Cour internationalede Justice
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InternationalCourt~sgustice
Filedinthe Reg:st40Ibhi ?004/ 2 2
CONSÉQUENCESJURIDIQUES DE L'ÉDIFICATION
D'UN MUR DANS LE TERRITOIREPALESTINIENOCCUPÉ.
Requête pour Avis Consultatif.
EXPOSÉ ÉCRITDEL'ORGANISATION DELACONFÉRENCEISLAMIQUE
Janvier2004. Exposé écrit
de l'organisation de la Conférence Islamique. CONSÉQUENCES JURIDIQUES DE L~ÉDIFICATION
D'UN MUR DANS LE TERRITOIRE PALESTINIEN OCCUPÉ.
Requête pour Avis Consultatif.
EXPOSÉÉCRITDEL'ORGANISATION DE LA CONFÉRENCEISLAMIQUE
Janvier 2004.INTRODUCTION
1. Conformément aux possibilités ouvertes par la procédure
engagée devant la Cour Internationale de Justice, l'organisation de
la Conférence Islamique a l'honneur de présenter à la Cour ses
observations sur la demande d'avis consultatif formulée par
l'Assemblée Générale des Nations Unies le 8 décembre 2003 au
sujet des conséquences juridiques de l'édification d'un mur en
Territoire palestinien occupé.
2. À titre liminaire et pour éclairer l'esprit dans lequel elle
formule ses observations, l'Organisation de la Conférence
Islamique tient à rappeler qu'elle est actuellement composée de 57
États membres liés entre eux par une Charte constitutive en date du
4 Mars 19721. La Palestine, reconnue comme État par tous les
membres de l'Organisation, en est elle-même un membre à part
entière. Au delà du but général de renforcement de la solidarité et
de la coopération entre les États membres, cette Charte mentionne
expressément parmi les objectifs poursuivis en commun :
"...soutenir la lutte du peuple palestinien et l'aider à recouvrer ses
droits et à libérer ses territoires"2. Il n'est donc pas étonnant que
l'organisation de la Conférence Islamique soit actuellement
profondément préoccupée par la dégradation de la situation faite
au peuple palestinien soumis depuis 1948 au déni de ses droits
fondamentaux et par la violence grandissante qui affecte la région.
Toutes les informations relatives à l'organisation se trouvent sur
son site : http://www .oic-oci.org
2 Charte de la Conférence Islamique, article II, A, paragraphe 5. 3. L'un des facteurs les plus menaçants de cette dégradation
consiste en la réalisation entreprise par Israël et actuellement
poursuivie avec la détermination de la mener à son terme, d'une
"clôture de sécurité" qui créerait une cloison étanche ceinturant la
Cisjordanie et y introduisant des enclaves. Annoncée comme une
mesure de protection de la population israélienne, mais étant en
réalité une mesure d'extension et de mise à l'abri des colonies
israéliennes, le mur a deux effets directs : l'appropriation massive
de terres palestiniennes et l'entrave aux conditions de vie de la
population. Haute de 8 mètres, cette construction fortifiée
serpentera sur 720 km et s'écartera par endroits sensiblement de
la ligne verte de l'armistice de Juin 1949 concrétisant ainsi un
nouvel empiétement territorial.Elle comprendra des tours de
contrôle de 300 mètres de hauteur, protégées par des tranchées
profondes de 4 mètres et des fils de fer barbelés. Elle englobera
environ 16,6% de la superficie de la Cisjordanie actuelle, affectant
les 237 000 Palestiniens qui y vivent. De plus 16 000 autres
Palestiniens se trouveront, du fait de cette barrière, dans des
enclaves. Elle illustrera le caractère violent et durable du conflit
israélo-palestinien et le renoncement d'Israël à régler la situation
par une négociation entreprise de bonne foi. Là est l'objet des
préoccupations de l'Assemblée générale des Nations Unies.
4. Persuadée que, seul un règlement complet et juste de la
question palestinienne sous tous ses aspects peut ramener la paix,
que le gouvernement d'Israël est engagé dans une voie sans issue
en renforçant chaque jour la répression sur les Palestiniens et la
violation de leurs droits et que cela nuit gravement, non seulementau développement du peuple palestinien, mais aussi à celui du
peuple israélien et à l'équilibre de la région, l'organisation de la
Conférence Islamique espère que l'avis consultatif demandé à la
Cour contribuera à la qualification juridique précise de tous les
aspects de la situation et par là même en facilitera le règlement.
Elle utilise la possibilité qui lui est donnée de participer à la
procédure par le présent exposé en appelant respectueusement
l'attention de la Cour sur les points suivants :
- la question de sa compétence dans cette affaire et de la
recevabilité de la demande d'avis;
- l'absence de fondement juridique à la présence d'Israël sur le
territoire de la Palestine où le mur se trouve édifié;
- les violations des dispositions de la quatrième convention de
Genève de 1949 et des autres règles du droit de la guerre
qu'entraîne cette initiative;
- et enfin les graves violations des droits fondamentaux des
Palestiniens qui résultent de la présence même de ce mur.
5. La Cour a étésaisie dans le cas présent par application de
l'article 96 de la Charte des Nations Unies, paragraphe 1 qui
dispose :
"1. L'Assemblée générale ou le Conseil de sécurité peut
demander iiln Cour internationale de Justice un avis consultatif sur
toute question juridique". La formule ici employée dispense la Cour d'avoir à vérifier si
la question posée entre dans le cadre de l'activité de l'organe qui a
pris l'initiative de la demande. D'ailleurs l'Assemblée générale peut
selon l'article 10 de la Charte discuter toute question ou affaire
rentrant dans le cadre de la Charte et selon l'article 11 toutes
questions se rattachant au maintien de la paix ou de la sécurité
internationales. Or la paix est gravement menacée en Palestine
depuis longtemps. Aussi l'Assemblée générale a-t-elle marqué à de
multiples reprises sa préoccupation à ce sujet. La demande d'avis
qu'elle a adressée à la Cour à propos d'une initiative aux
conséquences désastreuses pour la paix au Proche-Orient est l'une
des expressions de cette préoccupation. Elle s'inscrit dans
l'accomplissement des missions qui lui incombent.
6. Quant à s'assurer qu'il s'agit bien d'une question juridique,
le libellé même de la question posée dans la présente affaire y
suffit puisqu'il s'agit de rechercher quelles sont "en droit" les
conséquences de l'édification du mur qu'Israël, puissance
occupante, est en train de construire dans le Territoire palestinien
occupe, y compris à l'intérieur et sur le pourtour de Jérusalem-Est
et que la Cour devra le faire "compte-tenu des règles et des
principes de droit international, notamment la quatrième
convention de Genève de 1949, et les résolutions consacrées à la
question par le Conseil de sécurité et l'Assemblée générale".
7. On objecterait à tort que la situation revêt des aspects
politiques. En effet : "Quels que soient les aspects politiques de ln question posée,
ln Cour ne saurait refuser un caractère juridique à une question qui
l'invite à s'acquitter d'une tiiche essentiellement judiciaire, 2 savoir
l'appréciation de la licéité de la conduite c'ventuelle d'États au
regard des obligntions que le droit international leur impose" (Avis
sur la licéité de la menace ou de l'emploi d'armes nucléaires du 8
juillet 1996, paragraphe 12).
8. En référence à cet énoncé de la Cour, le caractère juridique
de la question posée ici est renforcé par le fait qu'il ne s'agit pas de
se prononcer sur un phénomène hypothétique, la conduite
"éventuelle" de plusieurs États comme dans l'affaire en référence. Il
y a ici un fait bien réel et revendiqué par un État précis :la
construction d'un mur de plusieurs centaines de kilomètres de long
à l'intérieur d'un territoire occupé par la force. Cet acte d'une
extrême gravité soulève l'opposition et sans doute l'indignation de
bien d'autres États parce qu'il est une manifestation de plus du
recours à la force par l'État d'Israël en violation des dispositions de
la Charte, mais aussi par les conséquences illégales et injustes qu'il
a sur la population de la Palestine. Il faut donc apprécier la légalité
d'un acte à multiples conséquences au regard des obligations
internationales qui pèsent sur l'État qui en a pris l'initiative.
9. Se trouverait-on pour autant devant un différend dans
lequel la fonction consultative serait déviée de son objectif et
utilisée à tort comme un substitut à une fonction contentieuse qui
ne pourrait s'exercer faute d'accord des parties concernées? La
Cour a, dans bien des circonstances antérieures, admis d'exercer 8
son rôle consultatif face à un différend, soit interétatique, soit
opposant un État et une Organisation internationale :
"Presque toutes les procédures consultatives ont été
marquées par des divergences de vue entre États sur des points de
droit; si les opinions des États concordaient, il serait inutile de
demander l'avis de la Cour" ( Avis consultatif du 21 juin 1971 sur
les conséquences juridiques pour les États de la présence continue
de l'Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest Africain) nonobstant la
Résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, paragraphe 34).
10. La demande d'avis consultatif est une procédure
indépendante de toute adhésion de quelque État que ce soit à la
juridiction de la Cour :
"La compétence de la Cour en vertu de l'article 96 de la
Charte et de l'article 65 du statut pour donner des avis consultatifs
sur des questions juridiques permet 6 des entités des Nations Unies
de demander conseil 6 la Cour afin de mener leurs activités
conformément au droit ....Ces avis étant destinés 6 éclairer
l'Organisation des Nations Unies, le consentement des États ne
conditionne pas la compétence de la Cour pour les donner" (Avis
consultatif du 15 décembre 1989. Applicabilité de la section 22 de
l'articleVI de la Convention sur les privilèges et immunités des
Nations Unies, paragraphe 31).
aucun État, membre ou non membre des
OU encore : "...
Nations
Unies, n'a qualité pour empêcher que soit donné suite ii
une demande d'avis dont les Nations Unies, pour s'éclairer dansleur action propre, auraient reconnu l'opportunité. L'avis est donné
par la Cour non aux États, mais ?il'organe habilité pour le lui
demander; la rkponse constitue une participation de la Cour, elle-
même organe des Nations Unies, à l'action de l'Organisation et, en
principe, elle ne devrait pas être refusée;" (Avis du 30 Mars 1950,
Interprétation des traités de paix conclus avec la Bulgarie, la
Hongrie et la Roumanie, première phase, paragraphe 71).
Il. Ainsi n'y a-t-il pas lieu de s'interroger plus avant sur
l'existence d'un différend. La question essentielle est celle de la
nature juridique de la question posée dans la demande d'avis. Qu'il
y ait ou non un différend précis comme enjeu d'une demande
d'avis consultatif, est sans importance. La finalité de la fonction
consultative reste de donner des conseils d'ordre juridique aux
organes et institutions qui en font la demande. Et c'est bien un
conseil de cet ordre que sollicite l'Assemblée générale par sa
résolution du 8 décembre 2003. L'ordre juridique international,
c'est-à-dire l'identification précise des normes en vigueur à un
moment donné, leur articulation entre elles, leur relation avec les
principes généraux et leur application effective, est une condition
de la réalisation d'un ordre public international qui est lui-même le
socle de la paix. Or l'ordre public international est gravement
atteint par la situation développée en Palestine depuis 1947.
L'Assemblée générale a besoin des services de la Cour pour définir
l'ordre juridique à propos d'une situation concrète. Elle sera alors
mieux à même d'imaginer comment contribuer à mettre fin à un
grave désordre qui éloigne les perspectives de paix. 1O
12. La Cour aura, à n'en pas douter, à cceur d'utiliser les
termes permissifs des textes gouvernant sa compétence en matière
d'avis consultatif, pour accepter de répondre à la demande qui lui
est adressée. Il y va de sa place dans le système des Nations Unies
où elle a le devoir de contribuer de la sorte au fonctionnement
régulier de l'ensemble de l'Organisation. Il faudrait des raisons
décisives pour la conduire à un refus. C'est tout au contraire de
multiples raisons positives qui militent pour qu'elle éclaire
l'Assemblée générale et avec elle, tous les États membres et les
autres organisations intergouvernementales sur les dimensions
juridiques d'une situation particulièrement inquiétante.
ABSENCEDE FONDEMENT JURIDIQUE À LA PRÉSENCE
D'ISRAËL SUR LE TERRITOIRE DE LA PALESTINE OU LE MUR SE
TROUVEÉDIFIÉ
13. 11 n'est pas opportun de s'attarder ici sur l'aberration par
laquelle un peuple comme le peuple juif, dont une partie est
aujourd'hui constitutive du peuple israélien, ayant souffert pendant
de longues et tragiques périodes de son histoire de méthodes
inhumaines de ségrégation et d'enfermement de la part des États
sur le territoire desquels ses membres se trouvaient, ayant vécu
l'expérience douloureuse des ghettos, retourne aujourd'hui contre
un peuple proche, des procédés dont il a été lui-même la victime.
Bien que la chose reste inexplicable, elle doit être examinée en
relation avec un élément central de la doctrine sioniste,inacceptable du point de vue du droit international, à savoir la
négation des droits nationaux du peuple palestinien.
14. L'Assemblée générale demande à la Cour de se prononcer
sur le mur en référence à l'ensemble des règles et des principes du
droit international, tout en mentionnant plus précisément certains
éléments de ce droit. Il est donc nécessaire de raisonner en deux
étapes : il faut s'interroger d'abord sur la légalité de la présence
israélienne en. Palestine en application du droit international, puis
sur la légalité de l'acte précis d'édification d'un mur de la nature
de celui qui a été conçu. La première interrogation amène à
replacer la construction projetée (et déjà réalisée en partie par
Israël) dans une longue série de détournements des règles et
principes qui régissent les rapports entre les peuples et les États. Il
s'agit en réalité d'une accumulation de violations graves du droit
international à travers lesquelles Israël a exprimé explicitement ou
implicitement son ambition territoriale sur l'intégralité du
territoire de la Palestine mandataire et son objectif persistant de
négation de la Palestine, c'est-à-dire du droit des Palestiniens à
réaliser leur propre projet national. Il y a donc là des violations
multiformes des deux principes centraux qui structurent le droit
international, celui de l'interdiction de l'acquisition de territoires
par la force et celui du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes.
15. Israël, dès sa création, a fait peu de cas de la norme
essentielle de la non-acquisition de territoires par la force. Dès la
première guerre israélo-arabe de 1948149, après le retrait des
armées arabes, Israël a considéré les territoires occupés au-delà de
la ligne de la résolution de partage comme conquis, les a protégésmilitairement, les a incorporés au territoire d'Israël et y a établi sa
juridiction sans donner le moindre signe qu'il s'agirait de mesures
provisoires. Cette attitude était si notoirement en rupture avec les
prescriptions de la Charte des Nations Unies, que la première
demande d'admission d'Israël aux Nations Unies le 29 Décembre
1948 a été repoussée par le Conseil de sécurité qui doutait de la
capacité d'Israël de respecter ses propres engagements. Cette
admission n'eut lieu qu'en Mai 1949 après un débat au cours
duquel il fut demandé à Israël de donner des assurances quant à sa
volonté d'observer les principes de la Charte. et tout
particulièrement les résolutions 181 et 194 de l'Assemblée
générale.
16. Nonobstant cet engagement solennel, Israël poursuivit son
intégration des territoires occupés en 1948, y compris la zone
ouest de Jérusalem qui, en Janvier 1950, fut déclarée capitale
d'Israël. Puis en 1967, lors de la guerre des six jours, l'armée
israélienne occupa par la force l'ensemble de la Cisjordanie, la
Bande de Gaza (sans compter le Golan syrien et le Sinaï égyptien).
Cette occupation de l'ensemble de la Palestine, l'annexion de
Jérusalem-Est et la politique de colonisation à outrance qui n'a plus
cessé depuis lors et a connu une considérable accélération dans les
dernières années, confirment le refus par Israël de se conformer
aux règles qui régissent la communauté internationale et peuvent
lui garantir la paix. Ces éléments sont caractéristiques d'un
processus expansionniste déterminé. L'entrée en négociations avec
l'Autorité Palestinienne à partir de 1993 n'a pas été le signal d'un
reflux réel et sincère. La poursuite de la colonisation comme une
politique d'État et sous forte protection militaire est la preuve trèsconcrète d'une démarche de conquête prohibée par le droit
international contemporain. Le prétexte de la sécurité qui a donné
naissance au projet de mur conduit comme l'a noté le Secrétaire
général des Nations Unies dans son rapport précité, à une nouvelle
saisie illégale de 975 kilomètres carrés, soit 16,6% du territoire de
la Cisjordanie.
17. La politique d'Israël depuis ses origines, viole également le
principe du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes pourtant
rappelé avec force par la Cour :
"La Cour considère qu'il n'y a rien à redire à l'affirmation du
Portugal selon laquelle le droit des peuples à disposer d'eux-
mêmes, tel qu'il s'est développé ci partir de la Charte et de la
pratique de l'Organisation des Nations Unies, est un droit
opposable erga omnes ...il s'agit là d'un des principes essentiels du
droit international contemporain "(Arrêt du 30 Juin 1995. Affaire
relative au Timor Oriental. Portugal clAustralie, paragraphe 29).
18. Ce droit a été affirméau profit du peuple palestinien dès
que celui-ci a été libéré de la domination ottomane laquelle a été
remplacée, sous l'autorité de la Société des Nations, par un mandat
accordé à la Grande-Bretagne. En effet, le Pacte de la SDN et le
système des Mandats esquisse la première version, encore limitée,
du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Toutefois, dans le
cas de la Palestine, cette avancée remarquable du droit
international mise en ceuvre par le nouveau système international,
ne conduira pas comme pour les autres peuples du système des
Mandats à une pleine indépendance dans le respect de l'intégritéterritoriale.Il est vrai que le Mandat avait été accompagné de la
Déclaration Balfour qui introduit une forte ambiguïté.
19. Alors commence la période inachevée jusqu'ici dans
laquelle vont coexister deux rêves incompatibles parce que
correspondant à deux promesses inconciliables, celui des
Palestiniens entrant dans la quête de leur souveraineté sur la base
de l'annonce du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes ensuite
confirmée en théorie par les avancées du droit international et
celui du mouvement sioniste qui entretiendra ceux des juifs du
monde entier qui se rallient à ce mouvement, dans l'idée que leur
avenir se trouve sur une terre qui pourrait leur appartenir entre la
Méditerranée et le Jourdain. Toutefois, pour la période qui va
jusqu'à la seconde guerre mondiale, en dépit des difficultés créées
par l'arrivée continue d'émigrants juifs et les termes de Foyer
national juif employés dans la Déclaration Balfour, malgré les
irruptions de violences exprimant de manière spasmodique la
montée de l'incompatibilité entre les deux rêves, les énoncés du
droit international restent clairs. Le peuple palestinien sous mandat
fait partie de ces communautés dont
"l'existence comme nations indépendantes peut être
reconnue provisoirement à la condition que les conseils et l'aide
d'un mandataire guident leur administration jusqu'au moment où
elles seront capables de se conduire seules" (Article 22 du Pacte de
la Société des Nations du 28 Juin 1919).
Et cette existence comme nation a pour cadre territorial celui
du mandat. 20. L'accélération de l'histoire se fait à travers la longue nuit
du crime. C'est le crime innommable, celui contre l'humanité dont
le peuple juif a étéla victime. Le projet monstrueux germe en
Europe. Il est le fait de régimes qui ont paru d'abord respectables
et populaires. Les États arabes alors déjà souverains et les
populations arabes quelles que soient les formes de leurs
gouvernements restent à l'écart de cette page d'histoire tragique.
Ils ne manifestent pas d'hostilité à l'égard des populations juives
qui sont parfois importantes dans le monde arabe et bien
implantées comme au Maghreb. Lorsque l'horreur refluera, après la
Libération, l'Europe épouvantée cède au projet sioniste, sans
s'assurer du consentement des États arabes, mais surtout du peuple
concerné, le peuple de Palestine.
21. Pourtant, le 26 Juin 1945, la Charte des Nations Unies
avait ouvert un nouveau chapitre d'émancipation de l'humanité en
proclamant dans son article 1, parmi ses buts, "...le respect du
principe de l'e'gnlitéde droits des peuples et de leur droit à
disposer d'eux-mêmes". Le droit du peuple palestinien, protégé
pendant la période précédente par les termes du Mandat, gagne en
importance à partir de 1945, d'autant plus que l'article 2,
paragraphe 4 de la Charte, en interdisant le recours à la force,
notamment contre l'intégrité territoriale, renforce les garanties.
Elles n'auront guère d'efficacité dans ce cas précis car la création
d'Israël est en marche. Il s'agit d'une volonté politique sur laquelle
il ne peut être question ici de porter un jugement de valeur, mais
elle peine alors à trouver un fondement juridique satisfaisant. Elle
entre en effet en contradiction avec la souveraineté alors en 16
formation du peuple palestinien. La résolution 181 de l'Assemblée
générale des Nations Unies servira de cadre sous le nom de
résolution du partage. L'on tente d'imposer aux Palestiniens le fait
accompli du sacrifice de la moitié de la base territoriale d'exercice
de leur droit à l'autodétermination. 11 s'agit d'une simple
recommandation qui a la valeur juridique accordée habituellement
aux recommandations de l'Assemblée générale.
22. Ces chemins de l'histoire ouvrent une période qui n'est
toujours pas refermée au cours de laquelle les rapports de force se
sont exprimés sans le frein et le contrôle du droit. Israël tire parti
des événements de 1948149 pour élargir le territoire qui lui était
affecté par la résolution 181. Puis la guerre de 1967 conduit à
l'occupation israélienne de la Cisjordanie et de Gaza. En dépit des
reconnaissances dont Israël a bénéficié et de la réelle effectivité de
cet État que l'organisation de la Conférence Islamique ne remet pas
en cause ici, le territoire d'Israël reste indéterminé. Il n'y a qu'une
seule voie pour remédier à cette assise fragile : faire la paix avec la
Palestine. Il a manqué en 1947, de la part de l'ensemble de la
communauté internationale, mais surtout de la part de l'État
d'Israël s'implantant dans la région, la volonté de négocier avec un
peuple auquel on demandait un sacrifice considérable. Il aurait
fallu au nom du respect de ce peuple, avoir la patience d'attendre
qu'il se résigne à l'effort exceptionnel qui lui était demandé et lui
offrir coopération et développement pour l'y aider. Rien n'a été fait
dans ce sens.
23. Dans leur impatience à construire la société israélienne
sans obstacles, les dirigeants israéliens ont entretenu leur proprepopulation et tous les immigrants potentiels vers l'État hébreu dans
l'idée que la Palestine était "une terre sans peuple pour un peuple
sans terre". La ligne très dure imprimée alors à la politique
israélienne à l'égard des Arabes n'a ensuite jamais été réellement
modifiée (elle ne pourrait l'être qu'à travers la paix). Elle a pris des
formes différentes et a varié d'intensité selon les périodes. Mais
elle a persisté comme une politique d'ignorance de l'autre,
d'élimination si nécessaire. Les massacres des années 1948149 sont
aujourd'hui connus3. Ceux qui se déroulent dans la période
contemporaine sont différents, mais prolongent la même
intentionnalité. La volonté d'expulsion et de réduction
systématique du territoire habitable par les Palestiniens s'est
exprimée de manière continue depuis plus de cinquante ans par
l'expropriation des terres, la confiscation des biens, la longue et
importante politique de colonisation.
24. Quelsque soient les partis politiques au pouvoir en Israël,
l'État a apporté sans relâche son soutien à des actions tendant à
rendre irréversible l'occupation de cette partie du territoire
historique des Palestiniens que la résolution 181 leur avait pourtant
réservée. Le traitement infligé à l'Autorité Palestinienne et à son
chef pendant le siège de la Moukata en 200212003, les assassinats
ciblés des personnalités politiques palestiniennes qui forment
l'armature de l'élite politique de la Palestine, la revendication de
ces crimes par les gouvernements israéliens, les débats menés
ouvertement dans la classe politique israélienne sur l'hypothèse
Vour un ouvrage de synthèse, voir : Dominique Vidal avec Joseph
Algazy "Le péché originel d1Isra2l. L'expulsion des Palestiniens
revisitée par les "nouveaux historiens"israéliens", Les Éditions de
l'Atelier, Paris, 2002.d'une expulsion ou d'une disparition du chef de la Palestine,
confirment l'opposition radicale d'Israël au développement d'une
société palestinienne libre et souveraine.
25. La Palestine a fini par se résigner à la cohabitation qui lui
était imposée sur son propre sol. Diverses déclarations et discours
officiels en témoignent4. En dépit d'une situation d'occupation
militaire et d'un déséquilibre des forces évident, elle s'est engagée
dans la négociation d'Oslo et a prolongé ce dialogue avec
persévérance. Les étapes de la négociation n'ont pas été respectées
par son partenaire et les droits quotidiens des Palestiniens se sont
trouvés gravement affectés par les mesures prises sous prétexte
d'étapes vers la paix.
26. Le peuple de Palestine, meurtri, affaibli, désespéré, s'est
engagé par deux fois dans une lutte nommée Intifada contre
l'occupant. Il n'y a là que la très précise application d'un droit
reconnu par le droit international contemporain. La résolution
2625 de l'Assemblée générale des Nations Unies du 24 Octobre
1970 recommande en effet aux États de :
4 Déclaration de Yasser Arafat au Parlement européen de
Strasbourg du 13 septembre 1988 et paragraphe 7 de la
Déclaration d'indépendance de l'État de Palestine :"En dépit de
l'injustice historique imposée au peuple arabe palestinien, qui a
abouti à sa dispersion et l'a privé de son droit ci
l'autodétermination au lendemain de la résolution 181 (1947) de
l'Assemblée générale des Nations unies recommandant le partage
de la Palestine en deux États, l'un arabe et l'autre jus il n'en
demeure pas moins que c'est cette résolution qui assure
aujourd'hui encore, les conditions de légitimité internationale q~li
garantissent également le droit du peuple arabe palestinien à la
souveraineté et ci l'indkpendance." "Mettre rapidement fin au colonialisme en tenant dûment
compte de la volonté librement exprimée des peuples intéressés; et
en ayant présent à l'esprit que soumettre des peuples iI ln
subjugation, à la donzination ou & l'exploitation étrangères
constitue une violation de ce principe ainsi qu'un déni des droits
fondamentaux de l'homme, et est contraire à la Charte ....
....Lorsqu'ils réagissent et résistent à une telle mesure de
coercition dans l'exercice de leur droit à disposer d'eux-mêmes,
ces peuples sont en droit de chercher et de recevoir un appui
conforme aux buts et principes de la Charte".
27. Mais cette lutte gravement inégale a entraîné la
répression accrue d'Israël, État fortement militarisé et
puissamment appuyé par ses alliés. Leur descente aux enfers se
poursuivant inexorablement, les Palestiniens ont alors été traversés
par des courants extrémistes qui ont ouvert la voie à la pire
violence, celle des humains qui n'ont plus d'horizon d'humanité,
les attentats terroristes.Les chefs politiques de la Palestine ont
condamné cette violence sans hésitation. Il n'a pas été dans leur
pouvoir jusqu'ici de la faire disparaître. Il est vrai que bien d'autres
États sont confrontés à cette dérive de notre temps sans pouvoir
s'en garder véritablement. Il est exact aussi que l'Autorité
Palestinienne a été à la fois sommée par Israël de faire cesser les
attentats et mise dans l'impossibilité de contrôler la situation par
les atteintes ouvertes menées par Israël contre sa police, les
bâtiments l'abritant,les chefs la dirigeant, les locaux de l'Autorité
Palestinienne plusieurs fois bombardés. Ainsi, l'argument de la
protection d'Israël contre les attentats est-il irrecevable. Ceux-ci sont la dramatique conséquence de la situation d'injustice faite à la
Palestine. Ils ne peuvent justifier une mesure supplémentaire
d'illégalité.
28. Cependant, là où la voie serait une démarche active vers
la paix, Israël, tournant le dos au respect du droit international,
s'est maintenu militairement sans titre et sans justification sur le
territoire d'un peuple ainsi profondément spolié et n'a cessé de
multiplier les manifestations d'agression. Tous les actes d'Israël
effectués en Palestine sont ainsi marqués d'illégalité, l'illégalité en
soi de la présence israélienne. L'acte spécifique et spectaculaire de
la construction de ce mur de séparation dont la Cour est appelée à
évaluer les conséquences juridiques est marqué de cette illégalité
en soi. 11 se situe dans la logique qui a présidé jusqu'ici à la
politique d'Israël, celle d'une persistante volonté d'annexion
territoriale, accomplie d'abord en fait et entérinée en droit dès que
possible. Le mur est une expression parmi d'autres, plus marquée
et significative sans doute, de cette volonté. Cela est souligné par
l'Assemblée générale des Nations Unies dans la résolution ES-10113
par laquelle elle condamne cette initiative et exige qu'Israël
abandonne ce projet :
"Préoccupée particulièrement par le fait que le tracé prévu du
mur que construit Israël, la puissance occupante, dans le territoire
palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est et ses alentours, risque
de prkjuger des négociations futures et de rendre la solution d deux
États physiquement impossible ri appliquer et d'entraîner une
situation humanitaire encore plus difficile pour les Palestiniens". 2 1
Au-delà de ce premier point, cette initiative devra encore
être déclarée illégale sans hésitation pour deux séries de raisons.
VIOLATION DES DISPOSITIONS DE LA QUATRIÈME
CONVENTION DE GENÈVE ET DES AUTRES DISPOSITIONS DU
DROIT DE LA GUERRE
29. Le mur projeté et déjà en partie réalisé par Israël se situe
donc sur un territoire occupé militairement par la force. La Cour
ne pourra manquer d'effectuer ce premier constat et d'en tirer les
conséquences juridiques. Une autre étape de la démarche
d'examen des conséquences en droit de l'édification du mur doit
maintenant être abordée, celle relative aux conséquences des
dispositions du droit de la guerre. À l'époque où la guerre faisait
partie des droits régaliens des États, un corps de règles désignées
comme lois de la guerre avait étéélaboré. Avec la Charte des
Nations Unies, l'usage de la force a étéprohibé. Le droit de la
guerre n'est pas devenu inutile pour autant, car il peut se produire
des situations de combats ayant le caractère d'opérations de
sécurité collective ou encore des cas de légitime défense en
attendant que le Conseil de sécurité soit saisi (article 51 de la
Charte). Ces hypothèses d'affrontements militaires autorisés
requièrent alors qu'un cadre juridique soit tracé relativement aux
comportements des belligérants. Mais il se peut aussi que des États
ne respectent pas l'interdiction de l'usage de la force et se livrent à
des guerres contraires au droit international. Le droit réapparaît
alors à titre en quelque sorte subsidiaire pour tenter de 22
réintroduire de la légalité là où il y a eu rupture de la légalité. La
situation en Palestine correspond à cette hypothèse. Et si la
présence militaire israélienne est en soi contraire au droit, il est
nécessaire cependant d'examiner si, à l'occasion de cette présence,
l'armée d'occupation respecte les lois de la guerre.
30. Depuis les origines du conflit, Israël conteste que la
situation en Palestine puisse être régie par les Conventions de
Genève du 12 Août 1949. L'argument d'Israël, irrecevable, est
réitérédans l'annexe au rapport du Secrétaire généralS. Escamotant
l'histoire de la fin du Mandat, le droit du peuple palestinien
d'accéder à sa pleine souveraineté, la qualité d'État déjà reconnue
par un nombre élevé d'autres États à I'OLP et l'engagement de
l'Organisation de Libération de la Palestine qui a demandé à
adhérer à ces Conventions le 21 Juin 1989, l'État hébreu joue sur
les catégories formelles pour arguer du fait que la Palestine ne
ferait pas partie des Hautes Parties contractantes au regard de la
Convention. Il ignore ce faisant la force coutumière acquise par cet
instrument. Il est inutile de s'attarder longuement sur ce point. En
effet, l'Assemblée générale des Nations Unies s'est prononcée à ce
sujet à plusieurs reprises. Il suffira de rappeler ici qu'elle le fait
encore dans les considérants de la résolution du 8 décembre 2003
par laquelle elle formule à l'adresse de la Cour la demande qui a
ouvert la présente procédure:
5 Annexe 1. Rapport du Secrétaire général établi en application de la
résolution ES- 10113 de l'Assemblée générale. Document AIES-
101248 "Réaffirmant l'applicnbilité nu territoire palestinien occupé, y
compris Jérusalem-Est, de ln quatrième Convention de Genève et du
protocole additionnel I aux Conventions de Genève".
Le caractère de territoire occupé militairement a d'ailleurs
été reconnu dans l'accord intérimaire de Washington du 28
Septembre 1995 (article XVII).
31. Israël, après avoir longtemps tenté d'échapper à toute
qualification juridique concernant sa présence en Palestine, ne nie
pas actuellement qu'il s'agisse d'une occupation militaire. L'annexe
I du rapport du Secrétaire général des Nations Unies en témoigne.
Toutefois, cet État tente d'imposer sa propre sélection des textes
applicables. Il concède l'applicabilité du Règlement de La Haye,
mais refuse celle des Conventions de Genève. La Cour ne saurait
suivre une position aussi subjective. Face au corpus juridique en
matière de lois de la guerre, l'ensemble des règles ayant acquis
valeur coutumière s'applique de manière universelle. Quant aux
règles à caractère purement conventionnel, elles s'appliquent à
tous les États y ayant adhéré. À l'un ou l'autre titre, s'appliquent à
la situation créée par Israël dans le Territoire palestinien occupé,
les Conventions et le Règlement de La Haye, les Conventions de
Genève de 1949 (auxquelles Israël a adhéré) et les Protocoles
Additionnels de 1977 pour leurs dispositions ayant valeur
coutumière. C'est à la lumière de cet ensemble qu'il convient
d'examiner la décision et le début de réalisation du mur. On
constate alors qu'il est érigé en infraction grave, d'une part aux
dispositions relatives à l'interdiction de déplacements ou de
transferts des populations et à la possibilité d'assurer leravitaillement, et d'autre part à celles qui visent la protection des
biens contre les mesures que pourrait prendre l'occupant.
32. Le projet de mur entraîne des déplacements forcés, de
manière directe ou indirecte, de la population palestinienne qui se
trouve en situation d'isolement ou dans l'impossibilité de vivre
dans des villages enclavés. Il occasionne aussi l'absorption en
territoire sous protection israélienne d'environ 343 000 colons. Or
les normes en vigueur ne permettent pas à l'occupant de procéder
à des transferts de la population occupée, ni d'amener en territoire
sous occupation des populations de son propre territoire (article
49 de la quatrième Convention de Genève, alinéas 1 et 6). L'article
147 précise qu'il s'agit d'une infraction grave, c'est-à-dire d'un
crime de guerre. Sur ces différents points, la protection qui devrait
être accordée aux habitants de la Palestine leur est refusée. Ils sont
contraints de quitter les lieux, puisque leurs terres, leurs
plantations, leurs commerces disparaissent engloutis par les
espaces nécessaires aux travaux du mur compte-tenu du gigantisme
du projet, mais ensuite et surtout, comme on le voit là où il est
déjà réalisé, par son fonctionnement comme clôture de séparation
divisant le territoire palestinien. Le Conseil de sécurité a condamné
Israël à diverses reprises pour des déplacements de population
antérieurs6. Le gouvernement concerné et ses tribunaux maintes
fois saisis, rejettent l'application de l'article 49 susmentionné sur la
base d'arguments auxquels il est impossible de se rallier. Ils
invoquent les arguments généraux mentionnés plus haut ainsi que
la non-incorporation des Conventions de Genève au droit interne
6 Voir pour la liste de ces résolutions, Éric David, "Principes de
droit des conflits armés". Bruxelles. Bruylant. 1994. Page 438, note
6.israélien, mais surtout prétendent que les déportations et
transferts visés par ces conventions sont ceux commis par les nazis
pendant la Seconde guerre mondiale, que les déplacements de
populations provoqués en Palestine sont d'une autre nature et sont
justifiés par les exigences de la sécurité. 11 est inutile d'entrer en
détail dans la réfutation de cette position dans la mesure où des
résolutions du Conseil de sécurité qui s'imposent à tous les États en
vertu de l'article 25 de la Charte ont confirmé l'applicabilité de
l'article 49 à la situation de la Palestine. La doctrine confirme
majoritairement le caractère irrecevable de l'argumentation
d'Israël7.
33. Cette construction entraîne et entraînera plus encore
pour sa complète réalisation des atteintes massives au droit de
propriété des Palestiniens. 10% de la superficie de la Cisjordanie
sont visés. 2% sont déjà confisqués à la suite de procédures
sommaires communiquées aux habitants en hébreu. Plusieurs
dizaines de milliers d'oliviers ont été arrachés. 31 puits se trouvent
dans les zones confisquées ce qui correspond à des millions de m3
d'eau dont les Palestiniens se trouvent privés. Les bulldozers
israéliens ont détruit environ 35 000 mètres de conduites d'eau
(potable et pour l'agriculture). Environ 10 000 têtes de bétail n'ont
plus accès aux pâturages. Plusieurs centaines de maisons ou
7 Dans ce sens, Stephen Bowen, "Human Rights, Self-determination
and Political Change in the Occupied Palestinian Territories".
Nijhoff. The Hague, Boston, London. 1997. Pages 29 sq.
Voir aussi Adam Roberts "Prolonged Military Occupation : The
Israeli-Occupied Tereritories 1967-1988"; in "International Law and
the Administration of Occupied Territories". Emma Playfair.
Clarendon Press. Oxford.1992. Pages 44 sq. bâtiments ont été détruits, principalement des boutiques, source
de revenuss.
34. Cet ensemble de mesures orchestrées par le Ministère de
la défense israélien contrevient ouvertement à diverses dispositions
et engagent la responsabilité internationale d'Israël. Ainsi est violé
l'article 46 des Conventions de La Haye concernant les lois et
coutumes de la guerre du 29 Juillet 1899 et du 18 Octobre 1907
qui exige le respect de la propriété privée des individus, l'article 53
qui limite les saisies auxquelles la Puissance occupante peut
procéder sur des biens mobiliers de l'État et en exclut donc les
biens des particuliers. Selon les termes de la quatrième convention
de Genève plus précis que ceux des Conventions de La Haye, la
Puissance occupante ne peut ni saisir, ni détruire les biens
mobiliers ou immobiliers des habitants du territoire occupé
(article 53). Elle a le devoir d'assurer l'approvisionnement sans
entrave des habitants (article 55). Ces actes tombent, comme ceux
relatifsaux déplacements de personnes, sous le coup de l'article
147 qui recense les infractions graves constitutives de crimes de
guerre et y range :
"la destruction et l'appropriation de biens non justijïées par
des nécessités militaires et exécutées sur une grande e'chelle de
façon illicite et arbitraire".
35. La position du gouvernement israélien à ce sujet est de
rejeter l'applicabilité des articles pertinents de la Convention de
8 Toutes les informations sont régulièrement mises à jour par The
Palestinian Environmental NGOs Network. Site Web :
www .pengon.org 2 7
Genève, comme il l'a fait pour ce texte en général. Il reconnaît celle
du Règlement de La Haye, mais par un usage abusif de l'exception
prévue en cas de nécessités de la guerre (article 23 g), tente de
justifier les grossières spoliations auxquelles il se livre. La Cour ne
pourra pas suivre cette argumentation. Trop d'éléments confirment
le détournement d'intention et montrent que la sécurité est mise
en avant pour faire progresser des ambitions territoriales voulues
comme irréversibles, ce que confirme la disproportion entre les
superficies confisquées et les impératifs militaires.
36. Ainsi la construction du mur de séparation qui traverse la
Territoire de la Palestine occupé est-il, non seulement un élément
d'une situation illégale en soi, mais de surcroît constitutif
d'infractions graves au droit des conflit armés, c'est-à-dire de
crimes de guerre massifs.
37. Sur une situation chronique de violations permanentes et
très graves des droits de l'homme dans tous les territoires
palestiniens, Israël, par l'édification de ce mur, aggrave de fa~on
massive la privation où se trouvent les Palestiniens des droits
humains les plus fondamentaux. Il n'apparaît pas utile ici d'exposer
le détail de cette aggravation. La Cour en a connaissance par le
rapport du Secrétaire général des Nations Unies et le dossier y
annexé. L'opinion publique est informée par le réseau de veille des 2 8
associations : associations palestiniennes, israéliennes et
internationales. Les rapports d'Amnesty International sont des
sources d'informations tout-à-fait crédiblesg.
38. Il suffit ici de rappeler la liste des droits dont le mur
entrave particulièrement l'exercice : le droit à la vie (notamment
par l'impossibilité de gagner les hôpitaux dans des délais
adéquats), le droit à la liberté de circulation sur son propre
territoire (qui sera réduit aux passages prévus dans le mur et
réglementé par l'armée israélienne), le droit à la protection contre
les immixtions arbitraires ou illégales dans la vie privée, familiale
ou à la protection du domicile (celui-ci est détruit pour des
dizaines de milliers de Palestiniens), les droits fondamentaux des
enfants, le droit à la santé, le droit à l'éducation, le droit au travail
(ces trois catégories de droits sont entravés parfois jusqu'à
l'inexistence par l'impossibilité de circuler), le droit au respect de
la propriété privée (inexistant du fait des expropriations sauvages),
le droit à un niveau de vie suffisant (par aggravation dramatique de
la pauvreté parmi les populations touchées), le droit à la culture.
39. Le Gouvernement israélien a, lorsqu'il est interpellé sur ce
thème, un argument qui ne manquera pas de surprendre la Cour.
Cet argument figure dans le résumé de la position légale du
Gouvernement israélien :
"4. Israël conteste que le Pacte International relatif aux droits
civils et politiques et le Pacte international relatif aux droits
9 Voir Amnesty International "Israël et Territoires occupés.
Survivre en état de siège : entraves h la liberté de mouvement et
droit nu travail". AI : MDE 15/001/2003 ÉFAIéconomiques, sociaux et culturels, qu'il a signés l'un et l'autre,
soient applicables au territoire paltistinien occupé. Il aflirme que le
droit humanitaire est le type de pr-otection qui convient dans un
conflit tel que celui qui existe en Cisjordanie et dans la bande de
Gaza, tandis que les instruments relatifs aux droits de l'homme ont
pour objet d'assurer la protection des citoyens vis-2-vis de leur
propre gouvernement en temps de paix".
40. Cette thèse nie en un paragraphe un demi-siècle de
progrès durement acquis en matière de droits de l'homme. Il est
vrai que dans les situations décrites avec tant de pathétique par la
philosophe juive Hannah Arendt, a savoir les situations d'entre les
deux guerres mondiales ou couvrant les années de la Seconde
guerre mondiale, les cohortes de réfugiés, apatrides, émigrés
ballottés par la cruauté de l'histoire, étaient dénués de droits,
parce qu'ils étaient privés d'État, persécutés par le leur et sans
accueil ailleurs. Elle déplorait alors que les droits ne soient
accordés aux humains que par le canal de leur État et selon le bon
vouloir de ceux-cilo. C'est précisément cette carence que
l'ensemble d'instruments désignés sous le nom de Charte
internationale des droits de l'homme entend combler peu à peu.
C'est pour cela que la Déclaration de 1948 a été déclaré
Universelle, afin qu'aucun humain ne reste au bord du chemin de
la dignité et de l'égalité humaine, pour quelque raison que ce soit.
C'est pour cela qu'après la Déclaration, des Pactes plus
contraignants ont été préparés et adoptés. Ceux qui y ont adhéré,
Io Hannah Arendt, "Les origines du totalisme. L'Impérialisme",
Fayard, Points, Paris, Traduction française, 1982, page 185 :"...c 'est
l'humanité elle-mêm qui devrait garantir le droit d'avoir des droits
ou le droit de tout individu d'appartenir 2 l'humanité".pressent les autres États de le faire afin que la communauté
humaine soit enfin homogène dans les droits de chacun. Et même
lorsque l'adhésion formelle de tous n'est pas acquise,
l'acquiescement de principe à ces droits permet de les considérer
comme ayant force de coutume générale. Et l'on admettrait qu'une
population, particulièrement fragilisée par la situation de guerre
qu'elle subit, n'aurait pas accédé à ce patrimoine?
41. La thèse israélienne contient une formidable et menaçante
régression. Le droit international a été aux origines pensé comme
un droit complexe. Il encadrait les relations entre les États, figures
politiques des sociétés émergeant dans la Renaissance européenne
au XVè siècle. Mais la pensée juridique n'excluait pas la notion de
normes valables "entre les gens", ce qui veut dire que la
communauté mondiale, comme communauté des humains était
perçue comme une réalité. Les siècles suivants consolidèrent l'État
et la décolonisation de tous les continents généralisa cette forme
de pouvoir politique au monde entier ce qui accentua le caractère
de droit interétatique du droit international. Mais les grandes
dérives du XXè siècle, le fait que bien des États puissent être habités
par des pouvoirs monstrueux, ont obligé à faire retour à un
système plus complexe où les individus puisent leurs droits dans
les engagements de leurs États, mais peuvent en bénéficier
indépendamment de ces engagements. Et la notion de communauté
humaine, doublant et complétant la communauté des États, est
aujourd'hui une réalité en marche.
42. Réduire les droits des Palestiniens, comme le suggère le
gouvernement israélien, au droit humanitaire, c'est admettre une 3 1
catégorie de sous hommes, ceux qui n'entrent pas dans le cercle de
l'universalité. À constater par ailleurs qu'Israël restreint le droit
humanitaire applicable aux Palestiniens au seul règlement de La
Haye de 1907 et le réduit immédiatement à néant en avançant que
les protections limitées qu'il assurait alors tombent devant les
nécessités de la guerre, la Cour aura compris qu'Israël concrétise
par là sa volonté de négation du peuple palestinien qu'il condamne
à rester sans perspective de justice, ni de liberté. L'avis demandé à
la Haute Juridiction, permettra une clarification salutaire par une
forte affirmation du caractère inaliénable et universel des droits de
l'homme quelles que soient les circonstances traversées par tel ou
tel groupe. Il aboutira à la condamnation de l'initiativede
construction du mur comme aboutissant à des violations massives
de droits fondamentaux des Palestiniens.
CONCLUSIONS
43. Pour les raisons exposées dans les différentes parties ci-
dessus et que l'organisation de la Conférence Islamique se réserve
de développer et de compléter dans les plaidoiries orales qui se
tiendront devant la Cour, il apparaît que les règles et principes du
droit international, notamment la quatrième Convention de Genève
de 1949 et les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité et de
l'Assemblée Générale des Nations Unies, conduisent à affirmer
l'illégalité de l'édification du mur qu'Israël, puissance occupante,
est en train de construire en Territoire palestinien occupé. Cette
édification est un acte de force effectué en violation des 32
Conventions de Genève. Elle est de surcroît constitutive de
violations flagrantes des droits humains fondamentaux du peuple
palestinien. Les conséquences en droit sont nécessairement une
condamnation de l'État responsable de cette mesure, l'obligation
qui doit lui être rappelé de détruire ce qui a été édifiéet de réparer
l'ensemble des violations commises.
30 Janvier 2004,
au nom de L'Organisation de la Conférence Islamique.
Abdelouahed BELKEZIZ
Secrétaire Général
Exposé écrit de l'Organisation de la Conférence islamique