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2008
Rôleogénéral
n 138
I. LETTRE DE L’AMBASSADEUR (DE uSIGNE u) DE L’EuQUATEUR
AUPRE vS DU ROYAUME DES PAYS-BAS AU GREFFIER
DE LA COUR INTERNATIONALE
DE JUSTICE
[Traduction]
AMBASSADE DE L ÉQUATEUR
AUX PAYS-BAS
o
N 4-4-3/08.
La Haye, le 31 mars 2008.
Monsieur,
J’ai reçu instruction de mon gouvernement de déposer la présente requête
introduisant une instance contre la République de Colombie, relativement aux
dommages causés à l’Etat équatorien, à ses habitants et à l’environnement du
fait de l’épandage d’herbicides chimiques.
Outre la requête, je joins la lettre n 15080-GM/2008, en date du 28 mars 2008,
me
par laquelle M María Isabel Salvador-Crespo, ministre des relations exté-
rieures, du commerce et de l’intégration de l’Equateur, informe M. Diego
Cordovez-Zegers qu’il a été nommé agent près la Cour internationale de Justice
par le président de l’Equateur.
La requête et la lettre susmentionnée ont été dûment authentifiées par le
consulat équatorien à La Haye.
Veuillez agréer, etc.
L’ambassadeur (désigné) de l’Equateur,
(Signé) Rodrigo R IOFRÍO-M ACHUCA .
Je certifie que la signature ci-dessus est authentique et est celle qu’utilise
l’ambassadeur, M. Rodrigo Riofrío-Machuca, dans l’exercice de ses fonctions
officielles ainsi qu’à titre privé.
La chargée d’affaires a.i. de l’Equateur,
(Signé) Helena Y ÁNEZ -LOZA. 5
II. REQUE |TE INTRODUCTIVE D’INSTANCE
[Traduction]
RÉPUBLIQUE DE L ÉQUATEUR
MINISTÈRE DES RELATIONS EXTÉRIEURES
Au greffier
de la Cour internationale de Justice.
Je soussigné, dûment autorisé par le Gouvernement de la République de
l’Equateur:
1. Ai l’honneur de présenter, conformément au paragraphe 1 de l’article 36
et à l’article 40 du Statut de la Cour, ainsi qu’à l’article 38 de son Règlement, la
présente requête introduisant, au nom de la République de l’Equateur, une
instance contre la République de Colombie.
N ATURE DU DIFFÉREND
2. Le présent différend a trait à l’épandage aérien par la Colombie d’herbi-
cides toxiques en des endroits situés à proximité, le long ou de l’autre côté de sa
frontière avec l’Equateur. L’épandage a déjà gravement porté atteinte aux
populations, aux cultures, à la faune et au milieu naturel du côté équatorien de
la frontière et risque sérieusement, avec le temps, de causer d’autres dommages.
L’Equateur prie donc respectueusement la Cour de rendre un arrêt enjoignant
la Colombie a) de respecter la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Equa-
teur; b) de prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir l’utilisation de
tout herbicide toxique d’une manière pouvant entraîner son dépôt en territoire
équatorien; c) d’interdire l’utilisation, par épandage aérien, de tels herbicides
en Equateur, en tout point de sa frontière avec l’Equateur ou à proximité de
celle-ci; d) d’indemniser l’Equateur pour tout dommage ou perte causés par ses
actes internationalement illicites.
3. Chaque année, et ce depuis au moins l’an 2000, la Colombie a utilisé des
avions et des hélicoptères afin de pulvériser de puissants herbicides à large
spectre (dont elle refuse de dévoiler la composition chimique) sur d’impor-
tantes portions de territoire dans la région frontalière des deux Etats. Les épan-
dages effectués par la Colombie semblent avoir visé des plantations illicites
de coca et de pavot dans la zone frontalière. Les effets des épandages ainsi effec-
tués n’ont cependant pas été limités au côté colombien de la frontière. Les
fumigations auxquelles la Colombie a procédé le long ou à proximité de cette
dernière se sont en effet propagées de l’autre côté et ont eu d’importants effets
délétères en Equateur. De surcroît, les avions ayant participé à ces opérations
de fumigation ont parfois pénétré sans autorisation l’espace aérien équatorien
et effectué des épandages en territoire équatorien.
4. Ainsi, pendant et après chaque campagne d’épandage menée par la Colom-
bie, la population équatorienne vivant dans les zones situées à proximité de la
frontière septentrionale a signalé de graves effets nuisibles à la santé, notam-
ment des brûlures, des prurits oculaires, des irritations cutanées, des hémorra- 7
gies intestinales, et même des cas de décès. Les herbicides utilisés par les auto-
rités colombiennes n’étant pas sélectifs, ils ont également causé des dommages
graves et étendus à certaines espèces végétales qu’ils ne visaient pas, notamment
des cultures locales essentielles telles que le yucca, le plantain, le riz, le café, le
foin et autres. Les dommages causés aux cultures ont posé de graves problèmes
dans la mesure où la subsistance de la population locale dépend des produits
agricoles.
5. Depuis que les épandages ont commencé en l’an 2000, l’Equateur a
déployé des efforts soutenus et répétés en vue de négocier la cessation de ces
fumigations. A deux reprises, les Parties ont créé des commissions scientifiques
bilatérales afin d’examiner les questions posées par les épandages de la Colom-
bie. Ces négociations se sont révélées infructueuses. Même lorsque l’Equateur
pensait être parvenu à un accord avec la Colombie afin que celle-ci mette un
terme à ses épandages aériens, les fumigations reprenaient. Dès lors, il est évi-
dent que l’attitude de la Colombie rend impossible le règlement par la voie
diplomatique du différend opposant les Parties. L’Equateur n’a d’autre choix
que de déposer la présente requête introductive d’instance afin d’obtenir répa-
ration pour la violation de ses droits, telle qu’exposée ci-dessous de manière
plus détaillée.
6. Avant de poursuivre, l’Equateur saisit cette occasion pour réaffirmer son
opposition résolue à toute exportation ou consommation de stupéfiants illicites.
Ses antécédents sur ce point sont solides et indiscutables. Les questions expo-
sées dans la présente requête ont uniquement trait aux méthodes employées par
la Colombie et aux endroits où elle effectue ses opérations en vue d’éradiquer
les plantations illicites de coca et de pavot, ainsi qu’aux effets néfastes de telles
opérations en Equateur.
C OMPÉTENCE DE LA C OUR
7. La Cour a compétence pour connaître du présent différend aux termes de
l’article XXXI du traité américain de règlement pacifique (le «pacte de
Bogotá») 1, signé à Bogotá, le 30 avril 1948, lequel dispose:
«Conformément au paragraphe 2 de l’article 36 du Statut de la Cour
internationale de Justice, les Hautes Parties contractantes en ce qui
concerne tout autre Etat américain déclarent reconnaître comme obliga-
toire de plein droit, et sans convention spéciale tant que le présent traité
restera en vigueur, la juridiction de la Cour sur tous les différends d’ordre
juridique surgissant entre elles et ayant pour objet:
a) l’interprétation d’un traité;
b) toute question de droit international;
c) l’existence de tout fait qui, s’il était établi, constituerait la violation
d’un engagement international;
d) la nature ou l’étendue de la réparation qui découle de la rupture d’un
engagement international.»
L’Equateur et la Colombie sont parties au pacte de Bogotá.
8. La Cour a également compétence pour connaître du présent différend aux
termes des dispositions de la convention des Nations Unies de 1988 contre le
1 Nations Unies, Recueil des traités, vol. 30, p. 55. 9
trafic illicite de stupéfiants et de substances p2ychotropes (la «convention des
Nations Unies de 1988 sur les stupéfiants») , dont l’article 32 dispose:
«Tout différend de cette nature [relatif à l’interprétation ou à l’applica-
tion de la convention] qui ne peut être réglé par les moyens prévus au para-
graphe 1 du présent article [c’est-à-dire, par voie de négociation, d’enquête,
de médiation, de conciliation, d’arbitrage ou de recours à des organismes
régionaux, par voie judiciaire ou par d’autres moyens pacifiques choisis
par les parties] est soumis, à la demande de l’un quelconque des Etats
Parties au différend, à la Cour internationale de Justice, pour décision.»
L’Equateur et la Colombie sont parties à la convention des Nations Unies
de 1988 sur les stupéfiants.
L ES FAITS
Contexte
9. La plupart des plantations de coca (Erythroxylum coca) de la planète
sont concentrées en Colombie; celle-ci est également l’un des plus grands pro-
ducteurs au monde de pavot à opium (Papaver somniferum) et de marijuana
(Cannabis sativa).
10. Face à cette réalité, le Gouvernement colombien a eu recours à diverses
stratégies pour éradiquer les cultures de plantes servant à la fabrication de stu-
péfiants illicites, l’une consistant à pulvériser, par la voie aérienne, des herbi-
cides chimiques sur les plantations de coca et de pavot. D’emblée, cette dernière
pratique a suscité l’opposition des populations concernées, des autorités et des
scientifiques. Dès 1984, par exemple, un groupe d’experts spécialistes des her-
bicides, que le Gouvernement colombien avait chargé, par l’intermédiaire de
son Institut national de la santé, d’examiner les dommages que pouvait occa-
sionner l’épandage aérien, s’est élevé contre la pulvérisation d’herbicides, et, en
particulier, du glyphosate, puissant désherbant à large spectre largement utilisé
en agriculture, écrivant:
«Glyphosate: sa vaporisation aérienne en vue d’éradiquer les cultures de
cannabis et de coca n’est pas recommandée. L’expérimentation animale a
révélé une faible toxicité aiguë; cette toxicité pour les êtres humains est mal
connue. Les documents examinés ne fournissent aucune donnée sur sa
toxicité chronique pour les humains. Ils 3’en fournissent pas davantage sur
ses effets mutagènes et tératogènes...»
11. Le groupe d’experts a par la suite réitéré son opposition en ces termes:
«Le comité répète qu’il n’a pas recommandé l’utilisation du glyphosate
ou d’un quelconque autre herbicide par pulvérisation aérienne... Le pro-
gramme envisagé est contre-indiqué, parce qu’il reviendrait à cautionner
4
l’expérimentation humaine.»
12. En dépit des recommandations de ses propres experts, la Colombie a
2
Nations Unies, doc. E/CONF.82/15 (1988), reproduit dans International Legal
Materials (ILM), vol. 28, 1989, p. 493.
3 Tribunal administratif de Cundinamarca, Colombie, deuxième section, sous-partie
«B», 13 juin 2003, «Claudia Sampedro et Hector Suarez c. le ministère de l’environnement
et al.» (Col.), p. 15.
4 Ibid. 11
poursuivi ses épandages aériens d’herbicides, dans le cadre des mesures prises
pour lutter contre la culture de plantes destinées à la production de stupéfiants
illicites et contre l’insurrection armée. La Colombie favorise tout particulière-
ment cette technique depuis 1999, année de l’adoption du «Plan Colombie»,
initialement conçu par Andrés Pastrana Arango, alors président du pays, afin
de promouvoir la paix, de lutter contre le trafic de stupéfiants et d’encourager
la démocratie. Dès le départ, le volet antidrogue du «Plan Colombie» mettait
l’accent sur l’éradication chimique des plantations illicites de coca et de pavot
par pulvérisation aérienne d’herbicides sur de larges étendues du territoire
colombien, dont certaines sont situées le long de la frontière sud-ouest avec les
provinces équatoriennes d’Esmeraldas, de Carchi et de Sucumbíos.
Epandages aériens en Equateur ou à proximité
13. Les fumigations aériennes prévues dans le cadre du Plan Colombie com-
mencèrent officiellement en 2000. Les premiers épandages furent effectués au
Putumayo et à Nariño, départements du sud-ouest de la Colombie qui jouxtent
les provinces de Sucumbíos, de Carchi et d’Esmeraldas, au nord de l’Equateur.
Les épandages à la frontière équatorienne démarrèrent peu après. Ainsi, des
herbicides furent pulvérisés en octobre 2000 sur le hameau équatorien de
San Marcos (province de Carchi), peuplé de membres de la communauté indi-
gène des Awá, ainsi que sur la localité de Mataje, dans la province d’Esmeral-
das. De janvier à février 2001, la Colombie mena, plusieurs semaines durant,
une campagne d’épandage intensif le long de la frontière, près de San Francisco
Dos (province de Sucumbíos): au cours de ces deux mois, les fumigations se
succédèrent à un rythme quotidien, ponctuées de brèves interruptions seule-
ment. Les jours d’épandage, les fumigations commençaient à 6 heures du matin
et se poursuivaient presque sans discontinuer jusqu’à 16 heures. Les avions
lâchaient des nuages de vapeur qui, emportés par le vent, retombaient sur les
habitants, les habitations, la flore et la faune (tant sauvage que domestique) de
l’Equateur, et également sur le fleuve San Miguel, qui marque la frontière entre
les deux pays dans cette zone.
14. Immédiatement après cette campagne, des habitants de San Fran-
cisco Dos et des alentours commencèrent à ressentir de graves effets indési-
rables: fièvre, diarrhée, hémorragies intestinales, nausée et divers types de lésions
cutanées et oculaires. Les enfants furent les plus gravement touchés. Au moins
deux d’entre eux périrent dans les jours qui suivirent ces premiers épandages
— dans une communauté qui, au cours des deux précédentes années, n’avait
connu aucun décès dans des circonstances analogues. D’autres enfants durent
être transportés vers des établissements médicaux modernes dans d’autres
parties du pays.
15. Les êtres humains ne furent pas les seuls à être touchés. La végétation
locale, notamment les cultures agricoles, fut dévastée. Yucca, maïs, riz, plan-
tain, cacao, café et fruits prenaient une teinte brunâtre, se desséchaient et mou-
raient. Le monde animal, de même, fut durement touché: les informations
faisant état de volailles et de poissons morts étaient légion, et des maladies ont
frappé chiens, chevaux, vaches et autres animaux.
16. Au cours des sept années qu’aura duré l’épandage à ce jour, les aéronefs
colombiens procédant aux fumigations ont violé, de manière répétée, l’espace
aérien équatorien. Tantôt, ils pulvérisaient des herbicides jusqu’à hauteur de la
frontière et utilisaient alors l’espace aérien équatorien pour faire demi-tour et
reprendre ensuite leurs épandages à la frontière; tantôt, ils poursuivaient ceux-ci
alors même qu’ils pénétraient sur le territoire de l’Equateur et en survolaient le 13
sol, larguant les vapeurs directement sur ses habitants, sa faune et sa flore.
Lorsque les avions colombiens respectaient théoriquement l’intégrité territo-
riale de l’Equateur, l’herbicide, sous l’effet des vents, n’en était pas moins dis-
persé sur son sol.
17. La liste ci-dessous répertorie certaines des communautés équatoriennes
qui ont pâti des épandages aériens auxquels s’est livrée la Colombie, et les dates
approximatives auxquelles elles furent touchées:
Province Communautés Date
Esmeraldas Mataje Octobre 2000
Carchi Communauté des Awá de San Octobre 2000
Marcos
Sucumbíos San Francisco 1 et 2, Nuevo Décembre-février 2001
Mundo et San Pedro del
Cóndor
Carchi Communauté des Awá de San Octobre-novembre 2001
Marcos
Sucumbíos Chone II, Playera Oriental, Août-octobre 2002
Palma Seca, Puerto Nuevo,
Santa Marianita, 5 de
Agosto et Puerto Mestanza
Sucumbíos Santa Marianita, Corazón Juillet 2003
Orense, 5 de Agosto et
Puerto Mestanza
Carchi Chical Décembre 2004
Sucumbíos Frente al Azul Décembre 2004
Esmeraldas Limones Avril 2005
Carchi Communauté des Awá de San Mai 2005
Marcos
Sucumbíos Les communautés établies Décembre 2006
entre Salinas et Puerto
Nuevo (inclus)
Sucumbíos Les communautés établies Janvier 2007
entre Puerto el Carmen et
Río Abajo (inclus)
Outre les zones répertoriées ci-dessus, d’autres moins peuplées — dont des
régions de forêt primaire, tant en territoire colombien qu’équatorien — ont
également été touchées.
18. Les effets des fumigations aériennes sur les Equatoriens vivant dans ces
communautés frontalières sont identiques à ceux qu’ont subis les Colombiens
exposés à ces vapeurs, comme en ont rendu compte certaines agences gouver-
nementales et organisations non gouvernementales colombiennes. Une enquête
effectuée dans le département colombien du Putumayo indiquait que plusieurs
milliers de Colombiens présentaient une grande variété de symptômes liés aux
épandages aériens ayant eu lieu dans la région: avaient notamment été rap-
portés des cas d’irritation oculaire, de problèmes respiratoires, d’arythmie
cardiaque, de lésions cutanées, de paralysie et de cécité temporaires. L’enquête
faisait également état de la mort de milliers d’animaux et de la destruction de
cultures vivrières. 15
Le mélange herbicide prétendument utilisé par la Colombie
19. La Colombie a refusé de révéler à l’Equateur la composition chimique
exacte de l’herbicide qu’elle utilise. Elle a fait savoir, dans des communications
et des articles de presse, que le glyphosate (N-phosphonométhyl glycine) ,unsel
d’isopropylamine largement utilisé comme désherbant, en était l’ingrédient
«actif» principal. Le glyphosate a pour effet d’inhiber la voie métabolique du
shikimate commune à toutes les plantes. C’est un herbicide avantageux préci-
sément en raison de ses propriétés non sélectives et à large spectre. Pour le dire
sans ambages, il détruit pratiquement n’importe quelle plante.
20. Le glyphosate est également présenté comme avantageux en raison de sa
prétendue toxicité minimale pour les humains et les animaux, lesquels ne pos-
sèdent pas de voie du shikimate. L’étiquette d’un désherbant ordinaire à base
de glyphosate largement commercialisé dans d’autres parties du monde semble
toutefois indiquer qu’il y a lieu de s’inquiéter. On y lit les avertissements expli-
cites suivants:
«PROVOQUE DES LE uSIONS OCULAIRES IMPORTANTES MAIS
PASSAGE vRES.
NOCIF EN CAS D’INGESTION OU D’INHALATION.
Ne pas mettre dans les yeux ou sur les vêtements.
Eviter de respirer la vapeur ou le brouillard de pulvérisation.
PREMIERS SECOURS Appeler un centre antipoison ou un méde-
cin pour des conseils de traitement.
EN CAS DE CONTACT — Maintenir l’Œil ouvert et rincer lente-
AVEC LES YEUX ment et doucement sous l’eau pendant
quinze à vingt minutes.
— Retirer, le cas échéant, les lentilles de
contact après les cinq premières mi-
nutes puis continuer de rincer l’Œil.
EN CAS D’INHALA- — Déplacer la victime à l’air frais. En cas
TION d’arrêt respiratoire, donner la respira-
tion artificielle, de préférence le bouche-
à-bouche. Se faire traiter par un
médecin.
EN CAS D’INGESTION — Ce produit irrite le système gastro-
intestinal. Diluer immédiatement par
ingestion d’eau ou de lait. Obtenir de
l’aide médicale. NE JAMAIS RIEN
ADMINISTRER PAR VOIE ORALE
v UNE PERSONNE INCONS-
CIENTE.
................................
Appliquer ce produit de manière à ce qu’il n’entre pas en contact avec les
ouvriers ou d’autres personnes, que ce soit directement ou par dispersion.
Seuls les manutentionnaires protégés peuvent être présents durant l’appli-
cation.
................................
uVITER LA DISPERSION. PRODUITvAMANIPULER AVEC LE PLUS
GRAND SOIN LORS DE SON APPLICATION AFIN D’E uVITER
D’ENDOMMAGER LES PLANTES ET LES CULTURES UTILES. 17
Ne pas vaporiser, laisser goutter, disperser ou asperger sur la végétation
utile, des quantités infimes de ce produit pouvant gravement endommager
ou détruire la culture, les plantes ou d’autres parties de la zone visée par le
traitement.» 5
21. Il ressort également de récentes études toxicologiques que les risques
posés par le glyphosate sont très réels. Des études en laboratoire ont notam-
ment constaté des effets nocifs pour toutes les catégories standards des tests
toxicologiques. Ces effets comprennent une toxicité à moyen terme (lésions des
glandes salivaires) et à long terme (inflammation des parois de l’estomac), des
dommages génétiques (dans les cellules sanguines), des effets sur la reproduc-
tion (quantité réduite de sperme chez les rats; augmentation de la fréquence de
sperme anormal chez les lapins) et une cancérogénicité (augmentation, chez les
rats, de la fréquence des tumeurs du foie pour les mâles et du cancer de la thy-
roïde pour les femelles). Bien qu’aucune expérience n’ait, cela va de soi, été réa-
lisée sur l’homme, les études portant sur les personnes exposées au glyphosate
(des agriculteurs en général) montrent un lien avec un risque accru de fausse
couche, de naissance prématurée et de lymphome non hodgkinien. La toxicité
du glyphosate est particulièrement aiguë en cas d’inhalation, tout comme en cas
d’exposition au brouillard d’épandage aérien.
22. Le glyphosate est par ailleurs rarement utilisé seul. Il est d’ordinaire
employé en combinaison avec d’autres produits chimiques, appelés tensioactifs,
qui accroissent son efficacité en augmentant la capacité d’absorption des feuilles
des plantes. Bien qu’ils soient généralement qualifiés d’«inertes» (par opposi-
tion à l’ingrédient «actif», le glyphosate), ces produits chimiques sont parfois
plus toxiques que le glyphosate lui-même, et leur combinaison avec celui-ci l’est
même encore davantage. Il a été démontré que le polyoxyéthylène amine
(«POEA»), un tensioactif courant utilisé avec le glyphosate et qui entrerait
dans la composition du mélange utilisé par la Colombie, cause, à lui seul, des
brûlures de l’Œil, des rougeurs de la peau et des cloques, des nausées et des diar-
rhées. Le glyphosate et le POEA sont considérablement plus toxiques combinés
que lorsqu’ils sont administrés séparément.
23. Des rapports font également apparaître que le mélange herbicide utilisé
par la Colombie contient un autre tensioactif appelé Cosmoflux 411F, lequel
est employé pour pénétrer la pellicule de cire qui recouvre la surface des feuilles
des plantes. Cosmoflux est fabriqué en Colombie. Sa composition chimique est
inconnue et la Colombie refuse d’en révéler la formule, prétendant que celle-ci
constitue un secret de fabrication. L’association glyphosate/Cosmoflux n’a fait
l’objet de tests appropriés ni pour la sécurité de l’homme ni même pour celle
des animaux.
Caractéristiques de la région frontière
24. La zone frontière du nord de l’Equateur possède des caractéristiques
uniques. Elle se compose de trois zones géographiques distinctes: la zone côtière
occidentale, la chaîne montagneuse des Andes au centre et la jungle amazo-
nienne à l’est. Cette région est habitée par des communautés autochtones,
notamment les Awá, qui continuent de vivre selon leurs anciennes traditions et
dépendent étroitement de leur environnement naturel. La majorité de la popu-
lation de la région vit dans une extrême pauvreté et sa survie dépend de l’agri-
culture de subsistance, de cultures traditionnelles telles que le yucca, le plan-
5 Disponible à l’adresse Internet http://www.umt.edu/sentinel/roundup_label.pdf. 19
tain, le maïs, le café ainsi que d’autres denrées alimentaires. Elle entretient donc
un rapport très étroit avec la terre. Les infrastructures dans ces zones sont peu
développées, les soins de santé rudimentaires et l’enseignement scolaire mini-
mal.
25. L’Equateur fait également partie des dix-sept pays seulement du monde
désignés par le centre mondial de surveillance pour la conservation comme
étant «extrêmement diversifiés». Bien qu’il ne couvre que 0,17% de la superfi-
cie de la planète, l’Equateur est doté d’une part disproportionnée de la biodi-
versité terrestre. En fait, l’Equateur a la diversité biologique la plus élevée du
monde par unité de superficie; c’est-à-dire qu’il compte, en moyenne, plus
d’espèces par kilomètre carré que nulle part ailleurs sur terre. Selon le World
Resources Institute, ce pays abrite 302 espèces de mammifères, 19 362 espèces
végétales, 415 espèces de reptiles, 434 espèces d’amphibiens, 246 espèces de
poissons et est une zone de reproduction pour 640 espèces d’oiseaux (dont 35%
des espèces de colibris du monde) 6. Environ 25% de son territoire est constitué
de parcs nationaux et de zones protégées .
26. Il s’ensuit que les fumigations de la Colombie sont effectuées dans une
zone particulièrement vulnérable, d’une manière qui aggrave considérablement
les risques pesant sur les populations et le milieu naturel. Un rapport récent du
rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme et
des libertés fondamentales des populations autochtones met en évidence de
graves sujets de préoccupation:
«27. Les Awá ont été particulièrement touchés. Ils sont, au total, 3500 à
vivre en Equateur et 36 000 des quelque 120 000 hectares de leur territoire
ancestral ont été reconnus...
28. Le problème le plus grave auquel la région est actuellement confron-
tée est celui de l’épandage aérien, sous les auspices du «Plan Colombie»,
de glysophate [sic] mélangé à d’autres produits sur des cultures illicites du
côté colombien de la frontière (voir le rapport du rapporteur spécial sur la
Colombie, doc. E/CN.4/2005/88/Add.2). Les dommages causés par cette
pratique ont atteint l’Equateur, notamment ses communautés autoch-
tones, ce qui a conduit le Gouvernement équatorien à protester et à mener
des négociations bilatérales avec la Colombie. D’après des études interna-
tionales, cette pratique aurait des effets néfastes sur les ressources environ-
nementales ainsi que sur la santé des populations et de la faune. Des
maladies de la peau et autres, la pollution des fleuves et des aquifères ainsi
que d’autres dommages ont été signalés. En outre, il a été constaté que
l’épandage avait des effets graves sur les bananeraies et diverses cultures de
tubercules, la denrée de base locale. Par ailleurs, la population utilise sou-
vent de l’eau non traitée provenant du fleuve frontière qui sépare les deux
pays.
29. Dans certaines communautés de Sucumbíos, des cultures à cycle
court disparaissent moins de quinze jours après l’épandage. Il est dit que,
quatre ans après le début de l’épandage, certaines variétés de bananes, yuc-
cas, maïs, arbres fruitiers et herbes aromatiques ont disparu, ou que leur
production a considérablement diminué. L’épandage aurait par ailleurs
des effets nuisibles à la santé et la sécurité alimentaire de populations des
6
World Resources Institute, Profil de pays: Equateur, biodiversité et zones protégées,
disponible à l’adresse Internet http://www.earthtrends.wri.org/text/biodiversity-protected/
co7ntry-profile-54.html.
Ibid. 21
frontières en polluant leurs sources d’eau et la vie aquatique. Des plaintes
ont été formulées après que des traces importantes du produit chimique
utilisé pour l’épandage en Colombie ont été retrouvées dans nombre de
fleuves, dont le fleuve Mira situé dans la province d’Esmeraldas. La situa-
tion de ces communautés vivant près du fleuve est préoccupante, celles-ci
utilisant le fleuve à des fins domestiques.
30. Certaines communautés indigènes de la région, y compris les Awá,
sont vulnérables et cela est particulièrement inquiétant. Outre les effets de
l’épandage, ils se plaignent de la violation de leurs droits et d’autres abus
dont ils sont les victimes. Ils protestent contre le fait que leurs droits à la
nourriture et à la santé ont été affectés par l’épandage. Apparemment,
après l’épandage, toute la communauté Sumac Pamba a été déplacée et
n’est jamais retournée à son lieu d’origine. En conséquence, il semble que
la faune et la flore locales, qui constituaient une source de consommation
journalière, tant pour les ménages qu’à des fins de loisirs, aient disparu et
que diverses activités aient été affectées, l’eau polluée ne pouvant être
utilisée. L’épandage détruirait les cultures de subsistance, diminuerait la
qualité des sols et réduirait la production, affectant à la fois les activités
économiques et l’accès à une alimentation suffisante de la population.» 8
27. L’utilisation d’un mélange chimique à base de glyphosate en climat tro-
pical présente des risques et des incertitudes graves. Les tests de toxicité du gly-
phosate et des effets durables de ce produit sur le biote ont le plus souvent été
effectués dans des climats tempérés sur l’ensemble nettement plus limité des
espèces végétales et animales originaires de ces régions très différentes. On
ignore si les conclusions avancées dans ces études s’appliquent également à un
milieu tropical extrêmement diversifié où la terre est généralement moins fertile
que dans les climats tempérés, et où les plantes endémiques ont élaboré un équi-
libre fragile avec les champignons, les bactéries et les cyanobactéries qui vivent
dans le sol et qui jouent un rôle essentiel dans le maintien du cycle nutritif.
Même si les effets du glyphosate sur cet équilibre écologique n’ont pas été éva-
lués, des études semblent indiquer que ce composant réduit les populations de
bactéries fixant le nitrogène. Nombre d’autres questions clés similaires restent
elles aussi sans réponse. La conduite de la Colombie constitue une expérience
écologique et toxicologique dangereuse à grande échelle.
Tentatives antérieures de règlement diplomatique du différend
28. Le Gouvernement de l’Equateur est très préoccupé par l’épandage aérien
d’herbicides auquel se livre la Colombie dans le cadre du Plan Colombie, et ce
depuis le moment où il a appris que celle-ci envisageait de procéder à des fumi-
gations dans la région frontalière. Ainsi, le ministère des relations extérieures de
l’Equateur a, le 24 juillet 2000, adressé à l’ambassade de Colombie à Quito une
note exprimant sa préoccupation sur les éventuelles «graves conséquences sur
la santé humaine et l’environnement, et leurs possibles effets en Equateur...»
[traduction du Greffe]. Depuis le début, il est manifeste que la Colombie n’a
nullement l’intention de tenir compte des préoccupations de l’Equateur. En
décembre 2000, elle a ainsi rejeté une proposition formulée par le Gouverne-
ment du Panama tendant à ce que cet aspect du Plan Colombie soit discuté au
sein d’une instance internationale, qualifiant ladite proposition de «déplacée»
et d’«inopportune».
8 Document A/HRC/4/32/Add.2 (28 décembre 2006). 23
29. En juillet 2001, les premières fumigations ayant été effectuées le long de
la frontière, le ministre des relations extérieures de l’Equateur a adressé à
l’ambassade de Colombie à Quito une nouvelle note demandant
«des informations sur la nature des substances utilisées dans le cadre des
fumigations ainsi que sur les zones spécifiques dans lesquelles ces opéra-
tions [étaient] menées et celles dans lesquelles il [était] prévu de les mener à
l’avenir» [traduction du Greffe].
Dans cette note, l’Equateur demandait que, en raison des conséquences sur
l’environnement et la santé humaine dans les communautés frontalières équa-
toriennes, la Colombie s’abstienne d’effectuer de nouveaux épandages aériens
dans un périmètre de 10 kilomètres de la frontière. Non seulement la Colom-
bie n’a jamais communiqué à l’Equateur les informations demandées, mais
elle a tenté de faire échec à toute enquête sérieuse en se contentant d’affir-
mer que
«[l]e Plan Colombie [était] justement la méthode la plus efficace pour pro-
téger le pays ami qu’est l’Equateur contre les effets pervers du trafic de
stupéfiants et du conflit armé, et ce d’une manière visant à empêcher qu’ils
ne continuent de s’aggraver et se disséminent en Equateur».
De même, la Colombie a rejeté la demande de l’Equateur tendant à ce que soit
respectée une zone tampon de 10 kilomètres dans laquelle aucun épandage ne
serait effectué.
30. En dépit de nouveaux échanges diplomatiques, la Colombie ne s’est pas
montrée plus disposée à coopérer. Ainsi, en avril 2002, elle a, une fois encore,
indiqué clairement qu’elle n’envisageait pas de négocier sur les fumigations. En
réponse aux protestations formulées par l’Equateur quant aux conséquences
que les épandages avaient sur son territoire, la Colombie a précisé qu’elle ne
renoncerait pas à un «instrument irremplaçable pour résoudre le conflit colom-
bien et atténuer le danger qu’il présente pour d’autres pays, notamment les pays
voisins» [traduction du Greffe]. En juillet 2003, le ministère des relations exté-
rieures de l’Equateur a adressé une note à son homologue colombien, note dans
laquelle il proposait encore une fois la création d’une zone de 10 kilomètres, le
long de la frontière avec l’Equateur, dans laquelle aucun épandage ne serait
effectué. Par une note en date du 23 septembre 2003, la Colombie a rejeté cette
proposition, déclarant que
«[l]a création d’une bande exempte de toute pulvérisation le long de la
frontière commune, telle que proposée par le Gouvernement de
l’Equateur ..., [était] inacceptable pour le Gouvernement de la Colombie,
et ce pour de multiples raisons»,
y compris en avançant que
«[l]’éradication forcée [était] reconnue comme une méthode légitime de
lutte contre les cultures illégales, et [était] réalisée selon des procédures
compatibles avec le respect de la santé humaine et de l’environnement,
conformément au principe de précaution consacré par la déclaration de
Rio de 1992 sur l’environnement et le développement» [traduction du
Greffe].
31. Ne parvenant pas à résoudre leurs désaccords par les voies diploma-
tiques habituelles, l’Equateur et la Colombie sont convenus, à la fin de
l’année 2003, de créer une commission scientifique et technique ad hoc afin
d’étudier les conséquences des épandages en Equateur. Bien que ladite com- 25
mission se soit réunie à quatre reprises entre la fin de l’année 2003 et le mois
d’août 2004, les délégations des Parties ne sont pas parvenues à s’accorder sur
les conséquences des épandages en Equateur.
32. Suite à l’échec de cette première commission mixte scientifique et tech-
nique, les Parties en sont revenues à d’infructueux échanges diplomatiques.
L’Equateur a continué de protester et d’exprimer ses inquiétudes sur les effets
manifestes des épandages, la Colombie ayant, quant à elle, continué de qualifier
ces préoccupations d’infondées. Même dans les rares occasions où les Parties
ont semblé avoir réalisé des progrès, l’on a rapidement assisté à des retours en
arrière. Ainsi, en décembre 2005, après que la Colombie eut achevé ses épan-
dages pour l’année en question et le Gouvernement de l’Equateur formulé des
demandes répétées, les deux gouvernements ont publié un communiqué conjoint
dans lequel la Colombie acceptait de suspendre provisoirement les épandages
dans un périmètre de 10 kilomètres de la frontière. Une fois le moment du
nouveau cycle annuel d’épandages venu, en décembre 2006, la Colombie a
cependant repris les pulvérisations le long de la frontière et dans toute la
zone tampon de 10 kilomètres.
33. A la suite de nouvelles protestations de l’Equateur, les Parties sont de
nouveau convenues, au début de l’année 2007, d’examiner la question en
dehors des voies diplomatiques habituelles en constituant une seconde commis-
sion scientifique mixte aux fins d’évaluer les dommages causés en Equateur et à
celui-ci. La commission s’est réunie à deux reprises, sans toutefois réaliser la
moindre avancée en raison des points de vue irréconciliables des deux déléga-
tions. La seconde et dernière réunion de la commission — qui s’est tenue
en juillet 2007 — s’est achevée sans que ne soit trouvé un accord ni même un
consensus sur un procès-verbal conjoint.
34. La Colombie a refusé d’arrêter, de suspendre et même de réduire ses
épandages aériens le long de la frontière avec l’Equateur. Lors d’une réunion
des ministres des relations extérieures tenue le 28 mai 2007, le ministre colom-
bien, M. Fernando Araújo Perdomo, a déclaré que «la Colombie n’[était] pas
en mesure de prendre des engagements sur la question des fumigations et ne
pouvait pas non plus prévoir la décision qu’elle prendrait à l’avenir sur ce
sujet» [traduction du Greffe]. Compte tenu de cet état de fait, l’Equateur a, par
une note diplomatique en date du 27 juillet 2007, informé la Colombie qu’il
considérait que la voie du dialogue était épuisée et n’avait plus de chance
d’aboutir. La présente requête en résulte.
Effets durables
35. Les effets néfastes importants des épandages aériens de la Colombie sur
l’Equateur ont été immédiats et dramatiques. Ils se sont également poursuivis
dans le temps et continuent d’être ressentis à ce jour. Le rapport du rapporteur
spécial des Nations Unies fait d’ailleurs observer que, «quatre ans après le
début de l’épandage, certaines variétés de bananes, yuccas, maïs, arbres frui-
tiers et herbes aromatiques ont disparu, ou que leur production a considérable-
ment diminué» Dans la communauté de San Francisco Dos où les premiers
épandages ont eu lieu en janvier et février 2001, par exemple, la production de
maïs qui a suivi l’épandage aérien de la Colombie a été réduite de plus de moi-
tié. La communauté voisine de Las Salinas, également affectée par l’épandage
aérien, a elle aussi vu diminuer de manière importante sa production de maïs. A
la date du dépôt de la présente requête, on continue d’observer des effets ana-
logues sur les cultures de yuccas, de riz, de cacao, de café, de plantains et autres
matières premières dont dépend la survie des populations locales. 27
36. Les effets prolongés des fumigations vont au-delà des dommages causés
aux cultures. Par suite des effets sur leurs moyens de subsistance, mais aussi des
effets sur la santé et de la terreur suscitée par l’épandage, un pourcentage assez
important de la population locale a été contraint de se réinstaller dans des
régions plus éloignées de la frontière avec la Colombie. La communauté de
Puerto Mestanza dans la province de Sucumbíos en est un exemple. Avant les
premiers épandages dans la région en août 2002, elle abritait quelque
86 familles de métayers. En 2005, il n’y restait que quatre familles. D’autres
communautés installées à la frontière ont été décimées. Au total, près de 50%
de la population jusque-là installée dans un rayon de 10 kilomètres de la
frontière avec la Colombie ont fui la région depuis le début des fumigations.
L ES DEMANDES DE L ’EQUATEUR
37. L’Equateur soutient que, par l’épandage aérien d’herbicides toxiques en
des endroits situés le long, à proximité ou de l’autre côté de sa frontière avec
l’Equateur, la Colombie a violé les droits équatoriens découlant du droit interna-
tional coutumier et conventionnel. Les dommages causés et autres dommages
imminents auront, pour certains, des conséquences irréversibles, ce qui indique
que la Colombie a manqué à ses obligations de prévention et de précaution.
D ÉCISION DEMANDÉE
38. A partir des faits et du droit susmentionnés, l’Equateur prie la Cour de
dire et juger que:
A) la Colombie a violé les obligations qui lui incombent en vertu du droit
international en causant ou permettant le dépôt sur le territoire de l’Equa-
teur d’herbicides toxiques qui ont porté atteinte à la santé humaine, aux
biens et à l’environnement;
B) la Colombie est tenue d’indemniser l’Equateur pour tout dommage ou
perte causés par ses actes internationalement illicites, à savoir l’utilisation
d’herbicides, y compris par épandage aérien, et notamment:
i) pour tout décès ou atteinte à la santé humaine résultant de l’utilisation
de tels herbicides;
ii) pour tout dommage ou perte causés aux biens ou aux moyens de sub-
sistance de la population concernée ou à ses droits de l’homme;
iii) pour les dommages causés à l’environnement ou l’amenuisement des
ressources naturelles;
iv) pour les coûts liés aux études visant à déterminer et apprécier les
risques futurs pour la santé publique, les droits de l’homme et l’envi-
ronnement de l’utilisation d’herbicides par la Colombie;
v) pour tout autre dommage ou perte; et que
C) la Colombie doit
i) respecter la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Equateur;
ii) prendre immédiatement toutes les mesures nécessaires pour prévenir,
en tout point de son territoire, l’utilisation de tout herbicide toxique
d’une manière pouvant entraîner son dépôt en territoire équatorien;
iii) interdire l’utilisation, par épandage aérien, de tels herbicides en Equa-
teur, en tout point de sa frontière avec l’Equateur ou à proximité de
celle-ci. 29
39. L’Equateur se réserve le droit de modifier et de compléter la présente
requête, ainsi que l’exposé des moyens.
M ESURES CONSERVATOIRES
40. L’Equateur se réserve le droit, conformément au paragraphe 73 du
Règlement de la Cour, de demander que soient indiquées des mesures conser-
vatoires.
* * *
41. Conformément aux dispositions de l’article 31 du Statut de la Cour et au
paragraphe premier de l’article 35 de son Règlement, la République de l’Equa-
teur indique son intention de désigner un juge ad hoc.
42. Conformément à l’article 40 du Statut de la Cour, le ministre des
relations extérieures de l’Equateur a désigné comme agent dans la présente
procédure le soussigné, Dr. Diego Cordovez. Il est demandé que toutes les
communications en l’espèce soient notifiées à l’agent à l’adresse suivante:
Ambassade de la République de l’Equateur
au Royaume des Pays-Bas
Koninginnegracht 84,
2514 AJ La Haye.
Respectueusement,
L’agent du Gouvernement de la
République de l’Equateur,
(Signé) Dr. Diego C ORDOVEZ .
La Haye, le 31 mars 2008. 31
III. LETTRE DU MINISTRE DES RELATIONS EXTE uRIEURES
Av M. DIEGO CORDOVEZ-ZEGERS, QUITO
[Traduction française établie par le Greffe à partir de la traduction anglaise
fournie par l’Equateur]
RÉPUBLIQUE DE L’ÉQUATEUR
MINISTÈRE DES RELATIONS EXTÉRIEURES
o
N 15080-GM/2008.
28 mars 2008.
Monsieur,
o
J’ai le plaisir de vous informer que, par le décret exécutif n 990 en date du
27 mars 2008, le président constitutionnel de la République de l’Equateur,
Rafael Correa Delgado, vous a désigné comme agent de la République de
l’Equateur devant la Cour internationale de Justice, au rang d’ambassadeur en
mission spéciale, à toutes fins utiles à la requête que le gouvernement national
déposera à l’encontre de la République de Colombie, concernant les dommages
causés à l’Etat équatorien, à ses habitants et à l’environnement par l’épandage
d’herbicides chimiques.
En vertu de cette nomination, vous êtes dûment autorisé à signer la requête
correspondante et à agir au nom de la République de l’Equateur tout au long
de la procédure judiciaire.
Veuillez agréer, etc.
Le ministre des relations extérieures,
du commerce et de l’intégration,
(Signé) María Isabel SALVADOR -C RESPO.
I. LETTER FROM THE AMBASSADOR OF ECUADOR
(APPOINTED) TO THE KINGDOM OF THE NETHERLANDS
TO THE REGISTRAR OF THE INTERNATIONAL COURT
OF JUSTICE
EMBAJADA DEL ECUADOR
EN LOS PAÍSES BAJOS
No. 4-4-3/08.
The Hague, 31 March 2008.
Sir,
I have been instructed by my Government to present the Application to institute
proceedings against the Republic of Colombia, in relation to the damages
caused to the Ecuadorian State, its inhabitants and the environment through
the spraying of chemical herbicides.
In this regard, in addition to the Application, I am enclosing herewith the
letter No. 15080-GM/2008, dated 28 March 2008, by means of which
Mrs. María Isabel Salvador-Crespo, Minister of Foreign Relations, Commerce
and Integration of Ecuador informs Mr. Diego Cordovez-Zegers, that he has
been appointed as Agent before the International Court of Justice, by the President
of Ecuador.
The Application and the above-mentioned letter, have been duly authentified
by the Ecuadorian Consulate in The Hague.
Accept, Sir, the assurances of my highest consideration.
(Signed) Rodrigo RIOFRÍO-MACHUCA,
Ambassador of Ecuador (appointed).
I certify that the above signature is authentic and it is used by Ambassador
Rodrigo Riofrío-Machuca in all his private and public duties.
(Signed) Helena YÁNEZ-LOZA,
Chargée d’affaires a.i. of Ecuador.
2
2008
General List
No. 138
I. LETTRE DE L’AMBASSADEUR (DEuSIGNEu) DE L’EuQUATEUR
AUPREvS DU ROYAUME DES PAYS-BAS AU GREFFIER
DE LA COUR INTERNATIONALE
DE JUSTICE
[Traduction]
AMBASSADE DE L’ÉQUATEUR
AUX PAYS-BAS
No 4-4-3/08.
La Haye, le 31 mars 2008.
Monsieur,
J’ai reçu instruction de mon gouvernement de déposer la présente requête
introduisant une instance contre la République de Colombie, relativement aux
dommages causés à l’Etat équatorien, à ses habitants et à l’environnement du
fait de l’épandage d’herbicides chimiques.
Outre la requête, je joins la lettre no 15080-GM/2008, en date du 28 mars 2008,
par laquelle Mme María Isabel Salvador-Crespo, ministre des relations extérieures,
du commerce et de l’intégration de l’Equateur, informe M. Diego
Cordovez-Zegers qu’il a été nommé agent près la Cour internationale de Justice
par le président de l’Equateur.
La requête et la lettre susmentionnée ont été dûment authentifiées par le
consulat équatorien à La Haye.
Veuillez agréer, etc.
L’ambassadeur (désigné) de l’Equateur,
(Signé) Rodrigo RIOFRÍO-MACHUCA.
Je certifie que la signature ci-dessus est authentique et est celle qu’utilise
l’ambassadeur, M. Rodrigo Riofrío-Machuca, dans l’exercice de ses fonctions
officielles ainsi qu’à titre privé.
La chargée d’affaires a.i. de l’Equateur,
(Signé) Helena YÁNEZ-LOZA.
3
2008
Rôle général
no 138
II. APPLICATION INSTITUTING PROCEEDINGS
REPÚBLICA DEL ECUADOR
MINISTERIO DE RELACIONES EXTERIORES
To the Registrar,
International Court of Justice.
The undersigned being duly authorized by the Government of the Republic
of Ecuador:
1. In accordance with Articles 36 (1) and 40 of the Statute of the Court, and
Article 38 of the Rules, I have the honour to submit this Application instituting
proceedings in the name of the Republic of Ecuador against the Republic of
Colombia.
NATURE OF THE DISPUTE
2. This case concerns Colombia’s aerial spraying of toxic herbicides at locations
near, at and across its border with Ecuador. The spraying has already
caused serious damage to people, to crops, to animals, and to the natural environment
on the Ecuadorian side of the frontier, and poses a grave risk of
further damage over time. Ecuador therefore respectfully requests a judgment
of the Court ordering Colombia to (a) respect the sovereignty and territorial
integrity of Ecuador; (b) take all steps necessary to prevent the use of any toxic
herbicides in such a way that they could be deposited onto the territory of
Ecuador; (c) prohibit the use, by means of aerial dispersion, of such herbicides
on or near any part of its border with Ecuador; and (d) indemnify Ecuador for
any loss or damage caused by its internationally unlawful acts.
3. Every year since at least 2000, Colombia has used airplanes and helicopters
to spray powerful, broad-spectrum herbicides (the chemical composition of
which it refuses to disclose) over wide swaths of territory in the two States’ border
region. The putative target of Colombia’s spraying has been illicit coca and
poppy plantations in the frontier area. The impacts of Colombia’s spraying,
however, have not been confined to its side of the border. Fumigations dispersed
by Colombia along or near the boundary line have been carried across
the border and have caused significant deleterious effects in Ecuador. In addition,
on some occasions aircrafts participating in Colombia’s fumigation operations
have, without authorization, crossed into Ecuadorian airspace and sprayed
within the territory of Ecuador.
4. During and after each of Colombia’s spraying campaigns, for instance,
Ecuador’s population in the northern boundary areas has reported serious
adverse health reactions including burning, itching eyes, skin sores, intestinal
bleeding and even death. Because of the non-discriminating nature of the her-
4
II. REQUE|TE INTRODUCTIVE D’INSTANCE
[Traduction]
RÉPUBLIQUE DE L’ÉQUATEUR
MINISTÈRE DES RELATIONS EXTÉRIEURES
Au greffier
de la Cour internationale de Justice.
Je soussigné, dûment autorisé par le Gouvernement de la République de
l’Equateur :
1. Ai l’honneur de présenter, conformément au paragraphe 1 de l’article 36
et à l’article 40 du Statut de la Cour, ainsi qu’à l’article 38 de son Règlement, la
présente requête introduisant, au nom de la République de l’Equateur, une
instance contre la République de Colombie.
NATURE DU DIFFÉREND
2. Le présent différend a trait à l’épandage aérien par la Colombie d’herbicides
toxiques en des endroits situés à proximité, le long ou de l’autre côté de sa
frontière avec l’Equateur. L’épandage a déjà gravement porté atteinte aux
populations, aux cultures, à la faune et au milieu naturel du côté équatorien de
la frontière et risque sérieusement, avec le temps, de causer d’autres dommages.
L’Equateur prie donc respectueusement la Cour de rendre un arrêt enjoignant
la Colombie a) de respecter la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Equateur
; b) de prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir l’utilisation de
tout herbicide toxique d’une manière pouvant entraîner son dépôt en territoire
équatorien ; c) d’interdire l’utilisation, par épandage aérien, de tels herbicides
en Equateur, en tout point de sa frontière avec l’Equateur ou à proximité de
celle-ci ; d) d’indemniser l’Equateur pour tout dommage ou perte causés par ses
actes internationalement illicites.
3. Chaque année, et ce depuis au moins l’an 2000, la Colombie a utilisé des
avions et des hélicoptères afin de pulvériser de puissants herbicides à large
spectre (dont elle refuse de dévoiler la composition chimique) sur d’importantes
portions de territoire dans la région frontalière des deux Etats. Les épandages
effectués par la Colombie semblent avoir visé des plantations illicites
de coca et de pavot dans la zone frontalière. Les effets des épandages ainsi effectués
n’ont cependant pas été limités au côté colombien de la frontière. Les
fumigations auxquelles la Colombie a procédé le long ou à proximité de cette
dernière se sont en effet propagées de l’autre côté et ont eu d’importants effets
délétères en Equateur. De surcroît, les avions ayant participé à ces opérations
de fumigation ont parfois pénétré sans autorisation l’espace aérien équatorien
et effectué des épandages en territoire équatorien.
4. Ainsi, pendant et après chaque campagne d’épandage menée par la Colombie,
la population équatorienne vivant dans les zones situées à proximité de la
frontière septentrionale a signalé de graves effets nuisibles à la santé, notamment
des brûlures, des prurits oculaires, des irritations cutanées, des hémorra-
5
bicide used by Colombian authorities, there has also been serious and widespread
damage to non-target plant species, including key local crops such as
yucca, plantains, rice, coffee, hay and others. The consequences of the crop
damage have been serious in the context of the subsistence farming needs of the
local population.
5. Throughout the years since the spraying started in 2000, Ecuador has
made repeated and sustained efforts to negotiate an end to the fumigations.
Twice, the Parties have convened bilateral scientific commissions for purposes
of examining the issues arising from Colombia’s sprayings. These negotiations
have proved unsuccessful. Even on the occasions when Ecuador thought it had
reached agreement with Colombia to put an end to the aerial sprayings, the
fumigations subsequently resumed. It is therefore plain that the attitude of
Colombia makes impossible for the Parties’ dispute to be settled by diplomatic
means. Ecuador has been left no choice but to bring this Application instituting
proceedings to secure redress for the violation of its rights as set forth more
fully below.
6. Before proceeding further, Ecuador takes the opportunity to reaffirm that
it is firmly opposed to the export and consumption of illegal narcotics. It has a
strong and consistent record in this respect. The issues presented in this Application
relate exclusively to the methods and locations of Colombia’s operations
to eradicate illicit coca and poppy plantations — and the harmful effects in
Ecuador of such operations.
THE COURT’S JURISDICTION
7. The Court has jurisdiction over the present dispute by virtue of the operation
of the American Treaty on Pacific Settlement of Disputes, Bogotá,
30 April 1948 (“Pact of Bogotá”)1, Article XXXI, which provides:
“In conformity with Article 36, paragraph 2, of the Statute of the International
Court of Justice, the High Contracting Parties declare that they
recognize, in relation to any other American State, the jurisdiction of the
Court as compulsory ipso facto, without the necessity of any special agreement
so long as the present Treaty is in force, in all disputes of a juridical
nature that arise among them concerning:
(a) the interpretation of a treaty;
(b) any question of international law;
(c) the existence of any fact which, if established, would constitute the
breach of an international obligation;
(d) the nature or extent of the reparation to be made for the breach of an
international obligation.”
Ecuador and Colombia are parties to the Pact of Bogotá.
8. The Court also has jurisdiction over the present dispute in accordance
with the provisions of the 1988 United Nations Convention against Illicit
1 United Nations, 30 Treaty Series, 55.
6
gies intestinales, et même des cas de décès. Les herbicides utilisés par les autorités
colombiennes n’étant pas sélectifs, ils ont également causé des dommages
graves et étendus à certaines espèces végétales qu’ils ne visaient pas, notamment
des cultures locales essentielles telles que le yucca, le plantain, le riz, le café, le
foin et autres. Les dommages causés aux cultures ont posé de graves problèmes
dans la mesure où la subsistance de la population locale dépend des produits
agricoles.
5. Depuis que les épandages ont commencé en l’an 2000, l’Equateur a
déployé des efforts soutenus et répétés en vue de négocier la cessation de ces
fumigations. A deux reprises, les Parties ont créé des commissions scientifiques
bilatérales afin d’examiner les questions posées par les épandages de la Colombie.
Ces négociations se sont révélées infructueuses. Même lorsque l’Equateur
pensait être parvenu à un accord avec la Colombie afin que celle-ci mette un
terme à ses épandages aériens, les fumigations reprenaient. Dès lors, il est évident
que l’attitude de la Colombie rend impossible le règlement par la voie
diplomatique du différend opposant les Parties. L’Equateur n’a d’autre choix
que de déposer la présente requête introductive d’instance afin d’obtenir réparation
pour la violation de ses droits, telle qu’exposée ci-dessous de manière
plus détaillée.
6. Avant de poursuivre, l’Equateur saisit cette occasion pour réaffirmer son
opposition résolue à toute exportation ou consommation de stupéfiants illicites.
Ses antécédents sur ce point sont solides et indiscutables. Les questions exposées
dans la présente requête ont uniquement trait aux méthodes employées par
la Colombie et aux endroits où elle effectue ses opérations en vue d’éradiquer
les plantations illicites de coca et de pavot, ainsi qu’aux effets néfastes de telles
opérations en Equateur.
COMPÉTENCE DE LA COUR
7. La Cour a compétence pour connaître du présent différend aux termes de
l’article XXXI du traité américain de règlement pacifique (le «pacte de
Bogotá») 1, signé à Bogotá, le 30 avril 1948, lequel dispose :
«Conformément au paragraphe 2 de l’article 36 du Statut de la Cour
internationale de Justice, les Hautes Parties contractantes en ce qui
concerne tout autre Etat américain déclarent reconnaître comme obligatoire
de plein droit, et sans convention spéciale tant que le présent traité
restera en vigueur, la juridiction de la Cour sur tous les différends d’ordre
juridique surgissant entre elles et ayant pour objet :
a) l’interprétation d’un traité ;
b) toute question de droit international ;
c) l’existence de tout fait qui, s’il était établi, constituerait la violation
d’un engagement international ;
d) la nature ou l’étendue de la réparation qui découle de la rupture d’un
engagement international.»
L’Equateur et la Colombie sont parties au pacte de Bogotá.
8. La Cour a également compétence pour connaître du présent différend aux
termes des dispositions de la convention des Nations Unies de 1988 contre le
1 Nations Unies, Recueil des traités, vol. 30, p. 55.
7
Traffic in Narcotic Drugs and Psychotropic Substances (“1988 United
Nations Drug Convention”)2, Article 32 of which provides:
“Any such dispute [relating to the interpretation or application of the
Convention] which cannot be settled in the manner prescribed in paragraph
1 of this article [that is, by negotiation, enquiry, mediation, conciliation,
arbitration, recourse to regional bodies, judicial process or other
peaceful means of the parties’ choosing] shall be referred, at the request of
any one of the States Parties to the dispute, to the International Court of
Justice for decision.”
Ecuador and Colombia are parties to the 1988 United Nations Drug Convention.
THE FACTS
Background
9. The majority of the world’s coca (Erythroxylum coca) is grown in Colombia.
It is also one of the world’s largest producers of opium poppy (Papaver
somniferum) and a significant source of marijuana (Cannabis sativa).
10. Confronted with this reality, the Government of Colombia has used
various strategies to eradicate illicit narcotics crops. One of these strategies has
been the aerial spraying of coca and poppy crops with chemical herbicides.
From the outset, this practice has met opposition from affected populations,
policy makers and scientists. As early as 1984, for example, the Government of
Colombia, through its National Health Institute, convened a group of herbicide
experts to consider the potential harms from aerial spraying. The experts
opposed the aerial spraying of any herbicide, including, in particular, glyphosate,
a powerful, broad-spectrum herbicide used widely in agriculture. The
experts stated:
“Glyphosate: Its aerial use for the eradication of crops of marihuana
and coca is not recommended. The data obtained in animal experimentation
show low acute toxicity; its acute toxicity in humans is little known. In
the literature reviewed there is no information concerning chronic toxicity
in humans. Neither is there information with respect to its mutagenic and
tetragenic effects . . .”3
11. The experts subsequently reiterated their opposition, stating:
“[T]he Committee reiterates its position of having not recommended the
use of glyphosate or any other herbicide by means of aerial spraying . . .
the proposed program is inadvisable because it would be accepting human
experimentation.” 4
12. Notwithstanding the recommendations of its own experts, Colombia
2 United Nations doc. E/CONF.82/15 (1988), reprinted in 28 International Legal
Materials (ILM) 493 (1989).
3 Administrative Tribunal of Cundinamarca, Colombia, Second Section, Subsection
“B”, 13/6/2003, “Claudia Sampedro y Hector Suarez v. Ministry of Environment and
Others” (Col.), p. 15.
4 Ibid.
8
trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes (la «convention des
Nations Unies de 1988 sur les stupéfiants ») 2, dont l’article 32 dispose :
«Tout différend de cette nature [relatif à l’interprétation ou à l’application
de la convention] qui ne peut être réglé par les moyens prévus au paragraphe
1 du présent article [c’est-à-dire, par voie de négociation, d’enquête,
de médiation, de conciliation, d’arbitrage ou de recours à des organismes
régionaux, par voie judiciaire ou par d’autres moyens pacifiques choisis
par les parties] est soumis, à la demande de l’un quelconque des Etats
Parties au différend, à la Cour internationale de Justice, pour décision.»
L’Equateur et la Colombie sont parties à la convention des Nations Unies
de 1988 sur les stupéfiants.
LES FAITS
Contexte
9. La plupart des plantations de coca (Erythroxylum coca) de la planète
sont concentrées en Colombie; celle-ci est également l’un des plus grands producteurs
au monde de pavot à opium (Papaver somniferum) et de marijuana
(Cannabis sativa).
10. Face à cette réalité, le Gouvernement colombien a eu recours à diverses
stratégies pour éradiquer les cultures de plantes servant à la fabrication de stupéfiants
illicites, l’une consistant à pulvériser, par la voie aérienne, des herbicides
chimiques sur les plantations de coca et de pavot. D’emblée, cette dernière
pratique a suscité l’opposition des populations concernées, des autorités et des
scientifiques. Dès 1984, par exemple, un groupe d’experts spécialistes des herbicides,
que le Gouvernement colombien avait chargé, par l’intermédiaire de
son Institut national de la santé, d’examiner les dommages que pouvait occasionner
l’épandage aérien, s’est élevé contre la pulvérisation d’herbicides, et, en
particulier, du glyphosate, puissant désherbant à large spectre largement utilisé
en agriculture, écrivant :
«Glyphosate: sa vaporisation aérienne en vue d’éradiquer les cultures de
cannabis et de coca n’est pas recommandée. L’expérimentation animale a
révélé une faible toxicité aiguë ; cette toxicité pour les êtres humains est mal
connue. Les documents examinés ne fournissent aucune donnée sur sa
toxicité chronique pour les humains. Ils n’en fournissent pas davantage sur
ses effets mutagènes et tératogènes...»3
11. Le groupe d’experts a par la suite réitéré son opposition en ces termes :
«Le comité répète qu’il n’a pas recommandé l’utilisation du glyphosate
ou d’un quelconque autre herbicide par pulvérisation aérienne... Le programme
envisagé est contre-indiqué, parce qu’il reviendrait à cautionner
l’expérimentation humaine.»4
12. En dépit des recommandations de ses propres experts, la Colombie a
2 Nations Unies, doc. E/CONF.82/15 (1988), reproduit dans International Legal
Materials (ILM), vol. 28, 1989, p. 493.
3 Tribunal administratif de Cundinamarca, Colombie, deuxième section, sous-partie
«B», 13 juin 2003, « Claudia Sampedro et Hector Suarez c. le ministère de l’environnement
et al. » (Col.), p. 15.
4 Ibid.
9
continued to spray herbicides aerially as part of its effort to combat the cultivation
of illegal narcotics and its internal armed insurgency. Colombia has
placed particularly heavy reliance on aerial spraying since 1999 when it adopted
“Plan Colombia”, a programme originally devised by then-President
Andrés Pastrana Arango to promote peace, combat narcotics, and foster
democracy. From its inception, the counter-narcotics component of Plan
Colombia has emphasized the chemical eradication of illicit coca and poppy
plantations by aerial spraying of herbicides across wide swaths of Colombian
territory, including areas located along that country’s south-western border
with the Ecuadorian provinces of Esmeraldas, Carchi and Sucumbíos.
Aerial Sprayings near or in Ecuador
13. Aerial fumigations under Plan Colombia officially began in 2000. Early
spraying was conducted in Colombia’s south-western Provinces of Putumayo
and Nariño, which abut the northern Ecuadorian Provinces of Sucumbíos,
Carchi and Esmeraldas. Sprayings at the Ecuador border began soon thereafter.
In October 2000, for example, the Ecuadorian hamlet of San Marcos in
the Province of Carchi, home to the Awá indigenous community, was sprayed,
as was the settlement of Mataje in the Province of Esmeraldas. Between January
and February 2001, Colombia conducted a weeks-long campaign of heavy
spraying along the boundary near the community of San Francisco Dos in the
Province of Sucumbíos. Herbicides were sprayed day after day during those
two months, with only brief respites. On the days spraying took place, the
fumigations were conducted virtually continuously between 6 a.m. and 4 p.m.
Clouds of spray mist dropped from the planes, carried with the wind and fell on
people, homes, plants and animals (both wild and domestic) in Ecuador, as well
as on the San Miguel River which constitutes the border between the two countries
in that area.
14. Immediately after the sprayings, residents in and around San Francisco
Dos developed serious adverse health reactions including fevers, diarrhoea,
intestinal bleeding, nausea and a variety of skin and eye problems. Children
were affected particularly badly. At least two deaths occurred in the days
immediately following these initial sprayings — in a community where no similar
deaths had been reported in the two preceding years. Other children
required transportation to modern medical facilities elsewhere in Ecuador.
15. People were not the only ones affected. Area vegetation, including local
agricultural crops, was devastated. Yucca, corn, rice, plantains, cocoa, coffee
and fruit turned brown, became desiccated and died. Animals were similarly
hard hit: reported deaths of poultry and fish were particularly wide-spread, and
dogs, horses, cows and other animals also became ill.
16. Over the seven years of spraying to date, Colombian aircraft involved in
the fumigations have repeatedly violated Ecuadorian airspace. Sometimes, they
sprayed herbicides right up to the boundary and then used Ecuadorian air
space to turn around to resume spraying on the border. On other occasions,
they continued spraying even as they flew into and over Ecuadorian territory,
dropping their spray directly on people, plants and animals in Ecuador. On
10
poursuivi ses épandages aériens d’herbicides, dans le cadre des mesures prises
pour lutter contre la culture de plantes destinées à la production de stupéfiants
illicites et contre l’insurrection armée. La Colombie favorise tout particulièrement
cette technique depuis 1999, année de l’adoption du «Plan Colombie»,
initialement conçu par Andrés Pastrana Arango, alors président du pays, afin
de promouvoir la paix, de lutter contre le trafic de stupéfiants et d’encourager
la démocratie. Dès le départ, le volet antidrogue du «Plan Colombie» mettait
l’accent sur l’éradication chimique des plantations illicites de coca et de pavot
par pulvérisation aérienne d’herbicides sur de larges étendues du territoire
colombien, dont certaines sont situées le long de la frontière sud-ouest avec les
provinces équatoriennes d’Esmeraldas, de Carchi et de Sucumbíos.
Epandages aériens en Equateur ou à proximité
13. Les fumigations aériennes prévues dans le cadre du Plan Colombie commencèrent
officiellement en 2000. Les premiers épandages furent effectués au
Putumayo et à Nariño, départements du sud-ouest de la Colombie qui jouxtent
les provinces de Sucumbíos, de Carchi et d’Esmeraldas, au nord de l’Equateur.
Les épandages à la frontière équatorienne démarrèrent peu après. Ainsi, des
herbicides furent pulvérisés en octobre 2000 sur le hameau équatorien de
San Marcos (province de Carchi), peuplé de membres de la communauté indigène
des Awá, ainsi que sur la localité de Mataje, dans la province d’Esmeraldas.
De janvier à février 2001, la Colombie mena, plusieurs semaines durant,
une campagne d’épandage intensif le long de la frontière, près de San Francisco
Dos (province de Sucumbíos): au cours de ces deux mois, les fumigations se
succédèrent à un rythme quotidien, ponctuées de brèves interruptions seulement.
Les jours d’épandage, les fumigations commençaient à 6 heures du matin
et se poursuivaient presque sans discontinuer jusqu’à 16 heures. Les avions
lâchaient des nuages de vapeur qui, emportés par le vent, retombaient sur les
habitants, les habitations, la flore et la faune (tant sauvage que domestique) de
l’Equateur, et également sur le fleuve San Miguel, qui marque la frontière entre
les deux pays dans cette zone.
14. Immédiatement après cette campagne, des habitants de San Francisco
Dos et des alentours commencèrent à ressentir de graves effets indésirables
: fièvre, diarrhée, hémorragies intestinales, nausée et divers types de lésions
cutanées et oculaires. Les enfants furent les plus gravement touchés. Au moins
deux d’entre eux périrent dans les jours qui suivirent ces premiers épandages
— dans une communauté qui, au cours des deux précédentes années, n’avait
connu aucun décès dans des circonstances analogues. D’autres enfants durent
être transportés vers des établissements médicaux modernes dans d’autres
parties du pays.
15. Les êtres humains ne furent pas les seuls à être touchés. La végétation
locale, notamment les cultures agricoles, fut dévastée. Yucca, maïs, riz, plantain,
cacao, café et fruits prenaient une teinte brunâtre, se desséchaient et mouraient.
Le monde animal, de même, fut durement touché: les informations
faisant état de volailles et de poissons morts étaient légion, et des maladies ont
frappé chiens, chevaux, vaches et autres animaux.
16. Au cours des sept années qu’aura duré l’épandage à ce jour, les aéronefs
colombiens procédant aux fumigations ont violé, de manière répétée, l’espace
aérien équatorien. Tantôt, ils pulvérisaient des herbicides jusqu’à hauteur de la
frontière et utilisaient alors l’espace aérien équatorien pour faire demi-tour et
reprendre ensuite leurs épandages à la frontière ; tantôt, ils poursuivaient ceux-ci
alors même qu’ils pénétraient sur le territoire de l’Equateur et en survolaient le
11
those occasions when Colombian aircraft nominally respected Ecuador’s
territorial integrity, aerial drift resulted in the dispersion of the herbicide into
Ecuadorian territory.
17. Some of the Ecuadorian communities adversely impacted by Colombia’s
aerial spraying, and the approximate time periods when they were impacted,
are listed below:
Province Communities Date
Esmeraldas Mataje October 2000
Carchi Awá community of San Marcos
October 2000
Sucumbíos San Francisco 1 and 2, Nuevo
Mundo, and San Pedro del
Cóndor
December-February 2001
Carchi Awá community of San Marcos
October-November 2001
Sucumbíos Chone II, Playera Oriental,
Palma Seca, Puerto Nuevo,
Santa Marianita, 5 de
Agosto, and Puerto
Mestanza
August-October 2002
Sucumbíos Santa Marianita, Corazón
Orense, 5 de Agosto, and
Puerto Mestanza
July 2003
Carchi Chical December 2004
Sucumbíos Frente al Azul December 2004
Esmeraldas Limones April 2005
Carchi Awá community of San Marcos
May 2005
Sucumbíos The communities from Salinas
to Puerto Nuevo
December 2006
Sucumbíos The communities from Puerto
el Carmen to Río Abajo
January 2007
In addition to the areas specifically listed, sprayings also occurred in other less
populated areas, including primary forest in both Colombia and Ecuador.
18. The effects of the aerial spraying on Ecuadorians living in these border
communities mirror the effects on Colombians who have been exposed to
spraying, as reported by Colombian governmental agencies and non-governmental
organizations. According to the results of an investigation conducted in
the Colombian Province of Putumayo, as a result of aerial sprayings in that
Province several thousand Colombians were reported to be suffering from a
host of symptoms, including eye irritation, respiratory problems, heart arrhythmias,
skin lesions, temporary paralysis and temporary blindness, among other
problems. Thousands of animals were also reported to have died, and food
crops were destroyed.
12
sol, larguant les vapeurs directement sur ses habitants, sa faune et sa flore.
Lorsque les avions colombiens respectaient théoriquement l’intégrité territoriale
de l’Equateur, l’herbicide, sous l’effet des vents, n’en était pas moins dispersé
sur son sol.
17. La liste ci-dessous répertorie certaines des communautés équatoriennes
qui ont pâti des épandages aériens auxquels s’est livrée la Colombie, et les dates
approximatives auxquelles elles furent touchées :
Province Communautés Date
Esmeraldas Mataje Octobre 2000
Carchi Communauté des Awá de San
Marcos
Octobre 2000
Sucumbíos San Francisco 1 et 2, Nuevo
Mundo et San Pedro del
Cóndor
Décembre-février 2001
Carchi Communauté des Awá de San
Marcos
Octobre-novembre 2001
Sucumbíos Chone II, Playera Oriental,
Palma Seca, Puerto Nuevo,
Santa Marianita, 5 de
Agosto et Puerto Mestanza
Août-octobre 2002
Sucumbíos Santa Marianita, Corazón
Orense, 5 de Agosto et
Puerto Mestanza
Juillet 2003
Carchi Chical Décembre 2004
Sucumbíos Frente al Azul Décembre 2004
Esmeraldas Limones Avril 2005
Carchi Communauté des Awá de San
Marcos
Mai 2005
Sucumbíos Les communautés établies
entre Salinas et Puerto
Nuevo (inclus)
Décembre 2006
Sucumbíos Les communautés établies
entre Puerto el Carmen et
Río Abajo (inclus)
Janvier 2007
Outre les zones répertoriées ci-dessus, d’autres moins peuplées — dont des
régions de forêt primaire, tant en territoire colombien qu’équatorien — ont
également été touchées.
18. Les effets des fumigations aériennes sur les Equatoriens vivant dans ces
communautés frontalières sont identiques à ceux qu’ont subis les Colombiens
exposés à ces vapeurs, comme en ont rendu compte certaines agences gouvernementales
et organisations non gouvernementales colombiennes. Une enquête
effectuée dans le département colombien du Putumayo indiquait que plusieurs
milliers de Colombiens présentaient une grande variété de symptômes liés aux
épandages aériens ayant eu lieu dans la région : avaient notamment été rapportés
des cas d’irritation oculaire, de problèmes respiratoires, d’arythmie
cardiaque, de lésions cutanées, de paralysie et de cécité temporaires. L’enquête
faisait également état de la mort de milliers d’animaux et de la destruction de
cultures vivrières.
13
The Herbicidal Mixture Reportedly Used by Colombia
19. Colombia has refused to disclose to Ecuador the precise chemical composition
of the herbicide it is using. In communications, and in press reports, it
has indicated that the primary “active” ingredient is glyphosate (N-phosphonomethyl
glycine), an isopropylamine salt used widely as a weed killer. Glyphosate
works by inhibiting the shikimate metabolic pathway common to all
plants. It is desirable as a herbicide precisely because of its non-selective,
broad-spectrum characteristics. Put directly, it kills virtually any plant.
20. Glyphosate is also portrayed as desirable because of its alleged minimal
toxicity to humans and animals, which do not possess the shikimate pathway.
The product label of a common glyphosate-based weed killer widely available
to consumers in other parts of the world suggests reasons for concern, however.
It contains explicit warnings:
“CAUSES SUBSTANTIAL BUT TEMPORARY EYE INJURY.
HARMFUL IF SWALLOWED OR INHALED.
Do not get in eyes or on clothing.
Avoid breathing vapor or spray mist.
FIRST AID Call a poison control center or doctor for
treatment advice.
IF IN EYES — Hold eye open and rinse slowly and
gently with water for 15-20 minutes.
— Remove contact lenses if present after
the first 5 minutes then continue rinsing
eye.
IF INHALED — Remove individual to fresh air. If not
breathing, give artificial respiration,
preferably mouth-to-mouth. Get medical
attention.
IF SWALLOWED — This product will cause gastrointestinal
tract irritation. Immediately dilute by
swallowing water or milk. Get medical
attention. NEVER GIVE ANYTHING
BY MOUTH TO AN UNCONSCIOUS
PERSON.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Do not apply this product in a way that will contact workers or other
persons, either directly or through drift. Only protected handlers may be
in the area during application.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
AVOID DRIFT. EXTREME CARE MUST BE USED WHEN APPLYING
THIS PRODUCT TO PREVENT INJURY TO DESIRABLE
PLANTS AND CROPS.
14
Le mélange herbicide prétendument utilisé par la Colombie
19. La Colombie a refusé de révéler à l’Equateur la composition chimique
exacte de l’herbicide qu’elle utilise. Elle a fait savoir, dans des communications
et des articles de presse, que le glyphosate (N-phosphonométhyl glycine), un sel
d’isopropylamine largement utilisé comme désherbant, en était l’ingrédient
«actif» principal. Le glyphosate a pour effet d’inhiber la voie métabolique du
shikimate commune à toutes les plantes. C’est un herbicide avantageux précisément
en raison de ses propriétés non sélectives et à large spectre. Pour le dire
sans ambages, il détruit pratiquement n’importe quelle plante.
20. Le glyphosate est également présenté comme avantageux en raison de sa
prétendue toxicité minimale pour les humains et les animaux, lesquels ne possèdent
pas de voie du shikimate. L’étiquette d’un désherbant ordinaire à base
de glyphosate largement commercialisé dans d’autres parties du monde semble
toutefois indiquer qu’il y a lieu de s’inquiéter. On y lit les avertissements explicites
suivants :
«PROVOQUE DES LEuSIONS OCULAIRES IMPORTANTES MAIS
PASSAGEvRES.
NOCIF EN CAS D’INGESTION OU D’INHALATION.
Ne pas mettre dans les yeux ou sur les vêtements.
Eviter de respirer la vapeur ou le brouillard de pulvérisation.
PREMIERS SECOURS Appeler un centre antipoison ou un médecin
pour des conseils de traitement.
EN CAS DE CONTACT
AVEC LES YEUX
— Maintenir l’oeil ouvert et rincer lentement
et doucement sous l’eau pendant
quinze à vingt minutes.
— Retirer, le cas échéant, les lentilles de
contact après les cinq premières minutes
puis continuer de rincer l’oeil.
EN CAS D’INHALATION
— Déplacer la victime à l’air frais. En cas
d’arrêt respiratoire, donner la respiration
artificielle, de préférence le boucheà-
bouche. Se faire traiter par un
médecin.
EN CAS D’INGESTION — Ce produit irrite le système gastrointestinal.
Diluer immédiatement par
ingestion d’eau ou de lait. Obtenir de
l’aide médicale. NE JAMAIS RIEN
ADMINISTRER PAR VOIE ORALE
Av UNE PERSONNE INCONSCIENTE.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Appliquer ce produit de manière à ce qu’il n’entre pas en contact avec les
ouvriers ou d’autres personnes, que ce soit directement ou par dispersion.
Seuls les manutentionnaires protégés peuvent être présents durant l’application.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
EuVITER LA DISPERSION. PRODUIT Av MANIPULER AVEC LE PLUS
GRAND SOIN LORS DE SON APPLICATION AFIN D’EuVITER
D’ENDOMMAGER LES PLANTES ET LES CULTURES UTILES.
15
Do not allow the herbicide solution to mist, drip, drift or splash onto
desirable vegetation since minute quantities of this product can cause
severe damage or destruction to the crop, plants or other areas on which
treatment was not intended.” 5
21. Recent toxicological studies also suggest that glyphosate poses very real
risks. For instance, laboratory studies have found adverse effects in all standard
categories of toxicology testing. These include medium-term toxicity (salivary
gland lesions), long-term toxicity (inflamed stomach linings), genetic damage
(in human blood cells), effects on reproduction (reduced sperm counts in
rats; increased frequency of abnormal sperm in rabbits), and carcinogenicity
(increased frequency of liver tumours in male rats and thyroid cancer in female
rats). Although, of course, no human experiments have been conducted, studies
of people exposed to glyphosate (generally farmers) indicate an association
with an increased risk of miscarriages, premature birth and non-Hodgkin’s
lymphoma. The toxicity of glyphosate is especially severe when it is inhaled, as
it would be in the case of exposure to the mist from aerial spraying.
22. Glyphosate is also rarely used alone. It is typically used in combination
with other chemicals known as surfactants that heighten the product’s efficiency
by increasing uptake by a plant’s leaves. Although they are typically
labelled “inert” (as contrasted with the “active” ingredient, glyphosate), these
chemicals are sometimes more toxic than the glyphosate itself, and the combination
yet more toxic still. A common surfactant used with glyphosate,
and reportedly included in the mix employed in Colombia, is polyethoxylated
tallowamine (“POEA”) which, by itself, has been demonstrated to cause
eye burns, skin redness and blistering, nausea and diarrhoea. Glyphosate
and POEA combined are significantly more toxic than either administered
separately.
23. Reports also indicate that the herbicidal mixture used in Colombia
includes an additional surfactant known as Cosmoflux 411F that is used to
penetrate the waxy surface coating of plant leaves. Cosmoflux is manufactured
in Colombia. Its chemical composition is unknown and Colombia refuses to
disclose the formula, claiming that it is proprietary. The glyphosate/Cosmoflux
combination has not been subject to proper evaluations for safety to humans or
even to animals.
Characteristics of the Border Region
24. Ecuador’s northern border area has unique characteristics. It is comprised
of three distinct geographic zones: the western coastal area, the mountainous
Andes in the centre, and the Amazonian jungle to the east. The region
is home to communities of indigenous peoples, including the Awá, who continue
to live according to their ancient traditions and are deeply dependent on
their natural environment. Most of the population in the region lives in extreme
poverty and relies on subsistence farming of traditional crops like yucca, plantains,
corn, coffee and other foodstuffs to survive. As a result, their connection
5 Available at http://www.umt.edu/sentinel/roundup_label.pdf.
16
Ne pas vaporiser, laisser goutter, disperser ou asperger sur la végétation
utile, des quantités infimes de ce produit pouvant gravement endommager
ou détruire la culture, les plantes ou d’autres parties de la zone visée par le
traitement.»5
21. Il ressort également de récentes études toxicologiques que les risques
posés par le glyphosate sont très réels. Des études en laboratoire ont notamment
constaté des effets nocifs pour toutes les catégories standards des tests
toxicologiques. Ces effets comprennent une toxicité à moyen terme (lésions des
glandes salivaires) et à long terme (inflammation des parois de l’estomac), des
dommages génétiques (dans les cellules sanguines), des effets sur la reproduction
(quantité réduite de sperme chez les rats ; augmentation de la fréquence de
sperme anormal chez les lapins) et une cancérogénicité (augmentation, chez les
rats, de la fréquence des tumeurs du foie pour les mâles et du cancer de la thyroïde
pour les femelles). Bien qu’aucune expérience n’ait, cela va de soi, été réalisée
sur l’homme, les études portant sur les personnes exposées au glyphosate
(des agriculteurs en général) montrent un lien avec un risque accru de fausse
couche, de naissance prématurée et de lymphome non hodgkinien. La toxicité
du glyphosate est particulièrement aiguë en cas d’inhalation, tout comme en cas
d’exposition au brouillard d’épandage aérien.
22. Le glyphosate est par ailleurs rarement utilisé seul. Il est d’ordinaire
employé en combinaison avec d’autres produits chimiques, appelés tensioactifs,
qui accroissent son efficacité en augmentant la capacité d’absorption des feuilles
des plantes. Bien qu’ils soient généralement qualifiés d’« inertes» (par opposition
à l’ingrédient «actif », le glyphosate), ces produits chimiques sont parfois
plus toxiques que le glyphosate lui-même, et leur combinaison avec celui-ci l’est
même encore davantage. Il a été démontré que le polyoxyéthylène amine
(«POEA»), un tensioactif courant utilisé avec le glyphosate et qui entrerait
dans la composition du mélange utilisé par la Colombie, cause, à lui seul, des
brûlures de l’oeil, des rougeurs de la peau et des cloques, des nausées et des diarrhées.
Le glyphosate et le POEA sont considérablement plus toxiques combinés
que lorsqu’ils sont administrés séparément.
23. Des rapports font également apparaître que le mélange herbicide utilisé
par la Colombie contient un autre tensioactif appelé Cosmoflux 411F, lequel
est employé pour pénétrer la pellicule de cire qui recouvre la surface des feuilles
des plantes. Cosmoflux est fabriqué en Colombie. Sa composition chimique est
inconnue et la Colombie refuse d’en révéler la formule, prétendant que celle-ci
constitue un secret de fabrication. L’association glyphosate/Cosmoflux n’a fait
l’objet de tests appropriés ni pour la sécurité de l’homme ni même pour celle
des animaux.
Caractéristiques de la région frontière
24. La zone frontière du nord de l’Equateur possède des caractéristiques
uniques. Elle se compose de trois zones géographiques distinctes : la zone côtière
occidentale, la chaîne montagneuse des Andes au centre et la jungle amazonienne
à l’est. Cette région est habitée par des communautés autochtones,
notamment les Awá, qui continuent de vivre selon leurs anciennes traditions et
dépendent étroitement de leur environnement naturel. La majorité de la population
de la région vit dans une extrême pauvreté et sa survie dépend de l’agriculture
de subsistance, de cultures traditionnelles telles que le yucca, le plan-
5 Disponible à l’adresse Internet http://www.umt.edu/sentinel/roundup_label.pdf.
17
to the land is deep. Infrastructure in these areas is underdeveloped, healthcare
is rudimentary and formal education is minimal.
25. Ecuador is also one of just 17 countries in the world designated by the
World Conservation Monitoring Centre of the United Nations Environment
Programme as “megadiverse”. Although it covers only 0.17 per cent of the
Earth’s area, Ecuador possesses a disproportionately large share of the world’s
biodiversity. In fact, Ecuador has the world’s highest biological diversity per
area unit; i.e., on average, there are more species per square kilometre in Ecuador
than anywhere else in the world. According to the World Resources Institute,
it has 302 mammal species, 19,362 plant species, 640 breeding bird species
(including 35 per cent of the world’s hummingbird species), 415 reptile species,
434 amphibian species and 246 fish species 6. Approximately 25 per cent of its
territory is made up of national parks and protected areas 7.
26. As a consequence, Colombia’s fumigations are being conducted in a
particularly vulnerable area in a manner that dramatically heightens the
risks involved to people and to the natural environment. A recent Report of
the United Nations Special Rapporteur on the situation of human rights and
fundamental freedoms of indigenous people identifies serious concerns:
“27. The Awá have been particularly affected. In all, 3,500 Awás live in
Ecuador and 36,000 hectares of the approximately 120,000 hectares of
their ancestral territories have been recognized . . .
28. Currently, the region’s most serious problem is the aerial spraying of
illicit crops on the Colombian side of the border, using glysophate [sic]
mixed with other products, under the auspices of Plan Colombia (see the
report of the Special Rapporteur on Colombia, E/CN.4/2005/88/Add.2).
Damage caused by this practice has affected Ecuador, particularly its
indigenous communities, and has given rise to complaints by the Ecuadorian
Government and to bilateral negotiations between the two countries.
International studies indicate that this practice has negative effects on
environmental resources and the health of people and animals. Skin and
other diseases, pollution of rivers and aquifers, and other damage have
been reported. Furthermore, spraying has been seen as having serious
effects on banana plantations and varieties of tuber crops, the local staple.
In addition, the population often uses untreated water from the river forming
the border between the two countries.
29. In some communities in Sucumbíos, short-cycle crops are disappearing
fewer than 15 days after spraying. It is stated that, four years after the
spraying began, some banana varieties, yucca, maize, fruit trees and aromatic
herbs have disappeared, or their yield has considerably diminished.
It is alleged that spraying has also had a negative effect on the health and
food security of border populations by polluting their water sources and
6 World Resources Institute, Ecuador Country Profile, Biodiversity and Protected
Areas, available at http://earthtrends.wri.org/text/biodiversity-protected/country-profile-
54.html.
7 Ibid.
18
tain, le maïs, le café ainsi que d’autres denrées alimentaires. Elle entretient donc
un rapport très étroit avec la terre. Les infrastructures dans ces zones sont peu
développées, les soins de santé rudimentaires et l’enseignement scolaire minimal.
25. L’Equateur fait également partie des dix-sept pays seulement du monde
désignés par le centre mondial de surveillance pour la conservation comme
étant «extrêmement diversifiés ». Bien qu’il ne couvre que 0,17% de la superficie
de la planète, l’Equateur est doté d’une part disproportionnée de la biodiversité
terrestre. En fait, l’Equateur a la diversité biologique la plus élevée du
monde par unité de superficie ; c’est-à-dire qu’il compte, en moyenne, plus
d’espèces par kilomètre carré que nulle part ailleurs sur terre. Selon le World
Resources Institute, ce pays abrite 302 espèces de mammifères, 19 362 espèces
végétales, 415 espèces de reptiles, 434 espèces d’amphibiens, 246 espèces de
poissons et est une zone de reproduction pour 640 espèces d’oiseaux (dont 35%
des espèces de colibris du monde)6. Environ 25% de son territoire est constitué
de parcs nationaux et de zones protégées 7.
26. Il s’ensuit que les fumigations de la Colombie sont effectuées dans une
zone particulièrement vulnérable, d’une manière qui aggrave considérablement
les risques pesant sur les populations et le milieu naturel. Un rapport récent du
rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits de l’homme et
des libertés fondamentales des populations autochtones met en évidence de
graves sujets de préoccupation :
«27. Les Awá ont été particulièrement touchés. Ils sont, au total, 3500 à
vivre en Equateur et 36 000 des quelque 120 000 hectares de leur territoire
ancestral ont été reconnus...
28. Le problème le plus grave auquel la région est actuellement confrontée
est celui de l’épandage aérien, sous les auspices du «Plan Colombie»,
de glysophate [sic] mélangé à d’autres produits sur des cultures illicites du
côté colombien de la frontière (voir le rapport du rapporteur spécial sur la
Colombie, doc. E/CN.4/2005/88/Add.2). Les dommages causés par cette
pratique ont atteint l’Equateur, notamment ses communautés autochtones,
ce qui a conduit le Gouvernement équatorien à protester et à mener
des négociations bilatérales avec la Colombie. D’après des études internationales,
cette pratique aurait des effets néfastes sur les ressources environnementales
ainsi que sur la santé des populations et de la faune. Des
maladies de la peau et autres, la pollution des fleuves et des aquifères ainsi
que d’autres dommages ont été signalés. En outre, il a été constaté que
l’épandage avait des effets graves sur les bananeraies et diverses cultures de
tubercules, la denrée de base locale. Par ailleurs, la population utilise souvent
de l’eau non traitée provenant du fleuve frontière qui sépare les deux
pays.
29. Dans certaines communautés de Sucumbíos, des cultures à cycle
court disparaissent moins de quinze jours après l’épandage. Il est dit que,
quatre ans après le début de l’épandage, certaines variétés de bananes, yuccas,
maïs, arbres fruitiers et herbes aromatiques ont disparu, ou que leur
production a considérablement diminué. L’épandage aurait par ailleurs
des effets nuisibles à la santé et la sécurité alimentaire de populations des
6 World Resources Institute, Profil de pays : Equateur, biodiversité et zones protégées,
disponible à l’adresse Internet http://www.earthtrends.wri.org/text/biodiversity-protected/
country-profile-54.html.
7 Ibid.
19
the aquatic life. Complaints have been made concerning large traces in
many rivers, including the Mira river in the province of Esmeraldas, of the
chemical product used for spraying in Colombia. The situation of these
river communities is a matter of concern, as they use the river for domestic
purposes.
30. Some indigenous communities in the area, including the Awá, are
vulnerable and this is particularly worrying. In addition to the impact of
spraying, they complain that their rights are being violated and that they
are being subject to other abuses. They protest that their rights to food
and health have been affected by spraying. Apparently, after spraying, the
entire Sumac Pamba community was displaced and did not return to their
place of origin. As a consequence, it appears that the local wildlife, which
provided a source of daily consumption, both for households and for
recreational purposes, has died and various activities have been affected,
as polluted water cannot be used. Spraying appears to be destroying substance
crops, diminishing soil quality and reducing yields, affecting both
the economic activities of communities and the population’s access to
adequate food.” 8
27. The use of glyphosate-based chemical mixture in a tropical climate gives
rise to serious risks and uncertainties. Such testing as has been done concerning
the toxicity of glyphosate and its lasting effects on biota has typically been conducted
in temperate climates on the substantially more limited set of plant and
animal species native to those very different regions. It is not known whether
the ostensible conclusions reached in those studies apply equally in a
megadiverse tropical setting where the soil is generally less fertile than in temperate
climates, and endemic plants have evolved a delicate equilibrium with
the fungi, bacteria and cyanobacteria in the soil that play essential roles in
maintaining the nutrient cycle. The effects of glyphosate on this ecological
balance are untested, although studies suggest that glyphosate reduces populations
of nitrogen fixing bacteria. Many similar key questions are similarly
unanswered. Colombia’s conduct amounts to a dangerous ecological and toxicological
experiment on a vast scale.
Previous Attempts at a Diplomatic Settlement of the Dispute
28. The Government of Ecuador has been seriously concerned about Colombia’s
aerial spraying of herbicides under Plan Colombia since it learned Colombia
was contemplating fumigations in the border region. On 24 July 2000, for
example, the Ministry of Foreign Affairs of Ecuador sent a note to the
Embassy of Colombia in Quito expressing its preoccupation about the potentially
“grave impacts on human health and the environment, with possible
repercussions for Ecuador . . .”. From the start, Colombia has been equally
clear that it has no interest in addressing Ecuador’s concerns. Thus, in December
2000, it rejected a proposal by the Government of Panama to discuss this
aspect of Plan Colombia in an international forum as “inappropriate” and
“inconvenient”.
8 Document A/HRC/4/32/Add.2 (28 December 2006).
20
frontières en polluant leurs sources d’eau et la vie aquatique. Des plaintes
ont été formulées après que des traces importantes du produit chimique
utilisé pour l’épandage en Colombie ont été retrouvées dans nombre de
fleuves, dont le fleuve Mira situé dans la province d’Esmeraldas. La situation
de ces communautés vivant près du fleuve est préoccupante, celles-ci
utilisant le fleuve à des fins domestiques.
30. Certaines communautés indigènes de la région, y compris les Awá,
sont vulnérables et cela est particulièrement inquiétant. Outre les effets de
l’épandage, ils se plaignent de la violation de leurs droits et d’autres abus
dont ils sont les victimes. Ils protestent contre le fait que leurs droits à la
nourriture et à la santé ont été affectés par l’épandage. Apparemment,
après l’épandage, toute la communauté Sumac Pamba a été déplacée et
n’est jamais retournée à son lieu d’origine. En conséquence, il semble que
la faune et la flore locales, qui constituaient une source de consommation
journalière, tant pour les ménages qu’à des fins de loisirs, aient disparu et
que diverses activités aient été affectées, l’eau polluée ne pouvant être
utilisée. L’épandage détruirait les cultures de subsistance, diminuerait la
qualité des sols et réduirait la production, affectant à la fois les activités
économiques et l’accès à une alimentation suffisante de la population.»8
27. L’utilisation d’un mélange chimique à base de glyphosate en climat tropical
présente des risques et des incertitudes graves. Les tests de toxicité du glyphosate
et des effets durables de ce produit sur le biote ont le plus souvent été
effectués dans des climats tempérés sur l’ensemble nettement plus limité des
espèces végétales et animales originaires de ces régions très différentes. On
ignore si les conclusions avancées dans ces études s’appliquent également à un
milieu tropical extrêmement diversifié où la terre est généralement moins fertile
que dans les climats tempérés, et où les plantes endémiques ont élaboré un équilibre
fragile avec les champignons, les bactéries et les cyanobactéries qui vivent
dans le sol et qui jouent un rôle essentiel dans le maintien du cycle nutritif.
Même si les effets du glyphosate sur cet équilibre écologique n’ont pas été évalués,
des études semblent indiquer que ce composant réduit les populations de
bactéries fixant le nitrogène. Nombre d’autres questions clés similaires restent
elles aussi sans réponse. La conduite de la Colombie constitue une expérience
écologique et toxicologique dangereuse à grande échelle.
Tentatives antérieures de règlement diplomatique du différend
28. Le Gouvernement de l’Equateur est très préoccupé par l’épandage aérien
d’herbicides auquel se livre la Colombie dans le cadre du Plan Colombie, et ce
depuis le moment où il a appris que celle-ci envisageait de procéder à des fumigations
dans la région frontalière. Ainsi, le ministère des relations extérieures de
l’Equateur a, le 24 juillet 2000, adressé à l’ambassade de Colombie à Quito une
note exprimant sa préoccupation sur les éventuelles «graves conséquences sur
la santé humaine et l’environnement, et leurs possibles effets en Equateur...»
[traduction du Greffe]. Depuis le début, il est manifeste que la Colombie n’a
nullement l’intention de tenir compte des préoccupations de l’Equateur. En
décembre 2000, elle a ainsi rejeté une proposition formulée par le Gouvernement
du Panama tendant à ce que cet aspect du Plan Colombie soit discuté au
sein d’une instance internationale, qualifiant ladite proposition de «déplacée»
et d’«inopportune».
8 Document A/HRC/4/32/Add.2 (28 décembre 2006).
21
29. In July 2001, after fumigations along the border began, Ecuador’s
Ministry of Foreign Affairs sent the Colombian Embassy in Quito a further
note requesting
“information concerning the type of substances that are being used in the
fumigations as well as about the specific areas in which these works are
being carried out and the areas where they are being planned in the
future”.
Ecuador’s note requested that, due to the impacts on the environment and
human health in the Ecuadorian border communities, Colombia refrain from
further aerial spraying within 10 kilometres of the frontier. Colombia never
provided the information Ecuador requested, but rather tried to forestall meaningful
enquiry by contending simply:
“Plan Colombia is, precisely, the most effective method for protecting
the fraternal country of Ecuador from the perverse effects of narcotrafficking
and armed conflict, in a way that is aimed at preventing them
from continuing to get stronger and metastasizing to Ecuador.”
Likewise, Colombia refused Ecuador’s request to observe a 10-kilometre buffer
zone where no spraying would take place.
30. Further diplomatic exchanges also failed to elicit Colombia’s co-operation.
In April 2002, for example, Colombia again made clear that it had no
interest in negotiating about the fumigations. In response to complaints from
Ecuador concerning the effects the sprayings were having in its territory,
Colombia insisted that it would not abandon an “irreplaceable instrument for
solving the Colombian conflict and alleviating the danger that it presents to
other countries, in particular neighbours”. In July 2003, Ecuador’s Ministry of
Foreign Affairs sent a note to its Colombian counterpart proposing once again
the establishment of a 10-kilometre no-spraying zone along the border with
Ecuador. By note dated 23 September 2003, Colombia rejected the proposal,
stating:
“The establishment of an aspersion-free strip along the common frontier,
as proposed by the Government of Ecuador . . ., is unacceptable to
the Government of Colombia for multiple reasons”,
including the ostensible fact that
“[t]he forced eradication is accepted as a legitimate method in the fight
against illicit crops, and is carried out based on procedures compatible
with the preservation of human health and the environment, in conformity
with the principle of precaution enshrined in the 1992 Rio Declaration on
Environment and Development”.
31. In light of the Parties’ inability to resolve their differences through the
usual diplomatic channels, Ecuador and Colombia agreed in late 2003 to set up
a special Scientific and Technical Commission to investigate the effects of the
sprayings in Ecuador. Although the Commission met four times between late
22
29. En juillet 2001, les premières fumigations ayant été effectuées le long de
la frontière, le ministre des relations extérieures de l’Equateur a adressé à
l’ambassade de Colombie à Quito une nouvelle note demandant
«des informations sur la nature des substances utilisées dans le cadre des
fumigations ainsi que sur les zones spécifiques dans lesquelles ces opérations
[étaient] menées et celles dans lesquelles il [était] prévu de les mener à
l’avenir» [traduction du Greffe].
Dans cette note, l’Equateur demandait que, en raison des conséquences sur
l’environnement et la santé humaine dans les communautés frontalières équatoriennes,
la Colombie s’abstienne d’effectuer de nouveaux épandages aériens
dans un périmètre de 10 kilomètres de la frontière. Non seulement la Colombie
n’a jamais communiqué à l’Equateur les informations demandées, mais
elle a tenté de faire échec à toute enquête sérieuse en se contentant d’affirmer
que
«[l]e Plan Colombie [était] justement la méthode la plus efficace pour protéger
le pays ami qu’est l’Equateur contre les effets pervers du trafic de
stupéfiants et du conflit armé, et ce d’une manière visant à empêcher qu’ils
ne continuent de s’aggraver et se disséminent en Equateur».
De même, la Colombie a rejeté la demande de l’Equateur tendant à ce que soit
respectée une zone tampon de 10 kilomètres dans laquelle aucun épandage ne
serait effectué.
30. En dépit de nouveaux échanges diplomatiques, la Colombie ne s’est pas
montrée plus disposée à coopérer. Ainsi, en avril 2002, elle a, une fois encore,
indiqué clairement qu’elle n’envisageait pas de négocier sur les fumigations. En
réponse aux protestations formulées par l’Equateur quant aux conséquences
que les épandages avaient sur son territoire, la Colombie a précisé qu’elle ne
renoncerait pas à un «instrument irremplaçable pour résoudre le conflit colombien
et atténuer le danger qu’il présente pour d’autres pays, notamment les pays
voisins» [traduction du Greffe]. En juillet 2003, le ministère des relations extérieures
de l’Equateur a adressé une note à son homologue colombien, note dans
laquelle il proposait encore une fois la création d’une zone de 10 kilomètres, le
long de la frontière avec l’Equateur, dans laquelle aucun épandage ne serait
effectué. Par une note en date du 23 septembre 2003, la Colombie a rejeté cette
proposition, déclarant que
«[l]a création d’une bande exempte de toute pulvérisation le long de la
frontière commune, telle que proposée par le Gouvernement de
l’Equateur ..., [était] inacceptable pour le Gouvernement de la Colombie,
et ce pour de multiples raisons »,
y compris en avançant que
«[l]’éradication forcée [était] reconnue comme une méthode légitime de
lutte contre les cultures illégales, et [était] réalisée selon des procédures
compatibles avec le respect de la santé humaine et de l’environnement,
conformément au principe de précaution consacré par la déclaration de
Rio de 1992 sur l’environnement et le développement» [traduction du
Greffe].
31. Ne parvenant pas à résoudre leurs désaccords par les voies diplomatiques
habituelles, l’Equateur et la Colombie sont convenus, à la fin de
l’année 2003, de créer une commission scientifique et technique ad hoc afin
d’étudier les conséquences des épandages en Equateur. Bien que ladite com-
23
2003 and August 2004, the Parties’ delegations were unable to reach agreement
on the effects of the sprayings in Ecuador.
32. Following the deadlock of this first joint Scientific and Technical Commission,
diplomatic exchanges fell back into the same unavailing pattern. Ecuador
continued to complain and express its concerns over the manifest effects of
the sprayings, and Colombia continued to dismiss those concerns as unfounded.
Even on the rare occasions when the Parties appeared to have made progress,
steps backward quickly followed. Thus, in December 2005, upon Colombia’s
completion of its spraying for that year, and after repeated requests by the
Government of Ecuador, the two Governments issued a joint communiqué in
which Colombia agreed temporarily to suspend further sprayings within 10 kilometres
of the border. When the time came for the next cycle of annual spraying
in December 2006, however, Colombia resumed spraying along the border and
throughout the 10-kilometre buffer zone.
33. Following additional protests from Ecuador, the Parties agreed once
again in early 2007 to take the issue outside the usual diplomatic channels by
forming another joint Scientific Commission for purposes of assessing the damages
in and to Ecuador. The Scientific Commission met twice, and was unable
to make any progress due to an unbridgeable gap dividing the two delegations’
approaches. The second and final meeting of the Commission in July 2007
ended without agreement, or even consensus on joint minutes.
34. Colombia refused to stop, suspend, or even reduce its aerial spraying
along the border with Ecuador. At a meeting of Ministers of Foreign Affairs
on 28 May 2007, Colombia’s Minister of Foreign Affairs, Mr. Fernando
Araújo Perdomo, stated that “Colombia is not in a position to make commitments
with respect to the question of the fumigations; nor could it predict what
decision it will take in the future in this respect.” Confronted with this reality,
Ecuador informed Colombia by diplomatic note dated 27 July 2007 that it considered
the process of dialogue exhausted, and without prospects for success.
This Application now follows.
Enduring Effects
35. The serious adverse effects of Colombia’s aerial sprayings on Ecuador
have been immediate and dramatic. They have also persisted across time and
continue to be felt to the present day. Indeed, the Report of the United Nations
Special Rapporteur notes that “four years after the spraying began, some
banana varieties, yucca, maize, fruit trees and aromatic herbs have disappeared,
or their yield has considerably diminished”. In the community of
San Francisco Dos where sprayings first began in January and February 2001,
for example, maize yields following Colombia’s aerial spraying were reduced by
more than half. The nearby community of Las Salinas, also impacted by the
aerial spraying, suffered equally severe reductions in its maize yields. As of the
filing of this Application, similar effects continue to be felt on crops of yucca,
rice, cocoa, coffee, plantains and other staples on which local populations
depend for survival.
24
mission se soit réunie à quatre reprises entre la fin de l’année 2003 et le mois
d’août 2004, les délégations des Parties ne sont pas parvenues à s’accorder sur
les conséquences des épandages en Equateur.
32. Suite à l’échec de cette première commission mixte scientifique et technique,
les Parties en sont revenues à d’infructueux échanges diplomatiques.
L’Equateur a continué de protester et d’exprimer ses inquiétudes sur les effets
manifestes des épandages, la Colombie ayant, quant à elle, continué de qualifier
ces préoccupations d’infondées. Même dans les rares occasions où les Parties
ont semblé avoir réalisé des progrès, l’on a rapidement assisté à des retours en
arrière. Ainsi, en décembre 2005, après que la Colombie eut achevé ses épandages
pour l’année en question et le Gouvernement de l’Equateur formulé des
demandes répétées, les deux gouvernements ont publié un communiqué conjoint
dans lequel la Colombie acceptait de suspendre provisoirement les épandages
dans un périmètre de 10 kilomètres de la frontière. Une fois le moment du
nouveau cycle annuel d’épandages venu, en décembre 2006, la Colombie a
cependant repris les pulvérisations le long de la frontière et dans toute la
zone tampon de 10 kilomètres.
33. A la suite de nouvelles protestations de l’Equateur, les Parties sont de
nouveau convenues, au début de l’année 2007, d’examiner la question en
dehors des voies diplomatiques habituelles en constituant une seconde commission
scientifique mixte aux fins d’évaluer les dommages causés en Equateur et à
celui-ci. La commission s’est réunie à deux reprises, sans toutefois réaliser la
moindre avancée en raison des points de vue irréconciliables des deux délégations.
La seconde et dernière réunion de la commission — qui s’est tenue
en juillet 2007 — s’est achevée sans que ne soit trouvé un accord ni même un
consensus sur un procès-verbal conjoint.
34. La Colombie a refusé d’arrêter, de suspendre et même de réduire ses
épandages aériens le long de la frontière avec l’Equateur. Lors d’une réunion
des ministres des relations extérieures tenue le 28 mai 2007, le ministre colombien,
M. Fernando Araújo Perdomo, a déclaré que «la Colombie n’[était] pas
en mesure de prendre des engagements sur la question des fumigations et ne
pouvait pas non plus prévoir la décision qu’elle prendrait à l’avenir sur ce
sujet» [traduction du Greffe]. Compte tenu de cet état de fait, l’Equateur a, par
une note diplomatique en date du 27 juillet 2007, informé la Colombie qu’il
considérait que la voie du dialogue était épuisée et n’avait plus de chance
d’aboutir. La présente requête en résulte.
Effets durables
35. Les effets néfastes importants des épandages aériens de la Colombie sur
l’Equateur ont été immédiats et dramatiques. Ils se sont également poursuivis
dans le temps et continuent d’être ressentis à ce jour. Le rapport du rapporteur
spécial des Nations Unies fait d’ailleurs observer que, «quatre ans après le
début de l’épandage, certaines variétés de bananes, yuccas, maïs, arbres fruitiers
et herbes aromatiques ont disparu, ou que leur production a considérablement
diminué» Dans la communauté de San Francisco Dos où les premiers
épandages ont eu lieu en janvier et février 2001, par exemple, la production de
maïs qui a suivi l’épandage aérien de la Colombie a été réduite de plus de moitié.
La communauté voisine de Las Salinas, également affectée par l’épandage
aérien, a elle aussi vu diminuer de manière importante sa production de maïs. A
la date du dépôt de la présente requête, on continue d’observer des effets analogues
sur les cultures de yuccas, de riz, de cacao, de café, de plantains et autres
matières premières dont dépend la survie des populations locales.
25
36. The lingering effects of the fumigations go beyond crop damage. In part
owing to the effects on their means of livelihood, in part owing to the health
effects, and in part owing to the terror induced by the sprayings, a sizeable percentage
of the local population has been forced to relocate to areas further
from the border with Colombia. The community of Puerto Mestanza in Sucumbíos
Province is one example. Prior to the start of the sprayings nearby in
August 2002, it was home to some 86 tenant farmer families. By 2005, only
four families remained. Other border communities have been decimated. Overall,
as much as 50 per cent of the population that formerly lived within 10 kilometres
of the border with Colombia have fled the area since the start of the
fumigations.
THE CLAIMS OF ECUADOR
37. Ecuador claims that by aerially spraying toxic herbicides at locations at,
near and over its border with Ecuador, Colombia has violated Ecuador’s rights
under customary and conventional international law. The harm that has
occurred, and is further threatened, includes some with irreversible consequences,
indicating that Colombia has failed to meet its obligations of prevention
and precaution.
THE JUDGMENT REQUESTED
38. On the basis of the facts and law referred to above, Ecuador requests the
Court to adjudge and declare that:
(A) Colombia has violated its obligations under international law by causing
or allowing the deposit on the territory of Ecuador of toxic herbicides that
have caused damage to human health, property and the environment;
(B) Colombia shall indemnify Ecuador for any loss or damage caused by its
internationally unlawful acts, namely the use of herbicides, including by
aerial dispersion, and in particular:
(i) death or injury to the health of any person or persons arising from
the use of such herbicides; and
(ii) any loss of or damage to the property or livelihood or human rights
of such persons; and
(iii) environmental damage or the depletion of natural resources; and
(iv) the costs of monitoring to identify and assess future risks to public
health, human rights and the environment resulting from Colombia’s
use of herbicides; and
(v) any other loss or damage; and
(C) Colombia shall
(i) respect the sovereignty and territorial integrity of Ecuador; and
(ii) forthwith, take all steps necessary to prevent, on any part of its
territory, the use of any toxic herbicides in such a way that they could
be deposited onto the territory of Ecuador; and
(iii) prohibit the use, by means of aerial dispersion, of such herbicides in
Ecuador, or on or near any part of its border with Ecuador; and
26
36. Les effets prolongés des fumigations vont au-delà des dommages causés
aux cultures. Par suite des effets sur leurs moyens de subsistance, mais aussi des
effets sur la santé et de la terreur suscitée par l’épandage, un pourcentage assez
important de la population locale a été contraint de se réinstaller dans des
régions plus éloignées de la frontière avec la Colombie. La communauté de
Puerto Mestanza dans la province de Sucumbíos en est un exemple. Avant les
premiers épandages dans la région en août 2002, elle abritait quelque
86 familles de métayers. En 2005, il n’y restait que quatre familles. D’autres
communautés installées à la frontière ont été décimées. Au total, près de 50%
de la population jusque-là installée dans un rayon de 10 kilomètres de la
frontière avec la Colombie ont fui la région depuis le début des fumigations.
LES DEMANDES DE L’EQUATEUR
37. L’Equateur soutient que, par l’épandage aérien d’herbicides toxiques en
des endroits situés le long, à proximité ou de l’autre côté de sa frontière avec
l’Equateur, la Colombie a violé les droits équatoriens découlant du droit international
coutumier et conventionnel. Les dommages causés et autres dommages
imminents auront, pour certains, des conséquences irréversibles, ce qui indique
que la Colombie a manqué à ses obligations de prévention et de précaution.
DÉCISION DEMANDÉE
38. A partir des faits et du droit susmentionnés, l’Equateur prie la Cour de
dire et juger que:
A) la Colombie a violé les obligations qui lui incombent en vertu du droit
international en causant ou permettant le dépôt sur le territoire de l’Equateur
d’herbicides toxiques qui ont porté atteinte à la santé humaine, aux
biens et à l’environnement ;
B) la Colombie est tenue d’indemniser l’Equateur pour tout dommage ou
perte causés par ses actes internationalement illicites, à savoir l’utilisation
d’herbicides, y compris par épandage aérien, et notamment:
i) pour tout décès ou atteinte à la santé humaine résultant de l’utilisation
de tels herbicides ;
ii) pour tout dommage ou perte causés aux biens ou aux moyens de subsistance
de la population concernée ou à ses droits de l’homme;
iii) pour les dommages causés à l’environnement ou l’amenuisement des
ressources naturelles ;
iv) pour les coûts liés aux études visant à déterminer et apprécier les
risques futurs pour la santé publique, les droits de l’homme et l’environnement
de l’utilisation d’herbicides par la Colombie;
v) pour tout autre dommage ou perte ; et que
C) la Colombie doit
i) respecter la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Equateur ;
ii) prendre immédiatement toutes les mesures nécessaires pour prévenir,
en tout point de son territoire, l’utilisation de tout herbicide toxique
d’une manière pouvant entraîner son dépôt en territoire équatorien ;
iii) interdire l’utilisation, par épandage aérien, de tels herbicides en Equateur,
en tout point de sa frontière avec l’Equateur ou à proximité de
celle-ci.
27
39. Ecuador reserves the right to modify and extend the terms of this Application,
as well as the grounds invoked.
PROVISIONAL MEASURES
40. Ecuador reserves its rights, pursuant to Article 73 of the Rules of Court,
to request the indication of provisional measures.
* * *
41. Pursuant to the provisions of Article 31 of the Statute of the Court and
Article 35 (1) of its Rules, the Republic of Ecuador states its intention to
designate a judge ad hoc.
42. In accordance with Article 40 of the Statute of the Court, the Minister of
Foreign Affairs of Ecuador has appointed the undersigned, Dr. Diego Cordovez,
as Agent for these proceedings. It is requested that all communications
in this case be notified to the Agent at the following address:
The Embassy of the Republic of Ecuador
to the Kingdom of the Netherlands,
Koninginnegracht 84,
2514 AJ The Hague.
Respectfully,
(Signed) Dr. Diego CORDOVEZ,
Agent of the Government
of the Republic of Ecuador.
The Hague, 31 March 2008.
28
39. L’Equateur se réserve le droit de modifier et de compléter la présente
requête, ainsi que l’exposé des moyens.
MESURES CONSERVATOIRES
40. L’Equateur se réserve le droit, conformément au paragraphe 73 du
Règlement de la Cour, de demander que soient indiquées des mesures conservatoires.
* * *
41. Conformément aux dispositions de l’article 31 du Statut de la Cour et au
paragraphe premier de l’article 35 de son Règlement, la République de l’Equateur
indique son intention de désigner un juge ad hoc.
42. Conformément à l’article 40 du Statut de la Cour, le ministre des
relations extérieures de l’Equateur a désigné comme agent dans la présente
procédure le soussigné, Dr. Diego Cordovez. Il est demandé que toutes les
communications en l’espèce soient notifiées à l’agent à l’adresse suivante :
Ambassade de la République de l’Equateur
au Royaume des Pays-Bas
Koninginnegracht 84,
2514 AJ La Haye.
Respectueusement,
L’agent du Gouvernement de la
République de l’Equateur,
(Signé) Dr. Diego CORDOVEZ.
La Haye, le 31 mars 2008.
29
III. LETTER FROM THE MINISTER OF FOREIGN RELATIONS
OF ECUADOR TO MR. DIEGO CORDOVEZ-ZEGERS, QUITO
[Translation submitted by Ecuador]
REPÚBLICA DEL ECUADOR
MINISTERIO DE RELACIONES EXTERIORES
No. 15080-GM/2008.
28 March 2008.
Dear Mr. Cordovez,
I have the pleasure to inform you that, by means of Executive Decree
No. 990 of 27 March 2008, the Constitutional President of the Republic of
Ecuador, Rafael Correa Delgado, has appointed you as Agent of the Republic
of Ecuador before the International Court of Justice, with the rank of Ambassador
on Special Mission, for all the effects concerning the application that the
National Government will file against the Republic of Colombia, regarding the
damages caused to the Ecuadorian State, its inhabitants and the environment
through the spraying of chemical herbicides.
Pursuant to this appointment, you are duly authorized to sign the corresponding
application and act on behalf of the Republic of Ecuador throughout
the judicial proceedings.
I avail myself of this opportunity to reiterate to you the assurances of my
highest consideration.
(Signed) María Isabel SALVADOR-CRESPO,
Minister of Foreign Relations,
Commerce and Integration.
30
III. LETTRE DU MINISTRE DES RELATIONS EXTEuRIEURES
Av M. DIEGO CORDOVEZ-ZEGERS, QUITO
[Traduction française établie par le Greffe à partir de la traduction anglaise
fournie par l’Equateur]
RÉPUBLIQUE DE L’ÉQUATEUR
MINISTÈRE DES RELATIONS EXTÉRIEURES
No 15080-GM/2008.
28 mars 2008.
Monsieur,
J’ai le plaisir de vous informer que, par le décret exécutif no 990 en date du
27 mars 2008, le président constitutionnel de la République de l’Equateur,
Rafael Correa Delgado, vous a désigné comme agent de la République de
l’Equateur devant la Cour internationale de Justice, au rang d’ambassadeur en
mission spéciale, à toutes fins utiles à la requête que le gouvernement national
déposera à l’encontre de la République de Colombie, concernant les dommages
causés à l’Etat équatorien, à ses habitants et à l’environnement par l’épandage
d’herbicides chimiques.
En vertu de cette nomination, vous êtes dûment autorisé à signer la requête
correspondante et à agir au nom de la République de l’Equateur tout au long
de la procédure judiciaire.
Veuillez agréer, etc.
Le ministre des relations extérieures,
du commerce et de l’intégration,
(Signé) María Isabel SALVADOR-CRESPO.
31
LETTER FROM THE MINISTER OF FOREIGN RELATIONS OF
ECUADOR TO MR. DIEGO CORDOVEZ-ZEGERS, QUITO
LETTRE DU MINISTRE DES RELATIONS EXTEuRIEURES
DE L’EuQUATEUR Av M. DIEGO CORDOVEZ-ZEGERS, QUITO
[Original Spanish text]
[Texte original en espagnol]
REPÚBLICA DEL ECUADOR
MINISTERIO DE RELACIONES EXTERIORES
No 15080-GM/2008.
Quito, a 28 de marzo de 2008.
Estimado doctor Cordovez:
En cumplimiento de lo dispuesto por el señor Presidente Constitucional de la
República, Economista Rafael Correa Delgado, mediante Decreto Ejecutivo
No. 990 de 27 de los corrientes, me es grato comunicar a usted que ha sido
designado Agente de la República del Ecuador ante la Corte Internacional de
Justicia, con el rango de Embajador en Misión Especial, para todos los efectos
relativos a la demanda que el Gobierno Nacional presentará contra la República
de Colombia, en relación a los daños causados al Estado ecuatoriano, sus
habitantes y su medio ambiente por las aspersiones con herbicidas químicos.
En virtud de esta designación, queda usted debidamente autorizado para
suscribir la correspondiente demanda y a actuar en nombre de la República del
Ecuador durante el proceso judicial.
Hago propicia la ocasión para reiterar a usted las seguridades de mi más distinguida
consideración.
(Firmado) María Isabel SALVADOR-CRESPO,
Ministra de Relaciones Exteriores,
Comercio e Integración.
32
Requête introductive d'instance