Arrêt du 18 novembre 2008

Document Number
118-20081118-JUD-01-00-EN
Document Type
Incidental Proceedings
Date of the Document
Document File
Bilingual Document File

INTERNATIONAL COURT OF JUSTICE

REPORTS OF JUDGMENTS,
ADVISORY OPINIONS AND ORDERS

CASE CONCERNING APPLICATION OF
THE CONVENTION ON THE PREVENTION AND

PUNISHMENT OF THE CRIME OF GENOCIDE
(CROATIA v. SERBIA)

PRELIMINARY OBJECTIONS

JUDGMENT OF 18 NOVEMBER 2008

2008

COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

RECUEIL DES AR|TS,
AVIS CONSULTATIFS ET ORDONNANCES

AFFAIRE RELATIVE A v L’APPLICATION
DE LA CONVENTION POUR LA PRÉVENTION

ET LA RÉPRESSION DU CRIME DE GÉNOCIDE
(CROATIE c. SERBIE)

EXCEPTIONS PuLIMINAIRES

ARR|T DU 18 NOVEMBRE 2008 Official citation:
Application of the Convention on the Prevention and Punishment

of the Crime of Genocide (Croatia v. Serbia), Preliminary Objections,
Judgment, I.C.J. Reports 2008 ,p.412

Mode officiel de citation:
Application de la convention pour la prévention et la répression

du crime de génocide (Croatie c. Serbie), exceptions préliminaires,
arrêt, C.I.J. Recueil 2008 ,p.412

Sales number
o
ISSN 0074-4441 N de vente: 943
ISBN 978-92-1-071052-7 18 NOVEMBER 2008

JUDGMENT

APPLICATION OF THE CONVENTION ON THE PREVENTION
AND PUNISHMENT OF THE CRIME OF GENOCIDE

(CROATIA v. SERBIA)

PRELIMINARY OBJECTIONS

APPLICATION DE LA CONVENTION POUR LA PRÉVENTION

ET LA RÉPRESSION DU CRIME DE GÉNOCIDE

(CROATIE c. SERBIE)

EXCEPTIONS PREuLIMINAIRES

18 NOVEMBRE 2008

ARRE|T 412

TABLE DES MATIÈRES

Paragraphes

Q UALITÉS 1-22

I. IDENTIFICATION DE LAPARTIE DÉFENDERESSE 23-34

II. PRÉSENTATION GÉNÉRALE DE L’ARGUMENTATION DES PARTIES 35-42

III. REF HISTORIQUE DU STATUT DE LARFY VISÀ VIS DE ’O RGANISA-
TION DESN ATIONSU NIES 43-51

IV. PERTINENCE DES DÉCISIONS ANTÉRIEURES DE LC OUR 52-56

V. EXCEPTION PRÉLIMINAIRE À LA COMPÉTENCE DE LAC OUR 57-119

1) Questions liées à la capacité d’être partie à la procédure 57-92
2) Questions liées à la compétence ratione materiae 93-117
3) Conclusions 118-119

VI. EXCEPTION PRÉLIMINAIRE À LA COMPÉTENCE DE LA C OUR ET À LA
RECEVABILITÉ RATIONE TEMPORIS 120-130

VII. EXCEPTION PRÉLIMINAIRE CONCERNANT LA TRADUCTION DE CERTAINES
PERSONNES EN JUSTI,ELA COMMUNICATION DE RENSEIGNEMENTS SUR

LES CITOYENS CROATES PORTÉS DISPARUS ET LA RESTITUTION DE BIENS
CULTURELS 131-145

i) Traduction de certaines personnes en justice 133-136
ii) Communication de renseignements sur les citoyens croates
portés disparus 137-139
iii) Restitution de biens culturels 140-143
iv) Conclusion 144-145

VIII. DISPOSITIF 146

4 413

COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

ANNÉE 2008 2008
18 novembre
Rôlo général
18 novembre 2008 n 118

AFFAIRE RELATIVE A v L’APPLICATION

DE LA CONVENTION POUR LA PR uVENTION

ET LA Ru EPRESSION DU CRIME DE G uNOCIDE

(CROATIE c. SERBIE)

EXCEPTIONS PRE uLIMINAIRES

ARRÊT

Présents: Mme HIGGIN, président.AM L-KHASAWNEH, vice-président ;
MM. R ANJEV,S HI,K OROMA,P ARRA-ARANGUREN,B UERGENTHAL,
OWADA ,SIMMA,T OMKA,A BRAHAM ,K EIT,SEPÚLVEDA-AMOR,B EN-
NOUNA,S KOTNIKOV, juges; MM. VUKAS,K REC, juges ad hoc;
u
M. COUVREUR, greffier.

En l’affaire relative à l’application de la convention pour la prévention et la
répression du crime de génocide,

entre
la République de Croatie,

représentée par
S. Exc. M. Ivan Šimon´, ambassadeur, professeur de droit à la faculté de

droit de l’Université de Zagreb,
comme agent;
S. Exc. Mme Andreja Metelko-Zgomb´, ambassadeur, chef du service de

droit international du ministère des affaires étrangères et de l’intégration
meropéenne de la République de Croatie,
M Maja Serš´, professeur de droit à la faculté de droit de l’Université de
Zagreb,

5 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (ARRÊT ) 414

S. Exc. M. Frane Krnic´, ambassadeur de la République de Croatie auprès du
Royaume des Pays-Bas,

comme coagents;
M. James Crawford, S.C., professeur de droit international à l’Université de
Cambridge, titulaire de la chaire Whewell, avocat, Matrix Chambers,
M. Philippe Sands, Q.C., professeur de droit à l’University College de Lon-
dres, avocat, Matrix Chambers,

comme conseils et avocats;
M. Mirjan Damaška, professeur de droit à l’Université Yale, titulaire de la
chaire Sterling,
M Anjolie Singh, membre du barreau indien,

comme conseils;
M. Ivan Salopek, troisième secrétaire à l’ambassade de Croatie aux Pays-
Bas,
me
M Jana Špero, direction de la coopération avec les juridictions pénales
internationales au ministère de la justice,
comme conseillers,

et

la République de Serbie,
représentée par

M. Tibor Varady, S.J.D. (Harvard), professeur de droit à l’Université
d’Europe centrale de Budapest et à l’Université Emory d’Atlanta,
comme agent;

M. Saša Obradovic ´, premier conseiller à l’ambassade de Serbie aux Pays-
Bas,
comme coagent;

M. Andreas Zimmermann, LL.M. (Harvard), professeur de droit à l’Univer-
sité de Kiel, directeur de l’Institut Walther-Schücking,
M. Vladimir Djeric ´, LL.M. (Michigan), avocat, cabinet Mikijelj, Jankovi´
& Bogdanovic ´, Belgrade, président de l’association de droit international
de Serbie,

comme conseils et avocats;
S. Exc. M. Radoslav Stojanovic ´, S.J.D., ambassadeur de la République de
Serbie auprès du Royaume des Pays-Bas, professeur à la faculté de droit
de l’Université de Belgrade,
S. Exc. M me Sanja Milinkovic´, LL.M., ambassadeur, chef du service juridi-
que international du ministère des affaires étrangères de la République de

Serbie,
M. Vladimir Cvetkovic ´, premier secrétaire à l’ambassade de Serbie aux Pays-
meas,
M Jelena Joli´, M.Sc. (London School of Economics and Political
Science),
M. Igor Olujic´, avocat, Belgrade,
M. Svetislav Rabrenovic´, LL.M. (Michigan),
M. Christian J. Tams, LL.M., Ph.D. (Cambridge), Institut Walther-
Schücking, Université de Kiel,

6 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (ARRÊT ) 415
me
M Dina Dobrkovic ´, LL.B,
comme conseillers,

L A COUR ,

ainsi composée,
après délibéré en chambre du conseil,

rend l’arrêt suivant:

1. Le 2 juillet 1999, le Gouvernement de la République de Croatie (dénom-
mée ci-après la «Croatie») a déposé une requête contre la République fédérale
de Yougoslavie (dénommée ci-après la «RFY») au sujet d’un différend concer-
nant des violations alléguées de la convention pour la prévention et la répres-
sion du crime de génocide, approuvée par l’Assemblée générale des Nations
Unies le 9 décembre 1948 (dénommée ci-après la «convention sur le génocide»
ou la «Convention»). La requête invoquait comme base de compétence de la
Cour l’article IX de la convention sur le génocide.
2. Conformément au paragraphe 2 de l’article 40 du Statut de la Cour, le gref-

fier a immédiatement communiqué une copie certifiée conforme de la requête au
Gouvernement de la RFY; et, conformément au paragraphe 3 de cet article,
tous les autres Etats admis à ester devant la Cour ont été informés de la requête.
3. Conformément aux instructions données par la Cour en vertu de l’ar-
ticle 43 de son Règlement, le greffier a adressé aux Etats parties à la convention
sur le génocide la notification prévue au paragraphe 1 de l’article 63 du Statut.
Le greffier a en outre adressé au Secrétaire général de l’Organisation des
Nations Unies la notification prévue au paragraphe 3 de l’article 34 du Statut,
et lui a par la suite transmis des exemplaires des pièces de procédure.
4. Par ordonnance en date du 14 septembre 1999, la Cour a fixé au 14 mars
2000 la date d’expiration du délai pour le dépôt du mémoire de la Croatie, et au

14 septembre 2000 la date d’expiration du délai pour le dépôt du contre-
mémoire de la RFY.
5. Par ordonnance en date du 10 mars 2000, le président de la Cour, à la
demande de la Croatie, a reporté au 14 septembre 2000 la date d’expiration du
délai pour le dépôt du mémoire et, en conséquence, au 14 septembre 2001 la
date d’expiration du délai pour le dépôt du contre-mémoire de la RFY.
6. Par lettre en date du 26 mai 2000, l’agent de la Croatie a prié la Cour,
pour les raisons exposées dans ladite lettre, de lui accorder un délai supplémen-
taire de six mois pour le dépôt de son mémoire. Par lettre datée du 6 juin 2000,
l’agent de la RFY a informé la Cour que son gouvernement ne s’opposait pas

à la demande de la Croatie à condition de bénéficier de la même prorogation
pour le dépôt de son contre-mémoire.
7. Par ordonnance en date du 27 juin 2000, la Cour a reporté, respective-
ment, au 14 mars 2001 et au 16 septembre 2002 les dates d’expiration des délais
pour le dépôt du mémoire de la Croatie et du contre-mémoire de la RFY. La
Croatie a dûment déposé son mémoire dans le délai ainsi prorogé.
8. La Cour ne comptant sur le siège aucun juge de la nationalité des Parties,
chacune d’elles s’est prévalue du droit que lui confère le paragraphe 3 de l’ar-
ticle 31 du Statut de procéder à la désignation d’un juge ad hoc pour siéger
en l’affaire: la Croatie a désigné M. Budislav Vukas, et la RFY M. Milenko
Krec´a.

9. Le 11 septembre 2002, dans le délai prescrit au paragraphe 1 de l’article 79
du Règlement tel qu’adopté le 14 avril 1978, la RFY a présenté des exceptions

7 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE ARRÊT ) 416

préliminaires portant sur la compétence de la Cour pour connaître de l’affaire
et sur la recevabilité de la requête. En conséquence, par ordonnance du
14 novembre 2002, la Cour a constaté que, en vertu des dispositions du para-
graphe 3 de l’article 79 de son Règlement tel qu’adopté le 14 avril 1978, la pro-
cédure sur le fond était suspendue et a fixé au 29 avril 2003 la date d’expiration
du délai pour la présentation, par la Croatie, d’un exposé écrit contenant ses
observations et conclusions sur les exceptions préliminaires soulevées par la
RFY. La Croatie a déposé son exposé dans le délai ainsi fixé.
10. Par lettre en date du 8 novembre 2002, le Gouvernement de la Bosnie-
Herzégovine a demandé à recevoir communication des pièces de procédure et
documents annexés en l’affaire. Après s’être renseigné auprès des Parties confor-

mément au paragraphe 1 de l’article 53 du Règlement, le président de la Cour
a décidé de faire droit à cette demande. Le greffier a communiqué cette décision
au Gouvernement de la Bosnie-Herzégovine et aux Parties par lettres en date
du 11 décembre 2002.
11. Par lettre datée du 5 février 2003, la RFY a informé la Cour que, à la
suite de l’adoption et de la promulgation par l’Assemblée de la RFY, le
4 février 2003, de la charte constitutionnelle de la Serbie-et-Monténégro, le
nom de l’Etat de la «République fédérale de Yougoslavie» était désormais
«Serbie-et-Monténégro». Après l’annonce des résultats d’un référendum tenu
au Monténégro le 21 mai 2006 (conformément à la charte constitutionnelle de
la Serbie-et-Monténégro), l’Assemblée nationale de la République du Monté-
négro a adopté le 3 juin 2006 une déclaration d’indépendance (voir par. 23 ci-

après).
12. Par lettre en date du 11 avril 2007, le greffier, conformément au para-
graphe 3 de l’article 69 du Règlement, a demandé au Secrétaire général de
l’Organisation des Nations Unies de lui indiquer si cette dernière entendait pré-
senter des observations écrites au sens de ladite disposition. Par lettre en date
du 7 mai 2007, le Secrétaire général a indiqué que l’Organisation des Nations
Unies n’avait pas l’intention de présenter de telles observations.
13. Le 1 avril 2008, le coagent de la Serbie a déposé au Greffe neuf docu-
ments additionnels que son gouvernement souhaitait produire en l’affaire en
application du paragraphe 1 de l’article 56 du Règlement. Par lettre en date du
24 avril 2008, l’agent de la Croatie a informé la Cour que son gouvernement ne
s’opposait pas à la production de ces documents et désirait, pour sa part, pro-

duire deux documents nouveaux. Par cette même lettre, l’agent de la Croatie
priait la Cour d’inviter le défendeur, en application de l’article 49 du Statut et
du paragraphe 1 de l’article 62 du Règlement, à produire un certain nombre de
documents. Par lettre en date du 29 avril 2008, l’agent de la Croatie a fourni des
informations supplémentaires concernant cette demande.
14. Par lettre en date du 2 mai 2008, l’agent de la Serbie a informé la Cour
que son gouvernement ne s’opposait pas à la production des deux documents
nouveaux que la Croatie souhaitait présenter en l’affaire. Il a également informé
la Cour des vues de son gouvernement sur la demande de la Croatie tendant à
ce que la Cour invite le défendeur à produire un certain nombre de documents,
et a notamment indiqué que son gouvernement avait «certains doutes quant à
la question de savoir si la demande, compte tenu de la date de sa présentation

et du stade de la procédure, serait dans l’intérêt d’une bonne administration de
la justice».
15. Le 6 mai 2008, le greffier a informé les Parties que la Cour avait décidé
d’autoriser la production des documents qu’elles entendaient présenter en vertu
de l’article 56 du Règlement; ces documents ont donc été versés au dossier de

8 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE ARRÊT ) 417

l’affaire. Le greffier a en outre informé les Parties de la décision de la Cour de
ne pas faire droit, à ce stade de la procédure, à la demande de la Croatie ten-
dant à ce que la Cour invite le défendeur, en application de l’article 49 du Sta-
tut et du paragraphe 1 de l’article 62 du Règlement, à produire un certain
nombre de documents. Il a indiqué aux Parties que la Cour n’était pas convain-
cue que la production des documents demandés soit nécessaire aux fins de se
prononcer sur les exceptions préliminaires. Le greffier a également expliqué que
la Cour considérait que la Croatie n’avait pas donné de raisons suffisantes jus-
tifiant le caractère très tardif de sa demande et que de nombreux problèmes
d’ordre pratique se poseraient de surcroît s’il était fait droit à cette demande
présentée si tardivement.

16. Par lettres en date du 6 mai 2008, le greffier a informé les Parties que la
Cour les priait d’examiner, à l’audience, la question de la capacité du défendeur
à être partie à une instance devant la Cour au moment du dépôt de la requête,
étant donné que la question n’avait pas été traitée en tant que telle dans les
pièces de procédure.
17. Conformément au paragraphe 2 de l’article 53 de son Règlement, la
Cour, après s’être renseignée auprès des Parties, a décidé que des exemplaires
des pièces de procédure et des documents annexés seraient rendus accessibles au
public à l’ouverture de la procédure orale.
18. Des audiences publiques ont été tenues du 26 au 30 mai 2008, au cours
desquelles ont été entendus en leurs plaidoiries et réponses:

Pour la Croatie: S. Exc. M. Ivan Šimonovic ´,
S. Exc. M me Andreja Metelko-Zgombic ´,
M. Philippe Sands,
M. James Crawford.

Pour la Serbie: M. Tibor Varady,
M. Vladimir Djeric ´,
M. Andreas Zimmermann.
19. A l’audience, une question a été posée par un membre de la Cour, à

laquelle il a été répondu oralement et par écrit conformément au paragraphe 4
de l’article 61 du Règlement. En vertu de l’article 72 du Règlement, la Croatie
a présenté des observations écrites sur la réponse écrite qui avait été fournie par
la Serbie.

*

20. Dans la requête, les demandes ci-après ont été formulées par la Croatie:

«Tout en se réservant le droit de reviser, compléter ou modifier la pré-
sente requête, et sous réserve de la présentation à la Cour d’éléments de
preuve et d’arguments juridiques pertinents, la Croatie prie la Cour de dire
et de juger:
a) que la République fédérale de Yougoslavie a violé les obligations juri-
diques qui sont les siennes vis-à-vis de la population et de la Répu-
blique de Croatie en vertu des articles I, II a),IIb),IIc),IId), IIIa),

III b), III c), III d), III e), IV et V de la convention sur le génocide;
b) que la République fédérale de Yougoslavie est tenue de verser à la
République de Croatie, en son nom propre et, en tant que parens
patriae, pour le compte de ses citoyens, des réparations, dont il appar-
tiendra à la Cour de fixer le montant, pour les dommages causés aux

9 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (ARRÊT ) 418

personnes et aux biens ainsi qu’à l’économie et à l’environnement de la
Croatie du fait des violations susmentionnées du droit international.
La République de Croatie se réserve le droit de présenter ultérieure-
ment à la Cour une évaluation précise des dommages causés par la
République fédérale de Yougoslavie.»

21. Dans la procédure écrite, les conclusions ci-après ont été présentées par
les Parties:
Au nom du Gouvernement de la Croatie,

dans le mémoire:
«La République de Croatie, le demandeur, se fondant sur les faits et les

moyens de droit exposés dans le présent mémoire, prie respectueusement la
Cour internationale de Justice de dire et juger:
1. Que la République fédérale de Yougoslavie, le défendeur, est respon-
sable de violations de la convention pour la prévention et la répression du
crime de génocide:

a) en ce que des personnes de la conduite desquelles elle est responsable
ont commis un génocide sur le territoire de la République de Croatie,
en particulier contre des membres du groupe national ou ethnique
croate, en se livrant aux actes suivants:
— meurtre de membres du groupe;
— atteinte intentionnelle à l’intégrité physique ou mentale de membres du
groupe;
— soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence visant

à entraîner sa destruction physique totale ou partielle;
— imposition de mesures aux fins d’entraver les naissances au sein du
groupe;
dans l’intention de détruire ledit groupe en tout ou en partie, en violation
de l’article II de la Convention;

b) en ce que des personnes de la conduite desquelles elle est responsable
ont participé à une entente en vue de commettre les actes de génocide
visés à l’alinéa a), se sont rendues complices de ces actes, ont tenté de
commettre d’autres actes de génocide de cette nature et ont incité des
tiers à commettre de tels actes, en violation de l’article III de la
Convention;
c) en ce que, consciente de ce que les actes de génocide visés à l’alinéa a)
étaient ou allaient être commis, elle n’a pas pris de mesures pour les
prévenir, en violation de l’article premier de la Convention;
d) en ce qu’elle n’a pas traduit en justice des personnes relevant de sa juri-
diction sur lesquelles pèse une très forte présomption d’avoir participé
aux actes de génocide visés à l’alinéa a), ou à d’autres actes visés à

l’alinéa b), et continue ainsi de violer les articles premier et IV de la
Convention;
2. Que, en raison de sa responsabilité pour ces violations de la Conven-
tion, la République fédérale de Yougoslavie, le défendeur, est tenue de:

a) prendre sans délai des mesures efficaces pour traduire devant l’autorité
judiciaire compétente ses citoyens ou d’autres personnes se trouvant
sous sa juridiction sur lesquels pèse une forte présomption d’avoir

10 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (ARRÊT ) 419

commis les actes de génocide visés à l’alinéa a) du paragraphe 1, ou
l’un quelconque des autres actes visés à l’alinéa b) du paragraphe 1, et
en particulier l’ancien président de la République fédérale de Yougo-
slavie Slobodan Miloševic´, et veiller à ce qu’ils soient dûment sanction-
nés à raison de leurs crimes s’ils sont déclarés coupables ;
b) communiquer sans délai au demandeur toutes les informations en sa
possession ou sous son contrôle sur le sort des ressortissants croates
portés disparus à la suite des actes de génocide dont elle s’est rendue
responsable et, plus généralement, coopérer avec les autorités de la
République de Croatie en vue de déterminer conjointement ce qu’il est
advenu de ces personnes ou de leurs dépouilles ;

c) restituer sans délai au demandeur tout bien culturel relevant de sa juri-
diction ou de son contrôle saisi dans le cadre des actes de génocide
dont elle porte la responsabilité; et
d) verser au demandeur au titre de ses droits propres et, en tant que
parens patriae, au nom de ses citoyens, des réparations, dont il appar-
tiendra à la Cour de fixer le montant lors d’une phase ultérieure de la
procédure, pour tout dommage et autre perte ou préjudice causés aux
personnes ou aux biens ainsi qu’à l’économie de la Croatie du fait des
violations susmentionnées du droit international. La République de
Croatie se réserve le droit de soumettre à la Cour une évaluation pré-
cise des dommages causés par les actes pour lesquels la République
fédérale de Yougoslavie est tenue responsable.

La République de Croatie se réserve le droit de compléter ou de modifier
en tant que de besoin les présentes conclusions.»

Au nom du Gouvernement de la Serbie,
dans les exceptions préliminaires:
«Pour les raisons exposées ci-dessus, la République fédérale de Yougo-

slavie prie la Cour:
de retenir la première exception préliminaire, et de dire et juger qu’elle n’a
pas compétence pour connaître des demandes formées par la République
de Croatie à l’encontre de la République fédérale de Yougoslavie.

Ou, à titre subsidiaire,
a) de retenir la deuxième exception préliminaire, et de dire et juger que
les demandes se rapportant à des actes ou omissions antérieurs à la
création de la RFY (c’est-à-dire antérieurs au 27 avril 1992) sont
irrecevables

et
b) de retenir la troisième exception préliminaire, et de dire et juger que
les demandes spécifiques concernant:

— l’adoption de mesures efficaces destinées à traduire en justice M. Milo-
ševi´ et d’autres personnes,
— la communication d’informations sur le sort des citoyens croates por-
tés disparus et
— la restitution de biens culturels
sont irrecevables et sans objet.

Le défendeur se réserve le droit de compléter ou de modifier ses conclu-
sions à la lumière de la suite de la procédure.»

11 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (ARRÊT ) 420

Au nom du Gouvernement de la Croatie,
dans son exposé écrit contenant ses observations et conclusions sur les excep-
tions préliminaires soulevées par la RFY:

«Sur la base des faits et des arguments juridiques présentés dans ces
observations écrites, la République de Croatie prie respectueusement la
Cour internationale de Justice de rejeter les première, deuxième et troi-
sième exceptions préliminaires de la RFY (Serbie-et-Monténégro) (à
l’exception de la partie de la deuxième exception qui porte sur la demande
tendant à ce que M. Slobodan Miloševic ´ soit traduit en justice) et, en
conséquence, de dire et juger qu’elle est compétente pour statuer sur la

requête déposée par la République de Croatie le 2 juillet 1999.»
22. Dans la procédure orale, les conclusions finales ci-après ont été présen-
tées par les Parties:

Au nom du Gouvernement de la Serbie,

à l’audience du 29 mai 2008:

«Pour les raisons exposées dans ses pièces de procédure et dans ses plai-
doiries, la Serbie prie la Cour de dire et juger :
1. que la Cour n’a pas compétence

ou, à titre subsidiaire,

2. a) que les demandes se rapportant à des actes ou omissions antérieurs
au 27 avril 1992 ne relèvent pas de la compétence de la Cour et sont
irrecevables
et

b) que les demandes relatives
— à la traduction en justice de certaines personnes se trouvant sous
la juridiction de la Serbie,

— à la communication de renseignements sur le sort des citoyens
croates portés disparus et
— à la restitution de biens culturels
ne relèvent pas de la compétence de la Cour et sont irrecevables.»

Au nom du Gouvernement de la Croatie,
à l’audience du 30 mai 2008:

«Sur la base des faits et des arguments juridiques présentés dans nos
observations écrites et dans nos plaidoiries, la République de Croatie prie
respectueusement la Cour internationale de Justice:

1. de rejeter les première, deuxième et troisième exceptions préliminaires
de la Serbie, sauf la branche de la deuxième exception qui porte sur la
demande tendant à ce que M. Slobodan Miloševic ´ soit traduit en jus-
tice, et, en conséquence,
2. de dire et juger qu’elle est compétente pour statuer sur la requête dépo-
sée par la République de Croatie le 2 juillet 1999.»

* * *

12 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE ARRÊT ) 421

I. IDENTIFICATION DE LA PARTIE DÉFENDERESSE

23. La Cour doit d’abord examiner la question de l’identification de la

Partie défenderesse en l’espèce. Par lettre en date du 3 juin 2006, le pré-
sident de la République de Serbie (ci-après dénommée la «Serbie») a
informé le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies que, à
la suite de la déclaration d’indépendance adoptée par l’Assemblée natio-
nale de la République du Monténégro,

«la République de Serbie assure[rait] la continuité de la qualité de
Membre de la communauté étatique de Serbie-et-Monténégro au

sein de l’Organisation des Nations Unies, y compris au sein de
tous les organes et organisations du système des Nations Unies,
en vertu de l’article 60 de la charte constitutionnelle de la Serbie-et-
Monténégro».

Il a en outre indiqué que, «au sein de l’Organisation des Nations Unies,
la dénomination «République de Serbie» d[evait] désormais être utilisée

à la place de l’appellation «Serbie-et-Monténégro»», et ajouté que «la
République de Serbie conserv[ait] tous les droits et assum[ait] toutes les
obligations de la communauté étatique de Serbie-et-Monténégro qui
découlent de la Charte des Nations Unies».
24. Par lettre du 16 juin 2006, le ministre des affaires étrangères de la

Serbie a notamment informé le Secrétaire général que «la République de
Serbie continu[ait] d’exercer les droits et de respecter les obligations
découlant des traités internationaux conclus par la Serbie-et-Monténégro»,
et demandé que «la République de Serbie soit considérée comme partie
à tous les accords internationaux en vigueur conclus par celle-ci». Par

lettre en date du 30 juin 2006 adressée au Secrétaire général, le ministre
des affaires étrangères a confirmé l’intention de la Serbie de continuer
d’exercer les droits et de s’acquitter des obligations découlant des traités
internationaux conclus par la Serbie-et-Monténégro. Il a précisé que
«[t]outes les formalités [conventionnelles] accomplies par la Serbie-et-

Monténégro reste[raie]nt en vigueur à l’égard de la République de Serbie
avec effet au 3 juin 2006» et que «la République de Serbie maintien-
dr[ait] toutes les déclarations, réserves et notifications faites par la Serbie-
et-Monténégro jusqu’à notification contraire adressée au Secrétaire

général en sa qualité de dépositaire».
25. Le 28 juin 2006, par sa résolution 60/264, l’Assemblée générale a
admis la République du Monténégro (ci-après dénommée le «Monténé-
gro») en tant que nouveau Membre de l’Organisation des Nations Unies.
26. Par lettres datées du 19 juillet 2006, le greffier a prié l’agent de la

Croatie, l’agent de la Serbie et le ministre des affaires étrangères du Mon-
ténégro de communiquer à la Cour les vues de leurs gouvernements sur
les conséquences qu’il y aurait lieu d’attacher aux développements rap-
pelés ci-dessus quant à la dénomination de la Partie défenderesse en
l’espèce. A la même date, des lettres similaires ont été adressées aux

Parties en l’affaire relative à l’Application de la convention pour la préven-

13 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (ARRÊT ) 422

tion et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-
et-Monténégro), laquelle avait été non seulement introduite mais aussi
plaidée au fond avant l’indépendance du Monténégro.
27. Par lettre en date du 22 juillet 2006, l’agent de la Serbie a précisé

que, selon son gouvernement, «il y a[vait] continuité entre la Serbie-et-
Monténégro et la République de Serbie (sur le fondement de l’article 60
de la charte constitutionnelle de la Serbie-et-Monténégro)». Il a fait
observer que l’entité qu’avait constituée la Serbie-et-Monténégro «a[vait]
été remplacée par deux Etats distincts, la Serbie d’une part, le Monténé-

gro d’autre part». Dans cette situation, son gouvernement considérait
que «c’[était] d’abord au demandeur qu’il incomb[ait] de prendre posi-
tion et de décider s’il souhait[ait] maintenir sa demande initiale visant à la
fois la Serbie et le Monténégro, ou procéder différemment».
28. Par lettre en date du 29 novembre 2006 adressée à la Cour, le pro-

cureur général du Monténégro, après avoir indiqué qu’il avait capacité
pour agir en tant que représentant légal du Monténégro, a appelé l’atten-
tion sur le fait que, à la suite du référendum tenu le 21 mai 2006 au Mon-
ténégro, l’Assemblée nationale du Monténégro avait proclamé l’indépen-
dance du Monténégro. Selon le procureur général, le Monténégro était

devenu un Etat indépendant doté d’une personnalité juridique internatio-
nale à part entière dans le cadre de ses frontières existantes. Il a ajouté:

«La question de la succession à la communauté étatique de Ser-
bie-et-Monténégro au regard du droit international est régie par
l’article 60 de la charte constitutionnelle, en vertu duquel le succes-
seur juridique à la communauté étatique de Serbie-et-Monténégro
est la République de Serbie, qui, en tant qu’Etat souverain, est l’Etat

continuateur s’agissant de toutes les obligations internationales et
l’Etat successeur au sein des organisations internationales.»

Le procureur général a conclu en indiquant: «Pour les motifs qui précè-
dent, la République du Monténégro ne peut donc pas avoir la qualité de
défendeur» dans le cadre du différend porté devant la Cour.
29. Le 26 février 2007, la Cour a rendu son arrêt en l’affaire relative à
l’Application de la convention pour la prévention et la répression du crime

de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro) , dans lequel
elle a décidé que la Serbie demeurait défenderesse en l’espèce et que, «à la
date du[dit] arrêt, elle constitu[ait], en vérité, l’unique défendeur» (arrêt,
C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 76, par. 77).
30. Par lettre en date du 15 mai 2008, l’agent de la Croatie s’est référé
à l’article 60 de la charte constitutionnelle de la Serbie-et-Monténégro

ainsi qu’aux paragraphes 76 et 77 de l’arrêt rendu en 2007 par la Cour.
Au vu de ces éléments, l’agent de la Croatie a confirmé que l’instance
introduite par la Croatie le 2 juillet 1999 «se poursui[vai]t à l’encontre de
la République de Serbie en tant que Partie défenderesse». Il a aussi pré-
cisé que cette conclusion s’entendait «sans préjudice de l’éventuelle res-

ponsabilité de la République du Monténégro et de la possibilité que soit
introduite une instance distincte contre celle-ci».

14 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (ARRÊT ) 423

31. La Cour observe que les faits et événements auxquels se rapportent
les conclusions de la Croatie au fond remontent à une époque où la Ser-
bie et le Monténégro faisaient partie du même Etat.

32. La Cour relève par ailleurs que la Serbie a reconnu la «continuité
entre la Serbie-et-Monténégro et la République de Serbie» (voir par. 27
ci-dessus) et indiqué qu’elle respecterait «les obligations découlant des
traités internationaux conclus par la Serbie-et-Monténégro» (voir par. 24
ci-dessus), ce qui comprendrait les obligations découlant de la convention

sur le génocide. Le Monténégro, en revanche, est un nouvel Etat qui a été
admis en tant que tel au sein de l’Organisation des Nations Unies. Il
n’assure pas la continuité de la personnalité juridique internationale de la
communauté étatique de Serbie-et-Monténégro.
33. Comme en l’affaire relative à l’Application de la convention pour la

prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine
c. Serbie-et-Monténégro) , la Cour doit rappeler le principe fondamental
selon lequel aucun Etat ne peut être soumis à sa juridiction sans y avoir
consenti; ainsi que la Cour l’a fait observer dans l’affaire de Certaines

terres à phosphates à Nauru (Nauru c. Australie) , «[s]a compétence
dépend ... du consentement des Etats et, par voie de conséquence, elle ne
saurait contraindre un Etat à se présenter devant elle...» (exceptions pré-
liminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1992 , p. 260, par. 53). Le point de savoir
si, en l’espèce, la Serbie a consenti à la compétence de la Cour est l’une

des questions soulevées par les exceptions préliminaires qui forment
l’objet du présent arrêt. Le Monténégro, quant à lui, a précisé dans sa
lettre du 29 novembre 2006 (voir par. 28 ci-dessus) qu’il ne consentait pas
à la compétence de la Cour à son égard aux fins du présent différend. Il
résulte clairement des événements relatés ci-dessus (voir par. 23-25 et 32)

que le Monténégro n’assure pas la continuité de la personnalité juridique
de la Serbie-et-Monténégro; il ne saurait donc, à ce titre, avoir acquis la
qualité de Partie défenderesse dans la présente instance. En outre, le
demandeur n’a pas, dans sa lettre du 15 mai 2008, prétendu que le Mon-
ténégro demeurait partie à la présente instance (voir par. 30 ci-dessus).

34. La Cour conclut donc que la Serbie est seule défenderesse en
l’espèce. L’appellation «Serbie» sera dès lors utilisée pour désigner le
défendeur, sauf lorsqu’il découle du contexte historique qu’il convient de
se référer à la RFY ou à la Serbie-et-Monténégro.

* * *

II. PRÉSENTATION GÉNÉRALE DE L ’ARGUMENTATION DES PARTIES

35. Dans sa requête en date du 2 juillet 1999, le Gouvernement de la
Croatie, se référant à des actes ayant eu lieu pendant le conflit qui s’est
déroulé entre 1991 et 1995 sur le territoire de l’ex-République fédérative
socialiste de Yougoslavie (dénommée ci-après la «RFSY»), a affirmé que

la RFY avait commis des violations de la convention sur le génocide. Le

15 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE ARRÊT ) 424

Gouvernement de la RFY a contesté la recevabilité de la requête ainsi
que la compétence de la Cour en vertu de l’article IX de la convention sur
le génocide et ce, sur plusieurs fondements (voir par. 21 et 22 ci-dessus).
La Cour exposera maintenant les arguments des Parties dans leurs

grandes lignes avant de les présenter de manière plus détaillée en exami-
nant les différentes exceptions préliminaires soulevées par le défendeur.
36. En ce qui concerne la question que la Cour a prié les Parties
d’examiner (voir par. 16 ci-dessus), à savoir celle de la capacité du
défendeur de participer à la présente instance en vertu de l’article 35 du

Statut, le défendeur a soutenu qu’il n’avait pas cette capacité dès lors
que, comme la Cour l’a confirmé en 2004 dans les affaires relatives à la
Licéité de l’emploi de la force , il n’était pas membre de l’Organisation
des Nations Unies avant le 1 er novembre 2000 et que, en conséquence, il
n’était pas partie au Statut à la date du dépôt de la requête, le 2 juillet

1999. La Croatie a cependant avancé que la RFY était Membre de
l’Organisation des Nations Unies à la date du dépôt de la requête et
que, même dans le cas contraire, le statut de la Serbie au sein de l’Orga-
nisation en 1999 n’avait aucune incidence sur la présente procédure, le
défendeur étant devenu Membre de l’Organisation des Nations Unies

en 2000 et ayant, dès lors, valablement acquis la capacité de participer à
l’instance.
37. Le défendeur a soulevé une exception préliminaire relative à la
compétence de la Cour en vertu de l’article IX de la convention sur le
génocide. Dans sa requête, la Croatie a soutenu que les deux Parties

étaient liées par la convention sur le génocide en tant qu’Etats successeurs
de la RFSY. La Serbie a avancé que la compétence de la Cour en la pré-
sente affaire, introduite le 2 juillet 1999, ne saurait être fondée sur l’ar-
ticle IX de la convention sur le génocide, au motif que la RFY n’avait en
aucune manière été liée par cet instrument avant le 10 juin 2001, date à

laquelle sa notification d’adhésion et la réserve à l’article IX dont elle est
assortie avaient pris effet; la Serbie n’aurait donc jamais été liée par ledit
article.
38. La Serbie a également soutenu que la requête de la Croatie était
irrecevable pour autant qu’elle se rapportait à des actes ou omissions

antérieurs à la proclamation de l’indépendance de la RFY le 27 avril
1992. Elle a déclaré que les actes ou omissions antérieurs à la naissance de
la RFY ne sauraient lui être attribués. La Croatie a indiqué que, bien que
l’exception préliminaire de la Serbie formulée à l’alinéa 2 a) des conclu-
sions finales de cette dernière ait été présentée comme une exception
d’irrecevabilité, la Serbie semblait en réalité soutenir que la Cour n’avait

pas compétence ratione temporis à l’égard d’actes ou d’événements anté-
rieurs au 27 avril 1992. A cet égard, la Croatie s’est référée à l’arrêt de la
Cour du 11 juillet 1996 dans lequel celle-ci a déclaré que, en l’absence de
toute réserve à cet effet, il n’existait pas de limitation temporelle à l’appli-
cation de la convention sur le génocide et à l’exercice de sa compétence

en vertu de ladite convention (Application de la convention pour la pré-
vention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. You-

16 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (ARRÊT ) 425

goslavie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1996 (II) , p. 617,
par. 34). A l’audience, la Serbie a soutenu à titre subsidiaire que la Cour
n’avait pas compétence ratione temporis pour connaître d’actes ou d’évé-
nements antérieurs au 27 avril 1992, date à laquelle elle a vu le jour, au

motif qu’il s’agit là de la date la plus ancienne à laquelle la RFY aurait
pu devenir liée par la convention sur le génocide (voir par. 121 ci-après).
39. La Serbie a affirmé que la demande formulée à l’alinéa 2 a) des
conclusions du mémoire de la Croatie (voir par. 21 ci-dessus), concernant
la traduction en justice des personnes (y compris Slobodan Miloševic ´)

soupçonnées d’avoir commis des actes de génocide, était «irrecevable et
sans objet». Elle a avancé que «[l]es crimes imputés à M. Miloševic ´, ainsi
qu’à d’autres, pour des faits ayant eu lieu sur le territoire croate, com-
prenaient des crimes contre l’humanité, des violations des conventions de
Genève et des violations du droit ou des coutumes de la guerre», mais

pas le génocide. La Croatie est convenue que la demande formulée à l’ali-
néa 2 a) de ses conclusions était désormais sans objet s’agissant des per-
sonnes qui avaient été transférées au TPIY, y compris M. Miloševic ´. Elle
a néanmoins fait observer qu’un grand nombre de personnes responsa-
bles de ce qu’elle considère comme constituant des actes de génocide

commis sur son territoire et relevant, selon elle, de la juridiction de la Ser-
bie n’avaient toujours pas été remises au TPIY ou à la Croatie, ni tra-
duites en justice en Serbie.
40. La Serbie a affirmé que la demande formulée à l’alinéa 2 b) des
conclusions du mémoire de la Croatie (voir par. 21 ci-dessus), concernant

les personnes portées disparues, était «irrecevable et sans objet». Elle a
soutenu que ce chef de conclusions n’entrait pas dans le champ d’applica-
tion de la convention sur le génocide et qu’il était, au surplus, devenu
sans objet puisque le Gouvernement de la RFY coopérait avec le Gou-
vernement de la Croatie depuis 1995 aux fins d’établir ce qu’il était

advenu des citoyens croates portés disparus par suite du conflit armé. La
Croatie a affirmé que sa demande relative au sort des personnes dispa-
rues entrait incontestablement dans le champ de la convention sur le
génocide. Elle a soutenu que la Serbie disposait d’informations et de
documents concernant un grand nombre de personnes portées disparues.

Elle a ajouté qu’une clause compromissoire — tel l’article IX de la
convention sur le génocide — prévoyant la compétence de la Cour pour
connaître d’un différend relatif à l’interprétation et à l’application d’un
traité lui conférait compétence pour accorder les remèdes appropriés, et
que la communication de renseignements sur le sort des personnes por-
tées disparues constituait une réparation appropriée.

41. La Serbie a enfin allégué que la demande formulée à l’alinéa 2 c)
des conclusions du mémoire de la Croatie (voir par. 21 ci-dessus), concer-
nant la restitution des biens culturels, était «irrecevable et sans objet».
Selon elle, cette demande est irrecevable en ce que la compétence à
l’égard de prétendus crimes de génocide ne peut s’étendre à des demandes

de restitution d’objets d’art. La Croatie a estimé que sa demande tendant
à la restitution de biens culturels entrait dans le champ de la convention

17 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (ARRÊT ) 426

sur le génocide. Selon elle, il est admis que le génocide peut résulter non
seulement de la destruction physique d’un groupe mais aussi de la des-

truction de l’identité culturelle de celui-ci.
42. La Cour examinera ces arguments tour à tour. Elle s’intéressera
tout d’abord à la question de savoir si la Serbie a la capacité de participer
à la présente instance et rappellera brièvement à cette fin la succession des

événements relatifs, d’une période à l’autre, au statut de la RFSY, de la
RFY et de la Serbie vis-à-vis de l’Organisation des Nations Unies.

*
* *

III. BREF HISTORIQUE DU STATUT DE LA RFY VIS-À-VIS
DE L ’ORGANISATION DES N ATIONS U NIES

43. Au début des années quatre-vingt-dix, la RFSY, Etat Membre ori-

ginaire de l’Organisation des Nations Unies constitué de la Bosnie-
Herzégovine, de la Croatie, de la Macédoine, du Monténégro, de la Ser-
bie et de la Slovénie, commença à se désintégrer. Le 25 juin 1991, la
Croatie et la Slovénie déclarèrent l’une et l’autre leur indépendance, sui-

vies par la Macédoine le 17 septembre 1991 et par la Bosnie-Herzégovine
le 6 mars 1992. Le 22 mai 1992, la Bosnie-Herzégovine, la Croatie et la
Slovénie furent admises en qualité de Membres à l’Organisation des
Nations Unies. Il en fut de même le 8 avril 1993 pour l’ex-République

yougoslave de Macédoine.
44. Le 27 avril 1992, les «participants à la session commune de l’Assem-
blée de la RFSY, de l’Assemblée nationale de la République de Serbie et
de l’Assemblée de la République du Monténégro» adoptèrent une décla-

ration dans laquelle il était notamment indiqué:
.«...........................

1. La République fédérale de Yougoslavie, assurant la continuité
de l’Etat et de la personnalité juridique et politique internationale de
la République fédérative socialiste de Yougoslavie, respectera stric-

tement tous les engagements que la République fédérative socialiste
de Yougoslavie a pris à l’échelon international,
.............................
Restant liée par toutes ses obligations vis-à-vis des organisations

et institutions internationales auxquelles elle appartient...» (Nations
Unies, doc. A/46/915, annexe II.)

Le même jour, la mission permanente de la Yougoslavie auprès de
l’Organisation des Nations Unies adressa au Secrétaire général une note
dont le libellé était similaire (voir par. 99 ci-après).
45. Le 19 septembre 1992, le Conseil de sécurité adopta la réso-

lution 777 (1992), dans laquelle il considérait que «la République fédé-
rative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) ne p[ouvait] pas assurer
automatiquement la continuité de la qualité de Membre de l’ancienne

18 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (ARRÊT ) 427

République fédérative socialiste de Yougoslavie aux Nations Unies»; par
ailleurs, il recommandait à l’Assemblée générale «de décider que la
République fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) dev[ait]
présenter une demande d’adhésion aux Nations Unies et qu’elle ne

participera[it] pas aux travaux de l’Assemblée générale».
46. Sur la recommandation formulée par le Conseil de sécurité dans sa
résolution 777 (1992), l’Assemblée générale adopta le 22 septembre 1992
sa résolution 47/1, par laquelle il fut décidé que la RFY devrait présenter
une demande d’admission à l’Organisation des Nations Unies et ne par-

ticiperait pas aux travaux de l’Assemblée générale.
47. Le 25 septembre 1992, les représentants permanents de la Bosnie-
Herzégovine et de la Croatie adressèrent une lettre au Secrétaire général
dans laquelle, se référant à la résolution 777 (1992) du Conseil de sécurité
et à la résolution 47/1 de l’Assemblée générale, ils exprimaient le point de

vue commun suivant: «Il est actuellement incontestable que la Répu-
blique fédérative socialiste de Yougoslavie n’est plus membre de l’Orga-
nisation des Nations Unies. D’autre part, il est clair que la République
fédérative de Yougoslavie n’est pas encore membre.» Ils priaient le Secré-
taire général de «bien vouloir [leur] donner une explication juridique au

sujet des questions soulevées plus haut» (Nations Unies, doc. A/47/474).
48. En réponse, le Secrétaire général adjoint, conseiller juridique de
l’Organisation, adressa le 29 septembre 1992 aux représentants perma-
nents de la Bosnie-Herzégovine et de la Croatie une lettre dans laquelle il
affirmait, en substance, que l’«unique conséquence pratique» de la réso-

lution 47/1 était d’interdire à la RFY de participer aux travaux de
l’Assemblée générale, mais qu’elle ne «met[tait] pas fin à l’appartenance
de la Yougoslavie à l’Organisation». Il ajoutait que la situation ainsi
créée prendrait fin avec «l’admission à l’Organisation des Nations Unies
d’une nouvelle Yougoslavie» (voir Nations Unies, doc. A/47/485).

49. Au vu de cette suite d’événements, la Cour a, dans ses arrêts ren-
dus le 15 décembre 2004 dans les affaires relatives à la Licéité de l’emploi
de la force, relevé que

«tous ces éléments attestent l’assez grande confusion et complexité
de la situation qui prévalait aux Nations Unies autour de la question
du statut juridique de la République fédérale de Yougoslavie au sein
de l’Organisation pendant cette période» (Licéité de l’emploi de la
force (Serbie-et-Monténégro c. Belgique), exceptions préliminaires,

arrêt, C.I.J. Recueil 2004 (I) , p. 308, par. 73);
elle a auparavant, dans un autre contexte, évoqué «la situation sui gene-

ris dans laquelle se trouvait la RFY» pendant la période 1992-2000 (ibid.,
citant C.I.J. Recueil 2003, p. 31, par. 71).
50. Toutefois, en 2000, une nouvelle évolution marqua la fin de cette
situation. Le 27 octobre 2000, M. Koštunica, qui venait d’être élu prési-
dent de la RFY, adressa au Secrétaire général une lettre demandant

l’admissionere la RFY à l’Organisation des Nations Unies.
51. Le 1 novembre 2000, l’Assemblée générale, par sa résolution 55/

19 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (ARRÊT ) 428

12, «[a]yant examiné la recommandation du Conseil de sécurité en date
du 31 octobre 2000» et «[a]yant examiné la demande d’admission pré-
sentée par la République fédérale de Yougoslavie», décida «d’admettre

la République fédérale de Yougoslavie à l’Organisation des Nations
Unies».

*
* *

IV. P ERTINENCE DES DÉCISIONS ANTÉRIEURES DE LA C OUR

52. En la présente instance, la question essentielle qui se pose est celle
du statut et de la situation, à l’égard du Statut de la Cour et de la conven-

tion sur le génocide, de l’Etat connu sous le nom de RFY à l’époque du
dépôt de la requête. Cette question a été abordée dans plusieurs décisions
antérieures de la Cour. En l’affaire relative à l’Application de la conven-
tion pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-

Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro) , la Cour s’est prononcée sur deux
demandes en indication de mesures conservatoires (ordonnances du 8 avril
et du 13 septembre 1993), sur des exceptions préliminaires (arrêt du
11 juillet 1996), et elle a rendu une décision au fond (arrêt du 26 février
2007). En l’affaire de la Demande en revision de l’arrêt du 11 juillet 1996

en l’affaire relative à l’Application de la convention pour la prévention et
la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Yougoslavie),
exceptions préliminaires (Yougoslavie c. Bosnie-Herzégovine) , la Cour a
rendu un arrêt le 3 février 2003. Dans le cadre des affaires relatives à la
Licéité de l’emploi de la force introduites par la RFY contre dix Etats

membres de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord, la Cour a,
dans les arrêts qu’elle a rendus le 15 décembre 2004 dans huit de ces
affaires, retenu les exceptions préliminaires qui avaient été soulevées
au motif que le demandeur n’avait pas la capacité d’ester devant elle. Les
Parties à la présente espèce ont cité ces décisions à l’appui de leurs thèses

respectives. Aussi peut-il être utile que la Cour précise d’emblée dans
quelle mesure elle estime que cette jurisprudence est pertinente aux fins
de trancher les questions dont elle est saisie.
53. Bien que certaines des questions de fait et de droit examinées dans

lesdites affaires se posent aussi en la présente espèce, aucune de ces déci-
sions n’a été rendue dans une affaire opposant les Parties à la présente ins-
tance (la Croatie et la Serbie), de sorte que, ainsi qu’elles le reconnaissent
elles-mêmes, la question de l’autorité de la chose jugée ne se pose pas (ar-
ticle 59 du Statut de la Cour). Pour autant que les décisions en question

contiennent des conclusions de droit, la Cour en tiendra compte, comme
elle le fait habituellement de sa jurisprudence; autrement dit, quoique ces
décisions ne s’imposent pas à la Cour, celle-ci ne s’écartera pas de sa juris-
prudence établie, sauf si elle estime avoir pour cela des raisons très parti-
culières. Ainsi que la Cour l’a précisé dans l’affaire de laFrontière terrestre

et maritime entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c. Nigéria; Guinée

20 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (ARRÊT ) 429

équatoriale (intervenant)), «[i]l ne saurait être question d’opposer [à un
Etat] les décisions prises par la Cour dans des affaires antérieures», les-
quelles n’ont aucun effet obligatoire pour lui, mais «[l]a question est en

réalité de savoir si, dans la présente espèce, il existe pour la Cour des rai-
sons de s’écarter des motifs et des conclusions adoptés dans ces précé-
dents» (exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1998, p. 292, par. 28).
54. En outre, les Parties n’invoquent pas simplement en l’espèce des dé-
cisions antérieures de la Cour qui pourraient être considérées comme des

précédents à suivre dans des cas comparables. Les décisions antérieures
ici invoquées répondaient à la question du statut d’un Etat particulier,
à savoir la RFY, vis-à-vis de l’Organisation des Nations Unies et du Sta-
tut de la Cour; or, c’est cette même question, concernant ce même Etat,
que la Cour est appelée à examiner en la présente espèce, cette fois à la

demande de la Croatie. Seules des raisons impérieuses pourraient conduire
la Cour à s’écarter des solutions retenues dans ces décisions antérieures.
55. En conséquence, la Cour gardera à l’esprit que, dans les affaires
dans lesquelles les arrêts et ordonnances susmentionnés ont été rendus

(voir par. 52 ci-dessus), ni la Bosnie-Herzégovine ni, jusqu’en 2002, la
RFY n’ont soutenu que cette dernière n’était pas membre de l’Organisa-
tion des Nations Unies (ni donc partie au Statut) ou qu’elle n’était pas
partie à la convention sur le génocide. C’est seulement lorsque la RFY,
qui avait renoncé à la thèse selon laquelle elle assurait la continuité de la

qualité de Membre de la RFSY à l’Organisation des Nations Unies, fut
admise à l’Organisation en 2000 qu’elle soutint la thèse opposée, comme
elle le fit initialement dans son exposé écrit sur les exceptions prélimi-
naires déposé le 20 décembre 2002 dans les affaires relatives à la Licéité
de l’emploi de la force. Ce n’est que lors de la procédure écrite et de la

procédure orale dans ces affaires que la Cour a pu prendre connaissance
de l’ensemble des arguments des parties sur ces questions. La Cour exa-
minera, dans le présent arrêt, les motifs qu’elle a retenus pour statuer,
dans ces décisions, sur le statut du défendeur.
56. La Croatie a également soutenu devant la Cour que les affaires

susmentionnées sont pertinentes en ce qu’elles montrent, notamment, que
la Serbie, qui y était partie, a adopté et défendu initialement une position
juridique à laquelle elle ne saurait aujourd’hui renoncer aux fins de la pré-
sente espèce. Cet argument n’a trait qu’à la question des conséquences

juridiques qui doivent être tirées du comportement de cet Etat, et non pas
à proprement parler à l’effet ou à la pertinence de la jurisprudence précitée.

* * *

V. E XCEPTION PRÉLIMINAIRE À LA COMPÉTENCE DE LA C OUR

1) Questions liées à la capacité d’être partie à la procédure

57. La première question que la Cour doit aborder, en examinant la

première exception préliminaire soulevée par le défendeur, est celle de

21 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE ARRÊT ) 430

savoir si les Parties à la présente affaire remplissent les conditions géné-
rales auxquelles les articles 34 et 35 du Statut subordonnent la capacité de
participer à une procédure devant la Cour.
58. Il convient de rappeler à cet égard que, selon le paragraphe 1 de

l’article 34 du Statut, «[s]euls les Etats ont qualité pour se présenter
devant la Cour». En outre, le paragraphe 1 de l’article 35 dispose que
«[l]a Cour est ouverte aux Etats parties au présent Statut». Cette dernière
disposition doit se comprendre à la lumière de l’article 93 de la Charte
des Nations Unies, dont le paragraphe 1 dispose que «[t]ous les Membres

des Nations Unies sont ipso facto parties au Statut de la Cour interna-
tionale de Justice», cependant que son paragraphe 2 permet à titre excep-
tionnel à des Etats non membres des Nations Unies de devenir parties au
Statut de la Cour. Quant aux Etats qui ne sont pas parties au Statut de la
Cour, ni en vertu de la qualité de Membre des Nations Unies ni autre-

ment, leur cas est réglé par le paragraphe 2 de l’article 35 du Statut. Ledit
paragraphe 2, d’une part, habilite le Conseil de sécurité à définir les
conditions auxquelles la Cour est ouverte à de tels Etats, et, d’autre part,
réserve les «dispositions particulières des traités en vigueur». Sur la base
de l’habilitation qui lui a été ainsi conférée, le Conseil de sécurité a

adopté la résolution 9 (1946) du 15 octobre 1946, qui prévoit, en sub-
stance, que la Cour est ouverte à tout Etat non partie au Statut qui aura
préalablement déposé une déclaration, soit pour une ou des affaires par-
ticulières soit pour un objet plus général, par laquelle il s’engage à accep-
ter la juridiction de la Cour conformément à la Charte et à exécuter de

bonne foi les décisions de la Cour.

59. Dans la présente affaire, il n’est pas contesté, et il ne fait aucun
doute, que les deux Parties remplissent la condition posée à l’article 34 du
Statut: la Croatie et la Serbie sont des Etats aux fins du paragraphe 1 de

l’article 34.
60. Il n’est ni contesté ni contestable que la Croatie remplissait à la
date de l’introduction de sa requête, le 2 juillet 1999, une condition suf-
fisante, aux termes de l’article 35 du Statut, pour que la Cour lui soit
«ouverte»: elle était, à cette date, Membre des Nations Unies et donc, à

ce titre, partie au Statut de la Cour.
61. En revanche, les Parties sont en désaccord sur la question de savoir
si la Serbie satisfait, aux fins de la présente affaire, aux conditions de
l’article 35 du Statut, dans son paragraphe 1 ou dans son paragraphe 2, et
si elle a, eu égard à ce qui précède, qualité pour participer à la présente
procédure devant la Cour.

62. Si on les résume de manière à en retenir les données essentielles, les
positions des Parties se présentent à cet égard de la manière suivante.
63. Selon le défendeur, il n’était pas, à la date de l’introduction de la
requête, membre des Nations Unies, et par suite il n’était pas à ce titre
— ni à aucun autre titre — partie au Statut de la Cour. La Cour ne lui

était donc pas «ouverte» au sens du paragraphe 1 de l’article 35 du Sta-
tut, dont il convient de faire application en se plaçant à la date de l’intro-

22 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (ARRÊT ) 431

duction de la requête et non à une quelconque date postérieure, si bien
que la circonstance qu’il soit devenu postérieurement — en 2000, par

suite de son admission aux Nations Unies — partie au Statut de la Cour
est dépourvue de pertinence.
En outre, toujours selon le défendeur, la convention sur le génocide ne
constitue pas un «traité en vigueur» visé par la réserve du paragraphe 2
de l’article 35, cette notion ne s’appliquant qu’à des traités en vigueur à la

date d’entrée en vigueur du Statut lui-même, comme la Cour l’a reconnu
dans ses arrêts de 2004 rendus dans les affaires relatives à la Licéité de
l’emploi de la force. Il est par ailleurs constant que le défendeur n’a sous-
crit aucune déclaration de la nature de celle prévue par la résolution 9

(1946) du Conseil de sécurité. En conséquence, la Cour ne lui est pas non
plus «ouverte», selon lui, en vertu du paragraphe 2 de l’article 35.
Enfin, le défendeur soutient que si, dans un différend déterminé, la par-
tie défenderesse ne remplit aucune des conditions mentionnées à l’ar-
ticle 35 du Statut, il en résulte la même conséquence que dans le cas où

c’est la partie demanderesse qui ne remplit pas lesdites conditions, à
savoir que la Cour est empêchée d’exercer sa compétence à l’égard du dif-
férend opposant ces deux parties.
64. Le demandeur en l’affaire combat les arguments précédents, en fai-

sant valoir, en substance, les raisons suivantes.
Tout d’abord, le défendeur avait en 1999 un statut sui generis à l’égard
des Nations Unies tel que, même s’il n’en était pas membre de plein exer-
cice, il demeurait partie au Statut de la Cour et avait donc accès à celle-ci
en vertu du paragraphe 1 de l’article 35 du Statut.

Ensuite, toujours selon le demandeur, en admettant même que le
défendeur ne fût pas partie au Statut à la date de l’introduction de l’ins-
tance, il l’est devenu sans nul doute au moins depuis le 1 er novembre
2000, date de son admission aux Nations Unies, et il l’est donc à l’heure

actuelle. Cela suffit pour que la Cour puisse exercer à son égard sa com-
pétence. Le demandeur cite à cet égard la jurisprudence issue de l’arrêt
rendu en l’affaire des Concessions Mavrommatis en Palestine en 1924
(arrêt n 2, 1924, C.P.J.I. série A n 2, p. 34). Il relève également que son
er
mémoire a été déposé le 1 mars 2001, soit postérieurement à l’admission
du défendeur aux Nations Unies, à une date à laquelle l’introduction
d’une nouvelle instance ne se serait heurtée à aucune objection au regard
de l’article 35.
Enfin, et encore subsidiairement, même si la Cour devait considérer

qu’elle n’est pas «ouverte» au défendeur en vertu du paragraphe 1 de l’ar-
ticle 35 du Statut, elle devrait juger qu’elle l’est en vertu du paragraphe 2
du même article. Le demandeur soutient en effet que la convention sur
le génocide constitue un «traité en vigueur» au sens du paragraphe 2

de l’article 35 permettant de donner accès à la Cour à un Etat non partie
au Statut. Le demandeur n’ignore pas que, dans ses arrêts de 2004 rendus
dans les affaires relatives à la Licéité de l’emploi de la force , la Cour a
adopté la position inverse; il demande cependant à la Cour de réexami-
ner, et de modifier, l’interprétation qu’elle a donnée à cette occasion de la

23 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (ARRÊT ) 432

disposition en cause du Statut, à savoir que la notion de «traité en
vigueur» n’englobait pas les traités postérieurs à l’entrée en vigueur du
Statut.
65. Avant d’entrer plus en détail dans l’analyse et dans l’examen des

arguments des Parties qui viennent d’être sommairement résumés, la
Cour considère qu’à ce stade un certain nombre d’observations préala-
bles doivent être faites. La plupart d’entre elles sont tirées de décisions
qu’elle a rendues au cours de ces quinze dernières années; on sait en effet
que la Cour a eu plusieurs fois l’occasion, au cours de cette période,

d’appliquer l’article 34 et d’interpréter et d’appliquer l’article 35 du Sta-
tut, en relation précisément avec la situation juridique de l’Etat qui est
défendeur en la présente instance.
66. Il convient d’abord d’observer que la question de savoir si un Etat
remplit ou non les conditions de l’article 35 du Statut peut être considérée

soit comme une question se rattachant à la compétence ratione personae
de la Cour, soit comme une question antérieure à l’examen de la compé-
tence. La Cour ne voit pas la nécessité de trancher un tel débat, pas plus
qu’elle n’a estimé devoir le faire dans ses décisions précédentes (voir par
exemple Application de la convention pour la prévention et la répression

du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro),
arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (I) , p. 100, par. 136). Si les conditions de l’ar-
ticle 35 ne sont pas remplies, la Cour n’a pas compétence pour statuer sur
le fond du différend. En ce sens, l’Etat défendeur qui soulève une excep-
tion tirée de ce que les conditions de l’article 35 ne sont pas, selon lui,

remplies doit bel et bien être regardé comme soulevant une exception
d’incompétence, et c’est un jugement d’incompétence que rendra la Cour
si elle accueille l’argument. Aussi bien, en l’espèce, la Serbie demande-
t-elle à la Cour de décider qu’elle n’a pas compétence en l’affaire, sur la
base des arguments se rattachant à sa première exception préliminaire.

67. En deuxième lieu se pose la question de savoir si, lorsque la Cour
est saisie à la fois d’une exception tirée du défaut d’accès d’une partie à la
Cour et d’une exception tirée de l’absence de compétence ratione mate-
riae — ou bien, ce qui revient au même, d’une exception d’incompétence
comportant les deux branches susmentionnées —, elle est tenue d’exami-

ner les deux questions dans un ordre déterminé, en ce sens qu’elle ne pour-
rait passer à l’examen de la seconde (la compétence ratione materiae)
qu’après avoir résolu affirmativement la première (l’accès à la Cour).
La Cour a abordé cette question dans ses arrêts de 2004 relatifs à la
Licéité de l’emploi de la force (voir par exemple Licéité de l’emploi de la
force (Serbie-et-Monténégro c. Belgique), exceptions préliminaires, arrêt,

C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 298-299, par. 46). Après avoir rappelé qu’en
règle générale elle reste libre dans le choix des motifs sur lesquels elle fonde
son arrêt lorsque plusieurs motifs distincts sont susceptibles de conduire à
la même conclusion, et donc libre de choisir l’ordre d’examen des ques-
tions, elle a estimé qu’il en allait autrement dans le cas d’espèce. En effet,

a-t-elle dit, lorsque le droit du demandeur d’accéder à la Cour a été
contesté — ce qui était le cas —, cette «question fondamentale» doit

24 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (ARRÊT ) 433

être réglée avant toute autre car, si le demandeur n’est pas partie au Sta-
tut, la Cour ne lui est pas ouverte et par suite le demandeur n’a pas pu
«saisir la Cour de manière valable, quel que soit le titre de compétence
qu’[il] puisse invoquer» (Licéité de l’emploi de la force (Serbie-et-

Monténégro c. Belgique), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2004
(I), p. 298-299, par. 46).
La Cour a ainsi estimé devoir, dans ces affaires, examiner d’abord la
question de l’accès à la Cour de la Serbie-et-Monténégro afin de déter-
miner si elle pouvait «exercer sa fonction judiciaire» à l’égard de cet Etat,

en précisant qu’elle ne pourrait examiner ensuite les questions relatives à
la compétence ratione materiae et toutes autres questions de compétence
que «si la réponse à [la première] question [était] affirmative».
Dans la présente affaire, même si aucune question ne se pose quant à la
saisine de la Cour en ce qui concerne le demandeur, la Cour estime éga-

lement opportun d’examiner d’abord les questions relatives à l’applica-
tion de l’article 35 du Statut.
68. En troisième lieu, la Cour rappellera que, comme elle l’a indiqué
dans son arrêt du 26 février 2007 rendu en l’affaire relative à l’Application
de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide

(Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro) , la question de savoir si
un Etat a qualité pour se présenter devant elle conformément au Statut
est «une question que la Cour elle-même est tenue, si besoin est, de sou-
lever et d’examiner d’office, le cas échéant après notification aux parties»
(C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 94, par. 122).

Il en résulte d’abord une conséquence décrite par l’arrêt précité dans
les termes suivants:

«si la Cour estime, dans une affaire particulière, que les conditions
relatives à la capacité des parties à se présenter devant elle ne sont
pas remplies, alors que les conditions de sa compétence ratione
materiae le sont, elle doit, quand bien même cette question n’aurait
pas été soulevée par les parties, constater que les premières condi-

tions font défaut et en déduire qu’elle ne saurait, pour cette raison,
avoir compétence pour statuer sur le fond du différend» (ibid.).

Il n’en résulte cependant pas, évidemment, que la Cour soit tenue, dans
tout arrêt qu’elle rend pour statuer sur une exception préliminaire
d’incompétence, d’examiner cette question par une motivation figurant
expressément dans l’arrêt. Si aucune des parties n’a soulevé une telle
question, et si la Cour estime par ailleurs que les conditions des arti-
cles 34 et 35 du Statut sont satisfaites au cas d’espèce, elle peut fort bien

choisir de ne pas inclure dans la motivation de son arrêt de développe-
ments s’y rapportant spécifiquement, et se borner à répondre aux argu-
ments soulevés par les parties. Elle peut aussi choisir, si elle l’estime
opportun, de s’en expliquer par des motifs exprès.
Mais, si dans un arrêt rendu sur des exceptions préliminaires d’incom-

pétence la Cour a rejeté celles-ci et s’est déclarée compétente, sans rien
dire de la question de l’accès à la Cour, on pourra en tirer la conclusion

25 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (ARRÊT ) 434

que la Cour a estimé que les conditions d’accès à la Cour étaient satis-
faites. Comme l’a dit la Cour en 2007 à propos de l’arrêt qu’elle avait
rendu en 1996, dans la même affaire, sur les exceptions préliminaires sou-
levées par la RFY:

«Etant donné que ... la question de la capacité d’un Etat à être
partie à une procédure est une question qui se pose avant celle de

la compétenceratione materiaeet que la Cour doit, au besoin, soulever
d’office ... cette conclusion [selon laquelle elle avait compétence pour
statuer sur le différend sur la base de l’article IX de la convention sur
le génocide] doit nécessairement s’interpréter comme signifiant en
toute logique que la Cour estimait à l’époque que le défendeur avait

qualité pour participer à des affaires portées devant elle.» (Applica-
tion de la convention pour la prévention et la répression du crime
de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro), C.I.J.
Recueil 2007 (I), p. 98-99, par. 132.)

69. Le défendeur, en 1996 et en 2007, était le même Etat que dans la
présente instance. Cependant, force est de constater que, en l’espèce,
aucune conclusion implicite selon laquelle la Serbie a la capacité néces-

saire pour participer à la procédure ouverte par la requête de la Croatie
ne peut être déduite d’un arrêt antérieur de la Cour. L’arrêt rendu le
11 juillet 1996 sur la compétence en l’affaire relative à l’Application de la
convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-
Herzégovine c. Yougoslavie) (exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Re-

cueil 1996 (II), p. 595), auquel la Cour a fait produire sa pleine autorité
de chose jugée dans son arrêt au fond de 2007 rendu en la même affaire,
ne possède par lui-même aucune autorité de chose jugée dans la présente
affaire. La question de la capacité du défendeur doit donc être examinée
à nouveau, dans le contexte du différend soumis aujourd’hui à la Cour.

Le défendeur n’avait pas soulevé la question de son absence de capa-
cité de participer à une procédure dans son mémoire comportant ses
exceptions préliminaires. La Cour a fait connaître aux Parties, par des
lettres de son greffier en date du 6 mai 2008, qu’elle souhaitait que cette
question soit débattue lors des audiences, ce qui fut le cas; la Cour en est

désormais saisie.
70. La dernière série d’observations préliminaires est relative à l’ordre
dans lequel la Cour va, à présent, examiner les diverses questions que
soulève l’application en l’espèce de l’article 35 du Statut.
71. Les Parties ont débattu, comme il a été dit plus haut, du point de
savoir si la convention sur le génocide constitue un «traité en vigueur» au

sens du paragraphe 2 de l’article 35 du Statut. Si la réponse était affir-
mative, et à condition que, à la date pertinente, les deux Parties fussent
liées entre elles par cette convention, y compris son article IX — point qui
sera examiné plus loin dans le présent arrêt —, il en résulterait que la Cour
serait «ouverte» à la Serbie sur le fondement du paragraphe 2 de l’ar-

ticle 35, quand bien même cet Etat ne remplirait pas la condition du para-
graphe 1 parce qu’il n’aurait pas été partie au Statut à la date pertinente.

26 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (ARRÊT ) 435

Les deux Parties conviennent que la Cour a examiné cette question et y
a répondu négativement dans ses arrêts de 2004 rendus dans les affaires
relatives à la Licéité de l’emploi de la force . Elle l’a fait notamment sur la
base d’un examen des travaux préparatoires de cette disposition, qui l’a

conduite à la conclusion que l’expression «traités en vigueur» ne visait
que les traités déjà en vigueur à la date d’entrée en vigueur du Statut, et
non ceux conclus postérieurement, tels que la convention sur le génocide
(voir par exemple Licéité de l’emploi de la force (Serbie-et-Monténégro
c. Belgique), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2004 (I) ,

p. 318-324, par. 100-114).
Les deux Parties conviennent également que cette prise de position de la
Cour n’est pas revêtue, à l’égard du présent différend, de l’autorité de la
chose jugée, puisque les arrêts en cause ont été rendus dans le cadre
d’affaires différentes et qui ne mettaient pas en présence les mêmes parties.

Les Parties reconnaissent cependant que ces précédents sont d’une
grande pertinence pour la présente affaire, la Cour ne s’écartant de sa
jurisprudence établie que si elle estime avoir pour cela des raisons très
particulières.
A partir de ces prémisses communes, les Parties aboutissent à des

conclusions différentes: tandis que la Croatie invite la Cour à reconsidé-
rer sa jurisprudence sur ce point et à corriger l’erreur qui aurait été, selon
elle, commise en 2004, la Serbie demande à la Cour de maintenir, dans la
présente affaire, son interprétation de la clause relative aux «dispositions
particulières des traités en vigueur» du paragraphe 2 de l’article 35.

72. La Cour estime qu’il y a lieu en l’espèce de se pencher sur la question
de l’accès à la Cour de la Serbie sur la base du paragraphe 1 de l’article 35
avant de se livrer à un quelconque examen sur la base du paragraphe 2.
C’est seulement si la Cour devait constater que le défendeur n’avait
pas, à l’époque pertinente — qu’il faudra déterminer plus loin —, la qua-

lité de partie au Statut de la Cour, et que, par suite, il ne remplissait pas
la condition visée au paragraphe 1, qu’elle devrait aborder la question de
savoir si ledit défendeur peut tirer sa capacité de participer à la procédure
de la convention sur le génocide, au titre des «dispositions particulières
des traités en vigueur» au sens du paragraphe 2.

73. La Cour passe donc à présent à la question de savoir si la Serbie a
ou avait, à l’époque pertinente, la qualité de partie au Statut, qui suffirait
à lui donner, en tout état de cause, la capacité nécessaire pour participer
à une procédure devant la Cour, à quelque titre que ce soit.
74. Il convient de prendre comme point de départ du raisonnement les
deux constatations suivantes, qui ne font pas l’objet de controverse entre

les Parties.
75. En premier lieu, la Cour a, dans ses arrêts de 2004 rendus dans les
affaires relatives à la Licéité de l’emploi de la force , clairement déterminé
le statut juridique qui était celui de la RFY, devenue aujourd’hui la Ser-
bie, au cours de la période allant de la dissolution de l’ancienne RFSY à
er
l’admission de la RFY aux Nations Unies le 1 novembre 2000.
Après avoir rappelé que, tout au long de cette période, la situation de

27 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (ARRÊT ) 436

la RFY à l’égard des Nations Unies était demeurée incertaine et contro-
versée, la Cour elle-même l’ayant qualifiée de «sui generis» dans son

arrêt rendu sur la Demande en revision de l’arrêt du 11 juillet 1996 en
l’affaire relative à l’Application de la convention pour la prévention et la
répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Yougoslavie),
exceptions préliminaires (Yougoslavie c. Bosnie-Herzégovine) (arrêt,
C.I.J. Recueil 2003, p. 31, par. 71), la Cour s’est livrée à un exposé précis

de l’historique des relations entre la RFY et les Nations Unies depuis la
dissolution de l’ex-Yougoslavie jusqu’à l’admission de cet Etat comme
Membre des Nations Unies le 1 er novembre 2000.
Cela l’a conduite à la conclusion suivante:

«Cette évolution mit fin effectivement à la situation sui generis de
la République fédérale de Yougoslavie au sein des Nations Unies,
situation qui, ainsi que la Cour l’a observé dans de précédents pro-
noncés, avait présenté de nombreuses «difficultés juridiques» durant

toute la période comprise entre 1992 et 2000... Le demandeur a ainsi
le statut de Membre de l’Organisation des Nations Unies depuis le
1ernovembre 2000. Toutefois, son admission au sein de l’Organisa-
tion des Nations Unies n’a pas remonté et n’a pu remonter à l’épo-

que de l’éclatement et de la disparition de la République fédérative
socialiste de Yougoslavie; il n’était pas question en 2000 de rétablir
les droits de la République fédérative socialiste de Yougoslavie en
tant que Membre de l’Organisation au bénéfice de la République
fédérale de Yougoslavie. En même temps, il est apparu clairement

que la situation sui generis du demandeur ne pouvait être regardée
comme équivalant à la qualité de Membre de l’Organisation.
De l’avis de la Cour, l’importance de cette évolution survenue en
2000 tient au fait qu’elle a clarifié la situation juridique, jusque-là

indéterminée, quant au statut de la République fédérale de Yougo-
slavie vis-à-vis de l’Organisation des Nations Unies. C’est en ce sens
que la situation qui se présente aujourd’hui à la Cour concernant la
Serbie-et-Monténégro est manifestement différente de celle devant

laquelle elle se trouvait en 1999. Si la Cour avait alors eu à se pro-
noncer définitivement sur le statut du demandeur à l’égard de l’Orga-
nisation des Nations Unies, cette tâche aurait été compliquée par les
incertitudes entourant la situation juridique, s’agissant de ce statut.
Cependant, la Cour se trouvant aujourd’hui à même d’apprécier

l’ensemble de la situation juridique, et compte tenu des cerséquences
juridiques du nouvel état de fait existant depuis le 1 novembre
2000, la Cour est amenée à conclure que la Serbie-et-Monténégro
n’était pas membre de l’Organisation des Nations Unies, ni en cette

qualité partie au Statut de la Cour internationale de Justice, au
moment où elle a déposé sa requête introduisant la présente instance
devant la Cour, le 29 avril 1999.» (Licéité de l’emploi de la force
(Serbie-et-Monténégro c. Belgique), exceptions préliminaires, arrêt,
C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 310-311, par. 78-79.)

28 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE ARRÊT ) 437

76. Il n’est pas douteux que les arrêts précités de 2004 ne sont pas revê-
tus sur ce point — pas plus que sur aucun autre — de l’autorité de la
chose jugée au regard du présent différend, puisqu’ils ont été rendus dans

des affaires différentes et qui ne mettaient pas en présence les mêmes
parties, comme cela a déjà été relevé plus haut en ce qui concerne un
autre aspect de ces arrêts (voir par. 71).
Il est cependant également certain qu’ils pourraient posséder une per-
tinence en l’espèce puisque, d’une part, ils traitent de la situation juri-

dique du défendeur en la présente affaire au cours d’une période — de
1992 à 2000 — dans laquelle est incluse la date d’introduction de la
requête à propos de laquelle la Cour est appelée à se prononcer et que,
d’autre part, comme il a été rappelé plus haut (par. 53), la Cour ne s’écarte
d’une jurisprudence établie que si elle estime avoir pour cela des raisons

très particulières.
Tel est le premier élément dont il faut tenir compte.
77. Le second élément est que, depuis le 1 novembre 2000 et de façon
continue jusqu’à la date du présent arrêt, le défendeur est partie au Sta-

tut, en raison de sa qualité de Membre des Nations Unies, c’est-à-dire par
l’effet de la disposition de l’article 93, paragraphe 1, de la Charte, qui
attribue automatiquement à tous les Membres de l’Organisation la qua-
lité de parties au Statut de la Cour.
Ainsi, il n’est pas discutable — et il n’a pas été contesté par les Parties

au cours de leurs plaidoiries — que, à l’heure actuelle, tant la Croatie que
la Serbie ont le droit d’accès à la Cour sur le fondement du paragraphe 1
de l’article 35 du Statut. Il en résulte que, sans nul doute, un différend
entre ces deux Etats pourrait aujourd’hui être porté devant la Cour
pourvu, bien sûr, qu’il existe une base de compétence ratione materiae

permettant de soumettre le différend en cause à la Cour.
La requête de la Croatie eût-elle donc été introduite le 2 novembre
2000 au lieu de l’être le 2 juillet 1999, aucune exception d’incompétence
n’aurait pu être tirée du défaut d’accès à la Cour au sens de l’article 35 du
Statut, et la Cour aurait seulement dû s’interroger sur l’existence d’une

base de compétence ratione materiae, c’est-à-dire d’un lien juridique entre
les Parties tel que chacune d’elles aurait consenti à la juridiction de la
Cour pour statuer sur le différend l’opposant à l’autre.
78. Cela conduit la Cour à aborder une question particulièrement

importante en l’espèce, celle de savoir si la réalisation des conditions pré-
vues à l’article 35 du Statut doit s’apprécier exclusivement à la date
d’introduction de la requête ou si elle peut être appréciée, au moins dans
les circonstances propres à la présente affaire, à une date postérieure, et
plus précisément une date postérieure au 1 ernovembre 2000.

79. Dans de nombreuses affaires, la Cour a rappelé quelle est, à cet
égard, la règle générale dont elle fait application. C’est la suivante: «la
compétence de la Cour doit normalement s’apprécier à la date du dépôt
de l’acte introductif d’instance» (voir en ce sens Application de la conven-
tion pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-

Herzégovine c. Yougoslavie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil

29 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (ARRÊT ) 438

1996 (II), p. 613, par. 26; Questions d’interprétation et d’application
de la convention de Montréal de 1971 résultant de l’incident aérien de
Lockerbie (Jamahiriya arabe libyenne c. Royaume-Uni), exceptions pré-
liminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1998 , p. 26, par. 44).

Etant donné que, comme il a été dit plus haut, la réalisation des condi-
tions de l’article 35 commande la compétence de la Cour — qu’on en
fasse ou non un élément de la compétence ratione personae —, c’est nor-
malement à la date du dépôt de l’acte introductif d’instance que l’on doit
se placer pour vérifier si lesdites conditions sont réalisées.

80. Il est aisé de comprendre la raison d’être de cette règle.
Si, à la date d’introduction d’une requête, toutes les conditions sont
remplies pour que la Cour ait compétence, il ne serait pas acceptable que
ladite compétence disparaisse par l’effet d’un événement postérieur. D’une
part, il pourrait en résulter une différence de traitement injustifiée entre

plusieurs requérants ou à l’égard du même requérant selon la plus ou
moins grande célérité avec laquelle la Cour serait à même d’examiner les
affaires qui lui sont soumises. D’autre part, un défendeur pourrait se met-
tre volontairement à l’abri de la compétence de la Cour en provoquant,
postérieurement à l’introduction de la requête, l’événement ou l’acte en

conséquence duquel les conditions de la compétence de la Cour ne
seraient plus remplies — par exemple, en dénonçant le traité comportant
une clause compromissoire. C’est pourquoi la disparition postérieure à
l’introduction d’une instance d’un élément qui conditionne la compétence
de la Cour ne produit pas et ne saurait produire d’effet rétroactif. Il y va

de la sécurité juridique, du respect du principe d’égalité et du droit pour
un Etat qui a valablement saisi la Cour de voir statuer sur ses prétentions
lorsqu’il a pris toutes les précautions nécessaires pour accomplir l’acte de
saisine en temps utile.
Inversement, il importe de souligner qu’un Etat qui décide de saisir la

Cour doit vérifier avec attention que toutes les conditions nécessaires à la
compétence de celle-ci sont remplies à la date à laquelle l’instance est
introduite. S’il ne le fait pas, et que lesdites conditions viennent ou non à
être remplies par la suite, la Cour doit en principe se prononcer sur sa
compétence au regard des conditions qui existaient à la date de l’intro-

duction de l’instance.
81. Cependant, il convient de rappeler que la Cour, comme sa devan-
cière, a aussi fait preuve de réalisme et de souplesse dans certaines hypo-
thèses où les conditions de la compétence de la Cour n’étaient pas toutes
remplies à la date de l’introduction de l’instance mais l’avaient été pos-
térieurement, et avant que la Cour décide sur sa compétence.

82. Dès son arrêt rendu le 30 août 1924 sur l’exception d’incompétence
soulevée par le défendeur dans l’affaire des Concessions Mavrommatis
en Palestine, la Cour permanente de Justice internationale s’est ainsi
exprimée:

«il faut ... examiner ... la question de savoir si la validité de l’intro-
duction d’instance peut être mise en doute parce qu’elle est anté-

30 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (ARRÊT ) 439

rieure à l’époque où le Protocole XII [annexé au Traité de Lausanne]
est devenu applicable. Tel n’est pas le cas. Même si, avant cette

époque, la juridiction de la Cour n’existait pas pour la raison que
l’obligation internationale visée à l’article 11 [du mandat pour la Pa-
lestine] n’était pas encore en vigueur, il aurait été toujours possible,
pour la partie demanderesse, de présenter à nouveau sa requête,

dans les mêmes termes, après l’entrée en vigueur du Traité de Lau-
sanne; et alors on n’aurait pu lui opposer le fait en question. Même
si la base de l’introduction d’instance était défectueuse pour la raison
mentionnée, ce ne serait pas une raison suffisante pour débouter le

demandeur de sa requête. La Cour, exerçant une juridiction interna-
tionale, n’est pas tenue d’attacher à des considérations de forme la
même importance qu’elles pourraient avoir dans le droit interne.
Dans ces conditions, même si l’introduction avait été prématurée,

parce que le Traité de Lausanne n’était pas encore ratifié, ce fait
aurait été couvert par le dépôt ultérieur des ratifications requises.»
(Arrêt n 2, 1924, C.P.J.I. série A n o2, p. 34.)

Dans le même ordre d’idées, dans l’affaire relative à Certains intérêts

allemands en Haute-Silésie polonaise , la Cour permanente a indiqué que:

«[m]ême si la nécessité d’une contestation formelle ressortait de
l’article 23 [de la convention germano-polonaise de 1922, clause
compromissoire invoquée en l’espèce], cette condition pourrait être à
tout moment remplie par un acte unilatéral de la Partie demande-

resse. La Cour ne pourrait s’arrêter à un défaut de forme qu’il
dépendrait de la seule Partie intéressée de faire disparaître.» (Com-
pétence, arrêt n 6, 1925, C.P.J.I. série A n o6, p. 14.)

Dans la jurisprudence de la présente Cour, la même idée apparaît à

l’Œuvre dans l’affaire duCameroun septentrional (Cameroun c. Royaume-
Uni) (exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1963 , p. 28), ainsi que
dans celle des Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre
celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique), dans le passage où il est

indiqué qu’«[i]l n’y aurait aucun sens à obliger maintenant le Nicaragua à
entamer une nouvelle procédure sur la base du traité [d’amitié de 1956]
— ce qu’il aurait pleinement le droit de faire» (compétence et recevabilité,
arrêt, C.I.J. Recueil 1984, p. 428-429, par. 83).

Enfin, plus récemment, la Cour s’est trouvée en présence d’une situa-
tion comparable lorsqu’elle a statué sur les exceptions préliminaires dans
l’affaire relative à l’Application de la convention pour la prévention et la
répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Yougoslavie)
(exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1996 (II) , p. 595). Le

défendeur soutenait que la convention sur le génocide — base de compé-
tence — n’était devenue applicable dans les relations entre les deux
Parties que le 14 décembre 1995, date à laquelle, par l’effet des accords de

31 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE ARRÊT ) 440

Dayton-Paris, elles se seraient reconnues mutuellement, alors que la
requête avait été introduite le 20 mars 1993, soit plus de deux ans et demi

auparavant.
La Cour a ainsi répondu à l’argument:

«En l’occurrence, quand bien même il serait établi que les Parties,
qui étaient liées chacune par la Convention au moment du dépôt de
la requête, ne l’auraient été entre elles qu’à compter du 14 décembre
1995, la Cour ne saurait écarter sa compétence sur cette base dans la

mesure où la Bosnie-Herzégovine pourrait à tout moment déposer
une nouvelle requête, identique à la présente, qui serait de ce point
de vue inattaquable.» (Application de la convention pour la préven-
tion et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c.
Yougoslavie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1996 (II),

p. 614, par. 26.)
83. La Croatie se prévaut de cette jurisprudence, qu’elle soutient être

parfaitement transposable en l’espèce. Si, comme elle estime que cela est
le cas, la Serbie est liée par la convention sur le génocide, y compris son
article IX, et puisque depuis le 1ernovembre 2000 le défendeur est partie
au Statut de la Cour, il en résulte que le demandeur pourrait déposer à

tout moment une nouvelle requête, qui serait de ce point de vue inatta-
quable. Les motifs qui ont inspiré la Cour dans les affaires précitées
devraient donc la conduire ici aussi, selon la Croatie, à ne pas obliger le
demandeur à entamer une nouvelle procédure, et donc à ne pas tenir
compte du fait que la Serbie n’est devenue partie au Statut qu’après

l’introduction de l’instance. La Croatie insiste à ert égard sur la date à
laquelle elle a déposé son mémoire, à savoir le 1 mars 2001.
84. La Serbie combat ces arguments, et soutient que la jurisprudence
précitée n’est pas applicable en l’espèce pour deux raisons. En premier

lieu, elle relève que, dans tous les précédents cités, le défendeur n’était pas
la seule partie à ne pouvoir remplir l’une des conditions nécessaires pour
que la Cour se déclare compétente à la date de l’introduction de l’ins-
tance; elle n’a cependant pas choisi d’en tirer argument. En second lieu et

surtout, selon la Serbie, cette jurisprudence ne serait pas applicable dans
le cas où la condition qui fait défaut est relative à la capacité d’une partie
à participer à une procédure devant la Cour conformément aux arti-
cles 34 et 35 du Statut, c’est-à-dire à une «question fondamentale» qui,
comme l’a dit la Cour en 2004, doit être examinée avant toute autre ques-

tion de compétence. D’ailleurs, ajoute la Serbie, dans ses arrêts de 2004
relatifs à la Licéité de l’emploi de la force , la Cour n’a pas fait application
de la doctrine Mavrommatis, puisque, après avoir constaté qu’à la date
de l’introduction des requêtes le demandeur n’était pas partie au Statut

de la Cour et n’avait donc pas le droit d’accès à celle-ci, elle s’est déclarée
incompétente, alors même qu’elle a mentionné le fait que depuis le
1er novembre 2000 le demandeur était devenu Membre des Nations
Unies. Cela s’explique, selon la Serbie, par le fait que, lorsque la Cour est
saisie d’une affaire dans laquelle soit le demandeur soit le défendeur ne

32 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE ARRÊT ) 441

remplit pas les conditions des articles 34 et 35 du Statut, elle ne peut pas
se considérer comme «valablement» saisie et ne dispose même pas de la
«compétence de sa compétence», c’est-à-dire de la compétence lui per-
mettant de décider si elle est compétente pour statuer au fond sur le dif-

férend. Elle se trouverait donc, en pareil cas, en présence d’un obstacle
insurmontable.
85. La Cour relève que, en ce qui concerne le premier des deux argu-
ments susmentionnés, il importe peu, eu égard à la logique qui inspire la
jurisprudence précitée de la Cour issue de l’arrêt de 1924 dans l’affaire

des Concessions Mavrommatis en Palestine (arrêt n° 2, 1924, C.P.J.I.
série A n° 2), que la partie qui ne remplit pas l’une des conditions de la
compétence de la Cour soit la demanderesse ou la défenderesse ou bien
les deux à la fois — comme dans l’hypothèse où la clause compromissoire
invoquée comme base de compétence n’entre en vigueur qu’après l’intro-

duction de l’instance. La Cour n’aperçoit pas de raison convaincante
pour que les manques du demandeur soient susceptibles d’être couverts
en cours d’instance alors que ceux du défendeur ne le seraient pas. En
effet, ce qui importe, c’est que, au plus tard à la date à laquelle la Cour
statue sur sa compétence, le demandeur soit en droit, s’il le souhaite,

d’introduire une nouvelle instance dans le cadre de laquelle la condition
qui faisait initialement défaut serait remplie. En pareil cas, cela ne servi-
rait pas l’intérêt d’une bonne administration de la justice d’obliger le
demandeur à recommencer la procédure — ou à en commencer une nou-
velle — et il est préférable, sauf circonstances spéciales, de constater que

la condition est désormais remplie.
86. Le second argument susmentionné mérite, de l’avis de la Cour, un
examen plus circonstancié.
Il est vrai, d’abord, que tous les précédents cités concernent des cas où
la condition faisant initialement défaut était relative à la compétence

ratione materiae ou ratione personae dans le sens étroit, et non à la ques-
tion de l’accès à la Cour, qui touche à la capacité d’une partie à prendre
part à une procédure devant la Cour dans quelque affaire que ce soit.
Toutefois, la Cour ne saurait souscrire à la thèse extrême plaidée par la
Serbie, à savoir que, lorsqu’elle est saisie par un Etat qui ne remplit pas

les conditions d’accès de l’article 35, ou à l’encontre d’un Etat qui ne rem-
plit pas les mêmes conditions, la Cour serait même privée de la compé-
tence de sa compétence, de la compétence pour décider si elle est compé-
tente ou non. On ne trouve rien de tel dans les arrêts de 2004 auxquels la
Serbie s’est référée à l’audience. La Cour s’est bornée à indiquer, dans ces
arrêts, que la question de l’accès à la Cour était une «question fonda-

mentale» qui devait être examinée avant les autres et que, si le deman-
deur ne remplissait pas les conditions de l’article 35, la Cour devait en
déduire qu’elle n’avait pas été «saisi[e] ... de manière valable». Qu’elle
n’ait pas été «valablement saisie» ne signifie pas que la Cour ne possède
pas la compétence nécessaire pour statuer sur sa compétence, c’est-à-dire

pour décider si elle a été valablement saisie et si les conditions sont rem-
plies pour qu’elle examine l’affaire au fond. Cela est vrai lorsque c’est le

33 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (ARRÊT ) 442

demandeur qui, comme dans les affaires de la Licéité de l’emploi de la
force, ne remplit pas les conditions d’accès à la Cour. Cela est vrai a for-
tiori lorsqu’il est allégué que c’est le défendeur qui ne remplit pas ces
conditions, car en pareil cas l’acte de saisine lui-même, qui émane d’un

Etat ayant accès à la Cour, n’est pas en cause: c’est le cas dans la présente
affaire. Dans tous les cas, la Cour possède la compétence de sa compé-
tence (voir l’article 36, paragraphe 6, du Statut). La Cour fait d’ailleurs
observer que la Serbie lui demande, à titre principal, de décider par
un arrêt qu’elle n’a pas compétence pour connaître de la requête de la

Croatie.
87. Plus important encore, la Cour ne peut pas accueillir l’argument de
la Serbie selon lequel le défaut consistant en l’absence, dans le chef d’une
partie, d’accès à la Cour est tellement rédhibitoire qu’il ne saurait être en
aucun cas couvert par un événement survenant en cours d’instance — tel

que l’acquisition par cette partie de la qualité de partie au Statut de la
Cour, qui lui manquait initialement.
Sans doute, comme il a été dit plus haut, la question de l’accès se dis-
tingue-t-elle de celles relatives à l’examen de la compétence au sens étroit.
Mais elle n’en est pas moins étroitement liée à la compétence, en ce sens

que, si les conditions d’accès font défaut, tout comme lorsque ne sont pas
remplies les conditions relatives à la compétence ratione materiae ou
ratione temporis, il en découle toujours une seule et même conséquence:
la Cour n’a pas compétence pour connaître de l’affaire. C’est toujours
dans le cadre d’une exception d’incompétence — comme c’est le cas en

l’espèce — que seront présentés à la Cour les arguments relatifs à la capa-
cité des parties de participer à la procédure.
Dans ces conditions, on n’aperçoit pas pourquoi les arguments tirés
d’une bonne administration de la justice, qui sont à la base de la juris-
prudence Mavrommatis, ne seraient pas pertinents aussi dans un cas tel

que celui qui nous occupe. Il ne servirait pas l’intérêt de la justice de
mettre le demandeur dans l’obligation, s’il souhaite persévérer dans
ses prétentions, d’entamer une nouvelle procédure. A cet égard, peu
importe la condition qui, à la date d’introduction de l’instance, faisait
défaut, empêchant ainsi la Cour, à ce moment-là, d’exercer sa compé-

tence, dès lors qu’elle a été remplie par la suite.
88. Il est vrai que la Cour n’a apparemment pas tenu compte, dans ses
arrêts de 2004, du fait que la Serbie-et-Monténégro était devenue à cette
date partie au Statut: la Cour s’est en effet déclarée incompétente pour la
seule raison que le demandeur n’avait pas accès à la Cour en 1999, date
d’introduction des requêtes, sans aller plus loin dans son raisonnement.

89. Mais si, dans ces affaires, la Cour s’en est tenue strictement à la
règle générale selon laquelle sa compétence s’apprécie à la date du dépôt
de l’acte introductif d’instance, sans introduire l’élément de souplesse qui
résulte des autres décisions précitées, c’est en raison de considérations

propres à ces affaires.
Il était clair, en effet, que la Serbie-et-Monténégro n’avait pas l’inten-

34 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (ARRÊT ) 443

tion de maintenir ses demandes sous la forme de nouvelles requêtes; cet
Etat soutenait lui-même devant la Cour qu’il n’était pas, et n’avait jamais
été, lié par l’article IX de la convention sur le génocide, pourtant la base
de compétence qu’il avait initialement invoquée (voir par exemple Licéité

de l’emploi de la force (Serbie-et-Monténégro c. Belgique), exceptions
préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2004 (I) , p. 292-293, par. 29). Certes,
le demandeur dans ces affaires avait fait savoir qu’il n’entendait pas se
désister des requêtes pendantes devant la Cour. Mais, compte tenu de la
position juridique qu’il affirmait désormais au sujet de la convention sur

le génocide, il était exclu que, à la suite d’arrêts rejetant ses requêtes en
raison de son défaut d’accès à la Cour à la date de l’engagement des pro-
cédures, il introduise de nouvelles requêtes identiques en substance aux
premières en se prévalant de sa qualité, désormais certaine, de partie au
Statut de la Cour. Dans ces conditions, il eût été, dans les circonstances

particulières de ces affaires, dépourvu de justification, de la part de la
Cour, de passer outre au défaut initial de capacité de la RFY à la saisir,
pour le motif que ce défaut avait été couvert en cours d’instance. Comme
il a été dit plus haut (par. 85), c’est le souci d’économie de procédure, qui
est une composante des exigences de bonne administration de la justice,

qui justifie, dans les cas appropriés, l’application de la jurisprudence issue
de l’arrêt Mavrommatis. Cette jurisprudence vise à éviter la multiplica-
tion inutile des procédures. Aucune considération de ce genre n’était
présente en 2004 pour justifier que la Cour écarte alors le principe
selon lequel sa compétence doit être établie à la date d’introduction des

requêtes. Aussi bien, d’ailleurs, la Serbie-et-Monténégro s’était-elle gar-
dée de le lui demander: si, dans la présente affaire, la Croatie demande
à la Cour d’appliquer la jurisprudence issue de l’arrêt Mavrommatis,
une telle demande n’avait pas été, et ne pouvait pas logiquement être,
formulée par l’Etat requérant en 2004.

90. Deux considérations complémentaires renforcent la conclusion
selon laquelle il y a lieu, dans les circonstances de la présente affaire, de ne
pas s’en tenir à la situation juridique qui existait à la date de la requête.
En premier lieu, si, comme il a été dit plus haut (par. 80), l’on doit
normalement s’attendre à ce qu’un Etat présentant une requête devant la

Cour fasse preuve de l’attention nécessaire pour ne pas la présenter de
manière prématurée, on ne saurait dire du demandeur en la présente ins-
tance qu’il ait fait preuve de manque d’attention à cet égard. A la date de
l’introduction de la requête, le défendeur considérait, et sa position à cet
égard était publiquement connue, qu’il possédait la capacité de participer
à des procédures devant la Cour. En avril 1999, la RFY avait introduit

des instances contre dix Etats membres de l’Organisation du traité de
l’Atlantique Nord en invoquant l’article IX comme base de compétence
de la Cour. Le demandeur pouvait s’estimer, en conséquence, en droit de
saisir la Cour sur une base de compétence à première vue appropriée.
Certes, comme il a été dit plus haut (par. 67), les questions d’accès à la

Cour, à la différence de celles relatives au consentement à la juridiction,
ne sont pas à la disposition des parties. Il n’en reste pas moins que le

35 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (ARRÊT ) 444

comportement de la Croatie n’est révélateur d’aucune circonstance qui
justifierait que la Cour fasse preuve d’une rigueur particulière dans l’appli-

cation de sa jurisprudence ci-dessus décrite.
En second lieu, il y a lieu de relever que, si la requête de la Croatie
— un texte bref d’une dizaine de pages — a été déposée le 2 juillet 1999,
soit avant l’admission de la RFY aux Nations Unies le 1 er novembre

2er0, son mémoire au fond, un document de 414 pages, a été déposé le
1 mars 2001, soit après cette date.
Bien qu’il ne soit pas possible d’assimiler le dépôt d’un mémoire à un
acte introductif d’instance, puisque par définition le mémoire se rapporte

à une instance déjà engagée, il faut relever que le mémoire présente une
importance considérable, non seulement en ce qu’il développe les argu-
ments du demandeur mais aussi en ce qu’il précise ses conclusions. Sans
que cet élément puisse être regardé comme déterminant, on ne saurait
er
l’écarter tout à fait: si la Croatie avait, le 1mars 2001, présenté la sub-
stance de son mémoire sous la forme d’une nouvelle requête, ce qu’elle
aurait pu faire, aucune question ne se serait posée sur le terrain de l’ar-
ticle 35 du Statut.
er
91. La Cour conclut donc qu’elle était ouverte à la RFY le 1 novembre
2000. Aussi serait-elle en mesure de se déclarer compétente si elle concluait
que la Serbie était liée par l’article IX de la convention sur le génocide le
2 juillet 1999, date d’introduction de la présente instance, et l’était restée
au moins jusqu’au 1 novembre 2000.

Cette question sera examinée dans la partie suivante.
92. Compte tenu de la conclusion qui précède, la question de savoir s’il
a été satisfait aux conditions mentionnées au paragraphe 2 de l’article 35

(voir par. 71 ci-dessus) est dépourvue de pertinence en l’espèce.

**

2) Questions liées à la compétence ratione materiae

93. La Cour se penchera maintenant sur la question de sa compétence
ratione materiae, qui fait l’objet de la deuxième branche de la première

exception préliminaire présentée par la Serbie, tendant à ce que la Cour
déclare qu’elle n’a pas compétence. Selon la Serbie, cette branche de
l’exception relève de la compétence ratione personae.
94. La Croatie invoque comme base de compétence l’article IX de la

convention sur le génocide, qui dispose que
«[l]es différends entre les Parties contractantes relatifs à l’interpréta-

tion, l’application ou l’exécution de la présente Convention, y com-
pris ceux relatifs à la responsabilité d’un Etat en matière de génocide
ou de l’un quelconque des autres actes énumérés à l’article III, seront
soumis à la Cour internationale de Justice, à la requête d’une partie

au différend».
Les Parties s’accordent sur le fait que la Croatie est partie à la convention

36 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (ARRÊT ) 445

sur le génocide, qu’elle l’était à toutes les époques pertinentes et qu’elle
n’a formulé aucune réserve excluant l’application de l’article IX. La
Croatie a déposé une notification de succession, le 12 octobre 1992,
auprès du Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies. Elle

affirme qu’avant cette date elle était déjà devenue partie à ladite conven-
tion en qualité d’Etat successeur de la RFSY à compter du moment où
elle avait assumé la responsabilité des relations internationales pour son
territoire, c’est-à-dire à partir du 8 octobre 1991. Dans son exception pré-
liminaire, la Serbie indique qu’elle n’était pas, quant à elle, partie à la

Convention à la date du dépôt de la requête introductive d’instance (le
2 juillet 1999); elle affirme ne l’être devenue qu’en juin 2001, par voie
d’adhésion. En outre, la notification d’adhésion de la RFY, datée du
6 mars 2001 et déposée le 12 mars 2001, était assortie d’une réserve aux
termes de laquelle la RFY «ne se consid[érait] pas liée par l’article IX de

la Convention» (voir le texte figurant au paragraphe 116 ci-après). Lors-
que le Secrétaire général, dépositaire de la Convention, informa les Etats
parties de la notification d’adhésion de la RFY, des objections furent for-
mulées par la Croatie (ainsi que par la Bosnie-Herzégovine et la Suède);
l’objection croate était fondée sur l’argument selon lequel la RFY «[était]

déjà liée par la Convention depuis qu’elle [était] devenue l’un des cinq
Etats successeurs égaux» de l’ex-RFSY. La Croatie fit également objec-
tion à la réserve excluant l’application de l’article IX de la Convention,
formulée par la RFY, au motif que ladite réserve était «incompatible
avec l’objet et le but de la Convention».

95. Si, comme le soutient la Croatie, la Serbie était déjà partie à la
convention sur le génocide à la date à laquelle la présente instance a été
introduite, aucun changement de situation éventuellement intervenu par
suite de la prétendue adhésion de la RFY à cet instrument en 2001 ou de
la réserve dont ladite adhésion était assortie ne saurait priver la Cour de

sa compétence en vertu de l’article IX de la Convention. La Cour rap-
pellera que, selon sa jurisprudence constante, s’il est démontré qu’un titre
de compétence existait à la date de l’introduction de l’instance, la cadu-
cité de l’instrument établissant sa juridiction ou le retrait dont il peut
ultérieurement faire l’objet sont sans effet sur sa compétence. Ce principe

a été énoncé en l’affaire Nottebohm (Liechtenstein c. Guatemala) (excep-
tion préliminaire, arrêt, C.I.J. Recueil 1953 , p. 122), dans laquelle une
acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour (en vertu de la clause
facultative du paragraphe 2 de l’article 36 du Statut) — invoquée comme
base de compétence — avait expiré à une date postérieure à l’introduc-
tion de l’instance. Il a par la suite toujours été appliqué (par exemple

lorsqu’il a été mis fin, avant que la Cour ne rende son arrêt au fond, à un
traité bilatéral invoqué comme base de compétence (Activités militaires et
paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis
d’Amérique), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986 , p. 28, par. 36)).
96. Si, par conséquent, le 2 juillet 1999, date à laquelle l’instance a été

introduite, la RFY était partie à la convention sur le génocide, y com-
pris l’article IX, et si elle a continué d’être liée par cet article au moins

37 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (ARRÊT ) 446

er
jusqu’au 1 novembre 2000, date à laquelle elle est devenue partie
au Statut de la Cour, alors la Cour continue d’avoir aujourd’hui
compétence.
Il n’y a donc pas lieu pour la Cour de statuer sur un éventuel effet juri-

dique de la notification d’adhésion à la Convention par la Serbie, en date
du 6 mars 2001.
97. Les raisons pour lesquelles les Parties s’opposent sur le point de
savoir si la Serbie était partie à la Convention à la date à laquelle l’ins-
tance a été introduite tiennent à l’histoire du lien qu’ont entretenu avec la

Convention, tout d’abord, la RFSY et, par la suite, le défendeur.
La RFSY signa la convention sur le génocide le 11 décembre 1948 et
déposa son instrument de ratification, sans formuler de réserve, le 29 août
1950; les Parties conviennent que la RFSY était donc partie à la Conven-
tion lorsque, dans les années quatre-vingt-dix, elle commença à se désinté-

grer, donnant naissance à des Etats distincts et indépendants. Le processus
de désintégration de la RFSY, l’émergence de ses anciennes républiques
constitutives en tant qu’Etats distincts et les efforts déployés par la RFY
pour que soit reconnue, sur le plan international, sa thèse selon laquelle
elle était l’Etat continuateur de la RFSY et assurait la continuité de la per-

sonnalité politique et juridique internationale de cette dernière ont été
exposés de manière détaillée aux paragraphes 43 à 51 ci-dessus et dans plu-
sieurs décisions antérieures de la Cour (tout récemment dans l’affaire rela-
tive à l’Application de la convention pour la prévention et la répression du
crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro), arrêt,

C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 79-80, par. 88-99). En l’espèce, la Croatie sou-
tient en premier lieu que la RFY était partie à la convention sur le géno-
cide, par succession, dès le début de son existence en tant qu’Etat, puisque
la succession, contrairement aux autres voies par lesquelles un Etat peut
devenir lié par un traité, rétroagit à la naissance de l’Etat successeur. Elle

se fonde aussi, à l’appui de sa thèse selon laquelle la Cour a compétence,
sur une déclaration formelle adoptée au nom de la RFY le 27 avril 1992,
ainsi que sur une note officielle datée du même jour et communiquée avec
cette déclaration au Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies.
98. La déclaration du 27 avril 1992 a été faite au nom «[d]es représen-

tants du peuple de la République de Serbie et de la République du Mon-
ténégro» et, selon la Serbie, elle fut adoptée par un «organe ad hoc
composé de membres de l’Assemblée de la RFSY, de l’Assemblée natio-
nale de la République de Serbie et de l’Assemblée de la République du
Monténégro»; voir également, à l’annexe 13 des exceptions préliminaires
de la Serbie, l’intitulé et la liste des signataires. Dans cette déclaration, les

représentants indiquaient que

«[l]a République fédérale de Yougoslavie, assurant la continuité de
l’Etat et de la personnalité juridique et politique internationale de la
République fédérative socialiste de Yougoslavie, respectera stricte-

ment tous les engagements que la République fédérative socialiste de
Yougoslavie a pris à l’échelon international.

38 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (ARRÊT ) 447

Simultanément, elle est disposée à respecter pleinement les droits
et les intérêts des républiques yougoslaves qui ont déclaré leur indé-
pendance. La reconnaissance des Etats nouvellement constitués inter-
viendra une fois qu’auront été réglées les questions en suspens actuel-

lement en cours de négociation dans le cadre de la Conférence sur la
Yougoslavie.» (Nations Unies, doc. A/46/915, annexe II.)

99. De même, la note du 27 avril 1992 adressée au Secrétaire général
de l’Organisation des Nations Unies par la mission permanente de la
Yougoslavie contenait le passage suivant:

«L’Assemblée de la République fédérative socialiste de Yougosla-
vie, à la session qu’elle a tenue le 27 avril 1992, a promulgué la Cons-

titution de la République fédérale de Yougoslavie. Aux termes de la
Constitution, et compte tenu de la continuité de la personnalité de la
Yougoslavie et des décisions légitimes qu’ont prises la Serbie et le
Monténégro de continuer à vivre ensemble en Yougoslavie, la Répu-
blique fédérative socialiste de Yougoslavie devient la République

fédérale de Yougoslavie, composée de la République de Serbie et de
la République du Monténégro.
Dans le strict respect de la continuité de la personnalité inter-
nationale de la Yougoslavie, la République fédérale de Yougoslavie
continuera à exercer tous les droits conférés à la République fédéra-

tive socialiste de Yougoslavie et à s’acquitter de toutes les obliga-
tions assumées par cette dernière dans les relations internationales, y
compris en ce qui concerne son appartenance à toutes les organi-
sations internationales et sa participation à tous les traités inter-
nationaux que la Yougoslavie a ratifiés ou auxquels elle a adhéré.»

(Nations Unies, doc. A/46/915, annexe I.)

100. La RFY ne se considérait donc pas comme l’un des Etats succes-
seurs de la RFSY nés de la dissolution de cette dernière mais comme
l’unique Etat continuateur, conservant la personnalité de l’ex-RFSY,
avec pour conséquence que les autres Etats issus de l’ex-Yougoslavie
étaient des Etats nouveaux, habilités toutefois à revendiquer des droits

d’Etats successeurs. La RFY maintint cette ligne de conduite jusqu’à un
changement de gouvernement intervenu en 2000, qui fut suivi d’une
demande d’admission à l’Organisation des Nations Unies en tant que
nouveau Membre (voir par. 50-51 ci-dessus et 116 ci-après).
La déclaration et la note de 1992 ne devraient bien évidemment pas être
considérées isolément; il faut évaluer leur effet en tenant compte, en par-

ticulier, du comportement de la RFY au moment où a été faite la déclara-
tion et ultérieurement, et cet aspect sera examiné ci-après (par. 114-117).
101. Sur la base des données historiques, ainsi que de la déclaration et
de la note du 27 avril 1992, la Croatie soutient que la Serbie était partie
à la convention sur le génocide le 2 juillet 1999 dans les mêmes conditions

que la RFSY l’avait été, c’est-à-dire sans réserve, et qu’en conséquence
l’article IX confère compétence à la Cour dans la présente affaire. Dans

39 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (ARRÊT ) 448

sa requête, la Croatie a fondé ses arguments à cet égard sur les règles du
droit international régissant la succession d’Etats. Dans ses observations
écrites sur les exceptions préliminaires de la Serbie, elle a principalement
invoqué la décision rendue par la Cour le 3 février 2003 en l’affaire de la

Demande en revision de l’arrêt du 11 juillet 1996 en l’affaire relative à
l’Application de la convention pour la prévention et la répression du
crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Yougoslavie), exceptions pré-
liminaires (Yougoslavie c. Bosnie-Herzégovine) , dans laquelle le statut de
la RFY vis-à-vis de l’Organisation des Nations Unies était en question.

Au cours de la procédure orale, la Croatie a indiqué qu’elle se fondait
également, à titre subsidiaire, sur la déclaration et la note du 27 avril
1992. Il conviendra d’examiner tout d’abord cet argument subsidiaire,
fondé sur les événements de 1992, avant de passer, si nécessaire, à la ques-
tion plus large de l’application en l’espèce du droit général de la succes-

sion d’Etats; en effet, s’il est fait droit à la thèse de la Croatie relative à
l’effet de la déclaration et de la note, la Cour n’aura pas besoin d’exami-
ner plus avant les arguments que lui ont présentés les Parties au sujet des
règles du droit international régissant la succession d’Etats aux traités,
y compris la question de la succession ipso jure à certains traités multi-

latéraux.
102. La Croatie a affirmé non seulement que la Serbie était liée par
la convention sur le génocide dès le début du conflit entre la Bosnie-
Herzégovine et la RFY — soit depuis une date antérieure à celle de la décla-
ration de 1992 — mais aussi que la Cour l’avait confirmé à six reprises au

cours de cette période — en 1993 (deux fois), en 1996, en 1999, en 2003 et
en 2007 —, à savoir dans les ordonnances et arrêts rendus en l’affaire
relative à l’Application de la convention pour la prévention et la répression
du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro) sur
les demandes en indication de mesures conservatoires (1993), les excep-

tions préliminaires (1996) et le fond (2007), dans son arrêt sur la Demande
en revision de l’arrêt du 11 juillet 1996 en la précédente affaire (2003), et
dans ses ordonnances sur les demandes en indication de mesures conser-
vatoires dans les affaires relatives à la Licéité de l’emploi de la force
(1999). D’après la Croatie, une conclusion selon laquelle la RFY n’était

pas liée par la convention sur le génocide le 2 juillet 1999 «équivaudrait à
annuler quinze années de jurisprudence et à remettre en question le fon-
dement des décisions de la Cour» en l’affaire relative à l’Application de la
convention pour la prévention et la répression du crime de génocide qui a
été introduite par la Bosnie-Herzégovine.
103. La Croatie affirme que ces décisions sont pertinentes parce que

l’«engagement solennel» exprimé par la RFY dans la déclaration de 1992
a été invoqué par la RFY elle-même devant la Cour, et que celle-ci lui a
prêté foi, de sorte que la Croatie était elle aussi fondée à s’y fier, ce qu’elle
a fait. La portée de la position adoptée par la RFY dans les instances
antérieures sera examinée ci-après (par. 114).

104. En ce qui concerne la Cour elle-même, ainsi qu’il a été indiqué
aux paragraphes 52 à 56 ci-dessus, ces décisions ne sont pas revêtues de

40 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE ARRÊT ) 449

l’autorité de la chose jugée à l’égard de la présente instance. En règle
générale — à moins qu’elle n’estime que des raisons très particulières doi-
vent la conduire à le faire —, la Cour ne s’écarte toutefois pas de sa juris-
prudence, notamment lorsque des questions comparables à celles qui se

posent à elle, comme en l’espèce, ont été examinées dans des décisions
antérieures. C’est donc dans cette perspective que la Cour se penchera sur
les arguments présentés par les Parties au sujet des questions qui, a-t-on
fait valoir, ont déjà été traitées dans les décisions susmentionnées.
105. La question des effets qui, en droit, peuvent résulter du fait que la

Croatie ait pu de bonne foi croire pouvoir se fonder sur l’engagement pris
dans ces documents peut être à ce stade réservée. La Cour commencera
par examiner la nature et l’effet de la déclaration et de la note de 1992 sur
la situation de la RFY vis-à-vis de la convention sur le génocide.

106. La Serbie soutient que la déclaration du 27 avril 1992, mention-
née au paragraphe 98 ci-dessus, ne pouvait pas constituer une notification
de succession à la convention sur le génocide et ce, pour trois raisons.
Premièrement, toute notification de succession, au même titre que tout
autre acte conventionnel pertinent, doit, pour être valable, émaner d’une

personne ayant qualité pour représenter l’Etat intéressé (voir l’article 7 de
la convention de Vienne sur le droit des traités); or, la Serbie affirme que
la déclaration de 1992 a été adoptée par un organe ad hoc composé de
membres de l’Assemblée de la RFSY, de l’Assemblée nationale de la
République de Serbie et de l’Assemblée de la République du Monténé-

gro. Deuxièmement, ainsi que le confirme la pratique constante des dépo-
sitaires, des notifications expresses sont nécessaires en matière de succes-
sion, ce qui signifie qu’une notification de succession doit désigner
précisément le traité auquel elle se rapporte; or, la déclaration de 1992
était formulée en des termes tout à fait généraux («tous les engagements

que la République fédérative socialiste de Yougoslavie a pris à l’échelon
international»). Troisièmement, toute notification de succession doit,
pour produire effet, être communiquée au dépositaire; or, la déclaration
et la note de 1992 ont été transmises au Secrétaire général de l’Organisa-
tion des Nations Unies (le dépositaire de la convention sur le génocide)

pour être distribuées sous la forme d’un document officiel de l’Assemblée
générale, et ne lui ont donc manifestement pas été adressées en sa qualité
de dépositaire.
107. En ce qui concerne le premier de ces points, la Cour relève que
l’assemblée qui a adopté la déclaration de 1992 était la même que celle
qui, comme il est indiqué dans la note du 27 avril 1992 (voir par. 99 ci-

dessus), a «promulgué la Constitution de la République fédérale de You-
goslavie». En tout état de cause, la note sous le couvert de laquelle la
déclaration a été transmise au Secrétaire général de l’Organisation des
Nations Unies a été formellement communiquée par le chargé d’affaires
par intérim de la mission permanente de la Yougoslavie auprès de l’Orga-

nisation, elle a été acceptée par le Secrétaire général et, comme telle, elle
a été distribuée sous la forme d’un document officiel de l’Assemblée géné-

41 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE ARRÊT ) 450

rale. Malgré l’opposition manifestée à l’époque contre la thèse de la RFY
selon laquelle celle-ci assurait la continuité de la RFSY, l’idée que cette
thèse n’émanait pas de l’organe représentatif approprié de la RFY, ou
qu’elle avait été exposée au Secrétaire général par un représentant non

autorisé, n’a pas été avancée. De surcroît, ainsi que la Cour l’exposera
plus en détail ci-après (par. 114 et 115), il ne saurait faire de doute, à
en juger par la conduite ultérieure des personnes qui étaient chargées
des affaires de la RFY, que cet Etat considérait la déclaration comme
faite en son nom, et qu’il faisait siens et acceptait les engagements

qu’elle contenait.
108. S’agissant du deuxième argument, la Cour doit tout d’abord exa-
miner le point de savoir si «le contenu de [la déclaration et de la note de
1992] est ... suffisamment précis relativement à la question particulière»
de l’acceptation d’obligations conventionnelles internationales (voir Acti-

vités armées sur le territoire du Congo (nouvelle requête: 2002) (Répu-
blique démocratique du Congo c. Rwanda), compétence et recevabilité,
arrêt, C.I.J. Recueil 2006 , p. 28-29, par. 52). La Cour relève que la décla-
ration et la note de 1992 n’indiquaient pas simplement que la RFY res-
pecterait certains engagements; elle précisait que ces engagements étaient

ceux «que la République fédérative socialiste de Yougoslavie a[vait] pris
à l’échelon international» ou «dans le cadre des relations internatio-
nales». S’il est donc vrai que les traités visés n’étaient pas nommément
désignés, la déclaration renvoyait toutefois à une catégorie d’instruments
qui était alors parfaitement identifiable, à savoir celle des «engagements»

conventionnels qui liaient la RFSY au moment de sa dissolution. Il ne
fait aucun doute que la convention sur le génocide était l’un de ces
«engagements». S’il est assurément utile que les déclarations de succes-
sion soient assorties d’une indication du ou des traités auxquels elles
sont censées se rapporter, la Cour ne saurait toutefois considérer que le

droit international n’attache absolument aucun effet à un instrument
qui renvoie à un traité par une référence générale au lieu de le désigner
nommément.
109. De l’avis de la Cour, il existe une distinction entre la nature juri-
dique de la ratification d’un traité ou de l’adhésion à celui-ci et celle du

processus par lequel un Etat devient lié par un traité en tant qu’Etat suc-
cesseur ou le demeure en tant qu’Etat continuateur. L’adhésion ou la
ratification est un acte de volonté pur et simple par lequel l’Etat exprime
son intention d’accepter des obligations nouvelles et d’acquérir des droits
nouveaux aux termes d’un traité, acte effectué par écrit et dans les formes
prévues par celui-ci (voir les articles 15 et 16 de la convention de Vienne

sur le droit des traités). Dans le cas de la succession ou de la continuité,
en revanche, l’acte de volonté de l’Etat s’inscrit dans un contexte préexis-
tant et revient pour l’Etat intéressé à reconnaître que certaines consé-
quences juridiques découlent dudit contexte, de sorte que tout document
produit par cet Etat peut, dès lors qu’il s’agit essentiellement d’une

confirmation, être soumis à des exigences formelles moins rigoureuses.
Cette idée trouve son expression à l’article 2 g) de la convention de

42 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (ARRÊT ) 451

Vienne de 1978 sur la succession d’Etats en matière de traités, qui définit
la «notification de succession» comme s’entendant, «par rapport à un
traité multilatéral, d’une notification, quel que soit son libellé ou sa dési-
gnation, faite par un Etat successeur, exprimant le consentement de cet

Etat à être considéré comme étant lié par le traité». Le droit international
n’impose d’ailleurs à l’Etat aucune forme particulière pour exprimer une
revendication de continuité.
110. S’agissant tant du deuxième que du troisième argument avancés
par la Serbie, la Cour relève que la déclaration de 1992 n’était pas libellée

de la manière dont le sont les actes juridiques par lesquels il est reconnu
qu’un Etat peut devenir partie à une convention multilatérale. Elle fait
toutefois observer que, pour constituer un moyen valable et effectif par
lequel l’Etat déclarant peut assumer des obligations en vertu de la Conven-
tion, une déclaration n’a pas à être strictement conforme à l’ensemble des

formalités requises. Ainsi, dans les affaires du Plateau continental de la
mer du Nord (République fédérale d’Allemagne/Danemark; République
fédérale d’Allemagne/Pays-Bas) , la Cour a reconnu qu’un Etat qui ne
s’était pas acquitté des formalités d’usage (ratification, adhésion) pour
devenir lié par le régime établi par une convention internationale pouvait

«n’en [être] pas moins tenu d’une autre façon», encore qu’on «ne saurait
présumer à la légère» que ce processus a eu lieu, ce qui ne s’était pas
révélé être le cas dans ces affaires (arrêt, C.I.J. Recueil 1969 ,p .,
par. 27 et 28). En la présente espèce, la Cour doit rechercher si la déclara-
tion et la note de 1992, considérées conjointement avec tout autre com-

portement concordant de la Serbie, indiquent une telle acceptation uni-
latérale des obligations de la convention sur le génocide et ce, dans le
contexte particulier de la présente espèce, par un processus équivalant à
une succession à la RFSY à l’égard de la Convention.
111. Aux fins de la présente espèce, la Cour retiendra avant tout que

la RFY a clairement exprimé en 1992 son intention d’être liée — ou,
conformément à ce qui était alors son appréciation de la situation juri-
dique, de continuer à être liée — par les obligations de la convention sur
le génocide. La RFY prétendait alors être l’Etat continuateur de la RFSY,
et ne renonça pas à son statut de partie à la Convention même lorsqu’il

devint manifeste que cette thèse ne prévaudrait pas et que les autres
Etats, en particulier ceux issus de la dissolution de l’ex-Yougoslavie,
considéraient la RFY simplement comme l’un des Etats successeurs de la
RFSY. Dans le contexte particulier de l’affaire, la Cour estime que la
déclaration de 1992 doit être considérée comme ayant eu les effets d’une
notification de succession à des traités et ce, bien que l’intention politique

qui la sous-tendait ait été différente. Il est clair que la partie de la déclara-
tion de 1992 portant décision d’accepter «tous les engagements que la
République fédérative socialiste de Yougoslavie [avait] pris à l’échelon
international» était inspirée de la thèse, formulée dans cette même décla-
ration et dans la note de la mission permanente, de «la continuité de la

personnalité internationale de la Yougoslavie», thèse liée à la prétention
de la RFY à assurer la continuité de la RFSY en qualité de Membre

43 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (ARRÊT ) 452

de l’Organisation des Nations Unies. Rien n’indiquait cependant que
l’engagement souscrit fût subordonné à l’acceptation de la thèse de la
continuité. Cette thèse ne s’est en fait pas imposée. Il n’en ressort pas

moins du comportement de la Serbie après la communication de la
déclaration qu’elle se considérait elle-même comme liée par la convention
sur le génocide.
112. Cependant, la Serbie a aussi appelé l’attention de la Cour sur
l’article XI de la convention sur le génocide, aux termes duquel

«[l]a présente Convention sera ouverte jusqu’au 31 décembre 1949 à
la signature au nom de tout Membre de l’Organisation des Nations

Unies et de tout Etat non membre à qui l’Assemblée générale aura
adressé une invitation à cet effet.
La présente Convention sera ratifiée et les instruments de ratifica-
tion seront déposés auprès du Secrétaire général de l’Organisation
des Nations Unies.
er
A partir du 1 janvier 1950, il pourra être adhéré à la présente
Convention au nom de tout Membre de l’Organisation des Nations
Unies et de tout Etat non membre qui aura reçu l’invitation susmen-
tionnée.

Les instruments d’adhésion seront déposés auprès du Secrétaire
général de l’Organisation des Nations Unies.»

La Serbie soutient ce qui suit:
«Avant de devenir Membre de l’Organisation des Nations Unies
er
le 1 novembre 2000 en tant que nouvel Etat, le défendeur n’avait
même pas qualité pour être partie à la convention sur le génocide.
Puisqu’il n’était pas membre de l’Organisation des Nations Unies
[avant cette date], il n’aurait pu y devenir partie que sur l’invitation
prévue par l’article XI. Il est incontesté que la RFY n’a jamais reçu

pareille invitation.»
113. La Cour observe que le libellé de l’article XI n’exclut pas, contrai-

rement à ce que la Serbie soutient, que des Etats non membres de l’Orga-
nisation des Nations Unies puissent être parties à la convention sur le
génocide; il prévoit simplement que les Etats non signataires ne peuvent
adhérer à la Convention que s’ils sont des Etats Membres de l’Organisa-

tion des Nations Unies ou si l’Assemblée générale les y a invités. Le texte
ne contient aucune référence à la continuation des droits et obligations
conventionnels d’un Etat prédécesseur ou à la succession à ceux-ci selon
les modalités et les conditions qui sont reconnues en droit international.
Dans l’affaire relative à l’Application de la convention pour la prévention

et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-
Monténégro), la question a été soulevée de savoir si une «notification de
succession» à la Convention transmise par la Bosnie-Herzégovine ne
devait pas être traitée comme une adhésion à laquelle les articles XI et
XIII de la Convention se seraient appliqués. La Cour a déclaré que la

Bosnie-Herzégovine était devenue partie à la Convention par voie de

44 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (ARRÊT ) 453

succession, et en a tiré comme conclusion que «la question de l’applica-
tion des articles XI et XIII de la Convention n’a[vait] pas à être posée»
(exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1996 (II) , p. 612, par. 24).
114. La position adoptée par la RFY elle-même à l’égard de la Conven-

tion a déjà été mentionnée, et il s’agit manifestement d’un comportement
que la Cour doit prendre en considération. Dès 1993, dans le contexte de
la première demande en indication de mesures conservatoires présentée
dans l’instance introduite contre elle par la Bosnie-Herzégovine, la RFY,
tout en émettant des doutes sur le fait de savoir si l’Etat demandeur était

partie à la convention sur le génocide aux dates pertinentes, n’avait pas
contesté la thèse qu’elle y était, quant à elle, partie, et avait elle-même pré-
senté une demande en indication de mesures conservatoires en se référant
à l’article IX de la Convention. Au vu de ces éléments, la Cour a, dans son
ordonnance, considéré que «la Bosnie-Herzégovine et la Yougoslavie

[étaient] parties» à la Convention (Application de la convention pour la
prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine
c. Yougoslavie (Serbie et Monténégro)), mesures conservatoires, ordon-
nance du 8 avril 1993, C.I.J. Recueil 1993, p. 16, par. 26), et cité la décla-
ration et la note de 1992 (ibid., p. 15, par. 22-23). En outre, dans la même

affaire, au stade des exceptions préliminaires, la RFY a soutenu que,
ayant elle-même assuré la continuité des droits et obligations de la RFSY
découlant, notamment, de la convention sur le génocide, cet instrument,
comme il a été rappelé ci-dessus (voir par. 82), était entré en vigueur entre
les deux Parties le 14 décembre 1995. Au surplus, le 29 avril 1999, la RFY

a déposé au Greffe de la Cour des requêtes introductives d’instance contre
dix Etats membres de l’OTAN, en invoquant notamment la convention
sur le génocide comme base de compétence (voir par exempleLicéité de
l’emploi de la force (Serbie-et-Monténégro c. Belgique), exceptions préli-
minaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 283-284, par. 1).

115. La situation était inchangée lorsque, le 2 juillet 1999, la Croatie
déposa la requête introduisant la présente instance. Entre la déclaration
de 1992 et cette date, ni la RFY ni aucun autre Etat susceptible d’être
intéressé par la question n’ont contesté que la RFY était partie à la
convention sur le génocide, sans réserve, et aucun autre événement, pen-

dant cette période, n’a eu la moindre inerdence sur la situation juridique
découlant de ladite déclaration. Le 1 novembre 2000, la RFY a été
admise en tant que nouveau Membre de l’Organisation des Nations
Unies, ainsi qu’elle en avait formulé la demande, par lettre datée du
27 octobre 2000 et adressée au Secrétaire général par le président de la
RFY, «comme suite à la résolution 777 (1992) du Conseil de sécurité»

(Nations Unies, doc. A/55/528-S/2000/1043). Ainsi que la Cour l’a fait
observer dans les arrêts qu’elle a rendus dans les affaires relatives à la
Licéité de l’emploi de la force , «[c]ette évolution mit fin effectivement à la
situation sui generis de la République fédérale de Yougoslavie au sein des
Nations Unies» (Licéité de l’emploi de la force (Serbie-et-Monténégro

c. Belgique), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2004 (, p. 310,
par. 78). Pourtant, la RFY n’a, à l’époque, ni retiré ni prétendu retirer la

45 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (ARRÊT ) 454

déclaration et la note de 1992, qui étaient inspirées de sa thèse selon
laquelle elle assurait la continuité de la personnalité juridique de la
RFSY. Elle n’a pas laissé entendre, par exemple, que le rejet de cette
thèse avait entraîné la nullité de la déclaration ou la cessation de l’enga-

gement pris à l’égard des obligations internationales visées dans celle-ci.
116. Jusqu’en mars 2001, la RFY ne prit aucune autre mesure contraire
au statut qu’elle prétendait être le sien depuis 1992, à savoir celui d’un
Etat partie à la convention sur le génocide. Le 12 mars 2001, elle déposa
auprès du Secrétaire général une notification d’adhésion à la convention

sur le génocide qui, après un renvoi à la déclaration de 1992 et à l’admis-
sion ultérieure de la RFY à l’Organisation des Nations Unies en qualité
de nouveau Membre, contenait ce qui suit:

«M AINTENANT qu’il est établi que la République fédérale de You-
goslavie n’a succédé ni le 27 avril 1992 ni à aucune autre date ulté-
rieure à la République fédérative socialiste de Yougoslavie en sa
qualité de partie à la convention pour la prévention et la répression

du crime de génocide et dans ses droits et obligations découlant de
cette convention en postulant qu’elle aurait continué d’être Membre
de l’Organisation des Nations Unies et qu’elle aurait assuré la conti-
nuité de l’Etat et de la personnalité juridique et politique internatio-
nale de la République fédérative socialiste de Yougoslavie...» [Tra-

duction du Greffe.]
La notification d’adhésion comportait la réserve suivante:

«La République fédérale de Yougoslavie ne se considère pas liée
par l’article IX de la Convention ...; c’est pourquoi, pour qu’un dif-

férend auquel la République fédérale de Yougoslavie est partie puisse
être valablement soumis à la Cour internationale de Justice en vertu
dudit article, son consentement spécifique et exprès est nécessaire
dans chaque cas.» [Traduction du Greffe.]

Toutefois, la Cour relève également que la RFY a, le même jour,
déposé auprès du Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies
des déclarations de succession relatives à un grand nombre d’autres

conventions multilatérales dont il était le dépositaire. Ce faisant, la RFY
a agi de la même manière que les autres Etats issus de la dissolution de la
RFSY, lesquels se considéraient également comme des successeurs de
cette dernière et avaient, dès lors, notifié leur succession à ces conventions
à partir de 1991. Il n’y eut en réalité (hormis l’adhésion de la RFY à la
convention sur le génocide) qu’une seule exception à cette pratique géné-

rale et concordante.
117. En résumé, la Cour considère que, dans la présente affaire, compte
tenu de la teneur de la déclaration et de la note du 27 avril 1992 ainsi que
du comportement concordant de la RFY tant au moment de leur rédac-
tion que tout au long des années 1992 à 2001, il convient d’attribuer pré-

cisément à ces documents l’effet qu’ils étaient, selon elle, censés avoir
d’après leur libellé, à savoir que, à compter de cette date, la RFY serait

46 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE ARRÊT ) 455

liée, en tant que partie, par les obligations découlant de toutes les conven-
tions multilatérales auxquelles la RFSY était partie au moment de sa dis-

solution, à moins, bien sûr, que celle-ci n’eût formulé de manière régu-
lière des réserves limitant ses obligations. Il est constant que la convention
sur le génocide faisait partie de ces conventions et que la RFSY n’avait
formulé aucune réserve à son égard. La RFY a donc accepté en 1992 les
obligations découlant de cette convention, y compris l’article IX qui pré-

voit la compétence de la Cour; cet engagement relatif à la compétence
liait le défendeur à la date d’introduction de la présente instance. Dans le
contexte des événements qui se sont produits, cela signifie que la décla-
ration et la note de 1992 ont eu l’effet d’une notification de succession de

la RFY à la RFSY à l’égard de la convention sur le génocide. La Cour
conclut que, sous réserve des exceptions plus spécifiques formulées par la
Serbie, qui seront examinées ci-après, elle avait, à la date d’introduction
de la présente instance, compétence pour connaître de l’affaire sur la base
de l’article IX de la convention sur le génocide. Cette situation est restée
er
inchangée au moins jusqu’au 1 novembre 2000, date à laquelle la Serbie-
et-Monténégro est devenue Membre de l’Organisation des Nations Unies
et donc partie au Statut de la Cour.
Point n’est dès lors besoin d’examiner les arguments de la Croatie

fondés sur des questions plus générales touchant aux règles du droit
international concernant la succession d’Etats aux traités, évoqués au
paragraphe 101 ci-dessus.

**

3) Conclusions
118. La Cour rappelle qu’elle a précédemment conclu dans le présent

arrêt (voirerar. 91) que le défendeur avait acquis la qualité de partie à son
Statut le 1 novembre 2000. Elle a en outre estimé que, s’il pouvait être
établi que le défendeur était également partie à la convention sur le géno-
cide, y compris son article IX, à la date de l’introduction de l’instance et
er
au moins jusqu’au 1 novembre 2000, et qu’il aurait dès lors été loisible
au demandeur d’introduire — s’il l’avait souhaité — une nouvelle requête
identique en substance à la présente, les conditions de sa compétence se
trouveraient remplies.
La Cour a maintenant établi que le défendeur était lié par la conven-

tion sur le génocide, y compris son article IX, à la date er l’introduction
de l’instance, et qu’il l’est demeuré au moins jusqu’au 1 novembre 2000.

119. La Cour, considérant que les conditions de sa compétence sont

remplies et ce, sans préjudice de ses conclusions relatives aux autres
exceptions préliminaires présentées par la Serbie, conclut que la première
exception préliminaire selon laquelle «la Cour n’a pas compétence» doit
être rejetée.

*
* *

47 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (ARRÊT ) 456

VI. EXCEPTION PRÉLIMINAIRE À LA COMPÉTENCE DE LA C OUR
ET À LA RECEVABILITÉ RATIONE TEMPORIS

120. La Cour passera donc maintenant à l’examen de la deuxième
exception préliminaire, énoncée à l’alinéa 2 a) des conclusions finales de
la Serbie, selon laquelle «les demandes fondées sur les actes ou omissions
antérieurs au 27 avril 1992» — c’est-à-dire avant la création formelle de
la «République fédérale de Yougoslavie (Serbie et Monténégro)», déno-

mination antérieure de l’actuelle Serbie — «ne relèvent pas de la compé-
tence de la Cour et sont irrecevables». Cette exception préliminaire est
ainsi présentée à la fois comme une exception d’incompétence et comme
une exception d’irrecevabilité des demandes. La distinction entre ces deux
catégories d’exceptions est bien établie dans la pratique de la Cour. Dans

un cas comme dans l’autre, une exception préliminaire, lorsqu’elle est
retenue, a pour effet de mettre fin à la procédure en ce qui concerne la
demande visée, la Cour ne procédant dès lors pas à son examen au fond.
Le plus souvent, dans le cas d’une exception d’incompétence, il aura ainsi

été démontré, étant donné que la compétence de la Cour découle du
consentement des parties, qu’un tel consentement n’a pas été donné par
l’Etat qui fait objection au règlement du différend en question par la
Cour. Les exceptions d’irrecevabilité, quant à elles, recouvrent un plus
large éventail d’hypothèses. Dans l’affaire des Plates-formes pétrolières

(République islamique d’Iran c. Etats-Unis d’Amérique) , la Cour a fait
observer que

«[n]ormalement, une exception à la recevabilité consiste à affirmer
que, quand bien même la Cour serait compétente et les faits exposés
par l’Etat demandeur seraient tenus pour exacts, il n’en existe
pas moins des raisons pour lesquelles il n’y a pas lieu pour la
Cour de statuer au fond» (arrêt, C.I.J. Recueil 2003 , p. 177,

par. 29).
Pour l’essentiel, les exceptions d’irrecevabilité reviennent à affirmer qu’il

existe une raison juridique pour laquelle la Cour, même si elle a compé-
tence, devrait refuser de connaître de l’affaire ou, plus communément,
d’une demande spécifique y relative. Souvent, cette raison est d’une
nature telle que la question doit être tranchée in limine litis par la Cour,

par exemple lorsque celle-ci, sans même procéder à l’examen au fond,
peut constater qu’il n’a pas été satisfait aux règles régissant la nationalité
des réclamations, que les voies de recours internes n’ont pas été épuisées,
que les parties sont convenues de recourir à un autre mode de règlement
pacifique des différends ou que la demande est sans objet. Si la Cour

conclut que l’exception «n’a pas dans les circonstances de l’espèce un
caractère exclusivement préliminaire» (art. 79, par. 7, du Règlement de la
Cour tel qu’adopté le 14 avril 1978), celle-ci sera examinée lors de la
phase du fond. En fait, les exceptions tant d’incompétence que d’irrece-
vabilité sont quelquefois présentées en même temps que les arguments de

fond, et débattues et tranchées dans cette phase ultérieure de la procédure

48 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE ARRÊT ) 457

(voir Timor oriental (Portugal c. Australie), arrêt, C.I.J. Recueil 1995 ,
p. 92, par. 4; Avena et autres ressortissants mexicains (Mexique c. Etats-
Unis d’Amérique), arrêt, C.I.J. Recueil 2004 (I) , p. 28-29, par. 24).
121. Ainsi qu’exposé ci-dessus, l’exception préliminaire énoncée à l’ali-

néa 2 a) des conclusions finales de la Serbie est présentée comme une
exception à la fois d’incompétence de la Cour et d’irrecevabilité de la
demande. La base de compétence invoquée par la Croatie est l’article IX
de la convention sur le génocide, et la Cour a établi plus haut que la
Croatie et la Serbie étaient toutes deux parties à ladite Convention à la

date de l’introduction de l’instance (le 2 juillet 1999). La Serbie soutient
toutefois que la Cour n’a pas compétence en vertu de l’article IX ou
qu’elle ne saurait exercer cette compétence pour autant que la demande
de la Croatie a trait à des «actes ou omissions antérieurs au 27 avril
1992», ce qui revient à dire que la compétence de la Cour est limitée

ratione temporis. A cet égard, la Serbie a fait valoir deux arguments, le
premier étant que la date à laquelle la Convention aurait pu, au plus tôt,
entrer en vigueur entre la RFY et la Croatie était le 27 avril 1992, et le
second que «la convention sur le génocide, y compris la clause juridic-
tionnelle contenue à l’article IX, ne saurait s’appliquer à des actes inter-

venus avant que la Serbie n’ait commencé à exister en tant qu’Etat» et ne
saurait donc, avant ce moment, être devenue obligatoire pour elle. La
Serbie a donc soutenu que les actes ou omissions antérieurs à la naissance
de la RFY ne sauraient en aucun cas être attribués à cette dernière.
122. A cet égard, la Croatie a appelé l’attention de la Cour sur le fait

qu’une question similaire touchant à la compétence ratione temporis en
vertu de la convention sur le génocide, à l’égard des événements qui se
sont produits en ex-Yougoslavie, avait été examinée en l’affaire relative à
l’Application de la convention pour la prévention et la répression du crime
de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Yougoslavie) , en réponse à deux des

exceptions préliminaires de la RFY. Dans cet arrêt, la Cour a jugé que

«la Yougoslavie, se fondant sur le principe de la non-rétroactivité
des actes juridiques, a ... fait valoir ... que, quand bien même la Cour
serait compétente sur la base de la convention [sur le génocide], elle

ne pourrait connaître que des faits postérieurs aux différentes dates
auxquelles la convention aurait pu devenir applicable entre les
Parties. A cet égard, la Cour se bornera à observer que la convention
sur le génocide — et en particulier son article IX — ne comporte
aucune clause qui aurait pour objet ou pour conséquence de limiter
de la sorte l’étendue de sa compétence ratione temporis et que les

Parties elles-mêmes n’ont formulé aucune réserve à cet effet, ni à la
convention, ni à [un éventuel accord ultérieur]. La Cour constate
ainsi qu’elle a compétence en l’espèce pour assurer l’application de la
convention sur le génocide aux faits pertinents qui se sont déroulés
depuis le début du conflit dont la Bosnie-Herzégovine a été le

théâtre.» ( C.I.J. Recueil 1996 (II) , p. 617, par. 34; les italiques
sont de la Cour.)

49 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (ARRÊT ) 458

La Croatie affirme que le même raisonnement devrait être tenu en la
présente espèce et prie par conséquent la Cour de rejeter l’exception de la
Serbie.
123. La Cour fait cependant observer que les questions temporelles

qui doivent être tranchées en la présente affaire ne sont pas les mêmes
que celles qu’elle a examinées en 1996. Il s’agissait alors simplement de
déterminer, en premier lieu, si, à la date d’introduction de l’instance, la
convention sur le génocide était devenue applicable entre la RFY et la
Bosnie-Herzégovine et, en second lieu, si, dans l’exercice de sa compé-

tence, la Cour devait se contenter d’examiner les événements postérieurs
à la date, ou aux dates, où la Convention aurait donc pu devenir appli-
cable. Cette date — ou ces dates — était, en tout état de cause, posté-
rieure à celle à laquelle la RFY avait commencé à exister et avait donc
acquis la capacité d’être elle-même partie à la Convention. En consé-

quence, la conclusion de la Cour selon laquelle elle avait compétence en
ce qui concerne les «faits pertinents qui s[’étaient] déroulés depuis le
début du conflit» (et non uniquement des faits postérieurs à la date à
laquelle la Convention était devenue applicable entre les parties) ne por-
tait pas sur la question de savoir si certains de ces faits étaient antérieurs

à la création de la RFY. En la présente espèce, la Cour ne peut donc tirer
de ce précédent arrêt (qui, ainsi qu’il a déjà été indiqué, n’est pas revêtu
de l’autorité de la chose jugée à l’égard du présent différend) aucune
conclusion définitive quant à la portée temporelle de la compétence
qu’elle tient de la Convention. La Cour relève par ailleurs, comme elle l’a

fait en 1996, que la convention sur le génocide ne contient aucune dispo-
sition expresse limitant sa compétence ratione temporis.
124. La présente affaire se distingue aussi de celle qui a opposé la
Bosnie-Herzégovine à la RFY en ce que, aujourd’hui, l’exception de la
Serbie est présentée comme portant à la fois sur la compétence de la Cour

et sur des questions relatives à la recevabilité des demandes de la Croatie.
La Cour relève notamment que, en la présente espèce, les Parties ont sou-
mis des arguments relatifs aux conséquences à tirer du fait que la RFY
n’est devenue un Etat et une partie à la convention sur le génocide que le
27 avril 1992, non seulement quant à la compétence mais aussi quant à

l’attribution à la Serbie d’actes antérieurs à cette date. La Serbie a affirmé
que, étant donné qu’elle n’était alors pas un Etat, de tels actes ne pou-
vaient lui être attribués et que, n’étant alors pas partie à la Convention,
elle ne pouvait avoir violé aucune obligation prévue par cet instrument.
De l’avis de la Cour, la question de la portée temporelle de sa compétence
est étroitement liée à ces aspects relatifs à l’attribution, présentés par la

Serbie comme relevant de la recevabilité plutôt que de la compétence, et
il convient donc de l’examiner en tenant compte de ces éléments. La Cour
considérera donc à présent l’aspect de l’exception concernant les ques-
tions d’attribution des actes antérieurs au 27 avril 1992.
125. Dans son mémoire, la Croatie s’est référée à l’élément temporel

de l’affaire et a soutenu que «le fait que la RFY ne se soit formellement
autoproclamée que le 27 avril 1992 ne signifie pas que les actes antérieurs

50 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (ARRÊT ) 459

à cette date ne peuvent pas lui être attribués». Elle a invoqué ce qu’elle a
déclaré être un principe bien établi, à savoir qu’«un Etat in statu nascendi
est responsable de la conduite de ses fonctionnaires et de ses organes ou
de tous ceux qui relèvent de sa direction et de son contrôle». La Croatie

a indiqué qu’elle se fondait sur la règle énoncée au paragraphe 2 de l’ar-
ticle 10 des articles de la Commission du droit international sur la res-
ponsabilité de l’Etat pour fait internationalement illicite (annexe de la
résolution 56/83 de l’Assemblée générale du 12 décembre 2001, ci-après
dénommés «les articles de la CDI sur la responsabilité de l’Etat»), selon

laquelle «[l]e comportement d’un mouvement insurrectionnel ou autre
qui parvient à créer un nouvel Etat ... est considéré comme un fait de ce
nouvel Etat d’après le droit international».
126. Dans ses exceptions préliminaires, la Serbie soutient que «[l]es
actes ou omissions antérieurs à la naissance de la RFY ne sauraient en

aucun cas être attribués à cette dernière»; elle estime que la Croatie n’a
pas été en mesure de démontrer que la RFY était un Etat in statu nas-
cendi et fait valoir que cette notion «ne trouve à l’évidence pas à s’appli-
quer en l’espèce». A l’audience, elle a fait valoir que les demandes pré-
sentées contre elle par la Croatie en la présente espèce ne satisfaisaient

pas aux conditions posées au paragraphe 2 de l’article 10 des articles de la
CDI sur la responsabilité de l’Etat. Elle soutient que la Croatie n’a pas
été en mesure de désigner un «mouvement insurrectionnel ou autre»
identifiable, sur le territoire de la RFSY, qui aurait créé la RFY et qui
répondrait à la définition donnée par cet article.

127. Pour autant que le paragraphe 2 de l’article 10 des articles de la
CDI sur la responsabilité de l’Etat reflète le droit international coutumier
en la matière, la Cour aura nécessairement, pour déterminer si cette règle
est applicable en l’espèce et, le cas échéant, pour l’appliquer, à se livrer à
un examen des points de fait relatifs aux événements qui ont conduit à la

dissolution de la RFSY et à la création de la RFY. La Cour relève en
outre que, pour déterminer si, avant le 27 avril 1992, la RFY était un
Etat in statu nascendi au sens de la règle invoquée, il lui faudrait égale-
ment examiner des questions de fait en litige. Il serait donc impossible de
trancher les questions soulevées par cette exception sans statuer, jusqu’à

un certain point, sur des éléments qui relèvent à proprement parler du
fond.
128. La disposition introduite dans le Règlement de la Cour de 1972,
qui constitue le paragraphe 7 de l’article 79 du Règlement adopté le
14 avril 1978, a été conçue, comme la Cour l’a indiqué dans l’affaire des
Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nica-

ragua c. Etats-Unis d’Amérique) , pour préciser que, lorsque des excep-
tions préliminaires sont de caractère exclusivement préliminaire, elles doi-
vent être tranchées sans délai, «mais que, dans le cas contraire, et
notamment lorsque ce caractère n’est pas exclusif puisqu’elles compor-
tent à la fois des aspects préliminaires et des aspects de fond, elles devront

être réglées au stade du fond» (fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986 ,p .,
par. 41; voir aussi Questions d’interprétation et d’application de la conven-

51 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (ARRÊT ) 460

tion de Montréal de 1971 résultant de l’incident aérien de Lockerbie
(Jamahiriya arabe libyenne c. Royaume-Uni), exceptions préliminaires,

arrêt, C.I.J. Recueil 1998 , p. 27-29).
129. De l’avis de la Cour, les questions de compétence et de recevabilité
soulevées par l’exception préliminaireratione temporis de la Serbie cons-
tituent, en la présente affaire, deux questions indissociables. La première
est celle de savoir si la Cour a compétence pour déterminer si des viola-

tions de la convention sur le génocide ont été commises, à la lumière des
faits antérieurs à la date à laquelle la RFY a commencé à exister en tant
qu’Etat distinct, ayant à ce titre la capacité d’être partie à cet instrument;
cela revient à se demander si les obligations en vertu de la Convention

étaient opposables à la RFY antérieurement au 27 avril 1992. La seconde
question, qui porte sur la recevabilité de la demande concernant ces faits,
et qui a trait à l’attribution, est celle des conséquences à tirer quant à la
responsabilité de la RFY à raison desdits faits en vertu des règles géné-
rales de la responsabilité de l’Etat. Pour que la Cour puisse se prononcer

sur chacune de ces questions, elle devra disposer de davantage d’éléments.
130. Au vu de ce qui précède, la Cour conclut que l’exception prélimi-
naire ratione temporis soulevée par la Serbie n’a pas, dans les circon-
stances de l’espèce, un caractère exclusivement préliminaire.

* * *

VII. E XCEPTION PRÉLIMINAIRE CONCERNANT LA TRADUCTION DE CERTAINES

PERSONNES EN JUSTICE ,LA COMMUNICATION DE RENSEIGNEMENTS SUR LES
CITOYENS CROATES PORTÉS DISPARUS ET LA RESTITUTION DE BIENS CULTURELS

131. Dans l’exception préliminaire qu’elle présente à l’alinéa 2 b) de

ses conclusions finales (ci-après dénommée «troisième exception»), la
Serbie fait valoir

«que les demandes relatives à la traduction en justice de certaines
personnes se trouvant sous la juridiction de la Serbie, à la commu-
nication de renseignements sur le sort des citoyens croates portés
disparus et à la restitution de biens culturels ne relèvent pas de la

compétence de la Cour et sont irrecevables».
Dans l’exception telle qu’elle a été soulevée le 11 septembre 2002, il était

indiqué que «[c]ertaines des conclusions spécifiques du demandeur sont
en soi irrecevables et sans objet». La Serbie a identifié les demandes en
question comme étant celles qui sont formulées aux alinéas a), b) et c)
du second chef de conclusions figurant dans le mémoire de la Croatie.

Bien que cette exception ait été présentée comme se rapportant à la fois à
la compétence de la Cour et à la recevabilité de certaines demandes, il
apparaît que les arguments de la Serbie à cet égard ne portent pas tous
sur ces deux aspects.
132. La Cour relève que la Croatie l’a priée de rejeter purement et sim-

52 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (ARRÊT ) 461

plement la troisième exception bien que, s’agissant d’un point en parti-
culier, elle ait avancé qu’un examen serait nécessaire lors de la phase du
fond (voir par. 138 et 142 ci-après). La Cour rappelle que, en vertu du
paragraphe 7 de l’article 79 de son Règlement tel qu’adopté en 1978, elle

est tenue de «ret[enir] l’exception, la reje[ter] ou déclare[r] que cette
exception n’a pas dans les circonstances de l’espèce un caractère exclusi-
vement préliminaire», cette dernière solution pouvant notamment être
retenue lorsqu’une exception comporte «à la fois des aspects prélimi-
naires et des aspects de fond» (Activités militaires et paramilitaires au

Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique),
fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986 , p. 31, par. 41).

**

i) Traduction de certaines personnes en justice

133. Dans la demande énoncée à l’alinéa a) du second chef de conclu-
sions figurant dans son mémoire, la Croatie prie la Cour de dire et juger

que la Serbie est tenue de:
«prendre sans délai des mesures efficaces pour traduire devant l’auto-

rité judiciaire compétente ses citoyens ou d’autres personnes se trou-
vant sous sa juridiction sur lesquels pèse une forte présomption
d’avoir commis les actes de génocide visés à l’alinéa a) du para-
graphe 1, ou l’un quelconque des autres actes visés à l’alinéa b) du
paragraphe 1 [des conclusions de la Croatie], et en particulier l’ancien
président de la République fédérale de Yougoslavie Slobodan Milo-

ševi´, et veiller à ce qu’ils soient dûment sanctionnés à raison de leurs
crimes s’ils sont déclarés coupables».

La Croatie fonde sa demande sur les articles premier et VI de la conven-
tion sur le génocide. Aux termes de l’article premier, les Parties contrac-
tantes «s’engagent à prévenir et à punir» le génocide; l’article VI dispose,
quant à lui, que

«[l]es personnes accusées de génocide ou de l’un quelconque des
autres actes énumérés à l’article III seront traduites devant les tribu-
naux compétents de l’Etat sur le territoire duquel l’acte a été com-
mis, ou devant la cour criminelle internationale qui sera compétente

à l’égard de celles des Parties contractantes qui en auront reconnu la
juridiction».
La Croatie affirme donc que «le manquement de la RFY ... à ... déférer

à un tribunal compétent toutes les personnes en question engage [l]a res-
ponsabilité internationale [de celle-ci]».
134. En ce qui concerne les faits sur lesquels repose cette demande, la
Cour relève que la Croatie a adapté ses conclusions pour tenir compte de
ce que l’ancien président Slobodan Miloševic ´ avait été transféré au Tri-

bunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) après le dépôt
du mémoire et qu’il était ensuite décédé. En outre, la Croatie reconnaît

53 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (ARRÊT ) 462

que cette demande est désormais sans objet en ce qui concerne un certain
nombre d’autres personnes que la Serbie a transférées au TPIY, mais elle
maintient qu’un différend continue à l’opposer à la Serbie au sujet des
personnes qui n’ont été déférées ni à un tribunal compétent en Croatie ni

au TPIY pour répondre des actes ou omissions faisant l’objet de la pré-
sente instance. S’agissant du TPIY, la Serbie soutient, et c’est le premier
fondement de son exception, qu’en fait il ne reste qu’une personne encore
en fuite accusée par cette juridiction d’avoir commis des crimes en Croa-
tie, et que les accusations portées à son encontre ne concernent pas des

actes de génocide, mais des crimes de guerre et des crimes contre l’huma-
nité. La Croatie fait observer que plusieurs personnes ont été accusées de
génocide par les autorités croates, et qu’un certain nombre d’entre elles
sont hors d’atteinte de celles-ci, «vraisemblablement en Serbie».
135. Les deuxième et troisième fondements de l’exception soulevée par

la Serbie à l’égard de la demande formulée à l’alinéa 2 a) des conclusions
de la Croatie sont les suivants. La Serbie relève que, selon la Croatie, elle
a, aux termes de la convention sur le génocide, l’obligation de punir ses
ressortissants qui auraient commis des actes de génocide en Croatie, c’est-
à-dire en dehors de son propre territoire; elle appelle cependant l’atten-

tion de la Cour sur la conclusion formulée par celle-ci dans l’arrêt rendu
en 2007 (alors que la présente instance avait déjà été introduite) en
l’affaire relative à l’Application de la convention pour la prévention et
la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-
Monténégro), conclusion selon laquelle la Convention «n’oblige les Etats

contractants qu’à instituer et exercer une compétence pénale territoriale»
(C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 226-227, par. 442). La Serbie relève ensuite
que la Croatie semble prétendre qu’elle a violé la convention sur le géno-
cide en ne remettant pas — à la Croatie elle-même, et non au TPIY — les
personnes qui auraient commis des actes de génocide. Elle fait valoir que

la Convention n’énonce pas une telle obligation, et cite de nouveau à
cet égard l’arrêt rendu en l’affaire relative à l’Application de la conven-
tion pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-
Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro) (ibid., p. 227, par. 443).
136. De l’avis de la Cour, ces questions relèvent clairement de l’inter-

prétation ou de l’application de la convention sur le génocide, rôle
conféré par l’article IX à la Cour, et elles ressortissent donc à la compé-
tence de cette dernière, contrairement à ce qu’affirme la Serbie dans son
exception (voir Avena et autres ressortissants mexicains (Mexique c.
Etats-Unis d’Amérique), arrêt, C.I.J. Recueil 2004 (I) , p. 31-32, par. 30).
La Cour considère que le premier fondement de l’exception de la Ser-

bie a essentiellement trait à la recevabilité: il revient à affirmer, à la
lumière des faits de l’espèce tels qu’ils se présentent aujourd’hui, que la
demande est sans objet, au sens où la Croatie n’aurait pas démontré que
des personnes accusées de génocide, soit par le TPIY soit par des juridic-
tions croates, se trouvent actuellement sur le territoire de la Serbie ou

sous le contrôle de celle-ci. L’exactitude de cette affirmation est une ques-
tion qui se posera à la Cour lorsqu’elle examinera les demandes de la

54 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE ARRÊT ) 463

Croatie au fond. La Cour rejette par conséquent l’exception et considère
qu’il ne subsiste aucune question de recevabilité.

**

ii) Communication de renseignements sur les citoyens croates
portés disparus

137. A l’alinéa b) de son second chef de conclusions, que la Serbie

conteste également dans sa troisième exception préliminaire, le deman-
deur prie la Cour de dire et juger que la Serbie est tenue de

«communiquer sans délai au demandeur toutes les informations en sa
possession ou sous son contrôle sur le sort des ressortissants croates
portés disparus à la suite des actes de génocide dont [la Serbie]
s’est rendue responsable et, plus généralement, coopérer avec les
autorités de la République de Croatie en vue de déterminer conjoin-

tement ce qu’il est advenu de ces personnes ou de leurs dépouilles».
A l’appui de l’exception qu’elle a formulée contre cette demande, la Serbie

affirme que les actes commis en Croatie dont il s’agit ici ne constituent pas
un génocide, et que, partant, les obligations découlant de la convention sur
le génocide ne s’appliquent pas. Elle appelle aussi l’attention sur la coopé-
ration entre les deux Etats en ce qui concerne la localisation et l’identifica-
tion des personnes portées disparues — coopération tant directe que s’ins-

crivant dans le cadre des travaux de la commission internationale pour les
personnes disparues —, et sur l’existence d’accords bilatéraux conclus entre
les deux Etats en vertu desquels ceux-ci sont tenus d’échanger des renseigne-
ments sur les personnes disparues. La Croatie soutient quant à elle que ces
accords n’empêchent pas la Cour d’exercer sa compétence en vertu de l’ar-

ticle IX de la convention sur le génocide, et qu’ils sont en pratique sans effet.
138. La Serbie ne semble pas considérer que ce chef de conclusions de
la Croatie «ne relève pas de la compétence de la Cour» (voir par. 131
ci-dessus); en revanche, elle l’a présenté comme étant sans objet, ce qui
soulève une question de recevabilité. S’il n’est pas contesté que la conven-

tion sur le génocide ne prescrit pas expressément d’obligation de fournir
les renseignements visés, la Croatie a cependant affirmé que son chef de
conclusions «s’inscri[vai]t incontestablement dans le cadre de la Conven-
tion», considérant qu’il correspondait à une réparation appropriée d’une
violation persistante de la Convention par la Serbie.
139. Toutefois, la question de savoir quels remèdes appropriés la Cour

pourrait ordonner dans l’exercice de la compétence que lui confère l’ar-
ticle IX de la Convention dépend nécessairement des conclusions aux-
quelles elle pourrait en temps utile parvenir quant à des violations de la
Convention par le défendeur. Dès lors qu’il s’agit là d’une question rele-
vant essentiellement du fond, et qui est subordonnée à la question prin-

cipale de responsabilité que soulève la demande, elle n’est pas de nature à
faire l’objet d’une exception préliminaire. Cette conclusion se trouve ren-

55 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (ARRÊT ) 464

forcée par la considération que, dans ce cas précis, afin de déterminer si
une décision rédigée dans les termes indiqués par la Croatie à l’alinéa b)
de son second chef de conclusions pourrait constituer un remède appro-
prié, la Cour devrait examiner les éléments de fait en litige. Il lui appar-

tiendrait en effet de le faire pour établir si, et dans quelles circonstances,
la coopération entre les deux Etats mentionnée par la Serbie en ce qui
concerne la communication de renseignements a eu lieu, et si ce remède
pourrait être considéré comme résultant de l’établissement d’une respon-
sabilité à raison de violations de la Convention. Ces questions relevant du

fond, la Cour conclut que l’exception préliminaire soulevée par la Serbie,
pour autant qu’elle se rapporte à la demande formulée à l’alinéa b) du
second chef de conclusions de la Croatie, doit être rejetée.

**

iii) Restitution de biens culturels

140. A l’alinéa c) de son second chef de conclusions, que la Serbie
conteste également dans sa troisième exception préliminaire, le deman-

deur prie la Cour de dire et juger que la Serbie est tenue de «[lui] restituer
sans délai ... tout bien culturel relevant de sa juridiction ou de son
contrôle saisi dans le cadre des actes de génocide dont elle porte la res-
ponsabilité». La Serbie a affirmé qu’il n’existait aucun différend entre les
Parties à cet égard, «d’autant plus que les biens culturels en cause

[avaient] dans une large mesure déjà été restitués à la Croatie par la Ser-
bie», la demande étant ainsi devenue «sans objet et donc irrecevable». Le
fait de savoir si la Serbie conteste également la compétence de la Cour
pour connaître de cette demande est moins évident: la Serbie affirme
certes que les actes dont il est tiré grief «doivent constituer des actes

de génocide pour que la Cour puisse exercer sa compétence en vertu de
l’article IX de la Convention», mais pas que la Cour serait incompétente
pour déterminer s’ils constituent ou non des violations de cet instrument.
141. Ainsi qu’il a déjà été indiqué plus haut, depuis l’introduction de la
présente instance, la Cour a rendu un arrêt en l’affaire relative à l’Appli-

cation de la convention pour la prévention et la répression du crime de
génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro) (C.I.J. Recueil
2007 (I), p. 43); la Serbie s’est également fondée sur cette décision à pro-
pos de la question présentement examinée. Dans cette affaire, la Cour a
jugé qu’il y avait eu «destruction délibérée du patrimoine historique,
culturel et religieux du groupe protégé [par la Convention]» (ibid.,

p. 185, par. 344). La Cour a cependant précisé que, «[b]ien qu’une telle
destruction puisse être d’une extrême gravité, en ce qu’elle vise à éliminer
toute trace de la présence culturelle ou religieuse d’un groupe, et puisse
être contraire à d’autres normes juridiques, elle n’entr[ait] pas dans la
catégorie des actes de génocide énumérés à l’article II de la Convention»

(ibid.). Ainsi qu’il a déjà été indiqué (voir par. 52-56 ci-dessus), bien que
cette décision ne soit pas revêtue de l’autorité de la chose jugée à l’égard

56 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE ARRÊT ) 465

de la présente espèce, la Cour ne voit pas de raison de s’écarter de la
conclusion qu’elle a précédemment formulée quant à la question générale
d’interprétation de la Convention sur ce point. Aussi la Cour devra-t-elle
décider de quelle manière ces conclusions en droit doivent être appliquées

et quel pourrait être leur effet en la présente affaire.
142. La Croatie précise cependant qu’elle considère que, en l’espèce, la
destruction délibérée et le pillage des biens culturels dont elle tire grief
font partie d’un plan ou d’un ensemble organisé d’activités plus vaste
qui visait l’extinction d’un groupe ethnique, que ces actes entrent donc

dans les prévisions de la convention sur le génocide et que, partant, le
fait d’ordonner la restitution de biens pris en pareilles circonstances ne
constitue pas a priori un remède irrecevable. Elle avance que la ques-
tion de savoir si une telle décision constituerait un remède approprié en
l’espèce doit être tranchée lors de l’examen au fond.

143. Toutefois, ainsi que la Cour l’a relevé plus haut, la question de
savoir quels remèdes appropriés elle pourrait ordonner dépend nécessai-
rement des conclusions auxquelles elle pourrait en temps utile parvenir
quant à des violations de la Convention par le défendeur; cette question
n’est pas de nature à faire l’objet d’une exception préliminaire. Comme

dans le cas de l’alinéa 2 b), cette conclusion se trouve renforcée par la
considération que, afin de déterminer si une décision rédigée dans les
termes indiqués par la Croatie à l’alinéa c) de son second chef de conclu-
sions pourrait constituer un remède approprié, la Cour devrait examiner
les éléments de fait en litige pour établir si — et sur quels points — la

violation d’une obligation découlant de la convention sur le génocide a
été établie. La Cour conclut que l’exception préliminaire soulevée par la
Serbie, pour autant qu’elle se rapporte à la demande formulée à l’ali-
néa c) du second chef de conclusions de la Croatie, doit être rejetée.

**

iv) Conclusion

144. La troisième exception préliminaire, que soulève la Serbie à l’ali-
néa 2 b) de ses conclusions finales et qui se rapporte aux demandes énon-
cées aux alinéas a), b) et c) du second chef de conclusions de la Croatie,
doit donc être rejetée dans son intégralité.

*
* *

145. Ayant établi qu’elle a compétence, la Cour examinera l’exception
préliminaire dont elle a conclu qu’elle n’avait pas un caractère exclusive-
ment préliminaire lors de la phase du fond. Conformément au para-
graphe 7 de l’article 79 de son Règlement tel qu’adopté le 14 avril 1978,
la Cour fixera ultérieurement les délais pour la suite de la procédure.

* * *

57 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (ARRÊT ) 466

VIII. D ISPOSITIF

146. Par ces motifs,

L A C OUR ,
1) Par dix voix contre sept,

Rejette la première exception préliminaire soulevée par la République

de Serbie, en ce qu’elle a trait à sa capacité de participer à l’instance
introduite par la requête de la République de Croatie;
me
POUR :M Higgins, président ; M. Al-Khasawneh, vice-président ; MM. Buer-
genthal, Simma, Tomka, Abraham, Keith, Sepúlveda-Amor, Bennouna,
juges; M. Vukas, juge ad hoc;
CONTRE : MM. Ranjeva, Shi, Koroma, Parra-Aranguren, Owada, Skotnikov,

juges; M. Krec´a, juge ad hoc;
2) Par douze voix contre cinq,

Rejette la première exception préliminaire soulevée par la République

de Serbie, en ce qu’elle a trait à la compétence ratione materiae de la
Cour, en vertu de l’article IX de la convention pour la prévention et la
répression du crime de génocide, pour connaître de la requête de la Répu-

blique de Croatie;
POUR :M me Higgins, président ; M. Al-Khasawneh, vice-président ; MM. Buer-
genthal, Owada, Simma, Tomka, Abraham, Keith, Sepúlveda-Amor, Ben-

nouna, Skotnikov, juges; M. Vukas, juge ad hoc;
CONTRE : MM. Ranjeva, Shi, Koroma, Parra-Aranguren, juges; M. Krec ´a,
juge ad hoc;

3) Par dix voix contre sept,

Dit que, sous réserve du point 4 du présent dispositif, la Cour a com-
pétence pour connaître de la requête de la République de Croatie;

POUR :M me Higgins, président ; M. Al-Khasawneh, vice-président ; MM. Buer-
genthal, Simma, Tomka, Abraham, Keith, Sepúlveda-Amor, Bennouna,

juges; M. Vukas, juge ad hoc;
CONTRE : MM. Ranjeva, Shi, Koroma, Parra-Aranguren, Owada, Skotnikov,
juges; M. Krec´a, juge ad hoc;

4) Par onze voix contre six,

Dit que la deuxième exception préliminaire soulevée par la République
de Serbie n’a pas, dans les circonstances de l’espèce, un caractère exclu-

sivement préliminaire;
POUR :M me Higgins, président ; M. Al-Khasawneh, vice-président ; MM. Ran-

jeva, Buergenthal, Owada, Simma, Abraham, Keith, Sepúlveda-Amor,
Bennouna, juges; M. Vukas, juge ad hoc;
CONTRE : MM. Shi, Koroma, Parra-Aranguren, Tomka, Skotnikov, juges;
M. Krec´a, juge ad hoc;

58 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (ARRÊT ) 467

5) Par douze voix contre cinq,

Rejette la troisième exception préliminaire soulevée par la République
de Serbie.

POUR :M meHiggins, président ; M. Al-Khasawneh, vice-président ; MM. Ran-
jeva, Buergenthal, Owada, Simma, Tomka, Abraham, Keith, Sepúlveda-
Amor, Bennouna, juges; M. Vukas, juge ad hoc;

CONTRE : MM. Shi, Koroma, Parra-Aranguren, Skotnikov, juges; M. Kr´a,
juge ad hoc.

Fait en anglais et en français, le texte anglais faisant foi, au Palais de la
Paix, à La Haye, le dix-huit novembre deux mille huit, en trois exem-
plaires, dont l’un restera déposé aux archives de la Cour et les autres

seront transmis respectivement au Gouvernement de la République de
Croatie et au Gouvernement de la République de Serbie.

Le président,
(Signé) Rosalyn H IGGINS.

Le greffier,

(Signé) Philippe C OUVREUR .

M. le juge A L-K HASAWNEH , vice-président, joint à l’arrêt l’exposé de
son opinion individuelle; MM. les juges R ANJEVA ,S HI,K OROMA et

PARRA -A RANGUREN joignent une déclaration commune à l’arrêt; MM. les
juges RANJEVA et OWADA joignent à l’arrêt les exposés de leur opinion
dissidente; MM. les juges TOMKA et ABRAHAM joignent à l’arrêt les expo-

sés de leur opinion individuelle; M. le juge ENNOUNA joint une décla-
ration à l’arrêt; M. le jugeKOTNIKOV joint à l’arrêt l’exposé de son opi-
nion dissidente; M. le juge ad hoc VUKAS joint à l’arrêt l’exposé de son
opinion individuelle; M. le juge ad hoc RECA joint à l’arrêt l’exposé de
u
son opinion dissidente.

(Paraphé) R.H.

(Paraphé) Ph.C.

59

Bilingual Content

INTERNATIONAL COURT OF JUSTICE

REPORTS OF JUDGMENTS,
ADVISORY OPINIONS AND ORDERS

CASE CONCERNING APPLICATION OF
THE CONVENTION ON THE PREVENTION AND

PUNISHMENT OF THE CRIME OF GENOCIDE
(CROATIA v. SERBIA)

PRELIMINARY OBJECTIONS

JUDGMENT OF 18 NOVEMBER 2008

2008

COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

RECUEIL DES AR|TS,
AVIS CONSULTATIFS ET ORDONNANCES

AFFAIRE RELATIVE A v L’APPLICATION
DE LA CONVENTION POUR LA PRÉVENTION

ET LA RÉPRESSION DU CRIME DE GÉNOCIDE
(CROATIE c. SERBIE)

EXCEPTIONS PuLIMINAIRES

ARR|T DU 18 NOVEMBRE 2008 Official citation:
Application of the Convention on the Prevention and Punishment

of the Crime of Genocide (Croatia v. Serbia), Preliminary Objections,
Judgment, I.C.J. Reports 2008 ,p.412

Mode officiel de citation:
Application de la convention pour la prévention et la répression

du crime de génocide (Croatie c. Serbie), exceptions préliminaires,
arrêt, C.I.J. Recueil 2008 ,p.412

Sales number
o
ISSN 0074-4441 N de vente: 943
ISBN 978-92-1-071052-7 18 NOVEMBER 2008

JUDGMENT

APPLICATION OF THE CONVENTION ON THE PREVENTION
AND PUNISHMENT OF THE CRIME OF GENOCIDE

(CROATIA v. SERBIA)

PRELIMINARY OBJECTIONS

APPLICATION DE LA CONVENTION POUR LA PRÉVENTION

ET LA RÉPRESSION DU CRIME DE GÉNOCIDE

(CROATIE c. SERBIE)

EXCEPTIONS PREuLIMINAIRES

18 NOVEMBRE 2008

ARRE|T412

TABLE OF CONTENTS

Paragraphs

CHRONOLOGY OF THE PROCEDURE 1-22

I. DENTIFICATION OF TREESPONDENTPARTY 23-34

II. GENERALO VERVIEW OF THA RGUMENTS OF THEPARTIES 35-42

III. RIEFH ISTORY OF THSTATUS OF THEFRY WITH REGARD TO THE
U NITEDN ATIONS 43-51

IV. RELEVANCE OFPREVIOUSDECISIONS OF THCOURT 52-56

V. PRELIMINARYOBJECTION TO THJURISDICTION OF TCEOURT 57-119
(1) Issues of capacity to be a party to the proceedings 57-92

(2) Issues of jurisdiction ratione materiae 93-117
(3) Conclusions 118-119

VI. RELIMINARYO BJECTION TO THJURISDICTION OF TCEOURT AND
TO ADMISSIBILI, RATIONETEMPORIS 120-130

VII. RELIMINARYO BJECTION CONCERNING THSUBMISSION OCERTAIN
PERSONS TO TRIA; THE PROVISION OINFORMATION ON M ISSING

C ROATIANC ITIZE;SAND THE RETURN OF C ULTURAL PROPERTY 131-145

(i) Submission of persons to trial 133-136
(ii) Provision of information on missing Croatian citi137-139

(iii) Return of cultural property 140-143
(iv) Conclusion 144-145

VIII. OPERATIVC LAUSE 146

4 412

TABLE DES MATIÈRES

Paragraphes

Q UALITÉS 1-22

I. IDENTIFICATION DE LAPARTIE DÉFENDERESSE 23-34

II. PRÉSENTATION GÉNÉRALE DE L’ARGUMENTATION DES PARTIES 35-42

III. REF HISTORIQUE DU STATUT DE LARFY VISÀ VIS DE ’O RGANISA-
TION DESN ATIONSU NIES 43-51

IV. PERTINENCE DES DÉCISIONS ANTÉRIEURES DE LC OUR 52-56

V. EXCEPTION PRÉLIMINAIRE À LA COMPÉTENCE DE LAC OUR 57-119

1) Questions liées à la capacité d’être partie à la procédure 57-92
2) Questions liées à la compétence ratione materiae 93-117
3) Conclusions 118-119

VI. EXCEPTION PRÉLIMINAIRE À LA COMPÉTENCE DE LA C OUR ET À LA
RECEVABILITÉ RATIONE TEMPORIS 120-130

VII. EXCEPTION PRÉLIMINAIRE CONCERNANT LA TRADUCTION DE CERTAINES
PERSONNES EN JUSTI,ELA COMMUNICATION DE RENSEIGNEMENTS SUR

LES CITOYENS CROATES PORTÉS DISPARUS ET LA RESTITUTION DE BIENS
CULTURELS 131-145

i) Traduction de certaines personnes en justice 133-136
ii) Communication de renseignements sur les citoyens croates
portés disparus 137-139
iii) Restitution de biens culturels 140-143
iv) Conclusion 144-145

VIII. DISPOSITIF 146

4 413

INTERNATIONAL COURT OF JUSTICE

2008 YEAR 2008
18 November
General List
No. 118 18 November 2008

CASE CONCERNING APPLICATION OF

THE CONVENTION ON THE PREVENTION AND

PUNISHMENT OF THE CRIME OF GENOCIDE

(CROATIA v. SERBIA)

PRELIMINARY OBJECTIONS

JUDGMENT

Present: President IGGINS; Vice-PresidentL-KHASAWNEH ; Judges ANJEVA,
SHI,K OROMA ,P ARRA-ARANGUREN ,B UERGENTHAL,O WADA,S IMMA ,
TOMKA ,A BRAHAM,K EITH,SEPÚLVEDA-AMOR ,BENNOUNA ,SKOTNIKOV ;

Judges ad hoc UKAS,K REuA ; RegistrarOUVREUR.

In the case concerning the application of the Convention on the Prevention
and Punishment of the Crime of Genocide,

between

the Republic of Croatia,
represented by

H.E. Mr. Ivan Šimonovi´, Ambassador, Professor of Law at the University
of Zagreb Law Faculty,
as Agent;

H.E. Ms Andreja Metelko-Zgombic ´, Ambassador, Head of International
Law Service, Ministry of Foreign Affairs and European Integration of the
Republic of Croatia,
Ms Maja Serši´, Professor of Law at the University of Zagreb Law Faculty,

5 413

COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

ANNÉE 2008 2008
18 novembre
Rôlo général
18 novembre 2008 n 118

AFFAIRE RELATIVE A v L’APPLICATION

DE LA CONVENTION POUR LA PR uVENTION

ET LA Ru EPRESSION DU CRIME DE G uNOCIDE

(CROATIE c. SERBIE)

EXCEPTIONS PRE uLIMINAIRES

ARRÊT

Présents: Mme HIGGIN, président.AM L-KHASAWNEH, vice-président ;
MM. R ANJEV,S HI,K OROMA,P ARRA-ARANGUREN,B UERGENTHAL,
OWADA ,SIMMA,T OMKA,A BRAHAM ,K EIT,SEPÚLVEDA-AMOR,B EN-
NOUNA,S KOTNIKOV, juges; MM. VUKAS,K REC, juges ad hoc;
u
M. COUVREUR, greffier.

En l’affaire relative à l’application de la convention pour la prévention et la
répression du crime de génocide,

entre
la République de Croatie,

représentée par
S. Exc. M. Ivan Šimon´, ambassadeur, professeur de droit à la faculté de

droit de l’Université de Zagreb,
comme agent;
S. Exc. Mme Andreja Metelko-Zgomb´, ambassadeur, chef du service de

droit international du ministère des affaires étrangères et de l’intégration
meropéenne de la République de Croatie,
M Maja Serš´, professeur de droit à la faculté de droit de l’Université de
Zagreb,

5414 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION (JUDGMENT )

H.E. Mr. Frane Krnic ´, Ambassador of the Republic of Croatia to the King-
dom of the Netherlands,
as Co-Agents;
Mr. James Crawford, S.C., Whewell Professor of International Law, Univer-
sity of Cambridge, Barrister, Matrix Chambers,

Mr. Philippe Sands, Q.C., Professor of Law, University College London,
Barrister, Matrix Chambers,
as Counsel and Advocates;
Mr. Mirjan Damaška, Sterling Professor of Law, Yale Law School,

Ms Anjolie Singh, Member of the Indian Bar,
as Counsel;
Mr. Ivan Salopek, Third Secretary of the Embassy of Croatia in the Neth-
erlands,

Ms Jana Špero, Directorate for Co-operation with International Criminal
Courts, Ministry of Justice,
as Advisers,

and

the Republic of Serbia,
represented by
Mr. Tibor Varady, S.J.D. (Harvard), Professor of Law at the Central Euro-
pean University, Budapest, and Emory University, Atlanta,

as Agent;
Mr. Saša Obradovic ´, First Counsellor of the Embassy of Serbia in the Neth-
erlands,

as Co-Agent;
Mr. Andreas Zimmermann, LL.M. (Harvard), Professor of Law at the Uni-
versity of Kiel, Director of the Walther-Schücking Institute,
Mr. Vladimir Djeric´, LL.M. (Michigan), Attorney at Law, Mikijelj, Jankovic´
& Bogdanovic ´, Belgrade, President of the International Law Association
of Serbia,

as Counsel and Advocates;
H.E. Mr. Radoslav Stojanovic ´, S.J.D., Ambassador of the Republic of Serbia
to the Kingdom of the Netherlands, Professor at the Belgrade University
School of Law,
H.E. Ms Sanja Milinkovic ´, LL.M., Ambassador, Head of the International
Legal Service of the Ministry of Foreign Affairs of the Republic of Serbia,

Mr. Vladimir Cvetkovic ´, First Secretary of the Embassy of Serbia in the
Netherlands,
Ms Jelena Jolic ´, M.Sc. (London School of Economics and Political
Science),
Mr. Igor Olujic´, Attorney at Law, Belgrade,
Mr. Svetislav Rabrenovic ´, LL.M. (Michigan),
Mr. Christian J. Tams, LL.M., Ph.D. (Cambridge), Walther-Schücking Insti-
tute, University of Kiel,

6 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (ARRÊT ) 414

S. Exc. M. Frane Krnic´, ambassadeur de la République de Croatie auprès du
Royaume des Pays-Bas,

comme coagents;
M. James Crawford, S.C., professeur de droit international à l’Université de
Cambridge, titulaire de la chaire Whewell, avocat, Matrix Chambers,
M. Philippe Sands, Q.C., professeur de droit à l’University College de Lon-
dres, avocat, Matrix Chambers,

comme conseils et avocats;
M. Mirjan Damaška, professeur de droit à l’Université Yale, titulaire de la
chaire Sterling,
M Anjolie Singh, membre du barreau indien,

comme conseils;
M. Ivan Salopek, troisième secrétaire à l’ambassade de Croatie aux Pays-
Bas,
me
M Jana Špero, direction de la coopération avec les juridictions pénales
internationales au ministère de la justice,
comme conseillers,

et

la République de Serbie,
représentée par

M. Tibor Varady, S.J.D. (Harvard), professeur de droit à l’Université
d’Europe centrale de Budapest et à l’Université Emory d’Atlanta,
comme agent;

M. Saša Obradovic ´, premier conseiller à l’ambassade de Serbie aux Pays-
Bas,
comme coagent;

M. Andreas Zimmermann, LL.M. (Harvard), professeur de droit à l’Univer-
sité de Kiel, directeur de l’Institut Walther-Schücking,
M. Vladimir Djeric ´, LL.M. (Michigan), avocat, cabinet Mikijelj, Jankovi´
& Bogdanovic ´, Belgrade, président de l’association de droit international
de Serbie,

comme conseils et avocats;
S. Exc. M. Radoslav Stojanovic ´, S.J.D., ambassadeur de la République de
Serbie auprès du Royaume des Pays-Bas, professeur à la faculté de droit
de l’Université de Belgrade,
S. Exc. M me Sanja Milinkovic´, LL.M., ambassadeur, chef du service juridi-
que international du ministère des affaires étrangères de la République de

Serbie,
M. Vladimir Cvetkovic ´, premier secrétaire à l’ambassade de Serbie aux Pays-
meas,
M Jelena Joli´, M.Sc. (London School of Economics and Political
Science),
M. Igor Olujic´, avocat, Belgrade,
M. Svetislav Rabrenovic´, LL.M. (Michigan),
M. Christian J. Tams, LL.M., Ph.D. (Cambridge), Institut Walther-
Schücking, Université de Kiel,

6415 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION (JUDGMENT )

Ms Dina Dobrkovic ´, LL.B.,
as Advisers,

T HE C OURT,

composed as above,
after deliberation,

delivers the following Judgment:

1. On 2 July 1999, the Government of the Republic of Croatia (hereinafter
“Croatia”) filed an Application against the Federal Republic of Yugoslavia
(hereinafter “the FRY”) in respect of a dispute concerning alleged violations of
the Convention on the Prevention and Punishment of the Crime of Genocide,
approved by the General Assembly of the United Nations on 9 December 1948
(hereinafter “the Genocide Convention” or “the Convention”). The Applica-
tion invoked Article IX of the Genocide Convention as the basis of the jurisdic-
tion of the Court.
2. Pursuant to Article 40, paragraph 2, of the Statute of the Court, the Reg-

istrar immediately communicated a certified copy of the Application to the
Government of the FRY; and, in accordance with paragraph 3 of that Article, all
other States entitled to appear before the Court were notified of the Application.
3. Pursuant to the instructions of the Court under Article 43 of the Rules of
Court, the Registrar addressed to States parties to the Genocide Convention
the notification provided for in Article 63, paragraph 1, of the Statute. The
Registrar also sent to the Secretary-General of the United Nations the notifica-
tion provided for in Article 34, paragraph 3, of the Statute and subsequently
transmitted to him copies of the written proceedings.
4. By an Order dated 14 September 1999, the Court fixed 14 March 2000 as
the time-limit for the filing of the Memorial of Croatia and 14 September 2000

as the time-limit for the filing of the Counter-Memorial of the FRY.

5. By an Order dated 10 March 2000, the President of the Court, at the
request of Croatia, extended the time-limit for the filing of the Memorial to
14 September 2000 and accordingly extended the time-limit for the filing of the
Counter-Memorial of the FRY to 14 September 2001.
6. By a letter dated 26 May 2000, the Agent of Croatia requested the Court,
for reasons stated in that letter, to extend by a further period of six months the
time-limit for the filing of its Memorial. By a letter dated 6 June 2000, the
Agent of the FRY informed the Court that his Government was not opposed

to the request by Croatia on the condition that it would be granted the same
extension for the filing of its Counter-Memorial.
7. By an Order dated 27 June 2000, the Court extended the time-limits to
14 March 2001 and 16 September 2002, respectively, for the filing of the
Memorial of Croatia and the Counter-Memorial of the FRY. Croatia duly filed
its Memorial within the time-limit thus extended.
8. Since the Court included upon the Bench no judge of the nationality of
the Parties, each of them exercised its right under Article 31, paragraph 3, of
the Statute to choose a judge ad hoc to sit in the case: Croatia chose Mr. Bud-
islav Vukas and the FRY chose Mr. Milenko Krec ´a.

9. On 11 September 2002, within the time-limit provided for in Article 79,
paragraph 1, of the Rules of Court as adopted on 14 April 1978, the FRY

7 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (ARRÊT ) 415
me
M Dina Dobrkovic ´, LL.B,
comme conseillers,

L A COUR ,

ainsi composée,
après délibéré en chambre du conseil,

rend l’arrêt suivant:

1. Le 2 juillet 1999, le Gouvernement de la République de Croatie (dénom-
mée ci-après la «Croatie») a déposé une requête contre la République fédérale
de Yougoslavie (dénommée ci-après la «RFY») au sujet d’un différend concer-
nant des violations alléguées de la convention pour la prévention et la répres-
sion du crime de génocide, approuvée par l’Assemblée générale des Nations
Unies le 9 décembre 1948 (dénommée ci-après la «convention sur le génocide»
ou la «Convention»). La requête invoquait comme base de compétence de la
Cour l’article IX de la convention sur le génocide.
2. Conformément au paragraphe 2 de l’article 40 du Statut de la Cour, le gref-

fier a immédiatement communiqué une copie certifiée conforme de la requête au
Gouvernement de la RFY; et, conformément au paragraphe 3 de cet article,
tous les autres Etats admis à ester devant la Cour ont été informés de la requête.
3. Conformément aux instructions données par la Cour en vertu de l’ar-
ticle 43 de son Règlement, le greffier a adressé aux Etats parties à la convention
sur le génocide la notification prévue au paragraphe 1 de l’article 63 du Statut.
Le greffier a en outre adressé au Secrétaire général de l’Organisation des
Nations Unies la notification prévue au paragraphe 3 de l’article 34 du Statut,
et lui a par la suite transmis des exemplaires des pièces de procédure.
4. Par ordonnance en date du 14 septembre 1999, la Cour a fixé au 14 mars
2000 la date d’expiration du délai pour le dépôt du mémoire de la Croatie, et au

14 septembre 2000 la date d’expiration du délai pour le dépôt du contre-
mémoire de la RFY.
5. Par ordonnance en date du 10 mars 2000, le président de la Cour, à la
demande de la Croatie, a reporté au 14 septembre 2000 la date d’expiration du
délai pour le dépôt du mémoire et, en conséquence, au 14 septembre 2001 la
date d’expiration du délai pour le dépôt du contre-mémoire de la RFY.
6. Par lettre en date du 26 mai 2000, l’agent de la Croatie a prié la Cour,
pour les raisons exposées dans ladite lettre, de lui accorder un délai supplémen-
taire de six mois pour le dépôt de son mémoire. Par lettre datée du 6 juin 2000,
l’agent de la RFY a informé la Cour que son gouvernement ne s’opposait pas

à la demande de la Croatie à condition de bénéficier de la même prorogation
pour le dépôt de son contre-mémoire.
7. Par ordonnance en date du 27 juin 2000, la Cour a reporté, respective-
ment, au 14 mars 2001 et au 16 septembre 2002 les dates d’expiration des délais
pour le dépôt du mémoire de la Croatie et du contre-mémoire de la RFY. La
Croatie a dûment déposé son mémoire dans le délai ainsi prorogé.
8. La Cour ne comptant sur le siège aucun juge de la nationalité des Parties,
chacune d’elles s’est prévalue du droit que lui confère le paragraphe 3 de l’ar-
ticle 31 du Statut de procéder à la désignation d’un juge ad hoc pour siéger
en l’affaire: la Croatie a désigné M. Budislav Vukas, et la RFY M. Milenko
Krec´a.

9. Le 11 septembre 2002, dans le délai prescrit au paragraphe 1 de l’article 79
du Règlement tel qu’adopté le 14 avril 1978, la RFY a présenté des exceptions

7416 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION JUDGMENT )

raised preliminary objections relating to the Court’s jurisdiction to entertain
the case and to the admissibility of the Application. Accordingly, by an Order
of 14 November 2002, the Court stated that, by virtue of Article 79, para-
graph 3, of the Rules of Court as adopted on 14 April 1978, the proceedings on
the merits were suspended, and fixed 29 April 2003 as the time-limit for the
presentation by Croatia of a written statement of its observations and submis-
sions on the preliminary objections raised by the FRY. Croatia filed such a
statement within the time-limit thus fixed.
10. By a letter of 8 November 2002, the Government of Bosnia and Herze-
govina requested to be furnished with copies of the pleadings and annexed
documents in the case. Having ascertained the views of the Parties pursuant to

Article 53, paragraph 1, of the Rules of Court, the President of the Court
decided to grant that request. The Registrar communicated that decision to the
Government of Bosnia and Herzegovina and to the Parties by letters of
11 December 2002.
11. By a letter dated 5 February 2003, the FRY informed the Court that,
following the adoption and promulgation of the Constitutional Charter of Ser-
bia and Montenegro by the Assembly of the FRY on 4 February 2003, the
name of the State had been changed from the “Federal Republic of Yugosla-
via” to “Serbia and Montenegro”. Following the announcement of the result of
a referendum held in Montenegro on 21 May 2006 (as contemplated in the
Constitutional Charter of Serbia and Montenegro), the National Assembly of
the Republic of Montenegro adopted a declaration of independence on

3 June 2006 (see paragraph 23 below).
12. By a letter dated 11 April 2007, the Registrar, in accordance with Arti-
cle 69, paragraph 3, of the Rules of Court, asked the Secretary-General of the
United Nations to inform him whether or not the United Nations intended to
present observations in writing within the meaning of the said provision. In a
letter dated 7 May 2007, the Secretary-General indicated that the United
Nations did not intend to submit any such observations.
13. On 1 April 2008, the Co-Agent of Serbia provided the Registry with nine
additional documents which it wished to produce in the case, under Article 56,
paragraph 1, of the Rules of Court. By a letter dated 24 April 2008, the Agent
of Croatia informed the Court that his Government had no objection to the
production of these documents and that it wished, for its part, to produce two

new documents. By the same letter, the Agent of Croatia requested that the
Court call upon the Respondent, under Article 49 of its Statute and Article 62,
paragraph 1, of the Rules of Court, to produce a certain number of documents.
By a letter dated 29 April 2008, the Agent of Croatia provided additional infor-
mation relating to the said request.
14. By a letter dated 2 May 2008, the Agent of Serbia informed the Court
that his Government did not object to the production of the two new docu-
ments which Croatia wished to produce in the case. He further informed the
Court of his Government’s observations with regard to Croatia’s request that
the Court call upon the Respondent to produce a certain number of docu-
ments, and expressed, inter alia, “certain doubts as to whether the given request
submitted at this stage of the proceedings and in this moment of time could

serve the interests of a sound administration of justice”.

15. On 6 May 2008, the Registrar notified the Parties that the Court had
decided to authorize the production of the documents they wished to submit
under Article 56 of the Rules of Court; these documents, accordingly, were

8 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE ARRÊT ) 416

préliminaires portant sur la compétence de la Cour pour connaître de l’affaire
et sur la recevabilité de la requête. En conséquence, par ordonnance du
14 novembre 2002, la Cour a constaté que, en vertu des dispositions du para-
graphe 3 de l’article 79 de son Règlement tel qu’adopté le 14 avril 1978, la pro-
cédure sur le fond était suspendue et a fixé au 29 avril 2003 la date d’expiration
du délai pour la présentation, par la Croatie, d’un exposé écrit contenant ses
observations et conclusions sur les exceptions préliminaires soulevées par la
RFY. La Croatie a déposé son exposé dans le délai ainsi fixé.
10. Par lettre en date du 8 novembre 2002, le Gouvernement de la Bosnie-
Herzégovine a demandé à recevoir communication des pièces de procédure et
documents annexés en l’affaire. Après s’être renseigné auprès des Parties confor-

mément au paragraphe 1 de l’article 53 du Règlement, le président de la Cour
a décidé de faire droit à cette demande. Le greffier a communiqué cette décision
au Gouvernement de la Bosnie-Herzégovine et aux Parties par lettres en date
du 11 décembre 2002.
11. Par lettre datée du 5 février 2003, la RFY a informé la Cour que, à la
suite de l’adoption et de la promulgation par l’Assemblée de la RFY, le
4 février 2003, de la charte constitutionnelle de la Serbie-et-Monténégro, le
nom de l’Etat de la «République fédérale de Yougoslavie» était désormais
«Serbie-et-Monténégro». Après l’annonce des résultats d’un référendum tenu
au Monténégro le 21 mai 2006 (conformément à la charte constitutionnelle de
la Serbie-et-Monténégro), l’Assemblée nationale de la République du Monté-
négro a adopté le 3 juin 2006 une déclaration d’indépendance (voir par. 23 ci-

après).
12. Par lettre en date du 11 avril 2007, le greffier, conformément au para-
graphe 3 de l’article 69 du Règlement, a demandé au Secrétaire général de
l’Organisation des Nations Unies de lui indiquer si cette dernière entendait pré-
senter des observations écrites au sens de ladite disposition. Par lettre en date
du 7 mai 2007, le Secrétaire général a indiqué que l’Organisation des Nations
Unies n’avait pas l’intention de présenter de telles observations.
13. Le 1 avril 2008, le coagent de la Serbie a déposé au Greffe neuf docu-
ments additionnels que son gouvernement souhaitait produire en l’affaire en
application du paragraphe 1 de l’article 56 du Règlement. Par lettre en date du
24 avril 2008, l’agent de la Croatie a informé la Cour que son gouvernement ne
s’opposait pas à la production de ces documents et désirait, pour sa part, pro-

duire deux documents nouveaux. Par cette même lettre, l’agent de la Croatie
priait la Cour d’inviter le défendeur, en application de l’article 49 du Statut et
du paragraphe 1 de l’article 62 du Règlement, à produire un certain nombre de
documents. Par lettre en date du 29 avril 2008, l’agent de la Croatie a fourni des
informations supplémentaires concernant cette demande.
14. Par lettre en date du 2 mai 2008, l’agent de la Serbie a informé la Cour
que son gouvernement ne s’opposait pas à la production des deux documents
nouveaux que la Croatie souhaitait présenter en l’affaire. Il a également informé
la Cour des vues de son gouvernement sur la demande de la Croatie tendant à
ce que la Cour invite le défendeur à produire un certain nombre de documents,
et a notamment indiqué que son gouvernement avait «certains doutes quant à
la question de savoir si la demande, compte tenu de la date de sa présentation

et du stade de la procédure, serait dans l’intérêt d’une bonne administration de
la justice».
15. Le 6 mai 2008, le greffier a informé les Parties que la Cour avait décidé
d’autoriser la production des documents qu’elles entendaient présenter en vertu
de l’article 56 du Règlement; ces documents ont donc été versés au dossier de

8417 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION (JUDGMENT )

added to the case file. The Registrar further informed the Parties of the Court’s
decision not to accede, at this stage of the proceedings, to Croatia’s request that
the Court call upon the Respondent, under Article 49 of the Statute and Arti-
cle 62, paragraph 1, of the Rules of Court, to produce a certain number of
documents. He indicated to the Parties that the Court was not satisfied that the
production of the requested documents was necessary for the purpose of ruling
on preliminary objections. The Registrar also explained that the Court consid-
ered that Croatia had failed to provide sufficient reason to justify the great late-
ness of its request and that to accede to this request made at this very late
juncture would, in addition, raise many practical problems.

16. By letters dated 6 May 2008, the Registrar informed the Parties that the
Court asked them to address, during the hearings, the issue of the capacity of
the Respondent to participate in proceedings before the Court at the time of
filing of the Application, given the fact that the issue had not been addressed as
such in the written pleadings.
17. Pursuant to Article 53, paragraph 2, of its Rules, the Court, after ascer-
taining the views of the Parties, decided that copies of the pleadings and docu-
ments annexed would be made available to the public at the opening of the oral
proceedings.
18. Public sittings were held from 26 May to 30 May 2008, at which the
Court heard the oral arguments and replies of:

For Croatia: H.E. Mr. Ivan Šimonovic ´,
H.E. Ms Andreja Metelko-Zgombic ´,
Mr. Philippe Sands,
Mr. James Crawford.

For Serbia: Mr. Tibor Varady,
Mr. Vladimir Djeric´,
Mr. Andreas Zimmermann.
19. At the hearings, a question was put by a Member of the Court and

replies given orally and in writing, in accordance with Article 61, paragraph 4,
of the Rules of Court. Pursuant to Article 72 of the Rules of Court, Croatia
presented written observations on the written reply received from Serbia.

*

20. In its Application, the following claims were made by Croatia:

“While reserving the right to revise, supplement or amend this Applica-
tion, and, subject to the presentation to the Court of the relevant evidence
and legal arguments, Croatia requests the Court to adjudge and declare as
follows:
(a) that the Federal Republic of Yugoslavia has breached its legal obli-
gations toward the people and Republic of Croatia under Articles I,
II (a),II (b),II (c),II (d), III (a), III (b), III (c), III (d), III (e),

IV and V of the Genocide Convention;
(b) that the Federal Republic of Yugoslavia has an obligation to pay to
the Republic of Croatia, in its own right and as parens patriae for its
citizens, reparations for damages to persons and property, as well as
to the Croatian economy and environment caused by the foregoing

9 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE ARRÊT ) 417

l’affaire. Le greffier a en outre informé les Parties de la décision de la Cour de
ne pas faire droit, à ce stade de la procédure, à la demande de la Croatie ten-
dant à ce que la Cour invite le défendeur, en application de l’article 49 du Sta-
tut et du paragraphe 1 de l’article 62 du Règlement, à produire un certain
nombre de documents. Il a indiqué aux Parties que la Cour n’était pas convain-
cue que la production des documents demandés soit nécessaire aux fins de se
prononcer sur les exceptions préliminaires. Le greffier a également expliqué que
la Cour considérait que la Croatie n’avait pas donné de raisons suffisantes jus-
tifiant le caractère très tardif de sa demande et que de nombreux problèmes
d’ordre pratique se poseraient de surcroît s’il était fait droit à cette demande
présentée si tardivement.

16. Par lettres en date du 6 mai 2008, le greffier a informé les Parties que la
Cour les priait d’examiner, à l’audience, la question de la capacité du défendeur
à être partie à une instance devant la Cour au moment du dépôt de la requête,
étant donné que la question n’avait pas été traitée en tant que telle dans les
pièces de procédure.
17. Conformément au paragraphe 2 de l’article 53 de son Règlement, la
Cour, après s’être renseignée auprès des Parties, a décidé que des exemplaires
des pièces de procédure et des documents annexés seraient rendus accessibles au
public à l’ouverture de la procédure orale.
18. Des audiences publiques ont été tenues du 26 au 30 mai 2008, au cours
desquelles ont été entendus en leurs plaidoiries et réponses:

Pour la Croatie: S. Exc. M. Ivan Šimonovic ´,
S. Exc. M me Andreja Metelko-Zgombic ´,
M. Philippe Sands,
M. James Crawford.

Pour la Serbie: M. Tibor Varady,
M. Vladimir Djeric ´,
M. Andreas Zimmermann.
19. A l’audience, une question a été posée par un membre de la Cour, à

laquelle il a été répondu oralement et par écrit conformément au paragraphe 4
de l’article 61 du Règlement. En vertu de l’article 72 du Règlement, la Croatie
a présenté des observations écrites sur la réponse écrite qui avait été fournie par
la Serbie.

*

20. Dans la requête, les demandes ci-après ont été formulées par la Croatie:

«Tout en se réservant le droit de reviser, compléter ou modifier la pré-
sente requête, et sous réserve de la présentation à la Cour d’éléments de
preuve et d’arguments juridiques pertinents, la Croatie prie la Cour de dire
et de juger:
a) que la République fédérale de Yougoslavie a violé les obligations juri-
diques qui sont les siennes vis-à-vis de la population et de la Répu-
blique de Croatie en vertu des articles I, II a),IIb),IIc),IId), IIIa),

III b), III c), III d), III e), IV et V de la convention sur le génocide;
b) que la République fédérale de Yougoslavie est tenue de verser à la
République de Croatie, en son nom propre et, en tant que parens
patriae, pour le compte de ses citoyens, des réparations, dont il appar-
tiendra à la Cour de fixer le montant, pour les dommages causés aux

9418 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION (JUDGMENT )

violations of international law in a sum to be determined by the
Court. The Republic of Croatia reserves the right to introduce to the
Court at a future date a precise evaluation of the damages caused by
the Federal Republic of Yugoslavia.”

21. In the written proceedings, the following submissions were presented by
the Parties:
On behalf of the Government of Croatia,

in the Memorial:
“On the basis of the facts and legal arguments presented in this Memo-

rial, the Applicant, the Republic of Croatia, respectfully requests the Inter-
national Court of Justice to adjudge and declare:
1. That the Respondent, the Federal Republic of Yugoslavia, is respon-
sible for violations of the Convention on the Prevention and Punishment
of the Crime of Genocide:

(a) in that persons for whose conduct it is responsible committed geno-
cide on the territory of the Republic of Croatia, including in particu-
lar against members of the Croat national or ethnical group on that
territory, by
— killing members of the group;
— causing deliberate bodily or mental harm to members of the group;

— deliberately inflicting on the group conditions of life calculated to

bring about its physical destruction in whole or in part;
— imposing measures intended to prevent births within the group;

with the intent to destroy that group in whole or in part, contrary to Arti-
cle II of the Convention;

(b) in that persons for whose conduct it is responsible conspired to com-
mit the acts of genocide referred to in paragraph (a), were complicit
in respect of those acts, attempted to commit further such acts of
genocide and incited others to commit such acts, contrary to Arti-
cle III of the Convention;

(c) in that, aware that the acts of genocide referred to in paragraph (a)
were being or would be committed, it failed to take any steps to pre-
vent those acts, contrary to Article I of the Convention;
(d) in that it has failed to bring to trial persons within its jurisdiction who
are suspected on probable grounds of involvement in the acts of
genocide referred to in paragraph (a), or in the other acts referred to

in paragraph (b), and is thus in continuing breach of Articles I and
IV of the Convention.
2. That as a consequence of its responsibility for these breaches of the
Convention, the Respondent, the Federal Republic of Yugoslavia, is under
the following obligations:

(a) to take immediate and effective steps to submit to trial before the
appropriate judicial authority, those citizens or other persons within
its jurisdiction who are suspected on probable grounds of having

10 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (ARRÊT ) 418

personnes et aux biens ainsi qu’à l’économie et à l’environnement de la
Croatie du fait des violations susmentionnées du droit international.
La République de Croatie se réserve le droit de présenter ultérieure-
ment à la Cour une évaluation précise des dommages causés par la
République fédérale de Yougoslavie.»

21. Dans la procédure écrite, les conclusions ci-après ont été présentées par
les Parties:
Au nom du Gouvernement de la Croatie,

dans le mémoire:
«La République de Croatie, le demandeur, se fondant sur les faits et les

moyens de droit exposés dans le présent mémoire, prie respectueusement la
Cour internationale de Justice de dire et juger:
1. Que la République fédérale de Yougoslavie, le défendeur, est respon-
sable de violations de la convention pour la prévention et la répression du
crime de génocide:

a) en ce que des personnes de la conduite desquelles elle est responsable
ont commis un génocide sur le territoire de la République de Croatie,
en particulier contre des membres du groupe national ou ethnique
croate, en se livrant aux actes suivants:
— meurtre de membres du groupe;
— atteinte intentionnelle à l’intégrité physique ou mentale de membres du
groupe;
— soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence visant

à entraîner sa destruction physique totale ou partielle;
— imposition de mesures aux fins d’entraver les naissances au sein du
groupe;
dans l’intention de détruire ledit groupe en tout ou en partie, en violation
de l’article II de la Convention;

b) en ce que des personnes de la conduite desquelles elle est responsable
ont participé à une entente en vue de commettre les actes de génocide
visés à l’alinéa a), se sont rendues complices de ces actes, ont tenté de
commettre d’autres actes de génocide de cette nature et ont incité des
tiers à commettre de tels actes, en violation de l’article III de la
Convention;
c) en ce que, consciente de ce que les actes de génocide visés à l’alinéa a)
étaient ou allaient être commis, elle n’a pas pris de mesures pour les
prévenir, en violation de l’article premier de la Convention;
d) en ce qu’elle n’a pas traduit en justice des personnes relevant de sa juri-
diction sur lesquelles pèse une très forte présomption d’avoir participé
aux actes de génocide visés à l’alinéa a), ou à d’autres actes visés à

l’alinéa b), et continue ainsi de violer les articles premier et IV de la
Convention;
2. Que, en raison de sa responsabilité pour ces violations de la Conven-
tion, la République fédérale de Yougoslavie, le défendeur, est tenue de:

a) prendre sans délai des mesures efficaces pour traduire devant l’autorité
judiciaire compétente ses citoyens ou d’autres personnes se trouvant
sous sa juridiction sur lesquels pèse une forte présomption d’avoir

10419 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION JUDGMENT )

committed acts of genocide as referred to in paragraph (1) (a),or
any of the other acts referred to in paragraph (1) (b), in particular
Slobodan Miloševic ´, the former President of the Federal Republic of
Yugoslavia, and to ensure that those persons, if convicted, are duly
punished for their crimes;
(b) to provide forthwith to the Applicant all information within its pos-
session or control as to the whereabouts of Croatian citizens who are
missing as a result of the genocidal acts for which it is responsible,
and generally to co-operate with the authorities of the Republic of
Croatia to jointly ascertain the whereabouts of the said missing per-
sons or their remains;

(c) forthwith to return to the Applicant any items of cultural property
within its jurisdiction or control which were seized in the course of the
genocidal acts for which it is responsible; and
(d) to make reparation to the Applicant, in its own right and as parens
patriae for its citizens, for all damage and other loss or harm to per-
son or property or to the economy of Croatia caused by the foregoing
violations of international law, in a sum to be determined by the
Court in a subsequent phase of the proceedings in this case. The
Republic of Croatia reserves the right to introduce to the Court a pre-
cise evaluation of the damages caused by the acts for which the Fed-
eral Republic of Yugoslavia is held responsible.

The Republic of Croatia reserves the right to supplement or amend
these submissions as necessary.”

On behalf of the Government of Serbia,
in the preliminary objections:
“For the reasons advanced above, the Federal Republic of Yugoslavia is

asking the Court:
to uphold the First Preliminary Objection and to adjudge and declare that
it lacks jurisdiction over the claims brought against the Federal Republic
of Yugoslavia by the Republic of Croatia.

Or, in the alternative,
(a) to uphold the Second Preliminary Objection and to adjudge and
declare that claims based on acts or omissions which took place
before the FRY came into being (i.e. before 27 April 1992) are inad-
missible;

and
(b) to uphold the Third Preliminary Objection, and to adjudge and
declare that specific claims referring to:

— taking effective steps to submit to trial Mr. Miloševic ´ and other per-
sons;
— providing information regarding the whereabouts of missing Croatian
citizens; and
— return of cultural property;
are inadmissible and moot.

The Respondent reserves its right to supplement or amend its submis-
sions in the light of further pleadings.”

11 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (ARRÊT ) 419

commis les actes de génocide visés à l’alinéa a) du paragraphe 1, ou
l’un quelconque des autres actes visés à l’alinéa b) du paragraphe 1, et
en particulier l’ancien président de la République fédérale de Yougo-
slavie Slobodan Miloševic´, et veiller à ce qu’ils soient dûment sanction-
nés à raison de leurs crimes s’ils sont déclarés coupables ;
b) communiquer sans délai au demandeur toutes les informations en sa
possession ou sous son contrôle sur le sort des ressortissants croates
portés disparus à la suite des actes de génocide dont elle s’est rendue
responsable et, plus généralement, coopérer avec les autorités de la
République de Croatie en vue de déterminer conjointement ce qu’il est
advenu de ces personnes ou de leurs dépouilles ;

c) restituer sans délai au demandeur tout bien culturel relevant de sa juri-
diction ou de son contrôle saisi dans le cadre des actes de génocide
dont elle porte la responsabilité; et
d) verser au demandeur au titre de ses droits propres et, en tant que
parens patriae, au nom de ses citoyens, des réparations, dont il appar-
tiendra à la Cour de fixer le montant lors d’une phase ultérieure de la
procédure, pour tout dommage et autre perte ou préjudice causés aux
personnes ou aux biens ainsi qu’à l’économie de la Croatie du fait des
violations susmentionnées du droit international. La République de
Croatie se réserve le droit de soumettre à la Cour une évaluation pré-
cise des dommages causés par les actes pour lesquels la République
fédérale de Yougoslavie est tenue responsable.

La République de Croatie se réserve le droit de compléter ou de modifier
en tant que de besoin les présentes conclusions.»

Au nom du Gouvernement de la Serbie,
dans les exceptions préliminaires:
«Pour les raisons exposées ci-dessus, la République fédérale de Yougo-

slavie prie la Cour:
de retenir la première exception préliminaire, et de dire et juger qu’elle n’a
pas compétence pour connaître des demandes formées par la République
de Croatie à l’encontre de la République fédérale de Yougoslavie.

Ou, à titre subsidiaire,
a) de retenir la deuxième exception préliminaire, et de dire et juger que
les demandes se rapportant à des actes ou omissions antérieurs à la
création de la RFY (c’est-à-dire antérieurs au 27 avril 1992) sont
irrecevables

et
b) de retenir la troisième exception préliminaire, et de dire et juger que
les demandes spécifiques concernant:

— l’adoption de mesures efficaces destinées à traduire en justice M. Milo-
ševi´ et d’autres personnes,
— la communication d’informations sur le sort des citoyens croates por-
tés disparus et
— la restitution de biens culturels
sont irrecevables et sans objet.

Le défendeur se réserve le droit de compléter ou de modifier ses conclu-
sions à la lumière de la suite de la procédure.»

11420 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION (JUDGMENT )

On behalf of the Government of Croatia,
in the written statement containing its observations and submissions on the
preliminary objections raised by the FRY:

“On the basis of the facts and legal arguments presented in these Writ-
ten Observations, the Republic of Croatia respectfully requests the Inter-
national Court of Justice to reject the First, Second and Third Preliminary
Objections of the FRY (Serbia and Montenegro) (with the exception of
that part of the Second Preliminary Objection which relates to the claim
concerning the submission to trial of Mr. Slobodan Miloševi´), and accord-
ingly to adjudge and declare that it has jurisdiction to adjudicate upon the

Application filed by the Republic of Croatia on 2 July 1999.”
22. At the oral proceedings, the following submissions were presented by the
Parties:

On behalf of the Government of Serbia,

at the hearing of 29 May 2008:

“For the reasons given in its written submissions and its oral pleadings,
Serbia requests the Court to adjudge and declare :
1. that the Court lacks jurisdiction,

or, in the alternative:

2. (a) that claims based on acts and omissions which took place prior to
27 April 1992 are beyond the jurisdiction of this Court and inad-
missible;
and

(b) that claims referring to
— submission to trial of certain persons within the jurisdiction of Ser-
bia,

— providing information regarding the whereabouts of missing
Croatian citizens, and
— return of cultural property
are beyond the jurisdiction of this Court and inadmissible.”

On behalf of the Government of Croatia,
at the hearing of 30 May 2008:

“On the basis of the facts and legal arguments presented in our Written
Observations, as well as those during these oral pleadings, the Republic of
Croatia respectfully requests the International Court of Justice to:

(1) reject the first, second and third preliminary objection of Serbia, with
the exception of that part of the second preliminary objection which
relates to the claim concerning the submission to trial of Mr. Slo-
bodan Miloševic ´, and accordingly to
(2) adjudge and declare that it has jurisdiction to adjudicate upon the
Application filed by the Republic of Croatia on 2 July 1999.”

* * *

12 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (ARRÊT ) 420

Au nom du Gouvernement de la Croatie,
dans son exposé écrit contenant ses observations et conclusions sur les excep-
tions préliminaires soulevées par la RFY:

«Sur la base des faits et des arguments juridiques présentés dans ces
observations écrites, la République de Croatie prie respectueusement la
Cour internationale de Justice de rejeter les première, deuxième et troi-
sième exceptions préliminaires de la RFY (Serbie-et-Monténégro) (à
l’exception de la partie de la deuxième exception qui porte sur la demande
tendant à ce que M. Slobodan Miloševic ´ soit traduit en justice) et, en
conséquence, de dire et juger qu’elle est compétente pour statuer sur la

requête déposée par la République de Croatie le 2 juillet 1999.»
22. Dans la procédure orale, les conclusions finales ci-après ont été présen-
tées par les Parties:

Au nom du Gouvernement de la Serbie,

à l’audience du 29 mai 2008:

«Pour les raisons exposées dans ses pièces de procédure et dans ses plai-
doiries, la Serbie prie la Cour de dire et juger :
1. que la Cour n’a pas compétence

ou, à titre subsidiaire,

2. a) que les demandes se rapportant à des actes ou omissions antérieurs
au 27 avril 1992 ne relèvent pas de la compétence de la Cour et sont
irrecevables
et

b) que les demandes relatives
— à la traduction en justice de certaines personnes se trouvant sous
la juridiction de la Serbie,

— à la communication de renseignements sur le sort des citoyens
croates portés disparus et
— à la restitution de biens culturels
ne relèvent pas de la compétence de la Cour et sont irrecevables.»

Au nom du Gouvernement de la Croatie,
à l’audience du 30 mai 2008:

«Sur la base des faits et des arguments juridiques présentés dans nos
observations écrites et dans nos plaidoiries, la République de Croatie prie
respectueusement la Cour internationale de Justice:

1. de rejeter les première, deuxième et troisième exceptions préliminaires
de la Serbie, sauf la branche de la deuxième exception qui porte sur la
demande tendant à ce que M. Slobodan Miloševic ´ soit traduit en jus-
tice, et, en conséquence,
2. de dire et juger qu’elle est compétente pour statuer sur la requête dépo-
sée par la République de Croatie le 2 juillet 1999.»

* * *

12421 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION (JUDGMENT )

I. IDENTIFICATION OF THE RESPONDENT PARTY

23. The Court has first to consider a question concerning the identifi-

cation of the respondent Party before it in these proceedings. By a letter
dated 3 June 2006, the President of the Republic of Serbia (hereinafter
“Serbia”) informed the Secretary-General of the United Nations that,
following the declaration of independence adopted by the National
Assembly of the Republic of Montenegro,

“the membership of the state union Serbia and Montenegro in the
United Nations, including all organs and organizations of the United

Nations system, [would be] continued by the Republic of Serbia, on
the basis of Article 60 of the Constitutional Charter of Serbia and
Montenegro”.

He further stated that “in the United Nations the name ‘Republic of Ser-
bia’ [was] to be henceforth used instead of the name ‘Serbia and Mon-

tenegro’” and added that the Republic of Serbia “remain[ed] responsible
in full for all the rights and obligations of the state union of Serbia and
Montenegro under the UN Charter”.

24. By a letter of 16 June 2006, the Minister for Foreign Affairs of Ser-

bia informed the Secretary-General, inter alia, that “[t]he Republic of
Serbia continue[d] to exercise its rights and honour its commitments
deriving from international treaties concluded by Serbia and Montene-
gro” and requested that “the Republic of Serbia be considered a party to
all international agreements in force, instead of Serbia and Montenegro”.

By a letter of 30 June 2006, addressed to the Secretary-General, the Min-
ister for Foreign Affairs confirmed the intention of Serbia to continue to
exercise its rights and honour its commitments deriving from interna-
tional treaties concluded by Serbia and Montenegro. He specified that
“[a]ll treaty actions undertaken by Serbia and Montenegro w[ould] con-

tinue in force with respect to the Republic of Serbia with effect from
3 June 2006”, and that “all declarations, reservations and notifications
made by Serbia and Montenegro w[ould] be maintained by the Republic
of Serbia until the Secretary-General, as depositary, [were] duly notified

otherwise”.
25. On 28 June 2006, by its resolution 60/264, the General Assembly
admitted the Republic of Montenegro (hereinafter “Montenegro”) as a
new Member of the United Nations.
26. By letters dated 19 July 2006, the Registrar requested the Agent of

Croatia, the Agent of Serbia and the Minister for Foreign Affairs of
Montenegro to communicate to the Court the views of their Govern-
ments on the consequences to be attached to the above-mentioned devel-
opments regarding the identity of the Respondent in the case. On the
same date, similar letters were addressed to the Parties in the case con-

cerning Application of the Convention on the Prevention and Punishment

13 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE ARRÊT ) 421

I. IDENTIFICATION DE LA PARTIE DÉFENDERESSE

23. La Cour doit d’abord examiner la question de l’identification de la

Partie défenderesse en l’espèce. Par lettre en date du 3 juin 2006, le pré-
sident de la République de Serbie (ci-après dénommée la «Serbie») a
informé le Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies que, à
la suite de la déclaration d’indépendance adoptée par l’Assemblée natio-
nale de la République du Monténégro,

«la République de Serbie assure[rait] la continuité de la qualité de
Membre de la communauté étatique de Serbie-et-Monténégro au

sein de l’Organisation des Nations Unies, y compris au sein de
tous les organes et organisations du système des Nations Unies,
en vertu de l’article 60 de la charte constitutionnelle de la Serbie-et-
Monténégro».

Il a en outre indiqué que, «au sein de l’Organisation des Nations Unies,
la dénomination «République de Serbie» d[evait] désormais être utilisée

à la place de l’appellation «Serbie-et-Monténégro»», et ajouté que «la
République de Serbie conserv[ait] tous les droits et assum[ait] toutes les
obligations de la communauté étatique de Serbie-et-Monténégro qui
découlent de la Charte des Nations Unies».
24. Par lettre du 16 juin 2006, le ministre des affaires étrangères de la

Serbie a notamment informé le Secrétaire général que «la République de
Serbie continu[ait] d’exercer les droits et de respecter les obligations
découlant des traités internationaux conclus par la Serbie-et-Monténégro»,
et demandé que «la République de Serbie soit considérée comme partie
à tous les accords internationaux en vigueur conclus par celle-ci». Par

lettre en date du 30 juin 2006 adressée au Secrétaire général, le ministre
des affaires étrangères a confirmé l’intention de la Serbie de continuer
d’exercer les droits et de s’acquitter des obligations découlant des traités
internationaux conclus par la Serbie-et-Monténégro. Il a précisé que
«[t]outes les formalités [conventionnelles] accomplies par la Serbie-et-

Monténégro reste[raie]nt en vigueur à l’égard de la République de Serbie
avec effet au 3 juin 2006» et que «la République de Serbie maintien-
dr[ait] toutes les déclarations, réserves et notifications faites par la Serbie-
et-Monténégro jusqu’à notification contraire adressée au Secrétaire

général en sa qualité de dépositaire».
25. Le 28 juin 2006, par sa résolution 60/264, l’Assemblée générale a
admis la République du Monténégro (ci-après dénommée le «Monténé-
gro») en tant que nouveau Membre de l’Organisation des Nations Unies.
26. Par lettres datées du 19 juillet 2006, le greffier a prié l’agent de la

Croatie, l’agent de la Serbie et le ministre des affaires étrangères du Mon-
ténégro de communiquer à la Cour les vues de leurs gouvernements sur
les conséquences qu’il y aurait lieu d’attacher aux développements rap-
pelés ci-dessus quant à la dénomination de la Partie défenderesse en
l’espèce. A la même date, des lettres similaires ont été adressées aux

Parties en l’affaire relative à l’Application de la convention pour la préven-

13422 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION (JUDGMENT )

of the Crime of Genocide (Bosnia and Herzegovina v. Serbia and Mon-
tenegro), which had been not only instituted but also heard on the merits
before the independence of Montenegro.
27. By a letter dated 22 July 2006, the Agent of Serbia explained that,

in his Government’s opinion, “there [was] continuity between Serbia and
Montenegro and the Republic of Serbia (on the grounds of Article 60 of
the Constitutional Charter of Serbia and Montenegro)”. He noted that
the entity which had been Serbia and Montenegro “ha[d] been replaced
by two distinct States, one of them [being] Serbia, the other [being] Mon-

tenegro”. In those circumstances, the view of his Government was that
“the Applicant ha[d] first to take a position, and to decide whether it
wishe[d] to maintain its original claim encompassing both Serbia and
Montenegro, or whether it [chose] to do otherwise”.
28. By a letter dated 29 November 2006, addressed to the Court, the

Chief State Prosecutor of Montenegro, after indicating her capacity to
act as a legal representative of Montenegro, drew attention to the fact
that, following the referendum held in Montenegro on 21 May 2006, the
National Assembly of Montenegro had pronounced the independence of
Montenegro. In the view of the Chief State Prosecutor, Montenegro had

become an independent State with full international legal personality
within its existing borders. She further stated that:

“The issue of international law succession of [the] State union of
Serbia and Montenegro is regulated in article 60 of [the] Constitu-
tional charter, and according to [that] article the legal successor of
[the] State union of Serbia and Montenegro is the Republic of Ser-
bia, which, as a sovereign state, [has] become [the] follower of all

international obligations and successor in international organiza-
tions.”

The Chief State Prosecutor concluded that, in the dispute before the
Court, “the Republic of Montenegro may not have [the] capacity of
respondent, [for the] above mentioned reasons”.
29. On 26 February 2007 the Court gave judgment in the case con-
cerning Application of the Convention on the Prevention and Punishment

of the Crime of Genocide (Bosnia and Herzegovina v. Serbia and Mon-
tenegro), in which it decided that Serbia remained a respondent in that
case, “and at the date of [that] Judgment [was] indeed the only Respon-
dent” (Judgment, I.C.J. Reports 2007 (I) , p. 76, para. 77).
30. By a letter dated 15 May 2008, the Agent of Croatia referred to
Article 60 of the Constitutional Charter of Serbia and Montenegro and

to paragraphs 76 and 77 of the 2007 Judgment. Given those circum-
stances, the Agent of Croatia confirmed that the proceedings instituted
by Croatia on 2 July 1999 were “maintained against [the] Republic of
Serbia as Respondent”. He further noted that this conclusion was “with-
out prejudice to the potential responsibility of [the] Republic of Montene-

gro and the possibility of instituting separate proceedings against it”.

14 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (ARRÊT ) 422

tion et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-
et-Monténégro), laquelle avait été non seulement introduite mais aussi
plaidée au fond avant l’indépendance du Monténégro.
27. Par lettre en date du 22 juillet 2006, l’agent de la Serbie a précisé

que, selon son gouvernement, «il y a[vait] continuité entre la Serbie-et-
Monténégro et la République de Serbie (sur le fondement de l’article 60
de la charte constitutionnelle de la Serbie-et-Monténégro)». Il a fait
observer que l’entité qu’avait constituée la Serbie-et-Monténégro «a[vait]
été remplacée par deux Etats distincts, la Serbie d’une part, le Monténé-

gro d’autre part». Dans cette situation, son gouvernement considérait
que «c’[était] d’abord au demandeur qu’il incomb[ait] de prendre posi-
tion et de décider s’il souhait[ait] maintenir sa demande initiale visant à la
fois la Serbie et le Monténégro, ou procéder différemment».
28. Par lettre en date du 29 novembre 2006 adressée à la Cour, le pro-

cureur général du Monténégro, après avoir indiqué qu’il avait capacité
pour agir en tant que représentant légal du Monténégro, a appelé l’atten-
tion sur le fait que, à la suite du référendum tenu le 21 mai 2006 au Mon-
ténégro, l’Assemblée nationale du Monténégro avait proclamé l’indépen-
dance du Monténégro. Selon le procureur général, le Monténégro était

devenu un Etat indépendant doté d’une personnalité juridique internatio-
nale à part entière dans le cadre de ses frontières existantes. Il a ajouté:

«La question de la succession à la communauté étatique de Ser-
bie-et-Monténégro au regard du droit international est régie par
l’article 60 de la charte constitutionnelle, en vertu duquel le succes-
seur juridique à la communauté étatique de Serbie-et-Monténégro
est la République de Serbie, qui, en tant qu’Etat souverain, est l’Etat

continuateur s’agissant de toutes les obligations internationales et
l’Etat successeur au sein des organisations internationales.»

Le procureur général a conclu en indiquant: «Pour les motifs qui précè-
dent, la République du Monténégro ne peut donc pas avoir la qualité de
défendeur» dans le cadre du différend porté devant la Cour.
29. Le 26 février 2007, la Cour a rendu son arrêt en l’affaire relative à
l’Application de la convention pour la prévention et la répression du crime

de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro) , dans lequel
elle a décidé que la Serbie demeurait défenderesse en l’espèce et que, «à la
date du[dit] arrêt, elle constitu[ait], en vérité, l’unique défendeur» (arrêt,
C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 76, par. 77).
30. Par lettre en date du 15 mai 2008, l’agent de la Croatie s’est référé
à l’article 60 de la charte constitutionnelle de la Serbie-et-Monténégro

ainsi qu’aux paragraphes 76 et 77 de l’arrêt rendu en 2007 par la Cour.
Au vu de ces éléments, l’agent de la Croatie a confirmé que l’instance
introduite par la Croatie le 2 juillet 1999 «se poursui[vai]t à l’encontre de
la République de Serbie en tant que Partie défenderesse». Il a aussi pré-
cisé que cette conclusion s’entendait «sans préjudice de l’éventuelle res-

ponsabilité de la République du Monténégro et de la possibilité que soit
introduite une instance distincte contre celle-ci».

14423 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION JUDGMENT )

31. The Court observes that the facts and events on which the submis-
sions of Croatia on the merits are based occurred at a period of time

when Serbia and Montenegro were part of the same State.
32. The Court further notes that Serbia has accepted “continuity
between Serbia and Montenegro and the Republic of Serbia” (see para-
graph 27 above), and said that it would honour “its commitments deriv-
ing from international treaties concluded by Serbia and Montenegro”

(see paragraph 24 above), which would include commitments under the
Genocide Convention. Montenegro, on the other hand, is a new State
admitted as such to the United Nations. It does not continue the inter-
national legal personality of the State union of Serbia and Montenegro.

33. As in the case concerning Application of the Convention on the
Prevention and Punishment of the Crime of Genocide (Bosnia and Herze-
govina v. Serbia and Montenegro), the Court must recall the fundamen-
tal principle that no State may be subject to its jurisdiction without its

consent; as the Court observed in the case of Certain Phosphate Lands in
Nauru (Nauru v. Australia), the Court’s “jurisdiction depends on the
consent of States and, consequently, the Court may not compel a State to
appear before it . . .” (Preliminary Objections, Judgment, I.C.J. Reports

1992, p. 260, para. 53). The question whether in this case such consent
exists on the part of Serbia is one of the issues raised by the preliminary
objections, the subject of the present Judgment. Montenegro made clear
in its letter of 29 November 2006 (see paragraph 28 above) that it does
not give its consent to the jurisdiction of the Court over it for the pur-

poses of the present dispute. The events referred to above (see para-
graphs 23-25 and 32) clearly show that Montenegro does not continue
the legal personality of Serbia and Montenegro; it cannot therefore have
acquired,onthatbasis,thestatusofRespondentinthepresentcase.Further-

more, the Applicant did not in its letter of 15 May 2008 assert that Mon-
tenegro is still a party to the present case (see paragraph 30 above).

34. The Court therefore concludes that Serbia is the sole Respondent

in the case. The name of Serbia will thus be used when referring to the
Respondent, except when it follows from the historical context that ref-
erence has to be made to the FRY or to Serbia and Montenegro.

*
* *

II. GENERAL O VERVIEW OF THE ARGUMENTS OF THE PARTIES

35. In its Application dated 2 July 1999 the Government of Croatia,
referring to acts which occurred during the conflict that took place
between 1991 and 1995 in the territory of the former Socialist Federal
Republic of Yugoslavia (hereinafter the “SFRY”), contended that the
FRY had committed violations of the Genocide Convention. The Gov-

15 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (ARRÊT ) 423

31. La Cour observe que les faits et événements auxquels se rapportent
les conclusions de la Croatie au fond remontent à une époque où la Ser-
bie et le Monténégro faisaient partie du même Etat.

32. La Cour relève par ailleurs que la Serbie a reconnu la «continuité
entre la Serbie-et-Monténégro et la République de Serbie» (voir par. 27
ci-dessus) et indiqué qu’elle respecterait «les obligations découlant des
traités internationaux conclus par la Serbie-et-Monténégro» (voir par. 24
ci-dessus), ce qui comprendrait les obligations découlant de la convention

sur le génocide. Le Monténégro, en revanche, est un nouvel Etat qui a été
admis en tant que tel au sein de l’Organisation des Nations Unies. Il
n’assure pas la continuité de la personnalité juridique internationale de la
communauté étatique de Serbie-et-Monténégro.
33. Comme en l’affaire relative à l’Application de la convention pour la

prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine
c. Serbie-et-Monténégro) , la Cour doit rappeler le principe fondamental
selon lequel aucun Etat ne peut être soumis à sa juridiction sans y avoir
consenti; ainsi que la Cour l’a fait observer dans l’affaire de Certaines

terres à phosphates à Nauru (Nauru c. Australie) , «[s]a compétence
dépend ... du consentement des Etats et, par voie de conséquence, elle ne
saurait contraindre un Etat à se présenter devant elle...» (exceptions pré-
liminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1992 , p. 260, par. 53). Le point de savoir
si, en l’espèce, la Serbie a consenti à la compétence de la Cour est l’une

des questions soulevées par les exceptions préliminaires qui forment
l’objet du présent arrêt. Le Monténégro, quant à lui, a précisé dans sa
lettre du 29 novembre 2006 (voir par. 28 ci-dessus) qu’il ne consentait pas
à la compétence de la Cour à son égard aux fins du présent différend. Il
résulte clairement des événements relatés ci-dessus (voir par. 23-25 et 32)

que le Monténégro n’assure pas la continuité de la personnalité juridique
de la Serbie-et-Monténégro; il ne saurait donc, à ce titre, avoir acquis la
qualité de Partie défenderesse dans la présente instance. En outre, le
demandeur n’a pas, dans sa lettre du 15 mai 2008, prétendu que le Mon-
ténégro demeurait partie à la présente instance (voir par. 30 ci-dessus).

34. La Cour conclut donc que la Serbie est seule défenderesse en
l’espèce. L’appellation «Serbie» sera dès lors utilisée pour désigner le
défendeur, sauf lorsqu’il découle du contexte historique qu’il convient de
se référer à la RFY ou à la Serbie-et-Monténégro.

* * *

II. PRÉSENTATION GÉNÉRALE DE L ’ARGUMENTATION DES PARTIES

35. Dans sa requête en date du 2 juillet 1999, le Gouvernement de la
Croatie, se référant à des actes ayant eu lieu pendant le conflit qui s’est
déroulé entre 1991 et 1995 sur le territoire de l’ex-République fédérative
socialiste de Yougoslavie (dénommée ci-après la «RFSY»), a affirmé que

la RFY avait commis des violations de la convention sur le génocide. Le

15424 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION (JUDGMENT )

ernment of the FRY contested the admissibility of the Application as
well as the jurisdiction of the Court under Article IX of the Genocide
Convention on several grounds (see paragraphs 21 and 22 above).
The Court will now give a general overview of the arguments of the

Parties before presenting them in more detail when examining the differ-
ent preliminary objections raised by the Respondent.
36. With regard to the question which the Parties were invited by the
Court to address (see paragraph 16 above), that of the capacity of the
Respondent under Article 35 of the Statute to participate in the present

proceedings, the Respondent claimed that it did not have such capacity,
because, as the Court had confirmed in 2004 in the cases concerning
Legality of Use of Force, it was not a Member of the United Nations
until 1 November 2000 and therefore not party to the Statute at the time
of filing of the Application on 2 July 1999. Croatia, however, argued that

the FRY was a Member of the United Nations at the time of filing of the
Application and that even if that was not the case, the status of Serbia
within the United Nations in 1999 did not affect the present proceedings
as the Respondent became a Member of the United Nations in 2000 and
thereby validly gained capacity to take part in the present proceedings.

37. The Respondent raised a preliminary objection concerning the
jurisdiction of the Court on the basis of Article IX of the Genocide Con-
vention. In the Application, Croatia had maintained that both Parties

were bound by the Genocide Convention as successor States of the
SFRY. Serbia stated that the Court’s jurisdiction in the present case,
which was instituted on 2 July 1999, could not be based on Article IX of
the Genocide Convention, in view of the fact that the FRY did not
become bound by the Convention in any way before 10 June 2001, the

date at which its notification of accession to the Genocide Convention
became effective with a reservation regarding Article IX; thus Serbia had
never become bound by Article IX of the Convention.
38. Serbia also contended that Croatia’s Application was inadmissible
so far as it refers to acts or omissions prior to the FRY’s proclamation of

independence on 27 April 1992. It stated that acts or omissions which
took place before the FRY came into existence could not be attributed to
it. Croatia stated that although Serbia’s preliminary objection, as stated
in its final submission 2 (a), is presented as an objection to the admissi-
bility of the claim, in point of fact Serbia seemed to be arguing that the
Court had no jurisdiction ratione temporis over acts or events occurring

before 27 April 1992. In this regard, it referred to the Court’s Judgment
of 11 July 1996 in which the Court stated that there are no temporal limi-
tations to the application of the Genocide Convention and to its exercise
of jurisdiction under the said Convention, in the absence of reservations
to that effect (Application of the Convention on the Prevention and Pun-

ishment of the Crime of Genocide (Bosnia and Herzegovina v. Yugosla-
via), Preliminary Objections, Judgment, I.C.J. Reports 1996 (II) , p. 617,

16 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE ARRÊT ) 424

Gouvernement de la RFY a contesté la recevabilité de la requête ainsi
que la compétence de la Cour en vertu de l’article IX de la convention sur
le génocide et ce, sur plusieurs fondements (voir par. 21 et 22 ci-dessus).
La Cour exposera maintenant les arguments des Parties dans leurs

grandes lignes avant de les présenter de manière plus détaillée en exami-
nant les différentes exceptions préliminaires soulevées par le défendeur.
36. En ce qui concerne la question que la Cour a prié les Parties
d’examiner (voir par. 16 ci-dessus), à savoir celle de la capacité du
défendeur de participer à la présente instance en vertu de l’article 35 du

Statut, le défendeur a soutenu qu’il n’avait pas cette capacité dès lors
que, comme la Cour l’a confirmé en 2004 dans les affaires relatives à la
Licéité de l’emploi de la force , il n’était pas membre de l’Organisation
des Nations Unies avant le 1 er novembre 2000 et que, en conséquence, il
n’était pas partie au Statut à la date du dépôt de la requête, le 2 juillet

1999. La Croatie a cependant avancé que la RFY était Membre de
l’Organisation des Nations Unies à la date du dépôt de la requête et
que, même dans le cas contraire, le statut de la Serbie au sein de l’Orga-
nisation en 1999 n’avait aucune incidence sur la présente procédure, le
défendeur étant devenu Membre de l’Organisation des Nations Unies

en 2000 et ayant, dès lors, valablement acquis la capacité de participer à
l’instance.
37. Le défendeur a soulevé une exception préliminaire relative à la
compétence de la Cour en vertu de l’article IX de la convention sur le
génocide. Dans sa requête, la Croatie a soutenu que les deux Parties

étaient liées par la convention sur le génocide en tant qu’Etats successeurs
de la RFSY. La Serbie a avancé que la compétence de la Cour en la pré-
sente affaire, introduite le 2 juillet 1999, ne saurait être fondée sur l’ar-
ticle IX de la convention sur le génocide, au motif que la RFY n’avait en
aucune manière été liée par cet instrument avant le 10 juin 2001, date à

laquelle sa notification d’adhésion et la réserve à l’article IX dont elle est
assortie avaient pris effet; la Serbie n’aurait donc jamais été liée par ledit
article.
38. La Serbie a également soutenu que la requête de la Croatie était
irrecevable pour autant qu’elle se rapportait à des actes ou omissions

antérieurs à la proclamation de l’indépendance de la RFY le 27 avril
1992. Elle a déclaré que les actes ou omissions antérieurs à la naissance de
la RFY ne sauraient lui être attribués. La Croatie a indiqué que, bien que
l’exception préliminaire de la Serbie formulée à l’alinéa 2 a) des conclu-
sions finales de cette dernière ait été présentée comme une exception
d’irrecevabilité, la Serbie semblait en réalité soutenir que la Cour n’avait

pas compétence ratione temporis à l’égard d’actes ou d’événements anté-
rieurs au 27 avril 1992. A cet égard, la Croatie s’est référée à l’arrêt de la
Cour du 11 juillet 1996 dans lequel celle-ci a déclaré que, en l’absence de
toute réserve à cet effet, il n’existait pas de limitation temporelle à l’appli-
cation de la convention sur le génocide et à l’exercice de sa compétence

en vertu de ladite convention (Application de la convention pour la pré-
vention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. You-

16425 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION (JUDGMENT )

para. 34). During the oral pleadings, Serbia maintained the alternative
argument that the Court lacked jurisdiction ratione temporis for acts or
events that occurred before 27 April 1992, the date it came into existence,
on the grounds that this date was the earliest possible point in time at

which the FRY could have become bound by the Genocide Convention
(see paragraph 121 below).
39. Serbia maintained that Croatia’s submission 2 (a) in its Memorial
(paragraph 21 above) concerning the submission to trial of persons sus-
pected of having committed acts of genocide (including Slobodan Milo-

ševi´) was “inadmissible and moot”. Serbia contended that “[t]he crimes
ascribed to Mr. Miloševic ´ and others in relation to the territory of
Croatia include[d] crimes against humanity, breaches of the Geneva con-
ventions and violations of the laws or customs of war” but did not
include genocide. Croatia accepted that its submission 2 (a) was now

moot in respect of those persons who have been transferred to the ICTY,
including Mr. Miloševic ´. However, Croatia pointed out that a large
number of persons who are responsible for what Croatia considers to
constitute genocidal acts committed in its territory and who are claimed
to be within the jurisdiction of Serbia have still not been handed over to

the ICTY or to Croatia nor submitted to trial in Serbia.

40. Serbia asserted that Croatia’s submission 2 (b) in its Memorial
(paragraph 21 above), concerning missing persons, was “inadmissible

and moot”. Serbia maintained that this specific submission fell outside
the scope of the Genocide Convention and, in addition, had become
moot since the Government of the FRY had been co-operating with the
Government of Croatia since 1995 with a view to establishing the where-
abouts of Croatian citizens missing as a result of the armed conflict.

Croatia affirmed that its submission relating to the whereabouts of miss-
ing persons did fall within the scope of the Genocide Convention. It
maintained that Serbia had at its disposal information and document-
ation on a large number of missing persons. It added that a compromis-
sory clause providing for the Court’s jurisdiction — such as Article IX of

the Genocide Convention — over a dispute about the interpretation and
application of a treaty established the Court’s jurisdiction to award
appropriate remedies, and that the provision of information on the
whereabouts of missing persons was an appropriate remedy.

41. Serbia finally claimed that Croatia’s submission 2 (c) in its Memo-
rial (paragraph 21 above), concerning return of cultural property was
“inadmissible and moot”. According to Serbia, it is inadmissible because
jurisdiction with respect to alleged crimes of genocide cannot include
property claims regarding objects of art. Croatia considered that its claim

regarding the return of cultural property did fall within the scope of the
Genocide Convention. In Croatia’s view, it is recognized that genocide

17 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (ARRÊT ) 425

goslavie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1996 (II) , p. 617,
par. 34). A l’audience, la Serbie a soutenu à titre subsidiaire que la Cour
n’avait pas compétence ratione temporis pour connaître d’actes ou d’évé-
nements antérieurs au 27 avril 1992, date à laquelle elle a vu le jour, au

motif qu’il s’agit là de la date la plus ancienne à laquelle la RFY aurait
pu devenir liée par la convention sur le génocide (voir par. 121 ci-après).
39. La Serbie a affirmé que la demande formulée à l’alinéa 2 a) des
conclusions du mémoire de la Croatie (voir par. 21 ci-dessus), concernant
la traduction en justice des personnes (y compris Slobodan Miloševic ´)

soupçonnées d’avoir commis des actes de génocide, était «irrecevable et
sans objet». Elle a avancé que «[l]es crimes imputés à M. Miloševic ´, ainsi
qu’à d’autres, pour des faits ayant eu lieu sur le territoire croate, com-
prenaient des crimes contre l’humanité, des violations des conventions de
Genève et des violations du droit ou des coutumes de la guerre», mais

pas le génocide. La Croatie est convenue que la demande formulée à l’ali-
néa 2 a) de ses conclusions était désormais sans objet s’agissant des per-
sonnes qui avaient été transférées au TPIY, y compris M. Miloševic ´. Elle
a néanmoins fait observer qu’un grand nombre de personnes responsa-
bles de ce qu’elle considère comme constituant des actes de génocide

commis sur son territoire et relevant, selon elle, de la juridiction de la Ser-
bie n’avaient toujours pas été remises au TPIY ou à la Croatie, ni tra-
duites en justice en Serbie.
40. La Serbie a affirmé que la demande formulée à l’alinéa 2 b) des
conclusions du mémoire de la Croatie (voir par. 21 ci-dessus), concernant

les personnes portées disparues, était «irrecevable et sans objet». Elle a
soutenu que ce chef de conclusions n’entrait pas dans le champ d’applica-
tion de la convention sur le génocide et qu’il était, au surplus, devenu
sans objet puisque le Gouvernement de la RFY coopérait avec le Gou-
vernement de la Croatie depuis 1995 aux fins d’établir ce qu’il était

advenu des citoyens croates portés disparus par suite du conflit armé. La
Croatie a affirmé que sa demande relative au sort des personnes dispa-
rues entrait incontestablement dans le champ de la convention sur le
génocide. Elle a soutenu que la Serbie disposait d’informations et de
documents concernant un grand nombre de personnes portées disparues.

Elle a ajouté qu’une clause compromissoire — tel l’article IX de la
convention sur le génocide — prévoyant la compétence de la Cour pour
connaître d’un différend relatif à l’interprétation et à l’application d’un
traité lui conférait compétence pour accorder les remèdes appropriés, et
que la communication de renseignements sur le sort des personnes por-
tées disparues constituait une réparation appropriée.

41. La Serbie a enfin allégué que la demande formulée à l’alinéa 2 c)
des conclusions du mémoire de la Croatie (voir par. 21 ci-dessus), concer-
nant la restitution des biens culturels, était «irrecevable et sans objet».
Selon elle, cette demande est irrecevable en ce que la compétence à
l’égard de prétendus crimes de génocide ne peut s’étendre à des demandes

de restitution d’objets d’art. La Croatie a estimé que sa demande tendant
à la restitution de biens culturels entrait dans le champ de la convention

17426 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION (JUDGMENT )

may not only be committed through physical destruction of a group but
also through destruction of a group’s cultural identity.

42. The Court will examine these arguments in turn. It will first exam-
ine the question of the capacity of Serbia to take part in the present
proceedings and will for this purpose briefly recall the series of events relat-

ing to the status, at successive periods, of the SFRY, the FRY and Serbia
in relation to the United Nations.

*
* *

III. RIEF H ISTORY OF THE STATUS OF THE FRY WITH
R EGARD TO THE UNITED N ATIONS

43. In the early 1990s the SFRY, a founding Member State of the

United Nations, comprised of Bosnia and Herzegovina, Croatia, Mace-
donia, Montenegro, Serbia and Slovenia, began to disintegrate. On
25 June 1991 Croatia and Slovenia both declared independence, followed
by Macedonia on 17 September 1991 and Bosnia and Herzegovina on

6 March 1992. On 22 May 1992, Bosnia and Herzegovina, Croatia and
Slovenia were admitted as Members to the United Nations, as was the
former Yugoslav Republic of Macedonia on 8 April 1993.

44. On 27 April 1992, “the participants of the joint session of the
SFRY Assembly, the National Assembly of the Republic of Serbia and
the Assembly of the Republic of Montenegro” adopted a declaration

stating in particular:
.“...........................

1. The Federal Republic of Yugoslavia, continuing the state, inter-
national legal and political personality of the Socialist Federal
Republic of Yugoslavia, shall strictly abide by all the commitments

that the SFR of Yugoslavia assumed internationally,

.............................
Remaining bound by all obligations to international organizations

and institutions whose member it is . . .” (United Nations doc.
A/46/915, Ann. II.)

On the same date, the Permanent Mission of Yugoslavia to the United
Nations sent a Note with a similar wording to the Secretary-General (see
paragraph 99 below).
45. On 19 September 1992, the Security Council adopted resolu-

tion 777 (1992), in which it considered that “the Federal Republic of
Yugoslavia (Serbia and Montenegro) cannot continue automatically the
membership of the former Socialist Federal Republic of Yugoslavia in

18 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (ARRÊT ) 426

sur le génocide. Selon elle, il est admis que le génocide peut résulter non
seulement de la destruction physique d’un groupe mais aussi de la des-

truction de l’identité culturelle de celui-ci.
42. La Cour examinera ces arguments tour à tour. Elle s’intéressera
tout d’abord à la question de savoir si la Serbie a la capacité de participer
à la présente instance et rappellera brièvement à cette fin la succession des

événements relatifs, d’une période à l’autre, au statut de la RFSY, de la
RFY et de la Serbie vis-à-vis de l’Organisation des Nations Unies.

*
* *

III. BREF HISTORIQUE DU STATUT DE LA RFY VIS-À-VIS
DE L ’ORGANISATION DES N ATIONS U NIES

43. Au début des années quatre-vingt-dix, la RFSY, Etat Membre ori-

ginaire de l’Organisation des Nations Unies constitué de la Bosnie-
Herzégovine, de la Croatie, de la Macédoine, du Monténégro, de la Ser-
bie et de la Slovénie, commença à se désintégrer. Le 25 juin 1991, la
Croatie et la Slovénie déclarèrent l’une et l’autre leur indépendance, sui-

vies par la Macédoine le 17 septembre 1991 et par la Bosnie-Herzégovine
le 6 mars 1992. Le 22 mai 1992, la Bosnie-Herzégovine, la Croatie et la
Slovénie furent admises en qualité de Membres à l’Organisation des
Nations Unies. Il en fut de même le 8 avril 1993 pour l’ex-République

yougoslave de Macédoine.
44. Le 27 avril 1992, les «participants à la session commune de l’Assem-
blée de la RFSY, de l’Assemblée nationale de la République de Serbie et
de l’Assemblée de la République du Monténégro» adoptèrent une décla-

ration dans laquelle il était notamment indiqué:
.«...........................

1. La République fédérale de Yougoslavie, assurant la continuité
de l’Etat et de la personnalité juridique et politique internationale de
la République fédérative socialiste de Yougoslavie, respectera stric-

tement tous les engagements que la République fédérative socialiste
de Yougoslavie a pris à l’échelon international,
.............................
Restant liée par toutes ses obligations vis-à-vis des organisations

et institutions internationales auxquelles elle appartient...» (Nations
Unies, doc. A/46/915, annexe II.)

Le même jour, la mission permanente de la Yougoslavie auprès de
l’Organisation des Nations Unies adressa au Secrétaire général une note
dont le libellé était similaire (voir par. 99 ci-après).
45. Le 19 septembre 1992, le Conseil de sécurité adopta la réso-

lution 777 (1992), dans laquelle il considérait que «la République fédé-
rative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) ne p[ouvait] pas assurer
automatiquement la continuité de la qualité de Membre de l’ancienne

18427 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION (JUDGMENT )

the United Nations”; it further recommended to the General Assembly
that it “decide that the FRY (Serbia and Montenegro) should apply for
membership in the United Nations and that it shall not participate in the
work of the General Assembly”.

46. On the recommendation of the Security Council, stated in its reso-
lution 777 (1992), the General Assembly adopted resolution 47/1, on
22 September 1992, whereby it was decided that the FRY should apply
for membership in the United Nations and that it should not participate

in the work of the General Assembly.
47. On 25 September 1992, the Permanent Representatives of Bosnia
and Herzegovina and Croatia addressed a letter to the Secretary-General,
in which, with reference to Security Council resolution 777 (1992) and
General Assembly resolution 47/1, they stated their understanding as fol-

lows: “At this moment, there is no doubt that the Socialist Federal
Republic of Yugoslavia is not a member of the United Nations any more.
At the same time, the Federal Republic of Yugoslavia is clearly not yet a
member.” They “request[ed] that [the Secretary-General] provide a legal
explanatory statement concerning the questions raised” (United Nations

doc. A/47/474).
48. In response, on 29 September 1992, the Under-Secretary-General
and Legal Counsel of the United Nations addressed a letter to the Per-
manent Representatives of Bosnia and Herzegovina and Croatia, in
which he stated, in substance, that “the only practical consequence” of

resolution 47/1 was to prohibit the FRY from participating in the work
of the General Assembly, but that it “neither terminates nor suspends
Yugoslavia’s membership in the Organization”. He added that the situa-
tion thus created would be terminated by “[t]he admission to the United
Nations of a new Yugoslavia” (see United Nations doc. A/47/485).

49. Considering this sequence of events, the Court in its Judgments of
15 December 2004 in the cases concerning the Legality of Use of Force,
observed that

“all these events testify to the rather confused and complex state of
affairs that obtained within the United Nations surrounding the
issue of the legal status of the Federal Republic of Yugoslavia in the
Organization during this period” (Legality of Use of Force (Serbia
and Montenegro v. Belgium), Preliminary Objections, Judgment,

I.C.J. Reports 2004 (I), p. 308, para. 73);
and earlier the Court, in another context, had referred to the “sui generis

position which the FRY found itself in” during the period between 1992
to 2000 (ibid., citing I.C.J. Reports 2003, p. 31, para. 71).
50. This position, however, came to an end with a new development in
2000. On 27 October 2000, Mr. Koštunica, the newly elected President of
the FRY, sent a letter to the Secretary-General requesting admission of

the FRY to membership in the United Nations.
51. On 1 November 2000, the General Assembly, by resolution 55/12,

19 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (ARRÊT ) 427

République fédérative socialiste de Yougoslavie aux Nations Unies»; par
ailleurs, il recommandait à l’Assemblée générale «de décider que la
République fédérative de Yougoslavie (Serbie et Monténégro) dev[ait]
présenter une demande d’adhésion aux Nations Unies et qu’elle ne

participera[it] pas aux travaux de l’Assemblée générale».
46. Sur la recommandation formulée par le Conseil de sécurité dans sa
résolution 777 (1992), l’Assemblée générale adopta le 22 septembre 1992
sa résolution 47/1, par laquelle il fut décidé que la RFY devrait présenter
une demande d’admission à l’Organisation des Nations Unies et ne par-

ticiperait pas aux travaux de l’Assemblée générale.
47. Le 25 septembre 1992, les représentants permanents de la Bosnie-
Herzégovine et de la Croatie adressèrent une lettre au Secrétaire général
dans laquelle, se référant à la résolution 777 (1992) du Conseil de sécurité
et à la résolution 47/1 de l’Assemblée générale, ils exprimaient le point de

vue commun suivant: «Il est actuellement incontestable que la Répu-
blique fédérative socialiste de Yougoslavie n’est plus membre de l’Orga-
nisation des Nations Unies. D’autre part, il est clair que la République
fédérative de Yougoslavie n’est pas encore membre.» Ils priaient le Secré-
taire général de «bien vouloir [leur] donner une explication juridique au

sujet des questions soulevées plus haut» (Nations Unies, doc. A/47/474).
48. En réponse, le Secrétaire général adjoint, conseiller juridique de
l’Organisation, adressa le 29 septembre 1992 aux représentants perma-
nents de la Bosnie-Herzégovine et de la Croatie une lettre dans laquelle il
affirmait, en substance, que l’«unique conséquence pratique» de la réso-

lution 47/1 était d’interdire à la RFY de participer aux travaux de
l’Assemblée générale, mais qu’elle ne «met[tait] pas fin à l’appartenance
de la Yougoslavie à l’Organisation». Il ajoutait que la situation ainsi
créée prendrait fin avec «l’admission à l’Organisation des Nations Unies
d’une nouvelle Yougoslavie» (voir Nations Unies, doc. A/47/485).

49. Au vu de cette suite d’événements, la Cour a, dans ses arrêts ren-
dus le 15 décembre 2004 dans les affaires relatives à la Licéité de l’emploi
de la force, relevé que

«tous ces éléments attestent l’assez grande confusion et complexité
de la situation qui prévalait aux Nations Unies autour de la question
du statut juridique de la République fédérale de Yougoslavie au sein
de l’Organisation pendant cette période» (Licéité de l’emploi de la
force (Serbie-et-Monténégro c. Belgique), exceptions préliminaires,

arrêt, C.I.J. Recueil 2004 (I) , p. 308, par. 73);
elle a auparavant, dans un autre contexte, évoqué «la situation sui gene-

ris dans laquelle se trouvait la RFY» pendant la période 1992-2000 (ibid.,
citant C.I.J. Recueil 2003, p. 31, par. 71).
50. Toutefois, en 2000, une nouvelle évolution marqua la fin de cette
situation. Le 27 octobre 2000, M. Koštunica, qui venait d’être élu prési-
dent de la RFY, adressa au Secrétaire général une lettre demandant

l’admissionere la RFY à l’Organisation des Nations Unies.
51. Le 1 novembre 2000, l’Assemblée générale, par sa résolution 55/

19428 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION (JUDGMENT )

“[h]aving received the recommendation of the Security Council of
31 October 2000” and “[h]aving considered the application for member-

ship of the Federal Republic of Yugoslavia”, decided to “admit the Fed-
eral Republic of Yugoslavia to membership in the United Nations”.

*
* *

IV. R ELEVANCE OF PREVIOUS D ECISIONS OF THE C OURT

52. Central to the present proceedings is the question of the status and
position of the State known at the time of the filing of the Application as
the FRY, in relation to the Statute of the Court and to the Genocide Con-
vention. That question has been in issue in a number of previous decisions
of the Court. In the case concerningApplication of the Convention on the

Prevention and Punishment of the Crime of Genocide (Bosnia and Herze-
govina v. Serbia and Montenegro), there were two decisions on requests
for the indication of provisional measures (Orders of 8 April and 13 Sep-
tember 1993), a decision on preliminary objections (Judgment of 11 July

1996) and a decision on the merits (Judgment of 26 February 2007). In the
case concerning Application for Revision of the Judgment of 11 July 1996
in the Case concerning Application of the Convention on the Prevention
and Punishment of the Crime of Genocide (Bosnia and Herzegovinav.
Yugoslavia), Preliminary Objections (Yugoslavia v. Bosnia and Herze-

govina), the Court delivered a Judgment on 3 February 2003. In the set of
cases concerning theLegality of Use of Force brought by the FRY against
ten Member States of the North Atlantic Treaty Organization the Court
rendered Judgments in eight of those cases on 15 December 2004 uphold-

ing preliminary objections on the ground of a lack of capacity on the part
of the Applicant to appear before the Court. Both Parties to the present
case have cited these various decisions in support of their respective con-
tentions. It may be convenient at the outset for the Court to indicate to

what extent it considers that these decisions may have weight for the pur-
pose of deciding the matters now before it.
53. While some of the facts and the legal issues dealt with in those
cases arise also in the present case, none of those decisions were given in
proceedings between the two Parties to the present case (Croatia and Ser-

bia), so that, as the Parties recognize, no question of res judicata arises
(Article 59 of the Statute of the Court). To the extent that the decisions
contain findings of law, the Court will treat them as it treats all previous
decisions: that is to say that, while those decisions are in no way binding

on the Court, it will not depart from its settled jurisprudence unless it
finds very particular reasons to do so. As the Court has observed in the
case concerning the Land and Maritime Boundary between Cameroon
and Nigeria (Cameroon v. Nigeria: Equatorial Guinea intervening) , while
“[t]here can be no question of holding [a State] to decisions reached by

20 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (ARRÊT ) 428

12, «[a]yant examiné la recommandation du Conseil de sécurité en date
du 31 octobre 2000» et «[a]yant examiné la demande d’admission pré-
sentée par la République fédérale de Yougoslavie», décida «d’admettre

la République fédérale de Yougoslavie à l’Organisation des Nations
Unies».

*
* *

IV. P ERTINENCE DES DÉCISIONS ANTÉRIEURES DE LA C OUR

52. En la présente instance, la question essentielle qui se pose est celle
du statut et de la situation, à l’égard du Statut de la Cour et de la conven-

tion sur le génocide, de l’Etat connu sous le nom de RFY à l’époque du
dépôt de la requête. Cette question a été abordée dans plusieurs décisions
antérieures de la Cour. En l’affaire relative à l’Application de la conven-
tion pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-

Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro) , la Cour s’est prononcée sur deux
demandes en indication de mesures conservatoires (ordonnances du 8 avril
et du 13 septembre 1993), sur des exceptions préliminaires (arrêt du
11 juillet 1996), et elle a rendu une décision au fond (arrêt du 26 février
2007). En l’affaire de la Demande en revision de l’arrêt du 11 juillet 1996

en l’affaire relative à l’Application de la convention pour la prévention et
la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Yougoslavie),
exceptions préliminaires (Yougoslavie c. Bosnie-Herzégovine) , la Cour a
rendu un arrêt le 3 février 2003. Dans le cadre des affaires relatives à la
Licéité de l’emploi de la force introduites par la RFY contre dix Etats

membres de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord, la Cour a,
dans les arrêts qu’elle a rendus le 15 décembre 2004 dans huit de ces
affaires, retenu les exceptions préliminaires qui avaient été soulevées
au motif que le demandeur n’avait pas la capacité d’ester devant elle. Les
Parties à la présente espèce ont cité ces décisions à l’appui de leurs thèses

respectives. Aussi peut-il être utile que la Cour précise d’emblée dans
quelle mesure elle estime que cette jurisprudence est pertinente aux fins
de trancher les questions dont elle est saisie.
53. Bien que certaines des questions de fait et de droit examinées dans

lesdites affaires se posent aussi en la présente espèce, aucune de ces déci-
sions n’a été rendue dans une affaire opposant les Parties à la présente ins-
tance (la Croatie et la Serbie), de sorte que, ainsi qu’elles le reconnaissent
elles-mêmes, la question de l’autorité de la chose jugée ne se pose pas (ar-
ticle 59 du Statut de la Cour). Pour autant que les décisions en question

contiennent des conclusions de droit, la Cour en tiendra compte, comme
elle le fait habituellement de sa jurisprudence; autrement dit, quoique ces
décisions ne s’imposent pas à la Cour, celle-ci ne s’écartera pas de sa juris-
prudence établie, sauf si elle estime avoir pour cela des raisons très parti-
culières. Ainsi que la Cour l’a précisé dans l’affaire de laFrontière terrestre

et maritime entre le Cameroun et le Nigéria (Cameroun c. Nigéria; Guinée

20429 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION (JUDGMENT )

the Court in previous cases” which do not have binding effect for that
State, in such circumstances “[t]he real question is whether, in [the cur-

rent] case, there is cause not to follow the reasoning and conclusions of
earlier cases” (Preliminary Objections, Judgment, I.C.J. Reports 1998 ,
p. 292, para. 28).

54. Furthermore, here the Parties are not merely citing previous deci-

sions of the Court which might be regarded as precedents to be followed
in comparable cases. The previous decisions cited here referred to the
question of the status of a particular State, the FRY, in relation to the
United Nations and to the Statute of the Court; and it is that same ques-

tion in relation to that same State that requires to be examined in the
present proceedings at the instance, this time, of Croatia. It would
require compelling reasons for the Court to depart from the conclusions
reached in those previous decisions.
55. The Court will consequently bear in mind that in the proceedings

in the course of which the above-cited Judgments and Orders were ren-
dered (see paragraph 52 above), it was not the contention either of Bos-
nia and Herzegovina or, until 2002, of the FRY that the FRY was not a
Member of the United Nations (and thus was not a party to the Statute),

or that it was not a party to the Genocide Convention. It was only when
the FRY, abandoning its claim to continue the United Nations member-
ship of the SFRY, was admitted to the United Nations in 2000 that it
advanced the opposite view, initially in its Written Statement, filed on
20 December 2002, on the Preliminary Objections submitted in the Legal-

ity of Use of Force cases. It was not until the written and oral proceed-
ings in those cases that the Court heard an exchange of full argument
between the parties on these points. The Court will consider in the
present Judgment the grounds adopted for the conclusion to which it

came, in those decisions, as regards the status of the Respondent.

56. There have also been suggestions in argument by Croatia before
the Court that the previous cases mentioned above are relevant as show-

ing, in particular, that Serbia as a party to those cases initially adopted
and put forward a legal position from which it cannot now resile for pur-
poses of the present case. This contention relates only to the question of
the legal consequences to be drawn from the conduct of this State, and
not strictly speaking to the effect or relevance of the above-cited case law.

* * *

V. P RELIMINARY O BJECTION TO THE JURISDICTION OF THE C OURT

(1) Issues of capacity to be a party to the proceedings

57. The first question to be addressed by the Court when examining
the Respondent’s first preliminary objection is whether the Parties in the

21 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (ARRÊT ) 429

équatoriale (intervenant)), «[i]l ne saurait être question d’opposer [à un
Etat] les décisions prises par la Cour dans des affaires antérieures», les-
quelles n’ont aucun effet obligatoire pour lui, mais «[l]a question est en

réalité de savoir si, dans la présente espèce, il existe pour la Cour des rai-
sons de s’écarter des motifs et des conclusions adoptés dans ces précé-
dents» (exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1998, p. 292, par. 28).
54. En outre, les Parties n’invoquent pas simplement en l’espèce des dé-
cisions antérieures de la Cour qui pourraient être considérées comme des

précédents à suivre dans des cas comparables. Les décisions antérieures
ici invoquées répondaient à la question du statut d’un Etat particulier,
à savoir la RFY, vis-à-vis de l’Organisation des Nations Unies et du Sta-
tut de la Cour; or, c’est cette même question, concernant ce même Etat,
que la Cour est appelée à examiner en la présente espèce, cette fois à la

demande de la Croatie. Seules des raisons impérieuses pourraient conduire
la Cour à s’écarter des solutions retenues dans ces décisions antérieures.
55. En conséquence, la Cour gardera à l’esprit que, dans les affaires
dans lesquelles les arrêts et ordonnances susmentionnés ont été rendus

(voir par. 52 ci-dessus), ni la Bosnie-Herzégovine ni, jusqu’en 2002, la
RFY n’ont soutenu que cette dernière n’était pas membre de l’Organisa-
tion des Nations Unies (ni donc partie au Statut) ou qu’elle n’était pas
partie à la convention sur le génocide. C’est seulement lorsque la RFY,
qui avait renoncé à la thèse selon laquelle elle assurait la continuité de la

qualité de Membre de la RFSY à l’Organisation des Nations Unies, fut
admise à l’Organisation en 2000 qu’elle soutint la thèse opposée, comme
elle le fit initialement dans son exposé écrit sur les exceptions prélimi-
naires déposé le 20 décembre 2002 dans les affaires relatives à la Licéité
de l’emploi de la force. Ce n’est que lors de la procédure écrite et de la

procédure orale dans ces affaires que la Cour a pu prendre connaissance
de l’ensemble des arguments des parties sur ces questions. La Cour exa-
minera, dans le présent arrêt, les motifs qu’elle a retenus pour statuer,
dans ces décisions, sur le statut du défendeur.
56. La Croatie a également soutenu devant la Cour que les affaires

susmentionnées sont pertinentes en ce qu’elles montrent, notamment, que
la Serbie, qui y était partie, a adopté et défendu initialement une position
juridique à laquelle elle ne saurait aujourd’hui renoncer aux fins de la pré-
sente espèce. Cet argument n’a trait qu’à la question des conséquences

juridiques qui doivent être tirées du comportement de cet Etat, et non pas
à proprement parler à l’effet ou à la pertinence de la jurisprudence précitée.

* * *

V. E XCEPTION PRÉLIMINAIRE À LA COMPÉTENCE DE LA C OUR

1) Questions liées à la capacité d’être partie à la procédure

57. La première question que la Cour doit aborder, en examinant la

première exception préliminaire soulevée par le défendeur, est celle de

21430 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION JUDGMENT )

present case satisfy the general conditions, under Articles 34 and 35 of
the Statute, for capacity to participate in proceedings before the Court.

58. It should be recalled in this regard that, under Article 34, para-

graph 1, of the Statute, “[o]nly States may be parties in cases before the
Court”. Article 35, paragraph 1, moreover lays down that “[t]he Court
shall be open to the States parties to the present Statute”. The latter pro-
vision is to be understood in the light of Article 93 of the Charter of the
United Nations; paragraph 1 of that Article states that “[a]ll Members of

the United Nations are ipso facto parties to the Statute of the Interna-
tional Court of Justice”, but provision is made in paragraph 2 by way of
exception for cases in which a State not a Member of the United Nations
may become a party to the Statute of the Court. In respect of States
which are not parties to the Statute of the Court, as Members of the

United Nations or otherwise, the position is governed by Article 35,
paragraph 2, of the Statute. That paragraph on the one hand empowers
the Security Council to lay down the conditions under which the Court
shall be open to such States and on the other contains a reservation for
“special provisions contained in treaties in force”. Pursuant to the author-

ity thus conferred upon it, the Security Council adopted resolution 9
(1946) of 15 October 1946, providing in substance that the Court shall be
open to any State not a party to the Statute which has previously depos-
ited a declaration, either in respect of one or more particular matters or
with a more general ambit, whereby the State undertakes to accept the

jurisdiction of the Court in accordance with the Charter and to comply in
good faith with the decisions of the Court.
59. It is neither disputed nor disputable in the present case that both
Parties satisfy the condition laid down in Article 34 of the Statute:
Croatia and Serbia are States for purposes of Article 34, paragraph 1.

60. It is not disputed nor is it open to doubt that, at the date it filed its
Application, 2 July 1999, Croatia satisfied a condition under Article 35 of
the Statute sufficient for the Court to be “open” to it: at that date it was
a Member of the United Nations and, as such, therefore a party to the

Statute of the Court.
61. On the other hand the Parties disagreed whether Serbia satisfies,
for the purposes of the present case, the conditions under Article 35,
paragraph 1 or paragraph 2, of the Statute and whether, in view of the
foregoing, it has capacity to participate in the present proceedings before
the Court.

62. Reduced to their essentials, the Parties’ positions on this point may
be described as follows.
63. The Respondent contends that it was not a Member of the United
Nations at the date the Application was filed and thus was not a party to
the Statute of the Court on this basis — or on any other. The Court was

therefore not “open” to it within the meaning of Article 35, paragraph 1,
of the Statute, which should be applied as of the date of filing of the

22 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE ARRÊT ) 430

savoir si les Parties à la présente affaire remplissent les conditions géné-
rales auxquelles les articles 34 et 35 du Statut subordonnent la capacité de
participer à une procédure devant la Cour.
58. Il convient de rappeler à cet égard que, selon le paragraphe 1 de

l’article 34 du Statut, «[s]euls les Etats ont qualité pour se présenter
devant la Cour». En outre, le paragraphe 1 de l’article 35 dispose que
«[l]a Cour est ouverte aux Etats parties au présent Statut». Cette dernière
disposition doit se comprendre à la lumière de l’article 93 de la Charte
des Nations Unies, dont le paragraphe 1 dispose que «[t]ous les Membres

des Nations Unies sont ipso facto parties au Statut de la Cour interna-
tionale de Justice», cependant que son paragraphe 2 permet à titre excep-
tionnel à des Etats non membres des Nations Unies de devenir parties au
Statut de la Cour. Quant aux Etats qui ne sont pas parties au Statut de la
Cour, ni en vertu de la qualité de Membre des Nations Unies ni autre-

ment, leur cas est réglé par le paragraphe 2 de l’article 35 du Statut. Ledit
paragraphe 2, d’une part, habilite le Conseil de sécurité à définir les
conditions auxquelles la Cour est ouverte à de tels Etats, et, d’autre part,
réserve les «dispositions particulières des traités en vigueur». Sur la base
de l’habilitation qui lui a été ainsi conférée, le Conseil de sécurité a

adopté la résolution 9 (1946) du 15 octobre 1946, qui prévoit, en sub-
stance, que la Cour est ouverte à tout Etat non partie au Statut qui aura
préalablement déposé une déclaration, soit pour une ou des affaires par-
ticulières soit pour un objet plus général, par laquelle il s’engage à accep-
ter la juridiction de la Cour conformément à la Charte et à exécuter de

bonne foi les décisions de la Cour.

59. Dans la présente affaire, il n’est pas contesté, et il ne fait aucun
doute, que les deux Parties remplissent la condition posée à l’article 34 du
Statut: la Croatie et la Serbie sont des Etats aux fins du paragraphe 1 de

l’article 34.
60. Il n’est ni contesté ni contestable que la Croatie remplissait à la
date de l’introduction de sa requête, le 2 juillet 1999, une condition suf-
fisante, aux termes de l’article 35 du Statut, pour que la Cour lui soit
«ouverte»: elle était, à cette date, Membre des Nations Unies et donc, à

ce titre, partie au Statut de la Cour.
61. En revanche, les Parties sont en désaccord sur la question de savoir
si la Serbie satisfait, aux fins de la présente affaire, aux conditions de
l’article 35 du Statut, dans son paragraphe 1 ou dans son paragraphe 2, et
si elle a, eu égard à ce qui précède, qualité pour participer à la présente
procédure devant la Cour.

62. Si on les résume de manière à en retenir les données essentielles, les
positions des Parties se présentent à cet égard de la manière suivante.
63. Selon le défendeur, il n’était pas, à la date de l’introduction de la
requête, membre des Nations Unies, et par suite il n’était pas à ce titre
— ni à aucun autre titre — partie au Statut de la Cour. La Cour ne lui

était donc pas «ouverte» au sens du paragraphe 1 de l’article 35 du Sta-
tut, dont il convient de faire application en se plaçant à la date de l’intro-

22431 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION (JUDGMENT )

Application, not any later date; accordingly, the fact that it later became
a party to the Statute of the Court — in 2000, as a result of its admission
to the United Nations — is irrelevant.

The Respondent further maintains that the Genocide Convention is
not one of the “treaties in force” referred to in the proviso in Article 35,
paragraph 2, since this term embraces only treaties in force at the date on
which the Statute itself entered into force, as the Court recognized in its
2004 Judgments in the cases concerning Legality of Use of Force.I ti

moreover a fact that the Respondent has not made any declaration of the
kind contemplated by Security Council resolution 9 (1946). Consequently,
the Respondent argues, the Court is not “open” to it pursuant to Arti-
cle 35, paragraph 2, either.
Finally, the Respondent contends that the same result obtains where

the party failing to fulfil any of the conditions set out in Article 35 of the
Statute in a particular case is the respondent as where that party is the
applicant: that is to say that the Court is precluded from exercising juris-
diction over the dispute between the two parties.

64. The Applicant in the present case contests these arguments, its
contention being essentially as follows.
First, the Respondent had in 1999 a status vis-à-vis the United Nations
that was sui generis, such that, albeit not a full-fledged Member, it
remained a party to the Statute of the Court and therefore had access to

it pursuant to Article 35, paragraph 1, of the Statute.
The Applicant further contends that even assuming that the Respond-
ent was not a party to the Statute when the proceedings were initiated, it
undoubtedly became one as from 1 November 2000, when it was admit-
ted to the United Nations, and is therefore now, a party, and that is

sufficient to enable the Court to exercise jurisdiction over it. In this connec-
tion the Applicant cites the jurisprudence deriving from the 1924 Judg-
ment in the case concerning Mavrommatis Palestine Concessions (Judg-
ment No. 2, 1924, P.C.I.J., Series A, No. 2 , p. 34). It also points out that
its Memorial was filed on 1 March 2001, after the Respondent had been

admitted to the United Nations, at a date when no objection to the insti-
tution of new proceedings could have been based on Article 35.

Finally, and again in the alternative, even if the Court were to consider
that it is not “open” to the Respondent under Article 35, paragraph 1,
of the Statute, it should hold that it is open under paragraph 2 of that

Article. The Applicant maintains that the Genocide Convention is a
“treaty in force” for purposes of Article 35, paragraph 2, making it pos-
sible for access to the Court to be given to States not parties to the
Statute. The Applicant is well aware that the Court took the opposite posi-
tion in its Judgments in 2004 in the Legality of Use of Force cases: it

nevertheless asks the Court to reconsider, and modify the interpretation
it then gave of the Statute provision in question, i.e., that “treaties in

23 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (ARRÊT ) 431

duction de la requête et non à une quelconque date postérieure, si bien
que la circonstance qu’il soit devenu postérieurement — en 2000, par

suite de son admission aux Nations Unies — partie au Statut de la Cour
est dépourvue de pertinence.
En outre, toujours selon le défendeur, la convention sur le génocide ne
constitue pas un «traité en vigueur» visé par la réserve du paragraphe 2
de l’article 35, cette notion ne s’appliquant qu’à des traités en vigueur à la

date d’entrée en vigueur du Statut lui-même, comme la Cour l’a reconnu
dans ses arrêts de 2004 rendus dans les affaires relatives à la Licéité de
l’emploi de la force. Il est par ailleurs constant que le défendeur n’a sous-
crit aucune déclaration de la nature de celle prévue par la résolution 9

(1946) du Conseil de sécurité. En conséquence, la Cour ne lui est pas non
plus «ouverte», selon lui, en vertu du paragraphe 2 de l’article 35.
Enfin, le défendeur soutient que si, dans un différend déterminé, la par-
tie défenderesse ne remplit aucune des conditions mentionnées à l’ar-
ticle 35 du Statut, il en résulte la même conséquence que dans le cas où

c’est la partie demanderesse qui ne remplit pas lesdites conditions, à
savoir que la Cour est empêchée d’exercer sa compétence à l’égard du dif-
férend opposant ces deux parties.
64. Le demandeur en l’affaire combat les arguments précédents, en fai-

sant valoir, en substance, les raisons suivantes.
Tout d’abord, le défendeur avait en 1999 un statut sui generis à l’égard
des Nations Unies tel que, même s’il n’en était pas membre de plein exer-
cice, il demeurait partie au Statut de la Cour et avait donc accès à celle-ci
en vertu du paragraphe 1 de l’article 35 du Statut.

Ensuite, toujours selon le demandeur, en admettant même que le
défendeur ne fût pas partie au Statut à la date de l’introduction de l’ins-
tance, il l’est devenu sans nul doute au moins depuis le 1 er novembre
2000, date de son admission aux Nations Unies, et il l’est donc à l’heure

actuelle. Cela suffit pour que la Cour puisse exercer à son égard sa com-
pétence. Le demandeur cite à cet égard la jurisprudence issue de l’arrêt
rendu en l’affaire des Concessions Mavrommatis en Palestine en 1924
(arrêt n 2, 1924, C.P.J.I. série A n 2, p. 34). Il relève également que son
er
mémoire a été déposé le 1 mars 2001, soit postérieurement à l’admission
du défendeur aux Nations Unies, à une date à laquelle l’introduction
d’une nouvelle instance ne se serait heurtée à aucune objection au regard
de l’article 35.
Enfin, et encore subsidiairement, même si la Cour devait considérer

qu’elle n’est pas «ouverte» au défendeur en vertu du paragraphe 1 de l’ar-
ticle 35 du Statut, elle devrait juger qu’elle l’est en vertu du paragraphe 2
du même article. Le demandeur soutient en effet que la convention sur
le génocide constitue un «traité en vigueur» au sens du paragraphe 2

de l’article 35 permettant de donner accès à la Cour à un Etat non partie
au Statut. Le demandeur n’ignore pas que, dans ses arrêts de 2004 rendus
dans les affaires relatives à la Licéité de l’emploi de la force , la Cour a
adopté la position inverse; il demande cependant à la Cour de réexami-
ner, et de modifier, l’interprétation qu’elle a donnée à cette occasion de la

23432 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION JUDGMENT )

force” did not embrace treaties dating from after the entry into force of
the Statute.

65. Before proceeding with a more detailed analysis and examination

of the Parties’ arguments briefly summarized immediately above, the
Court feels that it should make a number of preliminary observations at
this point. Most of them are drawn from decisions it has rendered in the
last 15 years, a period during which the Court has had several opportu-
nities to apply Article 34 and to interpret and apply Article 35 of the Stat-

ute, by reference in fact to the legal position of the State which is the
Respondent in the present case.

66. It should first be observed that the question whether or not a State
meets the conditions of Article 35 of the Statute can be regarded either as

an issue relating to the Court’s jurisdiction ratione personae or as an issue
preliminary to the examination of jurisdiction. The Court sees no need to
settle this debate, any more than it felt obliged to do so in its earlier deci-
sions (see, e.g., Application of the Convention on the Prevention and Pun-
ishment of the Crime of Genocide (Bosnia and Herzegovina v. Serbia and

Montenegro), Judgment, I.C.J. Reports 2007 (I) , p. 100, para. 136).
Where the conditions of Article 35 are not met, the Court is without
jurisdiction to adjudicate the dispute on the merits. From this standpoint,
a Respondent raising an objection on the basis that the conditions of
Article 35 have not been met must be deemed to be making a jurisdic-

tional objection and, if the Court sustains the argument, its judgment will
be a finding of lack of jurisdiction. Thus, Serbia is here asking the Court
to decide, drawing on its arguments relating to its first preliminary objec-
tion, that it is without jurisdiction in the case.

67. Secondly, the issue arises whether the Court, if presented with both
an objection based on one party’s lack of access to the Court and an
objection based on lack of jurisdiction ratione materiae, — or indeed,
which comes to the same thing, an objection to jurisdiction advancing
both of these grounds — must necessarily examine the two questions in a

prescribed order, so that it could not consider the second (jurisdiction
ratione materiae) until after it has answered the first (access to the Court)
in the affirmative.
The Court addressed this issue in its 2004 Judgments in the Legality of
Use of Force cases (see, e.g., Legality of Use of Force (Serbia and Mon-
tenegro v. Belgium), Preliminary Objections, Judgment, I.C.J. Reports

2004 (I), pp. 298-299, para. 46). After pointing out that, as a general
rule, it remained free to select the ground on which to base its judgment
where several separate grounds were capable of leading to the same con-
clusion, and it therefore remained free to decide the order in which to
deal with these questions, the Court determined that the position was

otherwise in the matter before it. It stated that, where the applicant’s
right to access to the Court has been challenged — as it had been — this

24 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (ARRÊT ) 432

disposition en cause du Statut, à savoir que la notion de «traité en
vigueur» n’englobait pas les traités postérieurs à l’entrée en vigueur du
Statut.
65. Avant d’entrer plus en détail dans l’analyse et dans l’examen des

arguments des Parties qui viennent d’être sommairement résumés, la
Cour considère qu’à ce stade un certain nombre d’observations préala-
bles doivent être faites. La plupart d’entre elles sont tirées de décisions
qu’elle a rendues au cours de ces quinze dernières années; on sait en effet
que la Cour a eu plusieurs fois l’occasion, au cours de cette période,

d’appliquer l’article 34 et d’interpréter et d’appliquer l’article 35 du Sta-
tut, en relation précisément avec la situation juridique de l’Etat qui est
défendeur en la présente instance.
66. Il convient d’abord d’observer que la question de savoir si un Etat
remplit ou non les conditions de l’article 35 du Statut peut être considérée

soit comme une question se rattachant à la compétence ratione personae
de la Cour, soit comme une question antérieure à l’examen de la compé-
tence. La Cour ne voit pas la nécessité de trancher un tel débat, pas plus
qu’elle n’a estimé devoir le faire dans ses décisions précédentes (voir par
exemple Application de la convention pour la prévention et la répression

du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro),
arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (I) , p. 100, par. 136). Si les conditions de l’ar-
ticle 35 ne sont pas remplies, la Cour n’a pas compétence pour statuer sur
le fond du différend. En ce sens, l’Etat défendeur qui soulève une excep-
tion tirée de ce que les conditions de l’article 35 ne sont pas, selon lui,

remplies doit bel et bien être regardé comme soulevant une exception
d’incompétence, et c’est un jugement d’incompétence que rendra la Cour
si elle accueille l’argument. Aussi bien, en l’espèce, la Serbie demande-
t-elle à la Cour de décider qu’elle n’a pas compétence en l’affaire, sur la
base des arguments se rattachant à sa première exception préliminaire.

67. En deuxième lieu se pose la question de savoir si, lorsque la Cour
est saisie à la fois d’une exception tirée du défaut d’accès d’une partie à la
Cour et d’une exception tirée de l’absence de compétence ratione mate-
riae — ou bien, ce qui revient au même, d’une exception d’incompétence
comportant les deux branches susmentionnées —, elle est tenue d’exami-

ner les deux questions dans un ordre déterminé, en ce sens qu’elle ne pour-
rait passer à l’examen de la seconde (la compétence ratione materiae)
qu’après avoir résolu affirmativement la première (l’accès à la Cour).
La Cour a abordé cette question dans ses arrêts de 2004 relatifs à la
Licéité de l’emploi de la force (voir par exemple Licéité de l’emploi de la
force (Serbie-et-Monténégro c. Belgique), exceptions préliminaires, arrêt,

C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 298-299, par. 46). Après avoir rappelé qu’en
règle générale elle reste libre dans le choix des motifs sur lesquels elle fonde
son arrêt lorsque plusieurs motifs distincts sont susceptibles de conduire à
la même conclusion, et donc libre de choisir l’ordre d’examen des ques-
tions, elle a estimé qu’il en allait autrement dans le cas d’espèce. En effet,

a-t-elle dit, lorsque le droit du demandeur d’accéder à la Cour a été
contesté — ce qui était le cas —, cette «question fondamentale» doit

24433 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION (JUDGMENT )

“fundamental question” had to be decided before any other, because, if
the applicant was not a party to the Statute, the Court was not open to it
and accordingly it could not “properly seise . . . the Court, whatever title
of jurisdiction it might . . . invoke” (Legality of Use of Force (Serbia and

Montenegro v. Belgium), Preliminary Objections, Judgment, I.C.J.
Reports 2004 (I), pp. 298-299, para. 46).
The Court therefore found it necessary in those cases first to examine
the question of Serbia and Montenegro’s access to the Court, so as to
determine whether the Court could “exercise its judicial function” in

respect of that State, observing that it could then examine the issues
involving jurisdiction ratione materiae and any other jurisdictional issues
“[o]nly if the answer to that [first] question is in the affirmative”.
In the present case, even though no question arises as to seisin so far as
the Applicant is concerned, the Court considers that here also it is appro-

priate first to examine the issues relating to application of Article 35 of
the Statute.
68. Thirdly, the Court recalls that, as it pointed out in its Judgment of
26 February 2007 in the case concerning Application of the Convention
on the Prevention and Punishment of the Crime of Genocide (Bosnia

and Herzegovina v. Serbia and Montenegro), the question whether a
State may properly appear before the Court, on the basis of the Statute,
is “one which the Court is bound to raise and examine, if necessary,
ex officio, and if appropriate after notification to the parties” (I.C.J.
Reports 2007 (I), p. 94, para. 122).

The first consequence of this is described as follows in that Judgment:

“if the Court considers that, in a particular case, the conditions con-
cerning the capacity of the parties to appear before it are not satis-
fied, while the conditions of its jurisdiction ratione materiae are, it
should, even if the question has not been raised by the parties, find
that the former conditions are not met, and conclude that, for that

reason, it could not have jurisdiction to decide the merits” (ibid.).

Obviously, it does not however follow that the Court is under an obli-
gation to treat this question expressly in the reasoning in any judgment in
which it rules on a preliminary objection to jurisdiction. If neither party
has raised the issue and the Court finds that the conditions of Articles 34
and 35 are satisfied in the case, it may well choose to omit from the rea-
soning in the judgment any specific discussion of the point and to confine

itself to responding to the arguments raised by the parties. It may also
choose, if it finds appropriate, to deal with the point expressly in its
reasoning.

If however the Court in a judgment on preliminary objections to juris-

diction rejects them and upholds jurisdiction, without saying anything on
the question of access to the Court, the conclusion may be drawn that the

25 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (ARRÊT ) 433

être réglée avant toute autre car, si le demandeur n’est pas partie au Sta-
tut, la Cour ne lui est pas ouverte et par suite le demandeur n’a pas pu
«saisir la Cour de manière valable, quel que soit le titre de compétence
qu’[il] puisse invoquer» (Licéité de l’emploi de la force (Serbie-et-

Monténégro c. Belgique), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2004
(I), p. 298-299, par. 46).
La Cour a ainsi estimé devoir, dans ces affaires, examiner d’abord la
question de l’accès à la Cour de la Serbie-et-Monténégro afin de déter-
miner si elle pouvait «exercer sa fonction judiciaire» à l’égard de cet Etat,

en précisant qu’elle ne pourrait examiner ensuite les questions relatives à
la compétence ratione materiae et toutes autres questions de compétence
que «si la réponse à [la première] question [était] affirmative».
Dans la présente affaire, même si aucune question ne se pose quant à la
saisine de la Cour en ce qui concerne le demandeur, la Cour estime éga-

lement opportun d’examiner d’abord les questions relatives à l’applica-
tion de l’article 35 du Statut.
68. En troisième lieu, la Cour rappellera que, comme elle l’a indiqué
dans son arrêt du 26 février 2007 rendu en l’affaire relative à l’Application
de la convention pour la prévention et la répression du crime de génocide

(Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro) , la question de savoir si
un Etat a qualité pour se présenter devant elle conformément au Statut
est «une question que la Cour elle-même est tenue, si besoin est, de sou-
lever et d’examiner d’office, le cas échéant après notification aux parties»
(C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 94, par. 122).

Il en résulte d’abord une conséquence décrite par l’arrêt précité dans
les termes suivants:

«si la Cour estime, dans une affaire particulière, que les conditions
relatives à la capacité des parties à se présenter devant elle ne sont
pas remplies, alors que les conditions de sa compétence ratione
materiae le sont, elle doit, quand bien même cette question n’aurait
pas été soulevée par les parties, constater que les premières condi-

tions font défaut et en déduire qu’elle ne saurait, pour cette raison,
avoir compétence pour statuer sur le fond du différend» (ibid.).

Il n’en résulte cependant pas, évidemment, que la Cour soit tenue, dans
tout arrêt qu’elle rend pour statuer sur une exception préliminaire
d’incompétence, d’examiner cette question par une motivation figurant
expressément dans l’arrêt. Si aucune des parties n’a soulevé une telle
question, et si la Cour estime par ailleurs que les conditions des arti-
cles 34 et 35 du Statut sont satisfaites au cas d’espèce, elle peut fort bien

choisir de ne pas inclure dans la motivation de son arrêt de développe-
ments s’y rapportant spécifiquement, et se borner à répondre aux argu-
ments soulevés par les parties. Elle peut aussi choisir, si elle l’estime
opportun, de s’en expliquer par des motifs exprès.
Mais, si dans un arrêt rendu sur des exceptions préliminaires d’incom-

pétence la Cour a rejeté celles-ci et s’est déclarée compétente, sans rien
dire de la question de l’accès à la Cour, on pourra en tirer la conclusion

25434 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION JUDGMENT )

Court has perceived the conditions on access to have been satisfied. As
the Court stated in 2007 in respect of its 1996 Judgment in the same case,
dealing with the preliminary objections raised by the FRY:

“Since . . . the question of a State’s capacity to be a party to pro-
ceedings is a matter which precedes that of jurisdiction ratione mate-

riae, and one which the Court must, if necessary, raise ex officio . . .
this finding [that it had jurisdiction on the basis of Article IX of the
Genocide Convention to adjudicate upon the dispute] must as a mat-
ter of construction be understood, by necessary implication, to mean
that the Court at that time perceived the Respondent as being in a

position to participate in cases before the Court.” (Application of the
Convention on the Prevention and Punishment of the Crime of Geno-
cide (Bosnia and Herzegovina v. Serbia and Montenegro), Judgment,
I.C.J. Reports 2007 (I), pp. 98-99, para. 132.)

69. The Respondent in 1996 and in 2007 was the same State as is
Respondent in the present case. The Court cannot but observe, however,
that in the present case no implicit finding that Serbia has the necessary

capacity to participate in the proceedings instituted by Croatia’s Applica-
tion can be inferred from any previous judgment of the Court. The Judg-
ment of 11 July 1996 on jurisdiction in the case concerning Application of
the Convention on the Prevention and Punishment of the Crime of Geno-
cide (Bosnia and Herzegovina v. Yugoslavia) (Preliminary Objections,

Judgment, I.C.J. Reports 1996 (II) , p. 595), to which the Court gave full
effect as res judicata in its 2007 Judgment on the merits in the same case,
does not of itself have any authority as res judicata in the present case.
The question of the Respondent’s capacity must therefore be examined
de novo, in the context of the dispute now before the Court.

The Respondent did not raise the question of its lack of capacity to
participate in proceedings in its preliminary objections. The Court
informed the Parties, by means of letters dated 6 May 2008 from the Reg-
istrar, of its wish to hear this issue addressed in the hearings and it was so
addressed; the issue is now before the Court.

70. The last series of preliminary observations relates to the order in
which the Court will now examine the various questions arising out of
the application of Article 35 of the Statute in the present case.
71. As noted above, the Parties argued the question whether the Geno-
cide Convention is a “treaty in force” for purposes of Article 35, para-

graph 2, of the Statute. If the answer were in the affirmative, and pro-
vided that at the relevant date the Parties were bound vis-à-vis each other
by this Convention, including Article IX — a point to be examined later
in this Judgment —, it would follow that the Court was “open” to Serbia
pursuant to Article 35, paragraph 2, even if Serbia was not a party to the

Statute at that date and therefore did not satisfy the condition laid down
in paragraph 1.

26 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (ARRÊT ) 434

que la Cour a estimé que les conditions d’accès à la Cour étaient satis-
faites. Comme l’a dit la Cour en 2007 à propos de l’arrêt qu’elle avait
rendu en 1996, dans la même affaire, sur les exceptions préliminaires sou-
levées par la RFY:

«Etant donné que ... la question de la capacité d’un Etat à être
partie à une procédure est une question qui se pose avant celle de

la compétenceratione materiaeet que la Cour doit, au besoin, soulever
d’office ... cette conclusion [selon laquelle elle avait compétence pour
statuer sur le différend sur la base de l’article IX de la convention sur
le génocide] doit nécessairement s’interpréter comme signifiant en
toute logique que la Cour estimait à l’époque que le défendeur avait

qualité pour participer à des affaires portées devant elle.» (Applica-
tion de la convention pour la prévention et la répression du crime
de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro), C.I.J.
Recueil 2007 (I), p. 98-99, par. 132.)

69. Le défendeur, en 1996 et en 2007, était le même Etat que dans la
présente instance. Cependant, force est de constater que, en l’espèce,
aucune conclusion implicite selon laquelle la Serbie a la capacité néces-

saire pour participer à la procédure ouverte par la requête de la Croatie
ne peut être déduite d’un arrêt antérieur de la Cour. L’arrêt rendu le
11 juillet 1996 sur la compétence en l’affaire relative à l’Application de la
convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-
Herzégovine c. Yougoslavie) (exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Re-

cueil 1996 (II), p. 595), auquel la Cour a fait produire sa pleine autorité
de chose jugée dans son arrêt au fond de 2007 rendu en la même affaire,
ne possède par lui-même aucune autorité de chose jugée dans la présente
affaire. La question de la capacité du défendeur doit donc être examinée
à nouveau, dans le contexte du différend soumis aujourd’hui à la Cour.

Le défendeur n’avait pas soulevé la question de son absence de capa-
cité de participer à une procédure dans son mémoire comportant ses
exceptions préliminaires. La Cour a fait connaître aux Parties, par des
lettres de son greffier en date du 6 mai 2008, qu’elle souhaitait que cette
question soit débattue lors des audiences, ce qui fut le cas; la Cour en est

désormais saisie.
70. La dernière série d’observations préliminaires est relative à l’ordre
dans lequel la Cour va, à présent, examiner les diverses questions que
soulève l’application en l’espèce de l’article 35 du Statut.
71. Les Parties ont débattu, comme il a été dit plus haut, du point de
savoir si la convention sur le génocide constitue un «traité en vigueur» au

sens du paragraphe 2 de l’article 35 du Statut. Si la réponse était affir-
mative, et à condition que, à la date pertinente, les deux Parties fussent
liées entre elles par cette convention, y compris son article IX — point qui
sera examiné plus loin dans le présent arrêt —, il en résulterait que la Cour
serait «ouverte» à la Serbie sur le fondement du paragraphe 2 de l’ar-

ticle 35, quand bien même cet Etat ne remplirait pas la condition du para-
graphe 1 parce qu’il n’aurait pas été partie au Statut à la date pertinente.

26435 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION (JUDGMENT )

The Parties are in agreement that the Court addressed this question in
its 2004 Judgments in the Legality of Use of Force cases and answered it
in the negative. It did so on the basis of, inter alia, its examination of the
travaux préparatoires of the provision, which led it to conclude that

“treaties in force” referred only to treaties already in force at the entry
into force of the Statute and not to treaties concluded subsequently, such
as the Genocide Convention (see, e.g., Legality of Use of Force (Serbia
and Montenegro v. Belgium), Preliminary Objections, Judgment, I.C.J.
Reports 2004 (I), pp. 318-324, paras. 100-114).

The two Parties further agree that the position adopted by the Court in
those cases does not have the force of res judicata in the present case,
because those Judgments were rendered in different cases which did not
involve the same parties.

The Parties however recognize that these findings have great bearing
for the present case, as the Court does not depart from its settled juris-
prudence unless it finds very particular reasons to do so.

On the basis of these shared premises, the Parties reach different con-

clusions: while Croatia invites the Court to reconsider its jurisprudence
on this point and to correct the error which it claims was committed in
2004, Serbia asks the Court to maintain unchanged in the present case its
interpretation of the clause “special provisions contained in treaties in
force” in Article 35, paragraph 2.

72. The Court deems it appropriate in the present case to examine the
question of Serbia’s access to the Court on the basis of Article 35, para-
graph 1, before any examination on the basis of paragraph 2.
Only if the Court were to find that the Respondent was not a party to
the Statute of the Court at the relevant time — to be determined below —

and that, as a result, it did not satisfy the condition in paragraph 1,
should the Court address the question whether the Respondent can
derive its capacity to participate in the proceedings from the Genocide
Convention, on the basis of “special provisions contained in treaties in
force” within the meaning of paragraph 2.

73. The Court thus now turns to the question of whether Serbia is or
was, at the pertinent time, a party to the Statute, which would suffice, in
any event, to confer upon it the necessary capacity to participate in pro-
ceedings before the Court, in whatever role.
74. The starting-point for the reasoning should be the following two
observations, which are not disputed by the Parties.

75. First, in its Judgments in 2004 in the Legality of Use of Force
cases, the Court clearly determined the legal status of the FRY, now
Serbia, over the period from the dissolution of the former SFRY
to the admission of the FRY to the United Nations on 1 November

2000.
After recalling that the FRY’s position vis-à-vis the United Nations

27 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (ARRÊT ) 435

Les deux Parties conviennent que la Cour a examiné cette question et y
a répondu négativement dans ses arrêts de 2004 rendus dans les affaires
relatives à la Licéité de l’emploi de la force . Elle l’a fait notamment sur la
base d’un examen des travaux préparatoires de cette disposition, qui l’a

conduite à la conclusion que l’expression «traités en vigueur» ne visait
que les traités déjà en vigueur à la date d’entrée en vigueur du Statut, et
non ceux conclus postérieurement, tels que la convention sur le génocide
(voir par exemple Licéité de l’emploi de la force (Serbie-et-Monténégro
c. Belgique), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2004 (I) ,

p. 318-324, par. 100-114).
Les deux Parties conviennent également que cette prise de position de la
Cour n’est pas revêtue, à l’égard du présent différend, de l’autorité de la
chose jugée, puisque les arrêts en cause ont été rendus dans le cadre
d’affaires différentes et qui ne mettaient pas en présence les mêmes parties.

Les Parties reconnaissent cependant que ces précédents sont d’une
grande pertinence pour la présente affaire, la Cour ne s’écartant de sa
jurisprudence établie que si elle estime avoir pour cela des raisons très
particulières.
A partir de ces prémisses communes, les Parties aboutissent à des

conclusions différentes: tandis que la Croatie invite la Cour à reconsidé-
rer sa jurisprudence sur ce point et à corriger l’erreur qui aurait été, selon
elle, commise en 2004, la Serbie demande à la Cour de maintenir, dans la
présente affaire, son interprétation de la clause relative aux «dispositions
particulières des traités en vigueur» du paragraphe 2 de l’article 35.

72. La Cour estime qu’il y a lieu en l’espèce de se pencher sur la question
de l’accès à la Cour de la Serbie sur la base du paragraphe 1 de l’article 35
avant de se livrer à un quelconque examen sur la base du paragraphe 2.
C’est seulement si la Cour devait constater que le défendeur n’avait
pas, à l’époque pertinente — qu’il faudra déterminer plus loin —, la qua-

lité de partie au Statut de la Cour, et que, par suite, il ne remplissait pas
la condition visée au paragraphe 1, qu’elle devrait aborder la question de
savoir si ledit défendeur peut tirer sa capacité de participer à la procédure
de la convention sur le génocide, au titre des «dispositions particulières
des traités en vigueur» au sens du paragraphe 2.

73. La Cour passe donc à présent à la question de savoir si la Serbie a
ou avait, à l’époque pertinente, la qualité de partie au Statut, qui suffirait
à lui donner, en tout état de cause, la capacité nécessaire pour participer
à une procédure devant la Cour, à quelque titre que ce soit.
74. Il convient de prendre comme point de départ du raisonnement les
deux constatations suivantes, qui ne font pas l’objet de controverse entre

les Parties.
75. En premier lieu, la Cour a, dans ses arrêts de 2004 rendus dans les
affaires relatives à la Licéité de l’emploi de la force , clairement déterminé
le statut juridique qui était celui de la RFY, devenue aujourd’hui la Ser-
bie, au cours de la période allant de la dissolution de l’ancienne RFSY à
er
l’admission de la RFY aux Nations Unies le 1 novembre 2000.
Après avoir rappelé que, tout au long de cette période, la situation de

27436 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION (JUDGMENT )

had remained uncertain and controversial throughout that period, the
Court itself having characterized it as sui generis in its Judgment on the
Application for Revision of the Judgment of 11 July 1996 in the Case con-
cerning Application of the Convention on the Prevention and Punish-

ment of the Crime of Genocide (Bosnia and Herzegovina v. Yugoslavia),
Preliminary Objections (Yugoslavia v. Bosnia and Herzegovina), Judg-
ment, I.C.J. Reports 2003 , p. 31, para. 71), the Court recounted in detail
the history of relations between the FRY and the United Nations from
the dissolution of the former Yugoslavia until the State’s admission as a

Member of the United Nations on 1 November 2000.
That led the Court to conclude:

“This new development effectively put an end to the sui generis
position of the Federal Republic of Yugoslavia within the United

Nations, which, as the Court has observed in earlier pronounce-
ments, had been fraught with ‘legal difficulties’ throughout the period
between 1992 and 2000 . . . The Applicant thus has the status of
membership in the United Nations as from 1 November 2000. How-
ever, its admission to the United Nations did not have, and could

not have had, the effect of dating back to the time when the Socialist
Federal Republic of Yugoslavia broke up and disappeared; there
was in 2000 no question of restoring the membership rights of the
Socialist Federal Republic of Yugoslavia for the benefit of the Fed-
eral Republic of Yugoslavia. At the same time, it became clear that

the sui generis position of the Applicant could not have amounted to
its membership in the Organization.

In the view of the Court, the significance of this new development
in 2000 is that it has clarified the thus far amorphous legal situation

concerning the status of the Federal Republic of Yugoslavia vis-à-vis
the United Nations. It is in that sense that the situation that the
Court now faces in relation to Serbia and Montenegro is manifestly
different from that which it faced in 1999. If, at that time, the Court
had had to determine definitively the status of the Applicant vis-à-

vis the United Nations, its task of giving such a determination would
have been complicated by the legal situation, which was shrouded in
uncertainties relating to that status. However, from the vantage
point from which the Court now looks at the legal situation, and in
light of the legal consequences of the new development since
1 November 2000, the Court is led to the conclusion that Serbia and

Montenegro was not a Member of the United Nations, and in that
capacity a State party to the Statute of the International Court of
Justice, at the time of filing its Application to institute the present
proceedings before the Court on 29 April 1999.” (Legality of Use of
Force (Serbia and Montenegro v. Belgium), Preliminary Objections,

Judgment, I.C.J. Reports 2004 (I) , pp. 310-311, paras. 78-79).

28 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (ARRÊT ) 436

la RFY à l’égard des Nations Unies était demeurée incertaine et contro-
versée, la Cour elle-même l’ayant qualifiée de «sui generis» dans son

arrêt rendu sur la Demande en revision de l’arrêt du 11 juillet 1996 en
l’affaire relative à l’Application de la convention pour la prévention et la
répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Yougoslavie),
exceptions préliminaires (Yougoslavie c. Bosnie-Herzégovine) (arrêt,
C.I.J. Recueil 2003, p. 31, par. 71), la Cour s’est livrée à un exposé précis

de l’historique des relations entre la RFY et les Nations Unies depuis la
dissolution de l’ex-Yougoslavie jusqu’à l’admission de cet Etat comme
Membre des Nations Unies le 1 er novembre 2000.
Cela l’a conduite à la conclusion suivante:

«Cette évolution mit fin effectivement à la situation sui generis de
la République fédérale de Yougoslavie au sein des Nations Unies,
situation qui, ainsi que la Cour l’a observé dans de précédents pro-
noncés, avait présenté de nombreuses «difficultés juridiques» durant

toute la période comprise entre 1992 et 2000... Le demandeur a ainsi
le statut de Membre de l’Organisation des Nations Unies depuis le
1ernovembre 2000. Toutefois, son admission au sein de l’Organisa-
tion des Nations Unies n’a pas remonté et n’a pu remonter à l’épo-

que de l’éclatement et de la disparition de la République fédérative
socialiste de Yougoslavie; il n’était pas question en 2000 de rétablir
les droits de la République fédérative socialiste de Yougoslavie en
tant que Membre de l’Organisation au bénéfice de la République
fédérale de Yougoslavie. En même temps, il est apparu clairement

que la situation sui generis du demandeur ne pouvait être regardée
comme équivalant à la qualité de Membre de l’Organisation.
De l’avis de la Cour, l’importance de cette évolution survenue en
2000 tient au fait qu’elle a clarifié la situation juridique, jusque-là

indéterminée, quant au statut de la République fédérale de Yougo-
slavie vis-à-vis de l’Organisation des Nations Unies. C’est en ce sens
que la situation qui se présente aujourd’hui à la Cour concernant la
Serbie-et-Monténégro est manifestement différente de celle devant

laquelle elle se trouvait en 1999. Si la Cour avait alors eu à se pro-
noncer définitivement sur le statut du demandeur à l’égard de l’Orga-
nisation des Nations Unies, cette tâche aurait été compliquée par les
incertitudes entourant la situation juridique, s’agissant de ce statut.
Cependant, la Cour se trouvant aujourd’hui à même d’apprécier

l’ensemble de la situation juridique, et compte tenu des cerséquences
juridiques du nouvel état de fait existant depuis le 1 novembre
2000, la Cour est amenée à conclure que la Serbie-et-Monténégro
n’était pas membre de l’Organisation des Nations Unies, ni en cette

qualité partie au Statut de la Cour internationale de Justice, au
moment où elle a déposé sa requête introduisant la présente instance
devant la Cour, le 29 avril 1999.» (Licéité de l’emploi de la force
(Serbie-et-Monténégro c. Belgique), exceptions préliminaires, arrêt,
C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 310-311, par. 78-79.)

28437 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION JUDGMENT )

76. There can be no doubt that for purposes of the present case the
aforementioned Judgments of 2004 do not have force of res judicata on
this — or any other — point, since they were given in different cases
which did not involve the same parties, as has already been noted above

with respect to another aspect of those Judgments (see paragraph 71).

Nevertheless, it is equally certain that they may be of relevance in the
present instance, as, first, they address the legal position of the Respon-
dent in the present case during a period — from 1992 to 2000 — covering

the date of filing of the Application on which the Court must rule, and
second as was recalled above (see paragraph 53), the Court departs from
settled jurisprudence only if it is of the opinion that there are very par-
ticular reasons to do so.

That is the first consideration to be taken in account.
77. The second point is that, from 1 November 2000 and up to the
date of the present Judgment, the Respondent is a party to the Statute by
virtue of its status as a Member of the United Nations, that is to say pur-
suant to Article 93, paragraph 1, of the Charter, which automatically

grants to all Members of the Organization the status of party to the Stat-
ute of the Court.
Thus, it is indisputable — and neither Party in its argument has sug-
gested otherwise — that at the present time both Croatia and Serbia have
access to the Court on the basis of Article 35, paragraph 1, of the Statute.

It undoubtedly follows that a dispute between these two States could now
be referred to the Court providing, of course, that there was a basis of
jurisdiction ratione materiae allowing for submission of the dispute to the
Court.
Thus, had Croatia’s Application been filed on 2 November 2000,

instead of 2 July 1999, no objection to jurisdiction could have been based
on lack of access to the Court within the meaning of Article 35 of the
Statute, and the Court would simply have had to ascertain whether there
was a basis for jurisdiction ratione materiae, that is to say a legal nexus
between the Parties such that each had consented to the jurisdiction of

the Court to settle its dispute with the other.
78. This brings the Court to address an issue of particular importance
in the present case: whether fulfilment of the conditions laid down in
Article 35 of the Statute must be assessed solely as of the date of filing of
the Application, or whether it can be assessed, at least under the specific
circumstances of the present case, at a subsequent date, more precisely at

a date after 1 November 2000.
79. In numerous cases, the Court has reiterated the general rule which
it applies in this regard, namely: “the jurisdiction of the Court must nor-
mally be assessed on the date of the filing of the act instituting proceed-
ings” (to this effect, see Application of the Convention on the Prevention

and Punishment of the Crime of Genocide (Bosnia and Herzegovina v.
Yugoslavia), Preliminary Objections, Judgment, I.C.J. Reports 1996 (II) ,

29 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE ARRÊT ) 437

76. Il n’est pas douteux que les arrêts précités de 2004 ne sont pas revê-
tus sur ce point — pas plus que sur aucun autre — de l’autorité de la
chose jugée au regard du présent différend, puisqu’ils ont été rendus dans

des affaires différentes et qui ne mettaient pas en présence les mêmes
parties, comme cela a déjà été relevé plus haut en ce qui concerne un
autre aspect de ces arrêts (voir par. 71).
Il est cependant également certain qu’ils pourraient posséder une per-
tinence en l’espèce puisque, d’une part, ils traitent de la situation juri-

dique du défendeur en la présente affaire au cours d’une période — de
1992 à 2000 — dans laquelle est incluse la date d’introduction de la
requête à propos de laquelle la Cour est appelée à se prononcer et que,
d’autre part, comme il a été rappelé plus haut (par. 53), la Cour ne s’écarte
d’une jurisprudence établie que si elle estime avoir pour cela des raisons

très particulières.
Tel est le premier élément dont il faut tenir compte.
77. Le second élément est que, depuis le 1 novembre 2000 et de façon
continue jusqu’à la date du présent arrêt, le défendeur est partie au Sta-

tut, en raison de sa qualité de Membre des Nations Unies, c’est-à-dire par
l’effet de la disposition de l’article 93, paragraphe 1, de la Charte, qui
attribue automatiquement à tous les Membres de l’Organisation la qua-
lité de parties au Statut de la Cour.
Ainsi, il n’est pas discutable — et il n’a pas été contesté par les Parties

au cours de leurs plaidoiries — que, à l’heure actuelle, tant la Croatie que
la Serbie ont le droit d’accès à la Cour sur le fondement du paragraphe 1
de l’article 35 du Statut. Il en résulte que, sans nul doute, un différend
entre ces deux Etats pourrait aujourd’hui être porté devant la Cour
pourvu, bien sûr, qu’il existe une base de compétence ratione materiae

permettant de soumettre le différend en cause à la Cour.
La requête de la Croatie eût-elle donc été introduite le 2 novembre
2000 au lieu de l’être le 2 juillet 1999, aucune exception d’incompétence
n’aurait pu être tirée du défaut d’accès à la Cour au sens de l’article 35 du
Statut, et la Cour aurait seulement dû s’interroger sur l’existence d’une

base de compétence ratione materiae, c’est-à-dire d’un lien juridique entre
les Parties tel que chacune d’elles aurait consenti à la juridiction de la
Cour pour statuer sur le différend l’opposant à l’autre.
78. Cela conduit la Cour à aborder une question particulièrement

importante en l’espèce, celle de savoir si la réalisation des conditions pré-
vues à l’article 35 du Statut doit s’apprécier exclusivement à la date
d’introduction de la requête ou si elle peut être appréciée, au moins dans
les circonstances propres à la présente affaire, à une date postérieure, et
plus précisément une date postérieure au 1 ernovembre 2000.

79. Dans de nombreuses affaires, la Cour a rappelé quelle est, à cet
égard, la règle générale dont elle fait application. C’est la suivante: «la
compétence de la Cour doit normalement s’apprécier à la date du dépôt
de l’acte introductif d’instance» (voir en ce sens Application de la conven-
tion pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-

Herzégovine c. Yougoslavie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil

29438 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION (JUDGMENT )

p. 613, para. 26; Questions of Interpretation and Application of the 1971
Montreal Convention arising from the Aerial Incident at Lockerbie
(Libyan Arab Jamahiriya v. United Kingdom), Preliminary Objections,
Judgment, I.C.J. Reports 1998 , p. 26, para. 44).

Given that, as indicated above, fulfilment of the conditions of Arti-
cle 35 governs the jurisdiction of the Court — whether or not this is seen
as an element of jurisdiction ratione personae —, it is normally by refer-
ence to the date of the filing of the instrument instituting proceedings that
it must be determined whether those conditions are met.

80. It is easy to see why this rule exists.
If at the date of filing of an application all the conditions necessary for
the Court to have jurisdiction were fulfilled, it would be unacceptable for
that jurisdiction to cease to exist as the result of a subsequent event. In
the first place, the result could be an unwarranted difference in treatment

between different applicants or even with respect to the same applicant,
depending on the degree of rapidity with which the Court was able to
examine the cases brought before it. Further, a respondent could delib-
erately place itself beyond the jurisdiction of the Court by bringing about
an event or act, after filing of an application, as a result of which the

conditions for the jurisdiction of the Court were no longer satisfied — for
example, by denouncing the treaty containing the compromissory clause.
That is why the removal, after an application has been filed, of an ele-
ment on which the Court’s jurisdiction is dependent does not and cannot
have any retroactive effect. What is at stake is legal certainty, respect for

the principle of equality and the right of a State which has properly seised
the Court to see its claims decided, when it has taken all the necessary
precautions to submit the act instituting proceedings in time.

Conversely, it must be emphasized that a State which decides to bring

proceedings before the Court should carefully ascertain that all the req-
uisite conditions for the jurisdiction of the Court have been met at the
time proceedings are instituted. If this is not done and regardless of
whether these conditions later come to be fulfilled, the Court must in
principle decide the question of jurisdiction on the basis of the conditions

that existed at the time of the institution of the proceedings.
81. However, it is to be recalled that the Court, like its predecessor,
has also shown realism and flexibility in certain situations in which the
conditions governing the Court’s jurisdiction were not fully satisfied
when proceedings were initiated but were subsequently satisfied, before
the Court ruled on its jurisdiction.

82. In its Judgment of 30 August 1924 on the objection to jurisdiction
raised by the Respondent in the Mavrommatis Palestine Concessions
case, the Permanent Court of International Justice stated thus:

“itmust...beconsideredwhetherthevalidityoftheinstitutionof
proceedings can be disputed on the ground that the application was

30 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (ARRÊT ) 438

1996 (II), p. 613, par. 26; Questions d’interprétation et d’application
de la convention de Montréal de 1971 résultant de l’incident aérien de
Lockerbie (Jamahiriya arabe libyenne c. Royaume-Uni), exceptions pré-
liminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1998 , p. 26, par. 44).

Etant donné que, comme il a été dit plus haut, la réalisation des condi-
tions de l’article 35 commande la compétence de la Cour — qu’on en
fasse ou non un élément de la compétence ratione personae —, c’est nor-
malement à la date du dépôt de l’acte introductif d’instance que l’on doit
se placer pour vérifier si lesdites conditions sont réalisées.

80. Il est aisé de comprendre la raison d’être de cette règle.
Si, à la date d’introduction d’une requête, toutes les conditions sont
remplies pour que la Cour ait compétence, il ne serait pas acceptable que
ladite compétence disparaisse par l’effet d’un événement postérieur. D’une
part, il pourrait en résulter une différence de traitement injustifiée entre

plusieurs requérants ou à l’égard du même requérant selon la plus ou
moins grande célérité avec laquelle la Cour serait à même d’examiner les
affaires qui lui sont soumises. D’autre part, un défendeur pourrait se met-
tre volontairement à l’abri de la compétence de la Cour en provoquant,
postérieurement à l’introduction de la requête, l’événement ou l’acte en

conséquence duquel les conditions de la compétence de la Cour ne
seraient plus remplies — par exemple, en dénonçant le traité comportant
une clause compromissoire. C’est pourquoi la disparition postérieure à
l’introduction d’une instance d’un élément qui conditionne la compétence
de la Cour ne produit pas et ne saurait produire d’effet rétroactif. Il y va

de la sécurité juridique, du respect du principe d’égalité et du droit pour
un Etat qui a valablement saisi la Cour de voir statuer sur ses prétentions
lorsqu’il a pris toutes les précautions nécessaires pour accomplir l’acte de
saisine en temps utile.
Inversement, il importe de souligner qu’un Etat qui décide de saisir la

Cour doit vérifier avec attention que toutes les conditions nécessaires à la
compétence de celle-ci sont remplies à la date à laquelle l’instance est
introduite. S’il ne le fait pas, et que lesdites conditions viennent ou non à
être remplies par la suite, la Cour doit en principe se prononcer sur sa
compétence au regard des conditions qui existaient à la date de l’intro-

duction de l’instance.
81. Cependant, il convient de rappeler que la Cour, comme sa devan-
cière, a aussi fait preuve de réalisme et de souplesse dans certaines hypo-
thèses où les conditions de la compétence de la Cour n’étaient pas toutes
remplies à la date de l’introduction de l’instance mais l’avaient été pos-
térieurement, et avant que la Cour décide sur sa compétence.

82. Dès son arrêt rendu le 30 août 1924 sur l’exception d’incompétence
soulevée par le défendeur dans l’affaire des Concessions Mavrommatis
en Palestine, la Cour permanente de Justice internationale s’est ainsi
exprimée:

«il faut ... examiner ... la question de savoir si la validité de l’intro-
duction d’instance peut être mise en doute parce qu’elle est anté-

30439 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION (JUDGMENT )

filed before Protocol XII [annexed to the Treaty of Lausanne] had
become applicable. This is not the case. Even assuming that before
that time the Court had no jurisdiction because the international
obligation referred to in Article 11 [of the Mandate for Palestine]

was not yet effective, it would always have been possible for
the applicant to re-submit his application in the same terms after
the coming into force of the Treaty of Lausanne, and in that case, the
argument in question could not have been advanced. Even if the
grounds on which the institution of proceedings was based were

defective for the reason stated, this would not be an adequate reason
for the dismissal of the applicant’s suit. The Court, whose jurisdic-
tion is international, is not bound to attach to matters of form the
same degree of importance which they might possess in municipal
law. Even, therefore, if the application were premature because the

Treaty of Lausanne had not yet been ratified, this circumstance
would now be covered by the subsequent deposit of the necessary
ratifications.” (Judgment No. 2, 1924, P.C.I.J., Series A, No. 2 ,
p. 34.)

Similarly, the Permanent Court said in the case concerning Certain
German Interests in Polish Upper Silesia :

“Even if, under Article 23 [of the German-Polish Convention of

1922, the compromissory clause invoked in the case], the existence of
a definite dispute were necessary, this condition could at any time be
fulfilled by means of unilateral action on the part of the applicant
Party. And the Court cannot allow itself to be hampered by a mere
defect of form, the removal of which depends solely on the Party

concerned.” (Jurisdiction, Judgment No. 6, 1925, P.C.I.J., Series A,
No. 6, p. 14.)

In the jurisprudence of the present Court, operation of the same idea is
discernible in the Northern Cameroons (Cameroon v. United Kingdom)
case (Preliminary Objections, Judgment, I.C.J. Reports 1963 , p. 28),
and in the case concerning Military and Paramilitary Activities in and

against Nicaragua (Nicaragua v. United States of America), in the passage
stating: “It would make no sense to require Nicaragua now to institute fresh
proceedings based on the [1956] Treaty [of Friendship], which it would be
fully entitled to do.” (Jurisdiction and Admissibility, Judgment, I.C.J.
Reports 1984, pp. 428-429, para. 83.)
Finally, the Court was confronted more recently with a comparable

situation when it ruled on the preliminary objections in the case concern-
ing Application of the Convention on the Prevention and Punishment of
the Crime of Genocide (Bosnia and Herzegovina v. Yugoslavia) (Prelimi-
nary Objections, Judgment, I.C.J. Reports 1996 (II) , p. 595). The
Respondent argued that the Genocide Convention — the basis of juris-

diction — had only begun to apply to relations between the two Parties
on 14 December 1995, the date when, pursuant to the Dayton-Paris

31 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (ARRÊT ) 439

rieure à l’époque où le Protocole XII [annexé au Traité de Lausanne]
est devenu applicable. Tel n’est pas le cas. Même si, avant cette

époque, la juridiction de la Cour n’existait pas pour la raison que
l’obligation internationale visée à l’article 11 [du mandat pour la Pa-
lestine] n’était pas encore en vigueur, il aurait été toujours possible,
pour la partie demanderesse, de présenter à nouveau sa requête,

dans les mêmes termes, après l’entrée en vigueur du Traité de Lau-
sanne; et alors on n’aurait pu lui opposer le fait en question. Même
si la base de l’introduction d’instance était défectueuse pour la raison
mentionnée, ce ne serait pas une raison suffisante pour débouter le

demandeur de sa requête. La Cour, exerçant une juridiction interna-
tionale, n’est pas tenue d’attacher à des considérations de forme la
même importance qu’elles pourraient avoir dans le droit interne.
Dans ces conditions, même si l’introduction avait été prématurée,

parce que le Traité de Lausanne n’était pas encore ratifié, ce fait
aurait été couvert par le dépôt ultérieur des ratifications requises.»
(Arrêt n 2, 1924, C.P.J.I. série A n o2, p. 34.)

Dans le même ordre d’idées, dans l’affaire relative à Certains intérêts

allemands en Haute-Silésie polonaise , la Cour permanente a indiqué que:

«[m]ême si la nécessité d’une contestation formelle ressortait de
l’article 23 [de la convention germano-polonaise de 1922, clause
compromissoire invoquée en l’espèce], cette condition pourrait être à
tout moment remplie par un acte unilatéral de la Partie demande-

resse. La Cour ne pourrait s’arrêter à un défaut de forme qu’il
dépendrait de la seule Partie intéressée de faire disparaître.» (Com-
pétence, arrêt n 6, 1925, C.P.J.I. série A n o6, p. 14.)

Dans la jurisprudence de la présente Cour, la même idée apparaît à

l’Œuvre dans l’affaire duCameroun septentrional (Cameroun c. Royaume-
Uni) (exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1963 , p. 28), ainsi que
dans celle des Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre
celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique), dans le passage où il est

indiqué qu’«[i]l n’y aurait aucun sens à obliger maintenant le Nicaragua à
entamer une nouvelle procédure sur la base du traité [d’amitié de 1956]
— ce qu’il aurait pleinement le droit de faire» (compétence et recevabilité,
arrêt, C.I.J. Recueil 1984, p. 428-429, par. 83).

Enfin, plus récemment, la Cour s’est trouvée en présence d’une situa-
tion comparable lorsqu’elle a statué sur les exceptions préliminaires dans
l’affaire relative à l’Application de la convention pour la prévention et la
répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Yougoslavie)
(exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1996 (II) , p. 595). Le

défendeur soutenait que la convention sur le génocide — base de compé-
tence — n’était devenue applicable dans les relations entre les deux
Parties que le 14 décembre 1995, date à laquelle, par l’effet des accords de

31440 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION (JUDGMENT )

Agreement, they recognized each other, whereas the Application had
been submitted on 20 March 1993, that is to say more than two-and-a-
half years earlier.
The Court responded to that argument as follows:

“In the present case, even if it were established that the Parties,
each of which was bound by the Convention when the Application

was filed, had only been bound as between themselves with effect
from 14 December 1995, the Court could not set aside its jurisdic-
tion on this basis, inasmuch as Bosnia and Herzegovina might at any
time file a new application, identical to the present one, which would
be unassailable in this respect.” (Application of the Convention on

the Prevention and Punishment of the Crime of Genocide (Bosnia
and Herzegovina v. Yugoslavia), Preliminary Objections, Judgment,
I.C.J. Reports 1996 (II) , p. 614, para. 26.)

83. Croatia relies on this jurisprudence, which it contends can be
directly transposed to the present case. If Serbia is bound by the Geno-
cide Convention, including Article IX, as Croatia considers is the case,
and, since the Respondent has been a party to the Statute of the Court

since 1 November 2000, it follows that the Applicant could at any time
file a new application, which would be unassailable in this respect. The
reasoning of the Court in the aforementioned cases should, according to
Croatia, lead it in this case also not to oblige the Applicant to bring fresh
proceedings, so that it would disregard the fact that Serbia only became

a party to the Statute after the proceedings had been instituted. In this
respect, Croatia emphasizes the date on which it filed its Memorial,
1 March 2001.
84. Serbia disputes these arguments, contending that the jurisprudence
in question is not applicable to the present case for two reasons. First, the

Respondent notes that in all of the precedents cited it was not the respon-
dent alone, which was unable to fulfil one of the conditions necessary for
the Court to uphold jurisdiction at the date the proceedings were insti-
tuted, but this was not a point Serbia chose to rely on. Secondly and
more importantly, according to Serbia, the jurisprudence cannot be

applied where the unmet condition concerns the capacity of a party to
participate in proceedings before the Court, in accordance with Arti-
cles 34 and 35 of the Statute, that is to say concerns a “fundamental ques-
tion” which, as the Court stated in 2004, must be examined before any
other issue of jurisdiction. Further, Serbia adds, the Court did not apply
the “Mavrommatis doctrine” in its 2004 Judgments in the Legality of Use

of Force cases, since, after finding that the Applicant was not a party to
the Statute of the Court at the date the Applications were filed and did
not therefore have the right of access to the Court, it held that it lacked
jurisdiction, even though it mentioned the fact that the Applicant had
been a Member of the United Nations since 1 November 2000. Accord-

ing to Serbia, this is explained by the fact that when the Court is seised of
a case in which either the applicant or the respondent does not fulfil the

32 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE ARRÊT ) 440

Dayton-Paris, elles se seraient reconnues mutuellement, alors que la
requête avait été introduite le 20 mars 1993, soit plus de deux ans et demi

auparavant.
La Cour a ainsi répondu à l’argument:

«En l’occurrence, quand bien même il serait établi que les Parties,
qui étaient liées chacune par la Convention au moment du dépôt de
la requête, ne l’auraient été entre elles qu’à compter du 14 décembre
1995, la Cour ne saurait écarter sa compétence sur cette base dans la

mesure où la Bosnie-Herzégovine pourrait à tout moment déposer
une nouvelle requête, identique à la présente, qui serait de ce point
de vue inattaquable.» (Application de la convention pour la préven-
tion et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c.
Yougoslavie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1996 (II),

p. 614, par. 26.)
83. La Croatie se prévaut de cette jurisprudence, qu’elle soutient être

parfaitement transposable en l’espèce. Si, comme elle estime que cela est
le cas, la Serbie est liée par la convention sur le génocide, y compris son
article IX, et puisque depuis le 1ernovembre 2000 le défendeur est partie
au Statut de la Cour, il en résulte que le demandeur pourrait déposer à

tout moment une nouvelle requête, qui serait de ce point de vue inatta-
quable. Les motifs qui ont inspiré la Cour dans les affaires précitées
devraient donc la conduire ici aussi, selon la Croatie, à ne pas obliger le
demandeur à entamer une nouvelle procédure, et donc à ne pas tenir
compte du fait que la Serbie n’est devenue partie au Statut qu’après

l’introduction de l’instance. La Croatie insiste à ert égard sur la date à
laquelle elle a déposé son mémoire, à savoir le 1 mars 2001.
84. La Serbie combat ces arguments, et soutient que la jurisprudence
précitée n’est pas applicable en l’espèce pour deux raisons. En premier

lieu, elle relève que, dans tous les précédents cités, le défendeur n’était pas
la seule partie à ne pouvoir remplir l’une des conditions nécessaires pour
que la Cour se déclare compétente à la date de l’introduction de l’ins-
tance; elle n’a cependant pas choisi d’en tirer argument. En second lieu et

surtout, selon la Serbie, cette jurisprudence ne serait pas applicable dans
le cas où la condition qui fait défaut est relative à la capacité d’une partie
à participer à une procédure devant la Cour conformément aux arti-
cles 34 et 35 du Statut, c’est-à-dire à une «question fondamentale» qui,
comme l’a dit la Cour en 2004, doit être examinée avant toute autre ques-

tion de compétence. D’ailleurs, ajoute la Serbie, dans ses arrêts de 2004
relatifs à la Licéité de l’emploi de la force , la Cour n’a pas fait application
de la doctrine Mavrommatis, puisque, après avoir constaté qu’à la date
de l’introduction des requêtes le demandeur n’était pas partie au Statut

de la Cour et n’avait donc pas le droit d’accès à celle-ci, elle s’est déclarée
incompétente, alors même qu’elle a mentionné le fait que depuis le
1er novembre 2000 le demandeur était devenu Membre des Nations
Unies. Cela s’explique, selon la Serbie, par le fait que, lorsque la Cour est
saisie d’une affaire dans laquelle soit le demandeur soit le défendeur ne

32441 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION JUDGMENT )

conditions of Articles 34 and 35 of the Statute, it cannot regard itself as
having been “properly” seised and does not even possess the compétence
de la compétence, that is to say the jurisdiction to determine whether it
has jurisdiction to decide the merits of the dispute. In such a case, it

would be confronted with an insuperable obstacle.

85. The Court observes that as to the first of these two arguments,
given the logic underlying the cited jurisprudence of the Court deriving
from the 1924 Judgment in the Mavrommatis Palestine Concessions case

(Judgment No. 2, 1924, P.C.I.J., Series A, No. 2) , it does not matter
whether it is the applicant or the respondent that does not fulfil the con-
ditions for the Court’s jurisdiction, or both of them — as is the situation
where the compromissory clause invoked as the basis for jurisdiction
only enters into force after the proceedings have been instituted. The

Court sees no convincing reason why an applicant’s deficiency might be
overcome in the course of proceedings, while that of a respondent may
not. What matters is that, at the latest by the date when the Court decides
on its jurisdiction, the applicant must be entitled, if it so wishes, to bring
fresh proceedings in which the initially unmet condition would be ful-

filled. In such a situation, it is not in the interests of the sound adminis-
tration of justice to compel the applicant to begin the proceedings anew —
or to initiate fresh proceedings — and it is preferable, except in special
circumstances, to conclude that the condition has, from that point on,
been fulfilled.

86. In the view of the Court, the second argument mentioned above
warrants more detailed analysis.
First, it is true that all of the cited precedents concern cases where the
initially unfulfilled condition related to jurisdiction ratione materiae or

ratione personae in the narrow sense and not to the question of access to
the Court, which has to do with a party’s capacity to participate in any
proceedings whatever before the Court. Nevertheless, the Court cannot
endorse the radical interpretation advanced by Serbia, namely that when-
ever it is seised by a State which does not fulfil the conditions of access

under Article 35, or seised of a case brought against a State which does
not fulfil those conditions, the Court does not even have the compétence
de la compétence, the competence to decide whether or not it has jurisdic-
tion. Nothing of the sort is to be found in the 2004 Judgments cited by
Serbia during the hearings. In those Judgments, the Court did no more
than indicate that the question of access to the Court was a “fundamental

one” which needed to be examined before the others, and that if the
Applicant did not fulfil the Article 35 conditions the Court had to deduce
from that fact that it had not been “properly seised”. Not being “prop-
erly seised” does not mean that the Court lacks the competence necessary
to decide on its own jurisdiction, in other words to decide whether it has

been properly seised and whether the conditions necessary to allow it to
hear the case on the merits have been satisfied. That is true where it is the

33 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE ARRÊT ) 441

remplit pas les conditions des articles 34 et 35 du Statut, elle ne peut pas
se considérer comme «valablement» saisie et ne dispose même pas de la
«compétence de sa compétence», c’est-à-dire de la compétence lui per-
mettant de décider si elle est compétente pour statuer au fond sur le dif-

férend. Elle se trouverait donc, en pareil cas, en présence d’un obstacle
insurmontable.
85. La Cour relève que, en ce qui concerne le premier des deux argu-
ments susmentionnés, il importe peu, eu égard à la logique qui inspire la
jurisprudence précitée de la Cour issue de l’arrêt de 1924 dans l’affaire

des Concessions Mavrommatis en Palestine (arrêt n° 2, 1924, C.P.J.I.
série A n° 2), que la partie qui ne remplit pas l’une des conditions de la
compétence de la Cour soit la demanderesse ou la défenderesse ou bien
les deux à la fois — comme dans l’hypothèse où la clause compromissoire
invoquée comme base de compétence n’entre en vigueur qu’après l’intro-

duction de l’instance. La Cour n’aperçoit pas de raison convaincante
pour que les manques du demandeur soient susceptibles d’être couverts
en cours d’instance alors que ceux du défendeur ne le seraient pas. En
effet, ce qui importe, c’est que, au plus tard à la date à laquelle la Cour
statue sur sa compétence, le demandeur soit en droit, s’il le souhaite,

d’introduire une nouvelle instance dans le cadre de laquelle la condition
qui faisait initialement défaut serait remplie. En pareil cas, cela ne servi-
rait pas l’intérêt d’une bonne administration de la justice d’obliger le
demandeur à recommencer la procédure — ou à en commencer une nou-
velle — et il est préférable, sauf circonstances spéciales, de constater que

la condition est désormais remplie.
86. Le second argument susmentionné mérite, de l’avis de la Cour, un
examen plus circonstancié.
Il est vrai, d’abord, que tous les précédents cités concernent des cas où
la condition faisant initialement défaut était relative à la compétence

ratione materiae ou ratione personae dans le sens étroit, et non à la ques-
tion de l’accès à la Cour, qui touche à la capacité d’une partie à prendre
part à une procédure devant la Cour dans quelque affaire que ce soit.
Toutefois, la Cour ne saurait souscrire à la thèse extrême plaidée par la
Serbie, à savoir que, lorsqu’elle est saisie par un Etat qui ne remplit pas

les conditions d’accès de l’article 35, ou à l’encontre d’un Etat qui ne rem-
plit pas les mêmes conditions, la Cour serait même privée de la compé-
tence de sa compétence, de la compétence pour décider si elle est compé-
tente ou non. On ne trouve rien de tel dans les arrêts de 2004 auxquels la
Serbie s’est référée à l’audience. La Cour s’est bornée à indiquer, dans ces
arrêts, que la question de l’accès à la Cour était une «question fonda-

mentale» qui devait être examinée avant les autres et que, si le deman-
deur ne remplissait pas les conditions de l’article 35, la Cour devait en
déduire qu’elle n’avait pas été «saisi[e] ... de manière valable». Qu’elle
n’ait pas été «valablement saisie» ne signifie pas que la Cour ne possède
pas la compétence nécessaire pour statuer sur sa compétence, c’est-à-dire

pour décider si elle a été valablement saisie et si les conditions sont rem-
plies pour qu’elle examine l’affaire au fond. Cela est vrai lorsque c’est le

33442 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION (JUDGMENT )

applicant which, as in the Legality of Use of Force cases, does not fulfil
the conditions for access to the Court. It is true a fortiori when it is the
respondent which allegedly does not meet those conditions since in such
circumstances the act of seising the Court, performed by a State which

does have access to the Court, is not at issue: that is the case in the
present proceedings. The Court always possesses the compétence de la
competence (see Article 36, paragraph 6, of the Statute). In any event the
Court notes that Serbia asks it in its principal submission to decide by a
judgment that it lacked jurisdiction to entertain Croatia’s Application.

87. More importantly, the Court cannot accept Serbia’s argument that
when the defect is that one party does not have access to the Court, it is
so fatal that it can in no case be cured by a subsequent event in the course
of the proceedings, for example when that party acquires the status of

party to the Statute of the Court which it initially lacked.

As stated above, the question of access is clearly distinct from those
relating to the examination of jurisdiction in the narrow sense. But it is
nevertheless closely related to jurisdiction, inasmuch as the consequence

is exactly the same whether it is the conditions of access or the conditions
of jurisdiction ratione materiae or ratione temporis which are unmet: the
Court lacks jurisdiction to entertain the case. It is always within the con-
text of an objection to jurisdiction, as in the present case, that arguments
will be raised before the Court regarding the parties’ capacity to partici-

pate in the proceedings.

That being so, it is not apparent why the arguments based on the
sound administration of justice which underpin the Mavrommatis case
jurisprudence cannot also have a bearing in a case such as the present

one. It would not be in the interests of justice to oblige the Applicant, if
it wishes to pursue its claims, to initiate fresh proceedings. In this respect
it is of no importance which condition was unmet at the date the pro-
ceedings were instituted, and thereby prevented the Court at that time
from exercising its jurisdiction, once it has been fulfilled subsequently.

88. It is true that the Court apparently did not take account in its 2004
Judgments of the fact that Serbia and Montenegro had by that date
become a party to the Statute: indeed, the Court found that it lacked
jurisdiction on the sole ground that the Applicant did not have access to
the Court in 1999, when the Applications were filed, without taking its

reasoning any further.
89. But if the Court abided in those cases strictly by the general rule
that its jurisdiction is to be assessed at the date of filing of the act insti-
tuting proceedings, without adopting the more flexible approach follow-
ing from the other decisions cited above, that is justified by particular

considerations relevant to those cases.
It was clear that Serbia and Montenegro did not have the intention of

34 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (ARRÊT ) 442

demandeur qui, comme dans les affaires de la Licéité de l’emploi de la
force, ne remplit pas les conditions d’accès à la Cour. Cela est vrai a for-
tiori lorsqu’il est allégué que c’est le défendeur qui ne remplit pas ces
conditions, car en pareil cas l’acte de saisine lui-même, qui émane d’un

Etat ayant accès à la Cour, n’est pas en cause: c’est le cas dans la présente
affaire. Dans tous les cas, la Cour possède la compétence de sa compé-
tence (voir l’article 36, paragraphe 6, du Statut). La Cour fait d’ailleurs
observer que la Serbie lui demande, à titre principal, de décider par
un arrêt qu’elle n’a pas compétence pour connaître de la requête de la

Croatie.
87. Plus important encore, la Cour ne peut pas accueillir l’argument de
la Serbie selon lequel le défaut consistant en l’absence, dans le chef d’une
partie, d’accès à la Cour est tellement rédhibitoire qu’il ne saurait être en
aucun cas couvert par un événement survenant en cours d’instance — tel

que l’acquisition par cette partie de la qualité de partie au Statut de la
Cour, qui lui manquait initialement.
Sans doute, comme il a été dit plus haut, la question de l’accès se dis-
tingue-t-elle de celles relatives à l’examen de la compétence au sens étroit.
Mais elle n’en est pas moins étroitement liée à la compétence, en ce sens

que, si les conditions d’accès font défaut, tout comme lorsque ne sont pas
remplies les conditions relatives à la compétence ratione materiae ou
ratione temporis, il en découle toujours une seule et même conséquence:
la Cour n’a pas compétence pour connaître de l’affaire. C’est toujours
dans le cadre d’une exception d’incompétence — comme c’est le cas en

l’espèce — que seront présentés à la Cour les arguments relatifs à la capa-
cité des parties de participer à la procédure.
Dans ces conditions, on n’aperçoit pas pourquoi les arguments tirés
d’une bonne administration de la justice, qui sont à la base de la juris-
prudence Mavrommatis, ne seraient pas pertinents aussi dans un cas tel

que celui qui nous occupe. Il ne servirait pas l’intérêt de la justice de
mettre le demandeur dans l’obligation, s’il souhaite persévérer dans
ses prétentions, d’entamer une nouvelle procédure. A cet égard, peu
importe la condition qui, à la date d’introduction de l’instance, faisait
défaut, empêchant ainsi la Cour, à ce moment-là, d’exercer sa compé-

tence, dès lors qu’elle a été remplie par la suite.
88. Il est vrai que la Cour n’a apparemment pas tenu compte, dans ses
arrêts de 2004, du fait que la Serbie-et-Monténégro était devenue à cette
date partie au Statut: la Cour s’est en effet déclarée incompétente pour la
seule raison que le demandeur n’avait pas accès à la Cour en 1999, date
d’introduction des requêtes, sans aller plus loin dans son raisonnement.

89. Mais si, dans ces affaires, la Cour s’en est tenue strictement à la
règle générale selon laquelle sa compétence s’apprécie à la date du dépôt
de l’acte introductif d’instance, sans introduire l’élément de souplesse qui
résulte des autres décisions précitées, c’est en raison de considérations

propres à ces affaires.
Il était clair, en effet, que la Serbie-et-Monténégro n’avait pas l’inten-

34443 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION JUDGMENT )

pursuing its claims by way of new applications. That State itself argued
before the Court that it was not, and never had been, bound by Arti-
cle IX of the Genocide Convention, even though that was the basis for
jurisdiction which it had initially invoked (e.g., Legality of Use of Force

(Serbia and Montenegro v. Belgium), Preliminary Objections, Judgment,
I.C.J. Reports 2004 (I), pp. 292-293, para. 29). It is true that the Appli-
cant in those cases had let it be known that it did not intend to discon-
tinue the proceedings pending before the Court; but, given the legal posi-
tion it was asserting from that time on as to the Genocide Convention, it

was out of the question that, in the event of judgments rejecting its appli-
cations owing to its lack of access to the Court at the date the proceed-
ings had been instituted, it would rely on the status it would then un-
doubtedly possess of party to the Statute of the Court to submit fresh
applications identical in substance to the first. On this basis, and in the

particular circumstances of those cases, there would have been no justi-
fication for the Court to disregard the FRY’s initial lack of capacity to
seise the Court, on the ground that the defect had been cured in the
course of the proceedings. As stated above (see paragraph 85), it is con-
cern for judicial economy, an element of the requirements of the sound

administration of justice, which justifies application of the jurisprudence
deriving from the Mavrommatis Judgment in appropriate cases. The pur-
pose of this jurisprudence is to prevent the needless proliferation of pro-
ceedings. No such consideration obtained in 2004 to justify the Court
departing at that time from the principle holding that its jurisdiction

must be established at the date of filing of the applications. Indeed, Ser-
bia and Montenegro took care not to ask the Court to do so; while
Croatia is asking the Court to apply the jurisprudence of the Mavrom-
matis case to the present case, no such request was made, or could logi-
cally have been made, by the Applicant in 2004.

90. Two additional considerations lend weight to the conclusion that
there is reason, in the circumstances of the present case, to look beyond
the legal situation prevailing at the date of the Application.
First, while, as noted above (see paragraph 80), a State filing an appli-
cation with the Court should normally be expected to demonstrate suffi-

cient care to avoid doing so prematurely, it cannot be said that the Appli-
cant in the current proceedings has shown any careless approach in this
regard. At the date the Application was filed, the Respondent considered
that it had the capacity to participate in proceedings before the Court,
and its position in that respect was a matter of public knowledge.
In April 1999, the FRY had filed Applications instituting proceedings

against ten Member States of the North Atlantic Treaty Organization
invoking Article IX as a basis of jurisdiction. The Applicant could there-
fore feel entitled to seise the Court on what at first sight seemed to be an
appropriate basis of jurisdiction. It is of course true that, as stated above
(see paragraph 67), questions of access to the Court, unlike those of con-

sent to its jurisdiction, are not matters of the will of the parties. However,
Croatia’s conduct does not reflect any circumstances that would warrant

35 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (ARRÊT ) 443

tion de maintenir ses demandes sous la forme de nouvelles requêtes; cet
Etat soutenait lui-même devant la Cour qu’il n’était pas, et n’avait jamais
été, lié par l’article IX de la convention sur le génocide, pourtant la base
de compétence qu’il avait initialement invoquée (voir par exemple Licéité

de l’emploi de la force (Serbie-et-Monténégro c. Belgique), exceptions
préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2004 (I) , p. 292-293, par. 29). Certes,
le demandeur dans ces affaires avait fait savoir qu’il n’entendait pas se
désister des requêtes pendantes devant la Cour. Mais, compte tenu de la
position juridique qu’il affirmait désormais au sujet de la convention sur

le génocide, il était exclu que, à la suite d’arrêts rejetant ses requêtes en
raison de son défaut d’accès à la Cour à la date de l’engagement des pro-
cédures, il introduise de nouvelles requêtes identiques en substance aux
premières en se prévalant de sa qualité, désormais certaine, de partie au
Statut de la Cour. Dans ces conditions, il eût été, dans les circonstances

particulières de ces affaires, dépourvu de justification, de la part de la
Cour, de passer outre au défaut initial de capacité de la RFY à la saisir,
pour le motif que ce défaut avait été couvert en cours d’instance. Comme
il a été dit plus haut (par. 85), c’est le souci d’économie de procédure, qui
est une composante des exigences de bonne administration de la justice,

qui justifie, dans les cas appropriés, l’application de la jurisprudence issue
de l’arrêt Mavrommatis. Cette jurisprudence vise à éviter la multiplica-
tion inutile des procédures. Aucune considération de ce genre n’était
présente en 2004 pour justifier que la Cour écarte alors le principe
selon lequel sa compétence doit être établie à la date d’introduction des

requêtes. Aussi bien, d’ailleurs, la Serbie-et-Monténégro s’était-elle gar-
dée de le lui demander: si, dans la présente affaire, la Croatie demande
à la Cour d’appliquer la jurisprudence issue de l’arrêt Mavrommatis,
une telle demande n’avait pas été, et ne pouvait pas logiquement être,
formulée par l’Etat requérant en 2004.

90. Deux considérations complémentaires renforcent la conclusion
selon laquelle il y a lieu, dans les circonstances de la présente affaire, de ne
pas s’en tenir à la situation juridique qui existait à la date de la requête.
En premier lieu, si, comme il a été dit plus haut (par. 80), l’on doit
normalement s’attendre à ce qu’un Etat présentant une requête devant la

Cour fasse preuve de l’attention nécessaire pour ne pas la présenter de
manière prématurée, on ne saurait dire du demandeur en la présente ins-
tance qu’il ait fait preuve de manque d’attention à cet égard. A la date de
l’introduction de la requête, le défendeur considérait, et sa position à cet
égard était publiquement connue, qu’il possédait la capacité de participer
à des procédures devant la Cour. En avril 1999, la RFY avait introduit

des instances contre dix Etats membres de l’Organisation du traité de
l’Atlantique Nord en invoquant l’article IX comme base de compétence
de la Cour. Le demandeur pouvait s’estimer, en conséquence, en droit de
saisir la Cour sur une base de compétence à première vue appropriée.
Certes, comme il a été dit plus haut (par. 67), les questions d’accès à la

Cour, à la différence de celles relatives au consentement à la juridiction,
ne sont pas à la disposition des parties. Il n’en reste pas moins que le

35444 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION (JUDGMENT )

a particularly strict application by the Court of the jurisprudence
described above.

Secondly, it should be noted that, while Croatia’s Application — a

short text comprising some ten pages — was filed on 2 July 1999, that is
prior to the admission of the FRY to the United Nations on 1 Novem-
ber 2000, its Memorial on the merits, a document of 414 pages, was sub-
mitted on 1 March 2001, after that date.
Although it is not possible to equate the filing of a memorial with that

of an instrument instituting proceedings, since by definition a memorial
concerns proceedings which are already under way, it should be noted
that the Memorial is of considerable importance, not just because it
expounds the Applicant’s arguments, but also because it specifies the sub-
missions. While this cannot be considered a decisive element, it cannot be

entirely ignored: if Croatia had submitted the substance of its Memorial,
on 1 March 2001, in the form of a new application, as it could have done,
no question with respect to Article 35 of the Statute would have arisen.

91. The Court accordingly concludes that on 1 November 2000 the

Court was open to the FRY. Therefore, should the Court find that Serbia
was bound by Article IX of the Convention on 2 July 1999, the date on
which proceedings in the present case were instituted, and remained
bound by that Article until at least 1 November 2000, the Court would be
in a position to uphold its jurisdiction.

This question will be examined in the next section.
92. In view of the above finding, the question whether the conditions
laid down in Article 35, paragraph 2, have been fulfilled (see para-
graph 71 above) has no pertinence in the present case.

**
(2) Issues of jurisdiction ratione materiae

93. The Court now turns to the question of its jurisdiction ratione

materiae, which forms the second aspect of the first preliminary objection
submitted by Serbia requesting the Court to declare that it lacks jurisdic-
tion. According to Serbia, this aspect is an element of jurisdiction ratione
personae.
94. The basis of jurisdiction asserted by Croatia is Article IX of the

Genocide Convention, which provides as follows:
“Disputes between the Contracting Parties relating to the interpre-
tation, application or fulfilment of the present Convention, including

those relating to the responsibility of a State for genocide or for any
of the other acts enumerated in Article III, shall be submitted to the
International Court of Justice at the request of any of the parties to
the dispute.”

It is common ground between the Parties that Croatia is, and has been at

36 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (ARRÊT ) 444

comportement de la Croatie n’est révélateur d’aucune circonstance qui
justifierait que la Cour fasse preuve d’une rigueur particulière dans l’appli-

cation de sa jurisprudence ci-dessus décrite.
En second lieu, il y a lieu de relever que, si la requête de la Croatie
— un texte bref d’une dizaine de pages — a été déposée le 2 juillet 1999,
soit avant l’admission de la RFY aux Nations Unies le 1 er novembre

2er0, son mémoire au fond, un document de 414 pages, a été déposé le
1 mars 2001, soit après cette date.
Bien qu’il ne soit pas possible d’assimiler le dépôt d’un mémoire à un
acte introductif d’instance, puisque par définition le mémoire se rapporte

à une instance déjà engagée, il faut relever que le mémoire présente une
importance considérable, non seulement en ce qu’il développe les argu-
ments du demandeur mais aussi en ce qu’il précise ses conclusions. Sans
que cet élément puisse être regardé comme déterminant, on ne saurait
er
l’écarter tout à fait: si la Croatie avait, le 1mars 2001, présenté la sub-
stance de son mémoire sous la forme d’une nouvelle requête, ce qu’elle
aurait pu faire, aucune question ne se serait posée sur le terrain de l’ar-
ticle 35 du Statut.
er
91. La Cour conclut donc qu’elle était ouverte à la RFY le 1 novembre
2000. Aussi serait-elle en mesure de se déclarer compétente si elle concluait
que la Serbie était liée par l’article IX de la convention sur le génocide le
2 juillet 1999, date d’introduction de la présente instance, et l’était restée
au moins jusqu’au 1 novembre 2000.

Cette question sera examinée dans la partie suivante.
92. Compte tenu de la conclusion qui précède, la question de savoir s’il
a été satisfait aux conditions mentionnées au paragraphe 2 de l’article 35

(voir par. 71 ci-dessus) est dépourvue de pertinence en l’espèce.

**

2) Questions liées à la compétence ratione materiae

93. La Cour se penchera maintenant sur la question de sa compétence
ratione materiae, qui fait l’objet de la deuxième branche de la première

exception préliminaire présentée par la Serbie, tendant à ce que la Cour
déclare qu’elle n’a pas compétence. Selon la Serbie, cette branche de
l’exception relève de la compétence ratione personae.
94. La Croatie invoque comme base de compétence l’article IX de la

convention sur le génocide, qui dispose que
«[l]es différends entre les Parties contractantes relatifs à l’interpréta-

tion, l’application ou l’exécution de la présente Convention, y com-
pris ceux relatifs à la responsabilité d’un Etat en matière de génocide
ou de l’un quelconque des autres actes énumérés à l’article III, seront
soumis à la Cour internationale de Justice, à la requête d’une partie

au différend».
Les Parties s’accordent sur le fait que la Croatie est partie à la convention

36445 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION (JUDGMENT )

all relevant times, a party to the Genocide Convention, and has not made
any reservation excluding the application of Article IX. Croatia depos-
ited a notification of succession with the Secretary-General of the United
Nations on 12 October 1992. It asserted that it had already been a party

prior thereto as a successor State to the SFRY from the date it assumed
responsibility for its international relations with respect to its territory,
namely from 8 October 1991. Serbia’s objection is to the effect that it was
not itself a party to that Convention at the date of filing of the Applica-
tion instituting proceedings (2 July 1999); it maintains that it only

became a party by accession in June 2001. Furthermore the notification
of accession by the FRY, dated 6 March 2001 and deposited on
12 March 2001, contained a reservation to the effect that the FRY “does
not consider itself bound by Article IX of the Convention” (see the text
in paragraph 116 below). When the Secretary-General, the depositary of

the Convention, notified States parties of the FRY’s notification of acces-
sion, objections were made by Croatia (as well as by Bosnia and Herze-
govina, and by Sweden); the ground of Croatia’s objection was that the
FRY “is already bound by the Convention since its emergence as one of
the five equal successor States” of the former SFRY. Croatia also objected

to the reservation made by the FRY to the application of Article IX of
the Convention, on the grounds that in the view of Croatia it was
“incompatible with the object and purpose of the Convention”.

95. If, as Croatia contends, Serbia was already a party to the Genocide
Convention at the date when the present proceedings were instituted, any
change in the situation which might have been effected by the 2001 pur-
ported accession by the FRY or by the reservation attached to it could
not deprive the Court of the jurisdiction already existing under Article IX

of the Convention. The Court recalls that according to its established
jurisprudence, if a title of jurisdiction is shown to have existed at the date
of the institution of proceedings, any subsequent lapse or withdrawal of
the jurisdictional instrument is without effect on the jurisdiction of the
Court. The principle was established in the Nottebohm case (Liechten-

stein v. Guatemala) (Preliminary Objection, Judgment, I.C.J. Reports
1953, p. 122), which related to an acceptance of compulsory jurisdiction
(under the optional clause of Article 36, paragraph 2, of the Statute)
which expired on a date subsequent to the institution of proceedings cit-
ing that acceptance as the basis of jurisdiction. It has subsequently been
consistently applied (e.g., where a bilateral treaty relied on as jurisdic-

tional basis had been terminated by the time the Court came to give judg-
ment on the merits of the case (Military and Paramilitary Activities in
and against Nicaragua (Nicaragua v. United States of America), Merits,
Judgment, I.C.J. Reports 1986 , p. 28, para. 36)).
96. If therefore the FRY was a party to the Genocide Convention,

including its Article IX, on 2 July 1999, the date on which proceedings
were instituted, and if it continued to be bound by Article IX of the Con-

37 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (ARRÊT ) 445

sur le génocide, qu’elle l’était à toutes les époques pertinentes et qu’elle
n’a formulé aucune réserve excluant l’application de l’article IX. La
Croatie a déposé une notification de succession, le 12 octobre 1992,
auprès du Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies. Elle

affirme qu’avant cette date elle était déjà devenue partie à ladite conven-
tion en qualité d’Etat successeur de la RFSY à compter du moment où
elle avait assumé la responsabilité des relations internationales pour son
territoire, c’est-à-dire à partir du 8 octobre 1991. Dans son exception pré-
liminaire, la Serbie indique qu’elle n’était pas, quant à elle, partie à la

Convention à la date du dépôt de la requête introductive d’instance (le
2 juillet 1999); elle affirme ne l’être devenue qu’en juin 2001, par voie
d’adhésion. En outre, la notification d’adhésion de la RFY, datée du
6 mars 2001 et déposée le 12 mars 2001, était assortie d’une réserve aux
termes de laquelle la RFY «ne se consid[érait] pas liée par l’article IX de

la Convention» (voir le texte figurant au paragraphe 116 ci-après). Lors-
que le Secrétaire général, dépositaire de la Convention, informa les Etats
parties de la notification d’adhésion de la RFY, des objections furent for-
mulées par la Croatie (ainsi que par la Bosnie-Herzégovine et la Suède);
l’objection croate était fondée sur l’argument selon lequel la RFY «[était]

déjà liée par la Convention depuis qu’elle [était] devenue l’un des cinq
Etats successeurs égaux» de l’ex-RFSY. La Croatie fit également objec-
tion à la réserve excluant l’application de l’article IX de la Convention,
formulée par la RFY, au motif que ladite réserve était «incompatible
avec l’objet et le but de la Convention».

95. Si, comme le soutient la Croatie, la Serbie était déjà partie à la
convention sur le génocide à la date à laquelle la présente instance a été
introduite, aucun changement de situation éventuellement intervenu par
suite de la prétendue adhésion de la RFY à cet instrument en 2001 ou de
la réserve dont ladite adhésion était assortie ne saurait priver la Cour de

sa compétence en vertu de l’article IX de la Convention. La Cour rap-
pellera que, selon sa jurisprudence constante, s’il est démontré qu’un titre
de compétence existait à la date de l’introduction de l’instance, la cadu-
cité de l’instrument établissant sa juridiction ou le retrait dont il peut
ultérieurement faire l’objet sont sans effet sur sa compétence. Ce principe

a été énoncé en l’affaire Nottebohm (Liechtenstein c. Guatemala) (excep-
tion préliminaire, arrêt, C.I.J. Recueil 1953 , p. 122), dans laquelle une
acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour (en vertu de la clause
facultative du paragraphe 2 de l’article 36 du Statut) — invoquée comme
base de compétence — avait expiré à une date postérieure à l’introduc-
tion de l’instance. Il a par la suite toujours été appliqué (par exemple

lorsqu’il a été mis fin, avant que la Cour ne rende son arrêt au fond, à un
traité bilatéral invoqué comme base de compétence (Activités militaires et
paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis
d’Amérique), fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986 , p. 28, par. 36)).
96. Si, par conséquent, le 2 juillet 1999, date à laquelle l’instance a été

introduite, la RFY était partie à la convention sur le génocide, y com-
pris l’article IX, et si elle a continué d’être liée par cet article au moins

37446 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION (JUDGMENT )

vention until at least 1 November 2000, the date on which the FRY
became a party to the Statute of the Court, then, the Court today con-
tinues to have jurisdiction.
It is thus not necessary for the Court to make a finding as to any legal

effect of the notification of accession to the Convention by Serbia dated
6 March 2001.
97. The reasons why it is disputed between the Parties whether Serbia
was a party to the Convention on the date on which these proceedings
were instituted are bound up with the history of the relationship to the

Convention of, first, the SFRY, and, subsequently, of the Respondent.
The SFRY signed the Genocide Convention on 11 December 1948,
and deposited an instrument of ratification, without reservation, on
29 August 1950; it is common ground between the Parties that the SFRY
was thus a party to the Convention at the time in the 1990s when it began

to disintegrate into separate and independent States. The process of dis-
integration of the SFRY, the appearance of its former constituent Repub-
lics as separate States, and the efforts of the FRY to have its claim to
continue the State, international legal and political personality of the
SFRY internationally recognized, have been described in detail in para-

graphs 43 to 51 above and in a number of previous decisions of the Court
(most recently in the case concerning Application of the Convention on
the Prevention and Punishment of the Crime of Genocide (Bosnia and
Herzegovinav. Serbia and Montenegro), Judgment, I.C.J. Reports 2007 (I ,)
pp. 79-80, paras. 88-99). In the present case, Croatia asserts first that

the FRY was a party by succession to the Genocide Convention from the
beginning of its existence as a State, since succession, unlike other modes
of becoming bound by a treaty, is retrospective to the commencement of
the successor State; it also relies, in support of its arguments in favour of
jurisdiction, on a formal declaration adopted on behalf of the FRY on

27 April 1992, and an official Note of the same date transmitted with that
declaration to the Secretary-General of the United Nations.

98. The declaration of 27 April 1992 was made in the name of “the

representatives of the people of the Republic of Serbia and the Republic
of Montenegro” and according to Serbia it was adopted by “an ad hoc
body consisting of members of the Assembly of the SFRY, the National
Assembly of the Republic of Serbia and of the Assembly of the Republic
of Montenegro”; see also Ann. 13 to POS, heading; and signature clause.
In that declaration the representatives stated that:

“The Federal Republic of Yugoslavia, continuing the State, inter-
national legal and political personality of the Socialist Federal
Republic of Yugoslavia, shall strictly abide by all the commitments

that the Socialist Federal Republic of Yugoslavia assumed interna-
tionally.

38 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (ARRÊT ) 446

er
jusqu’au 1 novembre 2000, date à laquelle elle est devenue partie
au Statut de la Cour, alors la Cour continue d’avoir aujourd’hui
compétence.
Il n’y a donc pas lieu pour la Cour de statuer sur un éventuel effet juri-

dique de la notification d’adhésion à la Convention par la Serbie, en date
du 6 mars 2001.
97. Les raisons pour lesquelles les Parties s’opposent sur le point de
savoir si la Serbie était partie à la Convention à la date à laquelle l’ins-
tance a été introduite tiennent à l’histoire du lien qu’ont entretenu avec la

Convention, tout d’abord, la RFSY et, par la suite, le défendeur.
La RFSY signa la convention sur le génocide le 11 décembre 1948 et
déposa son instrument de ratification, sans formuler de réserve, le 29 août
1950; les Parties conviennent que la RFSY était donc partie à la Conven-
tion lorsque, dans les années quatre-vingt-dix, elle commença à se désinté-

grer, donnant naissance à des Etats distincts et indépendants. Le processus
de désintégration de la RFSY, l’émergence de ses anciennes républiques
constitutives en tant qu’Etats distincts et les efforts déployés par la RFY
pour que soit reconnue, sur le plan international, sa thèse selon laquelle
elle était l’Etat continuateur de la RFSY et assurait la continuité de la per-

sonnalité politique et juridique internationale de cette dernière ont été
exposés de manière détaillée aux paragraphes 43 à 51 ci-dessus et dans plu-
sieurs décisions antérieures de la Cour (tout récemment dans l’affaire rela-
tive à l’Application de la convention pour la prévention et la répression du
crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro), arrêt,

C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 79-80, par. 88-99). En l’espèce, la Croatie sou-
tient en premier lieu que la RFY était partie à la convention sur le géno-
cide, par succession, dès le début de son existence en tant qu’Etat, puisque
la succession, contrairement aux autres voies par lesquelles un Etat peut
devenir lié par un traité, rétroagit à la naissance de l’Etat successeur. Elle

se fonde aussi, à l’appui de sa thèse selon laquelle la Cour a compétence,
sur une déclaration formelle adoptée au nom de la RFY le 27 avril 1992,
ainsi que sur une note officielle datée du même jour et communiquée avec
cette déclaration au Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies.
98. La déclaration du 27 avril 1992 a été faite au nom «[d]es représen-

tants du peuple de la République de Serbie et de la République du Mon-
ténégro» et, selon la Serbie, elle fut adoptée par un «organe ad hoc
composé de membres de l’Assemblée de la RFSY, de l’Assemblée natio-
nale de la République de Serbie et de l’Assemblée de la République du
Monténégro»; voir également, à l’annexe 13 des exceptions préliminaires
de la Serbie, l’intitulé et la liste des signataires. Dans cette déclaration, les

représentants indiquaient que

«[l]a République fédérale de Yougoslavie, assurant la continuité de
l’Etat et de la personnalité juridique et politique internationale de la
République fédérative socialiste de Yougoslavie, respectera stricte-

ment tous les engagements que la République fédérative socialiste de
Yougoslavie a pris à l’échelon international.

38447 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION (JUDGMENT )

At the same time, it is ready to fully respect the rights and inter-
ests of the Yugoslav Republics which declared independence. The
recognition of the newly-formed states will follow after all the out-
standing questions negotiated on within the Conference on Yugosla-

via have been settled . . .” (United Nations doc. A/46/915, Ann. II.)

99. Similarly, the Note of 27 April 1992 from the Permanent Mission
of Yugoslavia to the Secretary-General of the United Nations contained
the following:

“The Assembly of the Socialist Federal Republic of Yugoslavia, at
its session held on 27 April 1992, promulgated the Constitution of

the Federal Republic of Yugoslavia. Under the Constitution, on the
basis of the continuing personality of Yugoslavia and the legitimate
decisions by Serbia and Montenegro to continue to live together in
Yugoslavia, the Socialist Federal Republic of Yugoslavia is trans-
formed into the Federal Republic of Yugoslavia, consisting of the

Republic of Serbia and the Republic of Montenegro.

Strictly respecting the continuity of the international personality
of Yugoslavia, the Federal Republic of Yugoslavia shall continue to
fulfil all the rights conferred to, and obligations assumed by, the

Socialist Federal Republic of Yugoslavia in international relations,
including its membership in all international organizations and par-
ticipation in international treaties ratified or acceded to by Yugosla-
via.” (United Nations doc. A/46/915, Ann. I.)

100. The FRY thus did not consider itself to be one of the successor
States of the SFRY emerging from the dissolution of that State, but the
sole continuing State, maintaining the personality of the former SFRY,
with the implication that the other States formed from the former Yugo-
slavia were new States, though entitled to assert the rights of successor

States. This policy of the FRY was maintained until a change of Gov-
ernment in 2000, and a subsequent application to the United Nations for
admission as a new Member (see paragraphs 50-51 above and 116 below).

The 1992 declaration and Note should not of course be viewed in iso-
lation; their effect must be assessed in the light of, in particular, the con-

duct of the FRY at the time of making of the declaration and subse-
quently, and that aspect will be examined below (paragraphs 114-117).
101. On the basis of the historical record, and of the declaration and
Note of 27 April 1992, Croatia maintains that Serbia was a party to the
Genocide Convention on 2 July 1999 on the same terms as the SFRY had

been, namely without reservation, and that accordingly Article IX con-
fers jurisdiction on the Court in the present case. In its Application,

39 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (ARRÊT ) 447

Simultanément, elle est disposée à respecter pleinement les droits
et les intérêts des républiques yougoslaves qui ont déclaré leur indé-
pendance. La reconnaissance des Etats nouvellement constitués inter-
viendra une fois qu’auront été réglées les questions en suspens actuel-

lement en cours de négociation dans le cadre de la Conférence sur la
Yougoslavie.» (Nations Unies, doc. A/46/915, annexe II.)

99. De même, la note du 27 avril 1992 adressée au Secrétaire général
de l’Organisation des Nations Unies par la mission permanente de la
Yougoslavie contenait le passage suivant:

«L’Assemblée de la République fédérative socialiste de Yougosla-
vie, à la session qu’elle a tenue le 27 avril 1992, a promulgué la Cons-

titution de la République fédérale de Yougoslavie. Aux termes de la
Constitution, et compte tenu de la continuité de la personnalité de la
Yougoslavie et des décisions légitimes qu’ont prises la Serbie et le
Monténégro de continuer à vivre ensemble en Yougoslavie, la Répu-
blique fédérative socialiste de Yougoslavie devient la République

fédérale de Yougoslavie, composée de la République de Serbie et de
la République du Monténégro.
Dans le strict respect de la continuité de la personnalité inter-
nationale de la Yougoslavie, la République fédérale de Yougoslavie
continuera à exercer tous les droits conférés à la République fédéra-

tive socialiste de Yougoslavie et à s’acquitter de toutes les obliga-
tions assumées par cette dernière dans les relations internationales, y
compris en ce qui concerne son appartenance à toutes les organi-
sations internationales et sa participation à tous les traités inter-
nationaux que la Yougoslavie a ratifiés ou auxquels elle a adhéré.»

(Nations Unies, doc. A/46/915, annexe I.)

100. La RFY ne se considérait donc pas comme l’un des Etats succes-
seurs de la RFSY nés de la dissolution de cette dernière mais comme
l’unique Etat continuateur, conservant la personnalité de l’ex-RFSY,
avec pour conséquence que les autres Etats issus de l’ex-Yougoslavie
étaient des Etats nouveaux, habilités toutefois à revendiquer des droits

d’Etats successeurs. La RFY maintint cette ligne de conduite jusqu’à un
changement de gouvernement intervenu en 2000, qui fut suivi d’une
demande d’admission à l’Organisation des Nations Unies en tant que
nouveau Membre (voir par. 50-51 ci-dessus et 116 ci-après).
La déclaration et la note de 1992 ne devraient bien évidemment pas être
considérées isolément; il faut évaluer leur effet en tenant compte, en par-

ticulier, du comportement de la RFY au moment où a été faite la déclara-
tion et ultérieurement, et cet aspect sera examiné ci-après (par. 114-117).
101. Sur la base des données historiques, ainsi que de la déclaration et
de la note du 27 avril 1992, la Croatie soutient que la Serbie était partie
à la convention sur le génocide le 2 juillet 1999 dans les mêmes conditions

que la RFSY l’avait été, c’est-à-dire sans réserve, et qu’en conséquence
l’article IX confère compétence à la Cour dans la présente affaire. Dans

39448 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION (JUDGMENT )

Croatia based its arguments in this respect on the rules of international
law concerning succession of States. In its Written Statement on the Pre-
liminary Objections of Serbia, it invoked primarily the decision of the
Court of 3 February 2003 in the case concerning Application for Revision

of the Judgment of 11 July 1996 in the Case concerning Application of
the Convention on the Prevention and Punishment of the Crime of
Genocide (Bosnia and Herzegovina v. Yugoslavia), Preliminary Objec-
tions (Yugoslavia v. Bosnia and Herzegovina) , in which the status of the
FRY vis-à-vis the United Nations has been in issue. In the course of the

oral proceedings, it indicated that it was also relying in the alternative on
the declaration and Note of 27 April 1992. It will be convenient to exam-
ine first this alternative argument based on the events of 1992, before pro-
ceeding, if necessary, to the wider question of the application in this case
of the general law relating to succession of States, since if Croatia’s con-

tentions as to the effect of the declaration and Note are accepted, the
need does not arise for the Court further to address the arguments put to
it by the Parties concerning the rules of international law governing State
succession to treaties including the question of ipso jure succession to
some multilateral treaties.

102. Croatia submitted not only that Serbia was bound by the Geno-
cide Convention from the beginning of the conflict between Bosnia and
Herzegovina and the FRY, that is to say from a date prior to the
1992 declaration, but that the Court has confirmed that this was so on six

occasions in the course of that period, namely in 1993 (twice), 1996, 1999,
2003 and 2007, i.e., in the Orders and Judgments in the case concerning
Application of the Convention on the Prevention and Punishment of the
Crime of Genocide (Bosnia and Herzegovina v. Serbia and Montenegro)
on the requests for the indication of provisional measures (1993), on pre-

liminary objections (1996) and on the merits (2007), in the Judgment on
the Application for Revision of the Judgment of 11 July 1996 in that
case (2003), and in the Orders on the requests for the indication of pro-
visional measures in the Legality of Use of Force cases (1999). Croatia
submitted that to hold that the FRY was not bound by the Genocide

Convention on 2 July 1999 “would reverse 15 years of jurisprudence and
call into question the basis for the Court’s decisions” in the case concern-
ing Application of the Convention on the Prevention and Punishment of
the Crime of Genocide brought by Bosnia and Herzegovina.

103. Croatia argues that these decisions are relevant because the “sol-

emn commitment” given by the FRY in the 1992 declaration has been
relied on by the FRY itself in proceedings before this Court, and has
been relied on by the Court, so that Croatia also was entitled to rely on
it, and has done so. The significance of the attitude adopted by the FRY
in previous proceedings will be examined below (see paragraph 114).

104. As for the Court itself, it was observed in paragraphs 52 to 56
above, these decisions do not have the status of res judicata in the present

40 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (ARRÊT ) 448

sa requête, la Croatie a fondé ses arguments à cet égard sur les règles du
droit international régissant la succession d’Etats. Dans ses observations
écrites sur les exceptions préliminaires de la Serbie, elle a principalement
invoqué la décision rendue par la Cour le 3 février 2003 en l’affaire de la

Demande en revision de l’arrêt du 11 juillet 1996 en l’affaire relative à
l’Application de la convention pour la prévention et la répression du
crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Yougoslavie), exceptions pré-
liminaires (Yougoslavie c. Bosnie-Herzégovine) , dans laquelle le statut de
la RFY vis-à-vis de l’Organisation des Nations Unies était en question.

Au cours de la procédure orale, la Croatie a indiqué qu’elle se fondait
également, à titre subsidiaire, sur la déclaration et la note du 27 avril
1992. Il conviendra d’examiner tout d’abord cet argument subsidiaire,
fondé sur les événements de 1992, avant de passer, si nécessaire, à la ques-
tion plus large de l’application en l’espèce du droit général de la succes-

sion d’Etats; en effet, s’il est fait droit à la thèse de la Croatie relative à
l’effet de la déclaration et de la note, la Cour n’aura pas besoin d’exami-
ner plus avant les arguments que lui ont présentés les Parties au sujet des
règles du droit international régissant la succession d’Etats aux traités,
y compris la question de la succession ipso jure à certains traités multi-

latéraux.
102. La Croatie a affirmé non seulement que la Serbie était liée par
la convention sur le génocide dès le début du conflit entre la Bosnie-
Herzégovine et la RFY — soit depuis une date antérieure à celle de la décla-
ration de 1992 — mais aussi que la Cour l’avait confirmé à six reprises au

cours de cette période — en 1993 (deux fois), en 1996, en 1999, en 2003 et
en 2007 —, à savoir dans les ordonnances et arrêts rendus en l’affaire
relative à l’Application de la convention pour la prévention et la répression
du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro) sur
les demandes en indication de mesures conservatoires (1993), les excep-

tions préliminaires (1996) et le fond (2007), dans son arrêt sur la Demande
en revision de l’arrêt du 11 juillet 1996 en la précédente affaire (2003), et
dans ses ordonnances sur les demandes en indication de mesures conser-
vatoires dans les affaires relatives à la Licéité de l’emploi de la force
(1999). D’après la Croatie, une conclusion selon laquelle la RFY n’était

pas liée par la convention sur le génocide le 2 juillet 1999 «équivaudrait à
annuler quinze années de jurisprudence et à remettre en question le fon-
dement des décisions de la Cour» en l’affaire relative à l’Application de la
convention pour la prévention et la répression du crime de génocide qui a
été introduite par la Bosnie-Herzégovine.
103. La Croatie affirme que ces décisions sont pertinentes parce que

l’«engagement solennel» exprimé par la RFY dans la déclaration de 1992
a été invoqué par la RFY elle-même devant la Cour, et que celle-ci lui a
prêté foi, de sorte que la Croatie était elle aussi fondée à s’y fier, ce qu’elle
a fait. La portée de la position adoptée par la RFY dans les instances
antérieures sera examinée ci-après (par. 114).

104. En ce qui concerne la Cour elle-même, ainsi qu’il a été indiqué
aux paragraphes 52 à 56 ci-dessus, ces décisions ne sont pas revêtues de

40449 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION (JUDGMENT )

proceedings. In general the Court does not choose to depart from previ-
ous findings, particularly when similar issues were dealt with in the earlier
decisions, as in the current case, unless it finds very particular reasons to
do so. It is on that basis therefore that the Court will consider the argu-

ments of the Parties on the matters which, it is argued, were covered by
those previous decisions.

105. The question what effects might, in law, result from the fact that

Croatia might have thought it possible, in good faith, to rely on the com-
mitment given in those documents, can be reserved for the present. The
Court will first examine what was the nature and effect of the 1992 dec-
laration and Note on the position of the FRY in relation to the Genocide
Convention.

106. Serbia argues that the declaration of 27 April 1992 described in
paragraph 98 above was not capable of constituting a notification of suc-
cession to the Genocide Convention, for three reasons. First, any notifi-
cation of succession just like any other relevant treaty action must ema-
nate, in order to be valid, from a person being able to represent the State

concerned (cf. Article 7 of the Vienna Convention on the Law of Trea-
ties). The 1992 declaration was however, Serbia contends, adopted by an
ad hoc body consisting of members of the Assembly of the SFRY, the
National Assembly of the Republic of Serbia, and of the Assembly of the
Republic of Montenegro. Secondly, as confirmed by uniform depositary

practice, specific notifications are necessary in order to bring about suc-
cession, in other words a notification of succession must specify precisely
which treaty it is directed to; and the 1992 declaration was entirely gen-
eral in its terms (“all the commitments that the SFR of Yugoslavia
assumed internationally”). Thirdly, any notification of succession, in

order to be an effective one, must be transmitted to the depositary; the
1992 declaration and Note were however transmitted to the Secretary-
General of the United Nations (the depositary of the Genocide Conven-
tion) to be circulated as an official document of the General Assembly,
and were thus clearly not addressed to him in his function as depositary.

107. In relation to the first point, the Court notes that the assembly
that adopted the 1992 declaration was the same that “promulgated the
Constitution of the Federal Republic of Yugoslavia”, as indicated in the

Note of 27 April 1992 (see paragraph 99 above). In any event the Note
transmitting the declaration to the Secretary-General of the United
Nations, was formally communicated by the Chargé d’affaires a.i. of the
Permanent Mission of Yugoslavia to the United Nations, and was
accepted by the Secretary-General, and circulated as such as an official

document of the General Assembly. While at the time objection was
taken to the claim of the FRY to be the continuator of the SFRY, it was

41 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE ARRÊT ) 449

l’autorité de la chose jugée à l’égard de la présente instance. En règle
générale — à moins qu’elle n’estime que des raisons très particulières doi-
vent la conduire à le faire —, la Cour ne s’écarte toutefois pas de sa juris-
prudence, notamment lorsque des questions comparables à celles qui se

posent à elle, comme en l’espèce, ont été examinées dans des décisions
antérieures. C’est donc dans cette perspective que la Cour se penchera sur
les arguments présentés par les Parties au sujet des questions qui, a-t-on
fait valoir, ont déjà été traitées dans les décisions susmentionnées.
105. La question des effets qui, en droit, peuvent résulter du fait que la

Croatie ait pu de bonne foi croire pouvoir se fonder sur l’engagement pris
dans ces documents peut être à ce stade réservée. La Cour commencera
par examiner la nature et l’effet de la déclaration et de la note de 1992 sur
la situation de la RFY vis-à-vis de la convention sur le génocide.

106. La Serbie soutient que la déclaration du 27 avril 1992, mention-
née au paragraphe 98 ci-dessus, ne pouvait pas constituer une notification
de succession à la convention sur le génocide et ce, pour trois raisons.
Premièrement, toute notification de succession, au même titre que tout
autre acte conventionnel pertinent, doit, pour être valable, émaner d’une

personne ayant qualité pour représenter l’Etat intéressé (voir l’article 7 de
la convention de Vienne sur le droit des traités); or, la Serbie affirme que
la déclaration de 1992 a été adoptée par un organe ad hoc composé de
membres de l’Assemblée de la RFSY, de l’Assemblée nationale de la
République de Serbie et de l’Assemblée de la République du Monténé-

gro. Deuxièmement, ainsi que le confirme la pratique constante des dépo-
sitaires, des notifications expresses sont nécessaires en matière de succes-
sion, ce qui signifie qu’une notification de succession doit désigner
précisément le traité auquel elle se rapporte; or, la déclaration de 1992
était formulée en des termes tout à fait généraux («tous les engagements

que la République fédérative socialiste de Yougoslavie a pris à l’échelon
international»). Troisièmement, toute notification de succession doit,
pour produire effet, être communiquée au dépositaire; or, la déclaration
et la note de 1992 ont été transmises au Secrétaire général de l’Organisa-
tion des Nations Unies (le dépositaire de la convention sur le génocide)

pour être distribuées sous la forme d’un document officiel de l’Assemblée
générale, et ne lui ont donc manifestement pas été adressées en sa qualité
de dépositaire.
107. En ce qui concerne le premier de ces points, la Cour relève que
l’assemblée qui a adopté la déclaration de 1992 était la même que celle
qui, comme il est indiqué dans la note du 27 avril 1992 (voir par. 99 ci-

dessus), a «promulgué la Constitution de la République fédérale de You-
goslavie». En tout état de cause, la note sous le couvert de laquelle la
déclaration a été transmise au Secrétaire général de l’Organisation des
Nations Unies a été formellement communiquée par le chargé d’affaires
par intérim de la mission permanente de la Yougoslavie auprès de l’Orga-

nisation, elle a été acceptée par le Secrétaire général et, comme telle, elle
a été distribuée sous la forme d’un document officiel de l’Assemblée géné-

41450 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION (JUDGMENT )

not then suggested that that claim was not advanced by the appropriate
representative body of the FRY, or conveyed to the Secretary-General by
an unauthorized representative. Furthermore, as the Court will elaborate
more fully below (see paragraphs 114-115), there can be no doubt, from

the subsequent conduct of those charged with the affairs of the FRY,
that the declaration was regarded by the State as made on its behalf, and
the commitments contained in it were endorsed and accepted by the
FRY.

108. In respect of the second argument, the Court must first consider
whether the 1992 declaration and Note were “made in sufficiently specific
terms in relation to the particular question” of acceptance to be bound by
international treaty obligations (cf. Armed Activities on the Territory of

the Congo (New Application: 2002) (Democratic Republic of the
Congo v. Rwanda), Jurisdiction and Admissibility, Judgment, I.C.J.
Reports 2006, pp. 28-29, para. 52). The Court notes that the 1992 declaration
and Note did not merely state that the FRY would abide by certain com-
mitments: it specified that these were the commitments “that the SFR of

Yugoslavia assumed internationally” or “in international relations”.
While the treaties contemplated were not specified by name, the declara-
tion referred to a class of instruments which was perfectly ascertainable
at the moment of making of the declaration: the treaty “commitments”
binding on the SFRY at the moment of its dissolution. There is no doubt

that the Genocide Convention was one of these “commitments”. While
the practice of making declarations of succession to a treaty or treaties
with an indication of the treaty or treaties to which they are intended to
relate is of undoubted practical usefulness, the Court is unable to hold
that international law regards as wholly ineffective an instrument that

identifies by general reference the treaty to which it is addressed, rather
than by designating it by its particular name.

109. In the view of the Court, there is a distinction between the legal
nature of ratification of, or accession to a treaty, on the one hand, and on

the other, the process by which a State becomes bound by a treaty as a
successor State or remains bound as a continuing State. Accession or
ratification is a simple act of will on the part of the State manifesting an
intention to undertake new obligations and to acquire new rights in terms
of the treaty, effected in writing in the formal manner set out in the
Treaty (cf. Articles 15 and 16 of the Vienna Convention on the Law of

Treaties). In the case of succession or continuation on the other hand, the
act of will of the State relates to an already existing set of circumstances,
and amounts to a recognition by that State of certain legal consequences
flowing from those circumstances, so that any document issued by the
State concerned, being essentially confirmatory, may be subject to less

rigid requirements of form. Article 2 (g) of the 1978 Vienna Convention
on Succession of States in respect of Treaties reflects this idea, defining a

42 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE ARRÊT ) 450

rale. Malgré l’opposition manifestée à l’époque contre la thèse de la RFY
selon laquelle celle-ci assurait la continuité de la RFSY, l’idée que cette
thèse n’émanait pas de l’organe représentatif approprié de la RFY, ou
qu’elle avait été exposée au Secrétaire général par un représentant non

autorisé, n’a pas été avancée. De surcroît, ainsi que la Cour l’exposera
plus en détail ci-après (par. 114 et 115), il ne saurait faire de doute, à
en juger par la conduite ultérieure des personnes qui étaient chargées
des affaires de la RFY, que cet Etat considérait la déclaration comme
faite en son nom, et qu’il faisait siens et acceptait les engagements

qu’elle contenait.
108. S’agissant du deuxième argument, la Cour doit tout d’abord exa-
miner le point de savoir si «le contenu de [la déclaration et de la note de
1992] est ... suffisamment précis relativement à la question particulière»
de l’acceptation d’obligations conventionnelles internationales (voir Acti-

vités armées sur le territoire du Congo (nouvelle requête: 2002) (Répu-
blique démocratique du Congo c. Rwanda), compétence et recevabilité,
arrêt, C.I.J. Recueil 2006 , p. 28-29, par. 52). La Cour relève que la décla-
ration et la note de 1992 n’indiquaient pas simplement que la RFY res-
pecterait certains engagements; elle précisait que ces engagements étaient

ceux «que la République fédérative socialiste de Yougoslavie a[vait] pris
à l’échelon international» ou «dans le cadre des relations internatio-
nales». S’il est donc vrai que les traités visés n’étaient pas nommément
désignés, la déclaration renvoyait toutefois à une catégorie d’instruments
qui était alors parfaitement identifiable, à savoir celle des «engagements»

conventionnels qui liaient la RFSY au moment de sa dissolution. Il ne
fait aucun doute que la convention sur le génocide était l’un de ces
«engagements». S’il est assurément utile que les déclarations de succes-
sion soient assorties d’une indication du ou des traités auxquels elles
sont censées se rapporter, la Cour ne saurait toutefois considérer que le

droit international n’attache absolument aucun effet à un instrument
qui renvoie à un traité par une référence générale au lieu de le désigner
nommément.
109. De l’avis de la Cour, il existe une distinction entre la nature juri-
dique de la ratification d’un traité ou de l’adhésion à celui-ci et celle du

processus par lequel un Etat devient lié par un traité en tant qu’Etat suc-
cesseur ou le demeure en tant qu’Etat continuateur. L’adhésion ou la
ratification est un acte de volonté pur et simple par lequel l’Etat exprime
son intention d’accepter des obligations nouvelles et d’acquérir des droits
nouveaux aux termes d’un traité, acte effectué par écrit et dans les formes
prévues par celui-ci (voir les articles 15 et 16 de la convention de Vienne

sur le droit des traités). Dans le cas de la succession ou de la continuité,
en revanche, l’acte de volonté de l’Etat s’inscrit dans un contexte préexis-
tant et revient pour l’Etat intéressé à reconnaître que certaines consé-
quences juridiques découlent dudit contexte, de sorte que tout document
produit par cet Etat peut, dès lors qu’il s’agit essentiellement d’une

confirmation, être soumis à des exigences formelles moins rigoureuses.
Cette idée trouve son expression à l’article 2 g) de la convention de

42451 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION (JUDGMENT )

“notification of succession” as meaning “in relation to a multilateral
treaty, any notification, however framed or named , made by a successor
State expressing its consent to be considered as bound by the treaty”.
Nor does international law prescribe any specific form for a State to

express a claim of continuity.

110. In respect of both the second and the third arguments advanced
by Serbia, the Court notes that the 1992 declaration was not expressed in

the terms of one of the recognized legal acts by which a State may
become a party to a multilateral convention. It observes, however, that in
order to constitute a valid and effective means by which the declaring
State could assume obligations under the Convention, the declaration
need not strictly comply with all formal requirements. For example, in

the North Sea Continental Shelf (Federal Republic of Germany/Den-
mark; Federal Republic of Germany/Netherlands) cases, the Court recog-
nized the possibility that a State that had not carried out the usual for-
malities (ratification, accession) to become bound by the régime of an
international convention might nevertheless “somehow become bound in

another way”, even though such a process was “not lightly to be pre-
sumed” to have occurred. This did not in the event prove to have hap-
pened in those cases (Judgment, I.C.J. Reports 1969 , p. 25, paras. 27 and
28). In the present case, the Court has to consider whether the 1992 dec-
laration and Note, coupled with other consistent conduct of Serbia,

indicate such a unilateral acceptance of the obligations of the Genocide
Convention, by a process equivalent, in the special circumstances of this
case, to a succession to the SFRY as regards to the Convention.

111. For the purposes of the present case, the Court points out first

and foremost that the FRY in 1992 clearly expressed an intention to be
bound — or, consistently with the view of the legal situation it then held,
to continue to be bound — by the obligations of the Genocide Conven-
tion. The FRY was then claiming to be the continuator State of the
SFRY, but it did not repudiate its status as a party to the Convention

even when it became apparent that that claim would not prevail, and that
the FRY was regarded by other States, particularly by those that had
emerged from the dissolution of the former Yugoslavia, as simply one of
the successor States of the SFRY. In the particular context of the case,
the Court is of the view that the 1992 declaration must be considered as
having had the effects of a notification of succession to treaties, notwith-

standing that its political premise was different. It is clear that the opera-
tive part of the 1992 declaration, the acceptance of “all the commitments
that the Socialist Federal Republic of Yugoslavia assumed internation-
ally”, had been drawn up in the light of its assertion, made in the declara-
tion and in the Note of the Permanent Mission, of “the continuity of the

international personality of Yugoslavia”, and this was linked with the
claim of the FRY to continue the membership of the SFRY in the United

43 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (ARRÊT ) 451

Vienne de 1978 sur la succession d’Etats en matière de traités, qui définit
la «notification de succession» comme s’entendant, «par rapport à un
traité multilatéral, d’une notification, quel que soit son libellé ou sa dési-
gnation, faite par un Etat successeur, exprimant le consentement de cet

Etat à être considéré comme étant lié par le traité». Le droit international
n’impose d’ailleurs à l’Etat aucune forme particulière pour exprimer une
revendication de continuité.
110. S’agissant tant du deuxième que du troisième argument avancés
par la Serbie, la Cour relève que la déclaration de 1992 n’était pas libellée

de la manière dont le sont les actes juridiques par lesquels il est reconnu
qu’un Etat peut devenir partie à une convention multilatérale. Elle fait
toutefois observer que, pour constituer un moyen valable et effectif par
lequel l’Etat déclarant peut assumer des obligations en vertu de la Conven-
tion, une déclaration n’a pas à être strictement conforme à l’ensemble des

formalités requises. Ainsi, dans les affaires du Plateau continental de la
mer du Nord (République fédérale d’Allemagne/Danemark; République
fédérale d’Allemagne/Pays-Bas) , la Cour a reconnu qu’un Etat qui ne
s’était pas acquitté des formalités d’usage (ratification, adhésion) pour
devenir lié par le régime établi par une convention internationale pouvait

«n’en [être] pas moins tenu d’une autre façon», encore qu’on «ne saurait
présumer à la légère» que ce processus a eu lieu, ce qui ne s’était pas
révélé être le cas dans ces affaires (arrêt, C.I.J. Recueil 1969 ,p .,
par. 27 et 28). En la présente espèce, la Cour doit rechercher si la déclara-
tion et la note de 1992, considérées conjointement avec tout autre com-

portement concordant de la Serbie, indiquent une telle acceptation uni-
latérale des obligations de la convention sur le génocide et ce, dans le
contexte particulier de la présente espèce, par un processus équivalant à
une succession à la RFSY à l’égard de la Convention.
111. Aux fins de la présente espèce, la Cour retiendra avant tout que

la RFY a clairement exprimé en 1992 son intention d’être liée — ou,
conformément à ce qui était alors son appréciation de la situation juri-
dique, de continuer à être liée — par les obligations de la convention sur
le génocide. La RFY prétendait alors être l’Etat continuateur de la RFSY,
et ne renonça pas à son statut de partie à la Convention même lorsqu’il

devint manifeste que cette thèse ne prévaudrait pas et que les autres
Etats, en particulier ceux issus de la dissolution de l’ex-Yougoslavie,
considéraient la RFY simplement comme l’un des Etats successeurs de la
RFSY. Dans le contexte particulier de l’affaire, la Cour estime que la
déclaration de 1992 doit être considérée comme ayant eu les effets d’une
notification de succession à des traités et ce, bien que l’intention politique

qui la sous-tendait ait été différente. Il est clair que la partie de la déclara-
tion de 1992 portant décision d’accepter «tous les engagements que la
République fédérative socialiste de Yougoslavie [avait] pris à l’échelon
international» était inspirée de la thèse, formulée dans cette même décla-
ration et dans la note de la mission permanente, de «la continuité de la

personnalité internationale de la Yougoslavie», thèse liée à la prétention
de la RFY à assurer la continuité de la RFSY en qualité de Membre

43452 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION (JUDGMENT )

Nations. There was however no indication that the commitment under-
taken would be conditional on acceptance of the claim of continuity.
That claim did not in fact prevail. Nonetheless, the conduct of Serbia
after the transmission of the declaration made it clear that it regarded

itself bound by the Genocide Convention.

112. Serbia has however drawn the attention of the Court to Arti-
cle XI of the Genocide Convention, which provides that:

“The present Convention shall be open until 31 December 1949
for signature on behalf of any Member of the United Nations and of
any non-member State to which an invitation to sign has been

addressed by the General Assembly.
The present Convention shall be ratified, and the instruments of
ratification shall be deposited with the Secretary-General of the
United Nations.
After 1 January 1950, the present Convention may be acceded to

on behalf of any Member of the United Nations and of any non-
member State which has received an invitation as aforesaid.

Instruments of accession shall be deposited with the Secretary-
General of the United Nations.”

Serbia contends the following:

“Before it became a Member of the United Nations on 1 Novem-
ber 2000 as a new State, the Respondent was not even qualified to be
a party to the Genocide Convention. Since it was not [prior to that

date] a Member of the United Nations, it could only have become a
party upon an invitation extended under Article XI. It is an undis-
puted fact that the FRY never received such an invitation.”

113. The Court observes that Article XI, according to its terms, does
not exclude States not Members of the United Nations from being
parties to the Genocide Convention, as Serbia suggests; it provides sim-

ply that non-signatory States may only accede to the Convention if they
are United Nations Member States or States who have received an invita-
tion from the General Assembly. The text does not make any reference to
continuation of, or succession to, the treaty rights and obligations of a
predecessor State, in the manner and on the conditions recognized in
international law. In the case concerning the Application of the Conven-

tion on the Prevention and Punishment of the Crime of Genocide (Bosnia
and Herzegovina v. Serbia and Montenegro), the question was raised
whether a “Notice of Succession” to the Convention transmitted by Bos-
nia and Herzegovina was not to be treated as an accession, to which Arti-
cles XI and XIII of the Convention would apply. The Court held that

Bosnia and Herzegovina had become a party to the Convention by way
of succession, and concluded from this that “the question of the applica-

44 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (ARRÊT ) 452

de l’Organisation des Nations Unies. Rien n’indiquait cependant que
l’engagement souscrit fût subordonné à l’acceptation de la thèse de la
continuité. Cette thèse ne s’est en fait pas imposée. Il n’en ressort pas

moins du comportement de la Serbie après la communication de la
déclaration qu’elle se considérait elle-même comme liée par la convention
sur le génocide.
112. Cependant, la Serbie a aussi appelé l’attention de la Cour sur
l’article XI de la convention sur le génocide, aux termes duquel

«[l]a présente Convention sera ouverte jusqu’au 31 décembre 1949 à
la signature au nom de tout Membre de l’Organisation des Nations

Unies et de tout Etat non membre à qui l’Assemblée générale aura
adressé une invitation à cet effet.
La présente Convention sera ratifiée et les instruments de ratifica-
tion seront déposés auprès du Secrétaire général de l’Organisation
des Nations Unies.
er
A partir du 1 janvier 1950, il pourra être adhéré à la présente
Convention au nom de tout Membre de l’Organisation des Nations
Unies et de tout Etat non membre qui aura reçu l’invitation susmen-
tionnée.

Les instruments d’adhésion seront déposés auprès du Secrétaire
général de l’Organisation des Nations Unies.»

La Serbie soutient ce qui suit:
«Avant de devenir Membre de l’Organisation des Nations Unies
er
le 1 novembre 2000 en tant que nouvel Etat, le défendeur n’avait
même pas qualité pour être partie à la convention sur le génocide.
Puisqu’il n’était pas membre de l’Organisation des Nations Unies
[avant cette date], il n’aurait pu y devenir partie que sur l’invitation
prévue par l’article XI. Il est incontesté que la RFY n’a jamais reçu

pareille invitation.»
113. La Cour observe que le libellé de l’article XI n’exclut pas, contrai-

rement à ce que la Serbie soutient, que des Etats non membres de l’Orga-
nisation des Nations Unies puissent être parties à la convention sur le
génocide; il prévoit simplement que les Etats non signataires ne peuvent
adhérer à la Convention que s’ils sont des Etats Membres de l’Organisa-

tion des Nations Unies ou si l’Assemblée générale les y a invités. Le texte
ne contient aucune référence à la continuation des droits et obligations
conventionnels d’un Etat prédécesseur ou à la succession à ceux-ci selon
les modalités et les conditions qui sont reconnues en droit international.
Dans l’affaire relative à l’Application de la convention pour la prévention

et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-
Monténégro), la question a été soulevée de savoir si une «notification de
succession» à la Convention transmise par la Bosnie-Herzégovine ne
devait pas être traitée comme une adhésion à laquelle les articles XI et
XIII de la Convention se seraient appliqués. La Cour a déclaré que la

Bosnie-Herzégovine était devenue partie à la Convention par voie de

44453 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION (JUDGMENT )

tion of Articles XI and XIII of the Convention does not arise” (Prelimi-
nary Objections, Judgment, I.C.J. Reports 1996 (II) , p. 612, para. 24).

114. The position adopted by the FRY itself in relation to the Conven-

tion has already been referred to, and is clearly conduct that must be
taken into account by the Court. As early as 1993, in the context of the
first request for the indication of provisional measures in the proceedings
brought against it by Bosnia and Herzegovina, the FRY, while question-
ing whether the applicant State was a party to the Genocide Convention

at the relevant dates, did not challenge the claim that it was itself a party,
and itself presented a request for the indication of provisional measures,
referring to Article IX of the Convention. On this basis, the Court in its
Order found that “both Bosnia-Herzegovina and Yugoslavia are parties”
to the Convention (Application of the Convention on the Prevention and

Punishment of the Crime of Genocide (Bosnia and Herzegovina v. Yugo-
slavia (Serbia and Montenegro)), Provisional Measures, Order of
8 April 1993, I.C.J. Reports 1993 , p. 16, para. 26), and cited the 1992 decla-
ration and Note (ibid., p. 15, paras. 22-23). Moreover, in the same case,
at the preliminary objections stage, the FRY argued that the Genocide

Convention had begun to apply to relations between the two Parties on
14 December 1995, as recalled above (see paragraph 82), having itself
continued the rights and duties, under (inter alia) that Convention,
established by the SFRY. Furthermore, on 29 April 1999 the FRY filed
in the Registry of the Court Applications instituting proceedings against

ten States Members of NATO, citing (inter alia) the Genocide Conven-
tion as title of jurisdiction (see, for example, Legality of Use of Force
(Serbia and Montenegro v. Belgium), Preliminary Objections, Judgment,
I.C.J. Reports 2004 (I), pp. 283-284, para. 1).

115. This was still the situation when on 2 July 1999 Croatia filed the
Application instituting the present proceedings. During the period
between the making of the 1992 declaration and that date, neither the
FRY nor any other State for which the issue might have had significance
questioned that the FRY was a party to the Genocide Convention, with-

out reservations; and no other event occurring during that period had
any impact on the legal situation arising from the 1992 declaration. On
1 November 2000, the FRY was admitted as a new Member of the
United Nations, as it had requested by a letter addressed to the Secre-
tary-General by the President of the FRY dated 27 October 2000, “in
light of the implementation of Security Council resolution 777 (1992)”

(United Nations doc. A/55/528-S/2000/1043). As the Court observed in
its Judgments in the cases concerning the Legality of Use of Force, “[t]his
new development effectively put an end to the sui generis position of the
Federal Republic of Yugoslavia within the United Nations . . .” (Legality
of Use of Force (Serbia and Montenegro v. Belgium), Preliminary Objec-

tions, Judgment, I.C.J. Reports 2004 (I) , p. 310, para. 78). Nevertheless,
the FRY did not at that time withdraw, or purport to withdraw, the dec-

45 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (ARRÊT ) 453

succession, et en a tiré comme conclusion que «la question de l’applica-
tion des articles XI et XIII de la Convention n’a[vait] pas à être posée»
(exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1996 (II) , p. 612, par. 24).
114. La position adoptée par la RFY elle-même à l’égard de la Conven-

tion a déjà été mentionnée, et il s’agit manifestement d’un comportement
que la Cour doit prendre en considération. Dès 1993, dans le contexte de
la première demande en indication de mesures conservatoires présentée
dans l’instance introduite contre elle par la Bosnie-Herzégovine, la RFY,
tout en émettant des doutes sur le fait de savoir si l’Etat demandeur était

partie à la convention sur le génocide aux dates pertinentes, n’avait pas
contesté la thèse qu’elle y était, quant à elle, partie, et avait elle-même pré-
senté une demande en indication de mesures conservatoires en se référant
à l’article IX de la Convention. Au vu de ces éléments, la Cour a, dans son
ordonnance, considéré que «la Bosnie-Herzégovine et la Yougoslavie

[étaient] parties» à la Convention (Application de la convention pour la
prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine
c. Yougoslavie (Serbie et Monténégro)), mesures conservatoires, ordon-
nance du 8 avril 1993, C.I.J. Recueil 1993, p. 16, par. 26), et cité la décla-
ration et la note de 1992 (ibid., p. 15, par. 22-23). En outre, dans la même

affaire, au stade des exceptions préliminaires, la RFY a soutenu que,
ayant elle-même assuré la continuité des droits et obligations de la RFSY
découlant, notamment, de la convention sur le génocide, cet instrument,
comme il a été rappelé ci-dessus (voir par. 82), était entré en vigueur entre
les deux Parties le 14 décembre 1995. Au surplus, le 29 avril 1999, la RFY

a déposé au Greffe de la Cour des requêtes introductives d’instance contre
dix Etats membres de l’OTAN, en invoquant notamment la convention
sur le génocide comme base de compétence (voir par exempleLicéité de
l’emploi de la force (Serbie-et-Monténégro c. Belgique), exceptions préli-
minaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2004 (I), p. 283-284, par. 1).

115. La situation était inchangée lorsque, le 2 juillet 1999, la Croatie
déposa la requête introduisant la présente instance. Entre la déclaration
de 1992 et cette date, ni la RFY ni aucun autre Etat susceptible d’être
intéressé par la question n’ont contesté que la RFY était partie à la
convention sur le génocide, sans réserve, et aucun autre événement, pen-

dant cette période, n’a eu la moindre inerdence sur la situation juridique
découlant de ladite déclaration. Le 1 novembre 2000, la RFY a été
admise en tant que nouveau Membre de l’Organisation des Nations
Unies, ainsi qu’elle en avait formulé la demande, par lettre datée du
27 octobre 2000 et adressée au Secrétaire général par le président de la
RFY, «comme suite à la résolution 777 (1992) du Conseil de sécurité»

(Nations Unies, doc. A/55/528-S/2000/1043). Ainsi que la Cour l’a fait
observer dans les arrêts qu’elle a rendus dans les affaires relatives à la
Licéité de l’emploi de la force , «[c]ette évolution mit fin effectivement à la
situation sui generis de la République fédérale de Yougoslavie au sein des
Nations Unies» (Licéité de l’emploi de la force (Serbie-et-Monténégro

c. Belgique), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2004 (, p. 310,
par. 78). Pourtant, la RFY n’a, à l’époque, ni retiré ni prétendu retirer la

45454 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION (JUDGMENT )

laration and Note of 1992, which had been drawn up in the light of the
contention that the FRY was continuing the legal personality of the
SFRY. It did not, for example, suggest that the failure of that contention
to gain acceptance had entailed the nullity of the declaration, or cessation

of the commitment to the international obligations contemplated by it.
116. It was not until March 2001 that the FRY took any further step
inconsistent with the status which it had since 1992 been claiming to pos-
sess, namely that of a State party to the Genocide Convention. On
12 March 2001 it deposited with the Secretary-General a notification of

accession to the Genocide Convention, which, after referring to the 1992
declaration and to the subsequent admission of the FRY to the United
Nations as a new Member, contained the following:

“N OW it has been established that the Federal Republic of Yugo-
slavia has not succeeded on April 27, 1992, or on any later date, to
treaty membership, rights and obligations of the Socialist Federal
Republic of Yugoslavia in the Convention on the Prevention and

Punishment of the Crime of Genocide on the assumption of contin-
ued membership in the United Nations and continued state, inter-
national legal and political personality of the Socialist Federal
Republic of Yugoslavia . . .”

The notification of accession contained the following reservation:

“‘The Federal Republic of Yugoslavia does not consider itself
bound by Article IX of the Convention . . . and, therefore, before

any dispute to which the Federal Republic of Yugoslavia is a party
may be validly submitted to the jurisdiction of the International
Court of Justice under this Article, the specific and explicit consent
of the FRY is required in each case.’”

However, the Court notes also that on that same date, the FRY depos-
ited with the Secretary-General of the United Nations declarations of
succession to a large number of other multilateral conventions of which

the Secretary-General is depositary. This practice of the FRY was fully
consistent with that of the other former States emerging from the dissolu-
tion of the SFRY, which also saw themselves as successors to that State,
and thus had, during the period from 1991 on, notified their succession to
those conventions. There was indeed (other than the accession of the
FRY to the Genocide Convention) only one exception to that very exten-

sive and consistent body of practice.
117. In sum, in the present case the Court, taking into account both
the text of the declaration and Note of 27 April 1992, and the consistent
conduct of the FRY at the time of its making and throughout the years
1992-2001, considers that it should attribute to those documents precisely

the effect that they were, in the view of the Court, intended to have on
the face of their terms: namely, that from that date onwards the FRY

46 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (ARRÊT ) 454

déclaration et la note de 1992, qui étaient inspirées de sa thèse selon
laquelle elle assurait la continuité de la personnalité juridique de la
RFSY. Elle n’a pas laissé entendre, par exemple, que le rejet de cette
thèse avait entraîné la nullité de la déclaration ou la cessation de l’enga-

gement pris à l’égard des obligations internationales visées dans celle-ci.
116. Jusqu’en mars 2001, la RFY ne prit aucune autre mesure contraire
au statut qu’elle prétendait être le sien depuis 1992, à savoir celui d’un
Etat partie à la convention sur le génocide. Le 12 mars 2001, elle déposa
auprès du Secrétaire général une notification d’adhésion à la convention

sur le génocide qui, après un renvoi à la déclaration de 1992 et à l’admis-
sion ultérieure de la RFY à l’Organisation des Nations Unies en qualité
de nouveau Membre, contenait ce qui suit:

«M AINTENANT qu’il est établi que la République fédérale de You-
goslavie n’a succédé ni le 27 avril 1992 ni à aucune autre date ulté-
rieure à la République fédérative socialiste de Yougoslavie en sa
qualité de partie à la convention pour la prévention et la répression

du crime de génocide et dans ses droits et obligations découlant de
cette convention en postulant qu’elle aurait continué d’être Membre
de l’Organisation des Nations Unies et qu’elle aurait assuré la conti-
nuité de l’Etat et de la personnalité juridique et politique internatio-
nale de la République fédérative socialiste de Yougoslavie...» [Tra-

duction du Greffe.]
La notification d’adhésion comportait la réserve suivante:

«La République fédérale de Yougoslavie ne se considère pas liée
par l’article IX de la Convention ...; c’est pourquoi, pour qu’un dif-

férend auquel la République fédérale de Yougoslavie est partie puisse
être valablement soumis à la Cour internationale de Justice en vertu
dudit article, son consentement spécifique et exprès est nécessaire
dans chaque cas.» [Traduction du Greffe.]

Toutefois, la Cour relève également que la RFY a, le même jour,
déposé auprès du Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies
des déclarations de succession relatives à un grand nombre d’autres

conventions multilatérales dont il était le dépositaire. Ce faisant, la RFY
a agi de la même manière que les autres Etats issus de la dissolution de la
RFSY, lesquels se considéraient également comme des successeurs de
cette dernière et avaient, dès lors, notifié leur succession à ces conventions
à partir de 1991. Il n’y eut en réalité (hormis l’adhésion de la RFY à la
convention sur le génocide) qu’une seule exception à cette pratique géné-

rale et concordante.
117. En résumé, la Cour considère que, dans la présente affaire, compte
tenu de la teneur de la déclaration et de la note du 27 avril 1992 ainsi que
du comportement concordant de la RFY tant au moment de leur rédac-
tion que tout au long des années 1992 à 2001, il convient d’attribuer pré-

cisément à ces documents l’effet qu’ils étaient, selon elle, censés avoir
d’après leur libellé, à savoir que, à compter de cette date, la RFY serait

46455 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION (JUDGMENT )

would be bound by the obligations of a party in respect of all the multi-
lateral conventions to which the SFRY had been a party at the time of its
dissolution, subject of course to any reservations lawfully made by the
SFRY limiting its obligations. It is common ground that the Genocide

Convention was one of these conventions, and that the SFRY had made
no reservation to it; thus the FRY in 1992 accepted the obligations of
that Convention, including Article IX providing for the jurisdiction of
the Court and that jurisdictional commitment was binding on the Respon-
dent at the date the present proceedings were instituted. In the events that

have occurred, this signifies that the 1992 declaration and Note had the
effect of a notification of succession by the FRY to the SFRY in relation
to the Genocide Convention. The Court concludes that, subject to the
more specific objections of Serbia to be examined below, it had, on the
date on which the present proceedings were instituted, jurisdiction to

entertain the case on the basis of Article IX of the Genocide Convention.
That situation continued at least until 1 November 2000, the date on
which Serbia and Montenegro became a Member of the United Nations
and thus a party to the Statute of the Court.

Accordingly, there is no need to consider the contentions of Croatia
based on more general issues relating to the rules of international law
concerning succession of States to treaties, referred to in paragraph 101
above.

**

(3) Conclusions
118. The Court recalls that it held earlier in this Judgment (see para-

graph 91) that the Respondent acquired the status of party to the Statute
of the Court on 1 November 2000. The Court further held that if it could
be established that the Respondent was also a party to the Genocide
Convention, including Article IX, on the date of the institution of the
proceedings and until at least 1 November 2000, and if consequently the

Applicant would have been at liberty, had it so desired, to submit a fresh
application identical in substance to the present Application, the condi-
tions for the jurisdiction of the Court would be satisfied.
The Court has now found that the Respondent was bound by the
Genocide Convention, including Article IX thereof, at the date of the

institution of the proceedings and remained so bound at least until
1 November 2000.
119. Having established that the conditions for the Court’s jurisdic-
tion are met and without prejudice to its findings on the other prelimi-
nary objections submitted by Serbia, the Court concludes that the first

preliminary objection, “that the Court lacks jurisdiction”, must be
rejected.

* * *

47 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE ARRÊT ) 455

liée, en tant que partie, par les obligations découlant de toutes les conven-
tions multilatérales auxquelles la RFSY était partie au moment de sa dis-

solution, à moins, bien sûr, que celle-ci n’eût formulé de manière régu-
lière des réserves limitant ses obligations. Il est constant que la convention
sur le génocide faisait partie de ces conventions et que la RFSY n’avait
formulé aucune réserve à son égard. La RFY a donc accepté en 1992 les
obligations découlant de cette convention, y compris l’article IX qui pré-

voit la compétence de la Cour; cet engagement relatif à la compétence
liait le défendeur à la date d’introduction de la présente instance. Dans le
contexte des événements qui se sont produits, cela signifie que la décla-
ration et la note de 1992 ont eu l’effet d’une notification de succession de

la RFY à la RFSY à l’égard de la convention sur le génocide. La Cour
conclut que, sous réserve des exceptions plus spécifiques formulées par la
Serbie, qui seront examinées ci-après, elle avait, à la date d’introduction
de la présente instance, compétence pour connaître de l’affaire sur la base
de l’article IX de la convention sur le génocide. Cette situation est restée
er
inchangée au moins jusqu’au 1 novembre 2000, date à laquelle la Serbie-
et-Monténégro est devenue Membre de l’Organisation des Nations Unies
et donc partie au Statut de la Cour.
Point n’est dès lors besoin d’examiner les arguments de la Croatie

fondés sur des questions plus générales touchant aux règles du droit
international concernant la succession d’Etats aux traités, évoqués au
paragraphe 101 ci-dessus.

**

3) Conclusions
118. La Cour rappelle qu’elle a précédemment conclu dans le présent

arrêt (voirerar. 91) que le défendeur avait acquis la qualité de partie à son
Statut le 1 novembre 2000. Elle a en outre estimé que, s’il pouvait être
établi que le défendeur était également partie à la convention sur le géno-
cide, y compris son article IX, à la date de l’introduction de l’instance et
er
au moins jusqu’au 1 novembre 2000, et qu’il aurait dès lors été loisible
au demandeur d’introduire — s’il l’avait souhaité — une nouvelle requête
identique en substance à la présente, les conditions de sa compétence se
trouveraient remplies.
La Cour a maintenant établi que le défendeur était lié par la conven-

tion sur le génocide, y compris son article IX, à la date er l’introduction
de l’instance, et qu’il l’est demeuré au moins jusqu’au 1 novembre 2000.

119. La Cour, considérant que les conditions de sa compétence sont

remplies et ce, sans préjudice de ses conclusions relatives aux autres
exceptions préliminaires présentées par la Serbie, conclut que la première
exception préliminaire selon laquelle «la Cour n’a pas compétence» doit
être rejetée.

*
* *

47456 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION (JUDGMENT )

VI. PRELIMINARY O BJECTION TO THE JURISDICTION OF THE COURT
AND TO A DMISSIBILITY, RATIONE T EMPORIS

120. The Court therefore now turns to the second preliminary objec-
tion as stated in Serbia’s final submission 2 (a), namely the objection
that “claims based on acts and omissions which took place prior to

27 April 1992”, that is to say prior to the formal establishment of the
“Federal Republic of Yugoslavia (Serbia and Montenegro)”, the name
by which the present Serbia was formerly known, “are beyond the juris-
diction of this Court and inadmissible”. The preliminary objection is thus

presented as, at one and the same time, an objection to jurisdiction and
one going to the admissibility of the claims. A distinction between these
two kinds of objections is well recognized in the practice of the Court. In
either case, the effect of a preliminary objection to a particular claim is

that, if upheld, it brings the proceedings in respect of that claim to an
end; so that the Court will not go on to consider the merits of the claim.
If the objection is a jurisdictional objection, then since the jurisdiction of
the Court derives from the consent of the parties, this will most usually

be because it has been shown that no such consent has been given by the
objecting State to the settlement by the Court of the particular dispute. A
preliminary objection to admissibility covers a more disparate range of
possibilities. In the case concerning Oil Platforms (Islamic Republic of
Iran v. United States of America) the Court noted that:

“Objections to admissibility normally take the form of an asser-
tion that, even if the Court has jurisdiction and the facts stated
by the applicant State are assumed to be correct, nonetheless
there are reasons why the Court should not proceed to an

examination of the merits.” (Judgment, I.C.J. Reports 2003 , p. 177,
para. 29.)

Essentially such an objection consists in the contention that there exists
a legal reason, even when there is jurisdiction, why the Court should
decline to hear the case, or more usually, a specific claim therein.
Such a reason is often of such a nature that the matter should be resolved

in limine litis, for example where without examination of the merits
it may be seen that there has been a failure to comply with the rules
as to nationality of claims; failure to exhaust local remedies; the
agreement of the parties to use another method of pacific settlement;

or mootness of the claim. If the Court finds that an objection “does
not possess, in the circumstances of the case, an exclusively
preliminary character” (Article 79, paragraph 7, of the Rules of Court
as adopted on 14 April 1978), it will be dealt with at the merits stage.
Challenges either to jurisdiction or to admissibility are sometimes

in fact presented along with arguments on the merits, and argued and
determined at that stage (cf. East Timor (Portugal v. Australia),
Judgment, I.C.J. Reports 1995 , p. 92, para. 4; Avena and Other Mexican

48 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (ARRÊT ) 456

VI. EXCEPTION PRÉLIMINAIRE À LA COMPÉTENCE DE LA C OUR
ET À LA RECEVABILITÉ RATIONE TEMPORIS

120. La Cour passera donc maintenant à l’examen de la deuxième
exception préliminaire, énoncée à l’alinéa 2 a) des conclusions finales de
la Serbie, selon laquelle «les demandes fondées sur les actes ou omissions
antérieurs au 27 avril 1992» — c’est-à-dire avant la création formelle de
la «République fédérale de Yougoslavie (Serbie et Monténégro)», déno-

mination antérieure de l’actuelle Serbie — «ne relèvent pas de la compé-
tence de la Cour et sont irrecevables». Cette exception préliminaire est
ainsi présentée à la fois comme une exception d’incompétence et comme
une exception d’irrecevabilité des demandes. La distinction entre ces deux
catégories d’exceptions est bien établie dans la pratique de la Cour. Dans

un cas comme dans l’autre, une exception préliminaire, lorsqu’elle est
retenue, a pour effet de mettre fin à la procédure en ce qui concerne la
demande visée, la Cour ne procédant dès lors pas à son examen au fond.
Le plus souvent, dans le cas d’une exception d’incompétence, il aura ainsi

été démontré, étant donné que la compétence de la Cour découle du
consentement des parties, qu’un tel consentement n’a pas été donné par
l’Etat qui fait objection au règlement du différend en question par la
Cour. Les exceptions d’irrecevabilité, quant à elles, recouvrent un plus
large éventail d’hypothèses. Dans l’affaire des Plates-formes pétrolières

(République islamique d’Iran c. Etats-Unis d’Amérique) , la Cour a fait
observer que

«[n]ormalement, une exception à la recevabilité consiste à affirmer
que, quand bien même la Cour serait compétente et les faits exposés
par l’Etat demandeur seraient tenus pour exacts, il n’en existe
pas moins des raisons pour lesquelles il n’y a pas lieu pour la
Cour de statuer au fond» (arrêt, C.I.J. Recueil 2003 , p. 177,

par. 29).
Pour l’essentiel, les exceptions d’irrecevabilité reviennent à affirmer qu’il

existe une raison juridique pour laquelle la Cour, même si elle a compé-
tence, devrait refuser de connaître de l’affaire ou, plus communément,
d’une demande spécifique y relative. Souvent, cette raison est d’une
nature telle que la question doit être tranchée in limine litis par la Cour,

par exemple lorsque celle-ci, sans même procéder à l’examen au fond,
peut constater qu’il n’a pas été satisfait aux règles régissant la nationalité
des réclamations, que les voies de recours internes n’ont pas été épuisées,
que les parties sont convenues de recourir à un autre mode de règlement
pacifique des différends ou que la demande est sans objet. Si la Cour

conclut que l’exception «n’a pas dans les circonstances de l’espèce un
caractère exclusivement préliminaire» (art. 79, par. 7, du Règlement de la
Cour tel qu’adopté le 14 avril 1978), celle-ci sera examinée lors de la
phase du fond. En fait, les exceptions tant d’incompétence que d’irrece-
vabilité sont quelquefois présentées en même temps que les arguments de

fond, et débattues et tranchées dans cette phase ultérieure de la procédure

48457 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION (JUDGMENT )

Nationals (Mexico v. United States of America), Judgment, I.C.J.
Reports 2004 (I), pp. 28-29, para. 24).

121. As set out above, Serbia’s preliminary objection, as stated in its

final submission 2 (a), is presented as relating both to the jurisdiction of
the Court and to the admissibility of the claim. The title of jurisdiction
relied on by Croatia is Article IX of the Genocide Convention, and the
Court has established above that Croatia and Serbia were both parties to
that Convention on the date on which proceedings were instituted

(2 July 1999). Serbia’s contention is however that the Court has no juris-
diction under Article IX, or that jurisdiction cannot be exercised, so far
as the claim of Croatia concerns “acts and omissions that took place
prior to 27 April 1992”, i.e., that the Court’s jurisdiction is limited
ratione temporis. Serbia advanced two reasons for this: first, because the

earliest possible point in time at which the Convention could be found to
have entered into force between the FRY and Croatia was 27 April 1992;
and secondly, because “the Genocide Convention including the jurisdic-
tional clause contained in its Article IX cannot be applied with regard to
acts that occurred before Serbia came into existence as a State”, and

could thus not have become binding upon it. Serbia therefore contended
that acts or omissions which took place before the FRY came into exist-
ence cannot possibly be attributed to the FRY.

122. In that respect, Croatia has drawn the attention of the Court to

the fact that a similar question of jurisdiction ratione temporis under the
Genocide Convention in respect of the events in the former Yugoslavia
was dealt with by the Court in the case concerning the Application of the
Convention on the Prevention and Punishment of the Crime of Genocide
(Bosnia and Herzegovina v. Yugoslavia), in response to two of the pre-

liminary objections of the FRY. In that Judgment the Court found that

“Yugoslavia, basing its contention on the principle of the non-
retroactivity of legal acts, has . . . asserted . . . that, even though the
Court might have jurisdiction on the basis of the [Genocide] Con-

vention, it could only deal with events subsequent to the different
dates on which the Convention might have become applicable as
between the Parties. In this regard, the Court will confine itself to the
observation that the Genocide Convention — and in particular Arti-
cle IX — does not contain any clause the object or effect of which is
to limit in such manner the scope of its jurisdiction ratione temporis,

and nor did the Parties themselves make any reservation to that end,
either to the Convention or on [a later possible opportunity]. The
Court thus finds that it has jurisdiction in this case to give effect to
the Genocide Convention with regard to the relevant facts which
have occurred since the beginning of the conflict which took place in

Bosnia and Herzegovina.” (I.C.J. Report 1996 (II), p. 617, para. 34;
emphasis added.)

49 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE ARRÊT ) 457

(voir Timor oriental (Portugal c. Australie), arrêt, C.I.J. Recueil 1995 ,
p. 92, par. 4; Avena et autres ressortissants mexicains (Mexique c. Etats-
Unis d’Amérique), arrêt, C.I.J. Recueil 2004 (I) , p. 28-29, par. 24).
121. Ainsi qu’exposé ci-dessus, l’exception préliminaire énoncée à l’ali-

néa 2 a) des conclusions finales de la Serbie est présentée comme une
exception à la fois d’incompétence de la Cour et d’irrecevabilité de la
demande. La base de compétence invoquée par la Croatie est l’article IX
de la convention sur le génocide, et la Cour a établi plus haut que la
Croatie et la Serbie étaient toutes deux parties à ladite Convention à la

date de l’introduction de l’instance (le 2 juillet 1999). La Serbie soutient
toutefois que la Cour n’a pas compétence en vertu de l’article IX ou
qu’elle ne saurait exercer cette compétence pour autant que la demande
de la Croatie a trait à des «actes ou omissions antérieurs au 27 avril
1992», ce qui revient à dire que la compétence de la Cour est limitée

ratione temporis. A cet égard, la Serbie a fait valoir deux arguments, le
premier étant que la date à laquelle la Convention aurait pu, au plus tôt,
entrer en vigueur entre la RFY et la Croatie était le 27 avril 1992, et le
second que «la convention sur le génocide, y compris la clause juridic-
tionnelle contenue à l’article IX, ne saurait s’appliquer à des actes inter-

venus avant que la Serbie n’ait commencé à exister en tant qu’Etat» et ne
saurait donc, avant ce moment, être devenue obligatoire pour elle. La
Serbie a donc soutenu que les actes ou omissions antérieurs à la naissance
de la RFY ne sauraient en aucun cas être attribués à cette dernière.
122. A cet égard, la Croatie a appelé l’attention de la Cour sur le fait

qu’une question similaire touchant à la compétence ratione temporis en
vertu de la convention sur le génocide, à l’égard des événements qui se
sont produits en ex-Yougoslavie, avait été examinée en l’affaire relative à
l’Application de la convention pour la prévention et la répression du crime
de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Yougoslavie) , en réponse à deux des

exceptions préliminaires de la RFY. Dans cet arrêt, la Cour a jugé que

«la Yougoslavie, se fondant sur le principe de la non-rétroactivité
des actes juridiques, a ... fait valoir ... que, quand bien même la Cour
serait compétente sur la base de la convention [sur le génocide], elle

ne pourrait connaître que des faits postérieurs aux différentes dates
auxquelles la convention aurait pu devenir applicable entre les
Parties. A cet égard, la Cour se bornera à observer que la convention
sur le génocide — et en particulier son article IX — ne comporte
aucune clause qui aurait pour objet ou pour conséquence de limiter
de la sorte l’étendue de sa compétence ratione temporis et que les

Parties elles-mêmes n’ont formulé aucune réserve à cet effet, ni à la
convention, ni à [un éventuel accord ultérieur]. La Cour constate
ainsi qu’elle a compétence en l’espèce pour assurer l’application de la
convention sur le génocide aux faits pertinents qui se sont déroulés
depuis le début du conflit dont la Bosnie-Herzégovine a été le

théâtre.» ( C.I.J. Recueil 1996 (II) , p. 617, par. 34; les italiques
sont de la Cour.)

49458 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION (JUDGMENT )

Croatia argues that the same reasoning should also be applicable in the
present case, and therefore invites the Court to dismiss the Serbian objec-
tion.
123. The Court observes however that the temporal questions to be

resolved in the present case are not the same as those dealt with by the
Court in 1996. At that time, the Court had merely to determine, first
whether, at the date that the proceedings in the case were instituted, the
Genocide Convention had become applicable between the FRY and Bos-
nia and Herzegovina, and secondly whether in the exercise of its jurisdic-

tion it was limited to dealing only with events subsequent to the date or
dates on which the Convention might thus have become applicable. That
date was, or those dates were, in any event subsequent to the moment at
which the FRY had come into existence and had thus become capable of
being itself a party to the Convention. Therefore the finding of the Court

that it had jurisdiction “with regard to the relevant facts which have
occurred since the beginning of the conflict” (that is to say not merely
facts subsequent to the date when the Convention became applicable
between the parties) was not addressed to the question whether these
included facts occurring prior to the coming into existence of the FRY.

In the present case, the Court therefore cannot draw from that judgment
(which, as already noted, does not have the authority of res judicata in
the present proceedings) any definitive conclusion as to the temporal
scope of the jurisdiction it has under the Convention. At the same time,
the Court notes, as it did in 1996, that there is no express provision in the

Genocide Convention limiting its jurisdiction ratione temporis.

124. Another circumstance distinguishing the present case from the
case between Bosnia and Herzegovina and the FRY is that in the present
case Serbia’s objection is presented as relating both to the Court’s juris-

diction and to matters of admissibility of the claims of Croatia. In par-
ticular, the Court notes that, in the present case, the Parties advanced
arguments relating to the consequences to be drawn from the fact that
the FRY only became a State and a party to the Genocide Convention
on 27 April 1992, not only with regard to its jurisdiction but also with

regard to the attribution to Serbia of acts that occurred before that date.
Serbia contended that, not having been a State before 27 April 1992, acts
that occurred before that date cannot be attributed to it and that, not
having been a party to the Convention, it could not have breached any
obligation under it. In the Court’s view the question of the temporal
scope of its jurisdiction is closely bound up with these questions of attri-

bution, presented by Serbia as a matter of admissibility rather than of
jurisdiction, and thus has to be examined in the light of these issues. The
Court therefore now turns to the aspect of the objection related to issues
of attribution of acts that occurred prior to 27 April 1992.
125. In its Memorial, Croatia referred to the temporal element and

contended that “the fact that the FRY only formally proclaimed itself on
27 April 1992 does not mean that acts occurring prior to that date cannot

50 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (ARRÊT ) 458

La Croatie affirme que le même raisonnement devrait être tenu en la
présente espèce et prie par conséquent la Cour de rejeter l’exception de la
Serbie.
123. La Cour fait cependant observer que les questions temporelles

qui doivent être tranchées en la présente affaire ne sont pas les mêmes
que celles qu’elle a examinées en 1996. Il s’agissait alors simplement de
déterminer, en premier lieu, si, à la date d’introduction de l’instance, la
convention sur le génocide était devenue applicable entre la RFY et la
Bosnie-Herzégovine et, en second lieu, si, dans l’exercice de sa compé-

tence, la Cour devait se contenter d’examiner les événements postérieurs
à la date, ou aux dates, où la Convention aurait donc pu devenir appli-
cable. Cette date — ou ces dates — était, en tout état de cause, posté-
rieure à celle à laquelle la RFY avait commencé à exister et avait donc
acquis la capacité d’être elle-même partie à la Convention. En consé-

quence, la conclusion de la Cour selon laquelle elle avait compétence en
ce qui concerne les «faits pertinents qui s[’étaient] déroulés depuis le
début du conflit» (et non uniquement des faits postérieurs à la date à
laquelle la Convention était devenue applicable entre les parties) ne por-
tait pas sur la question de savoir si certains de ces faits étaient antérieurs

à la création de la RFY. En la présente espèce, la Cour ne peut donc tirer
de ce précédent arrêt (qui, ainsi qu’il a déjà été indiqué, n’est pas revêtu
de l’autorité de la chose jugée à l’égard du présent différend) aucune
conclusion définitive quant à la portée temporelle de la compétence
qu’elle tient de la Convention. La Cour relève par ailleurs, comme elle l’a

fait en 1996, que la convention sur le génocide ne contient aucune dispo-
sition expresse limitant sa compétence ratione temporis.
124. La présente affaire se distingue aussi de celle qui a opposé la
Bosnie-Herzégovine à la RFY en ce que, aujourd’hui, l’exception de la
Serbie est présentée comme portant à la fois sur la compétence de la Cour

et sur des questions relatives à la recevabilité des demandes de la Croatie.
La Cour relève notamment que, en la présente espèce, les Parties ont sou-
mis des arguments relatifs aux conséquences à tirer du fait que la RFY
n’est devenue un Etat et une partie à la convention sur le génocide que le
27 avril 1992, non seulement quant à la compétence mais aussi quant à

l’attribution à la Serbie d’actes antérieurs à cette date. La Serbie a affirmé
que, étant donné qu’elle n’était alors pas un Etat, de tels actes ne pou-
vaient lui être attribués et que, n’étant alors pas partie à la Convention,
elle ne pouvait avoir violé aucune obligation prévue par cet instrument.
De l’avis de la Cour, la question de la portée temporelle de sa compétence
est étroitement liée à ces aspects relatifs à l’attribution, présentés par la

Serbie comme relevant de la recevabilité plutôt que de la compétence, et
il convient donc de l’examiner en tenant compte de ces éléments. La Cour
considérera donc à présent l’aspect de l’exception concernant les ques-
tions d’attribution des actes antérieurs au 27 avril 1992.
125. Dans son mémoire, la Croatie s’est référée à l’élément temporel

de l’affaire et a soutenu que «le fait que la RFY ne se soit formellement
autoproclamée que le 27 avril 1992 ne signifie pas que les actes antérieurs

50459 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION (JUDGMENT )

be attributed to it”. It invoked what it referred to as a well-established
principle that “a state in statu nascendi is responsible for conduct carried
out by its officials and organs or otherwise under its direction and
control”. Croatia indicated that it relies on the rule stated in Article 10,

paragraph 2, of the International Law Commission’s Articles on the State
Responsibility (Annex to General Assembly resolution 56/83, 12 Decem-
ber 2001, hereinafter referred to as “the ILC Articles on State Responsi-
bility”), that “the conduct of a movement insurrectional or other which
succeeds in establishing a new State shall be considered an act of the new

State under international law”.

126. In its preliminary objections Serbia contended that “[a]cts or
omissions which took place before the FRY came into existence cannot

possibly be attributed to the FRY”; it denies that Croatia has been able
to demonstrate that the FRY was a State in statu nascendi, and argues
that that concept is “evidently not appropriate for this case”. At the hear-
ings it argued that the requirements of Article 10, paragraph 2, of the
ILC Articles on State Responsibility are not fulfilled in respect of the

claims made by Croatia against Serbia in the present case. It contended
that Croatia has been unable to specify an identifiable “insurrectional or
other movement” in the territory of the SFRY as one that established the
FRY which would fall within the definition of that Article.

127. In so far as Article 10, paragraph 2, of the ILC Articles on State
Responsibility reflects customary international law on the subject, it
would necessarily require the Court, in order to determine if that rule is
applicable to the present case and for purposes of a possible application,
to enter into an examination of factual issues concerning the events lead-

ing up to the dissolution of the SFRY and the establishment of the FRY.
The Court notes further that for it to determine whether, prior to
27 April 1992, the FRY was a State in statu nascendi for purposes of the
rule invoked would similarly involve enquiry into disputed matters of
fact. It would thus be impossible to determine the questions raised by the

objection without to some degree determining issues properly pertaining
to the merits.
128. The provision introduced into the Rules of Court in 1972, and
constituting Article 79, paragraph 7, of the Rules adopted on
14 April 1978, was drafted, as the Court indicated in the case concerning
Military and Paramilitary Activities in and against Nicaragua (Nicara-

gua v. United States of America) , to make it clear that when preliminary
objections are exclusively preliminary, they have to be decided upon
immediately, “but if they are not, especially when the character of the
objections is not exclusively preliminary because they contain both pre-
liminary aspects and other aspects relating to the merits, they will have to

be dealt with at the stage of the merits” (Merits, Judgment, I.C.J.
Reports 1986, p. 31, para. 41; see also Questions of Interpretation and

51 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (ARRÊT ) 459

à cette date ne peuvent pas lui être attribués». Elle a invoqué ce qu’elle a
déclaré être un principe bien établi, à savoir qu’«un Etat in statu nascendi
est responsable de la conduite de ses fonctionnaires et de ses organes ou
de tous ceux qui relèvent de sa direction et de son contrôle». La Croatie

a indiqué qu’elle se fondait sur la règle énoncée au paragraphe 2 de l’ar-
ticle 10 des articles de la Commission du droit international sur la res-
ponsabilité de l’Etat pour fait internationalement illicite (annexe de la
résolution 56/83 de l’Assemblée générale du 12 décembre 2001, ci-après
dénommés «les articles de la CDI sur la responsabilité de l’Etat»), selon

laquelle «[l]e comportement d’un mouvement insurrectionnel ou autre
qui parvient à créer un nouvel Etat ... est considéré comme un fait de ce
nouvel Etat d’après le droit international».
126. Dans ses exceptions préliminaires, la Serbie soutient que «[l]es
actes ou omissions antérieurs à la naissance de la RFY ne sauraient en

aucun cas être attribués à cette dernière»; elle estime que la Croatie n’a
pas été en mesure de démontrer que la RFY était un Etat in statu nas-
cendi et fait valoir que cette notion «ne trouve à l’évidence pas à s’appli-
quer en l’espèce». A l’audience, elle a fait valoir que les demandes pré-
sentées contre elle par la Croatie en la présente espèce ne satisfaisaient

pas aux conditions posées au paragraphe 2 de l’article 10 des articles de la
CDI sur la responsabilité de l’Etat. Elle soutient que la Croatie n’a pas
été en mesure de désigner un «mouvement insurrectionnel ou autre»
identifiable, sur le territoire de la RFSY, qui aurait créé la RFY et qui
répondrait à la définition donnée par cet article.

127. Pour autant que le paragraphe 2 de l’article 10 des articles de la
CDI sur la responsabilité de l’Etat reflète le droit international coutumier
en la matière, la Cour aura nécessairement, pour déterminer si cette règle
est applicable en l’espèce et, le cas échéant, pour l’appliquer, à se livrer à
un examen des points de fait relatifs aux événements qui ont conduit à la

dissolution de la RFSY et à la création de la RFY. La Cour relève en
outre que, pour déterminer si, avant le 27 avril 1992, la RFY était un
Etat in statu nascendi au sens de la règle invoquée, il lui faudrait égale-
ment examiner des questions de fait en litige. Il serait donc impossible de
trancher les questions soulevées par cette exception sans statuer, jusqu’à

un certain point, sur des éléments qui relèvent à proprement parler du
fond.
128. La disposition introduite dans le Règlement de la Cour de 1972,
qui constitue le paragraphe 7 de l’article 79 du Règlement adopté le
14 avril 1978, a été conçue, comme la Cour l’a indiqué dans l’affaire des
Activités militaires et paramilitaires au Nicaragua et contre celui-ci (Nica-

ragua c. Etats-Unis d’Amérique) , pour préciser que, lorsque des excep-
tions préliminaires sont de caractère exclusivement préliminaire, elles doi-
vent être tranchées sans délai, «mais que, dans le cas contraire, et
notamment lorsque ce caractère n’est pas exclusif puisqu’elles compor-
tent à la fois des aspects préliminaires et des aspects de fond, elles devront

être réglées au stade du fond» (fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986 ,p .,
par. 41; voir aussi Questions d’interprétation et d’application de la conven-

51460 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION (JUDGMENT )

Application of the 1971 Montreal Convention arising from the Aerial
Incident at Lockerbie (Libyan Arab Jamahiriya v. United Kingdom),
Preliminary Objections, I.C.J. Reports 1998 , pp. 27-29.)

129. In the view of the Court, the questions of jurisdiction and admis-
sibility raised by Serbia’s preliminary objectionratione temporis constitute
two inseparable issues in the present case. The first issue is that of the
Court’s jurisdiction to determine whether breaches of the Genocide Con-

vention were committed in the light of the facts that occurred prior to the
date on which the FRY came into existence as a separate State, capable of
being a party in its own right to the Convention; this may be regarded as
a question of the applicability of the obligations under the Genocide Con-

vention to the FRY before 27 April 1992. The second issue, that of admis-
sibility of the claim in relation to those facts, and involving questions of
attribution, concerns the consequences to be drawn with regard to the

responsibility of the FRY for those same facts under the general rules of
State responsibility. In order to be in a position to make any findings on
each of these issues, the Court will need to have more elements before it.
130. In view of the above, the Court concludes that Serbia’s prelimi-

nary objection ratione temporis does not possess, in the circumstances of
the case, an exclusively preliminary character.

* * *

VII. PRELIMINARY O BJECTION CONCERNING THE SUBMISSION OFC ERTAIN

P ERSONS TOT RIAL;THE P ROVISION OFINFORMATION ON M ISSING
CROATIAN C ITIZENS;AND THE R ETURN OF C ULTURAL P ROPERTY

131. Serbia’s preliminary objection as stated in its final submis-
sion 2 (b), (hereinafter referred to as the “third objection”) is that

“claims referring to submission to trial of certain persons within the
jurisdiction of Serbia, providing information regarding the where-

abouts of missing Croatian citizens and return of cultural property
are beyond the jurisdiction of this Court and inadmissible”.

In the objection as filed on 11 September 2002, it had been asserted that
some of the Applicant’s specific submissions are per se inadmissible and

moot. Serbia has identified the claims in question as those made as sub-
missions 2 (a),2 (b) and 2 (c) advanced in the Memorial of Croatia.
Despite this overall classification of the objection as being both to the
jurisdiction of the Court and to the admissibility of certain claims, it

appears that not all the contentions of Serbia in this respect are related to
both aspects of the objection.

132. The Court notes that Croatia has asked the Court simply to reject

52 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (ARRÊT ) 460

tion de Montréal de 1971 résultant de l’incident aérien de Lockerbie
(Jamahiriya arabe libyenne c. Royaume-Uni), exceptions préliminaires,

arrêt, C.I.J. Recueil 1998 , p. 27-29).
129. De l’avis de la Cour, les questions de compétence et de recevabilité
soulevées par l’exception préliminaireratione temporis de la Serbie cons-
tituent, en la présente affaire, deux questions indissociables. La première
est celle de savoir si la Cour a compétence pour déterminer si des viola-

tions de la convention sur le génocide ont été commises, à la lumière des
faits antérieurs à la date à laquelle la RFY a commencé à exister en tant
qu’Etat distinct, ayant à ce titre la capacité d’être partie à cet instrument;
cela revient à se demander si les obligations en vertu de la Convention

étaient opposables à la RFY antérieurement au 27 avril 1992. La seconde
question, qui porte sur la recevabilité de la demande concernant ces faits,
et qui a trait à l’attribution, est celle des conséquences à tirer quant à la
responsabilité de la RFY à raison desdits faits en vertu des règles géné-
rales de la responsabilité de l’Etat. Pour que la Cour puisse se prononcer

sur chacune de ces questions, elle devra disposer de davantage d’éléments.
130. Au vu de ce qui précède, la Cour conclut que l’exception prélimi-
naire ratione temporis soulevée par la Serbie n’a pas, dans les circon-
stances de l’espèce, un caractère exclusivement préliminaire.

* * *

VII. E XCEPTION PRÉLIMINAIRE CONCERNANT LA TRADUCTION DE CERTAINES

PERSONNES EN JUSTICE ,LA COMMUNICATION DE RENSEIGNEMENTS SUR LES
CITOYENS CROATES PORTÉS DISPARUS ET LA RESTITUTION DE BIENS CULTURELS

131. Dans l’exception préliminaire qu’elle présente à l’alinéa 2 b) de

ses conclusions finales (ci-après dénommée «troisième exception»), la
Serbie fait valoir

«que les demandes relatives à la traduction en justice de certaines
personnes se trouvant sous la juridiction de la Serbie, à la commu-
nication de renseignements sur le sort des citoyens croates portés
disparus et à la restitution de biens culturels ne relèvent pas de la

compétence de la Cour et sont irrecevables».
Dans l’exception telle qu’elle a été soulevée le 11 septembre 2002, il était

indiqué que «[c]ertaines des conclusions spécifiques du demandeur sont
en soi irrecevables et sans objet». La Serbie a identifié les demandes en
question comme étant celles qui sont formulées aux alinéas a), b) et c)
du second chef de conclusions figurant dans le mémoire de la Croatie.

Bien que cette exception ait été présentée comme se rapportant à la fois à
la compétence de la Cour et à la recevabilité de certaines demandes, il
apparaît que les arguments de la Serbie à cet égard ne portent pas tous
sur ces deux aspects.
132. La Cour relève que la Croatie l’a priée de rejeter purement et sim-

52461 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION (JUDGMENT )

the third objection, though in relation to one matter it suggests that the
point should be examined at the merits stage (see paragraphs 138 and 142
below). The Court recalls that it is required by Article 79, paragraph 7, of
the 1978 Rules of Court either to “uphold the objection, reject it, or

declare that the objection does not possess, in the circumstances of the
case, an exclusively preliminary character”; and that this last course may
be indicated, inter alia, when an objection contains “both preliminary
aspects and other aspects relating to the merits” (Military and Paramili-
tary Activities in and against Nicaragua (Nicaragua v. United States of

America), Merits, Judgment, I.C.J. Reports 1986 , p. 31, para. 41).

**

(i) Submission of persons to trial

133. Submission 2 (a) in the Croatian Memorial requests the Court to
find that Serbia is under an obligation:

“to take immediate and effective steps to submit to trial before the

appropriate judicial authority, those citizens or other persons within
its jurisdiction who are suspected on probable grounds of having
committed acts of genocide as referred to in paragraph (1) (a),or
any of the other acts referred to in paragraph (1) (b) [of the Sub-
missions of Croatia], in particular Slobodan Miloševic ´, the former
President of the Federal Republic of Yugoslavia, and to ensure that

those persons, if convicted, are duly punished for their crimes”.

Croatia’s claim is based on Articles I and VI of the Genocide Conven-
tion. By Article I, the Contracting Parties “undertake to prevent and
punish” genocide; and Article VI provides that

“Persons charged with genocide or any of the other acts enumer-
ated in article III shall be tried by a competent tribunal of the State
in the territory of which the act was committed, or by such interna-
tional penal tribunal as may have jurisdiction with respect to those

Contracting Parties which shall have accepted its jurisdiction.”

Croatia thus contends that “the failure of the FRY . . . to submit all rele-

vant persons for trial by a competent tribunal gives rise to its interna-
tional responsibility”.
134. As regards the factual basis of this claim, the Court notes that
Croatia has adjusted its submissions to take account of the fact that
former President Slobodan Miloševic ´ had, since the presentation of the

Memorial, been transferred to the International Criminal Tribunal for
the former Yugoslavia (ICTY), and has since died. Furthermore, Croatia

53 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (ARRÊT ) 461

plement la troisième exception bien que, s’agissant d’un point en parti-
culier, elle ait avancé qu’un examen serait nécessaire lors de la phase du
fond (voir par. 138 et 142 ci-après). La Cour rappelle que, en vertu du
paragraphe 7 de l’article 79 de son Règlement tel qu’adopté en 1978, elle

est tenue de «ret[enir] l’exception, la reje[ter] ou déclare[r] que cette
exception n’a pas dans les circonstances de l’espèce un caractère exclusi-
vement préliminaire», cette dernière solution pouvant notamment être
retenue lorsqu’une exception comporte «à la fois des aspects prélimi-
naires et des aspects de fond» (Activités militaires et paramilitaires au

Nicaragua et contre celui-ci (Nicaragua c. Etats-Unis d’Amérique),
fond, arrêt, C.I.J. Recueil 1986 , p. 31, par. 41).

**

i) Traduction de certaines personnes en justice

133. Dans la demande énoncée à l’alinéa a) du second chef de conclu-
sions figurant dans son mémoire, la Croatie prie la Cour de dire et juger

que la Serbie est tenue de:
«prendre sans délai des mesures efficaces pour traduire devant l’auto-

rité judiciaire compétente ses citoyens ou d’autres personnes se trou-
vant sous sa juridiction sur lesquels pèse une forte présomption
d’avoir commis les actes de génocide visés à l’alinéa a) du para-
graphe 1, ou l’un quelconque des autres actes visés à l’alinéa b) du
paragraphe 1 [des conclusions de la Croatie], et en particulier l’ancien
président de la République fédérale de Yougoslavie Slobodan Milo-

ševi´, et veiller à ce qu’ils soient dûment sanctionnés à raison de leurs
crimes s’ils sont déclarés coupables».

La Croatie fonde sa demande sur les articles premier et VI de la conven-
tion sur le génocide. Aux termes de l’article premier, les Parties contrac-
tantes «s’engagent à prévenir et à punir» le génocide; l’article VI dispose,
quant à lui, que

«[l]es personnes accusées de génocide ou de l’un quelconque des
autres actes énumérés à l’article III seront traduites devant les tribu-
naux compétents de l’Etat sur le territoire duquel l’acte a été com-
mis, ou devant la cour criminelle internationale qui sera compétente

à l’égard de celles des Parties contractantes qui en auront reconnu la
juridiction».
La Croatie affirme donc que «le manquement de la RFY ... à ... déférer

à un tribunal compétent toutes les personnes en question engage [l]a res-
ponsabilité internationale [de celle-ci]».
134. En ce qui concerne les faits sur lesquels repose cette demande, la
Cour relève que la Croatie a adapté ses conclusions pour tenir compte de
ce que l’ancien président Slobodan Miloševic ´ avait été transféré au Tri-

bunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) après le dépôt
du mémoire et qu’il était ensuite décédé. En outre, la Croatie reconnaît

53462 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION (JUDGMENT )

accepts that this submission is now moot in respect of a number of other
persons whom Serbia has transferred to the ICTY, but insists that there
continues to be a dispute between Croatia and Serbia with respect to per-
sons who have not been submitted to trial either in Croatia or before the

ICTY in respect of acts or omissions which are the subject of these pro-
ceedings. As regards the ICTY, Serbia maintains, as a first basis of its
objection, that as a matter of fact there is only one person still at large
who has been accused by the ICTY of crimes allegedly committed in
Croatia, and these accusations relate not to genocide but to war crimes

and crimes against humanity. Croatia observes that a number of persons
have been charged with genocide by the Croatian authorities, and that a
number of perpetrators so charged are out of reach of the Croatian
authorities, “presumably in Serbia”.
135. The second and third bases of Serbia’s objection to Croatian sub-

mission 2 (a) are as follows. Serbia observes that Croatia is asserting
that Serbia is under an obligation under the Genocide Convention to
punish its nationals for alleged acts of genocide committed in Croatia,
that is to say outside Serbia’s own territory; it draws attention however
to the finding made by the Court in 2007 (since the proceedings were

instituted in this case) in its Judgment in the case concerning Application
of the Convention on the Prevention and Punishment of the Crime of
Genocide (Bosnia and Herzegovina v. Serbia and Montenegro), that the
Convention “only obliges the Contracting Parties to institute and exer-
cise territorial criminal jurisdiction” (I.C.J. Reports 2007 (I), pp. 226-

227, para. 442). Serbia then objects further that Croatia is apparently
claiming that Serbia has violated the Genocide Convention by failing in a
duty to hand over persons who have allegedly committed acts of geno-
cide, not to the ICTY, but to Croatia itself; and it argues that no such
obligation is to be found in the Convention; in this respect, it again cites

the Judgment in the case concerning Application of the Convention on the
Prevention and Punishment of the Crime of Genocide (Bosnia and Herze-
govina v. Serbia and Montenegro) (ibid., p. 227, para. 443).

136. In the view of the Court, these issues are clearly matters of inter-

pretation or application of the Genocide Convention, the role conferred
on the Court by Article IX, and thus, contrary to the contention of Ser-
bia in its objection, within the jurisdiction of the Court (cf. Avena and
Other Mexican Nationals (Mexico v. United States of America), Judg-
ment, I.C.J. Reports 2004 (I) , pp. 31-32, para. 30).
The Court understands the first basis of Serbia’s submission to be

essentially a matter of admissibility: it amounts to an assertion
that, on the facts of the case as they now stand, the claim is moot,
in the sense that Croatia has not shown that there are at the present
time any persons charged with genocide, either by the ICTY or by
the courts of Croatia, who are on the territory or within the control

of Serbia. Whether that is correct will be a matter for the Court to
determine when it examines the claims of Croatia on the merits. The

54 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (ARRÊT ) 462

que cette demande est désormais sans objet en ce qui concerne un certain
nombre d’autres personnes que la Serbie a transférées au TPIY, mais elle
maintient qu’un différend continue à l’opposer à la Serbie au sujet des
personnes qui n’ont été déférées ni à un tribunal compétent en Croatie ni

au TPIY pour répondre des actes ou omissions faisant l’objet de la pré-
sente instance. S’agissant du TPIY, la Serbie soutient, et c’est le premier
fondement de son exception, qu’en fait il ne reste qu’une personne encore
en fuite accusée par cette juridiction d’avoir commis des crimes en Croa-
tie, et que les accusations portées à son encontre ne concernent pas des

actes de génocide, mais des crimes de guerre et des crimes contre l’huma-
nité. La Croatie fait observer que plusieurs personnes ont été accusées de
génocide par les autorités croates, et qu’un certain nombre d’entre elles
sont hors d’atteinte de celles-ci, «vraisemblablement en Serbie».
135. Les deuxième et troisième fondements de l’exception soulevée par

la Serbie à l’égard de la demande formulée à l’alinéa 2 a) des conclusions
de la Croatie sont les suivants. La Serbie relève que, selon la Croatie, elle
a, aux termes de la convention sur le génocide, l’obligation de punir ses
ressortissants qui auraient commis des actes de génocide en Croatie, c’est-
à-dire en dehors de son propre territoire; elle appelle cependant l’atten-

tion de la Cour sur la conclusion formulée par celle-ci dans l’arrêt rendu
en 2007 (alors que la présente instance avait déjà été introduite) en
l’affaire relative à l’Application de la convention pour la prévention et
la répression du crime de génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-
Monténégro), conclusion selon laquelle la Convention «n’oblige les Etats

contractants qu’à instituer et exercer une compétence pénale territoriale»
(C.I.J. Recueil 2007 (I), p. 226-227, par. 442). La Serbie relève ensuite
que la Croatie semble prétendre qu’elle a violé la convention sur le géno-
cide en ne remettant pas — à la Croatie elle-même, et non au TPIY — les
personnes qui auraient commis des actes de génocide. Elle fait valoir que

la Convention n’énonce pas une telle obligation, et cite de nouveau à
cet égard l’arrêt rendu en l’affaire relative à l’Application de la conven-
tion pour la prévention et la répression du crime de génocide (Bosnie-
Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro) (ibid., p. 227, par. 443).
136. De l’avis de la Cour, ces questions relèvent clairement de l’inter-

prétation ou de l’application de la convention sur le génocide, rôle
conféré par l’article IX à la Cour, et elles ressortissent donc à la compé-
tence de cette dernière, contrairement à ce qu’affirme la Serbie dans son
exception (voir Avena et autres ressortissants mexicains (Mexique c.
Etats-Unis d’Amérique), arrêt, C.I.J. Recueil 2004 (I) , p. 31-32, par. 30).
La Cour considère que le premier fondement de l’exception de la Ser-

bie a essentiellement trait à la recevabilité: il revient à affirmer, à la
lumière des faits de l’espèce tels qu’ils se présentent aujourd’hui, que la
demande est sans objet, au sens où la Croatie n’aurait pas démontré que
des personnes accusées de génocide, soit par le TPIY soit par des juridic-
tions croates, se trouvent actuellement sur le territoire de la Serbie ou

sous le contrôle de celle-ci. L’exactitude de cette affirmation est une ques-
tion qui se posera à la Cour lorsqu’elle examinera les demandes de la

54463 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION (JUDGMENT )

Court therefore rejects the objection and sees no remaining issue of
admissibility.

**

(ii) Provision of information on missing Croatian citizens

137. By submission 2 (b) advanced by Croatia, which is challenged by

Serbia by its third preliminary objection, the Applicant asks the Court to
find that Serbia is under an obligation

“to provide forthwith to the Applicant all information within its
possession or control as to the whereabouts of Croatian citizens who
are missing as a result of the genocidal acts for which [Serbia] is
responsible, and generally to co-operate with the authorities of the
Republic of Croatia to jointly ascertain the whereabouts of the said

missing persons or their remains”.
Serbia has asserted in support of its objection to this submission that the

relevant acts committed in Croatia do not amount to genocide, so that
the obligations under the Genocide Convention do not apply. It has also
drawn attention to co-operation between the two States concerning the
location and identification of missing persons, both direct and in the con-
text of the work of the International Commission for Missing Persons,

and to the existence of bilateral treaty-instruments concluded by the two
States imposing obligations to exchange data about missing persons.
Croatia contends that these agreements do not preclude the exercise of
the Court’s jurisdiction under Article IX of the Genocide Convention,
and are in practice ineffective.

138. It does not appear that this submission of Croatia is regarded by
Serbia as “beyond the jurisdiction of this Court” (see paragraph 131
above); it has been presented rather as a matter of mootness of the claim,
a question of admissibility. It is not disputed that the Genocide Conven-

tion does not specifically prescribe a duty to provide information of the
kind referred to, but Croatia has contended that its submission “falls
squarely within [the terms of] the Genocide Convention”, and presented
the matter in terms of an appropriate remedy for a continuing breach of
the Convention by Serbia.
139. However, the question what remedies might appropriately be

ordered by the Court in the exercise of its jurisdiction under Article IX of
the Convention is one which is necessarily dependent upon the findings
that the Court may in due course make of breaches of the Convention by
the Respondent. As a matter which is essentially one of the merits, and
one dependent upon the principal question of responsibility raised by the

claim, this is not a matter that may be the proper subject of a preliminary
objection. This conclusion is reinforced by the consideration that, in this

55 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE ARRÊT ) 463

Croatie au fond. La Cour rejette par conséquent l’exception et considère
qu’il ne subsiste aucune question de recevabilité.

**

ii) Communication de renseignements sur les citoyens croates
portés disparus

137. A l’alinéa b) de son second chef de conclusions, que la Serbie

conteste également dans sa troisième exception préliminaire, le deman-
deur prie la Cour de dire et juger que la Serbie est tenue de

«communiquer sans délai au demandeur toutes les informations en sa
possession ou sous son contrôle sur le sort des ressortissants croates
portés disparus à la suite des actes de génocide dont [la Serbie]
s’est rendue responsable et, plus généralement, coopérer avec les
autorités de la République de Croatie en vue de déterminer conjoin-

tement ce qu’il est advenu de ces personnes ou de leurs dépouilles».
A l’appui de l’exception qu’elle a formulée contre cette demande, la Serbie

affirme que les actes commis en Croatie dont il s’agit ici ne constituent pas
un génocide, et que, partant, les obligations découlant de la convention sur
le génocide ne s’appliquent pas. Elle appelle aussi l’attention sur la coopé-
ration entre les deux Etats en ce qui concerne la localisation et l’identifica-
tion des personnes portées disparues — coopération tant directe que s’ins-

crivant dans le cadre des travaux de la commission internationale pour les
personnes disparues —, et sur l’existence d’accords bilatéraux conclus entre
les deux Etats en vertu desquels ceux-ci sont tenus d’échanger des renseigne-
ments sur les personnes disparues. La Croatie soutient quant à elle que ces
accords n’empêchent pas la Cour d’exercer sa compétence en vertu de l’ar-

ticle IX de la convention sur le génocide, et qu’ils sont en pratique sans effet.
138. La Serbie ne semble pas considérer que ce chef de conclusions de
la Croatie «ne relève pas de la compétence de la Cour» (voir par. 131
ci-dessus); en revanche, elle l’a présenté comme étant sans objet, ce qui
soulève une question de recevabilité. S’il n’est pas contesté que la conven-

tion sur le génocide ne prescrit pas expressément d’obligation de fournir
les renseignements visés, la Croatie a cependant affirmé que son chef de
conclusions «s’inscri[vai]t incontestablement dans le cadre de la Conven-
tion», considérant qu’il correspondait à une réparation appropriée d’une
violation persistante de la Convention par la Serbie.
139. Toutefois, la question de savoir quels remèdes appropriés la Cour

pourrait ordonner dans l’exercice de la compétence que lui confère l’ar-
ticle IX de la Convention dépend nécessairement des conclusions aux-
quelles elle pourrait en temps utile parvenir quant à des violations de la
Convention par le défendeur. Dès lors qu’il s’agit là d’une question rele-
vant essentiellement du fond, et qui est subordonnée à la question prin-

cipale de responsabilité que soulève la demande, elle n’est pas de nature à
faire l’objet d’une exception préliminaire. Cette conclusion se trouve ren-

55464 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION (JUDGMENT )

particular case, in order to decide whether an order in the terms of
Croatian submission 2 (b) would be an appropriate remedy, the Court
would have to enquire into disputed matters of fact. This it would have
to do in order to establish whether or not, and in what circumstances, the

co-operation as to the provision of information between the two States
mentioned by Serbia has taken place, and whether this remedy might be
held as resulting from the establishment of responsibility for breaches of
the Convention. These issues are for the merits, and the Court concludes
that the preliminary objection submitted by Serbia, so far as it relates to

Croatian submission 2 (b), must be rejected.

**

(iii) Return of cultural property

140. By submission 2 (c) advanced by Croatia, which is also chal-
lenged by Serbia by its third preliminary objection, the Applicant asks

the Court to find that Serbia is under an obligation “forthwith to return
to the Applicant any items of cultural property within its jurisdiction or
control which were seized in the course of the genocidal acts for which it
is responsible”. Serbia has argued that in this respect no dispute exists
between the Parties, “even more so since cultural property has to a large

extent already been returned to Croatia by Serbia”, so that the claim has
become “moot and thus inadmissible”. It is less clear whether Serbia also
disputes the jurisdiction of the Court to entertain that claim: it does
argue that the acts complained of “must constitute acts of genocide in
order for the Court to be able to exercise jurisdiction under Article IX of

the Convention”, but not that the Court would have no jurisdiction to
consider whether those acts do or do not constitute breaches of the Con-
vention.
141. As already noted above, since proceedings were instituted in this
case, the Court has given judgment in the case concerning Application of

the Convention on the Prevention and Punishment of the Crime of Geno-
cide (Bosnia and Herzegovina v. Serbia and Montenegro) ( I.C.J. Reports
2007 (I), p. 43); and Serbia has relied on that decision also in the con-
text of the issue now under examination. In that case the Court found
that there had been a “deliberate destruction of the historical, cultural
and religious heritage of the . . . group [protected by the Convention]”

(ibid., p. 185, para. 344). However, the Court found that “[a]lthough such
destruction may be highly significant inasmuch as it is directed to the
elimination of all traces of the cultural or religious presence of a group,
and contrary to other legal norms, it does not fall within the categories of
acts of genocide set out in Article II of the Convention” (ibid.).Ashas

already been indicated (see paragraphs 52-56 above), this decision does
not have the force of res judicata in the present proceedings, but the

56 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (ARRÊT ) 464

forcée par la considération que, dans ce cas précis, afin de déterminer si
une décision rédigée dans les termes indiqués par la Croatie à l’alinéa b)
de son second chef de conclusions pourrait constituer un remède appro-
prié, la Cour devrait examiner les éléments de fait en litige. Il lui appar-

tiendrait en effet de le faire pour établir si, et dans quelles circonstances,
la coopération entre les deux Etats mentionnée par la Serbie en ce qui
concerne la communication de renseignements a eu lieu, et si ce remède
pourrait être considéré comme résultant de l’établissement d’une respon-
sabilité à raison de violations de la Convention. Ces questions relevant du

fond, la Cour conclut que l’exception préliminaire soulevée par la Serbie,
pour autant qu’elle se rapporte à la demande formulée à l’alinéa b) du
second chef de conclusions de la Croatie, doit être rejetée.

**

iii) Restitution de biens culturels

140. A l’alinéa c) de son second chef de conclusions, que la Serbie
conteste également dans sa troisième exception préliminaire, le deman-

deur prie la Cour de dire et juger que la Serbie est tenue de «[lui] restituer
sans délai ... tout bien culturel relevant de sa juridiction ou de son
contrôle saisi dans le cadre des actes de génocide dont elle porte la res-
ponsabilité». La Serbie a affirmé qu’il n’existait aucun différend entre les
Parties à cet égard, «d’autant plus que les biens culturels en cause

[avaient] dans une large mesure déjà été restitués à la Croatie par la Ser-
bie», la demande étant ainsi devenue «sans objet et donc irrecevable». Le
fait de savoir si la Serbie conteste également la compétence de la Cour
pour connaître de cette demande est moins évident: la Serbie affirme
certes que les actes dont il est tiré grief «doivent constituer des actes

de génocide pour que la Cour puisse exercer sa compétence en vertu de
l’article IX de la Convention», mais pas que la Cour serait incompétente
pour déterminer s’ils constituent ou non des violations de cet instrument.
141. Ainsi qu’il a déjà été indiqué plus haut, depuis l’introduction de la
présente instance, la Cour a rendu un arrêt en l’affaire relative à l’Appli-

cation de la convention pour la prévention et la répression du crime de
génocide (Bosnie-Herzégovine c. Serbie-et-Monténégro) (C.I.J. Recueil
2007 (I), p. 43); la Serbie s’est également fondée sur cette décision à pro-
pos de la question présentement examinée. Dans cette affaire, la Cour a
jugé qu’il y avait eu «destruction délibérée du patrimoine historique,
culturel et religieux du groupe protégé [par la Convention]» (ibid.,

p. 185, par. 344). La Cour a cependant précisé que, «[b]ien qu’une telle
destruction puisse être d’une extrême gravité, en ce qu’elle vise à éliminer
toute trace de la présence culturelle ou religieuse d’un groupe, et puisse
être contraire à d’autres normes juridiques, elle n’entr[ait] pas dans la
catégorie des actes de génocide énumérés à l’article II de la Convention»

(ibid.). Ainsi qu’il a déjà été indiqué (voir par. 52-56 ci-dessus), bien que
cette décision ne soit pas revêtue de l’autorité de la chose jugée à l’égard

56465 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION (JUDGMENT )

Court sees no reason to depart from its earlier finding on the general
question of interpretation of the Convention in this respect. The Court
will have to decide how these findings of law are to be applied, and what
may be their effect in the present case.

142. Croatia however indicates that it perceives the alleged deliberate
destruction and looting of cultural property in this case as part of a
broader plan or pattern of activities aimed at the extinction of an ethnic
group, and therefore within the purview of the Genocide Convention,

and that accordingly an order for return of property taken in such cir-
cumstances is not a priori inadmissible; it suggests that whether or not
such an order would be an appropriate remedy in this case is a matter to
be determined at the merits stage.

143. However, as the Court has noted above, the question what rem-
edies might appropriately be ordered by the Court is one which is neces-
sarily dependent upon the findings that the Court may in due course
make of breaches of the Genocide Convention by the Respondent; it is
not a matter that may be the proper subject of a preliminary objection.

As in the case of submission 2 (b), this conclusion is reinforced by the
consideration that in order to decide whether an order in the terms of
Croatian submission 2 (c) would be an appropriate remedy, the Court
would have to enquire into disputed matters of fact, to establish whether
or not a breach of an obligation deriving from the Genocide Convention

had been established, and if so in what respects. The Court concludes
that the preliminary objection submitted by Serbia so far as it relates to
Croatian submission 2 (c) must be rejected.

**

(iv) Conclusion

144. Serbia’s third preliminary objection, as stated in its final submis-
sion 2 (b), addressed to Croatia’s submissions 2 (a),2(b) and 2 (c),
must therefore be rejected in its entirety.

*
* *

145. Having established its jurisdiction, the Court will consider the
preliminary objection that it has found to be not of an exclusively pre-
liminary character when it reaches the merits of the case. In accordance
with Article 79, paragraph 7, of the Rules of Court as adopted on
14 April 1978, time-limits for the further proceedings will be fixed subse-

quently by the Court.

* * *

57 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE ARRÊT ) 465

de la présente espèce, la Cour ne voit pas de raison de s’écarter de la
conclusion qu’elle a précédemment formulée quant à la question générale
d’interprétation de la Convention sur ce point. Aussi la Cour devra-t-elle
décider de quelle manière ces conclusions en droit doivent être appliquées

et quel pourrait être leur effet en la présente affaire.
142. La Croatie précise cependant qu’elle considère que, en l’espèce, la
destruction délibérée et le pillage des biens culturels dont elle tire grief
font partie d’un plan ou d’un ensemble organisé d’activités plus vaste
qui visait l’extinction d’un groupe ethnique, que ces actes entrent donc

dans les prévisions de la convention sur le génocide et que, partant, le
fait d’ordonner la restitution de biens pris en pareilles circonstances ne
constitue pas a priori un remède irrecevable. Elle avance que la ques-
tion de savoir si une telle décision constituerait un remède approprié en
l’espèce doit être tranchée lors de l’examen au fond.

143. Toutefois, ainsi que la Cour l’a relevé plus haut, la question de
savoir quels remèdes appropriés elle pourrait ordonner dépend nécessai-
rement des conclusions auxquelles elle pourrait en temps utile parvenir
quant à des violations de la Convention par le défendeur; cette question
n’est pas de nature à faire l’objet d’une exception préliminaire. Comme

dans le cas de l’alinéa 2 b), cette conclusion se trouve renforcée par la
considération que, afin de déterminer si une décision rédigée dans les
termes indiqués par la Croatie à l’alinéa c) de son second chef de conclu-
sions pourrait constituer un remède approprié, la Cour devrait examiner
les éléments de fait en litige pour établir si — et sur quels points — la

violation d’une obligation découlant de la convention sur le génocide a
été établie. La Cour conclut que l’exception préliminaire soulevée par la
Serbie, pour autant qu’elle se rapporte à la demande formulée à l’ali-
néa c) du second chef de conclusions de la Croatie, doit être rejetée.

**

iv) Conclusion

144. La troisième exception préliminaire, que soulève la Serbie à l’ali-
néa 2 b) de ses conclusions finales et qui se rapporte aux demandes énon-
cées aux alinéas a), b) et c) du second chef de conclusions de la Croatie,
doit donc être rejetée dans son intégralité.

*
* *

145. Ayant établi qu’elle a compétence, la Cour examinera l’exception
préliminaire dont elle a conclu qu’elle n’avait pas un caractère exclusive-
ment préliminaire lors de la phase du fond. Conformément au para-
graphe 7 de l’article 79 de son Règlement tel qu’adopté le 14 avril 1978,
la Cour fixera ultérieurement les délais pour la suite de la procédure.

* * *

57466 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION (JUDGMENT )

VIII. O PERATIVE C LAUSE

146. For these reasons,

T HE C OURT ,

(1) By ten votes to seven,

Rejects the first preliminary objection submitted by the Republic of
Serbia in so far as it relates to its capacity to participate in the proceed-
ings instituted by the Application of the Republic of Croatia;

IN FAVOUR : President Higgins; Vice-President Al-Khasawneh; Judges Buer-
genthal, Simma, Tomka, Abraham, Keith, Sepúlveda-Amor, Bennouna;
Judge ad hoc Vukas;

AGAINST: Judges Ranjeva, Shi, Koroma, Parra-Aranguren, Owada, Skot-
nikov; Judge ad hoc Krec´a;

(2) By twelve votes to five,

Rejects the first preliminary objection submitted by the Republic of
Serbia in so far as it relates to the jurisdiction ratione materiae of the
Court under Article IX of the Convention on the Prevention and Pun-
ishment of the Crime of Genocide to entertain the Application of the

Republic of Croatia;
IN FAVOUR : President Higgins; Vice-President Al-Khasawneh; Judges Buer-

genthal, Owada, Simma, Tomka, Abraham, Keith, Sepúlveda-Amor, Ben-
nouna, Skotnikov; Judge ad hoc Vukas;
AGAINST: Judges Ranjeva, Shi, Koroma, Parra-Aranguren; Judge ad hoc
Krec´a;

(3) By ten votes to seven,

Finds that subject to paragraph 4 of the present operative clause the
Court has jurisdiction to entertain the Application of the Republic of

Croatia;
IN FAVOUR : President Higgins; Vice-President Al-Khasawneh; Judges Buer-
genthal, Simma, Tomka, Abraham, Keith, Sepúlveda-Amor, Bennouna;
Judge ad hoc Vukas;

AGAINST: Judges Ranjeva, Shi, Koroma, Parra-Aranguren, Owada, Skot-
nikov; Judge ad hoc Krec´a;

(4) By eleven votes to six,

Finds that the second preliminary objection submitted by the Republic
of Serbia does not, in the circumstances of the case, possess an exclu-
sively preliminary character;

IN FAVOUR : President Higgins; Vice-President Al-Khasawneh; Judges Ran-
jeva, Buergenthal, Owada, Simma, Abraham, Keith, Sepúlveda-Amor,
Bennouna; Judge ad hoc Vukas;

AGAINST: Judges Shi, Koroma, Parra-Aranguren, Tomka, Skotnikov;
Judge ad hoc Krec´a;

58 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (ARRÊT ) 466

VIII. D ISPOSITIF

146. Par ces motifs,

L A C OUR ,
1) Par dix voix contre sept,

Rejette la première exception préliminaire soulevée par la République

de Serbie, en ce qu’elle a trait à sa capacité de participer à l’instance
introduite par la requête de la République de Croatie;
me
POUR :M Higgins, président ; M. Al-Khasawneh, vice-président ; MM. Buer-
genthal, Simma, Tomka, Abraham, Keith, Sepúlveda-Amor, Bennouna,
juges; M. Vukas, juge ad hoc;
CONTRE : MM. Ranjeva, Shi, Koroma, Parra-Aranguren, Owada, Skotnikov,

juges; M. Krec´a, juge ad hoc;
2) Par douze voix contre cinq,

Rejette la première exception préliminaire soulevée par la République

de Serbie, en ce qu’elle a trait à la compétence ratione materiae de la
Cour, en vertu de l’article IX de la convention pour la prévention et la
répression du crime de génocide, pour connaître de la requête de la Répu-

blique de Croatie;
POUR :M me Higgins, président ; M. Al-Khasawneh, vice-président ; MM. Buer-
genthal, Owada, Simma, Tomka, Abraham, Keith, Sepúlveda-Amor, Ben-

nouna, Skotnikov, juges; M. Vukas, juge ad hoc;
CONTRE : MM. Ranjeva, Shi, Koroma, Parra-Aranguren, juges; M. Krec ´a,
juge ad hoc;

3) Par dix voix contre sept,

Dit que, sous réserve du point 4 du présent dispositif, la Cour a com-
pétence pour connaître de la requête de la République de Croatie;

POUR :M me Higgins, président ; M. Al-Khasawneh, vice-président ; MM. Buer-
genthal, Simma, Tomka, Abraham, Keith, Sepúlveda-Amor, Bennouna,

juges; M. Vukas, juge ad hoc;
CONTRE : MM. Ranjeva, Shi, Koroma, Parra-Aranguren, Owada, Skotnikov,
juges; M. Krec´a, juge ad hoc;

4) Par onze voix contre six,

Dit que la deuxième exception préliminaire soulevée par la République
de Serbie n’a pas, dans les circonstances de l’espèce, un caractère exclu-

sivement préliminaire;
POUR :M me Higgins, président ; M. Al-Khasawneh, vice-président ; MM. Ran-

jeva, Buergenthal, Owada, Simma, Abraham, Keith, Sepúlveda-Amor,
Bennouna, juges; M. Vukas, juge ad hoc;
CONTRE : MM. Shi, Koroma, Parra-Aranguren, Tomka, Skotnikov, juges;
M. Krec´a, juge ad hoc;

58467 APPLICATION OF GENOCIDE CONVENTION (JUDGMENT )

(5) By twelve votes to five,

Rejects the third preliminary objection submitted by the Republic of
Serbia.

IN FAVOUR: President Higgins; Vice-President Al-Khasawneh; Judges Ran-
jeva, Buergenthal, Owada, Simma, Tomka, Abraham, Keith, Sepúlveda-
Amor, Bennouna; Judge ad hoc Vukas;

AGAINST: Judges Shi, Koroma, Parra-Aranguren, Skotnikov; Judge ad hoc
Krec´a.

Done in English and in French, the English text being authoritative, at
the Peace Palace, The Hague, this eighteenth day of November, two thou-
sand and eight, in three copies, one of which will be placed in the archives

of the Court and the others transmitted to the Government of the Repub-
lic of Croatia and the Government of the Republic of Serbia, respectively.

(Signed) Rosalyn H IGGINS,
President.

(Signed) Philippe COUVREUR ,

Registrar.

Vice-President AL-K HASAWNEH appends a separate opinion to the Judg-
ment of the Court; Judges R ANJEVA,S HI,K OROMA and P ARRA -

A RANGUREN append a joint declaration to the Judgment of the Court;
Judges R ANJEVA and O WADA append dissenting opinions to the Judgment
of the Court; Judges TOMKA and A BRAHAM append separate opinions to

the Judgment of the Court; Judge B ENNOUNA appends a declaration to
the Judgment of the Court; Judge SKOTNIKOV appends a dissenting opin-
ion to the Judgment of the Court; Judge ad hoc V UKAS appends a sep-
arate opinion to the Judgment of the Court; Judgead hoc RECA appends
u
a dissenting opinion to the Judgment of the Court.

(Initialled) R.H.

(Initialled) Ph.C.

59 APPLICATION DE CONVENTION GÉNOCIDE (ARRÊT ) 467

5) Par douze voix contre cinq,

Rejette la troisième exception préliminaire soulevée par la République
de Serbie.

POUR :M meHiggins, président ; M. Al-Khasawneh, vice-président ; MM. Ran-
jeva, Buergenthal, Owada, Simma, Tomka, Abraham, Keith, Sepúlveda-
Amor, Bennouna, juges; M. Vukas, juge ad hoc;

CONTRE : MM. Shi, Koroma, Parra-Aranguren, Skotnikov, juges; M. Kr´a,
juge ad hoc.

Fait en anglais et en français, le texte anglais faisant foi, au Palais de la
Paix, à La Haye, le dix-huit novembre deux mille huit, en trois exem-
plaires, dont l’un restera déposé aux archives de la Cour et les autres

seront transmis respectivement au Gouvernement de la République de
Croatie et au Gouvernement de la République de Serbie.

Le président,
(Signé) Rosalyn H IGGINS.

Le greffier,

(Signé) Philippe C OUVREUR .

M. le juge A L-K HASAWNEH , vice-président, joint à l’arrêt l’exposé de
son opinion individuelle; MM. les juges R ANJEVA ,S HI,K OROMA et

PARRA -A RANGUREN joignent une déclaration commune à l’arrêt; MM. les
juges RANJEVA et OWADA joignent à l’arrêt les exposés de leur opinion
dissidente; MM. les juges TOMKA et ABRAHAM joignent à l’arrêt les expo-

sés de leur opinion individuelle; M. le juge ENNOUNA joint une décla-
ration à l’arrêt; M. le jugeKOTNIKOV joint à l’arrêt l’exposé de son opi-
nion dissidente; M. le juge ad hoc VUKAS joint à l’arrêt l’exposé de son
opinion individuelle; M. le juge ad hoc RECA joint à l’arrêt l’exposé de
u
son opinion dissidente.

(Paraphé) R.H.

(Paraphé) Ph.C.

59

ICJ document subtitle

Exceptions préliminaires

Document file FR
Document Long Title

Arrêt du 18 novembre 2008

Links