Résumés des arrêts, avis coDocument non officielnces de la Cour
internationale de Justice
AFFAIRE DUDIFFÉRENDFRONTALIER TIERRESTREI,NSULAIREET MARITIME
(ELSALVADQRIHOIVDURA[S R)EQUÊTE À FIN D'INTERVENTION]
Arrêt du 13 septembre 1990
La Chambreconstituéepar laCourpourconnaîtrede 1.-- Procédure et conclusions des parties (paragra-
l'affaire du Différendfrontalier terrestre, insulaire et phes 1à 22)
maritime (El SalvadorIHonduras) a rendu son arrêt sur
la requête à fin d'intervention dans cette affaire, dé- 1. Par notification conjointe du 11décembre1986
poséepar le Nicaragua conformément à l'Article 62 déposéeau Greffe de la Cour le même jour, les Minis-
du Statut. A l'unanimité,elle a dit que le Nicaragua a tres des relations extérieures de la République du
établiqu'il a un intérêt d'ordrjuridique susceptible Honduraset de la Républiqued'El Salvadoront trans-
d'être affectépar une partie de l'arrêt quela Chambre misau Grefier une copiecertifiéeconforme d'un com-
rendra au fond en l'espèceet a décidéen conséquence promis en espagnol signéà Esquipulas (Républiquedu
que le Nicaragua est autorisé àintervenir dans l'ins- Guatemala)le 24mai 1986.Sonpréambuleseréfère àla
tance à certains égards. conclusion, le 30 octobre 1980,à Lima (Pérou), d'un
Traitégénéralde paix entre les deux Etats, traité dans
lequel il étaitnotamment procédé à la délimitationde
certains secteurs de leur frontière terrestre commune;
La composition de la Chambre était la suivante: en outre, il est pris acte dans le compromis qu'aucun
M. Sette-Camara, président; M. Oda et sir Robert règlementdirect n'a étéatteint en ce qui concerne les
Jennings, juges; MM. Valticos et Torres Berniirdez, autres zones terrestres ou "la situationjuridique des
juges ad hoc. îles et des espaces maritimes".
L'article 2 du compromis, qui definit l'objet du dif-
férend,est ainsirédigé,dansune traduction établiepar
le Greffe de la Cour:
Le texte complet du dispositif de l'arrêtest le
suivant : "Les parties demandent à la Chambre :
" 1. Qu'elle délimite laligne frontière dans les
"Par ces motifs, zones ou secteurs non décritsàl'article 16du Traité
"La Chambre, gCnéraide paix du 30 octobre 1980.
"A l'unanimité "2. Qu'elle détermine la situationjuridique des
"1. Dit que la République duNicaragua a établi îles et des espaces maritimes."
qu'elle a un intérêt d'ordrejuridique susceptible Le 17novembre 1989,leNicaragua adéposé,confor-
d'êtreaffectéparunepartie del'arrêt quelachambre. mément à l'Article62du Statut de laCour, une requête
rendra au fond en l'espèce,à savoirpar la décision à fin d'intervention dans l'instance introduite par la
qu'elle rendra sur le régimejuridique des eaux du notification du compromis.
golfe de Fonseca, mais qu'elle n'a pasétablil'exis- La Cour, par ordonnance du 28février1990,ajugé
tence d'un tel intérêt susceptible d'être affecté parqu'il appartenaità la Chambre constituée pour con-
toute décision que la Chambre peut êtrerequise de naître de l'affaire de déciderde l'admission de la re-
rendre ence quiconcerne ladélimitationdeces eaux, quête duNicaragua.
par toute décisionsur la situationjuridique desespa-
ces maritimes extérieurs au golfe ou par toute dé- II-- Nature et portée du différend(paragraphes 23
cision sur la situationjuridique des îles du golfe; à 33)
"2. Décideen conséquencequelaRépubliquedu
Nicaragua est autoriséeà intervenir dans l'instance, La Chambre relève que le différend opposant El
conformément à l'Article 62 du Statut, dans la me- Salvador et le Honduras, qui est l'objet de ce com-
sure, de la manière et aux fins spécifiées dansle promis, concerne plusieurs questions distinctes quoi-
présentarrêt,mais ni davantage ni autrement." queliéesàcertainségards.Ilest demandé à laChambre
de délimiterla frontière terrestre entre les deux Etats
dans les zones ou secteurs non décrità l'article 16du
Traitégénéralde paix qu'ils ont conclu le 30 octobre
M. Oda,juge, ajoint àl'arrêtl'exposéde son opinion 1980;leNicaraguane demandepas àintervenirdans cet
individuelle. aspect de laprocédure. Ilest demandéaussiàla Cham-
bre de "détermine[r] la situationjuridique des îles" et
Dans cette opinion individuelle, ce juge a définiet celle des"espaces maritimes". Le cadre géographique
expliqué la position qu'ila prise sur certains points dans lequels'inscrivent les aspects insulaires et mari-
traités dans l'arrêt. times du différendainsi que la nature et la portée du
différendtel qu'ilressort desrevendicationsémisespar
les F'artiesdevant la Chambre sont exposés ci-après. Le golfe de Fonseca s'étend surla côte Pacifique de lement l'arrêtne s'imposait qu'aux parties directes
l'Amériquecentrale; il s'ouvre sur l'océanilans une au litige, le Nicaragua et El Salvador, le régimejuri-
direction générale sud-ouest. La côte nord-ouest du diquereconnudans cette décisions'estrenforcéavec
golfefaitpartie du territoire:terrestre d'El Salvadoret la letemps[;] seseffetss'étendentaux Etats tiers, et en
côte sud-estde celui du Ni.caragua;le territoire terres- particulier au Honduras",
tre driHonduras est situéentre les deux et comporte un
important littoralà l'intérieurdu golfe. L'embouchure el:que la situationjuridique du golfe "n'autorise pas
du golfe, entre Punta Amapala (El Salvador) au nord- u.npartage des eaux possédées encondominium", à
ouest et Punta Cosigüina (IVicaragua)au sud-est, a une l'exception "d'une mer territoriale dans le golfe", re-,
largeur de quelque 19 mi1le:smarins. La pénétrationdu connuepar la Cour dejustice centraméricaine. El Sal-
golfe à partir d'une ligne reliant ces points est de à0 v.adorprie en conséquence la Chambre de direet juger
32 milles marins. A l'intérieurdu golfe de Fonseca se que :
trouvent un très grand noinbre d'îles et d'îlots.
"Le régimejuridique des espaces maritimes dans
El Salvador prie laChanibre de dire qu" 'El Salvador le golfe de Fonseca correspond au régimejuridique
exerce et a exercéune souverainetésur 1'ense:mbledes établi par l'arrêtde la Cour de justice centraméri-
îles tfu golfe de Fonseca,à l'exception de l'île Zacate caine rendu le 9 mars 1917,tel qu'il a étéaccepté et
Granidequi peut êtreconsidéréecomme faisant partie appliqué par lasuite."
delacôte du Honduras". Pour sapart, leHonduras prie
laChambrede juger queseulesles îlesde Meaiigueraet 11soutient aussi que :
de Meangueritasonten litigeentre lesParties, desorte "En ce qui concerne les espaces maritimes, les
que, selon lui, la Chambra?n'est pas appelée à déter- Parties n'ont demandé à la Chambre ni de tracer une
mine:rla souveraineté sur l'une quelconquedes autres ligne de délimitationni de définirles règleset prin-
îles; il la prie en outre de déclarerla souverainetédu cipes du droit international public applicablesàune
Honduras sur Meanguera et Meanguerita. délimitationdes espaces maritimes, soit à l'intérieur
La Chambreestime qu'il n'ya pas lieu de fiire l'his- du golfe de Fonseca, soit àl'extérieur."
torique détaillédu différend, mais que deux événe-
ments concernant les espaces maritimes doivent être Le Honduras rejette l'opinion selon laquelle l'arrêt
mentionnés. Premièrement, les eaux du golfe de Fon- di: 1917acréé oureflétéunrégimejuridique objectifet il
seca s'étendantentre le Honduras et le Nicaragua ont faritvaloir que, s'agissant d'une
engrandepartie été délimitéesen1900par unecommis-
sion mixte constituée en application d'un traitéconclu "sentencejuridictionnelle ouarbitrale, réglantuncas
entre les deux Etats le 7 octobre 1894,mais la lignede de délimitationentre les parties à un différend,la
délimitationne va pas jusqu'à atteindre une ligne de solution adoptée par elle ne sera opposable qu'aux
fermeture reliant Punta Amapala et Punta Cosigüina. parties".
Lt: second événement qu'il faut mentionnerest le Il fait aussi observer que
suivant : en 1916,El Salvador a introduit une instance "ce n'est pas de la sentence de 1917que résulte la
entre le Nicaragua devant la Cour de justici: centra- souveraineté des Etats riverains sur les eaux de la
méricaine,ensoutenant notamment queletraitéBryan- baie de Fonseca. Elle était bien antérieure à ce ju-
Chainorro, conclu entre le Nicaragua et les Ei:ats-Unis gement intervenu entre deux riverains, puisqu'elle
d'Amériqueen vue de la construction d'une base na- remonte à la création des trois Etats."
vale, "méconnaîtet viole lesdroits de copropriété que
possède El Salvador dans le golfe de Fonseca". L,athèsedu Honduras relative à la situation juridique
Lt: Nicaragua s'est oplposé à cette prétention, en desespaces maritimes,que laChambreexaminera plus
soutenant notamment que l'"absence de dkniarcation loin, implique que ces espaces maritimes soient dkli-
de frontières" entre les Etats riverains n'entraînait pas niitésentre lesparties. Il considbreque la Chambre est
une :propriétécommune. Dans ladécisionrencluepar la compétenteen vertu du compromis pour procéder à
Cour de justice centramtiricaine le 9 mars 1917, on une telle délimitationet il a indiqué queldevrait être,
trouve consignée l'opinicin unanime des juges selon si:lon lui, le cours de la ligne de délimitation.
laquelle le régimeinternational du golfede Fonsecaest
celui d'"une baie historique possédant les caractéris- En ce qui concerne les espaces maritimes situés au-
tiquesd'une merfermée"; dansson "Examen.desfaits delà de la ligne de fermeture du golfe, le Honduras
et considérationsde droit", cette Cour a déclaré : demande à la Chambre de dire que la "communauté
d'intérêts" existanetntre El SalvadoretleHondurasen
"ATTENDU : que la Cour ayant reconnu que le tantquYEtatsriverains dugolfeimplique à leur profitun
régimejuridique du golfe de Fonseca est celui d'une droit égalà exercer leur juridiction sur ces espaces;
baie historique possédant les caractéristiqciesd'une aussi lui demande-t-il de déterminerune ligne de déli-
mer fermée, lestrois Etats riverains, El Salvador, le mitationjusqu'à 200 milles au large, pour délimiterla
Honduras et le Nicaragua. sont reconnus e:nconsé- mer territoriale, la zone économique exclusive et le
quence commecopropriétairesdeseseaux & l'excep- plateau continental des deux parties. En revanche, El
tion des eaux comprises àmoins d'une lieue marine Salvadorsoutient qu'en vertu du compromis la Cham-
du littoral, qui sont la piropriexclusive de chacun bre n'a pascompétencepour délimiterdes zonesmari-
d'eux. .." times àl'extérieurde la lignede fermeture du golfe. El
El Salvador soutient, dans le mémoire qu'ila pré- Salvador nie que le Honduras puisse légitimementpré-
sentédans la présente instance, que : tendre à une partie quelconque du plateau continental
ou àune zoneéconomiqueexclusivedans le Pacifique,
"Sur la base de l'arrêtde 1917,unrégimeJuridique àl'extérieurdu golfe; ilest pourtant disposéàaccepter
objectif a étéétabli dans le golfe. Même siinitia- que la question soit tranchée par la Chambre. III.- Les conditions auxquelles l'Article62du Statut cision,cela nejustifiait passacontinuationenl'absence
de la Cour et l'article 81 de sort Règlement d'un Etat dont la responsabilité internationale consti-
sirbordonrrentuneintervention (paragraphes 35 tuerait l'"objet mêmede ladite décision": il n'y avait
à 101) pas eu besoin de décider ce qui se serait produit si
l'Albanie avait présentéune requête à fin d'interven-
Danslarequête à find'intervention qu'iladéposée le tionifondéesurl'Article62.La Chambre conclutque si,
17novembre 1989,le Nicaragua a déclaré quecelle-ci dans laprésenteaffaire,lesintérêtsd'ordrjeuridique du
était soumiseen vertu de l'Article 36,paragraphe 1,et Nicaragua faisaient partie de l'"objet mêmede la dé-
de l'Article62du Statut. L'article 81,paragraphe 1,du cision'',comme cet Etat l'afaitvaloir, uneintervention
Règlementexigequ'une requêtefondéesulr'Article62 du Nicaragua en vertu de l'Article 62 du Statut, qui
du Statut soit déposée"le plus tôt possible avant la énonceun critère moins rigoureux, se justifierait sans
clôture de la procédure écrite". La requêtedu Nica- aucun doute. Mais il s'agirait alors de savoir si une
ragua a étédéposéeau Greffe de la Cour deux mois intervention de cette nature, fondée surl'Article62du
avant l'expiration du délai fixépour le dépôt des ré- Statut, habiliterait la Chambrà statuer surlesintérêts
pliques des Parties. juridiques du Nicaragua,qui, seloncet Etat, constitue-
raientl'objet mêmede ladécision.La Chambrerecher-
Aux termes de l'article 81, paragraphe 2, du Rè- chera donc d'abord si le Nicaragua a établil'existence
glement, 1'Etat demandant à intervenir doit préciser d'un intérêtd'ordrejuridique susceptibled'être affecté
l'affaire que concerne sa requêteet spécifier: par la décision et justifiant l'intervention: si tel est le
"a) L'intérêtd'ordre juridique qui, selon 1'Etat cas, la Chambrerecherchera ensuite si cet intérêpteut
demandant à intervenir, est pour lui en cause; effectivement constituer l'"objet mêmede ladite dé-
"6) L'objet précisde l'intervention; cision", àl'instar desintérêtsel'Albaniedans l'affaire
de l'Ormonétairepris à Rome en 1943.
"c) Toute base de compétence qui, selon 1'Etat
demandant à intervenir, existerait entre lui et les La Chambre relève aussi que l'Article 62 du Statut
parties. envisagel'intervention sur la base d'un intérêt d'ordre
La Chambre examine d'abord certains arguments juridique "susceptible d'être affectéparla décisionen
d'El Salvador qui ont étéavancés pour motiverle rejet l'espèce". Or, dans la présente affaire, ce que le com-
inlimite litisde la requêtedu Nicaragua,sans qu'ilsoit prornis demande à la Chambre, ce n'est pas une dé-
nécessaire d'approfondir la question de sa conformité cision sur un point unique et défini,mais plusieurs
avec l'Article 62du Statut de la Cour. Ces arguments, décisions sur divers aspects du différend général qui
dontaucun n'aétéretenupar laChambre,concernaient oppose les Parties. La Chambre doit considérerl'effet
la conformitéformelle de la requêteaux exigences de quechacune de ses éventuellesdécisionsrelativesaux
l'article 81, paragraphe 2, du Règlement, l'allégation diffkrentspointssusceptiblesd'être tranchéspeutavoir
selon laquelle la requêten'avait pasétéprésentée"en sur les intérêtsjuridiques invoquéspar le Nicaragua,
temps utile" comptetenu des demandes qu'elleconte- afinde définirla portéede toute intervention qui pour-
nait, demandes censées êtreperturbatrices à ce stade rait êtrejugéejustifiée au regard de l'Article 62 du
avancé de la procédure, et l'absence de négociations Statut. Si un Etat réussit à établirde manière satis-
avant le dépôtde la requête. faisante devant la Cour qu'il a un intérêt d'ordrjuri-
dique susceptibled'être affectépar la décisionqui sera
a) L'intérêdt'ordrejuridique (paragraphes 37 et 52 rendue en l'espèce, il peut êtreautorisé à intervenir
à 84) pour les besoins de cet intérêt.Mais cela ne signifie
Le Nicaragua déclaredanssarequêteque :"Comme pas que 1'Etatintervenant est dès lors aussi autorisà
lemontrel'article 2ducompromis. ..leGouvernement s'étendre sur d'autres aspects de l'affaire. Le Nica-
du Nicaragua a un intérêt d'ordre juridiquesur lequel ragualereconnaît. Puisqu'ilimportede définirlaportée
une décisionde la Chambre aura inévitablementune de toute interventionqui serait autorisée, la Chambre
incidence." (Par. 2.) Il passe ensuite à l'énuméra- doit examinerles points suivants :les îles, la situation
tion des "considérations particulières" sur lesquelles des eaux à l'intérieurdu golfe. la délimitationéven-
"cette opinion sefonde". La Chambrerelèveque, ainsi tuelle des eaux à l'intérieurdu golfe, la situation des
que la Courl'a précisédansd'autres affaires,pour être eaux à l'extérieur dugolfeet la délimitationéventuelle
autorisé à interveniren vertu de l'Article 62du Statut, des eaux à l'extérieurdu golfe.
un Etat doitétablirqu'ila "an interest ofa legal natitre La question de savoir si tous ces points sont effec-
which rnay be affected by the Coitrt's decision in the tivement soulevés par le libelléde l'article. paragra-
case" ou qu'un intérêt d'ordrejuridique est pourlui en phe 2,du compromis est elle-mêmelitigieuseentre les
cause: tel est le critère énoncéà l'Article 62. Partiesà l'affaire. A ce stade de la procédure,la liste
des points à examiner doit donc s'entendre sans pré-
En l'espèce, le Nicaragua est allé plusloin :citant judiceaucun du sens duparagraphe 2del'article 2.dans
l'affairedel'Ormonétairepris àRome en 1943(C.Z.J., sonensemble, oudel'unquelconquedestermes utilisés
Recueil 1954,p. 19),ilaalléguéquesesintérêtsfon t ce dans cet article. Il est clair que la Chambre ne saurait
pointpartie de l'objetdel'affaireque, sanssaparticipa- prendre position, dans la présente procédure,sur les
tion, la Chambre ne saurait exercer sajuridiction. La différendsentre les Parties relatifs au sens attribuer
Chambre examine en conséquence de quelle manière au compromis :elle doit statuer sur les questions sou-
lesintérêtdsel'Albanieauraientconstituél'objetmême levéesparla requêtedu Nicaragua,tout en laissantces
de la décision dans l'affaire del'Ormonétairepris à questions d'interprétation entièrement en suspens.
Rome en 1943et expliqueque la Cour ajugédans cette
affaire que. sila présence del'Article 62dans le Statut La charge de la preuve (paragraphes 61 à 63)
pouvait autoriser implicitement la continuation de la
procédure en l'absence d'un Etat dont les "intérêts La question de l'étenduede lachargede lapreuve qui
juridiques" risqueraient d'être "touchés" par la dé- incombe à1'Etatdemandant àintervenir aétédébattue devant laChambre. Del'avisde laChambre, ilestclair, fr,ontières", mais au contraire "la claire définitionde
d'une part, que c'està1'Ei:atqui demande à intervenir cttlles-ci, comme condition d'une coopération effi-
d'éta.blde façon convainc:antece qu'ilallègueet donc cace"; que chacun des trois Etats riverains"possède
de supporter la charge de la preuve. d'autreart, qu'il uii droit égaà une portion de ces eaux intérieures".
doit seulement démontrer que son intérêt "pe:ut" être
affecté etnon qu'il le sera ou qu'il le serariécessai- Indépendammentde la question du statut juridique
rement. Ce que 1'Etat qui demande à intervenir doit de l'arrêtde 1917,relèvelaChambre, El Salvadorn'en
établirne peut êtreappréciéque concrètemeiit et que soutient pas moins maintenant que les eaux du golfe
parrapport àtoutes lescirconstances del'espèce.C'est sont soumisesà uncondominiumdes Etats riverains. et
à 1'E:tatdésireux d'intervenir qu'il appartient d'iden- il a mêmedonné à entendre que ce régime "auraitété
tifier l'intérêtd'ordre juridique considéré parlui applicable en tout état de cause au golfe en vertu du
comine susceptible d'êtreaffectépar la décisionà ren- di-oitinternational coutumier". Le Nicaragua a men-
dre e:nl'espèceet de montireren quoi cet intérêrtisque tionnéle fait qu'à l'évidenceil a dans le golfe de Fon-
d'être affectél;aCourelle-même - ouen 1'ocl:urrence seca des droits dont l'existence est incontestée, etil a
la Chambre - n'a pasà cet égardà se substituerà cet soutenu que
Etat. La Chambre rappelle aussi à ce propos le pro- "le condominium, s'ilest déclaréapplicable. meten
blèmeque pose le fait que les Parties sont en litigeau cause, par sa nature même, troisEtats riverains et
sujetdel'interprétationdeladisposition même ducom- non pas seulement les parties au compromis".
proniis quiest invoquéedans la requêtedu Nicaragua.
La Chambre relève que le Nicaragua se fontle sur le De l'avisde la Chambre, le Nicaragua a ainsi suffisam-
principe de la reconnaissance, ou surl'estoppel,mais mientdémontréqu'il a un intérêt d'ordre juridique à
elle ii'accepte pas les thèses du Nicaraguà ce sujet. faire valoir facà une décisionsur le point de savoir si
telest ou non lerégimeapplicableauxeaux du golfe la
La Chambre passe ensuite àl'examen des quelques diifinitionmême du condominiumconduit à cette con-
questions pouvant appeler une décisionen ].'espèce, clusion. Quiplusest. une décisionfavorable àcertaines
comiae il est dit plus haut, en vue de déterminers'ila des thèsesdu Honduras serait aussi de natureà affecter
étéétabliquecette décisionrisqued'affecter üinintérêt des intérêtsjuridiques duNicaragua. La "communauté
juridique du Nicaragua. d'intérêts",quiforme le point de départde l'argumen-
tation du Honduras, est une communauté qui, à l'égal
1. La situation juridique des îles 1:paragra- du condominium invoquépar El Salvador, inclut le
phes 65 et 66) Nicaragua en tant qu'un des trois Etats riverains, si
b.ienque laquestion doit revêtir aussiunintérêt poulre
La décisionque les Parties demandent àla Chambre Nicaragua. En conséquence,laChambreconclut quele
consiste notamment àdéte:rminerla situati0n:iuridique Nicaragua a démontré demanièresatisfaisante l'exis-
des illes.Sur ce point, la Chambre conclut qu'elle ne tence d'un intérêd t'ordre juridique susceptible d'être
doit pas accorder au Nicaragua l'autorisatiori d'inter- affecté parsa décisionsur ces questions.
venir, en l'absence de tout intérête cet Etat suscepti- Par ailleurs, bien qu'il lui ait ainsi étédémontréde
ble d'êtredirectement affecté par une décisionen la manièresatisfaisante queleNicaragua aunintérêtd'or-
matière. Les effets éventuelsdes îles, en tani.que cir- dre juridique susceptible d'êtreaffecté parla décision
constances pertinentes pour ladélimitationde:;espaces qu'ellerendra sur le point de savoir siles eaux du golfe
maritimes, devront êtree.xaminésdans le cadre de la deFonseca sont ou non soumises àuncondominiumou
question de savoir si le Nicaragua doit êtreautoriséà à une "communauté d'intérêts" des trois Etats rive-
intervenir sur la based'un intérêtjuridique susceptible riiins, la Chambre ne saurait accueillir l'allégation du
d'êtreaffecté par une décisionrelative à la situation Nicaragua d'après laquelle l'intérêt juridique de cet
juridique des eaux du golfe. E,tatconstituerait "l'objet mêmede la dite décision",
au sens où ces termes ont étéemployésdans l'affaire de
2. La sitrrationjuridique des ear4xà l'intérieur l'Or monétaire pris ciRorne en 1943pour décrire les
du golfe (paragraphes 67 à 79) intérêtdse l'Albanie. De celarésulteque laquestion de
savoir silaChambreaurait lepouvoir destatuersurces
i) Le régimedes eaux questions sans la participation du Nicaragua à l'ins-
tance ne se pose pas, mais que les conditions d'une
Selon El Salvador, il existe entre El Salvador, le iritervention du Nicaragua sur cet aspect de l'affaire
Honduras et leNicaragua "un régimede comrnunauté, n'en sont pas moins manifestement remplies.
de copropriété oude coscluveraineté"sur les eaux du ii)La délimitation éventrielledes earr.x
golfe de Fonseca "qui scinten dehors de la zone de
juridiction exclusive", "un régimejuridique ,objectif' S'ilneluiétaitpasdémontréde manièresatisfaisante
sur la base de l'arrêtde 1917de la Cour de justice qu'ilexiste un condominium sur les eaux du golfe, tel
centraméricaine.Se fonda.ntsur cet arrêt,El Salvador qu'il exclut toute délimitation. la Chambre pourrait
estime que la situationjuridique du golfen'autorise pas êtreamenée à effectuer une délimitation.pour autant
un partage des eaux possédéesen condominium. Il qu'elles'estimeraitcompétente àcet effet. La Chambre
soutient aussi que le compromis ne donne pas com- doit donc rechercher si une décision relativeàla déli-
pétence pour effectuer un.etelle délimitation.Pour sa mitation des eaux du golfe risquerait d'affecter un in-
part. le Honduras soutient notamment : que "les cir- tkrêtd'ordrejuridique duNicaragua, et celapour déter-
constances géographiquespropres. ..[augolfe]engen- miner s'ilconvientd'autoriser leNicaragua à intervenir
drent entre les Etats riverains une situation particu- danscet aspect de l'affaireaussi. Mais la Chambre n'a
lièrecréatriced'une comniiunauté d'intérêts" qu i,son pas à examiner quel pourrait êtrel'effetsur les intérêts
tour, "impose un régimejuridique particulierpour dé- du Nicaragua de toute délimitation possible àlaquelle
finir leurs rapports mutuels"; que "la com.munauté on pourrait parvenir. C'està 1'Etatdemandant à inter-
d'int:érêtsc,e n'est pas l'intégrationet l'abolition des venir d'établirque ses intérêts pourraient treaffectéspar unedélimitationparticulière,ou par toute delimita- manitimesextérieursau golfe et elles nient que, si la
tion en général.Dansses ecritures, le Honduras a déjà Chambredonnesuite à leurinterprétationrespectivede
indiqué commentil faudrait procéder à la délimitation l'article2,lesintérêtsjuridiquesduNicaraguapuissent
selon lui. Fidèlesa position, El Salvador n'apas fait s'en trouver affectés.
part de ses vues sur d'eventuelles lignes de delimita- La Chambre relève que le Honduras a proposéun
tion. Le Nicaragua, pour sa part, n'a donne d'indica- modèlede delimitation destinéà éviter touteempié-
tion sur aucune ligne de délimitationparticulière qui, tement sur des eaux exterieures au golfedont on pour-
d'après lui, affecteraitses intérêts. raitimaginerqu'elles soient revendiquéespar le Nica-
LaChambreexaminelesargumentsque leNicaragua raguaet qu'ilen a fait uneemonstration, mais qu'elle
expose dans sa requête en tant que considérations à ne saurait se prononcer à son sujet au cours de la
l'appuide l'intérêtjuridiquqeu'ilallègue;elle n'estime présenteprocedure incidente,et avant d'avoirentendu
pas qu'un intérêt d'un Etat tiers pour des règleset lesplaidoiriessurlefond. Cette démonstrationappelait
principesjuridiques généraux pouvantêtreappliqués certciinesindicationsde la part de I'Etat desireux d'in-
par la décisionpuissejustifier une intervention, ni que tervenir,pour precisercommentcespropositionsaffec-
la prise en considérationde toutes les côtes et rela- teraient un intérêt particulier duNicaragua ou quelle
tionscôtières àl'intérieurdugolfe,considérées comme autre delimitation possible affecterait cet intérêt. La
un fait géographiqueaux fins d'une délimitation entre proposition du Honduras portée surune carte donnait
El Salvadoret le Honduras, signifieque l'interêtd'un ainsi au Nicaragua l'occasiond'indiquer comment les
Etat riverain tiers, le Nicaragua, puisse êtreaffecte. propositions honduriennes seraient susceptibles d'af-
La Chambre fait observer que la principale dificulte fecter "sensiblement" tout interêtjuridique quele Ni-
qu'elle rencontre à propos d'une éventuelledelimita- caragua pourrait avoir dans des eaux situéesà l'ouest
tion à l'intérieurdes eaux du golfe tient à ce que le delaligne proposdepar leHonduras. Le Nicaraguan'a
Nicaragua n'a pas indique,dans sa requête, d'espaces pas indiquécommentcette delimitation,ou toute autre
maritimesoù il pourrait avoir un intérêjt ridique sus- delimitation qu'il considéraitcomme possible, affec-
ceptibled'être considérc éommeaffectéparune &en- terail un interêtjuridique effectif du Nicaragua. La
tuelle ligne de délimitationentre El Salvador et le Charnbrene peutdonc accorder au Nicaragual'autori-
Honduras. sationd'intervenir au sujet de laelimitationdes eaux
situees au large par rapporà la lignede fermeture du
En conséquence,la Chambre n'est pas convaincue golfe.
qu'une décision rendue en l'espèce sur le droit appli-
cable à une délimitationdes eaux du golfe entre le b) L'objet de l'intervention (paragraphes 85à 92)
Honduraset El Salvadorou portant delimitationdeces
eaux (sauf en ce qui concerne le "communaute d'in- LaiChambreexamineensuitelaquestion del'objetde
térêt"alléguée)a ,ffecterait les interêts duNicaragua. la requêtedu Nicaragua à fin d'intervention dansI'af-
Dès lors la Chambre estime que le Nicaragua, bien faire. L'alinea b du paragraphe 2 de l'article 81 du
qu'ayant établiauxfinsde l'Article62du Statut l'exis- Règlementprescrit que "l'objet precis de I'interven-
tence d'un intérêd t'ordrejuridique susceptibled'être tion" doit êtrespecifie.
affectépar une décisionde la Chambresur la question C'est dans les termes ci-apr&sque le Nicaragua a
de l'existenceou de la nature d'unregimede condomi- formulédans sa requête à fin d'intervention l'objetde
nium oudecommunautéd'intérêts àl'intérieurdugolfe son intervention en l'espèce:
de Fonseca, n'a pasétabli l'existence d'untel interêt
qui puisse êtreaffectepar une decision de la Chambre '"La requêteàfin d'intervention a pour objet :
sur une quelconque question de delimitation à I'in- "'Premièrement, de proteger géneralement, par
térieurdugolfe.Cetteconclusionr&gleaussilaquestion tous les moyensjuridiques possibles, lesdroits de la
mentionnée ci-dessusde l'incidence eventuelle d'une Republiquedu Nicaraguadans legolfede Fonseca et
décisionsur le différend relatifaux îles. dans les espaces maritimes adjacents.
"Deuxièmement,d'intervenir dansl'instance pour
3. La situationjuridique des eaux à l'extérieur informerlaCourdelanature des droitsduNicaragua
dl4golfe (paragraphes 80 à84) qui sont en cause dans le litige. Cette forme d'in-
terventionaurait unbutconservatoire :elleviseraià
La Chambrepasse alors àla question de l'effetque garantirquelesconclusionsdelaChambreneportent
pourraitavoirsurlesinterêtsjuridiquesduNicaraguala pasatteinteauxdroits et intérêtdselaRépubliquedu
décisionqu'ellerendra au sujetdeseauxextérieuresau Nicaragua. . "
golfe. Le Honduras affirme que par le compromis
Lors desaudiences l'agentduNicaraguaainsistésurle
"les parties ont nécessairementdote la Cour de la fait que son gouvernement etait dispose à s'adapterà
compétencede delimiter les zones de la mer ter- toute procedure indiquee par la Chambre. Il a et6 sou-
ritorialeet lazoneéconomiqueexclusivequiappar- tenu, en particulier par El Salvador, que l'objet de
tiennent au Honduras et à El Salvador respecti- l'interventiondeclare par le Nicaragua n'était pasun
vement" objet approprié.
et il demande à la Chambre d'enteriner la ligne de Danslamesureoùl'interventionduNicaraguaapour
délimitation qu'ilpropose pour ks eaux exterieures au objet "d'informer la Cour de la nature des droits du
golfe car elle "aboutiraà une solution equitable". El Nicaraguaqui sont en cause dans le litige", on ne peut
Salvador interprète le compromis comme n'habilitant pas dire que cet objet n'est pas approprie: il semble
pas la Chambre àeffectuer une delimitation. Les deux d'ailleurs conformeaur6ledel'intervention.L'emploi,
Parties soutiennent que le Nicaragua n'aaucun'intérêt dans unerequête à find'intervention, d'une expression
d'ordre juridique susceptible d'être affecte par ladé- qui vapeut-êtreunpeuplus loin ("porter atteinte àdes
cision relativeà la "situation juridiqu?.cles .espaces droits et interêtsjuridiques") est sans consequence,
. .pour autant que l'objectif effectivement poursuivi soit 1'Etat intervenant en mesure de greffer une nouvelle
approprié. En second lieu, la Chambre nYe:;timepas affairesurlaprécédente,dedevenir une nouvellepartie
ttger..rsqu'un Etat cherche, en intervenant, à "pro- et d'obtenir ainsique la Cour se prononce sur ses pro-
.par tous les moyensjuridiques" ses droits, il pres prétentions. L'intervention ne peut avoir écon-
inclureparmi ces moyens "celui quiconsisteSàlchercher que pour qu'on s'en serve à la place d'une proctdure
à obtenir une décisionfalvrorable"sur ses propres de- contentieuse. L'acceptation du Statut par un Etat ne
marides. Les "moyens juridiques possibles" doivent créepas en soi de compétence pour connaître d'une
êtreceuxquefournitl'institutionde l'interverition pour affaireparticulièreleconsentementexprèsdesparties
protéger les intérêts juridiques d'unEtat tiers.. Ainsi est nécessaire à cet effet. Si l'on considérait qu'un
corripris,cet objet ne peul êtreconsidéréconime inap- intervenant devient partieà une affaire du simple kit
proprié. aurait làune entorsegraveàecetaspect duprincipe delal y
c) Fondementde la cornpétence :lien-dejiiridiction jadmiscàiintervenir dans une instance ne devient pasat
vnlable (paragraphes 93 à 101) aussi une partie en cause du seul fait qu'il est un inter-
venant.
La Chambre doit encore examiner l'argunlent d'El
Salvador selon lequel, pour que le ~icaragiia puisse Il dtcoule donc de la nature juridique et des buts de
intervenir il lui faut en outre établir l'existence d'un l'intervention que l'existence d'un lien juridictionnel
"lien de juridiction valab!le9entre le Nicara]:ua et les entre 1'Etatqui demande à intervenir et les parties en
Parties. Dans sa requête..le Nicaragua n'allègue pas cause n'est pas une condition du succèsde sa requête.
l'exiistence d'une autre base de compétence que le Au contraire, la procédurede l'intervention doit per-
Statut lui-mêmeet exprime l'opinion que l'Article 62 rnettre que I'Etatdont lesintérêtsrisquentd'êtraeffec-
n'exige pas un titre de compétence distinct. téspuisse êtreautorisé à intervenir, alors même qu'il
Il s'agitde savoir si l'existence d'un lienjuridiction-n'existe pas de lienjuridictionnel et qu'il ne peut par
nel valable avec les partiesà l'instance- autrement conséquentpasdevenirpartie à l'instance. La Chambre
dit l'existence d'une base de compétence qii'un Etat conclut en conséquence que l'absence de lienjuridic-
dem.andant à intervenir pourrait invoquer pour intro- tionnel entre le Nicaragua et les Partiesà la présente
duire une instance contre l'une ou l'autre partie - instance ne constitue pas un obstacleà l'octroi de l'au-
constitue une condition essentielle pour qii'un Etat torisation d'intervenir.
puisse êtreadmis à intervenir en vertu de l'Article62du
Statut.Pour statuerà ce sujetlaChambre doit examiner
le p:rincipegénéralde lajuridiction consensrielle dans
ses rapports avec l'institiition de l'intervention. IV. -Les droits que I'Etclt autorisé ù intervenir
L'importance de ce principe général nesaurait être acquiert en matière de procédure (paragra-
mise en doute. Le règlement judiciaire international phes 102 à 104)
pré\ludans le Statut obéitau schéma suivant : deux
Etais, oudavantage,conviennentque laCourconnaîtra Comme c'est la premièrefois dans l'existence de la
d'un différendparticulier:,leurconsentement peut être Cour et de sa devancière qu'un Etat est autorisé à
donnésur une base adhoc, par voie de compromis ou intervenir en vertu de l'Article 62 du Statut, il semble
autrement, ou résulterde l'invocation, en pnSsencede qu'ilyait lieude donnerquelques indications del'éten-
ce différendparticulier, #d'uneclause juridictionnelle due des droits procéduraux que I'Etat intervenant
d'uri traité ou du mécaniismede l'Article 36.,paragra- acquiert une fois autorisà intervenir.En premier lieu,.
phe 2,du Statut delaCour.Ces Etats sontles '"parties'' comme la Chambre l'a expliqué, 1'Etatintervenant ne
à 1'i.nstanceet ils seront 1iiSladécision qiielaCour devient pas partie à l'instance; il n'acquiert pas les
rendra en définitive,parci: qu'il sontconvenus de don- droits et n'est pas soumis aux obligations qui s'atta-
ner à la Cour compétence pour trancher l'affaire par chent à la qualitéde partie en vertu du Statut et du
une décisionqui aura force obligatoire,comrne le pré- Règlementde la Cour ou des principesjuridiques géné-
voit l'Article 59 du Statut. Normalement,aucun autre raux de procédure. En tant qu'intervenant, le Nica-
Ettit ne peut donc se mêlerà l'instance sans le consen- ragua a évidemment le droit d'être entendu par la
tement des parties initiales. Néanmoins, d,es procé- Chambre. Ce droit est régipar l'article85du Règlement
durespermettant à un Etat "tiers" d'intervenir dans un (lelaCour, lequelprévoitlaprésentationd'unedéclara-
procèssontprévuesauxArticles 62et 63du Statutde la Lionécrite et la participatioà la procédure orale.
Cour. En matière d'intervention, la compétence de la
Cour ne découle pas du consentement des parties à La portéede l'intervention dans ce cas particulier,
l'instance,à la différencede sa compétencepour con- par rapport à l'affaire dans son ensemble, implique
naître de l'affaire qui lui a tté soumise, ma.isdu fait rkcessairement que le droit de l'intervenant d'être
qu'en devenant parties au Statut de la Cour.elles ont entendu soit limité. Il l'est d'abord par le fait qu'il
consenti à ce que celle-ci exerce les pouvoirs que lui n'appartient pas à l'intervenant de défendre devant la
confère le Statut. La nature de la compéte:nceainsi Chambredes thèses sur l'interprétation du compromis
créCepar l'Article 62du Statut se définitpar référence conclu entre les Parties le 24 mai 1986, puisque. ce
au but età l'objet del'intervention, comme celaressort c:ompromisest une res inter alios acta pour le Nica-
de l'Article 62 du Statut. ragua; le Nicaragua s'est d'ailleurs défendude toute
intention de se mêler au différend relatiàla frontière
L.ebut d'une interventionfondée sur l'Article 62du terrestre. Ensuite, la Chambre résume les aspects de
Statut est de protéger un "intérêtd'ordre jiiridique" l'affaire ausujet desquels le Nicaragua a établi l'exis-
d'uriEtat, susceptible d'êtreaffectépar une décision, tence d'un intérêt d'ordre juridiqueet ceux au sujet
dans une affairependante entre d'autres Etats,àsavoir desquels il ne l'a pas fait, avec les restrictions qui en
les partiesà cette affaire. Son but n'est pas de mettre résultent pour la portéede l'intervention autorisée.
26 Résuméde l'opinionindividuellede M. Oda dre enI'espece, ilaurait fal:i)aprèsl'avoir autorisà
M. Oda souscrit abondamment à la décisionde la intervenir au sujet du régimejuridique applicable aux
Chambre d'autoriser le Nicaragua à intervenir dans eaux situées àl'intérieurdu golfe, ne pas exclure qu'il
l'affaireportée devantla Cour en vertu du compromis puisse exprimer son point de vue en temps utile sur
du24mai 1986conclu entre leHonduraset El Salvador, toute délimitationentre El Salvador et le Honduras à
mais estime que l'intervention du Nicaragua n'aurait l'intérieurdu golfe que la Chambre pourrait devoir
effectueret ii) nepas exclure qu'ilpuisse exprimerson
pas dû êtrelimitée à la seule question du régimejuri- poirit de vue en temps utile sur toute délimitationqui
diquedes eauxsituées àl'intérieurdu golfe.Asonavis, pourrait devoir êtreeffectuéeà l'extérieurdu golfe au
dèslorsque leNicaragua aétabli,bienqu'endestermes cas où un titre quelconque serait établi en faveur du
tres généraux seulement,qu'il a un inttrêtd'ordre ju-
ridique susceptibled'être affectéparla décisionàren- Honiduras.
Résumé de l'arrêt du 13 septembre 1990