Résumé de l'arrêt du 19 janvier 2009

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14947
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Number (Press Release, Order, etc)
2009/1
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COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

Palais de la Paix, Carnegieplein 2, 2517 KJ La Haye, Pays-Bas
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Résumé
Document non officiel

Résumé 2009/1
Le 19 janvier 2009

Demande en interprétation de l’arrêt du 31 mars 2004 en l’affaire Avena et
autres ressortissants mexicains (Mexique c. Etats-Unis d’Amérique)
(Mexique c. Etats-Unis d’Amérique)

Résumé de l’arrêt du 19 janvier 2009

Historique de la procédure et conclusions des Parties (par. 1-10)

La Cour rappelle que, le 5juin2008, les Etats-Unis du Mexique (dénommés ci-après le

«Mexique») ont déposé au Greffe de la Cour une requête introductive d’instance contre les
Etats-Unis d’Amérique (dénommés ci-après les «Etats-Unis»), dans la quelle, se référant à
l’article60 du Statut de la Cour et aux articles98 et100 de son Règlement, ils prient celle-ci
d’interpréter le point9) du pa ragraphe153 de l’arrêt rendu par e lle le 31mars2004 en l’affaire
Avena et autres ressortissants mexicains (Mexique c. Etats-Unis d’Amérique) (C.I.J. Recueil 2004 ,

p. 12) (ci-après «l’arrêt Avena») qui se lit comme suit :

«153. Par ces motifs,

La Cour, …

9) Par quatorze voix contre une,

Dit que, pour fournir la réparation appropriée en l’espèce, les Etats-Unis
d’Amérique sont tenus d’assurer, par les moyens de leur choix, le réexamen et la

revision des verdicts de culpabilité rendus et des peines prononcées contre les
ressortissants mexicains visés aux points 4), 5), 6) et 7) ci-dessus, en tenant compte à
la fois de la violation des droits prévus par l’article 36 de la convention [de Vienne sur
les relations consulaires] et des paragraphes 138 à 141 du présent arrêt.»

Le 5 juin 2008, après le dépôt de sa requête, le Mexique a déposé au Gr effe de la Cour une
demande en indication de mesures conservatoires, afin de «sauvegarder ses droits et ceux de ses
ressortissants» en attendant que la Cour se prononce sur la demande en interprétation de
l’arrêt Avena.

Par ordonnance du 16juillet 2008, la Cour, apr ès avoir écarté la demande des Etats-Unis
tendant à obtenir le rejet de larequête présentée par le Mexique (point I du paragraphe 80 de
l’ordonnance) et la radiation de l’affaire du rôde la Cour, a indiqué les mesures conservatoires
suivantes (point II du paragraphe 80) : - 2 -

«a)Les Etats-Unis d’Amérique prendront toutes les mesures nécessaires
pour que MM. José Ernesto Medellín Rojas, CésarRobertoFierroReyna,

Rubén Ramírez Cárdenas, Humberto Leal García et Roberto Moreno Ramos ne
soient pas exécutés tant que n’aura p as été rendu l’arrêt sur la demande en
interprétation présentée par les Etats-Unis du Mexique, à moins et jusqu’à ce que
ces cinq ressortissants mexicains aient bénéficié du réexamen et de la revision

prévus aux paragraphes138 à141 de l’ arrêt rendu par la Cour le 31mars2004
dans l’affaire Avena et autres ressortissan ts mexicains (Mexique c.Etats-Unis
d’Amérique) ;

b) le Gouvernement des Etats-Unis d’Amérique portera à la connaissance de la Cour
les mesures prises en application de la présente ordonnance.»

Elle a en outre décidé que, «jusqu’à ce que la Cour rende son arrêt sur la demande en interprétation,

elle demeurera[it] saisie des qu estions» qui faisaient l’objet de cette ordonnance (pointIII du
paragraphe 80).

Par lettres du greffier en date du 16juillet2008, les Parties ont été informées que la Cour,

conformément au paragraphe3 de l’article98 du Règlement, avait fixé au 29août2008 la date
d’expiration du délai dans lequel les Etats-Unis pour raient présenter des observations écrites sur la
demande en interprétation du Mexique. Par lettre datée du 1 eaoût 2008, l’agent des Etats-Unis, se
référant au point II b) du paragraphe 80 de l’ ordonnance du 16 juillet 2008, a informé la Cour des

mesures que les Etats-Unis «[avaient] prises et continue[raient] de prendre» en application de ladite
ordonnance. Par lettre datée du 28 août 2008, l’agen t du Mexique, faisant état de l’exécution de
M. José Ernesto Medellín Rojas le 5 août 2008 aux Etats-Unis, dans l’Etat du Texas, et se référant
au paragraphe 4 de l’article 98 du Règlement, a prié la Cour de donner au Mexique la possibilité de

fournir par écrit un supplément d’information aux fins , d’une part, de développer, sur le fond, sa
demande en interprétation à la lumière des observations écrites que les Etats-Unis devaient déposer
et, d’autre part, de «modifier ses écritures en ajoutant un grief relatif à la violation de l’ordonnance

du 16 juillet 2008».

Le 29août2008, dans le délai prescrit à cet effet, les Etats-Unis ont déposé leurs
observations écrites sur la demande en interprétation du Mexique.

Par lettres du 2 septembre 2008, le greffier a info rmé les Parties que la Cour avait décidé de
donner à chacune d’elles la possibilité de lui fo urnir par écrit un supplément d’information,
conformément au paragraphe4 de l’article98 du Règlement, et avait fixé au17septembre et

au 6 octobre 2008, respectivement, les dates d’expiration des délais pour le dépôt par le Mexique et
par les Etats-Unis d’un tel supplément d’information. Chacune des Parties a déposé celui-ci dans le
délai prescrit à cet effet.

Dans la requête, le Mexique a présenté les demandes suivantes :

«Le Gouvernement du Mexique prie la Cour de dire et juger que l’obligation
incombant aux Etats-Unis en vertu du point 9) du paragraphe153 de l’arrêtAvena
constitue une obligation de résultat puisqu’il est clairement formulé dans l’arrêt que

les Etats-Unis sont tenus d’assurer «le réexamen et la revision des verdicts de
culpabilité rendus et des peines prononcées» en recourant aux «moyens de leur
choix» ;

et que, conformément à l’obligation de résultat susmentionnée,

1. les Etats-Unis doivent prendre toutes les mesures nécessaires en vue d’assurer le
réexamen et la revision prescrits à titre de réparation par l’arrêt Avena ; et, - 3 -

2. les Etats-Unis doivent prendre t outes les mesures nécessaires pour qu’aucun
ressortissant mexicain pouvant prétendre au réexamen et à la revision prescrits par

l’arrêt Avena ne soit exécuté à moins et jusqu’à ce que ce réexamen et cette
revision aient eu lieu et qu’il ait été établi qu’aucun préjudice n’a résulté de la
violation.»

Au cours de l’instance, les Parties ont formulé les conclusions suivantes :

Au nom du Mexique,

dans le supplément d’information présenté à la Cour le 17 septembre 2008 :

«Compte tenu de ce qui précède, le Gouvernement du Mexique prie la Cour de

dire et juger :

a) que, selon l’interprétation correcte de l’obligation imposée aux Etats-Unis par le
point9) du paragraphe153 de l’arrêtAvena , celle-ci constitue une obligation de

résultat puisqu’il est clairement indiqué da ns ledit arrêt que les Etats-Unis sont
tenus d’assurer «le réexamen et la revision des verdicts de culpabilité et des
peines» ;

et que, conformément à l’interprétation de l’obligation de résultat susmentionnée,

1) les Etats-Unis, par l’intermédiaire de tous leurs organes compétents et de

toutes leurs entités constitutives, y compris toutes les branches du
gouvernement et tout détenteur de l’autorité publique, à l’échelon des Etats et
à l’échelon fédéral, doivent prendre toutes les mesures nécessaires pour
accorder la réparation que constituent le réexamen et la revision prescrits

dans l’arrêt Avena au point 9) du paragraphe 153 ;

2) les Etats-Unis, par l’intermédiaire de tous leurs organes compétents et de
toutes leurs entités constitutives, y compris toutes les branches du

gouvernement ainsi que tout détenteur de l’autorité publique, à l’échelon des
Etats et à l’échelon fédéral, doivent prendre toutes les mesures nécessaires
pour faire en sorte qu’aucun ressortissant mexicain ayant droit au réexamen
et à la revision prescrits dans l’arrêt Avena ne soit exécuté à moins et jusqu’à

ce que ce réexamen et cette revision aient été menés à bien et qu’il ait été
établi qu’aucun préjudice n’a résulté de la violation commise ;

b) que les Etats-Unis ont violé l’ordonnance de la Cour en date du 16 juillet 2008 et

l’arrêt Avena en exécutant José Ernesto Medellín Rojas sans lui avoir accordé un
réexamen et une revision de son cas c onformément aux conditions prévues par
ledit arrêt ;

c) que les Etats-Unis sont tenus de gara ntir qu’aucun autre ressortissant mexicain
ayant droit au réexamen et à la revision prescrits dans l’arrêtAvena ne sera
exécuté à moins et jusqu’à ce que ce réex amen et cette revision aient été menés à
bien et qu’il ait été établi qu’aucun préjudice n’a résulté de la violation commise.» - 4 -

Au nom des Etats-Unis,

dans les observations écrites présentées le 29 août 2008 :

«Sur la base des faits et des arguments exposés plus haut, le Gouvernement des
Etats-Unis d’Amérique prie la Cour de dire et juger que la demande des Etats-Unis du

Mexique est rejetée; il prie la Cour, au cas où celle-ci ne reje tterait pas ladite
demande, d’interpréter l’arrêtAvena selon les termes du paragraphe62 ci-dessus.»
(Par. 63.)

Le paragraphe 60 des observations écrites des Etats-Unis se lit notamment comme suit :

«Les Etats-Unis acceptent l’interprétation que défend le Mexique; ils
conviennent que l’arrêt Avena impose une «obligation de résultat». Il n’y a donc nulle
contestation à trancher et la requête du Mexique doit être rejetée.»

Le paragraphe 62 des observations écrites des Etats-Unis se lit notamment comme suit :

«Les Etats-Unis prient la Cour d’interpréter l’arrêt comme le Mexique l’a

demandé ⎯ c’est-à-dire de la manière suivante :

«[L]’obligation incombant aux Etats-Unis en vertu du point9) du

paragraphe153 de l’arrêtAvena constitue une obligation de résultat
puisqu’il est clairement formulé dans l’arrêt que les Etats-Unis sont tenus
d’assurer «le réexamen et la revision des verdicts de culpabilité rendus et
des peines prononcées» en recourant aux «moyens de leur choix»» ;

dans le supplément d’information présenté à la Cour le 6 octobre 2008 :

«Sur la base des arguments de fait et de droit exposés ci-dessus et dans les

observations écrites initiales des Etats-Unis relatives à la demande en interprétation, le
Gouvernement des Etats-Unis d’Amérique prie la Cour de dire et juger que la
demande en interprétation de l’arrêtAvena du Mexique est rejetée. Subsidiairement,
les Etats-Unis prient la Cour, au cas où celle-ci ne rejetterait pas la demande dans son

intégralité :

a) de rejeter les demandes additionnelles du Mexique par lesquelles celui-ci prie
la Cour :

1) de dire que les Etats-Unis ont violé l’ordonnance du 16 juillet 2008 ;

2) de dire que les Etats-Unis ont violé l’arrêt Avena ;

3) d’ordonner aux Etats-Unis de donner une garantie de non-répétition.

b) d’interpréterl’arrêtAvena selon les termes du pointa) du paragraphe86 de la
réponse du Mexique aux observations écrites des Etats-Unis.»

Demande en interprétation de l’arrêt Avena

Compétence de la Cour en matière d’interprétation (par. 11-20)

La Cour rappelle que le Mexique fonde sur l’article60 du Statut sa demande en
interprétation du point9) du para graphe153 de l’arrêt rendu par la Cour le 31mars2004. Cet
article est ainsi libellé : «[l]’arrêt est définitif et sans recours. En cas de contestation sur le sens et

la portée de l’arrêt, il appartient à la Cour de l’interpréter, à la demande de toute partie». - 5 -

La Cour relève que son ordonnance en indication de mesures conservatoires du
16 juillet 2008 «n’a pas été rendue sur la base d’une compétence prima facie » et note qu’elle a déjà

précisé, dans cette ordonnance, que «la compétence que l’article60 [lui] confère…n’est
subordonnée à l’existence d’aucune autre base ayan t fondé, dans l’affaire initiale, sa compétence à
l’égard des parties» (ordonnance, par.44). Elle rappelle également qu’elle a déjà indiqué que «le

fait que, depuis le prononcé de l’arrêtAvena , les Etats-Unis se soient retirés du protocole de
signature facultative de la conve ntion de Vienne sur les relations consulaires concernant le
règlement obligatoire des différends était sans incidence sur sa compétence en vertu de l’article 60
du Statut» (ibid., par. 44).

La Cour note que, dans son ordonnance en date du 16 juillet 2008, elle avait observé, en
particulier, qu’elle «p[ouvait] connaître d’une demande en interprétation de tout arrêt rendu par elle
dès lors qu’existe une «contestation sur le sens ou la portée [de cet] arrêt» (ibid. , par. 46). La Cour

indique ensuite qu’il convient qu’«elle recherche de nouveau, dans le cadre de la présente
procédure, s’il existe bien une contestation sur la question de savoir si l’obligation énoncée au
point 9) du paragraphe 153 de l’arrêt Avena est une obligation de résultat». Elle précise qu’«[e]lle

aura aussi à se demander à cette occasion si une divergence d’opinion existe bien entre les Parties
sur la question de savoir si cette obligation s’im pose à l’ensemble des autorités des Etats-Unis, à
l’échelon fédéral et à celui des Etats».

Question de l’existence d’une contestation entre les Parties (par. 21-47)

⎯ Absence de contestation sur la nature de l’obl igation énoncée au point 9) du paragraphe 153

(par. 21-28)

Après avoir examiné les écritures des Parties, la Cour conclut à l’absence de contestation
entre elles sur la question de savoir si le point9) du paragraphe153 énonce une obligation de

résultat. Elle observe «qu’il doit être satisfa it à cette obligation de résultat dans un délai
raisonnable» et ajoute que «[m]ême des efforts sér ieux des Etats-Unis, s’ils n’aboutissent pas à la
revision et au réexamen visés aux paragraphes138 à141 de l’arrêt Avena , ne sauraient être

considérés comme satisfaisant à une telle obligation».

⎯ Question de l’existence d’une contestation sur l es destinataires spécifiques de l’obligation de
résultat (par. 29-42)

Après avoir souligné «qu’il [lui] appartient de déterminer s’il existe effectivement une
contestation (voir Interprétation des arrêts n os7 et 8 (usine de Chorzów), arrêt n o11, 1927, C.P.J.I.
série A n 13, p.12)», la Cour examine la possibilité qu’existe, entre les Parties, une divergence

d’opinion «quant au sens et à la portée de cette obligation de résultat».La Cour estime qu’il y a
deux façons possibles d’envisager la question de sa voir s’il existe au sens de l’article 60 du Statut
une contestation dont le règlement appelle une interprétation des dispositions du point9) du

paragraphe 153 de l’arrêt Avena.

En premier lieu, elle examine divers arguments présentés par le Mexique qui «semblent
révéler l’existence d’une différence d’appréciation qui constituerait une [telle] contestation» quant

aux destinataires spécifiques de l’obligation de résultat. La Cour rappelle notamment que, selon le
Mexique, l’interprétation retenue par la Cour suprême des Etats- Unis dans l’affaire Medellín
c. Texas (Cour suprême, vol.128 (2008), p.1346) — à savoir que les arrêts de la Cour
internationale de Justice ne sont pas, comme te ls, directement applicables dans l’ordre juridique

interne des Etats-Unis — est «incompatible avec l’interprétation de l’arrêtAvena selon laquelle
celui-ci impose une obligation de résultat à tous les organes constitutifs des Etats-Unis, y compris
au pouvoir judiciaire». - 6 -

En second lieu, la Cour expose «d’autres él éments [qui] peuvent donner à penser qu’il
n’existe au contraire pas de contestation entre les Parties» sur la question des destinataires

spécifiques de l’arrêt Avena . Elle relève d’abord, «sans nécessairement souscrire à certaines
observations relatives au droit international formul ées par la Cour suprême dans son raisonnement,
que cette dernière a indiqué que l’arrêtAvena énonce une obligation s’imposant aux Etats-Unis,
tout en précisant que ladite obligation n’a pas d’effet direct en droit interne et qu’il ne peut y être

donné effet par un mémorandum du prés ident [des Etats-Unis]». La Cour ajoute que les Etats-Unis
ont rappelé, dans leurs observations écrites du 29 ao ût 2008, «que le gouvernement fédéral «parlait
au nom» de tous les organes et entités constitutif s de l’autorité gouvernementale, et qu’il était
responsable des actes de ceux-ci». La Cour not e par ailleurs «qu’aux termes du paragraphe2 de

l’article 98 de son Règlement, qua nd une partie introduit une demande en interprétation d’un arrêt,
cette demande «indique avec précision le point ou les points contestés quant au sens ou à la portée
de l’arrêt»». Elle observe que le Mexique a eu à plusieurs reprises la possibilité de préciser les
points contestés, mais qu’«il reste néanmoins très vague quant à l’objet précis de la prétendue

contestation». Elle conclut en estimant que, tant «sous l’angle de la confor mité aux dispositions du
paragraphe2 de l’article98 du Règlement [que ] d’un point de vue plus général, on pourrait
soutenir qu’en définitive le Mexique n’a établi l’existence d’aucune c ontestation l’opposant aux

Etats-Unis», et que «le Mexique n’a pas précisé que l’obligation imposée par l’arrêt Avena aux
Etats-Unis liait directement les organes, entités ou autorités de ce pays, même si cela pourrait être
déduit des arguments qu’il a présentés».

⎯ Question de l’effet direct de l’obligati on énoncée au point9) du paragraphe153 de
l’arrêt Avena (par. 43-47)

De l’avis de la Cour, les différents points de vue exprimés par les Parties font apparaître «des

opinions divergentes sur la question de savoir si le point9) [susmentionné] prévoit qu’un effet
direct soit donné à l’obligation qu’il énonce». La Cour relève néanmoins que, «même si l’on devait
finalement conclure à l’existence, en l’espèce, d’une contestation au sens de l’article 60 du Statut,
la demande du Mexique se heurterait à un autre obs tacle». Elle note en effet qu’«[a]ucun passage

de l’arrêt Avena ne prescrit ni n’implique que les tribunaux des Etats-Unis seraient tenus de faire
une application directe du point9) du paragra phe153». Or, observe-t-elle, selon sa jurisprudence
constante, une question qui n’a pas été tranchée pa r un arrêt initial «ne peut … lui être soumise
dans le cadre d’une demande en interprétation» de cet arrêt en vertu de l’article 60 du Statut.

La Cour ajoute que «[l]’argumentation du Me xique, telle qu’exposée au paragraphe31 [du
présent arrêt], porte sur la question générale des effets d’un arrêt de la Cour dans l’ordre juridique
interne des Etats parties à l’affaire dans laquelle cet arrêt a été rendu et non pas sur celle du «sens»

et de la «portée» de l’arrêt Avena , comme l’exige l’article60 du Statut». Elle estime que «la
question qui sous-tend la demande en interpré tation présentée par le Mexique échappe à la
compétence conférée de manière spécifique à la Cour par l’article60» et que «[s]’il y a une
contestation, elle ne porte pas su r l’interprétation de l’arrêt Avena , et en particulier du point 9) du

paragraphe 153».

La Cour conclut de ce qui précède qu’elle «ne saurait faire droit à la demande en
interprétation présentée par le Mexique».

Toutefois, la Cour observe que «les considér ations de droit interne qui ont, jusqu’à présent,
empêché que soit honorée l’obligation incombant aux Etats-Unis, ne sauraient les en délier». Elle
poursuit en soulignant que «[l]es Etats-Unis ont ét é laissés libres de recourir aux moyens de leur

choix pour la mise en Œuvre de cette obligation et [que], dans l’hypothèse où le moyen retenu ne
permettrait pas d’atteindre le résultat escompté dans un délai raisonnable, ils doivent recourir
promptement à d’autres moyens efficaces à cette fin.» - 7 -

Demandes additionnelles formulées par le Mexique dans le cadre de l’instance (par. 48-60)

La Cour se penche ensuite sur les trois de mandes additionnelles formulées par le Mexique,
ce dernier estimant qu’en exécutant M.José Er nesto Medellín Rojas le 5août2008 sans que
celui-ci ait bénéficié du réexamen et de la revision requis par l’arrêtAvena , les Etats-Unis:
1)ontviolé l’ordonnance en indication de mesu res conservatoires du 16juillet2008; 2)ont violé

l’arrêt Avena lui-même et 3) doivent fournir des garanties de non-répétition.

Sur le premier point, la Cour «conclut que les Etats-Unis ne se sont pas acquittés de
l’obligation dont ils étaient tenus en vertu de l’ordonnance qu’elle a rendue le 16 juillet 2008, dans

le cas de M. José Ernesto Medellín Rojas».

La Cour rejette la seconde demande additionne lle du Mexique en notant que «la seule base
de compétence invoquée dans la présente affaire…est l’article60 du Statut [, qui] ne lui permet

pas de connaître de violations éventuelles de l’arrêt dont elle est priée de donner une
interprétation».

Enfin, la Cour rappelle que «l’arrêt qu’elle a rendu en l’affaire Avena reste obligatoire et que

les Etats-Unis sont toujours tenus de l’appliquer pleinement»; prenant notamment acte des
engagements pris par les Etats-Unis d’Amérique en la présente instance, elle rejette la troisième
demande additionnelle.

Dispositif (par. 61)

«Par ces motifs,

L A C OUR ,

1) Par onze voix contre une,

Dit que les questions qui, selon les Etats-Unis du Mexique, opposent les Parties et appellent

une interprétation en vertu de l’article 60 du Statut, n’ont pas été décidées par la Cour dans le cadre
de l’arrêt rendu le 31mars2004 en l’affaireAven a et autres ressortissants mexicains (Mexique
c. Etats-Unis d’Amérique), y compris le point 9) de son paragr aphe 153, et ne peuvent dès lors pas
donner lieu à l’interprétation sollicitée par les Etats-Unis du Mexique ;

POUR : Mme Higgins, président ; M. Al-Khasawneh, vice-président ; MM. Ranjeva, Koroma,
Buergenthal, Owada, Tomka, Abraham, Keith, Bennouna, Skotnikov, juges ;

CONTRE : M. Sepúlveda-Amor, juge ;

2) A l’unanimité,

Dit que les Etats-Unis d’Amérique ont violé l’obl igation dont ils étaient tenus en vertu de
l’ordonnance en indication de mesures conser vatoires du 16juillet2008, dans le cas de
M. José Ernesto Medellín Rojas ;

3) Par onze voix contre une,

Réaffirme que les obligations énoncées au point 9) du paragraphe153 de l’arrêtAvena
continuent de s’imposer aux Etats-Unis d’Amérique et prend acte des engagements pris par les
Etats-Unis d’Amérique en la présente instance ; - 8 -

POUR : Mme Higgins, président ; M. Al-Khasawneh, vice-président ; MM. Ranjeva, Koroma,

Buergenthal, Owada, Tomka, Keith, Sepúlveda-Amor, Bennouna, Skotnikov, juges ;

CONTRE : M. Abraham, juge ;

4) Par onze voix contre une,

Rejette, dans ces conditions, la demande des Etats-Unis du Mexique tendant à ce qu’elle
ordonne aux Etats-Unis d’Amérique de fournir des garanties de non-répétition ;

POUR : Mme Higgins, président ; M. Al-Khasawneh, vice-président ; MM. Ranjeva, Koroma,
Buergenthal, Owada, Tomka, Abraham, Keith, Bennouna, Skotnikov, juges ;

CONTRE : M. Sepúlveda-Amor, juge ;

5) Par onze voix contre une,

Rejette le surplus des conclusions des Etats-Unis du Mexique.

POUR : Mme Higgins, président ; M. Al-Khasawneh, vice-président ; MM. Ranjeva, Koroma,

Buergenthal, Owada, Tomka, Abraham, Keith, Bennouna, Skotnikov, juges ;

CONTRE : M. Sepúlveda-Amor, juge.»

*

MM. les juges Koroma et Abraham joignent des déclarations à l’arrê;t
M. le juge Sepúlveda-Amor joint à l’arrêt l’exposé de son opinion dissidente.

___________ Annexe au résumé 2009/1

Déclaration de M. le juge Koroma

Dans sa déclaration jointe à l’arrêt, laquelle précise la manière dont il comprend l’application
de l’article60 du Statut en l’espèce, le juge Ko roma exprime l’avis qu’il existe au moins deux

divergences d’opinions entre le Mexique et les Etats-Unis qui pourraient être considérées comme
donnant matière à «contestation» au sens dudit ar ticle: les deux Parties envisagent différemment
tant la question de savoir si l’arrêt Avena prévoit qu’il soit donné effet au réexamen et à la revision
qu’il a prescrits, que celle de savoir si l’exécution des obligations découlant de cet arrêt s’impose

aux juridictions internes.

Se référant à la conclusion de la Cour se lon laquelle «les différents points de vue exprimés
par les Parties sur l’existence d’une contestation font également apparaître des opinions divergentes

sur la question de savoir si le point 9) du paragraphe 153 de l’arrêt Avena prévoit qu’un effet direct
soit donné à l’obligation qu’il énon ce», le juge Koroma relève que ce libellé n’est pas très clair et
estime qu’il signifie que la demande en interpréta tion est irrecevable étant donné que les questions
en litige sortent du cadre du point 9) du paragraphe 153 dudit arrêt.

Le juge Koroma propose alors ensuite une solution qui aurait pu permettre à la Cour de juger
la demande en interprétation recevable conforméme nt à sa jurisprudence. Il fait observer que si
elle s’était engagée dans cette voie, la Cour aura it pu, en interprétant son arrêt, conclure que les

Etats-Unis disposaient d’un choix de moyens pour s’acquitter de l’obligation que leur imposait
celui-ci, mais que les efforts à déployer pour procéd er au réexamen et à la revision requis devaient
être efficaces pour être conformes à l’arrêt Avena.

Le jugeKoroma conclut qu’en réaffirmant l’obligation du défendeur envers les personnes
nommément désignées dans l’arrêt Avena , la Cour a confirmé l’objet et le but de l’article 60 du
Statut. Il souligne que si la Cour n’est peut -être pas en mesure d’interpréter l’arrêt Avena qu’elle a
rendu, celui-ci continue à avoir force obligatoire et certaines oblig
ations qui y sont énoncées n’ont

toujours pas été honorées. En vertu de l’article94 de la Charte ⎯et, en l’espèce, en vertu aussi
des principes fondamentaux des droits de l’homme ⎯, le droit international n’exige rien de moins
que le respect intégral et à bref délai de l’arrêt Avena en ce qui concerne tous les ressortissants

mexicains qui y sont cités.

Déclaration de M. le juge Abraham

Dans une déclaration jointe à l’arrêt, le juge Abraham explique qu’il a voté contre le point 3)
du dispositif parce que les affirmations qui y sont contenues outrepassent les limites de la
compétence que la Cour tient de l’article60 de s on Statut. En effet, lesdites affirmations se
rapportent non pas à l’interprétation de l’arrêt Avena, mais à son exécution.

Opinion dissidente de M. le juge Sepúlveda-Amor

Dans son opinion dissidente, le juge Sepúlve da-Amor indique que, bien qu’il souscrive pour
l’essentiel au raisonnement de la Cour, il ne saurait s’associer à certaines conclusions formulées par
elle. Il estime que la Cour aurait dû saisir l’ occasion pour régler des questions nécessitant une
interprétation et préciser le sens et la portée de l’arrêt Avena . Le jugeSepúlveda-Amor est en

désaccord avec l’arrêt rendu par la Cour sur les points suivants :

1) En ne se prononçant pas sur le manquement des Etats-Unis à leur obligation internationale de se
conformer à l’arrêt Avena , la Cour n’a pas tenu compte de la nécessité de statuer sur les

conséquences des actes internationalement illicites d’un Etat. - 2 -

2) Il est regrettable que la Cour n’ait pas jugé nécessaire d’indiquer quelles étaient les
conséquences juridiques découlant du fait que l es Etats-Unis ne s’étaient pas conformés à

l’ordonnance en indication de mesures conservato ires qu’elle a rendue ainsi qu’à l’arrêt Avena .
La responsabilité internationale d’un Etat est engagée par l’action des organes et autorités
compétents agissant dans cet Etat. Le Mexique a démontré qu’une obligation de résultat
incombait aux Etats-Unis et que ceux-ci devaient, dès lors, par l’intermédiaire de tout organe de

l’Etat, prendre toutes les mesures nécessaires pour fournir la réparation prescrite par
l’arrêt Avena. La Cour a choisi de ne pas se prononcer sur les conséquences de la violation, par
les Etats-Unis, des obligations internationales qui leur incombaient.

3) La Cour aurait dû réaffirmer le caractère obligatoire de ses arrêts LaGrand et Avena et
l’existence de droits individuels en vertu de l’article 36 de la convention de Vienne afin de lever
les doutes émis par les autorités exécutives et j udiciaires des Etats-Unis, à l’échelon fédéral
comme à celui de l’Etat

4) Il ne suffit pas d’affirmer que le dispositif de l’arrêt Avena a force obligatoire si l’application de
la règle de la carence procédurale (procedural default) par les juridictions des Etats-Unis le rend
juridiquement inopérant. En interprétant le sens et la portée du paragraphe153 de

l’arrêt Avena, la Cour aurait dû tenir compte du raisonnement de l’arrêt, selon lequel la règle de
la carence procédurale constitue un obstacle judici aire qui rend inopérants les droits consacrés
par l’article 36 de la convention de Vienne et empêche leur exercice.

5) Un désaccord continue d’exister entre le Mexique et les Etats-Unis, non seulement en ce qu’une
contestation les oppose, au sens de l’article60, sur l’interprétation de l’obligation énoncée par
l’arrêt Avena, mais également en ce qu’un différend l es oppose, au sens du paragraphe1 de
l’article 38, sur divers points de droit et de fait.

6) Le Mexique et les Etats-Unis ont des vues opposées sur l’effet, en droit interne, des obligations
internationales. La Cour aurait pu contribuer au développement du droit international en se
prononçant sur les questions soulevées par ces interprétations divergentes.

7) En considérant qu’il n’existe aucune contesta tion entre les Parties, la Cour fait une lecture
erronée de la position du Mexique. Celui-ci ne prétend pas que le non-respect des obligations
découlant de l’arrêt Avena est imputable au seul exécutif fédéral des Etats-Unis ; il soutient que

la décision définitive de ne pas assurer le réex amen et la revision prescrits par l’arrêt Avena est
imputable à la Cour suprême des Etats-Unis. Une contestation oppose donc les Parties quant à
l’effet juridique d’une décision rendue par la Cour suprême des Etats-Unis aux termes de
laquelle une obligation internationa le n’a pas valeur de loi fédérale contraignante en l’absence

de texte d’application.

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Résumé de l'arrêt du 19 janvier 2009

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