Exposé écrit du Gouvernement du Royaume de Suède [traduction]

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E XPOSÉ ECRIT DU G OUVERNEMENT DU R OYAUME DE SUEDE

[Traduction]

1. Le présent exposé écrit fait suite à l’ordonnance rendue par la Cour le 19 décembre 2003 à
la suite de la requête pour avisconsultatif qui lui a été soumise par l’Assemblée générale des
Nations Unies dans sa résolution ES-10/14.

2. L’Assemblée générale prie la Cour de ré pondre à la question suivante : «Quelles sont en
droit les conséquences de l’édification du mur qu’Isr aël est en train de construire dans le Territoire
palestinien occupé». L’Assemblée jusque-là n’ a exposé ses vues sur la situation juridique qu’en

termes assez généraux, en disant que la barrière est «contraire aux dispositions pertinentes du droit
international» (résolution ES-10/13). Comme l’Assemblée générale demande à présent l’avis de la
Cour, le Gouvernement suédois ne voit aucune objection à ce que la Cour examine la question dont
elle a été saisie.

3. Le Gouvernement suédois présente ci-après d es observations sur le fond de la question.
Aux fins du présent exposé écrit, il s’inspire du rapport du Secrétaire général des Nations Unies en

date du 24 novembre 2003 qui est établi en application de la résolution ES-10/13 (A/ES-10/248).

4. Les préoccupations d’Israël en matière de sécu rité sont graves et légitimes. L’édification
d’une barrière en territoire israélien n’aurait pas été contraire au droit international. En revanche,

pour le Gouvernement suédois, la construction d’ une barrière en territoire occupé constitue, sous
plusieurs angles, une violation du droit international. Le Gouvernement suédois expose ci-après les
arguments qui étaient sa position.

5. Conformément à un principe fondamental du droit international public qui est énoncé dans
la Déclaration [relative aux principes du droit intern ational] touchant les re lations amicales [et la
coopération entre les Etats conformément à la Charte des Nations Unies] (annexée à la

résolution2625 (XXV) (1970)) et énoncé également dans la résolution 242 (1967) du Conseil de
sécurité, un territoire ne peut pas, en droit, être annexé par la force. De plus, comme l’a confirmé
le Conseil de sécurité notamment dans sa résolution 242, les territoires se trouvant sous contrôle
israélien depuis 1967 sont des territoires occupés.

Ces territoires occupés, y compris les territo ires annexés de manière illicite, sont assujettis
aux règles du droit international humanitaire régiss ant l’occupation, notamment le règlement de
LaHaye de1907 et la quatrième convention de Genève de 1949 relative à la protection des

personnes civiles en temps de guerre, en vertu desquelles la puissance occupante ne sera considérée
que comme l’administrateur du territoire occupé (cf., par exemple, l’article 55 du règlement de
La Haye). Israël est partie a ux conventions de Genève alors que les conventions de La Haye, dont
le règlement de LaHaye, sont reconnus en tant qu’instruments du droit international coutumier,

comme l’a dit la Cour internationale de Justice dans son avis consultatif sur la Licéité de la menace
ou de l’emploi d’armes nucléaires (C.I.J. Recueil 1996, p. 257). - 2 -

6. La construction d’une barrière en territoire occupé n’est pas en elle-même une annexion.

Cependant, son édification contredit les principes fondamentaux sur lesquels s’appuient les règles
de droit qui régissent l’occupation, à savoir que la puissance occupante ne doit pas introduire le
moindre changement dans le territoire occupé qui ne soit pas rendu nécessaire par ses intérêts
sécuritaires légitimes ni par les intérêts de la population de ce territoire.

7. L’édification de la barrière et ses con séquences violent certaines obligations spécifiques
prescrites par le droit international humanitaire.

Israël a réquisitionné et détruit des biens, dont des maisons d’habitation, pour les besoins de
la construction de la barrière. Certains de ces biens étaient publics, d’autres privés. Une puissance
occupante ne peut pas «détruire ou saisir de s propriétés ennemies, sauf dans les cas où ces
destructions ou ces saisies seront impérativement commandées par les nécessités de la guerre»

(alinéa g) de l’article23 du règlement de LaHaye). En outre, les biens privés ne peuvent être
réquisitionnés que «pour les besoins de l’armée d’occupation» (article52 du règlement de
LaHaye). Si le tracé de la barrière au-del à des limites correspondant à la Ligne verte a été

déterminé par d’autres besoins que ceux de l’armée, les réquisitions territoriales semblent alors
n’être nullement justifiées. Enfin, l’article53 de la quatrième convention de Genève dispose que
les destructions de biens ne sont justifiées que si elles sont rendues «absolument nécessaires par les
opérations militaires».

En outre, la barrière entrave sérieusement l’ accès des civils à leurs champs et aux soins
médicaux. On peut alors craindre que ne soient pas respectées les obligations énoncées dans les
articles55 et56 de la quatrième convention de Genève et les disp ositions de l’article50 relatives

aux soins aux enfants.

8. En outre, l’édification de la barrière et ses conséquences sont susceptibles de violer les
règles relatives aux droits de l’homme. Le droit international relatif aux droits de l’homme est

pleinement applicable aux territoires occupés et lie Israël dans ces territoires. L’application dans le
cadre des conflits armés des règles relatives aux dr oits de l’homme a été confirmée par la Cour
internationale de Justice dans l’av is consultatif qu’elle a rendu sur la Licéité de la menace ou de

l’emploi d’armes nucléaires ( C.I.J. Recueil 1996, p.240). L’application, dans les territoires
occupés, des deux pactes internationaux relatifs aux droits de l’homme de 1966 et de la convention
relative aux droits de l’enfant, instruments au xquels Israël est partie, a été confirmée,
respectivement, par le Comité des droits de l’homme (CCPR/CO /78/ISR du 21 août 2003), le

Comité des droits économiques, sociaux et culturels (E/C.12/1/Add.90 du 23mai 2003) et le
Comité des droits de l’enfant (CRC/C/15/Add.195 du 9 octobre 2002).

Les restrictions auxquelles est soumis l’accès de s Palestiniens à la zone fermée située entre

la barrière et la Ligne verte et les restrictions aux droits de passage à travers la barrière peuvent
constituer des atteintes à la liberté de mouvement conformément au paragraphe 1 de l’article 12 du
pacte international relatif aux droits civils et politiques. Les obstacles qui en découlent et entravent
l’accès aux lieux de travail, aux terres cultivées, aux services de santé et aux écoles conduisent à se

demander s’il n’y a pas là violation de plusieurs dispositions du pacte international relatif aux
droits économiques, sociaux et culturels: le droit au travail (art.6), le droit à un niveau de vie
suffisant (art.11), le droit aux soins de santé (art. 12) et le droit à l’éducation (art.13). En outre,
certains droits inscrits dans la convention relative aux droits de l’enfant peuvent faire l’objet des

mêmes restrictions: il s’agit du droit aux soins de santé (art.24), du droit à un niveau de vie
suffisant (art. 27) et du droit à l’éducation (art. 28). - 3 -

La destruction de maisons d’habitation pour les besoins de l’édification de la barrière peut
être assimilée à des immixtions illicites au domicile, violant ainsi l’article 17 du pacte international

relatif aux droits civils et politiq ues, ainsi que l’article 16 de la convention relative aux droits de
l’enfant, et violant le droit à un niveau de vie suffisant, y compris à un logement, garanti en vertu
du paragraphe1 de l’artic le11 du pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et
culturels.

Les différentes conditions à remplir par les Palestiniens et les Israéliens qui veulent obtenir
un permis pour accéder à la zone fermée et y rester incitent à se demander s’il n’y a pas aussi
violation du droit à l’égalité devant la loi tel qu’il est défini à l’ article 26 du pacte international

relatif aux droits civils et politiques.

9. Les violations du droit international résu ltant de l’édification de la barrière ont des

conséquences juridiques. Israël doit arrêter la c onstruction de la barrière et revenir sur ce projet,
comme l’exige la résolutionES-10 /13. C’est ce qu’imposent les principes généraux du droit
international que la Commission du droit internati onal a codifiés aux articles 30 et 31 du projet
d’articles sur la responsabilité de l’Etat pour fait internationalement illicite qui est annexé à la

résolution 56/83 (2001) de l’Assemblée générale des Nations Unies.

Il faut en outre indemniser les individus qui ont déjà subi des préjudices, comme le prévoit
l’article3 de la quatrième conve ntion de LaHaye de1907, qui exprime le droit international

coutumier, et le paragr aphe3 de l’article 2 du pacte interna tional relatif aux droits civils et
politiques.

10. Une autre conséquence de l’illicéité de l’éd ification de la barrière est que, en vertu du
droit international coutumier tel qu’il est codifi é à l’article 16 du projet d’articles sur la
responsabilité de l’Etat pour fait internationalement illicite, les Etats tiers ne doivent ni aider ni
assister Israël dans la mise en Œuvre des mesures qu’il prend. De plus, les violations graves

d’obligations découlant de normes impératives ont des conséquences juri diques supplémentaires
pour les Etats tiers telles que celles qui sont prévues à l’article 41 dudit projet d’articles de la CDI.

11. Enfin, la situation juridique, en ce qui concerne la barrière, est la même pour

Jérusalem-Est que pour le reste des territo ires occupés en 1967 (voir notamment, la
résolution478(1980) du Conseil de sécurité des Nations Unies). Sur ce point, la Cour pourrait
utilement examiner la question de savoir si l’édifi cation de la barrière a empêché de bénéficier du

régime applicable aux lieux saints — régime dit du statu quo.

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