Résumé de l'arrêt du 3 février 2006

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10437
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Number (Press Release, Order, etc)
2006/1
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COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

Palais de la Paix, Carnegieplein 2, 2517 KJ La Haye, Pays-Bas
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Résumé
Document non officiel

Résumé 2006/1
Le 3 février 2006

Activités armées sur le territoire du Congo (nouvelle requête : 2002)
(République démocratique du Congo c. Rwanda)

Compétence de la Cour et recevabilité de la requête

Résumé de l’arrêt du 3 février 2006

Historique de la procédure et conclusions des Parties (par. 1-13)

La Cour commence par résumer les différentes étapes de la procédure.

Le 28mai2002, le Gouvernement de la Ré publique démocratique du Congo (dénommée
ci-après la «RDC») a déposé au Greffe de la C our une requête introductive d’instance contre la
République du Rwanda (dénommée ci-après le «Rwanda») au sujet d’un différend relatif à des
«violations massives, graves et flagrantes des droits de l’homme et du droit international

humanitaire» qui auraient été commises «au mépris de la «Charte internationale des droits de
l’homme», d’autres instruments internationaux pertinents et [de] résolutions impératives du Conseil
de sécurité de l’ONU». Dans sa requête, la RDC e xposait que «[l]es atteintes graves et flagrantes
[aux droits de l’homme et au droit internationalhumanitaire]» dont elle se plaint «découlent des

actes d’agression armée perpétrés par le Rwanda sur le territoire de la République démocratique du
Congo en violation flagrante de la souveraineté et de l’intégrité territoriale [de celle-ci], garantie[s]
par les Chartes des Nations Unies et de l’Organisation de l’unité africaine».

Pour fonder la compétence de la Cour, la RDC, se référant au paragra phe 1 de l’article 36 du

Statut, invoquait, dans sa requête, l’article22 dla convention internationale sur l’élimination de
toutes les formes de discrimination raciale, du 21 décembre 1965 (dénommée ci-après la
«convention sur la discrimination raciale»); le pragraphe1 de l’article 29 de la convention sur
l’élimination de toutes les formes de discrimin ation à l’égard des femmes, du 18décembre1979

(dénommée ci-après la «convention sur la discrimination à l’égard des femmes»); l’article IX de la
convention pour la prévention et la répressi on du crime de génocide, du 9décembre1948
(dénommée ci-après la «convention sur le géno cide»); l’article75 de la Constitution de
l’Organisation mondiale de la Santé, du 22ju illet1946 (dénommée ci-après la «Constitution de
l’OMS»); le paragraphe2 de l’articXI V de la convention créant l’Organisation des

Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture, du 16 novembre 1945 (dénommée ci-après
l’«acte constitutif de l’Unesco») et l’article 9 de la convention sur les privilèges et immunités des
institutions spécialisées du 21novembre1947 (dénommée ci-après «la convention sur les
privilèges et immunités»); le paragraphe 1 de l’article 30 de la convention contre la torture et autres

peines ou traitements cruels, inhumains ou dégr adants, du 10décembre1984 (dénommée ci-après - 2 -

la «convention contre la torture»); et le paragraphe 1 de l’article14 de la convention de Montréal
pour la répression d’actes illicites dirigés cont re la sécurité de l’aviation civile, du

23 septembre 1971 (dénommée ci-après la «convention de Montréal»).

Dans sa requête, la RDC soutenait également que l’article 66 de la convention de Vienne sur
le droit des traités du 23 mai 1969 prévoit la compétence de la Cour pour régler les différends nés

de la violation de norme s impératives (jus cogens) en matière de droits de l’homme, telles que
reflétées dans un certain nombre d’instruments internationaux.

Le 28mai2002, la RDC a en outre présen té une demande en indication de mesures

conservatoires, sur la base de l’article41 du Stat ut de la Cour et des articles73 et74 de son
Règlement. La Cour ne comptant sur le siège aucun juge de la nationalité des Parties, chacune
d’elles s’est prévalue du droit que lui confère l’ article31 du Statut de procéder à la désignation
d’un juge adhoc pour siéger en l’affaire. La RDC a désigné M.Jean-Pierre Mavungu, et le

Rwanda M. Christopher John Robert Dugard. Au cours des audiences tenues les 13 et 14 juin 2002
et consacrées à la demande en indication de mesures conservatoires, le Rwanda a prié la Cour de
rayer l’affaire du rôle au motif que la Cour ét ait manifestement dénuée de compétence pour en
connaître. Par ordonnance du 10 juillet 2002, laC our a considéré qu’elle ne disposait pas en

l’espèce de la compétence prima facie nécessaire pour indiquer les mesures conservatoires
demandées par la RDC. La Cour a également rejeté la demande du Rwanda tendant à ce que
l’affaire soit rayée du rôle.

Au cours d’une réunion que le président de la Cour a tenue avec les agents des Parties le
4 septembre 2002, le Rwanda a proposé que soit suivie la procédure prévue aux paragraphes 2 et 3
de l’article 79 du Règlement, et qu’il soit ainsi statué séparément, avant toute procédure sur le fond,
sur les questions de compétence et de recevabilité en l’espèce. La RDC a déclaré qu’elle s’en

remettait, à cet égard, à la décision de la Cour . Par ordonnance du 18septembre2002, la Cour a
décidé que les pièces de la procédure écrite porteraient d’abord sur la question de la compétence de
la Cour et de recevabilité de la requête, et a fi xé des délais pour le dépôt d’un mémoire par le
Rwanda et d’un contre-mémoire par la RDC. Ces pièces ont été déposées dans les délais prescrits.

La RDC s’est prévalue de deux bases de compét ence additionnelles dans son contre-mémoire (et
plus tard à l’audience): la doctrine du forum prorogatum et l’ordonnance rendue par la Cour le
10 juillet 2002 sur sa demande en indication de mesures conservatoires.

Des audiences publiques ont été tenues entre le 4 et le 8 juillet 2005, au cours desquelles les
Parties ont présenté les conclusions ci-après :

Au nom du Gouvernement rwandais,

à l’audience du 6 juillet 2005 :

«Pour les raisons exposées dans ses exceptions préliminaires et à l’audience, la

République du Rwanda prie la Cour de dire et juger :

1) qu’elle n’a pas compétence pour conna ître des demandes présentées contre la
République du Rwanda par la République démocratique du Congo; et

2) à titre subsidiaire, que les demandes pr ésentées contre la République du Rwanda
par la République démocratique du Congo sont irrecevables.» - 3 -

Au nom du Gouvernement congolais,

à l’audience du 8 juillet 2005 :

«Plaise à la Cour,

1. dire que les exceptions d’incompétence et d’irrecevabilité soulevées par le Rwanda
ne sont pas fondées;

2. dire en conséquence que la Cour est compétente pour connaître de l’affaire quant

au fond et que la requête de la Républi que démocratique du Congo est recevable
en la forme;

3. fixer l’affaire en prosécution pour être plaidée sur le fond.»

Objet de la présente instance limitée aux questions de compétence de la Cour et de recevabilité de
la requête de la RDC (par. 14)

La Cour note tout d’abord qu’à ce stade de la procédure, elle ne peut se pencher sur aucun

élément relatif au fond du différend opposant la RDC et le Rwanda. Confor mément à la décision
prise dans son ordonnance du 18 septembre 2002, la Cour n’a à se préoccuper que des questions de
savoir si elle a compétence pour connaître du différend et si la requête de la RDC est recevable.

Examen des bases de compétence invoquées par la RDC (par. 15-125)

La Cour entame l’examen des onze bases de compétence invoquées par la RDC. Elle

rappelle l’argumentation des Parties à leur égard et parvient aux conclusions suivantes :

1) Convention de 1984 contre la torture (par. 16)

La Cour dit avoir pris bonne note de l’affirm ation du Rwanda selon laquelle celui-ci «n’était
pas partie et n’avait jamais été partie» à ladite convention. Relevant que la RDC n’a opposé aucun
argument à cette affirmation, la Cour en conc lut que la RDC n’est pas fondée à invoquer cette
convention comme base de compétence.

2) Convention sur les privilèges et immunités (par. 17)

La Cour rappelle que dans son ordonnance du 10 juillet 2002, elle a déclaré que la RDC
n’apparaissait pas fonder la compétence de la Cour sur cette convention et que dès lors, il n’y avait
pas lieu pour elle de prendre cet instrument en c onsidération dans le contexte de la demande en
indication de mesures conservatoires. La RD C n’ayant pas davantage cherché à invoquer cette

convention dans la présente phase de l’instance, la Cour ne la prend pas non plus en considération
dans son arrêt.

3) Forumprorogatum (par. 19-22)

La RDC fait valoir à ce sujet que la volonté d’un Etat de soumettre un différend à la Cour
peut résulter, non seulement d’une déclaration e xpresse, mais aussi de tout acte concluant, en

particulier du comportement de l’ Etat défendeur postérieurement à la saisine de la Cour. Elle
soutient notamment que «l’acceptation par le défendeur de plaider l’affaire équivaut à l’acceptation
par lui de la compétence de la Cour». Le Rwanda indique quant à lui que la prétention de la RDC
n’est pas fondée car il n’existe pas en l’espèce « une acceptation volontaire et indiscutable de la - 4 -

juridiction de la Cour». Le Rwanda ajoute qu’ il a au contraire systématiquement soutenu que la
Cour n’avait pas compétence et qu’il ne se pr ésentait devant elle que pour contester cette

compétence.

En l’espèce, la Cour relève que le Rwanda a objecté à sa compétence à tous les stades de la
procédure et de manière explicite et répétée. L’attitude du Rwanda ne pe ut donc être regardée

comme une «manifestation non équivoque» de la volonté de cet Etat d’accepter de manière
«volontaire, indiscutable» la compétence de la Cour. Le fait que le Rwanda ait, comme l’a
souligné la RDC, «assumé pleinement et dignement les différentes instances de la présente cause,
sansse faire représenter, ni se faire porter absent» et qu’«il n’y a eu de sa part ni refus de

comparaître, ni refus de conclure» ne peut pas être interprété comme une expression de son
consentement à la compétence de la Cour pour c onnaître du fond dans la mesure où l’objet même
de sa participation à la procédure était de contester cette compétence.

4) Ordonnance de la Cour en date du 10 juillet 2002 (par. 23-25)

Pour fonder la compétence de la Cour, la RDC invoque également l’une des conclusions

auxquelles la Cour est parvenue dans son or donnance du 10juillet2002 et selon laquelle «en
l’absence d’incompétence manifeste la Cour ne saurait accéder à la demande du Rwanda tendant à
ce que l’affaire soit rayée du rôle». Ce constat d’«absence d’incompétence manifeste» pourrait, de
l’avis de la RDC, être interprété comme une r econnaissance par la Cour de sa compétence. Sur ce

point, le Rwanda rappelle, pour sa part, que la Cour a, dans la même ordonnance, clairement
indiqué que les conclusions auxquelles elle étai t parvenue à ce stade de la procédure ne
préjugeaient en rien sa compétence pour connaître du fond de l’affaire.

A ce sujet, la Cour rappelle que, vu l’urgence qui, par hypothèse, caractérise l’examen d’une
demande en indication de mesures conservatoires, elle ne prend normalement pas, à ce stade, de
décision finale sur sa compétence. Elle ne le fait que s’il apparaît d’emblée qu’elle ne saurait en
aucune manière avoir compétence et que, partant, elle ne pourra pas connaître de l’affaire. Selon la

Cour, le fait qu’elle n’ait pas conclu, dans son ordonnance du 10 juillet 2002, à un défaut manifeste
de compétence ne saurait donc équivaloir à une reconnaissance de sa compétence. Tout au
contraire, la Cour indique qu’elle a d’emblée éprouvé de sérieux doutes quant à sa compétence
pour connaître de la requête de la RDC puisque, dans la même ordonnance, elle a justifié son refus

d’indiquer des mesures conservatoires par l’absence de compétence prima facie. En n’accédant pas
à la demande du Rwanda de rayer l’affaire du rôle, la Cour s’est tout simplement réservé le droit
d’examiner plus avant, ultérieurement, et de façon complète la question de sa compétence.

5) Article IX de la convention sur le génocide (par. 28-70)

La Cour note que tant la RDC que le Rwanda sont parties à la convention sur le génocide

laRDC y ayant adhéré le 31mai1962 et le Rwanda le 16avril1975. La Cour observe toutefois
que l’instrument d’adhésion du Rwanda à la c onvention, déposé auprès du Secrétairegénéral des
NationsUnies, comporte une réserve formulée comme suit: «La République rwandaise ne se
considère pas comme liée par l’article IX de ladite convention.» Cet article IX prévoit que : «Les

différends entre les parties contractantes relatifs à l’interprétation, l’application ou l’exécution de la
présente convention, y compris ceux relatifs à la responsabilité d’un Etat en matière de génocide ou
de l’un quelconque des autres actes énumérés à l’article III, seront soumis à la Cour internationale
de Justice, à la requête d’une partie au différend.»

La Cour constate que les deux Parties ont des points de vue opposés sur deux questions:
premièrement, sur la question de savoir si, en adoptant le «Décret-loi014/01 du 15février1995
levant toutes les réserves émises par la République rwandaise à l’adhésion, à l’approbation et à la

ratification des instruments internationaux», le Rw anda a effectivement retiré la réserve qu’il a - 5 -

formulée à l’articleIX de la convention sur le génocide, et, deuxièmement, sur la question de la
portée juridique de la déclaration faite par la ministre de la justice du Rwanda lors de la

soixanteetunièmesession de la Commission d es droits de l’homme des NationsUnies, selon
laquelle les «quelques instruments [relatifs aux droits de l’homme] non encore ratifiés» à cette date
par le Rwanda, ainsi que les réserves «non encore levées, le ser[aient] prochainement».

Concernant la première question, la Cour note que le décret-loi014/01 a été adopté le
15 février 1995 par le président de la République rwandaise après avis du Conseil des ministres et
qu’il a été contresigné par le premierministre ai nsi que par le ministre de la justice de la
République rwandaise. L’articlepremier de ce décret-loi, qui en compte trois, dispose que

«[t]outes les réserves émises par la République rwandaise pour l’adhésion, l’approbation et la
ratification des instruments internationaux, sont levées»; son article2 prévoit pour sa part que
«[t]outes les dispositions antérieures contraires au présent décret-loi sont abrogées»; et son article 3
précise que «[l]e présent décret-loi entre en vigueur le jour de sa publication au Journal officiel de

la République rwandaise». Ce décret-loi a fait l’objet d’une publica tion au Journal officiel de la
République rwandaise et est entré en vigueur.

La validité dudit décret-loi en droit intern e rwandais a été contestée par le Rwanda.

Cependant, de l’avis de la Cour, la question de la validité et de la portée de ce décret dans l’ordre
juridique interne rwandais est différente de celle de sa portée dans l’ordre juridique international. Il
convient en effet de distinguer clairement entre la décision prise dans l’ordre juridique interne d’un
Etat de retirer une réserve à un traité et la mise en Œuvre de cette décision dans l’ordre juridique

international par les autorités nationales compétente s, qui ne peut s’opérer que par la notification
du retrait de ladite réserve aux autres Etats partie s au traité concerné. C’est une règle du droit
international, dérivée du principe de sécurité juri dique et bien établie dans la pratique, que, sauf
convention contraire, le retrait par un Etat contractant d’une réserve à un traité multilatéral ne prend

effet à l’égard des autres Etats contractants que lorsque ceux-ci en ont reçu notification. Cette règle
trouve son expression dans l’article 22, paragraphe 3, littera a) de la convention de Vienne sur le
droit des traités.

La Cour observe qu’en l’espèce il n’a pas été établi que le Rwanda ait notifié le retrait de ses
réserves aux autres Etats parties aux «instruments internationaux» auxquels il est fait référence à
l’article premier du décret-loi014/01, et en par ticulier aux Etats parties à la convention sur le

génocide. Il n’a pas davantage été établi qu’e n vertu d’une convention quelconque un tel retrait
aurait pu être effectif sans notification. De l’avis de la Cour, l’adoption du décret-loi susmentionné
et sa publication au Journal officiel de la Républi que rwandaise ne sauraient en elles-mêmes valoir
pareille notification. Pour avoir des effets en droit international, le retrait aurait dû faire l’objet

d’une notification reçue au plan international.

La Cour constate qu’en ce qui concerne la convention sur le génocide, le Gouvernement
rwandais n’a entrepris aucune action au plan international sur la base de ce décret-loi. Elle relève à

cet égard que cette convention est un traité mu ltilatéral déposé auprès du Secrétairegénéral des
NationsUnies et considère que c’est normalement par l’entremise de ce dernier que le Rwanda
aurait dû notifier le retrait de sa réserve. La Cour indique qu’elle n’a pas connaissance que le
Rwanda ait adressé une quelconque notification en ce sens au Secrétaire général.

La Cour en conclut que l’adoption et la publication du décret-loi 014/01 du 15 février 1995
par le Rwanda n’ont pas, au regard du droit intern ational, emporté le retrait par cet Etat de sa
réserve à l’article IX de la convention sur le génocide.

Au sujet de la deuxième question, à savoir celle de la portée juridique de la déclaration faite
le 17 mars 2005 par Mme Mukabagwiza, ministre de la justice du Rwanda, la Cour commence par
examiner l’argument du Rwanda selon lequel il ne saurait être juridi quement lié par la déclaration

en question dans la mesure où elle n’émane pas d’un ministre des affaires étrangères ou d’un chef
de gouvernement «automatiquement investis du pouvoir d’engage r l’Etat concerné pour les - 6 -

questions de relations internationales mais d’un ministre de la justice qui ne peut lier l’Etat et
l’obliger à lever une réserve particulière». A ce t égard, la Cour observe que, conformément à une

jurisprudence constante, c’est une règle de droit inte rnational bien établie que le chef de l’Etat, le
chef de gouvernement et le ministre des affaires étrangères sont réputés représenter l’Etat du seul
fait de l’exercice de leurs fonctions, y compris pour l’accomplissement au nom dudit Etat d’actes
unilatéraux ayant valeur d’engagement international. La Cour relève cependant qu’il est de plus en

plus fréquent, dans les relations internationales modernes, que d’autres personnes représentant un
Etat dans des domaines déterminés soient autorisées par cet Etat à engager celui-ci, par leurs
déclarations, dans les matières relevant de leur comp étence. Il peut en être ainsi, par exemple, des
titulaires de portefeuilles ministériels techniques exerçant, dans les relations extérieures, des

pouvoirs dans leur domaine de compétence, voire même de certains fonctionnaires.

En l’espèce, la Cour note d’emblée que MmeMukabagwiza s’est exprimée devant la
Commission des droits de l’homme des NationsUni es en sa qualité de ministre de la justice du

Rwanda et qu’elle a notamment indiqué qu’elle faisait sa déclaration «en lieu et place du peuple
rwandais». La Cour note également que les questions relatives à la protection des droits de
l’homme qui ont fait l’objet de ladite déclaration relèvent du domaine de compétence d’un ministre
de la justice. De l’avis de la Cour, on ne saura it en principe exclure qu’un ministre de la justice

puisse, dans certaines circonstances, engager par ses déclarations l’Etat dont il est le représentant.

Aux fins de déterminer la portée juridique de cette déclaration, la Cour examine le contenu
réel de celle-ci ainsi que les circonstances dans les quelles elle a été faite. La Cour rappelle qu’une

déclaration de cette nature ne peut créer des obligations juridiques que si elle a un objet clair et
précis. Elle observe que, dans sa déclaration, la ministre de la justice du Rwanda n’a fait aucune
référence explicite à la réserve formulée par le Rwanda à l’articleIX de la convention sur le
génocide. La déclaration ne fait qu’évoquer en termes généraux la question des réserves émises par

le Rwanda et se borne simplement à indiquer que «les réserves formulées dans le passé non encore
levées le seront prochainement», sans mentionner de dé lai précis concernant un tel retrait. Ilen
résulte que le contenu de la déclaration n’est pas suffisamment précis relativement à la question

particulière du retrait des réserves. Par la géné ralité de ses termes, elle ne saurait en conséquence
être considérée comme la confirmation par le Rw anda d’un retrait déjà décidé de sa réserve à
l’articleIX de la convention sur le génocide ou un quelconque engagement unilatéral de sa part
ayant des effets juridiques en ce qui concerne ce retr ait; elle peut tout au plus être analysée comme

une déclaration d’intention, de portée tout à fait générale.

La Cour se penche enfin sur l’argument du Rwanda selon lequel la déclaration de sa ministre
de la justice ne pouvait de toute manière avoir au cune incidence sur la question de la compétence

de la Cour dans la présente espèce, du fait qu’ elle avait été prononcée près de troisannées après
l’introduction de l’instance. A cet égard, la Cour rappelle que, selon une jurisprudence constante,
sa compétence doit certes s’apprécier au moment du dépôt de l’acte introductif d’instance, mais
qu’elle ne doit pas sanctionner un défaut de procédure auquel la partie requérante pourrait aisément

porter remède. En l’occurrence, si la déclaration de la ministre rwandaise avait, en cours
d’instance, emporté, d’une manière quelconque, retrait de la réserve du Rwanda à l’article IX de la
convention sur le génocide, la RDC aurait pu, de sa propre initiative, remédier au défaut procédural
affectant sa requête initiale en déposant une nouvelle requête. L’ argument susmentionné du

Rwanda doit par suite être écarté.

La Cour en vient alors à l’argument de la RDC selon lequel la réserve du Rwanda est
invalide. Aux fins de démontrer l’absence de va lidité de la réserve du Rwanda, laRDC soutient

que la convention sur le génocide a «force de la loi générale à l’égard de tous les Etats», y compris
du Rwanda, dans la mesure où elle contient des normes ressortissant au jus cogens. Le Rwanda fait
notamment valoir que bien que, comme le soutient la RDC, les normes codifiées par les
dispositions de fond de la convention sur le génocide aient le statut de juscogens et créent des

droits et obligations ergaomnes , cela ne suffit pas en soi pour «c onférer à la Cour compétence à
l’égard d’un différend concernant la mise en Œuvre de ces droits et obligations». - 7 -

A cet égard, la Cour réaffirme que «les princip es qui sont à la base de la convention [sur le
génocide] sont des principes reconnus par les nations civilisées comme obligeant les Etats même en

dehors de tout lien conventionnel» et que la conception ainsi retenue a pour conséquence «le
caractère universel à la fois de la condamnati on du génocide et de la coopération nécessaire «pour
libérer l’humanité d’un fléau aussi odieux» (préambule de la convention)». Il en résulte que «les
droits et obligations consacrés par la conventio n sont des droits et obligations ergaomnes ». La

Cour observe toutefois qu’elle a déjà eu l’o ccasion de souligner que «l’opposabilité ergaomnes
d’une norme et la règle du consentement à la juri diction sont deuxchoses différentes», et que le
seul fait que des droits et obligations ergaomnes seraient en cause dans un différend ne saurait
donner compétence à la Cour pour connaître de ce di fférend. Il en va de même quant aux rapports

entre les normes impératives du droit international général (jus cogens) et l’établissement de la
compétence de la Cour: le fait qu’un différend porte sur le respect d’une norme possédant un tel
caractère, ce qui est assurément le cas de l’interdiction du génocide, ne saurait en lui-même fonder
la compétence de la Cour pour en connaître. En vertu du Statut de la Cour, cette compétence est

toujours fondée sur le consentement des parties. La Cour ajoute que la réserve du Rwanda à
l’article IX de la convention sur le génocide porte sur la compétence de la Cour et n’affecte pas les
obligations de fond qui découlent de cette convention s’agissant des actes de génocide eux-mêmes.

Dans les circonstances de l’espèce, la Cour ne pe ut conclure que la réserve du Rwanda, qui vise à
exclure un moyen particulier de régler un différend relatif à l’interprétation, à l’application ou à
l’exécution de la convention, doit être regardée comm e incompatible avec l’objet et le but de cette
convention. S’agissant du droit des traités, la Cour note par ailleurs que, lorsque le Rwanda a

adhéré à la convention sur le gé nocide et a formulé la réserve en question, la RDC n’y a pas fait
objection.

La Cour conclut de ce qui précède que, eu égard à la réserve du Rwanda à l’article IX de la

convention sur le génocide, cette disposition ne saurait constituer une base de compétence dans la
présente espèce.

6) Article 22 de la convention sur la discrimination raciale (par. 71-79)

La Cour note que tant la RDC que le Rw anda sont parties à la convention sur la
discrimination raciale, laRDC y ayant adhéré le 21avril1976 et le Rwanda le 16avril1975.
L’instrument d’adhésion du Rwanda à la conve ntion, déposé auprès du Secrétairegénéral des

Nations Unies, comporte toutefois une réserve qui se lit comme suit : «La République rwandaise ne
se considère pas comme liée par l’article 22 de ladite convention.» Selon les termes de cet article,
«tout différend entre deux ou plusieurs Etats parties touchant l’interprétation ou l’application de la

présente convention, qui n’aura pas été réglé pa r voie de négociation ou au moyen des procédures
expressément prévues par ladite convention, sera por té, à la requête de toute partie au différend,
devant la Cour internationale de Justice pour qu’elle statue à son sujet, à moins que les parties au
différend ne conviennent d’un autre mode de règlement.»

La Cour traite en premier lieu de l’argument de la RDC selon lequel cette réserve était
frappée «de caducité ou de désuétude» du fait de l’ engagement consacré par la loi fondamentale
rwandaise «de lever toutes les réserves que le Rwanda a émises au moment de son adhésion

aux…instruments internationaux»» relatifs a ux droits de l’homme. Sans préjudice de
l’applicabilité mutatis mutandis à la convention sur la discrimination raciale de son raisonnement et
de ses conclusions relatifs à l’allégation de la RDC selon laquelle le Rwanda aurait retiré sa réserve
à la convention sur le génocide, la Cour fait obser ver que les modalités du retrait d’une réserve à la

convention sur la discrimination raciale sont pré vues en termes exprès pa r le paragraphe3 de
l’article20 de cette convention, libellé comme suit: «les réserves peuvent être retirées à tout
moment par voie de notification adressée au Secrétai regénéral. La notification prendra effet à la
date de réception.» Or, la Cour n’a connaissance d’aucune notification au Secrétairegénéral des

NationsUnies, par laquelle le Rwanda aurait expr imé sa volonté de retirer sa réserve. Dans ces
conditions, la Cour conclut au maintien de ladite réserve par l’Etat défendeur. - 8 -

Concernant l’argument de la RDC selon lequel ce tte réserve est invalide, la Cour note que la
convention sur la discrimination raciale interdit les réserves incompatibles avec son objet et son

but. Elle observe à cet égard qu’aux termes du paragraphe 2 de l’article 20 de la convention «[u]ne
réserve sera considérée comme rentrant dans [cette catégorie] si les deuxtiers au moins des Etats
parties à la convention élèvent des objections». La Cour relève toutefois que tel n’a pas été le cas
s’agissant de la réserve formulée par le Rwanda en ce qui concerne la compétence de la Cour. Sans

préjudice de l’applicabilité mutatis mutandis à la réserve du Rwanda à l’ article 22 de la convention
sur la discrimination raciale de son raisonnement et de ses conclusions relatifs à la réserve
rwandaise à l’articleIX de la convention sur le génocide, la Cour est d’avis que la réserve du
Rwanda audit article 22 ne saurait dès lors pas être regardée comme incompatible avec l’objet et le

but de cette convention. La Cour relève pa r ailleurs que la RDC elle-même n’a pas présenté
d’objection à ladite réserve lorsqu’elle a adhéré à la convention.

Quant à l’argument de la RDC selon lequel la réserve serait sans effet juridique parce que,

d’une part, l’interdiction de la discriminati on raciale serait une norme impérative du droit
international général, et que, d’autre part, une telle réserve serait en conflit avec une norme
impérative, la Cour renvoie aux motifs par les quels elle a écarté une semblable argumentation
présentée par la RDC à propos de la réserve rwan daise à l’articleIX de la convention sur le

génocide.

La Cour conclut de ce qui précède que, eu égard à la réserve du Rwanda à l’article 22 de la
convention sur la discrimination raciale, cet instrument ne saurait constituer une base de

compétence dans la présente espèce.

7) Paragraphe 1 de l’article 29 de la co nvention sur la discrimination à l’égard des

femmes (par. 80-93)

La Cour note que tant laRDC que le Rw anda sont parties à la convention sur la
discrimination à l’égard des femmes, laRDC l’ayant ratifiée le17oct obre1986 et le Rwanda,

le 2 mars 1981. Elle note également que cette c onvention prévoit, à son article29, la compétence
de la Cour pour connaître de tout différend entre les Etats parties concernant son interprétation ou
son application à condition que ce différend n’ait pas pu être réglé par voie de négociations, qu’en
cas d’échec de celles-ci, il ait été soumis à l’arbitrage à la demande de l’un de ces Etats et que, si

les parties ne sont pas parvenues à se mettre d’accord sur l’organisation de cet arbitrage, un délai de
six mois se soit écoulé à compter de la date de la demande d’arbitrage.

De l’avis de la Cour, il ress ort du libellé de l’article 29 de la convention en question que ces

conditions sont cumulatives. Il lui incombe donc d’examiner si chacune des conditions préalables
à sa saisine, prévues par ledit article 29, ont été respectées en l’espèce.

La Cour se penche toutefois au préalable sur l’argument de la RDC selon lequel l’exception

tirée du non-respect des conditions préalables prév ues dans les clauses compromissoires, et en
particulier à l’article29 de la convention, c onstitue une exception à la recevabilité de sa requête
plutôt qu’à la compétence de la Cour. A cet égard, la Cour rappelle que sa compétence repose sur
le consentement des parties, dans la seule mesure reconnue par celle s-ci, et que, lorsque ce

consentement est exprimé dans une clause compromissoire insérée dans un accord international, les
conditions auxquelles il est éventuellement soumis doivent être considérées comme en constituant
les limites. De l’avis de la Cour, l’examen de telles conditions relève en conséquence de celui de
sa compétence et non de celui de la recevabilité de la requête. En l’espèce, les conditions

auxquelles l’article29 de la convention sur la discrimination à l’égard des femmes subordonne la
saisine de la Cour doivent donc être examinées dans le cadre de l’examen de la compétence de la
Cour. Cette conclusion est applicable mutatis mutandis à toutes les autres clauses compromissoires

invoquées par la RDC. - 9 -

La Cour examine ensuite s’il existe en l’ espèce un différend entre les Parties «concernant
l’interprétation ou l’application de [cette] convention», qui n’aurait pas pu être réglé par voie de

négociation. Elle note que laRDC a formulé de nombreuses protestations contre les agissements
du Rwanda prétendument contraires au droit interna tional relatif aux droits de l’homme, tant au
plan bilatéral, à travers des contacts directs avec le Rwanda, qu’au plan multilatéral dans le cadre
d’organes internationaux tels que le Conseil de sécurité des NationsUnies et la Commission

africaine des droits de l’homme et des peuples de l’Organisation de l’Unité africaine. La Cour
rappelle que dans son cont re-mémoire et à l’audience, la RDC a présenté ces protestations comme
des preuves que «la RDC a[vait] rempli les conditions préalables à la saisine de la Cour contenues
dans les clauses compromissoires invoquées». Quelle que puisse être la qualification juridique de

telles protestations au regard de l’exigence de l’existence d’un différend entre la RDC et le Rwanda
aux fins de l’article29 de la convention, cet article requiert également qu’un tel différend fasse
l’objet de négociations. Elle dit que les élémen ts de preuve qui lui ont été présentés n’ont pas
permis d’établir à sa satisfaction que la RDC ait en fait cherché à entamer des négociations

relatives à l’interprétation ou l’application de la convention.

Elle ajoute que la RDC n’a pas davantage appor té la preuve de ses tentatives d’engager une
procédure d’arbitrage avec le Rwanda et ne peut accueillir l’argument de laRDC selon lequel

l’impossibilité d’entamer ou de poursuivre des né gociations avec le Rwanda ne permettait pas
d’envisager de passer à l’arbitrage; s’agissant d’ une condition formellement prévue par l’article 29
de la convention sur la discrimination à l’égard des femmes, l’absence d’accord entre les Parties sur

l’organisation d’un arbitrage ne peut en effet pas se présumer. L’existence d’un tel désaccord ne
peut résulter que d’une proposition d’arbitrage faite par le demandeur et restée sans réponse de la
part du défendeur ou suivie de l’expression par celui-ci de son intention de ne pas l’accepter. Or la
Cour n’a trouvé dans le dossier aucun élément lui permettant de conc lure que laRDC aurait

proposé au Rwanda l’organisation d’une procédure d’arbitrage et que ce dernier Etat n’aurait pas
donné suite à cette proposition.

Il résulte de ce qui précède que le paragraphe 1 de l’article 29 de la convention sur la

discrimination à l’égard des femmes ne peut servir de fondement à la compétence de la Cour en la
présente affaire.

8) Article 75 de la Constitution de l’OMS (par. 94-101)

La Cour observe que la RDC est partie à la Constitution de l’OMS depuis le 24 février 1961
et le Rwanda depuis le 7novemb re1962, et qu’ils sont ainsi l’un et l’autre membres de cette
organisation. La Cour note également que l’article75 de la Constitution de l’OMS prévoit, aux

conditions posées par cette disposition, la compétence de la Cour pour connaître de «toute question
ou différend concernant l’interprétation ou l’application» de cet instrument. Cette disposition exige
que cette question ou ce différend concerne l’interprétation ou l’application de ladite Constitution
en particulier. Or, de l’avis de la Cour, la RDC n’a pas démontré l’existence d’une question sur

laquelle le Rwanda aurait des vues différentes des siennes ou d’un différe nd qui l’opposerait à cet
Etat, en ce qui concerne l’interprétation ou l’application de la Constitution de l’OMS.

La Cour constate également que, quand bien même elle aurait établi l’existence d’une

question ou d’un différend entrant dans les prévisions de l’article 75 de la Constitution de l’OMS,
la RDC n’a pas apporté la preuve que les autres conditions préalables à la saisine de la Cour, fixées
par cette disposition, aient été remplies, à savoir qu’ elle ait tenté de régler ladite question ou ledit

différend par voie de négociation avec le Rwanda ou que l’Assemblée mondiale de la Santé n’ait
pu résoudre cette question ou ce différend.

La Cour en conclut que l’article75 de la Constitution de l’OMS ne peut pas servir de

fondement à sa compétence pour connaître de la présente affaire. - 10 -

9) Paragraphe 2 de l’article XIV de l’acte constitutif de l’Unesco (par. 102-109)

La Cour note que tant laRDC que le Rwanda sont parties à l’acte constitutif de l’Unesco,
laRDC depuis le 25novembre1960 et le Rwanda depuis le 7novembre1962, et qu’ils sont ainsi
l’un et l’autre membres de cette organisation. La Cour observe pa r ailleurs que le paragraphe 2 de
l’article XIV de l’acte constitutif de l’Unesco n’en visage la soumission de questions ou différends

relatifs à cet instrument, aux conditions prévues par cette disposition, qu’en matière d’interprétation
dudit instrument. La Cour considère que tel n’est pa s l’objet de la requête de laRDC. En effet,
elle constate qu’en l’espèce, laRDC n’a i nvoqué l’acte constitutif de l’Unesco et son
articlepremier qu’aux seules fins de soutenir que, du «fait de la guerre», elle «est aujourd’hui

incapable de remplir ses missions au sein de l’Unesco ». De l’avis de la Cour, il ne s’agit pas là
d’une question ou d’un différend relatif à l’interprétation de l’acte constitutif de l’Unesco. La
requête de la RDC n’entre ainsi pas dans les prévisions de l’article XIV de cet instrument.

La Cour constate également que, quand bien même l’existence d’une question ou d’un
différend entrant dans les prévisions de ladite disposition aurait été établie, la RDC n’a pas apporté
la preuve que la procédure préalable à la sais ine de la Cour, prévue par cette disposition et
l’article 38 du Règlement intérieur de la Conférence générale de l’Unesco, ait été suivie.

La Cour en conclut que le paragraphe 2 de l’article XIV de l’acte constitutif de l’Unesco ne
peut fonder sa compétence pour connaître de la présente affaire.

10)Paragraphe 1 de l’article 14 de la convention de Montréal (par. 110-119)

La Cour note que tant laRDC que le Rwanda sont parties à la convention de Montréal,

laRDC depuis le 6 juillet 1977 et le Rwanda de puis le 3 novembre 1987, qu’ils sont tous deux
membres de l’OACI et que la conve ntion de Montréal était déjà en vigueur entre eux, aussi bien
lors de la destruction invoquée de l’appareil de la compagnie Congo Airlines au dessus de Kindu,
le 10 octobre 1998, qu’au moment du dépôt de la requête, le 28 mai 2002. La Cour note également

que le paragraphe 1 de l’article 14 de la convention de Montréal prévoit la compétence de la Cour
pour connaître de tout différend entre Etats contractants concernant l’interprétation ou l’application
de ladite convention, à condition que ce différend n’ait pas pu être réglé par voie de négociation,
qu’en cas d’échec de cette négociation, il ait été soumis à l’arbitrage à la demande de l’un de ces

Etats et que, au cas où les parties ne seraient p as parvenues à se mettre d’accord sur l’organisation
de cet arbitrage, un délai de six mois se soit écoulé à compter de la date de la demande d’arbitrage.
Aux fins de déterminer sa compétence sur la base de cette disposition, il appartient d’abord à la
Cour d’examiner s’il existe un différend entre les Pa rties relatif à l’interprétation ou à l’application

de la convention de Montréal, qui n’aurait pas pu être réglé par voie de négociation.

La Cour observe à cet égard que la RDC ne lui a pas indiqué quelles seraient les dispositions
matérielles de la convention de Montréal qui pourraient s’appliquer à ses demandes au fond. Dans

sa requête, la RDC s’est contentée d’invoquer cette convention en rapport avec la destruction, après
son décollage de l’aéroport de Kindu, d’un aéronef civil appartenant à la compagnie
CongoAirlines. Même s’il pouvait être établi que les faits invoqués par la RDC, à les supposer
prouvés, étaient susceptibles d’entrer dans les prévisions de cette convention et ont donné lieu à un

différend entre les Parties concernant l’interpréta tion ou l’application de celle-ci, et même s’il
pouvait être considéré que les discussions interven ues au sein du Conseil de l’OACI équivalent à
des négociations, la Cour constate que, en tout état de cause, la RDC n’a pas démontré avoir
satisfait aux conditions posées au pa ragraphe1 de l’article14 de la convention de Montréal,

concernant le recours à l’arbitrage : il n’a, en particulier, pas été prouvé que la RDC aurait proposé
au Rwanda l’organisation d’une procédure d’arb itrage et que ce dernier Etat n’aurait pas donné
suite à cette proposition. - 11 -

De l’avis de la Cour, le paragraphe 1 de l’article 14 de la convention de Montréal ne peut par
suite pas servir de fondement à sa compétence en la présente affaire.

11)Article 66 de la Convention de Vienne sur le droit des traités (par. 120-125)

La RDC invoque enfin, pour fonder la compéten ce de la Cour en l’espèce, l’article 66 de la

convention de Vienne sur le droit des traités, qui prévoit notamment que «toute partie à un
différend concernant l’application ou l’interprétation des articles53 ou64», relatifs aux conflits
entre traités et normes impératives du droit intern ational général, «peut, par une requête, le

soumettre à la décision de la Cour internationale de Justice, à moins que les parties ne décident
d’un commun accord de soumettre le différend à l’arbitrage».

La Cour rappelle qu’à l’audience, laRDC a précisé que l’article66 de la convention de
Vienne sur le droit des traités, à laquelle le Rwanda est partie, permet à la Cour de statuer sur tout

différend relatif à «la validité d’un tra ité contraire à une norme de jus cogens ». A cet égard,
laRDC a fait valoir que les réserves à un traité font partie intégrante de ce traité et qu’en
conséquence, «elles doivent éviter soit d’être en contradiction directe avec une norme du

jus cogens, soit d’empêcher la mise en Œuvre de ladite norme». Selon la RDC, la réserve du
Rwanda à l’articleIX de la convention sur le génocide, ainsi que celles formulées «à d’autres
dispositions similaires et à d’autres clauses compromissoires, vise[nt] à empêcher la Cour… [de]
réaliser son noble devoir de protéger les norm es impératives dont l’interdiction du génocide» et

doivent donc être considérées «comme nulle[s] et de nul effet».

En réponse à l’invocation à l’au dience, par le Rwanda, de l’ar ticle4 de la convention de
Vienne, qui prévoit que celle-ci n’est applicable qu’aux traités conclus par des Etats après son

entrée en vigueur à l’égard de ces Etats, la RDC a soutenu que «la suprématie et l’impérativité des
normes évoquées dans cette convention (art. 53 et 64) lient les Etats en dehors de toute
considération temporelle et de tout lien conventionnel»; selon el le, «la règle peut donc rétroagir
dans l’intérêt suprême de l’humanité».

La Cour rappelle que l’application non rétroac tive de la convention de Vienne sur le droit
des traités est stipulée à l’article 4 de cette dernière, dans les termes qui suivent : «sans préjudice de
l’application de toutes règles énoncées dans la présente convention auxquelles les traités seraient

soumis en vertu du droit interna tional indépendamment de ladite convention, celle-ci s’applique
uniquement aux traités conclus par des Etats après son entrée en vigueur à l’égard de ces Etats.»

A ce propos, la Cour note en premier lieu que la convention sur le génocide a été adoptée le

9décembre1948, et que laRDC et le Rwanda y ont adhéré le 31mai1962 et le 16avril1975,
respectivement; elle note par ailleurs que la convention sur la discrimination raciale a été adoptée le
21décembre1965, et que laRDC et le Rwanda y ont adhéré le 21avril1976 et le 16avril1975,
respectivement. La Cour observe en second lieu que la convention de Vi enne sur le droit des

traités n’est entrée en vigueur entre la RDC et le Rwanda que le 3 février 1980, conformément aux
dispositions du paragraphe2 de son article84. Les conventions sur le génocide et sur la
discrimination raciale ont été conclues avant cette dernière date. Ainsi, dans la présente affaire, les
règles contenues dans la convention de Vienne ne sont applicables que dans la mesure où elles sont

déclaratoires de droit international coutumier. De l’avis de la Cour, les règles énoncées à
l’article 66 de cette convention ne présentent pas un tel caractère. De surcroît, les deux Parties ne
sont pas autrement convenues d’appliquer entre elles l’article 66.

La Cour estime enfin nécessaire de rappeler que le seul fait que des droits et obligations
erga omnes ou des règles impératives du droit international général (jus cogens) seraient en cause
dans un différend ne saurait constituer en soi une exception au principe selon lequel sa compétence
repose toujours sur le consentement des parties. - 12 -

*

Défaut de compétence pour connaître de la requête; nul besoin pour la Cour de statuer sur la
recevabilité de celle-ci (par. 126)

La Cour conclut de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’elle ne peut retenir

aucune des bases de compétence invoquées par la RDC en l’espèce. N’ayant pas compétence pour
connaître de la requête, la Cour n’a pas à statuer sur la recevabilité de celle-ci.

*

Distinction fondamentale entre acceptation de la juridiction de la Cour par les Etats et conformité
de leurs actes au droit international (par. 127)

Bien qu’étant parvenue à la conclusion qu’e lle ne peut accepter aucune des chefs de

compétence invoquées par la RDC en la présente espèce et qu’elle ne peut dès lors connaître de
l’affaire soumise par celle-ci, la Cour tient à souligner une nouvelle fois que cette décision s’inscrit
strictement dans le cadre de l’examen de la qu estion préliminaire de savoir si elle a ou non

compétence pour connaître de la requête de la RDC ⎯ la tâche qui lui était assignée à ce stade de
la procédure. La Cour, de par son Statut, ne peut donc prendre position sur le fond des demandes
formulées par la RDC. Toutefois, ainsi que la Cour l’a à plusieurs reprises indiqué, il existe une
distinction fondamentale entre la question de l’acceptation de la juridiction de la Cour par les Etats

et la conformité de leurs actes au droit international. Qu’ils aient accepté ou non la juridiction de la
Cour, les Etats sont en effet tenus de se conformer aux obligations qui sont les leurs en vertu de la
Charte des Nations Unies et des autres règles du droit international, y compris du droit international
humanitaire et du droit international relatif aux dr oits de l’homme, et demeurent responsables des

actes contraires au droit international qui pourraient leur être attribués.

*

Dispositif (par. 128)

Le texte intégral du dispositif se lit comme suit :

«Par ces motifs,

La Cour,

Par quinze voix contre deux,

Dit qu’elle n’a pas compétence pour connaître de la requête déposée par la République

démocratique du Congo le 28 mai 2002.

POUR : M. Shi, président ; M. Ranjeva, vice-président ; M.Vereshchetin, MmeHiggins,
MM. Parra-Aranguren, Kooijmans, Rezek, Al-Khasawneh, Buergenthal, Elaraby, Owada,

Simma, Tomka, Abraham, juges; M. Dugard, juge ad hoc;

CONTRE : M. Koroma, juge; M. Mavungu, juge ad hoc.»

*

M. le juge Koroma joint à l’arrêt l’exposé de son opinion dissidente; Mme le juge Higgins et
MM. les juges Kooijmans, Elaraby, Owada et Simma joignent à l’arrêt l’exposé de leur opinion
individuelle commune; M.lejuge Kooijmans jo int une déclaration à l’arrêt; M. le juge

Al-Khasawneh joint à l’arrêt l’exposé de son opini on individuelle; M. le juge Elaraby joint une - 13 -

déclaration à l’arrêt; M. le juge ad hoc Dugard joint à l’arrêt l’exposé de son opinion individuelle;
M. le juge ad hoc Mavungu joint à l’arrêt l’exposé de son opinion dissidente.

___________ Annexe au résumé 2006/1

Opinion dissidente de M. le juge Koroma

Dans son opinion dissidente, le juge Koroma analyse la réserve du Rwanda à l’article IX de
la convention sur le génocide, disant que, si la Cour avait procédé à une telle analyse, elle aurait

jugé que la réserve était contraire à l’objet et au but de la convention et que, par conséquent, elle
était compétente en vertu de l’article IX.

Le juge Koroma fait valoir que la clause de règlement des différends de l’articleIX se

rapporte non seulement à l’interprétation ou à l’ application de la convention mais aussi à
l’exécution de celle-ci. Rappelant les termes de l’article IX ⎯«y compris ceux relatifs à la
responsabilité d’un Etat en matière de génocide» ⎯, le juge Koroma souli gne que la fonction de
contrôle attribuée à la Cour par cet article s’étend aux différends relatifs à la responsabilité d’Etat

pour génocide.

Le juge Koroma rappelle la gr avité des allégations de la RD C suivant lesquelles les forces
rwandaises auraient commis, directement ou par l’intermédiaire de leurs agents du Rassemblement

congolais pour la démocratie (RCD/Goma), des actes de génocide contre 3,5 millions de Congolais,
en exécutant à grande échelle massacres, assassi nats et autres meurtres visant des groupes bien
définis.

Il note que, s’il est vrai qu’une réserve émis e à l’égard d’une clause conventionnelle relative
au règlement des différends ou au contrôle de l’exécu tion du traité n’est pas, en soi, incompatible
avec l’objet et le but de celui-ci, il en va différemme nt si la disposition sur laquelle porte la réserve
constitue la raison d’être du traité. A cet égard, l’ objet et le but de la convention sur le génocide

sont la prévention et la répression du crime de génoc ide, ce qui implique aussi la nécessité de tenir
un Etat pour responsable dès lors qu’il est consta té que cet Etat a violé les obligations qui lui
incombent au titre de la convention.

Analysant la structure de la convention sur le génocide, le juge Koroma note qu’à la
différence des articles IV, V, VI et VII, l’article IX est la seule disposition de la convention
mentionnant expressément la responsabilité de l’Etat pour génocide. Puisque le pouvoir de la Cour

d’examiner les différends entre parties contractan tes concernant la responsabilité d’un Etat pour
génocide découle de l’article IX, cette disposition est essentielle à la réalisation de l’objet et du but
de la convention.

Le juge Koroma explique ensuite que le fait que la RDC n’a pas formulé d’objection à la

réserve du Rwanda au moment où celle-ci a été faite ne suffit pas pour empêcher la Cour
d’examiner la réserve, puisque les traités relatifs aux droits de l’homme comme la convention sur le
génocide ne sont pas fondés sur la réciprocité entre Etats, mais servent au contraire à protéger les

individus et la communautéointernationale da ns son ensemble. Il établit un parallèle avec
l’observation générale n 24 du Comité des droits de l’ho mme suivant laquelle: «L’absence de
protestation de la part d’un Etat ne peut pas la isser supposer qu’une réserve est compatible ou
incompatible avec l’objet et le but du pacte.»

Le juge Koroma fait observer que, même si la question des réserves à l’article IX de la
convention sur le génocide a été abordée à l’o ccasion des ordonnances en indication de mesures
conservatoires concernant l’Espagne et les Etats-Un is d’Amérique en l’affaire relative à la Licéité

de l’emploi de la force , la Cour n’a pas procédé alors à un examen complet de la compatibilité
d’une réserve à l’article IX avec l’objet et le but de la convention, parce que la Yougoslavie n’avait
pas soulevé la question. Le juge Koroma s ouligne la différence avec la présente affaire ⎯ dans

laquelle les deux Parties ont soulev é la question et en ont débattu ⎯, concluant que la Cour était
par conséquent en droit d’examiner en détail la réserve du Rwanda au regard de l’objet et du but de
la convention. - 2 -

Le juge Koroma souligne que la Cour aurait dû tenir dûment compte du principe de la bonne
foi lorsqu’elle a examiné la position du Rwanda su r l’article IX. A cet égard, les déclarations

antérieures du Rwanda sur l’importance des traités relatifs aux droits de l’homme doivent être
juxtaposées à ses efforts présents visant à éviter un examen de son propre comportement. De
même, il n’est moralement ni correct ni juste de la part du Rwanda de se soustraire au contrôle
judiciaire prévu à l’article IX de la convention, s’agissant précisément de ce même comportement

pour lequel il a instamment demandé, et obtenu, que soit mis en place un tribunal international
chargé de poursuivre les personnes responsables de génocide et d’autres violations graves du droit
international humanitaire.

Ce comportement antérieur et le principe de la bonne foi amènent le juge Koroma à
considérer que, étant donné la nature de la convent ion et la gravité de l’allégation portée devant la
Cour, le Rwanda aurait dû accepter la compétence de celle-ci sur la base du principe
forum prorogatum, lui permettant de se prononcer sur le fond de l’affaire. Il note que le génocide a

été déclaré «crime absolu», et «les principes qui sont à la base de la convention» qualifiés de
«principes reconnus par les nations civilisées comme obligeant les Etats même en dehors de tout
lien conventionnel». Selon lui, il faut que soient toujours respectés tant la lettre que l’esprit de la
convention.

Les décisions de la Cour avaient encouragé de grands espoirs de voir réaliser l’objet et le but
de la convention. Cette affaire était l’occasion d’a ppliquer la convention et ses principes. Selon le
juge Koroma, en dehors de l’article IX de la convention, suffisamment de textes, dont plusieurs

autres clauses compromissoires, étaient présentés à la Cour pour que celle-ci puisse examiner le
différend. Il note également que la Cour aurait pu exercer sa juridiction en vertu de la convention
de Montréal pour la répression d’actes illicites dirigés c ontre la sécurité de l’aviation civile et de la
convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes.

Opinion individuelle commune de Mme le juge Higgins et MM. les juges Kooijmans, Elaraby,
Owada et Simma

Dans leur opinion individuelle commune, Mme le juge Higgins et MM. les juges Kooijmans,
Elaraby, Owada et Simma souligne nt qu’une interprétation appropri ée de l’avis consultatif rendu
par la Cour en1951 montre qu’il n’existe auc une incompatibilité entre certains aspects de

l’évolution qu’a connue la pratique des juridictions et organes des droits de l’homme et le droit tel
que dit alors par la Cour internationale de Justice.

La concordance de la pratique est attest ée par l’ordonnance de la Cour en date du

10juillet2002, en son paragraphe 72, et de nouveau par ce que la Cour dit au paragraphe67 du
présent arrêt.

De leur point de vue, la Cour avait présents à l’esprit certains facteurs lorsqu’elle a dit, en

plusieurs occasions récentes, qu’une réserve à l’artic le IX de la conventi on sur le génocide n’est
pas incompatible avec l’objet et le but de cette c onvention. Alors que ces facteurs sont tout à fait
compréhensibles, d’autres éléments de l’article IX rendent moins évidente l’idée qu’une réserve
émise à cet article pourrait ne pas être incompatible avec l’objet et le but de la convention sur le

génocide.

Les auteurs de l’opinion individuelle commune es timent que la Cour devrait s’intéresser de
nouveau à cette question pour l’examiner plus avant. - 3 -

Déclaration du juge Kooijmans

Dans sa déclaration, le juge Kooijmans e xpose la raison pour laquelle il estime que la Cour
est exagérément restrict ive lorsqu’elle conclut que l’une des conditions pour qu’elle soit
compétente n’a pas été remplie. Le paragraphe 1 de l’article 29 de la c onvention sur l’élimination
de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes dispose qu’un différend ne peut être

soumis à la Cour que si des négociations n’ont pu ab outir et que la tentative faite par la suite pour
le régler par voie d’arbitrage s’est également révélée vaine.

La Cour reconnaît que, en soumettant le c onflit avec ses voisins à l’attention du Conseil de

sécurité, la RDC peut être considérée comme ay ant tenté d’engager des négociations dans un
contexte multilatéral. Toutefois, la RDC n’a pas fait référence explicitement, en formulant ses
griefs, à la convention sur la discrimination à l’égard des femmes.

Le juge Kooijmans fait observer que la RDC mentionne, dans ses protestations, de
prétendues violations d’un grand nombre de normes conventionnelles relatives aux droits de
l’homme, dont certaines visent la protection des femmes. Etant donné que les griefs ont été
formulés dans un contexte général et que le Rwa nda n’en a tenu aucun compte, la Cour aurait dû

conclure que la tentative de la RDC visant à engager des négociations n’avait pas pu aboutir.

En concluant comme elle le fait en l’espèce, la Cour n’aide pas les Etats à satisfaire à la
condition de négociations préalables exigées dans de nombreuses clauses compromissoires.

Opinion individuelle de M. le juge Al-Khasawneh

Bien qu’il soit d’accord avec la Cour pour penser qu’elle n’était pas compétente, le

jugeAl-Khasawneh s’estime tenu de joindre un e opinion individuelle, car il n’est toujours pas
convaincu par le raisonnement de la Cour sur l’ exigence (énoncée à l’article 29 de la convention
sur la discrimination à l’égard des femmes) de négociations préalables à la saisine de la Cour.

La Cour reconnaît que de telles négociations ont eu lieu, mais elle ne les juge pas pertinentes

puisqu’elles n’ont porté ni sur l’interprétation ni sur l’application de la convention sur la
discrimination à l’égard des femmes.

Le juge Al-Khasawneh considère qu’un tel critè re n’est pas réaliste du point de vue de la

pratique diplomatique, en particu lier dans des différends multiformes dans lesquels le contexte est
important : il n’est pas d’usage de soumettre ⎯ au Conseil de sécurité, par exemple ⎯ des plaintes
en les détaillant traité par traité.

Ce qui importe, c’est la pertinence du traité quant au fond. Il ne fait aucun doute dans
l’esprit du juge Al-Khasawneh que la convention sur la discrimination à l’égard des femmes est
pertinente compte tenu de l’observation du comité de surveillance estimant que la violence contre

les femmes constitue une discrimination. Et surtou t, la jurisprudence de la Cour favorise une
interprétation large des clauses compromissoir es. Dans l’affaire Ambatielos (Grèce c.
Royaume-Uni), par exemple, le critère était celui d’arguments plausibles sur la pertinence. Dans
d’autres affaires, c’est le critère du lien ra isonnable ou tangible qui a été retenu. Le

juge Al-Khasawneh estime qu’il n’est pas nécessai re d’invoquer expressément un traité particulier
dans des négociations préalableset que, en l’esp èce, les références générales contenues dans les
plaintes présentées par la RDC devant la Commi ssion africaine des dro its de l’homme et des
peuples et devant le Conseil de sécurité suffisen t pour que celles-ci constituent des négociations

préalables. Le juge Al-Khasawneh se rallie cependant à l’avis de la majorité selon lequel la Cour
n’est pas compétente, parce qu’une autre condition énoncée par l’article 29, celle de l’arbitrage,
n’est pas remplie. - 4 -

Déclaration du juge Elaraby

Le juge Elaraby s’associe à la décision de la Cour. Il estime toutefois que, bien que fondée
en droit, la conclusion selon laquelle la Cour n’est pas compétente met en évidence certaines
limites importantes du système judiciaire internationa l contemporain. A la différence de situations
dans lesquelles les deux Etats ont reconnu la juri diction obligatoire de la Cour, des chefs de

compétence indépendants sont nécessaires en l’ espèce pour que la Cour puisse connaître de la
requête au fond. Cependant, aucune des bases invoquées à cette fin par la RDC ne confère
compétence à la Cour.

Le juge Elaraby reconnaît la gravité de la situ ation sur laquelle porte cette affaire, de même
que la complexité des circonstances qui prévalent dans la région des Grands Lacs. Même s’il
admet que la nature consensuelle de la compéten ce de la Cour empêche celle-ci d’examiner les
questions de fond, il met l’accent sur le devoir qu’ ont les Etats de régler leurs différends par des

moyens pacifiques et conformément au droit interna tional. A cet égard, le juge Elaraby souligne
l’importance de la reconnaissance, par les Etats, de la juridiction obligatoire de la Cour et des
efforts qui ont été déployés à cette fin.

En conclusion, le juge Elaraby exprime l’ espoir de voir les Etats donner la priorité au
règlement judicaire international comme moyen essentiel de règlement pacifique des différends
conformément aux principes et aux buts de la Charte des Nations Unies.

Opinion individuelle de M. le juge ad hoc Dugard

Dans son opinion indivi duelle, le juge ad hoc Dugard souscrit à la conclusion selon laquelle
la Cour n’a pas compétence pour connaître de la requête déposée par la République démocratique

du Congo. Il revient sur deux questions soulevées par le présent arrêt.

Dans son arrêt, la Cour a pour la première fois reconnu l’existence de normes impératives
(jus cogens). Le juge Dugard s’en félicite et affirme que les normes de jus cogens ont un rôle

majeur à jouer dans le cadre du règlement judiciaire. Il estime que, dans la plupart des cas, ces
normes serviront à guider la Cour lorsque celle-ci sera appelée à choisir entre des précédents,
pratiques étatiques et principes généraux de droit concurrents, contradictoires ou différents. Pour
illustrer son propos, le juge Duga rd examine un certain nombre de décisions précédentes de la

Cour, dans lesquelles celle-ci aurait pu invoquer des normes de jus cogens . Pour autant,
précise-t-il, ces normes ne sauraient conférer compétence à la Cour, dont le Statut dispose (art. 36)
que cette compétence repose sur le principe du consentement, lequel peut lui-même être décrit
comme une norme de droit international géné ral universellement acceptée et reconnue par

l’ensemble de la communauté internationale des Etats.

Le juge Dugard examine ensuite l’argument du demandeur selon lequel celui-ci aurait, dans
le cadre d’organes internationaux, pris part à des négociations concer nant la convention sur

l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, dont il serait ressorti que
le différend ne pouvait être réglé dans ce cadre ⎯ce qui est la condition requise en vertu de la
clause compromissoire de ladite convention aux fi ns d’établir la compétence de la Cour. Le
juge Dugard conclut que le demande ur n’a pas démontré que la plai nte formulée à la faveur d’une

«diplomatie d[e] conférences ou de la diplomat ie parlementaire», dans le cadre d’organes
internationaux, était spécifiquement fondée sur la convention sur l’élimination de toutes les formes
de discrimination à l’égard des femmes. Le demandeur n’a donc pas satisfait à la condition

énoncée à l’article 29 de la convention, qui requiert que le différend n’ait pu être réglé par voie de
négociation. Le juge Dugard établit une distinction entre la décision de la Cour en l’espèce et celle
rendue dans les affaires du Sud-Ouest africain ((Eth iopie c. Afrique du Sud; Libéria c. Afrique
du Sud), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1962). - 5 -

Opinion dissidente de M. le juge ad hoc Mavungu

La République démocratique du Congo (RDC ) a invoqué plusieurs bases de compétence
pour établir la compétence de la Cour. S’il est vr ai que tous les titres ne sont pas pertinents pour
fonder cette compétence, trois clauses au moins auraie nt pu être retenues à cette fin. Il s’agit de
l’article75 de la Constitution de l’OMS, de l’ar ticle14 de la convention de Montréal pour la

répression d’actes dirigés contre la sécurité de laviation civile combinée avec la convention de
Chicago sur l’OACI, ainsi que de l’article 29 de la convention sur la non-discrimination à l’égard
des femmes.

La non prise en compte des éléments ci-dessus justifie la rédaction d’une opinion dissidente.

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Résumé de l'arrêt du 3 février 2006

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