Exposéécritdu Gouvernementde la RépubliquFrançaise LICEITE DE L'UTILISATION DES
ZLRMES NUCLEAIRES Pa UN ETAT
DANS UN CONFLIT AFZPIE
-REQUETE POUR AVIS CONSULTATIF-
EXPOSE ECRIT DU GOUVERNEMENT DE
LA REPUBLIQUE FRANÇAISE
JUIN 1994 Exposé écritdu gouvernement de h
1 I
République française
Conformément à l'invitation qui lui a été adresséepar la Cour
internationale de Justice, le gouvernement de la République françaisea l'honneur
de présenter à la Cour des observations sur la demande d'avis consultatif
formulée par l'Assemblée mondiale de la santé au sujet de la licéitéde
l'utilisation des armes nucléairespar un Eut dans un conflit armé.(l)
A titre liminaire, et pour éclairerl'esprit dans lequel elle formule ces
observations, la France croit devoir souligner que sa doctrine en matière de
défense,loin de tendrel'emploi de ses armes, quelles qu'elles soient, est fondée
sur la dissuasion. La force de dissuasion française, réservéepar dàfdestion
situations strictement conforàl'article 51 de la Charte des Nations unies, est
fondéesur la "suffisance", c'est-à-dire la possession d'un arsenal nucléaire limité
à ce qui est nécessaire pour convaincreun agresseur éventuel que le risque qu'il
encourrait serait supérieurau bénéficequ'il pourrait escompter d'une agression
contre la France. L'arme nucléaire,élémcentral de la dissuasion, est pour la
1 -La Républiquefrançaise est membre de l'organisation mondialede la Santé depuisl'entréeen
vigueur de la constitution de celle-ci, le1948. Elle est membreoriginaire des Nations unies et
donc,ipsofacto, partie au Statut de la Cour internationalede justice en venu de l'article 93 de la
Charte. France une arme essentiellement politique, destinéà prévenirla guerre en la
privantde toute rationalité.
Depuis prèsd'un demi-siècle,la doctrinede dissuasion a contribuéau
maintiende la stabilitéet de la-paix mondiales.Elle est la clé devoiite de la
sécuritde laFrance.
Celane signifiepasque le gouvernementfrançais soitopposé aux effons
tendant à la réductiondes armementsnucléaires,et, au-dela, à un désarmement
général et complet sou un contrôle internationalefficace. Bienau conuairepar
sa participationauxconférences surla limitationdesarmements,il démontrequ'il
entendexercerses responsabilitésa cetégard.Maisces négociations vont bienau-
-
delà des compétencesde l'organisation mondiale de la Santé,et la France
contesteavec force lebien-fondé et l'opportunitd'unetentative tendantà mettre
en cause, enprenant prétextedes dangersqueprésentent, comme d'autres armes,
les armes nucléaireset au risque d'ébranlerun des éléments de l'équilibre
mondialactuel,la politiquedes Etaü dotesd'mes nucléaires et, au-delà,le droit
des Etats souverainsd'assurer leur défensepar les moyens que leur permet le
droitinternationalen vigueur.
-.
Cela dit, l'objet du présent exposé esd t'appeler particulièrement
l'attentionde la Cour surles pointssuivants:
1) Sur la compétenceet la recevabilité:il n'entre pas dans la
.compétence de l'Organisationmondialede la Santé desoulever devant la
Cour internationale de Justice, par la voie d'une demande d'avis
consultatif,la'questionqu'ellea posée;de surcroît cettequesaon manque
d'un objetou d'un but précis;la réponse qui pounait lui êtreapportéene
présentepas d'intérêt pou ractionde l'OMS dans les domainesde sa compétence;enfin et en toutétatdecause, la Cour pourra se demanders'il
est approprié qu'erépondeAla question.
2) Sur le fond, à titre purementsubsidiaire: il n'existe,ni dansla
constitution de l'organisation mondiale de la Santé ni en droit
international gknéral,de prohibition de l'emploi des mes nucléaires;
ceruins indices spécifiquesfont au contraire apparaître que le droit
international admet l'éventuaéecetemploi.
1- COMPETENCE ET RECEVABILITE
1 - Par la résolutionWHA 46.40, adoptéele 14 mai 1993, lors desa
quarante-sixième session. l'Assemblmeondialede la santéa décide demander
A la Cour internationalede Justice de donner un avis consultatifsur la question
suivante:
"Compte tenu des effets des armes nucléaires surla santéet
l'environnement.leur utilisationpun Etatau cours d'une guerreoud'un
autre conflit armé constituerait-eune violation de ses obligations au
regard du droit internationycomprisla Constitutionde l'OMS?"
, Cette résolution a étéadoptée par73 voix contre 40, avec 10
abstentions,41 Etats membresne participant pAsla séanceau cours de laquelle
le vote a eu lieu.La délégationfrançaise s'est pour sa part pronon& contre
l'adoptionde ce texte. 2- En premier lieu,le gouvernementfrançais estime quel'Organisation
mondialede la santén'a manifestementpas compétence pour interroger la Cour
sur la lidité de l'utilisationdes armes nucléet que la réponsequi pounait
êtredonnée à sa demande d'avisn'auraipas d'intérétour l'accomplissementde
la missionde l'organisation.
3 - L'Organisationmondialede la Santéne saurait seprésenterwmme
gardiennede la légaliuniverselle.Commetoute organisationinternationale, elle
est liéepar le principe, incontestable et incontd,e spécialit; "institution
internationalepourvue d'un objet spécial, en'a que les attributionsque lui
confire (son) star... pour lui permettre de remplir cetobjet" (C.P.J.I., avis
consultatif8 déc.1927, Compérencd ee la Commissioneuropéenne du Danube,
sérieB. n014 ,.64).
ilest clair qu'enposanà la Courla questionen examen, quellequesoit
l'appréciatioque l'on puisseporter sur la recevabiintrinsèquede celle-ci (cf
in@, para.12 et ss), l'Assembléede la Santéa agi "ulrravires" et n'a pas
respectéle statut d'institution spécialides Nations unies qui est celuide
l'OMS.
Commeleur dénomination même l'indique,et commele précisel'article
57 de la Charte- auquel renvoientle dernieralinéa du préambulet l'artic69
de la.constitutionde l'OMS - les attributionsdes institutionsspécialisont
"étendues",mais exclusivement"dans les domaineséconomique, social,de la
culture intellectuelleet de l'éducatiola santépublique et d'autresdomaines
connexes". Par l'article ler de l'accord entre l'organisation desNations unies et
I'OMS:
"L'Organisation mondiale de la sant6 est reconnue par
l'Organisation des Nations unies comme 6tant l'institution sp&iali&
chargéede prendre toutes les mesures conformes aux termes de sa
constitution envue d'atteindreles butsfixesparcelle-ci".
L'ONU n'a doncnullementreconnu à l'OMSdes comp5tencesqui, dans
le systkmedes Nations unies relkvent d'autres organes,en particulier dans le
domaine du maintien de la paix, dont la responsabilité principale appartienatu
conseilde sécurité.
Les dispositions sur lefondement desquellesl'organisation mondialede
la Santéa été autoriséeà demanderdes avisconsultatifsà la Cour internationale
de Justicereflktent etappliquent ceprincipede spécialité.Le droit de demander
de tels avis n'a été accordàl'OMSquedansla mesureoù ces demandesportent
,. .,
sur des questions touchant les compétences spa&es que lui reconnaît
l'organisationdes Nations unies.
4 - Le paragraphe ? de l'article96 dela Charte desNations unies permet
aux institutionsspécialiséesui ont reçu uneautorisationà cet effet de demander
à la Courdes avis consultatifs "sur desquestionsjuridiques qui se poseraient dans
le cadrede leur activité".
. Les institutionsspécialiséense peuventdonc demanderd'avis consultatif
à la Cour que dans le cadrede leur activité,sur la based'une autorisatidonnée
par l'Assembléegénéraleet aux conditionsparticulikres que celle-ci estime
opportunde fixer. 5 - Dans le cas de l'OMS, ces conditions ont tté définiespar le
paragraphe2.de l'articleX de l'accordque l'Organisationdes Nations unies a
concluavec eileen 1948. Seloncet'articie:
"L"Assemb1éegénérale autorise l'organisation mondiale de la
Santéà demander des avisconsultatifsà la Cour internationale deJustice
sur des questions juridiques qui se poseraient dans le cadre desa
compétence, à l'exceptionde celles concernant les relations réciproques
entre l'organisation et l'Organisation des Nations unies ou d'autres
institutionsspécialisées".
En visant (commeles accordsrelatiàsl'OMMet à1'UIT)les questions
juridiques quise posent "dans le cadre de la compétence"de l'Organisation,
l'accord del'OMSfixe àla faculté dedemanderdes avis consultatifsdes limites
plus précisesencore que celles déiiniespar la majorité desauCresaccords
concernantles institutionsspécialisé. n peut remarquer qu'en règle générale
ceux-ciexigentseulementque la questionjuridiquequi fait l'ob-ietde la demande
d'avis seposedansle cadre del'"activitdesorganisationsen cause(2).
Ainsi. pour queI'OMS soit autoriséeàdemanderun avis consultatif,il
faut que la demandeportesur une "questiojundique" se posant"dans le cadre
de sonactivité"et "dansle cadre desa compétence".
6 - La questionposéepar larésolutionWHA 46.40 ne répond pas à ces
critères.
En effet la demande del'OMSpone sur la compatibilitde l'emploides
mes nucléairesavec le droit internafionalgénér,t, accessoirement,susa
compatibilitavec la constitutionde I'OMS.
2 -cf Rosenne,"The Law andpnctice of the InternationalCourt",éd.1985,p.677, n.1. L'objet de l'avis ainsi demandéne relèvepas du but qsa constitution
assigneA I'OMS et ne peut, même en faisant lapan de la théorie despouvoirs
implicitesêtrerattachéàaucunede sesfonctions.
Aucune disposition de la constitutiondeI'OMS n'habilite celle-ciA
demander à la Cour si un Etat respecteou viole, ou respecteraitou violerait, dans
des circonstancesau reste hypothètiques,les obligationsqui résulteraientpour lui
du droit internationalgénéral.
7- L'objectifgénéradle l'organisationest "d'amenertousles peuplesau
niveau de santé leplus élevkpossible", par l'exercice de ses compétences
spécialisées.
On ne voit pascomment. du seul fait qu'ony a introduitune référence
aux effets des armesnucléairessur la santé.la questionpoàéla Cour pourrait
êtreconsidérée comma eyant un lien avecla missionde l'OMS. Il est clair que
celle4 n'a aucune compétencede définitionou de règlemenrationdans le
domaine du jus ad bellm ou du jus in bello. Aucune dispositionde sa
constitutionne se réferespécifiquementux règlesapplicablesen cas de conflit
armé .a seule évocation-indirecte-de ces conflitsconcerne l'importanceque
l'action de l'organisation, dans son domaine propre, peut avoir pour leur
prévention.Le 3ème considéran tu préambuleporte en effet que "la santéde
tous les peuples est une condition fondamentade la paixdu monde et de la
sécurité"Les limitesdu r6le de l'OMS sont ainsifixées.L'Organisationpeut
conmbuer au maintiende la paix par son action en faveur de la santé,c'est-à-
dire, au sens qui l'intéresse, parla lutte, au moyen de mesures sanitaires
appropriées, contreles maladies, épidémies e autres atteintes physiques ou morales. Ellepeutévaluer les risquequeles conflitarmé sont courirà la santé
et rechercher lesmoyenstechniques de fairefaàeces risques.
Mais elle doit, sous peine d'aller'encontredesa qualitéd'institution
spécialisée, demeurer danceslimites. Sinon,de proche en proche, ellepourrait
prétendre,en empiètantainsi sur les compétencesd'autres institutions, être
habilitéeà connaîtrede toute question relatauemaintienet à la rupture de la
paix, ou encore relevant du domaineéconomique et social, au prétexteque de
tellesquestions peuventavoir deseffeü induiüdansle domainede la santé.
Audemeurant,sa compétence se siniantdansle domainetechniquede la
santé,l'OMS doit l'exercer indépendammentde la licéitéou de I'iiiicéité
inmnsèquedes actesou situationsauxquelselle doit aider lesEtau faireface. ïi
serait connaireà l'esprit mémede la constitutionde l'organisation que celle-ci
moduleson action selonle caractkrelicite ou illicite, "juste"ou "injuste",des
atteintesportéesà la santé.La licéide la causede ces atteintesn'a pas d'effet
sur son obligationd'accomplirsa missionde sauvegarde etde développemend te
la santé.Les mesuresqu'ellepeut erre amenée à prendre dansle cadrede cette
mission nesont pasaffectéespar le caractèreliciteou illicite d'unconflitou de
I'emploide telleou telle arme.Quecetemploi soit liciteou nondb lors que des
armes existent, et que donc la possibilitématériellede leur emploi existe
également,I'OMSpeutenvisager,danssondomainede compétence, des mesures
préventiveset curatives de leun effeü. La question de la licéitéest sans
pertinencesur l'opportunitde prévoir detellesmesures,ni sur ces mesures elles-
mêmesU . n hbpiüila-t-il besoind'êéclairésur la licéide l'emploidesarmes
à feu pour prévoir lesmoyenspermettantde soigner lesvictimesde leur usage?
Le caractèrelicite ou illicite de cet usage influe-t-il sur la nature deh soins
donner? Pour exercersescompétencesI ,'OMSdevrait-ellepluss'interroger surla
licéitde l'emploide l'armenucléaire que sura conformitéau droitinternational des maladies, épidémies ou aufres pathologiesqui mettent en causela santéet
l'hygiène publique?La réponse estévidemment négative L.a meilleurepreuveen
est que l'OMS apu mener biende telstravauxsansque la questionde la licéité
des armes nucléaires,pour laquelle ellemontre un intérêtien nouveau, en soit
uneprécondition ou yfasse obstacle.
8 -L'actionde l'OMS dansson domaine spécifique de compétence doit
s'exercer conformémentà sa.constitution.
De façon générale,cette constitution traite de la structure de
l'organisation,de ses objectifs, descompétencestonctionsde ses organes.Eile
n'énoncepas de normes qui constitueraientdes obligationsde fond préciseA la
-
charge des Etats membres de l'organisation, en dehors d'un devoirde
coopération pouratteindre ses objectifs, devoir qui fait l'objet d'unénodeé
principe dansle préambule.
9 -La résolution46.40, dans ses considérants, se réfàediverspoints
de l'article 2 de la Constitution de I'OMS, qui définit les fonctions de
l'organisation, et spécialement aux paragraphesa, k, p et v. Il est évident
-qu'aucune de ces dispositionsn'est pertinenen l'espèce.
-L'alineaa) de l'article2 se réfèaux "travaux"dansle domainede la
santé,pour lesquels l'organisation peut agir en tant qu'"autorité directrete
coordinatrice". Ces travauxrelèvent dela recherche factuelle,de l'information
sur les différents aspectsde la santé.C'est ainsique I'OMS a pu réaliserdes
études surles effets des armeschimiqueset l'a egalemententrepriA proposdes
effets de l'arme nucléaireur la santé etl'environnement. Maisune chose est
d'effectuerde tellesétudessur unebase scientifique,une autre de tenter d'obtenir
un prononcésur les droitset obligationsdesEtau souverains.Une telledémarche ne sauraitêtrecouvene par le terme "taVaux", quivisedes étudesprésentantle
caractèreàla fois objectifet aléatoire detouterecherchescientifique.
-L'alineak) fait référence la possibilipour l'OMSde "proposer des
conventions, accords et réglements", et de "faire des recommandations
concernant lesquestionsintemationalesde santé".Cette dispositionne dotepas
l'Organisationd'unecompétence illimitée.Uledoit êtrelue en conjonction avec
les autres articlesde la constitutionqui definissentles conditiosadmise en
oeuvre,eten particulier avelesarticles 1921et 23.L'article19 donneautorité
à l'Assemblée de la santpour adopterdes conventionsou accords "serapportant
à toute question rentrant dans la compétencede l'organisation". L'article 23
permet à l'Assembléede "faire des recommandationsaux Etats membresen ce
qui concerne toute question entrant dans la compétence del'organisation".
L'élaborationd'uneconventionqui, par exemple, tendraità réglementer l'emploi
des armes nucléaires,ou une recommandation en ce sens, n'entreraientpas dans
la compétence de l'organisation. Quanà l'article21, il est évident,i sa simple
lecture, qu'il ne saurait donner autoritéà l'Assembléepour proposer des
reglementsconcernantl'emploide l'armenucléaire.
En fait, l'organisationn'a la facude proposerdes conventionsou des
règlements,ou de faire des recommandations,que si ces actes concernentune
matièrequi relèvede sa compétence.Et si l'onpeutadmettre qu'avantd'élaborer
une conventionou un règlement,ou de faire une recommandation,elle puisse
avoirà formulerunedemanded'avis à la Courinternationalede Justicce serait
à la condition préalableque l'objet del'instrumentenvisagé entredans cette
compétence.
-L'alineap) de l'article2 donnenotamment missionà I'OMS d'"étudier
et faire connaitreles techniques administrativetocialesconcernant..les soinsmédicauxpréventifs et curatifsLa question poséeà la Cour n'a manifestement
non plus aucun rapport avec la disposition en cause.En quoi cette question
pourraitelle se rattacher, de prks ou de loin, aux 'techniquesadministrativeset
sociales" qui font l'objetde cet aiinea?
-L'aiineav)de l'articl2indiqueque l'OMS peut"prendretoutemesure
nécessairepour atteindrele but assignà l'Organisationn.Il relèvedes mêmes
observations. D'une part,on l'a dit, la lidité des atteintes à la saoué à
l'environnementest sans influence surles compétencde l'OMS. D'autre part,
la possibilitépour l'OMS de "prendre dei mesures" est subordonnéeà la
condition que ces mesures soientnécessairespour atteindre son but. Or une
réponse à la question poséen'est ni nécessaire,ni même seulemenuttileà la
réalisatiodu but spécifiqde l'OMS(cfinfra, para.12et 13)
10 - 11ressort du reste du compte-rendu des débats de l'Assemblée
mondialede la santésur le projetde résolutWHA 46.40 que lacompétencede
l'OMS pour poser la question actuellementsoumiseà la Cour a fait l'objetde
vives contestationset que le vote, en commission B, par lequel une motion
écartant cettecompétence aété rejetén,'a éacquisque par 62 voix contre38,
60 délégationés tantabsenteset 3 s'abstenant.Que l'on se rappoàtce vote ou
au votefinaisur la résolution,la décisde saisirla Cour d'unedemande d'avis
consultatifn'a donc été prieue par moins de la moitiédes membresayant le
droitde voter (163ou 164 selon lesscrutins).
.. On notera également quele conseillerjuridique de l'OMSa clairement,
eta deux reprises, expriméson sentimentsur l'incompétencde l'Assemblée de
l'OMSpour soulever devantla Cour laquestiongénéralde'uneéventuelleillidité
de l'emploide l'arme nucléaire.Il déclaraitaiàsla séancedu 14 mai 1993de
l'Assembléede la Santé: "It is not within the normalompetenceor mandateof WHO to
deal with the lawfulnessor illegalityof the useof nuclear weapons. In
consequence,it is also not within the normalcompetenceor mandateof
WHO torefer the iawfulnessor illegality question to the International
Court of Justice" (cf compte-renduanalytique des débats en séance
plénière,séancedu 14 mai 1993, documentA.46lVW13, pp.13-14; v.
aussi compte-renduanalytiquedes débatsen commissionB, séancedu 11
mai 1993,documentA.46tBISW8,p.8).
Quant à une questionqui serait limitéà la compatibilitde cet emploi
avec la constitutionde l'OMS, il estimait, sansen écarterla possibilité,que la
Cour la renverraitpour examenà l'Assembléeelle-mêmeA . cet égard, forcest
de constateren effet que, si unediscussiona bien eu lieà l'Assemblée de la
santésur la compétence de celle-cipour soumettrà la Cour la demanded'avis,
le problèmemême d'uneéventuelle contrariétntrel'emploide l'armenucléaire
et la constitutionde I'OMS n'a pas étédibattu. Compte tenu des termes de
l'article75 de la constitutionde l'OMS. qui donne prioritéau règlementpar la
négociationou parl'Assemblée de "toutequestion...concernant l'interprétation
de la constitution", il est permis de s'interroger sur lepoint de savoir si la
demanded'avisprésentée à la Courpouvaitlui êtresoumisesansdébat préalable
sur le fond.
Au reste, la formulationmémede la questionposée reflètles doutesde
ses auteurs sur l'existence d'unlien entre cettequestionet l'acte constitutifde
l'OMS. La demande porte sur les obligations desEtats "au regard du droit
international,&anpns la constitutionde I'OMS"(c'est nous qui soulignons).
Cette expression laissepenser que les auteursde la résolution seux-mérnes
conscientsdu fait que cette constitutionpourrait n'avoir aucune pertinenceenl'espèce- et le gouvernementfrançaispenseavoir montréque tel est en effet le
cas.
11 - Les dispositions de la constitution de I'OMS ne donnent ni
explicitementni implicitement 2 celle-cicompétencepour formuler la demande
d'avis consultatiffigurantdans la résolut46.40 de l'Assembléede la Santé.
En conséquence,la question poséen'estpas de cellesauxquellesla Cour
peut répondre : elle n'entre pas "dansle cadre de (la) compétence"de I'OMS
(article 10de l'accordentre l'ONUet I'OMS);elle ne se posepas "dans le cadre
de (son) activité" (article96 de la Chane); elle ne peut se ranacher 2
l'autorisationde l'AssembléegénkraleàlaquelleI'anicle 65 du Statude la Cour
faitréférence.
12 - Ilressort au surplus des développementq sui précèdentque la
questionest en tout étatde cause sansobjet pour I'OMS. Ainsi que la Cour l'a
constamment rappelé, une demande d'avis consultatif doit avoir pour objet
d'éclairer l'organeou l'organisationqui en sont les auteurs "dans leuraction
propre" (C.I.J., avis consultatif,28 mai 1951,Réservesa la convenn'opour la
prévenrionel la répressiondu crime de génocide,Rec.1951 , p.19; v.aussi
Rec.1971, p.24 ou Rec.1973, p.27). Or, on l'a dit, I'OMS n'a aucune
compétence pour traiter d'une reglementationdes armes nucléaiet, comme l'a
soulignéson conseillerjuridique lors dela discussiondu projet de résolution,les
négociationssur le désarmementvont bien au-delàde son mandat enmatikrede
santé(cf comptes-rendusanalytiques des débatesn commissionB, A.46IBISW8, 14 mai 1993, p.9). La questionne touchedonc pas,quant au fond, au domaine
de l'"actionpropre" de l'Organisation.
13 - En outre, la réponsequi serait donnQ à cette question ne
présenteraitpas d'intérêt poulr'OMS. Que cene réponse soit positive ou
négative, l'Organisation n'en devra pas moins continuer à s'acquitter des
fonctionsque lui impartit l'artic2ede la Constitution(supra para.7) sans que
celles-ci puissenten étreinfiéchou 6largies.Ellen'a nul besoind'être éclairée
sur la licéiou I'iiiicédes armesnucléaires pourpoursuivreses études surles
effeu de leuremploi éventuelu sur lesrisquesencoumslors de leurdeshuction,
et sur les moyensde remédier2 ces risques. Recevoirde la Cour une réponse
abstraite et générale de natudéclaratoirene lui serait d'aucuneutilité etne
l'aideraitpas dans l'exercice deses compétenceou dans I'accomplissemend te
sesobjectifs.
Le gouvernementde la République françaisen'ignore pas que la Cour
peut donner un avis juridique surune questionabstraite. Mais. même slia Cour
estimait que la question qui lui est soumise pourrait en elle-même appeler
réponse,cette réponsen'aurait, quelle qu'en soitla substance,aucun effet sur
- l'activitéde I'OrganisatioLa demandede celle-cisemblerefléteruneconfusion
sur la nature mémedes avis consultatifs.Les réponsesque ceux-ci comportent
devraient en effet avoir pour lesorganes qui les sollicitent des conséquences
concrètes et précises.e caractèreopératoire.
Fauted'avoir"un effet pratiquà l'heure actuelle",la questionposàela
Cour est doncdépourvue d'objet et de but (C.I.J., avis consultat16,octobre
1975,Sahara occidenral,Rec.1975, p.37). Iy a là, selon lajurisprudencede la
Cour, undeuxièmemotifd'irrecevabilité dc eette demande. Au demeurant, le fait que la demande présentéerépond àdes objectifs
qui ne relkventpasde ia mission de l'organisation mondialede la Santéet n'est
qu'un élément d'"ne campagne visant tant la possession que l'utilisation des
armes nucléaires est illustré parla brochureWorldCOUR projecr onNuclear
Weapons ami InreniMonal Low', préparée par des organisations non
gouvernementales qui ont joué un rôle important dans la présentationde la
résolutionWHA.46.40.
14 -Au-delà même de l'incompétence ete l'absence d'intérêtl'eOMS
pour laprésenter,la questionse pose de l'opportunitéd'une réponse demande
d'avis présentéeà la Cour. Sous les dehors juridiques dont on a tentéde la
revêtir, cettedemande apparaît fondéesur l'espoir d'obtenir, en vue de son
utilisation dans un débat quise situe sur le plan politique et non juridique et
auquel l'OMSest complètementétrangère,l'appui de la Courà une thèse,dont la
résolutionWHA 46.40 reconnait elle-même qu'elleest controversée(3).
15 -En vertu de l'article 65 de son Statut, la Cour est libre dejuger de
l'opportunitéde donner réponseà une demanded'avis. Dansson avis consultatif
du 20 juillet 1962 relatàf"Cenainesdépenses des Narionsunies', la Cour a
déclaré:
"Si une question n'est pas juridique, la Cour n'a pas de pouvoir
,discrétionnaireen la matière: elledoit refuser de donner l'avis qui lui est
demandé.Mais, mêmes'il s'agit d'unequestion juridique, A laquelle la
Cour a indubitablement compétencede répondre, ellepeut néanmoins
refuser de le faire"c.1962,p.155).
3 -cfinfra,paragraphe 27 ïi s'agit 1 d'une jurisprudenceconstane, fermementmaintenuepar la
Cour (C.I.J.,avis consultatif, 30mars 1950, Inte'prérariodnes traités ph
concIu avec la Bulgarie,la Hongrie et la Rowrrnnie.Rec.1950, p.72; v. aussi
Rec.1951, p.19;Rec.1962, p. 155Rec.1973, p.175; Rec.1975, p.21; Rec.1989,
p.191 etc...).
Le gouvemement françaisn'ignore pasquela Courestime qu'en principe
"la réponseà une demande d'avisconsultatifne doit pas êtrerefusée" et"qu'il
faudrait des raisons décisives pour
d6tenninerla Cour à opposer un refus"A une ..,
telle demande.Mais il a noté quela Cour justifiesa positionpar le fait que sa
répnse "constitueuneparticipationde la Cour (...)à l'actionde l'ûrganisation"
(Rec.1950, p.72); or ni la questionposéepar l'OMSni la réponse qui lusierait
donnéene lui apparaissent liées à l'action de l'Organisation.En oune, les'
"raisons décisives"u'elle évoquetiennentau
"principeselonlequel,en tantquecorpsjudiciaire,elledoitrester
fidèleaux exigencesdesoncaractère judiciaire, ême lorsqu'ellerenddes
avis consultatifs" (C.I.J., avis consultatif, 16 octobre 1975Sahara
occidental,Rec.1975, p.2 ; v. aussiRec.1956, p.84; Rec.1960, p. 153;
Rec.1973, p.175; ou C.P.J.I., avis consultat23,juillet 1923,Srufude
la Caréliorienrale,SérieB, nY, p.29).
Le gouvemement françaispensequ'au-delàdesproblèmesde recevabilité
de la demande,ces "raisonsdécisives"de ne pas répondre à la questionexistent
en l'occurrence, et il espère que, dans son examen de l'opportunité d'une
réponse,la Cour voudra bientenir compte des considératioqsui suivent.
16 -La demanded'avisadressée à la Cour lie leproblkmede la licéité
des armes nucléairesaux effetsde ces armes. On noteraà cet égardl'ambiguitk du membrede phrase "comptetenu des effets des armes nucléairessur lsant et
sur l'environnement".La même ambiguïtéréside dans uneobservationdu délégué
du Mexique, co-auteur de la résolution,selon laquelle: "lademande que nous
formulonsne porte pas sur la licéou I'illicéide l'emploi des armes nucléaires
.
en soi, mais sur les effets qucet emploi sur lasant ét sur l'environnement"
(notre traduction)(4).
La référenceaux effets de l'arme répond peut-êtreu désirde tenter de
justifier la compétencede l'OMS, enaffirmantque l'on se place dans le domaine
de la santé.Le gouvernement français croit avoir déjà étabiue cette tentative
était vaine, la questionde lacéitou de l'illicéitant de l'emploi de certaines
armes que des effets de ces armes ne concernant pas les fonctions dévoluesA
l'OMSdans ce domaine.
Le membre de phrase en cause tend sans doute aussi à suggérerque c'est
en fonctionde ses effets que l'usagedes armesnucléairespourrait êtrecontraire
aux obligationsinternationales destats. L'Assemblée dela Santé tente ainside
conduire la Cour à passer directement de données circonstancielles des
conclusions essentieiles, par une démarche quine saurait êtrejuridiquement
justiiiée.
La généralité extrême dle a question posée rend, de l'avis du
gouvernementfrançais, impossibled'y répondre.
Ainsique la Cour l'a indiqué:
"Pour être à mêmede se prononcer sur des questionsjuridiques,
un tribunal doit normalement avoirconnaissance des faits correspondants,
4 -compte-renduanalytiquedes débatsen séanceplénikre,séancedu 14 mai 1993,document
A.46IVW13, p. 10.
-../. . . les prendre en considérationet, lecas Cchéant,statuer à leur sujet"
(C.I.J., avis consultatif, 21juin 1Conséquence jsridiquespour les
Etats de la présenceconrimied1'Afriquedu Sud en Namibie (Sud-Ouesr
africain,) nombsront la résoluri276 (1970) du conreil de sécurité,
Rec.197 p.27).
Dans le casprésent,la Cour estimera sansaucun doutene pas pouvoir
faire dépendreune question de lidité de principe de considérationsde fait
aléatoires, échappàntoute prévision rationnelleet qui peuveextrêmement
différenciéesselon lcas .n effet, les circonstances danslesquecesarmes ..
pourraient êtreemployées,la variété ele caractkre très différencié de leurs
effets, la considératque certains emplois massifsd'armes conventionnelles
peuvent avoir des conséquences aussi, voire plus importantesr,end
matériellement impossiblun examen systématiquaeprion de leur qualification
juridique. En outre. la Cour serait sans doute conduite, en applicationde la
maxime "ubi ju non disringuirnon esr nobis disrinpueremà estimer un tel
examenjuridiquementinapproprié.
17 -En faitla question poséàla Cour chercheàenuainer celle-ci dans
un domainequi ne relève pasde sa fonctionjudiciaire. Il ressort nettement des
conditionsdans lesquellla résolutionWHA 46.40 a étéadoptéeque l'onespère
obtenir,àdes finsessentiellementpolitiqu,e soutiende la Couàuneposition
juridique d'autantplus incertaine queses partisanseux-mêmedoutent de son
bien-fondéet recherchentles moyensdela conforter.
L'examen des débats préalablea l'adoption de la résolutionmontre
clairementque les Etatsayantvotéen sa faveuront eu pour seulbut d'obtenir de
la Cour qu'elle donnà la questionposéeuneréponse positive, dasaquelle ils
trouveraientun appuipour leur politiquetendànun désarmement, non généralet complet, mais sélectivement applicablaux seulesarmes nucléaires. A travers
la contesrationde la licéde leur emploi, c'esten fait la possession mêmeeces
armes qui est mi& en cause. Le libellémême de la demande témoigne de cette
attente. On peut du restese demandersi unequestion quitente ainsi d'orienterla
réponse dela Cour est respectueusedu caractèrejudiciaireet de l'indépendance
de celle-ci.
En véritéla question posée à la Cour tend à lui faire jouer, en lui
demandantune déclaration normative de principeu ,n rôle de législateur.Sous
l'apparence juridique donton l'a revêtue,la question posée est de nature
exclusivementpolitique et met automatiquementen cause le problèmepolitique
essentiel qu'est celuidu maintien de la paix. Il n'est en effet pas possible
d'examiner lesproblèmes liés aux armes nucléaires sousle seul angle de l'usage
de ces armes. Les armes nucléairesont un double aspect: ce sont, certes,
matériellement,des armes, mais leur objet est, dans le cadre dela politiquede
dissuasion, d'évitela guerre.
Le gouvernementfrançais est donc convaincuque la question du statut
des armes nucléaires etde leur emploine peut pas faire, en l'étatactudu droit
international, l'objetd'unavis consultatif.Mêmsi unedéclarationtelleque celle
apparemment souhaitée ne peut avoir de conséquencejundique ou pratique
directe, il n'estpas sans conséquencede demander à la Cour internationalede
Justice de définir,fût-ce sous la forme d'un avis, une positionjundique sur une
question éminemmenp tolitique. La question posétend en effetàjeter le doute
sur la légitimi-éàdéfaut de pouvoir lescontestersur le plandu droi-des outils
de la politiquede sécuritet de stabilitémenée pacertainsEtaü, dont la France.
En s'attaquantà un aspectdes armes nucléaires,on cherche enréalitéA atteindre
la politiquede dissuasion,qui a, on le sait, contrà écuter, depuismaintenant
prèsde quarante ans,le risque d'unnouveauconflitmondial. En dehors du fait que la Cour n'estimeia assurément pas qu'il lui
appanienne de se prononcer surla place de la politique de dissuasiondans le
maintiende la paix mondiale,ou de porterindirectementune appréciationsur les
équilibresstratégiqueactuelsou sur la politiquededkfensede tel outel Etat, une
réponseà la question posée par la demanded'avispounait, quel que soit son
sens, avoir une incidencenkgativesur les négociationsinternationales encours
visant ?assurer,par la maîtrisedes armements,lapaixet la skuritk du monde.
La Courjugera doncsansdoutene pas devoir s'engager dansla voieoù
on veutl'entraîner,et quine seraitpasconforme àsa fonctionjudiciaire.
ie gouvernementfrançais croit avoirainsimontré que la demanded'avis
consultatif présentépar l'OMS ne devraitpasappelerde réponsede la partde la
Cour.
18 - Bienqu'ellesne soientsansdoutepasnécessaires, eu égard à ce qui
prae, les observations suivantsontrappeler,à titre subsidiaire, qu'iln'existe
aucune règle générad le droit international prohibanlt'usage en soi des armes
nucléaires.Au demeurant,on peut mémeconstaterl'existence d'indices montrant
que le droit internationaladmet la possibilitéde l'emploi de ces armes dans
certaines circonstances.En conséquence,si la Cour estimait pouvoir et devoir répondre A la question posée par l'OMS, elle serait conduite, del'avis du
gouvernementfrançais, à lui donneruneréponse négative.
19 - ïiconvient à cet Cgardde rappelerle principe fondamental suivant
lequel les limitationsde souverainetne se présumentpas. Le droit des Etats de
déterminer l'organisationde leur défense etde choisir librement, sauf rkgle
prohibitivespéciaie,les moyens de défensequi leur conviennent découle de la
souverainet6et de l'indépendancedesUats. La Cour a du reste déclaré elle-même
qu'"il n'existe pasen droit internationalde règles,autres que celles que 1'Etat
intéressépeut accepter, par trait6ou aumment, imposantla limitationdu niveau
d'armement d'un Etat souverain,ce principeétantvalable pour tous lesEtau sans
distinction" (C.I.J., arrêtdu 27 juin1986, Affairedes acrivirésmilitaires et
paramilitairesauNicaraguaerconrrecelui-ci.Rec.1986, p.135).
20 - Or il n'existe pas,dans le droit en vigueur, de règlepositive qui
s'opposeraitau principemême de l'emploi desarmes nucléaires.
Toutd'abord, il seraitde toute évideneainde chercher, comme lefont
-certains, uneregleen ce sensdanslesdispositionsde la Charte desNationsunies.
Une telle tentativene pourrait résulterque d'une confusion entre le ad
bellwn" et l"jus inbello".
L'article2 paragraphe4 de la Charte.qui est parfois invoquéà l'appui
d'une.contestationde la licéité dsrmes nucléairesn,'a aucunepertinenceen la
matikre.Cetarticle interditaux Membresde l'organisationde recouriràl'emploi
de la force contre l'intégrterritorialeou l'indépendance politiqee tout Etat,
ou de touteautre manikreincompatibleavecles butsdes Nationsunies. On peut
certesen déduire qu'unemploide l'armenucléairedans des conditions contraires àses dispositions,et quiserait notammentconstitutifd'un acted'agression.serait
contraire au droit international.Mais I'illicéde l'acte en cause au regard de
l'article 2 paragraphe4 ne tiendraitpas à l'arme employéeen elle-mêmem , ais
aux circonstancesgénéraled se sonemploi.
21 - Enoutre, l'articl2 paragraphe4 ne sauraitêtrelu indépendamment
de l'article51 de laCharte qui réserveexpressémenlt'exercice, "jusqu'àceque
le conseilde sécurité ait pris ls esuresnéassairespour maintenirla paix et la
sécurité internationales"u "droit naturel de légitime défenseindividuelleou
collective"en casd'agression armée ,uquel"aucune dispositionde la ...Chane ..
ne porte atteinte".
L'article51 en lui-même, pap slusque le droit coutumier applicablela
légitimedéfense individuelle et collectie, règlementeni ne limite lesmoyens
militairespar lesquelsun Etat peut exercersondroit de légitimedéfense.Si l'on
peut reconnaître avec la Cour l'existenced'une "règlespécifique -(...)bien
établieen droit international coutumie- selon laquelle la légitimedéfensene
justifierait que des mesures proportionnées à l'agression mée subie, et
nécessairespoury riposter"(C.I.J., arrêdu 27 juin 1986,Affaire desacrivirés
milirairesetparmiliraires au Nicaragua er comre celui-ciRec.1986, p.94)),
cette proportionnalitéet cette nécessitédoivent s'apprécierpar rapport a
l'agression subi(5).
L'évaluationde la proportionnalité dans'exercicedu droit de légitime
défenseest essentiellement tributaire des circonstances etne peut relever
d'interdictions spécifiques tabliesa priori. Elle dépend de la nature de
l'agression,de son ampleur, du risque qu'ellefait encourir et de l'adaptationde
5 -cf additifau 8èmerapport deM. Agosur la respon&bilitédesEtats, Annuaire dela commissiondu
droit international,1980,ol.11,lkre partie, pp.67-68la réplique aubut défensif recherche, c'est-Adirede la capacitédes movens
employésde faire échec à l'agression. Ce critèrede proporDonnaline permet
pas en lui-mémed'exclure par principe l'utilisation,que ce soit en riposte ou en
premier emploi,de quelquearme déterminéq euece soit, et notammentde l'arme
nucléaire,dès lors que cet emploi vise A faire faceà une agression, et
apparaît comme le moyen adéquatpour faire cesser celle-ci. Toute autre
conclusionrisquerait de vider la notion mêmde légitime défense deon sens et
de saportée.
En outre, l'appréciation, danchaque cas,des divers éltmentsd'une
situationdont il est saisien vertu de l'article51, relkve, aux termesde la
Charte, de la compétencedu conseilde sécuritIl appartiendraitàce dernier, s'il
l'estimait nécessairà l'exercice descompétences qui lui sondtévolues parla
Charte et qu'il détienà l'exclusion de tout autre organe ou organisation, de
demander à la Cour un avis consultatifpour éclairerson action. Mais,pour les
motifs déjà indiqués(supra, para.l6), la Cour pounait êtreconduità estimer
impossiblede donner réponse à une telle question, si elle lui était présenté
termesgénéraux.
22 - Ilest touà fait clair qu'aucuninstrument conventionnni aucune
règle coutumièren'établissenà ce jour d'interdiction de pnncipede l'emploi de
l'armenucléaire.
23 - Les traitésqui peuvent concernerdirectement ou indirectement
l'emploi des armes nucléairesn'édictentni n'impliquent aucuneprohibition
d'emploide portéegénérale de ces armes.La plupart des instrumentspertinents
s'attachent à l'installation, au placemenà, la détention,au transfert, A la
fabrication, aux essais, voirà la destructionde telles armes. Ils ne uaitent
qu'exceptionnellementde l'emploi desarmes nucléaireset, lorsqu'ils tendent A exclurecelui-ci, ils ne le font qu'àl'égardde ceEtaSdésignes,et sousdes
conditions précises.
C'est ainsi,arexemple, que le protocoleadditionnelnoII au Traité de
llatelolco pour l'interdicdesnarmesnucléaireen Amérique latineen datedu
14 février1967, contient, en son articl3, un engagement des puissances
nucléairesde ne pas recouriràl'emploid'armesnucléairnià la menacede leur
emploi, maiscecicontreles PuissancescontractantesTrait Ié.n est de même
de l'article ler du protoc2lau Traité surla zone dénuclbris& du Pacifique
Sudadopté à Rarotongale 6août 1985(6).
De son côté, letraite de Washingtonsur l'Antarctique,en datele1
décembre 1959 nterdit touteexplosion nucléedansl'Antarctique".
On évoquera, dans le mêmesens, le traité sur l'espace extra-
atmosphériquedu 27janvier 1967dont I'ariicII Iisposeque "LesEtatspanies
s'engagentà ne metve sur orbite autour de la terreaucun objetporteur d'armes
nuclhairesou de tout autre type d'armede destruction masàine pas installer
de tellesarmes sur les corps célestàsne pasplacer de telles armes de toute
autre manièredans l'espaceexm-atmosphérique".
On notera que les accords susmentionnés,mêmeen soulignant les
dangers queprésentent les armes nucléaine, contiennentpasde condamnation
juridiquede ces armes. Ils bornenà énoncerles engagements volontaires des
Etatsquiy souscrivent.
6 -La Francen'estpaspanie àcet instrument. L'existencemêmede cestraités,t leur portée limitées,ont une preuve
de la convictiondes Etats qu'en l'absencede prohibition spécialeet acceptée.
l'emploides armes nucléairesn'estpasjuridiquement interdit(cinfro,para.26).
Un éventuel principed'iilicéitéde l'emploi des armes nucléairesne
pourrait non plus êtretiréd'un texte tel que le protocole noI du8 juin 1977
additionnelauxconventionsde Genèvedu 12 août 1949.
Indépendamment du fait que ce protocole, auquella France, pour sa
pan, n'est pas partie, ne lie que les Etats quil'ont ratifié, les circonstances
mêmed se sanégociationexcluentque l'on puisserechercher dans les règles qu'il
pose ou confirme une interdiction d'emploide l'arme nucléaire.Dans sa note
introductiveaux projets de protocoles, le Comité internatiole la Croix-rouge
avait en effet préciséque "les problèmes relatifsaux mes atomiques,
bactériologiques etchimiques font l'objet d'accordsinternationaux ou de
délibérations entrles gouvernements.et le CICR, en présentant sesprojets de
protocoles, n'entend doncpas les aborder". C'est sur ce principe que s'est
déroulélea conférence. comme en font foi les déclaratide certains Etats,dont
la France, au cours dela conférence.
La France. lorsqu'elle a adhéréen 1984 auprotocole noII relatifA la
protection des victimes des conflitsarmésnon internationauxa estiméne pas
pouvoir devenir partie au protocole n0I, notammentparce qu'ellen'avait pas
discerné, lorsde la conférence,un consensus suffisantsur la portéeexacte des
obligationsqu'assumeraienten matièrede dissuasion les Etats quiaccepteraient
d'être liépar cet instrument.
Elle ne peut cependantque constaterque plusieursEtatsont assorti leur
signature ou leur ratification de déclarationsd'où il ressort que leskgles introduitespar le protocole n'interdisentni ne règlemententl'emploi desarmes
non wnventionnelles, et en particulier des mes nucléaires.Ces déclarations
n'ont, sa connaissancefait l'objetd'aucune contestation.
Le fait que la conférencen'a pris en considérationque les armes
conventionnelles ressort égalemedte la créationen son sein d'une commission
<Id hoc sur "les armes wnventionnelles".De plus, par sarésolution22, elle a
recommandé la convocationd'uneconférence "en vue d'aboutir aA des accords
portant interdiction ou limitation de l'emploi d'armes conventionnelles
spécifiques,y compris cellesqui peuventêtreconsidéréecsommeexcessivement
nocives ou frappant sans discrimination compte tenu de considérations
humanitaireset d'ordremilitaire;et bà unaccordsur un mécanisme conçu pour
-
réviser detelsaccordsetexaminerles propositionsd'accordsnouveauxdu même
genre".
On voit ainsique le problèmede l'emploides armes nucléairesa été
exclu du plus récenteffort générale codification etde développemendtu droit
de la guerreet du droit humanitaire,et ceàin'en pasdouter, non enraisonde
la spécificité matérielle de cames, mais en raison de leur caractèred'arme
-politique, déjàévoqué, qulies faitreleverdenégociationparticulikres.
iiapparaît en outre que les Etaüparticipantà la conférenceont estimé
queles rkglesfigurantdansle protocolenepouvaientpas en elles-mêmessuffir e
établir I'iiiicéitéde l'emploi d'armesspécifiques,à quelque type qu'elles
appartiennent (cfinfra, para.26).
De façon plus générale,lors des dkbats en premikre commissionde
l'Assemblée généraldees Nationsunies,à l'automne1993,la délégatioqnuis'est
expriméeau nomdes Paysnon-aiignésconstatait : "It cannot be denied that an internationalinstrumentof a legally bindingnaturelayingdown theobligationnot
to use nuclearweaponshascontinu4 to eludeus".
24 - On ne peut égalemenq t ue constaterl'absence de règlecoutumikre
interdisant l'emploides armesnucléaires.
Les conditionsde formation dela coutume telles qu'ellesrésultentde la
jurisprudencede la Cour sontbienconnues. La détermination de l'existenced'une
règlefaisantpartiedu droit internationalcoutumierne saurait découlde la seule
affirmationpar certains Etatsqu'ils la reconnaissentcomme telle. Ainsi que l'a
déclaréla Cour:
"La substance du droit international coutumier doit être
recherchéeen premier lieu dans la pratiqueeffective et I'opinjurisdes
Etats, mêmesi les conventions multilatérales peuventavoir un rôle
importantà jouer en enregistrantet définissantles règlesdérivées dela
coutumeou mémeen les développant"(').
Le fait que la pratique soit générale a "un rôle essentiel" dans la
formation de la coutume, et il est indispensableque les Etats "qui sont
particulikrement intéressés"y participent @). Cette dernière règle a une
importance particulière dans l'espèce présente, puisqu'aubsein une "pratique"
en la matikre ne pourrait venir que des Etats auxquels le statut d'Etats dotes
d'armesnucléaires a été reconnu.
25 - S'agissantde la pratique des Etats, on constate, en s'en fklicitant,
queles armesnucléairesn'ont, heureusement,pasété employée depuisle dernier
conflitmondial.On ne sauraitcependantconclurede cette constatationqu'il s'est
7 -Rec. 1985,p.29-30, par.27;Rec.1986. p.97, par.183
8 -Rec.1969. p.49 instauréune pratique de "non-emploi" fondéesur une interdiction d'emploi
"acceptée comme étantle droit", ytvoir unecoutumeétablieou en formation.
Tout d'abord, pour qu'ilen soit ainsi, il aurait fallu que les situationsdans
lesqueilesleEt&inte& pourraient envisagl'emploide cesmes se soient
rencontrées.Tel n'apas étéle cas,grâceà la contribution quela poliriquede
dissuasionpeut, dansles circonstancesprknw, apporter à la paiEn fait, la
politique de dissuasiondes Etatsnucléaires, qui sont manifestemedtes Etats
"particulikrement intéressésà la question, montre qu'il n'existe pas
d'interdictioncoutumièrede l'emploide l'armenucléaire.
26 - S'agissantde 1'"opinjuris"desEtatsil est flagrant qn'yla pas
d'opinion généralseelon laquelle l'emploide l'arme nucléaire serait ileucito
devraitêtrespécifiquemenrtendutel.
Ce fait a notammentété constatdéans 1'"Etuded'ensemble desarmes
nucléaires"mise à jour en septembre 1990à la suite de la résoluti43/75 N
(1988)de l'Assemblée générale(9). Cetteétude note eeffet en son paragraphe
506: "Bienqu'unvastedébatsoiten cours, dansdifférentesenceintes,n ne note
aucune convergenced'idéesau sujet des aspects juridiques de la possession
d'armes nucléaireest de leurutilisationentantque moyensde guerre".
Ilest vrai qu'uncertaincoumt de pensétente ded6montrerl'existence
d'un principejuridique d'interdictiond'emploides armes nucléairesnon pen
s'appuyantsur des normes positivesspécifiquemenctonsacréàscesarmes, mais
en bâtissantun raisonnementàpartird'autresrèglesdu droit international.Sans
mentionner directementles armes en cause, ces règles, dit-on, pourraient
s'appliquerà elles, par implicationou par extension. L'id& est ainsi parfois
avancéeque certaines règlesen vigueurdu droit humanitaire etdu droit de la
9 -Document Al451373 du 18 septembre 1990. guerre impliqueraient interdictionde l'emploides armes nucléaires.Les tenants
de cette thèseprennent en particulier appuà cet égard - sans se préoccuper du
reste de déterminer lesquels ontun canctère coutumier, et lesquels ont un
caractèreconventionnel -sur divers règlesou principes énoncés dans lperotocole
n"I du 8juin 1977additionnelaux conventionsde Genkvede 1977,et notamment
"I'interdictionde l'emploi d'armes,projectileset matikresainsi que des méthodes
de guerrede nature ?causerdes mauxsuperilus"(art.35 para.1du protocole),ou
I'interdictiond'emploid'armes.ou moyensde guerre susceptiblesde causer "des
dommagesétendus, durables et gravesà l'environnementnaturel" (art.35para.2),
ou la nécessitéd'établir udnistinctionentrelesobjectifs militaires,d'unepart, -.
la population civile et ses biens de l'autre. ou I'interdictiondes attaques sans
'discrimination, au sens de l'article 51 du protocole, ou le principe de
proportionnalité pospar cetarticle.
Le gouvernementde la République françaisn ee croit pasnécessaire,dis
le cadre des présentes observationsd,e discuteren détailde ces raisonnements,
qu'il récuse formellementI.l se borneraà en soulignerle caractkrealéatoireLa
thkseévoqués eupposeraitd'abord qu'ilsoitétabli,selonles méthodesadmisesde
déterminationde la coutume. que les différentes règles évoquées correspondent
bien toutes à des principes coutumiers reconnus commetels, et, dans
l'affirmative, lecontenuexact de ces principes.En effet, si on ne peut contester
que le protocole1 de 1977exprime à certainségards des principesgénéraux de
base du droit existant, il est évidentque, plus encore que les conventionsde
1949(1°),il en constitueàd'autreségardsun développementL . e titre mêmede la
conférence au cours de laquelleil a étélaboré- "conférence diplomatique sulra
réaffirmation etle développementdu droit internationalhumanitaireapplicable
danslesconflits armés" -en témoign( e11).
10 - cfCU, arrêtdu 27 juin 1986, "Affairedes mivirés miliraireserparamilirairesau Nicaragua el
conrrecelui-ci".Rec.1986, p.113
.. ./. .. En outre, pour suivreles raisonnements ci-dessusévoqués,il faudrait
encore, une fois dégagéest définisdesprincipescoutumiersde base applicables
aux armes nucléaires,etablir qu'il en ressortune rkgled'interdictiond'emploide
ces armes. Etant donnéle caractèrefatalementabstrait et généradles principes
éventuellemenf tormulés,une telle conclusionimpliqueraitnon uneconstatation,
mais uneconstructiondu droit.
II est clair en effet qu'il n'existepas, chez les Etau, une opiniojuric
selon laquelle une interdiction d'emploi dearmes nucléairesdbuldt des
principesou reglesdu droit international,quelsqu'ils soient.
27 -iiva de soi que les Etatsdotésd'armes nucléaires quiratiquentla
politiquede dissuasionne considkrentpas l'emploiéventueldes armesen cause
commecontraireau droit en visueur. Leurpolitiquede dissuasion,leurattitudeà
l'egarddes résolutions del'Assembléezénéraleponant surla question,sontdes
preuves suffisantesde leur opinioàcet ezard. Le fait mêmeque l'un des Etats
dotés d'armesnucléaires aitrécemment proposl 'élaboration d'uneconvention
sur l'interdictionde l'emploien premier desmes nucléaires montrebien qu'il
ne considèrepasque l'emploide cesarmesest interdit.
II estnon moinsclair que, parmiles Eratsnondotes d'armesnucléaires,
il n'existe pas non plus d'opinjuris généraleselon laquelle une interdiction
d'emploi de ces armeseraitjuridiquement établie.
11 - Dansson introductionau "commentaire desprotocoles additionnelsdu 8juin 1977"établipar le
Comitéinternationalde la Croix-rouge" (p.xxxiv), M. Pictet écrit ce propos: "Sil'on a pari6
seulement de "réaffirmeret développer"le droit humanitaire,afin de bien marquer le caractère
additionnelet complémentaire desProtocoles,il n'en estpas moinsvraique, sur certainspoints. les
textesde 1977modifientle droit antérieuetmême parfoisinnovent assezhardiment". La résolution WHA46.40 par laquelle est demandé l'avis dla Cour
constitue en soi une reconnaissance de l'absence de consensus juridique sur
l'existenced'une interdiction d'emploi cesarmes, puisqu'ellepréciseque: "au
cours des dernières années, la Etats membres ont exprimé desvues très
divergentesquantà la licéitde l'utilisationdes armes nucléaires".
Les résolutionsde l'Assembléegénérale des Nations unies, pour leur
part, témoignentdu fait que ceux mémesqui posent en principe que cette
utilisation estinterditeont, pour le moins,desincertitudes sur l'exde cette
interdictionen tantque règlejuridiques'imposant auxEtats.
Le gouvernementfrançais n'ignorepas que cemines de ces résolutions
(12) ont affirmé dans leurpréambuleque l'emploi des armesnucléaires
"constitueraitune violation de la Chane des Nations unies etun crime contre
l'humanité".Mais , quelle que soitla ponéeque l'on atuibue aux résolutiode
l'Assemblée généralel,es formulesen cause, dontle but essentielétàin'en pas
douter, de donnerplus de force à une démarchepolitique. ne sauraient étre
considéréec sommeayantvaleur déclaratoired'unerèglejuridiqueexistante.
D'unepart, en effet, les conditionsde l'adoptiondes résolutions,par des
votescomportantune trks fone oppositionminoritaire,dont celled'Etatsles plus
directementintéressés,écmeraientune telleappréciation. Les oppositionsu les
abstentionsqu'ellesont suscitéesprouvent qu'aucunélémendte ces résolutione
sauraitêtreconsidéré commre eflktantune "opiniojuris" générale.
D'autre part leur objectif opérationnelporte sur la possibilitéde
négociation, dans le futur, d'instrument conventionneilnterdisant l'emploi des
12 - résolutions1664(XVI) "déclaration surl'emploi des armesnucléaireset thermonucléaires", u
24 novembre 1961,33/71 B du 14 décembre 1978,351152D du 12 décembre 1980, 36/92 1,du 9
décembre1981, 46/37 Ddu 6 décembre1991 et47/53 C de 1992
... /... armes en cause. En effet, ces résolutions,tout en affirmant une &gle
d'interdiction de l'utilisatiocesearmes, proposent des négociationspour
l'établir. Elles indiqutue "le recoursaux armes nucléairesdni ...)être
interdit- ce qui implique qu'il nel'es ptas(cf la résolution33/71 B de
l'Assembléegénérale oul'Acte finalde k deuxième sessionexmordinaire,
notammentson paragraphe58). On voit bien ainsi que, dans l'espritde leurs
auteurseux-mêmesl,e principe évoqun'espas juridiquementconsacré.
Les propositions faitesaucous des dernieresannées en vue de la
conclusion d'untraité sur l'interdicdesnarmes nucléaires- qui n'ontpas
abouti-conduisentégalementà laconstatationqu'unetelle interdictionne saurait
êtreconsidérée commje uridiquement établie.Il en a étéainsi, par exemple,
d'une formule d'interdiction d'usaAel'encontre des puissances non dot&
d'armesnucléaires réunissnetrtainesconditions,quiavaitprésentéeen 1990
lors de la conférence d'examendu TNP. Il en est de mêmedu projet de
convention surl'interdiction del'utilisationdes armes nucléaires présànté
l'Assembléegénéralees Nationsuniesen 1991et ànouveauen 1992(13). 11en
est de mêmeencore des nombreuses résolutionsde l'Assemblée générale
appelant, par des formules diversesà des étudessur la conclusion d'une
conventionconcernant le non-recours aux armes nucléaires(résolutions1653
(Xq du 24 novembre 1961, 33/71B du 14décembre 19783 ,5/152 D du 12
décembre1980 ..).
La pratiquegénérale,t on peut mêmeparler là d'unecoutume,dans le
domainede l'interdictionou de la règlementades armements estdu restede
procéderpar voie conventionnelle. L'interdiction partlu totale d'emploi
d'armes déterminées suppose des règles précisesqui sont établiespar des
13 - Résolutio46/37 D du 6 décembre1991et résolution47/53 C de 1992, adoptée par 126voix
contre26. dontlaFrance a,ec21 abstentions.
... /... conventions spéciales.Il en est notamment ainsipour les armes chimiqueset
biologiques (Protocolede Genkve de 1925 et convention sur l'interdictiondes
armes chimiquesde 1993, non encore en vigueur, faute du nombre suffisant de
ratifications); pour les modifications de l'environnement à des fins hostiles
(conventionde 1977); pour certaines armes classiques ayant des effets excessifs
(conventionde 1981)(14). L'exigencede ces conventions spécifiques confirme
bien qu'on ne sauraitdéduire une restriction précise de l'emploi d'armes
déterminées de principes gén.raux qui, par nature, s'appliquentà tous les
armementssansdiscrimination,et à aucund'entreeux en particulier. Elle permet
en outre de souligner que les conventionsainsi établies n'obligenq t ue leurs -
parties et sont sans effet à l'égarddes tiers. Ce fait empêcde les considérer
comme traduisant des règles coutumières. On ne saurait y voir ni la
reconnaissanceni la cristallisationde règlesgénéralesui viendraientdévelopper
et préciser les standards généraux,aissimplementla formulation d'engagements
supplémentaires,et limitésaux Etaü qui y sont devenus parties, sous les
conditionset réserves qu'ilsont pu, le caséchéant, exprimerO. n son ici tant du
droit international générqlue de la Constitutionde l'OMS. qui sont le cadre de
la questionposée.
Il paraît donc impossiblede formulersur la basede règlesgénéralee sn
-
vigueur un principe d'interdictiond'emploi desarmes nucléaires quien serait
déduit,ou y serait implicitementcontenu.Unetelleinterdictionne sauraitrésulter
qued'unerkglespéciale,liant lesEtaü qui l'acceptent.
14 -Protocole concernantla prohibition d'emploià la guerrede gazasphyxiants,toxiquesou similaires
et de moyensbactériologiques,17 juin 1925; conventionsur l'interdictionde la mise aupoint, de la
fabrication,du stockageet de l'emploides armes chimiqueset sur leurdestruction, 13janvier 1993,en
voiede ratificationpar la France; conventionsur l'interdiction d'utires techniquesde modification
de l'environnement à des fins militaires ou toutes autres fins hostiles,mai 1977; conventionsur
l'interdictionou la limitationde l'emploi de certaines armeclassiques qui peuventêtreconsidérées
commeproduisantdes effets traumatiques excessifs ou comme frappant sans discrimination,10octobre
1980: Le droit internationalgénérie singularise aucuntype d'mes dont il
prohiberaia priori l'emploide façonglobaleLes principesgénéraux applicables
aux moyensde combatne permettent pas d'identifierde façonpriférentielleune
arme déterininéem, ais ne s'attachentqu'Acertainesconséquencede toutes les
armes, quellequ'en soilanature. Une prohibitiod'emploi d'une armeo,u d'un
type d'arme particulier, ne peut provenir, comme le démontrela pratique
internationale, que de conventions spécialesqui ne lient que les parties et
s'appliquent indépendammed nts effets concrets dearmes en cause. Ils'agit
doncde deuxlogiquesjuridiques toutà faitdifférentes,et le gouvernementde la
Répubiiquefran@se ne voit pas commenton pourrait passer de l'unea l'au@.
On l'a constaté, lesregles conventionnellesrelativeA l'emploi des mes
nucléaires demeurent'unepart exceptionnelleset d'autre part de portéelimitée.
Lefaitque cesinstmmentsou bienconsacrentla détentiond'armesnucléairespar
certainsEtats, sans traiter de l'emploide ces armes, ou bien contiennentsur ce
point des engagements précis, qui au surplus demeurent limités,confume
l'absence d'une règdle droitinternationalgénéralles prohibant.
28 -On peut tout au conuaire décelerdans ledroit internationalgénérai
des signesquecelui-ci admetune utilisationéventuellearmes nucléaires.
De façongénérale, le droitonventionnelconcernantlesarmes nucléaires
reconnaît laliciitéde la détentionde ces armes par les "Etats dotés d'armes
nucléaires",au sens du Traitédu ler juillet 1968sur la non proiiférationdes
armes nucléaires(TNP), c'est-à-dire par "les Etats qui ont fabriqué et fait
exploseruneanne nucléaireou un autre dispositifnucléaire explosif ale ler
janvier 1967"(art.9, paradu Traité).
Il en est naturellement ainsi des traités relatifs la maîtrise des
armements conclusentrePuissances dotéeds'armesnucléaires. ilen est particuii&remenainsi du Traité précisur la non prolifération
nucléaire.On notera qu'alors que des instruments conventionnelsportant sur
d'autresarmesde destructionmassive prohibentpour tous lesEtau la possession
(15) ou l'emploi(16) )e cesarmes, le trai tur la non-proliférationreconnaît
expressément le caractèrd'"Etats dotés d'armes nucléaireaux Etats répondant
aux critères définisci-dessus.Le but même du Traité est certes d'évitelra
prolifération nucléaie,t donc l'accroissementdu nombre de ces Etau. Mais, en
adhérant, dans l'exercide leur souveraineté,u TNP, les 157 Etatsquiy sont
aujourd'huiparties ont expressément admis,n leur assignantdes responsabilités
paniculikres,le caractère spécifiee cesEtatsdotésde l'armenucléaire.
Sans qu'il soitbesoin de discuteru point de savoir si et dans quelle
mesurelicéitéde la détentionimplique directementlicéitde l'emploi, il ressort
de plusieurséléments que le droiitnternational laisseouverte la possibilitéd'un
emploides armes nucléaires.
Ainsi, le uajtésusvisé de1967 sur l'espace extra-atmosphériqu(e cf
supra, para.23) de même que le traitésur la dénuclakaion du fond des merset
des océans(l7). qui interdisent le placementd'armes nucléairesdans cenains
espaces déterminés,et ceci pour empêcher l'utilisation de ces armesdans les
espacesen cause, établissena coturariol'éventualide présence etd'emploide
ces armesen d'autreslieux.
15 - conventiondu 10avril 1972sur l'interdiction dela miseau point, de la fabricationet du stockage
desarmes bactériologiques (biologiqueo)u?Atoxineet sur leur destruction; conventionsusvdu 13
janvier 1993sur les armeschimiques.
16-Protocolede Genkvedu 17juin 1925sur les gaz asphyxiants,susvisé
17 - LaFrance n'estpaspartieà ce traité. De même,nul ne conteste que les engagements unilatéraux pris par
certaines puissances nucléaires sote ne pas utiliser en premier les armes
nucléaires, soitde npas les utiliser antre des puissancesnon dotéesd'armes
nucléaires, ontt6pris de façon dicrétionnaireet non pas en vertu d'une
obligationjuridique.Or ces engagements, qui relèvendte la souveraineté des
Etats, impliquenten eux-mêmes qu'hors dels imites ainsifixées, l'emploides
armesnucléairespourraitêtreenvisagé.
Des conclusions analoguespeuvent êtretiréesdu protocoleadditionnel
noIIau traitéde llatelolco visant l'interdictisrmesnucléairesen Amérique :
latine etdu Traitésur la zonedénucléaride PacifiqueSud adoptéA Rarotonga
le 6 août 1985(cfsupra,para.23).En concluantces instruments,les Etatsquy
sontpartiesont confirménonseulementle stafutd'"Etatdoté d'armenucléaires"
reconnu à certainsEtatspar lTNP, maiségalement le faiqu'horsengagement
conventionnelcontraire,un emploidesarmesnucléairesétaien soijuridiquement
possible(18).
On rappelleraen outre la résolut755 du 19juin 1968,faisantsuite
l'adoption parl'Assembléegénérale du T.N.P. et par laquellele conseil de
sécuritéa reconnu qu'une menaceou un acte d'agression nucléairceontre une
puissancenon dotée d'armesnucléaires "créerauitne situationdans laquellele
conseil de sécuritet, au premier chef, tous ses membres permanentsdotés
d'armes nucléaires,devraient agir immédiatementconformément A leurs
obligationsaux termes de la Charte des Nations unies". Le conseil a ainsi
confirmél'existencejuridique d'une catégoriede pays dotésd'armesnucléaires,
comme lefait leTNP lui-mêmeI.l n'aportaucunecondamnation spécifique et a
18 - LaFrance,qui est partieauprotocolnon du Traité deïiatelolco, a assortisa signatured'une
3 duProtocole commene faisant pasobstacleau pleinexerciduedroitde légitimedéfensconfirméicle
par l'article de la Charte desNationsUnies".priori sur l'emploi desarmes en cause. Il s'eborné à envisager I'hypothkseoù
cet emploi ou sa menace constitueraientune agression, ce qui renvoie au jeu
généralde la Charte et ne permet pas de singulariser sur le plan juridique
l'utilisationdes armes nucléaireparrapport à d'autres moyens d'agression.Au
contraire même,en reconnaissant lerôle spécifique desEtatsdétenteurs d'armes
nucléaires face à la situation envisagée,il paraît confirmer l'utilité deleur
capacitédissuasive.
29 - Il ressort desconsidérations qui précèdequte le droit positif actuel
n'exclut pas,et mêmesans contesteenvisage,l'utilisation éventuelle des armes
nucléaires.La Cour ne sauraitdonc, de l'avisdu gouvernementde la République
française, conclurà une illicéité deet emploiqu'en faisant oeuvrde législateur
et en se substituant,ce faisant, aEtau qui, dans l'état actudu droit et de la
situationinternationale, n'ontpas cru devoir interdire l'utilisationde ces armes.
Le comportementdes Etats,qu'ilsapprouventou réprouvent l'éventualid tée cette
utilisation, manifestdu reste leur ferme convictionqu'il n'existe pas de rkgle
l'interdisant,et mime qu'unetelleutilisationpourraitêtre licite.
En conclusion. legouvernementde la Républiquefrançaise estimeque la
demandede l'organisation mondialede la Santéest irrecevable. Bienqu'il sache
que la Cour n'a pas,jusqu'à présent,jugénécessairede suivre unetelleprocédure
s'agissantd'une demanded'avisconsultatif,il lui suggkrerespectueusementde se
prononcer à titre préliminairet indépendanstur la questionde la recevabilité de
cettedemande.
Le gouvernement de la Républiquefrançaise souhaiterait avoir la
possibilitéde présenter denouvelles observations sur la question posée dans
l'hypothèseoù la Cour déciderait d'y répondre./.
Exposé écrit du Gouvernement de la République française