Lettre en date du 20 juin 1995 du ministre des affaires étrangères de la République française, accompagnée de l'exposé écrit du Gouvernement de la République française

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8702
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Lettrendatech2i0juin1995duMinistrdesaff&ksétrangèrdela
Républiqufiançaisacco-ée del'exposécritu
Gouverneme dntaRépubliqufançaise Monsieur le Greffier,

Par ordonnance du lei février 1995, la Cour internationde de jusace a

fixéau 20 juin 1995 ia date à laquelle les Etats admis & ester devant la Cour
pourraient présenter des exposés écritssur une requête demandant un avis

consultatif adressée à celle-ci par l'Assemblée jénéiale des 'lations Unies et
ponant sur la question suivante:

"Est-il permis en droit international de recouàila menace ou à l'emploi

d'mes nucléairesen toute circonstance?"

J'ai l'honneur de vous acresser zi-joini l'ex~osé?cric du gouvernement de
!a Eé?ubliqi?ekznçaise conczinant crrte requète.

Je saisis c-[te occasior. pour vous :Gr: savoir, en me référant à

l'ordonnance de la Coür en dzte du 20 juin !Ç94, que lz gouvernement de la
~épu~liquefiançaise, qui a ixarnini avec a::entioz les exposésécrits présentés à

iz Cour à Ir suite ce lz deman~e 6'avis consulratif présentépzi l'Assemblée
-oinérde de !'Or_zanisationmondiale de la Sant6 sur Lalicéiréde l'utiiisation des

&Tes nucliaircs par un Etat dans un conflit armé ne peut que confimer
entikrement les conciusionsde son ex~os5ici?; relatià cette demande.

Le xouverncment Ce la Républiquekancaise estime que la demande de
I'Orgznisaticn mondiaie dt i2San~tes: ircccvzble.

Ln cuire, pour ies :-isons développées ;:ntdans I'exposÈ Ccrit relatifà

C--IL cernznde que Czns soc :x?csé ?cri[ rtiati:' à la demande de l'.Assemblée
sénéraledes Nacons Cnies. '2 laque!lc ii pi-;e respectueusement la Cour de se

reponer en tant que de besoin, cc souvernement pense que la Cour devrait
constarer qu'une :iponse serait inoppomne; dans I'hypothese où elie jugerait

néanmoinsapproprié: une te!le r5-onse, elie devrait constater qu'il n'zxistnidans la constitution de l'organisation monàilaeSanté ni en droii

international ginérai, de prohibition d1em?ioi nucikires; cenains
sisnes montrentau contrailedroit intirnational généralaEmerI'éventudité
de cctemploi.

Je vousprie dta,oreer, monsieur le Greffier, Idesma haute
consi%6ration.

Hervéde CH.4 îTE

rLICEITEDELAMENACEOUDEL'EMPLOI
D'ARMESNUCLEAIRES

-REQUE'lPOURAVISCONSULTATIF-

EXPOSEECRITDUGOUVERNEMENT DE
LAREPUBLIQUEF'RANCAISE I Exposéécritdu gouvernement de la l
Républiquefrançaise
1

Par ordonnancedu ler février1995,la Cour internationalede Justicea décidé
queles Etatsadmià ester devantelle pourraient, dansun délaiexp20ajuin1995,

lui adresser des exposésécritssur une demande d'avis consultatif que l'Assemblée

générale desNationsUnies lui a présentear sarésolution49/7K du 15 décembre

1994.

La questionposéeàla Courest la suivante:
"Est-il permis en droit international de recàula menace ou à

l'emploid'armesnucléaires entoutecirconstance?"

La France estime nécessairede faire connaîàrla Cour, conformémentà

l'ordonnancesusviséesapositionsur la démarcdes promoteursde la résolution 49/75
K.

Avant d'exposer lesobservationsqu'appellesapart, surle pladudroit, la

demandede l'Assemblée général la,France rappellà,titre liminaireet pour éclairer

l'esprit dans lequelelle formuleses observations,querineen matièrede défense
est fondéesurla dissuasion. La France nese connaîtpasd'ennemidéclare,et sa stratégiede dissuasionun

caractèrestrictementdéfensif:lFrancreefusela menac e'emploi et l'emplode l'arme

nucléaire,comme dureste de toutearme, à des fins agressives. Sa stratégienuclestre

une stratégiedestinéeà em@her la guerre et s'appuie, selon le principesuffisance,

sur des capacitéslimitées au strict nécessaire. Ces capacites s'inscrivent dans une

stratégiepurement dissuasive et non une stratégied'emploiUles sont réservéesà la

dissuasion d'une agression contreles intérêts vitde laFrance dont l'appkiation

relèvedesplus hautesautoritésdel'Bat.

L'arme nucléaire,réservée padréfinitionà des situations conformesà l'article

51 de laChart des Nations Unies, est poulaFrance une arme destinéeà prévenirla
guerre en la privantde toute rationdité.

La doctrinede dissuasionest la clef devoûte de la séde la France.

En outre, nul ne peut ignorerque cette doctrinepuis près d'un demi-siècle,

contribuéau maintiende la stabilet de la paixmondiales.

Il ne s'ensupas que le gouvernementfrançais soitopposéaux efforts tend?It

la réductiondes armementsnucléaireset, au-delààun désarmementgénérae lt complet

sous un contrôle international efficace. Bien au contraire, son action internationale

démontrequ'il entend exercer ses responsabilitésà cet égard. Mais ces probl2mes
relèvent de négociationsinterétatiqueset non d'une approche judiciaire. En outla

France s'élèveavec force contre une tentative qui tenà mettre en cause, par une

démarchedirigée contre les seules armes nucléaireset au risque d'ébranlerun des

kléments du systèmemondial actuel pour le maintien de la paix et de la sécuritéinternationales, la politique des Etats dotés d'armes nucléaires et, au-delà, lrroit

d'assurerleur défensepar les moyensqueleur permetle droit internationaen vigueur

Cela dit, l'objet du présentexposéest d'appeler l'attentionde la Cour sur les

points suivants:

1) Sur la recevabilitéde la demandeet l'opportunitéd'une réponse:la

questionn'estpas de cellesauxquelieslaCourpeut répondreet la Cour devrait en

tout étatde causeconstaterI'inopportunie d'unetelle réponse;

2) Sur le fond, età titre purement subsidiaire: a) Il est évident lae

menace ou l'emploides armes nucléairesne sont, pas plus que ceux des auws

armes, permis en toute circonstance). b) Si la question poséedans la résolution

49/75 K était interprétéecomme portant sur le point de savoir dans quelles

circonstances la menaceou l'emploi des armes nucléairesseraientcontraires au

droit international, la Cour nepourrait que constater que le droit international

généra ou coutumierne comporte pasd'interdictionde l'emploiou de la menace

d'emploides armesnucléaires.Certains instrumentsconventionnelsainsi que des

résolutionsdu Conseil desécurité montrentau contraire que le droit international

généraa ldmet la licéid'unetellemenaceoud'un tel emploi. 1 -Recevabüite de la question et opportunite d'une

61

1 -Le gouvernementde laRépublique françaisestime que la questiposée

n'estpas de celles auxquelles la Cour peut répondredans le cadre dsa fonction
consultative et qu'en toétatde cause la Coursera conduite à constater qu'enee

devraitpas ydonner réponse.

2- L'article65 dson Statut laisseàla Cour toute libertéde déterminerla suite
qu'elle estimedevoir être donà une demanded'avis.

Dans son avis consultatifdu 20 juillet 1962 relatifnaines dépensesdes

Narionsunies",la Cour a déclaré:
la Cour n'a pas de pouvoir
"Si une question n'est pas juridique,
discrétionnaireen la matière: elledoit refuser de donner l'avis qui lui est

demandé.Mais, mêmes'il s'agit d'une questionjuridique, laquelle la Cour a

indubitablement compétence derépondre,elle peut néanmoins refuserde le

faire*(l).

Il s'agitlà d'unejurispmdenceconstante, fermement maintenuepar la Cour(2)

1 - C.I.J.avisconsultatif, 20 juilletCenainesdépenses desNationsUnies,Rec.1962,
p.155

2 - C.J., avisconsultati30 mars 1950,Inrerpréraridesrrairédepaix conclusavecla
1951,Réservesàgla converuionpour lapréventionerla répressioncrimede génocide, 28 mai
Rec.]PSI, p19; C.I.J.avis consultatif,20juillet 1Cenainesdépensesdes NationsUnies,
Rec.1962,p.155; C.I.J.avis consultatif, 12juillet Demandede réfomranmr dunungement
n"158 du TribumZadminisrrariydeNarionsunies,Rec.1973,p.175; C.IJ., avis consultatif, 16
octobre1975,Sahara occidental,Rec.1975p.21; C.I.J., avisconsultatif, 15 décembre1989,
Applicabilide la secrion22de 'Articlelie la conventionsur lesprivilègeset immundess
NarionsUnies,Rec.1989, p.191 et.... La Cour considère également qu'epn~cipe "la réponseà une demanded'avis

consultatif ne doipas être refusée "t "qu'il faudrait des raisonsdécisivpour

déterminerla Couràopposerunrefus" unetelledemande.

Le gouvernementde la République françaisestime que, précisémenpt,lusieurs

"raisons dMsivesWexistenten l'occurrencede pas répondreà la questionposépar la

résolution49175K.

3 - A cetégard,le gouvemement françaiscroit qu'un rappel du contexte dans

lequel la résolution49/75K a étéadoptéeet des conditions de cette adoption devrait

faciliter l'appréciatde la nature et de portée de la demanded'avis adresséeà la

Cour et de l'opportunid'uneréponse àla questionposée.

Il semble superfiud'insister surle fait que, comme le note l'ordonnance dela

Cour du ler février1995, et comme le souligne la résolution 49/K5 elle-mêmel,a

demandeprésentép ear celle-ci vient s'ajàla demande adresséele 14 mai 1993,sur

le mêmesujet, dans le même but, par l'Assembléede l'organisation mondialede la

Santé. Qu'il s'agisse de pallier un échecprobable, en raisonde son irrecevabilité

évidente,dela démarchetentéepar le biais de'OMS, ou plutôtde faire pressionsurla
Cour pour orienter sa réponse,y a là une preuve flagrante du faitque la résonetion

répond pas à un besoin de l'Assembléegénéralemais n'est qu'un élément d'une

campagnepolitiqueorchestrée.

Le gouvemement français rappelle quel'Indonésieavait déjà présenté l9e

novembre 1993,au nom des membresdu Mouvementdes pays non-alignés,lors de la

48ème session de l'Assembléegénéraledes Nations unies, un projet de résolution (AIC.11481L.25)qui aurait demandéà la cour de répondreàla question:"Y a-t-il des

circonstancesdans lesquelles le droit intemationai autorise la menace ou l'emploi de

l'arme nucie?n(3)

Le 19 novembre, la délkgationindonésienned~klarait(~)que "pour nepas

affaiblir l'impulsiondonnpar les progrèen cours dans le domaine du désumement
"lespays nonalignésont...décidéde nepasinsister pour qu'une décisiondéfinitivesoit

prise sur le projet de résolutionAIC.1148l..".Ainsi, les promoteurs mêmed'une

demande d'avis consultatif slesarmes nucléairesreconnaissaientqu'une demandede

cet ordrrisquaitd'avoirdes effetsnégatifssur des négociationsen cours.

La résolution49175Ka étéadoptéepar l'Assembléegénérale le 15 décembre

1994 par 78 voix contre 43 (dont celles de quatre Etat sotésd'armes nucléaires:
France,Etats-Unis, Royaume-Uniet Russie, laChine n'ayantpas prpartau vote) avec

38 abstentions (5)0, ne peut que constater que, l'Organisation des Nations Unies

comprenant 185 Etat msembres, environ 40°1" de ceux-ci seulement ont approuvé la

résolution.

L'adoptiondela résolution avait récédée:

-d'unvote surune motiond'ajournement,présentéepar laFrance ,t qui avait
étérepousséepar 68 voixcontre58avec 26 abstentions(6),

-d'un vote sur une "motionde non-action" concernant un amendement orai,

également présentpéarla Franceet tendantàla suppression, dans la demande adressée

3 -AlC.1148lSR.23,p.9 et rapport de la Ière commission,Al481676,p.10.

4 -AfC.11481SR 30, p.2.

5 -Al49lPV.90, p.36

6 -ibid., p.21 i la Cour, des mots"dansles meilleursdéais"; cette motion a étéadoptpar 61 voix

contre 56, ave30 abstention(7).

Auparavant, le18 novembre, en lère commission, le projet avait fait l'objet

d'une "motionde non-action"présentépar leMaroc et qui avait recueilli45 voix contre

67 avec 15 abstentions@). ilavait alorsété votépar TI voix contre 33, avec 21

abstention(9).

Cesvotes, et leur évolutientre l'examende la question en lèrecommissionet

son examenen plénière,fontapparaître lesréservesde nombre de délégations 1'6gard

durenouvellementd'une démarche qui avait échouel'annéeprécedenteen raiso de son
inoppominité.

Il ressort en effet desdébatsqui ont étéconsacrésà cette questiontant en lère

commissionqu'en séance plénièrq eue la présentationde la résolutionen cause a été

inspiréepar des mobilespolitiques étrangers aux préoccupatnrsidiques et à l'intérêt

des travaux de l'Assemblée générale el;le avait pour but d'obtenir de la Cour une

réponse déterminés e,ns que les auteurs, malgré lesavertissements qui leur ont ét6

donnés à ce sujet, prennent en considération lesdangers que pourrait présenune

réponsedela Cour àune demandepar ailleurssansobjetréel.

La résolution49175Ka en effet rencontréde vives oppositions, et ceci non

seulementde la part d'Etats, comme laFrance, dotésd'armes nucléaires,mais aussi

d'autres Etats, dont des Etats qui appartiennent au groupe mêmedont les instances

politiquesontdécidésa présentation.

7 -ibid., p.29

8 -AlC.1149lPV.24,p.8
9 -ibid., p.14 Lors de l'adoptiondecetterésolution,sespartisans n'ont nuilementexprime la

prémxpation d'obtenir un avisjuridique qui serait, en raison d'évenementsnouveaux

survenus depuis la sessionprécedente ,evenu necessaire à l'accomplissement des

fonctionsde l'Assembléegénéraiei;ls n'ontdansleur majorité, invoquque lanéesité

de mettre en Œuvre des decisionsprises lors de rkunions des ministresdu Mouvement

des Non-alignés.II suffit à cet kgard de citer l'interveparolaquelle le deléguede

l'Indonésie(qui présentaitle projet de résolutionau nom des CO-auteus'est opposé,

lors du débat en plénière,à la motion d'ajournement présentéepar la délégation

française:

"...je voudrais,au nom de ma délégationd, ue que nous apprécionsla

motion tendant à ne pas prendre de décisionsur le projet de résolution,tek

qu'elle a étéproposée parla délégationfrançaise.Cependant, parprincipe, les

pays non alignésappuientles décisions prisaux Réunionsministériellesqui ont

eu lieu au Caire en juin 1994 età New-York le 5 octobre 1994. A cet kgard,

compte tenu de la nécessitéde mettre en oeuvre la décisionprise aux réunions

interministériellesdu Mouvement desNon-alignés, je demande à tous les pays

membres du Mouvementde s'opposer àcette motion tendantà nepas prendre de

décision";

ou encore, la déclaration parlaquelle ce mêmedélégué s'est opposé à
l'amendementde la résolution,proposépar laFrance et tendantàla suppression,dansla

demanded'avis, des mots "dansles meilleursdélais":

"Pour les raisonsque j'ai déjàévoquées, a délégatiovoudrait déposer

une motion de non-actionconcernantl'amendementproposépar la France pour

la simple raison que cette décisiona étéprisàdeux réunionsministériellesdu

Mouvement des~on-ali~nés"(lO), On notera qu'ainsi quel'a soulignéla délégatid'un des Etats membresde ce

mouvement(Il), le consensussur ce sujet s'étaitérodéau sein des Non-alignes depuis

l'adoptiondes décisionévoquk~et qu'un nombre nonnégligeable de ses membresont

exprime par leurs votes l'intentionque toute décisionsur la résolutionajournéeou

mémese sontprononcéscontre cettrésolution.

Lorsdes débats en Ièrecommissionet en plénièrep, eu dejustificationsde fond,

sinonaucune, n'ont étédonnéesde la nécessitéd'interrogerla Cour. Lorsqu'ellesl'ont

été,aucune référenc e l'acwrnplissementdes fonctionsde 1'Assëmbléegenkralen'a été

faite. Une délégatio(12) a exprimé l'opinioqu'un avis de la Cour seraitdenatur àe

faciliter, "notamment", des progrèsvers le renforcement du Trait6 sur la non

prolifération desamies nucléaireset d'un désarmementtotal; on peut mentionneraussi

les propos, révélateurdu fait que la demande ne correspondqu'à la recherche de

moyensà l'appui d'unobjectif politique,d'une autre délégatio(13) qui, pourjustifier

l'opportunitdu votedu projet de résolution, a déclaré:

"...nous pensons que les membres de la communauté internationale

devraient êtreen mesure d'étudiertous les moyens permettant d'instaurer un

mondeexempt dela menace,del'emploiou dudéploiemend t 'armesnucléaireset

autresarmes dedestructionmassive".

La plupart des intervenants,pourtant, dontl'argumentation,pour certains très

développée,n'a reçu aucune réponse, ont souligné le caractèreinjustifié et
l'inopportunitd'une demanded'avis à la Cour, et instammentdemandéaux auteurs de

nepas insister surleur proposition.

Il - Maroc,AIC.1149lPV.24,p.6

12 -Papouasie-Nouvelle-Guinée ,/C.1/49/PV24, p.3

13 -République islamiqued'Iran, AlCl49lPV.90, p.29 Plusieurs délegationsont exprime la crainte que le vote de la résolution

appaTaissecommeune tentative, préjudiciablau prestigeautant de l'Assembléegénemle

quede la Cour ,e fairepressionsur cettdernièreet d'orientersaréponseau moment

où eiie étaitdéjàsaisie d'une demande de l'OMS relativeà la licéitéde l'emploi des

armesnucléaires(14).

ïia étésouiignéque la question soulevée n'étaias d'une nature telle qu'elle

puisse êtresoumise à un examen judiciaire (lS), mais qu'elle &taitessentiellement

politique, fort controversée,et qu'elle mettaitcause la politique et la doctrine de

sécuritédes Etats,et touchaitauxdroits souverainsde ceux(16).

On a aussi observéqu'il n'existait pas de motif d'adresserà la Cour une

demanded'avisconsultatif aumomentprécisoù la fin dela guerre froide permettait que

lesnégociationssur le désarmemenpt rennenun nouvelélan 17).

On a fait valoir qu'un avis de la Cour ne pourrait avoir aucun effet pratique

positif sur les négociationsen cours dans le domaine du désarmement, ni,de façon

générale,sur la paix et la sécurinternationales(la)Le délégué du Maroc à la lkre

commissiondéclaraitA ce propos:

"La délégation du Maroc pense qu'un avis consultatif sur une question

essentiellement politiqqui suscite de nombreuses controverses n'aurait en

14 -Mm, Allemagne, Royaume-Uni,AlC.1/49/PV.24., pp.6, 7, 9.

15 -Australie, AIC.1149lPV.24,p.15.

16 -Royaume-Uni,Benin, , AIC.1149lPV.24,pp.9 et 11
17 -Benin, AIC.1149lPV.24

18 -Royaume-Uni, AIC.11491PV.24 pratiqueque peu d'effet, les armes n'ayantjamaiétélimitéesou interdites que

parla negociationd'untraité"(19).

etceluidu Benin:

"Le Bénin est convaincu que la force et l'efficacitédes mesures et

accords de desarmement résident plus dans l'acceptation par les parties

concernéesdes conclusionsde leurs ntgociations que dans un quelconqueavis

juridiquequi, en dernièranalyse,ne se prononceraque sur un aspectd'un sujet

de grande préoccupationour la communauté internationale.
Le désarmementmultilatéral s'inscrivantdans le cadre golbal des

activitésde l'Assembléegénéraleoù les Etats exercentleur droit souverain,',ie
recoursà un avis, mêmeconsultatif, constitueun prWent préjudiciablA Œ

droit"(20).

En outre, a-t-on fait remarquer, un avis de la Cour sur la question pos&
pourrait avoir, sur les négociaten cours, un effet négatif.Quelle quesoiten effetla

réponsedonnée,elle risquait dedonner naissanceà de nouvelles oppositionsentr es
Etats (21), d'introduire l'incertitudesur les bases sur lesquelles étaient entlesrises

négociationet de durcirles positions(22).Ce sodu resteces mêmes considérationqui
avaient conduitau retraiten 1993d'unprojet derésolutisur ce sujet (23).

La crainte a étexpriméequ'une réponse dela Cour puisse porteratteinte à la

confiance dans certains traitésmultilatérauxexistantssur lesquels les Etats se reposent

pour leur sécuri(24)

19 -Maroc, AlC.1149lPV.24 ,p.6.

20 -Bénin,A/C.1/49/PV.24, p.11

21 -Royaume-Uni,AIC.1149lPV.24,p.9

22 -Royaume-Uni,AIC.1149lPV.24,p.9

23 -Malte, AIC.1149/PV.24.,p.9

24 -Royaume-Uni,AIC.1149lPV.24,p.9 Enfin i, a été souligné(25) qu'une telle réponse risqueraitde detourner

l'attention de l'accumulationd'armes conventionnellesedes programmes clandestins

d'acquisition d'armes de destruction massive et de leurs vecteurs qui &enemurs

dansdenombreusesrégions dumonde.

4 - De l'avis du gouvemement français, la première "raison décisive"qui
devraitconduire la Cour à pas répondreà laquestionposéepar la résolution49/75K

est que, sous un habillagejuridique hcettquestionn'est-pasde naturejuridique.

Le gouvemement français n'insisterpas à cet 6gard sur le fa-qui ressortà

l'évidencedes circonstancesde son adoptio(v.supra,para.3)que la questionestposée

à des fins politiques.Il sait que les motivationspolitiques d'une demande d'avis

consultatifne constituepas en elles-mêmes,d'aprèsla jurisprudence de la Cour,un

motifpour nepasy répondre.

Mais il saitaussi que, conformémentaux exigencesdes articles de laCharte

et 65 de son Statut, si la Cour décidede réponàrune questiondont les motivations

sont politiques, c'està la conditionque la questionposéesoit, elle-, ne "question

juridique" et relèvede l'exercice normal de ses fonctions judicia"Siune question

n'est pas juridique, la Cour n'a pas de pouvoir discrétionnaireen la matiere: eiie doit

refuserde donner l'avisqui luiest demand(26).

25 -France, Royaume-Uni, AIC. 1/49/PV.24., pp.9 et 10
26 - C.I.J., avis consultatif,20 juillet Cenainesdépensesdes NarionsUnies,Rec.I%2,
p. 155 Or la question posée dana résolution49/75K est en soi denature politiqueet

non juridique, en ce sens qu'eue chercheà obtenir de la Cour que celle-ci, allant

clairementaudelà dela volontébien etablie des Etatse prononce sur des problemes

que ceux4 n'ont pas traités. n le verra, les Etats ont délibéréktvitéd'aborder,

directementou indirectement,le problemedearmes nucléairessous l'angle de la lidité

de leur emploiou de la menacede leur emplLa.résolution49/75K tend à entraîner la

Cour, en la faisant particiAun débatlui-même purement politique, dansun domaine

qui ne relèvepas dsa fonctionjudiciaire.

Ces considérationsdevraient, de l'avis dela France, conduire la Cour à

constater que, toutes autres considératsisesà part, elle ne peut pasrépondrà la

demanded'avisprésentée palra résolution49/75K.

5 - En outre, la question posée parcette résolutionse caractériseparsa

généralitét son caractèrevagueet imprécis,alors que, selonl'articdu6Statutde la

Cour, lesdemandesd'avisconsultatifdoiventêtreformulées"en termesprécis".

Ici, il ne s'agitpas de l'interpréd'untraitédéterminéo,u de l'application

d'une règle dedroit internationaldéterminé, u mêmed'une branche déterminée du

droit internation11est demandé à la Cour de se prononcesurla licéide la menace
ou de l'emploides armesnucléairesau regardde règlesnon précisées ee droit. Ni les

règlesjuridiques qui pourraient éventuelleêt treen cause ni les élémese fait qui

pourraient éventuellement tpertinentsn'ontété indiqués.

A n'en pas douter, cette imprécisest dueau fait que les promoteursde la

question poséne cherchentpas la réponse un problemejuridique réel dontla solution

serait nécessaire, ou mêmesimplement utile, à l'exercice des compétencesde l'Assembléegénérale.ils cherchent seulement, par une résolution qui s'efforce

d'orienterla réponsede lCour , obtenir dcelle-cqu'elle leur fournissedes éiéments

quipuissent venirà l'appuide leurs thèsespolitiques.

On est loin de la situation qupar exemple, a conduitla Cour à répondre,

malgréses aspectspolitiques, à la demanded'avis relativeaux conditionsde l'admission

d'un Etat commemembre desNationsunies, en déclarant:

"il a été.prétenduque la questionposée doit êtretenue pour politique

et qu'elle échapperaitàcetitre,à la compétencede la Cour. La Cour ne peut

attribuerun mactère politiqueàune demande libelléen termesabstraits, quen

lui déféxantl'interprétationd'untext eonventionnel, l'invite à remplir une

fonctionessentiellementjudiciaire"(27).

Dans le mêmeavis, la Cour précisaitencore la portéede l'expression"question

juridique":

"Fixer la portéed'un texte conventionnel, dansl'espècedéterminerle

caractère(limitatif ou nonlimitatif) des conditions d'admissionqui s'y trouvent

énoncées,est un problèmed'interprétationet, partant, une question juridique"

(28).

Non seulement la questioposéese caractérisepar son imprécision,maiselle est

aussi, comme l'ont souligné certains Etatslors du débat sur l'adoption en lkre

commissionde la résolution49/75K (29), purementabstraite ethypothktique.

27 -C.I.J. avis consultatif,Condirionl'admission d'unEtarcomme membredes Nations
Unies (an.4), Rec.1947-1948, p. 61
28- ibid,p.61

29 -Maroc, A.Cl149lPV.24, p.6 6 - Certes, la Cour peut donner un avis juridique sur une questionabstraite.

Mais, dans la mesure où la question supposerait des spéculationssur les circonstances

dans lesquelleslamenace ou l'emploides axmesnucléairesseraient contraires au droit

international, la Cour ne pourrait disposerdes 616mentsconcrets nécessairespour y

donneruneréponse juridique.

Ainsique la Cour l'a indiqué:

"Pour être à mêmede se prononcer sur des questions juridiques, un

mbunal doit avoir connaissance des faits correspondants, les prendre en

considératioet, lecaséchéants,tatueràleur sujet"(30).

La fonctionjudiciaire impliquel'applicationde reglesjuridiquàdes situations
spécifiques.Alors mêmequ'elle a à connaître de situationpassées ou actuelles, donc

dont les élémentf sactuels sont relativementbien définisou faciles à établir,la Cour

estime devoir faire preuve d'une prudence particulièrepour la prise en compte des

informations nécessairesà la formation de son jugement (31). Ici, en revanche, une

réponseà la question poséà la Courpourrait entraîner celle-cidansdes spéculations sur

les situations largement imprévisiblet très diverses dans lesquelles pourmient être

employésdifférentstypes d'armesnucléaires, surles conditionsnon moins hypothétiques

dans lesquelles pourraitavoir lieu cetemploiou sur les effets, trèsdiffére,e ceiui-

ci, ou encore sur lescirconstancesdanslesquellesil pourryiavoir recoursàla menace

d'un tel emploi.

30 - C.I.J.avisconsultatif,21juin 1971, Conséquence jsridiquespourlesErarsde la
présence conrinuede l'AfriqueduSudenNamibie(Sud-Ouest africain)nonobstantla résolution
276(1970)duconseilde sécurité R,ec.1971,p.27

31 -cf par exemple CIJ,arrêtdu 27juin 1986, Affairedesactivitémilitairesetparamilitaires
auNicaraguaetconrrecelui-ci,Rec.1986, pp.39 et5s. ïi est matériellementimpossible que la Cour se livre à un tel examen

systématique apriori, pourqualifierjuridiquement lesdiverfaitsou situations qu'elle

aurait envisagésLe lui demander est, del'avis du gouvernementfrançais, méconnaître

sa fonction judiciairLa Cour ne peut fonder une appréciation juridique sur des

"circonstances"qu'elledevraitelle-mêmétablir.

De plus, compte tenu notamment du fait que certains emplois massifs d'armes

conventionnellespeuvent avoir des conséquences aussgraves, voire plus gmves, que
celles de l'emploid'armes nucléaires, laCour estimerasans doute qu'il ne lui appartient

pas d'établirdes distinctioiàoù le droit n'en établpas,et que l'examenauquel on

tente dela conduireestjuridiquementinapproprié.

7 -En outre, si la Cour esen principe favorableà ce que réponsesoit donnée

aux demandes d'avis consultatif, c'est dans la mesure oùsaréponse "constitueune
~(32)
participationde la Cou(..) àl'action del'organisation .

Or une réponsedonnéepar la Cour, loin de constituer une contribution positive
à l'accomplissementdes fonctions de l'Assembléegénérale,et des Nations Unies dans

leur ensemble, nepourrait avoir qu'une incidence négatsur les négociatioen murs

pour parvenirà unmondeplus sûr.

8 - Non seulementla réponse à la questionposéene pourrait êtreétabliequ'à

partir d'élémentcsontestables, mais on voit mal en quoi cette réponse,quelle qu'elle

soit, pourraitconstituerune "participationde la Cour àl'action" de l'Assgénérale

et aurait "un effet pratiàl'heureactuelle" (33). Ni la résolution49K7ni les débats

32 -C.I J.,avisconsultatif,30 mars1950,InterprérarionesTrait depatc conclusavec la
Bulgarie,la Hongrie'e14 Roumanie,Rec.1950, p.71

33 -CIJ, avis consultatif, 16octobre 1975,Sahara occidental,Rec.1975, p.37 qui ont prMé l'adoptionde cette résolutionne contiennent la moindre justificationde

la nécessitéou de l'utilitéd'une telle réponsepour l'action propre de l'Assemblée

génémle . emotif en est simple:la réponsen'estni nécessaini utilà l'Assemblée(ou

àl'Organisationdans sonensemble pour l'accomplissementde sesfonctions.

ïi résulteen effet de la Charteelle-mêqueles décisionsde désarmemena tinsi

que la réglementation des armementrselèventdes pouvoirs souverains des Etats. Aux

termesdu ler pamgmphede l'article 11de la Charte:

"L'Assemblée générale peut étudier les principes générauxde

coopérationpour le maintiende la paix et de lasécurinternationales,y compris

les principes régissantle désarmementet la réglementationdes armements, et

faire, sur ces principes, des recommandations soit aux Membres de

l'organisation, soitau Conseil desécurit,oitaux Membres del'organisation et
au Conseilde sécurité".

et selonl'article26:

"...le Conseilde sécurité escthargé...d'élaborerdes plans qui seront

soumis aux Membres de l'organisation en vue d'établir un système de

réglementation deasrmements".

34 - Il est caactéristiquà,cet égard,que, lors del'adoptionpar le Conseilde sécuritél,e 11
avril 1995,de la résolution984 (1995)relative aux assurancesdesécuritérécemmentdonnées
par les cinq Etats dotésd'armesnucléaires(cf para.32 ci-dessous),aucunreprésentantn'ait fait
mentionde la demanded'avisconsultatifadressée A la Cour. Bien plus, si les dangersprkntés
par les armes nucléairesont étéamplement évoqués,la question de leur licé'ité n'a 6té
qu'effleurée,par un seul représentant, celuide la Malaisie, qui s'est bornéà regretter que le
paragraphe 9 de la résolution"écartela question dela légalide l'emploi d'armesnucléaires
car il justifie i'emploioula menace del'emploi d'armes nucléairsncas de légitime défense".
Cette remarqueconstitueune reconnaissancedu fait que l'emploi desarmes nucléairesest licite
au regarddu droit positif(SIPV.3514,p.16). La réponsede la Cour, quelle qu'elle soit, n'aurait donc, s'agissant d'un avis

consultatif, non obligatoire, etneus'adresspas aux Uats,juridiquement pasd'effet

surl'action dceux-cidans un domaine quireIèvede l'exercicede leursouveraineté.

En revanche,l'absence d'un avisconsultatif portantsur la Mité de l'emploiou

de la menace d'emploi de telle ou telie arme ne fait nullement obstacl8 ce que

l'Assembléegénérale exerce dansce domainele pouvoir de recommandationqui est ie

sien. On ne peut du resteque constater, s'agissant darmes nucléaires, quecette

absence n'a pasempêché jusqu'à présentl'Assembléed'adopter des recommandations

touchantces armes.

9 - LaFrance q,i est au nombre deEtat qsuise sontopposésavec vigueur à
l'adoptionde la résoluti49175K ,spère que laCour voudra bien tenir compte, dans

son examen de l'opportunitéde donner réponse à la demande d'avis qui lui a été

adressée, desconsidératioqui précèdent.

Ilressort à l'évidencedes débatsqui ont précédl'adoption de la résolution

49/75, et du textemêmede cette résoluti(35) que sesauteurs et lesEtats qui ont voté

en sa faveur n'ont pas recherchél'&laircissementd'un pointjuridique, mais qu'ils ont

eu pour seulbut d'obtenir de la Cour l'affirmationde l'illen toutes circonstances

de l'emploi des armes nucléaires etde la menace d'un tel emploiïi est non moins

évidentqu'à traversla contestatisans le moindrefondementjuridique, de la iicédeé

cet emploi, ou de la menaced'un tel emploi, c'est la possessionmde ces armes qui

est visée,et quela demande, malgrl'aspectgénéral dontna prétendula revêtir, etn
fait dirigée contre la politique de défenseet de sécuritédes Etats dotés d'mes

nucléaires,dontla situation est pourtant consear plusieurstraités,dontTrait sur

35- cf ler, 3ème,5èmeet 6èmealineasdu préambule. la non-prolifératioIIest clair enfinqucettedémarchen'a pas pour objectifde faciliter

I'accomplissementdes fonctionsde l'Assembléegénérale,mais n'est inspirée que par

l'espoirde trouver dans une réponsede la Cour un appui à des politiques nationaies

tendantà undésarmement,nongénédet complet, maisqui s'appliqueraitsélectivement

aux seulesarmesnucléaires.

La France est convaincuequ'une telle utilisation de la prdure consultative

n'est pas conforme aux fins pour lesquellescelle-cia été instituépar la Charte. La

procédure consultative est destinéàe permettre à certains organes ou institutions de

recueillir de la Cour un avis juridique qui les assiste dansI'accomplissementde leurs

fonctions. Eue n'a pas pour objet de permettre à tout groupe d'Etats, pussent-ils

recueilli au seinde ces organesou institutionsune majoritédevotes, de faire interroger

la Cour dans le seul but d'obtenir de celle-ci une réponsequi conforte leurspositions

politiques nationales.

La France est en outre convaincue, et elle l'a soulignédevant l'Assemblée

généraleq ,ue les efforts déploysour orienter les délibératiose la Cour ne sontpas

respectueuxde l'indépendance edtu caractèrejudiciairede celle-ci.

Enfin, la question posée,en demandantune déclaration de principe normative

sur une question que les Etatsont délibérémen étvité d'aborderans les instances de

négociationoù ils auraient pu, s'ils l'avaient estiméopportun, la traiter, tànfaire

jouer à la Cour un rôle de législateur,qui n'est pas le sien et qui l'est d'autant moins
que, malgrél'habillage juridique que l'ona donnéàcette question,le problkmesouleve

devant la Cour est un problème exclusivementpolitique, et qui touche à la question

essentielldu maintiende la paix. La Cour ne peut ignorer, danssadécision surl'opportunitéd'une réponse, qu'il

est impossible d'examiner le problkme des mes nucléairesindépendammentde leur

objet réel, questd'éviterla guerre. EUe ne peut ignoreque, depuis des décennies,la

politiquededissuasiona contribueà écarterle risque d'unnouveauconflit mondial.

Or ilne relkvepas dela fonctionjudiciaire de la Cour de seprononcer sur la

place de la politique de dissuasiondanle maintiende la paixmondiale, ou de porter

directementou indirectementune appréciationsur les équiiibre stratégiques actuelsou

sur la politique de dkfense de tel ou tel Etat, ou de tenter de reglementer; & &ge

ferenda,cene politique.En invitant la Cour à de telles demarches, on risque de

compromettre ou discréditerson rôle judiciaire. La question du statut desmes

nucléaires etde leur emploi ne peut pas faire, en I'ktat actuel du droit international,

l'objetd'unavis consultatif.

Mêmesi, directement,l'avis demandéne peut avoir de conséquencejuridique

ou pratique, il neseraipas indifférentque la Cour ait cm devoir prendre position sur

une question éminemmentpolitique. Quel que soit le sens de sa réponse, celle-cine

pourrait, comme nombre d'Etatsl'ont souligné, avoir que desconséquencesnégatives

sur les négociationsinternationales en cours visant à assurer, par la maîtrise des

armements,la paixet la sécuridu monde.

La Franc ceroit donc quela Cour ne devrait pas s'engager dansla voie où on

veut l'entraîner, et qu'elledevraitjuger inopportuneune réponàela demandequi lui a

été adressée. 10 -Bien qu'il espèrequ'elles ne seront pas nécemires, eu égardà ce qui

prédde, le gouvernement français croit devoirprésenter, à titre subsidiaire, des

observationssur le fond de la questionposéà la Cour.

11 - Le premierproblèmequi se pose àproposde cettequestionest celui de son

senset de saportée exacts.

Onle rappelle, la questionsoumiseàla Cour se lit:

"Est-il permis en droit international de recourià la menace ou à l'emploi

d'armesnucléairesen toutecirconstance?"

La question, poséeen ces termes, appelleune réponsesimple et évidente: cette

réponseest négative.La menaceou l'emploi desarmesnucléairesne sont pas permisen

toute circonstance, puisqu'ilest clair qu'ils sont interdits dans tocasloù le droit

internationalinterdit de façon généralla menaceou l'emploi des armes, c'est-à-dire

dans les circonstancesoù cette menace ou cet emploi seraient contraires au principe

coutumier du non-recours àla force repris dans l'arti2paragraphe4 de la Chartedes

NationsUnies. Une telle réponsese suffità elle-mêmel:a questionne demandepas à la
Cour d'aller au-delà, et la Cour s'edu reste déjàamplementprononcée dansd'autres

affaires sur le principedu non-recours à la force et sur son corollaire, le droit de

légitime défense. Si en revanche, allantaudelà du tex& et du sens naturelet ordinairedes termes

dela question, oninterprétaicelie-ci commeinvitantla Couràrechercher s'il existe des

circonstances, et lesquelles, où la menace ou l'emploi des armes nucléairesseraient

interdits alors que la menace ou l'emploi d'autres armes ne le seraient pas, le

gouvernement français démontrera dans la suite de cet exposéque la réponse,pour

autantque la Cours'estimeraiten mesurede la donner, ne poumit êtreque négative.

12- Comptetenu du sujet, le gouvernement françaidoit toutefoisapporter,à

titreliminaire, quelquesprécisionssur le cadrede sesobservations.

Tout d'abord, la questionosée àla Cour :"Est-ilpermis endroit international

de recourir à la menace ou à l'emploi d'armes nucléaireen toutes circonstances?"ne

sauraitêtreinterprétéeomme signifiant que la menaceou l'emploi des armes en cause

ne seraitadmissibleque si ledroit internationalle permettait expressément.

Il convient en effet de rappeler le principe fondamental suivant lequel les

limitationsde souveraineténe se présument pas(36). Le droit des Etaü .. déterminer

l'organisationde leur défense etde choisir librement, sauf règleprohibitive spéciale, les

moyensde défense qui leur conviennent découlede la souverainetéet de l'indépendance

des Etats. Ce principea étéconsacrépar la Cour elle-mêmleorsqu'elle a déclarkqu'"il

n'existepas en droit international de règles,autres que cellesque 1'Etatintéressé peut

accepter,par traitéou autrement,imposant lalimitatidu niveaud'armement d'un Etat
(37).
souverain,ceprincipeétantvalable pourtouslesEtats sansdistinction .

36 - CPJI arrêtdu 7 septembre 1927,affaire duLotus,sérieA, nolO,p. 18.

37 - C.Z.J .rrêtdu 27juin 1986, Aflairedes acrivirs iliraireserparamilitairesauNicaragua
ercontrecelui-ci,Rec.1986,p. 135 La libertédesEtats d'exercerleurs droits ne dépenpas de l'existencede rkgles

permissives, de telles règles n'étantnécessairesque pour apporter des exceptions

éventuelles à une rkgle prohibitive. En l'absence de règle de prohibition "en toute

circonstance", l'emploi ou la menace d'emploi des armes nucléairesdoivent êm

considééscommeautorisés,hors lescirconstances particulièresoù ils seraient interdits.

D'autrepart, la Cour, si elle décidaitde haiter le problèmequi luiest soumis,

ne pourrait, compte tenu desa fonctionjudiciaire, le faire qu'en termesjuridiques, et

non en termes stratégiques, politiquou moraux. En particulier, on le répète,il n'est

pas et il ne saurait êdemandéà la Cour de se prononcer par voie consultativesurles

politiquesde défensesouverainementarrêtéep sar les Etats.En outre, il n'appartiendrait
pas àla Cour de "selancerdans des appréciations'ordre militaire"(38)

De plus, comptetenu du caractèreabstrait de la demande, le gouvernement

français comprend que la référenceau "droit international''qui figure dans celle-cine

peut concernerque les règlesdu droit international applicablesà tous les Etats, c'est-à-

dire du droit internationalcoutumier. La question poséeappelle en effet une réponse

valable pour tous les Etats, indépendammentde leurs engagements conventionnels

particuliers.

Enfin, le gouvernementfrançaisobserve que l'appréciationdes "circonstances"

mentionnées dansla demande ne peut être faiteque dans le respect d'une part des

compétences souverained sesEtats et d'autrepart despouvoirs et attributions desorganes

compétents del'organisationdes NationsUnies, en l'occurrencedu Conseil de sécurité.

contrecelui-ci,Rec.1986,1p. 28.fairedes aaivirésmilitaireserparamilitairesauNicaragua et Les considérationsqui suivent montAt, de l'avis du gouvernementfrançais,

que, si la Cour estimaitpouvoir et devoir répondrelaquestion pok, elle ne pourrait

que constaterl'absenced'une interdictiode menace ou d'emploi portantsurles armes
nucléaires.

13- Le gouvernementfrançais estimequ'il n'existe, dans le droit international

ou coutumier, aucune règlequi s'opposeraitau principe même de l'emploi des

armes nucléaires.

Les règles concernantle recours à la force dans les relations internationales

n'impliquent aucune prohibition spécifiquede la menace ou de l'emploi des armes

nucléaires.Iin'existe aucun principe coutumier fitablissantune telle prohibition. On

trouvebien au contraire dans le droit conventionneldes indicationsmonmt que le droit

international généraladmet l'emploi des armes nucléaires, comme le confument

certaines résolutiodu conseil desécurité.

14 -En ce qui concerne tout d'abord la menaced'emploi des armes nucléaires,

il est clair que,la seule catégoriede menace rpar le droit intemationaigén6raétant

celle de recourà la force, interdpar la règlecoutumikrereprise dans le paragraph2

de l'article4 dela Charte, c'estsouscet angle quela questiondoit examinée. 15 -On notera toutd'abordque les auteursde la question posée la Cour n'ont

pas défini ce que recouvrait, selon eux, la notion de menace d'emploi des armes

nucléaires,ni au regard de quellesrèglesde ce droit la lidité de cette menacedevrait

êveappréciée.

L'article2 paragraphe4 de la Charte ne contient pas de définitionde la notion

de "menace"en elle-même et la pratiquen'a pas permis de dégagerune telle définition.

On peutcependant considérer que l'idéede "menace"au sensdu principedu non-recours

à la force impliquecellede coercitionpour amenerun Etat une conduiteou à.des actes

différentsde ceuxqu'ilpouvaitlibrementchoisir.

Quoi qu'ilen soit, le paragraphe 4 de I'amcle2 de la Charte prohibela menace

de recours à la force "soit contre l'intégritterritorialeou l'indépendance politiqudee

tout Etat, soit de toute autremanièreincompatibleavec les buts des Nations Unies".

est doncindispensable,pourapprécierla licéité d'unrecours à la menaced'emploide la

force, de se référer auobjectifsdela menaceet à la naturede l'actiondans laquelle elle

seraitmise àexécution.Cetteréglementation s'appliqu e la menaced'emploides armes

nucléaires commeà toutemenaced'emploi desmes.

En particulier, l'annonceparun Etat que, s'il est l'objetd'uneagressionarmée,

il fera usage de ses armes, et notamment,le cas échéant, de ses armes nucléaire nse,

sauraitêtreconsidérée comme une "menace de recours à la force" interditpar le droit

international.D'autre pan, l'existencede systèmesmilitairesdéfensifs,qui est conforme

au droit internationalet enparticulierà la Chartedes Nations Unies,et dont la licéité a

expressément été reconnu par la Cour dans l'affaire des acrivirésmiliraires et

paramiliraires au Nicaragua er conrre celui-ci (39), implique en elle-même une

"menace",Ode naturedissuasive.
- ~ p

39 - cf supra, para.12 Considérerqu'il y alà une "menace"interditepar le principe du non-recoursà

la force semit jeter le doute sur toutes les armées du monde. S'agissant plus

particulikrement des armes nucléaires,le fait que le protocole noII au Trait ée

Tlatelolco pour l'interdictiondearmes nucléairesen Amériquelatine, en date du 14

février 1967, et le protocol2 au Traitéde Rarotonga sur la zone dénucléaris5e du

Pacifique Sud, en datedu 6 août 1985 (*) demandent aux Puissances dotéesd'mes

nucléaires,en cettequalité(41),de ne pasrecourir à la menace ou à l'emploi d'mes

nucléaires contreles parties contractantesmontre à l'évidenceque la possessionces

armes pour les besoins de sa défense n'estpas en soi une "menace" interditepar le

principe consacréparle paragraphe4 de l'article 2 de la Charte.

En revanche, dèslors qu'une menace de recours à la force tendà un objef

contraireà l'article 2 paragraphe - étantrappeléque celui-ci ne peut êtrelu qu'en

relation avecson corollaire,l'arti51,et le chapitrVI1de la Charte-cette menaceest

illicite, et ceci indépendammendes moyens qui seraient employéssi la menace était

miseàexécution.

On ne peut donc que constater que, dans certaines circonstances, la menace

d'emploi des mes nucléairespourrait, comme pour touteautre arme, êtreconstitutive

d'un acte contraire au droit international générailen serait ainsi sicettemenace

tombait sous le coup de l'interdiction coutumikre de la menace de recourà la force

arméereprise dans l'article 2 para.4 de la Charte. Mais cette illicéitétiendrait aux

40 -La France n'estpas partià cetinstrument.
41 -L'articl28 para.1c) du Traitéde Tlatelolcopose comme conditionde l'entréeen vigueur
decelui-ci lasignatureduprotocolenoII "par toutesles Puissancesquipossèdendesmes
nucléaires" circonstances et aux objectifs recherchépar la menace, non au fait que celle-ci

impliqueraitdesarmesnucléaires.

L'existence de mités (les protocoles au Traitéde Tlatelolco et au Traitéde

Rarotonga, susmentionnés), dontla portée est lirnitee à la fois géographiquementet

quant auxEtatspouvants'en réclamer,qui interdisentexpressément lamenaced'emploi

des armes nucléaires,confirment que cette menace n'est pas en soi juridiquement

interdite.

16 - La mémeanalysevaut pour l'emploi des armes nucléah. est clair que

dans certainescirconstancesl'emploides armes, dont lesarmes nucléaires,pourraitêtre
constitutifd'unacted'agression.

Toutefois, laqualificationmêmede l'attaquearméeen tant qu'acted'agression

ne résulteraitpas alors de l'arme employéemais des circonstances etdes caractéristiques

de cette attaqueen elle-même.

On noteradu reste que la résolution l'Assemblée généraledes NationsUnies

n03314 (XXiX) du 14 décembre1974, "définitionde l'agression", si elle cite le

bombardement parmi lesactes qui, sous réservede l'appréciatidu conseilde sécurité,

remplissent les conditionsd'un acte d'agression, ne propose aucune indication sur les

armes aveclesquelles pourrait être effece bombardementet, en conséquence, ne vise

pas spécifiquemenltes armesnucléaires.

En tout état de cause, comme le reconnaît la résolution3314 0, il

appartient au Conseilde sécurité,n vertu de l'article 39 deCharte d,constaterun acte d'agression, et cette constatation est effectuéecompte tenu des "circonstances

pertinentes",qui ne peuventpar dkfinitionêtr e6terminées paravance.

17 -L'article2 paragraphe4 ne saurait, on l'a dit, êtrelu indépendammentde

l'articl51 de laCharte qui réserveexpressément l'exercice, 'jusqu'àce que le conseil

de sécuritéait pris les mesures nécessairespour maintenir la paix et la sécurité

internationales",du "droit naturel de légitimedéfenseindividuelle ou collectien"cas

d'agressionarmée, auquel "aucunedispositionde la...Charte ne porteatteinte".

On sait que les domaines réglementé sar le droit coutumier de la légitime

défense etl'article51 de la Charte ne se recouvrent pas exactement, que les rhgles

coutumières etlarhgle conventionnellen'ontpas exactement lemême contenu et que ces
règles conservent une existencjeuridique distincte (42). Mais ni le droit coutumier

applicableà la légitimedéfenseindividuelleet collectiveni l'article 51 de la Charte ne

règlemententni ne limitent les moyens militairespar lesquels un Etat peut exercer son

droitnaturelde légitimedéfense.

Certains, pourétayerleurs thèses selonlesquellesl'emploides armes nucléaires

serait prohibé, croientpouvoir avancer que cet emploine pourrait êtreconforme à la

règle wutumikre selon laquelle la légitimedéfense"ne justifierait que des mesures

proportionnées l'agressionmée subie, etnécessaires pour yriposter"(43).

Ces affirmations sont sansaucun fondementet constituent de simples pétitions

de principe. L'évaluatiode la nécessitet de la proportionnalitédes mesuresde riposte

42 - CIJ, arrêt du27juin 1986,Affairedes acrivirés miliraiesparamilirairesauNicaraguaer
conrrecelui-ci,Rec. 1986,p.94 et ss

43 - C.I.J., arrêtdu27juin 1986,Affairedes acrivirés ilitairesetparamilitairesauNicaragua
ercorurecelui-ci,Rec.1986, p.94) à l'agression,généralemen atcceptéescommeliéesàla notionde légitimedéfense (44),

est essentiellement tributaire des circonstances et ne peut relever d'interdictions

spécifiquesétabliesa prioriElledependde la nature de l'agression,dson ampleur, du

risque qu'eue fait couriret del'adaptationla réplique au butdéfensifrecherché,c'est-

à-dire de la capacitédes moyens employésde faire échecà l'agression. Ce critère&

proportionnaliténe permet pas en lui-même d'exclurepar principe l'utilisation, qce

soit en riposte ou en premier emploi, de quelque arme déterminée que ce soit, et

notammentde l'armenucléaire,dès lors quecet emploivise à faire facà une agression,

et qu'il apparaît comme le moyen adéquatpour faire face à celle-ci. Toute autre

conclusion viderait la notion même delégitimedéfensede son senset de sa portée.

L'établissemenat prion d'une réglementatioenn ce domaine nerelkveraiten toucas pas

d'une instancejudiciaire.

La France appelle l'attention sur le fait que, comme pour l'agression,

l'appréciation,dans chaque cas, des divers éléments'une situation dontil est saisi en

vertu de l'artic51 relève,aux termesmêmes de la Charte, de la compétencedu Conseil

de sécuritéT. outefois chaqueEtat souverain,avant quele Conseil ait pris les mesures

nécessairespour maintenirla paix et la sécurité internationd,ispose également desa

propre libertéd'appréciatioLe Conseil desécuritépourrait, s'il l'estimaitnécessàire

l'exercicedans uncas particulier descompétencesqui lui sont dévoluepar la Charte et

qu'il détienà l'exclusionde tout autre organeou organisation,demanderà la Cour un

avis consultatif pouréclairerson action. Mais, pour les motifs déjàindiqués,la Cour
pourrait, mêmedans une tellehypothèse,êtreconduiteà estimer impossiblede donner

réponse àune telle question,si celle-ci lui étaitpréseen des termes aussivagueset

imprécis.

44 -même arrêt,Rec.1986, p.103 En tout 6tat de cause,laFranc est convaincue que la Cour, si elle estimait

devoirémettre un avis dansl'affaire présente,pourrait queconstaterqu'aucunerègle

de droit internationalgénéripplicableàla légitimedéfensene s'opposeà l'emploi des

armes nucléairesdans le cadre de celle-cien conformitéavec les règlesgenkralesqui

la concernent.

18- ilestclair quele droit internationalgénérarielatif àla menaceet àl'emploi

de la force dans les relations internationales n'implique aucune prospécifiquede

l'emploides mes nucléairesou de la menacede cet emploi. On ne peut égalementque

constaterl'absenced'autrerkglecoutumikreinterdisantl'emploides armesnucléaires.

19 -11 serait vain de tenter de déduirel'existenced'un pnncipe de prohibition

de l'emploi des armes nucléaires des traitésqui peuvent concerner directement ou

indirectementcet emploi ou des résolutionsque l'Assembléegénérala adoptéessur ce
sujet. Il serait non moins impossible de soutenirque ce pnncipe pounait avoir valeur

coutumikre.

20 - Les régimes conventionnelsqui contiennent des dispositionsrelatives aux

armes nucléaires n'obligenque les Etatsqui sontparties aux traitésles instituantet sont

sans effet l'égard des Etats tiers. Ils concernent l'installation, le placement,

détention,le transfert, la fabrication,les essais ou, dans cecas,la destructiode

ces armes. Ils ne traitent qu'exceptionnellementde l'emploi de celles-ci. Lorsqu'ils
comportent, de la part des Etats dotésd'armes nucléaires qui y souscrivent, une renonciationàcet emploiou à la menaced'un tel emploi (45),ce n'estqu'àl'égardd'un

cercle déterminé d'Eîats, et sous des conditions précises.ils ne contiennent aucune

condamnationjuridique desarmesnucléaires.

Ces simples constatations suffisentétablirqu'ils ne correspondenpas à une

règlede droit international généroiu coutumier, préexistanteou en voie de formation,

quiprohiberaitl'emploiou lamenaced'emploides armesnucléaires.

21 -Un éventuel principe coutumiedr'illiditéde l'emploidesarmes nucléaires

ne saurait nonplus êtrefiré'un textetelque le protocolenoI d8juin 1977additionnel

aux conventionsde Genève de1949.

Tout d'abord, en tant qu'instrumentconventionnel,ce texte ne lie que les

quiy sont parties, sousles réservdont cesEtats ont cm devoir assortirleur ratification

ou adhésion,et il n'est pas opposable aux Etats qui ne l'ont pas accepté.Il n'est en

particulier pas opposabàela France, qui non seulement nel'a pas signmais même a

indiqué,lors de son adoption parla conférencediplomatiquesur la réaffirmationet le

développementdu droit internationalhumanitaire, qui s'est tenàeGenèvede 1974 à

1977, qu'elle ne s'opposeraitpaà un consensusmaisqu'en raison desréservesque lui

inspirait le tex-indépendamment (cc fi-dessous)de toutproblèmed'applicabilitéaux

mes nucléaires- elle ne seconsidèreraitpas commeliéepar ce consensus.Ce protocole

ne saurait donc en tout étatde cause êtreconsidérécomme reflètanten lui-même

1'"opiniojuris" de la France, qui est, en l'affaire présentesanqualitéd'Etat doté

45 -ProtocolenoII au Traitéde Tlatelolcopour l'interdictiondes armes nucleairesen Amérique
latine, 14 février 1967; ProtocoleII au Traitéde Rarotonga sur la zone dénucléariséd eu
PacifiqueSud, 6 août 1985,susvisés. d'armesnucléaires,un des "Etatsparticulièrementintéressé"u sensde lajurisprudence

de la Cour. (46)

En outre, les circonstancesmêmesde lanégociationde ce protocole excluent

que l'on puisse rechercher dans les regles qu'ilpose ou confirme une interdiction

d'emploi de l'arme nucléaire.Dans sa note introductive aux projets de protocoles, le

Comité internationade la Croix-rougeavait eneffetpréciseque "les problkmesrelatifs

aux armes atomiques,bactériologiques et chimiquesontl'objet d'accordsinternationaux

ou de délibérationsentreles gouvernements,et le CICR, en présentantses projets de

protocoles, n'entend donpas les aborder". C'est suce principe que s'est déroulla

conférence,comme en font foi lesdéclarationsde certainsEtats, dontFranc 47), au

cours de la conférence.

Le fait que la conférence n'a pris en considération que les annes

conventionnelles ressortégalementde la créationen son sein d'une commissiad hoc

sur "les armes conventionnelles". On notera que, deux délégatioayant proposéla

suppression du mot "conventionnelle"dans le mandat de ladite commission, en vue

d'étendresa compétenceaux armes nucléaires, bactériologiquee st chimiques, cette

propositiona étérepoussée,le texte du mandat, avec le mot "conventionnelle"ayétk
~ -

46 -C.I.J., arrêtd20 février1969,Affairesdu Plareauconrinemal de la merdu Nord
(Républiqu fe dérale d'AllemagnDe/nemark; Républiquefédéroled'Allemagne/Pays-Bas)
Rec.1969, p.43

47 - Lors de l'adoptiondu protocole, 8juin 1977, le représentantde lFranc aenotamment
déclaré:"La délégationrançaisetient àpréciser très nettement eon gouvernementne saurait
naturel de légitimedéfense"que laFranceoentend exercer dansusaplénitude conformémenaut"droit
l'article 51 de la Charte des Nations unies, ni que les dispositions du Protocole puissent lui
interdire l'emploi d'aucune me spécifique qu'elle juge nécessaire à sa défense. Le
Gouvernementfrançais a pris acte dès 1973 de ce que le CICR n'avait pas inclus dans ses
projets une réglementation desarmesatomiques.En pticipant à l'élaboration desdispositions
des ProtocoIes additionnels, le Gouvernementfrançais n'a donc pren considérationque les
confits menésavec des armementsconventionnels.Il tientuar suiteà rnarauerau'il considkre
pour sa part que les règles desdits protocoles ne stappfiquent pas à l'empfoi des mes
nucléaires" (Actes , p.199, CDDHISR.56,par 3). adoptkpar 68 voix contre Oavec 10 abstentions. De plus, parsa résoluti22, ellea

recommandéla convocationd'uneconférence "envue d'aboutira) à des accordsportant

interdiction ou limitationde l'emploi d'armes conventionnelles spécifiyucompris

celles qui peuvent êtreconsidéréescomme excessivement nocivesou frappant sans

discriminationcomptetenude considerationshumanitaireset d'ordre militaire; etun à

accord surun mécanisme wnçu pour réviser detels accordset examinerlespropositions

d'acmds nouveauxdu même genre".

La France, lorsqu'ellea adhéré e1984 au protocole noIIrelatif àla protection

des victimes des conflits armésnon internationauxa néanmoinsestiménepas pouvoir

devenir partie au protocolenOI,notammentparce qu'elle n'avpas discerné,Ionde la

conférence,un consensus suffisant sla portéeexacte des obligations qu'assumeraient
en matièrededissuasionles Etatsqui accepteraientd'êliéspar cet instrument(48).

Elle ne peut cependant que constater que plusieurs Etats ont assorti leur

signatureou leur ratificationde déclarationsil ressort que les règlesintroduitespar

le protocolen'interdisentni ne reglemententl'emploidesarmes non conventionnelles, et

en particulier desarmesnucléaires.Ces déclarationsn'ont, à sa connaissancefait l'objet

d'aucunecontestation.

Ainsi, le problèmede l'emploides armes nucléaira étédélibérémee ntclu du

plus récenteffort général de codificaet de développemendtu droit humanitaire.

48 - Une explication de vote, écrite,par laquelle l'Inde a indiquéqu'elle s'&taitjointe au
consensussur l'actuelarticle "étantentenduque les règlesfondamentalescontenues danscet
article s'appliqueront toutes les catégories d'armes, à savoir les armes nucléaires,
bactériologiques, chimiques, conventionnelles, u toute autre catégorie d'armes (Actes
susceptiblesde créerune ambiguïté surpointessentiel.ux ci-dessus évoqués lui paraissaient On voit aussi que lEtatspar&icipatàlaconférence onestim éue les règles

figurant danle protocolene pouvaienpasen eues-mêmessuffireà ktablil'illi ceéité

l'emploid'armes spécifiques, quelqutyp eu'ellesappartiennent.

22 - L'Assembléegénémledes Nations unies a adopté certai nésolutions

affirmant soit dans leur dispositif,soit plus souvent,au cours des dernièsousnnh,

forme de "rappel" figurant dans leur préambul'illic dkipréncipe de l'emploides

armes nucléaires:cet emploiconstituerait, affirmentces résolutions,une violation de la
Charte desNations unies, uncrime contrel'humanité(49).

On ne peut envisagerquces résolutiopuissent en elles-mêmes ête source

d'une règlejundique.En dehors du fait que les résolutionsde l'Assembléen'pas

valeur juridique contraignante, les conditions d'adoption de celles-ci, par des votes

comportantune trèsforte oppositionminoritaire, dontcelle des Etatsles plusintéressés,

avec une importante abstention, empêcheraitn tout étatde cause de les considérer

comme déclaratoiresde règlesjuridiques préexistanteset mêmecomme expression

probante d'uneopiniojulis, fût-cede la part desEtats qui les ont soutenues(50).

23- On rappelleralesconditionsde formationde la coutumetelles que définies

parla jurisprudence de laCour. Ainsi quel'adéclaré celle-ci:

"La substancedu droit internationalcoutumier doit êtrerecherchéeen

premier lieu dans la pratique effecetvl'opinijurisdes Etats, mêmesi les

49 - Pmi ces résolutions,celles qui sont le plus souventévoqpar les partisans d'une
illicéide principe de l'emploi des armesnucléairessontla résolutio01653 "déclaration
sur l'interdictiondel'emploi des armesnucléaireset thermonucléaires"du24 novembre 1961et
la résolution 2936(XXVII) du 29 novembre 1972. Elles ont &tésuivies d'une série de
résolutionsRés.33171B, 351152D, 36/92 1,45159B ,46137 D, 47/53 Cet 48/76B) déclarant
conclusiond'une conventioninterdisantla menaceet l'emploide ces armes.nafaveur de la

50 -cf para.29 ci-dessous conventions multilatéraleseuventavoir un rôle importantàjouer en enregistrant

et définissanlesrèglesdérivéed selacoutumeou même en les

Le faitque la pratiquesoitgénérale "unrôle essentiel"dans laformationde la

coutume, et ilest indispensable que les Etats "qui sontparticuiikrementintéressésy

participent(52).En l'espèce présenteu,ne "pratique"en la matièrene pourraitvenirque
des Etatsauxquelsle statutd'Etatsdotésd'armes nucléaire s étéreconnu.

Le gouvernementfrançaisentend montrerque la jmtique et l'opiniojuride ces

Etats etI'opiniojurisdesEtats qui ne disposentpas de cesarmes attestent l'inexistence

d'une règle wutumièred'interdictionde l'emploi des armes nucléairesB . ien plula

pratique etl'opiniojurisdes uns et des autresvont dans le sensde l'inexistenced'une

teile règle.

24 - S'agissantde la pratique des Etats dos'mes nucléaires,on constate,et

l'on ne peut évidemmentque s'en féliciter,qu'aucund'entre eux n'a fait usage de ces
armes depuis le dernier conflit mondial. On ne saurait cependanten déduire l'existence

d'une pratique de "non-emploi" fondée surla conviction de se conformer à une

obligation juridique, eyvoir le signe d'une coutumeétablieou en voie de formation.

Tout d'abord, pour que cette abstentionpuisseêtainsi considéréei, aurait fallu queles

Etats en cause setrouvent confrontésà une situation réunissanltes conditionsqu'eux-

mêmesmettent à l'emploi de leurs armes nucléaires;or ce cas ne s'est pas présenté,

grâce, au moinsen partie, aux effetsde la politiquede dissuasion.

51 - C.I.J., arrêtdu 3juin 1985affaire duplateauconrinemal(Jarnahiriyu arabe
libyenne/Malte),Rec. 1985, p.29-30, par.27; C.I.J.affairedes activitésmilitairsu
Nicaraguaetcontre celui-ci,Rec.1986, p.97, par.183

52 - C.I.J., arrêtdu 20 février1969, Affairesdu Plareaucontinentalde la mer du Nord
(République fédéraled'AllemagneDanemark; République fédéraled'Allemagne/Pays-Bas),
Rec.1969, p.43 En tout étatde cause, l'affirmation officielleet répee cette politique, de la

part d'Etats qui sont manifestement"les plus intéressés à"la question, l'opposition

desdits Etats aux r&olutions susmentionnéesde l'Assembléegénkale ainsiqu'à la

résoiutio49/75 K elle-même, qui tendàmettre en doute la iicéitde cesarmes, et donc
leur politique de défenseet de sécuriles précisionsou conditions dont ils onassorti

lesengagements conventionnelsde non-emploi qu'ils ont souscrits (53) montrent à

l'évidenceque leurpratiqueetleur opinijuris sont fondéessur la iicéide l'utilisation

desarmes en causeet de la menacede leur utilisation,danslescirconstancesoù le droit

internationaladmetle recours à la forceet à la menacela force, et doncqu'il n'existe

pasde règlecoutumièrequi ent5tabliral'illiceité.

On vena (infr aara.29 et30) que la pratique de nombre d'Etats non dotés

d'armesnucléairesva égalementdansle sens de la licéitdes armes nucléaires etde leur

emploiéventuel.

25 - S'agissantdel'opiniojuris des Etats, il est évidentqn'ya pas d'opinion

générale selonlaquelle l'emploi des armes nucléairesserait illicite ou devraitêtre

spécifiquemenrtendutel.

Comme le note 1'"Etude d'ensemble des armes nucléaires" mise à jour en

septembre 1990 àla suitede la résolution43/75 N (1988)de l'Assembléegénérale (54):

"Bien qu'un vaste débatsoit en cours, dans différentesenceintes, on ne note aucune

convergenced'idéesau sujet des aspectsjuridiques de la possessiond'armesnucléaires et

de leur utilisationentant que moyensdeguerre".

53- La Franc e assortisasignature du ProtocoleIIdu Traité de Tlatelolw d'une déclaration
indiquant notamment: "Le Gouvernement françaisinterprètel'engagement énond à l'article 3
du Protocole comme ne faisant pas obsrac1e au plein exercice du droit de légitimedéfense 1
confirmépar l'article51 dela Chartedes NationsUnies". l

54 -DocumentAl451373du 18septembre 1990,para. 506. 26 - LaFrance n'ignorepasl'existencede certainthèse dé,veloppéejusqu'à

présentessentiellementsur un plan purement doctrinal, souveàtl'appui d'objectifs

politiques ou moraux d'organisationsnon gouvernementalesou associations nationales

opposéesà l'armenucléaireet qui, ne pouvanttrouver dans le droit internationalgknéral

de normespositivesprohibant cesarmes, cherchentà démontrerl'existence d'unprincipe

juridique d'interdictionde leur emploi en bâtisunnraisonnement à partir de règles

relevantde diverses branchesspécial&s du droit international.

Selon ces thèses,qui ont trouvé leurexpression dans certains desexposés

soumis à la Cour à propos de la demanded'avis présentpar l'Organisationmondiale

de la Santé,les rkgles dont on propose la prise en comptepourraient, sans mentionner

directementles armesen cause,s'appliqueàelles par implicationoupar extension.

L'idéeestainsi avancéeque certainesrèglesconcernantle droit humanitaireet

le droit de la guerre, et mêmles droits de l'homme, ou le droit de l'environnement

impliqueraientinterdiction de l'emploi des armes nucléaires.S'agissant desdroits de

l'homme,l'emploi desarmes nucléairesiraità l'encontredu droià la vie, ou mêmeà

l'encontredu respect dela vieprivée,inscrits dans certainesconventionsrelatives aux

droits de l'homme. S'agissantde l'environnement, cet emploi iràil'encontre d'un

principede protectionde l'environnementdéduitde diversesconventions, résolutsuno
déclarations.S'agissantdu "jus ibello",certaines règlesdu droit des conflits armés

impliqueraientinterdictiondecetemploi.

27 - Le gouvernementfrançais ne croit pas qu'il soit nécessairede discuter

longuement des argumentsavancés à l'appui des thèsesselon lesquelles on pourraittrouver dans les normes relativesà la protecticn des droitsde l'hommeou dans le droit

de l'environnementun fondementpour la reconnaissanced'une prohibition de principe

de l'emploi des mes nucléaires.Il est en effet évidentquecesarguments n'ont et ne
peuventavoir en I'espefeaucunepertinence.

Aucune prohibition d'emploi des armes nucléairesne peut être déduite des

principes relatifs aux droits de l'homme, et en particulierdu dmit à lLavsituation

de confliarmé entraînenécessairementdes atteintesà la vie, et lestextes conventionnels

qui consacrent le droit à la vie ne lui reconnaissentpas un caractère absolu. On

mentionnera, àcet égard,le paragraphe2 del'articl15dela convention européennedes

droits de l'homme, du 4 novembre 1950, qui apporte, poules actes licites de guerre,

une exceptionexpliciteauprincipedu droit àla viposé par l'artic2ede la convention.

Ainsi que le montrent les travauxpréparatoires,l'arti6ldu Pacte des Nations Unies

relatif aux droits civils etpolitiques dointerprétdansle même sens.

Comme on le sait, l'idéede protectionde l'environnementen tant qtelest en

fait récente. Cetteprotection constitue un objectif politique et non un principe

juridiquement établi.Elle s'organisepàupeu dans le cadrede conventions spécifiques.

11 serait pour le moins hasardeux de prétendreétablir l'existencà,l'heure

actuelle, de principedu droit internationalgénériu coutumier, reconnus comme tels

ou en voie de formation, concernantla protectionde l'environnementen tempsde conflit
armé.On ne saurait en toutétatde cause en déduirela prohibitiond'emploide certaines

armes, quellesqu'ellessoient.

Certains croient pouvoir trouver une basejuridique adéquatel'appui de leur
1
théorieselon laquelle l'emploides mes nucléaires seraillicite au regadu droit de '

l'environnement dansdes textes commela déclarationde Stockhoimadoptéele 16 juin 1972 par la Conférencedes Nations Unies si l'environnementou la déclarationdeRio

de Janeiro adoptéele 14 juin 1992 par la Conférence desNations Unies sur

l'environnementet le développement.

Cettethèsen'est pasacceptable.Outre le fait quces textesn'ont évidemment

pasvaleur juridique obligatoire, etn'pas davantageacquis uneportéecoutumière,ils

ne concernent à aucun degré, mêmeindirectement, la licéitéde l'emploi des armes

nucléaires.

Aucun indice de l'existence, en droit internationalaoiu coutumier, d'une

interdictionou d'unelimitation del'emploides armesnucléairesne sauraitnon plusêtre

recherchédans les conventionsrelatives au droitde l'environnementou contenantdes

dispositions concernant l'environnement (55), qui ne concernent pas davantage la

conduite des opérations militaires etla réglementationdes armes. OutTele fait que le

caractèreconventionnelde ces textes lesexclutdu champde la question poàéla Cour,

il estbien évidentque les Etats dotésd'armes nucléairesou certains d'entre en'y

seraientpas devenusparties s'ilsavaient pu les considérercommeallaàl'encontrede

leurpolitique déclareans un secteurtouchanà leur sécuritmême.

De façongénéralel,a France observe que la recherchesystématique,t dureste

vaine, d'éventuellespossibilitésde mise en cause de la licéitéde l'emploi armes

nucléairesdans tous lessecteursdu droit qui pourraient,seloncertains,unompport,

silointain soit-il, avec la question, non seulementest un signe du caractkrepartisande

l'entreprise, mais montre égalementque ses auteurs sont conscients de la fragilitéde

leurstheses.

55 - Par exemple, la convention pour la protection dela couche d'ozone, Vienne,22 mars
1985;ou la convention-cadredes NationsUnies sur les changementsclimatiques,New-York,9
mai 1992; ou la convention sur la diversité biologique,Rio de Janeiro, 22 mai 1992; ou la
conventionde l'UNESCO pour la protection du patrimoine mondial culturel et naturel, 16
novembre 1972. Or une telle entrepriqui estfaità propos de l'emploi des armes nucléaires,

mais quipourraitl'êtreplus tard àpropos de n'importequel aspect de l'actiEtab,s

n'estpas sans danger, danlamesure où elle tend à introduire de fâcheuses incertitudes

dansdes secteursimportantsdes relations internationales.

28 - Le gouvernement de la République françai neecroit pas non plus

nécessaire,dansle cadre des présentes observati,e discuter en détaildethès qeui

prétendtrouver dansle droit relatif aux conflitsarmésdes normesjuridiques d'où serait
susceptibled'êtrdéduiteune interdictiond'emploides armesnucléaires.

Les tenantsde cette thèseprennent en particulier appucetégard - sans se

préoccuperdu restede déterminer lesquels oun caractèrecoutumier et lesquelsoun

caractèreconventionne- sur divers règlesou principes énonsans le protocole1du8

juin 1977additionnelaux conventionsde Genèvede 1977, et notamment "l'interdiction

de l'emploid'armes, projectileset matièresainsi que des méthodes deguernatureà

causer des maux superfius" (art.35para.1 du protocole), ou l'interdiction d'emploi

d'armes ou moyensde guerre susceptibles decauser "des dommages étendus,graves et
durables à l'environnement naturel"(art.35, para.2 ), la nécessité d'établirne

distinctionentre lesobjectifs militaires,d'une part, et la populationcivile et sesbiens de

l'autre, ou l'interdiction des attaques sans discrimination, au sens de l'article 51 du

protocole, ou le critèrede proportionnalitparocet article.

Le gouvernementfranpis récuseformellementle raisonnement ainsi proposé.

Outre le fait que ce n'est pas seloncette procédure quesont traditionnellementétablies

les prohibitionsd'emploides armes, la méthode ealéatoire,et ne pourrait en cast

pas aboutir aurésultatsouhaitépar ses auteurs. La these avancée supposequ'il soit établi,selon les méthodesadmises de

déterminationde la coutume, que les différentesrègles évoquéecsorrespondent bien

toutes à des principes coutumiersreconnus comme tels et, dans l'affirmative, que soit

définilecontenuexactde cesprincipes.

Or ce contenu, avec l'évolutide la conceptionmêmedela naturede la guerre

internationaldans les conflitsmajeursou la survenanced'armementset de méthodesde

combatnouvelles,commele bombardementaérien,ainsique lesréalitésdes conflits,en

particulierdu second conflitmondial,a fait l'objet, et fait encore, l'objet de discussions

doctrinales.

A cet égard,le gouvernementfrançaisdoit soulignerà nouveauqueles principes

du droit international coutumier applicables dans les conflits armésne sauraiêtre

recherchésdans le protocole I de 1977. Outre les motifs évoqués ci-dessus (supra,

para.21), si on ne peut contester quecertaines dispositions du protocole trouvent leur

inspirationdans des principdu droit internationalcoutumier, il est flagrant quenlles

constituentàd'autres égardun développement .e titremêmede la conférenceau cours

de laquellecet instrumenta étélaboré":conférencediplomatiquesur la réaffirmatiet

le développement du droit internationalhumanitaireapplicable dans les conflits armés"

en témoigne.Le caractkrenouveau decertainesde sesdispositionsest trop évident our

que l'on s'yattarde (il en est ainsi, par exemple, pour les dispositions desarticles35 et

55 relativesA la protection de l'environnement,et aussi de certaines interdictionsde

représailles).Mais même celles de ses dispositions qui sont fondéessur des principes

généraux de base du droitexistantassortissent ceux-cide conditions etde modalitésnon
prévuespar ce dernier. En tout étatde cause, le protocole ne saurait êtreconsidéré

comme ayant "supplanté"le droit internationalcoutumier nicommela source de règles

qui se semientintégrées l'ensembledudroit internationalgénérlt seraientmaintenant

acceptéesàce titrepar l'opiniojuris desEtats. ïi faudrait ensuite, une fois dégaget définisles principes coutumiers de base

donton considèreraitqu'ilspeuventêtreéventueilemenp t ertinents, établirqu'ils seraient

susceptiblesd'êtreappliquésà l'emploides armesen générae lt des armes nucléairesen
particulier,et qules Etatsen lesétablissant, ontentenduqu'ils s'yappliquent.

il faudrait enfin, une fois identifilesrègles par hypothèse applicablesà ces

armes, étabiir qu'il en ressort une dgle d'interdiction de leur emploi, soit de façon

générale, soistelonles circonstances.

Etant donné le caractère nécasahment abstrait et général des règles

éventuellementformulées,et la diversitéet l'imprévisibilité de l'objetauquel elles

auraient étéreconnues applicables,une conclusionrelativeà la lidité ou à l'illicéide

l'emploi des armes nucléaires impliquerainton une constatation, mais une construction

dudroit.

En outre, il n'existe pas, chez lesEtats, une opiniojuns selon laquelle une

interdictiond'emploi des armes nucléaires découlerad ites principes ou règles du droit

international, quelsqu'ils soient.

29 - S'il est évidentque les Etats dotésd'armes nucléairesqui pratiquent la
politiquede dissuasionconsidèrentla menaceou l'emploi éventuelde ces armes comme

permis par le droit en vigueur, il est non moins évident que,parmi les Etats qui ne

disposentpas des armes en cause, il n'existepas d'opinjuris généraleselon laquelleun

tel emploi serait illicite. Bien plus, on le verra (infra, para.3132) la pmtique de

nombred'entreeux va dansle sensde la licéité de ces armes et de leur emploi éventuel. Certains invoquent cependant, commeprétenduepreuve d'une opiniojuns

généraieselon laquelle l'emploi des armes nucléairesserait illicite, les résolutionssus-

6voquéesdans lesquelles l'Assemblée général aeporté des condamnations contrecet

emploi.En réalité,lesdites résolutions proutlutôt que ceux mêmeq sui posent en

principe que cette utilisation est interdite ont, pour le moins, des incertitudes sur

l'existence de cette interdictenn tantque r&glejuridique s'imposantaux Etats.Le

simple fait, du reste, qu'ils interrogent la Cour cerpoint invalide la prétention

déclaratoiredeces résolutions.

Au surplus, tout enaffirmantune règled'interdictionde l'utilisationdes armes

nucléaires,ces résolutionsont pour objectif opérationnell'ouverture de nkgociations

pour l'établi. Ainspar exemple, la résolution 36/1du 9 décembre1981après avoir
déclaréque "Le recours aux armes nucléaires constituetneviolation delaChart dees

Nationsunies et un crime contre l'humanité",déclaraitque le recoursou la menacede

recoursaux armes nucléaires "devraient donêtreinterdits [ce qui impliquequ'ilsne le

sont pas] en attendant le désarmementnucléaire"et demandait que "l'on envisag...

d'examiner la question d'une convention internationale sur le non-recours aux armes

nucléaireset la prévention la guerre nucléaire,oude tout autre accorden la matière,

comptedûment tenudespropositionset des vuesdesEtats à cetégard".

Cette résolution,comme toutescelles appelant, desformulesdiverses, Ades

études sur la conclusion d'une convention concernant le non-recours aux armes

nucléaires (résolutions 165(XVI) du 24 novembre 1961, 33171 B du 14 décembre

1978, 351152 D du 12 décembre1980 ...)montre que, dans l'esprit même de ses

auteurs,le pnncipe évoquén'estpasjuridiquementconsacré.

La même conclusionpeut êtrtirée des propositifaitesau coursdes dernieres

annéesen vue de la conclusiond'un traitésur l'interdiction des armes nucléa-qui n'ont pasabouti.On peut rappeler,àtitre d'exemples,la formule d'interdiction d'usage

à l'encontredes puissancesnon dotéesd'mes nucléairesréunissant certaines conditions,

qui avaitétéprésentéeen 1990 lors delaconférenced'examendu TNP ou leprojet de

convention sur l'interdictionde l'utilisationdes armes nucléairesprà l'Assemblée

généraledes Nationsuniesen 1991 et à nouveauen 1992(*@.

On notera aussi que nul ne conteste que les engagementsunilathux prpar

certaines puissancesdotéesd'armes nucléairesde npas utiliser en premier ces armes,

ou les assurancesde sécuritrécemmentdonnéespar les cinq membres permanents du

conseil de SeCuritéde ne pas les utiliser contre des puissances non dotéesd'armes

nucléaires partiesauTNP (57), l'onété de fapn discrétionnaireet nonpas en vertu

d'une obligation juridique. Or ces engagements, qui relkvent de la souverainetédes
Etats, ont un contenu qui comporte des limites, en particulier le droit de légitime

défense.

30 - Il ne saurait du reste en être autrement, carla pratique géndans le

domainede l'interdictionou de la rkglementationdes armementsest de procéderpar voie

conventionnelle.

Toutes les interdictions partiellesou totales d'emploi d'armes détersntéeo

été établiesainsi. Il suàfcet égard,de mentionner:

- la déclarationde Saint Pétersbourgdu 29 novembrelll décembre 1868

concernantl'usagede certains projectilesen tempsde guerre,

56 - Résolution46/37 D du 6 décembre1991et résolution47/53 C de 1992, adoptéepar 126
voix contre26,dont laFrance,avec 21abstentions.

57 -cfpara.32 ci-dessous - le protocole de Genkve du 17 juin 1925 concernant la prohibition

d'emploi à la guerre de gaz asphyxiants, toxiques ousimilai rtde moyens

bactériologiques,

-la conventiondu 10avril 1972sur l'interdictionde la mise aupoint, de

la fabricationet du stockagedes armes bactériologiqu(biologiques)ou à toxine

et sur leurdestniction,

-la conventiondu 10 octobre 1980 surl'interdictionou la limitationde

l'emploi de certaines armes classiques qui peuvent êtreconsidéréeswmme

produisant des effets traumatiques excessifs ou comme frappant sans

discrimination,

-la conventiondu 13 janvier 1993surl'interdictionde la mise au point,
de la fabrication, du stockage et de l'emploi des armes chimiques et sur leur

destruction.

La règlementation del'emploid'une arme supposeen effet desregles précises

qui ne peuvent êtreétabliesque par des conventionsspéciales.Il ressort clairementde

leur action diplomatiqueque les Etatsqui souhaitentobtenir une interdictionspécifique

d'emploi de l'me nucléaireindépendamment d'un désarmementgénéral ec tompletet

avant celui-ci n'enestiment pas moins qu'une telle interdiction ne saurait résulter,

comme pour toute autre arme, que de la négociationd'une convention spéciale à cet

effet.

31 - On ne peut donc trouver dansle droit international généolu coutumier

d'interdiction de l'emploi des armes nucléaires.En revanche, le droit conventionnel fournit des indicationstémoignantlalicéiiéiéeoit internationgénéra dil'emploi
de
cesarmesen certainescirconstances.

I1 est rappelé que,de façon généraleledroit conventionnel concernant les

armes nucléaires reconnaît lafiditélaedktentionde ces armespar les "Etats dotes

d'armesnucléaires".

Les traitérelatifs à la maîtrisedes armementsconclus entre Puissances dotées

d'armesnucléairereconnaissent évidemmenltafiditde la détention cesarmes.

Mais c'est sur lTraitédu ler juill1968 sur la non proliférationdes armes
nucléairesque le gouvernementfrançais doit appeler tout spécialementl'attention de la

Cour. Alors que des instruments conventionnels concernantd'autres armes prohibent

pour tous les Etats lapossession(58)ou l'em(59)de cesarmes, le traitésur la non

proliférationreconnaîtexpressémele caractèred'"Etats dotésd'armes nucléaires"aux
Etats"qui ontfabriquéet faitexploserune armenucléaireou un autre dispositif nucléaire

explosifavantle ler janvier 1967" (art. 9, para.3 du Leabut même du Traité est

certes d'éviterla proliférationnucléaire,et donc l'accroissement du nombre des Etats

disposantd'armesnucléaires.Mais, en adhérant,dans l'exercicede leur souveraineté,au
TNP, les 178Uats quiy sontaujourd'huipartiesont expressémentadmisle statutqce

traitéreconnaît, en leur assignant des responsabilitésparticulières, aux Etats dotés

d'armesnucléaireau sens dupamgraphe 3 de sonarticle 9. 1

LaConférencede prorogation duTNP, qui vient de se tenir 2 New-Yorkdu 17 I
avrilau 12mai 1995et à laquelleassistaient 175Etatsparties, a décisans vote la
1

58 -conventiondu 10 avril 1972 surl'interdictionde la mise au point, de la fabricationet du
stockagedesarmes bactériologiqu(biologiques)ouàtoxineet surleur destruction; convention!
susviséedu13 janvier 1993surles armeschimiques.
I
59 -Protocolede Genèvedu 17juin 1925sur les gaz asphyxiants,susvisé prorogationmdkfinie duTrait Aé.cunedes décisions, déclaratioosu recommandations

adoptéeslors de la Conférence ne fait tat de la nécessd'un avis consultatifsur la

licéitéde l'emploi ou la menace d'emploi des armesnucléaires. Ces événements

confirmentle statut des Etats dotés d'armesnucléaireset montrenten mêmetempsque

les problkmes relatifs à ces mes sont traitp éar les Etati indépendammentdes

problèmesjuridiques kventueiiemeliésà celles-ci.

Sans qu'il soit besoinde discuterdu point desavoir si et dansquelle mesurela

licéitéde la détentionimplique directementlicéide l'emploi, ilressortde.plusieurs

autres traitque le droit international laisse ouvepossibilitéd'unemploi desarmes

nucléaires.

Ainsi,le traitéde 1967surl'espaceextra-atmosphérique,e même que le traité

sur la dénuclarïsationdu fond des mers et des océans,qui interdisent le placement

d'armes nucléaires dans certains espaces déterminés,ou le Traitéde 1959 sur

l'Antarctiquequi interditles explosionsnucléaires cette région,en vue d'empêcher

l'utilisation desarmes nucléairesdans les espaces queconcerncestraités,impliquent

par là-même que la présenceou l'emploi, selon le cas, de ces armes seraient licites en

l'absencedetelles dispositions.

De même,en concluant le protocole additionnelnoII au traitéde Tlatelolco

visant l'interdictiondes armesnucléairesen Amériqlatine, qui prkvoitla signaturedu

protocole additionnelnoII audit traitépar "toutesles puissancesqui possèdentdes armes

nucléaires",les Etats qui sont partiàscet instrument ont non seulement reconnu le

statutd'"Eut doté d'armes nucléaires",mais confirméle fait qu'hors engagement

conventionnel contraire, un emploi des armes nucléairesest en soi juridiquement
possible. I1convient de souligner que si elles'avaient estime qu'un principe de droit

international générolu coutumiers'opposaità la reconnaissancedu statut desEtats dotés

d'armes nucléaires,lesmes à ce traitén'auraientpas fait de la participation audit

protocole des Etatspossèdantdes armes nuclkaks une conditionde l'entréeen vigueur

du trait Aé.tout le moins auraient-ellesprsoinde rédiger ceprotocole de sorte que

l'engagementqu'il contient apparaissecommeune simpleconfirmationd'un tel principe.

Tel n'espas lecas.

32 - Outre le droit conventionnelévoqucidessus, des résolutions doConseil

de sécurité,t en particulilarésolution984 tout récemment~adoptélee,11 avril1995,

viennent confirmer non seulement, comme le TNP, le statut d'Eut doté d'armes

nucléaires etmême - ce qu'une délégation, enle regrettant, mais sans apporter de
contestation sur le plan juridique, a du reste expressémentreconnu (*) - que

l'éventualitde l'utilisation de ces mesdans l'exercice du droit naturel de lkgitime

défenseindividuelle et collective conformémenà la Charte n'estpasà écarter.Cette

confirmationa d'autant plus de poids que la résolut984 a ktéadoptéeà l'unanimité

des membresdu Conseil de sécurité, auquelo,n le sait, les Etats membresdes Nations

unies ont conféréla responsabilité principadu maintien de la paix et de la sécurité

internationales, en reconnaissant qu'en s'acquittant des devoirs que lui impcette

responsabilitéle Conseilde sécuriagit "enleur nom".

La résolution255 du 19juin 1968,faisant suiteà l'adoption,par l'Assemblée

généraldeu T.N.P, avait reconnuqu'une menaceou un acte d'agression nucléaicontre

une puissance non dotée d'armes nucléaires"créeraitune situation dans laquelle le

Conseil de sécuritéet, au premier chef, tous ses membres permanentsdotés d'armes

60 -cf note 34 ci-dessus. nucléaires,devraient.agirimmédiatement conformément à leurs obligationsaux termes

de la ChartedesNationsunies".

iiest rappeléque, le6 avril1995, les cinqEtatsdotésd'armes nucléairesont,

par des déclarations nationales, onnédes assurancesde &unté aux Etats non dofésde

ces armes parties au Traitésur la non prolifération.Pour la première fois de telles

déclarationsétaientfaites par les cinq Etatsdotés d'armesnucléaires, pourla première

fois aussielles comportaienà la foisdesgarantiespositiveset desgarantiesnégatives de

SeCurité.

Commentantla déclaration franpise dans une communicationà la commission

des affaires étrangères, e la défenseet des forces arméesdu Sénat,le ministrefrançais

des Affaires ébangères, M. Alain Juppéa indiquéqu'il s'agissait, pourles Puissances

nucléaires, d'"apporter une conmbution importante au renforcement du régime

international de non-proliférationdes arrnes nucléaires".Rappelant que la politique

étrangèreet de défensede la France estconduitedans le cadre desarticles 2 para.4 et 51

de la Charte,il a indiquéqu'"Il ne fait pasde doute, dansce contexte,que lesassurances

de sécuritésont compatiblesavec notre stratégiede dissuasion". "Nos déclarationsau

titre des assurancesde sécurité",-t-il précisé,"n'affectentnaturellementen rien notre

droit inaliénablà la légitimedéfensetel que consacrépar l'articl51 de la Charte des

Nations Unies". "Au total...notre décisiontouchantaux garantiespositives etnégatives

de sécuritéest conformeà notre politiquede dissuasion;'ellecontriàunotre sécuriten
contribuantaux renforcementdes effortscontre la proliférationdesarmes nucléairdans

le monde; elle s'inscrit dans le cadre de nos responsabilitésparticulièresen tant que

membrespermanents du conseil desécurité".

Le 11 avril 1995, le Conseilde sécurita adoptéla résolution 984(1995). Par

cette résolution, leConseil "prend acte avec satisfaction des déclarations faitpar chacun des Etats dotés de l'arme nucléaire'(S119951261,Sl19951262, S119951263,

S119951263,Sl19951264,S11995/265),dans lesquelles ceux-ciont donnéaux Etats non

dotésd'armes nucléairesqui sont parties au Traitésur la non-prolifération desarmes

nucléaires desgaranties sécuritécontrel'emploi de telles armes" (disposipara.1)

(61).

61 - Lors de la séanceoù le conseil de sécurita adopté la résolution984, le repkntant
permanentde laFrance a notammentdécW
"En adoptantlarésolution984 (1995)à quelquesjours de l'ouverture dla Conférence
d'examenet de prorogation du Traitésur la non-prolifkrationnucléaire, notreConseil
vient de procéder un acte d'une importanceparticulike, dont lport& n'échappeà
aucunede nos délégationsC.etexte traduien effetlavolonte communedes puissances
nucléaires,membres permanents, de répondre aux aspirations de la Communauté
internationaleet de favoriser l'universalitéet la prorogation indéfinie d'unui,
aujourd'huiplus quejamais, demeurea pierre angulairedurégimede non-prolifération.
"La résolutionqui vient d'êtreadoptée se veuten effet une réponsegobale,
collective etconcrèteaux aspirationslédtimesdes Etats non-nucléaires le contexte
del'après-guerre froide.
"IIs'agit tout d'abordd'une réponse globalcar ,ontrairement à la résolution
255 (1968), le texte que le Conseil vient d'adopter concerne aussibien les assurances
positivesqueles assurancesnégativde sécurité.
Tl s'agit égalementd'une réponse collecticar pour la premikrefois, les cinq
puissancesreconnueswmme telles par leTNP ontété en mesure, non seulementde co-
parrainer une telle résolution, mais également d'harmonisertrès largement leurs
déclarationsnationales. Les Cinq donnent à tous les Etats dotésd'armes nucléaires
partie"Il s'agit enfin d'une réponseconcrcar,pour la premikre fois, une résolution
du Conseil de sécuritéprécise lesmesures que pourra prendre le Conseil en cas
d'agression,dans les domainesdu règlementdes différends,de l'assistance humanitaire
et des compensations aux victimes.
"La résolutionqui vient d'êtreadoptéeparle Conseil n'existerait pas sans les
engagementspris à titre nationapar chacune des puissances nucléaires reconnues.
L'importancefondamentaledes déclarationsconjointes prononcéele 6 avril dernipar
les représentantspermanentsdes Cinq à la Conférencedu désarmementm'amèneà en
réitérer la tenranscetteenceinte.
"S'agissanttout d'aborddes assurances négativesl,ac réaffirme
"qu'elle n'utilisepasd'armes nucléairescontre les Etats non dotésde l'arme
nucléairepartiesau Traitésur la non-proliféra,auf dans leas d'uneinvasion
ou de toute autre attaque menéeou soutenue par un tel Etat, en alliance ou en
associationavecun Etat dotéde l'arme nucléaire,contre elle, son territsese,
forcesarméesou autres troupes,ou contre ses alliésun Etat envers lequelelle
auraitun engagementde sécurité"S119951264,annexe, p.2).
"La Franc perécisedoncau profit des Etats signatairTNPu les garanties
qu'elleavait donnéeen 1982.
"Ladéclaration faite 6 avril Genkveconstitueégalementuneétapetrès
importantedans la mesure où,pour la premikrefois,Franc s'engageàdonner des
assurancespositivestous les paysnon dotésde l'armenucléairepartiesaTNP, afin de
marquersadétermination àsaisir leConseildansI'hypothkseoù ceux-ciseraientattaqués
oumenacés par desarmesnucléaires.
"Au murs des nombreusesconsultationsmenéesdansle cadre de la préparation
de ceprojet, desvoix se sontfait entendrepour exprimer lesouci queles engagements lïreconnaît ledésulkgitimedes Etats non dotés d'armes nucléairesd'obtenu

l'assurance quele Conseildesécuri téen premier lieu tousesmembres permanents

do@ de l'arme nucléaire,prendrait immédiatementdes mesures, wnformkment aux

mesures pertinentes de la Charte des NatioUnies au cas où lesdits Etats seraient

victimesd'un acted'agression impliquant l'empld'armesnucléairesou menacés d'une

telle agression"(ibid pa,a.2). Tout en reconnaissantque tout Uat peut attirer son

attentionen pareicas,il "reconnaîtégalement ue lesEtats doth d'armes nucléairesqui

sont membrespermanentsdu Conseilde sécurité porteront immédiateme ntquestionA

l'attentiondu Conseilet s'emploieroàtobtenu que celui-ci fournisse, wnformkmenà

la Charte, l'assistancenécessaàr1'Etatvictime(ibid p.aa.3).ïi rappelleles moyens

dont il dispose pour aider un Etat non dotéd'armes nucléairesse trouvant dans la

communspris par lespuissancesnucléairesconcernantles assurancesdites positives
puissentgarantir la saisineeffectiveonseil. Surcepoint, la déclaration faitlapar
Franceme de nature dissipeà la foistouteambiguïtéet touteappréhension.Je
cite:
"La Franceconsidère quetouteagression accompagnéde'armesnucléaires
qu'il est légitimeque les pays non dotésde l'arme nucléairertienast
TNP soientassurésque la communauté internationale,et au premier chef
le Conseil de sécuritédes Nations unies, réagirait immédiatement
conformkment aux obligations de la Charte, dans I'hypothk où ils
seraientagresséou menacésde l'êtravec l'armenucléaire".

"Eu égardA ces considérations, la France déce qui suit:
"La France s'engage, en tant que membre permanent du Conseil de
sécurité,ncas d'agressionavec emploid'armesnucléaires,ou de menace
d'une telle agressionl'encontred'un Etat non dotéd'armes nucl&res
partie au TNP,à saisir sans délaile Conseilde sécuret à agir en son
sein pour que celui-ci prennedes mesures immédiaten vue de fournir,
conformémenà t la Charte, l'assistancenécessài1'Etatqui seravictime
d'un acteou d'unemenaced'agression.
"La France réaffirme, en particulier, le droit de légitime dkfense,
individuelleou collective, reconnu parl'article 51 de la Charte, dans le
cas oùun membredes Nations uniesest l'objetd'une agressioarmée -y
compris avec l'emploi d'armesnucléaire-jusqu'à ce que le Conseil de
sécuritéaitpris les mesures nécessaires pourmaintenir la paix et la
sécuritinternationales" (ibid,p.3).
"Le fait que notreConseilse soitprononcéde façontrèsclaire sur cetterésolution
quiappelleA l'adhésion universeleuTNP et soulignela nécessipour les Etatsparties
au Traitéde respecter pleinement toutesleurs obligations,témoignede la volontédes
membres de la communautéinternationaled'oeuvrer en faveur d'un renforcement du
régimede non-prolifération".

..I...situation considérée,invite les Etats membres à prendre, individuellement ou

collectivement,les mesures appropriéesen vue de répondreà une demande de 1'Etat

victime en matièred'assistance technique, médicale,scientifique et humanitaire et se

déclareprêtà examinerles mesures qui devraienêtreprises &cet égard,et exprimeson
intentionde recommanderdes mesuresappropriésen vuede répondreà une demandede

cetEta ctoncernantle versementd'uneindemit6 par l'agresseur, conformémenatu droit

international,n répaiation des pertes, dommages ou préjudicessubis du fait de

l'agression (ibid.,ara. 4,5 et 6). ïise féliciteque "certains Etats" "aient exprimk

l'intention de venir immédiatementen aideou de prêterimmédiitement un appui,

conformément à la Charte, à tout Etat non dotéd'armes nucléaires pautTrai uérla

non-prolifératiod'armesnucléairesqui serait victimed'uacted'agressionavecemploi

d'armesnucléairesou serait menacéd'une telleagression" (ibipara.7).ilengage tous

les Etatsà poursuivre de bonne foi, comme le prévoit l'article VI du TNP, "des

nkgociationssur des mesuresefficacesrelativesau désarmementnucléaiet surun mit6

de désarmementgénérae it complet sousun contrôle intemaional strict et efficace, qui

demeure un objectif universel". Enfin, il réaffirme(ibpara.9)le droit naturel de

légitimedéfenseindividuelleou collectivetel queconsacAél'article51 de la Chartedes

Nations unies.

Ainsi, loin de tendàeune prohibition des armes nucléaires,la résolut984,

après larésolution255, confirme au contraire l'existence d'un ensemble d'Etats dotés

d'armes nucléaires,commele fait lTNP lui-mêmeE . lle nporteaucunecondamnation
a priori sur l'emploi des armes en cause. Elle envisage seulementl'hypothkseoù cet

emploi ou sa menaceconstitueraientune agressionce qui renvoie aux rkgles générales

de la Charte et ne permet pasde singulariser sur le plan du droit l'utilisationdes armes

nucléairespar rapportà d'autres moyens d'agression. En outre, comme la résolution

255, la résolution984 ne concerne que les agressionsou les menacesdirigéescontre une

certaine catégoried'Etats déterminen fonctiondes obligations internationalesqui les lient(les Uatsnon dotés d'armesnucléairespartiesau TNP), ce qui en tout ktat de

cause,et même sielie avait énoncune condamnation del'emploides armes nucléaires,

auraitempêchequecelle-cipuisseêtreconsidkrécomme ayantuneportéegknérale.

Enfin a,delà de lareconnaiss austetutdesEtatsdotésd'armesnucléaires,

le Conseil dsécuri eté,itraverslui l'ensembldesMembresdes Nations Unies en
reconnaissantle rôle positif spécifique queentjouer ces Etatsface àla situation

envisagéeparaît confirmer l'utilité, dans les circonstances actuelles, de la capacité

dissuasive de cesEtats.

CONCLUSIONS

33 -En conclusion, le gouvernementfrançais estime que le droit international

générar lelatif à la menace et à l'emploi de la force dans les relations internationales

n'implique aucune prohibition spécifiquede l'emploi des armes nucléairesou de la

menacede cetemploi. Aucuneautre règlecoutumièren'interditl'emploidecesarmes.

Une prohibitionou réglementatiod'emploid'une arme, ou d'untype d'armes

particulier, ne peut provenir, comme le démontrela pratique internationale, que de

conventions spéciales. Une telle prohibition ne saurait résulter que d'une règle

spécifique,liantles Etatsqui l'acceptent.

Les regles conventionnellesrelatàvl'emploi des armesnucléairesdemeurent

d'unepart exceptionnelleset d'autre partportéelimitée.Le fait que ces instruments

ou bien consacrentla détentiond'armesnucléairespar les Etats en cause,traitede
l'emploide cesmes, ou bien contiennensurce point desengagementsprécis,qui au

surplusdemeurentlimites, confume l'absenced'une règlede droit internationalgénéxai

les prohibant. Le comportement mêmedes Etats,que ceux-ciapprouvent ou réprouvent

l'éventualitéde l'utilisation des armes nucléaires, manifestreste leur feme

conviction qu'il n'exispas de règle l'interdisant et mêmequ'une telle utilisation
pourrait êtrliciteLes recommandations émises dans l'exercice de leurs fonctions,

aussi bienpar l'Assembléegénérale(malgré les affirmations d'inspiration purement

politique conmires figurant dans certaineseseréso1utions)queparle Conseil de

sécuri mténtrentque l'un et l'autrepartcetteconviction.

Le gouvernement françaiscroit donc qu'il est non seulement injustifiémais
impossible de formuler sur la base de règles généraen vigueur, queiles qu'eues

soientun pnncipe d'interdictiond'emploides armesnucléairesqui en seraitdédyit,ou

seraitimplicitement contenu.

Le gouvernementfrançaisconsidèreen outre qu'il n'est pas possibled'indiquer

de façonabstraiteet générdansquellescirconstances cet emploi seraitou illicite
en dehors du principe incontestéqui gouverne l'usage de la force lesreiations

internationales:il ne pouryaavoir recouràl'emploi des armes nucléairesque dans

les circonstancesoù la Charteautorisele recoursàla force. 1

Si cependant la Cour estimait devoir examiner l'ensembledes arguments sus-

évoquésc,et examen ne pourrait, selon le gouvernement français, que confirmer que,
commela pratique et l'opiniojuris des Etatsle font clairementapparaître, aucune règle

juridique, quelle que soisa source, ne prohibe actuellement l'emploi des armes

nucléaires.

Toute autre conclusion ne saurait, de l'avis du gouvernement français,

atteintparla Cour que si celle-cifaisait oeuvre de législatesesubstitueraice

l faisant, auEtats qui, dansl'étatactuel du droit et de la situationinternationale, n'ont

pas cm devoir interdire l'utilisatcesdarmes.

La Cour ne devraitpasselancerdans cett voie, enserappelantque, ainsique

le notenJean Pictet etM. Pillouddans I'introductiondu commentairedu Titre IV du
protocol1 de 1977:

"siles Etatsn'ontpas voulu résoudre(le problkmede "la iickitéA la

guerre de certains usages des armes nucléaires')dans le cadre de la CDDH"

(conférencede Genèvesur le droit humanitaire)c'estqu'il ades implicationsqui

dépassent ledroit internationalhumanitaire,comme il est dit clairement dans le

pgssagedu rapport de la Commission ad hoc" (sur les armes conventionnelles)

(62). Mais c'est peut-êtaussi parce qu'ilssavaientque le problkmen'étaitpas

solubleà court termeet qu'ilauraitparalysél'adoption desprotocoles".

Il ressort des débatssus-évoquésde 1'Assemblée généralesur la résolution

49175K queces préoccupationdsemeurentvalables.

En conséquence,le gouvernement de la République françaiseestime, à titre

principal, que la questiposée par l'Assembléegénéralen'est pas de celles auxquelles

la Cour peut répondredans l'exercice de ses fonctions judiciaires et que, de toute

manière, laCour devrait exercerle pouvoird'appréciatiqu'elletientde l'arti65ede

son Statutet refuser dseprononcersur la demandequi lua étésoumise.

62 -La commissionad hoc avait en effet reconnu que"lesarmes nucléairesen particulier ont
une fonction spéciale,qui est de découragerle déclenchementd'un confit armé de grande
envergureentrecertaines puissancesnucléaires". Si la Cour estimaittoutefois~ropri6 de donnerréponala questionposée,

elle ne pourraitque constaque l'emploi deannes nucléaires,ou menac ee cet
emploine sont certainemepaspermisen toutecirconsta nlceele sontquedansles

circonstancestou2 fait exceptionnellesoù le droit internationalgénéralautorise le

recoursàla force,notammentdanslcas del'exercicedu droitde légitimedtfense.

Le gouvernementfrança siuhaiteraitavoirl'occasionde présenterde nouvelles
observationssurla questionposila Courdécidaid'yrépondre./.

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Lettre en date du 20 juin 1995 du ministre des affaires étrangères de la République française, accompagnée de l'exposé écrit du Gouvernement de la République française

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