Résumés des arrêts, avis coDocument non officielnces de la Cour
internationale de Justice
DEMANDEDE RÉFORMATI[ON DU JUGEMENT W 158
DU TRIBUNALADMINISTRATIF DES NATIONS UNIES
Avis consultatif du 12 juillet 1973
Une requête pouravis consultatifavait étésoumise ticle 24 du Statut, qu'ils estimaient ne pas devoir y
généradolesNations Unies endate du 28juin 1972,dansire participer.
les termes suivants: MM. Ammoun, Dillard et de Castro. bien qu'ayant
pleinementpris partà laprocédureet participé auvote,
"Le Comitédes demandes de réformationde ju- oritétéempêchés, pour des raisonsde santé, d'assister
gements du Tribunal administratif a décidé quela à l'audience consacrée au prononcé de l'avis consul-
demande de réformationdujugement no158du Tri- tatif.
bunal administratif, rendu Genèvele 28avril 1972.
reposaitsurdesbases sérieuses au sensdel'article 11
du statut du Tribunal.
"En conséquence,le Comité prie la Courinterna-
tionaledeJustice dedonner unavisconsultatif surles Faits et procédure(paragraphes 1à 13de l'avis consul-
questions suivantes: tatif)
"1. Le Tribunal a-t-il omis d'exercer sajuridic- Dans son avis consultatif, la Cour rappelle que
tion ainsi que le soutient le requérant dans sa de- M. Mohamed Fasla, fonctionnaire du Programme des
mande présentéeau Comité des demandes de ré- Nations Unies pour le développement (PNUD), était
formation de jugements du Tribunal administratif titulaire d'un contrat d'engagement de durée détermi-
AIAC.86lR.59) ? née,quidevaitexpirer le31décembre1969.Soncontrat
"2. LeTribunala-t-ilcommis,dans laprocédure, n'ayant pas étérenouvelé, il s'est pourvu devant la
une erreur essentielle qui a provoqué un mal-jugé, Commission paritaire de recours, puis devant le Tri-
ainsi que le soutient le requérant dans sa de- bunal administratif des Nations Unies. Le Tribunal a
mande présentéeau Comitédes demandes de ré- rendu unjugement no158 à Genèvele 28avril 1972.Le
formation de jugements du Tribunal administratif 26 mai suivant. M. Fasla a contestécette décisionet
(AlAC.86lR.59) ?" demandéau Comitédes demandes de réformationde
jugements du Tribunaladministratifdeprier laCourde
La Cour a décidé, par10voix contre 3, de donner donner un avis consultatif. C'est ce que le Comitéa
suite à la requêtepour avis consultatif et elle a été décidé de fairele 20juin 1972.
d'avis : En présentant sa requête pour avis consultatif. le
Concernantla question 1, par 9 voix contre 4, que le Comitéa exercé un pouvoir que l'Assemblée géné-
Tribunaladministratifn'a pas omisd'exercer sajuridic- rale des Nations Unies lui avait conféré,par résolu-
tion ainsi que le soutient le requérant dans sa demande tion 957(X)du 8 novembre 1955.en ajoutant au statut
présentéeau Comitédes demandes de réformationde du Tribunal administratif un nouvel article 11 qui
jugements du Tribunal administratif; énonce notamment :
Concernant laquestion2, par 10voixcontre 3,que le "1. Si. ..la personne qui a étél'objet d'unju-
Tribunal administratif n'a pas commis, dans la pro- gementrendu par leTribunal. .. conteste lejugement
cédure,une erreur essentielle qui a provoquéun mal- en alléguantque le Tribunal.. .n'a pas exercé sa
jugé,ainsi que le soutient lerequérantdanssademande .iuridictio... ou a commis, dans la procédure,une
présentéeau Comitédes demandes de réformationde erreur essentielle quia provoqué un mal-jugé,...
jugements du Tribunal administratif. l'intéressépeut.. .demander par écritau Comité
crééen vertu du paragraphe 4 du présent articlede
Aux fins de l'affaire, la Courétait composéecomme prier la Cour internationalede Justice de donner un
suit : avis consultatif sur la question.
M. Lachs, président; M. Ammoun, vice-président;
MM. Forster, Gros, Bengzon, Oriyeama, Dillard, de "2. ... leComitédécidesicette demanderepose
Castro, Morozov.JiménezdeAréchaga,sir Humphrey sur des bases sérieuses. S'ilen décideainsi,ilprie la
Waldock, MM. Nagendra Singh, Ruda, juges. Cour de donner un avis consultatif et le Secrétaire
généraplrendlesdispositions vouluespour transmet-
M. Lachs ajoint à l'avis consultatif une déclaration, treà la Cour l'opinion de la personne visée aupara-
MM.Forster et Nagendra Singhyontjoint une déclara- graphe 1.
Aréchagades opinions individuelleset MM. Ammoun, "3. ... le Secrétairegénéraol u bien donne effeà
Gros, de Castro et Morozov des opinionsdissidentes. l'avisde laCour, ou bien prie leTribunalde seréunir
spécialementpour confirmer sonjugement initial ou
MM.Petrén et Ignacio-Pinton'ont pas pris part à la rendre un nouveaujugement. conformément à l'avis
procédure, ayantinformélePrésident,en vertu del'Ar- tle la Cour.. "4. Aux fins du pirésentarticle, il est crééun La Cour examine ensuite si certains aspects de la
Comitéautorisé en vertu du paragraphe 2 de 1'Arti- procédurede réformationdoiventl'inciter à refuser de
c:le96de la Charte àdemanderdes avis coi~sultatifà répondre àla demanded'avis consultatif. Elle constate
121Cour. Le Comitéest composédesEtats Membres que rien dans la nature ni dans le mode de fonction-
représentésau Bureau de la dernière en date des nement du Comiténe paraît rendre cette procédure
sessions ordinaires de l'Assembléegénéra.le .." incompatible avec les principes générauxapplicables à
Conformément à l'Article65,paragraphe 2, du Statut ilne action enjustice et elle écarteles objections fon-
de la Cour, le Secrétairegénéradle l'organisation des dées surune inégalité inhérentequi existerait entre le
Nations Unies a transmis à la Cour le 29aoûi:1972des fonctionnaired'une part et le Secrétairegénéralet les
documentspouvant servir à éluciderla question. Con- Etats Membres de l'autre. Tout en considérant que la
formément à l'Article 66,paragraphe 2, du Statut de la procédure de réformation n'est pasexempte de dif-
Cour, l'organisation des Nations Unies et'ses Etats ficultés,la Cour n'estime pas douteux que. dans les
Membres ont étéinformés que la Courétaitclisposée à circonstances de l'espèce, elle doit donner suiteà la
recevoir des exposés écritslui fournissant des ren- requête pour avis consultatif.
seignementssur la question posée. Dans le délaifixé 130rtéedes questions soumises à la Cour (paragra-
par ordonnance du 14juillet 1972(C.I.J. Recueil 1972, phes 41 à48 de l'avis consultatif)
p. 9).àsavoir le 20septembre 1972,l'organisation des
Nations Unies a présent6un exposé écritfait au nom La Cour constate que les deux questions formulées
du Secrétaire général,airisique l'opinion de M. Fasla dans larequêtepouravisconsultatifsont expressément
transmise à la Cour confc~rmémen àt l'article 11,para- limitéesaux motifs de contestation invoqués et aux
graphe 2, du statut du Tribunal administratif. Par la thèses avancées par M. Fasla dans sa demande au
suiteM.Fasla aété admis àdéposer,par l'intermédiaire Comité.Lesmotifs dont ils'agitcorrespondent à deux
du Secrétaire général,une version corrigée de cette rnotifs de contestation spécifiésI'article 11du statut
opiriiondans un délaiveriant à expiration le 5 décem- <luTribunal administratifà savoir lenon-exercicede la
bre 1972.Le Présidentayantfixéau 27novembre 1972 juridiction et l'erreur essentielle dans la procédure.
puis reportéau 31janvier 1973la date d'expiration du IJnecontestationd'une décisionduTribunalfondéesur
dé1a.dians lequel des observations écrites pouvaient l'unou l'autre de ces deux motifs ne peut êtretransfor-
êtreprésentées conformément à l'Article 66, paragra- rnéeen une procédure contre le fond de la décision.
phe 4,du Statut delaCour,desobservationsécritesont Le TribunaladministratifdesNations Uniesa-t-ilomis
étédéposéesau nom de l'organisation des Nations d'exercer sa juridiction? (paragraphes 49 à 87 de
Unires,qui comprenaient des observations tiu Secré- l'avis consultatif)
taire: généralsur la version corrigée de l'opinion de Selon la Cour, le premier motif de contestation ne
M. Fasla ainsi que des clbservations de M. Fasla en vise que les cas où, soit sciemment soit par inadver-
réponse à l'exposédu Secrétaire général. L'Organisa- tance, le Tribunal administratif n'a pas exercé lespou-
tion des Nations Unies etses Etats Membres ont été voirs juridictionnels qu'il détient et qui lui permet-
avisésle 6 octobre 1972qu'il n'était pasen.visagéde tent de statuerà l'égardd'une affaire ou d'un élément
tenir d'audiences publiques consacrées à de:;exposés important d'une affaire.
oraux;cela a étéconfirmé pardécisiondela Cour prise
le 25janvier 1973. A cet égard,la Cour rejette les thèses de M. Fasla,
selon lesquelles le Tribunal administratif n'aurait pas
Compétencede la Cour (paragraphes 14 à40 de l'avis exercésajuridiction, parce qu'il n'aurait pas examiné
consultatif) pleinementlesdemandes de M.Fasla visant l'obtention
C'est la première fois que la Cour est saisie d'une diedommages-intérêts àraison dutortcausé àsaréputa-
reqiiêtepour avis consultatif en applicationde la pro- tion etàson avenirprofessionnelset leremboursement
cédiirede réformationdéfinie à l'article1du statut du dlesdépens,et parcequeleTribunalaurait omisdefaire
Tribunal administratif. En conséquence,quoique l'on recalculer son taux derémunérationetde fairerectifier
n'ait pas soulevé dans les exposés et obsl~rvations et compléterson dossier.
soumis àla Cour les questions de savoir si elle a com- La Cour examine ensuite certaines thèses que
pétencepourrendreun avis consultatif et s'ile.stoppor- M. Faslan'a pas exposéespleinementdans sademande
tun qu'elle le fasse, laur les examine tour à tour. au Comitédes demandes de réformationmais a déve-
S'agissant de la compétence,la Cour considère no- loppéesdans son opinion transmise à la Cour et selon
taminent les points de savoir si le Comitédes deman- lesquelles lesdécisionsrelatives son rappel et au non-
des de réformation doitêtreconsidéré comrrieun des renouvellement de son contrat auraient étéfondéessur
"organes de l'Organisationwautorisés à demanderdes des motifs illicites constituant un abus de pouvoir. La
avis consultatifs en vertu deArticle96de la[Charteet Cour constate que, dans la requête qu'il avait adres-
s'il a une activitéqui lui soit propre et permette de séeau Tribunaladministratif, M. Fasla n'avait pas de-
considérerqu'il puissedemanderdes avis co.nsultatifs niandél'annulation desdites décisionspour cause d'il-
sur (lesquestionsjuridiqui:~se posant dans le cadre de Itsgalitoudemotivationillicite. Onne sauraitl'accuser
son activité, ainsi que le prescrit le mêmerticle. La d'avoir omis d'exercer sajuridiction pour n'avoir pas
Courconclutque leComitéest unorganede I'Organisa- ordonné des mesures qui n'étaientpas indispensables
tion des Nations Unies dliment constitué envertu des et qu'aucune des parties ne l'avait priéd'ordonner.
Articles7et 22de la Charteet dûment autorise, confor-
ménientàl'Article96,paragraphe 2, decet instrument, L,eTribunaladministratifdes Nations Uniesa-t-il com-
à demander àlaCourdesavisconsultatifs. Ile:nrésulte mis, dans la procédure, une erreur essentielle qui
que la Cour est compétente en vertu de l'Article 65de a provoquéun mal-jugé ?(paragraphes 88 à 100de
son Statut pour connaîtred'une requêtepour aviscon- l'avis consultatif)
sultatif présentéepar le Comitédans le cadre deI'arti- La Courdétermined'abord le sens et la portéede la
cle 11du statut du Tribunal administratif. notion d'erreur essentielle dans la procédure ayantprovoquéun mal-jugé.Dans les affaires dontconnaît le ses demandes n'auraient pas étésuffisamment moti-
Tribunal administratif, l'idéede base est qu'un fonc- vées. Après avoir examiné cegrief. la Cour conclut
tionnairealedroitfondamentald'exposer sa cause, soit que, eu égard à sa forme et à sa teneur, le jugement
oralement soit par écrit,et d'êtreassure que leTribunal ne contrevient pas aux exigences de la règle suivant
l'étudiera avant destatuer. Une erreur procéduraleest laquelle tout jugement du Tribunal administratif doit
essentielle et constitue un mal-jugé sielle aboutit à énoncer les raisons sur lesquelles il se fonde.
violer ce droit et, en ce sens, empêche quejustice soit
faite. IdaCourdéclareenfin qu'elle n'apas à seprononcer
La Cour constate que M. Fasla rattache soit au non- sur. une demande de M. Fasla relative au rembour-
exercicede lajuridiction, soiàl'erreur essentielledans sement desdépensafférents à laprocédurederéforma-
laprocédure, soitaux deux motifs àlafoisdes griefsqui tion. Elle seborneànoterque,dans lescas oùleComité
sontfondamentalementles mêmeset qui visent pour la des demandes de réformation estimequ'une demande
plupart lamanièredont leTribunala tra.nchéaufondles repose sur des bases sérieuses, il n'est peut-être pas
réclamationset non des erreurs de procédureau sens souhaitable d'en faire supporter les frais au fonction-
propre de l'expression. Le seul grief de. Fasla con- naire intéressé.
cernant une erreur dans la procédureest celui suivant I'ar ces motifs, la Cour se prononce comme il a été
lequel les décisionsdu Tribunal administratif rejetant indiqué plushaut.
Résumé de l'avis consultatif du 12 juillet 1973