Arrêt du 24 septembre 2015

Document Number
153-20150924-JUD-01-00-EN
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Incidental Proceedings
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INTERNATIONAL COURT OF JUSTICE

REPORTS OF JUDGMENTS,
ADVISORY OPINIONS AND ORDERS

OBLIGATION TO NEGOTIATE
ACCESS TO THE PACIFIC OCEAN

(BOLIVIA v. CHILE)

PRELIMINARY OBJECTION

JUDGMENT OF 24 SEPTEMBER 2015

2015

COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

RECUEIL DES ARRÊTS,
AVIS CONSULTATIFS ET ORDONNANCES

OBLIGATION DE NÉGOCIER
UN ACCÈS À L’OCÉAN PACIFIQUE

(BOLIVIE c. CHILI)

EXCEPTION PRÉLIMINAIRE

ARRÊT DU 24 SEPTEMBRE 2015

5 CIJ1084.indb 1 18/05/16 14:13 Official citation:
Obligation to Negotiate Access to the Pacific Ocean
(Bolivia v. Chile), Preliminary Objection, Judgment,
I.C.J.Reports 2015, p. 592

Mode officiel de citation

Obligation de négocier un accès à l’océan Pacifique
(Bolivie c.Chili), exception préliminaire, arrêt,
C.I.J. Recueil 2015, p. 592

Sales number
ISSN 0074-4441 N ode vente: 1084
ISBN 978-92-1-157276-6

5 CIJ1084.indb 2 18/05/16 14:13 24 SEPTEMBER 2015

JUDGMENT

OBLIGATION TO NEGOTIATE
ACCESS TO THE PACIFIC OCEAN

(BOLIVIA v. CHILE)

PRELIMINARY OBJECTION

OBLIGATION DE NÉGOCIER
UN ACCÈS À L’OCÉAN PACIFIQUE

(BOLIVIE c.HILI)

EXCEPTION PRÉLIMINAIRE

24 SEPTEMBRE 2015

ARRET

5 CIJ1084.indb 3 18/05/16 14:13 592

TABLE DES MATIÈRES

Paragraphes

Qualités 1-14

I.Contexte 15-17

II. Aperçu général des posijtions des Parties 18-24

III. Objet du différend 25-36

IV. Point de savoir si les questions en litige devant la Cour entrent
dans les prévisions de lj’articleI du pacte de Bogotá 37-53

V. Conclusion de la Cour cjoncernant l’exceptiojn préliminaire 54-55

Dispositif 56

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5 CIJ1084.indb 137 18/05/16 14:13 593

COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

ANNÉE 2015
2015
24septembre
Rôle général
24 septembre 2015 n 153

OBLIGATION DE NÉGOCIER

UN ACCÈS À L’OCÉAN PACIFIQUE

(BOLIVIE c. CHILI)

EXCEPTION PRÉLIMINAIRE

Géographie — Contexte historique — Demandes de la Bolivie — Compétence

fondée sur l’article XXXI du pacte de Bogotá — Argument du Chili selon lequel la
Cour n’a pas compétence par l’effet de l’article VI du pacte.
Objet du différend devant être défini par la Cour — Parties ne définissant pas le
différend de la même manière — Cour ne souscrivant pas à la définition faite par
le Chili — Question de savoir si la Bolivie a droit à un accès souverain à▯ la mer
n’ayant pas été soumise à la Cour — Nul besoin que la Cour se prononce sur le

statut juridique du traité de paix d1904 — Différend ayant un double objet —
Question de savoir si le Chili a l’obligation de négocier de bonne▯ foi un accès sou
verain de la Bolivie à la mer— Question de savoir si, le cas échéant, le Chili a
manqué à cette obligation — Emploi, dans l’arrêt, des expressions « accès souve‑
rain» et « négocier un accès souverain » étant sans incidence sur l’existence, la

nature ou le contenu d’une éventuelle obligation.
Examen du point de savoir si les questions en litige ont étréglées» ou sont
« régies» par le traité de paix de 1904 — Régime de compétence établi par le pacte
de Bogotá — Article VI du pacte — Dispositions pertinentes du traité de paix de
1904 — Obligation de négocier qui incomberait au Chili n’étant pas abordée dans

le traité de paix de 190— Questions en litige n’étant pas des questioréglées»
ou «régies», au sens de l’article du pacte, par le traité de paix de 1904 — Nul
besoin de rechercher, aux fins de l’affaire, s’il convient d’é▯tablir une distinction
entre les effets juridiques des termes «ées» et «régies»— Nul besoin d’exami ‑
ner les accords, la pratique diplomatique et les déclarations invoqué▯s par la Bolivie.

Argument subsidiaire de la Bolivie selon lequel l’exception du Chili ▯n’a pas un
caractère exclusivement préliminaire— Argument subsidiaire de la Bolivie étant
sans objet — Question de savoir si une exception n’a pas un caractère exclusiv▯e
ment préliminaire devant être tranchée par la Cour — Cour n’étant pas empêchée
de statuer sur l’exception du Chili à ce stade.

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Rejet de l’exception préliminaire du Chili— Cour ayant compétence pour

connaître de la requête de la Bolivie.

ARRÊT

Présents: M. Abraham, président; M.Yusuf, vice‑président; MM.Owada,
Tomka, Bennouna, Cançadoj Trindade, Greenwood, M mesXue,
Donoghue, M. Gaja, M me Sebutinde, MM. Bhandari, Robinson,
me
Gevorgian, juges; M. Daudet , M Arbour, juges ad hoc ;
M. Couvreur, greffier.

En l’affaire relative à l’obligation de négocier un accèjs à l’océan Pacifique,

entre

l’Etat plurinational de Bolivie,
représenté par

S.Exc. M. Eduardo Rodríguez Veltzé, ancien président de la Bolivie, ancien
président de la Cour suprême de justice bolivienne, ancien doyen de la
faculté de droit de l’Université catholique de Bolivie à LPaz, ambassa -

deur extraordinaire et plénipotentiaire de l’Etat plurinational dej Bolivie
auprès du Royaume des Pays-Bas,
comme agent;

S. Exc. M. David Choquehuanca Céspedes, ministre des affaires étrangères de
l’Etat plurinational de Bolivie,

comme représentant de l’Etat;
M. Mathias Forteau, professeur à l’Université Paris Ouest, Nanterre -

La Défense, membre de la Commission du droit international,
M. Antonio Remiro Brotóns, professeur de droit international à l’Universi -
dad Autónoma de Madrid, membre de l’Institut de droit internationajl,
M me Monique Chemillier-Gendreau, professeur émérite de droit public et de

sciences politiques à l’Université Paris Diderot,
M. Payam Akhavan, LL.M., S.J.D. (Harvard), professeur de droit internatio -
nal à l’Université McGill de Montréal, membre du barreau de jl’Etat de
New York et du barreau du Haut -Canada,
M me Amy Sander, membre du barreau anglais,

comme conseils et avocats ;

M. Hector Arce, Attorney‑General de l’Etat plurinational de Bolivie et profes
seur de droit constitutionnel à l’Universidad Mayor de San Andréjs àPaz,
M. Reymi Ferreira, ministre de la défense de l’Etat plurinational de Bolivije,
S. Exc. M. Juan Carlos Alurralde, vice-ministre des affaires étrangères de

l’Etat plurinational de Bolivie,
M. Emerson Calderón, secrétaire général du bureau stratégique de recjonnais
sance des prétentions maritimes (DIREMAR) et professeur de droit injter -
national public à l’Universidad Mayor de San Andrés à La Paz,

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S. Exc. M. Sacha Llorenty, représentant permanent de la Bolivie auprès de

l’Organisation des Nations Unies à New York,
S. Exc. M me Nardy Suxo, représentant permanent de la Bolivie auprès de
l’Office des Nations Unies à Genève,
M. Rubén Saavedra, représentant permanent de la Bolivie auprès de l’Uniojn

des Nations sud-américaines (UNASUR) à Quito,
comme conseillers ;

M. Carlos Mesa Gisbert, ancien président et vice-président de la Bolivie,
comme envoyé spécial et porte-parole ;

M. José Villarroel, DIREMAR, La Paz,
M. Osvaldo Torrico, DIREMAR, La Paz,
M. Farit Rojas Tudela, ambassade de Bolivie au Royaume des Pays -Bas,

M. Luis Rojas Martínez, ambassade de Bolivie au Royaume des Pays -Bas,

M. Franz Zubieta, bureau de l’Attorney‑General, La Paz,

comme conseillers techniques ;
M me Gimena González,
me
M Kathleen McFarland,
comme conseillers adjoints,

et

la République du Chili,

représentée par
S. Exc. M. Felipe Bulnes Serrano, ancien ministre de la justice et de l’éduca

tion de la République du Chili, ancien ambassadeur du Chili auprèsj des
Etats-Unis d’Amérique, professeur de droit civil à la Pontificia Unjiversi -
dad Católica de Chile,

comme agent;
S. Exc. M. Heraldo Muñoz Valenzuela, ministre des affaires étrangères du
Chili,

comme représentant de l’Etat ;
M. Claudio Grossman, doyen, professeur de droit international, titulaire de la
chaire R. Geraldson, American University, faculté de droit de Washington,
me
S. Exc. M María Teresa Infante Caffi, ambassadeur du Chili auprès du
Royaume des Pays-Bas, membre de l’Institut de droit international,
comme coagents;

Sir Daniel Bethlehem, Q.C., barrister, membre du barreau d’Angleterre et du
pays de Galles, cabinet 20Essex Street,
M. Pierre-Marie Dupuy, professeur à l’Institut de hautes études inter -

nationales et du développement de Genève et à l’Université Paris II
(Panthéon -Assas), membre associé de l’Institut de droit international,
M. Ben Juratowitch, solicitor (Queensland, Angleterre et pays de Galles),
cabinet Freshfields Bruckhaus Deringer,

M. Harold Hongju Koh, professeur de droit international, titulaire de la
chaire Sterling, faculté de droit de l’Université de Yale, membjre des bar
reaux de New York et du district de Columbia,

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me
M Mónica Pinto, professeur et doyen de la faculté de droit de l’Universidadj
de Buenos Aires, Argentine,
M. Samuel Wordsworth, Q.C., membre des barreaux d’Angleterre et de Paris,
cabinet Essex Court Chambers,

comme conseils et avocats;

S. Exc. M. Alberto van Klaveren Stork, ancien vice -ministre des affaires
étrangères du Chili, professeur de relations internationales à jl’Universidad
de Chile,
M me Ximena Fuentes Torrijo, professeur de droit international public à
l’Universidad Adolfo Ibáñez et à l’Universidad de Chile,

M. Andrés Jana Linetzky, professeur à l’Universidad de Chile,
M me Nienke Grossman, professeur à l’Université de Baltimore (Maryland),
membre des barreaux de l’Etat de Virginie et du district de Columbia,j
M me Kate Parlett, solicitor (Queensland, Angleterre et pays de Galles),
me
M Alexandra van der Meulen, avocat à la Cour (Paris) et membre du bar -
reau de l’Etat de NewYork,
M me Callista Harris, solicitor (Nouvelle-Galles du Sud),
M me Mariana Durney, conseiller juridique au ministère des affaires étrangèjres

me Chili,
M María Alicia Ríos, ministère des affaires étrangères du Chili,
M. Juan Enrique Loyer, troisième secrétaire à l’ambassade du Chili au
Royaume des Pays-Bas,

comme conseillers;
M. Coalter G. Lathrop, Sovereign Geographic, membre du barreau de l’Etat

de Caroline du Nord,
comme conseiller technique,

La Cour,

ainsi composée,

après délibéré en chambre du conseil,

rend l’arrêt suivant :

1. Le 24 avril 2013, le Gouvernement de l’Etat plurinational de Bolivie
(dénommé ci-après la «Bolivie») a déposé au Greffe de la Cour une requête
introductive d’instance contre la République du Chili (dénommée c-après le
«Chili») au sujet d’un différend « concernant l’obligation du Chili de négocier
de bonne foi et de manière effective avec la Bolivie en vue de parvjenir à un

accord octroyant à celle-ci un accès pleinement souverain à l’océan Pacifique».
Dans sa requête, la Bolivie a indiqué qu’elle entendait fonder jla compétence
de la Cour sur l’articleI du traité américain de règlement pacifique signé le
30 avril 1948, dénommé officiellement, aux termes de son artiLX, le «pacte

de Bogotá» (et ciaprès ainsi désigné).
2. Conformément au paragraphe 2 de l’article 40 du Statut de la Cour, le
greffier a immédiatement communiqué la requête au Gouvernementj du Chili ;
conformément au paragraphe 3 du même article, il en a également informé tous

les autres Etats admis à ester devant la Cour.
3. La Cour ne comptant sur le siège aucun juge de la nationalité des jParties,
chacune d’elles afait usage du droit que lui confère le paragraph3 de l’ar

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ticle 31 du Statut de désigner un juge ad hoc pour siéger en l’affaire ; la Bolivie a
me
désigné à cet effet M. Yves Daudet et le Chili, M Louise Arbour.
4. Par ordonnance du 18 juin 2013, la Cour a fixé au 17 avril 2014 et au
18 février 2015, respectivement, les dates d’expiration du délai pour le déjpôt du
mémoire de la Bolivie et du contre -mémoire du Chili. La Bolivie a déposé son
mémoire dans le délai ainsi prescrit.

5. Se référant au paragraphe 1 de l’article 53 du Règlement de la Cour, les
Gouvernements du Pérou et de la Colombie ont respectivement demandéj à
obtenir des exemplaires des pièces de procédure et des documents ajnnexés en
l’affaire. Ayant consulté les Parties conformément à la disposition susvisée, le
président de la Cour a décidé d’accéder à ces demandes. Le greffier a dûment

communiqué ces décisions auxdits Gouvernements et aux Parties.
6. Le 15 juillet 2014, dans le délai prescrit au paragraphe 1 de l’article 79 du
Règlement, le Chili a soulevé une exception préliminaire d’incompétence dej la
Cour. En conséquence, par ordonnance du 15 juillet 2014, le président, consta -
tant que la procédure sur le fond était suspendue en application du paragraphe 5

de l’article 79 du Règlement, et compte tenu de l’instruction de procédure V, a
fixé au 14 novembre 2014 la date d’expiration du délai dans lequel la Bolivie
pourrait présenter un exposé écrit contenant ses observations ejt conclusions sur
l’exception préliminaire soulevée par le Chili. La Bolivie a déjposé un tel exposé
dans le délai ainsi fixé, et l’affaire s’est alors trouvée en état pour ce qui est de

l’exception préliminaire.
7. Sur les instructions données par la Cour en vertu de l’article 43 de son
Règlement, le greffier a adressé aux Etats parties au pacte de Bojgotá les notifi -
cations prévues au paragraphe 1 de l’article 63 du Statut. En application des
dispositions du paragraphe 3 de l’article 69 du Règlement, il a en outre adressé

la notification prévue au paragraphe 3 de l’article 34 du Statut à l’Organisation
des Etats américains (dénommée ci -après l’« OEA»). Conformément au para -
graphe 3 de l’article 69 du Règlement, le greffier a communiqué les pièces de
procédure écrite à l’OEA et lui a demandé de lui faire sajvoir si elle entendait
présenter des observations écrites au sens de cette disposition. Il a par ailleurs

précisé que, la procédure ne portant à ce stade que sur la qjuestion de la compé -
tence, toutes observations écrites devraient être limitées àj l’interprétation des
dispositions du pacte de Bogotá ayant trait à cette question. Le secrétaire géné-
ral de l’OEA a informé la Cour que cette organisation n’avait pjas l’intention de
présenter de telles observations.

8. Conformément au paragraphe 2 de l’article 53 de son Règlement, la Cour,
après avoir consulté les Parties, a décidé que des exemplairjes de l’exception pré-
liminaire et de l’exposé écrit sur cette exception seraient renjdus accessibles au

public à l’ouverture de la procédure orale.
9. Des audiences publiques sur l’exception préliminaire soulevée pjar le Chili
ont été tenues du lundi 4 au vendredi 8 mai 2015, au cours desquelles ont été
entendus en leurs plaidoiries et réponses :

Pour le Chili : S. Exc. M. Felipe Bulnes,
M me Mónica Pinto,

Sir Daniel Bethlehem,
M. Samuel Wordsworth,
M. Pierre-Marie Dupuy,
M. Harold Hongju Koh.

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Pour la Bolivie : S. Exc. Eduardo Rodríguez Veltzé,

M.meathias Forteau,
M Monique Chemillier-Gendreau,
M. Antonio Remiro Brotóns,
M. Payam Akhavan.

10. A l’audience, des questions ont été posées aux Parties par des membres de
la Cour, auxquelles il a été répondu oralement et par écrit,j dans le délai fixé par
le président conformément au paragraphe 4 de l’article 61 du Règlement de la

Cour. Conformément à l’article 72du Règlement, chacune des Parties a présenté
des observations sur les réponses écrites fournies par la Partie ajdverse.

*

11. Dans la requête, la demande ci -après a été formulée par la Bolivie :

« Pour les raisons exposées c-dessus, la Bolivie prie respectueusement la
Cour de dire et juger que :

a) le Chili a l’obligation de négocier avec la Bolivie en vue de parvjenir à
un accord octroyant à celle -ci un accès pleinement souverain à
l’océan Pacifique ;
b) le Chili a manqué à cette obligation ;
c) le Chili doit s’acquitter de ladite obligation de bonne foi, de manière

prompte et formelle, dans un délai raisonnable et de manière effjective, afin
d’octroyer à la Bolivie un accès pleinement souverain à l’joPacifique.»

12. Dans le mémoire, les conclusions ci -après ont été présentées au nom du
Gouvernement de la Bolivie :

« Pour les raisons exposées dans ce mémoire, tout en se réservantj le droit
de compléter, préciser ou modifier les présentes conclusions,j la Bolivie prie
la Cour de dire et juger que :

a) le Chili a l’obligation de négocier avec la Bolivie en vue de parvjenir à
un accord octroyant à celle -ci un accès pleinement souverain à l’océan
Pacifique;
b) le Chili a manqué à cette obligation ; et
c) le Chili doit s’acquitter de ladite obligation de bonne foi, de manière

prompte et formelle, dans un délai raisonnable et de manière effjective, afin
d’octroyer à la Bolivie un accès pleinement souverain à l’joPacifique.»

13. Les conclusions ci-après ont été présentées au nom du Gouvernement du
Chili dans l’exception préliminaire

« Pour les motifs exposés dans les chapitres précédents, le Chilij prie res
pectueusement la Cour de dire et juger que:
la demande présentée par la Bolivie à l’encontre du Chili ne relève pas de

la compétence de la Cour. »
Les conclusions ci -après ont été présentées au nom du Gouvernement de la

Bolivie dans l’exposé écrit contenant ses observations et concljusions sur l’excep
tion préliminaire:

« En conséquence, la Bolivie prie respectueusement la Cour de :
a) rejeter l’exception d’incompétence soulevée par le Chili ;

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5 CIJ1084.indb 149 18/05/16 14:13 obligation de négocijer un accès (arrêt) 599

b) dire et juger que la demande présentée par la Bolivie relève dej sa com -

pétence.»
14. Dans la procédure orale sur l’exception préliminaire, les concljusions
ci-après ont été présentées par les Parties

Au nom du Gouvernement du Chili,

à l’audience du 7 mai 2015 :
«La République du Chili prie respectueusement la Cour de dire et jugerj

que la demande présentée par la Bolivie à l’encontre du Chilji ne relève pas
de la compétence de la Cour. »
Au nom du Gouvernement de la Bolivie,

à l’audience du 8 mai 2015 :

«[L]’Etat plurinational de Bolivie prie respectueusement la Cour de :
a) rejeter l’exception d’incompétence soulevée par le Chili ;
b) dire et juger que la demande présentée par la Bolivie relève dej sa com-

pétence.»

*
* *

I. Contexte

15. Située en Amérique du Sud, la Bolivie est bordée au sud-ouest pjar
le Chili, à l’ouest par le Pérou, au nord et à l’est par jle Brésil, au sud -est
par le Paraguay et au sud par l’Argentine. Elle ne possède pas de jlittoral.
Le Chili, quant à lui, a une frontière terrestre commune avec le Pjérou au

nord, la Bolivie au nord-est et l’Argentine à l’est. A l’ouest, sa côte conti -
nentale fait face à l’océan Pacifique.
16. Le Chili et la Bolivie obtinrent leur indépendance de l’Espagne enj
1818 et en 1825, respectivement. A l’époque, la Bolivie possédait un littojral

de plusieurs centaines de kilomètres le long de l’océan Pacifique. Le
10 août 1866, les deux Etats signèrent un traité de limites territoriales éta -
blissant entre eux une « ligne de démarcation de frontières » qui séparait
leurs territoires côtiers voisins. Cette ligne fut confirmée en jtant que ligne

frontière dans le traité de limites que la Bolivie et le Chili signèrent le
6 août 1874. En 1879, le Chili déclara la guerre au Pérou et à la Bolijvie,
déclenchant ainsi la guerre dite du Pacifique, au cours de laquelle il occupa
le territoire côtier bolivien. Les hostilités entre la Bolivie et jle Chili s’ache

vèrent en 1884 avec la signature, à Valparaíso, d’une convention d’armis -
tice. Cet instrument prévoyait notamment que le Chili continuerait
d’administrer la région côtière. La Bolivie, en conséquenjce de ces événe -
ments, perdit le contrôle de son littoral pacifique. En 1895, les djeux Etats

signèrent un accord de cession territoriale, qui n’entra cependantj jamais en
vigueur. Celui-ci comprenait des dispositions devant permettre à la Bolivie
de recouvrer un accès à la mer, sous réserve que le Chili acquîjt la souverai -

11

5 CIJ1084.indb 151 18/05/16 14:13 obligation de négocijer un accès (arrêt) 600

neté sur certains territoires. Le 20 octobre 1904, les Parties signèrent un
traité de paix et d’amitié (ci-après le «traité de paix de 1904 »), qui mit offi-

ciellement fin à la guerre du Pacifique entre la Bolivie et le Chjili. Conform -é
ment à cet instrument, entré en vigueur le 10 mars 1905, l’intégralité du
territoire côtier bolivien revint au Chili, et la Bolivie se vit accojrder un droit
de transit commercial dans les ports chiliens. Certaines dispositions duj
traité de paix de 1904 sont reproduites ci-après 1(voir le paragraphe 40).

17. Depuis la conclusion du traité de paix de 1904, les deux Etats ont
fait un certain nombre de déclarations et ont eu plusieurs échangejs diplo-
matiques au sujet de la situation de la Bolivie par rapport à l’ocjéan Paci-
fique (voir les paragraphes 19 et 22 ci-après).

II. Aperçu général des posijtions des Parties

18. Dans sa requête introductive d’instance et dans son mémoire, laj

Bolivie prie la Cour de dire et juger que
« a) le Chili a l’obligation de négocier avec la Bolivie en vue de parvje -

nir à un accord octroyant à celle-ci un accès pleinement souverain
à l’océan Pacifique ;
b) le Chili a manqué à cette obligation ;
c) le Chili doit s’acquitter de ladite obligation de bonne foi, de manièjre
prompte et formelle, dans un délai raisonnable et de manière effjec -

tive, afin d’octroyer à la Bolivie un accès pleinement souverain à
l’océan Pacifique. » (Voir les paragraphes 11 et 12 ci-dessus.)

19. Afin d’étayer l’existence de l’obligation de négocier qju’elle allègue
et le manquement à celle -ci, la Bolivie s’appuie sur des « accords, [une]
pratique diplomatique et [une] série de déclarations attribuables j[aux]
plus hauts représentants [du Chili] ». Selon elle, la plupart de ces événe -
ments ont eu lieu entre la conclusion du traité de paix de 1904 et 2012.

20. Dans sa requête, la Bolivie entend fonder la compétence de la Courj
sur l’article XXXI du pacte de Bogotá, qui se lit comme suit :

«Conformément au paragraphe 2 de l’article 36 du Statut de la
Cour internationale de Justice, les Hautes Parties contractantes en ce
qui concerne tout autre Etat américain déclarent reconnaître cojmme
obligatoire de plein droit, et sans convention spéciale tant que le pjré -

sent traité restera en vigueur, la juridiction de la Cour sur tous lejs di-f
férends d’ordre juridique surgissant entre elles et ayant pour objjet : a)
l’interprétation d’un traité b) toute question de droit international ;
c) l’existence de tout fait qui, s’il était établi, constituerajit la violation
d’un engagement international; d) la nature ou l’étendue de la répara -

tion qui découle de la rupture d’un engagement international.»

1La langue originale du traité de paix de 1904 est l’espagnol. Toutes les dispositions de
cet instrument qui sont citées dans le présent arrêt ont étéj traduites en français par le Greffe.

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5 CIJ1084.indb 153 18/05/16 14:13 obligation de négocijer un accès (arrêt) 601

21. La Bolivie et le Chili sont tous deux parties au pacte de Bogotá, quij
a été adopté le 30 avril 1948. Le Chili l’a ratifié le 21 août 1967 et a déposé
son instrument de ratification le 15 avril 1974 ; la Bolivie l’a ratifié le

14 avril 2011 et a déposé son instrument de ratification le 9 juin de la
même année.
Lorsque la Bolivie a signé le pacte de Bogotá en 1948, puis lorsquj’elle
l’a ratifié en 2011, elle a formulé une réserve à l’jarticle VI. Cet article dis-
pose que

«[l]esprocédures [énoncées dans le pacte] ne pourront … s’appliquer
ni aux questions déjà réglées au moyen d’une entente entrje les par -

ties, ou d’une décision arbitrale ou d’une décision d’un jtribunal inter -
national, ni à celles régies par des accords ou traités en vigujeur à la
date de la signature du présent Pacte ».

La réserve de la Bolivie était ainsi libellée :

«La délégation de la Bolivie formule une réserve en ce qui concejrne
l’article VI, car elle estime que les procédures pacifiques peuvent éga-
lement s’appliquer aux différends relatifs à des questions résolues par
arrangement entre les parties, lorsque pareil arrangement touche aux
intérêts vitaux d’un Etat. »

Le Chili a élevé une objection contre cette réserve. Cette dernjière ayant été
retirée le 10avril 2013, la Bolivie précise que, à la date de l’introduction de

l’instance, le 24 avril 2013, aucune réserve excluant la compétence de la
Cour formulée par l’une ou l’autre Partie n’était en vigujeur. Le Chili ne
conteste pas ce point et déclare que le retrait de la réserve de lja Bolivie a
eu pour effet de faire entrer en vigueur le pacte de Bogotá entre ljes Parties.
22. Dans son exception préliminaire, le Chili affirme que, par l’effjet de

l’article VI du pacte de Bogotá, la Cour n’a pas compétence en vertu de
l’article XXXI de ce même instrument pour se prononcer sur le différend
soumis par la Bolivie. Il soutient que les questions en litige dans la pjré -
sente affaire sont la souveraineté territoriale et la nature de l’jaccès de la
Bolivie à l’océan Pacifique. Se référant à l’article VI du pacte de Bogotá,
il fait valoir que ces questions ont été réglées au moyen d’une entente,

énoncée dans le traité de paix de 1904, et qu’elles demeurent régies par ce
traité, qui était en vigueur à la date de la signature du pactej. Selon le
Chili, les « accords, [la] pratique diplomatique et [les] déclarations » invo -
qués par la Bolivie (voir le paragraphe 19 ci-dessus) portent, « en subs-
tance, sur la même question réglée et régie par le traitéj [de paix de 1904] ».

23. La Bolivie considère que l’exception préliminaire du Chili est j
«manifestement dépourvue de fondement » car il y est fait « une interpré-
tation erronée de l’objet du différend » qui oppose les Parties. La Bolivie
affirme que le différend a pour objet l’existence d’une obligation incom -
bant au Chili de négocier de bonne foi un accès souverain de la Bojlivie à

l’océan Pacifique et le manquement à ladite obligation. Selon elle, cette
obligation existe indépendamment du traité de paix de 1904. En conjsé -
quence, la Bolivie fait valoir que les questions en litige en la présjente

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espèce ne constituent pas des questions réglées ou régies pajr le traité de
paix de 1904, au sens de l’article VI du pacte de Bogotá, et que la Cour a
compétence en vertu de l’article XXXI de ce dernier.

*
* *

24. Dans son exception préliminaire, le Chili fait essentiellement valoirj
que l’objet de la demande de la Bolivie entre dans les prévisions jde l’ar -
ticleVI du pacte de Bogotá. La Cour observe toutefois que la question

que le Chili considère comme étant exclue de sa compétence par jl’effet de
cet article (voir le paragraphe 22 ci-dessus) ne correspond pas à l’objet du
différend tel que la Bolivie l’a décrit (voir le paragraphe 23 ci-dessus). En
conséquence, il est nécessaire pour la Cour de commencer par exposer ses
propres vues concernant l’objet du différend et de parvenir àj ses propres

conclusions à ce sujet. Elle se penchera ensuite sur le point de savojir si les
questions en litige sont des questions « réglées» ou « régies» par le traité
de paix de 1904.

III. Objet du différend

25. Le paragraphe 1 de l’article 40 du Statut de la Cour et le para -
graphe 1 de l’article 38 de son Règlement imposent au demandeur d’indi -
quer dans sa requête ce qui constitue selon lui l’« objet du différend »; la
requête doit également indiquer la « nature précise de la demande » (para-

graphe 2 de l’article 38 du Règlement de la Cour ; Compétence en matière
de pêcheries (Espagne c. Canada), compétence de la Cour, arrêt, C.I.J.
Recueil 1998, p. 448, par. 29).
26. C’est cependant à la Cour qu’il appartient de définir, surj une base
objective, l’objet du différend qui oppose les parties, c’est-à-dire de « cir-
conscrire le véritable problème en cause et de préciser l’objjet de la de -

mande» (Essais nucléaires (Australie c.France), arrêt, C.I.J. Recueil 1974,
p. 262, par. 29 E;sais nucléaires (Nouvelle ‑Zélande c. France), arrêt,
C.I.J.Recueil 1974, p. 466, par. 30). A cette fin, la Cour examine la posi -
tion des deux parties, « tout en consacrant une attention particulière à la
formulation du différend utilisée par le demandeur » ( Compétence en

matière de pêcheries (Espagne c. Canada), compétence de la Cour,
arrêt,C.I.J. Recueil 1998, p. 448, par. 30 ; voir également Différend terri ‑
torial et maritime (Nicaragua c. Colombie), exceptions préliminaires, arrêt,
C.I.J. Recueil 2007 (II), p. 848, par. 38). La Cour rappelle que, auxtermes
de son Règlement, la requête doit indiquer les « faits et moyens sur les -
quels [la] demande repose », et le mémoire, contenir un exposé des « faits

sur lesquels [celle -ci] est fondée» (paragraphe 2 de l’article 38 et para -
graphe 1 de l’article 49, respectivement). Pour identifier l’objet du diffé -
rend, la Cour se fonde sur la requête, ainsi que sur les exposés éjcrits et
oraux des parties. Elle tient notamment compte des faits que le deman -

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5 CIJ1084.indb 157 18/05/16 14:13 obligation de négocijer un accès (arrêt) 603

deur invoque à l’appui de sa demande (voir Essais nucléaires (Australie
c.France), arrêt, C.I.J. Recueil 1974, p. 263, par. 30 Essa;s nucléaires
(Nouvelle‑Zélande c. France), arrêt, C.I.J. Recueil 1974, p. 467, par. 31 ;
Compétence en matière de pêcheries (Espagne c. Canada), compétence de

la Cour, arrêt, C.I.J. Recueil 1998, p. 449, par. 31 ; p.449-450, par. 33).

* *

27. Dans sa requête, la Bolivie indique que le différend qui l’opjpose au
Chili porte sur « l’obligation du Chili de négocier de bonne foi et de

manière effective avec la Bolivie en vue de parvenir à un accordj octroyant
à celle-ci un accès pleinement souverain à l’océan Pacifique ». Elle précise
également que « [l]’objet du différend réside dans a) l’existence de cette
obligation, b) le manquement à cette obligation par le Chili et c) le devoir
du Chili de se conformer à ladite obligation ». Le mémoire de la Bolivie

va dans le même sens (voir le paragraphe 18 ci -dessus).
28. Le Chili affirme que la demande de la Bolivie a pour objet la sou -
veraineté territoriale et la nature de l’accès de la Bolivie àj l’océan Paci -
fique. Il ne conteste pas que, dans sa requête, la Bolivie a préjsenté sa
demande comme ayant trait à une obligation de négocier. Cependant,j il
soutient que cette obligation imposerait en réalité de mener des njégocia -

tions dont le résultat— l’octroi à la Bolivie d’un accès souverain à l’ocjéan
Pacifique — serait prédéterminé, seuls les détails de cet accès jsouverain,
tels que l’étendue et l’emplacement du territoire concerné, jétant matière à
négociations. Selon le Chili, la Bolivie ne cherche donc pas à menjer des
négociations ouvertes fondées sur des échanges de bonne foi maijs des

négociations dont le résultat aurait été prédéterminéj par voie judiciaire.
Le Chili estime que cette prétendue obligation de négocier devraitj être
considérée comme un « moyen … artificiel » de mettre en œuvre le droit
allégué de la Bolivie à un accès souverain à l’océajn Pacifique.
29. Le Chili allègue également que la Bolivie ne pourrait se voir
octroyer un accès souverain à la mer qu’au moyen de la revisionj ou de

l’annulation du traité de paix de 1904. En effet, toute négociation débou -
chant sur l’octroi de pareil accès modifierait la répartition de la souverai -
neté territoriale entre les Parties et la nature de l’accès de jla Bolivie à la
mer dont celles -ci sont convenues dans cet instrument. Le Chili fait donc
valoir que, par sa requête, la Bolivie cherche à obtenir que « soit revisé

l’arrangement, conclu en 1904, concernant la souveraineté territoriale et
la nature de son accès à la mer ».
30. La Bolivie rétorque que le Chili dénature le différend qui fajit l’ob -
jet de sa requête. Elle souligne qu’elle demande à la Cour, danjs cette
requête, de conclure que le Chili a l’obligation de négocier unj accès sou -
verain à la mer. Selon elle, la question du résultat de ces négjociations et

celle des modalités précises de l’accès souverain ne sont pajs du ressort de
la Cour, mais doivent faire l’objet d’un futur accord que les Partjies négo-
cieront de bonne foi. La Bolivie ajoute qu’il n’existe aucun diffjérend
concernant la validité du traité de paix de 1904, dont elle ne cherche pas,

15

5 CIJ1084.indb 159 18/05/16 14:13 obligation de négocijer un accès (arrêt) 604

en la présente instance, à obtenir la revision ou l’annulation.j Elle estime
que l’obligation de négocier qu’elle allègue existe indépjendamment de cet
instrument et parallèlement à celui -ci.

* *

31. La Cour observe que, conformément au paragraphe 2 de l’ar -
ticle38 du Règlement, la requête indique les faits et moyens sur lesquejls
repose la demande. A l’appui de son affirmation, selon laquelle il ejxiste
une obligation de négocier un accès souverain à la mer, la Bolivie se

réfère, dans sa requête, à des « accords», à une « pratique diplomatique »
et à «une série de déclarations attribuables [aux] plus hauts représejntants
[du Chili] ». Elle y soutient également que le Chili — contrairement à la
position qu’il avait lui-même adoptée — a par la suite rejeté et nié l’exis
tence de ladite obligation, en 2011 et 2012, et qu’il a manqué à cette obli -

gation. Dans sa requête, la Bolivie n’invoque pas le traité de jpaix de 1904
en tant que source de droits ou d’obligations pour l’une ou l’ajutre Partie,
pas plus qu’elle ne demande à la Cour de se prononcer sur le statujt juri -
dique de cet instrument. Telle qu’elle se présente, la requête jporte donc
sur un différend relatif à l’existence d’une obligation dej négocier un accès
souverain à la mer et au manquement à cette obligation.

32. Selon le Chili, la Cour devrait écarter la présentation du difféjrend
faite par la Bolivie dans la requête, au motif que celle-ci masqueraijt le
véritable objet de la demande de la Bolivie, c’est -à-dire la souveraineté
territoriale et la nature de l’accès de la Bolivie à l’océjan Pacifique. Ainsi
que la Cour l’a relevé par le passé, les requêtes qui lui sojnt soumises

portent souvent sur un différend particulier qui s’est fait jourj dans le
cadre d’un désaccord plus large entre les parties (Application de la conven ‑
tion internationale sur l’élimination de toutes les formes de disc▯rimination
raciale (Géorgie c. Fédération de Russie), exceptions préliminaires,
arrêt, C.I.J. Recueil 2011 (I) , p. 85 -86, par. 32; voir également Actions
armées frontalières et transfrontalières (Nicaragua c. Honduras), compé‑

tence et recevabilité, arrêt,.I.J. Recueil 1988, p. 91-92, par. 54; Personnel
diplomatique et consulaire des Etats‑Unis à Téhéran (Etats‑Uni▯s d’Amé ‑
rique c. Iran), arrêt, C.I.J. Recueil 1980, p. 19-20, par. 36-37). La Cour
considère que, même si l’on peut supposer que l’accès souverain à
l’océan Pacifique constitue l’objectif ultime de la Bolivie, il convient d’jéta-

blir une distinction entre cet objectif et le différend lié, maijs distinct, qui
lui a été présenté dans la requête ; celui-ci réside dans la question de savoir
si le Chili a l’obligation de négocier un accès souverain de laj Bolivie à la
mer et, dans l’hypothèse où cette obligation existerait, si le jChili y a man-
qué. Dans sa requête, la Bolivie ne demande pas à la Cour de dijre et juger
qu’elle a droit à pareil accès.

33. S’agissant de l’assertion du Chili suivant laquelle l’objet du jdifférend
est formulé de manière artificielle dans la requête, au motifj que la décision
sollicitée par la Bolivie donnerait lieu à des négociations donjt le résultat
serait prédéterminé par voie judiciaire et à une modification du traité de

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5 CIJ1084.indb 161 18/05/16 14:13 obligation de négocijer un accès (arrêt) 605

paix de 1904, la Cour rappelle que la Bolivie ne lui demande pas de dire
qu’elle a droit à un accès souverain à la mer, ni de se pronjoncer sur le statut
juridique dudit traité. En outre, si la présente affaire devait jêtre examinée

au fond, la Cour serait amenée, au vu de la demande de la Bolivie, à se
pencher sur les argumentations respectives des Parties concernant l’ejxis -
tence, la nature et le contenu de l’obligation alléguée de néjgocier un accès
souverain. Même à supposer, arguendo, que la Cour conclue à l’existence
de pareille obligation, il ne lui appartiendrait pas de prédétermijner le résu-l

tat de toute négociation qui se tiendrait en conséquence de cette jobligation.
34. A la lumière de ce qui précède, la Cour conclut que l’objet jdu dif -
férend réside dans la question de savoir si le Chili a l’obligajtion de négo -
cier de bonne foi un accès souverain de la Bolivie à l’océanj Pacifique et,
dans l’affirmative, si le Chili a manqué à cette obligation.

*

35. La Cour rappelle que les demandes que la Bolivie a formulées dans
sa requête et les conclusions présentées dans son mémoire sej rapportent à

une « obligation de négocier … en vue de parvenir à un accord octroyant
à celle-ci un accès pleinement souverain à l’océan Pacifijque ». La Bolivie
a affirmé à maintes reprises que le Chili avait l’« obligation de négocier un
accès souverain à la mer ». Le Chili a également utilisé, dans ses exposés
écrits et oraux, les termes d’« accès souverain à la mer ».

Lorsqu’un membre de la Cour a demandé à chacune des Parties de j
préciser quel était, selon elle, le sens de l’expression « accès souverain à la
mer », la Bolivie a répondu que la question de « l’existence et [du] contenu
précis »e l’obligation alléguée de négocier pareil accès ne devait pas être
tranchée au stade préliminaire de l’instance mais lors de la phjase de l’exa -
men au fond. Le Chili, quant à lui, a répondu que la Bolivie avaitj, dans

sa requête et son mémoire, employé l’expression « accès souverain à la
mer» pour désigner le transfert ou la cession à la Bolivie d’unj territoire
chilien, et que cette expression revêtait le même sens dans son exception
préliminaire.
36. Compte tenu de ces observations faites par les Parties, la Cour sou -

ligne que l’emploi, dans le présent arrêt, des expressions «j accès souve-
rain » et « négocier un accès souverain » ne saurait être interprété comme
reflétant ses vues quant à l’existence, à la nature ou au contenu d’une
prétendue obligation de négocier incombant au Chili.

IV. Point de savoir si les qjuestions en litige devjant la Cour
entrent dans les prévijsions de l’article VI du pacte de Bogotá

37. La Cour commencera par présenter le régime de compétence étajbli

par le pacte de Bogotá. Elle rappelle que cet instrument contient un jcer -
tain nombre de dispositions relatives au règlement judiciaire des diffjé -
rends. Aux termes de l’article XXXI, les parties au pacte reconnaissent la

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5 CIJ1084.indb 163 18/05/16 14:13 obligation de négocijer un accès (arrêt) 606

juridiction obligatoire de la Cour à l’égard de tous les différends d’ordre
juridique surgissant entre elles et portant sur les questions énuméjrées
dans ce même article (voir le paragraphe 20 ci-dessus).
38. Les autres dispositions pertinentes du pacte de Bogotá sont les

articles VI et XXXIII. Ainsi que cela a déjà été indiqué, l’article VI pré-
voit que
« [l]esprocédures [énoncées dans le pacte] ne pourront … s’appliquer

ni aux questions déjà réglées au moyen d’une entente entrje les par -
ties, ou d’une décision arbitrale ou d’une décision d’un jtribunal inter -
national, ni à celles régies par des accords ou traités en vigujeur à la
date de la signature du présent pacte ».

Quant à l’article XXXIII du pacte, il se lit comme suit : « Au cas où les
parties ne se mettraient pas d’accord sur la compétence de la Courj au sujet
du litige, la Cour elle-même décidera au préalable de cette question. »
39. En application de l’article VI du pacte de Bogotá, si la Cour devait

conclure, au vu de l’objet du différend tel qu’elle l’a déjfini au paragraph3e4
ci-dessus, que les questions en litige entre les Parties sont des questionsj
« déjà réglées au moyen d’une entente entre les parties» ou «régies par des
accords ou traités en vigueur » au 30 avril 1948, elle n’aurait pas, au regard
du pacte de Bogotá, la compétence requise pour se prononcer sur lej fond
de l’affaire. En conséquence, la Cour va rechercher si les questions en litige

sont des questions «réglées» ou «régies» par le traité de paix de 1904.
40. La Cour rappellera ci-après certaines dispositions du traité de paix
de 1904, en vigueur au 30 avril 1948. L’article premier de cet instrument a
rétabli des relations de paix et d’amitié entre la Bolivie et lje Chili, et mis fin
au régime instauré par la convention d’armistice de Valparaíjso de1884.

L’article II du traité de paix de 1904 est ainsi libellé : « Par le présent
traité, il est reconnu que les territoires occupés par le Chili enj vertu de
l’article 2 de la convention d’armistice du 4 avril 1884 appartiennent plei -
nement et à titre perpétuel au Chili. »
Cet article se poursuit en effectuant la délimitation de la frontièjre entre
les deux Etats et en établissant la procédure de démarcation applicable.j

A l’article III, les Parties sont convenues de la construction, aux frais
du Chili, d’une voie de chemin de fer reliant le port d’Arica au pjlateau de
La Paz.
L’article VI du traité se lit comme suit :

«La République du Chili reconnaît à la Bolivie, à titre perpétuel,
le droit de transit commercial le plus complet et inconditionnel sur
son territoire et dans ses ports situés sur le Pacifique.
Les deux Gouvernements conviendront, par des actes spéciaux,

d’une méthode permettant d’assurer, sans préjudice de leurs jintérêts
fiscaux respectifs, la mise en œuvre de ce qui précède. »
L’article VII prévoit que

«[l]a République de Bolivie aura le droit d’établir des postes djoua -
niers dans les ports qu’elle désignera aux fins de ses échangjes com -

18

5 CIJ1084.indb 165 18/05/16 14:13 obligation de négocijer un accès (arrêt) 607

merciaux. Elle désigne dès à présent à cette fin les ports d’Antofagasta
et d’Arica.
Les postes douaniers veilleront à ce que les marchandises en tran -
sit soient directement acheminées de l’embarcadère à la garej, puis

chargées et transportées jusqu’aux douanes boliviennes dans desj
wagons fermés et scellés, accompagnées du bordereau de transporjt
indiquant le nombre et le poids des colis ainsi que leurs désignationj,
numéro et contenu, qui sera remis contre accusé de réception. »

Quant aux articles VIII, IX, X et XI, ils régissent certains aspects des
échanges commerciaux entre les Parties, ainsi que des questions doua -
nières et le transit de marchandises. Enfin, par les articles IV et V, le Chili
a pris d’autres engagements financiers en faveur de la Bolivie.

* *

41. Selon le Chili, l’articleI du pacte de Bogotá exclut incontestable -
ment le présent différend de la compétence de la Cour. Le Chijli fait valoir
que cette disposition avait pour but d’empêcher que les procédujres de règ-le
ment des différends énoncées dans cet instrument, et notamment les voies
de recours judiciaires, puissent être utilisées «afin de rouvrir des questions
déjà réglées entre les parties au pacte par une décision jjudiciaire internati-o

nale ou par un traité » (citant Différend territorial et maritime (Nicaragua
c. Colombie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (II),
p. 858, par. 77).
42. Il allègue qu’une distinction doit être établie entre les dejuxbranches
de l’articleVI, estimant qu’une question est «réglée» au moyen d’une entente
si elle a été résolue par celleci, tandis qu’une question est « régie» par un

traité si le traité en question réglemente la relation existant entre les parties
concernant cette question. Le Chili conclut que, dans le cas d’espèjce, la sou-
veraineté territoriale et la nature de l’accès de la Bolivie àj l’océanacifique
sont des questions tant « réglées» que «régies» par le traité de paix de 1904.
43. A cet égard, le Chili affirme tout d’abord que l’article II du traité

de paix de 1904 constitue un règlement territorial global entre les deux
Etats et que, partant, la question de la souveraineté territoriale esjt une
question réglée et régie par cette disposition. Le Chili soutiejnt également
que cet article a les composantes matérielles suivantes :

«Premièrement, il traite de la souveraineté chilienne sur ce qui
avait été, jusqu’à la guerre du Pacifique de 1879, le département boli -
vien du littoral. Deuxièmement, il délimite la frontière entre les deux
Etats, du sud au nord, dans le secteur des provinces chiliennes

d’Antofagasta et de Tarapacá. Troisièmement, il délimite, d’unj
commun accord entre le Chili et la Bolivie, la ligne frontière dans lje
secteur de Tacna et d’Arica. Quatrièmement, il prévoit la déjmarca -
tion de la frontière dans son intégralité. »

44. Deuxièmement, le Chili soutient que la question de la nature de
l’accès de la Bolivie à la mer est une question réglée etj régie par les

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5 CIJ1084.indb 167 18/05/16 14:13 obligation de négocijer un accès (arrêt) 608

articlesVI et VII du traité de paix de 1904, qui ont respectivement trait
au droit de transit commercial perpétuel de la Bolivie et au droit dej
celle-ci d’établir des postes douaniers dans les ports chiliens.
45. Troisièmement, le Chili affime que les articles III à XI — et, plus

particulièrement, les articles VI et VII — énoncent des ententes et engage-
ments conventionnels régissant certains éléments cruciaux pour l’avenir
des relations entre les Parties.
46. Le Chili conclut de ce qui précède que le libellé du traité jde paix
de 1904 ne laisse subsister aucun doute quant au fait que la « souveraineté

territoriale et la « nature de l’accès de la Bolivie à l’océan Pacifique »
sont des questions réglées et régies par cet instrument.

*

47. La Bolivie, pour sa part, affirme que sa demande est fondée sur le

fait que
«le Chili a, indépendamment du traité de 1904, consenti à négocier

avec la Bolivie en vue d’octroyer à celle -ci un accès souverain à
l’océan Pacifique. C’est parce que cette question n’avait pas été
«réglée» par le traité de 1904 que les deux Parties sont par la suite
convenues de négocier à cette fin. » (Les italiques sont dans l’original.)

La Bolivie soutient que les Parties ont négocié au sujet de cette question
qui demeurait pendante jusqu’à ce que, en 2011, le Chili répudie son obli -
gation de négocier. Elle ajoute que celui -ci doit se conformer à son obli -
gation de négocier un accès souverain de la Bolivie à l’océan Pacifique et

qu’il ne saurait raisonnablement invoquer le traité de paix de 190j4 pour
prétendre que l’article VI du pacte de Bogotá fait obstacle à la compé -
tence de la Cour.
48. Bien que souscrivant à la description du but de l’article VI faite par
le Chili (voir le paragraphe 41 ci-dessus), la Bolivie considère que la
manière dont celui-ci interprète cette disposition est trop large. En outre,

elle fait valoir que le Chili ne tire aucune conclusion pratique de la dis -
tinction qu’il établit entre les deux branches de cet article. A cjet égard,
elle fait référence à l’affaire du Différend territorial et maritime (Nicara ‑
gua c. Colombie), dans laquelle la Cour a jugé que,

«dans les circonstances propres à [l’]espèce, aucune distinctionj quant
aux effets juridiques n’[était] à faire, aux fins de l’ajpplication de l’ar-
ticleVI du pacte, entre une question «réglée» et une question «régie»

par le traité de 1928. Compte tenu de ce qui précède, la Cour utilisera
dans la suite de l’arrêt le mot « réglée».» ( Différend territorial et
maritime (Nicaragua c. Colombie), exceptions préliminaires, arrêt,
C.I.J. Recueil 2007 (II), p. 848, par. 39.)

La Bolivie estime que, dans la présente affaire, il n’existe pasj non plus de
différence substantielle entre les termes « réglée» et « régie» aux fins de
l’application de l’article VI du pacte.

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5 CIJ1084.indb 169 18/05/16 14:13 obligation de négocijer un accès (arrêt) 609

49. La Bolivie fait valoir que, quand bien même l’interprétation
chilienne des deux branches de l’article VI devrait être retenue, il convien-
drait néanmoins de rejeter l’exception du Chili étant donné jque le traité
de paix de 1904 n’a pas pu régler un différend qui n’existait pas à cette date

et qu’il ne saurait régir des questions telles que celles qu’eljle a soulevées,
questions qui n’entraient pas dans les prévisions de cet instrument. Elle
soutient que, en décrivant de manière erronée sa demande comme jayant
trait à la « souveraineté territoriale et à la nature de son accès à la mjer »
— et non à « l’existence de l’obligation, à laquelle le Chili a consenti, dej

négocier un accès souverain à l’océan Pacifique, et [au] non -respect de
cette obligation», ainsi qu’elle l’a définie dans sa requête et son méjmoire
le Chili conclut à tort que les questions en litige en la présentej espèce sont
des questions « réglées et régies par le traité de paix de 1904 » et que la
Bolivie cherche simplement à «reviser ou annuler» cet instrument.

* *

50. Ainsi que la Cour l’a établi cidessus, l’objet du différend est la ques
tion de savoir si le Chili a l’obligation de négocier de bonne foij un accès
souverain de la Bolivie à l’océan Pacifique et,dans l’affirmative, si le Chili
a manqué à cette obligation (voir le paragraphe 34 ci-dessus). Les disposi-

tions du traité de paix de 1904 citées au paragraphe 40 ne traitent ni
expressément ni implicitement de la question d’une obligation qui jincom-
berait au Chili de négocier avec la Bolivie un accès souverain àj l’océanaci-
fique. En conséquence, la Cour considère que les questions en lijtige ne sont
ni « réglées au moyen d’une entente entre les parties, ou d’une djécision

arbitrale ou d’une décision d’un tribunal international», ni «régies par des
accords ou traités en vigueur à la date de la signature du [pacte jde
Bogotá] », au sens de l’article VI du pacte de Bogotá. Cette conclusion
s’impose indépendamment du point de savoir si, comme le soutient lje
Chili, les deux branches de l’article VI ont une portée différente (voir le
paragraphe 42 ci-dessus). En conséquence, la Cour ne juge pas nécessaire,

dans les circonstances de la présente espèce, de déterminer s’il y a lieu de
faire une distinction entre les effets juridiques de ces deux branchesj.
51. La Cour rappelle que les Parties ont présenté leurs vues respectives
sur les «accords, [la] pratique diplomatique et … [les] déclarations »nvo -
qués par la Bolivie pour étayer sa demande au fond (voir les paraj -

graphes 19 et 22 ci-dessus). Elle considère que, aux fins de se prononcer
sur la question de sa compétence, il n’est ni nécessaire ni appjroprié d’exa-
miner ces éléments.

* * *

52. Ainsi qu’il a déjà été indiqué, le Chili soutient, danjs ses conclusions,
que la Cour devrait se déclarer incompétente (voir le paragraphe 14 ci-
dessus). La Bolivie, quant à elle, demande à la Cour, dans ses cojnclusions,

21

5 CIJ1084.indb 171 18/05/16 14:13 obligation de négocijer un accès (arrêt) 610

de rejeter l’exception d’incompétence soulevée par le Chili j(voir le para -
graphe 14 ci-dessus). A titre subsidiaire, la Bolivie allègue que, sji la Cour
examinait l’exception du Chili sur la base de l’objet du difféjrend tel que

défini par celui-ci, alors ladite exception constituerait une réjfutation de son
argumentation au fond et, partant, n’aurait pas un caractère exclusivement
préliminaire. Comme indiqué plus haut, la Cour ne souscrit pas àj la défini -
tion de l’objet du différend faite par le Chili (voir le paragrjaphe 34). L’ar-
gument subsidiaire de la Bolivie est donc sans objet.

53. La Cour rappelle cependant qu’il lui appartient de déterminer si, j
dans les circonstances de l’espèce, une exception est dépourvuej de carac -
tère exclusivement préliminaire au sens du paragraphe 9 de l’article 79 de
son Règlement. En pareille hypothèse, la Cour doit s’abstenir dje retenir
ou de rejeter l’exception au stade préliminaire, mais réserver jsa décision à

cet égard pour la suite de la procédure. En la présente affaijre, elle consi -
dère cependant qu’elle dispose de tous les éléments requis pjour statuer sur
l’exception du Chili et qu’elle est en mesure d’établir si ljes questions en
litige sont des questions « réglées» ou « régies» par le traité de paix
de 1904 sans trancher le différend, ou certains de ses éléments,j au fond

(Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie), exceptions pré ‑
liminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (II), p. 852, par. 51). La Cour en
conclut qu’elle n’est pas empêchée de se prononcer sur l’jexception du
Chili au présent stade de la procédure.

V. Conclusion de la Cour cjoncernant

l’exception préliminjaire

54. Au vu de l’objet du différend tel qu’il a été défijni plus haut (voir le
paragraphe34 ci-dessus), la Cour conclut que les questions en litige ne sont
pas des questions « déjà réglées au moyen d’une entente entre les parties, ouj

d’une décision arbitrale ou d’une décision d’un tribunal jinternational », ou
«régies par des accords ou traités en vigueur à la date de la sijgnature du [pacte
de Bogotá] ». En conséquence, l’articleVI ne fait pas obstacle à la compétence
que lui confère l’articleXXXI du pacte de Bogotá. L’exception préliminaire
d’incompétence soulevée par le Chili doit donc être écartjée.

55. Conformément au paragraphe 9 de l’article 79 du Règlement de
la Cour, celle -ci fixera par ordonnance les délais pour la suite de la
procédure.

* * *

56. Par ces motifs,
La Cour,

1) Par quatorze voix contre deux,

Rejette l’exception préliminaire soulevée par la République du Chilji;

22

5 CIJ1084.indb 173 18/05/16 14:13 obligation de négocijer un accès (arrêt) 611

pour: M.Abraham, président; M.Yusuf, vice‑présidmes; MM.Owada, Tomka,
Bennouna, Cançado Trindade, Greenwood, M Xue, Donoghue, Sebu-
tinde, MM. Bhandari, Robinson, Gevorgian,juges; M.Daudet, juge ad hoc;
contre: M. Gaja, juge ; M meArbour, juge ad hoc ;

2) Par quatorze voix contre deux,

Dit qu’elle a compétence, sur la base de l’article XXXI du pacte de
Bogotá, pour connaître de la requête déposée par l’Etajt plurinational de

Bolivie le 24 avril 2013.
pour: M.Abraham, président; M.Yusuf, vice‑président; MM.Owada, Tomka,
Bennouna, Cançado Trindade, Greenwood, M mesXue, Donoghue, Sebu-

tinde, MM. Bhandari, Robinson, Gevorgian,juges; M.Daudet, juge ad hoc;
contre: M. Gaja, juge ; M meArbour, juge ad hoc.

Fait en anglais et en français, le texte anglais faisant foi, au Palajis de la

Paix, à La Haye, le vingt-quatre septembre deux mille quinze, en trois
exemplaires, dont l’un restera déposé aux archives de la Cour ejt les autres
seront transmis respectivement au Gouvernement de l’Etat plurinationajl

de Bolivie et au Gouvernement de la République du Chili.

Le président,

(Signé) Ronny Abraham.

Le greffier,

(Signé) Philippe Couvreur.

M. le juge Bennouna joint une déclaration à l’arrêt ; M. le juge
Cançado Trindade joint à l’arrêt l’exposé dej son opinion individuelle ;
M. le juge Gaja joint une déclaration à l’arrê; M me la juge ad hoc Arbour

joint à l’arrêt l’exposé de son opinion dissidente.

(Paraphé) R.A.

(Paraphé) Ph.C.

23

5 CIJ1084.indb 175 18/05/16 14:13

Bilingual Content

INTERNATIONAL COURT OF JUSTICE

REPORTS OF JUDGMENTS,
ADVISORY OPINIONS AND ORDERS

OBLIGATION TO NEGOTIATE
ACCESS TO THE PACIFIC OCEAN

(BOLIVIA v. CHILE)

PRELIMINARY OBJECTION

JUDGMENT OF 24 SEPTEMBER 2015

2015

COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

RECUEIL DES ARRÊTS,
AVIS CONSULTATIFS ET ORDONNANCES

OBLIGATION DE NÉGOCIER
UN ACCÈS À L’OCÉAN PACIFIQUE

(BOLIVIE c. CHILI)

EXCEPTION PRÉLIMINAIRE

ARRÊT DU 24 SEPTEMBRE 2015

5 CIJ1084.indb 1 18/05/16 14:13 Official citation:
Obligation to Negotiate Access to the Pacific Ocean
(Bolivia v. Chile), Preliminary Objection, Judgment,
I.C.J.Reports 2015, p. 592

Mode officiel de citation

Obligation de négocier un accès à l’océan Pacifique
(Bolivie c.Chili), exception préliminaire, arrêt,
C.I.J. Recueil 2015, p. 592

Sales number
ISSN 0074-4441 N ode vente: 1084
ISBN 978-92-1-157276-6

5 CIJ1084.indb 2 18/05/16 14:13 24 SEPTEMBER 2015

JUDGMENT

OBLIGATION TO NEGOTIATE
ACCESS TO THE PACIFIC OCEAN

(BOLIVIA v. CHILE)

PRELIMINARY OBJECTION

OBLIGATION DE NÉGOCIER
UN ACCÈS À L’OCÉAN PACIFIQUE

(BOLIVIE c.HILI)

EXCEPTION PRÉLIMINAIRE

24 SEPTEMBRE 2015

ARRET

5 CIJ1084.indb 3 18/05/16 14:13 592

TABLE OF CONTENTS

Paragraphs

Chronology of the Procjedure 1-14

I.Background 15-17

II. General Overview of thej Positions of the Partiejs 18-24

III. Subjec-Matter of the Dispute 25-36

IV. Whether the Matters in jDispute before the Courjt Fall under
Article VI of the Pact of Bogotá 37-53

V . he Court’s Conclusion regajrding the Preliminaryj Objection 54-55

Operative Clause 56

4

5 CIJ1084.indb 136 18/05/16 14:13 592

TABLE DES MATIÈRES

Paragraphes

Qualités 1-14

I.Contexte 15-17

II. Aperçu général des posijtions des Parties 18-24

III. Objet du différend 25-36

IV. Point de savoir si les questions en litige devant la Cour entrent
dans les prévisions de lj’articleI du pacte de Bogotá 37-53

V. Conclusion de la Cour cjoncernant l’exceptiojn préliminaire 54-55

Dispositif 56

4

5 CIJ1084.indb 137 18/05/16 14:13 593

INTERNATIONAL COURT OF JUSTICE

YEAR 2015
2015
24September
General List 24 September 2015
No. 153

OBLIGATION TO NEGOTIATE

ACCESS TO THE PACIFIC OCEAN

(BOLIVIA v. CHILE)

PRELIMINARY OBJECTION

Geography — Historical background — Bolivia’s claims — Jurisdiction based
on Article XXXI of the Pact of Bogotá — Contention of Chile that, under Arti ‑
cleVI of the Pact, the Court lacks jurisdiction.
Subject‑matter of dispute to be determined by the Court — Differing character‑

ization of the dispute by the Partiesile’s characterization not accepted —
Question whether Bolivia has a right to sovereign access to the sea not ▯before the
Court — No need for pronouncement on legal status of 1904 Peace Treaty—
Subject‑matter of dispute twofold — Whether Chile obligated to negotiate in good
faith Bolivia’s sovereign access to the sea — Whether Chile has breached any such
obligation — Use in Judgment of phrases “sovereign access” and “to nego▯tiate

sovereign access” without incidence on existence, nature or content o▯f any alleged
obligation.

Determination whether matters in dispute were “settled” or “governed” by
1904 Peace Treaty— Jurisdictional régime of Pact of Bo—otArticlVI of the
Pact — Relevant provisions of 1904 Peace Treaty — Chile’s alleged obligation to

negotiate not addressed in 1904 Peace Treaty — The matters in dispute are mat
ters neither “settled” nor “governed”, within meaning of Art▯icle VI of the Pact, by
1904 Peace Treaty — No need to examine, for purposes of the case, whether there
exists a distinction between legal effect of terms “settled” and “▯— Norned”
need to examine agreements, diplomatic practice and declarations invoked by

Bolivia.
Bolivia’s alternative argument that Chile’s objection does not pos▯sess exclu
sively preliminary characterBolivia’s alternative argument moo— For the
Court to determine whether an objection lacks an exclusively preliminary charac ‑
ter— The Court not precluded from ruling on Chile’s objection at this▯ stage.

5

5 CIJ1084.indb 138 18/05/16 14:13 593

COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

ANNÉE 2015
2015
24septembre
Rôle général
24 septembre 2015 n 153

OBLIGATION DE NÉGOCIER

UN ACCÈS À L’OCÉAN PACIFIQUE

(BOLIVIE c. CHILI)

EXCEPTION PRÉLIMINAIRE

Géographie — Contexte historique — Demandes de la Bolivie — Compétence

fondée sur l’article XXXI du pacte de Bogotá — Argument du Chili selon lequel la
Cour n’a pas compétence par l’effet de l’article VI du pacte.
Objet du différend devant être défini par la Cour — Parties ne définissant pas le
différend de la même manière — Cour ne souscrivant pas à la définition faite par
le Chili — Question de savoir si la Bolivie a droit à un accès souverain à▯ la mer
n’ayant pas été soumise à la Cour — Nul besoin que la Cour se prononce sur le

statut juridique du traité de paix d1904 — Différend ayant un double objet —
Question de savoir si le Chili a l’obligation de négocier de bonne▯ foi un accès sou
verain de la Bolivie à la mer— Question de savoir si, le cas échéant, le Chili a
manqué à cette obligation — Emploi, dans l’arrêt, des expressions « accès souve‑
rain» et « négocier un accès souverain » étant sans incidence sur l’existence, la

nature ou le contenu d’une éventuelle obligation.
Examen du point de savoir si les questions en litige ont étréglées» ou sont
« régies» par le traité de paix de 1904 — Régime de compétence établi par le pacte
de Bogotá — Article VI du pacte — Dispositions pertinentes du traité de paix de
1904 — Obligation de négocier qui incomberait au Chili n’étant pas abordée dans

le traité de paix de 190— Questions en litige n’étant pas des questioréglées»
ou «régies», au sens de l’article du pacte, par le traité de paix de 1904 — Nul
besoin de rechercher, aux fins de l’affaire, s’il convient d’é▯tablir une distinction
entre les effets juridiques des termes «ées» et «régies»— Nul besoin d’exami ‑
ner les accords, la pratique diplomatique et les déclarations invoqué▯s par la Bolivie.

Argument subsidiaire de la Bolivie selon lequel l’exception du Chili ▯n’a pas un
caractère exclusivement préliminaire— Argument subsidiaire de la Bolivie étant
sans objet — Question de savoir si une exception n’a pas un caractère exclusiv▯e
ment préliminaire devant être tranchée par la Cour — Cour n’étant pas empêchée
de statuer sur l’exception du Chili à ce stade.

5

5 CIJ1084.indb 139 18/05/16 14:13 594 obligation to negotijate access (judgment)

Chile’s preliminary objection dismissed — The Court has jurisdiction to enter ‑

tain Bolivia’s Application.

JUDGMENT

Present: President Abraham ; Vice‑President Yusuf ; Judges Owada, Tomka,
Bennouna, Cançado Trindjade, Greenwood, Xue, Donogjhue,
Gaja, Sebutinde, Bhandarji, Robinson, Gevorgian ; Judges ad hoc
Daudet, Arbour; Registrar Couvreur.

In the case concerning the obligation to negotiate access to the Pacifijc Ocean,

between

the Plurinational State of Bolivia,

represented by
H.E. Mr. Eduardo Rodríguez Veltzé, former President of Bolivia, former

President of the Bolivian Supreme Court of Justice, former Dean of the
Law School from the Catholic University of Bolivia, La Paz, Ambassador
Extraordinary and Plenipotentiary of the Plurinational State of Bolivia jto
the Kingdom of the Netherlands,

as Agent;
H.E. Mr. David Choquehuanca Céspedes, Minister for Foreign Affairs of the

Plurinational State of Bolivia,
as National Authority;

Mr. Mathias Forteau, Professor at the University of Paris Ouest, Nanterre-
La Défense, Member of the International Law Commission,
Mr. Antonio Remiro Brotóns, Professor of International Law, Universidad
Autónoma de Madrid, member of the Institut de droit international,

Ms Monique Chemillier-Gendreau, Professor Emeritus of Public Law and
Political Science, University of Paris Diderot,
Mr. Payam Akhavan, L.L.M., S.J.D. (Harvard), Professor of International
Law, McGill University, Montreal, member of the State Bar of New York

and of the Law Society of Upper Canada,
Ms Amy Sander, member of the English Bar,
as Counsel and Advocates;

Mr. Hector Arce, Attorney-General of the Plurinational State of Bolivia, Pro
fessor of Constitutional Law, Universidad Mayor de San Andrés, La Pazj,
Mr. Reymi Ferreira, Minister of Defence of the Plurinational State of Bolivija,

H.E. Mr. Juan Carlos Alurralde, Vice -Minister for Foreign Affairs of the
Plurinational State of Bolivia,
Mr. Emerson Calderón, Secretary-General of the Strategic Maritime Vindicaj
tion Office (DIREMAR), Professor of Public International Law, Universji-
dad Mayor de San Andrés, La Paz,

6

5 CIJ1084.indb 140 18/05/16 14:13 obligation de négocijer un accès (arrêt) 594

Rejet de l’exception préliminaire du Chili— Cour ayant compétence pour

connaître de la requête de la Bolivie.

ARRÊT

Présents: M. Abraham, président; M.Yusuf, vice‑président; MM.Owada,
Tomka, Bennouna, Cançadoj Trindade, Greenwood, M mesXue,
Donoghue, M. Gaja, M me Sebutinde, MM. Bhandari, Robinson,
me
Gevorgian, juges; M. Daudet , M Arbour, juges ad hoc ;
M. Couvreur, greffier.

En l’affaire relative à l’obligation de négocier un accèjs à l’océan Pacifique,

entre

l’Etat plurinational de Bolivie,
représenté par

S.Exc. M. Eduardo Rodríguez Veltzé, ancien président de la Bolivie, ancien
président de la Cour suprême de justice bolivienne, ancien doyen de la
faculté de droit de l’Université catholique de Bolivie à LPaz, ambassa -

deur extraordinaire et plénipotentiaire de l’Etat plurinational dej Bolivie
auprès du Royaume des Pays-Bas,
comme agent;

S. Exc. M. David Choquehuanca Céspedes, ministre des affaires étrangères de
l’Etat plurinational de Bolivie,

comme représentant de l’Etat;
M. Mathias Forteau, professeur à l’Université Paris Ouest, Nanterre -

La Défense, membre de la Commission du droit international,
M. Antonio Remiro Brotóns, professeur de droit international à l’Universi -
dad Autónoma de Madrid, membre de l’Institut de droit internationajl,
M me Monique Chemillier-Gendreau, professeur émérite de droit public et de

sciences politiques à l’Université Paris Diderot,
M. Payam Akhavan, LL.M., S.J.D. (Harvard), professeur de droit internatio -
nal à l’Université McGill de Montréal, membre du barreau de jl’Etat de
New York et du barreau du Haut -Canada,
M me Amy Sander, membre du barreau anglais,

comme conseils et avocats ;

M. Hector Arce, Attorney‑General de l’Etat plurinational de Bolivie et profes
seur de droit constitutionnel à l’Universidad Mayor de San Andréjs àPaz,
M. Reymi Ferreira, ministre de la défense de l’Etat plurinational de Bolivije,
S. Exc. M. Juan Carlos Alurralde, vice-ministre des affaires étrangères de

l’Etat plurinational de Bolivie,
M. Emerson Calderón, secrétaire général du bureau stratégique de recjonnais
sance des prétentions maritimes (DIREMAR) et professeur de droit injter -
national public à l’Universidad Mayor de San Andrés à La Paz,

6

5 CIJ1084.indb 141 18/05/16 14:13 595 obligation to negotijate access (judgment)

H.E. Mr. Sacha Llorenty, Permanent Representative of Bolivia to the United

Nations in New York,
H.E. Ms Nardy Suxo, Permanent Representative of Bolivia to the United
Nations Office in Geneva,
Mr. Rubén Saavedra, Permanent Representative of Bolivia to the Union of
South American Nations (UNASUR) in Quito,

as Advisers;
Mr. Carlos Mesa Gisbert, former President and Vice -President of Bolivia,

as Special Envoy and Spokesman;

Mr. José Villarroel, DIREMAR, La Paz,
Mr. Osvaldo Torrico, DIREMAR, La Paz,
Mr. Farit Rojas Tudela, Embassy of Bolivia in the Kingdom of the Nether -
lands,
Mr. Luis Rojas Martínez, Embassy of Bolivia in the Kingdom of the Nether -

lands,
Mr. Franz Zubieta, State Attorney’s Office, La Paz,
as Technical Advisers;

Ms Gimena González,
Ms Kathleen McFarland,

as Assistant Counsel,

and

the Republic of Chile,
represented by

H.E. Mr. Felipe Bulnes Serrano, Former Minister of Justice and Education
of the Republic of Chile, Former Ambassador of Chile to the United Statejs
of America, Professor of Civil Law, Pontificia Universidad Católicaj de
Chile,

as Agent;

H.E. Mr. Heraldo Muñoz Valenzuela, Minister for Foreign Affairs of Chile,

as National Authority;

Mr. Claudio Grossman, Dean and R. Geraldson Professor of International
Law, American University, Washington College of Law,
H.E. Ms María Teresa Infante Caffi, Ambassador of Chile to the Kingdom of
the Netherlands, member of the Institut de droit international,

as Co-Agents;
Sir Daniel Bethlehem, Q.C., Barrister, Bar of England and Wales, 20 Essex

Street Chambers,
Mr. Pierre-Marie Dupuy, Professor at the Graduate Institute of International
Studies and Development, Geneva, and University of Paris II (Pan -
théon -Assas), associate member of the Institut de droit international,
Mr. Ben Juratowitch, Solicitor admitted in Queensland and in England and

Wales, Freshfields Bruckhaus Deringer,
Mr. Harold Hongju Koh, Sterling Professor of International Law, Yale Law
School, member of the Bars of New York and the District of Columbia,

7

5 CIJ1084.indb 142 18/05/16 14:13 obligation de négocijer un accès (arrêt) 595

S. Exc. M. Sacha Llorenty, représentant permanent de la Bolivie auprès de

l’Organisation des Nations Unies à New York,
S. Exc. M me Nardy Suxo, représentant permanent de la Bolivie auprès de
l’Office des Nations Unies à Genève,
M. Rubén Saavedra, représentant permanent de la Bolivie auprès de l’Uniojn

des Nations sud-américaines (UNASUR) à Quito,
comme conseillers ;

M. Carlos Mesa Gisbert, ancien président et vice-président de la Bolivie,
comme envoyé spécial et porte-parole ;

M. José Villarroel, DIREMAR, La Paz,
M. Osvaldo Torrico, DIREMAR, La Paz,
M. Farit Rojas Tudela, ambassade de Bolivie au Royaume des Pays -Bas,

M. Luis Rojas Martínez, ambassade de Bolivie au Royaume des Pays -Bas,

M. Franz Zubieta, bureau de l’Attorney‑General, La Paz,

comme conseillers techniques ;
M me Gimena González,
me
M Kathleen McFarland,
comme conseillers adjoints,

et

la République du Chili,

représentée par
S. Exc. M. Felipe Bulnes Serrano, ancien ministre de la justice et de l’éduca

tion de la République du Chili, ancien ambassadeur du Chili auprèsj des
Etats-Unis d’Amérique, professeur de droit civil à la Pontificia Unjiversi -
dad Católica de Chile,

comme agent;
S. Exc. M. Heraldo Muñoz Valenzuela, ministre des affaires étrangères du
Chili,

comme représentant de l’Etat ;
M. Claudio Grossman, doyen, professeur de droit international, titulaire de la
chaire R. Geraldson, American University, faculté de droit de Washington,
me
S. Exc. M María Teresa Infante Caffi, ambassadeur du Chili auprès du
Royaume des Pays-Bas, membre de l’Institut de droit international,
comme coagents;

Sir Daniel Bethlehem, Q.C., barrister, membre du barreau d’Angleterre et du
pays de Galles, cabinet 20Essex Street,
M. Pierre-Marie Dupuy, professeur à l’Institut de hautes études inter -

nationales et du développement de Genève et à l’Université Paris II
(Panthéon -Assas), membre associé de l’Institut de droit international,
M. Ben Juratowitch, solicitor (Queensland, Angleterre et pays de Galles),
cabinet Freshfields Bruckhaus Deringer,

M. Harold Hongju Koh, professeur de droit international, titulaire de la
chaire Sterling, faculté de droit de l’Université de Yale, membjre des bar
reaux de New York et du district de Columbia,

7

5 CIJ1084.indb 143 18/05/16 14:13 596 obligation to negotijate access (judgment)

Ms Mónica Pinto, Professor and Dean of the Law School of the Universidadj

de Buenos Aires, Argentina,
Mr. Samuel Wordsworth, Q.C., member of the English Bar, member of the
Paris Bar, Essex Court Chambers,
as Counsel and Advocates;

H.E. Mr. Alberto van Klaveren Stork, Former Vice-Minister for Foreign
Affairs of Chile, Professor of International Relations, Universidad dej
Chile,

Ms Ximena Fuentes Torrijo, Professor of Public International Law, Univer -
sidad Adolfo Ibáñez and Universidad de Chile,
Mr. Andrés Jana Linetzky, Professor, Universidad de Chile,
Ms Nienke Grossman, Professor, University of Baltimore, Maryland, mem -

ber of the Bars of Virginia and the District of Columbia,
Ms Kate Parlett, Solicitor admitted in Queensland and in England and Wales,j
Ms Alexandra van der Meulen, avocat à la Cour (Paris) and member of the
Bar of the State of New York,
Ms Callista Harris, Solicitor admitted in New South Wales,

Ms Mariana Durney, Legal Officer, Ministry of Foreign Affairs of Chile,

Ms María Alicia Ríos, Ministry of Foreign Affairs of Chile,
Mr. Juan Enrique Loyer, Third Secretary, Embassy of Chile in the Kingdom
of the Netherlands,

as Advisers;
Mr. Coalter G. Lathrop, Sovereign Geographic, member of the North Caro -

lina Bar,
as Technical Adviser,

The Court,

composed as above,
after deliberation,

delivers the following Judgment:

1. On 24 April 2013, the Government of the Plurinational State of Bolivia

(hereinafter “Bolivia”) filed in the Registry of the Court an jApplication institut
ing proceedings against the Republic of Chile (hereinafter “Chile”) with regard
to a dispute “relating to Chile’s obligation to negotiate in good jfaith and effec -
tively with Bolivia in order to reach an agreement granting Bolivia a fully sov -
ereign access to the Pacific Ocean”.

In its Application, Bolivia seeks to found the jurisdiction of the Court on
Article XXXI of the American Treaty on Pacific Settlement signed on 30 April
1948, officially designated, according to Article LX thereof, as the “Pact of
Bogotá” (and hereinafter referred to as such).
2. In accordance with Article 40, paragraph 2, of the Statute of the Court,

the Registrar immediately communicated the Application to the Governmentj of
Chile ; and, under paragraph 3 of that Article, all other States entitled to appear
before the Court were notified of the Application.
3. Since the Court included upon the Bench no judge of the nationality of
either of the Parties, each Party proceeded to exercise the right conferjred upon

8

5 CIJ1084.indb 144 18/05/16 14:13 obligation de négocijer un accès (arrêt) 596

me
M Mónica Pinto, professeur et doyen de la faculté de droit de l’Universidadj
de Buenos Aires, Argentine,
M. Samuel Wordsworth, Q.C., membre des barreaux d’Angleterre et de Paris,
cabinet Essex Court Chambers,

comme conseils et avocats;

S. Exc. M. Alberto van Klaveren Stork, ancien vice -ministre des affaires
étrangères du Chili, professeur de relations internationales à jl’Universidad
de Chile,
M me Ximena Fuentes Torrijo, professeur de droit international public à
l’Universidad Adolfo Ibáñez et à l’Universidad de Chile,

M. Andrés Jana Linetzky, professeur à l’Universidad de Chile,
M me Nienke Grossman, professeur à l’Université de Baltimore (Maryland),
membre des barreaux de l’Etat de Virginie et du district de Columbia,j
M me Kate Parlett, solicitor (Queensland, Angleterre et pays de Galles),
me
M Alexandra van der Meulen, avocat à la Cour (Paris) et membre du bar -
reau de l’Etat de NewYork,
M me Callista Harris, solicitor (Nouvelle-Galles du Sud),
M me Mariana Durney, conseiller juridique au ministère des affaires étrangèjres

me Chili,
M María Alicia Ríos, ministère des affaires étrangères du Chili,
M. Juan Enrique Loyer, troisième secrétaire à l’ambassade du Chili au
Royaume des Pays-Bas,

comme conseillers;
M. Coalter G. Lathrop, Sovereign Geographic, membre du barreau de l’Etat

de Caroline du Nord,
comme conseiller technique,

La Cour,

ainsi composée,

après délibéré en chambre du conseil,

rend l’arrêt suivant :

1. Le 24 avril 2013, le Gouvernement de l’Etat plurinational de Bolivie
(dénommé ci-après la «Bolivie») a déposé au Greffe de la Cour une requête
introductive d’instance contre la République du Chili (dénommée c-après le
«Chili») au sujet d’un différend « concernant l’obligation du Chili de négocier
de bonne foi et de manière effective avec la Bolivie en vue de parvjenir à un

accord octroyant à celle-ci un accès pleinement souverain à l’océan Pacifique».
Dans sa requête, la Bolivie a indiqué qu’elle entendait fonder jla compétence
de la Cour sur l’articleI du traité américain de règlement pacifique signé le
30 avril 1948, dénommé officiellement, aux termes de son artiLX, le «pacte

de Bogotá» (et ciaprès ainsi désigné).
2. Conformément au paragraphe 2 de l’article 40 du Statut de la Cour, le
greffier a immédiatement communiqué la requête au Gouvernementj du Chili ;
conformément au paragraphe 3 du même article, il en a également informé tous

les autres Etats admis à ester devant la Cour.
3. La Cour ne comptant sur le siège aucun juge de la nationalité des jParties,
chacune d’elles afait usage du droit que lui confère le paragraph3 de l’ar

8

5 CIJ1084.indb 145 18/05/16 14:13 597 obligation to negotijate access (judgment)

it by Article 31, paragraph 3, of the Statute to choose a judge ad hoc to sit in the

case. Bolivia chose Mr. Yves Daudet and Chile Ms Louise Arbour.
4. By an Order of 18 June 2013, the Court fixed 17 April 2014 as the time-limit
for the filing of the Memorial of Bolivia and 18 February 2015 for the filing of
the Counter-Memorial of Chile. Bolivia filed its Memorial within the time -limit
so prescribed.

5. Referring to Article 53, paragraph 1, of the Rules of Court, the Govern -
ment of Peru and the Government of Colombia respectively asked to be furj -
nished with copies of the pleadings and documents annexed in the case. Hjaving
ascertained the views of the Parties pursuant to that same provision, the Presi -
dent of the Court decided to grant those requests. The Registrar duly cojmmuni-

cated these decisions to the said Governments and to the Parties.
6. On 15 July 2014, within the time -limit set by Article 79, paragraph 1, of
the Rules of Court, Chile raised a preliminary objection to the jurisdiction of the
Court. Consequently, by an Order of 15 July 2014, the President, noting that by
virtue of Article 79, paragraph 5, of the Rules of Court the proceedings on the

merits were suspended, and taking account of Practice Direction V, fixed
14 November 2014 as the time-limit for the presentation by Bolivia of a written
statement of its observations and submissions on the preliminary objectijon
raised by Chile. Bolivia filed such a statement within the time -limit so pre-
scribed, and the case thus became ready for hearing in respect of the prjeliminary

objection.
7. Pursuant to the instructions of the Court under Article 43 of the Rules
of Court, the Registrar addressed to the States parties to the Pact of Bogotá
the notifications provided for in Article 63,paragraph 1, of the Statute of the
Court. In accordance with the provisions of Article 69, paragraph 3, of

the Rules of Court, the Registrar moreover addressed to the Organization of
American States (hereinafter the “OAS”) the notification provijded for in
Article 34, paragraph 3, of the Statute of the Court. As provided for in
Article 69, paragraph 3, of the Rules of Court, the Registrar transmitted the
written pleadings to the OAS and asked that organization whether or not jit

intended to furnish observations in writing within the meaning of that Ajrticle.
The Registrar further stated that, in view of the fact that the current jphase
of the proceedings related to the question of jurisdiction, any written obsjerva -
tions should be limited to the construction of the provisions of the Pacjt of
Bogotá concerning that question. The Secretary-General of the OAS informed

the Court that that organization did not intend to submit any such obserjva -
tions.
8. Pursuant to Article 53, paragraph 2, of the Rules of Court, the Court,
after ascertaining the views of the Parties, decided that copies of the jpreliminary
objection and the written observations on that objection would be made ajcces -

sible to the public on the opening of the oral proceedings.
9. Public hearings on the preliminary objection raised by Chile were held
from Monday 4 to Friday 8 May 2015, at which the Court heard the oral argu -
ments and replies of:

For Chile: H.E. Mr. Felipe Bulnes,
Ms Mónica Pinto,

Sir Daniel Bethlehem,
Mr. Samuel Wordsworth,
Mr. Pierre-Marie Dupuy,
Mr. Harold Hongju Koh.

9

5 CIJ1084.indb 146 18/05/16 14:13 obligation de négocijer un accès (arrêt) 597

ticle 31 du Statut de désigner un juge ad hoc pour siéger en l’affaire ; la Bolivie a
me
désigné à cet effet M. Yves Daudet et le Chili, M Louise Arbour.
4. Par ordonnance du 18 juin 2013, la Cour a fixé au 17 avril 2014 et au
18 février 2015, respectivement, les dates d’expiration du délai pour le déjpôt du
mémoire de la Bolivie et du contre -mémoire du Chili. La Bolivie a déposé son
mémoire dans le délai ainsi prescrit.

5. Se référant au paragraphe 1 de l’article 53 du Règlement de la Cour, les
Gouvernements du Pérou et de la Colombie ont respectivement demandéj à
obtenir des exemplaires des pièces de procédure et des documents ajnnexés en
l’affaire. Ayant consulté les Parties conformément à la disposition susvisée, le
président de la Cour a décidé d’accéder à ces demandes. Le greffier a dûment

communiqué ces décisions auxdits Gouvernements et aux Parties.
6. Le 15 juillet 2014, dans le délai prescrit au paragraphe 1 de l’article 79 du
Règlement, le Chili a soulevé une exception préliminaire d’incompétence dej la
Cour. En conséquence, par ordonnance du 15 juillet 2014, le président, consta -
tant que la procédure sur le fond était suspendue en application du paragraphe 5

de l’article 79 du Règlement, et compte tenu de l’instruction de procédure V, a
fixé au 14 novembre 2014 la date d’expiration du délai dans lequel la Bolivie
pourrait présenter un exposé écrit contenant ses observations ejt conclusions sur
l’exception préliminaire soulevée par le Chili. La Bolivie a déjposé un tel exposé
dans le délai ainsi fixé, et l’affaire s’est alors trouvée en état pour ce qui est de

l’exception préliminaire.
7. Sur les instructions données par la Cour en vertu de l’article 43 de son
Règlement, le greffier a adressé aux Etats parties au pacte de Bojgotá les notifi -
cations prévues au paragraphe 1 de l’article 63 du Statut. En application des
dispositions du paragraphe 3 de l’article 69 du Règlement, il a en outre adressé

la notification prévue au paragraphe 3 de l’article 34 du Statut à l’Organisation
des Etats américains (dénommée ci -après l’« OEA»). Conformément au para -
graphe 3 de l’article 69 du Règlement, le greffier a communiqué les pièces de
procédure écrite à l’OEA et lui a demandé de lui faire sajvoir si elle entendait
présenter des observations écrites au sens de cette disposition. Il a par ailleurs

précisé que, la procédure ne portant à ce stade que sur la qjuestion de la compé -
tence, toutes observations écrites devraient être limitées àj l’interprétation des
dispositions du pacte de Bogotá ayant trait à cette question. Le secrétaire géné-
ral de l’OEA a informé la Cour que cette organisation n’avait pjas l’intention de
présenter de telles observations.

8. Conformément au paragraphe 2 de l’article 53 de son Règlement, la Cour,
après avoir consulté les Parties, a décidé que des exemplairjes de l’exception pré-
liminaire et de l’exposé écrit sur cette exception seraient renjdus accessibles au

public à l’ouverture de la procédure orale.
9. Des audiences publiques sur l’exception préliminaire soulevée pjar le Chili
ont été tenues du lundi 4 au vendredi 8 mai 2015, au cours desquelles ont été
entendus en leurs plaidoiries et réponses :

Pour le Chili : S. Exc. M. Felipe Bulnes,
M me Mónica Pinto,

Sir Daniel Bethlehem,
M. Samuel Wordsworth,
M. Pierre-Marie Dupuy,
M. Harold Hongju Koh.

9

5 CIJ1084.indb 147 18/05/16 14:13 598 obligation to negotijate access (judgment)

For Bolivia: H.E. Mr. Eduardo Rodríguez Veltzé,

Mr. Mathias Forteau,
Ms Monique Chemillier-Gendreau,
Mr. Antonio Remiro Brotóns,
Mr. Payam Akhavan.

10. At the hearings, Members of the Court put questions to the Parties, to
which replies were given orally and in writing, within the time -limit fixed by the
President in accordance with Article 61, paragraph 4, of the Rules of Court.

Pursuant to Article 72 of the Rules of Court, each of the Parties submitted com-
ments on the written replies provided by the other.

*

11. In the Application, the following claim was made by Bolivia:

“For the above reasons Bolivia respectfully requests the Court to adjjudge
and declare that:

(a) Chile has the obligation to negotiate with Bolivia in order to reach
an agreement granting Bolivia a fully sovereign access to the Pacific
Ocean;
(b) Chile has breached the said obligation;
(c) Chile must perform the said obligation in good faith, promptly, for -

mally, within a reasonable time and effectively, to grant Bolivia a fujlly
sovereign access to the Pacific Ocean.”

12. In the Memorial, the following submissions were presented on behalf of
the Government of Bolivia:

“For the reasons given in this Memorial, and reserving the right to sjup-
plement, amplify or amend the present submissions, Bolivia requests the
Court to adjudge and declare that:

(a) Chile has the obligation to negotiate with Bolivia in order to reach
an agreement granting Bolivia a fully sovereign access to the Pacific
Ocean;
(b) Chile has breached the said obligation ; and
(c) Chile must perform the said obligation in good faith, promptly, for -

mally, within a reasonable time and effectively, to grant Bolivia a fujlly
sovereign access to the Pacific Ocean.”

13. In the preliminary objection, the following submissions were presented
on behalf of the Government of Chile:

“For the reasons explained in the preceding chapters, Chile respectfujlly
requests the Court to adjudge and declare that:
The claim brought by Bolivia against Chile is not within the jurisdictiojn

of the Court.”
In the written statement of its observations and submissions on the preljimi -

nary objection, the following submissions were presented on behalf of thje Gov-
ernment of Bolivia:

“Accordingly, Bolivia respectfully asks the Court:
(a) To reject the objection to its jurisdiction submitted by Chile;

10

5 CIJ1084.indb 148 18/05/16 14:13 obligation de négocijer un accès (arrêt) 598

Pour la Bolivie : S. Exc. Eduardo Rodríguez Veltzé,

M.meathias Forteau,
M Monique Chemillier-Gendreau,
M. Antonio Remiro Brotóns,
M. Payam Akhavan.

10. A l’audience, des questions ont été posées aux Parties par des membres de
la Cour, auxquelles il a été répondu oralement et par écrit,j dans le délai fixé par
le président conformément au paragraphe 4 de l’article 61 du Règlement de la

Cour. Conformément à l’article 72du Règlement, chacune des Parties a présenté
des observations sur les réponses écrites fournies par la Partie ajdverse.

*

11. Dans la requête, la demande ci -après a été formulée par la Bolivie :

« Pour les raisons exposées c-dessus, la Bolivie prie respectueusement la
Cour de dire et juger que :

a) le Chili a l’obligation de négocier avec la Bolivie en vue de parvjenir à
un accord octroyant à celle -ci un accès pleinement souverain à
l’océan Pacifique ;
b) le Chili a manqué à cette obligation ;
c) le Chili doit s’acquitter de ladite obligation de bonne foi, de manière

prompte et formelle, dans un délai raisonnable et de manière effjective, afin
d’octroyer à la Bolivie un accès pleinement souverain à l’joPacifique.»

12. Dans le mémoire, les conclusions ci -après ont été présentées au nom du
Gouvernement de la Bolivie :

« Pour les raisons exposées dans ce mémoire, tout en se réservantj le droit
de compléter, préciser ou modifier les présentes conclusions,j la Bolivie prie
la Cour de dire et juger que :

a) le Chili a l’obligation de négocier avec la Bolivie en vue de parvjenir à
un accord octroyant à celle -ci un accès pleinement souverain à l’océan
Pacifique;
b) le Chili a manqué à cette obligation ; et
c) le Chili doit s’acquitter de ladite obligation de bonne foi, de manière

prompte et formelle, dans un délai raisonnable et de manière effjective, afin
d’octroyer à la Bolivie un accès pleinement souverain à l’joPacifique.»

13. Les conclusions ci-après ont été présentées au nom du Gouvernement du
Chili dans l’exception préliminaire

« Pour les motifs exposés dans les chapitres précédents, le Chilij prie res
pectueusement la Cour de dire et juger que:
la demande présentée par la Bolivie à l’encontre du Chili ne relève pas de

la compétence de la Cour. »
Les conclusions ci -après ont été présentées au nom du Gouvernement de la

Bolivie dans l’exposé écrit contenant ses observations et concljusions sur l’excep
tion préliminaire:

« En conséquence, la Bolivie prie respectueusement la Cour de :
a) rejeter l’exception d’incompétence soulevée par le Chili ;

10

5 CIJ1084.indb 149 18/05/16 14:13 599 obligation to negotijate access (judgment)

(b) To adjudge and declare that the claim brought by Bolivia enters within

its jurisdiction.”
14. At the oral proceedings on the preliminary objection, the following sub -
missions were presented by the Parties:

On behalf of the Government of Chile,

at the hearing of 7May 2015:
“The Republic of Chile respectfully requests the Court to adjudge andj

declare that the claim brought by Bolivia against Chile is not within thje
jurisdiction of the Court.”
On behalf of the Government of Bolivia,

at the hearing of 8 May 2015:

“[T]he Plurinational State of Bolivia respectfully requests the Courtj:
(a) to reject the objection to its jurisdiction submitted by Chile;
(b) to adjudge and declare that the claim brought by Bolivia enters within

its jurisdiction.”

*
* *

I. Background

15. Bolivia is situated in South America, bordering Chile to the
south -west, Peru to the west, Brazil to the north and east, Paraguay to the
south-east and Argentina to the south. Bolivia has no sea -coast. Chile,
for its part, shares a land boundary with Peru to the north, with Bolivija

to the north-east and with Argentina to the east. Its mainland coast faces
the Pacific Ocean to the west.
16. Chile and Bolivia gained their independence from Spain in 1818
and 1825 respectively. At the time of its independence, Bolivia had a

coastline along the Pacific Ocean, measuring several hundred kilometrejs.
On 10 August 1866, Chile and Bolivia signed a Treaty of Territorial Lim -
its, which established a “line of demarcation of boundaries” betwejen the
two States, separating their neighbouring Pacific coast territories. Tjhis

line was confirmed as the boundary line in the Treaty of Limits betweejn
Bolivia and Chile, signed on 6 August 1874. In 1879, Chile declared war
on Peru and Bolivia, known as the War of the Pacific. In the course ofj
this war, Chile occupied Bolivia’s coastal territory. The hostilitiesj came to

an end between Bolivia and Chile with the Truce Pact signed in 1884 in
Valparaíso. Under the terms of the Truce Pact, Chile, inter alia, was to
continue to govern the coastal region. As a result of these events, Bolijvia
lost control over its Pacific coast. In 1895, a Treaty on the Transferj of

Territory was signed between Bolivia and Chile, but never entered into
force. This Treaty included provisions for Bolivia to regain access to tjhe
sea, subject to Chile acquiring sovereignty over certain specific terrjitories.

11

5 CIJ1084.indb 150 18/05/16 14:13 obligation de négocijer un accès (arrêt) 599

b) dire et juger que la demande présentée par la Bolivie relève dej sa com -

pétence.»
14. Dans la procédure orale sur l’exception préliminaire, les concljusions
ci-après ont été présentées par les Parties

Au nom du Gouvernement du Chili,

à l’audience du 7 mai 2015 :
«La République du Chili prie respectueusement la Cour de dire et jugerj

que la demande présentée par la Bolivie à l’encontre du Chilji ne relève pas
de la compétence de la Cour. »
Au nom du Gouvernement de la Bolivie,

à l’audience du 8 mai 2015 :

«[L]’Etat plurinational de Bolivie prie respectueusement la Cour de :
a) rejeter l’exception d’incompétence soulevée par le Chili ;
b) dire et juger que la demande présentée par la Bolivie relève dej sa com-

pétence.»

*
* *

I. Contexte

15. Située en Amérique du Sud, la Bolivie est bordée au sud-ouest pjar
le Chili, à l’ouest par le Pérou, au nord et à l’est par jle Brésil, au sud -est
par le Paraguay et au sud par l’Argentine. Elle ne possède pas de jlittoral.
Le Chili, quant à lui, a une frontière terrestre commune avec le Pjérou au

nord, la Bolivie au nord-est et l’Argentine à l’est. A l’ouest, sa côte conti -
nentale fait face à l’océan Pacifique.
16. Le Chili et la Bolivie obtinrent leur indépendance de l’Espagne enj
1818 et en 1825, respectivement. A l’époque, la Bolivie possédait un littojral

de plusieurs centaines de kilomètres le long de l’océan Pacifique. Le
10 août 1866, les deux Etats signèrent un traité de limites territoriales éta -
blissant entre eux une « ligne de démarcation de frontières » qui séparait
leurs territoires côtiers voisins. Cette ligne fut confirmée en jtant que ligne

frontière dans le traité de limites que la Bolivie et le Chili signèrent le
6 août 1874. En 1879, le Chili déclara la guerre au Pérou et à la Bolijvie,
déclenchant ainsi la guerre dite du Pacifique, au cours de laquelle il occupa
le territoire côtier bolivien. Les hostilités entre la Bolivie et jle Chili s’ache

vèrent en 1884 avec la signature, à Valparaíso, d’une convention d’armis -
tice. Cet instrument prévoyait notamment que le Chili continuerait
d’administrer la région côtière. La Bolivie, en conséquenjce de ces événe -
ments, perdit le contrôle de son littoral pacifique. En 1895, les djeux Etats

signèrent un accord de cession territoriale, qui n’entra cependantj jamais en
vigueur. Celui-ci comprenait des dispositions devant permettre à la Bolivie
de recouvrer un accès à la mer, sous réserve que le Chili acquîjt la souverai -

11

5 CIJ1084.indb 151 18/05/16 14:13 600 obligation to negotijate access (judgment)

On 20 October 1904, the Parties signed the Treaty of Peace and Friend -
ship (hereinafter the “1904 Peace Treaty”), which officially ended the War

of the Pacific as between Bolivia and Chile. Under this Treaty, which j
entered into force on 10 March 1905, the entire Bolivian coastal territory
became Chilean and Bolivia was granted a right of commercial transit to j
Chilean ports. Certain provisions of the 1904 Peace Treaty are set forth
below 1(see paragraph 40).

17. Following the 1904 Peace Treaty, both States made a number of
declarations and several diplomatic exchanges took place between them
regarding the situation of Bolivia vis -à-vis the Pacific Ocean (see para -
graphs 19 and 22 below).

II. General Overview of thje Positions of the Partijes

18. In its Application instituting proceedings and in its Memorial,

Bolivia requests the Court to adjudge and declare that
“(a) Chile has the obligation to negotiate with Bolivia in order to reach

an agreement granting Bolivia a fully sovereign access to the
Pacific Ocean;
(b) Chile has breached the said obligation;
(c) Chile must perform the said obligation in good faith, promptly,
formally, within a reasonable time and effectively, to grant Bolivia

a fully sovereign access to the Pacific Ocean.” (See paragraphs 11
and 12 above.)

19. In order to substantiate the existence of the alleged obligation to
negotiate and the breach thereof, Bolivia relies on “agreements, dipljo -
matic practice and a series of declarations attributable to [Chile’s]j
highest-level representatives”. According to Bolivia, most of these events
took place between the conclusion of the 1904 Peace Treaty and 2012.

20. Bolivia, in its Application, seeks to found the jurisdiction of the
Court on Article XXXI of the Pact of Bogotá which reads as follows:

“In conformity with Article 36, paragraph 2, of the Statute of the
International Court of Justice, the High Contracting Parties declare
that they recognize, in relation to any other American State, the juris -
diction of the Court as compulsory ipso facto, without the necessity of

any special agreement so long as the present Treaty is in force, in all
disputes of a juridical nature that arise among them concerning: (a)
The interpretation of a treaty; (b) Any question of international law;
(c) The existence of any fact which, if established, would constitute the
breach of an international obligation; (d) The nature or extent of the

reparation to be made for the breach of an international obligation.”j

1 The original language of the 1904Peace Treaty is Spanish. All provisereatyrom thT
that are quoted in this Judgment have been translated into English by thje Registry.

12

5 CIJ1084.indb 152 18/05/16 14:13 obligation de négocijer un accès (arrêt) 600

neté sur certains territoires. Le 20 octobre 1904, les Parties signèrent un
traité de paix et d’amitié (ci-après le «traité de paix de 1904 »), qui mit offi-

ciellement fin à la guerre du Pacifique entre la Bolivie et le Chjili. Conform -é
ment à cet instrument, entré en vigueur le 10 mars 1905, l’intégralité du
territoire côtier bolivien revint au Chili, et la Bolivie se vit accojrder un droit
de transit commercial dans les ports chiliens. Certaines dispositions duj
traité de paix de 1904 sont reproduites ci-après 1(voir le paragraphe 40).

17. Depuis la conclusion du traité de paix de 1904, les deux Etats ont
fait un certain nombre de déclarations et ont eu plusieurs échangejs diplo-
matiques au sujet de la situation de la Bolivie par rapport à l’ocjéan Paci-
fique (voir les paragraphes 19 et 22 ci-après).

II. Aperçu général des posijtions des Parties

18. Dans sa requête introductive d’instance et dans son mémoire, laj

Bolivie prie la Cour de dire et juger que
« a) le Chili a l’obligation de négocier avec la Bolivie en vue de parvje -

nir à un accord octroyant à celle-ci un accès pleinement souverain
à l’océan Pacifique ;
b) le Chili a manqué à cette obligation ;
c) le Chili doit s’acquitter de ladite obligation de bonne foi, de manièjre
prompte et formelle, dans un délai raisonnable et de manière effjec -

tive, afin d’octroyer à la Bolivie un accès pleinement souverain à
l’océan Pacifique. » (Voir les paragraphes 11 et 12 ci-dessus.)

19. Afin d’étayer l’existence de l’obligation de négocier qju’elle allègue
et le manquement à celle -ci, la Bolivie s’appuie sur des « accords, [une]
pratique diplomatique et [une] série de déclarations attribuables j[aux]
plus hauts représentants [du Chili] ». Selon elle, la plupart de ces événe -
ments ont eu lieu entre la conclusion du traité de paix de 1904 et 2012.

20. Dans sa requête, la Bolivie entend fonder la compétence de la Courj
sur l’article XXXI du pacte de Bogotá, qui se lit comme suit :

«Conformément au paragraphe 2 de l’article 36 du Statut de la
Cour internationale de Justice, les Hautes Parties contractantes en ce
qui concerne tout autre Etat américain déclarent reconnaître cojmme
obligatoire de plein droit, et sans convention spéciale tant que le pjré -

sent traité restera en vigueur, la juridiction de la Cour sur tous lejs di-f
férends d’ordre juridique surgissant entre elles et ayant pour objjet : a)
l’interprétation d’un traité b) toute question de droit international ;
c) l’existence de tout fait qui, s’il était établi, constituerajit la violation
d’un engagement international; d) la nature ou l’étendue de la répara -

tion qui découle de la rupture d’un engagement international.»

1La langue originale du traité de paix de 1904 est l’espagnol. Toutes les dispositions de
cet instrument qui sont citées dans le présent arrêt ont étéj traduites en français par le Greffe.

12

5 CIJ1084.indb 153 18/05/16 14:13 601 obligation to negotijate access (judgment)

21. Both Bolivia and Chile are parties to the Pact of Bogotá, which
was adopted on 30 April 1948. Chile ratified the Pact of Bogotá on
21 August 1967 and deposited its instrument of ratification on 15 April
1974. Bolivia ratified the Pact of Bogotá on 14 April 2011 and deposited

its instrument of ratification on 9 June 2011.
When Bolivia signed the Pact of Bogotá in 1948, and again when it
ratified it in 2011, it entered a reservation to Article VI. That Article pro-
vides:

“The . . . procedures [laid down in the Pact of Bogotá] . . . may not
be applied to matters already settled by arrangement between the
parties, or by arbitral award or by decision of an international court,
or which are governed by agreements or treaties in force on the date

of the conclusion of the present Treaty.”
Bolivia’s reservation read as follows:

“The delegation of Bolivia makes a reservation with regard to Arti -
cle VI, inasmuch as it considers that pacific procedures may also be

applied to controversies arising from matters settled by arrangement
between the Parties, when the said arrangement affects the vital inter-j
ests of a State.”

Chile objected to Bolivia’s reservation. On 10 April 2013, this reservation
was withdrawn. Bolivia therefore states that, as of the date the proceedj -
ings were initiated, on 24 April 2013, neither Party had any reservation in
force precluding the jurisdiction of the Court. Chile, which does not cojn-
tradict this point, states that the withdrawal of Bolivia’s reservatijon

brought the Pact of Bogotá into force between the Parties.
22. In its preliminary objection, Chile claims that, pursuant to Arti -
cle VI of the Pact of Bogotá, the Court lacks jurisdiction under Arti -
cle XXXI of the Pact of Bogotá to decide the dispute submitted by
Bolivia. Chile maintains that the matters at issue in the present case ajre
territorial sovereignty and the character of Bolivia’s access to the Pacific

Ocean. Referring to Article VI of the Pact of Bogotá, it contends that
these matters were settled by arrangement in the 1904 Peace Treaty and
that they remain governed by that Treaty, which was in force on the datej
of the conclusion of the Pact of Bogotá. According to Chile, the varijous
“agreements, diplomatic practice and . . . declarations” invoked by

Bolivia (see paragraph 19 above) concern “in substance the same matter
settled in and governed by [the 1904 Peace] Treaty”.
23. Bolivia’s response is that Chile’s preliminary objection is “majni -
festly unfounded” as it “misconstrues the subject-matter of the dijspute”
between the Parties. Bolivia maintains that the subject -matter of the dis -
pute concerns the existence and breach of an obligation on the part of

Chile to negotiate in good faith Bolivia’s sovereign access to the Pacific
Ocean. It states that this obligation exists independently of the 1904 Peace
Treaty. Accordingly, Bolivia asserts that the matters in dispute are not
matters settled or governed by that Treaty, within the meaning of Arti -

13

5 CIJ1084.indb 154 18/05/16 14:13 obligation de négocijer un accès (arrêt) 601

21. La Bolivie et le Chili sont tous deux parties au pacte de Bogotá, quij
a été adopté le 30 avril 1948. Le Chili l’a ratifié le 21 août 1967 et a déposé
son instrument de ratification le 15 avril 1974 ; la Bolivie l’a ratifié le

14 avril 2011 et a déposé son instrument de ratification le 9 juin de la
même année.
Lorsque la Bolivie a signé le pacte de Bogotá en 1948, puis lorsquj’elle
l’a ratifié en 2011, elle a formulé une réserve à l’jarticle VI. Cet article dis-
pose que

«[l]esprocédures [énoncées dans le pacte] ne pourront … s’appliquer
ni aux questions déjà réglées au moyen d’une entente entrje les par -

ties, ou d’une décision arbitrale ou d’une décision d’un jtribunal inter -
national, ni à celles régies par des accords ou traités en vigujeur à la
date de la signature du présent Pacte ».

La réserve de la Bolivie était ainsi libellée :

«La délégation de la Bolivie formule une réserve en ce qui concejrne
l’article VI, car elle estime que les procédures pacifiques peuvent éga-
lement s’appliquer aux différends relatifs à des questions résolues par
arrangement entre les parties, lorsque pareil arrangement touche aux
intérêts vitaux d’un Etat. »

Le Chili a élevé une objection contre cette réserve. Cette dernjière ayant été
retirée le 10avril 2013, la Bolivie précise que, à la date de l’introduction de

l’instance, le 24 avril 2013, aucune réserve excluant la compétence de la
Cour formulée par l’une ou l’autre Partie n’était en vigujeur. Le Chili ne
conteste pas ce point et déclare que le retrait de la réserve de lja Bolivie a
eu pour effet de faire entrer en vigueur le pacte de Bogotá entre ljes Parties.
22. Dans son exception préliminaire, le Chili affirme que, par l’effjet de

l’article VI du pacte de Bogotá, la Cour n’a pas compétence en vertu de
l’article XXXI de ce même instrument pour se prononcer sur le différend
soumis par la Bolivie. Il soutient que les questions en litige dans la pjré -
sente affaire sont la souveraineté territoriale et la nature de l’jaccès de la
Bolivie à l’océan Pacifique. Se référant à l’article VI du pacte de Bogotá,
il fait valoir que ces questions ont été réglées au moyen d’une entente,

énoncée dans le traité de paix de 1904, et qu’elles demeurent régies par ce
traité, qui était en vigueur à la date de la signature du pactej. Selon le
Chili, les « accords, [la] pratique diplomatique et [les] déclarations » invo -
qués par la Bolivie (voir le paragraphe 19 ci-dessus) portent, « en subs-
tance, sur la même question réglée et régie par le traitéj [de paix de 1904] ».

23. La Bolivie considère que l’exception préliminaire du Chili est j
«manifestement dépourvue de fondement » car il y est fait « une interpré-
tation erronée de l’objet du différend » qui oppose les Parties. La Bolivie
affirme que le différend a pour objet l’existence d’une obligation incom -
bant au Chili de négocier de bonne foi un accès souverain de la Bojlivie à

l’océan Pacifique et le manquement à ladite obligation. Selon elle, cette
obligation existe indépendamment du traité de paix de 1904. En conjsé -
quence, la Bolivie fait valoir que les questions en litige en la présjente

13

5 CIJ1084.indb 155 18/05/16 14:13 602 obligation to negotijate access (judgment)

cle VI of the Pact of Bogotá, and that the Court has jurisdiction under
Article XXXI thereof.

*
* *

24. The essence of Chile’s preliminary objection is that the subject -

matter of Bolivia’s claim falls within Article VI of the Pact of Bogotá.
The Court notes, however, that the matter that Chile considers to be
excluded from the Court’s jurisdiction by virtue of Article VI (see para-
graph 22 above) does not correspond to the subject -matter of the dispute
as described by Bolivia (see paragraph 23 above). Accordingly, it is neces-

sary for the Court first to state its own views about the subject -matter of
the dispute and to reach its own conclusions thereon. The Court will thejn
turn to the question whether the matters in dispute are matters “settjled”
or “governed” by the 1904 Peace Treaty.

III. Subject-Matter of the Dispute

25. Article 40, paragraph 1, of the Statute of the Court, and Article 38,

paragraph 1, of the Rules of Court require an applicant to indicate the
“subject of the dispute” in the application. The application shallj also
specify the “precise nature of the claim” (Art. 38, para. 2, of the Rules of
Court; Fisheries Jurisdiction (Spain v. Canada), Jurisdiction of the Court,
Judgment, I.C.J. Reports 1998, p. 448, para. 29).

26. It is for the Court itself, however, to determine on an objective
basis the subject-matter of the dispute between the parties, that is, to “iso-
late the real issue in the case and to identify the object of the claim”j
(Nuclear Tests (Australia v. France), Judgment, I.C.J. Reports 1974,
p. 262, para. 29 Nu;lear Tests (New Zealand v. France), Judgment,

I.C.J. Reports 1974, p. 466, para. 30). In doing so, the Court examines the
positions of both parties, “while giving particular attention to the jformu -
lation of the dispute chosen by the [a]pplicant” (Fisheries Jurisdiction
(Spain v. Canada), Jurisdiction of the Court, Judgment, I.C.J. Reports
1998, p. 448, para. 30 ; see also Territorial and Maritime Dispute (Nicara‑

gua v. Colombia), Preliminary Objections, Judgment, I.C.J. Reports
2007 (II), p. 848, para. 38). The Court recalls that the Rules of Court
require that the application specify the “facts and grounds on which jthe
claim is based” and that a memorial include a statement of the “rejlevant
facts” (Art. 38, para. 2, and Art. 49, para. 1, respectively). To identify the

subject-matter of the dispute, the Court bases itself on the application, as
well as the written and oral pleadings of the parties. In particular, itj takes
account of the facts that the applicant identifies as the basis for itjs claim

14

5 CIJ1084.indb 156 18/05/16 14:13 obligation de négocijer un accès (arrêt) 602

espèce ne constituent pas des questions réglées ou régies pajr le traité de
paix de 1904, au sens de l’article VI du pacte de Bogotá, et que la Cour a
compétence en vertu de l’article XXXI de ce dernier.

*
* *

24. Dans son exception préliminaire, le Chili fait essentiellement valoirj
que l’objet de la demande de la Bolivie entre dans les prévisions jde l’ar -
ticleVI du pacte de Bogotá. La Cour observe toutefois que la question

que le Chili considère comme étant exclue de sa compétence par jl’effet de
cet article (voir le paragraphe 22 ci-dessus) ne correspond pas à l’objet du
différend tel que la Bolivie l’a décrit (voir le paragraphe 23 ci-dessus). En
conséquence, il est nécessaire pour la Cour de commencer par exposer ses
propres vues concernant l’objet du différend et de parvenir àj ses propres

conclusions à ce sujet. Elle se penchera ensuite sur le point de savojir si les
questions en litige sont des questions « réglées» ou « régies» par le traité
de paix de 1904.

III. Objet du différend

25. Le paragraphe 1 de l’article 40 du Statut de la Cour et le para -
graphe 1 de l’article 38 de son Règlement imposent au demandeur d’indi -
quer dans sa requête ce qui constitue selon lui l’« objet du différend »; la
requête doit également indiquer la « nature précise de la demande » (para-

graphe 2 de l’article 38 du Règlement de la Cour ; Compétence en matière
de pêcheries (Espagne c. Canada), compétence de la Cour, arrêt, C.I.J.
Recueil 1998, p. 448, par. 29).
26. C’est cependant à la Cour qu’il appartient de définir, surj une base
objective, l’objet du différend qui oppose les parties, c’est-à-dire de « cir-
conscrire le véritable problème en cause et de préciser l’objjet de la de -

mande» (Essais nucléaires (Australie c.France), arrêt, C.I.J. Recueil 1974,
p. 262, par. 29 E;sais nucléaires (Nouvelle ‑Zélande c. France), arrêt,
C.I.J.Recueil 1974, p. 466, par. 30). A cette fin, la Cour examine la posi -
tion des deux parties, « tout en consacrant une attention particulière à la
formulation du différend utilisée par le demandeur » ( Compétence en

matière de pêcheries (Espagne c. Canada), compétence de la Cour,
arrêt,C.I.J. Recueil 1998, p. 448, par. 30 ; voir également Différend terri ‑
torial et maritime (Nicaragua c. Colombie), exceptions préliminaires, arrêt,
C.I.J. Recueil 2007 (II), p. 848, par. 38). La Cour rappelle que, auxtermes
de son Règlement, la requête doit indiquer les « faits et moyens sur les -
quels [la] demande repose », et le mémoire, contenir un exposé des « faits

sur lesquels [celle -ci] est fondée» (paragraphe 2 de l’article 38 et para -
graphe 1 de l’article 49, respectivement). Pour identifier l’objet du diffé -
rend, la Cour se fonde sur la requête, ainsi que sur les exposés éjcrits et
oraux des parties. Elle tient notamment compte des faits que le deman -

14

5 CIJ1084.indb 157 18/05/16 14:13 603 obligation to negotijate access (judgment)

(see Nuclear Tests (Australia v. France), Judgment, I.C.J. Reports 1974,
p. 263, para. 30 Nu;lear Tests (New Zealand v. France), Judgment,
I.C.J. Reports 1974, p. 467, para. 31 Fisheries Jurisdiction (Spain v. Can‑

ada), Jurisdiction of the Court, Judgment, I.C.J. Reports 1998, p. 449,
para. 31 ; pp. 449-450, para. 33).

* *

27. Bolivia’s Application states that the dispute between Bolivia and
Chile relates to “Chile’s obligation to negotiate in good faith anjd effec -
tively with Bolivia in order to reach an agreement granting Bolivia a fujlly
sovereign access to the Pacific Ocean”. It further indicates that “j[t]he sub-
ject of the dispute lies in: (a) the existence of that obligation, (b) the

non-compliance with that obligation by Chile, and (c) Chile’s duty to
comply with the said obligation”. Bolivia’s Memorial is to the samje effect
(see paragraph 18 above).
28. Chile contends that the subject -matter of Bolivia’s claim is territo -
rial sovereignty and the character of Bolivia’s access to the Pacific Ocean.

It does not dispute that the Application portrays Bolivia’s claim as jone
concerning an obligation to negotiate. However, according to Chile, thisj
alleged obligation is in fact an obligation to conduct negotiations the out-
come of which is predetermined, namely, the grant to Bolivia of sovereigjn
access to the Pacific Ocean. Only the details of that sovereign accessj —

such as how much territory is involved and its location — would be sub-
ject to negotiation. Thus, in Chile’s view, Bolivia is not seeking anj open
negotiation comprised of good faith exchanges, but rather negotiations
with a judicially predetermined outcome. Chile states that the alleged
obligation to negotiate should be seen as an “artificial means” jto imple -
ment Bolivia’s alleged right to sovereign access to the Pacific Ocejan.

29. Chile also maintains that Bolivia could be granted sovereign access
to the sea only through revision or nullification of the 1904 Peace Treaty.
Any negotiation resulting in sovereign access to the sea would modify thje
allocation of sovereignty over territory and the character of Bolivia’js

access to the sea, upon which the Parties agreed in that Treaty. Accord -
ingly, Chile claims that Bolivia’s Application seeks “revision of jthe settle-
ment reached in 1904 concerning territorial sovereignty and the charactejr
of Bolivia’s access to the sea”.

30. Bolivia responds that Chile misrepresents the dispute that is the
subject of the Application. It emphasizes that the Application asks the j
Court to find that Chile has an obligation to negotiate sovereign accejss to
the sea. Bolivia maintains that the result of those negotiations and the
specific modalities of sovereign access are not matters for the Court jbut,

rather, are matters for future agreement to be negotiated by the Partiesj in
good faith. It also states that there is no dispute regarding the validijty of
the 1904 Peace Treaty and that it does not seek the revision or nullifica -

15

5 CIJ1084.indb 158 18/05/16 14:13 obligation de négocijer un accès (arrêt) 603

deur invoque à l’appui de sa demande (voir Essais nucléaires (Australie
c.France), arrêt, C.I.J. Recueil 1974, p. 263, par. 30 Essa;s nucléaires
(Nouvelle‑Zélande c. France), arrêt, C.I.J. Recueil 1974, p. 467, par. 31 ;
Compétence en matière de pêcheries (Espagne c. Canada), compétence de

la Cour, arrêt, C.I.J. Recueil 1998, p. 449, par. 31 ; p.449-450, par. 33).

* *

27. Dans sa requête, la Bolivie indique que le différend qui l’opjpose au
Chili porte sur « l’obligation du Chili de négocier de bonne foi et de

manière effective avec la Bolivie en vue de parvenir à un accordj octroyant
à celle-ci un accès pleinement souverain à l’océan Pacifique ». Elle précise
également que « [l]’objet du différend réside dans a) l’existence de cette
obligation, b) le manquement à cette obligation par le Chili et c) le devoir
du Chili de se conformer à ladite obligation ». Le mémoire de la Bolivie

va dans le même sens (voir le paragraphe 18 ci -dessus).
28. Le Chili affirme que la demande de la Bolivie a pour objet la sou -
veraineté territoriale et la nature de l’accès de la Bolivie àj l’océan Paci -
fique. Il ne conteste pas que, dans sa requête, la Bolivie a préjsenté sa
demande comme ayant trait à une obligation de négocier. Cependant,j il
soutient que cette obligation imposerait en réalité de mener des njégocia -

tions dont le résultat— l’octroi à la Bolivie d’un accès souverain à l’ocjéan
Pacifique — serait prédéterminé, seuls les détails de cet accès jsouverain,
tels que l’étendue et l’emplacement du territoire concerné, jétant matière à
négociations. Selon le Chili, la Bolivie ne cherche donc pas à menjer des
négociations ouvertes fondées sur des échanges de bonne foi maijs des

négociations dont le résultat aurait été prédéterminéj par voie judiciaire.
Le Chili estime que cette prétendue obligation de négocier devraitj être
considérée comme un « moyen … artificiel » de mettre en œuvre le droit
allégué de la Bolivie à un accès souverain à l’océajn Pacifique.
29. Le Chili allègue également que la Bolivie ne pourrait se voir
octroyer un accès souverain à la mer qu’au moyen de la revisionj ou de

l’annulation du traité de paix de 1904. En effet, toute négociation débou -
chant sur l’octroi de pareil accès modifierait la répartition de la souverai -
neté territoriale entre les Parties et la nature de l’accès de jla Bolivie à la
mer dont celles -ci sont convenues dans cet instrument. Le Chili fait donc
valoir que, par sa requête, la Bolivie cherche à obtenir que « soit revisé

l’arrangement, conclu en 1904, concernant la souveraineté territoriale et
la nature de son accès à la mer ».
30. La Bolivie rétorque que le Chili dénature le différend qui fajit l’ob -
jet de sa requête. Elle souligne qu’elle demande à la Cour, danjs cette
requête, de conclure que le Chili a l’obligation de négocier unj accès sou -
verain à la mer. Selon elle, la question du résultat de ces négjociations et

celle des modalités précises de l’accès souverain ne sont pajs du ressort de
la Cour, mais doivent faire l’objet d’un futur accord que les Partjies négo-
cieront de bonne foi. La Bolivie ajoute qu’il n’existe aucun diffjérend
concernant la validité du traité de paix de 1904, dont elle ne cherche pas,

15

5 CIJ1084.indb 159 18/05/16 14:13 604 obligation to negotijate access (judgment)

tion of that Treaty in these proceedings. Instead, according to Bolivia,j the
alleged obligation to negotiate exists independently of, and in parallelj to,
the 1904 Peace Treaty.

* *

31. The Court observes that, consistent with Article 38, paragraph 2,
of the Rules of Court, the Application specifies the facts and groundsj on

which the claim is based. In support of the claim that there is an obligja -
tion to negotiate sovereign access to the sea, the Application cites “jagree-
ments, diplomatic practice and a series of declarations attributable to j
[Chile’s] highest-level representatives”. It also states that Chile — con-
trary to the position that Chile had itself adopted — later rejected and

denied the existence of the alleged obligation to negotiate in 2011 and
2012, and that Chile has breached this obligation. The Application does j
not invoke the 1904 Peace Treaty as a source of rights or obligations for
either Party, nor does it ask the Court to make any pronouncement
regarding the legal status of that Treaty. On its face, therefore, the Ajppli-

cation presents a dispute about the existence of an obligation to negotijate
sovereign access to the sea, and the alleged breach thereof.

32. Chile would have the Court set aside the dispute as presented in the
Application because, in its view, the Application obfuscates the true

subject -matter of Bolivia’s claim — territorial sovereignty and the charac-
ter of Bolivia’s access to the Pacific Ocean. As the Court has obsejrved in
the past, applications that are submitted to the Court often present a pjar-
ticular dispute that arises in the context of a broader disagreement
between parties ( Application of the International Convention on the
Elimination of All Forms of Racial Discrimination (Georgia v. Russian

Federation), Preliminary Objections, Judgment, I.C.J. Reports 2011 (I),
pp. 85-86, para. 32; see also Border and Transborder Armed Actions
(Nicaragua v. Honduras), Jurisdiction and Admissibility, Judgment, I.C.J.
Reports 1988, pp. 91-92, para. 54 ;nited States Diplomatic and Consular
Staff in Tehran (United States of America v. Iran), Judgment,

I.C.J. Reports 1980, pp. 19-20, paras. 36-37). The Court considers that,
while it may be assumed that sovereign access to the Pacific Ocean is, in
the end, Bolivia’s goal, a distinction must be drawn between that goajl and
the related but distinct dispute presented by the Application, namely,
whether Chile has an obligation to negotiate Bolivia’s sovereign access to

the sea and, if such an obligation exists, whether Chile has breached itj.
The Application does not ask the Court to adjudge and declare that
Bolivia has a right to sovereign access.

33. As to Chile’s assertion that the Application presents an artificialj

framing of the subject -matter in dispute, because the relief sought by
Bolivia would lead to negotiations with a judicially predetermined out -
come and to modification of the 1904 Peace Treaty, the Court recalls that

16

5 CIJ1084.indb 160 18/05/16 14:13 obligation de négocijer un accès (arrêt) 604

en la présente instance, à obtenir la revision ou l’annulation.j Elle estime
que l’obligation de négocier qu’elle allègue existe indépjendamment de cet
instrument et parallèlement à celui -ci.

* *

31. La Cour observe que, conformément au paragraphe 2 de l’ar -
ticle38 du Règlement, la requête indique les faits et moyens sur lesquejls
repose la demande. A l’appui de son affirmation, selon laquelle il ejxiste
une obligation de négocier un accès souverain à la mer, la Bolivie se

réfère, dans sa requête, à des « accords», à une « pratique diplomatique »
et à «une série de déclarations attribuables [aux] plus hauts représejntants
[du Chili] ». Elle y soutient également que le Chili — contrairement à la
position qu’il avait lui-même adoptée — a par la suite rejeté et nié l’exis
tence de ladite obligation, en 2011 et 2012, et qu’il a manqué à cette obli -

gation. Dans sa requête, la Bolivie n’invoque pas le traité de jpaix de 1904
en tant que source de droits ou d’obligations pour l’une ou l’ajutre Partie,
pas plus qu’elle ne demande à la Cour de se prononcer sur le statujt juri -
dique de cet instrument. Telle qu’elle se présente, la requête jporte donc
sur un différend relatif à l’existence d’une obligation dej négocier un accès
souverain à la mer et au manquement à cette obligation.

32. Selon le Chili, la Cour devrait écarter la présentation du difféjrend
faite par la Bolivie dans la requête, au motif que celle-ci masqueraijt le
véritable objet de la demande de la Bolivie, c’est -à-dire la souveraineté
territoriale et la nature de l’accès de la Bolivie à l’océjan Pacifique. Ainsi
que la Cour l’a relevé par le passé, les requêtes qui lui sojnt soumises

portent souvent sur un différend particulier qui s’est fait jourj dans le
cadre d’un désaccord plus large entre les parties (Application de la conven ‑
tion internationale sur l’élimination de toutes les formes de disc▯rimination
raciale (Géorgie c. Fédération de Russie), exceptions préliminaires,
arrêt, C.I.J. Recueil 2011 (I) , p. 85 -86, par. 32; voir également Actions
armées frontalières et transfrontalières (Nicaragua c. Honduras), compé‑

tence et recevabilité, arrêt,.I.J. Recueil 1988, p. 91-92, par. 54; Personnel
diplomatique et consulaire des Etats‑Unis à Téhéran (Etats‑Uni▯s d’Amé ‑
rique c. Iran), arrêt, C.I.J. Recueil 1980, p. 19-20, par. 36-37). La Cour
considère que, même si l’on peut supposer que l’accès souverain à
l’océan Pacifique constitue l’objectif ultime de la Bolivie, il convient d’jéta-

blir une distinction entre cet objectif et le différend lié, maijs distinct, qui
lui a été présenté dans la requête ; celui-ci réside dans la question de savoir
si le Chili a l’obligation de négocier un accès souverain de laj Bolivie à la
mer et, dans l’hypothèse où cette obligation existerait, si le jChili y a man-
qué. Dans sa requête, la Bolivie ne demande pas à la Cour de dijre et juger
qu’elle a droit à pareil accès.

33. S’agissant de l’assertion du Chili suivant laquelle l’objet du jdifférend
est formulé de manière artificielle dans la requête, au motifj que la décision
sollicitée par la Bolivie donnerait lieu à des négociations donjt le résultat
serait prédéterminé par voie judiciaire et à une modification du traité de

16

5 CIJ1084.indb 161 18/05/16 14:13 605 obligation to negotijate access (judgment)

Bolivia does not ask the Court to declare that it has a right to sovereijgn
access to the sea nor to pronounce on the legal status of the 1904 Peace
Treaty. Moreover, should this case proceed to the merits, Bolivia’s claim

would place before the Court the Parties’ respective contentions aboujt
the existence, nature and content of the alleged obligation to negotiatej
sovereign access. Even assuming arguendo that the Court were to find the
existence of such an obligation, it would not be for the Court to predetjer-
mine the outcome of any negotiation that would take place in conse -

quence of that obligation.
34. In view of the foregoing analysis, the Court concludes that the
subject -matter of the dispute is whether Chile is obligated to negotiate
in good faith Bolivia’s sovereign access to the Pacific Ocean, and, ifj such
an obligation exists, whether Chile has breached it.

*

35. The Court recalls that the submissions in Bolivia’s Application and
Memorial refer to an “obligation to negotiate . . . in order to reach an

agreement granting Bolivia a fully sovereign access to the Pacific Ocejan”.
Bolivia has repeatedly stated that Chile has an “obligation to negotiate
sovereign access to the sea”. Chile has also used in its written and joral
pleadings the phrase “sovereign access to the sea”.

When a Member of the Court asked each Party to define what it meant
by the phrase “sovereign access to the sea”, Bolivia responded thajt the
“existence and specific content” of the alleged obligation to nejgotiate sov-
ereign access to the sea was not a matter to be determined at the prelimji -
nary stage of the proceedings but, rather was to be determined at the
merits stage of the proceedings. Chile, for its part, answered that Bolijvia

used the expression “sovereign access to the sea” in its Applicatijon and
Memorial to refer to the transfer or cession to Bolivia of Chilean terrij -
tory, and that this phrase had the same meaning in Chile’s preliminarjy
objection.
36. Bearing in mind these observations by the Parties, the Court

emphasizes that the use in this Judgment of the phrases “sovereign acjcess”
and “to negotiate sovereign access” should not be understood as exjpress -
ing any view by the Court about the existence, nature or content of any j
alleged obligation to negotiate on the part of Chile.

IV. Whether the Matters in jDispute before the Courjt Fall under
Article VI of the Pact of Bogotá

37. The Court will now consider the jurisdictional régime of the Pact

of Bogotá. The Court recalls that the Pact contains a number of provij -
sions relating to the judicial settlement of disputes. Article XXXI of the
Pact provides that the Parties recognize the compulsory jurisdiction of jthe

17

5 CIJ1084.indb 162 18/05/16 14:13 obligation de négocijer un accès (arrêt) 605

paix de 1904, la Cour rappelle que la Bolivie ne lui demande pas de dire
qu’elle a droit à un accès souverain à la mer, ni de se pronjoncer sur le statut
juridique dudit traité. En outre, si la présente affaire devait jêtre examinée

au fond, la Cour serait amenée, au vu de la demande de la Bolivie, à se
pencher sur les argumentations respectives des Parties concernant l’ejxis -
tence, la nature et le contenu de l’obligation alléguée de néjgocier un accès
souverain. Même à supposer, arguendo, que la Cour conclue à l’existence
de pareille obligation, il ne lui appartiendrait pas de prédétermijner le résu-l

tat de toute négociation qui se tiendrait en conséquence de cette jobligation.
34. A la lumière de ce qui précède, la Cour conclut que l’objet jdu dif -
férend réside dans la question de savoir si le Chili a l’obligajtion de négo -
cier de bonne foi un accès souverain de la Bolivie à l’océanj Pacifique et,
dans l’affirmative, si le Chili a manqué à cette obligation.

*

35. La Cour rappelle que les demandes que la Bolivie a formulées dans
sa requête et les conclusions présentées dans son mémoire sej rapportent à

une « obligation de négocier … en vue de parvenir à un accord octroyant
à celle-ci un accès pleinement souverain à l’océan Pacifijque ». La Bolivie
a affirmé à maintes reprises que le Chili avait l’« obligation de négocier un
accès souverain à la mer ». Le Chili a également utilisé, dans ses exposés
écrits et oraux, les termes d’« accès souverain à la mer ».

Lorsqu’un membre de la Cour a demandé à chacune des Parties de j
préciser quel était, selon elle, le sens de l’expression « accès souverain à la
mer », la Bolivie a répondu que la question de « l’existence et [du] contenu
précis »e l’obligation alléguée de négocier pareil accès ne devait pas être
tranchée au stade préliminaire de l’instance mais lors de la phjase de l’exa -
men au fond. Le Chili, quant à lui, a répondu que la Bolivie avaitj, dans

sa requête et son mémoire, employé l’expression « accès souverain à la
mer» pour désigner le transfert ou la cession à la Bolivie d’unj territoire
chilien, et que cette expression revêtait le même sens dans son exception
préliminaire.
36. Compte tenu de ces observations faites par les Parties, la Cour sou -

ligne que l’emploi, dans le présent arrêt, des expressions «j accès souve-
rain » et « négocier un accès souverain » ne saurait être interprété comme
reflétant ses vues quant à l’existence, à la nature ou au contenu d’une
prétendue obligation de négocier incombant au Chili.

IV. Point de savoir si les qjuestions en litige devjant la Cour
entrent dans les prévijsions de l’article VI du pacte de Bogotá

37. La Cour commencera par présenter le régime de compétence étajbli

par le pacte de Bogotá. Elle rappelle que cet instrument contient un jcer -
tain nombre de dispositions relatives au règlement judiciaire des diffjé -
rends. Aux termes de l’article XXXI, les parties au pacte reconnaissent la

17

5 CIJ1084.indb 163 18/05/16 14:13 606 obligation to negotijate access (judgment)

Court in all disputes of a juridical nature arising among them concerninjg
matters listed therein (see paragraph 20 above).

38. The other relevant provisions of the Pact of Bogotá are Articles VI
and XXXIII. As already noted, Article VI states that:

“The . . . procedures [laid down in the Pact of Bogotá] . . . may not
be applied to matters already settled by arrangement between the
parties, or by arbitral award or by decision of an international court,
or which are governed by agreements or treaties in force on the date
of the conclusion of the present Treaty.”

Article XXXIII of the Pact of Bogotá provides that: “If the parties fail to
agree as to whether the Court has jurisdiction over the controversy, thej

Court itself shall first decide that question.”
39. Under Article VI of the Pact of Bogotá, if the Court were to find
that, given the subject-matter of the dispute as identified by the Court in
paragraph 34 above, the matters in dispute between the Parties were mat -
ters “already settled by arrangement between the parties” or “gjoverned by

agreements or treaties in force” on 30 April 1948, it would lack the requi-
site jurisdiction under the Pact of Bogotá to decide the case on the jmerits.
Consequently, the Court will proceed to determine whether the matters inj
dispute are matters “settled” or “governed” by the 1904 Peacje Treaty.
40. The Court recalls the following provisions of the 1904 Peace Treaty,

in force on 30 April 1948. Article I re-established the relations of peace
and friendship between Bolivia and Chile and terminated the régime
established by the 1884 Truce Pact of Valparaíso.
Article II of the 1904 Peace Treaty provides: “[b]y the present Treaty,
the territories occupied by Chile by virtue of Article 2 of the Truce Pact
of 4 April 1884, are recognized as belonging absolutely and in perpetuity

to Chile.”
Article II continues by delimiting the boundary between Bolivia and
Chile and setting out the procedure for demarcation.
In Article III, the Parties agreed on the construction of a railway
between the port of Arica and the Plateau of La Paz, at the expense of

Chile.
Article VI provides:

“The Republic of Chile recognizes in favour of Bolivia in perpetu -
ity the fullest and most unrestricted right of commercial transit in its
territory and its Pacific ports.
Both Governments will agree, in special acts, upon the method
suitable for securing, without prejudice to their respective fiscal injter-

ests, the object indicated above.”
Article VII provides:

“The Republic of Bolivia shall have the right to establish customs
agencies in the ports which it may designate for its commerce. For

18

5 CIJ1084.indb 164 18/05/16 14:13 obligation de négocijer un accès (arrêt) 606

juridiction obligatoire de la Cour à l’égard de tous les différends d’ordre
juridique surgissant entre elles et portant sur les questions énuméjrées
dans ce même article (voir le paragraphe 20 ci-dessus).
38. Les autres dispositions pertinentes du pacte de Bogotá sont les

articles VI et XXXIII. Ainsi que cela a déjà été indiqué, l’article VI pré-
voit que
« [l]esprocédures [énoncées dans le pacte] ne pourront … s’appliquer

ni aux questions déjà réglées au moyen d’une entente entrje les par -
ties, ou d’une décision arbitrale ou d’une décision d’un jtribunal inter -
national, ni à celles régies par des accords ou traités en vigujeur à la
date de la signature du présent pacte ».

Quant à l’article XXXIII du pacte, il se lit comme suit : « Au cas où les
parties ne se mettraient pas d’accord sur la compétence de la Courj au sujet
du litige, la Cour elle-même décidera au préalable de cette question. »
39. En application de l’article VI du pacte de Bogotá, si la Cour devait

conclure, au vu de l’objet du différend tel qu’elle l’a déjfini au paragraph3e4
ci-dessus, que les questions en litige entre les Parties sont des questionsj
« déjà réglées au moyen d’une entente entre les parties» ou «régies par des
accords ou traités en vigueur » au 30 avril 1948, elle n’aurait pas, au regard
du pacte de Bogotá, la compétence requise pour se prononcer sur lej fond
de l’affaire. En conséquence, la Cour va rechercher si les questions en litige

sont des questions «réglées» ou «régies» par le traité de paix de 1904.
40. La Cour rappellera ci-après certaines dispositions du traité de paix
de 1904, en vigueur au 30 avril 1948. L’article premier de cet instrument a
rétabli des relations de paix et d’amitié entre la Bolivie et lje Chili, et mis fin
au régime instauré par la convention d’armistice de Valparaíjso de1884.

L’article II du traité de paix de 1904 est ainsi libellé : « Par le présent
traité, il est reconnu que les territoires occupés par le Chili enj vertu de
l’article 2 de la convention d’armistice du 4 avril 1884 appartiennent plei -
nement et à titre perpétuel au Chili. »
Cet article se poursuit en effectuant la délimitation de la frontièjre entre
les deux Etats et en établissant la procédure de démarcation applicable.j

A l’article III, les Parties sont convenues de la construction, aux frais
du Chili, d’une voie de chemin de fer reliant le port d’Arica au pjlateau de
La Paz.
L’article VI du traité se lit comme suit :

«La République du Chili reconnaît à la Bolivie, à titre perpétuel,
le droit de transit commercial le plus complet et inconditionnel sur
son territoire et dans ses ports situés sur le Pacifique.
Les deux Gouvernements conviendront, par des actes spéciaux,

d’une méthode permettant d’assurer, sans préjudice de leurs jintérêts
fiscaux respectifs, la mise en œuvre de ce qui précède. »
L’article VII prévoit que

«[l]a République de Bolivie aura le droit d’établir des postes djoua -
niers dans les ports qu’elle désignera aux fins de ses échangjes com -

18

5 CIJ1084.indb 165 18/05/16 14:13 607 obligation to negotijate access (judgment)

the present it indicates as such ports for its commerce those of Antofa -
gasta and Arica.
The agencies shall take care that the goods in transit shall go

directly from the pier to the railroad station and shall be loaded and
transported to the Bolivian customhouses in wagons closed and sealed
and with freight schedules which shall indicate the number of pack -
ages, their weight and mark, number and content, which shall be
exchanged for receipts.”

Articles VIII, IX, X and XI regulate aspects of commercial interchange
between the Parties, customs and the transit of goods. Chile also made
other financial commitments in favour of Bolivia (Arts. IV and V).

* *

41. In Chile’s view, Article VI of the Pact of Bogotá undoubtedly
excludes the present dispute between the Parties from the Court’s jurjisdic -
tion. Chile submits that the purpose of Article VI of the Pact of Bogotá
was to preclude the possibility of using the dispute settlement procedurjes

of the Pact and, in particular, judicial remedies, “in order to reopejn such
matters as were settled between the parties to the Pact, because they hajd
been the object of an international judicial decision or a treaty” (jciting
Territorial and Maritime Dispute (Nicaragua v. Colombia), Preliminary
Objections, Judgment, I.C.J. Reports 2007 (II), p. 858, para. 77).

42. Chile submits that there is a distinction to be drawn between the
two limbs of Article VI and argues that a matter is “settled” by arrange -
ment if it is resolved by that arrangement, while a matter is “governjed” by
a treaty if the treaty regulates the relationship between the parties cojncer-n
ing that subject -matter. In the present case, Chile concludes that territorial

sovereignty and the character of Bolivia’s access to the Pacific Ocjean are
matters both “settled” and “governed” by the 1904 Peace Treaty.
43. In this respect, Chile argues, first, that Article II of the 1904 Peace
Treaty is a comprehensive territorial settlement between the two States j
and that the question of territorial sovereignty is therefore a matter sjet -

tled and governed by that provision. Chile also maintains that Article II
of the 1904 Peace Treaty has the following material components:

“First, it addresses Chilean sovereignty over what had, until the
Pacific War of 1879, been the Bolivian Littoral Department. Second,
it delimited the boundary between Chile and Bolivia from south to
north in the area of the Chilean provinces of Antofagasta and Tara -
pacá. Third, it agreed and delimited the frontier line between Chile j

and Bolivia in the area of Tacna and Arica. Fourth, it provided for
the demarcation of the entire boundary.”

44. Secondly, Chile contends that the character of Bolivia’s access to
the sea is a matter settled and governed by Articles VI and VII of the

19

5 CIJ1084.indb 166 18/05/16 14:13 obligation de négocijer un accès (arrêt) 607

merciaux. Elle désigne dès à présent à cette fin les ports d’Antofagasta
et d’Arica.
Les postes douaniers veilleront à ce que les marchandises en tran -
sit soient directement acheminées de l’embarcadère à la garej, puis

chargées et transportées jusqu’aux douanes boliviennes dans desj
wagons fermés et scellés, accompagnées du bordereau de transporjt
indiquant le nombre et le poids des colis ainsi que leurs désignationj,
numéro et contenu, qui sera remis contre accusé de réception. »

Quant aux articles VIII, IX, X et XI, ils régissent certains aspects des
échanges commerciaux entre les Parties, ainsi que des questions doua -
nières et le transit de marchandises. Enfin, par les articles IV et V, le Chili
a pris d’autres engagements financiers en faveur de la Bolivie.

* *

41. Selon le Chili, l’articleI du pacte de Bogotá exclut incontestable -
ment le présent différend de la compétence de la Cour. Le Chijli fait valoir
que cette disposition avait pour but d’empêcher que les procédujres de règ-le
ment des différends énoncées dans cet instrument, et notamment les voies
de recours judiciaires, puissent être utilisées «afin de rouvrir des questions
déjà réglées entre les parties au pacte par une décision jjudiciaire internati-o

nale ou par un traité » (citant Différend territorial et maritime (Nicaragua
c. Colombie), exceptions préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (II),
p. 858, par. 77).
42. Il allègue qu’une distinction doit être établie entre les dejuxbranches
de l’articleVI, estimant qu’une question est «réglée» au moyen d’une entente
si elle a été résolue par celleci, tandis qu’une question est « régie» par un

traité si le traité en question réglemente la relation existant entre les parties
concernant cette question. Le Chili conclut que, dans le cas d’espèjce, la sou-
veraineté territoriale et la nature de l’accès de la Bolivie àj l’océanacifique
sont des questions tant « réglées» que «régies» par le traité de paix de 1904.
43. A cet égard, le Chili affirme tout d’abord que l’article II du traité

de paix de 1904 constitue un règlement territorial global entre les deux
Etats et que, partant, la question de la souveraineté territoriale esjt une
question réglée et régie par cette disposition. Le Chili soutiejnt également
que cet article a les composantes matérielles suivantes :

«Premièrement, il traite de la souveraineté chilienne sur ce qui
avait été, jusqu’à la guerre du Pacifique de 1879, le département boli -
vien du littoral. Deuxièmement, il délimite la frontière entre les deux
Etats, du sud au nord, dans le secteur des provinces chiliennes

d’Antofagasta et de Tarapacá. Troisièmement, il délimite, d’unj
commun accord entre le Chili et la Bolivie, la ligne frontière dans lje
secteur de Tacna et d’Arica. Quatrièmement, il prévoit la déjmarca -
tion de la frontière dans son intégralité. »

44. Deuxièmement, le Chili soutient que la question de la nature de
l’accès de la Bolivie à la mer est une question réglée etj régie par les

19

5 CIJ1084.indb 167 18/05/16 14:13 608 obligation to negotijate access (judgment)

1904 Peace Treaty, which relate to Bolivia’s perpetual right of commer -
cial transit and its right to establish customs agencies in Chilean ports,
respectively.

45. Thirdly, Chile submits that Articles III to XI — with Articles VI
and VII featuring predominantly — established treaty -based arrange -
ments and commitments governing core aspects of the Parties’ relationjs
going forward.
46. Chile thus concludes that the terms of the 1904 Peace Treaty leave

no room for doubt that “territorial sovereignty” and “the charajcter of
Bolivia’s access to the Pacific Ocean” are matters settled and gjoverned by
that Treaty.

*

47. For its part, Bolivia argues that the basis of its claim is that

“independently of the 1904 Treaty Chile agreed to negotiate to grant
Bolivia a sovereign access to the Pacific Ocean. It is because this isjsue
was not ‘settled’ by the 1904 Treaty that both Parties agreed after -
wards on negotiations to grant Bolivia such a sovereign access to the

Ocean.” (Emphasis in the original.)
It maintains that the Parties were negotiating this pending issue until

2011 when Chile allegedly reneged on its obligation to negotiate. It furj -
ther argues that Chile should comply with its obligation to negotiate
Bolivia’s sovereign access to the Pacific Ocean and that the 1904 Peace
Treaty cannot provide a reasonable basis for Chile’s invocation of Arti -
cle VI of the Pact of Bogotá as a bar to the Court’s jurisdiction.

48. While Bolivia agrees that Chile has provided an accurate depiction
of the purpose of Article VI (see paragraph 41 above), it finds Chile’s
interpretation of Article VI overly expansive. Moreover, it argues that
Chile fails to draw any practical conclusion from the distinction between
the two limbs of that Article. In this respect, it refers to the case of the

Territorial and Maritime Dispute (Nicaragua v. Colombia), where the
Court concluded that,

“in the specific circumstances of the present case, there is no diffjerence
in legal effect, for the purpose of applying Article VI of the Pact,
between a given matter being ‘settled’ by the 1928 Treaty and
being ‘governed’ by that Treaty. In light of the foregoing, the Court
will hereafter use the word ‘settled’.” (Territorial and Maritime Dis ‑

pute (Nicaragua v. Colombia), Preliminary Objections, Judgment,
I.C.J. Reports 2007 (II), p. 848, para. 39.)

Bolivia maintains that in the present case too, there is no substantive dif -
ference between the application of the terms “settled” and “govjerned” for
the purposes of Article VI of the Pact.

20

5 CIJ1084.indb 168 18/05/16 14:13 obligation de négocijer un accès (arrêt) 608

articlesVI et VII du traité de paix de 1904, qui ont respectivement trait
au droit de transit commercial perpétuel de la Bolivie et au droit dej
celle-ci d’établir des postes douaniers dans les ports chiliens.
45. Troisièmement, le Chili affime que les articles III à XI — et, plus

particulièrement, les articles VI et VII — énoncent des ententes et engage-
ments conventionnels régissant certains éléments cruciaux pour l’avenir
des relations entre les Parties.
46. Le Chili conclut de ce qui précède que le libellé du traité jde paix
de 1904 ne laisse subsister aucun doute quant au fait que la « souveraineté

territoriale et la « nature de l’accès de la Bolivie à l’océan Pacifique »
sont des questions réglées et régies par cet instrument.

*

47. La Bolivie, pour sa part, affirme que sa demande est fondée sur le

fait que
«le Chili a, indépendamment du traité de 1904, consenti à négocier

avec la Bolivie en vue d’octroyer à celle -ci un accès souverain à
l’océan Pacifique. C’est parce que cette question n’avait pas été
«réglée» par le traité de 1904 que les deux Parties sont par la suite
convenues de négocier à cette fin. » (Les italiques sont dans l’original.)

La Bolivie soutient que les Parties ont négocié au sujet de cette question
qui demeurait pendante jusqu’à ce que, en 2011, le Chili répudie son obli -
gation de négocier. Elle ajoute que celui -ci doit se conformer à son obli -
gation de négocier un accès souverain de la Bolivie à l’océan Pacifique et

qu’il ne saurait raisonnablement invoquer le traité de paix de 190j4 pour
prétendre que l’article VI du pacte de Bogotá fait obstacle à la compé -
tence de la Cour.
48. Bien que souscrivant à la description du but de l’article VI faite par
le Chili (voir le paragraphe 41 ci-dessus), la Bolivie considère que la
manière dont celui-ci interprète cette disposition est trop large. En outre,

elle fait valoir que le Chili ne tire aucune conclusion pratique de la dis -
tinction qu’il établit entre les deux branches de cet article. A cjet égard,
elle fait référence à l’affaire du Différend territorial et maritime (Nicara ‑
gua c. Colombie), dans laquelle la Cour a jugé que,

«dans les circonstances propres à [l’]espèce, aucune distinctionj quant
aux effets juridiques n’[était] à faire, aux fins de l’ajpplication de l’ar-
ticleVI du pacte, entre une question «réglée» et une question «régie»

par le traité de 1928. Compte tenu de ce qui précède, la Cour utilisera
dans la suite de l’arrêt le mot « réglée».» ( Différend territorial et
maritime (Nicaragua c. Colombie), exceptions préliminaires, arrêt,
C.I.J. Recueil 2007 (II), p. 848, par. 39.)

La Bolivie estime que, dans la présente affaire, il n’existe pasj non plus de
différence substantielle entre les termes « réglée» et « régie» aux fins de
l’application de l’article VI du pacte.

20

5 CIJ1084.indb 169 18/05/16 14:13 609 obligation to negotijate access (judgment)

49. Bolivia submits that, even if Chile’s interpretation of the two limbs
of Article VI were to be upheld, Chile’s objection would still fail because
the 1904 Peace Treaty could not have settled a dispute that did not exist

in 1904 and because it cannot govern matters such as those put forward
by Bolivia, which did not fall within the terms of that Treaty. Bolivia j
maintains that, by mischaracterizing its claim as one regarding “territo -
rial sovereignty and the character of Bolivia’s access to the sea”j rather
than the one described in its Application and Memorial, namely, “the

existence and violation of the obligation to negotiate a sovereign accesjs to
the Pacific Ocean agreed upon by Chile”, Chile erroneously draws thje
conclusion that the matters in dispute are matters “settled and goverjned
by the 1904 Peace Treaty” and that Bolivia is merely seeking to “revise or
nullify” that Treaty.

* *

50. As the Court concluded above, the subject -matter of the dispute is

whether Chile is obligated to negotiate in good faith Bolivia’s sovereign
access to the Pacific Ocean, and, if such an obligation exists, whethejr
Chile has breached it (see paragraph 34 above). The provisions of the
1904 Peace Treaty set forth at paragraph 40 do not expressly or impliedly
address the question of Chile’s alleged obligation to negotiate Bolivia’s

sovereign access to the Pacific Ocean. In the Court’s view, therefojre, the
matters in dispute are matters neither “settled by arrangement between
the parties, or by arbitral award or by decision of an international court”
nor “governed by agreements or treaties in force on the date of the con -
clusion of the [Pact of Bogotá]” within the meaning of Article VI of the
Pact of Bogotá. This conclusion holds regardless of whether, as Chilej

maintains, the two limbs of Article VI have a different scope (see para -
graph 42 above). The Court does not, therefore, find it necessary in the
circumstances of the present case to determine whether or not there is a
distinction between the legal effect of those two limbs.

51. The Court recalls that the Parties have presented their respective
views on “agreements, diplomatic practice and . . . declarations” invoked
by Bolivia to substantiate its claim on the merits (see paragraphs 19 and
22 above). The Court is of the view that, for the purposes of determinijng
the question of its jurisdiction, it is neither necessary nor appropriatje to

examine those elements.

* * *

52. As noted above, Chile’s submission is that the Court should declare
that it lacks jurisdiction (see paragraph 14 above). Bolivia’s submission is
that the Court should reject Chile’s objection to jurisdiction (ibid.). In

21

5 CIJ1084.indb 170 18/05/16 14:13 obligation de négocijer un accès (arrêt) 609

49. La Bolivie fait valoir que, quand bien même l’interprétation
chilienne des deux branches de l’article VI devrait être retenue, il convien-
drait néanmoins de rejeter l’exception du Chili étant donné jque le traité
de paix de 1904 n’a pas pu régler un différend qui n’existait pas à cette date

et qu’il ne saurait régir des questions telles que celles qu’eljle a soulevées,
questions qui n’entraient pas dans les prévisions de cet instrument. Elle
soutient que, en décrivant de manière erronée sa demande comme jayant
trait à la « souveraineté territoriale et à la nature de son accès à la mjer »
— et non à « l’existence de l’obligation, à laquelle le Chili a consenti, dej

négocier un accès souverain à l’océan Pacifique, et [au] non -respect de
cette obligation», ainsi qu’elle l’a définie dans sa requête et son méjmoire
le Chili conclut à tort que les questions en litige en la présentej espèce sont
des questions « réglées et régies par le traité de paix de 1904 » et que la
Bolivie cherche simplement à «reviser ou annuler» cet instrument.

* *

50. Ainsi que la Cour l’a établi cidessus, l’objet du différend est la ques
tion de savoir si le Chili a l’obligation de négocier de bonne foij un accès
souverain de la Bolivie à l’océan Pacifique et,dans l’affirmative, si le Chili
a manqué à cette obligation (voir le paragraphe 34 ci-dessus). Les disposi-

tions du traité de paix de 1904 citées au paragraphe 40 ne traitent ni
expressément ni implicitement de la question d’une obligation qui jincom-
berait au Chili de négocier avec la Bolivie un accès souverain àj l’océanaci-
fique. En conséquence, la Cour considère que les questions en lijtige ne sont
ni « réglées au moyen d’une entente entre les parties, ou d’une djécision

arbitrale ou d’une décision d’un tribunal international», ni «régies par des
accords ou traités en vigueur à la date de la signature du [pacte jde
Bogotá] », au sens de l’article VI du pacte de Bogotá. Cette conclusion
s’impose indépendamment du point de savoir si, comme le soutient lje
Chili, les deux branches de l’article VI ont une portée différente (voir le
paragraphe 42 ci-dessus). En conséquence, la Cour ne juge pas nécessaire,

dans les circonstances de la présente espèce, de déterminer s’il y a lieu de
faire une distinction entre les effets juridiques de ces deux branchesj.
51. La Cour rappelle que les Parties ont présenté leurs vues respectives
sur les «accords, [la] pratique diplomatique et … [les] déclarations »nvo -
qués par la Bolivie pour étayer sa demande au fond (voir les paraj -

graphes 19 et 22 ci-dessus). Elle considère que, aux fins de se prononcer
sur la question de sa compétence, il n’est ni nécessaire ni appjroprié d’exa-
miner ces éléments.

* * *

52. Ainsi qu’il a déjà été indiqué, le Chili soutient, danjs ses conclusions,
que la Cour devrait se déclarer incompétente (voir le paragraphe 14 ci-
dessus). La Bolivie, quant à elle, demande à la Cour, dans ses cojnclusions,

21

5 CIJ1084.indb 171 18/05/16 14:13 610 obligation to negotijate access (judgment)

the alternative, Bolivia argues that if the Court addressed Chile’s objec -
tion on the basis of Chile’s characterization of the subject -matter of the
dispute, the objection would amount to a refutation of Bolivia’s case on

the merits, and thus would not possess an exclusively preliminary characj-
ter. As indicated above, the Court does not accept Chile’s characterijza -
tion of the subject -matter of the dispute (see paragraph 34). Bolivia’s
alternative argument is therefore moot.

53. The Court recalls however that it is for it to decide, under Arti -
cle 79, paragraph 9, of the Rules of Court, whether in the circumstances
of the case, an objection lacks an exclusively preliminary character. Ifj so,
the Court must refrain from upholding or rejecting the objection at the j
preliminary stage, and reserve its decision on this issue for further prjo -

ceedings. In the present case, the Court considers that it has all the fjacts
necessary to rule on Chile’s objection and that the question whether jthe
matters in dispute are matters “settled” or “governed” by thje 1904 Peace
Treaty can be answered without determining the dispute, or elements
thereof, on the merits (Territorial and Maritime Dispute (Nicaragua v.

Colombia), Preliminary Objections, Judgment, I.C.J. Reports 2007 (II),
p. 852, para. 51).Consequently, the Court finds that it is not precluded
from ruling on Chile’s objection at this stage.

V. The Court’s Conclusion rjegarding

the Preliminary Objectjion

54. Bearing in mind the subject -matter of the dispute, as earlier identi -
fied (see paragraph 34 above), the Court concludes that the matters in
dispute are not matters “already settled by arrangement between the pjar-

ties, or by arbitral award or by decision of an international court” jor
“governed by agreements or treaties in force on the date of the concljusion
of the [Pact of Bogotá]”. Consequently, Article VI does not bar the
Court’s jurisdiction under Article XXXI of the Pact of Bogotá. Chile’s
preliminary objection to the jurisdiction of the Court must be dismissedj.

55. In accordance with Article 79, paragraph 9, of the Rules of Court,
the time -limits for the further proceedings shall be fixed by order of the
Court.

* * *

56. For these reasons,
The Court,

(1) By fourteen votes to two,

Rejects the preliminary objection raised by the Republic of Chile;

22

5 CIJ1084.indb 172 18/05/16 14:13 obligation de négocijer un accès (arrêt) 610

de rejeter l’exception d’incompétence soulevée par le Chili j(voir le para -
graphe 14 ci-dessus). A titre subsidiaire, la Bolivie allègue que, sji la Cour
examinait l’exception du Chili sur la base de l’objet du difféjrend tel que

défini par celui-ci, alors ladite exception constituerait une réjfutation de son
argumentation au fond et, partant, n’aurait pas un caractère exclusivement
préliminaire. Comme indiqué plus haut, la Cour ne souscrit pas àj la défini -
tion de l’objet du différend faite par le Chili (voir le paragrjaphe 34). L’ar-
gument subsidiaire de la Bolivie est donc sans objet.

53. La Cour rappelle cependant qu’il lui appartient de déterminer si, j
dans les circonstances de l’espèce, une exception est dépourvuej de carac -
tère exclusivement préliminaire au sens du paragraphe 9 de l’article 79 de
son Règlement. En pareille hypothèse, la Cour doit s’abstenir dje retenir
ou de rejeter l’exception au stade préliminaire, mais réserver jsa décision à

cet égard pour la suite de la procédure. En la présente affaijre, elle consi -
dère cependant qu’elle dispose de tous les éléments requis pjour statuer sur
l’exception du Chili et qu’elle est en mesure d’établir si ljes questions en
litige sont des questions « réglées» ou « régies» par le traité de paix
de 1904 sans trancher le différend, ou certains de ses éléments,j au fond

(Différend territorial et maritime (Nicaragua c. Colombie), exceptions pré ‑
liminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 2007 (II), p. 852, par. 51). La Cour en
conclut qu’elle n’est pas empêchée de se prononcer sur l’jexception du
Chili au présent stade de la procédure.

V. Conclusion de la Cour cjoncernant

l’exception préliminjaire

54. Au vu de l’objet du différend tel qu’il a été défijni plus haut (voir le
paragraphe34 ci-dessus), la Cour conclut que les questions en litige ne sont
pas des questions « déjà réglées au moyen d’une entente entre les parties, ouj

d’une décision arbitrale ou d’une décision d’un tribunal jinternational », ou
«régies par des accords ou traités en vigueur à la date de la sijgnature du [pacte
de Bogotá] ». En conséquence, l’articleVI ne fait pas obstacle à la compétence
que lui confère l’articleXXXI du pacte de Bogotá. L’exception préliminaire
d’incompétence soulevée par le Chili doit donc être écartjée.

55. Conformément au paragraphe 9 de l’article 79 du Règlement de
la Cour, celle -ci fixera par ordonnance les délais pour la suite de la
procédure.

* * *

56. Par ces motifs,
La Cour,

1) Par quatorze voix contre deux,

Rejette l’exception préliminaire soulevée par la République du Chilji;

22

5 CIJ1084.indb 173 18/05/16 14:13 611 obligation to negotijate access (judgment)

in favour: President Abraham; Vice‑President Yusuf; Judges Owada,
Tomka, Bennouna, Cançado Trindade, Greenwood, Xue, Donoghue,
Sebutinde, Bhandari, Robinson, Gevorgian Judge ad hoc Daudet;

against: Judge Gaja; Judge ad hoc Arbour;

(2) By fourteen votes to two,
Finds that it has jurisdiction, on the basis of ArticleXXXI of the Pact

of Bogotá, to entertain the Application filed by the Plurinational jState of
Bolivia on 24 April 2013.
in favour: President Abraham; Vice‑President Yusuf; Judges Owada,

Tomka, Bennouna, Cançado Trindade, Greenwood, Xue, Donoghue,
Sebutinde, Bhandari, Robinson, Gevorgian Judge ad hoc Daudet;
against: Judge Gaja; Judge ad hoc Arbour.

Done in English and in French, the English text being authoritative, at j

the Peace Palace, The Hague, this twenty-fourth day of September, two
thousand and fifteen, in three copies, one of which will be placed in jthe
archives of the Court and the others transmitted to the Government of
the Plurinational State of Bolivia and the Government of the Republic of
Chile, respectively.

(Signed) Ronny Abraham,

President.
(Signed) Philippe Couvreur,

Registrar.

Judge Bennouna appends a declaration to the Judgment of the Court ;
Judge Cançado Trindade appends a separate opinion to the Judgment

of the Court ; Judge Gaja appends a declaration to the Judgment of the
Court; Judge ad hoc Arbour appends a dissenting opinion to the Judg -
ment of the Court.

(Initialled)R.A.

(Initialled) Ph.C.

23

5 CIJ1084.indb 174 18/05/16 14:13 obligation de négocijer un accès (arrêt) 611

pour: M.Abraham, président; M.Yusuf, vice‑présidmes; MM.Owada, Tomka,
Bennouna, Cançado Trindade, Greenwood, M Xue, Donoghue, Sebu-
tinde, MM. Bhandari, Robinson, Gevorgian,juges; M.Daudet, juge ad hoc;
contre: M. Gaja, juge ; M meArbour, juge ad hoc ;

2) Par quatorze voix contre deux,

Dit qu’elle a compétence, sur la base de l’article XXXI du pacte de
Bogotá, pour connaître de la requête déposée par l’Etajt plurinational de

Bolivie le 24 avril 2013.
pour: M.Abraham, président; M.Yusuf, vice‑président; MM.Owada, Tomka,
Bennouna, Cançado Trindade, Greenwood, M mesXue, Donoghue, Sebu-

tinde, MM. Bhandari, Robinson, Gevorgian,juges; M.Daudet, juge ad hoc;
contre: M. Gaja, juge ; M meArbour, juge ad hoc.

Fait en anglais et en français, le texte anglais faisant foi, au Palajis de la

Paix, à La Haye, le vingt-quatre septembre deux mille quinze, en trois
exemplaires, dont l’un restera déposé aux archives de la Cour ejt les autres
seront transmis respectivement au Gouvernement de l’Etat plurinationajl

de Bolivie et au Gouvernement de la République du Chili.

Le président,

(Signé) Ronny Abraham.

Le greffier,

(Signé) Philippe Couvreur.

M. le juge Bennouna joint une déclaration à l’arrêt ; M. le juge
Cançado Trindade joint à l’arrêt l’exposé dej son opinion individuelle ;
M. le juge Gaja joint une déclaration à l’arrê; M me la juge ad hoc Arbour

joint à l’arrêt l’exposé de son opinion dissidente.

(Paraphé) R.A.

(Paraphé) Ph.C.

23

5 CIJ1084.indb 175 18/05/16 14:13

ICJ document subtitle

Exceptions préliminaires

Document file FR
Document Long Title

Arrêt du 24 septembre 2015

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