Exposé écrit du Danemark (traduction du Greffe)

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Lettre du 17 avril 2009 adressée au greffier par l’ambassadeur du Danemark
auprès du Royaume des Pays-Bas

[Traduction]

Me référant à votre lettre du 20 octobre 2008 adressée à S. Exc. l’ambassadeur du Royaume

du Danemark auprès du Royaume des Pays-Bas concernant la requête pour avis consultatif sur la
question de la Conformité au droit international de la déclaration unilatérale d’indépendance des
institutions provisoires d’admin istration autonome du Kosovo que l’Assemblée générale des
Nations Unies a soumise à la Cour, j’ai l’honneur de joindre à la présente l’exposé du Danemark y

afférent, conformément au paragraphe 2 de l’article 66 du Statut de la Cour.

Veuillez également trouver ci-joint trenteex emplaires originaux signés de l’exposé ainsi
qu’un CD-ROM contenant le texte de celui-ci.

Veuillez agréer, etc.

___________ E XPOSÉ ÉCRIT DU G OUVERNEMENT DU D ANEMARK

[Traduction]

1. Introduction

Dans son ordonnance du 17 octobre 2008, la Cour internationale de Justice a invité les Etats
Membres de l’Organisation des NationsUnies à présenter des exposés écrits sur la question de la
conformité au droit international de la déclar ation unilatérale d’indépe ndance des institutions
provisoires d’administration autonome du Kosovo. En réponse à cette invitation, le Gouvernement

danois présente cet exposé écrit qui exprime l’engage ment du Danemark en faveur de la stabilité
durable et de l’évolution du Kosovo ainsi que de la région toute entière.

Comme d’autres Etats, le Gouvernement danois aurait préféré que la questi
on du statut

définitif du Kosovo se règle sous la forme d’un accord négocié entre ce dernier et les représentants
albanais et serbes. Les intenses efforts déploy és et les longues délibérations se sont cependant
révélés vains et il est apparu clairement que les parties ne pourraient pas parvenir à un tel accord.

En réponse à la déclaration d’indépendance du Kosovo, le ministre danois des affaires
étrangères, M.PerStigMøller, a reconnu offici ellement, le 21février 2008, la République du
Kosovo au nom du Danemark et a indiqué que son gouvernement était prêt à établir des relations

diplomatiques avec ce nouvel Etat. Cette décisi on traduisait l’opinion mûrement réfléchie du
Gouvernement danois pour lequel la reconnaissance de l’indépendance du Kosovo contribuait à la
stabilité et au développement du Kosovo ainsi que de la région toute entière et ladite indépendance

était conforme au droit international.

Ces dernières années, le Danemark a pris une part active aux actions de la communauté
internationale visant à stabiliser le Kosovo et à aider à développer une société démocratique

multiethnique. Depuis1999, le Danemark a contri bué pour plus de 200millions d’euros d’aide à
l’effort international au Kosovo et fourni sans re lâche approximativement 400 soldats de la paix à
la Force internationale de sécurité au Kosovo (KFOR) établie en vertu de la résolution n o1244 du

Conseil de sécurité. Pendant les neufannées où le Kosovo a été administré par la Mission 1
d’administration intérimaire des NationsUnies au Kosovo (MINUK), deux ressortissants danois
ont servi en tant que représentants spéciaux aupr ès du Secrétaire général de l’Organisation des
NationsUnies, dirigeant la MINUK, et le Danemark a apporté son soutien, devant toutes les

tribunes internationales pertinentes, aux actions visant à assurer un règlement politique entre les
parties. Plus récemment, le Danemark a été un ardent défenseur de l’intégration, le cas échéant, de
la Serbie et du Kosovo dans les structures eur opéennes. Le Danemark a également fourni des

ressources, notamment en personnel, à la Mission «Etat de droit» de l’Union européenne (EULEX),
établie au Kosovo en 2008.

La Cour devant à présent donner un avis sur la déclaration d’indépendance du Kosovo, le

Gouvernement danois juge approprié d’exposer les raisons pour lesquelles il estime que la
déclaration d’indépendance du 17 février 2008 est conforme au droit international.

1
M. Hans Hækkerup (2000-2001) et M. Soren Jessen-Petersen (2004-2006). - 2 -

2. La déclaration d’indépendance était conforme au droit international

2.1. La question spécifique et limitée soumise à la Cour

Par sa résolution63/3, l’Assemblée générale des NationsUnies a décidé, conformément à

l’article96 de la Charte, de de mander à la Cour internationale de Justice de donner un avis
consultatif sur la question suivante: «La déclar ation unilatérale d’indé pendance des institutions
provisoires d’administration autonome du Kosovo est-elle conforme au droit international ?»

Le Gouvernement danois est certain que la C our sera pleinement consciente du caractère
spécifique et limité de cette question. Cependant , il juge important de souligner que la question

soumise à la Cour ne concerne que la conformité au droit in ternational de la déclaration
d’indépendance du Kosovo. La date cruciale est le 17 février 2008. Elle dépasserait la demande et
le contexte diplomatique particulier qui a conduit à l’adoption de la résolution, si la Cour répondait
à d’autres questions comme celles de la qualité d’Etat du Kosovo, de la licéité des reconnaissances

ou de l’absence de reconnaissance de la part des Etats tiers, ou de toute autre négociation future
entre le Kosovo et la Serbie.

En particulier, il convient de noter qu’il n’a pas été demandé à la Cour de donner un avis sur
les conséquences qui découleraient de ses conclusion s sur la question qui lui a été posée. Il s’agit
là d’un point que l’Assemblée générale ainsi que les Etats Membres de l’Organisation des

NationsUnies ont expressément réservé au pro cessus politique au sein des NationsUnies et à
l’extérieur. La création d’un nouvel Etat est le résultat d’un processus essentiellement politique qui
s’étend éventuellement sur de nombreuses années. Il ne serait d’aucune aide pour le Kosovo et la
Serbie, les NationsUnies ou toute autre partie in téressée, ni même pour la Cour elle-même, si

celle-ci pénétrait dans ces eaux mal connues, dans une tentative pour contribuer à la cartographie
politique.

2.2. Le droit international général relatif aux déclarations d’indépendance applicable

Essentielle à la question limitée et spécifique soumise à la Cour est celle de savoir s’il existe,

en droit international, une prohibition des déclarat ions d’indépendance. Il appartient à ceux qui
soutiennent que la déclaration est illicite de démontrer l’existence d’une telle règle prohibitive.

En substance, un acte est autorisé en vertu du dr oit international sauf s’il peut être démontré
qu’il est interdit par le droit conventionnel ou par le droit international coutumier.

ancsiens dicta de la Cour permanente de Justi ce internationale, selon laquelle «[l]es

limitations de l’indépendance des Etats ne se présume nt … pas», et le droit international qui laisse
aux Etats «une large liberté, qui n’est limitée que dans quelques cas par des règles prohibitives» 2,
ne sauraient suffire à étayer cette présomption.

En 1986, la Cour internationale de Justi ce a jugé qu’elle ne pouva it pas prendre position sur
la militarisation du Nicaragua «dès lors qu’il n’existe pas en droit international de règles, autres que

celles que l’Etat intéressé peut accepter, par traité ou autrement, imposant la limitation du niveau 3
d’armement d’un Etat souverain, ce principe étant valable pour tous les Etats sans distinction» .

2 o o
Lotus, arrêt n 9, 1927, C.P.J.I. série A n 10, p. 18 et 19.
3 Activités militaires et paramilitairesNicaragua et contre celui-ci (Nicar agua c.Etats-Unis d’Amérique),
fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 14, par. 269. - 3 -

En1996, la Cour internationale de Justice a été tout aussi claire lorsqu’elle a donné l’avis
selon lequel «[l]a pratique des Etats montre que l’il licéité de l’emploi de certaines armes en tant

que telles ne résulte pas d’une absence d’autorisation, mais se tr ouve au contraire formulée en
termes de prohibition» . 4

De la même façon, s’agissant de la questi on soumise à présent à la Cour, la déclaration
d’indépendance doit être considérée comme confor me au droit international à moins que ne

s’applique une prohibition établie par un traité ou autrement.

Selon le Gouvernement danois, une telle prohibition générale n’ existe pas. On ne trouve,

dans le droit international coutum ier, aucun élément à l’appui de cette thèse. En outre, aucune
prohibition conventionnelle n’a été établie. En droit international, une déclaration d’indépendance

est essentiellement un événement de fait lequel, associé à d’autres éléments factuels, tel qu’un
territoire défini et une population permanente, pe ut être jugé comme aboutissant, immédiatement
ou plus tard, à la création d’un nouvel Etat.

2.3. La pratique des Nations Unies

La pratique des NationsUnies a confirmé qu’il n’existait pas de prohibition générale

s’agissant des déclarations d’indépendance. Ce n’ est qu’en de rares occasions que le Conseil de
sécurité ou l’Assemblée générale a exprimé une opinion négative sur des déclarations
d’indépendance et ce, uniquement lorsque lesdit es déclarations pouvaient être considérées comme

faisant partie d’un plan d’ensemble qui violait les normes fondamentales du droit international.

Par exemple, en1961, le Conseil de sécur ité a «[r]éprouv[é] énergiquement les activités

sécessionnistes illégalement menées par l’administra tion provinciale du Katanga» et a «[d]éclar[é]
que toutes les activités sécessionnistes dirigées cont re la République du Congo [étaient] contraires
5
à la loi fondamentale et aux décisions du Conseil de sécurité» . Les préoccupations ne
concernaient pas moins que l’existence de l’intervention étrangère.

La déclaration d’indépendance du régime de la Rhodésie du Sud en1965 s’est heurté à la
condamnation de l’Assemblée générale ainsi que du Conseil de sécurité, qui a prié «tous les Etats
7
de ne pas reconnaître ce régime minoritaire raciste illégal…» .

Entre autres exemples, nous attirons l’a ttention sur le rejet, par la communauté
8
internationale, des déclarations d’indépendance de ce qu’il est convenu d’appeler les Bantoustans ,
et de la République turque de Chypre-Nord . 9

Il s’ensuit que, dans certains cas, des déclarations d’indépendance survenant dans le contexte
d’une violation manifeste des normes fondamental es du droit international ont été accueillies par

une condamnation unanime. Toutefois, il est impor tant de souligner que ces déclarations étaient
l’aboutissement de ce qui constituait déjà une viol ation du droit international. Ce n’étaient donc
pas les déclarations d’indépendance elles-mêmes qui, prises isolément, étaient jugées contraires au

droit international.

4
Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1996 (I), p. 226, par. 52.
5 o
Résolution du Conseil de sécurité n 169 (1961) du 24 novembre 1961.
6 Résolution de l’Assemblée générale n 2024 (XX) du 11 novembre 1965.

7 Résolution du Conseil de sécurité n 216 (1965) du 12 novembre 1965.

8 Résolution de l’Assemblée générale n 3411D (XXX) du 28 novembre 1975 et résolution du Conseil de sécurité
no 264 (1969) du 20 novembre 1969.
9 o
Résolution du Conseil de sécurité n 541 (1983) du 18 novembre 1983. - 4 -

En outre, il s’agit là de déclarations faites dans des contextes fondamentalement différents de
celui dans lequel les représentants du Kosovo ont prononcé leur déclaration d’indépendance, le
17février2008. Le Kosovo a énoncé clairement, dans sa déclaration, son engagement en faveur

d’un avenir multiethnique et démocratique pour le pa ys et de la protection des droits de toutes les
communautés du Kosovo, ainsi que le prévoit sa Constitution. Aujourd’hui, cet engagement est en
cours d’exécution au Kosovo.

2.4. La pratique concernant la République fédérative socialiste de Yougoslavie

Lorsqu’elle a traité les déclar ations d’indépendance de la Slovénie, de la Croatie, de la
Bosnie-Herzégovine et de la Ma cédoine en1991, la commission d’ arbitrage constituée au titre de

la conférence sur l10Yougoslavie a confirmé que l’existence ou la disparition d’un Etat était «une
question de fait» .

En particulier, le fait que la République fé dérative socialiste de Yougoslavie (RFSY) était
considérée à l’époque comme con servant sa personnalité internati onale n’a pas abouti à ce que
lesdites déclarations d’indépendance soient jugées c ontraires au droit international, même si elles

s’opposaient à la volonté de la RFSY. Bien au contraire, dans les limites posées par les anciennes
Républiques, les reconnaissances de la Slovénie, de la Croatie, de la Bosnie-Herzégovine et de la
Macédoine en tant qu’Etats indépendants ont fait prendre effet aux déclarations.

Quant à la déclaration d’indépendance faite par le peuple du Kosovo le 17 février 2008, les
circonstances particulières indiquent à la fois les raisons pour lesquelles cette déclaration ne peut

être assimilée aux exemples susmentionnés, dans l esquels les déclarations d’indépendance avaient
été condamnées par la communauté internationale, ainsi que celles pour lesquelles le Kosovo était,
et continue d’être, un cas sui generis et ne sert pas de précédent pour d’autres mouvements
11
sécessionnistes .

Le Gouvernement danois est d’avis qu’au moin s deux éléments essentiels donnent au cas du

Kosovo un caractère unique: 1)l’histoire de la RF SY et sa dissolution et 2)la résolutionn°1244
du Conseil de sécurité.

2.5. La dissolution de la République fédérative socialiste de Yougoslavie

Premièrement, il convient de considérer le statut spécial du Kosovo au vu de ce que la Serbie
elle-même n’est apparue en tant qu’Etat que quelques années après que la RFSY ait commencé à se
désintégrer. L’indépendance du Kosovo est survenue dans le contexte que l’on peut considérer,

selon les termes de l’envoyé spécial du Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies sur
le statut futur du Kosovo, le président MarttiAhtisaari, comme la conclusion du «dernier épisode
de la dissolution de l’ancienne Yougoslavie [c’est-à-dire, la RFSY]» . 12

10 o
Avis n 1 du 29 novembre 1991, RGDP, 1992, vol. 96, p. 264.
11Le caractère unique de la situation du Kosovo a égal ement été souligné dans la déclaration unanime des

vingt sept ministres des affaires étrangères des pays de l’Union européenne exprimée par le conseil des affaires générales
et relations extérieures de l’Union européenne lors desa réunion du 18février2008. Le conseil y a réaffirmé son
attachement aux principes de la Charte des NationsUnies et de l’acte final d’Helsinki et a souligné «qu’il [était]
convaincu que, eu égard au conflit qui a eu lieu dans les années1990 et à la longue période d’administration
internationale au titre de la résolution1244 du Conseil de sécuritKosovo constitue un cas sui generis qui ne remet
pas en question ces principes et résolutions».
12
Rapport de l’envoyé spécial du Secr étaire général sur le statut fu tur du Kosovo, S/2007/168 du 26 mars 2007,
par.16. Le rapport est reproduit sous le n203 dans les documents soumis à la Cour au nom du Secrétaire général,
conformément au paragraphe 2 de l’article65 du Statut (ci-après «le dossier»), h://www.icj-cij.org/
docket/index.php?p1=3&p2=1&k=21&case=141&code=kos&p3=(). - 5 -

Pour comprendre l’importance du lien étroit entre la dissolution de la RFSY et
l’indépendance du Kosovo il est utile de réexaminer brièvement le cadre constitutionnel particulier
de la RFSY et le statut spécial du Kosovo à l’intérieur de ce cadre.

La Constitution de la RFSY de1974 prév oyait une structure fédérale fondée sur

six républiques et deux provinces autonomes, dont le Kosovo. En vertu de la Constitution de 1974,
le Kosovo avait donc une doublenature; il s’agissait à la fois d’une unité fédérale, similaire aux
six républiques, et d’une province autonome au sein de la Serbie. En outre, le Kosovo partageait la

présidence de la RFSY avec les autres républiques et avait plusieurs droits à l’égard de la Serbie,
parmi lesquels celui d’opposer son veto aux modifications constitutionnelles.

L’accent mis, dans la Constitution de 1974, tant sur les républiques que sur les provinces en
tant qu’éléments constitutifs de la RFSY et sur la nature volontaire de leur participation au sein de
la Fédération 13 souligne l’importance des événements de1989-1990, lorsque le Kosovo s’est vu
14
retirer son autonomie .

L’incapacité de la nouvelle structure constitutio nnelle à protéger de manière appropriée les

droits de l’homme de la population du Kosovo a été démontrée tout au long des années1990,
atteignant un point culminant lors des crises de1998-1999, lorsque plus de 700000civils ont

cherché à se réfugier dans des camps situés à l’extérieur du Kosovo ou y ont été forcés et que
600000personnes supplémentaires environ ont été dé placées à l’intérieur du territoire. Plusieurs
rapports crédibles ont fait état de crimes graves commis essentiellement contre la population

albanaise du Kosovo, rapports qui ont été par l15 suite confirmés par l es conclusions du Tribunal
pénal international pour l’ex-Yougoslavie .

Le changement du statut constitutionnel du Kosovo imposé en1989-1990 et les violations
ultérieures des droits de l’homme se sont déroul és dans le contexte du conflit armé au sein de
républiques de la RFSY ainsi qu’entre certaines d’entre elles et de la dissolution de la Fédération.

Même si le Gouvernement danois n’est pas qua lifié pour interpréter le cadre constitutionnel
d’un autre Etat, il soutient que ces faits particulie rs et ces caractéristiques juridiques distinguent

clairement le Kosovo des autres cas.

o
2.6. La résolution n 1244

La seconde raison, liée à la pr emière, en faveur du caractère sui generis de la déclaration

d’indépendance du Kosovo découle des circonstances particulières qui ont entouré la réponse que
la communauté internationale a donnée à la crise de 1998-1999 avec la résolution n o 1244.

13Pour une brève description du cadre de la Constitution de1974, voir également l’article du président croate
Stjepan Mesic «Kosovo ⎯ un problème à résoudre immédiatem ent», publié dans le journal Većernji List le
samedi 16 février 2008.

14 Pour une description de ce processus, voir notamment le jugement du TPIY, Le procureur
c. Milan Milutionović et consorts, affaire n IT-05-87-T, jugement du 26 février 2009, par. 217-221.

15 Le procureur c. Milan Milutinović et consorts , op. cit., notamment par.1178 dans lequel la Chambre de
première instance a jugé qu’«il existaiune campagne de violences dirigée c ontre la population civile albanaise du
Kosovo, durant laquelle des incidents eurent lieu, tels que meurtres, violences se xuelles et destruc tions délibérées de
mosquées. Ce sont les actions délibérées des [forces de laRFY et de la Serbie] au cour s de cette campagne qui ont
provoqué le départ d’au moins 700 000 Albanais du Kosovo pendant la courte période allant de la fin du mois de mars au

début du mois de juin 1999. Les efforts du MUP pour dissimule r le meurtre des Albanais du Kosovo, en transportant les
corps dans d’autres parties de la Serb ie, ainsi qu’il a été examiné en détail ci-après, nt également que de tels
incidents étaient criminels par nature.» [Traduction du Greffe.] Voir, plus généralement, les documents de
l’Organisation des NationsUnies concerna nt la période entre mars1998 et l’étab lissement de la MINUK, en juin1999,
qui figurent dans le dossier soumis à la Cour au nom du Secrétaire général (deuxième partie A, dossier n 8-28). - 6 -

A la suite de l’intervention armée de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN),
le Conseil de sécurité a adopté, le 10 juin 1999, la résolution n 1244 en vertu du chapitre VII de la

Charte des NationsUnies, autorisant une présence internationale tant civile que militaire au
Kosovo. La résolution n 1244 avait notamment comme objectifs essentiels d’assurer la protection
de la population du Kosovo, de créer les conditions pour que les institutions du Kosovo puissent se

développer et, à un stade ultérieur, de faciliter le processus visant à déterminer le statut définitif du
Kosovo.

Selon les termes de l’envoyé spécial de l’Orga nisation des NationsUnies, M.Ahtissari, la
résolution n 1244 répondait aux actes commis par M. Miloševi ć au Kosovo en refusant à la Serbie

un rôle dans le gouvernement de cette province, en plaçant le Kosovo sous administration
provisoire des NationsUnies et en envisageant un processus politique conçu pour déterminer le
futur du Kosovo . 16

Pendant plusieurs années, la question du statut a été mise de côté pendant qu’était examinée
la création de conditions susceptibles de conduire à un accord. Mais, en 2005, l’envoyé spécial de

l’Organisation des NationsUnies, M.KaiEide, a recommandé d’entamer le processus concernant
le statut 17et, ultérieurement, ainsi qu’il a déjà été indiqué, le président MarttiAhtisaari a été

nommé envoyé spécial du Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies sur le sta18t futur
du Kosovo. En mars 2007, il a présenté ses conclusions au Conseil de sécurité . L’envoyé spécial
Ahtisaari a exposé un ensemble détaillé de recomm andations pour le Ko sovo, parmi lesquelles

celle d’une transition par étape vers l’indépendance sous surve illance internationale. Cette
recommandation a été faite sur la base d’une opin ion largement partagée selon laquelle ni la

réintégration du Kosovo ni le statu quo d’une administration internationale permanente ne
constituaient une option viable et toutes les voies pour parvenir à un règlement négocié avaient été
épuisées.

Des efforts intensifs ont été déployés pour garantir l’approbation du rapport Ahtisaari par le
Conseil de sécurité sous la forme d’une résolution se substituant à la résolutionn o1244. La

Belgique, la France, l’Italie, le Royaume-Uni et les Etats-Unis d’Amérique ont présenté un projet
de résolution en ce sens au Conseil de sécurité, mais aucun accord n’a pu être trouvé.

Une dernière tentative pour parvenir à un accord a été faite à l’automne2007, lorsqu’une
troïka, composée de la Fédération russe, des Etats-Unis d’Amérique et de l’Union européenne, a

facilité de longues négociations supplém entaires entre les parties. Toutef19s, la troïka a conclu:
«les parties n’ont pu parvenir à un accord sur le statut du Kosovo» .

16Voir le rapport Ahtisaari, par. 15.

17En octobre 2005, l’envoyé spécial de l’Organisation de s NationsUnies, M. KaiEide, a indiqué: «Il n’y aura
pas de moment privilégié pour aborder la question du statut futur du Kosovo… Pourtant, une évaluation d’ensemble
porte à conclure qu’il est temps d’entamer ce processus.»(Voir, NationsUnies, doc. S/2005/635 du 7 octobre 2005,
o
dossier n193.)
18Dans la lettre sous le couvert de laquelle il transmettait le rapport Ahtisaari au Conseil de sécurité, le Secrétaire
général a souligné qu’il soutenait pleinement les recommandations concernant le statut futur du Kosovo contenues dans
o
le rapport (voir S/2007/768 du 26 mars 2007, dossier n3).
19Rapport sur le Kosovo de la troïka Russie/Etats-Unisd’Amérique/Union européenne, 4décembre2007. Les
nombreuses divergences d’opinions entre les parties aux négociations peuvent être illustrées par le fait que, au cours de

celles-ci, alors que les représentants du Kosovo débattaient vivement en faveur de l’indépendance, la Serbie a amendé sa
Constitution, en2006, afin d’exclure constitutionnellement la possibilité pour le Kosovo de déclarer son indépendance.
La Constitution serbe a été adoptée par l’assemblée nationale de la République de Serbie le 30 septembre 2006 et ratifiée
par référendum les 28 et 29 octobre 2006. - 7 -

Les efforts de la troïka ont mis un terme à une tentative sans précédent au sein du système
des NationsUnies pour parvenir à un accord sur une question de statut, tentative qui avait
o 20
pleinement respecté et honoré le processus envisagé dans la résoluti
on n 1244 .

La résolution n 1244 n’exclut pas l’indépendance. La résolution n 1244 ne contient aucune

prohibition concernant une déclaration d’indépenda nce de la part du Kosovo ni aucune condition
soumettant une telle déclaration au consentement de la République fédérale de Yougoslavie (FRY),
de la Serbie ou du Conseil de sécurité . 21

pareagr1p1he e) de la résolutionn 1244 mentionne le rôle de la présence civile

internationale consistant à «faciliter un processus politique visant à déterminer le statut futur du
Kosovo, en tenant compte des accords de Rambouille t», mais le Conseil de sécurité n’a pas précisé
le processus, se contentant, dans la résolution, de le qualifier de politique. Le «statut autonome» du

Kosovo déterminé dans la résolution devait s’a ppliquer pendant une péri ode intérimaire avant
d’être remplacé ultérieurement par un «statut définitif».

o
Le renvoi aux accords de Rambouillet figurant dans la résolution n 1244 est important. Au
chapitre 8, article premier, alinéa 3) de ces accords, il est fait référence à «la volonté du peuple». Il

est apparu clairement, tant pendant les négociati ons à Rambouillet, dans la période qui a suivi
immédiatement les crises de1999, que tout au long des années d’administration par la MINUK,
que le souhait de l’écrasante majorité de la population du Kosovo était d’obtenir l’indépendance . 22

o
La mention, qui figure dans le préambule de la résolution n 1244, de «l’attachement de tous
les Etats Membres à la souveraineté et à l’intégrité territoriale» de la RFY «et de tous les autres

Etats de la région», conformément à l’annexe2 de la résolution, n’a pas établi de prohibition
concernant une déclaration d’indépendance. En effet, la référence se rappor tait à l’engagement des

Etats Membres de l’Organisation des Nations Unies, par opposition au peuple du Kosovo, et elle
était équilibrée en ce qu’elle renvoyait égalem ent à d’autres Etats que la RFY et, plus
généralement, aux principes existants du droit international. Comme l’annexe2, elle porte

uniquement sur la période d’administration intérimaire.

La déclaration d’indépendance du Kosovo . Compte tenu du fait que les négociations sur le
o
statut étaient au point mort et que la résolution n 1244 n’excluait pas une déclaration
d’indépendance, la question était de savoir comme nt résoudre une situati on, qui, selon les termes
de l’envoyé spécial M.Ahtisaari, nécessitait de l’ être de manière urgente. En présentant son

rapport au Conseil de sécurité, il a indiqué :

«L’incertitude quant à son statut futur est devenue un obstacle majeur à son
évolution démocratique, à l’avènement du principe de responsabilité, à son relèvement
économique et à la réconciliation interethnique. Cette incertitude qui ne fait que

20
Le Gouvernement danois note en outre que, à aucun moment , le représentant spécial du Secrétaire général au
Kosovo n’a jugé la déclaration d’indépendance comme n’étant pas valable,obien qu’il aiété tenu de s’assurer que les
mesures prises par les autorités du Kosovo étaient conformes à la résolution n.
21
Les opinions exprimées par le représentant spécial du S ecrétaire général de l’Organisation des NationsUnies,
M.Jessen-Petersen, lors d’une conféren ce de presse au siège de la MINUK le 21novembre2005, datent du début du
processus concernant le statut, lorsquel’envoyé spécial était M. Ahtisaari (voirle procès verbal non officiel de la
MINUK, conférence de presse, notes, 21 novembre 2005). Ses remarques ⎯ selon lesquelles une déclaration unilatérale
d’indépendance aurait constitué une violation de la résolutionn244 ⎯ sont survenues dans le contexte du début du
processus relatif au statut et ne peuvent être comparées à la situation postérieure au rapport de l’envoyé spécial

M.Ahtisaari et à l’arrêt des négociations en2007-2008. En effet, au moment de la déclaration d’indépendance du
Kosovo, le 17février2008, le représenta nt spécial du Secrétaire général de l’ Organisation des NationsUnies n’a pas
indiqué que la déclaration était illicite ni même exprimé de quelconque critique.
22
Dans ce contexte, il convient de noter que le gr oupe de contact du Kosovo, constitué des Etas-Unis
d’Amérique, de la Russie, du Royaume-Uni, de la France, de l’Italie et de l’Allema gne, a indiqué qu’une solution
définitive devrait être acceptable pour la population du Kosovo ; voir, notamment, la déclaration du groupe de contact du
Kosovo, Londres, 31 janvier 2006. - 8 -

prolonger le marasme éloignant les communautés les unes des autres, est un ferment

d’agitation sociale et économique. Prétendre le contraire, sinon refuser ou différer le
règlement du statut du Kosovo, c’est ris quer de remettre en cause non seulement sa
propre stabilité mais aussi la paix et la stabilité de la région toute entière.» 23

Tandis que le processus de négociations entre les parties et au sein du Conseil de sécurité échouait,
les défis sur le terrain restaient très réels. Dans cette situation politique extrêmement difficile, la

population du Kosovo a choisi la seule voie du prog rès qu’elle a estimé avoir à sa disposition afin
de garantir le développement et la prospérité du Kosovo et de la région toute entière. Le
17 février 2008, le Kosovo a donc déclaré son indépendance.

Dans sa déclaration d’indépendance, le Kos ovo s’est engagé à protéger et à défendre les
droits de toutes les communautés au sein d’une république démocratique, séculaire et

multiethnique. En24econnaissant le Kosovo, le Da nemark ainsi que d’autres Etats ont insisté sur
ces obligations . Le Kosovo a adopté une constitution protectrice des droits de l’homme et de
ceux des minorités et la met en Œuvre ⎯ avec ses partenaires.

Compte tenu de ce qui précède, le Gouvern ement danois est d’avis qu’aucun élément ne
permet de conclure que la déclaration d’i ndépendance du Kosovo du 17février2008 violait la
résolution n 1244.

2.7. L’autodétermination

Cette conclusion est également compatible avec les principes relatifs au droit des peuples à
l’autodétermination. D’une part, le statut défi nitif du Kosovo ne saurait être déterminé sans la

participation et le consentement du peuple du Kosovo. Même si certaines conséquences du droit à
l’autodétermination n’ont pas encore été pleinement établies dans la pratique internationale, le
Gouvernement danois ne discerne au cune raison permettant de juger sans pertinence le déni du
droit à une autodétermination réelle, auquel le Kosovo a sans doute été confronté au moins depuis

la fin des années 1990, s’agissant d’une revendica tion d’indépendance qui était d’autre part
légitime.

La communauté internationale sait gré à la Cour internationale de Justice de ses nombreuses
contributions au développement du droit à l’autodétermination au cours des décennies passées.
Nous n’aborderons pas en détail ici la pratique de la Cour. Nous estimons qu’il suffit de souligner

que, en 1986, renvoyant au principe de l’uti possidetis, la Cour a jugé que

«[c]’est le besoin vital de stabilité pour survivre, se développer et consolider

progressivement leur indépendance dans tous les domaines qui a amené les Etats
africains à consentir au respect des frontièr es coloniales, et à en tenir compte dans
l’interprétation du principe de l’autodétermination des peuples» . 25

De cette façon, la Cour a reconnu, premièrement, l’existence d’un conflit entre le principe de
l’uti possidetis et celui de l’autodétermination. Deuxièm ement, elle a jugé que, généralement, le
premier l’emporte sur le dernier. Toutefois, la Cour a fait attention à ne pas indiquer que le

principe de l’autodétermination cède automatiquement devant les principes d’intégrité territoriale.

23
Rapport Ahtisaari, par. 4.
24
Lettre du 21 février 2008 adressée à MM. Fatmir Sedjiu, président du Kosovo, et Hashim Thaçi, premier
ministre du Kosovo, par le ministre des affaires étrangères, M. Per Stig Møller.
25Différend frontalier (Burkina Faso/République du Mali), arrêt, C.I.J. Recueil 1986, p. 567, par. 25. - 9 -

La commission d’arbitrage désignée par la conférence sur la Yougoslavie a approuvé la

transformation des frontières nationales en frontières internationales dans des situations qui
n’étaient pas plus incontestables que celle sur une partie de laquelle la Cour doit à présent se
pencher .26

3. Conclusion

En conclusion, le Gouvernement danois soutient qu’il n’existe, en droit international, aucune
prohibition générale relative aux déclarations d’indépendance. Dans la mesure où le droit
international fournit des lignes directrices concerna nt la licéité des déclarations d’indépendance, il

en découle que celle du Kosovo du 17 février 2008 était conforme au droit international.

Un avis de la Cour remettant en question le statut du Kosovo en tant qu’Etat indépendant
pourrait avoir un effet néfaste sur la paix et la sécu rité au Kosovo et dans la région toute entière.

D’importants efforts ont été fournis pour perm ettre que les parties parviennent à un accord
jusqu’enfévrier2008 et il semblerait très impr obable qu’un avis consultatif puisse, dans ces
circonstances précises, donner une impulsion pos itive à de nouvelles négocia tions sur la question

du statut. De même, il est difficile d’envisager un statut définitif différent de celui que le peuple du
Kosovo a choisi le 17 février 2008.

___________

26Commission Badinter, Avis n 3, 11 janvier 1992.

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Exposé écrit du Danemark (traduction du Greffe)

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