Résumé de l'arrêt du 22 décembre 1986

Document Number
6449
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Number (Press Release, Order, etc)
1986/3
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Résumés des arrêts, avis consultatifs et ordonnances de la Cour
internationale de Justice
Document non officiel

AFFAIRE]DUDIFFÉR~END FRONTALIER
(BURKINAFPSOBÉPUBLIQUEDUMALI)

Arrêd tu 22 décembre 1986

Dans son arrêt,laChambmre constituéepar la Couren "5) Du point F, la ligne continue tout droit jus-
l'affairedu différendfrontalier entre le Burkina Fasoet qu'au point de coordonnéesgéographiques 1"05'34"
laRé:publiquedu Malia adopté, à l'unanimité,le tracé ouest et 14"47'04" nord (point G) situésur le rivage
de la ligne frontière dans Ilazone contestée entre les ouest delamare de Soum,qu'elletraverse en suivant
deux Etats. une directiongénéraled'ouest enest et en ladivisant
en parts égalesentre les deux Etats; elle remonte
(Pciurle tracéde cette ligne, voir cart2.) ensuite selon une direction générale nordlnord-est
pour rejoindre la ligneIGN au point de coordonnées
géographiques 0" 43' 29 ouest et 15"05' 00 nord
(point H).

La composition de la Chambre était la su.ivante : "6) Dupoint H, lalignesuitlaligneIGNjusqu'au
M. Mohammed Bedjaoui, président : MM. Manfred point de coordonnéesgéographiques 0"26'35" ouest
Lachs et JoséMaria Ruda, juges; MM. Fran!;ois Lu- et 15"05'00 nord (point1);delàelles'infléchitversle
chaire et Georges Abi-Saa'b,juges ad hoc. sud-est et continuetout droitjusqu'au point J défini
ci-dessous.
"7) Les pointsJ et K, dontlescoordonnéesgéo-
graphiques seront déterminéespar les parties avec
l'aide des experts désignésconformément à l'arti-
Dispositif de l'arrêtde la Chambre cle IV du compromis,répondent à trois conditions:
ils se situent sur le mêmeparallèle de latitude; le
"La Chambre, point J se trouve sur le rivage ouest de la mare d'In
Abao et le point K sur le rivage est de cette mare;
"A l'unanimité, la ligne tracéeentre eux aura pour effet de diviser
"Décide l'étenduede la mare enparts égalesentre lesparties.
"A. Que le tracéde la frontièreentre le Burkina
"8) Au point K, la ligne s'infléchit versle nord-
Faso et laRépubliquedu1Malidans lazonecontestée est et continue tout droit jusqu'au point de coor-
telle qu'elle est définie dans le compromis conclu donnéesgéographiques 0"14' 44"ouest et 15"04'42"
le 16 septembre 1983 entre ces deux Etats est le nord (point L) et, de ce point, elle continue tout
suivant : droitjusqu'à unpoint de coordonnéesgéographiques
"1) Partant d'un point de coordonnées,géogra- 0" 14' 39" est et 14"54' 48" nord (point M) situé
phiques 1"59'01" ouest et14"24'40 nord (point A), approximativement à3 kilomètres au norddu guéde
la ligne prend une direction nord en suivant la ligne Kabia.
en croisillonsdiscontinils qui figursur la carte de "B. Que la Chambre designera ulterieurement,
l'Afrique de l'ouest au11200000 éditéepar l'Institut parordonnance,trois experts conformément àl'arti-
géographiquenational (IGN) français (ci-aprèsdé- cle IV, alinéa 3, du compromis du 16 septembre
nommée"la ligneIGN") jusqu'au point de 1:oordon- 1983."
né:egéographiques 1"58'49"ouest et14"28'30 nord
(point B).
"2) Au point B, la :lignes'infléchitvers l'est et
coupe la piste reliant Diionougaet Digue1àapproxi-
mativement 7,5 kilomètresde Dionouga en un point Des opinions individuelles ont étéjointes à l'arrêt
de:coordonnées géogra.phiques 1"54' 24" ouest et parMM.François Luchaire etGeorges Abi-Saab,juges
14"29' 20"nord (point C). a8dhoc.
Les juges intéressés ontdéfiniet expliqué dans ces
"3) Du point C, la ligne passe à une distance opinions la position qu'ils ontise sur certains points
approximative de 2kiloinètresau sud des vi.llagesde traitésdans l'arrêt.
Kounia et d'Oukoulourou par le point de coordon-
nOesgéographiques 1"46'38"ouest et14"28 '54"nord
(pointD)etlepointdecoordonnées 1"40'40" ouest et
14.30' 03"nord (point .E).
"4) Du point E, lia ligne continue tout droit 1.- Qualités(paragraphes 1 à 15)
jusqu'à un point de coordonnees géographiques
1"19' 05"ouest et 14"4.3'45"nord (point 1:)situéà La Chambre rappelle les phases successives de la
2,6 kilomètresapproxiniativement au sud de la mare procédure, depuis la notification aureffier du com-
de Toussougou. promisconclu le 16septembre 1983entre laRépubliquede Haute-Volta (devenue le Burkina Faso depuis le àl'indépendancenon pas une simplepratique maisbien
4août 1984)etlaRépubliqueduMaliparlequellesdeux l'application en Afrique d'une règledont il ne semble
Etats convenaient de soumettre à une chambre de la d'a.illeurspas nécessaireà la Chambre de démontrer
Cour undifférendconcernant ladélimitationd'unepar- au:<fins de l'affaire qu'il s'agitd'un principe de portée
tie de leur frontière commune. gériéralebien établi en matière de décolonisation.
Idepnncipe de l'uti possidetisjuris accorde au titre
II.- Missiori de la Chambre (paragraphes 16 à 18) juridique la prééminence surla possession effective
comme base de souveraineté.Il vise avant tout àassu-
La tâchede laChambreconsiste àindiquerletracéde rer le respect des limites territoriales au moment
la frontièreentre le Burkina Faso et la Républiquedu de l'accession à l'indépendance. Lorsque ces limites
Malidans lazonecontestéequiest définieparl'article 1 n'étaient quedesdélimitationsentre divisionsadminis-
du compromis comme "une bande de territoire qui traitives ou colonies relevant toutes de la mêmesou-
s'étenddu secteur de Koro (Mali)Djibo (Haute-Volta) veraineté,l'application du principeles transformait en
jusques et y compris larégion du Béli".Les deux Etats frontières internationales et c'est ce qui s'est produit
ont indiqué,dans les conclusionssoumises à la Cham- polir les deux Etats Partieà l'affairequi se sontcons-
bre, le tracéde la frontière que chacune d'elles con- titués sur les territoires de l'Afrique occidentalefran-
sidèrecommefondéendroit.Cestracéssontfiguréssur çaise. Lorsque ces limites étaient déjàau moment de
le croquis no1de l'arrêt. la tiécolonisationdes frontières internationales, l'obli-
gation de respecter les frontières internationales pré-
III.- Règles applicables. Sozrrcedes droits que les existantes découle d'une règlegénéralede droit inter-
Parties revendiquent (paragraphes 19 à 30) national relative au cas de succession d'Etats. Les
nombreuses affirmations solennellesrelatives àl'intan-
1. Le principe de l'intangibilitédesfrontières héri- gibilitédes frontières émanant d'hommesd'Etats afri-
téesde la colonisation (paragraphe 19) cains ou d'organes de l'OUA doivent donc êtrecom-
prises comme des références à un principedéjàexistant
L'arrêtexamine les règles applicables aux fins de et rionpas comme des affirmations visant la formation
l'affaire, en s'efforçant de dégagerla sourcedes droits d'un principenouveau ou l'extension à l'Afriqued'une
quelesPartiesrevendiquent. IInotetoutd'abord quela règleseulement applicablejusque-làdans un autrecon-
déterminationde lafrontière à laquelle laChambredoit tinent.
procéder s'inscrit dans un contextejuridique marqut
par le fait que les Etats en litige sont tous deux issus C:e principe de l'uti possidetis heurte de front en
du processus de décolonisation qui s'est déroulé en apparence celui du droit des peuples àdisposer d'eux-
Afrique pendant les trente dernières années :on peut mêmes.Mais en réalitéle maintien du statir qiro ter-
dire que le Burkina Faso correspond à la colonie de la ritorial en Afrique apparaît souvent comme une solu-
Haute-Voltaetla Républiquedu Mali àcelledu Soudan tiori de sagesse. C'est le besoin vital de stabilitépour
(anciennementSoudanfrançais). Les deux Parties ont survivre, se développeret consolider progressivement
indiquédans le préambulede leur compromis que le leurindépendancedans tous lesdomaines qui a amené
règlementdu différend quiles oppose doit être"fondé les Etats africainà consentir au respect des limites ou
notamment sur le respect du pnncipe de l'intangibilité froiltièrescolonialeset àen tenir compte dans l'inter-
des frontières héritéesde la colonisation", ce qui rap- prttation du pnncipe de l'autodétermination des peu-
pelle le principe proclamé dans la résolution AGH/ ples. Sile principe del'utipossidetis s'est maintenu au
Res.l6(I) adoptéeau Caireen juillet 1964 àla première rang des principesjuridiques les plus importants, c'est
conférenceau sommet qui a suivila créationde l'OUA que les Etats africains l'ont retenu par un choix déli-
selon lequel "tous les Etats membres s'engagent à res- béré.
pecter les frontières existant au moment où ils ont
accédé à l'indépendance". 3. Le rôle de l'équité (paragraphes27 et 28)

2. Le principe de l'uti possidetis juris (paragra- L,aChambre examine ensuite la question de savoir
phes 20 à 26) s'il est possible dans la présente espèce d'invoquer
l'équitéà l'égarddelaquellelesdeuxpartiesontavancé
Cela étant,la Chambre ne saurait écarterle principe des vues opposées. Elle ne peut - cela est clair-
de l'uti possidetis juris dont l'application a précisé- statuer ex aequo et bon0 puisqu'elle n'en a pas été
ment pour conséquence le respect des frontières héri- chargéepar lesparties. Maiselleprendraen considéra-
tées. Elle souligne la portée générale du principe en tiori l'équitételle qu'elle s'exprime dans son aspect
matièrede décolonisationainsi que l'importance qu'il infra legem, c'est-à-dire cette formed'équitéqui cons-
revêt pourle continent africain, y compris les deux titue une méthode d'interprétation du droit et qui
partiesà l'affaire. Bien que ce principe ait ttéinvoqué repose sur le droit. La prise en considérationconcrète
pour lapremièrefoisenAmériquehispanique, iln'apas de cette équitéressortirade l'application que la Cham-
pour autant le caractère d'une règle inhérente à un bre ferades principeset règlesqu'elle aurajugésappli-
systèmedtterminédedroitinternational.C'est un prin- cables.

cipedeportée généralel,ogiquementliéau phénomène
de l'accession à l'indépendanceoù qu'il se manifeste. 4. Le droit français d'outre-mer (paragraphes 29
Son but évidentest d'éviter que l'indépendanceet la et 30)
stabilitédes nouveaux Etats ne soient mises en danger
par desluttes ntes de la contestationdesfrontièresà la Les parties s'accordent à reconnaître que la déter-
suite du retrait de la puissance administrante.Il faut mination du tracéde la frontière doit s'apprécier aussi
donc voir dans le respect par les nouveaux Etats afri- àla lumièredu droit françaisd'outre-mer. La ligneque
cains du statu quo territorial au moment del'accession la Chambre doitdéterminercommeétantcelle quiexis-tait en 1959-1960n'étaitàl'originequ'unelimiteadmi- propositions concrètes de sa sous-commission juridi-
nistrative séparant deux anciens territoires français qiie. Cerapport n'apas vu lejour maislespropositions
d'outre-mer et, comme tel.le,elle était alorsriécessai-de la sous-commissionsont connues. Aprèsexamenet
rement définie nonpas par le droit international mais comptetenu delajurisprudence delaCour, laChambre
d'api:èsla législationfranc;aiseapplicableà c:esterri- estimequ'iln'yapaslieud'interpréter cettedéclaration
toires. La Chambreprécise d'ailleurs à ce sujet que le comme un acte unilatéralcomportant des effets juri-
droit international- et donc le principe de l'utipos- diques au regard du différend.L'arrêttraite en second
sidetis- s'applique à 1'Etatnouveau dès son acces- lieu des principes de délimitationretenus par la sous-
sion àl'indépendanceet nonpasavec effetrétroactif.Il commissionjundique dont, d'après leBurkinaFaso, le
gèleLetitre territorial. Le clroitinternationalne renvoieMaliaurait accepté qu'ilssoient pris en considération
pas ;audroit de 1'Etat colionisateur. Si celui-ci inter- aiix fins de la délimitation litigieuse.Après avoir pesé
vient,c'est commeunéléniend tefaitparmi d'autresou 1e:sarguments des Parties, la Chambre conclut que,
comme moyen de preuve du "legs colonial" à la date piuisqu'elleauràfixerletracédelafrontièresurlabase
critique. du droit international, peu importe que l'attitude du
Mali puisse ou non s'interprétercomme une prise de
IV. -- Evolution de l'orgc;!nisatiadministr~rtive(pa- position déterminée,voire un acquiescement, quant
ragraphes 31 à 33) aux principes jugésapplicables à la solution du,diffé-
rend par la sous-commissionjundique. S'ilssontappli-
Aprèsavoir brièvementrappelél'organisation admi- cables en tant qu'éléments de droit, ils le sont quelle
nistrativeterritoriale deAfriqueoccidentalefrançaise qu'ait étél'attitude du Mali. Il n'en irait autrement
dontlesdeuxParties faisaientpartie, avec sapyramide que si les deux Parties lui avaient demandéd'en tenir
de circonscriptions (colonies, cercles, subdivisions, compteouleuravaientréservéuneplace spécialedans
cantons, villages),l'arrêt retrace l'historides deux le compromisen tant que "règlesexpressémentrecon-
colonies dont il s'agit depuis 1919,afin deé:terminer nues par les Etats en litige" (Art.38, par. 1, a, du
ce qu'était pour chacune des partiesle legs colonial Statut), ce qui n'est pas le cas.
auquel devait s'appliquer l'uti possidetis. Le Mali a
accédé à l'indépendance en1960sous le nomde Fédé- VI.- Question préalable : Jixation du point triple
ratiaa du Mali, celle-cisuccédantà la République sou- (paragraphes 44 à 50)
danaise, elle-mêmenée en 1959d'unterritoire:d'outre-
merdénommé Soudan frariçais.Quantà laHaute-Volta La Chambrerègleuneautre questionpréalable,celle
dont l'histoire est plusoinpliquée,elle a étécréée en de savoirde quelspouvoirs elledisposeau regarddela
1919, suppriméeen 1932,puis reconstituéeparlaloi du fiixationdu point triple qui constitue le point terminal
4 se~pternbre1947selon laquelle les limitesdlu"terri- arienta1de la frontièreentre les Parties. Celles-ciont
toire de la Haute-Volta rétabli" seraient "celles de d.esvues opposées àce sujet :le Mali soutient que la
l'ancienne coloniede la Haute-Volta àladate du 5sep- déterminationdu point Niger-Mali-BurkinaFaso ne
tembre 1932".C'estcette :Haute-Voltareconstituéequi peut êtreopérée par les Parties sans l'accorddu Niger
a accédé à l'indépendanceen 1960et a pris 11:nom de et que la Chambre ne peut pas y procédernon plus; le
Burltina Faso en 1984.11s'agit donc en l'espèce de EturkinaFaso considèrequela Chambredoit, en vertu
rechercher quelle est la frontière héritde l'adminis- dlucompromis, se prononcer sur la situation du point
traiton française, et plus précisément uelle citaitdans triple. Pour ce qui est de sa compétence,la Chambre
la z,one litigieuse la frc~ntiéreentre les territoires considère que, selon les termes clairs du compromis,
d'outre-mer du Soudan et la Haute-Volta telle qu'elle l'intentioncommunedesparties étaitqu'elle indique le
existait en 1959-1960.Les deux parties s'siccordent tracéde la frontière dans toute la zone contestée.Elle
pour dire qu'au moment de l'indépendanceil y avait estime en outre que sa compétencene se trouve pas
une frontièrebien definie et pour admettre qu'aucune limiteedu seulfaitque le point terminalde lafrontière
moclificationn'est survenue dans la zone 1:ontestée se situe sur la frontière d'un Etat tiers non partie
entrejanvier 1959et août:1960ou depuis lors. l'instance. Les droits de 1'Etatvoisin, le Niger, sont
sauvegardésen toutétat decause par lejeu de 1'Arti-
V. -- Le différendentre lespartieset laquesi:ionpréa- c:le59 du Statut de la Cour. Quant à savoir si des
lable de l'acquiescement éventueldu Mali (pa- c:onsidérationsliéesà la sauvegarde des intérêtsde
ragraphes 34 à 43) 1'Etattiers concerné devraient l'amener à s'abstenir
d'exercer sa compétencepour identifier letracéde la
Le Burkina Faso sout:ientque le Mali a accepté lignejusqu'au bout, cela supposerait d'après elle que
corrimeobligatoire la solution du différendlrsquissée les intérêts juridiquede cet Etat seraient non seule-
par la Commissionde médiationde l'OUA quia siégé ment touchésparsadécisionmaisconstitueraientl'ob-
en 1975.Sicet argumentbasé surl'acquiesceinentétait jet même deladécision.Teln'estpas lecasen l'espèce.
bien fondé,il aurait pour effet de rendre inutile toute 11ncombepar suite àlaChambredeconstaterjusqu'où
recherche destinée à établir la frontièrehériteede la s'étendla frontière héritéede 1'Etatcolonisateur. Il
périodecoloniale. s'agit moins pour elle d'indiquer un point triple que
La Chambre examine donc si le Maliavait, comme l'emplacementdu point terminalde lafrontière àl'est,
l'affirme le Burkina Faso, acquiescé à la solution point où cette frontière cesse de séparerle Burkina
esqiuisséedanslecadredelacommissionbienquecelle- Faso de la Républiquedu Mali.
ci ri'aitjamais réellemerittermine ses travaux. Elle
traiteen premier lieudel'tlémentd'acquiescementque 'VII- Moyens de preuve invoquéspar les parties
serait, selon leBurkinaFaso, ladéclarationfaite par le (paragraphes 51 à65)
chef de 1'Etatmalienle 1 Lavril 1975par lequelle Mali
se serait déclaré d'avanceliépar le rappc~rtque la Pour étayer leursthèses, les parties ont invoquéi-
Cornmissiondemédiationdevaitrédigersurlabasedes 'versmoyens de preuve. 1. Elles ont cité des textes législatifs et réglemen- complexe et la Chambre devra peser soigneusement
taires ou documents admirtistratifs parmi lesquels le leur valeurjuridique dans chaque cas d'espèce.
documentfondamental est la loifrançaise du 4 septem-
bre 1947"tendant au rétablissement du territoire de
la Haute-Volta" qui disposait que les limites du terri-
toirerétabliseraient "celles de l'ancienne colonie de la La Chambre relève le caractère très particulier de
Haute-Volta àladate du5septembre 1932".Ces limites l'affaireen ce qui concerne lesfaits démontrerou les
étaienttoujours,au moment de l'accession à l'indépen- preuves à produire. Bien quelesPartiesaientfourni un
dance en 1960,celles qui existaient à la date du 5 sep- dossieraussi complet quepossible,laChambre nepeut
tembre 1932.Les textes et documentsproduits ne con- pas pour autant avoir la certitude de statuer en pleine
tiennent aucune description complète du tracé de la coniiaissance de cause. Le dossier présente des inco-
limite entre le Soudan français et la Haute-Volta pen- hérenceset deslacunes. L'application systématique de
dant les deux périodes où ces colonies ont coexisté la règle relativeà la charge de la preuve ne saurait
(1919-1932et 1947-1960).Ilssontd'une portéelimitéeet apporter toujoursla solution,et le rejet d'un argument
leur valeurjuridique ou leur interprétation font l'objet fautedepreuve ne suffitpas pour que lathèsecontraire
de controverses entre les Parties. puisse êtreretenue.
2. Les deux Etats ont produit aussi un matériau
cartographique volumineuxetdiversifié.Ellesontcon- VIII. - Titres législatifs et réglementaireset docu-
sacrédesdéveloppementsapprofondis àlaquestion de mentsadministratifsinvoquéspar lesparties :
la force probante de la cartographieet àla valeur juri- leurapplicabilitéà ladéterminationde laligne
diquecomparéedes diversélémentsde preuveprésen- frontière(paragraphes 66 à 105)et leurmise en
tés.La Chambre note que, en matièrede délimitation Œuvre (paragraphes 106 à 111)
de frontières, les cartes ne sont que de simples indica-
tions et ne constituent jamais à elles seules un titre LiiChambreexamine de plusprèslestitreslégislatifs
territorial. Elles ne sont que des éléments de preuve et réglementaireset lesdocumentsadministratifs invo-
extrinsèques auxquels il peut êtrefail: appel, parmi quésparlesPartiesafind'apprécier lavaleur dechacun
d'autres éléments de preuve, pour établirla matérialité d'eux aux fins du tracé de la ligne frontière dans le
desfaits. Leur valeurdépendde leur fiabilitétechnique secteur auquel ils se rapportent. L'arrêt présenteces
et de leur neutralité par rapport au différendet aux textes dans l'ordre chronologique :
Parties au différendet elles ne peuventa.voirpoureffet - Arrêté du 31 décembre1922 portant réorganisa-
de renverser le fardeau de la preuve. tionde larégionde Tombouctou. Les parties sontd'ac-
cord pour reconnaître sa validitéet sa pertinence.
Examinantlescartes produitesenl'espèce, laCham-
bre note qu'elle n'a à sa dispositionaucune carte qui - Arrêté en date du31 août 1927pris par legouver-
des quatre textes essentiels (voir la section VI11ci-ellé neur général par intérimde 1'AOFet relatif aux limites
des colonies du Niger et de la Haute-Volta;cet arrêtéa
leurs termes mêmes,êtreaccompagnésde cartes. S'il étéinodifié,par un erratum dz45 octobre 1927. Les
Parties le tiennent toutes deux pour pertinent en tant
cartes, croquis et dessins pour une régionréputée ene qu'il se réfèreau point triple dont ila étéquestion plus
partie inconnue, aucun tracé frontalier indiscutable ne haut (section VI). Maisellesontdesavisopposéssursa
validité,le Mali soutenant que l'arrêté etson erratum
pose donc dans l'examen du dossier cartographique.- sont viciéspar une erreur de fait relative à l'empla-
cement des hauteurs de N'Gouma de sorte que le Bur-
Deuxdes cartesproduitesprésentent une importance kina Faso ne serait pas fondé à s'en prévaloir. La
toute particulière. Il s'agit de la carte des colonies de Chambre souligne qu'en l'espèce l'arrêté e ston erra-
l'Afriqueoccidentalefrançaise au 11500000,éditionde tum n'ont d'autre valeur que celle d'un élémentde
1925dite carte Blondel la Rougery et de la carte de preuve quant à l'emplacement du point terminal de la
l'Afriquede l'Ouest au 11200000,publiéepar l'Institut limiteentre le Soudanfrançais et la Haute-Voltaet elle
géographiquenationalfrançais (IGN) et originairement estinie inutile de chercheà établirla validitéjuridique
éditée entre 1958et 1960.La Chambreestime, en ce qui du texte, dont sa valeur probante - admise d'ailleurs
concerne la première, que les limites administratives par le Mali- est indépendante.
qui y figurent ne jouissent d'aucune autorité particu- - Décretdu 5 septembre 1932portant suppression
lière en elles-mêmes.Pource qui est de la seconde, la de la colonie de la Haute-Volta et rattachement des
Chambre considère que, ayant étéétablieparun orga- cercles qui l'avaient composée soitau Soudanfrançais
nisme neutre par rapport aux Parties, et sans avoir soitau Niger (voir le croquis no2 de l'arrêt).
valeur de titre juridique, elle constitue une représen-
tation visuelle des textes disponibleset des renseigne- - Echange de lettres intervenu en1935 :Il s'agitde
ments recueillis sur le terrain. Si toutes les autres lalertre 191CM2 du 19février1935adressée auxlieu-
preuvesfontdéfautou ne suffisentpas pourfaireappa- tenants-gouverneurs du Niger et du Soudan français
raître un tracé précis, la valeurprobantede la carte de par legouverneurgénéraldel'Afriqueoccidentalefran-
I'IGN devient déterminante. çaise et de la réponse du lieutenant-gouverneur du
Soudanfrançaisen date du 3juin 1935.Le gouverneur
3. Parmi les élémentsde preuve à prendre en con- généralproposait une description de la limite entre le
sidération,les Parties invoquent les "effectiviréscolo- Niger et le Soudan français à laquelle le lieutenant-
niales" autrement dit le comportement des autorités gouverneur du Soudan n'a proposé qu'une modifica-
administrativesentant quepreuve del'exercice effectif tion. Cette descriptioncorrespondrait au tracéfigurant
de compétences territoriales dans la régionpendant la sur 1icarte Blondel La Rougery (voirle croquis no3de
période coloniale. Le rôlejoué parces effectivitésest llarri!t). Le projet n'a pas eu de suite mais son inter-prétationfaitl'objetdecontroverses entre lesparties, la certains égards, vu les défaillancescartographiquesà
questionétantde savoir sila limiteproposéese bornait l'époque.ils paraissent parfois contradictoires (voir le
à décrireune limitede fait existante (thèsedéclaratoire croquis nu4 de l'arrêt).
du Burkina Faso) ou si la lettre traduisait l'intention de
définirde novo lalimitede tiroit (thèsemodificatricedu 13:.- Déterminationde lafrorztièredans la zorrecon-
Mali).La Chambreconclutque ladéfinitionde lalimite testée (paragraphes 112 à 174)
telle qu'elle figuredans la lettre 191CM2 coirespon-
dait, dans l'esprit du gouverneur généralcoinme de 1. Le point terminalouest (paragraphes 112et 113)
tous les administrateurs consultés,à la situati.onexis-
tante. La Chambre fixe tout d'abord le point terminal de
la frontière déjà établieentre elles d'un commun
- Arrêté 2728 AP pris 1.e27 novembre 1935par le ac.cord,autrementdit l'extrémité ouestde la zonecon-
gouverneur généralpar intérim del'Afriqueoccidentale testée. Les Parties n'ont pas clairement indiquéce
françaiseportant délimitationdescerclesde BtiFoulabé, point mais la Chambrecroit pouvoir conclure qu'elles
Bamako et Mopti (Soudanfrançais). Celui-ciétaitlimi- reconnaissenttoutesdeux letracéfrontalierindiquésur
trophe du cercle de Ouahigouya,soudanais à l'époque la carte de l'Afrique de l'Ouest au 11200000 éditée
quiest redevenuvoltaïque ;ipartirde 1947.Cette limite par I'IGN au sud du point de coordonnées géogra-
devait constituer de nouv,eau la limite entre les ter- phiques 1"59'010 et 14"24'40 N (pointA de la carte
ritoires de la Haute-Volta et du Soudanjusqu'à l'in- jointeàl'arrêt). C'est partir de cepoint quelesparties
dépendance, d'où son intérêt. Le texte décrilta limite lui demandent d'indiquer le tracé dela frontière com-
orientale du cercle soudanais de Mopti, àsavoir "une mune vers l'est.
lignesensiblementnord-est laissant au cercle de Mopti
les villages de Yoro, Di~u~ouna,Oukoulou, A,goulou- 2. Villageset hameauxde culture(paragraphes 114
rou. Koubo.. .". Les parties ne s'entendent pas sur à 117)
l'effet juridique qu'il faut ireconnaîtreette disposi-
tion. Elles s'opposent sur Ilepoint de savoir si la ligne LaChambreestimedevoir examinerle sens à donner
indiquée parle texte, en "laissant" au cercle d.eMopti aumot "village" carlestextesréglementairesfixant les
les villagesen question, a eu pour effet d'attribàece limitesdescirconscriptionssecontentent engénérad le
cercle des villages quifaisaientpartie auparavant d'un mentionner les villages qui les constituent sans four-
autre cercle (thèse du Burk:inaFaso) ou si au contraire nir d'autre précision géographique. Oril se trouve que
la définitionde cette ligne impliquait que ces villages les habitants d'un village cultivent souvent des ter-
appartenaient déjà au cercle de Mopti (thèsedu Mali). rains qui en sontassez éloignéen s'installant dansdes
La Chambre recherche si elle peut tirer du texte "ltameaux de culture" dépendant de ce village. La
mêmede l'arrêté 2728AP letdu contexte admhistratif Clhambredoit décider si,au regard de la délimitatioà
dans lequel ils'inscrit des indicationsquanàla portée laquelle elle est priée de procéder, les hameaux de
que le gouverneur général par intérim avait voulu lui culturefont partiedes villagesdont ils dépendent.Elle
donner. Elledéduitde sonexamenqu'ilexiste au moins n'est pasconvaincue que, lorsqu'un villageconstituait
une présomptionque I'arrGté2728AP n'a paseu pour un élémens tervantà définirlacompositiond'une entité
fin ni pour effet de modifie]:les limites existanten 1935aclministrativeplus large, on ait toujours pris en con-
entre les cercles soudanais de Mopti et de Ouahigouya sidérationces hameaux de culturepour tracer la limite
(aucune modification n'étant intervenue entre 1932et de cette entité. C'est seulement après avoir examiné
1935).La Chambre recherche ensuite si le co~itenude tous les élémentsd'information disponibles quant à
1'arrê:té728AP a pour effet d'infirmerou de confirmer l'extension d'un villagedonné qu'ellesera à mêmede
cette présomption etconclut d'une étude appi-ofondie juger si un terrain déterminé doitêtretraité comme
des éléments documentaires et cartographiques per- partie de ce village, en dépitde la discontinuité,ou au
mettant de localiser les villlagesqu'ils ne sont pas de contraire comme hameau satellite non-inclus dans les
nature à renverser la présomption selon laquelleI'ar- liinites du village.
rêté 2728AP avait un caractère déclaratoire.
Dans le courant de sa tlémonstration, la Chambre 3. Le secteur des quatre villages (paragraphes 118
précise que la partie de la frontière pour la détermi- à 126)
nation de laquelle il faut dégagerla portée de l'ar-
rêté 2728AP a été dénomméedans l'arrêt"le secteur L'arrêté 2728AP définissant la limiteentre les cer-
des quatre villages", les termes "quatre villages" dé- cles de Mopti et d'ouahigouya par référence auxvil-
signant les villages de Dioi~louna(qui peut êtreidenti- lages"laissés" aucercle deMopti, laChambre identifie
fiéail villageconnu actuellementsous le nom de Dio- les villages en question et détermine leur extension
nouga), Oukoulou, Agoulourou et Koubo(le villagede territoriale. Elle constate que le Burkina Faso ne met
Yoratcité aussi dans l'arrêté appartenantsan.saucun plisen cause le caractère malien du village de Yoro et
doute déjàau cercle de Mopti et n'étant d'ailleurspas qu'iln'yapas decontestationquant à lapremièrepartie
en litige). de la frontière qui prend une direction nordpartir du
point Ajusqu'au point de coordonnées 1"58'49 O et
14"28' 30"N (point B).
Pour ce quiestde Dionouga, lesPartiess'accordent à
S'iigissant de la mise eii Œuvre des docunients, la
l';arrêté. a Chambre estime pouvoir conclure desns
blies entre les élémentsd''informationfournis par les-
éléments d'information àsa disposition, notamment de
constatations. Elle note que surcertains points ils sont l'ordre des administrateurs concernés et qui sont unr
en harmonie et se renforcent mutuellement riais qu'à
élémentsignificatif des "effectivités", que la limiteadministrativeexistant au moment corisidtrt de l'épo- Il importedonc de savoir s'ilexistaiten 1935une mare
que coloniale coupait la piste reliant ce village au vil-e trouvant dans une direction "sensiblement nord-
lageproche de Digue1 à une distanceapproximative de est" par rapportà un point situé"au sud de la mare de
7,5kmau sud de Dionouga. Le tracéde lafrontièrefait Toussougou" et à proximitédupoint triple marquant la
donc de même aupoint de coordonnées1"54'24"O et rencontre des cercles de Mopti, Gourma-Rharous et
14"29'20"N (point C). Dori et à l'ouest de celui-ci. Compte tenu de tous les
Quant aux villages d'Oukoulou et d'Agoulourou tltments d'information dont elle dispose, la Chambre
mentionnésdansl'arrêté 2728AP, laChambre souligne n'est pasen mesure de localiserla mare de Kétiouaire.
qu'il est sans importance que ces villages existent ou Ellen'estime pasnon plus pouvoir conclureàl'identité
non aujourd'hui. Leur disparition éventuelle est sans de la mare de Kttiouaire avec la mare de Soum,située
effet sur la limite définie l'époque. On peut noter à quelques kilomètres à I'estJnord-est de la mare de
toutefois que la situation des villages de Kounia et To~ussougouet à proximitédu point de rencontre, non
d'Oukoulourou correspond à celle des deux villages pas des trois cercles susvisés, mais des cercles de
cités dans l'arrêté. Mopti, Ouahigouya et Dori.
En ce qui concerne Koubo, àpropos duquel ilexiste Elle n'en est pas moins convaincue par les piècesdu
une certaine confusion de toponymes, llesinformations dossier que la mare de Soum est une mare frontalière
dontdispose la Chambre ne suffisent pasàétabliravec maisne voitaucunindicedatant de lapériodecoloniale
certitude si c'est le villagede Kobou ou le hameau de qui permettrait d'affirmer que la ligne doit passer au
Kobo qui correspond au village de Koubo mentionné nord ou au sud de la mare ou la diviser. Cela étant,la
dansl'arrêtéM. aiscommelehameau n'est qu'à 4kmdu Chambre note que, si elle n'a reçu aucun mandat des
village, elle estime qu'il y a lieu de les considérer Parties pour choisir en toute liberté une frontière
comme un tout et de tracer la frontière de façoà les appropnte, elle n'en apas moins missionde tracer une
laisser tous deux au Mali. ligne prtcise et qu'elle peutà cet effet faire appeà
l'équitéinfralegem dont les Parties ont d'ailleurs re-
La Chambre estime dès lors qu'une ligne tracée à connu l'applicabilitt en l'espèce. Pour parveniàune
une distanceapproximative de 2kmau sud des villages solution équitablede ce genre, reposant sur le droit
actuels de Kounia et d'Okoulourou correspond à la applicable, la Chambre croit devoir notamment tenir
limite décrite par l'arrê2728 AP. Elle passe par le comptedes circonstances dans lesquelles les comman-
point de coordonntes 1"46' 38 O et 14"28' 54" N dants des deux cercles limitrophes, l'un au Mali et
(point D) et par le point de coordonnées 1"40'40"O et l'autre en Haute-Volta,ont reconnudans un accord de
14"30'03" N (point E). 1965,nonentérinéparlesautoritéscompétentes,quela
mairedevait êtrepartagte. Elle conclut que la mare de
4. La mare de Toussougou,la mare de Kétiouaire Soiimdoit êtrediviste en deux, de façonéquitable.La
et la marede Soum (paragraphes 127 à 150) ligne devrait donc traverser la mare de façoàdiviser
en parts égales, entre les deux Etats, l'étenduemaxi-
La ligne décrite dans l'arrêté2728 AP de 1935se male de la mare pendant la saison des pluies.
prolonge dans une direction "sensiblement au nord- Ellenoteque cette lignenepasse pas parlescoordon-
est", en "passant au sud de la mare de Toussougou néesmentionnéesdans la lettre 191CM2 et l'examen
pour aboutir en un point situé à l'est de la mare de des donnéestopographiquesl'amène àconclureque le
Kétiouaire". L'emplacement de ces mares pose un pointtripledevaitsetrouver au sud-est dupointindique
problème car aucune des cartes contemporaines de par ces coordonnées. Cette lettre n'étant pas devenue
l'arrêté que les parties ont présentéeà la Chambre texte rtglementaire, elle ne vaut que comme preuve de
n'indique de maresportant ces noms. Les deuxParties la limite qui avait "valeur de faàtl'époque.Il appa-
admettent cependant qu'il existe au moins une mare raîtà présent que lescartes alors disponiblesn'étaient
dansla régiondu villagedeToussougou maisellesn'ont pas d'une fidtlitéjustifiant une définitionaussiprécise.
offert que des cartes contradictoires comme éléments Par conséquent, que ces coordonnées se soient révé-
de preuve. La question qui se pose est de savoir si la ltes moins exactes que prtvu n'a pas pour effet de
mare de Ftto Maraboulé,situéeau sud-ouestdu village remettre en cause les intentions du gouverneurtntral
et portéesur les cartesassez récemment,en faitou non ou d'ôter toute valeur probanteà la lettre.
partie inttgrante. La Chambre est d'avis que les deux Le tracédelalimite est le suivantdans cette régi:n
mares restent distinctes, mêmependant la saison des à partir du point E, la ligne continue tout droitjusqu'à
pluieset quela mare de FétoMaraboulénedoitpas être un point de coordonnées 1"19'05"O et 14"43' 45"N
assimilée àla mare de Toussougou viste par l'arrêté, situéà 2,6kmenviron au suddelamare deToussougou
qui est plus petite et se situe près du village du même(point F) puis gagne la mare de Soum au point de
nom. En outre, une telle assimilationaurait des effets coordonnées 1"05'34"O et 14"47'04"N (point G); elle
sur le tracéde la ligne. La Chambre quidoitinterpréter traverse la mare d'ouest en est en la divisanten parts
lamention dela mare deToussougoudansl'arrêté2728 tgales.
AP croitdevoirretenir l'intemrétation avant Doureffet
de minimiser la marge d'ekeur que comporterait la 5- secteu r are de soum - mont Tabakarech
dtfinition du point triple marquant la rencontre des (paragraphes 151 à 156)
cercles de Mopti, Ouahigouya et Don donnéeparlalet-
tre 191CM2.Âvant dedéfinir le tracé delaligne par pour déteminer le tracé de la frontière à de
rapport àlamare deToussougou, laChambre cherche à 1, ,,are de Soum, la Chambre doit se reporter aux
localiserla mare de Kétiouaireprèsdelaquellelalimite termes de la lettre 191CM2 de 1935dont elle a cons-
dtcrite dans l'arrêté2728AP passait également. tatt la valeur probante. Selon le Burkina Faso, la li-
La mare de Kétiouaire constitue dans l'arrête gne suit les indications de cette lettre et de la carte
2728AP un tltment important de la limite qu'ildéfinit.Blondel La Rougery de 1925 à partir du point de coor-données0"50'47"O et 15'00'03"N etjusqu'à la mare tke. S'agissant du tracé de la ligne décrite dans cette
d'In Abao. Il paraîthors de doutequelalettre 191CM2 lettre, la Chambre note que la carte de I'IGN compte
tendait àdéfinirpar un texte une limite qui figurait sur a.vecl'approbation des deux Parties, du moins pour ce
cette carte et les Parties en conviennent. Le Mali a qui est de la représentationde la topographie. Elle ne
souligné soninexactitude et ses faiblesses quant à la voit pas de raison de s'écarterde la ligneen croisillons
topcaymie et à l'orographie. La Chambre considère dliscontinusqui y figure et lui semble représenterfidè-
qu'aucun problèmede choix decarte ne seposedans le lementlalimite décriteparlalettre 191CM2,saufence
secteur mare de Soum -- Tabakarech. En l'absence qui concerne la partie la plus orientale de la ligneà
d'autres indications tendant à l'infirmer, lyin.terpréta-propos delaquelleseposeleproblèmedelasituation du
tion de la lettre qui s'impose est que celle-ci visait unenont N'Gouma.
ligne droite reliant le mont Tabakarech aupciinttriple
où convergeaientles limites descerclesde Mc,pti,Oua- 8. Les hauteurs de N'Gouma (paragraphes 165
higouya et Dori. à 174)

La Chambre en conclut qu'à partir du point G la Pour ce qui est du dernier segment de la ligne fron-
frontière remonte selon une direction nordlnord- tière, le problème essentiel que la Chambre doit ré-
est jusqu'au point mentiionnépar le Burkina Faso s.oudreest celui de l'emplacement des "hauteurs de
puis de ce point jusqu'au mont Tabakarech. Ce mont N'Gouma" mentionnées dans l'erratum à l'arrêtéde
s'identifieà celui qui figure sur la carte de I'IGN au 1927relatif aux limites entre la Haute-Voltaet le Niger
11200000sous le nom de Tin Tabakat et dont les coor- (voir le croquis no6 de l'arrêt).Il fixait comme limite
données ont 0"43' 29"O et 15"05' 00 N (point H). "une lignepartant des hauteurs de N'Gouma, passant
au guéde ~abia. .." Le Mali aarguéque ce teite était
6. La mare d'ln Abao (paragraphes 157 ;i163) viciépar une erreur de fait en ce qu'il plaçait lemont
N'Goums au nord dugué,alorsqu'ilsetrouvait au sud-
Pour tracer la suite de la ligne, la Chambre doit se est, comme l'indique la carte IGN de 1960,seule re-
reporter à l'arrêté du31 décembre 1922 plis par le présentationexacte de la réalitéselon lui. La Chambre
goulrerneurgénérad leI'AOFselonlequel, à partir dela a déjàdit qu'il ne convenait pas d'écarterd'emblée le
mare d'In Abao, la limite occidentale du cercle de Gao texte de l'arrêtéet de son erratum mais qu'il fallaiten
suit "la limite septentrioilale de la Haute-Volta". La apprécierla valeur probante aux fins de la détermina-
lignequela Chambredoit établirpasse par cette mare. tion du point terminal de lafrontière. Elle souligneque
Il s'agitdès lorsde l'identifier pour détermini:rle tracéles cartes de l'époque, comme la carte Blondel La
de la frontière par rapportà elle. Les diverses cartes llougery de 1925,situaient le mont N'Gouma au nord
contiennentdes indicatioriscontradictoires surla situa- du guéde Kabia, ce que confirme aussi une carte au
tion et l'extension de la mare (voir le croquis no 5 :Il1000 000où elle voit un élémentde preuve non né-
de l'arrêt).Il semble à la Chambre que, vil les élé- gligeablebienqu'onignorel'autoritéquil'aapprouvée.
meritsdont elledispose, oette mare est cellequi sesitue Sila carte au 11200000de I'IGNde 1960attribue àune
au confluent de deux marigots, l'un dont le cours va hauteur situéeau sud-est du guéle nom de N'Gouma,
d'oiiestenest, leBéli,et l'autre dontlecours vadu nord elle porte aussi des indications altimétriques qui per-
au sud. En l'absence d'indications plusréciseset plus mettent de supposer que des hauteurs en quart de cer-
fiablesquecelles qui lui:ntété soumises sur la relation cle, commençant au nord du guéet se terminant à
entre lalignefrontièreet1;imared'InAbao,la Chambre I'estlsud-est, constituent un seul ensemble que l'on
doit conclurequelafrontièretraverse la mari:defaçon pourrait dénommer N'Gouma. L'existence d'éléva-
à la diviser en parts égalesentre les deux Rtrties. lions au nord du guéest d'ailleurs confirmée~ar des
La frontière doit suivre la ligne IGN à partir du constatations faites sur le terrain en 1975.
point H jusqu'au point de coordonnées0"26'35"O et ~è, lors que l'on pas constatél'existence
15"05'00 N (point 1)où elle s'infléchitvers le sud-est i:raditionorale remontant au moins à 1927qui aurait
p0u.ratteindre le Béliet continue tout droit jusqu'au contredit les indications fournies par lecartes etles
poiiîtJ situésurlebord ouest dela mared'InAbaoet au tjocuments de l'époque, la chambre que le
point K situésurlebord est decette mare. Dupoint Kla ,~ouvemeurgénéral,dans de 1927et son erra-
ligneremontevers le nord-estet rejoint la ligneIGN au i:umet dans sa lettre 191CM2 de 1935,a décritune
point où celle-ci,après avoirquittéle Bélien direction ],imiteexistante qui passait par des hauteurs au nord du
nord-est, repart en direction sud-est en tant que limite de ~~bi~ etque lesadministrateurs considéraient,à
orographique (point L - 0" 14'44"O et 15"04'42"N). i:ortouà raison, que ces hauteurs étaient appeléespar
Les points J et K seront déterminésavec l'aide des ]lespopu~ationslocales ahauteurs de N'G~~~~~L . ~
experts désignés conforniémen t l'article IV du com- ,phambren'adonc rechercher dans l'ensembledes
promis. lhauteurs qui entourent le gué le point terminalde la
]!imitedéfiniepar les textes cités. Elle conclut qu'il y
7. Régiondu Béli(paragraphe 164) a lieu de le fixàr3 km au nord du gué, à l'endroit dé-
:finipar les coordonnées 0" 14'39"E et 14"54' 48 N
F'ourtoute larégion,le:Malirejetant lalettrc: 191CM2 point M).
de 1935a plaidéen faveur d'une frontiére suivant le
cours du marigot et les 'deuxParties ont longuement :X . Tracéde lafrontière (paragraphe 175)
débattudu choix qui s'offrait à la puissance adminis-
tra~iteentre une frontière hydrographique suivant le La Chambre fixe le tracé de la frontière entre les
Béliet une frontière orographique suivant la ligne de parties dans la zone contestée.Il est reproduità titre
faîtedes élévationsqui se:dressent au nordd.ùmarigot. illustratifsurune carte quiconsiste enunassemblage de
La lettre 191CM2constitue, del'avisde la Chambre, la cinqfeuillesdelacartede I'IGN au11200000et estjoint
preuve que c'est la limite orographique qui a étéadop- en annexe à l'arrêt.

221XI. - Démarcation(paragraphe 176) apjjarunécessairede présenter desobservationssurles
points suivants :
La Chambre est prête àaccepter la mission que les 1. - Principe du droit des peupleà disposer d'eux-
parties lui ont confiéede désignertrois experts qui les mêmes;libre choix du statut, conséquencesdu référen-
assisteront dans l'opération de démarcation, laquelle durn du 28septembre 1958pour les territoires d'outre-
l'arrêt.Elle considère toutefois qu'il n'y a pas lieu de mer français.
procéder dans I'arrêtmême à la désignation sollicitée II.- Acquiescement - estoppel - interprétation
parlesParties maisquecelaserafaitultérieurementpar du communiquéde Conakry.
voie d'ordonnance. III.- Renvoi aux frontières de 1932 tracées par
l'administration française sur les cartes de l'époque.
Inutilité des documents postérieurs.
XII. - Mesures conservatoires (paragraphes 177
et 178) I'V.- Acquiescement résultant de la participation
de Dioulouna à la vie démocratique soudanaise.
L'arrêt précise que l'ordonnance du 10janvier 1986 V. - Possibilité d'une ligne passant par Kobo -
indiquant des mesures conservatoires cesse de pro- Fayando - Toussougou. Difficultésconcernant Dou-
duire ses effets dèsleprononcéde I'arrêt.La Chambre rurrigaraet In Abao - Tim Kacham.
Burkina Faso et de la Républiquedu Mali ont acceptédu Opinion individuelle de M. Abi-Saab, juge ad hoc
"de retirertoutes leursforcesarméesde part et d'autre
de la zone contestée et de leur faire regagner leur ter- Bien qu'il ait voté en faveur du dispositif de l'arrêt,
ritoire respectif. M. Abi-Saab ne peut s'associer à certains aspects du
raisonnement de la Chambre et de ses conclusions.
En particulier ilseséparedeI'arrêt surlaquestiondu
XIII. - Force obligatoire de l'arrêt(paragraphe 178) droit colonialfrançais- dont à son avis une analyse
trop détailléa étéprésentée.Il s'en sépareaussisur le
La Chambre constate aussi que les parties, déjà te- rôle de la lettre191CM2 de 1935dont le caractère
nues par l'Article 94, paragraphe l, de la Charte déclaratoiredes limites territoriales préexistantes est
cle IV,iparagraphe o1,du compromis qu'elles "accep-rti- pourluiseulementune possibilitéqu'aucune preuven'a
tent, comme définitifet obligatoire pour elles-mêmes, transforméeen certitude.
I'arrêtde la Chambre". La Chambre se plaît à recon- Selon M. Abi-Saab fonder la ligne dans la région du
naître l'attachement des deux Partiesà lajustice inter- Bélisur cette lettre qui ne fait que transposer la carte
nationale et au règlement pacifiquedes différends. BloiidelLa Rougery revient àérigercettecarte en titre
juridique alors que, d'après l'arrêltui-mêmel,escartes
ne constituentjamais en soi un titrejuridique.
XIV. - Dispositif (paragraphe 179) Aprèsavoirsoulignélesdifficultésqu'il ya parfois à
appliquer le principe de l'uti possidetis, l'auteur note
Aperçu des opiniorzsjoirttes à l'arrêt quelaChambre aadoptéune solutionjuridiquepossible
dans les limites de la marge de liberté existanten l'es-
Opinion individuelle de M. François Llrchaire, juge pèce. Il la considère commejuridiquement acceptable
ad hoc mais il en aurait préféré unautre qui fasse davantage
L'auteur avotépourledispositifdel'arrêtparce qu'il appel à des considérations d'équitéinfra legem dans
repose sur un raisonnement dont la logique est incon- l'interprétation et l'application du droit, s'agissant
testable mais il n'en approuve pas totalement certains d'une zone de nomadisation qui souffre de la séche-
élémentsou certaines conséquences. Aussi lui a-t-il resse et où l'accèsàl'eau est d'une importance vitale. CROQUIS 1

+ ta-

i-

BURKINA FASO CROQUIS 2

MAL 1

Croquis illustratifdu tracéde la ligneadoptic Voir par.163 del'errpt
par la Chambre (par. 175de l'arrêt) I

+ '--'
+ +
Y
*Cuia.*ABIA

DO-
+ t

BURKINA FASO Sketch-mapillustratingthe line adoptedby
the Chamber(para. 175of the Jud~mrnc)

Document file FR
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Résumé de l'arrêt du 22 décembre 1986

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