COUR INTERNATIONALEDE JUSTICE
AFFAIRE AHMADOUSAD10 DIALLO
(~X~PUBLIQUE DE GUIN~Ec.
REPUBLIQUEDEMOCRATIQUEDU CONGO)
VOLUMEI
1"octobr2002INTRODUCTION ..............................................................
..........................................
CHAPITREI .LESFAITSSURLESQUELS SONT FONDEES LES EXCEPTIONS
D'IRRECEVABILITE ..............................................................
...................................
SECTION1. L'MSTALLATI DONM.DIALLO AU ZAIRE. LA CREATION DES SOCIETES
AFRICOM-ZAI REAFRICONTAINERS.ZA ETRE.URS PREMIERES ANNEESD'ACTIVIT..11
SECTIO2N.LE CONTENTIEUXD'AFRICOM-ZAIRE AVECL'ETAT ZAIROI..........................
SECTIO2N.LE CONTENTIEUXD'AFRICOM-ZAI RVECL'ETAT ZAIROI.........................
SECTION4 LE CONTENTIEUX D'AFRICONTAINERS-Z AV~ECL'ONATRA ..................
SECTIO 5.LE CONTENTIEUXD'AFRICONTAINERS-ZAIRE AVEC LA SOCIEFINA .........7...
SECTIO6 N.LECONTENTIEUX DAFRICONTAINERS-ZAIRE AVECLA SOCIETSHELL ........0...
SECTIO NLE CONTENTIEUXD'AFRICONTAMERS-ZA'~REAVECLA SOCIETEMOBIL OIL....34
SECTIO8 NLE CONTENTIEUX D'AFRICOM-ZA IVECLA SOCIETEPLZ ........................
SECTIO9 NLA MISEEN DETENTIONET L'ELOIGNEMENTDU TERRITOIRENATIONALDEM .
DIALLO .............................................
..........................................
SECTION 10. LAREQUETEGUINEENNE TENDANT AOBTENIRREPARATIONPOURLES
DOMMAGES PRETENDUMENTSUBISPAR LESSOCIETESAFRICOM-ZAIRE ET AFRICONTAINERS-CHAPITRE11.L'IRRECEVABILITE DE LAREQUETE,A DEFAUTDE QUALITE
POURAGIR DE LA F~~PUBLIQUE DE GUINEE ..................................... 4......................
SECTION 1. LAGUINEE NE PEUTEN L'ESPECEPRETENDREEXERCERUNE ((PROTECTION
DIPLOMATIQ U EL'ACTIONNAIRE )...................................................... . 49
A. Le droit internationaln'admetpas l'assimilationd'une atteinte aux droits d'une
socie'te'iune violation des droits de ses actionnaires...........................................50.
1. Le refus de l'assimilation entre droitsdela sociktk etdroits de l'actionnairedkcoule
de la logiquememe de l'institutionde la protectiondiplomatique .....................5.1..
2. Le refus de l'assimilation entre droitsde la sociktket droitsde l'actionnairedkcoule
de la dkcisionde la Cour dans I'affaireBarcelona Traction ..............................2......
3. L'argumentationaujourd'hui dkfendue par la Ritpublique de Guinkeest bien
similaire A celle avancke par laBelgiquedans le cadre de l'affairede la Barcelona
Traction... .................................................................................. 55
4. Le refus de l'assimilationentredroitsde la sociktket droitsde l'actionnaireest
confinnk par unepartie importantede la doctrine ...............................................
B. Lajurisprudence invoque'e par la Re'publiquede Guine'en'estpas de natureafonder
sa re'clamation .........................................................
....................................
1. Le manquede pertinence de lajurisprudence arbitrale ancienne citkepar la
Ritpubliquede Guinke pour la prksente espkce ....................................................
a) Le manque de pertinence de l'affaire Rudenpour la prksente espkce ...............
b) Le manque de pertinence de l'affaire duChemin de fer de labaie de.Delagoa
pour laprksente espkce ..................................................... .......... 61
c) Le manque de pertinence de l'affairede la SalvadorCommercialCopour la
prksente espkce ................................................................
.........2...................
d) Le manque de pertinence de I'affaire Shufeldtpour la prksente espkce.............65
e) Le manque de pertinence de l'affaireAlsop (2"e phase) pour la prksenteespece
2. Le manquede pertinence de lajurisprudence rkcentecitkepar la Rkpubliquede
Guinke pourla prksenteespkce ..................................................................
...........
a) Le manque de pertinence de l'affaireBilounepour la prksenteespkce ............9
b) Le manque de pertinence de l'affaireELSIpour la prksente espkce ...............0.
3. Le manquede pertinence desdkcisionsrenduespar la Commissioneuropkennedes
droits de l'homme pourla pritsenteespkce......................................................7.......SECTION 1. IEXISTAIT ET IL CONTINUE A EXISTERA, U SEINDE L'oRDRE JURIDIQUEZAIROIS,
PUIS CONGOLAIS, DESVOIES DE RECOURSPERMETTANT AUX SOCIETES AFRICONTAINERS-
ZAIRE ET AFRICOM-ZAI ARIESIQU'A M.DIALLO D'ASSURER LA PRESERVATION DE LEURS
DROITS ....................................................
.....................107...............................
A. Des voies de recours itaient disponiblesI'encontredessociitis privies. .............I.08
B. Des voies de recours ktaient disponiblci1'encontredesentreprisespubliques ...I08
C. Des voies de recours ktaientdisponiblecI'encontre deI'Etatzakois ...........1.0...
SECTIO2 N. LAREPUBLIQU DE GUINE EE DEMONTRE PAS QUELES VOIES DERECOURS
EXISTANTESDANS L'ORDREJURIDIQUEZAIROISPUIS CONGOLAIS, ETAIENTOU SONT
INDISPONIBLESOU INACCESSIBLES. ..................................................112 ...................
A. L 'absencede M. Diallo du territoirezaii-oisne constituaitpas un obstaclea la
poursuite desprocidures dkjd entamies .........................................11.3..........................
B. La situationfiizanci2re deM.Diallo ne IJempe^chatas d'assurersa reprisentation
devant les tribunauxzaiiois...............................................
...116.................
SECTION 3.LAREPUBLIQU DEGUINE NEE DEMONTRE PAS QUE LESVOIES DE RECOURS
EXISTANTESDANS L'oRDRE JURIDIQUEZAIROIS,PUIS CONGOLAIS, ETAIENTOU SONT
INEFFICACES.......................................................
..............120............................
A. Les voies de recours internesexistant au sein de I'ordrejuridique zai'roisse sont
aviries eficaces au regard deslitiges qui ont it6 sournisaux tribunauxpar lessociiti
Africontainers-Zaii-eetAfricom-Zai'................................................
................1
1. Lesvoiesde recoursinternesse sontavCrCesefficacesdans l'affaire
Ahcontainers-ZaYrec. Shell ..................................................123
..................
2. Lesvoies de recours internese sontavCrCesefficacesdans l'affaire
Africontainers-ZaYrec. Fina...............................................
.127...................
3. Les voies de recours internes se sont avCr6esefficaces dans l'affairePLZ c.
Africom-Zai're...................................................
..........129...................... B.Les voiesde recours internesexistant au sein de 1'ordrejuridique zacois auraientpu
s 'averereficaces en ce qui concerneles litiges commerciaux queM. Diallo ou les
socie'tesdont ilassure la direction n'ontpasjug6 utile de soumettre aux tribunaux
locaux.....................................................
.......................................
C.Les voies de recours internes existant au sein de l'ordrejuridique zaii.oisauraientpu
s'ave'rereficacespour mettre en cause la mesure d'expulsion dont M. Diallo afait
1'objet...................................................
..........................3............
CONCLUSIO DUNCHAPITRE 111..........................................................137...................
CONCLUSIONS ...................................................................... ...
........................................INTRODUCTION
0.01. Le 23 dkcembre1998,le ministkredes Affaires ktrangkresde la RCpubliquede Guinke
a transmis au Greffier de la Cour internationalede Justice une requtte introductive d'instance
contre la RCpubliquedemocratique du Congo. Cette requtte ktaitintitulke ((Requzte aux fins
de protection diplomatique>).Elle etait accompagnked'un documentintitulk <(Mkmoirede la
Rkpubliquede Guinee )),qui dktaillait les prktentions formulkesdans la requete et qui, dans la
suite des prksentes kcritures, sera dks lors considkrkecomme en faisant partie intkgrante. La
Rkpubliquede GuinCey manifestait sonintentiond'exercerla protection diplomatiquede l'un
de ses ressortissants, Monsieur Ahrnadou Sadio Diallo (ci-aprks <cM. Diallo ))),un homme
d'affairesinstall6au Congo depuis ledkbutdes annCes1960,en vue d'obtenirrkparationpour
les dommages rksultant de faits internationalement illicites prktendument commis par les
autorites zaYroises,essentiellementa l'encontre de deux societks congolaises dont M. Diallo
est le dirigeant. Lasomme demandkepar la Republique de Guinke ttait d'emblCechiffi-ke a
pas moins de trente six(36) milliards de dollarsdesEtats-Unis dYArnkriquea ,ssortisd'intkrtts
bancaires et moratoires fixks des taux de 15 et 26 % l'an depuis la fin de 1995'. Ce
montant, qui represente plusieurs fois l'ensemble de la dette exterieure de la Rkpublique
dkmocratiquedu Congo, est sans doute l'un des plus klevCs-si pas le plus kleve- qui ait
jarnais ktkrkclamkdevant unejuridiction internationale.
0.02. Cette requtte a kt6enregistree au Greffe de la Cour le 28 decembre 1998et l'affaire a
Ctkinscrite au r81e gknkral de la Cour sous le numQo 103, Par une ordonnance du 25
novembre 1999, la Cour a fixe au 11 septembre 2000la date d'expiration du dklai pour le
depBt d'un memoire par la Republique de Guinke et au 11 septembre 2001 la date
d'expiration dudklai pour le dep8t d'un contre-mkmoirepar la Rkpublique dkmocratique du
Congo. A la demande de la Rkpublique de Guinke, ces dklais ont kt6 prolongks par une
ordonnance du 8 septembre 2000. Par cetteordonnance, le Prksident de la Cour a report6 au
23 mars 2001 la date d'expiration dudklaipour le dkp8t d'un mkmoire parla Rkpubliquede
Guinkeet au 4 octobre 2002 la date d'expiration dudklaipour le dkpBtd'un contre-mkmoire
par la Rkpubliquedkmocratiquedu Congo. LaRkpubliquede Guinke a effectivementdepose
son mkmoire le 23 mars 2001, conformement a l'ordonnance prkcitCe. Sans pour autant
1 Requete introductive d'instance enregistree au Greffe de la Cour l1998 (ci-aprbs requtte de la
Republique de Guinee)36..abandonner formellement la rkclamation de prks de quarante milliards de dollars des Etats-
Unis dYArnQiqueformulee dans la requzte, elle a demand6 a la Cour de prockder a une
kvaluationde la rkparatioa un stadeultkrieurde la prockdure.
0.03. Dans le present document, la Rkpublique dkmocratique du Congo soulkve deux
exceptions prkliminaires qui font obstaclea ce que la Cour examine au fond la plainte
dkposkepar la Rtpublique de Guinke. I1ne s'agit pasde contester lacompktencede la Cour,
qui est ktablie surla base des dtclarations d'acceptationde lajuridiction de la Cour dkposkes
par la Rkpublique dkmocratiquedu Congo et la Rkpublique de Guinke,respectivement les 8
fkvrier 1989 et 11novembre 1998. Apres avoir analyskattentivement larequtte ainsi que le
memoire de 1'Etatdemandeur,il apparait cependantque celui-ci tente d'exercer saprotection
diplomatiquedans des conditions quine repondent pas aux exigences du droit internatiolne
la matikre. Les conditions juridiquesexigtes pour qu'un Etat puisse exercer sa protection
diplomatiqueen faveurde l'un deses ressortissantsne sont en effetpas rkuniesen l'espkce,et
ce aun doubletitre.
-
D7une part, la requtte de la Rkpublique de Guinte vise a obtenir rkparation pour des
prkjudices qui auraientkt6subispar deux sociktksqui ne posskdentpas sanationalitk,sous
le prktexte que l'un de ses ressortissants, M. Diallo, est le dirigeant de ces sociktks. La
Rkpublique de Guinken'a dks lors pas qualitkpour agir dans la prksente affaire, dks lors
que la protection diplomatique visant a obtenir rkparation pour la lksion de droits de
personnes qui ne posskdentpas 1a nationalitkde 1'Etatdemandeurn'est pasadmise en
droit international.
- D'autre part, et supposermCmeque 1a qualitt pour agirde 1a Rkpubliquede Guinke
puisse &rektablieen l'espkce,il s'avkreque nM. Diallo, ni les sociktksdont il assure la
direction,n'ont kpuisklesvoies de recours qui leur auraientpermis d'obtenir rkparationde
ces prkjudicesdans le cadrede l'ordrejuridique interne de la Rkpublique dkmocratiquedu
Congo.
Ces deux circonstances font radicalementobstaclela recevabilitkde larequete introduitepar
laRkpubliquede Guinke.0.04. I1est des lors parfaitement normalque la Rkpubliquedkmocratiquedu Congo entende
faire usage des possibilitksqui lui sont donnkespar le Reglement de la Cour, et en particulier
par l'article 79 de cet instrument. LaRepublique de Guinkene pounait a cet egardpretendre
que le dkp6t de ces exceptionsprkliminairesrevkt un caractkre tardif. Certes, l'article 79 du
Rkglement actuelde la Courprkvoit formellementque (([tloute exceptionala compktencede
la Cour ou a la recevabilitkde la requete ou toute autre exception sur laquelle ledkfendeur
demande une dkcisionavant que la prockdure sur le fond se poursuive doit Streprksentkedks
que possible, et au plus tard trois mois apres le dkp6t du mkmoire [.. )). I e texte a
cependant kt6 introduit Ala suite d'une modification intervenuele 5 dkcembre 2000, qui a
expresskmentprecis6que
<([l]e Rkglement modifik entrera en vigueur le 1"'fkvrier [2001], et remplacera a
compter de cettedate 1e Rkglementadoptt par 1a Cour 1e 14 avril 1978 ;toutefois,
toute affaire soumise cila Cour avant le lerfkvrier 2001, ou toute phase d'une telle
affaire, restera rkgiepar leR2glement applicable avant cette datD~.
La prksenteaffaire ayant kt6soumise A la Cour le 23 dkcembre 1998,il y a lieu d'appliquer le
Rkglement du 14 avril 1978, quiktait en vigueur au moment du dkp6t de la requete, et qui
prkvoit, en son article 79,que
t([tloute exception ti la compktence de la Cour ou a la recevabilitkde la requete ou
toute autre exception sur laquelle le dkfendeur demande une dkcision avant que la
prockdure sur le fond se poursuive doit etre prksentkepar kcrit dans le dklaifix6pour
le dkp6tdu contre-mkmoire[. ..])).
Le prirsent document kcrit, qui constitue un acte introductif d'exception au sens du
Rkglement, est prksentk dans le dklai fix6 par la Cour pour le dkp6t du contre-mkmoire,et
l'est des lors enparfaite conformitkavec l'article 79prkcitk.
0.05. Dans le mkmoire qu'elle a dkposb le 23 mars 2001, la Rkpublique de Guinke, sans
aucun doute consciente des graves problkmes de recevabilitk qui se posent en l'espkce,
consacre un chapitre entiea rkfuterpar avance les deux exceptions qui serontexposkesdans
le cadre des prksentes kcritures3. En ce qui a trait A la premiere de ces exceptions, la
Rkpublique de Guinke prktend n'agir qu'en faveur de M. Diallo, personne physique qui
posskde sa nationalitt et qui pourrait bknkficier d'une tcprotection diplomatique de
Soulignkpar la Republique dkmocratique du Congo.
3MRG, chapitre IV, inti<(le droit de la Republique de Guinee d'exercer sa protection diplomatique en
faveur dM.DialloD.h trois millions de morts pour evaluer les conskquencesde la guerre menee sur le territoire
congolaispar des puissancesktrangkresdepuis 1998.
0.08. La Rkpubliquede Guinkese plaint par ailleursde ne pas avoir pu disposer de preuves
suffisantes susceptibles'etayer ses affirmations, et ce en raison de l'expulsion de M. Diallo
qui aurait empCchk ce dernier de disposer de certains documents pertinents. L'Etat
demandeur prie dks lors la Cour de ctfaire usage des pouvoirs d'instruction qui lui
appartiennentpour rassembler, le cas kchkant,les klkmentsde preuve supplkmentairesqui lui
paraitraient utileD,conformkment aux articles44, par. 2 du Statut et 66 de son ~k~lement*.
La Rkpublique dkmocratique du Congo est, lh encore, pour le moins stupkfaitepar l'attitude
de 1'Etatdemandeur, qui insinue trks clairement que les autoritks congolaises se livreraient h
certaines formes de rktention de preuves. L'essentielde cette affaire est constitukde litiges
entre deux sociktks congolaises et certains de leurs partenaires commerciaux, pour de
prktendues violations de contrats rkgis par le droit congolais. Plusieurs des litiges en cause
sont actuellement pendants devant les juridictions congolaises, au greffe desquelles se
trouvent les dossiers concernks. I1va de soi que, dans la mesure oi~cela s'avkre pertinent
pour la prksente espkce, la Rkpublique dkmocratique du Congo a annexk les pikces
concernkes aux prksenteskcritureset que, si cela s'avkre nkcessaire,elle se fera un plaisir de
collaborer alY6tablissemend tes faits en fournissant desdocumentssupplkmentaires. Dans ces
circonstances, il est difficile de concevoir en quoi pourrait consister la visite sur les lieux
prkvue hl'article66 du Rkglement,meme s'il va de soi que, entout ktatde cause,les autorites
congolaises accueilleraient avecplaisir les membres de la Cour pour une visite des lieux
qu'elle pourrait estimer dignes dYintkrCtans le cadre de la prksente instance. Lespropos de
la Rkpubliquede Guinkesont d'autantplus incongrusqu'ils sont par ailleurs dkmentis par les
faits, et en particulier par l'apparente facilitkdont dispose M. Diallo pour se procurer certains
documents, y compris Al'heure actuelle. La Rkpubliquedkmocratique du Congo relkve 2ce
sujet que la RCpubliquede Guinke a annexk A son mkmoire les conclusions rendues par le
Ministkrepublic prks la Cour supremede Justice du Congo dans les affairesAhcom-ZaYrec.
PLZ et Ahcontainers-ZaTre c. Fina. Ce type de document est pourtant strictement
confidentieljusqu'au moment du prononckde lYarrCtc ,e quijette la plus grande suspicion sur
lamanihe dont ils ont etCobtenus. A vrai dire, la Rkpubliquedkmocratiquedu Congon'est
nullement gCnkepar le contenu des documents en question, et ne fait nullement obstacle Ace
8MRG, pp.5-6par.1.09.qu'ils soient utilisks cornrneelkmentsde fait susceptibles d'kclaircirle dkbatjudiciaire. I1est
cependant pourle moins etonnant, au vu de cesprkckdents,d'oserprksenterM.Diallo comme
une personne quikprouvedes difficultksarassembler des elkmentsde preuve au Congo.
0.09. A cet kgard, la Rkpublique dkmocratiquedu Congo tient d'emblke a marquer son
opposition a ce que les (<quelques insuffisances formelles D, excusables ou non, que prksente
le mkmoire guinken, constituent d'une quelconque manibre une justification a certains
prockdks particulikrement regrettablesqui ressortent de ce document. Tout en admettant
formellement que la Cour <<n'a pas se prononcer sur les intentions de la Rkpublique
dkmocratique du Congo )?, la Rkpublique de Guinke en vient en effet, par le biais
d'affirmations pkremptoires, a jeter le discrkdit sur les autoritks congolaises qui,en croire
les kcrituresguinkennes,se seraient livrkes a un vkritable complot. On peut ainsi lire dansle
mkmoire guinken que l'expulsion de M. Diallo a ((visi expressiment a empzcher M. Diallo
de faire des affaires et de rkcupher ses crkances)>I0,qu'elle a ktk ((mise en oeuvredans le
seul but dYemp&chelr a rkalisationpar l'investisseur de son investissement ))'Iou encoreque,
dans le cadre des litiges comrnerciaux opposant Africontainers-ZaTrea Shell, ((on peut
imaginer que, compte tenu de l'importance des sornrnes en cause, la Rkpublique
dkmocratique du Congo a bknkficik de contre parties considkrables ))I2. Ces accusations
extremement graves ne sont ktaykespar aucunklkment de fait, aucun document ni aucune
reference quelconques. Contrairement a ce que 1'Etat demandeur affirme, toute sa
demonstration semble reposer sur les intentions prktendument malveillantes des autoritks
congolaises. La Rkpublique dkmocratique du Congo laisse la Cour le soin de tirer les
conskquencesde cette ktrangemanibre d' <(ktablir))les faits. En tout ktatde cause, elle tient
a souligner que l'kventuelle prise en compte des (quelques insuffisances formelles ))du
mkmoire guinkenne peut en aucun cas conduire a excuser, et encore moins a donnerune
quelconque suite9,de tels prockdks.
0.10. Ces prkcisions apportkes, laRkpublique dkmocratiquedu Congo s'emploiera, dansle
cadre des prksentes kcritures, Aproduire, conformkment a l'article 79, paragraphe 2 du
Rkglement de la Cour, ((l'exposk de fait et de droit sur lequel l'exception est fondk)>,ainsi
que les conclusions, le bordereaudes documents a l'appui et les moyens de preuve pertinents.
MRG, p. 65, par. 3.60.
'OMRG,p. 62, par. 3.5;soulignt par la Rtpublique dtmocratique du Congo.
" MRG, p. 63,par.3.57;soulignt par laRtpublique dtmocratique du Congo.Conformkment au paragraphe5 de la mkme disposition, les exposks seront cclimitks aux
points ayant trait iil'exception D,et plus prkciskmentaux deux exceptions tellesqu'elles ont
kt6identifikesci-dessus. Serontainsi successivementprksentksdans lespages qui suivent :
-
l'exposkde fait sur lequel les deux exceptionsprkliminaires sont fondkes (Chapitre I),
- la premikre de ces exceptions, en vertu de laquelle la Rkpublique de Guinke n'a pas
qualitkpour agir dansla prtsente espkce(chapitre11)'et
- la seconde de ces exceptions, en vertu de laquelle la condition de l'kpuisementdes voies
des recours internesn'a pas kteremplie en l'espkce (chapitre111).
l2MRG, p. 64,par. 3.59 ;soulignkpar laRtpublique dtmocratique du Congo.
7CHAPITRE I. LES FAITS SURLESQUELS SONT FONDEES LES EXCEPTIONS
D'IRRECEVABILITE
1.01. Les faits sur lesquels sont fondkes les deux exceptions prkliminaires qui seront
dttaillkes ci-dessous peuvent Stre synthetisks de la manikre suivante: la Rkpublique de
Guinketente de porter devant la Courun litige quioppose des sociktkscongolaises d'autres
acteurs kconomiques opkrant au Congo, litige qui relkve avant tout du droit commercial
congolais et de la compktencedesjuridictions congolaises. La Rkpubliquedkmocratiquedu
Congo dkveloppera ces klkmentsde fait dans le cadre du prksent chapitre, dont il ressortira
que,
- d'une part, et ceci sera essentiellementa 1abase de 1a premikreexception prkliminaire
consacrke au dkfautde qualitkpour agir de la Rkpubliquede Guinke,leprksent litige porte
essentiellement sur des contentieux opposantdeux sociktkscongolaises a d'autres acteurs
kconomiques opkrantau Congo, M. Diallo agissant toujours comme dirigeant de ces
sociktks,
-
d'autre part, et ceci sala basede la seconde exceptionprtliminaire consacrkeau dkfaut
d'kpuisement des voies de recours internes, il apparait clairement que tous les recours
internes sont loind'avoir kt6kpuisksau sein de l'ordrejuridique congolais.
1.02. Ce faisant, la Rkpublique dkmocratique du Congo rkfutera de manikre gknkrale la
version des faits qui a kt6prksentkepar 1'Etatdemandeur dans son memoire, qui soit tenda
minimiser ou B masquer les klkments qui viennent d'ztre mentionnks, soit contient tout
simplement des affirmations erronkes. Avant d'entrer dans le dktail de cette rkfutation, il
convientencore d'apporter lesdeuxprkcisionsmkthodologiquessuivantes.
1.03. En premier lieu, lakpubliquedkmocratiquedu Congo ne chercherapas, dansle cadre
de ce chapitre,A reprendre une Bune les affirmationsfactuelles erronkes contenues dansla
requete ou le mkmoire guinkens. I1s'agira plut6t d'une rkfutation globale qui, outre qu7elle
introduira les chapitres plus spkcifiquement juridiques consacrts aux deux exceptions
prkliminaires, permettra de montrer que la version des faits qui se dkgage des kcrituresguinkennes ne rksiste pas a l'analyse. Vouloir prockder autrement en reprenantde manikre
systkmatiqueet exhaustive toutes les accusations ouinsinuations guinkenneserronkes-dont
certains exemples ont dkji kt6 mentionnks en introduction des prksentes kcritures13- se
rkvkleraitparticulikrement fastidieuxd'autant que, conformkment a l'article 79 du Rkglement
de la Cour, l'exposk des faits ne doit porter que sur les klkments de faits sur lesquels sont
fondkesles exceptionsprkliminaires.
1.04. A ce sujet, et en deuxikme lieu,la Rkpublique dkmocratiquedu Congo kviteradans la
mesure du possible de s'engager a ce stade dansun dkbatsur le fond del'affaire, en rkpondant
aux accusations guinkennes selon lesquelles les autoritkscongolaises auraientviolk plusieurs
rkgles de droit international applicables en l'espkce. Les prksentes exceptions prkliminaires
s'appuient sur des klkments de fait qui, comme on l'a soulignk d'emblke, renvoient des
litiges entre partenaires commerciaux qui se sont dkroulks au Congo et qui se sont inscrits
dans le cadre du droit congolais. I1sera donc nkcessaired'expliquer comment ces litigessont
nks et se sont dkveloppks,y compris en serkfkrantaux rkglespertinentes du droit congolais.
Les questions de droit international ne seront par contre pas abordkes a ce stade ce qui, bien
entendu, n'implique aucunereconnaissance quelconque des prktentions avanckes a ce sujet
dans les tcritures guinkennes.
1.05. Ces prkcisions apportkes, laRCpubliquedkmocratique du Congo exposera dans les
pages qui suivent les faits sur lesquels se fondent les exceptions prkliminaires. ce stade,
elle s'abstiendra d'entrer dans lektail de chacun d'entre eux, tout en signalant que les faits
pertinents les plus controversks feront l'objet de dkveloppements dans le cadre des deux
chapitres consacrks,d'une part, au dkfautde qualitkpour agirde la Rkpubliquede Guinkeet,
d'autre part, au dkfaut d'kpuisement des voies de recours internes en l'espkce. La
prksentation des faits reprend successivement chacun des contentieux cornmerciaux quela
requEteguinkenne prktend soumettre au jugement de la Cour. Certains de ces contentieux
sont relativement complexes, et ont donnk lieu 2des dkveloppementsqui se sont ktendussur
plusieurs annkes. Afin de pennettre a la Cour d'en dkgager une image aussi claire que
possible, les relations entretenuespar lessociktksdont M. Diallo ktaitle dirigeant avec chacun
de leurs partenaires commerciaux serontexaminkes atour de r81e. I1en ira ainsi des relations
avec lYEtatzayrois(section 2)' avec les entreprises publiques GECAMINES (section 3) et
lSupra, par0.09.ONATRA (section 4)'de msme qu'avec les sociCtCsprivCesFina (section 5)' Shell (section
6)'Mobil Oil (section7) et PLZ (section 8). Mais avant de procCdeA l'examen systematique
de ces relations commerciales et de leur Cvolution, il convient tout d'abord de rappeler
brikvement les circonstancesde l'installation de M. Diallo au Zai're,ainsi que la nature des
activitCsdes deux sociCt6sdont il est le dirigeant (section 1). L'expulsion de M. Diallo du
territoire zaYrois,enjanvier 1996, sera abordCeensuite (section 9). Ce n'est qu'une foiscette
toile de fond prCsentCeque l'on pourra apprCcierla manikre dont laRkpublique de GuinCea
dCposCsa requste devant la Cour, en prktendantexercer sa protection diplomatique en faveur
de M.Diallo (section 10).Section 1. L'installation de M. Diallo au ZaYre,la crCationdes sociCtCs Africom-ZaYreet
Africontainers-ZaYree ,t leurs premieresannCesd'activitks
1.06. M. Ahrnadou SadioDiallo est un ressortissant guinken quis'est install6au Zaire (alors
Rkpublique du Congo)au dkbutdes annkes 1960. M. Diallo a d'emblkechoisi d'exercer ses
activitkspar le biaisde sociktesdont il sera le principal dirigeant. I1a ainsi crekune premikre
sociktk, dknornmkeAhcom-ZaYre dont les activitks sont trks gknkrales, etpour l'essentiel
centrkes sur l'import-export14. En 1979, M. Diallo a crkk, en association avec deux autres
partenaires,une deuxikmesociktkprivkea responsabilitk limitkeappelkeAfi-icontainers-ZaYre.
M. Diallo participe a la crkation de cette seconde sociktk en qualitk de ghant d'Africom-
ZaYre,qui dktient 30 % des parts socialesdYAfricontainers-ZaYre l, solde etant rkparti entre
les deux autresass~ciks'~.Moins d'un an plus tard, en avril 1980,une assemblkegknQaledes
associks d'Afi-icontainers-ZaYre enterine une modification importantede l'actionnariat de la
sociktk, A l'issue de laquelle le capital d'Africontainers-ZaYreest dksormais rkparti entre
Africom-ZaYre(pour 60 % des parts sociales) et M. Diallo @our40 %)I6. 11semble que cette
rkpartition du capital ne seraplus modifike par la suite. M. Diallo est ainsi devenu, dans les
faits, le seul dirigeant de ces deux sociktks de droit zayrois, qui ont toutes deux kt6
immatriculkesauregistre de commercede la ville de ~inshasa". En tant que Sociktksprivkes
A responsabilitk limitke (S.P.R.L.), toutes deux posskdent, conformkmena tu droit zairois, une
personnalitkjuridique distincte de leurs ass~ciks'~.C'est dks lors non pas a titre personnel, en
tant que personne physique de nationalitk guinkenne, mais par l'intermkdiaire de ces
personnes morales de droit zairois, que M. Diallo poursuivra ses activitks cornmercialesau
Zaire. I1conviendra donc, dans la suitede l'exposkdes faits, de se concentrer sur lesactivitks
de ces sociktes, car c'est avec ces personnes moralesque se dkvelopperont des litiges en
matikre commerciale dont l'arnpleur est sans doute sanp srkckdentdans l'histoiredu Congo.
l4Voy. l'articleJeuneAfrique,16fkvrier1984,p.16 (MRG, annexe 18).
IsVoy. les statuts d'Afiicontainers-ZaYre,MRG, a1.exe
l6Voy. le procks-verbal de cette assemblke,MRG, an3.xe
I'MRG, annexes 1 et2.
18V. le dicret du27 ftvrier sur les socittts commerciales, dont l'article 1" disposcles socittCs
commerciales ltgalement reconnues conform6ment au prtsent dCcretconstitueront des individualites juridiques
distinctes de celles des as));infrapar. 2.14 des presentes ecritures.1.07. En dkpit d'un objetsocial defini en des termes relativement larges19,Ahcontainers-
Zaire se spbcialisepour l'essentiel dansle transport par conteneurs, une activitkpeu rtpandue
au Zaire A17tpoque20.La socittt a rapidement dtveloppe ses activitts dans ce domaine, en
louant ses conteneurs Adifferents partenaires commerciaux. Elle a ainsi conclu plusieurs
contrats avec des socittks pitrolikres implantees au Zalre en vue du transport de lubrifiants
par conteneurs A destination des rtgions de l'inttrieur du pays. On peut entre autres
mentionner Ace titre les conventions conclues avec les sociCtCsZalre Mobil Oil (ci-aprks
((Mobil Oil D ou (cMobil D), le 1"'octobre 1980, et ZaYreShell (ci-aprks ((Shell N), le 24
juillet 19812'. L'une des plus importantesentreprises publiqueszaii-oises,1a GCnCrale des
Carrikreset desMines (ci-aprb ((la G ECAMIN DE)Sfigurait tgalementparmi 1es clients
dYAhcontainers-ZaYrea ,vec laquelle la GECAMINESa conclu un contrat pourle transportde
minerais depuis les rtgions d'extraction (dans la province du Shaba) vers les ports de
Kinshasa ou de Matadi, Apartir desquels ces minerais Ctaient e~~ortts~~. Ces relations
commerciales ont CtCconsolidCespar la conclusion,le 13juillet 1983,d'un important contrat
entre les sociCtCsZaire Fina (ci-aprks <<Fina D), Mobil, la GECAMINES, et Afiicontainers-
Zaii-e(ci-aprks ((le contrat tripartite)))23.L'objet de cette convention Ctaitde rationaliser les
optrations de transport couvertespar les diffkrents contrats susmentionnCs. PlutBt que de
renvoyer les conteneurs Avide, une fois leur marchandise livrte (ou tdkpotte D, selon le
terme de l'art), les parties au contrat tripartiteont ainsi mis sur pied la formule suivante :les
conteneurs d7Afiicontainers-Zalre Ctaient chargCs de produits pktroliers au dCpart de
Kinshasa, A destination de l'inttrieur du pays. Aprks livraison, les conteneurs Ctaient
acheminksvers d eux villes (Lubumbashiet Luilu) o h 1a GEcAMINEs disposaitde sikges
d'exploitation,afin d'y etre chargCsde minerais, quiCtaientensuitetransportts vers Kinshasa.
En date du 1 "'aoQt1983, un avenant 5 ce contrat a CtCconclu, afin d'y inclure1a socittk
Le transport des conteneurs d9Africontainers-ZalreCtaitassurC,sur ces diffkrents
trajets, par lYOfficenational des transports (ci-aprks ((I'ONATRA D), une autre entreprise
publique zairoise.
19Aux termes de I'article 3 des statutsd'Africontainers-Za'irla socittt((a pour objet toutes activitts
cornrnerciales au sens large, notamment I'achat et la vente, l'importation et I'exportation, le transport de
marchandises, les optrations de construction, de commission et de co..])(MRG, annexe 1).
20Voy. l'article prtcitJeuneAfriqu (supra, note 14).
21MRG, annexes 6et 8.
22Contrat du 29juin 1982,MRG, annexe 12.
23MRG, annexe 13. En dtpit du fait qu'il ait comptt 45parties, ce contrat sera, dans la suite des prtsentes
Ccritures,dtsignt sous cette appellati((contrat tripart))en raison du fait qu'il comprend trois cattgories
de parties : Afficontainers-ZaYre,en tant que socitte transitaire, la GECAMINES, et les socittes pttrolikres
(Mobil et Fina, rejointes peu aprkspar Shell).
24MRG, annexe 14.1.08. Le contrat tripartite a kt6 exkcutk,sans que se pose de problkme important,jusqu'en
1986, date a laquelle d'importants travaux de rkamknagement du portde Kinshasa furent
entarnks. Ces travaux ont eu pour conskquence le dkplacement des opkrations de dkpotage
(ouverture)des conteneurs, duport de Kinshasa celui de Matadi, sitak350kilomktresde la
capitale. Cettedkcision a entrain6certaines difficultksen ce qui concernait la circulationdes
conteneurs des diffkrents transitairesqui exerqaientleurs activitkssur cette ligne, du fait que
cette extension de parcours impliquait des durkes de rotation plus longues, et qu'un certain
nombre de conteneurs sont demeurks inutilisks,pour des pkriodes plus ou moins importantes,
dans le port de Matadi. I1s'agit 18de la premikredifficult6 skrieuse qui s'est prksentkedans
les relationsYAfricontainers-ZaYraevec ses partenaires commerciaux, et en particulier avec
lYONATRA,comrne on le constatera ci-dessous. De nombreux autres contentieux allaient
suivre, concernant tantfricom-Zalre quYAfricontainers-Zalre.La Rkpublique dkmocratique
du Congo les exposera maintenant plusen details. Elle remarque d'emblke que ceslitiges ont
tous opposk deux sociktks dont personne ne conteste qu'elles posskdent la nationalitk
congolaise, d'une parta certains de leurs partenaires commerciaux exerqant des activitksau
Congo, d'autrepart. Tous ces litiges itaient relaades engagements contractuelsrkgis par
le droit congolais.Section2. Le contentieuxd'Africom-Zaireavec 1'Etatzairois
1.09. Au cours des annkes 1980, la sociktk Afncom-ZaYre a entretenu des relations
commerciales relativement suivies avec 1'Etatza~rois~~E .n juin 1986, 1'EtatzaYroisa pass6
commande, auprks de la sociktk Africom-ZaYred'importantes quantitks de papier 26. Le
montant total de ces cornmandes s'elevait a 28.382.872,70 zaYres.Un plan de paiement de
cette somme avait ktk proposk par Africom-ZaYre,et acceptk par les autoritks zaYroises
compktentes2'. I1prkvoyait le rkglementcompletde cette crkancepour la fin du moisde mars
1987. A la suite du non respect de ce plan d'apurementpar 1'EtatzaYrois,M.Diallo a adressk
une lettre de rappel au Commissaire dYEtataux Finances, en date du 17janvier 1987~'. En
dkcembre 1987,le CornmissairedYEtataux Finances informe le Gouvemeur de la Banque du
ZaYrequ'il a acceptkle paiement, en cinq traites, des somrnesdues a Afncom-Zaire a la suite
de la commandede 1986. Les kchkancesde paiement prkvues s'kchelonnentdejanvier a avril
1988~'. En dkpit de cet engagement, toutefois, les versements prtvus ne seront jamais
effectuks, et la Rkpublique du ZaYreest restke dkbitrice, A l'kgard dYAfricom-ZaYre d,'une
somme dont le montrant riel reste I dkterminer3'. I1ne semble pas que d'autres dkmarches
aient kt6 entreprises par Afiicom-ZaYredepuis cette date en vue de recouvrer cette crkance.
En particulier, aucun recoursjudiciaire n'a kt6intent6 acette fin a l'encontrede 1'EtatzaYrois
ni par la sociktk Africom-ZaYre,ni par M. Diallo agissant a un quelconque titre. La
Rkpublique dkmocratiquedu Congo reviendra sur les conskquencesjuridiques de cet ktat de
fait dans le cadre du chapitre I11des presentes Ccritures. De la mEmefaqon, la Republique
dkmocratiquedu Congo reviendraultkrieurementsur le fait que ce litige met en jeu les droits
contractuels d'une sociktk zaYroise,et non d'kventuelsdroits propres de M. Diallo (chapitre
11).
1.10. La Rkpublique du ZaYre,pas plus que la Rkpublique dkmocratique du Congo, n'ont
jamais contest6 Etreredevable de cette somme a la sociktk Africom-ZaYre. Les difficultks
2Voy. e.a. la lettre adressCele 19juillet 1986 par le Cornmissaire d'Etat aux Finances au Directeur d7Afiicom-
Zaue, dans laquelle il est fait ttat d'une comrnande de papier-listing effectute en 1983, et dont le solde a ttt
apurt par 1'Etaten 1985et 1986 (MRG, annexe 34).
26Voy. les deux bons de commande du 18juin 1986, MRG, annexes 30 et 31. Cette commande est confirmie
par la lettre 22 octobre 1986, adresste par le Cornrnissaire d'Etat aux Finances au Prtsident de la Regie
nationale des approvisionnements et imprimerieAPI D)MRG, annexe 36.
27Voy. la lettre22uoctobre 1986, adresste par le Cornmissaire d'Etat aux Finances au Prtsident de la RCgie
nationale des approvisionnements et imprimerie (ccRD)MRG, annexe 36.
2MRG, annexe 37.
2MRG, annexe 51.
3Ibid.financibresqu'a connues lepays depuis un certain nombre dYannCes ne lui ont cependantpas
permis de s'acquitterde cette dette. En application de lapratique suiviede manikreconstante
en la matikre,le montant dusolde impaykde cette crCancea CtCintCgrCdans la dettepublique
interieure du Congo. Ce dossier a, A ce titre, CtCconfiCA170fficede la Gestion de la Dette
Publique (OGEDEP)en vue de lui trouver une solution satisfaisante3'.LacrCancedYAfricom-
ZaYrea, de ce fait, CtCtraitke de la mCmemanibre que celle d'un grand nombre de sociCtCs
commerciales de droit congolais qui dCtiennentdes crkances certaines sur 1'Etatcongolais.
Ces sociCttsrestent gCnCralementen contact aveclYOGEDEPet font certifierrkgulibrement
leurs crCancesauprbs du ministbredes Finances et du Budget, ainsi que de ~'OGEDEP~~ L.e
cas de la sociCtCAfricom-Zaire est donc loin dYCtreisolC. En tout Ctatde cause, ce litige ne
porte que sur une somme modeste, et est le seul qui conceme directement lYEtatcongolais.
Les contentieuxqui ont opposC1es sociCtCscongolaises dont M .Diallo Ctait1e dirigeanA
leurs autres partenaires commerciaux ont, pour leurpart, revetu une ampleur beaucoup plus
significative.
31MRG,annexe 71.
32Annexe57, EPRDC.Section3. Le contentieuxd'Africontainers-Zaireavec laGECAMINES
1.11. Ainsi que 1a RCpubliquedkmocratiquedu Congo 1'aexposCplus haut, lesrelations
cornrnerciales d7Africontainers-Zaireavec la GECAMINES remontent A l'annke 1982. La
collaboration commerciale entre les deux entreprises a dkbutk sous de bons auspices.
Afncontainers-Zai're a certes adressk A quelques reprises aux responsables de la
GECAMINESdes courriers par lesquels les dirigeants de la societe transitaire sYinquiCtaient
de l'irnmobilisation prolongke deconteneurs dans les installations de la GECAMINES,de
leur inutilisation (et des problkmes de ((ch6mage ))qui en rksultaient pour Africontainers-
Zaire) ou de leur utilisation par la GECAMINES sans l'autorisation de la sociCtC
propri~taire33.Ces problkmes n'ont toutefois pas donne naissance a des litiges strieux, oA
des reclamations chiffrkes,dans un premier tempstout au moins. C e 1itige s'esttoutefois
aggravkpar la suite, entre autres en raisondes difficult& suscitkespar la fermeture, en 1986,
du port de Kinshasa et de l'allongement desdClaisde rotation des conteneursqui en a rksulte.
1.12. De nombreux coumers ont ainsi CtCkchangks entre Africontainers-ZaYreet la
GECAMINES au sujet des problkmes de ch8mage et d'utilisation abusive desconteneurs, et
des consCquencesfinancihes que ces situations impliquaient pour la sociktk tran~itaire~~.
Dans plusieurs de ses rkponses, la GECAMINESa report6 la responsabilitkde cette situation
sur certains autres opkrateursimpliquksdans ces activitks de transport, et aupremier chef sur
~'ONATRA~~L . e litige entre les deux partenaires s'est ensuite focalis6 sur trois points
essentiels. Le premier d'entre eux concerne la revendication quyAfiicontainers-Zaire a
formulCe en 1991 au sujet de huit de ses conteneurs, que la sociktk reprochait a la
GECAMINES d'avoir endommagks et rendus inuti~isables~~.Le deuxikme concernait le
diffkrendportant sur le ch6mage des conteneurs dyAfiicontainers-Zairedans les installations
de la GECAMINES, qui s'est aggravk et a donnC lieu, en juillet 1991, A une premikre
rtclamation chiffrkede la part de la sociktktransitaire, qui estimait laperte qu'elleavait subie
du fait de cette situatiiiun peu plus de 3 milliards de zaires 37. Le troisibme avait traitaux
allegations d'Africontainers-Zai'reaux termes desquelles la GECAMINES se serait rendue
responsable de graves manquements au contrat tripartitede 1983, en particulier en faisant
33Voy. e.a. MRG, annexes 19,20 et 25.
34Voy. e.a. MRG, annexes25, 88,90, 95.
35Voy. e.a. la lettre dela GECAMINESdu 5 avril 1990,MRG, annexe62.
36Voy. la lettre d7Africontainerdu 26juin 1991,MRG, annex87.
37Voy. la note dedtbit du 3juillet 1991,MRG, 88.exetransporter certains produits par d'autres partenaires cornmerciaux, dont les sociktks
pttrolikres parties a cette convention. SelonAfricontainers-Zai're,de tels agissementsttaient
contraires a une clause du contrat de 1983 qui, a ses dires, lui reconnaissait I'exclusivitkde
pareils transports3*.
1.13. En ce qui concerne le premier de ces dossiers,la GECAMINESa rapidementrepousse
les prktentions dYAfricontainers-ZaYre q,ui chiffrait lavaleur de remplacement des conteneurs
endommag6s a 17.000 dollars des Etats-Unis par unitk3'. Pour l'entreprise publique, au
contraire, la valeurd'un conteneur neuf se montait a l'kpoque 3.000dollars, et celle d'un
conteneur usag6 a 1.200 dollars, selon les informationsqu'elle avait obtenues a ce sujet de la
part d'un transporteur ktranger40. Aprbs avoir propost, dans un premier temps, de remettre
les huit conteneurs dYAfricontainers-ZaYreen ttat4', la GECAMINESa propost d'indemniser
la sociktktransitaire aconcurrencede 1.400dollarspar ~nitk~~.Ce montant correspondaita la
valeur d'un conteneur, telle qu'elle avait initialement kt6 dkclarke par Africontainers-Zai're
lors de la demande d'agrkment que la sociktkavait formulke auprksdes autoritksza~roises~~.
Cette proposition n'a pas kt6acceptte par Africontainers-ZaTre,et ce litige n'a pas kt6trancht
ce jour. I1en est all6 de m6me des deux autres dossiers susmentionnks, qui,meme s'ils
posskdent une origine distincte de celui qui vient d'stre tvoquk, ont kt6joints a ce dernier
dans lestentativesde rhglementdont ils ontultkrieurementfait l'objet.
1.14. Un certain nombre de discussions entre les deux parties ont en effetktk consacrees
depuis lors 21l'ensemble de ces litiges, sans pourautant parvenir, a ce jour, a un rkglement
dkfinitif. Des nkgociations ont ainsi ttk entarntes entre Africontainers-ZaYreet la
GECAMINES en 1995~~,et se sont poursuivies jusqu'i l'ktk 1997". Compte tenu de la
complexitk de l'affaire et du nombre d'autres transitaires qui avaient introduit des
rkclamations relativesa la perte de leurs conteneurs, laGECAMINESa d'ailleurscrtk en son
sein une commission spkcialechargke du rkglementdes litiges sur les conteneurs (CLC),en
date du 17janvier 1997.Les diffkrentesrtunions qui viennent dYi2tre tvoqukes ont permis de
38Voy. la lettredu 9 septembre 1991,MRG, annexe 95.
40Lettre du 26juin 1991,precitte, MRG, annexe87.
Lettre du 16juillet 1991,MRG, annexe90.
42Lettredu 7janvier 1992,MRG, annexe98.
Ibid;la deuxibme page de cette lettre, ouest formulte cette proposition, a ett reproduite par erreurau verso
de l'annexe 99, MRG.
43Ibid.
44Voy. le proces-verbalde la reunion tenue entre les parties le1"juin 1995, MR151.nnexe
45Voy. lesprocis-verbaux des 2 et 7juillet 1997,MRG, annexes 224et 226.faire un ktat plus prkcis de la situation, et ont conduit la socibtktransitaire a admettre que le
nombre de conteneurs sur lesquelsportait sa revendication ktait surkvalub. Ainsi, aucours de
la rbuniondu 2 j uillet 1997,Africontainers-Zairea admis que 7 des 2 0 conteneurs quyelle
avaitfait figurer surune note de dkbit de 1995lui avaienten fait dkji btkre~tituks~~.Le sort
de 6 autres conteneurs s'avkraitincertain, et Africontainers-Zas'ktaitengagbe,au cours de
lam5me skancede travail, faire des recherchespour identifier leur localisation avec plusde
prkcision47.La m&meincertitudepesait encoresur 12 conteneurs qui figuraientsur une autre
liste dresske par Africontainers-ZaYre,et qui portait sur un total de 28 c~nteneurs~~.
L'identification m5medu prbjudicerkellementsubi par 1a sociktbtransitaire s'avkraitainsi
problkmatique, et le bien-fond6 de ses prktentions financikres,rkclamkiititre de rbparation
de ce prkjudice, se rkvklait du m5me coup sujet A caution. Toutefois, en dkpit des progrks
accomplisau cours des nkgociationsdejuillet 1997,les discussions entreAfricontainers-ZaYre
et la GECAMINES se sont interrompues de faqon abrupte, alors qu'un rbglement ktait
vraisemblablement en vue.
1.15. La GECAMINES avait en effet klaborkun nouveau calendrier des travaux avec les
diffkrentes sociktks transitaires concemkes, envue de conclure un accord dkfinitif avec
chacune d'entre elles4'. C'est ainsi que des skances de travail ont kt6 programmkes du 29
septembre au 3 octobre 1997 entre la GECAMINESet la socikte Aficontainers-Zaire pour
rkgler de faqon dbfinitive le litige commercial quiles opposait. Le 26 septembre 1997, la
GECAMINESa donc adressk une invitation a la sociktkAfricontainers-Zaire, la conviana
prendre part a cette nouvelle skrie de sbances de travail. Cette invitation a ktk rkceptionnke
effectivement par Monsieur NYKanza,directeur administratif de la socibtb Africontainers-
Zaire, le 29 septembre 1997~'. Les reprksentants de la sociktk ont, dans un premier temps,
participki ces rkunionspuis s'en sont retirkessur instructiondeM. Diallo.
1.16. I1 est vrai que, peu avant cette invitation, la GECAMINES avait transmis 21
Africontainers-ZaYreune lettre de protestation contre les manoeuvresfrauduleuses auxquelles
avaient eu recours les agents dYAfhcontainers-Zaireau prkjudice de la GECAMINESet qui
4Ibid.
4Ibid.
4Ibid.
4Voy. annexes5 et 6, EPRDC.
Voy. annexe 7, EPRDC.venaient d'Etremises au jour5'. Ces manaeuvres,mises sur pied dans le courant des annkes
1980, et que la GECAMINESvenait de dkcowrir, consistaient ((introduire dans le lot des
containersexptdiks a Lubumbashi pour son compte )),plusieurs autres conteneurs qui ktaient
exptdiks dans la mEmeville par Afiicontainers-ZaYrepour d'autres sociktksde la place. Le
retoura vide a Kinshasa de ces conteneurs aurait coQtCenviron 1.000 dollars desEtats-Unis
par unit6 la sociktk Afiicontainers-ZaYre.En les incorporant fiauduleusement dans le lot
rkgulierdes conteneursexpkdiks ala GECAMINES,Afiicontainers-ZaYrefaisait payera celle-
ci le prix de leur retauKinshasa. Dans unpremier temps, la GECAMINESavaitrelevC186
cas de semblable utilisation frauduleuse et entendait poursuivre ses investigations plus en
avant5*. On peut supposer que cette pratique, suiviede longue date par Africontainers-ZaYre,
estpeut-Etre1'un des facteursqui explique qu'en dkpitde plusieursrn enacesen ce sensS3,
Ahcontainers-ZaYren 'aj amaisportk1e 1itige qui 1'opposait 1a GECAMINESdevant 1es
tribunaux zalrois. La Rkpublique dtmocratique du Congo reviendra sur ce point dans le
chapitre I11des prksentes kcritures, consacra l'exception dunon-Cpuisementdes recours
internes.
En tout ktat de cause, il s'est avkrk que les perspectives de rbglement dkfinitif
1.17.
qu'ouvraient les nkgociationsmentes en septembre 1997 se sont confirmCespour plusieurs
des sociktkstransitaires qui ont particapces rkunions.Ainsi, au cours de ce deuxibme tour
de nCgociations, la GECAMINES a trouvk une solution amiable avec les societts
Kincontainers, ATAF et FLUCOCO, qui ont rkcupkrkau total plusieurs centaines de milliers
de dollarsamkricains a l'issue de cesdiscussion^ D e^.aqon intkressante,les documents qui
consignent ces accords permettent de relever que ces sociCtksfacturaientla locationde leurs
conteneurs adestarifs qui ktaient de siA vingt fois moins Clevksque ceux pratiqukspar
~fricontainers-~aYre~~.
1.18. La complkte dtmesure des prktentions financibres Afiicontainers-ZaYre parait
d'ailleurs avoirjouk un r81enon nkgligeable dans le blocage de cet important dossier. En
effet, depuis la formulation de ses prktentions initiales,containers-ZaYrea, a plusieurs
reprises, actualiskses revendicationsen fonction dnombre de conteneurs qu'elle estimait
''LettrDAT/DIR/45.137/ du717septembre 1997,annexeEPRDC.
'Ibid.
53Voy. e.a. la somrnationd'huissier adresske a la Gila requtte d'Africontainers-Z5fkvrier
54Voy. annexe 9, 36-39, PRDC.immobilisks sur les installations de la GECAMINES, ou utilisks abusivement par cette
demiere. Africontainers-ZaYrea kgalement prktendu tenir compte de l'actualisation de ses
tarifs, ce qui l'a amen6 a formuler des revendications financieres de plus en plus
considkrables. Ainsi, alors que lasocietkchiffrait, en 1992, le prkjudice qu'elle avait subi du
fait de cette situatioa un montant total de plus de 30 millions de dollars des Etats-unisS6,
l'estimation de ce dommage etait passk, en 1996, a un total de plus de 14milliards de dollars,
soit davantage que l'ensemble de la dette extkrieure de la Rkpublique dkmocratique du
Congo 57. Lesnkgociationstenues en 1997 n 'ontp as dkbouchksur une rkkvaluation,p ar
Africontainers-ZaYred , esmontantsqu'elle estime lui Streduspar la GECAMINES.
1.19. Le bien-fond6 de la plupart de ces revendications a kt6 fermement contest6 par la
GECAMINESau cours des nkgociationsde 1997. La GECAMINESa, a cet effet, dkployk
une argumentationjuridique Claborke,aux termesde laquelle :
- le contrat tripartite de 1983 ne contenait aucune clause d'exclusivitk au profit
dYAfricontainers-ZaYr ;e
- la demande dYAfricontainers-ZaYr fondCesur l'utilisation abusive de ses conteneursktait
largement surkvaluke ;
- la demande dYAfiicontainers-ZaYrre elativeA la rkactualisationdes factures adresskesa la
GECAMINESktait difficilement concevable,dks lors que toutes ces factures avaientkt6
rkglkes par I'entreprise publique au momentoh elles avaient CtCpresentkes -pour les
premieres d'entre elles, douze ans avant la demande de rkactualisation prksentke par
Africontainers-ZaYre ;
-
le dblai pour introduire une reclamationktant de deux ans a compter du jour de la remise
des containers partiellement ou totalement avaries (article 27, section 2 du Code de
commerce), il y avait prescriptionde la rkclamation qui avait kt6introduite 10 ans apres
les faits.
" Ibidp., 29-39.
56Voy. le procks-verbalde la rCuniontenue entre les parties le1MRG,nannexe 151,p. 2.
20Cette position fermen'a pas empkchkl'entreprise d7Etatde reconnaitre qu'un certainnombre
de points demeuraient incontestablement en litige entre les deux sociktks,pour lesquels des
dkdommagementsseraient vraisemblablementdus a Africontainers-Zaire. Trois rkclamations,
se montant respectivement a 786.387,20 dollars (en raison de 17immobilisationde 28
conteneurs dans les installations de GECAMINES),523.852 dollars (en raison de la perte de
20 conteneurs) et 44.520,00 dollars (couvrant 6 factures de prestations impaykes par la
GECAMINES) entrent ainsi dans cette dernihe catkgorie. Le retrait des nkgociations par
Africontainers-Zaire en octobre 1997 n'a pas permis de clarifier la position des sociktks
concernkes au sujet de ces trois dernihes reclamations. En tout etat de cause, la
GECAMINES demeure a ce jour entikrement disposke a reprendre les nkgociations avec
Africontainers-Zaire sur cette base, voiresoumettre ce litige aux tribunaux congolaissi les
parties ne pouvaient s7accordersur un reglement satisfaisant.
1.20. Un klkmentimportant se dkgage une fois encore de cet exposk. Si M. Diallo a, dans
les faits, jouk un r81e extrkmement important dansla naissance, le dkveloppement et la
persistance de ces litiges, il a toujours agi au nom et pour le compte d'une sociktkcongolaise
posskdant une personnalitk juridique propre, la sociktk Africontainers-Zaire. Ce sont les
crkances de cette sociktkqu'il a, des 170rigine,prktendu recouvrer, et ce en vertu de contrats
conclus par cettemkme sociktk. C7estencore au nom d'Afncontainers-Zaire, et non en son
nom propre, qu'il a ensuite formulk des revendications financieres exorbitantes.
Juridiquement, le litige a toujours opposk,et oppose encore,deux sujets de droit zairois puis
congolais, Africontainers-Zaire et la GECAMJNES. Le mkme schkma se retrouve d7ailleurs
lorsqu70nenvisage le contentieuxentreAfricontainers-Zaireet 170NATRA.
'V oy. 1a sommation d 'huissier adi1a GECAMINES a la requEted 'Afiicontainers-Za5rftvrier
1996,MRG, annexe198.Section4. Le contentieuxd'Africontainers-ZaireavecI'ONATRA
1.21. Le diffkrend quis'est graduellementfaitjour entre Africontainers-ZaYreet lYONATRA
s'inscrit, lui aussi sur la meme toile de fond que le litige opposant la sociktktransilaire
GECAMINES. La fermetureprovisoire du portde Kinshasa, en 1986, constitue, ici aussi,le
point de dkpartde la dkgradationdes relations entreces deuxpartenaires commerciaux.
1.22.A la suite des problkmesde manutention que connaissaitlYONATRAau port fluvial de
Kinshasa et des travaux de rkarnknagement et de modernisation qui s'y dkroulaient, la
GECAMINESconvoqua une rkunion des sociktks transitairesconcernkespar cette situation.
Cette rkunion, qui s'esttenueaLubumbashi le 5 juillet 1986,regroupait les sociktksATAF,
Kincontainers, Flucoza, Mobil Oil et Africontainers-Zaire. Aucours de cette rencontre, la
GECAMINES informa les participants de la dkcision prise le 26 juin 1986 par la
GECAMINES, lYONATRAet la SNCZ (SociktkNationale des Chemins de fer du ZaYre),de
transfkrerdu port fluvial de Kinshasa vers le port maritime de Matadi toutes les opkrationsde
dkpotage(ouverture) des conteneurs locaux a cause des travaux de reconstruction du portde
~inshasa~'. Tous les transitaires prksents, y compris Afiicontainers-ZaYre,ont compris et
accept6le bien-fond6de cette dkcisiondont lestermes ont etkconsignksdans leprocks-verbal
de la rkunion du 5juillet 1986. L'ensemble dessociktkstransitaires avaient fait remarquar
cette occasion qu'elles se verraient dans l'obligationde faire paylYONATRAce qu'elles
appelaient le (chamage ou le skjour prolongk ))de leurs conteneurs au port maritime de
Matadi. Dans le cadre de ces mesures temporaires, 1'ONATRA s'ktait donc engagk a
rkexpedierle plus vite possible les conteneursvidaKinshasa, aprksleur dkpotageauport de
Matadi,en vue de rkpondre aux craintesexprimkes par les sociktkstransitaires sur cepoint.
1.23 Mais, une annke seulement aprks le dkbut decette opkration,Africontainers-ZaYrfit
la seule sociktAintroduire une rkclamationauprksde lYONATRApour <<ch6mage et skjour
prolongk de ses containers au port de Matadi )?9. Afncontainers-Zaire prockdant
unilatkralement au calcul du prkjudice qu'elle estimait avoir subi de ce fait, et a la
rkactualisationpermanente des chiffres sur la base d'un tauxd'intkrets de%20par mois de
5MRG,Annexe32.
5Voy.par exempleI'annexe17,EPRDC.retard, 1a sommeque 1a societk rkclamait A 1'ONATRAa titre de rkparationestpasskede
7.541.600 zairesen aoQt1987a 6.980.254.068zaires en avril 1990~'.
1.24. Aprks avoir examink la rkclamation dYAfricontainers-Zaire,lYONATRAproposa a la
sociktCtransitairede parvenira un rkglementamiable du 1itige. A 1'issue denkgociations
entre les deux parties, il fut convenu que lYONATRAverserait A Africontainers-Zaire une
indemnitkforfaitairede 150millions de zaires (soit l'kquivalenta l'kpoquede 254.360dollars
des Etats-Unis), en trois mensualitks. Cet arrangement a kt6 consign6 dans un acte
transactionnel sign6 par les deux parties le 6 juin 1990 pour mettre un terme au litige6'.
L'ONATRA respecta ses engagements en versant a Africontainers-Zaire la totalitk du
montant de la transaction.
1.25. Cette transaction fut cependantremise en cause par Africontainers-Zaire peude temps
aprks. Par une lettre du 12 octobre 1990, la sociktk transitaire dknonqait la transaction
intervenue quelques mois plus t8t et introduisait une nouvelle rkclamation auprks de
lYONATRA,pour une some de plus de 42 milliards de zairesb2. Africontainers-ZaYre
justifiait cette dkmarchepar le fait que lYONATRAavait dissimulk l'utilisation abusive d'un
certain nombre de conteneurs appartenanta la sociktktransitaire (alors que la transactionne
portait, selon Afncontainers-Zayre,que sur le ch8mage des conteneurs), et que le nombre de
conteneurs concernks avait etk nettement sous-estimk. Ces prktentions ont kt6 fermement
rejetkes par l'entreprise publique, qui a entre autres fait valoir qu'il ktait clair que la
transaction de juin 1990 couvrait itla fois les situations de ch8mage etd'utilisation abusive
des conteneurs d'Africontainers-Zayrepar ~'oNATRA~~.Comme l'exposaitcette dernikre,en
effet, la lettre par laquelle Africontainers-Zaire rappelaitsa rkclamation mentionnait comme
objet le (ch8mage et l'utilisation abusive>)des conteneursde la sociktk. Or, le procks-verbal
de la transaction indiquaitprkciskmentque les parties s'ktaientrkunies(<aux fins d'examiner
le dossier relatif au litige tel que repris dans la lettre Africontainers-Zaire S.P.R.L. no
027lAFC190du 26 avril 1990 D. L'objet de la rkunionne pouvait, a l'kvidence,faire de doute
pour ceux qui y ont participk A 1'epoque. La remise en cause,sur cettebase, de 1'accord
intervenu entre 1es deuxparties enj uin 1990 apparaissait donc manifestementmanquerde
60Annexes 18et 19EPRDC.
61MRG, annexe 69.
62MRG, annexe72.
63Annexe22, EPRDC.fondement. L'ONATRA adks lors fermement maintenu par la suite la fin de non-recevoir
qu'elle avait initialementpposte acette nouvellerevendicati01-1~~.
1.26. Ceci n'a pas empecht Africontainers-Zaire de maintenir, dans ce dossier, les
pretentions financikres considtrables formulees en octobre 1990. Cette rtclamation s'est
d'ailleurs parfois accompagnke de revendications plus surprenantes encore, qui tkmoignent
assez bien de la vkritable personnalitt de M. Diallo. Ainsi, dans une lettre adresske a
1'ONATRAenjuillet 1992,Ahcontainers-Zaire -par la plume de M. Diallo- faisait valoir
que
<c..nous somrnes les pionniers de l'instauration de la conteneurisation localeau
Zaire et [...I1'ONATRAdevrait nous rktribuer le droit d'auteur compte tenu des
avantagesdece mode de transport et dubtntfice que vous en aveztirk ))65.
Cette revendication apparaissait sansnu1doutejustifite par le fait que, comme l'avait dtji
exposeAfricontainers-Zaireun anplus t8t,
<<...notre societka rendu d'imrnensesservices a lYONATRAet a l'humanitkgrice au
genie de son Prksident-DirecteurGknkralMr. Diallo ))66.
I1est vrai que ces prttentions n'ont jamais ttk chiffrkes, Ahcontainers-Zafre se contentant
d'observer a ce propos que <<[1IyONATRAcomme tous les bknkficiairesde son gknie, [...]
doivent de sinckresremerciements >)aM.~iallo~~.
1.27. Un second litige, d'ampleurnettement plus limitke, est venu se greffer surce premier
contentieux. I1trouve son origine dansla perte de deux conteneurs dYAfricontainers-Zaire par
lYONATRA,ces deux conteneursktant tombks dans le fleuve Zafre en dtcembre 1988, alors
que 1'ONATRAen assurait le transport68.L'ONATRAn'a jamaisrernisen cause le principe
de sa responsabilitkdans cet incident,mais lesdeux parties n'ontpu arriver as'accorder surle
montant diia Africontainers-ZaYre atitre de rkparation,les pretentions de la sociktktransitaire
ayant kt6jugkes excessives par l'entreprisepublique69. En effet, alors que cette dernikre
proposait le remplacement des deux conteneurs,ainsi qu'une indemnitCde 18'9millions de
6Annexe 22, EPRDC.
6Annexe 29, EPRDC.
6Annexe 30, EPRDC.
6Ibid.
6Voy. la leme adressee a ce propos parAfricontainers-Zai'rea I'ONATRA,en date du 10mai 1990, annexe31,
EPRDC.
6Voy. e.a. le procks-verbalde lartun13nmars 1991entre les deux parties, annexe 24, EPRDC.zai'res destinee a couvrir le manque a gagner rksultant, pour la societt transitaire, de
l'indisponibilitt des conteneurs, Afncontainers-Zai'rerkclamait pour sa part plus de deux
milliards de zai'resd'indemnitice titre70. L'application d'untaux d'intkrEtscommerciaux
de septante-cinq (75)% par an sur l'indemnitk de ch8mage expliquait l'importance de la
sornmedemandbe". En dkpit de diverses dtmarches ultkrieureseffectukespar IONATRA, et
de la formulationpar cette dernikred'autres propositionsde rkglement7',le litigedemeurenon
rkglt A ce jour, Ahcontainers-Zaire n'ayant jamais rkpondu aux dernikres propositions
formultes par 1'ONATRAen dtcembre 1992.
1.28. Tout comrne l'a fait la GECAMINES, 170NATRAa toujours trait6 les rkclarnations
formultes par Africontainers-Zai'reavec skrieux et professionnalisme. Les nombreuses
tentatives de rkglement auxquellesl'entreprise publique arockdt en vue d'arriver a une
solution des litiges qui l'opposaientA Afiicontainers-Zai'reen tkmoignent. De mEme,
1'ONATRAn'a pas htsitk a diligenter des inspections internes afinde vkrifier le bien-fond6
des reclamations formulkes par Afiicontainers-Zaire. On peut entre autres mentionnarce
titre la mission effectuee par ses servicMatadi en octobre et en novembre 1989,afin de
vkrifier la situation des conteneurs surle terrain et l'ampleur des irrtgularitts k~entuelles~~.
Ces klkmentsttmoignent d'une gestionde bonne foi de ces dossiers de la part de I'ONATRA,
et certainement pas d'une politique de blocage ou d'opposition systtmatique face aux
rkclamations d'Afncontainers-Zaii-e. La meilleure preuve en est que, lorsque ces
revendicationsktaienteffectivementfondkes,elles ont donnk lieunon seulement l'admission
de sa responsabilitk de la part de l'entreprise publique,s kgalement a des rkparations
financikes significatives.
1.29. Ce sont peut-Etre ces facteurs qui expliquent que, comme a l'kgard de la
GECAMINES, Africontainers-Zairen'ait jamais saisi les tribunaux zairoisd'une quelconque
rkclamationa l'encontrede 1'ONATRA. Cinq ans s'ktaient pourtanttcoults entre le moment
oh l'entreprise publique a confirm6 son refus dtfinitif des prktentions fomulkes par
Africontainers-Zairedans le premier des dossiers dttaillks dans les pages quiprtckdent, et le
jour oii M. Diallo a ttk contraint de quitter le territoire zai'rois. Ces klkmentsde fait seront
repns lorsque sera exposte l'exceptiondu non-kpuisementdes voies de recours internes,dans
7Ibid.
7Annexe 23, EPRDC.
7Voy. e.a. les annexes 25, 26 et 32.le chapitre I11des prksentes kcritures. Quant au dkfautde qualitkpour agir de la Rkpublique
de Guinke (qui sera dkmontrk dans le chapitre 11),il sera fondk sur la circonstance que,
comrne pour les autres litiges qui sont exposks, celui-cia oppose, et oppose toujours, deux
sujets de droitszayroispuis congolais, Africontainers-ZaYreet I'ONATRA. Ici encore, les
prttentions, revendications et rkclamations ont kt6 formulkes au nom et pour le compte
d7Africontainers-Zalre, en tant que personne morale titulaire de crkances et de droits
contractuels propres.
73Voy. lrapport demissionannexe15,EPRDC.
26Section5. Le contentieuxd'Africontainers-Zaireavec lasociCtC Fina
1.30. A l'instar du contentieux entre 170NATRAet Africontainers-ZaYre,celui qui oppose
cette sociktka la sociktkFina recouvre deux litiges distincts. Ces deux litiges trouvent leur
origine, pour le premier, dans la perte,par la sociktkFina, de deux conteneurs appartenanta
Ahcontainers-ZaYreet,pour le second,dans l'applicationdu contrattripartite de 1983.
1.31. Le 14 mars 1987, sept conteneurs confikspar les sociktks transitaires Trans-Tshikem
et Africontainers-ZaYra ZaYreFina tombent dans 1e fleuve Congosur 1e trajet Kinshasa -
Lubumbashi. Cinq de ces conteneurs appartenaienta la premikre de ces sociktks,deux ala
seconde. La sociktkFina a reconnusa responsabilitkdans cet incident, et s'estengagke a
indemniser les deux sociktks transitaires pour laperte qu'elles avaientsubie a cette occasion.
En vertu de la police d'assurancecontractkepar Fina pour couvrir ce type de sinistre, c'est la
SociktkNationale d7Assurance(SONAS) qui a versk une indemnitk destinke compenser la
perte subie par les deux sociktkstransitaires. La sociktkTrans-Tshikem a accept6le paiement
proposk.
1.32. Le 30 juin 1990, Fina a mis a la disposition d7Africontainers-ZaYre la somme de
684.310 zaires qui lui avaitkt6verskepar la SONAS atitre d7indemnisationpour la perte des
deux conteneurs.Dans un premier temps, Africontainers-ZaYrea jug6 insuffisante la somme
proposke et a refusk de l'encaisser. Ce n7estqu7une annkeplus tard, le 16 avril 1991,que la
sociktkAfricontainers-ZaYrea finalementencaisskce montant au greffe du Tribunalde grande
instance de Kinshasa-Gombe oh Fina l'avait dkposk dans le cadre de la prockdure de
consignation applicableenpareilles circonstances.
1.33. Pourtant, aprks avoir encaisskla somme offerte a titre de rkparation, Africontainers-
ZaYrea intentk, le 10 mars 1993, une action judiciaire contre Fina devant le Tribunal de
grande instance de Kinshasa-Gombe et rkclamk1e paiement d7unesomme Cquivalente a la
valeur de remplacement des deuxconteneursperdus, ainsi que des dornrnageset intkrsts pour
le prkjudice subiila suite de cet incident. Par sonjugement du 12aoQt1993, le Tribunal a
condamnt Fina a payer la sociktkdemanderesseune somme totale de 38 millions de dollars
des Etats-Unis a titre de r~~aration~~.Fina a intejetk appel contre cette dkcision, et la Cour
7Annexe 53, EPRDC.d'appel de Kinshasa-Gombe a, par son arret du 24 fkvrier 1994, annul6 le jugement de
premikre instance et declark irrecevable l'action dY~fricontainers-zaYre7'.La demanderesse
initiale a, son tour, form6 un pourvoi en cassation contre la dkcisiond'appel, en date du 23
fkvrier 1995.La cause demeure ce jour pendante devant la Cour Supreme de Justice du
~on~o~~. Cette affaire n'a pas connu d'autres dkveloppements depuislors, BI'exceptiondu
dtpbt, par 1e Ministkre public prks 1a Cour, de conclusionsfavorables a 1a cassationde 1a
dkcisiond'appel (et donc Alareouverturedes dkbatsau fond), en 1995'~.
1.34. Le second litige qui oppose Africontainers-ZaYreAla socikteFina trouve, quantBlui,
son origine dans l'application et l'interprktation du contrat tripartite de 1983. Comme a
l'encontre de la GECAMINES, Africontainers-ZaYrearticule a cet egard plusieurs griefs
contre Fina, lui reprochant entre autresde ne pas avoir respect6 la clause d'exclusivitk qui,
selon la socittk transitaire, figurait dans la con~ention~~.Africontainers-ZaYreentendait
kgalement prockderBla rkactualisation des tarifspratiqukspour la locationde ses conteneurs
par Fina. La sociktktransitaire chiffrait lprkjudice qu'elle avait subide ce fait a plus de 14
millions de dollars des ~tats-unis7'. Les prktentions dYAhcontainers-ZaYreont toutes deux
kterejetkespar Fina, aumotif que le contratde 1983ne contenait aucuneclaused'exclusivitk,
et qu'il ne pouvait etre question de prockder a une rkactualisation a posteriovi des tarifs
pratiqukspar Africontainers-ZaYre,alors que Fina avait depuis longtemps acquittkl'ensemble
des factures que la sociktk transitaire lui avait adresskes dans le cadre de leurs relations
commerciales80.De plus, Fina avait eu l'occasionde rappeler plus tbt que cYWaia tu contraire
Africontainers-ZaYrequi n'avait pas kt6 en mesure, a diverses reprises, de fournir les
prestations requisespar le contrat de 1983 ;Fina avait alors invitk la sociktk transitaira
reprendre contact avec elle s'il apparaissait possibla Aficontainers-ZaYrede reprendre ses
activites dans le cadre du contrat8'. Ici encore, ce comportement dknote indkniablementune
bonne foi manifeste dans le chef de la sociktk pktrolikre. Si elle refuse fermement les
prktentions d'Aficontainers-ZaYre qu'elle juge infondkes, elle n'envisage nullement de
reprocher a la socikte transitaire ses propres manquements dans l'exkcution du contrat de
1983, et l'invite au contraire a reprendre leursrelations commerciales dks quYAfricontainers-
76nnexe 54, EPRDC.
Voy. la lettre du Greffieren chef de la Cour supr&mede Justice, annexe 55, EPRDC.
78RG, annexe 149.
Voy. e.a. l'ichange de courrier entre Fina et l'avocatd'Africon,nnexes 48et 49, EPRDC.
7Ibid.
Voy. la lettre du 9 fivrier 1993, annexe 49, EPRDC. Ce courrier rappelleles positions diji exprimies
antirieurement par Fina sur ces deux points(voy. en ce sens la lettre du 15mai 1992, annexe 50, EPRDC).Zayrel'estimera possible. L'onse trouve donc bien loin, une fois encore, d'une politique de
blocage et d'opposition systkmatiques l'encontre des sociktkszalroises dont M. Diallo Ctait
le dirigeant.
1.35. Aprks plus de deux ans et demi de silence sur ce litige, Afiicontainers-Zayre a
renouvelkses revendications Al'kgardde Fina en novembre 1995. C'est en effet Acette date
que la sociCtktransitaire a transmis a Fina des notes de dkbitpour un montant totalde plus de
deux milliards six cent millions (2'6 milliards) de dollars des ~tats-uniss2. C'est, une
nouvelle fois,p ar1'applicationde taux d 'intkretsbancairesexorbitants (cestaux sont ainsi
fixts a 350 % pour l'annte 1993,et a 422 % pour l'annbe 1994.. .)83,que ces montants sont
atteints, alors que la crkance initiale'Africontainers-ZaTreprktend dttenir a l'encontre de
Fina ne se monte, d'aprksles chiffresprtsentts par la sociktCelle-meme,qu'a unpeu plus de
323.000 dollarss4 . Ces prktentions ont a nouveau kt6 fermement repousskespar l'avocat de
Fina, en date du 16novembre 1995~~.
1.36. Ce second volet du contentieux quioppose Africontainers-ZaYrea la sociktkFina n'a
jamais CtCsoumis aux tribunauxzaYrois,et n'a pas fait l'objet d'autres dkveloppements Ace
jour. La RCpubliquedkmocratique du Congoreviendra sur ce fait lorsqu'elledCmontreraque
les voies de recours internes n'ont pastt CpuisCes(chapitre 111).Elle relkve aussi que,une
fois encore, c'est Ahcontainers-ZaYre en tant que personne morale distincte, detentrice de
droits contractuelspropres, quis'est positionnkedans le cadre de ce litige, ce qui ne fera que
confirmerla base factuellepermettantde dCniera la RCpubliquede GuinCela qualitkpour agir
dans laprksente espkce (chapitre11).
" Voy. la lettre du 14 avril 1992,annexe 51, EPRDC.
82MRG, annexe 182.
s3Ibidp.2 de la note de dtbit.
84Ibidpp. 1et7de la note de dtbit.
Annexe52,EPRDC.Section6.Le contentieuxd'Africontainers-ZaYre avec la sociktkShell
1.37. Le litigequi oppose Ahcontainers-ZaYre a la sociktkShell trouve, lui aussi,sa source
dans le contrat tripartite de 1983. Pendantde longues annkes, toutefois, l'exkcutionde cette
convention n'a soulevk aucune difficult6 entre ces deux partenaires commerciaux. Ce n'est
qu'enmai 1992que, de faqonabrupte,Ahcontainers-Zaire a formulkdiverses rkclamations
l'encontre de la sociktkpktrolikre86. La sociktktransitaire reprochait aiAsShell la rupture
abusive des contrats de 1981 et de 1983 et lui rkclamait le paiement de la somme de 10
millions de dollars des Etats-Unis, a titre d'indemnitk pour rupture des contrats et de
1.758.750 dollars a titre d'indemnitk pour concurrence dkloyales7. Ces prktentions ont
rapidement ete rejetkespar Shell qui a fait valoir, a I'instar des autres parties au contrat,que
celui-cine contenaitaucune claused'exclusivitken faveur dY~fiicontainers-zayreS8.
1.38. Ce n'est toutefois que deux ans et demi plus tard, au dkbut de l'annke 1995,
quYAfiicontainers-ZaYrd ekcide de porter ce litige devant lestribunaux, en demandanta titre
principal que Shell soit condamnee a lui verser un peu plus de 13 millions de dollars
amkricainspour la rupture des contratsde 1981et 1983,ainsi que 10millionsde dollars a titre
de dommages et intkrsts. Le Tribunal de grande instance de Kinshasa-Gombe afait droit a la
premikre de ces prktentions, dans sonjugement du 3 juillet 1995, par lequel il a kgalement
condamnk la sociktk dkfenderesse au paiement de 50.000 dollars a Africontainers-Zaire, au
titre de dornrnageset intkr6tsg9.I1a kgalementordonne H l'exkcutionprovisoire du jugement
nonobstant tous recours et sans caution uniquement ence qui concerne la somme principale
de 13.106.704,39$US ))90.
1.39. Le Tribunal a, pour l'essentiel,fond6 sa decision sur le fait queccla crtance [etait]
certaine et a kt6vkrifike et reconnue parla dkfenderesseD~'.Or, Shell a toujours contest6le
caractkre certain de lacreance en cause, et ne l'a assurkmentjamais reconnue. En realitk,
c'est sur la base d'une pikce comptable prksentkepar Afiicontainers-Zaire que la juridiction
saisie a atteint cette conclusion. I1s'agissait,en l'occurrence,d'un documentprovenantde la
firme d'audit Coopers & Lybrand, chargee par la sociktk Shell de vkrifier ses comptes pour
86
Voy. la lettre adresste a Shellpar Africontainers-Za'ireen datedu 25 mai 1992,annexe 59,EPRDC.
88Ibid.
Voy. lalettre adresste par Shella Africontainers-Za'ireen date du 17juillet 1992,Annexe 60, EPRDC.
90Ibid., troisikmefeuilletdujugement.l'annke 1993. Dans ce cadre, la sociktkpktrolibrea adressk, endate du 28 fkvrier 1994,une
lettre circulaire tous ses fournisseurs et autres prestataires de services dans laquelle elle
demandait,comme d'habitude, a chacun d'entre eux de contacter la firme d'audit, en vuede
confirmer l'existencede crkances kventuellesa I'Cgardde La sociktkAfricontainers-
Zaire a donc rep cette lettre, comme l'ensemble des autres fournisseurset prestataires de
services de Profitant de l'occasion quilui ktait ainsi offerte, Afiicontainers-Zaii-ea
renvoykle document en cause le 15 mars 1994 a Coopers & Lybrand, en y faisant figurer,a
c6tk de crkances mineures reconnues par Shell, et totalisant 540,59 dollars, une crkance
fictivea l'encontre de la sociktk pktrolihe, pour un montant de 13.106.704,39dollars des
~tats-~nis~~. I1 s'agit donc la d'une pretention purement unilatbale, qui, du fait de sa
consignationdans un documentde la firme d'audit, a malencontreusementktkconsidkrkepar
le Tribunal de grande instance de Kinshasa-Gombe comme ayant kt6 admise par la sociktk
Shell.
1.40. En dkpit des incertitudes qui entouraientcette dkcision--ou peut-ctre, prkciskmentA
causede celles-ci-, Afhcontainers-ZaYrea alors entreprisde prockder a l'exkcutionforckedu
jugement. Shell a cependanttent6 de s'opposer cette dCmarche,en introduisant devant la
Cour d'appelde Kinshasa-Gombeune assignation en dkfense d'exkcution, en vue d'obtenirde
la Courl'annulationde la dkcisiond'exkcutionprovisoire dujugement de premibre instance9'.
Dans 1e m$metemps, Shell a interjetkappel de 1a dkcisiondepremibreinstance dans son
ensemble96. Par son arrCtdu 24 aofit 1995, la Cour d'appel de Kinshasa-Gombe a toutefois
rejetk la requcte de Shell relativa l'exkcutionprovisoire, en raison du fait que l'appelante
n'avait pas produit((une expkdition pour appelou la copie signifikeou certifikeconforme du
jugement entrepris ,?'. Shell s'est alors pourvue en cassationa l'encontre de cette dtcision
devantla Cour suprEmede ~ustice~*.
1.41. Ces prockduresne faisantpas obstacle a l'exkcutionprovisoire dujugement, celle-ci a
alors kt6 entamke par Afiicontainers-Zayre. Une signification du jugement de premike
Ibid.
'Amexe 61, EPRDC.
9Annexe 62, EPRDC.
9Ibid.
'Amexe 66, EPRDC.
9Amexe 63, EPRDC.
'Voy. ledispositde l'arrCt,annexe 65,EPRDC.
Annexe 67,EPRDC.instance a ainsi ktk effectuke a Shell par huissier endate du 29 aoQt1995~~.Un huissier a
commenck a prockder a une saisie-exkcutionsur les biens de la socikteShell le 13septembre
1995. Cette saisie-extcution a nkanmoins ktkinterrompuepar l'interventiontklkphoniquedu
vice-ministre de la Justice, intimant l'ordre a l'huissier de (laisser les choses dans leur
ttat ))'OO. a proctdure a repris son cours peu de temps aprks, le ministre de la Justice ayant
invitkle premierprtsident de la Cour d'appelde Kinshasa-Gombe a ((prendre les dispositions
utiles pour exkcuter [la] dkcision judiciaire ))par laquelle la Cour d'appel avait rejetk la
requ6te de Shell visant a suspendre l'exkcution provisoire du jugement de premikre
instancelo'. Le ministre faisait valoir, Al'appui de cette demande, le fait qu(aprb examen
de lYarr6tR.C.A. 18.307 du 24 aoClt1995de la Cour d'appel de Kinshasa/Gombe,il s'avkre
qu'il n'y a eu aucun ma1jug6 manifeste ))dans le cadre de la prockdure de la dtfense
d'extcution '02. Parallklement au blocage des comptes bancaires de la sociktk un
certain nombrede ses biens ont Cttsaisispeu de temps aprks,come en ttmoigne entreautres
un procbs-verbalde saisie-exkcution du 6 octobre 19951°4.
1.42. La prockdureau fond en appel -qui, quant elle, n'a jamais ktk concernke par la
proctdure d'exkcution provisoire du jugement rendu en premikre instance- a depuis lors
connu un nouveau dkveloppement aveclYarr6t rendu par la Cour d'appelde Kinshasa-Gombe,
en date du 20 juin 2002'~~. Cet arr6t met ii nkant le jugement de premikre instance, et
condamne Shell apayer aAfricontainers-ZaYre les sommesde 540'59dollarsdes Etats-Unis, a
titre de crkanceprincipale, et de 1.000 dollars, a titre de dornmages et interets. La Cour a
ainsi kcartk les prktention dyAfricontainers-ZaYrerelatives aux violations du contrat de 1983
dont se serait rendue responsable la sociktkShell, tout en reconnaissantl'existence de dettes
mineures dont Shell demeurait redevable a l'kgard de la sociktk transitaire. A ce jour,
Africontainers-ZaYre n'a pasrkagi acette dtcisionde justice.
1.43. Enfin, come elle l'avait fait avec Fina, Afiicontainers-ZaYrea, en date du 29
septembre 1995,adresst aShell une note de dkbit relativea la rtgularisation des facturesqui
99MRG, annexe 167.
loVoy. le rapport d'exkcution dela saisie, MRG, annexe 171.
lo'Lettre du 28 septembre 1995,MRG,annexe 177.
'0Ibid.
10Comme en atteste la notede synthesedu 11octobre 1995,annexe72, EPRDC.
'0MRG, annexe 179.
'0Annexe 64,EPRDC.avaient CtCadresskes la sociktepttroliere entre 1982 et 19901°6.Le procCdCet le mode de
calculdes montantsqu7Africontainers-Zaireestime 1ui -5tre dus par Shell sont identiquesa
ceux utilisCsdans la note envoyCea la sociCtCFina. Une fois encore, l'application desmemes
taux d7intCr2tsexorbitants conduitAfricontainers-ZaYrearkclamera Shellun montant totalde
plus de 1'8 milliard de dollars des ~tats-unis'07, alors que la crtance initiale
qu7Ahcontainers-ZaYreprktend detenir a l'encontre de la sociCtCpetroliere ne se monte,
d'apres les chiffies prtsentks par Afiicontainers-ZaYreelle-meme, qu7a un peu plus de
277.000 dollars'08.
1.44. Cette dernikre reclamation, que Shell n'a Cvidemmentpas accueillie, n'a jamais etC
portke enjustice par Africontainers-ZaYre.La RCpubliquedkmocratique du Congo reviendra
sur ce point dans le cadre du chapitre I11des prksentes Ccritures. Elle s'appuiera Cgalement,
en ce qui concernele problkmejuridique de la qualitkpour agir (chapitre11),sur le fait que le
demandeur est, ici encore, Africontainers-ZaYre,oit une personne morale de droit congolais,
et non M. Diallo agissantatitre individuel et sur labase de droitspropres.
IoMRG, annexe178.
loIbid.
loIbid ,p.1et7 de la note de dCbit.Section 7. Le contentieuxd'Africontainers-Zalreavec lasociCtC Mobil Oil
1.45. Le contentieux qui oppose Ahcontainers-ZaYre a la societk pktrolikre Mobil Oil
s'inscrit dans le droit de ceux qui viennentd7Ctrekvoquesdans les pages qui prkckdent. Ici
encore, c'est l'application du contrat tripartite de 1983 qui est mise en cause par
Afncontainers-ZaYre,dans une lettre adresskeala sociktkpktrolikre le 24 avril 1992'09. La
rkclamation prksentke parAfricontainers-ZaYrportait sur un montant de plus de 13millions
de dollars des Etats-Unis,demandksBtitre de rkparationpour les dommages qu'auraitsubis la
sociktk transitaiAela suite de la mkconnaissance,par Mobil Oil, des obligationsdkcoulant
des contrats conclus par les deux sociktksen 1980et en 1983. Mobil a immkdiatementrejetk
ces prktentions, en faisant entre autres valoir que le contrat de 1980 avait kt6 rksilit et
remplack parl'accord tripartitede 1983,et que la premikrede ces conventions nepouvait dks
lors constituer la base d'une quelconque rkclamationm. La sociktk pktrolikre faisait
remarquer, par la mcme occasion que l'inexkcutiondu contrat de 1983,qui avait kt6observke
depuis quelque temps, ktait due au fait que les services d'Africontainers-ZaYrene
fonctionnaient plusde manikrerkgulikre,etn'ktait en rien imputab2~obil"'. Enfin,Mobil
notifiait kgalementa Africontainers-ZaYrela rksiliation du contrat de 1983, moyennant un
preavis de 10jours, conformkment aux clausesde la on vent ion"^.
1.46. A l'exceptiond'une lettre adresstA la socikteMobil le 29 mai 1992,par laquelleelle
complktait ses r~clamations"~, Afiicontainers-ZaYrene s'est plus adresste a la sociktk
petrolikrejusqu'a la fin de l'annke 1995, et n'a jamais rkpondu aux arguments avanckspar
cette dernikrepour fairepikcA sesprktentions. Audkbutdu mois de novembre 1995,comme
elle l'avait fait avec les deux autres sociktks pktrolikres parties au contrat de 1983,
Africontainers-ZaYrea adresskaMobil Oil unenote de dkbit globale,pour un montant totalde
prks de 1,7milliard de dollars des ~tats-unisH4. Ici encore, les memes causes ont produit les
mCmes effets, et c'est l'application de taux d'intkrzts exorbitants qui ont fait paasla
sornrne susmentionnke une crkanceque la societe transitaire prktendaitdktenir sur Mobil, et
qu'Afiicontainers-ZaYrechiffrait initialement Bun peu plus de 253.000 dolla."5. Mobil
loAnnexe40, EPRDC.
11Voy. la lettredu 12mai 1992, annexe 42, EPRDC.
'IIbid
'IIbid
'IAnnexe 43EPRDC.
MRG, annexe 183.
"'Ibid.Oil a, une nouvelle fois, rejetk fermement ces prktentions par une lettre du 23 novembre
1995116.
1.47. En dkpit de la fin de non-recevoir qui lui a kt6 opposke de faqon trks claire,
Afiicontainers-Zai'ren'a jamais saisi les tribunaux zai'roisde ce litige, ce qui sera un klkment
de fait supplkmentaire aprendre en compte pourattester du dkfautd'kpuisementdes voies de
recours internes en l'espkce (chapitre 111). En tout ktat de cause, c'est une fois encore la
societk congolaise Afiicontainers-Zai're,et non M. Diallo en tant que tel, qui est partie a ce
litige particulier, ce qui ne fera que confirmerle d6fautde qualit6pour agirde la Rkpublique
de Guinke.
'IAnnexe 44, EPRDC ;voy. aussila lettre adressie pariMla FidCrationdes entreprisesdu Congo en date
du 28 juin 1999,dans laquelle lasociCtipktrolibreAnouveau les raisons pour lesquelles lesprttentions
d'AfYicontainers-Za'irseont dipourvues de fondement(Annexe45, EPRDC).Section8. Le contentieuxd'Africom-Zaireavecla sociCtC PLZ
1.48. Contrairement la quasi-totalitk des litiges qui ont ktk exposks dans les pages qui
prkckdent,le diffkrendqui oppose Africom-Zaire a la sociktkPlantations Lever au Zaire (ci-
aprks ((PLZ) ne s'inscrit pas dans le cadre du contrat tripartite de 1983 et des contentieux
auxquels son exkcutiona donnk lieu. Ce diffkrendtrouve son origine dans le contrat de bail
qui a kt6conclu le lernovembre 1975 entreles deux parties,par lequel la sociktePLZ louait
l'un desappartements dont elle ktait propriktaire a Africom-Zalre,qui mettait cebien a 1a
disposition de son directeur,M. Diallo. A partir de 1991,Afiicom-Zalre a arrttk de verser les
loyers dus a la sociktkPLZ. En dkpitdes mises en demeure qui lui ont kt6adresskes,Afiicom-
Zaire a persist6 dans son refus de payer les loyers rkclamks, arguantdu fait que la sociktk
propriktaire du bien appliquait en l'occurrence les tarifs de location applicables aux
appartementsmeublks, alorsque celui mis Ala disposition de M. Diallo, en tant que directeur
de sociktk,ne l'ktait pas.
1.49. ConfrontkeAce dkfautde paiement persistant, lasociktkPLZ s'est rksolue Brksilierle
bail a compter du 30 avril 1992,et a saisir le Tribunalde grande instance de Kinshasa-Gombe
a la fin de la meme annke pour obtenir le dkguerpissementdes lieux de la sociktkAfricom-
ZaYreet le paiement des loyers deja kchus, dont le montant s7klevaitau 19novembre 1992 B
32.964 dollars des Etats-Unis. Pour sa part, Afncom-Zaire a introduit une demande
reconventionnelle lY6gardde la soci6tk PLZ et sollicit6 du Tribunal la condamnation de
celle-cia luipayer une somrnede plus de 32 millions de dollars, qui ktaitcenske reprksenterle
<(trop perqu de loyer mensuel pendant 17 ans ktant donnkquYAfricom-Zaire payait comme si
l'appartement louk ktait meublk alors qu'il ne l'ktait pas ))'17.Africom-ZaTresollicitait
kgalement200.000dollars autitre de dommageset intkrets.
1.50. Dans son jugement du 24 aoGt 1993, le Tribunal de grande instance de Kinshasa-
Gombe a r ejett 1a demande de 1a socittk PLZ et a accueilli1a demandereconventionnelle
dYAfiicom-Zalre. Le Tribunal a condarnnkla dkfenderessesur reconvention au paiement de
90.000 dollars des Etats-Unisau titre de domrnageset intkrsts, et de 32.364.225,25dollars au
titre de trop perqu sur les loyers et de remboursement des garanties locatives. De ces
11MRG,annexe 130.montants devait8tredkduite lasome de 16.784dollars, qui reprkentait les loyers kchusdus
A la sociktkPLZ"'.
1.51. La societkPLZ a immkdiatementinterjetk appel de cette dkcision. Par son arret du 9
mars 1994,la Courd'appel deKinshasa-Gombe aannul6lejugement attaqukpour ((dkfautde
motivation >), et a condamnk la sociktkAficom-ZaTre Apayer les loyers kchus et a quitter
l'appartement1'9.A son tour, lasociktkAfricom-ZaTrea introduit, en aoDt1994,un pourvoi
en cassation contre l'arret de la Cour d'appel. La cause demeure cejour pendante devant la
Cour Supreme de Justice du ~on~o'~O.Cette affairen'a pasconnu d'autres dkveloppements
depuis lors, A l'exception dudepBt, par le Ministkre public prks la Cour, de conclusions
favorables Ala cassation de la dkcisiond'appel (et donc A la rkouverturedes dkbats au fond),
en 1995~''.
1.52. Sans doute cette affaire, quelque peu atypique au regard des autres contentieux qui se
trouvent A la base de la prksente affaire, peut-elle apparaitre anecdotique dansle cadre de ce
litige. Elle n'en confirme pas moins la propension de M. Diallo a emettre, dansn'importe
quel contexte -la Rkpublique dkmocratique du Congo serait meme tentke d'kcrire sous
n'importe quel prktexte- des prktentions financikresqui se revklent toujours exorbitanteset
dkpourvuesde tout lien avec lesrkalitks,et ce toujours au nom des sociktesqu'il dirigeet dont
il dktientlesparts sociales lZ2.Surtout,elle montre une fois encore commentM. Dialloutilise
les societks dont il est dirigeant pour tenter de fonnuler des rkclamations abusives. Ces
klkmentsde fait, dont il ressortune fois deplus que les recours judiciaires congolais n'ont pas
kt6kpuists (chapitre 111)sont directement pertinents pour confinner le dkfaut de qualitkpour
agir de la Rkpublique de Guinke (chapitre 11). 11spermettent aussi de comprendre dans
quelles circonstances, lasskes de la conduite de M. Diallo, qui (<[compromettait] l'ordre
--
119bid.
Voy. a ce propos le pourvoi en Cassation auquel l'appel a donnt lieu (MRG, annexe 146)
I2Voy. la lettre du Greffier en chef de la Cour suprime de Justice, annexe 47, EPRDC.
122RG, annexe 146.
Bien d'autres incidents en ttmoignent encore.La Republique dtmocratique du Congo se limitera a
mentionner, dans ce cadre, la lettre adresstepar l'avocat deMa la succursale parisienne de la Citibank,
en datedu 19 octobre 1992. La lettre fait ttat du retard mis par laAcrtditer le compte de M. Diallo,
alors que ce demiery avait vers8.000 dollars amtricainsLa some demandte au titre de rtparation du
prtjudice moral qui en aurait rtsultt pour M. Diallo (en raison de l'atteinte a sa crtdibilitt que cette situation
avait entrakte auprks de ses partenaires commerciaux) ttait chiffrte 23pmillions de dolla.s(MRG,
annexe 115).public zayrois,spkcialement en matikre Cconomique,financikre et monktaire )),les autoritks
zayrroises ont, en 1995,finalementdCcidede l'tloigner du territoirenational123.
'23Voy. le decretno0043 du 31 octobre 1995(amexe 75,EPRDC)
38Section 9.La mise en dktention etl'kloignementdu territoire nationaldeM.Diallo
1.53. A partir dudkbut de l'autornne 1995,il est manifeste que le comportementadoptkpar
M. Diallo, tant a l'kgard des partenaires commerciaux des sociktks Africom-ZaYreet
Africontainers-ZaYrequ'a l'kgard de personnalitks extkrieures, a commenck A susciter de
serieux problkmes. Ainsi que la Rkpublique dkmocratique du Congo l'a exposk dans les
pages qui prtckdent, M. Diallo a multipliksesrkclarnations l'kgarddes entreprises publiques
et des socittts privees avec lesquelles Afiicontainers-ZaYreavait entretenu des relations
cornrnerciales, en invoquant A cette fin des arguments manifestement depourvus de
fondement. Ce serait un aimable euphtmisme que de dire que les modes de calcul des
indemnitksrkclamkesdans ce cadre ktaient fondks sur des taux dYintkr6ts usuraires. I1n'est
sans doute pas inutile de rappeler que la somme totale que M. Diallo prktendait ttre due aux
socittts dont il etait le dirigeant se montait a plus de 36 milliards de dollars des Etats-Unis,
augmentksd'intCr6tsbancaires etrn~ratoires'~~c ,e qui reprtsente prks de trois fois le montant
de la dette exttrieure totale de la Rkpublique dkmocratique du Congo, qui est chiffrke a
environ 12milliards de dollars. I1va sansdire que de telles revendications,et la publicitkque
leur donnait M. Diallo, ktait de nature Aaffecter gravement le bon fonctionnement des
entreprises concernkes, dont certaines,comme la GECAMINES, occupent une place de
premier rang dans l'tconomie du ZaYre.Dans ce contexte, il est en outre apparu aux autoritks
zaYroisesque M. Diallo avait kt6 impliquk dans certains trafics de devises, et s'ktait par
ailleurs rendu coupable de plusieurs tentatives de corruption. A ce propos, on peut par
exemple relever les nombreuses tentatives de corruption de magistrats et de responsables
politiques zayroisdont M. Diallo s'ktait renduresponsable dans le but d'obtenir le paiement
des crtances imaginairesd'Africontainers-ZaYre dont il a ktkquestion plus haut. Certainesdes
socittks pttrolikres concernkes par ces rkclamations avaient mEme saisi officiellement les
autoritks zayroises pour dtnoncer la conduite rkprkhensible de Monsieur ~iallo'~~.
Visiblement, celui-ci ktait devenu pr6t user de tous les moyens possibles pour obtenir gain
de cause.
1.54. Face a l'ensemble de ces klkments, et aux risques qu'ils impliquaient pour l'ordre
public, les autoritkszairoises se sont donc rksoluesAordonner l'kloignementde M. Diallo du
124Voy. les chiffres repris dans les conclusi<mimoire ))que la Republique de Guinie a diposi en
compliment de sa requCteintroductive d'instance.
12Voy. la lettre commune de Mobil et de Fina, en15novembre 1995, annexe 74EPRDC.territoire national. Le dkcret d'expulsion levisant a kt6adopt6en date du31octobre 1995'~~.
La motivationde l'expulsionest expresstment fondkesur le fait que
<la prtsence et la conduite [de 17intkress6au Zaire] ont compromis et continuentA
compromettre l'ordrepublic zairois, sptcialement en matikre kconomique,financikre
et monttaire ))'".
La mesure d'eloignementvisant M. Diallo trouve son fondementltgal dans la loi congolaise
du 12septembre 1983relative a la police des ttrangers. Selonl'article 15de cette loi,
<<le Prtsident de la Rtpublique peut, par ordonnancemotiv6e'expulser du Zaire tout
ttranger qui, par sa prksence ou par sa conduite, compromet ou menace de
compromettrelatranquillitt ou l'ordrepublic ))12*.
Au vu des tlkments de fait qui Ctaient A leur disposition, on comprendra que, aux yeux des
autorites zayroise,la conduite de M. Diallo <<compromettait ))ou a tout le moins(<menaqait
de compromettrela tranquillit6ou l'ordrepublic )).
1.55. Certainsdkveloppementsulttrieurs sontVenusconfirmer la capacittde nuisancede M.
Diallo dans ce domaine, puisque, non content de harceler les partenaires commerciauxdes
sociktts dont il etait le dirigeant en lespressant de demandes aussi infondkesqu'exorbitantes,
M. Diallo s'est Cgalementlanck, peu de temps aprks l'adoption de l'ordre d'expulsionle
concernant,dans ce qu'il faut bien appeler unecampagne de dtsinformation adestinationdes
plus hautes instances de lYEtatzairois, mais aussi de trks hautes personnalitksttrangkres. M.
Diallo a ainsi adresst, en date du 30 novembre 1995, un courrier au Premier ministre, au
ministre du Plan et au ministre des Finances du ZaYredans lequel l'ensemble de ses
revendications financikes a l'tgard des partenaires comrnerciaux des sociktks dont il ttait
titulaire ttaient prksentkescomme rksultantde crkances certaines et non conte~tkes'~~.Copie
de ces coumers ktait rtservte a de nombreux autresministres du gouvernement zairois,mais
aussi au Prtsident de la Cour internationale de Justice, au Prksident de la Rtpublique de
Guinte, au Prtsident de la Communautt tconomique des Etats d7Afriquede 170uest,au doyen
du corps diplomatique au Zaire, ainsi qu'aux ambassadeurs de Guinke, des Etats-Unis, de
Grande-Bretagne et de Belgique au Les affirmations largement abusives de M.
Diallo, de meme que la publicitt qu'il avait estimk utile de leur donner ktaieBtl'kvidence
126
Dtcret no0043 portant expulsion d'unepersonne ttrangke de la Rtpublique du ZaYre,annexe 75,EPRDC.
12Ibid.
129nnexe 73, EPRDC.
MRG, annexes 187,188 et 189.susceptiblesde nuire de faqonskrieuseau Zaii-e,en affectant1'image du pays,notamment
auprksdes opkrateurskconomiques ktrangers.
1.56. M. Diallo fut, peu de temps aprks, arrEtket dktenupour la premikre foisau cours du
mois de dkcembre 1995, dans le cadre de la prockdure d'expulsion, conformkmentAla loi
congolaise du12 septembre 1983relative A la police des ktrangers.En vertu de l'article 15de
cette loi, l'ktranger charge duquel une prockdure d'expulsion est entamke et qui est
susceptiblede se soustraire A l'executionde cette mesure peut Etreincarckrkdans unemaison
d'arrkt par lYAdministrateurGknkral du CNRI (Centre National des Renseignements et
d'htelligence) ou son dklkguk,pour une durkede 48 heures. En cas d'absoluenkcessitk,cette
durkepourra Etreprorogke de 48 heures en 48 heures,sans que la dktentionpuisse dtpasser 8
jours D. Cette durke de dktention n'a jamais kt6 dkpasske en l'espkce. A cet tgard,
l'affirmation de la Rkpublique de Guinke, selon laquelle M. Diallo aurait ett dktenu durant
pas moins de 75jours au total (du 5 novembre 1995au 10janvier 1996,puis du 17janvier au
31janvier 1996)apparaitpour le moins sujette A caution. Cette affirmation est exclusivement
fondke sur des sources journalistiques, qui reprennent elles-memes un comrnuniqut de
l'association((Avocats sans fiontikres ,)I3'. Cette prtsentation des faits est nkanmoins
contredite par certains klkmentsdu dossier lui-mEme. On ne peut manquer d'observer,a cet
kgard, que pendant la pkriode au cours de laquelle M. Diallo est prksentt cornme ttant
enfermkdans un cachot sans aucun contact avec le monde extkrieur,soit du 5 novembre 1995
au 10 janvier 1996, l'inttressk a adressk au Premier ministre du ZaYre,au ministre des
Finances et au ministre du Plan, en date du 30 novembre 1995, les trois lettres,signkesde sa
main, auxquellesla R$ublique dkmocratique du Congoa dkjAfait rkfkrenceplus ha~t')~.On
peut lkgitimement se demander comment M. Diallo a ttk en mesure d'kcrire ces lettres
pendant une pkriode ohla Rtpublique de Guinkele prksentecomme enfermket maltraitkdans
un cachot des services d'immigration congolais (SNIP).De plus, il est piquant de constater
que M. Diallo, censkEtreenfermkdans un cachot,privk de libertk et maltraitt, ne fait aucune
allusion dans ces lettres aucalvaire que le m6mePremier ministre zayroisktaitpretendument
en train de lui faire subir a la demande des sociktks pktrolikres. Alors qu'on le prksente
comrne emprisonnk, maltraitk et en voie dYEtreexpulsk du ZaYre,Monsieur Diallo semble,
etrangement, donner prioritt a la rkcupkration des crkances dYAfricontainers-ZaYrs eur des
13Ibid p.5.
13Voy. e.aMRG,annexes 190,191 et193.
13Voy. supra, par. 1.55.prtoccupations relatives sa libertt et son stjour rtgulier au Zalre. Enfin, il est bien
difficile de comprendre comment M. Diallo aurait pu passer plusieurs dizaines de jours
enferme, sanspouvoir se nourrir ni se dtsalttrer, comme semblepourtant bien le pretendre la
Guinte. Finalement, il est manifeste que la prtsentation des faits que livre la Republique de
Guinte en ce qui a trait a ce volet du dossier est loin dY&trttablie et de reposer sur des
tltments d'information avtrts. L'affirmation selonlaquelle M. Diallo aurait tte victime de
mauvais traitements ne repose ainsi sur aucun tltment de preuve, ni meme sur aucun
raisonnementcrtdible.
1.57. I1convient kgalementde relever ici que la mesure dont M. Diallo a fait l'objetest loin
d'Ctreisolte. Des mesures d'tloignement du temtoire zalrois, identiques a celle qui a frappt
M.Diallo, ont ainsi ttt adopttesidiverses reprises au cours de la m&meptriode l'encontre
de ressortissantsttrangers, pour des motifs similaires, et dans le respect de la loi de 1983.
Pour n'en mentionnerqu'un exemple, le 22 fevrier 1995, 6 mois avant l'expulsion de M.
Diallo, le gouvernement zalroisaproctdt a l'expulsionde 84ressortissants ktrangers pourdes
motifs lies au maintien de l'ordre public dans 1e domaine tc~nomi~uel~~.C'est dire que
l'tloignement de M. Diallo du territoire zalrois n'ktaitpas un cas isolt, et que cette mesure,
loin de constituer un acte de vengeance ou de perstcution contre un individu, se situait au
contraire dans le cadre de la lutte mente par le gouvernement zalrois de l'kpoque contre la
corruption et la criminalitt tconomique et financikre dans laquelle certains ressortissants
ttrangers etaientimpliquts au ZaTre.
1.58. M. Diallo a finalement Ctt tloignt du territoire zayrois le 31 janvier 1996. I1n'a
depuis lors intentt aucun recours contre la mesure dont il a ttt l'objet. C'est 1Aune
circonstancedont il sera tvidemment tenu compte lorsqu'il s'agira de dtmontrer que tous les
recoursinternes n'ontpas ttt Cpuists,dans le cadredu chapitreI11des prtsentes tcritures. M.
Diallo est en revanche parvenu A convaincre les autoritts guintennes d'endosser ses
rtclamations exorbitantes, ce qui a men6 la Guinte a dtposer une requCte en protection
diplomatiquedevant la Cour internationalede Justice aumois de dtcembre 1998.
13Annexe 76,EPRDC.Section 10. La requEteguinkenne tendant A obtenir rkparation pour les dommages
prktendumentsubis par lessociCtCs Africom-Zaire etAfricontainers-Zaire
1.59. C'est le28 dkcembre1998quela Rkpublique de Guinkea dkposkau Greffede la Cour
une ((requete aux fins de protection diplomatique ))qui consiste a endosser les rkclamations
de M. Diallo aux fins du (<recouvrement d'importantescrkancesdktenuespar ses entreprises
sur 1'Etatet les sociktkspktrolikres qu'il abrite et dont il est le dirigeant Cette requ2te
reprend, conformkmentau Rbglementde la Cour, les klkmentsde fait sur lesquels ellerepose.
Cette partie de la requete, explicitement intitulkeccles crkances rkclamCes comprend
exclusivement le detail des crkancesprktendumentdktenuespar les sociktksAfricom-ZaYreet
Africontainers-ZaYre a l'encontre de 1'Etatcongolais, de la GECAMINES, des sociktksZaYre
Fina et ZaYreShell, ainsi que de la Citibank za~re'~~. C'est sur cette base que,dans ses
conclusions,la Rkpubliquede Guinkedemande a la Courde
((En laforme :Recevoir laprksenterequete.
Au fond: Ordonner aux autoritks de la Rkpublique dkmocratique du Congo a
prksenter des excuses officielles et publiques a1'Etatde Guinkepour les nombreux
torts qu'elles lui ont causks en la personne de son ressortissant Ahmadou Sadio
Diallo ;
Constaterle caractkrecertain, liquideet exigibledescrkancesrkclamkes ;
Constater que ces crkances doivent etre endosskes par 1'Etat congolais,
conformkmentaux principes de la responsabilitkinternationaleet de la responsabilitk
civile;
Condamner 1'Etatcongolais B verser a 1'Etat de Guinke, pour le compte de son
ressortissant Diallo Ahmadou Sadio, les sommes de 31 334 685 888, 45 dollars des
Etats-Unis et 14 207 082 872, 7 Z couvrantles prkjudices financierssubis par ledit
ressortissant;
Verser kgalement a1'Etatde Guinke desdommages-intkr2tsa hauteurs de 15 % de la
condamnationprincipale soit4 700 202 883,26dollars et 2 131062 430'92 ;
Adjuger a 1'Etatrequkrant les intkretsbancaires et moratoires aux taux respectifsde
15 % et 26 % l'an courant de la fin de l'annke 1995 jusqu'h la date du parfait
paiement ;
Condamner kgalementledit Etat a restituer aurequQant tous les biens non valorisks
rkpertoriksdans la rubrique des crkancesdiverses ;
Ordonner a la Rkpublique dkmocratiquedu Congo de prtsenter un dklai d'un mois
un kchkancieracceptablede remboursementde ces montants ;
A de'fautdeproduction de cet dche'ancierdans le ddlai indiqud ouen cas d'irrespect
de celui qui seraitp roduit, autoriserI 'Etatde Guine'e risaisir 1esb iens de I 'Etat
13Requete introductive d'instance enregistree au Greffe de la Cour le 28 dicembre 1998 (ci-apris requkte de la
RCpubliquede Guinke)p. 2.
13Requete de la Ripublique de GuinCe,p. 12.
Requete de la Rtpublique de GuinCe,pp. 12-26. congolais partout ozi ils se trouvent jusqu'ci concurrence du principal et de
l'accessoirede la condamnation.
Mettre les frais et dkpens de la prksente proce'dure a la charge de I'Etat
congolais ))I3'.
Les conclusions de la requCtede la Rkpublique de Guinke, qui ont ici ete reproduites in
extenso, sont 1impides. L 'Etat demandeurcherche a obtenir 1e recouvrementdes creances
qu'il arepertorites comme klementsde fait, et rkclameainsi a la Rkpublique democratiquedu
Congo plus de 36 milliards de dollars des Etats-Unis dYAmkrique,sur lesquels il demande au
surplus des intCr2tsbancaires et moratoires, aux taux respectifsde 15% et de 26 % depuis
1995. Cette somme est supposke couvrirtoutes les crkances dont les sociktksAhcom-ZaYre
et Africontainers-ZaYreseraient detentrices, et constitue be1 et bien l'objet essentiel de la
requCteguinkenne.
1.60. Dans le memoire qu'elle a deposkle 23 mars 2001, la Rkpubliquede Guinke semble, a
tout le moins provisoirement, avoir renonck a chiffrer la reparation qui fait l'objet de sa
demande. Celle-civise cependant encore la <(rkparation integrale du prkjudice subi par la
Rkpubliquede Guinkeen la personne de son ressortissant D, et(<doit prendre la forme d'une
indemnisation couvrant l'ensemble des dommages causes par les faits intemationalement
illicites de la RCpublique dkmocratique du Congo, y compris le manque a gagner, et
comprendre des intCr&ts H'~'.L'objet essentielde la dernandeconsiste donc toujours, cornrne
a la date du dkp6t de la requCte, a recouvrer les creances des sociktks Afiicom-ZaYreet
Africontainers-ZaYre. La Rkpublique de Guinke confirme d'ailleurs explicitement,dans le
chapitre qu'elle consacre A son droit d'exercer la protection diplomatique, qu'il s'agiten
l'occurrence d'une ((protection diplomatique de l'actionnaire ou, le cas kcheant, d'une
((protection des droits des actionnairespar substitutiondela sociktkdkten))I4'.
1.61. Ces klkmentsde fait montrent que la strattgie dkveloppkepar M. Dialloa l'kpoqueou
il exergait des activitks commerciales au ZaYre,et qui consistaiA tenter d'arracher ses
partenaires commerciauxdes sommes dCmesurkespar le biais de reclamationsprksenteespar
des personnes moralesqui agissaient pour son compte,semble se poursuivre jusque devant la
Cour. A cet Cgard, l'abandon provisoire d'une revendicationqui se chiffre A plusieurs
13Requete de la Rtpublique de Guinte, p. 36, soulignt dans le texte original.
13Mtmoire de la Rtpublique de Guinte, conclusions,p. 108.
'3MRG, titre de la prernikresous-partie de ce chapitre,p. 80.
MRG, titre de la seconde sous-partiede ce chapitre,p. 93.dizaines de milliards de dollars des Etats-Unis d'Amkrique n'est nullement de naturA
rassurer laRkpublique dkmocratique du Congoqui, au vu du comportement adoptk par M.
Diallo dans le passk, est en droit d'entretenir lesplus skrieuses craintes pourla suite de la
prockdure.
1.62. Par ailleurs, le fait que la Rkpublique de Guinke demande a la Cour de trancher des
litiges opposant deux sociktkscongolaisesertains de leurs partenaires commerciaux, pour
de prktendues violations de contrats rkgis par le droit congolais, est une circonstance
directement pertinente pour fonder les exceptions prkliminaires que la Rkpublique
dkmocratiquedu Congo dkvelopperadans lesdeux chapitres suivants.
D'unepart, il apparait clairementque la requetevise essentiellementla rkparationconskcutive
a la violation de droits dont seraient dktentrices deux sociktks qui ne posskdent pas la
nationalitk guinkenne. C'est sur cette base que la Rkpublique dkmocratique du Congo
dkmontrerale dkfautde qualitkpour agirde la Rkpubliquede Guinkeen l'espkce(chapitre11).
D'autrepart,A la lecture de larequete et des kcrituresguinkennes,on serend aiskmentcompte
que ce sont lesjuridictions congolaises compktentesqui sont lesamEmede trancher ces
litiges d'ordre essentiellementcontractuel. M. Diallo n'ayant, y compris par l'intennkdiaire
des sociktksqu'il dirige, passouhaitkkpuiskcesvoies de recours, la Rkpublique dkmocratique
du Congo dkmontreraencore que la condition de l'kpuisementdes voies de recours internes
n'est pas remplie en l'espkce(chapitre111).Conclusiondu chapitreI
1.62. L'ensemble desklkmentsqui viennent d'ttre exposksmontrent que la prksentationdes
faits opkrkepar laRCpubliquede Guinee dans ses kcritures,et selon laquelle M. Diallo aurait
ktkvictime de manoeuvresde perstcution orchestrkesen sous-main par lYEtatzaYroisen vue
de l'emptcher de poursuivre ses activites kconomiques et injne de prockder a une
expropriation rampante de ses biens et des sociktts dont il ktait le dirigeant, manque
manifestementde fondement. Le fait que les deuxsociktksdont M. Diallo est le dirigeant ont
continuk afonctionnerplus d'un anet demi aprksqu'il aitktkcontraint de quitter le territoire
zaYrois,et qu'elles existenttoujours aujourd'hui,tkmoigne suffisance de l'absence de toute
intention de ce type. Au contraire, l'examen du dossier fait apparaitre que les litiges dans
lesquels les deux sociktks dirigkes par M. Diallo se sont trouves engagkes -et qu'il a
d'ailleurs, dansla plupart des cas, lui-mtme suscitks,sans gukre de fondement- constituent
des litiges commerciauxtout afait courants. Ces contentieux ont kt6gkrkspar les partenaires
commerciaux des sociktts dirigkespar M. Diallo avec skrieux et bonne foi, mkme si ceux-ci
n'ont pas hksitk lui opposer des fins de non-recevoir ferme lorsquYAfiicom-ZaYre ou
Africontainers-ZaYreformulaient desrkclamationsinfondkes,ou desprktentionsfinancikres
dkpourvuesde tout lien avec les rkalitks. Si cette dkgradation graduelle de la situation a, en
fin de compte, abouti a l'kloignement de M. Diallo du territoire zairois, cette mesure a kt6
adoptke conforrnkment aux lois existantes, et n'a jamais prktendu emporter des effets
dkfinitifs,qui auraientirrkmkdiablementemptchk M. Dial10d'exercer ses droitsAl'kgarddes
sociktksdont i1ktait,et est toujours,1e dirigeant. C 'est sur 1abase de ces kIkments,dont
certains seront repris etrkcisks dans la suite des prksentes kcritures, que la Rkpublique
dkmocratique du Congo dkmontrera, d'une part, que la Guinke, n'a pas qualitk pour agir
(Chapitre 11)et, d'autre part, que les voies de recours interne n'ont pas kt6kpuiskes(Chapitre
111).CHAPITRE11.L'IRRECEVABILITEDE LA REQUETE,A DEFAUT DEQUALITE
POUR AGIR DELA R~PUBLIQUEDE GUINEE
2.01. Come la Rtpublique dtmocratique du Congo l'a expost dans la dernikre sectiondu
premier chapitredes prtsentes tcritures, l'objet essentiel dela requCteguintenne est d'obtenir
rtparation pour tous les prtjudices subis par deux socittts, Africom-ZaYreet Africontainers-
ZaYre,dont M. Diallo est le dirigeant. Cesdeux socittts, et ceci n'ajamais ttt contest6par la
Rtpublique de Guinte, ne posskdent pas sa nationalitt, puisqu'il s'agit de socittbs
congolaises. Dans ces conditions, il est manifeste que lYEtatdemandeur ne posskde pas
qualitt pour agir dansla prtsente espkce.
2.02. En droit international,la qualitt pour agir s'entend de la ((qualitt justifiant le pouvoir
d'agir en justice et commandant la recevabilitt de l'action ,,I4'. Dans le domaine de la
protection diplomatique, elle signifie, conformtment Al'article 44 duprojet d'articles de la
Commission de droit international surla responsabilitbdes Etats pour faits internationalement
illicites dontlyAssembltegtntrale a pris note en dtcembre 2001'42,que lYEtatqui formule la
demandedoit Ctrecelui dont la personne ltsbe posskde la nati~nalitt'~~.A dbfaut,la demande
doit Ctreconsidtrte cornmeirrecevable.
2.03. Dans la mesure oh elle vise Aobtenir rtparation pour une atteinte Ades droits de
personnes quine posskdent pas sanationalitt, Asavoir les socittts congolaisesAfiicom-ZaYre
et Africontainers-ZaYre,la requete guintenne doit donc etre tcartte come irrecevable. Le
fait que le principal dttenteur des parts sociales de ces socittts, M. Diallo, est de nationalitb
guinbennen'est pasde nature Aremettre en cause cette conclusion. I1y a lieu, en effet, de se
rtferer ici au raisonnement suivi et aux conclusions atteintespar la Cour dans l'affaire de la
Barcelona ~raction'~~q , ui prbsentede trks grandes similitudes avecla prtsente espkce. Dans
cette affaire, la Belgique, Etat demandeur,pr6tendait en effet prottger les actionnairesbelges
d'une socittt qui ne possCdaitpas cette nationalitt. LYEspagne,Etat dtfendeur, souleva une
exception fondte sur le dkfautde qualitkpour agir de la BeIgique. L'exception futaccueillie
14J. SALMON (dir.),Dictionlzairede droit international public, Bruxelles, Bruylant-AUPELF,2001, prtface
de Gilbert Guillaume, p.916.
14C.D.I., 53"' sess.,23 avril-1"juin et2juillet-10 aofit2001,A.G., Doc. 5@"'sess., Supp.N0lO(A/56/10).
'4V. aussi l'arti1'du Projet d'articlessur la Protection diplomatiqueadoptt par le Cornitt de rtdaction de la
Commission du droit international, C.D.I.,4imcsession, 29 avril-7 juin 2002, 22 juillet-16 aoQt 2002,
A/CN.4/L.613/Rev.1,7juin 2002.par la Cour au terme d'une dkmonstration qui gardetoute sa pertinence aujourd'hui,et qui ne
peut conduire qu'8dkclarerla requete guinkenne irrecevable.
2.04. Dans son mkmoire, la Rkpubliquede Guinke tente d'kchapper al'application de ces
principes juridiques bien ktablis en dkveloppantune argumentation en deux temps. D'une
part, elleprktend,dans les circonstancesparticulikresde l'espbce, avoir qualitk pourassurerla
((protection diplomatique de l'actionnaire n, pour reprendre l'expression exacte de 1'Etat
demande~r'~~.D'autre part, la Rkpublique de Guinke estime, en raison de considkrations
d'kquite, pouvoir assurer une c<protection des droits des actionnaires par substitution de la
sociktkdktenue
2.05. La Rkpublique dkmocratique du Congo dkmontrera dans les lignes qui suivent
qu'aucun de ces deux arguments ne saurait confkrer qualitkpour agir B1'Etatdemandeur.
D'abord, la Rkpubliquede Guinke ne peut, en l'espbce, prktendre exercer une((protection
diplomatiquede l'actionnaire ))(Section 1). Ensuite,il va de soi que la notionde ((protection
des droits des actionnaires par substitutionde la sociktkdktenue ))ne saurait etre retenue en
droit international,enparticulier dansla prksente espbce(Section 2).
144C.I.J., Affaire de la Barcelona Traction,Light and PowerCompanyLimited (nouveNerequete), arredu 5
fkvrier 1970,Recueil1970, pp. 2-357 (ci-aprbs, affaire delaBarcelona Traction).
14MRG, p. 80,titre 1.
'46MRG, p.93, titre 2.Section 1. La GuinCe ne peut en l'espece prdtendre exercer une protection
diplomatiquede l'actionnaire >)
2.06. En thkorie, la Rkpubliquede GuinCesemble accepter la pertinence de l'affaire de la
Barcelona Traction en ce qui concerne la prksente espkceencore que, curieusement, elle ne
cite que trks peu ce prkckdent dkcisif. Mais, en fait, l'argumentation guineenne consiste a
vider cet arrtt de principe de sa substance, en tentant d'en dkduire lapossibilitk, pour 1'Etat
national de l'actionnaire, de dkposer une rkclamation en cas de violation des droits d'une
sociktkqui ne posskdepas sanationalitk.
2.07. La Rkpubliquede Guinke partdu constat que, dans l'affaire de la Barcelona Traction,
la Cour a reconnu la possibilitk a 1'Etatnational de l'actionnaire d'unesociktkd'exercer sa
protection diplomatiquedans desconditionstrksparticulikres,c'est-i-dire
((si les actes incriminkssont dirigkscontre les droitspropres des actionnairesen tant
que tels ))(a if the act complained of is aimed at the direct rights of the shareholder
as such )))I4'.
Selon 1a Rkpubliquede Guinke,i11ui suffit d ks lors deprktendren 'exercerune protection
diplomatique qu'en faveur desdroits de M. Diallo en tant qu'actionnaire'48pour kchappera
l'irrecevabilitkde son action. L'Etat demandeur estimemtme qu'il est ((lkgitime d'assimiler
une atteinte aux droits de la sociktk, entrafnant un prkjudice pour les actionnaires, ci la
violation de leurs droits propres ))149.I1poursuit, en avanqant que les ((droits propres des
actionnaires doivent ktre apprChendCs largement )),de manikre a couvrir notamment le ((droit
de propriktk,qui inclut la valeurpatrimoniale des titres dktenus,etc. )>I5'.I1n'y a dkslors rien
d'ktonnant ce que la Rkpublique de Guinke en vienne a rkclamer, mtme si c'est
thkoriquement au titre de ((protection diplomatique de l'actionnaire D, la totalitk des
dommages qui auraient kt6causks aux deux sociitks congolaises par des mesures imputables
a 1'Etatcongolais. Si l'on suit le raisonnement, toute violation des droits d'une sociktkqui
causerait un dommage a celle-ci, en provoquant une baisse de la valeur de ses titres,
147
148.I.J., Affaire deBarcelona Traction,RecueiI 1970,p. 37, par. 47.
En realittM. Diallo n'est paAstrictement parle((actionnair))de Afiicom-ZaYreet Africontainers-ZaYre.
I1est plutbt, en droit zaYroispuis congolais, dttenteur de parts sociales de ces Socitttaresponsabilitt
lirnitte. Dans la mesure oh la Rtpublique de Guinte utilise le t((actionnaire))et que cette difftrence de
terminologie n'a pas de constquence dtcisive en la prtsente espbce, la Rtpublique dtmocratique du Congo
utiliseri I'occasion ce terme, pour faciliter la clartt de l'expod.
'4MRG p. 83, par. 4.24 et 4.25 ; soulignt par la Rtpublique dtmocratique du Congo.
I5MRG, p. 91,par. 4.46.entrainerait au dktrimentdes actionnaires non seulement un prkjudicefinancier, mais aussi
une atteinte A leurs droits. En d'autres termes,toute violation des droits de la sociktk
impliquerait une violationdes droits de ses actionnaires. La confusionopkrkeen 1'espkce
entre la personnalitkde l'actionnaire et celle des deux sociktks est telle que, dans un passage
de son memoire, 1'Etat demandeur va jusqu'B affirmer que ccM. Diallo se trouve dans
l'incapacitede recouvrer lescreancesconsiderablesqu'il posskde>>e ,n serkfkrant enrkalitki
de prktenduescreancesdont cen'est pas M. Diallo qui est personnellementtitulaire,maisbien
les deux sociktksqu'il dirige15'.
2.08. La simple confrontation de l'argumentation de la Rkpublique de Guinke avec les
termes utilisks par la Cour dans l'affaire de la Barcelona Tractionmontre l'ktendue du
dkcalage existant : comment, en effet, considkrerqu'un simpleprkjudice financiercausk aux
actionnaires par l'atteinte Bdes droits de la sociktkpuisse ttre assimilk iune violation des
droits ccpropres ))de l'actionnaire ((en tant que tels ))(cras such ))) ? On ne mesurera toute
lYCtendue de ce dkcalage qu'aprks avoirmontre successivementque :
- le droit international n'admet pasl'assimilation d'uneatteinte aux droits de la sociktC i
une violation des droitsde ses actionnaires(A) ;
- et que la jurisprudence invoqute par 1'Etat demandeur, qui n'est pas pertinente en
l'espkce,ne contredit en rkalitCpas ceprincipe (B).
Dans ce contexte, la Rkpublique dkmocratiquedu Congomontrera enfinque
- le droit international n'admet la protection des droits propres des actionnaires en tantque
tels quedansdes conditionstrksrestrictives quine sont pasrencontrkesen l'espkce (C).
A. Le droit international n'admet pasl'assimilation d'une atteinte aux droits d'une sociktkB
une violation des droits de ses actionnaires
2.09. L'argumentation dCfenduepar la RCpubliquede Guinke est totalement contraireau
droit international existantqui, en matikrede protection diplomatique,se refuseBassimilerles
15MRG, p.7, par.1.16; soulignt par la Rtpublique dtmocratique du Congo.
50droits d'une societk a ceux de ses actionnaires. Lerefus de l'assimilation entre droitsde la
sociCteet droits de l'actionnaire dkcoule de la logiquem6me de l'institution de la protection
diplomatique(1) ; c'est pourquoi pareille assimilation aetk Ccartkepar la Cour internationale
de Justice dans l'affaire de la Barcelona Traction(2), ou la Cour n'a pas retenu la thkse alors
dCfenduepar la Belgique et aujourd'hui reprise par laRepublique de GuinCe(3) ;dans ces
conditions,on ne s'ktonnera pasque la these de l'assimilationait Ctkrejetkepar la plusgrande
partie de la doctrine (4).
I. Le refus de l'assimilation entre droits de la socie'tket droits de I'actionnairedkcoule de la
logique meme de I'institution delaprotection diplomatique
2.10. Pour bien mesurer la portke de la distinction traditionnellement opkrke entre la
personne d'une sociktket celle de ses actionnaires,il faut d'abord rappeler comment ledroit
internationalconqoitde manikre gCnkralel'institutionde la protection diplomatique. Selonla
formuleclassique, on considhe en effetqu'en exerqantpareille protection, tt1'Etatfait,i vrai
dire, valoir son droit propre, le droit qu'il a de faire respecter en la personne de son
ressortissant le droit international C'est ce qui explique que, pour Ctrerecevable, une
requCte doit pouvoir s'appuyer sur la lksion des droits d'une personne qui posskde la
nationalit6 de 1'Etatdemandeur :ttce droit ne peut nkcessairement Ctreexerck [par un Etat]
qu'en faveur de son national, parce que, en l'absence d'accordsparticuliers, c'estle lien de
nationalit6 entre 1'Etat et l'individu qui seul donne 1'Etat le droit de protection
diplomatique A contrario, il estdejurisprudence constante que
<(Lorsqu'un dommagea ttk causk au national d'un pays tiers, une reclamation i
raison de ce dommage ne tombe pas dans le domaine de la protection diplomatique
que puisse accorder1'Etatet ne sauraitdonnerouverture i une rtclamation que 1'Etat
soit en droit d'endosser
Le constat est parfaitement logique, si l'on se souvient encore que ttseule la partie envers
laquelle une obligation internationale existe peut prksenter une reclamation a raison de la
violation de celle-ci En I'absencede lesion des droits d'un national -et, bien entendu,
en l'absence de lksion directe des droits de 1'Etatdemandeur-, il ne saurait Ctrequestion de
152
153.P.J.I.,ffaire deConcessionsMavrommatisenPalestine, arrCtdu30 aoQt1924,Sir.A, n02,p.12.
C.I.J.Affaire de Barcelona Traction, Recueil 1970,p. 33par.36 et Affaire dChemindefer Panevezys-
S154utiskisarrCtdu28 fivrier1939,Sir. A/B, no76,p.16.
C.P.J.I.,ffaire dChemindefer Panevezys-SaldutiskisarrCtdu 28 fkvrie1939,Sir.A/B, no76,p. 16.
51prktendre engager la responsabilitk de 1'Etatdkfendeur car, comme l'a knonce la Cour, ((la
responsabilitkest le corollairenkcessairedu droit
Si l'on applique cesprincipes gknkraux aucas de l'atteinteaux droits d'une sociktkqui
2.11.
posskde une personnalitk, et donc une nationalitk,propre, la solutionne fait gukrede doute :
seul lYEtatnational de la sociktkvoit ses droits kventuellementenfieints en pareil cas, et seul
cet Etat peut en conskquenceintroduire une demande en rkparation. Onne saurait dks lors
assimiler l'atteinteaux droitsde la sociktk a celle des droitsde ses actionnaires.
2. Le refus de I'assimilation entre droits dela socie'tiet droits de l'actionnaire de'couledela
de'cisionde la Cour dans l'affaireBarcelona Traction
2.12. Curieusement, la Rkpublique de Guinke affirme dans son mkmoireque cette question
n'a jarnais kt6tranchte par la our'^^ ,t va jusqu'h prktendre qu'il n'est ((plus possible de
contester, dans son principe, larecevabilitk d'une protection diplomatiquede 1'Etatnational
des actionnaires lorsque ceux-ci sont indirectement Ie'sispar 1htteinte aux droits propres
d'une socikti posse'dant une nationalitk dge'rente ,,lS8. L'Etat demandeur reprend cette
dernibe affirmation d'un illustreauteur belgeI5',en son temps citkpar la Belgique i l'appui
de son argumentationdans l'affairede laBarcelona ~raction'~~.
2.13. Mais, prkciskment, la Cour a, dans cette affaire, adopt6 une position qui s'kcarte
rksolument de cette conclusion, ce qui n'est gukre Ctonnantsi l'on replace cette discussion
dans le cadre des principes gknkrauxrkgissant la protection diplomatique tels qu'ils ontkt6
rappelks ci-dessus. La Rkpublique dkmocratiquedu Congo se permet de citer h ce stade de
son expose plusieurs extraits de l'arret de 1970qui, de son point de vue, sont directement
pertinentspour laprksenteespkce :
155C.I.J., Affaire des Riparations des dommages subis auservice des Nations Unies, avis du 2 avril 1949,
Recueil1949, pp. 181-182.
C.I.J.,Affaire dela Barcelona Traction,Recueil1970, p. 33, par. 36.
15MRG, p. 83, par. 4.24.
15MRG, p. 90, par. 4.44; soulignt par la Rtpublique dtmocratique du Congo.
I1s'agit dePaul de VISSCHER, ((La protection diplomatique despersonnes morales D,R.C.A.D.I., 1961-1,
tome 103,p. 472.
I6OV. p. ex. C.I.J., Affaire de la Barcelona Traction, Light and Power Company,Limited (nouvelle
requ&te:1962) (Belgique c. Espagne),Mkmoires, Plaidoiries et Documents, vol. I, Introduction de l'instance et
dtbut de la proctdure Ccrite,Mtmoire du gouvernement belge,p. 161. ((Bien que la sociktkait une personnalitk morale distincte, un dommage qui lui est
causk atteint souvent ses actionnaires. Mais le simple fait que la sociktk et
l'actionnaire subissent l'un et l'autre un dommage n'implique pasque tous deux
aient le droit de demander rkparation. En effet, si des dommages lksant
simultanement plusieurs personnes physiques ou morales rksultent d'un meme fait,
on nepeut en tirer aucune conclusionj uridique. U n creanciern 'a aucunement1e
droit de demanderrkparationa une personne qui, en portant prkjudicea son dkbiteur,
lui cause une perte. Dans les cas de ce genre, la victime est atteinte dans ses
intdrets, sans aucun doute, mais non dans ses droits. Ainsi, chaque foisque les
intkrCtsd'un actionnaire sontlkskspar un acte visant la sociktk,c'est vers la sociktk
qu'il doit se tourner pour qu'elle intente les recours voulus car, bien que les deux
entitks distinctes puissent souffrir d'un meme prkjudice, iln'en est qu'une dont les
droits soient violk))I6'.
Le principe posk par la Cour est limpide,et il s'oppose directement Al'argumentationde la
Rkpublique de Guinke. A supposer que la Rkpublique dkmocratique du Congosoit dkbitrice
des sociktks Africom-ZaYreet Africontainers-Zaii-e, et que celles-ci soient elles-m&me
dkbitrices de M. Diallo, celui-ci n'a aucunement le droit de demander rkparation 5 une
personne qui, en portant prkjudice Ason dkbiteur, luicause une perte >).En d'autres termes,
M. Diallo est (catteint dans ses intkrets, sans aucun doute, mais non dans ses droits D. La
requete guinkennene peut doncktreadmise.
2.14. A cet kgard, la Rkpublique dkmocratiquedu Congo relkve que l'existence d'une
personnalitkjuridique distincte des sociktks Africom-ZaYreet Africontainers-ZaYreen droit
congolais n'est pas contrediteparla partie guinkenne. Le droit congolais(zaii-oisau moment
des faits) connait en effet plusieurs typesde sociktks, parmi lesquelles la sociktkprivke
responsabilitk limitke. Le dkcret du 27 fkvrier1887 sur les sociktks commerciales, tel que
modifie Acejour, dispose ainsi en son article 1" que (([lles sociktkscommercialeslkgalement
reconnues conformkment au prksent dkcret constituerontdes individualitks juridiques
distinctesde celles des associks D. L'article36 de ce m erne instrumentdispose que (([l]a
sociktk privke a responsabilitk limitke (S.P.R.L) est celle que foment des personnes,
n'engageantque leur apport, quine fait pas publiquement appelAl'kpargneet dont lesparts
obligatoirement uniformes et nominatives ne sont pas librement transmissibles D. La
distinction de principe entre la personnalitk des deux sociktkset celle de leur actionnairene
saurait donc &remise en doute dans laprksente espkce.
161
C.I.J.,Affaire de lBarcelona Traction ,Recueil 1970,p. 35, par. 44, soulignt par la Republique
Democratique du Congo.
532.15. Dans sonmkmoire, la Rkpublique de Guinke croit en revanche pouvoir kchapper a
l'application de ces rkgles bien ktablies en insistant sur l'ktroitesse des liens entre
l'actionnaire et les sociktks en cause ; tM. Diallo est en effet, statutairement, le seul
mandataire social et dirigeant de ses sociktks, il en est en outre le moteur stratkgique et
commercial Come la Rkpublique dkmocratique du Congo l'a dkmontrk ci-dessus,
toute l'argumentation guinkenne tend en rkalitk a confondre autant que possible les
personnalitksjuridiques des deux societkset celle de leur actionnaire.
2.16. Ici encore, il suffit de se rkfkrer 3i1'arrCtrendu par la Cour dans l'affaire de la
Barcelona Tractionpour rkpondrea l'objection :
<(On n 'ena pas moins soutenudans 1aprksenteaffaire qu'une sociktkn 'estautre
chose qu'un moyen d'atteindreles objectifs kconomiques de ses membres, les
actionnaires, et que ceux-ci constituentla rkalitt qu'abrite la faqadesociale. Ona en
outre soulignk A maintes reprises qu'il existe entreune sociktket ses actionnairesune
relation que l'on peut qualifier de communautt de destin. Peut-Ctre les actes
incriminks sont-ils dirigks contre la socittk et non pas contre les actionnaires,mais
cela n'est vrai qu'en un sens purement formel : en re'alite,ocie'te'et actionnaires
sont lie'sde mani2re tellement e'troiteque les actes prkjudiciables commis contre
l'une entratnent n&cessairementun dommage pour les autres ; aussi peut-on voir
dans tout acte dirigk contre la socikteun acte dirige contre ses actionnaires, caron
peut considkrer qu'en substance, c'est-&-diredu point de vue Cconomique,il y a
identite entreles deux. Cependant,mtme si la socie'ten ' 'estautre chosequ'unmoyen
pour les actionnaires de poursuivre leurs propres fins e'conomiques, elle n'en
poss2depas moins, tant qu'ellesubsiste,une existante indipendante. C'estpourquoi
les inttrCts des actionnaires peuvent Ctredistinguks de ceux de la sociktk et s'en
distinguent en fait, de sorte que l'on nesaurait nier la possibilitk d'une divergence
entre les uns et les autres
Aussi ttroits qu'ils soient sur les plans factuelet Cconomique,les liens entre une socittk et ses
actionnairesnYempCchenp tas que, en droit, les entites restent indkpendantes,dans la mesure
oh elles posskdent une personnalitk juridique distincte. L'argument de la Rtpublique de
GuinCesur cepoint ne sauraitdoncCtreretenu.
2.17. La Rkpublique de GuinCeprktend encore que, en rCalitk,ses droits ont Ctklksts par la
RCpubliquedkmocratiquedu Congopuisque les mesures incriminees ont indirectementcausk
prkjudice a son ressortissant. L'Etat demandeur affinne ainsi que <(M. Diallo, propriktaire
des sociCtCscongolaises Afiicom-ZaYreet Africontainers-ZaYre,voit aujourd'hui la valeur de
IbMRG, p. 91, par.4.48.son patrimoinerkduite a nkantpar le comportementillicite de la Rkpubliquedkmocratique du
Congo ))I6'.La logique dkfendueconsiste, ici encore,Bpretendre que, lorsque les droitsde la
societksontviolts, et qu'un prkjudiceen rtsulte au dktrimentde ses actionnaires, ceux-ci sont
kgalement lksks dans leurs droits, ce qui atteint en dtfinitive les droits de 1'Etat de la
nationalitt de ces actionnaires.
2.18. Dansl'affaire de la Barcelona Traction,la Belgique avait elle aussitentk de dtfendre
cette argumentation,qui a kgalementktktcartte par la Cour :
<(On a aussi soutenu que,tout en ayantkt6prises Bl'kgardde la BarcelonaTraction
et lui ayant causkun prkjudice direct,les mesures incrimintes auraient constitue un
acte illicite vis-a-vis de la Belgique du fait qu'elles ont aussi, encore
qu'indirectement, causk un prkjudice aux actionnaires belges de la Barcelona
Traction. Ce n'est 18qu'une nouvelle manihe de prksenter la distinction entre la
ltsion d'un droit et la lksiond'un simpleintkrtt. Mais, comme la Cour l'a indiquk,
la preuve qu'un prkjudice a kt6 causk ne suffit pas ipso facto Ajustifier une
rtclamation diplomatique. Un dommage ou un prtjudice peuvent ltser une
personne dans des circonstances extrtmement varikes. Cela n'entraine pas en soi
l'obligationde rkparer. La responsabilitk n'estpas engagte si un simple intkrtt est
touch6 ;elle ne l'est que si un droit estviolk,de sorte que des actes qui ne visent et
n'atteignentque les droits de la socikten'impliquent aucuneresponsabilitk8l'kgard
des actionnairesmtme si leursintkrCtsen souffrent >,16'.
La doctrine a elle aussioptrk une diffkrence essentielleentre les droits, intkretsjuridiquement
protkgksqui sont susceptibles de donner lieu A une rtclamation internationale, et les inttrets
qui, m6me s'ils peuvent ttre gravement touchks, ne donnent pas lieu 8 une protection
juridique ni, par conskquent,j~ridictionnelle'~~.Enprttendant vouloir ((assimiler une atteinte
aux droits de la socittk, entrainant un prtjudice pour les actionnaires,a la violation de leurs
droitspropres u16',la Rtpublique de Guinkeen vient Bignorercomplktementcette distinction.
3. L'argumentationaujourd'hui dtifenduepar laRtipubliquede Guintieest bien similaire ci
celleavanciepar laBelgique dans le cadrede 1'affairede la Barcelona Traction
163
C.I.J., Affaire de la Barcelona Traction , Recueil 1970, p. 36, par. 45 ; soulignt par la Rtpublique
dtmocratique du Congo.
165RG, p. 92, par. 4.48.
C.I.J., Affaire de la Barcelona Traction , Recueil 1970, p. 36, par. 46 ; soulignt par la Rtpublique
dtmocratique du Congo.
J. Salmon (dir.),Dictionnaire de droit internationalpublic, opv0iinttret, sensA, p. 596.
16MRG,p. 83, par.4.24 et 4.25.2.19. Consciente sans doute que sa thkse est directement contredite par la jurisprudence la
plus autorisee de la Cour, 1'Etatdemandeur tente de pretendre que son argumentation se
distingue de celle qui avait ktk avancke par la Belgique dans l'affaire de la Barcelona
Traction. Lemkmoireannonceainsi que <la Guinken'entend pasfairebtnkficier les sociktks
congolaisesde sa protection diplomatique, comme 1a Belgique avait souhaitk1e faire dans
l'affairede la Barcelona Traction
2.20. L'affirmationestpour le moins insolite,dans la mesureoh, dks 1962,le gouvernement
belge a dkposkune requ2te ayant spkcifiquementpour objet <<la rkparation du prkjudice qui
aurait kt6causCa un certain nombre de ressortissantsbelges prksentkscome actionnairesde
la sociktk D, ce que la Cour relkve dkjB dans son arret du 24 juillet 1964'~~. Les
argumentationsdkveloppkesensuitepar la Belgique sont, formellement,toujours axkessur la
protection des actionnaires,et non sur celle de la sociktk,come ces extraits des conclusions
belges le montrent a suffisance :
<(Considkrantque les actes et omissions contrairesau droit international imputks aux
organes de 1'Etat espagnol ont eu pour effet de dkpouiller la sociktk Barcelona
Traction de la totalitk de son patrimoine et de lui enlever l'objet m2me de son
activitk;qu'ils l'ont ainsi pratiquementdktruite ;
que les ressortissants belges, personnes physiques et morales, actionnaires de la
BarcelonaTraction,dans laquelleils occupaient uneposition majoritaireet dirigeante
[.. .ont subi de ce fait une atteinte directe et immkdiate ileurs intkr2ts et a leurs
droits, qui se sonttrouvksvides de toute valeur et de toute efficacitk [...I.
en la [la sociktk]dkpouillantde l'intkgralitkde son patrimoine, lesactes et omissions
contraires au droit international imputksaux autoritks espagnoles ont pratiquement
dktruit cette sociktk et port6 atteinte directement et immkdiatement aux droits et
intkrEtsattachks a la situationjuridique d'actionnairetelle que le droit international la
reconnait ; qu'ils ont causk ainsi un grave prkjudice aux actionnaires belges de la
sociktket vidkde tout contenu utile lesdroits qu'ilsposskdaienten cette qualitk u170.
La Cour affirme d'ailleurs elle-m2medans son arrst que la demande a ktkprksentke pourle
compte de personnes physiques et morales qui seraient ressortissantes belgeset actionnaires
de la Barcelona Traction D'~' . C'est pourquoielle prkcise qu'elle traitera de la question du
droit de la Belgique a exercer sa protection diplomatique en faveur des actionnaires belges,
MRG, p. 80,par. 4.15.
16C.I.J.,Recued 1964,p. 9, etRecueil1970, p. 16.
C.I.J., Affaire de laBarcelona Trac,Recueil 1970,p. 23 et 26.
"IC.I.J., Affaire de laBarcelona Trac,Recueil 1970,p. 31, pa28.
56((alors que les mesures incriminkes ont kt6prises A17kgardnon pas de ressortissants belges
mais de la sociktkelle-mCme
2.21. L'Etat demandeur ne peut donc prktendre que I'affaire de la Barcelona Tractionne
serait pas pertinente en l'espkce, enraison d7une diffkrence entre I'argumentation qu'il
dkveloppedans le cadre de la prksenteinstance et construite Al'epoquepar la Belgique. Bien
au contraire, A la lecture des quelques extraits qui viennent d7Ctreexposis, on a be1et bien
l'impression de retrouver presque telsquels certains passages du mkmoire de la Rkpublique
de Guinke. Dans les deux cas, il s7agitd' ((assimiler une atteinte aux droits de la societk,
entrainant un prkjudice pour les actionnaires, it la violation de leurs droits propres )) ou,
comme 17akcrit au sujet de l'argumentation belgeun auteur renommk, ((de soutenir la thkse
que la lksion dupatrimoine social de la sociktk-dam le cas en question on affirmait qu7elle
ktait portke B tout le patrimoine social- avait pour conskquence un prkjudice direct et
immkdiat aux droitsdes actionnaires [. ..])) I1suffit donc, dans les deux cas, d'appliquer
le mCmeraisonnement que celuitenu dans 1'affaire de1aBarcelona Traction pour kcarter
cette thkse.
4. Le refus de I'assiinilationentre droits de la socie'te' et droits de I'actionnaire estconfirm;
par unepartie inzportantede la doctrine
2.22. Le refus d'assimiler les droits de la sociktket ceux de l'actionnaire est une rkgle trks
ancienne, qui ktaitdkji formulkeparEdwin Borchard dans son ouvragede rkfkrence :
((International tribunalswhich have passed upon the matter haveheld in many cases
that the nationality of the corporation and not of its stockholders governs the
jurisdiction of the commission. On the other hand, citizens of the claimant
government, stockholders in or representing a liquidator a solvent corporation
formedunder the 1aws oft he defendant government, were deniedstanding before
arbitral commissions,whenattemptingto enforce a corporateclaim.
That the nationality of the corporation rather than that of the stockholders must
control the jurisdiction of international tribunals in claims growing out of corporate
losses appears evident from the fact that the corporation, the trustee, possessesthe
entire legal and equitable title to a claim as part of the assets of the corporation,
whereas the stockholderpossesses only an equitable right, enforceable ina court of
equity, to an accounting and to compelthe proper managementof the companyby its
directors. The stockholder, therefore,having no legal title to the corporateproperty
172
173.I.J.Affaire de la BarceIona Tractio,Recueil1970, p. 32,par.32.
M. DIEZ DE VELASCO, ccLa protection diplomatique des sociCtCset des actionnairR.C.A.D.I.,1974, I,
tome 141,p. 152.
57 of a solvent corporation, can hardly berecognized by an international tribunal acting
under the usual form of a protocol as a pro er party claimant, and only under
exceptionalprotocols [. ..] has this beendone ))E .
La doctrine actuelle se prononce Cgalementen ce sens, en prkcisant que, lorsqu'il s'agit
d'envisager la protection diplomatique dans une situationoh ce sont les droits d'une sociCtC
qui auraientCtkatteints, c(dans ce cas, c'estenprincipe la personnalitk-et la nationalitk-.de
la socittt, personne morale qui prkdomine Dans le cours qu'il a enseignk9 lyAcad&nie
de droit internationalpeu de temps aprks que la Cour ait rendu sonarret dans l'affaire de la
Barcelona ~raction, le professeurDiez de Velasco constate que
ccl'admissibilitk des rkclamations devant des tribunaux intemationaux pour des
dommages causCs 9 des sociktCsdCpendde la nationalit6des sociCtCs.La sociktCest
l'entitk qui possbdeun droit parfait sur le patrimoine social et l'actionnaire pourrait
seulementrkclamerune indemnisationbasCesur lYCquitC
L'auteur se fonde notamment sur une pratique quimontre que, en certaines occasions,des
Etats ont refuse de dCposer une rkclamation diplomatique en faveur d'actionnaires qui
possedaient leur nationalit6 en raison dufait que les mesures incriminkesvisaient la sociktk.
Dans d'autres cas,c'est 1'Etatsaisi d'unerkclamation dece type qui a refusCde la prendre en
compte pour la m&merai~on'~~.Des prkcCdentsen ce sens sont encore citb par ~oorel~~
ainsi que par Jimenez de kechaga17'. 11smontrent en tout cas que I'on ne peut fonder
l'assimilation des droits de la sociCtCet de ceux deses actionnaires sur une pratique uniforme
des Etats, loin s'en fautIs0. C'est encoreen ce sens que leprofesseur Verhoevenprtcise l'ktat
du droit international :
cclorsqu'est en cause une personne morale, la CIJ a jugC, dans l'affaire de la
Barcelona Traction, que 1'Etatdont elleposskde la nationalit6est seul en droit de la
protCgerdiplomatiquement>)I8'.
'7E. M. BORCHARD, TheDiplomaticProtection of CitizensAbroad, New York, The Banks Law Publishing
CO.,1928,pp. 623-624.
'7P. DAILLIER et A. PELLET (NGUYEN QUOCDM), Droit internationalpublic, 6'"' ed., Paris, L.G.D.J.,
1999,A. 733. n0489.
17M. DIEZDE VELASCO, ((La protection diplomatique dessocittts et des actionnaires,),op.cit.,p. 149.
Ibid.
17J.B. MOORE, InternationalLaw Digest, vol. VI, pp. 644-647, 5 985. I1s'agit des affairesAntioquia, Queen
v.Arnold et Compania Salitrera del Peru.
'79Jirnenez de ARECHAGA, ctInternational Responsibilit)) in M. Sorensen (Ed.), Manual of Public
InternationalLaw, London,Macmillan,New York, StMartin'sPress, 1968, p. 580.
IsIbid.
''J. VERHOEVEN,Droit internationalpublic,Bruxelles, Larcier, 2000,p. 637.2.23. On pourrait multiplier les e~em~les'~~. La Rkpublique dkmocratique du Congo
remarque cet kgardque, en depit de certaines voixdissonantes, la doctrine la plus autoriske
affirme trks clairement que l'assimilation entre droits de la sociktk etdroits des actionnaires
joue kgalement lorsqueles mesures incriminkessont imputables 6lYEtatnational de lasociitk.
On peut notamment citer en ce sens l'un des manuels de r6ference du droit international
public contemporain :
((Quand il n'y a que deux Etats en cause, 1'Etatdu sibgesocial et lYEtatnational des
actionnaires, le problbmepeut etre rksolu en se rkferant auxprincipes qui rkgissent
l'attributionde la nationalitkdes sociktk[...I.
Si la sociktkdoit avoir la nationalitkde lYEtatsur le temtoire duquel elle installe son
sibge social, et si les mesures qui lbsent les actionnaires sont pnses par cet Etatde
sibge,il est clair que la riclamation de l1Etatnationan jestpas recevable )>ls3.
2.24. En dkfinitive, l'argumentation de la Rkpublique de Guinke, qui tend expresskment 2i
assimiler une atteinte aux droits de la societk a une lksion des droits de ses actionnaires, est
manifestement contredite,non seulementpar lajurisprudence, mais aussipar la doctrine. Les
prkckdentscitQ en sens inverse par lYEtatdemandeur ne sont nullementde nature Aremettre
en cause cette conclusion.
B. La jurisprudence invoquke par la Ripublique de GuinCen'est pas de nature A fonder sa
rkclamation
2.25. Pour appuyer son argumentation tendant a (< assimiler une atteinte aux droits de la
societk, entrainant un prkjudice pour les actionnaires, a la violation de leurs droits
propres ,)ls4, lYEtatdemandeur se fonde essentiellement sur une jurisprudence arbitrale
ancienne, sur deuxdkcisions,l'une arbitrale, l'autrejudiciaire, rendues en 1989,ainsi que sur
une certaine pratique de la Commission europkennedes droits de l'homme. Aucune de ces
affaires n'est pourtant de nature a offrir de quelconques enseignements pour la prksente
espbce dansla mesure oh, dans chacuned'entre elles, laquestion de l'ouverture d'un droit de
rkclamation au profit d'actionnaires d'unesociktkktait clairement rkglde dans un instrument
''I.BROWNLIE Principlesofpublic International Law,op.cit.,p. 495.
P. DAILLIERet A. PELLET,NGWEN QUOCDINH,Droit internationalpublic, 6""ed., op.cit.,p. 774, $
489,nous soulignons
MRG,p. 83,par. 4.24et4.25.conventionnel spkcifique. On le constatera en analysant successivement les trois types
d'affaires.
I. Le manque depertinence de lajurisprudence arbitrale anciennecite'epar la Rkpublique
de Guine'e pour lapre'senteespBce
2.26. L'Etatdemandeur cite 2il'appuide son argumentation lessentencesRuden, du Chemin
defer de la baiede Delagoa, de la Salvador CommercialCompany,Shufeldt, etAlsop, qui ont
etkrendues entre 1870et 1930. Aucunede ces cinq affairesn'est pourtant pertinentepour la
prksente espbce.
a) Lemanque de pertinencede l'affaire Rudenpour laprtsente espbce
2.27. La Rkpublique de Guinke invoque l'affaire Ruden comme premier precedent, sans
nCanmoinsciter aucun passage de la dkcision en cause. Elle se contente de signaler que la
Commission mixte qui a jug6 cette affaire a admis la rtclamation d'un associk amtricain
d'une societt pkruvienne dirigke contre 1'Etatptruvien et que, de ce fait, ((l'arbitre Ccartele
concept abstraitde la personnalite de la sociktkpour ne plus voir que la personne privke de
l'associk))Ig5.
2.28. La lecture des deux comptes-rendus de la dkcisionmontre cependant qu'il est pour le
moins abusif de considCrerl'affaireRuden comme un prkctdent pertinent1g6.I1faut en effet
relever que le compromis conclu le4 dtcembre 1868 entre les Etats-Unis et le Pkrou ouvrait
explicitement la possibilitk de rkclamations par des ((corporations, firms or individuals )>
posskdant la nationalitk de l'un desEtats parties'87. En l'espbce, la Commission considbre
tout simplement que la plainte dkposkepar M. Ruden est irrecevable dans la mesure ou elle
vise les droits de la sociktt, celle-ci ne posskdantpas la nationalitk arnkricaine,mais qu7elle
est recevabledans la mesure ou il s'agit de protkger sesdroitspropres. Puisque cettedernikre
possibilitk se retrouvait spkcifiee dans le compromis ktablissant la compktence de la
185
MRG, p. 85, par.4.31.
On retrouve un expos6 du contenu de cette dtcision dans J.B. MOORE, History and Digest of the
International Arbitrations tohich the United States has been aParty, Washington, Government Printing
Office, 1898, vol. 11,pp1653-1655 (en anglais), ainsi que daLa Pradelle et PolitRecueil des arbitrages
internationaux,ome 11,1924 p,p.589-593 (en fian~ais).Commission, l'affaire estdCpourvuede toute portCepour ce qui conceme le droit cornrnunde
la protection diplomatique. C'est cequi a fait Ccrireun commentateuraviskque
(The possibility exists oft wo distinct claims :oneon behalf of the association as
such, and one on behalfof the members. The question is, in what circumstances will
the latter li? Is it alsopossible to admit that either the association or the members
are entitled to claimin respect of the same damage ? The decision in Ruden & Co.
doesnot gointothese questions [. ..]
Le mCmeauteur estime d'ailleurs que le principal interet de cette affaire consiste dans le
commentaire doctrinal reproduitdans le Recueil des arbitrages internationaux, commentaire
dont il estime les conclusionserror~kes'~~.
2.29. En tout Ctatde cause, on Cmettrales plus sCrieusesrtserves sur le principe meme qui
consiste a invoquer cette affaire en tantque prkckdent susceptible d'ktablir l'ktat du droit
internationalpositif. Moore signaleen effetau sujet de cette commissionque
<<The commissioners jointly subscribed a declaration by which they bound
themselves, in the language of the convention, impartially and carefully to examine
and decide to the bestof theirjudgment and according tojustice and equity, without
fear, favor,or affection totheir respective countries, all the matters referredto them
forthey decision D'~'.
Les termes soulignCsmontrent a suffisance que l'on est, dans cette affaire, bien au-deli de
l'application stricte et rigoureuse du droit positif existant, a laquelle se livre la Cour
intemationale de Justice en applicationde l'article38 de son Statut.
b) Le manque de pertinence de l'affaire du Chemin de fer de la baie de Delagoa pour
la prCsenteesphce
2.30. Dans son mkmoire,la Rkpubliquede Guin6e semble invoquer la sentence du Chemin
defer de la baie de Delagoa, rendue le 29 mars 1900, comme un prickdent confirmant la
possibilitCpour 1'Etatdes actionnaires d'exercerla protection diplomatique de ces derniers ii
1'kgard de mesures dirigkescontre la sociCtC.Le raisonnement qu'elle dCveloppe a ce sujet
Is'J.MERVYN JONES, ((Claims on behalf of Nationals who are Shareholders in Foreign Companies )),
B.Y.B.I.L., 1949,p. 227.
IpIbid., p. 228.
IpIbid, pp. 227-228.
J.B., MOORE, Historyand Digest, op.cit.vol.11,p. 1640 ;soulignCpar la Rkpublique dkmocratiquedu
Congo.est cependant, aux yeux de la Republique democratique du Congo, loin d'stre limpide.
Aucune citation ni enseignement clair dCduitde cette sentence n'est CvoquCpour fonder la
qualit6de prCcCdentde cette affaire ;1'Etatdemandeur se contente de reprendre mot amot -
sans pourtant s'y rtfkrer- le rtsumk de l'affaire Ctablipar Charles Rousseau dans son Traite
de droit internationalpublic'9'.
2.31. La lecture attentivede la sentencene permet gukre de se faire une idke plus prkcise a
ce sujet. Le tribunal n'aborde, eneffet, a aucun moment le problkme de la protection
diplomatique et des conditions de recevabilitk qu'elle implique. Ce problkme avait en effet
it6 rkglkdans les termes du compromis, quidisposait que
((le mandat que lestrois gouvemements sont convenusde confier au tribunal estde
fixer, comme il jugera le plus juste, le montant de la compensation due par le
gouvemement portugais aux ayant droit des deux autres pays, par suite de la
concessiondu chemin de ferde LourenqoMarques et de la prise de possession de ce
chemin de fer par le gouvemement portugais, et de trancher ainsi le differend entre
lestrois gouvemements h cet Cgard,,'92.
Une fois ce compromis conclu, il va de soi que le tribunal arbitral n'avait plus qu'a en
appliquer les termes et a decider, fort logiquement, d'accorder lemontant de la compensation
aux deux gouvemements concemksainsi qu'a leursayant droit.
2.32. Enfin, la valeur de ce prCcCdentest encore relativiskepar la circonstance que, comme
on l'aura relevCau passage, on peutdouter que le tribunal ait a strictement parler fond6 sa
dkcision sur le droit internationalpositif. Comme il le relkve lui-msme dans sa sentence, ila
trks gknkralementrep mandat de se prononcer (<comme il jugera le plus juste C'est
sans doute ce qui explique les rtticences Cmisespar certains auteurs Al'endroit de cette
dCcisiondans laquelle ((the principlesto be applied are notprecisely defined
c) Le manque de pertinence de l'affaire de la Salvador Commercial Co pour la
prtsente espkce
191MRG, pp. 85-86, par. 4.32-4.33 ;le par. 4.33 reprend mot pour motl'expost rtalist par Ch. ROUSSEAU,
Droit internationalpublicParis, Sirey, tomeV, p. 134,n0137.
192Article I du Protocoledu 13 juin 1891,La Fontaine, Pasicrisie internationale, histoire documentaire des
arbitrages internationauxBerne, Stampfli& Cie, 1902,p. 398.
IgArticle I prtcitt du compromis,et pointI1de la sentenibid.p. 399.
19J. MERVYN JONES, (Claimson Behalf ofNationals who are Shareholdersin Foreign Companies ))op.cit.,
p. 231.2.33. Selon 1'Etat demandeur, l'affaire de la Salvador Commercial Co constituerait un
prkckdentpertinent pour la prksente affaire,dans la mesure ou le tribunal arbitralsaisi de ce
litige a, dans sa dkcision du 8 mai 1902, acceptk la protection diplomatique exerckepar les
Etats-Unis en faveur des actionnaires d'une sociktk salvad~rienne'~~. Comme I'indique
pourtant a ce sujet Charles Rousseau-auquel le rksumkde l'affaire esta nouveau empruntk
mot pour mot sansque la Rkpubliquede Guinkey ren~oie'~~-, la valeur de cettedkcisionest
pour le moins sujettea caution,ktantdonnkla faiblessedesa motivation19'.
2.34. Au sujet du problkme particulier de la possibilitk de protkger les actionnaires
amkricains,les arbitres se contentent en effetde renvoyer a l'affaire du Chemindefer de la
Baie de ~ela~oa'~*, dont nous avons vu qu'elle n7enseignaitrien de dtcisif, sinon la
possibilitk pour deux Etats de confier al'arbitrage une questionde ce type. Prkciskment, on
relbvera que, dans l'affaire de la Salvador Commercial Co, le Salvador avait acceptk de
soumettre la question de la violation kventuelledes droits des actionnaires americains au
tribunal, et ce en vertu d'un compromis rkdigken des termes dkpourvusde tout equivoque a
cet kgard. Le sous-titre du compromis renvoieen effet a une ((submission to arbitrationof
the claims against the Republic of Salvador of the Salvador CommercialCompany and other
citizens of the United States, stockholders in the corporationstyled 'El Triunfo Company,
limited' [...]))19'.La dkcisionle mentionned7ailleursde faqontrksclaire, en prkcisant,aprks
avoir rappel6 comment ktait nt puis s'ktait dkveloppk le diffkrend, que ((having found it
impossible to adjust the said differencesby diplomatic negotiation, itwas agreed by the said
United States of America and the Republic of Salvador to refer the said disputes to the
arbitrament and award [..],?OO QuYils'agisse de l'affaire du Chemin defer de la Baie de
Delagoa ou de celle de la Salvador CommercialCoyl'arbitre a simplementconstatkque 1'Etat
dkfendeur avait conventionnellement acceptk de confier au rkglement judiciaire un litige
l'opposant a des actionnaires ktrangers. On voit ma1ce que l'on pourrait en dCduirepour ce
qui concerne d'autres affaires, et en particulierpour la prksente espkce, qui met enjeu les
IgMRG,pp. 86-88 ,ar.4.34-4.38.
'9MR.G., p. 86,par4.34.Mis apart la premierephrase, ceparagraphe reprend a la lettre,mais sans leciter,un
passage contenudans Ch. ROUSSEAU, Droit internationalpublop.cit,. 136,n0137.
19Ibid.
Ibid.p.479.
'9V. le titre m2meducompromis,ibidp. 459.
20Ibid., 468.rkgles gknkralesde la protection diplomatique, sans qu'un compromisspkcifique susceptible
d'ydkroger aitkt6conclu entreles deux Etatsconcemks.
2.35. I1 existe encore une autre diffkrence essentielle entre l'affaire de la Salvador
Commercial Co et la prksente espkce : selon les arbitres majoritaires, les autoritks
salvadoriennesavaient en effet adopte des mesures qui visaient directement les droitspropres
des actionnairesvis-&vis de leur so~iktk~~~ O.n peut en ce sens mentionner : le remplacement
arbitraire d'administrateurs de la sociktk salvadorienne par d'autres administrateurs,
apparemment 21la solde de l'~tat~~~l,a convocation de rkunions d'organes dirigeantsde la
socittk sans en avertir les actionnairesamkricainsmajoritairesZo3l,e refus de laisser consulter
certainsdocumentsde la sociktk a ces actionnairesZo4e,tc. LaRkpubliquede Guinkeprktend
que <(dans les deux cas, le fonctionnementnormal des organes statutairesdes sociktksa kt6
paralysk par le fait des autoritks ktatiquesrespectives ))205.La diffkrence essentielle est que
rien, dans les circonstancesde la prksente espkce,ne laisse penser que les autoritkszaYroises,
puis congolaises, se soient ingkrkes dans le fonctionnement interne des sociktks Africom-
Zaii-eet Africontainers-ZaYre.Jamais i1n 'aktk question de remplacer arbitrairement1eurs
dirigeants, ni d'intervenir dans la prockdure de rkunion de leurs administrateurs. Dans
l'affairede la Salvador CommercialCo,par contre, 1'Etatdefendeur avait directement entravk
les droits des actionnaires vis-a-vis de leur sociktk. On peut comprendre que, dans ces
circonstances, les arbitres aient admis la recevabilitkd'une action en protection diplomatique
qui, comme on l'a dkja signalk,avait d'ailleurs kt6clairement admise par le Salvador dans le
compromisd'arbitrage.
2.36. Enfin, il faut encore signaler au sujet de ce prkckdent qu'il semble plus relever du
jugement en kquitk que d'une applicationrigoureuse du droit international positif. Les
arbitresont en tout cas justifik 1eur dkcisionen renvoyanttrks gknkralementau ((senseof
justice ,?06,a une o rule of naturaljustice nZ0'et, encore, la((naturaljustice )?08.
20Voy. lescornrnentairedeJ.B.MOORE,Digest, op.cit., vol. VI,pp. 649-650.
20R.S.A., vol.XV,pp. 474-475
20Ibid.,p.475.
20Ibid.
20MRG, p.88,par.4.38.
'0R.S.A., vol.XV,p. 478.
'0Ibid.,p.477, infine.
20Ibid.,p.478. d) Le manquede pertinencede l'affaire Shufeldtpourlaprksenteespece
2.37. La Rkpublique de Guinke invoque encore I'affaire Shufeldt pour tenter de trouver un
fondement jurisprudentiel a l'appui de son argumentation209.Dans cette sentence, rendue le
24 juillet 1930, le tribunal arbitral a en effet kcartk l'argument de 1'Etat dkfendeur -1e
Guatemala-, selon lequel les Etats-Unisne pouvaient valablementprotkger leur ressortissant,
puisque les actes en cause etaient dirigkscontre une sociktkguatkmaltequeet non contre M.
Shufeldtpersonnellement210.
2.38. Une fois encore, on ne peut cependant tireraucun enseignement particulierde cette
affaire pourla prksenteespece. Outre que, la encore, l'arbitrage se fonde plus surla (natural
justice))que sur des sources formelles du droit internationalpositi?ll, il suffiten effet de lire
le compromispour se rendre compte que laquestion avait kt6rkglkepar voie conventionnelle.
Aux termes de cet accord, le Guatemala acceptaiten effet explicitementqu'un tribunal exerce
sa compktence ausujet des droits de M. Shufeldt en tant que citoyen des ~tats-unis212. C'est
en ce sens que, se rkfkrant itl'argumentque le Guatemala avancera en cours de prockdure et
qui tendait arevenir sur cette acceptationsous le prktexteque M. Shufeldts'ktaitengagedans
une associationposskdantlapersonnalitkjuridique selon le droit local,le tribunal affirmeque
((any other view with regard to thisquestion of partnership wouldbe contrary tothe
provisions of the protocol of arbitration, which submits this question:'Has P.W.
Shufeldt ...the right to claim pecuniary indemnisation ?' What the word 'right' in
this question mean ? It can only mean an equitable right of which international law
takes cognizance. It can not mean legal right enforceableonly in keeping with
Guatemalan law, forif that was so this case never would have been referred to an
international tribunal which does not administer municipal law.
If this point raisedby the GuatemalanGovernment was soundwhy should they have
consentedto arbitration ?They referred to arbitration notthe rights of Shufeld& Co.
but those of Shufeldt and this notwithstandingthe provision in the contract requiring
the formation of a partnership, put thereinfor the purpose of preventing such an
arbitration)?I3.
Cet extrait montre suffisance que tout le raisonnement du tribunal estfondk sur les termes
du compromis, auxquels lYEtatdkfendeurne pouvait prktendrekchapperensuite en invoquant
une exception a laquelleil avait clairement renonck.
'0MRG, pp.88-89 par4..39-4.40.
2'R.S.A., vo11,pp. 1080-102.
'IR.S.A., vo11,p. 1098.
'IR.S.A., vo11,p. 1081.2.39. Pour ce qui la concerne, la Rkpublique dkmocratique du Congon'a en revanche
nullement accepte, par voie de compromis ou d'une autre manibre, qu'une instancearbitrale
ou juridictionnelle se prononce sur les droits de M. Diallo en dehors des hypothbsesprCvues
par le droit internationalgknkral.
e) Le manque depertinencede l'affaire Alsop(2'me phase) pour laprksenteespbce
2.40. La mCmeconclusionpeut etre tiree ausujet de l'affaireAlsop, kgalementinvoquke par
la Rkpublique de Guinke. Dans cette affaire, l'arbitre a refusk l'argumentation du Chili
tendant a kcarter l'exercice de sa compttence en raison du fait que les mesures en cause
ktaientdirigtes contre une socittk chilienne,et non contre le sieurAlsop lui-meme2l4.
2.41. LAaussi, une simple lecture des extraits pertinents de la sentence, datke du 5 juillet
1911, ne laisse subsister aucun kquivoque sur ce point. La RCpubliquedemocratique du
Congo se pennet a cet kgard de s'ttonner de la citation reproduite par la Rkpublique de
Guinke la page 90 de son mkmoire qui, de faqon trks significative, omet une partie
essentielle de la motivation du juge215. I1 faut, pour comprendre cette dernibre, citer in
extenso les passages suivants :
(<The Chilean Government,in the case presented to Your Majesty, again suggests
that, as the firm was registered in Chile, and is a Chilean company,their grievances
cannot properlybe the subjectof a diplomatic claim,and thatthe claimants should be
referred tothe Chileancourts forthe establishmentof any rights theymay possess.
We hardly thlnk that this contention is seriously put forward as precluding Your
Majesty from dealing with the merits of the case. It would be inconsisterztwith the
terms of the reference of YourMajesty, and would practically excludethe possibility
of anyreal decisionon the equitiesof the claim put forward [...I.
We are clearly of opinion, looking to the terms of reference and to all the
circumstances of the case, that such a contention, if intended to be seriously put
forwardby Chile, should be rejected ))'I6.
'I3R.S.A. vol. 11,p1098.
'I4MRG, pp. 89-90 , ar4.41-4.43.
215De l'avis de la RCpubliquedkmocratique du Congo, on peut m&meconsidkrer que la citation telle qu'elle est
CnoncCepar la GuinCe n'a jamais CtCopCrte par le tribunal. La phrase ((It would pratically exclude the
possibility of any real decision on the equities of the claim put forwardjarnais CtCprononcte telle quelle
par le tribunal qui, comme on le constatarla lecture de l'extrait reproduit ci-dessous,se rCfereprincipalement
aux (terms of the reference of Your MajestD,expression ornise sans autre forme d'avertissement parla partie
uintenne.
R.S.A.,"01.XI, pp.359-360 ; nous roulignons.Deux enseignementspeuvent etre dkduitsde cette citation.
2.42. D'abord, l'arbitre fonde sadkcision sur les termes du compromis lui confkrant
compktence,pour en dkduirequ'ils sontincompatibles avec l'argumentationavanckeen cours
d'instance par 1'Etat dkfendeur. En l'occurrence, ce compromis knonqait que (cthe
Government of the United States of America and the Government of the Republic of Chile
resolved that, as they had not been able to agree as to the amount equitably due to the
claimantsin the Alsop case,they would submit the whole controversy to his 1ateMajesty
King Edward VII as an amiable compositeur to determine the amount equitably due to the
said claimants )?17. L'arbitre en dkduit logiquementque le Chili a accept6qu'il se prononce
sur le fond, et qu'il ne peut dks lors plus soulever d'exception tendant A l'empikher d'exercer
sa compktence. Si le compromis n'avait pas mentionnk expresskment que la question
renvoyke ti l'arbitrage ktait celle du montant de la rkparation due aux plaignants, rien
n'indique quela rkclamation aurait kt6 admise. Tout au contraire, il faut rappeler que, en
rkalitk,le compromis a Ctkconclu aprksque la Commission ait, dans un premier temps,refusk
d'examiner la rkclamation en raison du fait qu'elle visait des dornmages causks A la sociktk
chilienne,et non pas Al'un de ses actionnaires218.
2.43. Ensuite, on doit insister sur la circonstanceque, dans cette affaire, le Roi dYAngleterre
a expresskmentrequ1e pouvoir des partiesde statuer en tantqu' (<amiable compositeur )).
C'est ce qui explique qu'ilse rkEre Ades klkmentsvisiblement basks sur des considkrations
d'opportunitk,comme la crainte que la solution prkconiskepar le Chili n'augmente la tension
entre les deux pays. Dans ces conditions, il convient en tout ktat de cause de relativiser la
portke de ce prkckdenten tant qu'expressionde l'ktat du droit internationalpositif, meme de
1yepoque219.
2.44. Une analyse attentive des cinq arbitrages invoqukspar la Rkpubliquede Guinkemkne
Aune conclusion identique :dans chacunde ces cas, l'arbitre s'estbask sur un compromisqui,
d'une part, lui permettaitdejuger sans se limiter Al'application dudroit internationalpositif
'17R.S.A.volXI, p. 355.
21M. DIEZDE VELASCO, ((La protection diplomatiquedes sociktCset des actionnaires),, op.cit., p. 137.
21V. Ch.ROUSSEAU, Droit internationalpublic, op.cit., p. 137,n0137.
67et, d'autre part, contenait clairement une renonciation de 1'Etatdkfendeur A invoquer une
exception lYemp6chantde se prononcer au fond. Onse trouvait donc dans des hypotheses
radicalement diffkrentesde celle qui prevaut dans la prksenteespkce,ou la Courjuge en droit,
et n'est pas saisie d'un compromisen vertu duquel la Rkpublique dkmocratiquedu Congo et
la Rkpubliquede Guinke lui auraient confikla tiichedejuger au fond le litige portant sur les
inter6tsde M.Diallo.
2.45. I1y a d'ailleurs lieA ce stade de confirmer que I'argumentationdkveloppkeici par la
Rkpubliquedkmocratique du Congo peutse fonder de faqontrks claire sur le prkckdentde la
Barcelona Traction. Dans cette affaire, la Belgique avait en effet affirmk,comme le fait la
Rkpublique de Guinke aujourd'hui, que cc[l]e droit de protection de 1'Etat national des
actionnaires a kt6 reconnu dans de nombreuses sentences arbitrales ))220. L'Etat demandeur
avait, danscette perspective, notamment invoqukles affaires de la Delagoa Bay RailwayCy,
dYElTriunfo Co. (aussi dknornrnkeSalvador Commercial Co)et ~chufeldt~~'.La Cour n'a,
come on le sait, pas kt6 convaincue par cette argumentation, et s'en est expliquke
prkciskmenten mettant l'accent sur les spkcificitksdes prkckdentsinvoquks,qui se fondaient
be1etbien sur des instrumentsconventionnelsspkcifiques :
ccLes Parties ont kgalement invoquk la jurisprudence arbitrale gknkrale qui s'est
accumulke au cours des cinquante dernikresannkes. Mais dans la majorit6 des cas
les dkcisions citkesse fondentsur 1esinstruments qui ktablissent 1aj uridiction du
tribunal ou de la commission des rkclamations et dkterminent les droits pouvant
bknkficier d'une protection, de sorte quyelles ne sauraient faire l'objet de
gknkralisationsdkpassantles circonstances particulibresde l'espkce))222.
Un ouvragede rkfkrenceen dkduitque
ccIn the Barcelona Traction case the International Court of Justice regarded such
decisions as resting upon the terms of the instruments establishingthe tribunals, or as
having been decided by way of an exception, and as thereforenot directly relevant to
223
the general rule of internationallaw regardingthe protection of shareholders [...])) .
220C.I.J.Affaire de la Barcelona Traction,Light and Power Company, Limited (nouvelle requete :1962)
(Belgique c. Espagne), Mkmoires,Plaidoiries et Documents,I,Introduction de l'instanceet dkbut de la
proct5durekcrite,Mkmoiredu gouvemementbelge,p. 54,par. 320.
Ibid., pp. 154-155.
22C.I.J.Recueil 1970,p. 40, par. 63.
22R. JENNINGS A,.WATTS (Eds.), OppenheiSInternational Law,9" ed., Longman, 1992,p. 51152.2.46. Les conclusions tirtes par la Cour en 1970restent tvidemment valables ; ces anciens
arbitrages, qu'ils aient prtctdemment ttt invoquts par la Belgique ou qu'ils le soient
aujourd'hui par laRtpublique de Guinke, sont basks sur des rkglements conventionnels
sptcifiques que l'on nepounait transposer au droit comrnunde la protection diplomatique.
2. Le manque de pertinencede lajurisprudence rkcentecitkepar la Rkpublique de Guinke
pour laprksente espgce
2.47. Conscientesans doute que son argumentationne peut se fonder surcettejurisprudence
ancienne dtpourvue de pertinence, lYEtatdemandeur invoque encore deuxprtckdents dont les
conclusions semblent,apremikrevue,plus a meme dY@trte ranspostes dans la prtsente affaire.
I1prttend en effet que le droit international ((s'oriente vers unereconnaissance plus concrkte
et effective des droits pouvant faire l'objet d'une protection ))224c ,e qui pourrait @tredtduit
d'une decision arbitraleainsi que d'un arrst de la Cour internationale de Justice, tous deux
rendus en 1989. I1s'agit, respectivement,des affairesBiloune et ELSI. Ces deux prtctdents
sont toutefois loin de revstir la portte que la Rtpublique de Guinke entend leur prgter, et
s'avkrenteux aussidtpourvus de pertinence pourla prtsente espkce.
a) Le manque de pertinence de l'affaire Biloune pourla prtsente espkce
2.48. La dtcision dans l'affaireBiloune v.Ghana Investment Centre (GIC) a ttt rendue le
27 octobre 1989, par un tribunal arbitralprtsidt par le juge Schwebel. La Rtpublique de
Guinte cite ce passage de la sentence, dans lequel le tribunal accepte la recevabilitt de
l'action de M.Biloune agissant A titre individuel, en dtpit du fait que le contrat en cause avait
ttt conclu par une socitte posstdant une personnalitt juridique distincte (la socittt MDCL),
mais dont il ttait le principal actionnaire :
<(The Tribunal also finds that,in the circumstances of this case, and particularly
having regard to GICYsknowledge of Mr Biloune's roleof financing and directing
the project, Mr Biloune, though not a party to the GIC Agreement, may assert his
own claimarisingout of his investmentin MDCL ))225.
224MRG, p. 66,par. 3.62.
225MRG, p.67,par. 3.62;I.LR.,vol.95,p. 204.2.49. La GuinCeomet cependantde citer lesphrases qui suivent directementcette citation,et
qui sont pourtantindispensablespour comprendre leraisonnement dutribunal :
ttThe Respondents have not disputedthis conclusion, which find support in Article
22 of the GIC Agreement. The first paragraphof that article prohibits expropriation
of an approved enterprise, andthe second expressly protects a 'person who owns,
whetherwholly or inpart, the capital'of such an enterprise.
GICis the entity originallynamed asthe Respondent in this arbitration. As signatory
to the GICAgreement, GIC is clearlyboundby it andits arbitrationclause [...]>?26.
Dans ces conditions,il n'est gukreCtonnantque le tribunal ait pu considtrer que les droits de
M. Biloune aientCtklCsCspar les mesures encause227.
2.50. Ainsi, l'affaireBiloune, loin de modifier lYCtatu droit international existant,doit Etre
interprttke cornme s'inscrivant dans le droit fil de lajurisprudence plus ancienne exposte ci-
dessus. Ce prCctdent confirme simplementla possibilitkpour un tribunal dese fonder sur un
compromis pour Ccarter tout obstacle prtliminaire a l'exercice de sa juridiction. Rien
nYempEche,en particulier, de prevoir conventionnellement la compttence d'un arbitre
international pour juger des droits d'actionnaires d'unesociCtt qui auraient CtCtouchCspar
des actes dirigCs contre la sociktt elle-msme. Le fait qu'on ait estimCutile de prCciser
sptcifiquement cette possibilitCdans un compromis montre bien que l'onse trouve 1idans un
rCgimedkrogatoire au droit internationalgCnCral. Contrairement A ce que semble penser la
Republique de GuinCesur ce point, l'affaireBiloune ne traduit donc aucune Cvolutionvers
une treconnaissance plus concrkte et effective des droits pouvant faire l'objet d'une
protection D, dks lors que les droits en questionne sont pris en compte par le tribunal arbitral
qu'en raison du fait qu'ils ont CtCspecifiquement visCs dans un texte sur lequel repose la
compktencede la juridiction saisie. Une fois encore,la Rtpublique dCmocratiquedu Congo
rappelle cependantqu'aucuncompromisdece type n'a tte conclu dans laprksenteespkce,qui
met be1et bien enjeu le droit communde la protectiondiplomatique.
b) Le manquede pertinence de l'affaire ELSIpour laprtsente espkce
2.51. La Rtpublique de Guinte invoque encore, a l'appui de son argumentation, l'arrkt
rendu par une Chambre de la Cour internationale de Justice dans l'affaire ELSA en 1989.
22Ibid.
22MRG, p.66,par. 3.62.Selon 1'Etatdemandeur, la Chambre aurait, dans cette affaire, indiqut qu'une atteinte aux
actifs d'une socittt pouvait ttre considtrte comme une atteinteaux droits de l'actionnairede
contrdler et gtrer les socittts dont il dttenait le capitalz2*.Ce faisant,la Cour auraitprtcist la
dtfinition des droits d'un actionnaire de contrdler et gtrer ses socittts, d'une maniere telle
qu'ellepermettrait AM. Diallo de se considker comrnepersonnellement ltst par les actes qui
auraient ttt dirigts contre ses so~i~t~s~~S ~i.on vajusqu'au bout du raisonnementguinten, la
position de principe adoptkepar la Cour dans l'affaire de la Barcelona Tractionaurait donc
etk profondtment modifite, voire remise en cause, en 1989 : la rkquisition d'une societt
permettrait a 1'Etatnational des actionnaires, parle biais des droits de contrdle et de gestion
dont btntficient ces derniers, d'exercersa protectiondiplomatiqueen leur faveur,et ce quelle
que soit la nationalitt de la socittt concemke.
2.52. Un tel raisonnement ne saurait ttre suivi,et l'on seraitbien en ma1de dkgagerdu texte
de cet arr6t un quelconque Cltment qui attesterait d'un tel revirement de jurisprudence. En
rtalitk, la Chambre ne cite m6mepas le prtctdent de la Barcelona Tractiona ce stade de sa
dtcision, tout simplement parce qu'elle ne se prononce nullement sur le problkme de la
nationalitt des socittts et des actionnaires dans le cadre de l'exercice par un Etat de sa
protection diplomatique. I1faut A ce sujet rappeler que la seule exception d'irrecevabilitt
soulevte par 1'Italie dans l'affaire ELSI a consist6 a prttendre que ses recours internes
n'avaient paskt6Cpuists ; aaucun moment1'Etatdtfendeur n'a prttendu que la requtte Ctait
irrecevable en raison de la nationalitt italienne de la socittt rtquisitionnte. Cette question
Ctait en effet clairement rkglke dans I'article I11du Traitk d'amitit, de commerce et de
navigation conclu entre les Etats-Unis et 1'Italieen 1948, en vertu duquel les socittts de
chacune des Hautes Parties contractantes avaientle droit de <(constituer, contrdler et gQer ))
des sociktksde l'autrePartie. La Cour n'a donc pluseu,une fois kcartte l'exceptionbaskesur
le non Cpuisementdes recours internes, qu'8 interpreter cette disposition spkcifique pour
vtrifier, au stade du fond de l'affaire, si la rtquisition litigieuse avait entravk ce droit
conventionnelde constituer, contrdler et gtrer ))230.La Rtpublique dkmocratiquedu Congo
kprouve, dans ce contexte, quelque difficult6 a comprendre l'affirmation guintenne, selon
laquelle,((que la Cour se soit prononcte sur le fondement des dispositions du trait6 prtcitk
MRG,p. 83,par.4.26.
22MRG, p. 84,par. 4.27.
23C.I.J.Recueil1989,p. 50,par. 70.n'a cet egard pas d'importance [...] ))231.Dans l'affaire ELSI, la Chambre n'applique ni
n'interprkte le droit internationalg6nCralen matikrede nationalit6 des r6clamations. Elle ne
se prononce pas sur la portte des ((droits propres des actionnairesen tant que tels )),selon la
formuleutiliste dans l'affairede laBarcelona Traction.
2.53. La lecture de l'opinion individuelle du jugeOda confirme ce point de vue. Le juge
commence en effet par rappelerle droit commun en matihe de protection diplomatique, en
citant les passages pertinents de l'affaire de la Barcelona Traction pour,sur cette base,
6noncerque
(([clomme la Cour l'a expliqut en 1970, de tels droits --qui ont requ le nom de
'droits propres' ('direct rights') desactionnaires- n'impliquent pasun droit d'agir
pour le compte de la ersonne morale. Au contraire ils constituent plut8t des droits
E2
vis-A-visde celle-ci )> .
Le juge Oda insiste sur la circonstance que les droits des actionnaires ne sont concevables
qu'a l'6gardde la sociktt elle-mcme. Ainsi,
((quand les actionnaires approuventune certaine politique lors de leurs assembltes,
la responsabilitt de sa mise en oeuvreincombe a la soci6tk. Celle-ci est responsable
devant les actionnaires de tout manquement a cet kgard, mais les actionnaires ne
peuvent faire valoir de droits qu'enversla sociCt6. En conskquence,s'il apparaitque
cette politique a kt6 contrecarrte par le fait controvers6 d'un tiers, on peut estimer
que les droits de la soci6te-mais non les 'droitspropres des actionnairesentant que
te1s'--ont ttt violts. I1 s'ensuit que les actionnaires n'ont pas qualitt pour agir
contre le tiers enquestion
Mais, en l'espkce, la question est de dkterminer si un instrument conventionnel -en
l'occurrence letrait6 de 1948-a modifit ce r6gimegtnkral. C'est a ce stade que lejuge Oda
avance une interprttation qui, selon ses propres tennes, ((diffkre sensiblementde celle qu'en
donne la Chambre dans son arr&t)>234L . e juge semble en effet critiquer la Chambre pour
avoir interprkte le trait6 dans le sens d'une dkrogation au r6gime gCn6ralde la protection
diplomatique alors que, selon lui, il fallait plut6t lYinterpr6terdans l'autre sens. I1apparait
clairement que le debat entre lesjuges n'a pas port6 sur l'etat du droit internationalgenkral,
mais sur lYinterpr6tationd'un instrument conventionnelsptcifique. C'est encore en ce sens
23MRG,p. 84,par.4.28.
23C.I.J.Rec. 1989,p.85.
233Ibid.
23Ibid p.,87.que se prononce F.A. Mann qui, aprks avoir analyst soigneusementtous les termes de l'arrst,
estimeque
<([tlhe foregoing review seems to establish that the Judgment of the Chamber does
not include any substantial contribution tothe clarification or even the evolution of
customary international law. Onthe other hand, insofar astreaty law is concerned,
severallessons are tobe learned n235.
2.54. Finalement,la Rkpubliquedemocratiquedu Congo nevoit pasce que l'on peut tirerde
l'affaireELSI qui soit pertinent pour la prksente espkce,si ce n'est la confirmationde la
possibilitk d'accorderet de dtfinir conventionnellement les droits que pourraient obtenir les
actionnairesde certaines sociktks. Comme l'opiniondujuge Oda le montre a suffisance,cela
n'implique nullement uneremise en cause du droit commun, qui continue arester solidement
ancrt dans la solutiondtgagke par la Courdans l'affairede laBarcelona Traction.
3. Le manque depertinence des de'cisionsrenduespar la Commission europe'ennedes droits
de I'hornmepour lapre'seizteespBce
2.55. La Rtpublique de Guinke Cvoque enfin en quelques lignes la pratique de la
Commission europkennedes droits de l'homme, en se rkftrant, sans les dktailler, a trois cas
qui permettraientde conforter sa thk~e~~~ A.ucune de ces trois dkcisions,qui ont ett tlaborkes
dans un cadre conventionnelet institutionnelrkgionaltrksparticulier, n'est pourtant pertinente
pour apprtcier les circonstancesde la prksente espkce.
2.56. LYEtatdemandeur Cvoqued'abord la dtcision rendue le 4 octobre 1966dans l'affaire
Xc. ~utriche~~~.Le requkrantaccusait 17Etatautrichiend'avoirviolt son droitde propriktken
prenant diverses mesures a l'encontre d'unesociktt dont il dktenait 91% des parts, sociktt
dkclarke en faillite et dont les actifs avaient ttk vendus a un prix anorrnalement bas parle
curateur. C'estdans ce contexte que la Commission europtenne des droits de l'homme se
prononce en faveur du requkrant, en constatant que l'article ler du Premier Protocole de la
Conventioneuropkennedes droits de l'homme aCtkviolt par 1'Autriche.
23F.A. MANN, (Foreign Investmentin the International CoofJustice:the ELSI Casen,A.J.I.L.,1992,p.
99;v. aussiD. ALLAND,Droit internationalpublic, Paris, P.U.F.,2000, p. 416, $380.
23MRG, pp. 90-91 ,ar.4.45.
237RequCteN01706/62 R,ecueil des dkcisions de la Commission europkennedes Droits de I'Homme, n021,
Strasbourg, mar1967,pp.34 et ss.2.57. La Rkpublique dkmocratique du Congo Cprouve quelque difficult6 a comprendre
comment on peut considher que cette affaire constitue un prkckdentpertinent aux finsde la
prksenteespkce. La Commissiony a tout simplementindiqukqu'ellektaitd'avis que
<the Applicantis to be considered a victim, within the meaning of Article 25 of the
Convention,of the alleged violationsof the Protocol ))238.
Dans ce contexte,il va de soi que la Commission ne se prononce nullement sur les conditions
mises par le droit international A l'exercice, par un Etat, de sa protection diplomatique en
faveurde ses ressortissantsactionnairesd'une sociktk. La requete en cause a CtCengagkenon
par un Etat contre un autre mais, conformkment l'articl25 de la Convention, par une
personne privke a l'encontre d'un Etat. En l'occurrence, le demandeur avait d'ailleurs la
nationalite de 1'Etatdkfendeur. Dans cesconditions, on kprouve de sirieuses difficultks a
comprendre commenton peut prktendre tirerdes enseignementsdkcisifsde cette affaire. La
Commission affirme d'ailleursexplicitementqu'elle ne se prononce qu'au regardde l'article
25 de la Convention,qui visetrks gknkralement ((toute personne physique,toute organisation
non gouvernementale ou toutgroupe de particuliers, qui se prktendvictime ))d'une violation
de la Convention. A aucun momentelle ne laisse entendre que les enseignementsqu'elle tire
sont susceptibles d'etre transposks A l'hypothkse, radicalement diffkrente,de la protection
diplomatique exerckepar un Etat al'kgard d'un autre, et ce en l'absence de tout instrument
conventionnel particulier. Par ailleurs, on remarquera que, en l'espkce, le requkrant se
plaignait entre autres d'interfkrences dans sondroit de diriger la sociktk, constitukes
notarnment durefus de la partd'autoritksktatiquesdedonner effet a certainesde ses dkcisions
de gestion239. I1 accusait aussi 1'Autriche d'avoir viol6 ses droits dans le cadre de la
procCdure de faillite, a un moment oh la sociktCktait en voie de dissolution et oh les
actionnaires de celle-ci se voyaient directement concernks par les mesures des autoritks
publiques240.Les circonstancesde fait de cette affaire sont donc trks diffkrentesde celles qui
prkvalentdans laprksenteespkce.
238RequCteN01706/62 o,p.cipt.4.,
239Ibid.p.46, 4.
240Ibid.pp.47-49,7.2.58. La Rkpubliquede Guinkeinvoque encoreles affaires Yarrowet as. c. ~o~aume-~ni~~'
et S.et T.c. su~de~~~.
-
Dans la premikre de ces affaires, la Commission kcarte come irrecevables les requktes
de trois requkrants qui ktaient les actionnaires d'une sociktk, par ailleurs elle aussi
requkrante, et qui avait ktk la destinataire directe des mesures ktatiques en cause. La
Commission se fondenotamment sur la circonstance que, au contrairede ce qui avait kt6
observkdans l'affaireXc.Autriche,ils ne dktenaientpas uneparticipation dkcisivedans la
socikteYarrow et que,en droit,
<(la Cour ajug6 que,par 'victime', l'article25 de la Convention 'dksignela personne
directement concernkepar l'acte ou l'omission litigieux' (affaire Ecklea ,rrCtdu 15
juillet 1982,par. 66 ;voir aussi l'affaire Klass, SkrieA, vol. 28,par. 33) [...I. Dans
ces conditions, la Commission estime que les faits dknoncks k 1'occasionde la
prksente requete n7avaientqu'un effet indirect sur le deuxikme, le troisikme et le
quatrikmerequkrants,et non un effet direct qui leur aurait pennis de se pretendre
'victimes'au sensde l'article25 de la
La simple lecture de l'extrait pertinentde la dkcisionmontre que, a 17instardu prkckdentde
l'affaireX c. Autriche, celui de l'affaire Yarrown7estpertinent qu'aux fins de l'interprktation
de l'article 25 de la Convention europkennedes droits de l'homme. Meme dans ce cadre, la
Commission opte au demeurant ici en faveurde l'irrecevabilitkde la requete.
- L'affaire S. et T. c. SuBdeconcerne, elle aussi, la possibilitk pour des actionnaires de se
considkrer come des <(victimes )>au sens de l'article 25de la Convention europkenne.
La Commission estime,dans cette affaire, que l'on setrouve dans le meme cas de figure
que celui qui aprkvaludans l'affaire Yarrow. Elle reprend dkslors les memesprincipeset
les memes citations. Les memes conclusions prkvalent une fois encore. Onne voit pas,
ici non plus, ce que l'on peut dkduire de cettejurisprudence au-deli d'une interprktation
particuliere d'une disposition spkcifique de la Convention europkenne des droits de
17homme.I1ne s7agit,dans aucun de ces cas, d'examinerles conditions misespar le droit
international gknkral a la mise en oeuvre,par un Etat, de sa protection diplomatique en
faveurdes actionnairesd'une sociktkqui ne posskderaitpas sa nationalitk.
241Dtcision du 28 janvier 1983,requtte N09266/81,Dtcisions et rapports, n030, Strasbourg, fevrier 1983, p.
155-226.
24Dtcision du 11dtcembre 1986,requite nO11189/84,D.R.,no50, Strasbourg,fivrier 1987,pp. 121-161.2.59. Endkfinitive,la seulequestion qui se posait dans ces trois espkcesktaitde savoirsi les
actionnaires de sociktks atteintes par certaines mesures prises parun Etat partie A la
Convention europkenne des droits de l'homme pouvaient &re considkres comme des
<(victimes D, au sens particulier de ce terme dans le contexte de la Convention 244. Dans
l'affirmative, ces personnes peuvent directement saisir les organes de la Convention et
profiter de son rkgime spkcifiquede protection tandis que, dans la nkgative, tel n'est pasle
cas. En tout ktat de cause, cette question n'altkre en rienle rkgime gknkralde la protection
diplomatique qui, quant Q lui, subordonnetoujours larecevabilited'unerkclamationen faveur
d'actionnaires d'une sociktk ktrangkre a une violation des ((droits propres )) de ces
actionnaires <(en tant que tels D. Or, et comrne la Rkpublique dkmocratique du Congo le
dtmontrera dansles pages qui suivent, teln'estpas le cas dans la prksenteespkce.
C. Le droit internationaln'admet la protection des droits propresdes actionnairesen tant que
tels que dans des conditionstrksrestrictivesqui ne sont pas rencontrkes enl'espkce
2.60. On a dkji relevk que, dans l'affaire de la Barcelona Traction, la Cour a admis la
possibilitkde principe de dkposerune rkclamationpour 1'Etatnational dans l'hypothkse oh les
actes incriminks sont dirigkscontre les ((droits propres des actionnaires en tant que tels )?45.
La Rkpublique dkmocratique du Congo a dkjAmontrk ci-dessus que cette hypothkse ne
pouvait en aucuncas aboutir Q ((assimiler une atteinte auxdroits de la sociktk,entrainantun
prkjudicepour les actionnaires, Ala violation de leurs droits propres )),comme le souhaite la
Rkpublique de ~uinke~~~. 11reste Q montrer que, correctement interprktke, l'hypothkse
restrictive de l'atteinte aux ((droits propres des actionnaires en tant que tels ))(1) ne
correspondpas aux circonstancesparticulikresde laprksenteespkce(2).
I. L'hypoth6se de l'atteinte aux ((droits propres des actionnaires en tant que tels ))ne vise
par dkfinition que les relations des actionnairesvis-ri-visde la sociktk
2.61. I1 convient, pour bien comprendre la portke de cette rkgle, de repartir des tennes
utiliskspar la Cour dans son arr&tde rkfkrence :
24DCcision du 28janvier 1983,op.cit.,p. 221.
244V. R. ABRAHAM, ((Article 25 ))in L.E.PETTITI, E. DECAUX et P.H. IMBERT (Dir.), La Convention
europtenne des droitsde l'homme,Paris,Economics, 1995,p. 588.
24C.I.J.,Recueil1970, p. 36, par. 47.
24MRG p.83, par.4.24et 4.25. <(La situation est diffkrente si les actes incriminks sont dirigks contre les droits
propres des actionnaires en tantque tels. I1est bien connu que le droit interne leur
conRre des droits distincts de ceux de la sociktk, parmi lesquels le droit aux
dividendesdkclarks,le droit de prendre part aux assemblkesgknkraleset d'y voter, le
droit A une partie du reliquat d'actif de la sociktklors de la liquidation. S'il est portk
atteinte a l'un de leurs droits propres, les actionnaires ont un droit de recours
indkpendant)>247.
Cet obiter dictum commence par knoncer un principe, puis l'illustre par des exemples
particuliers. Dans les deux cas, il est kvident que ce qui est visk sont des droits que
l'actionnairene peut dktenirque dansle cadre de ses relations avec lasociktk.
2.62. Pour ce qui concerne le principe, on relkvera tout d'abord quela Cour n'ouvre pas la
voie a une protection diplomatiqueen faveurdes droits des actionnaires,sans autreprkcision.
I1doit s'agir de droits ((propres D, d'actionnaires envisagks (<en tant que tels ))(((as such D),
et non simplement des (tdroits en tant qu'actionnaire ))248 ou des <tdroits propres des
actionnaires D, comme le prktend incidenment 1'Etat demande~r~~~. Quant au terrne
<<propre >),son sens ordinaire renvoie ce ((qui appartient spkcialement a quelqu'un, a
quelque chose, quile qualifie et le distinguede fa~onspkcifique))250.I1ne fait que confirmer
que, conformkment A ce qui a kt6expos6plus haut, les droits de l'actionnaire nepeuvent se
confondre avec ceux de la sociktk, comme tend a le faire la Rkpublique de Guinke.
L'expression <ten tant que tel ))ajoute une deuxikme condition : il faut que les droits
concernks appartiennent a la personne concernke enqualit6 d'actionnaire, et non Aun autre
titre. On ne peut donc, par dkfinition, envisagerici que les droits des actionnairesdans leurs
relations avec la sociktk,puisque ce n'est que de celle-ci qu'ils peuvent prktendre tirer leurs
droits d'actionnaires. A contrario, I'actionnairene peut avoir de droit propre, en tant que tel,
Ace que les contrats conclus par lasociktkavec un tiers soient respectkscar, dans ce cas, le
droit n'est pas propre (c'est le droit de la sociktk qui est en cause) et il ne peut non plus
appartenir a l'actionnaire (en tant que tel ))(toute personne, actionnaire ounon, peut dktenir
des droits de cetype).
2.63. Cette interprktation estconfirmkepar la liste des exemplesqui estfourniepar la Cour :
le droit aux dividendes, ledroit de prendre partaux assemblkesgknkraleset d'y voter, le droit
247C.I.J.Recueil1970,p. 36,par.47.
248MRG,p. 67,par.3.63.
249MRG,p. 91,par.4.46a une partie du reliquat d'actif de la societt lors de la liquidation, sont des droits que
l'actionnaire ne peut, par definition, invoquer que vis-a-vis de la societt, dans certaines
conditions et selon certainesmodalitts prtciskes dans les statuts et dans le droit commercial
de l'ordre juridique concern&. La doctrine qui s'est penchte sur cette hypothkse s'est
prononcke dansle mCmesens pour, soit reprendre les mCmesexemples, soit en citer d'autres
mais qui concernaient toujours les (caffaires inttrieures )> de la societt, c'est-a-dire ses
relations avec ses a~tionnaires~~'P .ersonne n9Cvoquecornrne ((droit des actionnaires en tant
que tels )>le droit a ce que la socittt ne subissepas de prkjudice,que ce soit la suite du non-
respect d'un contrat Alaquelle elle serait partie ou par le biais d'une responsabilitk extra-
contractuelle. Lejuge Tanaka a, quant A lui, relevt que (<le fait de dktenir une part
prtpondtrante du capital social aux assembltes gtnkrales confkrerait a l'actionnaire le droit
de contrble,mais on ne peut dire qu'il s'agissela d'un 'droit'au sens propre : c'est plut8t un
simple 'intCrCt'))252. I1illustre aussiI'hypothksedes droits des actionnaires en mentionnant :
<(le droit aux dividendes, le droit au reliquat d'actif en cas de liquidation, le droit de
vote aux assemblkes gkntrales, le droit des actionnaires minoritaires d'intenterune
action enjustice dans la mesure o~ la responsabilitt des administrateurs esten cause,
le droit de cession des actions, ledroitd'exigerla dtlivrance des titres, etc>>253.
2.64. Dans ces conditions, les actes i l'encontre desquels une action en protection
diplomatique des droits propres des actionnaires en tant que tels peut Etreintentte couvrent
des hypothksestrkslimitkes. Comme lerelkvele professeurBrownlie :
ctThe shareholders may receive diplomatic protection from the state of their
nationality in certain situations, namely, when the act of the responde~ztstate affects
the shareholder's legal rights for example, the right to receive dividends) as such,
[...1>?5~.
Le professeurDiez de Velasco citeplus prkcistment :
((le fait d'empecher l'actionnaire de participer a l'assemblte gtntrale de la socittt
ou d'y exercer son droitde vote, l'interdictionfaite A une socittt de distribuer des
dividendes a des actionnaires ttrangers a cause de cette condition ou l'imposition
250
251Dictiomaire Laroussede la langue fran~aise,v((propre)).
M. SHAW, International Law, Cambridge, C.A.P., 4' ed., 1997, p. 566 ; J. VERHOEVEN, Droit
internationalpublic,op.cit.,p. 638.
252C.I.J., Affaire delaBarcelona Traction,Recueil1970, op. indiv.Tanaka, p. 125.
253 Ibid.
2541.BROWNLIE, Principles of Public InternationalLaw,5" ed., op.cit., p. 491 ;soulignkpar la Rkpublique
dkmocratiquedu Congo. discriminatoire de caractere fiscal sur les dividendes des actions en possession
d'actionnairesCtrangers))255.
Une fois encore, il convient de souligner le caractere trks restrictifde cette hypothkse ;pour
reprendre le dernier exemple citt, il ne s'agitpas de prCtendrequ'une impositionarbitrairede
la sociCtCviolerait les droits propres des actionnaires en tant que tels. Seule la taxation des
dividendes, et non des biens ou des activitks de la sociCtCelle-meme, est evoquke. En'
d'autres terrnes encore, la recevabilitk de la rtclamation est subordonnke a ce que l'on
pourrait dbsigner comme une ccingkrence )) dans les relations entre la sociCtCet ses
actionnaires.
2.65. On se rappellera aussi que le juge Oda, dans son opinion individuellejointe a l'arret
ELSI, estime que les droits propres des actionnaires en tant que tels ((constituent plut8t des
droits vis-a-vis de [la soci~t~])?~~ et que, en consCquence, (cs'il apparait que cette politique a
Ctecontrecarrkepar le fait controversCd'un tiers, on peut estimer que les droits de la sociCtC
-mais non les 'droits propres desactionnaires en tantque telsY--ant kt6violks. I1s'ensuit
que 1esactionnairesn'ont pas qualit6pour agircontre le tiers en question )?57.
2.66. La pratique internationale existante, quoique trkspauvre en ce domaine, pennet de
confirmer ce constat. Ainsi, dans ce qui est souvent dCsignCcornrnel'affaireAntioquia, les
Etats-Unis ontrefusCd'accorder leurprotection diplomatique i l'un de leurs ressortissants,
actionnaired'une sociCtCktrangkre,enraison dufaitque
tr[i]f his individual shares, specifically asthe property of an American, shouldbe
unjustifiablyconfiscated, adifferent questionwould be raised ;but as a corporatorhe
had no individualproperty in the chattels or creditsof the corporation )t5*.
La motivation confirme bien le principe : si 1'Etatconfisque les actions des actionnaires,leur
droit propre de propriCtCen tant qu'actionnaire est atteint ; tel n'est pas le cas si c'est la
sociktCelle-memequi est visCe. Le meme raisonnementpeut du reste etre tenu si l'on revient
sur les circonstances de l'affaire de la Salvador Commercial CoydCjBanalyske plus haut.
Dans ce cas -par ailleurs difficilement transposableici pour des raisons dCjACnoncCes-, le
tribunal se fonde sur des mesures dont on peut considkrer qu'elles visaient directement les
2"M.DIEZDEVELASCO, ((La protection diplornatique des sociCtCset des actiomaiop.cit.,p.148.
25C.I.J.,Rec. 1989,p. 85.
25Ibid.
258J.B.MOORE,Digest, op. cit.,vol.VI,p. 644, $985.droits propres des actionnairesvis-B-visde leur s~ciktk~~~ co, mme le remplacement arbitraire
d'administrateursde la sociktk salvadorienne pard'autres administrateurs, apparemment A la
solde de l'~tat~~'l,a convocationde rkunionsd'organes dirigeantsde la sociktksans en avertir
les actionnairesarnkricainsmaj~ritaires~~'l,e refus de laisser consulter certains documents de
la sociktk B ces actionnaire~~~~ etc. LYEtatsalvadorien s'ktait be1 et bien ingkrk dans les
affaires intkrieuresde la sociktk ce qui, dans ce cas particulier, pouvait etre assimilk iiune
atteinteaux droits des actionnairesen tant que tels.
2. La Rkpublique de Guinke nepeut prktendre protkger les droits propres d'un actionnaire
en tant que telpuisque les mesures incriminkesne visentpas les relations de cet actionnaire
vis-A-visdes sociktks dont il dktient le capital
2.67. LaRkpubliquede Guinkeannonceexplicitementqu'elle adopte une dkfinition largedu
((droit propre des actionnaires ))-1'expression <<entant que tels )> a alors, de manikre
significative,di~~aru-~~~,ce qu'elle fait effectivementen visant
(tant les droits fonctionnels--droit de contrdler et gkrer effectivement lasociktk-
que les droits patrimoniaux- droitBpercevoir les dividendes, droit de propriktk,qui
inclut lavaleur patrimoniale destitres dktenus, etc)>264.
La Rkpublique dkmocratique du Congo reprendra successivement les deux hypothkses
kvoqukes par lYEtatdemandeur, pour montrer que les droits propres de M. Diallo en tant
qu'actionnaire ne sont pasen cause dans la prksente espkce, qu'il s'agisse de ses ((droits
fonctionnels ))ou de ses <(droitspatrimoniaux )).
a) Les mesures incriminkesne sont pas dirigkescontre les ((droits fonctionnels ))de
M. Diallo en tant qu'actionnaire dessociktksAfricom-ZaTreet Africontainers-ZaYre
2.68. La Rkpublique de Guinke prktend dkduireune atteinte aux droits propres de son
ressortissanten tant qu'actionnairede la circonstanceque
zS9Ibid pp,.649-650.
26R.S.A.,vol. XV,pp.474-475.
Ibid p.475.
26Ibid.
26MRG, p.91,par.4.46.
26Ibid. cc[rnleme si, formellement, les sociktes n'ont pas kt6 confisqukes, depuis son
expulsion enjanvier 1996,M. Diallo n'a plus aucune possibilitk d'exercer ses droits
et responsabilitksde propriktaire,actionnaire unique et seuldirigeant des sociktks en
cause. I1se trouve kloignede plusieurs milliers de kilomitres, alors qu'il seAheurte
un Etat qui lui est hostile et ne montre guire de scrupule quant aux moyens utilisks
pour parvenir a des fins. I1 lui est, entre autres, impossible de superviser les
employks,de se rendre physiquement sur le lieu des activites de ces sociktks,ou de
rencontrer ses clients. Le pilotage social estdonc totalement impossible. De plus, il
ne peut kvidemment pas poursuivre le processus engagk de recouvrement de ses
crkances, ni meme faire appliquer les dkcisions de justice de la Rkpublique
dkmocratique du Congo et, par conskquent, rkcupkrer les crkances qui lui sont
dues,?65.
L'argument esterronk Aun doubletitre.
2.69. D'abord, surun plan purement factuel,la Rkpubliquedkmocratiquedu Congo eprouve
beaucoup de difficultks a comprendre l'argumentationguinkenne. Est-il rkellementcrkdible
de prktendreque le dirigeant d'une sociktkne pourrait pas exercer son pouvoir de direction et
de contr6le a partir d'un territoire ktranger, fCt-iAplusieurs milliers de kilomktres des
lieux d'activite de cette socik?eLes moyens de communication moderne ainsi que, tout
simplement, la possibilitkde dklkguerdes tgches d'exkcutiona des administrateurslocaux, y
compris par la nomination d'un nouveau gkrant, constituent indkniablement des moyens
approprikspour diriger une sociktk,en Rkpublique dkmocratique du Congocomme ailleurs.
De nombreuses sociktkscongolaises sont d'ailleurs dirigkes par des personnes de nationalitk
ktrangkre,qui rksidentdans un territoire ktranger,et qui concluent les contrats, assurent leur
extcution et perqoivent des dividendes sans nkcessairement se rendre personnellement et
physiquementsur 1e terrain. E n application de 1'article81du dkcretprkcitkdu 27 fevrier
1887sur 1es sociktkscommerciales,1es associks peuventtoujours se fairereprksenter(aux
assemblkes gknkrales des associks d'une sociktk commerciale) par un mandataire de leur
choix, mais en observant les conditions exprimkes par les statuts. Le pilotage social de ces
sociktks n'est donc en rien (totalement impossible D, pour reprendre l'expression
plkonastique utiliskepar la Rkpubliquede Guinke enguise de dkmonstration. La Rkpublique
dkmocratique du Congo remarque a ce sujet que, en dkpit de ce que laisse entendre lYEtat
demandeur, M. Diallo a lui-meme continuk a diriger la sociktk Aficontainers-ZaYre, y
compris en poursuivant le processus de recouvrementdes crkancesde cette sociktk,et ce bien
apris lemois dejanvier 1996. I1a suffa,cet effet,d'engager desreprksentantset des avocats
chargksd'agir au nom et sur les instructions de M. Diallo, ce qui semble au demeurant avoir
265MRG, pp. 91-9par.4.48.kt6 le cas y compris dans le cadre de la prksente instance266. Telle a notamment kt6 la
situation que l'on a pu observer tout au long des nkgociations engagkes avec la
GECAMINES,qui se sont poursuivies plus d'un an et demi aprks l'kloignementdu territoire
de M. Diallo, comme la Rkpublique dkmocratiquedu Congo l'a dkji expos6et comme elle y
reviendra lorsqu'elle dkmontrera que les voies de recours internes n'ont paskt6 kpuisks au
Enfin, il y a lieu de relever que, au mois de mars 1997,soit plus d'un an et demi
aprks son kloignement du territoire national congolais, M. Diallo kcrivait encore
personnellement au gouvernement congolais en vue d'obtenir son appui dans les affaires
impliquant les sociktks Aficom-Zaire et ~fricontainers-~ai.re~~~.Dans ces circonstances,
affinner que son ressortissant ne pouvait <<kvidemment pas )> poursuivre le processus de
recouvrementdes crkancesengagkplus t6t relkvede la pktitionde principepure et simple.
2.70. Ensuite, et en tout ktat de cause, la Rkpublique dkmocratique du Congo relkve que,
conformkmentaux principesjuridiques qui viennent dY&trr eappelks, la question n'est pasde
dkterminersi les societksont ou n'ont pas kt6confisqukes(que ce soit de manikrefonnelle ou
informelle, come le laisse entendre la Rkpubliquede Guinke). I1importe plut6t de vkrifier
si les actions, les dividendes ou les droitsspkcifiquesde M. Diallo en tant qu'actionnaire ont
kt6 visks. L'Etat demandeur doit donc dkmontrer que les mesures incriminkes sont, pour
reprendre I'expressionde la Cour dans l'affaire de la Barcelona Traction, <<dirigkes contre ))
les droits propresde M.Diallo en tant qu'actionnaire. En l'espkce, il estdifficilede prktendre
que l'kloignement dutemtoire de M. Diallo, qui est la seule mesure incriminkei ce stade, a
ktk ((dirigkecontre ))son droitde superviserles employks,de rencontrer des clients, ou de se
rendre physiquement sur le lieudes activitks de ces sociktks,pour reprendre les trois seuls
exemples retenus dans le mkmoire. En rkalitk, la partie guinkenne ne cherche m2me pas a
dkmontrerque les droits d'actionnairede M. Diallo ktaientvisks commetels. Elle se contente
de prktendre (i tort, comme la Rkpublique dkmocratique du Congo l'a dkmontrk) que les
effets de la mesure incriminke (en l'occurrence l'kloignementdu territoire) ont pour effetde
lYemp2cher d'exercer pleinement sesdroits. On se trouve bien loin des circonstancesqui ont
prevalu dans l'affaire de la Salvador Commercial Co, dans laquelle le gouvernement avait
adopt6des mesures de destitution des dirigeants en vue de prendre la direction de la sociktk.
Absolument rienne laisse entendre -et encore une fois la Rkpubliquede Guinkene le prktend
26Infra, par. 3.et 3.30.
268uprap ,ar. 1.11.16,et infra,par. 3.29.
MRG, annexe 218.meme pas Qce stade- que l'kloignement de M. Diallo du tenitoire zayroisconstituait une
mesure dirigkecontreses droits en tant qu'actionnaire.
2.71. Finalement, l'argumentation guinkenne relative aux rrdroits fonctionnels >> de son
ressortissant n'est fondke ni en fait ni en droit.Ses droits ne sont ni visks,ni essentiellement
atteints par l'kloignement de M. Diallo du temtoire zayrois,seule mesure incriminke Qce
stade. Aucune dkcision de justice, czuvredoctrinale ou autoritk quelconque qui accrkditerait
la conception large de la notion de (<droits propres des actionnaires en tant que tels ))telle
qu'elle estdefenduepar la Rkpubliquede Guinken'est audemeurantcitkedans ses kcritures.
b) Les mesures incriminkesne sont pas dirigkes contre les droits patrimoniaux de M.
Diallo en tant qu'actionnairedes sociktksAfricom-ZaYreet Afiicontainers-ZaYre
2.72. L'Etat demandeur prktend, au sujet de ce qu'il appelle les trdroits patrimoniaux ))de
son ressortissant,que
rr[d]u fait du comportement des autoritks congolaises, M. Diallo, propriktaire des
societes congolaises Africom-Zalre et Afiicontainers-ZaTre,voit aujourd'hui la
valeur de son patrimoine rkduite Q nkant par le comportement illicite de la
Rkpubliquedkmocratiquedu Congo. Lesfaits internationalement illicitesde celle-ci
l'empechent de contr6ler et gkrer ses sociktkset de poursuivre le recouvrement des
crkancesqu'il dktientQl'kgardde 1'Etatlui-meme et de diverses sociktksprivCes(du
reste en grande partie contr8lkes par 1'Etatlui-meme) et meme de poursuivre le
recouvrement effectif des crkances ayant fait l'objet de decisions judiciaires
dkfinitives d6'.
2.73. La Rkpublique dkmocratique du Congo a dkjQrkpondu en substance Ql'essentiel de
cette argumentation ;outre que, sur le plan des faits, il faut rappeler qu'aucune dkcision
judiciaire dkfinitiven'a ktkadoptkeen l'e~~kce~~o ~, remarquera quele contrcle et la gestion
des sociktkssontpossibles, et que les mesures incriminkesne sont pas dirigkescontre le droit
de M. Diallo de les exercer. Elle ajouteraQce stade que cepassage du mkmoireguinkenoffre
une dkmonstration supplkmentairede la volontk de 1'Etatdemandeur de confondre presque
entikrementles droits, les personnalitkset les patrimoines des deux sociktkscongolaises et de
leur dirigeant. Dansce contexte,l'expression ((droits patrimoniaux )>propres de M.Diallo en
26MRG, p. 92,par.4.49.
27Supra, chapitrI des prksentes Ccritures.tant qu'actionnaire ne signifie kvidemment plus rien, et s'avkre en tout ktat de cause
radicalement incompatible avec l'ktat du droit internationalexistant.
2.74. La Rtpublique de Guinkeaffirme incidemment, et a plusieurs reprises,que M. Diallo
est ((propriktaire )) des sociktks Africom-Zaire et ~fiicontainers-zaire2". C'est dans cette
perspective qu'elle considbreque les sociktts en cause fontpartie du patrimoine de M. Diallo
et que, lorsquecelui-cicherche recouvrer les creances dues la sociktk,il ne faitrien d'autre
que tenter de recouvrer crses crkances )) ou crles crkances qu'il dktient ))272. Les pronoms
soulignks renvoient M. Diallo, alors qu'il s'agit en rkalitk de crtances des deux sociktks,
mais la distinction importepeu, puisque celles-ci fontpartie dupatrimoine de celui-la.
2.75. I1suffit de poursuivre la logiqueinduite par le raisonnement guineen pour en mesurer
le caractkreexcessifcar, inkluctablement :
- si M. Diallo est propriktairede deux socittts, il est propriktairede deux personnes, qui se
voient pourtant rtduites au rang de biens susceptibles d'appropriation, etce en dkpit de la
reconnaissance de leurs personnalitks juridiques propres, qui ne sont contesttes par
personne ;
-
si les deux socittks font partie du patrimoine de M. Diallo, les biens de ces socittts en
font partie Cgalement ; tous les biens, y compris les creances, font donc partie du mEme
patrimoine (celui de M. Diallo) ; la notion mtme de diffkrence de patrimoines dtcoulant
de la differencede personnalitts perd toutesignification;
- .finalement,et si on suit la logique son terme, les dettes de la socittks seraient en m6me
temps les dettes de M. Diallo lui-mEme,ce que la Guinke se garde bien d'affirmer (car il
semble que ce qui est valable pour les crkancesne le soit plus pour les dettes, M. Diallo
invoquant alorsbe1et bien la skparationdes personnalitks et des patrimoines), mais qui
dkcoulede son raisonnement.
Dts les premieres lignesde la requete, la RCpubliquede Guinte Cvoquede manieretrks gtntrale au sujetde
M. Diallo ((le recouvrement d'importantes creancesdktenues par ses entreprises sur 1'Etat et les sociCtCs
pttrolitres qu'il abriteet dont il est actionna))(requete de la GuinCe,p. 2 ;soulignk par la RCpublique
dtmocratique du Congo). V. aussi,p. ex., MRG, pp. 101,par.4.71, 103,par.4.75,ainsi quelepremier pointdes
conclusions de laRtpublique de Guinte, MRG, p. 108.distincte de ces dernikres)?74. A la connaissance de la Rkpublique dkmocratiquedu Congo,
jamais il n'a kt6 question d'accorder une personnalitk morale i une personne physique, ffit-
elle actionnaire (ou dktentrice de parts sociales) d'une sociktk. Une fois de plus,
l'argumentation guinkenne semble viser i entretenir la confusion 1i oh le principe est
relativement simple : soit une sociktk dotke de la personnalitk morale est atteinte dans ses
droits, et c'est elle-et le cas kchkant1'Etatdont elle posskde la nationalitk--qui a qualitk
pour agir ; soit c'est un actionnaire, en tant que tel, qui voit ses droits propres atteints, et il
peut, de meme que son Etat national, valablement se prktendre list. I1 n'existe aucune
situation intermkdiaire susceptible, par le biais d'une <(personnalitk morale d'une personne
physique ))totalement inconnue sur le plan juridique, de confkrer qualitk pour agir i 17Etat
national d'un actionnaire A l'kgardd'kventuelles violations des droitsde la sociktk.
2.78. Ces principes klkmentaires du droit commercial peuvent Cvidemment&re dkgagts
d'une analysede la doctrine ainsique de certaines dkcisionsarbitrales. Leprofesseur Diez de
Velasco cite i cet kgard l'affaire Kunhardt, dans laquelle la Commission arbitralekcarte la
rkclamation d'une sociktk amkricaine, Kunhardt and Co, qui ktait actionnaire majoritaire
d'une sociktk vknkzuklienne. I1indique que cle commissaire amkricain et le vknkzuklien
furent d'accord sur le fait que les rkclamations des actionnairesne peuvent pas Ctreadmises
pour des dommages causks au patrimoine social car les actionnaires manquent, tant
individuellement que collectivement, d"un droit de propriktk sur les biens de la sociktk ;ce
droit leur fut seulementreconnu dans une partie proportionnelle en prockdant i la rkpartition
de l'actif de la socikteau moment desa dissolution ))2751 ,etout en tenant dfiment comptedes
droits des autres crkancier~~~~A . la lecture de la sentence, on relkve en effetque, en toute
logique,
<<the shareholdersof an anonymous corporationare not co-ownersof the propertyof
the said corporation during its existence ; they only have in their possession a
certificate which entitles themto participate in theprofits and to become owners of
proportionalparts of the property andvalues of the corporation whenthis one makes
an adjudication as a consequenceof its final dissolution$77.
27Ibid.
27M. DIEZ DEVELASCO, (La protection diplomatiquedessoci6tCset des actiomaires)),op.cit.,p. 151.
27R.S.A.,vol. IXp. 179.76.La distinction de principe entre le patrimoine social et les droits des actionnaires, de mtme
que l'absence de droits de propriete de ceux-ci sur les biens sociaux ont aussi kt6 trks
clairementrkaffirmkesdans l'affairede la Deutsche Amerikanische Petroleum ~esellschaft~~~.
2.79. En definitive, la Rkpublique de Guide ne fait que confirmer tout le sens de sa
rkclamation lorsqu'elle affirme que M. Diallo, alors qu'il agit en vue de recouvrer les
crtances dttenues par les deux sociirtes,ne fait qu'agir pour recouvrir ses crkances ))ou
((les crkancesqu'il dktient )). Cette assimilationet cette confusion constante entre lapersonne
de l'actionnaireet celle de sa societksont totalementcontraires au droit international existant.
La requtte guinkenne doit donc Stre dCclarke irrecevable et, comme la RCpublique
dkmocratique du Congo le dkmontrera present, cette conclusion ne saurait Streremise en
cause aunom de (( considerationsd'tquitk )).
M. DIE2 DE VELASCO, ((La protection diplornatique des societts et des actionnaires)op.cit.,p. 151 et
R.S.A.,vol. 11,pp. 781-795.Section 2. La RCpublique de GuinCe ne peut en l'espece prCtendre exercer une
<<protection des droits des actionnairespar substitutionde la sociCtC dCtenue >> pour des
raisonsd'CquitC
2.80. L'Etat demandeur en appelle a des ((considCrationsd'CquitC ))pour justifier ((le droit
d'exercer sa protection diplomatique,indkpendammentde la violation des droits propres des
actionnaires n2"'. L'argument se fondeuniquement sur le fait que, contrairement a ce qu'on a
pu observer dans le cas de laBarcelona Traction, 1'Etatdont la responsabilitCest en cause est
en meme temps 1'Etatnational de la sociCtCconcernke. En l'occurrence, les deux sociCtCs
dont la RCpubliquede GuinCecherche a assurer la protection a l'encontre de la RCpublique
democratique du Congo Ctant de nationalit6 congolaise, il serait kquitable d'admettre la
rCclarnationde 1'Etatdemandeurpar ((substitutionde la sociCtCdttenue ))280.
Ce volet de l'argumentation guinCennene saurait, pas plus que le prkckdent, Etre
2.81.
retenu. LaRCpubliquedkmocratiquedu Congo montrera en effet que, d'une part, et a titre
principal, l'argumentguinCende 1'CquitC n'est tout simplement pas recevable enl'espkce et
que, d'autre part, et en tout Ctatde cause, ilne serait nullement ((Cquitable >)d'admettre dans
cette affaire une protection de M. Diallo ((par substitution )) des sociCtCsdont il est
actionnaire.
A. L'ar.ument de la RCpubliquede Guinte, fond6 sur une Cquitkcontra legem, n'est pas
recevable en l'espkce
2.82. On saitque, lorsqu'onCvoquelYtquitCi,l y a lieu de distinguer :
- 1'CquitC infra legem, c'est-a-dire, selon les termes de lajurisprudence de la Cour, <(cette
forrned'CquitCqui constitue une mCthoded'interprktationdu droit et qui en est l'une des
qualitCs )?*I;
- 1'CquitC prater legem cornrne (<qualit6 de lYCquitC qui assure une fonction supplktivedu
droit dans le casde lacuneou d'insuffisances ))2s2;
280RG,p. 93,par. 4.52.
Selon letitre de la p. 93du MRG.
"'C.I.J.,RecueiI1986,arr&tdu 22 dtcembre 1986,pp. 567-568.- l'kquitkcontra legem,comme c(qualitkde l'kquitkqui assure une fonction kliminatrice du
droit, pour imposer une solution contraire ou, du moins, totalement indkpendante des
rkglesen vigueur ))283.
En l'espkce,il ne fait gukrede doute que la Rkpubliquede Guinkedemande 2ila Cour de faire
usage de ce dernier type d'kquitk, dans la mesure oh il s'agit be1et bien d' ccimposer une
solutioncontraire ou, du moins, totalementindkpendantedesrkgles en vigueur N.
2.83. A ce stade de son argumentation,1'Etatdemandeur admet en effet que l'on setrouve
dans une hypothkse diffkrentede celle de la protection diplomatique telle qu'elle est conque
en droit internationalpositif. L 'kquitkn'est eneffet invoquke qu'ccindkpendamment de la
violation des droits propres des actionnaires ))(l'expression est utiliske deux fois), et ce en
vue d'assurer une protection ((par substitution de la sociktk )>(selon le titre m2me qui
annonce l'argumentation guinkenne). Par dkfinition, la protection diplomatique pourraitdks
lors 2tre exercke par 1'Etatnational de l'actionnaire, alors meme que les droits propres de ce
dernierne sontpas atteints (car, si tel ktaitle cas, il suffirait d'appliquerle droit existant et de
formulerune rkclamationen protection de ses droitspropres en tantqu'actionnaire),mais que
seuls ceuxde la sociktkle seraient. L'Etat national de celle-ci ne pouvant la protkger, 1'Etat
de l'actionnaire assurerait une protection par substitution,ce qui ouvre la voie Al'alternative
suivante :
- soit 1'Etatnational de l'actionnaire agit ccpar substitution 1)pour le compte de la sociktk
dont il ne posskde pas la nationalitk, envue de la rktablir dans ses droits, l'actionnaire
ktantlebtnkficiaire indirect del'opkration ;
-
soit cet Etat national agit pour le compte de son actionnaire,mais sans qu'il soit question
de rktablirles droitspropres de l'actionnaire qui,par hypothkse,n'ont pas ktk atteints.
11 va de soi que, quelle que soit la manikre dont on envisage la question, cette
c(protectiondiplomatique )> va bien au-dela de ce que prkvoit le droit international positif.
Come on l'a dkjarappelk, celui-ci repose surune logiqueselon laquelle, enviolant les droits
28J.SALMON(dir.), Dictionnaire de droitinternationalpublic, op.cip.,443.
28Ibid.,p. 442.d'un ressortissants Ctranger,on viole aussi les droits de 1'Etatdont il posskde la nationalitk.
C'est cette circonstance, et cette circonstance seule, qui justifie la mise en oeuvre de la
protection diplomatique. A contrario, si aucun droit de ses ressortissants n'estviolk, aucun
droit de 1'Etatn'est viol6 et, par conskquent,cet Etat ne peut en aucuncas avoir qualit6pour
agir. En d'autres termes encore, la Rkpublique de GuinCedemande A la Cour d'accepter sa
rtclamation alors qu'aucun de ses droits n'a Ctkviolk, que ce soit de manikredirecte ou dans
la personne de l'un de ses ressortissants. C'est dire que l'on se trouve bien au-deli d'une
((fonction supplktive du droit dans le cas de lacune ou d'insuffisances )) (kquitkpraeter
legem)et afortiori d'une simple ((mkthoded'interprktation dudroit ))(kquitkinfra legem).
2.84. La Cour ne saurait se laisser aller a de telles extrCmitCs.En applicationde l'article 38
de son Statut, son rBleest ((d'appliquer le droittel qu'elle le constate et non de le crker),284.
I1y a lieu de prendre les m&mesprCcautionsque celles dont s'est entourke laChambre dans
l'affaireduD@rend frontalier :
<(I1est clair que la Chambrene peut, en la presente affaire, statuerex cequoet bono.
N'ayant pas requdes Parties la mission de prockder A un ajustementde leurs intkrkts
respectifs, elle doit kgalement Ccarter en l'espkce tout recours a l'kquitk contra
legem. La Charnbren'appliquerapas non plus 17CquitCpraeter legem D"~.
Dans la prtsente espkceCgalement,les Parties n'ont pasrecouru a l'option ouverte a l'article
38 par. 2 du Statut de la Cour en demandant a celle-ci de statuer ex @quoet bono. On ne se
trouve pas ici dans la situation qui Ctaitcelle des arbitres ou des Commissions mixtes dont
certaines des dkcisions ont Ctkinvoqukes par la Rkpublique de Guinke, que les compromis
instituaient cornrne <( amiables compositeurs ))ou auxquels ils permettaient de recourir a la
justice naturelle, ou a l'kquitk conque dans son sens le plus large. En tant que plus haute
juridiction mondiale reconnueet respectke parl'ensemble desEtats, la Cour appliquele droit
international existant,etnon telleou telle conceptionparticulikrede lajustice.
B. En tout Ctat de cause, la solution prkconiske par la Rkpublique de GuinCen'est pas
kquitable
284C.I.J., Affaire du Sud-Ouest africain(2"'phase), Recueil 1966,48,par. 89;v. aussi C.I.J., Affaire de la
Compttence en mafigredepecheries,Rec. 1974,p. 33,par.78.
285C.I.J., Recueil 1986,p. 567, par.;v. aussi C.I.J., Affairedu Plateau continentalde la Mer du Nord, Rec.
1969,pp. 47,par. 85 et 48, par. 88.2.85. A supposer meme que la Cour en vienne a accepter d'appliquer 17kquitkau sens
extremement large que donne 17Etatdemandeur a cette notion, le rksultat ne serait pas
fondamentalement diffkrent. D'une part, la solutionprkconiskepar la Rkpubliquede Guinke,
qui consiste a autoriser une protection de 17Etatnational des actionnaires lorsquela sociktk
posskde la nationalitkde 17Etatdkfendeur,n'est, dansson principe meme, pas kquitable(1).
D'autre part, et ce deuxikme temps du raisonnement impliquera de se pencher plus
prkciskmentsur les particularitks factuellesde la prksente affaire, I'applicationde ce principe
en l'espkcemkneraitAun rksultatinkquitable(2).
1.La solutionpre'conise'epar laRkpublique de Guine'en'est,dans sonprincipe, pas e'quitable
2.86. Le dictionnaire de droit international publicdkfinit trks gknkralement17kquitkcornrne
le (sentiment sQret spontankdujuste et de l'injuste gx6. La gknkralitkde cette dkfinitionne
doit pas conduire a mksestimer son utilitk. Pour que l'kquitkpuisse etre appliqukeen droit,et
en particulier si elle 17esten vue de supplker les lacunes et meme de contoumer le droit
positif, il faut qu'elle puisse s'appuyer surun sentiment spontank, et donc trks largement
partage. En d'autres termes, le contoumement de la rkgle de droit ne peut, tout
particulikrement en droit international, se concevoir que par rapport. a une conception
universelle,et non sur labase d'uneconceptionparticulikre,de l'kquitk.
2.87. Or, une analyse de la doctrine et de la jurisprudence montre que, dans son principe
meme, la protection d'un actionnaire par 17Etatdemandeur en substitution de la sociktkqui
posskde1anationalitkde 1'Etat dkfendeurest 1oin d'etreunanimementacceptke. E n guise
d7argument a 17appuide sa thkse, la Rkpublique de Guinke se contente de citer les opinions
individuelles des juges Jessup et Fitzmauricejointes 1 17arr6tde la Barcelona ~raction~~'.
Avec tout le respect qui leur est dQ,la Rkpubliquedkmocratiquedu Congo remarqueque ces
deux opinions, si elles ne sont pas totalement isolkes, sont trks loin de pouvoir prttendre
reflkter un point de vue universe1et incamer ainsi un ((sentiment siir et spontankdujuste D.
On peut en effetrelever des opinions individuellesdejuges ou des auteurs (a),mais aussides
dkcisions arbitrales(b), qui seprononcenttrksnettementdans un sens inverse.
28J.SALMON (dir.Dictionnairede droitinternationalpublic,op.441.,
28MRG, pp 93-96.
91 a) La possibilitkd'une protectionde 1'Etatnational des actionnaireslorsque la sociktC
posskde la nationalitkde 1'Etatdkfendeur est considkrke cornrne inequitable par de
nombreuxjuges et auteurs
2.88. I1 suffit d'abord pour s'en convaincre de citer les extraits suivants d'opinions
individuellesd'autresjuges jointes Alamtme affaire. Ainsi, selonlejuge Padilla Nervo,
(<Je ne partagepas le point de vue selon lequel1'Etatnational des actionnairespeut
exercer la protection diplomatique quandl'acte incrimink a kt6 commis par 1'Etat
national de la sociktk, car cela revientBadmettre que tout Etat, sous prktexte de
protkger les intkrets des actionnaires d'une sociktk Ctrangkre, peut refixer de
reconnaitre la personnalitkjuridique de sociktksconstitukes conformkment auxlois
de lYEtatnational de ces sociktks.
J'ai des rkserves a formuler sur le paragraphe 92 de l'arret. Pour les raisons queje
viens d'knoncer,j e suis d'avisque 1aprktenduethkse viskepar ce paragraphe est
dkpourvue de toute validitk. Le fait que ce paragraphe de l'arret se termine par la
phrase suivante : 'Quelle que soit la validitk de cette thgse, elle ne saurait
aucunement Etreappliquke 2 laprksente affaire,puisque I'Espagne n 'estpas I'Etat
national de la Barcelona Traction',ne doit pas Streinterprktkcomme impliquantque
cette 'thkse'pourrait etre applicabledans d'autres cas oh 1'Etatdont la responsabilitk
est allkgukeest 1'Etatnationalde la sociktk.
I1s'agit 16d'un point fondamentaldans le domaine de l'intervention exercke pourle
comptede nationaux qui sont actionnairesde sociktksanonymesktrangkres.
Abstraction faite des nombreux cas oh le droit de protection a kt6 exerck dans le
pass6 -en marge ou en contravention du droit international- au moyen de
pressions ~conomiques,politiques ou militaires, il n'est pas inutile de rappeler que
---clans le pass6 kgalement- l'occasion deprises de positions juridiques sur le
respect de la souverainetk des autres Etats,il y a eu reconnaissance historique de la
personnalitk distincte des societks anonymes, et que les opinions exprimkes ce
propos ont soulignCl'existence indkpendante de la sociktk en tant que personne
juridique [..] ))88.
MCme si c'est par le biais d'un raisonnement diffkrent,le juge Morelli partage la meme
rkticence Badmettre l'hypothkse de l'action supplktive de lYEtatnational des actionnaires,
sous le prktexteque la sociCtkposskde la nationalitkde lYEtatdkfendeur :
<([...II1 faut reconnafire, au contraire, qu'il y a rkellement impossibilitk de la
protection diplomatique a l'egardde la sociCtClorsqu'il n'existeaucun Etat Ctranger
qui pourrait l'exercer. C'est prkciskmentle cas d'une sociktkayant la nationalitk du
mCmeEtat dont l'obligation internationale ese tn cause.
Toutefois, dire qu'en cecas les Etats nationaux des actionnaires sont autorisks a
protkger les intkrets de ceux-ci, parce que ces intkrets ne peuvent bknkficier
indirectementd'uneprotection quelconque accordkekla sociktC,signifiebouleverser
''*C.I.J., Recueil 1970,pp. 257-258. complktementle systkmedes rkglesinternationales sur letraitement des ktrangers. I1
s'agirait enoutred'une dkduction tout fait illogique et arbitraire.
En effet, si l'on envisage uneprotection indirecteeventuelle, cela veut dire que l'on
constate, pource qui concerne les actionnaires,l'absence d'une protection directede
la part du droit international : on constate, en d'autres termes, que le droit
international ne considkre pas les intkrets des actionnaires, en tant que simples
inthgts, comrnedignes de protection de sa part et qu'il s'abstientpartant de mettre B
la charge de lYEtat,a ce sujet, des obligations quelconques vis-a-vis desEtats
nationaux des memes actionnaires. Cette attitude nkgative du droit internationalne
pourrait &rerenverskepour le motif que les intkretsdes actionnaires pourraient,dans
d'autres hypothkses, benkficier d'une protection purementindirecte. Par cette voie
artificielle et illogique on aboutirait a crker, pour les intkrets des actionnaires, une
protection directe susceptible d'etre mise en oeuvrepar leurs Etats nationaux : cette
protection, prkciskment,qui estrefuskepar le droit international >>289.
2.89. Une partie importante de la doctrine adopte une position similaire. Le professeur
Jimenez de Arechagaconclut ainsi sonCtudede la questionde la protection diplomatique des
actionnairesde la faqonsuivante :
t<These rules of international lawconcerning claims -their espousal by states, the
condition of continuing nationality, the requirement of violation of rights as a basis
for valid action- have often been criticized asillogical and conductive to injustice
andunpredictabilityin their practical application.
Such a criticism misses the point. A perfect protection of aliensor of foreign
investmentsis not the aim nor the ratio legis of these rules of international law. The
interests comprehended and protectedby such rules are not those of individuals but
of states in the maintenance of a balanced systemwhich, on one side, affords an
admittedly limiteddegree ofprotection to foreigninterests and, onthe other, respects
the sovereigntyand domesticjurisdiction of the territorial state.
Theexistingrules represent the essentialconditions,historicallydeveloped,on which
the territorial state is prepared to accept claims presented by another state on behalf
of persons residing or havinginterestsin it. They constitute amodusvivendi,a well-
balanced compromise, graduallyand peacefilly evolved and acceptedboth by states
interested in extending the scope of diplomatic protection and states interestedin
restricting it. Naturally states are free to agree with like-minded states on any
correctives or improvements which might, among themselves, do away with the
particular inconveniences or hardships resulting from the rules, as through
agreements forthe international protection ofhuman rights
Dans le meme sens, on peut encore citer le professeur Ian Brownlie qui, Cvoquant la
prktendue exception l'impossibilitk pour 1'Etat national des actionnaires d'exercer sa
protection diplomatique en l'absence d'atteinteaux droits propresde ces actionnaires en tant
que tels, remarqueque
28C.I.J.,Recueil1970, pp. 240-241, par. 12.
29Jimenez deARECHAGA, a International ResponsibilD,op.cit.,58 1. ((the exception, if it exists, is anomalous 'sinceit ignores the traditional rule thata
State is not guilty of a breach of international law for injuringone of its own
nationals' [Jessup, p. 1921. It is arbitrary to allow the shareholders toemerge from
the carapace of the corporation in this situation but not in others. If one accepts the
general considerationsof o26:y advancedby the Court thenthis allegedexception to
this rule is disqualified)> .
b) La possibilitkd'uneprotection de lYEtatnational des actionnaires lorsque lasociktk
posskde la nationalitk de 1'Etatdkfendeur est considkrke comme inequitable dans
plusieurs dkcisionsarbitrales
2.90. L'analysed'unejurisprudence ancienne,constitukedejugements fondkssur l'kquitket
lajustice, confirmeque la protectionpar lYEtatnational des actionnaires al'encontrede 1'Etat
national de la sociktkn'a jamais kt6acceptkecomme reflktant un ((sentiment sQret spontank
du juste D. L'affaire Baasch & Romer peut certainement 2tre citke a cet kgard. La
Commission mixte, jugeant, selon les termes du compromis, ((according tojustice ),292y,
rejette une plainte d'actionnaires hollandais d'une sociktk vknkzuklienne dont les biens
avaientkt6dktruits surla base desconsidkrationssuivantes :
((It is not necessaryto considerthis claim furtherthan to accedeto the position taken
by the leamed agent of the respondent Government. It is a Venezuelan corporation
created and existing under and by virtueof Venezuelan law and has its domicile in
Venezuela. This Mixed Commission has no jurisdiction over the claim. It is the
corporation whose property was injured. It may have a rightful claim before
Venezuelan courts, but it has no standing here. The shareholders beingDucth does
not affect the question. The nationality of the corporation is the sole matter to be
considered. This claimis therefore dismissedwithout prejudice),293.
La meme commissionseprononcedans lememe sens etpour lesm2mesraisons dans l'affaire
JacobM. Henriquez :
c<Both the leamed agent for the respondent Government and the honorable
commissionersthereof assert as lawyers, and the latter withthe added responsibility
of his oath as such commissioner, thatthis association,or partnership, or mercantile
establishment,by whatever nameit may be called, was in fact and law, by virtue of
the Venezuelan code governing suchassociations and establishments,of Venezuelan
origin and domicile ; that it is therefore not a Dutch citizen or subject, but
I. BROWNLIE, PrinciplesofPublic InternationaLaw, 5" ed., op.cit.,p. 495.
'" ArticleIdu Protocoledu 28 fkvrier 190R.S.A.vol.X, p. 709.
293R.S.A.,vol. X,p. 726. Venezuelan, andhence this Commission has no jurisdiction over it or any claim
which itmaypresent of whichmaybe presented for it >tg4.
Dans les deux cas, la Commission a refusk d'admettre la recevabilitk de la plainte des
actionnaires a l'encontre de mesures qui visaient une sociktkposskdantla nationalitkde 1'Etat
defendeur. Le compromis qui fondait sa compktence, en luipermettant dejuger ((according
tojustice ))auraitthkoriquement pu autorisercettejuridiction a accepterce type de plainte au
nom de considkrationsd'kquitk. I1n'en arien ktk,et ces prkckdentsconfirmentque, dans son
principe, la possibilitkde proteger les actionnairesktrangersen cas de mesuresdirigkescontre
une sociktk posskdant la nationalitk de 1'Etat dkfendeur, si elle a pu parfois convaincre
certains juges ou auteurs en particulier, est loin dY6treuniversellement admise. Cette
possibilitk ne peut, de ce fait, Stre considkrke come une solution kquitablejustifiant de
contournerou d'aller au-deladu droitpositif existant.
2. L'application de la solution pre'conise'epar la Rkpublique de Guine'emknerait, en
l'espkce, h un rksultat inkquitable
2.91. La Rkpublique dkmocratiquedu Congomontrera a prksent que, a supposermCmeque
l'on accepte que, dansson principe, uneprotection de l'actionnaire par sonEtat national se
justifie, l'application de ce principe au cas de M. Diallo se rkvklerait fondamentalement
inkquitable.
2.92. Dans la partie de son mkmoire supposkejustifier la protection de M. Diallo par
substitution des deux sociktksdont il est actionnaire, lYEtatdemandeur ne croit visiblement
pas opportun d'analyser en profondeur les circonstances de la cause pour montrer que la
solution pr6nke serait be1 et bien kquitable dans le cas d7espkce. En rkalitk, aprks avoir
formulk des affirmations gknkrales qui ne sont pas mises en application dans laprksente
affaire, la Rkpublique de Guinke se contente, en tout et pour tout, des quelques lignes
exposant lamotivation suivante :
(<En la prksente occurrence,les faits de l'espece, c'est-A-direla nationalitkrespective
des sociktkset des actionnaires,et l'existencede faits internationalement illicites ayant
causk un grave prkjudice a la sociktk,doivent de mkme conduire -indkpendarnrnent
du fondementtirk d'une violation des droits propres des actionnaires, qui ont au cas
29R.S.A.,vol. p. 727. prkcis kgalement etk violks- a considkrer come recevable la rkclamation de la
Guinkedans cette affaire>,295.
2.93. La Rkpublique dkmocratiquedu Congone peut que s'etonner de la concisionde cette
motivation d'autant que, B l'analyse, il s'agit moinsd'une motivation que d'une pktition de
principe. L'Etat demandeur n'explique absolument pas pourquoi, en l'espkce, la protection
de son ressortissant se justifierait pour des raisons d'kquitk tellementimperieuses qu'elles
devraient amenerla Cour iicontournerle droitpositif existant en faisantprkvaloirun principe
qui a toujours kt6 trks controverst. La Rkpublique de GuinCesemble considkrer que, dans
tous les cas oGun actionnaire s'estimelkskpar des actes dirigks contre une sociktkposskdant
la nationalitk de I'Etat auteur de ces actes, un recours par substitution se justifierait.
L'affirmationne serait gukreconformeau conceptmtme d'kquitkqui, cornrneon le sait,ne se
congoitque par rapport Bun casparticulier296.
2.94. Sans doute la partie guinkennesera-t-elle amenke iise justifier ulttrieurement sur ce
point. A ce stade du dkbat, la Rkpublique dkmocratiquedu Congorkfutera certains arguments
qui peuvent ttre degagksd'une lecture de l'ensemble dumkmoire. Ensome, le schkma qui
se dkgageimplicitement deskcritures guinkennes estle suivant :
- l'kquitk permettrait B la Rkpublique de Guinke de mettre auvre une ((protection par
substitution ))non en raison d'une ltsion de ses droits, mais pour des motifs some toute
dksintkressks ;
-
la personnalitk particulikrement droiteet intkgre de M. Diallo, sur laquelle insiste 17Etat
demandeur B plusieurs reprises,justifierait tout particulikrement semblable protection ;
- enfin, et ceci est encore un klkment dkcisif, la protection kquitable se justifierait ((en
dernierrecours )),M.Diallo ttant privkde tout autremoyen de fairevaloir ses droits.
Aucun de ces trois argumentsne rksistepourtantBl'analyse.
296MRG, p. 96, par. 4.59.
C.I.J.Affaire del'lnterpr&tationde I'accordentrel'O.M.S.et I'Egypte,Rec. 19p. 96 ;AffairduPlateau
continentalTunisie/Libye),Rec. 1982p. 60, pa72.
96 a) La mise en oeuvrede la c<protection kquitable par substitution ))mknerait a un
rkgime de protectiondiscriminatoire
2.95. Le premier argumentque l'on peut dkduiredes kcritures guinkennespose un problkme
de principe. Que se passerait-il si, demain, on admettait que, alors mEmequ'aucun de ses
droits n'a kt$ atteint --car, encore une fois, il suffit d'utiliser le droit internationalpositif
existant dans l'hypothkse inverse-, un Etat puisse protkger ses ressortissants actionnaires
d'une sociktkqui ne posskdepas sa nationalitk ? Indkniablement,on aboutirait a un systkme
oh :
- premikrement,dans un Etat donnk, les ktrangersbknkficieraientde plus de protection que
les nationaux,
- deuxikmement, et plus gknkralement,certains ktrangers bknkficieraientde davantage de
protection que d'autresktrangers,certains Etats ktantinkvitablementplus dksireux ou plus
capablesde dkvelopperune politique deprotection active,et
- troisikmement,entre les ktrangers ressortissantsd'un mEmeEtat, ceux qui entretiennentde
meilleures relations avec les autoritks de leur Etat seraient avantagks par rapport aux
autres.
En ce qui conceme M. Diallo, ce sont surtout les premieret troisikme de ces dements qui
posent questionmais, en tout ktatde cause, il estindkniableque le systkmede ((protection par
substitution )>dkfendu par la Rkpubliquede Guinke mknerait Qtrois types de diffkrencesde
traitement particulikrementinjustifikes.
2.96. Tant qu'on demeure dans le cadre de la protection diplomatique telle qu'elle existeen
droit positif, la logiquede l'institutionpermet de considkrerque ces diffkrencesde traitement
ne sont nullement arbitraires. L'Etat qui met en euvre la protection diplomatique dispose,en
effet, d'une compktence discrktionnaire qui dkcoulede la circonstance que, ce faisant, il ne
protkge en rkalitkque ses droits propres. Et l'on peut difficilement critiquer le fait pour un
Etat de dkfendre ses propres droits dans un cas, tout en refusant, pour des raisons de haute
politique qui relkventde sa souverainetk,de le faire dans d'autres. Mais, par hypothkse, la
protection par substitution envisagke au titre de lYkquit6ne peut logiquement Etreexpliqukepar la compktence discretionnaire de 1'Etatde protkger ses droits. En l'occurrence, 17Etat
prktend agir de manikre dksinthesske, pour protkger une personne dont les droits propres
n'ont paskt6lksks,en raison du caractkre moralement choquantde la situation. Mais, dans
ces circonstances,l'applicationdifftrencike de la protection en fonctionde la nationalitkde la
personne protkgkene sejustifie nullement, pas plus que ne sejustifie la prkference donnee a
certainsktrangersplut6t qu'a d'autres.
2.97. Les conskquencesentrainkespar la solutionproposke par 1'Etatdemandeur sont donc
profondkmentinkquitables. Come la Courl'a signalk,
((Bien que l'kquitkn7impliquepas nkcessairementl'kgalite(Plateau continental de la
Mer du Nord, C.I.J., Rec. 1969, p. 49, par. 91), il reste qu'en l'absence de
circonstancesspkcialesc'est en gknkralcelle-ciqui traduit lemieux celle-18,,297.
En l'espkce,tous les actionnaires de sociktkscongolaises qui, par hypoth&se,auraient kt6les
victimes indirectes d'atteintes aux droits de leur sociktk, ne sont pas placks dans des
conditions d'kgalitk. Certains, comme M. Diallo, peuvent btnkficier de la protectionde leur
Etat national en raison de leur qualitk d'ktranger et des bonnes relations qu'ils entretiennent
avec leurs autoritks nationales. D'autres ne bknkficieront pas de cette protection par
substitution, et resteront tout simplementsournisau droit commun. On se trouvebien devant
une diffkrenciation manquantde ((base objective et raisonnable ))c'est-&-direj ,uridiquement,
devant une discriminationzg8.
b) La prise en compte du comportement de M. Diallo doit conduire a qualifier
d'inkquitablela ((protectionpar substitution ))
2.98. Tout l'argument de la ((protection kquitable par substitution )) repose sur la
compassionque devrait inspirer la situationde l'actionnaire etrangerprktendumentvictime de
mesures ktatiques arbitraires. La Republique dkmocratique du Congo a pourtant dkji
dkmontrkque, en d$it de l'imagepresque idylliqueque tente de projeter lYEtatdemandeurzgg,
la personnalitt de M. Diallo et le comportementqu'il a adopt6depuis le dkbutde cette affaire
sont loin dYCtre irrkprochables. Auvu de ce qui a kt6 expos6 plus haut, il est clairque M.
Diallo a kmis des revendications arbitraireset intempestives, qui ont culmink dans des
- - -
297C.I.J.Affaire duDzffkrendfi-ontalier,RecueiZ1986,p. 633, par.150.
298J. SALMON (dir.)Dictionnaire de droitinternationalpublic, op.cit., discrimination, senB,p. 344.prktentions financikres totalisant plus de trente milliards de dollars amkricains, soit prks du
triple de la dette extkrieurede l'ensemble de la Rkpublique dkmocratiquedu Congo. Ce sont
d'ailleurs ces activitks fiauduleuses et attentatoires a l'ordre public qui ont motivk son
iloignement du temtoire zayrois,sur decisiondes autoritescompktentes, enjanvier1996.
2.99. Les particularitks de la prksente espkce semblent plut6t renvoyer a la thkorie des
<<mains propres )>(((clean hands D),qui a kt6exposkede la faqonsuivante parunepartie de la
doctrine :
((La personne physique ou juridique ktrangkre doit avoir eu une conduite correcte
envers 1'Etatterritorial, s'en tenant A ses lois et ne se melant pas de ses affaires
politiques internes pour pouvoir se rkclamer de la protection diplomatiquede son
propre Etat [...I.
Un Etat ne peut pas presenter une rkclamation en faveurd'une personne physique ou
juridique --qu'il a le droit de protkger diplomatiquement face a un autre Etat- si
cettepersonnen'a pas observkune conduite correcte enverscet autre tat))^".
Dans son Ctude de reference, le professeur Wittenberg considkre que l'on est alors en
prksenced'une caused'irrecevabilitkd'unerequ&te,et ce surla base du faitque
((bien des fois, la jurisprudence internationale s'est prononcke en ce sens, soit que
l'etranger eQtcomrnisun dklit, soit qu'il eQtvoulujouer dans la vie politiquedu pays
un r61eincompatible avec sa qualitkd'ktranger [...I. En ce cas, l'etranger s'exposea
toutes mesures par lesquelles 1'Etatentend maintenir l'ordre,telles que lYincarcCration
des coupablesou m&medes suspects,les condamnationsrkpressives,l'expulsion )?'I.
La thCoriedes ((mains propres )) est ainsi considtrke par une bonne partie de la doctrine,
ancienne comme actuelle, comrneune cause d'irrecevabilitkd'une rkclamation en protection
diplomatique302.La RCpubliquede Guinke semble d'ailleurs elleaussi abonder ence sens
puisque, dans sa requkte, elle affinne expresskment que, pour pouvoir bknkficier de la
protection diplomatique, l'individu protkgkdoit avoir les 'mainspropres' [...] )>'03.
----- ~
299V. p. ex. MRG,pp. 11-12 ,ar.2.6.
300 L. GARCIA-ARIAS, (La doctrine des 'cleanhands' en droit international publD, Annuaire des anciens
Auditeurs de llAcade'miede droit international,1960,vol. 30,pp14-22.
30'J.C. WITTENBERG, <<La recevabilitkdes rtclamations devant les juridictions internatioD,lR.C.A.D.I.,
1932, I1,vol.41, p.64.
302Voy. p. ex. M. BORCHARD,Diplomatic Protectionof CitizensAbroad, op.cit.,pp. 713 et ss. ;L. CAVARE,
Le droit international publicpositif; 2"' ed., Paris, Pedone, 1961,264 ;P.M. DUPW, Droit international
public, Paris, Dalloz,p. 454, n0478et, semble-t-il,D. ALLAND,Droit internationalpublic,op.cit.,p416-417.
303Requete de la Rkpublique deGuinke,op.cit.,p. 32.2.100. La Rkpublique dkmocratique du Congoconsidkre au contraire, avec une autre partie
de la doctrine, que tel n'est pasl'ktatdu droit internationalpositif actue1304.Cela ne signifie
pas pour autant que celui-ci ne tire aucune conskquence de la conduite incorrecte d'un
Ctrangerqui prktend ensuite pouvoir bknkficier de la protection diplomatique. I1 doit a
fortio erietre ainsi si la Cour en vienta fonder sonjugement sur des considkrationsd'kquitk,
cornme la Rkpublique de Guinke lui demande de le faire. Dans ce cas, il va de soi que la
conduite de M. Diallo ne peut rester sans conskquence, et constitue indkniablement une
circonstancepertinenteen vue de l'kvaluationdu caracth-ekquitablede la solutionproposke.
2.101. La conduiteincorrecte de M .Diallo constitue ainsi une raisondeplus pour kcarter
comme inkquitable la tentative de 1'Etatdemandeur de protkger une personne dont, non
seulement, les droits propresn'ont pas etkviolksmais, en outre, le comportements'estrkvklk
profondkmentabusif et incorrect.
c) Le refus de M. Diallo d'kpuiser toutes les voies de recours disponibles en
Rkpublique dkmocratique du Congo rendrait en tout ktat de cause inkquitable une
protection par substitution
2.102. Tout l'argument de la nkcessitk de reconnaitre une ((protection kquitable par
substitution))repose sur la circonstance que I'actionnaire concern6 n'aurait a sa disposition
plus aucun recourspour faire valoir ses droits. On sera bien en ma1de trouver un auteur qui
ne subordonnepas cette fonne exceptionnellede protection l'kpuisementde tous les recours
internesdisponibles au seinde 1'Etato h 1es faits internationalementillicites en causesont
censksavoir kt6 corn mi^^^^.
2.103. La Rkpublique dkmocratique du Congo dkmontreracependant, dans le cadre de la
seconde exception d'irrecevabilitk qui sera dkveloppkeci-dessous, que M. Diallo est trks loin
d'avoirCpuisCtous lesrecours qui Ctaient a sa disposition.
304
J.SALMON, cDes 'mains propres' comrne condition de recevabiliti des rkclamations inter)),ionales
A.F.D.I.,1964pp. 225-266.
305Voy. p. ex. l'affmationtrks nette en ce sens P. de VISSCHER, ccLa protection diplomatique des
personnes moraleD,op.citp.4,74.2.104. Dans ces conditions, il va de soi que l'argument de lYequitC perd toute signification.
Personne n'a jarnais prktendu qu'il Ctaitkquitable d'admettre une rkclamation en protection
diplomatique alors que, non seulementles droits de la personne protCgCen'ont pasCtClCsCs,
mais encore cette personne n'a pas Cpuiskles voies de rkglement qui lui ktaient offertessur le
territoirede 1'Etatdkfendeur.
2.105. En dkfinitive, l'argument de l'bquitk, tel qu'il est formu16par 1'Etatdemandeur, ne
peut Ctreretenupour plusieursraisonsconcordantes :
- d'abord, parce que, nejouant par hypothkse qu'en l'absence d'une lksion des droits
propres de M. Diallo en tant qu'actionnaire,cet argumentsupposeraitd'aller au-del8de ce
que prCvoitle droit internationalpositif, ce quine relkvepas de la mission de la Cour ;
- ensuite,parce que, en tout Ctatde cause, le contournementdu droit positif ne pourrait Ctre
envisagCque si la solution prCconisCeCtaituniversellement considCrCecomme Cquitable,
ce qui est loin dYCtrele cas d'uneprotection parsubstitutionde la societCconcemke ;
- enfin, en raison des consCquences concrktes qu'entrainerait la mise en czuvre de la
solution prkconiske par la Rkpublique de Guinke, qu'il s'agisse d'un rkgime
discriminatoirede protection, d'un endossement deC r clamationd 'une personne dont 1e
comportement vis-a-vis de 1'Etatcongolais et de ses partenaires commerciaux est loin
d'Ctrerest6 correct, et qui n'a pas Cpuisk-ni mCmeparfois entamk- les prockdures
judiciaires de rkglement des diffkrends qui Ctaient a sa disposition au sein de l'ordre
juridique internede la Rkpubliquedkmocratiquedu Congo.Conclusiondu chapitreI1
2.106. La Rkpublique dkmocratique du Congoa dkmontrk que la Rkpublique de Guinke
n'avait pasqualitkpour agir dans la prksente espkce.L'objet essentielde la requete introduite
par 1'Etatdemandeur est d'obtenirrkparation pour la violationdes droits de deux personnes
qui ne posskdentpas sa nationalitk, les sociktkscongolaises Africom-Zaire et Africontainers-
Zaire. La circonstance que le dirigeant de ces deux sociktks,M. Diallo, ait vu ses intkrets
touches par les mesures incriminkes,n'est pas de nature a rendre la requete recevable. En
rkalitk, et meme si certains aspects des deux affaires sont kvidemment trks differents, la
Rkpublique de Guinke reprend aujourd'hui l'essentiel de l'argumentation avancke par la
Belgique dans l'affairede la Barcelona Traction,argumentationtrks clairement kcartkepar la
Cour dans son arrCt de 1970. A cet kgard, la conception large et extensive des (cdroits
propres des actionnaires en tantque tels ))qui se dCgagedu mkmoire guinkenne saurait Etre
retenue, dans la mesure oG elle aboutit A operer une confusion complkte entre les
personnalitks et les patrimoines de la sociktk et de l'actionnaire. L'Etat demandeur, ne
pouvant prktendreque ses droits ont kt6violks,ne peut utilement invoquerdes considkrations
d'kquitkpour contourner l'ktatdu droit internationalpositif existant, que la Cour est chargke
d'appliquer conformkment A son Statut. A titre subsidiaire, a supposer mEme que la Cour
accepte de prendre en compte les considkrationsd'kquitkcontra legemcomme le lui demande
la Rkpublique de Guinke, celle-ci est trks loind'avoir dkmontrk qu'une protection cpar
substitution ))sejustifierait en l'espkce, pour toutes lesraisons qui viennent d'etre exposkes.
La requete guinkenne estdonc manifestement irrecevable d'autantque, comme la Rkpublique
dkmocratiquedu Congo le dkmontreradans le chapitre suivant, la condition de l'kpuisement
prkalabledesvoies de recours internesn'est pas remplieen l'espkce.CHAPITRE 111. L'IRRECEVABILITE DE LA REQUETE, A DEFAUT
3.01. Dans la mesure ou elle s'inscrit dans le cadre de l'institution de la protection
diplomatique,la requCtede la Rkpubliquede Guinkedoit, outre l'exigencede la nationalitkde
la rkclamation, satisfaire une autre condition classique dans ce domaine : celle de
l'kpuisementdes voies de recours internes. Selon un dictum classiquede la Cour,
[l]a rkgle selon laquelle les recours internes doivent Ctre kpuisks avant qu'une
prockdure internationale puisse etre engagke est une rkgle bien ktablie du droit
internationalcoutumier ;elle a ktk gknkralementobservke dans 1es cas oh un Etat
prend fait et cause pour son ressortissantdont les droits auraient ktk lksks dans un
autre Etat en violation du droit international. Avant de recourir & la juridiction
internationale, il a kt6considkrken pareil cas nkcessaire que 1'Etatou la lksion a kt6
comrnise puisse y remkdier par ses propres moyens, dans le cadre de son ordre
juridique interne ))306.
L'enracinement de la rkgle de l'kpuisement des voies de recours internes dans le droit
international contemporain est pleinement confirm6 par les travaux les plus rkcents de la
Commission du droitinternational. La rkgle se voit ainsi rkaffirmketant dans les articles sur
la responsabilitk des Etats pour fait internationalement illicite, dont I'Assemblkegknkralea
pris note dans sa rksolution du 12 dkcembre2001~~'~ que dans le projet d'articles sur la
protection diplomatique,ou d'importantsdkveloppements luisontnaturellementconsacr~s~~~.
3.02. L'applicabilitkde la rkglede l'kpuisementdes voies de recours internesdans le cadre
de la prksente affaire n'est nullement remise en cause par la Rkpubliquede Guinke,dans son
principe tout au moin~~~~.Dans l'argumentation qu'il dkveloppe sur ce point, 1'Etat
demandeur insisteplut6t sur le fait que l'kpuisement des voies de recours internesne saurait
Ctreconsidkrk cornrneune rkgle absolue, et sur le fait que plusieurs des conditions que les
recours internes Bun Etat doiventprCsenterpour donner lieu B17application de la rkglene sont
pas rkunies en l'espkce. La Rkpublique de Guinke estime ainsi que M. Diallo s'est trouvk
dans l'impossibilitk matkrielle de mettre en oeuvrel'ensemble des recours internesinstituks
par le droit congolais, et qu'entout ktatde cause, ces recours devaient Streconsidkrkscornme
30C.I. J.faire de l'lnterhandel,arr&tdu 21 marRec. 1959,p. 27.
30Rtsolution 56/83, article 44.
30Voy. les articlesetsuivants du projet ; voy. tgalement le rapport de la Commission du droit international
sur les travaux 53'"asession, doc. AI56110,paras. 185et s.
30MRG, par. 4.60.inefficacescar ils n'auraient pas permis a M. Diallo d'assurer de fagoneffective la protection
de ses droits310.
3.03. La Rkpublique dkmocratique du Congon'entend aucunementremettre en cause le fait
que la rkglede l'kpuisementdes voies de recours internes doive etre interprktkeau regard de
la pratique internationale,cornmede lajurisprudence, qui ont depuis longtempsadmis queles
voies de recours existantdans l'ordre juridique interned'un Etat devaientrkpondreAcertaines
conditions pour que leur kpuisementsoit requis. Plus prkciskment,l'kpuisement des voiesde
recours internes suppose que l'existencede mkcanismes de recours dansl'ordrejuridique de
1'Etatconcern6 soit avkrke,ainsi qu'au fait que ces recours soient accessibleset efficaces3".
La divergence entre la Rkpubliquedkmocratiquedu Congo et la Rkpublique de Guinkeporte
donc, non sur le principe selon lequel les voies de recours offertes par un Etat doivent
rkpondre a ces conditionspour devoir&re kpuiskes,mais sur le fait qu'in concrete, les voies
de recours existant dans l'ordrejuridique zaii-ois,puis congolais,aient effectivementrencontre
ces exigences.
I1 convient toutefois d'observer A ce sujet que la conformitk de prockdures et
3.04.
mkcanismes de recours instituks dans l'ordrejuridique d'un Etat Aces conditions ne saurait
etre contestke Ala lkgkre. La rkgle elle-meme est en effet fondke sur la prksomption selon
laquelle l'ordre juridique interne de 1'Etatdont 1ecomportement est contest6 est susceptible
d'offrir au particulier qui aurait kt6victime de faits illicites de la part de cet Etat la possibilitk
d'assurerde fagonefficace la prkservationde ses droits312.Or, cette prksomption entraine des
conskquences particulikres en matikrede charge de la preuve. Comme l'ont kcritd'kminents
auteurscontemporains,
<<L'existence d'une prksomption [selon laquelle les voies de recours internesd'un
Etat permettront au particulier qui se prktend 1Cskd'assurer la protection de ses
droits] explique que ce soit au particulier de supporter l'essentiel de la charge de la
preuve ; il devra dkmontrer qu'il a bien tentk d'utiliser efficacement toutes les
prockdures internesthkoriquementdisponibles?I3.
3'MRG,paras 4.70 B4.81.
311
Voy. e.a. C.F. AMERASINGHE,LocalRemedies inInternationalLaw, Cambridge, Grotius, 1990, chapitres
VII et VII;I. BROWNLIE,Principlesof Public InternationalLaw, 5"9d., Oxford, O.U.P., 1998,p.499; R.
JENNINGS,A .WATTS (Eds.),Oppenheim SInternationalLaw, 9""~d., Longman, 1992,p. 525,g 153.
31Voy. e.a. Edwin M.BORCHARD, TheDiplomaticProtectionof CitizensAbroador the Lawof International
Claims,New York, Banks Law Publishing, 1928,pp. 817,par. 381.
3'3Alain PELLET et Patrick DAILLIER (NGUYEN QUOCDINH),Droit international public,6""Cd., Paris,
L.G.D.J., 1999,p. 776, no490.Si l'on suit ces auteurs, c'est donc a la Rkpublique de GuinkeA apporter la preuveque son
ressortissant aurait kpuisk les recours internesen Rkpublique dkmocratique du Congo. La
Rkpubliquede Guinkesemble d'ailleursabonderen ce sens, en se dkclarant ((conscientequ'il
lui appartientde prouver que son nationala respect6 le principe de l'kpuisementdes voiesde
recoursinternes ))314.E n rkalitk,1e droit internationalopkre un partagede 1a charge de 1a
preuve entre 1'Etatdemandeur et 1'Etatdkfendeur. I1revient a 1'Etatdkfendeur d'ktablir
l'existence mCme, au sein de son ordre juridique, de voies de recours susceptibles d'ktre
utiliskesen l'espkce, alors que c'est au premierchef sur 1'Etatdemandeur que pkse la charge
d'ktablir que ces recours ne rkpondent pas aux conditions poskes par le droit international
pour que leur kpuisement s'impose, prkalablement a tout endossement, par cetEtat, de la
rkclamationde l'un de ses ressorti~sants~~~.
3.05. C'est enapplication de cette rkpartitiondes tiches que la Rkpubliquedkmocratique du
Congo montrera, dans un premier temps, que des voies de recours qui pennettaient a M.
Diallo d'assurer la prkservation de ses droits existaient au sein de l'ordre juridique zairois,
puis congolais (section 1). En ce qui la concerne, la Rkpublique de Guinee n'a, par contre,
pas ktken mesure d'ktablir que ces voies de recours ktaient,et sont entout temps demeurees
inaccessibles a M. Diallo (section 2), ni que ces recours et mkcanismes ktaient, ou sont
encore, inefficaces (section 3). Dans les pages qui suivent, la Rkpublique dkmocratique du
Congomontrera a u contraire que ces voies derecours correspondaientbien a 1a dkfinition
qu'en propose 1'Etatdemandeur lui-mCme,lorsqu'il prkciseque l'expression recouvre (toute
voie de droit susceptible d'aboutir un rksultat satisfaisantau regard de l'objet derequete
internationale))3 6.
Une prkcision d'ordre mkthodologiques'impose encore A ce stade. Les litiges qui ont
3.06.
opposk, d'une part, les sociktks Africom-ZaYre,Africontainers-ZaYreet, d'autre part, les
partenaires commerciaux de ces sociktkset 1'Etatcongolais, ne peuvent tous s'analyser de la
m2me faqon lorsqu'il s'agitde les ktudierau regard de la rkgle de l'kpuisementdes voies de
recours internes. Ces diffkrents litiges prksentent,de fait, des profils assez diffkrents en la
matikre. Pour un certain nombre d'entre eux,les sociktksdirigkespar M. Diallo ont intent6
des actions enjustice dont le dkroulementa CtkrelatCdans le premier chapitre des prksentes
314MRG, p.97,par. 4.60.
3'5Voy. A cet egard la rbgle formulke dans le projet d'15tdu projet d'articles sur la protection
diplomatique, propose par le Rapporteur spDUGARDJohdans son troisikme rapport, 2002.
105tcritures. C'est le cas des litiges qui ont oppose Africontainers-Zalre et Ahcom-Zalre,
respectivement, auxsocietis Shell et Fina, ainsi qu'h la firme PLZ~'~. Dans de nombreux
autres cas,le dossier montre qu'aucuneprocedure enjustice n'ajarnais ete intentee, Aquelque
moment que ce soit, ni par les socittks dont M. Diallo etait le dirigeant, ni par ce dernier en
son nom propre. Ces difftrences de situations seront rappeltes, chaque fois qu'il sera
nkcessaire,dans les pages qui suivent.
316
317Voy. la definition reprise dansle Mtmoire de la Rtpublique de Guinte, par. 4.66, et la reftrence, note 260.
Supra,par. 1.30 - 1.36(Fina),1.37 - 1.44(Shell),et1.48 - 1.52(PLZ)
106Section 1. I1existait et il continue Bexister, au sein de l'ordre juridique zalrois, puis
congolais, des voiesde recours permettantaux sociktksAfricontainers-Zaireet Africom-
Zalre ainsi qu'i M.Diallo d'assurer la prkservation deleurs droits
3.07. Dans son mkmoire, la Rkpubliquede Guinke ne conteste pas a proprement parler le
fait qu'il ait exist&,dans l'ordre juridique du Zai're,puis du Congo, des prockdures et
mkcanismes de recours, judiciaires ou autres,qui auraient permis aux sociktks encause ou a
M. Diallo lui-meme d'assurer la prkservationde leurs droits. L'argument formulkpar lYEtat
demandeur iicet Cgardconsiste plut6t Baffirmer que les voies de recours existantes devaient
soit ttre considkrkescomme inefficaces, en ce qu'elles n'auraientpas permis a M. Diallo ou
aux sociktksdont il assurait la directiond'obtenir gainde cause, soit nY6taientpas accessibles
dans la rkalitkdes faits, Btout le moins a partir du moment oh M. Diallo a fait l'objet d'une
mesure d'kloignementdu tenitoire za'irois.
3.08. Ces arguments seront traitksde faqon dktaillke dans la suite des prksentesCcritures.
Mais la Rkpublique dkmocratique du Congoentend toutefois lever dks maintenant toute
ambigu'itkquant ala question de l'existencemtme, au sein de l'ordrejuridique za'irois,puis
congolais, de prockdures et de mkcanismes de recours qui auraient permis aux sociktks
Africom-Zai'reet Africontainers-Zai'red'assurerla prkservationde leursdroits.
3.09. Les faits eux-mtmes montrent, au-delhde tout doute possible, que des mkcanismesde
ce type existaientbe1et bien, et continuentB exister en Rkpubliquedkmocratiquedu Congo.
Cette existence est avQke de faqonparticulikrement kvidente dans le casdes trois litiges qui
ont kte soumis aux tribunaux ordinaires de l'ordre judiciaire zairois. Dans le cadre des
contentieux qui les ont opposks, respectivement, aux compagnies Shell, Fina et PLZ,
Africontainers-ZaYre et Africom-ZaYreont kt6en mesure de recourir aux tribunaux zai'rois,qui
leur ont, de plus,onnk Q chaque fois gain de cause en premikre instance. Les dktailsde ces
instances ontdkjBkt6exposksdans le chapitrepremier des prksentes kcritures,et seront dans
une certaine mesure repris et analyses lorsque la Rkpublique dkmocratique du Congo
contestera les accusations guinkennes relatives au caractkre prktendument inefficace des
recours en cause318.Pour ce qui conceme la question de l'existence mtme de recours, seule
31POUTplus de dktails sur ce point, voy. 3.4et ss.r.
107abordkea ce stade,ces trois prockduresjudiciairesmontrent a suffisanceque de telles voiesde
recours existaientbe1etbien au seinde l'ordre juridiquezayrois.
3.10. Meme si ceci requkrra une dkmonstration plus klaborke, l'existence de recours
similaires est tout aussi etablie pour ce qui est des autres litiges dans lesquels ktaient
impliqukes les sociktksAfricontainers-ZaYre et Afiicom-Zai're. La Rkpublique dkmocratique
du Congo l'ktablira successivement pour ce qui concerne les litiges ayant opposk ces
dernikresaux sociktksprivkes (A),aux entreprisesd'Etat (B) et a 1'Etatzaii-oislui-meme(C).
Dans tous ces cas, comme la Rkpubliquedkmocratiquedu Congo l'a dkji rappelk,M. Diallo
n'a, quece soit au nom des sociktes dontil assurait ladirection ou en son nompropre, mEme
pas cherchk a mettre en oeuvretoutes les prockduresjudiciaires disponibles. Cesprockdures
existaient pourtant be1et bien, et la Rkpublique de Guinke ne saurait prktendre le contraire
pour excuser le comportementnkgligentde son ressortissant a cet kgard.
A. Des voies de recours ktaientdisponibles a l'encontredes sociktksprivkes
3.11. L'existence de voies de recours Al'encontre de la compagnieMobil Oil constitue une '
kvidence. Cette sociktene dispose Cvidemmentpas d'un statut diffkrentde ses homologues
Shell et Fina, et aurait donc parfaitementpu etre attraite, comme ces demikres, devant une
juridiction ordinaire de Kinshasa. Aucunobstacle tirk des particularitks de l'ordre judiciaire
zaii-oispuis congolaisn'est doncsusceptibled'expliquerla dkcisiond'Africontainers-ZaYre de
ne pas recourir aux moyensjudiciaires ordinaires en vue de rkgler son litige avecla sociktk
Mobil.
B. Des voies de recours ktaientdisponibles l'encontre des entreprisespubliques
3.12. La situation n'est pas diffkrenteen ce qui concerne les deux entreprises publiqu-s
la GECAMINESet I'ONATRA - dont les agissements auraient ltsk Africontainers-Zai're.
Cette conclusion s'impose A la fois au regard de la lkgislation existante et en raison de
l'existencede preckdentsconcrets.
3.13. En ce qui conceme la legislation existante,il importe de relever que la GECAMINES
et I'ONATRA sont des entreprises publiquesde 1'Etatcongolais, rkgies par la loi no 78-002
du 6 janvier 1978portant dispositions gknkralesapplicables aux entreprises publiques, telleque modifikeet complktee a cejour3Ig.En tant qu'entreprisespubliques, ces deux entitkssont
dotkes d'une personnalite juridique, d'un patrimoine et d'organes propres. Elles jouissent
d'une autonomie de gestion, sous la tutelle des autoritks gouvernementales. Elles peuvent
ester en justice en demande cornrne en dkfense devant les tribunaux ordinaires de l'ordre
judiciaire,0i.1elles ne jouissent d'aucune immunitk de juridiction, ni d'exkc~tion~~~.La
Rkpublique de Guinke ne pourrait donc prktendre que ces entreprises etaient par principe
soustraites A la possibilitk de recours pour justifier la passivite des sociktks Afiicom et
Ahcontainers.
3.14. Des klkmentstirks de la pratique confirmentd'ailleurs qu'il est parfaitement possible,
pour tout crkancierde l'une ou de l'autrede cesentreprisespubliques, de les attraireenjustice
devant lesjuridictions ordinaires congolaises. Denombreusesprockduresjudiciaires ont ainsi
kt6intentkes,dans un pass6rkcent, Al'encontrede la GECAMINEScomme de 1'ONATRA.A
titre d'exemples,l'onpeut mentionner les affairessuivantes :
- SORETAC c. GECAMINES Cjugementdu Tribunal de grande instance de Kinshasa-
Gombe,9 mai 1994,RC 62.342,et Cour d'appelde ~inshasa)~~' ;
- MUSUNGALE KABAMBAc. ONATRA(arrCtde la Cour d'appel de Kinshasa-Gombe,30
octobre 1997,RCA 13.459113.650)~~ ~
- KIYOKO BOTAKA c. ONATRA(arr2t de la Cour d'appel de Matadi, 7 avril 1999,RCA
1804)~~ ~
- BOKUNGU WANKOTA c . 0 NATRA (arr2tde 1a Cour d 'appel deKinshasa-Gombe,22
avril 1999,RCA 20.044)~~~.
3.15. Dans tous les cas, il s'agissait pour lesplaignants d'obtenir le recouvrement de
crkances cornmerciales que les deux entreprises restaient en dkfaut d'apurer. I1 est donc
indkniable que des voies de recours existaient, dans l'ordre juridique congolais, qui
31Voy. les annexes 10et 33, EPRDC.
32Voy. les articles2, 3 et 9 de la loi de 1978,ibid.
32Annexe 11,EPRDC.
32Annexe38, EPRDC.
32Amexe 36, EPRDC.permettaient de mettre en cause la responsabilitk de socittks d'Etat telles que la
GECAMINES ou I'ONATRA, entre autres a raison de l'inexecution par ces sociktes
d'obligations contractuellesqui les liaient a despartenairesprivks.
C. Desvoies de recours ktaientdisponibles i l'encontrede 1'Etatzaii-ois
3.16. L'existencede voies de recours al'encontrede 1'Etatzalrois, a l'kgard duquel lasociktk
Africom-ZaTredemeuraittitulaire d'unecrkanceimpayee,est tout aussi clairement ktablie.Ici
encore, la possibilitk de mettre en euvre la responsabilitk de 1'Etatcongolais devant les
tribunaux internes a raison de faits de ce type est confirmke au regard tant de la ltgislation
existanteque d'klkmentstirksde la pratiquertcente.
3.17. Ence qui concerne la lkgislationexistante, il convient de se rkfkrerau codejudiciaire
congolais,qui dispose de manikregtnkrale, en son articlepremier, que (([tloute personne qui
veut en assignerune autre fournit au greffier de lajuridiction ou la demande seraportke, tous
les klkmentsnkcessaires i la rkdactionde l'assignation.. . >)et, de faqon plus prkcise, en son
article8, que
(([slont assignks : lo) la Rkpubliquedu ZaYre,en la personne ou dans lesbureaux du
Prtsident de la Rkpublique ou du Gouverneur de la Rkgion (Province) oh sikge le
Tribunal qui doit connaitrede l'affaire ....~325.
La loi zayroise @uis congolaise) offie donc explicitement des possibilitks de recours B
l'encontre desautoritks publiques. A ucune particularitkde 1a 1kgislation1ocale n'estdonc
susceptibled'accrkditerla thksede l'inexistencede recours.
3.18. La pratique rkcente confirme au demeurant que ces dispositions sont loin de posskder
une portkeseulementtheorique. L'affaireAbdoul Karim c.Etat congolaisest l'un des cas qui
en attestent. Le requtrant, un ressortissant libanais installken Rkpublique dkmocratiquedu
Congo depuis de longues annkes, a assign6 1'Etatcongolais devant le Tribunal de grande
instance de Kinshasa-Gombe en vue de rkcupkrer une crkance cornrnercialed'environ cinq
millions de dollars amkricains. Le tribunal luia donnk rai~on~~~c,e qui a permis au
demandeur d'obtenir la rkcupkrationde sa crkance, qui trouvait en l'occurrence sonorigine
-- - -- - -- -- - --
32Annexe34, EPRDC.
32Annexe 1,EPRDC.
32Voy.lejugement RC 72.792,3 fivrier 2000; Annexe 2, EPRDC.dans les prestations foumies par le demandeurdans le cadre de la construction du sikgede la
police nationalea Kinshasa, en 1981.
3.19. Que ce soit Bl'kgarddes sociktkspetrolikresavec lesquelles lasocietkAfricontainers-
ZaYre entretenait des relations commerciales, des entreprises d'Etat GECAMINES et
ONATRA, ou de 1'EtatzaYroislui-mCme,il est donc manifeste qu'il existait, dam l'ordre
juridique zaYrois,puis congolais, des voies de recours qu'il aurait kt6 loisiAlM. Diallo
d7utiliser,au nom des societks dontil assurait la directionou en son nompropre, pour mettre
en cause la responsabilitk de leurs partenaires commerciaux en raison de l'inexkcution
allkgukede certainesobligationscontractuelles. De plus, come la Rkpubliquedkmocratique
du Congo le dkmontrera maintenant, ces recours ktaient pleinement accessibleset auraient
permis 6 M. Diallo et aux sociktksdont il assure la direction d'assurer de faqon effective la
preservation de leurs droits, mCmeaprks que M. Diallo ait kt6 conduit Bquitter le territoire
zaYrois.Section 2. La RCpubliquede GuinCene dCmontrepas que les voies de recours existantes
dans l'ordre juridique zalrois puis congolais, Ctaient ou sont indisponibles ou
inaccessibles.
3.20. Ainsi qu'on l'a indiquk plus haut, plut8t que de contester directement l'existence
mZme,au sein de l'ordre juridique congolais,de recours qui auraient permis a M. Diallo et
aux sociktks Africom-ZaYreet Africontainers-ZaYred'assurer la defense de leurs droits, la
Rkpublique de Guinke a ax6 son argumentationsur deux ordres de critiques, en mettanten
cause, d'une part l'accessibilitk, et d'autre partl'efficacitk de ces voies de recours. La
seconde critique sera, pour rappel, traitkedans la section 3 durksent chapitre, la Rkpublique
dkmocratiquedu Congorkfitant lapremikredans les lignes qui suivent.
3.21. Cornrne elle l'a dkja indiquk, la Rkpublique dkmocratique du Congo ne remet
aucunement en cause le principe selon lequel seuls les recours qui sont effectivement
disponibles -et, partant, accessibles aurequkrant- doivent etre kpuisks. Ce principe est
solidement ancrk dans l'ordre juridique international, et constitue une limite largement
acceptke a la rkgle de l'kpuisementdes voies de recours internes327.I1apparait pourtanttrks
clairement que rien, dans les circonstances de la prksente cause, ne pennet de conclure a
l'impossibilitk,pour M. Diallo, de mettre en oeuvreles mkcanismes et prockduresofferts par
le droit zairois, qui lui auraientpennis d'assurer la protectionde ses droits.
3.22. La Rkpubliquede Guinkene parait pas contester la disponibilitk, ou l'accessibilitk,des
voies de recours existant au sein de l'ordrejuridique zayroispour ce qui conceme la pkriode
durant laquelle M. Diallo rksidaitde faqonregulikre en territoire zaYrois.C'est seulement au
regard de 1aptriode qui a suivi 1'kloignementde M .Diallo du temtoire zayroisque 1'Etat
demandeur dkveloppe cet argument. Cette prktention ne saurait toutefois Ztreretenue, en
raison de considkrations qui reposent a la fois sur la manikre dont la lkgislation existante
organise la reprksentation des justiciables devantles tribunaux et sur des klkmentsprkcis du
dossier, qui montrent que l'absence de M. Diallo du tenitoire zayroisn'a pas empZchkla
poursuite des prockdures dkji entamkes(A). D'autres klkmentsattestent du reste Cgalement
de la possibilitk matkrielle, pourM. Diallo, d'organiserpareille reprksentation enjustice(B).
32C.F. AMERASINGHE, Local Remedies in InternationalLaw, op.cip.,191; voy. aussi la rbgle formulte
dans le projet d'art14,f) du projet d'articles sur laprotection diplomatique, propost par le Rapporteur
sptcial JoDUGARD dans son troisibme rapport sur la protection diplomatique, 2002.A. L'absencede M.Diallo du territoirezayroisne constituait pasun obstacle a lapoursuite des
prockduresdkiaentamkes
3.23. Toute l'argumentationde la Rkpubliquede Guinkeconsiste aprktendreque, apartir du
moment o~ il ne pouvait plus se rendre en territoire zayrois, M. Diallo se voyait priver
d'exercer son droit au recours devant les juridictions locales. Ainsi, si l'on en croit le
mkmoirede 1'Etatdemandeur,
((M. Diallo a explorkplusieurs voies de recours,tant judiciaires qu'administratives,au
temps oh il lui ktait encore permis de rksider librement et en skcuritken R.D.C. avant
que des circonstances particuli6res, en l'occurrence son expulsion brutale, excluent
toutepossibilitkd'autre recours ))328.
La Rkpubliquede Guinkeinsiste sur ce point, en kvoquantune ((impossibilitkdans laquelle la
R.D.C. aplackM. Diallo ))329.
3.24. Cet argument ne saurait kvidemment Etre retenu, tant il est manifeste que le
dkclenchement ou la poursuite de recours, judiciaires ou autres, ne requiert nullement la
prksencephysique d'un individusur le territoire national. I1suffit,pour opkrerce constat, de
se rkfkrer au droit zayrois ou de prendre en compte l'abondante pratique qui existeen ce
domaine,y compris dans le cadredu present dossier.
3.25. Le droit judiciaire zayroisne contient aucune disposition qui exige la presence du
demandeur sur le territoire pour qu'une action judiciaire soit valablement poursuivie devant
les cours et tribunaux. Le codede prockdurecivile de 1960dispose ace sujet que ((lesparties
comparaissent enpersonne ou parun avocatporteur despikces )P30,et prkciseque
<([l]emandat de reprksentationenjustice comportele droit de comparaitre,de postuler
et de conclurepour lapartie, ainsi que deporter la parole en son nom ))331.
Rien ne s'opposait donc, en droit, Ace que M. Diallo mandate un ou plusieurs reprksentants
pour participer aux prockdures judiciaires engagkes au nomdes sociktks dont il Ctait le
dirigeant, ou encore pour mettre en mouvement de nouvelles prockdures judiciaires dansle
32MRG, par.4.70.
330Ibid.
331ode de procedure civile du Congo, 14,al.1".
Ibid al,3.cadre d'autres litiges, et ce meme aprks qu'il ait fait I'objet d'une mesure d'kloignementdu
territoirezairois.
3.26. I1 existe d'ailleurs une pratique abondante en ce sens, qui confirme que ces rkgles
prockdurales regoivent une traduction effective dans les faits. La Rkpublique dkmocratique
du Congo ne reprendrapas Bce stade les nombreux exemples quiattestentde la possibilitkde
poursuivre desactions enj ustice Bpartirde 1'etranger,par 1'intermkdiaired'avocatsou de
reprksentantsad litem. I1suffit de se pencher sur les klkmentsde fait des litiges opposantles
sociktksdont M .Diallo assure1a direction avec certains de 1eurspartenairescommerciaux
pour se rendre compte du caractkreerronkde l'argumentationguinkenne.
3.27. La Rkpubliquedkmocratiquedu Congone peut, Bcet kgard,que faire observerque les
prockdures judiciairesqui avaient et6entamkesen 1993et en 1995par Africontainers-Zaireet
Africom-ZaYreBl'encontre dessociktksFina, Shell et PLZ ont continukBsuivre leur cours
depuis lors. L'ktat exact d'avancement de ces affaires sera prkcisk lorsque sera abord6e la
question de l'efficacitkdes recours. A ce stade,il suffitde mentionner que
- dans l'un de ces dossiers (l'affaire Africontainers-Zafre c. Shell), une dCcisiona kt6
prononckepar la Cour d'appel de Kinshasa-Gombeplusieurs annkesaprks ledkpartde M.
Diallo du temtoire zayrois,soit le 20juin 2002~~ ~
- les deux autres instances(Africom-Zaeec. PLZ et Africontainers-Zake c. Fina) restent i
cejour pendantes devant la Cour supreme de Justice, sur le r81ede laquelle elles figurent
to~jours~~~.
I1est donc manifeste que les prockduresdkji mises en euvre par M. Diallo pour le compte
des sociCtks dont il assure la direction n'ont pas kt6 interrompues en raison de son
kloignementdu territoire national.
3.28. Certains klkments du dossier montrent, par ailleurs, que M. Diallo aurait kt6 en
mesure, y compris aprksqu'il eut kt6contraintde quitter le territoire zairois,non seulementde
faire reprksenter les sociCtksdont il assure la direction dans des prockdures en cours, mais
--
33Annexe 64, EPRDC. Voy. supra,par. 1.37et ss.
33Voy. supra,par. 1.48 et ss., ainsi quepar.etss.encore de poursuivre les nkgociations et, le cas kchtant, d'introduire de nouveaux recours
devant les juridictions zaYroises-puis congolaises- compktentesdans le cadre des autres
litigespendants.
3.29. La Rkpublique dtmocratique du Congo relkverap articulikrement a cet tgard que la
sociktkAhcontainers-ZaYre a continut a participer a des nkgociations avec la GECAMINES
jusqu'au mois d70ctobre1997, soit plus d'un an et demi aprks l'expulsion de M. Diallo. Les
qualitks des reprksentants dYAfiicontainers-ZaYr e ces skances retiennent particulikement
l'attention. I1 appert en effet des procks-verbaux des reunions tenues au sikge de la
GECAMINES,1es 2 et 7 j uillet 1997,quYAfricontainers-ZaYry ektait reprtsentkepar deux
membres de son personnel de direction (MM.Kanza Ne Kongo et Ibrahim Diallo), ainsi que
par deux avocats congolais (Mes Musanguet ~abasele)~~~.Des nkgociationsentre lesmtmes
protagonistes ont encore eu lieu aux mois de septembre et octobre 1997~~~ m~ais n'ont pu
aboutir a partir du moment oii les reprksentants dksignts par M. Diallo ne s'y sont plus
prksentts. I1 semble en tout cas pour le moins lkgitime de se demander pourquoi, si les
inttrtts d7Afiicontainers-Zalrepouvaient 2tre dkfendus par deux avocats dans le cadre de
ntgociations commerciales,il n'auraitpu en ttre de mtme devant lestribunaux.
3.30. Dans le mtme ordre d'idkes, la Rtpublique dtmocratique du Congo ne peut que
constater qu7un troisikme avocat, Me Alpha 0. Diallo, est intervenu en tant que conseilde
M. Diallo, et a visiblement assurk la preparation du mkmoire qui a kt6 dkposk par la
RCpubliquede Guinkeen complkmentde la requtte que cet Etat a dkposkeauprksde la Cour
en dkcembre 1998~~~ L.'implication de cet avocat guinken dans le dossier, oii il a agi durant
une pkriodesignificativeen tant que conseilde M. Diallo, est d'ailleursamplementconfirmte
33MRG, annexes 224 et 226.
33Voy. la lettre adressee le 26 septembre 1997par la GECAMIiEAfricontainers, et signte pour rkception le
29 du mtme mois (Annexe7, EPRDC).
33La premikre page de ce document porte les mentions suiv:(Pour :la RCpubliquede GuinCe,protectrice
de son ressortissant M. Diallo Ahmadou Sad..] [ilnvestisseur de nationalit6 guineenne, prottgt par 1'Etatde
GuinCe,conseilli par Me Alpha 0. Dial)).La formule laisse donc subsister une ambigu'itkquant au fait que
c'est bien autre de conseil de M. Diallo (plut6t qu'au titre de conseil de 1'Etatguinken) que l'avocat intervient
dans cette proctdure. Toutefois, l'implication de Me AlphaDiallo dans des phases anttrieures du litige (v. sur
ce point la note suivante) montre bien que ce dernier Ctaitinitialement intervenu en qualitt de conseil personnel
de M. Diallo. Ceci laiitout le moins entendre M.eDiallojoue peut-Etreun certain r61edans l'organisation
de la dtfense de la position de la Rtpublique de GuinCedans la prCsenteinstance.par plusieurs pikcesreproduitespar la Rkpubliquede Guinkedans le volume d'annexesjoint
son mkm~ire~~~.
3.31. L'argument selon lequel ces voies de recours seraient inaccessibles auxsociCtks
Africontainers-ZaYreet Afncom-ZaYre,agissant sous la direction de M. Diallo, parait ainsi
manifestementma1fondk. I1en vade mEmedes affirmationsde la Rkpubliquede Guinee,aux
termes desquelles un prCtendu&at de dknuementde M. Diallo l'aurait, en pratique, emptcht
d'intenterde nouveaux recours.
B. La situation financikrede M. Diallo ne 17emp2chaip t as d'assurer sa reprksentation devant
les tribunaux zairois
3.32. La Rkpublique de Guinke met en exergue la situation de dkpouillement materiel
qu'aurait connue M. Diallo ala suite de son kloignement du territoire, et qui aurait eu pour
effet de lepriver de toutepossibilitk d'accks aux tribunauxzayrois ;elleinsistea cet effet sur
((l'ktatd7extr2mepauvretkdans laquelle [sic l]s faits internationalement illicitde la
R.D.C. elle-m2me avait plonge l'intkressk qui se trouvait dans l'impossibilitk
matkrielled'intenter desrecours nouveaux,kvidernmentcofiteux,et mtme de subvenir
a sesbesoins klkmentaires [...]))338.
LYEtatdemandeur en conclut dks lors a l'impossibilitkpour M. Diallo d'kpuiserles voies de
recours internes existant au sein de l'ordrejuridique za~rois~~~.
3.33. L'argument guinken ne repose sur aucune motivation skrieuse, voire sur aucune
motivation quelconque. La prktendue ((extremepauvretk ))de M. Diallo, son impossibilitk
matkrielle d'intenter des nouveaux recours )) ou m2me de ctsubvenir a ses besoins
klkmentaires ))constituent autant d'affirmations knonckessans autre forme de dkmonstration
ni m2me de rkfkrence a des klkmentsde preuve. Quant a la rkglejuridique qui introduirait
une nouvelle exception au principe fondamental du non-kpuisement des voies de recours
internes,ellen'est pas davantage ktabliepar 1'Etatdemandeur.
33Voy. ainsi les deux courriers du 4 fivrier 1998, adressis respectivement au Presidentet auministre de la
Justice de RCpubliquedimocratique du Congo, de mEmeque les deux lettres du 16 mars 1998Cvoquantla
possibiliti d'un arbitrage CIRDI,adressies auxmEmesdestinataires(MRG, annexes245,246,248 et 249).
33MRG, par. 4.77.
33MRG, par. 4.81,infine.3.34. Quant auxaspects strictement factuelsde l'argumentation guineenne,absolument rien
ne prouve que M. Diallo se soittrouvCdans un ((CtatdYextrEme pauvretk ))Apartir du moisde
janvier 1996. Aucune prtsomption ne pourrait d'ailleurs plaider de manikre dCcisiveen ce
sens. Tout au contraire, 1'Ctatdes finances de M. Diallo ne semble pas avoir constituk un
obstacle Al'implication de deux conseils dans les nkgociations susmentionnCes,et d'un
troisikme avocat dans la prkparation de l'argumentation dCveloppCepar la RCpubliquede
GuinCeen vue d'endosser la rtclamation de M. Diallo. La Rkpublique de GuinCeapparait
doncparticulikrementma1fondCeBinvoquercette circonstancepour tenter dejustifier le non-
Cpuisement des voies de recours internes par M. Diallo, en arguant de l'impossibilitC
matCrielle, pour ce dernier, d'avoir accks A ces voies de recours. Les faits infirment
clairementcettehypothkse.
3.35. En tout Ctatde cause, BsupposermEmequ'elle soit avCrCe-quod non-, la situation
de dknuementextrEmedans laquelle se retrouveraitM. Diallo ne pourrait, en droit, excuserle
fait qu'il n7aitpas CpuisCles voies de recours internesque l'ordrejuridique interne congolais
mettait, et met encore, Asa disposition. I1s'avkre, bien au contraire, que le principe selon
lequel pareille excuse ne pourrait Etre valablement invoquCe B cette fin est solidement
enracink en droit international. Comrne l'expose l'undes principaux ouvrages derCfCrence
sur la questionde lYCpuisemend tesvoies de recours internes,
<([i]t has been confirmed on more thanone occasion that lackof pecuniary means on
the part of the alien claimant or individual does not constitute a valid reason for not
pursuing local remedies. [...] Inthe area of human rights protectionthe samerule has
been applied >,340.
L'auteurse fonde sur unejurisprudence de laquelleon peut dkduiretrks clairementque,mEme
lorsque le plaignant se trouve dans une situation financihe difficile, 170bligation dYCpuiselres
voies de recours internes continue A~'im~oser~~'.I1 est d'ailleurs syrnptomatique que la
RCpubliquede Guinte ne s'appuie, quantAelle, sur aucune autoritCjuridique pour Ctayer
l'affirmation selon laquelle pareille situation serait reconnue cornme susceptible dYCcarter
l'application de la rkgle. I1est, au contraire, bienCtablique, en droit internationalgCnCral,le
manque de moyens financiers ne constituepas unejustification au non-Cpuisementdes voies
de recours internes.
34C.F.AMERASMGHE, Local Remedies in International Law, op.cit.,p. 212et les rkfkrencescittes.
34Ibid.3.36. C'est donc en vain que la Rkpublique de Guinke tente d'invoquer cette excuse pour
essayer d'kchappera l'applicationde cette rkgleen l'espkce. Ni le<(dtnuement extrEme )de
M. Diallo, contredit par de nombreux klkments du dossier, ni l'exception A l'obligation
d'epuiser les recours internes qui en rksulterait,n'ont kt6l'objet ne fit-ce que d'un debut de
dkmonstration. L'excuse guinkennemontre plut6t le malaise qu'kprouve visiblement1'Etat
demandeur 2il'tgard de la ntgligence de son ressortissant, ou plut6t de la stratkgie de cet
homme d'affaires qui consiste tout A la foisA se prksenter cornrneune victime, et Arefuser
d'utiliser lesrecours qui sonta sa disposition.
3.37. De faqon plus gknkrale,en ce qui concerne encore la question de l'accessibilitk des
voies de recours existant au sein de son ordre juridique interne, la Rkpubliquedkmocratique
du Congo relkvequ'en dtpit des troubles trks importants qu'a traversks le pays depuis 1996,
les tribunaux internes n'ont jamaiscesskde fonctionner. Lesnombreuses dkcisionsdejustice
rendues durantcette pkriode entkmoignentAs~ffisance~~~I.1est indkniableque les situations
de guerre civile, puis de guerre internationalequ'a connues le Congo au cours des dernikres
anntes, ont parfois eu un impact nkgatif sur le fonctionnement efficace et ponctuel descours
et tribunaux. Cet ktat de fait n'a toutefois pas eu pour effetde rendre inaccessible quelque
voie de recours que ce soit. I1en va particulikement ainsi pour ce qui concerne les litiges
dont il est question dans la prksente affaire, qui ontktk,ou qui auraient pu etre, dtfkrks aux
juridictions sises dans laapitale du pays. Chacune des socittts impliquke dans la prksente
affaire a en effet son sikge a Kinshasa, ce qui pennettait, en application du droit judiciaire
congolais, de saisir les tribunaux de cetteville. A cejet, il y a lieu de rappeler que les effets
directs de la guerre n'ont,A l'exception d'une trks brkve ptriode de quelquesjours au mois
d'aofit 1998,jamais affectk laville de Kinshasa. Lescours et tribunaux dece ressort onten
tout cas pu continuer A fonctionner sans entrave particulikre. C'est donc kgalement en vain
que la Rkpublique de Guinke invoqueraitcette circonstance pourjustifier le non-kpuisement
des voies de recours internes par Africom-ZaYreou Ahcontainers-ZaYre, en prktendantque
cesrecours n'ktaientpas accessibles durant la pkriodeconsidkrke.
3.38. Les recours existants au sein de l'ordrejuridique zaYroisont donc toujours ktk,et sont
a tout instantdemeurks,pleinement accessibles a M. Diallo pour assurerla prkservationde ses
droits et de ceux des sociktksdont il est le dirigeant. Cette conclusion repose tant sur des
34Voy. e.a., Btitre d'exemples, les diffkrentes dtcisions mentionntes dansles prtsentes tcritures.ClCments d'ordre ICgislatif(lapossibilitt d'intenterune action enjustice devant lesjuridictions
zairoises sans ttre present sur le tenitoire du pays) que sur des considkrationsplus pratiques,
tirtes du dossier lui-mtme. Le fait que la reprksentationd7Afiicontainers-Zaireait etCassurte
par des avocats zaYroijusqu'au cours de l'automne 1997montre clairement que M. Diallo et
lessociCtCsqu'il dirigedisposaient des moyens d'assurerla protection de leurs droits, mtme
aprks que ce dernier ait CtCcontraint de quitter le territoire zairois. L'argument selon lequel
cet tloignement du temtoire mettait M. Diallo dans 1'impossibilitCde recourir aux voiesde
recours existant au sein de l'ordre juridique zairois ne repose, ii lYCvidence,sur aucun
fondement sCrieux,et ne saurait donc ttre retenu. I1en va de meme du demier ordre de
critiques formulkespar la RCpubliquede Guinte il'encontrede ces voies de recours, et selon
lequelM.Diallo n'aurait pasd13les Cpuiserenraison de leur inefficacitkSection 3. La RCpubliquede GuinCene dCmontrepas que les voies de recours existantes
dans l'ordrejuridique zairois, puis congolais,Ctaientou sont inefficaces
3.39.
La RCpubliquede GuinCene s'est pas limitke, dans ses ecritures, Bmettre en cause
I'accessibilitCdes recours internes existants au sein de l'ordre juridique zaYrois. Elle a
Cgalement contest6 avec insistance lYefficacitC de ces recours. L7Etatdemandeur met entre
autres en exergue a ce titre le fait que les autoritkspolitiques zayroisesont suspendude faqon
injustifike et arbitraire 17exCcutionforcCedu jugement du Tribunal de grande instance de
Kinshasa-Gombe par lequel Africontainers-ZaYreavait obtenu la condamnation de la
compagnie Shell au paiement de dommages et int~rCts~~~. I1 s'agirait la, selon
l'argumentation guinkenne, d'une manifestation d'une pratique illicite, qui exclut
l'application de la rkgle de I'Cpuisementdes voies de recours internes344.La RCpubliquede
GuinCefait Cgalementvaloir que (([dliverses autres prockduresjudiciaires engagCespar M.
Diallo au nom dYAfricontainers-ZaYr oeu dYAfricom-ZaYro ent conduit Aune impasse))345.Ce
serait le cas du litige opposant Africontainers-ZaYreBla compagnie Fina, dans laquelle la
requCteintroductivede pourvoi en cassationintroduitepar Ahcontainers-ZaYreen 1994serait
<<demeurte sans suite ),346I.1en iraitde mCmeencore dans l'affaireAfricom-Zafrsc.PLZ, qui
illustrerait les((errements de la Justice zaYroise)>347.L'Etat demandeur conclut dks lors de
ces trois cas que <<quand bien mCmelajustice luiaurait donnCraison, M.Diallo auraiteupeu
de chances d7aboutir B un rkglement juridictionnel satisfaisant de ses litiges avec ses
partenaires ))348.La Rkpublique de GuinCevoit lBune raison suffisante pour considtrer, en
l'espkce, que la condition dYCpuisemend tes voies de recours internes a Ctkremplie, celle-ci
n'exigeant pas l'exercice <td'un recours manifestement dCpourvu de toutes chances de
succks ))349.
3.40. Dans le mCmeordre dYidCes encore, 1'Etatdemandeur fait ensuite valoir les recours
non juridictionnels exercts par M. Diallo, et leur absence de succks. La RCpubliquede
GuinCerappelle a ce titre les differentesdemarches entreprisesauprksdes autoritespolitiques
et administratives za'iroisesen vue d'obtenir le recouvrement des crCancesdont les sociCtCs
34MRG, par.4.71et4.72.
34MRG, par.4.78.
34MRG, par.4.73.
346Ibid.
34MRG, par.4.74.
348Ibid.
349Ibid.Africom-ZaYreet Africontainers-ZaTreCtaient titulaires. Ici encore, lYEtatdemandeur,
constatant que << [tloutes ces dimarches sont restCesinfructueuses D, en conclut a I'absence
d'efficacitkdes recours existant au seinde l'ordre juridiquezaYrois,que ces recours soientou
non de naturejuridi~tionnelle~~~.
3.41. En depit de ces differents arguments,lYEtatdemandeur est loin d'avoir Ctablide faqon
convaincante et skrieuse que les voies de recours internes zairoises ne pouvaient Ctre
considCrCescomme efficacesau sens du droit internationalet que, partant, leur kpuisement ne
s'imposait pasen l'espkce. Les conclusions auxquellesparvient la RCpubliquede GuinCesur
ce point apparaissentparticulikrement hiitives,et ne rksistent pas iiun examen sCrieuxde la
rCalitCdu fonctionnement des institutions judiciaires zaTroises,puis congolaises, qui montre
que les recours offerts Ctaient non seulement existants et accessibles, mais Cgalement
efficaces. La RCpubliquedkmocratique du Congo fera application,pour cet examen, des
critkres d'efficacitkgCnCralementacceptks en droit international. On considkrera donc, aux
fins de la prCsenteanalyse, qu'un recours doit CtreconsidCrCcomme efficace s'il perrnet au
plaignant d'assurer laprkservationde ses droits sans CtredCpourvude chancesde su~cks~~~ et,
s'il apparajt adtquat par rapport aux objectifspoursuivis par la demande duplaignant352.Bien
entendu, et en dkpitde ce que laisse entendre 1'Etatdemandeu, 1' <efficacitC))d'un recours
n'implique nullement que le plaignant obtienne gain de cause, a fortioripour chacune de ses
revendications. I1ne s'agit pas d'assurerun succks,mais une chance de succks A quiconque
fait usage des recours disponibles. C'est dks lors plutbt, autant que possible, au regarddes
rCsultatsatteints dans d'autres causes similairesportCesdevant les juridictions congolaises
que l'efficacitedes voies derecours en causesera Cvalutedans lespages qui suivent.
3.42. Cette prCcisionapportte, la Rkpubliquedkmocratiquedu Congo montrera maintenant
que rien ne pennet d'affixmerque lesrecours existant au sein de l'ordrejuridique zdirois,puis
congolais, constituaient des recoursinefficacesau sens du droit international. Ce constatvaut
tant pour les litiges dans le cadre desquels des prockdures judiciaires ont CtCmises en
mouvement par Africontainers-ZaYreet Ahcom-Zaire (A) qu'en ce qui concerne les litiges
MRG, par. 4.77.
"'Voy. e.a. le troisikmerapport de J. DUGARD sur la protection diplomatique, 20;A. PELLET etP.
DAILLIER (NGWEN QUOC DINH),Droit internationalpublic, td., op.cit.,776,no490; I. BROWNLIE,
PrinciplesofPublic International 5"',kd.,op.citp.500.
352C.F. AMERASINGHE, Local Remedies in International Law, op.cit., p. 171 (((adequate for the object
soughtD).qui n'ontjamais kt6soumis aux autoritksjudiciaires duZaYre,puis du Congo(B),y compris
pour ce qui estde la mesure d'expulsiondont M. Diallo a fait l'objet (C).
A. Les voies de recours internesexistant au sein de l'ordre iuridique zayroisse sont avkrkes
efficaces au regard des liti~esqui ont ktksoumis aux tribunauxpar les sociktkAfricontainers-
ZaYreet Africom-ZaYre
3.43. Ainsi que la Rkpublique dkmocratiquedu Congo l'a expos6plus ha~t~~~ l,s sociktks
dont M. Diallo assure la direction se sont trouvkes impliqukes dans trois prockdures
judiciaires devant les tribunaux zalrois. Le premier de ces litiges opposait la sociktk
Afiicontainers-ZaYre A la sociktk Fina, et ktait relatif 8 la perte de deux conteneurs
d'Ahcontainers-ZaYre par la sociktk pktrolikre. Le deuxikme mettait aux prises
Africontainers-ZaYreet Shell ZaYre,a propos d'une crkance que la premikre de ces sociktks
prktendait dktenirsur la seconde en vertu du contrat tripartitede 1983. Le troisikmeopposait
la sociktkPLZ Ala sociktkAfiicom-ZaYre,et ktait relatif au bail de l'appartementoccupkpar
M. Diallo A Kinshasa. Le sort de l'ensemble de ces prockduresjudiciaires montre que les
voies de recours juridictionnelles existant au sein de l'ordre juridique zaYroisdoivent Ctre
considkrkescornrne efficaces au regarddes critkres dkgagkspar le droit internationalsur ce
point. Cetteconclusions'imposepour chacunedes affairesprkcitkes.
3.44. Avant de les reprendre une A une, on ne peut manquer d'observer que,dans chacune
de ces trois prockdures, la juridiction de premikre instance qui avait kt6saisie a accueilli les
prktentions dYAfricom-ZaYreet dYAfricontainers-ZaYre,et a condamnk les sociktks
dkfenderessesau paiement d'indemnit~s~~~I.1serait donc pour le moins malvenu d'kvoquer
l'inefficacitk deces voies de r ecours,e stade de1a prockdure. I1est vrai que cestrois
dossiers ont, par la suite,t l'objet d'autres dkveloppementsjudiciaires, parfois complexes.
Rien dans l'tvolution ultkrieure de ces prockdures ne pennet toutefois de conclure A
l'inefficacitk des voies de recours offertes par l'ordre juridique interne du ZaYre. Cette
observation s'impose tant en cequi concerne l'affaireAfricontainers-ZaFe c. Shell (I), que
les affairesricontainers-2aii.c.Fina (2) etPLZ c.Africom-Zaiie (3).
35Voy.supra ,hapit~eI, et les rkfirences citCesnote 316.
35Ibid.1. Les voies de recours internesse sont ave're'efficaces dans 1'affaireAfricontainers-2aii.e
c. Shell
3.45. Dans l'affaireAfricontainers-Zaii-ec. Shell, lejugement rendu le3juillet 1995 par le
Tribunal de grande instance de Kinshasa-Gombe a fait l'objet d'un appel de la part de la
compagnie dkfenderesse,qui avait kte condamnke au versement d'importantesindemnitksen
premikreinstance. En dkpitde cet appel,lejugement de premikre instancea donnt lieu a des
mesures d'extcution forcte, dont la mise en oeuvre a donnk lieu a divers incidents de
prockdure sur lesquels la Rkpublique dkmocratique du Congo reviendra plus loin355. La
dkcisiond'appel, renduele 22juin 2002 par laCour d'appel de Kinshasa-Gombe,confirmela
condarnnationde la sociktt Shell,mkme si elle ramknel'indernnitkdue AAfricontainers-Zai're
un montant nettement infkrieur Acelui accord6 en premikre instance, en raison dumanque
de fondement de la prktention originale de la socittk demandere~se~~~.Ainsi donc, la
prockdure,menke Ason terme, a permis a Africontainers-ZaTred'obtenir gainde cause devant
les juridictions intemes congolaises. L'efficacitt des proctdures internes congolaises se voit
de 1a sorte indkniablementconfirmte, puisque ces prockduresont permis a Afiicontainers-
ZaTrede faire valoir ses droits de faqon effective, mkme-il convient de le relever- si M.
Diallo ttait alors absentdu territoirecongolais.
3.46. Cette conclusionnepourrait2tre remise en cause sur 1ab asedu fait que 1a sociktk
demanderessen'a, en fin de compte, pas obtenu des tribunauxla totalitkdes montants qu'elle
rkclamait. Outre le fait que cette rkduction de ses prttentions financikres se justifiait
manifestement au regard des klkments mtmes du dossier, il faut rappeler que le critkre
d'efficacitt des voies de recours en cause ne saurait signifier que le particulier dontun Etat
entend ensuite endosser la rkclamation devrait avoir automatiquement gainde cause devant
lesjuridictions internes, et ceindependamrnentdu bien-fond6 de sa demande. L'essencede la
fonction judiciaire consisteprkciskment A apprkcier dans quelle mesure les prktentions des
parties auprocks sont fondkes,et a trancherle litige en conskquence. En d'autres termes,il ne
pourrait manifestement ktre question de remettre en cause l'efficacite de voies de recours
intemes du simple fait que 1esprttentions initiales dudemandeurn 'ontpas 6tk accueillies
dans leur intkgralite. Ce qu'il importe de retenir, en lYesp&cec ,'est que les proctdures
juridictionnelles existant en Rkpublique dkmocratique du Congo ont permis a la sociktk
35Voy. infra,par.3.49
35Voy.supra,par.1.3etss.dkfenderesse d'assurer la prkservation de ses droits, et sont a l'kvidence loin dYCtre
dkpourvuesde toute chance de succks.
3.47. Toutefois, indkpendammentde l'issue actuellede ce contentieux, la Rkpublique de
Guinke met en cause l'efficacitk des voies de recours internes zayroises en raison des
difficultks rencontrkes au cours des tentatives dYAfricontainers-Zayrede prockder a
l'exkcution forcke dujugement rendu en sa faveur par le Tribunal de grande instance de
Kinshasa-Gombe enjuillet 1995. L'Etat demandeur fait valoir ace sujet que le vice-ministre
de la Justice antimk l'huissierqui enktaitchargk,l'ordre de suspendreune saisie effectuke
sur les biens de la societk Shell. Ceciaurait eu pour effet, selon lestermes du mkmoire,que
<(cet arrCtne sera jamais exkcutk ))357.Plus prkciskment, la Rtpublique de Guinke avance
que :
[clet acte contraire au principe de la skparation des pouvoirs brise l'autoritkde
chosejugke qui fait la forcede toute dkcisiondejustice[...II1ktaitd'autant plusde
naturea balayer tout espoir de M. Diallo dans une solutionjudiciaire de ses multiples
contentieux qu'il ne s'agissait pas d'un acte isolk. La mCmeentrave A I'exkcution
des dtcisions dejustice fut faitepar le Premier Ministre de l'kpoque en personne,M.
Kengowa Dondo, en octobre 1995 ))358.
Le chef du gouvemement zaYroisest d'ailleurs tgalement accusb, dans un autre passage des
kcritures guinkennes,d'avoir donnk1' (ordre de prockder a la levkede la saisie des biens de
ZaYre-She1 1)359.C'est l'ensemble de ces klkments qui amkne 1'Etatdemandeur aconclure
plus gknkralementque les entraves qui auraient kt6apportkes a l'exkcutionde la dkcisionde
juillet 1995 constituent le reflet d'une<<pratique administrative illiciD, dont l'existence
justifie qu'en l'espkce,les voies de recoursistant au sein de l'ordre juridiquezayroisn'aient
pas kt6kpuiskes-voire mCmetout simplementutiliskes- par M. ~iallo)~'.
3.48. Cette prksentation des choses appelle de strieuses mises au point, dks lors qu'elle
s'avkre manifestement erronte sur plusieurs points, et dkpourvue de tout fondement sur
d'autres. La Rkpublique de Guinke knonce ainsi une contre-vkritk lorsqu'elle affirme que
l'arret rejetant le recours introduit par Shell pour faire obstacle a l'exkcution forcke du
jugement rendu par le Tribunal de grande instance de Kinshasa-Gombe le 3 juillet 1995<ne
35MRG,par. 4.71.
35MRG, par.4.72.
35MRG,par. 4.79.
36MRG, par.4.78.serajamais exCcutC )),en raison de l'ordre donnk par le vice-ministre de la justice, au cours
d'une premikre saisie-exkcution, de cclaisser les choses en l'ktatD. Cette affirmation est en
effet contreditepar 1e cours des evknements eux-memes. La RCpubliquedkmocratiquedu
Congo tient 6 rappeler 6 ce sujet que, si le vice-ministre de la Justice a be1et bien pris une
dkcision qui a provoquC la suspension de 17exkcutionde la saisie optrCe le 13 septembre
1995361,cette suspension a CtCde trks courte durCe. Le ministre de la Justice a en effet
rapidement invitC le prCsident de la Cour d'appel a ccprendre les dispositions utiles pour
exCcuter >)17arretsusmentionnCde la Courd7appel,au motif qu7aprksexamen attentifde cette
dtcision, il s'avtrait ccqu'il n'y a[vait] aucun ma1 jug6 manifeste )?62. Et, trks
significativement, les saisies ont repris leurscours peu de temps aprks, comme en tCmoigne
entre autres le procks-verbalde la saisie-exkcutioneffectuke sur des biens de Shell en date du
6 octobre 1995~~~D . e la ,@me faqon,les comptesde Shell ont CgalementCtCfrappes par une
saisie au cours de la meme pCriode,ainsi qu7enatteste le procks-verbal de la rCuniontenue
entre les parties dansles locaux de1'InspectoratgCnCraldes cours et trib~naux~~~I .1est donc
manifestementerron6de prktendre,comme le fait la RCpubliquede Guinke,que cettedkcision
n'ajamais CteexCcutCe.
3.49. Les autres affirmationsavancCespar I7Etatdemandeur dansce cadre sont quant Aelles
dkpourvues de tout fondement. I1 en est particulikrement ainsi des accusations aux termes
desquelles le Premier ministre zayroisde 17CpoqueM , . Kengo wa Dondo, aurait fait entrave a
17exCcution de la dCcisionde justice en cause ouaurait ordonnCde proctder 6 la levCede la
saisie des biens de la sociCtkShell. Ces accusations ne sont CtayCespar aucune pikce du
dossier, et sont encore une fois contredites parle fait m2me que les biens de la sociktkShell
ont be1et bien fait l'objet de mesures d'extcution forcCeen octobre 1995. Les passages des
Ccrituresguinkennesauxquelsrenvoient les paragraphesdans lesquels ces griefs sontarticulks
ne contiennent pas la moindre mention d7unacte quelconque qui aurait CtCaccompli par le
Premierministre zayroisde lYCpoqup eour bloquer17exCcution forcte dujugement en cause,ou
pour obtenir la main-levCedes saisies dCjaeffectukes.Les accusations formulkessur ce point
par la RCpubliquede GuinCeaux paragraphes 4.72, 4.78et 4.79 de sonmCmoiresont en effet
appuykes pardes renvois aux paragraphes2.63 2.72, ainsi qu7hd'autresparagraphes quine
36Voy.le proces-verbal quien atteste, MRG, annexe171.
36Lethe du 28 septembre 1995,MRG, annexe 177.
36Ceprocbs-verbalest d'ailleursproduit par1'Etatdemandeurlui-mkme(MRG, annexe 179).
36Voy. la note de synthbsedu 11octobre 1995,annexe 72, EPRDC.sont pas clairement dk~i~nes~~'. Or, les paragraphes 2.63 a 2.72 traitent de la mise en
dktention et de 17expulsionde M. Diallo, et non d'une quelconquedkcision du Premier
ministre zayroisde l'kpoquedans le cadre de la prockdured'exkcutionforckede la dkcisionde
justice en cause sur les biens de la sociktkShell. C7estdonc en vain que l'on cherchera dans
le prksent dossierles traces d'une quelconque ((pratique administrativeillicite))dont aurait
Ctkvictime M. Diallo. Aucun des klkmentsavanckspar la Rkpubliquede Guinke a cet effet
ne peut Ctreretenu, des lors que les prktentions de 1'Etatdemandeur sont soit contreditespar
les faits eux-mCmes,soit dkpourvuesde tout fondement.
3.50. Enfin, et en tout Ctatde cause, il faut relever que le r81edu pouvoir exkcutif dans
l'exkcutiondes dkcisionsdejustice est expresskmentprkvu dans le droitzayrois, En rkponse a
certainescritiques kmises notamment pardes investisseursetrangerscontre le fonctionnement
du systemejudiciaire congolais, la Rkpublique dkmocratique du Congo a en effet crkk un
organisme administratif ad hoc, lYInspectoratGknkral des Services Judiciaires, compost
exclusivement de hauts magistrats, qui a pour mission de contr8ler la rkgularitkde certaines
dkcisions judiciaires portkes sa connaissance. Ainsi, lorsque lYex6cutiond'une dkcision
judiciaire est susceptiblede provoquer des remous sociauxou d'entrainerde graves dksordres
publics, 1e ministrede 1a Justicepeut suspendre son exkcutionet demander5 1'Inspectorat
Gknkraldes Services Judiciaires d'en vkrifier la rkgularit6. Aprksavoir entendu toutes les
parties et le ou lesjuges qui ontrendu la decisionconcernke,171nspectoraa tdresse un rapport
auministrede 1a Justice. A u vu de ce rapport,1e ministre de1a Justicepeut soit 1ever1a
mesure de suspension et permettre la poursuitede l'exkcutionde la dkcisionsoit maintenir la
mesure de suspensionde l'exkcutionet inviter les parties,s'il s7agitd'une dkcisiondkfinitive,
nkgocierune solution amiable sous la direction des hauts magistrats en vue de sauvegarder
certainsintkrCtsde la nation et des parties concernkes. Ce type de procedures, que l'on
retrouved u reste dansplusieursEtats afncains, n 'estdoncrien contraire au principe de 1a
skparation des pouvoirs tel qu'il est congu dans cette region du monde, et la Rkpublique
dkmocratique duCongo ne peut que s7ktonnerdes critiques kmisespar 17Etatdemandeur a cet
kgard. En tout ktat de cause, on est bien loin d'une pratique administrative illicite,cette
pratique ktantau contraireprkvueet encadrkepar le droit.
36Les autres paragraphes auxquels se rtfkre 273nn'ont pu ttre identifits par la Rtpublique dkmocratique
du Congo ice stade. Sans doute le dtbat judiciaire pourra-t-il se poursuivre sur ce point lorsque la Rtpublique
deGuinte aura apporte des informations suppltmenicet tgard.3.51. I1ressort clairementde ces elements de fait et de droit que la Rkpubliquede Guinke
n'a pas CtCen mesure d'ktablir de faqon convaincante qu'il existait en l'espece une
quelconquepratique administrativeillicite, dont l'existence aurait eu pour effet dejustifier le
non-kpuisement desvoies de recours internes parM. Diallo, des lors que ces recours auraient
dQetre considkrkscomme inefficaces. De la mCmemanikre, laRCpubliquedemocratique du
Congo montrera Apresent que, en depit du fait que les autres prockduresjudiciaires intenties
par Africontainers-ZaYren'ont pas encore fait l'objet d'un rkglement dkfinitif a l'heure
actuelle, rien ne permet, a leur tgard non plus, de conclure que les voies de recours internes
ouvertesdans ce cadre devraientCtreconsidkrtes commeinefficaces.
2. Les voies de recours internesse sont ave'rkeseficaces dans l'affaireAfricontainers-Zaiie
c. Fina
3.52. Dans l'affaireAfricontainers-Zaiiec.Fina, la sociktkAfricontainers-ZaYrea, une fois
encore, obtenu gain de cause en premikre instance. Par un jugement du 12 aoiit 1993, le
Tribunal de grande instance de Kinshasa-Gombe a en effet condamnk la compagnie
defenderesse au paiement d'importantesindemnitksa la suite de la chute de deux conteneurs
dYAfricontainers-ZaYr deans le fleuve ~ayre~~~. ette decision a toutefois kt6mianCantpar
l'arret rendu le 24 fkvrier 1994par la Cour d'appel dumeme ress01-t~~~A.hcontainers-ZaYre
a alors formkun pourvoi en cassation a l'encontre de cette derniere dkcision, en date du 23
fkvrier 1995. Cette cause demeure actuellement pendante devant la Cour supreme de
~ustice~~'.I1convient toutefois d'observer qu'elle afait l'objet de certains dkveloppements
depuis la date de l'introduction du pourvoi, puisquele Ministere public a entre-temps rendu
ses conclusions dans cetteaffai~-e~~O.n ne peut manquer de relever que ces conclusions sont
favorables la cassation,et donc a une rkouverturedes dkbats au fond. Ici encore,meme si la
Cour supremede Justice ne s'estpas encoreprononckesur ce dossier, rien nepermet donc de
dire que les prockdures existantes dans l'ordre juridiquede la RCpubliquedemocratique du
Congo sont dkpourvuesde toute chancede succes, et ne seraientpas enmesure de permettre a
Africontainers-ZaYreou a M. Diallo de dkfendre leurs droits a l'kgard de leurs partenaires
cornmerciaux. Tout au contraire, les conclusions susmentionnkes du Ministere public
36Annexe 53,EPRDC.
36Annexe 54,EPRDC.
Voy. supra, pa1.33.
36MRG,Annexe 149.montrent trks clairement que les chances de succks des plaignants sont rkelles et effectives
dans ce cadre.
3.53. En dkpit des conclusions quiprkckdent,la Rkpublique de Guinee semble remettre en
cause l'efficacitk des voies de recours qui viennent d'etre kvoqukes, en raison des dklais
kcoulesdepuis que le pourvoi en cassationa kt6forme i l'encontre de la dkcisionde la Cour
d'appel de Kinshasa-Gombe. Septannkes se sont en effet ecoulkes depuis le prononce de
cette dkcision,sans que la Cour supremede Justice ait encorestatuksur le pourvoi.
3.54. La Rkpubliquedkmocratiquedu Congone contestepas que des dklaisparticulikrement
longspuissent avoirpour effet derendre 1es recours internes inefficaces. I1est 1argement
admis, en effet, que l'impossibilitede faire trancher un litige dans un dklairaisonnablepuisse
priver de son intkret ou de son effet utile une rkclamation formke devantles juridictions
internes370.Le recours a ces dernikresne peut, en pareil cas, Ctreconsidire comme efficace,
et leur kpuisement ne s'impose dks lors pas pour que la rkclamation du particulierqui se
prktendlkskpuisse Ctreportie sur le plan international. Au vu de la situationparticulikredans
laquelle se trouve la Rkpubliquedkmocratiquedu Congo depuisplusieursannkes, iln'apparait
cependant pas que la durkede la prockduredans le litige qui oppose Africontainers-ZaYre i la
sociktkFina exckdepareil dklai raisonnable.
3.55. Tout d'abord,il est kvidentqu'undklaide quelques annkesn'estpas a priori de nature
i causer problkme par rapport auxnonnes ginkralement admises en droit international. La
Rkpubliquedkmocratiquedu Congo relkverai ce sujet que, dans l'affairede l'lnterhandel, la
Courn 'ap asj ugkqu'un dklaide dix ans entre 1'introduction de prockdurespar 1a sociktk
suisse devant les tribunaux des Etats-Unis et le moment oh le litige, aprks avoirkt6 portk
jusqu'i la Cour suprCme, a kt6 renvoyk devant les juridictions amkricaines de premikre
instance, constituait un dklai dkraisonnable qui devait l'amener i conclure que les voies de
recours offertes par l'ordre juridique des Etats-Unis devaient Ctre considkrkes cornrne
ineffi~aces~~'.En I'espkce,un dClaide dix annkes estencore loin d'avoirkteatteint.
37Voy. e.a.C.F.AMERASINGHE, Local RemediesinInternationalLaw, op. cipp. 203 et 205 ; voy. aussi la
regle formulte dans le projet d'article 14, e) du projet d'articles sur laprotection diplomatique, propost par le
Rapporteur sptcial John DUGARD dans son troisieme rapport, 2002.
37Rec. 1959,pp.18 et 26.3.56. Ensuite, il est constant que la notion de delai raisonnable ne peut s'apprkcier de
manikre rigide, au regardde dklais prefixes, y compris dans la matikre dont il est question
iCi372
. I1faut rappeler a cet egard que laCour suprCmede la Republique dkmocratiquedu
Congo est saisie de recours qui sont intentts A l'encontre des decisions de toutes les
juridictions sises sur l'immense temtoire congolais, et ce quelles que soient les matikres,
civile, comerciale ou penale. C hacun de ces recours doit Ctre examineun a un, dans 1e
respect des droits de la defense, ce qui implique en pratique des dklais qui peuvent paraitre
longs entre ledCp6tdu recours et leprononce de la dkcision.
3.57. Au regarddeces ClCments,il estclair qu'un delai de sept annkesne peut Ctreconsidere
come excessif, A un point tel que les recours existants dans l'ordre juridique interne
congolais devraient,de ce seul fait, CtreconsidCr6scornme inefficaces. Ces conclusions sont
d'ailleurs largement transposables au troisikmelitige qui a oppose la sociCtCAfricom-ZaYre
la sociktkPLZ, et qui pr6senteun profil similaire a celui du dossier qui vient d'CtreCvoquC.
3. Les voiesderecours internesse sont ave're'es efficacesduns 1'affairePLZ c.Africonz-Zai're
3.58. Dans l'affaire PLZ c. Africom-Zake, le Tribunal de grande instance de Kinshasa-
Gombe a accueilli la demande reconventionnelleformCepar Afncom-ZaYre i l'encontrede la
sociCtt demanderesse, et a condamni:cette dernikre au paiement d'importantes indernnitks,
dans sonjugement du 24 aoilt 1993~~~L . a sociktt PLZ a intejete appel contre cette decision,
qui a kt6mise a ntant par la Cour d'appelde Kinshasa-Gombeen date du 9 mars 1994~~~L . a
Cour d'appela, dans le m2metemps, condamnt Afiicom-ZaYreau paiementdYindemnitCa s la
sociCtCdemanderesse. Cette decision a conduit Africom-Zaire a se pouvoir en cassation,en
date du 26 aoQt 1994. A l'heure actuelle, cette affaire demeure pendante devant la Cour
suprCmede Justice. Come dans le cadredu litige opposant les sociCt6sAfiicontainers-ZaYre
et Fina, le Ministkre public a rendu ses conclusions qui, ici Cgalement,sont favorables la
cassationde I'arrCtde la Cour d'appe1375.
372Voy. e.a. Olivier CORTEN,L'utilisation((raisonnabl,)par lejuge international,Bruxelles, Bruylant,
1997,p. 433 et les dkcisions c;C.F. AMERASINGHE,Local Remedies in InternationalLaw,op. cit., pp.
205 et 206.
37Voy.supra, par.1.48et ss.
37Ibid.
37MRG, Annexe 146.3.59. Au vu des dkveloppements qu'a connus ce dossier, il n'existe donc aucunmotif, ici
non plus, de remettre en cause l'efficacitk des voies de recours qui ktaient ouvertes AM.
Diallo, agissant pour le compte des sociktksdont il assure la direction. Toutcomme c'ktait
deja le cas pour les autres dossiersjudiciaires analysks dans le cadre de la prksente section,
rien ne permet de dire ici que les prockdures existantes ktaient dkpourvues de chances de
succks. Les conclusions susmentionnkes du Ministkre public, mCme si elles ne lient
kvidemmentpas la Cour supremede Justice, devraientplut6t conduire iila conclusion inverse.
Et, en dkpit dufait que le dklaipour que lajuridiction supremede la RCpubliquedkmocratique
du Congo se prononce sur 1epourvoidont elle estsaisie soit 1CgkrementsupkrieurAcelui
relevCdans le cadre du litige qui oppose Africontainers-ZaYreAFina, il nyexckdepas, pour
autant, les normes acceptkes en la matihe, telles qu'elles ont kt6 rappelkes ci-dessus, en
particulier dans le contexteparticulierquiprkvauten Rkpublique dkmocratiquedu Congo.
3.60. En conclusion, 1'examendesdCcisionsrendues dans 1es trois 1itiges o u desrecours
judiciaires avaient ktk intentks est 1oin demener A1a conclusion selon 1aquelle1es recours
juridictionnels ouverts aux societes Africom-ZaYreet Africontainers-ZaYredoivent Etre
considkrkscome dkpourvus d'efficacitk. L'analyse montre, au contraire q,ue cesprockdures
prksentaient,et continuent Aprksenter,des chancesrkellesde succks pourles plaignants, dans
la mesure Cvidemmentoh leurs prktentionsreposaient sur des klkmentsavkrkset solides. Au
regard des dkveloppementsintervenusdans ces trois dossiers, l'argumentde la Rkpubliquede
Guinke, selon lequel les recours existantsau ZaYre,puis en Rkpublique dkmocratique du
Congo, devaient etre considkrkscornme vains en raison de leur inefficacitk,ne saurait donc
etre retenu. La meme conclusion s'impose d'ailleurs en ce qui concerne les litiges
commerciaux A propos desquels les sociktksAfricom-ZaYreet Africontainers-ZaYren'ont, B
aucun moment,jug6 utile d'entamer desprockduresjudiciaires afin d'obtenir rkparation pour
lesmanquements 2idiverses obligationscontractuellesdont ellesaffirrnaientCtrevictimes.
B. Les voies de recours internes existant au sein de l'ordre iuridique zaYroisauraient pu
s7avQerefficaces en ce qui concerne les litiges commerciaux sue M. Diallo ou les sociktks
dont il assure ladirectionn'ont pasgkutile de soumettreaux tribunaux locaux
3.61. Ainsi que la Rkpublique dkmocratique duCongo a eu l'occasion de 17exposerplus
haut, les sociktks dirigtes par M. Diallo sont impliqukes dans un nombre considkrable de
litigesqui les opposent A divers partenaires commerciaux, ainsi quYAlYEtatzaYroislui-m~me"'. Pourtant, dans le present dossier, les recoursjudiciaires du typede ceux qui ontkt6
dktaillksdans les pages qui prkckdentconstituent l'exception. Al'kgardde la plupart de ces
litiges, les sociktksAfi-icontainers-Zaireet Africom-Zaire se sont longtemps cantonnkes dans
une attitude largementpassive, se contentant d'adresser a leurs partenaires commerciaux des
rappels de paiement, ou des demandes d'indemnisation tres souvent abusive^^ A^'nsi, en
depit des litiges qui opposaient Africom-Zaire et Afiicontainers-Zaire, respectivement, a
17Etatzairois, aux entreprises publiques GECAMINESet ONATRA, ainsi qu'a la compagnie
Mobil Oil, aucune action en justicen'a jamais etk intentkepar les sociktksplaignantes ou en
leurnom l'encontrede ces diffkrents partenairescommerciaux.
3.62. Pourtant, rienne permettait de douter de l'efficacitk des voies derecours ouvertes au
sein de l'ordre juridique zairois, puis congolais, B l'encontre de ces entitks. Dans une
prkckdente section des prksentes kcritures, la Rkpublique dkmocratique du Congo a Ctabli
l'existence, au sein de son ordre juridique, de voies de recours susceptibles d'Ctreutiliskes
pour engager la responsabilitk de lYEtatcongolais ou d'entreprises dYEtattelles que la
GECAMINES ou lYONATRA,entre autres dans le cadre de litiges commercia~x~'~. Les
diffkrentsprkckdentsqui avaientktkmentionnks a ce stade de l'exposkmontrent que cesvoies
de recours sont loind'etrepurement formelles. Ces recours se sont en effetavkrksen pratique
d'une trks grande efficacitkpour les plaignants qui les avaient mis en oeuvre,puisque ces
demiers ont, danstous ces prkckdents,obtenu gainde cause.
- Dans l'affaireAbdoul Karim, lYEtatcongolais a kt6 condamnk par le Tribunal de grande
instance de Kinshasa-Gombe averser au requkrantdes indemnitksqui se montaient a prks
de 150millions de francs~on~olais~~~.
- Dans l'affaire SORETAC c. GECAMINES, l'entreprise dkfenderesse a kgalement kt6
condarnnkeen raison du dkfautde paiement d'une commande qu'elle avait passkeauprks
de la sociCt6demanderesse. Cette dkcision a kt6 confirmbe en appel, et des biens de la
GECAM~NES ont kt6saisis et mis en vente publique en exkcutionde lYarrCc tondamnant
l'entreprisepublique380.
37Voy.supra, par.1.0et ss.
37Voy.supra,par.1.35, 1.43,1.46.
37Voy. suprapar. 3.12 et ss.
37Amexe 2, EPRDC.
38Amexe 1 1,EPRDC.- De la meme fagonencore, les tribunaux ordinaires qui avaientCtCsaisis de rkclamationsa
l'encontre de1'ONATRA n'ontpas hCsitC,dans 1es affairesBokungu Wankota,Kiyoko
Botaka et Musungiele Kabamba, a condamner 1'ONATRA au paiement d9indemnitCs
parfois significatives, lorsqu'ils estimaientque l'entreprise publique avaitmanquCa ses
obligations contractuelleB lYCgardde ses partenaires cornrner~iaux~~~. I1 convient de
relever que, dans ces trois cas, I'ONATRA a exkcutk volontairement les dCcisions
judiciaires qui la ~ondamnaient~~'.
Ces prCcCdentsdkmontrent qu'a l'evidence, il existe au sein de l'ordre juridique interne
congolais des voies de recours efficaces, qui offrent de rCelles chances de succbs aux
plaignants qui entendent assurer la prCservation,Al'encontre tant de 1'Etatcongolais lui-
meme que des entreprises publiques, de droits qui trouvent leur source dans des contrats
conclus avec ces diffbrentesentitCs.
3.63. La RCpublique de GuinCe ne dkmontre nullement, dans ses Ccritures, qu'un sort
diffkrentaurait CtCfait aux rCclamationsformultes par Africontainers-ZaYra l'encontrede la
GECAM~NES,de I'ONATRA et de lYEtatzalrois, si les plaignants sYCtaiend t CcidCs en
saisir les tribunaux zalrois. La prktention de 1'Etatdemandeur, selon laquelle les voies de
recours ouvertes a l'encontre de 1'Etat zalrois et des entreprises publiques zaYroisesne
devaient pas etre CpuisCesen raison de leur inefficacitt, doit donc manifestementetrerejetire.
3.64. La RCpubliquede GuinCesemble cependantprktendreque tous 1esrecours intemes
avaient CtCvalablement CpuisCs,dans la mesure 013M. Diallo avait entamC plusieurs
dkmarches de nature non juridictionnelle auprks des autorites politiques zaii-oises,puis
congolaises, en vue d'obtenir gainde cause383. D'aprbs la Guinte, on devrait dbs lors
considkrerque cette rkgle, quivise((aussi bienles recoursjuridictionnels que les recours non
juridictionnels dg4,nyapas CtCenfreinte en l'espbce.
3.65. Cet argumentne saurait &reretenu par la Cour. Si l'obligation d'kpuisementsYCtend
bien a tous les recours offerts parla lo((legal remedies D), qu'ils soient juridictionnels ou
381Annexes34,36 et 38, EPRDC.
382Annexes35,37 et 39, EPRDC.
383Voy.supra, par.3.40.autres, la rkgle s'en trouve non pas affaiblie,mais bien renforcee. En d'autres termes, onne
peut excuser le non-kpuisement des voiesjuridictionnelles au nom de l'kpuisement de voies
alternatives, l'inversektant, audemeurant,egalementvrai. Comme 1'atrks clairement expos6
le Rapporteur specialde la Commission du droit international sur la question de la protection
diplomatique,
(<'Legal' remediesclearly include judicial remedies. The foreign national must
exhaust all the availablejudicial remediesprovided for in the municipal lawof the
respondent State ))385.
La rkgle est parfaitement claire. S'il se peut que d'autres recours que lesrecours judiciaires
doivent Ctre kpuises, en raison du fait qu'ils constituent des recours <<offerts par la loi )),
l'kpuisementdes voies de recours judiciaires s'impose en tout ktatde cause, et ne saurait Ctre
kvitkpar l'invocation dufait que des recours nonjudiciaires ont ktkmis en euvre sans succks.
3.66. C'est finalement en vain quela Rkpubliquede Guinketente de dkmontrerqu'a la suite
des quelques dkmarches non juridictionnelles entreprises par M. Diallo, les voies de recours
offertes par l'ordre juridique zaTroisdoivent 6tre considkrkes comme kpuiskes. En rkalitk,
absolument rien ne peut justifier que les voies judiciaires existantes et disponibles n'aient
mCmepas kt6explorees dans le cadre de plusieurs litiges que la Guinketente aujourd'hui de
soumettre a la juridiction de la Cour, en particulier pour ceux opposant les sociktks
Afiicontainers-ZaTrea 1'Etatzayrois,aux entreprises publiques GECAMINESet ONATRA,
ainsi qu'a la compagnie Mobil Oil. L'existencede recours nonjuridictionnels constitue a cet
kgard non une excuse, mais une exigence supplkmentaire qui doit 6tre satisfaite avant de
dkposer valablement une rkclamationinternationale. C'est en ce sens que, mCmeen ce qui
concerne l'kloignementdu territoire qui a touch6M. Diallo au mois dejanvier 1996,on doit
considkrerque les recours internes n'ont pasetkkpuisks.
C. Les voies de recours internes existant au sein de l'ordre juridique zaTroisauraient pu
s'avkrerefficacespour mettre encausela mesure d'expulsion dont M.Diallo a faitl'obiet
385RG,p. 99,par. 4.66.
Deuxikmerapport sur la protection diplomatique, doc.MCN.41514,28 ftvrier 2001, p. 7, par. 13(soulignk
par la R.D.C.). Voy. e.a. dans le mtme sens C.F. AMERASINGHE,LocalRemedies in International Law,
op.cit.,p. 161;IanBROWNLIE,Principlesofpublic International La5"e td., op.cit.,p. 499.
1333.67. Depuis son kloignement du tenitoire national zaYrois,M. Diallo n'a jamais demand6
aux autoritkscompktentesde reconsidkrerleur position et de lui permettre de revenir au pays.
Le changement importantde rkgimequi s'estproduit en mai 1997,et qui a kt6marquk parun
changement radicaldu personnel dirigeantainsi que de la politique intCrieureet extkrieurede
ce qui est alors devenu la ((Rkpublique dkmocratiquedu Congo D,aurait a tout le moins pu
eveiller l'espoir que des dkcisions prises sous la prksidence du Markchal Mobutu soient
rkformkesou annulkes. M.Diallo auraitpu saisir cette occasionpour demanderaux nouvelles
autoritks de pouvoir se rendre en territoire congolais en vue de rkgler de manihe dkfinitive
l'ensemble des litiges qui restaient pendants avec lespartenaires commerciaux dYAfricom-
ZaYreet dYAfricontainers-Zarre. I1 n'en a rien ktk, et M. Diallo a prkfkrk s'adresser
directement aux autoritksguinkemes pour tenter de faire endosser sa rkclamationde prks de
40 milliards de dollars amkricainsa l'encontrede la Rkpubliquedkmocratiquedu Congo.
3.68. Pourtant, mCmesi elle se distingue nettement des diffkrents litiges commerciaux qui
viennent dYCtre kvoquks,la mesure d'kloignementdu territoire national dontM. Diallo a fait
l'objet au dkbut de l'annke 1996 aurait, elle aussi, pu Ctrecontestke avec des chances de
succksdans le cadre de l'ordrejuridique interne duZaYre.I1est en effet un principe gknkral
de droit administratif selonlequelil est toujourspossible de s'adressera l'autoritkqui a pris la
mesure, et le cas kcheanta son supQieur hikrarchique,pour lui demander de reconsidkrerune
dkcision. I1s'agit certesd'une possibilitkinformelle, dont la prockdure n'est pas strictement
rkglementkepar la loi, mais cettepossibilitkne sauraitcertainementCtremise en doute.
3.69. Une abondante pratique existe d'ailleurs a ce sujet, y compris en ce qui conceme des
ordres de quitter le territoire prononcksdans le cadre de la loi sur l'etablissement et leskjour
des ktrangers. La Rkpublique dkmocratiquedu Congo se limitera a ce stade & mentionner
deux exemples, qui tkmoignentclairementde la possibilitk,non seulement d'introduirepareil
recours, mais aussid'obtenirconcrktement gainde cause.
- Un premier exemple est le recours introduit devant la Commission nationale
d'hmigration par un ressortissant libanais, M. Yaghi, a l'encontre de la mesure
d'kloignement du territoire zairois dont il avait MCI'objet en 1995~'~. Ce recours a
386Voy. la lettre25avril1996,adresskaM. Yaghi par le prksident de la Commission d31mrnigration,annexe
69, EPRDC. dkbouchksur la levke,l'annee suivante,de la mesure d'expulsionsous le coup de laquelle
se trouvaitlerequkrant3".
- L'on peut kgalement mentionner le recours introduit par un ressortissant belge, M. de
Villers,a l'encontre d'une dkcision d'expulsion du territoire zaYrois,dont il avait fait
l'objet en 1989. Ce recours a dkbouche sur un dkcret ministeriel qui, en 1996, a leve la
mesureprise anterieurement A l'encontre durequkrant3".
Au vu de ces prkckdents,on ne saurait prktendre qu'aucun recours susceptible d'aboutir Ala
levkeeffectivede la mesure d'kloignementdu territoirenational qui a frappkM. Diallo n'ktait
disponibleau ZaYre,puis en Rkpublique dkmocratique du Congo.
3.70. Pas plus qu'en ce qui conceme les litiges commerciaux auxquels les sociktts dirigkes
par M. Diallo ktaient parties, la Republique de Guinke n'est-elle donc fondke a mettre en
cause l'efficacitk des voies de recours internes a l'kgard de la mesure d'kloignement du
territoire dont M. Diallo a fait l'objet. La pratique montre en effet qu'il existe des voies de
recours efficacesa l'encontre de telles dkcisions, et que ces prockdurespeuvent aboutir a la
levkede lamesure d'expulsioninitiale. Or, et come le rappelleun ouvrage de refkrence,
(<The rules requires that recourse should be had toall legalremedies availableunder
the local lawwhich are in principle capableof providing an effective and sufficient
means of redressing the wrongs for which, on the internationalplane, the respondent
State is alleged to be responsible, even ifthose remedies may be regarded as of an
extraordinary
Dkcidkment,on voit ma1ce qui, en lYesp&cea,urait empechk M. Diallo de tenter d'engager
une prockdureinternetendant Aobtenirune remise en cause ou une rkformationd'unemesure
qu'il estimaitinjustifike.
3.71. De fagon gknkrale,il apparait donc qu'ilexistait, au sein de l'ordre juridique zaYrois,
diverses voies de recours efficaces, qui auraientpermis AM. Diallo et aux sociktksdont il
387Voy. la lettredu 26 aoiit 1996,ibid.
388Annexe 68, EPRDC.
389R. JENNINGS,A .WATTS (Eds.),Oppenheim'sInternationalLaw, 9" ed., op.cit.,p. 524, note 6, guillemets
omis, soulignCpar la RCpubliquedkmocratiquedu Congo. assure la direction de faire valoir de manikre effective leurs droits. De telles voies de recours
ktaient disponibles tana l'encontre dessociktksprivkes avec lesquellesAfiicontainers-ZaYre
ou Afncom-ZaYreentretenaient des relations comrnerciales qu7a 17encontred'entreprises
dYEtattelles que la GECAMINESet I'ONATRA,et de 1'EtatzaYroislui-mEme. De nombreux
prkcedents montrent que ces voies de recours offrent de rkelles chances de succks aux
plaignants, et qu'elles peuvent ce titre Etre considerkes cornme pleinement efficaces aux
sens du droit international. C'est donc en vain que la Rkpublique de Guinke allegue
l'inefficacitkde ces diffkrentes voiesde recours, dont l'kpuisements'imposaitindkniablement
pour chacun des litiges en cause. Comme la Rtpublique dtmocratique du Congol'a rappel6
plus haut, c'est pourtant sur1'Etatdemandeur que pkse la charge de la preuve de semblable
inefficacitk, s'il entend kcarter l'application de la rkgle de l'kpuisement des voiesde recours
'
internes dans une situation donnke. Pareille preuven'a,i l'kvidence,pas kt6apportke dansla
prksenteinstance.Conclusion duchapitreI11
3.72. Que ce soit dans le courant des annkes 1980, quand lespremiers litiges opposantles
socittts Ahcontainers-ZaYre et Ahcom-ZaYre A leurs partenaires commerciaux ont
commenck itse fairejour, ou au cours de laptriode qui a suivi l'kloignementde M. Diallo du
territoire zairois, il est donc avkrequ'il a toujours existk, et qu'il aoexister au seinde
l'ordre juridique congolais, des voies de recours qui auraient permis a M. Diallo et aux
sociktCsen cause d'assurer la protection de leurs droits. Ces voies de recours rkpondaient,et
continuent a rkpondre, a toutes les exigences du droit international en la matike. En
particulier, elles onttoujours6accessibles a M. Diallo, y compris aprks que celui-ci aitktk
amen6 a quitter le territoire zairois. De la meme faqon,ces voies de recours sont efficaces et,
comrnele montrent de nombreuxprkckdents,sont loin d'Ctredkpourvuesen pratique de toute
chance de succks. L'argumentdkveloppkpar la Rkpubliquede Guinke,aux termes duquel ces
recours ne devaientpas etre kpuisksen l'espkce,en raison de l'impossibilitkpour M.Diallode
les mettre concrktementen euvre, ou enraison de leur prktendue inefficacitk,ne saurait donc
Ctreacceptk.
3.73. Le parallkle track par 1'Etat demandeur entre la prksente affaire et la conclusion
atteinte dans l'affaire ELSI,ii la Cour observaitque <[dlans une affaire oii lesjuridictions
internes ontkt6vraiment beaucoup sollicitCes,il n'estjamais facile de dkcider si les recours
internes ont kt6 rkellement 'kpuists' est manifestement dkpourvude toute pertinence.
L'on est en effet bien loin, dans le prksent dossier, d'une telle situation. Plutdt que de
sollicitation constante destribunaux internes(come c'ktaitle cas dans l'affaireELSI,oh pas
moins de trois prockduresparallklesavaient kt6engagkespar difftrents protagonistes,dans Ie
cadre d'un seul et meme~iti~e))~'c,'est plutdt de sous-utilisation systkmatique des voies de
recours internes dont il faudrait parler dans la prksente instance. En dkpit de quelques
menaces de saisir les tribunaux, adresskes de fagon kpisodique a certains des partenaires
commerciaux d'Africontainex-s-ZaYrepar l'avocat de cette socikt~~~~,l'attitude
dYAfricontainers-ZaYre et de M. Diallo dans plusieurs des dossiers qui sont A la base du
prtsent litige s'est avant tout caractkriskepar la passivitk,et par une totale inaction sur le plan
judiciaire. A cet kgard, l'invocation -bien peu ktayke- de I'inaccessibilitt et de
390Rec.1989,p. 47, par.;cite aupar. 4.77 dumimoire de la Ripublique de GuinCe.
391Des recours avaient ainsi 6te intent&, dans le cadre de cette affaire,par la s1989p. 38,heon (Rec.
par. 39 et), par la societe ELSI(ibid.,p. 38,par. 40), ainsi que par le syndicde la faillite (ibid.,p. 39, par. 41).
137l'inefficacitt des tribunaux zai'roispar la Rtpublique de Guinke apparait come une piktre
excuse, visantajustifier a posterio rettepassivitt difficilement excusable.
3.74. En rtalitk, le prksent dossier estprkcistment de ceux oi la rkgle de l'epuisement des
voies de recours internes prend tout son sens, et dont elle a toujours vist a assurer le
rkglementle plus ordonnt, devant lesjuridictions qui apparaissaient les plus approprites et les
mieux kquiptes pour les trancher. La prtsente instance trouve en effet son origine principale
dans des litiges commerciauxtout a fait ordinaires,dont lejuge ((nature1 )>et logique estbien
entendu celui des tribunaux de l'ordre interne. Ce n'est que dans l'hypothese oi, tous ces
recours ayant ttt mis en aeuvre,les droits du requtrant n'ont pas ktk prtservts que la Cour
pourrait connaitre de semblable cause. I1est manifeste que cette condition n'est pas remplie
dans le cadre de la prksente affaire, et que la Rkpublique de Guinte n'a pas CtCen mesure de
montrer de faqon convaincante que les recours existants au sein de l'ordre juridique zaYrois
puis congolais ne rkpondaient pas aux exigences dudroit international en cette matikre. I1
n'existe donc aucune raison quijustifie lenon-kpuisement-et dansplusieurs cas,le refuspur
et simplede mise en mouvement- des voies de recours internes disponiblespourtrancherles
litiges quiopposaient Africontainers-Zai'reet Afiicom-Zai're a leurs partenaires comrnerciaux.
C'est pour l'ensemblede ces motifs que la requCteprtsentte par la Rtpublique de Guinte
pour le comptede M.Diallo doit Ctredkclarkeirrecevable.
39Voy. e.a. la lettre adra lYONATRA ,n date d18 juillet 19(MRG, annexe 91).
138CONCLUSIONS
La Rkpubliquedkmocratiquedu Congoprie respectueusement la Cour de dire etjuger que la
requete de la Rkpubliquede Guinke est irrecevable,
lo) en raison du fait que la Rkpublique de Guinken'a pas qualitk pour exercerla protection
diplomatiqueen 1aprtsente instance, sarequktevisant essentiellernentBobtenir rkparation
pour des dommagesrksultant de la prktendue violationde droits de sociktksqui ne posskdent
pas sanationalitk;
2")en raison du fait qu'en tout etat de cause, ni les sociktksconcernkes ni M. Diallo n'ont
tpuisk les voies de recours internes disponibleset efficaces qui existaient au ZaYre,puis en
Rkpubliquedkmocratiquedu Congo.
Le ler octobre2002
TshibanguKalala
Co-agentde la Rkpublique dkmocratiquedu Congo
Exceptions préliminaires présentées par la République démocratique du Congo