COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
REQUÊTE
INTRODUCTIVE D’INSTANCE
enregistrée au Greffe de la Cour
le 21 décembre 2009
COMPÉTENCE JUDICIAIRE ET EXÉCUTION DES DÉCISIONS
EN MATIÈRE CIVILE ET COMMERCIALE
(BELGIQUE c. SUISSE)
INTERNATIONAL COURT OF JUSTICE
APPLICATION
INSTITUTING PROCEEDINGS
filon 21 December 2009of the Court
JURISDICTION AND ENFORCEMENT OF JUDGMENTS
IN CIVILAND COMMERCIAL MATTERS
(BELGIUM v. SWITZERLAND) 2
2010
Rôleogénéral
n 145
I. LETTRE DE L’AGENT DU ROYAUME DE BELGIQUE
AU GREFFIER DE LA COUR
INTERNATIONALE DE JUSTICE
SERVICE PUBLIC FÉDÉRAL
DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ,DU COMMERCE EXTÉRIEUR
ET DE LA COOPÉRATION AU DÉVELOPPEMENT
o
N J3/13 — 2.3.1.5/35881/09.
Bruxelles, le 17 décembre 2009.
Monsieur,
Veuillez trouver ci-joint une requête introductive d’instance que le Royaume de
Belgique a l’honneur de déposer contre la Confédération suisse, conformément à
l’article 40 du Statut de la Cour internationale de Justice et à l’article 38 de son
Règlement.
Le différend qui oppose la Belgique à la Suisse porte sur l’interprétation et l’ap-
plication de la convention de Lugano concernant la compétence judiciaire et l’exé-
cution des décisions en matière civile et commerciale du 16 septembre 1988, ainsi
que sur l’application des règles du droit international général régissant l’exercice
des compétences étatiques, notamment en matière judiciaire.
Le différend se rapporte à la décision des juridictions suisses, d’une part, de ne
pas reconnaître une décision des juridictions belges, et, d’autre part, de ne pas sus-
pendre une procédure entamée postérieurement en Suisse concernant le même litige.
L’acte introductif d’instance ci-joint rappelle les faits qui sont à l’origine du dif-
férend et développe les moyens de droit qui fondent la présente requête, les bases
de compétence de la Cour ainsi que l’objet précis de la demande de la Belgique.
L’agent de la Belgique est M. Paul Rietjens, directeur général des affaires juri-
diques du service public fédéral des affaires étrangères, du commerce extérieur et
de la coopération au développement. Toutes les communications relatives à la pré-
sente affaire devraient être transmises à la représentation permanente du Royaume
de Belgique auprès des institutions internationales à La Haye, à l’attention de
M. Yves Haesendonck, ambassadeur, représentant permanent, Alexanderveld 97,
2585 DB La Haye.
Veuillez agréer, etc.
Le directeur général des affaires juridiques,
(Signé) Paul R IETJENS . 3
2010
General List
No. 145
I. LETTER TO THE REGISTRAR OF THE INTERNATIONAL COURT
OF JUSTICE FROM THE AGENT
OF THE KINGDOM OF BELGIUM
[Translation]
FEDERAL PUBLIC SERVICE
FOR FOREIGN AFFAIRS ,FOREIGN TRADE
AND DEVELOPMENT COOPERATION
No. J3/13 — 2.3.1.5/35881/09.
Brussels, 17 December 2009.
Sir,
Please find enclosed an Application instituting proceedings against the Swiss
Confederation that the Kingdom of Belgium has the honour of filing pursuant to
Article 40 of the Statute of the International Court of Justice and Article 38 of the
Rules of Court.
The dispute between Belgium and Switzerland concerns the interpretation and
application of the Lugano Convention of 16 September 1988 on jurisdiction and
the enforcement of judgments in civil and commercial matters, as well as the appli-
cation of the rules of general international law governing the exercise of State
authority, in particular in judicial matters.
The dispute relates to the decision by Swiss courts not to recognize a judgment
by Belgian courts and not to stay proceedings which were later initiated in Switzer-
land on the subject of the same dispute.
The enclosed Application instituting proceedings sets out the facts underlying the
dispute and expounds the legal grounds on which the present Application is based,
the bases for the jurisdiction of the Court and the precise subject of Belgium’s
claim.
The Agent of Belgium is Mr. Paul Rietjens, Director-General of Legal Affairs at
the Federal Public Service for Foreign Affairs, Foreign Trade and Development
Cooperation. All communication concerning the present case should be sent to the
Permanent Representation of the Kingdom of Belgium to the international institu-
tions in The Hague, to the attention of Mr. Yves Haesendonck, Ambassador, Per-
manent Representative, Alexanderveld 97, 2585 DB The Hague.
(Signed) Paul R IETJENS ,
Director-General of Legal Affairs. 4
II. REQUÊTE INTRODUCTIVE D’INSTANCE
1. Par la présente requête, le Royaume de Belgique (la «Belgique») a l’honneur
de saisir la Cour d’un différend qui l’oppose à la Confédération suisse (la
«Suisse»), relatif à l’interprétation et à l’application de la convention de Lugano
concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile
et commerciale du 16 septembre 1988 (la «convention de Lugano»), ainsi que rela-
tif à l’application des règles du droit international général régissant l’exercice des
compétences étatiques, notamment en matière judiciaire.
2. Le différend se rapporte à la décision des juridictions suisses, d’une part, de
ne pas reconnaître une décision des juridictions belges et, d’autre part, de ne pas
suspendre une procédure entamée postérieurement en Suisse concernant le même
litige.
3. Après une présentation des faits et de l’objet du différend (I), la Belgique
exposera les moyens de droit qui fondent sa requête (II), le fondement de la com-
pétence de la Cour (III), ainsi que sa demande à la Cour (IV).
I. EXPOSÉ DES FAITS ET OBJET DU DIFFÉREND
A. Lesfaits
4. Le différend dont la Cour est saisie à l’occasion de la présente requête est né
de la poursuite, en Belgique et en Suisse, de procédures judiciaires parallèles rela-
tives à un litige en matière civile et commerciale.
5. Ce litige oppose les principaux actionnaires de la société Sabena, ancienne
compagnie aérienne nationale belge aujourd’hui en faillite, à savoir d’une part
Swissair (renommée ensuite SAirGroup) et sa filiale SAirLines (les «actionnaires
suisses» ou les «sociétés suisses»), et d’autre part l’Etat belge et trois sociétés
belges dont il détient directement ou indirectement la totalité des actions, à savoir
la S.F.P. et la S.F.I., fusionnées depuis pour devenir la SFPI, ainsi que Zephyr-Fin
(les «actionnaires belges»).
6. Dans le cadre de l’entrée des sociétés suisses dans le capital de la Sabena en
1995 et de leur partenariat avec les actionnaires belges, des contrats ont été
conclus, entre 1995 et 2001, en vue notamment du financement et de la gestion
commune de la Sabena. Cet ensemble contractuel prévoyait la compétence exclu-
sive des tribunaux de Bruxelles en cas de litige, et l’application du droit belge.
1. Les procédures en Belgique
7. Le3 juillet 2001, considérant que les actionnaires suisses avaient manqué à
leurs engagements contractuels et avaient commis des fautes extracontractuelles
leur causant préjudice, les actionnaires belges ont assigné les actionnaires suisses
devant le tribunal de commerce de Bruxelles en responsabilité contractuelle et
extracontractuelle (la «procédure belge»). Dans ce cadre, les actionnaires belges
réclamaient, notamment, l’octroi de dommages-intérêts pour compenser, entre
autres, la perte des investissements consentis sur la base des représentations faites 5
II. APPLICATION INSTITUTING PROCEEDINGS
[Translation]
1. The Kingdom of Belgium (“Belgium”) has the honour to seise the Court by
means of the present Application of a dispute between Belgium and the Swiss Con-
federation (“Switzerland”) concerning the interpretation and application of the
Lugano Convention of 16 September 1988 on jurisdiction and the enforcement of
judgments in civil and commercial matters (the “Lugano Convention”), as well as
the application of the rules of general international law governing the exercise of
State authority, in particular in judicial matters.
2. The dispute relates to the decision by Swiss courts not to recognize a judg-
ment of the Belgian courts and not to stay proceedings which were later initiated in
Switzerland on the subject of the same dispute.
3. After setting out the facts and the subject of the dispute (I), Belgium will
state the legal grounds on which its Application is based (II), the basis for the
Court’s jurisdiction (III), and the claim it is putting before the Court (IV).
I. STATEMENT OF F ACTS AND SUBJECT OF THE D ISPUTE
A. Facts
4. The dispute referred to the Court by means of the present Application has
arisen out of the pursuit of parallel judicial proceedings in Belgium and Switzer-
land in respect of a civil and commercial conflict.
5. The conflict is between the main shareholders in Sabena, the former Belgian
national airline now in bankruptcy: namely, on the one hand, Swissair (subse-
quently renamed SAirGroup) and its subsidiary SAirLines (the “Swiss shareholders”
or the “Swiss companies”) and, on the other, the Belgian State and three Belgian
companies in which it directly or indirectly holds all of the shares, i.e., S.F.P.
and S.F.I., since merged to become SFPI, and Zephyr-Fin (the “Belgian sharehold-
ers”).
6. In connection with the Swiss companies’ acquisition of equity in Sabena
in 1995 and with their partnership with the Belgian shareholders, contracts were
entered into, between 1995 and 2001, for among other things the financing and
joint management of Sabena. This set of contracts provided for the exclusive juris-
diction of the Brussels courts in the event of dispute and for the application of Bel-
gian law.
1. Proceedings in Belgium
7. On3 July 2001 the Belgian shareholders, believing that the Swiss sharehold-
ers had breached their contractual commitments and non-contractual duties, thereby
causing injury to the Belgian shareholders, sued the Swiss shareholders in the
Commercial Court of Brussels on the basis of contractual and non-contractual lia-
bility (the “Belgian proceedings”). In that suit, the Belgian shareholders claimed
damages to compensate for, among other things, the amount lost on investments
made on the basis of representations by the Swiss shareholders and for the 6
par les actionnaires suisses et les frais que les actionnaires belges ont dû exposer à
la suite de la défaillance des actionnaires suisses. Le 2 novembre 2001, une
deuxième demande, complétant la première, fut déposée et ultérieurement jointe à
celle du 3 juillet 2001.
8. Après avoir déposé une requête en sursis concordataire devant le tribunal d’ar-
rondissement de Zurich, les sociétés suisses ont poursuivi la procédure belge en
étant représentées par les organes compétents en vertu du droit suisse du concordat,
qui sont aujourd’hui leurs liquidateurs.
9. Le 20 novembre 2003, le tribunal de commerce de Bruxelles s’est déclaré
compétent pour connaître des actions en matière contractuelle et non contractuelle
sur la base des articles 17 et 5, paragraphe 3, de la convention de Lugano, qui pré-
voient respectivement la compétence exclusive des juridictions choisies par les par-
ties dans leur contrat en matière contractuelle, et la compétence des juridictions du
lieu du fait dommageable en matière de responsabilité non contractuelle. Sur le
fond, le tribunal, appliquant le droit belge, a constaté l’existence de diverses fautes
dans le chef des actionnaires suisses, mais a rejeté les demandes de dommages-
intérêts formées par les actionnaires belges. Tant les actionnaires belges que les
actionnaires suisses ont interjeté appel de cette décision auprès de la cour d’appel
de Bruxelles.
10. Par un arrêt partiel du 19 mai 2005, la cour d’appel de Bruxelles a confirmé
la compétence des tribunaux belges pour connaître du litige sur la base de la
convention de Lugano. La procédure au fond est actuellement pendante devant
cette cour, où l’affaire a été fixée pour plaidoiries les 8, 10 et 11 février et les 19
et 20 mai 2010.
2. Les procédures en Suisse
11. Le 4 octobre 2001, les sociétés suisses ont déposé une requête en sursis
concordataire devant le tribunal d’arrondissement de Zurich, aboutissant à leur
mise en liquidation.
12. Le30 janvier 2002, les actionnaires belges ont, dans le cadre des procédures
suisses du concordat, déclaré leurs créances envers les sociétés suisses. Ils deman-
daient ainsi, comme les autres créanciers des sociétés suisses, que leurs créances
soient inscrites à l’état de collocation, c’est-à-dire à la liste, dressée par les liqui-
dateurs, des personnes qui participeront à la répartition du produit de la liquidation.
Les créances que les actionnaires belges ont ainsi déclarées sont celles qui trouvent
leur fondement dans la responsabilité contractuelle et extracontractuelle des socié-
tés suisses au sujet de laquelle les actionnaires belges avaient antérieurement intro-
duit une action devant les tribunaux belges.
13.Par ordonnances des 18 juillet 2006 (concernant SAirLines) et 10 oc-
tobre 2006 (concernant SAirGroup), les liquidateurs des sociétés suisses, sans
attendre la fin de la procédure belge, ont rejeté toutes les créances produites par les
actionnaires belges de la Sabena.
14. Les actionnaires belges ont alors engagé en Suisse deux procédures dis-
tinctes pour protéger leurs droits, c’est-à-dire pour s’assurer que les créances qu’ils
avaient déclarées au concordat des sociétés suisses, et qui trouvaient leur fonde-
ment dans la responsabilité de ces sociétés au sujet de laquelle une procédure était
pendante en Belgique, soient prises en compte pour la répartition de l’actif des
sociétés suisses.
15. Premièrement, le 31 juillet 2006, les actionnaires belges ont introduit une
«plainte» administrative contre les liquidateurs suisses de SAirLines, en deman-
dant notamment la suspension de la procédure en Suisse dans l’attente de l’issue de 7
expenses incurred by the Belgian shareholders as a result of the defaults by the
Swiss shareholders. On 2 November 2001, a second action, supplementing the first,
was filed; it was later joined with the 3 July 2001 suit.
8. After submitting an application for a debt-restructuring moratorium (sursis
concordataire) to the District Court (Tribunal d’arrondissement) of Zurich, the
Swiss companies carried on in the Belgian proceedings, being represented therein
by the organs competent to do so under the Swiss law governing debt-restructuring
agreements; those organs are now the companies’liquidators.
9. On20 November 2003, the Commercial Court of Brussels found jurisdiction
in the actions in contract and non-contractual liability on the basis of Articles 17
and 5 (3) of the Lugano Convention; these provide, respectively, in matters relat-
ing to a contract for the exclusive jurisdiction of the courts chosen by the parties in
the contract, and in matters of non-contractual liability for the jurisdiction of the
courts for the place where the harmful event occurred. On the merits, the court,
applying Belgian law, found various instances of misconduct on the part of the
Swiss shareholders but rejected the Belgian shareholders’claims for damages. Both
the Belgian and Swiss shareholders appealed against the decision to the Court of
Appeal of Brussels.
10. By partial judgment of 19 May 2005, the Court of Appeal of Brussels
upheld the Belgian courts’jurisdiction over the dispute on the basis of the Lugano
Convention. The proceedings on the merits are now pending in that court, where
the case has been set for oral argument on 8, 10 and 11 February and 19 and 20
May 2010.
2. Proceedings in Switzerland
11. On 4 October 2001, the Swiss companies submitted an application for a
debt-restructuring moratorium to the District Court of Zurich, as a result of which
they have been placed in liquidation.
12. On 30 January 2002, the Belgian shareholders gave notice in the Swiss
debt-restructuring proceedings of the debts owed to them by the Swiss companies.
Thus, like the Swiss companies’ other creditors, they sought to have their debt
claims entered on the schedule of claims (état de collocation) , that is to say, the list
drawn up by the liquidators of the persons entitled to share in the liquidation pro-
ceeds. The claims thus declared by the Belgian shareholders are those arising out
of the Swiss companies’ contractual and non-contractual liability in respect of
which the Belgian shareholders had earlier brought an action in the Belgian courts.
13. By orders of 18 July 2006 (in respect of SAirLines) and 10 October 2006 (in
respect of SAirGroup) and without awaiting the conclusion of the Belgian pro-
ceedings, the liquidators of the Swiss companies rejected all the debt claims sub-
mitted by the Belgian shareholders in Sabena.
14. The Belgian shareholders then brought two separate actions in Switzerland
to safeguard their rights, specifically, to ensure that the claims they had declared in
the debt-restructuring proceedings of the Swiss companies, claims stemming from
the companies’liability in respect of which proceedings were pending in Belgium,
would be recognized in the apportionment of the Swiss companies’assets.
15. First, on 31 July 2006, the Belgian shareholders lodged an administrative
“complaint” against SAirLines’Swiss liquidators, seeking, inter alia , to have the
proceedings in Switzerland stayed, pending the outcome of the Belgian proceed- 8
la procédure belge, sur la base de l’article 21 de la convention de Lugano, qui pré-
voit que, lorsque des demandes ayant le même objet et la même cause sont formées
entre les mêmes parties devant les juridictions de deux Etats, le tribunal saisi en
second lieu se dessaisit en faveur du premier saisi lorsque celui-ci s’est reconnu
compétent. Cette demande a été rejetée par les tribunaux cantonaux, puis par le Tri-
bunal fédéral suisse (décision du 23 avril 2007).
16. Deuxièmement, le 8 août 2006, les actionnaires belges ont introduit une
action en contestation de l’état de collocation de SAirLines, en demandant que
leurs créances soient inscrites à l’état de collocation. Dans ce cadre, ils ont
demandé à nouveau, à titre préalable, qu’en application de l’article 21 de la
convention de Lugano, susmentionné, la procédure suisse sur l’admission de ces
créances à l’état de collocation soit suspendue jusqu’à la fin de la procédure
belge relative à la responsabilité contractuelle et extracontractuelle des sociétés
suisses.
17. Les moyens de fond invoqués par les actionnaires belges à l’appui de leur
action en contestation de l’état de collocation relevaient uniquement du droit belge
de la responsabilité civile, et non du droit de la faillite.
18. Par un jugement du 29 septembre 2006, le tribunal d’arrondissement de
Zurich, statuant en première instance, a considéré que l’action en contestation de
l’état de collocation est formée de deux composantes. L’une relève à proprement
parler du droit de l’exécution, et donne lieu à l’application de l’article 16, para-
graphe 5, de la convention de Lugano, qui prévoit qu’en matière d’exécution des
décisions sont exclusivement compétentes les juridictions du lieu de l’exécution.
L’autre concerne la détermination de l’existence des créances des actionnaires
belges, pour laquelle s’appliquent les règles de compétence classiques de la
Convention (notamment les articles 17 et 5, paragraphe 3, précités). Le tribunal a
conclu que les demandes portées en Belgique et en Suisse ne relevaient pas de l’ar-
ticle 21 de la convention de Lugano sur la litispendance, mais étaient connexes au
sens de l’article 22 de la convention de Lugano, en vertu duquel il convenait de
surseoir à statuer dans l’attente de la fin de la procédure belge.
19. Par arrêt du 2 mars 2007, le tribunal supérieur de Zurich a rejeté le recours
des liquidateurs suisses contre cette décision. Il a jugé que la convention de Lugano
n’était pas applicable, au motif que l’action en contestation de l’état de collocation
relevait de la matière des «faillites, concordats et autres procédures analogues»
exclues du champ d’application de la Convention par son article premier, alinéa 2,
point 2). Il a cependant maintenu le sursis à statuer sur la base d’une disposition du
droit interne suisse. Le recours devant la Cour de cassation de Zurich contre cette
décision a été rejeté par arrêt du 15 novembre 2007.
20. Le7 janvier 2008, les liquidateurs de SAirLines ont introduit auprès du Tri-
bunal fédéral suisse un recours civil fondé sur diverses dispositions du droit fédé-
ral suisse. Par arrêt du 30 septembre 2008, le Tribunal fédéral, statuant en dernier
ressort à la suite de ce recours, a annulé l’arrêt du tribunal supérieur de Zurich et
l’arrêt de la Cour de cassation de Zurich, et a levé la suspension de la procédure de
collocation. Le Tribunal fédéral a pris acte du jugement du tribunal supérieur de
Zurich décidant que la procédure de collocation ne relevait pas du champ d’appli-
cation de la convention de Lugano. Le Tribunal fédéral a ensuite examiné s’il y
avait lieu de surseoir à statuer en application du droit interne suisse. Dans ce cadre,
le Tribunal fédéral a examiné si le jugement belge pourrait être reconnu en Suisse
en vertu de la convention de Lugano, ce qui aurait justifié le sursis en application
du droit interne suisse. Il a décidé que tel n’était pas le cas dès lors que, eu égard
à la convention de Lugano, il résulte du principe de territorialité que le juge suisse 9
ings, on the basis of Article 21 of the Lugano Convention, which provides that,
where proceedings involving the same cause of action and between the same par-
ties are brought in the courts of two States, any court other than the court first
seised shall decline jurisdiction in favour of the court first seised where the latter
has found jurisdiction. This action was rejected by the cantonal courts and then by
the Swiss Federal Supreme Court (Tribunal fédéral) (decision of 23 April 2007).
16. Second, on 8 August 2006, the Belgian shareholders brought an action con-
testing the SAirLines schedule of claims, seeking to have their debt claims entered
on it. They again sought a preliminary stay, pursuant to Article 21 of the Lugano
Convention, of the Swiss proceedings to include their claims on the schedule of
claims until conclusion of the Belgian proceedings in respect of the Swiss compa-
nies’contractual and non-contractual liability.
17. The substantive arguments asserted by the Belgian shareholders in support
of their action contesting the schedule of claims fell exclusively within the scope of
the Belgian law of civil liability, not the law of bankruptcy.
18. In a judgment of 29 September 2006, the District Court of Zurich, ruling at
trial, considered that the action challenging the schedule of claims was made up of
two components. The first fell under the law of enforcement strictly speaking and
gave rise to application of Article 16 (5) of the Lugano Convention, providing that,
in proceedings concerned with the enforcement of judgments, exclusive jurisdiction
lies with the courts of the place where the judgment has been or is to be enforced.
The other concerned ascertaining the existence of the Belgian shareholders’debt
claims; for this, the classic jurisdictional rules under the Convention (in particular,
Articles 17 and 5 (3)) applied. The court concluded that the actions brought in Bel-
gium and Switzerland did not fall under Article 21, on lis pendens, of the Lugano
Convention but were related actions within the meaning of Article 22 of the
Lugano Convention, pursuant to which the proceedings should be stayed pending
completion of the Belgian proceedings.
19. By judgment of 2 March 2007, the Court of Appeal (Tribunal supérieur) of
Zurich rejected the Swiss liquidators’appeal against this judgment, holding that the
Lugano Convention did not apply because the action contesting the schedule of
claims fell under the heading “bankruptcy, proceedings relating to the winding-up
of insolvent companies or other legal persons, judicial arrangements, compositions
and analogous proceedings”, excluded from the ambit of the Convention by Arti-
cle 1, second paragraph, provision (2), thereof. The court did however continue the
stay of proceedings on the basis of a provision of Swiss municipal law. The appeal
to the Court of Cassation of Zurich against this decision was rejected by judgment
of 15 November 2007.
20. On7 January 2008, the liquidators of SAirLines brought an appeal (recours
civil) in the Swiss Federal Supreme Court based on various provisions of the fed-
eral law of Switzerland. By judgment of 30 September 2008, the Federal Supreme
Court, ruling at last instance pursuant to the appeal, quashed the Zurich Court of
Appeal judgment and the Zurich Court of Cassation judgment and lifted the stay of
the debt-scheduling proceedings. The Federal Supreme Court took note of the
Zurich Court of Appeal judgment in which it had been decided that the debt-
scheduling proceedings did not fall within the scope of application of the Lugano
Convention. The Federal Supreme Court then considered whether the proceedings
should be stayed pursuant to Swiss municipal law. In that connection the Federal
Supreme Court considered whether the Belgian judgment could be recognized
in Switzerland pursuant to the Lugano Convention, which would justify the
stay under Swiss municipal law. The court decided that such was not the case, 10
est exclusivement compétent en raison de la nature procédurale ou d’exécution
forcée de la contestation.
21. A la suite de cet arrêt du Tribunal fédéral, les actionnaires belges sont
amenés, à titre conservatoire, à plaider devant le tribunal d’arrondissement de
Zurich, au regard du droit belge, les mêmes questions de responsabilité contrac-
tuelle et extracontractuelle que celles qui font l’objet de la procédure pendante en
Belgique.
22. Des étapes similaires ont été suivies pour les créances des actionnaires
belges contre l’autre société suisse, SAirGroup. Dans cette procédure, les action-
naires belges avaient également introduit une plainte administrative le 23 oc-
tobre 2006. Le tribunal d’arrondissement de Zurich avait ordonné la suspension
dans l’attente de la décision dans l’affaire SAirLines. A la suite de la décision du
Tribunal fédéral du 23 avril 2007 concernant SAirLines, les actionnaires belges
ont donc retiré leur plainte concernant SAirGroup. Les actionnaires belges avaient
aussi introduit, le 31 octobre 2006, une action en contestation de l’état de colloca-
tion de SAirGroup. Le tribunal d’arrondissement de Zurich avait ordonné la sus-
pension dans l’attente de la décision dans l’affaire SAirLines. A la suite de l’arrêt
du Tribunal fédéral du 30 septembre 2008, les actionnaires belges sont amenés à
plaider, devant le tribunal d’arrondissement, les questions de responsabilité
contractuelle et extracontractuelle de cette société déjà pendantes devant la cour
d’appel de Bruxelles. Par ordonnance du 11 mai 2009, le juge saisi a joint l’affaire
en cause de SAirLines et celle en cause de SAirGroup.
23. Le 29 juin 2009, l’ambassadeur de Belgique auprès de la Confédération
suisse a informé M me la Ministre des affaires étrangères de la Confédération suisse
de l’intention de la Belgique de saisir la Cour internationale de Justice d’un diffé-
rend relatif à l’interprétation et à l’application de la convention de Lugano. Le
26 novembre 2009, l’ambassadeur de Belgique a remis au ministère suisse des
affaires étrangères une note verbale qui se lit notamment comme suit:
«La Belgique estime que c’est à tort que le Tribunal fédéral a, par son arrêt
du 30 septembre 2008, dit pour droit que les décisions des tribunaux belges à
intervenir au sujet de la responsabilité civile des sociétés SAirGroup et SAir-
Lines à l’égard, notamment, de l’Etat belge, de la SFPI et de Zephyr-Fin ne
seront pas reconnues en Suisse dans le cadre de la procédure de collocation
desdites sociétés suisses, et que c’est à tort aussi que la juridiction suisse a
refusé de faire droit à la demande de la Belgique de surseoir à statuer dans
l’attente des décisions susmentionnées des tribunaux belges.
La Belgique conteste l’interprétation et l’application qui ont été ainsi faites
de la convention de Lugano concernant la compétence judiciaire et l’exécution
des décisions en matière civile et commerciale du 16 septembre 1988. La
Belgique considère aussi que, en refusant de surseoir à statuer sur la base
du droit interne suisse au motif que la décision des tribunaux belges sur la
responsabilité civile de SAirLines et SAirGroup ne sera pas reconnue dans
le cadre de la procédure de collocation suisse, la Suisse manque à ses obliga-
tions internationales à l’égard de la Belgique.
La Belgique entend donc saisir la Cour internationale de Justice, par
requête, du différend qui l’oppose ainsi à la Suisse.
Pour que ce différend soit, dans l’intérêt commun des deux pays, tranché
dans les meilleurs délais, la Belgique envisage de demander à la Cour la
constitution d’une chambre pour connaître de cette affaire.
L’ambassade du Royaume de Belgique serait heureuse de connaître la
position des autorités suisses sur cette approche, inspirée par le souci de 11
since, in view of the Lugano Convention, it followed from the territoriality princi-
ple that Swiss courts had exclusive jurisdiction owing to the procedural or enforce-
ment nature of the challenge.
21. As a result of this judgment by the Federal Supreme Court, the Belgian
shareholders are required, in order to preserve their rights, to argue the same issues
of contractual and non-contractual liability under Belgian law in the District Court
of Zurich as those being addressed in the proceedings pending in Belgium.
22. A similar process occurred in respect of debt claims held by the Belgian
shareholders against the other Swiss company, SAirGroup. In these proceedings,
the Belgian shareholders had likewise filed an administrative complaint on
23 October 2006. The District Court of Zurich ordered a stay pending the decision
in the SAirLines case. Further to the Federal Supreme Court’s 23 April 2007
decision concerning SAirLines, the Belgian shareholders withdrew their complaint
concerning SAirGroup. The Belgian shareholders also brought an action on 31
October 2006 challenging SAirGroup’s schedule of claims. The District Court of
Zurich ordered a stay pending the decision in the SAirLines case. Following the
30 September 2008 judgment by the Federal Supreme Court, the Belgian share-
holders are required to argue in the District Court the issues of SAirGroup’s con-
tractual and non-contractual liability that are already pending in the Court of
Appeal of Brussels. By order of 11 May 2009, the court joined the case involving
SAirLines with that involving SAirGroup.
23. On29 June 2009, the Ambassador of Belgium to the Swiss Confederation
informed the Minister for Foreign Affairs of the Swiss Confederation of Belgium’s
intention to refer a dispute concerning the interpretation and application of the
Lugano Convention to the International Court of Justice. On 26 November 2009,
Belgium’s Ambassador delivered to the Swiss Ministry of Foreign Affairs a note
verbale reading as follows:
“Belgium considers that the Federal Supreme Court was mistaken in hold-
ing, in its judgment of 30 September 2008, that the future decisions of the
Belgian courts on the civil liability of SAirGroup and SAirLines to, in partic-
ular, the Belgian State, SFPI and Zephyr-Fin will not be recognized in
Switzerland in the debt-scheduling proceedings for those Swiss companies,
and was further mistaken in refusing to grant Belgium’s request for a stay of
proceedings pending the above-mentioned decisions by the Belgian courts.
Belgium disagrees with the interpretation and application thus made of the
Lugano Convention of 16 September 1988 on jurisdiction and the enforcement
of judgments in civil and commercial matters. Belgium further considers that,
in refusing to stay the proceedings on the basis of Swiss municipal law on the
ground that the Belgian courts’decision on the civil liability of SAirLines and
SAirGroup will not be recognized in the Swiss debt-scheduling proceedings,
Switzerland is breaching its international obligations to Belgium.
Belgium therefore intends to seise the International Court of Justice, by
means of an application, of the dispute thus existing between it and Switzer-
land.
So that this dispute can be settled as quickly as possible in the joint interest
of the two countries, Belgium envisages asking the Court to form a chamber
to deal with this case.
The Embassy of the Kingdom of Belgium would appreciate being informed
of the Swiss authorities’position on this approach, which is prompted by the 12
la juste prise en compte de tous les intérêts légitimes des parties dans cette
affaire.
L’ambassade du Royaume de Belgique saisit cette occasion pour réitérer la
plus grande estime de la Belgique pour les institutions de la Confédération
suisse, et son souhait d’inscrire cette démarche dans la perspective du renfor-
cement de la coopération judiciaire entre nos deux pays.»
B. L’objet du différend
24. Il ressort des faits relatés ci-dessus que la juridiction suisse a refusé de faire
droit à la demande de la Belgique et des autres actionnaires belges de surseoir à
statuer dans l’attente de la fin de la procédure belge portant sur la détermination de
la responsabilité contractuelle et extracontractuelle des sociétés suisses à l’égard
des actionnaires belges, en considérant, notamment:
—premièrement, qu’eu égard à la convention de Lugano les décisions des tribu-
naux belges ne peuvent être reconnues en Suisse pour les besoins de la procé-
dure de collocation;
—deuxièmement, que dès lors notamment que les décisions belges à intervenir ne
seraient pas reconnues en Suisse, il n’y avait pas lieu de surseoir à statuer, en
application du droit interne suisse, sur la question de la responsabilité civile des
actionnaires suisses dans l’attente de la décision belge à intervenir;
—troisièmement, que les dispositions de la convention de Lugano destinées à pré-
venir les procédures parallèles et la contrariété de décisions ne sont pas appli-
cables en l’espèce, au motif que l’action en contestation de l’état de collocation
portée devant les tribunaux suisses ne relève pas du champ d’application de
cette convention.
25. En premier lieu, la Belgique considère que c’est à tort que la juridiction
suisse refuse de reconnaître les décisions belges à intervenir sur la responsabilité
civile des actionnaires suisses. Ce refus est contraire à la convention de Lugano. En
deuxième lieu, la Belgique considère que c’est à tort que la juridiction suisse refuse
de surseoir à statuer dans l’attente de l’issue de la procédure belge. D’une part, le
refus de surseoir à statuer en application du droit interne suisse au motif que la
décision belge à intervenir ne serait pas reconnue en Suisse, alors que la Suisse doit
permettre la reconnaissance de cette décision en application de la convention de
Lugano, est contraire aux règles du droit international général régissant l’exercice
par les Etats de leurs compétences, notamment en matière judiciaire, et suivant les-
quelles toute compétence étatique doit être exercée de manière raisonnable. D’autre
part, ledit refus est également contraire à la convention de Lugano, qui imposait à
la Suisse de surseoir à statuer dans les circonstances de l’espèce.
26. Il existe donc un différend entre la Suisse et la Belgique portant sur l’inter-
prétation et l’application de la convention de Lugano ainsi que des règles du droit
international général régissant l’exercice par les Etats de leurs compétences, notam-
ment en matière judiciaire.
II. LES MOYENS DE DROIT
27. Les manquements de la Suisse à ses obligations internationales vis-à-vis de
la Belgique se rapportent tous, directement ou indirectement, à la convention de
Lugano. Cette convention, signée le 16 septembre 1988 et à laquelle la Suisse et la
Belgique sont parties, lie les Etats membres de l’Union européenne et des Etats de
l’Association européenne de libre-échange (AELE). Elle a été conclue, comme il
ressort de son préambule, suite au souhait exprimé par les Etats de l’AELE de 13
desire to see due account taken of all legitimate interests of the parties in this
case.
The Embassy of the Kingdom of Belgium avails itself of this opportunity to
reiterate the high esteem in which Belgium holds the institutions of the Swiss
Confederation and its desire for this action to contribute to strengthening judi-
cial co-operation between our two countries.”
B. Subject of the Dispute
24. As shown by the facts recounted above, the Swiss court has refused to grant
the request by Belgium and the other Belgian shareholders for a stay pending the
conclusion of the Belgian proceedings to determine the Swiss companies’contrac-
tual and non-contractual liability to the Belgian shareholders, taking the view that,
inter alia :
—first, in light of the Lugano Convention, the judgments by the Belgian courts
could not be recognized in Switzerland for purposes of the debt-scheduling
proceedings ;
— second, because, in particular, the future Belgian judgments would not be recog-
nized in Switzerland, there was no cause under Swiss municipal law to stay
the proceedings on the issue of the Swiss shareholders’civil liability pending
the Belgian judgment to be handed down;
— third, the provisions of the Lugano Convention aimed at preventing parallel pro-
ceedings and conflicting judgments did not apply in the present case, on the
ground that the action contesting the schedule of claims brought before the
Swiss courts did not fall within the scope of the Convention.
25. Firstly, Belgium considers that the Swiss court is mistaken in refusing to
recognize the future Belgian judgments on the civil liability of the Swiss share-
holders. This refusal is a contravention of the Lugano Convention. Secondly, Bel-
gium considers that the Swiss court is mistaken in refusing to stay its proceedings
pending the outcome of the Belgian proceedings. The refusal of a stay pursuant to
Swiss municipal law on the ground that the future Belgian judgment will not be
recognized in Switzerland, notwithstanding Switzerland’s obligation under the
Lugano Convention to allow recognition of that judgment, is a breach of the rules
of general international law governing the exercise by States of their authority, in
particular in judicial matters, according to which State authority of any kind must
be exercised reasonably; and the refusal is also contrary to the Lugano Convention,
which places Switzerland under an obligation to stay the proceedings in the cir-
cumstances of the present case.
26. A dispute therefore exists between Switzerland and Belgium concerning the
interpretation and application of the Lugano Convention and of the rules of general
international law governing the exercise by States of their authority, in particular in
judicial matters.
II. LEGAL G ROUNDS
27. Switzerland’s breaches of its international obligations to Belgium all relate,
directly or indirectly, to the Lugano Convention. This Convention, which was
signed on 16 September 1988 and to which Switzerland and Belgium are parties, is
binding on the Member States of the European Union and certain States in the
European Free Trade Association (EFTA). As noted in the preamble, the Conven-
tion was concluded further to the desire expressed by the EFTA States for a system 14
bénéficier d’un système de règlement des conflits de juridiction identique à celui
créé par la convention de Bruxelles du 27 septembre 1968 sur la compétence judi-
ciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale (la «convention
de Bruxelles»). Tout comme la convention de Bruxelles, la convention de Lugano
vise à renforcer la coopération judiciaire entre les Etats parties et à faciliter la
reconnaissance et l’exécution des décisions judiciaires.
o
28. La convention de Lugano est assortie d’un «protocole n o 2 sur l’interpréta-
tion uniforme de la Convention» (ci-après le «protocole n 2»), qui fait partie inté-
grante de la Convention (article 65 de la Convention). Ce protocole énonce en son
préambule qu’il est adopté en pleine connaissance des décisions rendues par la
Cour de justice des Communautés européennes sur l’interprétation de la convention
de Bruxelles jusqu’au moment de la signature de la convention de Lugano. Il dis-
pose en son article premier que les tribunaux de chaque Etat contractant tiennent
dûment compte, lors de l’application et de l’interprétation des dispositions de la
convention de Lugano, des principes définis par toute décision pertinente rendue
par des tribunaux des autres Etats contractants.
29. Les manquements de la Suisse à ses obligations internationales, en relation
avec la convention de Lugano, sont de trois ordres principaux.
A. Quant à la non-reconnaissance de la décision belge à intervenir
30. En premier lieu, la Suisse méconnaît les dispositions de la convention de
Lugano qui se rapportent à la reconnaissance et à l’exécution des jugements. Le
Tribunal fédéral a admis que, pour déterminer s’il fallait surseoir à statuer en vertu
du droit interne suisse, il y avait lieu d’examiner si, en vertu de la convention de
Lugano, les décisions des tribunaux belges (en particulier l’arrêt de la cour d’appel
de Bruxelles à intervenir) pourraient être reconnues dans le cadre de la procédure
de collocation suisse.
31. Ainsi qu’il ressort de sa décision du 23 avril 2007 statuant sur la plainte
administrative des actionnaires belges, à laquelle renvoie sa décision du 30 sep-
tembre 2008, le Tribunal fédéral n’a pas tranché le point de savoir si l’action en
contestation de l’état de collocation est exclue du champ d’application de la
convention de Lugano en vertu de son article premier, alinéa 2, point 2), ou si elle
relève de la compétence exclusive des juridictions suisses en vertu de l’article 16,
paragraphe 5, de cette convention. Il a jugé que, en toute hypothèse, il résulte du
principe de territorialité que la compétence internationale du juge suisse est exclu-
sive, en raison de la nature procédurale ou d’exécution forcée de la contestation.
Pour la juridiction suisse, les décisions belges à intervenir ne seraient dès lors pas
reconnues en vertu de la Convention, dont l’article 26 notamment dispose pourtant
que les décisions rendues dans un Etat contractant sont reconnues dans les autres
Etats contractants sans qu’il soit nécessaire de recourir à aucune procédure, et que,
si la reconnaissance est invoquée de façon incidente devant une juridiction d’un
Etat contractant, celle-ci est compétente pour en connaître.
32. Ce faisant, la Suisse méconnaît la convention de Lugano d’un double point
de vue.
33. Tout d’abord, les dispositions de la convention de Lugano relatives à la
reconnaissance des jugements étrangers ne peuvent être exclues au motif que la
procédure suisse de contestation de l’état de collocation relèverait de la matière
de la faillite au sens de l’article premier, alinéa 2, point 2), de cette convention.
En effet, la nature d’une procédure pendante dans l’Etat requis, en l’espèce la
Suisse, est sans incidence sur l’application des dispositions de la convention de
Lugano relatives à la reconnaissance des jugements étrangers. Seule compte la 15
to resolve conflicts of jurisdiction identical to that created by the Brussels Conven-
tion of 27 September 1968 on jurisdiction and the enforcement of judgments in
civil and commercial matters (the “Brussels Convention”). Like the Brussels Con-
vention, the Lugano Convention is aimed at strengthening judicial co-operation
between the States parties and facilitating recognition and enforcement of court
judgments.
28. The Lugano Convention is accompanied by a “Protocol No. 2, on the uni-
form interpretation of the Convention” (hereinafter “Protocol No. 2”), which forms
an integral part of the Convention (Article 65 of the Convention). According to its
preamble, the Protocol was adopted in awareness of the rulings delivered by the
Court of Justice of the European Communities on the interpretation of the Brussels
Convention up to the time of signature of the Lugano Convention. Article 1 of Pro-
tocol No. 2 provides that the courts of each Contracting State shall, when applying
and interpreting the provisions of the Lugano Convention, pay due account to the
principles laid down by any relevant decision delivered by courts of the other Con-
tracting States.
29. Switzerland’s breaches of its international obligations relating to the Lugano
Convention fall into three main categories.
A. Non-recognition of the Future Belgian Judgment
30. First, Switzerland is violating the provisions of the Lugano Convention on
the recognition and enforcement of judgments. The Federal Supreme Court
acknowledged that, in order to determine whether a stay should be granted under
Swiss municipal law, it was necessary to consider whether, under the Lugano Con-
vention, the decisions of the Belgian courts (specifically, the future judgment of the
Court of Appeal of Brussels) could be recognized in the Swiss debt-scheduling
proceedings.
31. As shown by its decision of 23 April 2007 on the administrative complaint
filed by the Belgian shareholders, to which its decision of 30 September 2008
refers, the Federal Supreme Court did not decide the issue whether the action
challenging the schedule of claims is excluded from the ambit of the Lugano
Convention by Article 1, second paragraph, provision (2), of the Convention or
whether it lies within the exclusive jurisdiction of the Swiss courts pursuant to
Article 16 (5) of the Convention. It held that in any event, under the territoriality
principle, the Swiss courts’international jurisdiction was exclusive, owing to the
procedural or enforcement nature of the challenge. In the view of the Swiss
court, the future Belgian judgments would therefore not be recognized pursuant
to the Convention. However, Article 26 of the Convention provides that a judg-
ment given in a Contracting State shall be recognized in the other Contracting
States without any special procedure being required and that, if the outcome of
proceedings in a court of a Contracting State depends on the determination of an
incidental question of recognition, that court shall have jurisdiction over that
question.
32. Switzerland thus commits a two-fold breach of the Lugano Convention.
33. First, the Lugano Convention provisions on recognition of foreign judg-
ments cannot be set aside on the ground that the Swiss proceedings for disputing
the schedule of claims fall under the heading of bankruptcy proceedings within the
meaning of Article 1, second paragraph, provision (2), of the Convention. The
nature of proceedings pending in the requested State, Switzerland in this case, has
no impact on application of the Lugano Convention provisions on recognition of
foreign judgments. All that matters is the nature of the judgments whose recogni- 16
nature des décisions dont la reconnaissance est demandée, à savoir les décisions
belges. Cette nature doit être appréciée au regard d’une interprétation autonome
de la convention de Lugano et non selon les particularités du droit procédural de
l’Etat requis. Or, en l’espèce, les décisions belges sont entièrement étrangères à
la matière de la faillite. Elles ne peuvent donc être considérées comme exclues du
champ d’application de l’article 26 par l’article premier, alinéa 2, point 2), de la
Convention.
34. Ensuite,l’article 16, paragraphe 5, de la convention de Lugano ne permet
pas à la Suisse de refuser de reconnaître les décisions à intervenir dans la procé-
dure belge. Certes, l’article 16, paragraphe 5, dispose que, en matière d’exécution
des décisions, les tribunaux de l’Etat contractant du lieu de l’exécution sont seuls
compétents, sans considération de domicile. L’article 28, alinéa premier, de la
Convention permet quant à lui la non-reconnaissance des jugements étrangers
rendus en violation, notamment, de la compétence exclusive consacrée par l’ar-
ticle 16, paragraphe 5. Les décisions à intervenir dans la procédure belge n’enfrei-
gnent cependant en rien la compétence exclusive suisse en matière d’exécution des
décisions. La procédure en cours devant les tribunaux belges ne porte pas sur la
matière de l’exécution des jugements, mais sur le fond du litige entre parties, à
savoir sur la responsabilité contractuelle et extracontractuelle des actionnaires
suisses, qui relève de la compétence des tribunaux belges en vertu des articles 17
et 5, paragraphe 3, de la Convention.
35.La Suisse méconnaît ainsi la convention de Lugano et notamment ses
articles premier, alinéa 2, point 2), 16, paragraphe 5, 26, alinéa premier, et 28,
alinéa premier.
B. Quant au refus de surseoir à statuer en application
du droit interne suisse
36. Après avoir écarté l’application des dispositions de la convention de Lugano
régissant les procédures parallèles, le Tribunal fédéral a examiné s’il y avait lieu de
surseoir à statuer, dans l’attente de l’issue de la procédure belge, en application du
droit interne suisse. A cet égard, le recours devant le Tribunal fédéral faisait valoir
que la suspension jusqu’à la fin de la procédure belge, ordonnée par le tribunal
supérieur et confirmée par la Cour de cassation, engendrait un retard injustifié de
la procédure de collocation, alors que celle-ci doit en principe, selon le droit suisse,
faire l’objet d’un traitement accéléré.
37. Dans ce contexte, le Tribunal fédéral a considéré que le jugement belge
n’était pas susceptible d’être reconnu en Suisse et que, dans cette mesure, il ne
pouvait pas être déterminant pour la suspension de la procédure de collocation
(décision du 30 septembre 2008, par. 3.3.4). Or, en vertu de la convention de
Lugano, la Suisse doit permettre la reconnaissance de la décision belge à
intervenir (voir supra, par. 30 à 35). Le Tribunal fédéral, pour parvenir à sa
conclusion, s’est donc fondé sur une considération contraire à la convention
de Lugano.
38. Ce faisant, la juridiction suisse viole la règle du droit international suivant
laquelle l’exercice par un Etat de toute compétence, notamment en matière judi-
ciaire, est subordonné au respect de la règle du raisonnable. Cela exclut, notam-
ment, que l’exercice d’une compétence étatique puisse reposer, comme en l’espèce,
sur des motifs incompatibles avec les obligations de l’Etat concerné en vertu d’une
convention internationale.
39. Par conséquent, la Suisse, en décidant qu’il n’y a pas lieu de surseoir à sta-
tuer en application de son droit interne, viole ses obligations internationales à
l’égard de la Belgique. 17
tion is sought, namely, the Belgian judgments. This must be determined by means
of an independent interpretation of the Lugano Convention, not one based on the
particularities of the procedural law of the requested State. In the present case, the
Belgian judgments lie completely outside the area of bankruptcy. They therefore
cannot be deemed to be excluded from the ambit of Article 26 by Article 1, second
paragraph, provision (2), of the Convention.
34. Next, Article 16 (5) of the Lugano Convention provides no basis for
Switzerland to refuse to recognize the judgments to come in the Belgian proceed-
ings. True, Article 16 (5) does state that, in proceedings concerned with the
enforcement of judgments, the courts of the Contracting State in which the
judgment has been or is to be enforced have exclusive jurisdiction, regardless of
domicile. And Article 28, first paragraph, of the Convention does allow for non-
recognition of foreign judgments handed down in violation of, inter alia, the exclusive
jurisdiction established in Article 16 (5). But the judgments to be rendered in the
Belgian proceedings in no way infringe Switzerland’s exclusive jurisdiction in
respect of enforcement of judgments. The proceedings under way in the Belgian
courts are not about enforcing judgments but about the substance of the dispute
between the parties, namely, the contractual and non-contractual liability of the
Swiss shareholders, which lies within the Belgian courts’jurisdiction pursuant to
Articles 17 and 5 (3) of the Convention.
35. Switzerland is thus in breach of the Lugano Convention, in particular: Arti-
cles 1, second paragraph, provision (2) ; 16 (5); 26, first paragraph; and 28, first
paragraph, thereof.
B. Refusal to Stay the Proceedings Pursuant
to Swiss Municipal Law
36. After denying the applicability of the Lugano Convention provisions gov-
erning parallel proceedings, the Federal Supreme Court considered whether the
proceedings should be stayed, pending conclusion of the Belgian proceedings, pur-
suant to Swiss municipal law. On this point it was claimed in the appeal to the Fed-
eral Supreme Court that the stay until completion of the Belgian proceedings
ordered by the Court of Appeal and upheld by the Court of Cassation would cause
unjustified delay in the debt-scheduling proceedings, which under Swiss law
should in principle be expedited.
37. In this context the Federal Supreme Court considered that the Belgian
judgment could not be recognized in Switzerland and, as such, could not be deci-
sive in respect of staying the debt-scheduling proceedings (decision of 30 Septem-
ber 2008, para. 3.3.4). But, under the Lugano Convention, Switzerland must allow
recognition of the Belgian judgment to come (see paras. 30 to 35, above). Thus, the
Federal Supreme Court arrived at its conclusion by reasoning in contravention of
the Lugano Convention.
38. In so doing, the Swiss court is violating the rule of international law provid-
ing that the exercise of any State authority, in particular in judicial matters, is sub-
ject to observance of the rule of reason. Specifically, this bars any exercise of State
authority on grounds conflicting with the obligations of the State in question under
an international convention, as is the case here.
39. Accordingly, in deciding that the proceedings should not be stayed pursuant
to its municipal law, Switzerland is violating its international obligations to
Belgium. 18
C. Quant au refus de surseoir à statuer au regard de la convention de Lugano
40. La troisième violation réside dans la décision de la juridiction suisse de ne
pas appliquer les articles 21 et 22 de la convention de Lugano, qui donnent la prio-
rité au tribunal premier saisi du litige en cas de procédures parallèles dans deux
Etats parties différents.
41. Pour conclure à la non-application de ces dispositions, la juridiction suisse
s’est fondée sur une analyse des spécificités de la procédure suisse de collocation,
dont il ressortirait, en substance, que le fondement de la demande en responsabilité
civile introduite dans une procédure concordataire relève de la matière des
«faillites, concordats et procédures analogues», exclue du champ d’application de
la convention de Lugano en vertu de son article premier, alinéa 2, point 2). Or,
toute demande en matière civile et commerciale fondée sur les règles générales du
droit de la responsabilité entre dans le champ d’application de la Convention. L’ex-
clusion de la matière de la faillite ne vaut, quant à elle, que pour la demande qui
tire son fondement juridique du droit de la faillite. Cela a été confirmé par la Cour
de justice des Communautés européennes, en particulier dans son arrêt Gourdain
(CJCE, 22 février 1979, aff. 133/78, Rec., p. 733), arrêt antérieur à la convention
de Lugano et donc visé par le protocole n o 2 (voir supra, par. 28). Par conséquent,
la demande portant sur la responsabilité contractuelle et extracontractuelle entre
dans le champ d’application de la Convention, qu’elle se pose indépendamment
d’une procédure de faillite ou à l’occasion ou dans le cadre d’une telle procédure.
En l’espèce, la demande des actionnaires belges est fondée sur la responsabilité
contractuelle et extracontractuelle des actionnaires suisses (voir supra, par. 17).
Elle constitue l’objet principal et substantiel de la procédure d’admission de
créance. Son fondement juridique ne se trouve ainsi pas dans le droit de la faillite,
mais dans le droit de la responsabilité. Il convient donc d’y appliquer la convention
de Lugano. La Suisse viole dès lors l’article premier, alinéa 2, point 2), de la
Convention.
42. En décidant comme elle l’a fait, la juridiction suisse viole également l’ar-
ticle 21 de la Convention relatif à la litispendance, qui oblige le tribunal saisi en
second lieu à surseoir d’office à statuer lorsque des demandes parallèles sont for-
mées devant des juridictions d’Etats parties différents. Cet article doit être inter-
prété de manière autonome, et s’applique même s’il n’y a pas d’identité formelle
entre les deux demandes, dès lors qu’elles se rapportent au même rapport juridique
(identité de cause) et qu’elles ont le même but (identité d’objet). A nouveau, cela
ressort de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes
antérieure à la convention de Lugano et donc visée par le protocole no 2 (CJCE,
Gubisch, 8 décembre 1987, aff. 144/86, Rec., p. 4861). En l’espèce, les demandes
dont sont saisis respectivement les tribunaux belges et suisses correspondent aux
critères posés par l’article 21 de la Convention dès lors qu’elles concernent les
mêmes parties, les mêmes faits et la même relation juridique contractuelle, et que
le but des deux demandes est identique en ce qui concerne la détermination de la
responsabilité civile des actionnaires suisses. Le tribunal suisse second saisi est
donc, en vertu de la Convention, tenu de surseoir à statuer à l’égard de cette ques-
tion litigieuse. La Suisse viole dès lors l’article 21 de la Convention.
43. En outre, c’est aussi à tort que, après avoir considéré que les demandes
étaient connexes, la juridiction suisse a jugé que cela ne justifiait pas qu’elle sur-
soie à statuer. Certes, l’article 22 de la convention de Lugano prévoit, à propos des
demandes connexes (plutôt qu’identiques), une discrétion du juge. Cependant, cette
discrétion ne peut être exercée arbitrairement. Elle doit, raisonnablement, tenir
compte d’une série de critères tels le risque de contrariété de décisions, le stade
atteint dans les procédures correspondantes et la proximité des juridictions saisies 19
C. Refusal to Stay the Proceedings Pursuant to the Lugano Convention
40. The third violation lies in the decision by the Swiss court not to apply
Articles 21 and 22 of the Lugano Convention, which give precedence to the court
first seised of the dispute in instances of parallel proceedings in two different
States.
41. In deciding that these provisions did not apply, the Swiss court relied on an
analysis of characteristic features of the Swiss debt-scheduling procedure. The
court concluded in substance from this that the basis of a claim in civil liability
brought in debt-restructuring proceedings fell under the heading “bankruptcy, pro-
ceedings relating to the winding-up of insolvent companies or other legal persons,
judicial arrangements, compositions and analogous proceedings”, which are
excluded from the scope of the Lugano Convention by Article 1, second paragraph,
provision (2), thereof. However, all civil or commercial actions based on the gen-
eral rules of the law of liability are within the scope of application of the Conven-
tion. The exclusion of bankruptcy matters extends only to those claims whose legal
foundation is based on the law of bankruptcy. This has been confirmed by the
Court of Justice of the European Communities, specifically in its Gourdain judg-
ment (CJEC, 22 February 1979, case 133/78, ECR, p. 733), a judgment predating
the Lugano Convention and therefore covered by Protocol No. 2 (see para. 28
above). Accordingly, a cause of action in contractual and non-contractual
liability falls within the scope of application of the Convention, whether it arises
independently of proceedings in bankruptcy or at the time of or as part of such
proceedings. In the present case, the Belgian shareholders’claim is based on the
contractual and non-contractual liability of the Swiss shareholders (see para. 17
above). It is the main, essential subject of the proceedings for allowing debt claims.
Its legal foundation therefore is not in the law of bankruptcy but in the law of
liability. The Lugano Convention should therefore be applied to it. Accordingly,
Switzerland is violating Article 1, second paragraph, provision (2), of the Convention.
42. In ruling as it has, the Swiss court is also violating Article 21 of the Con-
vention, on lis pendens, which, where parallel proceedings have been brought in
the courts of different States parties, requires any court other than the court first
seised to stay its proceedings of its own motion. This Article must be interpreted
independently and applies even in the absence of strict identity between the two
actions, so long as they concern the same legal relationship and have the same
objective (identity of cause of action). Once again, this follows from case law of
the Court of Justice of the European Communities that predates the Lugano Con-
vention and is therefore covered by Protocol No. 2 (CJEC, Gubisch, 8 Decem-
ber 1987, case 144/86, ECR, p. 4861). In the present case, the actions in the
Belgian and Swiss courts meet the criteria laid down in Article 21 of the Convention,
since they involve the same parties, the same facts and the same contractual legal
relationship and have the same objective in respect of determining the Swiss share-
holders’civil liability. The Swiss court, seised later, is thus required by the Con-
vention to stay its proceedings on the disputed question. Switzerland is therefore
violating Article 21 of the Convention.
43. Moreover, the Swiss court was also mistaken in holding, after having found
that the actions were related, that this did not justify a stay of its proceedings.
While Article 22 of the Lugano Convention does provide for discretion on the part
of the court in instances of related (rather than identical) actions, this discretion
cannot be exercised arbitrarily. Reasonable account must be taken of a number of
considerations, such as the risk of conflicting judgments, the stages reached in the
related actions, and the closeness of the different courts to the facts. In the present 20
par rapport aux faits. En l’espèce, tous ces critères auraient dû conduire la juridic-
tion suisse à ordonner un sursis à statuer en faveur des tribunaux belges.
44. La juridiction suisse viole ainsi la convention de Lugano et notammeot ses
articles premier, alinéa 2, point 2), 17, 21 et 22, ainsi que le protocole n sur l’in-
terprétation uniforme de la Convention.
III. LA COMPÉTENCE DE LA C OUR
45. La Belgique est Membre des Nations Unies et, en tant que tel, partie au
Statut de la Cour depuis le 27 décembre 1945. La Suisse est partie au Statut de la
Cour depuis le 28 juillet 1948.
46. En application de l’article 36, paragraphe 2, du Statut, la Belgique a déclaré
reconnaître la juridiction obligatoire de la Cour le 3 avril 1958 et l’instrument de
ratification a été déposé le 17 juin 1958. La Suisse a, quant à elle, déclaré recon-
naître la juridiction obligatoire de la Cour le 6 juillet 1948, cette déclaration por-
tant effet à dater du 28 juillet 1948. Ces déclarations ont été faites sans réserve,
tant en ce qui concerne la Belgique qu’en ce qui concerne la Suisse, et n’ont pas
été dénoncées.
47. La convention de Lugano ne contient pas de clause de règlement des diffé-
rends. Le comité permanent institué par l’article 3 du protocole no 2 à la Convention
n’a aucune compétence en matière de règlement des différends qui conditionnerait
le recours à la Cour internationale de Justice.
48. La Cour de justice des Communautés européennes n’est pas compétente en
la matière. La «nouvelle convention» de Lugano concernant la compétence judi-
ciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commer-
ciale, qui a été signée le 30 octobre 2007 entre certains Etats membres de l’AELE,
dont la Suisse, et la Communauté européenne, à laquelle la Cour de justice des
Communautés européennes a par son avis 1/03 du 7 février 2006 reconnu une com-
pétence exclusive pour ce faire, n’est pas applicable en l’espèce.
49. La Belgique est donc fondée, au regard de l’article 36, paragraphe 2, ali-
néas a) et b), du Statut de la Cour, à saisir celle-ci du différend l’opposant à la
Suisse relativement à l’interprétation et à l’application de la convention de Lugano
et du droit international général.
IV. D EMANDE DE LA BELGIQUE
50. La Belgique prie respectueusement la Cour de dire et juger que:
—la Cour est compétente pour connaître du différend qui oppose le Royaume de
Belgique et la Confédération suisse en ce qui concerne l’interprétation et l’ap-
plication de la convention de Lugano concernant la compétence judiciaire
et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale du 16 sep-
tembre 1988 ainsi que des règles du droit international général régissant l’exer-
cice par les Etats de leurs compétences, notamment en matière judiciaire;
—la demande de la Belgique est recevable;
—la Suisse, par la décision de ses tribunaux de dire pour droit que la décision à
intervenir en Belgique sur la responsabilité contractuelle et extracontractuelle
des sociétés SAirGroup et SAirLines à l’égard de l’Etat belge et des sociétés
Zephyr-Fin, S.F.P. et S.F.I. (fusionnées depuis lors pour devenir la SFPI) ne sera
pas reconnue en Suisse dans le cadre des procédures de collocation des sociétés
SAirGroup et SAirLines, méconnaît la convention de Lugano et, notamment, ses
articles premier, alinéa 2, point 2), 16, paragraphe 5, 26, alinéa premier, et 28; 21
case, all of these considerations should have led the Swiss court to order a stay in
favour of the Belgian courts.
44. The Swiss court is thus violating the Lugano Convention, in particular: Arti-
cles 1, second paragraph, provision (2); 17; 21 and 22, thereof; and Protocol No. 2
on the uniform interpretation of the Convention.
III. JRISDICTION OF THE C OURT
45. Belgium is a Member of the United Nations and, as such, has been a party
to the Statute of the Court since 27 December 1945. Switzerland has been a party
to the Statute of the Court since 28 July 1948.
46. Acting pursuant to Article 36, paragraph 2, of the Statute, Belgium declared
on 3 April 1958 that it recognized the compulsory jurisdiction of the Court; the
instrument of ratification was deposited on 17 June 1958. Switzerland declared on
6 July 1948 that it recognized the compulsory jurisdiction of the Court; that decla-
ration took effect on 28 July 1948. The declarations were made without reserva-
tion, both in Belgium’s case and Switzerland’s, and have not been terminated.
47. There is no dispute resolution clause in the Lugano Convention. The Stand-
ing Committee established in Article 3 of Protocol No. 2 to the Convention has no
dispute-settlement jurisdiction placing conditions on recourse to the International
Court of Justice.
48. The Court of Justice of the European Communities is without jurisdiction in
the area. The “new Lugano Convention” on jurisdiction and the recognition and
enforcement of judgments in civil and commercial matters, signed on 30 Octo-
ber 2007 by certain EFTA Member States, including Switzerland, and the European
Community, whose exclusive competence to sign was recognized by the Court of
Justice of the European Communities in its opinion 1/03 of 7 February 2006, does
not apply to the present case.
49. Belgium is therefore entitled under Article 36, paragraph 2 (a) and (b), of
the Statute of the Court to seise the Court of the dispute between Belgium and
Switzerland concerning the interpretation and application of the Lugano Conven-
tion and general international law.
IV. B ELGIUM ’S CLAIM
50. Belgium respectfully requests the Court to adjudge and declare that:
—the Court has jurisdiction to entertain the dispute between the Kingdom of Bel-
gium and the Swiss Confederation concerning the interpretation and application
of the Lugano Convention of 16 September 1988 on jurisdiction and the
enforcement of judgments in civil and commercial matters, and of the rules of
general international law governing the exercise by States of their authority, in
particular in judicial matters;
—Belgium’s claim is admissible;
—Switzerland, by virtue of the decision of its courts to hold that the future judg-
ment in Belgium on the contractual and non-contractual liability of SAirGroup
and SAirLines to the Belgian State and to Zephyr-Fin, S.F.P. and S.F.I. (since
merged, having become SFPI) will not be recognized in Switzerland in the
SAirGroup and SAirLines debt-scheduling proceedings, is breaching the Lugano
Convention, in particular: Articles 1, second paragraph, provision (2) ; 16 (5) ;
26, first paragraph; and 28, thereof; 22
—la Suisse, en refusant de surseoir à statuer en application de son droit interne
dans les litiges opposant l’Etat belge et les sociétés Zephyr-Fin, S.F.P. et S.F.I.
(fusionnées depuis lors pour devenir la SFPI) aux masses des sociétés en liqui-
dation concordataire SAirGroup et SAirLines, au motif notamment que la déci-
sion à intervenir en Belgique sur la responsabilité contractuelle et extracontrac-
tuelle des sociétés SAirGroup et SAirLines à l’égard de l’Etat belge et des
sociétés Zephyr-Fin, S.F.P. et S.F.I. (fusionnées depuis lors pour devenir la
SFPI) ne sera pas reconnue en Suisse dans le cadre des procédures de colloca-
tion des sociétés SAirGroup et SAirLines, viole la règle du droit international
général suivant laquelle toute compétence étatique, notamment en matière judi-
ciaire, doit être exercée de manière raisonnable;
—la Suisse, par le refus de ses autorités judiciaires de surseoir à statuer dans les
litiges opposant l’Etat belge et les sociétés Zephyr-Fin, S.F.P. et S.F.I. (fusion-
nées depuis lors pour devenir la SFPI) aux masses des sociétés en liquidation
concordataire SAirGroup et SAirLines, dans l’attente de la fin de la procédure
pendante devant les tribunaux belges sur la responsabilité contractuelle et extra-
contractuelle des sociétés SAirGroup et SAirLines à l’égard des premières par-
ties citées, viole la convention de Lugano et, notamment, ses articles premier,
alinéa 2, point 2), 17, 21 et 22, ainsi que l’article premier du protocole n o 2 sur
l’interprétation uniforme de la convention de Lugano;
—la responsabilité internationale de la Suisse est engagée;
—la Suisse doit prendre toute mesure appropriée de manière à permettre que la
décision des tribunaux belges sur la responsabilité contractuelle et extracontrac-
tuelle des sociétés SAirGroup et SAirLines à l’égard de l’Etat belge et des
sociétés Zephyr-Fin, S.F.P. et S.F.I. (fusionnées depuis lors pour devenir la
SFPI) soit reconnue en Suisse conformément à la convention de Lugano pour
les besoins de la procédure de collocation des sociétés SAirLines et SAirGroup;
— la Suisse doit prendre toute mesure appropriée de manière à ce que les tribunaux
suisses sursoient à statuer dans les litiges opposant l’Etat belge et les sociétés
Zephyr-Fin, S.F.P. et S.F.I. (fusionnées depuis lors pour devenir la SFPI) aux
masses des sociétés en liquidation concordataire SAirGroup et SAirLines, dans
l’attente de la fin de la procédure pendante devant les tribunaux belges sur la
responsabilité contractuelle et extracontractuelle des sociétés SAirGroup et
SAirLines à l’égard des premières parties citées.
51. La Belgique se réserve le droit de modifier et de compléter les termes de la
présente requête.
52. Conformément à l’article 26, paragraphes 2 et 3, du Statut de la Cour et à
l’article 17, paragraphe 1, du Règlement de la Cour, la Belgique demande que la
présente affaire soit jugée par une chambre de la Cour.
53. Conformément à l’article 31, paragraphe 3, du Statut et à l’article 35 du
Règlement, la Belgique se réserve le droit de désigner un juge ad hoc.
54. Conformément à l’article 41 du Statut et à l’article 73 du Règlement, la Bel-
gique se réserve le droit de demander à la Cour d’indiquer des mesures conserva-
toires, suivant l’évolution des procédures actuellement pendantes en Suisse et en
Belgique.
L’agent du Gouvernement
du Royaume de Belgique,
(Signé) Paul R IETJENS . 23
— Switzerland, by refusing to stay the proceedings pursuant to its municipal law in
the disputes between, on the one hand, the Belgian State and Zephyr-Fin, S.F.P.
and S.F.I. (since merged, having become SFPI) and, on the other, the liquidation
estates (masses) of SAirGroup and SAirLines, companies in debt-restructuring
liquidation (liquidation concordataire) , specifically on the ground that the future
judgment in Belgium on the contractual and non-contractual liability of SAir-
Group and SAirLines to the Belgian State and Zephyr-Fin, S.F.P. and S.F.I.
(since merged, having become SFPI) will not be recognized in Switzerland in
the SAirGroup and SAirLines debt-scheduling proceedings, is breaching the rule
of general international law that all State authority, in particular in judicial mat-
ters, must be exercised reasonably;
—Switzerland, by virtue of the refusal by its judicial authorities to stay the pro-
ceedings in the disputes between, on the one hand, the Belgian State and
Zephyr-Fin, S.F.P. and S.F.I. (since merged, having become SFPI) and, on the
other, the liquidation estates of SAirGroup and SAirLines, companies in debt-
restructuring liquidation, pending the conclusion of the proceedings currently
taking place in the Belgian courts concerning the contractual and non-
contractual liability of SAirGroup and SAirLines to the first-cited parties,
is violating the Lugano Convention, in particular: Articles 1, second paragraph,
provision (2) ;17; 21; and 22, thereof; as well as Article 1 of Protocol No. 2 on
the uniform interpretation of the Lugano Convention;
—Switzerland’s international responsibility has been engaged;
—Switzerland shall take all appropriate steps to enable the judgment by the Bel-
gian courts on the contractual and non-contractual liability of SAirGroup and
SAirLines to the Belgian State and Zephyr-Fin, S.F.P. and S.F.I. (since merged,
having become SFPI) to be recognized in Switzerland in accordance with the
Lugano Convention for purposes of the debt-scheduling proceedings for SAir-
Lines and SAirGroup;
—Switzerland shall take all appropriate steps to ensure that the Swiss courts stay
their proceedings in the disputes between, on the one hand, the Belgian State
and Zephyr-Fin, S.F.P. and S.F.I. (since merged, having become SFPI) and, on
the other, the liquidation estates of SAirGroup and SAirLines, companies in
debt-restructuring liquidation, pending the conclusion of the proceedings cur-
rently taking place in the Belgian courts concerning the contractual and
non-contractual liability of SAirGroup and SAirLines to the first-cited parties.
51. Belgium reserves the right to amend and supplement the terms of the present
Application.
52. In accordance with Article 26, paragraphs 2 and 3, of the Statute of the
Court and Article 17, paragraph 1, of the Rules of Court, Belgium requests that the
present case be heard by a chamber of the Court.
53. In accordance with Article 31, paragraph 3, of the Statute and Article 35 of
the Rules of Court, Belgium reserves the right to choose a judge ad hoc.
54. In accordance with Article 41 of the Statute and Article 73 of the Rules of
Court, Belgium reserves the right to ask the Court to indicate provisional measures,
depending on further developments in the proceedings now pending in Switzerland
and Belgium.
(Signed) Paul R IETJENS ,
Agent of the Government of
the Kingdom of Belgium.IMPRIMÉ EN FRANCE – PRINTED IN FRANCE
Requête introductive d'instance