COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
DEMANDE EN INDICATION DE MESURES CONSERVATOIRES PRESENTEE
PAR LE GOUVERNEMENT DE LA REPUBLIQUE DU PARAGUAY
Bruxelles, le 3 avril 1998
1. Me référant à la requête introductive d'instance soumise ce jour à la Cour au nom de la
République du Paraguay contre le Gouvernement des Etats-Unis d'Amérique, j'ai l'honneur de
présenter, conformément à l'article 41 du Statut de la Cour et aux articles 73, 74 et 75 de son
Règlement, une demande priant la Cour d'indiquer d'urgence des mesures conservatoires des
droits de la République du Paraguay. La Cour est compétente en vertu de l'article premier du
protocole de signature facultative à la convention de Vienne sur les relations consulaires,
concernant le règlement obligatoire des différends.
2. Les faits erterminants sur lesquels se fonde la présente demande sont énoncés dans la
requête. Le 1 septembre 1992, des fonctionnaires de police de l'Etat de Virginie, un des Etats
des Etats-Unis d'Amérique, ont arrêté M. Angel Francisco Breard, ressortissant du Paraguay.
M. Breard a été ultérieurement déclaré coupable et condamné à mort. A aucun moment, ces
fonctionnaires n'ont informé M. Breard de son droit de communiquer avec son consulat
comme l'exige l'article 36 de la convention de Vienne. M. Breard était et est ainsi demeuré
dans l'ignorance des droits que lui confère la convention. En conséquence, le Paraguay n'a pas
été averti de la situation de M. Breard et n'a pu exercer son droit de faire bénéficier celui-ci de
l'assistance consulaire qu'après qu'il eut été jugé, déclaré coupable et condamné.
3. Le Paraguay n'a pu en conséquence sauvegarder ses intérêts conformément aux articles 5 et
36 de la convention de Vienne. Il n'a pu davantage, comme le prévoient ces mêmes articles,
protéger les intérêts de son ressortissant détenu.
4. Ainsi qu'il est exposé dans la requête, le Paraguay soutient que les actions des
fonctionnaires de l'Etat de Virginie, imputables aux Etats-Unis, ont violé des obligations
juridiques internationales dont les Etats-Unis sont tenus vis-à-vis du Paraguay, en son nom
propre et dans l'exercice du droit qu'a cet Etat d'assurer la protection diplomatique de son
ressortissant. Ainsi qu'il est également exposé dans la requête, le Paraguay a prié la Cour de
déclarer que les Etats-Unis ont violé les obligations que leur impose la convention de Vienne,
qu'ils sont tenus de rétablir le statu quo ante et qu'ils sont tenus de veiller à ce que dans
l'avenir toute mise en détention de M. Breard ou d'un autre ressortissant paraguayen se
trouvant sur leur territoire ou l'engagement à leur encontre de toute action pénale soient
conformes aux obligations juridiques internationales dont les Etats-Unis sont tenus à l'égard
du Paraguay.
5. Par ordonnance du 25 février 1998, la Circuit Court du comté d'Arlington, en Virginie
(Etats-Unis d'Amérique), a ordonné, conformément à la section 53.1-234 du code de Virginie,
que, le 14 avril 1998, M. Breard soit électrocuté ou reçoive une injection d'une substance
mortelle jusqu'à ce que mort s'ensuive.6. L'importance et le caractère sacré de la vie humaine sont des principes bien établis du droit
international. Comme le reconnaît l'article 6 du pacte international relatif aux droits civils et
politiques, le droit à la vie est inhérent à la personne humaine et ce droit doit être protégé par
la loi.
7. Dans les circonstances graves et exceptionnelles de la présente affaire et eu égard à l'intérêt
primordial que le Paraguay attache à la vie et à la liberté de ses ressortissants, il est urgent
d'indiquer des mesures conservatoires pour protéger la vie du ressortissant paraguayen et
sauvegarder le pouvoir de la Cour d'ordonner la mesure à laquelle le Paraguay a droit : le
rétablissement de l'état de choses antérieur. Si les mesures conservatoires demandées ne sont
pas indiquées, les Etats-Unis exécuteront M. Breard avant que la Cour puisse examiner le
bien-fondé des prétentions du Paraguay et celui-ci sera à jamais privé de la possibilité
d'obtenir le rétablissement de la situation antérieure si la Cour venait à se prononcer en sa
faveur.
8. Au nom du Gouvernement du Paraguay, je prie donc respectueusement la Cour d'indiquer,
en attendant l'arrêt définitif en la présente instance, des mesures tendant à ce que :
a) le Gouvernement des Etats-Unis prenne les mesures nécessaires pour faire en sorte que M.
Breard ne soit pas exécuté en attendant la décision en la présente instance;
b) le Gouvernement des Etats-Unis porte à la connaissance de la Cour les mesures qu'il aura
prises en application de l'alinéa a) ci-dessus ainsi que les suites qui auront été données à ces
mesures; et
c) le Gouvernement des Etats-Unis fasse en sorte qu'il ne soit pris aucune mesure qui puisse
porter atteinte aux droits de la République du Paraguay en ce qui concerne toute décision que
la Cour pourrait prendre sur le fond de l'affaire.
9. Eu égard à l'extrême gravité et à l'imminence de la menace d'exécution d'un citoyen
paraguayen par des autorités des Etats-Unis en violation des obligations dont ceux-ci sont
tenus vis-à-vis du Paraguay, le Paraguay prie respectueusement la Cour d'examiner avec la
plus grande urgence la présente demande.
10. Le Gouvernement de la République du Paraguay a autorisé le soussigné à se présenter
devant la Cour dans toute procédure ou audience relative à la présente demande que la Cour
pourrait tenir conformément au paragraphe 3 de l'article 74 de son Règlement.
(Signé) S. Exc. M. Manuel María Cáceres,
Ambassadeur de la République du Paraguay
auprès du Royaume de Belgique et du
Royaume des Pays-Bas.
__________
ATTESTATIONJ'atteste par les présentes que le document ci-joint est une copie certifiée conforme de la
demande en indication de mesures conservatoires présentée le 3 avril 1998 à la Cour
internationale de Justice par la République du Paraguay dans l'instance qu'elle a introduite
contre les Etats-Unis d'Amérique.
Bruxelles, le 3 avril 1998.
(Signé) S. Exc. M. Manuel María Cáceres,
Ambassadeur de la République du Paraguay
auprès du Royaume de Belgique et du
Royaume des Pays-Bas.
Demande en indication de mesures conservatoires présentée par le Gouvernement de la République du Paraguay