Résumé de l'avis consultatif du 29 avril 1999

Document Number
7621
Document Type
Number (Press Release, Order, etc)
1999/3
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Résumés des arrêts, avis consultatifs et ordonnances de la Cour
internationale de Justice
Document non officiel

DIFFÉREND RELATIF À L’IMMUNITÉ DE JURIDICTION
D’UN RAPPORTEUR SPÉCIAL DE LA COMMISSION
DES DROITS DE L’HOMME

Avis consultatif du 29 avril 1999

La Cour a rendu son avis consultatif sur la demande La Cour était composée comme suit: M. Schwebel,

formulée par le Conseil économique et social, l’un des six Président; M. Weeramantry, Vice-Président; MM. Oda,
organes principaux de l’Organisation des Nations Unies, Bedjaoui, Guillaume, Ranjeva, Herczegh, Shi, Fleischhauer,
dans l’affaire du Différend relatif à l’immunité de Koroma, Vereshchetin, M meHiggins, MM. Parra-
juridiction d’un rapporteur spécial de la Commission des Aranguren, Kooijmans, Rezek, juges; M. Valencia-Ospina,
droits de l’homme. Greffier.

La Cour a affirmé, par quatorze voix contre une, que la *
section 22 de l’article VI de la Convention sur les privilèges
et immunités des Nations Unies « s’appliquait » au cas de * *
Dato’ Param Cumaraswamy, juriste malaisien nommé
Rapporteur spécial chargé de la question de l’indépendance Le paragraphe final est ainsi libellé :
des juges et des avocats par la Commission des droits de « 67. Par ces motifs,
La COUR
l’homme de l’Organisation des Nations Unies en 1994, et
que celui-ci « jouit de l’immunité de toute juridiction pour Est d’avis :
les paroles qu’il a prononcées au cours d’une interview, 1) a) Par quatorze voix contre une,
telles qu’elles ont été publiées dans un article du numéro de Que la section 22 de l’article VI de la Convention sur
novembre 1995 de la revue International Commercial
Litigation ». les privilèges et immunités des Nations Unies est
applicable au cas de Dato’ Param Cumaraswamy, en tant
Dans son avis consultatif, la Cour a déclaré que le que Rapporteur spécial de la Commission des droits de
Gouvernement de la Malaisie aurait dû aviser les tribunaux l’homme sur la question de l’indépendance des juges et
malaisiens de la conclusion du Secrétaire général et que ces des avocats;
tribunaux auraient dû traiter la question de l’immunité de
juridiction comme une question préliminaire à trancher dans POUR : M. Schwebel, Président; M. Weeramantry,
Vice-Président; MM. Oda, Bedjaoui, Guillaume,
les meilleurs délais. Elle a indiqué à l’unanimité que Ranjeva, Herczegh, Shi, Fleischhauer, Vereshchetin,
M. Cumaraswamy devait être « dégagé de toute obligation M me Higgins, MM. Parra-Aranguren, Kooijmans, Rezek,
financière mise à sa charge par les tribunaux malaisiens, juges;
notamment au titre des dépens ».
La Cour a en outre indiqué, par treize voix contre deux, CONTRE : M. Koroma, juge;
b) Par quatorze voix contre une,
que le Gouvernement de la Malaisie était à présent « tenu de Que Dato’ Param Cumaraswamy jouit de l’immunité
communiquer [l’]avis consultatif aux tribunaux malaisiens, de toute juridiction pour les paroles qu’il a prononcées
afin qu’il soit donné effet aux obligations internationales de
la Malaisie et que soit respectée l’immunité de au cours d’une interview, telles qu’elles ont été publiées
[M.] Cumaraswamy ». dans un article du numéro de novembre 1995 de la revue
International Commercial Litigation;

_______________________________
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66 POUR: M.Schwebel, Président; M.Weeramantry, Historique de l’affaire et exposé des faits

Vice-Président; MM O.da, Bedjaoui, Guillaume, (par. 1 à 21)
Ranmeva, Herczegh, Shi, Fl eischhauer, Vereshchetin, La Cour commence par rappeler que la question sur
M Higgins, MM. Parra-Aranguren, Kooijmans, Rezek, laquelle un avis consultatif est demandé à la Cour est
juges;
énoncée dans la décisio1998/297 que le Conseil
économique et social de l’Organisation des NationsUnies
CONTRE : M. Koroma, juge; (ci-après dénommé le « Conseil ») a adoptée le 5 août 1998.
2) a) Par treize voix contre deux, La décision 1998/297 est ainsi libellée :
Que le Gouvernement de la Malaisie était tenu « Le Conseil économique et social,

d’aviser les tribunaux malaisiens de la conclusion du Ayanetxaminé la note du Secrétaire général sur les
Secrétaire général selon laquelle Dato’ Param privilèges et immunités du Rapporteur spécial de la
Cumaraswamy jouissait de l’immunité de juridiction; Commission des droits de l’homme chargé de la
POUR: M.Schwebel, Président; M.Weeramantry, question de l’indépendance des juges et des avocats,
Vice-Président; MMB . edja oui, Guillaume, Ranjeva,
Considérant qu’un différend oppose l’Organisation
Hermeegh, Shi, Fleischhauer, Vereshchetin, des Nations Unies et le Gouvernement malaisien, au
M Higgins, MM. Parra-Aranguren, Kooijmans, Rezek, sens de la section30 de la Convention sur les privilèges
juges; et immunités des NationsUnies, au sujet de l’immunité
CONTRE : MM. Oda, Koroma, juges;
de juridiction de DatPoaCumaraswamy,
b ) Par quatorze voix contre une, Rapporteur spécial de la Commission des droits de
Que les tribunaux malaisiens avaient l’obligation de l’homme chargé de la question de l’indépendance des
traiter la question de l’immunité de juridiction comme juges et des avocats,
une question préliminaire à trancher dans les meilleurs Rappelant la résoluti89(I) de l’Assemblée

délais in limine litis; générale, en date du 11 décembre 1946,
POUR: M.Schwebel, Président; M.Weeramantry, 1. Prie la Cour internationale de Justice de donner,
Vice-Président; MM O.da, Bedjaoui, Guillaume, à titre prioritaire, en vertu du paragraphe 2 de
Ranjeva, Herczegh, Shi, Fl eischhauer, Vereshchetin, l’Artice6 de la Charte des NationUs nies et
Mme Higgins, MM. Parra-Aranguren, Kooijmans, conformément à la résolution89(I) de l’Assemblée

Rezek, juges; générale, un avis consultatif sur le point de droit
CONTRE : M. Koroma, juge; concernant l’applicabilité de la section 22 de l’article VI
3l)’unanimité, de la Convention sur les privilèges et immunités des
Nations Unies au cas de Dato’ Param Cumaraswamy, en
Que Dato’ParamCumaraswamy doit être dégagé de tant que Rapporteur spécial de la Commission des droits
toute obligation financière mise à sa charge par les de l’homme chargé de la question de l’indépendance des
tribunaux malaisiens, notamment au titre des dépens;
4) Par treize voix contre deux, juges et des avocats, en tenant compte des1paragraphes 1
à 15 de la note du Secrétaire général , et sur les
Que le Gouvernement de la Malaisie est tenu de obligations juridiques de la Malaisie en l’espèce;
communiquer le présent avis consultatif aux tribunaux 2. Invite le Gouvernement malaisien à veiller à ce
malaisiens, afin qu’il soit donné effet aux obligations que tous les jugements prononcés et mesures prises sur
internationales de la Malaisie et que soit respectée
l’immunité de Dato’ Param Cumaraswamy; cette question par les tribunaux malaisiens soient
suspendus jusqu’à ce que la Cour internationale de
POUR: M.Schwebel, Président; M.Weeramantry, Justice ait rendu son avis, qui sera accepté par les parties
Vice-Président; MMB . edja oui, Guillaume, Ranjeva, comme décisif. »
Herczegh, Shi, Fleischhauer, Vereshchetin, À la lettre de transmission du Secrétaire général était
Mme Higgins, MM. Parra-Aranguren, Kooijmans,
Rezek, juges; jointe une note de sa main datée du 28juillet1998 et
intitulée « Privilèges et immunités du Rapporteur spécial de
CONTRE : MM. Oda, Koroma, juges. » la Commission des droits de l’homme chargé de la question
de l’indépendance des juges et des avocats» (E/1998/94),
* ainsi qu’un additif à cette note.
* *
Après avoir décrit les stades successifs de la procédure
MW.eeramantryV,ice-Prés ident, MM.Oda et Rezek, (par. à 9), la Cour fait observer que dans sa
juges, ont joint à l’avis cons ultatif les exposés de leur décision1998/297, le Conseil a prié la Cour de tenir
opinion individuelle. M.Koroma, juge, a joint l’exposé de compte, aux fins de l’avis consultatif sollicité, des
circonstances exposées aux «paragraphes1 à 15 de la note
son opinion dissidente.
*
__________________
* * 1E/1998/94.

67du Secrétaire général» (E/1998/94). Le texte de ces le Rapporteur spécial et récl amé des dommages s’élevant à
paragraphes est ensuite reproduit. Ils exposent ce qui suit : 30millions de ringgit (environ 12millions de dollars

En1946, 1’Assemblée générale a adopté, en application chacune), «y compris le paiement de dommages pour
de l’Article05, paragraph3e, de la Charte des diffamation ».
NationUs nies, la Convention sur les privilèges et Agissant au nom du Secrétaire général, le Conseiller
immunités des Nations Unies (ci-après dénommée la juridique a étudié les circonst ances de l’entretien et les
Convention) à laquelle cent trente-septÉtats Membres sont passages controversés de l’article, et a déclaré que

devenus parties et dont les dispositions ont été intégrées à Dato’ParamCumaraswamy avait donné cet entretien en sa
plusieurs centaines d’accords relatifs aux Nations Unies et à capacité officielle de Rapporteur spécial sur l’indépendance
ses activités. La Convention vise entre autres à protéger les des juges et des avocats, que l’article faisait clairement
différentes catégories de personnes, y compris les «experts référence au mandat qui lui avait été confié par l’ONU et au
en mission pour l’Organisation des NationsUnies», contre mandat global du Rapporteur spécial consistant à enquêter
toutes les formes d’intervention des autorités nationales. En sur les allégations concernant l’indépendance du système
particulier, la section 22 b) de l’article VI stipule que : judiciaire, et que les passages cités avaient trait à ces

« Section 22. Les experts (autres que les fonctionnaires allégations. Le 15janvier1997, dans une note verbale, le
visés à l’articV), lorsqu’ils accomplissent des Conseiller juridique a «prié les autorités malaisiennes
missions pour l’Organisation des NationU snies, compétentes d’aviser sans délai les tribunaux malaisiens que
jouissent, pendant la durée de cette mission, y compris le le Rapporteur spécial bénéficiait de l’immunité de
temps du voyage, des privilèges et immunités juridiction» en ce qui concernait la plainte en question. Le
nécessaires pour exercer leurs fonctions en toute 20janvier1997, le Rapporteur spécial a déposé une
demande auprès de la Cour supérieure de KualaLumpur
indépendance. Ils jouissent en particulier des privilèges
et immunités suivants : (cour chargée de l’affaire en question) afin de consigner
b) immunité de toute juridiction en ce qui concerne l’ordonnance du demandeur, au motif que les termes qui
les actes accomplis par eux au cours de leurs missions (y étaient à l’origine des poursu ites judiciaires avaient été
compris leurs paroles et écrits). Cette immunité employés par M. Cumaraswamy dans le cadre de sa mission
pour les NationsUnies en sa qualité de Rapporteur spécial
continuera à leur être accordée même après que ces chargé de la question de l’indépendance des juges et des
personnes auront cessé de remplir des missions pour avocats. Le 7mars1997, le Secrétaire général a publié une
l’Organisation des Nations Unies. »
Dans son avis consultatif du 14 décembre 1989 («en note dans laquelle il confirmait que « les termes sur lesquels
l’affaire Mazilu »), la Cour internationale de Justice a décidé le demandeur fondait sa plainte» dans cette affaire avaient
été employés par le Rapporteur spécial dans le cadre de sa
qu’un rapporteur spécial de la Sous-Commission de la lutte mission, et qu’en conséquence le Secrétaire général
contre les mesures discriminatoires et de la protection des « conservait à M. Dato’ Param Cumaraswamy son immunité
minorités de la Commission des droits de l’homme était un de juridiction à cet égard ». Le Rapporteur spécial a présenté
«expert en mission» au sens de l’articleVI de la
Convention. cette note à l’appui de la demande susmentionnée.
La Commission des droits de l’homme, en1994, a En dépit de démarches effectuées par le bureau des
affaires juridiques, le certificat déposé auprès du tribunal par
nommé Dato’ Param Cumaraswamy, juriste malaisien, le Ministre des affaires étrangères malaisien ne faisait
Rapporteur spécial chargé de la question de l’indépendance aucune mention de la note publiée quelques jours
des juges et des avocats. Le mandat du Rapporteur spécial auparavant par le Secrétaire général, note qui avait en outre
consiste notamment à enquêter sur certaines allégations
concernant l’indépendance du pouvoir judiciaire, des été déposée auprès du tribunal, et ne précisait pas non plus
avocats et des personnels auxiliaires de justice et à identifier que, s’agissant de décider si certaines paroles ou actes d’un
et recenser ces allégations. M. Cumaraswamy a présenté à la expert entraient dans le cadre de sa mission, la décision ne
pouvait être prise que par le Secrétaire général, était
Commission quatre rapports sur l’exécution de son mandat. irréfutable et devait donc être acceptée comme telle par le
À sa cinquante-quatrième sessi on, ayant pris connaissance tribunal. Malgré les demandes réitérées du Conseiller
du troisième rapport de M. Cumaraswamy, dont un chapitre juridique, le Ministre des affa ires étrangères a refusé de
était consacré au contentieux dont il faisait l’objet en
Malaisie devant le tribunal civil, la Commission a renouvelé modifier le texte du certificat ou de le compléter comme
le mandat de son rapporteur spécial pour une période de l’en priait instamment l’Organisation des Nations Unies.
Le 28 juin 1997, le juge compétent de la Cour supérieure
trois ans. de KualaLumpur a conclu qu ’elle était «incapable de
À la suite d’un article relatant un entretien que le soutenir que l’accusé éta it absolument protégé par
Rapporteur spécial a accordé à la revue International
Commercial Litigation en novembre1995, deux entreprises l’immunité qu’il revendiquait», en partie parce qu’elle
commerciales malaisiennes ont affirmé que ledit article considérait que la note du Secrétaire général était une simple
contenait des termes diffamatoires qui les avaient «opinion» pouvant difficilement servir de preuve et
n’ayant aucune force contraig nante, et que le certificat
« exposées au scandale, à la hain e et au mépris du public». déposé par le Ministre des affaires étrangères «semblerait
L’une et l’autre entreprise ont engagé des poursuites contre n’être qu’une insipide déclaration contenant un état de fait

68relevant du statut et du mandat de l’accusé en sa qualité de Le 7novembre1997, le Secrétaire général a informé le
Rapporteur spécial et était controversable». La Cour a Premier Ministre de ce qu’un différend semblait opposer

ordonné le rejet de la demande du Rapporteur spécial et le l’Organisation des NationsUnies et le Gouvernement
règlement des frais engagés, et ordonné aussi que le malaisien et il a évoqué la possibilité d’en saisir la Cour
Rapporteur spécial compense les dépens et présente son internationale de Justice, conformément à la section 30 de la
dossier de défense dans un délai de quatorze jours. Convention. Pour autant, le19février998, la Cour
Le8juillet, la Cour d’appel a rejeté la demande de sursis à fédérale de Malaisie a rejeté la demande d’appel de
exécution présentée par M. Cumaraswamy. M.Cumaraswamy, arguant que ce dernier n’est pas une
entité souveraine ou un diplomate à part entière mais un
En juillet1997, le Conseiller juridique a engagé le
Gouvernement malaisien à intervenir dans la procédure simple « informateur à temps partiel non rémunéré ».
engagée afin que les frais liés à la poursuite de la défense du Le Secrétaire général a alors nommé un Envoyé spécial,
dossier, y compris toutes les dépenses et les frais taxés qui M e Yves Fortier (Canada), qui, après deux visites officielles
en résultent, soient à la charge du gouvernement; à dégager à KualaLumpur et après de s négociations pour un
la responsabilité de MC. umaraswamy s’agissant des règlement de l’affaire à l’amiable sans résultat, lui a fait

dépenses qu’il devait déjà supporter ou qui lui étaient savoir que l’affaire devrait être portée devant le Conseil afin
imputées en raison de la procédure déjà engagée; et–pour que celui-ci sollicite un avis consultatif de la Cour. L’ONU
prévenir l’accumulation d’autres dépenses et d’autres frais avait épuisé tous les moyens de parvenir soit à un règlement
et la nécessité d’organiser la défense jusqu’à ce que la négocié, soit à un exposé conjoint de l’affaire à soumettre à
question de son immunité soit réglée entre l’Organisation la Cour par l’entremise du Conseil. À ce propos, le
des NationsUnies et le Gouvernement malaisien à Gouvernement malaisien a reconnu le droit de
appuyer une demande tendant à ce que la Cour supérieure l’Organisation de porter l’affaire devant le Conseil pour

suspende la procédure jusqu’à ce qu’une décision soit prise. demander un avis consultatif conformément à la section30
Le Conseiller juridique a renvoyé aux dispositions relatives de la Convention, fait savoir à 1’Envoyé spécial du
au règlement des différends liés à l’interprétation et à Secrétaire général que l’Organisation devrait faire le
l’application de la Convention de 1946 et susceptibles de nécessaire à cet effet et indiqué qu’il présenterait son propre
surgir entre l’Organisation et un État Membre (visées à la exposé de l’affaire à la Cour, mais ne s’opposait pas à ce
section30 de la Convention), et a indiqué que, si le que celle-ci en soit saisie par l’intermédiaire du Conseil.
Gouvernement décidait qu’il ne pouvait ou ne voulait pas
*
protéger le Rapporteur spécial ou dégager sa responsabilité
comme cela lui était demandé, il pourrait être considéré Après avoir reproduit les paragraphes1 à 15 de la note
qu’un différend sur l’interprétation desdites dispositions du Secrétaire général, la Cour fait référence au dossier de
avait surgi entre l’Organisation et le Gouvernement
malaisien. documents soumis à la Cour par lui, qui contient en outre
des informations à prendre en compte pour comprendre la
La section 30 de la Convention se lit comme suit : demande soumise à la Cour concernant le contexte dans
« Section 30. Toute contestation portant sur lequel M.Cumaraswamy avait été invité à formuler des
l’interprétation ou l’application de la présente observations; concernant les affaires portées contre
convention sera portée devant la Cour internationale de M.Cumaraswamy devant la High Court de Kuala Lumpur,
Justice, à moins que, dans un cas donné, les parties ne qui n’a pas statué in limine litis sur l’immunité de
conviennent d’avoir recours à un autre mode de
M. Cumaraswamy mais a rendu un jugement par lequel elle
règlement. Si un différend surgit entre l’Organisation s’est déclarée compétente pour connaître au fond de l’affaire
des NationsUnies, d’une part, et un Membre, d’autre dont elle était saisie, y compris pour déterminer si
part, un avis consultatif sur tout point de droit soulevé M.Cumaraswamy pouvait se prévaloir d’une quelconque
sera demandé en conformité de l’Article 96 de la Charte immunité, jugement qui a été confirmé par la Cour d’appel,
et de l’Article 65 du Statut de la Cour. L’avis de la Cour puis par la Cour fédérale de Malaisie; et concernant les
sera accepté par les parties comme décisif. » rapports que le Rapporteur spécial a faits régulièrement à la

Le 10juillet, un autre procès a été engagé contre le Commission des droits de l’homme dans lesquels il a rendu
Rapporteur spécial. Le 11juillet, le Secrétaire général a compte des procès qui lui avaient été intentés. La Cour fait
publié une note correspondant à celle datée du 7mars 1997 ensuite référence à l’examen et l’adoption sans vote du
et a également adressé au Représentant permanent de la projet de décision qui priait la Cour de donner un avis
Malaisie une note verbale dont le texte était à peu près consultatif sur la question qui y était formulée et au fait qu’à
identique, demandant qu’elle soit présentée officiellement cette séance, l’observateur de la Malaisie aurait réitéré les
critiques qu’il avait précédemment émises concernant la
au tribunal compétent par le Gouvernement. Les 23octobre
et 21novembre 1997, d’autres demandeurs ont engagé un note du Secrétaire général mais n’avait fait aucune remarque
troisième et un quatrième procès contre le Rapporteur sur les termes de la question à poser à la Cour, telle que
spécial. Les27octobre et 22 novembre1997, le Secrétaire désormais formulée par le Conseil. Enfin, la Cour fait
général a publié des documents identiques certifiant référence aux informations fournies par la Malaisie sur l’état
l’immunité du Rapporteur spécial. des procédures pendantes devant les tribunaux malaisiens.

69Le pouvoir de la Cour de donner un avis consultatif pas répondre à une demande d’avis» ( Interprétation des
(par. 22 à 27) traités de paix conclus avec la Bulgarie, la Hongrie et la

La Cour commence par rappeler que c’est la première Roumanie, première phase, avisconsultatif, C.I.J. Recueil
fois que la Cour reçoit une demande d’avis consultatif se 1950, p7. 2). En l’espèce, la Cour, ayant établi sa
référant à la section30 de l’ articleVIII de la Convention compétence, ne voit aucune ra ison décisive de ne pas
donner l’avis consultatif que le Conseil lui a demandé.
générale, qui a été cité ci-dessus (p. 4). Aucun participant à la présen te procédure n’a d’ailleurs
Cette disposition prévoit l’exercice par la Cour de sa contesté la nécessité pour la Cour de remplir sa fonction
fonction consultative lorsqu’un différend oppose consultative dans le cas d’espèce.
l’Organisation des NationsUnies à l’un de ses Membres.
L’existence d’un tel différend ne modifie pas le caractère
La question sur laquelle l’avis est demandé
consultatif de la fonction de la Cour, qui est régie par les (par. 31 à 37)
termes de la Charte et du Statut. Une distinction doit être
établie entre le caractère consultatif de la fonction de la Comme le Conseil l’a indiqué dans le préambule de sa
Cour et les effets particuliers que les parties à un différend décision1998/297, celle-ci a été adoptée sur la base de la
existant peuvent souhaiter attribuer, dans leurs relations note susmentionnée du Secrétaire général sur les
mutuelles, à un avis consultatif de la Cour, qui, «comme «privilèges et immunités du Rapporteur spécial de la
te[l],...ne saurait avoir d’effet obligatoire». Ces effets
Commission des droits de l’homme chargé de la question de
particuliers, étrangers à la Charte et au Statut qui fixent les l’indépendance des juges et des avocats». Le paragraphe1
règles de fonctionnement de la Cour, découlent d’accords du dispositif de la décision renvoie expressément aux
distincts; en l’espèce, la secti on30 de l’articleVIII de la paragraphes 1 à 15 de cette note, mais non au paragraphe 21
Convention générale dispose que «[l]’avis de la Cour sera contenant les deux questions que le Secrétaire général
accepté par les parties comme décisif». Cette conséquence suggérait de soumettre à la Cour. La Cour relèvera que le
a été expressément reconnue par l’Organisation des libellé de la question qui lui a été posée par le Conseil
Nations Unies et par la Malaisie.
diffère nettement de celui proposé par le Secrétaire général.
Le pouvoir qu’a la Cour de donner des avis consultatifs Les participants à la présente procédure, notamment la
découle du paragraphe2 de l’Article96 de la Charte et de Malaisie ainsi que d’autres États, ont avancé des vues
l’Article65 du Statut. Ces deux dispositions exigent que la divergentes sur le point de savoir quelle est la question
question qui constitue l’objet de la demande soit une juridique à laquelle la Cour doit répondre. La Cour
«question juridique». Cette condition est satisfaite en observera qu’il appartient au Conseil –et non à un État

l’espèce, comme tous les partic ipants à la procédure l’ont Membre ou au Secrétairegénéral– d’arrêter les termes
reconnu, car l’avis cons ultatif sollicité a trait à d’une question qu’il souhaite poser. En conséquence, la
l’interprétation de la Convention générale et à son Cour répondra maintenant à la question telle que formulée
application aux circonstances du cas du Rapporteur spécial, par le Conseil.
Dato’ Param Cumaraswamy.

Le paragraphe2 de l’Article96 de la Charte précise en Applicabilité de la section 22 de l’article VI
outre que les questions juridiques sur lesquelles portent les de la Convention générale aux rapporteurs spéciaux
demandes d’avis consultatif émanant des organes de de la Commission des droits de l’homme
l’Organisation des NationU s nies et des institutions (par. 38 à 46)
spécialisées ayant reçu une autorisation à cet effet doivent se
poser «dans le cadre de leur activité». Aucun participant à La Cour examine tout d’abord la première partie de la
la présente procédure n’a contesté que cette condition soit question que le Conseil lui a posée, à savoir :
«le point de droit concernant l’applicabilité de la
remplie en l’espèce. La Cour estime que les questions section22 de l’articleVI de la Convention sur les
juridiques qui lui sont soumises par le Conseil dans sa
demande concernent l’activité de la Commission privilèges et immunités des NationsUnies au cas de
puisqu’elles ont trait au mandat de son rapporteur spécial Dato’ParamCumaraswamy, en tant que Rapporteur
nommé pour «soumettre toute allégation sérieuse [qui lui spécial de la Commission des droits de l’homme chargé
serait transmise] à un examen... et identifier et recenser... de la question de l’indépendance des juges et des
les atteintes portées à l’indépendance du pouvoir judiciaire, avocats, en tenant compte des paragraphes1 à 15 de la
note du Secrétaire général... »
des avocats et des personnels et auxiliaires de justice ».
Il ressort des débats du Conseil que la demande du
Pouvoir discrétionnaire de la Cour Conseil ne se rapporte pas uniquement à la question
(par. 28 à 30) liminaire de savoir si M.Cumaraswamy était et est un
expert en mission au sens de la section 22 de l’article VI de
Comme la Cour l’a dit dans son avis consultatif du 30 la Convention générale mais aussi, au cas où la réponse à
mars 1950, le caractère permissi f de l’Article 65 du Statut cette question serait affirmative, aux conséquences de cette
« donne à la Cour le pouvoir d’apprécier si les circonstances
de l’espèce sont telles qu’elles doivent la déterminer à ne conclusion dans les circonstances de l’espèce. La Cour
prend note que la Malaisie est devenue partie à la

70Convention générale, sans réserve, le 28 octobre 1957. (Une si les paroles qu’il a prononcées au cours de l’interview,
partie de la section 22 de l’ar ticle VI de la Convention a été telles qu’elles ont été publiées dans l’article de la revue

citée ci-dessus.) International Commercial Litigation (numéro de
Dans son avis consultatif du 14décembr e 1989 (dans novembre1995), l’ont été aucours de sa mission et s’il
l’affaire « Mazilu »), la Cour a dit : jouissait dès lors de l’immunité de juridiction en ce qui
«L’objectif recherché par la section22... est... clair, à concerne ces paroles.
Aux fins de déterminer si un expert en mission jouit,
savoir permettre à l’Organisation des NationsUnies de
confier des missions à des personnes n’ayant pas la dans des circonstances données, de l’immunité prévue à
qualité de fonctionnaire de l’Organisation et leur garantir l’alinéa b de la section 22, le Secrétaire général de l’ONU a
les “privilèges et immunité s nécessaires pour exercer un rôle central à jouer. En sa qualité de plus haut
leurs fonctions en toute indépendance”... L’essentiel fonctionnaire de l’Organisation, il a le pouvoir et la
n’est pas dans leur situation administrative, mais dans la responsabilité d’assurer la protection nécessaire lorsque
nature de leur mission.» ( C.I.J. Recueil 1989, p.194, besoin en est. La section 23 de l’article VI de la Convention
générale dispose que«[l]es privilèges et immunités sont
par. 47.)
Dans le même avis consultatif, la Cour a conclu qu’un accordés aux experts dans l’in térêt de l’Organisation des
rapporteur spécial nommé par la Sous-Commission de la Nations Unies, et non à leur avantage personnel.» En
lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection assurant la protection des experts des Nations Unies, le
des minorités auquel est confiée une mission de recherche Secrétaire général protège donc la mission confiée à
l’expert. À cet égard, c’est au Secrétaire général que sont
doit être considéré comme un expert en mission au sens de principalement conférés la responsabilité et le pouvoir de
la section 22 de l’article VI de la Convention générale. protéger les intérêts de l’Organisation et de ses agents, y
La Cour constate que la même conclusion doit être
retenue en ce qui concerne les rapporteurs spéciaux nommés compris les experts en mission.
par la Commission des droits de l’homme, dont la Sous- C’est en fonction des faits propres à une affaire
Commission est un organe subsidiaire. Il peut être observé particulière que l’on peut déterminer si un agent de
l’Organisation a agi aucours de sa mission. En l’espèce, le
que les rapporteurs spéciaux de la Commission sont en Secrétaire général, ou le Conseiller juridique de
général non seulement chargés d’une mission de recherche
mais aussi d’une mission de surveillance des violations des l’Organisation des NationsUnies en son nom, a informé à
droits de l’homme et d’établissement de rapports à leur de nombreuses reprises le Gouvernement malaisien de sa
sujet. Mais ce qui est déterminant, c’est qu’une mission leur conclusion suivant laquelle M C.umaraswamy avait
a été confiée par l’Organisati on des Nations Unies et qu’ils prononcé les paroles citées da ns l’article de la revue
International Commercial Litigation en sa qualité de
jouissent dès lors des privilèges et immunités prévus à la Rapporteur spécial de la Commission et bénéficiait en
section 22 de l’article VI , qui protègent l’exercice conséquence de l’immunité de «toute» juridiction. Le
indépendant de leurs fonctions. Ayant examiné le mandat de
M.Cumaraswamy, la Cour conclut qu’il doit être considéré Secrétaire général a été confor té dans cette opinion par le
comme un expert en mission au sens de la section22 de fait que les contacts avec les médias sont devenus une
l’articleVI à compter du 21avril1994, qu’à ce titre les pratique habituelle pour les rapporteurs spéciaux de la
dispositions de cette section lui étaient applicables à la date Commission.
La Cour note que l’article « Malaysian Justice on Trial »
de ses déclarations litigieuses et qu’elles continuent de lui paru dans la revue International Commercial Litigation fait
être applicables.
La Cour observe enfin que la Malaisie a reconnu que état à plusieurs reprises de la qualité de Rapporteur spécial
M. Cumaraswamy, en sa qualité de Rapporteur spécial de la des NationsUnies sur la question de l’indépendance des
Commission, était un expert en mission et que ces experts juges et des avocats de M.Cu maraswamy; ainsi que du fait
jouissent des privilèges et immunités prévus par la que la Commission, dans ses diverses résolutions, a pris acte
des rapports du Rapporteur spéci al et a pris note de ses
Convention générale dans leurs relations avec les États méthodes de travail. En1997, elle a prorogé son mandat
parties, y compris ceux dont ils sont les ressortissants ou sur
le territoire desquels ils résident. La Malaisie et pour une nouvelle période de trois ans. La Commission
l’Organisation des NationsUnie s sont pleinement d’accord n’aurait sans doute pas procédé de la sorte si elle avait
sur ces points, comme le sont les autres États ayant participé estimé que M. Cumaraswamy avait agi hors du cadre de son
à la procédure. mandat et avait donné l’interview à la revue
International Commercial Litigation hors de l’exercice de
ses fonctions. Le point de vue de la Commission a ainsi pu
Applicabilité de la section 22 de l’article VI conforter le Secrétaire général dans sa conclusion.
de la Convention générale dans les circonstances
propres au cas d’espèce La Cour conclut que, dans la présente espèce, elle n’est
(par. 47 à 56) pas appelée à se prononcer sur le caractère approprié ou non
des propos tenus par le Rapporteur spécial et sur son
La Cour recherche ensuite si l’immunité prévue à évaluation de la situation. En tout état de cause, eu égard
l’alinéa b de la section22 s’applique à M.Cumaraswamy aux circonstances de l’espèce, dont des éléments sont
dans les circonstances propres au cas d’espèce, c’est-à-dire exposés aux paragraphes1 à 15 de la note du Secrétaire

71général, la Cour est d’avis que celui-ci a conclu à bon droit Secrétaire général aux tribunaux compétents et le Ministre
que M.Cumaraswamy, en prononçant les paroles citées des affaires étrangères ne l’ayant pas mentionnée dans son

dans l’article de la revue International propre certificat, la Malaisie ne s’est pas acquittée de
CommercialLitigation, agissait aucours de sa mission de l’obligation sus-indiquée.
Rapporteur spécial de la Commission. Par conséquent, L’alinéa b de la section22 de la Convention générale
l’alinéa b de la section22 de l’ar ticleVI de la Convention indique expressément que les experts en mission jouissent
générale lui est applicable au cas particulier et lui procure de l’immunité de toute juridiction en ce qui concerne les
l’immunité de toute juridiction.
actes accomplis par eux aucours de leurs missions (y
compris leurs paroles et écrits). Il en découle nécessairement
Obligations juridiques de la Malaisie en l’espèce que les questions d’immunité sont des questions
(par. 57 à 65) préliminaires qui doivent être tranchées dans les meilleurs
délais in limine litis . C’est là un principe du droit
La Cour examine ensuite la seconde partie de la question généralement reconnu, que la Malaisie était tenue de
du Conseil, à savoir «les obligations juridiques de la respecter. Les tribunaux malaisiens n’ont pas statué in
Malaisie en l’espèce». Rejetant l’argument de la Malaisie
selon lequel il est prématuré d’aborder cette question, la limine litis sur l’immunité du Rapporteur spécial; ils ont
Cour souligne que le différend qui oppose l’Organisation ainsi privé de sa raison d’être la règle relative à l’immunité,
énoncée à l’alinéa b de la section22. De plus, des dépens
des NationsUnies et la Malaisie est apparu du fait que le ont été mis à la charge de M.Cumaraswamy alors que la
Gouvernement de la Malaisie n’a pas indiqué aux autorités question de l’immunité demeurait pendante. Comme il a été
judiciaires malaisiennes compétentes que le Secrétaire rappelé ci-dessus, le comportement d’un organe de l’État
général était parvenu à la conclusion que M. Cumaraswamy – même indépendant du pouvoir exécutif – doit être regardé
avait prononcé ses paroles litigieuses au cours de sa mission
et jouissait, dès lors, de l’immunité de juridiction. C’est en comme un fait de cet État. En conséquence, la Malaisie n’a
prenant cette omission comme point de départ dans le temps pas agi conformément aux obligations que lui impose le
droit international.
que la Cour doit répondre à la question posée. La Cour ajoute que l’immunité de juridiction reconnue
Comme la Cour l’a observé, le Secrétaire général, en sa par la Cour à M. Cumaraswamy suppose que ce dernier soit
qualité de plus haut fonctionnaire de l’Organisation, a la
responsabilité principale de la protection des intérêts de dégagé de toute obligation financière mise à sa charge par
celle-ci; à ce titre, il lui incomb e d’apprécier si ses agents les tribunaux malaisiens, notamment au titre des dépens.
ont agi dans le cadre de leurs fonctions et, lorsqu’il conclut Elle fait remarquer en outre que selon la section30 de
l’articleVIII de la Convention générale, l’avis de la Cour
par l’affirmative, de protéger ces agents, y compris les sera accepté par les parties au différend comme décisif. La
experts en mission, en faisant valoir leur immunité. Cela Malaisie a reconnu ses obligati ons au titre de cette section.
signifie que le Secrétaire gé néral a le pouvoir et la
responsabilité d’aviser le gouvernement d’un État Membre La Cour estimant que M.Cumaraswamy est un expert en
de sa conclusion et, s’il y a lieu, de prier ledit gouvernement mission qui jouit de l’immunité de juridiction en vertu de
d’agir en conséquence et, en particulier, de porter cette l’alinéa b de la section22, le Gouvernement de la Malaisie
est tenu de communiquer le présent avis consultatif aux
conclusion à la connaissance des tribunaux internes si les tribunaux malaisiens compétents, afin qu’il soit donné effet
actes d’un agent ont donné ou pourraient donner lieu à des aux obligations internationales de la Malaisie et que soit
actions en justice. Cette conclusion et les documents dans
lesquels elle s’exprime créen t une présomption d’immunité respectée l’immunité de M. Cumaraswamy.
qui ne peut être écartée qu e pour les motifs les plus *
impérieux et à laquelle les tribunaux nationaux doivent
accorder le plus grand poids. Les autorités La Cour souligne enfin que la question de l’immunité de

gouvernementales d’une partie à la Convention générale juridiction est distincte de celle de la réparation de tout
sont donc tenues de communiquer cette information aux préjudice subi du fait d’actes accomplis par l’Organisation
tribunaux nationaux concernés car l’application correcte de des Nations Unies ou par ses agents dans l’exercice de leurs
la Convention générale par ces derniers en dépend. Ne pas fonctions officielles. L’Organisation peut certes être amenée
s’acquitter de cette obligation, parmi d’autres, pourrait à supporter les conséquences dommageables de tels actes.
occasionner la mise en Œuvre de la procédure prévue à la Toutefois, comme il ressort de la section 29 de l’article VIII
section 30 de l’article VIII de la Convention de la Convention générale, il n’appartient pas aux tribunaux

La Cour conclut que le Gouvernement de la Malaisie nationaux de connaître de telles demandes dirigées contre
était tenu, en vertu de l’Article105 de la Charte et de la l’Organisation; ces demandes doivent être réglées selon les
Convention générale, d’aviser ses tribunaux de la position modes appropriés que «[l]’Organisation des Nations Unies
prise par le Secrétaire général. Selon une règle bien établie devra prévoir» conformément à la section 29. La Cour
du droit international, le comportement de tout organe d’un considère que par ailleurs, il est à peine besoin d’ajouter que
État doit être regardé comme un fait de cet État. Le tous les agents de l’Organisation des NationsUnies, quelle
que soit la qualité officielle en laquelle ils agissent, doivent
Gouvernement n’ayant pas transmis la conclusion du

72veiller à ne pas excéder les limites de leurs fonctions et exprime ses craintes quant au fait que l’avis consultatif de la
doivent se comporter de manière à éviter que des demandes Cour semble traiter des pouvoirs du Secrétaire général

soient dirigées contre l’Organisation. plutôt que de l’immunité de juridiction à accorder à
M. Cumaraswamy.
Opinion individuelle de M. Weeramantry, M. Oda estime que la question qu’il y a lieu de trancher
Vice-Président est celle de savoir si M.Cumaraswamy doit jouir de
l’immunité de juridiction devant les tribunaux malaisiens
Dans son opinion individuelle, M.Weeramantry, Vice-
Président, souscrit pleinement aux principes énoncés par la pour les paroles qu’il a pron oncées lors d’une interview
Cour dans son avis, selon lesquels il convient d’informer accordée à une revue commerciale et à propos desquelles
immédiatement les tribunaux nationaux de toute conclusion certaines entreprises privées ont introduit une action à son
encontre devant les tribunaux malaisiens. Selon M.Oda, la
du Secrétaire général concernant l’immunité d’un agent de question essentielle ne concerne pas les paroles prononcées
l’Organisation des Nations Unies, ladite conclusion créant par M.Cumaraswamy, mais le fait de savoir s’il les a
une présomption d’immunité qui ne peut être écartée que prononcées dans le cadre de sa mission de Rapporteur
pour les motifs les plus impérieux.
Il souligne les différences existant entre le droit à spécial de la Commission des droits de l’homme. M.Oda
considère que les contacts qu e le Rapporteur spécial
l’immunité des agents d’un État et le droit à l’immunité des entretenait avec les médias dans le cadre de son mandat
agents de l’Organisation des Nations Unies, ce dernier ayant relèvent de manière générale de sa mission de Rapporteur
été instauré dans l’intérêt de la communauté des nations, spécial. À cet égard, M.Oda a dhère aux conclusions de la
telle que représentée par l’Organisation des Nations Unies, Cour, telles qu’énoncées aux paragraphes 1) a), 1) b) et 3)
et non dans l’intérêt d’un État particulier. La jurisprudence du dispositif.
qui s’est développée concernant le droit des tribunaux
nationaux de se prononcer sur des questions ayant trait à M.Oda souscrit pleinement aux conclusions de la Cour
figurant au paragraphe 2) b) du dispositif, selon lesquelles
l’immunité des représentants ou des hauts fonctionnaires les tribunaux malaisiens étaient tenus de traiter la question
d’un État eu égard à leurs act es dans un autre État n’est de l’immunité de juridiction comme une question
donc pas nécessairement applicable dans sa totalité au préliminaire à trancher in limine litis dans les meilleurs
personnel de l’Organisation des Nations Unies. Si un
tribunal national était libre de passer outre aux conclusions délais.
du Secrétaire général concernant l’immunité du personnel M.Oda ne saurait toutefois adhérer aux conclusions de
des Nations Unies, nombre de problèmes se poseraient en la Cour mentionnées au paragraphe 2) a) et au paragraphe 4)
du dispositif, qui ont trait aux obligations juridiques de la
relation avec les activités de l’Organisation dans divers Malaisie, telles qu’énoncées dans la seconde question de la
domaines. demande d’avis consultatif. La responsabilité de la Malaisie,
Il convient également d’harmoniser la jurisprudence
ayant trait à cette question, quel que soit l’endroit où un en tant qu’État, est, de l’avis de M. Oda, engagée, car celle-
rapporteur exécute sa mission. Accorder aux rapporteurs des ci n’a pas garanti à M.Cumaraswamy le bénéfice de
l’immunité de juridiction. Par contre, la question de savoir
privilèges qui varient en fonction de l’endroit où ils se si le Gouvernement de la Malaisie aurait dû aviser ses
trouvent ne contribue pas au développement de règles tribunaux de la conclusion du Secrétaire général de
uniformes de droit international administratif. Ceci l’Organisation des Nations Unies n’est pas pertinente à cet
démontre l’importance du car actère décisif des conclusions
du Secrétaire général. égard. De surcroît, M.Oda ne saurait conclure à l’existence
Il n’est guère besoin de souligner que, lorsqu’ils font des d’une obligation du Gouvernement de la Malaisie de
communiquer le présent avis consultatif aux tribunaux
déclarations aux médias, les rapporteurs doivent veiller à ne malaisiens, dans la mesure où il ne fait aucun doute que la
jamais dépasser les limites de leur mission. Malaisie, en tant qu’État, est tenue d’accepter le présent avis
comme décisif en vertu de l’article VIII de la section 30 de
Opinion individuelle de M. Oda la Convention sur les privilèges et immunités des Nations

M. Oda souligne que, bien que la Cour ait été invitée par Unies.
le Conseil économique et social à se prononcer sur la
question de l’immunité de juridiction à accorder à Opinion individuelle de M. Rezek

M.Cumaraswamy, Rapporteur spécial de la Commission M. Rezek, qui partage les vues de la majorité, insiste sur
des droits de l’homme de l’Organisation des Nations Unies, ce que le devoir qui s’impose à la Malaisie n’est pas
eu égard aux paroles qu’il a prononcées au cours d’une simplement d’aviser les tribunaux malaisiens de la
interview accordée à une revue commerciale, la question conclusion du Secrétaire général, mais de faire respecter
avait toutefois initialement été formulée en des termes l’immunité. À son avis un gouvernement fait respecter
différents et portait alors sur le point de savoir si le
Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies avait l’immunité s’il utilise les moyens dont il dispose auprès du
pouvoir judiciaire pour la fa ire prévaloir, tout comme il
exclusivement autorité pour déterminer si l’immunité de défend en justice ses propres thèses et intérêts. La qualité de
juridiction était applicable à M.Cumaraswamy. M.Oda membre d’une organisation internationale requiert de tout

73État, dans ses rapports avec l’organisation et ses agents, une au cours de sa mission. Il s’agit d’une question à la fois de
attitude au moins aussi constructive que celle qui caractérise fait et de droit, que la Cour aurait dû examiner au fond. Ce

les relations diplomatiques. n’est qu’après être parvenue à une conclusion sur ce point
qu’elle aurait été en mesure de dire si la Convention était
Opinion dissidente de M. Koroma applicable ou non. M.Koroma considère que les critères
pris en considération par la Co ur, tels que la nomination du
Dans son opinion dissidente, M.Koroma explique qu’il Rapporteur spécial par la Commission des droits de
aurait beaucoup souhaité voter en faveur de l’avis l’homme et la conclusion du Secrétaire général, selon
consultatif, si celui-ci avait c ontribué à régler le différend laquelle MC. umaraswamy a effectivement agi dans
entre l’Organisation des NationsUnies et le Gouvernement
de la Malaisie. Il se trouve toutefois dans l’impossibilité de l’exercice de sa mission, doivent certes être reconnus et
traités avec respect, mais ils ne sont pas concluants et sont
le faire, au regard de la Convention, des principes généraux insuffisants au regard du droit pour permettre à la Cour de
de la justice et de sa propre conscience de juriste. conclure à l’applicabilité de la Convention.
M. Koroma souligne que le différend ne porte pas sur les Il fait observer que l’affirmation de la Cour selon
droits de l’homme du Rapporteur spécial, ni sur le point de
savoir si le Gouvernement de la Malaisie a violé ses laquelle «il est à peine besoin d’ajouter que tous les agents
de l’Organisation des NationsUnies, quelle que soit la
obligations au titre des conventions des droits de l’homme qualité officielle en laquelle ils agissent, doivent veiller à ne
auxquelles il est partie. Le différend porte plutôt sur le point pas excéder les limites de leurs fonctions et doivent se
de savoir si le Rapporteur sp écial jouit de l’immunité de comporter de manière à éviter que des demandes soient
juridiction pour les paroles qu ’il a prononcées et si ces dirigées contre l’Organisatio»nn’est dénuée ni
propos ont été tenus au cours de sa mission, et, partant, sur d’importance, ni de signification en l’espèce.
l’applicabilité de la Convention.
De l’avis de M.Koroma, l’obligation du Gouvernement
M.Koroma insiste sur le fait que la question que le de la Malaisie aux termes de la Convention est une
Secrétaire général a suggérée au Conseil économique et obligation de résultat et non de moyen, et la Convention ne
social de soumettre à la Cour pour avis consultatif ne prescrit aucune méthode ou moyen particulier de mise en
correspond pas à la question que le Conseil a reformulée par Œuvre. Dès lors que la Cour affirme que la Convention est
la suite sans aucune explication. Bien qu’il reconnaisse au
Conseil le droit de formuler une question, il estime que la applicable, le Gouvernement de la Malaisie doit assumer ses
obligations, y compris en dégageant le Rapporteur spécial
Cour, dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation de toute obligation financière au titre des dépens mis à sa
judiciaire, n’a pas à répondre à une question tendancieuse charge. Il est donc inutile de le préciser dans le dispositif de
qui ne lui laisserait pas d’autre choix que d’entériner un l’avis.
point de vue particulier. Il estime par ailleurs que, si la Cour Enfin, bien qu’il partage la position de la Cour selon
était disposée à répondre à la question, elle aurait dû
répondre à la «véritable question». De surcroît, pour laquelle le prononcé d’un avis consultatif doit être considéré
déterminer si la Convention était applicable, elle aurait dû comme relevant de sa participation à l’action de
l’Organisation en vue de la réalisation des buts et objectifs
examiner les faits de l’espèce et n’aurait pas dû s’appuyer de celle-ci, et que seules des raisons décisives pourraient
sur les conclusions d’un autre organe. l’amener à refuser de répondre à une requête, M.Koroma
M K.oroma souligne que l’applicabilité de la estime tout aussi important que la Cour ne puisse se départir
Convention au Rapporteur spécial n’est pas une question
abstraite et que la réponse aurait dû dépendre d’une et ne s’écarte pas, même dans un avis consultatif, des règles
conclusion sur le point de savoir si les propos ont été tenus essentielles qui régissent son activité d’organe judiciaire.

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Résumé de l'avis consultatif du 29 avril 1999

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