Résumé de l'arrêt du 4 mai 2011

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16512
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Number (Press Release, Order, etc)
2011/4
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COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

Palais de la Paix, Carnegieplein 2, 2517 KJ La Haye, Pays-Bas
Tél : +31 (0)70 302 2323 Télécopie : +31 (0)70 364 9928
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Résumé
Document non officiel

Résumé 2011/4
Le 4 mai 2011

Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie)

Requête du Honduras à fin d’intervention

Résumé de l’arrêt du 4 mai 2011

Historique de la procédure (par. 1 à 17)

La Cour commence par rappeler que, le 6décembre2001, la République du Nicaragua
(dénommée ci-après le «Nicaragua») a déposé au Greffe de la Cour une requête introductive
d’instance contre la République de Colombie (d énommée ci-après la «Colombie») au sujet d’un
différend portant sur un «ensemble de questions juridiques connexes … qui demeurent en suspens»

entre les deux Etats «en matière de titre territoet de délimitation maritime» dans les Caraïbes
occidentales.

Le Nicaragua invoquait, pour fonder la co mpétence de la Cour, les dispositions de
l’articleXXXI du traité américain de règlemen t pacifique signé le 30avril1948, dénommé

officiellement, aux termes de son articleLX, «p acte de Bogotá» (et ci-après ainsi désigné), ainsi
que les déclarations faites par les Parties en vertu de l’article 36 du Statut de la Cour permanente de
Justice internationale, considérées, pour la durée restant à courir, comme comportant acceptation de
la juridiction obligatoire de la présente Cour aux termes du paragraphe5 de l’article36 de son

Statut.

La Cour indique que, le 10juin 2010, la République du Honduras (dénommée ci-après le
«Honduras») a déposé une requête à fin d’intervention dans l’affaire en vertu de l’article62 du
Statut. Le Honduras en précisait ainsi l’objet :

« En premier lieu, d’une façon générale, … protéger les droits de la République
du Honduras dans la mer des Caraïbes par tous les moyens juridiques disponibles et,
par conséquent, faire usage à cette fin de la procédure prévue à l’article 62 du Statut de
la Cour.

En second lieu, …informer la Cour de la nature des droits et intérêts d’ordre
juridique du Honduras qui pourraient être mis en cause par la décision de la Cour,
compte tenu des frontières maritimes revendiquées par les Parties à l’affaire soumise à
la Cour… - 2 -

En troisième lieu, …demander à la Cour à être autorisé à intervenir dans
l’instance pendante en tant qu’Etat partie . Dans cette situation, le Honduras

reconnaîtrait l’effet obligatoire de la déci sion qui sera rendue. Dans la mesure où la
Cour n’accéderait pas à cette requête du H onduras, ce dernier sollicit[ait] la Cour, à
titre subsidiaire, à l’autoriser à intervenir en tant que non-partie.»

Conformément au paragraphe 1 de l’article 83 du Règlement, des copies certifiées conformes
de la requête du Honduras ont été immédiatement transmises au Nicaragua et à la Colombie, qui
ont été invités à présenter des observations écrites sur cette requête.

Le 2septembre2010, dans le délai fixé à cet effet par la Cour, les Gouvernements du
Nicaragua et de la Colombie ont soumis des ob servations écrites sur la requête du Honduras à fin
d’intervention. Dans ses observations, le Nicaragua exposait que la demande d’intervention n’était
pas conforme au Statut et au Règlement et que, en conséquence, il «s’oppos[ait] à ce qu’une telle

intervention soit accordée, et…pri[ait] la Cour de bien vouloir rejeter la requête à fin
d’intervention déposée par le Honduras». Pour sa part, la Colombie, dans ses observations,
indiquait notamment qu’elle ne voyait «aucune objection» à la demande du Honduras «tendant à
intervenir en tant que non-partie», et ajoutait «[qu ]’elle considér[ait] que c’ [était] à la Cour qu’il

appart[enait] de se prononcer sur [la] demande [du Honduras tendant à intervenir en tant que
partie]». Le Nicaragua ayant fait objection à la requête, les Parties et le Gouvernement du
Honduras ont été avisés, par lettres du greffier en date du 15 septembre 2010, que la Cour tiendrait
audience, conformément au paragraphe2 de l’ article84 de son Règlement, pour entendre les

observations du Honduras, Etat demandant à intervenir, et celles des Parties à l’affaire.

Au cours d’audiences publiques au sujet de l’admission de la requête du Honduras à fin
d’intervention, les conclusions suivantes ont été présentées :

Au nom du Gouvernement du Honduras,

«Eu égard à la requête et aux plaidoiries,

Plaise à la Cour d’autoriser le Honduras à :

1) intervenir en tant que partie relativement à ses intérêts d’ordre juridique dans la

zone de la mer des Caraïbes concernée par l’intervention (paragraphe17 de la
requête) qui peuvent être affectés par la décision de la Cour ; ou

2) à titre subsidiaire, intervenir en tant que non-partie relativement à ces intérêts.»

Au nom du Gouvernement du Nicaragua,

«En application de l’article 60 du Règlemen t de la Cour et au vu de la requête à
fin d’intervention déposée par la République du Honduras et de ses plaidoiries, la
République du Nicaragua déclare respectueusement que, par sa requête, la République
du Honduras remet manifestement en cause l’autorité de la chose jugée dont est revêtu

l’arrêt du 8octobre2007 et, qu’en outre, elle ne satisfait pas aux prescriptions
énoncées à l’article 62 du Statut de la Cour et aux alinéas a) et b) du paragraphe 2 de
l’article 81 de son Règlement.

En conséquence, la République du Nicaragua: 1)s’oppose à l’admission de la
demande d’intervention et 2) prie respectueuse ment la Cour de rejeter la requête à fin
d’intervention déposée par le Honduras.» - 3 -

Au nom du Gouvernement de la Colombie,

«Pour les raisons exposées au cours de cette procédure, [le] Gouvernement [de
la Colombie] souhaite réitérer ce qu’il a exposé dans ses observations écrites, à savoir
que, de l’avis de la Colombie, le Honduras remplit les conditions établies à l’article 62
du Statut et que, par conséquent, la Colombie ne s’oppose pas à la demande du

Honduras tendant à être autorisé à intervenir en tant que non-partie dans la présente
affaire. Quant à la demande du Honduras tenda nt à être autorisé à intervenir en tant
que partie, la Colombie réaffirme qu’il a ppartient à la Cour de se prononcer sur le
sujet, conformément à l’article 62 du Statut.»

*

* *

Raisonnement de la Cour

La Cour note que le Honduras a défini l’objet de son intervention de deux manières, selon
que serait admise sa demande formulée à titre principa l ou celle formulée à titre subsidiaire : dans

le premier cas, il s’agit de la détermination de la frontière maritime entre lui-même et les deux Etats
Parties à l’instance et, dans le second, de la prot ection de ses droits et intérêts d’ordre juridique
ainsi que de l’information de la C our sur leur nature afin qu’ils ne soient pas affectés par la future
délimitation maritime entre le Nicaragua et la Colombie.

I. LE CADRE JURIDIQUE (par. 20-48)

La Cour se penche d’abord sur le cadre juridique de la demande d’intervention du Honduras

tel que constitué par l’article62 du Statut de la Cour et l’article81 du Règlement et note que,
l’intervention étant une procédure incidente par rapport à la procédure principale dont la Cour est
saisie, il revient, selon le Statut et le Règlement de la Cour, à l’Etat qui demande à intervenir
d’indiquer l’intérêt d’ordre juridique qu’il estime être pour lui en cause dans le différend, l’objet

précis qu’il poursuit au travers de cette demande, ainsi que toute base de compétence qui existerait
entre lui et les parties.

La Cour examine les qualités au titre desque lles le Honduras demande à intervenir, avant

d’en venir aux autres éléments constitutifs de la demande d’intervention.

* *

1. Les qualités au titre desquelles le Honduras demande à intervenir (par. 22 à 30)

Le Honduras demande à être autorisé à intervenir en tant que partie à l’affaire dont la Cour
est saisie afin de parvenir à un règlement dé finitif du différend qui l’oppose au Nicaragua, y
compris la détermination du point triple avec la Colombie, et subsidiairement, en tant que
non-partie, afin de faire connaître à la Cour les intérêts d’ordre juridique auxquels la décision

qu’elle est appelée à rendre dans l’affaire opposant le Nicaragua à la Colombie pourrait porter
atteinte, et de les protéger. - 4 -

Se référant à la jurisprudence de la Cour , le Honduras estime que l’article62 du Statut
permet à un Etat d’intervenir soit en tant que par tie soit en tant que non-pa rtie. Dans le premier

cas, une base de compétence entre l’Etat demandant à intervenir et les parties à la procédure
principale est indispensable, et l’Etat intervenant est lié par l’arrêt de la Cour, alors que, dans le
second cas, celui-ci n’a d’effet qu’entre les parties à la procédure principale, en vertu de l’article 59
du Statut. Le Honduras relève qu’en l’espèce l’ articleXXXI du pacte de Bogotá fonde la

compétence de la Cour entre lui-même, le Nicarag ua et la Colombie. Pour l’Etat demandant à
intervenir en tant que partie, l’intervention consiste, selon le Honduras, «à faire valoir un droit
propre concernant l’objet du litige» de manière à obtenir de la Cour qu’elle se prononce sur un tel
droit.

Pour le Nicaragua, quelles que soient les deux qualités alternatives au titre desquelles le
Honduras souhaite intervenir, les conditions sine qua non posées par l’article62 du Statut
demeurent d’application, à savoir que l’Etat doit fa ire valoir qu’un intérêt juridique est pour lui en

cause dans un différend soumis à la Cour. Le Nicaragua soutient que le H onduras ne peut en tout
état de cause intervenir comme partie ne serait-ce que faute de base de compétence, du fait que
l’articleVI du pacte de Bogotá exclut de la comp étence de la Cour les «questions déjà réglées au
moyen … d’une décision d’un tribunal international». En effet, selon le Nicaragua,

l’argumentation du Honduras consiste à remettre en cause les questions de délimitation déjà réglées
par l’arrêt de la Cour du8octobre2007 ( Différend territorial et maritime entre le Nicaragua et le
Honduras dans la mer des Caraïbes (Nicaragua c. Honduras), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (II), p. 659).

La Colombie souligne que l’intervention est une procédure incidente et qu’elle ne saurait être
utilisée pour greffer une nouvelle instance sur celle , distincte, qui existe entre les parties
originelles. Elle admet que les deux formes d’in tervention, en tant que partie et en tant que
non-partie, requièrent la preuve de l’existence d’un intérêt d’ordr e juridique; elle se demande

toutefois si cet intérêt est subordonné au même critère dans l’un et l’autre cas.

*

La Cour relève que ni l’article62 du Statut ni l’article81 du Règlement ne précisent la

qualité au titre de laquelle l’Et at peut demander à intervenir. Cependant, dans son arrêt du
13septembre1990 sur la requête à fin d’intervention du Nicaragua en l’affaire du Différend
frontalier terrestre, insulaire et maritime (ElSalvador/Honduras) , la Chambre de la Cour s’est
penchée sur le statut de l’Etat demandant à intervenir et a admis qu’un Etat peut être autorisé à

intervenir au titre de l’article 62 du Statut soit en tant que non-partie soit en tant que partie :

«Il est donc patent que l’Etat admis à intervenir dans une instance ne devient
pas aussi une partie en cause du seul fait qu ’il est un intervenant. Réciproquement, il

est vrai que, sous réserve du consentement requis des parties en cause, l’intervenant
n’est pas empêché par sa qualité d’intervenant de devenir lui-même partie au procès.»
(Différend frontalier terrestre, insulaire et maritime (El Salvador/Honduras), requête à
fin d’intervention, arrêt, C.I.J. Recueil 1990, p. 134-135, par. 99.)

De l’avis de la Cour, le statut d’intervenant en tant que partie nécessite, en tout cas,
l’existence d’une base de compétence entre les Etat s concernés, dont la validité est établie par la
Cour au moment où elle autorise l’intervention. Cependant, même si l’article81 du Règlement

prévoit que la requête doit indiquer toute base de compétence qui existerait entre l’Etat qui
demande à intervenir et les parties à la procédure principale, cette base de compétence n’est pas
une condition de l’intervention en tant que non-partie. - 5 -

S’il est autorisé par la Cour à être partie au procès, l’Etat intervenant peut lui demander de
reconnaître ses droits propres dans sa décision future, laquelle sera obligatoire à son égard en ce qui

concerne les aspects pour lesquels l’intervention au ra été admise, en application de l’article59 du
Statut. A contrario, ainsi que la Chambre de la Cour chargée de connaître de l’affaire du Différend
frontalier terrestre, insulaire et maritime (ElSalvador/Honduras) l’a souligné, l’Etat autorisé à
intervenir à l’instance en tant que non-partie «n’acquiert pas les droits et n’est pas soumis aux

obligations qui s’attachent à la qualité de partie en vertu du Statut et du Règlement de la Cour ou
des principes juridiques généraux de procédure» ( requête à fin d’intervention, arrêt,
C.I.J. Recueil 1990, p. 136, par. 102).

La Cour relève toutefois que, quelle que soit la qualité au titre de laquelle un Etat demande à
intervenir, il doit remplir les conditions posées à l’article62 du Statut. Dans la mesure où
l’article62 du Statut et l’article81 du Règlement tracent le cadre juridique de la demande
d’intervention et en déterminent les éléments c onstitutifs, ceux-ci s’imposent quelle que soit la

qualité au titre de laquelle l’Etat demande à intervenir : dans tous les cas, cet Etat est tenu d’établir
l’intérêt d’ordre juridique qui est pour lui en cause dans la procédure principale et l’objet précis de
l’intervention sollicitée.

2. L’intérêt d’ordre juridique en cause (par. 31 à 39)

La Cour note que le Honduras considère que deux principes sous-tendent l’article62 du
Statut. D’après le premier principe, c’est à l’Etat qui désire intervenir «d’estimer» si un ou

plusieurs de ses intérêts d’ordre juridique sont en cause, et il serait le seul à même d’apprécier
l’étendue des intérêts en question. Selon le second principe, il appartiendrait à cet Etat de décider
de l’opportunité d’exercer un droit d’intervention devant la Cour.

Ainsi, pour le Honduras, l’article62, tout comme l’article63, consacre un droit
d’intervention au bénéfice des Etats parties au Statut, en vertu duquel il suffirait que l’un d’entre
eux «estime» que ses intérêts d’ordre juridique sont en cause, pour que la Cour soit tenue
d’autoriser l’intervention. En effet, selon le H onduras, si cet intérêt est réel, la Cour n’a pas de

pouvoir discrétionnaire pour ne pas autoriser l’intervention.

La Cour relève que, conformément au Statut et au Règlement, l’Etat qui demande à
intervenir doit faire état d’un intérêt d’ordre juridique propre dans la procédure principale et d’un

lien entre cet intérêt et la décision que la Cour pourrait être amenée à rendre à l’issue de ladite
procédure. Il s’agit, aux termes du Statut, de «l’i ntérêt d’ordre juridique en cause» (voir article 62
du Statut) ; ou de ce que le texte en anglais exprime de façon plus explicite comme «an interest of a
legal nature which may be affected by the decisi on in the case», soit, littéralement, «un intérêt

d’ordre juridique susceptible d’être affecté par la décision en l’espèce».

La Cour estime qu’il appartient à l’Etat intér essé de demander à intervenir, même si la Cour
peut, au cours d’une affaire déterminée, appele r l’attention des Etats tiers sur l’incidence

éventuelle, sur leurs intérêts, de son arrêt futu r au fond, ainsi qu’elle l’a fait dans son arrêt
du11juin1998 sur les exceptions préliminaires en l’affaire de la Frontière terrestre et maritime
entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c. Nigéria) (C.I.J. Recueil 1998, p. 324, par. 116).

La Cour note que, contrairement à l’article63 du Statut, l’article62 ne confère pas à l’Etat
tiers un droit à intervenir. En effet, il ne suff it pas à cet Etat d’estimer qu’il a un intérêt d’ordre
juridique susceptible d’être affecté par la décision de la Cour dans la procédure principale pour
avoir ipso facto un droit à intervenir dans cette procédure. D’ailleurs, le paragraphe2 de

l’article62 reconnaît clairement la prérogative de la Cour de se prononcer sur toute demande
d’intervention, en fonction des éléments qui lui auront été soumis.

Certes, ainsi qu’elle l’a déjà souligné, la C our «ne considère pas que le paragraphe2 [de

l’article 62] lui confère une sorte de pouvoir discrét ionnaire lui permettant d’accepter ou de rejeter - 6 -

une requête à fin d’intervention pour de simples raisons d’opportunité» ( Plateau continental
(Tunisie/Jamahiriya arabe libyenne), requête à fin d’intervention, arrêt, C.I.J.Recueil1981 , p.12,

par.17). C’est à la Cour, à qui il appartient de veiller à la bonne administration de la justice, de
décider si la condition posée par le paragraphe1 de l’article62 est remplie. De ce fait, le
paragraphe2 de cette disposition, selon lequel «[l]a Cour décide», se différencie nettement du
paragraphe2 de l’article63, qui reconnaît clairement à certains Etats «le droit d’intervenir au

procès» pour les besoins de l’interprétation d’une convention à laquelle ils sont parties.

La Cour observe que, alors que les parties à la procédure principale la prient de leur
reconnaître certains droits dans l’espèce considér ée, l’Etat qui demande à intervenir fait en

revanche valoir, en se fondant sur l’article 62 du Statut, que la décision sur le fond pourrait affecter
ses intérêts d’ordre juridique. L’Etat qui cherche à intervenir en tant que non-partie n’a donc pas à
établir qu’un de ses droits serait susceptible d’être affecté; il est suffisant pour cet Etat d’établir
que son intérêt d’ordre juridique pourrait être affect é. L’article62 requiert que l’intérêt dont se

prévaut l’Etat qui demande à intervenir soit d’ordr e juridique, dans le sens où cet intérêt doit faire
l’objet d’une prétention concrète et réelle de celui-ci, fondée sur le droit, par opposition à une
prétention de nature exclusivement politique, économique ou stratégique. Mais il ne s’agit pas de
n’importe quel intérêt d’ordre juridique; encore fa ut-il qu’il soit susceptible d’être affecté, dans

son contenu et sa portée, par la décision future de la Cour dans la procédure principale.

Des lors, l’intérêt d’ordre juridique visé à l’ar ticle 62 ne bénéficie pas de la même protection
qu’un droit établi et n’est pas soumis aux mêmes exigences en matière de preuve.

La décision de la Cour autorisant l’interv ention peut être considérée comme préventive
puisqu’elle a pour objectif de permettre à l’Etat intervenant de participer à la procédure principale
dans le but de protéger un intérêt d’ordre juridique qui risque d’être affecté dans cette procédure.

Quant au lien entre la procédure incidente et la procédure principale, la Cour a déjà précisé que
«l’intérêt d’ordre juridique qu’un Etat cherchant à intervenir en vertu de l’article 62 doit démontrer
n’est pas limité au seul dispositif d’un arrêt. Il peut également concerner les motifs qui constituent
le support nécessaire du dispositif.» ( Souveraineté sur PulauLigitan et PulauSipadan

(Indonésie/Malaisie), requête à fin d’intervention, arrêt, C.I.J. Recueil 2001, p. 596, par. 47.)

La Cour souligne qu’il lui revient d’apprécier l’intérêt juridique susceptible d’être affecté,
invoqué par l’Etat qui demande à intervenir, en fonction des données propres à chaque affaire, et

elle ne peut le faire «que concrètement et que par rapport à toutes les circonstances de l’espèce»
(Différend frontalier terrestre, insulaire et ma ritime (ElSalvador/Honduras), requête à fin
d’intervention, arrêt, C.I.J. Recueil 1990, p. 118, par. 61).

3. L’objet précis de l’intervention (par. 40 à 48)

La Cour rappelle qu’aux termes de l’alinéa b) du paragraphe 2 de l’ar ticle 81 du Règlement,
une requête à fin d’intervention doit spécifier «l’objet précis de l’intervention» sollicitée.

Le Honduras demande à la Cour, da ns le contexte de sa requête à fin d’intervention, en tant
que partie, de déterminer le trac é de la frontière maritime entre lui-même, le Nicaragua et la
Colombie dans la zone maritime en cause et de fi xer le point triple sur la ligne frontière du traité

de 1986. A titre subsidiaire, l’intervention du Honduras en tant que non-partie a pour objet

«de protéger [ses] droits et intérêts d’ordre juridique … et d’informer la Cour sur leur
nature de sorte à ce qu’ils ne soient pas af fectés par la délimitation maritime entre le

Nicaragua et la Colombie, que la Cour est invitée à déterminer dans le cadre de
l’instance pendante». - 7 -

La Cour indique que la requête à fin d’ intervention du Honduras relève d’une procédure

incidente et que, quelle que soit la forme de l’intervention sollicitée ⎯ en tant que partie ou en tant
que non-partie ⎯, l’Etat demandant à intervenir est tenu pa r le Statut de prouver l’existence d’un
intérêt juridique susceptible d’être affecté par la d écision de la Cour dans la procédure principale.
Il en découle que l’objet précis de l’intervention doit se rattacher à l’objet du différend principal qui

oppose le Nicaragua à la Colombie.

La Cour souligne en outre que les procédures écrite et orale relatives à la requête à fin
d’intervention doivent se concentrer sur la preuve de l’intérêt juridique en cause ; ces procédures ne

sont pas, pour l’Etat qui demande à intervenir et pour les Parties, l’occasion de débattre de
questions de fond relevant de la procédure principale, que la Cour ne peut, au stade de l’examen de
l’admission d’une requête à fin d’intervention, prendre en considération.

La raison d’être de l’intervention est, comme la Cour l’a déjà souligné, de permettre à un
Etat tiers, dont l’intérêt juridique risque d’être affecté par la décision que la Cour pourrait adopter,
de participer à la procédure principale pour protéger cet intérêt.

La Cour relève que l’Etat qui demande à inte rvenir ne peut, sous couvert d’intervention,
chercher à introduire une instance nouvelle aux côtés de la procédure principale. Certes, l’Etat qui
a été autorisé à intervenir en tant que partie pe ut soumettre à la Cour, pour décision, des demandes

qui lui sont propres, mais celles-ci doivent être lié es à l’objet du différend principal. Ce n’est pas
parce qu’un Etat est autorisé à intervenir qu’il pourrait dénaturer la procédure principale, car
l’intervention «ne saurait être une procédure qui tr ansforme [une] affaire en une affaire différente

avec des parties différentes» ( Différend frontalier terrestre, insulaire et maritime
(ElSalvador/Honduras), requête à fin d’in tervention, arrêt, C.I.J.Recueil1990 , p. 134, par. 98 ;
voir aussi Plateau continental (Jamahiriya arabe libyenne/Malte), requête à fin d’intervention, arrêt,
C.I.J. Recueil 1984, p. 20, par. 31).

Ainsi, l’appréciation du lien entre l’objet préci s de l’intervention et l’objet du différend est
destinée à permettre à la Cour de s’assurer que l’Etat tiers vise effectivement la protection de ses
intérêts juridiques susceptibles d’être affectés par l’arrêt qui sera rendu.

* *

II. EXAMEN DE LA REQUÊTE À FIN D ’INTERVENTION DU H ONDURAS (par. 49 à 75)

La Cour relève que, en spécifiant ses intérêts d’ordre juridique susceptibles d’être affectés
par la décision de la Cour, le Honduras affirme dans sa requête qu’il est reconnu, dans le traité de
délimitation maritime conclu en 1986 entre lui-même et la Colombie (ci-après dénommé le «traité
e e
de 1986»), que la zone située au nord du 15 parallèle et à l’est du 82 méridien recouvre certains de
ses droits et intérêts d’ordre juridique légitimes. Le Honduras fait valoir que la Cour, dans la
décision qu’elle rendra en l’espèce, devra dûment tenir compte de ces droits et intérêts dans ladite
zone, lesquels, soutient-il, n’ont pas été pris en considération dans l’arrê t de2007 en l’affaire du

Différend territorial et maritime entre le Nicaragua et le Honduras dans la mer des Caraïbes
(Nicaragua c. Honduras) (arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (II), p. 658). Le Honduras estime que la Cour,
étant appelée à se prononcer sur l’attribution de la «zone de délimitation» telle que spécifiée par le
Nicaragua dans la procédure principale, devra inévitablement décider si le traité de1986 est en

vigueur et s’il accorde à la Colombie des droits da ns la zone en litige entre elle et le Nicaragua.
Aussi affirme-t-il que le statut et la teneur du traité de 1986 sont en jeu dans la présente espèce. - 8 -

Le Honduras soutient avoir toujours, en vertu du traité de 1986, une juridiction et des droits
souverains à faire valoir dans la zone située à l’est du 82 eméridien en matière, notamment, de

concessions pétrolières, de patrouilles navales et d’activités de pêche. En outre, le Nicaragua,
n’étant pas partie au traité de 1986, ne serait pa s fondé à se prévaloir de celui-ci pour affirmer que
la zone maritime en cause lui revient nécessairement . Le Honduras est convaincu qu’une décision

rendue sans qu’il ait participé en tant qu’Etat in tervenant à l’instance pourrait affecter de manière
irréversible ses intérêts juridiques si la Cour en arrivait à faire droit à certaines des demandes
formulées par le Nicaragua.

Le Honduras fait valoir que l’arrêt de2007 n’a pas fixé dans son inté gralité la frontière
séparant le Nicaragua et le Honduras dans la mer des Caraïbes. D’après lui, le fait que la flèche
tracée sur la ligne bissectrice marquant la frontière telle qu’elle apparaît sur l’un des croquis
accompagnant l’arrêt de2007 s’arrête au 82 eméridien, conjugué au libellé du dispositif de cet

arrêt, indique que la Cour ne s’est pas prononcée sur la zone située à l’est de ce méridien. La Cour
n’ayant pas, dans cet arrêt, statué sur le traité de1986 ⎯question sur laquelle elle n’était pas
appelée à se prononcer ⎯, le Honduras estime qu’une incertitude reste à dissiper quant à la

juridiction et aux droits souverains respectifs des troisEtats ⎯le Honduras, la Colombie et le
Nicaragua ⎯ dans la région. Plus précisément, le H onduras considère que la Cour n’a pas fixé le
point terminal de sa frontière avec le Nicaragua et n’a pas non plus spécifié que ce point serait situé

sur l’azimut de la bissectrice marquant la frontière . Sa requête a pour objet d’obtenir de la Cour ,
dans l’hypothèse où il serait autorisé à intervenir en ta nt que partie, qu’elle fixe le point triple entre
le Honduras, le Nicaragua et la Colombie, et a rrête ainsi définitivement la délimitation maritime

dans la région.

Donnant son interprétation de l’effet de l’arrêt de2007 quant a ux motifs contenus aux
paragraphes 306 à 319 de cette décision sous l’intitulé «Le point de départ et le point terminal de la

frontière maritime», le Honduras a plaidé que ces paragraphes ne relevaient pas de la chose jugée et
que, au paragraphe319, la Cour ne s’était pas prononcée sur une question particulière, mais avait
indiqué aux Parties la méthodologie susceptible d’être employée sans préjuger d’un point terminal
définitif ni de la question de savoir quels Etat s pourraient être considérés comme tiers. Aussi

estime-t-il que ce paragraphe ne tranche aucune qu estion, seul le dispositif de l’arrêt étant en
principe revêtu de l’autorité de la chose jugée.

Le Nicaragua et la Colombie, les Parties à la procédure principale, ont des positions

divergentes à l’égard de la requête du Honduras. Le Nicaragua est résolument opposé à la
demande d’intervention du Honduras, que ce soit en qualité de partie ou en qualité de non-partie. Il
considère que la requête du Honduras ne spécifie pas l’intérêt d’ordre juridique susceptible d’être

affecté par la décision de la Cour, au sens de l’article62 du Statut, et qu’elle remet en question
l’autorité de la chose jugée dont est revêtu l’arrêt de 2007.

Le Nicaragua soutient que le Honduras ne possèd e aucun intérêt d’ordre juridique au sud de

la ligne de délimitation établie par la Cour dans son aerêt de 2007, y compris dans la zone
délimitée, au nord, par cette ligne et, au sud, par le 15 parallèle. Il considère que le traité de 1986
ne peut lui être opposé étant donné qu’il empiète sur ses droits souverains. Il fait valoir que l’arrêt
de2007, avec toute l’autorité de la chose jugée, fi xe dans son intégralité la frontière séparant le

Nicaragua et le Honduras dans la mer des Caraïbes et que cette autorité de la chose jugée s’attache
non seulement au dispositif, mais aussi aux motifs, da ns la mesure où ceux-ci en sont inséparables.
Selon le Nicaragua, la requête soumise par le Honduras vise à rouvrir des questions qui ont déjà été

tranchées par la Cour ; le principe de l’autorité de la chose jugée emporte dès lors son rejet.

La Colombie, quant à elle, fait valoir que le Honduras satisfait aux conditions requises pour
intervenir en tant que non partie en vertu de l’ article 62 du Statut, ajoutant qu’elle n’élève aucune

objection contre la demande du Honduras à intervenir en tant que partie. L’argumentation de la
Colombie a essentiellement trait à l’effet de l’arrêt de2007 sur ses droits vis-à-vis du Nicaragua
dans la zone couverte par le traité de1986. La Colombie soutient que les obligations bilatérales - 9 -

qu’elle a contractées à l’égard du Honduras en vert u de ce traité ne lui interdisent pas de

revendiquer e l’encontre du Nicaragua, ee l’espèce, des droits et des intérêts dans la zone située au
nord du 15 parallèle et à l’est du 82 méridien, les engagements qu’e lle a pris envers le Honduras
au titre dudit traité ne valant qu’envers cet Etat.

*

La Cour note que, selon l’article 62 du Statut et l’article 81 du Règlement, l’Etat demandant
à intervenir doit, pour être autorisé à ce faire, re mplir certaines conditions. Qu’il s’agisse pour lui
d’intervenir en tant que partie ou en tant que non-partie, il doit convaincre la Cour que, dans le

différend principal, un intérêt d’ordre juridique est p our lui en cause. Celle-ci, pour déterminer si
la requête du Honduras satisfait aux critères é noncés à l’article62 du Statut relativement à
l’intervention, devra commencer par examiner l’intérêt juridique qui s’y trouve invoqué. Ainsi

qu’elle l’a indiqué plus haut, la C our ne perdra pas de vue que, ce faisant, il ne s’agit pas pour elle
d’interpréter le sens ou la portée de l’arrêt de 2007 ainsi qu’envisagé à l’article60 du Statut, ni
d’aborder la moindre question touchant au fond de la procédure principale. La Cour ne saurait en
aucune façon préjuger de sa décision au fond (voir Différend frontalier terrestre, insulaire et

maritime (ElSalvador/Honduras), requête à fin d’intervention, arrêt, C.I.J.Recueil1990 , p.118,
par. 62).

* *

1. L’intérêt d’ordre juridique revendiqué par le Honduras (par. 57 à 75)

La Cour examine tout d’abord l’intérêt que le Honduras indique chercher à protéger par
l’intervention demandée. Le Honduras précise que la zone recouvrant cet intérêt d’ordre juridique

susceptible d’être affecté par la décision de la Cour s’inscrit grosso modo dans un rectangle
représenté sur le croquis figurant à la page 26 de l’a rrêt. Il ajoute que le tracé des côtés méridional
et oriental de ce rectangle, qui se confondent avec la frontière du traité de 1986, est le suivant :

e e
«Partant du 82 méridien, la frontière se dirige vers l’est le long du 15 parallèle
jusqu’à atteindre le méridien 79°56'00". Elle s’oriente alors vers le nord le long de
ce méridien pour ensuite s’infléchir et suivre un arc approximatif à l’ouest de quelques

cayes et du banc de Serranilla, avant d’atteindre un point situé au nord des cayes...»

La Cour relève que, pour démontrer qu’il possède un intérêt d’ordre juridique en l’affaire, le

Honduras indique pouvoir revendiquer des droits souvera ins et faire valoir une juridiction sur la
zone maritime correspondant au rectangle. Concrètement, il prétend pouvoir s’y prévaloir de droits
en matière de concessions pétrolières, de patrou illes navales et d’activités de pêche. Dans son
argumentation, le Honduras soulève un certain no mbre de points qui, selon la Cour, remettent

directement en question l’arrêt de2007, par lequel a été délimitée la frontière maritime entre le
Honduras et le Nicaragua. - 10 -

La détermination de l’intérêt d’ordre juridique du Honduras se résume pour l’essentiel à

l’examen de deux questions : d’une part, celle de savoir si l’arrêt de 2007 a fixé dans son intégralité
la frontière maritime séparant le Honduras et le Nicaragua dans la merdesCaraïbes, et, d’autre
part, celle des effets qu’aura, le cas échéant, la déci sion de la Cour dans la procédure principale sur

les droits dont jouit le Honduras en vertu du traité de 1986.

Dans sa requête, le Honduras expose que lui-même et la Colombie détiennent des droits sur
la zone maritime située au nord du 15 e parallèle, droits générés par les côtes du Honduras d’une

part, et par l’archipel de San Andrés, Serranilla et l’île de Providencia, d’autre part, et que c’est le
chevauchement de leurs revendications qui les a con duits à conclure le traité de1986. La Cour
relève que ce n’est pas la première fois que la position du Honduras concernant le statut du
e
15 parallèle, telle qu’il la développe en l’espèce, oppose celui-ci au Nicaragua. De fait, cette
position a été dûment examinée par la Cour dans l’arrêt portant délimitation de la frontière
maritime entre le Nicaragua et le Honduras qu’elle a rendu en 2007.

Dla’affaire Nicaragua c.Honduras , l’un des principaux arguments du Honduras
relativement à la délimitation consistait à affirmer que le 15 parallèle devait constituer la frontière
maritime entre lui-même et le Nicaragua, soit en tant que ligne traditionnelle, soit du fait de

l’accord tacite des Etats voisins. Dans son arrêt, la Cour a rejeté ces deux arguments juridiques et
n’a pas conféré au 15 parallèle cette qualité de ligne frontière. Le 15 parallèle ne joue donc aucun
rôle en vertu de l’arrêt de 2007 a ux fins de l’examen de la délim itation maritime entre le Honduras

et le Nicaragua. En d’autres termes, cette question est, pour le Honduras, chose jugée aux fins de la
présente procédure.

Appelée à arrêter une frontière maritime unique délimitant les mers territoriales, portions de
plateau continental et zones économiques exclusiv es relevant respectivement du Nicaragua et du
Honduras dans la zone en litige, la Cour, dans son arrêt de 2007, a tracé une ligne bissectrice tenant
compte, moyennant certains ajustements, des îles honduriennes situées au large du littoral. Dans la

présente procédure, le Honduras et le Nicaragua ont exprimé des positions très différentes sur
l’effet de cette bissectrice marquant la frontière. Ainsi sont-ils en désaccord sur les questions de
savoir si la Cour, dans son arrêt de2007, a indiqué un point termin al précis sur la bissectrice, si
e
cette dernière s’étend au-delà du 82 méridien et, partant, si l’arrêt de2007 a définitivement
délimité l’intégralité de la fron tière maritime entre le Honduras et le Nicaragua dans la mer des
Caraïbes. La Cour prend note de la position du Honduras, selon lequel ces questions, si elles

demeurent sans réponse, ne manqueront certainemen t pas d’avoir une incidence sur le caractère
définitif et la stabilité des relations juridiques entre les deux parties.

Selon la Cour, deux aspects du raisonnement qu’elle a développé aux paragraphes 306 à 319

de son arrêt de2007 revêtent une incidence directe en ce qui concerne les questions exposées
ci-dessus. Elle rappelle en premier lieu que c’ est seulement après avoir conclu à l’existence
d’éventuels intérêts d’Etats tiers dans la zone qu’elle a, dans son ar rêt de 2007, décidé de ne pas se

prononcer sur la question du point terminal. En toute logique, si le pointF de la ligne bissectrice
tel que l’interprète le Honduras avait été censé mar quer un tel point terminal, la Cour n’aurait eu
nul besoin de continuer de se soucier de l’emplace ment d’éventuels intérêts d’Etats tiers, auxquels

ce point n’aurait de toute manière pu porter atte inte. En second lieu,ec’est l’affirmation du
Honduras selon laquelle une délimitation qui s’étendrait au-delà du 82 méridien porterait atteinte
aux droits de la Colombie qui a amené la Cour à dûment tenir compte des arguments avancés par

lui quant aux droits d’Etats tiers et à s’assurer

«qu’une éventuelle délimitation entre le Honduras et le Nicaragua qui se prolongerait
vers l’est au-delà du 82 méridien et au nord du 15 parallèle (ce qui serait le cas de la

bissectrice retenue par la Cour) ne porterait en réalité pas préjudice aux droits de la - 11 -

Colombie, dans la mesure où les droits de ce tte dernière en vertu d[u] traité [de 1986]
ne s’étendent pas au nord du 15 eparallèle» (Différend territorial et maritime entre le

Nicaragua et le Honduras dans la mer d es Caraïbes (Nicaragua c.Honduras), arrêt,
C.I.J. Recueil 2007 (II), p. 759, par. 316 ; les italiques sont de la Cour).

Selon le raisonnement de la Cour, au-delà du pointF, la bissectrice d’azimut défini doit se

poursuivre en ligne droite, en épousant la courbur e de la terre, pour constituer l’intégralité du tracé
de la frontière maritime entre le Honduras et le Ni caragua aussi loin que ne sont en cause les droits
d’aucun Etat tiers. Elle délimite donc les zones maritimes revenant respectivement au Honduras et
au Nicaragua dans la mer des Caraïbes, ce qui, par définition, doit englober celle que recouvre le

rectangle.

Au terme de son examen, la Cour estime di fficile de retenir l’argument du Honduras selon
lequel «une frontière qui n’a pas de point terminal ne saurait manifestement être fixée dans son

intégralité», car ce n’est pas la première fois qu’ elle laisse indéterminé le point terminal d’une
frontière maritime qu’il s’agira de fixer ultérieureme nt, une fois établis les droits d’un ou plusieurs
Etats tiers. Ainsi que la Cour l’a dit dans son arrêt de2007, «[e]n matière de délimitation
judiciaire, il est…courant de ne pas indiquer de point terminal précis afin de ne pas porter

préjudice aux droits d’Etats tiers» ( Différend territorial et maritime entre le Nicaragua et le
Honduras dans la mer des Caraïb es (Nicaragua c. Honduras), arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (II) , p. 756,
par.312). La décision de la Cour relative à la délimitation maritime dans la mer des Caraïbes
entre le Honduras et le Nicaragua est définitive. Le Honduras ne pourrait être un «Etat tiers» dans

les relations juridiques nées de ce contexte puisqu’il était lui-même partie à la procédure. A défaut
de revendications d’Etats tiers, la frontière doit indiscutablement suivre le tracé défini par la Cour.

La Cour relève que la frontière n’aurait pu éventuellement dévier de son tracé en ligne droite

établi par l’arrêt de 2007 que si le Honduras ava it mis en avant de nouvelles formations maritimes
devant être prises en compte aux fins de la délimitation. Or, le Honduras n’en a évoqué, ou n’a
produit d’éléments tendant à en établir l’existence, ni dans le cadre de la procédure en l’affaire du
Différend territorial et maritime entre le Nicaragua et le Honduras dans la mer des Caraïbes

(Nicaragua c. Honduras) ni dans la présente procédure. Du reste, quand bien même il l’aurait fait
dans la présente procédure, la question n’en aurait pas moins été exclue du champ d’application de
l’article62 du Statut, qui concerne l’intervention, et aurait relevé de celui de l’article61, qui

concerne la revision. En d’autres termes, le Honduras n’a pas invoqué l’existence d’un différend
non résolu ou d’éléments de nature à prouver que la bissectrice marquant la frontière maritime
entre le Honduras et le Nicaragua n’était ni complète ni définitive.

2. L’application du principe de l’autorité de la chose jugée (par. 66 à 70)

La Cour note que les demandes du Honduras reposent essentiellement sur l’argument selon
lequel l’exposé des motifs contenu aux paragraphes 306 à 319 de l’arrêt de 2007 n’est pas revêtu de

l’autorité de la chose jugée. Dès lors, selon le Honduras, ce principe ne l’empêche pas de soulever
des questions qui se rapportent aux motifs de l’arrêt.

La Cour rappelle qu’il est un principe juridi que bien établi et généralement reconnu qu’une

décision rendue par un organe judiciaire a force obligatoire pour les parties au différend.

Elle relève que, afin d’établir dans quelle mesure l’arrêt de 2007 est revêtu de l’autorité de la
chose jugée, la Cour doit placer la demande du Honduras dans le contexte spécifique de l’affaire.

Les droits du Honduras sur la zone située au nor d de la bissectrice n’ont été contestés ni par
le Nicaragua ni par la Colombie. Il ne saurait donc y avoir pour le Honduras, à l’égard de cette
zone, un intérêt d’ordre juridique susceptible d’être affecté par la décision de la Cour dans la

procédure principale. - 12 -

Aux fins d’établir si le Honduras possède un intérêt d’ordre juridique dans la zone située au
sud de la ligne bissectrice, la question essentielle que doit trancher la Cour est celle de savoir dans

quelle mesure l’arrêt de2007 a défini le tracé de la frontière maritime unique entre les mers
territoriales, portions de plateau continenta l et zones économiques exclusives relevant
respectivement du Nicaragua et du Honduras.

La Cour considère que le tracé de la ligne bi ssectrice, tel qu’il a été indiqué au point3) du
dispositif de son arrêt de2007 (paragraphe321), est clair. Au point3 du dispositif, lequel est
incontestablement revêtu de l’autorité de la c hose jugée, la Cour a précisé que, «[à]partir du
point F, [la frontière] se poursuivra le long de la ligne d’azimut 70° 14' 41,25" jusqu’à atteindre la

zone dans laquelle elle risque de mettre en cause les droits d’Etats tiers».

La Cour fait observer que les motifs qui fi gurent aux paragraphes306 à319 de l’arrêt
de 2007 et constituent le support nécessaire du dis positif de cet arrêt sont, sur ce point, également

dépourvus d’ambiguïté. La Ceur a clairement indiqué dans ces paragraphes que la bissectrice
s’étendrait au-delà du 82 méridien jusqu’à atteindre la zone dans laquelle pourraient être affectés
les droits d’un Etats tiers et que son point termin al demeurerait indéterminé tant que n’auraient pas
été établis les droits de cet Etat tiers. Sans cet exposé des motifs, il pourrait être difficile de

comprendre pourquoi la Cour n’a pas fixé, dans son arrêt, de point terminal. Compte tenu de ces
motifs, la décision à laquelle la Cour est parvenue dans son arrêt de 2007 ne se prête à aucune autre
interprétation.

3. La demande du Honduras et le traité de 1986 (par. 71 à 75)

En ce qui concerne le traité de 1986, la Cour observe que le Honduras et la Colombie ont des

positions divergentes. Le Honduras a plaidé que , compte tenu des «obligations bilatérales
contradictoires» découlant, respectivement, du tra ité de 1986 conclu avec la Colombie et de l’arrêt
rendu en 2007 entre lui et le Nicaragua, il avait un intérêt d’ordre juridique à ce que soit tranchée la
question de savoir si et dans quelle mesure l’arrê t de2007 a eu une incidence sur le statut et

l’application du traité de1986. La Colombie, quant à elle, a prié la Cour de laisser de côté ce
même traité, puisque ce à quoi celle-ci est appelée, lors de la phase du fond, consiste à délimiter la
frontière maritime entre la Colomb ie et le Nicaragua, et non à déte rminer le statut des relations
conventionnelles de la Colombie et du Honduras. La Colombie estime donc que le statut et la

teneur du traité de 1986 ne sont pas en jeu dans la procédure principale.

Dans le rectangle théorique qui intéresse la Cour, trois Etats sont concernés : le Honduras, la
Colombie et le Nicaragua. Ces Etats peuvent conclure des traités de délimitation maritime

bilatéraux. En vertu du principe res inter alios acta, ces traités ne confèrent pas davantage de droits
à un Etat tiers qu’ils ne lui imposent d’obligations . Quelques concessions qu’un Etat partie ait pu
faire à l’égard de l’autre, celles-ci demeureront b ilatérales, et exclusivement bilatérales, et ne
pourront avoir aucune incidence sur les droits d’ un Etattiers. Dans son arrêt de2007, la Cour,

conformément au principe res inter alios acta, ne s’est pas fondée sur le traité de 1986.

La Cour considère que la frontière mariti me entre la Colombie et le Nicaragua sera
déterminée en fonction de la côte et des formations maritimes des deux Parties. Ce faisant, la Cour,

pour déterminer cette frontière, ne se fondera pas sur le traité de 1986.

Enfin, la Cour n’estime aucunement nécessaire d’examiner la question du «point triple» que
le Honduras affirme être situé sur la ligne frontière établie par le traité de 1986. Ayant éclairci plus

haut les questions ayant trait à l’arrêt de 2007 et au traité de 1986, la Cour ne voit aucun lien entre
celle du «point triple» soulevée par le Honduras et la présente procédure. - 13 -

Au vu des considérations qui précèdent, la Cour conclut que le Honduras n’est pas parvenu à
démontrer qu’il possédait un intérêt d’ordre juridique susceptible d’être affecté par la décision de la

Cour dans la procédure principale . En conséquence, la Cour n’a besoin d’examiner aucune autre
des questions soulevées devant elle dans la présente procédure.

*

* *

Dispositif (par. 76)

«Par ces motifs,

L A COUR ,

Par treize voix contre deux,

Dit que la requête à fin d’intervention en l’instance, en tant que partie ou en tant

que non-partie, déposée par la République du Honduras en vertu de l’article62 du
Statut de la Cour, ne peut être admise.

POUR : M. Owada, président, M. omka, vice-président ; MM. Koroma,

Al-Khasawneh, Simma, Keith, Sepúlveda-Amor, Bennouna,
Cançado Trindade, Yusuf, Mme Xue,juges ; MM. Cot, Gaja, juges ad hoc

CONTRE : M. Abraham, Mme Donoghue, juges.»

M.le jugeAl-Khasawneh joint une déclaration à l’arrêt; M.le juge Abraham joint à l’arrêt
l’exposé de son opinion dissidente; M.le juge Keith joint une déclaration à l’arrêt;
MM.les juges Cançado Trindade et Yusuf joignent une déclaration commune à l’arrêt;

Mme le juge Donoghue joint à l’arrêt l’exposé de son opinion dissidente.

___________ - 14 -

Annexe au résumé n 2011/4

Déclaration de M. le juge Al-Khasawneh

Le juge Al-Khasawneh souscrit à la conclu sion de l’arrêt selon laquelle la requête à fin

d’intervention en l’instance, en tant que partie ou en tant que non-partie, introduite par le Honduras
ne peut être admise. Il adhère également pour l’essentiel au raisonnement ayant conduit la majorité
à faire sienne cette conclusion.

Toutefois, le juge Al-Khasawneh regrette, pour les raisons qu’il a précisées dans son opinion
dissidente jointe à l’arrêt relatif à la requête à fin d’intervention introduite par le Costa Rica dans la
même affaire, que la Cour tente d’éclaircir la tr ès vague notion d’«intérêt d’ordre juridique» en
établissant une distinction entre droits et intérêts juridiques, auxquels ne s’appliqueraient pas la

même protection ni les mêmes exigences en matière de preuve. Selon lui, cette démarche, loin de
nous éclairer sur la notion d’«intérêt d’ordre juridique», ne fait que la rendre plus obscure encore.

Opinion dissidente de M. le juge Abraham

Le juge Abraham approuve le dispositif de l’arrêt en ce qu’il rejette la demande
d’intervention du Honduras en tant que partie, mais il est en désaccord avec le raisonnement qui a
conduit la Cour à cette conclusion. En outre, le juge Abraham désapprouve le dispositif de l’arrêt

en ce qu’il rejette la demande d’intervention du Honduras en tant que non-partie.

A titre de considérations générales, le juge Abraham précise qu’il existe un «droit» pour les
Etats tiers d’intervenir dans une instance en cours mais que ce droit est subordonné à l’existence de

certaines conditions dont il appar tient à la Cour d’apprécier si elles sont remplies sur la base des
éléments de preuve présentés par l’Etat souhaitant intervenir. Si la Cour constate que les
conditions sont remplies, elle est, selon le juge Abraham, tenue d’ autoriser l’intervention. Par
conséquent, le juge Abraham estime que l’arrêt de la Cour est critiqua ble en ce que, dans la partie

de l’arrêt relative à l’application des principes à la demande d’intervention du Honduras, la Cour ne
se limite pas à rechercher si la condition énoncée par l’article62 du Statut est bien remplie mais
raisonne comme si elle détenait un pouvoir discr étionnaire lui laissant les mains libres pour

accepter ou rejeter une demande d’intervention.

Le juge Abraham est d’avis que la demande d’intervention du Honduras en tant que partie
doit être rejetée étant donné l’absence d’une base de compétence entre le Honduras et les deux

parties à l’instance en cours. En effet, pour le juge Abraham, la délimitation maritime entre le
Honduras et le Nicaragua a été complètement réglée par l’arrêt de la Cour rendu le 8 octobre 2007
entre le Nicaragua et le Honduras. Cette délimitation constitue dès lors une «question réglée par la
décision d’un tribunal international» au sens de l’articleVI du pacte de Bogotá, excluant ainsi

l’application de la clause compromissoire contenue à l’article XXXI du Pacte de Bogotá.

Selon le juge Abraham, la Cour aurait toutefois dû permettre l’intervention du Honduras en
tant que non-partie. En effet, selon lui, il existe en l’espèce une po ssibilité que l’arrêt futur de la

Cour affecte les intérêts d’ordre juridique du Honduras, et ce, de deux manières. D’une part, il est
possible que l’arrêt que la Cour rendra dans le différend opposant le Nicaragua et la Colombie fixe
le point terminal de la ligne bissectrice que la Cour a tracé dans son arrêt du 8 octobre 2007 rendu
entre le Nicaragua et le Honduras. Le juge Abraham en déduit qu’il est possible que l’arrêt futur de

la Cour affecte les intérêts du Honduras. D’autre part et surtout, le juge Abraham est d’avis que
l’arrêt que la Cour rendra pourrait avoir des incidences directes sur la portée effective du traité
bilatéral de 1986 conclu entre le Honduras et la Colombie. En effet, si la Cour adopte la ligne de
délimitation proposée par la Colombie, le Honduras pourra continuer à revendiquer, sur la base de

ce traité, l’essentiel des espaces que celui-ci lui attr ibue. Cependant, dans l’hypothèse où la Cour - 15 -

devait décider d’attribuer tout ou partie de ces esp aces au Nicaragua, le Honduras ne pourrait plus
les revendiquer puisqu’il n’existe entre lui et le Nicaragua aucune base conventionnelle permettant

de fonder une telle revendication. Le juge Abra ham désapprouve l’arrêt en ce qu’il ne retient pas
ces considérations et qu’il conclut, en se basant sur des motifs dépourvus de pertinence, à l’absence
d’intérêt d’ordre juridique du Honduras susceptible d’être affecté par l’arrêt à venir.

Déclaration de M. le juge Keith

Dans sa déclaration, le jugeKeith indi que souscrire aux conclusions de la Cour,

essentiellement pour les motifs exposés par celle-ci. Il est cependant en désaccord avec l’un des
aspects du raisonnement.

Le juge Keith estime que la distinction opér ée par la Cour entre les «droits dans l’espèce
considérée» et un «intérêt d’ordre juridique» pose trois problèmes: ces expressions ou concepts

sont sortis de leur contexte ; la définition que donne la Cour du second est problématique ; et, pour
autant qu’elle existe, la distinction semble dénuée d’utilité pratique.

Déclaration commune de MM. les juges Cançado Trindade et Yusuf

1. Les juges Cançado Trindade et Yusuf ont voté en faveur de la décision globale de la Cour
de ne pas admettre la requête à fin d’intervention, en tant que partie ou en tant que non-partie,

introduite par le Honduras, et se félicitent de la ma nière dont la Cour a traité la question de la
différence entre droits et intérêts d’ordre juridi que. Dans leur déclaration commune, ils exposent
les raisons pour lesquelles ils s’associent à la décisi on de la Cour de ne pas admettre cette requête.
Ils expriment cela étant certaines préoccupations quan t à la propension persistante de la Cour à se

prononcer contre la mise en Œuvre concrète de l’institution de l’intervention, appelée, selon eux, à
jouer un rôle important dans le cadre des procès internationaux et du règl ement international des
différends contemporains (partie I).

2. A cet effet, les juges Cançado Trindade et Yusuf se livrent à un examen des conditions de
l’intervention au regard du Statut de la Cour (p artieII). Ils estiment qu’aux fins de l’examen des
critères énoncés à l’article 62 du Statut, peu importe que l’Etat tiers souhaite intervenir en tant que

partie ou en tant que non-partie dans l’instance pr incipale étant donné qu’il doit, en tout état de
cause, démontrer qu’il a «un intérêt d’ordre juridique» susceptible d’être affecté par la décision de
la Cour sur le fond. Ils sont d’avis que, da ns le cas d’espèce, le Honduras n’a pas démontré qu’il
possède un «intérêt d’ordre juridique» susceptible d’être affecté par la décision de la Cour dans la

procédure principale. Selon eux, l’a rrêt que la Cour a rendu en l’affaire du Différend territorial et
maritime entre le Nicaragua et le Honduras da ns la mer des Caraïbes (Nicaragua c.Honduras)
étant revêtu de l’autorité de la chose jugée, il a réglé la question de la délimitation maritime entre le

Honduras et le Nicaragua dans la mer des Caraïbes. Les juges Cançado Trindade et Yusuf estiment
que le Honduras n’a mis en avant aucune nouvelle formation maritime devant être prise en compte
aux fins de l’examen de sa demande d’intervention, et souscrivent au raisonnement de la Cour
selon lequel le traité conclu en 1986 entre le Honduras et la Colombie ne saurait avoir d’incidence

sur une délimitation maritime entre le Nicaragua et la Colombie.

3. Sur la question du consentement des Etat s (partieIII), les juges CançadoTrindade et
Yusuf estiment que le consente ment des Parties à la procé dure principale est dépourvu de

pertinence aux fins de l’examen de requêtes à fin d’intervention et ne saurait être considéré comme
une condition posée par l’article 62 du Statut. - 16 -

4. Les jugesCançadoTrindade et Yusuf précisen t qu’ils font leur la conclusion de la Cour
selon laquelle l’existence d’un lien juridictionnel entr e l’Etat cherchant à intervenir et les parties à

la procédure principale «n’est pas une condition de l’intervention en tant que non-partie». Ils
estiment que, dans son raisonnement relatif à l’intervention da ns des procédures judiciaires
internationales, la Cour écarte clairement la qu estion du consentement des Etats. Selon eux, le
consentement des parties à la procédure principale n’est aucunement une condition pour qu’un Etat

puisse intervenir en tant que non-partie, la Cour étant maîtresse de sa propre compétence et n’ayant
pas à se soucier, pour se prononcer sur l’admiss ion d’une requête à fin d’intervention, de
l’existence d’un tel con sentement. L’intervention, telle que prévue par le Statut, transcende le
consentement individuel des Etats. Ce qui importe , c’est le consentement que ceux-ci ont exprimé

à l’origine, lorsqu’ils sont devenus parties au Statut de la Cour ou qu’ils ont accepté la compétence
de celle-ci d’autres manières, notamment par le biais de clauses compromissoires. Pour les
jugesCançadoTrindade et Yusuf, point n’est dès lors besoin pour la Cour de continuer à
rechercher systématiquement le consentement de chaque Etat pendant le déroulement de la

procédure.

5. Les juges Cançado Trindade et Yusuf espèren t que l’analyse qu’ils développent dans leur

déclaration commune quant au fait que la Cour n’a pas, lorsqu’elle examine une requête à fin
d’intervention présentée en vertu de l’article62 du Statut, à rechercher le consentement des Etats
pourra contribuer à éclaircir les positions qu’elle pourrait prendre à cet égard dans le cadre de
l’élaboration de sa jurisprudence.

Opinion dissidente de Mme le juge Donoghue

Le jugeDonoghue est en désaccord avec la décision de la Cour de rejeter la demande du
Honduras tendant à intervenir en tant que non-part ie. Elle se dissocie également de l’approche
adoptée par la Cour quant à l’article 62 de son Statut.

Le jugeDonoghue commence par analyser les dispositions du Statut et du Règlement de la
Cour relatives à l’intervention. Elle note que l’article62 ne fait aucune distinction entre
l’intervention en tant que partie et l’interventi on en tant que non-partie, ce qui peut être source de
confusion.

Le juge Donoghue s’intéresse ensuite à la dispos ition de l’article 62 qui impose à l’Etat tiers
demandant à intervenir de démontrer que, «dans un différend, un intérêt d’ordre juridique est pour
lui en cause» (l’anglais emploie l’expression «an interest of a legal nature which may be affected

by the decision in the case» soit, littéralement, «un intérêt d’ordr e juridique susceptible d’être
affecté par la décision en l’espèce»). Elle note que la formule «may be affected» («susceptible
d’être affecté») doit être lue à la lumière de l’ article 59 du Statut, aux termes duquel une «décision
de la Cour n’est obligatoire que pour les parties en litige et dans le cas qui a été décidé»:

l’article59 limitant clairement la faculté d’un arrêt à affecter un Etat tiers, l’effet visé par
l’article 62 est nécessairement en deçà de l’imposition d’obligations juridiques contraignantes.

En ce qui concerne la délimitation maritime, le juge Donoghue détaille la pratique de la Cour

consistant à prendre en compte les intérêts d’Et ats tiers en refusant de fixer des points terminaux
définitifs, et en précisant que la frontière se pour suit jusqu’à atteindre la zone dans laquelle elle
risque de mettre en cause les droits d’Etats tiers. Le juge Donoghue rejette l’idée que cette pratique
militerait contre l’admission de l’intervention. Pour elle, au contraire, qu’un Etat tiers fasse valoir

une revendication empiétant sur ce lles des parties à l’instance dém ontre l’existence d’un intérêt
d’ordre juridique susceptible d’être affecté par la décision de la Cour et tend à indiquer que
l’intervention en tant que non-partie peut se justifier. - 17 -

Le jugeDonoghue examine ensuite la requête du Honduras. Relevant que celui-ci avance
des revendications empiétant sur la zone en litige entre le Nicaragua et la Colombie, elle affirme

qu’il y a lieu de penser que la Cour prendra en compte ces revendications dans sa décision sur le
fond, ce qui prouve bien que le Honduras a «un intérêt d’ordre juridique…en cause» dans le
différend. Outre le chevauchement des revendica tions, le jugeDonoghue considère qu’une autre
raison devrait conduire à faire dr oit à la demande du Honduras tendant à intervenir en tant que

non-partie: dût la Cour adopter la ligne pro posée par la Colombie, cette décision aurait une
incidence non négligeable quant au sens c oncret de son arrêt de2007 en l’affaire du Différend
territorial et maritime entre le Nicaragua et le Honduras dans la mer des Caraïbes (Nicaragua
c. Honduras), décision obligatoire pour le Honduras au titre de l’article 59.

En ce qui concerne l’intervention en tant que partie, en revanche, le juge Donoghue affirme
que c’est à bon droit que la Cour a rejeté la requête du Honduras. L’intervention en tant que partie,
dans les conditions demandées par le Honduras, re viendrait à adjoindre à l’affaire un nouveau

différend ⎯la question de l’emplacement d’un «point tr iple» le long de la ligne frontière établie
par le traité bilatéral conclu entre le Honduras et la Colombie ⎯, ce qui, selon le juge Donoghue,
ne saurait être l’objet d’une intervention en tant que partie.

En conclusion, le jugeDonoghue prend note de l’affirmation réitéré e par la Cour selon
laquelle celle-ci, même lorsqu’elle rejette une requête à fin d’intervention, peut tenir compte de
l’information qui lui a été fournie par l’Etat auquel l’intervention a été refusée. Selon elle, cette

pratique engendre une forme de participation de facto d’Etats tiers qui n’est pas aujourd’hui prévue
par le Statut ou le Règlement de la Cour. Souli gnant qu’une demande tendant à intervenir en tant
que non-partie peut considérablement retarder l’ instance principale, le juge Donoghue suggère que
la Cour rationalise les procédures d’examen de telles demandes, en réservant les procédures plus

onéreuses aux demandes tendant à intervenir en tant que partie

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Résumé de l'arrêt du 4 mai 2011

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