COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE
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Résumé
Document non officiel
Résumé 2008/3
Le 16 juillet 2008
Demande en interprétation de l’arrêt du 31 mars 2004 en l’affaire Avena et autres
ressortissants mexicains (Mexique c. Etats-Unis d’Amérique)
(Mexique c. Etats-Unis d’Amérique)
Demande en indication de mesures conservatoires
Résumé de l’ordonnance
La Cour commence par rappeler que, le 5 juin 2008, les Etats-Unis du Mexique (ci-après le
«Mexique»), ont déposé une requête introductive d’in stance dans laquelle, se référant à l’article 60
du Statut de la Cour et aux articles 98 et 100 du Rè glement, ils ont demandé à la Cour d’interpréter
le point 9 du paragraphe 153 de l’arrêt qu’elle a rendu le 31 mars 2004 en l’affaire Avena et autres
ressortissants mexicains (Mexique c. Etats-Unis d’Amérique) (ci-après «l’arrêt Avena»).
La Cour relève que, dans sa requête, le Mexique indique qu’au point 9 du paragraphe 153 de
l’arrêt Avena, elle a jugé «que, pour fournir la réparation appropriée en l’espèce, les Etats-Unis
d’Amérique [étaient] tenus d’assurer, par les moyens de leur choix, le réexamen et la revision des
verdicts de culpabilité rendus et des peines prononcées contre lesressortissants mexicains» visés
dans l’arrêt, en tenant compte à la fois de la violation des droitsprévus par l’article36 de la
convention de Vienne sur les relations consulair es (ci-après la «convention de Vienne») et des
paragraphes138 à141 de l’arrêt. La Cour fait observer que le Mexique allègue que «des refus
répétés ont été opposés à des demandes soumises par des ressortissants mexicains en vue du
réexamen et de la revision de leur cas, prescrits par l’arrêt Avena».
La Cour indique que, dans sa requête, le Mexique se réfère à l’article60 de son Statut, qui
dispose que, «[e]n cas de contestation sur le sens et portée de l’arrêt, il appartient à la Cour de
l’interpréter, à la demande de toute partie», et qu’ il soutient, se fondant sur la jurisprudence de la
Cour, que la compétence de cette dernière pour co nnaître d’une demande en interprétation de l’un
de ses arrêts est directement fondée sur cette disposition.
La Cour fait observer que le Mexique interprè te le libellé du point 9 du paragraphe153 de
l’arrêt Avena comme imposant «une obligation de résu ltat», alors que, d’après le Mexique, il
ressort du comportement des Etats-Unis que ces derniers considèrent que «le point9 du
paragraphe 153 ne leur impose qu’une obligation de moyens».
La Cour rappelle que, le 5juin2008, le Mexique a également déposé une demande en
indication de mesures conservatoires dans laquelle il la priait d’ordonner, en attendant son arrêt sur
la demande en interprétation, que : - 2 -
«a) le Gouvernement des Etats-Unis prenne toutes les mesures nécessaires pour que,
dans l’attente de l’issue de la pro cédure engagée [le 5juin2008], José
ErnestoMedellín, César Roberto Fierro Reyna, Rubén RamírezCárdenas,
Humberto Leal García et Roberto Moreno Ramos ne soient pas exécutés ;
b) le Gouvernement des Etats-Unis informe la Cour de toutes les mesures qu’il aura
prises en application de l’alinéa a) ; et
c) le Gouvernement des Etats-Unis fasse en sorte qu’il ne soit pris aucune mesure qui
puisse porter atteinte aux droits du Mexi que ou de ses ressortissants en ce qui
concerne toute interprétation que la Cour pourrait donner du point9 du
paragraphe 153 de son arrêt en l’affaire Avena».
La Cour indique que le Me xique la prie d’examiner de toute urgence sa demande en
indication de mesures conservatoires, «[e]u égard à l’extrême gravité et à l’imminence de la
menace d’exécution d’un ressortissant mexicain par des autorités des Etats-Unis [une juridiction du
Texas ayant fixé la date d’exécution de M. Medellín au 5 août 2008 et quatre autres ressortissants
mexicains «cour[a]nt le risque imminent de voir eux aussi la date de leur exécution fixée par l’Etat
du Texas»] en violation des obligations auxquelles ceux-ci sont tenus envers le Mexique».
La Cour expose ensuite succinctement les arguments présentés par les Parties lors des
audiences publiques tenues les 19 et 20 juin 2008.
Elle précise que le Mexique a réitéré l’argum entation développée dans sa requête et sa
demande en indication de mesures conservatoires, affirmant que les conditions requises pour que la
Cour indique de telles mesures étaient remplies, alors que les Etats-Unis ont soutenu qu’il n’existait
aucune contestation les opposant au Mexique «sur le sens et la portée de l’arrêt rendu par la Cour
en l’affaireAvena », puisqu’ils «accept[aient] entièreme nt» la position du Mexique selon laquelle
cet arrêt imposait, en droit international, une obligation de «résultat» et non pas simplement de
«moyens». Les Etats-Unis ont avancé que le Me xique demandait à la Cour «d’intervenir dans ce
qui, au fond, rel[evait] de l’a pplication de ses décisions antérieures et du contrôle de cette
application» et que, du fait de leur retrait, le 7 mars 2005, du protocole de signature facultative de
la convention de Vienne sur les relations c onsulaires, une demande d’interprétation était
«potentiellement la seule base de compétence» qui pouvait être invoquée par le Mexique pour saisir
la Cour d’une question concernant la violation de cette convention.
La Cour relève que, au terme de ces audiences, le Mexique l’a priée d’indiquer
«a) que les Etats-Unis, par l’intermédiaire de tous leurs organes compétents et de
toutes leurs entités constitutives, y compris toutes les branches du gouvernement et
tout détenteur de l’autorité publique, à l’échelon des Etats ou à l’échelon fédéral,
prendront, en attendant l’issue de l’ instance introduite par le Mexique le
5juin2008, toutes les mesures nécessaires pour que JoséErnesto Medellín,
CésarRoberto Fierro Reyna, RubénRamírezCárdenas, Humberto Leal García et
Roberto Moreno Ramos ne soient pas exécutés, à moins et jusqu’à ce que ces
cinq ressortissants mexicains aient bénéficié du réexamen et de la revision prévus
aux paragraphes 138 à 141 de l’arrêt rendu par la Cour en l’affaire Avena ; et
b) que le Gouvernement des Etats-Unis portera à la connaissance de la Cour toutes les
mesures qu’il aura prises en application de l’alinéa a) ci-dessus». - 3 -
Les Etats-Unis ont, quant à eux, prié la Cour de rejeter la demande en indication de mesures
conservatoires présentée par le Mexique, de s’absten ir d’indiquer de telles mesures et de rejeter la
demande en interprétation du Mexique pour défaut manifeste de compétence.
*
La Cour fait tout d’abord observer que la co mpétence que l’article60 du Statut lui confère
n’est subordonnée à l’existence d’aucune autre base ayant fondé, dans l’affaire initiale, sa
compétence à l’égard des Parties. Il s’ensuit que, même si la base de compétence invoquée dans
cette première affaire est devenue caduque, la C our, en vertu de l’article60du Statut, peut
néanmoins connaître d’une demande en interprétation.
La Cour poursuit en indiquant que, lorsqu’elle est saisie d’une demande en indication de
mesures conservatoires dans le cadre d’une de mande en interprétation présentée en vertu de
l’article60du Statut, elle doit déterminer si l es conditions auxquelles elle peut, aux termes de cet
article, connaître d’une demande en interprétation paraissent être remplies.
La Cour indique que, selon le Mexique, le point9 du para graphe153 de l’arrêt Avena
«établi[t] une obligation de résultat qui impose aux Etats-Unis, y compris à tous leurs organes
constitutifs, à tous les niveaux, d’assurer le réex amen et la revision prescrits, indépendamment de
tout obstacle de droit interne», et que «l’obligation prescrite dans l’arrêt Avena impose aux
Etats-Unis d’empêcher l’exécution de tout ressortissant mexicain cité dans l’arrêt à moins et
jusqu’à ce que ce réexamen et cette revision aient été menés à bien et qu’il ait été établi qu’aucun
préjudice n’a résulté des violations de la convention de Vienne constatées par la Cour». Elle ajoute
que, selon le Mexique, le fait que «[n]i le pouvoir exécutif, ni la législature du Texas, ni le pouvoir
exécutif fédéral, ni le Congrès [des Etats-Unis] n’ont, à ce stad e, pris une quelconque mesure de
nature juridique qui empêcherait l’exécution de M. Medellín…reflète l’existence d’une
contestation quant au sens et à la portée de l’arrêt Avena ». Selon le Mexique, les Etats-Unis
«estiment que l’arrêt leur impose seulement une obligation de moyens et non une obligation de
résultat».
La Cour rappelle que les Etats-Unis ont fait valoir que l’interprétation donnée par le
Mexique du point9 du para graphe153 de l’arrêt Avena , selon laquelle celui-ci impose une
«obligation de résultat[,] est précisément l’interprétation qu’[eux-mêmes] font … du paragraphe en
question» (les italiques sont dans l’original), et qu’ils ont confirmé ⎯tout en admettant que, en
raison de leur structure institutionnelle et de leur droit interne, ils éprouvent des difficultés
considérables à honorer les obligations leur incombant en vertu de l’arrêt Avena ⎯ avoir
«incontestablement reconnu que l’obligation d’assurer le réexamen et la revision est une obligation
de résultat, et avoir cherché à obtenir ce résultat». La Cour précise que, selon les Etats-Unis, en
l’absence d’une contestation sur le sens et la porté e du point 9 du paragraphe 153 de l’arrêt Avena,
la prétention du Mexique n’entre pas dans les pr évisions de l’article60 et la Cour n’a pas
«compétence ratione materiae » pour connaître de la requête du Mexique ni, partant, «la
compétence prima facie requise pour indiquer des mesures conservatoires ».
Examinant tout d’abord les versions française et anglaise de l’article60 du Statut, la Cour
fait observer qu’elles ne sont pas en totale harmonie: le texte français emploie le terme
«contestation», lequel a un sens plus large que le terme utilisé dans la versi on anglaise («dispute»),
même si, selon leur sens ordinaire, tous deux dénotent de manière générale une opposition de vues.
La Cour relève que l’article60 de son Statut est identique à celui de sa devancière, la Cour
permanente de Justice internati onale, et poursuit en indiquant que les auteurs du Statut de cette
dernière ont choisi d’utiliser le terme «contesta tion» (et non «différend») dans ledit article. Elle
indique que le mot «contestation» a une portée plus large, n’implique pas nécessairement le même - 4 -
degré d’opposition, et que cette notion s’entend, dans son application à une situation donnée, de
manière plus souple. La Cour examine ensuite la façon dont sa devancière et elle-même ont traité
la question du sens du mot «contestation» («dispute») dans leur jurisprudence. Elle précise qu’il
n’est pas exigé, aux fins de l’article 60, «que l’existence de la contestation se soit manifestée d’une
certaine manière, par exemple par des négociations diplomatiques», ni que «la contestation se soit
formellement manifestée». Elle ajoute que la Cour permanente pouvait être saisie aussitôt que les
Etats concernés avaient en fait manifesté des opinions opposées quant au sens et à la portée d’un de
ses arrêts et qu’elle-même a confirmé cette lecture de l’article60 dans l’arrêt qu’elle a rendu en
1985 en l’affaire de la Demande en revision et en interprétation de l’a rrêt du 24 février 1982 en
l’affaire du Plateau continental (Tunisie/Jamahiriya arabe libyenne) (Tunisie c.Jamahiriya arabe
libyenne).
La Cour indique ensuite qu’elle doit détermin er si une contestation paraît exister entre les
Parties sur le sens et la portée de l’arrêtAvena . Rappelant les arguments de ces dernières, elle
précise que, s’il semble que l’une et l’autre voient dans le point9 du paragraphe153 de
l’arrêt Avena une obligation intern ationale de résultat, elles n’en paraissent pas moins diverger
d’opinion quant au sens et à la portée de cette obligation de résultat, c’est-à-dire quant à la question
de savoir si cette communauté de vues est partagée par toutes les autorités des Etats-Unis, à
l’échelon fédéral et à celui des Etats, et si cette obligation s’impose à ces autorités.
La Cour précise que, à la lumière des positions adoptées par les Parties, une divergence
d’opinion paraît exister entre celles-ci quant au sens et à la portée de la conclusion qu’elle a
énoncée au point 9 du dispositif de l’arrêt (par. 153) et que, dès lors, elle pourrait en être saisie en
vertu de l’article 60 de son Statut. La Cour conclut qu’elle peut connaître, en vertu de cet article,
de la demande en interprétation, que la conclusion des Etats-Unis selon laquelle la requête du
Mexique doit être rejetée in limine pour «défaut manifeste de compétence» ne peut être retenue et
qu’elle peut connaître de la demande en indication de mesures conservatoires.
La Cour en vient ensuite à l’examen de la de mande en indication de mesures conservatoires
du Mexique et indique que, à l’occasion de l’examen d’une demande de cette nature, elle «doit se
préoccuper de sauvegarder…les droits que l’arrê t qu’elle aura ultérieurement à rendre pourrait
éventuellement reconnaître, soit au demandeur, soit au défendeur». La Cour ajoute qu’un lien doit
être établi entre les droits allégués dont la protec tion est recherchée par les mesures conservatoires
sollicitées et l’objet de la demande principale qui lui est soumise.
Après avoir rappelé les arguments des Parti es à cet égard, la Cour note que le Mexique
cherche à obtenir des éclaircisseme nts sur le sens et la portée du point 9 du dispositif de son arrêt
de2004 en l’affaireAvena (par.153), dans lequel elle a conclu que les Etats-Unis étaient tenus
d’assurer, par les moyens de leur choix, le réexamen et la revision des verdicts de culpabilité
rendus et des peines prononcées contre les ressortissant s mexicains en tenant compte à la fois de la
violation des droits prévus par l’article 36 de la convention de Vienne et des paragraphes 138 à 141
de l’arrêt. La Cour fait observer que c’est l’interprétation du sens et de la portée de cette obligation
et, partant, des droits que le Mexique ou ses ressortissants tiennent du point9 du paragraphe153
qui constitue l’objet de l’instance pendante devant e lle sur la demande en interprétation, et que le
Mexique a présenté une demande en indication de mesures conservatoires à l’effet de protéger ces
droits en attendant sa décision définitive. Elle en conclut dès lors que les droits que le Mexique
cherche à protéger aux termes de sa demande en indication de mesures conservatoires présentent un
lien suffisant avec sa demande en interprétation.
La Cour poursuit en précisant que le pouvoir d’ indiquer des mesures conservatoires qu’elle
tient de l’article 41 de son Statut «présuppose qu’un préjudice irréparable ne doit pas être causé aux
droits en litige dans une procédure judiciaire », et que ce pouvoir ne sera exercé que s’il y a
urgence, c’est-à-dire s’il est probable qu’une action préjudiciable aux droits de l’une ou de l’autre
Partie sera commise avant qu’elle n’ait rendu sa décision définitive. - 5 -
La Cour relève que le Mexique allègue qu’ il y a indubitablement urgence, alors que les
Etats-Unis font valoir que, dès lors qu’aucun droit n’est en litige, «aucune des conditions régissant
l’indication de mesures conservatoires n’est remplie» (les italiques sont dans l’original).
La Cour précise que l’exécution d’un ressortissant détenteur de droits dont le sens et la
portée sont en cause, si elle avait lieu avant qu’elle n’ait rendu son arrêt sur la demande en
interprétation, «rendrait impossible l’adoption de la solution demandée par [son Etat national] et
porterait ainsi un préjudice irréparable aux droits re vendiqués par celui-ci». La Cour indique qu’il
ressort des informations dont elle dispose en l’espèce que M.JoséErnesto Medellín Rojas,
ressortissant mexicain, doit être exécuté le aoû2t008 et que d’autres ressortissants
mexicains, MM.César Roberto FierroReyna, RubénRamírez Cárdenas, Humberto LealGarcía et
RobertoMorenoRamos, risquent d’être exécutés dans les prochains mois; que leur exécution
porterait un préjudice irréparable à tout droit dont l’interprétation du sens et de la portée est en
question; que lesdits ressortissants mexicains sont susceptibles d’être exécutés avant qu’elle n’ait
rendu son arrêt sur la demande en interprétation et que, en conséquence, il y a indubitablement
urgence. La Cour en conclut donc que les ci rconstances exigent qu’elle indique des mesures
conservatoires pour sauvegarder les droits du Me xique, ainsi qu’il est prévu à l’article41 de
son Statut.
La Cour indique qu’elle a pleinement con science de ce que le Gouvernement fédéral des
Etats-Unis a pris des mesures nombreuses, diverses et répétées en vue d’honorer les obligations
internationales incombant aux Etats-Unis en vertu de l’arrêt Avena . Elle note que ces derniers ont
reconnu que, si l’un quelconque des ressortissants mexicains cités dans la demande en indication de
mesures conservatoires devait être exécuté sans avoir bénéficié du réexamen et de la revision
prescrits par l’arrêtAvena , il y aurait violation des obligations que leur impose le droit
international. Elle rappelle notamment que l’agent des Etats-Unis a déclaré devant elle qu’«il serait
manifestement contraire à l’arrêt Avena de procéder à l’exécution de la peine de M. Medellín sans
accorder à celui-ci le réexamen et la revision requis».
La Cour relève en outre que les Etats-Unis ont admis «qu’ils [étaient] responsables en droit
international des actes de leurs entités politiques», notamment «des autorités fédérales, des
autorités des Etats ou des autorités locales», et que leur propre responsabilité internationale serait
engagée si, par suite d’actes ou d’ omissions de l’une quelconque de ces entités politiques, ils se
trouvaient dans l’incapacité de respecter les obliga tions internationales leur incombant en vertu de
l’arrêt Avena. Elle fait observer que, en particulier, l’ agent des Etats-Unis a reconnu devant elle
que «les Etats-Unis seraient incontestablement responsables, en application du principe de
l’engagement de la responsabilité des Etats, à raison de faits internationalement illicites commis par
les autorités d’Etats [fédérés]».
La Cour souligne enfin qu’e lle estime qu’il est dans l’intérêt des deux Parties que soit
tranchée au plus vite toute divergence d’opinion ayan t trait à l’interprétation du sens et de la portée
des droits et obligations qui sont les leurs en vertu du point 9 du paragraphe 153 de l’arrêt Avena et
que, dès lors, il convient qu’elle veille à rendre dans les meilleurs délais un arrêt sur la demande en
interprétation.
La Cour conclut en indiquant que la décision rendue relativement à la demande en indication
de mesures conservatoires ne préjuge aucune ques tion dont elle aurait à conna ître dans le cadre de
l’examen de la demande en interprétation.
* - 6 -
Le texte intégral du dernier paragraphe de l’ordonnance (par. 80) se lit comme suit :
m«otfs,
L A C OUR ,
I. Par sept voix contre cinq,
Dit qu’elle ne saurait accueillir le chef de conc lusions des Etats-Unis d’Amérique tendant à
obtenir le rejet de la requête présentée par les Etats-Unis du Mexique ;
POUR : Mme Higgins, président ; M. Al-Khasawneh, vice-président ; MM. Ranjeva, Koroma,
Abraham, Sepúlveda-Amor, Bennouna, juges ;
CONTRE : MM. Buergenthal, Owada, Tomka, Keith, Skotnikov, juges ;
II. Indique à titre provisoire les mesures conservatoires suivantes :
a) Par sept voix contre cinq,
Les Etats-Unis d’Amérique prendront toutes les mesures nécessaires pour que
MM. José Ernesto Medellín Rojas, César Roberto Fierro Reyna, Rubén Ramírez Cárdenas,
Humberto Leal García et Roberto Moreno Ramos ne soient pas exécutés tant que n’aura pas été
rendu l’arrêt sur la demande en interprétation pr ésentée par les Etats-Unis du Mexique, à moins et
jusqu’à ce que ces cinq ressortissants mexicains aient bénéficié du réexamen et de la revision
prévus aux paragraphes 138 à 141 de l’arrêt rendu par la Cour le 31 mars 2004 dans l’affaire Avena
et autres ressortissants mexicains (Mexique c. Etats-Unis d’Amérique) ;
POUR : Mme Higgins, président ; M. Al-Khasawneh, vice-président ; MM. Ranjeva, Koroma,
Abraham, Sepúlveda-Amor, Bennouna, juges ;
CONTRE : MM. Buergenthal, Owada, Tomka, Keith, Skotnikov, juges ;
b) Par onze voix contre une,
Le Gouvernement des Etats-Unis d’Amérique portera à la connaissance de la Cour les
mesures prises en application de la présente ordonnance ;
POUR : Mme Higgins, président ; M. Al-Khasawneh, vice-président ; MM. Ranjeva, Koroma,
Owada, Tomka, Abraham, Keith, Sepúlveda-Amor, Bennouna, Skotnikov, juges ;
CONTRE : M. Buergenthal, juge ;
III. Par onze voix contre une,
Décide que, jusqu’à ce que la Cour rende son arrêt sur la demande en interprétation, elle
demeurera saisie des questions qui font l’objet de la présente ordonnance.
POUR : Mme Higgins, président ; M. Al-Khasawneh, vice-président ; MM. Ranjeva, Koroma,
Owada, Tomka, Abraham, Keith, Sepúlveda-Amor, Bennouna, Skotnikov, juges ;
CONTRE : M. Buergenthal, juge.»
* - 7 -
M. le juge Buergenthal a joint à l’ordonn ance l’exposé de son opinion dissidente ; MM. les
juges Owada, Tomka et Keith ont joint à l’or donnance l’exposé de leur opinion dissidente
commune ; M. le juge Skotnikov a joint à l’ordonnance l’exposé de son opinion dissidente.
___________ Annexe au résumé 2008/3
Opinion dissidente de M. le juge Buergenthal
1. Dans son opinion dissidente, le juge Buergenthal indique qu’il a voté en faveur de
l’arrêt Avena, dans lequel la Cour a établi que les Etats-Unis avaient violé la convention de Vienne
sur les relations consulaires à l’égard d’un gr oupe de ressortissants mexicains incarcérés aux
Etats-Unis et a ordonné à ces derniers d’assurer le réexamen et la revision des verdicts de
culpabilité rendus et des peines prononcées à leur encontre. Selon le juge Buergenthal, le caractère
obligatoire que conserve l’arrêt Avena n’est pas en cause dans la présente espèce; ce qui est en
cause, c’est la compétence de la Cour pour rendre la présente ordonnance. D’après lui, la Cour n’a
pas compétence et aurait dû rejeter la demande en interprétation.
2. En l’affaire Avena, la compétence de la Cour était f ondée sur le protocole à la convention
de Vienne que les Etats-Unis ont malheureusemen t dénoncé. Le protocole ne permet donc plus
d’établir la compétence nécessaire aux fins de la présente ordonnance. C’est pourquoi le Mexique
invoque l’article 60 du Statut de la Cour, leque l dispose notamment que, «[e]n cas de contestation
sur le sens et la portée de l’arrêt, il appartient à la Cour de l’interpréter, à la demande de toute
partie». Cependant, pour que l’article 60 s’applique à la présente espèce et que, partant, la Cour ait
compétence pour rendre l’ordonnance, le Mexique doit démontrer, ne serait-ce qu’à titre
préliminaire, qu’il existe une contestation entre les Parties sur le sens et la portée de l’arrêt Avena .
Selon le juge Buergenthal, le Mexique n’a pas été en mesure de le démontrer.
3. Le Mexique prétend qu’il existe une contestation étant donné que les Parties s’opposent
sur le sens et la portée du point 9 du paragraphe 153 de l’arrêt Avena. Ce point se lit comme suit :
«[La Cour d ]it que, pour fournir la réparation appropriée en l’espèce, les
Etats-Unis d’Amérique sont tenus d’assurer, par les moyens de leur choix, le
réexamen et la revision des verdicts de culpabilité rendus et des peines prononcées
contre les ressortissants mexicains visés aux poi nts 4), 5), 6) et 7) ci-dessus, en tenant
compte à la fois de la violation des droits prévus par l’article 36 de la convention et
des paragraphes 138 à 141 du présent arrêt.» (Avena et autres ressortissants mexicains
(Mexique c.Etats-Unis d’Amérique), arrêt, C.I.J.Recueil2004 , p.72, par.153,
point 9.)
4. Selon le Mexique, le point9 du paragra phe153 de l’arrêt imposait une obligation de
résultat, alors que les Etats-Unis estimeraient n’a voir qu’une obligation de moyens. Ces derniers
réfutent l’affirmation du Mexique et déclarent être d’accord avec celui-ci pour dire que le
paragraphe en question impose une obligation de résultat. De l’avis du juge Buergenthal, le
Mexique n’a pas produit la moindre preuve à l’ap pui de son affirmation selon laquelle les Parties
seraient en désaccord quant au sens et à la portée de ce paragraphe de l’arrêt Avena . Il s’agit ici
d’une affirmation formulée par une seule des Parties, concernant l’existence d’une contestation qui
n’est étayée par aucun élément de preuve pertinen t soumis à la Cour. Le juge Buergenthal en
conclut qu’aucun élément de preuve ne corrobore la décision de la Cour selon laquelle il «paraît»
exister une contestation au sens de l’article 60 du Statut. Aussi la Cour n’est-elle pas compétente
pour rendre la présente ordonnance, qui plus est, cet te dernière n’ajoute rien aux obligations qui
continuent d’incomber aux Etats-Unis en vert u du point9 du paragraphe 153 de l’arrêt Avena , à
savoir de ne pas exécuter l’un quelconque des resso rtissants mexicains concernés tant qu’il n’aura
pas bénéficié du réexamen et de la revision prescrits par cet arrêt. - 2 -
5. Le juge Buergenthal estime en outre qu’e n rendant la présente ordonnance sur la base des
faits de l’espèce, la Cour s’expose à de futures utilisations abusives, à des fins juridictionnelles, des
demandes d’interprétation prévues à l’article 60, article qui, il convient de le noter, n’impose aucun
délai à la présentation de pareilles demandes.
Opinion dissidente de MM. les juges Owada, Tomka et Keith
Dans leur opinion dissidente, les juges Owada, Tomka et Keith expriment leur vif regret de
ne pouvoir souscrire à l’ordonnance en indication de mesures conservatoires rendue par la Cour.
Les considérations humanitaires sur lesquelles repose peut-être cette décision ne sauraient prévaloir
sur le respect des dispositions du Statut de la Cour.
Les juges Owada, Tomka et Keith concluent que le Mexique n’a pas établi, comme le
prescrit l’article60 du Statut, qu’une contestation l’oppose aux Etats-Unis sur le sens et la portée
de l’arrêt Avena de 2004. Par conséquent, la demande en interprétation, qui donne lieu à l’instance
principale devant la Cour, devrait être rejetée. La demande en indication de mesures conservatoires
devrait également être rejetée puisqu’elle ne se rattacherait à aucune procédure pendante.
Par ailleurs, les juges Owada, Tomka et Keith font observer que l’ordonnance rendue
aujourd’hui par la Cour ne confère aucune protection supplémentaire ⎯ qui s’ajouterait à celle déjà
prescrite par la Cour dans l’arrêtAvena de2004 ⎯ aux ressortissants mexicains dont les droits
découlant de la convention de Vienne sur les relations consulaires avaient été violés par les
Etats-Unis et qui peuvent prétendre, conformément audit arrêt, au réexamen et à la revision des
verdicts de culpabilité rendus et des peines prononcées à leur encontre.
Selon les juges Owada, Tomka et Keith, il ne fait aucun doute que si l’un quelconque des
cinquante et un ressortissants mexicains cités dans l’arrêt de 2004 était exécuté sans avoir
bénéficié, comme le prescrit ledit arrêt, du réexam en et de la revision du verdict rendu et de la
peine prononcée à son encontre, il y aurait violati on de l’obligation internationale incombant aux
Etats-Unis telle qu’établie par la Cour.
Les juges Owada, Tomka et Keith concluent en exprimant l’espoir sincère qu’il sera procédé
à un réexamen et à une revision effectifs des verd icts rendus et peines prononcées à l’encontre des
ressortissants mexicains, conformément à l’arrêt de 2004.
Opinion dissidente de M. le juge Skotnikov
Le juge Skotnikov partage entièrement les préoccupations du Mexique au sujet de
l’exécution prévue de l’un de ses ressortissants, ainsi que sa déception de voir que, jusqu’à présent,
les Etats-Unis n’ont pas pu prendre des mesur es propres à assurer le respect de l’arrêtAvena .
Cependant, le juge Skotnikov critique l’ordonnance en indication de mesures conservatoires rendue
par la Cour. Il estime que celle-ci aurait dû pr océder différemment pour permettre au Mexique
d’atteindre son principal objectif, à savoir l’exécution de l’arrêt Avena.
Selon le juge Skotnikov, la Cour aurait dû prendre acte de la position des Etats-Unis qui
déclarent accepter sans réserve l’interprétation de l’arrêt Avena demandée par le Mexique. Le sens
et la portée des dispositions contraignantes de l’ar rêt sont limpides. Le Mexique soutient avec
insistance et les Etats-Unis reconnaissent, qu’aucune condamnation à mort ne devrait être exécutée
à moins et jusqu’à ce que les ressortissants mexicai ns concernés aient bénéficié du réexamen et de
la revision prescrits dans l’arrêt Avena . C’est là le résultat auquel les Etats-Unis doivent parvenir
«par les moyens de leur choix» (point9 du paragraphe153 de l’arrêtAvena ), pour se conformer - 3 -
aux obligations leur incombant en vertu dudit arrêt. Il n’y pas d’ambiguïté, ni de désaccord. Il n’y
aucun point que la Cour doive interpréter. En conséquence, celle-ci aura it dû conclure que la
demande en interprétation présentée par le Mexique ne relevait pas de l’article60 de son Statut,
lequel s’applique uniquement en cas de contestation sur le sens et la portée d’un arrêt de la Cour.
De surcroît, la Cour aurait dû user de son pouvoir inhérent pour demander aux Etats-Unis de
prendre, par l’intermédiaire de leurs organes et autorités compétents, à l’échelon des Etats ou à
l’échelon fédéral, toutes les mesures nécessaires pour assurer le respect de l’arrêt Avena.
Au lieu de rappeler ainsi les Etats-Unis à leur s obligations, la Cour a décidé qu’il pourrait
être nécessaire d’apporter des éclaircissements à l’arrêt Avena , et a indiqué des mesures
conservatoires.
Le juge Skotnikov relève que ces mesures n’ajoutent rien aux obligations imposées aux
Etats-Unis par l’arrêt Avena et sont donc dépourvues d’utilité. En outre, ces mesures auront effet
uniquement jusqu’à ce que la Cour se soit prononcée sur l’interprétation dudit arrêt. De ce fait,
l’ordonnance de la Cour est non seulement superflue, mais elle contient aussi une limite temporelle
qui est absente de l’arrêt proprement dit. Cette conclusion indique clairement que la Cour a fait
fausse route.
Le juge Skotnikov estime que la véritable question est celle de l’exécution, et non de
l’interprétation, de l’arrêtAvena . Les Etats-Unis admettent que des difficultés internes les ont
empêchés jusqu’à présent de mettre en place le cadre juridique nécessaire pour assurer le respect de
cet arrêt. Cela est profondément regrettable. Les Etats-Unis doivent agir de manière à se
conformer à l’arrêt Avena.
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Résumé de l'ordonnance du 16 juillet 2008