SECTION C. - DEMANDE EN INTERPRÉTATJON
DE L'ARaT DU zo NOVEMBRE 1950
L'AGENTDU GOUVERNEMENTDE LA COLOMBIE
. PR~S LA COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
AU GREFFIER DE LA COUR
No D.125. C148. La Haye, le 20 novembre 1950.
Monsieur le Greffier,
I. J'ai l'honneur de porter à votre connaissance, d'ordre de mon
Gouvernement, ce qui suit:
2. Le Gouvernement de la République de Colombie, fidkle aux
engagements internationaux qu'il a souscrits et rathkç et, en
particulier,A l'obligationqui dbcoule pour lui de l'article 94,
alinka1, de laCharte des Nations Unies, déclareson intentionde se
conformer à ladkision de laCour internationale de Justice, dans
l'affairecolornbo-pkmvienne sur ledroit d'asile.
3. Toutefois, la fapn dont il aété statué par la Cous, dans son
An&t du zo novembre I950& a conduit mon Gouvernement A la
conviction que cette dkcision, telle qu'ella.kt¬ifihe, comporte
des lacunes qui sont de nature A rendre son exécution irnpoçsibie.
Cecipour les motifs suivants :
4. La Cour déclaredans son arretce qui suit aIl estévident que
le représentant diplomatique à qui il appartient d'apprécier si
l'asile doit ou non étreoctroyk Aun réfugie,doit avoir compktence
pour opkrer cette quaIificatiprovisoire du delit imputt au rkfugik.
Ildoit, en effetexaminer si les conditions requisepou l'octroide
l'asilse trouvent remplies.~6tat territorial nsaurait êtreprivk
par !àde son drpit decontesterla qualificationEn cas de dCsaccord
entre les deux Etats, un diffkrens'élèveraitqui serait susceptible
d'&treréglCselon les rnkthodes prkvues par les Parties pour le
règlement de leurs différendsu(Arrlrtl,page 274).
5. Dans l'eçpke il est incontestable que les Parties, en fait, ont
proddé çornrnela Cour l'indique dansletexte ci-dessus : l'arnbassa-
deur de Colombie à Lima a qualifiéle dklit imputé au réfugié;le et le diffkrend surgà cesujet entrelesdeux États a été porté devant
la Cour internationale de Justice.
6. La Cour a confirméd'une manière aussi claire que catégorique
la qualification faite pas l'ambassadeur de Colombie. Elle a dCclaré
en effet : ala Cour estime que le Gouvernement du PCrou n'a pas
demontre que lesfaits dont leréfugika été accuse avant les3-4 jan-
vier 1949 sont des delits de droit commun 1)(Arret, page 281).
, Comme cons4quence de cette dbclaration, la Coura rejet6 lademande
reconventionnelle rren tant qu'elle est fondéesur une violation de
l'article premier, paragraphe premier, de 1aConvention sur l'asile
signée à La Havane en 1928 i(Ardt, page 288).
7. La qualification faite par l'ambassadeur de Colombie du
caractère pditique du dklit irnputk au réfugieétant ainsi confimke
par la Cour, on peut faire abstraction, parce qu'elle n'aplus d'effet
pratique, de la question theonque du droit appartenant à l'État
accordant l'asile. Ainsiqu'il ressort de la correspondance diploma-
tique échangéeentre les Parties, s'il est vrai que laColombie, dès
le début de cette controverse, a réclaméle droit à la qualification,
il n'est pas moins certain qu'elle a toujours affimk que, meme si
cette faculté pouvait &tre contestee, laqualification en fait &tait
correcte et ne pouvait étre méconnue parce qu'il n'avait pas Cté
prouve que M.Hayade la Torre fût un délinquant de droit commun.
8. La Cour, en affirmant que le Gouvernement du PCrou n'a
pas dbrnontréque le délit dont le rkfugika étk inculpéfut de droit
commun, a reconnii le bien-fond& de la qualification faite .par la
Colombie. Dans ces conditions, une question se pose : cette quali-
fication dkclasbe correcte et approuvée par la Cour, doit-eue
$tre néanmoinsconsidkrbe comme nulle et sans effets,parce qu'une
contestation a surgi sur le point de vue prkalable et théorique du
droit A la qualification en rnatikre d9asiYe?
g. En statuant sur la demande reconventionnelle du PCrou, la
Cour A dkcidé, d'une part, (que lbctroi de l'asile par le Gouver-
nement de la Colombie i Victor Rahi Haya de la Torre nk pas
6th faiten conformité de l'article2, paragraphe 2,FIpremièrement u,
de ladite convention u [Convention deLa Havane] (Ars&,page 288).
IO. La Cour a dbclaré,d'autre part, non seulement tqu'octroyer
asile n'est pas un acte inçtantank qui prendrait finavec l'accueil
fait, A un moment donné, A un rdfugik dans une ambassade ou
dans une lkgation 11,mais que l'asilerest octroyd aussi'longtemps -
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II. 11semblerait, par condquent, que la pensee de la Cour,
lorsquklle a décidksur un des aspects de la demande reconven-
tionnelle, est que la Colombie pourrait violer la disposition de
l'article2,paragraphe 2, de la Convention de La Havane si elle
ne remet pas le réfugiéaux autorités pkniviennes.
12. La Cour déclare, cependant, que M. Haya de la Torre est
un rCfugik politique et non pas un délinquant de droit commun.
Elle diclare, en m6me temps, que la Convention de La Havane,
uniqae instrument rkgissant les rapports entre la Colombie et le
Pérou en matiere d'asile, ne contient aucune disposition imposant
1'obIigationde remettre le rbfugié politique.
13. Tls'ensuit de cette constatation que la Colombie n'a pas
d'obligationde remettre le réfugiaux autorites peruviennes etque,
si eile s'abstient dlefaire, elle ne viole nullement la Convention
de La Havane.
14. En outre, la Cour observe expressément cque la question
de la remise kventuelle durkfugih aux autorith territoriales n'est
aucunement poske dans la demande reconventionnelle iiet elle
ajouteque, ((ni dans la correspondance diplomatique produite par
les Parties, nA un moment quelconque de la prksente instance,
cette question n'a &té soulevke,et, en fait, le Gouvernement du
Pérou n'a pas demande la remise du rkfugik 11(Anet, page 280).
~5. Sur la base des observations prkddentes, il ne semble pas
possiblede supposer que la Cour, lorsqu'ellea décidCque I'octroi
de la Convention de fLatHavane, ait voulu ordonner, m&megrapd'une ,
façon sou-entendue, la remise du rkfugik et encore moins qu'elle
ait vodu dtçclarerque la Colombie violerait un engagement inter-
national si elle s'abstenait de faire une remise qui n'a pas été
ordonde par la Cour.
III
16. En conç&quence, le Gouvernement de la République de
Colombie a l'honneur de formuler la demande d'interprétation de
llArr&tdu zo novembre 1950 en vue d'obtenir :
QU'IL PLAISE A LA COUR,
ConformCmentaux articles 60 du Statut et 79et80 du Reglement,
de rCpondre aux questions suivantes :
Premièrement. - L'Anet du 20 novembre 1950doit-il &treinter-
prkté dans le sens que la qualification faitpar l'ambassadeur de
"Colombie du d&litimpute à M. Haya de la Torre fut correcte etque, par conç&quent,il y a lieu de reconnaître deseffets juridiqueà
la qualificationsusmentionnée, en tant qu'elle a 196confirmke par
la Cour ?
DeuxiBmemnt. - L'Arretdu 20 novembre 1950 doit-iEêtreinter-
prktk dans Ie sens que ïe Gouvernement du Pérou n'a pas le droit
d'exiger laremise du.rbfugiCpolitique M. Baya de laTorre et que,
par condquent, le Gouvernement de la Colombie n'a pas l'obliga-
tion de leremettre mgme dans le cas oiicette remise lui serait
dernandke 7
Troisiéwzemen t. Ou, au contraire, la décisioprise par la Cous
SUT la demande reconventionneIle du PQou irnplique-t-elle pour la
Colombie l'obligation de remettre le réfugik Victor Rafl Haya de
la Torre auxautoritks péruviennes, m&me si celles-ci ne l'exigent
pas et ceci malgr4 le fait qu'il s'd'un dblinquant politique et non
pas d'uncriminel de droit commun et que la seule convention
applicable dans le présent cas n'ordonne pas la remise des dClin-
quants politiques?
VeuiUez agréer, etc.
(Signé] Prof. 3. M. YEPES,
Agent du Gouvernement de
Colombie prks la Cour internationale
de Justice,
Jurisconsulte aii ministère
des Affaires étrangères.
Demande en interprétation de l'arrêt du 20 novembre 1950