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Sales numberAFFAIRE HAYA DE LA TORRE
(COLOMBIE c. PÉROU)
HAYA DE LA TORRE CASE
(COLOhlBIAv.PERU) COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
MEMOIRES, PLAIDOIRIES ET DOCUMENTS
AFFAIRE
HAYA DE LA TORRE
(COLOMBIE c.PÉROU)
ARRÊDU 13JUI1951 INTERNATIONAL COURT OF JUSTICE
PLEADINGS, ORAL ARGUMENTS, DOCUMENTS
HAYA DE LA TORRE CASE
(COLOMBLA v.PERU)
JUDG.\fEOFJUNE13th19jI II paraît inutile de revenir sur les faits qui ont motivé le litige
pendant devant la Cour et dont elle possède une connaissarice
complète et la plus objective qui soit. Noiis voudrions seiilemeiit,
dans iiiic première partie de ce Contrc-Mémoire, faire un certairi
noiiibre d'observations sur la façon dont se présente l'instance
introduite par la Colombie dans l'affaire colombo-péruvienne
relative au droit d'asile. Dans les deux autres parties, nous ferons
la critique des conclirsions du AIémoirecolombien et nous nous
efforcerons d'étayer celles que le Gouvernement du Pkrou demaiide
à la Cour d'accepter.
1
Et d'abord, comment et pourquoi cette instance est-elle iiitro-
duite ?
Par sa requEte originaire du 15 octobre 1949, la Colombie deniari-
dait à la Cour de se prononcer sur deux points de droit. Savoir :
Si la République de Colombie était en droit, en tant que pays
accordant l'asile, de qualifier de façoii définitive la nature du délit
dont I'asiléétait accusé;
Si la République du Pérou, & sa qualité d'État territorial, était
obligée tlaris le cas concret- matibre du litige - d'accorder zi
l'accusé un sauf-conduit ou, d'une façon générale, les garailtics
nécessaires pour sortir du pays en toute sécurité.
La Cour, par son arrêtdu 20 ~iovcmbrc 1950, a répond11de la
fa<;oiila plus nette en rejetant la première conclusion par quatorze
voix contre deux et la deuxiEme par quinze voix contre une.
Le Gouvernement du 'Pérou estimait, de son côté, que l'asile
avait été accordé et maintenu contrairement aux dispositions et
à l'esprit de la Corivention de La Havane de 1928 - seul iristru-
ment par lequel il fut lié juridiquement vis-à-vis de la Colombie.
Il craignait, d'autre part, etnon sans motifs - ainsi que la suite
le prouve -, que l'arrêt de la Cour sur les deux questions de droit
poséespar la requêtecolombienne (arrêt qu'ilattendait cependant
avec pleine confiance) ne permit pas de liquider définitivement
en fait la situation litigieuse, et que la Colombie ne s'obstinât,
soirs quelque prétexte, à maintenir l'asile qui durait depuis le
3 janvier 1949. C'est pourquoi il formula sa demande reconven-
tionnelle, d'abord dans le Contre-Blémoireen datedu 21 mars 1950. COXTRE-~~É~IIOIRE PÉRUVIEX (15 IIIj1) 8j
puis au cours de la procédnre orale, afin de la préciser.Il demandait
à la Cour de se prononcer sur la légalité de l'octroiet du maintien
de l'asile, afin de créer à la charge de la Colombie l'obligation
d'y mettre fin. Conformément à l'Acte de Lima du 31 août 1949,
article I,c'était en effet la controverse existante dans son ensemble
que les deux Parties avaient convenu de soumettre à la Cour,
et l'ambiguïté de la requête colombienne était de nature à faire
craindre que la Cour ne pût se prononcer sur le fond du litige.
Le Gouvernement de Lima désirait pourtant en finir. La demande
reconventionnelle se basait à la fois sur la violation de l'article I,
paragraphe I, de la Convention de La Havane et sur celle de
l'article2, paragraphe z. La Cour rejeta délibérémentle premier
motif, mais sur le second déclarapar dix voix contre six que l'octroi
de l'asile et sa prolongation n'avaient pas eu lieu conformément
à l'article z, paragraphe 2, de ladite Convention de La Havane,
autrement dit qiie l'asile était illégal.
Sur ce point, le Gouvernement du I'érou n'a jamais varié. Si
l'on veut bien se reporter à son Contre-Mémoire du mois de mars ,
1950, on ij verra que ledit gouvernement, SC référantà une affir-
mation du Gouvernement de la Colombie selon laquelle la remise
de l'asilé n'aurait jamais étédemandée par lui, en donne cette
explication :
~....adresser une demande de remise [à cette époque] était sans
but, puisque le Gouvernement de Colombie avait déjà pris sa
résolution ....Le Gouvernement du Pérou n'a pas voulu discuter
de l'affaire dans un esprit d'intransigeance ....D'autre part, le
refus du Pérou d'accorder le sauf-conduit signifiait certainement
qu'il entendait maintenir son droit de dcmander la remise de
1'«asilé» au moment qu'il jugera opportun ...En conformité de ce
qui précède,le Gouvernement du Pérou s'abstient, dans sa défense,
de demander à la Cour elle-même d'ordonner expressément la
remise de l'aasilé »,car il entend bien que, son droit reconnu sous la
forme qu'il revêtdans le présent Contre-Mémoire, la compamtion
de Y« asiléi).devant les juges et tribunaux à la juridiction desquels
il est soumis sera assurée. >I(Contre-hlémoire, p. 35.)
Ainsi, désirant obtenir de la Cour qu'elle statue sur l'illégalité
de l'asile. le Gouvernement du Pérou avait cru qu'il était inutile de
demander davantage, et notamment qu'elle se prononçât sur la
remise du réfugié.Celle-ci, pour lui, allait de soi, car il résultait
clairement de l'arret que l'asile devait prendre fin. Tout,sujet de
droit - tout plaideur , lorsqu'il est mis en présence d'un arrêt
ayant autorité de chose jugée et d'où il ressort qu'il s'est placé,
de son fait, dans une situation d'illégalité, est juridiquement tenu
de faire cesser cette illégalité.Faute de cette prestation, en effet,
la décision juridictionnelle n'aurait plus aucune force obligatoire
puisqu'elle serait vide de toute conséquence. Les parties sont dans
. .
l'obligation de s'y conformer de bonnefoi, d'abord parce qu'elles
786 COSTRE-JIÉXOIR EÉRUVIEN (15 III51)
en sont convenues, ensuite parce qu'aucun sujet de droit ne saurait.
se dérober au respect de la règle de droit qui s'incarne dans le
jugement, lorsque la situation litigieuse s'est transformée en chose
jugée.
«Les Jlembres de la Société s'engagentà exécuter de bonne foi.
les sentences rendues », dit l'article 13 du Pacte de la S. d. N.
Et l'article 94 de la Charte des Nations Unies: RChaque Membre
des Nations Unies s'engage à se conformer à la décisioiide la Cour
internationale de Justice dans tout litige auquel il est partie. Ir
«Se conformer r, en pareil cas, c'est faire des actes d'exécution
que commande, évidemment, la décision. A cet égard, il y a lieu
de reproduire la déclaration faite par l'agent du Gouverneinent
colombien au cours de son exposé oral à la séance publique du
26 septembre 1950 : NAu nom du gouvernement qui a pris l'ini-
tiative de soumettre à la Cour ce différend, je déclare que, quel
que soit le résultat de vos délibérations, la sentence de la Cour
sera respectée dans toute son intégralité par la Répiiblique de
Colombie. II
Aussi l'étonnement du Gouvernement péruvien fut-il graiiden
apprenant que le Gouvernement colombien, feignant de ne pas.
comprendre le sens de l'arrêtdu zo novembre et lui supposant des.
lacunes, formula une demande l'interprétation le jozir nlêlne ozi.
l'arrêt avaiét téprononcé.
Cette demande avait cn réalité pour but d'amencr la Course àse.
prononcer sur des points que iii l'une ni Vautre des deus Parties.
ne lui avaient soumis, dans l'espoir que le nouvel arrêtlui permet-.
trait de se dérober à I'exécutioridu premier.
La lettre de l'agent de la Colombie du 20 novembre demandait
en effet à la Cour de se prononcer sur le point de savoir si la qiialifi-
cation de l'asilécomme délinquant politique - qualification faite
par l'ambassadeur colombien à Lima - était fondée et si,par-
conséquent, s'agissant d'un délinquant politique, le Gou\zernemeiit
de Colombie a~ait ou non l'obligation de remettre l'asilé aus
autorités péruviennes.
La Cour, par douze vois contre une, repoussa la teiitativc,
motif pris de ce que : rKon seulement l'existence d'une contesta-
tion entre parties n'a pas étéportée à la connaissance de la Cour' ».
....mais n qu'il ressort de la date même à laquelle la demande eii
interprétation a été introduite, qu'une telle contestation n'a mi.me.
pas pu se manifester d'une manière quelconque », et surtout que
<iles questions poséespar le Gouverncment de la Colombie tciident
à obtenir, par la voie indirecte d'un arrêtinterprétatif, la solutiori
de questions dont la Cour n'a pas étésaisie par les Parties ericause >i.
Autrement dit, la Colombie cherchait à instituer une nouvelle.
aIlva de'soi qu'onne peutconsidérer comme une contestatioaux termes de
ledéclareparfaitementuclair1.acontestationexigeaunetdivergence devuesentre;
partiessur depoints défin...s(.4rr*t d27novembre, page 403.) COSTRE-MÉMOIRE PÉRUYIEN (~jIII51) 87
instance. Son but réel, caché mais visible, était d'instaurer un
«recours 11contre l'arrêtdu 20 i!ovembre, contrairement à l'arti-
cle 60 du Statut de la Cour; selori lequel l'arrêtest définitif et sans
recours 1)En faisant porter sa demande sur la qualification des
faits reprochés à l'asiléet non plus sur le droit de qualification en
général,elle s'efforçait, de façon subreptice, de remettre en cause
la chose jugée, puisque la Cour avait déclaréque la Colombie
n'était pas en droit d'exiger un sauf-conduit, ce que le Gouverne-
ment de Bogota eût voulu obtenir afin d'éviter la remise.
En présencede l'arrêt de rejet du 27 novembre 1950, le Gouver-
nement du Pérou était, à nouveau, fondé à croire que le litige
était définitivement clos et qu'il ne lui restait plus qu'à eri réclamer
l'exécution. Mais il avait compté sans la fertilité d'esprit de son
adversaire.
La nouvelle requête colombienne reprend exactement, mais par
un autre biais, la tactique précédemment employée.Faisant état
de la demande du Gouvernement du Pérou en date du 28 novembre
1950 relative à la cessation de l'asile età la remise de l'asilé,elle
demande à la Cour de déterminer la manière d:exécuter l'arrêt du
20 novembre : «Et en plus de dire à cette fin, notamment, si la
Colombie est ou n'est pas obligéede remettre au Gouvernement du
Pérou RI.Victor Rab1 Haya de la Torre, réfugiéà l'ambassade de
Colombie à Lima. r On notera, non sans intérêt,l'identité absolue
au fond et la similitude dans les termes de la requête du3 décembre
1950 et de la demande d'interprétation du 20 novembre. De telle
sorte que cette demande à fin d'exécution pourrait aussi bien
passer pour une demande à fin d'interprétation. La Colombie
s'efforce d'obtenir de la Cour une déclaration d'après laquelle elle
ne serait pas dans l'obligation de livrer l'asilé,déclaration qu'elle
interpréterait immédiatement par un n contrario facile, mais lim-
pide, comme l'autorisant à le garder - ce qui lui permcttrait de
prolonger indéfiniment l'octroi d'un asile jugé cependant mal
fondé -, par là-même,de persévérer dans l'illégalitéet par consé-
qucnt de ne pas exécuter l'arrêt di1 20 novembre.
Situation non seulement contraire à l'arrêt, mais situation sans
issue, puisque l'arrêt du zo novembre déclare que le Pérou n'a
aocunc obligation de délivrer de sauf-conduit. Ainsi l'asile se
perpétuerait azc~rzéfid reila chose jugée.
Xoiivelle observation.
On remarquera que la dciiiande de la Colombie est fondée sur
une contradiction terminologiqiie dont on s'étonne, en raison de
son énormité,comment elle a pu subsister.
D'une part la Colombie prétend avoir exécutél'arrét, et, d'autre
part, elle demande dans ses coiiclusions :n de quelle manière doit
étre exéciitépar la Colombie etle i'érozl'arrêt du zo novembre i~.
Ile dcux choses l'une: ou bien la Colombie a exécutéI'arrétet, alors.
pourquoi demande-t-elle comment elle doit le faire ? Ou bien elle88 COKTRE->~ÉI\IOIRE PÉRUYIEN (15 III51)
ne l'a pas exécuté,et alors ses allégationscorrespondent à ce qu'on
est convenu d'appeler une contre-vérité.
La Colombie prétend qu'elle a exécuté l'arrêt. Icila citation
s'impose' :«La Colombie, fidèleà ses traditions légaleset respec-
tueuse de la décision de ce haut tribunal international, n'a pas
insisté sur la qzialificationzrizilatérade la nature du délitiniputé à
M. Haya de la Torre, remplissant ainsi la première obligation que
lui impose l'arrêt de la Cour.
KLe Gouvernement de Colombie, obéissant à la seconde partie
de la décision de la Cour, s'est abstenn de dentander derechef au
Gouvernement du Pérouun sauf-conduit pour M.Victor Raid Haya
de la Torre.
ILe Pérou ne pourra donc en aucun cas faire valoir que la
Colombie n'a pas exécuté l'arrêtde la Cour. 11
Le paradoxe dépasse ici les limites de la vraisemblance. La
situation est assez comparable à celle d'un occupant sans titre qui,
ayant étéjugé tel et, par suite, dans l'obligation de déguerpir,
prétendrait avoir exécutéle jugemeut parce qu'il n'a pas exigédu
véritable propriétaire les titres de propriétéet la clef de la maison.
En fait, et c'est l'évidence mêmel,a Colombie n'a pas exécz~té,
car l'exécutionexige ici un acte positif. C'estnne obligationde faire:
elle consiste à mettre fin à uii comportement illégal.Ce n'est pas
exécuter cette obligatioii que de se cantonner dans la passivité,
en aggravant encore l'illégalitépar suite de sa prolongation. 11
n'y a, répétons-le,qu'un seul moyen d'exécuterun arrêtconstatant
l'existence d'une illégalité, c'estde la faire cesser.
Par ailleurs, il y a quelque audace àdemander àla Cour comment
le Péron,bénéficiairede l'arrêtet qui réclamela prestation que cet
arrêtcomporte, devrait lui-mêmel'exécuter.C'est la Colombie,qui
est en possession de l'objet du litige et qui tient en ses mains l'effi-
cacité du jugement, qui doit l'exécuter ens'exécutant.
On peut se demander encore quelle est l'explication de la curieuse
transformation qu'a subie la «requête » en devenant «conclusions I)
du Mémoire.Le contraste est frappant. La requêteporte :
IDentande ri titre principal: qu'il plaise à la Cour ...en eréczrtion
de cequi a étédisposé2 l'article 7dz~Protocoled'amitiéet decoopération
si@ entre la Répzlbliqnede Colonzbie et la Républiquedii Péroz~
le 24 ?>$air,-,. de déterminer la manière d'exécuter l'arrêt du
20 novembre ïgjo ;
Et en plus, de dire à cette fin, notamment, si la Colombie est
ou n'est Das oblieée de remettre au Gouverneme't du Pérou ~ ~
M. Victor '~ahl ~&a de la Torre ....
((Demande subsidiaire :Au cas où la demande ci-dessus serait
rejetée,
iQu'il plaise à la Cour, en l'exercicede sa compétenceordinaire
....de dire et juger si, confornzén$enatn droit en vigaiezcrentre les
' hlhoire de la Colombie, pago 20. COSTRE-MÉUOIRE PÉRUVIEN (15 III51) 89
Parties et partici~lièrementail droit international américain, le
Gouvernement de Colombie est ou n'est pas obligé de remettre
$1. Victor Raul Haya de la Torre au Gouvernement du Pérou. »
Très différentes, les conclusions du Mémoire portent : IPlaise
à la Cotrrdire de quelle manière doit êtreexécutépar la Colombie
et par le Pérou l'arrêtdu zo novembre 1950, et, en plus, dire et
juger que la Colombie n'est pas obligée, en exécution dudit arrêt
du 20 novembre 1950, de remettre hf. Victor Rad Haya de la Torre
aux autorités péruviennes.
IAu cas où la Cour ne statueraitpas lur la conclusion précédente,
qu'il lui plaise de dire et juger, en exercice de sa compétence
ordinaire, que la Colombie n'est pas obligée de remettre l'accusé
politique hl. Victor RaUl Haya de la Torre aux autorités péril-
viennes. )>
On remarquera qu'il ressort de la comparaison de ces deux
textes, d'abord que les concl~isionsdu Mémoirene font plus mention
du Protocole d'amitié et de coopération dii 24 mai 1934. sur lequel
était principalement basée la requête. Curieuse inadvertance.
Cependant, la requêteétant reproduite intégralement à la page 19
du Némoire colombieii et le Mémoirelui-même,page zo, se basant
sur l'article 7, zniealinéa, paragraphe unique, dudit protocole, il
ne semble pas douteux que c'est bien sur la compétence que cet
article 7 confère à la Cour que la demande colombienne principale
est fondée l.Sans cela, en effet, il n'y aurait plus aucune base à la
demande colombiennc. Elle se réduirait purement et simplement à
un nouveau s recours >Iauqiiel le Pérou n'aurait aucune raison de
se prêter, car il n'a coiiclu ancun compromis avec la Colombie en
vile d'instituer cette instance. Ainsi que nous le dirons ci-dessous,
c'est sur la base de l'article 7, paragraphe unique, du Protocole
d'amitié de 1934 que le Gou\~eriieinent du Pérou s'est considéré
comme tenu de plaider à la nouvelle instance.
En second lieu, on remarqiiera qu'il n'est plus parléde demande
siibsidiaire. tout ail moins formcllcment, et surtout, que cette
demande, réduite à une présentation des plus modeste, renonce à
prier la Cour de juger r conforinément au droit en vigueur entre
les Parties et en particulier au droit international américain >i.
L'omission de la référence a au droit international »,généralou
américain, est facile à expliquer, et pour nous précieuse.L'agent du
Gouvernement colombien a dîi s'apercevoir, entre le dépôt de sa
requêteet celui de son Mhoire, qu'iine telle mention appelait une
réfotation par trop facile et découvrait dangereusement sa tactique.
Le droit international et le droit américain n'ont en effet plus rien
à faire ici;ou plutôt ils commandent de direquetoutes1esquestions
de droit avant étéexaminées et tranchées par la Cour, ce qui est
jugé est jugé. Pour le Gou<eriiement du Pérou, tout le droit en
i la compétence ordinaire laCour.e sens I'nllusdans les conclusions, alinénz. 90 COXTRE-~I~\I~~ P~RUV~EN (15 III 51)
l'espèce est aujourd'hui contenu dans l'arrêtqui est l'application
, de la règle de droit à l'affaire concrète en cours. Mais la mention
supprimée et surtout sa suppression permet de souligner que la
Colombie avait pour intention première de remettre en question
l'arrêt du 20 novembre et d'instituer un nouveau recours sur le
fond, contrairement à l'articl77 du Statut de la Cour. C'est le cas
de se souvenir du fameux brocard : Habernusconfitentem rezlm.
Nous nous demandons même cc que vient faire dans le Mémoire
la discussion de l'interprétation de la Convention de 1926. Cette
interprétation, elle aussi, a désormais force de chose jugée, et toute
discussion, soit du Mémoire, soit des consultations qui y sont
jointes, sur la Convention de La Havane, ne présente pas la
moindre pertinence. La Convention de La Havane ne pourrait donc
plus êtreprise en considération qu'en ce qui concerne ce qu'elle
dit au sujet de la cessation de l'asile quand il a étérégulièrement
octroyé. Or, selon l'article premier, si l'asile a étéoctroyé à tort à
un accusé pour crime ou délit de droit commun, l'asilé doit être
remis aux autorités locales. On en pourrait déduire que tout asile
accordé illégalement a pour sanction la remise de l'asilé.D'autre
part, l'article porte que l'asile des criminels politiques serares$ecté
dans la mesure où il aura étéoctroyé d'accord avec les stipulations
de ladite convention. Or, l'arrêtdu 20 novembre déclare que ces
stipulations n'ont pas étéobservées. On en pourrait conclure, par
interprétation stricte, que le Pérou n'a pas à respecter l'asile,
d'autant plus que sa prolongation constitue une nouvelle illégalité
reposant sur la violation de l'arrêtdu zo novembre.
Une telle interprétation est toujours celle de certains juristes
internationaux. Toutefois, si le Pérou a considéré comme un
devoir de laisser subsister le fait de l'asile jusqu'au moment où
la Cour a rendu son arrêt, il n'en considère pas moins que juri-
diquement il a désormais perdu tout caractère de respectabilité.
Qu'il fut bien dans les intentions de la Colombie de s'attaquer à
l'arrêt du zo novembre et de tout mettre en Œuvre, délibérément,
pour revenir sur les décisionsde la justice, cela ressorà l'évidence
du caractère insolite de certaines annexes qui figurent à la suite
du Mémoire.On pourrait m&meleur rattacher d'autres documents
et comportements sur lesquels il nous paraît plus correct de ne
pas insister. Il convient de signaler que le dkcret-loi qui figureà
l'annexe 6 et qui n'est plus en vigueur n'affectait en rien le fonc-
tionnement normal et régulier du pouvoir judiciaire.
Il n'est pas d'usage de chercher à mobiliser contre un arrêt en
force de chose jugée l'opinion plus ou moins surprise ou sollicitée
d'individualités, de personnalités officieuses, ni surtout celle de
la presse. Rien n'eût empêchéle Gouvernement du Pérou de
constituer un dossier de ce genre, mais il estime qu'il est correct,
. sails plus, de s'abstenir. On notera seulement que ladite mobili-
sation paraît bien avoir étéfaite avant que l'arrêt n'ait pu être
connu des rédacteurs américains, ainsi que le prouvent les dates de CONTRE-~IÉYOI RERUVIEN (15 III51) g1
plosieiirs de ces articles. La grande majorité d'entre eux est anté-
rieure au 27 novembre, et quelques-uns seulement sont postérieiirs,
cependant que d'autres, qui ne portent pas de date, s'inspirent des
premières informations câbléesaprèslasentence. Tout cecidénioritre
un sens certain de l'orchestration; mais noii point un sens égaldu
respect de la justice.
Au surplus, une adjonction au Mémoirecolombien de la plupart
de ces pièces iie parait pas êtreconforme à l'article 43 du Kègle-
ment de la Cour.
Le Mémoire colombien, dans sa partie finale (III) affirme
quc le Gouveriiement de Bogota ne poursuit d'autre intérêtque
la défense tle l'institution de l'asile, d'une traclitioii juridique,
d'un devoir d'humanité et de l'intégritépersonnelle d'iin homme
politique dc grand prestige. Mais on peut douter de ces affirniatioris
lorsqu'oii voit la façon dont la Colombie a essayé dc travestir le
débat juridique au lieu de chercher à exécuter l'arrêt.Elle s'est
effoicée d'attaquer la justice pémvienne dont la Cour dans son
jugement avait affirmé qu'il n'y avait aucune raison de mettre
en doute l'impartialité. Ainsi cherchait-on à désoriciiter l'opinion
publique américaine. Bien plus, on n'a pas hésitéà attaquer la
justice internationale elle-même en la déclarant incapable de
comprendre et de juger les problèmes américains (annexe 6).
Xous nous reprocherions d'insister davantage.
Quant aux deux consultations d'éminents juristes qui figurent
aussi aux annexes, nous sommes bien obligés de les englober daris
la mêmeappréciation de non-pertinence. L'un d'eus ne fait guèrli
que reproduire les opinions dissidentes et en développer les prin-
cipaux arguments. Quel que puisse êtreleur intérêt intrinsèque,
ces opinions n'affaiblissent pas la force obligatoire de la chose
jugée. L'auteur conclut sans liaison apparente avec ses raisoiiiie-
ments antérieurs à ce que (il'arrêtde la Cour dise que la Colombie
n'est pas tenue de livrer le sieur Haya.de la Torre aux autorités
péruviennes II.
L'autre consiiltation. largement reproduite dans le Mémoire
mais dont les conclusions ?y figureni pas, cherche à construire
un dilemme dans lequel la Cour serait eiiserrée : s 1'l'asile ne
peut durer ; z0 il ne peut cesser par la remise du réfugié à son
gouvernement qui le réclame. C'est donc vers la remise à un tiers
qu'il faut penser. Von pas à un particulier, certes. mais à un orga-
nisme international qu'il est aisé de découvrir. ,iCet orgaiiisme
international - qu'il n'est pas si aiséde découvrir et auquel nous
n'avions pas pensé -, c'est, pour le signataire de la consultation,
l'organisation internationale des Réfugiés.Cette solutioii inatten-
due constituerait peut-êtreun moyen de tenir en échecle jugement
du 20 novembre qui permet au Gouvernement de Lima de refuser
le sauf-conduit ! Afalheureuseinent, l'auteur avoue lui-même : n.4
le prendre tel qu'il est, le statut généralde l'O. 1. R. ne lui offre
peut-être pas la possibil liégéad e prendre en charge une personne92 COSTRE-MÉMOIREPÉRUVIES (15 III51)
qui ne tombe pas sous la définition des termes a réfugié u et i<per-
sonne déplacée r. »En effet, nous pensons que l'O. 1. R. n'a pas
étéinstituée pour servir de refuge aux délinquants et qu'il ne
suffit pas d'invoquer l'humanité, comme le fait l'auteur consulté,
pour l'inciter à sortir de sa compétence '.
Nous n'aurons pas, à notre tour mais en sens inverse, l'imperti-
nence de discuter l'arrêtdu 20 novembre. Xous dirons simplement
que tous les juristes ne sont pas de l'avis de ceux que la délégation '
colombienne a réunis en rangs serrés. Il en est qui estiment que la
Co.ura fait faire un progrès considérable au droit de l'asile, notam-
ment dans les considérants où elle statue que le criminel politique
n'a pas un droit acquis - parce que tel - à l'immunité de juri-
diction, à l'instar d'un chef d'État ou d'un diplomate, et que l'asile
.
répond avant tout à un but d'humanité et d'urgence ; qu'il n'est
pas fait pour donner des facilités d'intervention politique dans les
fonctions essentielles de l'État. Quand il est utilisé en ce sens, il
constitue un véritable abus de droit, et le déguiseinerit moral et
humanitaire dont on le recouvre va en réalité contre son but même.
Il ne saurait être permis à des politiciens, fussent-ils de la plus
haute valeur et doués du plus grand talent, de déclencher, sans
risques pour eux-mêmes, des troubles et des émeutes où de mal-
heureux citoyens, simples et innocents, seraient seuls à ne plus
jouir de la protection des droits de l'homme. En mettant ces
véritésen lumière, l'arrêt du zo novembre - dont no2sspensons
qzl' esltappelé à faire iz~risprzidence - contribue à la formation de
ce a droit international nouveau » dont la caractéristique est de
remplacer l'arbitraire des soiiverainetés par le respect de l'ordre
public. Tout cela a étédit au cours des débats oraux antérieurs.
Ces observations faites, nous en viendrons maintenant à l'examen
des conclusions de la requête.
L'argument essentiel sur lequel repose le 3lérnoire dans sa
totalité et, par conséquent, ses conclusions, est tiréd'un attendu de
la Cour selon lequel, aux dires du Gouvernement colombien, l'arrêt
du 20 novembre aurait déclaréque l'asiléest iin accusé politiqiie.
Lors inêmeque cet argument serait exact - et il ne l'est pas -, il
ne s'ensuivrait en aucune façon que la sentence se trouve par là
infirmée, que l'asile ait été octroyé et maintenu conformément à
la Convention de La Havane de 1928 et que par conséqiient il ne
doive point cesser. L'un des consultants du Gouvernernerit colom-
bien s';ipprol~ie cet argiimcnr cr, ~)ri.r~~iiri:iiiltui aussi s'uj~j)uycr
sur I;Ichose jiigGz.coiisidCrc<lue (C coi~.;iiiir;i~fi111p:iitle du dispo-
'
SOI>$ nou$ Aoon >usdgalcmcnt qm; 1,$:tunt pruics,~wr ;xuqtwI l:~~~~~~~lt:~t~o:~
s etc'slciiiaiiil.r. iiipt:rini.I'dnicirre si.r I;, )ullii:rii\.iedci>nlliigntionr
<iui ni:icii\vn~ ~ ~v .ii~ICc~ ~ ~Le~ ~ ~ ~ ~ ~~~-~ ~ ~><kii>~..i7-iilu, .,ntcrr
fournies par Iï Gouverncrnent colombien. COSTRE-~~ÉIOIRE PÉRUPIEN (15 11151) 93
sitif et quepar conséquent l'asile a étécorrectement octroyé. L'émi-
nent consultant a mal lu l'arrêt du zo novembre. Cet arrêtne dit
rien de tel, mais. seulemeiit que le Pérou n'a $as fait la pretdveque
le délit derébellionfût uii délit dedroit commun. Bien qu'il ne soit
pas nécessairede remettre sous les yeux de la Cour les considérants
de son jugement, il nolis paraît difficile de ne pas reprotloire celui-ci
pour montrer combien il est oséde vouloir lui faire dire ce qu'il ne
dit pas :«En revanche, la Cour estime que le Gouveriiemcnt du
Pérou n'a pas démontré que les faits dont le réfugiéa étéaccusé
avant les 3-4 janvier r949 sont des délits de droit commun. Du
point de vue de l'application de la Con\-ention de La Havane, c'est
le libellé de l'accusation, telle qu'elle a étéformulée par les auto-
rités judiciaires avant l'octroi de l'asile, qui entre seul en ligne de
compte. Or, comme il ressort de l'exposédes faits, toutes les pièces
émanant de la justice péruvienne portent comme unique chef
d'accusation ila rébellion militaire», et le Gouvernement tlii Pérou
n'a pas établi que la rébellion militaire constitue cil soi un crime de
droit commun. L'article 248 du Code de jiistice militaire péruvien
de 1939 tend même à démoiitrer le contraire, car il établit une
distinction entre la rébellion militaire et les crimes de droit com-
mun.... Ces constatations autorisent à dire que le premier grief
adressé à l'asile par le Goiivernement du Pérou n'est pas justifié
et que, sur ce point, la demaiide reconventionnelle est mal fondée
et doit être rejetée.ii
La Cour a ,-.éaue le ~remier grief n'était D. .ustifié.La défense,
péruvienne, estimant (lue la question n'était pas de savoir si la
qualification faite par l'ambassadeur colombien était ou noii régu-
lière, mais qu'il s'agissait de savoir si ellepoiivait êtreconsidérée
comme définitive, s'était en effet bornée à esquisser la distiiiction
entre les crimes de droit comniun et les crimes politicliies. Elle
aurait pu la pousser plus loin, au lieu de se borner à indiquer que
sur ce point il y a une évolution indiscutable du droit positif et
que le caractère atroce de certaiiis crimes, mêmecoinmis dans iin
but politique, est de nature à leur enlever leur caractère. Mais,
nous le répétons,ce ii'étaitpas et ce n'est pas l'objet du litige.
Il suffit au Pérou que la deuxième base assignée A sa demaiide
reconventionnelle, c'est-à-dire la méconnaissance de l'article 2,
paragraphe 2, de la Convention de La Havane, fût de la façon
la plus nette reconnue fondée par la Cour. Elle l'a étéaprès un
examen extrêmement approfondi (pages 282 à zS7 du Recueil dont
nous extrayons les passages suivants) : rEn conclusion, siir la base
des constatatioiis et considérations énoncées ci-dessus, la Cour
estimequ'à la date des 3-4 jan~~ier1949, il n'existait pas un daiiger
constituant un cas d'urgence, au sens de l'article z, paragraphe z,
de la Convention de La Havane >i,et plus loi: iLa Cour est amenée
ainsi à constater que l'octroi de l'asile, à partir des 3-4 janvier
1949 jusqu'au moment où les deux Gouvernemerits sont tombés
d'accord pour lui soumettre leur différend, a étéprolongé pour une94 CONTRE-MÉMOI PRERUVIEN (1j IIIj~)
raison que l'article z, paragraphe z, de la Convention de La Havane
ne reconnait pas I),d'où le dispositif:r La Cour ....dit que l'octroi
de l'asile par le Gouvernement de la Colombie à Victor Raiil Haya
de la Torre n'a pas étéfait en conformité de l'article z, paragraphe z,
a premièrement iide ladite convention. »
Xous nous trouvons ici d'accord avec l'un des consultants pour
estimer qu'il est des cas où les considérants d'un arrêt font corps
si intimement avec le dispositif, qu'ils revêtent, au mêmetitre que
lui, l'autorité de la chose jugée. La seule différence entre iiotre
attitude et la sienne, c'est que nous reproduisons les considérants
tels qu'ils ont étéformulés,avec leur sens naturel, au lieu de cher-
cher &en extraire quelque chose qu'ils ne contiennent pas.
S'ilétait besoin d'insister sur ce point, nous trouverions la consé-
cration de notre affirmation dans un passage tiré, cette fois, de
l'arrêt du 27 novembre 19jo qui rejette la demande d'interpréta-
tion. On le trouvera à la page 402 du Recueil : e La première qnes-
tion a trait àla qualification qui a étédonnéeen fait par l'ambassa-
deur de Colombie à Lima du délit imputé au réfugiéet tend à faire
déclarer par la Cour que cette qualification fut correcte et qtc'ily a
lier6de lfli recoia?iaides 8gets jzcridiqzres.La Cour constate que ce
point ne lui a pas étésoumis par les conclusions prises par le Gou-
vernement de la Colombie au cours de l'instance qui a coiiduit à
l'arrêtcln zo novembre rgjo. En vertu de ces conclusions, la Cour
n'a étéappelée à statuer que sur la prétention, formuléeen termes
abstraits et généraux,selon laquelle la Colombie, en tant qu'État
octroyant l'asile, a le droit de qualifier la nature du délit par une
décisionunilatérale et définitive, obligatoire pour le Pérou.
uQuant à la partie de la demande reconventionnelle du Gouver-
nement du Pérou qui était fondéesur une violation de l'article 1,
paragraphe 1,de la Convention de La Havane ...la Cour a constaté
que le Gouvernement du Pérou n'en avait pas apporté la preuve.
La Coz~r n'astatziéSI~Yat6cl6neautre questionà cet égard....
1La Cour ne peut que se référer à ce qu'elle a déclaréen termes
absolument précisdans son arrêt :cette question est restée entière-
ment en dehors des demandes des Parties. L'arrêtn'a aucunement
statué sur elle et ne pouvait le fair...II
Ce n'est pas nous, cette fois, qui affirmons que la Cour n'a pas
tranché la question de qualification des délits reprochés à l'asilé
et que les considérants qui se réfèrent à ce point ne présentent
aucune pertinence juridique pour la signification de l'arrêt du
20 novembre : c'est la Cour elle-même.
Il convient maintenant de souligner que le Pérou,en acceptant de
plaider à cette instance, fait preuve d'une insigne bonne volonté et
d'une confiance totale en la sagesse de la Cour. II eût pu être tenté
de soutenir l'irrecevabilité de la requête.
Nous avons dit, en effet, qu'il s'agit pour la Colombie non pas,
comme elle le prétend, de la manière d'exécuterl'arrêt, mais bien COSTRE-.\IE.\IOIREPÉRU\.IES (15 III51) 95
de la meilleure façon de se soz6straireri son exécntio~tet de rester
dans le statu qtto et l'illégalité.De mêmeque la Cour coristatait
dans l'arrêtdu 27 novembre qu'il ne suffit pas, pour qu'il y ait un
différend d'interpriitation, que l'une des Parties se contente de
l'affirmer, de même ellepourrait constater dans la présetiteinstance
qu'il ne suffit pas que la Colombie prétende qu'il y a entre elle et le
Pérou un différend sur l'exécution pour que ce différend existe en
réalité.Il faudrait, pour qu'il en fût ainsi, que chacune des deux
Parties ait exprimé contradictoirement son sentimeiit sur les
moyens d'exécuter. Or, il n'en est rien, puisque le I'érou seul a
proposé un mode d'esiicutioii tandis que la Colombie, sans lui en
opposer aucun autre, cherche un mode d'inexécution.
Elle prétend faire dire à la Cour que le procédé offertpar le
Goiivernemeiit de Lima n'est pas acceptable, mais elle se garde d'en
offrir aucun autre.
Xous avons dit ci-dessus que le Gouvernement du Pérou s'était
toujours réservé de faire valoir son droit, et c'est pourc~uoi il a
proposé dans sa note du 28 novembre 1950 le procédéde la remise
de l'asilé. C'est que cette façon de mettre fin à l'illégalitéque
constituent l'octroi et le maintien de l'asile lui seml~lcà la fois le
plus direct, leplus naturel et le plus sûr.
Le plus direct pour un plaideur de bonne foi, c'est de se soumettre
à la sentence. La remise serait aussi ce qui correspondrait le plus
exactement aux considérants de l'arrêtqui qualifient l'attitude de
la Colombie d'interuentio,~dans l'accomplissement de la justice
péruvienne et qui impliquent que celle-ci doit reprendre son cours
régulier anormalemeiit suspendu.
Le Gouvernement péruvien estime en outre que ce mode d'esécu-
tion est également le plus sûr. Il peut, il est vrai,y avoir d'autres
façons d'exécuter l'arrêt,et de ce chef le Gouvernement de Lima
ne prétend faire preuve d'aucun exclusivisme. Il est prêt à accepter
le recours à tout procédé,pourvu que ce procédépermette à la
justice péruvienne de reprendre son cours normal arbitrairement
interrompu.
Une autre façon d'exécuter l'arrêt,plus formelle, moins parfaite
mais encore adéquate, consisterait à faire cesser l'asile, en faisant
savoir à l'asiléqu'il est désormaisimpossible à un plaideur de bonne
foi de continuer à lui en assurer la protection, puisque celle-ci est
illégale,et de l'inviterà y mettre fin de lui-même eny renonçant
librement. La situation serait ainsi rétablie dans son état primitif,
telle qu'elle était antérieurement au 3 janvier 1949, et le jugement
recevrait ainsi son ex6cution par iine sorte de restitution in inte-
grziin. Le droit ayant ainsi reçu satisfaction, le Gouvernement
péruvien, pour permettre le fonctionnement normal de ses institu-
tions judiciaires contrarié par l'interve~ition, serait évidemment
obligéde s'assurer de la personne de l'accusé commeil s'y efforçait
avant l'octroi de l'asile. Leieur Ra61Haya de laTorre doit accepter96 CONTRE-MÉMOIRE PÉRUYIEN (15III 51)
ce risquejuridique auquel il s'est lui-mêmeet volontairement exposé
en déclenchant la rébellion.
Le Gouvernement de Lima avait donc pensé et continue à
croire que la remise de i'asilé constitue la meilleure façon d'exé-
cuter l'arrêt. Il est prêtà se conformer à la décision de la Cour
si elle statue en ce sens. Cependant, il considère que la remise
de l'accusé n'étant pas le seul procédé d'exécution imaginable,
il est prêt à en accepter un autre que la Cour pourrait indiquer,
pourvu que ce procédé procure sans équivoque l'exécution de
l'arrêt du 20 novembre et permette à la justice péruvienne de
reprendre son fonctionnement normal.
Cette position prise, il resterevenir aux conclusioiis du Mémoire
colombien et à indiauer sur auels points nous demandons à la
Coiir de les rejeter.
La conclusion principale de la requête demande à la Cour de
,ueer sur la base de l'article7 du Protocole d'amitié et de cooué-
ration de Rio-de-Janeiro de 1934, c'est-à-dire d'accepter une com-
pétence que ce texte lui confère. Nous le lui demandons également,
mais pour des motifs assez différents.
Ledit article 7 constitue pour nous un engagement général de
résoudre tous les différends présents ou futurs par des voies paci-
fiques et en particulier en les soumettant à la Cour internationale
de Justice. En cas d'échec des négociations diplomatiqiies, ledit
article déclare que chacune des Parties $oz~rra - sans toutefois
y êtreobligée - recourir à la procédure prévue à l'article 36 du
Statut de la Cour, c'est-à-dire - pensons-nous - signer le proto-
cole prévu ail paragraphe 2 dudit article, mais sans y apporter
aucune des limitations ou réserves qui peuvent accompagner cette
signature.
A notre connaissance, la déclaration spéciale à laquelle il est
fait allusion (clause facultative) a bien étéfaite par la Colombie,
mais elle ne l'a pas étépar le Pérou. L'on pourrait peut-être, en
conséquence, soutenir que la Cour n'a pas reçu de coinpéteiice
spéciale en vertu du Protocole de Rio-de-Janeiro. Mais le Pérou
n'entend pas se prévaloir de cette exception. Il estime, répétons-le,
que le Protocole de Rio comporte une obligation générale :celle
de résoudre tous les litiges par voie juridictionnelleà défaut de la
voie diplomatique et que la signature de la clause facultative n'est
qu'une modalité de cette obligation principale. Celle-ci subsisk
en tout cas.
Le paragraphe unique de cet article 7 vise, afin d'en compléter
la portée, le cas où le litige naîtrait de l'impossibilitéoù se trouvent
les Parties d'arriver à un accord sur l'exécution d'une sentence
prononcée, et il veut que ce litige subsidiaire soit lui aussi résola
par la Cour de La Haye. Le Traité de Rio-de-Janeiro avait donc
pour but d'assurer les deux pays contre l'éventualité de cette
inexécution d'un arrêt de la Cour, ce qui est le cas présentement.
Le Gouvernement de Lima pense que les deux pays, dans I'intérét CONTRE-DIÉAIOIREPÉRUYIEN (15 III51) 97
de leurs bonnes relations, rie doivent pas êtrefrustrés de la bonne
volonté dont les signataires du protocole ont fait preuve, et que
les deux pays sont donc moralement mais aussi juridiquement
tenus par les stipulatioiis de 1934. Il est donc d'accord pour
demander à la Cour rde rendre effective la selitence par laquelle
a étéreconnu le droit des Parties contractantes II,selon les termes
mêmes dudit paragraphe unique in fine. Nous prions donc la
Cour qu'elle veuille bien indiquer le procédé qu'elleestime le
tneilleur pour procurer l'exécution définitive de'arrétdu zo novem-
bre, ce procédé le meilleurrestant à notre avis la remise de I'asilé,
mais n'étant pas le seul.
Nous pensons que la Cour peut satisfaire à cette demaride
commune des deux Parties en se basant sur le paragraphe I dudit
article 36, selon lequel« la compétence de la Cour s'étend à toutes
les affaires que les parties lui soumettront, ainsi qu'à tous les cas
spécialement prévus dans la Charte des Nations Unies ou dans
les traités et conventions en vigueur ».Sans doute, le paragraphe 6
dudit article prévoit qu'aen cas de contestation siIr le point de
savoir si la Cour est compétente, la Cour décide n.et rious savons
que c'est un principe juridique bien établi que la Cour, comme
tout tribunal, est maîtresse de sa compétence. Idous ferons simple-
merit remarquer que siir ce point particulier il n'y a pas de contes-
tation entre les Parties.
Il est nécessaire de spécifier ici, et de la façon la plus nette,
que nous repoussons énergiquement la prétention colombienne
reproduite deux fois dans les conclusions de son Mémoire, de
demander à la Cour de juger que la Colombie n'est pas obligée
de remettre soit M. \'ictor Raul Haya de la Torre, soit «l'accusé
politique Victor Raul Haya de la Torre >iaux autorités péruviennes.
Xous avons déjà laissé entendre pourquoi. Cette déclaration ne
manquerait pas d'être tendancieusement interprétée. Sans doute
pourrait-on la comprendre en ce sens que, la remise n'étant pas
le seul mode d'exécutioti de l'arrêt,la Colombie n'est pas spécifi-
quement dans l'obligation de l'accomplir. Ce qui voudrait dire
qii'elle peut choisir fanautre mode d'exécution. filais la Colombie
ne manquerait pas d'en tirer une tout autre déduction en laissant
subsister l'asile, ce qui obligerait le Pérou à demander à la Cour-
et cette fois de façon fondée - un nouvel arrêt interprétatif.
D'autre part, si la Cour - contre toute attente - décidait que
la Colombie ti'est pas obligéede remettre M. Victor Raul Haya de
la Torre aux autorités péruviennes, une situation absurde vien-
drait à. se créer: l'asile continuerait indéfiniment et cela malgré
que la Cour ait déclarédans son arrêt du 20 novembre 1950 que
l'octroi de l'asile n'avait pas étéfait en conformité de l'article z,
paragraphe 2, a premièrement IIde la Convention de La Havane
de 1928.
Nous ferons seulement remarquer que si la Cour estimait ne pas
devoir statuer sur le mode d'exécution, il )' aurait contradictionde sa part à exclure l'un quelconque. des modes d'exécution, c'est-
à-dire la remise, car ce serait déjà répondre partiellement à la
demande conjointe qui lui est présentée dedésigner elle-niêmele
mode d'exécution.
III
Si la demande principale à laquelle nous venons de nous associer
soiis les conditions susdites ne devait pas étre prise en considéra-
tion, nous demanderions à la Cour de trancher dans l'exercice de sa
compétence ordinaire une autre question de droit ;cette question
de droit pourrait étre ainsi formulée : «Dire et juger que l'asile
octroyé au sieur Kahl Haya de la Torre depuis le 3 janvier 1949 et
prolongé depuis lors ayant étéjugé contraire à l'article2, para-
graphe z, du Traité de La Havanc de 1928, aurait dû cesser immé-
diatement après le proiioiicéde l'arrêtdu 20 novembre 1950et doit
en tout cas cesser immédiatement afin que la justice péruvienne
puisse rcprendre son cours normal. II
Qii'il s'agisse là d'une pure question de droit sur laquelle la Cour
est habilitée à traiter, conformément à l'article 38 de son Statut,
cela résulte de considérations qui ont déjà étéexposées inais qii'il
nous semble utile de résumer à nouveau.
L'arrêt passé en force de chose jugée le zo noveinbre 19jo est
définitif et sans recours. Sa clarté n'est pas douteuse, ainsi qu'il
ressort de l'arrêtégalement définitifet sans recours du 27 novembre
1950. Ces deux se complèteiit et doivent êtreexécutés debonne
foi. Toute tentative tendant à obtenir de la Cour qu'ellc SC déjuge
constitue en soi iine méconnaissance de l'autorité de la chose jugée
et une sorte de dédain des décisionsde justice (conle~nplof cotir/)
au sens large. C'est pourtant contre ces arréts que s'est déployée
l'offensive politique de la Coloinbie.
Par exécution d'un arrèt, il faut comprendre non seulement
l'exécution formelle des termes de l'arrêt qui, en l'espèce, sont
d'ailleurs suffisamment clairs, mais aussi toute action indispensable
à prociirer la réalisatioii effective de ce qui est contenu dans la
décision juridictionnelle, sans quoi celle-ci resterait lettre morte.
Cette r&gle d'interprétation est parallèle à celle cltic la Cour a
toujours admise en matihre de traités. Elle vaut de la mêmefaçon
en cc qui concerne les arrêts, car il s'agit, dans l'un et l'autre cas,
d'un instrument juridique ayant mêmc valeur obligatoire. Le
traité est larloi des parties »clans le sens abstrait du terme. L'arrèt
est la I<loi des parties >idans l'affaire concrète qui farinait l'objet
du litige. Lorsque l'exécution de l'arrêt comporte nécessairement
une prestation active sans laquelle la situation qui a été dbclarée
illégale iie pourrait être assainie, la partie condamnée est dans
l'obligation juridique, iitcoictestablee- qu'on nous liasse ce terme
un peu trop souvent employé - éuidented'accomplir l'obligation CONTRE-MÉMOIRE PÉRUVIES (15 III51) 99
de faire sans laquelle l'autorité de la chose jugée deviendrait illu-
soire. Le prestige des arrêts de la Cour ne risque pas d'êtreterni.
Le dispositif de l'arrêtdu zo novembre porteque l'asile est contraire
à l'article z, paragraphe z, du Traité de La Havane de 1928 ; qu'il
constitue par conséquent un acte nul dans son origine et qui, par sa
prolongation, est de nature à devenir un acte illicite. La Colombie
est dans l'obligation juridique de le faire cesser, et son inaction
depuis la date de l'arrêt comportant cette obligation serait suscep-
tible de donner lieu en faveur de son adversaire à des réparations
correspondant au préjudice qui lui est causé.
Il n'est pas dans les intentions du Gouvernement du Pérou de
formuler sur ce point une demande nouvelle. Nous nous bornerons
donc, afin d'étayer nos conclusions sur le point de droit soulevé, à
choisir quelques citations parmi les nombreux auteurs qu'il nous
serait facile de citer à l'appui de notre demande.
Selon IVitenherg (L'organisation @diciaire, la procédzcreet la
sentence internatio~zales,pp. 352 et suivantes), la sentence a force
obligatoire. Les parties doivent s'y conformer et exécuter de bonne
foi(isans objection, subterfuge on retard quelconque 11.
La plupart des auteurs ont admis, il est vrai, que ce problème
de la force obligatoire de la sentence était surtout (l'ordre théorique
parce que les parties ne cherchent pas d'ordinaire à s'y dérober.
Certes, il peut naître des difficultés d'exécution : on a invoqué la
compensation ; la difficulté de déterminer la somme à payer ; de
modifier la législation, etc. Le Gouvernement colombien se refusa,
on le sait déjà,sous couleur de difficultésd'interprétation, à exécu-
ter la sentence rendue en mars 1897 par le président Cleveland dans
l'affaire Cerruti, et l'Italie n'hésita paà envoyer une flotte bombar-
der Carthagène '. On se rappelle que, à la suite de la senteiice de
l'Alabama, le Gouvernement anglais eut quelque peine à calmer
l'opinion publique. Il y parvint cependant : <rRotre devoir II,
déclara le chancelier Lowe à la Chambre des Communes, aest
d'adhérer an jugement et de payer les sommes dont il nous taxe,
sans chicanes ni commetztaires.
N. Politis dit nettement dans sa Jnstice internationale (p.,go) :
ciLe besoin d'une sanction spécialene se fait pas sentir. Les Etats
se contentent d'une exécution volontaire parce qu'en fait elle.est
suffisante. Il n'est pas d'exemple de sentence valable qui n'ait été
exécutée, quelles que fussent d'ailleurs les objections formulées
contre elle par la partie condamnée, l'engagement pris par le com-
promis de s'y soumettre loyalement est encore de trop fraîche date
quand la sentence intervient pour que l'on puisse songer à's'ysous-
traire sans jaillirà I'honnezcr.1)
Sans doute depuis lors a-t-on vu quelques exemples de refus
d'exécnterdes senteiices arbitrales, mais on rappelle qu'une sentence
R. G. D. 1P. 1412,p.273.Hambro, nL'exéci~fides sentenceintevnationales u,
1936;(;rorges.SceC lolrs,La Haye,1gj3,4. p. 576.1O0 COSTRE-MÉYOIR PÉERUVIES (15 III j1)
ne peut rester inexécutéeque si on l'attaque pour nullité ou par
revision, en vertu de la survenance d'un fait nouveau.
Le professeur Rousseau, dans ses Principes générazixde droit
znternatioital pt~blic (pp. 678 et suivantes), fait une synthèse des
grands principes qui dominent la matière et qui s'appliquent,
répétons-le, à tozrtacte jziridiqtie, aussi bienà une sentence qu'à iin
traité sans, bien entendu, que nous prétendions assimiler l'un et
l'autre. Mais tous deux édictent des règles de droit et, sur ce point
du moins, peuvent êtreassimilés.
11rappelle que la matière est dominée par trois grandes règles.
La première est celle de la bonnefoi, sur laquelle nous nous repro-
cherions d'insister.
La seconde est qiie l'interprétation ne saurait être tentée quand
il n'y a pas à interpréter. II cite Vattel (livre II, chap. 17, par. 263),
où l'auteur àéclare qiie quand uii acte est conçu en termes clairs
et précis : « aller chercher ailleurs des complications pour le res-
treindre ou pour l'étendre, c'est vouloir l'éluder ». De ce principe la
C. P. J. 1. a fait l'application à différentes reprises : «Le devoir de
la Cour est nettement tracé. Placée en présenced'un texte dont la
clarté ne laisse rien à désirer, elle est tenue de l'appliquer tel qu'il
est, sans qu'elle ait à se demander si d'autres dispositions auraient
pu êtreajoutées ou substituées avec avantage. » (Avis consultatif
du 15 septembre 1923 sur l'interprétation de l'article 4 du Traité
de Minorités polonaises ; Série B, ilo 7, p. 20 '.)
Le troisième principe et le plus important, c'est celui qiii a été
qualifié par le jurisconsulte Ehrich de r règlede l'eficacité i>(Reczieil
des Cozlrs de I'Académie,1928, 4).
Anzilotti a dit de son côté(p. 113 de la tradiiction id el )n Toute
règle doit être prise pour ce qu'elle contient rCellement sans en
étendre ou en restreindre le sens, mêmesi le contenu réel de la
norme peut sembler à l'interprète ou restreint, ou trop large. 1)
Wolf a écrit :I(On ne doit pas admettre une interprétation de
laquelle il s'ensuivrait qu'on n'a rien entrepris. » Et Vattel : COn
ne présume pas que des personnes censées aient prétendu ne rien
faire en traitant ensemble ou en faisant totrt antre acte sériez~x.
L'interprétation qui rendrait iin acte nul et sans effet ne saurait
donc être admise. » Enfin, Calvo (5me éd., .1896, t. 3, p. 396) :
«Toute clause prêtant à un double sens doit s'interpréter et s'enten-
dre dans le sens qui peut lui faire sortir son efet zitile et non dans
celui qiii la rendrait impraticable. >i
Il s'agit là d'tin $rinci$e gé~iérad le droit dont le professeur
Rousseau, pages 680-683, donne une longue liste d'applications. La
C. P. J. 1. dans une de ses ordonnances, dans l'affaire des zones
franches, a déclaré également :(1Dans le doute, les clauses d'un
' Voir aussi Avis consultatif 31-7-22sur l'interprétatiodela compétence de
Série.A/B,Sno 5, p24..etc.p. 22 ; ametdu 17-8-9d 3ans l'affaire du Wimbledon. CONTRE-MÉMOIRE PÉRUVIEN (15III51) IO1
compromis ...doivent ...êtreinterprétéesd'une manière permet-
tant de déployer leurs effets utiles. 1)
If.Rousseau fait en outre remarquer la filiation qui existe entre
la règle de l'effet utile ou de l'efficacitéet celle de la prise en
considération de l'objet et du but de l'acte juridique (détermination
de la ratio legis). Voir également en ce sens Hudson, dans son livre
sur la Cour permanente, page 660, où il accorde la préférence
à l'interprétation qui permette à L'actede répondre effectivement
à son objet.
Nous ne voudrions pas alourdir cctte démonstration, qui peut
se résumer en deux mots. Qu'il suffise de rappeler qu'il serait .
inadmissible que la Cour ait rendu un jugement dénuéde toute
efficacitéet laisse entier le litige qu'elle est chargée de résoudre.
Un jugement est obligatoire dans tout ce que contient son texte
et dans tantcequi est nécessairefiourquele texte ait une signification.
L'exécutionconsiste non à épiloguersur ce que le jugement ordon-
nait de faire ou de ne pas faire, mais à faire tout ce qui est indis-
. pensable pour qu'il ait un effet réel correspondant aux buts du
compromis.
*
* *
C'est en se basant sur ces considérations que nous demanderons
à la Cour de bien vouloir adjuger les conclusions suivantes :
PLAISE A LA COUR :
1. Déclarerde quelle manière doit êtreexécutépar la Colombie
l'arrêtdu zo novembre 1950 ;
II. Rejeter les conclusions de la Colombie tendant à faire dire,
sans plus, que la Colombie n'est pas obligéede remettre
Victor Raiil Haya de la Torre aux autorités péruviennes ;
III. Au cas où la Cour ne statuerait pas sur la conclusion no 1,
dire et juger que l'asile octroyé au sieur Victor Raiil Haya
de la Torre le 3 janvier 1949 et maintenu depuis lors, ayant
étéjugé contraire à l'article 2,paragraphe 2, du Traité de
La Havane de 1928, aurait dû cesser immédiatement après
le prononcé de l'arrêt du zo novembre 1950 et doit en
tout cas cesser désormais sans délai, afin que la justice
péruvienne puisse reprendre le cours suspendu de son
exercice normal.
Fait à La Haye, le 15 mars 1951.
(Signé) CARLOS SAPAN ALVAREZ,
Agent du Gouvernement péruvien. LISTE DES ANNEXES
I. Note du 28 novembre 1950, adressée par le ministre des Affaires
étrangères du Pérou au chargé d'affaires de la Colombie à Lima.
z. Note du 6 décembre1950, adresséepar le ministre des Affairesétran-
gères de la Colombie au ministre des Affaires étrangèresdu Pérou..
3. Note du 14 décembre ~gjo, adressée par le ministre des Affaires.
étrangèresdu Pérouau ministre desAffairesétrangèresde la Colombie..
4. Information officielle du Gouvernement du Pérou (16 décembre.
1950).
5. Article 7 (paragraphe unique) du Protocole d'amitié et de coopéra-
tion de Rio-de-Janeiro (24 mai 1934).
6. Câblogramme adressé par le représentant de la Colombie auprès de
la Cour internationale de Justice auNew York Times (zo novembre.
1950).
7. Lettre adressée par le chargé d'affaires du Pérou en Colombie au
secrétaire du Cercle des journalistes de Bogota (13février 1951)- NOTE ADRESSÉE PAR LE MINISTRE DES AFFAIRES
ETRAXGÈRES DU PÉROU AU CHARGÉ D'AFFAIRES
DE LA COLOMBIE A LIAIA, LE 25 XOVEAIBRE 1950
[Traduction]
Lima, le 25 ~iovembre ~gjo.
No : (SM) - 6-6/23.
Monsieur le Chargé d'Affaires,
La Cour internationale de Justice a rendu le 20 courant un arrêt
qui tranchait le cas d'asile en discussion entre le Pérou et la Colombie.
Étant doiinéque le mêmejour où I'arrêtfut rendu la Colombie présenta
à la Cour une demande d'interprétation, le Pérou considéra nécessaire
d'attendre la décision qu'elle entraînerait.Par l'arrét rendu hier, la
Cour a déclaréque cette demande d'interprétation était irrecevable.
laissant ainsi à l'arrèt du20 le caractère ferme et définitif selon lequel
il fut rendu par la Cour.
La Cour a déclaréque la qualification du délit imputé au réfugié
ne peut pas étre faite par la Colombie de manière unilatérale et obli-
gatoire pour le Pérou ; que le Pérou n'est pas obligé de donner un
sauf-conduit pour que irl'asiliisorte du pays; et que l'asile a été
octroyé et mainteiiu contrairement aux dispositions de la Convention
de La Havane <le 1926 qui constitue le lien juridique obligatoire pour
le Pérou et la Colombie en matière d'asile.
La conclusion indiscutable de l'arrêt est que l'asile doit cesser, et
puisqu'il n'y a pas lieu au sauf-conduit que le Pérou a refusé d'établir
et dont le refus a étéreconnu par la Cour comme étaiit fondé, il ne
reste autre chose pour y mettre fin que la remise du réfugiéqui a été
sommé par la justice nationale et qui se trouve sous mandat d'amener.
Par une ordonnance du zj octobre 1948, le juge d'instruction de la
marine de la zone navale du Callao ordonna à la police d'avoir à
arrêter les personnes accusées qui n'avaient pas encore pii étre appré-
hendées, personnes parmi lesquelles apparaissait Victor liaul Haya de
la Torre. Cette orclonnance fut rendue au cours de la procédure ouverte
à cause de la rébellion qui se produisit au Callao, le 3 octobre de la
mêmeannée. Eiisuite, par ordonnatice du 13 novembre 1948. ce même
juge disposa que ceux deç,accusés qui faisaient défaut soient sommés
par édits qui fiirent publies dans le journal officielEl Perzrntzo dans
l'édition du 16 iiovembre 1946 ;l'accuséVictor Raiil Haya de la Torre
fut ainsi convoqué et cité. La police ne parvint pas à arrêter ledit
accusé, et ce n'est que le 4 janvier 1949 que le gouvernement vint à
savoir qu'il avait été« asiléo à l'ambassade de Colombie à Lima dans
la nuit du 3 du même mois, comme il ressort de la note adressée par
Son Excellence l'ambassadeur de Colombie à cette chancellerie, note
datée du 4 janvier 1949 et portaiit le numéro 211.
Le moment cst venu d'exécuter l'arrêt rendu par la Cour inter-
nationale <le Justice, en faisant cesser la protectioii iiiclue que cette
ambassade accorde à Victor Raiil Haya de la Torre. Un asile dont le
maintien est en contradiction ouverte avec l'arrêt rendu ne saurait104 ANNEXES AU CONTRE-MEMOIRE PÉRUVIEN (No 1)
se prolonger plus longtemps. L'ambassade de Colombie ne peut conti-
nuer à protéger le réfugié,empêchant ainsi l'esercice des tribunaux
nationaux.
Votre Seigneurie doit faire cesser cette protection indue en livrant
le réfugiéVictor Rad1 Haya de la Torre afin qu'il soit àdisposition
du juge d'instruction qui l'a sommé de comparaitre pour être jugé
conformément à ce que je viens d'exposer.
J'espère que Votre Seigneurie voudra bien agir d'accord avec mon
gouvernement pour effectuer la remise du réfugiéque je demande
formellement.
Je saisis l'occasion, etc.
(Sixné)MANUEL G. GALLAGHEK. ANNEXES AU CONTRE-MÉ~IOIR EÉRUVIEN (3" 2) 105
A711iexe2
NOTE ADRESSÉE PAR LE MINISTRE DES AFFAIRES
ÉTRANGÈIIES DE COLOMBIE AU MINISTRE
DES AFFAIRES ETRANGERE DSU PÉROU
[Tradzrction]
Bogota, le 6 décembre 1950.
Monsieur le Ministre,
J'ai l'honneur de me référerà la note de Votre Excellence, numéro
Shl/6-8/23, du 28 novembre 1950. adressée au chargé d'affaires de
Colombie à Lima et dont la copie a étépersonnellement remise à cette
chancellerie parM. le cliargé d'affaires du Pérouà Bogota, avec sa
note numéro 5-8-111147du 29 novembre.
Votre Excellerice se fonde sur les arrêts rendus par la Cour inter-
nationale de Justice l20 et 27 du mois dernier dans l'affaire colombo-
pémvienne relative au droit d'asile afin de solliciter, pour la première
fois, la remise M. Victor Raiil Haya de la Torre, réfiidans l'ambas-
sade de Colnmbie à Lima.
En étudiant dans le détailla question ainsi posée,mon gouvernement
se permet d'observer que, dans certains passages des arrêts, la Cour
déclare ce qui suit:nla question de la remise éventuelle du réfugié
aux autorités territoriales n'est aucunement osée dans la demande
reconventionnelle. Elle relève que la Convention de La Havane, qui
prescrit la remisàces autorités des personnes accuséesou condamnées
pour délits communs, ne contient aucune disposition semblable pour
les criminels politiques (Cour internationale de Justice, Recueil des
Arré&s ,uis consultntifs et Ordo~z~zoncs.ffaire du droit d'asile (Colom-
hielPérou). Arrét du 20 novembre 1950. p. ~Qo),et, ailleurs, ajoute :
n le Gouvernement du Pérou n'a pas démontré que les faits dont le
réfugié aétéaccuséavant les 3-4 janvier 1949 sont des délits de droit
commun. Du point de vue de l'application de la Convention de La
Havane, c'est le libelléde l'accusation, telle qu'elle a étéformuléepar
les autorités judiciaires avant l'octroi de l'asile, qui entre seul en ligne
de compte. Or, comme il ressort de l'exposédes faits, toutes les pièces
émanant de la justice péruvienne portent comme unique chef d'accu-
sation la rébellion militaire, et le Gouvernement du Pérou n'a pas
établi oue la rébellion militaire constitue en soi un crime de droit
commu~. L'article 248 du Code de justice militaire péruvien de 1939
tend même à démontrer le contraire, car il établit une distinction entre
la rébellion militaire et les crimes de droit commun en prescrivant:
n Les délits de droit commun commis pendant le cours et à l'occasion
«de la rébellionseront punis en conformité des lois, indépendamment
«de la rébellion.ilCes coristatations autorisenà dire que le premier
grief adresséà i'asile par le Gouvernement du Pérou n'est pas justifié
et que, sur ce point, la demande reconventionnelle est mal fondée et
doit êtrerejetée.» (Ibidem, pp. 281-282.)
Dans son arrêtdu 27 novembre ~gjo, la Cour ratifia expressément
ce qu'elle avait déjà"affirmédans son arrét antérieur, et le fit dans les
termes suivants :«Quant à la partie de la demande reconventionnelle
du Gouvernement du PErou qui était fondéesur une violation de l'article106 ASSEXES AU COSTRE-~\IÉ~IOIR PÉRUYIES (x" 2)
premier, paragraphe premier, de la Convention de La Havane de 1928.
il convieiit de noter que, pour en décider,il a suffique la Cour examinât
si le Gouvernement du I'érou avait établi que Victor Raul Haya de
la Torre avait étéaccuséde délits de droit commun avant la date à
laquelle l'asile lui a étéaccordé,c'est-à-dire avant le 3 janvier 1949 :la
Cour a constaté que le Gouvernement du Pérou n'en avait pas apporté
la preuve. La Cour ii'astatué sur aucune autre <luestiori à cet égard.
oLes <]uestioiis 2 et 3 se présentent comme alternatives et peuvent
être examiiiées conjointement. Elles ont trait l'uiie et l'autre à la
remise du réfugiéau Gouvernement du l'érouet aux obligations éven-
tuelles qui décoiileraient à cet égard pour la Colombie de l'arrêtdu
20 novembre IO;^. La Cour ne eut aue se référer à ce au'elle a déclaré
en termes absdknent précisdans s& arrêt :cette question est restée
entièrement en dehors des demandes des Parties. L'arrêtn'a auciinement
statué sur elle et lie pouvait le faire. n (Arrêtdu 27 novembre 19jo ;
Cour internationale de Justice, Reciieil1950. pp. 402-403.)
La Cour, par conséquent, rejeta formellem~nt le grief adressé au
Gouvernement de la Colombie dans la deinande reconbentionnelle du
Gouvernement du l'érou,d'avoir accordé asile à des personnes accusées
ou condamiiées pour délitscommuns. Si la Coloinbie procédait à effec-
tuer la remise du rFfugiéque Votre Excellence deinande, iioii seulemeiit
elle méconnaîtrait l'arrêtauouel nous sommes cn tr:iiri de iious référer.
pour délits cominuns, quiauraient trouvé refuge dans une légation,
devrontêtrelivréesaussitôt que le gouvernement local l'aura demandé. 3)
La Cour elle-mème.dans ses arrêts.déclara au'iln'a Dasété démontré
que In ~~crsoiiiirduiit \'utrc C\~.t-ll~~csigt?I:ircniise:lit6tt; ;iciusCeou
cunt1:iiiiiiCc1)ourilcilitsci~iiiiniiiii,cf. 1,:ircoiisIIIUIIgoi~\~crri~in~~nt
se \.oit J:iiis I'iiiii~u.isil'arc*tlcr;iso ieiiiisc.
Sans doute cette affaire n'aurait pas doniiélieu à un différendquel-
conque entre la Colombie et le Pérou si la Cour, dans son arrêt du
zo iiovembre, avait défini,d'urie manière claire et décisive,le statut de
M. Haya de la Torre, tel qu'était et est encore le vif désir des deux
Parties, et ce qui fut la causessentielle de l'action iiitroduite devant elle.
Ne l'ayant pas fait, la Colombie se vit contrainte de demarider àla Cour,
en s'appuyant sur les précisesdispositioiisdu Statut et du Ri.glemcnt de
celle-ci, une interprétation de son propre arret sur le poiiit concret de la
remise du réfugiédans le cas où le goiivernement territorial l'aurait
demandée, ce <luia étéle point crucial de ce différend.
Je dois déclarer à vatré Excellence que le seul motif qui détermina
la Colombie à demander I'iiiterprétation de I'arrét a étésa volonté
inébranlable (le l'exécuter,volon& qui.l'anima, qui I'aninie et l'animera
encore. Si la Cour décide qu'ily a pour mon gouveriiemeiit l'obligation
de livrer le réfugié,la Colombie fera la remise, car pour inoii gouverne-
ment la rigoureuse exécution de l'arrêtest un postulat de bonne foi,
ainsi qu'un principeinébranlable de sa politique.
Mais ilarrive que les déclarations et les citations de la Cour et surtout
celle, décisive,que :ciLaquestion de la remise &veiituelledu réfugiéaux
autorités territoriales ii'est aucunement poséedans la demaiide reconven-
tionnellei,font que la Coloinbie ne puisse pas le livrcr sans souffrir
dans son honneur. ASXEXES AU CONTRE-IIÉYOIRE PÉRUVIEX (s0 2) 107
Comment peut-on invoquer la sentence pour imposer à la Colombie
l'action de la remise, si la Cour mêmequi a rendu l'arrêtaffirme que
cette remise «est restée en dehors des demandes des Parties iiet que la
Cour o n'a aucunement statué sur elle et ne pouvait le faire ,,?
En revanche, le Gouvernement du Pérou prétend déduiredes arrêts
de la Cour I'obligatiori, que le Gouvernement de la Colombie ne pourrait
pas éluder, de livrer le réfugié.
Le Gouvernement de la Colombie ne l'entend pas ainsi.
Il a donc surgi une fondamentale discordance entre les deus gouver-
nements quant à l'exécution desarrêtsde la Cour.
Le Gouvernement de la Colombie, fidèleà son inébranlable volontéde
trouver une solution à tout différend avec le Gouvernement du Pérou,
dans le cadre des traités en vigueur entre les deus pays, et d'einpécher
les conflits entre eus, signa à Rio-de-Janeiro, le 24 mai1934 ,e I'rotocole
d'amitiéet de coopération entre les deux républiques. iiistrument qui est
en vigueur. A l'article 7 du protocole, les deux gouvernements. après
s'être.solennellement engagés à ne pas se faire la guerre et à ne pas
employer, directement ou indirectement, la force comme moyen pour
résoudre leurs problèmes actuels ou n'importe quels autres qui pour-
raient se préseiiter dorénavant, acceptèrent face à n'importe quelle
é~e~ ~alité la iuridictioii ob1ia:itoire de la Cour permanente de lustice
internationale au cas où ils n'arriveraient pas à &ouver une solufion au
moyen de négociations <-liplomatiquesdirectes.
Le Statut de la Cour, ratifié également par les deux gouvernements,
établit que la nouvelle Cour internationale de Jiistice se substitue à
cet effet à la Cour permaneiite de Justice intematioiiale et qiie sa com-
pétence ss'étend à tous les cas spécialement prévus dans les traités ou
Conventions en vigueur a. (Articles 36 et 37.)
La prévoyance des deux gouvernements et leur confiance dans cet
organisme furent tellement grandes que, dans le paragraplie unique
de l'article7 du Protocole de liio-de-Janeiro, ils établirent ce qui suit:
«Dans ce cas, une fois pronoiicéela sentence, les Hautes Parties contrac-
tantes s'engagent à se mettre d'accord entre elles sur les inoyens de
la rendre effective. Si elles n'arrivaient pàsun accor<l,seront attribuées
à cette mêmeCour, en plus de sa compétence ordinaire, les facultés
nécessaires pour qu'elle rendc effective la sentence dans laquelle le droit
de l'une des Hautes l'arties contractantes a étédécl:ir& ,
Comme il est évident qu'il csiste un désaccord foiidamcntal entre
la Colombie et le Pérou sur le point concret de la remise du réfugié,
la Colombie a décidéde recourir à la Cqur pour demaii<ler à ce haut
tribunal de procéder conformément au paragraphe uriique de l'article 7
du Protocole de Rio-de-Janeiro, pour rendre effective la sentence.
Le Gouvernement de la Colombie confirme à Votre Excellence qu'en
agissant de la sorte il procède selon le désir exprimé par le Pérou et
la Colombie dans l'Acte de Lima, c'est-à-dire : «sans que cela constitue
un acte inamical envers l'autre partie, ou de nature à altérer les bons
rapports entre les deux pays n.
Comme meuve de ce oui »ré. .e. et désirant sinckrement que le
présent différend entre les deus gouvernements soit résolu par des
voies de mutuelle cordialité et compréhension, mon gouveriiement est
. disposé à chercher la solutioii <lece-problème, non seülemeiit à travers
le Protocole de Rio-de-Janeiro, mais par n'importe quel aiitre moyenacceptable pour les Parties, et qui puisse mettre un terme heàreux
une situation dont je suis persuadé que les deux pays veulent la voir
résolue leplus tôt possible sans porter préjudices relations cor-
diales.
Je saisis l'occasion, etc.
(Signé G)ONZALO RESTREPO J.,
Ministre des Affaires étrangeres. Annexe 3
NOTE DU MIXISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES DU PEROU
AU MINISTREDESAFFAIRES ÉTRAXGRRES DE LA COLOMBIE
Lima, le 14 décembre 1950.
Monsieur le Ministre,
J'ai i'honneur de répondre à votre note no Ghl-3/01889, datée du 6
courant à Bogota, et remise par Votre Excellence au chargéd'affaires
rlii-'~ ~ ~en Colombie. et dont hl. le chareé d'affaires de la Colombie
à Lima m'a remis une copie. u
Votre Excellence se réfère à ma note dq zS novembre dernier, adressée
à II. le chargé d'affairesde la Colombie à Lima, lui demandant d'exé-
cuter l'arrét rendu par la Cour internationale de Justice,le 20 du même
mois, en faisant cesser l'asile octroyé à Victor Raul Haya de la Torre
et en le mettant à la disposition des autorités péruvieniies afin qu'il
puisse êtrejugépar le tribunal quil'avait requis et sommédecomparaître
avant aue l'asile rie se nroduisit.
-
nale que mon gouvernement a intérêt à répondre à ces appréciations.
Lorsque l'asile fut octroyé à l'ambassade de Colombie à Lima, les
Gouvernements du Pérouet de la Colombie entamèrent une discussion
sur son bien-fondé,et, par l'Actesigné àLima le 31aoiit 1949,cesgouver-
nements s'engagèreiit par un compromis à soumettre B la décisionde
-~ C-~r internationale de .,stice, Dar un accord établi exnressément.
la controverse existante.
Il n'y a pas lieu de mettre en doute que l'intention de nos gouverne-
ments était d'atteiiidre que la Cour, en son arrêt,déclarât quelle était
la théorie exacte parmi les deux extrêmes soutenus par le Pérou et la
Colombie dans les notes échaiigéesjusqu'alors.
2. - La Colombie déposasa requéte auprès de la Cour et demanda
que son droit de qualifier l'accusation contre il'asilé» sous ilne forme
absolue et obligatoiresoit reconnu, et demanda égalementque le Gouver-
nement péruvien octroyât un sauf-conduit à «l'asilén.
La Colombie ne demanda rien d'autre. Si le bien-fondé desa requête
était reconnu, l'affaire était terminée; et l'on est forcéde penser que
si cette demande était rejetée l'affaire prenait égalemeiit fiilpar la
cessation de l'asile et la mise de rl'asile» à disposition des autorités
péruviennes. Ou ne peut concevoir que la Colombie ait préteiidu main-
tenir l'asile une fois sa demande rejetée, étantdonnéque si u I'asil» ne
pouvait pas étre emmenédu pays, son asile devait se prolonger jusqu'à
ce au'il meure ou bien iusciu'à ce au'il se produisit un changement de
goubernement au Pérou:Encore faidrait-il que ce pensât
différemment et octroyât le sauf-conduit. Selon ce qui a étépubliédans
les journaux. cette de;ni$re hypothèse a étéémisepar un des représen-
tants les plus qualifiésde la Colombie, ce qu'il n'a nullement démenti. 3. - Qu'il soit pris acte dès à présent de l'étonnement que causa
à mon gouvernement l'attitude de la Colombie lorsque, à la demande
reconventionnelle présentée à la Cour pour qu'elle se prononce sur le
bien-fondé de l'asile conformément aux stipulations de la Convention
de La Havane de 1928, qui est le lien juridique eii vigueur entre les
deux pays, et qui a étéinvoquée par la Colombie au cours du procès,
celle-ci fit une ol~positioiiformelle à ce que la Cour reçoive la demande
reconventionnelle péruvienne.
Cette opposition de la part de la Colombie ne s'expliquait pas, étant
donnC,que la demande reconventionnelle du Pérou avait pour unique
objet que la Cour se prononçàt sur ce qui était la matière de la discus-
sion: si l'asile était ou non bien fondé.
Ce n'est que devant l'opposition de la Colombie que le Pérou aurait
pu avoir des soupçons qu'eu cas de perte du procès elleaurait I'intention
de passer outre à l'arrêtet de maintenir l'asile. Cette opposition de la
Dart de la Colombie a ce oue la Cour s~ orononcât sur la demande re~-n- ~ ~ ~
bentionnelle du Péroune iouvait êtreque le friit de I'intention marquée
qu'au cas où la demande colombienne soit plcinement rejetée, le gouver-
nement de Votre lSscellence ait eu ~~ à ce m~m~nt déià I',ntentio~~-e ~ ~
maintenir indûment l'asile.
4. - L'intention rebelle de la Colombie se révélaavant mêmeque
l'arrêtiie soit rendu, lorsqu'elle envoya dcs représentants et des défen-
seurs nouveaux auprès de la Cour. Ce procédé laissait voir que la
Colombie coiiiiaissait l'arrêtavant qu'il iie lui soit notifié ; qii'elle le
considérait contraire à la thèse qu'elleavait soutenue au cours dii procès
et qu'elle se préparait à en refuser l'exécution.
j. - La preuve de ce que j'ai esposé dans le paragraphe précédent
est que, immédiatement après que l'arrêt fut rendu, la Colombie en
demandait une inter~rétation en affirmant ou'il était ambieu et ou'il
iir rr:.iol\,:,ilpas In coiitruv~rsc. I::nccttc uccü'sioii.uiv: troii\.eFII i.Lcc
~Iiic;is fur1riiic oi In~1t:ni:ind~1'iiirt.ri~r;t:itde In Coluinhic coiiiihirte
des questions posées à la Cour et qu6 celle-ci doit réporidrealors même
qu'elle ne pouvait pas les admettre. Les juges de la Cour doivent avoir
reçu avec une sur1)riseextraordinaire cette demaiide originale, puisqu'on
demande Iiabituellement aux juges de se prononcer sur des points de
droit, et qu'il n'est pas coutume de leur poser des questions pour qu'ils
y apportent une solution.
Cette demancle d'interprétation de la Colombie était également par
trop originale, car, alors qu'elle s'étaitopposée à ce que la Cour s'occupât
de la dcmancle reconventioiinelle du Pérou et se prononçât sur celle-ci
eii soutenant que l'arrêt devait porter uniquement sur la demande
colombienrie, il se produisit le cas estraordinaire que, aussitôt qu'elle
connut le texte de l'arrêtdéfavorable à sa thèse, elle dema~idait à la
Cour de se pronoiicer sur des questions ambiguës, prbtendant ainsi que
la juridiction de la Cour s'étend bien au delà de ce qui était compris
dans la demaiide reconventionnelle péruvienne.
Cette demande d'interprétation posée par les reprksentants colom-
biens était d'autant moins compréhensible étant doiinéque le nouveau
représentalit qui se présenta à La Haye,déclarait en mêmetemps, dans
une lettre publiée dans la presse des Etats-Unis d'Am&rique, que les
membres qui coinposelit la Cour internationale sont incapables de com-
prendre et de résoudrc des problèmes latino-américains, comme celui ANNEXES AU CONTRE-YÉMOIRE PERUVIES (NO 3) III
de l'asile, qui avait étésoumisà leur décisionpar la Colombie elle-même
dont il était le représentant.
Tous ces faits, auxquels je me réfère,démontrent que la Colombie
se rendit compte qu'elle avait perdu le litige et qu'elle faisait tous ses
efforts pour se soustraire à l'exécutionde l'arrêt.
6. - Dans la note à laquelle je réponds, Votre Excellencecommente
l'arrêten n'en citantqu'une partie, partie qu'au reste elle croit favorable,
et c'estlà uiie proforide erreur, et qu'elle croit également êtreune raison
suffisante pour justifier son attitude rebelle vis-à-vis de l'arrêt..
Dans sa demande reconventionnelle, le Pérou demanda qu'il soit
déclaréque la Colombie avait agi contrairement à la Convention de
La Havane de 1928 ,ar elle avait octroyéasileà une personne accusée
pour délitscommuns. Sur ce point, la Cour a rejeté la demande recon-
ventionnelle péruvienne. 1.a Cour considère que, au moment où la
Colombie accorda l'asile, Ics sommations judiciaires faites à cyasilé ii
portaient seulement sur le délit de rébellionmilitaire. Cette raison du
rejet fait par la Cour est conforme étant doiinéqu'au Pérou la loi ne
permet pas de poursiiivre uii procèscrimiiiel contre un accusédéfaillarit,
et que par conséquent il n'y eut pas l'occasion, tout au long de la durée
de l'asile, d'établir et mEme de discuter la responsabilité de il'asiléu
en ce qui coiicerne les délits communs.
Je n'ai pas besoin de mentionner tous les considérants de l'arrêt qui
se rapportent à cette premièrequestioii, car Votre Excellence les connait
aussi bien que moi. Il .nie suffit de rappeler h Votre Excellence que la
Cour établit uiiiqueinent que le I'érou IIn'a pas démontréque les faits
dont le réfugiéa étéaccusé avant les 3-4 janvier 1949 sont des délits
de droit commun n.
Cependant, toute I'allégation,dii gouvernement de Votre Excellence
est baséesur l'affirmation erronéeque la Cour a qualifië11l'asil» comme
étant seulement responsable d'un délit politique.
C'est le gouvernement mêmede Votre Excellence qui se cliarge
d'établir l'exactitude de ce qiie j'espose, eri prétendant placer la Cour
dans une position coiitradictoire, car, celle-ci ayant déclaré,par le re~et
de la première partie de la requêtede laColombie, que ce pays n'avait
pas le droit de qualifier, il n'étaitpas admissible que sur une simple
demande d'iriterprétatioii la Cour déclaràt que la qualification faite
par le Gouvernement de la Colombie était correcte. Si la Cour eut agi
de la sorte, en se proiionçant sur la demande d'interprétatioii elle aurait
contredit soli propre arrtt reiidu peu de jours auparavant.
Ce qui est exposéprouve plciriement que l'arrêt n'apas fait la quali-
fication que lui attribue la iiote de Votre Excellence et siir laquelle est
basée toute son argumentation pour se refuser d'appliquer l'arrêt.
7. - Mais il est étrange que la iiote de Votre Excellence se réfère
uniquement et esclusivenient hla partie de l'arrêtdans laquelle la Cour
rejette le premier point de la demande reconventionnelle péruyienne. .
Votre Excellence sait fort bien que, pour discuter sur l'exécut~oiide
l'arrêtet sur soli coiitenu, il est nécessaire de l'examiner daiis son
ensemble. Votre Excellence passe sous silence le reste de l'arret qiii est
entièrement favorable à la thèse péruvienne.
Par la mime demande recoiiventionnelle, le Pérou demanda égale-
ment à la Cour qii'elle déclarât que l'asile octroyé était contraire aux
stipulations de la Convention de La Havane de 1928 ,arce qii'il avaitétéaccordé et qu'il se maintenait contrairement aux dispositions de
l'articlez de ladite convention. Le Pérou soutint Que. conformément
à l'article mentionné de la Colivention de La ~avâne; l'asile pouvait
être octroyé à un délinquant politique seulement pour des raisons
humanitaires et uniquement pour le temps indispensable pour échapper
à un danger pour sa vie ou son intégritéphysique. Le Pérou soutint
que I'asile fut octroyé sans êtreaccompagné de 'ces circonstances, et
demanda à la Cour que, pour cette raison, elle déclarât que l'asile avait
étéoctroyé et maiiltenu en violant la disposition mentionnée de la
Convention de La Havane de 1928.
Or, la Cour établit, entre autres choses, qu'«oii ne peut en déduire
qu'une personne, parce qu'elle est accuséede crimes politiques et non
de délits de droit commuii, a qualité, par cela seulement. pour être
asiléen. L'arrêt dit éealement :iila siiretédécoulant de l'asile ne saurait
ment en dehors des intelitions qui ont inspiré la Conjention de La
Havane. »
L'arrêt dit encore : iles coiisidérations qui précèdent conduisent à
écarter la thèse selon laquelle la Convention de La Havane aurait voulu
assurer, de façon tout à fait gériérale,la protection de I'asile à toute
personne poiirsuivie pour crimes ou délitspolitiques soit au cours d'évé-
nements révolutionnaires, soit pendant les temps plus ou moins troublés
qui les suivent, pour cette seule raison que l'on doit présumer que
l'administration de la justices'en trouve altérée.Ilest clair que l'adoption
d'un tel critère conduirait à des ingérencesétrangères, particulièrement
blessantes, dans les affaires intérieures des gtats. »
Dans cettepartie de soli arrêt,la Cour détruit et rejette les allégations
colombiennes audacieuses et iiijustifiées,selon lesquelles la justice péru-
vienne était dominéepar le pouvoir exécutif.
La Cour étudie les conditions existantes au moment de l'asile, pour
savoir s'il existait un danger pour la vie et l'intégrité physique de
« l'asiln, même considéré commedélinquant politique, parce que
dans ce cas seulement. en conformitéavec la Convention de La Havane.
I'niiltc-.i hicii luiiclr:polir cles rniwiij 1iumnnitnirt.j er jrul~~nieiitpour
IC rt'111111;cess;iirepiur qiie Ic.<Iniigcrclisparaijse. -\prt:, avoir l:ru<lit;
ce, circ~~~l,t:tncc~:,Col11 (lit:stEii C~~IIC~I~SI~Isur la ha>c {Je;coi~si;t-
tations et consi<lérationsénonckes ci-dessus,. ia Cour estime qu'à la
date des 3-4 janvier 1949, il n'existait pas un danger constituant un
cas d'urgence, au sens de l'article z, paragraphe z, de la Convention
de La Havane. » La Cour.rejette une fois de plus l'argumentation colom-
bienne et établit que l'asile fut mal octroyé.
Se référantau maintien de l'asile,la Cour ditque l'asile ia étéprolongé
pour une raison que l'article z, paragraphe z, de la Conventioii de La
Havane ne reconnaît pas ».
Il est inutilede continuerà citer le contenu de l'arrêtque Votre Excel-
lence connaît parfaitement. hlais je ne puis mettre fin au point traité
dans cette section salis faire rkféreiiceau texte mêmede la partie dis-
positive dc l'arrétde la Cour, CL où il est btabli que « l'octroi de I'asile
par le Gouvernement de I;i Colombie à Victor Rad Haya de la Torren'a pas été faiten conformité de l'article 2, paragraphe 2, upremière-
ment u.de ladite convention a fil s'aeit de la Convention de La Havane
cie19is).
Par conséquent, la protection du réfugiédoit cesser, car elle empêche
l'administration de la justice par les tribunaux péruviens. C'est là un
fait qui implique une intervention qui revêt le caractère d'une agression
juridique que le Pérou ne saurait admettre.
8.- Il reste donc ainsi clairement établi par la Cour que l'asile a
étéoctroyé et maintenu en violant la Convention de La Havarie de
1928. Par conséquent, l'asile ne peut êtremaintenu, pas plus que le
Pérou ne peut le tolérer, parce que non seulement son maintien est
contraire à la Convention de La Havane de 1928, ainsi que l'a soutenu
le Pérou, mais encore parce que l'arrêt l'établitainsi, et que par consé-
quent l'asile doit cesser.
La Colombie ne peut continuer à protéger le réfugié.On lie peut
même plus letraiter « d'asile» parce que la Cour a établi l'illégalitéet
r---rons-.uent le cmal-fondé nde l'asile. Le maintien de l'asile est une
rébellion contre l'arrêt. dont le Pérou exige l'exécution.
Ma note du 28 novembre fut adressée à AI.le chargé d'affaires dela
Colombie à Lima parce que, dans sa condition de rëprésentaiit diplo-
matique de ce pays, il en exerçait la représentation en l'hôtel de I'ambas-
sade où se trouvait le réfugiéD. ans cette note, il lui étaitdit qu'il devait
exécuter l'arrêt «en mettant fin à la protection indue que doline cette
ambassade ». Il était également indiqué à M. le chargé d'affaires en
question que <il'ambassade de Colombie ne saurait continuer sa protec-
tion au réfugié,empêchantainsi l'action des tribunaux péruviens n. Je
concluais en faisant la demande de la remise du réfugié.
Il n'est pas possible d'imaginer la cessation de la protection indue
que la Colombie interprète comme un maintien de l'asile, si ce n'est
par la remise du réfugié,parce qu'il n'est pas permis de supposer que
la Colombie prétende que l'asile cesse en permettant la fuitedu réfugié.
g.-,La note de Votre Excellence affirme qu'elle ne peut remettre
le réfugié parceque la Cour ne l'a pas ordonné et parce que la Cour,
lorsqu'elle résolutlademande d'interprétation présentée parla Colombie,
a déclaré qu'ellene se prononçait pas sur la remise du réfugié parce
que cela n'avait pas étéune matière de discussion au cours du litige.
Votre Excellence ajoute dans la note i laquelle je répondsque, lorsque
la Cour lui ordonnera la remise du réfugié,elle respectera l'arrêt.Cet
argument n'a pas un caractère légal,pas plus que je ne peux le considérer
de bonne foi. Lorsqu'un tribunal, par un arrêt,déclarequ'une personne
est débitrice, celle-ci n'aura pas l'idéede se refuser au paiement en
~~--O~a~ ~aue l'arrêtne l'ordonne .as. L'areumentation colombieniie est
essentiellement de casuistique et de pure forme. Elle rappelle les temps
de la décadence de la iuridiction romaine où l'on perdait un procès sur
les cultures ou les plintes d'un terrain parce le demandeur avait
employéle mot plante au lieu du mot arbre. Maispuisque le Gouverne-
ment colombien se refuse à faire ce que l'arrêtne lui a pas ordonné
expressément, il possèdedans ce mêmearrêtla solution pour l'exécuter
comme le lui demande et exige le Pérou.
La Colombie ne veut pas remettre l'accuséparce que l'arrêtne lui
impose pas cette obligation de faire. Mais comme l'arrêt déclare que
l'asilea étéoctroyé et maintenu contrairement à la Convention de LaHavane de 1928, il lui impose clairement une obligaliol~de ne pas faire'.
C'est li pour la Colombie la manibre d'exécuter l'arrêt dominant ses
extraordkaires scrupules d'interprétation. L'obligation de tzepas faire
consiste dans le fait de ne bas maintenir la protection qu'elle donne
jusqu'à ce moment au réfugié.La Colombie doit donc. p&r accomplir
la partie dispositive de i'arrét, mettre fin à la protection qu'elle exerce
jusqu'à présent en faveur du réfugié,et alors la justice du l'érou s'en
emparera.
ID. - Lorsque l'asile d'un individu sommé par les tribunaux de
iustice eut lieu. la police avait le droit de I'arréter n'imoorte où au'elle
I'eiit irou\,;., :ttin dc,dniiiicr siiite ;tu ~)roci.soiivrrt par lcs~ribiina~x'~)érii-
\.ieiis qui ckcrqaiviit un droit de joii\vrsincti ;iujji clair t1ii'in:ilii~n;ibl~.
>I:iijIripulice .i'airCt:itiisportes (le I';imhnsia<le CI,:lolonihie parcc que
la Cul<,iiiliieinvotlii;l';i,ili1.c(;oiii.eriit~ni~~iidtii I'crou lnissa eii siijl,,-iis
son ilroit Lvicli.nt*<,tir:~rrCterI'arcu.;;, :<ccurcl.iiitnvec 1;.Cololnl~ie<liie1%.
cas soit résolu~a<la Cour internationale de Iustice. A vartir du môment
où, daiis son digpositif, la Cour riétablique l'asile accordépnrl'nmbnssaàe
de Colombie à Lima est contraire à la Convention de La Havanede 1~28.
l'asile a disparu pour se trniisformer en une protection arbitrairé et
inacceptable que le Pérou rie peut consentir; et jusqu'à maintenant
il se borne à exiger I'accoinplissement de l'arrèt demandant au Gouver-
nement de la Colombie qu'il mette fin à la protection.
II. - Dans la note de Votre Excellence, il est soutenu que le Gouver-
nement colombien agit avec le plus grand désintéressemeiitet altruisme
en défendant le droit d'asile. Rien n'est plus inexact. Le droit d'asile
entre le Pérou et la Colombie est régipar la Convention de La Havane
de 1928. que le Pérou est soucieiix de respecter, et la preuve en est que
depuis le 3 janvier 1949 jiisqu'au 20 novembre 1950, date à laquelle
l'arrét fut rendu, le Pérou ii'a pas iiiél'asile et il I'a respecté. 11a seule-
ment affirmé oue les coiiditioiis dans lesauelles il fut accordé et main-
tenu par la ~oîombie sont coritrnires In convention de 1928. L'attitude
rebelle de la Colombie représente un procédécontraire au droit d'asile,
étant donnéuu'elle est eii'traiii d'ienoÎer ce aui a étéclaireinent «»attisé»
dans la ConGention de La ~ava';ie. Eii v;olant la ~onventio; de La
Havane sur l'asile, la Colombie est en train d'agir contre le droit d'asile
que le Péroudéfend et reconiiait. Celui qui est le premier i l'enfreindre
peut difficilement devenir le défeiiseur d'un droit.
12. - Alais cette situation répond à une intention du Gouvernement
colombien fort différente de la défense du droit d'asile. Le Gouverne-
ment colombien défend la persoiiiie du réfugié. C'estainsi que peut
s'expliquer qu'au cours de Iri défense orale, les représentants de la
Colombie à La Haye, compreiiant la force de l';irgumentntioti juridique
dii I'érou, aieiit consacré une grande partie de leurs péroraisons à
mentionner celui qui était alors l'asilé», affirmant avec niitant de
témérité qued'audace, ce que le Pérou rejette énergiquement, que la
vie de « i'asil» était en daiiger et que, si la Cour ne recevait pas la
demaiide colombienne. elle le condamnait à un assassinat iudiciaire.
1.2~ICfcnsip: éruvicniit:gartl:~In <Iigiiiique, Iiiiinloostit 1~rcsl>fct ciivcrs
IV tribiiii.il. lotcil piutc,triiit contre ce qiii ailit itC dit plr I'avoc:ir
iulonibit~ii.et iii:iinreiinnt le C.iiiivrrn~.niiliiI'i,ioii ratifie csttc i>r<,tei-
tation auprès du gouvernement de Votre Excellence pour l'audace de
son défenseur auprès de la Cour. Le Pérou rejette. avec hauteur, de
semblables affirmations, qui veulent signifier qu'il n'y a pas de justice au Pérou. T'-magine quelle serait l'indignation de Votre Excellence
si IL. nit: [xrmeft:iii dc qunliiïcr I';tcrioii (Ici, coiiseildr glieire
coloinhicns qui juynr sommnirciiierit Ici iiiculp6s celoiiles noiivellcs
dtj iourii:~us coli)mbii.ns ~.us-nii;riic1.2 cl;ft.nje (lu rt?fiici;-hicnine
une offense pour les tribunaux péruviens. que le gouver-
nement que je représente doit repousser énergiquement. Cette défense
du réfugiéest confirmée également par les déclarations que font les
journaux colombiens et les représentants de la Colombie à l'étranger
lorsqu'ils déclarent que la Colombie ne livrera pas le réfugié. Une fois
de plus, je suis obligéde rejeter de façon coiicluante les appréciations
des représentants colombiens sur le régime interne du Pérou et sur le
fonctionnement de ses tribunaux, Ces appréciations ne peuvent être
acceptées auprès de la Cour, surtout alors que le Gouvernement colom-
bien n'est pas le mieux placé pour cela, étant donné les mesures
d'exception adoptéescomme conséquence de sa politique interne, mesures
auxquelles la défensedu Pérou n'a pas fait référenceau cours du procès,
parce qu'elle estima qu'il s'agissait d'un domaine interdit.
13. - La note de Votre Excellence dit que son contenu était amical.
Je désire qu'il soit pris acte que le contenu d'une note est ou n'est pas
amical selon ce qui y est dit. Le seul fait de qualifierd'amicale une note
indique que l'on n'est pas sîir que la personne à qui elle est adressée
lui trouve ce caractère. Je me vois dans l'obligation de déclarer à Votre
Excellence que je ne peux pas considérer amicale la note à laquelle je
ré~onds. car elle sienifie une méconnaissance du teste de l'arrêt. et
un'e négation des droits du Pérou découlant clairement de ce méme
arrêt. Jusqu'à présent; le Pérou et la Colombie discutaient un cas iuri-
dique,-et nous-échangions des ilotes diplomati<lues soutenant chacun
une thèse dans une atmosphère de cordialité. II fut décidéamicalement ,
de se rendre i La Haye, et déjh au cours du procès les défenseurs de
la Colombie émirent des concepts en rien amicaux pour le Pérou, et
maintenant le gouvernement de Votre Excellence nie le contenu de
l'arrêt, s'oppose à son exécution et adopte la décision, dont elle me
fait part, de s'écarter de tonte procédure adoptée de commun accord,
ayant résolu de se présenter immédiatement par-devant la Cour inter-
nationale de Justice, dont les membres ont étéqualifiés comme étant
incapables de comprendre le droit international américain, ainsi que
l'a déclaré un desreprésentants de la Colombie.
Notre chargé d'affaires h Bogota communique que le gouvernement
de Votre Excellence a présentéune ~iuuvellerequête auprès de la Cour
internationale de Justice. Ceci a étéconfirmé par un câble que mon
gouvernement a reçu de la Cour. Le Gouvernement du Pérou prend
note de ce fait.
14. - II n'est pas de l'intention de cette communication d'ouvrir ?I
nouveau le débat. Toute discussion directe sur l'asile avec le gouver-
uement de Votre Excellence est terminée. Il n'y a plus rien à discuter
pour le Gouvernement du Pérou, qui exigera l-exécution de l'arrtt.
Je saisis l'occasion pour exprimer à Votre Excellence les sentiments
de ma considération la plus haute et la plus distinguée.
-.
A S. Esc. hl. Gonzalo Restrepo Jaramillo,
Alinistre des Affaires étrang-res de la Colombie,
Bogota. Annexe 4
[Non refirodirite]
Annexe 5
ARTICLE 7 DU PROTOCOLE D'AMITIÉ ET DE
COOPÉRATION ENTRE LA COLOhIBIE ET LE PÉROU,
SIGXÉ A RIO-DE-JANEIRO LE 24 MAI 1934
[Traductioiz]
Article 7
La Colombie et le Pérou s'engagent solennellementà ne pas se faire
la guerre età ne pas recouriràla force, directement ou indirectement,
comme un moyen pour résoudre leurs problèmes actuels ou n'importe
quels autres qui pourraient se présenter dorénavant. Si, face à une
de négotiations diplomatiques directes, n'importe laquelle des Hautes
Parties contractantes pourraavoir recours à la procédure établie par
l'article6 du Statut de la Cour permanente de Justice internationale,
sans que la juridiction de celle-ci puisse êtreexclue ou limitéepar les
réserves que n'importe laquelle d'entre elles ait pu faire lors de la
signature de la clause facultative.
Paragraphe zoriqft-. Dans ce cas, une fois prononcée la sentence,
les Hautes Parties contractantess'engagentà se mettre d'accord entre
elles sur les moyens de la rendre effective. Si elles n'arrivaient pas
à un accord. seront attribuéesà cette méme Cour,en plus de sa com-
pétence ordinaire, les facultés nécessaires pour qu'elle rende effective
la sentence dans laquelle le droit de l'une des Hautes Parties contrac-
tantes a étédéclaré.
Annexe 6
[Non reprodî~ite]
Contre-mémoire présenté au nom du Gouvernement de la République du Pérou