure où ces provinces faisaient "partie" de la Serbie, elles en faisaient partie en
vertu de leur relation constitutionnelle avec elle,non en tant que simples régions géographiques du
territoire serbe.
137Kosovo, par. 3.17-3.21.
138
Serbie, par. 157.
39ou de même langue dans un autre État. Ai nsi, les Albanais du Kosovo étaient une
"nationalité" à cause de l'existence de la popul ation albanaise de l'Albanie elle-même, quel
que fut leur nombre au Kosovo, et quelles que fussent les tailles relatives, au sein de l'État
yougoslave, de la population albanaise et des populat ions des "nations". En fait, au sein de
la RSFY, les Albanais du Kosovo étaient, en nombre, le troisième groupe national,
comparable par la taille aux Musulmans bosniaques et aux Slovènes, et plus nombreux que
les Macédoniens et les Monténégrins.
3.23. En bref, le terme "nationalité" (" narodnost") ne peut être légitimement traduit
par "minorité nationale". Le statut de "nati onalité" était assigné a ux Albanais du Kosovo
pour des raisons extérieures, non par l'applicat ion de critères cohérents et raisonnables
quant à ce qui pouvait constituer une "minorité" au sens numérique. Dans la mesure où ce
statut devait être associé à des droits politi ques ou constitutionnels réduits, son attribution
aux Albanais du Kosovo était discriminatoire.
3.24. La Serbie fait valoir qu'"[e]n dépit de leur participation aux organes fédéraux et
de leur rôle dans la Fédération yougoslave , les provinces autonomes n'étaient pas des
139
entités fédérales". Cette affirmation illustre de manière frappante combien la position
serbe est indéfendable, puisqu' il doit être évident que, en tant qu'entité qui participait
directement aux organes fédéraux et jouait un rôle équivalant à celle des autres entités de la
Fédération yougoslave, le Kosovo était une en tité fédérale. La seule raison donnée par la
Serbie à l'appui de son affirma tion selon laquelle le Kosovo n' était pas une entité fédérale
est qu'il y avait des différences terminologiques entre les deux articles de caractère général
140
qui définissaient les république s et les provinces autonomes. La Serbie met l'accent sur
le fait qu'une république était définie comme "reposant sur la souveraineté du peuple".
L'expression traduite par "la souveraineté du peuple" est " suverenosti naroda"; en fait,
"narod" tel qu'employé ici ne signifie pas "peuple" mais "nation", dans le sens particulier
où la théorie yougoslave distingue une "nation" d'une "nationalité". Toutefois, si cette
définition fait reposer une république sur la "souveraineté" d'une "nation", la définition
d'une province autonome attribue ég alement des "droits souverains" (" suverena prava")
139Serbie, par. 178.
140Articles 3 et 4 de la Constitution de 1974, préss pour la première fois en tant qu'amendementXX,
par. 3 et 4, en 1971 (voir Serbie, par. 167).
40aux "nations" comme aux "nationalités", et stip ule qu'elles réalisent ou exercent ces droits
souverains dans la province autonome.
3.25. Ces tensions ou contradictions que l'on re lève dans ces affirmations générales
montrent que ces mêmes affirmations avaient un caractère et un ob jet qui étaient, en
grande partie, rhétoriques. Il faut, pour bien comprendre la situation constitutionnelle du
Kosovo dans le cadre de la Constitution de 1974, étudier tous les droits et compétences
spécifiques qui lui sont attribués dans cette constitution, et non s'arrêter à ces expressions
générales.
3.26. La Serbie invoque une décision du 19 févr ier 1991 de la Cour constitutionnelle
de la RSFY pour prouver que le Kosovo n'ét ait pas une entité fédérale. Comme expliqué
dans la première contribution écrite du Koso vo, ceci est inexact en fait et en droit.
Lorsqu'on lit cette décision de la Cour cons titutionnelle, il est nécessaire de comprendre
qu'en1991 la Cour était un organe politique de l'État (et se considérait comme tel). En
décembre 1990, le Parti socialiste de Serbie, dirigé par Slobodan Milošević, avait remporté
une victoire écrasante a ux élections. Pendant plus de deux ans, Miloševi ć avait fait
campagne sur la question du Kosovo, réveillant un ferment d'hostilité qui existait dans les
milieux intellectuels et politiques serbes à l' égard des droits dont jouissait le Kosovo en
vertu de la Constitution de 1974. Ainsi, lorsque la Cour constitutionnelle de la RSFY a été
priée de se prononcer sur la proclamation faite par d'anciens membres de l'Assemblée du
Kosovo en septembre1990 qui déclarait que le Kosovo était une "république", il n'est pas
surprenant que les juges aient adopté une approche essentiellement politique, estimant que
leur rôle était d'appuyer les objectifs de la politique de l'État. Il convient aussi de noter que
des pressions politiques encore plus ouvertes ont été exercées contre les membres de la
Présidence de la RSFY en 1990-1991. De ce fait, les déclarations de la Présidence de la
RSFY invoquées par la Serbie doivent de même être considérées avec beaucoup de
prudence. 141
3.27. La Serbie affirme, sur le fondement de la décision de la Cour constitutionnelle
de la RSFY, qu'au regard de la Constitution de la RSFY, le droit à l'autodétermination
141On trouve dans L. Silber et A. Little, The Death of Yugoslavia (1995), une relation claire de la main mise
serbe sur la RSFY, en particulier sur la Présidence , et des pressions extrêmes exercées sur ses membres
non serbes.
41appartenait exclusivement aux nations de Yougoslavie et n on aux nationalités. 142 Cette
question a été traitée brièvement dans la première contribution écrite du Kosovo, où il était
indiqué que la Constitution de la RSFY n'accorde expressément de droit de sécession ni
143
aux républiques ni aux provinces. S'il n'y avait pas de droit de sécession prévu dans la
Constitution de la RSFY, alors aucune des répu bliques (comme la Slovénie, la Croatie, la
Macédoine ou la Bosnie-Herzégovine) n'avait en droit interne le droit de se déclarer
indépendante avant la dissolution de la RSFY, et pourtant la communauté internationale n'a
pas considéré les déclarations d'indépendan ce des républiques comme internationalement
illicites. De même, même si la déclaration d'indépendance du Kosovo était incompatible
avec le droit serbe ou le droit de la RFY, cela ne la rendrait pas internationalement illicite.
Par contre, si un droit de sécession existait dans la Constitution de la RSFY, il était
commun aux nations et nationalités égalemen t souveraines de la RSFY, y compris le
Kosovo. On ne peut donc pas dire que l'exercice par le Kosovo de ce droit au moyen d'une
déclaration d'indépendance est il licite en droit interne ou en droit international. De plus,
l'existence d'un tel droit dans la Constitution de la RSFY est pertinente s'agissant de savoir
si le peuple du Kosovo jouit d'un droit à l'autodé termination protégé au plan international.
Rien dans la Constitution de la RSFY de 1974 ne dit qu'il en soit autrement.
3.28. En résumé, le Kosovo était une entité fédé rale de la RSFY et à ce titre, comme
les républiques, avait le droi t de déterminer son propre av enir lorsque la RSFY s'est
dissoute.
III. L'abolition illégale de l'autonomie du Kosovo en 1989
3.29. Les protections fédérales garantissant au Kosovo le statut de province
autonome en vertu de la Constitution de la RSFY ont été illégaleme nt supprimées par la
144
Serbie en 1989. Cette suppression par la force de l' autonomie du Kosovo était en fait un
déni par la Serbie du droit du Kosovo de participer aux institu tions de la RFY.
L'affirmation remarquable de la Serbie selon laquelle les modifications privant le Kosovo
de ses droits fédéraux et de son autonomie ont été "dûment adoptées avec le consentement
142
Serbie, par. 195.
143Kosovo, par. 3.19, en particulier note 141.
144Kosovo, par. 3.23-3.28.
42des assemblées et des provinces aut onomes du Kosovo et de Voïvodine" 145 est un nouvel
exemple de l'incapacité de la Serbie, même au jourd'hui, d'accepter les illégalités flagrantes
commises par le régime Milošević.
3.30. Les amendements de 1989 ont été impos és de manière inconstitutionnelle,
comme l'explique le TPIY dans son jugement Milutinović. 146 Loin d'être dûment adoptées
avec le consentement de l'Assemblée du Kosovo, ces mesures ont été imposées par la force
en violation des procédures en vigueur et au moyen d'actes d'intimidation intense,
notamment en stationnant des ta nks à l'extérieur du bâtiment de l'Assemblée. PaulinKola,
de la BBC, a résumé comme suit la situation:
"premièrement ... l'état d'urgence avait été déclaré et, en conséquence, la situation
n'était pas propice au libre exercice des fonctions des membres de l'Assemblée;
deuxièmement, de nombreux membres avaient été menacés de conséquences graves
s'ils ne votaient pas en faveur des modifications; troisièmement, il n'y avait pas de
quorum à l'Assemblée, en encore moins la majorité des deux tiers requise pour
adopter des lois constitutionnelles; quatr ièmement, les votes n'ont jamais été
comptés; et, cinquièmement, les représentants de Belgrade et même des agents des
services secrets avaient également participé au vote". [Traduction du Greffe] 147
Les amendements "adoptés" en cette occasion, et les mesures prises ultérieurement sur la
base de ces amendements, ne peuvent être décrits comme juridiquement valides.
3.31. La Serbie invoque la décision de la C our constitutionnelle de la RSFY en date
du 18janvier1990 pour affirmer que les pr incipaux amendements étaient légitimes.
Toutefois, cette décision n'est tout simplement pas pertinente. La Cour constitutionnelle n'a
pas examiné les circonstances dans lesque lles les amendements ont été imposés à
l'Assemblée du Kosovo, se contentant de supposer qu'ils avaient été validement adoptés.
3.32. En fait, en 1990, la Cour constitutionnelle du Kosovo a examiné la question de
la constitutionnalité des ame ndements de 1989 et a conclu qu'il y avait effectivement eu
des irrégularités procédural es lors du vote à l'Assemblée du Kosovo le 27mars1989.
145
Serbie, par. 189.
146Le Procureur c. Milan Milutinovi ć, Nikola Šainovi ć, Dragoljub Ojdani ć, Nebojša Pavkovi ć,
Vladimir Lazarević, Sreten Luki ć (IT-05-87-T), Jugement, 26février2009, par.217-221 (disponible sur
le site web du TPIY: http://www.icty.org/case/milutinovic/4#tjug), cité dans Kosovo, par. 3.27.
147
P. Kola, In Search of Greater Albania (2003), p. 180-181.
43Avant que la Cour constitutionnelle du Kosovo pui sse rendre son jugement final, la Serbie
l'a dissoute, par ce qui constituait un nouvel acte de répression contre le Kosovo.
3.33. En résumé, en 1989, le Kosovo, entité fédérale de la RSFY jouissant de tous les
pouvoirs et droits associés à ce statut, s'est vu privé par la force et illégalement de ses
droits par la Serbie en violation de la Constitution de la RSFY. Ce sont ces événements qui
148
ont déclenché l'effondrement et finalement la dissolution de la RSFY.
IV. La période allant de 1989 à 1999
3.34. Tout au long de son exposé écrit, la Serbie minimise les atrocités et
l'oppression dont a été victime le peuple du Kosovo.
Violations systématiques des droits constitutionnels
3.35. La Serbie souligne les droits dont le peuple du Kosovo aurait joui dans le
149
cadre de la Constitution serbe de 1990. En fait, les garanties prévues sur le papier dans
cette Constitution ont été en pratique systém atiquement violées durant les années qui ont
suivi:
– La "liberté d'utiliser sa langue et son alphabet" a été systématiquement violée. Comme
le Rapporteur de l'ONU, Tadeusz Mazowi ecki, l'a indiqué dans son rapport du
17 novembre 1993:
"En 1984, les cartes d'identité, ce rtificats de naissance et de mariage et autres
documents étaient délivrés dans trois langues, l' albanais, le serbo-croate et le turc; en
1990, en albanais et en serbo-croate, et en 1993, uniquement en serbo-croate. Au
tribunal de district de Pr izren, les procédures se déroulent exclusivement en serbo-
croate, bien que 95% de ceux qui sont jugés soient albanais. La modification des noms
des rues au Kosovo vise à donner un caractère serbe à des lieux où la majorité de la
population est albanaise. À Prizren, depuis1991, 90% de toponymes ont été
modifiés." [Traduction du Greffe] 150
148
Voir, sur ce point, L. Silber and A. Little, The Death of Yugoslavia (1995).
149Serbie, par. 207.
150Cité dans J. Hubrecht, Kosovo: établir les faits (2001), p. 27-28.
44 Des agents sanitaires albanais du Ko sovo furent également licenciés pour avoir
communiqué avec d'autres Albanais du Kosovo en langue albanaise.
– Le droit "de préserver, promouvoir et e xprimer leurs particularités ethniques,
culturelles, linguistiques et autres" a aussi été systématiquement violé. Les institutions
culturelles albanaises les plus importantes du Kosovo, comme l'Académie des sciences
et des arts et l'Institut d'al banologie de Pristina, furent supprimées, et à Prizren le
Musée de la Ligue de Prizren, l'un des sites culturels les plus importants pour l'histoire
albanaise dans la région, a été fermé. 151
– Le droit "d'avoir des organes d'informa tion dans sa propre langue" a aussi été
systématiquement violé. En juillet1990, le personnel albanais du Kosovo de la
radiotélévision d'État du Kosovo fut licenci é (1 300 journalistes et techniciens ont
perdu leur emploi) et les programmes en langue albanaise ont été supprimés. En
152
août 1990, le seul quotidien en langue albanaise, Rilindja, a aussi été fermé.
3.36. La Serbie énumère dans une note de bas de page 153"différentes mesures" qui
ont été adoptées entre 1989 et 1990 pour emp êcher l'exode des Serbes du Kosovo et le
retour de ceux qui étaient partis. Mais elle ne donnait aucune information quand au
contenu de ces mesures, ni quant à leurs effe ts en pratique. De même, seul le titre du
"Programme de réalisation de la paix, de la liberté, de l'égalité, de la démocratie et de la
prospérité de la Province socialiste autonome du Kosovo" est donné au paragraphe 231. En
fait, ces mesures étaient ouvertement discrimina toires, visant à favoriser les Serbes du
Kosovo et les futurs migrants serbes au Kosovo en détournant des ressources à leur profit.
3.37. Ainsi, par exemple, le "Program me yougoslave" de janvier1990 annulait
respectivement des ventes juridiquement valides de biens immobiliers par des Serbes à des
Albanais; décrétait que les f onds prévus pour le développem ent du Kosovo devaient être
concentrés sur des projets exécutés dans des régions à majorité serbe; disposait que tous les
projets d'investissement sur une grande éch elle exécutés au Kos ovo devaient prévoir
l'obligation de construire des appartements pour les travailleurs serb es et monténégrins;
préconisait des mesures visant à encourager les Albanais du Kosovo à déménager dans
151
N. Malcolm, Kosovo: A Short History (1998), p. 346 et 352.
152J. Hubrecht, Kosovo: établir les faits (2001), p. 27.
153Serbie, par. 230.
45d'autres régions de la Yougoslavie; offra it des crédits spéciaux aux non-Albanais pour
qu'ils s'installent au Kosovo; et annonçait que dans les centres urbains du Kosovo, les
Serbes et les Monténégrins auraient la priorité dans l'allocation des permis de construire de
même que pour l'achat et la vente de fonds de commerce, ou l'attribution de permis de
travail ou de crédits bancaires. 154
3.38. Le "Programme de réalisation de la paix, de la liberté, de l'égalité, de la
démocratie et de la prospéri té de la Province socialiste autonome du Kosovo" contenait
surtout des mesures discriminatoires en fa veur des habitants et des colons serbes,
annonçant, par exemple, que de nouvelles usines se raient construites dans 30villages à
majorité serbe. Il contenait aussi une dispos ition selon laquelle "[t]ous ceux qui ont pris
part à des manifestations de pr otestation seront licenciés de tous les postes de direction
155
dans les entreprises et les institutions".
3.39. En tout, 32lois et plus de 470décr ets spéciaux discriminatoires ont été
156
promulgués de 1990 à 1992.
3.40. Durant la période d'oppression serbe de s années90, les Albanais du Kosovo
tentèrent de se doter de nombre des institutions (par exemple des écoles) que leur déniait la
loi. Dire que la Serbie "tolérait" divers as pects de cette situation ne doit pas être entendu
comme impliquant que la politique serbe était motivée ou caractérisée par un esprit de
"tolérance". Les autorités serbes avaient calculé le niveau de "friction polit ique" qui leur
convenait. Cette "friction" comprenait des ac tions de répression contre des milliers
d'Albanais. En1999, le Conseil pour la défens e des droits de l'homme et des libertés a
calculé qu'entre mars1989 et décembre1997, pl us de 10000Albanais du Kosovo avaient
été victimes de violences physiques aux main s des autorités, notam ment des passages à
tabac et des actes de torture. 157
154
A. Gashi, (dir. publ.), The Denial of Human and National Rights of Albanians in Kosova (1992),
p. 130-134.
155J. Hubrecht, Kosovo: établir les faits (2001), p. 19-20.
156H. Clark, Civil Resistance in Kosovo (2000), p. 71-72.
157
J. Hubrecht, Kosovo: établir les faits (2001), p. 26.
46Éducation
3.41. L'affirmation de la Serbie selon laquelle les autorités serbes "tolér[aient] la
plupart des structures parallèles" 158 appelle de très nombreuses réserves. Amnesty
International a rapporté en 1998 que "les autorités serbes on t systématiquement harcelé
ceux qui participaient au système éducat if, notamment des membres du syndicat des
enseignants, des enseignants, des assistants d'université, des particuliers qui avaient mis
leurs domiciles à disposition pour l'enseignement et même des élèves eux-mêmes. Les
écoles ont fait l'objet d'incursions violentes et de descentes de police, des enseignants ont
été arrêtés ou frappés et des classe s interrompues à maintes reprises" [ Traduction du
Greffe].159
3.42. L'exposé que fait la Serbie de la sit uation de l'éducation commence avec le
"boycottage" qui a suivi l'introduction de nouveaux programmes en août1990. 160Cette
approche donne une impression erronée de la situation, car elle ne mentionne pas les
événements de l'année précédente. En août 1990, l'Assemblée serbe a abrogé l'ensemble de
la législation sur l'éducation qu'avait a doptée l'Assemblée du Kosovo pour imposer un
programme uniforme pour l'ensemble de la Serbie, moyennant quelques concessions
symboliques aux Albanais, et cette mesure était au cŒur du programme politique serbe
relatif au Kosovo (un programme qui a au ssi amené la fermeture du Ministère de
l'éducation du Kosovo et de l'Institut pédagogi que en juillet1990). Le "boycottage" de ce
nouveau programme était simplement une réactio n à la suppression pur e et simple d'un
système d'enseignement qui était en place depuis des années au Kosovo. L'idée que des
propositions présentées par des enseignants albanais du Kosovo auraient été acceptées par
Belgrade n'est tout simplement pas réaliste.
3.43. L'affirmation selon laquelle "les éducateurs albanais du Kosovo ont choisi de
161
démissionner et de créer un système éducat if parallèle" ne décrit pas non plus
correctement la nature de ces développements. Les enseignants albanais du Kosovo
auraient préféré rester à leurs postes et, si possible, demeurer physiquement dans leurs
158Serbie, par. 265.
159
Amnesty International, Kosovo: The Evidence (1998), p. 66.
160Serbie, par. 267.
161
Serbie, par. 267.
47écoles, à enseigner ce qui était auparavant le programme officie llement approuvé. Or,
durant l'année scolaire 1990-1991, dans de nom breuses villes du Kosovo les écoles furent
fermées, parfois par la force, par les autorités: à Podujevë/Podujevo, par exemple, la police
utilisa des gaz lacrymogènes pour fermer de ux collèges où 4300enfants albanais étaient
162
enseignés par 264enseignants. Puis, entre janvier et mai1991, les autorités serbes ont
cessé de payer les enseignants albanais du Kosovo.
3.44. L'affirmation de la Serbie selon laquelle "l'enseignement primaire et la plus
grande partie de l'enseignement secondaire dispensés aux écoliers albanais du Kosovo ont
été largement financés par les autorités publiques" 163est extrêmement trompeuse. En
mai1991, les autorités serves ont annoncé un plan prévoyant la suppression de la moitié
des écoles secondaires du Kosovo (plus préc isément, dans les zones où les Albanais
constituaient une large majorité). Seuls 29% de s enfants albanais quittant l'école primaire
seraient autorisés à s'inscrire dans une école s econdaire, mais le plan précisait aussi que le
nombre de places réservées aux enfants serbes serait supérieur au nombre total d'enfants
serbes sortant de l'enseignement primaire . Il fut aussi annoncé que l'année suivante,
l'Université de Pristina admettrait 1500étudian ts albanais et 1500étudiants serbes, alors
même que la proportion entre ces groupes ethni ques dans la population des élèves sortant
du secondaire était d'environ 9:1, et alors qu'aupa ravant les étudiants albanais étaient plus
164
de 7000 à s'inscrire chaque année à l'université. D'une manière générale, les écoles
demeuraient ouvertes et opérati onnelles lorsqu'elles étaient fréquentées par des enfants
serbes. Fréquemment, les écoles secondaires au service des communautés albanaises
étaient fermées par les autorités. Au début de l'année scolaire 1991-1992, les autorités
serbes ont interdit à tous les enfants albanais du Kosovo de fréquenter les écoles publiques,
primaires et secondaires. Au deuxième trim estre de la même année, parce que la
Constitution yougoslave prévoit que l'enseigneme nt élémentaire est obligatoire, environ
90% des écoles primaires furent rouvertes aux Albanais du Kosovo. Toutefois, la
ségrégation ethnique fut strictement maintenue, et les classes des Albanais du Kosovo n'ont
pas reçu de fonds publics pour l'enseignement, les livres, le matériel ni même le chauffage.
Là où les enfants albanais du Kosovo étaient dans des classes séparées (par opposition aux
162
Amnesty International, Kosovo: The Evidence (1998), p. 164.
163Serbie, par. 268.
164Amnesty International, Kosovo: The Evidence (1998), p. 124-125 et p. 172; H. Clark, Civil Resistance in
Kosovo (2000), p. 96.
48mêmes classes à des heures différentes), tout le matériel, y compris, dans un cas, les vitres
des fenêtres, étaient retirés de ces classes.165
Santé publique
3.45. La Serbie parle d'une situation "stable" dans le domaine de la santé publique,
dans laquelle "la communauté des Albanais du Kosovo a continué d'utiliser le système de
santé publique de l'État pendant toute la péri ode en question", affirmant qu'"il n'y a[vait]
166
pas eu de démissions en masse des prestata ires de soins de santé albanais du Kosovo".
À l'appui de cette affirmation, la Serbie renvoie aux pages25-26 d'un rapport publié par
l'International Crisis Group en1998. La Serb ie déforme gravement le contenu de ce
rapport, qui indique en fait (p. 25) qu'"en juillet et août 1990, les soins de santé au Kosovo
ont été assujettis à 'l'administration d'urgen ce' serbe, ce qui a rapidement entraîné des
licenciements sur une grande échelle. Au total, 1 855 prestataires de soins kosovars ont été
licenciés, dont 403 étaient des médecins". Ce rapport poursuit: "Le boycottage du système
de santé serbe est presque aussi complet que celui du système d'éducation" et il note
qu'"entre 1990 et 1993, les Kosovars se sont efforcés de ne pas consulter les médecins
serbes, et les médecins kosovars ont dans l'ensemble refusé de travailler au sein du système
serbe qui exigeait d'eux qu'ils écrivent leurs ordonnances en cyrillique". La seule exception
que ce rapport relève est que les Albanais du Kosovo étaient prêts à utiliser le système
167
serbe pour consulter des spécialistes.
3.46. L'affirmation selon laquelle il n'y a pas eu de "démissions en masse des
prestataires des soins de sant é albanais du Kosovo" s'explique par le fait qu'il y a eu des
licenciements en masse des intéressés. Un autre analyste de la question a pu écrire:
"À partir d'août1990, près de la mo itié du personnel médical du Kosovo a été
licencié, à commencer par la clinique gyn écologique de la Faculté de médecine.
Comme ailleurs, tout signe de déloyauté pouvait motiver le licenciement, y compris
le fait de soigner des mani festants, d'offrir une aide humanitaire à des grévistes ou
des travailleurs licenciés, ou d'écrire en al banais ... À la Faculté de médecine, la
police expulsa par la force des professe urs de médecine de leurs bureaux. Des
165
H. Clark, Civil Resistance in Kosovo (2000), p. 97; N Malcolm,Kosovo: A Short History (1998), p. 349.
166Serbie, par. 269.
167International Crisis Group, Kosovo Spring (1998), p. 25 (disponible à l'adresse:
http://www.crisisgroup.org/library/ documents/report_archive).
49 cliniques furent fermées – 38 à Pristina seulement et beaucoup d'autres dans les villes
168
et les villages". [Traduction du Greffe]
Emploi
3.47. L'évocation par la Serbie d'"entrepris es publiques dans lesquelles [les
Albanais du Kosovo] ont continué de travailler pendant toute la période examinée dans la
169
présente section" est trompeuse . Ceux qui ont continué de travailler constituaient une
minorité des effectifs antérieurs, dans certain s cas une toute petite minorité. Pour donner
l'exemple des trois principaux secteurs indus triels, où toutes les entreprises étaient
publiques, 94% de tous les mineurs albanais, 90 % des travailleurs albanais de l'industrie
chimique et près de 60% des travailleurs al banais de l'industrie métallurgique ont été
licenciés.170
Départ des Serbes du Kosovo
3.48. La Serbie fait grand cas du départ de milliers de Serbes du Kosovo depuis les
années60, affirmant que ce départ était dû aux mauvais traitements infligés par les
Albanais du Kosovo. En fait, ce mouvement était dû en grande partie à des raisons
économiques. Par exemple, la Serbie évoque le départ de 50000Serbes du Kosovo dans
les années70. Mais en réalité, durant cette période, il y eut d'importa ntes migrations de
toutes les régions sous-développées de la Y ougoslavie vers les régions développées ou en
développement. En raison de l'expansion de Belg rade et de l'industrialisation de la Serbie,
la Serbie attira un nombre net d'immigrants, venant de toutes les parties de la Yougoslavie,
plus élevé que toute autre région. En1981, il y avait en Serbie 112000personnes venues
171
de Bosnie-Herzégovine, 111000 de Croatie et 50000 de Macédoine. Dans l'ensemble,
le départ de Serbes du Kos ovo était un aspect normal de ce tte tendance. À l'issue d'une
enquête sur l'ensemble de la question de l'"exode" serbe du Kosovo, l'Initiative
démocratique yougoslave a conclu en 1990: "les changements démographiques [intervenus
168H. Clark, Civil Resistance in Kosovo (2000), p. 106.
169
Serbie, par. 266.
170H. Clark, Civil Resistance in Kosovo (2000), p. 76.
171
N. Malcolm, Kosovo: A Short History (1998), p.330.
50au Kosovo] n'ont pas été le résultat d'une émigration inhabituellement importante de
172
Serbes mais d'une émigration étonnamment réduite des Albanais".
3.49. Il est exact qu'"on a conti nué de signaler des cas d'émigration de Serbes et de
173
Monténégrins jusqu'à la fin de années 80", là encore pour des raisons économiques. Des
rapports officiels sur les raisons pour lesquelles 14 921 Serbes ont émigré du Kosovo entre
1983 et 1987 établissent que dans 95% des ca s, les émigrants évoquaient des raisons
économiques ou familiales. Dans seulement 11cas (0,1%) des pressions exercées par les
174
Albanais étaient citées comme la principale cause d'émigration.
3.50. Il est remarquable que lo rsqu'elle accuse les Alba nais du Kosovo d'atrocités
contre les Serbes, la Serbie s'appuie entièr ement sur des déclarat ions très générales. 175
Aucune preuve précise de mauvais traitements, ni aucune analyse détaillée d'ensemble de
preuves (comme celles menées par l'Initi ative démocratique yougoslave) ne sont
présentées.
Les atrocités serbes de 1998/1999
3.51. L'affirmation de la Serbie selon laquelle les hostilités "ont causé la mort de
plus de 600civils dans les Balkans" réussit à donner l'impression d'une symétrie. Elle est
toutefois adaptée du texte du rapport du Secrétaire géné ral du 4septembre1998, selon
lequel: "On estime que de 600 à 700 civils ont été tués dans les combats au Kosovo depuis
mars". 176 La grande majorité était des Albanais du Kosovo.
3.52. La Serbie déclare que les actions de l'ALK en juillet1998 "ont entraîné une
violente réaction de la part des forces gouvernementales". 177La "violente réaction" de la
Serbie a en fait consis té à tuer des Albanais du Kosovo, à détruire leurs foyers sur une
172S. Popović, “A Pattern of Domination”, Balkan War Report, 1993, p. 6-7.
173
Serbie, par. 224.
174N. Malcolm, Kosovo: A Short History (1998), p. 331.
175Serbie, par. 221-226.
176
Dossier, No 18.
177Serbie, par. 319.
51grande échelle, le plus souvent en les incendiant, et à chasser en masse les civils albanais
178
du Kosovo des régions où ils vivaient.
3.53. De même, l'affirmation selon laquelle les combats ont "provoqué dans les deux
camps" une augmentation du nombre de réfugiés ou de personnes déplacées, et "le nombre
total de réfugiés et de personnes déplacées s'établissait à '280 000 personnes environ, dont
200 000 personnes déplacées à l'intérieur du Kosovo et 80 000 en Serbie centrale ou dans
les pays voisins" 179 est potentiellement fallacieuse. En soulignant que "les deux camps" ont
été affectés, et en mentionnant la "Serbie cen trale" (la destination préférée de réfugiés
serbes et de certains Roms), la Serbie occulte le fait que la grande majorité des personnes
déplacées et des réfugiés étaient des Alba nais. Ces chiffres sont tirés du rapport du
Secrétaire général en date du 3octobre1998, qui ne faisait lui-même que résumer un
180
rapport du HCR. Dans son rapport, daté du 8septembre1998, le HCR estimait que
20000réfugiés se trouvaient en Serbie, 39 628 au Monténégro, 14000 en Albanie, 5200
en Bosnie, 2000 en Turquie et 1000 en Ma cédoine. Comme la majorité de ceux qui
étaient partis au Monténégro étaient des Albanais cherchant refuge auprès de la population
de souche albanaise qui s'y trouvait (dont 17 000 se rendirent dans la ville peuplée
d'Albanais de souche d'Ulcinj), il est clair que la majorité des réfugiés qui quittèrent le
Kosovo étaient des Albanais. 181
3.54. La description que fait la Serbie des violences qui ont déchiré le Kosovo entre
le printemps 1998 et mars 1999 est extrêmement trompeuse. La Serbie cite le rapport du
Secrétaire général du 30janvier1999 au sujet de l'accroissement de la violence au
Kosovo, 182 mais s'abstient de mentionner l'exem ple le plus grave qui est longuement
examiné dans ce rapport, à savoir le massacre qui a eu lieu à Reçak/Ra čak, où 45civils
albanais du Kosovo ont été tués. On peut li re dans ce rapport que "[n]ombre d'entre eux
paraissaient avoir été exécutés sommairement, tués à bout portant par une balle dans la tête
ou le cou", et "les enquêtes et les autopsie s menées à la suite de ce massacre ont été
178Voir Kosovo, par. 3.47-3.60.
179
Serbie, par. 322.
180M. Weller, The Crisis in Kosovo, 1989-1999 (1999), p. 215.
181Ibid., p. 269. Le rapport donne le détail des destinations au Monténégro, et on peut raisonnablement en
déduire l'origine ethnique des réfugiés.
182
Serbie, par. 345.
52volontairement entravées par le manque de coopération des autorités de la République
fédérale de Yougoslavie. 183
3.55. De plus, la formule "un conflit armé sauvage a éclaté" 184 donne presque
l'impression qu'un événement naturel s'est prod uit "sauvagement". Or les atrocités ont été
les résultats d'une politique délibérée des forces armées, des paramilitaires et de la police,
agissant sur instructions ou au nom des autorités serbes et de la RFY. La déclaration selon
laquelle "[l]es débuts du bombardement par l'OTAN et les accrochages de plus en plus
nombreux entre les forces gouvernementales et l'ALK ont provoqué un déplacement massif
de la population du Kosovo, [dont] plus de 800000réfugiés ..." est tout simplement
inexacte. Les réfugiés ne fuya ient pas les bombardements de l'OTAN (qui visaient des
installations militaires et autres, et non des z ones résidentielles), et les "accrochages" entre
les forces gouvernementales et l'ALK n'étaient pas la raison principale de l'exode massif du
Kosovo. Les autorités serbes ont beaucoup fait pour obliger les hab itants à quitter leurs
foyers dans les zones où il n'y avait pas de combats (par exemple la capitale, Pristina, dont
les habitants albanais du Kos ovo ont été réunis et expulsés en grand nombre), et pour les
forcer à quitter le Kosovo en masse. Ce fa isant, les autorités serbes ont confisqué
passeports et cartes d'identité, et ôté les plaques d'immatriculation des voitures avant de les
autoriser à franchir la frontière. Il est clair que cela a été fait pour refuser ultérieurement de
les laisser rentrer au Kosovo au motif qu'ils ne pouvaient pas prouver qu'ils étaient citoyens
du Kosovo. En d'autres termes, les autorités se rbes ont chassé la plupart des habitants
albanais du Kosovo de leurs foye rs et ont forcé environ la moitié d'entre eux (le chiffre
officiel est 848100) à quitter le Kosovo pour tenter de provoquer un changement
permanent dans la composition démographique du Kosovo.
L'attitude actuelle de la Serbie en ce qui concerne les atrocités du passé
3.56. L'attitude dont fait montre la Serbie da ns son exposé écrit en ce qui concerne
les événements horribles qui se sont pr oduits au Kosovo entre 1989 et 1999 et qui ont
abouti à des crimes contre l'humanité, des crimes de guerre et des violations massives des
droits de l'homme commis par les autorité s et les forces de sécurité de Belgrade 185est
183S/1999/99, 30 janvier 1999, par. 11-12 [Dossier, No. 26].
184
Serbie, par. 351.
185Kosovo, par. 3.23-3.60.
53révélatrice. Elle confirme ce qui ressort aussi clairement de s déclarations des plus hauts
représentants de la Serbie, à savoir qu'au fond, l'attitude de ceux qui sont au pouvoir à
Belgrade envers le Kosovo ne semble pas êt re indument troublée par le traitement infligé
au peuple du Kosovo durant l'ère Miloševi ć. Une telle attitude montre à l'évidence
pourquoi le peuple du Kosovo n'était pas prêt à accepter un statut final dans le cadre duquel
le Kosovo resterait partie de la Serbie.
3.57. Tout au long de l'exposé écrit serbe, on trouve des descriptions qui reproduisent
et semblent défendre la propre version des événements du régime de Miloševi ć. Ainsi, les
amendements constitutionnels de 1989, illicitement imposés par la force, sont décrits
comme "dûment adoptés"; les faits attestant la persécution politique des Albanais du
Kosovo sont niés; les garanties en matière de dr oit humain sont citées en omettant de dire
qu'elles ont été systématiquement violées; un tableau trompeur est peint de la situation
dans l'éducation, la santé publique et en matière d'emploi, pour tenter à la fois de minimiser
le nombre de licenciements et donner à pens er que les Albanais du Kosovo furent eux-
mêmes responsables de la perte de leur emploi; le départ des Serbes est décrit de manière
fallacieuse qui rappelle la pr opagande du régime de Miloševi ć; le conflit armé de 1998-
1999, et les souffrances qu'il a causées, sont décrits de manière mensongère pour donner
l'idée d'une symétrie entre les deux camps ; les pires atrocités du régime Miloševi ć sont
passées sous silence; et une tentative est fa ite pour rendre les bombardements de l'OTAN
responsables de l'exode massif de 1999, comme l'avait fait le régime Milošević à l'époque.
3.58. Il n'y a dans l'exposé de la Serbie aucune véritable compréhension du passé. Au
contraire, l'idée sous-jacente est que, depuis l'automne 2000, il existe une "nouvelle"
Serbie; que cette nouvelle Serbie n'a rien à voir avec le passé, et que la souveraineté de la
Serbie sur sa province du "Kos ovo-Metohija" ne peut être mise en doute à cause des
événements passés. Pourtant, il semble clai r que, comme celles qui les ont précédées, les
autorités au pouvoir à Belgrade considèrent le Kosovo essentiellement comme un territoire,
et non comme un peuple ayant dans son immense majorité rejeté l'autorité de Belgrade
parce qu'on lui a toujours dénié son droit à l' autodétermination et qu'il a été victime de
violations massives de ses droits fondamentaux.
54 V. La situation des Serbes du Kosovo de juin 1999 à février 2008
3.59. La Serbie affirme à tort que "plus de 200 000 serbes et autres non-Albanais ont
fuit le Kosovo" après le 10juin1999. 186Ceci semble correspondre au chiffre de 229600
(pour les réfugiés du Kosovo se trouvant en Serbie et Monténégro) avancé par le
Gouvernement de la RFY à l'époque, mais auc une preuve n'est fournie pour justifier ce
chiffre. Comme tel, il impliquerait que prati quement l'ensemble de la population serbe du
Kosovo s'est enfuie. Comme il est notoire que des milliers de Serbes sont restés au Kosovo
après 1999 (et y demeurent aujourd'hui), il est cl air que cette affirmatio n de la Serbie est
inexacte.
3.60. Dans une étude publiée en janvier2000, six mois après la fin de la guerre, le
Comité des États-Unis pour les réfugiés et les immigrants a noté:
"Le Gouvernement yougoslave déclare que 229600personnes ont été déplacées du
Kosovo en Serbie proprement dite (199 600 au 26 novembre 1999) et au Monténégro
(30 000 au 28 janvier 2000). Ce chiffre est toutefois contestable. Le Conseil national
serbe du Kosovo affirme qu'il y a encore environ 100000Serbes vivant au Kosovo.
Si l'on additionne ces chiffr es, on aboutit à un nombre plus important que celui,
200 000, des Serbes qui vivaient au Kosovo avant la guerre, ce qui jette à l'évidence
un doute sur l'exactitude du décompte, ou de l'estimation du nombre des Serbes
avant-guerre. L'estimation selon laquelle jusqu'à 50000Roms ont aussi fui le
Kosovo et, selon certains, jusqu'à 25 000 vi vent encore au Kosovo, ne fait qu'ajouter
à la confusion quant aux chiffres". [Traduction du Greffe] 187
Selon d'autres estimations, le nombre des Serb es qui sont restés au Kosovo serait un peu
plus élevé, environ 110 000.
3.61. Malgré ces éléments de preuve, la Serbie continue d'affirmer que
188
200000serbes du Kosovo ont quitté le Kosovo en1999. Le Ministre des affaires
étrangères du Kosovo a le 17 juin 2009 expliqué ce qui suit au Conseil de sécurité:
186Serbie, par. 357 et 365.
187
Cerité des États-Unis pour le s réfugiés et les immigrants, Reversal of Fortune: Serbie's Refugee Crisis ,
1janve000, rapports sur les réfugiés , Vo2., No.(disponible à l'adresse:
http://www.unhcr.org/refworld/docid/3c58099b4.htm).
188
Voir tout récemment les commentaires du Ministre serbe des affaires étrangères lors du débet du Conseil
de sécurité du 17juin2009 (procès-verbal provisoire, soixante-quatrième année, 6144 séance,
S/PV.6144, p. 6 et 24).
55 "le genre de jeu auquel d’auc uns se livrent avec les chiffr es n’est guère utile. Deux
cent mille Serbes du Kosovo, a dit le Ministre Jeremi ć, sont toujours déplacés. Je
dois répéter une fois de plus que d’après le dernier recensement –qui a été effectué
par l’autorité imposée par la Serbie au Kosovo– il n’y a jamais eu plus de
195 000 Serbes au Kosovo. À l’heure actuelle, 135 000 Serbes vivent au Kosovo. Je
ne sais pas d’où vient ce chiffre de 200 000." 189
3.62. Lorsque la Serbie invoque l'autorité du HCR pour justifier ces chiffres gonflés,
elle doit sûrement savoir que le HCR n'a fait que reproduire les chiffres qui lui ont été
donnés par les autorités serbes. L'étude la pl us détaillée de la question est l'analyse
effectuée par l'Initiative pour la stabilité de l'Europe, une ONG internationale, en 2004, qui
contenait des éléments indiquant qu'environ 130 000 Serbes vivaient au Kosovo (contre
195 000 au début des années 90), et qui commentait:
"L'affirmation selon laque lle il y a 200000personnes déplacées du Kosovo en
Serbie, soit presque la totalité de la population serbe du Kosovo, est devenue un
dogme, et est même répétée par des fonctionnaires intern ationaux ... Le seul chiffre
officiel sur le déplacement des Serbes du Kosovo provient des inscriptions sur un
registre effectuées par le Gouvernemen t serbe au début de 2000. Les résultats,
publiés en avril2000, indiquent qu'il y avait 187129personnes déplacées venant du
Kosovo, dont 141396 étaient des Serbes ... T outefois, les quelques informations
fiables venant du Kosovo lui-même donnent une image très différente de la situation.
Comme nous l'avons déjà souligné, si l' on compare les données relatives au nombre
de Serbes qui restent au Kosovo avec le s statistiques yougoslaves d'avant 1999, le
nombre de Serbes du Kosovo déplacés est plus vraisemblablement voisin de
65000… Les propres documents du HC R reprennent les résultats de
l'enregistrement effectué par le Gouvern ement serbe. Le HCR, qui opère sur le
territoire de la Serbie à l'invitation du gouvernement, n'a pas mené d'enquête
indépendante. Toutefois, si on lit certains de ses documents dans leur intégralité, il
exprime des doutes sérieux sur les chiffres officiels". 190[Traduction du Greffe]
Il cite également un document du HCR de février2004 dans le quel on peut lire: "Si l'on
fait le total du nombre estimatif de membres des minorités vivant au Kosovo et du nombre
de personnes déplacées actuellement enregistrées en Serbie et Monténégro, on aboutit à un
189
Ibid., p. 23.
1Initiative pour la stabilité de l'Europe, "The Lausanne Principle: Multiethnicity, Territory, and
the Future of Kosovo’s Serbs",2004,1p8.-19 (disponible à l'adresse
http://www.esiweb.org/pdf/esi_document_id_53.pdf)
56chiffre qui est nettement supérieur au total de la population minoritaire qui a jamais vécu
au Kosovo." 191 [Traduction du Greffe]
3.63. La comparaison faite par la Serbie 192entre la situation en Serbie et au Kosovo
depuis juin1999 s'agissant des droits des minorités et des dro its de l'homme est
artificielle, car elle ne tient aucun compte des car actéristiques pertinentes du contexte de
ces deux situations très diffé rentes. Des Serbes du Kosovo ont sans aucun doute été en
butte à l'hostilité d'Albanais du Kosovo. Ceci es t dû en partie au fait que les Albanais du
Kosovo ont une longue histoire de souffrances aux mains des autorités serbes, en partie à la
brutalité de l'action des forces serbes et des paramilitaires en 1998-1999, à laquelle certains
Serbes du Kosovo ont participé, et en partie à la politique suivie par les gouvernements
serbes successifs depuis 1999, qui a notamment consisté à mani puler la minorité serbe du
Kosovo pour bloquer autant que pos sible toute intégration de ces Serbes au sein d'un État
kosovar opérationnel.
3.64. La Serbie, évoquant les violences qui se sont produites en mars2004, affirme
que "la situation s'est considérableme nt dégradée pour les Serbes du Kosovo". 193
Toutefois, en extrayant quelques éléments seulement de divers rapports, et en omettant des
détails essentiels qui expliquent la genèse de cette situation, la Serbie donne une image
inadéquate et potentiellement trompeuse de ces événements. Le 16 mars 2004, trois enfants
albanais se noyèrent dans la rivière Ibar; un quatrième, qui avait survécu, affirma qu'ils
avaient été poursuivis jusque dans la rivière par un gr oupe de Serbes locaux. Cette
déclaration (qui s'est révélée fausse) a ét é diffusée par les médi as, ce qui a provoqué une
colère généralisée au sein de la population albanaise du Kosovo. Lorsque des Albanais du
Kosovo se sont rassemblés pour manifester à l'extrémité du pont de la ville voisine de
Mitrovica le 17mars2004, des Serbes se sont rassemblés pour s'opposer à eux de l'autre
côté du pont; des coups de fe u ont éclaté, et six Albanais du Kosovo et deux Serbes du
Kosovo ont été tués. Après cela, une série de ma nifestations et d'acti ons violentes visant
les Serbes du Kosovo ont eu lieu dans d'autres parties du Kosovo. Sur les 19 personnes qui
sont mortes, 11 étaient des Albanais du Kosovo.
191
HCR, Critical Appraisal of Response Mechanisms Operating in Kosovo for Minority Returns , Pristina,
février 2004, p. 14.
192Serbie, par. 220.
193Ibid., par. 375.
57 3.65. La Serbie cite Nexhat Daci, qui était alors Président de l'Assemblée du Kosovo,
et Hashim Thaçi, l'actuel Premier Minist re du Kosovo, les décrivant comme ayant
"publiquement soutenu" les violences contre les Serbes de mars2004. Ceci revient à
déformer grossièrement la réalité. Le 18 mars 2004, Nexhat Daci a signé (avec le Président
Ibrahim Rugova, le Premier Ministre Bajram Rexhepi et d'autres) une déclaration publique
commune qui indiquait:
"Ces violences sont inexcusables et doivent cesser immédiatement. Ceux qui se livrent
à des violences trahissent l'ensemble du peuple du Kosovo. Les progrès accomplis ces
dernières années sont mis en péril et avec eux la perspective d'un avenir meilleur pour
chacun. Nous, dirigeants du Kosovo, nous unissons pour dénoncer ceux qui pratiquent
la violence."194 [Traduction du Greffe]
De même, il est hautement fallacieux de présenter les observations d'Hashim Thaçi comme
un exemple de "politiciens albanais du Kosovo [qui] ont publiquement appuyé la
violence". Le 20mars, M.Thaçi a publié un communiqué très ferme, dans lequel il
déclarait notamment: "ceux qui incendient les maisons serbes et les ég lises orthodoxes ne
sont rien d'autres que des criminels, qui ne peuvent être tolérés. Le Kosovo n'appartient pas
195
seulement aux Albanais." .
3.66. On peut résumer comme suit la situatio n des Serbes et autr es non-Albanais au
196
Kosovo depuis 1999 :
a) Bien que, depuis juin1999, des infract ions aient été commises contre des
membres de la communauté serbe, il s'agissait le plus souvent d'actes individuels et isolés,
à l'exception des violences de mars2004. De ux points importants doivent être notés.
Premièrement, le nombre des infractions inte rethniques a considérablement diminué au
Kosovo au cours des dix ans qui se sont écoulés depuis 1999. En particulier, les infractions
commises ces deux dernières années (même entre différentes communautés) étaient des
infractions ordinaires concernant le plus souvent des problèmes personnels entre individus,
et non des infractions de nature intereth nique. Deuxièmement, le Gouvernement du
194
Human Rights Watch, Failure to Protect: Anti-minority Violence in Kosovo, March 2004, (rapport publié
le 25 juillet 2004), note 171.
195Ibid., note 174.
196Serbie, par. 365-387.
58Kosovo a toujours condamné la délinquance interethnique, 197et a pris des mesures pour
que chacun puisse vivre au Kosovo dans la liberté et sans crainte. Ces mesures s'appuient
sur les fortes protections prévues dans la Constitution de la République du Kosovo, entrée
en vigueur en juin 2008.
b) Les actes de violence commis contre des Serbes durant ces années ont été le fait
d'individus; ils n'ont pas été or ganisés par les autorités du Ko sovo, et ne font pas partie
d'une politique d'État. Ils sont très différents des mauvais traitements subis par les Albanais
du Kosovo durant la décennie précédente, 1989-1999, durant laquelle la politique d'État de
la Serbie et de la RFY était discriminatoire et les violences et autres formes de mauvais
traitements étaient systématiquement commises par les organes de l'État.
c) Le Gouvernement serbe se plaint de ce que les Serbes du Kosovo ne peuvent vivre
une vie normale, mais la Serbie Œuvre systém atiquement pour empêcher l'intégration des
Serbes du Kosovo dans les structures juridiqu es, les structures politiques, les services
publics, etc., du Kosovo, en instituant des boyc ottages, en créant et en finançant des
structures parallèles, et en ex erçant des pressions (y compris en menaçant de ne plus leur
verser leurs pensions) sur ceux qui seraient autrement prêts à s' intégrer dans les structures
du Kosovo. Cette politique non seulement nuit à l'intégration des Serbes, mais elle
contribue aussi à la méfiance, voire à l'hostilité, des Albanais du Kosovo ordinaires, qui en
arrivent ainsi à considérer leurs voisins serbes comme les instruments d'une politique
hostile de la Serbie. Malgré les pressions directes et indirectes de la Serbie, de plus en plus
de Serbes du Kosovo continuent de coopére r avec les institutions du Kosovo et d'y
participer.
197Tout récemment, le 23 mars2009, le Ministre des a ffaires étrangères du Kosovo a déclaré au Conseil de
sécurité: "Je commencerai par cond amner une nouvelle fois, au nom de la République du Kosovo, les
événements du 17 mars 2004. J'appelle l'attention du Conseil sur la déclaration faite par le Gouvernement
de la République du Kosovo le 17mars de cette a nnée." (Conseil de sécurité, procès-verbal provisoire,
soixante-quatrième année, 6079 séance, S/PV.6079, p. 24).
59TROISIÈME PARTIE
LE DROIT CHAPITRE IV
LA DÉCLARATION D'INDÉPENDANCE N'A CONTREVENU À AUCUNE
RÈGLE APPLICABLE DU DROIT INTERNATIONAL GÉNÉRAL
4.01. Dans son exposé écrit, la Serbie soutient que les États reconnaissant la situation
198
nouvellement créée sur le terrain violeraient ce faisant le droit international général. Elle
affirme que "si la communauté internationale devait accepter telle quelle la DUI des
institutions provisoires d’administration au tonome du Kosovo, cela re viendrait à proposer
une réorientation radicale du dr oit international, qui porterait sérieusement atteinte au
principe de stabilité des frontières" 199 et que "tous les États on t l’obligation non seulement
d’éviter de violer les frontières internationales, mais aussi de reconnaître et de protéger la
composition territoriale des autres États". 20.
4.02. Ceci n'est toutefois pas la question en la présente instance. Comme souligné au
chapitre I ci-dessus, 201et comme la Serbie elle-même l'a reconnu, 202 la seule question
posée à la Cour est celle de la conformité au droit international de la déclaration
d'indépendance du 17février2008. Il n'est pas demandé à la Cour de se prononcer sur la
licéité ou les conséquences des reconnaissanc es de la République du Kosovo en tant
qu'État. Il lui est uniquement demandé de statuer sur la question de savoir si la déclaration
d'indépendance était contraire à une quelconque règle du droit international.
4.03. Le point fondamental est que le droit international ne s'intéresse pas à la licéité
des déclarations d'indépendance. 203De telles déclarations peuven t très bien violer le droit
interne d'un État, mais du point de vue du droit internationa l, une déclaration
d'indépendance est uniquement un élément dans le processus factuel de création d'un État.
Le droit international ne tient compte de l' existence des États qu'en tant que sujets de
198Voir également Argentine, par. 112; Roumanie, par. 109; Venezuela, par. 5.
199Serbie, par. 427.
200
Ibid., par. 424.
201Voir par. 1.18-1.21 ci-dessus.
202
Serbie, par. 19.
203
Kosovo, par. 8.07-8.37; Autriche, par. 22 et 24; Allemagne, p. 27; Royaume-Uni, par. 5.2-5.7.
63 204
l'ordre juridique international. La création d'un État est un e question de fait, non de
205
droit. Comme le professeur Malcolm Shaw l'a à juste titre souligné , "le processus de
sécession doit probablement être envisagé en droit international dans le cadre d'un
processus de revendication, d'autorité eff ective et de reconnai ssance internationale"
[Traduction du Greffe]. 206
4.04. L'absence de règles de droit intern ational concernant les déclarations
d'indépendance a été soulignée par la plupart des États qui ont soumis des exposés écrits.
D'autres États ont cependant fait valoir que p our diverses raisons le droit international
général interdisait la déclaration d'indépe ndance du Kosovo. Deux raisons en particulier
ont été exposées en détail par plusieurs Ét ats, auxquelles le Kosovo va répondre dans le
présent chapitre. Premièrement, le principe de la souveraineté et de l'intégrité territoriale ne
fait pas obstacle à la proclamation de l'indépendance, contrairement à ce qu'affirment
certains États, 207que ce soit d'une manière générale ou dans le contexte de la mention de ce
principe dans le préambule de la résolution1244 (Section I). Deuxièmement, bien que
pour répondre à la question qui lui est posée la Cour n'ait pas à se pencher sur le droit à
l'autodétermination, ce droit est certainement un droit dont peut se prévaloir le peuple du
Kosovo étant donné les circonstances ayant précédé la déclaration d'indépendance du
Kosovo (Section II).
I. Le principe de la "souveraineté et [de] l'intégrité territoriale" qui existe en droit
international général ne faisait pas obstacle à la déclaration d'indépendance
4.05. Le principe de la souveraineté et de l'intégrité territoriale est largement reconnu
dans de nombreux instruments internationaux, en particulier à l'Article2 du paragraphe4
208
de la Charte des NationsUnies, et dans la jurisprudence de la Cour. Le Kosovo ne
204A. Pellet, "Le droit international à l’aube du XXIesiècle", 1 Bancaja Euromediterranean Courses of
International Law 55 (1997). Voir aussi P. Daillier et A. Pellet, Droit international public (Nguyen Quoc
Dinh) (septième édition, 2002), p. 407.
205G. Abi-Saab, "Conclusion", dans M. G. Kohen,Secession: International Law Perspectives(2006), p. 470.
206
International Law (sixième édition, 2008), p. 523.
207Argentine, par.121-122; Azerbaïdjan, par.27; Brésil, p.2; Chypre , par.88-89; Roumanie, par.109;
Fédération de Russie, par. 76; Serbie, par. 498-524; Espagne, par. 55; Venezuela, par. 4.
208Détroit de Corfou (Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord c. Albanie) , Fond, Arrêt, CIJ
Recueils 1949, p. 35; Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre ce pays (Nicaragua
64conteste pas l'importance de ce principe; de fait, ce principe est accepté parmi les
obligations internationales du Kosovo dans la déclaration d'indépendance elle-même:
"L’indépendance implique les devoirs inhére nts à notre appartenance responsable à la
communauté internationale. Nous acceptons pleinement ces devoirs et nous
respecterons les principes de la Charte des Nations Unies, l’Acte final d’Helsinki, les
autres actes de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), les
obligations juridiques internationales et le s principes de courtoisie internationale
inhérents aux relations entre États. Le Ko sovo aura comme frontières internationales
celles que fixe l’annexe VIII du plan Ahtisaari et respectera pleinement la souveraineté
et l’intégrité territoriale de tous nos voisins. Le Kosovo s’ab stiendra de tout usage ou
209
menace de la force incompatible avec les buts des Nations Unies."
A. LE PRINCIPE DE LA SOUVERAINETÉ ET DE L 'INTÉGRITÉ TERRITORIALE NE S ADRESSE
QU AUX É TATS ET NE CONCERNE PAS LES DÉCLARATIONS D INDÉPENDANCE
4.06. Les auteurs de la déclaration d'indépendance n'ont aucunement violé le principe
de la souveraineté et de l'intégrité terr itoriale, tel que celui-ci est reconnu en droit
international contemporain. Ce pr incipe est conçu et envisagé pour protéger le territoire
des États contre les autres État s, en particulier contre les ingérences extérieures par la
menace ou l'emploi de la force. Ce principe ne s'applique tout simplement pas aux
situations qui ne se produisent qu'à l'intérieur des États et, en particulier, il n'empêche pas
les auteurs d'une déclaration d'indépendance de faire une telle déclaration. Par définition,
lorsqu'ils font la déclaration, ces auteurs n'agissent pas au nom d'un État mais au nom d'un
peuple. Une déclaration d'indépendance n'impli que pas non plus en elle-même la menace
ou l'emploi de la force dans les relations internationales, interdites par l'Article2,
paragraphe4 de la Charte. Ainsi, le principe de la souverainet é et de l'intégrité territoriale
ne saurait faire obstacle aux déclarations d'indépendance qui sont faites au nom des
peuples.
4.07. L'Article 2, paragraphe 4 de la Charte des NationsUnies consacre ce caractère
interétatique du principe de la souveraineté et de l'intégrité territoriale:
Les Membres de l'Organisation s'abstiennent, dans leurs relations internationales, de
recourir à la menace ou à l'emploi de la forc e, soit contre l'inté grité territoriale ou
c. États-Unis d'Amérique), Fond, Arrêt, CIJ Recueils 1986, p. 111, par. 213. Voir également ibid., p. 128,
par. 251 et 252
209Kosovo, annexe 1.
65 l'indépendance politique de tout État, soit de toute autre manière incompatible avec les
210
buts des Nations Unies."
Il ressort clairement du texte que le principe consacré à l'Article 2, paragraphe 4 de la
Charte interdit seulement la menace ou l'emploi de la force par un État dans ses relations
internationales, c'est-à-dire contre le territo ire ou l'indépendance politique d'un autre État.
L'Article 2, paragraphe 4, qui codifie le principe du dr oit international coutumier
211
interdisant l'emploi de la force contre l'intégrité territoriale des États, ne s'applique donc
pas aux actes des auteurs de la déclaration d'indépendance du 17 février 2008.
212
4.08. La liste d'instruments régionaux que donne la Serbie n'ajoute rien au débat.
La Serbie souligne dans son exposé écrit que cette "récapitulation de certains des traités
régionaux incorporant le princi pe d’intégrité territoriale suffit à montrer à quel point ce
principe, que l’on retrouve dans toutes les principales régions, cultures et civilisations, est
essentiel pour les relations internationale s de tous les membres de la communauté
internationale". 213 Toutefois, elle n'établit pas que ces instruments interdisent les
déclarations d'indépendance. Comme il ressor t clairement de leur texte, tous ces
instruments ne concernent que les relations en tre États, et se limitent à réaffirmer ce
principe tel qu'il est énoncé dans la Charte des NationsUnies et en droit international
coutumier. Par exemple, le PrincipeIV de la Déclaration de pr incipes régissant les
relations mutuelles des États Parties figurant dans l'Acte final d'Helsinki de 1975 est clair à
cet égard:
"Les États part214pants respectent l'intégrité territori ale de chacun des autres États
participants".
4.09. Certains États tentent, dans leur expos é écrit, d'appliquer le principe de la
souveraineté et de l'intégrité territoriale aux auteurs de la déclaration d'indépendance en
soutenant que ce principe "impose une obligation erga omnes en ce qui concerne son
210Les italiques sont de nous.
211
Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre ce pays (Nicaragua c.États-Unis
d'Amérique), Fond, Arrêt, CIJ Recueils 1986, p. 99-101, par. 188-190.
212
Serbie, par. 477-491.
213Ibid., par. 491.
214
Dossier, No. 217 (les italiques sont de nous).
66 215
respect". Toutefois, invoquer une obligation erga omnes n'établit pas que le principe lie
les acteurs non étatiques. Comme la Cour l'a expliqué dans son arrêt Barcelona Traction:
"Une distinction essentielle doit en particulier être étab lie entre les obligations des
États envers la communauté internationale dans son ensemble et celles qui naissent
vis-à-vis d'un autre État dans le cadre de la protection diplomatique. Par leur nature
même, les premières concernent tous les État s. Vu l'importance des droits en cause,
tous les États peuvent être considérés co mme ayant un intérêt juridique à ce que ces 216
droits soient protégés; les obligations dont il s'agit sont des obligations erga omnes."
Il est clair que la Cour visait uniquement les obligations dues par des États à des États. De
plus, qualifier une obligation d'obligation erga omnes n'élargit pas le cercle de ceux qui
sont liés par elle, mais seulement celui de ceux à qui l'obligation est due.
4.10. Même si initialement la Serbie semb le accepter que le principe de la
souveraineté et de l'intégrité territoriale est limité aux relations entre États, 217elle essaie, au
moyen d'une longue énumération d'instruments internationaux, en particulier de résolutions
de l'Assemblée générale ou du Conseil de sécurité, 218 de démontrer que les États "ne sont
pas les seuls concernés". 217 Toutefois, cette "démonstration" n'est pas persuasive, en
particulier parce que la plupart des instruments cités eux-mêmes ne lient pas juridiquement
les États (encore moins les acteurs non étatiq ues) et en partie parce que, même s'ils
reflètent le droit international coutumier, leur texte n'étaye pas les conclusions de la Serbie.
Par exemple, le paragraphe de la résolu tion1514 (XV) de l'Assemblée générale du
219
14décembre1960 cité par la Serbie ne concerne tout simplement pas la question à
l'examen. Il concerne la situation particulière de la décolonisation et vise le droit d'un
peuple à l'intégrité de son territoire national cont re les influences extérieures. De plus, si
l'on peut peut-être lire la résolution1514 (XV) comme élargissant le cercle des
bénéficiaires du principe de l'intégrité territoriale aux peuples des États, cette résolution ne
dit rien d'une obligation de ces peuples – même des peuples soumis à la domination
étrangère – de respecter ce principe.
215Roumanie, par. 80.
216
Affaire de la Barcelona Traction, Light and Power Company, Limited , Arrêt, CIJ. Recueils 1970 , p. 32,
par. 33.
217Serbie, par. 431.
218Voir par. 4.21-4.29 ci-après.
219
Serbie, par. 431-432.
67 4.11. Tous les autres exemples donnés par la Serbie 220ne sont pas plus convaincants
s'agissant d'établir que les au teurs de la déclaration d'indé pendance du Kosovo étaient liés
par le principe de la souveraineté et de l'intégrité territoriale en vertu du droit international.
– La résolution 2625 (XXV) de l'Assembl ée générale en date du 24octobre1970
consacre uniquement, comme l'Article 2, paragraphe4 de la Charte, une obligation
interétatique de respecter l'intégrité territoriale des États. La disposition citée par la
Serbie se lit comme suit: "[t]out État doit s'abstenir de toute action visant à rompre
partiellement ou totalement l'unité nationale et l'intégrité territoriale d'un autre État ou
d'un autre pays" (les italiques sont de nous).
– La résolution 41/128 de l'Assemblée générale, en date du 4 décembre 1986
(Déclaration sur le droit au développement) énonce une obligation interétatique
concernant la souveraineté et l' intégrité territoriale. Elle di spose, en son article5, que
"les États prennent des mesures décisives pour éliminer ... l'agression, ... l'intervention
étrangère et [les] menaces contre la s ouveraineté nationale, l' unité nationale et
l'intégrité territoriale ..." (les italiques sont de nous).
– Les Principes directeurs sur l'aide hu manitaire annexés à la résolution46/182 de
l'Assemblée générale, en date du 19 décembre 1991, ne concernent pas les déclarations
d'indépendance mais la question très différente du "renforcement de la coordination de
l'aide humanitaire d'urgence de l'Organisati on des NationsUnies". La citation de la
Serbie concerne la nécessité d'obtenir le c onsentement du pays affecté pour lui fournir
une aide humanitaire de l'extérieur.
– La résolution52/112 de l'Asse mblée générale "sur l'utilisation de mercenaires comme
moyen de violer les droits de l'homme et d'empêcher l' exercice du droit des peuples à
l'autodétermination" 221 rappelle l'Article 2, paragraphe 4, de la Charte sans le modifier
ni l'élargir aucunement.
220Serbie, par.433-436. Il convient de noter que nombre des résolutions de l'Assemblée générale citées par
la Serbie n'ont pas été adoptées à l'unanimité.
221Adoptée par 113 voix contre 18, ave 41 abstentions (Assemblée générale, documents officiels, cinquante-
deuxième session, 70 séance plénière, 12 décembre 1997, A/52/PV.70, p. 10-11).
68– La Déclaration du Millénaire et le Docu ment final du Sommet mondial réaffirment
simplement le principe consacré à l'Ar ticle 2, paragraphe4, de la Charte des
Nations Unies et ne vise pas à le modifier ni à l'élargir aucunement.
– L'article 46, paragraphe1 de la Déclar ation des NationsUnies sur les droits des
222
peuples autochtones, en date du 7se ptembre2007 n'aide pas non plus la Serbie . Il
dispose:
"Aucune disposition de la présente Décl aration ne peut être interprétée comme
impliquant pour un État, un peuple, un groupement ou un individu un droit quelconque
de se livrer à une activité ou d’accomplir un acte contraire à la Charte des
Nations Unies, ni considérée comme autorisant ou encourageant aucun acte ayant pour
effet de détruire ou d’amoindrir, totalement ou partiellement, l’intégrité territoriale ou
l’unité politique d’un État souverain et indépendant."
De par ses termes, cette Déclaration indique simplement qu'aucune de ses dispositions
n'implique en droit international, pour les peuples ou les individus, le droit d'agir pour
détruire ou amoindrir l'intégrité territoriale ou l'unité politique d'un État. Cette
Déclaration – qui bien sûr n'est pas juridiquement contraignante en elle-même et qui a
223
été mise aux voix à l'Assemblée générale – ne se prononce pas sur le point de savoir
si un tel droit existe déjà en droit in ternational et n'énonce assurément pas
d'interdiction quant au comportement des peupl es ou des individus. De fait, elle laisse
le droit international dans le même état qu'avant son adoption.
En conséquence, on voit donc que les instruments invoqués par la Serbie ne démontrent
pas que le principe de la souveraineté et de l'intégrité territoriale est applicable en dehors
des relations interétatiques. De fait, ils confirment pour la plupart qu'il ne l'est pas.
4.12. Le principe connexe de la stabilité de s frontières internat ionales, comme le
principe fondamental de la souveraineté et de l'intégrité territoriale, n'interdit que les
modifications des frontières par la force par d'autres États. Il ne protège pas l'État contre la
dissolution, mais constitue un moyen utile, en droit internati onal, pour limiter la
désintégration d'un État à son propre territoire, sans modifications des frontières des États
voisins. Comme la Commission d'arbitrage Badinter l'a souligné dans son avis No. 3:
222Résolution 61/295, 13 septembre 2007. Voir Serbie, par. 437.
2Documents officiels de l'Assemblée gé nérale, soixante et unième session, 107 e séance plénière,
13 septembre 2007, A/61/PV.107, p. 19.
69 "Les frontières extérieures devront être respectées dans tous les cas, conformément au
principe rappelé dans la Charte des NationsUnies, la Déclaration relative aux
principes du droit internationa l touchant les relations amical es et la coopération entre
les États conformément à la Charte des NationsUnies (résolution2625 (XXV) de
l'Assemblée générale des Nations Unies) et par l'Acte final d'Helsinki, et dont s'inspire
l'article11 de la Convention de Vienne du 23août1978 sur la succession d'États en
matière de traités".224
Ceci n'implique pas que les frontières extéri eures de la RSFY devaient demeurer les
frontières extérieures de la RFY. En fait, le principe de la stabilité des frontières vise à
maintenir intacte la frontière entre, par exemple, le Kosovo et l'Albanie, telle qu'elle
existait avant l'indépendance du Kosovo. De plus, si un État peut reprocher à un autre État
la violation de ses frontières extérieures, il ne peut, en droit international, la reprocher à ses
propres nationaux. Dès lors qu'aucun autre État n'est lésé, le droit international n'exclut pas
la redistribution des frontières extérieures en tre l'État préexistant et l'État nouvellement
créé. Même si le principe de la stabilité des frontières internationales liait les auteurs de la
déclaration d'indépendance, ce qui n'est pas le cas, il est clair qu'ils n'ont aucunement porté
atteinte à ce principe. Le Kosovo respecte sc rupuleusement les frontières internationales
qui le séparent de ses voisins comme l'indique la déclaration d'indépendance elle-même. 225
4.13. En résumé, le principe de la souverainet é et de l'intégrité territoriale consacré
en droit international généra l ne s'applique pas à une d éclaration d'indépendance comme
celle du 17février2008. Ce principe protège les États contre les actes de coercition et les
ingérences des autres États. Il ne fait pa s obstacle aux déclarations d'indépendance.
Certains États l'ont expliqué clairement dans leurs exposés écrits. 226
B. L A RÉFÉRENCE ,DANS LA PRÉAMBULE DE LA RÉSOLUTION 1244 (1999), À "L A
SOUVERAINETÉ ET L 'INTÉGRITÉ TERRITORIALE " NE FAISAIT PAS OBSTACLE À LA
DÉCLARATION D 'INDÉPENDANCE
4.14. La référence, dans le préambule de la résolution1244(1999) du Conseil de
sécurité, au principe de la souveraineté et de l' intégrité territoriale de la Serbie ne change
224European Journal of International Law, vol. 3, 1992, p. 185.
225Voir par. 4.05 ci-dessus.
226
Autriche, par.37; Estonie , p.4; France , par.2.6-2.8; Irlande, par.18; Suisse , par.55; Royaume-Uni,
par. 5.8-5.11; États-Unis d'Amérique, p. 69.
70rien au caractère interétatique de ce princi pe, et n'empêchait pas les représentants
démocratiquement élus du peuple du Kosovo de faire la déclarati on d'indépendance du
227
17 février 2008.
1. Le texte de la clause
4.15. Pour étayer la proposition selon laquelle la résolution 1244 (1999) interdisait la
déclaration d'indépendance du 17février2008, la Serbie et d'autres États invoquent avec
228
insistance une seule clause du préambule de cette résolution, par laquelle le Conseil de
sécurité:
"Réaffirm[e] l’attachement de tous les États Membres à la souveraineté et à l’intégrité
territoriale de la République fédérale de Yougos lavie et de tous les autres États de la
229
région, au sens de l’Acte final d’Helsinki et de l’annexe 2 ...".
Cet alinéa du préambule, par définition, ne fait pas partie du dispositif de la résolution. 230
De ce fait, il est assez extraordinaire que la Se rbie et d'autres considèrent que cette clause,
à elle seule, est un facteur critique s'agissant de savoi r si le peuple du Kosovo pouvait
rechercher son indépendance, en particul ier à la lumière des événements et des
négociations qui se so nt déroulés pendant la période qui a précédé l'adoption de la
résolution 1244 (1999). 231
4.16. Outre que cette clause figure dans le pr éambule, son libellé ne dit rien d'une
232
déclaration d'indépendance, et ne formul e aucune interdiction, quelle qu'elle soit. De
fait, par ses termes, cette clause ne vise pas à énoncer une nouvelle obligation juridique;
233
elle "réaffirme" un engagement préexista nt des États Membres des NationsUnies. Cet
227Pour un examen du dispositif de la résolution1244 (1999) sous l'angle de la question posée à la Cour,
voir chapitre IV ci-après.
228Serbie, par. 776-780 et par. 928-940; Chypre, par. 92; Espagne, p. 24-25; Fédération de Russie, par. 42 et
par. 54-58.
229
Dossier, No. 34.
230
France, par. 2.21; Royaume-Uni, par. 6.12(1) ("Il s'agissait d'un considérant, non d'une garantie.").
231Voir par. 5.05-5.18 ci-après.
232Voir Kosovo, par. 9.29-9.36.
233
Voir République tchèque, p. 9 ("le préambule de la résolution1244 ne crée aucune nouvelle obligation
juridique internationale à la charge des États Membres" ou des institutions provisoires d'administration
71engagement concerne non la "souveraineté et l'intégrité territoriale" de la RFY d'une
manière générale mais s'entend "au sens de l'Acte final d'Helsinki et de l'annexe2" de la
234
résolution. Cette annexe a uniquement trait à la période intérimaire, et ainsi cette clause
ne fait que réaffirmer un engagement des Ét ats Membres pendant la période intérimaire
devant précéder le règlement du statut fi nal du Kosovo (comme certains États le
concèdent 23). Quant à l'Acte final d'Helsinki, les principes pertinents énoncés dans cet
instrument traduisent le souci de prévenir l'emploi de la force par un État contre un
autre,236 mais aussi celui de promouvo ir les droits de l'homme et la démocratie en Europe.
À ce titre, cet engagement doit se comprendre comme axé sur la période intérimaire (et
donc comme dénué de pertinence s'agissant des décisions sur le statut final du Kosovo) et
comme postulant qu'il importe de mettre en ba lance, durant cette pé riode, les valeurs de
l'intégrité territoriale et des droits de l'homme.
4.17. En outre, même si – contrairement à son texte – cet alinéa du préambule était
considéré comme représentant un engagement indéfini, pris en1999, en faveur de la
"souveraineté et intégrité territoriale" de la RFY, cet engagement doit être compris comme
reflétant simplement l'opinion des États Membres selon laquelle l'usage de la force par les
États pour modifier le territoir e de la RFY n'était pas accepta ble, puisque tel est le sens
237
attribué au principe de la souvera ineté et de l'intégrité territoriale. Si le Conseil de
sécurité avait voulu lier les aspirations du peuple du Kosovo, d'une manière ou d'une autre,
autonome); Danemark, p.10-11 ("la référence se rapportait à l'engagement des États Membres de
l'Organisation des Nations Unies, par opposition au peuple du Kosovo …").
234
Voir Kosovo, par.9.30; Autriche, par.23 ("Dans l'hypothèse où il existerait une obligation de respecter
l'intégrité territoriale de la RFY, elle ne vaudrait, en premier lieu, que pour une période limitée, à savoir la
période intérimaire et, en second lieu, elle n'incomberait qu'aux États Membres des NationsUnies".);
France, par. 2.28 et 2.32 ("Les mêmes annexes ne disaient absolument rien en revanche du statut définitif
du territoire."); Allemagne, p. 38 ("toutes les références à l'intégrité territoriale de la Yougoslavie
s'inscrivent dans le contexte du cadre intérimaire, et non dans celui d'un quelconque règlement final");
Pologne, par. 7.2 ("cette référence ne concerne que la phase provisoire d'administration des Nations Unies
au Kosovo"); Irlande, par.24 (le Conseil s'est borné "à confirmer dans les annexes que, en attendant un
règlement définitif, un 'cadre politique intérimaire' devrait assurer une autonomie substantielle au Kosovo
tout en tenant compte de l'intégrité territorial e de la République fédérale de Yougoslavie")Norvège,
par.16 ("le texte, entre autres, de l'annexe2 de la résolution1244 ne concerne que la période transitoire
d'administration internationale et non la question du statut final, laissée en suspens").
235Voir, par exemple, Roumanie, par.46 ("le but de la résolution1244 (1999) du Conseil de sécurité ne
réside pas dans la découverte d'une solution à long terme à la situation au Kosovo, mais dans la nécessité
d'offrir une solution politique à court et moyen termeà la crise, conformément aux principes contenus
dans les annexes 1 et 2 à la résolution.").
236
Voir par. 4.08 ci-dessus.
237
Voir par. 4.06-4.13 ci-dessus.
72au concept d'intégrité territori ale, il n'aurait pas manqué d'in sérer une formule à cet effet
dans le préambule, et pourtant il ne l'a pas fait. 238Ainsi, l'attachement exprimé dans le
préambule de la résolution 1244 (1999) ne s'applique pas à une déclaration d'indépendance
pacifique faite par les représentants du peuple du Kosovo.
4.18. Enfin, même si, par quelque alchimie extraordinaire, cet alinéa du préambule
était interprété comme un large engagement politique pris en 1999 de maintenir inchangées
les frontières territoriales de la RFY, cet engagement ne pouvait plus être considéré comme
viable en2008. En 1999, cet attachement au territoire et aux frontières de la RFY à
l'époque était un engagement qui envisagea it le Kosovo dans le cadre d'une relation
fédérale tripartite au sein de la RFY, relation grâce à laque lle le pouvoir politique pouvait
239
être équilibré entre les autorités fédérales. Lorsque le Parlement du Monténégro a
déclaré l'indépendance le 3juin 2006 et que le Monténégro a quitté l'Union d'États, il a
modifié plus que le territoire géographique de l'État fédéral et ses frontières internationales;
il a supprimé les derniers vestiges et la structure fédérale, a ltérant ainsi radicalement les
prémisses de tout engagement pouvant exister à cet égard. La Serbie elle-même a reconnu
que c'était un problème lorsque, en 2002, elle a fait figurer dans la Charte constitutionnelle
de la Communauté étatique de Serbie-et-Monténégro une disposition selon laquelle "[d]ans
le cas du retrait de l'État du Monténégro de la Communauté étatique de Serbie-et-
Monténégro, les documents internationaux relatifs à la République fédérale de
Yougoslavie, en particulier la résolution 1244 du Conseil de sécurité des Nations Unies, se
rapporteraient et seraient intégralement app licables à l'État de Serbie en tant que
successeur". 240La Serbie et le Monténégro ont à just e titre conclu que tout "attachement au
maintien des frontières de la RFY" exprimé dans le préambule ne pouvait être maintenu
automatiquement après le retrait du Monténégro. Pourtant la Serbie et le Monténégro ne
pouvaient décider unilatéralement qu'un tel attachement "se rapporterait et serait
238Par exemple, s'agissant de la période intérimaienvisagée dans l'accord inté rimaire de Rambouillet, le
paragraphe 2 de l'article premier dispose expressément que "les communautés nationales ... ne doivent pas
utiliser leurs droits complémentaires pour porter préjudice ... à la souver aineté et à l'intégrité territoriale
de la République fédérale de Yougoslavie ...". Aucune disposition de ce type ne figure dans le préambule
de la résolution 1244 (1999).
239Kosovo, par.9.32-9.33. Le souci de cet équilibre peut être constaté même dans l'accord intérimaire
élaboré à Rambouillet, dans lequel la Constitution inté rimaire proposée envisag eait d'accorder certains
pouvoirs à la RFY, certains pouvoirs à la Serbie ecertains pouvoirs au Kosovo. Une telle division du
pouvoir, négociée avec tant de soins, n'aurait pas sa place dans un État dans lequel la RFY n'existe plus.
Voir accords de Rambouillet, chapitre 1, article premier.
240
Charte constitutionnelle de la Communauté étatique de Serbie-et-Monténégro, article 60.
73applicable" à un État radicalement différent, car ces deux États n'avaient pas la capacité de
modifier l'engagement des États Membres (ou du Conseil de sécurité). 241En bref, même si
cette clause reçoit une interprétation extrao rdinaire selon laquelle elle engage les États
Membres à garder les frontière s territoriales de la RFY in changées à compter de 1999, on
242
ne peut tout simplement pas postuler que cet engagement s'est maintenu après 2006.
2. Déclarations faites lorsque la clause a été adoptée
4.19. La Serbie et d'autres États tentent de rechercher, au-delà du texte du préambule,
un appui à leur position dans les déclarations faites lors de la séance du Conseil de sécurité
243
au cours de laquelle la résolution a été adoptée. Pourtant aucune de ces déclarations
n'indique que les représentants du Kosovo ne pouva ient déclarer l'indépendance, ni que le
Kosovo ne pouvait finalement se constituer en État indépendant. Au contraire, certains
membres ont souligné vigoureusement que le s aspirations du peuple du Kosovo étaient au
centre de tout règlement sur le statut final. Le représentant de la Malaisie a noté:
"S'agissant de la responsabilité qui incombe à la présence civile internationale, ma
délégation souligne l'importance primordiale de l'administration provisoire envisagée
pour le Kosovo, qui doit ouvrir la voie à un règlement rapide du statut futur du Kosovo,
en tenant pleinement compte du cadre politique proposé dans les accords de
Rambouillet. La cause profonde de cette criseest claire. Le Secrétaire général lui-même
l'a indiqué dans l'allocution qu'il a prononcée à la réunion de haut niveau sur la crise
dans les Balkans qui s'est tenue à Genève le 14 mai 1999:
'Avant qu'il y ait une catastrophe humanitaire au Kosovo, il y a eu une catastrophe
des droits de l'homme. Avant qu'il y ait eu une catastrophe des droits de l'homme, il
y a eu une catastrophe politique, à savoir la marginalisation délibérée, systématique
et violente de la population albanaise du Kosovo.'
Cela montre clairement qu'il est nécessaire de veiller à ce qu'un élément fondamental
soit garanti dans le cadre du plan de règlement, à savoir l'accomplissement des
aspirations et attentes légitimes de la population albanaise du Kosovo, qui constitue la
majorité de la population du Kosovo. Toute négligence de ce point fondamental risquera
241
Le fait que la République de Serbie continue la personnalité juridique de la RFY ne change rien à cette
conclusion. Si la Serbie peut être considérée comme ayant conservé les droits et obligations
internationaux de la Serbie-et-Monténégro, laquelle conservait les droits et obligations de la RFY, ceci ne
signifie pas qu'un engagement exprimé par d'autres Ét ats en1999 en ce qui concerne la RFY demeurait
automatiquement inchangé après la fragmentation de cette dernière.
242États-Unis, p. 74-78.
243
Voir, par exemple, Serbie, par. 691-66; Espagne, p. 26-27.
74 de faire dérailler l'e244mble du processus qui est actuellement mis en place au prix
d'âpres difficultés."
4.20. Assurément, certains membres du Conseil ont exprimé dans leurs déclarations
leur souci de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de la RFY. Dans le même temps,
d'autres membres ont estimé que le Conseil de vait mettre les préoccupations concernant la
souveraineté et l'intégrité terr itoriale avec celles concernant les droits de l'homme et les
menaces contre la paix. C'est ainsi que le représentant de la Slovénie a déclaré:
"Le succès, dans ce cas particulier, permettrait de donner un exemple d'équilibre entre
les considérations liées à la souveraineté des États, d'un côté, et celles liées aux
questions humanitaires et à l'ordre international, de l'autre. Certes, les organisations
internationales doivent être circonspectes dans tous les efforts qu'elles déploient et elles
doivent respecter le droit international, notamment le principe de la souveraineté des
États. Toutefois, il est au moins tout aussi évident que la souveraineté des États n'a pas
un caractère absolu et qu'elle ne peut être utilisée comme prétexte pour refuser de traiter
humainement les populations avec pour conséquence les menaces pour la paix que cela
entraîne. Si la situation au Kosovo l'an dernier et au début de cette année a dégénéré en
grave menace pour la paix, nous avons désorm ais une réelle possibilité d'inverser la
situation et d'instaurer l'équilibre nécessaireà la stabilité politique et à une paix durable
pour l'avenir." 245
Enfin, la Serbie elle-même ne considér ait pas les termes du préambule de la
résolution1244 comme empêchant l'indépe ndance du Kosovo. En fait, elle a dit
exactement le contraire, en demandant aux me mbres du Conseil de sécurité avant qu'ils ne
votent, de s'opposer à la résolution (y compris à son préambule) afin de "défendr[e] ...
246
l'intégrité territoriale et la souveraineté de la République fédérale de Yougoslavie ...". la
Serbie comprenait parfaitement que cette disposition particulière du préambule ne
constituait pas une garantie contre la possibilité d'une déclaration d'indépendance, pas plus
que le principe du droit international général de la souveraineté et de l'intégrité territoriale.
24Conseil de sécurité, procès-verbal provisoire, cinquante-quatrième année, 4011 eséance, 10 juin 1999,
S/PV.4011, p. 16 [Dossier, No. 33].
24Conseil de sécurité, procès-verbal provisoire, cinquante-quatrième année, 4011 eséance, 10 juin 1999,
S/PV.4011, p.11 [Dossier, No. 33]; voir aussi les observations des Pays-Bas, ibid., p.12 ("Certes, la
Charte est bien plus précise sur le chapitre de la sraineté que sur celui du respect des droits de l'homme,
mais, depuis le jour de sa rédaction, le monde a connu un déplacement progressif de cet équilibre, qui a
rendu le respect des droits de l'homme plus obligatoi re et le respect de la souveraineté moins absolu.
Aujourd'hui, nous considérons comme une règle généralement acquise du droit international qu'aucun État
souverain n'a le droit de terroriser ses propres citoyens. "); observations du Canadaibid., p.14 ("Nous
sommes entièrement d'accord avec l'Ambassadeur des Pays-Bas lorsqu'il dit que les tensions existant, dans
la Charte des Nations Unies, entre la souveraineté des États, d'une part, et la promotion de la paix et de la
sécurité internationales, d'autre part, doivent être réconciliées plus rapidement lorsque les conflits nationaux
s'internationalisent, comme ce fut le cas au Kosovo.")
246
Ibid., p. 6.
75 3. Comparaison avec des clauses figurant dans d'autres résolutions
247 248 249
4.21. La Serbie, de même que l'Iran et l'Argentine, invoquent d'autres
résolutions du Conseil de sécurité relatives à des conflits internes qui réaffirment l'intégrité
territoriale de l'État concerné. Même si le Conseil de sécurité pouvait juridiquement
imposer une obligation à des acteurs non éta tiques, ce qui est lo in d'être établi, 250 ces
exemples n'indiquent pas que le principe de la souveraineté et de l'intégrité territoriale
s'applique aux déclarations d'indépendance. Tous les exemples que cite la Serbie sont des
situations de conflit armé: Bosnie-Herzégovine, Croatie, République démocratique du
Congo, Géorgie, Somalie et Soudan. On ne pe ut guère comparer l'accession pacifique du
peuple du Kosovo à l'indépendance à ces exemples.
4.22. De plus, la Serbie ne relè ve pas que dans la plupart de ces cas, la souveraineté
et l'intégrité territoriale de l'État étaient me nacées au premier chef par une aide extérieure.
Pour ne prendre qu'un exemple des situations que la Serbie invoque, celui de la crise en
Bosnie-Herzégovine, celle-ci n'était pas de nature principalement interne, comme la Serbie
le sait très bien. Les demandes formulées par le Conseil de sécurité en ce qui concerne
l'intégrité territoriale du nouve l État étaient essentiellemen t adressées à la République
fédérale de Yougoslavie. Comme la Cour l'a rappelé en 2007:
"Il existe, certes, de nombreuses preuves d’ une participation, directe ou indirecte, de
l’armée officielle de la RFY, conjointement avec les forces armées des Serbes de
Bosnie, à des opérations militaires en Bosnie-Herzégovine au cours des années
précédant les événements de Sr ebrenica. Cette participation a été à plusieurs reprises
dénoncée par les organes politiques des Nati ons Unies qui ont demandé à la RFY d’y
mettre fin (voir, par exemple, les résoluti ons du Conseil de s écurité 752 (1992), 757
(1992), 762 (1992), 819 (1993), 838 (1993)." 251
4.23. De plus, si les clauses sur la "souveraine té et l'intégrité territoriale" figurant
dans des résolutions du Conseil de sécurité relatives à la Bosnie-Herzégovine sont
247Serbie, par. 440-475.
248
Iran, par. 3.2.
249Argentine, par. 77-80.
250Voir par. 5.67-5.74 ci-après.
251
Application de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-
Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro), Fond, Jugement, par. 386.
76pertinentes s'agissant de l'admissibilité de la déclaration d'indépendance du Kosovo, il faut
noter que la même clause figure dans des ré solutions sur la Bosnie-Herzégovine adoptées
même après la déclaration d'indépendance du Kos ovo avec l'appui de plusieurs États qui
avaient reconnu le Kosovo. Par exemple, neuf membres du Conseil de sécurité qui avaient
reconnu le Kosovo – la Belgique, le Burkina Faso, le Costa Rica, la Croatie, les États-Unis,
la France, l'Italie, le Panama et le Royaume-Uni – n'ont eu aucune difficulté à approuver,
dans la résolution1845 (2008), une dispositio n réaffirmant l'attachement du Conseil de
sécurité "à un règlement politique des conflits dans l'ex-Yougoslavie qui sauvegarderait la
souveraineté et l'intégrité terr itoriale de tous les États à l' intérieur de leurs frontières
internationalement reconnues". En d'autres termes, il est manifeste que ces États ne
considèrent pas l'attachement exprimé dans ces résolutions comme faisant obstacle à une
déclaration d'indépendance des représentants du peuple du Kosovo.
4.24. Finalement, si l'on doit faire des compar aisons avec les résolutions du Conseil
de sécurité ne concernant pas le Kosovo, la comparaison la plus pertinente est entre le
préambule de la résolution1244 (1999) et le préa mbule ou le dispositif des résolutions du
Conseil de sécurité, en particulier celles qui ont trait aux Balkans, qui traitent expressément
de la question de savoir si des entités part iculières doivent ou non demeurer parties d'un
État existant. En1992, le Conseil de sécurité a adopté une résolution relative à la Bosnie-
Herzégovine dans laquelle il visait expressément et dire ctement la possibilité d'une
déclaration d'indépendance de la Republika Srpska. Dans le dispositif de sa résolution 787
(1992), le Conseil de sécurité a:
"Réaffirm[é] avec force son appel lancé à toutes les parties et aux autres intéressés
pour qu'ils respectent strictement l'intégrité territoriale de la République de Bosnie-
Herzégovine et affirm[é] qu'aucune ent ité unilatéralement proclamée ni 252un
arrangement imposé en violation de ladite intégrité ne ser[aient] admises ... ." .
Dans la résolution1244 (1999), par contre , le Conseil n'a fait aucune déclaration
concernant une déclaration d'indépendance des autorités ou entités albanaises du Kosovo.
252Résolution 787 (1992) du Conseil de sécurité, par. 3.
77 4.25. De même, le Conseil de sécurité a fa it figurer dans le préambule de sa
résolution1037 (1996), relative à la Croatie, un alinéa qui concernait expressément et
directement le statut de certains territoires de ce pays:
"Réaffirmant une fois de plus son attachement à l’ indépendance, à la souveraineté et à
l’intégrité territoriale de la République de Croatie et soulignant à cet égard que les
territoires de la Slavonie orie ntale, de la Baranja et du Sr em occidental font partie
253
intégrante de la République de Croatie ..." .
Dans la résolution 1244 (1999), par contre, le C onseil ne fait aucune déclaration indiquant
que le Kosovo fait partie intégrante de la RFY ou de la Serbie.
4.26. De plus, le Conseil de sécurité a fait figurer dans des résolutions
contemporaines de la résolution 1244 (1999) des dispositions qui indiquaient clairement sa
position sur la sécession. Durant le même mo is de juin1999, le Conseil a adopté une
résolution sur Chypre dans laquelle il déclarait, dans le dispositif:
"Réaffirme sa position selon laquell e le règlement du problème de Chypre doit être
fondé sur un État de Chypre doté d’une souveraineté, d’une personnalité internationale
et d’une citoyenneté uniques, son indépe ndance et son intégrité territoriale étant
garanties, et composé de deux communautés politiquement égales, telles qu’elles sont
décrites dans les résolutions pertinente s du Conseil de sécurité, au sein d’une
fédération bicommunautaire et bizonale, et selon laquelle un tel règlement doit exclure
l’union, en totalit254u en partie, avec un au tre pays, ou toute autre forme de partition
ou de sécession". .
Or, dans la résolution 1244 (1999), le Conseil de sécurité ne dit nulle part qu'un règlement
politique au Kosovo doit reposer sur une RFY dotée d'une souveraineté et d'une
personnalité internationale uniques ou que le règlement politique doit exclure la sécession.
4.27. Dans deux résolutions concernant la situation en Géorgie au premier semestre
de 1999, le Conseil a lancé un appel en faveur d'un "règlement sur le statut politique de
255
l'Abkhazie au sein de l'État géorgien " . Par la voix de son Président, le Conseil avait
253
Résolution1037 (1996) du Conseil de sécurité, pr éambule. Dans son exposé écrit, la Serbie cite la
première partie de cette disposition sur "l'intégrité territoriale" mais en omet la seconde partie "font partie
intégrante" (Serbie, par. 793).
254Résolution 1251 (1991) du Conseil de sécurité, 29 juin 1999, par. 11.
255Résolution 1225 (1999) du Conseil de sécurité, 28 janvier 1999, par. 3; résolution 1255 (1999) du Conseil
de sécurité, 30 juillet 1999, par. 5 (les italiques sont de nous).
78aussi auparavant fait des déclarations relativ es à la Géorgie exprimant sa position sur une
déclaration d'indépendance:
"Le Conseil de sécurité a pris connai ssance avec une profonde préoccupation d’un
rapport du Secrétariat concernant une décl aration du 26 novembre 1994 attribuée au
Soviet suprême d’Abkhazie (République de Géorgie). Il exprime sa conviction que
tout acte unilatéral prétendant établir une entité abkhaze souveraine constituerait une
violation des engagements pris par la partie abkhaze de rechercher un règlement
politique global du conflit géorgeo-abkhaze." 256
4.28. Bien entendu, le Conseil connaissait parfaitement ces résolutions et
déclarations lorsqu'il a adopté la résolu tion1244 (1999) en juin1999, tout comme il
connaissait bien les aspirations du peuple du Kosovo à l'indépendance. Pourtant, ni dans le
préambule ni dans le dispositif de la ré solution1244 (1999), le Conseil n'a repris, mutatis
mutandis, une telle formule pour rejeter d'avan ce une déclaration d'indépendance des
dirigeants du Kosovo ou déclarer que le Kosovo était et devait rester partie intégrante de la
RFY. Le Président du Conseil n'a pas non plus publié de déclaration en ce sens. Comme l'a
souligné le Royaume-Uni, "lorsque le Conseil de sécurité entend créer une garantie ou une
interdiction explicite, ou une obligation de non-reconnaissance résultant de ladite garantie,
il sait comment s'acquitter de cette tâche et s'en acquitte de manière expresse, pas dans un
préambule". 257.
4.29. De plus, même dans le cadre de ces au tres résolutions et déclarations, le
Conseil de sécurité n'a pas proclamé qu'une déclaration d'indépendance était illicite au
regard du droit international; il a simplement indiqué qu'il n'accepterait pas un tel acte ou
258
que cet acte violerait des engagements politiques pris par l'entité concernée. Si le
Conseil avait voulu déclaré in acceptable une déclaration d'indépendance du Kosovo ou la
proclamation d'une telle déclaration sans l'assentiment du Conseil de sécurité, de la Serbie
ou de la RFY, il était parfaitement capable de le dire, au lieu de dissimuler sa position dans
un alinéa du préambule au moyen d'un renvoi d'ordre général à "la souveraineté et
l'intégrité territoriale". Pourtant, il ne l'a pas fait, et force est donc de conclure qu'il n'avait
pas l'intention de le faire.
256
S/PRST/1994/78 (les italiques sont de nous).
257Royaume-Uni, par. 6.12 (4).
258Kosovo, par. 8.18. voir aussi par. 5.67-5.70 ci-après.
79 4.30. En conclusion, le principe de droit in ternational de la souveraineté et de
l'intégrité territoriale vise l'obligation des États de s'abstenir d'utiliser la force contre
d'autres États. Les auteurs de la déclaration d'indépendance, qui n'étaient pas un État et qui
n'ont pas utilisé la force lorsqu'ils ont fait cette déclaration, ne peuvent être considérés
comme ayant violé le principe de la souverainet é et de l'intégrité te rritoriale au regard du
droit international. La référence à "la souveraineté et l'intégrité territoriale" figurant dans le
préambule de la résolution1244 (1999) du Conseil de sécurité n'a pas modifié la situation
juridique et ne pouvait empêché les intéressés de faire une déclaration d'indépendance.
II. Le peuple du Kosovo était habilité à exercer son droit à l'autodétermination en
déclarant son indépendance par la voix de ses représentants élus
4.31. Le Kosovo a expliqué dans sa première contribution écrite 259 qu'étant donné la
question précise posée à la Cour par l'Assemb lée générale, il n'est pas nécessaire de
démontrer que les auteurs de la déclarat ion d'indépendance du 17février2008 étaient
habilités par telle ou telle règle du droit intern ational à faire cette déclaration. Pour établir
la conformité de cette déclarat ion au droit international, il suffit de constater qu'aucune
règle du droit international n'interdisait à ses auteurs de l'adopter ni ne les empêchait de le
faire. Il n'est pas nécessaire de démontrer qu' il existe des règles du droit international qui
les habilitaient à faire cette déclaration.
4.32. De nombreux États ont néanmoins abordé , parfois longuement, la question de
savoir si le peuple du Kosovo avait un droit à l'autodétermination. Le Kosovo juge donc
nécessaire de traiter brièvement de cette ques tion, tout en maintenant que la Cour n'a pas
besoin de l'examiner pour répondre à la question que lui pose l'Assemblée générale dans sa
résolution 63/3.
4.33. Dans la présente section, après avoir examiné certains aspects généraux du
droit à l'autodétermination en droit international (A), le Kosovo démontre que le peuple du
Kosovo constituait une entité aux fins de l'autodétermination et était habilité à déclarer son
indépendance par la voie de ses représenta nts démocratiquement élus étant donné les
violations massives des droits de l'homme pe rpétrées par la RFY/Serbie et son déni
259Ibid., par. 8.38-8.41.
80systématique du droit à l'autodéterminatio n (B). Comme indiqué dans la première
contribution écrite du Kosovo, il n'est pas do uteux qu'étant donné les circonstances, le
260
peuple du Kosovo bénéficiait du droit à l'autodétermination.
A. L E DROIT À L 'AUTODÉTERMINATION EN DROIT INTERNATIONAL
4.34. L'existence du droit à l'autodétermination en tant que tel n'est pas contesté par
les États qui ont présenté des exposés écrits. De fait, ce droit est fermement établi en droit
international contemporain, tel qu'énoncé, notam ment, dans la Charte des NationsUnies,
les résolutions pertinentes de l'Assemblée générale et la jurisprudence de la Cour:
"Le principe du droit des peupl es à disposer d'eux-mêmes a été reconnu par la Charte
des NationsUnies et dans la jurisprudence de la Cour (voir Conséquences juridiques
pour les États de la présence continue de l'Afrique du Sud en Namibie (sud-ouest
africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité , Avis consultatif,
CIJ Recueil1971 , p. 31-32, par. 52-53; Sahara occidental , Avis consultatif, CIJ
Recueil 1975 , p.31-33, par.54-59261il s'agit d'un des principes essentiels du droit
international contemporain."
4.35. En outre, il est aussi expressément reconnu à l'article premier des pactes de
262
1966 que "tous les peuples ont le droit de disposer d'eux-mêmes". En conséquence, ce
263
droit ne s'applique pas exclusivement da ns le contexte de la décolonisation. Si la Serbie
264
semble d'une manière générale l'admettre, elle n'en traite pas moins longuement du droit
265
à disposer d'eux-mêmes des peuples dépendants ou coloniaux, tels que ces termes
s'entendent dans la pratique de l'Assemblée générale. Comme ce droit n'est pas limité aux
260
Kosovo, par. 8.40.
261
Timor oriental, Arrêt, CIJ Recueil 1995 , p.102, par.29. Voir également Conséquences juridiques de
l'édification d'un mur dans le territoire palestinien occupé , Avis consultatif, CIJ Recueil 2004 ,
p. 182-183, par. 118.
262Pacte international relatif aux droits civils et po litiques, New York, 16décembre 1966, article1, par.1,
Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 999, p. 171 (les italiques sont de nous); Pacte international relatif
aux droits économiques, sociaux et culturels, New York, 16décembre1966, article1, par.1,
Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 993, p. 3. Voir également Conférence mondiale sur les droits de
l'homme, Déclaration et Programme d'action de Vienne, 25 juin 1993 (A/CONF.157/23), article I.2.
263
Conséquences juridiques de l'édification d'un mur dans le territoire palestinien occupé , Opinion
individuelle de MmeHiggins, CIJ Recueil 2004, p.214, par.29 (indiquant que "la doctrine et la pratique
abondent sur l''autodétermination au-delà du colonialisme'.").
264Serbie, par. 534.
265Ibid., par.535-539. La Serbie reconnaît également l'ex istence d'un droit à l'autodétermination en cas
d'occupation étrangère, spécialement en ce qui concerne la Palestine (ibid., par. 540-543). Voir également
Chine, passim.
81situations de décolonisation, le fait que le Ko sovo n'était pas un territoire sous mandat ou
sous tutelle ou n'était pas considéré comme un territoire dépendant par l'Assemblée général
des Nations Unies est totalement dénué de pertinence. 266
4.36. Selon l'expression du droit à l'autodétermination qui fait le plus autorité, tous
les peuples, "[e]n vertu de ce droit, [...] déte rminent librement leur statut politique et
assurent librement leur développeme nt économique, social et culturel". 267Le droit de
"déterminer librement [son] statut politique " est suffisamment large pour comprendre une
multitude de choix, y compris, selon les circonstances particulières de chaque cas d'espèce,
l'indépendance mais pas seulement l'indépendance. 268 À cet égard, le Kosovo est
parfaitement conscient du fait que, au sein d'un État souverain, habituellement l'exercice du
droit à l'autodétermination par une entité bénéficiant de ce droit n'inclut pas la création d'un
nouvel État. La Serbie et d'autres ont longuement essayé de démontrer que, dans un tel cas,
le principe de la souveraineté et de l'intégrité territoriale prend nécessairement le pas sur la
volonté du peuple et que, par conséquent, le choix du peuple concerné est limité au sens où
il ne peut opter pour l'indépendance. Ceci ne tie nt pas compte du fait que le principe de la
souveraineté et de l'intégrité territoriale vise la coercition dans les re lations interétatiques,
et non la conduite de personnes à l'intérieur d'un État. 269
4.37. De plus, même si l'on devait reconcep tualiser le principe de l'intégrité
territoriale en disant qu'il préconise le maintien de l'intégrité des limites ou des frontières
(une question que le droit international traite normalement en renvoyant au principe de l'uti
possidetis), rien ne permet en droit ni dans la pr atique de conclure qu'un tel principe prime
toujours l'exercice du droit à l'autodéterminatio n. La Serbie et d'autres États n'invoquent
aucune autorité attestant que cette forme nouvelle d'"intégrité territoriale" interviendrait de
manière à ne tenir absolument aucun compte du peuple vivant sur le territoire et du désir
exprimé par ce peuple. De plus, la Serbie ne tient pas compte du fait qu'en droit
266Voir Serbie, par. 571.
267Pacte international relatif aux droits civils et po litiques, New York, 16décembre 1966, article1, par.1,
Nations Unies, Recueil des Traités, vol. 999, p. 171; Pacte international relatif aux droits économiques,
sociaux et culturels, New York, 16décembre 1966, article 1, par. 1, Nations Unies, Recueil des Traités,
vol. 993, p. 3.
268
Sahara occidental, Avis consultatif, CIJ Recueil 1975 , p. 33, par.58. Voir aussi Assemblée générale,
résolution2625 (XXV), Déclaration relative aux principes du droit international touchant les relations
amicales et la coopération entre les États conformément à la Charte des Nations Unies, 24 octobre 1970.
269
Voir par. 4.06-4.13 ci-dessus.
82international contemporain il n'y a pas de hi érarchie entre un tel principe révisé de
l'intégrité territoriale et le droit à l'autodéterm ination; l'un n'exclut pas l'autre, et vice et
versa. Comme la Cour l'a noté dans l'affaire du Différend frontalier, lorsqu'elle a examiné
la relation entre le principe de l' uti possidetis et le droit à l'autodétermination dans des
situations de formation d'un État et le choix politique adopté par les États africains, aucun
de ces deux concepts ne l'emporte sur l'autre:
"À première vue en effet ce principe en he urte de front un autre, celui du droit des
peuples à disposer d'eux-mêmes. Mais en réalité le maintien du statu quo territorial en
Afrique apparaît souvent comme une solution de sagesse visant à préserver les acquis
des peuples qui ont lutté pour leur indépendance et à évite r la rupture d'un équilibre
qui ferait perdre au continent africain le bénéfice de tant de sacrifices. C'est le besoin
vital de stabilité pour survivre, se dével opper et consolider progressivement leur
indépendance dans tous les domaines qui a amené les États africains à consentir au
respect des frontières coloniales, et 270n teni r compte dans l'interprétation du principe
de l'autodétermination des peuples."
4.38. Ainsi, même si le principe de l'intégrité territoriale était redéfini afin d'en faire
un principe qui d'une manière générale va à l'encontre de la modification des frontières
internationales (ce qu'il n'est pas) dans n'importe quelle situ ation, ce principe devrait être
mis en balance avec le droit à l'autodétermina tion, sans que le résultat quant auquel de ces
deux principes prévaudrait puisse être déterminé à l'avance.
4.39. En dépit des efforts que fait la Serbie pour démontrer qu'il en est autrement,
c'est aussi le sens manifeste de la "clause de sauvegarde" figurant dans la résolution2625
(XXV) de l'Assemblée générale:
"Rien dans les paragraphes précédents ne sera interprété comme autorisant ou
encourageant une action, quelle qu'elle so it, qui démembrerait ou menacerait,
totalement ou partiellement, l'intégrité terr itoriale ou l'unité politique de tout État
souverain et indépendant se conduisant conformément au principe de l'égalité de droits
et du droit des peuples à disposer d'eux-mê mes énoncé ci-dessus et doté ainsi d'un
gouvernement représentant l'ensemble du peuple appartenant au territoire sans
distinction de race, de croyance ou de couleur."
270Différend frontalier (Burkina Faso/République du Mali), Arrêt, CIJ Recueil 1986, p. 567, par. 25.
83 271
Cette formule, reprise en substanc e dans des instruments postérieurs, n'autorise ni
n'encourage peut-être pas la sécession comme moyen d'autodétermination, mais elle ne
l'exclut assurément pas. De fait, cette clau se reconnaît que l'indépendance peut constituer
un choix approprié lorsqu'un État ne se conduit pas conformément au principe de l'égalité
de droits et du droit des peuples à dis poser d'eux-mêmes tel qu'énoncé. Dans ces
circonstances particulières, l'État concerné non seulement renonce au bénéfice de la clause
de sauvegarde de la résolution2625 (XXV) de l'Assemblée générale, mais aussi au droit
d'invoquer sa souveraineté contre la vo lonté du peuple privé de son droit à
l'autodétermination. Comme l'écrit le professeur Tomuschat:
"Lorsque le citoyen indi viduel est considéré comme un simple objet, le droit
international doit autoriser les memb res d'une communauté souffrant d'une
discrimination structurelle – assimilable à un préjudice grave affectant leurs vies –
d'essayer de faire sécession en tant que mesu re de dernier recours après que toutes les
autres méthodes employées pour amen er un changement ont échoué." [ Traduction du
Greffe] 272
4.40. Si, comme l'a déclaré la Cour suprême du Canada dans son fameux avis sur la
Sécession du Québec, le droit à l'autodétermination "donne tout au plus ouverture au droit à
l'autodétermination externe [c'est-à-dire l'indépendance] … dans le cas où un groupe défini
se voit refuser un accès réel au gouvernement pour assurer son développement politique,
273
économique, social et culturel", alors le peuple du Kosovo était habilité à faire une
déclaration d'indépendance conformément à ce droit. Comme expliqué dans la sectionB
ci-après, après avoir été délibérément exclu des institutions de gouvernance et victime de
violations des droits de l' homme pendant une décennie, culminant, en1998-1999, en des
crimes contre l'humanité et des crimes de guerre sur une échelle massive, 274 le peuple du
27Voir Conférence mondiale sur les droits de l'homme, Déclaration et Programme d'action de Vienne,
25juin1993 (A/CONF.157/23), article I.2; Déclar ation des NationsUnies sur les droits des peuples
autochtones, résolution61/295 de l'Assemblée générale, 13septembre2007, article46, par.1. Voir
également par. 4.11 ci-dessus.
272Ch. Tomuschat, "Secession and self-determination", dans M. G. Kohen, Secession: International Law
Perspectives (2006), p.41; voir aussi M. Shaw, International Law (sixième édition, 2008), p.523 (selon
lequel il existe "une exception défendable à la règle selon laquelle le droit à l'autodétermination extérieure
ne s'applique qu'aux situations coloniales ... lorsque le groupe en question fait l'objet d'une 'persécution
extrême et incessante' associée à une 'absence de perspective raisonnable de changement'."). Voir
également Finlande, par. 8–9.
273Renvoi relatif à la sécession du Québec , [1998] 2 R.C.S. 217 (Canada), par.138, reproduit dans I.L.M.,
vol. 37, 1998, p. 1340
274
Voir par. 3.29-3.58 ci-dessus.
84Kosovo avait le droit de choisir l'indépendance. 275 Il a choisi d'exercer ce droit par le
truchement de représentants démocratique ment élus en adoptant la déclaration
d'indépendance.
4.41. La Serbie déclare à maintes reprises 276 que reconnaître un tel droit revient à
"punir" l'État concerné et le droit de la responsabilité internationale n'autorise pas une telle
sanction. Pourtant, il ne peut être dans l'intérê t de la communauté internationale de n'offrir
qu'une indemnisation ou de se contenter d'adresser des exhortations répétées à un
gouvernement en place afin qu'il "fasse mieux" lorsqu'il y a eu des violations massives des
droits de l'homme et qu'un peuple est privé de toute possibilité de participer à la
détermination de son avenir. Le droit intern ational offre des mesure s de protection dignes
de ce nom à un tel peuple, et pas seulement des mesures de réparation une fois que le mal
est fait. Le droit international moderne est aussi le droit du peuple – un droit des gens – qui
protège le peuple, les êtres humains, en particul ier lorsque l'État ne le fait pas. Dans de
telles circonstances, l'État malfaisant doit s upporter les conséquences de ses actes, non
comme une peine, mais comme un corollaire n écessaire pour la protection des droits de
l'homme fondamentaux.
B. L E PEUPLE DU K OSOVO ÉTAIT HABILITÉ À EXERCER SON DROIT À
L AUTODÉTERMINATION EN DÉCLARANT L INDÉPENDANCE
4.42. Le peuple du Kosovo est un peuple qui jouit du droit à l'autodétermination,
contrairement à ce qu'affirment ceux qui voudraien t lui dénier un tel droit. La Serbie pour
277
sa part dénie le droit à l'autodétermination au "territoire du Kosovo". Toutefois, le droit à
l'autodétermination n'est pas un droit détenu pa r un territoire, mais un droit qui appartient
aux êtres humains vivant sur un territoire don né, un facteur important que la Serbie a
ignoré tout au long des années 90 et nie encore aujourd' hui. Durant des décennies, la
politique serbe à l'égard du Kosovo a consis té à le considérer uniquement comme une
région (son territoire) sans tenir compte des droits et intérêts des habitants.
275
Voir par. 4.42-4.52 ci-après.
276Voir, par exemple, Serbie, par. 627-628. Voir aussi Slovaquie, par. 28.
277
Serbie , par. 570.
85 4.43. La Cour suprême du Canada a déclaré:
"Il est évident qu'un "peuple" peut s'entendr e d'une partie seulement de la population
d'un État existant. Le droit à l'autodétermination s'est développé dans une large mesure
en tant que droit de la personne et l'expr ession est généralement utilisée dans des
documents où apparaissent à la fois les mots "nation" et "État". La juxtaposition de ces
termes indique que le mot "peuple" ne vise pas nécessairement l'entière population
d'un État. Le fait de restreindre la définition de ce mot à la population d'États existants,
d'une part, rendrait largement supe rflue la reconnaissance du droit à
l'autodétermination, compte tenu de l'insi stance corrélative, dans la majorité des
documents sources, sur la nécessité de pr otéger l'intégrité territorial278es États
existants et, d'autre part, ferait obstacle à l'objectif réparateur de ce droit."
4.44. L'existence d'un peuple du Kosovo a été largement reconnue par la
communauté internationale, alors même que le Kosovo faisait partie de la RFY/Serbie. Et à
juste titre: comme le professeur Crawford l'a souligné, "une autre catégorie possible
d'entités pouvant prétendre à l'autodétermination" est constituée par
"les entités faisant partie d'un État métropo litain mais qui ont été gouvernées de telle
manière qu'elles sont devenues des territoires non autonomes – en d'autres termes, des
territoires sujets à une carence de souveraine té. Le Bangladesh, le Kosovo et peut-être
279
l'Érythrée sont des exemples possibles."
4.45. Le peuple du Kosovo est beaucoup plus qu' une simple minorité au sein de la
RFY/Serbie, mais bien une entité pouvant prét endre à l'autodétermination en tant que
280
"territoire non autonome" au sens indiqué par le professeur Crawford. De plus, le peuple
du Kosovo est distinct et homogène, puis qu'il s'agit d'un groupe dont 90pour cent des
membres sont des Albanais du Kosovo qui parlen t la langue albanaise et partagent pour la
plupart une identité religieuse musulmane. Le cadre constitutionnel promulgué en 2001 par
le RSSG reconnaissait que "l e Kosovo est une entité administrative sous administration
internationale provisoire qui, ainsi que so n peuple, présente des caractéristiques
historiques, juridiques, culture lles et linguistiques uniques". 281 La résolution1244 (1999)
278
Renvoi relatif à la sécession du Québec , [1998] 2 R.C.S. 217 (Canada), par.124, reproduit dans I.L.M.,
vol. 37, 1998, p. 1340.
279J. Crawford, The Creation of States in International Law (deuxième édition, Oxford, 2006), p. 126. Voir
aussi Irlande, par. 29.
280Le professeur Crawford explique aussi qu'"[à] la base, la question de la définition d'un 'peuple' concerne
l'identification des catégories de territoires auxquels leprincipe de l'autodétermination s'applique en droit"
(Ibid., p. 126).
281
Règlement No. 2001/9 de la MINUK, 15mai2001, article 1.1 [Dossier, No. 156] (les italiques sont de
nous). Voir également Albanie, par. 84.
86du Conseil de sécurité, 282 comme les déclarations anté rieures du Président du Conseil, 283
l'accord intérimaire de Rambouillet et d'autres documents qui lui sont antérieurs, 284 vise le
"peuple du Kosovo" et la "volonté du peupl e". De fait, la résolution1244 (1999) elle-
même peut être lue comme confirmant l'exis tence du droit à l'autodétermination du peuple
du Kosovo: l'administration inte rnationale du territoire visait non seulement à empêcher
que la RFY/Serbie gouverne le Kosovo durant la période intérimaire mais aussi, et surtout,
à établir des conditions propices à l'exerci ce par le peuple du Kosovo de son droit à
l'autodétermination, sans préjuger si le règlem ent du statut final prendrait la forme d'une
autodétermination interne ou externe. Comme l'a expliqué le professeur Tomuschat:
"Il convient de noter que la résolution1244 évite soigneusement d'utiliser ce mot
[autodétermination]. Il n'apparaît nulle part dans le texte. Toutefois, implicitement, il
imprègne toute l'économie de la résoluti on. L'autonomie au profit d'une communauté
humaine donnée ne peut être inventée par le Conseil de sécurité sans aucun fondement
en droit international général. En conclusion, la résolution 1244 du Conseil de sécurité
peut être considérée comme constituant la première décision formelle de la
communauté internationale r econnaissant qu'une communauté humaine vivant sur le
territoire d'un État souverain peut dans certaines circonstances précises jouir d'un droit
285
à l'autodétermination".
4.46. S'il existe un droit de sécession au profit d'un peuple privé de l'exercice et de la
jouissance du droit à l'autodétermination et victime d'une discrimination délibérée et de
violations des droits de l'homme, alors le peuple du Kosovo pouvait assurément exercer ce
droit. Titulaire d'un droit à l'autodétermination, le peuple du Kosovo, étant donné les
circonstances particulières de son histoire récente, pouva it déclarer son indépendance
en 2008.
4.47. Dans son exposé écrit, la Serbie minimise les événements dramatiques de
1989-1990, et le déni systématiq ue de l'autodétermination, ainsi que les violations
282
Dossier, No. 34.
283Voir par exemple la déclaration du Président du Conseil de sécurité du 24août1998, S/PRST/1998/25
[Dossier, No. 14].
284Voir par. 5.05-5.18 ci-après.
285
Ch. Tomuschat, "Secession and self-determination", dans M. G. Kohen, Secession: International Law
Perspectives (2006), p. 34.
87massives des droits de l'homme dont le pe uple du Kosovo a été victime sur une grande
286
échelle de 1989 à 1999. Elle déclare:
"En ce qui concerne le Kosovo, son stat ut de province autonome accordé par la
Constitution de la RFSY de1974 et la Constitution serbe de1974 a été modifié
en1989. Cette modification a été apportée par la voie d’amendements à la
Constitution serbe, selon la procédure pr escrite par la Constitution et avec le
consentement du Kosovo et d’une autre prov ince autonome serbe, la Voïvodine. Ces
deux provinces autonomes ont conservé ce stat ut dans les constitutions fédérale et
serbe, mais avec des pouvoirs autonomes am oindris, en particulier dans le domaine
législatif. À aucun moment la minorité al banaise, que ce soit au Kosovo ou dans
d’autres parties de la Serbie, ne s’es t trouvée exclue ou victime d’actes de
discrimination en ce qui concerne la participation aux affaires publiques de l’État." 287
4.48. Comme on l'a vu au chapitreIII, cet e xposé anodin des actes terribles commis
par la Serbie de 1989 à 1999 est totalement contredit par les constatations d'organes
internationaux. 288Le Kosovo a déjà donné de longue s citations des conclusions du
Tribunal pénal international pour l' ex-Yougoslavie dans le jugement Milutinović et
consorts du 26 février 2009, 289 qui contredit radicalement la relation serbe des faits. 290De
plus, de nombreuses résolutions de l'Assemblée générale ont constaté le déni flagrant et
systématique de ces droits de l'homme fondamentaux et la discrimination dont était victime
291
le peuple du Kosovo. Il n'est pas douteux que le peuple du Kosovo était, au moins
depuis les événements de 1989-1990, totalement privé de tout droit à l'autodétermination et
empêché de participer aux processus politiques au sein des instituti ons de la RSFY/RFY.
Ces événements ont culminé dans des violatio ns des droits de l'homme systématiques,
délibérées et massives, des crimes contre l'hu manité, une épuration ethnique et une crise
grave causée par le nombre de s réfugiés et personnes dépl acées. Tous ces événements,
considérés par le Conseil de sécurité co mme une menace contre la paix et qui ont
finalement amené la communauté internationale à intervenir, ont donné le droit au Kosovo
286Kosovo, par. 3.23-3.60, et par. 3.29-3.58 ci-dessus.
287Serbie, par. 641.
288
Voir par. 3.29-3.58 ci-dessus, et Kosovo, par. 3.23-3.37 et 3.47-3.60. Voir égalementAlbanie, par. 86-92.
289Le Procureur c. Milan Milutinovi ć, Nikola Šainovi ć, Dragoljub Ojdani ć, Nebojša Pavkovi ć,
Vladimir Lazarević, Sreten Lukić (IT-05-87-T), Jugement, 26février2009 (disponible sur le site internet
du TPIY: http://www.icty.org/case/milutinovic/4#tjug).
290Kosovo, par. 3.27 et 3.33.
291
Estonie, p. 6-9; Irlande, par. 33 iii); Suisse, par. 82-84.
88de déterminer indépendamment son statut pol itique et de déclarer son indépendance de
l'État responsable de cette situation humanitaire grave.
4.49. L'adoption de la résoluti on1244 (1999) du Conseil de sé curité et la mise en
place de l'administration des Nationsunies au Kosovo ont mis fin à ces événements
traumatiques et la situation s'est modifiée su r le terrain. La situation a aussi changé à
l'intérieur de la RFY, avec la chute du régime Miloševi ć et, ultérieurement, le retrait du
Monténégro de l'Union d'États. Toutefois, ces circonstances n'ont rien changé au droit du
peuple du Kosovo à l'autodétermination, contrairement à ce que fait valoir Chypre. 292
4.50. De fait, l'évolution positive de la situation au Kosovo entre juin1999 et
février2008 (une période de moins de neuf ans, durant laquelle les autorités serbes
n'avaient pas de présence au Kosovo) ne peut être invoquée pour dénier au peuple du
Kosovo le droit à l'autodétermination. Comme expliqué au chap itre V ci-après, la
résolution 1244 (1999) n'excluait pas l'indépendance mais établissait une administration
intérimaire pour permettre au peuple du Ko sovo de rétablir un environnement sûr et
d'exercer effectivement son droit à l'autodéte rmination en attendant un règlement sur le
statut final, l'indépendance constituant une possibilité. Plutôt que de mettre fin à un droit à
l'autodétermination externe, la période intérimaire visait à donner au peuple du Kosovo la
possibilité d'exercer effectivement ses droits internationalement reconnus en créant des
institutions démocratiques, pour finalement accéder à l'indépendanc e si telle était sa
volonté.
4.51. Contrairement à ce qu'affirment divers États, la nouvelle situation créée au
Kosovo entre 1999 et 2008 ne s'est pas accompagnée d'une amélioration marquée de la
situation en RFY/Serbie, au moins en ce qui co ncerne l'attitude de Belgrade à l'égard du
Kosovo. La Serbie affirme fall acieusement que des progrès im portants ont été réalisés en
ce qui concerne la reconnaissance des droits de l'homme au bénéfice du Kosovo dans la
nouvelle Constitution serbe de 2006. 293 Le fait est que même après 1999, la RFY et les
autorités serves ont continué, dans leurs déclarations et pr ises de position, de traiter le
292Chypre, par. 146.
29Voir, par exemple, les citations très sélectives faites par la Roumanie de l'avis de la Commission de
Venise sur la Constitution serbe (Roumanie, par. 154).
89Kosovo uniquement comme un morceau de territoire appartenant à la Serbie, en
méconnaissant totalement les aspirations et les craintes du peuple qui y vivait. La
Constitution de 2006, qui déclare ouvertement dans son préambule que "la province du
Kosovo-Metohija fait partie intégr ante du territoire de la Serbie", 294 n'a même pas été
soumise à l'approbation du peuple du Kosovo. 295 Malgré son évaluation positive de la
Constitution de 2006 en ce qui concerne les droits de l'homme, la Commission de Venise a
sévèrement critiqué l'absence de garantie constitutionnelle d'une autonomie du Kosovo:
"En ce qui concerne l’autonomie renforcée, un examen de la Constitution et plus
particulièrement de son Titre VII, mont re que ce régime d'autonomie du Kosovo est
loin d’être garanti au niveau constituti onnel, car la Constitution délègue quasiment
tous les aspects de cette autonomie au pouvoir législatif. L’article 12 du Titre I, qui est
consacré aux principes constituti onnels, traite de l’autonomie provinciale et locale. Il
est plutôt ambigu: d’une part , il prévoit au paragraphe1 que le pouvoir de l’État est
limité par le droit des citoyens à l’autonomie provinciale et locale et d’autre part il
précise que le droit de citoyens à l’autonom ie provinciale et loca le est soumis à un
contrôle de constitutionnalité et de légalité. Il est donc clair qu’une loi ordinaire peut
restreindre l’autonomie des provinces.
Cette possibilité de restreindre légalement l’autonomie des provinces est confirmée par
la quasi-totalité des articles du Titre VII de la Constitution et en particulier:
- Article 182, par. 2: 'L’autonomie renforcée de la Province autonome du Kosovo-
Metohija est régie par une loi spéciale , qui sera adoptée conformément au
processus prévu pour l’amendement de la Constitution.'
- Article182, par.4: 'Le territoire des provinces autonomes et les conditions
auxquelles les limites entre les provinces autonomes peuvent être modifiées sont
régis par la loi...'
- Article 183, par. 2 'Les provinces autonomes régissent, conformément à la loi ,
les questions d’intérêt provincial dans les domaines suivants...'
- Article183, par.3: 'Les provinces autonom es veillent au respect des droits de
l’homme et des droits des minorités conformément à la loi.'
- Article183, par.5: 'Les provinces aut onomes gèrent le patrimoine provincial
selon les modalités prévues par la loi.'
- Article183, par.6: 'Les pr ovinces autonomes perçoivent, conformément à la
Constitution et à la loi, des impôts directs, ...'
- Article184, par. 1 à 3: 'Les provinces autonomes perçoivent des impôts directs
pour financer leurs compéten ces. Le type et le montan t des impôts directs sont
294
Serbie, annexe 59.
29International Crisis Group, Serbie’s New Constitution, Democracy going backward , Policy Briefing
No. 44, 8 novembre 2006, disponible à l'adresse:http://www.crisisgroup.org/home/index.cfm?id=4494.
90 prévus par la loi. La loi précise la part des provinces autonomes dans les recettes
de la République de Serbie.'
Ainsi, à l’inverse de ce qu’annonce le préambule, la Constitution elle-même ne
garantit aucunement l’autonomie renforcée du Kosovo, car il appartient à l’Assemblée
nationale de la République de Serbie de dire si l’autonomie provinciale sera effective
ou non." 296
4.52. Dans ce contexte, il est patent que l'exercice effectif du droit à
l'autodétermination du peuple du Kosovo n'était pas garanti en République de Serbie sous
l'empire de la Constitution de 2006. À la fin d'un processu s long mais finalement vain
297
conçu pour trouver une solution négociée à ce problème, le peuple du Kosovo n'a pas eu
d'autres choix que de déclarer son indépendan ce, en tant que dernie r recours pour exercer
effectivement son droit. Dans ces condition s, il est légitime de considérer que la
déclaration d'indépendance représ ente l'exercice de son droit à l'autodétermination par le
peuple du Kosovo. Comme le Ministre des affaires étrangères de la République du Kosovo
l'a déclaré devant le Conseil de sécurité le 17 juin 2009:
"Après avoir enduré des décennies d’occupation indicible, de terreur et d’esclavage, le
peuple du Kosovo mérite d’être298bre et d’intégrer la communauté des nations libres et
démocratiques du monde."
4.53. Toutefois, en conclusion, le Kosovo réitère que pour apprécier la conformité de
sa déclaration d'indépendance au regard du droit international, la Cour n'a pas à répondre à
la question de savoir si le droit international autorisait ou habilitait le Kosovo à exercer un
droit à l'autodétermination. Comme expliqué en détail dans la première contribution écrite
du Kosovo, 299 il lui suffit de constater qu'aucune règle du droit international n'interdisait
aux auteurs de la déclaration d'adopter celle-ci ni ne les empêchait de le faire.
29European Commission for Democracy through Law, Opinion on the Constitution of Serbie, Venise,
17-18 mars 2007, par. 7-8, available on http://www.venice.coe.int/docs/2007/CDL-AD(2007)004-e.pdf.
297Voir Kosovo, par. 5.08-5.5.34.
298 e
Conseil de sécurité, procès-verbal pr ovisoire, soixante-qua trième année, 6144 séance, 17 juin 2009,
S/PV.6144, p. 9.
299
Kosovo, par. 8.03-8.06.
91 CHAPITRE V
LA DÉCLARATION D'INDÉPENDANCE N'ÉTAIT PAS CONTRAIRE À LA
RÉSOLUTION 1244 (1999) DU CONSEIL DE SÉCURITÉ
5.01. Plusieurs exposés écrits examinent la qu estion de savoir si la déclaration
d'indépendance était contraire à la résolution1244 (1999) du C onseil de sécurité. Dans sa
première contribution écrite, le Kosovo a examiné de manière assez approfondie la
signification de la résolution 1244 (1999) et les raisons pour laquelle la déclaration ne peut
300
être considérée comme allant à son encontre. Dans le présent chapitre, le Kosovo ne
répétera pas les arguments énoncés dans sa première contribution écrite mais examinera
plus en profondeur certaines questions précises soulevées dans certains exposés écrits.
5.02. Premièrement, les textes de négocia tion ayant précédé la résolution1244
(1999) n'interdisaient pas aux représentants du Kosovo de déclarer l'indépendance. Les
négociations révèlent en effet une tendance à résoudre la crise du Kosovo dans un cadre
qui comprendrait deux étapes: une période intérimaire durant laquelle une large autonomie
serait accordée au Kosovo au sein de la RFY, suivie d'un règlement final qui ne
nécessiterait pas un accord mutuel entre Belgrade et Pristina ( Section I). La
résolution 1244 (1999) a adopté cette approche en deux étapes au moyen d'un cadre qui est
neutre quant au statut final, à savoir qu'elle a défini une période intérimaire d'autonomie
devant être suivie d'un règlement sur le statut final fondé principalement sur la volonté du
peuple du Kosovo, quelle qu'elle puisse être. Ains i, cette résolution ne déterminait pas à
l'avance le statut final du Kosovo, ni n'interdisait aux représentants du Kosovo, au final, de
déclarer l'indépendance (Section II).
5.03. Immédiatement après l'adoption de la résolution 1244 (1999), des documents et
déclarations ont été publiés que la Serbie et d'autres États considèrent comme pertinents
s'agissant de la capacité du Kosovo de d éclarer son indépendance. Toutefois, ces
déclarations et documents reflétaient des attitudes quant à ce qui était approprié à l'époque,
avant le commencement et l'achèvement du pr ocessus de détermination du statut final.
Après qu'en 2007 les responsables compétents de l'ONU eurent conclu que l'indépendance
300Kosovo, chapitre IX.
93était la seule option viable, et que le maintien du statu quo aurait un effet déstabilisateur,
une déclaration d'indépendance fut envisagée co mme le moyen approprié de parvenir à un
règlement final reposant sur la volonté du peuple, comme l'e nvisageait la résolution1244
(1999) (Section III).
5.04. Pour plusieurs raisons, la déclaration d'indépendance ne peut être considérée
comme un acte ultra vires des IPAA ni comme contraire au cadre constitutionnel. Ceci est
spécialement vrai parce que la déclaration n'a jamais été écartée ni annulée par le
Représentant spécial du Secr étaire général au Kosovo – le fonctionnaire de l'ONU qui a
établi le cadre constitutionnel et les IPAA, et qui était chargé de surveiller celles-ci et de
corriger les mesures incompatibles avec le cadre constitutionnel qu' elles auraient pu
prendre ( Section IV). Enfin, la pratique générale du Conseil de sécurité de n'imposer
d'obligations juridiques qu'aux États confirme qu e la déclaration n'éta it pas contraire à la
résolution 1244 (1999) (Section V).
I. Les textes de négociation ayant précédé la résolution 1244 (1999) n'interdisaient
pas aux représentants du Kosovo de déclarer l'indépendance
5.05. Dans son exposé écrit, la Serbie avance que les négociations ayant précédé la
résolution1244 (1999) démontrent que le Kos ovo n'avait pas de dro it unilatéral de faire
301
sécession. À cet égard, la Serbie renvoie aux négociations qui ont eu lieu à Rambouillet,
302 303
au sein du G-8, aux négociations Ahtisaari-Chernomydrin, et aux négociations
304
relatives à l'accord militaro-technique. D'autres États avancent des arguments
305
comparables. La Serbie omet toutefois de dire qu'aucun des textes issus de ces
négociations n'a interdit au Kosovo de déclar er son indépendance. Dans chaque cas, les
négociateurs ont compris que les dirigeants du Kosovo recherchaient l'indépendance et que
tout texte qui empêcherait celle-ci serait inacceptable.
301Serbie, par. 781-784.
302
Ibid., par. 667 et 686-687.
303Ibid., par. 684-685.
304
Ibid., par. 668-674.
305
Parexemple, Argentine, par. 76.
94 5.06. Comme indiqué dans la première contribution écrite du Kosovo, 306toute
analyse des négociations ayant précédé la résolution1244 (1999) doit commencer par les
projets établis par l'Ambassadeur des États-Unis (en Macédoine), Christopher Hill, qui à la
fin de 1998 a été chargé par le Groupe de cont act de faire la "navette diplomatique" entre
les dirigeants de Belgrade et ceux du Kosovo. D'octobre 1998 à janvier 1999, dans le cadre
de ce que l'on appelle parfois le "processus Hi ll", l'AmbassadeurHill a essayé de trouver
un accord qui stabiliserait la crise qui s'était fait jour au Kosovo. Le processus Hill a été
important en ce qu'il a posé les fondements de deux éléments clés des négociations qui
allaient suivre et aboutir à la résolution1244 (1999). Premièreme nt, il est apparu à toutes
les parties concernées qu'il ne serait pas possibl e de régler dès le départ le statut final du
Kosovo. Ainsi, les négociations (et finalement la résolution 1244 elle-même) devaient être
axées sur la définition d'une solution intéri maire, conçue pour créer immédiatement les
307
conditions permettant aux habitants du Kosovo de reprendre une vie normale et paisible.
Deuxièmement, si les négociations (et fi nalement la résolution 1244) évoquaient
brièvement le processus de détermination du statut final du Kosovo, elles ont évité de
préjuger de ce que serait ce statut final et évit é de donner à la Serbie un droit de véto dans
le cadre du règlement de la question de ce statut.
5.07. L'analyse des quatre propositions du processus Hill fait clairement apparaître
ces éléments. Tous les projets étaient princi palement axés sur une solution intérimaire
immédiate accordant des droits et des protections au peuple du Kosovo, et ce n'est qu'à la
fin des projets qu'on trouve une référence brève mais importante au processus de
détermination du statut final au bout de trois ans. Dans le premier projet de proposition
er
Hill, daté du 1 octobre 1998, cette référence prend la forme d'une clause finale:
"Dans trois ans, les parties entreprendront une évaluation exhaus tive de l'accord, en
vue d'améliorer son application et d'examin er les propositions émanant de l'une ou
306Kosovo, par. 9.13-9.14.
30Voir par exemple I. Daalder et M. O'Hanlon, Winning Ugly: NATO’s War to Save Kosovo (2000),
p.39-40 ("Il y avait trois options logiques pour lavenir du Kosovo: l'indépendance, la partition ou
l'autonomie. Hill a été chargé par le Groupe de contact de rencontrer les dirigeants albanais et de Belgrade
pour obtenir leur accord sur ce qu'on appelait les 'pri ncipes devant guider les discussions et négociations'
présentés par les États-Unis à la réunion du Groupe de contact à Bonn. L'idée fondamentale de ces
principes était qu'il fallait trouver le moyen de donner au Kosovo l'autonomie à court terme, la question
de l'avenir politique de la région devant faire l'objet d'une décision des années plus tard. Le
2septembre1998, Hill a annoncé que Milosevic et Rugo va avaient accepté de travailler à l'élaboration
d'un plan intérimaire pour le Kosovo et de renvoyer la décision finale sur le statut politique du Kosovo à
trois ou cinq ans." [Traduction du Greffe]).
95 l'autre partie en vue de mesure308dditionnelles, qui devront faire l'objet d'un accord
mutuel pour être adoptées". [Traduction du Greffe]
er 309
Le second projet Hill, du 1 novembre1998, reprenait cette disposition finale. La
troisième proposition Hill, du 2 décembre 1998, reprenait cette disposition mais remplaçait
"sides" par "Parties" dans le texte anglais. 310
5.08. Mais parce que l'expression "accord mutuel" aurait donné à la Serbie un droit
de véto sur l'évolution future, la déléga tion du Kosovo ne l'a pas acceptée. C'est pourquoi,
dans la quatrième et dernière proposition Hill, du 27 janvier 1999, cette disposition finale a
été modifiée et placée entre crochets, et elle se lisait comme suit:
"Dans trois ans, il y aura une évaluati on exhaustive du présent accord sous des
auspices internationaux afin d'en améliorer l'application et de déterminer s'il convient
de mettre en Œuvre les propositions de l' une ou l'autre partie en vue de mesures
additionnelles, au moyen d'une procédure à détermin er en tenant compte des rôles
311
des parties et de la mesure dans laquelle elles ont respecté le présent accord ."
[Traduction du Greffe]
5.09. Ainsi, dans la dernière version des pr opositions Hill, la référence à l'"accord
mutuel" des parties est complètement abandonnée. La disposition proposée privilégiait une
approche du statut final qui comprendrait une "évaluation exhaustive" sous des "auspices
internationaux" dans le cadre d'une "procédur e" qui "tiendrait compte" des rôles des deux
parties et du respect de l'accord. Aucun aspect de cette disposition (ni d'aucune autre)
n'excluait la possibilité pour le Kosovo de rechercher son indépendance.
5.10. Finalement, ni le Kosovo ni la RFY/Serbie n'ont accepté la dernière proposition
Hill: le Kosovo n'était pas assez convaincu que cette proposition constituait un accord
intérimaire, et la Serbie insistait sur l'in sertion d'une disposition établissant de manière
définitive que le Kosovo demeurerait partie intégrante de la Yougoslavie.
308Premier projet Hill d'accord pour un règlement de la crise du Kosovo, 1eroctobre 1998, article VIII(3),
reproduit dans M. Weller, The Crisis in Kosovo 1989-1999 (1999), p. 359 (les italiques sont de nous).
309Proposition Hill révisée, 1 novembre 1998, article XI (3), reproduit dans Ibid., p. 369.
310
Troisième proposition Hill pour un règlement de la crise du Kosovo, 2d écembre 1998, article X(3),
reproduit dans Ibid., p. 381.
311Proposition finale Hill, 27janvier 1999, article X(3), reproduit dans Ibid., p. 388 (les italiques sont de
nous).
96 5.11. Après l'offensive yougoslave au Kosovo en décembre1999, et le massacre de
quelque 45 Albanais du Kosovo dans le village de Reçak/Račak, de nouvelles négociations
312
s'ouvrirent à Rambouillet. Venant quelques jours seulement après la fin du processus
Hill et se déroulant partiellement sous la médiation de l'Ambassadeur Hill lui-même, les
négociations de Rambouillet ont tenu comp te du processus Hill. Comme les propositions
issues de celui-ci, l'accord intérimaire de Rambouillet ne contient aucune disposition
interdisant aux représentants du Kosovo de d éclarer l'indépendance. Comme le processus
Hill, l'accord intérimaire de Rambouillet envisageait une période intérimaire d'autonomie
substantielle pour le Kos ovo, suivie par un règlement final; de fait, le titre officiel de cet
accord est "Accord intérimaire pour la paix et l'autonomie au Kosovo".
5.12. Comme la dernière proposition Hill, l'accord intérimaire de Rambouillet
abandonnait l'idée que le statut final du Kosovo serait déterminé par "accord mutuel" entre
le Kosovo et la Serbie. Le premier projet de l'accord intérimaire de Rambouillet, daté du
5 février 1999, s'inspirait de la clause finale pertinente de la dernière proposition Hill:
"Dans trois ans, il y aura une évaluati on exhaustive du présent accord sous des
auspices internationaux afin d'en améliorer l'application et de déterminer s'il convient
de mettre en Œuvr313es propositions de l' une ou l'autre partie en vue de mesures
additionnelles." [Traduction du Greffe]
Toutefois, lors des négociations de Rambouillet, il apparut qu'il fallait définir plus en détail
la manière dont serait déterminé le statut final. Ce faisant, les négociateurs n'ont pas repris
l'expression "accord mutuel" utilisée dans le cadre du processus Hill, mais ont souligné
qu'il fallait que le statut final repose sur "la volonté du peuple" du Kosovo associée à
certains autres facteurs. Plus précisément, le paragraphe 3 de l'article premier du chapitre 8
de la version finale de l'accord intérimaire de Rambouillet disposait:
"Trois ans après l'entrée en vigueur du présent Accord, une réunion internationale sera
convoquée en vue de définir un mécanisme pour un règlement définitif pour le
Kosovo, sur la base de la volonté du peuple, de l'avis des autorités compétentes, des
efforts accomplis par chacune des Parties dans la mise en Œuvre du présent Accord, et
de l'Acte final de Helsinki, ainsi que pour réaliser une évaluation d'ensemble de la
312
Kosovo, par. 3.42-3.46.
31Accord intérimaire pour la paix et l'autonomie aKosovo, projet initial, 6février1999, article III(3),
reproduit dans M. Weller, The Crisis in Kosovo 1989-1999 (1999), p. 422-423.
97 mise en Œuvre du présent Accord et d' examiner les propositions de mesures
314
complémentaires formulées par les Parties."
5.13. Le Kosovo accepta l'accord intérimaire de Rambouillet, 315mais non la
RFY/Serbie. La RFY/Serbie essaya d'obtenir la révision de l'accord intérimaire de
Rambouillet pour supprimer le terme "intérimaire" de son titre et de son texte, et supprimer
l'idée d'un statut final fondé sur "la volonté du pe uple" en faveur d'une solution exigeant le
consentement de la Serbie. Plus précisément , la RFY/Serbie propos a de modifier comme
suit la clause finale:
"Au bout de trois ans, les signataires pr océderont à une évaluation d'ensemble du
présent accord en vue d'en améliorer l'a pplication et examineront les propositions de
mesures complémentaires formulées par les signataires, dont l'adoption exigera le
consentement de tous les signataires." 316[Traduction du Greffe]
Les négociateurs présents à Rambouillet, dont l' Ambassadeur russe Majorski, rejetèrent la
révision proposée par la RFY/Serbie, déclar ant que "le Groupe de contact a estimé à
l'unanimité que seuls des ajustements techni ques pouvaient être envisagés qui, bien
entendu, devaient être acceptés comme tels et approuvés par l'autre délégation" [traduction
du Greffe]. 317 Les efforts vainement déployés par la RFY/Serbie pour transformer l'accord
"intérimaire" de Rambouillet en un règlement pe rmanent, et pour exiger que le statut final
soit subordonné au "consentement de tous les signataires" (c'est-à-dire notamment la
RFY/Serbie) confirment une nouvelle fois que l'accord intérimaire de Rambouillet
prévoyait dans sa forme finale une période in térimaire d'autonomie substantielle pour le
Kosovo au sein de la RFY, qui serait suivie par un processus de détermination du statut
final principalement guidé par la "volonté du peuple", sans que le consentement de la
RFY/Serbie soit nécessaire.
314
Accord intérimaire pour la paix et l'autonomie au Kosovo, 23février1999, chapitre8, article premier,
par. 3, reproduit dans S/1999/648 [Dossier, No. 30].
315Lettre de Hashim Thaci, Président de la présidence de la délégation du Kosovo, 15 mars1999, reproduit
dans M. Weller, The Crisis in Kosovo 1989-1999(1999), p. 480.
316Projet d'accord révisé de la RFY, 15mars1999, chapitre8, article premier, par.4, reproduit dans Ibid.,
p. 489-490 (le italiques sont de nous).
317
Lettre adressée par les trois négociateurs au chef de la délégation de Serbie, 16 mars 1999, reproduit dans
Ibid., p. 490.
98 5.14. Apparemment, certains États estiment aujourd'hui que l'Accord intérimaire de
318
Rambouillet demande l'intégration permanente du Kosovo à la Serbie ou comme
319
établissant des frontières non modifiables parce qu'il renvoie à l'Acte final d'Helsinki.
Mais le texte de l'accord n'autorise pas de te lles interprétations. Les diverses références à
l'"intégrité territoriale" de la RFY ou à l'"autonomie" du Kosovo au sein de la RFY doivent
être envisagées dans le cadre d'une période intérimaire. De fait, il ressort clairement du
titre même de l'accord intérimaire qu'il concer ne principalement une solution intérimaire,
et non le statut final du Kosovo. Il en va de même de son texte. Par exemple, une clause
qui figure dans le préambule de la Constitution proposée (chapitre I de l'accord) souligne le
caractère intérimaire de la disposition comme suit:
"Désireux, aux termes de la présente Constitution intérimaire, d’établir les institutions
du Kosovo autonome et démocratique fondées dans le respect de l’intégrité territoriale
et de la souveraineté de la République fé dérale de Yougoslavie et sur la base du
320
présent Accord, d’où émanent les autorités mentionnées ci-après".
La seule disposition de l'accord intérimaire de Rambouillet qui évoque effectivement le
statut final du Kosovo – le paragr aphe3 de l'articlepremier du chapitre8 – ne dit rien de
l'"intégrité territoriale" ni de l'"autonomie" du Kosovo au sein de la RFY; elle évoque
simplement une solution politique principale ment inspirée par la "volonté du peuple" du
321
Kosovo.
5.15. Peut-être l'interprétation la plus frappante du sens de l'Accord intérimaire de
Rambouillet est celle qu'avance même la Serb ie elle-même aux fins de la présente
318Fédération de Russie, par. 55; Espagne, p. 26; Roumanie, par. 47-52.
319Chypre, par. 93.
320
Accords de Rambouillet, chapitre premier, préambule. La référence dans le préambule général de l'accord
intérimaire à "l’attachement de la communauté internati onale à la souveraineté et à l’intégrité territoriale
de la République fédérale de Yougoslavie" et à l'Ac te final d'Helsinki, même si l'on estime qu'elle va au-
delà de l'accord intérimaire, ne peut être interprétée comme prônant l'intégration permanente du Kosovo à
la Serbie, et encore moins comme interdisant un e déclaration d'indépendance. Comme expliqué au
chapitreIV, par.4.06-4.13, les références générales de ce type à l'"intégrité territoriale" doivent être
considérées comme un engagement des États de ne pa s utiliser la force pour modifier les frontières
territoriales. De plus, également comme expliqué au chapitreIV, par.4.14-4.29, une clause ainsi placée
dans un préambule ne peut tout simplement pas se voir accorder, aux fins de l'interprétation, le poids que
la Serbie et d'autres États voudraient lui accorder.
321Comme le concède la Roumanie, l'accord de Rambou illet "était destiné à offrir une solution provisoire
pour le Kosovo. L'Accord de Ram bouillet lui-même offre dans son dernier chapitre ... les moyens pour
faire avancer les discussions visant l'identification d'un e solution finale pour le statut du Kosovo. Il faut
remarquer qu'une telle solution [devait] prendre en considération 'la volonté du peuple' ...". ( Roumanie,
par. 52).
99procédure. 322La Serbie soutient maintenant que l'Accord intérimaire de Rambouillet
acceptait que le Kosovo demeure partie intégrante de la RFY en l'absence du consentement
de la Serbie. Mais peu après la fin de la conférence de Rambouillet, la RFY/Serbie avait
une opinion très différente, considérant l' Accord comme avalisant pour l'essentiel la
sécession du Kosovo. Le 24mars1999 – juste un mois après l'élaboration du texte de
l'Accord intérimaire de Rambouillet – le représentant de Belgrade a exposé au Conseil de
sécurité comment il comprenait cet Accord. Il s' est plaint de ce que "l es réunions qui se
sont tenues en France n'étaient pas des né gociations portant sur l'autonomie du Kosovo-
Metohija" mais plutôt "une tentative gros sière et inédite d'imposer une solution qui
souscrirait pleinement aux visées séparatistes". De plus, il a soutenu que la RFY "a été et
demeure disposée à trouver une solution politique. Nous lui accordons une priorité absolue
mais nous ne pouvons accepter la sécession du Kosovo-Metohija, que ce soit dans
l'immédiat ou aux termes d'une période intérimaire de trois ans". 323De même, le
26mars1999, Belgrade a une nouvelle fois i ndiqué au Conseil de sécurité ce qu'elle
pensait de l'Accord intérimaire de Rambouillet:
"Aujourd'hui, la Yougoslavie doitfaire face à un autre ultimatum, cette fois-ci de la part
de l'OTAN —de pays dits démocratique s. On lui donne deux options: ou renoncer
volontairement à une partie de son territoire ou se le voir retirer par la force. Voilà, en
résumé, la 'solution' proposée au Kosovo-Me tohija sous forme d'ultimatum lors des
«négociations» en France." 324
5.16. Ces affirmations étaient exagérées, car l'Accord intérimaire de Rambouillet ne
disposait pas expressément que le Kosovo sera it un État indépendant . Pourtant, selon les
affirmations de Belgrade même, l'Accord intérimaire de Rambouillet ne peut être interprété
de la manière qu'avancent maintenant la Serbie et d'autres. À l'époque où il a été élaboré, la
RFY/Serbie lisait l'Accord comme ne décidant pas que le Kosovo demeurait partie
intégrante de la Serbie, et lisait les références à l'"intégrité territori ale" et "l'Acte final
d'Helsinki" comme n'excluant pas l'apparition d'un État indépendant au Kosovo, parce que
ces références ne concernaient que la période intérimaire. Mais la disposition prévoyant
que le statut final serait déterminé après trois ans sur la base de la "volonté du peuple" a été
322Serbie, par. 781-784.
32Voir Conseil de sécurité, procès-verbal provisoire, cinquante-quatrième année, 3988 eséance,
24 mars 1999, S/PV.3988, p. 14.
324 e
Conseil de sécurité, procès-verbal provisoire, cinquante-quatrième année, 398séance, 26 mars 1999,
S/PV.3989, p. 11.
100bien comprise, même par la RFY/Serbie, comme incluant la possibilité, de fait la
probabilité, de l'accession du Kosovo à la qualité d'État indépendant à l'issue de la période
intérimaire.
5.17. Après l'éclatement d'un conflit armé dans le cadre duquel les États de
l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord (OTAN) essayèrent d'empêcher la Serbie de
commettre des crimes contre l'humanité et d' autres atrocités au Kosovo, les ministres des
affaires étrangères du G-8 publièrent à l'issue de la réunion tenue au Centre de Petersberg
le 6mai1999 une déclaration de principes. 325 Cette déclaration relativement courte
concernait les mesures immédiates nécessaires pour mettre fin au conflit armé: retrait des
forcesdelaRFY/SerbieduKosovoetmise en place d'une administration intérimaire au
Kosovo par la communauté interna tionale. La seule référence à l'"intégrité territoriale" ne
vise que la période intérimaire:
"Processus politique menant à la mise en place d'un accord-cadre politique intérimaire
prévoyant pour le Kosovo une autonomie s ubstantielle, qui tienne pleinement compte
des Accords de Rambouillet et des principes de souveraineté et d' intégrité territoriale
de la République fédérale de Yougoslavie et des autres pays de la région, et la
démilitarisation de l'ALK."
De par son libellé, ce principe vise la mise en place d'un accord-cadre politique intérimaire
et vise notamment dans ce contexte les "p rincipes de souverain eté et d'intégrité
territoriale". Rien dans ce prin cipe ni dans la déclaration de principes du G-8 dans son
ensemble ne vise à modifier le dispositif de base établi dans l'Accord intérimaire de
Rambouillet. De fait, en visant expressément cet accord dans le principe cité ci-dessus, la
déclaration reconnaissait et adoptait l'approche fondamentale retenue à Rambouillet et que
la RFY/Serbie avait rejetée. Comme on l'a vu, cette approche envisageait que la période
intérimaire serait suivie d'un processus de détermination du st atut final reposant sur la
volonté du peuple du Kosovo et non sur le consen tement des autorités de Belgrade. Cette
déclaration de principes alla it devenir l'annexe1 de la résolution1244 (1999) du Conseil
de sécurité.
5.18. L'ancien Président finlandais Martti Ah tisaari, au nom du G-8 et de l'Union
européenne, et l'ex-Premier Ministre russe Vi ktor Chernomyrdin, au nom de la Fédération
325Résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité, annexe 1 [Dossier, No. 34].
101de Russie, ont alors engagé des négocia tions avec le Président de la RFY,
Slobodan Milošević, sur les mesures nécessaires pour mettre fin au conflit armé. Ces
négociations ont abouti au "Pla n Ahtisaari-Chernomyrdin", une série de principes que le
Parlement serbe a ratifié le 3 juin 1999 et qui allait devenir l'annexe 2 de la résolution 1244
(1999). Comme la déclaration de principes du G-8, le Plan Ahtisaari-Chernomyrdin est
relativement bref, et est axé sur les mesure s immédiates nécessaires pour le retrait des
forces de la RFY et de la Serbie du Kos ovo et la mise en place d'une administration
intérimaire au Kosovo. Reconnaissant qu'un cad re détaillé était nécessaire pour la
gouvernance du Kosovo durant la période inté rimaire, le Plan Ahtisaari-Chernomyrdin
prévoyait:
"Un processus politique en vue de l'ét ablissement d'un accord-cadre politique
intérimaire prévoyant pour le Kosovo une autonomie s ubstantielle, qui tienne
pleinement compte des Accords de Rambouillet et du principe de la souveraineté et de
l'intégrité territoriale de la République fédérale de Yougoslavie et des autres pays de la
région, et la démilitarisation de l'ALK. Les négociations en tre les parties en vue d'un
règlement ne devraient pas retarder ni 326turber la mise en place d'institutions
d'auto-administration démocratiques."
Là encore, la seule référence à l'"intégrité territoriale" s'inscrit dans le contexte de la
période intérimaire et, de plus, en visant expressément l'Accord intérimaire de
Rambouillet, le plan prend acte, pour y souscrire, de l'approche fondamentale retenue à
Rambouillet que la RFY/Serbie avait initialement rejetée, y compris la disposition relative
au processus de détermination du statut final.
II. La résolution 1244 (1999) elle-même n'interdisait pas aux représentants du
Kosovo de déclarer l'indépendance
A. LE DISPOSITIF DE LA R ÉSOLUTION 1244(1999) N'INTERDISAIT PAS LA DÉCLARATION
D INDÉPENDANCE NI N 'EXIGEAIT QUE LA SERBIE Y CONSENTE
5.19. Dans leurs exposés écrits, la Serbie et certains autres États affirment à plusieurs
reprises et catégoriquement que la résolu tion1244 (1999) exige que le statut final du
Kosovo soit un statut d'autonomie au sein de la Serbie et que ce statut final ne soit arrêté
326S/1999/649, annexe, p. 2, par. 8 [Dossier, No. 31].
102 327
qu'avec le consentement de Belgrade. Ils soutiennent que de ce fait la déclaration
d'indépendance est illicite parce qu'elle ne prévoit pas pour le Kosovo un statut
d'autonomie au sein de la Serbie et parce qu'elle a été formul ée sans le consentement de la
Serbie.
5.20. Pourtant, aucune disposition de la résolution 1244 (1999) n'exige expressément
ou implicitement l'autonomie au sein de la Serbie ou le consentement de la RFY/Serbie au
328
statut final du Kosovo. De fait, si le Conseil avait voulu dans la résolution1244 (1999)
modifier les prémisses fondamentales des négociations antérieures, qu'il s'agisse du
processus Hill, de Rambouillet, des principes du G-8 ou du Plan Ahtisaari-Chernomyrdin –
en d'autres termes, revenir à la préférence de la RFY/Serbie pour un règlement immédiat
du statut du Kosovo en tant que pa rtie intégrante de la RFY sa ns que ce statut puisse être
modifié à l'avenir sans le consentement de la RFY/Serbie – on aurait pu s'attendre à ce qu'il
le dise dans la résolution1244 (1999). Mais l'approche adoptée dans cette résolution est
dans la continuité de celle retenue à Rambouillet, à savoi r qu'une période intérimaire
d'autonomie du Kosovo au sein de la Serbie serait suivie d'un proces sus de détermination
du statut final reposant sur la volonté du peuple du Kosovo. 329
5.21. Le cadre de la résolution1244 (1999) es t neutre quant au statut final du
Kosovo, bien qu'il fournisse des indications importantes sur la manière dont ce statut devra
finalement être déterminé. La plupart des dispositions de la réso lution 1244 (1999) sont
327Voir par exemple, Fédération de Russie , par.57 ("la résolutionétait fondée sur l'idée que le Kosovo
devait continuer d'être une partie intégrante de la RFY et de la Serbie"); Slovaquie, par. 24.
328
Voir, par exemple, Japon, p. 5 ("La résolution1244 ne contient aucun terme laissant entrevoir une
conclusion quant au statut juridique futur du Kosovo. Rien non plus dans cette résolution ne permet de
présumer que l'indépendance du Kosovo est exclue."); France, par.2.25 ("la résolution 1244 (1999) n’a
pas exclu l’option de l’indépendance."); Luxembourg, par.22 ("L’indépendance du Kosovo n’y est ni
explicitement souhaitée, ni exclue. Selon les termes et l’esprit de la résolution 1244, cette indépendance
reste donc entièrement possible."); Norvège, par. 16 ("la résolution 1244 du Conseil de sécurité ne prend
pas position sur la question du statut final du Kosovo")Royaume-Uni, par.6.9 ("La résolution, tout en
soulignant la nécessité d'un règlement définitif, restait muette sur le contenu de celui-ci, ce qu'ont reconnu
les représentants au Conseil de sécurité lors des débats sur la résolution et dans des documents ultérieurs
de l'ONU.").
329Lorsqu'on interprète une résolution du Conseil de sécurité, il faut commencer par son texte, même si
d'autres facteurs peuvent être pris en cons idération pour interpréter ce texte. Voir Conséquences
juridiques pour les États de la présence continue de l'Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain)
nonobstant la résolution 276 (1970) , Avis consultatif, CIJ. Recueil 1971, p. 53, par. 114 ("Étant donné le
caractère des pouvoirs découlant de l'article 25, il convient de déterminer dans chaque cas si ces pouvoirs
ont été en fait exercés, compte tenu des termes de la résolution à interpréter, des débats qui ont précédé
son adoption, des dispositions de la Charte invoquées et en général de tous les éléments qui pourraient
aider à préciser les conséquences juridiques de la résolution du Conseil de sécurité.")
103axées sur la période intérimaire, durant laquelle les forces de la RFY/Serbie seraient
retirées du Kosovo, une présence internationale civile et militaire serait mise en place au
Kosovo et des institutions kosovars autochtone s seraient encouragées et développées de
manière à permettre une large autonomie. 330À cette fin, le Conseil a décidé au
paragraphe 1 que "la solution politique de la crise du Kosovo reposera[it] sur les principes
généraux énoncés à l'annexe1 et les princi pes et conditions plus détaillés figurant à
l'annexe2". Pour expliciter cette solution politique, les paragra phes2 à 4 indiquaient
diverses mesures relatives au retrait des forces de la RFY/Serbie et les paragraphes5 à10
détaillaient le déploiement de la présence internationale civile et militaire au Kosovo.
5.22. Les diverses formules figurant dans cet te partie de la résolution1244 (1999)
indiquant que le Kosovo jouirait d'une "autonomie substantielle au sein de la RFY" (dont la
331
Serbie et d'autres États font grand cas ) s'inscrivent tous dans le contexte de la période
intérimaire. Comme c'était le cas à Rambou illet, il était entendu que durant une période
intérimaire le Kosovo se verrait accorder une large autonomie au sein de la RFY, mais ceci
ne préjugeait pas du statut final une fois cette période intérimaire achevée. De fait, comme
l'Espagne le reconnaît, le régime spécial pour la période intérimaire "ne prédétermine pas
le statut futur du Kosovo, car le statut de ce territoire doit être déterminé de manière
autonome conformément à un processus établi à cette fin en vertu de la résolution1244
332
(1999)".
5.23. La neutralité de la résolution 1244 (1999) quant au statut final du Kosovo était
largement comprise lorsque la résolution a été a doptée et ultérieureme nt, même après la
déclaration d'indépendance. Par exemple, le Secrétaire général a noté récemment
qu'EULEX opérait "sous l'autorité générale de l'Organisation des NationsUnies et dans le
cadre défini par la position de neutralité énoncée dans la résolution 1244 (1999)" et que "la
MINUK a procédé à sa restructuration dans le cadre – neutre quant au statut – de la
résolution 1244 (1999)". 333 Une telle interprétation de l'approche adoptée dans la
330
Kosovo, par. 4.04-4.22 et par. 9.06-9.14.
331Voir par exemple, Serbie, par. 685, 705 et 729-741; Chine, par. I a); Chypre, par. 94; Slovaquie, par. 26.
332Espagne, p. 39, par. 58 iv).
333
Rapport du Secrétaire général sur la Mission d'administration intérimaire des NationsUnies au Kosovo,
S/2009/300, 10 juin 2009, par. 6 et 40.
104résolution1244 (1999) n'aurait auc un sens si la résolution av ait déterminé à l'avance le
statut final du Kosovo et interdisait une déclaration d'indépendance.
5.24. Bien qu'elle n'ait pas déterminé le st atut final du Kosovo, la résolution1244
(1999) envisageait effectivement le processus de détermination de ce statut final. Au
paragraphe11, le Conseil de sécurité décida it que les principales responsabilités de la
présence civile et internationale seraient notamment les suivantes:
" e) Faciliter un processus politique visant à déterminer le statut futur du Kosovo,
en tenant compte des Accords de Rambouillet (S/1999/648);
f) À un stade final, superviser le transfert des pouvoirs des institutions provisoires
du Kosovo aux institutions qui auront été établies dans le cadre d'un règlement
politique."
5.25. Devant la Cour, la Serbie décrit les alin éase) et f) du paragraphe11 de la
résolution1244 (1999) comme di ctant un résultat dans le cadre duquel le Kosovo doit
334
demeurer au sein de la RFY en l' absence du consentement de celle-ci et argue qu'un
"règlement politique" signifie la nécessité juridique d'un accord mutuel du Kosovo et de la
Serbie. 335Pourtant le texte des alinéase) et f) du paragraphe11 ne dit aucunement que le
processus politique ou le règlement politique ne doit s'effectuer qu'avec l'accord de la
RFY/Serbie ou au moyen d'un accord entre les autorités de Belgrade et de Pristina.
Replacée dans son contexte, l'absence de dispositions à cet effet est importante, car ailleurs
dans la résolution 1244 (1999) le Conseil de sécurité mentionne expressément l'"accord" de
336
la RFY ou de son "acceptation" sur d'autres questions.
5.26. De fait, le texte même de l'alinéa e) du paragraphe 11 indique clairement que la
présence civile internationale facilitera un processus qui tienne compte des résultats
obtenus à Rambouillet, à savoir un accord qui, au paragraphe3 de l'article premier de son
chapitre8, souligne l'importance de la volont é du peuple du Kosovo et rejette la nécessité
334Voir Serbie, par. 751-756; voir aussi Fédération de Russie, par. 59-64.
335Voir Serbie, par. 757-758; voir égalementEspagne, par. 18; Chypre, par. 98.
336
Voir résolution1244 (1999), préambule ("se félicita nt de l'adhésion de la République fédérale de
Yougoslavie aux principes énoncés aux points 1 à 9... ainsi que de son accord quant à ce document");
par.4 (mentionnant "un nombre convenu de militaires et de fonctionnaires de police yougoslaves et
serbes" retournant au Kosovo durant la période intérimaire); par.5 (" Décide du déploiement au Kosovo,
sous l'égide de l'Organisation des NationsUnies, de pr ésences internationales civile et de sécurité ... et
accueille avec satisfaction l'accord de la République fédérale de Yougoslavie relatif à ces présences").
105d'obtenir le consentement de la Serbie. 337 Ainsi, la mention à l'alinéae) du paragraphe11
des Accords de Rambouillet – qui fournit ég alement un contexte pour l'interprétation de
l'alinéaf) du même paragraphe – démontre qu'un accord mutuel entre le Kosovo et la
RFY/Serbie n'était pas un élément nécessaire du processus politique ou d'un règlement
politique (même si un tel accord n'était assurément pas exclu). En réalité, le terme
"règlement politique" utilisé à l'alinéa f) du paragraphe 11 rappelle l'expression "règlement
final" utilisé dans l'Accord intérimaire de Rambouillet.
5.27. De plus, une interprétation insistant sur un accord mutuel Kosovo-Serbie est
incompatible avec l'objet et le but généraux de la résolution 1244 (1999), à savoir créer une
paix durable au Kosovo. Lorsque la résolu tion 1244 (1999) a été adoptée, les membres du
Conseil savaient qu'il serait extrêmement difficile de parvenir à un accord entre Belgrade et
Pristina sur un statut permanent; les négociatio ns Hill et les négociations de Rambouillet
l'avaient démontré. Si l'on comptait assu rément que les deux parties négocieraient,
interpréter la résolution1244 (1999) comme exigeant un consentement mutuel pour qu'un
statut final puisse être arrêté revient à im puter au Conseil une volonté d'"enfermer les
parties dans un conflit sans fin", 338de manière à créer une situation d'instabilité constante
dans la région, faire obstacle aux investisseme nts étrangers à long terme nécessaires à la
croissance du Kosovo et à maintenir à perp étuité une administra tion des NationsUnies
339
coûteuse. Par contre, si on lit le texte tel qu'il est effectivement libellé – comme
n'exigeant pas un consentement mutuel – corr espond à l'objet et au but de la résolution
puisqu'on évite la possibilité d'une impasse durable.
5.28. Mais peut-être la confirmation la plus décisive du fait que le paragraphe11 ne
prévoyait pas le consentement de la RFY/Serbie s'agissant du statut final du Kosovo vient-
elle de Belgrade elle-même, dans les déclarations faites devant le Conseil de sécurité lors
de la séance lors de laque lle la résolution1244 (1999) a été adoptée. À cette occasion,
Belgrade a avancé une interprétation totaleme nt différente du sens de la résolution, une
interprétation qui ménage pleinement la pos sibilité que le Kosovo devienne un État
337
Luxembourg, par. 21 et États-Unis d'Amérique, p. 64-68.
338Allemagne, p. 40.
339Royaume-Uni, par. 6.31 (évoquant les budgets annuels de la MINUK des dernières années, qui dépassent
200 millions de dollars).
106 340
indépendant sans le consentement de Belgrade. Dans sa déclaration devant le Conseil de
sécurité le 10 juin 1999, le représentant de Belgrade a en effet déclaré ce qui suit:
"Au paragraphe 9 a) etb) du dispositif, la résolution demande en termes pratiques à la
République fédérale de Yougoslavie de renoncer à une partie de sa souveraineté
territoriale et d'accorder l'amnistie aux te rroristes. En outre, au paragraphe11 du
dispositif, la résolution établit un protectorat, prévoit la création d'un système
économique et politique séparé dans la province et ouvre la possibilité à une sécession
du Kosovo-Metohija de la Serbie et de laRépublique fédérale de Yougoslavie.
En adoptant le texte actuel du projet de résolution, ... le Conseil de sécurité ... deviendra
l'instrument d'un démembrement de f acto d'un État souverain européen ...
En s'opposant à ces dispositions, le Conseil desécurité défendra ... l'intégrité territoriale
341
et la souveraineté de la République fédérale de Yougoslavie ..."
Ainsi, lorsque la résolution 1244 (1999) (qui comprenait la clause du préambule relative à
l'intégrité territoriale de la RFY ainsi que le paragraphe 11) a été adoptée, Belgrade
l'interprétait comme "ouvr[ant] la possibili té à une sécession du Kosovo-Metohija de la
Serbie". Il n'est pas surprenant que la RFY ait pris cette position; la résolution 1244 (1999)
envisageait un processus final reposant sur l'approche adoptée à Rambouillet, une approche
que la RFY a rejetée à Rambou illet parce qu'elle ouvrait au fi nal la voie à l'indépendance
du Kosovo sans le consentement de Belgrade. Ainsi, l'argument selon lequel les alinéas e)
et f) du paragraphe11 doiven t être interprétés comme requéra nt une rencontre de volonté
342
entre la RFY/Serbie et le Kosovo ne convainc absolument pas. S'il est exact que les
membres du Conseil de sécurité se seraient félicités qu'un accord mutuel intervienne et ont
343
encouragé les deux parties à parvenir à un tel accord, la résolution 1244 (1999) n'énonce
aucune obligation juridique à cet effet. Tenant compte de son texte, de son contexte, de son
objet et de son but et de ses travaux prépar atoires, de nombreux États reconnaissent avec
franchise que la résolution 1244 (1999) n'interdisait pas la sécession. 344
340Voir Kosovo, par. 4.22 a).
341 e
Conseil de sécurité, procès-verbal provisoire, cinquante-quatrième année, 4011 séance, 10 juin 1999,
S/PV.4011, p. 6 [Dossier, No. 33].
342
Voir Chypre, par. 98.
343Voir Espagne, p. 50-51.
344
Voir Slovaquie, par.26 ("Le fait que la résolution1244 du Conseil de sécurité ne comprenne pas de
dispositions excluant la possibilité de l'indépendance du Kosovo"); Ibid., par.27 (la résolution1244
"n'interdit pas explicitement la sécession ou la reconnaissance de la sécession par les États", comme la
résolution pertinente l'avait fait dans le cas de la Rhodésie du SuAzerbaïdjan, par.14 ("Il existe des
107 5.29. Étant donné tous ces facteurs, l'argument de la Serbie selon lequel le Kosovo
345
doit recommencer à négocier est gravement vicié pour deux raisons. Premièrement, le
Kosovo a bien participé à de longues négociations, qui se s ont terminées par un échec.
Comme expliqué dans la prem ière contribution écrite du Ko sovo, le Kosovo a participé à
15séries de négociations durant l'année 2006 à Vienne, au cours desquelles la Serbie a
soutenu que l'autonomie était le seul stat ut possible et a même argué – ce qui est
incompréhensible – que le droit international excluait tout règlement impliquant
l'indépendance). 346 Pristina avait une position pr ogressiste, maintenant que si
l'indépendance était la seule solution, elle s upposait la conclusion des traités et accords
d'amitié et de coopération voulus entre deux États voisins. Finalement, l'Envoyé spécial du
Secrétaire général chargé des négociations, le Président Ahtisaari, a conclu:
"J’ai la ferme conviction que toutes les po ssibilités de parvenir à une issue négociée
du commun accord des parties ont été épui sées. La poursuite des pourparlers, sous
347
quelque forme que ce soit, ne saurait permettre de sortir de cette impasse".
5.30. Bien que d'autres négociations furent tentées, qui chaque fois n'ont pu aboutir à
un accord (le processus Hill, Rambouillet, les pourparlers Ahtisaari), ces nouvelles
tentatives (par la "troïka") n'ont fait que confirmer l'impasse. 348Il ne saurait être question
de reprendre aujourd'hui des né gociations sur le statut final. Le Kosovo est maintenant
largement accepté en tant qu'État par la communauté internationale, tandis que la Serbie a
en maintes occasions déclaré, même après la présente requête pour avis consultatif, qu'elle
349
n'acceptera jamais un Kosovo indépendant. La Cour reconnaît depuis longtemps que
lorsqu'une obligation de négocier existe, elle n'exige pas de poursuivre les négociations
jusqu'à ce qu'elles aboutissent. Il suffit, pour satisfaire une telle obligation, de faire des
interprétations divergentes de la résolution1244 (1999) et aucune unanimité n'a été obtenue au sein du
Conseil de sécurité, ni parmi les États Membres des Nations Unies en général quant à question examinée
par la Cour.")
345
Serbie, par. 766-775.
346
Kosovo, par. 5.08-5.22.
34Rapport de l’Envoyé spécial du Secrétaire général sur le statut futur du Kosovo, S/2007/168,
26 mars 2007, par. 3 [Dossier, No. 203].
348
Voir France, par. 2.51.
349
Voir par. 2.57 ci-dessus.
108 350
efforts raisonnables pour négocier. Dans l'affaire Mavrommatis, la Cour permanente a
déclaré que
"[l]'appréciation de l'importance et des chances de réussite d'une négociation
diplomatique est essentiellement relative. Une négociation ne suppose pas toujours et
nécessairement une série plus ou moins longue de notes et de dépêches; ce peut être
assez qu'une conversation ait été entamée; cette conversation a pu être très courte; tel
est le cas si elle a rencontré un point mo rt, si elle s'est heurtée finalement à un non
possumus ou à un non volumus péremptoire de l'une des Parties et qu'ainsi il est
apparu avec évidence que le différend n'est pas suscep tible d'être réglé par une
négociation diplomatique." 351
5.31. Deuxièmement, la résolution 1244 (1999) n' énonce pas d'obligation de
s'efforcer de parvenir à un accord bilatéral, pas plus qu'elle n'exige le maintien du statu quo
si l'on ne peut parvenir à un tel accord. Le paragraphe 11 de cette résolution demande que
la MINUK facilite un processus, dont un des résultats possibles est l'indépendance du
Kosovo, même sans le consentement de la Serbie, dès lors que ce résultat est conforme à la
352
volonté du peuple. Comme l'a fort bien dit le Royaume-Uni, "la résolution 1244 (1999) a
eu pour conséquence que l'av enir du territoire du Kosovo cessait d'être une question
relevant de la seule prérogative de la Serbie . Son règlement devait désormais tenir compte
des souhaits et des intérêts des habitants du Kosovo". 353
5.32. Dans leurs exposés, certains États soutiennent que les résolutions ayant précédé
la résolution1244 (1999), qui sont rappelées da ns le préambule de celle-ci, établissement
que le Conseil de sécurité envisageait un résultat négocié bilaté ralement consistant
uniquement en l'autonomie du Kosovo au sein de la RFY. 354Ainsi, la résolution1160
(1998) demandait à la RFY de poursuivre un "dialogue" avec les "dirigeants de la
communauté albanaise kosovar" au sujet des dr oits des Albanais du Kosovo et exprimait
"son appui à un statut re nforcé pour le Kosovo qui comprendrait une autonomie
350
Voir Plates-formes pétrolières (République islamique d'Iran c. États-Unis d'Amérique) , Arrêt, CIJ
Recueil 2003 , p. 210, par.107; Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria
(Cameroun c. Nigéria: Guinée équatoriale intervenant), Arrêt, CIJ Recueil 2002, p. 424, par. 244.
351
1924, CPJI, Série A, No. 2, p. 13 (les italiques sont dans l'original).
352Voir Autriche, par. 30 ("le règlement final prévu dans la résolution 1244 englobe également cette solution
[l'indépendance du Kosovo]. Si tel n'était pas le cas , l'indépendance aurait également été exclue comme
solution à un règlement politique par voie de négociation.").
353Royaume-Uni, par. 0.25 (1) et 6.10.
354
Voir, par exemple, Roumanie, p. 11-15.
109 355
sensiblement accrue et une véritable autonomie administrative". De même, la
résolution 1199 (1998) demandait aux
"autorités en République fédérale de Y ougoslavie et aux dirig eants albanais du
Kosovo d’engager immédiatement un dialogue constructif sans conditions préalables
et avec une implication internationale, d’a dopter un calendrier précis conduisant à la
fin de la crise et à une solution politique négociée de la question du Kosovo ..." 356
De plus, la résolution 1199 (1998) rappelait dans son préambule le "soutien à un règlement
pacifique du problème du Kosovo qui prévoirait un statut renforcé pour le Kosovo, une
357
autonomie sensiblement accrue et une véritable autonomie administrative". On trouve
358
des dispositions comparables dans la résolution 1203 (1998).
5.33. Ces dispositions en faveur du dialogue et de la négociation ne peuvent être
considérées comme étayant l'interprétation serbe de la résolution 1244 (1999). Assurément,
aucune de ces dispositions antérieures n'inte rdisait une déclaration d'indépendance par les
représentants démocratiquement élus du peup le du Kosovo, qu'une telle déclaration soit
faite avec le consentement de la RFY ou autrement. De plus, les sentiments exprimés dans
ces résolutions antérieures de 1998 en faveur du dialogue et de la négociation ne peuvent
tout simplement pas être transposés dans la résolution1244 (1999) , qui a été adoptée en
juin1999 alors que la situation avait radicale ment changé, presque neuf mois après la
résolution1203 (1998). Étant donné les événements dramatiques qui se sont produits à la
fin de 1998 et durant les cinq premiers mo is de 1999, notamment les crimes contre
l'humanité et autres atrocités commis sur une grande échelle par la RFY/Serbie contre les
Albanais du Kosovo, qui ont entraîné des déplacements massifs de réfugiés et de personnes
359
déplacées, rien ne permet de supposer que le C onseil de sécurité considérait que les
mesures de réconciliation mises en Œuvre en 1998 demeuraient viables au milieu de 1999.
De fait, lors du vote sur la résolution1244 (1999) , le représentant de la France a passé en
revue les résolutions 1160 (1998), 1199 (1998) et 1203 (1998) puis a noté que "[l]e régime
de Belgrade a malheureusement refusé d' honorer les obligations établies par ces
355Résolution 1160 (1998), par. 1 et 4 [Dossier, No. 9].
356
Résolution 1199 (1998), par. 3 [Dossier, No. 17].
357Ibid., préambule.
358Résolution 1203 (1998), préambule, par. 3 et 5 [Dossier, No. 20].
359
Kosovo, p. 60-67.
110résolutions", provoquant ainsi un changement radical dans l'approche de la communauté
internationale. 360De même, le représentant du Ga bon a déclaré que "[n]i les mesures
pacifiques préconisées, ni les condamnations répétées de la communauté internationale
[dans les résolutions antérieures] n'ont pu juguler la violence au Kosovo", et qu'en
conséquence "la résolution que nous venons d'a dopter ... ouvre de nouvelles perspectives
361
dans le dénouement du conflit du Kosovo et de paix dans la région des Balkans...". Le
Royaume-Uni, qui a aussi participé activemen t à cette séance et les négociations l'ayant
précédée, note aujourd'hui devant la Cour:
"En ce qui concerne la prés ence yougoslave réelle [au Kosovo], la résolution1244
(1999) voulait faire table rase et y est pa rvenu. Les mandats internationaux précédents
s'étaient soldés par des tentatives décousue s et en définitive in fructueuses visant à
s'attaquer à l'escalade des abus perpétrés par les forces yougoslaves au Kosovo. En
revanche, la résolution1244 (1999) a mis en place un ordre public élémentaire au
Kosovo et a créé des institutions provisoires in ternationales et locales pour définir un
cadre en vue d'un règlement définitif des affaires intérieures et extérieures du
Kosovo." 362
5.34. Enfin, et c'est le plus important, le fait qu'elle ne reprenne pas les dispositions
de ces résolutions an térieures confirme effectivem ent que la résolution1244 (1999)
n'excluait pas une déclaration d'indépenda nce du Kosovo. Si, dans sa résolution1244
(1999), le Conseil de sécurité avait voulu dire que le "processus politique" visé à l'alinéa e)
du paragraphe 11 consistait uniquement en un "d ialogue" entre la RFY et les dirigeants du
Kosovo qui aboutirait à une "solution politique négociée", il l'aurait assurément dit, car
c'est ce qu'il a fait dans ces résolutions antérieu res. De même, si dans sa résolution1244
(1999) le Conseil avait voulu dire que le "règ lement politique" visé à l'alinéaf) du
paragraphe11 consistait seulement en un "statu t renforcé pour le Koso vo" au sein de la
RFY, il aurait également dit cela, en reprenant les termes de ses résolutions antérieures. Or,
ces termes ne sont repris nulle part dans le texte de la résolution 1244 (1999).
5.35. Par contre, à l'époque où la résolution 1244 (1999) a été adoptée, le Conseil de
sécurité a adopté des résolutions relatives à la Géorgie qui étai ent tout à fait explicites en
ce qui concerne la nécessité d'un accord mutuel des deux parties au conflit et l'essentiel du
360 e
Conseil de sécurité, procès-verbal provisoire, cinquante-quatrième année, 4011séance, 10 juin 1999,
S/PV.4011, p. 12 [Dossier, No. 33].
361Ibid., p. 20 [Dossier, No. 33].
362
Royaume-Uni, par. 6.25 (notes de bas de page omises).
111résultat attendu dans un tel accord. Dans ses résolutions 1225 (1999) et1255 (1999), qui
ont été adoptées respectiveme nt cinq mois et un mois après la résolution1244 (1999), le
Conseil a souligné dans le dispositif "qu'il impor[ait] que les parties parviennent
rapidement à un règlement politique d'ensemble, qui compre[ne] un règlement sur le statut
politique de l'Abkhazie au sein de l'État de Géorgie …". 363
5.36. Au lieu d'adopter une telle approche, le Conseil n'a pas dans sa résolution 1244
(1999) utilisé les mêmes termes et les a remplacés par une formule demandant un
processus politique qui tiendrait compte des Accords de Rambouillet – des accords qui
n'exigeaient pas un accord entre la RFY et le Kosovo sur le statut final ni n'exigeait que ce
statut final soit l'autonomie au sein de la RFY. Étant donné que l'Accord intérimaire de
Rambouillet a été adopté après pratiquement t outes les résolutions "rappelées" dans la
364
résolution 1244 (1999), et étant donné que c'est l'Accord intérimaire de Rambouillet qui
est cité dans la partie du dispositif de la résolution1244 (1999) relative au statut final du
Kosovo, les résolutions qui ont précédé la résolution 1244 (1999) confirment
l'interprétation de cette résolution exposée ci-dessus et ne la réfutent pas.
5.37. Certains États, peut-être conscients que la résoluti on1244 (1999) ne peut être
interprétée comme interdisant une déclar ation d'indépendance des représentants
démocratiquement élus du peuple du Kosovo, opè rent un glissement en arguant que la
365
résolution 1244 (1999) n'autorise pas une déclaration d'indépendance. À cette fin, la
Serbie et d'autres États relèvent que dans d'autres résolutions le Conseil de sécurité a
reconnu un droit à l'indépendance, comme da ns le cas de la Namibie et du Timor
oriental.366
5.38. De telles résolutions ne sont pas pertinentes s'agissant de l'affaire dont est saisie
le Cour. Premièrement, dans ces autres cas, le Conseil de sécurité avait déjà décidé qu'un
363
Résolutions du Conseil de sécurité 1225 (1999), 28 janvier1999, par.3, et 1255 (1999), 30juillet1999,
par. 5 (les italiques sont de nous).
36La seule résolution rappelée dans la résolutio n1244 (1999) qui est postérieure aux Accords de
Rambouillet est la résolution1239 (1999), qui "ne faisait pas référence à la solution négociée pour la
question du Kosovo" (Roumanie, par. 40).
365Chypre, p. 23-26 (spécialement par. 97); Argentine, par. 64.
366
Serbie, par. 785-792.
112nouvel État devait voir le jour et il a simp lement reconnu ce fait. À l'opposé, dans sa
résolution1244 (1999), le Conseil a adopté un cad re neutre quant au statut prévoyant une
période d'autonomie intérimaire, suivie par un processus qui réglerait le statut final. En
conséquence, les termes de cette résolution n'entendaient pas préjuger d'une manière ou
d'une autre les résultats du processus de déterm ination du statut final, à la différence des
résolutions sur la Namibie et le Timor oriental.
5.39. Deuxièmement, pour répondre à la question dont elle est saisie, la Cour n'a pas
besoin de décider que la résolution1244 (1999) autorisait un tel acte; la Cour doit
seulement conclure que la résolution 1244 n'interdit aucunement une déclaration
d'indépendance et donc qu'on ne peut dire qu'une telle déclaration lui est contraire.367
B. L A RÉFÉRENCE ,DANS LE PRÉAMBULE DE LA RÉSOLUTION 1244 (1999), À "LA
SOUVERAINETÉ ET L INTÉGRITÉ TERRITORIALE " NE FAISAIT PAS OBSTACLE À LA
DÉCLARATION D 'INDÉPENDANCE
5.40. Ne trouvant dans le dispositif de la résolution1244 (1999) aucun appui à sa
proposition selon laquelle cette résolution interdisait la déclaration d'indépendance du
17 février 2008, la Serbie et d'autres États se tournent vers une clause unique du préambule
de la résolution, qu'ils citent avec insistance, dans laquelle le Conseil dit qu'il:
"Réaffirm[e] l'attachement de tous les États Membres à la souveraineté et à l'intégrité
territoriale de la République fédérale de Yougos lavie et de tous les autres États de la
région, au sens de l'Acte final d'Helsinki et de l'annexe 2 ...".
5.41. Or cet alinéa du préambule ne dit rien d'une déclar ation d'indépendance, pas
plus qu'il n'est formulé comme une interdiction quelle qu'elle soit. De fait, par ses termes,
cette clause ne vise même pas à imposer une nouvelle obligation juridique; elle "réaffirme"
un attachement préexistant des États Membres de l'ONU. Cet attachement doit être entendu
comme confirmant simplement l'attachement des États Membres au principe de l'"intégrité
territoriale" consacré par le droit international général, qui interdit aux États d'utiliser la
367
Kosovo, p. 137-39; Allemagne, p. 38 ("Quant à ce à quoi devrait ressembler le règlement final aux termes
du processus politique, la résolution1244 (1999) est entièrement muette. Elle ne demande pas
l'indépendance totale, mais ne l'exclut pas non plus.").
113force contre d'autres États pour modifier des fr ontières territoriales, mais n'interdit pas les
déclarations d'indépendance.
5.42. Comme on l'a vu plus en détail au chapitreIV ci-dessus, 368il y a plusieurs
autres raisons pour lesquelles l'argument de la Se rbie ne tient pas. Même si l'opinion de la
Serbie quant à la signification de cet engagement était valide en1999 (et il ne l'était pas),
un tel attachement ne peut être considéré co mme toujours viable en2008, étant donné les
changements considérables intervenus sur presque une décennie. De plus, la comparaison
de cette clause avec d'autres clauses de la ré solution et l'examen des déclarations faites par
les membres du Conseil de sécurité lorsque la résolution a été adoptée confirment que cette
clause ne visait pas à exclure une déclar ation d'indépendance du Kosovo. Enfin, si le
Conseil de sécurité avait voul u lier les aspirations du peuple du Kosovo au concept de
l'intégrité territoriale, on aurait pu s'attene à ce qu'il le dise au paragraphe11 de la
résolution 1244 (1999), or il ne l'a pas fait.
C. L ES RÉFÉRENCES DANS LA RÉSOLUTION 1244(1999) AU KOSOVO EN TANT QUE PARTIE
INTÉGRANTE DE LA RFY SONT DES CONSTATATIONS DE FAIT CONCERNANT
LA PÉRIODE INTÉRIMAIRE
5.43. La Serbie et d'autres États déploient des efforts considérables pour tenter de
déduire des termes de la résolution1244 (1999) que celle-ci repose sur le "principe selon
369
lequel le Kosovo continue de faire partie intégrante de la Serbie". Par exemple, la Serbie
relève que le paragraphe 4 de la résolution 1244 (1999) envisageait qu'un nombre limité de
militaires et de fonctionnaires de police de la RFY retourneraient au Kosovo (ce qui en fait
ne s'est jamais produit). De cela, la Serbie conclut que "le Conseil de sécurité, tout en
limitant sensiblement le droit de la RFY d’ex ercer un contrôle effectif sur le Kosovo, n’en
estimait pas moins que le Kosovo continuait de faire partie intégrante de la RFY en
370
attendant ... un règlement définitif …". De même, la Serbie souligne que dans la
368
Voir par. 4.14-4.29 ci-dessus.
369Serbie, par. 721.
370
Ibid., par. 722-723.
114résolution1244 (1999) le Conseil de sécurité n'entendait pas modifier la nationalité des
371
personnes vivant au Kosovo.
5.44. Le Kosovo ne conteste pas qu'à l'époque de l'adoption de la résolution1244
(1999), le Kosovo était considéré par la commu nauté internationale comme faisant partie
intégrante de la RFY. C'est pourquoi les dis positions de la résolution1244 (1999) ou les
déclarations des membres du Conseil de s écurité durant cette période considèrent
naturellement le Kosovo comme faisant partie de la RFY. Mais il s'agissait uniquement de
constatations de fait qui existaient à l'époque où la résolution1244 ( 1999) a été adoptée.
Ces déclarations ne peuvent être interpré tées comme préjugeant d'une manière ou d'une
autre du statut final du Kosovo à l'issue de la période intérimaire. 372
5.45. Il en va de même des arguments serbes concernant l'Accord militaro-technique
du 9 juin 1999 conclu entre la KFOR, la RFY et la Serbie immédiatement avant l'adoption
de la résolution 1244 (1999). 373 Cet Accord contient assurément des dispositions indiquant
que le Kosovo se trouve en Serbie, mais il s'agit seulement d'exposés factuels traduisant ce
qu'on considérait comme la situation qui exis tait à l'époque et qui est demeurée inchangée
jusqu'au 17 février 2008. L'Accord ne vise pas à fournir des indications sur le processus de
détermination du statut final et il n'y avait aucune raison pour qu'il le fasse; de fait, l'OTAN
n'avait aucune autorité à cet égard. Il en va de même des résolutions du Conseil de sécurité
antérieures à la résolution1244 (1999), 374 et des déclarations du Président du Conseil de
sécurité 375ou d'autres documents de l'ONU de cette époque. 376Tous ces documents ne font
que reconnaître la situation de fait qui existait avant le 17 février 2008.
371
Ibid., par. 724-725.
372Voir, par exemple, Estonie, p. 13 ("Dans sa résolution1244 (1999), le Conseil de sécurité ne posait pas
comme terme du processus l'autonomie du Kosovo au sein de la République fédérale de Yougoslavie. Il
se contentait d'établir une administration internationale intérimaire censéen attendant un règlement
politique garantir cette autonomie.")
373Serbie, par. 668-674 (se référant à la résolution 1239 (1999)); voir également Espagne, par. 45.
374Serbie, par. 660 et Espagne, par. 37 i).
375
Espagne, par. 38, note 60.
376Serbie, par. 698-699.
115 D. LA RELATION DE LA RÉSOLUTION 1244(1999) AU DROIT INTERNATIONAL GÉNÉRAL
5.46. Certains États avancent que la réso lution1244 (1999) a établi un régime
juridique spécial en ce qui concerne le statut final du Kosovo. ainsi, l'Espagne affirme que
la résolution1244 (1999) a étab li un "régime juridique an ad hoc applicable à la situation
du Kosovo qui permettra d'exclure l'applicati on des règles et principes généralement
applicables du droit in ternational général". 377Si l'on considère que la résolution1244
(1999) établit un régime ju ridique spécial applicable uniquement au Kosovo, pour les
raisons exposées ci-dessus ce système juridique ad hoc n'interdisait pas la déclaration
d'indépendance du 17février2008. En fait, la résolution1244 (1999) a mis en place un
cadre neutre quant au statut en ce qui concerne l'avenir du Kosovo, un cadre qui n'énonçait
aucune interdiction à l'encontre d'une d éclaration d'indépendance mais envisageait
pleinement la possibilité que le statut final soit l'indépendance, si tel se révélait être la
volonté du peuple du Kosovo. De ce fait, même si la Cour devait considérer que la
résolution1244 (1999) est la seul e source de droit app licable dans la présente espèce, la
déclaration d'indépendance n'en contrevient pas plus à cette source de droit.
5.47. D'autres États, comme la Russie, affi rment que la résolution1244 (1999) "doit
être considérée comme le régime juridique spécial sur lequel la Cour peut fonder sa
considération de la requête", mais que les "principes de droit international sont comme la
toile de fond contre laque lle la résolution doit être interprétée et appliquée". 378 S'il en est
ainsi, alors le droit internat ional général n'interdit pas une déclaration d'indépendance,
379
comme expliqué dans la premiè re contribution écrite du Kosovo et au chapitreIV ci-
dessus. Si le Conseil de sécurité avait voulu modifier les règles "de fond" découlant du
droit international général de manière à interdire une déclaration d'indépendance du
Kosovo, il l'aurait dit expressément dans sa résolution1244 (1999). Comme il ne l'a pas
fait, le droit international général est resté "c omme la toile de fond" et, au regard de ce
droit, rien n'interdisait la déclaration d'indépendance.
377
Espagne, p. 12, par.14. Une telle position semble être incompatible avec l'idée selon laquelle une
décision de la Cour en faveur de la position Kosovo créerait un précéden t fâcheux pour certaines
situations dans le monde entier.
378Fédération de Russie, par. 28 et 30.
379Kosovo, chapitre VIII.
116 III. Les effets juridiques de la résolution 1244 (1999) et les attitudes politiques
la concernant ont changé une fois que le processus de détermination du
statut final a été engagé
5.48. La Serbie et d'autres États affirment qu'immédiatement après l'adoption de la
résolution1244 (1999), certains doc uments et déclarations ont été publiés qui décrivaient
le Kosovo comme faisant partie de la RFY et , dans certains cas, niaient la capacité du
Kosovo de déclarer son indépendance à ce moment. Pourtant, ce s déclarations et
documents ne portent généralement pas sur la question de savoir si le peuple du Kosovo
pouvait faire une déclaration d'indépendance, et quoi qu'il en soit, elles traduisaient des
attitudes quant à ce qui ét ait politiquement et juridi quement approprié avant le
commencement et l'achèvement du processus de détermination du statut final.
5.49. Lorsque l'on évalue la période séparant l'adoption de la résolution 1244 (1999)
en juin1999 de la déclaration d'indépenda nce du 17février2008, il échait de distinguer
trois phases distinctes. Durant la prem ière phase de 1999 à 2005, la communauté
internationale a concentré son attention sur une période inté rimaire au Kosovo qui devait
voir le départ des forces de la RFY/Serbie du Kosovo, le retour des réfugiés et des
personnes déplacées dans leurs fo yers et le transfert de la rges pouvoirs aux institutions
d'autonomie du Kosovo.
5.50. Durant cette période, le Groupe de c ontact, le Représen tant spécial du
Secrétaire général et d'autres ont fait dive rses déclarations aux termes desquelles les
dirigeants du Kosovo ne devaient pa s essayer de déclar er l'indépendance. 380 De plus, la
Serbie évoque un "document commun RFY-MINUK" du 5novembre2001, un document
politique qui "[réaffirmait] que la position c oncernant le statut futur du Kosovo reste celle
qui est énoncée dans la résolution1244 (1999) du Conseil de sécurité et qu'elle ne saurait
être modifiée par aucune mesure prise par les institutions proviso ires d'administration
autonome". 381 La Serbie fait aussi observer que l'accord frontalier de 2001 entre la RFY et
la Macédoine 382concernait la frontière entre le Kos ovo et la Macédoine, ce qui démontre
380
Serbie, par. 658.
381Ibid., par. 759-762; voir également Espagne, par. 41.
382Espagne, par. 44.
117que le Kosovo demeurait partie intégrante de la Serbie. Enfin, la Serbie note que le RSSG a
déclaré nulle et non avenue une "résolution relative à la protection de l'intégrité territoriale
du Kosovo" adoptée par l'Assemblée du Kosovo en2002 relativement à l'accord
frontalier,383confirmant une nouvelle fois que le Kosovo n'était pas un État indépendant.
5.51. Cependant, ces déclarations pol itiques et autres décisions ne disent pas en fait
ce que la Serbie affirme maintenait qu'elles disent. Le "document commun", par exemple,
dit simplement que la position concernant le statut futur du Kosovo "reste celle" énoncée
dans la résolution1244 (1999) (c'est-à-dire que la détermination de ce statut sera facilitée
par la MINUK compte tenu des Accords de Ra mbouillet) et que "la position" exprimée
dans cette résolution ne peut être modifiée par le IPAA. Le "document commun" ne disait
pas que le statut final du Kosovo devait être l'autonomie, ni que les IPAA ou une autre
entité ou un peuple ne pouvaient intervenir da ns la détermination du statut final du
Kosovo. la formule en cause dit simplement que les IPAA ne peuvent modifier la position
sur le statut final qui a été énoncée dans le cadre de la résolution1244 (1999), ce qu'elles
n'ont d'ailleurs pas fait.
5.52. De surcroît, il est important de noter que ces déclarations et décisions politiques
sont intervenues dans le cadre de la première période d'ad ministration intérimaire, à une
époque où le processus de détermination du stat ut final n'avait pas encore démarré. Durant
cette période, il est clair que les décideurs co ncernés de la communauté internationale ne
considéraient pas que le processus politique en visagé à l'alinéae) du paragraphe11 de la
résolution1244 (1999) avait dé jà commencé. Ainsi, aucune mesure n'était encore
envisagée pour parvenir à un règlement sur le statut final.
5.53. La situation a changé dura nt la deuxième phase, la période allant de 2005 à
384
2007 . En 2005, l'Ambassadeur Kai Eide a signalé que la situation au Kosovo n'était plus
viable, une conclusion à laquelle le Conseil de sécurité a souscrit. Le Conseil a donc
apporté "son appui au Secrétai re général, qui se propose d'en tamer le processus politique
devant aboutir au statut futur du Kosovo, co mme prévu dans la résolution 1244 (1999)" et
383
Serbie, par. 701-704; voir également Chypre, par. 112; Espagne, p. 51 et Kosovo, par. 9.24-9.26.
384Voir Kosovo, par. 9.15-9.19.
118a noté avec satisfaction la nominat ion d'un Envoyé spécial à cette fin. 385 De plus, le
Conseil de sécurité s'est félicité en l' approuvant de la nomination du Président
MarttiAhtisaari comme Envoyé spécial, dans le mandat duquel il était indiqué que "le
rythme et la durée" du processus "[seraie nt] déterminés par l'Envoyé spécial en
concertation avec le Secrétaire général et compte tenu de la coopération des parties et de la
386
situation sur le terrain".
5.54. Comme le répètent souvent la Serbie et d'autres, 387le Groupe de contact a
déclaré dans ses "Principes directeurs" du 10novembre2005, publiés au début de ce
processus, que "toute solution unilatérale se rait inacceptable". Placée dans son contexte,
cette déclaration est une déclaration politique selon laquelle les deux parties doivent
entamer des négociations de bonne foi sur les ques tions concernant le statut final sous les
auspices de l'Organisation des Nations Unies; il ne s'agissait assurément pas, compte tenu
de ses termes, et il ne pouvait s'agir, d'un e interprétation des prescriptions de la
résolution1244 (1999), ni d'une déclaration se lon laquelle les négociations devaient se
poursuivre indéfiniment. De même, la déclar ation du Groupe de contact figurant dans les
mêmes "Principes directeurs" selon laquelle "l e Conseil de sécurité devra approuver la
388
décision finale sur le statut du Kosovo", de même que la déclaration du Président
Ahtisaari selon laquelle "c'est au Conseil de sécurité qu'il appartient de décider à quoi
389
ressemblera le statut futur", étaient également des déclarations politiques, faites au
commencement du processus de déterminatio n du statut final, indiquant qu'il était
politiquement souhaitable que le Conseil de sécurité approuve le résultat de ce processus.
À n'en pas douter, ces déclarations étaient aussi motivées par le sentiment qu'à un moment
ou à un autre, pour mettre fin à la présence de la MINUK au Kosovo, une nouvelle
résolution du Conseil de sécurité serait néce ssaire. Ces déclarations ne peuvent être
considérées comme une interprétation de la résolution1244 (1999) aux termes de laquelle
l'approbation du Conseil de sécu rité était juridiquement nécessaire pour que le règlement
relatif au statut final prenne effet avant qu'il soit mis fin à la MINUK.
385Voir Ibid., par. 9.15.
386Voir Ibid., par. 9.16.
387
Serbie, par. 764; Chypre, par. 99et Espagne, par. 79.
388Serbie, par. 763.
389
Ibid., par. 817.
119 5.55. Le Président Ahtisaari a participé à 15mois de négociations intenses avec la
390
Serbie, le Kosovo et d'autres parties prenantes jusqu'en2007. Il a alors conclu que le
statu quo n'était plus viable et que "toutes les po ssibilités de parvenir à une issue négociée
du commun accord des parties [avaient] été é puisées. La poursuite des pourparlers, sous
391
quelque forme que ce soit, ne saurait permettre de sorte de cette impasse". En outre, il a
conçu un règlement politique détaillé, le Plan Ahtisaari, sur la base de sa conclusion selon
392
laquelle l'indépendance du Kosovo était la seule option viable. Le Secrétaire général a
appuyé ce plan. Le Kosovo l'a accepté. La Serbie l'a rejeté. Il est exact que les conclusions
du Président Ahtisaari comprenaient une "recommandation" tendant à ce que le Conseil de
393
sécurité agisse, et que de nombreux États estimaie nt qu'une décision du Conseil de
394
sécurité était politiquement souhaitable. Pourtant, aucune de ces déclarations n'exprimait
le sentiment que le Kosovo ne pouvait déclarer son indé pendance en l'absence d'une
nouvelle résolution du Conseil de sécurité. De fait, le projet de résolution qui a été examiné
à l'époque ne contenait aucune disposition qui aurait déclaré que le Kosovo était un État
indépendant ou qui aurait autorisé une déclaration d'indépendance; ce projet était axé sur le
changement du rôle de la MINUK durant la période suivant l'indépendance.
5.56. Au demeurant, le Plan Ahtisaari a ét é soutenu par de nombreux membres du
Conseil de sécurité, dont aucun ne l'a considéré comme incompatible avec la
résolution1244 (1999) parce qu'il ne prévoyait pas le consente ment de la Serbie ou parce
395
qu'il allait porter atteinte à l'"intégrité territoriale" de la RFY. À ce stade du processus,
nul ne faisait plus de déclaration sur la n écessité de poursuivre le s négociations ou de
s'abstenir de toute "action unilatérale", car on n'en était plus là. Malheureusement, les
390Ces négociations ont compris 17sessions de pourparlers directs et 26missions d'experts dépêchées à
Belgrade et Pristina. Voir France, par. 2.48.
391
Rapport de l'Envoyé spécial du Secrétaire général sur le statut futur du Kosovo, S/2007/168,
26 mars 2007, par. 3 [Dossier, No. 203].
392
Kosovo, par. 9.17.
393Voir Argentine, par. 58-59.
394Serbie, par. 821.
395 e
Voir Conseil de sécurité, procès-verbal provisoire, soixante-deuxième année, 5673 séance, 10 mai 2007,
S/PV.5673 [Dossier, No. 114] (indiquant que le Plan a été appuyé par la Belgique (p.3), le Pérou (p.5),
la France (p. 6), le Ghana (p. 8), le Panama (p. 9), l'Italie (p. 11), le Royaume-Uni (p. 12) et les États-Unis
(p.13)). Par exemple, le Ghana a d éclaré: "Reconnaissant que la questi on du statut du Kosovo doit être
réglée au plus vite, nous sommes favorables, dans le principe, à l’adoption d’une résolution consécutive à
la présentation d’une proposition de règlement global par l’Envoyé spécial. Nous espérons que le Conseil
de sécurité travaillera assidûment à la réalisation de cet objectif." (p. 8-9).
120efforts visant à faire approuver le Plan Ahtisaari par le Conseil de sécurité n'ont pas abouti
en raison du véto probable d'un membre perman ent. De nouveaux efforts faits pour régler
la question, dans le cadre desquels la Serb ie elle-même informa la Mission du Conseil de
396
sécurité que le statu quo n'était pas viable, furent également vains.
5.57. Durant la troisième et dern ière phase, il apparut, fi n 2007 au plus tard, que le
processus politique lancé par le Conseil de sécurité et le Secrétaire général avait atteint son
terme, que la personne chargée de déterminer le "rythme et la durée" de ce processus
estimait avoir accompli sa tâche et que la se ule option viable était que le Kosovo acquiert
son indépendance. 397 Ce processus ayant pris fin, le R SSG – à la différence de qu'il aurait
fait durant les phases antérieures – a choisi de ne pas proclamer la déclaration nulle et non
avenue ou dénuée d'effet juridique. Ainsi, l'en tité chargée par la résolution 1244 (1999) de
"faciliter" le processus de déte rmination du statut définitif et, au stade final, de superviser
le transfert de pouvoirs aux institutions créé es dans le cadre du règlement définitif, a
adopté une attitude très différente de celle qui était la sienne avant la fin des négociations
sur le statut final. La Serbie demanda alors o fficiellement au Secrétaire général de prendre
des mesures pour annuler la déclaration. Le Secrét aire général ne le fit pas. Le Conseil de
sécurité ne prit lui non plus aucune mesure, que ce soit au moyen d'une résolution ou d'une
déclaration de son Président, pour faire annule r la déclaration par le Secrétaire général ou
398
son représentant.
5.58. Cette réticence du RSSG, du Secrétaire général ou de toute autre entité de
l'ONU à réagir fermement étaye la proposition selon laquelle la déclaration ne violait pas la
399
résolution 1244 (1999). La résolution 1244 (1999) charge le RSSG (en sa qualité de chef
396Ibid., p. 3 ("En dépit d’un antagonisme fort, les deux parties s’accordent à dire que le statu quo n’est pas
viable.").
397Kosovo, par.9.20-9.28; voir également France, par.2.55-2.56; Royaume-Uni, par.0.15 (la déclaration
"découle de l'échec des deux camps et de la communauté internationale, après un effort long et soutenu, à
garantir un autre cadre à des relations pacifiques entre le peuple de Serbie et celui du Kosovo".États-
Unis, p.83 ("En février 2008, cependant, au moment où le Kosovo déclara son indépendance, le
processus sur le statut futur n'existait plus. L'Envoyé spécial avait déclaré que le processus avait pris fin,
et qu'il n'y avait aucune perspective qu'il puisse redémarrer et aboutir.").
398Kosovo, par. 9.27.
399
Voir également Autriche, par.19 ("Par son inaction, le Conseil de sécurité a reconnu que l'Assemblée
[des IPAA] avait compétence pour ag ir dans ce domaine. De plus, cette absence d'objection étant
déterminante aux fins de l'interprétation de la résolutio n 1244 sous l'angle de la pratique ultérieure, l'acte
de proclamation de la déclaration doit être reconnu comme étant conforme à la résolution1244."); Ibid.,
par.42 ("Le fait que le Secrétaire général ainsi qu e le Conseil de sécurité aient été immédiatement
121de la MINUK) de "superviser la mise en place d'institutions provi soires pour une auto-
administration autonome et démocratique" au Kosovo puis, "[à] un stade final, [de]
superviser le transfert des pouvoirs des institutions provisoires du Kosovo aux institutions
qui auront été établies dans le cadre d'un règlement politique". 400La Serbie elle-même a
déclaré que dans l'exercice de ses fonctions , la MINUK était "l'aut orité administrative
suprême" au Kosovo, 401 une opinion partagée par plusieurs États. 402Les mesures prises
dans l'exercice de cette autorité, comme l'a not é la Fédération de Russie, "constituent aussi
un moyen d'interprétation de la résolution, ains i qu'une partie du régime juridique qu'elle
établit". De plus, la MINUK a déclaré dans so n cadre constitutionnel qu'elle prendrait "les
mesures appropriées dès qu'une décision prise par les institutions provisoires [serait] en
contradiction avec la résolution1244 (1999) du Conseil de sécurité ou avec le cadre
403
constitutionnel".
5.59. Or le RSSG n'a pris aucune mesu re avant ou après la déclaration
d'indépendance du 17février2008 pour infirmer ce tte déclaration ou la déclarer nulle et
non avenue. En ne le faisant pas, l'"autorité administrative suprême" du Kosovo a agi d'une
manière incompatible avec la conclusion de la Serbie selon laquelle la déclaration violait la
résolution1244 (1999). De fait, l'attitude du RSSG était totalement en accord avec l'idée
que les événements envisagés dans la réso lution1244 (1999) en étai ent arrivés à un point
où le transfert de pouvoirs des institutions intérimaires aux institutions permanentes
s'imposait.
5.60. L'élément qui a conclu le processus de détermination du statut final, la
déclaration d'indépendance du 17février2008, a été le fruit de la volonté du peuple du
informés des événements au Kosovo et que, ce nonobstant, aucun des organes des Nations Unies n'ait pris
une quelconque mesure à cet égard laisse à penser que les NationsUnies ont accepté la déclaration.");
Allemagne, p.42 ("Cela ne fait que confirmer la propos ition selon laquelle l' interdiction des mesures
unilatérales en vue de l'indépendance contenue dans la résolution 1244 (1999) pour le cadre intérimaire a
pris fin quand le processus politique prévu par cette résolution a finalement échoué."); États-Unis,
p. 84-89.
400
Résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité, par. 11 c) et f) [Dossier, No. 34].
401Serbie, par.895; Ibid., par.896 (évoquant le "régime juridique international créé par la résolution1244
(1999), selon laquelle la MINUK, placée sous la direction du RSSG, est l'autorité suprême au
Kosovo …").
402Argentine, par.62 ("Le Représentant spéci al du Secrétaire général était investi de l'autorité suprême de
l'administration internationale.").
403
cadre constitutionnel, chapitre 12 [Dossier, No. 156].
122Kosovo, ainsi que d'autres facteurs définis à Rambouillet dont la résolution1244 (1999) a
reconnu qu'ils étaient importants pour faciliter un règlement définitif. Elle n'est intervenue
qu'après que les représentants des NationsUnie s chargés de superviser les pourparlers sur
le statut final eurent conclu que le statu quo ne pouvait être maintenu et que l'indépendance
était la seule option viable. La déclaration a peut-être été "unilatérale" (ainsi qu'elle est
404
qualifiée dans la question posée à la Cour et par la Serbie dans son exposé écrit) au sens
où elle n'était pas le fruit d'un accord entre le Kosovo et la Serbie, mais elle n'était
assurément pas "unilatérale" au sens où il s'agirait d'un acte accompli par le Kosovo sans
que la communauté internationale n'agisse pour lancer, négocier et conclure un processus
de règlement du statut final.
IV. La déclaration d'indépendance n'a pas violé la résolution 1244 (1999) au sens où
il s'agirait d'un acte ultra vires des IPAA ou parce qu'elle serait
contraire au cadre constitutionnel de 2001
5.61. La Serbie et d'autres États affirm ent également que la déclaration est
"incompatible avec le régime juridique international créé pour le Kosovo" par la
405
résolution 1244 (1999) parce qu'elle constitue un acte ultra vires des IPAA et qu'elle
406
violait le cadre constituti onnel promulgué par le RSSG. L'essence de cet argument est
que la résolution1244 (1999) et les règlemen ts promulgués par la MINUK établissaient à
l'intérieur du Kosovo des autorités dont le pouvoir était limité, que la déclaration a
illicitement outrepassé ce pouvoir limité et a ce fa isant violé le "régime juridique" créé par
le Conseil de sécurité pour le Kosovo. Pour plusieurs raisons, ces arguments ne sauraient
convaincre.
5.62. Premièrement, comme expliqué plus en détail dans la première contribution
écrite du Kosovo, ce ne sont pas le s entités identifiées dans la question posée à la Cour –
407
les IPAA – qui ont adopté la déclaration. Étant un groupe d'institutions qui n'agissent pas
404
Serbie, par. 913-940.
405Ibid., par.867-94; Chypre, p.27-29; Argentine, par.116; Roumanie, par.60; Fédération de Russie ,
par. 72; Slovaquie, par. 25.
406Serbie, par.895-912. La Slovaquie mentionne cette prétendue atteinte à l'autorité du RSSGSlovaquie,
par. 25).
407
Kosovo, chapitre VI et par. 1.22-1.24 ci-dessus; voir également Autriche, par. 16.
123collectivement même dans leur fonctionne ment normal, les IPAA ne peuvent être
considérées comme ayant adopté la déclaration. De plus, si on laisse de côté les IPAA pour
ne retenir que l'une d'entre elles – l'Assemblée – il apparaît aussi immédiatement que par sa
forme et son contenu, et par la procédure suivie pour l'adopter, la déclaration était
différente des actes législatifs normalement adoptés par l'Assemblée des IPAA. Cet acte
particulier était d'une nature très spéciale et extraordinaire et il ne peut tout simplement pas
être considéré comme l'acte d'un organe créé par le RSSG et chargé de la gouvernance
quotidienne durant la période intérimaire.
5.63. Deuxièmement, même si cet acte des dirigeants démocratiquement élus du
Kosovo, réunis en organe constituant, devait être considéré comme un acte des IPAA (ou
de l'Assemblée des IPAA), sa licéité ne peut être appréciée au regard des normes énoncées
dans la résolution1244 (1999) ou des règlemen ts de la MINUK régissant la gouvernance
durant la période intérimaire. Comme expli qué dans la sectionIII ci-dessus, en
février2008 le processus de règlement du statut final avait pris fin parce que les autorités
des NationsUnies chargées de le superviser avaient conclu que le statu quo au Kosovo ne
pouvait être maintenu, que la poursuite des négociations avec la Serbie serait vaine et que
l'indépendance du Kosovo était la seule option viable. À ce stade, le processus politique de
détermination du statut futur du Kosovo ét ant arrivé à son terme, l'alinéaf) du
paragraphe11 de la résolution1244 (1999) prévoyait un transfert de pouvoirs des
institutions provisoires du Kos ovo aux institutions établies dans le cadre d'un règlement
politique. Vue sous ce jour, la déclarati on d'indépendance du 17février 2008 n'était pas
l'acte d'une institution provisoire outrepassant ses pouvoirs limités, mais l'acte d'un organe
constituant déclarant au nom du peuple qu'il était prêt à gouverner de manière permanente,
comme l'envisageait la résolution 1244 (1999).
5.64. Il faut noter à cet égard que l'adoption de la déclaration d'indépendance n'a pas
mis fin ni visé à mettre fin aux activités de la MINUK en vertu de la résolution1244
(1999). 408Cette résolution envisageait un rôle pour la MINUK tant durant la période
408Voir, par exemple, Argentine, par.118 (la déclaration "tente de me ttre fin à cette présence établie sur la
base de la résolution, ce que seul le Conseil de sécurité peut décider de faire").
124 409
intérimaire qu'après celle-ci, rôle dont la MINUK a continué de s'acquitter. La Serbie
elle-même admet que la déclaration n'a pas mis fin au mandat de la MINUK et que celle-ci
410
a continué d'exercer certaine s fonctions après son adoption. Le Kosovo admet qu'il
incombe au Conseil de sécurité de mettre fi n à la présence internationale civile au
411
Kosovo et que la résolution1244 (1999) demeure le fondement de la présence de la
412
MINUK au Kosovo, laquelle est progressivement rest ructurée afin de réduire ses
fonctions et ses effectifs. Cela étant, il n'en demeure pas moins que le processus de
détermination du statut final prévu par la résolution 1244 (1999) est parvenu à son terme et
que le rôle de facilitation d'un règlement fina l de la MINUK a pris fi n. De fait, comme on
l'a noté au chapitre II, selon le Secrétaire général, la Mission de la MINUK ne consiste plus
à "faciliter un processus politique visant à déterminer le statut futur du Kosovo, en tenant
compte des Accords de Rambouillet". 413
5.65. Troisièmement, que les institutions provisoires aient ou non adopté la
déclaration, il incombait au RSSG de dé terminer si celle-ci était un acte ultra vires ou
violait le cadre consti tutionnel qu'il avait promulgué, si te l était effectivement le cas. Or,
comme on l'a vu dans la section qui précède, le RSSG n'a rien fait. À cet égard, la question
relève du droit des NationsUnies. Le Conse il de sécurité, une fois qu'il a délégué des
pouvoirs au Secrétaire général et à son Représentant spécial sur le terrain dans des
situations impliquant l'administration civile d'un territoire, donne à ces hauts fonctionnaires
le pouvoir de mettre en Œuvre l'administration ci vile, qui inclut le pouvoir d'interpréter les
résolutions du Conseil de sécu rité quand cela est nécessaire sur le théâtre d'opérations. 414
Ainsi, les représentants compétents de l' ONU (ou les organes subsidiaires ou comités
409Voir Kosovo, par.4.20; Autriche, par.33 ("Il ressort du libellé de ladite résolution que la présence
internationale civile est censée se poursuivre au-del à de la période intérimaire, après qu'un règlement
politique a été trouvé.").
410Serbie, par. 827 et 834.
411
De ce fait, les arguments de la Serbie sur ce point ne sauraient être accueillis. VoirIbid., par. 795-798.
412Le Ministre des affaires étrangères du Kosovo a récemment (le 17juin2009) rappelé au Conseil de
sécurité l'attachement du Kosovo au droit international, y compris aux résolutions obligatoires du Conseil,
comme la résolution1244 (1999). "Cet engagement n'a jamais faibli". S/PV.6144 (2009), p.8: voir
par. 2.46-2.47 ci-dessus. De ce fait, les arguments avancés par d'autres sur ce point ne sauraient non plus
convaincre. Serbie, par. 799-815; Espagne, par. 84; Fédération de Russie, par. 26.
413
Voir par. 2.45 ci-dessus.
414La nécessité d'accorder un tel pouvoir aux administra teurs locaux a été reconnue s'agissant d'autres types
de représentants. Voir, par exemple, résolution1869 (2009), par.4 (" Réaffirme également que c'est en
dernier ressort au Haut Représentant qu'il appartient, sur le théâtre, de statuer sur l'interprétation de
l'annexe 10 relatif aux aspects civils de la mise en Œuvre de l'Accord de paix").
125concernés) ont le pouvoir nécessaire pour appli quer au jour le jour les résolutions du
Conseil. À l'évidence, si le représentant de l'ONU agit d'une manière contraire à la Charte
des NationsUnies ou à une résolution du Conseil de sécurité, le Conseil ou la Cour peut
prendre des mesures pour remédier à cette violation. Mais lorsque la question concerne une
violation éventuelle sur le théâtre d'opérations des règles (comme le cadre constitutionnel)
adoptées par le représentant de l'ONU pour réglementer des questions locales, un poids
considérable doit être accordé à l'opinion de ce représentant s' agissant de décider si une
violation s'est produite et, dans l'affirmative, d'y remédier. 415 En l'occurrence, la décision
du RSSG de ne pas déclarer nulle et non avenue ni d'annuler la déclaration en tant qu'acte
ultra vires des IPAA, ou parce qu'elle violait le cadre constitutionnel, constituait une
interprétation faisant autorité (ou au moins extrêmement convaincante) qui mérite qu'on y
416
défère.
5.66. Quatrièmement, même si l'on considère que la déclaration constituait un acte
ultra vires des institutions provisoires et qu'elle violait le cadre constitutionnel de la
MINUK, la Serbie se trompe lorsqu'elle affirme qu'elle constituait une violation du droit
international. Elle n'aurait pu violer que le droit interne applicable au Kosovo – c'est-à-dire
le droit local institué pour administrer le Kosovo. De fait, comme le note l'Espagne, les
"règlements [de la MINUK] indi quent clairement que ces compétences ne doivent être
exercées qu'au plan interne", "que les institutions provisoires n'ont pas de compétences au
niveau international", que "les compétences accordées aux institutions provisoires sont des
pouvoirs internes, ne pouvant aucunement se proj eter au plan internat ional" et que "ces
pouvoirs sont exercés à l'intérieur de la Serbie". 417. Ainsi, un acte outrepassant les pouvoirs
des institutions provisoires ou contraire au cadre const itutionnel aurait constitué une
violation du droit interne, non du droit international, et ne relève pas de ce fait de la
question posée à la Cour. À cet égard, la déclaration d'indépendance aurait été ultra vires
seulement de la manière dont la plupart des déclarations d'i ndépendance le sont – en tant
qu'elles enfreignent le droit interne de l'État concerné.
415
Comme l'a déclaré la Cour permanente, "suivant une doctrine constante, le droit d'interpréter
authentiquement une règle juridique appartient à celui-là seul qui a le pouvoir de la modifier ou de la
supprimer.") (Jaworzina, Avis consultatif, 1923, CPJI, Série B, No. 8, p. 37).
416Pays-Bas, p. 4 ("l'exercice du pouvoir dé légué en la présente espèce ... est communément admis dans la
pratique.") De fait, il convient de noter que le cadre constitutionnel lui-même est simplement un
règlement e la MINUK, qui peut être modifié, amendé et interprété à tout moment par le RSSG.
417Espagne, par.17; voir également Argentine, par.62 ("Les institutions provisoires d'administration
autonome ... ont été conçues comme des organes de gouvernement locaux ...").
126 V. Le Conseil de sécurité ayant généralement pour pratique de n'imposer des
obligations juridiques qu'aux États, la déclaration d'indépendance ne violait pas la
résolution 1244 (1999)
5.67. Le Conseil de sécurité ayant généra lement pour pratique d'imposer des
obligations aux États et non à d'autres entités ou personnes, sa résolution1244 (1999) ne
faisait pas obstacle à la déclaration d'indépendance du 17 février 2008.
5.68. Comme la Cour le sait fort bien, la Charte des NationsUnies est un traité
multilatéral créant une organisation internationale et axé sur les droits et obligations de ses
États Membres. La nature contraignante des décisions du Conseil de sécurité découle de
l'Article25 de la Charte, qui dispose que "les Membres de l'Organisation conviennent
d'accepter et d'appliquer les décisions du Conseil de sécurité conformément à la présente
418
Charte".
5.69. Lorsqu'il agit en vertu du ChapitreVII, le Conseil de sécurité "peut inviter les
Membres des Nations Unies" à appliquer les mesures qu'il prend n'impliquant pas l'emploi
419
de la force armée face à une menace contre la paix, tandis que les actions impliquant
l'emploi de la force armée peuvent comprendr e des "opérations exécutées par des forces
aériennes, navales ou terrestres de membres des NationsUnies". 420L'Article48 dispose
que "les mesures nécessaires à l'exécution des décisions du Conseil de sécurité pour le
maintien de la paix et de la sécurité internationales sont prises par tous les Membres des
NationsUnies ou certains d'entre eux, selon l' appréciation du Conseil", et aux termes de
l'Article49 "les Membres des NationsUnies s'associent pour se prêter mutuellement
421
assistance dans l'exécution des mesures arrêtées par le Conseil de sécurité". Eu égard au
418
Charte des Nations Unies, art. 25.
419Ibid., art. 41.
420Ibid., art. 42.
421
Ibid., art. 48-49. Selon la Chine, la résolution1244 (1 999) a été adoptée en application de l'Article49.
Voir Chine, p. 2.
127paragraphe6 de l'Article 2, on a parfois considéré que les pouvoirs des NationsUnies
422
s'étendaient aux États non membres de l'Organisation, bien que ce point soit controversé.
5.70. Ces dispositions contribuent à explique r pourquoi les résolutions adoptées par
le Conseil de sécurité sont naturellement et majoritairement axées sur les droits et
obligations des États. Ceci ne veut pas di re que le Conseil s'abstient d'adopter des
résolutions concernant la conduite d'entités ou de personnes autres que des États. Il peut,
par exemple, reconnaître des règles juridiques existantes qui lient des groupes d'insurgés
ou qui lient des individus en application du jus in bello , et peut créer des institutions
internationales chargées d'exercer des poursuites contre les individus qui violent ces règles.
Le Conseil peut aussi adopter des déclarati ons politiques exposant sa position au sujet du
comportement d'entités non étatiques, en leur demandant de se conduire de telle ou telle
423
manière (ou en exigeant qu'elles le fassent), ou indiquant que le Conseil n'acceptera pas
un comportement différent. Le Conseil peut assurément mettre à la charge des États
l'obligation de sanctionner des groupes ou de s individus, par exemple en ordonnant le gel
424
de leurs avoirs ou des restrictions à leurs déplacements. Mais en droit international, et
plus spécialement en vertu de l'Article 25 de la Charte des Nations Unies, ce sont les États
(et non les individus ou groupes d'individus) qui sont tenus d'accepter et d'appliquer les
décisions du Conseil de sécurité. Ainsi, on ne peut dire que les auteurs de la déclaration
d'indépendance aient violé une obligation ay ant pu être imposée par la résolution1244
(1999). 425
5.71. Dans présente instance, toutefois, la C our n'a pas à se pencher sur les limites
exactes des pouvoirs du Conseil de sécurité à cet égard. Il lui suffit de juger que lorsque le
Conseil de sécurité veut s'adresser à des entités non étatiques (et peut-être les lier), il le fait
422Le paragraphe 6 de l'Article 2 dispose que l'Organisation "fait en sorte que les États qui ne sont pas
Membres des Nations Unies agissent conformément à ces principes dans la mesure nécessaire au maintien
de la paix et de la sécurité internationales".
423Voir Argentine, par. 75.
424
Voir Convention de Vienne sur le droit des traités, 23 mai 1969, art. 34 et 35, Nations Unies, Recueil des
Traités, vol. 1155, p. 331 (disposant qu'un traité "ne crée ni obligations ni droits pour un État tiers sans
son consentement" et qu'une oblig ation conventionnelle ne naît pour un État tiers que s'il "accepte
expressément par écrit cette obligation").
42De fait, si Chypre a raison d'affirmer que le Conseil de sécurité ne pouvait lui-même accorder
l'indépendance au Kosovo ( Chypre, par.100-103), alors aucun principe de permet de conclure que le
Conseil a le pouvoir d'interdire une modification d'un titre territorial qui n'est pas interdite par le droit
international général.
128expressément et clairement. Bien que certain s États affirment que les décisions contenues
dans la résolution1244 (1999) "s'adresse nt aussi, d'une manière non ambiguë, aux
dirigeants albanais du Kosovo et ont donc force obligatoire pour eux", 426en fait la
résolution 1244 (1999) ne formule aucune exigence ni même aucune demande à l'intention
des "dirigeants albanais du Kosovo". Elle ne contient pas non plus d'interdiction de la
déclaration d'indépendance ou d'autres acte s pouvant modifier le statut politique du
Kosovo.
5.72. Dans des résolutions antérieures, le Conseil avait adressé certaines demandes
de caractère politique aux dirigeants alba nais du Kosovo sur certaines questions. Par
exemple, dans sa résolution 1160 (1998), le Conseil a demandé "aux dirigeants albanais du
Kosovo de condamner toutes les actions terroristes, et [a] soulign[é] que tous les éléments
de la communauté albanaise kosovar [devaient] s’employer à réaliser leurs objectifs par
427
des moyens uniquement pacifiques". De même, dans sa résolution1199 (1998), le
Conseil a exigé "que les autorités de la République fédérale de Yougoslavie et les
dirigeants albanais du Kosovo prennent immédiatement des mesures en vue d’améliorer la
situation humanitaire et d’évit er le danger imminent de catastrophe humanitaire", et a de
plus demandé "aux autorités albanaises de la République fédérale de Yougoslavie, aux
dirigeants de la communauté albanaise du Ko sovo et à tous les autres intéressés de
coopérer pleinement avec le Procureur du Tribunal international pour l'ex-Yougoslavie aux
fins des enquêtes sur les violations éventue lles qui relèveraient de la compétence du
428
Tribunal". Or, dans sa résolution 1244 (1999), le Conseil n'a formulé aucune exigence ni
demande de cette nature à l'intention des dirigeants albanais du Kosovo, a fortiori en ce qui
concerne une déclaration d'indépendance.
5.73. Certains États font valoir que la ré solution1244 (1999) lie les IPAA en vertu
du chapitre2 du cadre constituti onnel, où il est sti pulé que les institutions provisoires et
leurs fonctionnaires ex ercent leurs attributions conformé ment aux dispositions de la
résolution 1244 (1999). 429Cet argument est néanmoins dénu é de fondement; le RSSG n'a
426Fédération de Russie, par. 24.
427
Résolution 1160 (1998) du Conseil de sécurité, par. 2 [Dossier, No. 9].
428Résolution 1199 (1998) du Conseil de sécurité, par. 2 [Dossier, No. 17].
429
Roumanie, par. 14.
129pas le pouvoir de transformer une résolution du Conseil de sécurité qui ne lie pas une entité
430
en un texte qui la lie. Au mieux, le RSSG a incorporé dans son règlement (le cadre
constitutionnel) certaines normes énoncées dans la résolution 1244 (1999), de telle manière
qu'une violation de ces normes par les institutions provisoires violeraient ce règlement.
Toutefois, comme indiqué dans la section qui précède, il n'y a eu aucune violation de ce
règlement puisque 1)les personnes qui on t adopté la déclaration n'étaient pas les
institutions provisoires, 2) la déclaration a été adoptée dans le cadre du passage d'un statut
intérimaire à un statut définitif, et n'émanait donc pas d'une institution intérimaire, et 3) la
déclaration ne peut être considérée comme ayan t violé le cadre constitutionnel et le RSSG
ne l'a pas annulée. Quoi qu'il en soit, une violation du cadre cons titutionnel n'aurait pas
constitué une violation du droit internationa l mais uniquement une violation du droit local
applicable au Kosovo.
5.74. En bref, étant donné la manière dont la Charte des NationsUnies énonce les
pouvoirs du Conseil de sécurité et parce que le Conseil a en général pour pratique de
prendre des mesures qui lient uniquement les États, le fait que la résolution 1244 (1999) ne
mentionne pas d'entités non étatiques confirme que, dans cette réso lution, le Conseil n'a
pas voulu interdire, en énonçan t une obligation de droit inte rnational, le comportement
d'une entité non étatique qui a consisté à déclarer l'indépendance.
430Voir Fédération de Russie , par.27 (le cadre constitutionnel est "secondaire et subordonné au régime
juridique créé par la résolution 1244").
130 PARTIE IV
RÉSUMÉ ET CONCLUSION CHAPITRE VI
RÉSUMÉ
6.01. Dans le présent chapitre final, la République du Kosovo rappelle certains des
éléments clés exposés dans les chapitres qui précèdent et dans sa première contribution
écrite (Section I). Sont ensuite résumés les arguments juridiques du Kosovo exposés dans
sa première contribution écrite et dans la présente contribution (Section II).
I. Éléments clés
La situation au Kosovo comportait des ca ractéristiques particulières dont il est peu
probable qu'elles se présenteront dans d'autres cas.
6.02. L'accession de la République du Kosovo à la qualité d'État s'est produite dans
des circonstances dont il est très peu probabl e qu'elles se reproduisent ailleurs. Le Kosovo
ne doit pas être perçu comme un exemple de sécession, mais comme l'étape finale du
processus de désintégration de la Fédération (l'ex-RSFY).
6.03. Le statut du Kosovo au sein de la Fédé ration le protégeait efficacement contre
les actes unilatéraux de la Serbie, mais cette protection n'a pas survécu à la dissolution de
la RSFY, comme cela a été amplement démontré tout au long des an nées90, et par les
crimes dévastateurs commis par la Serbie en 1998 et 1999 contre la population albanaise
du Kosovo, dont 90pour cent ont été expulsés de leurs foyers ou ont dû fuir. Les crimes
contre l'humanité et les violations massives des droits de l'homme de 1998 et 1999 ont été
considérés par le Conseil de sécurité comme une menace contre la paix et ont finalement
amené la communauté internationale à intervenir.
6.04. En application de la résolution1244( 1999) du Conseil de sécurité, la Serbie
s'est vue retirer tout rôle dans la gouve rnance du Kosovo, elle a été remplacée par la
MINUK et par les institutions kosovares dont la MINUK a acco mpagné le développement
à partir de 1999.
133 6.05. En outre, la résolution1244 (1999) prévoyait un processus politique pour
déterminer le statut final qui reposerait sur certains facteurs cl és, en particulier la volonté
du peuple du Kosovo, et non sur le consentement de la RFY ou de la Serbie. Ce processus
politique de détermination du statut final s' est déroulé sous la di rection du Secrétaire
général de l'ONU et de son Envoyé spécial, a impliqué de vastes négociations sur une
longue période et s'est achevé après que les fonctionnaires compétents des NationsUnies
eurent conclu qu'il était vain de poursuivre les négociations, que le statu quo ne pouvait
être maintenu et que l'indépendance était la seule option viable.
6.06. Ces caractéristiques sont d'une nature t out à fait particulière, de telle manière
que l'accession du Kosovo à la qualité d'État d' un État indépendant n'est pas un précédent
pour l'apparition d'autres États lorsque des facteurs similaires n'existent pas.
Le statut final du Kosovo a été la dernière étape du démembrement de la RSFY
6.07. La déclaration d'indépendance du Kos ovo a été la derniè re étape de la
dissolution non consensuelle de la RSFY. La destruction par la Serbie de l'autonomie du
Kosovo en1989, dans un effort concerté po ur dominer la RSFY, a été un élément
important de la chaîne d'événements ayant ab outi à l'effondrement de la Yougoslavie. Le
démembrement de la Fédération, qui comprena it huit entités fédérale s, a radicalement
détruit le fondement de l'autonomie du Kosovo au sein de la Serbie. Avant la dissolution,
le Kosovo avait une double nature: c'était une en tité constitutive de la Fédération (sur un
pied d'égalité avec les six républiques), et c'était une province autonome de la Serbie. Avec
la désintégration de la RSFY, les garanties constitutionnelles ne pouvaient être rétablies.
L'inacceptabilité de toute solution autre que l' indépendance a été confirmée par la brutalité
avec laquelle la Serbie a dé truit l'autonomie du Kosovo en 1989, par les événements des
années 90 et par les termes de la Constitution de 2006 de la République serbe. D'autres ex-
entités de cette Fédération sont aussi de venues des États indépendants, et leur
indépendance est universellement acceptée.
134Le peuple du Kosovo exprime depuis longtemps son désir irrésistible d'accéder à
l'indépendance
6.08. Le désir du peuple du Kosovo de déterm iner librement son statut politique
remonte à de nombreuses années. Ce désir éta it évident pour tous les participants à la
Conférence de Rambouillet de 1999 et a été rete nu au moyen de la clause mentionnant la
"volonté du peuple" dans l'Accord intérimaire de Rambouillet comme l'élément clé du
règlement du statut final du Kosovo. Ce désir était clair immédiatement après le conflit de
1999, lorsque la résolution1244(1999) a renvoyé expressément aux Accords de
Rambouillet, il était clair tout au long de la période d'administration de la MINUK, et il a
été pleinement discuté et pris en considération tout au long des négociations sur le statut
final. Les principaux participants à ces négoc iations, comme le Grou pe de contact, ont
déclaré à maintes reprises que le statut final devrait être acceptable pour le peuple du
Kosovo.
Les crimes contre l'humanité et les violations des droits de l'homme dont le peuple du
Kosovo a été victime en 1998/1999 ont renforcé sa volonté d'accéder à l'indépendance, et
son refus de retourner au sein de la Serbie
6.09. Le peuple du Kosovo a été victime de violations des dr oits de l'homme
en1912, dans les années20 et les années 30, entre 1945 et 1966, et tout au long des
années80 et 90, violations qui ont culminé en 1998 et 1999 avec l'épuration ethnique, les
crimes contre l'humanité et l'exode massif de réfugiés et de personnes déplacées à
l'intérieur de leurs pays. Ces souffrances ont résulté d'une politique délibérée des autorités
serbes.431
Les négociations sur le statut final avaien t abouti à une impasse à la fin de 2007; les
prolonger aurait été extrêmement déstabilisateur pour le Kosovo et la région
6.10. En décembre 2007 au plus tard, les négociations sur le statut final se trouvaient
dans une impasse, et il était clair que les po ursuivre ne servirait à rien, comme l'ont
reconnu ceux qui y étaient le plus étroitement associés, notamment l'Envoyé spécial
43Voir le jugement de la Chambre de première instance du TPIY du 26février2009 dans l'affaire
Milutinović et consorts.
135 432 433 434
Ahtisaari, la troïka et le Secrétaire général de l'Organisation des NationsUnies.
C'était aussi l'opinion réfléchie d'une bonne pa rtie de la communauté internationale que
prolonger l'incertitude causée par ces négociations qui n'en finissaient pas aurait un effet
déstabilisateur à l'intérieur du Kosovo, étant donné les attentes du pe uple kosovar, et dans
la région. 435 Il ne peut y avoir d'obligation de continuer à négocier dans de telles
circonstances. 436Plus d'un an plus tard, il ne sa urait être question de reprendre les
négociations sur le statut final, comme les auto rités serbes l'ont suggéré à maintes reprises
et publiquement et comme semble être le pr incipal objectif poursuivi par la Serbie en
prenant l'initiative de la pr ésente procédure. De nouvelles négociations seraient vaines,
déstabilisatrices et vouées à l'échec. La déclaration d'indépendance du 17février2008,
l'adoption, l'entrée en vigueur et l'applicati on de la Constitution de la République du
Kosovo, la mise en place d'institutions de gouvernement souveraines pleinement
opérationnelles, la reconnai ssance généralisée du Kosovo et son admission dans des
organisations internationales, et par-dessus tout la volonté du pe uple du Kosovo attestent
que l'indépendance du Kosovo est irréversible.
6.11. De toute manière, la présente procé dure vise à donner un avis à l'Assemblée
générale. La Cour ne saurait la considérer comme une affaire contentieuse en demandant
aux deux États de reprendre des négociations sur le statut final. En fait, si la question dont
la Cour est saisie est perç ue essentiellement comme un di fférend bilatéral dont la Cour
n'est pas compétente pour connaître dans l'exercice de sa compétence contentieuse, alors la
Cour devrait refuser d'examiner la question dans le cadre de la présente procédure
consultative.
6.12. La République du Kosovo réaffirme ici qu'e lle souhaite entretenir des relations
de bon voisinage avec la République de Serbie. E lle répète qu'elle se féliciterait d'engager
des pourparlers avec la République de Serbie sur des questions pratiques d'intérêt commun,
comme celles prévues dans la Plan Ahtisaari. De tels pourparlers seraient normaux entre
432Kosovo, par. 5.22.
433
Ibid., par. 5.33.
434Ibid., par. 5.34.
435Ibid., par. 5.11-5.14.
436
Voir par. 5.28-5.30 ci-dessus.
136États voisins souverains et indépendants mais ils doivent avoir lieu sur un pied d'égalité,
entre deux États souverains. Par contre, la République du Kosovo n'est pas prête à engager
des négociations qui pourraient remettre en question son statut d'État indépendant et
souverain.
Le Kosovo a été reconnu comme un État indépe ndant et souverain par de nombreux États,
dont presque tous les États de la régi on, et a été admis dans des organisations
internationales
6.13. Depuis le 17 février 2008, le jour où les représentants du peuple du Kosovo ont
voté et signé la déclaration d'indépendan ce, de nombreux États ont reconnu le Kosovo
comme un État souverain et indé pendant, et d'autres ont pris des mesures qui impliquent
qu'ils le reconnaissent comme te l. De fait, la plupart des États européens ont reconnu la
République du Kosovo, notamment tous ses voisins immédiats à l'exception de la Serbie.
En Europe, il est largement admis que le stat ut d'État indépendant et souverain du Kosovo
est un important facteur de paix et de sécurité dans la région.
6.14. Depuis la déclaration d'indépendance, le Kosovo a pris de nombreuses mesures
pour honorer les engagements pris devant la communauté internationale en ce qui concerne
la protection des communautés, l'état de droit, le respect des accords internationaux et la
coopération avec les institutions internationales.
6.15. La République du Kosovo participe en ta nt qu'État souverain et indépendant
aux relations internationales en établissant des relations diplomatiques, en concluant des
traités et en participant à des organisations internationales. En particulier, à la fin de
juin 2009, le Kosovo est devenu membre du FMI et des institutions de la Banque mondiale
à l'issue d'un vote quasi unanime en fa veur de son admission. Le Kosovo a été
considérablement aidé par la communauté internationale, y compris par de nombreux États
qui ne l'ont pas encore reconnu officiellement.
L'avenir commun des États des Balkans occidentaux est en Europe
6.16. Le 26 novembre 2008, par la voix de son Président, le Conseil de sécurité s'est
félicité "des efforts de l'Union européenne pour faire progresser la perspective européenne
137de l'ensemble des Balkans occidentaux, contribu ant ainsi de manière décisive à la stabilité
437
et à la prospérité de la région".
6.17. L'avenir commun du Kosovo et de la Serbie réside dans leur intégration dans
l'Union européenne. Dans l'intervalle, le développement de relations de bon voisinage,
normales entre États voisins, devrait aller de pair avec des progrès da ns leur intégration
plénière dans les institutions européennes, y compris l'Union européenne et le Conseil de
l'Europe. Il s'agit là d'une pers pective positive, tournée vers l'avenir et non enracinée dans
le passé.
II. Résumé des arguments juridiques du Kosovo
La question posée à la Cour n'est peut-être pas appropriée
6.18. Le processus par lequel la question a été formulée, examinée puis adoptée
n'indique aucunement comment l'avis de la Cour aidera l'Assemblée générale dans ses
activités. En fait, cette question semble faire partie d'une stratégie de la Serbie visant à
influencer les États dans la prise de leur décision politiq ue de reconnaître ou non la
République du Kosovo. Or, dans l'exercice de sa compétence consultative, la Cour n'a pas
pour mission de fournir un avis juridique général sur toute question de droit international à
quiconque peut vouloir lui poser; la Cour es t chargée de donner des avis aux organes
politiques de l'Organisation des NationsUnies et aux institutions spécialisées sur des
questions relevant de leur compétence.
La question posée à la Cour est de portée limitée
6.19. La question qui a été posée à la Cour est de portée limitée, et est axée sur
l'adoption d'une déclaration particulière – une déclaration d'indépendance – par certaines
personnes un jour donné. C'est ce qu'a reconnu la Se rbie, l'auteur de la question et le seul
État à avoir parrainé la résolution 63/3 de l'Assemblée générale.
437Déclaration du Président du Conseil de sécurité, S/PRST/2008/44, 26 novembre 2008 [Dossier, No. 91].
138Dans la mesure où la question posée à la Cour est polémique et tendancieuse, ces éléments
ne doivent pas être pris en considération
6.20. La question a été rédigée par un seul Ét at qui a refusé d'y apporter aucune
modification et elle contient des présupposés tendancieux et polémiques. La question
qualifie la déclaration d'indépendance d'"unilatérale", un terme qui est au mieux superflu et
au pire utilisé comme synonyme d'"illicite". De plus, la question donne à tort à penser que
la déclaration a été adoptée par "les instituti ons provisoires d'administration autonome du
Kosovo", alors qu'il s'agit d'un acte voté et sign é par les représentant s élus du peuple du
Kosovo, agissant d'une manière totalement différente de l'Assemblée des institutions
provisoires d'administration autonome, a fortio ri des diverses institutions qui constituent
collectivement les inst itutions provisoires d'administ ration autonome. Finalement, la
question semble présumer de manière injustifiable qu'il existe des règles du droit
international régissant l'adoption des déclarations d'indépendance, alors qu'en fait le droit
international général ne réglemente pas de telles déclarations.
Il n'y a pas de règles du droit internati onal interdisant l'adoption d'une déclaration
d'indépendance
6.21. Le droit international n'interdit aucune ment les déclarations d'indépendance.
L'adoption d'une déclaration d'indépendance est en fait comprise comme un événement
factuel qui, associé à d'autres éléments et facteurs, peut aboutir ou ne pas aboutir à
l'apparition d'un nouvel État. Si un État appa raît, ce n'est qu'à ce moment que le nouvel
État acquiert des droits et assume des oblig ations en vertu du droit international. En
conséquence, la déclaration d'indépendance du 17février2008, un événement factuel, n'a
enfreint aucune règle applicab le du droit international et en ce sens était "conforme" au
droit international.
Le principe de la souveraine té et de l'intégrité territoriale ne faisait pas obstacle à
l'adoption de la déclaration d'indépendance
6.22. Le principe de la souveraineté et de l' intégrité territoriale n'est pas une règle
interdisant l'adoption d'une déclaration d'indépendance. En fait, ce principe n'est applicable
que dans les relations entre États comme le démontrent abondamment les dispositions
pertinentes de la Charte des NationsUnies, la jurisprudence de la Cour et les instruments
139internationaux pertinents. De plus, ce principe vise à interdire l'emploi ou la menace de la
force par un État contre l'intégrité territori ale ou l'indépendance pol itique d'un autre État
ou, plus précisément, contre des frontières inte rnationales établies. Il n'est pas conçu pour
protéger un État contre les changements in ternes, comme l'adoption d'une déclaration
d'indépendance. C'est pourquoi, du point de vue du droit international, la Serbie ne peut
invoquer le principe de la souveraineté et de l'intégrité territoriale contre le peuple du
Kosovo et ses représentants démocratiquement élus.
Même s'il était nécessaire de démontrer que le peuple du Koso vo avait le droit d'adopter
sa déclaration d'indépendance, il avait effectivement ce droit
6.23. La Cour n'a pas besoin de se pencher su r la question de savoir si la déclaration
d'indépendance du 17 février 2008 traduisait un exercice du droit à l'autodétermination, car
il n'est nul besoin de déterminer si le droit international avait autorisé le Kosovo à déclarer
son indépendance.
6.24. Toutefois, parce que l'autodétermination a constamment, et jusqu'à la date de la
déclaration d'indépendance (comme le montre la Constitution de 2006 de la République de
Serbie) été déniée au peuple du Kosovo par les autorités serbes depuis 1989, et que dans le
même temps des violations généralisées des droits de l'homme les plus élémentaires et des
crimes de guerre et crimes contre l'humanité ont été commis contre le peuple du Kosovo, le
peuple du Kosovo était manifestement habilité, en vertu du droit à l'autodétermination
internationalement reconnu, à déclarer s on indépendance. Aucune règle du droit
international n'empêchait un tel événement.
La déclaration n'a pas violé la résoluti on1244 (1999) du Conseil de sécurité, qui
envisageait un processus politique comprenant la possibilité que le Kosovo devienne
indépendant si telle était la "volonté du peuple"
6.25. La déclaration d'indépendance du 17févr ier2008 n'était pas contraire à la
résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité. Celle-ci n'interdisait pas l'adoption d'une
déclaration d'indépendance mais établissait quant au statut un cadre neutre qui prévoyait la
possibilité que le Kosovo devienne un État indépendant.
140 6.26. Lors des négociations qui ont eu lieu à Rambouillet avant l'adoption de la
résolution 1244 (1999), la RFY et la Serbie ont essayé de faire figurer dans le texte négocié
une clause garantissant comme seul statut final pour le Kosovo l'autonomie au sein de la
Serbie, aucun changement futur n'étant possibl e sans le consentement de la RFY/Serbie.
Ces efforts ont échoué. Le texte final issu de s négociations de Ram bouillet contenait une
clause envisageant un statut final qui trad uisait la "volonté du peuple". Bien que la
RFY/Serbie n'ait pas approuvé les Accords de Rambouillet, ces accords sont devenus la
pierre angulaire de la détermination du stat ut final du Kosovo dans le cadre du processus
politique prévu dans la résolution 1244 (1999).
6.27. Rien dans le texte de la résolution1244 (1999) ne faisait obstacle à
l'indépendance comme statut final du Kosovo. Le dispositif de cette résolution prévoyait
essentiellement une période intérimaire, durant laquelle le Kos ovo était placé sous
administration internationale. Cette résolution ne préjugeait aucun résultat quant au statut
final et ne favorisait ni l'autonomie ni l'i ndépendance; de fait, le Secrétaire général a
déclaré qu'il établissait un "cadre neutre quant au statut". De plus, si toutes les solutions
étaient envisageables, la résolution n'exigeait pas, à l'évidence, un règlement sur le statut
final reposant sur le consentement de la RF Y ou de la Serbie. La MINUK était seulement
chargée de faciliter un processus politi que qui tiendrait compte des Accords de
Rambouillet, c'est-à-dire un processus largement influencé par la "volonté du peuple".
6.28. Les références dans la résolutio n1244 (1999) ou dans des résolutions
antérieures du Conseil de sécurité à l'intégrité territoriale de la RFY/Serbie, ou au fait que
le Kosovo faisait partie intégrante de la Serbie , doivent être interprétées à la lumière de ce
présupposé clair. De plus, les réfé rences à l'"intégrité territoriale" dans la résolution1244
(1999) doivent être entendues comme des référe nces aux relations in terétatiques, comme
cela a déjà été expliqué, et, de toute manière elles ne concernaient que le "cadre politique
intérimaire" envisagé dans la résolution 1244 (1999). Ainsi, ces références ne préjugeaient
pas le résultat du processus politique de détermination du statut final.
6.29. Une nouvelle décision du Conseil de sécu rité était assurément considérée
comme politiquement souhaitable, mais la ré solution1244 (1999) n'exigeait pas que le
Conseil adopte une telle décision. De fait, le processus et les éléments de fond identifiés
141dans la résolution pour guider ce processu s étaient délibérément ouverts et identifiés
comme de caractère "politique".
Le processus politique envisagé par la réso lution 1244 (1999) a pris fin en 2007 lorsque
les représentants autorisés des Nations Unies ont conclu que l'indépendance était la seule
option viable
6.30. En 2005, le Secrétaire général, après avoi r consulté le Conseil de sécurité, a
lancé le processus politique de déterminati on du statut final du Kosovo. Ce processus a
abouti à la conclusion du Pr ésident Ahtisaari, l'Envoyé spéc ial des NationsUnies nommé
par le Secrétaire général, selon laquelle "toutes les possibilités de parvenir à une issue
438
négociée du commun accord des parties [avaient] été épuisées" et que "la seule option
439
viable pour le Kosovo [é tait] l’indépendance". Le Secrétaire général ayant admis que la
poursuite des négociations serait vaine et que l'indépendance était la seule option viable, on
ne peut dire qu'une déclaration d'indé pendance adoptée par les représentants
démocratiquement élus du Kosovo violait la résolution 1244 (1999). Cette déclaration était
en fait une étape évidente et nécessaire pour pa rvenir à un règlement final quant au statut
du Kosovo, une étape qui découlait directemen t des conclusions des personnes mêmes (le
Secrétaire général et son Envoyé spécial) chargées par le Conse il de sécurité de diriger le
processus de détermination du statut final.
La déclaration n'a pas été déclarée illicite par le RSSG, le fonctionnaire des Nations Unies
autorisé à superviser l'application de la résolution 1244 (1999)
6.31. Aux termes du mandat confié au Représen tant spécial du Secrétaire général
(RSSG) par la résolution 1244 (1999), ainsi que du cadre constitutionnel promulgué par le
RSSG en 2001, on aurait pu s'attendre à ce qu e le RSSG déclare nuls et non avenus les
actes de l'Assemblée du Kosovo consid érés comme incompatibles avec la
résolution1244(1999). Toute mission des Nati onsUnies déployée sous la direction du
Secrétaire général est censée exécuter fidèleme nt les tâches qui lu i sont confiées, en
consultation étroite avec les fonctionnaires de l'ONU à New York si des questions
4Rapport de l'Envoyé spécial du Secrétaire général sur le statut futur du Kosovo, S/2007/168,
26 mars 2007, par. 3 [Dossier, No. 203].
439Ibid., par. 5.
142importantes se posent quant à l'interprétation de son mandat. Ainsi, on aurait pu s'attendre
à ce que le RSSG annule une déclaration d'indé pendance s'il jugeait nécessaire de le faire
pour appliquer la résolution1244(1999), tout comme, à des st ades antérieurs, il avait pris
des mesures contre des actes de cette nature avant l'achèvement du processus Ahtisaari. Le
fait que le RSSG ne l'ait pas fait indique que la déclaration n'était pas contraire à la
résolution 1244 (1999).
La déclaration d'indépendance ne violait la résolution 1244 (1999) ni en tant qu'acte ultra
vires des IPAA ni en tant qu'elle contrevenait au cadre constitutionnel
6.32. Contrairement aux allégations formulées , la déclaration d'indépendance du
17février2008 n'était pas un acte ultra vires des IPAA qui de ce fait violait la
résolution1244 (1999). Ce ne sont pas les institutions provisoires qui ont adopté cette
déclaration, mais les représentants démocr atiquement élus du peuple du Kosovo. Comme
le montrent le texte et la forme de la décl aration, ainsi que les ci rconstances spécifiques
dans lesquelles elle a été votée et signée après qu'il en eut été donné lecture, les
représentants du peuple du Kosovo n'entendait pas agir, ce jour-là, au nom des IPAA ou de
l'un des éléments de celles-ci.
6.33. Même si la Cour devait estimer que la déclaration d'indépendance était un acte
des IPAA, elle n'était pas ultra vires . Il ne s'agissait pas d'un acte d'une institution
intérimaire outrepassant ses pouvoirs limités, ma is bien de l'acte d'un organe constituant
déclarant au nom du peuple qu'il était prêt au transfert permanent des pouvoirs de
gouvernance envisagé dans la résolution1244 (1999). De plus, le RSSG, l'autorité
compétente pour annuler les actes illicites des IPAA, n'a pas annulé la déclaration
d'indépendance. Son jugement constitue une interprétation faisant autorité attestant qu'il n'y
a eu aucune violation des règlements applicables de la MINUK.
6.34. Quoi qu'il en soit, même si l'une des institutions provisoires n'avait pas agi
conformément au cadre constitutionnel en out repassant sa compétence, un tel acte n'aurait
pas constitué une violation du droit internatio nal public. Tout acte outrepassant les
pouvoirs des IPAA ou contraire au cadre constitutionnel aurait violé des règles internes ou
locales, et non des règles du droit international public. Le cadre constitutionnel, comme
son nom l'indique et comme les nombreux au tres règlements promulgués par le RSSG,
143établissait pour le Kosovo un cadre juridique applicable au plan interne. Comme elles
n'avaient pas un caractère international, la viol ation de ces règles ne relève pas de la
question posée à la Cour.
6.35. Considérer la déclaration d'indépenda nce comme ne contrevenant pas à la
résolution1244 (1999) s'accorde avec la pra tique générale du Conseil de sécurité
consistant à ne réglementer que la conduite des États. Lorsque le Conseil vise le
comportement d'autres entités, il le fait cl airement et expressément, et non en termes
vagues et ambigus.
*
6.36. En bref, étant donné les termes de la résolution1244(1999), le processus qui
s'est déroulé sur le fondement des dispositions de celle-ci et la ré action du RSSG après
l'adoption de la déclaration d'indépendance du Kosovo, rien ne permet de conclure que la
déclaration d'indépendance de février 2008 ét ait contraire à la résolution 1244 (1999) ou à
toute autre règle applicable du droit international.
144 CONCLUSION
Pour les raisons exposées dans la première contribution écrite et dans la présente
contribution écrite additionnelle, la République du Kosovo prie respectueusement la Cour,
au cas où elle jugerait approprié de répondre à la demande d'avis consultatif contenue dans
la résolution63/3 de l'Asse mblée générale, de dire et juger que la déclaration
d'indépendance du 17février2008 n'était contra ire à aucune règle ap plicable du droit
international.
Le Ministre des affaires étrangères de
la République du Kosovo,
Représentant de la République du Kosovo
devant la Cour internationale de Justice
Pristina, le 17 juillet 2009 Skender Hyseni
145ANNEXES CERTIFICATION
Je certifie par la présente que les documents annexés à la présente contribution écrite
sont des copies conformes des documents origin aux et que les traductions qu'en a fournies
la République du Kosovo sont fidèles.
Le Ministre des affaires étrangères de
la République du Kosovo,
Représentant de la République du Kosovo
devant la Cour internationale de Justice
Pristina, le 17 juillet 2009 Skender Hyseni
149 ANNEXE1
ALLOCUTION DUPRÉSIDENM ARTTIAHTISAARI
DEVANT 'ASSEMBLÉE DE LRÉPUBLIQUE DKOSOVO
(15JUI2009) Allocution du Président Martti Ahtisaari
Président de Crisis Management Initiative, ex-Envoyé spécial du
Secrétaire général de l'ONU pour le statut futur du Kosovo
Pristina, le 15 juin 2009
Monsieur le Président de l'Assemblée, Monsieur le Président de la République, Monsieur
le Premier Ministre, Mesdames et Messieu rs les membres de l'Assemblée du Kosovo,
amis, collègues, Mesdames et Messieurs,
Je suis profondément honoré d'être ici en cette occasion historique, pour le premier
anniversaire de la Constitution du Kosovo. Je vous prie d'accepter mes plus chaudes
félicitations. Mes activités auprès du Kosovo remontent à de nombreuses années et il est
particulièrement gratifiant de voir le chemin qu'a franchi le Kosovo au cours de l'année
écoulée. Je suis également heureux de voir ici aujourd'hui de nombreux amis qui ont
travaillé en étroite collaboration avec moi pour le Kosovo et pour son avenir.
En ce jour, je songe au préambule de la Constitution du Kosovo qui exprime si
éloquemment les aspirations de cette nation qu i est "déterminée à construire l'avenir du
Kosovo en tant que pays libre, démocratique et pacifique, qui sera une patrie pour tous ses
citoyens."
L'indépendance du Kosovo est irréversible et cec i ressort à l'évidence des reconnaissances
qui continuent d'arriver du monde entier . L'acceptation par tous de cette réalité
constituerait une contribution majeure à la stabilité non seulement du Kosovo mais de
l'ensemble de la région des Balkans occidentaux et l'Europe tout entière.
Beaucoup de choses se sont produites durant l'année écoulée dont le Kosovo peut être fier.
Sur le plan interne, avec l'adoption de di verses lois et d'une Constitution répondant aux
préoccupations de toutes les communautés et créant des institutions d'État, des progrès
remarquables ont été accomplis. J'ai aussi été profondément impressionné par les efforts
déployés sur la scène internationale pour établir des représentations diplomatiques dans les
grandes capitales, par l'offre d'adhésion reçue ré cemment du FMI, qui sera suivie, j'en suis
sûr, par des offres comparables de la Banque mondiale et d'autres organisations, ainsi que
par les réunions bilatérales que les dirigeants du Kosovo ont tenues dans plusieurs pays.
Je suis de même particulièrement impressionné par la création de la Cour constitutionnelle,
gardienne de la Constitution et son interprète ultime. Est ainsi opérationnel l'organe le plus
important du dispositif institutionnel prévu par la Constitution.
Aux partenaires du Kosovo, l'Union européenne et les États-Unis, ai nsi qu'aux diverses
organisations internationales et ONG, j'adresse mes plus vifs remerciements ainsi que des
encouragements pour les efforts résolus qu'ils ont déployés pour aide r et conseiller le
Kosovo dans l'action qu'il a menée dans d'importa nts domaines comme l'état de droit et la
réforme des secteurs clés de la société. Lorsque vous avez déclaré l'indépendance et rédigé
votre Constitution, vous vous êtes engagés à mett re en Œuvre le Plan de règlement global
et avez accueilli Pieter Feith en tant que Repr ésentation civil international. Je vous félicite
153pour les progrès accomplis jus qu'ici pour traduire votre enga gement dans les faits et
remercie chaleureusement Pieter et son équipe.
Avec Yves de Kermabon à la tête de l'action menée par EULEX dans des domaines
critiques de l'état de droit, je suis pleinement convaincu que le Kosovo bénéficiera de l'aide
des plus compétents dans les efforts qu'il fait pour mettre en place et renforcer les
structures et processus dans le domaine du droit et de la justice.
Mesdames et Messieurs, il n'y a jamais de progrès tangibles sans difficultés. Soyons francs.
Le Kosovo aussi doit faire face à des difficult és en dépit des progrès remarquables et
rapides accomplis jusqu'ici. Les institutions doivent impérativement être encore réformées,
et le développement économique et social enco re renforcé, et l'on n'insistera jamais trop
sur les impératifs de responsabil ité et de transparence qui do ivent guider le renforcement
des institutions. Doit aussi encore être obtenue la pleine reconnaissance internationale sur
la scène mondiale. Ces défis sont impressionna nts à divers égards, et je lance donc un
appel à tous les ministres, f onctionnaires et partis politi ques afin qu'ils reconnaissent
qu'une question demeure qui relève de la cau se commune: la transformation du Kosovo en
un État multiethnique et démocratique pleinement établi dans sa perspective européenne.
La construction d'un État et la mise en place de ses institutions exigent nécessairement la
participation de tous les citoyens. La Répub lique du Kosovo sèmera les graines de l'échec
et de la discorde si elle ne tend pas sincèrement la main à ceux qui se sentent exclus, isolés
et marginalisés. Il est aussi critique d'autono miser les femmes, dont la pleine participation
est indispensable au développement d'une société. Je suis impatient de voir les membres de
la communauté serbe du Kosovo et de toutes les autres communautés ethniques participer
pleinement à la croissance future du Kosovo. Mon Plan global vise à assurer sa place
légitime à la communauté serbe dans le nouveau Kosovo. De fait, la Constitution consacre
les droits de toutes les communautés, soutenus par un puissant dispositif de maintien de
l'état de droit.
Permettez-moi maintenant de m'adresser à mes amis serbes du Kosovo. Il est crucial que
vous tiriez profit de nouvelles pos sibilités qui se présenteront au fur et à mesure que cette
nation progressera, et vous devez devenir partie prenante dans l'avenir que vous laisserez à
vos enfants. Il vous faut mieux apprécier le s initiatives lancées pa r les dirigeants du
Kosovo dans votre direction et celle des autres communautés, en particulier à l'intention de
ceux qui reviennent, et être prêt à croire que répondre à ces initiatives est dans l'intérêt de
tous les citoyens du Kosovo. L'établissement de ces liens est nécessaire partout, aux
niveaux national, municipal et local. Je ne soulignerai jamais assez combien la vie peut être
riche de satisfactions lorsque des gens qui pa rtagent un destin et un avenir commun ont la
volonté de coexister dans l'harmonie.
La Serbie est une voisine du Kosovo et à cett e fin il y aura toujours des échanges entre les
deux pays. La question est de savoir quel type d'échanges – c onstructifs ou destructifs? Je
souhaite rappeler à Belgrade qu'il lui faut accepter la réalité qu'est maintenant le Kosovo et
coopérer avec cette jeune nati on qui a encore un long chemin à parcourir, mais qui a
commencé à le parcourir et à laquelle l'avenir promet des lendemains meilleurs. Belgrade
et Pristina pourraient trouver ensemble un terra in d'entente quant à leur place dans le
monde et décider, en renonçant pour de bon à la rhétorique de la confrontation, de passer à
la coexistence, la réconciliation et, enfin, à l'amitié.
154À l'Union européenne, je dirais qu'il importe qu'elle reste pleinement engagée au Kosovo et
de trouver une position commune susceptible d' aider la région, ainsi que de préparer le
Kosovo à son avenir européen. À toutes le s autres organisations et institutions
internationales actives au Kosovo, je demanderais de continuer à préserver et consolider la
paix dans les Balkans occidentaux. Il s'agit d'une tâche transatlantique exigeant la poursuite
de la coopération entre l'Union européenne et les États-Unis. Après des années de conflit,
le peuple du Kosovo et les autres pays de la région ont largement mérité de vivre dans la
tranquillité.
J'ai un message particulier à adresser aux jeunes du Kosovo. C'est pour votre avenir que
nous avons Œuvré collectivement et que nous en sommes arrivés là aujourd'hui. Il vous
incombe de veiller à poursuivre notre action et d'agir de manière dé cisive pour améliorer
encore votre pays. Vous avez tellement de possibilités d'interactions dans le cadre de la vie
de tous les jours en tant qu'étudiants, amis, collègues et citoyens – vous pouvez déjà
envisager de participer à la vie d'un Ko sovo stable et cosmopolite. Commencez donc
maintenant à imaginer un Kosovo que vous serez fiers d'appeler votre pays et qui sera fier
de vous. Parce que vous allez bientôt être appelés à le construire.
Je songe aujourd'hui à l'avenir du Kosovo. J' imagine, d'ici quelques années, une nation
démocratique, moderne, multiculturelle, tolérante et prospère, en paix avec ses voisins,
faisant partie d'une Europe intégrée et largem ent respectée dans le monde. Dans le même
temps, je suis réaliste et je sais que la route demeurera semée d'obstacles. Cette route sera
longue, et votre sagesse et vos efforts collectif s sont nécessaires pour traduire cette vision
dans les faits. En Œuvrant pour la paix comme je l'ai fait toute ma vie, je n'ai jamais oublié
que lorsque je négocie j'ai la responsabilité d'influencer le destin d'êtres humains. C'est une
responsabilité que je n'ai jamais prise à la légère et je me suis beaucoup battu pour faire en
sorte que ceux pour le compte desquels je suis intervenu se voient accorder la dignité, des
possibilités d'avenir et une chance de vivre en paix.
Aujourd'hui, j'ai le privilège insigne de voir une nation qui a effectiv ement pris en charge
son avenir, un avenir qui sera ce qu'elle en fera. Le Kosovo occupe ra toujours une place
particulière dans mon cŒur et je suis donc heureux d'être ici aujourd'hui avec vous. Peut-
être d'autres obligations m'empêcheront-elles de venir vous rendre visite aussi souvent que
je le voudrais, mais soyez convaincus que je continue de vous soutenir et que je suis
persuadé que vous progresserez encore. Vous avez bien mérité ce jour, grâce aux efforts
réels de tous les hommes et femmes qui const ituent cette nation très particulière. Je sais
que le rêve d'un nouveau Kosovo se réalisera. Je sais aussi que l'idée du Kosovo en tant
que "patrie pour tous ses cito yens" deviendra une réalité. Une nouvelle fois, félicitations
pour votre Constitution, qui a maintenant un an . Soyez fiers de ce qu'elle a rendu possible,
attachés à ce qu'elle envisage et attentifs aux obligations qu'elle énonce.
Je vous remercie.
155 ANNEXE2
G ROUPE DIRECTEUR INTERNATIONAL POUR LEKOSOVO ,
P RISTIN,LE 15JUIN2009
(disponible à l'adresse: http://www.ico-kos.org/d/090615 Eighth ISG meeting ENG.pdf) Huitième réunion du Groupe directeur international pour le Kosovo
15 juin 2009, Pristina (République du Kosovo)
1. Le Groupe directeur international félic ite les citoyens du Kosovo à l'occasion du
premier anniversaire de l'entrée en vigueur de leur Constitution. Durant l'année écoulée, le
peuple du Kosovo a fait d'importants progrès da ns l'édification d'un État multiethnique et
démocratique reposant sur les principes de la démocratie et des droits de l'homme
conformément à sa perspective europ éenne. Le Groupe se félicite des nouvelles
reconnaissances du Kosovo émanant de divers États ainsi que de son admission au Fonds
monétaire international et à la Banque mondiale.
2. La Constitution est fondée sur la déclara tion d'indépendance du 17 février 2008 et la
Proposition globale de règlement. Le GDI sait gré à la Républi que du Kosovo de sa
résolution, consacrée dans sa Constitution, d'a ppliquer toutes les dispositions de la
Proposition globale de règlement. Celle-ci es t le résultat des efforts inlassables de
médiation du Président Ahtisaari et de son é quipe. Le GDI est honoré d'avoir le Président
Ahtisaari et les Ambassadeurs Rohan et Wisner à ses côtés aujourd'hui. Il remercie S.E. le
Président Sejdiu et S.E. le Premier Ministre Thaci de leurs déclarations.
3. L'intégration de la communauté serbe du Kosovo dans le cadre d'une société
pluriethnique au Kosovo demeure un objectif fo ndamental. Cela nécessite la participation
de cette communauté aux proc haines élections municipales et à l'initiative de
décentralisation du gouvernement, qui devrait être très bénéfique pour la communauté
serbe du Kosovo ainsi que pour d'autres comm unautés non majoritaires. La réforme de
l'autonomie locale est extrêmement importante pour renforcer la gouvernance municipale
au bénéfice de tous les citoyens et promouvoir la participation de tous dans les instances
démocratiques du Kosovo. Le GDI demande in stamment au gouvernement et à tous ceux
qui occupent un poste de responsabilité de tendre réellement la main à chaque communauté
du Kosovo pour répondre à ses besoins de trouve r des solutions pragmatiques et pratiques
à ses problèmes quotidiens.
4. Le GDI souligne l'importance de l'intégration régionale du Kosovo comme condition
préalable de son développement économique.
5. Le GDI félicite le Kosovo pour avoir jeté le s bases d'un processus électoral réussi en
prenant les mesures nécessaires pour renforcer la Commission électorale centrale. Il félicite
en outre le Kosovo pour les progrès réalisés dans la création de la Cour constitutionnelle et
se félicite vivement de l'élection récente de l'Ombudsman du Kosovo.
6. Le GDI appuie le gouvernement dans les efforts qu'il déploie pour promouvoir l'état
de droit. Il encourage en pa rticulier la poursuite des effort s faits pour poursuivre la lutte
contre la corruption et le crime organisé en coopération étroite avec la mission état de droit
(EULEX) de l'Union européenne.
7. La liberté d'expression et l'indépendance de s médias agissant conformément à la loi
sont des éléments indispensables de la démocratie. C'est pourquoi le GDI demande
159instamment au Gouvernement du Kosovo, à la Commission indépendante des médias ainsi
qu'aux autres parties prenantes de faire tout leur possible pour promouvoir et renforcer la
liberté d'expression au Kosovo.
8. Le GDI réitère son plein appui à l'action menée par le Représentant civil international
(RCI), M.Pieter Feith, et par le Bureau civ il international (BCI). Il se félicite de la
publication sur le site web du BCI (www.ico-kos .org) d'un état actualisé de l'exécution de
la mission du BCI qui atteste des progrès réal isés à ce jour. Le GDI prépare activement
l'examen des pouvoirs du BCI qui doit avoir lieu à sa réunion de février 2010.
160
Contribution écrite additionelle des auteurs de la déclaration unilatérale d'indépendance des institutions provisoires d'administration autonome du Kosovo (traduction du Greffe)