COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
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Résumé
Document non officiel
Résumé 2009/3
Le 28 mai 2009
Questions concernant l’obligation de poursuivre ou d’extrader
(Belgique c. Sénégal)
Demande en indication de mesures conservatoires
Résumé de l’ordonnance du 28 mai 2009
Requête et demande en indication de mesures conservatoires
La Cour rappelle que, le 19 février 2009, le Royaume de Belgique (ci-après la «Belgique») a
déposé une requête introductive d’instance contre la République du Sénégal (ci-après le «Sénégal»)
au sujet d’un différend relatif au «respect par le Sénégal de son obligation de poursuivre
M.HissèneHabré, ancien président de la République du Tchad, ou de l’extrader vers la Belgique
aux fins de poursuites pénales». La Belgique fonde ses demandes sur la convention des
Nations Unies contre la torture et autres pein es ou traitements cruels, inhumains ou dégradants du
10décembre1984 (ci-après la «convention contre la torture»), ainsi que sur le droit international
coutumier.
La Cour relève que, dans sa requête, la Belgique se réfère, pour fonder la compétence de la
Cour, aux déclarations faites, en application du paragraphe2 de l’article36 du Statut, par
elle-même, le 17juin1958 et par le Sénégal, le 2décembre1985, ainsi qu’au paragraphe1 de
l’article30 de la convention cont re la torture, lequel dispose notamment que tout différend entre
deux ou plus des Etats parties concernant l’interprétation ou l’application de cette convention
«qui ne peut être réglé par voie de négocia tion est soumis à l’arbitrage à la demande
de l’un d’entre eux et que si, dans les six mois qui suivent la date de la demande
d’arbitrage, les parties ne parviennent p as à se mettre d’accord sur l’organisation de
l’arbitrage, l’une quelconque d’entre ell es peut soumettre le différend à la Cour
internationale de Justice en déposant une requête conformément au Statut de la Cour».
La Belgique soutient que le Sénégal, où M. Habré réside depuis 1990, n’a pas donné suite à
ses demandes répétées de voir l’ancien président tc hadien poursuivi en justice au Sénégal, à défaut
d’être extradé vers la Belgique, pour des faits qualifiés, notamment, de crimes de torture et de
crimes contre l’humanité, qui auraient été commis au cours de sa présidence entre le 7 juin 1982 et
er
le 1 décembre 1990. Elle se réfère aux plaintes déposées en 2000 au Sénégal contre M. Habré par
sept personnes physiques et une personne morale , à celles déposées entre le 30 novembre2000 et
11décembre 2001 auprès des autorités judiciaires belges par un ressortissant belge d’origine
tchadienne et des ressortissants tchadiens, et à un mandat d’arrêt international décerné à l’encontre
de M. Habré par le juge d’instruction belge en charge du dossier. S’agissant des plaintes déposées
au Sénégal, la Belgique souligne qu’elles ont été rejetées le 4juillet2000 par la chambre - 2 -
d’accusation de la cour d’appel de Dakar, au motif que le «crime contre l’humanité» ne faisait pas
partie du droit pénal sénégalais et que, s’agissan t du crime de torture, la loi sénégalaise ne
permettait pas au juge sénégalais d’exercer sa compétence pour des faits commis à l’étranger par
un étranger.
Au terme de sa requête, la Belgique prie la Cour de dire et de juger que :
«⎯ la Cour est compétente pour connaître du différend qui oppose le Royaume de
Belgique à la République du Sénégal en ce qui concerne le respect par le Sénégal
de son obligation de poursuivre M. H. Habré ou de l’extrader vers la Belgique aux
fins de poursuites pénales ;
⎯ la demande belge est recevable ;
⎯ la République du Sénégal est obligée de pour suivre pénalement M. H. Habré pour
des faits qualifiés notamment de crimes de torture et de crimes contre l’humanité
qui lui sont imputés en tant qu’auteur, coauteur ou complice ;
⎯ à défaut de poursuivre M. H. Habré, la République du Sénégal est obligée de
l’extrader vers le Royaume de Belgique pour qu’il réponde de ces crimes devant la
justice belge» ;
et se réserve le droit de modifier et de compléter ladite requête.
La Cour rappelle que, le 19 février2009, après avoir déposé sa requête, la Belgique a
présenté une demande en indication de mesures conservatoires en se référant à l’article 41 du Statut
de la Cour et aux articles73 à75 de son Règlem ent. Dans sa demande, la Belgique renvoie aux
bases de compétence de la Cour invoquées dans sa requête et prie la Cour
«d’indiquer, en attendant qu’e lle rende un arrêt définitif sur le fond, que le Sénégal
doit prendre toutes les mesures en son pouvoir pour que M. H. Habré reste sous le
contrôle et la surveillance des autorités judiciaires du Sénégal afin que les règles de
droit international dont la Belgique dema nde le respect puissent être correctement
appliquées».
La Belgique explique que, «actuellement, M. H. Habré est en résidence surveillée à Dakar,
mais [qu’]il ressort d’un entre tien donné par le président sénégalais, A. Wade, à Radio France
Internationale, que le Sénégal pourrait mettre fin à cette mise en résidence surveillée s’il ne trouve
pas le budget qu’il estime nécessaire à l’organisa tion du procès de M.H.Habré». Selon la
Belgique, dans cette hypothèse, il serait facile pour M. Habré de quitter le Sénégal et de se
soustraire à toute poursuite, ce qui porterait un préjudice irréparable au droit que le droit
international confère à la Belgique d’exercer des poursuites pénales contre l’intéressé. Elle soutient
en outre que cela violerait l’obligation du Sénéga l de poursuivre M. Habré pour les crimes de droit
international qui lui sont imputés, à défaut de l’extrader.
Lors de son premier tour d’observations orales la Belgique a fait également état de certaines
déclarations récentes du président Wade, qui, selon la Belgique, laissaient entendre que le Sénégal,
s’il ne disposait pas des fonds nécessaires pour l’organisation du procès de M.Habré, pourrait, à
tout moment, renoncer à poursuivre l’intéressé, mettr e fin à sa surveillance ou le transférer vers un
autre Etat.
La Cour relève que, lors de son premier tour d’observations or ales, le Sénégal a affirmé que,
depuis 2005, il avait accepté, par la voix du prési dent Wade, de faire juger M.Habré par les
juridictions sénégalaises et de respecter ainsi ses obligations au regard du dr oit international. Le
Sénégal a en outre soutenu que, les conditions re quises pour l’indication de mesures conservatoires - 3 -
n’étant pas remplies en l’espèce, la demande de la Belgique tendant à ce que de telles mesures
soient indiquées n’était pas fondée. Il a ajout é que l’indication des mesures sollicitées par la
Belgique préjugerait du fond et priverait le Sénégal des droits qu’il tient des règles internationales,
et notamment de la convention contre la torture.
Le défendeur a également exposé que, suite à la demande d’extradition de M.Habré
formulée par la Belgique, l’intéressé avait été arrêté et placé sous écrou extraditionnel le
15 novembre 2005, mais que la chambre d’accusation de la cour d’ap pel de Dakar s’était déclarée
incompétente pour connaître de la demande d’extradition dirigée contre M. Habré, au motif que
celui-ci jouissait d’une immunité de juridiction en raison de sa qualité de chef d’Etat au moment
des faits. Le Sénégal a précisé avoir informé la Be lgique, le 23décembre 2005, de cette décision
ayant mis définitivement fin à la procédure d’extradition. Le Sénégal a expliqué que, dans ces
circonstances, il avait recherché l’ appui de l’Union africaine, sais i celle-ci du dossier et que, le
2juillet 2006, les chefs d’Etat et de gouvernem ent de l’Union africaine lui avaient donné mandat
de poursuivre et juger M. Habré.
Le Sénégal a soutenu qu’il n’existait aucun di fférend juridique entre les Parties portant sur
l’interprétation ou l’application d’une règle de droit international, et notamment, des règles
énoncées par la convention contre la torture.
La Cour relève que, lors de son second tour d’observations orales, la Belgique a précisé que
le différend qui l’oppose au Sénégal porte, d’une pa rt, sur la question de savoir si l’obligation de
juger M. Habré découle du mandat donné par l’Union africaine au Sénégal, ainsi que, d’autre part,
sur la question de savoir si le Sénégal s’est d’or es et déjà acquitté de ses obligations en vertu des
dispositions de la convention contre la torture en transmettant le dossier à l’Union Africaine.
La Cour rappelle que, en réponse à une question posée par un de ses membres à l’audience,
il a été affirmé par le demandeur qu’une déclar ation solennelle prononcée devant la Cour par
l’agent du Sénégal au nom de son gouvernement pou rrait suffire à la Belgique pour considérer que
sa demande en indication de mesures conservatoires n’aurait plus d’objet, si ladite déclaration était
claire et sans condition, et qu’elle garantissait que toutes les mesures nécessaires seraient prises par
le Sénégal pour que M.Habré ne quitte pas le te rritoire sénégalais tant que la Cour n’aurait pas
rendu sa décision définitive. La Belgique a égal ement précisé souhaiter que la Cour reprenne une
telle déclaration dans le dispositif de son ordonnance.
La Cour note que, lors de son second tour d’ observations orales, le Sénégal a soutenu que
son obligation de poursuivre M. Habré découlait des dispositions de la convention contre la torture,
et non du mandat donné par l’Union africaine, et il a conclu qu’il était dès lors manifeste qu’il
n’existait aucun différend entre les Parties. Le Sé négal a encore fait observer que les déclarations
faites aux médias par le président Wade ne démontra ient l’existence d’aucun risque réel et sérieux
que M. Habré puisse se soustraire à la justice sén égalaise. En outre, en réponse à une question
posée par un membre de la Cour à l’audience, le défendeur a déclaré solennellement qu’il ne
permettra pas à M. Habré de quitter son territoire aussi longtemps que l’affaire sera pendante
devant la Cour.
Raisonnement de la Cour
Compétence prima facie
La Cour commence par rappeler qu’en présence d’une demande en indication de mesures
conservatoires, point n’est besoin pour elle, avan t de décider d’indiquer ou non de telles mesures,
de s’assurer de manière définitive qu’elle a compéten ce quant au fond de l’affaire, mais qu’elle ne
peut indiquer ces mesures que si les dispositions invoquées par le demandeur semblent prima facie
constituer une base sur laquelle sa compétence pourra it être fondée. Etant donné que la Belgique - 4 -
entend fonder la compétence de la Cour sur l’article 30 de la convention contre la torture et sur les
déclarations faites par les deux Etats en application du paragraphe2 de l’article36 du Statut, la
Cour a estimé nécessaire de chercher à établir si la clause attributive de juridiction contenue dans la
convention ou si les déclarations invoquées lu i conféraient effectivement une compétence
prima facie pour se prononcer sur le fond, lui permetta nt, si elle estimait que les circonstances
l’exigeaient, d’indiquer des mesures conservatoires.
⎯ Différend
La Cour note que tant la Belgique que le Sé négal sont parties à la convention contre la
torture. Considérant que la première conditi on exigée pour que la compétence de la Cour puisse
être établie sur cette base est l’existence d’un «différend entre deux ou plus des Etats parties
concernant l’interprétation ou l’application de la présente convention», il appartient d’abord à la
Cour, au stade actuel de la procédure, d’établir si, prima facie , un tel différend existait à la date du
dépôt de la requête.
La Cour fait observer que, suite à l’arrêt de la cour d’appel de Dakar mettant fin à la
procédure d’extradition de M. Habré vers la Belgiq ue, le Sénégal a saisi l’Union africaine et en a
informé la Belgique par note verbale en date du 23décembre2005,à laquelle la Belgique a
répondue par note verbale en date du 11 janvier 2006 contestant que le Sénégal puisse se conformer
aux obligations de la convention contre la tortur e en déférant une question relevant de ladite
convention à une organisation internationale. La Belgique a soutenu que le Sénégal ne remplissait
pas ses obligations en vertu de la convention contre la torture, notamment son article 7, en omettant
de poursuivre M. Habré, à défaut de l’extrader ve rs la Belgique, pour répondre des faits de torture
qui lui sont imputés. Le Sénégal a estimé avoir pris des mesures pour s’acquitter desdites
obligations et a réaffirmé sa volonté de conti nuer le processus en cours aux fins d’assumer
intégralement ses obligations d’Etat partie à la convention contre la torture. La Cour constate que,
au vu de ce qui précède, il apparaît prima facie qu’un différend sur l’interprétation et l’application
de la convention opposait les Parties à la date du dépôt de la requête.
La Cour se penche ensuite sur la question de savoir si la requête n’a pas été ultérieurement
privée d’objet par la disparition du différend qui ex istait au moment du dépôt, compte tenu du fait,
notamment, qu’au cours des audiences le Sénéga l a reconnu qu’un Etat partie à la convention
contre la torture ne pouvait pas s’acquitter des obl igations en vertu de ladite convention par le
simple fait de saisir une organisation internationale . La Cour constate que les Parties semblent
néanmoins continuer de s’opposer sur d’autres qu estions d’interprétation ou d’application de la
convention contre la torture, telles que celle du déla i dans lequel les ob ligations prévues à
l’article7 doivent être remplies ou celle des circonstances (difficultés financières, juridiques ou
autres) qui seraient pertinentes pour apprécier s’il y avait ou non manquement auxdites obligations.
La Cour relève en outre que les vues des Parties continuent apparemment de diverger sur la façon
dont le Sénégal devrait s’acquitter de ses oblig ations conventionnelles. Elle estimequ’en
conséquence il appert que, prima facie , un différend de la nature de cel ui visé à l’article 30 de la
convention contre la torture demeure entre les Parties, même si sa portée a pu évoluer depuis le
dépôt de la requête.
⎯ Conditions procédurales
La Cour rappelle par ailleurs que l’article30 de la conventi on contre la torture exige en
premier lieu que le différend soumis à la Cour soit de ceux «qui ne peu[vent] être réglé[s] par voie
de négociation». Elle estime qu’au stade de l’examen de sa compétence prima facie il lui suffit de
constater que la Belgique a te nté de négocier. La Cour est d’avis que la correspondance
diplomatique, notamment la note verbale en date du 11janvier2006 par laquelle la Belgique
entendait apporter certaines précisions «dans le cadre de la procédure de négociation visée à
l’article30 de la convention contre la torture…», montre que la Belgique a tenté de résoudre le
différend concerné par voie de négociation et que l es négociations ainsi proposées ne sauraient être - 5 -
réputées avoir résolu ce différend. La Cour en conclut que la condition selon laquelle le différend
qui lui est soumis doit être de ceux qui «ne peu[vent] pas être réglé[s] par voie de négociation» doit
être regardée comme remplie prima facie.
La Cour note ensuite que la convention prévoit en deuxième lie u qu’un différend entre Etats
parties qui n’aurait pas été réglé par voie de né gociation devra être soumis à l’arbitrage à la
demande de l’un d’entre eux, et qu’elle ne pourra en être saisie que si les Parties ne parviennent pas
à se mettre d’accord sur l’organisation de cet arbitrage dans les sixmois à compter de la date à
laquelle il aura été demandé. Elle considère que la note verbale en date du 20juin2006 contient
une offre explicite de la Belg ique au Sénégal de recourir à une procédure d’arbitrage,
conformément au paragraphe1 de l’article30 de la convention contre la torture, pour régler le
différend concernant l’application de la convention au cas de M. Habré. La Cour fait observer qu’à
ce stade de la procédure, il lui suffit de constate r que, même à supposer que ladite note verbale ne
soit jamais parvenue à son destinataire, la note verbale de la Belgique en date du 8mai2007 s’y
réfère explicitement et qu’il est confirmé que cette seconde note a été communiquée au Sénégal et
reçue par celui-ci plus de six mois avant la date de la saisine de la Cour le 19 février 2009.
La Cour conclut de ce qui précède qu’elle a compétence prima facie en vertu de l’article 30
de la convention contre la torture pour connaître de l’affaire, ce qu’elle considère être suffisant
pour pouvoir indiquer les mesures conservatoires demandées par la Belgique si les circonstances
l’exigent. La Cour estime dès lors qu’elle n’a p as, à ce stade, à rechercher si la seconde base de
compétence invoquée par la Belgique, à savoir les d éclarations faites par les Parties en vertu du
paragraphe 2 de l’article 36 du Statut, pourraient également fonder prima facie la compétence de la
Cour.
Liens entre le droit protégé et les mesures demandées
La Cour rappelle que le pouvoir d’indiquer des mesures conservatoires qu’elle tient de
l’article41 de son Statut a pour objet de sauvegarder le droit de chacune des parties en attendant
qu’elle rende sa décision, et qu’il s’ensuit que la Cour doit se préoccuper de sauvegarder par de
telles mesures les droits que l’arrêt qu’elle aura ultérieurement à rendre pourrait éventuellement
reconnaître, soit au demandeur, soit au défendeur . Elle rappelle également qu’un lien doit donc
être établi entre les mesures conservatoires sollicitées et les droits qui font l’objet de l’instance
pendante devant la Cour sur le font de l’affaire. Elle précise que son pouvoir d’indiquer des
mesures conservatoires ne devait être exercé que si les droits allégués par une partie apparaissent
au moins plausibles.
La Cour relève que les mesures conservatoires demandées en l’espèce tendent à garantir que
le Sénégal prendra toutes les mesures en son pouvoir pour que M. Habré reste sous le contrôle et la
surveillance des autorités sénégalaises jusqu’à ce que la Cour a it rendu sa décision définitive. Elle
note que le départ éventuel de M. Habré du terr itoire sénégalais serait susceptible d’affecter les
droits que la Belgique pourrait se voir reconnaître au fond.
Au demeurant, et bien qu’elle n’ait p as, au stade actuel, à établir de façon
définitive l’existence des droits revendiqués par la Belgique, ni à examiner la qualité de la Belgique
à les faire valoir, la Cour note que ces droits reposent sur une interprétation possible de la
convention contre la torture et apparaissent dès lo rs plausibles. La Cour conclut de ce qui précède
que les mesures conservatoires sollicitées peuvent, de ce point de vue aussi, être indiquées si les
circonstances l’exigent. - 6 -
Risque de préjudice irréparable et urgence
La Cour rappelle que son pouv oir d’indiquer des mesures conservatoires ne sera exercé que
s’il y a urgence, c’est-à-dire s’il existe un risque réel et imminent qu’un préjudice irréparable soit
causé aux droits en litige avant que la Cour n’ait rendu sa décision définitive.
La Cour observe que la Belgique se réfè re à des entretiens récents donnés par le
présidentsénégalais, M. Abdoulaye Wade, à Radio France Internationale , au journal espagnol
Público, au journal français La Croix , ainsi qu’à l’agence France-Pr esse, au cours desquels le
président a notamment indiqué qu’il ne comptait pas garder indéfiniment M. Habré au Sénégal si le
financement nécessaire à l’organisation de s on procès n’était pas assuré par la communauté
internationale. Selon la Belg ique, le Sénégal pourrait donc mettre fin à la mise en résidence
surveillée de M. Habré.
La Cour souligne que les déclarations évoquant la possibilité que M. Habré quitte le Sénégal
émanaient du chef de l’Etat Sénégalais et avaient pu, de ce fait, fonder certaines inquiétudes de la
Belgique. La Cour relève aussi que le coagent de la Belgique a affirmé à l’audience, en réponse à
la même question posée par un membre de la Cour, qu’une déclaration solennelle «claire et sans
condition» faite par l’agent du Sé négal au nom de son gouvernemen t pourrait suffire à la Belgique
pour considérer que sa demande en indication de mesures conservatoires n’aurait plus d’objet.
La Cour note que, selon le Sénégal, la déclaration du président Wade à
Radio France Internationale, dont se prévaut la Belgique pour demander des mesures
conservatoires, a été extraite de son contexte et «s’est vu attribuer…un sens qu’elle n’avait
évidemment pas».
La Cour fait observer que le Sénégal a assuré à plusieurs reprises ne pas avoir l’intention de
mettre fin aux mesures efficaces de contrôle et de surveillance dont fait l’objet M. Habré et a
précisé notamment que M. Habré ne dispose pas d’un titre de voyage valide, que sa surveillance est
assurée par une unité d’élite des forces militaires sénégalaises et que les mesures déjà mises en
Œuvre sont conformes aux dispositions de la c onvention et identiques aux mesures conservatoires
demandées par la Belgique.
La Cour rappelle que le Sé négal a affirmé que les négociations avec l’Union européenne et
avec l’Union africaine, visant à l’obtention des f onds nécessaires aux poursuites de M. Habré, se
déroulaient bien. Elle note que le Sénégal a également affirmé, à plusieurs reprises à l’audience,
qu’il n’envisageait pas de mettre fin à la surveillance et au contrôle exercés sur la personne de
M. Habré tant avant qu’après que les fonds promis par la communauté internationale soient mis à
sa disposition pour assurer l’organisation de la procé dure judiciaire. La Cour cite le coagent du
Sénégal qui, au terme de l’audience, a solennellement déclaré ce qui suit, en réponse à une question
posée par un membre de la Cour :
«Le Sénégal ne permettra pas à M.Habré de quitter le Sénégal aussi longtemps que la
présente affaire sera pendante devant la Cour. Le Sénégal n’a pas l’intention de permettre à
M.Habré de quitter le territoire alors que cette a ffaire est pendante devant la Cour.» [Traduction
de l’anglais.]
Conclusion
Prenant acte des assurances données par le Sénéga l, la Cour constate que le risque de
préjudice irréparable aux droits revendiqués par la Be lgique n’est pas apparent à la date à laquelle
la présente ordonnance est rendue, et conclu t de ce qui précède qu’il n’existe, dans les
circonstances de l’espèce, aucune urgence justifia nt l’indication de mesures conservatoires par la
Cour. - 7 -
Ayant rejeté la demande en indication de m esures conservatoires de la Belgique, la Cour
souligne que la décision rendue en la présente pr océdure ne préjuge en rien la question de la
compétence de la Cour pour connaître du fond de l’affaire, ni aucune question relative à la
recevabilité de la requête ou au fond lui-même, et qu’elle laisse intact le droit des Gouvernements
de la Belgique et du Sénégal de faire valoir le urs moyens en ces matières. Elle ajoute que la
présente décision laisse également intact le droit de la Belgique de présenter à l’avenir une nouvelle
demande en indication de mesures conservato ires fondée sur des faits nouveaux, en vertu du
paragraphe 3 de l’article 75 du Règlement.
*
Le texte intégral du dernier paragraphe de l’ordonnance (par. 76) se lit comme suit :
mcotfs,
L A C OUR ,
par treize voix contre une,
Dit que les circonstances, telles qu’elles se présentent actuellement à la Cour, ne sont pas de
nature à exiger l’exercice de son pouvoir d’indi quer des mesures conservatoires en vertu de
l’article 41 du Statut.
POUR : M. Owada, président; MM.Shi, Koroma, Al-Khasawneh, Simma, Abraham,
Sepúlveda-Amor, Bennouna, Skotni kov, Yusuf, Greenwood, juges ; MM. Sur, Kirsch,
juges ad hoc ;
CONTRE : M. Cançado Trindade, juge.»
*
MM. les juges Koroma et Yu suf ont joint une déclaration communeà l’ordonnance.
MM.les juges Al-Khasawneh et Skotnikov ont joint à l’ordonnance l’exposé de leur opinion
individuelle commune. M. le juge Cançado Tr indade a joint à l’ordonnance l’exposé de son
opinion dissidente. M. le juge ad hoc Sur a joint à l’ordonnance l’exposé de son opinion
individuelle.
___________ Annexe au résumé 2009/3
Déclaration commune de MM. les juges Koroma et Yusuf
Dans leur déclaration commune, les juges Koroma et Yusuf exposent que, bien qu’ayant voté
en faveur de l’ordonnance, ils ont tout de mê me décidé d’y joindre une déclaration pour mettre
l’accent sur la reconnaissance, par les deux Parties, du fait que le droit international ne souffre plus
l’impunité, quel que soit le statut de l’intéressé, ainsi que sur les efforts du Sénégal pour faire en
sorte que l’impunité ne l’emporte pas ici —une impunité contre laquelle l’Union africaine
s’efforce elle aussi de lutter, signalent-ils, celle-ci ayant reconnu avoir compétence à l’égard de
l’affaire visant M. Hissène Habré.
Les auteurs de la déclaration commune notent que la présente affaire entre la Belgique et le
Sénégal concerne l’obligation incombant à ce dernier, en vertu du droit international conventionnel
et coutumier, d’extrader ou de poursuivre (aut dedere aut judicare) l’ancien président du Tchad,
M.HissèneHabré, à raison de crimes qu’il aurait commis ou fait commettre du temps de sa
présidence. Ils rappellent que la principale auto rité conventionnelle cit ée par la Belgique pour
fonder cette obligation est le para graphe1 de l’article7 de la convention du 10décembre1984
contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. En guise de
remède, indiquent-ils, la Belgique voulait par sa demande en indication de mesures conservatoires
que la Cour, en attendant de se prononcer sur le fond, impose au Sénégal de «prendre toutes les
mesures en son pouvoir pour que M. H. Habré reste sous le contrôle et la surveillance des autorités
judiciaires du Sénégal afin que les règles de droit international dont la Belgique demande le respect
puissent être correctement appliquées».
Les juges Koroma et Yusuf rappellent que l es mesures conservatoires visent à protéger les
droits respectifs des parties en attendant la décisi on définitive de la Cour, et ce, afin d’empêcher
qu’un préjudice irréparable ne soit porté aux dr oits faisant l’objet du différend en cause. Ils
relèvent que le Sénégal a plusieurs fois assuré à la Cour, au cours des audiences, qu’il ne laisserait
pas M. Habré partir tant que l’affaire n’aurait pas été jugée. Pour les j uges Koroma et Yusuf, ces
déclarations protègent les droits des Parties et écartent le risque de préjudice irréparable exactement
de la même façon qu’une ordonnance indiqua nt des mesures conservatoires, donnant ainsi
satisfaction à la Belgique. Ils concluent que la Cour aurait dû se borner à prendre acte des
déclarations du Sénégal et à déclarer que, en con séquence de celles-ci, la demande en indication de
mesures conservatoires se trouvait privée d’objet.
Opinion individuelle commune de MM. les juges Al-Khasawneh et Skotnikov
Les juges Al-Khasawneh et Skotnikov ont voté en faveur de la décision de la Cour de ne pas
indiquer les mesures conservatoires demandées par la Belgique. Toutefois, ils ne souscrivent pas à
la conclusion de la Cour selon laquelle les c onditions requises aux fins d’indiquer des mesures
conservatoires, à savoir la nécessité d’établir la compétence prima facie ou de déterminer si la
requête est devenue sans objet, sont réunies. Ils soulignent que la Cour a accepté le fait que,
compte tenu de la façon dont les Parties ont présenté leurs positions respe
ctives, le différend, tel
que l’a formulé la Belgique, avait cessé d’exister, même sur une base primafacie (ordonnance,
par.48). Ces explications auraient dû au moins conduire la Cour à conclure que sa compétence
prima facie pour se prononcer sur le fond du différend ne pouvait être établie, puisqu’il existe de
très sérieux doutes quant à l’existence d’un différend au moment du dépôt de la requête. Cette
conclusion aurait permis à l’affaire soumise par la Belgique de se poursuivre. La Cour aurait
également pu, et de façon encore plus convaincan te, conclure que, compte tenu des explications
données par les Parties, il n’existait aucun différend et que, par conséquent, la requête était devenue
sans objet. La Cour est au contraire parve nue à ce qui, selon les deux juges, constitue une
conclusion peu vraisemblable, selon laquelle «les Parties semblent néanmoins continuer de
s’opposer sur d’autres questions d’interprétation ou d’application de la convention contre la - 2 -
torture» (ordonnance, par. 48), et a poursuivi en suggérant ces «autres questions», que la Belgique
n’a jamais présentées comme relevant d’un différend et que le Sénégal n’a, par conséquent, jamais
examinées comme telles.
Les juges Al-Khasawneh et Skotnikov rappelle nt que la Cour a eu l’occasion de souligner
que «[l]’existence d’un diffé rend international demande à être établie objectivement»
(Interprétation des traités de paix conclus avec la Bulgarie, la Hongrie et la Roumanie, première
phase, avis consultatif, C.I.J.Recueil1950 , p.74). En effet, la Cour est tenue de procéder à une
telle détermination. Ce faisant, même prima facie , la Cour est censée faire preuve de minutie et de
précision. Ils n’estiment pas que la conclusion de la Cour en l’espèce remplisse une condition si
évidente.
En conclusion, les juges Al-Khasawneh et S kotnikov expriment l’espoir que le fait que cette
affaire demeure inscrite au rôle de la Cour ne dissuadera pas les éventuels donateurs de fournir
assistance au Sénégal pour organiser le procès de M. Habré.
Opinion dissidente de M. le juge Cançado Trindade
1. Le juge Cançado Trindade se dissocie de la décision de la majorité de la Cour, et
considère que les circonstances de la présente affaire répondent parfaitement aux conditions à
remplir pour que la Cour indique des mesures conser vatoires, ce qu’elle aurait dû faire. Il relève
avant tout que le principe de précaution a été tr ansposé dans l’ordre juridique international pour
préserver l’efficacité de la fonction judiciaire elle -même, en particulier lorsqu’il existe un risque
imminent de préjudice irréparabl e, ainsi que pour faire en sorte que justice soit effectivement
rendue. Bien qu’indiquées sur la base d’éléments prima facie et non de preuves établies, les
mesures conservatoires revêtent nécessairement un caractère contraignant. C’est ici la première
fois que la Cour est saisie d’une affaire sur le fondement de la convention des Nations Unies contre
la torture (art. 30), et c’est à ce titre qu’elle s’est estimée compétente prima facie. De l’avis du juge
Cançado Trindade, toutefois, l’ordonnance de la Cour ne tient pas compte de tous les éléments
pertinents pour un examen approprié des questions soulevées par la demande.
2. Le juge Cançado Trindade fait observer que, ces derniers temps, la Cour a dû faire face à
des situations dans lesquelles, comme ici, la r econnaissance des droits qu’il lui est demandé de
protéger au moyen de mesures conservatoires (tendant par exemple à prévenir l’aggravation de
situations portant atteinte aux droits de la personne humaine) illustre le dépassement de la
dimension strictement interétatique de son rôle . Le droit invoqué en l’occurrence renvoie aux
obligations énoncées dans la conve ntion contre la torture, dont le principe de la compétence
universelle (aut dedere aut judicare) constitue l’expression : le droit correspondant à protéger est le
droit à ce que justice soit rendue.
3. Le juge Cançado Trindade rappelle que, à l’a udience, les deux Parties, la Belgique et le
Sénégal, ont éprouvé la nécessité de revenir su r les atrocités commises au Tchad par le régime
Habré (1982-1990), des milliers de personnes ayant al ors été victimes de violations graves des
droits de l’homme et du droit international humanita ire — dont la commission dite de la vérité fit
état en 1992—, sous forme d’un recours systémati que à la torture, au mépris de l’interdiction
absolue qui en est faite par le jus cogens . Bien que l’affaire n’ait pris un tour interétatique que par
la suite, les victimes s’étant tournées vers la ju stice tant au Sénégal qu’en Belgique à partir
de 2000, elle ne peut être dissociée de la tragédie humaine qui en est à l’origine, et dont le Tchad
des années Habré fut le théâtre. En 2006, le Comité des Nations Unies contre la torture a indiqué
une mesure conservatoire dans le cadre d’une a ffaire introduite par un groupe de ces victimes, et
l’Union africaine a chargé le Sénégal de poursuivre M.H.Habré et de le traduire en justice, «au
nom de l’Afrique», devant une juridiction sénég alaise compétente. A cet effet, le Sénégal a - 3 -
modifié son code pénal et son code de procédur e pénale début2007. L’affaire a également été
soulevée devant le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies et le Haut Commissaire des
droits de l’homme des Nations Unies.
4. En dépit de tout cela ⎯ ajoute le juge Cançado Trindade ⎯, l’impunité a prévalu jusqu’à
présent, presque deux décennies après les faits ra pportés. Les victimes survivantes cherchent
encore à obtenir justice et bon nombre d’entre elles sont décédées au cours de cette quête. Les
conditions préalables pour indiquer des mesures conservatoires sont clairement établies en l’espèce.
Il y a urgence, puisqu’aussi bien des mesures doivent être prises rapidement pour préserver et
respecter le droit à ce que justice soit rendue. Et il y a imminence d’un dommage irréparable
supplémentaire: l’impunité prolongée et continue équivaut à une situation ininterrompue de
dommage irréparable pour ceux qui n’ont pas obtenu justice au cours de leur vie. Aut judicare
interdit tout retard injustifié ; une justice tardive est un déni de justice.
5. Le juge Cançado Trindade considère que la décision de la Cour de ne pas indiquer de
mesures conservatoires peut ainsi être sérieusement contestée. En outre, même si la Cour n’était
pas convaincue par les arguments avancés par les Par ties, elle n’est pas liée par ceux-ci; en tant
qu’elle est maître de sa propre compétence, elle est habilitée, conformément à son Règlement
(paragraphes1 et2 de l’article75), à indiquer d’ office des mesures conservatoires, même si elles
diffèrent de celles qui lui ont été demandées. La mise en résidence surveillé e de M.H.Habré au
Sénégal n’est qu’un aspect de l’affaire ; d’autres aspect s méritent toute l’attention de la Cour, tels
que le coût prétendument élevé du procès de M. H. Habré, ajouté aux mesures préalables au procès
qui doivent encore être adoptées et à l’absence de précision s’agissant du temps qui doit encore
s’écouler avant que le procès n’ait lieu.
6. Le juge Cançado Trindade conclut que la Cour aurait donc dû indiquer des mesures
conservatoires, demandant aux Parties de lui indiquer périodiquement les dispositions prises afin de
soumettre rapidement M. H. Habré à un procès au Sénégal. Cela aurait été conforme à
l’importance et à la nature du droit à préserver ⎯ le droit à ce que justice soit rendue ⎯, ainsi que
des obligations erga omnes partes correspondantes issues de la conve ntion contre la torture, qui
sont des obligations de résultat et non seulement d es obligations de conduite ou de comportement.
Si elle avait procédé ainsi, la Cour aurait établi un précédent important, voire historique, étayant le
principe de la compétence universelle, et aurait pris sur elle de jouer le rôle de garant de la
protection collective apportée par la convention des Nations Unies contre la torture.
Opinion individuelle de M. le juge ad hoc Sur
Dans son opinion individuelle jointe à l’ordonna nce, le juge Sur rappelle quelques principes
relatifs à la position d’un juge ad hoc. Son devoir est de s’élever à l’indépendance et à l’objectivité
de tout juge. Il doit également veiller à ce que les arguments de la partie qui l’a désigné soient pris
en considération dans leur intégralité, quand bien même il n’y serait pas fait droit.
Tout en exprimant son accord avec le dispositif de l’ordonnance, le juge Sur regrette que la
Cour n’ait pas analysé le changement de contenu de la demande de la Belgique en indication de
mesures conservatoires, qui a substitué l’imposition d’un contrôle des «autorités sénégalaises» à
celle des «autorités judiciaires sénégalaises». Le contrôle judiciaire n’est possible en droit
sénégalais que sur la base d’une incrimination pénale, alors que le contrôle des «autorités
sénégalaises» s’entend d’un contrôle et d’une surv eillance administratifs. Ainsi la demande finale
de la Belgique revenait à demande r la pérennisation du contrôle administratif auquel M. Habré est
déjà soumis, alors que la dema nde initiale supposait une mesure judiciaire nouvelle imposée au - 4 -
Sénégal. Le juge Sur estime qu’il aurait été néces saire, sur ce point, de rendre compte aux Parties
des arguments qu’elles ont utilisés.
En second lieu, le juge Sur étudie la méthode d’examen par la Cour des conditions préalables
à l’exercice de son pouvoir d’indiquer des mesures conservatoires. Il note que la Cour examine
soigneusement et avec prudence sa compétence et la recevabilité de la requête prima facie , afin de
tenir le plus grand compte du consentement des Et ats à sa juridiction. Mais il se demande s’il ne
serait pas plus satisfaisant pour la Cour et les Pa rties de substituer à sa pratique actuelle, qui repose
sur une démonstration positive de sa compétence prima facie et de la recevabilité prima facie , une
démonstration négative, celle qu’elle n’est pas mani festement incompétente et que la requête n’est
pas manifestement irrecevable. Ainsi, la Cour concentrerait son examen sur les circonstances
nécessitant ou non l’indication des mesures conservatoires, c’est-à-dire l’urgence, la pertinence des
droits à sauvegarder et le risque de préjudice i rréparable. Une telle évolution jurisprudentielle
serait même plus fidèle à l’article41 du Statut de la Cour, qui lui confère un pouvoir autonome
d’indication de mesures conservatoires des droits de chacun lorsque les circonstances de l’espèce
l’exigent.
Sans empiéter sur des questions de fond, le juge Sur examine en dernier lieu la question de
l’existence d’un différend entre les Parties au moment de la décision relative à l’ordonnance. Selon
lui, la Belgique et le Sénégal conviennent que la «convention contre la torture» impose aux Etats
qui y sont parties d’établir leur compétence pé nale et de poursuivre les personnes accusées des
incriminations qu’elle prévoit, à défaut de les ex trader. De plus, la Belgique a obtenu satisfaction
sur ses demandes, du fait des déclarations réitérées du Sénégal de procéder dès que possible au
jugement de M.Habré pour l’ensemble des crimes qui lui sont imputés et des mesures juridiques
qu’elle a prises à cet effet. Ainsi, au moment où l’ordonnance est rendue, il n’existe plus de
différend entre les Parties, et la Cour aurait dû rejeter la demande de la Belgique sur la base de son
défaut d’objet.
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Résumé de l'ordonnance du 28 mai 2009