Mémoire de la République du Bénin

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8284
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COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

--------------------------------

DIFFÉREND FRONTALIER

(BÉNIN / NIGER)

MÉMOIRE
DE LA RÉPUBLIQUE DU BÉNIN

LIVRE I

27 AOÛT 2003PLAN DU MÉMOIRE

iPLAN DU MÉMOIRE........................................................................
......................................i

INTRODUCTION........................................................................
............................................1

CHAPITRE 1 : CONTEXTE GÉNÉRAL ET GÉNÈSE DU DIFFÉREND.......................4

Section 1 : Contexte général........................................................................
..................................... 5

Section 2 : De la naissance du différend à la saisine de la Chambre de la Cour....................... 16

CHAPITRE 2 : LE DROIT APPLICABLE ........................................................................
35

Section 1 : Nature du principe de l’ « uti possidetis juris ».......................................................... 39

Section 2 : Effets du principe de l’ « uti possidetis »....................................................................
. 40

CHAPITRE 3 : LE LEGS COLONIAL........................................................................
.......52

Section 1 : La colonisation du Dahomey et du Niger par la France........................................... 54

Section 2 : La fixation des limites administratives entre le Dahomey et le Niger ..................... 79

CHAPITRE 4 : LE SECTEUR DE LA RIVIÈRE MÉKROU...........................................88

Section 1 : L'établissement de la frontière à la Mékrou.............................................................. 90

Section 2 : L'exercice effectif par le Dahomey puis le Bénin de la souveraineté territoriale sur

la rive droite de la Mékrou et la cartographie de la région....................................................... 107

Section 3 : Les points de départ et d'aboutissement du tracé frontalier dans le secteur de la

Mékrou........................................................................
................................................................... 110

CHAPITRE 5 : LE SECTEUR DU FLEUVE NIGER .....................................................114

Section 1 : La délimitation de la frontière dans le secteur du fleuve Niger............................. 116

Section 2 : Les extrémités ouest et est de la frontière dans le secteur du fleuve Niger........... 127

Section 3 : L’exploitation commune........................................................................
.................... 139

CHAPITRE 6 : L'ÎLE DE LÉTÉ........................................................................
................143

Section 1 : Le titre béninois........................................................................
.................................. 145

Section 2 : La confirmation du titre béninois.........................................................................
.... 160

CONCLUSIONS........................................................................
...........................................169

LISTE DES CROQUIS.........................................................................
...............................171

LISTE DES ANNEXES .........................................................................
..............................174

iiLISTE DES CARTES .........................................................................
.................................189

TABLE DES MATIÈRES .........................................................................
..........................192

iiiINTRODUCTION

10.01 Par lettre conjointe du 11 avril 2002, déposée au Greffe de la Cour le 3 mai
2002, les ministres des affaires étrangères de la République du Bénin et de la République du

Niger ont notifié à la Cour une copie certifiée conforme du compromis de saisine de la Cour

internationale de Justice au sujet du différe nd frontalier entre la République du Bénin et la
République du Niger, signé à Cotonou le 15 juin 2001, ainsi qu’un exemplaire original du

protocole d’échange des instruments de ratification du compromis, signé à Niamey le 11 avril

2002.

0.02 L’artice1 erdu compromis dispose que :

«1. Les Parties soumettent le différend défini à l’article 2 ci-dessous à une
chambre de la Cour … ».

0.03 Aux termes de l’article 2 du compro mis, relatif à l’objet du différend, les

Parties prient la Cour de :

« a) déterminer le tracé de la frontière entre la République du Bénin et la République

du Niger dans le secteur du fleuve Niger ;

b) préciser à quel Etat appartient chacune des îles dudit fleuve et en particulier l’île
de Lété ;

c) déterminer le tracé de la frontière en tre les deux Etats dans le secteur de la

rivière Mékrou ».

0.04 L’article 3 du même accord dispose que les Parties prient la Chambre

d’autoriser la procédure suivante au regard des règles de procédure écrite :

« a) un mémoire soumis par chacune des Pa rties au plus tard neuf (9) mois après

l’adoption par la Cour de l’ordonnance constituant la Chambre ».

0.05 Par ordonnance du 27 novembre 2002, la Cour a décidé d’accéder à la

demande des deux Gouvernements tendant à form er une chambre spéciale de cinq juges pour

connaître de la présente affaire. Elle a en outre fixé au 27 août 2003 la date d’expiration du

délai pour le dépôt d’un mémoire de chaque Partie.
20.06 Le présent document est le Mémoire de la République du Bénin. Il présente le
contexte général et la genèse du différend (Chapitre 1), le droit applicable (Chapitre 2), puis

un bref historique général du tracé de la fr ontière à travers l’évoc ation du legs colonial

(Chapitre 3). Sont ensuite précisés le tracé de la frontière dans le secteur de la rivière Mékrou
(Chapitre 4), et le tracé de la frontière dans le secteur du fleuve Niger (Chapitre 5). La

souveraineté de la République du Bénin sur l’ île de Lété fait l’objet de développements

spécifiques dans le dernier chap itre (Chapitre 6). Enfin le Mé moire se termine par l’exposé

des conclusions de la République du Bénin.

3 CHAPITRE I

CONTEXTE GÉNÉRAL ET GÉNÈSE DU DIFFÉREND

41.01 La République du Bénin et la Ré publique du Niger sont deux États de

l’Afrique de l’ouest (voir croquis n°1, p. 8) ayant accéd é à l’indépendance à deux jours
1
d’intervalle, dans le cad re concerté du Conseil de l’Entente ; la République du Bénin (alors

Dahomey) a proclamé son indépendance le 1e r août 1960, la République du Niger le 3 août
1960.

1.02 La colonisation du Niger avait été p récédée et facilitée par celle du Dahomey.

L’installation de l’administration coloniale a eu pour effet de bouleverser des liens séculaires

entre les différentes ethnies de la vallée du fleuve Niger. Le différend soumis à la Chambre de

la Cour trouve son origine dans ce bouleversement.

1.03 Avant d’exposer la genèse du différend (Section 2), il convient au préalable de

présenter le contexte général dans lequel il s’inscrit (Section 1).

Section 1

Contexte général

§ 1 - Les Parties au différend

1.04 La République du Niger couvre une superficie de 1.267.000 km 2. Elle est

limitée au nord par la Libye et l’Algérie, au nord-ouest par le Mali, à l’ouest par le Burkina

Faso, à l’est par le Tchad, au sud par le Nigéria et au sud-ouest par le Bénin (voir croquis n°2,

p. 9). Son territoire n’est traversé que par un seul fleuve, le Niger qui lui a donné son nom , et

par une rivière, la Komadougou Yobé. Le fleuve Niger ne reçoit d’affluents que sur sa rive

droite dont la rivière Mékrou, l’Alibori et la So ta au Bénin. Il en résu lte, comme l’a écrit un

auteur, que le «réseau hydrographique est donc pr atiquement inexistant dans un pays dont la
survie est fondamentalement liée à une pluviométrie malheureusement capricieuse» 2.

1
Le Conseil de l’Entente est une organisation créée à Abidjan le 30 mai 1959 et regroupant la Côte d’Ivoire, la
2aute Volta et le Niger. Le Dahomey y adhèrera quelques mois plus tard et le Togo en 1966.
André Salifou, Histoire du Niger, Paris, Editions Nathan, 1989, p. 15.

5 3
1.05 Le pays compte environ 10.800.000 habitants , que l’on peut diviser en deux
4
groupes, les sédentaires et les nomades . Les sédentaires sont globalem ent répartis en trois

groupes : à l’ouest, les Songhay, les Zarm a et les Gour mantché ; au centre, les Haussa ; et à

l’est, les Kanuri et assimilés. Les nomades se répartissent en quatre groupes : les Touaregs et

leurs anciens serviteurs noirs, é voluant dans une bande de terri toire allant de la frontière

malienne à l’ouest jusqu’à Gouré à l’est ; les Tubu dans la région Gouré-n’Guigmi-Bilma; les

Arabes ; et les Peuhls (ou Fulbé) localisés dans la zone méridionale du fleuve Niger à l’ouest
5
jusqu’en pays Kanuri à l’est . Ce dernier groupe ethnique a j oué un rôle im portant dans la

naissance et le développem ent du litige front alier entre la Répub lique du Niger et la
République du Bénin.

1.06 Le territoire de la République du Bénin est d’une superficie de 112.622 km 2. Il

est limité au sud par l’océan Atlantique, au nord par le Niger, à l’est par le Nigéria, à l’oues t

par le Togo et au nord-ouest par le Burkina Fa so. Le Bénin est arrosé par de nom breux cours

d’eau, surtout dans le bassin cô tier. Au nord-est frontalier avec la République du Niger, le

bassin comporte trois cours d’eau alimentant le fleuve Niger : la Mékrou, l’Alibori et la Sota.

1.07 La population du Bénin est de 6.752.569 habitants 6; il s’agit d’un pays

multiethnique 7. Les populations du nord-est concernées par le bassin du fleuve Niger sont :

les Baatonou (Bariba) ; les Dendi venus du Mali au X VIe siècle ; et les Peu hls (Fulbé)

éleveurs nomades qui ont franchi le fleuve Niger et se sont ré pandus d’abord dans la partie

septentrionale du Bénin, puis aujourd’hui dans tout le Bénin.

1.08 Depuis son indépendance, le Bénin a porté trois dénom inations successives:

République du Dahomey de 1960 à 1975 ; République populaire du Bénin de 1975 à 1990 ; et

République du Bénin depuis 1990.

3
4Dominique et Michèle Fremy « Quid 2002 », Editions Robert Laffont, p. 1191
André Salifou, op. cit. supra note 1, p. 20.
5André Salifou, op. cit. supra note 1, p. 20.
6Résu ltats p rovisoires du 3merecense ment géné ral de l a population et de l’ha bitation, février 2002 -
communiqués par l’Institut National de Statistiques et d’Analyse Economiques (INSAE), Cotonou.
7Kolawole Sikirou Adam et Michel Boko, Le Bénin, Les Editions du Flamboyant - Cotonou EDICEF- Vanves,
1993, p. 28.

61.09 Jusqu’en 1999, le Bénin com portait six départements. La loi n° 97-028 du 15
8
janvier 1999 portant organisation de l’administration territoriale au Bénin a dédoublé chacun

de ces anciens départements, pour en composer désormais douze (voir croquis n°3, p. 10). Le

département du nord-est, qui s’appelait Borgou avec pour chef-lieu Parakou, s’est scindé en

deux pour former, au sud, le département du Borgou, et au nord, le long de la frontière avec la

République du Niger, celui de l’Alibori, du nom de l’affluent du fleuve Niger.

Provisoirement, les deux départem ents du Borg ou et de l’Alibori pa rtagent un m ême chef-
9
lieu et un même préfet.

8 Journal officiel de la République du Bénin n° 3 bis du 1 février 1999, pp. 3-13.
9Parakou, chef-lieu du Borgou, demeure provisoirement le chef lieu de l’Alibori.

7Croquis 1 : Carte de l’A frique occidentale avec la République du Niger et la République du
Bénin.

8Croquis 2 : Carte du Niger avec les sept départements.

9Croquis 3 : Carte du Bénin avec les douze départements.

10 § 2 - Contexte historique du différend

1.10 L’évocation du contexte historique du différend conduit à rappeler les grandes

lignes de la colonisation de la région (A), la création des colonies du Niger et du D ahomey

(B), ainsi que l’intégration des deux colonies dans la fédération de l’Afrique occidentale

française (C).

A. L’implantation française

1.11 Au moment où s’achevait la Conférence de Berlin en 1885, la France s’était

implantée dans l’extrêm e sud de l’actuel Bé nin où elle avait créé les « Etablissements

Français du Golfe du Bénin » à partir de ses comptoirs de Ouidah et en s’app uyant sur

différents traités de protectorat conclus avec le s royaumes de la côte : Porto-Novo, Grand-

Popo, etc. Ces possessions françaises étaient enserrées entre les possessions britanniques et
allemandes. Aussi, la France, dans le cadre de la compétition à la fois politique et économique

existant entre elle, la Grande-Bretagne et l’Allemagne, portait-elle sa vue vers le fleuve Niger

aux fins de jonction avec le Soudan et les autres possessions françaises d’Afrique.

10
1.12 La chute du royaum e du Dahom ey en 1894 lui ouvrit un couloir pour

atteindre le fleuve Niger et engager la négociation avec le roi du Dendi dont le royaum e

incluait les deux rives du fleuve Niger. Le traité de protectorat entre la France et le royaum e
du Dendi fut signé le 21 octobre 1897 11. Il dispose :

« Au nom du Gouvernem ent de la Républi que Française ; entre Victor Ballot,

Gouverneur du Dahomey et Dépendances, Commandeur de la Légion d’Honneur,
représenté par le Capitaine Baud, Chevalier de la Légion d’Honneur d’une part ;

et Ali, chef de Karimama, Roi du Dendi rive droite et rive gauche du Niger,

a été conclu le Traité suivant :

Article 1 .- Ali, Amirou de Karimama Roi du Dendi place ce pays situé sur la rive

droite et sur la rive gauche du Niger, sous le protectorat exclusif de la France, tant
en son nom qu’au nom de ses successeurs ;

10
Sur la guerre franco-dahoméenne de 1892-1894 et la chute du royaume du Dabomey, voir Histoire générale
de l’Afrique, UNESCO- 1987, Tome II, p. 150. Le royaume du Dahomey apparaissait comme un obstacle dressé
au centre de ce couloir allant de l’océan Atlantique au fleuve Niger, empêchant la progression de la France vers
11tte partie du fleuve Niger.
Traité de prot ectorat entre la République française et le Dendi signé à Karimama, le 21 octobre 1897. Voir
Annexe M / R.B. 3

11 Article 2. Le Gouvernement Français s’engage à maintenir l’ordre dans le Dendi12t
à soutenir les légitimes revendications du Roi et de la Population … » .

1.13 Dans l’immédiat, l’attention des auto rités françaises allait se concentrer sur

cette portion du fleuve Niger et sur les territoires situés sur sa rive dr oite. La lettre n° 246 du

22 mars 1898 du gouverneur du Dahomey au ministre des colonies et portant transmission du

traité de protectorat « conclu entre le capitain e Baud et le chef de Carim ama, roi du Dendi,

rive droite et rive gauche du Niger » 13le laisse clairement entendre :

« Il appartient au Département d’examiner la suite qu’il con vient de réserver à ce
Traité en ce qui concerne les territoires du Dendi situés sur la rive gauche du
Niger» . 14

La priorité accordée à cette époque à l’affirmation de l’implantation française sur le fleuve et

sa rive droite est confirmée par le récit de A. Demougeot, gouverneur des colonies :

« ce n’est qu’en 1897, après la fondation des postes de Dori et de Say et la
soumission des populations de la ri ve droite que comm encèrent les
reconnaissances sur la rive gauche» . 15

16
1.14 Après la signature de la convent ion franco-britannique du 14 juin 1898
répartissant les zones d’influence des de ux puissances en Afrique de l’ouest, le Bulletin du

Comité de l’Afrique française rendit compte de l’organisation administrative de ce secteur. Il

en ressort que la perte de la rive droite fut ressentie douloureusem ent par le Gouvernem ent

français comme en témoignent les renseignements coloniaux sur le pays de Zaberma :

« La même convention du 14 juin 1898 nous faisait perdre les deux tiers de nos
belles conquêtes sur la rive dro ite : le cercle du Moyen-Niger, considérablem ent

diminué, eut son chef-lieu transféré à Karim ama. Le capitaine Lorho succéda a u
capitaine Chambert comme résident (août 1898).

Dès la fin de 1898, la colonie du Dahom ey, qui avait pris une part si active à la

conquête du Niger, se préoccupa de pr endre possession des territoires que la
convention franco-anglaise nous laissait su r la rive gauche, afin d’assurer la
sécurité des caravanes de l’Est à l’Ouest et d’avoir accès à la route future du
17
Soudan au Tchad» .

12Ibid.
13Lettre n° 246 du 22 mars 1898 du gouverneur au ministre des colonies à Paris. Voir Annexe M / R.B. 4.
14Ibid.
15A. Demougeot, g ouverneur des c olonies, i n L’Afrique Occi dentale Française, ouv rage co llectif sou s la
direction de Eugène Guernier, Encyclopédie coloniale et maritime, Paris, 1949, tome I, p. 67.
16Convention Franco-Britannique du 14 juin 1898. Annexe M / R.B. 5.
17Renseignements coloniaux et documents publiés par le Co mité de l’Afrique française, Supplément n° 2 a u

Bulletin du Comité de l’Afrique française de février 1901, pp. 25-32, sp., p. 29. Les « belles conquêtes sur la rive
121.15 La stratégie développée par la Fran ce pour s’implanter durablem ent dans la

région a donc consisté à pacifier et organiser d’abord les territoir es situés sur la rive droite,
maîtriser cette portion du fleuve avant de pours uivre, dès la fin 1898, plus au nord au-delà du

pays Dendi.

1.16 Les nouveaux territoires obtenus sur la rive droite du fleuve Niger, de m ême

que ceux obtenus ou conquis au nord-ouest dans la chaîne de l’Atacora et au centre, seront

joints à la région méridionale pour former la colonie du Dahomey. La voie s’ouvrira alors à la

formation de la colonie du Niger.

B. La création des colonies du Dahomey et du Niger

1.17 La colonie du Dahom ey et dépendances fut créée par le décret du 22 juin
18
1894 . Après le traité de protectorat du 21 octobre 1897 conclu avec le royaume du Dendi, le

gouverneur du Dahomey et dépendances créa par l’arrêté du 11 août 1898 un nouveau cercle
19
dénommé : « Cercle du Moyen-Niger» . Aux termes de l’article premier, paragraphe 4 de cet

arrêté :

« Ce cercle est form é par les p rovinces de Bouay et de Ka ndi, par le pays
indépendant de Baniquara et les territo ires du Zaberm a ou Dendi situés sur les
deux rives du Niger et leurs d épendances. Les villag es de Bouay, Kandi,
Baniquara, Madecali, Karimama font partie de ce cercle qui est limité au Nord par

le Soudan Français et la frontière franco-a nglaise telle qu’elle a été définie par la
Convention du 14 juin 1898, à l’E st par ce tte même frontière, au Sud par les
provinces de Nikki et de Pa rakou et à l’Ouest par le Gourma et la province de
Kouandé » . 20

1.18 L’organisation de l’espace allant de la rive gauche du fleuve Niger au Sénégal
21
sera entreprise dès 1899. Le décret du 17 octobre 1899 crée en effet deux territoires

militaires. L’un est constitué par les cercles et résidences de la circonscription dite « région
Nord et Nord-Est du Soudan Français » (Tombouctou, Sumpi, Goundam, Bandiagara, Dori et

droite » dont parle le texte concernent le cours inférieur du fleuve Niger entièrement concédé à l a Grande-
Bretagne à l’est du Dahomey. Voir Annexe M / R.B.10.
18Rapport et décret du 22 juin 1894 réglant l’organisation et l’ administration du Dahomey et d épendances,

19urnal officiel de la République française, n ° 168 du 23 juin 1894, p. 2858. Voir Annexe M / R.B. 1.
A rrêté du 1 1 ao ût 1 898 s ur l e cercl e du M oyen-Niger, J ournal officiel de l a c olonie du Dahomey et
20pendances, n° 16 du 15 août 1898, p. 5. Voir Annexe M / R.B. 6.
Ibid.

13Ouahigouya) ; l’autre regroupe les cercles ou le s résidences de la circonscription dit e

« Région Volta » (San, Ouagadougou, Léo, Kour y, Sikasso, Bobo-Dioulasso et Djebougou).

Ils étaient l’un et l’autre dirigés par des militaires relevant du gouverneur général de l’Afrique
22
occidentale française institué par le décret du 16 juin 1895 .

1.19 Le décret du 17 octobre 1899 23 donne au Dahomey une partie des territoires du

Soudan français : les cantons Kouala ou Nebba au sud de Liptako et le territoire de Say

comprenant les cantons de Djénnaré, de Diongor é, Folmongani et de B otou et ce jusqu’en

1907, date à laquelle le Dahom ey sera séparé du Gour ma et de Say. Mais il récupèrera les

Berda détachés du Gourma le 12 août 1909.

1.20 L’arrêté du gouverneur général du 23 ju illet 1900 crée un troisièm e territoire

militaire. L’article 1er de ce texte dispose :

« Il est créé un troisième territoire militaire dont le chef lieu sera établi à Zinder.

Ce territoire s’étendra sur les r égions de la rive gauche du Niger de Say au lac
Tchad qui ont été placés dans la sphère d’influence française par la Convention du
14 juin 1898 » 24.

1.21 Cet arrêté du 23 juillet 1900 est et dem eure la base m éridionale de

l’organisation de l’espace qui deviendra plus tard la colonie du Niger. En effet, en avril 1912,

le commandant du troisièm e territoire m ilitaire devient le comm issaire du Gouvernem ent

général au territo ire m ilitaire du Niger. En 19 20, le territoire m ilitaire du Niger devient

territoire du Niger 25et le 13 octobre 1922 est créée la colonie du Niger sans modification de

ses frontières m éridionales telles que fixées par l’arrêté du 23 ju illet 1900. La frontière

méridionale de la colonie du Niger ne subira plus aucune modification jusqu’à l’indépendance

en 1960.

21
Rapport et décret du 17 octobre 1899 portant suppression de la colonie du Soudan français et rattachant ses
différents cercles à pl usieurs colonies limitrophes, Journal officiel de l a République française, n° 283 du 18
octobre 1899, pp. 6893-6894. Voir Annexe M / R.B. 7.
22Rapport et décret instituant un gouvernement général de l’Afrique occidentale française, Journal officiel de la
République française, n° 162 du 17 juin 1895, p. 3385. Voir Annexe M / R.B. 2.
23Voir Annexe M / R.B. 7.
24Arrêté du 23 juillet 1900 créant un troisième territoire militaire dont le chef lieu sera établi à Zinder, Journal
officiel de l’Afrique occidentale française de l’année 1900. Voir Annexe M / R.B. 8.
25Annexe M / R.B. 30.
26Annexe M / R.B. 31.

14 C. L’intégration des deux colonies dans la fédération de l’A.O.F.

1.22 Le 16 juin 1895 fut signé un décret instituant « un gouvernement général de

l’Afrique occidentale française » 27. Le rapport de présentation du projet de décret fait au

Président de la République française par le ministre Chautemps est révélateur de certains des

motifs ayant conduit à la création de l’A.O.F. :

« La situation créée dans le Soudan méridional par les opérations militaires qui ont
eu lieu récemment au Sud de Kong, et le s conflits d’attributions qui s’étaien t

produits déjà l’année dernière entre les gouverneurs vois
ins au sujet d’incidents
survenus dans les contrées avoisinant notre protectorat du Fouta-Djalon, ont
appelé mon attention sur la nécessité, devenue impérieuse, de donner plus d’unité,
dans nos possessions du Nord-Ouest Afri cain, à la direction politique et à

l’organisation militaire.

C’est pourquoi, j’ai l’honneur de proposer à votre haute approbation un décret qui
28
constitue un gouvernement général de l’Afrique Occidentale Française… » .

1.23 La création du gouvernem ent général de l’A.O.F. m ettra fin à tout conflit

territorial entre les colonies françaises dans cette région. Le Dahom ey sera intégré au sein de
29 30
l’Afrique occidentale française en 1899 et le Niger en 1911 . L’ancien royaume du Dendi

s’est ainsi trouvé intégré et géré dans un es pace plus vaste par le biais du Dahom ey et du

Niger.

1.24 Cette situation n’ira pas sans entraîner de changements dans la vallée du Niger

et chez s es habitan ts s édentaires comm e noma des. Ces changem ents sont à l’origine du

différend porté devant la Chambre de la Cour.

27Voir Annexe M / R.B. 2, ainsi que Annexe M / R.B. 7.
28Cité in Vodouhê Cakpok Clément, La création de l’Afrique Occidentale Française (1895-1904), Thèse de
ème
doctorat, 3 cycle histoire, Paris-Sorbonne, 1974, p. 128. Cet auteur rapporte des incidents graves découlant de
revendications de l imites territoriales entre trois colonies françaises : le Sénégal et le Soudan d’une part, le
Sénégal et la Guinée d’autre part, et en tre les tro is colonies à propos de certaines localités. Des opérations
militaires ont failli mettre aux prises les armées de la même administration coloniale. Ce qui a provoqué de vives
29otions à Paris (ibid., pp. 75-80.).
Rapport et décret du 17 octobre 1899 portant suppression de la colonie du Soudan français et rattachant ses
différents cercles à pl usieurs colonies limitrophes, Journal officiel de la République française n° 283 du 18
octobre 1899, pp. 6893-6894. Voir Annexe M / R.B. 7.
30Rapport et décret du 7 septembre 1911 rattachant le territoire militaire du Niger au gouvernement général de
l’Afrique occidentale française à compter du 1janvier 1912, Journal officiel de la République française n° 247
du 12 septembre 1911, p. 7437. Voir Annexe M / R.B. 23. Arrêté n° 1148 du 7 octobre 1911 promulguant en
Afrique occidentale française, le décr et du 7 septembre 1911, rattachant le territo ire militaire du Niger au

15 Section 2

De la naissance du différend à la saisine de la Chambre de la Cour

§ 1 – Les racines du différend

1.25 L’aridité générale du territoire du Niger 31 a poussé des peuples d’origines

diverses vers la vallée du Niger. La population autochtone du Moyen-Niger est constituée par

les Baatonou (Baribas). Les Dendi s descendus de Gao le long du fleuve avaient installé un

royaume sur les deux rives du fleuve avec comme principaux centres Karim ama au sud du

fleuve, et Gaya au nord. A l’issue de la répartition de la région entre les colonies du Dahomey
32
et du Niger, Karim ama relèvera du Dahom ey et Gaya du Niger . Outre les populations

sédentaires constituées par les Baatonou (Baribas) et les Dendis, la région accueille aussi des

peuhls, pasteurs nomades.

1.26 Un brassage ethnique va s’opérer. De ce brassage von t naître au long du

XXème siècle des enten tes fraternelles mais aussi des conflits d’intérêts : tantôt autour de la

pêche, tan tôt et surto ut à partir de contrad ictions entre cultivateu rs et pasteu rs, car les

troupeaux de bŒufs en transhum ance détruisent les champs de culture. A ces conflits

d’intérêts s’ajoutent d’autres problèmes tels que les dro its de pacag e que doivent payer les

bouviers aux autorités dahoméennes (béninoises), les droits de marché et de douane ainsi que
33
l’installation de Peuhls sur des terres appartenant aux gens de Karimama .

1.27 Un rapport du gouverneur du Dahom ey au gouverneur général de l’A.O.F. sur

la situation en 1906 soulignait les changements en cours en ces termes :

er
gouvernement général de l ’Afrique occidentale française à co mpter du 1 janvier 1912, Journal officiel de
31Afrique occidentale française n° 358 du 21 octobre 1911, p. 686 (voir Annexe M / R.B. 24).
« Le territoire est p articulièrement déshérité au point de vue de l’eau », écrit Eugène Guernier in Afrique
Occidentale Française – ouvrage collectif. Encyclopédie Coloniale et Maritime-Paris 1949, Tome I, p. 1 8. Le
professeur André Salifou parle d’une « aridité sévère et envahissante » in Le Niger, Editions l’Harmattan, Paris
2002, p. 12.
32Le g ouverneur du Dahomey, dans un rapport en date du 9 juin 1910 au gouverneur général de l’Afrique
occidentale française, demandait le rattach ement d es v illages situ és sur la riv e g auche du fleu ve Niger au
Dahomey à l a fo is pour des raison s d’ « identité eth nique ab solue » m ais ég alement p our des raison s
économiques : empêcher le détournement de certains commerces vers le Nigéria. Il précise : « ce n’est donc pas
seulement le territoire Dendi que je devrais vous demander, Monsieur le Gouverneur général, de rattacher au
Dahomey, mais encore les cercles de Dosso, de Say et du Gourma, qui sont sous la dépendance économique du
Dahomey ».Voir Annexe M / R.B. 21.
33Voir le témoignage de Mazou Doumbani, sommation interpellative sur exploit de Maître Agbasse en date du 8

mai 2003 (Annexe M / R.B. 125) ; de même la déposition de Arouna Soumanou (voir Annexe M / R.B. 122).
16 « Les Peuhls que nous retrouverons à Say, qui sont disséminés dans les cercles du
Gourma et du Moyen-Niger, étaient avant no tre arriv ée les vassaux des races
indigènes. Ils n’avaient aucun dro it sur le s produits du sol et la m oitié de leurs

troupeaux était de plein droit la propriété du chef sur le te rritoire de qui ils étaient
installés …….

A notre arrivée, ils ont repris la propriét é de leurs troupeaux tout entiere, ils on t
gardé les terrains dont ils n’étaient que fermiers. Les Peuhls, d’abord nom ades,
tendent de plus en plus à devenir les propriétaires du sol» . 34

A l’époque, les Peuhls ont profité de l’adm inistration coloniale pour essa yer de s’affranchir

des Dendis.

1.28 S’agissant des îles du fleuve, aucune n’était habitée avant la colonisation. La

plus grande, l’île de Lété, abritait les cham ps de culture des gens de Karim ama et recevait

périodiquement les troupeaux des Peuhls nigériens, dahoméens et nigérians. C’est à partir de

la colonisation à la fin du XIXè me siècle que , petit à petit, des Peuhls dont le p lus grand
nombre provient du Niger s’y sont établis de manière permanente.

1.29 Traditionnellement les autochtones de l’actuel territoire du Bénin ne

s’adonnaient qu’à l’élevage des ov ins et des caprins. L’élevage des bovins était et dem eure

toujours aujourd’hui la gra nde spécialité des Peuhls, pr esque un monopole. Suivant le

mouvement migratoire des pasteurs peuhls, les incidents entre cultivat eurs et éleveurs nés
dans la vallée du Niger vont successivement gagner le centre, puis la côte maritime du Bénin,

où les Peuhls élèvent des bŒufs souvent pour le compte d’autres propri étaires. Il n’existe

actuellement aucune partie du territoire béni nois qui ne connaisse de tem ps à autres des

conflits d’intensités et de formes diverses entre cultivateurs et pasteurs.

1.30 A la suite de la sécheresse qui a sévi en Afrique de l’ouest da
ns les années

1970, la situation est d’ailleurs devenue si grave que le parlement béninois adopta la loi n° 87-

013 du 21 septembre 1987 portant réglementation de la vaine pâture, de la garde des animaux
35
domestiques et de la transhumance .

34
Rapport d’ensemble sur la situation générale de la colonie en 1906. Porto-Novo. Imprimerie du gouvernement,
3508, pp. 12, 13 et 14. Voir Annexe M / R.B. 18.
Annexe M / R.B. 98. Les problèmes soulevés par la transhumance ne sont plus des problèmes propres à la
vallée du fleuve Niger mais communs à toute la sous-région de la CEDEAO – voir Chapitre V, infra § 5.69

171.31 Dans la vallée du Niger et plus particulièrement sur l’île de Lété, les

contradictions entre cultivateurs et éleveurs s e sont artificiellement muées, par le biais d’un

procédé dérivé de la protection diplom atique, en revendication de souveraineté. Pourtant,

comme on a pu l’écrire :

« Dans ce cas particulier de l’île36e Lété, le litige à l’origine ne se fondait pas sur
un problème de souveraineté» ,

ou encore :

« Pour les habitants de Lété, il est impéra tif de régler ce problème frontalier qu’ils
confondent d’ailleurs avec d’autres problèm es notamment ceux liés à l’utilisation
des pâturages en territoire incontesté du Bénin ou la fréquentation des m archés au

Bénin. C’est avec beau coup d’a37rtume qu’ils évoquent les droits de pacages
qu’ils paient au Bénin … » .

1.32 Il est constant que jusqu’aux alento urs de l’indépendance du Dahomey le 1er

août 1960 et du Niger le 3 août 1960 il n’y a pas eu d’incident grave le long de la frontière. Il

apparaît également d’une part que le processus de sédentarisation d’une partie des Peuhls a

donné une acuité particulière au conflit entre cultivateurs et éleveurs sur l’île de Lété ; d’autre

part qu’au fur et à m esure de l’évolution du territoire français du Niger vers l’indépendance,

les autorités de Nia mey se sont impliquées da ns ce conflit. Ainsi conv ient-il de distinguer

trois périodes durant lesquelles le différend s’es t progressivement noué : la période colonia le

(§ 2), la période d’autonomie des territoires français d’outre-mer, que l’on appellera la période
intermédiaire (§ 3), et la période q ui s’est ouverte avec les indépenda nces de 1960 (§ 4).

Enfin, le différend a pris une tournure spécifique sur le ter rain qu’il conviendra de présenter

(§ 5).

36Hamadou Mounkaila, Genèse du conflit de l’île d e Lété et processus de négociation. Communication de la
Commission Nationale des Frontières au Colloque International sur les conflits frontaliers en Afrique de l’ouest.
Faculté des lettres et sciences humaines. Université Abdou Moumouni, Niamey-Juin 2001, p. 3. Voir Annexe M

37R.B. 116.
Sallah Alhassane et Yamba Boubacar, Système agraire et territorialité : cas de l’île de Lété, Communication
au colloque international sur les conflits frontaliers en Afrique de l’ouest organisé par la Faculté des Lettres et
Sciences Humaines de l’Université Abdou Moumouni (République du Niger), 18-22 juin 2001. Voir Annexe M /
R.B. 117, p. 4.
18 § 2 - La période coloniale

1.33 Les Dendis ont accueilli pacifiquem ent les Peuhls venant dans la vallée du

Niger faire paître leu r bétail de façon intermittente. Mais, une fois en place, l’adm inistration

coloniale a encouragé ces derniers à se sédentariser et à s’orga niser en les amenant à se doter

de chefs. De sorte que si aucun problème n’avait initialement surgi entre Dendis et Peuhls, la

sédentarisation de ces derniers suivie d’une st ructuration relative de leur groupe entraînera

progressivement des contradictions entre Peuhl s-pasteurs et Den dis-cultivateurs, san s
toutefois engendrer de violence.

1.34 C’est ainsi que certains bouviers peuhl s ont cessé de respecter les règles

établies avant la colon isation entre Peuhls et De ndis : faire paître les b Œufs sur l’île de Lété

hors des pé riodes de c ulture de manièr e à f ertiliser les sols, payer un tribu t en na ture à la
hiérarchie Dendi et surtout fair e respecter le droit de propriété des Dendis su r leurs champs

dans l’île de Lété 38.

1.35 Les problèmes qui en ont résulté sont cependant restés de faible intensité et, en réalité,

le problème le plus sérieux rencontré par l’ad ministration coloniale fut relatif aux Peuhls qui

émigraient avec leur cheptel et sans aucune c onsidération de frontière vers Sokoto, situé en
territoire britannique du Nigéria. A chaque fois que la pression fiscale devenait forte, du fait

du droit de pacage et d e l’impôt de capitation, les Peuh ls fuyaient vers le Nig éria, pour en

revenir seu lement lorsq ue bais sait la p ression fiscale. L’adm inistration colon iale s’est

inquiétée de savoir comment évit er ces éternels déplacem ents des Peuhls et de leurs
39
troupeaux .

1.36 Au cours des premières décennies de la colonisation du Niger et du Dah omey,

aucune interrogation relative aux lim ites entre ces deux colonies n’a été soulevée par aucun

administrateur colonial. La quest ion de savoir où passe la lim ite frontalière ne surgira que

dans les dernières années de la colonisa tion, au fur et à m esure des affectations

d’administrateurs. Et c’est en réponse à une de ces interrogations que le gouverneur du Niger,

38
Voir le témoignage de M. Djato Guisso, sommation interpellative du 20 mai 2003 : « A l’origine l’île de Lété
appartenait au village de Gouroubéri. En ce temps les éleveurs transhumants d’origine nigérienne payaient un
39oit de place matérialisé par un taurillon au chef du village de Gouroubéri ». Voir Annexe M / R.B. 128.
Lettre du 21 juin 1925, du commandant du cercle du Moyen-Niger au gouverneur du Dahomey. Voir Annexe
M / R.B. 32 ; voir également Annexe M / R.B. 10.

19par sa lettre n° 3722/APA du 27 août 1954, sur laquelle le Bénin reviendra infra, clarifiera la

question une fois pour toutes.

1.37 En conséquence, on ne relève aucun litige frontalier au cours de cette période
entre colonie du Dahomey et colonie du Niger.

§ 3 - La période intermédiaire

1.38 La loi n° 56-615 du 23 juin 1956 appelée loi-cadre Defe rre acco rdait un e

certaine autonomie interne aux territoires frança is d’outre-mer : l’Assemblée territoriale élue
disposait désorm ais de certaines co mpétences. Un Conseil des m inistres était créé dans

chaque territoire. Au plan local, des municipalité s dites de « plein exercice » avec à leur tête

un m aire étaient élues dans les villes im portantes. Cette autonom ie fut renforcée par le
40
referendum du 28 septembre 1958 et la Constitution française du 4 octobre 1958 créant

entre la République française et ses territoires d’outre-m er une Communauté. Un prem ier
ministre issu de la majorité parlementaire dirigeait l’exécutif territorial à la tête duquel le rôle

du chef de l’État était joué par le gouverneur représentant le Présid ent de la République

française, Président de la Communauté 4.

1.39 A partir de ces réformes, la vie po litique s’anima, les partis politiques se sont

activés et ont affiné leurs stratégies politiques. Partis politiques, élus nationaux ou locaux se
sont rapprochés des électeurs, épousant au besoin leurs prétentions à l’égard des ressortissants

d’autres territoires. De même, la vie syndicale prit une nouvelle vivacité, avec notamment la

création de l’Union G énérale des Travailleu rs d’Afrique Noire. Sur le fond, un vent

d’indépendance soufflait sur les esprits et la conscience des citoyens s’ouvrait à la notion

d’État avec ses frontières.

1.40 Ce contexte a enhardi les citoyens nigé riens qui avaient fixé leurs intérêts sur

l’île de Lété. Et pour la prem ière fois de l’ histoire de cette île, le 21 juin 1959, les gardes

républicains du Niger sont intervenus sur l’île pour empêcher les habitants de Gourouberi d’y

40
Le 28 septembre 1958, les territoires français d’Afrique ont été appelés à se prononcer par referendum sur leur
appartenance à la comm unauté française ou leur accession immédiate à l’indé pendance. Seule la Guinée de
Sékou Touré a opté pour le non, accé dant ainsi à l’ indépendance dès 1958. L’e xemple guinéen va accélérer
41indépendance des autres territoires deux ans plus tard.
Dans so n opinion individuelle dans l ’affaire du Différend frontalier (Burkina-Faso/Mali), le juge F rançois
Luchaire avait fondé son opinion sur cette réforme, C.I.J., Arrêt du 22 décembre, Rec. 1986, p. 652, par. A.I.

20cultiver leurs champs, alors même que la veille, soit le 20 juin 1959, le chef de la subdivision

de Malanville au Dahom ey informait son hom ologue de Gaya au Nige r qu’il avait sollicité

des instructions de son gouverneur pour que les litiges perpétuellement soulevés à Lété soient
42
définitivement tranchés, et soulignait qu’en attendant, le statu quo devrait être respecté .

1.41 Le chef de village de Gourouberi rendit compte de cet incident aussitôt au chef

de subdivision de Malanville qui, par lettre n° 376/AD du 23 décembre 1959, invita le chef de

subdivision de Gaya à rencontrer le commandant du cercle de Kandi dans l’île de Lété, les 26

et 27 décembre 1959. Mais la partie nigérienne s’est abstenue de venir à cette rencontre.

1.42 En mai 1960, le cam pement des ressortissants dahoméens de l’île de Lété fut

incendié par des Peuhls du Niger. Le 29 juin, le s frères Maïguizo du village de Gourouberi

furent assommés à coups de bâton dans leur champ sur l’île de Leté par des Peuhls. Le soir du

même jour, ainsi que le lendemain, des Dahoméens de Gourouberi déclenchèrent de violentes

représailles contre les Nigériens de l’île. Pour apaiser la te nsion, les autorités dahom éennes

proposèrent d’une part l’envoi d’ une force mixte nigéro-dahoméenne sur l’île, et d’autre part

une rencontre entre les autorités des deux pays . Mais aucune des deux propositions n’a été
43
suivie d’effet .

1.43 C’est ainsi que se présentait la situation aux dates des 1er et 3 août 1960, dates

respectives d’accession à l’indépendance du Dahomey (Bénin) et du Niger.

§ 4 – Depuis l’indépendance

A – Les incidents et la mise en place d’un processus de règlement pacifique du différend

42Lettre n° 308 du 20 juin 1959 du chef de subdivision de Malanville au chef de subdivision de Gaya. Le « statu

quo » signifie que ni les Nigériens ni les Dahoméens ne devaient être privés de l ’accès à l ’île de Lét é. Voir
43nexe M / R.B. 74.
Lettre du 30 juin 1960 n° 2062/PG de M. Boiffer au procureur de la République près le T.G.I. de Cotonou.
Voir Annexe M / R.B. 76. Rapport n° 82/2 du 1 juillet 1960 du commandantere la brigade de gendarmerie de
Malanville. Voir Annexe M / R.B. 77. Télégramme officiel n° 60/CF du 1 juillet 1960, de l’administrateur en
chef commandant du cercle de Kandi au ministre de l’Intérieur de Porto-Novo. Voir Annexe M / R.B. 78. Lettre
du 2 juillet 1960 du commandant du cercle de Kandi au commandant du cercle de Dosso. Voir Annexe M / R.B.
79. Lettre du 3 juillet 1960 n° 61/CF du commandant de cercle au ministre de l’Intérieur de Porto-Novo. Voir
Annexe M / R.B. 80. Lettre n° 712 du 13 juillet 1960 du Président du conseil des ministres au Niger au Premier
ministre de la Rép ublique du Dahomey. Voir Annexe M / R.B. 8 1. Rapport n° 89/2 du 19 juillet 1960 du
commandant de la brigade de gendarmerie de Malanville. Voir Annexe M / R.B. 82. Lettre confidentielle du 29
juillet 1960 n° 248/PCM/CAB/MI du Premier ministre de la République du Dahomey au Président du conseil
des ministres de la République du Niger. Voir Annexe M / R.B. 83.

211.44 Les incidents de mai et juin 1960 étaient suffisamment graves pour susciter de

la part des deux États nouvellement indépendan ts la m ise en place d’un processus de

règlement amiable du litige : deux commissions mixtes daho-nigériennes se réunirent à Gaya,
l’une le 29 juin 1961 et l’autre, au niveau ministériel, le 9 septembre 1963 44.

1.45 Ces deux réunions ne purent qu’enregistrer les positions respectives :

- Pour le Niger, la frontiè re étant une frontière naturelle, la limite des deux États

devrait se situer sur le plus grand bras du fleuve, le thalweg ;

- Pour le Bénin (Dahomey), la frontière est déjà définitivement fixée puis reconnue
par la lettre n° 3722/APA du 27 août 1954 du gouverneur du Niger.

1.46 Lors de la seconde réunion, du 9 septem bre 1963, la commission mixe décida

d’en appeler aux chefs d’État des deux pays. Le ur réunion n’eut cependant pas lieu avant la

survenance de la plus grande crise de l’histoi re des relations daho-nigériennes, survenue en
octobre 1963.

1.47 Le 28 octobre 1963, à la suite d’une situ ation sociale et po litique tendue au

Dahomey, l ’armée renversa le régim e du président Hubert Maga et prit le pouvoir. Une
épreuve de force à Cotonou durant la journée du 28 octobre entre des réputés partisans de

Maga et l’arm ée entraîna la m ort d’un capo ral et de civils parm i lesquels se trouvaient des

Nigériens. Sans qu’il soit n écessaire d’en trer dans les détails, u ne tens ion des plu s

inquiétantes apparut entre le gouvernem ent nigérien et le nouveau gouvernement dahoméen,
qui se traduisit par l’expulsion des Dahoméens du Niger, la fe rmeture de la frontière, le

débarquement de m ilitaires et d e gendarmes ni gériens sur une par tie de l’ île de Lété, le

déploiement d’un dispo sitif m ilitaire sur les h auteurs d e Gaya et le positionn ement des

troupes dahoméennes à hauteur de Malanville.

1.48 Les deux É tats ont successivem ent publié un livre blanc sur cette crise. Le

Dahomey a publié son document le 28 décembre 1963 sous le titre, « Ce qu’il faut savoir sur

44Un témoin de la seconde réunion rapporte que le ministre nigérien de l’intérieur s’est écrié : « chers frères,
prenez votre île mais diminuez-nous la taxe de pacage sinon nos animaux vont crever de faim », sommation
interpellative de Monsieur Charlemagne Quenum, fonctionnaire du ministère des finances à l a retraite, ayant
exercé sur l’île de Lété, du 29 avril 2003. Voir Annexe M / R.B. 118.

22la crise Daho-Nigerienne » . Le Niger, par la suite, répliqua dans un docum ent intitulé,

« Livre blanc sur les relations du Niger et du Dahomey à la fin de l’année 1963 » 46.

1.49 Grâce à l’entremise de l’ambassadeur de France à Cotonou et de certains chefs

d’État africains, l’affrontement n’eut pas lieu. Les deux États prirent définitivement la voie du

règlement pacifique, en suivant un processus en plusieurs étapes :

- Organisation d’une réunion ministérielle en tre le Nig er et le Dahom ey à

Malanville, le 2 janvier 1964 ;

- Tentative de conciliation à Dakar du 7 au 10 m ars 1964 sous l’égide de l’Union

Africaine et Malgach e, concrétisée par la signature d’un protocole d’accord le 9

mars 1964 prescrivant la relance de la comm ission mixte paritaire et le retrait des

troupes de la frontière 47;

- Réunion de la comm ission mixte paritaire nigéro-dahom éenne à Dosso en juin

1964 ;

- Nouvelle réunion de la Comm ission au niveau ministériel à Cotonou le 29 juin
1964 48;

- Enfin, deux rencontres de Yamoussoukro sous l’égide du Conseil de l’Entente et

du Président Houphouët-Boigny du 13 au 16 janvier 1965 puis les 17
et 18 janvier

1965.

1.50 La deuxième réunion de Yamoussoukro fut sanctionnée par un communiqué du

18 janvier 1965 par lequel le Dahom ey et le Niger ont convenu que leurs deux populations

vivent en parfaite harmonie sur l’île ju squ’au règlem ent dé finitif du différend. Ce
communiqué va au-delà de l’e ngagement des deux États du Ni ger et du Dahom ey puisqu’il

mentionne :

45Livre blanc du Dahomey du 28 décembre 1963 : « Ce qu’il faut savoir sur la crise Daho-Nigérienne » (8 p.).
Voir Annexe M / R.B. 86.
46Livre blanc du Niger publié en 19 64 : « Livre blanc sur les relations du N iger et du Dahomey à l a fin de

47année 1963 (66 p.). Voir extraits en Annexe M / R.B. 88 ; le document complet a été déposé à la Cour.
Protocole d’accord entre les chefs d’État du Dahomey et du Niger du 9 mars 1964. Voir Annexe M / R.B. 89.

23 « Les quatre Chefs d’Etat et de Gouvern ement se sont form ellement engagés à
poursuivre dans un clim at de franche cam araderie, d’égalité, de fraternité et de

solidarité agissante, la coopération entre les quatre pays et à proscrire désorm ais
toute action discriminatoire envers les Citoyens de l’un quelconque de ces pays. Ils
sont résolus à faire en sorte que tout différend naissant entre eux soit réglé au sein
49
du Conseil de l’Entente » .

L’engagement de Yamoussoukro fut confirmé lors d’une rencontre ministérielle à Cotonou le
50
15 m ai 1965 , suivie d’une rencontre-accolade au somm et, le 15 juin 1965 à Gaya et
51
Malanville .

1.51 Les gouvernements successifs de la République du Bénin se sont appliqués à respecter

les recommandations de Ya moussoukro, pour faire en sorte que dans l’attente du règlem ent

du différend frontalier, les popula tions de la vallée du fleuve Niger cohabitent sans heurts.

Mais pendant que l’É tat béninois faisait de s conclusions de Yam oussoukro sa ligne de

conduite, au risque de se voir accusé de laxisme par certains citoyens béninois, l’État du Niger

posait des actes d’occupation (voir infra par. 1.71), tout en poursu ivant parallèlement les

efforts en vue du règlement pacifique du litige.

B – Les travaux de la commission mixte paritaire de délimitation de la frontière

1.52 Plusieurs années après l’accolade de Gaya-Malanville, le Niger et le Bénin ont

signé à Niamey le 8 avril 1994 un accord portant création de la commission mixte paritaire de

délimitation de la f rontière entre la Ré publique du Bénin et la République du Niger 52. Cette

commission a tenu six sessions au cours desquelles ont été échangés les documents considérés

par l’une ou l’autre des Parties comme utiles à la délimitation de la frontière et à sa thèse à cet

égard. Un compte rendu a été adopté à l’issue de chaque session.

48Note sur l’île de Lété de la délégation dahoméenne à la réunion Dahomey-Niger du 29 juin 1964. Voir Annexe
M / R.B. 90.
49Communiqué relatif à la réunion de Yamoussoukro des 17 et 18 janvier 1965, en date du 18 janvier 1965 in
Afrique Contemporaine – Documents d’Afrique Noire et de Madagascar, n°18, de mars-avril 1965. Voir Annexe
M / R.B. 91.
50
« Nouvelles du Dahomey : réunion ministérielle nigéro-dahoméenne - Plus de litige entre les deux pays », in
Bulletin Quotidien d’Information, n° 1023, 18 mai 1965 (voir Annexeème/ R.B.92). « Le contentieux Nigéro-
Dahoméen est définitivement liquidé », in L’Aube Nouvelle, n° 18-5 année, 20 mai 1965. Voir Annexe M /
R.B. 93.
51« Sur le pont de Malanville-Daho-Niger : amitié retrouvée », in L’Aube Nouvelle, n° 22- 5 èmeannée, 17 juin
1965. Voir Annexe M / R.B. 94.
52Accord portant création de la commission mixte paritaire de délimitation de la frontière entre la République du
Bénin et la République du Niger, signé à Niamey le 8 avril 1994. Voir Annexe M / R.B. 101.

241°) Les quatre premières sessions

1.53 La prem ière session s’est tenue à Cotonou, au Bénin, les 19, 20 et 21
53
septembre 1995 . La commission a d’une part pris acte de l’échange de documents par voie
diplomatique entre les deux Parties. La liste de ces documents est annexée au com pte rendu.

Elle a d’autre part adopté sur le plan de la procédure le principe que les textes adoptés au

cours des travaux soient para phés par les présidents des co mposantes nationales de la

commission, et proposé qu’ils soient signés ul térieurement par les m inistres chargés des

questions de frontières des deux États.

1.54 La deuxième session s’est tenue à N iamey, au Niger, les 22, 23 et 24 octobre

1996 5. De nouveaux docum ents ont été échangés, et il a été procédé à l’interprétation des

documents échangés lors de la session précéd ente. Le principe a ét é retenu d’une m ission

conjointe à Dakar et/ou à Paris afin de recherch er la carte jointe à l’arrêté n° 3578 du 27

octobre 1938 et tous autres documents complémentaires.

55
1.55 La troisième session s’est tenue à Parakou, au Bénin, les 8, 9 et 10 avril 1997 .

Après l’échange de nouveaux docum ents, la co mmission a procédé à l’interprétation de s

documents échangés lors de la deuxièm e session. De l’analyse des dif férents documents, la

commission a retenu entre autres comme pertinentes: la lettre n° 3722/APA du 27 août 1954

du gouverneur de la F.O.M., gouverneur du Niger au chef de la subdivisio
n de Gaya, s/c du
commandant du cercle de Dosso, dont l’objet por te sur la lim ite du territoire dans la

subdivision de Gaya 56 ; et la note verbale n° 35/93/ANC du 29 septem bre 1993, de

l’ambassade de la République du Niger près le Bénin adressée au ministère des affaires

étrangères et de la coopération de la République du Bénin 57.

53Commission mixte paritaire bénino-nigérienne de délimitation de la frontière - Compte-rendu de lasession

54dinaire, tenue à Cotonou les 19, 20 et 21 septembre 1995. Voir Annexe M / R.B. 102. ème
Commission mixte pari taire bénino-nigérienne de délimitation de la frontière - Compte-rendu de la 2
55ssion ordinaire, tenue à Niamey les 22, 23 et 24 octobre 1996. Voir Annexe M / R.B. 103. ème
Commission mixte pari taire bénino-nigérienne de délimitation de la frontière - Compte-rendu de la 3
session ordinaire, tenue à Parakou les 8, 9 et 10 avril 1997, voir Annexe M / R.B. 107 ; et rapport de mission de
reconnaissance du Comité technique mixte paritaire, 20 avril 1998. Voir Annexe M / R.B. 108.
56Répondant à une i nterpellation du chef de subdivision de Gaya, le gouverneur du Niger déclarait dans cette
lettre que la limite du territoire du Niger est « constituée de la ligne des plus hautes eaux, côté rive gauche du
fleuve, à partir du village de Bondofay jusqu’à la frontière de Nigeria. ». Voir Annexe M / R.B. 67. Voir aussi le
chapitre 5 infra.
57Note verbale n° 035/93/ANC de l’ambassade de la République du Niger à Cotonou au ministère des affaires
étrangères et de la coopération du Bénin, du 29 septembre 1993. Le comité technique n’a pu parcourir le fleuve
Niger que partiellement et la Mékrou pas du tout en raison des difficultés d’accès. Voir Annexe M / R.B. 99.

251.56 La quatrièm e session s’est tenue à Dosso, au Niger, les 22, 23 et 24 juin

1998 . La partie béninoise a rem is à la par tie nigérienne de nouveaux docum ents. La

Commission a pris connaissance du rapport de la m ission de reconnaissance du com ité

technique dans le secteur du fleuve Niger mais en a ajourné l’examen en attendant l’exécution

de la mission dans le secteur de la Mékrou 59.

2°) La cinquième session

60
1.57 La cinquièm e session s’est tenue à Parakou les 21, 22 et 23 m ars 2000 .

Aucun document n’a été échangé, m ais il a été procédé à l’exam en et à l’interprétation des
quatre documents remis par la partie béninoise lors de la quatrième session qui s’était tenue à

Dosso.

1.58 Du compte-rendu de cette cinquième se ssion ressortent en outre les élém ents

sur lesquels les parties n’ont pu s’accorder. Il mentionne :

« Ainsi donc en ce qui concerne les lim ites de la colonie du Niger au niveau du
cercle de S ay qui jouxte la colonie du Dahomey, il apparaît clairem ent que la

frontière entre la colon ie du Dahom ey et celle du Niger dans ce secteur suit le
cours de la Mékrou jusqu’à sa confluence avec le fleuve Niger ».

Par ailleurs, la partie béninoise a affirmé que :

«1. Le décret du 02 mars 1907, rattachant à la Colonie du Haut Sénégal et Niger
les cercles de Fada N’gourma et de Say, a été abrogé par des textes qui ont été pris

postérieurement par l’Administration coloniale française.

2. La frontière entre le Dahomey et le Niger suit le cours de la rivière Mékrou, de
son point de confluence avec le fleuve Niger, jusqu’à son point d’intersection avec

la ligne frontière Sud entre le Niger et la Haute Volta ».

58Commission mixte pari taire bénino-nigérienne de délimitation de la frontière - Compte-rendu de la 4ème
session ordinaire, tenue à Dosso les 22, 23 et 24 juin 1998. Voir Annexe M / R.B. 107.
59Le comité technique n’a pu parcourir le fleuve Niger que partiellement et la Mékrou, pas du tout en raison des
difficultés d’accès. Voir rapport de mission de reconnaissance du comité mixte paritaire du 20 avril 1998. Voir
Annexe M / R.B. 106.
60 ème
Commission mixte pari taire bénino-nigérienne de délimitation de la frontière - Compte-rendu de la 5
session ordinaire, tenue à Parakou les 21, 22 et 23 mars 2000. Voir Annexe M / R.B. 111.
26Pour la partie nigérienne :

« le décret ne peut être pris en com pte dans la m esure où aucune de ses

dispositions ne parle de la frontière entre la colonie du Dahomey et celle du Niger.

En outre, ce texte a été abrogé par le décret du 5 septembre 1932 ; la colonie de la
Haute-Volta fut constituée sur la base de la loi n° 47-1707 du 4 septembre 1947 ».

Des débats ont eu lieu au suje t de la carte d e la colonie de la Haute-Volta en 1919, et ont

abouti à des positions divergentes. Pour le Bénin, cette carte est une preuve supplémentaire de

l’abrogation du décret du 2 mars 1907. Quant au Niger, il estime que cette carte n’est d’aucun

intérêt pour la définition de la ligne frontière.

1.59 Les discussions ont aussi porté au c ours de la cinquièm e session sur les deux

secteurs de la frontière, celui du fleu ve Niger, et celui de la rivière Mékrou. Les positions du

Bénin et du Niger quant à la délimitation ont été précisées.

1.60 Dans le secteur du fleuve Niger, la partie béninoise a considéré que les

documents juridiques de base à prendre en co mpte pour le tracé de la frontière sont les

suivants :

« a) Traité de protectorat avec le Dendi signé le 21 octobre 1897

b) Arrêté du 11 août 1898 portant or ganisation des territoires du Haut
Dahomey

c) Circulaire n ° 114 c du 03 novembre 1912 de Monsieur W illiam
PONTY, Gouverneur général de l’A.O. F et relative à la form e à donner aux

actes portant organisation des Circonscriptions et Subdivisions Administratives

d) Arrêté n° 3578/AP du 27 oct obre 1938 du Gouverneur Général de
l’A.O.F portant Réorganisation des divi sions territoriales de la colon ie du
Dahomey

e) Lettre n° 3722/APA du 27 août 1954 du Gouverneur de la F.O.M,
Gouvern61r du Niger et relative à la lim ite du territoire dans la Subdivision de
Gaya » .

61Ibid.

27Il est égalem ent mentionné au compte-rendu que la partie béninoise estime que ces textes

n’ont été contredits par aucun autre texte postérieur et qu’en conséquence elle :

« réaffirme que le tracé de la ligne frontière entre le Bénin et le Niger suit, dans
le secteur du fleuve Niger le cours dud it fleuve côté rive gauche de Bandofay
jusqu’à la frontière du Nigeria »
et que

« l’appartenance des îles du fl euve Niger et particulièrement de l’île de Leté à
la colonie du Dahomey n’a jam ais été rem ise en cause p ar aucun texte ou
document officiel de l’Administration Coloniale Française» . 62

1.61 De son côté, la partie nigérienne a estimé que dans le secteur du fleuve la lettre
3722/APA du 27 août 1954 invoquée par la partie béninoise ne constitue pas un titre juridique

délimitant la frontière entre les deux colonies conformément aux dispositions de la circulaire

114 C du 03 novembre 1912 qui précise la forme à donner aux actes portant organisation des

circonscriptions et subdivisions administratives. Elle considère que :

« le seul texte juridique pour la détermination de la frontière dans cette zone est
l’Arrêté n° 3578 AP du 27 octobre 1938 por tant réorganisation des divisions
territoriales de la colonie du Dahomey» . 63

1.62 S’agissant du secteur de la rivière Mékrou, lors de la cinquièm e session, la

partie béninoise a considéré que les docum ents à prendre en com pte pour le tracé de la
frontière sont :

« a) Décret constitutif de la Haute-Volta du 1er mars 1919

b) Décret du 28 décem bre 1926, portant tr ansfèrement du Chef-lieu de la
Colonie du Niger et modification territoriale en Afrique Occidentale Française

c) Procès-Verbal du 10 février 1927

d) Arrêté du 31 août 1927 et son erratum du 5 octobre 1927

e) Carte de la colonie de la Haute-Volta en 1919 (Bulletin du Comité de
l’Afrique française n° 5 et 6 mai-juin 1919)

62
63Ibid.
Ibid.

28 f) Carte intitulée « Nouvelle Frontière de la Haute-Volta et du Niger, à

l’échelle 1 : 1000 640 (suivant erratum du 5 octobre 1927 à l’Arrêté G énéral
du 31 août 1927 » .

Sur la base de ces docum ents, le Bénin a réa ffirmé sa position antérieure, à savoir que le

décret du 2 m ars 1907 rattachant à la colonie du Haut Sénégal et Niger les cercles de Fada

N’Gourma et de Say a été abrogé et que la frontière dans ce sect eur suit le cours de la rivière

Mékrou jusqu’à son point d’intersection avec la ligne frontière sud entre le Niger et la Haute-

Volta.

1.63 La partie nigérienne a de son côté considéré que la frontière dans ce secteur est

définie par les dispositions du décret du 2 m ars 1907. Selon elle, l’arrêté général du 31 août

1927 et son erratum ont un tout autre objet que la frontière Bénin-Niger.

1.64 La commission mixte paritaire se tr ouvant ainsi bloquée devant l’am pleur des
divergences, il fut décidé que chaque déléga tion se ré fèrerait à s es hau tes autor ités

compétentes respectives aux fins de directives.

3°) La sixième session

65
1.65 La sixième session s’est tenue à Dosso les 14, 15 et 16 juin 2000 . Aucun

échange de docum ent n’a eu lieu. Au sujet de la définition de la ligne frontière, les Parties
n’ont pu aboutir à une position comm une ni sur le secteur du fleuve Niger ni sur celui de la

rivière Mékrou.

1.66 La commission m ixte paritaire a alors tenté un e ultime démarche en faveur

d’une solution consensuelle : chaque Partie de vait faire figurer sur des cartes le tracé

théorique de la ligne frontière selon sa thèse. Après l’échec des efforts d’harmonisation sur ce
tracé, il a été constitué un comité paritaire, composé des deux secrétaires permanents, de deux

juristes et de deux cartographes, chargé de poursuivre les efforts de rapprochement des points

de vue et d’envisager, en cas d’impasse, toutes propositions de règlement.

64
65Voir Atlas cartographique, cote 1. ème
Commission mixte paritaire bénino-nigérienne de délimitation de la frontière - Compte-rendu de la 6
session ordinaire, tenue à Dosso les 14, 15 et 16 juin 2000. Voir Annexe M / R.B. 114.

291.67 Ce comité paritaire n’ayant pas réussi , la commission a décidé de recourir aux

dispositions de l’article 15 de l’accord du 8 avril 1994 port ant création de la commission

mixte paritaire bénino-nigérienne de délimitation de la frontière, aux termes duquel :

« les parties contractantes conviennent de soumettre tous différends ou litiges nés
de l’application ou de l’interprétation du présent Accord à un règlem ent par voie
diplomatique, ou autres m odes de règlem ent pacifique prévus par les chartes d e

l’Organisation de l’Unité Africaine et de l’Organisation des Nations Unies ».

1.68 La Commission a alors décidé de proposer aux hautes autorités des deux pays,

la saisine par compromis de la Cour interna tionale de Justice aux fins du règlement définitif

du différend frontalier.

1.69 Après le point de l’ordre du jour relatif au tracé de la frontière, les travaux de la

sixième session de la comm ission ont porté sur un certain nom bre d’autres points d’ordre

pratique:

- une concertation a eu lieu entre les deux pr éfets, les sous-préfets et les députés

du département de Dosso relativement à la circulation des personnes et des biens
dans la zone frontalière ;

- la partie béninoise a informé la commission de l’in tention de l’administration

béninoise de reprendre les travaux de construction du bloc socio-adm inistratif
66
suspendu suite aux événem ents du 22 avril 2000 sur l’île de Lété et ce
conformément aux termes du communi qué de Ya moussoukro du 18 janvier

1965. La délégation nigérienne en a pris acte m ais a attiré l’attention de la

délégation béninoise sur la gravité d’une telle intention dont la « mise en

application pourrait menacer la paix et la sécurité dans la sous-région» ;

- enfin, dans la perspective de la décision de la Cour internationale de Justice et

« afin de sauvegarder la paix et la quiétude des populations », la commission a

retenu le principe de l’ organisation d’une campagne conjointe d’information et
de sensibilisation des populations front alières». Les préfets du Borgou-Alibori

66Lettre n° 017/SPKM/SG/BAGD du sous-préfet de Karimama à M . le préfet du département du B orgou à
Parakou, du 24 avril 2000. Voir Annexe M / R.B. 112.

30 (Bénin) et Dosso (Niger) ont été chargés de conduire cette cam pagne dont ils

devaient arrêter les modalités d’accord parties.

C - Le compromis de saisine de la Cour internationale de Justice

67
1.70 Comme le Bénin l’a déjà m entionné supra , l’échec de la cinquièm e session
de la commission m ixte a conduit à la saisine de s hautes autorités respectives aux fins de

déblocage de la situation. C’est ainsi que, sur proposition de la commission lors de sa sixième

session, le Gouvernement de la République du Bénin et le Gouvernement de la République du

Niger, ont signé le 15 juin 2001 un compromis saisissant la Cour internationale de Justice aux
68
fins de voir une chambre de la Cour (Article 2) :

« a. déterminer le tra cé de la f rontière entre la Rép ublique du Bénin et la
République du Niger dans le secteur du fleuve Niger;

b. préciser à quel État appartient chacune des îles du fleuve e
t en

particulier l'île de Lété;

c. déterminer le tracé de la frontière entre les deux États dans le secteur de
la frontière Mékrou ».

67
68Voir supra par. 1.64.
Compromis de saisine de la Cour internationale de Justice du 15 juin 2001. Voir Annexe M / R.B. 115.
31 § 5 – La situation sur le terrain

1.71 Alors que la comm ission mixte paritaire avait entrepris ses travaux et que les

gouvernements de la République du Niger et de la République du Bénin avaient résolum ent
pris la voie du règlem ent amiable, des actes de vandalisme et des actes d’occupation se sont

poursuivis contre le Bénin et les Béninois sur l’île de Lété :

- 1993 : construction par le Niger d’une école sur l’île ;

- De janv ier à avr il 2000 : arrêt puis destruction d’un chantier de construction
d’infrastructures de l’État béninois sur l’ île de Leté avec confiscation par le préfet

de Dosso, assisté de m ilitaires et de citoyens nigériens, du m atériel trouvé sur le

chantier ; destruction de cultures appartenant aux populations de Gourouberi ;

- Mai 2001 : construction par le Niger d’un centre de santé sur l’île de Leté ;

- 6 août 2001 : survol de l’île de Leté par un hélicoptère de l’armée nigérienne.

- Il est à noter que par des voies de fait, les Béninois ayant des champs sur l’île de

Leté ont été privés de l’accès à leu rs champs comme le souligne un rapp ort du 14

décembre 1993 du capitaine Dayato, commandant la compagnie de gendarmerie de
Kandi. Ce rapport indique que :

« selon la population béninoi se de Bani-Kani, aucun paysan béninois n’ose

cultiver u69champ sur l’île de peur de subir les agressivités impunies des habitants
de Lété » .

1.72 En résumé, à la date de la conquête colonial e, le secteur du fleuve Niger servant de

frontière à la République du Niger et à la Républi que du Bénin était occupé rive droite et rive

gauche par le royaum e du Dendi qui y a accueil li les Peulhs dans ce t esprit traditionnel
70
africain si brillamm ent décrit par Guy Adjété Kouassigan dans « L’homme et la terre » :

« la terre est une divinité génitrice dont la mission est de pourvoir aux besoins des hommes »,
elle est « source de vie », on n’en refuse ni l’accès ni l’exploitation à l’étranger qui arrive.

69
Rapport du 14 décem bre 1993 n° 442/4-Cie-Gend-KdI du capitaine Léon Q. Dayato, commandant de la
70mpagnie de gendarmerie de Kandi, p. 3. Voir Annexe M / R.B. 100.
Guy Adjété Kouassigan, « L’homme et la terre, droits fonciers coutumiers et droit de propriété en Afrique
occidentale, ORSTOM, Editions Berger-Levrault, Collection L’homme d’outre-mer, Paris 1966, p. 9.

321.73 Avec la colonisation, « l’esprit comm unautaire s’am enuise, la souveraineté

devient propriété : entre l’homm e et la terre , les rapports ne sont plus m ystiques m ais
économiques. Au résultat de cette évolution apparaissent l’idée individualiste du patrimoine et

de la propriété et, avec elle, l’avarice et la convoitise»1. Les administrateurs coloniaux tant du

Niger que du Dahom ey, tirant les leçons des incidents du Fouta-Dja llon, ont su gérer les

problèmes qui ont progressivement surgi entre Dendi et Peulhs, cultivateurs et bouviers m ais

au fur et à mesure que les territoires progressaient vers l’indépendance, les simples conflits de
terre se muaient en conflit de souveraineté.

1.74 La pression dém ographique et les besoins économ iques ont fait éclater le

différend autour de l’île de Lété puis le différend s’est étendu à tout le secteur du fleuve

Niger, puis à celui de la Mékrou. C’est ainsi que la que stion des deux secteurs de la frontière
est soumise à une chambre de la Cour (voir croquis n°4, p.34).

71
Guy Adjété Kouassigan, op. cit.. Préface de Paul Ourliac, p. 3.

33croquis 4 : croquis correspondant aux deux secteurs de la frontière, le fleuve Niger et la

rivière Mékrou avec positionnement des villes et localités citées

34 CHAPITRE 2

LE DROIT APPLICABLE

352.01 Le compromis conclu entre la République du Bénin et la République du Niger

le 15 juin 2001 pour soumettre la présente affaire à la Chambre de la Cour, entré en vigueur le

11 avril 2002, com porte à son article 6 une dis position relative au droit applicab le. Elle est

rédigée comme suit :

« Les règles et principes du droiternternat ional qui s’appliquent au différend sont
ceux énumérés au paragraphe 1 de l’article 38 du Statut de la Cour internationale
de Justice, y compris le principe de la succession d’Etats aux frontières héritées de
la colonisation, à savoir l’intangibilité des frontières ».

Il résulte de cette disposition que toute règle de droit internati onal pertinente sera applicable

au cas d’espèce, qu’il s’agisse de normes de nature conventionnelle ou coutumière.

2.02 S’agissant d’une affaire m ettant en présence deux États issus de la

décolonisation de l’ex-Afrique occidentale française, soumise, dès les origines du processus
de colonisation, à la fin du XIXèm e siècle, à l’autorité d’une se ule et m ême puissance

administrante, la République française, la pa rt du droit conventionnel international sera en

l’occurrence réduite ; ceci con trairement à ce qui a pu être le cas dans d’autres différends
72
territoriaux africains, tels que ceux ayant donné lieu à l’affa ire opposant la Libye au Tchad
73
ou à l’affaire de l’île de Kasikili/Sedudu, entre le Botswana et la Namibie .

2.03 En revanche, diverses règles de dr oit international général, coutum es e t

principes généraux, trouvent en cette affaire une occasion d’application. A cet égard, l’article

6 du com promis désigne dans sa partie te rminale un principe fondam ental, celui d e

« l’intangibilité des frontières » issues de la décolonisation, plus souvent désigné sous

l’expression latine d’ « uti possidetis juris ».

2.04 L’assimilation entre l’un et l’autre prin cipe (« intangibilité des frontières » et

« uti possid etis ju ris ») résulte d’u ne identité substa ntielle comm e d’ une reconnaissance

explicite dans le cadre régional africain.

2.05 Du premier point de vue, ainsi que l’ atteste l’arrêt de pr incipe rendu par la
Chambre de la Cour dans l’affaire du Différend frontalier (Burkina Faso/ Mali) :

72
Affaire du différend territorial (Jamahiriya arabe libyenne/Tchad), arrêt du 3 février 1994, Rec. C.I.J. 1994, p.
73103.
Arrêt du 13 décembre 1999.

36 « le pr incipe vise, ava nt tou t, à a ssurer le re spect d es lim ites terr itoriales a u
74
moment de l’accession à l’indépendance» .

Or, tel est précisément aussi l’objet du principe dit de l’intangibilité des frontières » tel qu’il

est visé dans le compromis.

2.06 Cette identité substantielle entre le pr incipe de l’intangibilité des frontières et

celui de l’ « uti possidetis » est reconnue par le droit régional africain, depuis l’adoption de la

résolution AGH/16 du 21 juillet 1964 par l’Orga nisation de l’Unité Africaine, laquelle

« déclare solennellement que tous les Etats m embres s’engagent à res pecter les frontiè res
75
existantes au m oment où ils ont accédé à l’ind épendance » . Elle a été réitérée réc emment
dans le cadre de la nouvelle organisation régionale africaine que constitue l’Union africaine 76.

2.07 En définitive, il s’agit b el et bien, s ous deux dénominations différentes, de la

même règle de droit, mais envisagée sous deux aspects ou, si l’on préfère, sous deux points de

vue différents :

- l’ « uti possidetis » détermine une règle de dévolution du territoire ; elle établit un

principe successoral, s’attachant à la transmission du titre territorial, lequel passe de la

puissance coloniale à l’État i ndépendant, dans les lim ites spatiales que connaissait la
première.

- La règle de l’ « intangibilité des frontières » s’attache à la stabilisation de ces limites

spatiales, afin qu’elles survivent à la succession territoriale.

De l’une à l’autre formulation, l’objet est cependant toujour s le m ême : en rester aux

frontières héritées de la co lonisation, quelles que puissent être, par ailleurs, leurs

imperfections, techniques ou politiques (voir infra, para. 2.12).

74C.I.J., Rec. 1986, p. 566, par. 23.
75Vo ir en p articulier B.Bo utros Ghali, Le syst ème régi onal af ricain, in Société françai se po ur le d roit
international, Régionalisme et universalisme dans le dro it international contemporain, Colloque de Bordeaux,
1976, Paris, Pedone, 1977, pp. 61 et s. ; F. Borella, Le régionalisme africain en 1964, Annuaire français de droit
international, 1964, pp. 621 et s. ; Djiena-Wembou, L’O.U.A. et le d roit international, in Revue juridique et
politique, In dépendance et co opération, 19 91, pp. 134 et s. ; G . Nesi, L’Uti po ssidetis iu ris nel d iritto
internazionale, Milan, CEDAM, 1996, spécial. pp. 105-108 ; A.O. Cukwarah, The Organization of African Unity
and African Territorial Boundary Problems, Indian Journal of International Law, 1973, pp. 176 et s. ; L.I.
Sanchez Rodriguez, L’uti possidetis et les effectivités dans les contentieux territoriaux et frontaliers, R.C.A.D.I.
t. 263, 1997, spécial. pp. 236 et s. ; J.M. Sorel et R. Mehdi, L’uti possidetis juris entre la consécration juridique

76 la pratique : essai de réactualisation, Annuaire français de droit international, 1994, pp. 11 et s.
Article 4.b de l’Acte constitutif de l’Union africaine adopté le 11 juillet 2000.
372.08 Il est, certes, généralem ent r econnu par la doctrine que le concept

d’« intangibilité » doit être ici retenu dans une acception relative, au sens où il n’interdit pas à

deux États issus de la d écolonisation de modifier par la voie d’un accord conclu entre eux le
tracé de la délim itation entre leurs territoires respectifs 77. Toutefois, en l’absence d’un tel

accord, lorsque, du fait de la contestation récip roque du tracé de la frontière, un différend

survient entre deux pays issus de la décolonisation, aussi bien le droit international général

que, en l’occurrence, le droit rég ional africain font une obligation à ces deux États : celle de

respecter, de manière « intangible », le tracé de la frontière tel qu’ il leur avait été légué par le
colonisateur. On pourrait ainsi parler d’une intangibilité réduite au cadre contentieux.

2.09 Dans la présente affaire, la Républi que du Bénin et celle du Niger sont donc

tenues de respecter la frontière telle qu’elle leur a été léguée par la France. Il appartiendra à la

Chambre de la Cour, sur la base des éléments de fait et de droit qui lui auront été apportés par
les Parties, de retrouver le tr acé de cette frontière , telle qu’elle avait été établie par la

puissance coloniale.

2.10 Dans la suite du présen t chapitre, on s’a ttachera à rappeler l’essentiel des

éléments se rapportan t successive ment à la nature et aux e ffets d u principe de l’ « uti
possidetis juris ».

77
Voir en particulier D. Bardo nnet, Les fron tières terrestres et la relativité de leur tracé, R.C.A.D.I. 1974,
t .153, p. 9 et s., spéci al. pp. 96-97 et 106-107 ; M. Kohen, Possession contestée et souveraineté territoriale,
Paris, P.U.F, 1997, p. 479 ; L.I. Sanchez Rodriguez, op. cit., supra note 75, p. 247 et s.

38 Section 1

Nature du principe de l’ « uti possidetis juris »

2.10 Le principe de l’« uti possidetis juris » a, c’est bien connu, une origine

régionale. Il prit naissa nce lors de la décolonisation du c ontinent sud-américain et déterm ina
la façon dont les anciennes colonies espagnoles se détachèrent de la couronne espagnole 78. Il

devait cependant revenir à la Co ur interna tionale de J ustice, par l’in termédiaire de sa

Chambre constitu ée pou r juger le Différend fr ontalier entre le Burkina Faso et le Mali,

d’énoncer avec la plus grande clarté le caractère de norm e du droit international général

s’attachant désorm ais à ce princi pe ; cela est d’autant plus rem arquable que la Cour a

précisément eu l’occasion de le faire à propos de deux États relevant, à l’époque coloniale, de

l’Afrique occidentale française, tout comme les deux États en litige dans le présent différend.

2.11 Dans l’affaire du Différend frontalier, en effet, le Burkina Faso et le Mali, tout

comme le Bénin et le Niger aujourd’hui, avaient dem andé à la Cham bre de la Cour de
« trancher leur dif férend sur la bas e notamment du princ ipe de l’ intangibilité des frontières

héritées de la colonisation » 79. Assimilant alors principe de « l’intangibilité des frontières » et

« uti possidetis », la Chambre prit position à l’égard de cette règle en p récisant bien qu’elle

n’appartient plus à un droit inte rnational régional m ais qu’elle constitue « un principe bien
80
établi en droit international, en matière de décolonisation », qui se trouve « logiquement lié
81
au phénomène de l’accession à l’indépendance, où qu’il se manifeste ». Il est par conséquent

nécessaire, comme le d it toujours la Cham bre, de voir dans les illustrations du principe en

Afrique :

« non pas une sim ple pratique qui aurait contribué à la form ation graduelle d’un
principe de droit international coutum ier dont la valeur serait lim itée au continent
africain comme elle l’aurait été auparava nt à l’Am érique hispanique, mais bien
82
l’application en Afrique d’une règle de portée générale » .

2.12 Cette généralisation de la portée du principe est expliquée par la Chambre de la

Cour par les avantages politiques qui s’attachent à son application ; ils lui paraissent, à la suite

78Voir par ex. G. Nesi, op .cit., supra note 75, pp. 1 s. et pp. 27 et s.
79C.I.J., Rec. 1986, p. 564, par. 20.
80Ibid.
81
82Ibid.
Ibid. p. 566, par. 26.
39des États africains eux -mêmes, compenser ceux qui pourraient nota mment résu lter, en

certaines occasions de la contrad iction éventuelle entre celle-ci e t le re spect du dr oit des
83
peuples à disposer d’eux-m êmes . La nature de la règle comme prin cipe général se trouve
ainsi liée à son objet. Le principe de l’ uti possidetis constitue en effet une sorte d e règle

conservatoire, ou, comme le dit la Chambre :

« une solution de sagesse visant à préser ver les acquis des peuples qui ont lutté
pour leur indépendance et à éviter la r upture d’un équilibre qui ferait perdre au
continent africain le bénéfice de tant de sacrifices » 84.

2.13 L’identité comme la portée de la norme d’ « intangibilité des frontières héritées

de la décolonisation » ou de l’ « uti possidetis juris » comme principe de droit international
général, pleinement applicable à la présente affaire, étant ainsi posée, il convient à présent de

considérer les effets qui s’attachent à son application.

Section 2

Effets du principe de l’ « uti possidetis »

2.14 Les effets juridiques qui s’attach ent à l’application du principe de l‘« uti

possidetis » tournent les uns et les autres autour de la constitution du titre juridique que l’État

qui en bénéficie possède à l’égard d’un territoire déterminé. On peut synthétiser ces effets en

deux traits complémentaires :

- l’application du princip e conf ère le titre te rritorial et in dique les f rontières

physiques de l’espace sur lequel il s’exerce;

- une fois constitué, le titre découlant de l’application du principe prévaut sur toute

autre expression de l’occupation territoriale.

§ 1 - L’application du principe de l’« uti possidetis» détermine le titulaire du
titre territorial.

2.15 L’arrêt de principe d’une Cha mbre de la Cour dans l’affaire du Différend

frontalier e ntre le Bur kina Faso e t le Ma li p résentait, on l’a dé jà so uligné, des af finités

83Voir notamment G. Nesi, op. cit. supra note 75, pp. 250-257.

40diverses avec la présente affaire, notamment quant aux types de situations qu’il avait à juger :

même région, m ême a ncienne puissance co loniale, m êmes techn iques adm inistratives et

même droit colonial (sur l’im portance et la portée duquel on reviendra plus loin) ; mêmes

circonstances historiques d’accession à l’indé pendance, enfin, m ême principe juridique
fondamental applicable dans un cas comm e dans l’autre, celui, précisém ent, de l’ uti

possidetis. Il est donc d’autant plus important d’ex aminer la façon dont la Chambre a analysé

le droit app licable dans l’af faire Burkina Faso/Mali que cet arrêt a, de toute façon, au-delà

même de ses affinités avec la présente affair e, été con sidéré comme établissant de façon

définitive la théorie générale comme les im plications pratiques de ce pr incipe substantiel en

tant que norm e du droit interna tional général. Or, de façon très im agée, la Chambre a bien
manifesté le premier effet de l’application du principe de l’« uti possidetis ». C’est lui, en

effet, qui fournit :

« l’instantané du statu t terr itorial e xistant à ce m oment-là. Le princip e de l’ uti
possidetis gèle le titre terr itorial ; il ar rête la montre sans lui faire remonter le
85
temps » .

2.16 La première incidence de l’applicat ion du principe est donc tem porelle même

si elle a, en elle-même, des conséquences spatiales. Cet effet initial est de désigner une date,
qu’en toute rigueur, il ne faudrai t pas confondre avec la notion de « date critique » ; celle-ci

n’a, en principe, pas lieu, en elle-m ême, à s’appliquer dans une affaire dom inée par

l’application de l’ « uti possidetis » même si, par extension du concept, on en rencontre

l’usage pour désigner en réalité la seule date pertinente en relation avec ce principe. Cette date

est celle de l’indépendance intervenue dans l’un et l’autre pays, soit, dans la présente espèce,
le 1eraoût 1960 pour le Bénin et le 3 août de la même année pour le Niger. C’est à cette date,

pratiquement identique, qu’il convient d’exam iner comm ent é tait, ju sque là, éta blie, en

application du droit colonial français, la délimitation des frontières administratives respectives

de la colonie du Dahomey et de celle du Niger. On peut, en l’occurrence, observer comm e le

fit une autre Cham bre de la Cour dans l’affaire du Différend terrestre, insulaire et maritime
86
(El Salvador/ Honduras) que :

84
85Ibid. p. 567, par. 25.
86C.I.J., Rec. 1986, p. 568, par. 30.
C.I.J., Rec. 1992, pp. 351-761.

41 « l’uti possidetis juris est par essence un principe rétroactif, qui transforme

en frontières internationales des limites administratives conçues à l’origine à
de toutes autres fins » .87

2.17 On touche alors à deux questions connexes, qu’il convient d’exam iner

successivement : d’une part, celle de l’acceptio n juridique sous laquelle il faut en tendre la

notion de titre juridique, entendu ici comme titre territorial ; d’autre part, celle des conditions

et de la mesure dans lesquelles les effets concrets du principe de l’ « uti possidetis » peuvent

être démontrés.

A - La notion de titre juridique

2.18 Appliquée au territoire, cette notion n’est pas totalem ent dépourvue

d’équivoque, au demeurant souvent relevée par la doctrine 88. Elle désigne, d’abord, le droit

que possède un État d’exercer sa compétence sur l’espace considéré. Cependant, comme le dit

la Chambre de la Cour dans l’affaire opposant le Burkina Faso au Mali :

« la notion de titre peut égalem ent et pl us généralement viser aussi bien tout
moyen de preuve susceptible d’établir l’ existence d’un droit que la source m ême
89
de ce droit » .

2.19 Quoiqu’il en soit, du point de vue de l’ uti possidetis, il faut bien voir que le

titre est env isagé comme fondement substantiel du droit à l’exercice des com pétences de

souveraineté et non comme m anifestation de son existence. C’ est le jeu de ce principe

successoral, qui, transférant le titre, transfère la souveraineté. Selon une autre terminologie, on
90
peut dire que l’uti possidetis désigne le « titre-source », non encore le « titre-preuve » . Son

application suffit en effet, et c’est là un point fonda mental, à constituer le d roit de l’É tat

successeur sur le territoire, tel que défini par l’autorité coloniale. Comme le dit un auteur, « le

87Ibid. p. 386, par. 41.
88Voir, notamment, Sir Robert Jennings, The Acquisition of Territory in International Law, Manchester, M.U.P.,
1963 ; M. Koh en, Possession contestée et souve raineté territoriale, op. cit. supra note 77, note p. 12 7 ; L.I.
Sanchez Rodriguez, L’uti possidetis et les effectivités dans les con tentieux territoriaux et fro ntaliers, op .cit.
supra note 75, pp. 166 et s. ; G. Distefano, L’ordre international entre légalité et effectivités, -le titre juridique
dans le contentieux territorial-, Paris, Pedone, 2002, not. pp. 58 et s.
89C.I.J., Rec. 1986, p. 564, par. 18.
90Voir notamment M. Kohen, Possession contestée et souveraineté territoriale, op. cit. supra note 77, pp. 127 et
s. ; G. Distefano, La notion de titre ju ridique et les d ifférends territoriaux dans l’ordre international, Revue

générale de droit international public, 1995, pp. 335 et s. ; L.I. Sanchez Rodriguez, L’uti possidetis et le s
effectivités, op. cit. supra note 75, pp. 168 et s.
42titre post-colonial est ( …) l’uti possidetis lui-même, en tant que source de la souveraineté

territoriale du nouvel Etat indépendant » . 91

2.20 De fait, une chose est la constitution du titr e : elle résulte de l’uti possidetis.

Une autre est sa démonstration : elle intéresse le jeu des preuves.

2.21 Il dem eure que, pour ne pas rester si mple virtualité, la réalité du titre est

directement liée aux m oyens de manifester son existence. Le fardeau de la preuve incom be

alors, là comme ailleurs, à l’État alléguant un fait ou une situation à l’o rigine d’un droit. La

formule de Max Huber reste ainsi valable sel on laquelle « chaque partie doit établir les

arguments sur lesquels elle base le droit de souveraineté qu’elle réclam e sur l’objet en
92
litige ». C’est dans un tel contexte que différents m oyens sont utilisés en pratique. Leur
usage est d’inégale importance selon la physionomie de chaque cas considéré.

2.22 Quoiqu’il en soit, la c onsultation du droit colonial et des actes pris en son

application pour établir les lim ites territoriales concernées joue ici un rôle prim ordial. On

l’examinera par cons équent à titre principal, avant de voir les m oyens de m anifestation du

titre souv erain que so nt le s ef fectivités puis, plus a ccessoirement encore, le m atériau
cartographique.

B – Le moyen privilégié de manifestation du titre : le droit colonial

2.23 S’agissant de deux É tats succéd ant l’un et l’au tre à deux territoires

administratifs placés jusque là sous l’au torité de la même puissance coloniale, la preuve qu e

doivent apporter l’une et l’ autre Parties se rapporte à la déterm ination des lim ites
administratives entre les deux colonies dont elle s relevaient re spectivement à la date de la

décolonisation. La référence au droit colonial en fonction duquel ces lim ites ont été fixées

devient dès lors déterminante 93. On peut, ici encore, consulte r l’arrêt rendu en 1986 à propos

d’une situation très similaire entre le Burkina Faso et le Mali lorsque la Cour indiquait que :

« le droit interne français (et plus particulièrement celui que la France a édicté
pour ses colonies ou territoir es d’outre-mer) peut intervenir, non en tant que tel

91
92M. Kohen, op.cit. supra note 77, p. 472.
Sentence rendue dans l’affaire de l’Île de Palmes, Revue Générale de droit international public, 1935, pp. 161-
932.
Voir G. Nesi, L’uti possidetis juris nel diritto internazionale, op. cit. supra note 75, pp. 212 et s.

43 (comme s’il y avait un continuum juris, un relais juridique entre ce droit et le droit
international), m ais seulem ent comm e un élé ment de fai t, parm i d’autres, ou

comme m oyen de preuve et de dém onstration de ce qu’on a appelé l94‘legs
colonial’, c’est-à-dire de l’« instantané territorial » à la date critique » .

2.24 C’est à la suite de ce passage que la Cham bre décr ira l’organisation

administrative de l’Afrique occid entale française, divisée en colonies, cercles, sub divisions,
95
cantons et villages . Le droit colonial français ne s’entend cependant pas seulem ent de
l’organisation des pouvoirs publics et de la stru cturation territoriale de l’administration des

territoires coloniaux. Il concerne aussi les ac tes administratifs pris à différents niveaux par

l’autorité administrante, à commencer par les arrêtés généraux pris par le gouverneur gé
néral

de l’Afrique occidentale française et les autres actes pris en leur applica tion. Il s’étend

également aux initiatives et aux réactions des responsables de circonscr iptions territoriales
compétents pour désigner les lim ites précises des cercles concernés, ce qui se traduisait

parfois, comme dans l a présente affaire, pa r des lettres et des échanges de correspondance

révélateurs de la réalité administrative.

2.25 Au-delà de la référence au droit col onial, dans le passag e de l’arrêt de 1986

reproduit ci-dessus, la Cham bre évoque, certes, d’autres moyens de preuve. Ils se rapportent
en particulier à l’effectivité de l’exercice des compétences territoriales par une colonie sur un

espace déterminé. La jurisprud ence de la Cour , dans cette affaire comme dans d ’autres, et,

d’une façon plus générale, la jurisprudence internationale m anifestent cep endant tr ès

clairement la prim auté du titre su r les effectivités, qu’elles soient colon iales ou, a fortiori,

post-coloniales.

94
95C.I.J., Rec. 1986, p. 569, par. 30.
Ibid. par. 31.

44 § 2 – Une fois constitué, le titre prévaut sur toute autre expression
de l’occupation effective

A - Le rôle des effectivités coloniales et celui des effectivités post-coloniales

2.26 Les effectivités coloniales ont été dé finies par l’arrêt de la Cha mbre de 1986

(Burkina Faso/Mali) comme :

« le comportement des autorités adm inistratives en tant que preuve de l’exercice

effectif des96om pétences territoriales dans la région pendant la période
coloniale » .

Il convient ainsi d’envisager ce comportem ent non en lui-même, comme le serait un droit de

renvoi, mais comme un fait permettant la vérification de l’existence du titre, lequel prévaut de
toute façon sur tout comportement manifestant la possession ou l’intention de l’exercer.

2.27 Comme devait déjà le constater le Chief Justice Hughes dans l’affaire des

Frontières honduro-guatémaltèques, la possession à elle seule ne saurait suffire à dégager

l’uti possidetis, ni même ne peut servir de test oblig é pour confirmer ce que le droit colonial,
appliqué par la voie des actes juridiques qu’il comportait, avait étab li en f ait d’attribution

territoriale7. Le fait peut, en d’autres termes, confirmer le droit. Mais il ne peut se substituer à

lui. Il dem eure ainsi avec le titre légalem ent établi dans un rapport ancillaire. Exprim ant le

titre, il ne saurait en tenir lieu.

2.28 On doit cependant, là encore, à la jurisprudence de la Cour intern
ationale de

Justice d’avoir très clairem ent systématisé les rapports entre titre souv erain et ef fectivité.

Dans l’arrêt de 1986 déjà maintes fois cité, la Chambre de la Cour s’exprime en effet comme

suit :

« Dans le cas où le fait correspond ex actement au d roit, où une ad ministration
effective s’ajoute à l’ uti possidetis juris , l’ ‘ effectivité’ n’intervient en r éalité que
pour confirmer l’exercice du droit né d’un titre juridiqu e. Dans le cas où le fait ne
correspond pas au droit, où le territo ire objet du différend est adm inistré

exclusivement par un Etat autre que celui qui possède le titre juridique, il a lieu de
préférer le titulaire du titre. Dans l’éventualité où l’ ‘ effectivité’ ne co existe avec
aucun titre juridique, elle doit inévitablement être prise en considération. Il est enfin

96
97C.I.J., Rec. 1986, p. 586, par. 63.
Voir R.S.A. vol. II, p. 1324. et commentaire dans M. Kohen, op. cit. supra note 77, pp. 473-474.

45 des cas où le titre juridique n’est pas de na ture à faire apparaître de façon précise

l’étendue territoriale sur laquelle il porte . Les ‘effectivités’ peuvent alors jouer98n
rôle essentiel pour indiquer comment le titre est interprété dans la pratique » .

2.29 Le passage qui précède, très substan tiel, systématise d’une façon parfaitem ent

rigoureuse la relation titre/effectivité. Il confirme bien que les secondes ne peuvent jamais se

substituer au titre que dans un seul cas : celui où il n’y aurait pas de titre du tout. C’est ce qui
s’est passé dans la récente affa ire jugée par la Cour entre l’I ndonésie et la Malaisie dans son

arrêt du 17 décem bre 2002 99. Dans tous les autres cas, elle dem eure subordonnée au titre ;

qu’elle en apporte la confirmation ou qu’elle en permette l’interprétation.

2.30 Or, comme on le verra dans la suite de ce m émoire, en dépit de quelques

imprécisions inhérentes à la ge stion des confins entre deux co lonies relevant d’une m ême
puissance administrante, on se trouve pour l’essentiel, dans le cas considéré, en présence de la

première des situations visées par la Chambre de 1986 dans le passage qui précède 100. Les

effectivités colonia les jouent, cer tes, un rôle, m ais un rôle de toute f açon lim ité ; il es t

confirmatif du titre possédé par le Bénin sur les territo ires en litige, en vertu de sa succession

à la colonie française du Dahomey.

2.31 Ce qui vient d’être dit du caractère déterm inant et prioritaire du titre sur les

effectivités coloniales est, bien entendu, logiquement et a fortiori, vrai des effectivités post-

coloniales, celles qui, en d’autres termes, pourraient être intervenues après la date d e

l’indépendance. Ici encore, le précédent très pr oche, à tous égards, de la présente affaire

fourni par l’arrêt de 1986 ( Burkina Faso/Mali) offre une illustration d e cette s ituation. Il

déclare :

« puisqu’il s’agit de définir le tracé de la frontière telle qu’elle existait dans
les années 1950-1960 (…) les Parties s’ accordent pour refuser toute valeur
juridique aux actes d’administration ultérieurs qui auraient pu être effectués
par l’une d’elles sur le territoire de l’autre » 101.

2.32 Favoriser toute autre solution irait, en effet, à l’encontre de la ratio legis même
du principe de l’« uti possidetis ». Règle stabilisatrice, protectrice des titres territoriaux acquis

consécutivement à la disparition du fait colonial , la norm e de l’intan gibilité des f rontières

98C.I.J., Rec. 1986, pp. 586-587, par. 63.
99Affaire concernant La Souveraineté sur les îles de Pul auLigitan et Pulau Sipadan (Indonésie/Malaisie), 17
décembre 2002, Rec. 2002, p. 57, par. 137 et s.
100Voir infra, chapitres 3 et 4.

46héritées de la colon isation est p récisément destinée, en l’absence d’un accord des États

intéressés, à éviter que la force ou le fait accompli priment le droit.

2.33 Ainsi, l’occupation d’un territoire par un État en cont radiction du titre

attribuant ce territoire à un autr e État ne peut-elle em porter transfert de la souveraineté au

bénéfice de l’occupan t illég al. La Cour a eu récemm ent l’occas ion de le rappe ler. Dans

l’affaire de la Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria , en se fondant
sur le précédent constitué par l’arrêt rendu entre le Burkina Faso et le Mali en 1986, elle cite,

au paragraphe 68 de son arrêt, l’affirm ation, déjà rappelée plus haut, de la Cham bre de 1986

selon laquelle :

« dans le cas où le fait ne correspond pa s au droit, où le territoire objet du

différend est administré effectivement par un Etat autre que celui qui possède le
titre juridique, il y a lieu de préférer le titulaire du titre ».

La Cour en fait clairement application en 2002 en considérant à nouveau que :

« les effectivités invoqués par le Nigéria 102 n’étaient pas conformes au droit et que
103
dés lors, il y a lieu de préférer le titulaire du titre » .

La Cour considère ainsi que « les éventuelles effectivités nigérianes doivent être considérées,

du point de vue de leurs conséquences juridiques, comme des actes contra legem ». 104

2.34 Il n’y a en réalité aucune exception au principe qui vi ent d’être rappelé, selon

lequel les effectivités ne peuvent modifier le titre.

2.35 S’il est vrai que certains territoires ont pu faire l’obje t d’un transfert de

souveraineté postérieurement à la situation qui prévalait au le ndemain de la décolonisation,

ceci résulte toujours d’un accord, fut-il manifesté par le phénomène de l’acquiescement tacite

sur le long terme ; cela est vrai, que ce comportement résulte lui-même ou non d’un défaut de

vigilance de la part de l’État possesseur du titre légal. On se retrouve alors face à un agrément,

établi, en fait mais, par voie de conséquence, également en droit, entre l’État héritier du titre

colonial et celui qui, du fait d’une occupation effective à laqu elle le premier n’a pas objecté
durant une période très prolongée, a acquis un nouveau titre terr itorial. On ne saurait y voir

101
102C.I.J., Rec. 1986, p. 570, par. 34.
103Il s’agissait d’effectivités post-coloniales.
104Arrêt du 10 octobre 2002, Rec. 2002, p. 55, par. 70.
Ibid., p. 53, par. 64 et, à propos de la presqu’île de Bakassi, pp. 110-111, pars. 220-223.
47une illustration d’une prévalence de l’ef fectivité su r le titre co lonial, m ais bien plutô t

l’expression d’un accord non for malisé entre deux États pour que la souverain eté sur u n

territoire déterm iné passe de l’ un à l’autre. L e fonde ment ju ridique de ce transfert de

souveraineté tient à l’accord, non aux effectivités en tant que telles. N’eussent elles rencontré
l’assentiment de l’État dont el les méconnaissaient le titre souve rain, elles n’auraient jam ais

pu, par elles-mêmes, emporter de transfert du tit re. Elles n’ont pu produire un tel effet qu’en

rencontrant l’assentiment passif du possesseur légal du titre. Un État n’est jamais dépouillé de

sa souveraineté que s’il le veut bien.

2.36 Ainsi, dans son arrêt précité du 10 oc tobre 2002, la Cour, en s’appuyant sur le
précédent tiré de l’arrêt rendu dans l’affaire du Différend frontalier, insulaire et maritime de

1992 (El Salvador/Honduras) à son paragraphe 80 indique à propos du lac T chad, que la

conduite du Cameroun après l’indépendance n’est :

« pertinente que pour déterm iner s’il a acquiescé à une modification du titre
conventionnel, éventualité qui ne peut être entièrement exclue en droit». 105

2.37 La Cour rappellera égalem ent cette règle plus loin dans le m ême arrêt, à

propos de la presqu’île de Bakassi. Après avoi r redit que les effectivités ne peuvent pas

modifier le titre, elle estime en effet que :

« la question d’ordre juridique qui se pose véritablement en l’espèce est de savoir
si la conduite du Ca meroun en tant que détenteur du titre peut être considérée
comme une forme d’acquiescement à la perte du titre conventionnel dont celui-ci
106
avait hérité lors de son accession à l’indépendance » .

2.38 On constate, ainsi, qu’en bonne logi que, la jurisprudence est restée jusqu’à

aujourd’hui extrêmement restrictive quant à la reconnaissance d’une acceptation du souverain

territorial d e renoncer à son titre. En droit p ositif, il existe une « présomption de non-
acquiescement à une possession cont raire au leg s colonial » 107. Ainsi, encore une fois, une

confirmation de cette constatation est elle apportée dans l’arrêt du 10 octobre 2002

(Cameroun/Nigéria). La Cour y déclare :

« l’invocation de la consolid ation historique ne saura it en tout é tat d e caus e
conférer un titre au Nigeria sur la presqu’ île de Bakassi, dés lors que l’occupation

de la presqu’île était cont raire à un titre conventionne l préexistant détenu par le

105
106C.I.J., Rec. 1992, pp. 408-409, par. 80.
107Arrêt du 10 octobre 202, Rec. 2002, p. 111, par. 223.
M. Kohen, Possession contestée et souveraineté territoriale, op. cit. supra note 77, pp. 486-487.

48 Cameroun et qu’au surplus cette possession ne s’inscrivait que dans une période
limitée » 10.

B - Le donné cartographique

2.39 Dans les différends de caractère terr itorial, les Parties sont souvent am enées à

faire référence aux cartes pour tenter de prouver l’appartenance du territoire en litige à un coté

plutôt qu’à l’autre. On peut com prendre l’intérêt soulevé par les c artes. Elles co nstituent

notamment une représentation graphique de la réalité géographique. Mais elles sont aussi, en
bien des cas, beaucoup plus que cela. Elles peuvent, en effet, four nir des renseignem ents

éclairants, en particulier sur la façon dont l’autorité adm inistrative se représentait, au

quotidien, les limites effectives d’un cercle ou d’une subdivision.

2.40 Les cartes à grandes échelle, souvent reco piées à partir de la même carte mère,
faisaient, certes, bien souvent perdurer l’imprécision sinon même les erreurs, notamment par

le détail insuffisant ou la notation trop a pproximative qu’elles pouvaient donner du tracé des

limites administratives. En revanche, les cro quis d’adm inistrateurs étaient bien souvent

révélateurs de la perception qu’ils avaient de l’étendue exacte du champ spatial imparti à

l’exercice de leurs attributions . Rapportés à la réalit é du terrain, ils m anifestaient ainsi une
représentation graphique des effectivités coloniales, au sens et à la portée évoqués plus haut.

2.41 Toujours est-il que, sauf à certaines condi tions très clairement précisées par la

Chambre de la Cour dans l’arrê t de 1986 entre le Burkina Faso et le Mali, ja mais, en elle-

même, une carte ne prouve l’existence du titre au bénéfice de l’État qui la produit :

« les cartes ne sont que de sim ples indications, plus ou m oins exactes selon le s
cas ; elles ne constituent jamais –à elles seules et du seul fait de leur existence– un
titre jur idique intrin sèque aux f ins de l’établissem ent des droits te rritoriaux.
Certes, dans quelques cas, les cartes pe uvent acquérir une telle valeur juridique
mais cette valeur ne découle pas alors de leurs seules qualités intrinsèques : elle

résulte de c e que ces c artes ont é té intégrées parmi les élé ments qui constitu ent
l’expression de la volonté de l’E tat ou de s Etats concernés. Ainsi en va-t-il, par
exemple, lorsque des cartes sont annexées à un texte officiel dont ell
es f ont partie
intégrante » 109.

108
109Arrêt du 10 octobre 2002, Rec. 2002, p. 110, par. 220.
C.I.J., Rec. 1986, p. 582, par. 54.

49Ce passage de l’arrêt de 1986 définit très exactement la situation du droit positif en la matière.

Il a été intégralement cité et appliqué par la Cour dans son arrêt du 13 décembre 1999 précité,
110
en l’affaire de l’Île de Kasikili/Sedudu .

2.42 Pour conclure sur le droit applicab le, la République du Bénin insiste en

conséquence des développements qui précèdent sur les points suivants :

- toute règle pertinente du dr oit international, notamment général, est applicable

en la présente affaire ;

- constituant elle-m ême un principe de droi t international général, la r ègle de l’
« uti possidetis juris », également désignée, co mme dans le com promis conclu

entre les deux Parties, comme celle de l’ « intangibilité des frontières » issues de

la colonisation, constitue le fondement du titre territo rial dont hérite un État à la

date de l’indépendance ;

- la preuve du titre territorial ain si hérité du colonisateur est rapportée en premier

lieu pa r la consultation du droit c olonial, con stituant un f ait révé lateur de la

situation prévalant à l’époque coloniale ;

- le titr e constitué par l’application de la règ le de l’ uti possidetis juris peut être

confirmé par l’examen des effectivités coloniales. En revanche, il ne peut pas être

renversé par des effectivités exercées à l’en contre du titre, que ce soit durant la

période coloniale, ou, a fo rtiori, dans la période qui suit la date de la
décolonisation, laquelle « gèle » le titre te rritorial dans l’état ou l’avait laissé

l’autorité coloniale ;

- En particulier, on ne saurait présum er l’existence d’un tra nsfert du titre par la

voie d’un acquiescement de la part du souvera in légalement investi du titre par le
jeu de l’uti possidetis ;

110Arrêt du 13 décembre 1999, Rec. 1999, p. 52, par. 84.

50- tout autre élém ent de preuve, com me, en particulier, des tém oignages tirés du

matériau cartographique, ne saurait appor ter, par lui-m ême, la preuve de la
matérialité du titre juridique sur le territoire contesté.

51 CHAPITRE 3
LE LEGS COLONIAL

523.01 Comme cela est rappelé dans le chapitre 1 erci-dessus (voir supra, par. 0.03 et

par. 1.70), l' objet du différend est précisé à l'article 2 du comprom is du 15 juin 2001. Aux

termes de cette disposition:

"La Cour est priée de:

a. déterminer le tracé de la frontière entre la République du Bénin et la République
du Niger dans le secteur du fleuve Niger;

b. préciser à quel État appartient chacune de s îles du f leuve et en partic ulier l'île

de Lété;

c. déterminer le tracé d e la frontière en tre les deux États dans le secteur de la
frontière Mékrou".

C'est donc l'ensemble de la frontière entre les deux États dont il s'agit de "déterminer le tracé".

3.02 Bien que chacun des secteurs identifié s dans le com promis fasse l' objet de

chapitres distincts ci-après, il a paru opportun de présenter un bref historique général du tracé

de la frontière. Tel est l'objet du présent chapitre.

3.03 De l'avis de la Républiq ue du Bénin, ce tracé résulte d' instruments juridiques

d'origine coloniale et, dans une m esure moindre, internationaux que la Cha mbre de la Cour

est, dès lors, appelée à recenser et à applique r à la délimitation de la frontière commune aux
deux Parties. Les prem iers revêtent une im portance toute particulière en la prés ente espèce

dans laquelle le principe de l'uti possidetis trouve à s'appliquer de manière privilégiée comme

le Bénin l'a montré dans le chapitre précédent. Il convient cependant de s'interroger également

sur l'existence éventuelle de traités pertinents. D’une part en effet, le principe de l'intangibilité
des frontières héritées de la co lonisation peut être tenu en éc hec par des traités conclus entre

les Parties après leur indépendance. D’autre part, la frontière commune aux Parties trouve son

point d' aboutissement, sur le fleuve Niger, à la frontière avec un É tat tie rs, le Nigéria,

ancienne colonie non de la France, mais du Royaume-Uni.

3.04 Toutefois, dans la présente espèce , les Parties n' ont conclu aucun traité

modifiant leur frontière commune. Quant aux traités pertinents, ils concernent exclusivement

la frontière des deux États avec le Nigéria; il suffira donc de les décrire lorsque sera abordée
111
la question du point d' aboutissement de la frontière à l' est dans le secteur du fleuve Niger .

111Voir ci-dessous, chapitre 5, section 2, §2.

53Dans le présent chapitre, la République du Bénin se bornera donc à présenter, dans un premier

temps, un bref historique de la colonisation du Dahomey et du Niger par la France (section 1),

puis, dans un second temps, une chronologie sommaire de la fixation des lim ites entre les
deux colonies (section 2), étant entendu que celle-c i peut et doit s'arrêter à l'année 1960, date

de leur accession à l'indépendance 112.

Section 1

La colonisation du Dahomey et du Niger par la France

3.05 Entamée par la côte dahom éenne au m ilieu du dix-n euvième siècle, la

colonisation française aboutit, après la création de la colonie du Dahomey en 1894, à celle d e

la colonie du Niger en 1922 (§ 1). À m esure qu'elle affermissait son emprise sur la région, la
France précisait l' organisation administrative et les lim ites des circonsc riptions territoriales

qu'elle créait et qui, dans la région lim itrophe entre les colonies du Dahomey et du Niger,

furent précisées avant la décolonisation des deux territoires (§ 2).

§ 1 - La pénétration française

3.06 L’histoire de la colonisation du Daho mey et du Niger par la France et des

délimitations territoriales successives des deux colonies n e peut se comprendre qu'en partant

du constat suivant: les Français se sont d’ abord implantés au s ud du Dahom ey, le long du
littoral, et sont ensuite rem ontés progressivement vers le nord en direction de la boucle du

Niger afin d'y effectuer la jonction avec leurs autres colonies d'Afrique occidentale et centrale.

3.07 Installés dans le fort de Ouidah sur la côte du royaum e contrôlé par le
souverain du Dahom ey (Danxomé) dès le règne de Louis XIV, les Français s' y rétablirent,

après une parenthèse du temps de la Révolution, de l'Empire et de la Restauration, à partir de
ème
la seconde moitié du X IX siècle. L'application des accords conclus par la France avec les

autorités locales donna lieu toutefois à des contestations de la part de ces dernières. Un conflit
armé s'ensuivit à la fin des années 1880 et au début des années 189
0, au term e duquel les

troupes françaises m archèrent su r Abom ey, déchurent le roi en place (Behanzin) et

112Voir chapitre 2, ci-dessus.

54déclarèrent, le 3 décembre 1892, le Dahom ey pr otectorat français. Ce la ouvrit la voie à

l’organisation administrative du territoire 113et à la pénétration vers le Niger 114.

3.08 La colonie du Dahomey et dépendances, créée par un décret du Président de la

République française du 22 juin 1894 11, succéda à cet éphémère protectorat. Par un décret du

17 octobre 1899 116, cette colonie fut incorporée à l’A.O.F, qui avait été in stituée entre-temps

par un décret du 16 juin 1895 117.

3.09 La chute de Behanzin ouvrit tout le nord du Dahom ey – la région de la boucle

du Niger – à la colonisation, ce qui aiguisa inév itablement l'appétit des puissances coloniales

présentes dans la région. Une véritable "course au Niger" s'engagea dès lors entre la France, le

Royaume-Uni et l' Allemagne à l' extrême fin du dix-neu vième siècle. La Fran ce parvin t

toutefois à devancer ses concur rents et à occuper effectivem ent, à l'automne 1897, la région

comprise entre Say et Boussa sur le Niger, le Dendi, la ligne Boussa-Cayom a-Kitchi et le
118
Borgou (voir croquis n°5, p. 56).

113Voir infra, pars. 3.24-3.25.
114A. Terrier et Ch. Mourey, L’expansion française et la formation territoriale, op. cit., pp. 33, 147-151 et 278-

115.
116Annexe M / R.B. 1.
117Annexe M / R.B. 7, article 2.
Décret du Président de la République Française du 16 ju in 1895 instituant un "gouvernement général de
l’Afrique Occidentale Française", Annexe M / R.B. 2
118A. Terrier et Ch. Mourey, L’expansion française et la formation territoriale, op. cit., pp. 290-295, et p. 310.

55croquis 5 . La course au Niger - Territoires contrôlés par la France en 1895

563.10 Toutefois, les tensions restèrent vives entre les puissances coloniales et

l’occupation française fit l’objet de nombreuses contestations. Afin de mettre un terme à ces
contentieux, les parties concernées entamèrent des négociations qui aboutirent à la conclusion

de deux accords, la convention franco-allem ande du 23 juillet 1897 pour le nord-ouest du

Dahomey et, pour le nord-est du Dahom ey, la convention franco-anglaise du 14 juin 1898 119,

qui fut m odifiée par la suite par la c onvention franco-anglaise du 8 avril 1904 120. Ces

conventions procédèren t à la rép artition des sphères d ’influence des tro is p uissances

coloniales et permirent à la Fr ance de conserver une grande partie du Nord Dahom ey et de
121
joindre la Côte d’Ivoire et le Dahomey au Soudan français et au Niger (voir croquis n°6, p.

58).

3.11 À la même époque, la F rance conclut, le 21 octobre 1897, un i mportant traité
122
avec Ali, chef de Kari mama, roi du Dendi . Le roi du Dendi, dont la résidence était située

sur la rive droite du fleuve Niger, exerça it à l' époque son autorité sur toute la région
comprenant les deux rives du fleuve. En vertu de l’article premier de ce traité:

"Ali, Amirou de Karimama, Roi du Dendi, place ce pays situé sur la rive droite et
sur la rive gauche du Niger, sous le protec torat exclusif de la France, tant en son
nom qu’au nom de ses successeurs".

L'article 5 précisait par ailleurs que:

"Le Dendi, rive droite, est limité: au Nord, par le Territoire de Say; à l’Ouest, par
le Gourma, au Sud-Ouest, par le Terri toire de Kandy, dépendant du Borgou, au
Sud, par le Territoire d’Ilo; le Dendi rive gauche est limité au Sud et à l’Est, par le
Goulby N'Kebbi, jusqu’à son confluent av ec le Nige r; au Nord-Est par le
123
Territoire de Kebbi; au Nord par le Zaberma" .

119Annexe M / R.B. 5
120Annexe M / R.B. 12
121Ibid., pp. 297-327.
122Annexe M / R.B. 3
123L'arrêté général du 11 août 1898 (Voir infra, par. 3.25) confirme que le Dendi était "situé sur les deux rives

du Niger".
57croquis n° 6 – Les conventions répartissant les territoires entre les puissances coloniales

583.12 La France ayant ainsi réussi à asseoi r sa présence territoriale sur des bases

juridiques claires et op posables aux autres pu issances coloniales, il lu i restait à procéder à

l'organisation adm inistrative inte rne des te rritoires re levant de sa jurid iction. Cette

organisation, com plexe à certains égards dans son déroulem ent, a perm is d' aboutir en

plusieurs étapes à la création de la colonie du Niger, limitrophe de la colonie du Dahomey.

3.13 Dès 1899, les autorités françaises décidère nt, afin notamment d’éviter dans la
mesure du possible toute confusion des pouvoirs ad ministratif et militaire et de mettre fin au

caractère artificiel et p rovisoire de ce qui constituait jus qu'alors la colonie du Soudan

français 12, de procéder à la dislocation de cette dernière colonie et de réorganiser en

conséquence l' Afrique occident ale française. E n vertu de l’ article p remier du décret du

Président de la République française du 17 oc tobre 1899, les territoires concernés furent

répartis entre la colonie du Sénéga l, la colonie de la Guin ée française, la colonie de la Côte

d’Ivoire, la colonie du Dahom ey et deux territoires militaires créés spécialement à cette f in.

La colonie du Dahomey se vit attribuer "[l]es cantons de Kouala ou Nebba au sud de Liptako
et le territoire de Say comprenant les cantons de Djennaré, de Diongoré, de Folmongani et de

Botou". Le premier territoire militaire regroupa les cercles ou résidences de la circonscription

dite "Région nord et nord-est du Soudan français", et le second les cercles ou résidences de la

circonscription dite "Région Volta" 125(voir croquis n°7, p. 60).

3.14 L’arrêté du 23 juillet 1900 du gouvern eur général de l’A.O.F. ajouta un
126
troisième territoire militaire aux deux précédents . En son article prem ier, deuxième alinéa,
cet arrêté précisait que ce te rritoire militaire devait "s' étend[re] sur les rég ions de la r ive

gauche du Niger de Say au lac Tchad qui ont été placées dans la sphère d’influence française

par la convention du 14 juin 1898". Un décret du Président de la République française du 20

décembre 1900 confirma la création du nouveau territoire militaire 127.

124
Voir le rapport du ministre des colonies Albert Decrais du 17 octobre 1899, in JORF n°283 du 18 octobre
1259, pp. 6893-6894, Annexe M / R.B. 7.
126Annexe M / R.B. 7.
127Annexe M / R.B. 8.
Annexe M / R.B. 9.
59croquis n°7 La frontière entre le Dahomey et les territoires limitrophes (1899-1902)

603.15 Par un décret présidentiel du 1 eroctobre 1902, une nouvelle unité

administrative fut créée au s ein de l’A.O.F., les "Territoires de la Sén égambie et du Niger",

comprenant "les pays de protectorat actuellem ent dépendant du Sénégal et les territoires du

Haut Sénégal et du Moyen Niger" 128.

3.16 Le décret du Président de la Ré publique française du 18 octobre 1904 portant

réorganisation du gouvernem ent général de l' Afrique occidentale française procéda, comme
l’indique son titre, à une nouvelle réorganisation administrative de l’A.O.F. 129. Aux termes de

ce décret, l'A.O.F. fut définie comm e comprenant désormais cinq colonies et un territoire

civil, les colonies du Sénégal, de la Guinée française, de la Côte d’Ivoire et du Dahomey, et le

territoire de la Maurita nie, ainsi que la colo nie du Haut-Sénégal e t du Niger, créée à cette

occasion et comprenant "les anciens territoires du Haut-Sénégal et du Moyen-Niger et ceux

qui forment le troisième territoire militaire". Le décret précisait que cette dernière colonie se

composait:

"a) des cercles d’adm inistration civile parmi lesquels sont com pris ceux qui
forment actuellement le deuxième territoire militaire;

"b) d'un territoire militaire, dit "terr itoire militaire du Niger", qui com prend les
circonscriptions actuelles des premier et troisième territoires militaires".

L’article 6, aliné a 4, précisa it que ce ter ritoire militaire était adm inistré, sous l’a utorité du

lieutenant gouverneur, par un offi cier supérieur portant le titre de commandant du territoire

militaire (voir croquis n°8, p. 62).

128 er
129Annexe M / R.B. 11, article 1 -5°
Annexe M / R.B. 13.
61croquis n°8 : Les m odifications apportées par le décret du 18 octobr e 1904 et l’arrêté du 2

mars 1907 aux limites de 1899

623.17 Ce découpage subit une adaptation ponctuelle lorsque, pa r un décret du
130
Président de la République française du 2 m ars 1907 , les cercles de Fada-N' Gourma et de

Say furent détachés du Dahomey pour être rattachés à la colonie du Haut-Sénégal et Niger. La
délimitation entre les deux colonies fut défini e en conséq uence de la m anière suivante à

l'article premier du décret:

"La limite entre la co lonie du Haut-Sénég al et Niger et cel le du Dahom ey est
constituée, à partir de la frontière du Togo, par les lim ites actuelles du cercle de
Gourma jusqu'à la rencontre de la chaîne montagneuse de l'Atakora dont elle suit

le sommet jusqu’au point d’intersection avec le méridien de Paris, d’o ù elle su it
une ligne droite dans la direction Nord-Est et aboutissant au confluent de la rivière
Mékrou avec le Niger".

3.18 Par ailleurs, un décret du Président de la République du 7 septembre 1911 131détacha, à

partir du 1 erjanvier 1912, le te rritoire militaire du Niger de la colon ie du Haut-Sé négal et

Niger, pour en faire une subdi vision administrative dépendant directement du Gouvernement

général de l’A.O.F. (voir croquis n°9, p. 65).

3.19 Le mouvement de division de la coloni e du Haut-Sénégal et Niger ne s’arrê ta

pas là. En effet, les autorités françaises con statèrent que, si le regroupem ent au sein d’une

seule colonie des territoires com posant la colonie du Haut-Sénégal et Niger avait répondu en

1904 à la nécessité de "perm ettre l’administration spéciale et directe de territoires appelés à
132
prendre un essor considérable" , il s'avérait toutefois à l' expérience que cette colonie était

trop étendue et trop diverse dans sa composition pour se prêter à une administration efficace.

La nécessité s’im posa donc quinze ans après la création de la colonie du Haut-Sénégal et

Niger de procéder à sa division en deux colonies distinctes, afin notamment de doter la région
133
la plus peuplée d’une aut onomie politique et économ ique . La colonie de Haute-Volta,

composée de territoires détachés de la colonie du Haut-Sénégal e t Niger, fut ain si créée en
1919 13. L’article premier, premier alinéa, du décr et du Président de la République française

130Annexe M / R.B. 16.
131Annexe M / R.B. 23.
132Voir le rapport du ministre des colonies Henry Simon du 1 mars 1919, Annexe M / R.B. 29.
133Id.
134Il convient de préciser que la colonie de la Haute-Volta a disparu en 1932, pour réapparaître en 1947 dans ses
anciennes limites de 1932 (voir C.I.J., Différend frontalier (Burkina Faso/Mali), arrêt du 22 décembre 1986, Rec.
1986, p. 569, par. 32).

63 er
du 1 mars 1919 portant division de la colonie du Haut-Sénégal-Niger et création de la
135
colonie de Haute-Volta décida à cet effet que :

« Les cercles de Gaoua, Bobo-Dioula sso, Dédougou, Ouagadougou, Dori, Say et

Fada N'Gourna, faisant actuellement partie du Haut-Sénégal et Niger, forment une

colonie distincte qui porte le nom de Haute-Volta » (voir croquis n°10, p. 66).

3.20 Enfin, le territoire militaire du Niger, qui avait été rattaché au Gouvernem ent

général de l'A.O.F. en 1911 136, devint à compter du 1 janvier 1921 le "Territoire du Niger" et

fut doté d'une autonomie et d'une personnalité identiques à celles des autres colonies, en vertu

du décret d u Président de la Répu blique du 4 décembre 1920 137, avant d’être tran sformé,

moins de deux ans plus tard, en une colonie distincte, la colonie du Niger, par un décret du 13

octobre 1922 138.

3.21 Cette nouvelle colonie bénéficia d’une extension territoriale le 28 décem bre

1926 lorsqu’un nouveau décret du Président de la République rattacha certains territoires de la

colonie de la Haute-Volta à la colonie du Niger, plus précisément

« 1° Le cercle de Say, à l’exception du canton Gourmanché-de-Botou;

2° Les cantons du cercle de Dori, qui relevaient autrefois du territoire militaire du Niger, dans

la région de Téra et de Yatacala, et qui ont été détachés par l’arrêté du Gouverneur général du

22 juin 1910 » 139(voir croquis n°11, p. 67).

135
136Annexe M / R.B. 29.
Voir supra, par. 3.18.
137Annexe M / R.B. 30 article 1 .
138Annexe M / R.B. 31.
139Annexe M / R.B. 33.

64croquis n°9 : Les modifications apportées par le décret du 7 septembre 1911

65 er
Croquis n°10 : les modifications apportées par le décret du 1 mars 1919

66 croquis n°11 : Les modifications apportées par le décret du 4 décem bre 1920,
le décret du 13 octobre 1922 et le décret du 28 décembre 1926

67 § 2 - L'organisation administrative des cercles et cantons limitrophes du fleuve Niger

er
3.22 Avant leur indépendance, acquise respectivem ent le 1 août 1960 pour le Dahom ey,

devenu en 1975 République populaire du Bénin, et le 3 août 1960 s'agissant de la République
du Niger, les deux Parties appartenaient à l' empire colonial français. Plu s précisément, elles

étaient intégrées à l'Afrique occidentale française (A.O.F.), ensemble de colonies comportant

en outre la Côte d’Ivoir e, la Guinée, la Haute- Volta (futur Burkina Faso), la Maur itanie, le

Sénégal et le Soudan français (futur Mali), et relevant d'un gouverneur général ayant son siège

à Saint-Louis du Sénégal puis à Dakar. Conform ément à la pratique co loniale française, le
Dahomey et le Niger étaient, au m oment de l'indépendance, divisés en cercles gérés par des

administrateurs de la France d' outre-mer, eux- mêmes divisés en subdivisions, cantons et

villages.

3.23 Pour faciliter la compréhension de l'historique de la délimitation entre les deux

colonies à l’intérieur de l'empire colonial français, il peut être utile de présenter brièvem ent

l'évolution de l'organisation administrative de la partie septentrionale du Dahom ey d'une part

(A), de la zone méridionale du Niger d'autre part (B).

68 A - Les cercles de la partie septentrionale du Dahomey

3.24 Le décret du Président de la Répub lique française du 22 juin 1894 créant la

colonie du Dahom ey avait sim plement prévu que la colonie "Dahom ey et dépendances"

regrouperait désorm ais "[l]' ensemble des posse ssions françaises de la côte occidentale

d’Afrique situées sur la Côte d es Esclaves, entre la colonie anglaise de Lagos à l’est et le
140
Togo allemand à l’Ouest" . Mais il n'avait pas précisé quelle était l’organisation territoriale
er
interne de cette colonie, le deuxième alinéa de l'article 1 du décret se contentant de distinguer

la colonie du Dahom ey proprement dite, des "territoires de l’intérieur compris dans la zone

d’influence française", dont le gouverneur du Da homey devait assurer le protectorat. C’est

donc seulem ent après 1894 que le s divisions internes de la colonie du Dahomey furent

précisées.

3.25 A la suite d' un câblogramme ministériel du 16 juin 1898 et d' une dépêche

ministérielle du 7 avril 1898 prescrivant d'organiser les territoires du Haut-Dahomey devenus

"définitivement" français 141, le gouverneur p. i. du Dahom ey et dépendances adopta, le 11

août 1898, un arrêté procédant à la division des territoires du Haut-Dahomey compris entre le

Niger, le Soudan français, la colonie allem ande du Togo, le 9 ème pa rallèle et la Colonie

anglaise de Lagos en quatre cercles 14. Ces cercles situés au Nord du Dahomey étaient répartis

comme suit: au nord-ouest le cercle du Gour ma, au sud-ouest le cercle de Djougou-Kuandé,

au nord-est le cercle du Moye n-Niger et au sud-est le cerc le du Borgou. Ces quatre cercles

étaient administrés par des rési dents désignés par le chef de la colonie et placés sous la

direction du commandant supérieur du Haut-Dahomey (voir l’article 2 de l’arrêté et le croquis

n°12, p. 70).

140Annexe M / R.B. 1, article 1 . Le décret organique du 10 mars 1893 avait constitué en trois groupes distincts
les possessions françaises de la Gu inée, de la Cô te d’Ivoire et de la Côte des Esclaves (voir le rap port au
Président de la République du ministre des colonies du 22 juin 1894, ibid.).
141La République du Bénin n'a pas retrouvé ces documents, cités dans les visas de l'arrêté du 11 août 1898.
142
Annexe M / R.B. 6.
69croquis 12 – les cercles de la partie septentr ionale du Dahomey – arrêté du 11 août 1898 pris
par le gouverneur p.i. du Dahomey

703.26 À l’époque, la colonie du Niger n' existait pas encore; son f utur territoire était

encore réparti entre le Dahom ey et le Soudan français. La colonie du Dahom ey s’étendait

donc à cette date sur les deux rives du fleuve Niger et au-delà. Le cercle du Moyen-Niger, qui
constituait le cercle situé au nord-est de la colonie du Dahomey, était ainsi défini dans l’arrêté

du 11 août 1898 comme étant formé :

"par les provinces de Bouay et de Kandi, par le pays indépendant de Baniquara et
les territoires du Zaberm a ou Dendi situés sur les deux rives du Niger et leurs

dépendances. Les villages de Bouay, Kandi, Baniquara, Madécali, Carimama font
partie de ce cercle qui est lim ité au Nord par le Soudan français et la frontière
franco-anglaise telle qu' elle a été dé finie par la Convention du 14 juin 1898, à
l’Est par cette même frontière, au Sud par les provinces de Nikki et de Parakou et
à l’Ouest par le Gourma et la province de Kouandé" 143(voir croquis n°13, p. 72).

3.27 L'arrêté du 8 décem bre 1934 du gouverneu r général d e l’A.O.F. portan t

réorganisation des divisions territoriales de la colonie du Dahom ey modifia cette division

territoriale en réduisant le nombre de circonscriptions de la colonie du Dahomey à hui t
144
cercles dont deux étaient lim itrophes de la Républi que nigérienne actuelle : le cercle de

Parakou, dont la limite orientale correspondait en certains points à la frontière nigérienne, et
le cercle de Kandi, situé au nord du cercle précédent, et dont la limite orientale et la limite

septentrionale suivaient la frontière nigérienne. En effet, aux termes de l'article premier, 6°, de

l'arrêté du 8 décem bre 1934, le cercle de Parakou était lim ité, à l' est, "par la frontière

nigérienne, du parallèle 8° 45' à un point situé à 6 kilomètres au Nord de Negansi"; tandis que

l’article premier, 7°, définissait le cercle de Kandi, comme étant limité ;

« Au Sud: par la lim ite Nord du cercle de Parakou de la frontière nigérienne au
point de latitude 10° 32' 30'' et de longitude 2° 15' (Est de Greenwich);

À l’Est: par la frontière nigérienne jusqu'au Niger;

Au Nord-Est: par le cours du Niger jusqu'à son confluent avec la Mékrou;

Au Nord-Ouest: la lim ite Dahom ey-Colonie du Niger, du fleuve Niger au
confluent de la Pendjari avec le marigot Sud de Kompongou ;

À l’Ouest: par une ligne rejoignant ce dern ier point à l' intersection du parallèle
11° avec le m éridien 2° 15' par ce dernie r méridien jusqu’à la lim ite Nord du
cercle de Parakou ».

143
144Annexe M / R.B. 6
Annexe M / R.B.41.

71croquis 13 – les cercles de la partie se ptentrionale du Dahom ey – arrêtés du 11
août 1898 pris par le gouverneur par intérim du Dahomey (détails)

72L’article 2 du décret précisait que ces limites étaient

è
"celles qui sont tracées sur la carte Dahomey au 500, 000 qui sera conservée par
le Service géographique de l’A.O.F." (voir croquis n°14, p. 74).

3.28 Des arrêtés locaux furent adoptés pa r le lieutenant-gouverneur p. i. du

Dahomey, cercle par cercle, afin d e donner e ffet à l' arrêté général d u 8 décem bre 1934,

conformément à l'article 3 de ce dernier. Ainsi un arrêté portant réorganisation territoriale du

cercle de Parakou fut adopté le 27 décembre 1934, lequel div isa le cercle en trois

subdivisions: la subdivision de Parakou, la s ubdivision de Nikki et la subdivision de
145
Djougou . Un arrêté du même jour fut adopté, portant réorganisation territoriale du cercle de
Kandi 14. A la différence du cercle de Parakou, le cer cle de Kandi ne f it toutefois l’obje t

d’aucune subdivision: l'article premier de l'arrêté dispose que le cercle de Kandi "comprendra

une seule circonscription dont les lim ites sont celles déterminées pour le cercle par l' arrêté

général" du 8 décembre 1934. En conséquence, l'article premier, alinéa 2, de l'arrêté supprime

la subdivision de Guéné.

3.29 Cette division fut partiellem ent remise en cause par l’arrêté du gouverneur

général p. i. de l' A.O.F. en date du 27 octobre 1938, portant réorganisation des divisions
territoriales de la colonie du Daho mey 147. Cet ar rêté réorganise la colonie du Dahom ey en

neuf cercles, au lieu des huit précéd ents, du fait de la création du cercle de Ouidah, situé au

sud de la colonie, sur le littoral. En dehors de c e dernier point, une corr ection commune fut

apportée aux limites des cercles de Parakou et de Kandi: le remplacement dans certains cas de

la référence à la frontière nigérienne par une référence à la frontière nigériane. La limite est du

cercle de Parakou fut ainsi définie non plus par rapport à "la frontière nigérienne, du parallèle

8° 45' à un point situé à 6 kilom ètres au Nord de Negansi", mais à "la frontière de la Nigéria,
du parallèle 8° 45' à un point situé à 6 kilom ètres au Nord d e Nagansi". De même, la limite

sud du cercle de Kandi, tout comme sa limite est, ne se référa plus à "la frontière nigérienne",

mais à celle "de la Nigéria" – ce qui est sans effet concret, puisque la frontière aboutit au point

triple Dahomey/Niger/Nigéria. Tout comme l'arrêté du 8 décembre 1934, celui du 27 octobre

1938 précise par ailleurs, en son article 2, que les limites indiquées étaient celles tracées sur la
ème
carte du Dahomey au 500 000 .

145
146Annexe M / R.B. 43.
147Annexe M / R.B. 42.
Annexe M / R.B. 48.
73croquis 14– la réorganisation des divisions territoriales du Nord de la colonie du Dahomey

743.30 Des arrêtés locaux du 31 décembre 1938 complètent les dispositions de l'arrêté

général du 27 octobre 1938 en donnant la liste de s cantons et des villages inclus dans chaque
cercle 14. L'arrêté local n° 1884/APA du 13 déce mbre 1943 rapporte celui du 31 décem bre

1938 (2090/APA) et découpe à nouveau le cercle de Kandi en deux su bdivisions, celle de

Kandi et celle de Malanville 149.

B - Les cercles de la partie méridionale du Niger

3.31. Par un arrêté du 14 décem bre 1908 portant réorganisation des circonscriptions

du territoire m ilitaire du Niger, le gouverneur gén éral de l' A.O.F. fixa les diverses

circonscriptions de ce territoire en le découpant en quatre ré gions, dont la région de Niam ey.

Le même arrêté a prévu que le lieutenant-gouver neur du Haut-Sénégal et Niger fixerait, par

arrêté soumis à approbation du gouverneur général, "les limites exactes des circonscriptions",
150
notamment "l'étendue de leurs territoires respectifs" .

3.32 Le 22 juin 1910, le gouverneur général de l'A.O.F. adopta un nouvel arrêté aux

fins de réorganisation du territoire militaire du Niger 151. Aux termes de son article premier, le

territoire militaire du Niger f ut divisé en sept cercles, avec, à côté d u cercle de Niamey,

"comprenant les sec teurs de Tilla béry, de Gaya, de Dosso, de Yéni et le district de

Dogondoutchi", les cercles de Gao, Madaoua, Zinder, N'Guigmi, Agadez et Bilma.

3.33 L’arrêté sur la réorganisation administrative intérieure du territoire militaire du
152
Niger adopté par le gouverneur général de l’A.O.F. le 23 nov
e mbre 1912 m odifia ce

découpage en divisant ce territoire toujours en sept cercles, mais avec deux nouveaux cercles

à la place d e deux anciens, les cercles de Gour é et de Maine-Soroa se substituant à ceux de

Gao et de N'Guigmi. Le cercle de Niamey y est défini comme comprenant "le secteur central
de Niamey, les secteurs de Tillabery, Do sso, Dogondoatchi et Gaya " (voir croquis n°15, p.

77).

148Annexes M / R.B. 49 et 50
149Annexe M / R.B. 51.
150Annexe M / R.B. 17, articles 1 et 6.
151Annexe M / R.B. 22.
152
Annexe M / R.B. 26.
753.34 Des modifications territoriales furent apportées aux colonies de la Haute-Volta

et du Niger le 22 janvier 1927 par un arrêté du gouverneur général de l' A.O.F. Celui-ci

dispose:

- en son article premier que « [l]a partie du cercle de Dori attribuée à la colonie du

Niger est rattachée au Territoire de la subdi vision actuelle de Tillabéry (cercle de

Niamey) pour constitue r le cerc le de T illabéry »; ainsi f ut créé le cerc le de

Tillabéry;

- en son article 2 que « [l]a partie du cercl e de Say attribuée à la colonie du Niger

constitue, sous la même dénomination, un cercle de cette Colonie »;

- et, enfin, en son article 3 que « [l]e canton Gour manché de Botou, faisant
précédemment partie du cercle de S ay et maintenu dans la colonie de la Haute -

Volta, est incorporé au cercle de Fada » 153(voir croquis 16, p. 78)

153
Annexe M / R.B.34.

76croquis 15 –La réo rganisation ad ministrative du Territoire m ilitaire du Niger (arrêté du

Gouverneur général de l'A.O.F. du 23 novembre 1912)

77croquis 16 – Les modifications territoriales apportées aux colonies de Haute-Volta et du Niger

par l'arrêté du Gouverneur général de l' A.O.F. du 22 janvier 1927, précisé par l' arrêté du 31
août 1927 et son erratum du 15 octobre 1927

78 Section 2

La fixation des limites administratives entre le Dahomey et le Niger

3.35 Ce bref historique de la création et de la transform ation des circonscriptions

administratives limitrophes du fleuve Niger des colonies françaises du Dahomey d'une part et

du Niger d'autre part montre que les autorités centrales françaises se souciaient relativement
peu des limites territoriales de celles-ci: les co lonies et les cercles étaient souvent davantage

définis par leurs com posantes que par des lim ites précisém ent décrites. Il n' en résu lte

cependant pas que de telles limites n'existaient pas. Des règles déterminaient les modalités de

leur création et des décisions ét aient prises par les adm inistrations locales chaque fois qu' un
problème concret surgissait (§ 1). Ceci perm et de p réciser le tracé de la frontière daho-

nigérienne à la veille des indépendances (§ 2).

§1 - Les règles applicables aux délimitations territoriales
au sein de l'empire colonial français

3.36 Les règles applicables aux délim itations territoriales au sein de l’empire

colonial français répondaient, en vertu des textes applicables à l’époque, à des conditions
théoriquement assez strictes, mais tempérées dans une très large mesure tant par le besoin de

souplesse inhérent à l’adm inistration de si vastes territoires que par la volonté des autorités

françaises d'assurer une gestion administrative la plus décentralisée possible.

3.37 Sous la Troisième République (1875-1940), la compétence générale pour fixer
les lim ites territor iales des colonie s f rançaises appartena it au Président de la Républiqu e

française. C ette com pétence était d onc de nature rég lementaire 154. En revanche, sous la

Quatrième République (1946-1958), cette com pétence, de nature législative, appartenait au
155
Parlement français en vertu de l’article 86 de la Constitution de 1946 .

3.38 Cette compétence se limitait toutefois à la simple fixation des règles générales

entourant la création, le nom et l’étendue des colonies. Elle appelait donc l’intervention

d'autorités administratives de rang inférieur afin de préciser les délimitations concernées. Le
texte de base en la matière était constitué par le décret du Président de la République française

154Voir M. Lampué, Cours de législation coloniale, Les Cours de droit, Licence, 1945-1946, pp. 118-137.

79du 18 octobre 1904, portant réorganisation du gouvernement général de l'A.O.F. 156. En vertu

de son article 5, second alinéa, le gouverneur général, qui, en vertu de l' article 2, prem ier

alinéa, est "le dépositaire des pouvoirs de la République dans les colonies",

"détermine en conseil de gouvernem ent et sur la proposition des lieutenants-
gouverneurs intéressés les ci rconscriptions adm inistratives dans chacune des

colonies de l'A.O.F.".

3.39 Etaient concernées par cette procédur e tant les délim itations entre les cercles
composant chaque colonie, que les délim itations des différentes subdivisions adm inistratives

internes à chacun de ces cercles. A l'occasion d’ailleurs, cette règle était rappelée dans d'autres

textes. Par exemple, l'article 2.2° du décret du 28 décembre 1926 rattachant certains territoires
ème
de la colonie de Haute-Volta à la colonie du Niger, disposait en son
2 alinéa, qu’un "arrêté

du Gouverneur général en Commission permanente du Conseil de Gouvernement déterminera
157
le tracé de la limite des deux colonies dans cette région" .

3.40 Le caractère très laconique de l’article 5 du dé cret de 1904, comm e

l’imprécision des termes qu'il utilisait ("détermine (…) les circons criptions administratives")

autorisait des interprétations divergentes. C onscient du problèm e, le gouverneur général de

l'A.O.F. adopta le 3 novembre 1912 une circulaire interprétative n° 114 c relative à la "Forme

à donner aux actes portant organi sation des circonscriptions et subdivisions administratives",

circulaire adressée aux lieutenants-gouverneurs des colonies de l' A.O.F. ainsi qu' aux
commissaires du Gouvernem ent général en territoir e civil de la Mauritan ie et au territoire

militaire du Niger 158. Dans ses grandes lignes, cette circul aire interprétait le décret de 1904

avec souplesse, conform ément à sa lettre et à son esprit, en s’inspirant "d’une pensée de

décentralisation adm inistrative et d u désir de laiss er, en cette m atière, dans la m esure

compatible avec les dispositions de la loi, la plus grande autonom ie possible aux

Gouvernements locaux". Les règles de co mpétence qui y étaient fixées, seulem ent
"sommairement" d'après les termes mêmes employés par le gouverneur général, obéissaient à

la règle générale suivante: le degré de préc ision du texte à adopter commandait le niveau

hiérarchique de l’autorité compétente. Plus ce degré était élevé, moins le niveau hiérarchique

l'était.

155
"Le cadre, l’é tendue, le regroupement éventuel et l’organisation des communes et dép artements, territoires
156utre-mer, sont fixés par la loi".
157Annexe M / R.B.13.
158Annexe M / R.B.33.
Annexe M / R.B.25.

803.41 La circulaire distinguait trois types d’actes et de procédures, en précisant que
les règles ainsi fixées étaient "d' application ai sée et d' ailleurs déjà m ises couramment en

pratique" et "paraiss[ai]ent devoir déterminer d’une manière définitive, dans les différents cas

à prévoir, la forme à donner aux règlements concernant l'organisation intérieure des Colonies
du Groupe":

"… devra être sanctionnée par un arrêté pris en Conseil de Gouvernement (ou, s’il
y a urgence, en Comm ission permanente), sous réserve de ratif ication ultérieure,

toute m esure intéres sant la circon scription ad ministrative, l' unité ter ritoriale
proprement dite, c'est-à-dire affectant le cercle, soit dans son existence (créations
ou suppressions), soit dans son étendue, soit dans sa dénom ination, soit dans
l'emplacement de son chef-lieu.

"Le nombre des cercles, l' étendue globale de chacun d’eux, sa dénom ination, le
choix de son chef-lieu étant ainsi déterminés, il vous appartient de préciser par des

arrêtés dont je m e réserve l’approba tion, les lim ites topographiques exactes et
détaillées de chacune de ces circonscriptions.

"Enfin, de simples actes locaux peuvent dans l’intérieur des cercles, fixer, suivant
les nécessités politiques, administratives ou économiques du moment, laissées à
votre entière appréciation, le nombre et l' étendue des su bdivisions territoriales
(résidences, postes, secteurs, districts) et l' emplacement de leur centre. Je vous

serai, toutefois, obligé de vouloir bien m e communiquer régulièrem ent, à titre
d’information, les arrêtés ou décisions que vous serez am ené à prendre dans cette
partie de vos attributions".

3.42 Plus larg ement, la souplesse et la décen tralisation d es procédu res de

délimitation paraissaient i ndispensables pour au m oins deux raisons: d' une part, les
changements de délim itation étaient très fréquents, puisque le colonisateur français devait

ajuster ces délim itations à ses nouvelles conquêtes et prendre en compte les nécessités de

l'administration locale (il n'était pas rare que des cercles passen t d'une colonie à une autre ou
que les colonies organisent différemment leur s subdivisions intérieures); d' autre part, la

grande étendue des territoires concernés et la connaissance insuffisante qu' en avaient les

administrations coloniales rendaient très difficile toute délimitation très précise. Comme le fit

valoir le gouverneur général de l' A.O.F. dans une circulaire n° 93 CM2 en date du 4 février
1930 adressée aux lieutenants-gouverneurs des co lonies du groupe, "la pl upart des arrêtés ou

projets d'arrêtés modifiant les limites des cercles ou des subdivisions" étaient "trop vagues",

ou, "voulant être précis" ils étaient "confus". Toujours selon le gouverneur général, "[l]'erreur
vient de ce que le réda cteur se croit obligé à dé crire minutieusement la limite en question".

81Or, c' est "pratiquem ent une tâche im possible à laquelle il vaut m ieux renoncer" 159. Le

gouverneur recommandait en conséquence que

"L'arrêté (…) se born[e] à donner des indicat ions générales et à spécifier dans un
article spécial que "La limite est celle qui est tracée sur la carte au ….. (échelle et
nom de la feuille) jointe au présent arrêté".

A cette fin, il demandait aux chefs des circonscriptions intéressés de "tracer la limite" de leurs
territoires sur une carte, "d' un trait fin à l'encre rouge", et d' "approuve[r] le tracé" 16. Cela

confirme clairement que seules les autorités lo cales étaient en m esure de déterm iner avec

précision quels territoires releva ient de leur juridiction. Telle fut la technique utilisée pour

l'adoption des arrêtés du 8 décembre 1934 et du 27 octobre 1938.

§2 - La frontière daho-nigérienne à la veille des indépendances (1960)

3.43 Comme la République du Bénin l'a exposé dans le paragraphe 1 erci-dessus, les

autorités français es co mpétentes ont adopté une série de dispos itions d istinguant les

différentes colonies en tre elles, et définissan t les lim ites d es subdivisions adm inistratives
internes de ces colonies. Ce fa isant, ces arrêtés jouaient un double rôle. En définissant les

limites des subdivisions internes de chaque col onie, et en particulier les lim ites de ses

subdivisions situées à sa périphérie, ils définiss aient par là même les limites séparant chaque

colonie des colonies limitrophes. Tel fut en particulier l' effet des deux arrêtés du gouverneur

général de 1934 et de 1938 qui définissaient les limites des cercles dahoméens de Parakou et
de Kandi, lesquels étaient voisins de la colonie du Niger. En l'absence de tout différend sur ce

point entre les gouverneurs de chaque colonie, le s autorités n'éprouvaient pas la nécessité de

consacrer ou de préciser cette délimitation indirecte des territoires respectifs des colonies dont

il faut souligner qu' elles relevaient de la m ême Puissance adm inistrante, qui s' y considérait

comme "partout ch ez elle". Certain s points res taient tou tefois en su spens et il fallut par
conséquent que les autorités françaises co mpétentes interviennent pour supprim er les

incertitudes constatées. Tel fut l’objet de certains actes relatifs à la frontière daho-nigérienne.

3.44 En 1909, il s’avéra que les lim ites du cercle de Gourma, qui séparaient la

colonie du Haut-Sénégal et Niger de la colonie du Dahomey depuis l’adoption du décret du 2
mars 1907 qui avait procédé au rattachem ent de ce cercle à la première de ces deux colonies,

159
160nnexe M / R.B.39
Ibid.

82étaient "mal définies" selon les termes employés par le ministre des colonies de l’époque. Ce

dernier recommandait par conséquent, afin de mettre un terme aux nombreuses contestations

qui avaient opposé les administrateurs des cercles de Fada-N'Gourma et de Djougou, de "fixer

lesdites limites afin d’assurer l’unité de notre action et l’intérêt de la bonne administration des

territoires contestés". A cette f in, il préconisa it de rattache r à la colon ie du Dahom ey les

groupements baribas de Boulgou, Madingou, Kouatiega, Sanouargou, Belpoga, Tiété,
Téboukoné et Dasiri, "qu’aucun lien ethni que n'unit aux habitants de Gour ma" 161. L'article

premier du décret du Président de la Répub lique du 12 août 1909 donna suite à cette

recommandation, en définissant la "limite entre le cercle du Gourma (Haut-Sénégal et Niger)

et le cercle de Djougou (Dahomey)" de la manière suivante :

"La chaîne de l' Atacora, dont elle suit le sommet, ou, plus exactem ent, une ligne
parallèle à la piste Konkobiri, Tanda ngou, Sangou qui longe le pied de la
montagne, distante de celle-ci de 8 kilomètres;

"Le marigot de Tantoucoli jusqu’à sa rencontre avec la Pendjaga;

"Le cours de la Pendjaga jusqu'à mi-distance entre Téboukoné et Yoadé;

"Une ligne droite partant de ce point et aboutissant à la Pendjari, près de
l’emplacement de l’an cien v illage de Ni orgou (carte d e délim itation franco-
allemande);

"Le cours d162a Pendjari jusqu’à sa rencontre avec la frontière du Togo
allemand" (voir croquis n°17, p. 85).

3.45 Cette délimitation dut toutefois être modifiée et préci sée quatre ans plus tard.

D'une part en effet, le ministre des colonies constata que le décret de 1909 avait laissé dans le

cercle de Fada-N' Gourma "toute une région occup ée par des aborigènes de m ême race", la

région Porga, qu' il semblait nécessaire pour ce tte raison d' incorporer au Dahomey, plus
précisément au cercle d e l'Atocora, cela afin "d’assurer, sur des populations de m ême race,

l’unité d’action qui est nécessaire et, aussi, de donner dans cette région une lim ite naturelle

aux deux Colonies intéressées" 163.

161
Voir le Rapport au Président de la République du ministre des colonies Georges Trouillot du 12 août 1909,
162exe M / R.B.19.
163Annexe M / R.B.19.
Voir le rapport au Président de la République du ministre des colonies J. Morel du 23 avril 1913, Annexe M /
R.B.27.

833.46 D’autre part, le décret de 1909 n’ava it pas réglé toutes les difficultés puisque,

comme le remarquait le ministre des colonies,

"le tracé actuel de la frontière laisse subsister, dans la partie avoisinant le canton
de Takamba, une certaine imprécision qu’il serait utile de faire disparaître" 164.

L’article premier du décret du Président de la République française en date du 23 avril 1913

définit en conséquence dans les term es suivants "la limite entre le cercle de Fada-N'Gourma

(Haut-Sénégal et Niger) et de l'Atocora (Dahomey)":

"1° Par une ligne parallèle, à l’ Est, à la piste Com pougou, Konkobiri,

Batchango, qui longe le pied de la chaîne de l’Atocora, distante de celle-ci de 8
kilomètres et prolongée jusqu’à sa rencontre , avec le cours supérieur de la rivière
Pendjari;

"2° Par le cours supérieur de la Pendjari, d'aval en amont, ainsi qu'il est fixé

dans le paragraphe 3 ci-après;

"3° Par la ligne qui suit le p lus court chemin entre la Pendja ri et la source
du Boursoudabouga, branche méridionale du Tantoucouli;

"4° Par le cours du Boursoudabouga, d' amont e n aval, et le cours du
Tantoucouli jusqu’à son confluent avec la Pe ndjaga, cette rectification laissant au
cercle de Fada-N'Gourma le village de Pensouga;

5° Par le cours de la Pendjaga jusqu’à son confluent avec la Pendjari;

6° Par le cours inférieur de la Pendjar i, d’amont en aval, d epuis ce co nfluent
jusqu’à l’entrée de cette rivière en territoire alle mand" 165(voir croquis n° 17, p.
85).

164
165Id.
Annexe M / R.B.27.

84croquis 17– Cercles de la partie septentrionale du Dahomey – Modifications de la lim ite du
cercle de Gourma (décret du 12 août 1909 et décret du 23 avril 1913)

853.47 Des précisions identiques furent ég alement apportées s' agissant des lim ites

séparant les colonies du Niger et de la Haute-Volta lorsque le cercle de Say et une partie des

cantons du cercle de Dori furent détachés de la seconde colonie au profit de la première par le

décret du 28 décem bre 1926 166. L'article 2 d e ce décret re nvoyait en effet à un arrêté du

gouverneur général en commission permanente du conseil de gouvernement la détermination
167
du tracé de la lim ite des deux colonies dans cette région . Dans sa version corrigée du 15

octobre 1927, l'arrêté du 31 août 1927 du gouverneur général de l'A.O.F. fixant les limites des

colonies de la Haute-Volta et du Niger précis a en détail ces lim ites. L' intérêt de cette

délimitation à l'égard de la frontière bénino-nigérienne réside dans la fixation de l'actuel point

triple entre les territoires du Bénin, du Niger et du Burkina Faso (ancienne Haute-Volta) et
dans la confirmation de la riv ière Mékrou co mme limite entre les d eux colonies. L'article

premier de l' arrêté corrigé fixe à ce lle-ci le point d'aboutissement sud de la lim ite des deux

colonies du Niger et de la Haute-Volta à leur point de rencontre avec la colonie du Dahomey.

Le dernier alinéa de cet article dispose en effet que la limite:

"remonte ensuite le cours de la Tapoa jusqu’au point où elle rencontre
l’ancienne

limite des cercles de F168 et de Say, qu' elle suit jusqu’à son intersection avec le
cours de la Mékrou » (voir supra, croquis n° 16, p. 76).

3.48 Enfin, la fixation de la lim ite entre les colonies du Dahom ey et du Niger par

référence au fleuve Niger, telle qu'elle résu ltait notamment des deux a rrêtés de 1934 et de

1938 169, fit également l'objet de précisions par les autorités concernées. A l'issue de plusieurs

échanges de correspondances qui se déroulèrent en 1954, soit à l' intérieur de chaque colonie

entre le gouverneur de la colon ie et les comm andants de cercles, soit entre les autorités des

deux colonies, l'appartenance des îles situées sur le fleuve Niger fut régl ée. Il fut précis é en

effet, comme cela ressort d’une lettre n° 3722/APA du gouver neur du Niger du 27 août 1954

adressée au chef de la subdivision de Gaya, que:

"la limite du Territoire du Niger est consti tuée de la ligne des plus hautes eaux,
côte rive gauche du fleuve, à partir du village de Bandofay, jusqu’à la frontière de
Nigéria. En conséquence, toutes les îles situées dans cette partie du fleuve font
partie du Territoire du Dahomey" 170(voir supra croquis n°4, p. 34).

166Voir supra, par. 3.21.
167Voir supra, par. 3.39.
168Annexes M / R.B. 36 et 37.
169
170Voir supra, pars. 3.27 et 3.29.
Annexe M / R.B. 67
863.49 Les différents secteurs de la frontière feront l' objet d' une présentation plus

approfondie dans les trois chap itres qui suivent. Ceux-ci doi vent cependant être m is e n
perspective et lu s à la lum ière des développ ements qui précèden t, lesquels décriven t la

manière d'opérer du colonisateur français. Il en résulte en particulier que:

i/ dans le secteur concerné, la France se sentait "partout chez elle";

ii/ d ès lors , elle n' éprouvait pas le besoin de définir systém atiquement et

précisément les lim ites de ses dif férentes colonies et un très grand empirisme
présidait à l’organisation territoriale de l' A.O.F., dont seules les grandes lignes

étaient fixées au niveau central;

iii/ les lim ites territoria les entr e les dif férentes co lonies et su bdivisions

administratives n'étaient définies avec précision que ponctuellement, au coup par

coup, lorsque surgissait un problème.

Telle est la situation dont ont hé rité le Bén in et le Niger au moment de leur accession à

l’indépendance.

87 CHAPITRE 4

LE SECTEUR DE LA RIVIÈRE MÉKROU

884.01 Aux termes de l'article 2 du compromis du 15 juin 2001 par lequel le B énin et

le Niger ont saisi la Chambre de la Cour internationale de Justice, celle-ci est priée de:

"c- déterminer le tracé de la f rontière entre les deux États dans le secteur de la
rivière Mékrou".

L'objet du présent chapitre est de présenter la position de la République du Bénin à cet égard.

4.02 Liminairement, il convient cependant de rappeler qu'il s'agit là d'un différend
171
très artificiel, forgé par la République du Niger lors de la négociation du com promis :

comme ceci sera établi ci-ap rès, sous réserve de divergences de vues occasionn elles sur des

points de détail, les Parties ne se sont jam ais réellement opposées en ce qui concerne le tracé

de la frontière dans ce secteu r sur lequel le Niger a gardé un silence éloquent dans son Livre
blanc de 1964. Les auteurs qui ont étudié les conflits frontaliers africains n'en font davantage

mention 172. Toutefois, so ucieux de dissiper tou te m enace sur la stabilité de sa frontière

septentrionale, le Bénin a donné son accord à l' inclusion de ce secteur frontalier dan s l'article

du compromis définissant l'objet du différend.

4.03 Un rapport de 1937 relatif au parc na turel du W relève que la Mékrou est "un

affluent du Niger autrem ent important que la Tapoa et qui en hivernage roule

tumultueusement des eaux rougeâtres. Elle est large et profonde. Et si en saison sèche, comme
la Tapoa elle n’est aussi qu’une succession de mares nul ne peut s’y tromper. C’est une limite

naturelle parfaite" 173. En 1945, H. Des anti, gouverneur des colonies, relevait également "les

crues très abondantes" des rivières Pendjari, Mékrou et Alibori, qui "submergent pendant une

partie de l'année les plaines qui les bordent, y favorisant la multiplication de la tsé- tsé et en
174
éloignant les populations" .

4.04 De l'avis de la République du Bénin, il ne peut faire aucun doute qu'à partir du
point triple avec le Bur kina Faso, la Mékrou c onstitue, jusqu'au confluent avec le Niger, la

171Voir supra, par. 1.71.
172Par e xemple, M. N. Shaw, dans Title to Territory in Africa. International Legal Issues (Clarendon Press,
Oxford, 1986), ne fait mention que du différend relatif à l’île de Lété dans l’entrée de son index consacrée au

différend frontalier B énin/Niger (pp. 256-257). M ême const at à p ropos de l ’annexe ét ablie par R. Waters
recensant les « Inter-African Bo undary Disputes », publi ée in C. G. W idstrand ( dir.), African B oundary
Problems, The Scand inavian In stitute of African Studies, Uppsala, 1969, pp . 183-184. Vo ir ég alement P.
Donaint et F. Lancrenon, Le Niger, Que sais-je n° 1461, P.U.F., Paris, 1972, p. 23 (le co urs inférieur de la
173rou est présenté comme "la frontière naturelle entre le Dahomey et le Niger").
Annexe M / R.B.47, p. 5

89frontière entre les Parties. Le titre béninois à la souveraineté sur toute la rive d roite de la

rivière est fermement établi (section 1). Il es t confirmé par une pratique coloniale et post-

coloniale concordante et claire (section 2). Les po ints de départ (tripoint avec le Bu rkina) et

d'aboutissement (confluent avec le Niger) doivent en outre être précisés (section 3).

Section 1

L'établissement de la frontière à la Mékrou

4.05 Comme pour tous les points en litige entre les Parties, la Chambre est appelée à

déterminer la frontière dans le secteur de la Mékrou sur le fonde ment du principe de l'uti

possidetis juris, c'est à dire telle qu'elle existait au moment des indépendances 17, puisque nul

n'a jamais prétendu que des accords la modifiant soient intervenus depuis lors entre les deux

États.

4.06 La fixation de la frontière à la rivière Mékrou en 1960 résulte d' arrêtés

coloniaux fixant les limites territoriales du Dahomey et du Niger (§ 1), confirmés par la

délimitation des parcs nationaux "du W du Niger" de part et d'autre du fleuve (§ 2).

§ 1 - La délimitation des territoires respectifs du Dahomey et du Niger
par le colonisateur

4.07 La rivière Mékrou ne fu t pas retenue dès l’origine par les autorités françaises

comme limite entre les territoires du Dahomey et du Niger, en tout cas pas dans sa totalité.
Comme la République du Bénin l’a rappelé 176, le décre t du Présiden t de la Répu blique

française du 2 m ars 1907, qui avait rattaché les cercles de Fada N' Gourma et de Say à la

colonie du Haut-Sénégal et Niger, avait défini la limite entre cette dernière colonie et celle du

Dahomey dans les termes suivants :

"La limite entre la colonie du Haut-Sénégal et Niger et celle du Dahomey es t
constituée, à partir de la frontière du Togo, par les lim ites actuelles du cercle de
Gourma jusqu’à la rencontre de la chaîne montagneuse de l'Atakora dont elle suit

le sommet jusqu’au point d’intersection avec le méridien de Paris, d’où elle suit

174
175Voir H. Desanti (gouverneur des colonies), Du Dahomé au Bénin-Niger, Larose, Paris, 1945, p. 30.
176Voir supra, Chapitre 2.
Voir supra, par. 3.17.

90 une ligne droite dans la direction Nord-Est et aboutissant au confluent de la rivière
177
Mékrou avec le Niger" .

Le confluent du Niger et de la Mékrou n’était utilisé ici que comme point d’aboutissement de

la limite des deux colonies à l’est.

4.08 Ce décret de 1907 a toutefois été ab rogé par la suite par le décret du 1 ermars

1919 portant division de la coloni e du Haut-Sénégal-Niger et cr éation de la colonie de la

Haute-Volta 178, puisque ce dernier incorpora les cercle s de Fada-N'Gourma et de Say dans la

nouvelle colonie de la Haute-Volta (voir croquis n° 18, p. 92).

4.09 Entre-temps, la Mékrou avait été rete nue comme lim ite entre les colonies du

Dahomey et du Niger. Dans son ouvrage consacré au Haut-Sénégal Niger, édité en 1912,
Maurice Delafosse donnait la des cription suivante de la f rontière entre le Haut-S énégal et

Niger et le Dahomey :

"Limite avec le Togo. – La limite entre le Haut-Sénégal-Niger et le Togo suit une

direction approxim ativement Est-Sud-Est, sur une longueur de 125 kilom ètres
environ, et atteint le 11° de latitude Nord à 16 kilomètres au Nord-Est du point où
le Pendjari, en se réunissant avec le Pépiénou ou Yanga, forme l’Oti. De là, elle se
dirige vers le Sud-Sud-Ouest jusqu’à la rencontre du ruisseau Na mbi-Kouna, par

10°48' environ de latitude Nord.

Limite avec le Dahomey. – C’est le Dahom ey qui, à pa rtir de ce point, devient
limitrophe du Haut-Sénégal-Niger. L a frontière se dirige d’abor d vers le Sud-Est

jusqu’au sommet sud des m onts Pangou, puis de là vers l’E st-Nord-Est jusqu’au
point où le ruisseau Bourpoudabonga sort du m assif de l’Atakora par 10°40'
environ de latitude Nord. Ensuite elle longe ce très long massif presque rectiligne,
dans une direction générale Nord-Est, jusq u’à la rencontre de l’affluent du Niger

appelé Mékrou, qu'elle atteint par 11°30' environ de lat itude Nord et à proxim ité
du méridien de Paris; puis elle desce nd la Mékrou, dans une direction générale
Nord-Est, jusqu'à son embouchure dans le Niger" 179.

177
178Annexe M / R.B. 16
179Annexe M / R.B. 29
M. Delafosse, Haut-Sénégal Niger, 1912, réédité par Maisonneuve et Larose, tome 1, Le pays, les peuples, les
langues, pp. 41-42.
91Croquis 18 –Les délim itations des territoires respectifs du Dahom ey et du Niger
er
par le colonisateur (décrets des 2 mars 1907 et 1 mars 1919)

924.10 Cette référence à la Mékrou comme ligne de délim itation fut confirm ée dans

les années 1920. Le décret du Président de la République d u 28 décembre 1926 procéda en

effet au rattachem ent du cercle d e Say à la co lonie du Niger, chan gement qui perm it de
préciser les limites des colonies du Dahomey et du Niger dans cette zone. L’article 2 de ce

décret précisait qu'"un arrêté du gouverneur général en Commission perm anente du Conseil

de Gouvernement déterminera le tracé de la lim ite des deux colon ies [le Niger et la Haute-
180
Volta] dans cette région" . Ce fut l’occasion pou r les autorités compétentes de rappeler, e n

se référant à la Mékrou, quelle était à l’époque
la lim ite sud-est du ce rcle de Say, actuelle
frontière entre le Bénin et le Niger. Le procès-verbal de la réunion tenue le 10 février 1927

entre les représentants des gouvern eurs de la Haute-Volta et du Niger précisa en ce sens que

les limites du cercle de Say étaient les suivantes:

"Les territoires sont limités:

"Au Nord et à l' Est par la lim ite actuelle avec le Niger (cercle de Niam ey), de

Sorbohaoussa à l'embouchure de la Mékrou.

"Au Nord-Ouest par la rivière Sirba de puis son em bouchure jusqu'au village de
Bossébangou. A partir de ce point, un saillant comprenant sur la rive gauche de la
Sirba les villages de Afassi, Kouro, Takalan, Tankouro.

"Au Sud-Ouest une ligne pa rtant approximativement de la Sirba à hauteur du
parallèle de Say pour aboutir à la Mékrou.

"Au Sud-Est, par la Mékrou de ce point jusqu’à son confluent av
ec le Niger" 181.

4.11 Cette référence à la Mékrou comme limite sud-est du cercle de Say, donc de la

frontière actuelle bénino-nigérienne, fut reprise à l'identique par l'arrêté fixant les limites des

colonies de la Haute-Volta et du Niger en date du 31 août 1927. Dans l’article prem ier, 2°, de

cet arrêté, le gouverneur général de l'A.O.F. donna la définition suivante des "limites entre le

cercle de Say et la Haute-Volta":

"Sont exceptés de cette limite les villages du canton de Botou.

"Au Nord et à l’Es t par la lim ite actuelle avec le Niger (cercle de Niam ey), de
Sorbohaoussa à l’embouchure de la Mékrou.

"Au Nord-Ouest par la rivière Sirba de puis son em bouchure jusqu'au village de
Bossébangou. A partir de ce point, un saillant comprenant sur la rive gauche de la

Sirba les villages de Afassi, Kouro, Takalan, Tankouro.
180
181Annexe M / R.B. 33.
Annexe M / R.B. 35.

93 "Au Sud-Ouest une ligne pa rtant approximativement de la Sirba à hauteur du
parallèle de Say pour aboutir à la Mékrou.

"Au Sud-Est, par la Mékrou de ce point jusqu’à son confluent avec le Niger" 182

(voir croquis n°19, p. 95).

4.12 Cette référence à ce qui était, à l'époque, la limite sud-est du cercle de Say était

toutefois étrangère à l' objet de cet arrêté, puisque cette lim ite sud-est concernait non pas la
limite entre les territoires de la Haute-Volta et du Niger, mais la limite entre les territoires du

Dahomey et du Niger. Or, la se ule chose que pouvait faire cet a rrêté était de fixer le point

triple entre les trois territoires, m ais il ne pouvait aller au-delà et statuer sur la lim ite

Dahomey-Niger. Telle est sans do ute la raison pour laquelle un erratum fut adopté le 1 5

octobre 1927, qui m odifia la définition des lim ites des territoires de la Haute-Volta et d u

Niger en ne se référant plus qu’au point triple avec le Dahomey. Ce point triple fut fixé sur la
183
Mékrou , élément qui confirm e que la délim itation opérée par le dé cret du 2 m ars 1907

n’était plus en vigueur.

4.13 C’est à cette limite sud-est du cercle de Say, rappelée dans l’ arrêté du 31 août

1927, que font im plicitement référence les deux arrêtés du gouverneur général de l’A.O.F.

portant réorganisation des divi sions territoriales du Dahomey, adoptés respectivement le 8
184
décembre 1934 (n° 2812) et le 27 octobre 1938 (n° 3578 A.P.) . L’un et l'autre indiquent en

effet en leur article premier que la limite nord-est du cercle de Kandi suit "le cours du Niger

jusqu'à son confluent avec la Mékrou", et que la frontière nord-ouest est constituée par "la
limite Dahomey Colonie du Niger [c’est-à-dire la Mékrou], du fleuve Niger au confluent de la

Pendjari avec le m arigot Sud de Kompongou" (ce dernier point se situe au sud-ouest de

l’actuel point triple Bénin/Niger/Burkina Faso).

182
183Annexe M / R.B. 37
184Voir infra, pars. 4.19-4.20.
Annexes M / R.B. 41 et 48.
94Croquis 19 –Les lim ites du cercle de Say selon le procès-verbal de la réunion du 10 f
évrier

1927 et l' arrêté du Gouverneur général de l' A.O.F. en date du 31 août 1927, corrigé le 15
octobre 1927

954.14 La délimitation des parcs nationaux " du W du Niger" confirme également que

la Mékrou c onstituait la limite entre le Dahom ey et le Nige r au m oment de l' accession des

Parties à l'indépendance, et cela d’une m anière si claire qu’il convient de s’y arrêter quelque

peu.

§ 2 - La délimitation des parcs nationaux "du W du Niger"

4.15 Le chapitre V du décret du Président de la République française du 13 octobre

1936 réglementant la chasse en A.O.F., prévoya it la création de parcs nationaux, de réserves

intégrales et de réserves partielles, dont les limites devaient dans un premier temps être fixées

à titre p rovisoire, par le biais d' arrêtés adoptés par les "chefs de possession" en vertu de
l'article 21 de ce décret185. C’est dans ce cadre qu e s’est inscrite la création, à cheval su r les

colonies du Niger et du Dahom ey, de réserves dans la région du " W", dont le nom tient à la

forme empruntée par le fleuve Niger dans cette région située au nord-ouest du Bénin.

4.16 Dès 1926, les autorités françaises avaient créé en A.O.F., et en particulier dans

la région du W , des "Parcs nationaux de re fuge", m ais cela n ’avait pas empêché le s
populations locales de continuer à y chasser. Une mission envoyée dans le Parc de refuge du

W en m ai-juin 1937 ne put que co nstater en ce sens que le gi bier y était en nombre très

restreint18. Afin d’assurer une protection plus effective de la faune, cette mission proposa que

soit créé dans la région, côté Niger, un parc na tional et qu'en soient fixées, "si possible, les
187
limites provisoires" . Une nouvelle mission explora la région entre juillet et septembre 1937,

ce qui permit d’établir ce s limites. Parallèlement, et à la même époque, une réserve naturelle

intégrale fut établie côté Dahomey.

4.17 Les deux colonies adoptèrent en e ffet à l’automne 1937 des textes créant et

fixant les lim ites de la réserv e naturelle intégrale (côté Dahom ey) et du Parc national (côté

Niger). Ces limites furent fixées provisoirement par deux arrêtés datés du 30 septembre et du

13 novem bre 1937 (A), avant d’être étab lies définitiv ement par deux nouveaux arrêtés

adoptés en 1952 et 1953 (B). Ces différents textes se réfèrent tous à la Mékrou comme limite
sud du parc côté Niger et comm e limite ouest de la réserve côté Dahomey, ce qui confirm e

185
186Annexe M / R.B. 44
187Annexe M / R.B. 47
Ibid.

96sans aucune a mbiguïté que la rivière Mékrou constituait bien, avant et au m oment des

indépendances, la limite entre les deux colonies dans ce secteur.

A. Les arrêtés du 30 septembre et du 13 novembre 1937

4.18 Par un arrêté du 30 septembre 1937, n° 1464/APA, le lieutenant-gouverneur p.

i. du Dahom ey décida la création d’une réserve naturelle intégrale dan s le cercle d e Kandi.

Aux termes de l'article premier de cet arrêté,

"Il es t ins titué dans le Cercle de Kandi, à titre proviso ire, en attend ant son
institution définitive par décret ap rès enquête, conformément à l’article 21 du
décret du 13 octobre 1936, une réserve naturelle intégrale limitée provisoirement
comme suit: au Nord par la r ive droite du Niger, de son conf luent avec le

Mékrou jusqu'à son confluent avec l' Alibory; à l' Ouest par la rive droite du
Mékrou sur 75 kilom ètres à partir de s on confluent; à l’ Est par le c ours de
l'Alibory sur 85 kilomètres à partir de son confluent; au Sud par une ligne droite
reliant les extrémités des limites Ouest et Est" .88

4.19 De m anière exactem ent sym étrique, le gouverneur du Niger adopta le 13

novembre 1937 un arrêté n° 1302 AE/SZ, dont l’article unique disposait:

" En application des art. 18 et 19 du chap. 5 du décret du Président de la
République du 13 octobre 1936, est réservée sous l’appellation ' Parc National

du W' la partie du territoir e des cercles de Niam ey et de Fada N' Gourm189ont
les limites provisoires sont indiquées aux annexes du présent arrêté" .

L’annexe I, A), de cet arrêté , dont l’objet était de fixer ce s limites provisoires, se référait

logiquement à la Mékrou et définissait la lim ite est du P arc comme partant de "[l]a rive
gauche (rive haoussa) du fleuve Niger de puis l’em bouchure de la Tapoa jusqu’à

l’embouchure de la Mékrou", et la frontière sud comm e suivant "[l]a rivière Mékrou depuis

son em bouchure dans le fleuve Niger jusqu’au point où elle effectue la lim ite entre le

Dahomey et le Niger". Cette dern ière précision faisait implicitement référence au point triple

entre l’ancienne Haute-Volta (actuel Burkina Faso), le Bénin et le Niger, que l'erratum du 31

août 1927 avait fixé à l'"intersection" de l'ancienne limite des cercles de Fada et de Say "avec
le cours de la Mékrou" 190 (voir croquis n° 20, p. 98).

188
189Annexe M / R.B. 45.
190Annexe M / R.B. 46
Voir supra, par. 4. 12.

97Croquis 20 _ Les lim ites de la réserve naturelle intégrale(Dahomey) et du parc national

(Niger) (arrêtés du 30 septembre et du 13 novembre 1937)

984.20 Ces deux textes appellent les trois remarques suivantes:

- En premier lieu, il n'est pas sans intérêt de relev er que ces arrêtés émanent des

plus hautes autorités des deux colonies concernées.

- En deuxième lieu, ces textes ont été adoptés exactem ent à la m ême époque

(moins de deux m ois les séparent), et à une époque particuliè rement importante,

puisqu'elle se situe entre la date d’adoption de l'arrêté du 8 décembre 1934 et celle

de l'arrêté du 27 octobre 1938, arrêtés dont la République du Bénin a rappelé
précédemment 191le caractère fondamental pour le tracé des lim ites territoriales

entre les deux colonies.

- En troisième lieu, la correspondance des deux arrêtés de 1937 dans le choix des

limites des terr itoires concernés es t frappante: l’un comm e l’autre retiennent la

Mékrou, et confirm ent par là m ême et sans équivoque possibl e que cette rivière

constituait à l'époque la limite entre les deux colonies.

4.21 Ce faisant, les gouverneurs des deux colonies ont non seulement montré qu’ils

tenaient la Mékrou co mme la limite de leurs deux territoires respectifs, ce qui constitue déjà
192
en soi un élément d’une très grande im portance , mais ils ont aussi, et tou t simplement, agi

en vertu des textes applicables à l' époque qui, comme la République du Bénin l’a

précédemment montré, fixaient cette limite sur la Mékrou.

4.22 Certes, ces deux arrêtés définissai ent ces lim ites seulem ent de manière

provisoire. Mais le provisoire a duré, puis que ce n'est qu’au début des années 1950 que les

autorités compétentes ont estimé nécessaire de procéder à la délim itation définitive. Dans

l’intervalle, aucune contestation n'a été élevée, ni par le gouverneur du Dahomey, ni par celui
du Niger, à l’encontre des lim ites provisoirem ent définies, ce qui m ontre égalem ent que

chacun av ait conscience que ces lim ites étai ent conf ormes aux dé limitations te rritoriales

antérieures entre les deux colonies. C'est donc très naturellement que le gouverneur général de

l'A.O.F. se référa une nouvelle fois à la ri vière Mékrou lorsqu’il adopta, en 1952 et en 1953,

les arrêtés définissant définitivement les limites des réserves du W.

191
192Par. 4.13.
Voir par analogie l’arrêt du 24 février 1982 de la Cour internationale de Justice dans l’affaire du Plateau
continental (Tunisie/Libye), Rec. p. 84 , pars. 117-118, où la Cou r a co nsidéré que l’ existence d’une lig ne
séparant de facto les concessions pétrolières de deux États était une circonstance à prendre en compte pour la
délimitation de leur frontière maritime.

99 B. Les arrêtés du 3 décembre 1952 et du 25 juin 1953

4.23 Au début des années 1950, le gouvernem ent général de l’A.O.F. entreprit

d’organiser le tourisme cynégétique dans les territoires relevant de sa juridiction, en prévoyant
193
à cette fin de constituer des réserves de chasse . L’un des axes concerné s était la région du
194
W . Dans cette optique, le gouvernem ent général de l'A.O.F. indiqua dans une lettre n° 992
SE/F du 4 avril 1950 adressée au gouverneur de la Haute-Volta que :

"Le prem ier travail à effectuer est de classer une ou plusieurs réserves de
chasse, pa rtielles ou to tales, conform ément aux dispositions du décret du 18
Novembre 1947 réglementant l’exercice de la chasse dans les territoires africains,
certaines zones pouvant être ultérieurement érigées en parc national" 195.

4.24 La dispersion des espaces concernés en tre les territoires de s trois colonies du

Niger, de la Haute-Volta et du D ahomey exigeant un certain effort de coordination, une

réunion entre les chefs de service des territoires intéressés était prévue en conséquence. Cette

coordination devait per mettre, nota mment, la fixation déf initive des lim ites des réserv es

concernées. En effet, comme le remarqua le gouverneur du Dahomey dans une lettre n° 947

du 27 juin 1951 adressée au gouverneur général de l'A.O.F.,

"Les réserves de chas se (…) énum érées dans l' arrêté de 1937, pris en
application du Décret du 13 octobre 1936 n’ont jamais été délimitées…" 19.

4.25 Le gouverneur de la H aute-Volta avait du reste déjà pris soin de le rappeler

dans sa réponse du 19 avril 1950 à la lettre du 4 avril 1950 du gouvernem ent général de

l'A.O.F., en faisant remarquer que :

"Parmi les aires de protection délim itées provisoirement au cours de l' année
1937, celle dite ' Parc National du W' est de loin la plus im portante puisqu’elle

intéresse à la f ois les Territoires du Niger, du Dahomey et de la Haute-Volta. Le
manque de personnel et l' absence de t ous crédits spéciaux font qu’elle n' a
bénéficié effectivement jusqu'à présent que d'une surveillance très incomplète. Il
est certain que cette di vision entre tro is Territoires a em pêché toute

193Voir la lettre n° 992 SE/F du gouverneur secrétaire général chargé de l'expédition des affaires courantes (pour
le haut commissaire absent) adressée le 4 avril 1950 au gouverneur de la Haute-Volta, p. 1 (Annexe M / R.B.
52).
194
Ibid.: "… j’ai envisagé de faire étudier la région dite du 'W' du Niger, prolongée vers le sud-est au Dahomey,
et vers le sud-ouest enHaute-Volta, ceci étant au surplus confore a ux résolutions prises à l’iss ue de la
195férence de Tenkodogo en décembre 1949".
196Annexe M / R.B. 52.
Annexe M / R.B. 56.
100 réglementation d’ensemble et toute action ef ficace. J’estim e donc que la
coordination des travaux de délimitation définitive, de police, et de protection est
197
absolument nécessaire" .

Le gouverneur de la Hau te-Volta recommandait en conséquence que les travaux définitifs de

délimitation soient confiés à un officier forestier, secondé de six personnes 198.

4.26 Comme en 1937, les travaux m enés su r cette base et les arrêtés qui

constituèrent leur point d’aboutissem ent, se référent tous à la Mékro u comme limite des

colonies du Dahomey et du Niger, et cela tant pour la délimitation de la réserve côté Dahomey

(1) que pour la délimitation de la réserve côté Niger (2).

1°) La délimitation de la réserve côté Dahomey

4.27 Le projet de classement de la réserve du W du Niger côté Dahomey, affiché le

5 juin 1952 199 et publié au Journal officiel du Dahomey le 15 juin 1952 200, se réfère en effet à

la Mékrou comme limite de la réserve. Celle-ci fut définie de la manière suivante :

"… de M à N: la rivière Mékrou" 201(voir croquis n° 21, p. 102).

4.28 Constatant que les limites étaient "parfaitement connues de tous" et qu' aucune

opposition contre le pro jet de classem ent n'avait été dépos ée, la Commission de clas sement

réunie le 5 septembre 1952 entérina les limites fixées dans ce projet, sous réserve de certaines
202
modifications qui ne portaient pas sur le c hoix de la Mékrou comme ligne de délimitation .

197
198Annexe M / R.B. 53.
199Ibid.
200Annexe M / R.B. 59.
VOIR la lettre n° 2402 / EFC du 8 août 1952 de l’inspecteur principal des Eaux et Forêts, chef du service
forestier du Dahomey, à M. l’inspecteur général des Eaux et Forêts, Dakar (Annexe M / R.B. 60)
201Les points I à J se réfèrent également à la rivière Mé krou, mais dans un secteur situé au-delà du tripoint
Bénin/Niger/Haute-Volta, par conséquent dans un secteur autre que le secteur frontalier Bénin/Niger.
202Annexe M / R.B. 61

101croquis 21 –Lim ites de la réserv e naturelle intégrale (Dahom ey) - arrêtés du 30 septem bre

1937 et du 3 décembre 1952 - et du parc national (Niger) - arrêtés du 13 novembre 1937 et du
25 juin 1953.

1024.29 Il ne restait plus au gouverneur du Dahom ey qu’à soum ettre ce projet à

l’approbation du gouverneur général de l’A.O.F. 203, qui l'entérina par l’arrêté n° 7640 SE/F du

3 décembre 1952 204. Cet arrêté définit en conséquence, en son article premier, les limites de la

réserve "située dans le cercle de Kandi" comme suit:

"À l'ouest – la limite des territoires Dahomey-Haute-Volta de L à M

la rivière Mékrou de M à N…".

4.30 Lorsque la réserve du W côté Dahomey fut transformée en un parc national, la

limite ouest du parc demeura inchangée. Elle continua à être définie ainsi:

"À l'ouest – la limite des territoires Dahomey - Haute-Volta de L à M
205
la rivière Mékrou de M à N…" ..

4.31 La même limite fut retenue pour la réserve côté Niger.

2°) La délimitation de la réserve côté Niger

4.32 Du début à la fin de la procédure de délimitation engagée au début des années

1950 afin de fixer les lim ites définitives de la réserve créée côté Nig er, la référence à la

Mékrou fut constante, les autorités concernées ayant tout à fait conscience que ce cours d'eau,

limite territoriale entre les co lonies du Niger e t du Dahomey, devait être pris en c ompte et

constituer la limite naturelle et logique des deux réserves.

4.33 Ainsi, un docum ent du service des ch asses en date du 18 avril 1951, dont

l’objet était de fournir des "indi cations" "po ur situer les leve rs r elatifs aux lim ites de la

Réserve du W par rapport aux points géodésiques" et "pour rattacher aux limites ainsi qu’aux

limites géodésiques les chem inements existants de photographie aérienne" fait référence sur
206
ce point à "la frontière Mékrou" .

203Voir la lettre n° 17 81/EF du 22 novembre 1952. Le go uverneur y précise que ce p rojet "reprend, en l es
modifiant [mais, on l’a vu, seulement sur des points qui ne concernent pas la Mékrou], les limites de la 'Réserve
naturelle intégrale' instituée dans le cercle d e Kandi par l’article p remier de l’arrêté lo cal 1464/APA du 30
septembre 1937" (Annexe M / R.B. 62).
204Annexe M / R.B. 63.
205Annexe M / R.B. 73.
206Annexe M / R.B. 54 p. 3, par. 3. Cette note relève une erreur en ce qui concerne la position de la Mékrou sur

la cart e a u " 1/1.000.000" (il s' agit pro bablement du c roquis de l 'Afrique f rançaise de 1 946 - v oir Atlas
cartographique, cote n°2).
1034.34 De façon encore plus nette, dans son avant-projet de délimitation du parc du W
207
du Niger (côté Niger) , l’insp ecteur principal d es eaux et forêts du territoire du Niger

proposa de retenir comme li mites celles qu' avait fixées l’arrêté n° 1302/AE/SZ du 13
novembre 1937 et décrivait ces limites de la manière suivante:

"Ces limites sont: (…)

2°) – A l’Est: La rive gauche du Niger du confluent de la Tapoa à celui de la
Mékrou.

3°) – Au Sud: La f rontière entre les Territoires du Niger et du Dahomey (cette
frontière est matérialisée par la Mékrou)…".

Cette description confirm e d'une part que la frontière entre les deu x territoires, et non pas
seulement la limite de la réserve, était matérialisée par la Mékrou et, d’autre part, que cette

frontière était déjà celle de 1937 et l’était toujours en 1951. L’in specteur principal ne fait ic i

en effet que décrire la limite telle qu'elle résultait de l'arrêté de 1937, tout en s’abstenant de la

remettre en cause à la date où il écrit, c'est-à-dire en 1951.

4.35 Cette solution de continuité fut confirm ée par le projet de classem ent de la

réserve de chasse dite "Parc National du W ", présenté pa r le gouvernem ent du territoire du
208
Niger le 6 février 1952 . Les lim ites est et sud du parc sont en effet définies de la m ême

façon que dans l’avant-projet susvisé, sous cett e réserve que la parenthè se explicative ("cette
frontière est matérialisée par la Mékrou") a disparu, et qu'une précision sur les extrém ités de

la frontière est apportée (du fleuve Niger au point triple avec la Haute-Volta). Les lim ites

proposées sont en effet les suivantes:

"… À l’Est: La rive gauche du Niger du confluent de la Tapoa au confluent de
la Mékrou.

Au Sud: La f rontière entre les territoires du Niger et du Dahom ey du fleuve

Niger à sa rencontre avec celle du Territoire de la Haute-Volta …".

4.36 La disparition de la parenthèse expli cative ne peut s’exp liquer que parce qu’il
était évident pour tous à l' époque que cette fr ontière entre les deux colo nies était constituée

par la rivière Mékrou, comm e l’avait rappelé l’in specteur principal dans son avant-projet, si

bien qu’il n’était pas nécessaire de le rappeler expressément à nouveau.

207Annexe M / R.B. 57. Ce document sans date est en tout cas postérieur au 6 octobre 1951.

1044.37 Cela fut confirm é d’ailleurs par l’ arrêté n° 4676 SE/F du 25 juin 1953 du

gouverneur général de l' A.O.F., portant création de la "Réserve totale de faune du W du

Niger" dans le cercle de Nia mey. Afin de dél imiter la ré serve côté Niger dans le secteu r

frontalier des deux colonies, cet arrêté reprend en ef fet en son ar ticle premier les mêmes

limites (symétriquement inversées) que celles retenues par l' arrêté du 3 d écembre 1952 pour

délimiter la réserve côté Dahomey. L'arrêté du 25 juin 195 3 définit en effet les limites d e la

réserve "dans le cercle de Niamey", donc côté Niger, comme suit:

" C. – le confluent de la rivière Mékrou dans le Niger.

D. – le point de convergence des frontières respect209s entre les trois territoires
du Niger, du Dahomey et de la Haute-Volta" .

S'il est vrai qu' il n’est pas préc isé qu'entre les points C et D c’est la rivière Mékrou qui

constitue la limite de la réserve, cela résulte à l'évidence des limites de 1937 que cet arrêté ne

faisait que reprendre 210.

4.38 La réserve côté Niger commence ainsi exactement à l’endroit où la réserve côté

Dahomey finit. Ceci ne peut signifier qu' une seule chose: que cette ligne commune est la

frontière entre les deux colonie s. Dès lors que la rése rve côté Dahomey est situé e "dans le
211 212
cercle de Kandi" , et la réserv e côté Niger "dans le cercle de Niam ey" , chacune re lève
d’une colonie différente, et le s délimitations respectives d e chaque rés erve ne peuvent par

conséquent que s' arrêter à l’endroit où finit le territoire de chacune de s colonies dont elles

relèvent.

4.39 Il est vrai que la réserve côté Niger es t plus étendue à l’est que la réserve côté

Dahomey. Si la prem ière s'étend dans une dire ction nord-est / sud-oue st du confluent de la

rivière Mékrou et du fleuve Niger jusqu’au point triple avec la Haute-Volta, la seconde ne

commence qu’en am ont de la confluence Mék rou/Niger pour finir elle aussi au po int triple

(voir supra, croquis n°21, p. 100). Ce décalage trouve to utefois une explication qui ne remet
en rien en cause le fait que la Mékrou constitue la frontière bé nino-nigérienne entre le fleuve

208Annexe M / R.B. 58.
209Annexe M / R.B. 65.
210Voir la lettre du g ouverneur du Niger au gouverneur général de l ’A.O.F. du 4 déc embre 1952 : le projet
d’arrêté " reprend sur l es bases de l a nouvelle j uridiction de l a chas se u n p rojet ét abli de puis 1937". Le
gouverneur du Niger précise par aille urs qu’il "est devenu nécessaire de reprendre la procédure" démarrée en
1937. Voir Annexe M / R.B. 64. L’arrêté de 1953 se situe donc dans la continuité de l’arrêté de 1937.
211
212Voir supra, par. 4.29.
Voir supra, par. 4.37.
105Niger et le point tr iple avec la Hau te-Volta. L’explication de ce d écalage figure dans une

lettre adressée à un certain M. Rouré le 12 mai 1951 213dans laquelle il est dit:

"Impossible de songer à prendre le Niger comm e limite [Nord-Est de la réserve
côté Dahomey], sauf si on a les moyens financiers de faire déguerpir (je veux dire
exproprier) ces 3.000 personnes qui vivent sur un des co ins les plus riches du
214
cercle de Kandi" .

La présence de ces personnes em pêchait en effet de créer à cet endro it une réserve naturelle,

qui aurait nécessité d’exproprier un grand no mbre de personnes qui y étaient établies. E n
conséquence, il fut décidé de décaler vers l' ouest la lim ite est de la rése rve, qu i suiva it

auparavant le fleuve Niger et de fixer le point de départ de la limite nord-est de la réserve non

plus à la confluence entre la Mékrou et le Niger, mais à un point choisi plus en am ont sur la

rivière Mékrou.

4.40 Pour résumer, il apparaît donc:

i/ que la limite commune des réserves du W situées dans les colonies du Dahomey

et du Niger a été fixée par référence à la rivière Mékrou par les autorités coloniales

compétentes;

ii/ que tel a été le cas de m anière constante et sans aucune variation, depuis la

création de ces réserves en 1937 jusqu'aux indépendances;

iii/ que tel était le cas à deux moments particulièrement critiques:

a. en 1937, c’est-à-dire après l’adopti on de l’arrêté du 8 décem bre 1934 et

juste avant l’adoption de l’arrêté du 27 octobre 1938, lesquels arrêtés ont

été les derniers à délimiter les cercles de la colonie du Dahomey;

b. dans les années 50, à la veille des indépendances;

iv/ que cette référence constante à la rivière Mékrou implique nécessairement que

cette rivière constituait la lim ite des colonies du Niger et du Dahom ey dans ce

secteur; et

213
214Annexe M / R.B. 55.
Voir également le croquis joint à la lettre (ibid.).

106 v/ que cela a d’ailleurs été indiq ué expr essément à plusieurs reprises par les

autorités coloniales françaises.

Section 2

L'exercice effectif par le Dahomey puis le Bénin de la souveraineté territoriale sur la

rive droite de la Mékrou et la cartographie de la région

4.41 L'emplacement de la frontière su r la Mékrou est confirm é tant p ar l'exercice

effectif de la souveraineté par le s deux États de part et d'autre de la rivière (§ 1), que par la

cartographie de la région, qui confirme que la frontière est fixée à la ligne médiane de celle-ci

(§ 2).

§ 1 - Les effectivités coloniales et post-coloniales

4.42 De nombreux éléments attestent que le Dahomey puis le Bénin, a exercé, avant

comme après l’indépendance, une administration effective de la rive droite de la Mékrou.

4.43 Ainsi, à l’o ccasion des échanges de lettres ayant précéd é la délim itation

définitive de la réserve du W côté Dahom ey, le gouverneu r du Dahomey tin t à p réciser au

gouverneur général de l’A.O.F. dans une lett re datée du 27 juin 1951 que sur les nouvelles
éditions de cartes touristiques devaient être portées plusieurs forêts dont celle de la Mékrou 21.

4.44 L'exercice effectif par le Dahomey puis le Bénin de la s ouveraineté territoriale

sur la rive droite de la Mékrou est également attesté par le rapport du maréchal des logis-chef,
commandant la brigade territoriale des forces de sécurité publique de Karimama en date du 23

mai 1983. Ce rapport relate qu’un habitant de la ferm e Mékrou, située non loin de

l'embouchure du fleuve Niger sur la rive droite de la rivière, continua à s'acquitter dans les

années 1960 des taxes civiques perçues par le Dahomey, alors même qu’il avait dû fuir sur

l’autre rive de la riv ière Mékrou à cause d’une gra nde crue. S' il continua à payer ces taxes
auprès des autorités du Bénin, ce fut afin "de pouvoir bénéficier de la gestion des manguiers

laissés dans la ferm e du Mékrou", preuve que la rive droite de la rivière appartenait au

215Annexe M / R.B. 56.

107Dahomey et était adm inistrée par lui. Ainsi, cet habitant se trouvait en 1983 "détenteur de

plusieurs tickets d’im pôt au-delà de 1965"; il ne retourna cependant sur sa ferm e que vingt

ans plus ta rd lorsque, constatant qu'un Peulh y constru isait une cas e, il dém olit avec l'aide

d’autres personnes la case en construction. Ce furent les autorité
s du Bénin, une nouvelle fois,
qui durent alors intervenir, et qui réglèrent le litige qui s' était produit dans une zone relevant

de leur juridiction216.

4.45 Les autorités béninoises m anifestèrent à cette occasion leur très grande

attention pour la protection de l'intégrité de la frontière bénino-nigérienne située le long de la

Mékrou. Alertées par certaines activités suspectes, ces autorités exprimèrent en effet la crainte
que:

"La ferme des m anguiers [objet d u litige], compte tenu des m ultiples détours

dessinés par le Mékrou avant de se jeter dans le fleuve Niger, risque de devenir
terre Nigérienne car il suffisait qu'une rigole artificiellement soit creusée à hauteur
de la grande ferm e, côté Ouest, afin de communique r les deux fleuves pour que
les Autorités locales et Politico-Ad ministratives du Distric t Rural de Karim ama
perdent le contrôle de cette presqu’île en faveur des Nigériens".

4.46 Ces différents éléments confirment:

i/ que les a utorités béninoises étaient attentives au sor t de cette pa rtie de leur
territoire (ici, la presqu’île de la Mékrou) située tout juste en bordure de la rivière

Mékrou;

ii/ qu’elles n’entendaient nullement que ce territoire soit artificiellement "cédé" au

Niger, alors qu’il ne lui appartenait pas en vertu des délimitations en vigueur;

iii/ et qu’elles considéraient que la r ivière Mékrou constituait bien la lim ite entre

les territoires du Bénin et du Niger, puisque le sim ple déplacement du point d e

confluence de la Mékrou avec le Niger au rait, selon elles, immédiatement placé la
217
ferme des m anguiers du côté nigérien . A contrario, cela ne peut que signifier
que, dans l’esprit des autorités béninoise s, le m aintien en l' état du point de

confluence avec le Nig er suffit à placer la presqu'île de la Mékrou côté béninois,

216
Annexe M / R.B. 96. Un autre incident, lié au précédent mais qui s'est produit sur la rive gauche, a, au
217traire, été traité par les autorités nigériennes (ibid.).
Voir le croq uis joint au rapport du maréchal des logis-chef, ibid.: l'idée de l'auteur du rapport (peut-être
discutable au point de vue juridique) est que si la Mékrou rejoint le Niger non plus au point D, mais au point E,
la ferme des manguiers (point B) devient nigérienne.

108 ce qui ne peut être le cas que si la Mé krou constitue la limite frontalière entre les

deux États.

§ 2 - La cartographie de la région confirme que la frontière est située sur la Mékrou

4.47 Le matériau cartographique confirme que la Mékrou, et plus précisément sa

ligne médiane, constituait bien, au moment des indépendances, la limite entre les colonies du

Dahomey et du Niger.

4.48 Cela est vrai tout d’abord du fond de carte dressée et publiée en octobre 1926
par le Service géographique de l' A.O.F.. Les planches "Kandi" et "Niam ey" montrent que la

ligne médiane de la rivière Mé krou constitue la lim ite entre les colonies du Nig er et du

Dahomey, du point triple avec la Haute-Volta jusqu’au fleuve Niger 218.

4.49 La carte routière Dahom ey-Togo ét ablie par le service géographique de

l'A.O.F. en 1938 (échelle 1/1.000.000 è) indique quant à elle que la "Limite de colonie" suit la

Mékrou 219. Ce tracé fut co nfirmé et précisé par le même Service Géographique à l’occasion

de l’édition en 1948 du Croquis routier Dahomey et Togo. Ici aussi, la "Limite de colonie" est
220
indiquée comme suivant la rivière Mékrou .

4.50 On se trouve ici dans la prem ière des situations décrites par la Cha mbre de la

Cour dans l'affaire du Différend frontalier entre le Burkina et le Mali:

"Dans le cas où le fait correspond exacte ment au droit, où une adm inistration
effective s'ajoute à l' uti possidetis juris , l''effectivité' n'intervient en ré alité que
221
pour confirmer l'exercice né d'un titre juridique" .

Et il en va de m ême en ce qui concerne les ca rtes: elles ont, ici, une valeur auxiliaire et

confirmative 222: comm e les ef fectivités, elle s con firment, si besoin é tait, que la f rontière

héritée de la colonisation est, dans le sect eur de la Mékrou, constitu ée par la rivière elle-

même.

218
Cf. Atlas cartographique, cotes 3 et 4. Voir également la carte de l'A.O.F., Nouvelle frontière de la Hau te-
Volta et du Niger (Suivant erratum du 5 octobre 1927 à l’arrêté en date du 31 août 1927), échelle 1/1.000.000è
(cf. Atlas cartographique, cote 1) et la carte intitulée "Croquis de la Colonie du Niger, dressé par le Colonel M.
Abadie, de l’Infanterie Coloniale" au 1/4.500.000sans date) (cf. Atlas cartographique, cote 5)
219Cf. Atlas cartographique, cote 6.
220Cf. Atlas cartographique, cote 7.
221Arrêt du 22 décembre 1986, Rec. 1986, pp. 586-587, par. 63. Voir aussi supra, par. 2.28.
222Voir ibid., p. 583, par. 56. Voir aussi supra, par. 2.41.

109 Section 3

Les points de départ et d'aboutissement du tracé frontalier
dans le secteur de la Mékrou

4.52 Par souci d'être complet, le Bénin préci se en outre le point de départ à l' ouest

de la frontière avec le B urkina Faso (ancienne Haute-Volta), qui es t constitué par le "poin t
223
triple" (§ 1), et son point d' aboutissement (pour le secteur de la rivière Mékrou) au

confluent de celle-ci et du Niger (§ 2).

§ 1 - Le point triple avec le Burkina Faso

4.53 En vue de faciliter la compréhension de l'historique de l'établissement du point

triple a ctuel entr e le s territoires du Bénin, du Niger et du Burkina F aso, il convient, de

manière liminaire, de préciser que ce point triple n'a pu exister que lorsque la zone située au

nord-ouest du Bénin relevait de deux territoires di stincts, c’est-à-dire lorsqu'elle était divisée

entre la colonie du Niger et la colonie de la Haute-Volta. En revanche, avant la création de la
er 224
Haute-Volta (c’est-à-dire avant l’adoption du décret du 1 mars 1919 ) et durant la période
durant laquelle elle avait été supprimée (de 1932 à 1947), la limite entre le territoire du Haut-

Sénégal e t Niger et le Dahom ey se term inait au su d-ouest de l’ac tuel p oint trip le

Bénin/Niger/Burkina Faso, donc au-delà de l’actu elle frontière bénino-ni gérienne. Ainsi, le
225
décret du 2 mars 1907 précité situait le début de cette limite "à partir de la frontière avec le

Togo". Les périodes critiques so nt donc celles com prise entre 1919 et 1932 et postérieure à

1947.

4.54 Cette dernière période est la plus im portante dans la perspective de l' uti

possidetis. Toutefois, la Haute-Volt a a récupéré en 1947 ses anciennes lim ites de 1932, date

de son démem brement. Comme l'a expliqué la Chambre de la Cour dans son arrêt du 22

décembre 1986:

223
224Sur cette expression, voir infra, par. 5.49.
225Voir supra, par. 3.18.
Par. 4.07.
110 er
"… le décret du 1 mars 1919 créant la Haute-Volta fut abrogé par un décret du 5
septembre 1932 et les cercles qui avaient composé la Haute-Volta furent rattachés,
en tout ou en partie, certains au Niger, d'autres au Soudan f rançais ou à la Côte
d'Ivoire [… 226]. La Haute-Volta fut reconstituée en 1947 par la loi 47-1707 du 4

septembre 1947, laquelle a purem ent et simplem ent a brogé le décret du 5
septembre 1932 portant suppression de la co lonie de la Haute-Volta et a déclaré
que les limites du 'territoire de la Haute-Volta rétabli' seraient 'celles de l'ancienne

colonie de la Haute-Volta à la date du 5 septembre 1932'. C'est cette Haute-Volta
qui a ensuite accédé à l' indépendance le 5 août 1960, pour prendre, en 1984, le
nom de Burkina Faso" 227.

Par conséquent, la définition du point triple te lle qu’elle résulte des actes antérieurs à 1932

permet de définir ce m ême point triple à la da te des indépendances, dès lors qu’il n’a subi
aucune modification après 1947.

4.55 Le décret du 1 ermars 1919 créant la Haute-Volta par l'effet d’une division de la

colonie du Haut-Sénégal et Niger en deux terr itoires n'a pas pris po sition sur les limites

exactes du point triple avec la colonie du Dahomey. Celui-ci a toutefois été expressément fixé

par l'erratum à l'arrêté du 31 août 1927 en date du 15 octobre 1927 228. Ce dernier définit en

effet le point triple en disposant que la limite entre les colonies du Niger et de la Haute-Volta,

décrite du nord au sud, suit, dans la dernière partie de son parcours, "le cours de la Tapoa

jusqu'au point où elle rencontre l’ancienne lim ite des cercles de Fada et de Say, qu'elle su it
229
jusqu'à son intersection av ec le cou rs de la M ékrou" . Le point triple est donc fixé sur la

rivière Mékrou, à l’endroit où elle croise l’ancienne limite des cercles de Fada et de Say.

4.56 Il reste qu' aucun texte juridiqu e n'a fixé l' emplacement exact de ce point. De

l'avis de la République du Bénin, celui-ci doit être déduit de la carte la plus fiable publiée à la

veille de l'indépendance, en l'occurrence, une carte publiée par l'Institut géographique national

(I.G.N.) français en 1955 (et rééditée à plusie urs reprises depuis lors) reproduite dans l' Atlas

cartographique joint au présent mémoire sous la cote 8. Il résulte de cette carte que le tripoint

Bénin/Burkina Faso/Niger se trouve au point de coordonnées 11° 54' 15'' de latitude nord et
230
2° 25' 10'' de longitude est .

226"La Chambre renvoie ici au paragraphe 73 [de son arrêt] ainsi qu'au croquis n° 2 (…) qui montre la répartition
des cercles dans la région de la frontière contestée".
227Rec. 1986, p. 569, par. 32.
228Voir supra, pars. 4.11. et 4.12.
229Annexe M / R.B. 37
230Tant ce résultat que cette méthode correspondent à ceux retenus dans les deux publications du Département
d'État américain, International Boundary Study, n° 97, April 1, 1970, ("Dahomey-Upper Volta"), p. 2, et n° 140,
November 6, 1 973, ( "Dahomey-Niger"), p p. 2-3, ces deux documents préci sant q ue ces co ordonnées s ont

"approximatives".
111 § 2 - Le confluent de la Mékrou et du Niger

4.57 L'extrême li mite orientale de la fron tière bénino-nigérienne dans le secteur

frontalier de la Mékrou a été fixée, tout comme le point triple avec le Burkina, sur la Mékrou.

Elle l'a été plus exactem ent à l’endroit de la confluence de la rivière Mékrou avec le fleuve

Niger, et cela dès 1907. Le décret du 2 mars 1907 précité 231précise en effet que la limite entre

la colonie du Haut-Sénégal et Niger et celle du Dahomey "abouti[t] au confluent de la rivière

Mékrou avec le Niger" 232. Il en est allé de même par la suite:

(i) de l'arrêté du 31 août 1927 233, qui dispose que la limite sud-est du cercle de Say

(Niger) était constitué "par la Mékrou (…) jusqu’à son confluent avec le Niger" 234;

235
(ii) des arrêtés du 8 décem bre 1934 et du 27 octobre 1938 , qui disposent l' un

comme l'autre que la limite nord-est du cercle de Kandi (Dahomey) est constituée

"par le cours du Niger jusqu'à son confluent avec la Mékrou";

(iii) des deux arrêtés du 30 septem bre 1937 et du 13 nove mbre 1937 délim itant
236
provisoirement les deux réserves du W , puisque le prem ier précise que la

réserve côté Dahom ey est lim itée "au Nord par la rive droite du Niger, de son

confluent avec le Mékrou jusqu'à son confluent avec l'Alibory; à l'Ouest par la rive
237
droite du Mékrou sur 75 kilom ètres à partir de son confluent" , et que le second

précise que la réserv e côté Niger est li mitée à l’Es t par "la rive g auche (rive

haoussa) du fleuve Niger depuis l’em bouchure de la Tapoa [c’est-à-dire à un

endroit situé au Nord de la frontière béni no-nigérienne, là où le fleuve appartient

dans sa totalité à la colonie du Niger, d’où la référence à la rive gauche du fleuve]

jusqu’à l’embouchure de la Mékrou", et au Sud par "[l]a rivière Mékrou depuis
238
son embouchure dans le fleuve Niger" ;

231Voir supra, par. 4.07.
232
233Annexe M / R.B. 16.
234Voir supra, par. 4.11.
235Annexe M / R.B. 36.
Voir supra, pars. 4.13., 4.20 et 4.40
236Voir supra, pars. 4.18 et 4.19.
237Annexe M / R.B. 45.
238Annexe M / R.B. 46.

112 239
(iv) de l’arrêté du 25 juin 1953 fixant les limites de la réserve (côté Niger) ,

puisque celui-ci dispose qu’une de ces li mites est "le co nfluent de la riv ière
Mékrou dans le Niger" 240.

4. 58 Comme la République du Bénin le m ontrera dans le chapitre suivant, à partir

du point de confluence de la rivi ère Mékrou avec le fleuve Niger, point qui marque la limite

du secteur de la rivière Mékrou, la frontière bénino-nigérienne rejoint la rive gauche du fleuve

Niger en suivant l'axe de la rivière Mékrou, pour aboutir à un point dont les coordonnées sont

2° 49’ 38’’de latitude Es t et 12° 24’ 29 ‘’de longit ude Est, et suit ce tte rive gauche jusqu'au

point triple avec le Nigéria.

239Voir supra, par. 4.37.
240
Annexe M / R.B. 65.
113 CHAPITRE 5

LE SECTEUR DU FLEUVE NIGER

1145.01 Le compromis du 15 juin 2001 conclu entre la République du Bénin et la
République du Niger demande à la Chambre de la Cour, entre autres, de :

« a - déterm iner le tracé de la frontière entre la République du Bénin e
t la
République du Niger dans le secteur du fleuve Niger ».

5.02 Le dernier texte réorganisant les di visions territoriales de la colonie du

Dahomey avant l’indépendance est l’ arrêté n° 3578/APA du 27 octobre 1938 24. Son article

1er, 8°, précise pour ce qui concerne le cercle de Kandi, limitrophe du Niger :

« 8° Cercle de Kandi, chef-lieu de Kandi, limité :
………………………………………………
…………
A l’Est par la frontière de la Nigeria jusqu’au Niger ;

Au Nord-Est par le cours du Niger jusqu’à son confluent avec la Mékrou ; »

5.03 La République du Bénin m ontrera d’abord que la frontière suit le cours du

fleuve Niger sur sa rive gauche (Section 1) ; ensuite, elle s’attachera à définir les points des

extrémités ouest puis est de cette ligne f rontière (Section 2). Elle so ulignera enfin que le

différend frontalier et s a solution n’affectent en rien les engagem ents de coopération trans-

fluviale souscrits par la République du Niger et la République du Bénin (Section 3).

241 er
Journal officiel de l’Afrique occidentale française du 1 décembre 1938, p. 1335 Annexe M / R.B. 48.

115 Section 1

La délimitation de la frontière dans le secteur du fleuve Niger

5.04 La frontière dans le secteur du fleuve Niger a été décrite (§ 1) et reconnue (§ 2)

par la lettre n° 3722/APA du 27 août 1954 du gouverneur de la colonie du Niger au chef de la

subdivision de Gaya sous couvert du commandant du cercle de Dosso 242.

§ 1 - La description de la frontière

découlant de la lettre n° 3722/APA du 27 août 1954

5.05 A la veille des indépendances, la lim ite entre la colonie du Dahom ey et la

colonie du Niger était une sim ple limite administrative interne. Elle a changé de nature avec

l’accession à l’ind épendance de ces colonies : « de limite administrative, elle devie nt limite
243
d’Etat » , selon un mécanisme qui fut mis en relief par Paul Geouffre de Lapradelle dans son
244
ouvrage sur La frontière, et confirmé par la jurisprudence de la Cour .

5.06 Dès lors qu’aucun acco rd sur le tracé frontalier n’est intervenu dep uis les
indépendances, définir la frontière entre les deux États conduit donc à rechercher quelle était,

à la date d’access ion de la colonie du Dahomey à l’indépendance le 1 er août 1960, la lim ite

entre le Bénin et le Niger au niveau du secteur du fleuve Niger.

5.07 Avant les indépendances, les adm inistrateurs commandant respectivement le

cercle de Dosso (Niger) et le cercle de Kandi (Dahomey) se sont posés la question des limites

communes du Dahomey et du Niger à l’occasion des difficultés rencontrées pour la perception

de taxes de pacage dans certaines îles du fleuve Niger. Interpellé par son collègue d e Kandi,

l’administrateur de la FOM commandant la subd ivision de Gaya s’est adressé au gouverneur,
plus haute autorité administrative de la colonie du Niger. Ce dernier par la lettre n° 3722/APA

du 27 août 1954 adressée au chef de la subdivisi on de Gaya s/c du comm andant de cercle de

Dosso, a affirmé :

242Lettre n° 3722/APA de Monsieur Raynier, gouverneur de la F.O.M., gouverneur du Niger à Monsieur le chef
de la subdivision de Gaya, S/C du commandant de cercle de Dosso, Annexe M / R.B. 67.
243Paul Geouffre de Lapradelle, La frontière, Paris, Les Editions internationales, 1928, p. 75.
244La Cour dans l’affaire du Différend frontalier (Burkina Faso / République du Mali) souligne le « principe du
respect aussi bien des frontières résultant des accords internationaux que celles iss ues de sim ples divisions
administratives internes » et parle de « la transformation de limites administratives en frontières internationales
proprement dites », C.I.J., arrêt du 22 décembre 1986, Rec. 1986, p. 565, par. 22 et p. 566, par. 23. La Cour dans

l’affaire du Différend frontalier terrestre, insulaire et maritime entre El Salavador et le Honduras confirm e le
même principe, C.I.J., arrêt du 11 septembre 1992, Rec. 1992, pp. 386-401, pars. 40-67.
116 « … la limite du territoire du Niger est constituée de la ligne des plus hautes eaux,
côté rive gauche du fleuve, à partir du village de BANDOFAY, jusqu’à la frontière

de NIGERIA ».

5.08 Il convient de rechercher l’inten tion du gouverneur du Niger pour déterm iner

la portée exacte de la lettre n° 3722/APA du 27 août 1954. Ai nsi que la Cour l’a jugé dans
l’affaire du Différend frontalier (Burkina Faso/Mali), la ques tion est de savoir s i la le ttre

précitée a un caractère m odificateur ou déclaratoire 245. En d’autres term es, la lim ite

mentionnée décrit-elle une limite déjà existante ou traduit-elle l’intention de définir de novo la

limite de droit ? Paul Geouffre de Lapradelle eut l’occasion d’af firmer clairem ent l a

distinction entre l’adoption d’une limite existante (limes institutus) et la création d’une limite
246
(limes instituendus) .

5.09 En l’espèce, la lettre n° 3722/APA du 27 août 1954 présente clairement un

caractère déclaratoire, puisqu’il s’agit d’une réponse à une demande formulée par le chef de la

subdivision de Gaya (Niger), sur les limites communes du Dahomey et du Niger. Ce caractère

déclaratoire est confirmé par la lettr e n° 2475/APA du 11 décem bre 1954 du gouverneur du
247
Dahomey adressée au gouverneur du Niger . Dans cette lettre du 11 décembre 1954, le
gouverneur du Dahomey demande au gouverneur du Niger de lui indiquer :

« les références des textes ou accords déterminant ces limites [limites communes
du Dahomey et du Niger] ».

Si le gouverneur du Dahomey demande au gouverneur du Niger de lui indiquer le fondem ent

juridique de la ligne frontière, c’est que dans son esprit la li mite entre les deux co lonies est

bien fixée sur la rive gauche du fleuve Niger, ce qui correspond à la situation existante. Il
convient également d’ajouter que si aucun texte réglementaire n’a été pris suite à la lettre du

27 août 1954, c’est parce que ladite lettre décrit une limite existante.

5.10 Il faut aussi souligner que la descri ption de la lim ite ainsi établie atteste du

caractère définitif et précis de la délimitation.

245
Arrêt C.I.J. du 22 décembre 1986, Affaire du Différend frontalier (Burkina Faso/ République du Mali), , p.
246, par. 82.
247Paul Geouffre de Lapradelle, op. cit. supra note 243, p. 74 et p. 88.
Lettre n° 2475/APA du gouverneur de la France d’outre-mer, gouverneur du Dahomey au gouverneur de la
France d’outre-mer, gouverneur du Niger à Niamey, Annexe M / R.B. 70.

1175.11 La doctrine et la jurisprudence internationales attachent une grande importance

aux caractères définitif et précis des délim itations de frontières. Ainsi que le soulignent

respectivement Paul Geouffre de Lapradelle 248et Daniel Bardonnet 249, cette double exigence

répond à un « but pacificateur » et à un besoin de sécurité juridique dans les rapports entre

États 25. On retrouve constamment dans la jurisprudence internationale cette double exigence.

A cet égard, l’on peut rappeler l’avis consultatif n° 12 de la Cour perm anente de Justice

internationale du 21 novem bre 1925 sur l’interprétation de l’arti cle 3, paragraphe 2 du traité

de Lausanne relatif à la f rontière entre la Turquie et l’Irak. La Cour, par un dictum, se réfère

aux principes de permanence et de précision :

« il résulte … de la nature m ême d’une frontière et de toute convention destinée à

établir les frontières en tre deux pays, qu’une frontière doit être une délim itation
précise dans toute son étendue».

Et d’ajouter :

« il est naturel que to ut a rticle d estiné à fixer une frontière soit, si possible,

interprété de telle sorte que, par son ap251ication intégrale, une f rontière précise,
complète et définitive soit obtenue » .

Dans l’affaire du Temple de Préah-Vihéar du 15 juin 1962, la Cour insiste égalem ent sur la

signification du principe de stabilité et de permanence de la frontière :

« D’une manière générale, lorsque deux pa ys définissent entre eux une frontière,

un de leurs principaux objectifs est d’arrêter une solution stable et définitive. Cela
est impossible si le tracé ainsi établi peut être remis en question à tout moment, sur
la base d’une procédure constamment ouverte, et si la rectific ation peut en être
demandée chaque fois que l’on découvre une inexactitude par rapport à une

disposition du traité de base. Pareil le procédure pourrait se poursuivre
indéfiniment et l’on n’atteindrait jam ais une solution définitive aussi longtem ps
qu’il resterait possible de découvrir des erre urs. La frontière, loin d’être stable,
serait tout à fait précaire »252.

5.12 En l’espèce, les term es m êmes de la description de la lim ite faite par le
gouverneur du Niger en traduisent le caractère définitif et précis. En effet, la lettre indique que

248Paul Geouffre de Lapradelle, op. cit. supra note 243, p. 105.
249Daniel Bardonnet, Les frontières terrestres et leur relat ivité (Problèmes juridiques choisis), R.C.A.D.I.,
1976,V, Tome 153, p. 31.
250A cet égard, l’on peut citer Paul Roubier qui affirmait : « Dans tout ordre juridique qu’il soit international ou
interne, la première valeur sociale à atteindre, c’est la sécurité juridique », in Théorie générale du droit, Paris,
Sirey, 1946, p. 269.
251
252C.P.J.I., série B, n° 12, p. 20.
C.I.J., Rec. 1962, p. 34.
118« la limite … est constituée …. » ; la conjugaison du verbe à l’indi catif traduit l’intention de

préciser définitivement la limite. Quant à la précision, elle ressort du fait que la lettre recourt à

une formule sans ambiguïté pour décrire le tracé, qui court : « … de la ligne des plus hautes

eaux, côté rive gauche du fleuve, à partir du village de Bandofay, jusqu’à la frontière de

Nigeria».

5.13 La limite à la riv e gauche est id entifiée, en l’espèce, par la « ligne des plus

hautes eaux ». Cette précision de la lim ite à la rive gauche est en conformité avec la pratique
conventionnelle des É tats. A ce t égard, Francois Schroeter note que la lim ite à la rive peut

être :

« marquée par les basses eaux, au pied de la berge du cours d’eau, au sommet du
talus formé par le lit de la rivière, à quelque distance du fleuve, avec sa végétation.
253
La limite à la rive peut enfin être prolongée par une zone neutre » .

5.14 La fixation de la ligne frontière entre le Dahomey et le Niger sur la rive gauche

du fleuve Niger trouve son fondement dans une convention et deux arrêtés réglementaires que

la lettre du 27 août 1954 interprète avec précision.

5.15 Il s’agit d’abord du traité de pr otectorat conclu entre le gouverneur du
Dahomey et dépendances et Ali, chef de Karimama, roi du Dendi, le 21 octobre 1897 25. Il

délimite le territoire du Dendi dans les termes suivants :

« Article 1 er.- ALI, amirou de Karimama, Roi du Dendi, place ce pays situé sur la
rive droite et sur la rive gauche du Niger, sous le protectorat exclusif de la France,
tant en son nom qu’au nom de ses successeurs ».

Article 5. - : Le Dendi, rive droite est limité au Nord par le Territoire d e Say ; à
l’Ouest par le Gourm a ; au Sud-Ouest, par le T erritoire de Kandi, dépendant du
Borgou, au Sud par le territoire d’Ilo ; le Dendi rive gauche est lim ité au Sud et à

l’Est par [---], jusqu’à la confluence avec la Niger ; au Nord – Est par le Territoire
de Kebbi ; au Nord par le Zaberma ».

5.16 Il s’agit ensuite de l’arrêté du 11 août 1898 portant descri ption des territoires

du Haut-Dahomey compris entre le Niger, le Soudan français, la colonie allemande du Togo,

le 9° parallèle et la colonie anglaise de La gos, créant le cercle du Moyen-Niger. Son article
1er, 4èmeparagraphe, dispose:

253
Francois Schroeter, “Les systèmes d e délimitation dans les fleuves internationaux, in Annuaire français de
254it international, XXXVIII-1992, pp. 953-954.
Annexe M / R.B. 3.

119 e
« 4 Cercle du Moyen-Niger. Ce Cercle es t formé par les provinces de Bouay et
de Kandi, par le pays indépendant de Ba niquara et les territoires du Zaberm a ou

Dendi situés sur les deux rives du Niger et le urs dépendances. Les village s de
Bouay, Kandi, Baniquara, Madécali, Carimama font partie de ce Cercle qui est
limité au Nord par le Soudan français et la frontière franco-anglaise telle qu’elle a
été définie par la Convention du 14 juin 1898, à l’Est pa
r cette m ême frontière, au

Sud par les provinces de Nikki et de Parakou et à l’Ou est par le Go urma et la
province de Kouandé » 25.

Par cet arrêté, l’adm inistration co loniale c onfirme que les deux rives du fleuve Niger

appartiennent à la colonie du Dahom ey et dépendances corroborant ainsi le contenu du traité

de protectorat de 1897.

5.17 Troisièmement, l’arrêté du gouverneur général de l’A.O.F. du 23 juillet 1900 -

créant un troisième territoire militaire dont le chef-lieu sera établi à Zinder - fixe la limite de

ce territoire qui deviendra plus tard la colonie du Niger, à la rive gauche du fleuve Niger. Il

est ainsi libellé :

« Article premier : Il est créé un troisième territoire militaire dont le chef lieu sera
établi à Zinder.

Ce territoire s’étendra sur les rég ions de la rive gauche du Niger de Say au lac
Tchad qui ont été placés dans la sphère d’influence française par la Convention du
14 juin 1898 » 256.

5.18 Jusqu’à la proclamation de l’indépendance du Niger en 1960, aucun autre texte

ne viendra modifier la frontière dans cette partie méridionale du territoire du Niger. En effet,
en avril 1912, le comm andant du troisièm e territoire militaire devient le commissaire du

gouvernement général au territoire militaire du Niger. En 1920, le territoire militaire du Niger

devient « Territoire du Niger » 257. Et le 13 octobre 1922, est créée par décret, la colo nie du

Niger sans modification de ses frontières m éridionales telles que fixées par l’arrêté du 23

juillet 1900 258.

255
Arrêté du 11 août 1898 portant description des territoires du Haut-Dahomey compris entre le Niger, le Soudan
français, la colonie allemande du Togo, le 9° parallèle et la colonie anglaise de Lagos créant le cercle du Moyen-
Niger, Journal officiel de la colonie du Dahomey et dépendances, n° 16 du 15 août 1898, p. 5. Voir Annexe M /
256. 6.
Arrêté du 23 juillet 1900 créant un troisième territoire militaire dont le chef-lieu sera établi à Zinder, Journal
officiel de l’Afrique occidentale française, 1900. Voir Annexe M / R.B. 8.
257Rapport et décret du Président de l a République française portant création du « Territoire du Niger » du 4
décembre 1920, Journal officiel de la République française n° 335 du 9 décembre 1920, pp. 20244-20245. Voir
Annexe M / R.B 30. Voir également supra, Chapitre 1 .er
258Rapport et décret du Président de la République française portant transformation du « Territoire du Niger » en
« Colonie du Niger », Journal officiel de l’Afrique occidentale française n° 955 du 20 janvier 1923, p. 58. Voir
Annexe M / R.B. 31.

1205.19 Il échet en conséquence de conclure que la lettre n° 3722/APA du 27 août 1954

donnant une description d’une limite déjà existante, la limite entre la République du Niger et

la République du Bénin est « constituée de la ligne des plus hautes eaux, côté rive gauche du

fleuve, à partir du village de BANDOF AY jusqu’à la frontière de Nigeri a». Il convient, au

surplus, d’a jouter que les lim ites à la rive ét ant des « frontières-lignes naturelles » selon
259
l’expression empruntée à Lucius Caflisch , la Cour ne fera que donner effet juridique à une

situation de fait.

5.20 La question peut, cependant, se poser de savoir si la frontière à la rive gauche -

telle que fixée par les actes juridiques sus- mentionnés - est confor me à la pratique
conventionnelle et juridictionnelle en matière de délimitation des fleuves frontières. Avant d’y

répondre, il convient d’examiner les règles relatives aux frontières fluviales.

5.21 S’il est fréquent que la frontière fl uviale soit form ée par le thalweg dans les

fleuves navigables, et par la ligne m édiane dans les fleuve s non navigables, la doctrine

considère généralement qu’aucune règle coutumière ne s’est dégagée de la pratique des États.

5.22 A ce propos, Lucius Caflisch souligne que les règles coutumières ont eu peu de
260
place dans la délimitation des « frontières internationales rattachées aux cours d’eau» . Car
il existe des accords qui ont retenu la ligne médiane pour les fleuves navigables, et le thalweg

pour les fleuves non navigables 26.

5.23 Les observations de Lucius Caflisch sont confirmées par celles de Haritini

Dipla. Cet auteur indique :

« […], notre examen de la pratique nous a révélé que les Etats n’ont pas toujours
suivi cette prétendue règle [ celle du thalweg pour les fleuves navigables et celle

de la ligne m édiane pour les fleuves non na vigables]. Nous avons en effet, pu
constater que, parfois, on a choisi l’ une ou l’autre ligne indépendamm ent de la
navigabilité ou non du fleuve. Dans d’autres cas, on s’est même totalement écarté
de la ligne médiane ou du thalweg au profit d’autres méthodes, pour faire face aux
262
difficultés particulières que présentait le fleuve en question» .

259Lucius Caflisch, Règles générales du droit des cours d’eau internationaux, Recueil des cours de l’Académie
de droit international, VII tome 219, p. 68.
260Lucius Caflisch, idib., p. 63.
261Lucius Caflisch cite notamment en note (163), p. 74, l’article 2 du Traité de Berlin du 13 juillet 1878, CTS,
vol. 153, 1878, p. 171 ; Article 6 de l’annexe à l a convention franco-britannique du 15 mai 1894, G.-F. de
Martens, Nouveau Recueil de Traités, 3è série, Vol. 1, p. 603.
262
Haritini Dipla, « Les règles de droit international en matière de délimitation fluviale : remise en question ? »,
Revue Générale de Droit International Public, Tome 89, 1985/3, p. 622. François Schroeter reprend à son compte
1215.24 La Cour in ternationale de Justice s’est prononcée dans le m ême sens, dans

l’arrêt du 13 décem bre 1999 rendu dans l’affaire de l’île de Kasikili/Sedudu qui opposait le

Botswana à la Namibie. Elle a considéré que :

« les traités ou conventions qui définisse nt des frontières dans les cours d’eau

désignent généralement aujourd’hui le th alweg comme frontière lorsque le cours
d’eau est navigable et la ligne m édiane entre les deux rives lorsqu’il ne l’est pas,
sans que l’on puisse toutefois constater l’existence d ’une pratiqu e totalement
cohérente en la matière» 263.

5.25 La pratique conventionnelle révèle que les États ont délimité leurs territoires en

utilisant la technique de la lim ite à la rive. Les exemples historiques en sont nom breux. Le

traité de paix et d’am itié d’Utrecht du 11 avril 1713 entre la Fr ance et le Portugal a introduit

ce système de délimitation. L’article X du traité stipulait :

« … les deux bords de la rivière des Amazones, tant le m éridional que le
septentrional, appa rtiennent en tou te p ropriété, dom aine et souveraineté à Sa
264
Majesté portugaise» .

La limite à la rive fut notamm ent retenue pour le Doubs et le Foron 265 ; pour le fleuve San

Juan entre le Costa-Rica et le Nicaragua 266; pour les rivières Odong et Tring sur l’île de

Berudo 267.

5.26 Des sentences arbitrales ont retenu la lim ite à la rive. L ’on citera à titre

d’exemple la sentence arbitrale du 23 janvier 1933, consécutive au traité « d’arbitrage » entre

le Guatemala et le Honduras du 16 juillet 1930. Elle prévoit une limite aux rives du Rio Tinto

la même idée dans les ter mes suivants : Il faut en particulier repousser l’affirmation selon laquelle la ligne
médiane constituerait la frontière dans les cours d’eau non navigables, alors que le thalweg ferait frontière sur
les cours d’eau navigables car elle ne correspond pas à la pratique des Etats». Et de conclure : « Il n’est donc
possible de dégager des règles coutumières spécifiques en la matière ». Les systèmes de délimitation dans les
fleuves internationaux, in Annuaire français de droit international, XXXVIII-1992-, p. 982.
263C.I.J., Rec. 1999, p. 1062, par. 24, , italiques rajoutées par nous.
264
265Parry CTS, vol. 28, 1713-1714, p. 175.
L’article 1 de la convention de frontières du 20 juin 1780 entre la France et le Prince-Evêque de Bâle, CTS,
vol.47 1778-1781, p. 331 ; l’article 1 du traité de cession et de frontières conclu à Turin le 16 mars 1816 entre la
Suisse et la Sardaigne, ibid., vol.65, 1815-1816, p. 448.
266Traité de limites du 1 avril 1858, Parry CTS, vol. 118, pp. 440-443. Le fleuve restait du côté du Nicaragua.
267Convention du 26 mars 1928 entre la Grande-Bretagne et les Pays-Bas précisant la délimitation de la frontière
entre le protectorat britannique et le territoire néerlandais dans l’île de Bornéo, Martens, NRG, 3rie, vol.23, p.
285.

122 268.
et du Rio Montagua, la rive étant identifiée en fonction du niveau m oyen des eaux C’est

dire que la pratique de la limite à la rive n’est pas isolée.

5.27 On retrouve la solution de la lim ite à la rive dans la décision de la Cour

suprême des États-Unis dans son arrêt du 19 mai 1933 en l’affaire Vermont v. New Hampshire

269.

5.28 L’administration coloniale française fixa aussi la lim ite territoriale à la rive

d’un fleuve, sur le continent africain. Et comm e le note François Schroeter : « les cas ne sont

pas aussi rares que bien des auteurs l’affirment ». Il en donne quelques exemples en Afrique.

La limite à la rive fut retenue :

« […] entre la Gam bie et le Sénégal, le fleuve Sénégal entr e la Mauritanie et le

Sénégal, toute une série de cours d’eau for mant la frontière entre le Libéria et la
Côte d’Ivoire, de par un arrangem ent en tre la France et le Libéria de 1907,
confirmé après l’indépendance de la Côte d’Ivoire en 1961[…] »
270.

5.29 Il appert ainsi que l’adm inistration coloniale, en fixant la frontière daho-

nigérienne à la rive gauche du fleuve Niger n’ a contredit ni la pratique conventionnelle des

États ni la pratique juridictionnelle.

5.30 La fixation de la limite à la rive a parfois suscité des révisions de traités. C’est

ainsi que l’on a remplacé la limite à la rive par la ligne médiane ou le thalweg. L’on peut citer

à titre d’exemple la convention anglo-libérienne du 21 janvier 1911 qui déplace la limite à la
271
rive entre le Libéria et la Sierra Leone au thalweg .

5.31 S’il est acquis que le titre fixant la fr ontière à la rive peut être révisé, la

pratique des États et le droi t des traités révèlent, cependant , que l’accord des Parties est

268
Recueil SdN, vol.137, p. 258. Se ntence arbitrale citée par Luci us Caflisch, op. cit. supra note 259, p. 69 en
269e (142).
Affaire Vermont v. New Hampshire (289 US 593, 603 ss. (1933), AD, 1933-1934, n° 50, p. 135). « Dans cette
affaire, il s’agissait d’interpréter un Ordre-en-Conseil du roi d’Angleterre de 1764 qui fixait la limite entre les
« provinces » de New Yo rk et du New Hampshire sur le banc occ idental, do nc new -yorkais, du fleuve
Connecticut ». Citée par Lucius Caflisch, op. cit. supra note 259, p. 69 en note (142).
270Procès-verbal franco-britannique du 9 juin 1891, décret du 8 décembre 1933 portant délimitation de la limite
entre le Sénégal et la Mauritanie, déclaration franco-libérienne du 13 janvier 1911 cité par François Schroeter,
op. cit. supra note 253, p. 953.
271Parry, CTS, vol. 213, p. 26. Exemple cité par Francois Schroeter, op. cit. supra note 253, p. 956. L’auteur
donne l’exemple célèbre du Shatt-el-Arab : « le Traité d’Erzerou m de 1847 fixait la fro ntière à la riv e perse,
solution tempérée par le Traité de 1937, qui combinait le limite à la rive avec une frontière au thalweg. Le Traité
fut dénoncé par l’Iran en 1969, et un nouveau Traité fut conclu en 1974, qui fixait la frontière au thalweg. »,

idid., pp. 956-957.
123nécessaire. Dans le cas d’espèce, le désir de la République du Niger depuis l’indépendance de

déplacer la lim ite au th alweg n’ayant pas r encontré l’accord du Da homey (puis du Bénin),

n’emporte aucun effet juridique. Par ailleurs, la reconnaissance de la frontière à la rive gauche
opérée par le gouverneur du Niger en 1954 lie la République actuelle du Niger ayant succé

à la colonie du Niger.

§ 2 - La reconnaissance de la limite commune

5.32 Ainsi que la République du Bénin l’a dé montré, il appert que la frontière entre

la République du Bénin et la République du Niger est et demeure fixée telle que décrite dans

la lettre n° 3722 du 24 a oût 1954, et telle que fixée par les arrêtés coloniaux du 11
a oût 1898

créant le cercle du Mo yen-Niger, du 23 ju illet 1900 créant un tro isième territoire militaire

dont le chef-lieu sera établi à Zinder, et du 27 octobre 1938 portant réorganisation des
divisions territoriales de la colonie du Dahomey.

5.33 Il convient égalem ent de retenir que la lim ite à la rive gauche telle que

déterminée par les actes juridiques sus-m entionnés a recueilli l’acquiescem ent de la

République du Niger. E n effet, la lettre n° 3722 du 27 août 1954 du gouverneur du Niger
reçue par le comm andant de cer cle de Dosso puis par le chef de subdivision de Gaya n’a

entraîné de leur part aucune observation, réserve ou protestation au près de leur supérieur. Il

s’agit donc d’une reconnaissance par le Niger du titre béninois fi xant la frontière au fleuve

Niger sur la rive gauche.

5.34 Le texte de cette lettr e du 24 août 1954 a été reproduit in ex tenso par la

République du Dahomey dans son Livre blanc de 1963 27. La République du Niger, dans son

Livre blanc en réponse à celui du Dahomey, n’a contesté ni la teneur ni l’authenticité de cette
273
lettre qui demeure un document commun aux deux Parties .

5.35 La jurisprudence internationale accorde un rôle essentiel à l’attitude des parties

et plus particulièrement à la reconnaissance du titre territorial par la partie opposée dans les
litiges frontaliers. Elle estime comme le souligne la doctrine que « La reconnaissance est la

272
273Voir Annexe M / R.B. 86, p. 8.
Voir Annexe M / R.B. 88, p. 18.

124preuve de l’opposabilité du titre adverse, la protestation est la présomption de l’inopposabilité

de ce titre préexistant » 274.

5.36 Ce principe fut établi dès 1911 dans l’affaire d’El Chamizal par la commission
internationale de frontière du traité du 24 mai 1910 entre les États-Unis et le Mexique 275.

Cette commission écarta le m oyen tiré de la pr escription invoqué par les É tats-Unis aux

motifs que « la possession de la ré gion par les citoyens des États-Unis et le con trôle exercé

par le gouvernem ent local et fédéral ont été constamm ent contestés et m is en cause par la

République de Mexico».

5.37 Ce principe fut aussi énoncé da ns l’affaire des frontières colom bo-

vénézuéliennes, dans le cadre de la décision rendue le 24 m ars 1922 par le Conseil fédéral

suisse. Ce dernie r retint que l’absence de protestation du Vé nézuéla valait accep tation de
276
l’occupation par la Colombie des territoires du bassin de l’Orénoque .

5.38 Dans la sentence relative à l’affa ire des frontières du Honduras, rendue le 23
277
janvier 1933, le tribunal arbitral s’est pronon cé dans le m ême sens . Pour le tribunal, les
actes de souveraineté, qui ne pouvaient être ignorés par le Honduras :

« […] furent formels, publics, et montrent clairement la position du Guatemala de
considérer ces territoires comme les siens. Ces affirmations invitaient le Honduras
à l’opposition, s’il ne les croyait pas fondées».

Or, il n’y avait eu aucune protestation de la part de l’État du Honduras.

5.39 Dans l’arrêt du 17 novembre 1953 rendu dans l’affaire des Minquiers et des

Ecréhous, la Cour internationale de Justice a consolidé le rôle attaché à la reconnaissance en

matière de différends de frontières. Le différend portait non sur l’acquisition de la

souveraineté mais sur l’interprétation du partage effectué au Moyen-Age. Dès lors, comme le

notait le juge Basdevant dans son opinion individuelle :

« ce qu’il faut rechercher pour arriver à une interprétation actuellement valable en
droit du partage ancien, c’est, tout d’abord, si les faits invoqués font apparaître que

l’un des Gouvern278ents ait renoncé à sa propre prétention ou reconnu celle de
l’autre Partie » .

274Jean Charpentier, La reconnaissance internationale et l’évolution du Droit des gens, Paris, 1956, p. 79.
275Décision du 10 juin 1911 rapportée à l’A.J., t. V, p. 205.
276Recueil O.N.U., I, 229-298.
277
278Recueil O.N.U., II, 1307-1366. Cité par Jean Charpentier, en note (20), op. cit. supra note 274, p. 77.
Affaire des Minquiers et des Ecréhous, arrêt du 17 novembre 1953 : C.I.J., Rec. 1953, p. 80.
1255.40 Il résulte de ce qui précède que le Bé nin est fondé à opposer ce titre au Niger.
Le titre constitué par la lettre du gouverneur du Niger en date du 27 août 1954 a été ém is par

la plus haute autorité du territoire du Niger et n’a jamais été remis en cause ni contesté quant à

sa teneur et son authenticité p ar aucune autorité compétente de la colonie du Niger ou de la

République indépendante du Niger.

5.41 On constate égalem ent que la lett re n° 2475/APA du 11 décem bre 1954 du
gouverneur du Dahom ey au gouverneur du Niger récl amant « les références des textes ou

accords déterminant ces limites » ne porte aucune atténuation à la reconnaissance par le Niger

de ce que la limite est fixée à la rive gauche du fleuve Niger.

er
5.42 Il appert qu’à l’indépendance du Dahom ey le 1 août 1960, le fleuve Niger
dans son secteur fron tière en tre la Républiq ue du Niger et la Ré publique du Bénin est

entièrement placé sous la jurid iction béninoise. Cette ligne-frontière sur la rive gauche du

fleuve Niger aboutit à l’ouest à la jonction avec la rivière Mékrou et à l’est à la frontière avec

le Nigéria.

126 Section 2

Les extrémités ouest et est de la frontière dans le secteur du fleuve Niger

5.43 La frontière dans le secteur du fleuve Niger suit la rive gauche du fleuve à

l’ouest (c’est-à-dire au nord-est du Bénin) « jusqu’à son confluent avec la Mékrou » (§ 1) et à

l’est, « la frontière de la Nigeria jusqu’au Niger » (§ 2).

§ 1 - De Bandofay à l’intersection du fleuve Niger avec la rivière Mékrou
(point d’aboutissement de la frontière à l’ouest)

5.44 La lettre du gouverneur du Niger du 24 août 1954 précisait que la lim ite entre
les colonies du Niger et du Dahom ey était « constituée de la ligne des plus hautes eaux, côté

rive gauche du fleuve, à partir du village de Bandofay jusqu’à la frontière de Nigeria ». Le

gouverneur répondait alors à une qu estion précise qui lui avait ét é posée par l’administrateur
colonial, commandant la subdivision de Gaya. La précision « de Bandofay jusqu’à la frontière

de Nigeria » était destinée à rassurer le chef de la subdivision de Gaya sur les lim ites de sa

juridiction. La localité de Bandofa y a été vi sée par le gouverneur en raison de ce que

Bandofay semble être la plus importante localité à l’ouest dans la subdivision de Gaya.

5.45 Il est constant que la lettre du gouverneur s’est inspirée :

- du traité de protectorat entre la France et le royaum e du Dendi du 21
octobre 1897 visant « la rive gauche et la rive droite du fleuve » ;

- de l’arrêté du 11 août 1898 portant cr éation du cercle du Moyen-Niger et
visant « les deux rives du Niger et leurs dépendances » ;

- de l’arrêté général du 23 juillet 1900 faisant partir le troisième territoire

militaire des « régions de la rive gauche du Niger ».

5.46 S’agissant du tout dernier arrêté pertinent, celui du 27 octobre 1938, il vise « le

cours du Niger jusqu’à son confluent avec la Mékrou ». Les précisions quant à l’expression
« cours du Niger » ayant déjà été données par les arrêtés de 1898 et 1900, c’est tout le cours

du fleuve qui est concerné. Par conséquent la limite suit la rive gauche du fleuve Niger

127jusqu’à son confluent, la Mékrou. Or, la Mékrou a son embouchure sur la rive droite du fleuve

Niger.

5.47 En conséquence, le point de terminaison de la ligne-frontière sur la rive gauche

du fleuve Niger est con stitué par l’intersection du prolongement de la dern ière section de la

ligne médiane de la rivière Mékrou avec ladite rive du fleuve Niger comme figuré au point C

sur le croquis ci-après (voir croquis n° 22, p.129), de coordonnées 2° 49’ 38’’ de longitude est
et 12° 24’ 29’’ de latitude nord.

§2 - Le point d’aboutissement de la frontière à l’est

5.48 La frontière fluviale entre les Parties trouve son point d'aboutissement au point
triple avec le Nigér ia, tel qu' il résulte des conventions franco-anglaises des 29 m ai et 19

octobre 1906 et du procès-verbal d'abornement du 19 février 1910, précisé en 1960.

5.49 Toutefois, comme la Chambre de la Cour l'a relevé dans l'affaire du Différend

frontalier entre le Burkina Faso et la République du Mali, le Bénin ne demande pas à la Cour

de décider où se situe le "point triple" Béni n/Niger/Nigéria à proprem ent parler, mais, bien

plutôt, d' indiquer "l' emplacement du point term inal de la frontière (…), poin t où cette
frontière cesse de séparer les territoires des Parties" 279:

"Il s'agit en effet pour la Chambre non pas de fixer un point triple, ce qui exigerait
le consentement de tous les États concerné s, mais de constater, au vu des m oyens
de preuve que les Parties ont m is à sa disposition, jusqu'où s'étend la frontière
héritée de l' État colonisateur. Certes , une telle constatation im plique, comme

corollaire logique, à la fois la présence du territoire d'un État tiers au-delà d280oint
terminal et l'exclusivité des droits souverains des Parties jusqu'à ce point" .

Par commodité, la République du Bénin utilis era néanmoins ci-après, indifféremment, les

expressions "point triple" ou "tripoint" 281.

279
280Arrêt du 22 décembre 1986, Rec. 1986, p. 579, par. 50.
Ibid., par. 49; voir aussi C.I.J., arrêts du 3 février 1994, Différend territorial, Rec. 1986, p. 34, par. 65 et du
281octobre 2002, Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun et le Nigéria, pars. 60 et 325.B.
Du reste utilisées par la Cour elle-même dans son arrêt de 2002, préc.
128croquis 22 - La frontière Bénin – Niger

1295.50 À la suite de la "course au Niger" à laquelle se sont livrées les Puissances

européennes à la fin du dix-neuvième siècle 282, la France et la Grande-Bretagne conclurent, le

14 juin 1898, une convention pour la délim itation des possessions françaises de la Côte-

d'Ivoire, du Soudan et du Dahomey et des colonies britanniques de la Côte d'Or et de Lagos et
283
des autres p ossessions britanniques à l' ouest du Niger . Aux term es de cet instrum ent, la

frontière devait atteindre "la rive droite du Niger en un point situé à 16.093 mètres (10 milles)
en amont du centre de la ville de Guiris (Géré) [Port d'Ilo] mesurés à vol d'oiseau" (article 2,

dernier alinéa – poin t A sur le croquis n° 23 figurant p. 130). De là, il ét ait prévu que la

frontière suivrait "la perpendiculaire élevée de ce point sur la rive droite du fleuve jusqu'à son

intersection avec la lign e médiane du fleuve" ( point B), d' où elle devait suivre cette ligne

"jusqu'à son intersection avec une ligne perpendi culaire à la rive gauc he" à un point situé à

environ 27 359 mètres (17 milles) du village de Géré (point C). "De ce point d'intersection la
frontière su ivra cette perpendicu laire jusqu' à sa rencon tre avec la ri ve gauche du fleuve"

(article 3 – point D ; voir croquis n° 23, p. 132).

5.51 Dans la partie pertinente de la fron tière, cette délimitation n'a pas été modifiée
284
par la convention franco-anglaise du 8 avril 1904 , dont l'article VIII prévoit cependant des

ajustements à la ligne de 1898 afi n de "tenir compte des divisions po litiques actuelles des
territoires" (alinéa 6). Les Parties s'accordèrent sur ces ajustements dans deux accords conclus

respectivement le 29 mai et le 19 octobre 1906 et concernant la délim itation de la frontière

entre les possessions britanniques et françaises respectivement à l'est du Niger et du golfe de

Guinée au Niger.

5.52 Aux termes des paragraphes 64 et 65 de la convention du 19 octobre 1906, la

frontière :
"se dirige en droite ligne jusqu' à un point à 8 kilom ètres au Sud et à 23° à l'Ouest

franc du massif de pierres situé à la joncti on des routes de Madikalé (Madekale) à
Tuandi et de Madikalé (Madekale) à Lolo, lequel massif est à environ 3.000 mètres
du sud du fleuve Niger.

282Voir supra, par. 3.09 et s.
283Annexe M / R.B. 5.
284Annexe M / R.B. 12.

130 "De là, une ligne droite jusqu' au massif m entionné au paragraphe 64 et de là la
même ligne droite se prolonge jusqu'à ce qu'elle s'arrête à son intersection avec la
285
ligne médiane du fleuve Niger" (voir croquis n° 24, p. 133).

285
Annexe M / R.B. 15 - italiques ajoutés.

131Croquis 23- Le secteur du fleuve Niger – le point d’aboutissement de la frontière

132Croquis 24 - Le secteur du fleuve Niger – le point d’aboutissement de la frontière
avec la ligne de 1898 et les points A, B, C, D ; la ligne de la convention du 19
octobre 1906

1335.53 La convention du 29 m ai 1906 pre nd, en quelque sorte "le relais"

(géographiquement parlant) et dispose, au premier paragraphe de son article premier :

"À partir du dernier signal placé en 1900 par la Comm ission franco-anglaise

d'abornement sur la route d' Ilo à Madécali, à une distance de 16.093 m ètres (10
milles) du c entre du v illage de Guir is (Giri) ; (Port d'Ilo), la frontière traverse le
Niger et se dirige dans la vallée du Foga (Dallul Mauri), suivant des lignes droites
déterminées par cinq points placés de la façon suivante: …".

Suit la description de cinq point s, au nord du fleuve Niger, de puis les environs du village de
286
Kokoba jusqu'à un point fixé à mi-distance des villages de Kamba et Bengou . Sur une carte

annexée figure la frontière ainsi déterminée (voir croquis n°25, p. 135).

5.54 En outre, par l'article 4 du protocole du 29 mai 1906, les deux gouvernem ents

s'engageaient "à désigner, dans un délai d' un an, les commissaires qui seront chargés d'établir

et d' aborner sur les lieux les lignes de dém arcation en tre les possessions fran çaises e t

anglaises, en confor mité et suiv ant l' esprit des stipulations du présent protocole". En

application de cette disposition, la commission franco-anglaise de délimitation des territoires

situés entre le Niger et le lac Tchad a dopta, le 19 février 1910, un procès-verbal des

opérations d' abornement décrivant la dém arcation sur le ter rain des dispositions du
protocole 287. Le point de départ de la frontière (au sud) y est décrit de la manière suivante:

"Dernière borne posée en 1900 par la Comm ission franco-anglaise sur la route de
Madécali à Ilo à une distance de 16.093 mètres (10 milles) du centre du village de
Guiris (Giri) Port d'Ilo".

La borne suivante (n° 1 – de type A 288) a été implantée sur la rive gauche et est décrite ainsi:

"Sur la berge d'une crique servant de débarcadère, à 180 mètres du centre de Dolé,
par azimut 135°; un petit cône en pierre s sèches cim entées au somm et de 0.80
mètre environ de hauteur a été placé sur une petite é lévation à 70 mètres de la
borne par azimut 49°".

Une carte jointe au procès-verbal perm et de visualiser la frontière, qui coupe le fleuve Niger

pratiquement à angle droit 28.

286
287Annexe M / R.B. 14
288Annexe M / R.B. 20
289Pour la description des bornes, voir l'article I, paragraphe 1 du procès-verbal.
Voir Atlas cartographique, cote 9.
134croquis 25 - Le secteur du fleuve Niger – le point d’aboutissement de la frontière : la ligne de

1898 et les points A, B, C, D ; la ligne de la convention du 19 octobre 1906, la convention du

29 mai 1906

1355.55 Telle demeura la situation jusqu'en 1960, année durant laquelle, en février, six

mois avant l' accession des deux Parties à l' indépendance, une réun ion bilatérale daho -

nigériane eut lieu au siège du Federal Survey Departm ent nigérian "pour discuter d' une

nouvelle description de la fron tière actuelle entre Nigéria et Dahom ey". Aux term es du
dernier paragraphe de la "description proposée" à l'issue de cette réunion, tel qu'il figure dans

le procès-verbal de la rencontre:

290
"Enfin la frontière [ ] se dirige sur la borne (35) placée sur un escarpement à 5 km .
Nord-Est de l a bor ne 34 e t à 6 km.5 à l 'Ouest du villag e de Lollo, et de là v a
directement sur le village de Dole jusqu' à son intersection avec la lign e médiane du
291
fleuve Niger où elle rejoint le tracé décrit dans les accords de 1906" .

292
Comme le montre le croquis illustrant cette p roposition , le tracé proposé est légèrem ent
défavorable au Bénin. La modification apportée au tracé de 1906 s'explique par le fait que les

anciennes bornes étaien t trop éloig nées les un es des autres et que le tracé s' accommodait

difficilement de la s ituation naturelle du te rrain, du fait notamment de l' existence de zones

marécageuses, d' où le léger déplacem ent vers l' ouest d u tracé. Ceci es t tou tefois san s

incidence sur la détermination du point triple (voir croquis n° 26, p. 137).

5.56 Il est important de noter à cet égard que celui-ci n'est pas fixé par les accords

conclus entre la France et la Grand e-Bretagne en 1898 ou 1906, pas davantage qu' il ne l'est

par le procès-verbal de la rencontre daho-nigériane de 1960.

5.57 Les conventions de 1898 et de 1906 déterminent la f rontière entre les
possessions britanniques et françaises dans la ré gion de la boucle du Niger: les prem ières se

trouvent à l' est de la ligne convenue, le s secondes à l' ouest. Le point triple

Bénin/Niger/Nigéria se trouve donc sur cette ligne. En re vanche, les accords franco-

britanniques ne sont d' aucun secours pour déte rminer l'emplacement du tripo int: ils ne font

aucune distinction entre les diffé rentes circonscriptions territoriales françaises, et pour cause:

la France est "partout chez elle" et la manière dont elle organise ses diverses colonies n'est pas
opposable à la Grande-Bretagne pour laquelle le s divisions internes à l' empire colonial

français ne présentent pas d'intérêt. Au surplus, au moment où les conventions de 1898 et de

290
291Qui est décrite du sud au nord.
292Annexe M / R.B. 75.
Voir Atlas cartographique, cote n°10.

136Croquis 26– le point triple Bénin/Niger/Nigéria

1371906 sont signées, la conquête de la rég ion par la France est enco re très récen te et son

organisation administrative subit alors de fréquentes et importantes modifications 293.

5.58 Quant au procès-verbal de la réuni on de 1960, il ne m odifie nullement ces

données. Il se situe expressément dans la continuité (historique et géographique) des accords

de 1906 puisque, après avoir relaté l'accord des participants sur un infléchissement de la ligne

en résultant, il poursuit en précisant que la nouvelle frontière "rejoint le tracé décrit dans les
accords de 1906". De manière significative il ne mentionne nullement le tripoint. Tout ce que

l'on peut en déduire est que l'emplacement de celui-ci n'en est pas affecté: il est situé "quelque

part" au nord du point BN2 où le tracé de 1960 rejoint celui de 1906 (voir supra croquis n°26,

p. 137).

5.59 Cette continuité résulte également implicitement de l'accord des participants à

une réunion tripartite qui s' est tenue à Parakou du 11 au 13 septem bre 1985 "en vue de la

détermination du point frontalier tripartite sur le fleuve Niger". Il est noté au procès-verbal de
cette rencontre:

"À l'issue d'un débat, il a été retenu comme documents juridiques de base, les
textes suivants:
- la Convention du 29 mai 1906
- la Convention du 19 octobre 1906

- le Procès-Verbal des O pérations d'Abornement de la Comm ission Franco-
Anglaise de délimitation des territoires situés entre le Niger et le Lac Tchad
du 19 Février 1910" 294.

5.60 Ces documents ne laissent aucun doute quant à l'emplacement du point triple:

celui-ci est situé au nord du point BN2 (médian dans le fleuve Niger) sur la ligne résultant des

accords franco-britanniques de 1906, à l' intersection de cette ligne av ec la frontière bénino-

nigérienne. Comme l'a montré le Bénin dans le présent chapitre 295, cette frontière suit la rive

gauche du fleuve Niger. Il s'en déduit que le point d'aboutissement de cette frontière se trouve

situé au point D figurant sur le croq uis n°26 (p. 135), qui constitue aussi le point trip le entre

les Parties et le Nigéria. Les coordonnées gé ographiques de ce point, telles qu' elles peuvent
296 297
être déterminées à partir de la carte I.G.N. de 1955 , planche de Gaya , sont les suivantes:
latitude:11° 41’ 44’’ nord; longitude: 03° 36’ 44’’ est.

293
294Voir supra, chapitre 2, section 1.
295Annexe M / R.B. 97
296Voir supra, section 1.
Déjà utilisée ci-dessus pour déterminer les coordonnées du point d'aboutissement de la fro ntière bénino-
nigérienne dans le secteur de la Mékrou – voir supra, par. 4.56.
138 Section 3

L’exploitation commune

5.61 Dans la conscience de s deux États, et en tout cas de celle du Bénin, il est

évident que « les cours d’eau internationaux créent entre les États qu’ils séparent ou traversent
298
une situation d’interdépendance » .

5.62 C’est dans l’esprit de coopération et des droits de tous les riverains sans
distinction que l’administration coloniale avait gé ré cette région frontière. Dans sa lettre n°

2475/APA du 11 décembre 1954 au gouverneur du Niger, le gou verneur du Dahom ey

écrivait :

« … je n’ai pas l’intention de contester les droits coutumiers des habitants du

Niger sur certaines de ces îles, ni de soul ever la question des installations qu299a
subdivision de GAYA peut avoir faites dans certaines d’entre elles … » .

Les adm inistrateurs coloniaux suivis en ce la par les auto rités du Dahom ey indépendant,

avaient conscience que les frontières coloniales n’étaient pas des murs infranchissables ; il y

avait des villages dont les resso rtissants avaient des intérêts professionnels et notamment des

champs de cultu re au delà des lim ites territoriales de la colonie ou de la circo nscription

administrative où ils résidaient.

5.63 La Chambre de la Cour internationale de Justice a eu l’occas ion de clarifier la

question et de la distinguer ne ttement de ce lle de la f rontière dans son arrêt rendu dans

l’affaire du Différend Frontalier (Burkina-Faso c/ Mali) :

« En effet, à l’époque coloniale, le fait que les habitants d’un village se trouvant

dans une colonie f rançaise aillent cultiver des terres situées sur le te rritoire d’une
colonie française voisine, et à plus forte raison sur celui d’un autre cercle relevant
de la m ême colonie, n’était nullement en contradiction avec la notion de lim ite
bien déterminée entre les diverses colonies ou cercles. C’est de cette situation que
300
les parties ont hérité au moment de leur accession à l’indépendance … » .

297
298Voir Atlas cartographique, cote n°11.
André Patry, "Le Régime des cours d’eau internationaux", Annuaire Canadien de Droit International, 1963.
299 I. Tome I, p 174.
300Annexe M / R.B. 70.
C.I.J., Rec. 1986, , p. 617, par. 116.
1395.64 Les conclusions de la réunion de Ya moussoukro de janvier 1965 vont dans le

même sens : vie en harmonie et respect des droits des deux populations.

5.65 Le Niger et le Bénin sont condamnés puis engagés dans le même sens. Depuis

l’époque coloniale jusq u’à ce jour, le chem in de fer Cotonou-Parakou appartient à une
301
organisation commune au Niger et au Bénin . Le prolongem ent de ce chem in de fer de
302
Parakou à Niamey est constamment envisagé .

ème
5.66 Ainsi le fleuve Niger long de 4200 km qui occupe le 3 rang parmi les fleuves

africains et qui s’étend sur 550 km au Niger, dont 151 km de frontière avec le Bénin est

essentiellement un objet de coop ération non seulement entre le Bénin et le Niger, m ais aussi

entre tous les États riverains depuis le Fouta-Djalon en Guinée où il prend sa source jusqu’au

delta de Port Harcourt, son embouchure au Nigéria (voir croquis n°27, p. 141).

5.67 Diverses conférences sur le fleuve Niger ont commencé dès le lendem ain des
303
indépendances pour aboutir à la création, le 21 nove mbre 1980, de l’Autorité du Bassin du

fleuve Niger regroupant « les Etats riverains du fleuve Niger, de ses affluents et sous-affluents
304
… » . Cette Haute Autorité assure en fait la gestion du fleuve Niger.

301L’Organisation Commune Bénin-Niger (OCBN) fut ainsi créée le 5 juillet 1959 entre les deux États, aux fins
d’une exploitation commune du port de Cotonou et de la ligne ferroviaire Cotonou-Parakou.
302Rapport d’ensemble du 5 nov. 1931 sur la traversée du Niger de l’Ingénieur, chef de la mission d’Etudes-
Etudes du chemin de fer de Cotonou au Niger et des aménagements du bief navigable du Niger, de Niamey à
Gaya-Mission A. Beneyton (1926-1932). Annexe M / R.B. 40.
303Le Dahomey et le Cameroun étaient absents à la réunion de novembre 1964.
304
Regroupant le Bénin, le Cameroun, le Côte d’Ivoire, la Guinée, la Haute-Volta, le Mali le Niger, le Nigéria et
le Tchad. En fait, la gestion commune du f leuve Niger avait commencé dès 1 932 année où l’administration
coloniale a créé l’Office du Nige r qui sera rem placé en 1958 par un Com ité régional. Une véritable
internationalisation du régime du fleuve Niger commence dès l ’indépendance avec la signature, le 26 octobre
1963 de l’Acte relatif à la nav igation et à la coopération économique entre les États du Bassin du Niger et la
création en novembre 1964 de la Commission du fleuve Niger. Le Traité de 1 964 abroge les dispositions de
l’Acte général de B erlin du 26 février 1885 et de l a convention de Saint-Germain du 10 septembre 19 19
concernant le fleuve Niger. Voir Romain Yakemtchouk, L’Afrique en droit international, L.G.D.J., Paris, 1971,
pp.134-138. Egalement, Mutoy Mubiala, L’évolution du droit des cours d’eau internationaux à la lumière de
l’expérience africaine, notamment dans le Bassin du Congo/Zaïre, P.U.F., Paris, 1995, pp. 82-84 et p. 88.

140Croquis n°27 – Carte de l’Afrique occidentale – le cours du fleuve Niger

1415.68 Ainsi, par-delà toute question de souveraineté à établir sur ce secteur du fleuve,

le Bénin et le Niger sont tenus de coopérer autour du fleuve Niger et des eaux leur servant de
frontières 305.

5.69 Par ailleurs, les Constitutions de la République du Bénin et de la République du

Niger affirment, depuis 1959 et jusqu’à ce jour , l’adhésion des deux États à l’intégration

africaine. Le Dahomey puis le Bénin n’a jamais été membre d’une organisation africaine sans

le Niger et vice-versa. Membres tous les deux de la Communaut é des États de l’Afrique de
306
l’Ouest (CEDEAO) , ils ont souscrit au principe de libre circulation des biens et des

personnes et, à la citoyenneté de la CEDEAO. Les questions soulevées par la transhum ance,

qui ont été à l’origine du différend frontalier ont été prises en charge par la CEDEAO à

travers la Décision A/DEC.5/10/98 relative à la réglementation de la tra nshumance entre les
307
États membres de la CEDEAO .

5.70 Au moment où la Cour est saisie du différend frontalier, la République du

Niger et la République du Béni n poursuivent activem ent la coopération et spécialem ent la

coopération transfrontalière dans laquelle elles se sont engagées. Il échet que la Cour leur en

donne acte.

305S ur la rivière Mékrou, le barrage hydroélectrique de Dyodyonga a fait l’objet d’un accord en date du 14
janvier 1999 entre la République du Niger et la République du Bénin portant création d’un Etablissement Public
International. Annexe M / R.B. 109. En date du même jour, une convention de concession est intervenue entre
d’une part , le Niger et le Bénin et d’autre part , la société hy droélectrique de l a Mékrou. Accord ent re la
République du Bénin et la République du Niger relatif à la réalisation de l’aménagement hydroélectrique au site
de Dyodyonga sur la rivière Mékrou du 14 janvier 1999, Annexe M / R.B. 110.
306La CEDEAO a été créée à Lagos (Nigéria) le 28 mai 1975.
307Décision A/DEC.5/10/98 relative à la réglementation de la transhumance entre les États membres de la

CEDEAO du 31 octobre 1998, Annexe M / R.B. 108.
142 CHAPITRE 6
L'ÎLE DE LÉTÉ

1436.01 Aux termes de l'article 2.b du com promis conclu entre les Parties, la Cour est

priée de préciser auquel des deux États appartiennent les îles du fleuve Niger "et en particulier

l'île de Lété".

6.02 Cette individualisation de l' île de Lété s'explique: elle se trouve en effet au

cŒur même du présent différend. Bi en que celui-ci ait un objet plus général et vise à régler
définitivement tous les problèmes de frontières entre les deux États, c'est en effet la remise en

cause de la souveraineté béninoise sur l' île de Lété par la République du Niger à partir de

1963 qui est à l' origine des problèm es de délim itation qui opposent les Parties comm e cela
er
ressort de la présentation générale du litige au chapitre 1 de ce mémoire.

6.03 Néanmoins, le titre béninois sur l’île de Lété ne constitue pas un titre "isolé": il

résulte de celui que la Républi que du Bénin peut faire valoir sur l'ensemble du fleuve, l a

limite entre les colonies du Dahomey et du Niger étant, comme l'établit le chapitre précédent,

fixée à la rive gauche du fle uve. Historiquement en effet, le s deux rives du fleuve Niger ont

toujours appartenu à un même ensemble géographique, ethnique et culturel, qui relevait du roi

du Dendi avant d’être placé sous l’autorité de la colonie du Dahom ey par les arrêtés du 11
août 1898 et du 23 juillet 1900 puis du 8 décem bre 1934 et du 27 octobre 1938 308. Le

colonisateur français a pris soin de n e pas remettre en cause cette situation en fixant la lim ite

entre les colonies du Dahom ey et du Niger sur la rive gauche du fleuve Niger, ce qui a été

confirmé sans aucune équivoque possible à l’égard de l’île de Lété.

6.04 Celle-ci n'est pas m entionnée dans les textes généraux (décrets présidentiels,

arrêtés généraux ou locaux) fixant la cons istance et la d élimitation r espectives de s deux

colonies du Dahom ey et du Niger, interve nus entre 1898 et 1938. Ce silence n' a rien
309
d'étonnant: comme le Bénin l' a montré ci-dessus , les autorités colon iales centrales s' en

tenaient en principe à des descri ptions générales, laissant le soin aux administrateurs locaux

de fixer les contours précis des circonscriptions territoriales dont ils avaient la charge lorsque
des problèmes concrets se posaient. Tel a été le cas, durant les années 1950, à propos de l'île

de Lété.

308
309Voir supra, chapitre 3, section 1 et chapitre 5, section 1.
Pars. 3.36 à 3.42.

1446.05 Dans le présent chapitre, la République du Bénin montrera:

- qu'elle a h érité du co lonisateur u n titre ter ritorial indis cutable sur l' île

revendiquée par le Niger (section 1); et

- que ce titre est confirmé par l'exercice effectif des prérogatives découlant de la

souveraineté, dans toute la m esure où le Niger n'a pas rendu cet exercice en

partie impossible depuis 1963 (section 2).

Section 1

Le titre béninois

6.06 Comme le Bénin l' a montré dans le Chapitre 2 ci-dessu s, le règlem ent du

différend soum is à la Cha mbre de la Cour repose sur l' application du principe de l' uti

possidetis juris. L'article 6 du comprom is consacré au dro it applicable invite d' ailleurs la

Chambre à se référer tout particulièrement au "principe de la succession d'États aux frontières
héritées de la colonisation, à savoir l'intangibilité desdites frontières".

6.07 S'agissant de l' île de L été comme de l'ensemble de la frontière, en l' absence
310
d'accord contraire conclu entre les deux Ét ats postérieurem ent à leur indépendan ce , il

appartient donc à la Cham bre de déterm iner de laquelle des deux anciennes colonies
françaises du Dahom ey ou du Nige r relevait l' île de Lété à la veille de leur acces sion à la

souveraineté. À cette fin, les actes adm inistratifs pertinents de la Puissance adm inistrante

constituent le moyen privilégié de déterminer "le 'legs colonial', c’est-à-dire (…) l'instantané
311
territorial' à la date critique" .

6.08 Celle-ci étant la date de l' indépendance quasi-simultanée des deux États, au
début du mois d'août 1960 31, il convient de s' interroger sur les actes des autorités co loniales

les plus proches de cette date , critique dans tous les sens du mot aux fins du règlem ent du

différend. Dans cette perspective, une lettre du 27 août 1954 du gouverneur du Niger au chef

310
311Voir par. 2.35, supra.
C.I.J., Chambre, arrêt du 22 décembre 1986, Différend frontalier (Burkina Faso/Mali), Rec. 1986, p. 568, par.
30; voir supra, pars. 2.24-2.25.

145de la subdivision de Gaya pr ésente une importance toute part iculière (§ 1). Cette lettre

confirme et précise les dispositions des arrêtés du 8 décembre 1934 et du 27 octobre 1938

portant réorganisation des divi sions ter ritoriales de la c olonie du Dahom ey et le titre

traditionnel des populations du sud du fleuve (§ 2).

§ 1 - La lettre du 27 août 1954

6.09 Les incidents opposant des Peulhs nigériens à la population du village
313
dahoméen de Gorouberi, titulaires de droits de propriété sur l'île de Lété , et d'autres, relatifs
314
notamment à la percepti on de dive rses t axes , ont toujours été fr équents. C' est très
315
probablement à la suite d'incidents de ce genre que le gouverneur du Dahomey a décidé "de

régler une fois pour toute [ sic] avec le Niger (…) [le] problèm e de délim itation de la
316
frontière" lié à l'île de Lété. Il en est résulté une série de recherches et d'échanges de lettres,

dans les deux colonies , qui a abouti à la constatation, dans une lettre du 27 août 1954 du

gouverneur du Niger, selon laquelle "toutes les îles situées dans cette partie du fleuve [à partir

du village de Bandofay, jusqu' à la frontière du Nigéria] font part ie du Territoire du
317
Dahomey" (voir croquis n°28, p. 147 et n°29, p. 148).

6.10 Étant donné l'importance que revêt cet épisode, il convient d' en retracer aussi
318
précisément que possible le déroulem ent (A), avant d' en apprécier b rièvement la portée

juridique aux fins du règlement du présent différend (B).

312Respectivement le 1 (Dahomey) et le 3 (Niger) août 1960; voir supra, pars. 1.01, 1.32, 2.16 et 3.22.
313Voir infra, par. 6.50.
314Voir infra, par. 6.60.
315La République du Bénin n'a cependant pas retrouvé la trace précise des incidents qui ont suscité le règlement
du problème en 1 954. Sur le caractère habituel de ce t ype d'incidents et leurs raisons, voir supra, chapitre 1,

316tion 2. er
Lettre du gouverneur du Dahomey au commandant de cercle de Kandi, 1 juillet 1954. Voir Annexe M / R.B.
317
Lettre du secrétaire général du Niger par délégation du gouverneur, au chef de la subdivision de Gaya, 27
août 1954. Voir Annexe M / R.B. 67.
318Pour des raisons que la Chambre comprendra certainement, et qui sont dues à la dispersion, à la mauvaise
conservation et, souvent, à la disparition des archives, certains documents – dont l'existence est connue à travers
d'autres qui sont annexés au présent mémoire – n'ont pu, pour l'instant, être retrouvés.

146croquis 28 - Emplacement de l'île de Lété

147croquis 29 - L'île de Lété

148 A. Les circonstances de l’adoption de la lettre du 27 août 1954 reconnaissant

l'appartenance de l'île de Lété au Dahomey

6.11 Répondant à une lettre du 17 juin 19 54 par laquelle le commandant du cercle

de Kandi lui dem andait de lui "f aire connaître si l' île située en face de l' agglomération de
319
Gaya appartient au Niger ou aux habitants du canton de Karim ama" , le gouverneur du
er 320
Dahomey adressait à celui-ci, le 1 juillet 1954, une réponse d'attente , en cinq points:

1° "les arrêtés ayant délim ité la frontière entre ces deux territoires sont muets su r

la question", le plus précis se bornant à la fixer au (fleuve) Niger;

2° il résulte de la lettre du 10 m ars 1925 de M. Moretti, chef de la subdivision de

Guéné, qu' avant l' occupation française l' île de Lété "appartenait aux gens de

Karimama" et devrait revenir au Dahom ey en échange des trois îles en face de
321
l'agglomération de Gaya qui leur appartenaient avant cette même occupation ;

3° le gouverneur du Dahom ey cite ensuite de larges extraits 322d'un rapport de

1951 du chef de poste de Malanville, établi à la suite de "difficultés rencontrées

pour la perception d e la taxe de p acage sur ces îles" – ce qui m ontre que le
323
Dahomey exerçait à cette époque des pr érogatives souveraines sur celles-ci ;

selon cet administrateur colonial les Peulhs nigériens et dah oméens sont d'accord

sur l'appartenance de l' île Lété Banrou au Niger; il souligne cependant qu' "en

réalité tout le long des rives du fleuve un constant mouvement de population s'est

produit selon les saisons ou l' état des pâturages ou lorsqu' il s'agissait d'échapper

au paiement de l'impôt, de la taxe sur le bétail ou du droit de pacage";

4° le gouverneur général estime toutefois qu'"[à] défaut de dispositions précises il

doit cependant exister sur ces îles u n droit de propriété coutum ier ou de prem ier

occupant puisque M. More tti en 1925 parle d' un échange d'îles entre les deux

territoires"; et

319Le Bénin n'a pu retrouver cette lettre.
320Annexe M / R.B. 66.
321Le Bénin n'a pas retrouvé cette lettre. Dans son Livre blanc sur les relations du Niger et du Dahomey à la fin
de l'année 1963 (que la République du Bénin a déposé au Greffe de la Cour en même temps que le présent
mémoire), le Niger cite un très court extrait, assez trompeur, de cette lettre (pièce n° 18).
322Le Bénin n'a pu non plus retrouver l'original de ce document.
323Voir Section 2, infra.

149 5° il conclut en demandant au commandant de cercle de Kandi de lui adresser "la

liste des îles dont la propriét é risque d'entraîner des litiges pour m e permettre de

régler une fois pour toutes avec le Nige r, que je saisirai de la question, ce

problème de délimitation de la frontière".

6.12 Le dossier dont dispose la République du Bénin ne comporte pas la réponse du

commandant de cercle de Kandi. En revanche, il est établi qu'à la suite de la dém arche de ce

dernier, le gouverneur du Dahomey l'a prié de prendre contact avec le commandant de cercle
324
de Dosso (au Niger) , qui a lui-même correspondu directement avec le gouverneur du Niger
325
à ce sujet .

6.13 De son côté, le commandant de cerc le de D osso (qui avait probablem ent

consulté à son tour le chef de la subdivision de Gaya 326) s'est adressé au gouverneur du Niger,

qui a pris une position claire et dépourvue d' ambiguïté reflétée dans une brève lettre n°

3722/APA du 27 août 1954, signée par le secrétaire général et adress ée au chef de la

Subdivision de Gaya sous couvert du co mmandant de cercle de Dosso. Étant donné

l'importance de cette lettre (reproduite en Annexe M / R.B. 67) il convient de reproduire son

contenu intégral:

327
"Référence: Votre lettre 179 du 23 juillet 1954[ ].

"Par lettre citée en ré férence vous m' avez dem andé de vous faire connaître

l'appartenance des îles du fleuve N iger à l'endroit où son cours form e la lim ite
avec le Territoire du Dahomey.

"J'ai l' honneur de vous faire savoir que la lim ite du Territoire du Niger est

constituée de la ligne des plus hautes ea ux, côté rive gauche du fleuve, à partir du
village de Bandofay, jusqu'à la frontière du Nigéria.

"En conséquence, toutes les îles situées dans cett e partie du fleuve font partie du
328
Territoire du Dahomey" .

6.14 Il ne fait pas de doute que cette pr ise de position du gouverneur du Niger a été

très rapidement communiquée aux autorités du Dahomey puisque, le 27 octobre 1954, le

324Cf. la lettre du gouverneur du Dahomey au gouverneur du Niger en date du 11 décembre 1954 (Annexe M /
R.B. 70).
325Ibid.
326La lettre du gouverneur du Niger du 27 août 1954 (Annexe M / R.B. 67) est adressée à "Monsieur le Chef de
la Subdivision de Gaya s/c de Monsieur le Commandant de cercle de Dosso".
327
328Le Bénin n'a pu retrouver cette lettre, qui existe peut-être dans les archives du Niger.
Italiques ajoutés.
150commandant de cercle de Dosso (Niger) envoie copie de la lettre précitée (par. 6.13) du

gouverneur du Niger, au commandant de cercle de Kandi (Dahomey) en relevant que celle-ci
"donne satisfaction entière au Dahom ey" 329. Il ajoute que "cela pose quelques problèm es…"

qui, écrit-il, "n'ont aucune importance réelle".

6.16 À son tour, le commandant de cercle de Kandi, adresse, le 12 novem bre 1954,

copie et de cette correspondance et de la lettre du gouverneur du Niger au gouverneur du
330
Dahomey . Tout en demandant, le cas échéant, communication des textes auxquels se réfère

le gouverneur du Niger, il constate que "la question de la propriété des îles du Niger, face au

Dahomey, est définitivement réglée"; "[e]n effe t, ainsi qu'il res sort nettement de la le ttre

3722/APA du Gouvernem ent du Niger (cop ie jointe) toutes les îles du Fleuve en face du

cercle de Kandi appartiennent au Dahom ey". En outre, confor mément aux vŒux de son

collègue, co mmandant le cercle de Dosso, il ém et "un avis favorable au m aintien de la

tolérance laissée aux Nigériens d'y maintenir [sur les îles en question] leurs installations".

6.17 Comme le Bénin le montrera ci-dessous 331, le règlement intervenu en 1954 fut

de nouveau confirmé, en 1956 332.

B. La portée juridique de la lettre du 27 août 1954

6.18 Ramenée aux points pertinents à des fi ns juridiques, la lettre du 27 août 1954,

interprétée à la lum ière de la correspondance qui l' a su ivie, conduit aux constatations

suivantes:

1° soucieux "de régler une fois pour to utes avec le Niger (…) [le] problèm e de

délimitation de la frontière", le gouve rneur du Dahom ey saisit le gouverneur du

Niger de la question;

2° celui-ci précise que " toutes les îles situées dans cette partie du fleuve font
333
partie du Territoire du Dahomey" ;

329Annexe M / R.B. 68.
330Annexe M / R.B. 69
331Pars. 6.43 et s.
332Voir également la lettre adressée au Président du Dahomey le 28 décembre 1963 par M. Lucien Rosé, ancien
administrateur de l a France d' outre-mer: "En 1 940, j'ai commandé Gaya et en 194 8 j'ai commandé Kandi. Je
connais bien l'île de Lété. L'île de Lété appartient au Dahomey. Il n'y a pas de problème". Voir Annexe M / R.B.
85.
333
Annexe M / R.B. 67 – italiques ajoutés.
151 3° cette position, qui pose quelques probl èmes pratiques, est largem ent diffusée

dans les circonscriptions territoriales limitrophes (cercle de Dosso et subdivision

de Gaya au Niger; cercle de Kandi et Subdivision de Malanville au Dahomey) et

est portée à la connaissance du gouverneur du Dahomey.

6.19 L'importance de cet épisode est crucia le: il m ontre que, peu de tem ps avant

l'indépendance, les deux Gouvernem ents s'entendent pour préciser la délimitation de leurs

territoires, objet jusqu' alors de litiges entre ha bitants de la région, en particulier entre les

Peulhs venus du Niger et les habitants du vi llage de Gorouberi. Largem ent diffusée, la
décision du gouverneur du Niger met un point final aux incertitudes antérieures.

6.20 Se fût-il agi de deux États distincts, entre lesquels s' appliquent les règles du

droit international public, il ne peut faire de doute que la décision de Niam ey et l'absence de

réaction négative du Dahomey seraient considérées comme obligeant les deux Parties et ce ci
d'autant plus que la décision es t prise, "à son détriment", si l'on peut dire, par son auteur: le

gouverneur du Niger y reconnaît que les îles – y com pris celle de Lété – "font partie du

Territoire du Dahomey".

6.21 On ne peut pas ne pas penser ici à la très fameuse "déclaration Ihlen" qui a
emporté la décision de la Cour perm anente dans l'affaire du Groenland oriental en 1933. Le

ministre des affaires étrangères norvégien ay ant déclaré que son pays ne ferait pas de

difficultés au sujet des prétenti ons danoises sur le Groenland, la Cour a considéré "comm e

incontestable qu' une telle réponse à une dém arche du représentant diplom atique d' une
334
Puissance étrangère (…) lie le pays dont il est le ministre" .

"Il s' ensuit", conc lut-elle, "qu' à r aison de l' engagement im pliqué dans la
déclaration Ihlen du 22 juillet 1919, la No rvège se trouve dans l' obligation de ne
pas contester la souveraineté danoise sur l'ensemble du Groënland et, a fortiori, de
s'abstenir d'occuper une partie du Groënland" 335.

C'est que, comme l'a rappelé la Cour actuelle dans ses arrêts du 20 décembre 1974:

"… des déclarations revêtant la f orme d' actes unilatéraux et concernant des
situations de droit ou de fait peuvent a voir pour effet de cr éer des obligations
juridiques. (…) Quand l'État auteur de la déclaration entend être lié conformément

à ses term es, cette in tention confère à sa prise de position le caractère d' un
334
335Arrêt du 5 avril 1933, série A/B, n° 53, p. 71.
Ibid., p. 73.

152 engagement juridique, l'État intéressé étant désormais tenu en droit de suivre une

ligne de conduite conform e à cette déclar ation. Un enga gement de c ette nature,
exprimé publiquem ent et dans l' intention de se li er, mê me hors du cadre de
négociations internationales, a un ef fet obligatoire. Dans ces conditions, aucune
contrepartie n'est nécessaire pour que la déclaration prenne effet, non plus qu' une

acceptation ultérieure ni même une réplique ou une réactio n d'autres États, car
cela serait incom patible avec la nature st rictement unilatérale de l'acte juridique
par lequel l'État s'est prononcé" 336.

6.22 Certes, l'île de Lété n' est pas le Groenland, le Niger n' est pas la Norvège (et

n'était pas, au moment des faits, un État souverain), et son gouverneur n'était pas ministre des

affaires étrangères. Il n'en reste pas moins que celui-ci était l'autorité supérieure, du grade le

plus élevé, d'une colonie française dont la Partie nigérienne est le successeur, et qu' il a pris

une position dépourvue de la moindre ambiguïté sur la non-appartenance de l'île de Lété au

territoire dont il avait la charge, ceci en ré ponse à une dem ande d'éclaircissement de son
homologue du Dahom ey – for mulée de façon assez neutre si l' on en croit les termes de la

lettre de celui-ci du 1 erjuillet 1954 337.

6.23 Répondant à cette dem ande de rens eignements, le gouverneur du Niger

n'entendait pas modifier les limites de sa colonie; il précise seulement ce qu’elles sont. Suite

au problème posé par son collègue et répondant à une question de l'un de ses subordonnés, il

lui indique quelle est la limite du territoire du Niger et la conséquence qu'il convient d'en tirer

("… toutes les îles situées dans cette partie du fleuve font partie du Dahomey").

6.24 Le commandant de cercle de Dosso (destinataire immédiat de la lettre) et celui

du cercle de Kandi constatent que telle est la limite et que les îles dont l'appartenance avait pu

leur paraître incertaine relèvent du Dahom ey et ils tirent les conséquences d' une information

qu'ils ne contestent pas dans son principe, même si elle pose quelques problèmes pratiques:

- "En ce qui concerne la lim ite territori ale, qui donne satisf action entière au
Dahomey, cela pose quelques problèm es de principe pour les installations que la
Subdivision de Gaya possède dans le s îles. Je pense que vous voudrez bien
338
admettre avec moi qu'ils n'ont aucune importance réelle…" ;

336Affaires des Essais nucléaires, Rec. 1974, p. 267, par. 43 (Australie c. France) et p. 472, par. 46 (Nouvelle-
Zélande c. France).
337Voir supra, par. 6.11; le Bénin ignore dans quels termes le gouverneur du Dahomey a saisi celui du Niger
mais il ressort des term es mêmes de sa lettre du 1uillet 1954 qu'il avait l'intention de le saisir de la question

(cf. le dernier paragraphe de ce document – Annexe M / R.B. 66). Au surplus, il ne peut faire de doute que le
gouverneur du Niger a été saisi à la su ite des incidents de 1954 et de la volonté exprimée par le gouverneur du
338omey de régler le problème "une fois pour toutes" (voir supra, par. 6.10).
Lettre du commandant de cercle de Dosso au commandant de cercle de Kandi, 27 octobre 1954 (Annexe M /
R.B. 68).
153 - "J'ai l' honneur de vous rendre compte que sur m a de mande, m on collègue
Commandant de cercle de Dosso, ayant cont acté le Bureau Politique du Niger, la
question de la propriété des îles du Nige r face au Dahom ey est définitivem ent

réglée.

"En effet, ainsi qu'il ressort nettement de la lettre 3722/APA du Gouvernem ent du
Niger (copie ci-jointe) tout es les îles du Fleuve en face du cercle de Kandi

appartiennent au Dahomey";

suivent des considérations sur les problèmes résultant de cette interprétation et la manière de
339
les résoudre .

6.25 Le gouverneur du Dahomey lui-même réagit de la même manière: il prend note

de la position de son homologue en précisant n' avoir "pas l' intention de contester les droits

coutumiers des habitants du Niger sur certaines de ces îles, ni de soulever la question des
installations que la subdivision de Gaya peut avoir dans certaines d'entre elles" 34. En d'autres

termes, alors m ême qu'une réaction de la part du destinataire d' une déclaration unilatérale

n'est pas nécessaire pour que celle-ci déploie ses effets juridiques
341, en l' espèce, tous les

intéressés acceptent la position prise par le g ouverneur du Niger co mme s'imposant, qu'il

s'agisse de ses propres subordonnés – ce qui va presque de soi, m ais qui m ontre qu' ils

considèrent que l'interprétation ainsi donnée, qu'ils ne discutent pas, ne pose pas de problèm e

juridique – ou des administrateurs du Dahomey concernés, y compris au plus haut niveau.

6.26 Il y a là, évidemment, plus qu' une simple "effectivité", définie comm unément

comme "le com portement des au torités adm inistratives en tant que p reuve de l' exercice
effectif de com pétences territoriales dans la région p endant la pério de colon iale" 342. Le

gouverneur du Niger a affir mé l'existence d'un titre territorial du Dahom ey sur les îles – y

compris sur celle du Lété – et tous les intéressés en reconnaissent la validité.

339Lettre du commandant de cercle de Kandi au gouverneur du Dahomey, 12 novembre 1954 (Annexe M / R.B.
69).
340Lettre du gouverneur du Dahomey au gouverneur du Niger, 11 décembre 1954 (Annexe M / R.B. 70).
341Voir les arrêts de 1974 dans les affaires des Essais nucléaires, préc. par. 6.21. Voir aussi l'arrêt du 15 juin
1962, dans l'affaire du Temple de Préah Vihéar: dans cette affaire, la Cour a déduit du seul silence des autorités
siamoises l'opposabilité de la carte françai se alors m ême que celle-ci n'avait pas fa it l'objet d'une a cceptation
expresse (Rec. 1962, pp. 22-27).
342C.I.J., arrêt du 22 décembre 1986, Différend frontalier (Burkina Faso/République du Mali), Rec. 1986, p. 586,

par. 63; voir aussi Chambre, arrêt du 11 septembre 1992, Différend frontalier terrestre et maritime, Rec. 1992, p.
389, par. 45).
1546.27 Cette situation n'est pas sans rappeler celle que la Cour a prise en considération

dans l'affaire des Minquiers et Écréhous:

"L'examen des échanges diplomatiques entre les deux Gouvernements à partir du
début du XIXme siècle confirme cette opinion [selon laquelle la France n'a pas de
titre valable aux Minquiers]. Par une note du 12 juin 1820 au Foreign Office (…),
l'ambassadeur de France à Londres a transmis une lettre du 14 septembre 1819 du

ministre français de la Marine au m inistre français des Affaires étrangères, où les
Minquiers sont indiqués comme "possédés par l'Angleterre", et sur l'une des cartes
annexées, le groupe des Minquiers es t indiqué comme étant anglais. Le
Gouvernement français soutient que cette admission ne saurait lui être opposée,

car elle fut faite au cours de nég ociations qui n' ont pas abouti à un accord.
Toutefois, il ne s'agit pas d'une proposition ou d'une concession faite au cours de
négociations, m ais de l' énoncé de faits transm is au Foreign Office par
l'ambassadeur de Fran ce, qui n' a exprim é aucune réserve à ce sujet. Cette

déclaration doit donc êt343considérée co mme la preuve des vues officielles
françaises à l'époque" .

Il en va de m ême ici: l' énoncé des vues du Nige r (qui, au surplus, lui sont défav orables)

n'appelle aucune réserve des autorités coloni ales du Dahom ey et doit donc être considéré

comme la preuve de leurs vues officielles communes.

6.28 Il est vrai que le gouverneur du Dahom ey manifeste, dans sa lettre du 11
344
décembre 1954 à celui du Niger, son souci de "régler cette question sur le plan
form el" et
345
lui demande de lui "indiquer les références des textes ou accords déterm inant ces limites" .

On se trouve, à cet égard, dans une situation comparable à celle rencontrée par la Chambre de

la Cour dans l'affaire du Différend frontalier entre le Burkina et le Mali.

6.29 Dans cette affaire, une lettre 191 CM2 du gouverneur général de l'A.O.F. du 19

février 1935, qui revêtait une certaine im portance aux fins du règlem ent de l' affaire

commençait par ces mots: "La … limite n'a actuellement qu'une valeur de fait" 34. Après une

discussion minutieuse, la Chambre est arrivée "à la conclusion que la définition de la limite"

contenue dans cette lettre "correspondait, da ns l'esprit aussi bien du gouverneur général que
347
de tous les administrateurs qui ont été consultés, à la situation existante" , alors même qu'il

ne s'agissait que d'un projet:

343Arrêt du 17 novembre 1953, Rec. 1953, p. 71. Voir aussi l'arrêt préc. de 1992, Rec. 1992, pp. 405-406, pars.
72-73.
344Annexe M / R.B. 70.
345Conformément à une suggestion faite par le chef de cercle de Kandi (lettre du 12 novembre 1954 – Annexe M
/ R.B. 69).
346
347Rec. 1986, p. 594, par. 75 ou p. 597, par. 81.
Ibid., p. 600, par. 85.
155 "… un tel 'projet' pouvait très bien entériner et définir une lim ite qui existait, fût-
ce seulem ent avec une '348leur de fait' , sans pour autant pe rdre le caractère
prospectif d'un projet" .

6.30 Il en va de m ême ici. Sans doute, le processus de précision de la délim itation

pouvait-il encore être f ormalisé. La lettre du gouverneur du Niger du 27 août 1954 n' en

constitue pas m oins la constata tion, acceptée p ar tous les prota gonistes, du "legs colonial",

"l'instantané" le plus exact de la situation territoriale à la date critique, puisqu'aussi bien aucun
élément postérieur n'est intervenu à cet égard entre 1954 et 1960, sinon les confirmations (les

"retirages"…) de 1956 349.

§ 2 - La lettre du 27 août 1954 confirme et précise l’extension spatiale
du titre antérieur du Bénin

6.31 La lettre du 27 août 1954, et, plus la rgement, les correspondances de 1954, ne

modifient pas les lim ites entre les deux coloni es du Niger et du Dahom ey; elles n'attribuent

pas l'île de Lété à ce dernier; elles éclaircissent un point que les arrêtés pertinents pour la

délimitation des deux territoires, et en particulier, celui du 27 octobre 1938 – le dernier qui ait

réorganisé globalem ent les di visions te rritoriales de la colonie du Dahom ey avant les
indépendances 350 – avaient laissé dans l'ombre (A). Au surplus, l'interprétation qu'en donne le

gouverneur du Niger correspond au titre traditionnel dont les habitants du sud du fleuve

pouvaient se prévaloir (B).

A - La lettre du 27 août 1954 interprète et précise les dispositions
de l'arrêté n° 3578/AP du 27 octobre 1938

6.32 Aux term es de l' article 1 er-8° l' arrêté de 1938 n° 3578/AP portant

réorganisation des divisions territoriales de la colonie du Dahomey, le gouverneur général p.i.

de l'Afrique occidentale décide que le cercle de Kandi est limité:

"Au Nord-Est par le cours du Niger jusqu'à son confluent avec la Mékrou;

"Au Nord-Ouest, [par] la lim ite Dahomey-colonie du Niger, du fleuve Niger au
confluent de la Pendjari avec le marigot Sud de Kompongou".

348
349Ibid., p. 598, par. 83.
350Voir supra, par. 6.17 et, infra, pars. 6.43 et s..
Voir supra, par. 3.29.

156En outre, l' article 2 précise qu e "[l]es limites sont celles qui sont tr acées sur la carte du
e 351
Dahomey au 500.000 jointe au présent arrêté", carte qui n'a pas été retrouvée .

6.33 En ce qui concerne le s ecteur pertinent de la lim ite entre les deux territoires,

l'arrêté de 1938 reproduit purement et simplement les termes des articles 1 er-7° et 2 de l'arrêté

n° 2812 du 8 décembre 1934 à la seule différen ce que, en ce qui concerne l'article 2, la carte

est dite "conservée par le Service géographique de l'A.O.F." 352.

6.34 Les adm inistrateurs coloniaux qu i ont, en 1954, étudié la question de

l'appartenance des îles du Niger à l' un ou l'autre des deux territoires étaient parfaitem ent au

fait de l'existence et du contenu de ces textes, qu'ils évoquent – mais pour relever aussitôt leur

manque de précision:

- la lettre du gouverneur du Dahom ey au commandant de cercle de Kandi du 1 er

juillet 1954 353 relève qu'"[e]n fait, les arrêtés ayant délimité la frontière entre ces

deux territoires sont muets sur la question [de l'appartenance de l'île de Lété]";

- dans sa lettre du 11 d écembre 1954 à son collègue du Niger il ind ique: "Les

archives du Dahom ey et l' arrêté gé néral n° 3578/AP du 27 octobre 1938 ne

fournissent aucune précision à ce sujet" 354.

6.35 La situation était donc la suivante: nul ne doutait que la lim ite entre le

Dahomey et le Niger avait fait l' objet d'une délimitation (l'île de Lété n' était assurément pas

res nullius) et que celle-ci résultait des délimitations antérieures. En même temps cependant,

les adm inistrateurs coloniaux s' accordaient po ur considérer que ce lles-ci m anquaient de

précision.

351
Voir ibid.; cf. la lettre n° 97 0081 DOG/CART du chef de la carthothèque de l’I.G.N. français au directeur
352éral de l’I.G.N. béninois du 16 janvier 1997, Annexe M / R.B. 104.
Annexe M / R.B. 48. Le B énin n'a pas n on plus retrouvé la carte en question. L'arrêté local n° 1965 du
lieutenant-gouverneur du Dahomey du 27 décembre 1934, portant réorganisation territoriale du cercle de Kandi,
supprime la Subdivision de Guéné mais n'apporte aucun élément de précision supplémentaire quant aux limites
du cercle (Annexe M / R.B. 42); une subdivision de Malanville a été créée da ns le cercle de Kandi par l'arrêté
local 1884/APA du 13 décembre 1943 (Annexe M / R.B. 51).
353Annexe M / R.B. 66.
354Annexe M / R.B. 70. Le Niger cite du reste ce passage de la lettre avec approbation dans son Livre blanc de
1963 (déposé au Greffe de la Cour), p. 18. Voir aussi la lettre du commandant de cercle de Kandi du 28 juin
1956 (Annexe M / R.B. 72).

1576.36 Ceci donne tout son poids à la le ttre du gouverneur du Niger du 27 août 1954,

qui, aux yeux de tous, comm e le m ontrent les correspondances ultérieures, règle

définitivement la question: elle interprète les arrêtés antérieurs, qu'elle ne contredit nullement,

mais dont e lle précise le sens s' agissant de l' île de Lété. Le titre du Dahom ey sur l' île s'en

trouve conforté.

B - La lettre du 27 août 1954 confirme le titre coutumier traditionnel

6.37 La position arrêtée par le gouverneur du Niger renouait avec le titre coutumier

traditionnel que l' indifférence des autorités coloniales avait la issé s' installer. Cette
indifférence s' explique: l' île de Lété ne com porte que 40 kilom ètres carrés et n' était, à

l'époque, guère habitée de façon perm anente. Les habitants de Goroubéri (et, dans une

moindre mesure, de Karimama) y cultivaient des champs de sorgho, m il, arachide et gombo

durant les mois de juin à octobre, tandis que les Peulhs venus du Niger (et tenus de payer une
355
taxe de pacage au Dahom ey ) y faisaient paître leurs troup eaux durant la saison sèche de
356
novembre à m ai . Très courante en Afrique, cette pra tique ne saura it établir un titre d e
357
souveraineté en faveur du Niger , d'autant plus que le Bénin peut se prévaloir d' un titre

ancien appartenant aux populations de la rive droite du fleuve.

6.38 Comme le Bénin l' a rappelé dans le chapitre 1 erci-dessus 35, les te rritoires

situés de part et d' autre du Niger relevaient, au mo ment de la colonisa tion par la France, du

royaume de Dendi, comme en témoigne le traité conclu le 21 octobre 1897 entre Ali, chef de

Karimama, Roi du Dendi et la F rance 359. Ce royaume avait Karimama pour capitale, dont un

chef est dit avoir fondé le village de Goroubéri . Toutefois, la rive gauche n' était pas, à

l'époque, habitée de façon perm anente; seuls le s Peulhs transhum ants s' y installaient à

certaines époques de l'année.

6.39 Il n'est pas sans intérêt de constate r qu'un rapport établi le 29 juin 1961 par le
Secrétaire d'État nigérien à la Présidence, M. Maizoumbou Samna, à la suite d' une rencontre

355Voir supra, par. 6.09-3° et infra, par. 6.60.
356Voir supra, pars. 1.25 à 1.32 ou infra, par. 6.50.
357Voir par exemple C.I.J., arrêt du 13 décembre 1999, Île de Kasikili/Sedudu, Rec. 1999, pp. 1092-1095, pars.
71-75.
358
359Pars. 1.12.
Ibid.
158de la Commission mixte Dahomey-Niger qui s'est tenue à Gaya ce même jour, indique ce qui

suit:

"Le Secrétaire d' État, M. Maizoum bou Samna, questionne les notables sur leurs
points de vue, et trace un historique de s prétentions des villages de Karim ama
(Malanville) et de Albarkaïzé (Gaya) . Il remonte à un arbitrage du sultan

d'Argouagou et à la situation telle qu'elle se trouvait avant la pénétration française.

"Il est constaté, d' après les notables, qu' à cette époque l' île de Lété relevait des
360
villages de la rive droite (Dahomey)" .

On peut égalem ent lire dans ce mêm e docum ent (de source nigérienne) que les Peulhs

occupant l'île de Lété "payaient la dîm e aux villages de la rive d roite avant l' occupation

française" 361.

6.40 Il est certain qu' à la suite de la colonisation par la France une certaine

confusion a régné à cet égard. Ainsi, le 3 juillet 1914, le
commandant du secteur de Gaya

adressait une lettre au c ommandant de cercle du Moyen-Nig er à laquelle était jointe la lis te

des îles du Niger qui, selon lui, devraient appart enir à l'un ou l'autre des territoires; selon ce
362
document, l'île de Lété relèverait du Niger . De même, dans sa lettre du 10 m ars 1925, que
er 363
cite le gouverneur du D ahomey dans sa propre lettre du 1 juillet 1954 , M. Moretti, Chef

de la Subdivision de Guéné demande "… que des pourparlers soient engagés avec la Colonie

du Niger pour que l'île de Lété qui, avant notre occupation, appartenait aux gens de Karimama
364
retourne au Dahomey" .

6.41 Cette lettre est à l' image de la situa tion qui régnait avant 1954: elle implique

qu'à cette époque certaines autorités coloniales considéraient l'île de Lété comme nigérienne;

mais, en mêm e tem ps, elle recon naît qu' avant l' occupation f rançaise l' île appa rtenait à

Karimama, ce que confirm e aussi une lettre du chef de la subdivision de Malanville au

Premier m inistre du Dahom ey e n date du 16 juin 1959: "L' Île de Lété suivant les

renseignements recueillis aurait toujours appartenu aux habitants du village Gorouberi" 365.

360Ce co mpte-rendu est reproduit dans le Livre blanc nigérien de 1963 (pièce n° 25 ; voir p. 62), dé posé au
Greffe de la Cour avec le présent mémoire.
361Ibid. (p. 63 du Livre blanc).
362Annexe M / R.B. 28
363Voir supra, par. 6.11-2°.
364Annexe M / R.B. 66
365Annexe M / R.B. 73

1596.42 La position claire du gouverneur du Niger dans la lettre du 27 août 1954, résout

l'imbroglio en faisant prévaloir le titre trad itionnel que toutes les autorités compétentes,

coloniales puis nigériennes elles-m êmes, ont toujours reconnu comme appartenant au

Dahomey. En interp rétant les textes délimitant les territoires respec tifs des deux colonies

conformément aux titres ances traux, il m et f in à des inc ertitudes qu i com pliquaient le s

relations entre les deux colonies et entre leurs habitants, et que le Niger a, très artificiellement

ressuscitées après son indépendance.

Section 2

La confirmation du titre béninois.

6.43 Le deuxième chapitre du présent mémoire 366 rappelle les types de relations que

les effectivités peuvent entretenir avec le titre territorial. Toujours subordonnées à celui-ci

lorsqu’il est établi, elles ne peuvent avoir à son égard qu’un rôle confirmatif. C’est à partir de

telles prémisses qu’il convient d’examiner les effectivités co loniales et immédiatement post-

coloniales, ces dernières étant encore les seules, après la décolonisation, à refléter la situation
367
territoriale laissée par le colonisateur immédiatement après son départ .

6.44 Les territoires respectifs du Bénin actue l et du Niger étaient l’un et l’autre

placés sous la m ême autorité à l’époque colon iale ; il était caractéristique de ce g enre de

situations que la gestion exercée par la puissance administrante dans ses différentes colonies

n’exclue nullement, à l’occasion, une coopération souvent très empirique entre les différentes

circonscriptions administratives, notamment à l’échelle du cercle ou de la sous-division ; cela
368
se rencontrait en particulier dans les zones de confins entre deux colonies françaises .

366
367Voir supra, pars 2.26 – 2.38.
Ibid., pars 2.31 - 2.37.
368 Voir à ce propos la lettre du 9 juillet 1926 du gouverneur du Niger adressée au gouverneur du Dahomey citée
et reproduite dans le Livre blanc sur les relations du Niger et du Dahomey à la fin de l’année 1963, République
du Niger (Annexe M / R.B. 88) dans laquelle le gouverneur du Niger écrit que « le choix d’un fleuve comme
l’unité administrative entre deux colonies n’est pas une raison suffisante de frustrer les riverains des d roits
qu’ils avaient acquis avant notre occupation ». Voir par ailleurs la lettre du 27 octobre 1954 dans laquelle le
commandant de cercle de Dosso demande au commandant de cercle de Kandi de pouvoir laisser les installations
que Gaya possède dans les îles appartenant au Dahomey (Annexe M / R.B. 68 ), la lettre du 12 novembre 1954
dans laquelle le commandant de cercl e de Kandi indique au g ouverneur du Dahomey qu’il est favorable au
maintien de la tolérance laissée aux autorités nigériennes d’y maintenir leurs installations (Annexe M / R.B. 69)

et, enfin, la lettre du 11 décembre 1954 dans laquelle le gouverneur du Dahomey informe le gouverneur du Niger
qu’il est d’accord pour que les autorités de Gaya maintiennent leurs installations (Annexe M / R.B. 70).
1606.45 Il convient ainsi de m arquer la di fférence existant entre deux élém ents,

distincts tant par leurs m anifestations que par leurs impli cations juridiques. L’un est

caractérisé par l’occupation de l’île, effectuée à la fois par des populations provenant des deux

rives du fleuve Niger. L’autre es t l’administration effective de l’île, dont la continuité, avant

comme i mmédiatement après la p ériode colo niale, a tou jours é té le f ait des au torités d u

Dahomey.

§ 1 - L’occupation de l’île.

6.46 L’avènement du phénom ène colonial n’a pas été sans incidence sur les

mouvements de populations dans la région. Ains i, la succession de la France au royaume

de Dendi fut-elle à l’origine d’un relatif déclin de son ancienne capitale, Karimama. Affirmant
jadis son autorité sur les deux rives du fleuve, cette ancienne capitale de royaume ne sera plus

que le chef -lieu d’une subdivisi on relevant du cercle de Kandi , placé dans la colonie du

Dahomey. Les populations peulhs, nom ades et sé dentaires venues du Niger, en profiteront

pour accroître leur pression sur l’île ; elle les avait toujours attirées en raison des possibilités

de pacage qu’elle offrait à leurs troupeaux.

6.47 La France ne cherchera pas à faire obstacle à ce mouvement, incitant même les

populations peuhls à se sédentaris er, sur l’île comme au sud du fleuve, afin de m ieux s’en

assurer le contrôle 369. Venus du nord, les Peuhls, m ême si certains s’établirent dans l’île ou

sur la rive Dahoméenne du Niger, demeuraient éleveurs. Aussi ne restaient-ils pour la plupart
370
qu’une partie de l’année sur l’île de Lété . De cette poussée des populations nomades vers le

sud, tacitement encouragée par la métropole, résulta cependant une certaine confusion.

6.48 En particulier, certaines portions des populations séjournant sur l’île de Lété

avaient pour habitude de se fa ire enregistrer par commodité à Gaya, au Niger, plutôt qu’à

Kandi dont elles relevaient lé galement. Plusieurs raisons e xpliquent ce phénom ène : la

proximité, d’abord, Gaya étant plus proche et plus accessible que le chef lieu de sub-divis ion

dont ces populations relevaient ; l’habileté des populations peuhls, ensuite. Très mobiles, elles

369
Rapport d’ensemble sur la situation de la colonie en 1906. Porto Novo, imprimerie du gouvernement, 1908,
370 12-14 (Annexe M / R.B. 18). er
Voir le co mpte rendu de 1951 du chef de poste de Malanville cité dans la lettre du 1 juillet 1954 du
gouverneur du Dahomey adressée au c ommandant de cercle de Kandi (Annexe M / R.B. 66) et les indications
données par Beauvilain (A.), « Eleveurs et élevages le long du fleuve Niger dans le département de D osso

161comprirent vite le parti qu’elles pouvaient tirer du fait d’avoir des activités dans une colonie et

un enregistrement administratif dans une autre, afin, notamment, d’échapper à l’impôt 371. Or,

le fleuve marquait pour tous la lim ite entre les deux colonies 372. Le chef de poste de

Malanville soulignait ainsi dans sa lettre du 23 mai 1955 « l’indiscipline des éleveurs peuhls

nigériens et leur propension à dé fier les autorités locales daho méennes pour se soustraire par

des ruses au paiement de la taxe lorsqu’ils font paître leurs troupeaux sur les îles » 373.

6.49 Il est entendu enfin que la présence d’éleveurs peulhs nigériens sur l’île

s’explique par la tolé rance que leur ont toujou rs accordée les cultiv ateurs dahoméens qui

possédaient des terres sur l’île de L été. 374 Ces derniers y trouvaient d’ailleurs un intérêt en

concluant avec ces éleveurs des contrats de fum ure. 375 Les autorités dahom éennes ont

logiquement réaffirm é juste après l’indépe ndance des deux États qu’elles entendaient
376
continuer à accorder cette toléran ce . L’île a cependant continué d’être occupée par le s

cultivateurs dahoméens et notamment les habitants de Goroubéri qui possédaient des terres
377
sur l’île et allaient chaque année cultiver les terres qu’ils possédaient sur l’île .

(Niger), avec six figures dans le texte », Les Cahiers d’Outre-Mer, janvier-mars 1979, n° 125, pp. 88-93 sur les
déplacements des peulhs dans la région (Annexe M / R.B. 95).
371Voir le rapport du chef de poste de Malanville de 1951 cité dans la lettre du 1 juillet 1954 du gouverneur du
Dahomey au commandant de cercle de Kandi (Annexe M / R.B. 66) et la lettre du 23 mai 1955 du chef de poste
de Malanville adressée au commandant de cercle de Kandi citée dans le Livre blanc du Niger sur les relations du

Niger et du Dahomey à l a fin de l’année 1963, République du Niger, p. 24 (Annexe M / R.B. 88) et dont le
372sage ici pertinent est cité dans le journal « Sahel Dimanche » du 2 juin 2000, p. 6 (Annexe M / R.B. 113).
Les p hénomènes de double enregistrement étaient au d emeurant fréquents sur l’ensemble des fr ontières
africaines.
373Lettre du 23 mai 1955 du chef de poste de Malanville adressée au commandant de cercle de Kandi citée dans
le Livre blanc du Niger sur les relations du Niger et du Dahomey à la fin de l’année 1963, République du Niger,
p. 24 (Annexe M / R.B. 88).
374Voir la lettre du 23 janvier 1964 dans laquelle le commandant de cercle de Kandi en 1954 et 1955 indique que

c’est « pour prouver leurs sentiments amicaux (que) les habitants de Malanville permettaient à ceux de Gaya d’y
faire paître leurs troupeaux » (Annexe M / R.B. 87) et, dans le même sens, la lettre du chef de subdivision de
Malanville du 16 juin 1959 adressée au Premier ministre du Dahomey (Annexe M / R.B. 73).
375Beauvilain (A.), « Eleveurs et élevage le long du fleuve Niger dans le département de Dosso (Niger), avec six
figures dans le texte », op. cit., p. 90 (Annexe M / R.B. 95).
376Voir la lettre du 15 décembre 1961 dans laquelle le préfet du nord-est du Dahomey indique au sous préfet de
Malanville qu’il « doit être accordé aux Nigériens la tolérance de pâturage » (Annexe M / R.B. 84).
377
Voir la lettre du 16 juin 1959 du chef de subdivision de Malanville adressée au Premier ministre du Dahomey
(Annexe M / R.B. 73 ), la lettre du 2 juillet 1960 du commandant de cercle de Kandi adressée au commandant de
cercle de Dosso (Annexe M / R.B. 79 ) et la lettre du 13 juillet 1960 du commandant de cercle de Kandi adressée
au ministre de l’intérieur du Dahomey (Annexe M / R.B. 81). Voir aussi la lettre du 9 juillet 1926 du gouverneur
du Niger adressée au gouverneur du Dahomey citée et reproduite dans le Livre blanc sur les relations du Niger et
du Dahomey à la fin de l’année 1963, République du Niger (Annexe M / R.B. 88).

162 § 2 - L’administration de l’île

6.50 Comme l’attestent différents témoignages, tout au long de la période coloniale,
l’île resta considérée p ar l’autorité administrante comme l’une des terres de culture relevant

de Karimama, ou, plus précis ément, du village, connexe, de Gouroubéri 378. Cette s ituation

perdura en dépit du recul des populations sédentaires : souvent dépossédées de leurs terres par

la poussée des populations nom ades, elles ne re noncèrent jamais à cultiver leurs cham ps.

Dans une lettre du 16 juin 1959, le chef de subdivision de Malanville indique ainsi au premier

ministre du Dahomey que les habitants de Gouroubé ri se plaignent de la présence dans leurs

champs du cheptel venu du Niger 379.

6.51 Le maintien de l’appartenance de l’île au Dahomey pérennisait la situation que

le colonisateur avait trouvée en in stallant son autorité dans la r égion. L’île d e Lété avait

appartenu au royaume de Dendi, qui s’étendait alors sur les deux rive s du Niger. La France

conserva cet état de ch oses. C’est ce qu’atteste, en particulier, le Répertoire général des

localités de l’Afr ique occidentale française classées par ordre alph abétique dans chaque

colonie. Publié en 1927 par le Gouvernem ent général de l’A. O.F., ce répertoire était un

instrument administratif de gra nde importance. Il com porte, à son fascicule II, consacré au
380
Dahomey, la mention de l’île de Lété, relevant du cercle de Kandi .

6.52 L’autorité coloniale française, partout chez elle, n’accord ait pas aux pratiques

peuhls que l’on vient de décrire une im portance déterminante, s’agissant qui plus est d’une

portion de territoire de faible dimension. Dans leur ensemble, les administrateurs du Niger, en

particulier, ne devaient pendant longtem ps en tirer aucune conclusion déterminante quant au

rattachement de l’île, finalement toujours reconnu au Dahomey en dépit de rares témoignages

contraires 381.

378
Voir la lettre du 23 janvier 1964 dans laquelle le commandant de cercle de Kandi en 1954 et 1955 indique
qu’« à cette é poque le territ oire du Niger (…) considérait bien que l ’île de Lét é appartenait au D ahomey »
(Annexe M / R.B. 87). Voir, dans le même sens, la lettre du 28 décembre 1963 dans laquelle le commandant de
la subdivision de Gaya en 1940 et du cercle de Kandi en 1948 indique que l’île de Lété appartenait au Dahomey
(Annexe M / R.B. 85 ) et l e témoignage de M. Gouda Alazi, ancien sous préfet de Malanville (sommation
interpellative, 20 mai 2003) (Annexe M / R.B. 129).
379Voir la lettre du 16 juin 1959 du chef de subdivision de Malanville adressée au Premier ministre du Dahomey
(Annexe M / R.B. 73).
380Voir Annexe M / R.B. 38.
381Voir le rapport du chef de poste de Malanville de 1951 et la lettre du 10 mars 1925 du chef de subdivision de
Guéné cités dans la lettre du 1juillet 1954 du gouverneur du Dahomey adressée au commandant de cercle de
Kandi (Annexe M / R.B. 66).

1636.53 Ainsi, le commandant du cercle de Ka ndi indiquait-il que dans les années

1954-55, « les habitants de Gaya considéraient bien que l’île de Lété appartenait au Dahomey
382
(…). Il n’y avait donc à l’époque aucune contestation »
.

6.54 Ce n’est, en définitive, que dans la dernière décennie de la période co loniale,

celle des années cinquante, que la question fut à nouveau posée en ra ison de tensions

croissantes entre populations ri vales, pour revenir au consta t prim ordial du m aintien de

l’autorité de la colonie du Dahom ey sur la gestion de l’île. Ce qui se passa est qu’à la veille
des indépendances, chacune des deux colonies, érigée en République à partir de 1958, était

déjà dotée d’un gouvernem ent largement autonome. Anticipant sur le départ prochain de la

puissance adm inistrante, le Niger, s’appuya alors sur le rattachem ent d’une partie de la

population à ce qui allait dev enir sa nation alité pour ten ter de transform er un conflit de

compétences personnelles en litige territorial 383.

6.55 On a cependant déjà pu noter, à la s ection précédente, que c’est précisém ent à

propos des difficultés rencontrées à l’occasion de la levée des im pôts qu’un échange de

correspondance administratif s’est développé à partir de 1954, à propos de l’appartenance de

l’île38. C’est ce qu’expliquait notamment, le 28 juin 1956, le commandant du cercle de Kandi

au directeur du service géographique de l’A.O.F 385. Il lu i confirmait que la ques tion de la

délimitation avait provoqué de la part du gouverneur du Niger la lettre 3722/APA 27 août

1954 dont on a vu à la section p récédente q u’elle recon naissait san s aucune ambiguïté

l’appartenance de tou tes les îles au Dahomey 386. Les autorités coloniales dahom éennes et

nigériennes ont ainsi eu à plusie urs reprises l’occasion de rapp eler dans leur correspondance
387
qu’en vertu de cette lettre l’île appartenait au Dahomey .

382Voir la lettre du 23 janvier 1964 (Annexe M / R.B. 87).
383Voir la lettre du 13 juin 1959 du chef de Goroubéri citée à la page 3 de la lettre du 3 juillet 1960 dans laquelle
il indique au chef de subdivision de Malanville que les gardes républicains nigériens ont interdit aux habitants du
village d’ensemencer sur l’île (Annexe M / R.B. 80 ).
384
Voir la lettre er 17 juin 1954 du commandant de cercle de Kandi adressée au gouverneur du Dahomey citée
dans la lettre du 1 juillet 1954 (Annexe M / R.B. 66), cette dernière lettre, la lettre du 11 décembre 1954 du
gouverneur du Dahomey adressée au gouverneur du Niger (Annexe M / R.B. 70) et la lettre du 13 juillet 1960 du
385sident du Conseil des ministres du Niger adressée au Premier ministre du Dahomey (Annexe M / R.B. 81).
Annexe M / R.B. 72 .
386Voir supra, section 1.
387Voir la lettre du 11 décembre 1954 du gouverneur du Dahomey adressée au gouverneur du Niger (Annexe M
/ R.B. 70), la lettre du 7 mai 1956 du commandant de cercle de Kandi adressée au gouverneur du Dahomey qui
indique qu’il « ressort (de la lettre du 27 août 1954) que le fleuve et toutes les îles fo nt partie du territoire du
Dahomey » (Annexe M / R.B. 71), la lettre du c ommandant de cercle de Ka ndi adressée au com mandant de

1646.56 Il s’agissait au dem eurant bien d’une confirmation puisque des docum ents
cartographiques antérieurs avaient déjà clairement figuré les îles sur le territoire de la colonie

du Dahomey.

6.57 Ainsi, après l’édiction de l’arrêté du 27 octobre 1938 388, deux croquis furent

établis par le service géographique de l’A.O.F. Ils placent l’île de Lété dans le te rritoire du

Dahomey. Le croquis de l’Afrique française (feu ille de Niamey) dressé, dessiné et publié en
389
1946 par le service géogr aphique est particuliè rement significatif . En ef fet, il s e repose
ème
explicitement sur « la carte régulière de l’A.O.F. au 200 000 » et sur « la carte des colonies
ème ème
de l’A.O.F. au 500 000 ». Aucune carte au 500 000 n’ayant été établie entre 1938 et

1946, il ne peut faire de doute que la carte à laque lle se réfère ce croquis est celle à laquelle

l’arrêté de 1938 renvoie. Or, ce cr oquis inclut très distinctem ent l’île dans le territoire du

Dahomey.

6.58 Un autre docum ent cartographique, le croquis routier du Dahomey et Togo

dressé, dessiné et publié par le service géographique de l’A.O.F. en 1948 pl ace aussi l’île en

territoire dahoméen 390.

6.59 Il est au demeurant significatif que le commandant du cercle de Kandi en 1954

et 1955 ait indiqué que l’appartenance de l’île de Lété au Dahom ey était manifestée par les
391
cartes du service géographique .

6.60 L’île de Lété demeurait cependant une terre de confins, peu peuplée. Il est donc

normal qu’elle n’ait fait l’objet que de m anifestations d’administration relativement réduites

par la colonie du Dahom ey. Plusieurs tém oignages recueillis par voie d’huissier de justice
auprès de personnes se réfèrent à la situati on telle qu’elle existait au m oment de la

décolonisation.

cercle de Dosso du 2 juillet 1960 (Annexe M / R.B. 79) et, enfin, la lettre du 3 juillet 1960 du commandant de
cercle de Kandi adressée au ministre de l’intérieur du Dahomey (Annexe M / R.B. 80 ).
388Annexe M / R.B. 48.
389Voir Atlas cartographique, cote n°1
390Voir Atlas cartographique, cote n°7
391
Lettre du 23 janvier 1964 (Annexe M / R.B. 87 ).
165 - C’est, en prem ier lieu, la perception de droits de pacage et la levée de l’im pôt

attestées par plusieurs de ces « sommations interpellatives» . Ainsi, à la veille et

au lendem ain imm édiat de l’indépendance, un agent des services fiscaux

précisément identifié, Monsieur Ankidosso, chef d’arrondissement de Karimama,

était le fonctionnaire chargé de la perception 393.

- Ce sont égalem ent les fonctionnaires établis à Karim ama qui délivraient les

autorisations de pêche « en eaux troubles », sollicitées notamment par les éleveurs

venus du Niger 394.

- Ce sont aussi les autorités dahom éennes qui ont introduit de nouvelles cultures

sur l’île395.

- C’est, de la m ême manière, l’administration coloniale dahoméenne qui exerçait
396
les contrôles et serv ices sanitaires s ur l’île . Les vaccin ations du bétail étaien t

également effectuées par le personnel vé térinaire relevant de la colonie du
397
Dahomey .

- Les autorisations de coupe du bois devaie nt, elles aussi, être sollicitées de
398
l’autorité administrative résidant à Karimama .

392Voir le témoignage de M. Baguize Bagnan, ancien maire de Karimama, (sommation interpellative du 21 mai
2003) (Annexe M / R.B. 13 4), de M. Dj ato Guisso, an cien m aire de Guéné et originaire de G oroubéri
(sommation interpellative du 20 mai 2003) (Annexe M / R.B. 128).
393Voir le tém oignage de M. Mazou Doumbani Mama, premier adjoint au maire de Malanville (sommation

interpellative du 19 m ai 2 003) (Annexe M / R.B. 127), de M. Mazo u Dou mbani, in firmier à la retraite
(sommation interpellative du 8 mai 2003) (Annexe M / R.B. 125 ), de M. Baguize Bagnan, ancien maire de
Karimama (sommation interpellative du 21 mai 2003) (Annexe M / R.B. 134), de M. Gouda Alazi, ancien sous
préfet de Malanville (sommation interpellative du 20 mai 2003) (Annexe M / R.B. 129) et de M. Sambou Garba,
secrétaire général de la mairie de Karimama (sommation interpellative 21 mai 2003) (Annexe M / R.B. 133).
394Voir le témoignage de M. Baguize Bagnan, ancien maire de Karimama (sommation interpellative du 21 mai
2003) (A nnexe M / R.B. 13 4), d e M. DJATO Guisso, an cien maire de Gué né et originaire de Goroubé ri

(sommation interpellative du 20 mai 2003) (Annexe M / R.B. 128), de M. Idrissa Issiaka, cultivateur demeurant
à Goroubéri (sommation interpellative du 20 mai 2003) (Annexe M / R.B. 131) et de M. Maidanda Moumouni,
Président du tribunal de conciliation de Karimama (sommation interpellative du 21 mai 2003) (Annexe M / R.B.
135).
395Voir le témoignage de M . Bossou Joseph, pépiniériste de 1937 à 1947 de l’administration coloniale du
Dahomey et moniteur à la Compagnie française pour le d éveloppement des fibres textiles à p artir de 1947
(sommation interpellative du 29 avril 2003) (Annexe M / R.B. 119).
396Vo ir le té moignage de M. Gado Amad ou, cu ltivateur et ch ef du v illage d e Goroubéri (somma tion

397erpellative du 20 mai 2003) (Annexe M / R.B. 130).
Voir le témoignage de M. Kpangon Tognisso Germain, contrôleur d’action sanitaire à la retraite (sommation
interpellative du 8 mai 2003) (Annexe M / R.B. 123).

166 - Il est tout aussi sign ificatif que les autorités dahoméennes se rendaient sur l’île

pour arrêter les Nigériens qui tentaient de sortir frauduleusem ent le coton
399
dahoméen vers le Niger en passant par l’île .

- Enfin, on doit égalem ent relever que l’île a été à plusie urs reprises l’objet de
400
champ d’exercices ou de patrouilles militaires .

6.61 Bref, l’administration de l’île de L été n’a jam ais cessé, t out au long de la

période coloniale, de relever de l’adm inistration dahoméenne. On notera, au de meurant, que
la situation n’a pas ch angé immédiatement après l’indépendance, puisque dans les années

1960-64 encore, la gestion effective de l’île était exercée par les autorités dahoméennes 401.

6.62 Comme le fit enco re remarquer récemment Monsieur Keba Mbaye dans son

opinion individuelle sous l’arrêt entre le Cameroun et le Nigéria, en Afrique, en particulier, la

question de l’appartenan ce ethnique ou, plus largem ent, de la nationalité est de toute façon

« indépendante de celle du titre sur le territoire » 402. En l’occurrence, le fait qu’une partie de

la maigre population de l’île soit venue du Nor d, donc, de la colonie du Niger, est une chose.

Le fait que l’île so it effectivement demeurée sous administration du Dahom ey en est une

autre.

6.63 Ainsi que la Cour avait déjà eu l’ occasion de le rappeler dans d’autres

affaires 403, il y a lieu, en effet, de distinguer en tre la pré sence sur u n terr itoire d’une

population déterminée et l’adm inistration effective de ce territoire par une autorité relevan t

398
Voir le témoignage de M. Boumi Moussa, cultivateur à Goroubéri (sommation interpellative du 20 mai 2003)
(Annexe M / R.B. 132) et de M. Maida nda Moumouni, Président du tribunal de c onciliation de Karimama
(sommation interpellative du 21 mai 2003) (Annexe M / R.B. 135).
399Voir le témoignage de M . Bossou Joseph, pépiniériste de 1937 à 1947 de l’administration coloniale du
Dahomey et moniteur à la Compagnie française pour le d éveloppement des fibres textiles à p artir de 1947
(sommation interpellative du 29 avril 2003) (Annexe M / R.B. 119).
400Voir le tém oignage de M. Zoumarou Wallis Ibrahim Kpérama, colonel de l’armée en retraite (sommation
interpellative du 5 mai 2003) (Annexe M / R.B. 120 ), de M. Arouna Soumanou, secrétaire administratif à la
retraite (sommation interpellative du 8 mai 2003) (Annexe M / R.B. 122), de M. Labouda Zakari, militaire à la

retraite (sommation interpellative du 8 mai 2003) (Annexe M / R.B. 124) et de M . Sabi Dakaou Mohamed,
401eignant à la retraite (sommation interpellative du 19 mai 2003 (Annexe M / R.B. 126).
Voir le témoignage de Madame Veuve Mounie Monique (sommation interpellative du 5 mai 2003) (Annexe
M / R.B. 121) et celu i de M. Quenum Charlemagne, fonctionnaire du Ministère des finances à la r etraite
(sommation interpellative du 22 avril 2003) (Annexe M / R.B. 118).
402A rrêt du 10 o ctobre 2002, Frontière terrestre et ma ritime en tre le Ca meroun et le Nig éria, opi nion
individuelle de M. Mbaye, pp. 4-5, pars. 20-22 et, pp. 11, pars. 56-59.
403Arrêt du 13 décembre 1999, Affaire de L’île de Kasikili/Sedudu (Botswana/Namibie), Rec. 1998, p. 59, par.
98 et ar rêt du 11 sep tembre 199 2, Af faire du Différend fron talier terrestre, in sulaire et maritime (El
Salvador/Honduras ; Nicaragua (intervenant)), Rec. 1992, p. 419, par. 96.

167d’un autre pays, ou, en l’occurrence, d’une autr e autorité. Comm e elle l’a dit encore très

récemment dans son arrêt oppo sant l’Indonésie à la Malaisie, « les activités de personnes

privées ne sauraient être considérées comme des effectivités si elles ne se fondent pas sur une
404
réglementation officielle ou ne se déroulent pas sous le contrôle de l’autorité publique » .

6.64 Si, en revanche, comme c’était le cas des Peuhls d’origine nigérienne, ces

populations déroulaient leurs activ ités sous le contrôle et l’ autorité de l’adm inistration

coloniale Dahoméenne, cela illustre bien l’eff ectivité de celle-ci, e lle-même confirmative du

titre détenu par le Dahomey en application du droit colonial.

404
Arrêt du 17 décem bre 2002, Affaire de la Souveraineté sur l es î les de Pulau Ligitan, Pu lau S ipadan
(Indonésie/Malaisie), Rec. 2002, p. 57, par. 140.

168CONCLUSIONS

169 Compte tenu de l’ensemble de ces considérations, la République du Bénin prie
la Chambre de la Cour internationale de Justice de décider :

1/ que la frontière entre la République du Bénin et la Répub lique du Niger suit le tracé
suivant :

- du point de coordonnées 11° 54' 15'' de latitude nord et 2° 25' 10'' de longitude est ,
elle suit la ligne m édiane de la r ivière Mékrou jusqu’au point de confluence avec le
fleuve Niger.

- de ce point, la frontière se prolonge jusqu’ à la rive gauche du fleuve qu’elle suit
jusqu’au point d’intersection avec la frontière avec le Nigéria, telle qu’elle est défini e
par les Accords franco-britaniques des 29 mai et 19 octobre 1906.

2/ que la souveraineté sur chacune des îles du fleuve, et en particulier l’île de Lété,
appartient à la République du Bénin.

L’Agent de la République du Bénin,

Rogatien BIAOU

170LISTE DES CROQUIS

171Croquis Objet Croquis cité au
paragraphe
1. Carte de l' Afrique occidentale avec la République du 1.01
Bénin et la République du Niger

2. Carte administrative du Niger 1.04
3. Carte administrative du Bénin 1.09
4. Les deux secteurs de la fron tière, le fleuve Niger et la 1.74
rivière Mékrou 3.48
5. La course au Niger 3.09
6. Les conventions répartissant les territoires entre les 3.10

puissances coloniales
7. La f rontière entr e le Dahom ey et les te rritoires 3.13
limitrophes (1899-1902)
8. Les modifications apportées aux limites de 1899 par le 3.16
décret du 18 octobre 1904 et l'arrêté du 2 mars 1907
9. Les m odifications apportées par le décret du 7 3.18

septembre 1911 er
10. Les modifications apportées par le décret du 1 mars 3.19
1919
11. Les m odifications app ortées par les décrets du 4 3.21
décembre 1920, du 13 octobre 192 2 et du 28 décembre
1926

12. Les ce rcles de la p artie sep tentrionale du Da homey 3.25
suivant l'Arrêté du 11 août 1898 pris par le gouverneur
p.i. du Dahomey
13. Les ce rcles de la p artie sep tentrionale du Da homey 3.26
suivant l'arrêté du 11 août 1898 pris par le gouverneur
p.i. du Dahomey, et montrant le cercle du Moyen-Niger

qui s'étend sur les deux rives du fleuve Niger
14. La réorganisation des divisi ons territoriales du nord de 3.27
la Colonie du Dahom ey a doptée par le gouverneur
général de l'A.O.F. par l'arrêté du 8 décembre 1934
15. La réorganisation administrative du Territoire militaire 3.33
du Niger (arrêté du Gouverneur général de l' A.O.F. du
23 novembre 1912)

16. Les modifications territoriales apportées aux colonies 3.34
de Haute-Volta et du Niger par l' arrêté du gouverneur
général de l' A.O.F. du 22 janvier 1927, précisé par
l'arrêté du 31 août 1927 et son erratum du 15 octobre
1927
17. Les m odifications de la lim ite du cercle de G ourma 3.44

suivant apportées par le d écret du 12 août 1909 et le
décret du 23 avril 1913
18. Les délimitations des territoires respectifs du Dahomey 4.08
et du Niger par le colonisateur (décrets du 2 mars 1907
et du 1 mars 1919)
19. Les limites du cercle de Say selon le procès-verbal de 4.11

la réunion du 10 février 1927 et l' arrêté du gouverneur
général de l'A.O.F. en date du 31 août 1927, corrigé le
15 octobre 1927

17220. Les limites de la réserve naturelle intégrale (Dahomey) 4.19
et du parc national (Niger) (arrêtés du 30 septembre et
du 13 novembre 1937)
21. Limites de la r éserve nature lle in tégrale (Dah omey) 4.27
(arrêtés du 30 septembre 1937 et du 3 décembre 1952)

et du parc national (Niger) (arrêtés du 13 novem bre
1937 et du 25 juin 1953)
22. La frontière Bénin – Niger 5.47
23. Le secteur du fleuve Niger – le point d' aboutissement 5.50
de la frontière:
- Ligne établie par la con vention franco-britannique

du 14 juin 1898 et points A,B,C,D.
24. Le secteur du fleuve Niger – le point d' aboutissement 5.52
de la frontière:
- Ligne établie par la con vention franco-britannique
du 14 juin 1898 et points A,B,C,D.
- Ligne établie par la con vention franco-britannique

du 19 octobre 1906
25. Le secteur du fleuve Niger – le point d' aboutissement 5.53
de la frontière:
- Ligne établie par la con vention franco-britannique
du 14 juin 1898 et points A,B,C,D.
- Ligne établie par la con vention franco-britannique
du 19 octobre 1906

- Ligne établie par la con vention franco-britannique
du 29 mai 1906
26. Le point triple Bénin – Niger – Nigéria 5.55
27. Carte de l' Afrique occidentale – Le cours du fleuve 5.66
Niger
28. Emplacement de l'île de Lété 6.09

29. L’île de Lété 6.09

173LISTE DES ANNEXES

174ANNEXE M / R.B. 1. Rapport et décret du 22 juin 1894, réglant l' organisation et
l'administration du Dahomey et dépendances
In Journal officiel de la Répub lique française n°168 du 23 juin

1894, p. 2858
2 p.

ANNEXE M / R.B. 2. Rapport et décret du 16 juin 1895 instituant un gouvernem ent
général de l'Afrique occidentale française
In Journal officiel de la Républiq ue française n°162 du 17 juin

1895, pp. 3385-3386
2 p.

ANNEXE M / R.B. 3. Traité du 21 octobre 1897 avec A li, chef de Karim ama, roi du
Dendi
3 p.

ANNEXE M / R.B. 4. Lettre n°246 du 22 mars 1898 du gouverneur au m inistre des
colonies à Paris
1 p.

ANNEXE M / R.B. 5. Convention pour la délim itation des possessions françaises de la

Côte-d'Ivoire, du Soudan et du Dahom ey et des colonies
britanniques de la Côte d' Or et de Lagos et des autres possessions
britanniques à l'ouest du Niger, signée à Londres le 14 juin 1898.
7 p.

ANNEXE M / R.B. 6. Arrêté du 11 août 1898 sur le cercle du Moyen-Niger
In Journal officiel de la Co lonie du Dahomey et dépendances , n°

16 du 15 août 1898, p. 5
2 p.

ANNEXE M / R.B. 7. Rapport du m inistre des colonies Albert Decrais et décret du
Président de la République française du 17 octobre 1899, portan
t
suppression de la colonie du S oudan français et rattachant ses

différents cercles à plusieurs colonies limitrophes.
In Journal officiel de la République française n°283 du 18 octobre
1899, pp. 6893-6894
3 p.

ANNEXE M / R.B. 8. Arrêté du 23 juillet 1900 du gouverneur général de l’A.O.F., créant

un troisième territoire militaire dont le chef-lieu sera établi à Zinder
In Journal officiel de l’Afrique occidentale française de 1900 (date
incertaine), p. 313
1 p.

175 ANNEXE M / R.B. 9. Rapport et décret du Président de la République française du
20
décembre 1900, constituant un troisième territoire militaire entre le
Niger et le Tchad

In Journal officiel de la Répub lique française du 27 décembre
1900, p. 3499
1 p.

ANNEXE M / R.B. 10. "Renseignements coloniaux et documents publiés par le Comité de
l’Afrique Française"

Supplément n°2 au Bulletin du Comité de l’Afrique Française de
février 1901
8 p.

ANNEXE M / R.B. 11. Rapport et décret du 1 eroctobre 1902, portant réorganisation du

gouvernement général de l'AOF
In Journal officiel de la Répub lique française n°270 du 4 octobre
1902, pp. 6549-6550
3 p.

ANNEXE M / R.B. 12. Convention franco-anglaise du 8 avril 1904

6 p.

ANNEXE M / R.B. 13. Décret du Président de la République française du 18 octobre 1904
portant réorganisation du gouvernem ent général de l' Afrique
occidentale française

In Journal officiel de la République française n°287 du 21 Octobre
1904, pp. 6250-6252
4 p.

ANNEXE M / R.B. 14. Convention du 29 m ai 1906 entre la France et le Royaume-Uni
relative à la délimitation des possessions françaises et britanniques

à l'est du Niger
Texte in Journal officiel de la République française du 29
septembre 1906, pp. 6598-6599
2 p.

ANNEXE M / R.B. 15. Accord du 19 octobre 1906 relatif à la frontière entre les

possessions britanniques et françaises du golfe de Guinée au Niger
7 p.

ANNEXE M / R.B. 16. Rapport et décret du Président de la République française du 2
mars 1907, rattachant à la colonie du Haut-Sénégal les cercles de

Fada N'Gourma et de Say
In Journal officiel de la République française n°65 du 7 mars 1907,
p. 1846
2 p.

176ANNEXE M / R.B. 17. Arrêté n°1241 bisdu 14 décem bre 1908, portan t réorganisation des
circonscriptions du territoire militaire du Niger
In Journal officiel de l’Afrique occidentale française n°209 du 2

janvier 1909, pp. 1-3.
3 p.

ANNEXE M / R.B. 18. Rapport d’ensemble sur la situatio n de la colonie en 1906, Porto-
Novo, imprimerie du gouvernement, 1908.

12 p.

ANNEXE M / R.B. 19. Rapport du m inistre des colonies G eorges Trouillot et décret du
Président de la République fran çaise du 12 août 1909, fixant la
délimitation entre le Dahomey et le Haut-Sénégal et Niger

In Journal officiel de l’Afrique occidentale française n°245 du 11
septembre 1909, pp. 419-420
3 p.

ANNEXE M / R.B. 20. Procès-verbal des opérations d' abornement des territoires situés

entre le Niger et le lac Tchad, en date du 19 février 1910.
Fait par la comm ission franco-anglaise de délim itation des
territoires situés entre le Niger et le lac Tchad
34 p.

ANNEXE M / R.B. 21. Copie d' un télégramme officiel en date du 9 juin 1910, du
gouverneur général du Dahom ey au gouverneur général de
l'A.O.F., demandant le rattachement des villages situés sur la riv e
gauche du fleuve Niger au Dahomey
8 p.

3
ANNEXE M / R.B. 22. Arrêté n°672 du 22 juin 1910 réorganisant le territoire militaire du
Niger
In Journal officiel de l’Afrique occidentale française n°293 du 30
juillet 1910, p. 475

2 p.

ANNEXE M / R.B. 23. Rapport et décret du Président de la République du 7 septem bre
1911, rattachant le territoire m ilitaire du Niger au gouvern ement
général de l'Afrique occidentale française à compter du 1 erjanvier

1912
In Journal officiel de la République frança ise n°247 du 12
septembre 1911, p. 7437
2 p.

ANNEXE M / R.B. 24. Arrêté n° 1148 du 7 octobre 1 911, prom ulguant en Afrique
occidentale française le décret du 7 septem bre 1911, rattachant le
territoire militaire du Niger au gouv ernement général d e l'Afrique
occidentale française à compter du 1 janvier 1912
In Journal officiel de l’Afrique occidentale française n°358 du 21

octobre 1911, p. 686
2 p.

177ANNEXE M / R.B. 25. Circulaire interprétative n° 114 c du 3 novembre 1912, relative à la
"Forme à donner aux actes portant organisation des
circonscriptions et subdivisions administratives"

In Journal officiel de l’Afrique occidentale française n°413 du 9
novembre 1912, pp. 713-714
3 p.

ANNEXE M / R.B. 26. Arrêté n°1728 16du 23 novem bre 1912, du gouverneur général de
l’A.O.F., commandeur de la légion d’honneur

In Journal officiel de l’Afrique occidentale française n°422 du 11
janvier 1913, pp. 68-69
3 p.

ANNEXE M / R.B. 27. Rapport au Président de la Républiq ue du ministre des colonies J.

Morel et décret du Président de la République Française du 23 avril
1913 relatifs à la lim ite entre le c ercle de Fa da-N’Gourma et de
l’Atocora.
In Journal offic iel d e l’Afr ique occidenta le français e ( date
incertaine), p. 572
1 p.

ANNEXE M / R.B. 28. Lettre du 3 juillet 1914 du commandant du secteur de Gaya au
commandant de cercle du Moyen-Niger
3 p.

ANNEXE M / R.B. 29. Rapport du m inistre des colonies Henry Simon er décret du
Président de la République française du 1 m ars 1919, portant
division de la colonie du Haut-Sén égal et création de la colonie de
la Haute Volta
In Journal officiel de l’Afrique occidentale française n°768 du 23
août 1919, pp. 549-551

3 p.

ANNEXE M / R.B. 30. Rapport et décret du Président de la République française du 4
décembre 1920, portant création du "Territoire du Niger"
In Journal officiel de la République française n°335 du 9 décembre
1920, pp. 20244-20245

4 p.

ANNEXE M / R.B. 31. Rapport et décret du Président de la République française du
13
octobre 1922, portant transform ation du "Territoire du Niger" en
"colonie du Niger"

In Journal officiel de l’Afrique occidentale française n°955 du 20
janvier 1923, p. 58
2 p.

ANNEXE M / R.B. 32. Lettre du 21 juin 1925, de l' administrateur en chef des colonies,
commandant le cercle du Moyen-Ni ger au lieutenant-gouverneur

du Dahomey à Porto-Novo
6 p.

178ANNEXE M / R.B. 33. Décret du Président de la République du 28 décem bre 1926,
rattachant le cercle de Say à la colonie du Niger
In Journal officiel de la République française n°2, 50ème année, des

2,3 et 4 janvier 1927, pp. 197-198
2 p.

ANNEXE M / R.B. 34. Arrêté du 22 janvier 1927 portant modifications territoriales aux
colonies de la Haute-Volta et du Niger
In Journal officiel de l’Afrique occidentale française n°1169 du 12

février 1927, p. 124
2 p.

ANNEXE M / R.B. 35. Procès-verbal de la réunion du 10 février 1927 entre les
représentants des gouverneurs de la Haute-Volta et du Niger

2 p.

ANNEXE M / R.B. 36. Arrêté du 31 août 1927, fixant les limites des colonies de la Haute-
Volta et du Niger
In Journal officiel de l’Afrique occidentale française n° 1201 du 24
septembre 1927, pp. 658-659

3 p.

ANNEXE M / R.B. 37. Erratum du 15 octobre à l’arrêté du 31 août 1927 fixant les limites
des colonies du Niger et de la Haute-Volta
In Journal officiel de l’Afrique occidentale française n° 1205 du 15

octobre 1927, p. 718
2 p.

ANNEXE M / R.B. 38. Répertoire général des localités de l’Afrique occidentale française
classé par ordre al phabétique, publié en 1927 par le gouverneur
général de l’A.O.F.

25 p.

ANNEXE M / R.B. 39. Circulaire n°93CM2 du 4 février 1930 du gouverneur général d
e
l'Afrique occidentale française à M.M. les lieutenants-gouverneurs
des colonies du groupe
2 p.

ANNEXE M / R.B. 40. Rapport d’ensemble du 5 novembre 1931 sur la traversée du Niger
de l’ingénieur, chef de la m ission - Etudes du chem in de fer de
Cotonou au Niger et des aménagements du bief navigable du Niger,
de Niamey à Gaya - mission A. Beneyton (1926-1932).

9 p.

179ANNEXE M / R.B. 41. Arrêté général n°2812 du 8 décembre 1934 du gouverneur g énéral
de l’A.O.F., portant réorganisation des divisions territoriales de la

colonie du Dahomey
In Journal officiel de l’A frique occidentale française n°1590 du 29
décembre 1934, pp. 1052-1053
4 p.

ANNEXE M / R.B. 42. Arrêté local n° 1965 du 27 décem bre 1934 portant réorgan isation
territoriale du cercle de Kandi
In Journal officiel du Dahomey n°1, 46 èmeannée, du 1 er janvier
1935, pp. 19-20

2 p.

ANNEXE M / R.B. 43. Arrêté local n° 1967 du 27 décem bre 1934 portant réorgan isation
territoriale du cercle de Parakou
In Journal officiel du Dahomey n°1, 46 èmeannée, du 1 er janvier

1935, pp. 20-21
2 p.

ANNEXE M / R.B. 44. Décret du Président de la République du 13 octobre 1936
réorganisant la réglementation de la chasse en A.O.F.

Document sous texte de l'arrêté de promulgation n°2716 AP, du 19
novembre 1936, in Journal officiel de l’A frique occidentale
française n°1694 du 28 novembre 1936, pp. 1086-1091
7 p.

ANNEXE M / R.B. 45. Arrêté n° 1464 A.P.A. du 30 septem bre 1937, du lieutenant-
gouverneur du Dahomey, fixant certaines conditions d’application
au Dahomey du décret du 13 octo bre 1936 portant réglem entation
de la chasse dans les principaux territoires africains relevant du

ministère des colonies
In Journal Officiel de la Co lonie du Dahomey n°10 du 15 mai
1938, p. 214
2 p.

ANNEXE M / R.B. 46. Arrêté n° 1302 AE/SZ du 13 novembre 1937, du gouverneur des
colonies, gouverneur du Niger, chevalier de la légion d’honneur
In Journal officiel de la Coloni e du Niger n°79 du 20 décembre
1937, pp. 530-531
4 p.

ANNEXE M / R.B. 47. Rapport de 1937 relatif au parc naturel du W
28 p.

ANNEXE M / R.B. 48. Arrêté n°3578/AP du 27 octobre 1938 portant réorganisation des
divisions territoriales de la colonie du Dahomey
In Journal officiel de la Colonie du Dahomey n°23 du 1 décembre
1938, pp. 517-518
2 p.

180ANNEXE M / R.B. 49. Arrêté n°2090 A.P.A. du 31 décembre 1938, portant constitution du
cercle de Kandi

In Journal officiel de la Col onie du Dahomey n°3 du 15 janvier
1939, pp. 63-65
3 p.
.
ANNEXE M / R.B. 50. Arrêté n°2091 A.P.A. du 31 décembre 1938, portant constitution du
cercle de Parakou

In Journal officiel de la Col onie du Dahomey n°3 du 15 janvier
1939, pp. 65-69
5 p.

ANNEXE M / R.B. 51. Arrêté n°1884/APA du 13 décembre 1943, rapportant l'arrêté local

2090/APA du 31 décembre 1938, et relatif aux limites du cercle de
Kandi
7 p.

ANNEXE M / R.B. 52. Lettre n° 992 SE/F du gouverneur secrétaire général chargé de
l'expédition des affaires couran tes (pour le haut comm issaire

absent) adressée le 4 avril 1950 au gouverneur de la Haute-Volta
2 p.

ANNEXE M / R.B. 53. Lettre du 19 avril 1950 du gouvern eur de la Haute-Volta au
gouvernement général de l'A.O.F.

2 p.

ANNEXE M / R.B. 54. Document du service des chasses en date du 18 avril 1951
3 p.

ANNEXE M / R.B. 55. Lettre adressée à M. Rouré le 12 mai 1951

3 p.

ANNEXE M / R.B. 56. Lettre n° 947 du 27 juin 1951 du gouverneur du Dahomey adressée
au gouverneur général de l'A.O.F.
3 p.

ANNEXE M / R.B. 57. Avant-projet de délimitation du parc du W du Niger (côté Niger)
2 p.

ANNEXE M / R.B. 58. Projet de classement de la réserve de chasse dite "parc national du
W", présenté par le gouvernement du territoire du Niger le 6 février

1952
1 p.

181ANNEXE M / R.B. 59. Projet de classement de la réserve dite « du W du Niger » cercle de
Kandi, subdivision de Kandi, colonie du Dahom ey, dom aine
forestier, réserve totale de faune; en date du 5 juin 1952

In Journal officiel du Dahomey du 15 juin 1952
1 p.

ANNEXE M / R.B. 60. Lettre n° 2402 / EFC du 8 août 195 2 de l’inspecteur principal des
eaux et forêts, chef du service forestier du Dahom ey, à M.

l’inspecteur général des eaux et forêts, Dakar
3 p.

ANNEXE M / R.B. 61. Procès-verbal de la commission de classem ent du 5 septem bre
1952

4 p.

ANNEXE M / R.B. 62. Lettre n° 1781/EF du 22 nove mbre 1952, du gouverneur de la
France d’outre-m er, gouverneur du Dahom ey, chevalier de la
légion d’honneur au haut-com missaire de la République,

gouverneur général de l’A.O.F., offi cier de la légion d’honneur à
Dakar
1 p.

ANNEXE M / R.B. 63. Arrêté n°7640 SE/F du 3 décembre 1952, du haut comm issaire de

la République - gouverneur général de l’A.O.F. - direction générale
des services économiques - forêts
3 p.

ANNEXE M / R.B. 64. Lettre du gouverneur du Niger au g ouverneur général de l’A.O.F.

du 4 décembre 1952
2 p.

ANNEXE M / R.B. 65. Arrêté n° 4676 SE/F du 25 juin 1953 du gouverneur général de
l'A.O.F., portant création de la "Réserve totale de faune du W du

Niger" dans le cercle de Niamey
4 p.

ANNEXE M / R.B. 66. Lettre n°992/APA du gouverneur du Dahomey au commandant de
cercle de Kandi, en date du 1rjuillet 1954

2 p.

ANNEXE M / R.B. 67. Lettre n° 3722/APA du 27 août 1954, de Monsieur Raynier,
gouverneur de la F.O.M., gouverneur du Niger à m onsieur le chef
de la subdivision de Gaya, S/C du commandant de cercle de Dosso

1 p.

ANNEXE M / R.B. 68. Lettre du 27 octobre 1954 du commandant de cercle de Dosso
(Niger) au commandant de cercle de Kandi (Dahomey)
1 p.

182ANNEXE M / R.B. 69. Lettre du 12 novembre 1954 du commandant de cercle de Kandi au
gouverneur du Dahomey

2 p.

ANNEXE M / R.B. 70. Lettre n° 2 475/APA du 11 décem bre 1954, d u gouverneur de la
France d’outre-m er, gouverneur du Dahom ey à Monsieur le
gouverneur de la France d’outre -mer, gouverneur du Niger à

Niamey,
2 p.

ANNEXE M / R.B. 71. Lettre du 7 m ai 1956, de l’adm inistrateur en chef de la CE. De la
F.O.M., chevalier de la légion d’honneur à Monsieur le gouverneur

du Dahomey (service des douanes), bureau des affaires politiqu es
et administratives
1 p.

ANNEXE M / R.B. 72. Lettre du commandant de cercle de Kandi au directeur du service

géographique de l’A.O.F., en date du 28 juin 1956
1 p.

ANNEXE M / R.B. 73. Télegramme-lettre-officiel du 16 juin 1959 du chef de la
subdivision de Malanville au Premier ministre du Dahomey

1 p.

ANNEXE M / R.B. 74. Lettre n° 308 du 20 juin 1959 du chef de subdivision de Malanville
à Monsieur le chef de subdivision de Gaya
1 p.

ANNEXE M / R.B. 75. Procès-verbal de la rencontre b ilatérale daho-nigériane des 17, 18
et 19 février 1960
5 p.

ANNEXE M / R.B. 76. Lettre du 30 juin 1960 n° 2062/PG de M. Boiffin à Monsieur le
procureur de la République près le TGI de Cotonou
1p.

ANNEXE M / R.B. 77. Rapport n° 82/2 du 1 juillet 1960 du commandant de la brigade de

gendarmerie de Malanville
1 p.

ANNEXE M / R.B. 78. Télégramme-lettre-officiel n° 60/CF du 1 erjuillet 1960, de
l’administrateur en chef commanda nt du cercle Kandi au ministre

de l’intérieur de Porto-Novo
1 p.

ANNEXE M / R.B. 79. Lettre du 2 juillet 1960 du comm andant du cercle Kandi au
commandant du cercle Dosso

2 p.

183ANNEXE M / R.B. 80. Lettre du 3 juillet 1960 n° 61/CF du commandant de cercle au
ministre de l’intérieur de Porto-Novo
5 p.

ANNEXE M / R.B. 81. Lettre n° 712 du 13 juillet 1960 du Président du conseil des
ministres a u Niger au Prem ier ministre de la République du
Dahomey
2 p.

ANNEXE M / R.B. 82. Rapport n° 89/2 du 19 juillet 1960 du commandant de la brigade de
gendarmerie de Malanville
2 p.

ANNEXE M / R.B. 83. Lettre confidentielle du 29 juil let 1960 n° 248/PCM/CAB/ MI du

Premier ministre de la Républi que du Dahomey au Président du
conseil des ministres de la République du Niger
2 p.

ANNEXE M / R.B. 84. Lettre du 15 décembre 1961, du préfet du nord-est du Dahom ey au
sous-préfet de Malanville.

2 p.

ANNEXE M / R.B. 85. Lettre du 28 décembre 1963, adressée par M. Lu cien Rosé, ancien
administrateur de la France d'Outre-Mer au Président du Dahomey
2 p.

ANNEXE M / R.B. 86. Livre blanc du Dahomey du 28 décem bre 1963 : « Ce qu’il fau t
savoir sur la crise Daho-Nigérienne »
8 p.

ANNEXE M / R.B. 87. Lettre du 23 janvier 1964, adressée par M. Paul Daguzay, ancien

commandant de cercle de Kandi, à M. le directeur de l’Aube-
Nouvelle.
1 p.

ANNEXE M / R.B. 88. Livre blanc du Niger publié en 1964 : « Livre blanc sur les
relations du Niger et du Dahom ey à la fin de l’année 1963»

(extraits)
14 p.

ANNEXE M / R.B. 89. Protocole d’accord entre les chefs d’état du Dah omey et du Niger
du 9 mars 1964

3 p.

ANNEXE M / R.B. 90. Note sur l’île de Lé té de la délégation dahoméenne à la réunion
Dahomey-Niger du 29 juin 1964
8 p.

184 ANNEXE M / R.B. 91. Communiqué relatif à la réunion de Yamoussoukro du 16 au 18
janvier 1965, en date du 18 janvier 1965

In Afrique Contemporaine – Docume nts d’Afrique Noire et de
Madagascar, n°18, de mars-avril 1965
5 p.

ANNEXE M / R.B. 92. « Nouvelles du Dahom ey : réuni on m inistérielle nigéro-

dahoméenne - Plus de litige entre les deux pays »
In Bulletin Quotidien d’Information, n° 1023, 18 mai 1965
2 p.

ANNEXE M / R.B. 93. « Le contentieux Nigéro-Dahoméen est définitivement liquidé »
ème
In L’Aube Nouvelle, n° 18-5 année, 20 mai 1965
1 p.

ANNEXE M / R.B. 94. « Sur le pont de Malanville-Daho-Niger : amitié retrouvée »
In L’Aube Nouvelle, n° 22- 5ème année, 17 juin 1965

2 p.

ANNEXE M / R.B. 95. Beuvilain (A.), « Eleveurs et élevages le long du fleuve Niger dans
le département de Dosso (Niger), avec six figures dans le texte »,
Les cahiers d’Outre mer, janvier-mars 1979, n° 125, pp. 66-103

20 p.

ANNEXE M / R.B. 96. Rapport du m aréchal des logis-ch ef, commandant la brigade
territoriale des forces de sécurité publique de Karimama du 23 mai
1983

7 p.

ANNEXE M / R.B. 97. Compte-rendu de la réunion tenue du 11 au 13 septem bre 1985
entre des experts de la Républiq ue Populaire du Bénin, de la
République du Niger et de la Répub lique Fédérale du Nigéria, en

vue de la déterm ination du point fr ontalier tripartite sur le fleuve
Niger
7 p.

ANNEXE M / R.B. 98. Loi n°87-013 du 21 septem bre 1987, portant réglem entation de la

vaine pâture, de la garde des animaux dom estiques et de la
transhumance
10 p.

ANNEXE M / R.B. 99. Note verbale n° 035/93/ANC de l’ambassade de la République du

Niger à Cotonou au ministère des affaires étrangères et de la
coopération du Bénin, du 29 septembre 1993
1 p.

ANNEXE M / R.B. 100. Rapport du 14 décembre 1993 n° 442/4-Cie-Gend-KdI du capitaine

Léon Q. Dayato, commandant de la compagnie de gendarmerie de
Kandi
3 p.

185ANNEXE M / R.B. 101. Accord portant création de la commission m ixte paritaire d e

délimitation de la frontière entre la République du Bénin et la
République du Niger, signé à Niamey le 8 avril 1994
6 p.

ANNEXE M / R.B. 102. Commission mixte paritaire bénino-nigérienne de délimitation de la
ère
frontière - Com pte-rendu de la 1 session ordinaire, tenue à
Cotonou les 19, 20 et 21 septembre 1995
20 p.

ANNEXE M / R.B. 103. Commission mixte paritaire bénino-nièmeienne de délimitation de la
frontière - Com pte-rendu de la 2 session ordinaire, tenue à
Niamey les 22, 23 et 24 octobre 1996
8 p.

ANNEXE M / R.B. 104. Lettre n° 97 0081 DOG/CART du ch ef de l a carthothèque de
l’I.G.N. français au directeu r général de l’I.G.N. béninois du 16
janvier 1997
4 p.

ANNEXE M / R.B. 105. Commission mixte paritaire bénino-nigèmeenne de délimitation de la
frontière - Com pte-rendu de la 3 session ordinaire, tenue à
Parakou les 8, 9 et 10 avril 1997
10 p.

ANNEXE M / R.B. 106. Rapport de m ission de reconnaissa nce du comité technique m ixte
paritaire, 20 avril 1998
9 p.

ANNEXE M / R.B. 107. Commission mixte paritaire bénino-nièmeienne de délimitation de la
frontière - Com pte-rendu de la 4 session ordinaire, tenue à
Dosso les 22, 23 et 24 juin 1998
9 p.

ANNEXE M / R.B. 108. Décision A/DEC.5/10/98 relative à la régle mentation de la
transhumance entre les états membres de la CEDEAO du 31
octobre 1998
7 p.

ANNEXE M / R.B. 109. Accord du 14 janvier 1999 entre la République du Bénin et la
République du Niger, rela tif à la réalisa tion de l’am énagement
hydroélectrique au site de Dyodyonga sur la rivière Mékrou
5 p.

ANNEXE M / R.B. 110. Convention de concession (Build, Own, Operate and T ransfer)
entre l'établissement public international de la Mékrou (EPIM) et la
société hydroélectrique de la Mékrou, en date du 14 janvier 1999
14 p. (extraits)

186ANNEXE M / R.B. 111. Commission mixte paritaire bénino-nigérienne de délimitation de la
frontière - Com pte-rendu de la 5 èmesession ordinaire, tenue à
Parakou les 21, 22 et 23 mars 2000

13 p.

ANNEXE M / R.B. 112. Lettre n° 017/SPKM/SG/BAGD du sous -préfet de Karimama à M.
le préfet du département du Borgou à Parakou, du 24 avril 2000
3 p.

ANNEXE M / R.B. 113. « L’île de Lété », in Sahel Dimanche, n° 881, 2 juin 2000
4 p.

ANNEXE M / R.B. 114. Commission mixte paritaire bénino-nigérienne de délimitation de la
ème
frontière - Com pte-rendu de la 6 session ordinaire, tenue à
Dosso les 14, 15 et 16 juin 2000
10 p.

ANNEXE M / R.B. 115. Compromis de sais ine de la Cour internationale de Justice du 15

juin 2001
5 p.

ANNEXE M / R.B. 116. Hamadou Mounkaila, " Genèse du conflit de l’Ile de LÉTÉ et
processus de négociation"

In "Colloque international sur les conflits frontaliers en Afrique de
l’Ouest organisé par la Faculté des Lettres et Sciences Humaines de
l’Université Abdou Moum ouni (Ré publique du Niger)" – 18-21
juin 2001
13 p.

ANNEXE M / R.B. 117. Sallah Alh assane et Yam ba Boubacar, géo graphes - Un iversité
Abdou Moumouni – Niam ey, "Système agraire et territorialité :
cas de l’île Lété (Niger)"
In "Colloque international sur les conflits frontaliers en Afrique de

l’Ouest organisé par la Faculté des Lettres et Sciences Humaines de
l’Université Abdou Moum ouni (Ré publique du Niger)" – 18-21
juin 2001
8 p.

ANNEXE M / R.B. 118. Sommation interpellative, Quenum Charlemagne (22 avril 2003)
3 p.

ANNEXE M / R.B. 119. Sommation interpellative, Bossou Joseph (29 avril 2003)
3 p.

ANNEXE M / R.B. 120. Sommation interpellative, Zoumari Wallis Ibrahim (5 mai 2003)
2 p.

ANNEXE M / R.B. 121. Sommation interpellative, Veuve Mounie Monique (5 mai 2003)

2 p.

187ANNEXE M / R.B. 122. Sommation interpellative, Arouna Soumanou (8 mai 2003)

2 p.

ANNEXE M / R.B. 123. Sommation interpellative, Kp angon Tognisso Germ ain (8 m ai
2003)
2 p.

ANNEXE M / R.B. 124. Sommation interpellative, Labouda Zakari (8 mai 2003)
2 p.

ANNEXE M / R.B. 125. Sommation interpellative, Mazou Doumbani (8 mai 2003)
3 p.

ANNEXE M / R.B. 126. Sommation interpellative, Sabi Dakaou Mohamed (19 mai 2003)
2 p.

ANNEXE M / R.B. 127. Sommation interpellative, Mazou Doumbani Mama (19 mai 2003)
2 p.

ANNEXE M / R.B. 128. Sommation interpellative, Djato Guisso (20 mai 2003)

2 p.

ANNEXE M / R.B. 129. Sommation interpellative, Gouda Alazi (20 mai 2003)
2 p.

ANNEXE M / R.B. 130. Sommation interpellative, Gado Amadou (20 mai 2003)
2 p.

ANNEXE M / R.B. 131. Sommation interpellative, IdrissA Issiaka (20 mai 2003)

2 p.

ANNEXE M / R.B. 132. Sommation interpellative, Boumi Moussa (20 mai 2003)
2 p.

ANNEXE M / R.B. 133. Sommation interpellative, Sambou Garba (21 mai 2003)
2 p.

ANNEXE M / R.B. 134. Sommation interpellative, Baguize Bagnan, (21 mai 2003)
2 p.

ANNEXE M / R.B. 135. Sommation interpellative, Maidanda Moumouni (21 mai 2003)
2 p.

188LISTE DES CARTES

189Cote Objet Carte citée au
paragraphe

1. Carte de l'A.O.F. - Nouvelle frontière de la Haute-
Volta et du Niger 1.62
(Suivant erratum du 5 octobre 1927 à l’arrêté en date et
du 31 août 1927) 4.48
Echelle : 1/1.000.000ème

2. Croquis de l’Afrique française - Feuille de Niamey
N.D. - 31 4.33
Dressé, dessiné et publié en 1946 par le service et
géographique 6.57
Echelle : 1/1.000.000ème

3. Carte des colonies de l’A.O.F. - Dahomey-Haute-
Volta-Togo - Feuille de Kandi C.30 S.E.
Dressée et publiée p ar le service géographique de 4.48
l’A.O.F. à Dakar en octobre 1926
Echelle : 1/500.000ème
4. Carte des colonies de l’A.O.F. - Haute-Volta – Niger

– Dahomey - Feuille de Niamey
Dressée et publiée p ar le service géographique de 4.48
l’A.O.F. à Dakar en juin 1926
Echelle : 1/500.000ème
5. Croquis de la Colonie du Niger

Dressé par le colonel M. Abadie, de l’infanterie
coloniale 4.48
Sans date
Echelle : 1/4.500.000ème
6. Carte routière du Dahomey-Togo

Dressée et dessinée, héliogravée et im primée en m ars 4.49
1938 par le service gèmeraphique de l’A.O.F. à Dakar
Echelle : 1/1.000.000
7. Croquis routier du Dahomey et Togo n°13
Dressé, dessiné, im primé et publié au troisièm e 4.49
trimestre 1948 par le se rvice géographique de l’A.O.F. et

à Dakar ème 6.58
Echelle : 1/1.000.000
8. Carte de l'A.O.F. – Kandi (Kirtachi)– Feuille NC-31-
XXI – Dahomey – Haute Volta
Dessinée et publiée par le service géographique de 4.56

l'A.O.F. en 1955 ème
Echelle : 1/200.000
9. Carte jointe au procès-verbal du 19 février 1910 ,
relatif aux opérations d'abornement des territoires situés 5.54
entre le Niger et le lac Tchad

10. Carte de Gaya (Kaw ara Débé) – édition simplifiée
Feuille NC – 31
Version annotée illustrant la proposition du procès-
verbal de la rencontre b ilatérale daho-nigériane de 5.55
février 1960
Echelle : 1/200.000ème

19011. Carte de l'A.O.F. – Gaya (Kaouara-Débé)– Feuille
NC-31-XXII – Dahomey – Niger

Dessinée et publiée par le service géographique de 5.60
l'A.O.F. en 1955 ème
Echelle : 1/200.000

191TABLE DES MATIÈRES

192PLAN DU MÉMOIRE.........................................................................
.....................................i

INTRODUCTION........................................................................
............................................1

CHAPITRE 1 : CONTEXTE GÉNÉRAL ET GÉNÈSE DU DIFFÉREND.......................4

Section 1 : Contexte général........................................................................
................................... 5

§ 1 - Les Parties au différend........................................................................
............................. 5
§ 2 - Contexte historique du différend........................................................................
.............. 11

A. L’implantation française........................................................................
.................... 11

B. La création des colonies du Dahomey et du Niger .................................................... 13

C. L’intégration des deux colonies dans la fédération de l’A.O.F. ................................ 15

Section 2 : De la naissance du différend à la saisine de la Chambre de la Cour ........... 16

§ 1 - Les racines du différend ........................................................................
................................ 16
§ 2 - La période coloniale ........................................................................
..................................... 19

§ 3 - La période intermédiaire........................................................................
.............................. 20

§ 4 - Depuis l’indépendance ........................................................................
................................. 21

A - Les incidents et la mise en place d’un processus de règlement pacifique du différend .. 21

B - Les travaux de la commission mixte paritaire de délimitation de la frontière.......... 24
1°) Les quatre premières sessions ........................................................................
....... 25

2°) La cinquième session ........................................................................
.................... 26

3°) La sixième session........................................................................
......................... 29

C - Le compromis de saisine de la Cour internationale de Justice................................. 31

§ 5 - La situation sur le terrain ........................................................................
............................. 32

CHAPITRE 2 : LE DROIT APPLICABLE ........................................................................
35

Section 1 : Nature du principe de l’ « uti possidetis juris » ................................................. 39

Section 2 : Effets du principe de l’ « uti possidetis » ............................................................. 40

§ 1 - L’application du principe de l’« uti possidetis» détermine le titulaire du titre territorial.....40
A - La notion de titre juridique ........................................................................
................... 42

B - Le moyen privilégié de manifestation du titre : le droit colonial............................... 43

§ 2 - Une fois constitué, le titre prévaut sur toute autre expression de l’occupation effective........ 45

A - Le rôle des effectivités coloniales et celui des effectivités post-coloniales ............. 45
B - Le donné cartographique........................................................................
.................. 49

193CHAPITRE 3 : LE LEGS COLONIAL........................................................................
.......52

Section 1 : La colonisation du Dahomey et du Niger par la France ................................. 54

§ 1 - La pénétration française........................................................................
................................. 54
§ 2 - L'organisation administrative des cercles et cantons limitrophes du fleuve Niger................. 68

A - Les cercles de la partie septentrionale du Dahomey ................................................ 69

B - Les cercles de la partie méridionale du Niger .......................................................... 75

Section 2 : La fixation des limites administratives entre le Dahomey et le Niger ......... 79

§1 - Les règles applicables aux délimitations territoriales au sein de l'empire colonial français.. 79

§2 - La frontière daho-nigérienne à la veille des indépendances (1960)........................................ 82

CHAPITRE 4 : LE SECTEUR DE LA RIVIÈRE MÉKROU...........................................88

Section 1 : L'établissement de la frontière à la Mékrou.............................................................. 90
§ 1 - La délimitation des territoires respectifs du Dahomey et du Niger par le colonisateur.. 90

§ 2 - La délimitation des parcs nationaux "du W du Niger".................................................... 96

A. Les arrêtés du 30 septembre et du 13 novembre 1937............................................... 97

B. Les arrêtés du 3 décembre 1952 et du 25 juin 1953 ................................................ 100

1°) La délimitation de la réserve côté Dahomey ....................................................... 101

2°) La délimitation de la réserve côté Niger.............................................................. 103
Section 2 : L'exercice effectif par le Dahomey puis le Bénin de la souveraineté territoriale sur la

rive droite de la Mékrou et la cartographie de la région............................................................... 107

§ 1 - Les effectivités coloniales et post-coloniales ................................................................. 107

§ 2 - La cartographie de la région confirme que la frontière est située sur la Mékrou......... 109

Section 3 : Les points de départ et d'aboutissement du tracé frontalier dans le secteur de la
Mékrou........................................................................
................................................................... 110

§ 1 - Le point triple avec le Burkina Faso........................................................................
...... 110

§ 2 - Le confluent de la Mékrou et du Niger ........................................................................
.. 112

CHAPITRE 5 : LE SECTEUR DU FLEUVE NIGER .....................................................114

S ection 1 : La délimitation de la frontière dans le secteur du fleuve Niger............................. 116

§ 1 - La description de la frontière découlant de la lettre n° 3722/APA du 27 août 1954 .... 116

§ 2 - La reconnaissance de la limite commune ...................................................................... 124

Section 2 : Les extrémités ouest et est de la frontière dans le secteur du fleuve Niger........... 127

§ 1 - De Bandofay à l’intersection du fleuve Niger avec la rivière Mékrou (point d’aboutissement
de la frontière à l’ouest)......................................................................
................................1 27

§2 - Le point d’aboutissement de la frontière à l’est ............................................................. 128

Section 3 : L’exploitation commune........................................................................
.................... 139

194CHAPITRE 6 : L'ÎLE DE LÉTÉ........................................................................
................143

Section 1 : Le titre béninois ........................................................................
............................. 145

§ 1 - La lettre du 27 août 1954........................................................................
.............................. 146
A. Les circonstances de l’adoption de la lettre du 27 août 1954 reconnaissant

l'appartenance de l'île de Lété au Dahomey ................................................................. 149

B. La portée juridique de la lettre du 27 août 1954...................................................... 151

§ 2 - La lettre du 27 août 1954 confirme et précise l’extension spatiale du titre antérieur du
Bénin........................................................................
..................................................... 156

A - La lettre du 27 août 1954 interprète et précise les dispositions de l'arrêté n° 3578/AP du

27 octobre 1938........................................................................
........................................... 156
B - La lettre du 27 août 1954 confirme le titre coutumier traditionnel......................... 158

Section 2 : La confirmation du titre béninois. ..................................................................... 160

§ 1 - L’occupation de l’île.........................................................................
.................................... 161

§ 2 - L’administration de l’île ........................................................................
............................... 163

CONCLUSIONS........................................................................
...........................................169

LISTE DES CROQUIS.........................................................................
...............................171

LISTE DES ANNEXES .........................................................................
..............................174

LISTE DES CARTES .........................................................................
.................................189

TABLE DES MATIÈRES .........................................................................
..........................192

195

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Document Long Title

Mémoire de la République du Bénin

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