Résumés des arrêts, avis consultatifs et ordonnances de la Cour
internationale de Justice
Document non officiel
AFFAIREDE L'ANGLO-IRANIANOIL CO. (EXCEPTIONPRÉLIMINAIRE)
Arrêd t u 22juillet 1952
L'affaire de I'Anglo-Iranian Oil Company avait été l'interprétation qui est en harmonie avec la manière
soumise à la Cour par le Gouvernement du Royaume- natiirelle et raisonnable de lire le texte, eu égard à
Uni le 26 mai 1951et avait fait l'objeti'une exception l'intention de l'Iraà l'époque oùil l'a formulé. Or, la
d'incompétencede la part du Gouvernement de I'Iran. lecture naturelle et raisonnable du texte conduit à la
Par 9voix contre 5, la Coursedéclareincompétente. conclusion que seuls les traités postérieurs entrent en
L'arrêtest suivi d'une opinionindividuelle :celle desir ligne decompte. Pour aboutir à la conclusion opposée,
Arnold McNair, président de la Cour, qui, tout en se ilfaudrait des raisons spéciales et bien établies;mais le
ralliant aux conclusionsénoncéesdans l'arrêtauquel il Royaume-Uni n'a pu en produire. Bienau contraire, on
a donné sa voix. a exposé les motifs particuliers qui peut admettre que I'Iran avait des raisonsparticulières
l'ont amené à ces conclusions. Il est aussi suivi de pour rédiger sadéclarationd'une façon très restrictive
quatre opinionsdissidentes :celles des juges Alvarez. et pour exclure les traités antérieurs. En effet,I'épo-
Hackworth. Read et Levi Carneiro. que, l'Iran avait dénoncétous les traités avec d'autres
Etat:srelatifs au régimedes capitulations; il n'étaitpas
Le 5juillet 1951.la Couravait, par une ordonnance, certain de l'effet juridique produit par ces dénoncia-
indiquédes mesuresconservatoires en cette affaire,en tions unilatérales. Dans ces conditions, il n'est pas
attendantl'arrêtdéfinitifeten spécifiantque laquestion probable qu'il eût étédisposé,de sapropre initiative. à
de la compétence sur le fond n'était eri rien préjugée. acct:pter de soumettre à une cour internationale les
Dans son arrêt,la Cour a constaté quel'ordonnance du diffkrends relatifsà tous ces traités. D'ailleurs, la loi
5juillet 1951cessait de produire ses effets et que les iranienne portantapprobation de ladéclarationet votée
mesures conservatoires étaient en mêmetemps frap- par le Majlis avant la ratification confirme de façon
péesde caducité. décisive l'intention de I'Iran, car elle énonce que les
traités et conventions qui entrent en ligne de compte
sont ceux "que leGouvernementauraacceptésaprès la
ratification".
L'arrêtrappelle d'abord les faits. En avril 1933,un
accord fut conclu entre le Gouvernement de I'Iran et Les traitésantérieurssontdoncexcluspar ladéclara-
I'Anglo-Iranian Oil Company. En mars. avril et mai tion, et le Royaume-Uni ne peut par conséquentpas les
1951. des lois furent votées et promulguées en Iran. invoquer. Il en a invoquéde postérieurs :ce sont ceux
énonçantle principe de la nationalisation del'industrie de 1934avec leDanemark et laSuisse,et de 1937avec la
pétrolièreet mettant ce principe enŒuvre. Ces lois ont Turquie, par lesquels I'Iran s'est engagé à traiter les
eu comme conséquence un différendentre l'Iran et la ressortissants de ces puissances conformément aux
compagnie. Le Royaume-Uni a pris fait et cause pour principes et à la pratique du droit commun internatio-
cette dernière et, faisant usage de son droit de protec- nal. Le Royaume-Uni prétend que I'Anglo-Iranian Oil
tion diplomatique, a introduit une instance devant la Company n'a pas ététraitée selonces principes et cette
Cour. Sur quoi l'Iran a contesté la compétence de la pratique; et, pour se prévaloir des traités ci-dessus,
Cour. quoique conclusavec destiers, il se fondesur la clause
de la nation la plus favoriséecontenue dans deux actes
L'arrêtrappelle le principe selon lequel la volonté qu'il a conclus avec l'Iran: le traité de 1857et la con-
desparties est labasedetoutecompétence de laCour: il vention commerciale de 1903.Mais, précisément,ces
constate qu'en l'espèce la compétence dépenddes dé- deux derniers traités, qui seuls établissent le lienjuri-
clarationsd'acceptation de lajuridiction obligatoire de dique avec les traitésde 1934et de 1937,sont antérieurs
la Cour formulées par I'Iran et par le Royaume-Uni à la déclaration : le Royaume-Uni ne peut donc s'en
conformément à l'article 36, paragraphe 2, du Statut. prévaloir et, par suite,il ne peut invoquer les traités
Cesdéclarationscontenant la conditionde réciprocité, postt5rieurs conclus par l'Iran avec des tiers.
et celle de l'Iran étantde portée plus limitée,c'est sur
cette dernière que la Cour doit se fonder. Mais le règlement du différend entre I'Iran et le
Royaume-Uni effectuéen 1933grâce à la médiationde
Aux termes de cette déclaration, la Cour est com- la SociétédesNationsa-t-ilabouti àunaccord entre les
pétente seulement quand un différend se rapporte à deux gouvernements qui puisse êtreconsidérécomme
l'application d'un traité ou d'une convention accepté untraitéou convention ?Le Royaume-Unile soutient :
par l'Iran. Mais l'Iran soutient que, selon le texte ilallègueque l'accord signéen 1933entre le Royaume-
même,lacompétencese limiteaux traités postérieurs à Uni et la compagnie a un caractère double : à la fois
la déclaration. Le Royaume-Uni soutient au contraire contrat de concession et traité entre les deux Etats.
que les traités antérieurs peuvent aussi entrer en ligne Selori la Cour, tel n'est pas le cas. Le Royaume-Uni
de compte. Selon la Cour. les deux thèses peuvent à la n'est pas partie au contrat, lequel ne crée aucun lien
rigueur êtreconsidéréescomme compatibles avec le entre les deux gouvernements et ne règle en aucune
texte. Mais la Cour ne saurait se fonder sur une inter- façori leurs rapports. En vertu du contrat, l'Iran ne
prétation purement grammaticale: elle doit rechercher saura.itrevendiquer contre le Royaume-Uni aucun desdroits qu'il peut revendiquer contre la compagnie. pas IdeRoyaume-Uni. en soumettant au Conseil de la So-
plus qu'il ne peut êtreinvitéà s'acquitterà l'égard du ciétédes Nations le différend qui l'opposaàtl'Iran. ne
Royaume-C'nides obligations dont ilest tenu envers la faisait qu'exercer son droit de protection diplomatique
compagnie. Cette situation de droit n'est pas modifiée en faveur d'un de ses ressortissants.
du !Faitque le contrat de concession a éténégociéet
conclu grâce aux bons offices du Conseil de la Société C'est ainsique laCour en vientàlaconclusion qu'elle
des Nations, agissant par l'organe de son rapporteur. ri'est pas compétente.
Résumé de l'arrêt du 22 juillet 1952