E XPOSE ECRIT DU R OYAUME HACHEMITE DE JORDANIE
[Traduction]
T ABLE DES MATIERES
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I. I NTRODUCTION ............................................................................................................................2
II. C ONTEXTE GENERAL ...................................................................................................................3
III. C ONTEXTE RECENT ....................................................................................................................16
IV. F AITS PERTINENTS .....................................................................................................................20
a) Le mur israélien ...................................................................................................................20
b) Les conséquences humaines du mur.....................................................................................22
c) Les conséquences économiques et sociales du mur .............................................................22
V. C ONSIDERATIONS JURIDIQUES PERTINENTES ............................................................................25
a) Compétence de la Cour........................................................................................................25
i) La demande soulŁve une question de nature juridique et la Cour est compØtente
pour y rØpondre.............................................................................................................25
ii) Il nexiste aucune raison dØcisive qui devrait conduire la Cour à refuser de
donner lavis consultatif qui lui est demandØ ...............................................................28
b) Principes juridiques applicables..........................................................................................32
i) Linterdiction de lemploi de la force et le droit à lautodØtermination sont des
rŁgles du jus cogens......................................................................................................32
ii) Le territoire sur lequel le mur a ØtØ ou doit Œtre construit constitue un territoire
occupØ au regard du droit international ........................................................................35
iii) Le droit applicable à lØgard dun territo ire occupØ limite les pouvoirs de lEtat
occupant........................................................................................................................39
i) Un territoire occupØ ne peut Œtre annexØ par lEtat occupant.......................................47
c) La construction du mur à la lumière des principes juridiques applicables .........................49
i) LEtat occupant na pas le droit, en construisant le mur, dannexer de facto le
territoire occupØ ou den modifier le statut de quelque autre maniŁre que ce soit .......49
ii) LEtat occupant na pas le droit de modifier la composition dØmographique du
territoire occupØ en y implantant des colonies ØtrangŁres............................................51
iii) LEtat occupant na pas le droit de construire en territoire occupØ un mur
servant à Øtablir, Øtayer ou affermir son c ontrôle illicite sur tout ou partie de ce
territoire et son annexion de fait de celui-ci .................................................................57 - 2 -
iv) LEtat occupant na pas le droit, en territoire occupØ, de construire un mur qui
constitue une atteinte grave et disproportionnØe à lexercice, par les habitants de
ce territoire, de leurs droits fondamentaux ...................................................................59
a) La protection offerte par le droit international humanitaire ...............................................59
b) La protection offerte par les règles internationales en matière de droits de l’homme ........62
c) L’incidence du mur sur les droits de l’homme: dispositions conventionnelles
pertinentes .................................................................................................................................64
v) La puissance occupante na pas le droit d Ødifier, dans le territoire occupØ, un
mur qui porte atteinte gravement et de façon disproportionnØe aux droits des
habitants dudit territoire à la propriØtØ effective de leurs biens fonciers et
immobiliers...................................................................................................................77
vi) Le droit de lØgitime dØfense dun Etat à lØgard du territoire relevant de sa
propre souverainetØ ne lautorise pas à exercer ce droit en procØdant à la
construction dun mur
a)constituant une mesure disproportio nnØe et prise sans nØcessitØ dans un
territoire ne lui appartenant pas, tel un territoire occupØ, ou
b) pour protØger des colonies de peuplement quil a implantØes de façon illicite
dans un territoire occupØ...............................................................................................84
vii) Toutes violations dobligations internationales rØsultant de la construction et de
la planification du mur doivent donner lieu à rØparation..............................................88
VI. R ESUME DE L EXPOSE DE LA JORDANIE ....................................................................................91
VII. C ONCLUSIONS ............................................................................................................................91
I. INTRODUCTION
1.1. Le prØsent document constitue lexposØ Øcrit du Royaume HachØmite de Jordanie
(ci-aprŁs «la Jordanie») soumis à la Cour internationale de Justice (ci-aprŁs «la Cour») en rØponse à
lordonnance de cette derniŁre en date du 19 dØcembre 2003, invitant les Etats Membres des
Nations Unies à prØsenter, pour le 30 janvier 2004 au plus tard, des exposØs Øcrits sur la question
qui lui a ØtØ soumise pour avis consultatif.
1.2. Le 8 dØcembre 2003, lAssemblØe gØnØrale de s Nations Unies a, lors de la reprise de sa
dixiŁme session extraordinaire durgence, adoptØ la rØsolution A/RES/ES-10/14, dans laquelle elle
a demandØ à la Cour de rendre durgence un avis consultatif sur la question suivante :
«Quelles sont en droit les consØquences de lØdification du mur quIsraºl,
puissance occupante, est en train de construire dans le Territoire palestinien occupØ, y
compris à lintØrieur et sur le pourtour de JØrusalem-Est, selon ce qui est exposØ dans
le rapport du SecrØtaire gØnØral, compte tenu des rŁgles et des principes de droit
international, notamment la quatriŁme convention de GenŁve de 1949, et les
rØsolutions consacrØes à la question par le Conseil de sØcuritØ et lAssemblØe
gØnØrale ?» - 3 -
1.3. Lors dune sØance prØcØdente de la re prise de sa dixiŁme session extraordinaire
durgence, lAssemblØe gØnØrale avait, le 21 octobre2003, adoptØ la rØsolution ES-10/13. Au
paragraphe1 de cette rØsolution, lAssemblØe «exige[ait] quIsraºl arrŒte la construction du mur
dans le Territoire palestinien occupØ, y compris JØrusalem-Est et ses alentours, et revienne sur ce
projet, qui sØcarte de la ligne darmistice de 1949 et qui est contraire aux dispositions pertinentes
du droit international».
1.4. Cette rØsolution, à son paragraphe3, pr iait Øgalement le SecrØtaire gØnØral de rendre
compte pØriodiquement de la façon dont cette rØsolution serait respectØe, son premier rapport
devant porter sur lapplication du pa ragraphe 1. Le SecrØtaire gØ nØral a dßment remis ce premier
rapport le 24 novembre 2003 (Nations Unies, doc. A/ES-10/248). Au paragraphe 28 de celui-ci, le
SecrØtaire gØnØral indique Œtre «parvenu à la conclusion quIsraºl ne se conforme pas à la demande
de lAssemblØe gØnØrale tendant à ce quil «arrŒ te la construction du mur dans le Territoire
palestinien occupØ
et revienne sur ce projet»».
1.5. Ce rapport a ØtØ prØsentØ avant la repri se de la dixiŁme session extraordinaire durgence
de lAssemblØe gØnØrale, en vue de son dØbat du 8 dØcembre 2003; il y a ØtØ fait expressØment
rØfØrence dans la requŒte pour avis consultatif de lAssemblØe gØnØrale.
1.6. Traitant des questions soulevØes par la prØs ente procØdure, la Jordanie ne peut que faire
observer que le fond mŒme de la question qui fait lobjet de cette procØdure consultative soulŁve
des points de droit et de fait extrŒmement impor tants, notamment en ce qui concerne les faits
historiques remontant à plus dun demi-siŁcle. Ces faits sont à lorigine des questions dordre
juridiques qui doivent Œtre examinØes dans le cadre de cette procØdure consultative. De surcroît,
ces questions juridiques sont elles-mŒmes extrŒmemen t complexes et à bien des Øgards objets de
controverses; elles exigent donc un examen des plus attentifs.
1.7. Dans le prØsent exposØ Øcrit, la Jordanie sattachera à examiner les faits et les questions
juridiques pertinents dune maniŁre aussi exhaustiv e que possible compte tenu des dØlais fixØs par
la Cour. Si cette derniŁre devait estimer utile un exposØ plus complet des questions de fait ou de
droit soulevØes par cette procØdure, la Jordanie serait prŒte à rØpondre du mieux quelle le pourrait
à toute demande en ce sens de la Cour. Si la Cour devait en outre estimer que le temps nØcessaire
pour rØpondre à une telle demande pourrait Œtre de na ture à cause un retard dans lequel, bien que
laffaire soit pendante, la construction du mur se rait susceptible de se poursuivre, risquant ainsi
daffecter le cours de la prØsente procØdure, e lle pourrait, conformØment aux articles41 et68 de
son Statut ainsi quau paragraphe 1 de larticle75 et au para graphe2 de larticle102 de son
RŁglement, envisager dexaminer proprio motu la question de savoir si les circonstances exigent
lindication de mesures conservatoires.
II. CONTEXTE GENERAL
2.1. Depuis juin1967, cest-à-dire depuis prŁs de trente-sept ans, le C onseil de sØcuritØ et
lAssemblØe gØnØrale adoptent d es rØsolutions insistant sur le fait que les territoires occupØs par
Israºl aprŁs le conflit de 1967, en particulier la Cisjordanie et JØrusalem-E st, sont des «territoires
occupØs» aux fins du droit international, et que les droits et pouvoirs dIsraºl en rapport avec ces
territoires sont rØgis, et circonscrits, par le dro it international, en par ticulier par la quatriŁme
convention de GenŁve de 1949. Ces rØsolutions nont eu aucun effet notable sur la conduite - 4 -
dIsraºl. Aucun progrŁs na ØtØ enregistrØ dans le rŁglement des problŁmes surgis en rapport avec
ces territoires occupØs; en rØalitØ, la situation act uelle est probablement pire quelle ne la jamais
ØtØ.
2.2. La requŒte pour avis cons ultatif soumise par lAssemblØe gØnØrale est principalement le
rØsultat de deux considØrations : loccupation contin ue, par Israºl, de territoires ne lui appartenant
pas, et ce pour la trente-septiŁme annØe consØcutiv e; et la dØcision dIsraºl de construire un mur
suivant un tracØ qui laisse supposer un objectif qui dØpasse largement la lØgitime dØfense invoquØe
à titre de justification. En effet, Øtant donnØ que, en divers points, le tracØ du mur pØnŁtre
profondØment en Territoire palestinien, menaçant de placer tous les grands ensembles de colonies
juives en Territoire palestinien occupØ largement à distance de ce mur, il semblerait que lun des
principaux objectifs de la construction de ce mur r Øside dans la volontØ du Gouvernement israØlien
de consolider ces ensembles de colonies et dassurer leur permanence. Ainsi, plutôt que de mettre
un terme à une occupation qui dure depuis prŁs de quatre dØcennies, Israºl semble sapprŒter à
annexer des portions substantielles de la Cisjordanie.
2.3. Ces divers ØlØments vont à lencontre des exigences ØnumØrØes dans la «feuille de
route» pour le Proche-Orient; de fait, elles vont à lencontre du principe mŒme qui a inspirØ tous les
efforts de paix au Proche-Orient depuis1967, le pr incipe «terre contre paix» tel quil fut exprimØ
pour la premiŁre fois dans la rØsolution 242 (1967) du Conseil de sØcuritØ.
2.4. Au moment oø lAssemblØe gØnØra le a demandØ un avis consultatif, le
8dØcembre2003, la seule voie ouverte pour la repr ise de ces efforts de paix rØsidait dans la
«feuille de route» ØlaborØe par les Etats-Unis, la FØdØration de Russie, lUnion europØenne et les
NationsUnies (le «Quatuor») à lautomne2002, pui s lancØe à Aqaba, en Jordanie, le 4juin2003;
ce «plan fondØ sur des rØsultats» a ØtØ conçu pour rØpondre à la nØcessitØ de mettre un terme
immØdiat aux hostilitØs en cours, dans la perspect ive, formulØe pour la premiŁre fois dans la
rØsolution 1397 (2002) du Conseil de sØcuritØ, puis exposØe par le prØsident des Etats-Unis le
24 juin 2002, de la crØation de deux Etats, la Palestine et Israºl, vivant côte à côte dans la paix et la
sØcuritØ. Cest à cette fin que la «feuille de route» a ØnoncØ une sØrie de mesures parallŁles exigØes
des deux parties, avec comme mandat les princip es ØnoncØs lors de la confØrence de paix de
Madrid de1990, le principe «t erre contre paix», les principes ØnoncØs dans les rØsolutions du
Conseil de sØcuritØ 242 (1967), 338 (1973) et 1397 (2002), les accords prØalablement conclus entre
les parties et, enfin, linitiative de paix arabe de 2002. La Jordanie a par ailleurs affirmØ, avec
dautres, que la perspective de la crØation de deux Etats nØtait envisageable que dans le cadre dun
retrait complet dIsraºl des territoires occupØs depuis juin 1967.
2.5. La mise en uvre de la feuille de r oute a malheureusement ØtØ entravØe dŁs les dØbuts :
la persistance dIsraºl dans la mise en application dune politique dassassinats extrajudiciaires, qui
a souvent entraînØ la mort de Palestiniens innocents, ainsi que sa propension à infliger des
châtiments collectifs à des «personnes protØgØes», cest-à-dire la population civile palestinienne ou
des groupes de celle-ci, notamment par le biai s de barrages et la dØmolition dhabitations, a
empŒchØ lapparition dun climat de confiance pa rmi les Palestiniens. LØtablissement dun tel
climat de confiance na pas non plus ØtØ possible en Israºl, des attentats-suicide perpØtrØs contre la
population civile israØlienne et attribuables à des organisations extrØmistes palestiniennes sØtant
rØguliŁrement traduits par des pertes en vies humaines. Dans tous ces cas, le Royaume HachØmite
de Jordanie a adoptØ une position de fermetØ, en condamnant sans rØserve les actions menØes tant
par le Gouvernement israØlien que par les militants palestiniens, qui nont eu dautre effet que
dinfliger peines et souffrances à la population civile des deux côtØs. - 5 -
2.6. Pourtant, et malgrØ les revers infligØs à la mise en uvre de la «feuille de route», deux
initiatives de paix informelles ont ØtØ lancØes, les 27 juillet 2002 et 1 erdØcembre 2003
respectivement: le plan de paix Nusseibeh-Ayal on et les accords de Ge nŁve; ces deux initiatives
ont suscitØ un vif intØrŒt parmi les populations de la rØgion, provoquant ce qui sembla Œtre lØlan
tant attendu en vue dune relance du processus de paix . La dØcision prise par Israºl de construire
ce mur, et le tracØ de celui-ci, ont mis un term e à ces possibilitØs. Ce mur a en effet dØjà
commencØ à mutiler les Territoires occupØs, menaçan t les aspirations nationales des Palestiniens,
voire leur propre existence sur leurs terres, et suscitant ailleurs la crainte.
2.7. Israºl, lorsquil a approuvØ la premiŁre ph ase de la construction du mur, le 23 juin 2002,
soit un jour avant que le prØsident GeorgeW.Bu sh ne prØsente son projet de crØation de deux
Etats, a affirmØ que ce mur, en empŒchant les atta ques des militants palestiniens, avait pour objet
de renforcer sa sØcuritØ. Nous erposerons comme nt le tracØ complet du mur, approuvØ par le
Gouvernement israØlien le 1 octobre 2003, nest ni proportionnel aux menaces qui pŁsent sur
Israºl compte tenu des effets nØgatifs que ce mu r entraînera pour la population palestinienne en
gØnØral , ni justifiØ par le principe de la nØcessitØ militaire.
2.8. Cest dans ce contexte gØnØral de la s ituation actuelle que la C our souhaitera peut-Œtre
lire ce rappel de lhistoire de la rØgion aprŁs la premiŁre guerre mondiale.
2.9. A la suite de la chute de lEmpire ottoma n et de la fin de la premiŁre guerre mondiale,
un mandat pour la Palestine fut, en 1920, confiØ au Royaume-Uni par la SociØtØ des Nations;
formellement approuvØ par le Conseil de la SociØtØ des Nations le 24 juillet 1922, ce mandat entra
en vigueur le 29 septembre 1923. Alors quil couvrai t initialement la Palestine et la Transjordanie,
cette derniŁre fut, en1922, exclue de lappli cation des principales dis positions du mandat pour la
Palestine. Cette derniŁre nen continua pas moins à faire lobjet du mandat initialode1919.
LØtendue territoriale de la Palestine s ous mandat est indiquØe dans le croquisn 1 qui figure à la
page 6 du prØsent exposØ.
2.10. Lexclusion de la Transjordanie des prin cipales dispositions du mandat sur la Palestine
fut le rØsultat de laval donnØ par le Conseil de la SociØtØ des Nations à une proposition soumise le
22juillet1922 par le Gouvernemen t britannique dans un mØmorandum adressØ au Conseil, dans
lequel il Øtait indiquØ que, conformØment à l article25 du mandat sur la Palestine, le
Gouvernement britannique, en tant que Puissance manda taire, invitait le Conseil de la SociØtØ des
Nations à adopter une rØsolution libellØe en ces termes :
«Les dispositions suivantes du Mandat sur la Palestine ne sappliquent pas au
territoire connu sous le nom de Transjordani e, qui comprend tous les territoires situØs
à lest dune ligne partant à deux milles à louest de la ville dAkaba, sur le golfe de ce
nom, pour suivre le milieu de la riviŁre Ouad i Araba, de la mer Morte et du Jourdain
jusquà son confluent avec la riviŁre Yarmouk, et se diriger, à partir de ce point, en
suivant le centre de cette derniŁre riviŁre, jusquà la frontiŁre de Syrie.»
Le 22 mars 1946, un traitØ dalliance fut signØ en tre la Grande-Bretagne et la Transjordanie, aux
termes de laquelle celle-ci de venait indØpendante, avec pour souverain Amir Abdullah Ibn
Al-Hussain.- 6 - - 7 -
2.11. Au cours des annØes qui suivirent immØdiatement la seconde guerre mondiale, les
territoires couverts par le mandat pour la Palestin e connurent un certain nombre de troubles. Les
hostilitØs entre les communautØs arabe et juive reprir ent, saccompagnant dun climat de violence
anti-britannique. En1947, le Gouvernement brita nnique rechercha laide des NationsUnies pour
rØsoudre ce qui Øtait devenu la «question de Pal estine». Le 29 novembre de cette mŒme annØe,
lAssemblØe gØnØrale adoptait sa rØsolution181(II), qui prenait note de la dØclaration de la
Puissanceerandataire selon laquelle celle-ci avait pr Øvu une Øvacuation complŁte de la Palestine
pour le 1 aoßt 1948, prØcisant que le mandat pour la Palestine devrait prendre fin dŁs que possible,
mais en tout Øtat de cause le 1 eraoßt 1948 au plus tard. Elle recommandait Øgalement la partition
de la Palestine en deux Etats indØpendants, arabe et juif, JØrusalem devenant une zone
internationale. Les frontiŁres des unitØs terr itoriales proposØes par ce plan de partage sont
o
reprØsentØes sur le croquis n 2 qui figure à la page 8. Selon ce plan de partage, quelque 55 % du
territoire sous mandat seraient revenus à Israºl [lEtat juif], dont lessentiel des meilleures terres
arables et cultivØes dans lesquelles vivait une importante population arabe; toutefois, cette
rØpartition ne respectait pas la proportion des populations arabe et juive vivant alors en Palestine.
Ce plan, inacceptable pour beaucoup des parties concernØes, fut ainsi rejetØ.
2.12. Les violences intercommunautaires et les violences antibritanniques sintensifiŁrent
pour presque atteindre les proportions dune guerre civile. Le Gouvernement annonça son
intention de mettre fin au mandat à compter du 15 mai 1948. Le 14 mai 1948, veille du jour oø
devait sachever le mandat, DavidBenGurion a nnonça, par voie radiophonique, la crØation de
lEtat dIsraºl.
2.13. Bien quil ne soit plus possible aujourdhui de contester le statut actuel dIsraºl en tant
que membre de plein droit de la communautØ inte rnationale, il convient de rappeler quIsraºl fut
crØØ au cours dun conflit armØ contre la population autochtone (à savoir les Palestiniens), et que la
lØgitimitØ de ses origines est douteuse. Ainsi que la fait observer M. James Crawford, «Israºl fut
crØØ par lusage de la force, san s le consentement dun quelconque souverain antØrieur et dune
maniŁre qui ne respectait en rien un quelconque acte de cession» (J. Crawford, «Israel (1948-1949)
and Palestine (1998-1999) : Two Studies in the Creation of States», in The Reality of International
Law : Essays in Honour of Ian Brownlie, Goodwin-Gill & Talmon (dir. de publ.), 1999, p. 108).
2.14. La proclamation de lEtat dIsraºl provoqua immØdiatement lØclatement dun conflit
armØ auquel furent mŒlØes les populations israØlie nne et palestinienne, ainsi que les Etats arabes
voisins cherchant à protØger la population et le s terres arabes de Pal estine. Les hostilitØs
arabo-israØliennes qui sensuivirent amenŁrent Israºl à assurer son existence de facto en Øtablissant
par la force son autoritØ sur le territoire quil contrôlait.
2.15. Ce contrôle territorial sØtendait sur un territoire largement supØrieur à celui qui avait
ØtØ accordØ à Israºl dans le cadre du plan de pa rtage des Nations Unies approuvØ par la rØsolution
de lAssemblØe gØnØrale181(II)(1947). Israºl ne saurait donc invoquer cette rØsolution pour
attacher une quelconque licØitØ à lØtendue initiale de son territoire. En rØalitØ, lØtendue
territoriale de facto dIsraºl au dØbut de lexistence de cet Etat repose sur laccord darmistice du
3avril1949 qui a mis un terme formel aux hostilitØs jordano-israØliennes. Cet accord, qui faisait
suite au cessez-le-feu de janvier1949, Øtablissait une ligne de cessez-le-feu: bien que cette ligne
nait pas initialement ØtØ conçue comme une frontiŁ re internationale, elle a dans les faits servi
― pratique que le temps a confirmØe à circonscrir e le territoire terrestre dIsraºl dans lessentiel
de ce qui avait ØtØ le territoire de la Palestine sous mandat, laissant entre des mains arabes certaines
parties de cet ancien territoire sous mandat, à savoir JØrusalem-Est, les terres situØes sur la rive
occidentale du Jourdain (la Cisjordanie, ou «rive occidentale») ainsi que la bande de Gaza, au bord
de la MØditerranØe. La ligne de cessez-le-feu sØparant Israºl de la Cisjordanie fut dŁs lors connue
comme la «Ligne verte».- 8 - - 9 -
2.16. Toutes les nØgociations qui conduisirent a ux accords de cessez-le-feu et darmistice se
dØroulŁrent sous lØgide des Nations Unies. Les lignes de cessez-le-feu sØcartaient
considØrablement des lignes prØvues par la rØsolution sur la partition. Il convient de noter dans ce
contexte que la GalilØe occidentale, Liddaah, Ra mleh, Jaffa et certaines parties du sud de la
Cisjordanie, qui, selon la rØsolution sur la partition, devaient toutes revenir à lEtat arabe,
tombŁrent en rØalitØ sous le contrôle israØlien. Le front jordanien consistait dŁs lors en un certain
nombre de lignes traversant des localitØs arabes et juives. Cest ainsi que la ligne de front de
JØrusalem divisait cette ville en deux parties, est et ouest. Vers le nord, les lignes laissaient aux
mains de larmØe iraquienne Jenin, Tulkarm, Qalqilya et lØtroit corridor de la plaine côtiŁre dans
lequel se trouvent WadiAara et la chaîne de co llines surplombant les territoires tenus par Israºl
vers lest, communØment appelØ al-muthalath (le triangle). Toutefois, au cours des pourparlers qui
prØcØdŁrent les nØgociations darmistice de Rhodes, Israºl consentit au remplacement de larmØe
iraquienne par les forces jordaniennes. Telles Øtaient les conditions pour que les villes de Tulkarm,
Qalqilya et Jenin demeurent aux mains des Jordaniens, assorties dun ajustement de la ligne de
front vers le sud-est de Wadi Aara, de telle so rte que lensemble de la route Afouleh-Hadera passe
sous contrôle israØlien. Dans le sud et le cen tre du pays, la Jordanie contrôlerait la rØgion de
HØbron, à lexception de BeitJibrin. La ligne de dØmarcation (ou «Ligne verte») dØfinie aux
articles 5 eo 6 de laccord gØnØral darmistice isr aØlo-jordanien du 3 avril 1949 est reprØsentØe sur
le croquis n 3 qui figure à la page 6.
2.17. Il sensuit que le territoire dIsraºl, à la date dadmission de celui-ci en tant que
Membre des Nations Unies suite à la rØsolution70 du Conseil de sØcuritØ du 4mars1949 et à la
rØsolution273(III) de lAssembØe gØnØrale du 11ma i1949, ne dØpassait pas la zone laissØe sous
son contrôle par laccord darmistice. Le reste de lancien territoire sous mandat de la Palestine
nØtait manifestement pas territoire israØlien ni territoire placØ sous le contrôle dIsraºl et nØtait
pas ouvert (pas davantage quil ne lest aujourd hui) à la conquŒte, à laccŁs ou à la colonisation
par Israºl, et celui-ci ne pouvait (et ne peut) a voir aucune revendication latente ou putative de
souverainetØ sur ledit territoire.
2.18. En 1948, durant les hostilitØs arabo-israØlie nnes, la seule autoritØ effective à lØgard de
la Cisjordanie Øtait celle de la Jordanie: en dØcembre 1949, la Cisjordanie fut placØe sous
souverainetØ jordanienne et fut formellement incorporØe à la Jordanie le 24 avril 1950 à la suite de
la signature, par le roiAbdallah, dune rØsoluti on qui lui avait ØtØ soumise pour ratification par
lAssemblØe nationale de Jordanie (qui comprenait des reprØsentants de la rive est et de la rive
ouest (Cisjordanie)), rØsolution qui appelait à lun itØ des deux rives dans le cadre dun seul Etat
nation appelØ le Royaume HachØmite de Jordanie, «sans prØjudice du rŁglement dØfinitif de la juste
cause palestinienne conformØment aux aspirations na tionales, à la coopØration interarabe et à la
justice internationale».
2.19. La signature de cette rØsolution fut le point culminant dune sØrie de requŒtes
prØsentØes par les Arabes palestiniens dans le ca dre de confØrences auxquelles avaient participØ les
maires Ølus des principales villes et des princi paux villages de Cisjordanie (HØbron, Ramallah,
Al-Beereh, Jenin, Naplouse, Tulkarm, Qalqilya et Anabta), ainsi que des responsables religieux
(aussi bien musulmans que chrØtiens) et nombre de notables, chefs tribaux, militants, responsables
de structures Øducatives, y compris le juge suprŒme de la Shariaa et Saed-Ideen Al-Alami, mufti de
JØrusalem. A la suite de ces confØrences, le roi Abdallah consentit à un amendement
constitutionnel visant à Øtendre la composition du Parlement jordanien de façon à inclure des
reprØsentants Ølus de toutes les circonscriptions de Cisjordanie. Les Ølections à ce Parlement se
dØroulŁrent le 11 avril 1950, la moitiØ des membres Ølus de ce Parlement provenant de Cisjordanie. - 10 -
2.20. MalgrØ la crise que cela entraîna dans les relations entre la Jordanie et dautres Etats
arabes, tout risque de problŁme sØrieux fut Øv itØ lorsque le Gouvernement jordanien dØclara
officiellement en1950 que lunitØ du territoire palestinien Øtait «sans prØjudice du rŁglement
dØfinitif» du problŁme palestinien : cette dØclaration fut acceptØe par la Ligue des Etats arabes.
2.21. Les frontiŁres du Royaume HachØmite de oordanie telles quelles se prØsentaient à
lissue de ces ØvØnements sont figurØes sur le croquis n 4 qui se trouve à la page 6. Ce fut avec
ces frontiŁres officielles et publiques que la Jordan ie devint Membre des Nations Unies en1955,
sans aucune objection quant à lØtendue de son te rritoire (pas mŒme dIsraºl, dØjà Membre des
NationsUnies). De surcroît, aprŁs le rattachemen t de la Cisjordanie au territoire jordanien, la
Jordanie conclut un nombre considØrable de tr aitØs bilatØraux et multilatØraux dont lapplication
englobait la totalitØ du territoire jordanien, y compri s la Cisjordanie dans son intØgralitØ: aucune
des autres parties à ces traitØs ne formula de rØserve qui aurait eu pour effet dexclure la
Cisjordanie de lapplication desdits traitØs. Le Conseil de sØcuritØ partageait bien Øvidemment ce
point de vue lorsquil adopta sa rØsolution 228 (1 966), dans laquelle il relevait que «la grave action
militaire israØlienne qui a ØtØ menØe dans la pa rtie mØridionale de la zone dHØbron [en
Cisjordanie] le 13novembre1966
constitue une action militair e de grande envergure et
soigneusement prØparØe des forces armØes israØliennes en territoire jordanien » (les italiques sont
de nous).
2.22. En 1967, Israºl lança une guerre dagression contre ses voisins et, à lissue de combats
violents mais brefs, entre le 5 et le 11juin, la Cisjordanie et JØrusalem-Est, notamment, furent
occupØs par les forces armØes israØliennes. Etant donnØ que la licØitØ de la conduite dIsraºl dans
la conception et la construction dun mur en Cisjordanie et à JØrusalem-Est est Øtroitement liØe au
statut de ces territoires, et dans la mesure oø ce st atut est rØgi par les circonstances dans lesquelles
ils sont devenus lobjet dune occupation militaire par Israºl, les ØvØnements qui ont conduit au
conflit de1967 apparaissent pertinen ts au regard de la rØponse qu i doit Œtre donnØe à la question
sur laquelle un avis consultatif a ØtØ demandØ.
2.23. Ces ØvØnements eux-mŒ mes sinscrivent dans un contexte pertinent aux fins non
seulement du conflit de1967, mais Øgalement de beaucoup daspects ayant prØcØdØ et suivi ce
conflit. Il est notoire que, dŁs les premiers jours de son existence, Israºl na eu de cesse de mettre
en uvre une politique visant à assurer à lEtat dIs raºl la possession de lensemble de lancien
territoire sous mandat de la Palestine, et den Øcarter lessentiel de la population arabe indigŁne de
maniŁre à faire place aux immigrants juifs. La c ohØrence de ce propos apparaît trŁs clairement à la
lecture des extraits de documents publics qui figur ent à lannexe1 au prØsent exposØ. Sur la
politique expansionniste dIsraºl, en particulier à par tir de juin 1967, on c onsultera Øgalement, de
Nur Masalha, Imperial Israel and the Palestinian: The Politics of Expansion (2000), dont un
exemplaire a ØtØ dØposØ à la Cour.
2.24. Lorigine immØdiate des hostilitØs de 1967 est toutefois à rechercher dans la
multiplication, à partir de 1965 environ, du nombre dincursions menØes en Israºl par des groupes
de guØrillas palestiniens indØpendants, ainsi que dans les reprØsailles militaires israØliennes
massives et disproportionnØes. Quoique, en term es militaires, ces incursions naient guŁre ØtØ
importantes, les reprØsailles militaires israØliennes furent extrŒmement violentes. Au printemps
de 1967, la situation Øtait devenue extrŒmement tendue. - 11 -
2.25. LEgypte et la Jordanie Øtaient lune et lautre parties au pacte de dØfense arabe
de1964 mais, sentant quune guerre Øtait dØsormai s probable, le roiHussein proposa la signature
dun traitØ de dØfense mutuelle entre lEgypte et la Jordanie, idØe qui fut immØdiatement acceptØe
par le prØsident Nasser. Ce traitØ fut signØ le 30 mai 1967.
2.26. Dans les jours qui prØcØdŁrent lØcl atement des hostilitØs le 5 juin, les positions
israØliennes sur sa frontiŁre avec la Jordanie furent renforcØes; des chars pØnØtrŁrent dans la zone
dØmilitarisØe autour de JØrusalem, en violation de larticleIII.2 et de lannexeII.2 de laccord
darmistice de 1949. Des tirs isolØs visŁrent Øgalement les positions jordaniennes à JØrusalem dans
les premiŁres heures du 5 juin.
2.27. Le 5 juin 1967, Israºl lança une attaque surprise, Øliminant la quasi-totalitØ des forces
aØriennes Øgyptiennes en un seul coup. En rØponse à lattaque israØlienne, au renforcement des
troupes massØes à ses frontiŁres, et aux incursions israØliennes au-delà des celles-ci, les forces
jordaniennes, conformØment aux obligations de lØgitime dØfense collective qui Øtaient les leurs aux
termes du pacte conclu avec lEgypte, lancŁrent un certain nombre de tirs de roquette sur les
installations militaires israØlienn es. Les forces israØliennes cont re-attaquŁrent en pØnØtrant en
Cisjordanie et à JØrusalem-Est, arabe. Israºl contrôlait dØsormais lensemble de lespace aØrien et,
aprŁs avoir courageusement dØfe ndu JØrusalem-Est, larmØe jordanie nne, infØrieure en nombre et
en armement, fut contrainte de se retirer. Lors que le cessez-le-feu dØfinitif des NationsUnies fut
imposØ le 11 juin 1967, Israºl contrôlait une vast e portion des terres arabes, dont le Sinaï Øgyptien,
la bande de Gaza auparavant o ccupØe par lEgypte, le plateau du Golan en Syrie et, ce qui nous
intØresse davantage dans le prØsent contexte, ce qui demeurait de la Palestine arabe, à savoir la
Cisjordanie, y compris JØrusalem-Est.
2.28. Lutilisation de la force par Israºl a parfois ØtØ prØsentØe, compte tenu des
circonstances qui lont entourØe, comme un exemple de lØgitime dØfense (prØemptive). Toutefois,
aucun ØlØment de preuve convain cant ne vient appuyer pas davantage que le moindre ØlØment
de vØritØ ne saurait fonder laffirmation sel on laquelle lEgypte, la Syrie ou la Jordanie,
individuellement ou collectivement, auraient eu à ce moment là lintention, ou auraient prØvu,
dattaquer Israºl, ou que lexistence dIsraºl aura it ØtØ à quelque moment que ce fßt menacØe, ou
encore quil y aurait eu la moindre attaque armØe denvergure ou imminente visant Israºl, et qui
aurait justifiØ que ce dernier recou rre à la force au titre de la lØg itime dØfense; lusage de la force
par Israºl fut en tout Øtat de cause largement hors de proportion avec les circonstances. Cela a ØtØ
confirmØ par des dØclarations faites ultØrieurement par danciens dirigeants israØliens de lØpoque.
Cest ainsi que M. Menachem Begi n (ministre sans portefeuille du Gouvernement israØlien lors de
la guerre de 1967, et plus tard premier ministre), dans une allocution prononcØe devant lacadØmie
militaire israØlienne le 8aoßt 1982, a fait observer que la guerre de1967 ne reprØsentait pas une
nØcessitØ absolue, dØclarant: «En juin 1967, nous eßmes une nouvelle fois le choix. Le fait que
lEgypte ait alors massØ des troupes aux alentour s du Sinaï ne prouve pas que Nasser allait
effectivement nous attaquer. Il nous faut Œtre honnŒtes avec nous -mŒmes. Nous dØcidâmes de
lattaquer lui.» (Annexe2, p.4.) De mŒme, YitzhakRabin, chef dØtat-major de larmØe
israØlienne durant la guerre de 1967, puis premier ministre dIsr aºl, a dØclarØ, dans un entretien
rapportØ par Le Monde : «Je ne pense pas que Nasser voulait la guerre. Les deux divisions quil
envoya dans le Sinaï le 14mai nauraient pas ØtØ suffisantes pour lancer une offensive contre
Israºl. Il le savait et nous le savions.» - 12 -
2.29. En bref, linvasion puis loccupation, pa r Israºl, de la Cisjordanie ont eu lieu sans la
moindre base juridique en droit international. Elles ont constituØ une violation flagrante de lun des
principes centraux du droit international contemporai n, lequel interdit le recours à la force armØe
dans les relations international es. Cette interdiction relŁve du jus cogens (voir plus loin par.5.39
et suiv.).
2.30. De tous les Etats qui participŁrent au conflit, la Jordanie fut celui qui eut à payer le plus
lourd tribut. En consØquence de cette guerre, des centaines de milliers dArabes palestiniens furent
dØplacØs et se rØfugiŁrent sur les territoires situØsà lest du Jourdain, ou encore furent forcØs de
quitter leurs foyers et expulsØs, nombre dentre eu x Øtant ainsi dØracinØs pour la deuxiŁme fois en
moins de vingt ans. LØconomie jordanienne en fut gravement affectØe. PrŁs de 70% des terres
agricoles jordaniennes se trouvaient en Cisjorda nie, qui produisait 60 à 65% de ses fruits et
lØgumes. La moitiØ des Øtablissements industrie ls de Jordanie se trouvaient Øgalement en
Cisjordanie; la perte de JØrusalem et des au tres sites religieux eut un effet dØvastateur sur
lindustrie du tourisme. Dans lensemble, l es zones aujourdhui occupØes par Israºl avaient
reprØsentØ quelque 38 % du produit national brut de la Jordanie.
2.31. Une fois le cessez-le-feu assurØ, le C onseil de sØcuritØ adopta à lunanimitØ, le
14 juin 1967, sa rØsolution 237 (1967), appelant Israºl à assurer la sßretØ , le bien-Œtre et la sØcuritØ
des habitants des zones dans lesquelles se dØroul aient des opØrations militaires, et à faciliter le
retour des personnes dØplacØes. Il fut demandØ aux gouvernements concernØs de respecter
scrupuleusement les principes huma nitaires rØgissant la protection des personnes civiles en temps
de guerre, tels quØnoncØs dans la quatriŁme convention de GenŁve de 1949.
2.32. Avant la fin du mois de juin 1967, t outefois, Israºl donna une expression juridique à sa
politique expansionniste, en adoptant, le 27 juin, une loi Øtendant les li mites de JØrusalem-Est
(partie de la ville quil avait occupØe à loccasi on des hostilitØs) jusquà inclure un certain nombre
de villages voisins. ImmØdiatement aprŁs, Israºl d Øcida dappliquer le droit israØlien à cette zone,
annexant ainsi de facto JØrusalem-Est. Ces mesures furent condamnØes par les NationsUnies en
tant quelles entraînaient des modifications illØgal es au statut de JØrusalem (voir par exemple les
rØsolutions du Conseil de sØcuritØ 252(1968) ad optØe par treize voix pour, zØro voix contre et
deux abstentions; 267 (1969), adoptØe à lunanimitØ; 271 (1969), adoptØe par onze voix pour, zØro
voix contre et quatre abstentions; ainsi que 298 (1971), adoptØe par quatorze voix pour, zØro voix
contre et une abstention; voir Øgalement les r Øsolutions de lAssemblØe gØnØrale 2253(ES-V)
(4 juillet 1967) et 2254 (ES-V) (14 juillet 1967)). MalgrØ ces condamnations, Israºl confirma son
annexion de JØrusalem-Est en adoptant, le 30 ju illet 1980, une «loi fondamentale» faisant de la
totalitØ de la ville de JØrusalem (à savoir JØrusal em-Ouest et JØrusalem-Est confondus) la «capitale
Øternelle» de lEtat dIsraºl; cette mesure fut une fois de plus condamnØe par les Nations Unies, qui
la dØclara nulle et non avenue et demanda à ce quelle fßt immØdiatement rapportØe (rØsolution du
Conseil de sØcuritØ 478 (1980) adoptØe par quatorze voix pour, zØro voix contre et une abstention;
rØsolutions de lAssemblØe gØnØrale 35/12 C (du 11 dØcembre 1980) et 36/120 Det
(du 10 dØcembre 1981)).
2.33. Lors de sa cinquiŁme session extraordinaire durgence, convoquØe en juillet 1967 aprŁs
le dØbut des hostilitØs, lAssemblØe gØnØrale i nvita les gouvernements et les organisations
internationales à apporter leur assistance hum anitaire durgence aux personnes affectØes par ce
conflit. LAssemblØe gØnØrale demanda à Israºl de rapporter toutes les mesures dØjà prises et de
sabstenir de toute autre action susceptible de modifier le statut de JØrusalem (rØsolution de
lAssemblØe gØnØrale 2253 (ES-V) du 4 juillet 1967). - 13 -
2.34. Cette mŒme annØe, le 22 novembre 1967, le Conseil de sØcuritØ adoptait à lunanimitØ,
aprŁs de longues nØgociations, la rØsolution242(1967), Ønonçant les principes dun rŁglement
pacifique au Proche-Orient. Cette rØsolution souligne «linadmissibilitØ de lacquisition de
territoire par la guerre» et affirme que linstaura tion dune paix juste et durable doit comprendre
lapplication des deux principes suivants: «retra it des forces armØes israØliennes des territoires
occupØs lors du rØcent conflit», et
«cessation de toutes assertions de belligØr ance ou de tous Øtats de belligØrance et
respect et reconnaissance de la souverainetØ, de lintØgritØ territoriale et de
lindØpendance politique de chaque Etat de la rØgion et de leur droit de vivre en paix à
lintØrieur de frontiŁres sßres et reconnues à labri de menaces ou dactes de force».
Cette rØsolution affirme la nØcessitØ de «rØaliser un juste rŁglement du problŁme des rØfugiØs». La
rØsolution242 fut renforcØe six ans plus tard pa r la rØsolution du Conseil de sØcuritØ338 du
22 octobre 1973.
2.35. LEgypte et la Jordanie acceptŁrent la rØsolution 247 (1967), considØrant quun retrait
israØlien de tous les territoires occupØs en1967 constituait une c ondition prØalable aux
nØgociations. Israºl, acceptant Øgalement la rØsolu tion, indiqua que les questions du retrait et des
rØfugiØs ne pouvaient Œtre rØglØes que dans le cadre de nØgociations directes avec les Etats arabes et
de la conclusion dun traitØ de paix global.
2.36. Loin de se retirer, ainsi que le lui dema ndaient les rØsolutions des NationsUnies, des
territoires quil avait occupØs lors de la guerre de 1967, Israºl commença immØdiatement à Ølaborer
un programme destinØ à encourager linstallation de colons israØliens dans les zones de Cisjordanie
quil occupait militairement. TrŁs peu de temps ap rŁs la cessation des hostilitØs, M.YigalAllon,
ministre du travail, prØsenta au Gouvernement isr aØlien un programme de colonisation juive de la
Cisjordanie. Bien quil neßt pas ØtØ formellement approuvØ, le «pla nAllon» fut à la base de la
politique officielle de colonisation des annØes su ivantes. En 1973, Gush Emunim (un mouvement
politique israØlien), publia son propre programme de colonisa tion, plus extrŒme que le
«plan Allon» en ce quil envisageait la colonisation d «Eretz Israel» (cest-à-dire de lensemble du
territoire israØlien, lequel comprenait Øgalement le s territoires occupØs). En1977, le plan de
Gush Emunim fut dans ses grandes lignes acceptØ par le Gouvernement israØlien.
2.37. La politique menØe en consØquence par ce dernier a ØtØ dØcrite comme ayant
«planifiØ une colonisation extensive de lensemble de la Cisjordanie, en vue de faire
en sorte, par le simple jeu de lavantage dØmographique et de la fragmentation des
agglomØrations palestiniennes, quaucun contrôle arabe ne puisse Œtre Øtabli dans la
rØgion
Cette politique, souvent dØcrite comme consistant à «crØer des faits», visait
à lØtablissement dune telle prØsence de colons israØliens quun retrait complet
dIsraºl en devenait inenvisageable.» (Playfair in International Law and the
Administration of Occupied Territories (1992), p. 6-7.)
2.38. A cette fin, une aide du Gouvernem ent israØlien (essentiellement sous forme
dexemptions fiscales et de subventions) fut o fficiellement accordØe pour la construction des
implantations dans les territoires occupØs, dans l esquels les colons israØliens furent encouragØs à
venir sinstaller. - 14 -
2.39. Cette politique, manifestement conçue pour modifier la composition dØmographique de
la Cisjordanie, en violation flagrante des normes internationales en vigueur, fut dŁs le dØbut
renforcØe par une modification, tout aussi illØ gale, de la toponymie. Une ordonnance du
Gouvernement militaire israØlien en date du 17 dØ cembre 1967 a ainsi rebaptisØ la Cisjordanie
«rØgion de JudØe et Samarie». Cette nouvelle te rminologie est dØsormais dusage courant dans les
dØclarations israØliennes officielles.
2.40. Le programme de colonisation dIsraºl a ØtØ systØmatiquement condamnØ pour son
illØgalitØ par la communautØ internationale, comme le montrent par exemple les rØsolutions du
Conseil de sØcuritØ 446(1979) et 465(1980). En dØpit de ces condamnations, ce programme
illØgal dimplantation de colonies de peuplement sest poursuivi, et sest mŒme intensifiØ.
2.41. En 1987, alors que se dØroulaient d intenses nØgociations diplomatiques associant
notamment lOLP, les Etats-Unis et la Jordanie, une insurrection populaire palestinienne (Intifada)
contre loccupation israØlienne Øcl atait dans la bande de Gaza, pour sØtendre à la Cisjordanie.
Lengagement arabe en faveur de lIntifada culmina en un sommet durgence arabe à Alger en
juin 1988 destinØ à examiner les modalitØs dun soutie n à lIntifada. Cest dans ce contexte que, le
31 juillet 1988, le roi Hussein de Jordanie a nnonça sa dØcision dentamer un «dØsengagement
administratif et juridique de la Cisjordanie». Exposant les raisons de sa dØcision, le roi dØclara :
«Une volontØ gØnØrale sest rØcemment manifestØe dans les communautØs tant
palestinienne quarabe tendant à souligner lidentitØ palestinienne dans le cadre de
lensemble des efforts liØs à la question palestinienne et à ses dØveloppements. Une
conviction gØnØrale sest Øgalement fait j our, selon laquelle maintenir les liens lØgaux
et administratifs avec la Cisjordanie
serait contraire à cette volontØ. Ce serait là un
obstacle à la lutte du peuple palestinien, qui cherche à obtenir le soutien de la
communautØ internationale en faveur de ce quil estime Œtre la juste cause nationale
dun peuple qui lutte contre loccupation ØtrangŁre. Sag issant dune orientation qui
trouve son origine dans une vØritable aspir ation palestinienne et une forte volontØ
arabe de promouvoir la cause palestinienne, il est de notre devoir de la respecter et dy
rØpondre.» [Traduction du Greffe.]
2.42. Etant donnØ que, à lØpoque, la Cisjorda nie se trouvait occupØe par Israºl et que les
«liens lØgaux et administratifs» de la Jordanie avec la Cisjordanie sØtaient de toute maniŁre
distendus dans la pratique, il est clair que la dØcision de dØsengagement prise par la Jordanie
ouvrait la porte à la rØalisation d es aspirations palestiniennes à lautodØtermination, dans la mesure
oø elle coïncidait avec la reconnaissance, par les Etats-Unis, de lOLP en tant que seul reprØsentant
du peuple palestinien. Le dØsengagement de la Jordanie ne constituait en aucune façon un abandon
de la Cisjordanie à lautoritØ israØlienne. En ce qui concerne Israºl, la Cisjordanie restait
absolument territoire non-israØlien et la prØsen ce militaire israØlienne y demeurait, comme cela
Øtait le cas depuis 1967, une pure question doccupa tion militaire ØtrangŁre. Cela est confirmØ par
la rØfØrence persistante, dans le s rØsolutions du Conseil de sØcur itØ et de lAssemblØe gØnØrale
postØrieures à juillet 1988, à la Cisjordanie comme territoire occupØ : le «dØsengagement» de 1988
na strictement rien changØ à cet Øgard voir par exemple la rØsolution 636 (1989) du Conseil de
sØcuritØ (qui dØsigne Israºl par lexpression de « puissance occupante» et les territoires en question
comme «territoires palestiniens occupØs», et rØaffirme lapplicabilitØ de la quatriŁme convention de
GenŁve) ainsi que les rØsolutions641(1989) , 672(1990), 681(1990), 694(1991), 726(1992),
799(1992) et 904(1994), dont cinq ont ØtØ adoptØes à lunanimitØ; voir Øgalement la rØsolution
4321 de lAssemblØe gØnØrale du 3novembre 1988, dont les termes annoncent la rØsolution
636(1989) du Conseil de sØcuritØ prØcitØe; de nombreuses autres rØsolutions reprendront les
mŒmes termes. - 15 -
2.43. En octobre 1994, la Jordanie et Israºl conclurent un traitØ de paix qui est entrØ en
vigueur le 10 novembre 1994 (annexe 3). Ce traitØ de paix co mporte des dispositions pertinentes à
lØgard de la Cisjordanie. Cest ainsi que s on article3 traite de la question des frontiŁres
internationales entre la Jordanie et Israºl. Les tr ois premiers paragraphes de cet article 3 sont ainsi
rØdigØs :
«Article 3
Frontière internationale
1. La frontiŁre internationale entre Israºl et la Jordanie est dØlimitØe par
rØfØrence à la frontiŁre sous le mandat [telle que dØcrite à lannexe I a) conformØment
aux documents cartographiques joints à celle-ci et aux coordonnØes qui y sont
prØcisØes].
2. La frontiŁre, telle quelle est dØcr ite en annexe Ia), est la frontiŁre
internationale permanente, sßre et reconnue entre Israºl et la Jordanie, sans prØjudice
aucun [du] statut de tout territoire plac Ø sous le contrôle du Gouvernement militaire
Israºl en 1967.
3. Les parties reconnaissent comme invi olables la frontiŁre internationale, de
mŒme que leur territoire respectif, leurs eaux territoriales et leur espace aØrien, et ils
les respecteront et les accepteront.»
2.44. Lannexe I a) à laquelle il est fait rØfØrence au paragraphe 1 de larticle3 prØcitØ
dØlimite la frontiŁre entre la Jordanie et Isr aºl selon quatre tronçons consØcutifs à savoir (du nord
au sud) le fleuve du Jourdain et la riviŁre Yarmouk, la mer Morte, le Ouadi Araba (Emek Haarava)
et le golfe dAqaba. La dØlimitation, comme le montre le texte repr oduit à lannexe3, est
relativement technique et complexe. Une partie du premier secteur de la frontiŁre tel quil est
dØlimitØ à lannexeI a) court le long de la bordure orientale de la Cisjordanie. Selon larticle3.2
du traitØ de paix, cette frontiŁre est sans prØjudice du statut de tout territoire passØ sous lautoritØ
militaire israØlienne en1967, di sposition qui est renforcØe par les termes du paragraphe2.A.7 de
lannexe I a), ainsi rØdigØ :
«Les cartes orthophotographiques et les spatiocartes oø est indiquØe la ligne
sØparant la Jordanie de la Cisjordanie a dopteront une prØsentation diffØrente de cette
ligne, dont la lØgende comportera la rØserve suivante: «cette ligne est la frontiŁre
administrative entre la Jordanie et le territoire passØ sous le contrôle du Gouvernement
militaire israØlien en1967. [Aucun] am Ønagement effectuØ sur cette ligne ne
devra
porter prØjudice au statut du territoire.»»
2.45. Il est clair, dŁs lors, que le traitØ de pa ix de 1994 laisse intact le statut de la Cisjordanie
en tant que territoire nappartenant pas à Israºl ma is soumis à loccupation militaire israØlienne et,
en tant que tel, comme relevant de la quatriŁme convention de GenŁve de 1949. Tout comme la
dØcision de «dØsengagement» prise par la Jordanie en 1988 (voir plus haut par.2.41), cette
conclusion est confirmØe par des rØfØrences constant es, dans les rØsolutions du Conseil de sØcuritØ
et de lAssemblØe gØnØrale postØrieures à 1994, à la Cisjordanie comme territoire occupØ. En
outre, les deux confØrences des hautes parties contractantes à la quatriŁme convention de GenŁve
de1949, tenue le 15 juillet 1999 et le 5 dØ cembre 2001 sur les mesures destinØes à assurer
lapplication de la convention da ns lensemble des Territoires occ upØs, y compris à JØrusalem, et
en particulier la dØclaration publiØe à lissu e de ces deux rencontres, contribuent encore à
dØmontrer que le traitØ de paix de 1994 na introduit aucune diffØrence à cet Øgard. On pourra par
exemple consulter la rØsolution1322(2000) du Conseil de sØcuritØ, qui qualifie Israºl de - 16 -
«puissance occupante» et les territoires en question de territoires «occupØs par Israºl depuis 1967»,
et souligne une nouvelle fois la nØcessitØ de respecter la quatriŁme c onvention de GenŁve; la
rØsolution 49/132 adoptØe par lAssemblØe gØnØrale le 19 dØcembre 1994 (soit tout juste trois jours
aprŁs ladoption de la rØsolution49/88, dans la quelle lAssemblØe exprimait son plein appui au
traitØ de paix) comprenait dØjà ces trois mŒmes ØlØments, ainsi que, entre autres, les
rØsolutions ES 10/7 (2000) et ES-10/9 (2001).
2.46. Pour rØsumer, à partir du moment oø les Nations Unies se sont penchØes sur la question
des suites de lagression, par Israºl, des Etats arabes en juin 1967, le Conseil de sØcuritØ na eu de
cesse
dexprimer sa prØoccupation quant à la situation sur le terrain;
de dØclarer nulles et non avenues les mesures prises par le Gouvernement pour modifier le
statut de JØrusalem;
dappeler à la cessation, par Israºl, de sa politi que dimplantation de colonies de peuplement,
dont il a conclu à labsence de validitØ juridique;
de rØaffirmer lapplicabilitØ de la quatriŁme c onvention de GenŁve au Te rritoire palestinien et
aux autres territoires arabes occupØs par Israºl depuis 1967, dont JØrusalem; et
de dØsigner systØmatiquement ces territoires comme «Territoires occupØs».
2.47. LAssemblØe gØnØrale a, dans quantitØ de rØsolutions, suivi une ligne identique.
III. CONTEXTE RECENT
3.1. Cest sur cette toile de fond à la situ ation actuelle de la Cisjordanie quil convient
dexaminer les ØvØnements rØcents qui ont conduit à la construction du mur objet de la requŒte pour
avis consultatif actuellement soumise à la Cour.
3.2. Le 28 septembre 2000, M.Ariel Sharon, à la tŒte du parti du Likud, alors dans
lopposition, effectua une visite dans la zone de HaramAl-S harif à JØrusalem. Dans sa
rØsolution 1322 (2000), le Conseil de sØcuritØ «dØplor[a]» cet «acte de provocation». Les
protestations qui firent suite à cette visite pr ovocatrice dØclenchŁrent l intervention des forces
israØliennes qui, dans les jours suivants, y mirent un terme brutal, causant la mort de plus de
quatre-vingts palestiniens et faisant en outre de nombreux blessØs. Ces ØvØnements sinscrivent
dans le contexte des Ølections parlementaires alors imminentes en Israºl, Ølections qui amenŁrent au
pouvoir le parti du Likud, avec pour premier ministre M.Sharon. Le processus Ølectoral Øtait à
peine achevØ que les forces israØliennes avaient pØ nØtrØ et rØoccupØ plusieurs villes et villages
palestiniens. Israºl a refusØ de se conformer aux rØsolutions de sØcuritØ linvitant à retirer ses
troupes et à les ramener aux positions qui Øtaient les leurs avant le 28 septembre 2000 de façon à
recrØer les conditions nØcessaires à la restauration et à la reprise du processus de paix. Cette
impasse fut à lorigine de nouvelles frustrations et dun nouveau cercle vicieux de la violence, avec
notamment des attaques-suicides visant des IsraØliens et des rØactions disproportionnØes de la part
du Gouvernement israØlien, avec notamment un re nforcement des activitØs dimplantation illØgale
de colonies en Cisjordanie occupØe, y compris à JØrusalem-Est, dune façon mettant en danger tout
lØdifice du processus de paix et compromettant t oute perspective de voir se constituer un Etat
palestinien viable. - 17 -
3.3. Le 14 avril 2002, le Gouvernement is raØlien approuvait une dØcision prØvoyant la
construction, en Cisjordanie, dun systŁme de mu rs, de clôtures, de fossØs et de barriŁres sur une
longueur de 80 kilomŁtres. Le 23 juin 2002, le Gouvernement israØlien prit une nouvelle dØcision,
approuvant la premiŁre phase de la construction dune barriŁre «continue» dans certaines parties de
la Cisjordanie et à JØrusalem; cette dØcision indi quait que la barriŁre constituait une «mesure de
sØcuritØ» et ne reprØsentait «pas une frontiŁre politiq ue ou autre». Le tracØ prØvu pour ce mur ne
fut pas rendu public au moment de la dØcision, laque lle indiquait que «le tracØ exact et dØfinitif de
la clôture serait dØcidØ par le premier ministre et le ministre de la dØfense». Dautres dØcisions du
Gouvernement, prises notamment les 14 aoßt 2002 et 1 eroctobre 2003, Øtablissent le tracØ complet
du mur.
3.4. Lannonce de la construction de ce mur envisagØ par Israºl et les premiŁres mesures
prises pour donner effet à cette dØcision ont donnØ li eu à une large condamnation de la part de la
communautØ internationale, avec notamment une dØcl aration de lUnion europØenne en date du
18 novembre 2003 (dont le texte est reproduit à lannexe 4).
3.5. La rØaction critique de la communautØ inte rnationale vis-à-vis de la dØcision prise par
Israºl de construire le mur envisagØ et les prem iers travaux engagØs à cet effet transparaît trŁs
clairement des dØbats tenus tant au Conseil de s ØcuritØ quà lAssemblØe gØnØrale, et en particulier
des dØbats tenus par celle-ci les 21 octobre et 8 dØcembre 2003 dans le cadre de sa dixiŁme session
extraordinaire durgence.
3.6. Selon des documents du ministŁre de la dØfense israØlien, le tracØ envisagØ pour le mur
constituera une ligne continue sØt endant sur 720kilomŁtres le l ong de la Cisjordanie, soit une
longueur plus de deux fois supØrieu re à celle de lensemble de la Ligne verte. Un croquis de ce
tracØ, qui comporte des tronçons dØjà achevØs et dautres envisagØs, a ØtØ publiØ par le ministŁre de
la dØfense israØlien le 23 octobr e 2003 (annexe 5). Le tracØ que doit suivre ce mur court, dans sa
presque totalitØ, sur des terres occupØes par Israºl en 1967; il suit de maniŁre gØnØrale le tracØ de la
Ligne verte, qui marquait la ligne de cessez-le-feu Øtablie par laccord darmistice de 1949, mais du
côtØ palestinien de cette Ligne, sen Øcartant par endroits jusquà 22 kilomŁtr es vers lintØrieur de
la Cisjordanie (donnØe quil convient de rapproc her du fait que la Cisjordanie elle-mŒme prØsente
une largeur variant entre 20 et 50 kilomŁtres). Dans lensemble, la zone comprise entre le mur et la
Ligne verte sØtend sur environ 975 kilomŁtres carrØs, soit 16,6 % de lensemble de la superficie de
la Cisjordanie.
3.7. Au moment oø le prØsent exposØ a ØtØ rØdi gØ, plus de 180 kilomŁtres de ce mur Øtaient
o
achevØs, et 25 kilomŁtres supplØmentaires devaie nt lŒtre trŁs prochainement. Le croquis n 6, qui
se trouve à la page18 du prØsent exposØ, figure les sections achevØes, prØvues mais non encore
construites et, enfin, officiellement envisagØes de ce mur, ainsi que le tracØ de la Ligne verte
de 1949.- 18 - - 19 -
3.8. Le tracØ de ce mur prØsente plusieurs caractØristiques remarquables.
1) a) Le mur est en partie achevØ le long des limites nord et nord-ouest de la Cisjordanie (sur
une longueur totale de 142kilomŁtres); il en es t de mŒme de plusieurs autres sections au
sud de Ramallah, à lest de JØrusalem et au nord de Bethlehem;
b) dans toutes les autres zones, la construc tion de ce mur nest que prØvue ou envisagØe.
MŒme si certains points de dØtail doivent nØcessairement varier entre la planification et la
construction, le tracØ gØnØral de ce mur est dØjà clairement dØfini dans des rapports et des
cartes officiels publiØs par le Gouvernement dIsraºl;
c) de maniŁre trŁs gØnØrale, le mur tel quil a ØtØ jusquà prØsent construit, tel quil est
officiellement planifiØ et tel quil a ØtØ publiquement envisagØ dans des documents
officiels aura comme consØquence finale de crØer deux grandes zones totalement enclavØes
en Cisjordanie: lune partant de JØrusalem et se dirigeant vers le nord (pour englober
Ramallah et jusquà Jenin), lautre sØtenda nt de JØrusalem vers le sud (englobant
Bethlehem et HØbron), et un mur les reliant sur quelque 10kilomŁtres à lest de
JØrusalem-Est.
2) a) Dans la partie centrale de la section nord de la limite de la Cisjordanie, au nord de Jenin, le
mur construit jusquà prØsent suit Øtroitement le tracØ de la Ligne verte;
b) à lextrØmitØ orientale de ce secteur, le tracØ envisagØ pour le mur prend une direction
plein sud, pØnØtrant largement en territoire cisjordanien occupØ, le tracØ ensuite envisagØ
pour ce mur se poursuivant vers le sud para llŁlement au Jourdain, et à quelque
12 kilomŁtres à lintØrieur de la Cisjordanie;
c) à lextrØmitØ occidentale de ce secteur, le tracØ prØvu pour le mur senfonce de plusieurs
kilomŁtres à lintØrieur de la Cisjordanie, bien quexiste dØjà une section achevØe de ce
mur qui suit Øtroitement la Ligne verte.
3) a) Le long du secteur nord-ouest de la limite de la Cisjordanie (au nord de Tulkarm), le mur
tel quachevØ jusquà prØsent suit un tracØ en gros parallŁle à la Ligne verte mais plusieurs
kilomŁtres à lintØrieur de la Cisjordanie;
b) au centre de ce secteur, le mur tel quachevØ aujourdhui sera complØtØ par un mur qui
englobera une langue de terre se projetant quelque 15 kilomŁtres en territoire cisjordanien.
4) A louest de Tulkarm, le mur tel quachevØ auj ourdhui suit de prŁs le tracØ de la Ligne verte,
mais une extension de ce mur se dirigeant vers lest de Tulkarm et pØnØtrant plusieurs
kilomŁtres en territoire cisjordanien est dØjà prØvue, avec apparemment pour objectif de faire de
Tulkarm une petite enclave complŁtement entourØe par le mur.
5) Entre Tulkarm et Qalqilya, le mur tel qu achevØ actuellement pØnŁtre jusquà plusieurs
kilomŁtres en territoire cisjordanien.
6) A Qalqilya, une partie du mur tel quachevØ au jourdhui suit la Ligne verte, mais une autre
section de la barriŁre telle quachevØe se dirige ve rs lest à partir de Qalqilya, entourant ainsi
complŁtement cette derniŁre agglomØration et en faisant une enclave.
7) Au sud de Qalqilya, le mur tel quachevØ aujourdhui, pour les quelques kilomŁtres qui
achŁvent ce tracØ continu, pØnŁtre de plusieurs kilomŁtres en territoire cisjordanien. - 20 -
8) A partir du point terminal (à la date du prØsen t exposØ) du secteur continu et achevØ du mur, et
jusquà Ramallah, le mur nen est encore quà lØt at de projet. De maniŁre gØnØrale, il suivra
un tracØ senfonçant de quelque 5 kilomŁtres en territoire cisjordanien à partir de la Ligne verte,
avec deux excroissances de forme irrØguliŁre pointant vers lest et le nord et sØtendant jusquà
22kilomŁtres à lintØrieur de la partie occide ntale de la Cisjordanie (en un point oø celle-ci
nexcŁde pas 52 kilomŁtres de large).
9) A Ramallah et juste au sud de cette agglomØr ation a dØjà ØtØ construite une brŁve portion du
mur; à partir de ce point, le mur tel quil est prØvu ou envisagØ suit un tracØ qui, en direction du
sud, doit atteindre la vaste enclave prØvue ou envisagØe de Bethlehem-HØbron, passant à
quelque 10 kilomŁtres à lest de JØrusalem-Est (en un point oø la Cisjordanie se rØtrØcit pour ne
plus atteindre quune largeur de 30 kilomŁtres).
3.9. La configuration gØnØrale du tracØ que doit suivre ce mur, tel quachevØ, prØvu ou
envisagØ, montre quil ne saurait Œtre considØrØ comme ayant pour objectif exclusif celui de la
dØfense du territoire israØlien, cest-à-dire du territoire situØ au nord, à louest et au sud de la Ligne
verte. Le tracØ de ce mur, pour une bonne partie de sa longueur, est extrŒmement ØloignØ de tout ce
qui pourrait Œtre considØrØ comme constituant une «ligne de dØfense» plausible des territoires situØs
sur le côtØ israØlien de la Ligne verte. En outre , il est clair que lintention est ici dencercler dun
mur les deux grandes enclaves de Ramallah-Jenin et Bethlehem-HØbron, intention qui est de toute
Øvidence incompatible avec lidØe de «dØfendre» des terres israØliennes situØes bien à louest de ces
enclaves; cest ainsi, en particulier, que toute la partie orientale de ces murs dencerclement est
sans rapport aucun avec lobjectif de dØfendre ces terres israØliennes. Un mur dencerclement
pourrait contribuer à dØfendre les colonies israØlienn es (illØgales) situØes dans la zone encerclØe,
mais un tel objectif na rien à voir avec un quelconque droit dIsraºl à la lØgitime dØfense.
IV. F AITS PERTINENTS
a) Le mur israélien
4.1. Le rapport du SecrØtaire gØnØral en date du 24 novembre 2003 dØcrit le mur dans les
termes suivants :
«9. DaprŁs les documents du ministŁre israØlien de la dØfense et les
observations effectuØes sur le terrain, la barriŁre est constituØe essentiellement des
ØlØments suivants: une clôture ØquipØe de dØtecteurs Ølectroniques destinØs à alerter
les forces militaires israØliennes en cas de tentative dinfiltration; un fossØ (pouvant
atteindre quatre mŁtres de profondeur); une route de patrouille asphaltØe à deux voies;
une route de dØpistage (bande de sable lisse permettant de dØtecter des empreintes de
pieds) parallŁle à la clôture; six boudins de barbelØs empilØs qui marquent le pØrimŁtre
des installations. Louvrage a une largeu r de 50 à 70 mŁtres en moyenne, celle-ci
pouvant atteindre 100 mŁtres à certains endroits.
10. Il est indiquØ Øgalement, dans les documents du ministŁre de la dØfense, que
«divers systŁmes dobservation sont install Øs le long de la clôture». Il sagit
apparemment de camØras et de miradors disposØs sur certains emplacements oø la
barriŁre est constituØe de parois en bØton. Un autre ØlØment conjuguØ est prØvu : des
barriŁres dites «avancØes», cest-à-dire des barriŁres secondaires qui forment une
boucle à lest de la barriŁre principale. De ux barriŁres avancØes sont incluses dans le
tracØ prØvu au centre de la Cisjordanie. Trois autres barriŁres du mŒme type situØes au
nord de la Cisjordanie, qui apparaissaient sur certaines cartes officieuses, nont pas ØtØ
ØrigØes et ne sont pas incorporØes sur la carte officielle qui a ØtØ publiØe le 23 octobre. - 21 -
11. Les murs en bØton couvrent une distance de 8,5kilomŁtres environ sur les
quelque 180kilomŁtres de barriŁre qui ont ØtØ construits ou sont en cours de
construction. Ces parties de la barriŁr e, que les Forces de dØfense israØliennes
appellent «murs de protection contre les tirs», sont gØnØralement situØes dans des lieux
oø les agglomØrations palestiniennes sont contiguºs à Israºl, pa r exemple prŁs des
villes de Qalqiliya et de Tulkarem, et dans certaines parties de JØrusalem. Certains
sont actuellement en cours de construction, tandis que dautres ont ØtØ planifiØs et
construits en dehors du cadre du projet act uel, par exemple une portion du mur situØ
prŁs de Qalqiliya, qui a ØtØ ØrigØe en 1996 à loccasion de la construction dune
route.»
4.2. Ainsi le mur, aux caractØristiques physi ques extrŒmement variØes, sØtendra-t-il en fin
de compte sur quelque 720 kilomŁtres le long de la Cisjordanie, sur une largeur de 50 à 70 mŁtres
en moyenne. Un tel systŁme exige une supe rficie de terre considØrable pour assurer sa
construction.
4.3. Dans le cadre de la premiŁre phase, quelque 21000dunums de terrain ont ainsi ØtØ
arasØs pour constituer le tracØ du mur, ce qui a entraînØ le dØracinement de quelque
centmillearbres. En outre, 150000dunums soit 2% de la Cisjordanie ont ØtØ confisquØs
dans le cadre de cette «premiŁre phase» du mur, dans la «zone de sØcuritØ» dØcrØtØe par Israºl.
4.4. Quelque 85 000 hectares soit 14,5 % de la superficie de la Cisjordanie (hors
JØrusalem-Est) se trouveront pris entre le mur et la Ligne verte, selon les derniŁres prØvisions du
Gouvernement israØlien concernant ce mur. Les terres nØcessaires à la c onstruction de ce dernier
sont rØquisitionnØes par ordonnance militaire en Cisjor danie et par le ministŁre de la dØfense dans
la ville de JØrusalem. La plupart de ces ordonna nces sont valides jusquau 31dØcembre2005 et
peuvent Œtre renouvelØes. Elles prennent gØnØraleme nt effet le jour de leur signature, et sont
valides mŒme si elles nont pas ØtØ personnellement remises aux propriØtaires concernØs. Elles
sont parfois placardØes sur le bien lui-mŒme ou dØlivrØes au conseil municipal, mais sans remise en
mains propres au propriØtaire. Les propriØtaires des terres concernØes ont une à deux semaines à
compter de la date de signature de lordonnance pour la contester devant lorgane compØtent; les
propriØtaires peuvent Øgalement saisir la Cour suprŒme dIsraºl.
4.5. Le mur lui-mŒme a ØtØ complØtØ, depui s le 2 octobre 2003, par lØtablissement dune
zone fermØe dans la partie nord-ouest de la Ci sjordanie. A cette date, les Forces de dØfense
israØliennes (FDI) ont adoptØ une sØrie dordonnan ces Øtablissant une «zone de jointure» dans la
rØgion et crØant une zone fermØe correspondant aux terres comprises entre le systŁme de clôture et
la Ligne verte. Cette zone fermØe sØtend su r 73 kilomŁtres carrØs. Aux termes des ordonnances,
«personne nest autorisØ à pØnØtrer dans la zone de jointure ou à y demeurer».
4.6. Les ordonnances des FDI ont Øgalement mis en place un nouveau statut de rØsident. Les
rØsidents de la zone fermØe peuvent y demeurer, et dautres sont en mesure dy avoir accŁs, mais
uniquement aprŁs dØlivrance dun permis ou dune car te didentitØ par les FDI. Toutefois, les
citoyens israØliens, les rØsidents permanents en Israºl et les bØnØficiaires de la loi du retour peuvent
librement demeurer dans cette zone, sy dØplacer, en sortir ou y entrer, sans obligation de permis. - 22 -
b) Les conséquences humaines du mur
4.7. Il est bien Øvident quun mur prØsentant de telles caractØristiqu es ne peut quavoir des
consØquences graves et dommageables pour les popu lations qui vivent, travaillent, se dØplacent ou
se rendent en visite dans les parties concernØes de la Cisjordanie.
4.8. Les rØquisitions, par larmØe, de terr es en vue de la construction du mur affectent
indiscutablement et directement les propriØtaires c oncernØs. Les dispositio ns qui permettent de
contester ces dØcisions et de faire appel de cell es-ci sont inadØquates comme moyen de rØparation
pour les pertes et les bouleversements subis par les personnes concernØes. Les quatre cents recours
de premiŁre instance et quinze saisines de la Cour suprŒme dØjà intervenus au nom de famille ou de
villages entiers sont à comparer avec le nombre considØrable dordonnances de rØquisition adoptØes
à ce jour.
4.9. Une autre consØquence grave et dommageab le rØsulte de la mise en place de la zone
fermØe par les FDI et dun nouveau systŁme de pe rmis de rØsidence. Tout dabord, ce nouveau
systŁme opŁre une discrimination flagrante en fa veur des citoyens israØliens, des rØsidents
permanents en Israºl et des bØnØficiaires de la loi du retour, puisque tous peuvent entrer ou sortir de
la zone fermØe ou se dØplacer à lintØrieur de celle-ci sans avoir besoin du permis imposØ aux
autres habitants. Cette discrimination est extrŒmement dØfavorable aux Palestiniens arabes.
4.10. Alors que, selon le rapport du SecrØtaire gØnØral (par. 21), la plupart des rØsidents de la
zone fermØe avaient reçu des permis, ceux-ci n Øtaient gØnØralement valables que pour une pØriode
limitØe, ne dØpassant pas un, trois ou six mois. Sagissant des non-rØsidents souhaitant accØder à la
zone fermØe, il semble quune majoritØ de ceux qui doivent ou veulent y accØder naient pas encore
obtenu de permis. MŒme les personnes en po ssession dun permis dØlivrØ par les FDI ou dune
carte didentitØ ne bØnØficient pas dune libertØ de mouvement illimitØe leur permettant dentrer ou
de sortir de la zone fermØe. LentrØe et la sor tie dØpendent du programme douverture dune sØrie
de trente-sept portes : celles-ci ne sont appare mment ouvertes que quinze à vingt minutes trois fois
par jour mais, malgrØ les horaires affichØs, les portes ne sont pas ouvertes de maniŁre rØguliŁre.
Ainsi, la porte donnant accŁs à la zone de Jayyous dans le district de Qalqilya est restØe fermØe
pendant ving-cinq jours au cours de la pØriode comp rise entre fin juin et dØbut aoßt 2003. Dans un
autre cas, la porte du village de Faroun, dans le district de Tulkarm, na pas ØtØ ouverte depuis le
9octobre2003, empŒchant ainsi les agriculteur s daccØder à leurs terres. Des modalitØs aussi
limitØes et artificielles dentr Øe et de sortie, sans rapport avec les besoins pratiques des
communautØs affectØes, ne peuvent que sØrieusem ent nuire à la situation de toutes les personnes
concernØes, qui ne peuvent ainsi bØnØficier dun accŁs rØgulier à leurs terres, à leurs emplois, aux
services et au reste de leur famille.
c) Les conséquences économiques et sociales du mur
4.11. Un tel refus dautoriser aux populati ons concernØes un accŁs rØgulier, notamment à
leurs terres afin de pouvoir les cu ltiver, nencouragera guŁre les Palestiniens à demeurer dans cette
rØgion et aura mŒme pour effet de les encourager à labandonner. Israºl a dØjà par le passØ
expropriØ des terres au motif que celles-ci Øtaient insuffisamment cultivØes, et la possibilitØ ne peut
Œtre ØcartØe que tel soit lobjectif là encore r echerchØ par Israºl par l Øtablissement de ce nouveau
systŁme discriminatoire de dØlivrance de permis. - 23 -
4.12. En raison de lencerclement complet de Qalqiliya par le mur, prŁs de 10% des
quarante-deuxmille rØsidents de cette ville ont Øt Ø contraints dabandonner leurs foyers afin de
trouver un moyen de subsistance ou un emploi «ailleurs».
4.13. Cette consØquence de lØdification du systŁme de barriŁre ne doit pas Œtre vue de
maniŁre isolØe, mais dans le contexte du systŁm e de clôture imposØ par Israºl aprŁs lØclatement
dhostilitØs en septembre/octobre2000. Ce systŁm e, encore en vigueur aujourdhui, est pour
lessentiel composØ dune sØrie de points de contrôle et de barrages, et se trouve à lorigine de
graves dommages socio-Øconomiques. La constr uction du mur a considØrablement aggravØ le
prØjudice ainsi causØ aux communautØs situØes le long de son tracØ, principalement parce que
laccŁs de celles-ci aux terres, aux emplois et aux marchØs dapprovisionnement a ØtØ soit
supprimØ, soit considØrablement limitØ. Des rapports rØcents de la Banque mondiale et des
Nations Unies en apportent la dØmonstration. Ainsi que la indiquØ le rapport du SecrØtaire gØnØral
des NationsUnies, «la barriŁre a, à ce jour , coupØ trentelocalitØs des services de santØ,
vingt-deuxdes Øtablissements scolaires, huitdes sources primaires deau et troisdu rØseau
Ølectrique» (par. 23). Concernant les consØquences de lØdification de ce mur, on pourra consulter :
«Incidences de la BarriŁre de sØparation isr aØlienne sur les populations cisjordaniennes
concernØes», rapport de la mission au groupe d es politiques daide humanitaire et de secours
durgence du comitØ local de coordination de l aide (LACC), 4 mai 2003; premiŁre mise à jour,
3j1uille2t003; deuxiŁme mise à jour, 30eptembr2 e003; troisiŁme mise à jour,
30novembre2003. Voir Øgalement NationsUni es, bureau de la coordination des affaires
humanitaires, TPO, «New Wall Projections», 9 nove mbre 2003; UNRWA, «Impact de la premiere
phase de la barriŁre de sØcuritØ sur les rØfugiØs enregistrØs auprŁs de lUNRWA», 1 octobre 2003;
OCHA Humanitarian Update, Occupied Palestin ian Territories, 1-15 dØcembre 2003; UNRWA,
Reports on the West Bank Barrier, «Town Profile : Impact of the Jerusalem Barrier», janvier 2004.
4.14. La construction du mur a considØrable ment aggravØ les dommages ainsi causØs aux
communautØs situØes le long de son tracØ, principalement parce que laccŁs de celles-ci aux terres,
aux emplois et aux marchØs dapprovisionnement a Øt Ø soit supprimØ, soit considØrablement limitØ.
Des rapports rØcents de la Banque mondiale et des NationsUnies en apportent la dØmonstration.
Ainsi que la indiquØ le rapport du SecrØtaire gØnØral des NationsUnies, «la barriŁre a, à ce jour,
coupØ trentelocalitØs des services de santØ, vi ngt-deuxdes Øtablissements scolaires, huitdes
sources primaires deau et trois du rØseau Ølectrique» (par. 23).
4.15. Le rapport du SecrØtaire gØnØral montre Øgalement que ce sont les Palestiniens vivant
dans les enclaves qui doivent subir certaines des consØquences les plus douloureuses de la
construction et du tracØ du mur. Le rapport donne comme exemples les villes de Qalqiliya et de
Nazlat Issa. Le mur entourant Qalqiliya ne comporte quun point dentrØe et de sortie, contrôlØ par
un poste militaire israØlien.
«La ville est donc isolØe de pratiquement toutes ses terres agricoles, tandis que
les villages environnants sont sØparØs de leurs marchØs et des services. Un hôpital des
Nations Unies situØ dans la ville a connu une baisse de frØquentations de 40 %. Plus
au nord, la barriŁre crØe actuellement une en clave autour de la ville de NazlatIssa,
dont les zones commerçantes ont ØtØ dØtr uites, Israºl ayan t dØmoli au moins
sept habitations et cent vingt-cinq boutiques.»
4.16. De plus, les terres et les biens des rØsidents de vingt-deuxvillages du district de
Qalqiliya seront isolØs par le mur; un total de 47 000 dunums (environ 5000 hectares) seront situØs
à louest du mur, alors que 7750 dunums (environ 800 hectares) seront dØtruits par le mur. - 24 -
4.17. A NazlatIssa, quelque deuxcentdix-huit bâtiments ont ØtØ dØtruits à ce jour, pour la
plupart des commerces, qui constituent une source de revenu et de survie importante pour nombre
de communautØs. Au moins soixante-quinze autres magasins, vingtusines, vingtmaisons
dhabitation et une Øcole primaire devraient Œtre dØmolis, et ce dans un proche avenir, avec pour
consØquences la destruction de lessentiel du villa ge et de toute son infrastructure Øconomique.
Nazlat Issla sera le premier village à Œtre dØtruit le long du mur.
4.18. Les tronçons dØjà achevØs du mur ont une incidence particuliŁrement grave sur
lagriculture. Ainsi que lindique le paragraphe 25 du rapport du SecrØtaire gØnØral :
«En 2000, les trois gouvernorats de DjØnine, Tulkarm et Qalqiliya ont produit
pour 220 millions de dollars des Etats-Unis de denrØes agricoles, soit 45 % du total de
la production agricole de la Cisjordani e. Les terres palestiniennes cultivØes se
trouvant sur le tracØ de la barriŁre ont ØtØ rØquisitionnØes et les cultures dØtruites, et
des dizaines de milliers darbres ont ØtØ dØr acinØs. Les agriculteurs sØparØs de leurs
terres, et souvent Øgalement de leurs sources dapprovisionnement en eau, doivent
traverser la barriŁres par les portes contrôlØes. Les habitants de nombreux villages ont
perdu leur derniŁre rØcolte en raison des hor aires irrØguliers douverture des portes et
de larbitraire qui semble prØsider à loctr oi ou au refus du droit de passage. Selon
une enquŒte rØcente du Programme alimenta ire mondial, cette situation a aggravØ
linsØcuritØ alimentaire dans la rØgion, qui compte 25000nouveaux bØnØficiaires
daide alimentaire par suite directe de la construction de la barriŁre.»
4.19. Le mur traverse plusieurs parties de JØrusalem ainsi que la Cisjordanie. Son tracØ dans
JØrusalem aura pour consØquence, toujours selon le rapport, de
«[limiter] aussi fortement les dØplacements et laccŁs de dizaines de milliers de
Palestiniens vivant en milieu urbain. Un mur en bØton traversant le quartier
dAbouDis a dØjà eu des rØpercussions sur laccŁs aux emplois et aux services
sociaux essentiels, notamment aux Øcoles et aux hôpitaux. Le tronçon nord de la
barriŁre a portØ prØjudice aux relations commerciales et sociales qui existent de longue
date entre des dizaines de milliers de personnes, phØnomŁne qui se renouvellera le
long de la majeure partie du tracØ traversant JØrusalem. Les rØsidences de certains
dØtenteurs de carte didentitØ de JØrusalem se trouvent à lextØrieur de la barriŁre, alors
que celles de certains dØtenteurs de carte didentitØ de la Cisjordanie se trouvent à
lintØrieur. Il se pose donc le problŁme du statut futur en mati Łre de rØsidence des
Palestiniens dans JØrusalem-Est occupØe au regard des lois israØliennes actuelles.»
(Rapport du SecrØtaire gØnØral, par. 26.)
4.20. Un systŁme de permis am ØliorØ permettant une circulation relativement libre de part et
dautre du mur permettrait dattØnuer le prØjudice socio-Øconomique qui vient dŒtre dØcrit;
toutefois, mŒme si un tel systŁme amØliorØ deva it Œtre introduit, il ne supprimerait en rien les
souffrances de la population et les griefs de ce tte derniŁre. Ainsi que lindique le rapport du
SecrØtaire gØnØral à son paragraphe 27 :
«Qui plus est, cet accŁs [amØliorØ] ne saurait compenser les revenus perdus par
suite de la destruction de biens, de terres et dentreprises rØsultant de la construction
de la barriŁre. Ceci pose le problŁme des violations des droits des Palestiniens à
lemploi, à la santØ, à lØducation et à un niveau de vie suffisant.» - 25 -
V. C ONSIDERATIONS JURIDIQUES PERTINENTES
a) Compétence de la Cour
i) La demande soulève une question de nature juridique et la Cour est compétente pour
y répondre
5.1. La compØtence de la Cour pour rendre un avis consultatif dØcoul e du paragraphe1 de
larticle65 de son Statut. Celui-ci dispose que la Cour «peut donner un avis consultatif sur toute
question juridique, à la demande de tout organe ou institution qui aura ØtØ autorisØ par la Charte des
Nations Unies ou conformØment à ses dispositions à demander cet avis».
5.2. Le paragraphe1 de lar ticle96 de la Charte des Nati ons Unies dispose : «LAssemblØe
gØnØrale ou le Conseil de sØcuritØ peut demander à la Cour inte rnationale de Justice un avis
consultatif sur toute question juridique.»
5.3. La compØtence de lAssemblØe gØnØrale pour demander un avis consultatif englobe
«toute question juridique», sans restriction. MŒme sil y avait lieu de supposer que ce paragraphe 1
de larticle96 de la Charte comporte une lim ite exigeant quune telle question juridique se pose
dans le cadre des activitØs de lAssemblØe gØnØrale , cette condition serait satisfaite à lØgard de la
prØsente requŒte : mutatis mutandis, le raisonnement suivi par la Cour dans son avis consultatif du
8 juillet 1996 sur la Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires (C.I.J. Recueil 1996,
p. 233, par. 11 et 12) ne laisse à cet Øgard aucun doute.
5.4. On ne saurait davantage douter que la question soumise à la Cour par lAssemblØe
gØnØrale soit une «question juridique». Dans la question ainsi posØe, il est demandØ à la Cour de se
prononcer sur les «consØquences juridiques» de certaines mesures. De plus, elle sinscrit bien dans
le cadre de questions qui ont ØtØ «libellØes en termes juridiques et soulŁvent des problŁmes de droit
international
[et qui] sont, par leur nature mŒme, susceptibles de recevoir une rØponse fondØe en
droit
» (Sahara occidental, avis consultatif, C.I.J. Recueil 1975, p. 18, par. 15).
5.5. Afin de se prononcer sur la question dont elle est aujourdhui saisie, la Cour doit
rechercher les principes et rŁgles de droit interna tional applicables, les interprØter et les appliquer
aux circonstances de lespŁce, et apporter ainsi une rØponse fondØe en droit à la question posØe.
5.6. Etant donnØ que lavis a ØtØ demandØ pa r lAssemblØe gØnØrale, et sera donnØ par la
Cour à lAssemblØe gØnØrale, labsence de consentement à cette procØdure de la part dun Etat
quelconque est sans incidence sur la compØtence de la Cour pour donner lavis qui lui est demandØ.
Ainsi quelle la indiquØ dans son avis consultatif sur lApplicabilité de la section 22 de l’article VI
de la convention sur les privilèges et immunités des Nations Unies (C.I.J. Recueil 1989) :
«La compØtence qua la Cour
pour donner des avis consultatifs sur des
questions juridiques permet à des entit Øs des NationsUnies de [lui] demander
conseil
afin de mener leurs activitØs conformØment au droit. Ces avis sont
consultatifs, non obligatoires. Ces avis Øtant destinØs à Øclairer lOrganisation des
Nations Unies, le consentement des Etats ne conditionne pas la compØtence de la Cour
pour les donner.» (P. 188-189, par. 31.) - 26 -
5.7. La Cour a dØjà eu loccasion, dans le cadre de lavis quelle a rendu sur l Interprétation
des traités de paix conclus avec la Bulgarie, la Hongrie et la Roumanie, (C.I.J. Recueil 1950) , de
tracer une distinction entre affaires contentieuses (dans lesquelles un consentement est nØcessaire)
et procØdures consultatives (dans lesquelles un tel consentement nest pas nØcessaire); elle a à cette
occasion relevØ que
«il en est autrement en matiŁre davis, alors mŒme que la demande davis a trait à une
question juridique actuellement pendante entre Etats. La rØponse de la Cour na quun
caractŁre consultatif: comme telle, elle ne saurait avoir deffet obligatoire. Il en
rØsulte quaucun Etat
na qualitØ pour empŒcher que soit donnØe suite à une
demande davis dont les NationsUnies, pour sØclairer dans leur action propre,
auraient reconnu lopportunitØ. Lavis est donnØ par la Cour non aux Etats, mais à
lorgane habilitØ pour le lui demander; la rØponse constitue une participation de la
Cour, elle-mŒme «organe des NationsUni es», à laction de lOrganisation et, en
principe, elle ne devrait pas Œtre refusØe.» (P. 71.)
5.8. Le fait que la question juridique sur laque lle lavis consultatif de la Cour est demandØ
puisse Øgalement revŒtir une dimension politique ne prive pas la Cour de sa compØtence pour
rØpondre à la question juridique qui lui est posØe. Ainsi que la Cour la indiquØ dans son avis
consultatif sur la Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires (voir plus haut),
«Que cette question revŒte par ailleur s des aspects politiques, comme cest, par
la nature des choses, le cas de bon nombre de questions qui viennent à se poser dans la
vie internationale, ne suffit pas à la priver de son caractŁre de «question juridique» et à
«enlever à la Cour une compØtence qui lui est expressØment confØrØe par son
Statut»
Quels que soient les aspects politiques de la question posØe, la Cour ne
saurait refuser un caractŁre juridique à une question qui linvite à sacquitter dune
tâche essentiellement judiciaire, à savoir la pprØciation de la licØitØ de la conduite
Øventuelle dEtats au regard des obligations que le droit international leur impose
La Cour considŁre en outre que la na ture politique des mobiles qui auraient
inspirØ la requŒte et les implications po litiques que pourrait avoir lavis donnØ sont
sans pertinence au regard de lØtablisse ment de sa compØtence pour donner un tel
avis.» (C.I.J. Recueil 1996, p. 234, par. 13; les citations ont ØtØ omises).
5.9. En adoptant cette position, la Cour a suiv i une pratique antØrieure bien Øtablie par elle.
La Cour a frØquemment ØtØ invitØe à refuser de re ndre un avis consultatif au motif que, de maniŁre
gØnØrale, la question aurait ØtØ davantage politique que juridique. Elle na jamais accØdØ à une telle
invitation.
5.10. Dans son avis sur la Composition du Comité de la Sécurité maritime de l’Organisation
intergouvernementale consultative de la Navigation maritime (C.I.J.Recueil1960) , la Cour a
indiquØ :
«Les exposØs prØsentØs à la Cour ont fait apparaître quà la question qui lui a ØtØ
soumise sen rattachent dautres qui ont un caractŁre politique. Cependant, en tant que
corps judiciaire, la Cour doit[,] dans lex ercice de sa fonction consultative[,] rester
fidŁle aux exigences de son caractŁre judiciaire.» (P. 153.)
La Cour a en consØquence rendu lavis qui lui Øtait demandØ. - 27 -
5.11. Lors de la demande davis consultatif sur Certaines dépenses des NationsUnies
(C.I.J. Recueil 1962), la Cour sest vu opposer largument selon lequel la question qui lui Øtait
posØe touchait Øtroitement à des considØrations po litiques et que, pour cette raison, elle devait se
refuser à donner un avis sur celle-ci. Elle a indiquØ :
«Certes, la plupart des interprØtations de la Charte des Nations Unies prØsentent
une importance politique plus ou moins grande. Par la nature des choses, il ne saurait
en Œtre autrement. Mais la Cour ne saurait attribuer un caractŁre politique à une
requŒte qui linvite à sacquitter dune tâche essentiellement judiciaire, à savoir
linterprØtation dune disposition conventionnelle.» (P. 155.)
5.12 La dØtermination des consØquences juri diques rØsultant dune certaine conduite nest
rien moins quune «tâche essentiellement judiciaire».
5.13. A loccasion de la demande davis c onsultatif concernant linterprØtation de l Accord
du 25mars1951 entre l’OMS et l’Egypte (C.I.J.Recueil1980) , la Cour a de sa propre initiative
soulevØ la question de savoir si la demande en question nØtait rien dautre quune manuvre
politique et sil convenait alors quelle refuse dy rØpondre. AprŁs avoir relevØ que cette thŁse
«irait de toute façon à lencontre de sa jurispr udence constante», la Cour a indiquØ que, selon cette
jurisprudence, si
«une question formulØe dans une requŒte relŁve à dautres Øgards de lexercice normal
de sa juridiction, la Cour n a pas à traiter des mobiles qui ont pu inspirer la requŒte
En fait, lorsque des considØrations politiqu es jouent un rôle marquant[,] il peut Œtre
particuliŁrement nØcessaire à une organisa tion internationale dobtenir un avis
consultatif de la Cour sur les princip es juridiques applicables à la matiŁre en
discussion
» (P. 87, par. 33.)
5.14 Dans laffaire des Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci
(Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique), compét ence et recevabilité (C.I.J. Recueil 1984) , la Cour a
indiquØ quelle ne sØtait «jamais dØrobØe devant lexamen dune affaire pour la simple raison
quelle avait des implications politiques ou comporta it de sØrieux ØlØments demploi de la force»
(p. 435, par. 96). Cela est tout aussi vrai aujourdhui que ce lØtait en 1984.
5.15 Il est tout aussi dØnuØ de pertinence au regard de la compØtence de la Cour que la
matiŁre sur laquelle porte la de mande davis consultatif soit ou ait ØtØ examinØe sØparØment par
lAssemblØe gØnØrale ou le Conseil de sØcuritØ. Lorsque ce point a ØtØ soulevØ dans laffaire des
Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (voir ci-dessus), la Cour a
relevØ quil lui avait ØtØ demandØ de «se pronon cer sur certains aspects juridiques dune question
qui a[vait] ØtØ aussi examinØe par le Conseil, ce qui [Øtait] parfaitement conforme à sa situation
dorgane judiciaire principal des Nations Unies» (p. 436, par. 98).
5.16 La Cour a de mŒme relevØ que «le fait quune question [soit] soumise au Conseil de
sØcuritØ ne doit pas empŒcher la Cour den co nnaître, et que les deux procØdures peuvent Œtre
menØes parallŁlement» (p. 433, par. 93).
5.17. La Cour Øtait dØjà parvenue à la mŒme conclusion dans laffaire du Personnel
diplomatique et consulaire des Etats-Unis à Téhéran (C.I.J. Recueil 1980), à loccasion de laquelle
elle avait relevØ : - 28 -
«Alors que larticle 12 de la Charte interdit expressØment à lAssemblØe
gØnØrale de faire une recommandation au su jet dun diffØrend ou dune situation à
lØgard desquels le Conseil re mplit ses fonctions, ni la Charte ni le Statut napportent
de restriction semblable à lexercice des fonctions de la Cour.» (P. 22, par. 40.)
5.18. Il sagissait dans lun et lautre cas d une affaire contentieuse, concernant une action
concurrente de la part de la Cour et du Conseil de sØcuritØ : compte tenu des effets juridiques plus
limitØs qui sont ceux dun avis consultatif et de laction de lAssemblØe gØnØrale, une Øventuelle
action concurrente de la part de la Cour et de lAssemblØe gØnØrale en la prØsente espŁce conduit à
fortiori à la mŒme conclusion.
5.19. En bref, si la Cour, ainsi quelle est invitØe à le faire, dØcide de donner lavis
consultatif que lAssemblØe gØnØrale lui a demandØ , elle sacquittera «de sa fonction judiciaire
normale en sassurant de lexistence ou de la non- existence de principes et de rŁgles juridiques
applicables à» la construction du mur (Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, avis
consultatif, p. 235, par. 18).
5.20. LAssemblØe gØnØrale a soumis une ques tion juridique à la Cour; elle est autorisØe à
demander à la Cour un avis consultatif sur cette question; la Cour a compØtence pour donner un tel
avis.
ii) Il n’existe aucune raison décisive qui devrait conduire la Cour à refuser de donner
l’avis consultatif qui lui est demandé
5.21. La Cour jouit dun certain pouvoir discrØ tionnaire à lØgard de la question de savoir si
elle doit ou non exercer sa compØtence pour rendre lavis consultatif qui lui a ØtØ demandØ. Selon
le paragraphe 1 de larticle 65 de la Cour, celle-ci «peut» donner un av is consultatif, et elle a dØjà
eu loccasion de prØciser que ce libellØ lui laissait «le pouvoir discrØtionnaire de dØcider si elle doit
ou non donner lavis consultatif qui lui a ØtØ dema ndØ, une fois quelle a Øtabli sa compØtence pour
ce faire» (Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, avis consultatif, p. 235, par. 14).
5.22. La Cour nen a pas moins estimØ pendant plus de cinquante ans quelle ne devrait pas
en principe se refuser à rendre un avis consulta tif sur un point qui lui a ØtØ dßment exposØ. Ainsi
a-t-elle affirmØ, dans le cadre de la demande davis consultatif concernant l Interprétation des
traités de paix conclus avec la Bulgarie, la Hongrie et la Roumanie, première phase
(C.I.J. Recueil 1950, p. 71) : «Lavis est donnØ par la Cour non aux Etats, mais à lorgane habilitØ
pour le lui demander; la rØponse constitue une part icipation de la Cour, elle-mŒme «organe des
Nations Unies», à laction de lOrganisation et, en principe, elle ne devrait pas Œtre refusØe.»
5.23. Plus rØcemment, dans son avis consultatif sur la Licéité de la menace ou de l’emploi
d’armes nucléaires (p. 235, par. 14), la Cour a citØ ce passage, pour poursuivre en ces termes :
«La Cour a toujours ØtØ consciente de ses responsabilitØs en tant qu«organe
judiciaire principal des Nations Unies» (Chart e, art. 92). Lors de lexamen de chaque
demande, elle garde à lesprit quelle ne devr ait pas, en principe, refuser de donner un
avis consultatif. ConformØment à sa juri sprudence constante, seules des «raisons
dØcisives» pourraient ly inciter
Aucun refus, fondØ sur le pouvoir discrØtionnaire
de la Cour, de donner suite à une demande d avis consultatif na ØtØ enregistrØ dans
lhistoire de la prØsente Cour
» (Ibid.) - 29 -
5.24. MŒme la devanciŁre de la Cour ne sest que dans une seule occasion refusØe à rØpondre
à une question qui lui avait ØtØ soumise pour avis consultatif par le Conseil de la SociØtØ des
Nations, et la fait pour des raisons autres que lexercice de son pouvoir discrØtionnaire; il sagissoit
de la demande davis c onsultatif concernant le Statut de la Carélie orientale (C.P.J.I. série B n 5,
1923). Les circonstances de lespŁce Øtaient tout efois particuliŁres, notamment en ce que la
question sur laquelle un avis consultatif Øtait recherchØ concernait directement lobjet essentiel
dun diffØrend bilatØral qui avait surgi entre les deux Etats, et en ce que lun de ces derniers nØtait
pas membre de la SociØtØ des Nations, ne se trouvait donc pas liØ par les dispositions du pacte
concernant le rŁglement pacifique des diffØre nds et enfin, bien quen possession des faits
pertinents, ne souhaitait pas participer à la procØdure.
5.25. Les circonstances de la prØsente espŁce sont dun ordre totalement diffØrent. Tous les
Etats concernØs sont Membres des NationsUnies et ont donc acceptØ la possibilitØ que la Cour
rØponde à une demande davis c onsultatif soumise à celle-ci c onformØment aux dispositions
pertinentes de la Charte et du Statut. Il nex iste aucun ØlØment dont la Cour aurait besoin de
disposer pour pouvoir rendre son av is consultatif mais qui ne lui serait pas accessible du fait que
lEtat en possession de ces ØlØments ne serait pas membre des Nations Unies ou ne souhaiterait pas
participer à la procØdure. Alors que la ques tion soumise à la Cour pa r la requŒte pour avis
consultatif concerne un ensemble particulier de circonstances (à savoir la construction du mur par
Israºl), la requŒte pour avis consultatif ne touche pas à une question juridique actuellement
pendante entre les Etats concernØs, mais plutôt à la recherche, par lAssemblØe gØnØrale, dun avis
sur les consØquences juridiques dØcoulant de la cons truction de ce mur, de telle sorte que, grâce à
une comprØhension plus complŁte de ces consØquences juridiques, lAssemblØe gØnØrale soit mieux
à mŒme de remplir ses fonctions. En outre, Øtant donnØ que cet avis ne sera pas seulement adressØ
à lAssemblØe pour guider celle-ci, mais naura en outre quun car actŁre consultatif, le fait de
rendre cet avis naura pas davantage pour effet de trancher un quelconque diffØrend bilatØral entre
Etats. LAssemblØe, et non les Etats, ayant recher chØ lavis consultatif de la Cour, celui-ci, une
fois rendu, servira à assister lAssemblØe dans lexercice de ses fonctions, et ce sera à cette derniŁre
dapprØcier elle-mŒme lutilitØ de lavis à la lumiŁre de ses propres besoins.
5.26. MŒme lorsque la demande davis consultatif est considØrØe comme portant sur une
question juridique pendante entre deux ou plusieurs Etats (et tel nest pas le cas en lespŁce), il ne
sensuit pas que la Cour doive se refuser à rendre lav is en question. Dans la procØdure relative à
lInterprétation des traités de paix conclus avec la Bulgarie, la Hongrie et la Roumanie
(C.I.J. Recueil 1950), la Cour a conclu à limpossibilitØ, pour quelque Etat que ce soit, dempŒcher
que soit donnØ suite à une demande davis consultatif, « alors même que la demande davis a trait à
une question juridique actuellement pendante entre Et ats» (p.71; passage dØjà citØ plus haut, au
paragraphe 5.7; les italiques sont de nous).
5.27. Sappuyant sur ce prØcØdent, la Cour, dans laffaire du Sahara occidental
(C.I.J. Recueil 1975), a rejetØ largument de lEspagne selon lequel elle ne devrait pas rendre un tel
avis consultatif dans la mesure oø il porterait sur lobjet dun diffØrend entre celle-là et dautres
Etats, et dans la mesure oø lEspagne ne consenta it pas à une telle procØdure. La Cour a continuØ
en ces termes :
«Certes[,] la Cour a affirmØ [en lespŁce] que sa compØtence pour donner un
avis consultatif ne dØpendait pas du consen tement des Etats intØressØs, mŒme lorsque
laffaire avait trait à une question juridique [alors] pendante entre eux. MŒme si elle a
ensuite insistØ sur son caractŁre judiciaire et la nature permissive de larticle65,
paragraphe 1, du Statut, elle ne sen est pas tenue là; elle a examinØ aussi, ses rØfØrant
spØcialement à lopposition de certains des Et ats intØressØs, sil Øtait judiciairement
opportun quelle donne un avis cons ultatif. En outre elle a soulignØ les circonstances - 30 -
qui diffØrenciaient laffaire dont il sagissait de celle du Statut de la Carélie orientale
et expliquØ pour quels motifs particuliers e lle Øtait arrivØe à la conclusion quaucune
raison ne lobligeait à sabstenir de rØpondr e à la demande. La Cour a ainsi reconnu
que le dØfaut de consentement pourrait lamen er à ne pas Ømettre davis si, dans les
circonstances dune espŁce donnØe, des considØrations tenant à son caractŁre judiciaire
imposaient un refus de rØpondre. Bref, le c onsentement dun Etat intØressØ conserve
son importance non pas du point de vue de la compØtence de la Cour, mais pour
apprØcier sil est opportun de rendre un avis consultatif
33. Ainsi le dØfaut de consentement dun Etat intØressØ peut, dans certaines
circonstances, rendre le prononcØ dun avis consultatif incompatible avec le caractŁre
judiciaire de la Cour. Tel serait le cas si les faits montraient quaccepter de rØpondre
aurait pour effet de tourner le principe selon lequel un Etat nest pas tenu de soumettre
un diffØrend au rŁglement judiciaire sil nest pas consentant
34. La situation dans laquelle la Cour se trouve nest cependant pas celle qui est
envisagØe plus haut. Il existe dans la pr Øsente affaire une controverse juridique mais
cest une controverse qui a surgi lors des dØbats de lAssemblØe gØnØrale et au sujet de
problŁmes traitØs par elle. Il ne sagit pas dune controverse nØe indØpendamment,
dans le cadre de relations bilatØrales
» (P. 24-25, par. 32, 33, 34.)
5.28. AprŁs avoir passØ en revue les circonstances dans lesquelles la question juridique posØe
à la Cour par lAssemblØe gØnØrale avait surgi, la Cour a poursuivi :
«38. Les questions juridiques dont lAssemblØe gØnØrale a saisi la Cour se
situent donc dans un cadre plus large que celui du rŁglement dun diffØrend particulier
et englobent dautres ØlØments. De surcroît, ces ØlØments ne visent pas seulement le
passØ mais concernent aussi le prØsent et lavenir.
39. Ce qui prØcŁde permet de mieux dØte rminer lobjet de la demande davis
consultatif. LAssemblØe gØnØrale na pas eu pour but de porter devant la Cour, sous
la forme dune requŒte pour avis cons ultatif, un diffØrend ou une controverse
juridique, afin dexercer plus tard, sur la base de lavis rendu par la Cour, ses pouvoirs
et ses fonctions en vue de rØgler pacifi quement ce diffØrend ou cette controverse.
Lobjet de la requŒte est tout autre: il sag it dobtenir de la Cour un avis consultatif
que lAssemblØe gØnØrale estime utile pour pouvoir exercer comme il convient ses
fonctions relatives à la dØcolonisation du territoire.» (P. 26-27, par. 38 et 39.)
5.29. Les similitudes entre la situation deva nt laquelle se trouvait la Cour dans lespŁce
prØcitØe et la situation devant laquelle elle se tr ouve aujourdhui sont frappantes. Dans la prØsente
espŁce Øgalement, la controverse juridique est nØe durant les travaux de lAssemblØe gØnØrale et en
rapport avec des questions sur lesquelles elle sØta it penchØe; elle ne sest pas posØe de maniŁre
indØpendante dans le cadre de relations bilatØrales; les questions juridiques dont la Cour a ØtØ saisie
ne sinscrivent pas dans le cadre du rŁglement dun diffØrend particulier, mais plutôt dans un cadre
plus large, qui est celui de limplication de lA ssemblØe gØnØrale, dŁs les dØbuts de lexistence de
lOrganisation des NationsUnies, dans tous l es aspects des suites de la fin du mandat sur la
Palestine, et en particulier dans les consØquences des hostilitØs de 1967 entre Israºl et certains Etats
arabes; lAssemblØe ne recherche pas un avis consultatif de maniŁre à ouvrir la voie à lexercice de
ses pouvoirs et fonctions en vue du rŁglement pacifi que dun diffØrend bilatØral; elle le fait plutôt
de maniŁre à mieux pouvoir exercer ses fonctions en rapport avec le problŁme de la Palestine. Tout
comme la Cour avait, dans laffaire du Sahara occidental, conclu que rien dans le fait quelle
rØponde à la requŒte pour avis consultatif de lAssemblØe gØnØrale naurait pour effet de contourner
le principe selon lequel un Etat nest pas tenu daccepter que les diffØrends auxquels il est partie - 31 -
soit soumis à un rŁglement judiciaire sans son con sentement, et quune telle rØponse ne serait donc
pas contraire au principe de la conformitØ à sa fonction judiciaire, de mŒme une conclusion
identique simpose-t-elle en lespŁce.
5.30. Pour rØsumer, en reprenant les termes de Rosenne : «en raison de la relation organique
qui sest Øtablie entre la Cour et les NationsUnies, celle-là considŁre comme de son devoir de
participer, dans les limites de son domaine de compØtence, à laction de lOrganisation et aucun
Etat ne peut len empŒcher» ( The Law and Practice of the International Court of Justice
1920-1996, 1997, p. 1021).
5.31. Ainsi que cela a dØjà ØtØ notØ plus haut , le fait que la question juridique sur laquelle
lavis de la Cour recherchØ risque de soulever Øgalement une question politique ne justifie en rien
que la Cour sabstienne dexercer sa compØtence à cet Øgard (voir plus haut, par.5.8 et5.14).
Certes, ainsi quelle la indiquØ dans son avis consultatif sur la Licéité de la menace ou de l’emploi
d’armes nucléaires ( C.I.J. Recueil 1996, p.237, par.17), quelles que soient les conclusions
auxquelles parviendra la Cour dans lavis quelle rendra en rØpon se à la demande de lAssemblØe
gØnØrale, ces conclusions seront pertinentes non seulement au regard de la maniŁre dont
lAssemblØe traitera les questions spØcifiques que lle doit examiner dans ce cadre, mais Øgalement
au regard du dØbat consacrØ, dans lenceinte des NationsUnies, à des questions dune plus large
portØe touchant elles aussi à la recherche de la paix au Proche-Orient. Mais toutes incidences de la
sorte que lavis de la Cour pourrait avoir sont une question dapprØciation, et les opinions à cet
Øgard sont sans aucun doute trŁs variØes; en tout Øtat de cause, rien ne saurait pour linstant
dØpasser le stade de la spØculation. Ce caractŁre incertain et hypothØtique des consØquences qui
pourraient dØcouler de lavis de la Cour ne sau rait constituer une raison dØcisive pour celle-ci de
refuser dexercer sa compØtence.
5.32. Le fait que les Etats aient, sur la question juridique posØe par lAssemblØe gØnØrale, des
points de vue diffØrents en droit ne signifie pas que la Cour soit de ce fait appelØe à examiner une
question juridique actuellement pendante entre des Etats. La plupart du temps, en effet, une
demande davis consultatif se rappor te à une question juridique à lØgard de laquelle des points de
vue divergents existent ― si tel nØtait pas le cas, il ny aurait nul besoin pour lorgane dont Ømane
la demande de rechercher lavis de la Cour sur la question. Cest prØcisØment du fait de lexistence
de points de vue juridiques divergents que lAssemb lØe gØnØrale a, en lespŁce, jugØ nØcessaire de
rechercher un avis consultatif de la Cour quant aux consØquences juridiques de certains faits sur
des questions actuellement examinØes par lAssemblØe.
5.33. Cest à lAssemblØe gØnØrale, et non à la Cour, de juger dans quelle mesure elle a
besoin de lavis consultatif recherchØ. Cest à lAssemblØe, plutôt quà la Cour, de
«dØcider elle-mŒme de lutilitØ dun avis au regard de ses besoins propres
en outre,
la Cour ne prendra pas en considØration, pour dØterminer sil existe des raisons
dØcisives de refuser de donner cet avis, les origines ou lhistoire politique de la
demande [ni] la rØpartition des voix lors de ladoption de la rØsolution» ( Licéité de la
menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, C.I.J. Recueil 1996, p. 237, par. 16).
5.34. Par ailleurs, le fait que la question juridique posØe par lAssemblØe gØnØrale puisse
revŒtir des aspects politiques nest pas une raison justifiant que la Cour refuse dexercer sa
compØtence pour rendre lavis qui lui a ØtØ demandØ (voir plus haut, par. 5.8-5.14). - 32 -
5.35. Il ny a, en rØsumØ, aucune «raison d Øcisive» pour que la Cour refuse dexercer la
compØtence qui lui a ØtØ confØrØe par la Charte et le Statut. La mission de la Cour est d«assurer
lintØgritØ du droit international dont elle est lorgane» ( Détroit de Corfou, fond,
C.I.J. Recueil 1949, p. 35) : cette mission concerne les pr ocØdures consultatives tout autant que les
procØdures contentieuses. La nature de la tâche judiciaire de la Cour a ØtØ rØsumØe comme Øtant
«dans la mesure du possible, et de maniŁre concrŁte, quil sagisse de procØdures
contentieuses ou consultatives, de sØparer le contexte juri dique proprement dit de son
contexte politique plus large, dexamin er cette question juridique dune façon
objective et mŒme abstraite, et de bâtir sa dØcision sur cet examen, à lexclusion de
toute considØration non juridique. Dans l ensemble, cette conception de la fonction
judiciaire de la Cour a ØtØ largement acceptØe, puisque tant lAssemblØe gØnØrale
(dans le cas davis consultatifs) que les Etats pris individuellement (dans le cas
darrŒts) ont donnØ suite [à ces avis et arrŒts].» (Rosenne, The Law and Practice of
the International Court of Justice 1920-1996, 1997, p. 178.)
5.36. En exerçant sa compØtence en la prØsente espŁce, la Cour souhaitera sans doute avoir
prØsents à lesprit un certain nombre dØlØments qui sont explicites dans la question soumise à la
Cour pour avis consultatif ou dØcoulent des termes qui y sont employØs :
i) la demande recherche un avis consultatif de la Cour sur «les consØquences» «en droit» de
lØdification de ce mur, et en couvre donc toutes consØquences juridiques sans exception,
quels que soient les Etats, entitØs, orga nisations ou personnes concernØs par ces
consØquences;
ii) lAssemblØe gØnØrale dØcrit Israºl comme la «puissance occupante»;
iii)lAssemblØegØnØraledØcr it le territoire sur lequel ce mur est en train dŒtre construit
comme «le Territoire palestinien occupØ» et considŁre celui-ci comme comprenant
«lintØrieur» et «le pourtour» de JØrusalem-Est;
iv) cette question concerne «lØdification du mur [par] Israºl
selon ce qui est exposØ dans
le rapport du SecrØtaire gØnØral» et, Øtan t donnØ que ce rapport dØcrit la totalitØ du mur
―à savoir les sections de celui-ci qui ont ØtØ construites aussi bien que celles dont la
construction est prØvue ou envisagØe ―, cest le mur dans sa totalitØ qui se trouve couvert
par la question soumise à la Cour par lAssemblØe gØnØrale;
v) lAssemblØe gØnØrale inclut la quatriŁme convention de GenŁve de1949 parmi les rŁgles
et principes du droit international quelle inv ite la Cour à examiner lorsquelle rØpondra à
la question qui lui est soumise; et
vi) lAssemblØe gØnØrale considŁre «les rØsolutions consacrØes à la question par le Conseil de
sØcuritØ et lAssemblØe gØnØrale» comme devant Œtre examinØes par la Cour en rØponse à
la question qui lui est soumise.
b) Principes juridiques applicables
i) L’interdiction de l’emploi de la force et le droit à l’autodétermination sont des règles
du jus cogens
5.37. Les circonstances qui ont dØbouchØ sur la prØsente requŒte pour avis consultatif mettent
en jeu deux principes de droit international de la plus grande importance et de la plus grande
portØe, à savoir le principe de linterdiction du recours à la force par les Etats (sauf en des - 33 -
circonstances trŁs exceptionnelles et Øtroitement circon scrites), et le principe du droit de tous les
peuples à disposer deux-mŒmes. A lun et lautre Øgards, ces rŁgles revŒtent une importance telle
quelles relŁvent du jus cogens.
5.38. Cette catØgorie de rŁgles du droit internati onal occupe le niveau le plus ØlevØ dans la
hiØrarchie de ces rŁgles, Øtant donnØ que seules dautres rŁgles prØsentant ce caractŁre de
jus cogens, au contraire des rŁgles gØnØrales du droit in ternational, autorisent à sen Øcarter. Ces
rŁgles du droit international obØissent habituelleme nt à la formulation qui est celle adoptØe par
larticle53 de la convention de Vienne sur le droit des traitØs de1969, qui utilise lexpression
jus cogens comme synonyme de lexpression «norme impØ rative du droit international gØnØral», et
dØfinit celle-ci comme Øtant «une norme acceptØe et reconnue par la communautØ internationale
des Etats dans son ensemble en tant que norme à laquelle aucune dØrogation nest permise et qui ne
peut Œtre modifiØe que par une nouvelle norme du droit international gØnØral ayant le mŒme
caractŁre».
5.39. Alors que lexistence dune telle catØ gorie de rŁgles de droit international est
aujourdhui universellement acceptØe, la question de savoir quelles sont les rŁgles qui doivent
entrer dans cette catØgorie est davantage controve rsØe. Il nexiste tout efois actuellement aucun
dØsaccord visible quant au fait que tant linterdic tion du recours à la force armØe que le droit à
lautodØtermination font partie des rŁgles du jus cogens.
a) Linterdiction (sauf dans des circonstances trŁs exceptionnelles et Øtroitement circonscrites) de
lusage de la force par les Etats est une rŁgle bien Øtablie du droit international. Il sagit de lun des
principes de lOrganisation des NationsUnies ØnoncØ au paragraphe4 de lar ticle2 de la Charte
dans les termes suivants: «les Membres de lOr ganisation sabstiennent, dans leurs relations
internationales, de recourir à la menace ou à lemploi de la force, soit contre lintØgritØ territoriale
ou lindØpendance politique de tout Etat, soit de t oute autre maniŁre incompatible avec les buts des
Nations Unies».
5.40. Cette interdiction ØnoncØe par la Charte sapplique non seulement à la menace ou à
lemploi de la force, mais Øgalement à la menace ou à lemploi de la force «de toute autre maniŁre»
incompatible avec les buts des NationsUnies. La menace ou lemploi de la force, dans lune ou
lautre de ces circonstances (ou, lorsque lemploi de la force es t envisagØ dans le cadre de la
lØgitime dØfense, sil viole les principes de nØc essitØ et de proportionnalitØ: voir plus loin au
paragraphe5.272), seraient illicites sel on le droit de la Charte: voir Licéité de la menace ou de
l’emploi d’armes nucléaires, C.I.J. Recueil 1996, p. 247, p. 48.
5.41. Les buts des Nations Unies sont ØnoncØs à larticle 1 de la Charte. Ils comprennent en
particulier :
le maintien de la paix et de la sØcuritØ intern ationales, aux fins de quoi les Nations Unies sont
appelØes à «rØaliser, par des moyens pacifiques, conformØment aux principes de la justice et du
droit international, lajustement ou le rŁglemen t de diffØrends ou de s ituations, de caractŁre
international, susceptibles de mener à une rupture de la paix» (art. 1.1.);
«dØvelopper entre les nations des relations amic ales fondØes sur le respect du principe de
lØgalitØ de droits des peuples et de leur droit à disposer deux-mŒmes» (art. 1.2); et - 34 -
«rØaliser la coopØration internationale
en dØ veloppant et en encourageant le respect des
droits de lhomme et des libertØs fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de
langue ou de religion».
5.42. Linterdiction de lemploi de la fo rce fait Øgalement partie des rŁgles du droit
international coutumier.
5.43. La rŁgle interdisant lemploi de la force est depuis longtemps reconnue comme relevant
du jus cogens. Au paragraphe 1 de son commentaire sur le projet darticle50 de son projet final
darticles sur le droit des traitØs de 1966 (qui devait plus tard devenir, avec quelques modifications,
larticle 53 de la convention de Vienne), la Co mmission du droit international fit observer que «le
droit de la Charte concernant linterdiction de lemploi de la force constitue en soi un exemple
frappant dune rŁgle de droit international qui relŁve du jus cogens».
5.44. Dans son arrŒt rendu en laffaire des Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua
et contre celui-ci (C.I.J. Recueil 1986), la Cour sest appuyØe sur ce passage (p. 100, par. 190), et a
notØ que les deux Parties à laffaire (le Nicaragua et les Etats-Unis dAmØrique) reconnaissaient
que linterdiction de lemploi de la force relevait du jus cogens (p. 101, par. 190).
5.45. On ne trouve nulle part dindication qui amŁnerait à douter que linterdiction de
lemploi de la force relŁve bien du jus cogens.
b) La reconnaissance du droit à lautodØtermination comme un ØlØment du jus cogens rØsulte dun
dØveloppement plus rØcent. La Commission du dr oit international, au paragraphe3 de son
commentaire sur larticle 50 de son projet final dar ticle sur le droit des traitØs, avait relevØ que
le principe du droit des peuples à disposer deux-mŒmes avait ØtØ mentionnØ comme un
exemple possible de rŁgle de jus cogens.
5.46. DŁs 1970, le juge Ammoun, dans son opini on sØparØe jointe à larrŒt rendu en laffaire
Barcelona Traction (deuxième phase) (C.I.J. Recueil 1970), avait considØrØ le droit des peuples à
disposer deux-mŒmes comme lune «des rŁgles impØratives de droit» (p. 304, par. 11) idØe qui
serait aujourdhui rendue par lexpression de rŁgles du jus cogens.
5.47. En 1995, le juge Cassese, prØside nt du Tribunal pØnal international pour
lex-Yougoslavie, a considØrØ que le droit des pe uples à disposer deux-mŒmes faisait partie du jus
cogens. Cest ainsi que, dans Self-Determination of Peoples: Legal Reappraisal (1995), il sest
attentivement penchØ sur cette question (aux pages 134 à 140), pou r en conclure quil apparaissait
justifiØ de considØrer le droit des peuples à disposer deux-mŒmes comme une norme impØrative du
droit international (p. 140).
5.48. Ce point de vue a ØtØ confirmØ la mŒme annØe, lorsque la Cour elle-mŒme a relevØ que
«[l]e principe du droit des peuples à disposer de ux-mŒmes
[est l]un des principes essentiels du
droit international contemporain», et a estimØ qu il ny avait «rien à redire» à laffirmation selon
laquelle le droit des peuples à dispo ser deux-mŒmes est un droit opposable erga omnes, avec pour
consØquence lobligation, pour la communautØ inte rnationale dans son ensemble, de respecter
lexercice de ce droit (Timor oriental, C.I.J. Recueil 1995, p. 102, par. 29). - 35 -
5.49. ConformØment à ce point de vue, la Comm ission du droit interna tional, dØbattant des
normes de jus cogens au paragraphe 5 de son commentaire à larticle40 des projets darticles
de2001 sur la responsabilitØ des Etats, a relevØ que «lobligation de respecter le droit à
lautodØtermination mØrite dŒtre mentionnØe».
5.50. Il est clair, dŁs lors, quIsraºl se trouve face à une obligation auquel il ne saurait se
soustraire, qui est celle de permettre lexercice du droit des peuples à disposer deux-mŒmes, le
«peuple» concernØ ici Øtant le peuple palestinien.
ii) Le territoire sur lequel le mur a été ou doit être construit constitue un territoire
occupé au regard du droit international
5.51. Les tronçons du mur dØjà construits ou prØvus par Israºl courent dans leur presque
totalitØ en territoire cisjordanien et traversent des parties de JØrusalem occupØes par Israºl aprŁs le
conflit de1967. Le contexte de ce conflit est par consØquent pertinent quant aux droits et
obligations actuels dIsraºl à lØg ard de la Cisjordanie et de JØrusalem-Est. Ce contexte a ØtØ
prØsentØ plus haut, à la section II.
5.52. Il en ressort trŁs clairement que, avant juin 1967, la Cisjordanie n’était pas un territoire
sur lequel Israºl avait auparavant ØtØ prØsent, qui aurait ØtØ administrØ ou contrôlØ par Israºl, et
encore moins un territoire sur lequel Israºl aura it exercØ sa souverainetØ. Au contraire, la
Cisjordanie était sans conteste un territoire sur lequel la Jordanie exerçait une prØsence paisible, qui
Øtait administrØ et contrôlØ par la Jordanie et mŒme Øtait un territoire (et ce depuis dix-sept ans)
dont la Jordanie Øtait le souverain lØgal, mŒme si sa souverainetØ Øtait exercØe sans prØjudice des
droits palestiniens lors dun rŁglement dØfinitif de la question de Palestine. La position de la
Jordanie à lØgard de la Cisjordanie Øtait gØnØra lement reconnue par la communautØ internationale
et, ainsi que cela a dØjà ØtØ notØ plus haut (par. 2. 21.), cest sur cette base mŒme que la Jordanie est
devenue Membre des Nations Unies en 1955, sans ob jection de la part daucun Etat; cette position
a en outre ØtØ reconnue par la rØsolution 228 (1966) du Conseil de sØcuritØ.
5.53. Il sensuit que loccupation, par Israºl , de la Cisjordanie dans le cadre mŒme des
hostilitØs de1967 et aprŁs ces derniŁres a constitu Ø une occupation militai re de ce territoire
non-israØlien. Lorsquun Etat prive, par la force armØe, un autre Etat de la facultØ dexercer de
façon paisible son autoritØ gouve rnementale sur un territoire, pour la remplacer par sa propre
autoritØ, il devient ipso facto loccupant militaire de ce territoire. Par dØfinition, il y a occupation
militaire lorsquun Etat Øtend, pa r la force armØe, la portØe terr itoriale de son autoritØ sur un
territoire qui nest pas le sien. Une telle situa tion se produit gØnØralement lorsque cette extension
de lautoritØ territoriale dun Etat intervient aux dØpends de la souverainetØ dun autre Etat sur le
territoire militairement occupØ, mais ce nest p as là une condition nØcessaire à lØtablissement du
rØgime international doccupation militaire. Le droit de loccupation militaire est extrŒmement
souple dans son application, en fonction des diverses situations susceptibles de se produire, et ne se
limite pas à ce qui pourrait Œtre considØrØ comme le cas classique dune occupation belligØrante par
un Etat du territoire dun autre Etat avec lequel il est en guerre. Son application est essentiellement
fonction des faits. Lorsque ceux-ci montrent que, à la suite dhostilitØs, un Etat, par lintermØdiaire
de ses forces militaires, occupe un territoire qui nest pas le sien, alors cette occupation constitue
une «occupation militaire» aux fins du droit international. - 36 -
5.54. Cela sinscrit dans le contexte des ar ticles1 et2 de la (quatriŁme) convention de
GenŁve relative à la pr otection des personnes civiles en temps de guerre de1949 (NationsUnies,
Recueil des traités , vol.75, p.289). Larticlepremie r dispose que: «Les Hautes Parties
contractantes sengagent à respecter et à faire respecter la prØsente convention en toutes
circonstances» (les italiques sont de nous).
5.55. Les deux premiers paragraphes de larticle 2 disposent que :
«En dehors des dispositions qui doivent en trer en vigueur dŁs le temps de paix,
la prØsente convention sappliquera en cas de guerre dØclarØe ou de tout autre conflit
armØ surgissant entre deux ou plusieurs Hautes Parties contractantes, mŒme si lØtat de
guerre nest pas reconnu par lune delles.
La convention sappliquera Øgalement dans tous les cas doccupation de tout ou
partie du territoire dune Haute Partie c ontractante, mŒme si cette occupation ne
rencontre aucune rØsistance militaire.»
5.56. La convention sapplique ainsi à loccupation militaire par Israºl de la Cisjordanie pour
au moins deux raisons. Tout dabord, elle sa pplique à tout conflit armØ entre deux ou plusieurs
des hautes parties contractantes: au moment oø ont ØclatØ les hostilitØs de 1967, la Jordanie et
Israºl Øtaient toutes deux parties à la convention, et ce conflit armØ est sans aucun doute un conflit
ayant surgi entre eux (et dautres Etats). DeuxiŁmement, la convention sapplique en outre
(«Øgalement») à tous les cas doccupation partie lle ou totale du territoire dune haute partie
contractante et, pour les raisons ØnoncØes plus haut à la partieV b)ii), la Cisjordanie Øtait un
territoire entrant dans cette catØgorie, soit du fait que le territoire «d»un Etat comprend les
territoires placØs sous sa souverainetØ (mŒme si cel a est sans prØjudice de certains droits dautres
Etats), soit du fait que la particule «d» connote au moins la prØsence paisible dun Etat sur un
territoire ainsi que lexercice, par cet Etat, dune juridiction, dun contrôle et dune autoritØ
gouvernementale sur le territoire en question. En br ef, la convention sapplique à tous les cas dans
lesquels un territoire est occupØ au cours dun conflit armØ, quel que soit le statut de ce territoire.
5.57. Laccent mis sur la situation de facto comme critŁre dapplicabilitØ de la convention est
confirmØ par larticle 4, lequel dispose que «[s] ont protØgØes par la convention les personnes qui, à
un moment quelconque et de quelque maniŁre que ce soit, se trouvent, en cas de conflit ou
doccupation, au pouvoir dune pa rtie au conflit ou dune puissance occupante dont elles ne sont
pas ressortissantes.»
5.58. Force est donc de conclure que la Cisjor danie est devenue territoire occupØ par Israºl
en consØquence des hostilitØs de juin 1967. Rien ne sest produit depuis qui modifierait cet Øtat de
fait.
5.59. De nombreuses rØsolutions du Conseil de s ØcuritØ et de lAssemblØe gØnØrale viennent
confirmer cette conclusion. DŁs les toutes premiŁres rØsolutions adoptØes immØdiatement aprŁs les
hostilitØs de1967, les deux organes en question des NationsUnies ont caractØrisØ la situation nØe
de ces hostilitØs à la fois comme une situation d «occupation» et comme une situation à laquelle
sapplique la quatriŁme convention de GenŁve, qualifiant Israºl de «puissance occupante». - 37 -
5.60. ImmØdiatement aprŁs les hostilitØs de 1967, la rØsolution237(1967) du Conseil de
sØcuritØ (adoptØe à lunanimitØ le 14juin1967) r ecommandait de «respecter scrupuleusement les
principes humanitaires rØgissant
la protection de s civils en temps de guerre, tels quils sont
ØnoncØs dans les conventions de GenŁve du 12 aoßt 1949»; quelques jours aprŁs, dans sa
rØsolution 2252 ES-V du 4 juillet 1967, lAssemblØe gØnØrale se fØlicita de la rØsolution prØcitØe du
Conseil de sØcuritØ. En 1969, celui-ci prØcisa ce point de vue dans sa rØsolution271(1969)
adoptØe le 15 septembre 1969 (par onze voix pour, zØro voix contre et quatre abstentions), appelant
Israºl à «observer scrupuleusement les dispositi ons des conventions de GenŁve et du droit
international rØgissant loccupation militaire». Cette rØfØrence explicite, mais gØnØrale, aux
conventions de GenŁve dans un contexte doccupation militaire fut encore prØcisØe dans une
dØclaration faite, en1976, par le prØsident du Co nseil de sØcuritØ, dans la quelle celui-ci indiquait
que «[l]a convention de GenŁve re lative à la protection des personnes civiles en temps de guerre,
du 12aoßt1949, est applicable aux territoires arabes occupØs par Israºl depui1967»
(Nations Unies, doc. S/PV.1922, 26 mai 1976). Ce langage fut repris dans la rØsolution 446 (1979)
du Conseil de sØcuritØ adoptØe le 22mars1979 par douze voix pour, zØro voix contre et
trois abstentions, dans laquelle le Conseil «affirma[it] une fois encore que la convention de GenŁve
relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, du 12 aoßt 1949, [Øtait] applicable
aux territoires arabes occupØs par Israºl depuis 1967, y compris JØrusalem» (prØambule, par. 3); le
dispositif rØitØrait quant à lui lapplicabilitØ de la quatriŁme convention de GenŁve (par. 3), le statut
«occupØ» des territoires en question (par.1, 3 et4) et le statut dIsraºl en tant que «puissance
occupante» (par.3). Ces divers points ont Øt Ø systØmatiquement rappelØs dans de nombreuses
rØsolutions adoptØes par la suite, à de larges majorit Øs, par le Conseil de sØcuritØ (voir par exemple
la rØsolution681(1990) du Conseil de sØcuritØ (a doptØe à lunanimitØ le 20dØcembre1990) et la
rØsolution 762 (1992) du Conseil de sØcuritØ (adoptØe le 18 dØcembre 1992 à lunanimitØ)).
5.61. A lAssemblØe gØnØrale, la quasi-tota litØ des membres ont adoptØ une position encore
plus nette à cet Øgard. AprŁs que lAssemb lØe, dans sa rØsolution2252(ES-V) adoptØe le
4juillet1967 par centseize voix pour, zØro voix co ntre et deux abstentions, se fut fØlicitØe de la
recommandation du Conseil de sØcuritØ invitant à «respecter scrupuleusement les principes
humanitaires rØgissant
la protection des civils en temps de guerre, tels quils sont ØnoncØs dans
les conventions de GenŁve du 12 aoßt 1949», de nouvelles rØsolutions devaient bientôt adopter un
langage encore plus prØcis. Cest ainsi que la rØsolution de lAssemblØe gØnØrale2727(XXV)
adoptØe le 15dØcembre1970 par cinquante-deux voix pour, vingt voix contre et quarante-trois
abstentions, demandait à Israºl «de remplir les obligations qui lui incombent au titre de la
protection des personnes civiles en temps de guerre du 12aoßt1949
». A partir de 1973, les
rØsolutions pertinentes de lAssemblØe gØnØrale ont systØmatiquement rØaffirmØ lapplicabilitØ de
la quatriŁme convention de Ge nŁve, considØrØ le Territoire palestinien occupØ, y compris
JØrusalem-Est et ses alentours, comme territoire «o ccupØ» et Israºl comme la puissance occupante.
Ces rØsolutions ont ØtØ adoptØes à une trŁs large ma joritØ, et mŒme parfois sans rencontrer aucune
opposition, ou avec une seule voix contre, celle d Israºl. Parmi ces rØsolutions figurent les
suivantes, retenues pour illustrer la cohØrence de la position de lAssemb lØe gØnØrale sur une
longue pØriod:eAG Res. 3092A (XXVIII) (7 dØcembre 1973 : adoptØe 120-0-5),
AG Res. 3240B (XXIX) (29 novembre 1974 : adoptØe 121-0-7), AG Res. 32/5 (28 octobre 1977 :
adoptØe131-1-7), AG Res. 35/122A (11dØcembre1980: adoptØe141-1-1), AGRes.38/79B
(15 dØcembre 1983 : adoptØe 146-1-1, AG Res. 41/63B (3 dØcembre 1986 : adoptØe 145-1-6),
AG Res. 43/58B (6 dØcembre 1988 : adoptØe 148-1-4), AG Res. 46/47A (9 dØcembre 1991 :
adoptØe96-5-52), AG Res. 49/36B (9dØcembre1994: adoptØe155-3-5), AG Res.ES-10/2
(25 avril 1997 : adoptØe 134-3-11, et AG Res. 56/60 (10 dØcembre 2001 : adoptØe 148-4-2).
5.62. Il y a tout particuliŁrement lieu de relever que les rØsolu tions de lAssemblØe
gØnØrale32/20 du 25novembre1977 et 33/29 du7 d Øcembre1978 ont expressØment caractØrisØ
d«illØgale» loccupation par Is raºl des territoires occupØs depuis les hostilitØs de1967. La - 38 -
premiŁre de ces rØsolutions exprimait la prØoccupation de lAssemblØe quant au fait que «les
territoires arabes occupØs depuis 1967 demeurent depui s plus de dix ans sous loccupation illØgale
disraºl»; la seconde reprenait ce libellØ («dix» Øt ant remplacØ par «onze»). Ces rØsolutions furent
adoptØes à de trŁs larges majoritØs (102-4-29 et 100-4-33).
5.63. Lorsque le Conseil de sØcuritØ a dØci dØ, dØterminØ ou dØclarØ quune situation Øtait
contraire au droit international, et la donc considØrØe comme illØgale , ou lorsque la position
constante de lAssemblØe gØnØrale sur plusieurs annØes reflŁte une opinio juris en ce sens, la Cour
ne saurait Øviter de tenir compte de ces conclusions fondØes en droit. Ainsi quelle la indiquØ dans
son avis consultatif sur les Conséquences juridiques pour les Etats de la présence continue de
l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain ) nonobstant la résolution 276 (1970) du Conseil
de sécurité (C.I.J. Recueil 1971),
«Ce serait une interprØtation insoutenable daffirmer que, lorsque le Conseil de
sØcuritØ fait une telle dØclaration en vertu de larticle 24 de la Charte au nom de tous
les Etats Membres, ceux-ci sont libres de ne faire aucun cas de lillØgalitØ ni mŒme des
violations du droit qui en rØsultent. En prØsence dune situation internationalement
illicite de cette nature, on doit pouvoir co mpter sur les Membres des NationsUnies
pour tirer les consØquences de la dØclaration faite en leur nom.» (P. 52, par. 112.)
5.64. Outre cette attitude constante des orga nes compØtents des NationsUnies et de la
quasi-totalitØ de leurs membres, dautres organisatio ns internationales ont Øgalement estimØ que la
quatriŁme convention de GenŁve de vait sappliquer aux territoires pa lestiniens occupØs, y compris
JØrusalem-Est et ses alentours. Telle a par exemple toujours ØtØ lopinion exprimØe par le ComitØ
international de la Croix-Rouge, ainsi que le montrent la lecture de ses rapports annuels à partir
de1968, ainsi que de la dØclaration quil a publiØe à loccasion du vingtiŁme anniversaire de
loccupation (CICR, Bulletin n 137, juin 1987, p. 1).
5.65. Tout à fait indØpendamment de leurs votes sur les rØsolutions en question du Conseil de
sØcuritØ et de lAssemblØe gØnØrale, de nombreux Etats ont individuellement pris position affirmant
que la quatriŁme convention de GenŁve sappliquait aux territoires occupØs. Parmi ces Etats
figurent les Etats-Unis ( Digest of US Practice in International Law , 1978, p.1575-1578) et le
Royaume-Uni («United Kingdom Materials in International Law», in British Yearbook of
International Law, 69, 1998, p. 592-600).
5.66. Israºl a, sappuyant sur des arguments variØs, cherchØ à nier que sa prØsence dans les
territoires palestiniens occupØs, y compris JØ rusalem-Est et ses alentours, constituait une
occupation militaire auquel sappliquerait le rØgi me juridique particulier propre à loccupation
militaire, niant Øgalement que la quatriŁme convention de GenŁve (à laquelle cet Etat est partie)
serait juridiquement valide à lØgard de cette occupation. Les arguments dIsraºl en ce sens ont ØtØ
longuement exposØs lors de dØbats tenus au Conse il de sØcuritØ et à lAssemblØe gØnØrale. Cest
ainsi en particulier que, lors du dØbat du Conseil de sØcuritØ du 13 mars 1979, qui devait dØboucher
sur ladoption de la rØsolution446 (1979) du 22 mars1979, le reprØsentant dIsraºl, M.Blum, a
prononcØ une dØclaration exposant en dØtail la posi tion dIsraºl (Nations Unies, doc. S/PV.2125,
p. 17-51). Le Conseil de sØcuritØ a rØsolument rejetØ ces arguments, pour adopter sa rØsolution 446
(1979) dans laquelle (ainsi quil a ØtØ relevØ plus haut) il a affirm Ø lapplicabilitØ de la quatriŁme
convention de GenŁve (prØambule, par. 3), a considØrØ que la politique et les pratiques israØliennes
consistant à Øtablir des colonies de peuplement dans les territoires palestiniens et autre territoires
arabes occupØs depuis1967 navaien t «aucune validitØ en droit» (paragraphe1 du dispositif), a - 39 -
qualifiØ les territoires en questions de «territoires occupØs» ( ibid., par.7) et Israºl de «puissance
occupante» (paragraphe3 du dispositif): cette rØsolution fut adoptØe par douze voix pour,
zØro voix contre et trois abstentions.
iii) Le droit applicable à l’égard d’un terri toire occupé limite les pouvoirs de l’Etat
occupant
5.67. Tout territoire occupØ à loccasion ou à la suite dhostilitØs «territoire occupØ»
est, en droit international, soumis à un rØgime juridique spØcial. Ce rØgime juridique reconnaît
loccupation militaire comme Øtant essentiellement un Øtat de choses temporaire et provisoire,
susceptible dŒtre modifiØ au grØ des alØas du conf lit, ou de prendre fin dans le cadre de nouvelles
dispositions convenues entre les parties concern Øes à la cessation des hostilitØs ou ultØrieurement.
Loccupation militaire nest pas le rØsultat dun pro cessus autorisØ par le droit : cest le rØsultat de
lexercice concret dun pouvoir supposant la mise en uvre dune force supØrieure confØrant à
lEtat occupant un degrØ de contrôle et de compØtence de facto sans pour autant constituer un
transfert de souverainetØ, la situation de fait ains i crØØe, dorigine extralØg ale, Øtant alors soumise
aux rŁgles du droit international.
5.68. Tout aussi important que linterdiction d annexer un territoire occupØ est le principe
selon lequel le rØgime juridique spØcial rØgissan t un territoire occupØ pendant des hostilitØs ou à
lissue de celles-ci subsiste aussi longtemps que loccupation se poursuit. De la cessation des
hostilitØs ne dØcoule pas celle du rØgime docc upation. Loccupation est essentiellement une
question de fait, et le rØgime juridique inte rnational gouvernant la situation sapplique à
loccupation aussi longtemps que le fait en question se poursuit. Loccupation dure jusquà ce quil
y soit mis fin par un retrait complet des autorit Øs de lEtat occupant ou par tout autre processus
formel accompagnant lØventuel retour à la «paix» . En ce qui concerne les territoires palestiniens
occupØs, y compris JØrusalem et ses alentours, de nombreuses rØsolutions du Conseil de sØcuritØ et
de lAssemblØe gØnØrale affirment le maintien en vigueur du rØgime doccupation.
5.69. Le rØgime juridique spØcial est dØfi ni par les rŁgles de droit international qui
sappliquent à un territoire occupØ. Ces rŁgles tendent à Øtablir un Øquilibre entre les besoins
militaires des forces de lEtat occupant et le dro it de la population concernØe à continuer, autant
que possible, à mener une vie paisible dans le resp ect de sa spØcificitØ. A ux fins de la prØsente
procØdure consultative, les rŁgles de droit interna tional qui dØfinissent le rØ gime applicable sont à
rechercher dans les instruments suivants :
a) la Charte des Nations Unies;
b) le rŁglement annexØ à la convention de La Haye concernant les lois et coutumes de la guerre sur
terre de1907 («rŁglement de LaHaye»), au jourdhui reconnu comme relevant du droit
international coutumier;
c) la quatriŁme convention de GenŁve de 1949, à laquelle la plupart des Etats sont parties (soit à la
date daujourdhui un total de cent quatre-vingt onze y compris la Jordanie et Israºl), et qui peut
Œtre en consØquence considØrØe comme relevant sinon totalement, du moins en grande partie, du
droit international coutumier;
d) le protocole additionnel aux conve ntions de GenŁve du 12 aoßt 1949 relatif à la protection des
victimes des conflits armØs internationaux (protoco leI), auquel la Jordanie est partie, et qui
exige des Etats parties quils sengagent à le respecter et à le faire respecter «en toute
circonstance» (art. 1.1); ce protocole sapplique aux situations auxquelles il est fait rØfØrence à
larticle2 commun aux diffØrentes conventions de GenŁve de1949 (art .2.2) ainsi quaux - 40 -
«conflits armØs dans lesquels les peuples luttent contre
loccupation ØtrangŁre et contre les
rØgimes racistes dans lexercice du droit des peuples à disposer deux-mŒmes» (art.1.4);
certaines dispositions du protocoleI sont au jourdhui reconnues comme relevant du droit
international coutumier;
e) les rŁgles du droit international coutumier (qualitØ à laquelle nombr e de dispositions des
instruments prØcØdemment mentionnØs peuvent Øgalement rØpondre, outre à leur qualitØ de
rŁgles conventionnelles contraignantes à lØgard des parties au traitØ considØrØ);
f) les rØsolutions pertinentes du Conseil de sØcuritØ et de lAssemblØe gØnØrale (que la question
soumise à avis consultatif invite expressØment la Cour à examiner);
g) il existe en outre de nombreuses rŁgles de dr oit international coutumier ou ØnoncØes dans des
traitØs internationaux qui, bien quelles ne doi vent pas nØcessairement Œtre considØrØes comme
Øtablissant le rØgime gØnØral applicable au te rritoire placØ sous occupation militaire ØtrangŁre,
ne sen appliquent pas moins à cette situation ainsi quà dautres (pour lesquelles elles peuvent
effectivement avoir ØtØ plus spØcifiquement conçues). Il sagit en particulier :
i) de la DØclaration universelle des droits de lhomme de 1948;
ii) du pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966;
iii) du pacte international relatif aux droits Øconomiques, sociaux et culturels de1966 (ces
deux pactes constituant un dØveloppement des principes initialement affirmØs dans la
DØclaration universelle des droits de lhomme de1948 (AGRES.217A (III) (1948) dont
les termes et les principes eurent une infl uence substantielle sur les dispositions des
conventions de GenŁve conclues lannØe suivante).
5.70. En examinant les dispositions du dro it coutumier et du dro it conventionnel quelle
jugera pertinentes aux fins de la situation qu e lui a exposØe lAssemblØe gØnØrale, la Cour est
appelØe à dire et à appliquer le droit et, ce fai sant, «doit nØcessairement en prØciser la portØe et,
parfois, en constater lØvolution» ( Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires, avis
consultatif, par. 18).
5.71. En ce qui concerne les rŁgles de droit international applicables en vertu des alinØas b),
c) et d) ci-dessus, il importe de rappe ler que la Cour a (sexprimant sur le systŁme de mandats mis
en place par le Pacte de la SociØtØ des Nations) atti rØ lattention sur la nØcessitØ dinterprØter les
institutions et les instruments à la lumiŁre de lØ volution internationale gØ nØrale. Ainsi la Cour
a-t-elle indiquØ :
«quand elle envisage les institutions de 1919, la Cour doit prendre en considØration les
transformations survenues dans le demi-siŁcle qui a suivi et son interprØtation ne peut
manquer de tenir compte de lØvolution que le droit a ultØrieurement connue grâce à la
Charte des Nations Unies et à la coutume. De plus, tout instrument international doit
Œtre interprØtØ et appliquØ dans le cadre de lensemble du systŁme juridique en vigueur
au moment oø linterprØtation a lieu.» ( Conséquences juridiques pour les Etats de la
présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la
résolution 276 (1970) du Conseil de sécurité, C.I.J. Recueil 1971, p. 31-32, par. 53.)
5.72. Cet aspect est particuliŁrement importa nt pour ce qui concerne le rŁglement de
LaHaye, adoptØ il y a prŁs dun siŁcle; les conve ntions de GenŁve elles- mŒmes ont dailleurs ØtØ
adoptØes il y a prŁs dun demi-siŁcle et le protocole I il y a un quart de siŁcle. - 41 -
5.73. En ce qui concerne ce que la Cour a a ppelØ le «droit de LaHaye» et le «droit de
GenŁve», elle a indiquØ, à loccasion de lavis consultatif quelle a rendu sur la Licéité de la
menace ou de l’emploi d’armes nucléaires (C.I.J. Recueil 1996) :
«ces deux branches du droit applicables aux conflits armØs ont dØveloppØ des rapports
si Øtroits quelles sont regardØes comme ayant fondØ graduellement un seul systŁme
complexe, quon appelle aujourdhui droit in ternational humanitaire. Les dispositions
du protocole additionnel de 1977 expriment et a ttestent lunitØ et la complexitØ de ce
droit» (p. 256, par. 75).
5.74. La Cour a Øgalement attirØ lattention sur les dispositions du paragraphe 2 de larticle 1
du protocole additionnel I de 1977 qui, sinspirant de la «clause de Martens», est ainsi rØdigØ :
«dans les cas non prØvus par le prØsen t protocole ou par dautres accords
internationaux, les personnes civiles et les combattants restent sous la sauvegarde et
sous lempire des principes du droit des gens , tels quils rØsultent des usages Øtablis,
des principes de lhumanitØ et des exig ences de la conscience publique» (p.257,
par. 78).
5.75. La Cour a confirmØ plus loin que «l a clause de Martens
continue indubitablement
dexister et dŒtre applicable
» (p. 260, par. 87).
5.76. La Cour avait tout dabord relevØ que
«un grand nombre de rŁgles du droit human itaire applicable dans les conflits armØs
sont si fondamentales pour le respect de la personne humaine et pour les
«considØrations ØlØmentaires dhumanitØ»
que la conventionIV de LaHaye et les
conventions de GenŁve ont bØnØficiØ dune large adhØsion des Etats. Ces rŁgles
fondamentales simposent dailleurs à tous l es Etats, quils aient ou non ratifiØ les
instruments conventionnels qui les exprimen t, parce quelles constituent des principes
intransgressibles du droit international coutumier.» (P. 257, par. 79.)
5.77. La Cour sest en outre rØfØrØe au fait que le Tribunal milita ire international de
Nuremberg avait jugØ en1945 que «les rŁgles hum anitaires contenues da ns le rŁglement de
LaHaye de1907 Øtaient admises par tous les Etats civilisØs et regardØes par eux comme
lexpression, codifiØe, des lois et coutumes de la guerre» (p. 258, par. 80) ainsi quà un rapport du
SecrØtaire gØnØral des Nations Unies de 1993, a pprouvØ à lunanimitØ par la rØsolution 827 (1993)
du Conseil de sØcuritØ, et qui incluait dans la partie du droit inte rnational humanitaire
conventionnel qui Øtait «sans aucun doute devenu pa rtie du droit internationa l coutumier» le droit
applicable aux conflits armØs tel quil a trouvØ son expression dans, notamment, les conventions de
GenŁve de 1949 relatives à la protection des victimes de guerre et le rŁglement de La Haye (p. 258,
par. 81).
5.78. La Cour a conclu en relevant que la large codification du droit humanitaire avait
«permis à la communautØ internationale de disposer dun corps de rŁgles
conventionnelles qui Øtaient dØjà devenues c outumiŁres dans leur grande majoritØ et
qui correspondaient aux principes humanita ires les plus universellement reconnus.
Ces rŁgles indiquent ce que sont les c onduites et comportements normalement
attendus des Etats.» (P. 258, par. 82.) - 42 -
5.79. Depuis que la Cour a exprimØ ses c onclusions, lØvolution du droit humanitaire
international que la Cour ava it alors perçue sest confirmØe et poursuivie par de nouveaux
dØveloppements, avec en particulier les articles sur la responsabilitØ des Etats, dont lAssemblØe
gØnØrale (par sa rØsolution 56/83 de 2001) a pris note et quelle a recommandØs aux
gouvernements, ainsi quavec le statut de la Cour pØnale internationale adoptØ par la confØrence de
Rome en1998. Le point de vue tend à simposer chaque jour davantage selon lequel lorsquune
conduite emporte violation dune rŁgle du jus cogens, particuliŁrement en cas de recours à la force
armØe, certains droits et certains avantages qui pourraient en dautres circonstances Œtre reconnus à
lEtat auteur de la violation sont suspendus et, pour le moins, sujets à une interprØtation restrictive
(on pourra à cet Øgard consulter Brownlie, Principles of Public International Law , 6 Ød., 2003,
e
p. 490, note de bas de page 37; Oppenheim’s International Law, col. I, 9 Ød., 1992, p. 8).
5.80. Cest une caractØristique remarquable du droit humanitaire international que celui-ci a
ØtØ expressØment conçu comme devant sappliq uer à toutes les situations couvertes par les
instruments en question, quels que soient les ar guments juridiques qui seraient susceptibles dŒtre
invoquØs pour limiter la protection garantie par ces instruments. Cest ainsi que, en cas de combats
ou de conflit, ou encore, au sens de la quatriŁme convention de GenŁve, doccupation durant des
combats ou un conflit ou à leur suite, lintention avØrØe des instruments pertinents est que les
victimes de ces combats soient protØgØes quels que soient les Øventuels arguments que la technique
juridique pourrait permettre dinvoquer quant au st atut du territoire en question avant loccupation,
quant au statut des parties au conflit, quant à la na ture juridique de la «guerre» en cours, quant à sa
licØitØ ou quant à tout autre aspect: cest la situation de fait qui prime aux fins du droit
humanitaire. Cest ainsi que les articles communs des conventions de GenŁve de1949 disposent
tous que chacune des conventions en question doit Œt re respectØe «en toute circonstance» (art. 1) et
quelle sapplique «en cas de guerre dØclarØe ou de tout autre conflit armé
, mŒme si lØtat de
guerre nest pas reconnu par lune [des Hautes Parti es contractantes]» (art. 2; les italiques sont de
nous); mŒme lorsquune puissance occupante entend annexer tout ou partie du territoire occupØ (ce
quelle nest pas autorisØe à faire : voir plus loin, par. 5.98 et suiv.), «[l]es personnes protØgØes qui
se trouvent dans un territoire occupØ ne seront pr ivØes, en aucun cas ni daucune maniŁre, du
bØnØfice de la prØsente convention
en raison [d une telle] annexion» ( quatriŁme convention de
GenŁve, art. 47).
5.81. Quant au pacte international relatif aux dr oits civils et politiques, celui-ci sapplique à
lØgard de «tous les individus se trouvant sur [le] territoire [de chaque partie contractante] et
relevant de [sa] compØtence» (art. 2.1). Le ComitØ des droits de lhomme et le ComitØ des droits
Øconomiques, sociaux et culturels des Nations Uni es ont lun et lautre cons idØrØ que les questions
de souverainetØ territoriale ne sauraient c onstituer une condition prØalable au respect,
respectivement, du pacte international relatif aux dr oits civils et politiques et du pacte relatif aux
droits Øconomiques, sociaux et culturels. Tout rØcemment encore, en juillet2003, le ComitØ des
droits de lhomme a rejetØ les arguments avancØs par Israºl, selon lesquels les mesures prises par
celui-ci dans les territoires palestiniens occupØs ne devaient pas Œtre examinØes à la lumiŁre des
rŁgles ØnoncØes dans le pacte international relatif aux droits civils et politiques (rapport du
rapporteur spØcial de la Commission des droits de lhomme, 8septembre2003, NationsUnies,
doc. E/CN.4/2004/6, par. 2).
5.82. Dans lavis consultatif qu elle a rendu sur la question de la Licéité de la menace ou de
l’emploi d’armes nucléaires, la Cour a indiquØ que «la protection offerte par le pacte international
relatif aux droits civils et politiques ne cesse pas en temps de guerre, si ce nest par leffet de
larticle4 du pacte, qui prØvoit quil peut Œtre dØrogØ, en cas de danger public, à certaines des
obligations imposØes par cet instrument» (par.25). De telles dØrogations ne peuvent toutefois
intervenir à lØgard dun certain nombre darticles prØcisØs à larticle 4.2. Une question distincte se
pose bien sßr, qui est celle de savoir si tel ou te l droit particulier protØgØ par le pacte est ou non - 43 -
pertinent; lintØrŒt à cet Øgard de certains artic les sera abordØ en temps voulu dans le prØsent
exposØ. Israºl a ratifiØ le pacte le 3 janvier 1992, sans y apporter aucune rØserve pertinente aux fins
de la prØsente requŒte.
5.83. Ainsi quil a ØtØ relevØ plus haut (par .5.69), le corpus gØnØral de rŁgles relatif au
rØgime spØcial doccupation militaire cherche à cr Øer un Øquilibre entre les besoins militaires de
lEtat occupant en rapport avec la poursuite des hosti litØs contre lennemi et le maintien des droits
des populations vivant sur le territoire occupØ par lEtat en question. Il sensuit que, lorsquil sagit
dinterprØter et dappliquer ces rŁgles, il convien t de tenir compte du niveau gØnØral des hostilitØs
rØelles au moment pertinent. Plus le niveau gØ nØral des hostilitØs est ØlevØ, plus il sera possible de
suivre lEtat occupant dans ses demandes tenda nt à Œtre autorisØ à adopter certaines mesures
conformes à ses besoins militaires; mais si (lorsque cela est actuellement le cas dans les territoires
palestiniens occupØs, y compris JØrusalem-Est et ses alentours) le niveau gØnØral des hostilitØs a
virtuellement diminuØ pour atteindre un degrØ qu asiment nul, les besoin s militaires de lEtat
occupant en sont rØduits dautant, et les di spositions qui dØfinissent ses pouvoirs doivent Œtre
interprØtØes de façon plus restrictive; les popula tions locales sont alors dautant plus fondØes à
prØtendre au respect de leurs droits. Plus par ticuliŁrement, il est dans ces conditions davantage
nØcessaire encore et justifiØ de complØter les di spositions de la quatriŁme convention de GenŁve
(initialement conçue pour protØger les popula tions civiles durant une occupation militaire
essentiellement «hostile») à laide des dispositions ØnoncØes dans les instruments gØnØraux relatifs
aux droits de lhomme, dont lobjet est de protØg er les populations civiles, tant individuellement
que collectivement, à tout moment, y compris lors que les conditions en question se rapprochent de
celles qui rŁgnent en temps de paix.
5.84. Au vu du corps de rŁgles applicabl es, un certain nombre dobservations gØnØrales
simposent concernant les rØsolutions pertinentes du Conseil de sØcuritØ et de lAssemblØe gØnØrale
que, comme nous lavons dØjà notØ plus haut (par .5.36), la requŒte pour avis consultatif de
lAssemblØe gØnØrale demande expressØment à la Cour dexaminer.
5.85. Tout dabord, un certain nombre au moins de ces rØsolutions, et en particulier certaines
de celles adoptØes par le Conseil de sØcuritØ, s imposent aux Etats Membres des Nations Unies en
vertu de larticle25 de la Charte. A cet Øgard, la Cour a dØjà rejetØ le point de vue selon lequel
larticle25 de la Charte ne sappliquerait quaux mesures dexØcution adoptØes aux termes du
chapitreVII de la Charte, faisant observer que ce t article sappliquait sans rØserve aux «dØcisions
du Conseil de sØcuritØ» adoptØes conformØment à la Charte, et figurait non pas au chapitreVII,
mais dans cette partie de la Charte qui traite des fonctions et des pouvoirs du Conseil de sØcuritØ en
gØnØral (Conséquences juridiques pour les Etats de la présence continue de l’Afrique du Sud en
Namibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la réso lution276 (1970) du Conseil de sécurité,
C.I.J. Recueil 1971, p.53, par.113). En ce qui concerne la question de savoir quelles sont les
rØsolutions du Conseil de sØcuritØ qui ont un effet contraignant, la Cour a poursuivi en indiquant :
«Il faut soigneusement analyser le libellØ dune rØsolution du Conseil de
sØcuritØ avant de pouvoir conclure à son effet obligatoire. Etant donnØ le caractŁre des
pouvoirs dØcoulant de larticle25, il convi ent de dØterminer dans chaque cas si ces
pouvoirs ont ØtØ en fait exercØs, compte tenu des termes de la rØsolution à interprØter,
des dØbats qui ont prØcØdØ son adoption, des dispositions de la Charte invoquØes et en
gØnØral de tous les ØlØments qui pourraient aider à prØciser les consØquences
juridiques de la rØsolution du Conseil de sØcuritØ.» (Par. 114.) - 44 -
5.86. Appliquant ce critŁre aux rØsolutions per tinentes à lØgard de la procØdure en question,
la Cour en a conclu que les dØcisions prises par le Conseil de sØcuritØ lavaient ØtØ
«conformØment aux buts et principes de la Charte et à ses articles24 et25. Ils sont
par consØquent obligatoires pour tous les Et ats Membres des NationsUnies, qui sont
ainsi tenus de les accepter et de les applique r
Ainsi, lorsque le Conseil de sØcuritØ
adopte une dØcision aux termes de larticle 25 conformØment à la Charte, il incombe
aux Etats Membres de se conformer à ce tte dØcision, notamment aux membres du
Conseil de sØcuritØ qui ont votØ contre elle et aux Membres des Nations Unies qui ne
siŁgent pas au Conseil
Quand un organe compØtent des NationsUnies constate
dune maniŁre obligatoire quune situation est illØgale, cette constatation ne peut rester
sans consØquence. PlacØ en face dune telle situation, la Cour ne sacquitterait pas de
ses fonctions judiciaires si elle ne dØclara it pas quil existe une obligation, pour les
Membres des NationsUnies en particulie r, de mettre fin à cette situation.»
(Par. 115-117.)
5.87. Dans le contexte de la prØsente procØ dure consultative, la Jordanie est davis quil
dØcoule des dØcisions obligatoires prises par le C onseil de sØcuritØ conformØment à larticle 25 de
la Charte que
i)le territoire sur lequel se dØroule la c onstruction du mur par Israºl est un «territoire
occupØ», à lØgard duquel Israºl est la «puissance occupante»;
ii) la quatriŁme convention de GenŁve sapplique à ce territoire occupØ;
iii) la conduite dIsraºl dans ce territoire o ccupØ constitue une viola tion de ses obligations
nØes de la convention ainsi que des principes et rŁgles de droit international applicables, en
particulier pour autant que ce tte conduite touche à limpl antation de colonies dans ce
territoire occupØ, implantation que le mur actu ellement construit par Israºl a notamment
pour but dencourager et de dØfendre;
iv) les mesures prises par Israºl pour modifier le statut et la composition dØmographique de ce
territoire occupØ nont aucun fondement juridique et sont nulles et non avenues.
5.88. Il importe en outre de relever, aux fins de la prØsente procØdure, que, lorsque le Conseil
de sØcuritØ a, lors de ses 4841 et 4842 rØunions du 14 octobre 2003, dØ battu de la situation crØØe
par la construction du mur, il la fa it sur la base dun projet de r Øsolution dont le dispositif Øtait
ainsi rØdigØ: «[le Conseil] décide que la construction par Israºl , puissance occupante, dun mur
dans les territoires occupØs qui sØcarte de la li gne darmistice de 1949 est illØgale au regard des
dispositions pertinentes du droit international, quelle doit Œtre interrompue et quil faut inverser le
processus». Ce projet de rØsolution na pu Œtre adoptØ en raison du vote nØgatif de lun des
Membres permanents du Conseil; le rØsultat densem ble du vote (dix voix pour, une voix contre et
quatre abstentions) montre quune large majoritØ des Membres du Conseil lui Øtait favorable; il est
en outre bien Øtabli que le fait quune rØso lution nait pu Œtre adoptØe nimplique pas
nØcessairement quune dØcision inverse ait ØtØ prise ( Conséquences juridiques pour les Etats de la
présence continue de l’Afrique du Sud en Na mibie (Sud-Ouest africain) nonobstant la
résolution276 (1970) du Conseil de sécurité, C.I.J. Recueil 1971, par.69). Cest le fait que le
Conseil de sØcuritØ nait pu se mettre daccord sur le projet de rØsolution le 14 octobre 2003 qui a
dØbouchØ le lendemain sur une dema nde tendant à la reprise de la dixiŁme session extraordinaire
durgence de lAssemblØe gØnØrale qui, aprŁs sa rØunion du 20 octobre 2003, puis du 8 dØcembre, a - 45 -
adoptØ la rØsolution par laquelle elle demande à la Cour de re ndre un avis consultatif sur la
question (voir le dossier «Documentation rØunie conf ormØment au paragraphe 2 de larticle65 du
Statut de la Cour internationale de Justice» du 19 janvier 2004, p. 4-5, par. 5-7).
5.89. DeuxiŁmement, mŒme lorsquune rØsolution ne prØsente pas formellement un caractŁre
contraignant tirØ dune disposition expresse de la Charte, elle nen peut pas moins acquØrir force
obligatoire du fait de la rØpartition des voix lors de son adoption ou du fait quelle sinscrit dans
une sØrie de rØsolutions allant dans le mŒme sens : lune ou lautre de ces conditions, en particulier
lorsquelles sont toutes deux rØunies, peuvent traduire une opinio juris à lØgard du principe ØnoncØ
dans la rØsolution.
5.90. La possibilitØ que lAssemblØe gØnØra le puisse adopter des rØsolutions ayant le
caractŁre de dØcisions ou procØdant dune inten tion dexØcution a ØtØ acceptØe par la Cour dans
lavis consultatif quelle a rendu sur les Conséquences juridiques pour les Etats de la présence
continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud- Ouest africain) nonobstant la résolution 276 (1970)
du Conseil de sécurité (C.I.J. Recueil 1971), lorsquelle a expliquØ que
«[i]l serait
inexact de supposer que, parce quelle possŁde en principe le pouvoir de
faire des recommandations, lAssemblØe gØnØ rale est empŒchØe dadopter, dans des
cas dØterminØs relevant de sa compØtence, des rØsolutions ayant le caractŁre de
dØcisions ou procØdant dune intention dexØcution» (p. 50, par. 105).
5.91. Toutefois, la portØe juridique quil convi ent dattribuer aux rØsolutions de lAssemblØe
gØnØrale va mŒme au-delà de ce que ce dictum pourrait laisser entendre. Ainsi que la Cour la
indiquØ dans son avis consultatif sur la Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires :
«la Cour rappellera que les rØsolutions de lAssemblØe gØnØrale, mŒme si elles nont
pas force obligatoire, peuvent parfois avoir une valeur normative. Elles peuvent, dans
certaines circonstances, fournir des ØlØments de preuve importants pour Øtablir
lexistence dune rŁgle ou lØmergence dune opinion juris. Pour savoir si cela est vrai
dune rØsolution donnØe de lAssemblØe gØnØra le, il faut en examiner le contenu ainsi
que les conditions dadoption; il faut en outre vØrifier sil existe une opinio juris quant
à son caractŁre normatif. Par ailleurs d es rØsolutions successi ves peuvent illustrer
lØvolution progressive de l opinio juris nØcessaire à lØtablissement dune rŁgle
nouvelle.» (C.I.J. Recueil 1996, p. 254-255, par. 70.)
5.92. La Cour a poursuivi en relevant que , bien que de nombreuses rØsolutions de
lAssemblØe gØnØrale invoquØes devant elle au cour s de cette procØdure consultative aient affirmØ
que lemploi darmes nuclØaires serait contraire à la Charte, «plusieurs rØsolutions dont il [Øtait]
question en lespŁce [avaient] cependant ØtØ a doptØes avec un nombre non nØgligeable de voix
contre et dabstentions» et que, en consØquence, elles nØtablissaient «pas encore lexistence dune
opinio juris quant à lillicØitØ de lemploi de ces armes» (p. 257, par. 71). Mais, la Jordanie attire
lattention sur le fait que, dans la prØsente procØdure consultative, les rØsolutions pertinentes ont au
contraire ØtØ adoptØes à une majoritØ Øcrasante, et souvent quasiment à lunanimitØ.
5.93. Les vues exprimØes par la Cour dans son arrŒt rendu en laffaire des Activités militaires
et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (arrêt, fond, C.I.J.Recueil1986) vont dans le
mŒme sens. La Cour y a examinØ la question de savoir dans quelle mesure la rŁgle interdisant
lemploi de la force prØsentait un caractŁre obligatoire au regard du droit international coutumier, et
en particulier sil existait à cet Øgard une opinio juris. La Cour a dit : - 46 -
«Cette opinio juris peut se dØduire entre autres, quoique avec la prudence
nØcessaire, de lattitude des Parties et des Etats à lØgard de certaines rØsolutions de
lAssemblØe gØnØrale
leffet dun consentement au texte de telles rØsolutions ne
peut Œtre interprØtØ comme celui dun si mple rappel ou dune simple spØcification de
lengagement conventionnel pris dans la Charte. Il peut au contraire sinterprØter
comme une adhØsion à la valeur de la rŁgl e ou de la sØrie de rŁgles dØclarØe par la
rØsolution et prise en elles-mŒmes
la prise de position mentionnØe peut en dautres
termes apparaître comme lexpression dune opinio juris à lØgard de la rŁgle (ou de la
sØrie de rŁgles) en question, considØrØe indØpendamment dØsormais des dispositions,
notamment institutionnelles, auxquelles elle est soumise sur le plan conventionnel de
la Charte.» (P. 99-100, par. 188.)
5.94. La Cour a poursuivi, se rØfØrant à la rØsolution 2625 (XXV) de lAssemblØe gØnØrale,
en relevant que «le fait que les Etats ont adoptØ ce texte fourni une indication de leur opinio juris
sur le droit international coutumier en question» (p. 101, par. 191).
5.95. Les nombreuses rØsolutions adoptØes, à une large ou à une Øcrasante majoritØ, par
lAssemblØe gØnØrale au cours dune pØriode s Øtendant sur trentecinq ans ont constamment
montrØ que l opinio juris de la communautØ internationale sur la question Øtait et cest là le
point de vue exprimØ dans les rØsolutions du Conseil de sØcuritØ dØjà citØes que
i)le territoire sur lequel se dØroule la c onstruction du mur par Israºl est un «territoire
occupØ», à lØgard duquel Israºl est la «puissance occupante»;
ii) la quatriŁme convention de GenŁve sapplique à ce territoire occupØ;
iii) la conduite dIsraºl dans ce territoire o ccupØ constitue une viola tion de ses obligations
nØes de la convention ainsi que des principes et rŁgles de droit international applicables, en
particulier pour autant que ce tte conduite touche à limpl antation de colonies dans ce
territoire occupØ, implantation que le mur actu ellement construit par Israºl a notamment
pour but dencourager et de dØfendre;
iv) les mesures prises par Israºl pour modifier le statut et la composition dØmographique de ce
territoire occupØ nont aucun fondement juridique et sont nulles et non avenues.
5.96. TroisiŁmement, la Cour «a toujours ØtØ consciente de ses responsabilitØs en tant
qu«organe judiciaire principal des NationsUnies»» considØration qui la conduite à conclure
quelle ne devrait pas, en principe, refuser de donner un avis consultatif demandØ par un organe des
NationsUnies (voir plus haut, par.5.23). Le fait que la Cour sinscrive dans la structure
institutionnelle des NationsUnies exige delle, pour cette raison mŒme, et outre les motifs qui
dØcoulent directement de lautoritØ dont sont investis lAssemblØe gØnØrale et le Conseil de sØcuritØ
par la communautØ internationale dans son ense mble, de respecter pleinement les rØsolutions
adoptØes conformØment à la Charte par les organe s avec lesquels elle pa rtage des responsabilitØs
confØrØes aux Nations Unies par la communautØ intern ationale. Un point de vue particuliŁrement
autorisØ a ØtØ formulØ sur la question :
«la Cour, dans lexercice de sa fonction judiciaire consistant à rendre des avis
consultatifs
doit coopØrer à la rØalisation d es buts de lOrganisation et sefforcer de
donner effet aux dØcisions des principaux organ es de celle-ci, et non de parvenir à des
conclusions qui les rendraient sans effet» (Rosenne, The Law and Practice of the
International Court 1920-1996, 1997, p. 112). - 47 -
5.97. Compte tenu de ce qui prØcŁde, la position systØmatiquement adoptØe par la
communautØ internationale, et en particulier par le Conseil de sØcuritØ et lAssemblØe gØnØrale,
selon laquelle la quatriŁme conven tion de GenŁve sapplique aux territoires occupØs par Israºl
en 1967, revŒt une importance et une portØe toute particuliŁre.
i) Un territoire occupé ne peut être annexé par l’Etat occupant
5.98. Une limitation particuliŁre et solidement Øtablie en droit international aux pouvoirs et à
lautoritØ dun Etat occupant à lØgard du territo ire occupØ rØside en ceci que ce dernier ne relŁve
pas de la souverainetØ de lEtat occupant, pas davantage que celui-ci na le droit dannexer le
territoire occupØ (en lattente du moins dun rŁ glement de paix «dØfinitif» susceptible dŒtre
conclu). Toute annexion de la sorte serait fondamentalement incompatible avec la nature
intrinsŁquement temporaire de loccupation, et fe rait obstacle à tout rŁglement dØfinitif susceptible
dŒtre un jour conclu en empŒchant un Øventuel retrait du territoire occupØ: annexion et rØgime
doccupation militaire sont deux principes qui sexcluent lun lautre. En1968,
M. Schwarzenberger, sexprimant sur lopinion selon laquelle lannexion en temps de guerre serait
prØmaturØe, Øcrivait :
«cest là le facteur dØcisif intervenu dans la constitution du droit relatif à lannexion en
temps de guerre. Il a produit une rŁgle de droit coutumier qui interdit lannexion
unilatØrale de territoires placØs sous l occupation dun belligØran t. Les tentatives
dannexion constituent par consØquent un acte illØgal de la puissance occupante à
lØgard de lEtat ennemi concernØ. Il en irait de mŒme de la reconnaissance dune
telle annexion par un Etat tiers.» ( International Law as Applied by International
Courts and Tribunals, vol II, «The Law of Armed Conflicts», 1968, p. 166-7.)
5.99. Cette position est depuis longtemps acceptØe en droit international coutumier. Elle est
aujourdhui renforcØe par lapparition, plus rØcente, dune rŁgle de jus cogens interdisant le recours
à la force, car toute annexion dun territo ire en consØquence dune occupation militaire
constituerait une acquisition de territoires contraire à cette rŁgle du jus cogens. Il ne peut donc Œtre
mis fin au rØgime doccupation par une annexion.
5.100. La position actuelle à cet Øgard est à rechercher dans la rØsolution 2625 (XXV) (1970)
de lAssemblØe gØnØrale, dans la quelle celle-ci a affirmØ: «Le terr itoire dun Etat ne peut faire
lobjet dune acquisition par un autre Etat à la su ite du recours à la menace ou à lemploi de la
force. Nulle acquisition territoriale obtenue par la menace ou lemploi de la force ne sera reconnue
comme lØgale.» (DØclaration relative aux principe s du droit international touchant les relations
amicales et la coopØration entre les Etats conformØment à la Charte des Nations Unies.)
5.101. La Cour a reconnu une validitØ juri dique à cette rØsolution en tant quexpression
dune opinio juris à lØgard des rŁgles qui sont ØnoncØes ( Activités militaires et paramilitaires au
Nicaragua et contre celui-ci, C.I.J. Recueil 1986, p. 99-100, par. 188).
5.102. De plus, le Conseil de sØcuritØ et lAssemblØe gØnØrale ont, dans de nombreuses
rØsolutions, se rapportant non seulement aux terri toires occupØs par Israºl mais Øgalement à
dautres territoires occupØs de par le monde, rØ pØtØ à maintes reprises que lacquisition de
territoires par la force Øtait illØgalle, nulle et non avenue. Ainsi, à titre dexemple quant aux actions
dIsraºl à lØgard des territoir es occupØs depuis1967, la rØsolution242 (1967) du Conseil de
sØcuritØ a-t-elle «soulign[Ø] linadmissibilitØ de lacquisition de territoires par la guerre»; la
rØsolution267 (1969) a pour sa part «rØaffirm[Ø] le principe Øtabli selon lequel lacquisition de - 48 -
territoires par la conquŒte militaire [Øtait] inadmissible», formule re prise en substance (à quelques
variations prŁs) dans les rØsolutions du Conseil de sØcuritØ 271 (1969), 298 (1971), 478 (1980), 681
(1990) et de nombreuses autres. Nombre de rØso lutions de lAssemblØe gØnØrale vont dans le
mŒme sens (comme par exemple la rØsolutio2 n628 (XXV) (n 4ovembr1e970),
AG Res. 3414 (XXX) (5 dØcembre 1975), AG Res. 37/86D (10 dØcembre 1982), AG Res. 42/160F
(8 dØcembre 1987 : adoptØe par 143-1-10), AG Res. 49/62D (14 dØcembre 1994 : adoptØe par
136-2-7), AG Res. 49/132 (19 dØcembre 1994) : adoptØe par 133-2-23), AG Res. 53/42
(2dØcembre1998: adoptØe par 154-2-3), et AG Res. 57/110 (3 dØcembre 2002 : adoptØe par
160-4-3).
5.103. Le droit internatio nal ne constitue pas un systŁme formaliste à outrance. Ses
catØgories reflŁtent davantage le fond et la rØalitØ que la forme et la terminologie. Ainsi en va-t-il
de lannexion. En tant que concept de droit inte rne, celle-ci revŒt souvent telle ou telle apparence
formelle en fonction des dispositions prØvues par cel ui-ci. Le droit international a «empruntØ» ce
concept et la fait sien, en en faisant par exemple une rŁgle de droit international selon laquelle un
belligØrant occupant un territoire ne saurait annexe r ce dernier. Mais, pour reprendre la mise en
garde de Lord McNair à loccasion de la procØdure consultative sur le Statut international du
Sud-Ouest africain, le droit international ne saurait importer des institutions de droit privØ «en bloc,
toutes faites et complŁtement ØquipØes» ( C.I.J. Recueil 1950, p. 148); en tant que concept de droit
international, lannexion correspond à une gØnØralisation des rŁgles et des principes adoptØs par les
diffØrents ordres juridiques internes, et na p as à rØpondre aux exigences formelles qui pourraient
sappliquer en droit interne de lun ou lautre Etat.
5.104. L«annexion», aux fins de la rŁgle de dr oit international qui linterdit vis-à-vis dun
territoire occupØ, ne dØpend pas de lexistenc e (par exemple) dune quelconque proclamation
formelle dannexion, ni dune lØgislation particuliŁre employant ce terme. Pour quil puisse y avoir
annexion en droit international, une exigence de fond doit Œtre respectØe, selon laquelle un Etat
doit, à lØgard dun territoire qui nest pas le sien, se conduire dune façon qui traduise clairement
son intention dØtendre à ce territoire, de façon permanente, tous les ØlØments essentiels de sa
propre autoritØ Øtatique, à lexclusion de lautoritØ de tout autre Etat. Ce rØsultat peut Œtre atteint
par un acte formel dannexion ne laissant aucun doute quant à cette intention, mais Øgalement de
façon indirecte lorsque cette intention est manifestØe dune autre façon.
5.105. En outre, lannexion nest en rØalitØ quun aspect dune catØgorie plus large de
conduites prohibØes, à savoir de conduites ayant pour effet de modifier le statut dun territoire
occupØ. Lannexion en est lexemple le plus parfait, puisquil saccompagne de lacquisition pure
et simple, mais illicite, dun territoire par lEtat occupant, ce qui entraîne manifestement une
modification du statut du territoire en question. Ma is les modifications à ce statut peuvent Œtre
apportØes par dautres moyens. Ces autres formes de modifications du statut sont Øgalement
prohibØes pendant la pØriode oø sa pplique le rØgime d occupation militaire, car elles ne sont pas
non plus compatibles avec les pouvoirs intrinsŁquement limitØs dun Etat occupant, dont lautoritØ
nest que temporaire et doit sexercer sans prØj udice dun rŁglement de «paix» dØfinitif susceptible
dŒtre un jour conclu. Dans le c ontexte de loccupation par Israºl des territoires palestiniens, il est
significatif que les rØsolutions du Conseil de sØcuri tØ et de lAssemblØe gØnØrale aient condamnØ
les tentatives faites par Israºl de «modifier le st atut» du territoire en question (voir par exemple les
rØsolutions citØes plus haut au paragraphe 2.32).
5.106. En tant que concept de droit internati onal, lannexion et toute autre modification de
statut ne sont pas nØcessairement des ØvØnements instantanØs, prenant effet, par exemple, au
moment de la promulgation dune proclamation d annexion: elles peuvent nŒtre que le rØsultat
final dune accumulation de faits dans le temps. En matiŁre dexpropriation de biens privØs, les - 49 -
notions d«expropriation larvØe» ou d«expropriation indirecte» sont bien connues, et les tribunaux
arbitraux les ont traitØes exactement comme des actes dexpropriation directe et formelle. Il
nexiste aucune raison pour que le droit interna tional traite diffØremment la prise de possession
dun territoire par le biais dune annexion de facto.
5.107. A partir de son annexion, le territoir e Øtranger qui en fait lobjet relŁve du systŁme
juridique propre de lEtat auteur de lannexion. Cette derniŁre est donc directement contraire à
larticle 43 du rŁglement de La Haye, qui inte rdit à une puissance occupante dimposer son propre
systŁme juridique dans une zone occupØe et/ou de soumettre la population civile du territoire
occupØ à ses rŁgles de droit interne.
c) La construction du mur à la lumière des principes juridiques applicables
i)L’Etat occupant n’a pas le droit, en construisant le mur, d’annexer de facto le
territoire occupé ou d’en modifier le statut de quelque autre manière que ce soit
5.108. En termes trŁs gØnØraux, le tracØ empruntØ par les tronçons du mur dØjà construits suit
en gros la direction de la Ligne verte (quoiquen certains endroits il sen Øcarte sensiblement), et ce
plusieurs kilomŁtres (jusquà vingt-deux) à lintØ rieur de la Cisjordanie occupØe. Ce tracØ est
figurØ sur le croquis n 6 qui se trouve à la page18. En c onsØquence, une bande de terre dune
superficie denviron cent mille hectares et reprØsentant 14,5% du territoire de la Cisjordanie (à
lexclusion de JØrusalem-Est), se trouvera situØe entr e le mur et la Ligne verte. Ce mur entourera
Øgalement cinquante-quatre colonies israØliennes peuplØes de quelque cent quarante-deux mille
colons, soit 36% de la population de colons de la Cisjordanie (voir NationsUnies, bureau de la
coordination des affaires humanitaires, TPO, New Wall Projections, 9 novembre 2003).
5.109. De par sa nature physique mŒme et du fait des contrôles liØs à son existence, le mur
aura pour effet de sØparer de fait cette bande de terres cisjordaniennes du reste de la Cisjordanie, et,
par la mŒme occasion, de la rattacher Øtroitement au territoire israØlien situØ à louest de la Ligne
verte.
5.110. Ce rØsultat sera considØrablement aggrav Ø si la construction des tronçons prØvus et
envisagØs du mur est menØe à son terme. Le tracØ oriental du mur dØplacera de facto la frontiŁre
occidentale de la Cisjordanie nettement vers lest: celle-ci sera alors constituØe par une ligne
nord-sud courant quelques kilomŁtres à peine à louest du Jourdain et de la mer Morte. En
consØquence, une vaste portion des terres cisjordaniennes se trouveront de facto retranchØes du
Territoire palestinien occupØ et traitØes comme territoire israØlien.
5.111. Il ne fait guŁre de doute que le mur a pour consØquence aujourdhui dØjà, et plus
encore lorsque sa construction aura ØtØ achevØe de modifier le statut du territoire occupØ pour en
faire de facto un territoire annexØ par Israºl. Cela ressort clairement aussi bien du tracØ du mur que
de sa nature et de ses consØquences et de certaines considØrations dordre plus gØnØral.
5.112. Le mur, en effet, ne saurait Œtre considØrØ indØpendamment du contexte. Sa
construction et les expropriations de terres nØcessaires à cet effet doivent Œtre vues dans le contexte
dune ligne de conduite constant e de la part du Gouvernement is raØlien depuis1967, et dans le
contexte juridique international qui 1)prohibe lacquisition de terr itoires par lusage de la force;
2)interdit à la puissance occupante de modifier le statut du territoire occupØ, que ce soit - 50 -
directement par annexion ou indirectement par coloni sation; 3)exige de tous les Etats, y compris
de la puissance occupante, quils reconnaissent le droit à lautodØtermination du peuple palestinien;
4)a Øtabli, par le biais de dØcisions du Conseil de sØcuritØ et de lAssemblØe gØnØrale des
Nations Unies, les paramŁtres juridiques et territoriaux dune solution permanente.
5.113. On ne saurait nier quIsraºl exerce et continue dexercer un contrôle effectif sur les
territoires palestiniens occupØs. Il ne fait au cun doute non plus que les actions des Forces de
dØfense israØliennes sont des faits de lEtat dIs raºl, au sens de larticle4 des articles sur la
responsabilitØ de lEtat pour fait internationa lement illicite. Lexpropriation de terres
palestiniennes arabes engage donc la responsabilitØ de lEtat dIsraºl, sous la forme de ses organes
lØgislatifs, exØcutifs et judiciaires (voir art.4.1) dont les faits ne sont pas conformes à ce qui est
requis de lui en vertu de ses obligations, quelle que so it lorigine ou la nature de celles-ci (art. 12).
Voir Commission du droit international, «Artic les sur la responsabilitØ de lEtat pour fait
internationalement illicite», figurant en annexe à la rØsolution de lAssemblØe gØnØrale des
Nations Unies 56/83 du 12 dØcembre 2001.
5.114. Bien que le Gouvernement israØlien puisse soutenir que les expropriations sont sans
effet sur la question de savoir qui est juridiquement dØtenteur du droit de propriØtØ, et que tout
propriØtaire concernØ puisse contester une ordonnance dexpropriation ou faire appel de celle-ci, la
pratique administrative telle quelle est Øtablie par les ØlØments dont nous disposons montre que de
telles voies de droit sont inadØquates et dØnu Øes defficacitØ (voir Commission europØenne des
droits de lhomme, Affaire grecque, rapport, vol. II, partie 1, p. 12, par. 24 à 31).
5.115. La pratique Øtablie dexpropriation, l inexistence ou linefficacitØ des voies de droit,
limplantation et lextension des colonies et, à prØs ent, la confiscation de biens aux fins de la
construction dun mur en Territoire palestinie n occupØ, la sØparation de zones contiguºs,
lintØgration de nombreuses colonies israØliennes au territoire israØlien, alors que les communautØs
palestiniennes sont coupØes en deux ou font lobj et dune sØgrØgation, suffisent largement à
conclure quune annexion de facto est en train davoir lieu, avec pour but de rØduire à nØant le droit
du peuple palestinien à disposer de lui-mŒme (voir Cour europØenne des droits de lhomme,
Irlande c. Royaume-Uni, sérieA arrêts et décisions , vol.25, dØcision du 29avril1976, arrŒt du
18janvier 1978, par. 159).
5.116. Apparaissent particuliŁrement pertinents aux fins dune juste Øvaluation du but et des
consØquences de lØdification du mur les rapports quentretient ce dernier avec les colonies
construites illØgalement en Cisjordanie occupØe, y compris JØrusalem et ses alentours (voir plus
loin sectionV c)ii), par.5.120 et suiv.). Le mur a pour fonction et telle est clairement
lintention sous-jacente de protØger les colonies israØliennes en territoires occupØs. Ces colonies
sont des zones placØes sous le contrôle total dIs raºl: elles sont à toutes fins utiles territoire
israØlien. Le mur a pour but de protØger ces col onies et de consolider leur statut de territoire
israØlien, ainsi que celui des zones situØes aux alentours de ces colonies et entre celles-ci. Cest
dans ce contexte que le rapporteur spØcial de la Commission des droits de lhomme
(M. John Dugard), dans son rapport du 8 septembre 2003, a ØtØ amenØ à indiquer ce qui suit :
«La construction du mur doit Œtre analysØe à la lumiŁre des activitØs de
colonisation [examinØes plus loin à la sectionV c)ii) du prØsent exposØ] et de
lannexion illØgale de JØrusalem-Est. L es colonies de JØrusalem-Est de la Rive
occidentale sont les premiŁres à tirer des avantages de cette mesure et on estime que
prŁs de la moitiØ des 400 000 colons vivant sur ces territoires se retrouveront du côtØ
israØlien du mur » (Nations Unies, doc. E/CN.4/2004/6, par. 12.) - 51 -
5.117. La volontØ dannexion s ous-jacente à lØdification du mur et les effets de celle-ci ont
ØtØ relevØs dans les termes suivants par le rapporteur spØcial :
«En politique, leuphØmisme est souvent prØfØrØ à la prØcision. Cest le cas
pour le mur quIsraºl a entrepris de construire sur la rive occidentale, qui est dØsignØ
sous les termes «zone de sØparation hermØtique», «clôture de sØcuritØ» ou encore
«mur de sØparation». Le mot «annexion» est ØvitØ car il est trop conforme à la rØalitØ
et ne tient guŁre compte de la nØcessitØ de masquer la vØritØ au nom de la lutte contre
le terrorisme. Il convient toutefois de reconnaître que nous assistons actuellement sur
la rive occidentale à lannexion pure et simple dun territoire sous prØtexte de sØcuritØ.
Il nexiste peut-Œtre aucun acte officiel d annexion concernant la portion de territoire
palestinien que la construction du mur a pour e ffet de transfØrer de fait à Israºl, mais
tout porte à conclure quil sagit bien dun acte dannexion... (Ibid., par. 6.)
Le mur ne suit pas la Ligne verte, qui correspond à la ligne de dØmarcation
entre Israºl et la Palestin e en 1967 et qui est gØnØraleme nt acceptØe comme frontiŁre.
Son tracØ empiŁte considØrablement sur les territoires palestiniens
(Ibid., par. 9.)
Tout comme les colonies quelle vise à protØger, cette mesure a manifestement
pour but de crØer une situation de fait sur le terrain. Il nexiste peut-Œtre pas dacte
dannexion, comme ce fut le cas pour JØrusalem-Est et les hauteurs du Golan.
Pourtant leffet est le mŒme: il sagit dune a nnexion. En droit international, un autre
terme est employØ pour dØsigner ce type d annexion, à savoir celui de conquŒte. La
conquŒte, ou lacquisition de territoire par la force, a ØtØ proscrite [par linterdiction de
lemploi de la force]... Lacquisition de te rritoire par la force est interdite, quelle
rØsulte dune agression ou dun acte de lØgitime dØfense...» (Ibid., par. 14.)
5.118. En ce qui concerne le caractŁre perman ent quIsraºl entend donner au mur, et, ainsi,
lannexion de facto illicite que cela reprØsente, le rapporteur spØcial na eu aucun doute. AprŁs
avoir relevØ que les principaux bØnØficiaires du mur Øtaient les colons, il poursuit: «La
construction du mur sera trŁs coßteuse pour Israºl : on estime à 1,4milliard de dollars des
Etats-Unis le montant des dØpenses engagØes à cette fin [, ce qui suffit] à confirmer le caractŁre
permanent de cet ouvrage.» (Ibid., par. 12.)
5.119. DŁs lors quun Etat annexe un territoir e qui ne lui appartient pas, il modifie les
frontiŁres de son territoire souverain, de maniŁre à y inclure le territoire supplØmentaire acquis par
voie dannexion. La conclusion du rapporteur spØci al à cet Øgard est claire: «Laffirmation du
Gouvernement israØlien selon laque lle le mur reprØsente uniquement une mesure de sØcuritØ ne
visant aucunement à modifier les frontiŁres politiq ues nest tout simplement pas ØtayØe par les
faits.» (Nations Unies, doc. E/CN.4/2004/6, par. 16.)
ii)L’Etat occupant n’a pas le droit de modifier la composition démographique du
territoire occupé en y implantant des colonies étrangères
5.120. LØdification du mur par Israºl dans les territoires palestiniens occupØs, y compris
JØrusalem-Est et ses alentours, morcelle la Cisjordanie en six sections discrŁtes, le passage de lune
à lautre ne pouvant se faire que par des points de contrôle israØliens. Comme cela a ØtØ indiquØ
plus haut, cet Øtat de fait a comme consØquen ce Øvidente, mais aussi comme intention, de
consolider et de protØger les colonies civiles juiv es construites en Cisjordanie et aux alentours de
JØrusalem-Est, avec laide active du Gouvernement israØlien. Selon Giorgio Giacomelli, rapporteur
spØcial de la Commission des droits de lhomme des Nations Unies, cette politique de colonisation
a dØjà eu pour effet de dØcouper la Cisjordanie «e n soixante zones discontinues» et de «partag[er]
[la bande de Gaza] en quatre parties» (voir Comm ission des droits de lhomme des Nations Unies, - 52 -
«Question de la violation des droits de lhomme dans les territoires arabes occupØs, y compris la
Palestine mise à jour du rapport de mission sur les violations des droits de lhomme commises
par Israºl dans les territoires palestinie ns occupØs depu1 is967», NationUsnies,
doc. E/CN.4.2001/30, par. 26).
5.121. La prØsence de ces colonies entraîne une modification illicite de la composition
dØmographique en Cisjordanie. Par consØquent, la construction du mur, en tant quelle favorise
cette modification illicite de la composition dØmographique, est elle-mŒme illicite.
5.122. La composition dØmographique dun te rritoire occupØ peut Œtre affectØe par deux
processus, mis en uvre sØparØment ou conjointemen t. Dune part, la population autochtone peut
Œtre dØportØe ou contrainte de quitter un territoir e; dautre part, des populations extØrieures à ce
territoire, et plus spØcialement des populations provenant de la puissance occupante mŒme, peuvent
Œtre transfØrØes vers le territoire occupØ. En ce qui concerne les territoires palestiniens occupØs, y
compris JØrusalem-Est et ses alentours, ces deux processus ont ØtØ à luvre; tous deux sont
contraires aux rŁgles internationales en vigueur.
5.123. Selon le concept traditionnel doccupa tion tel quil a ØtØ dØfini à larticle43 du
rŁglement de LaHaye de1907, lautoritØ d occupation doit Œtre considØrØe comme seulement
temporaire, comme un administrateur de facto; cest en cela que loccupation «se distingue
de
lannexion» (voir Jean S. Pictet, sous la directi on de, Commentaire [à la quatriŁme] convention de
GenŁve relative à la protec tion des personnes civiles en te mps de guerre, GenŁve, CICR,
1956 «ci-aprŁs commentaire du CICR», p. 296).
5.124. Larticle 47 de la quatriŁme convention de GenŁve dispose en effet que :
«Les personnes protØgØes qui se trouvent dans un territoire occupØ ne seront
privØes, en aucun cas ni daucune maniŁre, du bØnØfice de la prØsente convention, soit
en vertu dun changement quelconque inte rvenu du fait de loccupation dans les
institutions ou le gouvernement du territoire en question, soit par un accord passØ entre
les autoritØs du territoire occupØ et la puissance occupante, soit encore en raison de
lannexion par cette derniŁre de tout ou partie du territoire occupØ.»
5.125. Selon le commentaire du CICR, le but de cette disposition est dempŒcher que des
mesures prises par la puissance occupante à des fins de restauration ou de maintien de lordre ne
causent un prØjudice aux personnes protØgØes. Lo ccupation rØsultant dun conflit nimplique
aucun droit à disposer du territoire occupØ: « une puissance occupante demeure tenue dappliquer
intØgralement la convention, mŒme dans le cas oø, passant outre aux rŁgles du droit des gens, elle
prØtendrait procØder, durant le conflit, à lannexi on de tout ou partie dun territoire occupØ»
(commentaire du CICR, p. 275-276).
5.126. Larticle49 de la quatriŁme convention de GenŁve est ici directement pertinent: cet
article est lun de ceux dont il est expressØment i ndiquØ, au paragraphe3 de larticle6, quil
continue à sappliquer «pour la durØe de loccupation». Larticle 49 est ainsi rØdigØ :
«Les transferts forcØs, en masse ou individuels, ainsi que les dØportations de
personnes protØgØes hors du territoire occupØ dans le territoire de la puissance
occupante ou dans celui de tout autre Etat , occupØ ou non, sont interdits, quel quen
soit le motif. - 53 -
Toutefois, la puissance occupante pourra procØder à lØvacuation totale ou
partielle dune rØgion occupØe dØtermin Øe, si la sØcuritØ de la population ou
dimpØrieuses raisons militair es lexigent. Les Øvacuations ne pourront entraîner le
dØplacement de personnes protØgØes quà lin tØrieur du territoire occupØ, sauf en cas
dimpossibilitØ matØrielle. La population ai nsi ØvacuØe sera ramenØe dans ses foyers
aussitôt que les hostilitØs dans ce secteur auront pris fin.
La puissance occupante, en procØdant à ces transferts ou à ces Øvacuations,
devra faire en sorte, dans toute la me sure du possible, que les personnes protØgØes
soient accueillies dans des installations convenables, que les dØplacements soient
effectuØs dans des conditions satisfaisantes de salubritØ, dhygiŁne, de sØcuritØ et
dalimentation et que les membres dune mŒme famille ne soient pas sØparØs les uns
des autres.
La puissance protectrice sera informØe d es transferts et Øvacuations dŁs quils
auront eu lieu.
La puissance occupante ne pourra rete nir les personnes protØgØes dans une
rØgion particuliŁrement exposØe aux dangers de la guerre, sauf si la sØcuritØ de la
population ou dimpØrieuses raisons militaires lexigent.
La puissance occupante ne pourra procØd er à la dØportation ou au transfert
dune partie de sa propre population civile dans le territoire occupØ par elle.»
5.127. Linterdiction de transferts de popula tion sapplique donc à la fois aux transferts
internes et aux transferts externes, sauf sils sont te mporaires, et «si la sØcuritØ de la population ou
dimpØrieuses nØcessitØs militaires lexigent» (art. 49, par. 2).
5.128. Le commentaire du CICR fait obser ver que cette disposition «soppose à des
transferts de population tels quen ont pratiquØ , pendant la deuxiŁme gue rre mondiale, certaines
puissances qui, pour des raisons politico-raciales ou d ites colonisatrices, ont transfØrØ des ØlØments
de leur propre population dans des territoires o ccupØs. Ces dØplacements ont eu pour effet
daggraver la situation Øconomique de la populatio n autochtone et de mettre en danger son identitØ
ethnique.» (Commentaire du CICR, p. 283.)
5.129. En outre, «la dØportation ou le transf ert illØgaux [et] la dØtention illØgale [d]une
personne protØgØe» constituent, aux termes de larticle147 de la quatriŁme convention, des
infractions graves à cette derniŁ re. De plus, larticle82) a)vii) du statut de Rome de la Cour
pØnale internationale de1998 considŁre comme crimes de guerre «les dØportations
illØgales»
entrant dans la catØgorie gØnØrale des «in fractions graves aux c onventions de GenŁve
du 12 aoßt 1949»; de mŒme, larticle 8 2) b)viii) considŁre comme crimes de guerre les actes
suivants, relevant de la catØgorie gØnØrale des «autres violations graves des lois et coutumes
applicables aux conflits armØs internationaux» : «L e transfert, direct ou indirect, par une puissance
occupante dune partie de sa population civile, dans le territoire quelle occupe, ou la dØportation
ou le transfert à lintØrieur ou hors du territoire occupØ de la totalitØ ou dune partie de la
population de ce territoire.»
5.130. Bien que ce statut ne soit pas directem ent applicable dans le contexte prØsent (mŒme
si la Jordanie y est partie), le fait que ces infr actions aient ØtØ incluses dans larticle8 comme
crimes de guerre dØmontre que la communautØ internationale reconnaît que les interdictions
ØnoncØes dans ces dispositions relŁvent, pour le moins, du droit international coutumier. - 54 -
5.131. La construction du mur fait partie intØgrante des mesures prises par Israºl à lappui de
sa politique illØgale de colonisation, et constitue en tant que telle une violation grave du droit
international de la part dIsraºl.
5.132. Concernant tout dabord linterdicti on faite à la puissance occupante de procØder au
transfert de ses populations civiles vers le Terr itoire occupØ, il ne fait aucun doute quIsraºl,
puissance occupante, a mis en uvre des pratiques entraînant «le transfert
dune partie de sa
population civile, dans le territoire quelle occ upe». Les transferts de colons vers les
TerritoiresoccupØs constituent une politique pu bliquement affirmØe comme telle par le
gouvernement israØlien depuis le dØbut de locc upation, et se dØroulent avec le soutien et
lencouragement actifs de ce gouvernement.
5.133. Entre 1968 et 1979, les autoritØs militaires israØliennes ont publiØ des dizaines
dordonnances militaires visant à la rØquisition temporaire de terres privØes en Cisjordanie au motif
que cela rØpondait à une nØcessitØ militaire urgent e; ces terres ont essentiellement ØtØ utilisØes aux
fins de limplantation de colonies israØliennes. La Cour suprŒme israØlienne a confirmØ la lØgalitØ
de ces ordonnances au motif que les colonies jouaie nt un rôle militaire et de dØfense de premier
plan. Bien que, en 1979, la cour suprŒme ait ordonnØ le dØmantŁlement dune colonie et ordonnØ la
restitution des terres à ses propriØtaires parce que les colons eux-mŒmes avaient, par dØclaration
sous serment, indiquØ que cette colonie Øtait perm anente et non temporaire par nature, de telles
ordonnances militaires continuent depuis à Œtre utilisØes pour la rØquisition de terres, notamment
pour la construction de voies de contournement. On estime quIsr aºl a ainsi fait de quelque 40 %
de la Cisjordanie des terres appartenant au domai ne public israØlien (voir Incidences de la BarriŁre
de sØparation israØlienne sur les populations cisjor daniennes concernØes», rapport de la mission au
groupe des politiques daide humanita ire et de secours durgence du comitØ local de coordination
de laide (LACC), troisiŁme mise à jour, 30nove mbre2003, par.52-53; voir Øgalement Conseil
Øconomique et social, «Rapport Øtabli par la Commission Øconomique et sociale pour lAsie
occidentale sur les rØpercussions Øconomiques et sociales de loccupation israØlienne sur les
conditions de vie du peuple palestin ien dans le Territoire palestinien occupØ, y compris JØrusalem,
et de la population arabe du Golan syrien o ccupØ», Nations Unies, doc. A/58/75-E/2003/21 du
12 juin 2003, par. 31).
5.134. Israºl a continuØ à exproprier des terr es palestiniennes malgrØ lengagement officiel
quil avait pris au paragraphe7 de lartic leXXXI du chapitre5 de laccord intØrimaire
israØlo-palestinien de1995 sur la rive occidental e et la bande de Gaza, engagement aux termes
duquel il devait sabstenir dentreprendre toute «mesure à mŒme de modifier le statut de la
Cisjordanie et de la bande de Gaza avant que les nØgociations sur le statut permanent
naboutissent»; cet accord prØvoyait en outre que «lint ØgritØ et le statut» de la Cisjordanie et de la
bande de Gaza seraient «prØservØ[s] durant la pØriode intØrimaire» (chap.2, art.XI, par.1 et
chap.5, art.XXXI, par.8). La Commission Øconomique et sociale pour lAsie occidentale a
conclu que «la confiscation de terres et de biens [Øtait] un trait dominant de la politique israØlienne
doccupation et de transfert de population» (voi r Conseil Øconomique et social «rapport Øtabli par
la Commission Øconomique et sociale pour lAsie occidentale sur les rØpercussions Øconomiques et
sociales de loccupation israØlienne sur les cond itions de vie du peuple palestinien dans le
Territoire palestinien occupØ, y compris JØrusalem , et de la population arabe du Golan syrien
occupØ», Nations Unies, doc. A/58/75-E/2003/21 du 12 juin 2003, par. 37).
5.135. De tels transferts en direction du Te rritoire palestinien occupØ ont ØtØ effectuØs avec
lintention de modifier la composition dØm ographique. Le nombre de colons na cessØ
daugmenter. Ainsi, en1972, on comptait huitmi llequatrecent colons juifs dans les territoires
palestiniens occupØs, chiffre qui a atteint prŁs de deux cent cinquante mille en 1992. La population - 55 -
de colons en Cisjordanie (non compris JØrusalem-Est) et dans la bande de Gaza avait, selon
certaines informations recueillies en 2003, crß de 5,7 % en 2002 (pour atteindre 220 100), alors que
la croissance moyenne dans lensemble du pa ys nØtait que de 1,9%. Compte-tenu des
180000IsraØliens rØsidant à JØru salem-Est, la population de colons atteint 400000, soit prŁs de
8 % de la population juive dIsraºl (5,1 millions)Les colons de Cisjordanie, de la bande de Gaza
et du plateau du Golan ont, en 2000, reçu du gouve rnement des prŒts hypothØcaires à un taux prŁs
de deux fois infØrieur à la moyenne nationale (voir «rapport Øtabli par la Commission Øconomique
et sociale pour lAsie occident ale sur les rØpercussions Øconomi ques et sociales de loccupation
israØlienne sur les conditions de vie du peuple pal estinien dans le Territoir e palestinien occupØ, y
compris JØrusalem, et de la population ar abe du Golan syrien occupØ»,vol1. 3, n o 6,
novembre-dØcembre 2003; CICR, rapport annuel pour 2002, p. 302; rapport Dugard, par. 36-40).
5.136. Lautre aspect de la modification de la composition dØmographique dans les
territoires occupØs à savoir le transfert vers dautr es zones des populations autochtones
ressort Øgalement trŁs clairement des pratiques d Israºl dans ces territoires occupØs, y compris
JØrusalem-Est et ses alentours. Ces pratiques et politiques gØnØralisØes sont bien Øtablies et
relŁvent du domaine public, mais ne nous intØressent quen tant que la construction du mur, qui est
notre prØoccupation immØdiate dans la prØsente procØdure consultative, vise prØcisØment à les
pØrenniser.
5.137. Pour quil y ait «transferts forcØs, en masse ou individuels
de personnes protØgØes
hors du territoire occupØ», en violation de lar ticle49, point nest besoin que la puissance
occupante promulgue officiellement des ordonnances de transfert de populations locales (bien que
de telles ordonnances, si elles existent, tombent detoute Øvidence sous le coup de linterdiction
prØvue à larticle49 de la quatriŁme convention de GenŁve); il suffit que la puissance occupante
adopte des pratiques tendant à Øcarter les populations autochtones de leur territoire, ou dont on peut
raisonnablement prØvoir quelles dØboucheront sur un tel rØsultat. Compte tenu de la nature des
pratiques rØcentes de confiscations de terres et de transferts de populations, ainsi que de la mise en
uvre dune politique concertØe dacquisition forcØe, des observateurs ont rØcemment fait part de
leurs prØoccupations quant à dØventuels flux de rØfugiØs, ainsi que cela est dØcrit plus bas.
5.138. Les transferts interdits peuvent porter aussi bien sur des individus que sur des groupes
(«transferts
en masse»); un transfert sera «forcØ» si les mesures adoptØes par la puissance
occupante sont dans la pratique telles quelles ne laissent aux populations autochtones concernØes
aucune autre issue rØaliste que de quitter le territo ire. MŒme si de tels mouvements de populations
autochtones ne constituent pas le but de la cons truction du mur, ils nen constituent pas moins une
consØquence claire, et larticle49 prØcise bien que les transferts de popula tions autochtones sont
interdits «quel quen soit le motif ». Les consØquences de la construction du mur et des politiques
et pratiques parallŁlement mises en uvre par Israºl en ce qui concerne les transferts forcØs et les
mouvements de rØfugiØs sont examinØes plus loin à la section V c) iv).
5.139. Il convient de rappeler que la comm unautØ internationale sest toujours opposØe à la
politique de colonisation et de transfert de populat ion dIsraºl. Dans sa rØsolution446 (1979), le
Conseil de sØcuritØ a
«demand[Ø] une fois encore à Israºl, en tant que puissance occupante, de respecter
scrupuleusement la convention de GenŁ ve
, de rapporter les mesure
dØjà
prises et de sabstenir de toute mesu re qui modifierait le statut juridique et le
caractŁre gØographique des territoires arabes occupØs depuis1967, y compris - 56 -
JØrusalem, et influerait sensiblement sur leur composition dØmographique, et, en
particulier, de ne pas transfØrer des ØlØm ents de sa propre population civile dans les
territoires arabes occupØs».
5.140. Dans sa rØsolution 465 adoptØe à lunanimitØ en 1980, le Conseil de sØcuritØ a
«considØr[Ø] que toutes les mesures prises par Israºl pour modifier le caractŁre
physique, la composition dØmographique, la structure institutionnelle ou le statut des
territoires palestiniens et des autres territoires arabes o ccupØs depuis 1967, y compris
JØrusalem, ou de toute partie de ceux-ci n[a vaient] aucune validitØ en droit et que la
politique et les pratiques dIsraºl consistant à installer des ØlØments de sa population et
de nouveaux immigrants dans ces territoires c onstitu[ait] une violation flagrante de la
[quatriŁme] convention de GenŁve
».
Il a appelØ au dØmantŁlement des colonies de peuplement existantes et à la cessation de
lØdification et de la planification dautres col onies, demandant à tous les Etats de ne fournir à
Israºl aucune assistance qui serait utilisØe en rapport avec ces colonies. Cette position, qui se fonde
sur des ØlØments de droit, a ØtØ rØaffirmØe pa r des rØsolutionserØcentes: voir par exemple la
rØsolution465 (1980) du Conseil de sØcuritØ, adoptØe le 1 mars 1980, par. 5,6 et 7; sa
rØsolution904 (1994) du 18 mars 1994; sa rØsolution 1322 (2000) du 7 octobre 2000; sa
rØsolution1397 (2002); voir Øgalement, entre au tres, les rØsolutions suivantes de lAssemblØe
gØnØrale: A/RES/3240 (XXIX) du 29 novembre 1974; A/RES/36/15 du 28 octobre 1981;
A/RES/55/132 du 8 dØcembre 2000; A/RES/56/ 61 du 10 dØcembre 2001; A/RES/57/126 du
11 dØcembre 2002; A/RES/58/98 du 9 dØcembre 2003.
5.141. Dans sa rØsolution2003/7, la Commissi on des droits de lhomme des NationsUnies
sest Øgalement dØclarØe profondØment prØoccupØe
«par la poursuite des activit Øs de colonisation israØlienne , y compris linstallation
illØgale de colons dans les territoires occupØs et les activitØs connexes telles que
lexpansion des colonies de peuplement, lexpropriation de terres, la dØmolition
dhabitations, la confiscation et la destructi on de biens, lexpulsion de Palestiniens et
la construction de routes de contournement, qui modifient le caractŁre physique et la
composition dØmographique des territoires occupØs, y compris JØrusalem-Est,
et constituent une violation de la [quatriŁme] convention de GenŁve
»
(E/CN.4/RES/2003/7 du 15avril2003, adoptØe par cinquante voix pour, une voix
contre et deux abstentions).
5.142. Ces rØsolutions des organes d es NationUs nies, et en particulier du
Conseil de sØcuritØ, ne sauraient Œtre ignorØes, comme le dØmontrent certains dicta de la Cour, dans
lavis consultatif quelle a rendu sur les Conséquences juridiques pour les Etats de la présence
continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud- Ouest africain) nonobstant la résolution 276 (1970)
du Conseil de sécurité (C.I.J.Recueil1971) . A la lumiŁre de dØclarations du ConseildesØcuritØ
selon lesquelles la situation portØe devant la Cour Øtait illicite, celle-ci a dit que :
«112. Ce serait une interprØtation ins outenable daffirmer que, lorsque le
ConseildesØcuritØ fait une telle dØclaration en vertu de larticle24 de la Charte au
nom de tous les Etats membres, ceux-ci sont libres de ne faire aucun cas de lillØgalitØ
ni mŒme des violations du droit qui en rØsultent
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . - 57 -
116.
Ainsi, lorsque le Conseil de sØcuritØ adopte une dØcision aux termes de
larticle 25 conformØment à la Charte, il incombe aux Etats membres de se conformer
à cette dØcision, notamment aux Membres du ConseildesØcuritØ qui ont votØ contre
elle et aux Membres des NationsUnies qui ne siŁgent pas au Conseil. Ne pas
ladmettre serait priver cet organe principa l des fonctions et pouvoirs essentiels quil
tient de la Charte.
117.
Quand un organe compØtent d es Nations Unies constate dune maniŁre
obligatoire quune situation est illØgale, cette constatation ne peut rester sans
consØquences. PlacØe en face dune telle situation, la Cour ne sacquitterait pas de ses
fonctions judiciaires si elle ne dØclarait p as quil existe une obligation, pour les Etats
Membres des Nations Unies en particulier, de mettre fin à cette situation
118. LAfrique du sud, à laquelle incombe la responsabilitØ davoir crØØ et
prolongØ une situation qui, selon la Cour, a ØtØ valablement dØclarØe illØgale, est tenue
dy mettre fin
»
5.143. Face aux dØclarations rØpØtØes Øman ant dorganes compØtents des NationsUnies,
selon lesquelles les politiques et pratiques de coloni sation dIsraºl sont illØgales, la construction,
par Israºl, dun mur dans le Territoire palestinien o ccupØ, y compris à lintØrieur et sur le pourtour
de JØrusalem-Est, avec lintention manifeste et leffet patent de consolider et de protØger ses
colonies, reprØsente le contraire mŒme de ce qui est exigØ dIsraºl.
iii) L’Etat occupant n’a pas le droit de construire en territoire occupé un mur servant à
établir, étayer ou affermir son contrôle illicit e sur tout ou partie de ce territoire et
son annexion de fait de celui-ci
5.144. Larticle43 du rŁglement de La Haye de 1907 concernant les lois et coutumes de la
guerre sur terre prØvoit que loccupant «prendra t outes les mesures qui dØpendent de lui en vue de
rØtablir et dassurer, autant quil est possible, lordre et la vie publics en respectant, sauf
empêchement absolu, les lois en vigueur dans le pays » (les italiques sont de nous). La population
dun territoire occupØ ne peut Œtre contrainte à prŒter serment à la puissance ennemie (art.45), et
«[l]honneur et les droits de la fa mille, la vie des individus et la propriØtØ privØe, ainsi que les
convictions religieuses et lexercice des cultes, doivent Œtre respectØs. La propriØtØ privØe ne peut
pas Œtre confisquØe» (art. 46).
5.145. Le caractŁre nØcessairement temporaire de loccupation est soulignØ par larticle55
du rŁglement de La Haye, qui dispose que
«[l]Etat occupant ne se considØrera que comme administrateur et usufruitier des
Ødifices publics, immeubles, forŒts et expl oitations agricoles appartenant à lEtat
ennemi et se trouvant dans le pays occupØ . Il devra sauvegarder le fonds de ces
propriØtØs et les administrer conformØment aux rŁgles de lusufruit.»
5.146. Larticle 56 de ce texte dispose en outre que
«[l]es biens des communes, ceux des Øtablissements consacrØs aux cultes, à la charitØ
et à linstruction, aux arts et aux sciences, mŒme appartenant à lEtat, seront traitØs
comme la propriØtØ privØe. Toute saisie, destruction ou dégradation intentionnelle de
semblables établissements, de monuments historiques, duvres dart et de science,
est interdite et doit Œtre poursuivie.» - 58 -
5.147. Larticle47 de la quatriŁme conventio n de GenŁve souligne Øgalement le caractŁre
temporaire et de facto de loccupation; il prØvoit que les personnes protØgØes qui se trouvent dans
un territoire occupØ ne seront privØes, en aucun ca s ni daucune maniŁre, du bØnØfice de ladite
convention,
«soit en vertu d’un changement quelconque intervenu du fait de loccupation dans les
institutions ou le gouvernement du territoire en question, soit par un accord passØ
entre les autoritØs du territoire occupØ et la puissance occupante, soit encore en raison
de l’annexion par cette derniŁre de tout ou par tie du territoire occupØ» (les italiques
sont de nous).
5.148. Le CICR, dans son commentaire, rappelle que « [l]e pouvoir lØgislatif dont loccupant
est investi en tant que puissance responsable de lapplication de la c onvention et dØtenteur
momentané de lautoritØ, est limitØ aux matiŁr es ci-dessous limitativement ØnumØrØes»
(commentaire du CICR, p.361; les italiques sont de nous) et, à propos de larticle70 de la
quatriŁme convention, que « [l]a rŁgle de la limitation des pouvoirs juridictionnels de loccupant à
la pØriode pendant laquelle il occupe effectivement le territoire se fonde sur le caractŁre en principe
temporaire de loccupation» (ibid., p. 374).
5.149. ImmØdiatement aprŁs la fin des hostilitØs de1967, Israºl a Ølargi le champ
dapplication de son droit interne à JØrusalem-Est occupØe, en complØtant les 6,5 kilomŁtres carrØs
de superficie de la ville par 71 kilomŁtres carrØs de terres palestiniennes expropriØes. Pendant les
annØes qui ont suivi, Israºl a expropriØ sans indemn isation plus de soixante mille dunums de terres
palestiniennes dans JØrusalem-Est occupØe, les a ffectant exclusivement à lusage des Juifs (voir
division des droits des Palestiniens, «Le statut de JØrusalem», Nations Unies, doc. 97-24262, 1997,
p. 22-23).
5.150. En outre, la puissance occupante a imposØ son droit interne dans la ville occupØe de
JØrusalem au moyen dune loi adoptØe par la Knes set en1981, en violation de larticle64 de la
convention de GenŁve. Dans les autres zones occupØes, Israºl a sØlectivement remplacØ des lois en
vigueur par ses propres lois et ordonnances militaires , notamment en appliquant son droit interne
aux citoyens et institutions isr aØliens simplantant dans les te rritoires occupØs. Les pratiques
discriminatoires sont examinØes plus loin, à lalinØa iv).
5.151. Pour examiner la licØitØ du mur au regard du droit international applicable, il convient
de tenir compte non seulement de ses caractØristi ques matØrielles et des consØquences immØdiates
de sa prØsence, mais aussi de tout lappareil de contrôle administratif qui accompagne son
fonctionnement. Le mur nest pas simplement un Ødifice matØriel. Ses ØlØments principaux ont ØtØ
dØjà indiquØs auparavant, à savoir, une barriŁre dune largeur moyenne de 50 à 70 mŁtres, la
constitution dune «zone ferm Øe» dans la partie nord-ouest de la Cisjordanie et la mise en place
dun nouveau rØgime de permis de rØsident discriminatoire. Par ailleurs, comme le montrent son
tracØ et ses incidences, le mur vise à fragmenter davantage la communautØ palestinienne, dØjà
constamment divisØe par les colonies illØgales et les routes daccŁs à celles-ci. Le mur, loin dŒtre
une simple mesure de sØcuritØ isolØe, doit dŁs lo rs Œtre considØrØ comme un instrument de la
politique dIsraºl visant à annexer la Cisjordanie ou des parties substantielles de ce territoire.
5.152. Au moins trois observations sur linst auration et le fonctionnement du systŁme de la
barriŁre simposent: en premier lieu, pour mettre en place le systŁme de la barriŁre, les autoritØs
militaires israØliennes doivent acquØrir une quantitØ considØrable de terres; en deuxiŁme lieu, le
mur entraîne certaines consØquences immØdiates su r la population vivant et travaillant à proximitØ - 59 -
de celui-ci; et, en troisiŁme lieu, le mur a des c onsØquences plus gØnØrales touchant lensemble de
la Cisjordanie. Les implications juridiques du systŁme de la barriŁre compte tenu de ces trois
observations sont examinØes dans les paragraphes qui vont suivre.
iv) L’Etat occupant n’a pas le droit, en territoire occupé, de construire un mur qui
constitue une atteinte grave et disproport ionnée à l’exercice, par les habitants de ce
territoire, de leurs droits fondamentaux
a) La protection offerte par le droit international humanitaire
5.153. Le rŁglement de La Haye dispose en son article42 qu« [u]n territoire est considØrØ
comme occupØ lorsquil se trouve placØ de fait sous lautoritØ de larmØe ennemie. Loccupation
ne sØtend quaux territoires oø cette autoritØ est Øtablie et en mesure de sexercer» et, en son
article46, que « [l]honneur et les droits de la famille, la vie des individus et la propriØtØ privØe,
ainsi que les convictions religieuses et lexercice des cultes, doivent Œtre respectØs».
5.154. En vertu de la quatriŁme conven tion de GenŁve, la puissance occupante a des
responsabilitØs particuliŁres envers la population sous son contrôle. Larticle 27 de ce texte prØvoit
que
«Les personnes protØgØes ont droit, en toutes circonstances, au respect de leur
personne, de leur honneur, de leurs droits familiaux, de leurs convictions et pratiques
religieuses, de leurs habitudes et de leur s coutumes. Elles seront traitØes, en tout
temps, avec humanitØ et protØgØes notamment contre tout acte de violence ou
dintimidation, contre les insultes et la curiositØ publique.
Les femmes seront spØcialement protØgØes contre toute atteinte à leur honneur,
et notamment contre le viol, la contrainte à la prostitution et tout attentat à leur pudeur.
Compte tenu des dispositions relatives à lEtat de santØ, à lâge et au sexe, les
personnes protØgØes seront toutes traitØes par la partie au conflit au pouvoir de
laquelle elles se trouvent, avec les mŒmes Øgards, sans aucune distinction dØfavorable,
notamment de race, de religion ou dopinions politiques.
Toutefois, les parties au conflit pour ront prendre, à lØgard des personnes
protØgØes, les mesures de contrôle ou de sØcuritØ qui seront nØcessaires du fait de la
guerre.»
5.155. Selon le ComitØ international de la Croix-Rouge, larticle 27 «occupe une position clØ
dans le systŁme de la Convention. Il en est la base, Ønonçant les principes dont sinspire tout le
«droit de GenŁve»» (commentaire du CICR, p. 215).
5.156. Le droit au respect de la personne comprend notamment le droit à lintØgritØ physique,
morale et intellectuelle. Si le droit de libre circul ation peut faire lobjet de restrictions en temps de
guerre, «cela ne signifie point quil soit, dune façon gØnØrale, suspendu... [L]e statut
doccupation
procŁde de lidØe que la libertØ personnelle des personnes civiles doit rester, en
principe, intacte» (commentaire du CICR, p. 217). - 60 -
5.157. Comme le prØvoit lalinØa 4 de larticle 27, les personnes protØgØes doivent toutes Œtre
traitØes de la mŒme maniŁre et ne peuvent faire lobjet de mesures discriminatoires. Certes, la
puissance occupante a une certaine marge dapprØciati on lorsquelle prend de telles mesures, mais
«[c]e qui est essentiel, cest que les mesures de rigueur ne portent pas atteinte aux droits
fondamentaux accordØs aux personnes, droits qui
doivent Œtre respectØs, mŒme au cas oø des
mesures de rigueur seraient justifiØes» (commentaire du CICR, p. 223).
5.158. Larticle29 de la quatriŁme conven tion de GenŁve met laccent sur la responsabilitØ
de lEtat: «La Partie au conflit au pouvoir de laquelle se trouvent des personnes protØgØes est
responsable du traitement qui leur est appliquØ par ses agents, sans prØjudice des responsabilitØs
individuelles qui peuvent Œtre encourues.»
5.159. Comme le conclut le CICR dans son commentaire, la rØparation des dommages
causØs par le fait illicite est manifestement implicite . En outre, le terme «agent» est suffisamment
gØnØral pour inclure toute personne au service d une Partie contractante, par exemple «les
fonctionnaires, les magistrats, les membres des forces armØes, dorganisations paramilitaires de
police, etc.» (commentaire du CICR, p. 228).
5.160. Larticle 31 interdit lexercice de la «contrainte dordre physique ou moral» contre les
personnes protØgØes, quel quen soit le but ou le motif (commentaire du CICR, p. 236).
5.161. Aux termes de larticle 32, les parties,
«sinterdisent expressØment toute mesure de nature à causer soit des souffrances
physiques, soit lextermination des personnes protØgØes en leur pouvoir. Cette
interdiction vise non seulement le meurtre, la torture, les peines corporelles, les
mutilations et les expØriences mØdicales ou scientifiques non nØcessitØes par le
traitement mØdical dune personne protØgØe, mais Øgalement toutes autres brutalitØs,
quelles soient le fait dagents civils ou dagents militaires.»
5.162. Le CICR rappelle dans son commentaire que cest à dessein que la confØrence
diplomatique a employØ les mots «de nature à causer», à la place de la formule «destinØe à
provoquer». «En substituant ainsi un critŁre de causalitØ à celui dintention, la confØrence a
entendu Ølargir la portØe de larticle.» (Commentaire du CICR, p. 239.)
5.163. Le CICR indique Øgalement dans s on commentaire que la prohibition des «autres
brutalitØs» sapparente à celle qui vise les «actes de violence», ØnoncØe à larticle 27 et
«a pour but de couvrir un ensemble de mesure s qui, tout en ne rentrant pas dans des
cas dØterminØs, ont pour effet de causer de s souffrances aux personnes protØgØes. Il
ny a pas lieu de distinguer si ces pratiques Ømanent dagents civils ou militaires : dans
lun comme dans lautre cas, et pour t ous les actes visØs au prØsent article, la
responsabilitØ de lagent et celle de la Puissance dont il dØpend se trouvent engagØes,
conformØment aux dispositions de larticle 29
» (Commentaire du CICR, p. 242.)
5.164. Aux termes de larticle 33 de la quatriŁme convention de GenŁve, «[a]ucune personne
protØgØe ne peut Œtre punie pour une infracti on quelle na pas commise personnellement. Les
peines collectives, de mŒme que toute mesure dintim idation ou de terrorisme, sont interdites.» Le - 61 -
CICR souligne dans son commentaire que cette prohibition ne vise pas les sanctions prØvues par le
droit pØnal et dans le cadre dune procØdure rØguliŁre, mais celles «de tout ordre, infligØes à des
personnes ou à des groupes entiers de personnes, au mØpris des principes dhumanitØ les plus
ØlØmentaires et ce pour des act es que ces personnes nont pas commis» (commentaire du CICR,
p. 242-243).
5.165. Quant à la prohibition des «mesures dintimidation ou de terrorisme», le CICR
rappelle dans son commentaire que, lors conflits passØs,
«la pratique des peines collectives a visØ moins à la rØpression quà la prØvention
dattentats; en recourant à des mesur es dintimidation destinØes à terroriser les
populations, les belligØrants espØraient empŒcher des attentats. Contrairement à leffet
souhaitØ, de telles pratiques ont, par leur caractŁre de sØvØritØ excessive et leur
cruautØ, entretenu la haine et renforcØ lesprit de rØsistance. Elles frappent sans
discrimination coupables et innocents. Elles sont en opposition avec tous les principes
fondØs sur des considØrations dhumanitØ et de justice, et cest pourquoi linterdiction
des peines collectives est formellement comp lØtØe par linterdiction de toute mesure
dintimidation et de terrorisme à lØgard des personnes protØgØes, quel que soit le lieu
oø elles se trouvent...» (Commentaire du CICR, p. 243.)
5.166. Si tant est que lon puisse soutenir que la construction du mur est une rØaction face
aux activitØs illicites qui nuisent aux intØrŒts dIsraºl et que cest aux habitants touchØs de subir les
consØquences funestes de cette rØaction, larticle 50 du rŁglement de La Haye dispose toutefois que
«Aucune peine collective, pØcuniaire ou autre, ne pourra Œtre ØdictØe contre les populations à raison
de faits individuels dont elles ne pourraient Œtre considØrØes comme solidairement responsables.»
5.167. Larticle147 de la quatriŁme convention de GenŁve interdit de causer
intentionnellement de grandes souffrances ou de por ter des atteintes graves à lintØgritØ physique
ou à la santØ des personnes protØgØes, actes quelle qualifie d«infractions graves». De la mŒme
maniŁre, lalinØa a) iii) du paragraphe2 de larticle8 du Stat ut de la Cour pØnale internationale
qualifie de crime de guerre « [l]e fait de causer intentionnellement de grandes souffrances ou de
porter gravement atteinte à lintØgritØ physique ou à la santØ» de personnes protØgØes en territoire
occupØ.
5.168. Dans la mesure oø ses dispositions sont pertinentes dans le cadre de la requŒte pour
avis consultatif dØposØe en l espŁce, larticle75 du protocole additionnelI à la quatriŁme
convention de GenŁve, intitulØ «Garanties fondamentales» et c onsidØrØ gØnØralement comme
reprØsentant le droit international coutumier, se lit comme suit :
«1. Dans la mesure oø elles sont affectØes par une situation visØe à
larticlepremier du prØsent protocole, les personnes qui sont au pouvoir dune partie
au conflit et qui ne bØnØficient pas dun traitement plus favorable en vertu des
conventions et du prØsent protocole seront traitØes avec humanitØ en toutes
circonstances et bØnØficieront au moins des protections prØvues par le prØsent article
sans aucune distinction de caractŁre dØfavorable fondØe sur la race, la couleur, le sexe,
la langue, la religion ou la croyance, les opinions politiques ou autres, lorigine
nationale ou sociale, la fortune, la naissance ou une autre situation, ou tout autre
critŁre analogue. Chacune des parties respectera la pers onne, lhonneur, les
convictions et les pratiques religieuses de toutes ces personnes. - 62 -
2. Sont et demeureront prohibØs en tout temps et en tout lieu les actes suivants,
quils soient commis par des agents civils ou militaires :
a) les atteintes portØes à la vie, à la santØ et au bien-Œtre physique ou mental des
personnes, notamment :
i)eeurtre;
ii) la torture sous toutes ses formes, quelle soit physique ou mentale;
iii) les peines corporelles; et
iv)lesmutilations;
b) les atteintes à la dignitØ de la personne , notamment les traitements humiliants et
dØgradants, la prostitution forcØe et toute forme dattentat à la pudeur;
c) la prise dotages;
d) les peines collectives; et
e) la menace de commettre lun quelconque des actes prØcitØs.»
5.169. Le CICR, dans son commentaire, fa it remarquer que la prohibition des peines
collectives a ØtØ rajoutØe par la confØrence, qui a craint que de telles peines ne soient infligØes
autrement que par une procØdure j udiciaire rØguliŁre et quen ce cas elles ne soient pas couvertes
par les autres paragraphes de larticle75. Il fait remarquer en outre que la notion de peine
collective doit sentendre au sens le plus large: «elle ne couvre pas seulement les condamnations
judiciaires, mais les sanctions et brimades de tous ordres, administratives, policiŁres ou autres»
(commentaire du CICR, par. 3054 et 3055).
b) La protection offerte par les règles internationales en matière de droits de l’homme
5.170. La quatriŁme convention de GenŁve et les obligations concomitantes de la puissance
occupante deviennent applicables en cas doccupa tion (art.2) et protŁgent les personnes qui se
trouvent sur un territoire occupØ sous le contrô le, et donc «au pouvoir», de la puissance occupante
(commentaire du CICR, art. 4, p. 53).
5.171. LeffectivitØ du contrôle est Øgalemen t un ØlØment pertinent dans le cadre de la
responsabilitØ dIsraºl pour les manquements aux obligations auxquelles ce pays est tenu en
matiŁre de droits de lhomme, tant en vertu du droit interna tional coutumier quen vertu des
conventions.
5.172. Les principaux instruments juridiques gØ nØraux dans ce contexte sont la DØclaration
universelle des droits de lhomme de1948, le p acte international relatif aux droits civils et
politiques de1966 et le pacte inte rnational relatif aux droits Øc onomiques, sociaux et culturels
de1966. Sy ajoutent divers instruments traitant de domaines particuliers des droits de lhomme,
par exemple la convention internationale sur lØl imination de toutes les formes de discrimination
raciale de 1966, la convention sur lØlimination de toutes les formes de discrimination à lØgard des
femmes de1979, la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains
ou dØgradants de1984 et la convention relative a ux droits de lenfant de1989. Tous ces - 63 -
instruments, à lexception de la DØclaration universelle, sont des «traitØs» auxquels Israºl est partie
et auxquels ce pays na Ømis aucune rØserve pe rtinente à lØgard des questions soulevØes en
lespŁce.
5.173. La Jordanie est Øgalement partie à ce mŒme ensemble de traitØs et elle a un intØrŒt
juridique manifeste à ce quils soient appliquØs effectivement par Israºl.
5.174. La Cour a dØjà reconnu que le pacte inte rnational relatif aux droits civils et politiques
de 1966 continuait de sappliquer dans un contexte doccupation militaire :
«La Cour observe que la protection offert e par le pacte international relatif aux
droits civils et politiques ne cesse pas en te mps de guerre, si ce nest par leffet de
larticle 4 du pacte, qui prØvoit quil pe ut Œtre dØrogØ, en cas de danger public, à
certaines des obligations qui mpose cet instrument.» ( Licéité de l’utilisation des
armes nucléaires par un Etat dans un conflit armé , avis consultatif, C.I.J. Recueil
1996, p. 240, par. 25.)
5.175. De la mŒme maniŁre, le ComitØ des droits de lhomme, dans ses conclusions finales
sur le rapport pØriodique soumis par Israºl en 1998 en application du pacte, a fait observer :
«10. ... le ComitØ souligne que lapplicabilitØ des rŁgles du droit humanitaire ne
fait pas obstacle en soi à lapplication du pacte ni à la responsabilitØ que doit assumer
lEtat, en vertu du paragraphe 1 de lartic le 2 du pacte, pour les actes accomplis par
ses autoritØs. Le ComitØ estime donc que , vu les circonstances, le pacte doit Œtre
considØrØ comme applicable aux territoires occupØs et aux zones du Sud Liban et de la
Bekaa occidentale qui sont sous le contrôle effectif dIsraºl...» (NationsUnies,
doc. CCPR/C/79/Add.93, 18 aoßt 1998; les italiques sont de nous.)
5.176. Dans son rapport de 2002, le rapporteur spØcial sur la question de la violation des
droits de lhomme dans les territoires arabes occup Øs, M. John Dugard, a examinØ les liens entre le
droit international humanitaire et le droit relatif aux droits de lhomme. Se rØfØrant à larticle 27 de
la quatriŁme convention de Ge nŁve, qui oblige la puissance occupante à respecter les droits
fondamentaux des personnes protØgØes, il a relevØ :
«Les «droits de la personnalitØ» ont ØtØ proclamØs, dØcrits et interprØtØs dans de
nombreux instruments internationaux relatifs aux droits de lhomme, en particulier
dans les deux pactes de1966: le pacte inte rnational relatif aux droits civils et
politiques et le pacte international relatif a ux droits Øconomiques, sociaux et culturels,
ainsi que dans la jurisprudence des organes chargØs den surveiller lapplication. Ces
instruments de dØfense des droits de lhomme complŁtent donc la quatriŁme
convention de GenŁve en dØfinissant les dro its protØgØs par larticle 27 et en Ønonçant
la teneur de ces droits. Cela est confirmØ par de multiples rØsolutions de
lAssemblØegØnØrale.» (Rapport du rapporte ur spØcial de la Commission des droits
de lhomme, M. John Dugard, sur la situ ation des droits de lhomme dans
les territoires palestiniens occupØs pa r Israºl depuis 1967, Nations Unies,
docE. /CN.4/2002/32, 6 mars 2002, par. 9; voir Øgalement Nations Unies,
doc. E/CN.4/2004/6, 8 septembre 2003, par. 2.) - 64 -
c) L’incidence du mur sur les droits de l’homme : dispositions conventionnelles pertinentes
5.177. Comme indiquØ plus haut, Israºl est partie aux conventions internationales de
protection des droits de lhomme. La liste de di spositions pertinentes qui suit, forcØment donnØe à
titre dillustration, nest pas exhaustive, en raison des difficultØs Øvidentes à obtenir des
renseignements sur lampleur et les consØquences du mur. La sØlection ci-aprŁs a pu nØanmoins
Œtre Øtablie à la lumiŁre des rapports et projections publiØs.
5.178. Lorsquil a analysØ en novembre2003 les rØpercussions constatØes et probables du
mur à partir dinformations publiØes par le Gouvern ement israØlien, le bureau de la coordination
des affaires humanitaires de lONU a relevØ que le mur ne suivait la Ligne verte que sur 11 % de sa
longueur, et que son itinØraire projetØ senf onçait parfois loin (jusquà une distance de
22kilomŁtres) à lintØrieur de la Cisjordanie. Environ 14,5% (soit 85000hectares) de la
Cisjordanie (hors JØrusalem-Est) se retrouveront ainsi entre le mur et la Ligne verte. Ces terres,
parmi les plus fertiles de la Cisjordanie, sont habitØes par plus de deux cent soixante-quatorze
mille Palestiniens, rØpartis dans cent vint-deuxvilles et villages. Ils vivront dØsormais soit dans
des zones fermØes entre la Ligne verte et le mur, soit dans des enclaves totalement encerclØes par
celui-ci. Se trouveront Øgalement sur ce territoire situØ entre le mur et la Ligne verte
cinquante-quatre colonies israØliennes, comptant environ cent quarante deux mille colons israØliens
(36% des colons de Cisjordanie) (voir OCHA, «New Wall Projections», territoires palestiniens
occupØs, 9novembre2003; voir Øgalement UNRWA, rapports sur la barriŁre de la Cisjordanie,
«Etude dune ville, les incidences de la barriŁre de JØrusalem», janvier 2004).
5.179. Plus de quatrecentmillePalestiniens vivant à lest du mur devront le franchir pour
avoir accŁs à leur exploitation agricole, à leur em ploi ou aux services; ce ux qui vivent dans une
enclave ou une zone fermØe devront franchir le mur pour accØder aux marchØs, aux Øcoles et aux
hôpitaux, ou pour garder des liens avec leur famille. Le SecrØtaire gØnØral relŁve dans son rapport
du 24 novembre 2003 que, à lheure actuelle, le mur a «coupØ trente localitØs des services de santØ,
vingt-deux des Øtablissements scolaires, huit des sources primaires deau et trois du rØseau
Ølectrique» (par.23). La ville de Qalqiliya est to talement encerclØe, le seu l point dentrØe et de
sortie Øtant contrôlØ par un barrage militaire israØlien, isolant ainsi la ville de pratiquement toutes
ses terres agricoles tandis que les villages environn ants sont sØparØs de ses marchØs et services
(par.24). Selon lestimation de lOCHA, environ six cent quatre-vingt millePalestiniens, soit
30 % de la population de la Cisjordanie, seront directement touchØs par le mur.
Non-discrimination
5.180. Aux termes de la convention internati onale sur lØlimination de toutes les formes de
discrimination raciale de1966, quIsraºl a ratifiØe le 2fØvrier1979 sans y formuler de rØserve
pertinente aux fins de la prØsente procØdure consultative,
«Article I
1. Dans la prØsente convention, lexpression «discrimination raciale» vise toute
distinction, exclusion, restriction ou pr ØfØrence fondØe sur la race, la couleur,
lascendance ou lorigine nationale ou ethni que, qui a pour but ou pour effet de
dØtruire ou de compromettre la reconnaissance, la jouissance ou lexercice, dans des
conditions dØgalitØ, des droits de lhomme et des libertØs fondamentales dans les
domaines politique, Øconomique, social et cultu rel ou dans tout autre domaine de la
vie publique. - 65 -
2. La prØsente convention ne sappli que pas aux distinctions, exclusions,
restrictions ou prØfØrences Øtablies par un Etat partie à la convention selon quil sagit
de ses ressortissants ou de non-ressortissants.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Article 3
Les Etats parties condamnent spØcialemen t la sØgrØgation raciale et lapartheid
et sengagent à prØvenir, à interdire et à Øliminer sur les territoires relevant de leur
juridiction toutes les pratiques de cette nature...
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Article 5
ConformØment aux obligations fondame ntales ØnoncØes à larticle2 de la
prØsente convention, les Etats parties sengagent à interdire et à Øliminer la
discrimination raciale sous toutes ses formes et à garantir le droit de chacun à lØgalitØ
devant la loi sans distinction de race, de couleur ou dorigine nationale ou ethnique,
notamment dans la jouissance des droits suivants...»
5.181. Aux termes du pacte international re latif aux droits civils et politiques de1966,
quIsraºl a ratifiØ le 3 janvier 1992 sans y formuler de rØserve pertinente en lespŁce,
«Article 2
1. Les Etats parties au prØsent pacte se ngagent à respecter et à garantir à tous
les individus se trouvant sur leur territoire et relevant de leur compØtence les droits
reconnus dans le prØsent pacte, sans dis tinction aucune, notamment de race, de
couleur, de sexe, de langue, de religion, dopinion politique ou de toute autre opinion,
dorigine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Article 16
Chacun a droit à la reconnaissance en tous lieux de sa personnalitØ juridique.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Article 26
Toutes les personnes sont Øgales devant la loi et ont droit sans discrimination à
une Øgale protection de la loi. A cet Øgard, la loi doit interdire toute discrimination et
garantir à toutes les personnes une protection Øgale et efficace contre toute
discrimination, notamment de race, de c ouleur, de sexe, de langue, de religion,
dopinion politique et de toute autre opinion, dorigine nationale ou sociale, de
fortune, de naissance ou de toute autre situation.» - 66 -
5.182. Aux termes du pacte international relatif aux droits Øconomiques, sociaux et culturels
de 1966, quIsraºl a ratifiØ le 3 janvier 1992 sans y formuler de rØserve pertinente en lespŁce,
«Article 2
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
2. Les Etats parties au prØsent pacte sengagent à garantir que les droits qui y
sont ØnoncØs seront exercØs sans discrimination aucune fondØe sur la race, la couleur,
le sexe, la langue, la religion, lopinion politique ou toute autre opinion, lorigine
nationale ou sociale, la fortune, la naissance ou toute autre situation.»
5.183. Aux termes de la convention relative aux droits de lenfant de1989, quIsraºl a
ratifiØe le 2 novembre 1991 sans y formuler de rØserve pertinente en lespŁce,
«Article 2
«1. Les Etats parties sengagent à respecter les droits qui sont ØnoncØs dans la
prØsente convention et à les garantir à tout enfant relevant de leur juridiction, sans
distinction aucune, indØpendamment de toute considØration de race, de couleur, de
sexe, de langue, de religion, dopinion politiq ue ou autre de lenfant ou de ses parents
ou reprØsentants lØgaux, de leur origine nationale, ethnique ou sociale, de leur
situation de fortune, de leur incapacitØ, de leur naissance ou de toute autre situation.
2. Les Etats parties prennent toutes les mesures appropriØes pour que lenfant
soit effectivement protØgØ contre toutes formes de discrimination ou de sanction
motivØes par la situation juridique, les activitØs, les opinions dØclarØes ou les
convictions de ses parents, de ses reprØsentants lØgaux ou des membres de sa famille.»
5.184. Les discriminations dont font lobjet les Palestiniens rØsidant dans les zones entourØes
de murs sont dØcrites plus loin. En outre, la Commission Øconomique et sociale pour lAsie
occidentale estime que, dans lensemble du Territoire palestinien occupØ, les modalitØs dutilisation
de la terre par larmØe et les colons israØliens saccompagnent dune «grave discrimination» à
lØgard des Palestiniens pour ce qui est de laccŁ s à leau (voir Conseil Øconomique et social,
«Rapport Øtabli par la Commission Øconomique et sociale pour lAsie occidentale sur les
rØpercussions Øconomiques et soci ales de loccupation israØlienne sur les conditions de vie du
peuple palestinien dans le Territoire palestinien occupØ, y compris JØrusalem, et de la population
arabe du Golan syrien occupØ», Nations Unies, doc. A/58/75-E/2003/21, 12 juin 2003, par. 39).
Proportionnalité
5.185. Larticle 4 du pacte international relatif aux droits civils et politiques est ainsi libellØ :
«Article 4
1. Dans le cas oø un danger public ex ceptionnel menace lexistence de la nation
et est proclamØ par un acte officiel, les Etats parties au prØsent pacte peuvent prendre,
dans la stricte mesure oø la situation lex ige, des mesures dØrogeant aux obligations
prØvues dans le prØsent pacte, sous rØserve que ces mesures ne soient pas
incompatibles avec les autres obligations que leur impose le droit international et
quelles nentraînent pas une discrimination fondØe uniquement sur la race, la couleur,
le sexe, la langue, la religion ou lorigine sociale. - 67 -
2. La disposition prØcØdente nautorise aucune dØrogation aux articles 6, 7, 8
(par. 1 et 2), 11, 15, 16 et 18.
3. Les Etats parties au prØsent pacte qu i usent du droit de dØrogation doivent,
par lentremise du SecrØtaire gØnØral de lOrganisation des NationsUnies, signaler
aussitôt aux autres Etats parties les dispositi ons auxquelles ils ont dØrogØ ainsi que les
motifs qui ont provoquØ cette dØrogation. Une nouvelle communication sera faite par
la mŒme entremise, à la date à laquelle ils ont mis fin à ces dØrogations.»
5.186. Larticle4 du pacte international relatif aux droits Øconomiques, sociaux et culturels
est ainsi libellØ :
«Article 4
Les Etats parties au prØsent pacte re connaissent que, dans la jouissance des
droits assurØs par lEtat conformØment au prØsent pacte, lEtat ne peut soumettre ces
droits quaux limitations Øtablies par la loi, dans la seule mesure compatible avec la
nature de ces droits et exclusivement en vue de favoriser le bien-Œtre gØnØral dans une
sociØtØ dØmocratique.»
5.187. La rŁgle de la proportionnalitØ est Øgalement inhØrente aux principes ØnoncØs dans les
instruments rØgissant le droit international humanitaire, notamment la distinction entre combattants
et non-combattants et le caractŁre limitØ du choix d es moyens. Le paragraphe 3 de larticle 57 du
protocole additionnelI à la quatriŁme convention de GenŁve donne une illust ration de cette rŁgle
dans un contexte particulier : «Lorsque le choix est possible entre plusieurs objectifs militaires pour
obtenir un avantage militaire Øquivalent, ce choix doit porter sur lobjectif dont on peut penser que
lattaque prØsente le moins de danger pour les pe rsonnes civiles ou pour les biens de caractŁre
civil.»
5.188. En outre, lalinØa a) du paragraphe 2 de larticle 57 de ce mŒme texte impose à ceux
qui prØparent ou dØcident une attaque de «prendr e toutes les prØcautions pratiquement possibles»
quant au choix des moyens et mØthodes dattaque en vue dØviter et, en tout cas, de rØduire au
minimum les pertes en vies humaines dans la population civile.
5.189. En vertu du principe Øquivalent que lon retrouve en droit international des droits de
lhomme, comme le montrent les extraits ci-dessus des conventions applicables, les restrictions à
lexercice de ces droits doivent, dans le cadre dune sociØtØ dØmocratique, Œtre licites et
nØcessaires. Dans une situation de danger public, un Etat ne peut prendre de mesures dexception
que «dans la stricte mesure oø la situation l exige», sans manquer aux obligations dont il est tenu
en vertu du droit international, et sous rØserve que ces mesures ne soient pas discriminatoires.
5.190. Dautres solutions que le mur, qui pe rmettraient une protection efficace contre les
attaques terroristes tout en rØduisant au minimum les violations des droits de lhomme et du droit
humanitaire international, ne semblent pas avoi r ØtØ envisagØes. Un manque de considØration
similaire paraît avoir guidØ le choix du tracØ (voir Btselem, «Behind the Barrier: Human Rights
Violations as a Result of Israels Separation Barrier», JØrusalem, mars 2003, p. 26-27 et 29-30). - 68 -
Liberté de circulation et droit de ne pas être déplacé
5.191. Aux termes de larticle 12 du pacte international relatif aux droits civils et politiques,
«Article 12
1. Quiconque se trouve lØgalement sur le territoire dun Etat a le droit dy
circuler librement et dy choisir librement sa rØsidence.
2. Toute personne est libre de quitter nimporte quel pays, y compris le sien.
3. Les droits mentionnØs ci-dessus ne peuvent Œtre lobjet de restrictions que si
celles-ci sont prØvues par la loi, nØcessaires pour protØger la sØcuritØ nationale, lordre
public, la santØ ou la moralitØ publiques, ou les droits et libertØs dautrui, et
compatibles avec les autres droits reconnus par le prØsent pacte.
4. Nul ne peut Œtre arbitrairement privØ du droit dentrer dans son propre pays.»
5.192. MŒme si ce droit est affirmØ à lØgard de l«Etat», et si les territoires palestiniens
restent placØs sous loccupation dIsraºl, nous estimons que le principe fondamental de la libertØ de
circulation nen demeure pas moins applicable, compte tenu notamment de ce que la rØalisation des
autres droits protØgØs ne peut intervenir sans cette libertØ.
5.193. Les informations donnØes par le Gouve rnement israØlien sur les futures «portes
daccŁs» sont rares, voire inexistantes (rapport du S ecrØtaire gØnØral, par. 27; rapport de la mission
o
humanitaire, mise à jour n 1, par. 6). Pour ce qui est des portes existantes, les heures douverture
sont «irrØguliŁres» et les procØdures «arbitraires» (rapport de la mission humanitaire, mise à jour
n 3, par. 12 et 18 à 29).
5.194. Les Forces de dØfense israØliennes, quant à elles, ont adoptØ le 2octobre2003 des
ordonnances militaires imposant aux personnes rØsida nt actuellement dans la «zone fermØe» des
districts de DjØnine, Qalqiliya et Tulkarem de demander un permis pour continuer dy vivre. Dans
le mŒme temps, ces forces ont ouvert le secteur à la colonisation ØtrangŁre, en soustrayant les
citoyens et rØsidents israØliens, ainsi que les personnes ayant le droit dØmigrer en Israºl en vertu de
la loi du retour, au systŁme du permis (voir Forces deodØfense israØliennes, ordonnance relative aux
consignes de sØcuritØ (JudØe et Samarie) (n 378), dØclaration1970 portant fermeture du
secteurs/2/03 (zone de jointure). Sur les «zones militaires fermØes», voir rapport de la mission
humanitaire, par. 16; rapport de la mission humanitaire, mise à jour n 3, par. 45 à 49.
5.195. Les restrictions à la libertØ de ci rculation sont imposØes non seulement pour des
raisons de sØcuritØ, mais aussi à titre de sanction collective: dŁs lors quun permis est requis, la
procØdure «donne lieu à des actes rØpØtØs dintimid ation contre les rØsidents et se fonde sur des
critŁres arbitraires» (voir Btselem, «Behind the Barrier: Human Rights Violations as a Result of
Israels Separation Barrier», JØrusalem, mars 2003, p. 13 et 14).
5.196. Le risque que des familles coupØes de leurs sources de revenus et des services soient
forcØes dØmigrer à lest de la Cisjordanie, voire peut-Œtre au-delà, dans dautres Etats, a suscitØ
certaines inquiØtudes (voir Humanitarian Mission Report , par. 8 et 28, annexe II, par. II 21-II-22; - 69 -
Humanitarian Mission Report , update n 1, par.26 à44, «Impact of the Barrier on Population
Migration»; voir aussi le rapport Dugard, au pa ragraphe10: le mur «va ainsi provoquer de
nouvelles vagues de rØfugiØs ou de personnes dØplacØes»).
5.197. Pour reprendre les termes du bureau de la coordination des affaires humanitaires, «si
les ordonnances militaires qui restreignent lentrØe dans les zones fermØes entre la Ligne verte et le
mur sappliquent aux nouveaux tronç ons du mur, alors plusieurs milliers de Palestiniens risquent
dŒtre contraints de quitter leur terre et leurs fo yers» (ONU, bureau de la coordination des affaires
humanitaires, Territoires palestiniens occupØs, «New Wall Projections», 9 novembre 2003, p. 3).
5.198. Quoi quil en soit, le droit de ci rculer librement suppose Øgalement celui de ne pas
Œtre dØplacØ, de ne pas devenir un rØfugiØ. Ai nsi larticle13 de la DØclaration universelle des
droits de lhomme Ønonce-t-il que
«1. Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa rØsidence à
lintØrieur dun Etat.
2. Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir
dans son pays.»
5.199. Sil est vrai que «toute personne a le dro it de chercher asile et de bØnØficier de lasile
en dautres pays» (DØclaration universelle des droits de lhomme, art.14, par.1), nul ne devrait
Œtre contraint à le faire.
5.200. En1997, une sØrie de principes dir ecteurs relatifs au dØplacement de personnes à
lintØrieur de leur propre pays a ØtØ ØnoncØe dans un additif au «rapport du reprØsentant du
SecrØtaire gØnØral, M.Francis M.Deng, prØsen tØ conformØment à la rØsolution1997/39 de la
Commission des droits de lhomme» (Nations Unies, doc. E/CN.4/1998/53/Add.2). Depuis lors, la
Commission des droits de lhomme a pris acte de ces principes, lAssemblØegØnØrale sy est
rØfØrØe à plusieurs occasions et certains organes de lONU, dont le bureau de la coordination des
affaires humanitaires, les ont largement diffusØs. Bien quils naient pas formellement force
obligatoire, ces principes sinspirent des rŁgles en vigueur en matiŁre de droit international
humanitaire et de droit des droits de lhomme. Le s principes 5 et 6 visent la protection contre les
dØplacements :
«Principe 5
Toutes les autoritØs et tous les membres concernØs de la communautØ
internationale respectent les obligations qui leur incombent en vertu du droit
international, notamment les droits de lho mme et le droit humanitaire, et les font
respecter en toutes circonstances de façon à prØvenir et Øviter les situations de nature à
entraîner des dØplacements de personnes.
Principe 6
1. Chaque Œtre humain a le droit dŒtre protØgØ contre un dØplacement arbitraire
de son foyer ou de son lieu de rØsidence habituel.
2. Linterdiction des dØplacements arbitraires sapplique aux dØplacements : - 70 -
a) qui sont la consØquence de politiques d apartheid, de politiques de «nettoyage
ethnique» ou de pratiques similaires dont lobjectif ou la rØsultante est la
modification de la composition ethnique, religieuse ou raciale de la population
touchØe;
b) qui interviennent dans des situations de conflit armØ, sauf dans les cas oø la
sØcuritØ des personnes civiles ou des raisons militaires impØratives lexigent;
c) qui se produisent dans le contexte de pr ojets de dØveloppement de vaste envergure
qui ne sont pas justifiØs par des cons idØrations impØrieuses liØes à lintØrŒt
supØrieur du public;
d) qui sont opØrØs en cas de catastrophe, à moins que la sØcuritØ et la santØ des
personnes concernØes nexigent leur Øvacuation; et
e) qui sont utilisØs comme un moyen de punition collective.
3. Le dØplacement ne doit pas durer plus longtemps que ne lexigent les
circonstances.»
5.201. Le fait que le droit de chercher asile soit «protØgØ» ne signifie pas que lEtat qui
contrôle effectivement le territoire ait tout e libertØ ou tout pouvoir discrØtionnaire soit pour
expulser ou dØplacer la population locale, soit pour cr Øer sur le terrain des conditions qui risquent
vraisemblablement dentraîner leur migration forcØe sur le plan interne ou externe. Le «droit de
rester» procŁde donc dune protection suffisante et effective des droits fondamentaux des personnes
se trouvant sur le territoire et/ou re levant de lautoritØ du souverain de jure ou de la puissance de
facto. Ainsi, aux termes du paragraphe1 de lartic le2 du pacte international relatif aux droits
civils et politiques,
«Les Etats parties au prØsent pacte sengagent à respecter et à garantir à tous les
individus se trouvant sur leur territoire et relevant de leur compØtence les droits
reconnus dans le prØsent pacte, sans dis tinction aucune, notamment de race, de
couleur, de sexe, de langue, de religion, dopinion politique ou de toute autre opinion,
dorigine nationale ou sociale, de fortune, de naissance ou de toute autre situation.»
5.202. Le choix politique et les modalitØs des dØplacements rØsultant de la construction du
mur, analysØs dans le contexte historique et comp te tenu de la pratique sy stØmatique consistant à
procØder à des expropriations, à dØtruire des terres agricoles, vergers et oliveraies, à intØgrer des
terres palestiniennes au domaine de lEtat, à sopposer au retour des rØfugiØs, à aider et soutenir la
colonisation allochtone, permettent de conclure à lexistence de transferts forcØs permanents par
Israºl. Ces transferts ne relŁvent daucune exception prØvue par la quatriŁme convention de
GenŁve.
5.203. Par ailleurs, en droit international, les expulsions et transferts engagent la
responsabilitØ pØnale des personnes qui en sont les au teurs. En vertu de son statut adoptØ par le
Conseil de sØcuritØ dans sa rØsolution 827 (19 93) du 25 mai 1993 (modifiØe par sa rØsolution 1166
(1998) du 13 mai 1998), le Tribunal pØnal interna tional pour lex-Yougoslavie est «habilitØ à juger
les personnes prØsumØes responsables de viola tions graves du droit in ternational humanitaire
commises sur le territoire de lex-Yougoslavie depuis 1991». Larticle5 de ce statut traite de la
rØpression des crimes contre lhumanitØ de la maniŁre suivante : - 71 -
«Le Tribunal international est hab ilitØ à juger les personnes prØsumØes
responsables des crimes suivants lorsquils ont ØtØ commis au cours dun conflit armØ,
de caractŁre international ou interne, et dirigØs contre une population civile quelle
quelle soit :
a) assassinat;
b) extermination;
c) rØductionenesclavage;
d) expulsion;
e) emprisonnement;
f) torture;
g) viol;
h) persØcutions pour des raisons politiques, raciales et religieuses;
i) autres actes inhumains.»
5.204. Dans son arrŒt du 17 septembre 2003, la chambre dappel en laffaire Le Procureur c.
Milorad Krnojelac a dit :
«218. La chambre dappel considŁre que les actes de dØplacement forcØ
sous-jacents au crime de persØcution sanctionnØ par larticle 5 h) du statut ne sont pas
limitØs à des dØplacements effectuØs au-delà dune frontiŁre nationale. La prohibition
des dØplacements forcØs vise à garantir le dr oit et laspiration des individus à vivre
dans leur communautØ et leur foyer sans ingØrence extØrieure. Cest le caractŁre forcØ
du dØplacement et le dØracinement forcØ des ha bitants dun territoire qui entraînent la
responsabilitØ pØnale de celui qui le commet, et non pas la destination vers laquelle
ces habitants sont envoyØs.»
5.205. La chambre dappel a examinØ larticle 49 de la quatriŁme convention de GenŁve,
larticle 85 de son protocole additionnel I et lartic le 17 de son protocole II, avant de conclure que
«[l]es conventions de GenŁve et leurs protocoles additionnels interdisent les dØplacements forcØs,
que ce soit dans le cadre dun conflit armØ interne ou international» (par. 220).
«221. ... Le Conseil de sØcuritØ Øtait ... particuliŁrement prØoccupØ par les actes
de nettoyage ethnique et souhaitait confØrer au Tribunal la compØtence pour en juger,
quils aient ØtØ commis au cours dun conflit armØ inte rne ou international. Les
dØplacements forcØs, pris sØparØment ou cumulativement, peuvent constituer un crime
de persØcutions de mŒme gravitØ que dautres crimes ØnumØrØs à larticle 5 du statut.
Cette analyse est Øgalement consacrØe par la pratique rØcente des Etats, telle
quexprimØe dans le statut de Rome, qui prØvoit que les dØplacements aussi bien à
lintØrieur dun Etat quau-delà des frontiŁ res nationales peuvent constituer un crime
contre lhumanitØ et un crime de guerre.»
5.206. La chambre dappel en a conclu que
«222.
les dØplacements à lintØrieur dun pays ou au-delà dune frontiŁre
nationale, commis pour des motifs que nautorise pas le droit international, sont des
crimes sanctionnØs en droit international coutumier et que ces actes, sils sont commis
avec lintention discriminatoire requise, sont constitutifs du crime de persØcutions visØ
à larticle 5 h) du statut... - 72 -
223....à lØpoque du conflit en ex-Yougoslavie [cest-à-dire au dØbut des
annØes 90], les dØplacements aussi bien à lintØrieur dun Etat quau-delà dune
frontiŁre nationale Øtaient considØrØs comme constitutifs de crimes en droit
international coutumier».
5.207. Les ØlØments constitutifs du crime de dØplacement forcØ ont ØtØ prØcisØs par la
chambre de premiŁre instanceI dans le jugeme nt quelle a rendu le 17octobre2003 en laffaire
Simic et al. «Bosanski Samac ». Selon cette chambre, «le dØ placement de personnes nest illicite
que sil se fait de force, cest-à-dire pas volontairement» (par. 125). Toutefois, elle poursuit :
«125.
Le terme «de force» ne se limite pas à la force physique et peut
comprendre la «menace de la force ou la coercition, par exemple menaces de violence,
contrainte, dØtention, pressions psychologiqu es, abus de pouvoir, ou bien à la faveur
dun climat coercitif.» LØlØment essentie l rØside dans la nature involontaire du
dØplacement, dans le fait que «les personnes concernØes navaient pas de vØritable
choix». En dautres termes, un civil est involontairement dØplacØ sil «na pas
vØritablement eu le choix entre partir ou rester dans la zone...»
126. La chambre de premiŁre instance estime que, pour chercher à savoir si le
dØplacement dune personne Øtait volontaire ou non, elle devrait examiner, au-delà des
apparences, toutes les circonstances dans lesquelles la personne a ØtØ dØplacØe, afin de
dØterminer ce que cette pers onne voulait rØellement
Labsence de choix rØel peut
Œtre dØduite notamment des actes de menace et dintimidation qui ont pour objet
dempŒcher la population dexercer son libre choix, par exemple en bombardant des
objets civils, en incendiant des biens civils ou en commettant- ou en menaçant de
commettre dautres crimes visant «à terrifier la population et à lui faire quitter le
secteur sans espoir de retour
»
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
...30. [L]a chambre de premiŁre instance constate que, parmi les principes
juridiques protØgØs par lexpulsion et le tran sfert de force, il y a le droit qua la
victime de rester au sein de son foyer ou de sa communautØ et le droit de ne pas Œtre
privØe de ses biens en Øtant dØplacØe de for ce à un autre endroit. Aussi la chambre
conclut-t-elle que le lieu vers lequel la victime est dØplacØe de force est suffisamment
ØloignØ si la victime est empŒchØe dexercer ces droits» (citations omises [traduction
du Greffe]).
5.208. En outre, dans laffaire Stakic, la chambre de premiŁre instance a ØcartØ largument
selon lequel le dØplacement doit se faire vers une d estination particuliŁre pour quil y ait expulsion
ou transfert illicite :
«677. Les intØrŒts protØgØs par la prohi bition de la dØportation sont le droit et
laspiration des individus à demeurer dans leurs foyers et dans leur communautØ sans
ingØrence de la part dun agresseur venu de le ur propre Etat ou dun Etat Øtranger. La
chambre de premiŁre instance estime donc que cest lØlØment matØriel du
dØplacement forcØ ou plutôt du dØracinement dindividus du territoire et de
lenvironnement oø ils se trouvent lØgalement, souvent depuis des dØcennies, voire des
gØnØrations, qui est source de responsabilitØ pØnale, et non la destination vers laquelle
ils sont envoyØs...
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . - 73 -
681. ... Tout dØplacement forcØ implique labandon du foyer, la perte de biens
et le fait dŒtre dØplacØ sous la contrainte en un autre lieu. Linterdiction de la
dØportation vise par essence à garantir lØgalement les civils contre les dØplacements
forcØs lors dun conflit armØ et contre le dØracinement et la destruction de leur
communautØ par un agresseur ou une puissance oc cupant le territoire dans lequel ils
habitent.»
5.209. Selon les mots de la chambre de premiŁre instance en laffaire Simic, lexpulsion et le
transfert de force sont Øtroitement liØs à la noti on de «nettoyage ethnique» (par. 133), un crime en
droit international coutumier, dont les effets ont par ailleurs ØtØ condamn Øs par le Conseil de
sØcuritØ: voir par exemple sa rØsolution819 (19 93), adoptØe le16 avril1993, dans laquelle le
Conseil, au paragraphe 5 du dispositif, « réaffirme que toute prise ou acquisition de territoire par la
menace ou lemploi de la force, notamment par la pratique du «nettoyage ethnique», est illØgale et
inacceptable», puis, au paragraphe7, « réaffirme sa condamnation de toutes les violations du droit
humanitaire international, et plusparticuliŁrement de la pratique du«nettoyage ethnique et rØaffirme
que ceux qui commettent ou ordonnent de commettre de tels actes en seront tenus individuellement
responsables...».
Le droit à l’alimentation
5.210. Larticle 11 du pacte international rela tif aux droits Øconomiques, sociaux et culturels
se lit :
«Article 11
1. Les Etats parties au prØsent pacte reconnaissent le droit de toute personne à
un niveau de vie suffisant pour elle-mŒme et sa famille, y compris une nourriture, un
vŒtement et un logement suffisants, ains i quà une amØlioration constante de ses
conditions dexistence. Les Etats prendr ont des mesures appropriØes pour assurer la
rØalisation de ce droit et ils reconnaissent à cet effet limportance essentielle dune
coopØration internationale librement consentie
»
5.211. Larticle 27 de la convention relative aux droits de lenfant se lit :
«Article 27
1. Les Etats parties reconnaissent le droit de tout enfant à un niveau de vie
suffisant pour permettre son dØveloppemen t physique, mental, spirituel, moral et
social
»
5.212. En application de larticle 55 la quatriŁme convention de GenŁve :
«Dans toute la mesure de ses moyens, la puissance occupante a le devoir
dassurer lapprovisionnement de la population en vivres et en produits mØdicaux; elle
devra notamment importer les vivres, les fournitures mØdicales et tout autre article
nØcessaire lorsque les ressources du territoire occupØ seront insuffisantes.»
Si cela nest pas possible, la puissance occupant e doit autoriser lintervention des organisations
humanitaires (articles 23 et 59 de la quatriŁme convention de GenŁve). - 74 -
5.213. Le rapporteur spØcial sur le droit à l alimentation, M.JeanZiegler, a constatØ que,
«bien que le Gouvernement israØlien, en tant que puissance occupante dans les territoires ait
lobligation juridique en vertu du droit interna tional dassurer le droit à lalimentation de la
population civile, il ne sacquitte pas de cette ob ligation». De plus, «la confiscation et la
destruction continues des ressources palestinie nnes en eau et en terre
contribuent à la
dØpossession progressive du peuple palestinien». Sans mettre en cause les besoins dIsraºl en
matiŁre de sØcuritØ, le rapporteur spØcial aestimØ que les mesures de sØcu ritØ actuelles Øtaient
«totalement dØmesurØes et allaient à lencontre du but recherchØ car elles causaient la faim et la
malnutrition parmi les civils palestiniens
dune maniŁre qui reprØsentait un châtiment
collectif
» (Commission des droits de lhomme, «Le droit à lalimentation», rapport du rapporteur
spØcial, JeanZiegler, additif, «Mission dans les te rritoires palestiniens occupØs», NationsUnies,
doc. E/CN.4/2004/10/Add.2, 31 octobre 2003, par. 38 et 39).
5.214. Les violations du droit à lalimen tation rØsultent 1)du niveau sans prØcØdent des
restrictions à la libertØ de circuler; en outre limpossibilitØ pour les Palestiniens de nourrir leurs
familles porte atteinte à leur dignitØ humaine , situation souvent exacerbØe par des actes de
harcŁlement et dhumiliation aux postes de contrôle («Le droit à lalimentation», par. 11, 42 et 43;
voir aussi le rapport Dugard : «Les rØcits de gro ssiŁretØs, dhumiliations et de brutalitØs subies aux
postes de contrôle ne se comptent plus» (par. 17)); les postes de contrôle internes «ne protŁgent pas
les colonies de peuplement qui le sont dØjà bien pa r les Forces de dØfense israØliennes. En fait, ils
limitent les Øchanges commerciaux à lintØrieur des territoires palestiniens occupØs et restreignent
les possibilitØs de circulation de toute la population de village à village ou de ville à ville. Ils
doivent donc Œtre considØrØs comme une forme de châtiment collectif» (par.19); 2)de
lexpropriation et de la confisca tion de «vastes superficies» de terres agricoles et de sources deau
(«Le droit à lalimentation», par.16, 44-48); et 3)des restrictions imposØes à lacheminement de
laide humanitaire («Le droit à lalimentation», par. 20).
5.215. Si la puissance occupante peut prendre les mesures quexige sa propre sØcuritØ, ces
mesures doivent Œtre absolument nØcessaires et proportionnØes et ne doivent pas lempŒcher de
sacquitter de ses obligations. La construction du mur ne lexonŁre en aucune maniŁre de ses
responsabilitØs.
Moyens de subsistance
5.216. Larticle6 du pacte international relatif aux droits Øconomiques, sociaux et culturels
se lit :
«Article 6
1. Les Etats parties au prØsent pacte r econnaissent le droit au travail, qui
comprend le droit de toute personne dobten ir la possibilitØ de gagner sa vie par un
travail librement choisi ou acceptØ, et prendront des mesures appropriØes pour
sauvegarder ce droit
»
5.217. ConformØment à larticle52 de la qua triŁme convention de GenŁve: «Toute mesure
tendant à provoquer le chômage ou à restreindre les possibilitØs de travail des travailleurs dun pays
occupØ, en vue de les amener à travailler pour la puissance occupante, est interdite.»
5.218. La construction du mur elle-mŒme a de s effets directs sur les populations locales.
Dans le premier rapport complØmentaire, il est dit à ce propos que, dans le nord du gouvernorat de
DjØnine, les consØquences Øconomiques de lØdification de la barriŁre sont pour lessentiel - 75 -
imputables à lintensification des mesures de bouc lage externe. A moins que des points daccŁs
bien administrØs nen attØnuent les effets, «les perspectives demploi en Israºl des Palestiniens de
cette zone de Cisjordanie resteront quasi-inexistantes» et les affaires continueront de pØricliter. La
pauvretØ sest beaucoup aggravØe en2002-2003 (voi r rapport de la mission humanitaire, par.20;
premier rapport complØmentaire, 31 juillet 2003, par2 . 1; groupe de la Banque mondiale,
«Twenty-Seven Months Intifada, Closures and Palestinian Economic Crisis: An Assessment»,
avril-juin 2003).
5.219. Les ØlØments rØunis jusquici sur l es incidences Øconomiques du systŁme de bouclage
suffisent amplement à tirer des conclusions quant aux consØquences effectives et probables du mur,
notamment sur le revenu rØel par habitant.
Droits de la famille et droits sociaux
5.220. Larticle 23 du pacte international relatif aux droits civils et politiques se lit :
«Article 23
1.La famille est lØlØment naturel et fo ndamental de la sociØtØ et a droit à la
protection de la sociØtØ et de lEtat.»
5.221. Larticle 17 se lit :
«Article 17
1. Nul ne sera lobjet dimmixtions arbitraires ou illØgales dans sa vie privØe, sa
famille, son domicile ou sa correspondance, ni datteintes illØgales à son honneur et à
sa rØputation.
2. Toute personne a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou
de telles atteintes.»
5.222. A propos des incidences de la constr uction du mur à JØrusalem, il est dit dans le
deuxiŁme rapport complØmentaire de la mission humanitaire :
«Les tronçons existants de la barriŁre de sØparation du secteur de JØrusalem et
les terres qui ont ØtØ rØquisitionnØes pour le ur construction se trouvent sur la Ligne
verte et, par endroits, hors des limites de la municipalitØ israØlienne de JØrusalem. La
sØparation de familles et de collectivitØs palestiniennes est donc inØvitable, frappant
parfois les habitants dun mŒme village ou les membres dune mŒme famille. La
barriŁre va sØparer les enfants de leur Øcole, les femmes des cliniques obstØtricales
modernes, les travailleurs de leur lieu de tr avail et les populations de leur cimetiŁre.
On a dØjà observØ un dØplacement de populat ion imputable à la construction de la
barriŁre.» (DeuxiŁme rapport complØme ntaire de la mission humanitaire,
30septembre2003, par8 . ; ainsi quil a ØtØ notØ dans le troisiŁme rapport
complØmentaire, «aucun permis nest dØliv rØ pour raisons personnelles»: troisiŁme
rapport complØmentaire de la mission humanitaire, 30 novembre 2003, par. 37.) - 76 -
Services sanitaires et médicaux
5.223. Larticle 12 du pacte international relatif aux droits Øconomiques, sociaux et culturels
se lit :
«Article12
1. Les Etats parties au prØsent pacte re connaissent le droit qua toute personne
de jouir du meilleur Øtat de santØ physique et mentale quelle soit capable
datteindre
»
5.224. Larticle 24 de la convention relative aux droits de lenfant se lit :
«Article 24
1. Les Etats parties reconnaissent le droit de lenfant de jouir du meilleur Øtat de
santØ possible et de bØnØficier des services mØdicaux et de rØØducation. Ils sefforcent
de garantir quaucun enfant ne soit privØ du droit davoir accŁs à ces services »
5.225. De lavis de la Commission Øconomique et sociale pour lAsie occidentale, du fait des
bouclages et des couvre-feux, les centres de santØ pa lestiniens ne fonctionne nt quà 30% de leur
capacitØ et, presque tous les jours, 75 % des agents des services de santØ de lUNRWA «ne peuvent
pas arriver à leur lieu de travail» (Conseil Øc onomique et social, «Rapport de la Commission
Øconomique et sociale pour lAsie occidentale sur les rØpercussions Øc onomiques et sociales de
loccupation israØlienne sur les conditions de vi e du peuple palestinie n dans le Territoire
palestinien occupØ, y compris JØrusalem, et de la population arabe du Golan syrien occupØ»,
Nations Unies, doc. A/58/75-E/2003/21, 12 juin 2003, par. 48 et 49).
Education
5.226. Larticle 13 du pacte international relatif aux droits Øconomiques, sociaux et culturels
se lit :
«Article 13
1. Les Etats parties au prØsent pacte reconnaissent le droit de toute personne à
lØducation. Ils conviennent que lØducati on doit viser au plein Øpanouissement de la
personnalitØ humaine et du sens de sa dignitØ et renforcer respect des droits de
lhomme et des libertØs fondamentales. Ils conviennent en outre que lØducation doit
mettre toute personne en mesure de jouer un rôle utile dans une sociØtØ libre, favoriser
la comprØhension, la tolØrance et lamitiØ entre toutes les nations et tous les groupes
raciaux, ethniques ou religieux et encourager le dØveloppement des activitØs des
Nations Unies pour le maintien de la paix
»
5.227. Dans son rapport de ja nvier 2004 sur les consØquences de la barriŁre de sØcuritØ de
JØrusalem, lOffice des secours et des travaux des Nations Unies pour les rØfugiØs de Palestine au
Moyen-Orient (UNRWA) prØvoit que «les ØlŁves et les enseignants auront beaucoup de difficultØs
à se rendre «dans les Øcoles de lUNRWA et de l AutoritØ palestinienne», et que «la possibilitØ
dassister aux cours dispensØs dans les universitØs dAl-Quds et de BirZeit se dØtØriorera
beaucoup» (UNRWA, Reports on the West Bank Barri er, «Town Profile: Impact of the Jerusalem
Barrier», janvier 2004). - 77 -
Autodétermination
5.228. Larticle premier commun au pacte international relatif aux droits civils et politique et
au pacte international relatif aux droits Øcono miques, sociaux et culturels Ønonce le droit à
lautodØtermination dans les termes suivants :
«1. Tous les peuples ont le droit de disposer deux-mŒmes. En vertu de ce droit,
ils dØterminent librement leur statut politique et assurent librement leur
dØveloppement Øconomique, social et culturel.
2. Pour atteindre leurs fins, tous les pe uples peuvent disposer librement de leurs
richesses et de leurs ressources naturelles, sans prØjudice des obligations qui dØcoulent
de la coopØration Øconomique internationale, fondØe sur le principe de lintØrŒt
mutuel, et du droit international. En auc un cas, un peuple ne pourra Œtre privØ de ses
propres moyens de subsistance.»
3. Les Etats parties au prØsent pacte, y compris ceux qui ont la responsabilitØ
dadministrer des territoires non autonomes et des territoires sous tutelle, sont tenus de
faciliter la rØalisation du droit des peuples à disposer deux-mŒmes, et de respecter ce
droit, conformØment aux dispositions de la Charte des Nations Unies.»
5.229. Globalement, la construction du mur, ajoutØe à lensemble des politiques et pratiques
dimplantation de colonies et de morcellement dØcr ites plus haut, entraînera vraisemblablement la
destruction du potentiel qui permettrait de crØer un Et at palestinien viable rØpondant à lobjectif de
la communautØ internationale, et constitue une violation du droit du peuple palestinien à
lautodØtermination.
v) La puissance occupante n’a pas le droit d’édifier, dans le territoire occupé, un mur
qui porte atteinte gravement et de façon disproportionnée aux droits des habitants
dudit territoire à la propriété effective de leurs biens fonciers et immobiliers
5.230. La construction du mu r a deuxincidences majeures sur les droits des habitants des
territoires palestiniens occupØs, y compris JØrusalem-Est et son pourtour, de jouir de la propriØtØ
effective de leurs biens fonciers et immobiliers. PremiŁrement, les travaux de construction exigent
quune bande de terre, large de 50 à 70 mŁtres en moyenne, soit retirØe à leurs propriØtaires et mise
à la disposition des autoritØs doccupation; deuxiŁmement, lexistence du mur empŒche les
populations rØsidant dun côtØ du mur de soccuper des biens quelles possŁdent de lautre côtØ.
5.231. Ces incidences doivent Œtre ØvaluØes au regard du rŁglement de LaHaye et de la
quatriŁme convention de GenŁve, ainsi que des principes gØnØraux du droit international rØgissant
lexpropriation de biens.
5.232. ConformØment à larticle 23 g) du rŁglement de LaHaye «[il est] notamment
interdit
g) de dØtruire ou de saisir des propriØtØs ennemies, sauf les cas oø ces destructions ou
ces saisies seraient impØrieusement commandØes par les nØcessitØs de la guerre».
5.233. Si cette rŁgle sapplique en temps de guerre, elle sapplique à fortiori en temps
doccupation; il nest alors pas possible de linvoquer pour justifier la confiscation ou la destruction
de biens par les autoritØs israØliennes, car locc upation na pas encore pris fin, et larticle en
question figure au chapitre 2 du rŁglement sous l intitulØ «Des hostilitØs». De plus, larticle 46 du
rŁglement de La Haye Øtablit que «la propriØtØ privØe doit Œtre respectØe. La propriØtØ privØe ne - 78 -
peut pas Œtre confisquØe», et larticle56 sti pule que les biens des communes et de certains
Øtablissements consacrØs au culte, à la charitØ et aux arts doivent Œtre traitØs comme la propriØtØ
privØe, mŒme sils appartiennent à lEtat.
5.234. Larticle 52 du rŁglement de La Haye prØvoit en outre :
«Les rØquisitions en nature et des se rvices ne pourront Œtre rØclamØes
des
habitants, que pour les besoins de larmØe d occupation. Ils seront en rapport avec les
ressources du pays
Ces rØquisitions et ces services ne seront rØclamØs quavec
lautorisation du commandant dans la loca litØ occupØ. Les prestations en nature
seront, autant que possible, payØes au compta nt, sinon, elles seront constatØes par des
reçus et le paiement des sommes dues sera effectuØ le plus tôt possible.»
5.235. Larticle 53 de la quatriŁme convention de GenŁve se lit :
«Il est interdit à la puissance occupante de dØtruire des biens immobiliers ou
immobiliers, appartenant individuellement ou collectivement à des personnes privØes,
à lEtat ou à des collectivitØs publiques, à des organisations sociales ou coopØratives,
sauf dans les cas oø ces destructions seraient rendues absolument nécessaires par les
opØrations militaires.»
5.236. ConformØment à larticle 147 de la qua triŁme convention de GenŁve, «la destruction
et lappropriation de biens non justifiØes par des nØcessitØs militaires et exØcutØes sur une grande
Øchelle, de façon illicite et arbitraire», c onstituent une «infraction grave». Dans son commentaire,
le CICR confirme que le critŁre d«absolue nØcessitØ» sapplique aussi à cet article (p.601 [de la
version anglaise]).
5.237. MalgrØ la teneur et lobjet Øvidents des rŁgles de droit international applicables, le
Gouvernement israØlien a mis en uvre et poursuit, dune façon gØnØrale et pour la construction du
mur, des politiques et des pratiques dexpropriation et de destruction de biens.
5.238. AprŁs loccupation de la Cisjordanie en 1967, les autoritØs israØliennes ont modifiØ la
lØgislation existante et promulguØ de nouveaux rŁ glements afin dautoriser les expropriations.
Dans le cas des terres autres que celles qui se trouvent dans JØrusalem occupØ, les autoritØs
israØliennes ont recouru à des ordonnances militaire s pour donner effet aux e xpropriations. Ainsi,
lordonnance militaire58 (1967) permet aux autor itØs de confisquer les terres des propriØtaires
absents pendant le recensement de1967; lordon nance militaireS/1/96 les autorise à classer des
terres palestiniennes comme «zones militaires fermØe s», rØservØes à lusage exclusif de lEtat;
enfin lordonnance militaireT/27/96 leur perm et dexproprier des terres palestiniennes pour
«nØcessitØ publique» (voir Conseil Øconomique et social des NationsUnies, rapport sur les
consØquences Øconomiques et soci ales des colonies de peuplement israØliennes sur le peuple
palestinien dans le territoire palestinien, y co mpris JØrusalem, occupØ depuis1967, et sur la
population arabe des hauteurs du Golan syrien, Nations Unies, doc. A/52/172 (1997), par. 14 et 15;
troisiŁme rapport complØmentaire de la mission humanitaire, 30 novembre 2003, par. 51 et 55).
5.239. Les terres situØes en Cisjordanie ont Øgalement ØtØ acquises en vertu de lordonnance
relative aux biens abandonnØs, qui a ØtØ appliquØe aux biens «des propriØtaires absentØistes». Bien
que, thØoriquement, ces terres soient administrØes jusquau retour des propriØtaires, dans la
pratique, ces derniers nont pas pu revenir en rais on de restrictions à leur libertØ de mouvement
(voir troisiŁme rapport complØmentaire de la mission humanitaire, 30 novembre 2003, par. 54). - 79 -
Le processus de réquisition des terres
5.240. Pour obtenir les terrains nØcessaires à la construction du mur et aux zones sy
rattachant, des propriØtØs pr ivØes situØes en Cisjordanie sont rØquisitionnØes en vertu
dordonnances militaires signØes par le gouverneu r militaire compØtent. Ces ordonnances
prØvoient que les biens seront rØquisitionnØs ju squau 31dØcembre2005, les ordonnances Øtant
toutefois indØfiniment renouvelables. Tandis que le urs biens sont rØquisitionnØs, les propriØtaires
en conservent la propriØtØ lØgale et ont le droit de demander un loyer ou une compensation (rapport
de la mission humanitaire, par.34-45; deuxi Łme rapport complØmentaire, 30septembre2003,
par. 50-60, annexe 1).
5.241. Les propriØtaires ont une semaine pour faire opposition, mais les procØdures sont
Øpineuses. Les mØthodes utilisØes pour signifier les ordonnances aux propriØtaires semblent
arbitraires et, dans son rapport, la mission hum anitaire fait Øtat dune «absence de communication
cohØrente et efficace de la part des autorit Øs israØliennes» (deuxiŁme rapport complØmentaire,
20septembre2003, par.53). Les fonctionna ires du bureau de coordination des affaires
humanitaires sur le terrain ont rapportØ un cas dans lequel «un seul des vingt agriculteurs se serait
vu signifier une ordonnance militaire de confiscati on: elle Øtait Øcrite en hØbreu, non datØe et
faisait Øtat dune carte qui nØtait pas jointe» (Report of OCHA field officers, OCHA Humanitarian
Update, Occupied Palestinian Territories, 1-15 dØcembre 2003).
5.242. Il peut Œtre difficile dobtenir les piŁces nØcessaires, et coßteux de former recours. La
commission militaire des recours nest ni indØpend ante ni impartiale, et ses recommandations
peuvent Œtre infirmØes par le gouverneur militaire. Le nombre des recours rejetØs se compterait par
centaines et ceux, trŁs rares, qui ont ØtØ portØs de vant la Cour suprŒme israØlienne ont tous ØtØ
rejetØs. DaprŁs les expØriences antØrieures, les propriØtaires fonciers craignent aussi que, du fait
de leur impossibilitØ de se rendre sur leurs terres, ils ne deviennent vic times de la lØgislation
permettant aux autoritØs dexproprier les terres ag ricoles dites «inexploitØes» (voir rapport de la
mission humanitaire, par.45; deuxiŁme rapport complØmentaire, 30 septembre 2003, par. 42;
troisiŁme rapport complØmentaire, 30 novembre 2003, par. 39-44).
5.243. Les ordonnances militaires prØvoient que lindemnisation des propriØtaires concernØs
mais aucune procØdure na ØtØ formellement Øtablie ; le montant de lindemnisation ne couvre que
les propriØtØs rØquisitionnØes ou endommagØes pour la construction du mur et des «barriŁres
avancØes», mais les propriØtaires qui ne peuvent pas accØder à leurs terres ou sont dans
limpossibilitØ de les cultiver n ont droit à aucune indemnisation (voir le troisiŁme rapport
complØmentaire de la mission humanitaire, 30 novembre 2003, par. 43).
5.244. Bien que le Gouvernem ent israØlien ait formellement soutenu que la rØquisition des
terres navait aucun effet sur le droit de propriØtØ, on ne saurait faire abstraction de lhistorique des
expropriations de terres qui ont eu lieu par le passØ. «Compte tenu de ces pratiques passØes et du
fait quil existe en Cisjordanie un cadre juridique pou r la rØquisition et la confiscation de biens, on
sinquiŁte vivement de ce que des terres pourraient Œtre confisquØes, en fait ou en droit, de maniŁre
permanente.» (TroisiŁme rapport complØmentaire de la mission humanitaire, 30novembre2003,
par. 50.) Comme le rapporteur spØcial, M. Duga rd, la fait observer : «nous assistons actuellement
sur la rive occidentale à lannexion pure et simple dun territoire sous prØtexte de sØcuritØ» (rapport
Dugard, par. 6). - 80 -
Dommages causés aux biens et aux alentours
5.245. Etant donnØ son caractŁre physique, le mur, tel quil est construit jusquici et tel quil
est prØvu et envisagØ, fait manifestement subir une dØgradation grave et directe aux terrains quil
traverse. Dans son rapport, le SecrØtaire gØnØra l des NationsUnies indique que le mur sØtendra
finalement sur une distance denviron 720kilomŁ tres le long de la Cisjordanie, et aura
50 à 70 mŁtres de large en moyenne (par. 6 et 9). Les terres seront rendues improductives; mŒme si
le mur se rØvŁle nŒtre que temporaire, du fait de la nature des travaux entrepris pour le construire
(comme lindique le SecrØtaire gØnØral dans s on rapport), elles resteront improductives pendant de
nombreuses annØes à venir. De plus, lexiste nce du mur aura inØvitablement pour consØquence
(signalØe aussi dans le rapport du SecrØtaire gØnØ ral) de compromettre sØrieusement la possibilitØ
pour les habitants de se rendre rØguliŁrement dans leurs champs, ce qui aura de graves
rØpercussions sur la culture des terres qui deviendront probablement trŁs vite infertiles.
5.246. Les avantages Øconomiques naturels et acquis de la rØgion nont cessØ de seffriter
depuis la fin de 2000. Selon les estimations de la Banque mondiale, en aoßt 2002, les dommages
matØriels constatØs dans les gouvernorats de DjØnine, Tulkarem et Qalqiliya se chiffraient au total à
110millions de dollars des Etats-Unis. Environ 58% de ces dommages ont ØtØ causØs aux
infrastructures, 23 % à des biens privØs, et environ 21 % aux terres et biens agricoles (voir rapport
de la mission humanitaire, annexe I, par. 19 et 22).
5.247. Le bureau des NationsUnies pour la coordination des affaires humanitaires a prØvu
que
«Dans limpossibilitØ de se rendre sur leurs terres pour les cultiver, de faire
paître leurs animaux ou de se rendre au trav ail pour gagner de quoi se nourrir, de plus
en plus nombreux seront ceux qui auront faim. Les dommages causØs par la
destruction de terres et de biens aux fins de la construction du mur sont irrØversibles et
compromettent la possibilitØ pour les Palestin iens de se relever un jour, mŒme si la
situation politique permet une amØlioration de leurs cond itions.» (NationsUnies,
bureau pour la coordination des affaires hum anitaires, Territoire palestinien occupØ,
«New Wall Projections», 9 novembre 2003.)
5.248. Les travaux de construction du mur ont eu des effets majeurs immØdiats : destruction
de terres et de biens agricoles et de ressources en eau; limitations supplØmentaires à la mobilitØ des
personnes et des biens et, par consØquent, augmen tation des coßts de transaction; et incertitude
quant à lavenir, ralentissement de linvestissement dans les activitØs Øconomiques, y compris
lagriculture (voir rapport de la mission humanitaire, par. 23).
5.249. De plus, le tracØ du mur recoupe
«certaines des meilleures zones de captage de Cisjordanie [La construction]
compromet dØjà sØrieusement laccŁs local à leau et pourrait avoir des consØquences
à long terme sur son utilisation
Les di fficultØs daccŁs à leau dØjà constatØes
risquent de saggraver à mesure que la construction du mur avance, et se traduiront par
une rØduction considØrable de facto de laccŁs des Palestiniens de Cisjordanie aux
ressources en eau dirrigation.» (Rapport de la mission humanitaire, par. 29 et 30, et
annexe III.) - 81 -
5.250. Dans son rapport de juin2003, la Commission Øconomique et sociale pour lAsie
occidentale a rappelØ quen novembre 2001, le comitØ contre la torture avait conclu que la politique
israØlienne de bouclage et de destruction dhab itations pouvait constituer, dans certains cas, une
peine ou un traitement cruel, inhumain ou dØgradan t, et a demandØ à Israºl de renoncer à cette
pratique. Il a notØ cependant que «les mesures dex pulsion forcØe, de saisie, de destruction et de
condamnation des constructions palestiniennes mises en uvre par les forces israØliennes dans tout
le Territoire palestinien occupØ avaient crß en intensitØ en 2002 et 2003» (voir Conseil Øconomique
et social, «rapport de la Commission Øconomique et sociale pour lAfrique occidentale sur les
rØpercussions Øconomiques et soci ales de loccupation israØlienne sur les conditions de vie du
peuple palestinien dans le Territoire palestinien occupØ, y compris JØrusalem, et de la population
arabe du Golan syrien occupØ», NationsUnies, doc. A/58/75-E/2003/21, 12 juin 2003, par. 17).
OntØtØ dØtruit, outre des logements familiaux, des bâtiments, du matØriel et des stocks de
marchandises, des infrastructures, des biens cu lturels, des biens appartenant à lAutoritØ
palestinienne, des vØhicules appartenant à des particuliers et à des services publics, des installations
de production et dacheminement dØlectricitØ, des stations de traitement des dØchets solides et des
routes (ibid., par. 23). Au sujet des travaux de terrassement et de la destruction de biens agricoles,
voir rapport de la mission humanitaire (annexe I, par. I-23 et I-24).
5.251. Lexpropriation de terres palestinienn es est illicite non seulement au regard du droit
international humanitaire et du rØgime applicable à loccupation, mais aussi au regard des rŁgles
internationales de protection des droits et intØrŒts des propriØtaires fonciers.
5.252. LEtat dIsraºl a engagØ sa responsabilitØ du fait quil exproprie des terres et en refuse
la propriØtØ effective parce quil exerce son contrôle sur le territoire palestinien. Israºl a parfois dit
que les mesures prises en matiŁre de biens fonciers Øtaient sans effet sur les droits de propriØtØ
mais, en pratique, les consØquences de ces mesures reviennent à refuser lexercice de tous les droits
patrimoniaux normalement attachØs à la propriØtØ.
5.253. Tout cela ressort dune simple comparaison entre les mesures prises par Israºl et les
rŁgles internationales rØgissant la responsabilitØ en cas dexpropriation, que ce soit en vertu du
droit international gØnØral ou au titre de rØgimes conventionnels particuliers.
L’expropriation dans le droit international général
5.254. En droit international, lexpropriation Øvoque le fait de priver une personne de lusage
et de la jouissance de son bien, soit par un acte fo rmel ayant cette consØquence, soit par dautres
actions ayant de facto cet effet. Lexpropriation suppose «l a privation par des organes Øtatiques
dun droit de propriØtØ, soit en tant que tel, soit pa r transfert dØfinitif du pouvoir de gestion et de
contrôle» attachØ à ce droit (Brownlie, Principles of Public International Law , 6 Ød., 2003,
p.508-509; voir aussi Oppenheim’s International Law , 9 Ød., vol. I, p. 916-917 : lexpropriation
revŒt de multiples formes, y compris le fait d«imposer dimportantes restrictions au contrôle
effectif dun bien par un Øtranger ou à lexercice de s droits normalement attachØs à la propriØtØ»;
Christie, British Year Book of International Law , vol.38, 1962, p.307-38). Comme un tribunal
arbitral Øtabli dans le contexte de lALENA la dit dans laffaire S. D. Myers c. Canada,
«lexpropriation revient habituellement à priver de façon durable le propriØtaire dun bien de la
possibilitØ dexercer ses droits patrimoniaux» (sentence partielle, 13 novembre 2000, par. 283).
5.255. Dans laffaire Amoco, le Tribunal des rØclamations Etats-Unis/Iran a dØfini
lexpropriation comme «un transfert obligatoi re des droits attachØs à la propriØtØ»
(sentence n 31-56-3, 14 juillet 1987, Amoco International Finance Corporation v. The - 82 -
Government of the IslamicRepublic of Iran , 15 Iran-U.S. C.T.R.189, 220). Selon la dØfinition
donnØe dans laffaire Dames and Moore , «[l]a prise de possession unilatØrale dun bien et le fait
den dØnier lusage à ses propr iØtaires lØgitimes peut Øquivaloir à une expropriation» (sentence
n 97-54-3, 20 dØcembre 1983, Dames and Moore v. The Islamic Republic of Iran ,
4 Iran-U.S. C.T.R. 212, 223).
5.256. Israºl a affirmØ que la propriØtØ des terres ne changeait pas de mains, quune
indemnisation Øtait octroyØe en dØdommagement de lutilisation de la te rre, de la production
vivriŁre ou des dØgâts causØs à la terre, et que le s rØsidents pouvaient sadresser à la Cour suprŒme
pour obtenir quil soit mis fin aux travaux de c onstruction ou que des modifications y soient
apportØes (rapport du SecrØtaire gØnØral, Nations Unies, doc. A/ES-10/248, 24 novembre 2003,
annexeI, par.8). Or, les ØlØments dinform ation disponibles ne vont pas dans le sens de ces
affirmations. Les terres requises pour lØdifica tion du mur sont rØquisitionnØes en application
dordonnances militaires (rapport du SecrØtaire gØnØra l, par.16-17). De plus, les Palestiniens se
voient refuser laccŁs aux terres palestiniennes situØes en tre le mur et la Ligneverte sils ne sont
pas en possession du permis ou de la carte diden titØ nØcessaires dØlivrØs par les Forces de dØfense
israØliennes, ce qui contraste avec le traitement prØfØrentiel accordØ aux citoyens israØliens, aux
rØsidents permanents en Israºl et aux personnes admises à immigrer en Israºl en vertu de la loi du
retour (rapport du SecrØtaire gØnØral, par.19-22 ). MŒme les Palestiniens en possession dun
permis ou dune carte didentitØ se voient couram ment refuser laccŁs du fait de lhoraire limitØ
douverture des portes daccŁs.
5.257. Le fait quil ny ait sans doute pas eu expropriation formelle et que les actes
administratifs israØliens dØcrØtant la prise de possession des biens nutilisent pas le mot «prise»
(taking) ou nindiquent pas que la propriØtØ change de mains ne signifie pas quil ny ait pas eu
expropriation au sens du droit international. Le Tribunal des rØclamations Etats-Unis/Iran a
reconnu que
«Labsence dacte formel dexpropriation nexclut pas quil puisse y avoir
privation du bien ou confiscation de celui-ci. Il est bien Øtabli dans la pratique de ce
Tribunal «quil peut y avoir confiscation dun bien en droit international mŒme en
labsence de nationalisation ou dexpropriation formelle, si un gouvernement sest
ingØrØ dØraisonnablement dans lusage du bien».» (Sentence n o 569-419-2,
6 mars 1996, Rouhollah Karubian o. The Government of the Islamic Republic of Iran ,
par.105, citant la sentence n 18-98-2, 30 dØcembre 1982, Harza Engineering Co.
v. The Islamic Republic of Iran, 1 Iran-U.S. C.T.R. 499, 504.)
5.258. Il est possible de conclure à lexpropr iation sans quil y ait eu annulation formelle du
titre de propriØtØ lØgal ni aucune autre atte inte formelle à ce titre (voir sentence n o 97-54-3,
20 dØcembre 1983, Dame and Moore v. The Islamic Republic of Iran, 4 Iran-U.S. C.T.R.. 212, 223;
voir aussi larticle10, paragraphe3 a), du projet de convention de Harvard sur la responsabilitØ
internationale des Etats à raison des dommages causØs à des Øtrangers :
«La «confiscation» dun bien ne comprend pas seulement la prise de possession
directe de celui-ci mais aussi toute i ngØrence dØraisonnable quant à son usage, sa
jouissance ou sa cession permettant de conclure que son propriØtaire ne pourra pas en
avoir lusage ou la jouissance ni le cØder dans un dØlai raisonnable.» (L.B.Sohn&
R.R.Baxter, «Responsibility of States for Injuries to the Economic Interests of
Aliens», American Journal of International Law, vol. 55, 1961, p. 545, 553.) - 83 -
5.259. Ce qui compte, cest leffet et limpact des mesures prises, de sorte que si lingØrence
dans lexercice du droit de propriØtØ est si im portante que ce droit en perd son utilitØ, on doit
considØrer quil y a eu expropriation. Le droit de propriØtØ devient «inutile» quand le propriØtaire
est privØ de lusage effectif, de la maîtri se et des fruits de son bien (voir sentence n o 258-43-1,
8 octobre 1986, Oil Fields of Texas, Inc. v. The Governmont of The Islamic Republic of Iran ,
12 Iran-U.S. C.T.R.308, 318; sentence interlocutoire n ITL32-24-1, 19 dØcembre 1983, Starrett
Housing Corporation v. The Islamic Republic of Iran , 4 Iran-U.S. C.T.R. 122, 154; sentence
o
n 220-37/231-1, 10 avril 1986, Foremost Tehran, Inc. v. The Goveroment of The Islamic Republic
of Iran , 10 Iran-U.S. C.T.R. 228, 248; sentence n 519-394-1, 19 aoßt 1991, Merrill
Lynch & Co.Inc. v. The Government of The Islamic Republic of Iran , 27 Iran-U.S. C.T.R. 122,
148).
5.260.propriation de facto peut aussi revŒtir de multiples formes, ainsi quil ressort de
conclusions analogues formulØes par dautres juri dictions sur la base de la juoisprudence
internationale (voir, par exemple, Ex-roi de Grèce et autres c. Grèce , requŒte n 25701/94, Cour
europØenne des droits de lhomme, arrŒt, 28 novembre 2002, par. 75-76). Dans laffaire Elia S.r.l.
c. Italie, requŒte n 37710/97, la mŒme Cour a soulignØ qu en labsence de transfert de propriØtØ,
«la Cour doit regarder au-delà des apparences et analyser la rØalitØ de la situation
» (arrŒt,
2 aoßt 2001, par. 55). Dans laffaire Papamichalopoulos et autres c. Grèce, la Cour a tenu compte
dune expropriation de facto irrØguliŁre (occupation de terrains par la marine grecque depuis 1967)
qui, à la date considØrØe, se prolongeait depuis plus de vingt-cinq ans. Elle a dØclarØ que
«le caractère illicite de pareille dØpossession se rØperc ute par la force des choses sur
les critŁres à employer pour dØterminer la rØparation due par lEtat dØfendeur, les
consØquences financiŁres dune expropriation licite ne pouvant Œtre assimilØes à celles
dune dØpossession illicite
45. La Cour estime que la perte de toute disponibilitØ des terrains en cause,
combinØe avec lØchec des tent atives menØes jusquici pour remØdier à la situation
incriminØe, a engendrØ des consØquences as sez graves pour que les intØressØs aient
subi une expropriation de fait inoompatible av ec leur droit au respect de leurs biens.»
(ArrŒt, 24 juin 1993, série A n 260-B, p.59, par.36, 45; au par.36; les italiques sont
de nous.)
5.261, Dans laffaire Loizidou c. Turquie, la Cour a dØclarØ : «du fait quelle se voit refuser
l’accès à ses biens
, lintØressØe a en pratique perdu toute maîtrise de ceux-ci ainsi que toute
o
possibilitØ dusage et de jouissance» ( Loizidou c. Turquie, requŒte n 15318/89, arrŒt,
18 dØcembre 1996, par. 63).
5.262. Latteinte aux droits des Palestiniens sur leurs biens ne se situe pas dans un contexte
purement «civil», comme le serait la simple e xpropriation sans indemnisation, mais dans un
contexte délictuel, comportant en particulier une occupati on illicite et lemploi de la force en
violation de la Charte des Nations Unies et du droit international gØnØral.
5.263. Dans laffaire de l Usine de Chorzów (1927, C.P.J.I.sérieA, n o9), lacte
dexpropriation Øtait illicite parce quil violait une disposition conve ntionnelle; dans le cas des
terres palestiniennes, la dØpossession est illicite, entre autres raisons, parce quelle viole les droits
dindividus et de groupes y compris une «entitØ» dont il a ØtØ reconnu quelle est «dotØe du droit
à disposer delle-mŒme» à la propriØtØ et à un territoire. - 84 -
vi) Le droit de légitime défense d’un Etat à l’égard du territoire relevant de sa propre
souveraineté ne l’autorise pas à exercer ce dr oit en procédant à la construction d’un
mur a)constituant une mesure disproportionnée et prise sans nécessité dans un
territoire ne lui appartenant pas, tel un t erritoire occupé, ou b)pour protéger des
colonies de peuplement qu’il a implantées de façon illicite dans un territoire occupé
5.264. Pour les raisons indiquØes dans le pr Øsent exposØ Øcrit, il est clair que la construction
du mur implique de la part dIsraºl, à lintØrieur dun territoire occupØ, un comportement par lequel
il viole les obligations internationales qui lui incombent en sa qualitØ dEtat occupant.
5.265. Nous avons montrØ da ns le cours du prØsent exposØ Øcr it que certaines circonstances
particuliŁres susceptibles dŒtre invoquØes pour c onclure à la licØitØ du comportement dIsraºl
noffrent en fait aucune justification lØgitime à la construction du mur. Israºl, dautre part, a fait
savoir publiquement quà ses yeux l es mesures quil avait prises con cernant la construction de ce
mur se justifiaient par des motifs sØcuritaires et relevaient de lexercice licite de son droit de
lØgitime dØfense (voir le paragra phe 6 de lannexe I du rapport du S ecrØtaire gØnØral de lONU du
24novembre2003). Quoiquil ne soit pas encore possible de savoir comment Israºl dØveloppera
cet argument au cours de la procØdure, il appelle dores et dØjà certaines observations prØliminaires.
5.266. Un droit de lØgitime dØfense est reconnu aux Etats à la fois par le droit international
coutumier et, à larticle 51 de la Charte des Nations Unies, par le droit international conventionnel.
Les deux conceptions du droit de lØgitime dØfen se se recoupent en partie mais ne sont pas
identiques. Pour notre propos, nous nØvoquerons ici que le droit de lØgitime dØfense individuelle.
5.267. Larticle51 de la Charte Øtablit une dØrogation aux obligations imposØes par les
autres dispositions de cet instrument: «Aucune dis position de la prØsente Charte ne porte atteinte
au droit de lØgitime dØfense
individuelle.» En pratique, donc, larticle51 nentre en jeu que
dans les cas oø, si cet article nexistait pas, l es mesures prises par lEtat invoquant la lØgitime
dØfense seraient interdites par quelque autre disposition de la Charte
5.268. De plus, larticle 51 ne sapplique que dans une situation particuliŁre : «dans le cas oø
un Membre des Nations Unies est lobjet dune agression armØe».
5.269. Enfin, larticle 51 fixe deux limites à lexercice du droit de lØgitime dØfense au titre de
cet article: premiŁrement, le droit de lØgitim e dØfense nest prØservØ que «jusquà ce que le
Conseil de sØcuritØ ait pris les mesures nØcessa ires pour maintenir la paix et la sØcuritØ
internationales» et, deuxiŁmement, «[l]es mesures prises par des membres dans lexercice de ce
droit de lØgitime dØfense sont immØdiatement portØes à la connaissance du Conseil de sØcuritØ».
5.270. Dans le cas prØsent de la construction du mur dans le Territoire palestinien occupØ, y
compris à lintØrieur et sur le pourtour de JØrusalem, on peut douter que larticle 51, stricto sensu,
ait une quelconque application. Il ny a pas eu d«agression armØe» contre Israºl au sens oø
lentend cet article; et, en tout cas, Israºl na pas portØ à la connaissance du Conseil de sØcuritØ le
fait quil prenait la mesure de construction du mur dans lexercice de son droit de lØgitime dØfense. - 85 -
5.271. Cela, toutefois, nexclut pas complŁtement que le droit de lØgitime dØfense puisse Œtre
pertinent, car il convient Øgalement de prendre en considØration le droi t parallŁle de lØgitime
dØfense qui existe en droit international coutumier. Les ØlØments essentiels de ce droit sont inclus
dans lexercice de la lØgitime dØfense au titre de larticle 51, puisque cet article parle du droit
«naturel» de lØgitime dØfense, Øvoquant par là un droit prØexistant en dehors du cadre de la Charte.
5.272. La Cour a eu loccasion de souligne r que les deux critŁres essentiels de licØitØ des
mesures prises dans lexercice du droit de lØgitim e dØfense sont la nØcessitØ et la proportionnalitØ
(Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c.Etats-Unis
d’Amérique), C.I.J. Recueil 1986, p.94; Licéité de la menace ou de l’emploi d’armes nucléaires,
C.I.J. Recueil 1996, 2p. 5; Plates-formes pétrolières, C.I.J. Recueil 2003, arrŒt du
6 novembre 2003). Dans cette derniŁre affaire, la Cour a dØclarØ (au paragraphe 76) :
«Les conditions rØgissant lexercice du droit de lØgitime dØfense sont bien
Øtablies: comme la relevØ la Cour da ns son avis consultatif relatif à la Licéité de la
menace ou de l’emploi d’armes nucléaires , «[l]a soumission de lexercice du droit de
lØgitime dØfense aux conditions de nØcessitØ et de proportionnalitØ est une rŁgle du
droit international coutumier» ( C.I.J. Recueil 1996 (I), p.245, par.41); en outre, la
Cour a ØvoquØ, en laffaire des Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et
contre celui-ci, la rŁgle spØcifique «selon laquelle la lØgitime dØfense ne justifierait
que des mesures proportionnØes à lagression armØe subie et nØcessaires pour y
riposter» comme Øtant «bien Øtablie en droit international coutumier»
(C.I.J. Recueil 1986, p. 94, par. 176).»
5.273. En lespŁce, la Cour a jugØ que les Et ats-Unis navaient Øtabli ni que leurs actions
fussent nØcessaires (par. 76) ni quelle fussent proportionnØes (par. 77).
5.274. En outre, la Cour a jugØ dans laffaire des Plates-formes pétrolières que «lexigence
que pose le droit international, selon laquelle des mesures prises au nom de la lØgitime dØfense
doivent avoir ØtØ nØcessaires à cette fin, est rigoureuse et objective, et ne laisse aucune place à «une
certaine libertØ dapprØciation» [de la part de lEt at prenant lesdites mesures]» (par.73). Il ny a
aucune raison de douter que la mŒme considØration sapplique à lexigence de proportionnalitØ.
5.275. Ces critŁres de «rigueur» et d«objectivitØ» doivent Œtre appliquØs à la construction du
mur a)dans les lieux oø on le construit et b)dans les circonstances concomitantes de sa
construction. Lorsque cest le cas, on saperçoit que la construction du mur nest :
ni nØcessaire pour permettre à lEtat dIsraºl dassurer sa lØgitime dØfense (puisque le mur
pourrait Œtre construit le long ou au voisinage de la Ligne verte et à lintØrieur du territoire
israØlien, sans sØtendre sur des kilomŁtres au-d elà de ce territoire et sans crØer denclaves
autour de certaines agglomØrations ou enfermer dans son tracØ de grandes surfaces de terre
situØes bien à lest du territoire dIsraºl;
ni, compte tenu des consØquences et des incide nces de la construction du mur, une rØponse
proportionnØe aux dangers auxquels Israºl estime Œt re exposØ. Le rapporteur spØcial de la
Commission des droits de lhomme, dans s on rapport du 8 septembre 2003 (NationsUnies,
doc.E/CN.4/2004/6), a Ømis lavis que, mŒme en reconnaissant à Israºl une certaine marge
dapprØciation dans le choix des mesures à pr endre pour rØpondre à la violence, «au vu des - 86 -
faits exposØs dans le prØsent rapport
les mesu res prises par Israºl sont disproportionnØes.
Son action dans les territoires pale stiniens occupØs est parfois si ØloignØe des seuls impØratifs
de sØcuritØ quelle revŒt un caractŁre [de punition,] dhumiliation et de conquŒte.» (Par. 5.)
5.276. Ce rapport a ØtØ rØdigØ avant que la Cour ne rende son arrŒt en laffaire des
Plates-formes pétrolières , arrŒt dans lequel elle a jugØ non pertinente la notion de marge
dapprØciation : ce prononcØ de la Cour ne donne que plus de force aux c onclusions du rapporteur
spØcial.
5.277. De surcroît, à supposer mŒme quun mu r dune sorte ou dune autre (et mŒme un mur
ayant les caractØristiques physiques de celui qui est en train dŒtre ØdifiØ) doive Œtre considØrØ
comme un acte nØcessaire de lØgitime dØfense (ce que nous contestons), la construction de ce mur
dans le Territoire palestinien occupØ, y compris à lintØrieur et sur le pourtour de JØrusalem-Est
cest-à-dire dans un territoire se trouvant en dehor s du territoire appartenant à lEtat dIsraºl ,
est illicite. Il est en principe loisible à Is raºl (sous rØserve de toutes rØglementations
Øventuellement applicables) de prendre des mesures de lØgitime dØfense à l’intérieur de ses propres
frontiŁres, mais non dallØguer la lØgitime dØfense pour Ødifier une structure permanente (ou mŒme
semi-permanente) telle que le mur dans un territoire situØ au-delà de celles-ci. Comme on la
montrØ plus haut, le mur sØt end par endroits sur plusieurs kilomŁtres au-delà des frontiŁres
dIsrael: un tel empiØtement sur un territo ire nonisraØlien rend manifestement illicites la
construction et la planification de ce mur par Israºl.
5.278. Aux arguments fondØs sur la lØgitime dØ fense sont associØs des arguments similaires
tendant à justifier la construction du mur en la prØsentant comme un acte de nØcessitØ militaire
motivØ par des impØratifs de sØcuritØ. Ces arguments ne tiennent pas. Ils ne sont pas recevables, et
ce à peu prŁs pour les mŒmes raisons que celles que nous avons fait valoir à propos de la lØgitime
dØfense : ils ne satisfont ni au critŁre de nØcessitØ , ni au critŁre de proportionnalitØ. Ils tendent en
outre à faire prØvaloir la sØcuritØ de la puissan ce occupante sur son propre territoire (et pas
seulement sa prØsence en territoire occupØ) sur l es besoins humanitaires des habitants du territoire
occupØ, ce qui est en totale contradiction avec l es caractŁres essentiels du rØgime de loccupation
militaire.
5.279. A supposer quil faille nØanmoins prendre en considØration de tels arguments, le droit
humanitaire moderne prescrit dinterprØter de façon restrictive les exceptions telles que la nØcessitØ
militaire; comme la Cour la d it rØcemment dans laffaire des Plates-formes pétrolières (citØe plus
haut), la considØration de «nØcessitØ» doit faire l objet dune interprØtation rigoureuse et objective,
ne laissant aucune libertØ dapprØciation à lEtat qui prend les mesures considØrØes. Quand les
opØrations militaires gØnØrales ont cessØ, les nØ cessitØs militaires doivent inØvitablement Œtre
moindres.
5.280. Les considØrations de nØcessitØ doive nt bien entendu Œtre ØvaluØes relativement au
mur particulier qui est en train dŒtre construit, aux lieux particuliers oø il est construit et aux
consØquences particuliŁres que ce mur, en ces lieux, engendre. Le mur particulier actuellement en
construction sur un territoire assujetti au rØgime in ternational spØcial de loccupation militaire ne
saurait rØpondre à une nØcessitØ militaire. Il est à noter que là oø un mur similaire est en
construction dans la rØgion de la bande de Gaza, il se construit entiŁrement en territoire israØlien :
si cela est possible à cet endroit, il ny a aucune «nØcessitØ» dagir diffØremment dans le territoire
occupØ de la Cisjordanie. - 87 -
5.281. De plus, la nØcessitØ militaire ne peut Œtre invoquØe en tant quexception à
lapplication dune rŁgle du droit humanitaire que si la possibilitØ mŒme dune telle exception est
prØvue dans lØnoncØ de la rŁgle (de telles exce ptions expresses liØes aux nØcessitØs militaires sont
par exemple prØvues dans les articles 49, 53, 55 et 143 de la quatriŁme convention de GenŁve) : ce
nest quainsi quune exception de nØcessitØ militaire peut Œtre comp atible avec la disposition de
larticle premier commun aux quatre conventions de GenŁve de 1949, qui stipule que le respect des
dispositions de ces instruments doit Œtre assurØ «e n toutes circonstances», expression qui ne laisse
nulle place à la nØcessitØ militaire, sauf lorsque cel le-ci est expressØment prØvue. Le commentaire
de Pictet sur les conventions de GenŁve, qui fait au toritØ, est trŁs clair sur ce point (p. 106-107 [de
la version anglaise]).
5.282. Les observations qui prØcŁdent rØponde nt aux affirmations selon lesquelles la
construction du mur constituerait une mesure de lØgitime dØfense contre ce que leurs auteurs
considŁrent comme des agressions armØes visant Isra ºl, ou tout au moins une mesure dictØe par la
nØcessitØ militaire face aux menaces auxquelles sera it exposØe la sØcuritØ dIsraºl sur son propre
territoire. Il y a cependant une autre dimens ion à prendre en compte, qui rend encore plus
manifeste limpossibilitØ de voir dans la constr uction du mur une mesure se justifiant par la
lØgitime dØfense ou la nØcessitØ militaire.
5.283. MŒme à supposØ admis, arguendo, certains faits qui tendraient à montrer quIsraºl a
besoin de se dØfendre contre ce quil considŁre comme des incursions illicites en construisant un
mur du genre de celui qui est actuellement en c onstruction ou en projet, le tracØ prØvu pour ce mur
opposerait un dØmenti à une telle justification. Ains i quon peut le constater sur la carte qui figure
à la page18, le tracØ dun mur destinØ à dØfendre Israºl contre ces prØtendues incursions illicites
navait nullement besoin de crØer des enclaves autour de localitØs comme Qalqiliya, ni de former
de longs «doigts» pØnØtrant sur des kilomŁtres en Cisjordanie et enfermant de grandes Øtendues de
terre, ni de se prolonger vers le sud parallŁlement au Jourdain de maniŁre à Øtablir une barriŁre
orientale supplØmentaire plusieurs kilomŁtres à lest du mur dØjà construit dans la partie
occidentale de la Cisjordanie. Comme le rappor teur spØcial de la Commission des droits de
lhomme la indiquØ dans son rapport du 8sep tembre 2003 «[l]affirmation du Gouvernement
israØlien selon laquelle le Mur reprØsente uniquement une mesure de sØcuritØ ne visant aucunement
à modifier les frontiŁres politiques nest tout simplement pas ØtayØe par les faits» (par. 16).
5.284. En fait, ces ØlØments du mur servent un dessein tout autre que celui invoquØ de la
dØfense dIsraºl. Ils constituent, et sont claire ment destinØs à constituer, un moyen de protØger les
colonies de peuplement israØliennes dans les territoires palestiniens occupØs, y compris à lintØrieur
et sur le pourtour de JØrusalem-Est. Le tracØ suivi par le mur par rapport à lemplacement des
colonies le dØmontre. Or, comme on la dØjà Øt abli, ces colonies sont illicites: et non seulement
elles sont illicites, mais les colons eux-mŒmes ne peuvent prØtendre au bØnØfice de la protection de
la quatriŁme convention de Ge nŁve, dont larticle 4 dØfinit les personnes protØgØes par la
convention comme Øtant celles qui «se trouvent, en cas d
.occupation, au pouvoir
dune
puissance occupante dont elles ne sont pas ressortissantes». Aucun droit de lØgitime
dØfense, son exercice fßt-il par ailleurs licite (ce qui nest pas le cas en loccurrence), ne saurait Œtre
invoquØ pour dØfendre ce qui en soi est illicite, su rtout dans un cas comme celui de ces colonies
dont limplantation constitue une infraction grave à la quatriŁme convention de GenŁve et un crime
de guerre au regard du statut de la Cour pØnale internationale de 1998. - 88 -
vii) Toutes violations d’obligations internatio nales résultant de la construction et de la
planification du mur doivent donner lieu à réparation
5.285. Pour les raisons indiquØes ci-dessus, la suite de faits qui a abouti à la planification et à
la construction du mur par Israºl comporte la vi olation par Israºl de diverses obligations lui
incombant en vertu du droit international.
5.286. Dans les avis consultatifs quelle a donnØs dans dautres affaires, la Cour na pas
manquØ, lorsquil y avait lieu, de se prononcer sur la licØitØ ou lillicØitØ du comportement de tel ou
tel Etat. Ainsi, dans son avis consultatif sur les Conséquences juridiques pour les Etats de la
présence continue de l’Afrique du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain) ( C.I.J. Recueil 1971,
p.17), la Cour a jugØ que la prØsence continue de lAfrique du Sud dans ce territoire Øtait illicite
(par. 117-118, 133.1).
5.287. Il serait appropriØ que la Cour agisse de mŒme dans la prØsente procØdure. En effet, il
dØcoule implicitement du libellØ de la questi on posØe par lAssemblØe gØnØrale à la Cour que
celle-ci devrait indiquer dans son avis si elle considŁre ou non co mme licite le comportement dont
il sagit (cest-à-dire «lØdification du mur quIsr aºl
est en train de construire
etc.»), car ce
nest quaprŁs avoir apprØciØ ce point que la Cour pourra, comme e lle en est priØe, examiner les
consØquences juridiques de ce comportement. La conclusion selon laquelle la construction du mur
par Israºl est illicite emporte certaines consØquences juridiques, dont la Cour ne doit pas manquer
de traiter. MŒme si, dans un avis consultatif , la Cour nest pas appelØe à se prononcer sur le
bien-fondØ de conclusions spØcifiques affirmant qu il y a eu violation du droit international, il
convient quelle se penche sur certaines questions de principe soulevØes par la possibilitØ que des
violations du droit international aient ØtØ commises ou le soient à lavenir.
5.288. Il ne fait aucun doute quen droit international la violation dune obligation
internationale entraîne lobligation de rØparer dans une forme adØquate.
5.289. Lorsque les violations du droit international ne se situent pas seulement dans un
contexte quon peut qualifier de «civil» (c omme lorsquil sagit dune expropriation sans
indemnisation), mais dans un cont exte dØlictuel, comportant notamment lemploi de la force en
violation de la Charte des NationsUnies et des rŁgles impØratives du droit international
(jus cogens), la nature de la rØparation requise doit tenir compte de cette responsabilitØ plus lourde.
5.290. Dautre part, lorsque la violati on du droit international sest accompagnØe de
lintention de nuire, la rŁgle normale, selon la quelle la rØparation est due seulement pour les
consØquences normales et raisonnablement prØvisibles de lacte illicite, est Øtendue Øgalement à ces
consØquences intentionnelles. Cest ainsi quà propos de consØquences exceptionnelles voulues par
lauteur dun tel acte, le professeur Bin Cheng a fait observer :
«Ces consØquences, si elles ont ØtØ voulues par lauteur, sont considØrØes
comme des consØquences de lacte qui entraînent obligation de rØparer, quil sagisse
ou non de consØquences normales ou raisonnablement prØvisibles
[L]obligation de
rØparer sapplique seulement aux dommages qui sont considØrØs en droit comme des
consØquences de lacte illicite. Ce sont les dommages qui dØcoulent normalement
dun tel acte, ou quune personne raisonnable se trouvant dans la situation de lauteur
de lacte dommageable au moment oø il la commis aurait prØvus comme devant - 89 -
vraisemblablement en rØsulter, ainsi que tous les dommages causØs
intentionnellement.» ( General Principles of Law as applied by International Courts
and Tribunals (1953, rØimpression 1987), p. 252, 253.)
5.291. Il est possible de donner effet de diver ses façons au grand principe de la rØparation
effective. Le paragraphe 1 de larticle 31 des ar ticles sur la responsabilitØ de lEtat adoptØs par la
Commission du droit international en 2001 et annexØs à la rØsolution56/83 de lAssemblØe
gØnØrale en date du 12 dØcembre 2001 dispos e: «LEtat responsable est tenu de rØparer
intégralement le prØjudice causØ par le fait internationalement illicite.»
5.292. Larticle 34 prØcise ensuite: «La rØparation intégrale du prØjudice causØ par le fait
internationalement illicite prend la forme de restitution, dinde mnisation et de satisfaction,
sØparØment ou conjointement, conformØment aux dispositions du prØsent chapitre.» (Les italiques
sont de nous dans les deux cas.)
5.293. En 1928, dans laffaire de l Usine de Chorzów (C.P.J.I. sérieA n°17) , la Cour
permanente de Justice internationale, à propos d une question dexpropriation, a soulignØ que la
rØparation devait «autant que possible, effacer toutes les consØquences de lac te illicite et rØtablir
lØtat qui aurait vraisemblablement existØ si ledit acte navait pas ØtØ commis» (p. 47).
5.294. La Cour a ensuite indiquØ que cela pouva it se faire par la restitution en nature ou, si
celle-ci nØtait pas possible, le «paiement dune somme correspondant à la valeur quaurait la
restitution en nature», ou par le paiement de dommages-intØrŒts pour les pertes subies qui ne
seraient pas couvertes par la restitution en nature. La Cour, dans cette affaire, a ainsi donnØ la
prioritØ à la restitution (restitutio in integrum); ce nest que lorsque celle-ci nest pas possible que
lobligation devient celle de payer le montant co rrespondant à la valeur du bien et une indemnitØ
pour les pertes subies. En outre, la Cour a fait une distinction, qui occupe une place centrale dans
son raisonnement, entre lexpropriation lØgitime, devant donner lieu à une juste indemnisation, et la
«mainmise sur des biens, droits et intØrŒts qui ne pouvaient Œtre expropriØs mŒme contre
indemnitØ»: lacte dexpropriation auquel la Cour avait affaire Øtait illicite car il violait une
disposition conventionnelle. La prØsente procØdure consultative concerne un comportement de la
seconde sorte, comprenant des actes qui violent, notamment, des rŁgles du jus cogens.
5.295. Sagissant plus particuliŁrement de la restitution, larticle35 des articles de la
Commission du droit international sur la responsabilitØ de lEtat dispose :
«LEtat responsable du fait internationalement illicite a lobligation de procØder
à la restitution consistant dans le rØtablissement de la situation qui existait avant que le
fait illicite ne soit commis, dŁs lors et pour autant quune telle restitution :
a) nest pas matØriellement impossible;
b) nimpose pas une charge hors de toute pr oportion avec lavantage qui dØriverait de
la restitution plutôt que de lindemnisation.»
5.296. Lorsquil nest pas possible dopter pour la premiŁre forme de rØparation de lacte
illicite (la restitution), le principe de rØparation effective impose une large indemnisation. Une fois
posØs lobligation de rØparation «intØgrale» et le fait que le prØjudice pour lequel il est dß
rØparation «comprend tout dommage, tant matØriel que moral, rØsultant du fait internationalement
illicite de lEtat» (art. 31, par. 2), larticle 36 des articles sur la responsabilitØ de lEtat prØcise : - 90 -
«1. LEtat responsable du fait interna tionalement illicite est tenu dindemniser
le dommage causØ par ce fait dans la mesure oø ce dommage nest pas rØparØ par la
restitution.
2. LindemnitØ couvre tout dommage susceptible dØvaluation financiŁre, y
compris le manque à gagner dans la mesure oø celui-ci est Øtabli.»
5.297. Pour reprendre les termes employØs par la Cour permanente de Justice internationale
dans laffaire de l Usine de Chorzów , lindemnisation sentend du «paiement dune somme
correspondant à la valeur quaurait la restitution en nature» (p. 47).
5.298. Quant aux chefs dindemnisation possibl es, ils varient selon la portØe de lobligation
internationale qui a ØtØ violØe, mais incluent en principe tout dommage susceptible dØvaluation
pØcuniaire. Cela comprend, avant tout, la mort ou les dommages aux personnes qui seraient causØs
par le fait internationalement illicite, ainsi que les souffrances morales et langoisse. La
dØpossession de biens mobiliers ou immobiliers est un autre exemple patent de dommage
indemnisable et, mŒme lorsquil ny a pas dØ possession directe mais seulement trouble de la
jouissance au point dôter toute utilitØ au droit de propriØtØ (par privation de lusage effectif et de la
maîtrise du bien ainsi que des bØnØfices et avan tages attachØs à sa possession), ce trouble est
considØrØ, aux fins de lindemnisati on, comme Øquivalant à une dØpossession ( Tippets v.
TAMS-ATTA (1985) 6 Iran-U.S. CTR 219, 225). Une indemnitØ est Øgalement due pour les pertes
ou dommages concernant des biens incorporels, la perte de bØnØfices commerciaux et la perte par
une personne de ses moyens dexistence ou latteinte qui leur a ØtØ portØe. La gØnØralitØ du champ
des dommages indemnisables est illustrØe par le libe llØ du paragraphe 2 de larticle 31 des articles
sur la responsabilitØ de lEtat, aux termes duquel le prØjudice pour lequel la rØparation est due
«comprend tout dommage, tant matériel que moral , rØsultant du fait internationalement illicite de
lEtat» (les italiques sont de nous).
5.299. Comme la Commission du droit interna tional la indiquØ au paragraphe5) de son
commentaire concernant cet article, cette formul ation englobe «le dommage tant matØriel que
moral entendu au sens large». Le commentaire prØcise ensuite :
«Par dommage «matØriel», on entend le dommage causØ à des biens ou à
dautres intØrŒts de lEtat ou de ses nationa ux susceptible dŒtre ØvaluØ en termes
pØcuniaires. Par dommage «moral» on vise les souffrances causØes à lindividu, la
perte dŒtres chers ou une injure personnelle associØe à une intrusion dans le domicile
ou une atteinte à la vie privØe.»
5.300. Lorsquil est conclu à lillicØitØ dun comportement, et en particulier lorsque cette
conclusion est fondØe sur des dØcisions dorganes co mpØtents des Nations Unies, les consØquences
juridiques de ce comportement doivent embrasser celles qui en dØcoulent pour des Membres de
lOrganisation des Nations Unies. Une dØcision d Øclarant telle ou telle situation illicite ne saurait
demeurer sans consØquence. En particulier, l es Membres de lOrganisation des Nations Unies ont
lobligation de se conformer aux dØcisions obligat oires des organes compØtents, mŒme sils ont
votØ contre ces dØcisions ou se sont abstenus, et ont Øgalement lobligation de mettre fin à la
situation illicite (cf. Conséquences juridiques pour les Etats de la présence continue de l’Afrique
du Sud en Namibie (Sud-Ouest africain), C.I.J. Recueil 1971, par. 117, citØ ci-dessus, par. 5). Ces
obligations comportent des aspects positifs et des aspects nØgatifs : les Membres de lOrganisation
des Nations Unies ont dune part lobligation pos itive de reconnaître lillicØitØ de la situation dont
il sagit et de prendre toutes les mesures licites qui soffrent à eux pour y mettre fin, et lobligation
nØgative de ne rien faire qui implique une reconnaissance de la situation dØclarØe illicite. - 91 -
VI. R ESUME DE L ’EXPOSE DE LA J ORDANIE
6.1. Pour les raisons indiquØes dans le prØsen t exposØ Øcrit, la Jordanie estime appropriØ que
la Cour fonde sa rØponse à la demande davis c onsultatif de lAssemblØe gØnØrale sur les motifs
indiquØs ci-aprŁs.
6.2. PremiŁrement, la Cour est compØtente po ur donner un avis consultatif sur la question
juridique qui lui a ØtØ posØe et il nexiste pas de raisons impØratives justifiant que la Cour nexerce
pas cette compØtence.
6.3. La Cour est invitØe à fonder sa rØponse à la question juridique au sujet de laquelle un
avis consultatif lui est demandØ sur les considØrations suivantes : linterdiction du recours à la force
et le droit à lautodØterm ination sont des rŁgles du jus cogens, le territoire sur lequel le mur est en
construction est un territoire occupØ et les droits et pouvoirs qui sont ceux de lEtat occupant en
territoire occupØ sont limitØs par les rŁgles et pr incipes du droit international, et notamment par
ceux quØnoncent le rŁglement de LaHaye et la quatriŁme convention de GenŁve. Une limite
particuliŁre mise aux droits et pouvoirs de lEtat occupant est quil nest pas permis à cet Etat
dannexer un territoire occupØ ni den modifier autrement le statut.
6.4. Eu Øgard à ces considØrations, et compte tenu des rØsolutions pertinentes du Conseil de
sØcuritØ et de lAssemblØe gØnØrale, la Cour est invitØe à conclure que «lØdification du mur
quIsraºl, puissance occupante, est en train de cons truire dans le Territoire palestinien occupØ, y
compris à lintØrieur et sur le pourtour de JØr usalem-Est», a comme c onsØquence juridique la
violation, à plusieurs Øgards, par Israºl de ses obligations internationales. Tel est le cas en
particulier de lannexion (de jure ou de facto) de portions de ce territoire occupØ ou de toute autre
forme illØgitime de mainmise exercØe à leur endroit, de limplantation dans ce territoire occupØ de
colonies de peuplement que le mur est destinØ à protØger, et de latteinte aux droits de lhomme des
habitants, y compris à la propriØtØ effective de leur s terres et de leurs biens. Ces violations ne se
justifient pas par des considØrations de lØgiti me dØfense ou par celle que la construction du mur
constituerait une mesure de sØcuritØ adoptØe par nØcessitØ militaire.
6.5. Cette consØquence juridique (à savoir, que la construction du mur se traduit par des
violations du droit international) en emporte dautres, à savoir quune rØparation appropriØe est due
et que la communautØ internationale ne doit ri en faire qui suppose une reconnaissance de la
situation qui a donnØ lieu à ces violations.
VII. C ONCLUSIONS
7.1. Pour les raisons indiquØes ci-dessus, la Jordanie (tout en se rØservant le droit de
prØsenter, sil y a lieu, de nouveaux exposØs oraux ou Øcrits dans la suite de la procØdure) a
lhonneur de conclure que la Cour devrait :
i) se dØclarer compØtente pour donner suite à la demande davis consultatif que lAssemblØe
gØnØrale lui a prØsentØe et dØcider dexercer cette compØtence, et
ii) adresser à lAssemblØe gØnØra le, à titre consultatif, lavis que la construction du mur par Israºl
dans le Territoire palestinien occupØ, y compris à lintØrieur et sur le pourtour de JØrusalem-Est,
comporte les consØquences juridiques suivantes : a) la construction de ce mur implique à plusieurs Øgards la violation par Israºl des obligations
qui lui incombent en vertu du droit international et, dans cette mesure, est illicite;
b) la construction par Israºl du mur en territoire occupØ Øtant contraire au droit international,
Israºl a lobligation de dØmolir les parties du mu r quil a dØjà construites, de rØtablir dans
leur Øtat antØrieur les terres sur lesquelles le mur a ØtØ construit, de cesser tous efforts
tendant à la construction de nouveaux tronç ons de mur projetØs ou envisagØs mais non
encore construits et de sabstenir de toute rØpØtition de ses actes illicites;
c) Israºl a en outre lobligation de rØtablir les habitants du territoire occupØ dans leurs droits
personnels et rØels lØsØs par la construction du mur et dindemniser les habitants de toute
perte, tout dommage ou tout autre prØjudice quils auraient subis de ce fait;
d) les Etats Membres de lOrganisation des Nations Unies ont lobligation de reconnaître que
le mur construit ou projetØ par Israºl et les actes accomplis par Israºl en relation avec ce
mur sont illicites, et de sabstenir de tous act es et en particulier toutes transactions avec le
Gouvernement israØlien qui impliqueraient r econnaissance de la licØitØ de lexistence du
mur ou qui conforteraient ou favoriseraient cette
territoire palestinien quenferme le tracØ du mur.
Le 30 janvier 2004
Jordanie de hachØmite
Exposé écrit du Royaume hachémite de Jordanie [traduction]