Exposé écrit des Pays-Bas [traduction]

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EXPOSE ECRIT DES PAYS -B AS

[Traduction]

I. Introduction

1. Dans sa résolution ES-10/14 adoptée le 8 décembre2003 à la repr ise de sa dixième
session extraordinaire d’urgence, l’Assemblée générale des Nations Unies («l’Assemblée
générale») a décidé de demander à la Cour inte rnationale de Justice («la Cour») de rendre

d’urgence un avis consultatif sur la question suivante :

«Quelles sont en droit les conséquences de l’édification du mur qu’Israël,
puissance occupante, est en train de construire dans le Territoire palestinien occupé, y

compris à l’intérieur et sur le pourtour de Jérusalem-Est, selon ce qui est exposé dans
le rapport du Secrétaire général, compte tenu des règles et des principes de droit
international, notamment la quatrième convention de Genève de 1949, et les

résolutions consacrées à la question par le Conseil de sécurité et l’Assemblée
générale ?»

2. Dans l’ordonnance qu’elle a rendue le 19décembre2003, la Cour a fixé au
30 janvier 2004 la date d’expiration du délai dans lequel elle deva it recevoir les exposés écrits de
l’Organisation des Nations Unies et des Etats admis à ester devant e lle, conformément au
paragraphe 2 de l’article 66 de son Statut.

3. Comme ils sont Membre de l’Organisa tion des Nations Unies et que, en vertu de

l’article92 de la Charte des Nations Unies, ils s ont également partie au Statut de la Cour, les
Pays-Bas tiennent à saisir l’occasion que la Cour a donnée, par son ordonnance du
19décembre2003, aux Etats admis à ester deva nt elle pour présenter un exposé écrit sur la
demande d’avis consultatif ci-dessus émanant de l’Assemblée générale.

II. Observations relatives à la compétence et au pouvoir discrétionnaire de la Cour
pour rendre ledit avis consultatif

1. Aux termes du paragraphe1 de l’article96 de la Charte des Nations Unies, l’Assemblée
générale peut demander à la Cour de rendre un avis consultatif su r toute question juridique. La

compétence de la Cour pour donner pareil avis est ré gie par le paragraphe 1 de l’article 65 de son
Statut. La question soumise à la Cour à fin d’avis consultatif ayant trait aux conséquences
juridiques de la construction d’un mur 1 dans le Territoire palestinie n occupé, elle constitue donc

bien une question juridique.

De l’avis du Gouvernement néerlandais, l’ Assemblée générale est nécessairement censée
être compétente pour demander l’avis consultatif dont il s’agit.

1Dans le présent exposé, les Pays-Bas emploieroterme «mur» qui est utilisé dans la requête pour avis
consultatif, sans donner à entendre s’agit d’un terme plus exact ou plupproprié que «clôture de sécurité»,

«barrière» ou tout autre terme qui peut être utilisé. - 2 -

2. Si la Cour estime l’Assemblée générale compétente pour demander l’avis consultatif en
question et qu’elle s’estime elle-même compétente pour le rendre, le Gouvernement néerlandais

tient toutefois à rappeler le caractè re discrétionnaire que revêt le pouvoi r de la Cour en la matière.
Ainsi que la Cour l’a elle-même décl aré dans la procédure relative au Sahara occidental
(C.I.J. Recueil 1975, p. 21, par. 23) :

«Dans l’exercice de ce pouvoir discréti onnaire, la Cour internationale de
Justice, de même que la Cour permanente de Justice internationale, a toujours suivi le
principe selon lequel, en tant que corps judi ciaire, elle doit rester fidèle aux exigences
de son caractère judiciaire, même lorsqu’elle rend des avis consultatifs. S’il lui est

posé une question juridique à laquelle elle a incontestablement compétence pour
répondre, elle peut néanmoins refuser de le faire.»

3. Dans son avis consultatif sur la Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, la
Cour, citant plusieurs précédents, a déclaré que seu les des «raisons décisives» devaient la conduire
à refuser de rendre un avis consultatif ( C.I.J. Recueil 1996, p. 235, par. 14). Le Gouvernement des
Pays-Bas considère qu’il existe justement des rais ons décisives qui devraient, en l’occurrence,

conduire la Cour à s’abstenir de rendre l’avis consultatif demandé.

4. Le 8décembre2003, le représentant perman ent de l’Italie, prenant la parole devant

l’Assemblée générale au nom de l’Union européen ne, des pays en cours d’adhésion et de neuf
autres Etats européens lors de la reprise de la dixième session extraordinaire d’urgence, a
instamment prié «toutes les parties de la région à mettre en Œuvre sans plus tarder des politiques
favorisant le dialogue et la négociation».

Sur la demande d’avis consultatif à adresser à la Cour au sujet de la licéité de la construction
du mur dans le Territoire palestinien occupé, le re présentant de l’Italie a conclu que la demande
proposée «ne contribuera[it] pas aux efforts consentis par les deux parties en vue de relancer le

dialogue politique et quelle [était] donc inappropriée».

C’est pourquoi les Pays-Bas se sont abstenus quand a été mise aux voix la
résolutionES-10/14 (qui fut adoptée par quatre-vi ngtdix voix contre huit avec soixante-quatorze

abstentions).

5. Les Pays-Bas considèrent que la création d’un Etat palestinien coexistant avec Israël dans
la paix et la sécurité doit nécessairement passer par le dialogue politique et par des négociations. Si

la Cour décide d’accéder à la demande de l’Assemblée générale, il est réellement à craindre que
cela ne compromette la reprise d’un tel dialogue politique sur tous les aspects d’un règlement de
paix global.

III. La licéité de la construction du mur dans le Territoire palestinien occupé

6. Les Pays-Bas ne croient pas indispensable d’exposer comment s’explique leur position
quant au fond de la question juridique soumise à la Cour pour avis consultatif. Ils ont exprimé
leurs vues sur la licéité de la construction du mu r dans le Territoire pal estinien occupé devant
l’Assemblée générale et se permettent de les rappeler ci-après à l’intention de la Cour.

7. Les Pays-Bas ont voté pour la résolution ES-10/13 que l’Assemblée générale a adoptée
(par centquarante-quatrevoix contrequatre avec dou ze abstentions) le 21octobre2003 lors de la

reprise de sa dixième session extraordinaire d’ur gence et dans laquelle elle a demandé (dans le - 3 -

préambule) «une fois de plus à Israël, puissance occupante, de respecter pleinement et dans les faits
la Convention de Genève relativ e à la protection des personnes civiles en temps de guerre, du

12août1949» et a exigé (au par.1 du dispositif) «qu’Israël arrête la construction du mur dans le
Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-E st et ses alentours, et revienne sur ce projet,
qui s’écarte de la ligne d’armistice de 1949 et qui est contraire aux dispositions pertinentes du droit
international».

8. Dans la déclaration, évoquée plus haut , qu’il a faite le 8décembre2003 au nom de
l’Union européenne, des pays en cours d’adhésion et de neuf autres Etats européens dans le cadre

de la reprise de la dixième session extraordin aire d’urgence de l’A ssemblée générale, le
représentant permanent de l’Italie a rappelé que la résolution ES-10/13 avait été présentée par
l’Union européenne. A cette occasion, il a également déclaré:

«Tout en reconnaissant le droit d’Israël à protéger ses citoyens contre les
attentats terroristes, l’Union européenne exhorte le Gouvernement israélien, dans
l’exercice de ce droit, à respecter pleinement le droit international et notamment les
droits de l’homme et le droit interna tional humanitaire, y compris la quatrième

convention de Genève; à prendre un maximu m de précautions pour éviter les victimes
civiles; et à n’adopter aucune mesure susceptible d’aggraver la situation humanitaire
et économique difficile du peuple palestinien».

IV. Conclusion

9. Les Pays-Bas sont convaincus que la cons truction du mur dans le Territoire palestinien

occupé, y compris à l’intérieur et sur le pourtour de Jérusalem-Est, projet qui s’écarte de la ligne
d’armistice de 1949, est contraire aux dispositions pe rtinentes du droit international. Les Pays-Bas
sont également convaincus que la demande d’avis co nsultatif adressée à la Cour ne contribuera pas
aux efforts consentis par les deux parties en vue de relancer le dialogue politique et quelle est donc

inappropriée. Par conséquent, les Pays-Bas prie nt la Cour de bien vouloir exercer le pouvoir
discrétionnaire qui est le sien pour refuser de répondre à la question que l’Assemblée générale lui
soumet ici.

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