REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO
REQUETE INTRODUCTIVE D'INSTANCE A LA COUR
INTERNATIONALE DE JUSTICE DE LA HAYE CONTRE
REPUBLIQUE DU RWANDA
LAHAYE, LE 28 MAI 2002 ,
REQUETE INTRODUCTIVE D'INSTANCE
ALA COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
DE LA REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO
CONTRE REPUBLIQUE DURWANDA.
O.Des parties et de l'objet du différend.
Nous soussignés, agent et co-agent dûment autorisés par la République
Démocratiquedu Congo, partie demanderesse, et agissant en son nom ;
Conformémentau paragraphe premier de l'article40 du Statut de laCour et
à l'article 38 de son Règlement,ainsi qu'aux différentesclauses compromissoires
contenues dans d'importants traitésinternationaux prévoyantla juridiction de la
Cour, avons l'honneur de soumettre respectivementtre Haute Juridiction la
présenterequêteintroductive d'instance contre leGouvernement de laRépublique
du Rwanda, partie défenderesse, en raisons violations massives, graves et
flagrantes des droits de l'homme et du droit international humanitaire, au mépris
de la «Charte internationale des droits de l'homme», d'autres instruments
internationaux pertinents et résolutions impératives du Conseil de Sécuritéde
l'ONU. Ces atteintes graves et flagrantes découlentdes actes d'agression armée
perpétrépar le Rwanda sur le territoire de la RépubliqueDémocratiquedu Congo
en violation flagrante de la souveraineté etl'intégritéterritoriale de la
République Démocratique du Congo, garantie par les chartes deU et de
l'OUA.
Parlaprésenterequête,laRépubliqueDémocratiquedu Congo entend qu'il
soit mis fin au plus tôt à ces actes de violations graves des droits de l'homme à
l'égardde ses populations dont elle est victime et qui constituent une sérieusemenace pour la paix et la sécuritéen Afrique centrale en généralet
particulièrementdans larégiondes Grands Lacs.
Elle entend égalementobtenir réparation pour les actes de destruction
intentionnelle et de pillage ainsi que la restitution des biens et ressources
nationales dérobés auprofit du Rwanda.
Pour la RépubliqueDémocratiquedu Congo, la fm de toutes les atteintes
graves, massives et flagrantes aux droits de l'homme et au droit international
humanitaire ne peut êtreobtenu que s'il est mis fm également aux actes
d'agression età l'occupationde sonterritoire de lapart du Rwanda.
Larequêtecomprend outre l'exposédes faits,lacompétencede laCour, les
moyens de droits, lesoffres de preuve ainsi que la demande proprement dite.
1. Exposédes faits
A. Agression armée
1. Les 02 et 03 août 1998, des colonnes constituées de plusieurs
camions de l'arméerwandaise, chargésde militaires lourdement
annés,ontviolélesfrontièresorientalescongolaisespour investirles
villesde Goma et de Bukavu et lespetites localitésvoisines.
" Dans le mêmetemps que se déroulaientces événements à l'Est du
pays,à Kinshasa (la capitale), un millier de soldats rwandais qui
s'étaientsoustraitsà l'opérationde rapatriement décrétée par le
Gouvernement congolais, appuyés par des éléments dits
2 Banyamulenge, ont pris d'assaut les camps militaires Tshatshi et
Kokolo.
3. A Kisangani, toujours dans cette nuit du 02 au 03 août 1998, un
autre groupe de militaires rwandais, qui attendaient rapatriement
pourKigali,a ouvert lefeu sur lagarnison de la Ville.
4. Le 04 août 1998, trois avions Boeing des compagnies congolaises
(Congo Airlines, Lignes AériennesCongolaises et Blues Airlines)
ont étédétournésau départde Goma (Nord-Kivu) pour atterrir à la
base militaire de Kitona (Bas-Congo) avec six cents à huit cents
militaires rwandais sous le commandement de M. James
KABAREHE, l'actuel Chef d'Etat-Major adjoint de l'Armée
PatriotiqueRwandaise (APR).
5. Depuis le 02 août 1995 à ce jour, les troupes rwandaises occupent
une partie substantielle du territoireà l'Est de la République
Démocratiquedu Congo : notamment dans les provinces du Nord
Kivu, du Sud-Kivu, du Katanga, du Kasaï Oriental, du Kasaï
Occidental, du Maniema et la Province Orientale.
Ellesy commettent toutes sortes d'atrocitésdans l'impunitétotale.
B. Enoncédes violations perpétréespar le Rwanda depuis son invasion
jusqu'à ce jour.
3 1. Massacres humains à grande échelle
1.1. Dans le Sud-Kivu.
Ces massacres ont eu lieu à différentsendroits et dans diverses circonstances.yIl
a lieu de signaler notamment :
a. A Bukavu.
- Le 03 août 1998 vers 16 heures, 38 officiers et une centaine de
soldats des FAC (Forces Années Congolaises), préalablement
désarmés,ont étéassassinés à l'aéroportde Kavumu.
Le 19janvier 2000, massacre de 16 femmes à Bukavu. Il convient de
signaler de nombreux phénomènes d'épuration ethnique, en
particulier l'APR a pilléà Masisi et Walikale des villages entiers,
incendiéles maisons ettuéles habitants. Des populations rwandaises
sont implantéesà la placeun peu partout dans le Kivu.
b. Dans le Territoire de Mwenga.
Du 23 au 24 août 1998, plusde 1.200 personnes ont été massacrées à
Kasika, et Kilungutwe dans la chefferie de Lwindi et en territoire de
Mwenga, localitéssituéesdans la province du Sud-Kivu.
Les cadavres découverts sur un trajet de 60 kilomètres, depuis
Kilungutwe jusqu'à Kasika, étaient essentiellement des femmes et
des enfants, des êtresincapables de porter des armes et donc sans
défense.
4 - Du 13 au 15septembre 1998,une boucherie humaine est perpétrée à
Busawa sous le code évocateurde« l'opérationMwenga propre».
Des femmes, enfants, vieillards, adultes sont lâchement et
sauvagement massacrés sous prétexte d'êtreparents ou alliésde
résistantsMaï-Maï. Bilan de l'opération: 115 personnes tuées.
- A Kilungutwe, 127 personnes sont tuéesdans les mêmesconditions
en date du 24 avril1998.
- A Mushinga, Kigulube, Burhale, Nindja : 134 personnes sont tuées
en date du 1erdécembre1999toujours par les troupes de l'APR etdu
RCD (Mouvement rebelle dit Rassemblement Congolais pour la
Démocratiecrééà l'initiative du Rwanda quelques jours après le
débutde l'agression et soutenu par celui-ci).
- Du 15 au 22 novembre 1999, 15 femmes ont été enterrées vivantes
par l'armée rwandaise dans le territoire de Mwenga, dans le Sud
Kivu.Des sources indépendantesont confirméce massacre :Human
Rights Watch, le Rapporteur spécialde l'ONU sur la situation des
droits de l'homme en République Démocratique du Congo et le
SecrétaireGénéralde l'ONU (Nations Unies, Conseil de Sécurité,
S/2000/330, 18 avril2000, paragraphe 61).
c. Dans le Territoire d'Uvira.
- Du 21 au 22 décembre1998, 326 corps sont repêchéd sans larivière
Rushima, non loin de la localitéde Luberizi, 547 corps retrouvés
enterrésdans une fosse commune à Buegera, 138 corps découverts
5 dans un charnier dans la Localitéde Luvungi, 23 corps retrouvés à
Lemera prèsde la rivièreNyaboronko.
- Du 30 au 31 décembre 1998, ont lieu les massacres de triste
mémoire perpétrés à Makobola contre les populations civiles. Le
bilan fut de 818 personnes tuées, non comprises les victimes
retrouvéesplus tard dans les buissons et les cours d'eau.
- D'autres massacres ont étécommis dans le Territoire de Fizi,
notamment à Lusenda-Lubumba avec plusieurs centaines de tuéspar
les mêmestroupes de l'APR et du RCD.
1.2. Dans la Province du Katanga.
- Dans la nuit du 31 décembre1998 au 1erjanvier 1999, les habitants
de Kasala ont étéentassésdans 5 cases fermées à cléet aspergées
d'essence. Au cours de l'incendie, 41 villageois périrent brûlés
(hommes, femmes et enfants). Seule la fillette Banza a survécu à
cette catastrophe mais porte des traces de brûlure surtout son corps.
- Au mois d'août 1999, 200 personnes ont étéégorgéesdans le
territoire de Kongolo, 188 massacrées à Kimbumbu ; 50 personnes
tuées à Nonge.
Dans la nuit du 29 au 30 décembre 1999, les troupes rwandaises ont
rassemblé de force et brûlévifs des gens sans défense dans une Eglise à Kala,
commune de Malemba-Nk.ulu,tout prèsde Mulongo au Nord-Katanga.
6 1.3.Dans la Province Orientale
Des militaires rwandais et ougandais se sont affrontésimpunément, à trois
reprises en août 1999, mai 2000 et entre le 05 et le 10juin 2000, faisant plusieurs
centaines de morts et de milliers de blessés parmi les paisibles habitants. Au
mercredi 07 juin, le CICR dénombraitdéjàplus de 50 morts et une centaine de
blessés.Quant à la MONUC, ellea constatéque ces affrontements à l'anne lourde
ont occasionné des «destructions massives » dans laville. Le Rapporteur Spécial
sur la situation des droits de l'homme qui a enquêtsur ces évènementsa estiméle
nombre des morts quant à lui à plus de 1000.
Les massacres et tueries sont ainsi utilisés par l'APR et le RCD pour
entretenir un climat de terreur et casser la résistancede la population.
Au mois de mai 2000, des sources indépendantes telles que l'Agence
Misna, l'ASADHO et le Cojeski confirment le massacre de la population civile à
Katogota, en représaillescontre le décèsdu commandant Rugaza, tuépar balle au
cours d'une attaque contre la camionnette d'un commerçant qui le transportait, le
dimanche 14 mai. Une liste indicative des victimes (ds familles entières,hommes,
femmes et enfants) est reprise dans le rapportASADHO du 30 mai 2000. Toujours
au mois de mai 2000, 54 congolais ont été massacrésà Kongolo.
Des massacres ont été orchestréspar les troupes rwandaises le 23avril200 1
à Mwenga au Sud-Kivu, où elles ont tué plusieurs personnes dont 7 fellllries
enceintes délogées du Centre Médicald'Ilangi,massacréeset dont les cadavres ont
été jetésdans la rivièred'Ulindi pour effacer les traces et échapperau contrôle des
organismes des droits de l'homme.
7 2. Viols et violences sexuelles faites aux femmes.
Amnesty International note à ce sujet dans son rapport de juin 2001
intitulé«La torture, arme de guerre contre des civils non armés», : « le viol,
en particulier celui des jeunes filleset des femmes de tous âges, est utiliséàgrande
échellecomme une arme dans la guerre que livrent, dans l'Est de la République
Démocratique du Congo et dans d'autres régions du pays, les groupes armés
d'opposition et les forces gouvernementales étrangères.Les femmes et les fillese
tous les âges sont particulièrement vulnérables à cette forme de torture, mais il
arrive que les groupes arméss'en prennent à elles pour se venger des hommes qui
leur sont hostiles et pour montrer leur supérioritémilitaire sur des rivaux qui
apparaissent comme étantincapables de protégerles femmes. Des actes de torture
accompagnent souvent ces viols :piment introduit dans les organes génitauxaprès
un viol collectif, déchargesd'armes à feu dans les organes génitaux».
Ces faits ont étéconfirméspar la Rapporteuse Spécialesur la situation des
droits de l'homme en République Démocratique du Congo en ces termes:
<Plusieurs sources ont fait le point sur le lien entre la présence des troupes
armées...et de graves violations des droits de l'homme dont... le viol
systématique des femmes et des jeunes filles- et donc la diffusion des
maladies sexuellement transmissibles-auxquelles sont soumises les congolaises
de territoires contrôlés par les forces armées des rebelles que par leurs alliés
étrangers.L'atmosphère qui règnedans les territoires sous contrôle de larébellion
semble rester une atmosphère de terreur.
...L' utilisation des violences sexuelles comme instrument de guerre place les
femmes et les enfants dans une situation d'autant plus vulnérable.>>
8 L'échantillonreproduit ci-dessous rend compte de l'étenduedu drame.
- Le 2 août 1998 dans la soirée,deux jeunes sŒursqui vendaient la
bière sont violées par les militaires de l'APR avant d'être
sauvagement criblées deballesà Uvira.
Dans les mêmescirconstances et temps et de lieu, une dame, agent
de l'UNCHR!Uvira du nom de EspéranceMASANGE, épouse du
juge BWEBWE du Parquet de Grande Instance d'Uvira est violéeen
présencede ses enfants et de son mari ;
- Mademoiselle Liliane, opératricede l'UNHCR!Uvira est lâchement
assassinéeaprès avoir étévioléeà Nyaminda (à Uvira) dans la nuit
du 28 au 29 août 1988 ;
Le 22 septembre 1998, à 23 heures, au no 3 de l'avenue du Kasaï,
Commune d'Ibanda à Bukavu, Monsieur MUTEWA assiste
impuissant au viole sa femme et de ses deux fillesRIZIKI (16 ans)
etMACHOZI(14 ans) par des soldats rwandais.
En date du 25 septembre 1998, sur l'avenue Mbaki, toujours à
Bukavu, cinq jeunes filles sont violéespar des militaires de l'APR.
Parmi elles, Mademoiselle Anice MABANZE (22 ans), sa jeune
sŒur Yvonne (19 ans), Mademoiselle Annie LUKO, Mademoiselle
MASIKAET Mademoiselle FAIDA
Le lundi 5 octobre 1998, un groupe de filles sont kidnappées par des
militaires rwandais, enfermées au Camp Militaire SAÏO à Bukavu, pour être
ensuite violées. Les autres victimes identifiées: Mademoiselle Sylvie
NINANDANGO ET Jeanne RWANKULA.
9 Aussi, Human Rights Watch, dans son rapport du 16 mai 2000 intitulé
« Meurtres et répression dans l'Est du Congo », a dénoncéles massacres et
viols des civils commis à grande échellepar l'arméerwandaise et ses alliésde
1'Est du Congo.
Parlant spécialement des violences sexuelles, Human Rights Watch déclare
que« dans l'Est du Congo, les viols et actes de violence sexuelle sont devenus de
plus en plus courants au fur et àmesure que le conflit devient brutal ».
Un groupe de défenseurs des droits de la femme citédans ce rapport a
répertorié 115 viols commis entre avril et juillet 1999 dans les régionsde Katana
et Kalehe, au Sud-Kivu.
Certaines informations font mêmeétat de milliers de soldats rwandais
sidéensou séropositifsenvoyésexprès au front de la Province Orientale avec pour
mission de violer les femmes et les filles congolaises pour répandre la maladie et
de contribuer ainsi à la décimationde la population.
De nombreux autres cas de viols de femmes et d'enfants ont étéenregistrés,
notamment le 29 août 1998 à Kasika, le 22 septembre 1998 à Bukavu, etc..
Au mois d'août 1999 à Sola, il y a eu viol des femmes mariées,des jeunes
filles et mêmesdes fillettes de 6 à 14 ans dont certaines en sont mortes.
Le 23 septembre 1999, viols des femmes dans le territoire de Walikale.
10 Le 08 octobre 1999, viol des jeunes filles mineures à Kimalala et Kapondo.
Le 25 novembre 1999, 10 femmes ont étéviolées par les militaires
rwandais dans un village à 12 km de Kabinda.
Il arrive fréquemmentque des groupes de dix hommes ou plus se livrent au
viol d'une seule femme. Certaines femmes sont enlevéespour devenir des esclaves
sexuelles.
Le Rapporteur Spécial a reçu de nombreux rapports faisant étatde viols
commis à Kabamba. Certaines femmes sont violées avec des bâtons. D'autres
mises dans des trous et enterréesvivantes. Quelques femmes mises ainsi dans les
trous d'eau saléey ont mêmefait des fausses couches.
Le nombre de personnes souffrant des troubles mentaux et neurologiques ne
cesse d'augmenter suite à la guerre, notamment parmi les personnes déplacées,les
femmes violéesou contaminées par le VIH/SIDA, les enfants traumatisés, ...
3. Assassinats et enlèvements des acteurs politiques et activistes des
droits de l'homme.
Les cas d'assassinats et enlèvements des acteurs politiques et activistes des
droits de l'homme sont nombreux.
11 En effet, le pouvoir terroriste de Kigali qui assure, de facto, son autorité
dans ces territoires réprime toute revendication ou contestation allantusqu'à
l'élimination physique des contestataires. Monsieur Roberto GARRETON,
Rapporteur Spécial sur la situation des droits de l'homme en République
Démocratiquedu Congo, écritdans son rapport à la Commission des droits de
l'homme présentéà la 57ème Session que« dans les régionsde l'Est qu'occupent
les forces ditesrebelles» ou« d'agression», les forces annéesdu Rwanda, de
l'Ouganda et du Burundi à l'occasion, ainsi que le RCD continuent à faire régner
un climat de terreur. Comme les annéesprécédentes,la population locale a été
victime de massacres et autres atrocités.Les militaires étranger agissenten toute
impunité.Plusieurs personnes sont mortes sous la torture. La libertéindividuelle
est violéeet au cours de l'année,de nombreux militantsd'ONG ont été placésen
détentionou menacés.Il n'existe pas de médiasindépendant.Toute dissidence ou
opposition estqualifiée« d'incitation au génocide».
Ce jugement a par ailleurs étéreconduit par la nouvelle Rapporteuse
Spéciale,Madame JULIA MOTOC dans son rapport oral présentéà la 58ème
session.
Lors de récentsévénementsdramatiques de Kisangani où plus de 250
personnes ont ététuéespar les militairesrwandais et congolais du RCD/Goma, les
défenseurs des droits de l'homme et autres acteurs de la sociétécivile de
Kisangani sont traqués par les services de sécuritédu RCD. C'est le cas
notamment du docteur ABUSA BOKANGA, Laurent KENGE, Dismas
KITENGE, Firmin YANGAMBI (Coordinateur du groupe Kisangani pour la
paix), PèreZénonCENDEKE, Père ZABALO, AbbéMathieu LIBUALE, Abbé
Jean-Pierre BADIDIKE,etc.
12
... 4. Arrestations, détentions arbitraires, traitements inhumains et
dégradants.
Le 08 août 1998, a débutéàBukavu la déportationdes populations civiles
vers les camps de concentration au Rwanda en vue de massacres et exécutions
sommarres.
Le Rapporteur Spécial,Monsieur ROBERTO GARRETON indique dans
son rapport précitéque de nombreuses affaires de transfert de Congolais vers le
Rwanda et ou plus encore vers l'Ouganda ont été signalées.
Pendant les trois premiers mois d'agression au Sud-Kivu, plus de cent
soixante-dix-huit personnes ont étéarbitrairement détenues dans des endroits
carcérauxau Sud-Kivu, notamment dans le cachot dénommé « chien méchant» à
Goma.
Par la suite, le mêmemouvement s'est généralisé au fur et à mesure dans
les autres territoires arrachésaux Forces ArméesCongolaises.
5. Pillages systématiques des institutions publiques et privées,
expropriations des biens de la population civile.
Le 15 septembre 1998, le centre de santéde Muumba a été pillépar des
militaires rwandais.
13 A Bukavu, à la direction provinciale de l'Office des douanes et accises,
à l'Office congolais de contrôle ainsi qu'à la direction provinciale des
contributions, les coffres-forts de toutes ces entreprises publiques génératdeces
recettes ont étépillés et le produit déposéà la succursale de la Banque
commerciale du Rwanda à Cyangungu.
Les troupes rwandaises ont saboté les installations portuaires et
certaines unitésd'exploitation (démontagedes usines de la sociétéFILTISAF de
Kalemie) ;pilléet exporté,vers le Rwanda, les engins de manutention et certaines
unités flottantesdes particuliers.
Le Département d'Etat américainpar la bouche de son porte-parole,
Monsieur Rubin, a dénoncé le pillage des richesses de la République
Démocratiquedu Congo par le Rwanda, principalement le bois, l'or et le diamant
à l'Est de laRépubliqueDémocratiquedu Congo.
Actuellement, il a étémêmedémontréque la majorité des produits
agricoles de l'Est du Congo transite par le Rwanda qui, en toute impunité,a aussi
instauréune véritablerazzia de biens privésdans la partie-Est de la République
Démocratiquedu Congo. Le coltan, matièrerare utiliséedans la fabrication des
ordinateurs et des téléphonesportables, est en train d'êtresystématiquement
soustrait du sous-sol congolais par lesRwandais et vendu trèscher aux fabricants
de matériauxinformatiques.
14 Une Commission indépendanted'experts de l'ONU a abouti à de graves
conclusions dans son rapport du 17 avril 2001 confirmé par son additif du 10
novembre 2001 établissant la véracitédes accusations portées contre le Rwanda
pour pillage systématique des ressources naturelles de la République
Démocratiquedu Congo .Aussi, la Rapporteuse Spéciale sur la situation des droits
de l'homme en République Démocratique du Congo a-t-elle déclaré à la
Commission des droits de l'homme réunie à la 58èm eession avoir reçu des
informations établissantlapoursuite de ce pillage.
6. Violations des droits de l'homme commises par les troupes
d'invasion rwandaise et leurs alliés « rebelles» dans les grandes
citésde l'Est de la RépubliqueDémocratiquedu Congo.
Pour accomplir leur besogne à l'abri de témoins,les troupes rwandaises ont
chassédans certainsendroits toutes les organisations humanitaires internationales,
notamment le HCR, le CICR, l'UNICEF, l'OMS et MSF, et les font transiter
obligatoirement par Kigali pour une fouille systématique.
Les troupes rwandaises arrachent ou déconnectent systématiquement tous
lesmoyens de télécommunicationpour que les actes qu'elles commettent ne soient
pas portésà laconnaissance de l'opinion nationale et internationale et confisquent
également lespasseports des militants des droits de l'homme.
Lors de l'éruption volcanique du Nyirangongo, des militaires rwandais et
congolais du RCD/Goma en janvier 2002 en ont profitépour piller le siège de
diverses agences internationales (dont la MONUC).
15 Après trois affrontements des troupes rwandaises et ougandaises dans la
ville de Kisangani, respectivement en août 1999, mai 2000 et juin 2000,
occasionnant des milliers de morts parmi les populations civiles (faits confirmés
notamment dans la résolution 1304 du 16 juin 2000 du Conseil de Sécuritéde
l'ONU), les troupes rwandaises ainsi que quelques militaires congolais et rwandais
du RCD/Goma ont, les 14, 15 mai et suivants, endeuilléla population de cette ville
martyre en tuant plus de deux cents personnes.
7. Destruction de la Faune et de la Flore de la République
Démocratique du Congo.
La guerre a entraînéle déplacementmassif des familles vers la forêtavec
pour grande conséquencenotamment le déboisementet la destruction des plantes
rares.
Il en est de mêmedes animaux dont certaines espèces uniques au monde
ont étéemportéssur le solrwandais et d'autres sauvagement abattus. Tel est lecas
par exemple des éléphantsqui ont servi, au méprisde la législationsur la chasse
d"animaux. au commerce illicite d'ivoire, des gorilles de montagne qui ont été
lâchement abattus,... c'est pour cette raison qu'il a dit que les atteintes graves
ont étéportéesà la faune et à la flore dans les territoires occupés à l'Est de la
République Démocratiquedu Congo, de trafics illégauxdes ressources minières
(or. diamant...)et forestières(bois et café)sont commis dans la partie orientale de
la RépubliqueDémocratiquedu Congo par les agresseurs rwandais.
16II. Compétencede la Cour
A. Compétencede la Cour découlantde la déclarationde reconnaissance
de sa juridiction obligatoire.
Par sa déclarationde reconnaissance de lajuridiction obligatoireetgénérale
de la Cour faite en date du 08 février1989, laRépubliqueDémocratiquedu Congo
a acceptéla compétencede la Cour dans toute affaire l'opposant à d'autres Etats
acceptant lamêmeobligation.
Cette déclarationa été libelléecomme suit :
« ... Conformément à l'article 36, paragraphe 2, du Statut de la Cour
Internationale de Justice.
Le Conseil Exécutif de la République du Zaïre (actuellement
Gouvernement de la République Démocratique du Congo) reconnaît comme
obligatoire, de plein droit et sans convention spéciale,à l'égardde tout autre Etat
acceptant la mêmeobligation, la juridiction de la Cour Internationale de Justice
pour tous différendsd'ordre juridique ayant pour objet:
a) l'interprétationd'un traité;
b) tout point de droit international ;
c) la réalitéde tout fait qui, s'il étaitétabli,constituerait la violation d'un
engagement international ;
d) la nature ou l'étendue de la réparation due pour la rupture d'un
engagement international.
17 Il est entendu en outre que la présentedéclarationrestera en vigueur aussi
longtemps qu'un avis de révocationn'aura pas été donné... ». Le Gouvernement
rwandais, pour sa part, s'est abstenu de toute déclarationdans ce sens, préférant
ainsi les voies des faits au droit et à lajustice internationale.
Ainsi, faisant suite à la premièrerequêteintroductive d'instance du3juin
1999de laRépubliqueDémocratiquedu Congo à laCour Internationale de Justice
contre le Rwanda, et aprèsque ce pays ait déposéle21 avril2000 son mémoire,le
Rwanda a refusédans son document de reconnaître la compétenceobligatoire et
générale de la Cour.
Toutefois, la Cour devra se déclarercompétenteà l'égarddu Rwanda sur
base de l'article36, paragraphe 1du Statut de la Cour, qui dispose:
«La compétencede la Cour s'étendà toutes les affaires que les parties lui
soumettront, ainsi qu'à tous les cas spécialement prévus dans la Charte des
Nations Unies ou dans les traitéset conventions en vigueur». Or le Rwanda a
signéet ratifiébon nombre d'instruments juridiques internationaux contenant des
clauses particulièrese reconnaissance de lacompétencede la Cour.
B. Compétencede la Cour découlant des clauses compromissoires.
Le Rwanda, tout comme la RépubliqueDémocratiquedu Congo, a ratifiéou
adhété à des Conventions et à des traités contenarlt des clauses
comptomissoires qui reconnaissent la compétence de la Cour dans des
domaines particuliers. Il s'agit notamment des instruments internationaux ci
après:
18 - Convention sur l'éliminationde toutes les formes de discrimination à
l'égarddes femmes (de 1979) respectivement depuis le 2 mars 1981
et le 06 octobre 1985;
- Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de
discrimination raciale (de 1965) respectivement depuis le 16 avril
1975 et le 21 avril1976;
- La Convention sur la prévention et la répression du crime de
génocide du 9 décembre 1948; adhésion par le Rwanda le
16.04.1975 avec une réserveconcernant l'article IX et par la RDC le
31 mai 2002;
La Constitution de l'Organisation Mondiale de la Santé;
Le Statut de l'Organisation des Nations-Unies pour l'éducation, la
science et la culture;
La Convention de New- York de 1984 et la Convention de Montréal
de 1971;
Membres de l'ONU, la RépubliqueDémocratique du Congo et le Rwanda
ont l"obligation de respecter la Charte de l'ONU. Le RWANDA est en particulier
tenu au respect de l'article 55 de la Charte ainsi libellé: «En vue de créer les
conditions de stabilitéetde bien-êtrenécessairespour assurer entre les nations des
relations pacifiques et amicales fondéessur le respect du principe de l'égalitédes
droits des peuples et de leur droit à disposer d'eux-mêmes,les Nations Unies
favoriseront le respect universel et effectif des droits de l'homme et des libertés
fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de
religion>>.
19 1. La Convention Internationale sur l'élimination de toutes les formes de
discrimination raciale du 21 décembre 1965.
Après bientôt 4 ans d'occupation illégale d'un territoire étranger, le
Rwanda s'est rendu coupable de nombreux actes de discrimination au sens de
1article1er de la Convention susmentionnée à laquelle il est Partie depuis l16
avril1975 et qui vise« toute distinction, exclusion, restriction ou préférence
fondée sur la race, la couleur, l'ascendance ou l'origine nationale ou ethnique
qui a pour but ou pour effet de détruire ou de compromettre la
reconnaissance, la jouissance ou l'exercice dans des conditions d'égalitédes
droits de l'homme et des libertés fondamentales dans tout autre domaine de
la vie publique ».
Les atteintes au droit à lavie, à l'intégritéphysique et morale, à la sûretéde
la personne, à la libertéde circuler, du fait du Rwanda et du RCD, et qui visent
beaucoup rorigine nationale et ethnique ont étéaccomplis et sont en train d'être
comm1s.
La guerre empêchant tout règlement pacifique de ce différend, la
RépubliqueDémocratiquedu Congo demande à la Cour de se déclarercompétente
sur base de l'article 22 ainsi libellé:
«Tout différend entre deux ou plusieurs Etats parties touchant
l'interprétation ou l'application de la présente Convention qui n'aura pas été
réglépar voie de négociation ou au moyen des procédures expressément
prévues par ladite convention sera porté, à la requête de toute partie au
différend devant la Cour Internationale de Justice pour qu'elle statue à son
20sujet, à moins que les parties au différend ne conviennent d'un autre mode de
règlement ».
Le Rwanda et la République Démocratique du Congo sont parties à cette
Convention depuis respectivement le 16 avril1975 et le 21 avril1976.
2. La Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination
contre la femme du 18 décembre 1979.
Les troupes rwandaises qui occupent illégalementle territoire congolais
brillent aussi par leur acharnement à l'endroit des femmes et des enfants.
Les femmes sont soumises à diverses sortes de traitements et d'actes
prohibéspar la convention susmentionnée qui, à son article premier, vise <doute
distinction, exclusion ou restriction fondéesur le sexe qui a pour effet ou pour
but de compromettre ou de détruire la reconnaissance, la jouissance ou
l'exercice par les femmes... des droits de l'homme et des libertés
fondamentales dans les domaines politique, économique, social, culturel et
civil ou dans tout autre domaine ».
La République Démocratique du Congo demande à la Cour de fonder sa
compétence sur l'article 29 §1 de la Convention susmentionnée qui prévoitque
«l'une quelconque d'entre eUes (les parties à un différend) peut soumettre le
différend à la Cour Internationale de Justice, en déposant une requête
conformément au statut de la Cour )).
Le Rwanda et la RépubliqueDémocratiquedu Congo sont parties à cette
Convention depuis respectivement le 02 mars 1981 et le 08 octobre 1985.
21 3. La Convention sur la prévention et la répression du crime de génocide
du 09 décembre 1948.
Les troupes rwandaises, directement ou par leurs agents du Rassemblement
Congolais pour la Démocratie(R.CD/Goma)interposés,ont commis et continuent
à commettre des actes de génocidevisés par la convention sur le génocidedu 09
décembre1948,tels qu'indiquésaux articles II et Ill en tant qu'actes commis dans
l'intentionde détruire,en tout ou partie, un groupe national ou ethnique. Sont
aussi visésnon seulement le génocide; mais aussi l'incitation directe et publique
à le commettre ; latentative de génocideet la complicitédans le génocide.
Les massacres collectifs, meurtres, assassinats dans les territoires occupés
par les rwandais se comptent par millions. Des groupes bien spécifiéset identifiés
en sont constamment victimes (W arega, Bemba, Bashi, Bahemba, ... ).
La RépubliqueDémocratiquedu Congo demande à la Cour de se déclarer
compétentesur base de l'article IX de la convention sur le génocide qui dispose
que : «Les différends entre les Parties contractantes relatifs à
l'interprétation, à l'application ou l'exécution de la présente convention, y
compris ceux relatifs à la responsabilité d'un Etat en matière de génocide, ou
de l'un quelconque des autres actes énumérésà l'article III, seront soumis
à la Cour Internationale de Justice, à la requêted'une partie au différend ».
Comme la RépubliqueDémocratique du Congo, le Rwanda a adhéréà la
Convention sur le génocide . Mêmes'il a émisdes réservesconcernant telle ou
telle disposition, ces réserves ne peuvent tenir dans la mesure ou le Rwanda a
accepté et admet aujourd'hui l'application intégrale de la Convention sur le
22génocidedans le cadre du Tribunal Pénal International sur le Rwanda d'Arusha.
Il s'agit par ailleurs d'une obligation objective et opposable erga omnes;
La demande du Gouvernement Rwandais (S/1994/1115), reçue au Conseil
de Sécurité,de créerun «tribunal international chargéde juger les personnes
présumées responsables d'actes de génocideou d'autres violations graves du droit
international humanitaire commis sur le territoire du Rwanda et les citoyens
rwandais présumés responsables de telsactes ou violations commis surleterritoire
d'Etats voisins» reflètecertainement l'implication du Rwanda à voir entièrement
appliquée la Convention sur le génocideet à voir ce crime sanctionnépar une
juridiction internationale.Aussi, par sarésolution955 (1994) du 8novembre 1994,
le Conseil de Sécurité de l'ONU mettait-il en place ledit tribunal qui fonctionne
jusqu'à cejour.
4. La Constitution de l'Organisation Mondiale de la Santé.
Membre de l'ONUet de ses institutions spécialisées,leRwanda est tenu de
protéger lasantéde tous les peuples et d'éviterde contribuer à sa détérioration. Le
préambulede la constitution de 1'OMSdu 22 juillet 1946 précisenotamment que
« la santéest un étatde complet bien êtrephysique, mental et social, et ne consiste
pas seulement en une absence de maladie ou d'infirmité. La possession du
meilleur état de santé qu'il est capable d'atteindre constitue l'un des droits
fondamentaux de tout êtrehumain, quelles que soient sa race, sa religion, ses
opinions politiques, sa condition économiqueou sociale. La santé de tous les
peuples est une condition fondamentale de la paix au monde et de la sécurité ;
elle dépend de la coopérationla plus étroitedes individus et des Etats ».
Le Rwanda bafoue tous les droits à la santé du peuple congolais en
empêchant l'administration des soins et la vaccination aux enfants, par
23Pempêchementd'accès aux médicamentspar les populations des territoires sous
son contrôle,et la destruction d'infrastructures etdes vaccins, notamment au cours
de la guerre de juin2000 à Kisangani.
La perpétration et la continuation des actes de guerre empêchanttout
règlementde ce différendpar voie de négociations,la RépubliqueDémocratique
du Congo demande àla Cour de se déclarercompétentesur base de 1' article 5de
la Constitution de l'OMS qui stipule:« Toute question ou différend
concernant l'interprétation ou l'application de cette Constitution, qui n'aura
pas étéréglépar voie de négociation ou par l'Assemblée de la Santé sera
déférépar les parties à la Cour Internationale de Justice conformément au
statut de ladite Cour, à moins que les parties intéresséesne conviennent d'un
autre mode de règlement».
5. Le Statut de l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la
science et la culture.
LaRépubliqueDémocratiquedu Congo etleRwanda sont tous membres de
l'UNESCOdont l'Acte constitutif(statut) dispose à l'article premier:
«L'organisation se propose de contribuer au maintien de la paix et de
la sécurité en resserrant par l'éducation, la science et la culture, la
collaboration entre les nations, afm d'assurer le respect universel de la
justice, de la loi, des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour
tous, sans distinction de race, de sexe, de langue, ou de religion, que la Charte
des Nations Unies reconnaît à tous les peuples ».
L'adhésion de la République Démocratique du Congo aux Statuts de
l'UNESCO date du 25 novembre 1960 tandis que celle du Rwanda date du 07
novembre 1962.
24 Bien que disposant d'un organe de contrôle, le Comitésur les conventions
et recommandations, l'UNESCO elle-mêmene joue pas le rôle d'un organisme
judiciaire international. CeComitéa un doublemandat non-judiciaire :d'une part,
examiner les rapports périodiques des Etats membres sur l'application des
conventions etrecommandations et d'autrepart les communications relatives à des
cas et des questions concernant l'exercice des droits de l'homme dans les
domaines de compétencede l'UNESCO.
Juridiquement rattachée à l'Assemblée généralede l'ONU dont elle
constitue un des organes, tout différendentre ses membres sur le maintien de la
paix et de la sécuritéinternationales est donc de la compétence de laCour
Internationalede Justice.
Par le fait de la guerre, la République Démocratique du Congo est
aujourd'hui incapablede remplir ses missions au seindel'UNESCOnotamment le
droit à la libertéde pensée, de conscience et de religion, le droit de chercher, de
recevoir et de répandre,sans considérationde frontière, les informations et les
idéespar quelquemoyen que ce soit.
La voie arbitrale n'étantpas possible pendant cette périodede crise, il ne
reste plus qu'àrecourir aux instances judiciaires.
L'article XIV/2 du statut de l'UNESCOrend compétentela Cour en ce qui
concerne les domaines d'interprétation. La Cour a l'obligation de se prononcer
également en matièred'application du statut.
25 L'art i ~elleconvention sur les privilèges et immunitésdes institutions
spécialiséesadoptéepar l'Assembléegénéralle 4 novembre 1947 et qui concerne
également l'UNESCO dispose que : «Toute contestation portant sur
l'interprétation ou l'application de la présente convention sera portée devant
laCour Internationale de Justice à moins que, dans un cas donné,les parties
ne conviennent d'avoir recours à un autre mode de règlement».
6. La convention de New York de 1984 et de la Convention de Montréal
de 1971.
La compétence de la Cour résulte d'autres instruments juridiques
internationaux violéssciemment par le Rwanda notamment :
la convention de New York contre la torture et autres peines ou
traitements cruels, inhumains ou dégradantsdu 10 décembre 1984 ;
la convention de Montréalpour la répressiond'actes illicites dirigés
contre la sécuritéde l'aviation civile duptembre 1971.
En effet, ces deux conventions reprennent la clause suivanterespectivement
à l'article 30, paragraphe 1,pour la première,et l'article 14,paragraphe 1, pour la
seconde:
«Tout différendentre des Etats contractants concernant l'interprétationou
l'application de la présente convention qui ne peut êtreréglépar voie de
négociationsest soumis à l'arbitrage, à la demande de l'un d'entre eux. Si dans les
six mois qui suivent la date de la demande d'arbitrage, les parties ne parviennent
pas à se mettre d'accord sur l'organisation de l'arbitrage, l'unequelconque d'entre
elles peut soumettre le différendà la Cour Internationale de Justice en déposant
une requêteconformémentau Statut de la Cour».
26 L'actuel différend entre la République Démocratique du Congo et le
Rwanda concerne bien évidemment l'interprétation et l'application des
conventions précitées.
Le contexte actuel de guerre caractérisépar la rupture de relations
diplomatiques et consulaires entre la RépubliqueDémocratique du Congo et le
Rwanda ne permet pas, conformémentàl'article 33 de la charte des Nations Unies
que ce différend puisse êtreréglépar des moyens pacifiques, à savoir la
négociation,la conciliation, l'arbitrage ou tout autre moyen ce genre.
C'est pour ces raisons, et toutes autres faire valoir en cours d'instance,
que la RépubliqueDémocratiquedu Congo recourt à lavoie judiciaire à travers la
présentesaisine.
De ce qui précède,laCour Internationale de Justice se déclareracompétentepour
trancher le litige.
C. Compétence de la Cour découlant de la suprématie des normes
impératives.
Les normes impératives Ous cogens) s'imposent à tout Etat,
indépendammentde leur acceptation. Le Rwanda ne peut prétextern'êtrepartie à
tel ou tel traitérenfermant des obligationserga omnes pour se soustraire à son
application, s'agissant particulièrement du noyau dur ou intangible des droits de
l'homme.
27 Le Rwanda est notamment partie :
- au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (de
1966) depuis le 16 avril197 5 ;
- au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et
culturels (de 1966) depuis le 16 avril1975;
- à la Convention relative au statut des réfugiés(1951) et à son
protocole (1967);
- à la Charte africaine des droits de 1'homme et des peuples (1981).De
même,il a signéet ratifiéla Charte africaine des droits et du bien
être de l'enfant ;
- à la Convention relative aux droits de l'enfant (de 1989) depuis le24
janvier 1991 ;
- au Protocole facultatif à la convention relative aux droits de l'enfant,
concernant l'implication d'enfants dans les conflits armés,depuis le
23 avril2002 ;
- au Protocole facultatif à la convention relative aux droits de l'enfant
concernant la vente d'enfants, la prostitution, des enfants et la
pornographie mettant en scènedes enfants (depuis le 15 mars 2002).
Toutes ces conventions comportent des normes impérativesétantdonnéqu'elles
traitent des droits fondamentaux de la personne humaine. Le Rwanda a
l'obligation de les respecter et doit donc en répondre.
La RDC a également ratifié ces conventions respectivement en dates de 1er
novembre 1976 pour les deux pactes ; 7 juillet 1965 et 2 janvier 1968 pour la
convention et le protocole sur les réfugiés; 20juillet 1987 pour la charte africaine
des droits de l'homme et des peuples ; 28 mars 2001 pour la charte africaine des
droits et du bien-êtrede l'enfant; 21 août 1990 pour la convention relative aux
28droits de l'enfant et 28 mars 2001 pour les deux protocoles à la convention sur les
droits de l'enfant.
Dans son arrêt du 05 janvier 1970 (affaire Barcelona traction), la
Cour InternationaleeJustice aclairement précisque ces obligations erga omnes
«découlentpar exemple,dans le droit international contemporain, de lamise hors
la loi des actes d'agression et du génocidemais aussi des principes et des règles
concernant les droits fondamentaux de la personne humaine, y compris la
protection contre la pratique de l'esclavage et la discrimination raciale».
Dans son arrêtdu 27 juin 1986, la Cour Internationale de Justice a
considéréque «les Etats Unis ont l'obligation selon les termes de l'article 1erde
quatre conventions de Genève de respecter et mêmede faire respecter ces
conventions en toutes circonstances car une telle obligation ne découlepas des
conventions elles-mêmesmais des principes générauxde droit humanitaire dont
les conventions ne sont que l'expression concrète».
Comme l'a si bien soulignéla CIJ dans son arrêtdu 27 juin 1986 (Rec. 1986,
paragraphe 267), «l'inexistence d'un engagement (en la matière)ne signifierait
pas qu'un Etat puisse violer impunémentles droits de l'homme» Aussi la Cour
confirme-t-elle l'obligation internationale généralede respecteres droits de
l'homme dont le fondement est coutumier. (GérardCohen-Jonathan, L'évolution
du droit international des droitsde l'homme,élangesofferts à Hubert Thierry,
L'évolutiondu droitinternat iaoi,aA~Pedone, 1998, page 109 ).
29Le Rwanda n'a mêmepas respecté les droits dits intangibles (le noyau dur)
auxquels les Etats ne sauraient déroger en aucune circonstance. Il s'agit
essentiellement du droit à la vie, l'interdiction de la torture et des traitements ou
peines inhumains, cruels, ou dégradants; l'interdiction de l'esclavage et de la
servitude (voir article 42§ 2 du Pacte International relatif aux droits civils et
politiques). Ces droits indérogeablesse retrouvent égalementàl'article 3commun
aux 4 Conventions de Genève. Et comme a eu à le souligner la Cour, dans
l'Affaire Nicaragua- Etas-Unis (1986), ces droits ont un caractère coutumier,
étantl'expression des «principes générauxde base du droit humanitaire «. Ils
sont applicables autant aux conflits armésinternationaux que non internationaux.
On est en présence de normes impératives (Jus Cogens) qui ne peuvent faire
robjet de réserves.Dans l'affaire du Personnel diplomatique et consulaire des
Etats-Unis à Téhéranen 1980, la CIJ a mis l'accent sur leur «caractère
fondamental » et le« caractère impératifdes obligations incombant aux Etats ».
L'article 66 de la convention de Vienne sur le droit des traitésrend
compétente la Cour Internationale de Justice en matièredjus cogens à l'égarddu
Rwanda. En effet, il stipule qu'en cas de différend concernant l'application ou
}"interprétationdes articles 53 et 64 (sur les normes impératives)et s'il n'est pas
réglédans un délaide 12 mois à dater dujour où il est constaté,« toute partie peut,
par une requête,le soumettre à la décisionde la Cour Internationale de Justice, à
moins que les parties ne décidentd'un commun accord de soumettre ledifférendà
l'arbitrage».
Le Rwanda a notamment violé:
30 les règles énoncéesdans la Déclaration Universelle des droits de
l'homme (articles 3, 4, 5, 13, 17, 18, ...) ainsi que dans les deux
pactes internationaux de 1966 sur les droits civils et politiques,
économiques,sociaux et culturels ;
les conventions de Genève de 1949 et leurs protocoles additionnels
de 1977 (ex: article 56, Protocole l); Communication du
Gouvernement rwandais du 21 mars adressée au Conseil fédéral
suisse le 5 mai 1964 ;
la convention contre la torture et autres peines ou traitement cruels,
inhumains ou dégradantsdu 10 décembre1984 ;
la convention du 23 septembre 1971 pour la répression d'actes
illicites dirigéscontre la sécuritéde l'aviation civile.
III. Offres de preuve
La RépubliqueDémocratiquedu Congo a l'honneur de verser à la Cour :
les 4 tomes du Livre Blanc, ainsi qu'un numéro spécial sur le
génocidepubliéspar le Ministère des Droits Humains ;
les différentesrésolutionsdu Conseil de Sécuritéde l'ONU relatives
au conflit en RépubliqueDémocratiquedu Congo ;
les rapports du Secrétariat généralde l'ONU sur la mission de la
MONUC;
les rapports des Associations et ONGnationales et internationalès.
D'autres documents seront annexésà son Mémoire.
V. Décisiondemandée
31 En conséquence,tout en se réservantle droit de compléteret préciserla
présentedemande encours d'instance, laRépubliqueDémocratiquedu Congo prie
la Cour de:
Dire etjuger que :
a) le Rwanda a violéet viole la Charte de l'ONU (article 2, paragraphes 3 et
4) en violant lesdroits de l'hommequi sont lebut poursuivi par lesNations
Unies au terme du maintien de la paix et de la sécuritéinternationales, de
mêmeque lesarticles 3 et 4 de laCharte de l'OUA ;
b) Le Rwanda a violéla Charte internationale des droits de l'homme ainsi que
les principaux instruments protecteurs des droits de l'homme dont
notamment la Convention sur l'éliminationdes discriminations à l'égard
des femmes, la Convention Internationale sur l'éliminationde toutes les
formes de discrimination raciale, la Convention contre latorture et autres
peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants,la Convention sur
la préventionet la répressiondu crime de génocidedu 9 décembre1948, la
Constitution de l'OMS, le Statut de l'Unesco;
c) en abattant à Kindu, le 09 octobre 1998, un Boeing 727, propriétéde la
compagnie Congo Airlines, et en provoquant ainsi la mort de quarante
personnes civiles, le Rwanda a égalementviolé la charte de l'ONU, la
convention relative à l'aviation civile internationale du 07 décembre1944
signée à Chicago, la convention de la Haye du 16 décembre1970 pour la
répressionde lacapture illicite d'aéronefset la convention de Montréaldu
23 septembre 1971 pour la répression d'actes illicites dirigéscontre la
sécuritéde 1'aviation civile ;
32 d) en tuant, massacrant, violant, égorgeant, crucifiant, le Rwanda s'est rendu
coupable d'un génocide de plus de 3.500.000 Congolais, ajoutées les
victimes des récentsmassacres dans la Ville de Kisangani, et a violéle droit
sacréà lavie prévudans la DéclarationUniverselle des Droits de l'Homme
et dans le Pacte international sur les droits civils et politiques, la
Convention sur la prévention et la répression du crime de génocide, et
d'autres instruments juridiques internationaux pertinents ;
En conséquence, et conformément aux obligations juridiques
internationales susmentionnées, dire etjuger que :
1) toute force arméerwandaise à la base de l'agression doit quitter sans
délaile territoire de la RépubliqueDémocratiquedu Congo; afm de
permettre à la population congolaise de jouir pleinement de ses
droits à la paix, à la sécurité,à ses ressources et au développement;
2 l le Rwanda a l'obligation de faire en sorte que ses forces arméeset
autres se retirent immédiatement et sans condition du territoire
congolais;
3) la RépubliqueDémocratique du Congo a droit à obtenir du Rwanda
le dédommagement de tous actes de pillages, destructions,
massacres, déportationsde biens et des personnes et autres méfaits
qui sont imputables au Rwanda et pour lesquels la République
Démocratique du Congo se réservele droit de fixer ultérieurement
33 une évaluationprécisedes préjudices,outre la restitution des biens
emportés.
Elle se réserveaussi le droit de faire valoir en cours d'instance les autres
préjudicespar elle et sa population subis.
Fait àla Haye, le 28 mai 2002.
Pour la RépubliqueDémocratiquedu Congo,
Ambassadeur MASANGU-A-MW ANZA
Jacques,
Agent.
Son Excellence N
Co-agent.
34
Requête introductive d'instance