AMBASSADE DE ROUMANIE
auprès du Royaume des Pays-Bas
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La Haye, le 9juin 2009
Monsieur le Greffier,
J'ai l'honneur de vous transmettre ci-joint la version en français de l'exposé écrit
que la Roumanie a deposé dans l'affaire concernant la conformité au droit
international de la déclaration unilatérale d'indépendance des institutions
provisoires d'administration autonome du Kosovo (requête pour avisconsultati'f).
Le texte représente une traduction de courtoisie, la version de référence pour
l'exposé écrit de la Roumanie étant la version en anglais.
Veuillez recevoir, Monsieur le Greffier, l'expression de ma considération la plus
distinguée.
M. Philippe COUVREUR
Greffier
COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE CONFORMITE AU DROIT INTERNATIONAL DE LA
DECLARATION UNILATERALE D'INDEPENDANCE DES
INSTITUTIONS PROVISOIRES D'ADMINISTRATION
AUTONOME DU KOSOVO
(REQUETE POUR AVIS CONSULTATIF)
EXPOSE ECRIT DE LA ROUMANIE SOMMAIRE
Chapitre 1 Introduction
Chapitre 2 La déclaration unilatérale d'indépendance des institutions provisoires
d'administration autonome du Kosovo est-elle conforme aux résolutions
pertinentes du Conseil de sécurité des Nations Unies et aux autres documents ?
1. Introduction
Il. Les résolutions des organes des Nations Unies concernant la situation au
Kosovo, adoptées antérieurement à la Résolution 1244 (1999) du Conseil
de sécurité des Nations Unies
Ill. La résolution 1244 (1999) du 1O Juin 1999 du Conseil de Sécurité des
Nations Unies
IV. La compétence des institutions provisoires d'administration autonome du
Kosovo
V. Conclusion
Chapitre 3 Le droit de la Serbie à l'intégrité territoriale
1. Introduction
Il. La réglementation du principe de l'intégrité territoriale des Etats
A. Documents à portée universelle
B. Documents à portée régionale
C. Conclusion
Ill. Le cas de la Serbie
IV. Conclusion
Chapitre 4 Est-ce que le Kosovo jouit du droit d'autodétermination conduisant à la
sécession de la Serbie ?
1. La sécession dans le droit international
Il. Le droit des peuples à l'autodétermination - la règle
Ill. Le droit des peuples à l'autodétermination -l'exception
Chapitre 5 Conclusions Chapitre 1
Introduction
1. Le 8 octobre 2008, l'Assemblée générale des Nations Unies a adopté la résolution
A/RES/63/3 dans laquelle elle prie la Cour internationale de Justice de donner un avis
consultatif sur la question suivante « La déclaration unilatérale d'indépendance des
institutions provisoires d'administration autonome du Kosovo est-elle conforme au droit
international? »
2. La résolution a été adoptée par l'Assemblée générale par 77 votes pour, 6 votes
1
contre et 74 abstentions ;la Roumanie a été parmi les Etats qui ont voté en faveur de la
résolution mentionnée ; elle a motivé son vote par la déclaration suivante :
« [... ] Le respect du droit international est l'essence même de notre Organisation et
la matrice sur laquelle nous efforçons de construire la paix, la stabilité et la sécurité
internationales. Le projet de résolution A/63/L.2 contient une question qui est
pleinement conforme au simple droit de recours au droit international, auquel tout
Membre de l'ONU a droit en vertu de la Charte elle-même. La Roumanie fait
pleinement confiance aux avis consultatifs de la Cour internationale de Justice,
l'organe judiciaire principal de l'ONU, un éminent artisan et gardien du droit
international. Nous sommes certains que son avis sur la question soulevée dans le
projet de résolution nous aidera à prendre des décisions à l'avenir, en particulier
lorsque des questions fondamentales telles que la souveraineté et l'intégrité
territoriale sont en jeu. Compte tenu de ces consid2rations, la Roumanie a décidé
de voter pour le projet de résolution A/63/L.2 » .
3. Suite à la transmission de la résolution à la Greffe de la Cour internationale de
Justice, la Cour a décidé,inter alia, par une ordonnance du 17 octobre 2008, que le Etats
Membres des Nations Unies étaient jugés susceptible de fournir des renseignements sur
la question et a fixé au 17 avril la date d'expiration du délai dans lequel des exposés écrits
pouvaient être soumis à la Cour, conformément à l'article 66, paragraphe 4 duStatut3.
L'exposé écrit de la Roumanie est soumis conformément à cette ordonnance.
4. La Déclaration d'indépendance des institutions provIs01res de l'administration
autonome du Kosovo (ci-après dénommée DOi) a été adoptée le 17 février 2008. Le
4
document avait l'intention d'établir que« Kosovo était un Etat indépendant et souverain» .
1
2 A/RES/63/3;
3 A/63/PV.22, p. 7
Ordonnance du 17 octobre 2008, Liste générale no. 141
4 Déclaration d'indépendance de Kosovo du 17 février 2008, disponible sur http://www.icj
cij.org/docket/files/141/15038.pdf;5. Suite à l'adoption de la DDI, la Roumanie n'a pas reconnu la récemment proclamée
« République de Kosovo» en tant qu'Etat indépendant. La position officielle de la
Roumanie a été exprimée dans la déclaration du président de la Roumanie, délivrée le 18
février 2008 :
« [... ] La Roumanie maintient sa position et ne reconnaîtra pas l'indépendance de
la province de Kosovo. La situation à laquelle nous assistons, annoncée hier à
Pristina - la déclaration unilatérale d'indépendance de cette province - a été
générée, à notre avis, par plusieurs facteurs. Premièrement, les parties n'ont pas
pu arriver à une solution commune par biais des négociations directes. Pristina et
Belgrade n'ont pas réussi à trouver une solution commune, qui aurait été à
l'avantage des deux parties.[ ...] A notre avis, ne pas reconnaître l'indépendance de
Kosovo ne se fonde pas seulement sur le fait que les deux parties n'ont pas pu
arriver à une entente, mais aussi sur le fait qu'il n'y a pas une résolution du Conseil
de sécurité qui légalise la déclaration d'indépendance faite hier à Pristina. En même
temps, la Roumanie ne reconnaîtra pas l'indépendance de Kosovo pour d'autres
raisons telles que : l'octroi des droits collectifs aux minorités [nationales], le non
respect de l'intégrité territoriale de la Serbie, le non-respect du principe de
l'inviolabilité des frontières de la Serbie et le non-respect de la souveraineté de la
Serbie. [...]»•
6. Le Parlement de la Roumanie a aussi adopté, le 18 février 2008, la déclaration
suivante:
« Le Parlement de la Roumanie a pris note avec une grande inquiétude de la
proclamation unilatérale d'indépendance de la province du Kosovo, faite le 17
février 2008, par les autorités de Pristina.
...]
en conformité avec sa position adoptée dans sa Déclaration du 20 décembre 2007
dans laquelle a exprimé ses regrets par rapport à l'échec des négociations pour
une solution concernant le statut de Kosovo [qui aurait dû être] équitable et
conforme au droit international, le Parlement de la Roumanie ne reconnaît pas la
déclaration unilatérale d'indépendance de la province de Kosovo, considérant que
les conditions de cette reconnaissance ne sont pas remplies.
Le Parlement de la Roumanie souligne que la décision des autorités de Pristina,
ainsi qu'une éventuelle reconnaissance unilatérale de la indépendance par d'autres
Etats, ne peuvent pas être interprétées en tant que précédents pour d'autres
régions ou en tant qu'une reconnaissance ou une garantie des droits collectifs pour
6
des minorités nationales» .
7. Telle que relevée par ces déclarations officielles des autorités roumaines, la position
de la Roumanie de ne pas reconnaître l'autoproclamée indépendance du Kosovo se fonde
sur le droit international. Suite à une analyse minutieuse, la Roumanie est amenée à
5Déclaration de presse du président de la Roumanie, du 18 février 2008, concernant la position officielle [de
la Roumanie] sur la déclaration unilatérale d'indépendance de la province de Kosovo, disponible à
http://www.presidency.ro/pdf/date/9628 ro.pdf (traduction de la Roumanie);
6
Monitorul Oficial (Journal Officiel), 2ème partie, année 176 (XIX), no. 12 du 28 février 2008, page 3
(traduction de la Roumanie).conclure que, compte tenu des particularités de l'affaire, les autorités de Pristina n'avaient
aucun droit de déclarer légalement l'indépendance de manière unilatérale et que les
conditions légales pour que le Kosovo devienne un Etat n'étaient pas remplies. Etant
donné queex injuria jus non oritur, la Roumanie n'a pas reconnu la DOi ; pareillement, elle
ne reconnaît pas les actes subséquents fondés sur la prétendue qualité d'Etat du Kosovo.
8. Cet exposé écrit contient les éléments de fait et de droit qui, d'après l'opinion de la
Roumanie, sont pertinents dans cette affaire et peuvent aider la Cour à formuler son avis.
Etant donné que l'affaire portée devant la Cour a un caractère plutôt juridique, l'exposé
écrit met l'accent sur leséléments de droitet examine les aspects factuels seulement et
dans la mesure qu'ils sont pertinents et nécessaires pour l'application adéquate du droit
international. Cet exposé écrit répond à la question portée devant la Cour par l'Assemblée
générale, et il ne traite pas des aspects juridiques qui sont connexes, mais distinctes de la
présente affaire.
9. Cet exposé écrit est structuré en cinq chapitres. Le chapitre 2 analyse la légalité de
la DDI de la perspective des résolutions pertinentes et applicables de l'ONU, arrivant à la
conclusion que la DDI n'était pas conforme aux provisions des résolutions de l'ONU
applicables et que, en l'adoptant, les institutions provisoires d'administration autonome du
Kosovo ont surpassé et enfreint le mandat confié par les règlements pertinents adoptés
par la Mission de l'ONU en Kosovo (UNMiK). Le chapitre 3 fait une application des
principes fondamentaux du droit international dans l'affaire, tels qu'ils ont été consacrés
par des documents universels ou européens, concluant que la DOi enfreint des principes
du droit international, tels que le respect de la souveraineté des Etats ou le respect pour
l'intégrité territoriale des Etats. Lechapitre 4 analyse le concept de sécessiondans le droit
international ainsi que l'applicabilitédans cette affaire du droit des peuples à
l'autodétermination ; on y arrive à la conclusion qu'il n'y a pas un droit de sécession
consacré par le droit international et que la déclaration d'indépendance de Kosovo ne peut
pas se fonder sur le droit des peuples à l'autodétermination. Finalement, le chapitre 5
expose les conclusions de la Roumanie, conformément auxquelles la déclaration
unilatérale d'indépendance des institutions provisoires d'administration autonome du
Kosovo n'est pas conforme au droit international. Chapitre 2
La déclaration unilatérale d'indépendance des institutions provisoires
d'administration autonome du Kosovo est-elle conforme aux résolutions
pertinentes du Conseil de sécurité des Nations Unies et aux autres documents ?
1. Introduction
1O. Le Conseil de sécurité des Nations Unies a abordé la situation du Kosovo d'une
perspective double.
Premièrement, dans le contexte plus large du règlement du conflit de l'ex- Yougoslavie, le
Conseil a adopté la résolution 855 (1993) du 9 août 1993. Cette résolution traite le
problème du refus des autorités de l'ancienne République Fédérale de Yougoslavie
(Serbie et Monténégro) de permettre aux missions à long terme de la Conférence pour la
sécurité et la coopération en Europe d'y continuer leurs activités. La résolution faisait aussi
référence, d'une manière particulière, à l'intégrité territoriale de la République Fédérale de
Yougoslavie, dans les termes suivants:
« Soulignant son attachement à l'intégrité territorialeàel'indépendance politique
de tous les Etats de la région>/.
Deuxièmement, à partir de 1998, le problème du Kosovo a été réglé par le Conseil par le
biais de plusieurs résolutions adoptées dans le cadre du Chapitre VII de la Charte des
Nations Unies. Ces résolutions ont approché le problème et ont établi un cadre pour un
futur règlement définitif de la situation grave à laquelle se confrontait le Conseil.
11. Ilest important de noter ici qu'aucune des résolutions du Conseil de sécurité
adoptées entre 1993 et 1999 n'a abordé la question de l'indépendance de Kosovo ou
porté atteinte à l'intégrité territoriale de la République Fédérale de Yougoslavie et de
Serbie. Il est aussi important d'observer que toutes ces résolutions contiennent une
affirmation de l'attachement de tous les Etats membres de l'ONU à la souveraineté et
l'intégrité territoriale de la République Fédérale de Yougoslavie.
12. En adoptant ces résolutions, le Conseil de sécurité a agit au nom des membres des
Nations Unies dans leur ensemble, en exerçant ses fonctions et, par conséquent, ses
7
S/RES/855( 1993)décisions sont obligatoires pour tous les Etats membres, conformément à l'article 25 de la
Charte.
13. La Cour a déjà rappelé, dans son avis consultatif du 21 juin 1971 sur les
Conséquences juridiques pour les Etats de la présence continue de l'Afrique du Sud en
Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la résolution 276 (1970) que:
« [l]orsque le Conseil de sécurité adopte une décision aux termes de l'article 25
conformément à la Charte, il incombe aux Etats Membres de se conformer à cette
décision, notamment aux membres du Conseil de sécurité qui ont voté contre elle
et aux Membres des Nations Unies qui ne siègent pas au Conseil. Ne pas
l'admettre serait priver cette organe principal des fonctions et pouvoirs essentiels
qu'il tient de la Charte» 8•
14. Ces résolutions ne sont pas obligatoires uniquement pour les Etats membres et pour
les organes des Nations Unies (telle que la Mission d'administration intérimaire des
Nations Unies qu Kosovo), mais aussi pour les institutions provisoires d'administration
autonome du Kosovo. En conformité avec le chapitre 2 du Cadre constitutionnel de
l'administration autonome provisoire, promulgué par le Représentant spécial du Secrétaire
Général au Kosovo :
« Les institutions provisoires d'administration autonome et leurs officiels vont:
Exercer leur autorité en conformité avec les dispositions de la résolution 1244
(1999) du Conseil de sécurité des Nations Unies et avec les conditions établies
dans ce Cadre constitutionnel[ ...] » 9•
10
Etant donné que la résolution 1244(1999) du Conseil de sécurité renvoie aux références
antérieures faites par le Conseil de sécurité relatif à la situation du Kosovo, en particulier
11 12
les résolutions 1160 (1998) du 31 mars 1998 , 1199 (1998) du 23 septembre 1998 ,
13 1
1203 (1998) du 24 octobre 1998 et 1239 (1999) du 14 mai 1999 4, cela signifie que ces
documents antérieurs devraient être entièrement respectés par les institutions provisoires
d'administration autonome du Kosovo.
15. En analysant le contenu juridique précis de ces résolutions, il serait nécessaire
qu'elles soient interprétées en conformité avec les règles contenues dans la Convention
8
Les conséquences juridiques pour les Etats de la présence continue de l'Afrique du Sud en Namibie (Sud
Ouest africain) nonobstant la résolution 276 (1970), Avis consultatif,IJ 1971, p. 54, para.116;
9 Règlement 2001/9, publié dans la Gazette officielleUNMIK, disponible en anglais à
http://www.unmikeonline.org/regulations/unmikgazette/02english/E200regs… 09.pdf
10
11S/RES/1244 (1999);
12S/RES/1160 (1998);
S/RES/1199 (1998);
13S/RES/1203 (1993);
14S/RES/1239 (1999);de Vienne de 1969 sur le droit des traités, en tant que droit coutumier, en particulier avec
son article 31, qui prévoit que:
« 1. Un traité doit être interprété de bonne foi suivant le sens ordinaire à attribuer
aux termes du traité dans leur contexte et à la lumière de son objet et de son but.
2. Aux fins de l'interprétation d'un traité, le contexte comprend, outre le texte,
préambule et annexes inclus...» 15
Quoi que les résolutions du Conseil de sécurité ne soient pas des traités, elles
représentent néanmoins le résultat d'un accord entre Etats et, par conséquence, il est
clairement raisonnable qu'elles soient interprétées en conformité avec les règles
d'interprétation prévues par la Convention de Vienne. Qui plus est, la Cour internationale
de Justice a souligné que les principes d'interprétation contenus dans les articles 31 et 32
17
reflètent le droit international coutumier .
16. Dans le cadre de l'évaluation de la conformité de la DOi avec les résolutions du
Conseil de sécurité des Nations Unies, le rôle du préambule des différentes résolutions est
aussi important. Comme la Cour l'a montré dans son arrêt du 20 juin 1959 dans l'affaire
concernant la Souveraineté sur certaines parcelles frontalières (Belgique/Pays-Bas), dans
le préambule [d'une convention], l'interprète trouve « l'intention commune» [des parties] 18 .
Le tribunal arbitral a souligné dans l'Affaire concernant un litige entre la République
argentine et la République du Chili relatif au canal de Beagle :
« Quoi que les préambules des traités ne contiennent pas habituellement - et ils
n'en ont pas l'intention non plus - de provisions ou dispositions substantielles -
(bref, elles sont des clauses opératives) - il est néanmoins généralement accepté
qu'ils soient pertinentes et importantes en tant que guides pour la manière dans
laquelle Jetraité devrait être interprété et, afin qu'il soit, pour ainsi dire «,localisé»
dans Jecontexte de son objet et de son but ».19 (italiques ajoutées)
15
16 Recueil des Nations Unies, vol. 1155, p. 340
Ainsi que l'ancien Commissaire du gouvernement, R. Abraham, a relevé, « les mécanismes
d'interprétation qui résultent des principes générales du droit international et sont mentionnés par les articles
31 à 33 de la Convention de Vienne sur le droit des traités... ne sont pas loin de ceux utilisés dans
l'interprétation du droit interneR. Abraham cité dans Les Conventions de Vienne sur le droit des traités,
commentaire article par article, Olivier Corten, Pierre Klein (eds), Bruylant, Bruxelles 2006, p. 1317;
17
Conséquences juridiques de l'édification d'un mur dans le territoire palestinien occupé, avis consultatif,
Rec.CIJ 2004, p. 174, para 94; Licéité de l'emploi de la force (Serbie-et-Monténégro c. Royaume-Uni),
Exceptions préliminaires, ICJ Reports 2004, p. 1345, para. 98 ; Avena et autres ressortissants mexicains
(Mexique c. Etats-Unis d'Amérique), arrêt, Rec.CIJ 2004, p. 48, para 83; Souveraineté sur Pulau Ligitan et
Pulau Sipadan (Indonésie/Malaisie), arrêt, Rec.CIJ 1999, p. 1059, para.18; Plates-formes pétrolières
(République islamique d'Iran c. Etats-Unis d'Amérique), exception préliminaire, arrêt, Rec.CIJ 1996 (Il) p.
812, para 23;
18
Affaire concernant la Souveraineté sur certaines parcelles frontalières (Belgique/Pays-Bas), arrêt du 20
j19n 1959 Rec.CIJ 1959, p. 221
Affaire concernant un litige entre la République argentine et la République du Chili relatif au canal de
Beagle, 18 février 1977, Recueil des sentences arbitrales, vol.p. 89;tandis que la Cour Européenne des Droits de l'Hommes a montré que :
« ... le préambule [...] offre d'ordinaire une grande utilité pour la détermination de
l"'objet" et du "but" de l'instrument à interpréter»20.
17. Les préambules des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité, en faisant
référence à des résolutions antérieures ou à leurs dispositions spécifiques et en y incluant
toujours des références explicites à l'intégrité territoriale de la République fédérale de
Yougoslavie, créent un cadre claire d'interprétation de la partie opérative de ces
résolutions.
La pertinence du préambule des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité a été aussi
admise par la Cour dans son avis consultatif du 21 juin 1971 sur les Conséquences
juridiques pour les Etats de la présence continue de l'Afrique du Sud en Namibie (Sud
21
Ouest africain) nonobstant la résolution 276 (1970) •
18. Avant de procéder à l'analyse des dispositions de différentes résolutions pertinentes
de l'ONU, il faut aborder le problème de la continuation de la personnalité juridique de
l'ancienne République fédérale de Yougoslavie par l'actuelle République de Serbie,
puisque, compte tenu de la situation juridique et politique au moment de leur adoption, les
résolutions de l'ONU faisaient référence à la« République fédérale de Yougoslavie».
19. La République fédérale de Yougoslavie (RFY) a été un des Etats successeurs de
l'ancienne République socialiste fédérative de Yougoslavie, qui a cessé d'exister suite à
sa dissolution après les événements de 1991-1992. Quoi qu'elle ait eu un statut juridique
incertain pour une période assez longue 2, ces incertitudes se sont effacées dès que la
RFY est devenue membre de l'ONU le 1er novembre 2000. La RFY s'est constituée de
deux républiques fédérées- la Serbie et le Monténégro.
20. Après un processus de réorganisation de l'Etat, la RFY s'est transformée en 2002 en
la Communauté étatique Serbie-et-Monténégro. La Charte constitutionnelle de la
Communauté étatique faisait référence à :
20
Affaire Golder c. Royaume-Uni, Requête no. 4451/70, arrêt, Strasbourg, 21 février 1975, disponible à
http://cmiskp.echr.coe.int/tkp 197/search.asp?skin=hudoc-fr
21Les conséquences juridiques pour les Etats de la présence continue de l'Afrique du Sud en Namibie (Sud
Ouest africain) nonobstant la résolution 276 (1970), Avis consultatif, Rec. CIJ 1971, p. 24, para.32, p. 46
gara. 92, p. 51 para. 107, p. 52 para 109, p. 53 para 115;
2 Arrêt du 26 février 2007 dans l'affaire concernant !'Application de la convention pour la prévention et la
répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro) offre une caractérisation
complète du statut juridique de la RFY entre 1992 et 2000, aux paragraphes 88-89, disponibles à
http://www.icj-cij.org/dockets/files/91 /13685. pdf; « l'égalité en droits des deux Etats membres, l'Etat du Monténégro et l'Etat de
Serbie qui comprend la province autonome de Voïvodine et la province autonome
de Kosovo-et-Metohija, la dernière étant actuellement sous administration
internationale, conformément à la résolution 1244 du Conseil de sécurité des
Nations unies» 23•
La Charte constitutionnelle établissait également que « la Communauté de Serbie-et
24
Monténégro a[vait] la personnalité internationale » et que :
« [a]près l'entrée en vigueur de la Charte constitutionnelle, tous les droits et
obligations de la République fédérale de Yougoslavie sont transférés à la
Communauté de Serbie-et-Monténégro, conformément à la Charte
25
constitutionnelle » .
Par conséquence, l'Union étatique Serbie-et-Monténégro a continué la personnalité
juridique internationale de l'ancienne RFY.
21. La Charte constitutionnelle de Serbie-et-Monténégro contenait également des
dispositions spécifiques qui réglementaient le droit de chacune des deux républiques
constituantes à se détacher de l'Union étatique et les conséquences juridiques dérivant
d'une telle situation. Notamment, la Charte constitutionnelle réglementait les
conséquences juridiques d'une éventuelle décision de la République de Monténégro de se
détacher de l'Union, dans les termes suivants :
« Dans le cas du retrait de l'État du Monténégro de la Communauté étatique de
Serbie-et-Monténégro, les documents internationaux relatifs à la République
fédérale de Yougoslavie, en particulier la Résolution 1244 du Conseil de sécurité
des Nations unies, se rapporteraient et seraient intégralement applicables à l'Etat
26
de Serbie en tant que successeur » .
22. Le 3juin 2006, la République de Monténégro a fait valoir son droit constitutionnel et,
suite à un referendum organisé en conséquence, a proclamé son indépendance. Par
conséquent, en conformité avec les dispositions constitutionnelles de l'ancienne Union
étatique, tous les instruments internationaux applicables à l'ancienne RFY ou à l'Union
étatique ont continué à s'appliquer à Serbie.
23
Le préambule de la Charte constitutionnelle de la Communauté étatique Serbie-et-Monténégdisponible
24http://www.mfa.gov.yu/Facts/consscg.pdf;
Article 14 de la Charte constitutionnelle de l'Union étatique de Serbie-et-Mondisponiblà:
http://mip.univ-perp.fr/constit/yhtm03.
25Article 63 de la Charte constitutionnelle de l'Union étatique de Serbie-et-Mondisponiblà:
http://mjp. univ-perp. fr/constit/yu2003. htm
26Article 60 de la Charte constitutionnelle de l'Union étatique de Serbie-et-Modisponible à:
http://mjp. univ-perp. fr/constit/yu2003. htm23. Cet état de choses a été confirmé à plusieurs reprises par les autorités de Serbie, y
compris dans des positions officielles adoptées dans le contexte onusien. Par exemple, le
3 juin 2006, le président de la République de Serbie a informé le Secrétaire général des
Nations Unies que, suite à la déclaration d'indépendance adoptée par l'Assemblée
nationale de la République de Monténégro,
«la République de Serbie assure[rait] la continuité de la qualité de Membre de
la communauté étatique de Serbie-et-Monténégro au sein de l'Organisation des
Nations Unies, y compris au sein de tous les organes et organisations du
système des Nations Unies, en vertu de l'article 60 de la charte constitutionnelle
de la Serbie-et-Monténégro».
Le président de Serbie a déclaré aussi que la République de Serbie :
«conserv[ait] tous les droits et assum[ait] toutes les obligations de la communauté 27
étatique de Serbie-et-Monténégro qui découlent de la Charte des Nations Unies».
24. Pareillement, cette Cour a reconnu que la continuité de la personnalité juridique de
l'ancienne Communauté étatique Serbie-et-Monténégro était assurée par la République de
Serbie dans ses arrêts rendus dans l'affaire concernant/'Application de la convention pour
la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et
Monténégro }28et dans l'affaire concernant /'Application de la convention pour la prévention
9
et la répression du crime de génocide (Croatie c. Serbie}2 .
25. L'actuelle République de Serbie sera ainsi considérée le continuateur de la
personnalité juridique de l'ancienne RFY et toutes les résolutions des Nations Unies
concernant cette dernière doivent être considérées comme se référant, à partir de ce
moment, à la République de Serbie.
Il. Les résolutions des organes des Nations Unies concernant la situation du
Kosovo, adoptées antérieurement à la Résolution 1244 (1999) du Conseil de securité
26. Dans le deuxième paragraphe du préambule de la résolution 1244 (1999), le Conseil,
en
27Affaire concernant !'Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide
(Croatie c. Serbie), arrêt du 18 novembre 2008 sur les Exceptions préliminaires, paras. 23-34, disponible
http://www.icj-cij.org/docket/files/118/14890.pdf;
28
Affaire concernant !'Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide
(Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro), arrêt du 26 février 2007, paras. 67-79, disponible à
29ttp://www.icj-cij.org/docket/files/91 /13684.pdf;
Affaire concernant !'Application de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide
(Croatie c. Serbie), arrêt du 18 novembre 2008 sur les Exceptions préliminaires, paras. 23-34, disponible à
http://www.icj-cij.org/docket/files/118/14890.pdf; «Rappelant ses résolutions 1160 (1998) du 31mars1998, 1199(1998) du
23septembre 301998, 1203 (1998) du 24octobre 1998 et 1239 (1999) du
14 mai 1999 »
établit toutes ses précisions relativesà la situation du Kosovo à partir de 1998.
27. Ce rappel a pour objectif de rassembler, dans le corpus de la résolution 1244(1999)
les éléments concernant le règlement définitif de la crise du Kosovo. A la fois, iexplique
partiellement pourquoi ily a si peu de références explicites relatives au règlement définitif
de la crise du Kosovo dans le texte de la résolution 1244 (1999). La Roumanie considère
que la résolution 1244 (1999) ne peut pas être interprétée d'une manière juste en dehors
du cadre établi par les résolutions antérieures du Conseil de sécurité, qui sont rappelées
dans le deuxième paragraphe du préambule. Il faut souligner que cette référence explicite
aux résolutions antérieures du Conseil de sécurité représente une indication claire que ces
résolutions précédentes doivent être regardées comme étant toujours en vigueur en ce qui
concerne certains aspects qui n'étaient pas remplacés par des résolutions subséquentes.
28. Parmi les quatre résolutions du Conseil de sécurité rappelées, la plus importante
pour l'évaluation de la conformité de la DOi aux résolutions du Conseil de sécurité est la
31
résolution 1160 (1998) du 31 mars 1998 .
29. La résolution 1160 du Conseil de sécurité a été adoptée dans le cadre du Chapitre
VII, quoi que la source de menace contre la paix requérant des mesures y réglementées
ne soit pas identifiée dans le texte. Elle contient, dans sa partie opérative, paragraphes 1,
4 et 5, plusieurs dispositions hautement importantes en ce qui concerne le règlement de
la crise de Kosovo. Ces paragraphes se lisent comme suit :
« 1. Demande à la République fédérale de Yougoslavie de prendre sans délai les
mesures supplémentaires nécessaires pour parvenir à une solution politique de la
question du Kosovo par le dialogue et d'appliquer les mesures indiquées dans les
déclarations du Groupe de contact en date des 9 et 25 mars 1998;
...]
4. Demande aux autorités de Belgrade et aux dirigeants de la communauté
albanaise kosovare d'engager sans délai et sans conditions préalables un dialogue
constructif sur les questions touchant le statut politique, et note que le Groupe de
contact est prêt à faciliter un tel dialogue;
5. Souscrit, sans préjuger de l'issue de ce dialogue, à la proposition contenue dans
les déclarations du Groupe de contact en date des 9 et 25 mars 1998selon laquelle
30
31S/RES/1244 (1999);
S/RES/1160 (1998); Je règlement du problème du Kosovo doit reposer sur le principe de l'intégrité
territoriale de la République fédérale de Yougoslavie et être conforme auxnormes
de l'OSCE, y compris celles qui figurent dans l'Acte final d'Helsinki de la
Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe de 1975, et à la Charte des
Nations Unies, et considère que cette solution doit également respecter les droits
des Albanais kosovares et de tous ceux qui vivent au Kosovo et exprime son appui
à un statut renforcé pour JeKosovo qui comprendrait une autonomie sensiblement
32
accrue et une véritable autonomie administrative » (italiques ajoutées).
30. Quoi que ce langage («demande») ne peut pas être regardé comme obligatoire
d'une manière directe, la nature obligatoire des conditions a été relevée par les
paragraphes opératifs 8 et 16. Dans le paragraphe opératif 8, la résolution a imposé un
embargo sur les armes à l'ancienne République de Yougoslavie, y compris le Kosovo. Le
paragraphe 16 contient les conditions de levée d'un tel embargo :
« ... décide également de reconsidérer les interdictions imposées par la présente
résolution, y compris d'agir pour y mettre fin, au reçu d'une évaluation du Secrétaire
général selon laquelle le Gouvernement de la République fédérale de Yougoslavie
a, en coopérant d'une manière constructive avec le Groupe de contact :
a) engagé un dialogue substantiel conformément au paragraphe 4 ci-dessus, y
compris avec la participation d'un ou plusieurs représentants extérieurs, à moins
que l'absence de dialogue ne résulte pas de la position de la République fédérale
de Yougoslavie ou des autorités serbes... » 33.
31. La résolution 1160 ne traite pas du fond de la solution politique de la question du
Kosovo. L'unique condition spécifique établie par cette résolution est que la substance du
statut du Kosovo à long terme doit être trouvée par le biais d'un dialogue véritable.
Toutefois, le langage de la résolution est clair: le futur règlement de la situation du Kosovo
devrait se fonder sur« l'intégrité territoriale de la République fédérale de Yougoslavie» et
devrait « comprendre une autonomie sensiblement aècrue et une véritable autonomie
administrative » pour le Kosovo. Une telle solution aurait du être trouvée, conforme à la
résolution 1160, par le biais d'un dialogue véritable (et non pas par des moyens
unilatérales).
32. Tel que révélé clairement par les dispositions de la résolution 1160 du Conseil de
sécurité, il n'y a aucune indication envers tout type de solution qui comprendrait une
déclaration d'indépendance unilatérale pour le Kosovo. Au contraire, le Conseil de sécurité
se réfère deux fois, dans le préambule et dans la partie opérative de la résolution 1160 à
l'intégrité territoriale de la République fédérale d'Yougoslavie. Ceci est aussi clairement
32S/RES/1160 (1998)
33S/RES/1160 (1998);mentionné dans la déclaration du Groupe de contact sur Kosovo, adoptée à Londres, le 9
mars 1998, mentionnée dans le paragraphe opératif 5 :
« 9. Personne ne devrait mal comprendre notre position sur le cŒur du problème
en cause. Nous n'appuyons ni l'indépendance, ni le maintien du status quo. Ainsi
que nous avons souligné clairement, les principes pour un règlement du problème
du Kosovo devraient se fonder sur l'intégrité territoriale de la République fédérale
d'Yougoslavie et être conformes aux standards de l'34CE, aux principes de
Helsinki et à la Charte des Nations Unies[ ...] » .
33. Les conditions spécifiques des standards de l'OSCE, y compris ceux réglementés
par l'Acte finale de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe de 1975, et
de la Charte des Nations Unies, mentionnées par la résolution 1160 du Conseil de
sécurité et par les déclarations du Groupe de contact seront analysées dans le chapitre 3
35
de cet exposé écrit.
34. Dans la résolution 1199 (1998) du 23 septembre 1998, le Conseil de sécurité a
employé un langage plus exact, quoi qu'il n'ait pas adopté des mesures supplémentaires
d'application. Il a réitéré les directives proposées pour le processus de trouver une
solution politique à la question du Kosovo, dans les paragraphes 12 et 13 du préambule,
qui lisaient :
« Réaffirmant les objectifs de la résolution 1160 (1998), dans laquelle le Conseil
exprime son soutien à un règlement pacifique du problème du Kosovo qui prévoirait
un statut renforcé pour Je Kosovo, une autonomie sensiblement accrue et une
véritable autonomie administrative,
Réaffirmant également l'attachement de tous les États Membres à la souveraineté
et à l'intégrité territoriale de la République fédérale de Yougoslavie »36
Ces deux directives - statut renforcé pour le Kosovo, une autonomie sensiblement accrue,
une véritable autonomie administrative et l'attachement à la souveraineté et à l'intégrité
territoriale de la République fédérale d'Yougoslavie - se retrouvent dans toutes les
précisions faites par le Conseil de sécurité relatives au problème du Kosovo.
35. Le Conseil de sécurité a réitéré, dans la partie opérative de la résolution 1199, sa
condition de trouver la substance du statut du Kosovo à long terme par le biais d'un
dialogue véritable. 37 Il est important de souligner, encore une fois, que le langage de la
34
S/1998/223;
35Voir infra par. 81-96 de l'Exposé écrit de la Roumanie;
36S/RES/1199 (1998);
37Para. 3 de S/RES/1199 (1998)résolution 1199 du Conseil de sécurité et également celui de la résolution 1160, prévoit
d'une manière claire seulement une solution politique négociée pour le statut à long terme
du Kosovo. De telles négociations auraient dû être engagées entre les autorités de la
République fédérale de Yougoslavie et les dirigeants de la communauté albanaise de
Kosovo, avec participation internationale.
36. Les conditions indiquées dans la résolution 1160 du Conseil de sécurité et
réaffirmées dans la résolution 1199 du Conseil de sécurité, d'entamer des négociations
par le biais d'un dialogue véritable afin de trouver une solution à long terme au problème
du Kosovo, auraient dû être respectées non seulement par la République fédérale de
Yougoslavie, mais aussi par les dirigeants de la communauté albanaise du Kosovo. C'est
ainsi que ces derniers n'avaient pas le droit de recourir à une solution unilatérale.
37. La résolution 1203 (1998) du Conseil de sécurité du 24 octobre 1998 a appuyé les
plus récentes évolutions pour trouver une solution à la situation du Kosovo, suite aux
démarches de l'OTAN et de l'OSCE. En même temps, la résolution a maintenu la
condition stricte imposée par le Conseil de sécurité aux autorités de Belgrade et aux
dirigeants de la communauté albanaise de Kosovo. Ainsi, les paragraphes pertinents du
préambule de la résolution liront comme suit :
« Rappelant ses résolutions 1160 (1998) du 31 mars 1998 et 1199 (1998) du 23
septembre 1998, ainsi que l'importance d'un règlement pacifique du problème du
Kosovo, République fédérale de Yougoslavie[ ...]
Rappelant les objectifs de la résolution 1160 (1998), dans laquelle le Conseil a
exprimé son soutien à un règlement pacifique du problème du Kosovo qui prévoirait
un statut renforcé pour le Kosovo, une autonomie sensiblement accrue et une
véritable autonomie administrative[ ...]
Réaffirmant l'attachement de tous les États Membres à la souveraineté et à
l'intégrité territoriale de la République fédérale de Yougoslav» i.38(italiques ajoutés)
38. La condition stricte mentionnée ci-dessus est accentuée dans la partie opérative de
la résolution 1203 du Conseil de sécurité:
« 3. Exige que la République fédérale de Yougoslavie respecte strictement et
rapidement les résolutions 1160 (1998) et 1199 (1998) [...];
38S/RES/1203 (1998); 4. Exige également que les dirigeants albanais du Kosovo et tous les autres
éléments de la communauté albanaise du Kosovo respectent strictement et
rapidement les résolutions 1160 (1998) et 1199 (1998) [...] ;
5. Souligne qu'il importe au plus haut point que les autorités de la République
fédérale de Yougoslavie et les dirigeants albanais du Kosovo engagent
immédiatement, sans condition et selon un calendrier précis, un dialogue constructif
avec une présence internationale, en vue de mettre fin 39la crise et de parvenià un
règlement politique négocié de la question du Kosovo »
39. Le langage de ces paragraphes opératifs est extrêmement clair en ce qui concerne
l'obligation de deux parties de parvenir à un règlement politique négocié de la question du
Kosovo. La Roumanie considère que ce langage - à part le fait qu'il exclut toute possibilité
de parvenir à une solution unilatérale pour la question du Kosovo - a également
transformé les directives proposées pour les négociations, premièrement réglementées
par la résolution 1160 du Conseil de sécurité, en véritables garanties pour le résultat des
négociations. Ni la République fédérale de Yougoslavie ne pouvait pas diminuer le futur
statut renforcé pour le Kosovo, l'autonomie sensiblement accrue et la véritable autonomie
administrative, ni la communauté albanaise de Kosovo ne pouvait pas annuler
unilatéralement le titre territorial yougoslave sur le Kosovo.
40. La résolution 1239 (1999) du 14 mai 1999, a abordé une question particulière, à
savoir « l'affluxmassif de réfugiés du Kosovo en Albanie, dans l'ex-République
yougoslave de Macédoine, en Bosnie-Herzégovine et dans d'autres pays, ainsi que par le
nombre croissant de personnes déplacées à l'intérieur du Kosovo, dans la République du
Monténégro et dans d'autres parties de la République fédérale de Yougoslavie »40 et ne
faisait pas référence à la solution négociée pour la question du Kosovo. Elle mentionnait,
toutefois, les précisions faites antérieurement par le Conseil de sécurité sur la situation du
Kosovo et, également, « l'intégrité territoriale et la souveraineté de tous les Etats de la
région» 41•
Ill. La Résolution du Conseil de sécurité 1244 (1999) du 10 juin 1999
41. Pendant que les dispositions de la résolution 1244 (1999) jouent un rôle important
dans l'évaluation de la conformité de la déclaration d'indépendance (DOi) avec les
résolutions du Conseil de sécurité, la Roumanie souligne le fait que les résolutions
39S/RES/1203 (1998);
40S/RES/1239 (1998)
41S/RES/1239 (1998)1160,1199, 1203 et 1239 jouent, à leur tour, un rôle tout aussi important en ce sens.
Toutes ces résolutions produisent des effets qui se conjuguent et s'ajoutent. Cela n'est
pas inédit, la Cour l'a déjà fait observer en 1971 en relation avec les résolutions du
Conseil de sécurité 264 (1969), 267 (1969) et 276 (1970) 42. En ce sens, la Roumanie
rappelle également ses conclusions portant sur la valeur juridique des préambules des
documents juridiques, telles que présentées ci-dessus 43•
42. La Résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité était en vigueur au moment de la
DDI et elle l'est toujours, vu qu'elle n'a pas était amendée ou annulée par une autre
résolution du Conseil de sécurité et qu'elle n'est pas tombée en désuétude.
43. La Résolution 1244(1999) du Conseil de sécurité avait comme objectif, tel que
mentionné au paragraphe 4 du préambule, l'amélioration de la «situation humanitaire
grave qui existe au Kosovo (République fédérale de Yougoslavie)» et le retour chez eux
« des tous les réfugiés et personnes déplacées en toute sécurité et liberté». Ledit
paragraphe se lit comme suit :
« Résolu à remédier à la situation humanitaire grave qui existe au Kosovo
(République fédérale de Yougoslavie) et à faire en sorte que tous lesréfu~iéset
personnes déplacées puissent rentrer chez eux en toute sécurité et liberté » 4 .
Les deux objectifs principaux de la Résolution 1244 (1999) peuvent être clairement
décelés du paragraphe mentionné. La première mission assumée par le Conseil de
sécurité était de trouver une solution à la situation humanitaire grave au Kosovo
(République fédérale de Yougoslavie à l'époque) et la seconde d'assurer le retour chez
eux en toute sécurité et liberté de tous les réfugiés et personnes déplacées.
44. Les paragraphes 5 à 8 du préambule indiquent les raisons derrière ces deux
objectifs et les paragraphes du 9 à 11 établissent les lignes directrices et les garanties
concernant l'aboutissement des ces objectifs. Ces lignes directrices et garanties sont
énoncées comme suit :
« Accueillant avec satisfaction les principes generaux concernant la solution
politique de la crise du Kosovo adoptés le 6 mai 1999 [...] et se félicitant de
42Voir Conséquences juridiques pour les Etats de la présence continue de l'Afrique du Sud en Namibie
(Sud-Ouest Africain) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, avis consultatif, CIJ Recueil
1971, p. 51, para 108«C'est la résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, expressément visée dans le
texte de la requête, qui est essentielle aux fins du présent avis consultatif. Avant d'en entreprendre l'analyse,
il convient cependant de dire un mot des résolutions 264 (1969) et 269 (1969), dont l'effet se conjugue et
43ajoute à celui de la résolution 276 (1970)
Voir para.16 de l'Exposé écrit de Roumanie ;
44 S/RES/1244 (1999); l'adhésion de la République fédérale de Yougoslavie aux principes énoncés aux
points 1 à 9 du document présenté à Belgrade le 2 juin 1999 [...], ainsi que de son
accord quant à ce document,
Réaffirmant l'attachement de tous les États Membres à la souveraineté et à
l'intégrité territoriale de la République fédérale de Yougoslavie et de tous les autres
États de la région, au sens de l'Acte final d'Helsinki et de l'annexe 2 à la présente
résolution,
Réaffirmant l'appel qu'il a lancé dans des résolutions antérieures en vue d'une
45
autonomie substantielle et d'une véritable auto-administration au Kosovo... » .
45. Comme il a déjà été mentionné plus haut, les paragraphes du préambule
représentent la base de l'interprétation de la partie principale de la résolution vu qu'ils
dévoilent la volonté réelle du Conseil de sécurité. Ils ont la même force contraignante que
les paragraphes du préambule qui réaffirment, àtit!:ed'exemple, le droit des refugiés de
rentrer chez eux.
46. Ensuite, le but de la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité ne réside pas
dans la découverte d'une solution à long terme à la situation au Kosovo, mais dans la
nécessité d'offrir une solution politique à court et moyen terme à la crise, conformément
aux principes contenus dans les annexes 1 et 2 à la résolution. La Roumanie ne
s'attardera pas sur cette solution politique. Toutefois, elle fait observer que les annexes à
la résolution indiquent expressément que l'accord-cadre politique intérimaire prévoyant
pour le Kosovo une autonomie substantielle doit tenir pleinement compte des Accords de
Rambouillet et des principes de souveraineté et d'intégrité territoriale de la République
fédérale de Yougoslavie. Des paragraphes quasi-identiques se lisent comme suit:
« Un processus politique en vue de l'établissement d'un accord-cadre politique
intérimaire prévoyant pour le Kosovo une autonomie substantielle, qui tienne
pleinement compte des Accords de Rambouillet et du principe de la souveraineté et
de l'intégrité territoriale de la République fédérale de Yougoslavie et des autres
pays de la région[ ...] »46.
47. Les Accords de Rambouillet, tout en essayant d'instituer une autonomie substantielle
pour le Kosovo, ont écarté la redéfinition des frontières existantes. Dans un communiqué
de presse, le Conseil de sécurité:
«...a pris note des conclusions du co-président de la conférence de Rambouillet au
bout de deux semaines d'efforts intenses pour atteindre le consensus sur
45
46S/RES/1244 (1999);
S/RES/1244 (1999); l'autonomie substantielle pour le Kosovo respectueux de la souveraineté et de
47
l'intégrité territoriale de la République fédérale de Yougoslavie » .
48. Il faut remarquer que les références à la souveraineté et à l'intégralité territoriale de
la Serbie se retrouvent dans le Préambule de l'Accord intérimaire pour la paix et
l'autonomie au Kosovo ( « Accord de Rambouillet »), à !'Article 1 de son cadre, dans le
Préambule de son 1er Chapitre (Constitution) et à !'Article 1 de son Chapitre 7
(Implémentation Il).
49. Dans la partie introductive, l'accent est mis sur « l'attachement de la communauté
internationale à la souveraineté et à l'intégrité territoriale de la République fédérale de
Yougoslavie», tandis que l'article 1 du Cadre fait référence aux principes de !'Accord. Un
de ces principes, mentionné au paragraphe 2 dudit article, garantit aux communautés
nationales et à leurs membres des droits additionnels, qui ne peuvent pas pourtant être
utilisés,inter aliaà l'encontre de la souveraineté et l'intégrité territoriale de la Serbie :
« Les communautés nationales et leurs membres doivent jouir des droits
additionnels prévus au Chapitre 1. Kosovo, les autorités fédérales et républicaines
ne doivent pas interférer dans l'exercice des droits additionnels. Les communautés
nationales doivent être légalement égales et ne doivent pas faire usage de leurs
droits additionnels pour mettre en danger les droits des autres communautés
nationales ou les droits des citoyens, la souveraineté et l'intégrité territoriale de la
République fédérale de Yougoslavie ou le fonctionnement du gouvernement
démocratique représentatif au Kosovo » 48.
50. Il en découle que l'accord garantit d'une part, un droitrenforcéà l'autonomie pour le
Kosovo et pour ses habitants et des droits additionnels à l'intérieur de la Serbie et, d'autre
part, le respect de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de la Serbie. Par conséquent,
cette solution politique pour le Kosovo ne doit pas aller au-delà des principes du droit
international consacrés depuis longtemps que la communauté internationale s'est
engagée à respecter.
51. Le préambule au Chapitre 1 contient des considérations similaires:
« Désirant d'établir, par le biais de La Constitution intérimaire, des institutions de
gouvernance démocratique en Kosovo, fondés dans le respect de l'intégrité
territoriale et de la souveraineté de la République fédérale de Yougoslavie et de cet
49
Accord, où les autorités institués ci-après trouvent leurs origine (...)" .
47Le conflit en Kosovo et le droit international: Documentation analytique 1974-1999 (The Kosovo Conflict
and International Law: An Analytical Documentation 1974-1999), éd. Heike Krieger, Cambridge University
46ess, 2001, at.143 p.278.
49Ibid., p. 261
ldemEt la lettre a) para 1 de !'Article 1 du Chapitre 7 de !'Accord Rambouillet:
« Le CS des Nations Unies est invité à faire passer une résolution sous le Chapitre
VII de la Charte pour approuver et faire adopter les accords établis dans le présent
chapitre, notamment la création d'une force d'implémentation militaire
multinationale au Kosovo. Les Parties invitent l'OTAN à constituer et à diriger une
force militaire pour assurer la conformité avec les dispositions du présent chapitre.
Ils réaffirment également la souveraineté et l'intégrité territoriale de la République
fédérale de Yougoslavie (RFY)» 50•
Ainsi, le droit à l'autonomie lui-même est indissociable de la souveraineté et l'intégrité
territoriale de la Serbie et doit être maintenu et respecté par la communauté internationale
indubitablement sur la base des dispositions de la Charte des NU.
52. Cet Accord était destiné à offrir une solution provisoire pour le Kosovo. L'Accord de
Rambouillet lui-même offre dans son dernier chapitre (Amendements, évaluation
d'ensemble et dispositions finales) les moyens pour faire avancer les discussions visant
l'identification d'une solution finale pour le statut du Kosovo. Il faut remarquer qu'une telle
solution aurait dû prendre en considération «la volonté du peuple», ainsi que l'avis des
autorités compétentes, les efforts accomplis par chacune des Parties dans la mise en
Œuvre du présent Accord, et de l'Acte Final d'Helsinki (paragraphe 3 du premier article du
Chapitre 8 de l'Accord de Rambouillet).
53. Il en découle que la solution pour le règlement final n'aurait été, en aucun cas,
fondée sur une réaction unilatérale d'une partie ou d'une autre, mais sur un ensemble de
facteurs qui aurait pris en considération la position de la Serbie vis-à-vis des principes de
souveraineté et de l'intégrité territoriale tels qu'ils sont décrits par la résolution 2625 (1970)
de l'AG portant sur la « Déclaration relative aux principes du droit international touchant
les relations amicales et la coopération entre les Etats conformément à la Charte des
Nations Unies » et l'Acte Final d'Helsinki.
54. En rappelant les Résolutions 1160, 1199, 1203 et 1239, le Conseil de sécurité a
expressément réaffirmé son attachement aux principes déjà établis concernant une
solution au problème du Kosovo. Par la même référence aux résolutions antérieures, les
obligations des deux parties au conflit du Kosovo ont été implicitement reconfirmées. Il n'y
a aucun indice dans la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité qui pourrait être
interprété dans le sens que, en 1999, le Conseil de sécurité a autorisé la séparation du
50Ibid.,, p. 272Kosovo à un certain moment futur. De même, il n'y en a aucune mention du droit à
l'autodétermination de la population du Kosovo.
55. La différence entre les références à l'intégrité territoriale de la République fédérale
de Yougoslavie insérées dans le paragraphe 10 du préambule de la Résolution et les
deux annexes réside dans le fait que les références des deux annexes concernent
uniquement l'accord politique provisoire, tandis que la référence faite dans le paragraphe
du préambule renvoie à tout autre règlement futur.
56. La Roumanie considère que les directives et les garanties relatives aux objectives de
la Résolution 1244 (1999) ne concernent pas uniquement le statut provisoire du Kosovo.
Ils représentent également une réaffirmation des directives pour un règlement définitif. En
plus des principes de l'autonomie et de l'auto-administration substantielles mentionnés
dans le paragraphe 11 du préambule de la résolution, le principe 9 mentionné à l'annexe 2
au document, prévoient que les« négociations entre les parties en vue d'un règlement ne
devraient pas retarder ni perturber la mise en place d'institutions démocratiques d'auto -
51
administration» .Les négociations au moment de l'adoption des résolutions mentionnées
emploient la notion d'auto -administration pas seulement à titre provisoire, mais comme
une caractéristique du régime futur du Kosovo.
57. Il en découle que la Résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité a expressément
reconnu l'intégrité territoriale de la Serbie et a établi que ce principe devrait être pris en
considération par toute solution apportée au statut du Kosovo à travers un dialogue
véritable entre les parties intéressées. En conséquence, l'acte unilatéral des institutions
provisoires d'administration autonome du Kosovo d'adopter la DOi méconnait la
Résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité.
IV. La compétence des institutions provisoires d'administration autonome du
Kosovo
58. Un autre aspect qui mérite une analyse particulière concerne la compétence des
institutions provisoires d'administration autonome du Kosovo. Ces institutions ont été
créées par le Règlement de la MiNUK no. 2001/9 du 15 mai 2001 sur le Cadre
constitutionnel de l'autonomie provisoire du Kosovo 52.Ce règlement a été adopté en
51S/RES/1244 (1999)
52 Règlement 2001/9, publié dans le Journal Officiel de la MiNUK, disponible en anglais sur
http://www.unmikonline.org/regulations/unmikgazette/02english/E2001 regs/RE2001_09.pdf conformité avec et en application de la Résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité. Il
s'ensuit que les compétences et les responsabilités des institutions provisoires
d'administration autonome établies par ce Règlement ne peuvent pas aller au-delà des
principes prévus dans ladite résolution, et notamment du respect de l'intégrité territoriale
de la Serbie.
59. Le Chapitre 5 du Règlement 2001/9, tel qu'amendé, réglemente les responsabilités
des institutions provisoires d'administration autonome. Il ne contient aucune disposition,
même indirecte, permettant aux institutions provisoires de prendre des décisions relatives
au statut du Kosovo; une telle autorité ne peut pas être déduite de l'interprétation des
dispositions existantes. En effet, une telle disposition ne trouve pas sa place dans le
règlement MiNUK, vu que c'était le Conseil de sécurité qui avait établi le cadre de la
solution politique pour le Kosovo. Plus encore, le Règlementprévoit expressément que:
"L'exercice des responsabilités des institutions provisoires d'administration
autonome selon ce Cadre Constitutionnel ne doit pas affecter ou diminuer l'autorité
de la SRSG d'assurer l'implémentation intégrale de la Résolution 1244(1999) du
CS, y inclut de superviser l'activité des institutions provisoires d'administration
autonome, de ses agents et de ses agences, et de prendre les mesures
appropriées lorsque leurs actions sontincompatibles avec la Résolution 1244(1999)
du CS ou le présent Cadre Constitutionnel". 5 ·
60. Il est évident que les institutions provisoires d'administration autonome ne pourraient
pas excéder, dans l'exercice de leur mandat, le cadre légal établi par la résolution 1244
(1999) du Conseil de sécurité. En conséquence, elles n'ont pas été autorisées à prendre
des décisions unilatérales concernant le statut final du Kosovo qui aurait dû être décidé en
conformité avec les dispositions applicables de la Résolution 1244 (1999) du Conseil de
sécurité.
61. La question de savoir si les institutions provisoires d'administration autonome du
Kosovo, en tant qu'organes représentatives de la population du Kosovo pouvaient adopter,
tout en respectant les normes, la DOi dans l'exercice de ses droits selon le droit
international général sera analysée par la Roumanie au chapitre 4 de son Exposé écrit 54.
Il. Conclusions
62. Il en ressort clairement de ce qui précède que, conformément aux résolutions
pertinentes des Nations Unies, et en particulier la résolution 1244 (1999) du Conseil de
53
54Ibid., Chapitre 12
Voir infra para. 110-159 de !'Exposé écrit de la Roumaniesécurité, toute solution apportée au statut final du Kosovo doit prendre en considération
l'intégrité territoriale de la Serbie et doit être obtenue d'une manière consensuelle par un
dialogue véritable. Ainsi, en méconnaissant l'intégrité territoriale de la Serbie, par son
adoption unilatérale, la DOi du 2008 enfreint les dispositions des résolutions évoquées des
NU. De plus, la DOi transgresse les compétences atribuées aux institutions provisoires
d'administration autonome, telles qu'étab/ies par les règlements pertinents de la MiNUK.
Chapitre 3
Le droit de la Serbie à l'intégrité territoriale
1. Introduction
63. Le droit international contemporain a été confronté après 1945 à des défis
concernant le droit à l'autodétermination et le principe de l'intégrité territoriale, tels qu'ils
ont été prévus par les documents les plus importants du droit international.
Ce fait est surtout lié au contexte postcolonial, lorsque les entités évoquaient
constamment "le droit à l'autodétermination" pour la tentative de sécession des Etats
existants, tandis que les autres Etats étaient prudents à reconnaitre telles déclarations
unilatérales d'indépendance, s'ils n'étaient pas agréés au préalable avec l'Etat d'où la
sécession s'est produite.
64. Ainsi que le professeur Crawford a écrit,
"Le droit international a toujours favorisé l'intégrité territoriale et, respectivement, le
Gouvernement d'un Etat a toujours eu le droit de s'opposer à la sécession
55
unilatérale d'une partie d'un Etat,par tout moyen légal ".
Pourtant, il existe un besoin constant et une recherche sans cesse d'une solution
équilibrée entre le principe de souveraineté et celui de l'intégrité territoriale, d'une coté, et
le principe de l'égalité des droits des peuples et du droit à l'autodétermination, de l'autre
coté.
55James Crawford, Pratique des Etats et Droit international vis-à-vis la sécession unilatérale- Rapport pour
le Gouvernement de Canada sur la sécession unilatérale de Québec(State Practice and International Law in
Relation to Unilateral Secessionport to the Government of Canada concerning unilateral secession by
Quebec), para. 8;65. Pour reprendre les mots du Secrétaire General dans son rapport du 17 juin 1992,
intitulé "Une Agenda pour la paix. Diplomatie préventive, instauration et maintien de la
paix",
"La pierre angulaire de ce travail [du maintien de la paix et de la sécurité
internationale selon les dispositions de la Charte] est et doit rester l'Etat. Le respect
de sa souveraineté fondamentale et de son intégrité ont une importance cruciale
pour tout progrès commun international. Le temps de la souveraineté absolue et
exclusive est toutefois passé; sa théorie n'a jamais été conforme à la réalité.
Aujourd'hui, c'est la tache des chefs d'Etat de comprendre ce fait et de.trouver un
équilibre entre le besoin d'une bonne gouvernance interne et la nécessité d'un
monde encore plus interdépendant. (...). Si tout group ethnique, religieux ou
linguistique prétendait l'indépendance, iln'y aurait aucune limite à la fragmentation,
et la paix, la sécurité et le bien être économique de tous deviendrait encore plus
difficile à réaliser.
Un élément nécessaire de toute solution à ces problèmes réside dans
l'attacryement au respect des droits de l'homme, avec un accent particulier sur ceux
des minorités ethniques, religieuses, sociales ou linguistiques( ...).
(...)La souveraineté, l'intégrité territoriale et l'indépendance des Etats dans le cadre
du système international établi et le principe de l'autodétermination des peoples,
les deux d'une importance et valeur particulières, ne doivent pas être laissées à
travailler l'une à l'encontre de l'autre dans l'avenir. Le respect des principes
démocratiques à tous les niveaux de l'existence sociale est crucial: dans les
communautés, entre les Etats et dans le cadre de la Communauté internationale.
Notre devoir constant doit être de maintenir l'intégrité de chacun tout en trouvant un
design équilibré pour tous. 56
66. Donc la fragmentation des Eta~s ne se préfigure pas comme une solution pour
l'exercice effective du droit à l'autodétermination, parce qu'elle pourra constituer un danger
potentiel pour la paix et la sécurité internationale. Au contraire, le respect des droits de
l'homme et l'assurance de la participation effective aux affaires internes de l'Etat pourront
constituer une véritable solution pour maintenir l'intégralité du principe de
l'autodétermination.
67. Les arguments principaux concernant le droit à l'autodétermination et son
(in)applicabilité au cas du Kosovo seront avancés dans le chapitre suivant de cet exposé
~crit57; le présent chapitre sera centré sur le principe de l'intégrité territoriale, dans le but
de démontrer que le principe de l'intégrité territoriale doit être préservé. Une telle
conclusion sera valable et applicable dans la situation de la République de Serbie/Kosovo
56 Para. 17 à 19 de RapporN4-7/277 - S/24111 ;
57
Voir infra para. 117-159 de !'Exposé écrit de Roumaniemême en absence d'un régime particulier établi par l'ensemble des résolutions ONU
pertinentes et par d'autres documents 58.
68. L'analyse du principe de l'intégrité territoriale sera double: premièrement, la
Roumanie examinera les instruments universels et régionaux pertinentes pour l'étude de
la question; puis la Roumanie appliquera ces instruments au cas particulier du Kosovo.
Il. La réglementation du principe d'intégrité territoriale des Etats
69. Conformément au troisième avis de la Commission d'arbitrage établie par la
Conférence Internationale pour !'Yougoslavie,
"toutes les frontières extérieures doivent être respectées en conformité avec les
principes contenues dans la Charte des NU, dans la Déclaration sur les principes
du droit international concernant les relations amicales et la coopération entre les
Etats conformément à la Charte des NU (Résolution de l'Assemblée Générale no.
2625 (XXV)) et l'Acte final de Helsinki, principe souligné aussi par l'article 11 de la
59
Convention de Vienne du 23 aout 1978 sur la Succession des Etats aux Traités ".
A. Documents à portée universelle
70. Ainsi qu'il est constaté dans la doctrine, « il y a peu de principes actuels de droit
60
international si strictement établi que celui de l'intégrité territoriale des Etats » .
71. L'intégralité du système des Nations Unies est basée sur le principe de l'égalité
souveraine des Etats, en tant que l'un des principes les plus importants des relations
internationales, tel qu'il est présenté par l'article 2 de la Charte des Nations Unies.
72. Le quatrième principe mentionné à l'article 2 de la Charte des Nations Unies protège
l'intégrité territoriale et l'indépendance politique des Etats, stipulant que:
« Les Membres de l'Organisation s'abstiennent, dans leurs relations internationales,
de recourir à la menace ou à l'emploi de la force, soit contre l'intégrité territoriale ou
58
59Voir supra para. 26-57 de !'Exposé écrit de Roumanie
Commission d'Arbitrage, Opinion No. 3, 11 janvier 1992, Journal européen de droit international, no. 3
01992), p. 185;
Thomas Franck et al., L'intégrité territoriale de Québec en cas d'achèvement de souveraineté, Rapport
préparé pour le Département Québécoise des Affaires Internationales (8 mai 1992)(The Territorial lntegrity
of Quebec in the Event of the Attainment of Sovereignty, Report prepared for the Quebec Department of
International Relations (8 May 1992)), para. 2.16; l'indépendance politique de tout Etat, soit de toute autre manière incompatible avec
les buts des Nations Unies ».
Il en découle que l'intégrité territoriale des Etats, à côté de l'indépendance politique,
représente un principe fondamental de la Charte des Nations Unies, mentionné en relation
avec la prohibition de l'usage de la force.
73. Dans le cas où la souveraineté d'un Etat ou son intégrité territoriale est affectée, par
une menace à la paix, la rupture de la paix ou un acte d'acte d'agression, le Conseil de
sécurité a le droit de prendre les décisions qu'il estime nécessaires pour le maintien ou la
restauration de la paix, selon les dispositions de la Charte des Nations Unies.
74. Ces principes constituent la base sur laquelle l'ONU et ses Etats Membres prennent
des mesures pour l'accomplissement des objectifs de l'Organisation, tel que le
développement des "relations amicales fondées sur le principe de l'égalité des droits des
peuples et leur droit à l'autodétermination" (art. 1 de la Charte des Nations Unies).
75. La Résolution 2625 (XXV) adoptée par l'Assemblée générale des Nations Unies en
1970, concernant la "Déclaration relative aux principes de droit international touchant les
relations amicales entre les Etats, conformément à la Charte des Nations Unies» établit,
comme 1erprincipe, que :
« les Etats s'abstiennent, dans leur relations internationales, de recourir à la
menace ou à l'emploi de la force, soit contre l'intégrité territoriale ou l'indépendance
politique de tout Etat, soit de toute autre manière incompatible avec les objectifs
61
des Nations Unies » .
76. En plus, le texte même de la Résolution prévoit une "clause de sauvegarde " claire
en faveur du principe de l'intégrité territoriale des Etats, en soulignant, vis-à-vis du principe
de l'égalité des droits des peoples et du principe de l'autodétermination, que:
« Rien (...) ne sera interprété comme autorisant ou encourageant une action, quelle
qu'elle soit, qui démembrerait ou menacerait, totalement ou partiellement, l'intégrité
territoriale ou l'unité politique de tout Etat souverain et indépendant se conduisant
conformément au principe de l'égalité de droits et du droit des peuples à disposer
d'eux-mêmes énoncé ci-dessus et doté ainsi d'un gouvernement représentant
61NRES/2625 (XXV) en Résolutions adoptées sur le Rapport de Sixième Commission, disponible sur
http://www.un.org/french/documents/view_doc.asp?symbol=NRES/2625%20(XXV
); l'ensemble du peuple appartenant au territoire sans distinction de race, de croyance
ou de couleur » 62.
77. Cette obligation s'impose aux destinataires des principes de l'égalité des droits et du
droit de disposer d'eux mêmes, mais également à la communauté internationale de
manière que
«tout Etat devra s'abstenir de toute action menant à la rupture totale ou partielle de
63
l'unité nationale et l'intégrité territoriale de tout autre Etat ou pay» .
78. Ceci est toutefois étroitement lié au principe suivant - celui de l'égalité souveraine
des Etats - qui définit, comme l'un des éléments de l'égalité souveraine, l'inviolabilité de
l'intégrité territoriale et de l'indépendance politique des Etats (le principe de l'égalité
souveraine des Etats, lettre d).
79. Il en résulte qu',
"un Etat dont le Gouvernement représente l'entière population trouvée sur son
territoire, sans distinction de toute nature, c'est-à-dire sur une base égalitaire et
notamment sans aucune discrimination fondée sur la race, croyance ou couleur,
respecte le principe de l'autodétermination par rapport à tous les mem64es de cette
population et a le droit à la protection de son intégrité territoriale" .
80. Même si les documents internationaux qu'on vient de mentionner établissent
apparemment une obligation générale desEtats quant au plein respect réciproque du
principe de l'intégrité territoriale dans leur relations, en fait ce principe impose une
obligation erga omnes en ce qui concerne son respect.
A. Documents à portée régionale
81. L'Acte final de la Conférence pour la Sécurité et la Coopération en Europe (1er Août
1975) (Acte final d'Helsinki) réaffirme au niveau européen, d'une manière plus
compréhensive, les principes les plus importants de la Charte des Nations Unies, qui sont
destinés à orienter les relations entre les Etats participants.
62 A/RES/2625 (XXV) en Résolutions adoptées sur le Rapport de Sixième Commission, disponible sur
http:l/www.un.org/french/documents/view_doc.asp?symbol=A/RES/2625%20(XX
V);
63
A/RES/2625 (XXV) en Résolutions adoptées sur le Rapport de Sixième Commission, disponible sur
64ttp://www.un.org/french/documents/view_doc.asp?symbol=A/RES/2625%20(XX
V);
James Crawford, Pratique des Etats et Droit international vis-à-vis la sécession unilatérale- Rapport pour
JeGouvernement de Canada sur la sécession unilatérale de Québec(State Practice and International Law in
Relation to Unilateral Secession Report to Government of Canada concerning unilateral secession by
Quebec), para. 61;82. L'adoption de cet acte a été motivée par la volonté
« d'améliorer et d'intensifier [les] relations [entre les Etats participants] de contribuer
en Europe à la paix, à la sécurité, à la justice et à la coofération ainsi qu'au
rapprochement entre eux et avec les autres Etats du monde »6 .
83. La Déclaration sur les principes, compris dans l'Acte final d'Helsinki, contient dix
principes d"'importance primordiale" pour les relations mutuelles entre les Etats.
84. Le premier de ces principes se réfère à l'égalité souveraine et au respect des droits
inhérents à la souveraineté. Il est utile de mentionner quelques éléments envisagés par ce
principe, tel qu'il est appliqué au niveau européen:
a. Le principe de l'égalité souveraine et du respect des droits inhérents à la
souveraineté inclut le droit de tout Etat à l'égalité juridique,à l'intégrité territoriale eà la
liberté et l'indépendance politique;
b. Avec le respect du principe de l'égalité souveraine, les Etats doivent aussi
respecter le droit des autres Etats de choisir librement et développer leurs systèmes
politiques, sociaux, économiques et culturels, tout comme leur droit de déterminer leurs
lois et règlements;
c. Les Etats considèrent que leurs frontières peuvent être modifiées, dans le respect
66
du droit international, par des moyens pacifiques et par accord commun.
Ce principe reconnait donc l'intégrité territoriale des Etats, leur droit de disposer d'eux
mêmes et l'inviolabilité des frontières, qui pourront être modifiées seulement par des
moyens pacifiques et consensuels.
85. La distinction entre l'intégrité territoriale et l'inviolabilité des frontières différencie
cette Déclaration de la Charte des Nations Unies, puisque le deuxième principe est traité
distinctement du premier.
86. En dépit de l'approche positive adoptée dans le contexte du principe de l'égalité
souveraine, le principe de l'inviolabilité des frontières interdit à tout moment toute
contestation des frontières des Etats en Europe, puisqu'elles sont considérées inviolables.
Ceci empêche « toute exigence ou tout acte de mainmise sur tout ou partie du territoire
d'un autre Etat participant» (principe Ill)
65
66Paragraphe 4 de Préambule, disponible sur http://fr.osce.org/images/stories/File/pdf/sommets/helfa75f.pdf;
http://fr.osce.org/images/stories/File/pdf/sommets/helfa75f.pdf;87. Ce principe trouve son équivalent dans la doctrine de l'uti possidetis ou « la
67
permanence et la stabilité des frontières terrestres » . Comme il a été vu dans le
contexte de la discussion sur l'égalité souveraine, ce principe ne signifie pas que les
frontières sont inchangeables, mais elles peuvent uniquement être changées par l'accord
entre ou parmi les parties concernées et sans l'utilisation de la force.
88. Le principe de l'intégrité territoriale des Etats établit l'intégrité territoriale des Etats et
l'obligation de tous les Etats participants de le respecter. Ceci inclut leur obligation
"de s'abstenir de tout acte incompatible avec les buts et principes de la Charte des
Nations Unies contre l'intégrité territoriale, l'indépendance politique ou l'unité de tout
Etat participant, et en particulier de toute action de ce genre représentant une
menace ou un emploi de la force (Principe IV).
89. En relation avec ce principe s'affirme le principe de l'égalité des droits et du droit des
peuples à disposer d'eux-mêmes, qui doit être respecté
"à tout moment conformément aux buts et aux principes de la Charte des Nations
Unies et aux normes pertinentes du droit international, y compris celles qui ont trait
à l'intégrité territoriale des Etats." (Principe VIII)
90. Il en découle que l'exercice complet du principe de l'égalité des droits et du droit des
peuples à disposer d'eux-mêmes ne devra pas affecter, en aucune manière, l'intégrité
territoriale des Etats, et il ne devra pas être affirmé sur les dépenses de l'intégrité
territoriale des Etats (il s'agit donc de l'intégrité territoriperse, l'indépendance politique
et unité de l'Etat). Ce problème sera traité dans le chapitre suivant 68.
91. Parmi les normes du droit international qui doivent être respectées lors de l'exercice
du droit à l'autodétermination, le principe de l'intégrité territoriale a été affirmé dans le
cadre du principe de l'égalité des droits et de l'autodétermination des peuples. Cela
souligne une fois de plus que, comme prévu, le droit à l'autodétermination a
essentiellement un caractère interne.
92. Les principes de l'Acte Final sont réaffirmés dans la Charte de Paris pour une
nouvelle Europe (1990), qui, sous le sous-titre "Relations amicales entre les États
participants» affirme que,
67Plateau continental (Tunisie/Jamahiriya arabe libyenne), a1.J. Recueil 1982, p. 66 para. 84;
68
Voir infra para. 117-159 de !'Exposé écrit de Roumanie; « nos relations reposeront sur notre adhésion commune aux valeurs
démocratiques, aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales. Nous
sommes convaincus que les progrès de la démocratie, ainsi que le respect et
l'exercice effectif des droits de l'homme, sont indispensables au renforcement de la
paix et de la sécurité entre nos Etats. Nous réaffirmons l'égalité des droits des
peuples et leur droit à l'autodétermination conformément à la Charte des Nations
Unies et aux normes pertinentes du droit international dans ce domaine, y compris
69
celles qui ont trait à l'intégrité territoriale des Eta.s »
93. Les principes de l'Acte final d'Helsinki et de la Charte de Paris sont mentionnés aussi
dans la Déclaration du Conseil européen sur les « Lignes directrices sur la
reconnaissance de nouveaux États en Europe orientale et en Union soviétique», publiée
le 16 décembre 1991, selon lesquelles la Communauté et ses États membres ont déclaré
qu'ils sont prêts à reconnaître les nouveaux Etats établis sur le territoire de l'ancienne
Union soviétique et la Yougoslavie. La reconnaissance est toutefois soumise à certaines
exigences, qui doivent être respectées dans le processus de reconnaissance. Une telle
exigence a été
« le respect de l'inviolabilité de toutes les frontières qui ne peuvent être modifiées
que par des moyens pacifique et d'un commun accord »70 :
94. Par conséquent, d'une manière analogue au principe de l'inviolabilité des frontières
dans le cadre de l'Acte final d'Helsinki, les frontières des Etats ne peuvent être changées
que par des moyens pacifiques et d'un commun accord.
95. De même, la Déclaration indique que « toutes les questions concernant les
successions d'État et les conflits régionaux » doivent être résolues« par voie d'accord, y
compris le cas échéant, par le recours à l'arbitrage».
96. La Déclaration ne fait pas explicitement référence au principe de l'intégrité
territoriale, mais une telle référence est faite dans le cadre de la déclaration générale
concernant le respect des dispositions de la Charte des Nations Unies et dans les
engagements souscrits dans l'Acte Final d'Helsinki et la Charte de Paris.
69http:/lwww.osce.org/documents/mcs/1990/11/4045_en.pdf
70Déclaration du Conseil Européen du 16 Décembre 1991 sur « Lignes directrices sur la reconnaissance
de nouveaux États en Europe orientale et en Union soviétique», Journal de Droit International no. 4(1993),
p. 72;B. Conclusion
97. Le principe de l'intégrité territoriale et celui de l'inviolabilité des frontières ont un
caractère absolu. Cela veut dire qu'aucun changement du territoire d'un Etat ou de sa
frontière ne peut y avoir lieu à l'exception des cas où l'Etat concerné consentit à un tel
changement.
98. Par conséquent, l'intégrité territoriale des États ne peut pas être affectée en vertu
d'un droit unilatéral de sécession, qui n'est pas reconnu comme tel par le droit
international, comme il serait démontré dans le chapitre suivant, mais seulementà la suite
d'un accord entre ou parmi les parties concernées.
Ill. Le cas de la Serbie
99. Il convient dès le début de souligner que la Serbie n'a jamais renoncéà ses droits
souverains sur la province du Kosovo, qu'elle considère comme une partie intégrante de
son territoire.
100. La Constitution de 1974 de la République fédérale socialiste de Yougoslavie a
accordé l'autonomie à la province du Kosovo, en la reconnaissant comme «[une
communauté] autonome, socialiste, d'administration autonome, démocratique,
sociopolitique» au sein de la République socialiste de Serbie et de la République fédérale
71
socialiste de Yougoslavie . La Constitution de 1990 n'a apporté aucun changement dans
ce domaine.
101. La résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité n'opère aucun transfert de
souveraineté de la Serbieà la communauté internationale ou aux Nations Unies. Comme
on l'a vu ci-dessus, en fait, la résolution 1244 (1999) a réaffirmé en termes clairs,
l'intégrité territoriale de la Serbie (la RFY)).
102. En même temps, la résolution 1244 (1999) prévoit expressément que l'ex
Yougoslavie continuera à exercer des actes découlant de sa souveraineté sur le Kosovo.
Par exemple, par. 4 se réfère au fait que:
71Le conflit en Kosovo et le droit international: Documentation analytique 1974-1999 (The Kosovo Conflict
and International Law: An Analytical Documentation 1974-1999), Heike Krieger (ed.), Cambridge University
Press, Cambridge, 2001, at. 1 p. 3 « un nombre convenu de militaires et de fonctionnaires de police yougoslaves
et serbes sera autorisé à retourner au Kosovo pour s'acquitter des fonctions
72
prévues à l'annexe 2» .
103. L'annexe 2 précise que les militaires et les fonctionnaires de police effectueront
certains actes qui auraient été incompatibles avec un transfert de souveraineté de
l'Yougoslavie à la communauté internationale, tels que le maintien d'une présence au
patrimoine serbe ou aux principaux postes de la frontière 73.
104. La Serbie n'a jamais renoncé à son titre sur le Kosovo ; au contraire, la Serbie a
continué à réaffirmer sa souveraineté sur le territoire et a continué à exercer des actes de
souveraineté sur le Kosovo, tels que la livraison de documents d'identité ou de passeports
aux habitants du Kosovo ou la mise en place des bureaux de vote au Kosovo, à l'occasion
du processus électoral serbe.
105. La Constitution actuelle de la Serbie, adoptée par l'Assemblée nationale de la
République de Serbie, le 30 septembre 2006 et approuvée par référendum les 28 et 29
octobre 2006, stipule dans son préambule que « la province de Kosovo-Metohija est une
partie intégrante du territoire de la Serbie » 74. Cette Constitution était en vigueur au
moment de la DOi.
106. Toutes les prises de position officielles serbes, avant, pendant et après l'adoption de
la DOi indiquent clairement que la Serbie n'a pas été et n'est pas prête à renoncer à son
titre sur le territoire du Kosovo.
107. Compte tenu de ce fait, dans aucun cas peut-il être maintenu que la Serbie a
consenti à la modification de ses frontières ou à son intégrité territoriale,à n'importe quel
moment.
108. Dans ces circonstances, ily a une obligation erga omnes de respecter l'intégrité
territoriale de la Serbie et l'inviolabilité de ses frontières. Par conséquent, conformément
au droit international, l'intégrité territoriale de la Serbie ou de ses frontières ne peut pas
72S/RES/1244 (1999);
73S/RES/1244 (1999);
74 La Constitution de la République de Serbie, disponible en anglais sur http://www.predsednik.yu/ mwc/
epic/ doc/ Constitution of Serbia.pdfêtre altérée ou modifiée par un acte unilatéral des Institutions Provisoires d'Administration
Autonome du Kosovo.
IV. Conclusion
109. En conclusion, conformément à l'ensemble du droit international, tel que reflété dans
les instruments à portée universelle et régionale, au moment de la DOi, l'État de Serbie
conservait le droit à l'intégrité territoriale eà l'inviolabilité de ses frontières. La
communauté internationale a l'obligation corrélative de respecter ce droit. Le droit de la
Serbie et l'obligation corrélatives de tous les autres sujets de droit international existaient
conformément au droit international et les dispositions des documents pertinents de
l'ONU, qui se sont fondées en fait sur ce droit et cette obligation, et les réaffirment. Par
conséquent, du point de vue du droit international, la déclaration unilatérale
d'indépendance par les Institutions Provisoires d'Administration Autonome du Kosovo
n'était pas en conformité avec ce droit. Chapitre 4
Est-ce que le Kosovo dispose du droit d'autodétermination conduisant à la
sécession de la Serbie ?
1. La sécession dans le droit international
11O. Comme il est indiqué par son contenu, le DOi des Institutions Provisoires
d'Administration Autonome du Kosovo vise à créer un nouvel Etat sur le territoire de la
province serbe du Kosovo - la «République du Kosovo". Au moment de la DOi, le titre de
souveraineté sur le Kosovo appartenait incontestablement à la Serbie. En mettant le
Kosovo sous l'administration provisoire de l'ONU, par la résolution 1244 (1999), cela n'a
signifié en aucun cas un transfert de titre de la Serbie à la communauté internationale ou
aux Nations Unies et, comme on l'a déjà vu, la Serbie n'a jamais renoncé à son titre sur le
Kosovo.
111. Dans ces circonstances, la formation d'un nouvel Etat en Kosovo - un territoire
appartenant juridiquement à la Serbie - ne pouvait être faite, en tenant compte des
modalités de formation des États en droit international, qu'à travers le processus
généralement dénommée comme sécession, ce qui implique la formation d'un État sans le
consentement de l'ancien souverain. Toute autre modalité, comme par exemple
l'acquisition, l'occupation, l'attributionde l'indépendance explicite ou la dévolution
implicite75,est exclue.
112. En tant que modalité de formation des États, la sécession a été analysée dans la
doctrine de différentes perspectives. Les experts en matière de droit international ont traité
différemment les cas de sécession qui ont eu lieu avant ou après 1945 et ils ont différencié
davantage les derniers selon le contexte de leur occurrence : dans le cadre du processus
6
de décolonisation ou en dehors du contexte colonial7 .
113. En examinant la sécession par rapport au cas du Kosovo, il est important de ne pas
oublier la question spécifique qui est posée devant la Cour et de la délimiter des questions
connexes, mais, néanmoins, différentes. Ainsi, l'objet de l'affaire sur laquelle la Cour est
75Pour une analyse complète des modalités de formation des Etats en droit international, James Crawford,
La formation des Etats dans le droit international (The Creation of States in International Law), Deuxième
76ition, Clarendon Press, Oxford, 2006, p. 255-501;
James Crawford, La formation des Etats dans le droit international (The Creation of States in International
Law), Deuxième édition, Clarendon Press, Oxford, 2006, p. 374-448demandée de rendre un avis consultatif concerne la conformité ou la manque de
conformité de la DOi avec le droit international, et il ne concerne pas d'autres questions
comme celles de savoir si le Kosovo remplit actuellement les critères d'un État, si la
reconnaissance des États est déclarative ou constitutive ou celle concernant les
conséquences juridiques de la reconnaissance du statut d'État du Kosovo par certains
Etats.
114. Ainsi, dans le contexte concret de la question dont est saisie la Cour, après avoir
analysé la DDI dans la perspective des résolutions pertinentes de l'ONU, des règlements
de MiNUK et des principes du droit international concernant l'inviolabilité des frontières et
l'intégrité territoriale des Etats, la question qui se pose est de savoir si il peut y avoir
d'autres principes, ou d'autres droits dans le droit international qui auraient pu légitimer les
autorités du Kosovo à proclamer légalement l'indépendance et en ce faisant de former un
nouvel État qui a fait sécession de la Serbie.
115. Une présentation exacte de l'état actuel concernant la sécession en droit
international a été donnée par la Cour suprême du Canada dans son avis de 1998 relatif à
la sécession du Québec:
« Le droit international ne prévoit pas de droit de sécession unilatérale, mais il n'en
nie pas explicitement l'existence, quoique, dans une certaine mesure, une telle
négation découle implicitement du caractère exceptionnel des circonstances qui sont
requises pour autoriser une sécession fondée sur le droit d'un peuple à
l'autodétermination, comme le droit de sécession découlant de la situation
exceptionnelle d'un peuple opprimé ou colonisé [....] Jl]e droit international attache
une grande importance à l'intégrité territoriale des Etats Nations et, de manière
générale, laisse le droit interne de l'État existant dont l'entité sécessionniste fait
toujours partie décider de la création ou non d'un nouvel État [...] Dans les cas,
comme celui qui nous occupe, où la sécession unilatérale serait incompatible avec la
constitution interne, le droit international acceptera vraisemblablement cette
conclusion, sous réserve d77droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, ou droit à
l'autodétermination [....]»
116. Autrement dit, étant donné que le Cadre constitutionnel de la Serbie, en vigueur le
17 février 2008, ne permettait pas la sécession unilatérale d'une partie de celle-ci, établir
la conformité de la DDI avec le droit international - ce qui équivaut à la détermination du
droit de déclarer unilatéralement la sécession du Kosovo de la Serbie - devient un
77
Renvoi relatif à la sécession du Québec, La Cour suprême du Canada, 1998, para. 112, disponible sur
http://csc.lexum.umontreal.ca/fr/1998/1998rcs2-217/1998rcs2-217.html;pr… de savoir si le Kosovo avait à l'époque la qualité de sujet du droit à
l'autodétermination.
Il. Droit des peuples à l'autodétermination - la règle
117. A présent, le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes est considéré un principe
fondamental du droit international. Comme la Cour a raisonné dans l'affaire du Timor
Oriental,
« L'assertion [du Portugal] que le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, qui
s'est développé à partir de la Charte et dans la pratique des Nations Unies, a un
caractère erga omnes, est irréprochable. Le principe d'autodétermination des
peuples a été reconnu par la Charte de Nations Unies et par la jurisprudence de la
Cour [...]; il est un des principes fondamentaux du droit international
contemporain» 78.
118. Même s'il a été utilisé le plus dans le contexte du processus de décolonisation, le
principe d'autodétermination des peuples a une application générale, vaste.
119. Au niveau universel, le principe d'autodétermination est prévu par la Charte des
Nations Unies, par les Pactes des Nations Unies sur les droits civils et politiques,
respectivement sur les droits sociaux, économiques et culturels et aussi, par la Déclaration
de l'Assemblée Générale des Nations Unies relative aux principes du droit international
touchant les relations amicales et la coopération entre les Etats conformément à la Charte
des Nations Unies (Résolution 2625(XXV) de l'Assemblée Générale des Nations Unies).
120. Ainsi, ce dernier document prévoit que
« En vertu du principe de l'égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer
d'eux-mêmes, principe consacré dans la Charte des Nations Unies, tous les
peuples ont le droit de déterminer leur statut politique, en toute liberté et sans
ingérence extérieure, et de poursuivre leur développement économique, social et
culturel, et tout Etat a le devoir de respecter ce droit conformément aux dispositions
de la Charte.[...]
Le territoire d'une colonie ou d'un autre territoire non autonome possède, en vertu
de la Charte, un statut séparé et distinct de celui du territoire de l'Etat qui
l'administre ; ce statut séparé et distinct en vertu de la Charte existe aussi
longtemps que le peuple de la colonie ou du territoire non autonome n'exerce pas
son droit à disposer de lui-même conformément à la Charte.[ ...]
Rien dans les paragraphes précédents ne sera interprété comme autorisant ou
encourageant une action, quelle qu'elle soit, qui démembrerait ou menacerait,
totalement ou partiellement, l'intégrité territoriale ou l'unité politique de tout Etat
78
Timor oriental (Portugal c. Australie), arrêt, C.I.J. Recueil 1995, p.102, para. 29 ; souverain et indépendant se conduisant conformément au principe de l'égalité de
droits et du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes énoncé ci-dessus et doté
ainsi d'un gouvernement représentant l'ensemble du peuple appartenant au
territoire sans distinction de race, de croyance ou de couleur.
Tout Etat doit s'abstenir de toute action visant à rompre partiellement ou totalement
79
l'unité nationale et l'intégrité territoriale d'un autre Etat ou d'un autre pays» .
121. La Déclaration de Vienne de la Conférence des Nations Unies sur les droits de
l'homme, adoptée le 25 juin 1993 et la Déclaration de l'Assemblée Générale des Nations
Unies à l'occasion de la cinquantième anniversaire des Nations Unies, adoptée par la
81
Résolution 50/6 de l'AG, le 9 novembre 1995 utilisent le même langage.
122. Au niveau européen, ce principe est inclus parmi les dix principes régissant les
relations entre les Etats participants à la Conférence sur la Sécurité et la Coopération en
Europe (plus tard la OSCE) - l'Acte Final d'Helsinki - qui prévoit que
« Les Etats participants respectent l'égalité de droits des peuples et leur droit à
disposer d'eux-mêmes, en agissant à tout moment conformément aux buts et aux
principes de la Charte des Nations Unies et aux normes pertinentes du droit
international, y compris celles qui ont trait à l'intégrité territoriale des Etats.
En vertu du principe de l'égalité de droits des peuples et de leur droit à disposer
d'eux-mêmes, tous les peuples ont toujours le droit, en toute liberté, de déterminer,
lorsqu'ils le désirent et comme ils désirent, leur statut politique interne et externe,
sans ingérence extérieure, et de p82rsuivre à leur gré leur développent politique,
économique, social et culturel» .
123. En se basant sur ces textes, la doctrine et la jurisprudence pertinente concluent, en
excluant le contexte colonial, que la r$gle établie par le principe d'autodétermination est
que les peuples exercent ce droit dans le cadre des Etats existants. La Cour Suprême du
Canada a statué que,
« en droit international, le droit à l'autodétermination est censé être exercé par des
peuples, à l'intérieur d'États souverains existants, et conformément au principe du
maintien de l'intégrité territoriale de ces États» 83
La Cour a aussi statué que,
79 A/RES/2625 (XXV) dans les Résolutions adoptées sur le Rapport du Comité Six, disponible sur
http://www.un.org/french/documents/view_doc.asp?symbol=A/RES/2625%20(XX
V)
80
81A/CONF.157/24 (Part I);
82A/RES/50/6·
http://fr.osc~.org/images/stories/File/pdf/sommets/helfa75f.pdf
83 Renvoi relatià la sécession du Québec, Cour Suprême du Canada, 1998, para. 122, disponible sur
http://csc.lexum.umontreal.ca/fr/1998/1998rcs2-217 /1998rcs2-217.html « Les sources reconnues du droit international établissent que le droit d'un peuple à
disposer de lui-même est normalement réalisé par voie d'autodétermination
interne - à savoir la poursuite par ce peuple de son développement politique,
économique, social et culturel dans le cadre d'un État existant» 84.
124. Le Comite sur l'élimination de la discrimination raciale a conclu, dans sa
Recommandation Générale XXI relative au droit à l'autodétermination, que :
« le droit international n'a pas reconnu un droit général des peuples de déclarer,
unilatéralement, la sécession d'un Etat. A cet égard, le Comite partage les idées de
!'Agenda pour la Paix, à savoir que la fragmentation des Etats pourrait empiéter à la
protection de droits de l'homme et aussi à la préservation de la paix et de la
sécurité. Ceci n'exclut pas la possibilité que les parties concernées conviennent
des arrangements en ce sens là» 85.
125. Le Comité des Droits de l'Homme considère aussi le droit à l'autodétermination
comme ayant un caractère interne, les Etats étant obligés de rapporter sur les mesures
législatives prises pour mettre en Œuvre le droit à l'autodétermination. L'Observation
Générale 12 (Droit à l'autodétermination) du Comite des Droits de l'Homme est illustrative
pour l'opinion du Comite dans ce sens là:
« L'article premier consacre un droit inaliénable de tous les peuples, défini aux
paragraphes 1 et 2 de cet article. En vertu de ce droit, les peuples "déterminent
librement leur statut politique et assurent librement leur développement
économique, social et culturel". L'article impose à tous les Etats les obligations qui
correspondent à ce droit. Ce droit, et les obligations correspondantes qui ont trait à
sa mise en Œuvre, sont indissociables des autres dispositions du Pacte et des
règles de droit international.
Les rapports que tous les Etats parties ont l'obligation d'établir doivent porter aussi
sur l'article premier, mais seuls quelques-uns fournissent des renseignements
détaillés sur chacun des paragraphes de cet article. Le Comité a noté à cet égard
que, dans leurs rapports, beaucoup d'Etats passent cet article complètement sous
silence, donnent à son sujet des renseignements insuffisants ou se bornent à faire
état de la législation électorale. Le Comité juge très souhaitable que les rapports
des Etats parties contiennent des renseignements sur chacun des paragraphes de
l'article premier.
En ce qui concerne le paragraphe 1 de l'article premier, les Etats parties devraient
décrire les procédures constitutionnelles et politiques qui permettent d'exercer ce
droit dans les faits»86.
84
Renvoi relatià la sécession du Québec,Suprême Court of Canada, 1998, para. 126, disponible sur
85tp:/lcsc.lexum.umontreal.ca/fr/1998/1998rcs2-217/1998rcs2-217.html
Compilation sur les observations et les recommandations générales adoptées par les organes sur les
86oits de l'homme, HRI/GEN/1/Rev.7, p.213-214;
Paragraphes 2 à 4 de !'Observation Générale no. 12 dans la Compilation sur les observations et les
recommandations générales adoptées par les organes sur les droits de l'homme, HRI/GEN/1/Rev.7, p.134;126. En 2006, l'Association du Barreau de la ville de New York a élaboré un rapport
intituléDégeler un conflit gelé : aspects légaux de la crise séparatiste de Moldavie
(Thawing a Frozen Conf/ict: Legal Aspects of the Separatist Crisis in Moldova), avec la
conclusion suivante:
« L'hypothèse est qu'une telle poursuite du développement économique, sociale et
culturelle pourrait apparaître sous les ausp87es d'un Etat déjà existent, et il ne serait
pas nécessaire d'établir un nouvel Etat» .
127. La Commission d'Arbitrage établie par les Communautés Européennes en 1991
pour donner des conseils juridiques dans le contexte de la dissolution de !'Yougoslavie
(connue comme la Commission Badinter) s'est confrontée, parmi d'autres, avec le
problème de l'autodétermination. Suit à !'Opinion no.1 de la Commission, le Conseil
Européen a élaboré « Les Lignes Directrices sur la reconnaissance des nouveaux Etats
de l'Europe de l'Est et de l'Union Soviétique», qui se réfère aux« principes de l'Acte Final
88
d'Helsinki et à la Charte de Paris, en particulier au principe d'autodétermination ». La
Commission elle-même, dans son Opinion no.2, a considéré que:
« [...] il est bien établi que, quelles que soient les circonstances, le droit à
l'autodétermination ne doit pas conduire à des changements des frontières
existantes au moment de l'indépendance(uit possidetis juris), exceptant les cas où
89
les Etats agréent autrement» .
128. Cette évaluation a été faite par la Commission pour déceler si la population serbe de
Croatie et de Bosnie-Herzégovine avait le droit à l'autodétermination. La Commission a
poursuivi en précisant que
« l'identité des groups constitués sur le territoire d'un Etat comme des
communautés ethniques, religieuses ou linguistiques, peut être reconnue au cadre
du droit international.
[..]
L'article 1 des deux Pactes sur les droits de l'homme de 1966 établit que le principe
de droit à l'autodétermination constitue une garantie pour la sauvegarde des droits
de l'homme. En vertu de ce droit, chaque individu peut choisir la communauté
ethnique, religieuse ou linguistique dont il/elle veut appartenir. Dans l'avis de la
Commission, une des possible conséquences de ce principe pour les membres de
la population Serbe de Croatie et de Bosnie-Herzégovine, pourrait être la
reconnaissance, par l'intermède dE3saccords conclus entre les deux républiques,
87
88 http://www.nycbar.org/pdf/report/NYCity%20BarTransnistriaReport. pdf
La Déclaration de Conseil Européen sur "Les lignes directrices sur la reconnaissance des nouveaux états
de l'Europe de l'Est et de l'Union Soviétique», de 16 décembre 1991, disponible dans le Journal Européen
89 droit international, no.4 (1993), p.72.
Commission d'Arbitrage, opinion no. 2, 11 janvier 1992, Journal Européen de Droit International, no.3
(1992), p.183-184. de leur choix vis-à-vis de leur nationalité, avec tous les droits subjacent que les
deux états concernes doivent respecter» 90.
129. Par conséquent, la Commission a nié expressément que le droit à
l'autodétermination a un volet « externe » impliquant un droit de sécession des Etats
existants. Au contraire, la Commission a souligné le volet « interne » du droit à
l'autodétermination : en sa qualité de règle de droit international, il doit s'appliquer à
l'intérieur de Etats existants qui, certainement, tient compte des leurs obligations de droit
international, en ce qui concerne le respect des droits de l'homme, y compris des droits
des personnes appartenant aux minorités nationales, ethniques ou linguistiques.
130. Cette conclusion est également soutenue par la doctrine. Le professeur Crawford
résume la situation de la manière suivante :
« [... ]le principe d'autodétermination s'applique dans les cas suivants :
Premièrement, il s'applique aux entités dont le droit à l'autodétermination a été
établi conformément aux accords internationaux et, en particulier, aux territoires,
sous mandat, sur tutelle et non-autonomes.
Deuxièmement, il s'applique aux Etats déjà existants [...]. Dans ce cas là, Je
principe d'autodétermination prend la forme, très bien connue, de la règle de non
ingérence dans les affaires intérieures d'un autre Etat, dont l'élément central est le
droit des peuples d'un Etat de choisir leur forme de gouvernement. Dans ce sens là,
l'autodétermination n'est pas un droit définitif, mais un droit en développement. À
cause du fait que, de plus en plus, des territoires autodéterminés deviennent des
Etats[ ...] il est probable que, dans l'avenir, l'autodétermination soit un principe plus
91
conservateur que l'on peut parfois craindre. » (italiques ajoutées)
131. En appliquant ces idées au cas du Kosovo, on arrive aux conclusions suivantes :
en tenant compte qu'à la date de DOi, il n'y avait pas d'accord en vigueur (ni sous la
forme d'un traité bilatéral ou multilatéral, ni, comme indiqué ci-dessous 92,sous la forme
d'un document à valeur juridique des Nations Unies), prévoyant l'application pour le
Kosovo, du droit à l'autodétermination, le Kosovo n'était pas, à ce moment là (ni au
présent) une entité qui avait le droit à l'autodétermination impliquant la sécession
unilatérale d'un Etat.
au moment de DOi (et à présent), les gens du Kosovo pouvaient exercer leur droit à
l'autodétermination, en commun avec les habitants de Serbie, en poursuivant librement
9° Commission d'Arbitrage, Opinion no. 2, 11 janvier 1992, Journal Européen de Droit International, no. 3
~1992),p.183-184. .
1 James Crawford, La création des états dans Jedroit international (The Creation of States in International
Law),deuxième édition, Clarendon Press, Oxford, 2006, p.126.
92
Voir les paragraphes 1Oà 57 de !'Exposé écrit de la Roumanieleur développement politique, économique, social et culturel dans le cadre de l'Etat de
Serbie.
en revanche, les autorités de Serbie avaient (et ont) l'obligation d'assurer la liberté
d'exercice du droit à l'autodétermination des tous les habitants de Serbie (y compris le
Kosovo); cette obligation implique le devoir de s'assurer qu'aucun des habitants de Serbie
(y compris le Kosovo) n'est empêché, abusivement ou d'une manière discriminatoire,
d'exercer son droit à l'autodétermination sur des motifs ethniques, linguistiques ou
religieux;
la Serbie était (et l'est encore) obligée de respecter pleinement et mettre en Œuvre
les droits de l'homme, y compris les droits des personnes appartenant aux minorités
nationales, comme par exemple les habitants de Kosovo n'ayant pas la nationalité serbe,
ainsi qu'il est prévu dans les traités internationaux applicables.
Ill. Le droit des peuples à l'autodétermination - l'exception
132. La doctrine a formulé une possible exception à la règle générale prévoyant que les
unités primaires auxquelles le droit à l'autodétermination s'applique, sont les Etats déjà
existants : l'application dudit principe, dans des circonstances exceptionnelles, aux parties
des Etats existants auxquelles on refuse l'exercice substantiel du droit à
l'autodétermination.
Le professeur Crawford a exprimé cette idée de la manière suivante :
« la sécession remède» quand un Etat ne respecte pas le principe d'égalité des
droits et à l'autodétermination des peuples; par exemple dans le cas où, à un
groupement des peuples à l'intérieur d'un Etat, son rôle dans son gouvernement,
lui est dénié, en totalité, soit par l'intermède de leur institutions, soit par l'intermède
93
des institutions de cet Etat» .
133. Cette exception pourrait être justifiée par la Déclaration de l'Assemblée Générale
des Nations Unies relative aux principes du droit international touchant les relations
amicales et la coopération entre les Etats conformément a la Charte des Nations Unies
(Résolution 2625 (XXV) de l'Assemblée Générale des Nations Unies) qui prévoit que :
« Rien dans les paragraphes précédents ne sera interprété comme autorisant ou
encourageant une action, quelle qu'elle soit, qui démembrerait ou menacerait,
totalement ou partiellement, l'intégrité territoriale ou l'unité politique de tout Etat
souverain et indépendant, se conduisant conformément au principe de l'égalité de
droits et du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes énoncé ci-dessous et doté
93 James Crawford, La création des états dans le droit international (The Creation of States in International
Law), deuxième édition, Clarendon Press, Oxford, 2006, p.119. ainsi d'un gouvernement représentant l'ensemble du peuple appartenant 94
territoire sans distinction de race, de croyance ou de couleur » (italiques ajoutées)
134. En considérant ce texte, on pourrait argumenter que, au cas où les Etats ne
respectent pas le principe d'autodétermination des peuple et excluent de l'exercice de ce
droit, d'une manière discriminatoire, des parties ou des groupements de leur peuple, les
groups opprimés peuvent invoquer, comme remède, le droit à l'autodétermination.
135. Cette théorie a été analysée par la Cour Suprême du Canada, dans l'affaire sur la
sécession de Québec. La Cour a statué que :
« il repose sur l'idée que, lorsqu'un peuple est empêché d'exercer utilement son
droit à l'autodétermination à l'interne, il a alors droit, en dernier recours, de l'exercer
95
par la sécession» •
Plus tôt, dans la même opinion, la Cour a statué très clairement que :
« [l]e droit à l'autodétermination externe (qui, dans le présent cas, pourrait prendre
la forme de la revendication d'un droit de sécession unilatérale) ne naît que dans
des cas extrêmes dont les circonstances sont par ailleurs soigneusement
définies» 96.
136. L'Association du Barreau de la ville de New York, dans son Rapport de 2006 sur le
conflit de Transnistrie, fait aussi référence au volet « externe » du droit à
l'autodétermination, en essayant d'identifier les conditions nécessaires pur une demande
de « sécession remède » :
« En dernier ressort, un argument en faveur de l'autodétermination devrait prouver
que (a) les sécessionnistes sont un «peuple», (b) l'Etat dont ils font partie à
présent, viole brutalement les droits de l'homme, et (c) il n'y a pas d'autres remèdes
effectifs conformément au droit interne ou au droit international» 97.
137. Les deux instances ont statu$ que, dans des circonstances particulières, les entités
respectives - le Québec et la Transnistrie - ne remplissaient pas les critères nécessaires
94 A/RES/2625 (XXV) dans les Résolutions adoptées sur le Rapport du Sixième Comite, disponible sur
http://www.un.org/french/documents/view _doc.asp?symbol=A/RES/2625%20(XXV). Voir aussi la Déclaration
de Vienne faite à l'occasion de la Conférence mondiale des Nations Unies sur les droits de l'homme,
adoptée le 25 juin 1993, qui prévoit que le droit à l'autodéterminatione devrait pas interprété comme
autorisant ou encourageant toute mesure de nature démembrer ou compromettre, en totalité ou en partie,
l'intégrité territoriale ou l'unité politique souverains et indépendants respectueux du principe de
l'égalité de droits et de l'autodétermination des peuples et, partant, dotés d'un gouvernement représentant la
totalité de la pqpulation appartenant au territoire,sans distinction aucune» (italiques ajoutées) -
A/CONF.157/24 {lePartie);
95
Renvoi relatif à la sécession du Québec, Cour Suprême de Canada, 1998, para. 134, disponible sur
96tp://csc.lexum.umontreal.ca/fr/1998/1998rcs2-217 /1998rcs2-217.html
Renvoi relatif à la sécession du Québec, Cour Suprême de Canada, 1998, para. 126, disponible sur
http://csc.lexum.umontreal.ca/fr/1998/1998rcs2-217 /1998rcs2-217 .html
97http://www.nycbar.org/pdf/report/NYCity%20BarTransnistriaReport. pdf;pour pouvoir recourir à la « sécession remède» en appliquant le droit à
l'autodétermination.
138. Même si la théorie de la « sécession remède » n'est pas encore intégralement
consacrée par le droit international, étant nécessaire une pratique étatique dans ce sens,
son application au cas en discussion serait intéressante, en vue d'établir si, au moment de
la proclamation de DOi, les habitants du Kosovo étaient dans une situation exceptionnelle
qui justifiait une « sécession remède». Uniquement dans ce cas là, on pourrait dire que
les institutions provisoires d'administration autonome du Kosovo ont fait valoir le droit à
l'autodétermination, assurant ainsi la légalité de la déclaration unilatérale d'indépendance.
139. Deux aspects peuvent être pris en considération dans l'analyse de ce cas:
en premier lieu, si, au moment de DOi, les habitants du Kosovo étaient soumis aux
violations grossières des droits de l'homme ou à d'autres formes d'oppression qui, au
niveau interne, leur nieraient l'exercice du droit à l'autodétermination avec le reste de la
population de Serbie ;
en second lieu, si, dans une telle situation, les habitants de Kosovo n'avait pas une
autre option valable pour exercer pleinement leur droit à l'autodétermination au niveau
interne, au cadre de l'Etat de Serbie (car, pour citer la Cour Suprême du Canada, la
98
sécession remède est seulement une solution en« dernier recours » ).
140. La Roumanie remarque que le deuxième aspect pourrait être pris en considération
seulement si la réponse à la première question soulevée était positive. En effet, seulement
si on refuse aux personnes qui font partie d'une entité, d'une manière abusive l'exercice
significatif de leur droit à l'autodétermination interne, au sein de leur État, les évaluations
des options réparatrices surgissent, la sécession étant le dernier recours.
141. La question de savoir si la population du Kosovo peut être considérée un« peuple»
ne fait pas l'objet de cet exposé. La Roumanie a la ferme conviction que la population du
Kosovo n'est pas un peuple mais qu'elle est composée de plusieurs ethnies, ce qui -
compte tenu de la population totale de la Serbie - représentent des minorités nationales
(par exemple, des Albanais, des Turcs, des Bosniaques), des minorités ethniques (par
98
Renvoi relatif à la sécession du Québec, Cour Suprême de Canada, 1998, para. 134, disponible sur
http://csc.lexum.umontreal.ca/fr/1998/1998rcs2-217/1998rcs2-217.htmlexe…, Goranis, les Roms, les Ashkalis, les Égyptiens) ou font partie de la majorité
serbe.
142. Il est généralement admis que le droit international ne reconnaît pas un droit à
l'autodétermination en faveur des minorités nationales distinct du droit à
l'autodétermination de l'ensemble du "peuple" de leur Etat et impliquant un droit de
sécession de celles-ci. Les personnes appartenant aux minorités nationales ont droit à
l'exercice de l'autodétermination à l'intérieur des Etats comme tous les autres habitants
99
des Etats, au sein de ces États .Mais pas à l'autodétermination externe.
100
143. Comme Rosalyn Higgins relève ,
«[...] Des minorités en tant que telles n'ont pas le droit à l'autodétermination. Cela
signifie, en effet, qu'elles n'ont pas le droit à la sécession, à l'indépendance, ou à se
joindre à des groupes comparables dans d'autres Etats ».
144. La non-reconnaissance d'un droit à l'autodétermination ou à la sécession pour les
minorités nationales est parfaitement compatible avec les exigences de la stabilité et la
prévisibilité des relations internationales et du droit international. Au contraire, la
reconnaissance d'un tel droit absolu pourrait affecter irrémédiablement la stabilité et la
crédibilité. Dans le traité déjà cité, le Professeur Rosalyn Higgins explique:
«la réalité c'est que la sécession ne résout pas tous les problèmes. Il pourrait être
une zone dans un Etat où une certaine minorité est prédominante au niveau
régional. Mais, dans cette région il pourrait être aussi une minorité par rapport à la
minorité prédominante; par exemple des personnes appartenant à la majorité
nationale ou à une autre minorité ethnique. Presque chaque minorité a sa propre
minorité. La leçon que nous devons en tirer est que le droit à l'autodétermination est
lié à la protection des droits des minorités- mais qu'elles sont des droits différents,
à ne pas confondre entre eux» 101.
145. La première question qui se pose est donc de savoir si la population du Kosovo,
quelles que soient ses caractéristiques nationales ou ethniques, a été l'objet ,u moment
de la Déclaration d'indépendance, d'une violation flagrante des droits de l'homme ou d'une
autre forme d'oppression capable de lui nier l'exercice de son droit à l'autodétermination
interne, ainsi qu'au reste de la population de la Serbie.
99
100ir le para 123 de !'Exposé écrit de Roumanie
Rosalyn Higgins, Problèmes & procès. Droit international et comme l'utiliser (Problems & Process.
101ernational Law and How We Use it), Clarendon Press, Oxford, 1996, p. 124
Rosalyn Higgins, idem, p. 125146. Il est généralement admis qu'à partir de 1996, de graves violations des droits de
l'homme ont été commises au Kosovo, principalement par des forces militaires et
paramilitaires serbes ou sur contrôle des autorités serbes. La gravité de la situation a
déterminé la communauté internationale à intervenir et, en 1999, le Kosovo a été
provisoirement placé sous l'administration de l'ONU.
147. Ainsi, il pourrait être soutenu que, jusqu'au moment de l'intervention de la
communauté internationale en 1999, la population du Kosovo a été arbitrairement privée
de l'exercice de son droit à l'autodétermination interne, par des raisons de nationalité ou
d'origine ethnique. Par conséquent, on peut dire que, à l'époque, le Kosovo aurait pu
revendiquer avec succès le droit à l'autodétermination conduisant à la sécession. Pourtant,
même pas à ce moment-là ce n'était pas le cas: la résolution 1244 (1999) n'a mentionné
nulle part la notion «d'autodétermination», par contre elle a affirmé à plusieurs reprises
102
l'intégrité territoriale de l'ex-Yougoslavie . De toute évidence, la communauté
internationale n'a pas considéré, en 1999, la situation au Kosovo de nature à justifier une
situation de sécession remède.
148. Le point de vue du Comité sur l'élimination de la discrimination raciale sur l'adoption
de sa décision sur le Kosovo, le 9 août 1999 (décision 1 (55) est relevant. Le Comité a
retenu les événements survenus au Kosovo et a tenu compte du contexte général au
niveau régional tout en affirmant en même temps, son soutien pour les sociétés
pluriethniques. Plus loin, le Comité a souligné que
« la mise en Œuvre du principe de l'autodétermination exige que chaque Etat
promeut, à travers des actions conjointes et individuelles, le respect universel
pour les droits de l'homme et des libertés fondamentales conformément à la
Charte des Nations Unies. De même, le Comité a exprimé son point de vue que le
droit international ne reconnaissait pas un droit général des peuples de déclarer
unilatéralement la sécession d'un Etat» 10.
149. En tout cas, la période de référence n'est pas la période antérieure à 1999 ou le
moment précis de l'adoption de la résolution 1244 (1999). La Déclaration d'indépendance
a été unilatéralement adoptée par les institutions provisoires d'administration autonome du
Kosovo près d'une décennie après les événements de 1999, respectivement le 17 février
2008 et c'est cette date qui doit être prise en considération.
102
Pour une analyse détaillé de la Résolution 1244 du Conseil de Sécurité des Nations Unies voi1 para. 4à
4103e !'Exposé écrit de Roumanie
Rapport du Comité pour l'élimination de la discrimination raciale, la Cinq-quatrième session (1-19 Mars
1999), Cinq-cinquième (2-27 Aout 1999), Supplément No. 18 (A/54/18), para. 4 de la Décision 1(55) p. 11150. Dès le départ, ilfaut mentionner que, de toute façon, au 17 février 2008 le Kosovo
n'était pas sous le contrôle de facto de la Serbie, après avoir été provisoirement placé
sous l'administration de l'ONU, par la résolution 1244 (1999). Par conséquent, en réalité,
la population du Kosovo n'était pas, à ce moment-là, sujet de mauvais traitements de la
part des autorités serbes de nature à justifier une sécession remède.
151. Néanmoins, afin d'avoir une vision claire et précise de l'affaire, il faut se pencher sur
l'analyse de la probabilité de l'existence de tels mauvais traitements, au cas où le Kosovo
aurait été placé sous lajuridiction de la Serbie.
152. La Constitution serbe (également en vigueur au moment de la Déclaration
d'indépendance) définit la Serbie comme un État« fondé sur la primauté du droit et de la
justice sociale, des principes de la démocratie civile, des droits et libertés de l'homme et
des minorités et de l'attachement aux principes et valeurs européennes». Conformément
à l'article 2 de la Constitution, «[s]souveraineté est confiée aux citoyens [...]» et «[a]aucun
organe de l'Etat, organisation politique, group ou individu ne peut usurper la souveraineté
en dépit des citoyens, ni établir un gouvernement contre la volonté librement exprimée des
citoyens ».
153. La Constitution dédie sa deuxième Partie aux "droits et libertés de l'homme et des
minorités". Cette partie contient 64 articles et couvre un large éventail de droits, à laquelle
on pourrait ajouter les articles de 82 à 90 de la Partie Ill de la Constitution (« Système
économique et finances publiques »), qui traitent aussi des droits fondamentaux de
l'homme.
154. L'avis sur la Constitution de la Serbie adopté par la Commission européenne pour la
démocratie par le droit (Commission de Venise) à sa 70e session plénière (17-18 mars
2007) 104- qui est un rapport assez critique sur les aspects divers de la Constitution - se
réfère à sa partie consacrée aux droits de l'homme dans les termes suivants:
« Bref, près de 70 articles sont consacrés aux droits fondamentaux, soit environ un
tiers des 206 articles de la Constitution. Ce chiffre, si on le considère dans une
perspective internationale et comparative, est véritablement remarquable, en valeur
absolue et relative. Il montre que les droits de l'homme sont un élément constitutif
et essentiel du droit constitutionnel qui retient l'attention en tant que caractéristique
fondamentale d'une société démocratique au sens de normes européennes comme
la Convention européenne des droits de l'homme.
10Opinion no. 405/2006, CDL-AD(2007)004, disponible sur http://www.venice.coe.int/docs/2007/CDL
AD(2007)004-f.asp; Le Titre Il ressemble à la précédente Charte de l'Union d'Etat sur les droits de
l'homme, les droits des minorités et les libertés [...].Il faut rappeler d'emblée qu'en
2003, la Commission de Venise avait rendu un avis très positif au sujet de la Charte
de l'Union d'Etat.
Le Titre Il couvre l'ensemble des domaines « classiques » des droits de l'homme.
Son contenu est co105rme aux normes européennes et à certains égards, il va
même plus loin » .
155. Le Rapport 2008 du Département d'État sur les droits de l'homme en Serbie (publié
le 25 février 2009), tout en signalant des lacunes divers~s, conclut que «[I] e
106
gouvernement respecte, en général, les droits de l'homme de ses citoyens» et, se
référant aux élections de 2008, que «[l]'OSCE et d'autres observateurs, y compris des
107
ONG nationales, ont jugé ces élections, en général, libres et équitables» .Il faut noter
que l'expression «respecte, en général, les droits de l'homme» est, selon les notes
explicatives du Rapport « l'expression type utilisé pour décrire tous les pays qui tentent de
protéger les droits de l'homme au sens le plus large, et donc le plus haut niveau du
108
respect des droits de l'homme » attribué par le Département d'État dans ses rapports.
156. Dans ce contexte, la conclusion évidente est que la situation générale de la Serbie,
notamment en ce qui concerne les droits de l'homme et la participation du peuple au
gouvernement, répond, à présent, ainsi qu'au moment de la Déclaration d'indépendance,
aux standards universels et européens généralement reconnus.
Par conséquent, il n'y a aucune raison de croire que si le Kosovo, au moment de la DOi,
avait été sous le contrôle de la Serbie, sa population aurait été victime de l'oppression, de
la violation brutale des droits de l'homme ou de l'exclusion injuste de l'exercice de son
droit à l'autodétermination interne avec le reste de la population de la Serbie - ce qui
auraient justifié une sécession remède.
157. Étant arrivé à cette conclusion, il n'est pas nécessaire d'analyser si, au moment de la
Déclaration d'indépendance, le Kosovo avait une autre option pour assurer le plein
exercice de son droit à l'autodétermination interne, au sein de la Serbie. Ayant constaté
qu'à l'époque, les habitants du Kosovo n'étaient pas soumis aux mauvais traitements de la
part des autorités serbes et qu' il n'y avait aucune raison de croire qu'ils auraient été
105
Opinion no. 405/2006, CDL-AD(2007)004, disponible sur http://www.venice.coe.int/docs/2007/CDL
AD(2007)004-f.asp;
106Disponible en anglais sur http://www.state.gov/g/drl/rls/hrrpt/2008/eur/119103.htm
107Disponible en anglais sur http://www.state.gov/g/drl/rls/hrrpt/2008/eur/119103.htm
108Disponible en anglais sur http://www.state.gov/g/drl/rls/hrrpt/2008/eur/119103.htmprivés de l'exercice de leur droit à l'autodéterminationau sein de la Serbie, un tel débat
n'est pas nécessaire.
158. L'actuel système constitutionnel serbe, ainsi que la conduite de la Serbie au cours
des négociations qui ont eu lieu de 2006 à 2008, représentent des garanties assurant que,
même si au moment de la DOi, on avait craint que les habitants du Kosovo aient été
privés de l'exercice de leur droit à l'autodétermination au sein de la Serbie, ces craintes
manquaient de fondement. Le recours à la sécession n'était donc pas justifié.
159. Pour conclure, au moment de la DOi, le 17 février 2008, les critères qui auraient pu
justifier l'application d'une «sécession remède» du Kosovo de Serbie, comme un exercice
du droit externe à l'autodétermination de la population du Kosovo, n'étaient pas remplies.
Kosovo n'était pas à l'époque (et ne l'est toujours pas) une entité titulaire du droit à
l'autodétermination impliquant la sécession unilatérale de Serbie. Chapitre V
Conclusions
160. Cet exposé écrit est limité à un examen juridique, du point de vue du droit
international, du droit - ou plutôt de son absence - des institutions provisoires
d'administration autonome du Kosovo de déclarer unilatéralement l'indépendance du
Kosovo de la Serbie. Cette analyse a été fondée sur le droit international en vigueur au
moment de la Déclaration d'indépendance - les principes de droit international, tels que
consacrés dans les accords universels et régionaux, reflétés dans la pratique des États et
la jurisprudence des tribunaux internationaux ou commentés par la doctrine pertinente,
ainsi que les documents adoptés par les Nations Unies.
161. Cet exposé s'abstient d'évaluer ou d'analyser des aspects politiques ou historiques
puisque la Cour internationale doit se prononcer sur les aspects juridiques. La Roumanie a
apporté cette contribution avec la conviction qu'elle contribueraià parvenir à une solution
durable à la question du Kosovo et à la promotion de la paix, de la stabilité et du
développement dans la région des Balkans occidentaux.
162. Ayant examiné le cadre juridique et factuel applicable dans cette affaire, la
Roumanie conclut qu'au moment de l'adoption de la déclaration de l'indépendance:
en vertu des dispositions des résolutions pertinentes des Nations Unies, y compris
mais pas uniquement la résolution 1244(1999) du Conseil de sécurité, les institutions
provisoires d'administration autonome du Kosovo n'avaient pas le droit d'adopter
unilatéralement une solution sur le statut final du Kosovo en méconnaissant l'intégrité
territoriale de la Serbie.
en vertu des dispositions de la résolution 1244 (1999) du Conseil de sécurité et des
règlements applicables de la Mission des Nations Unies au Kosovo, les institutions
provisoires d'administration autonome du Kosovo n'étaient pas compétentes pour adopter
unilatéralement une solution sur le statut final du Kosovo.
en vertu des principes du droit international, la Serbie a le droit à l'intégrité territoriale
et à l'inviolabilité de ses frontières et, par conséquent, les institutions provisoires
d'administration autonome du Kosovo n'avaient pas le droit d'adopter une solution
unilatérale sur le statut final du Kosovo au mépris de ces droits.
en vertu des principes du droit international, la population du Kosovo n'a pas le droit
à l'autodétermination impliquant la sécession unilatérale de la Serbie; par conséquent, lesinstitutions provIsoIres d'administration autonome du Kosovo n'avaient pas le droit
d'adopter une solution unilatérale sur le statut final du Kosovo, qui implique un tel résultat.
163. Il en résulte de tout ce qui précède que la déclaration unilatérale d'indépendance des
institutions provisoires d'administration autonome du Kosovo n'est pas conforme au droit
international.
Calin Fabian
Ambassadeur Extraordinaire et
Plénipotentiaire de Roumanie au
Royaume des Pays-Bas
Exposé écrit de la Roumanie (traduction fournie par cet État)