Arrêt du 25 juillet 1974

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056-19740725-JUD-01-00-EN
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INTERNATIONAL COURT OF JUSTICE

REPORTS OF JUDGMENTS,
ADVISORY OPINIONS AND ORDERS

FISHERIES JURISDICTION CASE

(FEDERAL REPUBLIC OF GERMANY ivICELAND)

MERITS

.JUDGMENT OF 25 JULY 1974

COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

RECUEIL DES ARRÊTS,
AVIS CONSULTATIFS ET ORDONNANCES

AFFAIRE DE LA COMPÉTENCE
EN MATIÈRE DE PÊCHERIES

(RÉPUBLIQUE FÉDÉRALE D'ALLEMAGNE c. ISLANDE)

FOND

ARR~T DU 25 JUILLET 1974 Officia1cita:ion
FisheriesJurisdiction (Federal Republic of Germany v. Zeeland),
Merits, Judgment, Z.C.J. 1974, 175.

Mode officielde citation:

Compétec. Islande),fond, arrê. ecueil 1974,p. 175.d'Allemagne

Sales"""ber396 1
NOdevent: 25 JULY 1974

JUDGMENT

FISHERIES JURISDICTION CASE

(FEDERAL REPUBLIC OF GERMANY v. ICELAND)

MERITS

AFFAIRE DE LA COMPÉTENCE

EN MATIÈRE DE PÊCHERIES
(RÉPuBLIQUIE FÉDÉRALE D'ALLEMAGNE c. ISLANDE)

FOND

25 JUILLET 1974
ARRÊT COUR INTERNATIONALEDE JUSTICE

1974
25 juillet1974 25juillet
Rôle génkral
no56
AFFAIRE DE LA COMPÉTENCE

EN MATIÈRE DE PÊCHERIES

(RÉPUBLIQUE:FÉDÉRALE D'ALLEMAGNE c. ISLANDE)

FOND

Défautde comparution d'une desParties - Article 53 du Statut.
Historique du diflrend - Compétence de la Cour - Efet de la décision
antérieuresur cette compétence- Interprétation de la clause compromissoire.
Règlement islanda,Bdu 14juillet 1972 - Extension par 1'Etat riverain de sa
compétenceen matièr-edepêcheries jusqu'à50 milles à partir des lignes de base
entourant ses côtes -- Cette extension est contestée comme contraire au droit
international- Le droit de la me- Conférencesde Genèvede 1958et 1960 -

Notions de zone depêcheet de droits préférentielsd'un Etat riverain spécialement
tributaire de sesêch.eriecôtières- Lapratique des Etats - Dépendanceexcep-
tionnelle de l'Islandà l'égard des pêcheries- Besoins de conservation -Les
droitspréférentiels nejustifientpas l'abolitiondesdroits concurrents d'autres Etats
qui pratiquent la pêche- Droits historiques de la République fédéraled'Alle-
magne - Le règlement du 14juillet 1972 n'est pas opposable à la République
fédérale - Concilial'iondes droits préférentiels del'Etat riverain et des droits
d'autres Etats se livrant la pêche - Obligation de réexaminer les mesures de
conservation des ressources halieutiques- Des négociations sont nécessaires
pour arriver à une solution équitable- L'obligation de négocier découle dela

nature des droits respectifs des Parti-s Divers facteurs présentant de l'intérêt
pour les négociations- Position des Parties jusqu'à l'issue des négociations.
Demande en réparation du fait de la gêne apportéeaux navires de pêche
- Compétence de lin Cour - Conclusion présentée sous uneforme abstraite
- Nécessité desoumettre une conclusion concrète concernant l'existence et le
montant des préjudices - Impossibilité de formuler une constatation générale
de responsabilité en l'espèce.

Présents: M. LACHS,Président; MM. FORSTER G,ROS,BENGZONP ,ETREN,
ONYEAMA,DILLARD,IGNACIO-PINTO DE CASTRO,MOROZOV,
JIMENE ZE ARÉCHAGA si, Humphrey WALDOCK M, M. NAGENDRA
SINGH,RUDA,juges; M. AQUARONG E,reffier. En l'affaire de la compétence en matière de pêcheries,

entre
la République fédéraled'Allemagne,

représentéepar
M. G. Jaenicke, professeur de droit international à l'université de Franc-
fort-sur-le-Mairi,

comme agent et clonseil,
assistépar

M. D. von Schenck, chef du département juridique, ministère des Affaires
étrangères,
M. G. Mocklinghioff, ministère de l'Alimentation, de l'Agriculture et des
Forêts,
M. C. A. Fleischhauer, ministère des Affaires étrangères,
M. D. Boos, ministère de l'Alimentation, de l'Agriculture et des Forêts,
M. Kaufmann-Büihler, ministère des Affaires étrangères,

comme conseils el:conseillers,
et par
M. Arno Meyer, 1:nstitutfédéralde recherches sur la pêche,

comme conseil et expert,

la République d'Isla.nde,

ainsi composée,

rend Z'arrêt.suiva:t
1. Par lettre du 26 mai 1972 reçue au Greffe de la Cour le 5 juin 1972, le

secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères de la République fédéraled'Alle-
magne a transmis ai1Greffier une requêteintroduisant une instance contre la
République d'Islande au sujet d'un différendportant sur l'extension de la
compétence islandaise en matière de pêcheries à laquelle le Gouvernement
islandais se proposait de procéder.
2. Conformémenit à I'article 40, paragraphe 2, du Statut, la requête aété
immédiatement communiquée au Gouvernement islandais. Conformément
au paragraphe 3 LImêmearticle, les autres Etats admis à ester devant la
Cour ont été informiésde la requête.
3. Par lettre du 27juin 1972reçue au Greffe le 4juillet 1972,le ministre des
Affaires étrangèresd'Islande a fait notamment savoir àla Cour que le Gou-
vernement islandais n'était pas disposé à lui attribuer compétence et ne
désignerait pas d'agent.
4. Le 21 juillet 1972, l'agent de la République fédérale d'Allemagne a

déposéau Greffe une demande en indication de mesures conservatoires en
vertu de l'article 41 du Statut et de l'article 61 du Règlement de la Cour
adopté le 6 mai 1946. Par ordonnance du 17 aoQt 1972, la Cour a indiqué
certaines mesures conservatoires en l'affaire et, par une nouvelle ordonnance du 12juillet 1973, elle a confirméque ces mesures, sous les réservesindiquées
dans le texte, resteraient en vigueur jusqu'à ce qu'elle ait rendu son arrêt
définitifen I'affaire.
5. Par ordonnance du 18 août 1972, la Cour, considérant qu'il étaitnéces-

saire de régler en premier lieu la question de sa compétence en I'affaire, a
décidéque les premières piècesécritesporteraient sur la question de la com-
pétence de la Cour pour connaître du différendet a fixéla date d'expiration
des délais pour le dépôt du mémoire du Gouvernement de la République
fédéraled'Allemagne et du contre-mémoire du Gouvernement islandais. Le
mémoire du Gouvernement de la République fédérale aétédéposédans le
délaiprescrit et il a &técommuniqué au Gouvernement islandais; le Gouver-
nement islandais n'a pas déposéde contre-mémoire. Les Parties ayant été
dûment averties, une audience publique a été tenuele 8janvier 1973, durant
laquelle la Cour a entendu le Gouvernement de la République fédérale
d'Allemagne plaider sur la question de la compétence de la Cour; le Gouver-
nement islandais n'étaitpas représentéà l'audience.

6. Par arrêt du 2 février1973, la Cour a dit qu'elle avait compétence pour
connaître de la requêtedéposéepar la République fédérale d'Allemagneet
statuer sur le fond dii différend.
7. Par ordonnance du 15 février 1973, la Cour a fixédes délais pour le
dépôt des piècesécritessur le fond,à savoir le leraoQt 1973 pour le mémoire
du Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne etle 15janvier 1974
pour le contre-mémoire du Gouvernement islandais. Le mémoiredu Gouver-
nement de la République fédérale aétédéposé dans le délaiprescrit et il a été
communiqué au Gouvernement islandais; le Gouvernement islandais n'a
pas déposéde contre-mémoire.
8. Par lettre du G.reffieren date du 17 août 1973, l'agent de la République
fédérale d'Allemagne a été invité à soumettre à la Cour toutes observations

que le Gouvernement de la République fédéralesouhaiterait présenter sur la
question d'une éventuellejonction de la présente instance avec celle que le
Royaume-Uni a introduite contre la République d'Islande par une requête
déposéele 14avril 1!)72(rôle généraino 55);l'agent a été informéque la Cour
avait fixéau 30 septembre 1973 la date d'expiration du délaidans lequel les-
dites observations devraient êtredéposées. Par lettre du 25 septembre 1973,
l'agent de la République fédérale a présenté les observations de son gouver-
nement sur la question de l'éventuellejonction des deux affaires de la com-
pétenceen matière clepêcheries.Le Gouvernement islandais a été informéde
l'invitationà présenter desobservations sur une éventuellejonction adressée à
la République fédérale,mais il n'a fait parvenià la Cour aucun commentaire.
Le 17 janvier 1974, la Cour a décidé,par neuf voix contre cinq, de ne Pas

joindre la présente affaireà celle que le Royaume-Uni a introduite contre la
République d'Islande. La Cour s'est ainsi prononcée parce qu'elle a consi-
déréque, si les questions juridiques essentielles semblaient identiques dans
les deux affaires, il existait des divergences quaàtla position et aux conclu-
sions des deux demiandeurs et qu'une jonction aurait étécontrai. à leurs
vŒux. Elle a décidéde tenir des audiences publiques se faisant suite immédia-
tement dans les deux affaires.
9. Les Parties ayant étédament averties, des audiences publiques ont eu
lieu les 28 mars et 2 avril 1974, durant lesquelles la Cour a entendu l'agent et
conseil et un conseil et expert du Gouvernement de la République fédérale
sur le fond de I'affaire; leGouvernement islandais n'était pas représentéauxaudiences. Plusieurs membres de la Cour ont posé des questions à l'agent de
la République fédéralependant la procédure orale et les réponses ont été
données soit oralemient en audience soit par écrit. Copie des comptes rendus
d'audiences ainsi que des réponses écrites aux questions a ététransmise au
Gouvernement islaridais.

10. LaCour ne compte sur le siègeaucun juge de la nationalité de l'une ou
l'autre Partie. Toutefois, le Gouvernement islandais n'a pas manifesté I'inten-
tion de se prévaloii: du droit que lui confère l'article 31, paragraphe 3, du
Statut de la Cour et, dans la phase actuelle de la procédure, l'agent de la
République fédérale d'Allemagne a informé la Cour, dans la lettre précitée
du 25 septembre 1973, que, le Gouvernement islandais se refusant toujours à
prendre part à l'instance età se prévaloir de la faculté de désigner un juge
ad hoc pour siéger en l'affaire, leGouvernement de la République fédéralene
croyait pas devoir irisister pour désignerun juged hoc tant que cettesituation
persisterait.

11. Les Gouverniements de l'Argentine, de l'Australie, de l'Inde, de la

Nouvelle-Zélande, du Royaume-Uni et du Sénégalont demandé que les
piècesde la procédure écriteen l'affaire soient tenueàleur disposition confor-
mément à l'article 44, paragraphe 2, du Règlement de la Cour. Les Parties
ayant indiqué qu'elles ne s'y opposaient pas, il a étédécidéde fairedroità ces
demandes. En app'ication de l'article 44, paragraphe 3, du Règlement, les
pièces de la procédure écrite ont, avec l'assentiment des Parties, été rendues
accessibles au publilà dater de l'ouverture de la procédure orale.
12. Dans la procédure écrite, les conclusions ci-après ont étédéposéesau
nom du Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne:

dans la requête:

« La Républnque fédérale d'Allemagne demande qu'il plaise à ia Cour
dire et juger:

a) que l'élargissement unilatéral par l'Islande desa zone de compétence
exclusive sur les pêcheriesjusqu'à 50 milles marins àpartir des lignes
de base act~uelles,et celaà dater du le' septembre 1972 - élargisse-
ment décidépar le Parlement (Althing) et le Gouvernement islandais
et notifié par le ministre des Affaires étrangères d'Islandà la Répu-
blique fédérale d'Allemagne dans un aide-mémoire remis à son

ambassadeur à Reykjavik le 24 février 1972 - serait dépourvu de
fondement en droit international et n'est donc pas opposable à la
République:fédérale d'Allemagne et àses navires de pêche;
b) que si l'Islande, en tant qu'Etat riverain essentiellement tributaire des
pêcheriescfitières, établit que des mesures spéciales de conservation
des pêcheries sont nécessaires dans les eaux adjacentes à ses côtes
mais au-dellà de la zone exclusive de pêcheprévue dans l'échange de
notes de 1961, de telles mesures de conservation,pour autant qu'elles
portent atteinte auxpêcheriesde la République fédérale d'Allemagne,
ne peuvent êtreprises, en droit international,au moyen d'un élargis-
sement décidé unilatéralement par l'Islande de sa compétence en
matière de pêcherieset doivent l'êtreau moyen d'un accord conclu

sur le plan Ibilatéralou dans un cadre multilatéral entre la République
fédérale d'Allemagne et l'Islande.)>dans le mémoire sur le fond:
« Plaiseà la Cour dire et juger:

1. Que l'élargissementunilatéral par l'Islande de sa zone de compétence
exclusive sur les pêcheries jusqu'à0 milles marins à partir des lignes
de base actuelles, mis en vigueur par le règlement no 18911972pris par
le ministre islandais des pêcheriesle4juillet 1972, n'a aucun fonde-
ment en droit international à l'encontre de la République fédérale
d'Allemagne et n'est donc pas opposable à la République fédérale
d'Allemagne ni aux navires de pêchequi y sont immatriculés.
2. Que le règlement islandais no 18911972pris par le ministre islandais
des pêcheriesle 14 juillet 1972, et tout autre règlement qui pourrait
êtreadopté par l'Islande pour donner effetà la prétention islandaisà
une zone exclusive de pêchede 50 milles, ne doit faire l'objet d'aucune
mesure d'application prise à l'encontre de la République fédérale

d'Allemagne, des navires qui y sont immatriculés, de leur équipageet
de toute personne intéresséeà l'activitéde pêchede ces navires.
3. Que si l'Islande, en tant qu'Etat riverain spécialement tributaire de la
pêche,établit que des mesures de conservation de stocks de poisson
sont nécessairesdans les eaux adjacentes à ses côtes mais au-delà des
limites de la juridiction islandaise convenuedans l'échangede notes
du 19 juillet 1961, ces mesures de conservation, pour autant qu'elles
affectent les opérations de pêchedes navires immatriculés dans la
République fédéraled'Allemagne, ne peuvent êtreprises au moyen
d'un é1argisi;ementdécidéunilatéralement par l'Islande de sa com-
pétence en matière de pêcheries maisdoivent l'êtreau moyen d'un
accord conclu entre les Parties, sur le plan bilatéral ou dans un cadre

multilatéral en tenantdament compte de la dépendance spéciale de
l'IslandeàI'tSgardde la pêcheet de l'activitéde pêchetraditionnelle de
la République fédéraled'Allemagnedans les eaux dont il s'agit.
4. Que les actes des garde-côtes islandais visantà gêner,par la menace
ou l'emploi(lela force, les navires de pêcheimmatriculésdans la Répu-
blique fédéraled'Allemagne ou à entraver leurs opérations de pêche
sont contraires au droit international et que l'Islande doità ce titre
réparation à la République fédéraled'Allemagne. ))

13. A l'audience du 28 mars 1974, l'agent de la République fédérale
d'Allemagne a donné lecture des conclusions finales de son gouvernement en
l'affaire; ces concliisions étaient identiquesà celles qui figuraient dans le
mémoire et sont reproduites ci-dessus.
14. Aucune pièceécriten'a étédéposéepar le Gouvernement islandais, qui
n'était pasnon plus représenté à la procédure orale, et aucune conclusion n'a
donc étéprise en son nom. Toutefois l'attitude du Gouvernement islandais a
étédéfiniedans la lettre précitéedu ministre des Affaires étrangèresd'Islande
en date du 27 juin 1972, à savoir que le 5 juin 1972 (date du dépôt de la
requête) laCour ne pouvait trouver dans son Statut aucun fondement pour
l'exercice de sa compétence en l'affaire et que le Gouvernement islandais

n'était pas disposé àlui attribuer compétence. Après que, par son arrêtdu
2 février1973, la Cour se fut déclaréecompétente pour statuer sur le fond du
différend, le ministre des Affaires étrangèresd'Islande lui a fait savoir ce qui
suit par lettre du 11janvier 1974:
« Au sujet dii délaifixépar la Cour pour le dépôtde contre-mémoires
par le Gouverriement islandais, j'ai l'honneur de porteràvotre connais-

8 sance que la position du Gouvernement islandais en ce qui concerne les
instancesrestei.nchangéeet que, par conséquent, aucun contre-mémoire
ne sera déposé.Pour autant, le Gouvernement islandais n'accepte ni
n'admet aucun des faits énoncés,ni aucune des allégations outhèses
juridiques prése:ntéesans les mémoiresqu'ont déposésles Parties in-
téressées.)

15. L'Islande n'a.pris parà aucune phase de la présente instance. Par
sa lettre précitéedu 27juin 1972, le Gouvernement islandais a informé la

Cour qu'il considérait l'échangede notes intervenu entre lui-mêmeet le
Gouvernement de la République fédéraled'Allemagne le 19juillet 1961
comme caduc; qu'à1son avis la Cour ne pouvait trouver dans son Statut
aucun fondement pour l'exercicede sa compétenceen l'affaire; que, con-
sidérant que les intérêtsvitaux du peuple islandais étaient en jeu, il
n'étaitpas disposé à attribuerà la Cour compétencedans une affaire qui
concernerait l'éten,duedes pêcheriesislandaises; et qu'il ne serait pas
désignéd'agent pour représenter le Gouvernement islandais. Ultérieure-
ment, le Gouverneinent islandais ne s'est pas présentédevant la Cour à
l'audience publique du 2 août 1972consacrée à la demande en indication
de mesures conservatoires introduite par la République fédéraled'Alle-
magne; il n'a pas n~onplus déposé depièces écrites,ni comparu devant la
Cour durant la pr'océdurepostérieure concernant la compétence de la

Cour pour connaître du différend. Malgré l'arrêd tu 2 février 1973par
lequel la Cour se diSclaraitcompétentepour connaître de la requêtedela
République fédéraled'Allemagne et statuer sur le fond du différend,le
Gouvernement islandais n'a pas changé d'attitude quant à la suite de
l'instance. Dans sa lettre du 11janvier 1974il a informéla Cour qu'il ne
déposerait pas de contre-mémoire. 11n'a pas en effet soumis de pièce
écriteet n'a pas comparu devant la Cour aux audiences publiques consa-
créesau fond du différend.Dans une lettre du 14juillet 1972,l'agent de
la République fédérale,rappelant la lettre précitéedu ministre des
Affaires étrangères d'Islandeen date du 27juin 1972,a déclaréque:

<le Gouvernernent de la République fédérale d'Allemagne seprévaut
pour sa partdiadroit que lui confèreI'article 53du Statutde la Cour
de demander à celle-ci de bien vouloir poursuivre l'examen de
I'affaireet lui adjuger ses conclusions le moment ven».

Lors des audiences sur le fond, l'agent de la République fédérale aattiré
l'attention sur le fait qu'aucun représentant du défendeur ne se trouvait
devant la Cour; il a présentéen terminant les conclusions finales de la
République fédéraled'Allemagne sur le fond du différend, afinque la
Cour se prononce.
16. La Cour est donc dans la situation envisagée à l'article 53, para-
graphe 1, de son Statut, qui dispose: ((Lorsqu'une des parties ne se pré-
sente pas, ou s'abijtient de faire valoir ses moyens, l'autre partie peutdemander à la Coiir de lui adjuger ses conclusions. ))Le paragraphe 2 de
cet article ajoute toutefois: ((La Cour, avant d'y faire droit, doit s'assurer
non seulement qu'elle a compétence aux termes des articles 36 et 37, mais
que les conclusions sont fondéesen fait et en droit. ))

17. La rés ente affaire est axéeessentiellement sur des auestions de
droit international et, sauf sur un point particulier qui sera traité plus
loin à part (paragraphes 71 à 76), les faits que la Cour doit examiner
pour statuer sur les conclusions du demandeur ou bien ne sont pas

controversésou bien sont attestéspar des documents. Ceux-ci émanent en
partie du Gouverriement islandais, n'ont fait l'objet d'aucune contesta-
tion particulière et leur exactitude ne semble pas devoir soulever de
doutes. Certes le Gouvernement islandais a déclarédans sa lettre précitée
du 11janvier 1974qu'il ((n'accepte ni n'admet aucun des faitsénoncésn , i

aucune des allégatiionsou thèsesjuridiques présentéesdans les mémoires
qu'ont déposésles Parties intéressées 1)(les italiques sont de la Cour).
Mais cette déclaration de non-acceptation et de non-acquiescement,
formulée en termes généraux,ne saurait suffire à remettre en question des
faits qui semblent corroborés par des documents et ne saurait modifier

ni la position de la partie demanderesse ni celle de la Cour, qui reste tenue
d'appliquer les dispositions de l'articl53 du Statut.
18. 11est regrettable que le Gouvernement islandais ne se soit pas
présentépour exposer ses objections ou formuler ses observations au sujet
des arguments et des thèses juridiques du demandeur. La Cour, en tant

qu'organe judiciaire international, n'en est pas moins censéeconstater le
droit international et, dans une affaire relevant de l'article 53 du Statut
comme dans toute autre, est donc tenue de prendre en considération de sa
propre initiative toutes les règles de droit international qui seraient per-
tinentes pour le règlement du différend.La Cour ayant pour fonction de
déterminer et d'appliquer le droit dans lescirconstances de chaque espèce,

la charge d'établir ou de prouver les règlesde droit international ne saurait
êtreimposéeà l'une ou ?autre ~artie,Car le droit ressortit au domaine de
la connaissance judiciaire de la Cour. Pour préciser le droit applicable à
la présente affaire, la Cour a examiné non seulement les arguments
juridiques développés par le demandeur mais aussi ceux qui étaient

exposésdans les diverses communications à elle adressées par le Gouver-
nement islandais e:t dans des documents qui lui ont étéprésentés. La
Cour a donc tenu compte de la position juridique de chacune des Parties.
Elle a été aidée en. outre par les réponses que le demandeur a données,
oralement et par écrit, aux questions poséespar des membres de la Cour

pendant la procédlure orale. 11convient de souligner qu'en appliquant
l'article 53 du Statut en l'espèce la Cour a fait preuve d'une particulière
circonspection et di'uneattention toute spéciale,étant donné l'absence de
1'Etat défendeur.
19. En conséqu~-nce,aux fins de l'article 53 du Statut et sous réserve

des questions mentionnées aux paragraphes 71 à 76 ci-après, la Cour se
considère en possession des élémentsdont elle a besoin pour dire si lesconclusions du demandeur sont bien fondéesen fait et en droit, et c'est ce
qu'elle doit faire maintenant. Cependant, avant de poursuivre, elle croit
devoir rappeler brikvement l'historique du présentdifférend.

20. En 1948 I'Althing (Parlement islandais) a adopté une loi intitulée
«Loi concernant la conservation scientifique des pêcheries du plateau
continental)), où figuraient notamment les dispositions suivantes:

((Articlepremier
Le ministère:des Pêcheriesétablira par voie de règlement, dans les

limites du phteau continental islandais, des zones de conservation
définiesdans lesquelles les pêcheriesseront intégralement réglemen-
tées et contrôlées par l'Islande; étant entendu, toutefois, que les
mesures de cotiservation actuellement en vigueur ne seront en aucune
façon réduites. Le ministère prendra en outre les règlements néces-
saires afin de protéger les lieux de pêcheàl'intérieurdesdites zones ...

Article 2

Les règlements pris en vertu de l'article premier de la présente loi
ne seront mis (enapplication que dans la mesure compatible avec les
accords avec dl'autres pays auxquels l'Islande est ou pourrait devenir
partie.))

21. Le Gouvern'ement islandais a expliquéla loi de 1948dans l'exposé
des motifs qui accompagnait le projet de loi soumis à I'Althing, disant

notamment:
((On sait que l'économiede l'Islande repose presque uniquement
sur la pêcheail voisinage de ses côtes. C'est la raison pour laquelle le

peuple islandais s'est vivement inquiété de l'appauvrissement pro-
gressif des lieux de pêche.Autrefois, lorsque les engins de pêche
étaient beaucciup moins perfectionnés qu'aujourd'hui, la question se
posait sous uri jour différent et le droit de réserver à l'Islande I'ex-
clusivité de la pêcheau voisinage de ses côtes s'exerçait beaucoup
plus loin que ne l'admet la pratique généralementadoptée depuis

1900. 11semble cependant évidentqu'il faudrait accroître les mesures
de protection des pêcheries enfonction de l'efficacitégrandissante
des engins de pêche.
........................... . ..
Pour ce qui est de la compétence des Etats sur les lieux de pêche,
deux méthodes ont étéadoptées. Certains Etats ont procédéà la

détermination des limites de leurs eaux territoriales, en particulier
du point de vue de la pêche.D'autres, en revanche, ont laisséouverte
11 la question des eaux territoriales, se contentant d'affirmer leur droit
exclusif sur les pêcheriessans se référerà la mer territoriale. De ces
deux méthodes, c'est la seconde qui semble la plus naturelle, compte
tenu du fait que certaines considérations découlant de la notion
d'cceauxterritoriales))n'ont aucun rapport avec la question d'un
droit de pêche exclusifet qu'il y a donc des inconvénients sérieux à

examiner ensemble les deux questions. ))

22. L'Islande n'avait encorepris aucune mesure pour mettre enapplica-
tionla loi de 1948a.u-delàde sa zone de compétencede 3millesen matière
de pêchelorsque la Cour a rendu, en 1951, son arrêt dans l'affaire des
Pêcheriesentre le Royaume-Uni et la Norvège, ou elle reconnaissait la
validitédu système:des lignes de base droites que la Norvège appliquait
au large de ses ciites (C.Z.J. Recueil 1951, p. 116). Le 19 mars 1952
1'Islande a promulgué un règlement qui prévoyait une zone de pêche
dont la limite extérieureétaitconstituéepar une ligne tracée à 4 milles au

large des lignes de lbasedroitesjoignant les points extrêmesdes côtes, îles
et rochers, et les points situés à l'ouverture des baies, avec pour effet
d'interdire toute piScheaux navires étrangersdans cette zone. La Répu-
blique fédérale d',4llemagne n'a élevéaucune protestation contre ce
règlement qui.a priiseffet le 15mai 1952.
23. En 1958, à la suite de l'examen du rapport de la Commission du
droit international sur le droit de la mer par l'Assemblée générald ees
Nations Unies, la première Conférence desNations Unies sur le droit de
la mer a étéconvocluée à Genève.Cette conférencen'estcependant parve-
nue à un accord ni sur la limite de la mer territoriale ni sur la zone de
pêche exclusive; elle a adoptéune résolution priant l'Assemblée générale

d'étudier l'opportunité de convoquer une deuxième Conférence sur le
droit de la mer spécialement chargée d'examinerces questions. A la suite
de la conférence de1958,l'Islande a annoncéle I" juin 1958son intention
de réserver exclusivementaux pêcheurs islandaisle droit de pêcherdans
une zone s'étendant jusqu'à 12milles des lignes de base et d'élargir aussi
la zone de pêche en modifiant ces lignes de base, puis a promulgué le 30
juin 1958un nouveau Règlement relatif aux limites de pêcheau large de
l'Islande1).L'article premier portait la nouvelle limite de pêcheau large de
l'Islandeà 12milleisàpartir de nouvelles lignes de base définiesdans ledit
article et l'article 2 interdisait toute pêche aux naviresétrangers l'inté-
rieur de cette nouvelle limite. L'article 7 déclarait expressément que le
règlement étaitpromulgué conformément à la loi de 1948concernant la

conservation scientifiquedes pêcheriesdu plateau continental.
24. La Républicluefédérale d'Allemagne n'a pasreconnu la validité
de ce nouveau règlementet a fait connaître sa position au Gouvernement
islandais dans une note verbale du 9 juin 1958. Elle a toutefois recom-
mandé à l'Association allemande des propriétaires de chalutiers de s'abs-
tenir de pêcher daiîs la zone de 12milles afind'évitertout incident sur les
terrains de pêche; cette recommandation a étéeffectivementsuivie par lesnavires de la Républiquefédérale.Diverses tentatives ont étéfaites pour
régler le différendpar voie de négociation, mais le litige est néanmoins
restésans solution. Le 5mai 1959 1'Althinga adoptéune résolutionen la
matière, où il étaittSitnotamment:

ctl'Althing proclame qu'il considère que l'Islande a incontestable-
ment le droit de fixer les limites des pêcheriesà une distance de 12
milles, que lea'roitde l'Islandesurtoute lazoneduplateau continental

doit êtrereconnu conformément à la politique consacrépear la loide
1948 concernantla conservationscientiJiquedes pêcheriesdu plateau
continental,et qu'il n'estpas question de fixer leslimites des pêcheries
à une distance de moins de 12milles des lignesde base tracéesautour
de l'Islande))(les italiques sont de la Cour).

La résolutionsouligne donc que la limite des 12milles fixéepar le règle-
ment de 1958n'était qu'un nouveau pasde la part de l'Islande vers son
objectif qui était d'ttendre sa zone de pêche à l'ensemble de son plateau
continental.

25. La mêmeannée,la République fédéraled'Allemagne et l'Islande
ont entamé une sériede négociations en vue de résoudre leur différend
relatif au règlementde 1958.Ces négociationsavaient étéprécédéed s'une
note du Gouvernement islandais du 5 août 1959 dans laquelle, après
avoir exposéde fac;on assez détaillée laposition qu'il avait prise à la
Conférencede 1958sur le droit de la mer, il déclaraitqu'il ((apprécierait
beaucoup que le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne
veuille bien considérerla situation spécialeet les vŒuxde l'Islande ». Le
Gouvernement islandais ajoutait: (Lorsqu'une nation dépend essentielle-
ment de la pêche, ildevrait être licitede prendre des mesures spécialeset
de déciderun nouvel élargissementde la zone de pêchepour satisfaire les

besoins de cette nation.))11rappelait enfin la résolutionque la conférence
de 1958avait adoptée sur les situations spécialestouchant les pêcheries
côtières. Dans sa réponse du 7 octobre 1959, le Gouvernement de la
République fédérale a souligné qu'ilétaitprêt à reconnaître que l'Islande
était spécialement tributaire de ses pêcheries,mais qu'il ne pouvait
admettre que 1'Etatriverain avait le droit d'inclure unilatéralement dans
sa zone de pêche des eaux adjacentes. Le Gouvernement de la Répu-
blique fédéralefaisait observer que la résolution de 1958ne pouvait jus-
tifier les mesures prises unilatéralement par l'Islande, car elle disposait
simplement que des mesures devaient être élaborées d'uncommun
accord et précisaitformellement que l'on devait tenir compte des intérêts

des autres Etats. CE:Snégociationsont étéinterrompues en 1960pendant
la deuxièmeConférencedes Nations Unies sur le droit de la mer et n'ont
pas repris par la suite. Le 13 mars 1961 le Gouvernement islandais a
notifié à la République fédérale d'Allemagnequ'il avait conclu avec le
Royaume-Uni un échange de notes qui réglaitle différendl'opposant à ce
pays en ce qui concc:rnela limite de pêchede 12milleset leslignes de base
revendiquées par 1"Islande dans son règlement de 1958. De nouvellesnégociationsse sont ouvertes alorset le 19juillet 1961un accord en forme
d'échange denotes a été concluafin de résoudrele différend.
26. Les dispositions de fond de l'accord, énoncéesdans la note prin-
cipale adressée par le Gouvernement islandais au Gouvernement de la

République fédérale,sont les suivantes:
1) La République fédérale n'élèvera plu ds'objection contre la zone de
pêche s'étendantautour de l'Islande sur une largeur de 12 milles à
partir de certaines lignesde base qui ne sont acceptéesqu'auxfins de la
délimitation de cette zone.

2) A cette fin la République fédérale accepteles lignes de base définies
dans le règlementde 1958sous réservedequatre modifications.
3) Pendant une période venant à expiration le 10mars 1964,l'Islande ne
s'opposera pas ilce que des navires de la République fédérale pêchent
dans certains secteurs déterminéset pendant certains mois spécifiéde
l'année.
4) En revanche, pendant cette mêmepériode,lesnavires de la République
fédéralene pêcherontpas dans sept secteurs déterminésde la moitié
extérieure (d'une largeur de 6milles)de la zone de 12milles.
5) L'Islande ((continuera de s'employer à mettre en Œuvre larésolution
de I'Althing en date du 5 mai 1959 relative à l'élargissementde la

juridiction sur les pêcheriesautour de l'Islande mais notifiera six
mois à l'avance:au Gouvernement de la République fédéraletoute
mesure en ce sens; au cas ou surgirait un différend en lamatière, la
question sera pcirjéeà la demande de l'une ou l'autre partie, devant la
Cour internationale de Justice)).

Dans la note envoyée en réponse à l'Islande, la République fédérale
d'Allemagne souligne que, ((eu égard à l'importance particulière que
présente la pêchecôtière pour l'économie islandaise n, elle adonne son
agrément aux dispositions contenues dans la note [islandaise] et accepte
que ladite note etI;aprésente réponseconstituent entre nos deux gouver-
nements un accord qui entrera en vigueur immédiatement », étantentendu
que ((l'accord ne porte pas atteinte aux droits qui lui appartiennent à
l'égardd'Etats tiers en vertu du droit internatio».l
27. Le 14juillet 1971le Gouvernement islandais a publié une déclara-
tion de politique généraleoù ilétaitdit notamment:

((Que les accords sur la compétenceen matière de pêcheriescon-
clus avec le Royaume-Uni et la République fédéraled'Allemagne
prendront fin et qu'une résolutionprenant effet lerseptembre 1972

au plus tard sera adoptée sur le report des limites de la zone de
pêche à une distance de 50 milles marins à partir des lignes de
base.»

Le Gouvernement de la République fédéralea réagien rappelant au
Gouvernement islandais, lors d'entretiens qui ont eu lieu Bonn en août
1971, les dispositions de l'échangede notes de 1961,et en faisant valoir

14que lazone de pêcheislandaisene pouvaitpasêtreélargieunilatéralement,
que l'échangede notes ne saurait être dénoncéou révoqué unilatéralement

et que le Gouvernement de la République fédérale severrait dansI'obliga-
tion de réserver lesidroits qui découlaient pour lui de cet instrument.
Aucun accord n'a étéréaliséau cours de ces entretiens et, dans un aide-
mémoiredu 31août 1971,l'Islande a déclaréqu'à son avis la disposition
sur le recours au règlementjudiciaire avait entièrement atteint son but et
son objet et qu'elle considérait maintenant comme essentiel d'étendre
sa zone de compétence exclusive sur les pêcheriesautour de ses côtes
de manière à inclure les espaces maritimes situés au-dessus du plateau
continental. L'Islande a ajouté que la nouvelle délimitation, dont le tracé
exact serait préciséà une date ultérieure,entrerait en vigueur le 1" sep-
tembre 1972 au plus tard et elle s'est déclarée disposéeà poursuivre les
conversations ((afin d'aboutià une solution pratique des problèmes en
cause n.
28. Dans sa réponse en date du 27 septembre 1971, la République

fédérale aréaffirméque «le droit international n'admet pas qu'un Etat
riverain s'arroge unilatéralement un pouvoir souverain sur les eaux de la
haute mer n.Elle a contesté l'affirmation de i'klande selon laquelle la
disposition sur le recours au règlementjudiciaire des différendsrelatifs
l'élargissementde lajuridiction sur les pêcheriesavait entièrement atteint
son but et son objet et elle a une fois de plus réservétous les droits qui
découlaient pour elle de cette disposition. En même lemps, elle s'est
déclarée prête à entamer de nouveaux entretiens exploratoires sans
préjudice de sa position juridique. En novembre 1971 la Ripublique
fédéraleet l'Islande ont eu des conversations au cours desquelles la
République fédérale a déclarq éu'elle comprenait les préoccupations du
Gouvernement islandais au sujet du dommage qui pourrait être causé
aux stocks de poisscindans la zone en question si la pêchedemeurait non

réglementéeet a proposé en conséquence des mesures pratiques pour
répondre au souci cle l'Islande. Dans sa proposition, la délégation dela
Républiquefédéraleexprimait la conviction que, compte tenu de la situa-
tion spécialede l'Islandeà l'égardde ses pêcheries,il devait être possible
de parvenir, dans le cadre de la Commission des pêcheriesde l'Atlan-
tique du nord-est,à un arrangement aux termes duquel toutes les nations
pratiquant la pêcheautour de l'Islande limiteraient leurs prises. La Ré-
publique fédérale aen outre offert de limiter les prises totales d'espèces
démersalespar des navires de la République fédérale à la moyenne des
quantités capturéespar eux pendant les années1960 à 1969,en attendant
l'élaboration d'un arrangement multilatéral dans le cadre de la Commis-
sion des pêcheries de l'Atlantique du nord-est. Ces propositions n'ont
donnéaucun résultatet les négociationsqui se sont dérouléesen février
1972n'ont pas non plus permis de résoudreledifférend.

29. Le 15février1972 I'Althing a adoptéune résolution où ia rappelé
la politique fondamentale du peuple islandais selon laquelle le plateau
continental de l'Islande et les eaux surjacentes étaient sous la juridiction
de l'Islande.1.1réaffirmaitque les dispositions de l'échangede notes de 1961n'étaientplus obligatoires pour l'Islande et stipulait notamment ce
qui suit:
((1. Les limites des pêcheriesseront reportéesà 50 milles des lignes
de base au.tour du pays, et prendront effet llcrseptembre 1972
au plus tard.

.............................
3. Les efforts tendantà résoudreles problèmes soulevéspar i'élar-
gissement seront poursuivis, lors d'entretiens avec les Gouver-
nements du Royaume-Uni et de la République fédérale d'Alle-
magne.
4. La surveilllanceeffective des stocks de poisson de la zone islan-
daise continuera d'être assurée avec le concours de spécialistes
de la biologie marine et lesmesures nécessairesseront prises pour
protéger leisstocks et certaines zones particulières de manièreà
prévenirdes prises excessives...))

Dans un aide-mémoiredu 24 février1972,le ministre des Affaires étran-
gèresd'Islande a notifié officiellementà l'ambassadeur de la République
fédérale à Reykjavik l'intention de son gouvernement de donner effet à
cette résolution.
30. Le 4 mars 1972 l'ambassadeur de la République fédérale afait
connaître au Premier ministre d'Islande la décisionde son gouvernement
de porter l'affairedevant la Cour.Dans un aide-mémoiredu 14 mars 1972,

la République fédérale apris note de la décisionde l'Islande d'adopter
une nouvelle réglemcentation,réaffirmé qu'à sonavis ((l'élargissementuni-
latéral dela zone de pêchede l'Islande jusqu'à 50 milles est incompatible
avec les règles généralesdu droit international1)et dit que ((l'échangede
notes de 1961reste en vigueur et ne peut être dénoncé unilatéralement D.
De plus, la République fédérale afait savoir officiellement qu'elle sou-
mettrait le différend à la Cour en application de l'échangede notes; le
Gouvernement de la République fédéraledéclaraitqu'il étaitcependant
disposé à poursuivre des discussions avec l'Islande pour ((convenir
d'arrangements pratiques satisfaisants, au moins pour la durée de la
procédure devant la Cour internationale de Justice)). Le 5 juin 1972 la

République fédéraled :'Allemagne a déposéau Greffe la requêteportant
la présente affaire devant la Cour.
31. Dans l'espoir d'aboutir àdes arrangementspratiquesinstaurant un
régimeprovisoire ta.nt que le différend neserait pas réglé, desreprésen-
tants des deux pays (ontentamépeu aprèsune sériede négociationsqui se
sont poursuivies en mai,juin et juillet 1972et au cours desquelles ont été
discutéesdifférentespropositions concernant la limitation des prises, la
limitation de l'effort de pêche,les restrictions selon les zones ou les
saisons qui s'imposeraient aux navires de la République fédérale.A la
réunion du 15mai, le représentant dela République fédérale aexposé la
manière dont son gouvernement concevait un arrangement provisoire
fondé sur une limitation des prises annuelles des navires de pêche alle-

mands à la moyenne des années 1960 à 1969.Le 2juin 1972,le ministredes Affaires étrangères d'Islande a présenté decsontrepropositions tou-
chant un accord provisoire. Selon le demandeur, il a déclaréen les
soumettant:

«Les propositions britanniques et allemandes de limitation des
prises et de fermeture de certains secteurs à tous les chalutiers
(islandais et étrangers) ne sont certes pas dépourvues d'utilité mais
elles netienneint pas suffisamment compte du principe fondamental
d'un traitement préférentiel,car si vous continuezpêcherjusqu'à la
limitedes 12milles en prenantà peu prèsautant de poisson que vous
l'avez fait dans le passé,vous ne reconnaissez pas notre situation

préférentielle. Cespropositions auraient plutôtpour effet de main-
tenir lestatuquo ...Ce à quoi nous songeons, c'est à une réduction
tangible, visible, de votre activitéde pêchedans leseaux islandaises.))
Ainsi, alors mêmeque l'Islande invoquait des droits préférentielset que le
demandeur était disposé àles lui reconnaître, des divergences fondamen-
tales subsistaient sur l'étendueet la portéede ces droits ainsi que sur les
méthodes demise en Œuvreet d'application. 11ne fait guèrededoute que

ces divergences constituaient certains des ((problèmessoulevéspar l'élar-
gissement )>quelar6:solutionde 1'Althingdu 15février 1972 avait chargé
le Gouvernement islandais de s'efforcer de résoudre. Le 14 juillet ces
négociations n'avaient pas encore permis d'aboutir à un accord sur un
régimeprovisoire ei:,à cette date, un nouveau règlementa étépromulgué
qui portait à 50 milles les limites de pêchede l'Islande à compter du
1" septembre 1972 et, dans son article 2, interdisait toute pêche aux
navires étrangersà l'intérieurde ces limites. En conséquence,le 21juillet
1972,la Républiqur:fédérale a déposé au Greffe une demande en indica-
tion de mesures coriservatoires.
32. Le 17août 1972la Cour a rendu une ordonnance en indication de
mesures conservatoires où elle indiquait notamment qu'en attendant
l'arrêtdéfinitif en l'affaire'Islande devait s'abstenir de toute mesure
visant àappliquer le règlementdu 14juillet 1972aux navires immatriculés

dans la République:fédéraleet pêchant au-delà dela zone de pêchede
12milles et que laFképubliquefédérale devait limiterà 119000 tonnes les
prises annuelles de ses navires dans la zone maritime islandaise. Le fait
que la République fédérale s'est conforméeaux mesures visant la limita-
tion des prises indiquéesdans l'ordonnance de la Cour n'a éténi mis en
doute nicontesté. En revanche, l'Islande, contrairement aux mesures in-
diquéespar la Cou.r, a commencé à appliquer le nouveau règlement à
l'encontre des navires de la République fédéralepeu après le lerseptem-
bre 1972,date à laqluellece règlement estentré en vigueur. Des négocia-
tions en vue d'aboutir à un arrangement provisoire ont cependant repris
entre les deux pays et se sont poursuivies par intermittence en 1972 et
1973,mais aucun accord n'est intervenu.
33. Dans son arri3tdu 2 février1973,la Cour s'estdéclarée compétente
pour connaître de la1requêteet statuer sur le fond du différend.Toutefois,
mêmeaprès que la Cour eut rendu cet arrêt,l'Islande a poursuivi sesefforts en vue d'appliquer la limite des 50 milleà l'encontre des navires
de la République fédéraleet, ainsi qu'il ressort de la lettre précitéedu

Il janvier 1974 adressée à la Cour par le ministre des Affaires étran-
gères d'Islande, elle a continué de nier la compétence de la Cour pour
connaître du différend.

34. La question iiétéposéede savoir si la Cour a compétencepour se
prononcer sur certaines matières qui lui sont soumises en vertu du
paragraphe 3 des c~onclusionsfinales du demandeur (paragraphes 12-13
ci-dessus) concernant l'adoption de mesures de conservation au moyen
d'un accord conclu entre lesParties, sur le plan bilatéralou dans le cadre
multilatéral, en tenant dûment compte de la dépendance spéciale de

l'Islandeà l'égardde la pêcheet de l'activitéde pêchetraditionnelle de la
Républiquefédérale d'Allemagnedans leseaux dont il s'agit.
35. Dans son arrt3tdu 2 février1973par lequel elle s'est prononcée sur
sa juridiction en l'espèce, la Cour a dit ccqu'elle a compétence pour
connaître de la requêtedéposéepar le Gouvernement de la République
fédérale d'Allemagrie le 5juin 1972et statuer sur le fond du différend»
(C.I.J. Recueil 1973,p. 66, par. 46). La requêteen question énonçaitune
conclusion b) (paragraphe 12 ci-dessus) qui soulevait le problème des
mesures de conserviition. Ces problèmes, qui avaient été antérieurement
discutésparmi d'autres au cours des négociationsentre les Parties (para-
graphes 27 à 31 ci-dessus), ont étéaussi longuement traités dans les
écritureset les plaidoiries sur le fond.

36. L'ordonnance sur les mesures conservatoires (Compétence en
matière depêcheries (Républiquefédérale d'Allemagne c.Islande), mesures
conservatoires, ordonnancedu 17 août 197.2,C.I.J. Recueil 1972,p. 30)
impliquait que l'affaire dont la Cour étaitsaisie comportait des questions
relatives à la conservation des pêcheries etaux droits préférentielsde
pêche puisqu'en fixant une limite aux prisesde poisson du demandeur
elle déclaraitque cei.temesure étaitfondéesur ((l'importance particulière
que présente la pêchecôtière pour l'économie islandaise)) et sur la
((nécessitédela coinservation des stocks de poisson dans la région de
l'Islande))(ibid.,p. 34, par. 24 et 25).
37. Dans son arrtlt du 2 février1973qui statuait sur sa compétenceen

l'affaireet aprèsavoir tenu compte des assertions précitéesdu demandeur
concernant la conservation des pêcherieset les droits préférentiels,la
Cour a rappelé ((lelàit que l'Islande est exceptionnellement tributaire de
ses pêcherieset le principe de la conservation des stocks de poisson))
(C.I.J. Recueil 1973, p. 65, par. 42). Cette constatation judiciaire de ce
que les Parties ont %reconnu la dépendance exceptionnelle de l'Islande à
l'égardde ses pêcherieset la nécessitéde la conservation des stocks de
poisson dans la région implique nettement que des questions de cet ordre
sont soumises à 1'ex;nmende la Cour. 38. L'ordonnance de la Cour du 12 juillet 1973 sur le maintien en
vigueur des mesures conservatoires se référait aussiaux chiffres prévoyant
des limitations de prise ainsi qu'à la question ades restrictions connexes
concernant les zones interdites à la pêche,le nombre et le type de navires

autorisés et les moclalitésde contrôle des dispositions convenues )(C.I.J.
Recueil 1973, p. 3 14.,par. 7). La Cour a donc considéré queces problèmes
relevaient de sa compétence. Comme elle l'a dit dans son ordonnance du
17 août 1972, un lien doit exister ((en vertu de l'article 61, paragraphe 1,
du Règlement, entre une demande en indication de mesures conserva-

toires et la requête]initiale))(C.I.J. Recueil 1972, p. 33, par. 12).
39. La clause compromissoire de l'échange de notes de 1961 donne
comvétence à la Cour en ce aui concerne un ((différend » relatif à ccl'élar-
gissement de la juridiction sur les pêcheriesautour de l'Islande». Le
présent différend rksulte de l'élargissement unilatéral par l'Islande de sa
juridiction sur les pêcheries. Maisce serait interpréter la clause compro-

missoire trop étroitement que d'en conclure que la Cour n'a compétence
que pour répondre par oui ou par non à la question de savoir siI'élar-
gissement de la juridiction sur les pêcheries, telle qu'ellea étémise en
Œuvre par l'Islande le 14juillet 1972,est conforme au droit international.
Si l'on considère leiséchangeset les négociations qui ont eu lieu entre les
Parties en 1959 et en 1960 (paragraphe 25 ci-dessus) et en 1971-1972

(paragraphes 28 à 31 ci-dessus), et pendant lesquels la question des
mesures de conservation en matière de pêcheriesdans la région et la
question des droits de pêchepréférentielsde l'Islande ont étésoulevées
et discutées, si l'on considère aussi la procédure qui s'est déroulée devant
la Cour, il semble évident que le différend entre les Parties englobe des
désaccords quant à l'étendueet à la portée de leurs droits respectifs sur

les ressources halieutiques et quant aux mesures propres à conserver ces
ressources. On doit donc conclure que ces désaccords sont des éléments
du ((différend ))relatif àcl'élargissement delajuridiction sur les pêcheries
autour de l'Islande )).
40. En outre, le différendportédevant la Cour doit être considéré sous

tous ses aspects. Même sil'on estimait que la compétence de la Cour est
limitée à la questiori de la conformité de l'élargissementopérépar l'Islande
avec les règles du droit international, la Cour n'en devrait pas moins
déterminer dans ce contexte le rôle et la fonction que ces règlesréservent
à la notion de droits préférentiels età celle de conservation des stocks de
poisson. Ainsi doric, quelle que soit la conclusion à laquelle la Cour

parvienne en ce qui concerne les droits préférentielset les mesures de
conservation, elle est tenue d'examiner ces questions par rapport à la
présente affaire. En conséquence, non seulement on ne saurait tirer
argument des termes de la clause compromissoire à l'appui de la restric-
tion suggéréequant à la compétence de la Cour, mais encore une telle
restriction empiéterait indûment sur le pouvoir qu'a la Cour de prendre

en considération tous les élémentspertinents quand elle rend la justice
entre les Parties.
* * 41. Ledemandeur a attaquéle règlementpromulguépar le Gouverne-
ment islandais le 14.juillet 1972et, dès lors que la Cour doit se prononcer
à ce sujet, il devient nécessairede déterminer le droit applicable. Comme
la Cour l'a dit dans l'affaire descheries:

((La délimi1:ationdes espaces maritimes a toujours un aspect
international; elle ne saurait dépendre de la seule volonté de1'Etat
riverain telle qu'elle s'exprime dans son droit interne. S'il est vrai
que l'acte ded~tlimitationest nécessairementun acte unilatéral, parce
que 1'Etat rivexain a sen1qualité pour y procéder, en revanche la
validité de la délimitationà l'égard desEtats tiers relèvedu droit
international.))(C.Z.J. Recueil1951,p. 132.)

La Cour va donc définirles règlesactuelles du droit international qui
sont pertinentes pour le règlementdu présent différend.
42. La Convention de Genève de 1958 sur la haute mer, dont les
dispositions ont étéa:doptéescomme étant ((pour l'essentieldéclaratoires
de principes établisdu droit international D,définità l'article premier la
((haute mer» comme ((toutes les parties de la mer n'appartenant pas à
la mer territoriale ou aux eaux intérieures d'un EtatD. L'article 2 stipule
ensuite que ((la haute mer étantouverte à toutes les nations, aucun Etat
ne peut légitimementprétendreen soumettre une partie quelconque à sa

souveraineté)), pui:sil préciseque la liberté dela haute mer comprend
notamment, pour llesEtats riverains ou non de la mer, la liberté de la
navigation et la liberté dela pêche.Il est toutefois spécique les libertés
de la haute mer ((sont exercéespar tous les Etats en tenant raisonnable-
ment compte de l'intérêq tue la libertéde la haute mer présentepour les
autres Etats ».
43. L'étenduede:la mer territoriale n'a pas étédéfiniedans la Conven-
tion de 1958 sur la mer territoriale et la zone contiguë. Il est vrai que
l'article4'de la convention limite cette zone à 12 milles ((à partir de la
ligne de base qui sert de point de départ pour mesurer la largeur de la
mer territoriale».A la conférencede 1958,les principales divergences sur
la largeur de la mer territoriale se bornaient l'époque à des désaccords
sur la limite, n'excédant pas 12 milles, qu'il convenait de retenir. La

question de la largeur de la mer territoriale et celle de l'étenduede la
compétencede 1'Et;xtriverain en matièrede pêcheriesn'ont pas étéréglées
à la conférencede 1958.L'une et l'autre ont étérenvoyées à la deuxième
Conférencesur le droit de la mer, tenue en 1960.De plus la question de
l'étenduede la comipétencede 1'Etatriverain en matièrede pêcheries,qui
avait fait sérieusenientobstacle à la conclusion d'un accord à la confé-
rence de 1958, s'est progressivement détachée de la notion de mer
territoriale. Cette iivolution traduit l'importance croissante qu'ont prise
les ressources de la pêchepour tous les Etats.
44. Il s'en est fallu d'une voix que la conférence de 1960n'adopte un
texte régissantlesdleuxquestions de la largeur de la mer territoriale et de
l'étendue dela coinpétence en matière de pêcheries.Cependant, après
cette conférence, l'kvolution du droit s'est poursuivie par la pratique desEtats dans la ligne des débatsde la conférenceet des accords auxquels
on avait presque abouti. Deux notions se sont cristallisées cesdernières
annéesen droit coiitumier par l'effet de l'assentiment généralapparu à
cette conférence. La première est la notion de zone de pêche,zone à
l'intérieur delaquelle un Etat peut prétendreà une compétenceexclusive
en matière de pêcheriesindépendamment de sa mer territoriale; I'exten-
sion de cette zone de pêchejusqu'à une limite de 12 milles à partir des
lignes de base semble désormais généralementacceptée. La deuxième
est la notion de droits de pêche préférentieldsans les eaux adjacentes en
faveur de 1'Etatriverain qui se trouve dans une situation de dépendance
spécialeà l'égard de ses pêcheries côtières,tte préférencjouant vis-à-vis
d'autres Etats intéressésà l'exploitation de ces pêcherieset devant être

mise en Œuvre dela.manière indiquéeau paragraphe 49 ci-après.
45. Ces dernières années,la question d'une extension de la compétence
de 1'Etatriverain en matière depêcheest passéede plus en plus au premier
plan de l'actualité. LaCour n'ignore pas qu'un certain nombre d'Etats
ont décidéd'élargirleur zone de pêche.Elle connaît les efforts poursuivis
actuellement sous It:saus~ices des Nations Unies en vue de faire avancer.
lors d'une troisième conférencesur le droit de la mer, la codification et
le développement progressif de cette branche du droit; elle n'ignore pas
non plus les propositions et documents préparatoires divers soumis à
cette occasion, .ui doivent êtreconsidéréscomme manifestant les thèses
et les opinions d7Etatsà titre individuel et comme traduisant leurs aspira-
tions et non comme exprimant des principes du droit existant. Le fait
mêmed'avoir convoqué la troisième Conférence sur le droit de la mer
témoigne, dela part de tous les Etats, d'un souci manifestede poursuivre
la codification de Ire droit sur une base universelle, notamment en ce
qui concerne la pêcheet la conservation des ressources biologiques de

la mer. Ce souci gknéralest compréhensible puisque les règlesdu droit
maritime international sont le fruit d'accommodements réciproques,
d'une attitude raisonnable et d'un esprit de coopération. Ce fut le cas
dans le passé, et c:'estencore nécessairement le cas aujourd'hui. Cela
étant, la Cour, en tant que tribunal, ne saurait rendre de décision sub
specie legis .ferendfile,ni énoncer le droit avant que le législateur l'ait
édicté.
46. La notion d'une zone de pêchede 12 milles mentionnéeau para-
graphe 44 ci-dessus.comme une troisième catégorieentre la mer territo-
riale et la haute mer a été acceptée ence qui concerne l'Islande en vertu
des dispositions de fond de l'échangede notes de 1961,et la République
fédérale d'Allemagneapplique la même limitede pêche à ses propres
eaux côtières depuis 1964; ce point n'est donc plus en litige entre les
Parties. De mêmele demandeur a admis que la notion de droits préféren-
tiels, notion qui suppose nécessairement l'existence d'autres droits par
rapport auxquels la préférence s'exercee ,ntre en ligne de compte pour le
règlement du présent différend. Ausurplus le demandeur a expressément
reconnu les droits préférentielsde l'Islande dans leseaux contestéeset il a

invoqué simultanérnent ses propres droits de pêchehistoriques dans cesmêmes eaux,arguant que 1'Etat riverain doit tenir raisonnablement
compte de droits traditionnels de ce genre, conformément aux principes
généralementrecorinus qui sont consacrés à l'article 2 de la Convention
sur la haute mer. Si, comme la Cour l'a signalédans le passage de l'arrêt

rendu en l'affaire des Pêcheriesqui est citéau paragraphe 41 ci-dessus,
pour être opposable à d'autres Etats, toute délimitation nationale des
espaces maritimes doit être appréciée en fonction des règles actuelles du
droit international, il faut nécessairement que, dans son examen du
règlement islandais relatif aux pêcheries,la Cour prenne aussi ces élé-
ments en considération. Elle doit de mêmetenir nécessairementcompte
des dispositions de l'échangede notes de 1961,qui régissent lesrelations
entre lesPartiespour ce qui est des limites de pêchede l'Islande. La Cour,
dans son arrêtdu 2 février 1973, a considéréque cet échange de notes,
conclu dans lecadre des dispositions actuelles du droit de la mer, étaitun
traitévalable et en vigueur.
*

* *

47. L'idéeque 1'Etatriverain se trouvant dans une situation de dépen-
dance spéciale à l'égard de ses pêcheriescôtières bénéficiede droits
préférentielsa été avancée pour la première fois dans des propositions
présentéespar l'Islande àla Conférence de Genevede 1958.La délégation
islandaise a appelé l'attention sur le problème qui se poserait au moment

où, malgré l'application demesures de conservation adéquates, le rende-
ment ne permettrait plus de satisfaire les besoins de tous ceux qui s'inté-
ressent à la pêche:dans une région donnée. En pareil cas, soutenait
l'Islande, si unelimitation des prises devenait nécessaire, lasituation des
Etats riverains dont la population est essentiellement tributaire des
ressources halieutilques des eaux adjacentes à leur territoire devrait être
prise spécialement enconsidération.
48. Une proposition islandaise concrétisant cette idéen'a pas obtenu
la majoriténécessaire,mais la conférencede 1958a adoptéune résolution
qui visait la situation des pays ou territoires dont la population est
essentiellement tributaire des pêcheriescôtières pour sa subsistance ou
son développemenitéconomique.Aprèsavoir reconnu que ((cessituations
exigent des mesures exceptionnelles adaptéesaux nécessitésparticulières)),
la résolutionrecommandait que:

c(1orsqu'ildevient nécessaire, dans l'intérêtde la conservation, de
limiter la prise:totaled'un ou de plusieurs stocks de poisson dans une
région de la haute mer adjacente à la mer territoriale d'un Etat
riverain, tous les autres Etats qui pratiquent la pêchedans cette
région collaborent avec 1'Etat riverain à la solution équitable de
cette situation, en établissant d'un commun accord des mesures qui
reconnaîtront tous besoins prioritaires de I'Etat riverain résultant

de sadépenda.nce à l'égardde la pêcherie encause, compte tenu des
intérêtsdes autres Etats)).
22Il était en outre recommandé d'établir ((des procédures appropriées de
conciliation et d'arbitrage ...pour le règlement de tout désaccord )).

49. Au cours des séances plénièresde la conférence de 1960, la notion
de droits préférentiielsa étéreprise dans un amendement qu'ont présenté
conjointement le Brésil, Cuba et l'Uruguay, et qui a étépar le suite
incorporé à une foirtemajorité dans une proposition commune des Etats-
Unis et du Canada prévoyant une mer territoriale large de 6 milles, plus
une zone de pêchede 6 milles, soit au total une zone de pêche exclusivede

12 milles, sous réserved'une périoded'adaptation progressive. L'amende-
ment reconnaissait à 1'Etat riverain, indépendamment d'une zone de
pêche exclusive:

((la faculté d'invoquer des droits de pêcheprioritaires dans toute
zone de la haute mer adjacente à la zone de pêche exclusivelorsqu'il
a étéétabli scientifiquement qu'en raison d'une situation ou d'une
circonstance spéciale l'exploitation des ressources biologiques de la

haute mer dains cette zone a une importance fondamentale pour
son développement économique ou pour l'alimentation de ses habi-
tants )).

Il prévoyait égalenient cequi suit:
nUne situation ou une circonstance est considérée comme

spécialequanti:
a) L'exploitation des pêcheries est liée de manière évidente au
développeinent économique de 1'Etatriverain ou à l'alimentation

de ses habitants et qu'en conséquence ledit Etat est dans une
large mesure tributaire des ressources biologiques de la haute
mer dans la zone a l'égardde laquelle il invoque des droits de
pêcheprioritaires.
b) II est, en outre, nécessaire de limiter la prise totale d'un stock ou

de plusieuirsstocks de poisson dans cette zone ..))
La pratique contemporaine des Etats amène à conclure que les droits

préférentiels de 1'Etat riverain se trouvant dans une situation spéciale
devaient être mis en Œuvre par la voie d'accords, bilatéraux ou multila-
téraux, entre les Eltats intéresséset, en cas de divergences, par l'un des
moyens de règlem'entpacifique des différends prévusà l'article 33 de la
Charte des Na,tioris Unies. C'était en réalité unecondition expresse de

l'amendement rappelé plus haut que tout autre Etat intéresséaurait la
faculté de demander qu'une commission spéciale soit appelée à se
prononcer sur toute revendication de cet ordre formulée par un Etat
riverain, conformkment à des critères scientifiques et aux preuves pro-
duites par I'Etat riverain et les autres Etats intéressés. La commission
était habilitée à fixer pendant le temps et dans la mesure qu'elle estimait

nécessaires les droits préférentiels de 1'Etat riverain compte tenu de
((l'importance que l'exploitation de ce stock ou de ces stocks de [poisson]
présente pour un autre Etat ou d'autres Etats )).
23 50. La pratique des Etats en matière de pêchemontre que la notion de
droits préférentiels desEtats riverains est de plus en plus largement
acceptée,en particulier pour les pays ou territoires se trouvant dans une

situation de dépendance spéciale à l'égard de leurs pêcheriescôtières.
Aussi bien la résolution de 1958 que l'amendement conjoint de 1960
concernant les droits préférentielsont étéapprouvés par une large
majorité des participants aux conférences, ce qui montre que l'idée
d'après laquelle il était juste, dans certaines situations spéciales, de
reconnaître des droits de pêche préférentiels à 1'Etat riverain avait été
fort bien accueillie. Aprèscesconférences, lesdroits préférentielsde 1'Etat
riverain ont étéreconnus dans divers accords internationaux, bilatéraux
et multilatéraux. L,aCour a été informée de la pratique à cet égard des
Commissions des pêcheriesde l'Atlantique du nord-ouest et de l'Atlan-

tique du nord-est dont sont membres au total dix-neuf Etats maritimes,
parmi lesquels les deux Parties; elle a été informée aussdie l'arrangement
relatif aux pêcheriesdans les eaux qui entourent les îles Féroé,signé à
Copenhague le 18décembre1973par les Gouvernements de la Belgique,
du Danemark, de la France, de la République fédérale d'Allemagned , e
la Norvège, de la Pologne etdu Royaume-Uni, ainsi que de l'accord sur la
réglementation de la pêche à la morue de 1'Arctiquedu nord-est (morue
arcto-norvégienne), signé le 15 mars 1974 par les Gouvernements du
Royaume-Uni, de la Norvège et de l'Union des républiques socialistes
soviétiaues. Ces deux accords réservent. lors de l'attribution de contin-

gentsannuels surla base de l'activité passée depsarties dans la région, une
part supplémentaire à I'Etat riverain pour tenir compte de son droit
préférentiel à l'égarddes pêcheries deseaux adjacentes à son territoire.
L'accord concernant les îles Féroéspécifiedans son préambule que
((l'économiedes îles Féroéest exceptionnellement tributaire des pêche-
ries )et reconnaît cque les îles Féroé doiventbénéficierd'une préférence
dans les eaux qui lesentourent )).
51. L'importance particulière que présente la pêche côtière pour
l'économieislandaise ne fait aucun doute. Le demandeur l'aexpressément
reconnu dans l'échangede notes du 19juillet 1961et la Cour a pris acte

de cette reconnaisisance quand elle a relevé qu'ilfaut ((ne pas oublier
l'importance particulière que présente la pêchecôtière pour l'économie
islandaise » (C.IJ. Recueil 1972, p. 34, par. 24).

52. Les droits préférentielsde 1'Etat riverain n'entrent en jeu qu'au
moment où, l'exploitation des ressources halieutiques s'étant intensifiée,
il devient essentiel d'instaurer un systèmede limitation des prises et de
répartition de ces ressources pour protégerles stocks de poisson aux fins
d'une exploitation rationnelle et économique. Tel paraît êtrele cas en
l'occurrence. En CI:qui concerne deux espèces démersales - la morue

et l'aiglefin le demandeur a montré qu'il estconscient de la nécessité
d'une limitation des prises, devenue indispensable àprésentque les prises
sont réglementéesdans d'autres secteurs de l'Atlantique Nord. En ce qui
concerne les autres espèces pêchées par les navires de la Républiquefédéraled'Allemagne - le sébasteet le colin- le demandeur a reconnu
que l'établissementd'un systèmede limitation des prises pour certaines
espècesoblige à fixer aussi des contingents globaux pour les autres, afin
d'éviterque l'effort de pêche nese reporte d'un stock sur d'autres. C'est
pourquoi, par exemple, l'arrangement précité relatifaux pêcheriesdans
les eaux qui entourent lesîles Féroéprévoiten son article 2 que les prises
annuelles d'espècesdémersalesautres que la morue et l'aiglefinne devront

pas dépasser de pluisd'un pourcentage fixépar voie d'accord le chiffre le
plus élevé atteint de 1968à 1972.

53. Le règlement.islandais mis en cause devantla Cour a été promulgué
et appliqué par 1e:sautorités islandaises comme une prétention à des
droits exclusifs, allant par conséquent au-delàde lanotion de droits préfé-
rentiels. L'article:! du règlement islandais du 14 juillet 1972 est ainsi
conçu :

<<Al'intérieur deslimites de pêche,toute activité de pêchesera
interdite aux navires étrangersconformément aux dispositions de la
loino33du 19juin 1922relative àla pêche à l'intérieur deslimites de
pêche.))

L'article premier de la loi de 1922 dispose que ((seuls les ressortissants
islandais peuvent se livrer à la pêchedans les eaux territoriales de 1'1s-
lande, et seuls des bateaux ou navires islandais peuvent être utilisés à
cette fin».Les termes de la réglementation applicable montrent qu'elle a
pour objet de créer une zone exclusive de pêche,où toute pêcheserait
interdite aux navires immatriculés dans d'autres Etats, y compris la
République fédéralld'Allemagne. La manière dont lesautoritésgouver-

nementales islandaises ont appliquécette réglementation aux bateaux de
pêchede la Républiquefédérale,malgréles mesures conservatoires indi-
quéespar la Cour, confirme cette interprétation.
54. La notion de droits préférentiels n'est pacompatible avec l'élimi-
nation complète de l'activitéde pêched'autres Etats. Un Etat riverain
pouvant prétendre à des droits préférentiels n'est pas librede fixer, de
façon unilatérale e:ttotalement discrétionnaire, l'étenduede ces droits.
Quand on qualifie de préférentielsles droits de 1'Etat riverain, cela im-
plique que ces droits ont une certaine priorité mais non pas qu'ils puis-
sent abolir les droits concurrents d'autres Etats, en particulier ceux d'un
Etat qui, comme le demandeur, pêchedepuis de nombreuses années dans

leseaux en question, alors que cette activitédepêcheprésentede l'impor-
tance pour l'économiedu pays intéressé. L'Etat riverain doit tenir compte
de la position de ces Etats, spécialement quand ils en sont venus à
dépendre sur le plan économique des mêmes lieuxde pêche.En consé-
quence, le fait quel'Islande soit fondéeà revendiquer des droits préféren-
tiels ne suffitpas justifier sa prétention d'interdire unilatéralementtoutepêcheaux navires du demandeur dans les eaux situéesau-delà de la limite
convenue dans l'échangede notes de 1961.

55. Dans la présenteespèce,le demandeur a fait valoir que ses navires
pêchentdans les ea.uxislandaises depuis une époquequi remonte à la fin
du siècle dernier.Les statistiques publiéesindiquent que depuis de nom-

breuses années les navires allemands pêchent des espècesdémersales
dans la zone contestée, sans discontinuer, et que, depuis 1936,sauf pen-
dant la seconde guerre modiale, le total de leurs prises est demeuré
relativement stable. Des statistiques analogues montrent que les eaux en
question constituent le plus important des terrains de pêchelointaine du
demandeur pour les espèces démersales.
56. Le demandeur ajoute que la perte des fonds de pêche deseaux qui
entourent I'Islandcleaurait une incidence appréciable sur l'économiede
la République fédérale d'Allemagne;la flotte de pêchede la République
fédéralene seraitp.asen mesure de compenser la perte des fonds de pêche
islandais en reportant son activitésur d'autres zones de pêcheocéanique,
car le rayon d'action des chalutiers non frigorifiques est limitépar des
facteurs technique:; et économiques et leszones plus éloignées que pour-
raient atteindre les chalutiers frigorifiques sont déjà soumises à des

contingentements. Le demandeur souligne que la perte des fonds de pêche
entourant l'Islande obligeraità retirer immédiatement du service la plus
grande partie des chalutiers non frigorifiques, qu'il faudrait probable-
ment démolir; or la mise hors service de nombreux chalutiers produirait
d'importants effets secondaires, comme le chômage, dans l'industrie de
la pêche etles industries connexes et complémentaires, particulièrement
dans des villes côtières comme Bremerhaven et Cuxhaven. ou l'industrie
de la pêchejoue un rôle prédominant.
57. Pour sa part, l'Islande a admis I'existence desintérêts historiques
et spéciaux du demandeur pour ce qui est de la pêchedans les eaux
contestées.L'échangede notes dans son ensemble, en particulier dans son
paragraphe 5, selcin lequel l'Islande doit notifàerl'avance à la Répu-
blique fédéraled'Allemagne toute mesure d'élargissementde ses limites
de pêche,a reconnu implicitement l'existenced'intérêts de la République

fédérale à la pêchedans les eaux adjacentes à la limite des 12milles. Les
pourparlers qui se sont déroulésentre lesdeux pays impliquent également
que l'Islande a reconnu l'existencede ces intérêts. Quiplus est, dans une
déclaration faite le novembre 1971,le Premier ministre islandais, après
avoir mentionné que ((laprospéritédecertains ports de pêchebritanniques
peut néanmoins êtreliéedans une certaine mesure aux pêcheriesdans les
eaux islandaises»,a ajouté: ((11est donc évidentque nous devons discuter
de ces questions avec le Royaume-Uni et la République fédérale d'Alle-
magne, qui ont certains intérètsàcet égard.>)
58. Des considérations analogues àcelles que ont amené àreconnaîtreles droits préférentielsde 1'Etat riverain se trouvant dans une situation
spéciale s'appliquent lorsque des populations côtières d'autres Etats
pratiquant la pêchesont elles aussi tributaires de certains lieux de pêche.
Dans les deux cas, ce qui est en cause, c'est la dépendance économique et
les moyens de subsistance de collectivités entières. Non seulement les
mêmesconsidérationsjouent, mais l'intérêq tui s'attache à la conservation

est le même.A cet égard, le demandeur a reconnu que la conservation
et l'exploitation e:Kcace des stocks de poisson dans la zone islandaise
revêtentde l'importance non seulement pour l'Islande mais aussi pour la
République fédérale d'Allemagne.
59. Lesdispositions du règlement islandais du 14juillet 1972et I'appli-
cation qui en est faite méconnaissent les droits de pêchedu demandeur.

Les mesures unilatérales adoptées par l'Islande violent donc le principe
consacré par l'article 2 de la Convention de Genève de 1958 sur la haute
mer, selon lequel tous les Etats, y compris les Etats riverains, doivent
exercer la libertédi?pêcheren tenant raisonnablement compte de l'intérêt
des autres Etats. Elles méconnaissent égalementles droits du demandeur
tels qu'ils résultentde l'échangede notes de 1961. Le demandeur est donc
fondéà prier la Cciur de protégerautant que de besoin ses propres droits

tout en s'engageant pour sa part à reconnaître la situation préférentielle
de l'Islande. Aussii la Cour ne peut-elle que conclure que le règlement
islandais du 14juiillet 1972qui établit une zone de compétence exclusive
en matière de pêciheallant jusqu'à 50 milles marins des lignes de base
tracéesautour des côtes islandaises n'est pas opposable à la République
fédéraled'Allemagne, et que celle-ci n'est nullement tenue d'accepter

l'abolition unilatérale parl'Islande de ses droits de pêchedans la région.
60. Les constatations faites par la Cour dans les paragraphes qui
précèdentsufisent à fournir la base de sa décision dans la présenteespèce
et peuvent se résu.merainsi: l'extension par l'Islande de sa compétence
exclusive en matière de pêcheriesau-delà de 12milles n'est pas opposable
à la République f6dérale d'Allemagne; l'Islande peut en revanche pré-

tendre à des droits préférentielsdans la répartition des ressources halieu-
tiques des eaux adjacentes; la République fédérale possède également des
droits établis à I'tjgard des ressources halieutiques en question; et le
principe d'une prise en considération raisonnable des intérêtsdes autres
Etats, proclamé à l'article 2 de la Convention de Genève de 1958 sur la
haute mer, oblige l'Islande et la République fédéraleà tenir dûment
compte de leurs intérêts réciproqueset des intérêtsd'autres Etats en ce

qui concerne ces ressources.

61. Il découle du raisonnement suivi par la Cour en l'espèce qu'un

règlement équitable du présent différendsuppose que soient conciliésles
droits de pêche pi-éférentield se l'Islande en tant qu'Etat spécialement
tributaire des pêcheries côtièreset les droits de pêchetraditionnels dudemandeur. Le moyen d'y parvenir n'est cependant pas d'éliminerpro-
gressivement les navires de pêchedu demandeur comme le prévoyait
l'échangede notes de 1961pour ce qui est de la zone de 12 milles. Dans
cette zone,l'Islande devait exercer des droits de pêche exclusifset ne pas
soulever d'objection contre la poursuite de la pêchepar les navires du
demandeur pendant une période de retrait progressif. Dans les eaux
adjacentes à cette zone, cependant, une extinction analogue des droits
d'autres Etats pratiquant la pêche,en particulier quand ces droits sont

nés d'unesituation de dépendance économique et d'une longue habitude
de compter sur certains fonds de pêche, ne seraitpas compatible avec la
notion de droits préférentiels telleque les Conférencesde Genèvede 1958
et de 1960l'ont reconnue et ne serait pas non plus équitable.En 1960la
notion de droits préférentiels desEtats riverains se trouvant dans une
situation spécialea étéacceptéeaux termes de l'amendement conjoint
mentionnéau paragraphe 49 dans les limites et dans la mesure nécessaires
((compte tenu du degrédedépendancede 1'Etatriverainà l'égarddu stock
ou desstocks de poisson, et de l'importance que l'exploitation de ce stock
ou de ces stocks présentepour un autre Etat ou d'autres Etats)). Cette
allusion aux intérêts d'autres Etats à l'exploitation des mêmesstocks
montre bien qu'on considéraiten principe que les droits préférentielsde
1'Etatriverain et les droits établis d'autres Etats continuaàecoexister.
62. Il ne s'ensuit pas que les droits préférentielsd'un Etat riverain se

trouvant dans une situation spéciale représentent unenotion immuable,
en ce sens que le degréde priorité accorder à 1'Etatriverain devrait être
considéré à un mornent déterminé commedéfini une foispour toutes. Au
contraire les droits préférentielssont fonction de la dépendence excep-
tionnelle de cet Etat riverain à l'égard des pêcheriesdans ses eaux
adjacentes et peuvent donc évoluer avec elle.D'autre part, l'échangede
notes de 1961a reconnu ((l'importance particulière que présentela pêche
côtièrepour l'économie islandaiseD. Cette expression doit s'interpréterau
sens d'une dépendance du double point de-vue de la subsistance et du
développement économique, comme dans les formules débattues aux
Conférencesde Genèvede 1958et 1960 àpropos des droits préférentiels
etdans l'échangede notes du 11mars 1961entre l'Islande et le Royaume-
Uni. Ce dernier instrument a servi de modèle àl'échangede notes entre
l'Islande et la Républiquefédérale d'Allemagne,et l'agent du demandeur

a informé la Cour que la différence de rédaction entre la note du
Royaume-Uni et celle de la Républiquefédérale àcet égardn'avait pasde
((signification sur le plan juridique)) et que l'on n'avait pas voulu lui
donner une telle signification. Le demandeur a émis l'opinionque seuls
peuvent être exceptionnellement tributaires des pêcheries pour leur
développement économique des Etats qui en sont encore au stade du
développement et qui ne participent à la pêcheau large de leurs côtes
quepour une faible part. Certes, ces Etats offrent des exemples patents de
dépendancespéciale;cependant, en l'espèce,l'importance particulière que
les pêcheriescôtières présentenptourl'économieislandaise a étéreconnue
à un moment où l'Islande était déjà un Etat pourvu d'une économierelativement développéeet prenait une part importante à l'exploitation
des pêcheriesau large de ses côtes. On ne saurait donc accepter l'inter-
prétation restrictive de la formule employéedans l'échangede notes de

1961 que suggère le demandeur. En ce qui concerne tant la subsistance
que le développement économique,il s'agit essentiellement d'apprécierla
dépendance de 1'Etat riverainà l'égarddes pêcheriesen question, par
rapport à celle de l'autre Etat intéresséet de les concilier d'une manière
aussi équitableque possible.
63. La Cour ayant conclu (paragraphe 59 ci-dessus) que le règlement
islandais du 14juillet 1972n'est pas opposable à la République fédérale
d'Allemagne pour les motifs qui ont été indiqués,il s'ensuit que le
Gouvernement islandais n'est pas fondé en droit à exclure unilatérale-
ment les navires de pêchede la République fédérale des zones maritimes
situéesau large des limites convenues dans l'échangede notes de 1961,
ni à imposer unilatéralement des restrictions à leur activité dans ces

zones. Le problème n'est pas réglépour autant; comme la Cour l'a indi-
qué, l'Islande, en raison de sa situation spéciale,peut prétendre à des
droits préférentielssur les stocks de poisson des eaux adjacentes à ses
côtes. Les droits des deux Parties, à savoir les droits de la République
fédérale depêcherdans les eaux litigieuses et les droits préférentielsde
l'Islande, doivent ëtre dûment reconnus. Ni dans un cas, ni dans l'autre,
il ne s'agit de droits absolus: les droits préférentielsd'un Etat riverain
sont limitéspar le degréde sa dépendancespéciale àl'égard des pêcheries,
ainsi que par son obligation de tenir compte des droits d'autres Etats
et des nécessitésde la conservation; les droits établis d'autres Etats
pratiquant la pêchesont àleur tour limitéspar la dépendancespeciale de
1'Etat riverainà l'égard des pêcheriee st par leur propre obligation de

tenir compte des droits d'autres Etats, y compris ceux de1'Etatriverain,
et des nécessitéde la conservation.
64. Il en résulteque la conclusion de la Cour suivant laquelle I'exten-
sion par l'Islande des limites de sa compétenceen matière de pêcheries
n'est pas opposable au demandeur ne signifie pas que celui-ci n'a envers
l'Islande aucune obligation en ce qui concerne la pêchedans les eaux
litigieuses entre 12et 50 milles. Au contraire, les deux Etats ont le devoir
de tenir pleinement compte de leurs droits réciproqueset des mesures de
conservation dont la nécessitédans ces eaux est démontrée.L'un des
progrès dont le droit international maritime est redevableà l'intensifica-
tion de la pêcheest que,à l'ancienne attitudede laisser fairàl'égard des

ressources bilogiques de la haute mer, se substitue désormais la recon-
naissance au'il existe un devoir de ~rêterune attention suffisante aux
droits d'autres Etats ainsi qu'aux impératifs de la conservation dans
l'intérêt detous. Les deux Parties ont donc l'obli"ation de continuer à
étudierla situation des ressources de la pêchedans les eaux litigieuses et
d'examiner ensemble, sur la base des renseignements scientifiques et
autres données disponibles, les mesures qu'imposent la conservation, le
développement et l'exploitation équitable de ces ressources, en tenant
compte de tout accord international en vigueur entre elles, comme laConvention du 24 janvier 1959 sur les pêcheriesde l'Atlantique du nord-
est, ou de tous autres accords qui pourraient être conclus en la matière

lors de nouvelles négociations.

65. La méthode la plus propre à résoudre le différend est de toute

évidence cellede la négociation. Son objectif doit être de circonscrire les
droits et les intérêtsdes Parties, les droits préférentiels de1'Etat riverain
d'une part, les droits du demandeur d'autre part, afin d'apprécier et de
réglerde façon équitable des questions comme celles de la limitation des
prises, de l'attribution des parts et des ((restrictions connexes concernant

les zones interdites à la pêche,le nombre et le type des navires autorisés
et les modalités de contrôle des dispositions convenues ))(Compétenceen
matière depêcheries(Républiquefédéraled'Allemagne c. Islande), mesures
conservatoires, ordonnance du 12juillet 1973, C.I.J. Recueil 1973, p. 314,
par. 7). Cela nécessite une connaissance scientifique détaillée desterrains
de pêche.Il est évident que ce sont surtout les Parties qui possèdent les

données et l'expérience voulues. C'estpourquoi la Cour éprouverait des
difficultésàtenter de définir elle-même avec précisionun systèmed'ajuste-
ment équitable des droits enjeu.
66. 11résulte implicitement de la notion de droits préférentielsque des
négociations sont nécessaires pour définir ou délimiter l'étendue deces

droits, comme cela a déjà été reconnudans la résolution sur les situations
spécialestouchant les pêcheries côtières,adoptée à Genève en 1958, qui
est le point de départdu droit régissantla matière. Cette résolution prévoit
une collaboration entre I'Etat riverain et tous les autres Etats qui prati-
quent la pêchedans la région, en vue d'arrêterd'un commun accord des

mesures tendant à une solution équitable de la situation spéciale.
67. L'obligation de négocier découle donc de la nature mêmedes
droits respectifs des Parties; leur ordonner de négocier estpar conséquent
une manière justifiée en l'espèce d'exercer lafonction judiciaire. Cela
correspond aussi aux principes et dispositions de la Charte des Nations
Unies concernant le règlement pacifique des différends. Comme la Cour

l'a dit dans les affaires du Plateau continental dela mer du Nord:
((l'obligation de négocier ..ne constitue qu'une application particu-

lièred'un principe, qui est à la base de toutes relations internationales
et qui est d'ailleurs reconnu dans l'article 33 de la Charte des Nations
Unies comme l'une des méthodes de règlement pacifique des diffé-
rends internationaux )(C.I.J. Recueil 1969,p. 47, par. 86).

68. En l'espèce, les Parties ont entamé des négociations dès que
l'Islande eut signifiéson intention d'étendre sa compétence en matière
de pêche, maisces négociations se sont trouvées bientôt dans l'impasse
et n'ont produit aucun résultat. Dans son mémoire, le demandeur a prié

la Cour de donner aux Parties certaines directives au sujet des principes

30dont elles devraient s'inspirer pour négocier laméthode la plus équitable

de gestion des ressources halieutiques et s'est déclaré prêt à entamer des
discussions sincères avec le Gouvernement islandais afin d'aboutir à un
règlement permanent du problème des pêcheries. En ce qui concerne
l'Islande, sa politique a été clairement énoncéeau paragraphe 3 de la
résolution de I'Althing du 15février 1972 - elle consiste à poursuivre les
efforts tendant à résoudre les problèmes soulevéspar l'élargissement au

moyen d'entretiens avec le demandeur.
69. Dans les nouvelles négociations qui doivent se tenir sur la base du
présentarrêt,les Parties bénéficierontde l'évaluation qui précèdede leurs
droits respectifs et de certains principes directeurs en définissant laportée.
Leur tâche sera de conduire leurs négociations dans un esprit tel que
chacune doive, de bonne foi, tenir raisonnablement compte des droits de

l'autre dans les eaux entourant l'Islande au-delà de la limite des 12milles,
afin de parvenir à une répartition équitable des ressources halieutiques,
fondéesur les données de la situation locale, et prenant en considération
les intérêtsd'autres Etats qui ont dans la région desdroits de pêche bien
établis.11ne s'agit pas simplementd'arriver à une solution équitable, mais
d'arriver à une solution équitable qui repose sur le droit applicable.

Comme la Cour l'a dit dans les affaires du Plateau continental de la mer du
Nord:

(cilne s'agit pas d'appliquer l'équitésimplement comme une repré-
sentation de la justice abstraite, mais d'appliquer une règle de droit
prescrivant le recours à des principes équitables )) (C.I.J. Recueil
1969, p. 47, par. 85).

70. La Cour doit tenir compte de l'incidence qu'aura le prononcé de
son arrêtsur les mesures conservatoires indiquées le 17 août 1972, qui
limitaient notamment à 119000 tonnes les prises des navires immatriculés
dans la République fédérale d'Allemagne. Ces mesures conservatoires
cesseront d'avoir effet àcompter de la date du présentarrêt, carle pouvoir
d'indiquer de telles mesures, que la Cour tient de l'article 41 de son

Statut, ne peut s'exercer qu'en cours d'instance. Bien que les Parties
n'aient pas conclu d'accord provisoire en l'espèce, elles nesont pas libres
de poursuivre sans restriction leur activité de pêchedans les eaux liti-
gieuses. Les négociations à mener de bonne foi que la Cour prescrit par
le présentarrêtimpliquent, eu égardaux circonstances de l'espèce,que les
Parties ont l'obligation de tenir raisonnablement compte de leurs droits

réciproques et des nécessitésde la conservation jusqu'à l'issue des négo-
ciations. Certes cette déclaration est évidemment une réaffirmation d'un
principe qui va de soi, mais elle vise les droits des Parties tels que le
présent arrêt les indique. II est évident qu'en ce qui concerne le fond
comme la compétence la Cour ne statue que sur l'affaire portée devantelle et non sur une situation hypothétique qui pourraitse produire dans
l'avenir. La Cour doit ajouter aussi que son arrêtne peut empêcherles
Parties detireravantage detoute évolutionultérieure desrèglespertinentes
du droit international.

71. Dans la quatrième conclusion de son mémoire,maintenuependant
la procédure orale, la République fédérale d'Allemagne asoulevé la
question d'une réparation pour les actes de harcèlement que les garde-
côtes islandais auraient commis contre sesnavires de pêche.Saconclusion
est ainsi formulée:

((Que les actes des garde-côtes islandais visant à gêner,par la
menace ou l'emploi de la force, les navires de pêcheimmatriculés
dans la République fédérale d'Allemagne ou à entraver leurs opéra-
tions de pêchesont contraires au droit international et que'Islande
doità ce titre réparationà la République fédérale d'Allemagne.»

72. La Cour ne peut admettre qu'elle n'aurait pas compétence pour
connaître de cette conclusion. Le problème soulevé à cet égards'inscrit
dans la controverse qui est survenue entre les Parties et constitue un
différend relatifà l'élargissement par l'Islande de sa compétence en
matière de pêcheries. Laconclusion se fonde sur des faits postérieurs au
dépôt de la requête maisdécoulant directement de la question qui fait
l'objet de cette requête. Ace titre, elle relèvede la compétence dela Cour
telle qu'elle a étédéfiniedans la clause compromissoire de l'échangede
notes du 19 iuillet 1961.
73. Dans son mémoireet pendant la procédure orale,le Gouvernement
de la République fédérale d'Allemagne a indiqué ce qui suit, propos de
sa conclusion relativeàune réparation:

(([il]réservetous sesdroits de demanderà être entièrement indemnisé
par le Gouvernement islandais pour tout acte illicite déjà commisou
qui pourrait encore êtrecommis ...La République fédéraled'Alle-
magne ne présente pas, dans l'immédiat, à l'encontre de la Répu-
blique d'Islande, une demande de versement d'un montant déterminé
à titre de réparation du préjudicedéjàcausé à sesnavires de pêche...
[Le gouvernen~ent] prie cependant la Cour de dire et juger que la
République d'Islande est en principe responsable du tort causéaux

navires de pêcheallemands ...et a l'obligation de réparer entière-
ment le préjudice que la République fédéraled'Allemagne et ses
ressortissants ont effectivement subi de ce fait.

74. La manière dont cette demande est formulée amène à poser la
question de savoir si la Cour est en mesure de se prononcer sur uneconclusion présentée sousune forme aussi abstraite. Une telle conclusion
tend non pas à la fixation de dommages-intérêtsen raison de certains
faits précis,mais à une déclarationde principe selon laquelle l'Islande est
tenue d'indemniser la République fédéralepour toutes les entraves
illicites qu'elle a apportées l'activitédes navires de pêcheallemands. Le
demandeur sollicite ainsi une déclaration par laquelle la Cour, statuant
définitivement,dirait que l'Islande a l'obligation de réparer entièrement
le préjudice subipar le demandeur du fait des entraves aux opérations de

ses navires qui ont été indiquéepsendant l'instance. Dans son mémoire,la
République fédérale aénuméré un grand nombre d'incidents entre ses
navires et lesgarde-côtes islandais, et a ajouté:
((Le Gouvernement de la République fédérale prie ..la Cour de
dire et juger que la République d'Islandeest en principe responsable
du tort causéaux navires de pêcheallemands par les actes illicites
des garde-côtes islandais relatés dansles paragraphes qui précèdent
et a l'obligation de réparerentièrement lepréjudiceque la République
fédéraled'Allemagne et sesressortissarits ont effectivement subide ce

fait.))(Les italiques sont de la Cour.)

La conclusion finale, qui fait état des ((actes ...visant à gêner ...les
navires ...ou à entraver leurs opérations»et déclareque cl'Islande doit
à ce titre réparation »,confirme cette interprétation.
75. La cinquième partie du mémoiresur le fond contient une relation
générale desactes qualifiéspar la Républiquefédéraled'actes de harcèle-
ment dirigéscontre ses navires de pêchepar l'Islande; les annexes G, H,

1 et K fournissent certains autres détails évoquédsans des notes diploma-
tiques; l'annexe L donne la liste des incidents et préciseen quoi chacun
d'eux a consisté. On trouve aussi quelques renseignements sur les inci-
dents dans lesrapports de la Républiquefédéraleconcernant l'application
de l'ordonnance de la Cour en indication de mesures conservatoires.
76. Les documents dont la Cour est saisie n'indiquent cependant pas
pour chaque cas, sous une forme concrète,le préjudicedont il est demandé
réparation ni le montant auquel on estime les dommages. Ils ne fournis-
sent pas non plus de justifications chiffrées. LaCour ne peut accorder
indemnité qu'en s'appuyant sur une conclusion concrète concernant
l'existence et le montant de chacun des préjudicesinvoqués. Sadécision
doit se fonder sur des motifs préciset des justifications détailléesconcer-
nant les actes commis et tenir compte des faits relatifs à chaque inci-
dent ainsi que de leurs conséquences dans les circonstances pertinentes.
Ce n'est que par un examen des preuves que la Cour peut s'assurer que
chacune des conclusions concrètes est fondéeen fait et en droit. 11est
assurément possible de demander une déclaration généraleposant en
principe qu'une indemnité est due, mais à condition de prier aussi la
Cour d'examiner les preuves et de fixer, :ors d'une phase ultérieurede la

mêmeinstance, le montant decette indemnité. De plus, si ledemandeur a
réservétous ses droits «de demander à êtreentièrement indemnisé)), iln'a pas conclu à ce que le préjudicesoit vérifiéet l'indemnitéfixéeau
cours d'une phase ultérieure dela présente procédure.Dans une instance
où il est fait application de l'article 53du Statut et alorsque le demandeur
a déclaréqu'il ne réclamait pas le versement d'un montant déterminé à
titre de réparation, il ne conviendrait pas que la Cour prenne l'initiative
de solliciter des renseignements et des élémentsde preuve précisau sujet
du dédommagement qui, selon le demandeur, correspondrait à chaque
incident età chaque préjudice. Celaétant,la Cour ne,peut formuler une

constatation générale de responsabilitésur des questions au sujet
desquelles elle ne possède que des renseignements limitéset des peuves
insuffisantes. En conséquenceelle ne saurait donner suiteà la quatrième
conclusion de la République fédérale d'Allemagne telle qu'elle lui a été
présentée.

77. Par ces motifs,

par dix voix contre quatre,
1) dit que le règlement relatif aux limites de pêcheau large de l'Islande
(Reglugera um ufiskveiailandhelgiIslands) promulgué par le Gouver-
nement islandais le 14juillet 1972et portant extension unilatérale des
droits de pêche exclusifs de l'Islande jusqu'à 50 milles marins des
lignes de base spécifiéesdans ledit règlement n'estpas opposable au
Gouvernement de la Républiquefédéraled'Allemagne;
2) dit que, en conséquence,le Gouvernement islandais n'est pas endroit
d'exclure unilatéralement les navires de pêche de la République

fédérale d'Allemagnedes régions situéesentre les limites de pêche
convenues dans l'échangede notes du 19juillet 1961 et les limites
spécifiéedans le règlement islandais du 14juillet 1972,ni d'imposer
unilatéralement des restrictions aux activités de ces navires dans
lesdites regions;

par dix voix contre quatre,
3) dit que le Gouvernement islandais et le Gouvernement de la Répu-
blique fédéraled'Allemagne ont l'obligation mutuelle d'engager des
négociations de bonne foi pour aboutirà la solution équitable de leurs
divergences concernant leurs droits de pêche respectifsdans lesrégions
spécifiéeasu sous-paragraphe 2;
4) dit que, dans ces négociations,les Parties doivent prendre en considé-
ration notamment:

a) le fait que, dans la répartition des ressources halieutiques des
régions spécifiéeasu sous-paragraphe 2, l'Islande a droàtune part
préférentielledans la mesure où sa popiilation est spécialement tributaire des pêcheries deseaux avoisinant ses côtes pour sa sub-
sistance et son développement économique;
b) le fait que, vu l'activitéde ses pêcheursdans les régions spécifiées
au sous-paragraphe 2, la République fédCraled'Allemagne a aussi
des droits établis à l'égard des ressources halieutiques de ces
régions dont des élémentsde sa population sont tributaires pour
leur subsistance et leur prospéritééconomique;

c) l'obligation de tenir dûment compte des intérêtsd'autres Etats à la
conservation et à l'exploitation équitable de ces ressources;
d) le fait que les droits susmentionnés de l'Islande et de la République
fédéraled'Allemagne devraient pouvoir s'exercer dans la mesure
compatible avec la conservation et le développement des ressources
halieutiques tiaris les régions specifiéesau sous-paragraphe 2 et

avec les intérêts d'autresEtatsà la conservation et à l'exploitation
équitable de ces ressources;
e) l'obligation de continuer à étudier la situation de ces ressources et
d'examiner ensemble, compte tenu des renseignements scientifiques
et autres données disponibles, !es mesures qu'imposent la conser-
vation, le développement et l'exploitation équitable de ces res-
sources, en utilisant le mécanismeétablipar la Convention sur les

pêcheries de l'Atlantique du nord-est ou tout autre moyen qui
pourrait êtreacceptéà l'issue de négociations internationales;

par dix voix contre quatre,
5) dit ne pas pouvoir donner suite à la quatrième conclusion de la
République fédérale d'Allemagne.

Fait en anglais et en français, le texte anglais faisant foi, au palais de la
Paix, à La Haye, le vingt-cinq juillet mil neuf cent soixante-quatorze, en
trois exemplaires, dont l'un restera déposé auxarchives de la Cour et dont
les autres seront transmis respectivement au Gouvernement de la Répu-
blique fédérale d'Allemagne et au Gouvernement de la République

d'Islande.

Le Président,
(Signé) Manfred LACHS.

Le Greffier,

(Signé) S. AQUARONE.

M. LACHS,Président, fait la déclaration suivante:

Je souscris aux motifs et aux conclusions de la Cour et, comme l'arrêt
n'appelle pas d'explications et se suffit à lui-même, je n'estimerais pas

approprié de présenter des commentaires a son sujet.
35 M. DILLARDj,uge, fait la déclaration suivante:

Je m'associe aux décisions de la Cour consignées dans les quatre
premiers sous-paragraphesdu dispositif, pour les raisons que j'ai exposées
dans mon opinion individuelle en l'affaire parallèle Royaume-Uni de
Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord c. Islande, et que je considère
applicables mutatis mutandis à la présente affaire.

Si je souscris à la décision du cinquième sous-paragraphe, aux termes
duquel la Cour ((dit ne pas pouvoir donner suite àla quatrième conclusion
de la République fédérale d'Allemagne)), je me vois obligé d'ajouter la
réserve suivante 1.
La Cour a jugé, au paragraphe 72, qu'elle est compétente pour

connaître de cette conclusion particulière. Bien que, pour des raisons
évidentes, celle-ci n'ait pas figurédans la requête déposée le 5 juin 1972,
puisque les actes de harcèlement et d'ingérencese sont produits plus tard,
elle figure dans le mémoire sur le fond et lesconclusions finales. Leretard
ne devrait donc pas constituer un obstacle. La manière dont la Cour a

interprétéla nature et la portée del'échangede notes de 1961,telle qu'elle
ressort de l'analyse des autres conclusions, s'harmonise tout à fait avec la
constatation selon laquelle la clause juridictionnelle est assez vaste pour
englober aussi cette conclusion. La Cour est donc, à mon avis, pleine-
ment justifiée à se déclarer compétente pour en connaître.

La Cour a cependant interprétéla conclusion dont il s'agit comme
tendant à ce qu'elle dise, statuant définitivement, que l'Islande a l'obli-
gation de réparerentièrement le préjudice subi par le demandeur du fait
des entraves indiquées pendant l'instance (par. 74). Conformément à
cette interprétation, elle considère qu'une telle conclusion sort du cadre

de sa compétence en application de l'article 53 du Statut, car elle estime
ne pas disposer de preuves suffisantes pour s'assurer que chacune des
réclamations concrètes est fondée en fait et en droit (par. 76). Si cette
interprétation était la seule interprétation légitime,je m'inclinerais sans
réserve devant la décision.

Toutefois ce n'est pas, à mon avis, la seule interprétation légitimeet ce
n'est peut-être pas non plus la meilleure. Le demandeur, dans son
mémoire sur le fond et pendant la procédure orale, a insistésur le fait
qu'il ne formule pour le moment aucune demande tendant à obtenir le
paiement d'une indemnité déterminée.Dans sa conclusion même,il prie

seulement la Cour de déclarer que les actes de harcèlement et les entraves
apportées sont contraires audroit et que l'Islande, sur leplan des principes,
est tenue de réparer. Certes, cette conclusion est formulée de façon
abstraite, mais il reste à savoir si cela doit empêcher laCour de statuer à
son sujet. Je n'en suis pas tout à fait convaincu.

II n'est guère douteux que les actes de harcèlement et les entraves
apportées par l'Islande, et qui ont étéévoquésen grand détail au cours
- ---- .
1 Toutes les conclusions du demandeur sont reproduites au paragraphe 12de l'arrêt
et la quatrième conclusion figure aussi au paragraphe 71.du procès, étaient contraires au droit. Ils ont été commis pendant
l'instance au méprisdes obligations acceptéespar l'Islande dans l'échange

de notes de 1961, que la Cour a déclaréconstituer un traité en vigueur.
Il est également évident que, par leur caractère illicite, ils engagent la
responsabilité internationale de l'lslande. Dans l'affaire des Phosphates du
Maroc (C.P.J.I. série A/B no 74, p. 28), la Cour a rattaché l'apparition
d'une responsabilité internationale à l'existence d'un ((acte attribuable à

1'Etat et décrit conime contraire aux droits conventionnels d'un autre
Etat 1).IIn'est guère besoin de citer des autorités à l'appui d'une propo-
sition aussi élémentaire.Ainsi, en réalité, laCour étaitseulement invitée
à relever le caractère illicite des actes commis et à donner acte de
l'obligation de réparer qui en résultait pour l'Islande. II ne lui était pas
demandé de fixer le:montant de dommanes-intérêts.
.d
La Cour a reconnu cela au paragraphe 74 de I'arrêt,mais au lieu de
souligner que la conclusion envisagée est limitéepar sa nature, elle a
préféré lui attribuer un caractère élargi.Comme on l'a dit plus haut, son
interprétation l'a naturellement amenée à conclure qu'elle ne pouvait pas
donner suite à cette conclusion, faute d'élémentsde preuve relatifs à

chaque réclclmation prise en particulier. Tout en reconnaissant la force
du raisonnement de la Cour, j'aurais préférél'interprétation plus
restrictive.
Je tiens à ajouter- que, sur ce sujet, je fais miennes les idées exprimées
par sir Humphrey Waldock dans son opinion individuelle.

M. IGNACIO-PINTO ju,ge, fait la déclaration suivante:

J'ai dû voter à regret contre I'arrêtde la Cour. Toutefois dans mon

esprit mon vote négatif ne traduit pas à proprement parler une opposition
car, dans un autre contexte, j'a~rais sans doute votépour le processus que
la Cour a cru devoir suivre pour aboutir à sa décision. A mon sens celle-ci
fixe plutôt les conditions d'exercice des droits préférentiels,de la con-
servation des espèces halieutiques et des d~oits historiques qu'elle ne
répond à la demande principale du demandeur qui est de dire le droit sur

un point précis.
J'aurais d'autant plus volontiers souscrit à la conception des droits
préférentielsque IüCour ne fait que se conformer à sa propre décision
dans l'affaire des Pêcheries.
Il y a lieu de noter que le demandeur n'a nulle part sollicité laCour de

trancher entre l'lslande et lui un différend quiaurait pour objet les droits
préférentielsdu riverain, la conservation des espèces halieutiques ou les
droits historiques - cela ressort tout au long du très élaboréexposé des
motifs de I'arrêt.Il est manifeste que les considérations de ces différends
chefs abondamment développésdans I'arrêtne font l'objet d'aucune con-
testation de la part des Parties. II n'y a aucun doute qu'après avoir exposé

37les faits et les motifs qu'il invoque à l'appui de sa cause le demandeur n'a
sollicité la Cour que de statuer sur le différend survenu entre lui et
l'Islande et de dire et juger notamment:

((Que l'élargissement unilatéral par l'Islande de sa zone de com-
pétence exclusive sur les pêcheriesjusqu'à 50 milles marins à partir
des lignes de base actuelles, ...n'a aucun fondement en droit inter-

national à l'encontre de la République fédérale d'Allemagne ...))
(arrêt,par. 12, point 1).

C'est clair et net et tous les autres points des conclusions ne sont que
des accessoires ou des conséquences de cette demande principale. Or à
cette demande capitale que le demandeur a longuement développéeaussi
bien dans son mémoireque dans sa plaidoirie et qui a été reprisedans ses
conclusions finales, la Cour, par un raisonnement qu'elle a longuement
tenté de justifier, n'est finalement pas arrivée à donner une réponse
positive.

Elle a éludé déliberémenlta question à elle clairement posée en I'es-
pèce, à savoir si les prétentions de l'Islande sont conformes aux règlesde
droit international. Cette question écartée,elle élaboretout un systèmede
raisonnement pour affirmer finalement que le règlement du Gouverne-
ment islandais, promulgué le 14juillet 1972et ((portant extension unila-

térale des droits de pêche exclusifsde l'Islande jusqu'a 50 milles marins
des lignes de base spécifiéesdans ledit réglement n'est pas opposable au
Gouvernement de la République fédéraled'Allemagne ».

Selon moi, tout le problème est là car cette demande est fondée sur des
faits qui constituent, du moins dans le droit présent et la pratique de la
majoritédes Etats, des violationsflagrantes de conventions internationales

actuelles. Il est à noter que l'Islande ne les nie pas. Or les faits reprochés
sont patents, ils concernent indubitablement le traité liant les Etats parties
car l'échangede notes du 19juillet 1961a bien la valeur d'un tel acte. Que
la Cour estime, après avoir régléla demande fondamentaledu demandeur
au regard du droit international, qu'il y ait lieu de prendre en considéra-

tion la situation exceptionnelle de l'Islande et les intérêtsvitaux de ses
populations pour s'inspirer des principes d'équitéet pour envisager une
solution au différend,eût été lavoie normale à suivre d'autant plus que le
demandeur iui-mêmey souscrit dans ses conclusions finales. Mais l'on ne
saurait admettre qu'en raison de sa situation particulière l'Islande puisse
êtred'office dispensée de l'obligation de respecter les engagements inter-
nationaux qu'elle a souscrits. En ne répondant pas sans équivoque à cette

demande principale, la Cour a manqué à l'Œuvrede justice qui lui est de-
mandée.
Comment peut-on en effet qualifier les actes et les comportements de
l'Islande qui lui ont valu d'êtrecitéeà comparaître devant la Cour? Son
refus de respecter l'engagement souscrit par elle dans l'échangede notes
du 19 juillet 1961 de soumettre à la Cour internationale de Justice

tout différendqui s'élèveraità l'occasion de l'extension de sa zone exclu-sive de pêche,d'ailleurs prêvuepar les Parties, au-delà des 12 milles
marins, ce refus in-justifiéne constitue-t-il pas une violation du droit
international?
De mêmelorsque, contrairement à ce qui est généralementadmis par
la majorité des Etats dans la Convention de Genève de 1958, en son
article 2, où il est clairement spécifié qu'il existe unezone de haute mer

qui est res communi.~, l'Islande décideunilatéralement par son règlement
du 14 juillet 1972 de porter sa compétence exclusive de 12 milles marins
à 50 milles marins depuis les lignes de base, ne commet-elle pas là aussi
une violation du droit international? On ne saurait donc rien reprocher à
la Cour si elle reconnaissait le bien-fondé de la demande.
Je crois pour ma part que la Cour aurait à coup sûr renforcé son auto-

rité juridictionnelle si elle avait répondu positivement à la demande qui
lui est faite par la Képublique fédéraled'Allemagne au lieu de se lancer
dans l'élaboration d'une thèse sur les droits préférentiels, lazone de
conservation des espèces halieutiques ou les droits historiques, au sujet
desquels il n'y a jamais eu de différend, voire mêmepas l'ombre d'une
controverse ni de la part du demandeur ni de celle du défendeur.

Par ailleurs,je ne suis pas indifférent au fait que la majorité de la Cour
semble avoir adopté la thèse qui se dégagedu présent arrêt dans le but
d'indiquer la voie à suivre aux membres de la Conférence sur le droit de
la mer siéueant en c:emoment à Caracas.
La Cour apparaît à cette occasion comme soucieuse d'indiquer les
principes selon lesquels il serait souhaitable qu'une réglementation inter-

nationale générale soitadoptée en matière de droit de pêche.
Je ne méconnais pas la valeur des motifs ayant guidé la penséede la
majorité de la Cour et c'est àjuste titre qu'elle a voulu tenir compte de la
situation spéciale de l'Islande et de ses habitants, situation qui mérite
d'être considérée comme digne d'être traitée avecune sollicitude toute

particulière. Il conviendrait à cet égard d'envisager l'application du
mêmetraitement à tous les pays en voie de développement se trouvant
dans son cas et qui, étant actuellement victimes de l'inorganisation
anarchique de la pêcheinternationale, nourrissent l'espoir de voir régler
tous ces problèmes de pêcheries.Mais telle n'est pas la question poséeà
la Cour et la réponse donnée ne peut être quequalifiée d'évasive.

En adoptant ce point de vue je n'ignore pas que je cours le risque que
l'on me reproche de ne pas êtreau diapason de la tendance actuelle de
voir la Cour s'attribuer un pouvoir créateur que ne lui reconnaît, à mon
avis, ni la Charte des Nations Unies, ni son Statut. D'aucuns diraient
mêmepeut-être que la conception classique du droit international que je

professe est dépassée;pour ma part, je ne crains pas de continuer à res-
pecter les normes classiques de ce droit. Peut-être que de la troisième
Conférence sur le droit de la mer se dégageront quelques principes positifs
acceptés par tous les Etats. Je le souhaite ey applaudirai tout le premier
et, de plus, je serai satisfait de voir la bonne application qu'on en pourrait
faire, notamment au bénéficedes pays en voie de développement. Mais

fidèleavant tout à la pratique juridictionnelle, je demeure fervent partisande la nécessitépour la Cour de se limiter à son obligation de dire ledroit

tel qu'il existeprésentement par rapport aux faits de la cause soumise à
son appréciation.
Pour le surplus, je trouve absolument normal que, en droit interna-
tional comme en tout autre droit d'ailleurs, le droit existant puisse être
remis en cause de temps à autre- c'est le plussûr moyen de promouvoir
son développement progressif - mais il n'y a pas lieu d'en conclure pour
autant que la Cour doit, pour cette raison et à l'occasion du présent dif-
férend entre l'Islande et la République fédéraled'Allemagne, paraître
l'inspiratrice de certaines idéesde plusn plus d'actualité,voire partagées
par un nombre respectable d'Etats, en matière de droit de la mer et qui
hantent, semble-t-il, la plupart des conférenciers siégeant actuellement

à Caracas. Il convient,à mon avis, d'éviterd'entrer dans une voie d'anti-
cipation quant au règlement des problèmes comme ceux que les droits
préférentielset autres impliquent.
Pour terminer cette déclaration,je crois pouvoir m'inspirer de la con-
clusion que formule le secrétaireadjoint du Comité des fonds marins des
Nations Unies, M. Jean-Pierre Lévy,en souhaitant que l'idéequi s'en
dégage puisse inspirer les Etats et plus particulièrement l'Islande qui,
négligeant de suivre la voie du droit, préfèreattendre des assemblées à
caractère politique lajustification de sesdtoits.
Je suis d'accord avec M. Jean-Pierre Lévypour penser que:

((il esà espérer que les Etats mettront à profit ces quelques pro-
chaines quatre ou cinq annéespour tenter de se prouver à eux-mêmes
et surtout à leurs ressortissants, que l'intérêt générdael la commu-
nauté internationaleet lebien-êtredes peuples de la terre peuvent être
préservéspar la modération, la compréhension mutuelle et l'esprit

de compromis, qui seuls permettront à la troisième Conférence surle
droit de la mer de se tenir et de réussir codifier un ordre juridique
nouveau pour la mer et ses ressources ))(((La troisième Conférence
sur le droit de la mer, Annuairefrançais de droit international1971,
p. 828).

En attendant l'avènement del'ère nouvelletant souhaitée,je m'honore
de me trouver en accord avec quelques juges de la Cour tels que
MM. Gros, Petrénet Onyeama pour qui la règled'or pour la Cour doit
êtrede se limiter strictement, en de semblables causes, à ses attributions
juridictionnelles.

M. NAGENDRSA INGHj,uge, fait la déclarationsuivante:

II est certains motifs dont la validité s'impoàemoi avec tant de force
qu'ils me permettent de donner ma voix à l'arrêtque rend la Cour en laprésente affaire;je leur attache une telle importance que je crois devoir
les souligner pour bien mettre en relief la valeur réellede cet arrêt,sa
portéeaussi bien queson sens profond. Je voudrais lesexposer brièvement
ci-après, ainsi que les aspects de l'arrêt quirevktentà mes yeux une si
grande importance.

Fondant sa décisionsur le droit résultant d'accords bilatéraux,savoir
l'échangede notes de 1961qui prime en l'espèce,la Cour s'est prononcée
sur les première et deuxièmeconclusions du mémoire du demandeur sur
le fond, en proclamant, comme celui-ci l'en sollicite, que les mesures
prises par l'Islande ne sont pas opposables à la République fédérale
d'Allemagne. Cela suffit aux fins de cette partie de l'arrêt.II n'étaitdonc
pas nécessaireque la Cour statue sur l'aspect de la première conclusion
qui fait appel au droit général.
Dans les circonstances spécialesde la présenteaffaire, la Cour ne s'est

donc pas prononcéesur la demande particulière tendant à ce que la Cour
dise que l'élargissementpar l'Islande desa zone de compétenceexclusive
sur les pêcheriesjusqu'à 50 milles marins était sans fondement en droit
international, ce qui équivalaità demander à la Cour de dire qu'un tel
élargissement était ipsojure contraire au droit et dépourvu de validité
crga omnes. S'étant abstenue de statuer sur ce point, la Cour n'a donc
pas eu à se prononcer sur la thèsejuridique que le demandeur faisait
valoir à l'appui de sa première conclusion, à savoir qu'il existe actuelle-
ment une règle de droit international coutumier interdisant de façon
généraleaux Etats d'étendre au-delà de12milles leur compétenceen ma-
tière de pêcheries.
Un élémentde développement subsiste encore en ce qui concerne le
droit général.Les règlesde droit maritime coutumier relatives aux limites

de la compétenceen matièrede pêcheriessont encore en voie d'évolution
et, face à des pratiques étatiques largement divergentes et fortement
discordantes, ne se sont pas cristalliséesjusqu'ici.De même, bienqu'on ait
codifié unegrande partie du droit maritimeconventionnel aux Conférences
de Genèvede 1958et de 1960sur ledroit de la mer, il est certains éléments
de ce droit qui, tout le monde l'admet, ont été laissédse côtépour être
réglés plustard et qui, avec d'autres matières, sont maintenant l'objet de
nouveaux efforts de:codification. Etant donné.que la question de l'étendue
de la compétencedes Etats en matière de pêcheries estau nombre de ces
élémentssur lesquels l'accord ne s'estpas encore fait, la Cour ne pouvait
pas la réglercar elle ne saurait ((rendre de décisionb specie legisferen-
due, ni énoncerledroit avant que le législateur l'aitédicté)).

Bien que j'attache de l'importance àce point, je ne m'y attarderai pas
davantage car je souscris aux vues exprimées par mes collègues dans
l'opinion commune que le groupe de cinq juges dont je fais partie a
présentée eo t ù cet aspect du problèmeest traitéde façon plus détaillée.
41 La contribution que l'arrêtapporte au développement du droit de la
mer réside dans la reconnaissance qu'il accorde à la notion des droits
préférentiels de 1'Etat riverain sur les pêcheries des eaux adjacentes,
surtout quand cet E3at se trouve dans une situation spéciale parce que
sa population est tributaire des pêcheriesdont il s'agit. De plus, la Cour

reconnaît ensuite que le droit en matière de pêche doit accepter la
primauté des impératifs de la conservation sur la base de données
scientifiques. Cet élément està juste titre mis en relief dans la mesure
nécessairepour établir que les droits préférentielsde 1'Etat riverain et les
droits historiques d'autres Etats tributaires des mêmes lieux de pêche
doivent être exercés,sous réserve de la considération primordiale d'une

conservation rationnelle des ressources halieutiques dans l'intérêt de tous.
Cette conclusion semble justifiée si l'on doit protéger et développer au
profit de la collectivité cette source vitale de l'alimentation humaine.
En outre, il a tou.jours été nécessaird'admettre clairement, en matière
de droit maritime, l'existence d'une obligation de tenir ((raisonnablement

compte de l'intérêt[des] autres Etats)), ce principe consacré à l'article 2
de la Convention de Genève de 1958 sur la haute mer qui s'applique
mêmeaux quatre libertésde la haute mer et que la Cour a pris en consi-
dération en l'espèce. En conséquence, les droits de I'Etat riverain, qui
doivent avoir priorité sur ceux des autres Etats dans les pêcheries
côtières des eaux adjacentes, doivent néanmoins être exercés compte

dûment tenu des droits des autres Etats et les prétentions opposées qui
sont émisesà ce sujet doivent êtreconciliéessur la base de considérations
d'équité. 11 n'existe pas, jusqu'ici, de droit conventionnel qui régisse
expressément la question et c'est l'évolution du droit coutumier qui,
en l'espèce, a servi de fondement à l'arrêtde la Cour.

III

La Cour, en tant qu'organe judiciaire principal des Nations Unies et eu
égard au domaine spécial dans lequel elle exerce son activité, a un rôle
particulier àjouer dans l'administration de lajustice. Dans cette optique,

la nécessitéd'apporter une solution à tout différendque des Etats souve-
rains lui soumettent est un élémentque la Cour ne doit pas perdre de vue
dans l'exercice de sa fonction judiciaire. Plus d'une disposition de la
Charte des Nations Unies met l'accent sur cet aspect de la question du
rkglement des différends. On peut d'abord citer l'article 2, paragraphe 3,

ainsi que l'article premier, où figurent des expressions telles que ((l'ajuste-
nzent ou le règlement de différends ou de situations de caractère interna-
tional ))ou ctrèglerztleurs différends internationaux ));il y a également
l'article33 qui enjoint aux Etats Membres de ((rechercher la solution» de
leurs différendspar des moyens pacifiques.
Cette façon de voir les choses est, du reste, tout à fait conforme à la

jurisprudence de la Cour. Dans l'ordonnance qu'elle a rendue le 19 août
42 COMPÉTENCE PÊCHERIES (DÉCL. NAGENDRA SINGH) 214

1929en l'affaire des Zones franches de la Haute-Savoie et du Pays de Gex
(C.P.J.I.sr'rie A no22,p. 13),la Cour permanente deJusticeinternationale
a déclaréque le règlement judiciaire des confits internationaux n'était
qu'un succédané aurèglement direct et amiable de ces conflits entre les
parties. Par conséquent, si la conduite de négociations paraît nécessaire
dans les circonstances particulières d'un cas donné, la Cour ne doit pas

hésiter à ordonner aux parties de négocier pour faciliter la solution du
différend. Définissant le contenu de l'obligation de négocier, la Cour
permanente a déclaré,dans l'avis consultatif qu'elle a rendu en 1931 en
l'affaire du Traficferroviaire entre la Lithuanie et la Pologne (C.P.J.I. série
A,'Bnu 42, 1931,p. 116), qu'il ne s'agissait ((pas seulement d'entamer des

négociations, mais encore de les poursuivre autant que possible, en vue
d'arriver à des accords)), mêmesi ctl'engagement de négocier n'implique
pas celui de s'entendre)). On doit manifestement en déduire qu'une fois
les négociations ordonnées en vue du règlement d'un différend,tout doit
êtremis en Œuvre non seulement pour en favoriser le déroulement, mais
aussi pour contribuer à en assurer l'heureuse issue. Nous avons également

l'arrêt rendupar la Cour dans les affaires du Plateau continental de lu mer
d~rNord (C.I.J.Recueil 1969) qui cite l'article 33 de la Charte et d'après
lequel les Parties devaient négocier de bonne foi pour réglerleur différend
sur la base de l'arrct.
De toute évidence, il ne conviendrait guère et il serait mêmehors de

question qu'un tribunal ordonne des négociations dans chaque affaire
dont il est saisi, ou qu'il envisage de le faire lorsque les circonstances ne le
justifient pas; mais en l'espècedes négociations paraissent nécessaireseu
égardà la nature du différend,qui porte sur les mêmeslieux de pêcheet
soulève controverses et problèmes qui, plus que tous autres, se prêtentà
un règlement par voie de négociation. Le recours aux négociations parait

également indiqué si I'on tient compte de la nature du droit qui doit être
appliqué, qu'il s'agisse de l'accord de 1961dont la clause compromissoire
prévoit un préavisde six mois manifestement destiné à permettre des né-
gociations ou que I'on fasse appel à des considérations d'équité.La Cour
a donc accueilli la troisième conclusion du mémoiredu demandeur sur le

fond, et a dit que les négociations étaient le moyen auquel il convenait de
recourir pour risoiidre le problème que pose la nécessitéde concilier de
façon équitable les droits historiques que le demandeur tient de son acti-
vitétraditionnelle de pêche avecles droits préférentielsque l'Islande pos-
sède en tant qu'Etat riverain spécialement tributaire de ses pêcheries.
Dans son arrêt,la Cour a invitéles Parties à négocierun règlement; elle a

ainsi soulignécombien elle tenait à ce que sa décisionassure la solution du
différend.
On ne peut dire d'aucune instance judiciaire - et d'autant moins de la
Cour internationale de Justice - qu'elle dérogeà sa fonction lorsqu'elle
accorde au règlement du litige la place importante qu'il mérite - c'est là

l'objectif ultime de toute décision judiciaire de mêmeque celui de la
Charte, et la Cour, en tant qu'organe des Nations Unies, ne saurait guère
manquer d'en tenir compte. Tout tribunal qui s'acquitterait de sa fonc-tionde cette manière rendrait, semble-t-il, lajustice dans une optique plus
large, libre de toutes conceptions étroites et limitées.

Ainsi, lorsquela Cour a examinéla question de savoir sielle avait com-
pétencepour connaître de l'aspect du litige qui avait trait aux nécessités
de la conservation et à l'exercicede droits préférentielscompte dûment
tenu des droits historiques, elle a considéré à juste titre quecet aspect
faisait partie intégrante du différenddont elle était saisie.l est évident
que, pour pouvoir se prononcer efficacement sur le différendqui lui était
soumis et lui trouver la solution appropriée, la Cour devait l'examiner
sous tous ses aspects. Comment en irait-il autrement si I'on veut que la
justice rendue ne soit pas unejustice partielle, maiscette justice complète
laquelle un tribunal doit toujours tendre? On peut donc dire que c'est
également dans l'intérêg t énéraldu règlement du différendque la Cour
n'en a pas dissociécertains élémentsindissolublement liés à l'essentieldu
présent litige pour refuser de se prononcer à leur égard. La Cour doit
certes ne pas perdre de vue les limitations qui découlent du principe du
consentement en tant que fondement des obligations internationales,

principe qui régit également sapropre compéteice pour connaître d'un
différend.Cela ne saurait cependant signifier que lorsque, du libre con-
sentement des parties, un organe régulièrementconstitué en cour de
justice est chargé detrancher un différend il doit de quelque manière que
ce soit manquer de s'acquitter pleinement et efficacement de ses obliga-
tions. Il serait un peu inquiétant devoir la Cour elle-mêmeadopter une
conception trop étroite ou une interprétation trop restrictive du libelléde
la disposition qui lui confère compétence,en l'occurrence du membre de
phrase ((l'élargissementde la juridiction sur les pêcheriesautour de
l'Islande)),que I'ontrouve dans la clause compromissoire de l'échangede
notes de 1961. 11serait impossible de considérer quece membre de phrase
limite la compétence conférée à la Cour à la seule question de savoir si
I'extention par l'Islande de sa zone de pêche estou non conforme aux
règlesde droit existantes. De mêmela Cour ne saurait se déclarer incom-

pétentepour connaître de la quatrième conclusion du demandeur relative
à une indemnisation, car c'est le différend qui est à l'origine de cette
conclusion et c'est à lui qu'elle se rattache. Aussi la Cour ne doit-ellepas
perdre de vue les considérations touchant la solution du litige, tout en se
maintenant rigoureusement dans le cadre du droit qu'elle est chargée
d'appliquer et en demeurant fidèle en toute occasion aux procédures
qu'elle doit suivre.

Aux fins de l'application du droit de la mer, de mêmeque pour bien
comprendre les questions relatives aux pêcherieset se faire une juste
idéedes faits dans la présente espèce,il n'est pas sans importance de
savoir ce qu'est le contenu précis des expressions ((compétenceen ma-
tière depêcheries))ou((juridiction sur les pêcheries),e qu'elles signifient
et ce qu'elles recouvrent. La notion de compétenceen matière de pêche-ries s'étendà des domaines comme l'application de mesures de conserva-
tion, l'exercice de droits préférentielset le respect de droits historiques,
étantdonnéque, dans chacun de ces domaines, la mise en Œuvrepeut faire
intervenir un élémentde compétence. Mêmele mot ((élargissement )qui
figure, aux côtésdes mots ((de la juridiction sur les pêcher»,sdans la

clause compromissoïre de l'accord de 1961, ne saurait être interprété
restrictivement de manière à viser simplement l'élargissement d'une zone
géographique ou le report d'une limite, car un tel élargissementou report
serait privé de toute signification en l'absence d'un élémentjuridictionnel
lui donnant, en quelque sorte, son contenu juridique. II n'est donc pas

sans intérêt e souligner que le préambule de la Proclamation Truman de
1945 concernant les .pêcheriescôtières des Etats-Unis fait mention d'une
base ((juridictionnelle)) pour l'application de mesures de conservation
dans les eaux adjacentes, étant donné que de telles mesures doivent être
appliquées comme tout autre règlement dans une zone particulière. C'est
là un argument de plus à l'appui de la coilclusion de la Cour selon laquelle

elle a compétence pour traiter des aspects dri différend qui ont trait à la
conservation et aux droits préférentiels,car l'expression ((l'élargissement
de la juridiction sur les pêcheries))que l'on trouve dans l'accord de 1961
doit êtreréputée engloberlesdits aspects.

Un autre aspect de l'arrêt quirevêtde l'importance à mes yeux est qu'il
((ne peut ... empêcherles Parties de tirer avantage de toute évolution
ultérieuredes règlespertinentes du droit international ))(par. 77). La Cour
ne peut connaître que de l'affaire dont elle est saisie; elle ne saurait en

aucun cas tenir compte d'une situation hypothétiquequi pourrait résulter,
plus tard, de la conduite de négociations ou du refus de négocier, ou de
tout autre événement, ycompris même un nouvel acte juridictionnel.
Aussi, la possibilitéou mêmela probabilité de modifications du droit ou
des situations dans l'avenir ne saurait empêcher un tribunal de rendre
actuellement sa décision.

MM. FORSTERB , ENGZONJ,IMÉNEZ DE ARÉCHAGAN , AGENDRA SINGH
et RUDA,juges, joignent à l'arrêtl'exposéde leur opinion individuelle
collective;M. DE CASTRO et sir Humphrey WALDOCKj,uges, joignent à

l'arrêtles exposésde leur opinion individuelle.

MM. GROS, PETRÉN et ONYEAMA j,ges, joignent à l'arrêtles exposés
de leur opinion dissidente.
(Paraphé) M.L.

(Paraphé) S.A.

45

Bilingual Content

INTERNATIONAL COURT OF JUSTICE

REPORTS OF JUDGMENTS,
ADVISORY OPINIONS AND ORDERS

FISHERIES JURISDICTION CASE

(FEDERAL REPUBLIC OF GERMANY ivICELAND)

MERITS

.JUDGMENT OF 25 JULY 1974

COUR INTERNATIONALE DE JUSTICE

RECUEIL DES ARRÊTS,
AVIS CONSULTATIFS ET ORDONNANCES

AFFAIRE DE LA COMPÉTENCE
EN MATIÈRE DE PÊCHERIES

(RÉPUBLIQUE FÉDÉRALE D'ALLEMAGNE c. ISLANDE)

FOND

ARR~T DU 25 JUILLET 1974 Officia1cita:ion
FisheriesJurisdiction (Federal Republic of Germany v. Zeeland),
Merits, Judgment, Z.C.J. 1974, 175.

Mode officielde citation:

Compétec. Islande),fond, arrê. ecueil 1974,p. 175.d'Allemagne

Sales"""ber396 1
NOdevent: 25 JULY 1974

JUDGMENT

FISHERIES JURISDICTION CASE

(FEDERAL REPUBLIC OF GERMANY v. ICELAND)

MERITS

AFFAIRE DE LA COMPÉTENCE

EN MATIÈRE DE PÊCHERIES
(RÉPuBLIQUIE FÉDÉRALE D'ALLEMAGNE c. ISLANDE)

FOND

25 JUILLET 1974
ARRÊT INTERNATIONAL COURT OF JUSTICE

YEAR 1974
1974
25 July 25 July1974
General List
No. 56
FISHERIES JURISDICTION CASE

(FEDERAL REPUBLIC OF GERMANY v. ICELAND)

MERITS

Failure of Party to appear-StatuArticle 53.
History of the dispute-Jurisdictof the Court-Eflectof previous finding
ofjurisdiction-Znterpretation of compromissory clause.
Icelandic Regulations of 14 July 1972-Extensby coastal Stateoffisheries

jurisdiction to 50 miles from baselines round coast-Extensionallenged as
contrary to international law-Law of the sea-Geneva Conferences of 1958
and 1960-Concepts offishery zone and preferential rights of coastal State in
situation of special dependence on coastal fisheries-Statectice-Excep-
tional dependence of Zceland on fisheries-Conservatineeds-Preferential
rights nojustification for claim to extinguish concurrent rights of other fishing
States-Historicrights of Federal Republic of Germany-Regulations of
14 July 1972 not opposable to Federal Republic-Reconciliaof preferential
rights of coastal State and rights of other fishing States-Obligto keep
conservation measures ofishery resources under review-Negotiatirequired
for equitable solution-Obligatioto negotiate jlowing from nature of Parties'
respectiverighfs-Various factors relevant to the negotiation-Positionof
Parties pending conclusion of negotiations.

Claim for compensation for interference with fishing vessels-Jurisofction
Court-Submission presenred in abstract form-Needfor concrete submission
as tu existence and amount of damage-Zmpossibiliof al/-embracing finding
of liability in this case.

JUDGMENT
Present: President LACHS;Judges FORSTERG , ROS, BENGZON,PETRÉN,
ONYEAMAD , ILLARD,IGNACIO-PINTO DE CASTRO,MOROZOV,
JIMENE ZEARECHAGS Ai,rHumphreyWALDOCK N,AGENDR SINGH,

RUDA;Registrar AQUARONE. COUR INTERNATIONALEDE JUSTICE

1974
25 juillet1974 25juillet
Rôle génkral
no56
AFFAIRE DE LA COMPÉTENCE

EN MATIÈRE DE PÊCHERIES

(RÉPUBLIQUE:FÉDÉRALE D'ALLEMAGNE c. ISLANDE)

FOND

Défautde comparution d'une desParties - Article 53 du Statut.
Historique du diflrend - Compétence de la Cour - Efet de la décision
antérieuresur cette compétence- Interprétation de la clause compromissoire.
Règlement islanda,Bdu 14juillet 1972 - Extension par 1'Etat riverain de sa
compétenceen matièr-edepêcheries jusqu'à50 milles à partir des lignes de base
entourant ses côtes -- Cette extension est contestée comme contraire au droit
international- Le droit de la me- Conférencesde Genèvede 1958et 1960 -

Notions de zone depêcheet de droits préférentielsd'un Etat riverain spécialement
tributaire de sesêch.eriecôtières- Lapratique des Etats - Dépendanceexcep-
tionnelle de l'Islandà l'égard des pêcheries- Besoins de conservation -Les
droitspréférentiels nejustifientpas l'abolitiondesdroits concurrents d'autres Etats
qui pratiquent la pêche- Droits historiques de la République fédéraled'Alle-
magne - Le règlement du 14juillet 1972 n'est pas opposable à la République
fédérale - Concilial'iondes droits préférentiels del'Etat riverain et des droits
d'autres Etats se livrant la pêche - Obligation de réexaminer les mesures de
conservation des ressources halieutiques- Des négociations sont nécessaires
pour arriver à une solution équitable- L'obligation de négocier découle dela

nature des droits respectifs des Parti-s Divers facteurs présentant de l'intérêt
pour les négociations- Position des Parties jusqu'à l'issue des négociations.
Demande en réparation du fait de la gêne apportéeaux navires de pêche
- Compétence de lin Cour - Conclusion présentée sous uneforme abstraite
- Nécessité desoumettre une conclusion concrète concernant l'existence et le
montant des préjudices - Impossibilité de formuler une constatation générale
de responsabilité en l'espèce.

Présents: M. LACHS,Président; MM. FORSTER G,ROS,BENGZONP ,ETREN,
ONYEAMA,DILLARD,IGNACIO-PINTO DE CASTRO,MOROZOV,
JIMENE ZE ARÉCHAGA si, Humphrey WALDOCK M, M. NAGENDRA
SINGH,RUDA,juges; M. AQUARONG E,reffier.176 FISHERIESJURISDICTION(JUDGMENT)

In the Fisheries Jurisdiction case,
between

the Federal Republic of Germany,

represented by
Dr. G. Jaenicke, Professor of International Law in the University of
Frankfurt am Main,

as Agent and Counsel,
assisted by
Dr. D. von Schenck, Head of the Legal Department, Ministry of Foreign
Affairs,
Mr. G. Mocklinghoff, Ministry of Food, Agriculture and Forestry,

Dr. C. A. Fleischhauer, Ministry of Foreign Affairs,
Dr. D. Booss, Ministry of Food, Agriculture and Forestry,
Dr. Kaufmann-Bühler, Ministry of Foreign Affairs,
as Counsel and Advisers,
and by

Dr. Arno Meyer, Federal Institute for Fisheries Research,
as Counsel and Expert,

and

the Republic of Iceland,

composed as above,

delivers thefollowing Judgment:

1.By a letter of 26 May 1972, received in the Registry of the Court on
5 June 1972,the State Secretary of the Foreign Office of the Federal Republic
of Gerrnany transmitted to the Registrar an Application instituting proceed-
ings against the Republic of Iceland in respect of a dispute concerning the
then proposed extension by the Government of Iceland of its fisheries juris-
diction.
2. Pursuant to Article 40, paragraph 2, of the Statute, the Application was
at once comrnunicated to the Government of Iceland. In accordance with
paragraph 3 of that Article, al1 other States entitled to appear before the
Court were notified of the Application.
3. By a letter dated 27 June 1972 from the Minister for Foreign Affairs
of Iceland, received in the Registry on 4 July 1972, the Court was informed
(inter alia) that the Governrnent of Iceland was not willing to confer jurisdic-
tion on the Court, and would not appoint an Agent.

4. On 21 July 1972, the Agent of the Federal Republic of Germany filed in
the Registry of the Court a request for the indication of interirn measures of
protection under Article 41 of the Statute and Article 61 of the Rules of Court
adopted on 6 May 1946. By an Order dat'ed 17 August 1972, the Court
indicated certain interirn measures of protection in the case; and by a further En l'affaire de la compétence en matière de pêcheries,

entre
la République fédéraled'Allemagne,

représentéepar
M. G. Jaenicke, professeur de droit international à l'université de Franc-
fort-sur-le-Mairi,

comme agent et clonseil,
assistépar

M. D. von Schenck, chef du département juridique, ministère des Affaires
étrangères,
M. G. Mocklinghioff, ministère de l'Alimentation, de l'Agriculture et des
Forêts,
M. C. A. Fleischhauer, ministère des Affaires étrangères,
M. D. Boos, ministère de l'Alimentation, de l'Agriculture et des Forêts,
M. Kaufmann-Büihler, ministère des Affaires étrangères,

comme conseils el:conseillers,
et par
M. Arno Meyer, 1:nstitutfédéralde recherches sur la pêche,

comme conseil et expert,

la République d'Isla.nde,

ainsi composée,

rend Z'arrêt.suiva:t
1. Par lettre du 26 mai 1972 reçue au Greffe de la Cour le 5 juin 1972, le

secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères de la République fédéraled'Alle-
magne a transmis ai1Greffier une requêteintroduisant une instance contre la
République d'Islande au sujet d'un différendportant sur l'extension de la
compétence islandaise en matière de pêcheries à laquelle le Gouvernement
islandais se proposait de procéder.
2. Conformémenit à I'article 40, paragraphe 2, du Statut, la requête aété
immédiatement communiquée au Gouvernement islandais. Conformément
au paragraphe 3 LImêmearticle, les autres Etats admis à ester devant la
Cour ont été informiésde la requête.
3. Par lettre du 27juin 1972reçue au Greffe le 4juillet 1972,le ministre des
Affaires étrangèresd'Islande a fait notamment savoir àla Cour que le Gou-
vernement islandais n'était pas disposé à lui attribuer compétence et ne
désignerait pas d'agent.
4. Le 21 juillet 1972, l'agent de la République fédérale d'Allemagne a

déposéau Greffe une demande en indication de mesures conservatoires en
vertu de l'article 41 du Statut et de l'article 61 du Règlement de la Cour
adopté le 6 mai 1946. Par ordonnance du 17 aoQt 1972, la Cour a indiqué
certaines mesures conservatoires en l'affaire et, par une nouvelle ordonnance Order dated 12 July 1973, the Court confirmed that those rneasures should,
subject as therein mentioned, remain operative until the Court has given
final judgment in the case.
5. By an Order dated 18 August 1972, the Court, considering that it was
necessary to resolve first of al1 the question of its jurisdiction inthe case,
decided that the first pleadings should be addressed to the question of the
jurisdiction of the Court to entertain the dispute, and fixedtime-lirnits for the
filing of a Mernorial by the Governrnent of the Federal Republic of Gerrnany
and a Counter-Memorial by the Government of Iceland. The Mernorial of
the Government of the Federal Republic was filed within the tirne-limit
prescribed, and was cornmunicated to the Government of Iceland; no
Counter-Memoriai was filed by the Governrnent of Iceland. On 8 January
1973, after due notice to the Parties, a public hearing was held in the course
of which the Court heard the oral argument on the question of the Court's
jurisdiction advanced on behalf of the Government of the Federal Re-
public of Germany. The Government of Iceland was not represented at the
hearing.
6. By a Judgment dated 2 February 1973, the Court found that it had

jurisdiction to entertain the Application filed by the Federal Republic of
Gerrnany and to deal with the merits of the dispute.
7. By an Order dated 15 February 1973 the Court fixed time-limits for the
written proceedings on the merits, namely 1 August 1973 for the Mernorial
of the Government of the Federal Republic and 15 January 1974 for the
Counter-Mernorial of the Government of Iceland. The Memorial of the
Governrnent of the Federal Republic of Gerrnany was filed within the time-
limit prescribed, and was communicated to the Governrnent of Iceland; no
Counter-Memorial was filed by the Government of Iceland.
8. By a letter from the Registrar dated 17 August 1973 the Agent of the
Federal Republic of Gerrnany was invited to subrnit to theCourt any observa-
tions which the Government of the Federal Republic rnight wish to present on
the question of the possible joinder of this case with the case instituted on
14 April 1972 by the United Kingdom against the Republic of Iceland
(General List No. 55) and the Agent was inforrned that the Court had fixed
30 September 1973 as the time-limit within which any such observations

should be filed. By a letter dated 25 Septernber 1973, the Agent of the Federal
Republic subrnitted the observations of his Government on the question of
the possible joinder of the two Fisheries Jurisdiction cases. The Governrnent
of Iceland was informed that the observations of the Federal Republic on
possible joinder had been invited, but did not make any cornments to the
Court. On 17 January 1974 the Court decided by nine votes to five not to
join the present proceedings to those instituted by the United Kingdom
against the Republic of Iceland. In reaching this decision the Court took into
account the fact that while the basic legal issues in each case appeared to be
identical, there were differences between the positions of the two Applicants,
and between their respective submissions, and that joinder would be con-
trary to the wishes of the two Applicants. The Court decided to hold the
public hearings in the two cases immediatelyfollowingeach other.

9. On 28 March and 2 April 1974, after due notice to the Parties, public
hearings were held in the course of which the Court was addressed by the
Agent and counsel and by a counsel and expert on behalf of the Federal
Republic of Germany on the merits of the case; the Governrnent of Iceland du 12juillet 1973, elle a confirméque ces mesures, sous les réservesindiquées
dans le texte, resteraient en vigueur jusqu'à ce qu'elle ait rendu son arrêt
définitifen I'affaire.
5. Par ordonnance du 18 août 1972, la Cour, considérant qu'il étaitnéces-

saire de régler en premier lieu la question de sa compétence en I'affaire, a
décidéque les premières piècesécritesporteraient sur la question de la com-
pétence de la Cour pour connaître du différendet a fixéla date d'expiration
des délais pour le dépôt du mémoire du Gouvernement de la République
fédéraled'Allemagne et du contre-mémoire du Gouvernement islandais. Le
mémoire du Gouvernement de la République fédérale aétédéposédans le
délaiprescrit et il a &técommuniqué au Gouvernement islandais; le Gouver-
nement islandais n'a pas déposéde contre-mémoire. Les Parties ayant été
dûment averties, une audience publique a été tenuele 8janvier 1973, durant
laquelle la Cour a entendu le Gouvernement de la République fédérale
d'Allemagne plaider sur la question de la compétence de la Cour; le Gouver-
nement islandais n'étaitpas représentéà l'audience.

6. Par arrêt du 2 février1973, la Cour a dit qu'elle avait compétence pour
connaître de la requêtedéposéepar la République fédérale d'Allemagneet
statuer sur le fond dii différend.
7. Par ordonnance du 15 février 1973, la Cour a fixédes délais pour le
dépôt des piècesécritessur le fond,à savoir le leraoQt 1973 pour le mémoire
du Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne etle 15janvier 1974
pour le contre-mémoire du Gouvernement islandais. Le mémoiredu Gouver-
nement de la République fédérale aétédéposé dans le délaiprescrit et il a été
communiqué au Gouvernement islandais; le Gouvernement islandais n'a
pas déposéde contre-mémoire.
8. Par lettre du G.reffieren date du 17 août 1973, l'agent de la République
fédérale d'Allemagne a été invité à soumettre à la Cour toutes observations

que le Gouvernement de la République fédéralesouhaiterait présenter sur la
question d'une éventuellejonction de la présente instance avec celle que le
Royaume-Uni a introduite contre la République d'Islande par une requête
déposéele 14avril 1!)72(rôle généraino 55);l'agent a été informéque la Cour
avait fixéau 30 septembre 1973 la date d'expiration du délaidans lequel les-
dites observations devraient êtredéposées. Par lettre du 25 septembre 1973,
l'agent de la République fédérale a présenté les observations de son gouver-
nement sur la question de l'éventuellejonction des deux affaires de la com-
pétenceen matière clepêcheries.Le Gouvernement islandais a été informéde
l'invitationà présenter desobservations sur une éventuellejonction adressée à
la République fédérale,mais il n'a fait parvenià la Cour aucun commentaire.
Le 17 janvier 1974, la Cour a décidé,par neuf voix contre cinq, de ne Pas

joindre la présente affaireà celle que le Royaume-Uni a introduite contre la
République d'Islande. La Cour s'est ainsi prononcée parce qu'elle a consi-
déréque, si les questions juridiques essentielles semblaient identiques dans
les deux affaires, il existait des divergences quaàtla position et aux conclu-
sions des deux demiandeurs et qu'une jonction aurait étécontrai. à leurs
vŒux. Elle a décidéde tenir des audiences publiques se faisant suite immédia-
tement dans les deux affaires.
9. Les Parties ayant étédament averties, des audiences publiques ont eu
lieu les 28 mars et 2 avril 1974, durant lesquelles la Cour a entendu l'agent et
conseil et un conseil et expert du Gouvernement de la République fédérale
sur le fond de I'affaire; leGouvernement islandais n'était pas représentéauxwas not represented at the hearings. Various Members of the Court addressed
questions to the Agent of the Federal Republic during the course of the
hearings, and replies were given either orally at the hearings or in writing.
Copies of the verbatim record of the hearings and of the written replies to
questions were transmitted to the Government of Iceland.
10. The Court does not include upon the bench any judge of the national-
ity of either of the Parties. However, the Government of Iceland did not
indicate any intention to avail itself of the right conferred upon it by Article
31, paragraph 3, of the Statute of the Court; and in the present phase of the
proceedings the Agent for the Federal Republic of Germany informed the
Court in the above-mentioned letter dated 25 September 1973 that, taking
account of the fact that the Government of Iceland was declining to take part
in the proceedings and to avail itself of the right to have ajudge ad hoc on the
bench, the Government of the Federal Republic, as long as that situation
persisted, did not feel it necessary to insist on the appointment of a judge
ad hoc.
Il. The Governments of Argentina, Australia, India, New Zealand,
Senegal and the United Kingdom requested that the pleadings and annexed

documents in this case should be made available to them in accordance with
Article 44, paragraph 2, of the Rules of Court.The Parties having indicated
that they had no objection, it was decided to accede to these requests. Pur-
suant to Article 44, paragraph 3, of the Rules of Court the pleadings and
annexed documents were, with the consent of the Parties, made accessible to
the public as from the date of the opening of the oral proceedings.
12. In the course of the written proceedings, the following submissions
were presented on behalf of the Government of the Federal Republic of
Germany :

in the Application:

"The Federal Republic of Germany asks the Court to adjudge and
declare :
(a) That the unilateral extension by Iceland of its zone of exclusive

fisheries jurisdiction to 50 nautical miles from the present baselines,
to be effective from 1September 1972, which has been decided upon
by the Parliament (Althing) and the Government of Iceland and
communicated by the Minister for Foreign Affairs of Iceland to the
Federal Republic of Germany by aide-mémoire handed to its
Ambassador in Reykjavik on 24 February 1972, would have no
basis in international law and could therefore not be opposed to the
Federal Republic of Germany and to its fishing vessels.
(6) That if Iceland, as a coastal State specially dependent on coastal
fisheries, establishes a need for special fisheries conservation
measures in the waters adjacent to itsCoast but beyond the exclusive
fisheries zone provided for by the Exchange of Notes of 1961, such
conservation measures, as far as they would affect fisheries of the
Federal Republic of Ger.many, may not be taken, under interna-
tional law, on the basis of a unilateral extension by Iceland of its
fisheries jurisdiction, but only on the basis of an agreement between
the Federal Republic of Germany and Iceland concluded either
bilaterally or within a multilateral framework."audiences. Plusieurs membres de la Cour ont posé des questions à l'agent de
la République fédéralependant la procédure orale et les réponses ont été
données soit oralemient en audience soit par écrit. Copie des comptes rendus
d'audiences ainsi que des réponses écrites aux questions a ététransmise au
Gouvernement islaridais.

10. LaCour ne compte sur le siègeaucun juge de la nationalité de l'une ou
l'autre Partie. Toutefois, le Gouvernement islandais n'a pas manifesté I'inten-
tion de se prévaloii: du droit que lui confère l'article 31, paragraphe 3, du
Statut de la Cour et, dans la phase actuelle de la procédure, l'agent de la
République fédérale d'Allemagne a informé la Cour, dans la lettre précitée
du 25 septembre 1973, que, le Gouvernement islandais se refusant toujours à
prendre part à l'instance età se prévaloir de la faculté de désigner un juge
ad hoc pour siéger en l'affaire, leGouvernement de la République fédéralene
croyait pas devoir irisister pour désignerun juged hoc tant que cettesituation
persisterait.

11. Les Gouverniements de l'Argentine, de l'Australie, de l'Inde, de la

Nouvelle-Zélande, du Royaume-Uni et du Sénégalont demandé que les
piècesde la procédure écriteen l'affaire soient tenueàleur disposition confor-
mément à l'article 44, paragraphe 2, du Règlement de la Cour. Les Parties
ayant indiqué qu'elles ne s'y opposaient pas, il a étédécidéde fairedroità ces
demandes. En app'ication de l'article 44, paragraphe 3, du Règlement, les
pièces de la procédure écrite ont, avec l'assentiment des Parties, été rendues
accessibles au publilà dater de l'ouverture de la procédure orale.
12. Dans la procédure écrite, les conclusions ci-après ont étédéposéesau
nom du Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne:

dans la requête:

« La Républnque fédérale d'Allemagne demande qu'il plaise à ia Cour
dire et juger:

a) que l'élargissement unilatéral par l'Islande desa zone de compétence
exclusive sur les pêcheriesjusqu'à 50 milles marins àpartir des lignes
de base act~uelles,et celaà dater du le' septembre 1972 - élargisse-
ment décidépar le Parlement (Althing) et le Gouvernement islandais
et notifié par le ministre des Affaires étrangères d'Islandà la Répu-
blique fédérale d'Allemagne dans un aide-mémoire remis à son

ambassadeur à Reykjavik le 24 février 1972 - serait dépourvu de
fondement en droit international et n'est donc pas opposable à la
République:fédérale d'Allemagne et àses navires de pêche;
b) que si l'Islande, en tant qu'Etat riverain essentiellement tributaire des
pêcheriescfitières, établit que des mesures spéciales de conservation
des pêcheries sont nécessaires dans les eaux adjacentes à ses côtes
mais au-dellà de la zone exclusive de pêcheprévue dans l'échange de
notes de 1961, de telles mesures de conservation,pour autant qu'elles
portent atteinte auxpêcheriesde la République fédérale d'Allemagne,
ne peuvent êtreprises, en droit international,au moyen d'un élargis-
sement décidé unilatéralement par l'Islande de sa compétence en
matière de pêcherieset doivent l'êtreau moyen d'un accord conclu

sur le plan Ibilatéralou dans un cadre multilatéral entre la République
fédérale d'Allemagne et l'Islande.)>179 FISHERIESJURISDICTION(JUDGMENT)

in the Memorial on the merits:
"May it please the Court to adjudge and declare:
1. That the unilateral extension by Iceland of its zone of exclusive
fisheries jurisdictionto 50 nautical miles from the present baselines,
put into effect by the Regulations No. 189/1972 issued by the Ice-
landic Minister for Fisheries on 14 July 1972, has, as against the
Fedeial Republic of Germany, no basis in international law and can
therefore not be opposed to the Federal Republic of Germany and the

fishing vessels registered in the Federal Republic of Germany.
2. That the Icelandic Regulations No. 18911972issued by the Icelandic
Minister for Fisheries on 14 July 1972, and any other regulations
which might be issued by Iceland for the purpose of implementing
Iceland's claim to a 50-mile exclusive fisheries zone, shall not be
enforced against the Federal Republic of Germany, vessels registered
in the Federal Republic of Germany, their crews and other persons
connected with fishing activities of such vessels.
3. That if Iceland, as a coastal State specially dependent on its fisheries,
establishes a need for conservation measures in respect to fish stocks
in the waters adjacent to its Coast beyond the limits of Icelandic
jurisdiction agreed to by the Exchange of Notes of 19July 1961, such
conservation measures, as far as they would affect fishing activities by
vessels registered in the Federal Republic of Germany, may not be
taken on the basis of a unilateral extension by Iceland of its fisheries
jurisdiction but only on the basis of an agreement between the Parties,
concluded either bilaterally or within a multilateral framework, with

due regard to the special dependence of Iceland on its fisheries and to
the traditional fisheries of the Federal Republic of Germany in the
waters concerned.

4. That the acts of interference by Icelandic coastal patrol boats with
fishing vessels registered in the Federal Republic of Germany or with
their fishing operations by the threat or use of force are unlawful
under international law, and that Iceland is under an obligation to
makecompensation therefor to the Federal Republic of Germany."
13. At the public hearing of 28 March 1974 the Agent of the Federal Re-
public of Germany read the final submissions of his Covernment in this

case; these submissions were identical to those contained in the Mernorial,
and set out above.
14. No pleadings were filed by the Government of Iceland, which was also
not represented at the oral proceedings, and no submissions were therefore
presented on its behalf. The attitude of that Government was however
defined in the above-mentioned letter of 27 June 1972 from the Minister for
Foreign Affairs of Iceland, namely that there was on 5 June 1972(the date on
which the Application was filed) no basis under the Statute for the Court to
exercise jurisdiction in the case, and that the Government of Iceland was not
willing to confer jurisdiction on the Court. After the Court had decided, by
its Judgment of 2 February 1973, that it had jurisdiction to deal with the
merits of the dispute, the Minister for Foreign Affairs of Iceland, by letter
dated 11January 1974, inforrned the Court that:
"With reference to the time-limit fixed by the Court for the submission

of Counter-Memorials by the Government of Iceland, 1have the honourdans le mémoire sur le fond:
« Plaiseà la Cour dire et juger:

1. Que l'élargissementunilatéral par l'Islande de sa zone de compétence
exclusive sur les pêcheries jusqu'à0 milles marins à partir des lignes
de base actuelles, mis en vigueur par le règlement no 18911972pris par
le ministre islandais des pêcheriesle4juillet 1972, n'a aucun fonde-
ment en droit international à l'encontre de la République fédérale
d'Allemagne et n'est donc pas opposable à la République fédérale
d'Allemagne ni aux navires de pêchequi y sont immatriculés.
2. Que le règlement islandais no 18911972pris par le ministre islandais
des pêcheriesle 14 juillet 1972, et tout autre règlement qui pourrait
êtreadopté par l'Islande pour donner effetà la prétention islandaisà
une zone exclusive de pêchede 50 milles, ne doit faire l'objet d'aucune
mesure d'application prise à l'encontre de la République fédérale

d'Allemagne, des navires qui y sont immatriculés, de leur équipageet
de toute personne intéresséeà l'activitéde pêchede ces navires.
3. Que si l'Islande, en tant qu'Etat riverain spécialement tributaire de la
pêche,établit que des mesures de conservation de stocks de poisson
sont nécessairesdans les eaux adjacentes à ses côtes mais au-delà des
limites de la juridiction islandaise convenuedans l'échangede notes
du 19 juillet 1961, ces mesures de conservation, pour autant qu'elles
affectent les opérations de pêchedes navires immatriculés dans la
République fédéraled'Allemagne, ne peuvent êtreprises au moyen
d'un é1argisi;ementdécidéunilatéralement par l'Islande de sa com-
pétence en matière de pêcheries maisdoivent l'êtreau moyen d'un
accord conclu entre les Parties, sur le plan bilatéral ou dans un cadre

multilatéral en tenantdament compte de la dépendance spéciale de
l'IslandeàI'tSgardde la pêcheet de l'activitéde pêchetraditionnelle de
la République fédéraled'Allemagnedans les eaux dont il s'agit.
4. Que les actes des garde-côtes islandais visantà gêner,par la menace
ou l'emploi(lela force, les navires de pêcheimmatriculésdans la Répu-
blique fédéraled'Allemagne ou à entraver leurs opérations de pêche
sont contraires au droit international et que l'Islande doità ce titre
réparation à la République fédéraled'Allemagne. ))

13. A l'audience du 28 mars 1974, l'agent de la République fédérale
d'Allemagne a donné lecture des conclusions finales de son gouvernement en
l'affaire; ces concliisions étaient identiquesà celles qui figuraient dans le
mémoire et sont reproduites ci-dessus.
14. Aucune pièceécriten'a étédéposéepar le Gouvernement islandais, qui
n'était pasnon plus représenté à la procédure orale, et aucune conclusion n'a
donc étéprise en son nom. Toutefois l'attitude du Gouvernement islandais a
étédéfiniedans la lettre précitéedu ministre des Affaires étrangèresd'Islande
en date du 27 juin 1972, à savoir que le 5 juin 1972 (date du dépôt de la
requête) laCour ne pouvait trouver dans son Statut aucun fondement pour
l'exercice de sa compétence en l'affaire et que le Gouvernement islandais

n'était pas disposé àlui attribuer compétence. Après que, par son arrêtdu
2 février1973, la Cour se fut déclaréecompétente pour statuer sur le fond du
différend, le ministre des Affaires étrangèresd'Islande lui a fait savoir ce qui
suit par lettre du 11janvier 1974:
« Au sujet dii délaifixépar la Cour pour le dépôtde contre-mémoires
par le Gouverriement islandais, j'ai l'honneur de porteràvotre connais-

8 to inform you that the position of the Government of lceland with
regard to the proceedings in question remains unchanged and, con-

sequently, no Counter-Memorials will be submitted. At the same time,
the Government of lceland does not accept or acquiesce in any of the
statements of facts or allegations or contentions of law contained in the
Memorials filed by the Parties concerned."
*
* *

15. Iceland has not taken part in any phase of the present proceedings.
By the above-mentioned letter of 27 June 1972, the Government of Ice-
land informed the Court that it regarded the Exchange of Notes between
the Government of Iceland and the Goverliment of the Federal Republic
of Germany dated 19July 1961 as terminated; that in its view there was

no basis for the Court under its Statute to exercise jurisdiction in the
case; that, as it considered the vital interests of the people of lceland to
be involved, it was not willing to confer jurisdiction on the Court in any
case involving the extent of the fishery limits of Iceland; and that an
agent would not be appointed to represent the Government of Iceland.
Thereafter, the Government of Iceland did not appear before the Court
at the public hearing held on 2 August 1972 concerning the request by

the Federal Republic of Germany for the indication of interim measures
of protection; nor did it file any pleadings or appear before the Court
in the subsequent proceedings concerning the Court's jurisdiction to
entertain the dispute. Notwithstanding the Court's Judgment of 2
February 1973, in which the Court decided that it has jurisdiction to
entertain the Application of the Federal Republic of Germany and to

deal with the merits of the dispute, the Government of Iceland maintained
the same position with regard to the subsequent proceedings. By a letter
dated 11January 1974, it informed the Court that no Counter-Mernorial
would be submitted. Nor did it in fact file any pleading or appear before
the Court at the public hearings on the merits of the dispute. The Agent
ofthe Federal Republic stated in a letter dated 14July 1972,with reference
to theabove-mentioned letter of 27June 1972from the Minister for Foreign

Affairs of lceland, that:
"the Government of the Federal Republic of Germany for its part

avails itself of the right under Article 53 of the Statute of the
Court to request the Court to continue with the consideration of
this case and in due course to decide in favour of its claim".

At the public hearings on the merits, the Agent of the Federal Republic
drew attention to the non-appearance in Court of any representative of
the Respondent; he concluded his argument by presenting the final
submissions of the Federal Republic of Germany on the merits of the
dispute for adjudication by the Court.
16. The Court is thus confronted with the situation contemplated by
Article 53, paragraph 1, of the Statute, that "Whenever one of the parties

does not appear before the Court, or fails to defend its case, the other sance que la position du Gouvernement islandais en ce qui concerne les
instancesrestei.nchangéeet que, par conséquent, aucun contre-mémoire
ne sera déposé.Pour autant, le Gouvernement islandais n'accepte ni
n'admet aucun des faits énoncés,ni aucune des allégations outhèses
juridiques prése:ntéesans les mémoiresqu'ont déposésles Parties in-
téressées.)

15. L'Islande n'a.pris parà aucune phase de la présente instance. Par
sa lettre précitéedu 27juin 1972, le Gouvernement islandais a informé la

Cour qu'il considérait l'échangede notes intervenu entre lui-mêmeet le
Gouvernement de la République fédéraled'Allemagne le 19juillet 1961
comme caduc; qu'à1son avis la Cour ne pouvait trouver dans son Statut
aucun fondement pour l'exercicede sa compétenceen l'affaire; que, con-
sidérant que les intérêtsvitaux du peuple islandais étaient en jeu, il
n'étaitpas disposé à attribuerà la Cour compétencedans une affaire qui
concernerait l'éten,duedes pêcheriesislandaises; et qu'il ne serait pas
désignéd'agent pour représenter le Gouvernement islandais. Ultérieure-
ment, le Gouverneinent islandais ne s'est pas présentédevant la Cour à
l'audience publique du 2 août 1972consacrée à la demande en indication
de mesures conservatoires introduite par la République fédéraled'Alle-
magne; il n'a pas n~onplus déposé depièces écrites,ni comparu devant la
Cour durant la pr'océdurepostérieure concernant la compétence de la

Cour pour connaître du différend. Malgré l'arrêd tu 2 février 1973par
lequel la Cour se diSclaraitcompétentepour connaître de la requêtedela
République fédéraled'Allemagne et statuer sur le fond du différend,le
Gouvernement islandais n'a pas changé d'attitude quant à la suite de
l'instance. Dans sa lettre du 11janvier 1974il a informéla Cour qu'il ne
déposerait pas de contre-mémoire. 11n'a pas en effet soumis de pièce
écriteet n'a pas comparu devant la Cour aux audiences publiques consa-
créesau fond du différend.Dans une lettre du 14juillet 1972,l'agent de
la République fédérale,rappelant la lettre précitéedu ministre des
Affaires étrangères d'Islandeen date du 27juin 1972,a déclaréque:

<le Gouvernernent de la République fédérale d'Allemagne seprévaut
pour sa partdiadroit que lui confèreI'article 53du Statutde la Cour
de demander à celle-ci de bien vouloir poursuivre l'examen de
I'affaireet lui adjuger ses conclusions le moment ven».

Lors des audiences sur le fond, l'agent de la République fédérale aattiré
l'attention sur le fait qu'aucun représentant du défendeur ne se trouvait
devant la Cour; il a présentéen terminant les conclusions finales de la
République fédéraled'Allemagne sur le fond du différend, afinque la
Cour se prononce.
16. La Cour est donc dans la situation envisagée à l'article 53, para-
graphe 1, de son Statut, qui dispose: ((Lorsqu'une des parties ne se pré-
sente pas, ou s'abijtient de faire valoir ses moyens, l'autre partie peutParty may cal1uponthe Court to decide in favour of its claim". Paragraph

2 of that Article, however, also provides: "The Court must, before doing
so, satisfy itself, not only that it has jurisdiction in accordance with
Articles 36 and 37, but also that the claim is well founded in fact and
law."
17. The present case turns essentially on questions of international law,
and the facts requiring the Court's consideration in adjudicating upon
the Applicant's claim are, except in respect of one particular issue, to be

dealt with separately below (paragraphs 71 to 76), either not in dispute
or attested by documentary evidence. Such evidence emanates in part
from the Governrnent of Iceland, and has not been specifically contested,
and there does not appear to be any reason to doubt its accuracy. The
Government of Iceland, it is true, declared in its above-mentioned letter
of II January 1974 that "it did not accept or acquiesce in any of the

statetnents offact or allegations or contentions of law contained in the
Memorials of the Parties concerned" (emphasis added). But such a
general declaration of non-acceptance and non-acquiescence cannot
suffice to bring into question facts which appear to be established by
documentary evidence, nor can it change the position of the applicant
Party, or of the Court, which remains bound to apply the provisions of

Article 53 of the Statute.
18. It is to be regretted that the Government of Iceland has failed to
appear in order to plead its objections or to make its observations against
the Applicant's arguments and contentions inlaw. The Court however,
as an international judicial organ, is deemed to take judicial notice of
international law and is therefore required in a case falling under Article
53 of the Statute, as in any other case, to consider on its own initiative

al1 rules of international law which may be relevant to the settlement of
the dispute. It being the duty of the Court itself to ascertain and apply the
relevant law in the given circumstances of the case, the burden of es-
tablisliing or proving rules of international law cannot be imposed upon
any of the Parties, for the law lies within the judicial knowledge of the
Court. In ascertaining the law applicable in the present case the Court

has had cognizance not only of the legal arguments submitted to it by
the Applicant but also of those contained in various communications
addressed to it by the Government of Iceland, and in documents presented
to the Court. The Court has thus taken account of the legal position of
each Party. Moreover, the Court has been assisted by the answers given
by the Applicant, both orally and in writing, to questions asked by
Members of the Court during the oral proceedings. It should be stressed

that in applying Article 53 of the Statute in this case, the Court has acted
with particular circumspection and has taken special care, being faced
with the absence of the respondent State.

19. Accordingly, for the purposes of Article 53 of the Statute, and
subject to the matters mentioned in paragraphs 71 to 76 below, the Court

considers that it has before it the elements necessary to enable it todemander à la Coiir de lui adjuger ses conclusions. ))Le paragraphe 2 de
cet article ajoute toutefois: ((La Cour, avant d'y faire droit, doit s'assurer
non seulement qu'elle a compétence aux termes des articles 36 et 37, mais
que les conclusions sont fondéesen fait et en droit. ))

17. La rés ente affaire est axéeessentiellement sur des auestions de
droit international et, sauf sur un point particulier qui sera traité plus
loin à part (paragraphes 71 à 76), les faits que la Cour doit examiner
pour statuer sur les conclusions du demandeur ou bien ne sont pas

controversésou bien sont attestéspar des documents. Ceux-ci émanent en
partie du Gouverriement islandais, n'ont fait l'objet d'aucune contesta-
tion particulière et leur exactitude ne semble pas devoir soulever de
doutes. Certes le Gouvernement islandais a déclarédans sa lettre précitée
du 11janvier 1974qu'il ((n'accepte ni n'admet aucun des faitsénoncésn , i

aucune des allégatiionsou thèsesjuridiques présentéesdans les mémoires
qu'ont déposésles Parties intéressées 1)(les italiques sont de la Cour).
Mais cette déclaration de non-acceptation et de non-acquiescement,
formulée en termes généraux,ne saurait suffire à remettre en question des
faits qui semblent corroborés par des documents et ne saurait modifier

ni la position de la partie demanderesse ni celle de la Cour, qui reste tenue
d'appliquer les dispositions de l'articl53 du Statut.
18. 11est regrettable que le Gouvernement islandais ne se soit pas
présentépour exposer ses objections ou formuler ses observations au sujet
des arguments et des thèses juridiques du demandeur. La Cour, en tant

qu'organe judiciaire international, n'en est pas moins censéeconstater le
droit international et, dans une affaire relevant de l'article 53 du Statut
comme dans toute autre, est donc tenue de prendre en considération de sa
propre initiative toutes les règles de droit international qui seraient per-
tinentes pour le règlement du différend.La Cour ayant pour fonction de
déterminer et d'appliquer le droit dans lescirconstances de chaque espèce,

la charge d'établir ou de prouver les règlesde droit international ne saurait
êtreimposéeà l'une ou ?autre ~artie,Car le droit ressortit au domaine de
la connaissance judiciaire de la Cour. Pour préciser le droit applicable à
la présente affaire, la Cour a examiné non seulement les arguments
juridiques développés par le demandeur mais aussi ceux qui étaient

exposésdans les diverses communications à elle adressées par le Gouver-
nement islandais e:t dans des documents qui lui ont étéprésentés. La
Cour a donc tenu compte de la position juridique de chacune des Parties.
Elle a été aidée en. outre par les réponses que le demandeur a données,
oralement et par écrit, aux questions poséespar des membres de la Cour

pendant la procédlure orale. 11convient de souligner qu'en appliquant
l'article 53 du Statut en l'espèce la Cour a fait preuve d'une particulière
circonspection et di'uneattention toute spéciale,étant donné l'absence de
1'Etat défendeur.
19. En conséqu~-nce,aux fins de l'article 53 du Statut et sous réserve

des questions mentionnées aux paragraphes 71 à 76 ci-après, la Cour se
considère en possession des élémentsdont elle a besoin pour dire si lesdetermine whether the Applicant's claim is, or is not, well founded in
fact and law, and it is now called upon to do so. However, before pro-
ceeding further the Court considers it necessary to recapitulate briefly
the history of the present dispute.

20. In 1948 the Althing (the Parliament of Iceland) passed a law
entitled "Law concerning the Scientific Conservation of the Continental
Shelf Fisheries" containing, inter alia, the following provisions:

"Article 1
The Ministry of Fisheries shall issue regulations establishing
explicitly bounded conservation zones within the limits of the con-
tinental shelf of Iceland; wherein al1 fisheries shall be subject to
Icelandic rules and control; Provided that the conservation measures
now in effect shall in no way be reduced. The Ministry shall further
issue the necessary regulations for the protection of the fishing
grounds within the said zones ...

Article2

The regulations promulgated under Article 1 of the present law
shall be enforced only to the extent compatible with agreements
with other countries to which lceland is or may become a party."

21. The 1948Law was explained by the lcelandic Government in its
exposédes motifssubmitting the Law to the Althing, in which, inter alia,
it stated:

"It is well known that the economy of Iceland depends almost
entirely on fishing in the vicinity of its coasts. For this reason, the
population of Iceland has followed the progressive impoverishment
of fishing grounds with anxiety. Formerly, when fishing equipment
was far less efficient than it is today, the question appeared in a
different light, and the right of providing for exclusive rights of
fishing by Iceland itself in the vicinity of her coasts extendedmuch
further than is admitted by the practice generally adopted since
1900.It seems obvious, however, that measures to protect fisheries
ought to be extended inproportion to the growing efficiency offishing
equipment.
..............................
In so far as the jurisdiction of States over fishing grounds is con-
cerned, two methods have been adopted. Certain States have pro-
ceeded to a determination of their territorial waters, especially for
fishing purposes. Others, on the other hand, have left the question of

IIconclusions du demandeur sont bien fondéesen fait et en droit, et c'est ce
qu'elle doit faire maintenant. Cependant, avant de poursuivre, elle croit
devoir rappeler brikvement l'historique du présentdifférend.

20. En 1948 I'Althing (Parlement islandais) a adopté une loi intitulée
«Loi concernant la conservation scientifique des pêcheries du plateau
continental)), où figuraient notamment les dispositions suivantes:

((Articlepremier
Le ministère:des Pêcheriesétablira par voie de règlement, dans les

limites du phteau continental islandais, des zones de conservation
définiesdans lesquelles les pêcheriesseront intégralement réglemen-
tées et contrôlées par l'Islande; étant entendu, toutefois, que les
mesures de cotiservation actuellement en vigueur ne seront en aucune
façon réduites. Le ministère prendra en outre les règlements néces-
saires afin de protéger les lieux de pêcheàl'intérieurdesdites zones ...

Article 2

Les règlements pris en vertu de l'article premier de la présente loi
ne seront mis (enapplication que dans la mesure compatible avec les
accords avec dl'autres pays auxquels l'Islande est ou pourrait devenir
partie.))

21. Le Gouvern'ement islandais a expliquéla loi de 1948dans l'exposé
des motifs qui accompagnait le projet de loi soumis à I'Althing, disant

notamment:
((On sait que l'économiede l'Islande repose presque uniquement
sur la pêcheail voisinage de ses côtes. C'est la raison pour laquelle le

peuple islandais s'est vivement inquiété de l'appauvrissement pro-
gressif des lieux de pêche.Autrefois, lorsque les engins de pêche
étaient beaucciup moins perfectionnés qu'aujourd'hui, la question se
posait sous uri jour différent et le droit de réserver à l'Islande I'ex-
clusivité de la pêcheau voisinage de ses côtes s'exerçait beaucoup
plus loin que ne l'admet la pratique généralementadoptée depuis

1900. 11semble cependant évidentqu'il faudrait accroître les mesures
de protection des pêcheries enfonction de l'efficacitégrandissante
des engins de pêche.
........................... . ..
Pour ce qui est de la compétence des Etats sur les lieux de pêche,
deux méthodes ont étéadoptées. Certains Etats ont procédéà la

détermination des limites de leurs eaux territoriales, en particulier
du point de vue de la pêche.D'autres, en revanche, ont laisséouverte
11 the territorial waters inabeyance and have contented themselveswith
asserting their exclusive right over fisheries, independently of ter-
ritorial waters. Of these two methods, the second seems to be the

more natural, having regard to the fact that certain considerations
arising from the concept of 'territorial waters' haveno bearing upon
the question of an exclusive right to fishing, and that there are
therefore serious drawbacks in considering the two questions
together."

22. No action was taken by Iceland to implement the 1948Law outside
the existing 3-mile limit of her fisheriesjurisdiction until after this Court
hsd in 1951handed down its Judgment in the Fisheriescase between the
United Kingdom and Norway, in which it endorsed the validity of the
system of straight baselines applied by Norway off the Norwegian coast
(I.C.J.Reports 1951, p. 116).On 19 March 1952,Iceland issued Regula-
tions providing for a fishery zone whose outer limit was to be a line
drawn 4 miles to seaward of straight baselines traced alongthe outermost
points of the coasts, islands and rocks and across the opening of bays, and
prohibiting al1 foreign fishing activities within that zone. No protest
against these Regulations, which came into effect on 15 May 1952,was

made by the Federal Republic of Germany.
23. In 1958,as a result of the discussion by the United Nations General
Assembly of the Report of the International Law Commission on the
Law of the Sea, the First United Nations Conference on the Law of the
Sea was convened at Geneva. This Conference however failed to reach
agreement either on the limit of the territorial sea or on the zone of
exclusivefisheries; it adopted a resolution requesting the General Assem-
bly to study the advisability of convening a second Law of the Sea Con-
ference specificallyto deal with these questions. After the conclusion of
the 1958 Conference, Iceland made on 1 June 1958 a preliminary an-
nouncement of its intention to reserve the right of fishing within an area
of 12 miles from the baselines exclusivelyto Icelandic fishermen, and to
extend the fishing zone also by modification of the baselines, and then
on 30 June 1958 issued new "Regulations concerning the Fisheries
Limits off Iceland". Article 1 of these proclaimed a new 12-milefishery
limit around Iceland drawn from new baselines defined in that Article,
and Article 2 prohibited al1fishing activities by foreign vesselswithin the

new fishery limit. Article7 of the Regulations expressly stated that they
were promulgated in accordance with the Law of 1948concerning Scien-
tific Conservation of the Continental Shelf Fisheries.

24. The Federal Republic of Germany did not accept the validity of
the new Regulations, and made its position known to the Government of
Iceland by a note-verbale dated 9 June 1958. However, it issued a
recommendation to the German Trawler Owners' Association that
fishingvesselsshouldabstain from fishing insidethe 12-milelimit, in order
to prevent incidents occurring on the fishing grounds, and this recom-

12 la question des eaux territoriales, se contentant d'affirmer leur droit
exclusif sur les pêcheriessans se référerà la mer territoriale. De ces
deux méthodes, c'est la seconde qui semble la plus naturelle, compte
tenu du fait que certaines considérations découlant de la notion
d'cceauxterritoriales))n'ont aucun rapport avec la question d'un
droit de pêche exclusifet qu'il y a donc des inconvénients sérieux à

examiner ensemble les deux questions. ))

22. L'Islande n'avait encorepris aucune mesure pour mettre enapplica-
tionla loi de 1948a.u-delàde sa zone de compétencede 3millesen matière
de pêchelorsque la Cour a rendu, en 1951, son arrêt dans l'affaire des
Pêcheriesentre le Royaume-Uni et la Norvège, ou elle reconnaissait la
validitédu système:des lignes de base droites que la Norvège appliquait
au large de ses ciites (C.Z.J. Recueil 1951, p. 116). Le 19 mars 1952
1'Islande a promulgué un règlement qui prévoyait une zone de pêche
dont la limite extérieureétaitconstituéepar une ligne tracée à 4 milles au

large des lignes de lbasedroitesjoignant les points extrêmesdes côtes, îles
et rochers, et les points situés à l'ouverture des baies, avec pour effet
d'interdire toute piScheaux navires étrangersdans cette zone. La Répu-
blique fédérale d',4llemagne n'a élevéaucune protestation contre ce
règlement qui.a priiseffet le 15mai 1952.
23. En 1958, à la suite de l'examen du rapport de la Commission du
droit international sur le droit de la mer par l'Assemblée générald ees
Nations Unies, la première Conférence desNations Unies sur le droit de
la mer a étéconvocluée à Genève.Cette conférencen'estcependant parve-
nue à un accord ni sur la limite de la mer territoriale ni sur la zone de
pêche exclusive; elle a adoptéune résolution priant l'Assemblée générale

d'étudier l'opportunité de convoquer une deuxième Conférence sur le
droit de la mer spécialement chargée d'examinerces questions. A la suite
de la conférence de1958,l'Islande a annoncéle I" juin 1958son intention
de réserver exclusivementaux pêcheurs islandaisle droit de pêcherdans
une zone s'étendant jusqu'à 12milles des lignes de base et d'élargir aussi
la zone de pêche en modifiant ces lignes de base, puis a promulgué le 30
juin 1958un nouveau Règlement relatif aux limites de pêcheau large de
l'Islande1).L'article premier portait la nouvelle limite de pêcheau large de
l'Islandeà 12milleisàpartir de nouvelles lignes de base définiesdans ledit
article et l'article 2 interdisait toute pêche aux naviresétrangers l'inté-
rieur de cette nouvelle limite. L'article 7 déclarait expressément que le
règlement étaitpromulgué conformément à la loi de 1948concernant la

conservation scientifiquedes pêcheriesdu plateau continental.
24. La Républicluefédérale d'Allemagne n'a pasreconnu la validité
de ce nouveau règlementet a fait connaître sa position au Gouvernement
islandais dans une note verbale du 9 juin 1958. Elle a toutefois recom-
mandé à l'Association allemande des propriétaires de chalutiers de s'abs-
tenir de pêcher daiîs la zone de 12milles afind'évitertout incident sur les
terrains de pêche; cette recommandation a étéeffectivementsuivie par lesmendation was in fact followed by the vessels of the Federal Republic.
Various attempts were made to settle the dispute by negotiation but the
dispute remained unresolved. On 5 May 1959 the Althing passed a
Resolution on the matter in which, inter alia, it said:

". ..the Althing declares that it considers that Iceland has an
indisputable right to a 12-mile fishery limit, that a recognition
should be obtained of Iceland's right to theentire continental shelf
area in conformity with the policy adopted by the Law of 1948, con-
cerning the Scientzjic Conservationof the Continental Shelf Fisheries
and that fishery limits of less than 12 miles from base-lines around
the country are out of the question" (emphasis added).

The Resolution thlls stressed that the 12-milelimit asserted in the 1958
Regulations was merely a further step in Iceland's progress towards its
objective of a fishery zone extending over the whole of the continental
shelf area.
25. In the same year, the Federal Republic of Germany and Iceland
embarked on a series of negotiations with a view to the settlement of
their dispute regarding the 1958 Regulations. These negotiations were
preceded by a Note from the Government of Iceland of 5 August 1959in
which, after explaining in some detail the position it had taken at the
1958 Conference on the Law of the Sea, it stated that it would greatly
appreciate it "if the Government of the Federal Republic of Germany
would consider the special situation and wishes of Iceland". The Ice-
landic Government added that "where a nation is overwheln~ingly
dependentupon fisheriesit should be lawful to take special measures, and

decide a further extension of the fishing zone for meeting the needs of
such a nation". The Note referred to the Resolution adopted at the 1958
Conference on Special Situations relating to Coastal Fisheries. In its
reply of 7 October 1959 the Government of the Federal Republic of
Germany pointed out that it was prepared to recognize the special
dependence of Iceland on its fisheries, but could not accept the view that
the coastal State had a right to include an adjacent area in its fishingzone
unilaterally. The Government of the Federal Republic of Germany
pointed out that the 1958 Resolution would not justify unilateral Ice-
landic measures since it merely provided for the elaboration of agreed
measures, and explicitly laid down that consideration must be given to
the interests of other States. The negotiations came to a halt pending the
Second United Nations Conference on the Law of the Sea in 1960,and
did not re-open thereafter. On 13March 19 61,the Government of Iceland
notified the Federal Republic of the conclusion of anExchange of Notes
with the United Kingdom settling the dispute with that couiltry re-
garding the 12-mile fishery limits and baselines claimed by Iceland in
its 1958 Regulations. Thereupon further negotiations were commenced,
and on 19 July 1961 an agreement in the form of an Exchange ofnavires de la Républiquefédérale.Diverses tentatives ont étéfaites pour
régler le différendpar voie de négociation, mais le litige est néanmoins
restésans solution. Le 5mai 1959 1'Althinga adoptéune résolutionen la
matière, où il étaittSitnotamment:

ctl'Althing proclame qu'il considère que l'Islande a incontestable-
ment le droit de fixer les limites des pêcheriesà une distance de 12
milles, que lea'roitde l'Islandesurtoute lazoneduplateau continental

doit êtrereconnu conformément à la politique consacrépear la loide
1948 concernantla conservationscientiJiquedes pêcheriesdu plateau
continental,et qu'il n'estpas question de fixer leslimites des pêcheries
à une distance de moins de 12milles des lignesde base tracéesautour
de l'Islande))(les italiques sont de la Cour).

La résolutionsouligne donc que la limite des 12milles fixéepar le règle-
ment de 1958n'était qu'un nouveau pasde la part de l'Islande vers son
objectif qui était d'ttendre sa zone de pêche à l'ensemble de son plateau
continental.

25. La mêmeannée,la République fédéraled'Allemagne et l'Islande
ont entamé une sériede négociations en vue de résoudre leur différend
relatif au règlementde 1958.Ces négociationsavaient étéprécédéed s'une
note du Gouvernement islandais du 5 août 1959 dans laquelle, après
avoir exposéde fac;on assez détaillée laposition qu'il avait prise à la
Conférencede 1958sur le droit de la mer, il déclaraitqu'il ((apprécierait
beaucoup que le Gouvernement de la République fédérale d'Allemagne
veuille bien considérerla situation spécialeet les vŒuxde l'Islande ». Le
Gouvernement islandais ajoutait: (Lorsqu'une nation dépend essentielle-
ment de la pêche, ildevrait être licitede prendre des mesures spécialeset
de déciderun nouvel élargissementde la zone de pêchepour satisfaire les

besoins de cette nation.))11rappelait enfin la résolutionque la conférence
de 1958avait adoptée sur les situations spécialestouchant les pêcheries
côtières. Dans sa réponse du 7 octobre 1959, le Gouvernement de la
République fédérale a souligné qu'ilétaitprêt à reconnaître que l'Islande
était spécialement tributaire de ses pêcheries,mais qu'il ne pouvait
admettre que 1'Etatriverain avait le droit d'inclure unilatéralement dans
sa zone de pêche des eaux adjacentes. Le Gouvernement de la Répu-
blique fédéralefaisait observer que la résolution de 1958ne pouvait jus-
tifier les mesures prises unilatéralement par l'Islande, car elle disposait
simplement que des mesures devaient être élaborées d'uncommun
accord et précisaitformellement que l'on devait tenir compte des intérêts

des autres Etats. CE:Snégociationsont étéinterrompues en 1960pendant
la deuxièmeConférencedes Nations Unies sur le droit de la mer et n'ont
pas repris par la suite. Le 13 mars 1961 le Gouvernement islandais a
notifié à la République fédérale d'Allemagnequ'il avait conclu avec le
Royaume-Uni un échange de notes qui réglaitle différendl'opposant à ce
pays en ce qui concc:rnela limite de pêchede 12milleset leslignes de base
revendiquées par 1"Islande dans son règlement de 1958. De nouvellesNotes was concluded for the settlement of the dispute.

26. The substantive provisions of the settlement, which were set out
in the principal Note addressed by the Government of Iceland to the
Government of the Federal Republic, were as follows:
(1) The Federal Republic would no longer object to a I2-milefisheryzone
around Iceland measured from the baselines accepted solely for the
purpose of the delimitation of that zone.

(2) The Federal Republic accepted for that purpose the baselines set out
in the 1958 Regulations subject to the modification of four specified
points.
(3) For a period expiring on 10March 1964,Iceland would not object to
fishing by vessels of the Federal Republic within certain specified
areas and during certain stated months of the year.
(4) During the same period, however, vessels of the Federal Republic
would not fish within the outer 6 miles of the 12-milezone in seven
specified areas.
(5) Iceland would "continue to work for the implementation of the
Althing Resolution of 5 May 1959, regarding the extension of the
fisheryjurisdiction of Iceland. However it shall give the Government
of the Federal Republic of Germany six months' notice of any such
extension; in case of a dispute relating to such an extension, the
matter shall, at the request of either Party, be referred to the Inter-
national Court of Justice".

In its Note in reply the Federal Republic of Germany emphasized that,
being "mindful of the exceptional importance of coastal fisheries to the
Icelandic economy", it "agrees to the arrangement set forth in your note,
and that your note and this reply thereto constitute an agreement
between our two Governments which shall enter into force immediately,
subject to the stipulation by the Government of the Federal Republic of
Germany that this agreement is without prejudice to its rights under
international law towards third States".
27. On 14July 1971the Government of Iceland issued a policy state-
ment in which, inter alia, it was said:

"That the agreements on fisheries jurisdiction with the British
and the West Germans be terminated and that a decision be taken
on the extension of fisheriesjurisdiction to 50 nautical miles from
base-lines, and that tliis extension become effective not later than
September lst, 1972."

This led the Government of the Federal Republic, during talks in Bonn
in August 1971,to remind the Government of Iceland of the terms of the
1961 Exchange of Notes, and to express the view that the Icelandicnégociationsse sont ouvertes alorset le 19juillet 1961un accord en forme
d'échange denotes a été concluafin de résoudrele différend.
26. Les dispositions de fond de l'accord, énoncéesdans la note prin-
cipale adressée par le Gouvernement islandais au Gouvernement de la

République fédérale,sont les suivantes:
1) La République fédérale n'élèvera plu ds'objection contre la zone de
pêche s'étendantautour de l'Islande sur une largeur de 12 milles à
partir de certaines lignesde base qui ne sont acceptéesqu'auxfins de la
délimitation de cette zone.

2) A cette fin la République fédérale accepteles lignes de base définies
dans le règlementde 1958sous réservedequatre modifications.
3) Pendant une période venant à expiration le 10mars 1964,l'Islande ne
s'opposera pas ilce que des navires de la République fédérale pêchent
dans certains secteurs déterminéset pendant certains mois spécifiéde
l'année.
4) En revanche, pendant cette mêmepériode,lesnavires de la République
fédéralene pêcherontpas dans sept secteurs déterminésde la moitié
extérieure (d'une largeur de 6milles)de la zone de 12milles.
5) L'Islande ((continuera de s'employer à mettre en Œuvre larésolution
de I'Althing en date du 5 mai 1959 relative à l'élargissementde la

juridiction sur les pêcheriesautour de l'Islande mais notifiera six
mois à l'avance:au Gouvernement de la République fédéraletoute
mesure en ce sens; au cas ou surgirait un différend en lamatière, la
question sera pcirjéeà la demande de l'une ou l'autre partie, devant la
Cour internationale de Justice)).

Dans la note envoyée en réponse à l'Islande, la République fédérale
d'Allemagne souligne que, ((eu égard à l'importance particulière que
présente la pêchecôtière pour l'économie islandaise n, elle adonne son
agrément aux dispositions contenues dans la note [islandaise] et accepte
que ladite note etI;aprésente réponseconstituent entre nos deux gouver-
nements un accord qui entrera en vigueur immédiatement », étantentendu
que ((l'accord ne porte pas atteinte aux droits qui lui appartiennent à
l'égardd'Etats tiers en vertu du droit internatio».l
27. Le 14juillet 1971le Gouvernement islandais a publié une déclara-
tion de politique généraleoù ilétaitdit notamment:

((Que les accords sur la compétenceen matière de pêcheriescon-
clus avec le Royaume-Uni et la République fédéraled'Allemagne
prendront fin et qu'une résolutionprenant effet lerseptembre 1972

au plus tard sera adoptée sur le report des limites de la zone de
pêche à une distance de 50 milles marins à partir des lignes de
base.»

Le Gouvernement de la République fédéralea réagien rappelant au
Gouvernement islandais, lors d'entretiens qui ont eu lieu Bonn en août
1971, les dispositions de l'échangede notes de 1961,et en faisant valoir

14fisheries zone could not be extended unilaterally, that the Exchange of
Notes was not open to unilateral denunciation or termination, and to
state that the Government of the Federal Republic would have to reserve
their rights thereunder. No agreement was reached during these talks, and
in an aide-mémoire of 31 August 1971 Iceland stated that it considered
the object and purpose of the provision for recourse to judicial settlement
to have been fully achieved; and that it now found it essential to extend
further the zone of exclusive fisheries jurisdiction around its coasts to
include the areas of the sea covering the continental shelf. Iceland further
added that the new limits, the precise boundaries of which would be
furnished at a later date, would enter into force not later than 1 Sep-
tember 1972; and that it was prepared to hold further meetings "for the
purpose of achieving a practical solution of the problems involved".

28. The Federal Republic replied on 27 September 1971and reaffirmed

its view that "the unilateral assumption of sovereign power by a coastal
State over zones of the high seas isinadmissible under international law".
It then controverted Iceland's proposition that the object and purpose
of the provision for recourse to judicial settlement of disputes relating to
an extension of fisheriesjurisdiction had been fully achieved, and again
reserved al1its rights under that provision. At the same time, however,
the Federal Republic expressed its willingness, without prejudice to its
legal position, to enter into further exploratory discussions. In November
1971 the Federal Republic and Iceland held discussions in which the
Federal Republic of Germany expressed its understanding for the concern
of theGovernment of Iceland about the possibility of injury to fishstocks
in the area in question if fishing remained unregulated, and therefore
proposed practical measures to meet the Icelandic concern. In their
proposa1 the delegation of the Federal Republic of Germany expressed
the conviction that, taking into account the special situation of Iceland
as far as fisheriesare concerned, it should be possible, within the frame-
work of the North-East Atlantic Fisheries Commission, to come to an
arrangement whereby al1nations engaged in fishingaround Iceland would
limit their catches. The Federal Republic of Germany further made the
offer that pending the elaboration of a muitilateral arrangement within
the North-East Atlantic Fisheries Commission the total catch of demersal
species by vessels of the Federal Republic of Germany would be limited
to the average taken by such vesselsduring the years 1960to 1969.These
proposals did not lead to any result, and the negotiations which took

place in February 1972also failed to resolve the dispute.

29. On 15 February 1972 the Althing adopted a Resolution reitera-
ting the fundamental policy of the lcelandic people that the continental
shelf of Iceland and the superjacent waters were within the jurisdiction
of Iceland. While reiterating that the Exchange of Notes of 1961 noque lazone de pêcheislandaisene pouvaitpasêtreélargieunilatéralement,
que l'échangede notes ne saurait être dénoncéou révoqué unilatéralement

et que le Gouvernement de la République fédérale severrait dansI'obliga-
tion de réserver lesidroits qui découlaient pour lui de cet instrument.
Aucun accord n'a étéréaliséau cours de ces entretiens et, dans un aide-
mémoiredu 31août 1971,l'Islande a déclaréqu'à son avis la disposition
sur le recours au règlementjudiciaire avait entièrement atteint son but et
son objet et qu'elle considérait maintenant comme essentiel d'étendre
sa zone de compétence exclusive sur les pêcheriesautour de ses côtes
de manière à inclure les espaces maritimes situés au-dessus du plateau
continental. L'Islande a ajouté que la nouvelle délimitation, dont le tracé
exact serait préciséà une date ultérieure,entrerait en vigueur le 1" sep-
tembre 1972 au plus tard et elle s'est déclarée disposéeà poursuivre les
conversations ((afin d'aboutià une solution pratique des problèmes en
cause n.
28. Dans sa réponse en date du 27 septembre 1971, la République

fédérale aréaffirméque «le droit international n'admet pas qu'un Etat
riverain s'arroge unilatéralement un pouvoir souverain sur les eaux de la
haute mer n.Elle a contesté l'affirmation de i'klande selon laquelle la
disposition sur le recours au règlementjudiciaire des différendsrelatifs
l'élargissementde lajuridiction sur les pêcheriesavait entièrement atteint
son but et son objet et elle a une fois de plus réservétous les droits qui
découlaient pour elle de cette disposition. En même lemps, elle s'est
déclarée prête à entamer de nouveaux entretiens exploratoires sans
préjudice de sa position juridique. En novembre 1971 la Ripublique
fédéraleet l'Islande ont eu des conversations au cours desquelles la
République fédérale a déclarq éu'elle comprenait les préoccupations du
Gouvernement islandais au sujet du dommage qui pourrait être causé
aux stocks de poisscindans la zone en question si la pêchedemeurait non

réglementéeet a proposé en conséquence des mesures pratiques pour
répondre au souci cle l'Islande. Dans sa proposition, la délégation dela
Républiquefédéraleexprimait la conviction que, compte tenu de la situa-
tion spécialede l'Islandeà l'égardde ses pêcheries,il devait être possible
de parvenir, dans le cadre de la Commission des pêcheriesde l'Atlan-
tique du nord-est,à un arrangement aux termes duquel toutes les nations
pratiquant la pêcheautour de l'Islande limiteraient leurs prises. La Ré-
publique fédérale aen outre offert de limiter les prises totales d'espèces
démersalespar des navires de la République fédérale à la moyenne des
quantités capturéespar eux pendant les années1960 à 1969,en attendant
l'élaboration d'un arrangement multilatéral dans le cadre de la Commis-
sion des pêcheries de l'Atlantique du nord-est. Ces propositions n'ont
donnéaucun résultatet les négociationsqui se sont dérouléesen février
1972n'ont pas non plus permis de résoudreledifférend.

29. Le 15février1972 I'Althing a adoptéune résolution où ia rappelé
la politique fondamentale du peuple islandais selon laquelle le plateau
continental de l'Islande et les eaux surjacentes étaient sous la juridiction
de l'Islande.1.1réaffirmaitque les dispositions de l'échangede notes delonger constituted an obligation for Iceland, it resolved, inter alia:

"1. That the fisherylimits willbe extended to 50milesfrom baselines
around the country, to become effective not later than 1 Sep-
tember 1972.
.............................
3. That efforts to reach a solution of the problems connected with
the extension be continued through discussions with the Govern-
ment of the United Kingdom and the Federal Republic of
Germany.
4. That effectivesupervision of the fish stocksin the Iceland area be
continued in consultation with marine biologists and that the
necessary measures be taken for the protection of the fish stocks
and specified areas in order to prevent over-fishing..."

In an aide-mémoireof 24 February 1972 Iceiand's Minister for Foreign
Affairs formally notified the Ambassador of the Federal Republic in
Reykjavik of his Government's intention to proceed in accordance with
this Resolution.
30. On 4 March 1972 the Ambassador of the Federal Republic in-
formed the Prime Minister of Iceland of his Government's decision to
bring the question before the Court. On 14 March 1972, the Federal
Republic in an aide-mémoireformaily took note of the decision of Iceland
to issue new Regulations, and reaffirmed its position that "a unilateral
extension of the fishery zone of Iceland to 50 miles is incompatible with
the general rules of international law", and that "the Exchange of Notes
of 1961continues to be in force and cannot be denounced unilaterally".
Moreover, formal notice was also given by the Federal Republic that it
would submit the dispute to the Court in accordance with the Exchange
of Notes; the Government of the Federal Republic was however willing
to continue discussions with Iceland "in order to agree upon satisfactory
practical arrangements at least for the period while the case is before the
International Court of Justice". On 5 June 1972, the Federal Republic

of Germany filed in the Registry its Application bringing the present case
before the Court.
31. A series of negotiations between representatives of the two coun-
tries soon followed and continued throughout May, June and July ,1972,
at which various proposais for catch-limitation, fishing-effort limitation,
area or seasonal restrictions for vessels of the Federal Republic were
discussed, in the hope of arriving at practical arrangements for an interim
régimepending the settlement of the dispute. At the meeting of 15May,
the representative of the Federal Republic of Germany explained his
Government's concept of an interim arrangement on the basis of limiting
the annual catches of fishing vessels from the Federal Republic of Ger-
many to the average of the years 1960to 1969.On 2 June 1972the Ice-
landic Foreign Minister presented counter-proposais for an interim 1961n'étaientplus obligatoires pour l'Islande et stipulait notamment ce
qui suit:
((1. Les limites des pêcheriesseront reportéesà 50 milles des lignes
de base au.tour du pays, et prendront effet llcrseptembre 1972
au plus tard.

.............................
3. Les efforts tendantà résoudreles problèmes soulevéspar i'élar-
gissement seront poursuivis, lors d'entretiens avec les Gouver-
nements du Royaume-Uni et de la République fédérale d'Alle-
magne.
4. La surveilllanceeffective des stocks de poisson de la zone islan-
daise continuera d'être assurée avec le concours de spécialistes
de la biologie marine et lesmesures nécessairesseront prises pour
protéger leisstocks et certaines zones particulières de manièreà
prévenirdes prises excessives...))

Dans un aide-mémoiredu 24 février1972,le ministre des Affaires étran-
gèresd'Islande a notifié officiellementà l'ambassadeur de la République
fédérale à Reykjavik l'intention de son gouvernement de donner effet à
cette résolution.
30. Le 4 mars 1972 l'ambassadeur de la République fédérale afait
connaître au Premier ministre d'Islande la décisionde son gouvernement
de porter l'affairedevant la Cour.Dans un aide-mémoiredu 14 mars 1972,

la République fédérale apris note de la décisionde l'Islande d'adopter
une nouvelle réglemcentation,réaffirmé qu'à sonavis ((l'élargissementuni-
latéral dela zone de pêchede l'Islande jusqu'à 50 milles est incompatible
avec les règles généralesdu droit international1)et dit que ((l'échangede
notes de 1961reste en vigueur et ne peut être dénoncé unilatéralement D.
De plus, la République fédérale afait savoir officiellement qu'elle sou-
mettrait le différend à la Cour en application de l'échangede notes; le
Gouvernement de la République fédéraledéclaraitqu'il étaitcependant
disposé à poursuivre des discussions avec l'Islande pour ((convenir
d'arrangements pratiques satisfaisants, au moins pour la durée de la
procédure devant la Cour internationale de Justice)). Le 5 juin 1972 la

République fédéraled :'Allemagne a déposéau Greffe la requêteportant
la présente affaire devant la Cour.
31. Dans l'espoir d'aboutir àdes arrangementspratiquesinstaurant un
régimeprovisoire ta.nt que le différend neserait pas réglé, desreprésen-
tants des deux pays (ontentamépeu aprèsune sériede négociationsqui se
sont poursuivies en mai,juin et juillet 1972et au cours desquelles ont été
discutéesdifférentespropositions concernant la limitation des prises, la
limitation de l'effort de pêche,les restrictions selon les zones ou les
saisons qui s'imposeraient aux navires de la République fédérale.A la
réunion du 15mai, le représentant dela République fédérale aexposé la
manière dont son gouvernement concevait un arrangement provisoire
fondé sur une limitation des prises annuelles des navires de pêche alle-

mands à la moyenne des années 1960 à 1969.Le 2juin 1972,le ministreagreement. In presenting these the Jcelandic Foreign Minister, according
to the Applicant, stated :

"The British and German proposals for catch limitation and the
closure of certain areas for al1 trawling (Icelandic and foreign)
although they are helpful as far as they go, do not take the basic
principle of preferential treatment sufficiently into account because
if you continue to fish up to the 12-mile limit more or less as you
have done, our preferential position is not recognized. It would
rather mean the freezing of the status-quo ... What we are really
talking about is the reduction of your fishingin Icelandic waters in a
tangible, visible manner."

Thus, while Jceland invoked preferential rights and the Applicant was
prepared to recognize them, basic differences remained as to the extent

and scope of those rights and as to the methods for their implementation
and their enforcement.There can be little doubtthat these divergencesof
views were some of the "problems connected with the extension" in
respect of which the Althing Resolution of 15 February 1972 had in-
structed the Icelandic Government to make "efforts to reach a soliition".
By 14July there was still no agreement on an interim régime,and on that
date new Regulations were issued extending Iceland's fishery limits to
50 miles as from 1 September 1972 and, by Article 2, prohibiting al1
fishing activities by foreign vessels inside those limits. Consequently, on
21 July 1972,the Federal Republic filed in the Registry of the Court its
request for the indication of interim measures of protection.

32. On 17 August 1972 the Court made an Order for provisional
measures in which, interalia, it indicated that, pending the Court's final
decision in the proceedings, Jceland should refrain from taking any
measures to enforce the Regulations of 14 July 1972 against vessels
registered in the Federal Republic and engaging in fishing outside the
12-mile fishery zone; and that the Federal Republic should limit the
annual catch of its vessels in the "Sea Area of Iceland" to 119,000tons.
That the Federal Republic has cornplied with the terms of the catch-
limitation rneasureindicated in the Court's Order has not been questioned
or disputed. Iceland, on the other hand, notwithstanding the measures
indicated by the Court, began to enforce the new Regulations against
vessels of the Federal Republic soon after they came into effect on 1

September 1972.Negotiations for an interim arrangement were, however,
resumed between the two countries, and were carried on intermittently
during 1972and 1973;but they have not led to any agreement.

33. By its Judgment of 2 February 1973,the Court found that it had
jurisdiction to entertain the Application and to deal with the merits of the
dispute. However, even after the handing down of that Judgment, Icelanddes Affaires étrangères d'Islande a présenté decsontrepropositions tou-
chant un accord provisoire. Selon le demandeur, il a déclaréen les
soumettant:

«Les propositions britanniques et allemandes de limitation des
prises et de fermeture de certains secteurs à tous les chalutiers
(islandais et étrangers) ne sont certes pas dépourvues d'utilité mais
elles netienneint pas suffisamment compte du principe fondamental
d'un traitement préférentiel,car si vous continuezpêcherjusqu'à la
limitedes 12milles en prenantà peu prèsautant de poisson que vous
l'avez fait dans le passé,vous ne reconnaissez pas notre situation

préférentielle. Cespropositions auraient plutôtpour effet de main-
tenir lestatuquo ...Ce à quoi nous songeons, c'est à une réduction
tangible, visible, de votre activitéde pêchedans leseaux islandaises.))
Ainsi, alors mêmeque l'Islande invoquait des droits préférentielset que le
demandeur était disposé àles lui reconnaître, des divergences fondamen-
tales subsistaient sur l'étendueet la portéede ces droits ainsi que sur les
méthodes demise en Œuvreet d'application. 11ne fait guèrededoute que

ces divergences constituaient certains des ((problèmessoulevéspar l'élar-
gissement )>quelar6:solutionde 1'Althingdu 15février 1972 avait chargé
le Gouvernement islandais de s'efforcer de résoudre. Le 14 juillet ces
négociations n'avaient pas encore permis d'aboutir à un accord sur un
régimeprovisoire ei:,à cette date, un nouveau règlementa étépromulgué
qui portait à 50 milles les limites de pêchede l'Islande à compter du
1" septembre 1972 et, dans son article 2, interdisait toute pêche aux
navires étrangersà l'intérieurde ces limites. En conséquence,le 21juillet
1972,la Républiqur:fédérale a déposé au Greffe une demande en indica-
tion de mesures coriservatoires.
32. Le 17août 1972la Cour a rendu une ordonnance en indication de
mesures conservatoires où elle indiquait notamment qu'en attendant
l'arrêtdéfinitif en l'affaire'Islande devait s'abstenir de toute mesure
visant àappliquer le règlementdu 14juillet 1972aux navires immatriculés

dans la République:fédéraleet pêchant au-delà dela zone de pêchede
12milles et que laFképubliquefédérale devait limiterà 119000 tonnes les
prises annuelles de ses navires dans la zone maritime islandaise. Le fait
que la République fédérale s'est conforméeaux mesures visant la limita-
tion des prises indiquéesdans l'ordonnance de la Cour n'a éténi mis en
doute nicontesté. En revanche, l'Islande, contrairement aux mesures in-
diquéespar la Cou.r, a commencé à appliquer le nouveau règlement à
l'encontre des navires de la République fédéralepeu après le lerseptem-
bre 1972,date à laqluellece règlement estentré en vigueur. Des négocia-
tions en vue d'aboutir à un arrangement provisoire ont cependant repris
entre les deux pays et se sont poursuivies par intermittence en 1972 et
1973,mais aucun accord n'est intervenu.
33. Dans son arri3tdu 2 février1973,la Cour s'estdéclarée compétente
pour connaître de la1requêteet statuer sur le fond du différend.Toutefois,
mêmeaprès que la Cour eut rendu cet arrêt,l'Islande a poursuivi sespersisted in its efforts to enforce the 50-mile limit against vessels of the
Federal Republic and, as appears from the letter of 11 January 1974
addressed to the Court by the Minister for Foreign Affairs of Iceland,
mentioned above, it has continued to deny the Court's competence to
entertain the dispute.

34. The question has been raised whether the Court has jurisdiction to
pronounce upon certain matters referred to the Court in paragraph 3
of the Applicant's final submissions (paragraphs 12-13above) concerning
the taking of conservation measures on the basis of agreement between
the Parties, concluded either bilaterally or within a multilateral frame-
work, with due regard to the specialdependence of Iceland on its fisheries
and to the traditional fisheries of the Federal Republic of Germany in the
waters concerned.
35. In its Judgment of 2 February 1973, pronouncing on the juris-
diction of the Court in the present case, the Court found "that it has juris-
diction to entertain the Application filed by the Government of the
Federal Republic of Germany on 5 June 1972and to deal with the merits
of the dispute" (I.C.J. Reports 1973, p. 66, para. 46). The Application
which the Court found it had jurisdiction to entertain contained a sub-
mission under letter (b) (cf. paragraph 12above) which raised the issue
of conservation measures. These questions, among others, had previously

been discussed in the negotiations between the Parties referred to in
paragraphs 27 to 31 above and were also extensively examined in the
pleadings and hearings on the merits.
36. The Order of the Court indicating interim measures of protection
(FisheriesJurisdiction (Federal Republic of Germany v. Iceland), Interim
Protection Order of 17 August 1972, I.C.J. Reports 1972, p. 30) implied
that the case before the Court involved questions of fishery conservation
and of preferential fishing rights since, in indicating a catch-limitation
figure for the Applicant's fishing, the Court stated that this measure was
based on "the exceptional importance of coastal fisheriesto the lcelandic
economy" and on "the need for the conservation of fish stocks in the
Iceland area" (/oc. cit., p. 34, paras. 24 and 25).

37. In its Judgment of 2 February 1973, pronouncing on its juris-
diction in the case, the Court, after taking into account the aforesaid
contentions of the Applicant concerning fishery conservation and pref-
erential rights, referred again to "the exceptional dependence of Iceland
on its fisheries and the principle of conservation of fish stocks" (I.C.J.

Reports 1973, p. 65, para. 42). The judicial notice taken therein of the
recognition given by the Parties to the exceptional dependence of Iceland
on its fisheries and to the need of conservation of fish stocks in the area
clearly implies thatsuch questions are before the Court.efforts en vue d'appliquer la limite des 50 milleà l'encontre des navires
de la République fédéraleet, ainsi qu'il ressort de la lettre précitéedu

Il janvier 1974 adressée à la Cour par le ministre des Affaires étran-
gères d'Islande, elle a continué de nier la compétence de la Cour pour
connaître du différend.

34. La question iiétéposéede savoir si la Cour a compétencepour se
prononcer sur certaines matières qui lui sont soumises en vertu du
paragraphe 3 des c~onclusionsfinales du demandeur (paragraphes 12-13
ci-dessus) concernant l'adoption de mesures de conservation au moyen
d'un accord conclu entre lesParties, sur le plan bilatéralou dans le cadre
multilatéral, en tenant dûment compte de la dépendance spéciale de

l'Islandeà l'égardde la pêcheet de l'activitéde pêchetraditionnelle de la
Républiquefédérale d'Allemagnedans leseaux dont il s'agit.
35. Dans son arrt3tdu 2 février1973par lequel elle s'est prononcée sur
sa juridiction en l'espèce, la Cour a dit ccqu'elle a compétence pour
connaître de la requêtedéposéepar le Gouvernement de la République
fédérale d'Allemagrie le 5juin 1972et statuer sur le fond du différend»
(C.I.J. Recueil 1973,p. 66, par. 46). La requêteen question énonçaitune
conclusion b) (paragraphe 12 ci-dessus) qui soulevait le problème des
mesures de conserviition. Ces problèmes, qui avaient été antérieurement
discutésparmi d'autres au cours des négociationsentre les Parties (para-
graphes 27 à 31 ci-dessus), ont étéaussi longuement traités dans les
écritureset les plaidoiries sur le fond.

36. L'ordonnance sur les mesures conservatoires (Compétence en
matière depêcheries (Républiquefédérale d'Allemagne c.Islande), mesures
conservatoires, ordonnancedu 17 août 197.2,C.I.J. Recueil 1972,p. 30)
impliquait que l'affaire dont la Cour étaitsaisie comportait des questions
relatives à la conservation des pêcheries etaux droits préférentielsde
pêche puisqu'en fixant une limite aux prisesde poisson du demandeur
elle déclaraitque cei.temesure étaitfondéesur ((l'importance particulière
que présente la pêchecôtière pour l'économie islandaise)) et sur la
((nécessitédela coinservation des stocks de poisson dans la région de
l'Islande))(ibid.,p. 34, par. 24 et 25).
37. Dans son arrtlt du 2 février1973qui statuait sur sa compétenceen

l'affaireet aprèsavoir tenu compte des assertions précitéesdu demandeur
concernant la conservation des pêcherieset les droits préférentiels,la
Cour a rappelé ((lelàit que l'Islande est exceptionnellement tributaire de
ses pêcherieset le principe de la conservation des stocks de poisson))
(C.I.J. Recueil 1973, p. 65, par. 42). Cette constatation judiciaire de ce
que les Parties ont %reconnu la dépendance exceptionnelle de l'Islande à
l'égardde ses pêcherieset la nécessitéde la conservation des stocks de
poisson dans la région implique nettement que des questions de cet ordre
sont soumises à 1'ex;nmende la Cour. 38. The Order of the Court of 12July 1973on the continuance of in-
terim measures of protection referred again to catch-limitation figures
and also to the question of "related restrictions concerning areas closed
to fishing, number and type of vessels allowed and forms of control of
the agreed provisions" (I.C.J.Reports 1973, p. 314, para. 7). Thus the
Court took the view that those questions were within its competence. As
the Court stated in itsOrder of 17August 1972,there must be a connec-
tion "under Article 61, paragraph 1, of the Rules between a request for
interim measures of protection and the original Application filed with

the Court" (I.C.J.Reports 1972,p. 33, para. 12).
39. As to the compromissory clause in the 1961 Exchange of Notes,
this givesthe Court jurisdiction with respect to "a dispute relating touch
an extension", i.e., "the extension of the fisheryjurisdiction of Iceland".
The present dispute was occasioned by Iceland's unilateral extension of
its fisheriesjurisdiction. However, it would be too narrow an interpreta-
tion of the compromissory clause to conclude that the Court's juris-
diction is limited to giving an affirmative or negative answer to the
question of whether the extension of fisheriesjurisdiction, as enacted by
Iceland on 14 July 1972,is in conformity with international law. In the
light of the exchanges and negotiations between the Parties, both in
1959and 1960(paragraph 25 above) and in 1971 -1972(paragraphs 28 to
31 above), in which the questions of fishery conservation measures in the
area and Iceland's preferential fishing rights were raised and discussed,
and in the light of the proceedings before the Court, it seems evident that
the dispute between the Parties includes disagreements as to the extent
and scope of their respective rights in the fishery resources and the
adequacy of measures to conserve them. It must therefore be concluded

that those disagreements are an element of the "dispute relating to the
extension of the fisheryjurisdiction of Iceland".

40. Furthermore, the dispute before the Court must be considered in
al1 its aspects. Even if the Court's competence were understood to be
confined to the question of the conformity of Iceland's extensionwith the
rules of international law, it would still be necessary for the Court to
determine in that context the role and function which those rules reserve
to the concept of preferential rights and that of conservation of fish
stocks. Thus, whatever conclusion the Court may reach in regard to
preferential rights and conservation measures, it is bound to examine
these questions with respect to this case. Consequently, the suggested
restriction on the Court's competence not only cannot be read into the
terms of the compromissory clause, but would unduly encroach upon
the power of the Court to take into consideration al1relevant elements
in administering justice between the Parties. 38. L'ordonnance de la Cour du 12 juillet 1973 sur le maintien en
vigueur des mesures conservatoires se référait aussiaux chiffres prévoyant
des limitations de prise ainsi qu'à la question ades restrictions connexes
concernant les zones interdites à la pêche,le nombre et le type de navires

autorisés et les moclalitésde contrôle des dispositions convenues )(C.I.J.
Recueil 1973, p. 3 14.,par. 7). La Cour a donc considéré queces problèmes
relevaient de sa compétence. Comme elle l'a dit dans son ordonnance du
17 août 1972, un lien doit exister ((en vertu de l'article 61, paragraphe 1,
du Règlement, entre une demande en indication de mesures conserva-

toires et la requête]initiale))(C.I.J. Recueil 1972, p. 33, par. 12).
39. La clause compromissoire de l'échange de notes de 1961 donne
comvétence à la Cour en ce aui concerne un ((différend » relatif à ccl'élar-
gissement de la juridiction sur les pêcheriesautour de l'Islande». Le
présent différend rksulte de l'élargissement unilatéral par l'Islande de sa
juridiction sur les pêcheries. Maisce serait interpréter la clause compro-

missoire trop étroitement que d'en conclure que la Cour n'a compétence
que pour répondre par oui ou par non à la question de savoir siI'élar-
gissement de la juridiction sur les pêcheries, telle qu'ellea étémise en
Œuvre par l'Islande le 14juillet 1972,est conforme au droit international.
Si l'on considère leiséchangeset les négociations qui ont eu lieu entre les
Parties en 1959 et en 1960 (paragraphe 25 ci-dessus) et en 1971-1972

(paragraphes 28 à 31 ci-dessus), et pendant lesquels la question des
mesures de conservation en matière de pêcheriesdans la région et la
question des droits de pêchepréférentielsde l'Islande ont étésoulevées
et discutées, si l'on considère aussi la procédure qui s'est déroulée devant
la Cour, il semble évident que le différend entre les Parties englobe des
désaccords quant à l'étendueet à la portée de leurs droits respectifs sur

les ressources halieutiques et quant aux mesures propres à conserver ces
ressources. On doit donc conclure que ces désaccords sont des éléments
du ((différend ))relatif àcl'élargissement delajuridiction sur les pêcheries
autour de l'Islande )).
40. En outre, le différendportédevant la Cour doit être considéré sous

tous ses aspects. Même sil'on estimait que la compétence de la Cour est
limitée à la questiori de la conformité de l'élargissementopérépar l'Islande
avec les règles du droit international, la Cour n'en devrait pas moins
déterminer dans ce contexte le rôle et la fonction que ces règlesréservent
à la notion de droits préférentiels età celle de conservation des stocks de
poisson. Ainsi doric, quelle que soit la conclusion à laquelle la Cour

parvienne en ce qui concerne les droits préférentielset les mesures de
conservation, elle est tenue d'examiner ces questions par rapport à la
présente affaire. En conséquence, non seulement on ne saurait tirer
argument des termes de la clause compromissoire à l'appui de la restric-
tion suggéréequant à la compétence de la Cour, mais encore une telle
restriction empiéterait indûment sur le pouvoir qu'a la Cour de prendre

en considération tous les élémentspertinents quand elle rend la justice
entre les Parties.
* * 41. The Applicant has challenged the Regulations promulgated by

the Government of Iceland on 14July 1972,and since the Court has to
pronounce on this challenge, the ascertainment of the law applicable
becomes necessary. As the Court stated in the Fisheriescase:
"The delimitation of sea areas has always an international aspect;
it cannot be dependent merely upon the will of the coastal State as
expressed in its municipal law. Although it is true that the act of
delimitation is necessarily a unilateral act,ecause only the coastal
State is competent to undertake it, the validity of the delimitation
with regard to other States depends upon international law." (I.C.J.

Reports 1951, p. 132.j
The Court will therefore proceed to the determination of the existing
rules of international law relevant to the settlement of the present dispute.
42. The Geneva Convention on the High Seas of 1958, which was
adopted "as generally declaratory of established principles of internatio-
nal law", defines in Article 1the term "high seas" as "al1parts of the sea
that are not included in the territorial sea or in theinterna1 waters of a
State". Article 2 then declares that "The high seas being open to al1

nations, no State may validly purport to subject any part of them to its
sovereignty" and goes on to provide that the freedom of the high seas
comprises, inter aliaboth for coastal and non-coastal States, freedom of
navigation and freedom of fishing. The freedoms of the high seas are
however made subject to the consideration that they "shall be exercised
by al1 States with reasonable regard to the interests of other States in
their exercise of the freedom of the high seas".

43. The breadth of the territorial sea was not defined by the 1958
Convention on the Territorial Sea and the Contiguous Zone. It is true
that Article 24 of this Convention limits the contiguous zone to 12miles
"from the baseline from which the breadth of the territorial sea is
measured". At the 1958Conference, the main differences on the breadth
of the territorial sea were limited at the time to disagreements as to what
limit, not exceeding 12 miles, was the appropriate one. The question of
the breadth of the territorial sea and that of the extent of the coastal
State's fishery jurisdiction were left unsettled at the 1958 Conference.
These questions were referred to the Second Conference on the Law of
the Sea, held in 1960. Furthermore, the question of the extent of the

fisheriesjurisdiction of the coastal State, which had constituted a serious
obstacle to the reaching of an agreement at the 1958Conference, became
gradually separated from the notion of the territorial sea. This was a
development which reflected the increasing importance of fishery resour-
cesfor al1States.
44. The 1960Conference failed by one vote to adopt a text governing
the two questions of the breadth of the territorial sea and the extent of
fishery rights. However, after that Conference the law evolved through
the practice of States on the basis of thedebates and near-agreements at 41. Ledemandeur a attaquéle règlementpromulguépar le Gouverne-
ment islandais le 14.juillet 1972et, dès lors que la Cour doit se prononcer
à ce sujet, il devient nécessairede déterminer le droit applicable. Comme
la Cour l'a dit dans l'affaire descheries:

((La délimi1:ationdes espaces maritimes a toujours un aspect
international; elle ne saurait dépendre de la seule volonté de1'Etat
riverain telle qu'elle s'exprime dans son droit interne. S'il est vrai
que l'acte ded~tlimitationest nécessairementun acte unilatéral, parce
que 1'Etat rivexain a sen1qualité pour y procéder, en revanche la
validité de la délimitationà l'égard desEtats tiers relèvedu droit
international.))(C.Z.J. Recueil1951,p. 132.)

La Cour va donc définirles règlesactuelles du droit international qui
sont pertinentes pour le règlementdu présent différend.
42. La Convention de Genève de 1958 sur la haute mer, dont les
dispositions ont étéa:doptéescomme étant ((pour l'essentieldéclaratoires
de principes établisdu droit international D,définità l'article premier la
((haute mer» comme ((toutes les parties de la mer n'appartenant pas à
la mer territoriale ou aux eaux intérieures d'un EtatD. L'article 2 stipule
ensuite que ((la haute mer étantouverte à toutes les nations, aucun Etat
ne peut légitimementprétendreen soumettre une partie quelconque à sa

souveraineté)), pui:sil préciseque la liberté dela haute mer comprend
notamment, pour llesEtats riverains ou non de la mer, la liberté de la
navigation et la liberté dela pêche.Il est toutefois spécique les libertés
de la haute mer ((sont exercéespar tous les Etats en tenant raisonnable-
ment compte de l'intérêq tue la libertéde la haute mer présentepour les
autres Etats ».
43. L'étenduede:la mer territoriale n'a pas étédéfiniedans la Conven-
tion de 1958 sur la mer territoriale et la zone contiguë. Il est vrai que
l'article4'de la convention limite cette zone à 12 milles ((à partir de la
ligne de base qui sert de point de départ pour mesurer la largeur de la
mer territoriale».A la conférencede 1958,les principales divergences sur
la largeur de la mer territoriale se bornaient l'époque à des désaccords
sur la limite, n'excédant pas 12 milles, qu'il convenait de retenir. La

question de la largeur de la mer territoriale et celle de l'étenduede la
compétencede 1'Et;xtriverain en matièrede pêcheriesn'ont pas étéréglées
à la conférencede 1958.L'une et l'autre ont étérenvoyées à la deuxième
Conférencesur le droit de la mer, tenue en 1960.De plus la question de
l'étenduede la comipétencede 1'Etatriverain en matièrede pêcheries,qui
avait fait sérieusenientobstacle à la conclusion d'un accord à la confé-
rence de 1958, s'est progressivement détachée de la notion de mer
territoriale. Cette iivolution traduit l'importance croissante qu'ont prise
les ressources de la pêchepour tous les Etats.
44. Il s'en est fallu d'une voix que la conférence de 1960n'adopte un
texte régissantlesdleuxquestions de la largeur de la mer territoriale et de
l'étendue dela coinpétence en matière de pêcheries.Cependant, après
cette conférence, l'kvolution du droit s'est poursuivie par la pratique desthe Conference. Two concepts have crystallized as customary law in
recent years arising out of the general consensus revealed at that Con-
ference. The first is the concept of the fishery zone, the area in which a
State may claim exclusive fishery jurisdiction independently of its ter-
ritorial sea; the extension of that fishery zone up to a12-milelimit from
the baselines appears now to be generally accepted. The second is the
concept of preferential rights of fishing in adjacent waters in favour of
the coastal State in a situation of special dependence on its coastal
fisheries, this preference operating in regard to other States concerned in
the exploitation of the same fisheries, and to be implemented in the way
indicated in paragraph 49 below.

45. In recent years the question of extending the coastal State's
fisheriesjurisdiction hascome increasingly to the forefront. The Court is
aware that a number of States has asserted an extension of fishery limits.
TheCourt isalsoaware of present endeavours, pursued under the auspices
of the United Nations, to achieve in a third Conference on the Law of
the Sea the further codification and progressive development of this
branch of the law, as it is ofrious proposals and preparatory documents
produced in this framework, which must be regarded as manifestations
of the views and opinions of individual States and as vehicles of their
aspirations, rather than as expressing principles of existing law. The
very fact of convening the third Conference on the Law of the Sea
evidences a manifest desire on the part of al1 States to proceed to the
codification of that law on a universal basis, including the question of
fisheriesand conservation of the livingresources of the sea. Such a general
desire is understandable since the rules of international maritime law
have been the product of mutual accommodation, reasonableness and
CO-operation.So it was in the past, and so it necessarily is today. In the

circumstances, the Court, as a court of law, cannot render judgment sub
specie legisferendae, or anticipate the law before the legislator has laid it
down.

46. The concept of a 12-milefishery zone, referred to in paragraph 44
above, as a tertium genus between the territorial sea and the high seas,
has been accepted with regard to Iceland in the substantive provisions
of the 1961 Exchange of Notes, and the Federal Republic of Germany
has also applied the same fishery limit to its own coastal waters since
1964; therefore this matter is no longer in dispute between the Parties.
At the same time, the concept of preferential rights, a notion that neces-
sarily implies the existence of other legal rights in respect of which that
preference operates, has been admitted by the Applicant to be relevant
to the solution of the present dispute. Moreover, the Applicant has
expressly recognized Iceland's preferential rights in the disputed waters
and at the same time has invoked its own historic fishing rights in theseEtats dans la ligne des débatsde la conférenceet des accords auxquels
on avait presque abouti. Deux notions se sont cristallisées cesdernières
annéesen droit coiitumier par l'effet de l'assentiment généralapparu à
cette conférence. La première est la notion de zone de pêche,zone à
l'intérieur delaquelle un Etat peut prétendreà une compétenceexclusive
en matière de pêcheriesindépendamment de sa mer territoriale; I'exten-
sion de cette zone de pêchejusqu'à une limite de 12 milles à partir des
lignes de base semble désormais généralementacceptée. La deuxième
est la notion de droits de pêche préférentieldsans les eaux adjacentes en
faveur de 1'Etatriverain qui se trouve dans une situation de dépendance
spécialeà l'égard de ses pêcheries côtières,tte préférencjouant vis-à-vis
d'autres Etats intéressésà l'exploitation de ces pêcherieset devant être

mise en Œuvre dela.manière indiquéeau paragraphe 49 ci-après.
45. Ces dernières années,la question d'une extension de la compétence
de 1'Etatriverain en matière depêcheest passéede plus en plus au premier
plan de l'actualité. LaCour n'ignore pas qu'un certain nombre d'Etats
ont décidéd'élargirleur zone de pêche.Elle connaît les efforts poursuivis
actuellement sous It:saus~ices des Nations Unies en vue de faire avancer.
lors d'une troisième conférencesur le droit de la mer, la codification et
le développement progressif de cette branche du droit; elle n'ignore pas
non plus les propositions et documents préparatoires divers soumis à
cette occasion, .ui doivent êtreconsidéréscomme manifestant les thèses
et les opinions d7Etatsà titre individuel et comme traduisant leurs aspira-
tions et non comme exprimant des principes du droit existant. Le fait
mêmed'avoir convoqué la troisième Conférence sur le droit de la mer
témoigne, dela part de tous les Etats, d'un souci manifestede poursuivre
la codification de Ire droit sur une base universelle, notamment en ce
qui concerne la pêcheet la conservation des ressources biologiques de

la mer. Ce souci gknéralest compréhensible puisque les règlesdu droit
maritime international sont le fruit d'accommodements réciproques,
d'une attitude raisonnable et d'un esprit de coopération. Ce fut le cas
dans le passé, et c:'estencore nécessairement le cas aujourd'hui. Cela
étant, la Cour, en tant que tribunal, ne saurait rendre de décision sub
specie legis .ferendfile,ni énoncer le droit avant que le législateur l'ait
édicté.
46. La notion d'une zone de pêchede 12 milles mentionnéeau para-
graphe 44 ci-dessus.comme une troisième catégorieentre la mer territo-
riale et la haute mer a été acceptée ence qui concerne l'Islande en vertu
des dispositions de fond de l'échangede notes de 1961,et la République
fédérale d'Allemagneapplique la même limitede pêche à ses propres
eaux côtières depuis 1964; ce point n'est donc plus en litige entre les
Parties. De mêmele demandeur a admis que la notion de droits préféren-
tiels, notion qui suppose nécessairement l'existence d'autres droits par
rapport auxquels la préférence s'exercee ,ntre en ligne de compte pour le
règlement du présent différend. Ausurplus le demandeur a expressément
reconnu les droits préférentielsde l'Islande dans leseaux contestéeset il a

invoqué simultanérnent ses propres droits de pêchehistoriques dans cessame waters, on the ground that reasonable regard must be had to such
traditional rights by the coastal State, in accordance with the generally
recognized principles embodied in Article 2 of the High Seas Convention.
If, as the Court pointed out in its dictum in the Fisheri case, cited in
paragraph 41 above, any national delimitation of sea areas, to be op-
posable to other States, requires evaluation in terms of the existing rules of
international law,then it becomes necessary for the Court, in its examina-
tion of the Icelandic fisheries Regulations, to take those elements into
consideration as well. Equally it has necessarily to take into account the
provisions of the Exchange of Notes of 1961which govern the relations
between the Parties with respect to Iceland's fishery limits. The said
Exchange of Notes, which was concluded within the framework of the
existing provisions of the law of the sea, was held by the Court, in its
Judgment of 2 February 1973,to be a treaty which is valid and in force.

47. The concept of preferential rights for the coastal State in a situation
of special dependence on coastal fisheries originated in proposals sub-
mitted by Iceland at the Geneva Conference of 1958.Its delegation drew
attention to the problem which would arise when, in spite of adequate
fisheries conservation measures, the yield ceased to be sufficient to
satisfy the requirements of al1those who were interested in fishing in a
given area. Iceland contended that in such a case, when a catch-limitation
becomes necessary, special consideration should be given to the coastal
State whose population is overwhelmingly dependent on the fishing
resources in its adjacent waters.

48. An Icelandic proposa1 embodying these ideas failed to obtain the
majority required, but a resolution was adopted at the 1958Conference
concerning the situation of countries or territories whose people are
overwhelmingly dependent upon coastal fisheries for their livelihood or
economic development. This resolution, after "recognizing that such
situations cal1 for exceptional measures befitting particular needs"
recommended that :
". ..where, for the purpose of conservation, it becomes necessary to
limit the total catch of a stock or stocks of fish in an area of the high
seas adjacent to the territorial sea of a coastal State, any other States
fishing in that area should collaborate with the coastal State to

secure just treatment of such situation, by establishing agreed
measures which shall recognize any preferential requirements of the
coastal State resulting from its dependence upon the fishery con-
cerned while having regard to the interests of the other States".mêmes eaux,arguant que 1'Etat riverain doit tenir raisonnablement
compte de droits traditionnels de ce genre, conformément aux principes
généralementrecorinus qui sont consacrés à l'article 2 de la Convention
sur la haute mer. Si, comme la Cour l'a signalédans le passage de l'arrêt

rendu en l'affaire des Pêcheriesqui est citéau paragraphe 41 ci-dessus,
pour être opposable à d'autres Etats, toute délimitation nationale des
espaces maritimes doit être appréciée en fonction des règles actuelles du
droit international, il faut nécessairement que, dans son examen du
règlement islandais relatif aux pêcheries,la Cour prenne aussi ces élé-
ments en considération. Elle doit de mêmetenir nécessairementcompte
des dispositions de l'échangede notes de 1961,qui régissent lesrelations
entre lesPartiespour ce qui est des limites de pêchede l'Islande. La Cour,
dans son arrêtdu 2 février 1973, a considéréque cet échange de notes,
conclu dans lecadre des dispositions actuelles du droit de la mer, étaitun
traitévalable et en vigueur.
*

* *

47. L'idéeque 1'Etatriverain se trouvant dans une situation de dépen-
dance spéciale à l'égard de ses pêcheriescôtières bénéficiede droits
préférentielsa été avancée pour la première fois dans des propositions
présentéespar l'Islande àla Conférence de Genevede 1958.La délégation
islandaise a appelé l'attention sur le problème qui se poserait au moment

où, malgré l'application demesures de conservation adéquates, le rende-
ment ne permettrait plus de satisfaire les besoins de tous ceux qui s'inté-
ressent à la pêche:dans une région donnée. En pareil cas, soutenait
l'Islande, si unelimitation des prises devenait nécessaire, lasituation des
Etats riverains dont la population est essentiellement tributaire des
ressources halieutilques des eaux adjacentes à leur territoire devrait être
prise spécialement enconsidération.
48. Une proposition islandaise concrétisant cette idéen'a pas obtenu
la majoriténécessaire,mais la conférencede 1958a adoptéune résolution
qui visait la situation des pays ou territoires dont la population est
essentiellement tributaire des pêcheriescôtières pour sa subsistance ou
son développemenitéconomique.Aprèsavoir reconnu que ((cessituations
exigent des mesures exceptionnelles adaptéesaux nécessitésparticulières)),
la résolutionrecommandait que:

c(1orsqu'ildevient nécessaire, dans l'intérêtde la conservation, de
limiter la prise:totaled'un ou de plusieurs stocks de poisson dans une
région de la haute mer adjacente à la mer territoriale d'un Etat
riverain, tous les autres Etats qui pratiquent la pêchedans cette
région collaborent avec 1'Etat riverain à la solution équitable de
cette situation, en établissant d'un commun accord des mesures qui
reconnaîtront tous besoins prioritaires de I'Etat riverain résultant

de sadépenda.nce à l'égardde la pêcherie encause, compte tenu des
intérêtsdes autres Etats)).
22The resolution further recomrnended that "appropriate conciliation and
arbitral procedures shall be established for the settlement of any dis-
agreement".
49. At the Plenary Meetings of the 1960 Conference the concept of
preferential rights was embodied in a joint amendment presented by
Brazil, Cuba and Uruguay which was subsequently incorporated by a
substantial vote into ajoint United States-Canadian proposal concerning
a 6-mileterritorial sea and an additional 6-milefishingzone, thus totalling
a 12-mile exclusive fishing zone, subject to a phasing-out period. This
amendment provided, independently of the exclusive fishing zone, that
the coastal State had :

". .. the faculty of claiming preferential fishing rights in any area of
the high seas adjacent to its exclusive fishing zone when it is scien-
tifically established that a special situation or condition makes the
exploitation of the living resources of the high seas in that area of
fundamental importance to the economic development of the coastal
State or the feeding of its population".

It also provided that:
"A special situation or condition may be deemed to exist when:

(a) The fisheries and the economic development of the coastal State
or the feeding of its population are so manifestly interrelated
that, in consequence, that State isgreatly dependent on the living
resources of the high seas in the area in respect of which pre-
ferential fishing is being claimed.

(b) It becomes necessary to limit the total catch of a stock or stocks
of fish insuch areas ..."
The contemporary practice of States leads to the conclusion that the
preferential rights of the coastal State in a special situation are to be
implemented by agreement between the States concerned, either bilateral

or multilateral, and, in case of disagreement, through the means for the
peaceful settlement of disputes provided for in Article 33 of the Charter
of the United Nations. It was in fact an express condition of the amend-
ment referred to above that any other State concerned would have the
right to request that a claim made by a coastal State should be tested and
determined by a special commission on the basis of scientificcriteria and
of evidence presented by the coastal State and other States concerned.
The commission was to be empowered to determine, for the period of
time and under the limitations that it found necessary, the preferential
rights of the coastal State, "while having regard to the interests of any
other State or States in the exploitation of such stock or stocks of fish".Il était en outre recommandé d'établir ((des procédures appropriées de
conciliation et d'arbitrage ...pour le règlement de tout désaccord )).

49. Au cours des séances plénièresde la conférence de 1960, la notion
de droits préférentiielsa étéreprise dans un amendement qu'ont présenté
conjointement le Brésil, Cuba et l'Uruguay, et qui a étépar le suite
incorporé à une foirtemajorité dans une proposition commune des Etats-
Unis et du Canada prévoyant une mer territoriale large de 6 milles, plus
une zone de pêchede 6 milles, soit au total une zone de pêche exclusivede

12 milles, sous réserved'une périoded'adaptation progressive. L'amende-
ment reconnaissait à 1'Etat riverain, indépendamment d'une zone de
pêche exclusive:

((la faculté d'invoquer des droits de pêcheprioritaires dans toute
zone de la haute mer adjacente à la zone de pêche exclusivelorsqu'il
a étéétabli scientifiquement qu'en raison d'une situation ou d'une
circonstance spéciale l'exploitation des ressources biologiques de la

haute mer dains cette zone a une importance fondamentale pour
son développement économique ou pour l'alimentation de ses habi-
tants )).

Il prévoyait égalenient cequi suit:
nUne situation ou une circonstance est considérée comme

spécialequanti:
a) L'exploitation des pêcheries est liée de manière évidente au
développeinent économique de 1'Etatriverain ou à l'alimentation

de ses habitants et qu'en conséquence ledit Etat est dans une
large mesure tributaire des ressources biologiques de la haute
mer dans la zone a l'égardde laquelle il invoque des droits de
pêcheprioritaires.
b) II est, en outre, nécessaire de limiter la prise totale d'un stock ou

de plusieuirsstocks de poisson dans cette zone ..))
La pratique contemporaine des Etats amène à conclure que les droits

préférentiels de 1'Etat riverain se trouvant dans une situation spéciale
devaient être mis en Œuvre par la voie d'accords, bilatéraux ou multila-
téraux, entre les Eltats intéresséset, en cas de divergences, par l'un des
moyens de règlem'entpacifique des différends prévusà l'article 33 de la
Charte des Na,tioris Unies. C'était en réalité unecondition expresse de

l'amendement rappelé plus haut que tout autre Etat intéresséaurait la
faculté de demander qu'une commission spéciale soit appelée à se
prononcer sur toute revendication de cet ordre formulée par un Etat
riverain, conformkment à des critères scientifiques et aux preuves pro-
duites par I'Etat riverain et les autres Etats intéressés. La commission
était habilitée à fixer pendant le temps et dans la mesure qu'elle estimait

nécessaires les droits préférentiels de 1'Etat riverain compte tenu de
((l'importance que l'exploitation de ce stock ou de ces stocks de [poisson]
présente pour un autre Etat ou d'autres Etats )).
23 50. State practice on the subject of fisheries reveals an increasing and
widespread acceptarice of the concept of preferential rights for coastal
States, particularly in favour of countries or territories in a situation of
special dependence on coastal fisheries.Both the 1958Resolution and the
1960joint amendment concerning preferential rights were approved by
a large majority of the Conferences, thus showing overwhelming support
for the idea that in certain special situations it was fair to recognize that
the coastal State had preferential fishing rights. Afterhese Conferences,
the preferential rights of the coastal State were recognized in various
bilateral and multilateral international agreements. The Court's attention
has been drawn to the practice in this regard of the North-West andNorth-
East Atlantic Fisheries Commissions, of which 19 maritime States
altogether, including both Parties, are members; its attention has also
been drawn to the Arrangement Relating to Fisheries in Waters Sur-

rounding the Faroe Islands, signed at Copenhagen on 18December 1973
on behalf of the Governments of Belgium, Denmark, France, the Federal
Republic of Germany, Norway, Poland and the United Kingdom, and
to the Agreement on the Regulation of the Fishing of North-East Arctic
(Arcto-Norwegian) Cod, signed on 15 March 1974 on behalf of the
Governments of the United Kingdom, Norway and the Union of Soviet
Socialist Republics. Both the aforesaid agreements, in allocating the
annual shares on the basis of the past performance of the parties in the
area, assign an additional share to the coastal State on the ground of its
preferential right in the fisheries in its adjacent waters. The Faroese
agreement takes expressly into account in its preamble "the exceptional
dependence of the Faroese economy on fisheries" and recognizes "that
the Faroe Islands should enjoy preference in waters surrounding the
Faroe Islands".

51. There can be no doubt of the exceptional importance of coastal
fisheries to the Icelandic economy. That exceptional importance was
explicitly recognized by the Applicant in the Exchange of Notes of 19
July 1961,and the Court has also taken judicial notice of such recognition

by declaring that it is "necessary to bear in mind the exceptional impor-
tance of coastal fisheries to the Icelandic economy" (I.C.J. Reports 1972,
p. 34, para. 24).
52. The preferential rights of the coastal State corne into play only at
the moment when an intensification in the exploitation of fisheryresources
makes it imperative to introduce some system of catch-limitation and
sharing of those resources to preserve the fish stocks in the interests of
their rational and economic exploitation. This situation appears to have
been reached in the present case. In regard to two demersal species-cod
and haddock-the Applicant has shown itself aware of the need for a
catch-limitation, which has become indispensable in view of the establish-
ment of catch-limitations in other regions of the North Atlantic. With
respect to other species fished by vessels of the Federal Republic of 50. La pratique des Etats en matière de pêchemontre que la notion de
droits préférentiels desEtats riverains est de plus en plus largement
acceptée,en particulier pour les pays ou territoires se trouvant dans une

situation de dépendance spéciale à l'égard de leurs pêcheriescôtières.
Aussi bien la résolution de 1958 que l'amendement conjoint de 1960
concernant les droits préférentielsont étéapprouvés par une large
majorité des participants aux conférences, ce qui montre que l'idée
d'après laquelle il était juste, dans certaines situations spéciales, de
reconnaître des droits de pêche préférentiels à 1'Etat riverain avait été
fort bien accueillie. Aprèscesconférences, lesdroits préférentielsde 1'Etat
riverain ont étéreconnus dans divers accords internationaux, bilatéraux
et multilatéraux. L,aCour a été informée de la pratique à cet égard des
Commissions des pêcheriesde l'Atlantique du nord-ouest et de l'Atlan-

tique du nord-est dont sont membres au total dix-neuf Etats maritimes,
parmi lesquels les deux Parties; elle a été informée aussdie l'arrangement
relatif aux pêcheriesdans les eaux qui entourent les îles Féroé,signé à
Copenhague le 18décembre1973par les Gouvernements de la Belgique,
du Danemark, de la France, de la République fédérale d'Allemagned , e
la Norvège, de la Pologne etdu Royaume-Uni, ainsi que de l'accord sur la
réglementation de la pêche à la morue de 1'Arctiquedu nord-est (morue
arcto-norvégienne), signé le 15 mars 1974 par les Gouvernements du
Royaume-Uni, de la Norvège et de l'Union des républiques socialistes
soviétiaues. Ces deux accords réservent. lors de l'attribution de contin-

gentsannuels surla base de l'activité passée depsarties dans la région, une
part supplémentaire à I'Etat riverain pour tenir compte de son droit
préférentiel à l'égarddes pêcheries deseaux adjacentes à son territoire.
L'accord concernant les îles Féroéspécifiedans son préambule que
((l'économiedes îles Féroéest exceptionnellement tributaire des pêche-
ries )et reconnaît cque les îles Féroé doiventbénéficierd'une préférence
dans les eaux qui lesentourent )).
51. L'importance particulière que présente la pêche côtière pour
l'économieislandaise ne fait aucun doute. Le demandeur l'aexpressément
reconnu dans l'échangede notes du 19juillet 1961et la Cour a pris acte

de cette reconnaisisance quand elle a relevé qu'ilfaut ((ne pas oublier
l'importance particulière que présente la pêchecôtière pour l'économie
islandaise » (C.IJ. Recueil 1972, p. 34, par. 24).

52. Les droits préférentielsde 1'Etat riverain n'entrent en jeu qu'au
moment où, l'exploitation des ressources halieutiques s'étant intensifiée,
il devient essentiel d'instaurer un systèmede limitation des prises et de
répartition de ces ressources pour protégerles stocks de poisson aux fins
d'une exploitation rationnelle et économique. Tel paraît êtrele cas en
l'occurrence. En CI:qui concerne deux espèces démersales - la morue

et l'aiglefin le demandeur a montré qu'il estconscient de la nécessité
d'une limitation des prises, devenue indispensable àprésentque les prises
sont réglementéesdans d'autres secteurs de l'Atlantique Nord. En ce qui
concerne les autres espèces pêchées par les navires de la RépubliqueCermany-redfish and saithe-it has been recognized by the Applicant
that the setting up of a catch-limitation scheme for certain species also

requires the establishment of overall quotas for other species, in order to
prevent the fishing effort displaced from one stock being transferred to
other stocks. For this reason it is for instance provided in the aforesaid
Arrangement Relating to Fisheries in Waters Surrounding the Faroe
Islands (Art. II) that the annual catches of demersal species other than
cod and haddock shall not exceed by more than an agreed percentage the

highest figureachieved in the years 1968to 1972.

53. The lcelandic regulations challenged before the Court have been
issued and applied by the Tcelandic authorities as a claim to exclusive

rights thus going beyond the concept of preferential rights. Article 2 of
the Icelandic Regulations of 14July 1972States:

"Within the fishery limits al1 fishing activities by foreign vessels
shall be prohibited in accordance with the provisions of Law No. 33
of 19June 1922,concerning fishing inside the Fishery Limits."

Article 1 of the 1922 Law provides: "Only lcelandic citizens may engage
in fishing in the territorial waters ofeland, and only lcelandic boats or
ships may be used for such fishing." The language of the relevant govern-
ment regulations indicates that their object is to establish an exclusive
fishery zone, in which al1fishing by vessels registered in other States, in-

cluding the Federal Republic of Germany, would be prohibited. The
mode of implementation of the regulations, carried out by lcelandic
governmental authorities vis-à-vis fishing vessels of the Federal Republic,
despite the Court's interim measures, confirms this interpretation.

54. The concept of preferential rights is not compatible with the

exclusion of al1fishing activities of other StatesA coastal State entitled
to preferential rights is not free, unilaterally and according to its own
uncontrolled discretion, to determine the extent of those rights. The
characterization of the coastal State's rights as preferential implies a
certain priority, but cannot imply the extinction of the concurrent rights
of other States and particularly of a State which, like the Applicant, have
for many years been engaged in fishing in the waters in question, such

fishingactivity being important to the economy of the country concerned.
The coastal Statehas to take into account and pay regard to the position
of such other States, particularly when they have established an economic
dependence on the same fishing grounds. Accordingly, the fact that
Iceland is entitled to claim preferential rights does not sufficeto justify its
claim unilaterally to exclude the Applicant's fishing vessels from al1fédéraled'Allemagne - le sébasteet le colin- le demandeur a reconnu
que l'établissementd'un systèmede limitation des prises pour certaines
espècesoblige à fixer aussi des contingents globaux pour les autres, afin
d'éviterque l'effort de pêche nese reporte d'un stock sur d'autres. C'est
pourquoi, par exemple, l'arrangement précité relatifaux pêcheriesdans
les eaux qui entourent lesîles Féroéprévoiten son article 2 que les prises
annuelles d'espècesdémersalesautres que la morue et l'aiglefinne devront

pas dépasser de pluisd'un pourcentage fixépar voie d'accord le chiffre le
plus élevé atteint de 1968à 1972.

53. Le règlement.islandais mis en cause devantla Cour a été promulgué
et appliqué par 1e:sautorités islandaises comme une prétention à des
droits exclusifs, allant par conséquent au-delàde lanotion de droits préfé-
rentiels. L'article:! du règlement islandais du 14 juillet 1972 est ainsi
conçu :

<<Al'intérieur deslimites de pêche,toute activité de pêchesera
interdite aux navires étrangersconformément aux dispositions de la
loino33du 19juin 1922relative àla pêche à l'intérieur deslimites de
pêche.))

L'article premier de la loi de 1922 dispose que ((seuls les ressortissants
islandais peuvent se livrer à la pêchedans les eaux territoriales de 1'1s-
lande, et seuls des bateaux ou navires islandais peuvent être utilisés à
cette fin».Les termes de la réglementation applicable montrent qu'elle a
pour objet de créer une zone exclusive de pêche,où toute pêcheserait
interdite aux navires immatriculés dans d'autres Etats, y compris la
République fédéralld'Allemagne. La manière dont lesautoritésgouver-

nementales islandaises ont appliquécette réglementation aux bateaux de
pêchede la Républiquefédérale,malgréles mesures conservatoires indi-
quéespar la Cour, confirme cette interprétation.
54. La notion de droits préférentiels n'est pacompatible avec l'élimi-
nation complète de l'activitéde pêched'autres Etats. Un Etat riverain
pouvant prétendre à des droits préférentiels n'est pas librede fixer, de
façon unilatérale e:ttotalement discrétionnaire, l'étenduede ces droits.
Quand on qualifie de préférentielsles droits de 1'Etat riverain, cela im-
plique que ces droits ont une certaine priorité mais non pas qu'ils puis-
sent abolir les droits concurrents d'autres Etats, en particulier ceux d'un
Etat qui, comme le demandeur, pêchedepuis de nombreuses années dans

leseaux en question, alors que cette activitédepêcheprésentede l'impor-
tance pour l'économiedu pays intéressé. L'Etat riverain doit tenir compte
de la position de ces Etats, spécialement quand ils en sont venus à
dépendre sur le plan économique des mêmes lieuxde pêche.En consé-
quence, le fait quel'Islande soit fondéeà revendiquer des droits préféren-
tiels ne suffitpas justifier sa prétention d'interdire unilatéralementtoutefishing activity in the waters beyond the limits agreed to in the 1961
Exchange of Notes.

55. In this case, the Applicant has pointed out that its vessels started
fishing in the Icelandic area as long ago as the end of the last century.
Published statistics indicate that for many years fishing of demersal
species by German vessels in the disputed area has taken place on a
continuous basis, and that since 1936,except forthe period of the Second
World War, the total catch of those vessels has been relatively stable.
Similar statistics indicate that the waters in question constitute the most
important of the Applicant's distant-water fishing grounds for demersal
species.
56. The Applicant further Statesthat the loss of the fishing grounds in
the waters around Iceland would have an appreciable impact on the
economy of the Federal Republic of Germany; the fishing fleet of the
Federal Republic of Germany would not be able to makegood the loss of

the tcelandic fishing grounds by diverting their activities to other fishing
grounds in the oceans, because the range of wet-fishtrawlers is limited by
technical and economic factors and the more distant grounds, which
could be reached by freezer-trawlers, are already subject to quota limita-
tions. It is pointed outthat the loss of the fishinggrounds around Iceland
would require the immediatewithdrawal from service ofthe major part of
the wet-fish trawlers, which would probably have to be scrapped and the
withdrawal of a considerable number of trawlers from service would
have sizeable secondary effects, such as unemployment, in the fishing
industry and in related and supporting industries, particularly in coastal
towns such as Bremerhaven and Cuxhaven where the fishing industry
plays a predominant part.
57. Iceland has for its part admitted the existence of the Applicant's
historic and special interests in the fishing in the disputed waters. The
Exchange of Notes as a whole, and particularly paragraph 5 thereof
requiring Iceland to give the Federal Republic of Germany advance
notice of any extension of its fishery limits, impliedly acknowledged the
existence of fishery interests of the Federal Republic in the waters ad-
iacent to the 12-mile limit. The discussions which have taken dace

between the two countries also imply an acknowledgement by IcelaAdof
the existence of such interests. Furthermore, the Prime Minister of
Iceland in a statementon 9 November 1971,after referring to the fact that
"the well-being of specific Britishfishing towns may nevertheless to some
extent be connected with the fisheries in Icelandic waters", went on to Say
"Therefore, it is obvious that we should discuss these issues with the
British and the West Germans, both of whom have some interests in this
connection".
58. Considerations similar to those which have prompted the recogni-pêcheaux navires du demandeur dans les eaux situéesau-delà de la limite
convenue dans l'échangede notes de 1961.

55. Dans la présenteespèce,le demandeur a fait valoir que ses navires
pêchentdans les ea.uxislandaises depuis une époquequi remonte à la fin
du siècle dernier.Les statistiques publiéesindiquent que depuis de nom-

breuses années les navires allemands pêchent des espècesdémersales
dans la zone contestée, sans discontinuer, et que, depuis 1936,sauf pen-
dant la seconde guerre modiale, le total de leurs prises est demeuré
relativement stable. Des statistiques analogues montrent que les eaux en
question constituent le plus important des terrains de pêchelointaine du
demandeur pour les espèces démersales.
56. Le demandeur ajoute que la perte des fonds de pêche deseaux qui
entourent I'Islandcleaurait une incidence appréciable sur l'économiede
la République fédérale d'Allemagne;la flotte de pêchede la République
fédéralene seraitp.asen mesure de compenser la perte des fonds de pêche
islandais en reportant son activitésur d'autres zones de pêcheocéanique,
car le rayon d'action des chalutiers non frigorifiques est limitépar des
facteurs technique:; et économiques et leszones plus éloignées que pour-
raient atteindre les chalutiers frigorifiques sont déjà soumises à des

contingentements. Le demandeur souligne que la perte des fonds de pêche
entourant l'Islande obligeraità retirer immédiatement du service la plus
grande partie des chalutiers non frigorifiques, qu'il faudrait probable-
ment démolir; or la mise hors service de nombreux chalutiers produirait
d'importants effets secondaires, comme le chômage, dans l'industrie de
la pêche etles industries connexes et complémentaires, particulièrement
dans des villes côtières comme Bremerhaven et Cuxhaven. ou l'industrie
de la pêchejoue un rôle prédominant.
57. Pour sa part, l'Islande a admis I'existence desintérêts historiques
et spéciaux du demandeur pour ce qui est de la pêchedans les eaux
contestées.L'échangede notes dans son ensemble, en particulier dans son
paragraphe 5, selcin lequel l'Islande doit notifàerl'avance à la Répu-
blique fédéraled'Allemagne toute mesure d'élargissementde ses limites
de pêche,a reconnu implicitement l'existenced'intérêts de la République

fédérale à la pêchedans les eaux adjacentes à la limite des 12milles. Les
pourparlers qui se sont déroulésentre lesdeux pays impliquent également
que l'Islande a reconnu l'existencede ces intérêts. Quiplus est, dans une
déclaration faite le novembre 1971,le Premier ministre islandais, après
avoir mentionné que ((laprospéritédecertains ports de pêchebritanniques
peut néanmoins êtreliéedans une certaine mesure aux pêcheriesdans les
eaux islandaises»,a ajouté: ((11est donc évidentque nous devons discuter
de ces questions avec le Royaume-Uni et la République fédérale d'Alle-
magne, qui ont certains intérètsàcet égard.>)
58. Des considérations analogues àcelles que ont amené àreconnaîtretion of the preferential rights of the coastal State in a special situation
apply when coastal populations in other States are also dependent on
certain fishing grounds. In both instances the economic dependence and
the Iivelihood of whole communities are affected. Not only do the same
considerations apply, but the same interest in conservation exists. In
this respect the Applicant has recognized that the conservation and
efficientexploitation of the fish stocksin the Iceland area is of importance
not only to Iceland but also to the Federal Republic of Germany.

59. The provisions of the Icelandic Regulations of 14 July 1972 and
the manner of their implementation disregard the fishing rights of the
Applicant. Iceland's unilateral action thus constitutes an infringement of

the principle enshrined in Article 2 of the 1958 Geneva Convention on
the High Seas which requires that al1States, including coastal States, in
exercising their freedom of fishing, pay reasonable regard to the interests
of other States. It also disregards the rights of the Applicant as theyesult
from the Exchange of Notes of 1961.The Applicant istherefore justified in
asking the Court to give al1necessary protection to its own rights, while
at the same time agreeing to recognize Iceland's preferential position.
Accordingly, the Court is bound to conclude that the Icelandic Regula-
tions of 14July 1972establishing a zone of exclusivefisheriesjurisdiction
extending to 50nautical miles from baselines aroundthe coast of Iceland,
are not opposable to the Federal Republic of Germany, and the latter is
under no obligation to accept the unilateral termination by Iceland of
fishery rights of the Federal Republic in the area.
60. The findings stated by the Court in the preceding paragraphs
suffice to provide a basis for the decision of the present case, namely:
that Iceland's extension of its exclusive fishery jurisdiction beyond 12
miles is not opposable to the Federal Republic; that Iceland may on the

other hand claim preferential rights in the distribution of fishery resources
in the adjacent waters; that the Federal Republic also has established
rights with respect to the fishery resources in question; and that the
principle of reasonable regard for the interests of other States enshrined
in Article 2 of the Geneva Convention on the High Seas of 1958requires
Iceland and the Federal Republic to have due regard to each other's
interests, and to the interests of other States, in those resources.

61. Tt follows from the reasoning of the Court in this case that in
order to reach an equitable solution of the present dispute it is necessary
that the preferential fishingrights of Iceland, as a State specially depen-
dent on coastal fisheries, be reconciled with the traditional fishing rightsles droits préférentielsde 1'Etat riverain se trouvant dans une situation
spéciale s'appliquent lorsque des populations côtières d'autres Etats
pratiquant la pêchesont elles aussi tributaires de certains lieux de pêche.
Dans les deux cas, ce qui est en cause, c'est la dépendance économique et
les moyens de subsistance de collectivités entières. Non seulement les
mêmesconsidérationsjouent, mais l'intérêq tui s'attache à la conservation

est le même.A cet égard, le demandeur a reconnu que la conservation
et l'exploitation e:Kcace des stocks de poisson dans la zone islandaise
revêtentde l'importance non seulement pour l'Islande mais aussi pour la
République fédérale d'Allemagne.
59. Lesdispositions du règlement islandais du 14juillet 1972et I'appli-
cation qui en est faite méconnaissent les droits de pêchedu demandeur.

Les mesures unilatérales adoptées par l'Islande violent donc le principe
consacré par l'article 2 de la Convention de Genève de 1958 sur la haute
mer, selon lequel tous les Etats, y compris les Etats riverains, doivent
exercer la libertédi?pêcheren tenant raisonnablement compte de l'intérêt
des autres Etats. Elles méconnaissent égalementles droits du demandeur
tels qu'ils résultentde l'échangede notes de 1961. Le demandeur est donc
fondéà prier la Cciur de protégerautant que de besoin ses propres droits

tout en s'engageant pour sa part à reconnaître la situation préférentielle
de l'Islande. Aussii la Cour ne peut-elle que conclure que le règlement
islandais du 14juiillet 1972qui établit une zone de compétence exclusive
en matière de pêciheallant jusqu'à 50 milles marins des lignes de base
tracéesautour des côtes islandaises n'est pas opposable à la République
fédéraled'Allemagne, et que celle-ci n'est nullement tenue d'accepter

l'abolition unilatérale parl'Islande de ses droits de pêchedans la région.
60. Les constatations faites par la Cour dans les paragraphes qui
précèdentsufisent à fournir la base de sa décision dans la présenteespèce
et peuvent se résu.merainsi: l'extension par l'Islande de sa compétence
exclusive en matière de pêcheriesau-delà de 12milles n'est pas opposable
à la République f6dérale d'Allemagne; l'Islande peut en revanche pré-

tendre à des droits préférentielsdans la répartition des ressources halieu-
tiques des eaux adjacentes; la République fédérale possède également des
droits établis à I'tjgard des ressources halieutiques en question; et le
principe d'une prise en considération raisonnable des intérêtsdes autres
Etats, proclamé à l'article 2 de la Convention de Genève de 1958 sur la
haute mer, oblige l'Islande et la République fédéraleà tenir dûment
compte de leurs intérêts réciproqueset des intérêtsd'autres Etats en ce

qui concerne ces ressources.

61. Il découle du raisonnement suivi par la Cour en l'espèce qu'un

règlement équitable du présent différendsuppose que soient conciliésles
droits de pêche pi-éférentield se l'Islande en tant qu'Etat spécialement
tributaire des pêcheries côtièreset les droits de pêchetraditionnels duof the Applicant. Such a reconciliation cannot be based, however, on a
phasing out of the Applicant's fishing, as was the case in the 1961 Ex-
change of Notes in respect of the 12-mile fishery zone. In that zone,
Iceland was to exercise exclusive fishery rights while not objecting to
continued fishing by the Applicant's vessels during a phasing-out period.
In adjacent waters outside that zone, however, a similar extinction of
rights of other fishing States, particularly when such rights result from a
situation of economicdependence and long-term reliance on certain fishing
grounds, would not be compatible with the notion of preferential rights
as it was recognized at the Geneva Conferences of 1958and 1960,nor
would it be equitable. At the 1960Conference, the concept of preferential
rights of coastal States in a special situation was recognized in the joint
amendment referred to in paragraph 49 above, under such limitations
and to such extent as is found "necessary by reason of the dependence of
the coastal State on the stock or stocks of fish, while having regard to the
interests of any other State or States in the exploitation ofsuch stock or
stocks of fish". The reference to the interests of other States in the exploi-
tation of the same stocks clearly indicates that the preferential rights of
the coastal State andthe established rights of other States wereconsidered
as, inprinciple, continuing to CO-exist.

62. This is not to say that the preferential rights of a coastal State in a
special situation are a static concept, in thesense that the degree of the
coastal State's preference is to be considered as fixed for ever at some
given moment. On the contrary, the preferential rights are a function of
the exceptional dependence of such a coastal State on the fisheries in
adjacent waters and may, therefore, Varyasthe extent of that dependence
changes. Furthermore, in the 1961 Exchange of Notes the "exceptional
importance of coastal fisheries to the Icelandic economy" was recognized.
This expression must be interpreted as signifying dependence for the
purposes both of livelihood and economicdevelopment, as in theformulas
discussed at the 1958and 1960Geneva Conferencesconcerning preferen-
tial rights, and in the Exchange of Notes of 11 March 1961 between
Iceland and the United Kingdom. The latter instrument was the mode1
for the Exchange of Notes between Iceland and the Federal Republic of
Germany, and the Agent of the Federal Republic has informed the Court
that the difference in wording on this point between the United Kingdom
Note and the Federal Republic's Note had no "legal significance" or had
not been meant to have such significance. It has been suggested by the
Applicant that a situation of exceptional dependence on fisheries for
purposes of economic development could only exist in respect of States
which are still in a stage of development and have only a minor share in
the fisheries off their coasts. Such States undoubtedly afford clear ex-

amples of special dependence; however, inthe present casethe recognition
of the exceptional importance of coastal fisheriesto the Icelandic economy
was made at a time when Iceland was already a State with a comparatively
developed economy and possessed a substantial share in the exploitationdemandeur. Le moyen d'y parvenir n'est cependant pas d'éliminerpro-
gressivement les navires de pêchedu demandeur comme le prévoyait
l'échangede notes de 1961pour ce qui est de la zone de 12 milles. Dans
cette zone,l'Islande devait exercer des droits de pêche exclusifset ne pas
soulever d'objection contre la poursuite de la pêchepar les navires du
demandeur pendant une période de retrait progressif. Dans les eaux
adjacentes à cette zone, cependant, une extinction analogue des droits
d'autres Etats pratiquant la pêche,en particulier quand ces droits sont

nés d'unesituation de dépendance économique et d'une longue habitude
de compter sur certains fonds de pêche, ne seraitpas compatible avec la
notion de droits préférentiels telleque les Conférencesde Genèvede 1958
et de 1960l'ont reconnue et ne serait pas non plus équitable.En 1960la
notion de droits préférentiels desEtats riverains se trouvant dans une
situation spécialea étéacceptéeaux termes de l'amendement conjoint
mentionnéau paragraphe 49 dans les limites et dans la mesure nécessaires
((compte tenu du degrédedépendancede 1'Etatriverainà l'égarddu stock
ou desstocks de poisson, et de l'importance que l'exploitation de ce stock
ou de ces stocks présentepour un autre Etat ou d'autres Etats)). Cette
allusion aux intérêts d'autres Etats à l'exploitation des mêmesstocks
montre bien qu'on considéraiten principe que les droits préférentielsde
1'Etatriverain et les droits établis d'autres Etats continuaàecoexister.
62. Il ne s'ensuit pas que les droits préférentielsd'un Etat riverain se

trouvant dans une situation spéciale représentent unenotion immuable,
en ce sens que le degréde priorité accorder à 1'Etatriverain devrait être
considéré à un mornent déterminé commedéfini une foispour toutes. Au
contraire les droits préférentielssont fonction de la dépendence excep-
tionnelle de cet Etat riverain à l'égard des pêcheriesdans ses eaux
adjacentes et peuvent donc évoluer avec elle.D'autre part, l'échangede
notes de 1961a reconnu ((l'importance particulière que présentela pêche
côtièrepour l'économie islandaiseD. Cette expression doit s'interpréterau
sens d'une dépendance du double point de-vue de la subsistance et du
développement économique, comme dans les formules débattues aux
Conférencesde Genèvede 1958et 1960 àpropos des droits préférentiels
etdans l'échangede notes du 11mars 1961entre l'Islande et le Royaume-
Uni. Ce dernier instrument a servi de modèle àl'échangede notes entre
l'Islande et la Républiquefédérale d'Allemagne,et l'agent du demandeur

a informé la Cour que la différence de rédaction entre la note du
Royaume-Uni et celle de la Républiquefédérale àcet égardn'avait pasde
((signification sur le plan juridique)) et que l'on n'avait pas voulu lui
donner une telle signification. Le demandeur a émis l'opinionque seuls
peuvent être exceptionnellement tributaires des pêcheries pour leur
développement économique des Etats qui en sont encore au stade du
développement et qui ne participent à la pêcheau large de leurs côtes
quepour une faible part. Certes, ces Etats offrent des exemples patents de
dépendancespéciale;cependant, en l'espèce,l'importance particulière que
les pêcheriescôtières présentenptourl'économieislandaise a étéreconnue
à un moment où l'Islande était déjà un Etat pourvu d'une économie of the fisheries off its coasts. It is therefore not possible to accept the
limited interpretation of the expression employed in the 1961 Exchange of
Notes suggested by the Applicant. With regard both to livelihood and to
economic development, it is essentially a matter of appraising the depen-
dence of the coastal State on the fisheries in question in relation to that
of the other State concerned and of reconciling them in as equitable a

manner as is possible.

63. In view of the Court's finding (paragraph 59 above) that the Ice-
landic Regulations of 14 July 1972 are not opposable to the Federal
Republic of Germany for the reasons which have been stated, it follows
that the Government of Iceland is not in law entitled unilaterally to

exclude fishing vessels of the Federal Republic from sea areas to seaward
of the limits agreed to in the 1961 Exchange of Notes or unilaterally to
impose restrictions on their activities in such areas. But the matter does
not end there; as the Court has indicated, Iceland is, in view of its special
situation, entitled to preferential rights in respect of the fish stocks of the
waters adjacent to its coasts. Due recognition must be given to the rights

of both Parties, namely the rights of the Federal Republic to fish in the
waters in dispute, and the preferential rights of Iceland. Neither right is an
absolute one: the preferential rights of a coastal State are limited accord-
ing to the extent of its special dependence on the fisheries and by its
obligation to take account of the rights of other States and the needs of
conservation; the established rights of other fishing States are in turn
limited by reason of the coastal tat tespecial dependence on the fisheries

and its own obligation to take account of the rights of other States, in-
cluding the coastal State,and of the needs of conservation.

64. It follows that even if the Court holds that Iceland's extension of
her fishery limits is not opposable to the Applicant, this does not mean

that the Applicant is under no obligation to Iceland with respect to fishing
in the disputed waters in the 12-mile to 50-mile zone. On the contrary,
both States have an obligation to take full account of each other's rights
and of any fishery conservation measures the necessity of which is shown
to exist inthose waters. It is one of the advances in maritime international
law, resulting from the intensification of fishing, that the former laissez-
foire treatment of the living resources of the sea in the high seas has been

replaced by a recognition of a duty to have due regard to the rights of
other States and the needs of conservation for the benefit of ail. Con-
sequently, both Parties have the obligation to keep under review the
fishery resources in the disputed waters and to examine together, in the
light of scientific and other available information, the measures required
for the conservation and development, and equitableexploitation, of those

resources, takinginto accountany international agreement inforcebetween
them, suchas the North-East Atlantic Fisheries Convention of 24 Januaryrelativement développéeet prenait une part importante à l'exploitation
des pêcheriesau large de ses côtes. On ne saurait donc accepter l'inter-
prétation restrictive de la formule employéedans l'échangede notes de

1961 que suggère le demandeur. En ce qui concerne tant la subsistance
que le développement économique,il s'agit essentiellement d'apprécierla
dépendance de 1'Etat riverainà l'égarddes pêcheriesen question, par
rapport à celle de l'autre Etat intéresséet de les concilier d'une manière
aussi équitableque possible.
63. La Cour ayant conclu (paragraphe 59 ci-dessus) que le règlement
islandais du 14juillet 1972n'est pas opposable à la République fédérale
d'Allemagne pour les motifs qui ont été indiqués,il s'ensuit que le
Gouvernement islandais n'est pas fondé en droit à exclure unilatérale-
ment les navires de pêchede la République fédérale des zones maritimes
situéesau large des limites convenues dans l'échangede notes de 1961,
ni à imposer unilatéralement des restrictions à leur activité dans ces

zones. Le problème n'est pas réglépour autant; comme la Cour l'a indi-
qué, l'Islande, en raison de sa situation spéciale,peut prétendre à des
droits préférentielssur les stocks de poisson des eaux adjacentes à ses
côtes. Les droits des deux Parties, à savoir les droits de la République
fédérale depêcherdans les eaux litigieuses et les droits préférentielsde
l'Islande, doivent ëtre dûment reconnus. Ni dans un cas, ni dans l'autre,
il ne s'agit de droits absolus: les droits préférentielsd'un Etat riverain
sont limitéspar le degréde sa dépendancespéciale àl'égard des pêcheries,
ainsi que par son obligation de tenir compte des droits d'autres Etats
et des nécessitésde la conservation; les droits établis d'autres Etats
pratiquant la pêchesont àleur tour limitéspar la dépendancespeciale de
1'Etat riverainà l'égard des pêcheriee st par leur propre obligation de

tenir compte des droits d'autres Etats, y compris ceux de1'Etatriverain,
et des nécessitéde la conservation.
64. Il en résulteque la conclusion de la Cour suivant laquelle I'exten-
sion par l'Islande des limites de sa compétenceen matière de pêcheries
n'est pas opposable au demandeur ne signifie pas que celui-ci n'a envers
l'Islande aucune obligation en ce qui concerne la pêchedans les eaux
litigieuses entre 12et 50 milles. Au contraire, les deux Etats ont le devoir
de tenir pleinement compte de leurs droits réciproqueset des mesures de
conservation dont la nécessitédans ces eaux est démontrée.L'un des
progrès dont le droit international maritime est redevableà l'intensifica-
tion de la pêcheest que,à l'ancienne attitudede laisser fairàl'égard des

ressources bilogiques de la haute mer, se substitue désormais la recon-
naissance au'il existe un devoir de ~rêterune attention suffisante aux
droits d'autres Etats ainsi qu'aux impératifs de la conservation dans
l'intérêt detous. Les deux Parties ont donc l'obli"ation de continuer à
étudierla situation des ressources de la pêchedans les eaux litigieuses et
d'examiner ensemble, sur la base des renseignements scientifiques et
autres données disponibles, les mesures qu'imposent la conservation, le
développement et l'exploitation équitable de ces ressources, en tenant
compte de tout accord international en vigueur entre elles, comme la1959as well as such other agreements as may be reached in the matter in
the courseof further negotiation.

65. The most appropriate method for the solution of the dispute is
clearly that of negotiation. Its objective should be the delimitation of the

rights and interests of the Parties, the preferential rights of the coastal
State on the one hand and the rights of the Applicant on the other, to
balance and regulate equitably questions such as those of catch-limita-
tion, share allocations and "related restrictions concerning areas closed
to fishing, number and type of vesselsallowed and forms of control of the
agreed provisions" (Fisheries Jurisdiction (Federal Republic of Germany
v. Iceland), Interirn Measures, Order of 12July 1973, I.C.J. Reports 1973,
p. 314, para. 7). This necessitates detailed scientific knowledge of the
fishing grounds. It is obvious that the relevant information and expertise
would be mainly in the possession of the Parties. The Court would, for
this reason, meet with difficultiesif it were itself to attempt to lay down a
precise scheme for an equitable adjustment of the rights involved.

66. It is implicit in the concept of preferential rights that negotiations
are required in order to define or delimit the extent of those rights, as was
already recognized in the 1958Geneva Resolution on Special Situations
relating to Coastal Fisheries, which constituted the starting point of the
law on the subject. This Resolution provides for the establishment,
through collaboration between the coastal State and any other States

fishing in the area, of agreed measures to secure just treatment of the
special situation.
67. The obligation to negotiate thus flows from the very nature of the
respective rights of the Parties; to direct them to negotiate is therefore a
proper exercise of the judicial function in this case. This also corresponds
to the Principles and provisions of the Charter of the United Nations
concerning peaceful settlement of disputes. As the Court stated in the
North Sea Continental Shelfcases :
". .. this obligation merely constitutes a special application of a

principle which underlies al1 international relations, and which is
moreover recognized in Article 33 of the Charter of the United
Nations as one of the methods for the peaceful settlement of interna-
tional disputes" (I.C.J. Reports 1969, p. 47, para. 86).
68. In this case negotiations were initiated by the Parties from the date
when Iceland gave notice of its intention to extend its fisheriesjurisdic-
tion, but these negotiations reached an early deadlock and could not
come to any conclusion. In its Memorial, the Applicant has asked the
Court to give the Parties some guidance as to the principles which they

30Convention du 24 janvier 1959 sur les pêcheriesde l'Atlantique du nord-
est, ou de tous autres accords qui pourraient être conclus en la matière

lors de nouvelles négociations.

65. La méthode la plus propre à résoudre le différend est de toute

évidence cellede la négociation. Son objectif doit être de circonscrire les
droits et les intérêtsdes Parties, les droits préférentiels de1'Etat riverain
d'une part, les droits du demandeur d'autre part, afin d'apprécier et de
réglerde façon équitable des questions comme celles de la limitation des
prises, de l'attribution des parts et des ((restrictions connexes concernant

les zones interdites à la pêche,le nombre et le type des navires autorisés
et les modalités de contrôle des dispositions convenues ))(Compétenceen
matière depêcheries(Républiquefédéraled'Allemagne c. Islande), mesures
conservatoires, ordonnance du 12juillet 1973, C.I.J. Recueil 1973, p. 314,
par. 7). Cela nécessite une connaissance scientifique détaillée desterrains
de pêche.Il est évident que ce sont surtout les Parties qui possèdent les

données et l'expérience voulues. C'estpourquoi la Cour éprouverait des
difficultésàtenter de définir elle-même avec précisionun systèmed'ajuste-
ment équitable des droits enjeu.
66. 11résulte implicitement de la notion de droits préférentielsque des
négociations sont nécessaires pour définir ou délimiter l'étendue deces

droits, comme cela a déjà été reconnudans la résolution sur les situations
spécialestouchant les pêcheries côtières,adoptée à Genève en 1958, qui
est le point de départdu droit régissantla matière. Cette résolution prévoit
une collaboration entre I'Etat riverain et tous les autres Etats qui prati-
quent la pêchedans la région, en vue d'arrêterd'un commun accord des

mesures tendant à une solution équitable de la situation spéciale.
67. L'obligation de négocier découle donc de la nature mêmedes
droits respectifs des Parties; leur ordonner de négocier estpar conséquent
une manière justifiée en l'espèce d'exercer lafonction judiciaire. Cela
correspond aussi aux principes et dispositions de la Charte des Nations
Unies concernant le règlement pacifique des différends. Comme la Cour

l'a dit dans les affaires du Plateau continental dela mer du Nord:
((l'obligation de négocier ..ne constitue qu'une application particu-

lièred'un principe, qui est à la base de toutes relations internationales
et qui est d'ailleurs reconnu dans l'article 33 de la Charte des Nations
Unies comme l'une des méthodes de règlement pacifique des diffé-
rends internationaux )(C.I.J. Recueil 1969,p. 47, par. 86).

68. En l'espèce, les Parties ont entamé des négociations dès que
l'Islande eut signifiéson intention d'étendre sa compétence en matière
de pêche, maisces négociations se sont trouvées bientôt dans l'impasse
et n'ont produit aucun résultat. Dans son mémoire, le demandeur a prié

la Cour de donner aux Parties certaines directives au sujet des principes

30should take into account in their negotiations for the most equitable
management of the fishery resources, and has declared its readiness to
enter into meaningful discussions with the Government of Iceland for the
purpose of a permanent settlement of the fisheriesproblem. As to Iceland,
its policy was clearly stated in paragraph 3 of the Althing Resolution of
15 February 1972,namely to continue efforts to reach a solution of the
problems conriected with the extension through discussions with the
Applicant.
69. In the fresh negotiations which are to take place on the basis of
the present Judgment, the Parties will have the benefit of the above

appraisal of their respective rights and of certain guidelines defining
their scope. The task before them will be to conduct their negotiations on
the basis that each must in good faith pay reasonable regard to the legal
rights of the other in the waters around Iceland outside the 12-milelimit,
thus bringing about an equitable apportionment of the fishing resources
based on the facts of the particular situation, and having regard to the
interests of other States which have established fishing rights in the area.
It is not a matter of finding simply an equitable solution, but an equitable
solution derived fromthe applicablelaw. Asthe Court stated in the North
Sea Continental Shelf cases :

". .. it is not a question of applying equity simply as a matter of
abstract justice, but of applying arule of law which itself requires the
application of equitable principles" (Z.C.J.Reports 1969,p. 47, para.
85).

70. The Court must take into account the situation which will result
from the delivery of its Judgment, with respect to the interim measures
indicated on 17August 1972and which, inter aliafixeda catch-limitation
figure of 119,000 tons for vessels registered in the Federal Republic of
Germany. These interim measures will cease to have effect as from the
date of the present Judgment, since the power of the Court to indicate
interim measures under Article 41 of the Statute of the Court is only
exercisable pendente lite. Notwithstanding the fact that the Parties have
not entered into any provisional arrangement, they are not at liberty to
conduct their fishing activities in the disputed waters without limitation.
Negotiations in good faith, which are ordered by the Court in the
present Judgment, involve in the circumstances of the case an obligation
upon the Parties to pay reasonable regard to each other's rights and to
conservation requirements pending the conclusion of the negotiations.
While this statement is of course a re-affirmation of a self-evident prin-
ciple, it refers to the rights of the Parties as indicated in the present

Judgment. It is obvious that both in regard to merits and to jurisdiction,dont elles devraient s'inspirer pour négocier laméthode la plus équitable

de gestion des ressources halieutiques et s'est déclaré prêt à entamer des
discussions sincères avec le Gouvernement islandais afin d'aboutir à un
règlement permanent du problème des pêcheries. En ce qui concerne
l'Islande, sa politique a été clairement énoncéeau paragraphe 3 de la
résolution de I'Althing du 15février 1972 - elle consiste à poursuivre les
efforts tendant à résoudre les problèmes soulevéspar l'élargissement au

moyen d'entretiens avec le demandeur.
69. Dans les nouvelles négociations qui doivent se tenir sur la base du
présentarrêt,les Parties bénéficierontde l'évaluation qui précèdede leurs
droits respectifs et de certains principes directeurs en définissant laportée.
Leur tâche sera de conduire leurs négociations dans un esprit tel que
chacune doive, de bonne foi, tenir raisonnablement compte des droits de

l'autre dans les eaux entourant l'Islande au-delà de la limite des 12milles,
afin de parvenir à une répartition équitable des ressources halieutiques,
fondéesur les données de la situation locale, et prenant en considération
les intérêtsd'autres Etats qui ont dans la région desdroits de pêche bien
établis.11ne s'agit pas simplementd'arriver à une solution équitable, mais
d'arriver à une solution équitable qui repose sur le droit applicable.

Comme la Cour l'a dit dans les affaires du Plateau continental de la mer du
Nord:

(cilne s'agit pas d'appliquer l'équitésimplement comme une repré-
sentation de la justice abstraite, mais d'appliquer une règle de droit
prescrivant le recours à des principes équitables )) (C.I.J. Recueil
1969, p. 47, par. 85).

70. La Cour doit tenir compte de l'incidence qu'aura le prononcé de
son arrêtsur les mesures conservatoires indiquées le 17 août 1972, qui
limitaient notamment à 119000 tonnes les prises des navires immatriculés
dans la République fédérale d'Allemagne. Ces mesures conservatoires
cesseront d'avoir effet àcompter de la date du présentarrêt, carle pouvoir
d'indiquer de telles mesures, que la Cour tient de l'article 41 de son

Statut, ne peut s'exercer qu'en cours d'instance. Bien que les Parties
n'aient pas conclu d'accord provisoire en l'espèce, elles nesont pas libres
de poursuivre sans restriction leur activité de pêchedans les eaux liti-
gieuses. Les négociations à mener de bonne foi que la Cour prescrit par
le présentarrêtimpliquent, eu égardaux circonstances de l'espèce,que les
Parties ont l'obligation de tenir raisonnablement compte de leurs droits

réciproques et des nécessitésde la conservation jusqu'à l'issue des négo-
ciations. Certes cette déclaration est évidemment une réaffirmation d'un
principe qui va de soi, mais elle vise les droits des Parties tels que le
présent arrêt les indique. II est évident qu'en ce qui concerne le fond
comme la compétence la Cour ne statue que sur l'affaire portée devant203 FISHERIESJURISDICTION (JUDGMENT)

the Court onlypronounces on the case which is before it and not on any
hypothetical situation which might arise in the future. At the same time,
the Court must add that its Judgment cannot preclude the Parties from
benefiting from any subsequent developments in the pertinent rules of
international law.

71. By the fourth submission in its Memorial, maintained in the oral
proceedings, the Federal Republic of Germany raised the question of
compensation for alleged acts of harassment of its fishing vessels by
Icelandic coastalpatrol boats; the submission reads as follows:

"That the acts of interference by Icelandic coastal patrol boats

with fishing vesselsregistered in the Federal Republic of Germany or
with their fishing operations by the threat or use of force are un-
lawful under international law, and that Iceland is under an obliga-
tion to make compensation therefor to the Federal Republic of
Germany."
72. The Court cannot accept the viewthat it would lackjurisdiction to
deal with this submission. The matter raised therein is part of the con-
troversy between the Parties, and constitutes a dispute relating to
Iceland's extension of its fisheries jurisdiction. The submission is one

based on facts subsequent to the filing of the Application, but arising
directly out of the question which is the subject-matter of that Applica-
tion. As such it falls within the scope of the Court's jurisdiction defined
in the compromissory clause of the Exchange of Notes of 19July 1961.

73. In its Memorial, and in the oral proceedings, when presenting its
submission on compensation, the Federal Republic of Germany stated
that:
". .. [it] reserves al1its rights to claim full compensation from the
Government of Iceland for al1 unlawful acts that have been com-

mitted, or may yet be committed . ..[it]does not, at present, submit
a claim against the Republic of Iceland for the payment of a certain
amount of money as compensation for the damage already inflicted
upon the fishing vessels of the Federal Republic. [It does] however,
request the Court to adjudge and declare that the Republic of
Iceland is, in principle, responsible for the damage inflicted upon
German fishing vessels ... and under an obligation to pay full com-
pensation for al1the damage which the Federal Republic of Germany
and its nationals have actually sufferedthereby."

74. The manner of presentation of this claim raises the question
whether the Court is in a position to pronounce on a submission main-elle et non sur une situation hypothétique qui pourraitse produire dans
l'avenir. La Cour doit ajouter aussi que son arrêtne peut empêcherles
Parties detireravantage detoute évolutionultérieure desrèglespertinentes
du droit international.

71. Dans la quatrième conclusion de son mémoire,maintenuependant
la procédure orale, la République fédérale d'Allemagne asoulevé la
question d'une réparation pour les actes de harcèlement que les garde-
côtes islandais auraient commis contre sesnavires de pêche.Saconclusion
est ainsi formulée:

((Que les actes des garde-côtes islandais visant à gêner,par la
menace ou l'emploi de la force, les navires de pêcheimmatriculés
dans la République fédérale d'Allemagne ou à entraver leurs opéra-
tions de pêchesont contraires au droit international et que'Islande
doità ce titre réparationà la République fédérale d'Allemagne.»

72. La Cour ne peut admettre qu'elle n'aurait pas compétence pour
connaître de cette conclusion. Le problème soulevé à cet égards'inscrit
dans la controverse qui est survenue entre les Parties et constitue un
différend relatifà l'élargissement par l'Islande de sa compétence en
matière de pêcheries. Laconclusion se fonde sur des faits postérieurs au
dépôt de la requête maisdécoulant directement de la question qui fait
l'objet de cette requête. Ace titre, elle relèvede la compétence dela Cour
telle qu'elle a étédéfiniedans la clause compromissoire de l'échangede
notes du 19 iuillet 1961.
73. Dans son mémoireet pendant la procédure orale,le Gouvernement
de la République fédérale d'Allemagne a indiqué ce qui suit, propos de
sa conclusion relativeàune réparation:

(([il]réservetous sesdroits de demanderà être entièrement indemnisé
par le Gouvernement islandais pour tout acte illicite déjà commisou
qui pourrait encore êtrecommis ...La République fédéraled'Alle-
magne ne présente pas, dans l'immédiat, à l'encontre de la Répu-
blique d'Islande, une demande de versement d'un montant déterminé
à titre de réparation du préjudicedéjàcausé à sesnavires de pêche...
[Le gouvernen~ent] prie cependant la Cour de dire et juger que la
République d'Islande est en principe responsable du tort causéaux

navires de pêcheallemands ...et a l'obligation de réparer entière-
ment le préjudice que la République fédéraled'Allemagne et ses
ressortissants ont effectivement subi de ce fait.

74. La manière dont cette demande est formulée amène à poser la
question de savoir si la Cour est en mesure de se prononcer sur une204 FISHERIESJURISDICTION(JUDGMENT)

tained in such an abstract form. The submission does not ask for an
assessment of compensation for certain specified acts but for a declaration
of principle that Iceland is under an obligation to make compensation to

the Federal Republic in respect of al1 unlawful acts of interference with
fishing vessels of the Federal Republic. The Applicant ishus asking for a
declaration adjudicating, with definitive effect, that Iceland is under an
obligation to pay full compensation for al1 the damage suffered by the
Applicant as a consequence of the acts of interference specified in the
proceedings. In its Memorial the Federal Republic has listed a large

number of incidents involving its vessels and lcelandic coastal patrol
boats, and continues:
"The Government of the Federal Republic does ... request the

Court to adjudge and declare that the Republic of Iceland is, in
principle, responsible for the damage inflicted upon German fishing
vessels by the illegal acts of the Icelandic coastal patrol boats
described in tliepreceding paragraphs, and under an obligation to pay
full compensation for al1 the damage which the Federal Republic
of Germany and its nationals have actually suffered thereby."

(Emphasis added.)
The final submission, which refers to "the acts of interference" and the
"obligation to make compensation therefor", confirms the above interpre-

tation.
75. Part V of the Memorial on the merits contains a general account
of what the Federal Republic describes as harassment of its fishing vessels
by Iceland, while Annexes G, H, 1 and K give some further details in
diplomatic Notes and Annex L lists the incidents, with a statement of the
kind of each incident. Some information concerning incidents is also to be
found in the Federal Republic's reports regarding the implementing of

the Court's Order for provisional measures.

76. The documents before the Court do not however contain in every
case an indication in a concrete form of the damages for which compensa-
tion is required or an estimation of themount of those damages. Nor do
they furnish evidence concerning such amounts. In order to award com-

pensation the Court can only act with reference to a concrete submission
as to the existence and the amount of each head of damage. Such an
award must be based on precise grounds and detailed evidence concerning
those acts which have been committed, taking into account al1 relevant
facts of each incident and their consequences in the circumstances of the
case. It is only after receiving evidence on these matters that the Court
can satisfy itself that each concrete claim is well founded in fact and in

law. It is possible to request a general declaration establishing the prin-
ciple that compensation is due, provided the claimant asks the Court to
receive evidence and to determine, in a subsequent phase of the same
proceedings, the amount of damage to be assessed. Moreover, while the
Applicant has reserved al1its rights "to claim compensation", it has notconclusion présentée sousune forme aussi abstraite. Une telle conclusion
tend non pas à la fixation de dommages-intérêtsen raison de certains
faits précis,mais à une déclarationde principe selon laquelle l'Islande est
tenue d'indemniser la République fédéralepour toutes les entraves
illicites qu'elle a apportées l'activitédes navires de pêcheallemands. Le
demandeur sollicite ainsi une déclaration par laquelle la Cour, statuant
définitivement,dirait que l'Islande a l'obligation de réparer entièrement
le préjudice subipar le demandeur du fait des entraves aux opérations de

ses navires qui ont été indiquéepsendant l'instance. Dans son mémoire,la
République fédérale aénuméré un grand nombre d'incidents entre ses
navires et lesgarde-côtes islandais, et a ajouté:
((Le Gouvernement de la République fédérale prie ..la Cour de
dire et juger que la République d'Islandeest en principe responsable
du tort causéaux navires de pêcheallemands par les actes illicites
des garde-côtes islandais relatés dansles paragraphes qui précèdent
et a l'obligation de réparerentièrement lepréjudiceque la République
fédéraled'Allemagne et sesressortissarits ont effectivement subide ce

fait.))(Les italiques sont de la Cour.)

La conclusion finale, qui fait état des ((actes ...visant à gêner ...les
navires ...ou à entraver leurs opérations»et déclareque cl'Islande doit
à ce titre réparation »,confirme cette interprétation.
75. La cinquième partie du mémoiresur le fond contient une relation
générale desactes qualifiéspar la Républiquefédéraled'actes de harcèle-
ment dirigéscontre ses navires de pêchepar l'Islande; les annexes G, H,

1 et K fournissent certains autres détails évoquédsans des notes diploma-
tiques; l'annexe L donne la liste des incidents et préciseen quoi chacun
d'eux a consisté. On trouve aussi quelques renseignements sur les inci-
dents dans lesrapports de la Républiquefédéraleconcernant l'application
de l'ordonnance de la Cour en indication de mesures conservatoires.
76. Les documents dont la Cour est saisie n'indiquent cependant pas
pour chaque cas, sous une forme concrète,le préjudicedont il est demandé
réparation ni le montant auquel on estime les dommages. Ils ne fournis-
sent pas non plus de justifications chiffrées. LaCour ne peut accorder
indemnité qu'en s'appuyant sur une conclusion concrète concernant
l'existence et le montant de chacun des préjudicesinvoqués. Sadécision
doit se fonder sur des motifs préciset des justifications détailléesconcer-
nant les actes commis et tenir compte des faits relatifs à chaque inci-
dent ainsi que de leurs conséquences dans les circonstances pertinentes.
Ce n'est que par un examen des preuves que la Cour peut s'assurer que
chacune des conclusions concrètes est fondéeen fait et en droit. 11est
assurément possible de demander une déclaration généraleposant en
principe qu'une indemnité est due, mais à condition de prier aussi la
Cour d'examiner les preuves et de fixer, :ors d'une phase ultérieurede la

mêmeinstance, le montant decette indemnité. De plus, si ledemandeur a
réservétous ses droits «de demander à êtreentièrement indemnisé)), ilrequested that these damages be proved and assessed in a subsequent
phase of the present proceedings. It would not be appropriate for the
Court, when acting under Article 53ofthe Statute, andafter the Applicant
has stated that it is not submitting a claim for the payment of a certain
amount of money as compensation, to take the initiative of requesting
specificinformation and evidence concerning the indemnity which, in the
view of the Applicant, would correspond to each incident and each head

of damage. In these circumstances, the Court is prevented from making
an all-embracing finding of liability which would cover matters as to
which it has only limited information and slender evidence. Accordingly,
the fourth submission of the Federal Republic of Germany as presented
to the Court cannot be acceded to.

77. For these reasons,

by ten votes to four,

(1) finds that the Regulations concerning the Fishery Limits off Iceland
(ReglugerB um jîskveiailandhelgi jslands) promulgated by the
Government of Iceland on 14July 1972and constituting a unilateral
extension of the exclusive fishing rights of Iceland to 50 nautical
miles from the baselines specified therein are not opposable to the
Government of the Federal Republic of Germany ;
(2) finds that, in consequence, the Government of Iceland is not entitled
unilaterally to exclude fishing vessels of the Federal Republic of
Germany from areas between the fishery limits agreed to in the
Exchange of Notes of 19July 1961and the limits specified in the
Icelandic Regulations of 14 July 1972, or unilaterally to impose
restrictions onthe activities ofhose vesselsin such areas;

by ten votes to four,

(3) holds that the Government of Iceland and the Government of the
Federal Republic of Germany are under mutual obligations to
undertake negotiations in good faith for the equitable solution of
their differences concerning their respective fishery rights in theeas
specified in subparagraph 2;
(4) holds that in these negotiations the Parties are to take into account,
inter alia:
(a) that in the distribution of the fishing resources in the areas
specified in subparagraph 2 Iceland is entitled to a preferential

share to theextent of the special dependence of her people uponn'a pas conclu à ce que le préjudicesoit vérifiéet l'indemnitéfixéeau
cours d'une phase ultérieure dela présente procédure.Dans une instance
où il est fait application de l'article 53du Statut et alorsque le demandeur
a déclaréqu'il ne réclamait pas le versement d'un montant déterminé à
titre de réparation, il ne conviendrait pas que la Cour prenne l'initiative
de solliciter des renseignements et des élémentsde preuve précisau sujet
du dédommagement qui, selon le demandeur, correspondrait à chaque
incident età chaque préjudice. Celaétant,la Cour ne,peut formuler une

constatation générale de responsabilitésur des questions au sujet
desquelles elle ne possède que des renseignements limitéset des peuves
insuffisantes. En conséquenceelle ne saurait donner suiteà la quatrième
conclusion de la République fédérale d'Allemagne telle qu'elle lui a été
présentée.

77. Par ces motifs,

par dix voix contre quatre,
1) dit que le règlement relatif aux limites de pêcheau large de l'Islande
(Reglugera um ufiskveiailandhelgiIslands) promulgué par le Gouver-
nement islandais le 14juillet 1972et portant extension unilatérale des
droits de pêche exclusifs de l'Islande jusqu'à 50 milles marins des
lignes de base spécifiéesdans ledit règlement n'estpas opposable au
Gouvernement de la Républiquefédéraled'Allemagne;
2) dit que, en conséquence,le Gouvernement islandais n'est pas endroit
d'exclure unilatéralement les navires de pêche de la République

fédérale d'Allemagnedes régions situéesentre les limites de pêche
convenues dans l'échangede notes du 19juillet 1961 et les limites
spécifiéedans le règlement islandais du 14juillet 1972,ni d'imposer
unilatéralement des restrictions aux activités de ces navires dans
lesdites regions;

par dix voix contre quatre,
3) dit que le Gouvernement islandais et le Gouvernement de la Répu-
blique fédéraled'Allemagne ont l'obligation mutuelle d'engager des
négociations de bonne foi pour aboutirà la solution équitable de leurs
divergences concernant leurs droits de pêche respectifsdans lesrégions
spécifiéeasu sous-paragraphe 2;
4) dit que, dans ces négociations,les Parties doivent prendre en considé-
ration notamment:

a) le fait que, dans la répartition des ressources halieutiques des
régions spécifiéeasu sous-paragraphe 2, l'Islande a droàtune part
préférentielledans la mesure où sa popiilation est spécialement206 FISHERIESJURISDICTION (JUDGMENT)

the fisheriesin theeas around her coasts for their livelihood and
economic development ;
(6) that by reason of its fishingactivities in the areas specifiedin sub-
paragraph 2, the Federal Republic of Germany also has estab-

lished rights in the fishery resources of the said areas on which
elements of its people depend for their livelihood and economic
well-being ;
(cj the obligation to pay due regard to the interests of other States
in the conservation and equitableexploitation of these resources;
(d) that the above-mentioned rights of Iceland and of the Federal
Republic of Germany should each be given effect to the extent
compatible with the conservation and development ofthe fishery
resources in the areas specified in subparagraph 2 and with the
interests of other States in their conservation and equitable
exploitation;
(ej their obligation to keep under review those resources and to

examine together, in the light of scientific and other available
information, such measures as may be required for the conserva-
tion and development, and equitable exploitation of those
resources, making use of the machinery established by the
North-East Atlantic Fisheries Convention or such other means
as may be agreed upon as a result of international negotiations,

by ten votes to four,
(5) finds that it is unable to accede to the fourth submission of the
Federal Republic of Germany.

Done in English, and in French, the English text being authoritative,

at the Peace Palace, The Hague, this twenty-fifth day of July, one thou-
sand nine hundred and seventy-four, in three copies, of which one will'be
placed in the archives of the Court and the others transmitted to the
Government of the Federal Republic of Germany and to the Government
of the Republic of Iceland respectively.

(Signed) Manfred LACHS,

President.
(Signed) S. AQUARONE,

Registrar.

President LACHSmakes the following declaration :

1am in agreement with the reasoning and conclusions of the Court,and
since the Judgment speaks for and stands by itself, I would not feel it
appropriate to make any gloss upon it. tributaire des pêcheries deseaux avoisinant ses côtes pour sa sub-
sistance et son développement économique;
b) le fait que, vu l'activitéde ses pêcheursdans les régions spécifiées
au sous-paragraphe 2, la République fédCraled'Allemagne a aussi
des droits établis à l'égard des ressources halieutiques de ces
régions dont des élémentsde sa population sont tributaires pour
leur subsistance et leur prospéritééconomique;

c) l'obligation de tenir dûment compte des intérêtsd'autres Etats à la
conservation et à l'exploitation équitable de ces ressources;
d) le fait que les droits susmentionnés de l'Islande et de la République
fédéraled'Allemagne devraient pouvoir s'exercer dans la mesure
compatible avec la conservation et le développement des ressources
halieutiques tiaris les régions specifiéesau sous-paragraphe 2 et

avec les intérêts d'autresEtatsà la conservation et à l'exploitation
équitable de ces ressources;
e) l'obligation de continuer à étudier la situation de ces ressources et
d'examiner ensemble, compte tenu des renseignements scientifiques
et autres données disponibles, !es mesures qu'imposent la conser-
vation, le développement et l'exploitation équitable de ces res-
sources, en utilisant le mécanismeétablipar la Convention sur les

pêcheries de l'Atlantique du nord-est ou tout autre moyen qui
pourrait êtreacceptéà l'issue de négociations internationales;

par dix voix contre quatre,
5) dit ne pas pouvoir donner suite à la quatrième conclusion de la
République fédérale d'Allemagne.

Fait en anglais et en français, le texte anglais faisant foi, au palais de la
Paix, à La Haye, le vingt-cinq juillet mil neuf cent soixante-quatorze, en
trois exemplaires, dont l'un restera déposé auxarchives de la Cour et dont
les autres seront transmis respectivement au Gouvernement de la Répu-
blique fédérale d'Allemagne et au Gouvernement de la République

d'Islande.

Le Président,
(Signé) Manfred LACHS.

Le Greffier,

(Signé) S. AQUARONE.

M. LACHS,Président, fait la déclaration suivante:

Je souscris aux motifs et aux conclusions de la Cour et, comme l'arrêt
n'appelle pas d'explications et se suffit à lui-même, je n'estimerais pas

approprié de présenter des commentaires a son sujet.
35 Judge DILLARDmakes the following declaration:

Iconcur in the findings of the Court indicated inthe first four subpara-
graphs of the dispositif. My reasons for concurrence are set out in my
separate opinion in the companion case of the United Kingdom of Great
Britain and Northern Ireland v. Iceland. 1consider these reasons applicable
mutatis mutandis to the present case.
While 1concurred in the finding in the fifth subparagraph that the Court

"is unable to accede to the fourth submission of the Federal Republic
of Germany", 1 am impelled to add the following reservation 1.

The Court has held, in paragraph 72, that it is competent to entertain
this particular submission. Although, for obvious reasons, the sub-

mission was not included in the Application filed on 5 June 1972 since
the acts of harassment and interference occurred thereafter, it was
included in the Memorial on the merits and in the final submissions. The
delay therefore should not be a bar. The Court's construction of the
nature and scope of the Exchange of Notes of 1961, revealed in its
analysis of the other submissions, is clearly consistent with its finding

that the compromissory clause is broad enough to cover this submission
as well. In my view the conclusion that the Court is competent to entertain
it, isthus amply justified.
The Court, however, has interpreted this submission as one asking the
Court to adjudicate with definitive effect that Iceland is under an obli-

gation to pay full compensation for al1 the damages suffered by the
Applicant as a consequence of the acts of interference specified in the
proceedings (para. 74). In keeping with this interpretation it considers
the submission to fall outside its province under Article 53 of its Statute
since it considers there is insufficient evidence to satisfy itself that each
concrete claim is well founded in fact and law (para. 76). If the Court's

interpretation of the submission were the only permissible one, Iwould
concur without reservation in its conclusion.
But, in my view, it is not the only permissible one and it may not be
the most desirable one. The Applicant both in its Memorial on the
merits and in the oral proceedings has stressed the point that it is not at

present submitting any claim for the payment of a certain amount of
money. The submission itself only requests that the Court should declare
that the acts of harassment and interference were unlawful and in
consequence Iceland, as a matter of principle, is under a duty to make
compensation. True the submission is couched in a form that is abstract
but the question is whether this should deter the Court from passing

upon it. 1 am not altogether persuaded that it is.
That Iceland's acts of harassment and interference (indicated in con-
siderable detail in the proceedings) were unlawful hardly admits of doubt.
- - --
' All of the Applicant's submissions are set out in para. 12 of the Judgment and the
fourth submission is also set out in para. 71. M. DILLARDj,uge, fait la déclaration suivante:

Je m'associe aux décisions de la Cour consignées dans les quatre
premiers sous-paragraphesdu dispositif, pour les raisons que j'ai exposées
dans mon opinion individuelle en l'affaire parallèle Royaume-Uni de
Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord c. Islande, et que je considère
applicables mutatis mutandis à la présente affaire.

Si je souscris à la décision du cinquième sous-paragraphe, aux termes
duquel la Cour ((dit ne pas pouvoir donner suite àla quatrième conclusion
de la République fédérale d'Allemagne)), je me vois obligé d'ajouter la
réserve suivante 1.
La Cour a jugé, au paragraphe 72, qu'elle est compétente pour

connaître de cette conclusion particulière. Bien que, pour des raisons
évidentes, celle-ci n'ait pas figurédans la requête déposée le 5 juin 1972,
puisque les actes de harcèlement et d'ingérencese sont produits plus tard,
elle figure dans le mémoire sur le fond et lesconclusions finales. Leretard
ne devrait donc pas constituer un obstacle. La manière dont la Cour a

interprétéla nature et la portée del'échangede notes de 1961,telle qu'elle
ressort de l'analyse des autres conclusions, s'harmonise tout à fait avec la
constatation selon laquelle la clause juridictionnelle est assez vaste pour
englober aussi cette conclusion. La Cour est donc, à mon avis, pleine-
ment justifiée à se déclarer compétente pour en connaître.

La Cour a cependant interprétéla conclusion dont il s'agit comme
tendant à ce qu'elle dise, statuant définitivement, que l'Islande a l'obli-
gation de réparerentièrement le préjudice subi par le demandeur du fait
des entraves indiquées pendant l'instance (par. 74). Conformément à
cette interprétation, elle considère qu'une telle conclusion sort du cadre

de sa compétence en application de l'article 53 du Statut, car elle estime
ne pas disposer de preuves suffisantes pour s'assurer que chacune des
réclamations concrètes est fondée en fait et en droit (par. 76). Si cette
interprétation était la seule interprétation légitime,je m'inclinerais sans
réserve devant la décision.

Toutefois ce n'est pas, à mon avis, la seule interprétation légitimeet ce
n'est peut-être pas non plus la meilleure. Le demandeur, dans son
mémoire sur le fond et pendant la procédure orale, a insistésur le fait
qu'il ne formule pour le moment aucune demande tendant à obtenir le
paiement d'une indemnité déterminée.Dans sa conclusion même,il prie

seulement la Cour de déclarer que les actes de harcèlement et les entraves
apportées sont contraires audroit et que l'Islande, sur leplan des principes,
est tenue de réparer. Certes, cette conclusion est formulée de façon
abstraite, mais il reste à savoir si cela doit empêcher laCour de statuer à
son sujet. Je n'en suis pas tout à fait convaincu.

II n'est guère douteux que les actes de harcèlement et les entraves
apportées par l'Islande, et qui ont étéévoquésen grand détail au cours
- ---- .
1 Toutes les conclusions du demandeur sont reproduites au paragraphe 12de l'arrêt
et la quatrième conclusion figure aussi au paragraphe 71.They were committed pendente lite despite the obligations assumed by
Iceland in the Exchange of Notes of 1961which the Court had declared

to be a treaty in force. That their unlawful character engaged the
international responsibility of Iceland is also clear. In theosphatesin
Morocco case (P.C.Z.J., SeriesAIB, No. 74, p. 28) the Court linked the
creation of international responsibility with the existence of an "act being
attributable to the State and described as contrary to the treaty right of
another State". It is hardly necessary to marshal authority for so
elementary a proposition. It follows that, in effect, the Court was merely
asked to indicate the unlawful character of the acts and to take note of
t.he consequential liability of Iceland to make reparation. It was not
asked to assess damages.

The Court recognized this point in paragraph 74 of the Judgment but
instead of stressing the limited nature of the submission it preferred to
attribute to it a more extensive character. As indicated above, its inter-
pretation led naturally to the conclusion that it could not accede to the
submission in the absence of detailed evidence bearing on each concrete

claim. While conceding the force of the Court's reasoning, 1would have
preferred the more restrictive interpretation.

1 wish to add that on this matter 1 associate myself with the views
expressed by Judge Sir Humphrey Waldock in his separate opinion.

Judge IGNACIO-PIN mTaO es the following declaration:

To my regret, 1have been obliged to vote against the Court's Judgment.
However, to my mind my negative vote does not, strictly speaking, signify
opposition, since in a different context I would certainly have voted in
favour of the process which the Court considered it should follow to

arrive at its decision. In my view that decision is devoted to fixing the
conditions for exercise of preferential rights, for conservation of fish
species,and historic rights, ratherhan to responding to the primary claim
of the Appiicant, which is for a statement of the law on a specificpoint.
1would have al1the more willinglyendorsed the concept of preferential
rightsinasmuch as the Court'has merely followed its own decision in the
Fisheriescase.
It should be observed that the Applicant has nowhere sought a decision
from the Court on a dispute between itself and Iceland on the subject of
the preferential rights of the coastal State, the conservation of fish
species, or historic rights-this is apparent throughout the elaborate
reasoning of the Judgment. It is obvious that considerations relating to
these various needs, dealt with at iength in the Judgment, are not subject
to any dispute between the Parties. There is no doubt that, after setting

37du procès, étaient contraires au droit. Ils ont été commis pendant
l'instance au méprisdes obligations acceptéespar l'Islande dans l'échange

de notes de 1961, que la Cour a déclaréconstituer un traité en vigueur.
Il est également évident que, par leur caractère illicite, ils engagent la
responsabilité internationale de l'lslande. Dans l'affaire des Phosphates du
Maroc (C.P.J.I. série A/B no 74, p. 28), la Cour a rattaché l'apparition
d'une responsabilité internationale à l'existence d'un ((acte attribuable à

1'Etat et décrit conime contraire aux droits conventionnels d'un autre
Etat 1).IIn'est guère besoin de citer des autorités à l'appui d'une propo-
sition aussi élémentaire.Ainsi, en réalité, laCour étaitseulement invitée
à relever le caractère illicite des actes commis et à donner acte de
l'obligation de réparer qui en résultait pour l'Islande. II ne lui était pas
demandé de fixer le:montant de dommanes-intérêts.
.d
La Cour a reconnu cela au paragraphe 74 de I'arrêt,mais au lieu de
souligner que la conclusion envisagée est limitéepar sa nature, elle a
préféré lui attribuer un caractère élargi.Comme on l'a dit plus haut, son
interprétation l'a naturellement amenée à conclure qu'elle ne pouvait pas
donner suite à cette conclusion, faute d'élémentsde preuve relatifs à

chaque réclclmation prise en particulier. Tout en reconnaissant la force
du raisonnement de la Cour, j'aurais préférél'interprétation plus
restrictive.
Je tiens à ajouter- que, sur ce sujet, je fais miennes les idées exprimées
par sir Humphrey Waldock dans son opinion individuelle.

M. IGNACIO-PINTO ju,ge, fait la déclaration suivante:

J'ai dû voter à regret contre I'arrêtde la Cour. Toutefois dans mon

esprit mon vote négatif ne traduit pas à proprement parler une opposition
car, dans un autre contexte, j'a~rais sans doute votépour le processus que
la Cour a cru devoir suivre pour aboutir à sa décision. A mon sens celle-ci
fixe plutôt les conditions d'exercice des droits préférentiels,de la con-
servation des espèces halieutiques et des d~oits historiques qu'elle ne
répond à la demande principale du demandeur qui est de dire le droit sur

un point précis.
J'aurais d'autant plus volontiers souscrit à la conception des droits
préférentielsque IüCour ne fait que se conformer à sa propre décision
dans l'affaire des Pêcheries.
Il y a lieu de noter que le demandeur n'a nulle part sollicité laCour de

trancher entre l'lslande et lui un différend quiaurait pour objet les droits
préférentielsdu riverain, la conservation des espèces halieutiques ou les
droits historiques - cela ressort tout au long du très élaboréexposé des
motifs de I'arrêt.Il est manifeste que les considérations de ces différends
chefs abondamment développésdans I'arrêtne font l'objet d'aucune con-
testation de la part des Parties. II n'y a aucun doute qu'après avoir exposé

37out the facts and the grounds relied on in support of its case, the Applicant
has asked the Court only for a decision on the dispute between itself and
Iceland, and to adjudge and declare:
"That the unilateral extension by Iceland of its zone of exclusive
fisheriesjurisdiction to50 nautical miles from the present baselines,

.. .has, as against the Federal Republic of Germany, no basis in
international law .. ."(Judgment, para. 12(1)).

This is clear and precise, and al1the other points in the submissions
are only ancillary or consequential to this primary claim. But in response
to this basic claim, which was extensively argued by the Applicant both
in its Memorial and orally, and which was retained in its final sub-
missions, the Court, by means of a line of reasoning which it has
endeavoured at some length to justify, has finally failed to give any
positive answer.

The Court has deliberately evaded the question which was placed
squarely before it in this case, namely whether Iceland's claims are in
accordance with the rules of international law. Having put this question
on one side, it constructs a whole system of reasoning in order ultimately
to declare that the Regulations issued by the Government of Iceland
on 14 July 1972and "constituting a unilateral extension of the exclusive
fishing rights of Iceland to50 nautical miles from the baselines specified
therein are not opposable to the Government of the Federal Republic of
Germany".
In my view, the whole problem turns on this, since this claim is based
upon facts which, at least under present-day law and in the practice of
the majority of States, are flagrant violations of existing international
conventions. It should be noted that lceland does not deny them. Now
the facts complained of are evident, they undoubtedly relate to the
treaty which binds the States which are Parties, for theExchange of Notes
of 19July 1961amounts to such an instrument. For the Court to consider
after having dealt with the Applicant's fundamental claim in relation to
international law, that account should be taken of Iceland's exceptional
situation and the vital interests of its population, with view to drawing
inspiration from equity and to devising a solution for the dispute, would
have been the normal course to be followed, the more so since the Appli-

cant supports it in its final submissions. But it cannot be admitted that
because of its special situation Iceland can ipsofàcfo be exempted from
the obligation to respect the international commitments into which it has
entered. By not giving an unequivocal answer onthat principal claim,the
Court has failed to perform the act ofjustice requested of it.
For what is one to say of the actions and behaviour of lceland which
have resulted in its being called upon to appear before the Court? Its
refusal to respect the commitment it accepted in the Exchange of Notes of
19 July 1961, to refer to the International Court of Justice any dispute
which might arise on an extension of its exclusive fisheries zone, whichles faits et les motifs qu'il invoque à l'appui de sa cause le demandeur n'a
sollicité la Cour que de statuer sur le différend survenu entre lui et
l'Islande et de dire et juger notamment:

((Que l'élargissement unilatéral par l'Islande de sa zone de com-
pétence exclusive sur les pêcheriesjusqu'à 50 milles marins à partir
des lignes de base actuelles, ...n'a aucun fondement en droit inter-

national à l'encontre de la République fédérale d'Allemagne ...))
(arrêt,par. 12, point 1).

C'est clair et net et tous les autres points des conclusions ne sont que
des accessoires ou des conséquences de cette demande principale. Or à
cette demande capitale que le demandeur a longuement développéeaussi
bien dans son mémoireque dans sa plaidoirie et qui a été reprisedans ses
conclusions finales, la Cour, par un raisonnement qu'elle a longuement
tenté de justifier, n'est finalement pas arrivée à donner une réponse
positive.

Elle a éludé déliberémenlta question à elle clairement posée en I'es-
pèce, à savoir si les prétentions de l'Islande sont conformes aux règlesde
droit international. Cette question écartée,elle élaboretout un systèmede
raisonnement pour affirmer finalement que le règlement du Gouverne-
ment islandais, promulgué le 14juillet 1972et ((portant extension unila-

térale des droits de pêche exclusifsde l'Islande jusqu'a 50 milles marins
des lignes de base spécifiéesdans ledit réglement n'est pas opposable au
Gouvernement de la République fédéraled'Allemagne ».

Selon moi, tout le problème est là car cette demande est fondée sur des
faits qui constituent, du moins dans le droit présent et la pratique de la
majoritédes Etats, des violationsflagrantes de conventions internationales

actuelles. Il est à noter que l'Islande ne les nie pas. Or les faits reprochés
sont patents, ils concernent indubitablement le traité liant les Etats parties
car l'échangede notes du 19juillet 1961a bien la valeur d'un tel acte. Que
la Cour estime, après avoir régléla demande fondamentaledu demandeur
au regard du droit international, qu'il y ait lieu de prendre en considéra-

tion la situation exceptionnelle de l'Islande et les intérêtsvitaux de ses
populations pour s'inspirer des principes d'équitéet pour envisager une
solution au différend,eût été lavoie normale à suivre d'autant plus que le
demandeur iui-mêmey souscrit dans ses conclusions finales. Mais l'on ne
saurait admettre qu'en raison de sa situation particulière l'Islande puisse
êtred'office dispensée de l'obligation de respecter les engagements inter-
nationaux qu'elle a souscrits. En ne répondant pas sans équivoque à cette

demande principale, la Cour a manqué à l'Œuvrede justice qui lui est de-
mandée.
Comment peut-on en effet qualifier les actes et les comportements de
l'Islande qui lui ont valu d'êtrecitéeà comparaître devant la Cour? Son
refus de respecter l'engagement souscrit par elle dans l'échangede notes
du 19 juillet 1961 de soumettre à la Cour internationale de Justice

tout différendqui s'élèveraità l'occasion de l'extension de sa zone exclu-was in fact foreseen by the Parties, beyond 12 nautical miles, is not this
unjustified refusal a breach of international law?

In the same way, when-contrary to what is generally recognized by
the majority of States in the 1958Geneva Convention, in Article 2, where

it is clearly specified that theres a zone of high seas which is res com-
munis-Iceland unilaterally decides, by means of its Regulations of 14
July 1972, to extend its exclusivejurisdiction from 12to 50 nautical miles
from the baselines, does it not in this way also commit a breach of inter-
national law? Thus the Court would in no way be open to criticism if it
upheld the claim as well founded.

For my part, 1 believe that the Court would certainly have strengthened
its judicial authority if it had given a positive reply to the claim laid
before it by the Federal Republic of Germany, instead of embarking on
the construction of a thesis on preferential rights, zones of conservation of
fish species, orhistoric rights, on which there has never been any dispute,
nor even the slightest shadow of a controversy on the part either of the

Applicant or of the Respondent.
Furthermore, it causes me some concern also that the majority of the
Court seems to have adopted the position which is apparent in the present
Judgment with the intention of pointing the way for the participants in
the Conference on the Law of the Sea now sitting in Caracas.
The Court here gives the impression of being anxious to indicate the
principles on the basis of which it would be desirable that a general inter-

national regulation of rights of fishing should be adopted.
1 do not discount the value of the reasons which guided the thinking
of the majority of the Court, and the Court was right to take account of
the special situation of lceland and its inhabitants, which is deserving of
being treated with special concern. In this connection, the same treatment
should be contemplated for al1developingcountries in the same position,

which cherish the hope of seeing al1these fisheries problems settled, since
it is at present such countries which suffer from the anarchy and lack of
organization of international fishing. But that is not the question which
has been laid before the Court, and the reply given can only be described
as evasive.
In taking this viewpoint 1am not unaware of the risk that 1 may be

accused of not being in tune with the modern trend for the Court to
arrogate a creative power which does not pertain to it under either the
United Nations Charter or its Statute. Perhaps some might even say that
the classic conception of international law to which 1 declare allegiance
is out-dated; but for myself, 1 do not fear to continue to respect the
classic norms of that law. Perhaps from the Third Conference on the

Law of the Sea some positive principles accepted by al1States will emerge.
1ho~e that this will be so. and shall be the first to a~~laud-and further-
moré 1 shall be pleased to see the good use to whili they can be put, in
particular for the benefit of the developing countries. But since 1 am
above al1 faithful to judicial practice, 1 continue fervently to urge thesive de pêche,d'ailleurs prêvuepar les Parties, au-delà des 12 milles
marins, ce refus in-justifiéne constitue-t-il pas une violation du droit
international?
De mêmelorsque, contrairement à ce qui est généralementadmis par
la majorité des Etats dans la Convention de Genève de 1958, en son
article 2, où il est clairement spécifié qu'il existe unezone de haute mer

qui est res communi.~, l'Islande décideunilatéralement par son règlement
du 14 juillet 1972 de porter sa compétence exclusive de 12 milles marins
à 50 milles marins depuis les lignes de base, ne commet-elle pas là aussi
une violation du droit international? On ne saurait donc rien reprocher à
la Cour si elle reconnaissait le bien-fondé de la demande.
Je crois pour ma part que la Cour aurait à coup sûr renforcé son auto-

rité juridictionnelle si elle avait répondu positivement à la demande qui
lui est faite par la Képublique fédéraled'Allemagne au lieu de se lancer
dans l'élaboration d'une thèse sur les droits préférentiels, lazone de
conservation des espèces halieutiques ou les droits historiques, au sujet
desquels il n'y a jamais eu de différend, voire mêmepas l'ombre d'une
controverse ni de la part du demandeur ni de celle du défendeur.

Par ailleurs,je ne suis pas indifférent au fait que la majorité de la Cour
semble avoir adopté la thèse qui se dégagedu présent arrêt dans le but
d'indiquer la voie à suivre aux membres de la Conférence sur le droit de
la mer siéueant en c:emoment à Caracas.
La Cour apparaît à cette occasion comme soucieuse d'indiquer les
principes selon lesquels il serait souhaitable qu'une réglementation inter-

nationale générale soitadoptée en matière de droit de pêche.
Je ne méconnais pas la valeur des motifs ayant guidé la penséede la
majorité de la Cour et c'est àjuste titre qu'elle a voulu tenir compte de la
situation spéciale de l'Islande et de ses habitants, situation qui mérite
d'être considérée comme digne d'être traitée avecune sollicitude toute

particulière. Il conviendrait à cet égard d'envisager l'application du
mêmetraitement à tous les pays en voie de développement se trouvant
dans son cas et qui, étant actuellement victimes de l'inorganisation
anarchique de la pêcheinternationale, nourrissent l'espoir de voir régler
tous ces problèmes de pêcheries.Mais telle n'est pas la question poséeà
la Cour et la réponse donnée ne peut être quequalifiée d'évasive.

En adoptant ce point de vue je n'ignore pas que je cours le risque que
l'on me reproche de ne pas êtreau diapason de la tendance actuelle de
voir la Cour s'attribuer un pouvoir créateur que ne lui reconnaît, à mon
avis, ni la Charte des Nations Unies, ni son Statut. D'aucuns diraient
mêmepeut-être que la conception classique du droit international que je

professe est dépassée;pour ma part, je ne crains pas de continuer à res-
pecter les normes classiques de ce droit. Peut-être que de la troisième
Conférence sur le droit de la mer se dégageront quelques principes positifs
acceptés par tous les Etats. Je le souhaite ey applaudirai tout le premier
et, de plus, je serai satisfait de voir la bonne application qu'on en pourrait
faire, notamment au bénéficedes pays en voie de développement. Mais

fidèleavant tout à la pratique juridictionnelle, je demeure fervent partisanneed for the Court to confinèitself to its obligation to state the law as
it is at present in relation to the facts of the case brought before it.

1consider it entirely proper that, in international law as in every other
system of law, the existing law should be questioned from time to time
-this is the surest way of furthering its progressive development-but
it cannot be concluded from this that the Court should, for this reason
and on the occasion of the present dispute between Iceland and the
Federal Republic of Germany emerge as the begetter of certain ideas
which are more and more current today, and are even shared by a
respectable number of States, with regard to the law of the sea, and which
are in the minds,it would seem, of most of those attendingthe Conference
now Sitting in Caracas. It is advisable, in my opinion, to avoid entering
upon anything which would anticipate a settlement of problems of the
kind implicit in preferential and other rights.

To conclude this declaration, 1think 1 may draw inspiration from the
conclusion expressed by the Deputy Secretary of the United Nations
Sea-Bed Committee, Mr. Jean-Pierre Lévy,in the hope that the idea it
expresses may be an inspiration to States, and Iceland in particular
which, while refraining from following the course of law, prefers to
await from political gatherings a justification of its rights.
1 agree with Mr. Jean-Pierre Lévyin thinking that:
". ..it is to be hoped that States will make use of the next four or
five years to endeavour to prove to themselves and particularly to
theirnationals that the generalnterest ofthe international community

and the well-being of the peoples of the world can be preserved by
moderation, mutual understanding, and the spirit of compromise;
only these will enable the Third Conference on the Law of the Sea
to be held and to succeed in codifying a new legal order for the sea
and its resources" ("La troisième Conférencesur le droit de la mer",
Annuairefrançais de droit international, 1971,p. 828).

In the expectation of the opening of the new era which is so much
hoped for, 1 am honoured at finding myself in agreement with certain
Members of the Court like Judges Gros, Petrénand Onyeama for whom

the golden rule for the Court is that, in such a case, it should confine
itself strictly within the limits of the jurisdiction conferred on it.

Judge NAGENDRA SINGHmakes the following declaration:

There are certain valid reasons which weigh with me to the extent that
they enable me to support the Judgment of the Court in this case andde la nécessitépour la Cour de se limiter à son obligation de dire ledroit

tel qu'il existeprésentement par rapport aux faits de la cause soumise à
son appréciation.
Pour le surplus, je trouve absolument normal que, en droit interna-
tional comme en tout autre droit d'ailleurs, le droit existant puisse être
remis en cause de temps à autre- c'est le plussûr moyen de promouvoir
son développement progressif - mais il n'y a pas lieu d'en conclure pour
autant que la Cour doit, pour cette raison et à l'occasion du présent dif-
férend entre l'Islande et la République fédéraled'Allemagne, paraître
l'inspiratrice de certaines idéesde plusn plus d'actualité,voire partagées
par un nombre respectable d'Etats, en matière de droit de la mer et qui
hantent, semble-t-il, la plupart des conférenciers siégeant actuellement

à Caracas. Il convient,à mon avis, d'éviterd'entrer dans une voie d'anti-
cipation quant au règlement des problèmes comme ceux que les droits
préférentielset autres impliquent.
Pour terminer cette déclaration,je crois pouvoir m'inspirer de la con-
clusion que formule le secrétaireadjoint du Comité des fonds marins des
Nations Unies, M. Jean-Pierre Lévy,en souhaitant que l'idéequi s'en
dégage puisse inspirer les Etats et plus particulièrement l'Islande qui,
négligeant de suivre la voie du droit, préfèreattendre des assemblées à
caractère politique lajustification de sesdtoits.
Je suis d'accord avec M. Jean-Pierre Lévypour penser que:

((il esà espérer que les Etats mettront à profit ces quelques pro-
chaines quatre ou cinq annéespour tenter de se prouver à eux-mêmes
et surtout à leurs ressortissants, que l'intérêt générdael la commu-
nauté internationaleet lebien-êtredes peuples de la terre peuvent être
préservéspar la modération, la compréhension mutuelle et l'esprit

de compromis, qui seuls permettront à la troisième Conférence surle
droit de la mer de se tenir et de réussir codifier un ordre juridique
nouveau pour la mer et ses ressources ))(((La troisième Conférence
sur le droit de la mer, Annuairefrançais de droit international1971,
p. 828).

En attendant l'avènement del'ère nouvelletant souhaitée,je m'honore
de me trouver en accord avec quelques juges de la Cour tels que
MM. Gros, Petrénet Onyeama pour qui la règled'or pour la Cour doit
êtrede se limiter strictement, en de semblables causes, à ses attributions
juridictionnelles.

M. NAGENDRSA INGHj,uge, fait la déclarationsuivante:

II est certains motifs dont la validité s'impoàemoi avec tant de force
qu'ils me permettent de donner ma voix à l'arrêtque rend la Cour en la212 FISHERIES JURISDICTION (DECL. NAGENDRA SINGH)

hence 1 consider them of such importance as to be appropriately em-
phasized to convey the true significance of the Judgment-its extent as
well as its depth. These reasons, as well as those aspects of the Judgment

which have that importance from my viewpoint are briefly stated as
follows :

While basing its findings on the bilateral law, namely the Exchange of
Notes of 1961which has primacy in this case, the Court has pronounced
upon the first and second submissions of the Applicant's Memorial on
the merits, in terms of non-opposability to the Federal Republic of
Germany as requested by the Applicant. This suffices for the purpose of

that part of the Judgment. It was, therefore, not necessary for the Court
to adjudicate on that aspect of the first submission which relates to the
ueneral law.
In the special circumstances of this case the Court has, therefore, not
proceeded to pronounce upon that particular request of the Applicant
which asks the Court to declare that [celand's extension of its exclusive

fishery limitto 50 nautical miles has no basis in international law which
amounts to asking the Court to find that such extension is ipso jure
illegal and invalid erga omnes. Having refrained from pronouncing on
that aspect it was, consequently, unnecessary for the Court to pro-
nounce on the Applicant's legal contention in support of its first

submission, namely, that a customary rule of international law exists
today imposing a general prohibition on extension by States of their
fisheries jurisdiction beyond 12miles.

There is still a lingering feature of development associated with the
general law. The rules of customary maritime law relating to the limit of

fisheries jurisdiction have still been evolving and confronted by a widely
divergent and, discordant State practice, have not so far crystallized.
Again, the conventional maritime law though substantially codified by
the Geneva Conferences on the Law of the Sea of 1958 and 1960 has
certain aspects admittedly left over to be settled and these now constitute,

among others, the subject of subsequent efforts at codification. The
question of the extent of fisheries jurisdiction which is still one of the
unsettled aspects could not, therefore, be settled by the Court since it
could not "render judgment sub specie Iegisferendae, or anticipate the
law before the legislator has laid it down".

This is of importance to me but 1 do not have to elaborate this point
any further since 1 have subscribed to the views expressed by my col-
leagues in the joint separate opinion of the five Judges wherein this
aspect has been more fully dealt with.présente affaire;je leur attache une telle importance que je crois devoir
les souligner pour bien mettre en relief la valeur réellede cet arrêt,sa
portéeaussi bien queson sens profond. Je voudrais lesexposer brièvement
ci-après, ainsi que les aspects de l'arrêt quirevktentà mes yeux une si
grande importance.

Fondant sa décisionsur le droit résultant d'accords bilatéraux,savoir
l'échangede notes de 1961qui prime en l'espèce,la Cour s'est prononcée
sur les première et deuxièmeconclusions du mémoire du demandeur sur
le fond, en proclamant, comme celui-ci l'en sollicite, que les mesures
prises par l'Islande ne sont pas opposables à la République fédérale
d'Allemagne. Cela suffit aux fins de cette partie de l'arrêt.II n'étaitdonc
pas nécessaireque la Cour statue sur l'aspect de la première conclusion
qui fait appel au droit général.
Dans les circonstances spécialesde la présenteaffaire, la Cour ne s'est

donc pas prononcéesur la demande particulière tendant à ce que la Cour
dise que l'élargissementpar l'Islande desa zone de compétenceexclusive
sur les pêcheriesjusqu'à 50 milles marins était sans fondement en droit
international, ce qui équivalaità demander à la Cour de dire qu'un tel
élargissement était ipsojure contraire au droit et dépourvu de validité
crga omnes. S'étant abstenue de statuer sur ce point, la Cour n'a donc
pas eu à se prononcer sur la thèsejuridique que le demandeur faisait
valoir à l'appui de sa première conclusion, à savoir qu'il existe actuelle-
ment une règle de droit international coutumier interdisant de façon
généraleaux Etats d'étendre au-delà de12milles leur compétenceen ma-
tière de pêcheries.
Un élémentde développement subsiste encore en ce qui concerne le
droit général.Les règlesde droit maritime coutumier relatives aux limites

de la compétenceen matièrede pêcheriessont encore en voie d'évolution
et, face à des pratiques étatiques largement divergentes et fortement
discordantes, ne se sont pas cristalliséesjusqu'ici.De même, bienqu'on ait
codifié unegrande partie du droit maritimeconventionnel aux Conférences
de Genèvede 1958et de 1960sur ledroit de la mer, il est certains éléments
de ce droit qui, tout le monde l'admet, ont été laissédse côtépour être
réglés plustard et qui, avec d'autres matières, sont maintenant l'objet de
nouveaux efforts de:codification. Etant donné.que la question de l'étendue
de la compétencedes Etats en matière de pêcheries estau nombre de ces
élémentssur lesquels l'accord ne s'estpas encore fait, la Cour ne pouvait
pas la réglercar elle ne saurait ((rendre de décisionb specie legisferen-
due, ni énoncerledroit avant que le législateur l'aitédicté)).

Bien que j'attache de l'importance àce point, je ne m'y attarderai pas
davantage car je souscris aux vues exprimées par mes collègues dans
l'opinion commune que le groupe de cinq juges dont je fais partie a
présentée eo t ù cet aspect du problèmeest traitéde façon plus détaillée.
41 FISHERIESJURISDICTION (DECL. NAGENDRA SINGH)

The contribution which the Judgment makes towards the development

of the Law of the Sea lies in the recognition which it gives to the concept
of preferential rights of a coastal State in the fisheries of the adjacent
waters particularly if that State is in a special situation with its population
dependent on those fisheries. Moreover, the Court proceeds further to
recognize that the law pertaining to fisheries must accept the primacy for
the need of conservation based on scientific data. This aspect has been

properly emphasized to the extent needed to establish that the exercise
of preferential rights of the coastal State as well as the historic rights of
other States dependent on the same fishing grounds, have al1 to be
subject to the over-riding consideration of proper conservation of the
fishery resources for the benefit of al1concerned. This conclusion would
appear warranted if this vital source of man's nutrition is to be preserved

and developed for the community.
In addition there has always been the need for accepting clearly in
maritime matters the existence of the duty to "have reasonable regard to
the interests of other Statesm-a principle enshrined in Article 2 of the
Geneva Convention of the High Seas 1958 which applies even to the
four freedoms of the seas and has weighed with the Court in this case.

Thus the rights of the coastal State which must have preference over the
rights of other States in the coastal fisheries of the adjacent waters have
nevertheless to be exercised with due regard to the rights of other States
and the claims and counter-claims in this respect have to be resolved on
the basis of considerations of equity. There is, as yet, no specific con-
ventional law governing this aspect and it is the evolution of customary
law which has furnished the basis of the Court's Judgment in this case.

III

TheCourt, asthe principal judicial organ of the United Nations, taking
into consideration the special field in which it operates, has a distinct

role to play in the administration of justice. In that context the resolving
of a dispute brought before it by sovereign States constitutes an element
which the Court ought not to ignore in its adjudicatory function. This
aspect relating to the settlement of a dispute has been emphasized in more
than one article of the Charter of the United Nations. There is Article 2,
paragraph 3,as well as Article 1,which both use words like "adjustment

or settlement of international disputes or situations", whereas Article 33
directs Members to "seek a solution" of their disputes by peaceful means.

Furthermore, this approach is very much in accordance with the

jurisprudence of the Court. On 19 August 1929the Permanent Court of La contribution que l'arrêtapporte au développement du droit de la
mer réside dans la reconnaissance qu'il accorde à la notion des droits
préférentiels de 1'Etat riverain sur les pêcheries des eaux adjacentes,
surtout quand cet E3at se trouve dans une situation spéciale parce que
sa population est tributaire des pêcheriesdont il s'agit. De plus, la Cour

reconnaît ensuite que le droit en matière de pêche doit accepter la
primauté des impératifs de la conservation sur la base de données
scientifiques. Cet élément està juste titre mis en relief dans la mesure
nécessairepour établir que les droits préférentielsde 1'Etat riverain et les
droits historiques d'autres Etats tributaires des mêmes lieux de pêche
doivent être exercés,sous réserve de la considération primordiale d'une

conservation rationnelle des ressources halieutiques dans l'intérêt de tous.
Cette conclusion semble justifiée si l'on doit protéger et développer au
profit de la collectivité cette source vitale de l'alimentation humaine.
En outre, il a tou.jours été nécessaird'admettre clairement, en matière
de droit maritime, l'existence d'une obligation de tenir ((raisonnablement

compte de l'intérêt[des] autres Etats)), ce principe consacré à l'article 2
de la Convention de Genève de 1958 sur la haute mer qui s'applique
mêmeaux quatre libertésde la haute mer et que la Cour a pris en consi-
dération en l'espèce. En conséquence, les droits de I'Etat riverain, qui
doivent avoir priorité sur ceux des autres Etats dans les pêcheries
côtières des eaux adjacentes, doivent néanmoins être exercés compte

dûment tenu des droits des autres Etats et les prétentions opposées qui
sont émisesà ce sujet doivent êtreconciliéessur la base de considérations
d'équité. 11 n'existe pas, jusqu'ici, de droit conventionnel qui régisse
expressément la question et c'est l'évolution du droit coutumier qui,
en l'espèce, a servi de fondement à l'arrêtde la Cour.

III

La Cour, en tant qu'organe judiciaire principal des Nations Unies et eu
égard au domaine spécial dans lequel elle exerce son activité, a un rôle
particulier àjouer dans l'administration de lajustice. Dans cette optique,

la nécessitéd'apporter une solution à tout différendque des Etats souve-
rains lui soumettent est un élémentque la Cour ne doit pas perdre de vue
dans l'exercice de sa fonction judiciaire. Plus d'une disposition de la
Charte des Nations Unies met l'accent sur cet aspect de la question du
rkglement des différends. On peut d'abord citer l'article 2, paragraphe 3,

ainsi que l'article premier, où figurent des expressions telles que ((l'ajuste-
nzent ou le règlement de différends ou de situations de caractère interna-
tional ))ou ctrèglerztleurs différends internationaux ));il y a également
l'article33 qui enjoint aux Etats Membres de ((rechercher la solution» de
leurs différendspar des moyens pacifiques.
Cette façon de voir les choses est, du reste, tout à fait conforme à la

jurisprudence de la Cour. Dans l'ordonnance qu'elle a rendue le 19 août
42International Justice in its Order in the case of the Free Zones of Upper
Savoy and the District ofGex (P.C.I.J., SerieA, No. 22, at p.13)observed
that the judicial settlement of international disputes is simply an alter-
native to the direct and friendly settlement of such disputes between the

parties. Thus if negotiations become necessary in the special circumstances
of a particular case the Court ought not to hesitate to direct negotiations
in the best interests of resolving the dispute. Defining the content of the
obligation to negotiate, the Permanent Court in its Advisory Opinion
of 1931 in the case of Railway Trafic between Lithuania and Poland
(P.C.I.J., Series AIB, No. 42, 1931,at p. 116)observed that the obligation

was "not only to enter into negotiations, but also to pursue them as far
as possible, with a view to concluding agreements" even if "an obligation
to negotiate does not imply an obligation to reach an agreement". This
does clearly imply that everything possible should be done not only to
prornote but also to help to conclude successfully the process of negotia-
tions once directed for the settlement of a dispute. In addition we have

also the North Sea Continental Shelf cases (I.C.J. Reports 1969) citing
Article 33 of the United Nations Charter and where the Parties were to
negotiate in good faith on the basis of the Judgment to resolve the
dispute.

Though it would not only be improper but quite out of the question

for a court of law to direct negotiations in every case or even to con-
template such a step when the circumstances did not justify the same, it
would appear that in this particular case negotiations appear necessary
and flow from the nature of the dispute, which is confined to the same
fishing grounds and relates to issues and problems which best lend
themselves to settlement by negotiation. Again, negotiations are also

indicated by the nature of the law which has to be applied, whether it
be the treaty of 1961 with its six months' notice in the cornpromissory
clause provided ostensibly for negotiations or whether it be reliance on
considerations of equity. The Court has, therefore, answered the third
submission of the Applicant's Memorial on the merits in the affirmative
and accepted that negotiations furnished the correct answer to the

problem posed by the need for equitably reconciling the historic right
of the Applicant based on traditional fishing with the preferential rights
of Iceland as a coastal State in a situation of special dependence on its
fisheries. The Judgment of the Court, in asking the Parties to negotiate a
settlement, has thus emphasized the importance of resolving the dispute
in the adjudication of the case.

No court of law and particularly not the International Court of Justice
could ever be said to derogatefrom its function when it gives due impor-
tance to the settlement of a dispute which is the ultimate objective of al1
adjudication as well as of the United Nations Charter and the Court, as
its organ, could hardly afford to ignore this aspect. A tribunal, while
discharging its function in that manner, would appear to be adjudicating COMPÉTENCE PÊCHERIES (DÉCL. NAGENDRA SINGH) 214

1929en l'affaire des Zones franches de la Haute-Savoie et du Pays de Gex
(C.P.J.I.sr'rie A no22,p. 13),la Cour permanente deJusticeinternationale
a déclaréque le règlement judiciaire des confits internationaux n'était
qu'un succédané aurèglement direct et amiable de ces conflits entre les
parties. Par conséquent, si la conduite de négociations paraît nécessaire
dans les circonstances particulières d'un cas donné, la Cour ne doit pas

hésiter à ordonner aux parties de négocier pour faciliter la solution du
différend. Définissant le contenu de l'obligation de négocier, la Cour
permanente a déclaré,dans l'avis consultatif qu'elle a rendu en 1931 en
l'affaire du Traficferroviaire entre la Lithuanie et la Pologne (C.P.J.I. série
A,'Bnu 42, 1931,p. 116), qu'il ne s'agissait ((pas seulement d'entamer des

négociations, mais encore de les poursuivre autant que possible, en vue
d'arriver à des accords)), mêmesi ctl'engagement de négocier n'implique
pas celui de s'entendre)). On doit manifestement en déduire qu'une fois
les négociations ordonnées en vue du règlement d'un différend,tout doit
êtremis en Œuvre non seulement pour en favoriser le déroulement, mais
aussi pour contribuer à en assurer l'heureuse issue. Nous avons également

l'arrêt rendupar la Cour dans les affaires du Plateau continental de lu mer
d~rNord (C.I.J.Recueil 1969) qui cite l'article 33 de la Charte et d'après
lequel les Parties devaient négocier de bonne foi pour réglerleur différend
sur la base de l'arrct.
De toute évidence, il ne conviendrait guère et il serait mêmehors de

question qu'un tribunal ordonne des négociations dans chaque affaire
dont il est saisi, ou qu'il envisage de le faire lorsque les circonstances ne le
justifient pas; mais en l'espècedes négociations paraissent nécessaireseu
égardà la nature du différend,qui porte sur les mêmeslieux de pêcheet
soulève controverses et problèmes qui, plus que tous autres, se prêtentà
un règlement par voie de négociation. Le recours aux négociations parait

également indiqué si I'on tient compte de la nature du droit qui doit être
appliqué, qu'il s'agisse de l'accord de 1961dont la clause compromissoire
prévoit un préavisde six mois manifestement destiné à permettre des né-
gociations ou que I'on fasse appel à des considérations d'équité.La Cour
a donc accueilli la troisième conclusion du mémoiredu demandeur sur le

fond, et a dit que les négociations étaient le moyen auquel il convenait de
recourir pour risoiidre le problème que pose la nécessitéde concilier de
façon équitable les droits historiques que le demandeur tient de son acti-
vitétraditionnelle de pêche avecles droits préférentielsque l'Islande pos-
sède en tant qu'Etat riverain spécialement tributaire de ses pêcheries.
Dans son arrêt,la Cour a invitéles Parties à négocierun règlement; elle a

ainsi soulignécombien elle tenait à ce que sa décisionassure la solution du
différend.
On ne peut dire d'aucune instance judiciaire - et d'autant moins de la
Cour internationale de Justice - qu'elle dérogeà sa fonction lorsqu'elle
accorde au règlement du litige la place importante qu'il mérite - c'est là

l'objectif ultime de toute décision judiciaire de mêmeque celui de la
Charte, et la Cour, en tant qu'organe des Nations Unies, ne saurait guère
manquer d'en tenir compte. Tout tribunal qui s'acquitterait de sa fonc-215 FISHERIESJURISDICTION (DECL. NAGENDRA SINGH)

in the larger interest and ceasing to be narrow and restrictive in its
approach.
Thus, when confronted with the problem of its own competence in
dealing with that aspect of the dispute which relates to the need for
conservation and the exercise of preferential rights with due respect for

historic rights, the Court has rightly regarded those aspects to be an
integral part of the dispute. Surely, the dispute before the Court has to be
considered in al1its aspects if it is to be properly resolved and effectively
adjudicated upon. This must be so if it is not part justice but the whole
justice which a tribunal ought always to have in view. It could, therefore,
be said that it was in the overall interests of settlement of the dispute that
certainparts of it which were inseparably linked to the core of the conflict
were not separated in this case to be left unpronounced upon. The Court
has, of course, to be mindful of the limitations that result from the
principle of consent as the basis of international obligations, which also
governs its own competence to entertain a dispute. However, this could
hardly be taken to mean that a tribunal constituted as a regular court of
law when entrusted with the determination of a dispute by the willing
consent of the parties should in any way fall short of fully and effectively
discharging its obligations. It would be somewhat disquieting if the Court

were itself to adopt either too narrow an approach or too restricted an
interpretation of those very words which conferjurisdiction on the Court
such as in the case "the extension of the fishery jurisdiction of Iceland"
occurring in the compromissory clause of the Exchange of Notes of 1961.
Those words could not be held to confine the competence conferred on
the Court to the sole question of the conformity or otherwise of Iceland's
extension of its fisherylimits with existing legal rules. Similarly, the Court
could not hold that it was without competence to deal with the fourth
submission of the Applicant pertaining to a claim for compensation
against Iceland since that submission arises out of and relates to the
dispute. The Court, therefore, need not lose sight of the consideration
relating to the settlement of the dispute while remainingstrictly within the
framework of the law which it administers and adhering always to the
procedures which it must follow.

For purposes of administering the law of the sea and for proper
understanding of matters pertaining to fisheries as well as to appreciate
the facts of this case, it is of some importance to know the precise content
of the expression "fisheries jurisdiction" and for what it stands and
means. The concept of fisheries jurisdiction does cover aspects such as
enforcement of conservation measures, exercise of preferential rights andtionde cette manière rendrait, semble-t-il, lajustice dans une optique plus
large, libre de toutes conceptions étroites et limitées.

Ainsi, lorsquela Cour a examinéla question de savoir sielle avait com-
pétencepour connaître de l'aspect du litige qui avait trait aux nécessités
de la conservation et à l'exercicede droits préférentielscompte dûment
tenu des droits historiques, elle a considéré à juste titre quecet aspect
faisait partie intégrante du différenddont elle était saisie.l est évident
que, pour pouvoir se prononcer efficacement sur le différendqui lui était
soumis et lui trouver la solution appropriée, la Cour devait l'examiner
sous tous ses aspects. Comment en irait-il autrement si I'on veut que la
justice rendue ne soit pas unejustice partielle, maiscette justice complète
laquelle un tribunal doit toujours tendre? On peut donc dire que c'est
également dans l'intérêg t énéraldu règlement du différendque la Cour
n'en a pas dissociécertains élémentsindissolublement liés à l'essentieldu
présent litige pour refuser de se prononcer à leur égard. La Cour doit
certes ne pas perdre de vue les limitations qui découlent du principe du
consentement en tant que fondement des obligations internationales,

principe qui régit également sapropre compéteice pour connaître d'un
différend.Cela ne saurait cependant signifier que lorsque, du libre con-
sentement des parties, un organe régulièrementconstitué en cour de
justice est chargé detrancher un différend il doit de quelque manière que
ce soit manquer de s'acquitter pleinement et efficacement de ses obliga-
tions. Il serait un peu inquiétant devoir la Cour elle-mêmeadopter une
conception trop étroite ou une interprétation trop restrictive du libelléde
la disposition qui lui confère compétence,en l'occurrence du membre de
phrase ((l'élargissementde la juridiction sur les pêcheriesautour de
l'Islande)),que I'ontrouve dans la clause compromissoire de l'échangede
notes de 1961. 11serait impossible de considérer quece membre de phrase
limite la compétence conférée à la Cour à la seule question de savoir si
I'extention par l'Islande de sa zone de pêche estou non conforme aux
règlesde droit existantes. De mêmela Cour ne saurait se déclarer incom-

pétentepour connaître de la quatrième conclusion du demandeur relative
à une indemnisation, car c'est le différend qui est à l'origine de cette
conclusion et c'est à lui qu'elle se rattache. Aussi la Cour ne doit-ellepas
perdre de vue les considérations touchant la solution du litige, tout en se
maintenant rigoureusement dans le cadre du droit qu'elle est chargée
d'appliquer et en demeurant fidèle en toute occasion aux procédures
qu'elle doit suivre.

Aux fins de l'application du droit de la mer, de mêmeque pour bien
comprendre les questions relatives aux pêcherieset se faire une juste
idéedes faits dans la présente espèce,il n'est pas sans importance de
savoir ce qu'est le contenu précis des expressions ((compétenceen ma-
tière depêcheries))ou((juridiction sur les pêcheries),e qu'elles signifient
et ce qu'elles recouvrent. La notion de compétenceen matière de pêche-216 FISHERIESJURISDICTION (DECL. NAGENDRA SINGH)

respect for historic rights since each one may involve an element of

jurisdiction to implement them. Even the reference to "extension" in
relation to fisheries jurisdiction which occursin the compromissory
clause of the 1961 treaty could not be confined to mean merely the
extension of a geographical boundary line or limit since such an extension
would be meaningless without a jurisdictional aspect which constitutes,
as it were, its juridical content. Lt is significant, therefore, that the pre-

amble of the Truman Proclamation of 1945 respecting United States
coastal fisheries refers to a "jurisdictional" basis for implementing con-
servation measures in the adjacent seasince such measures have to be
enforced like any other regulations in relation to a particular area. This
further supports the Court'sconclusion that it had jurisdiction toal
with aspects relating to conservation and preferential rights since the

1961treaty by the use of the words "extension of fisheries jurisdiction"
must be deemed to have covered those aspects.

Another aspect of the Judgment which has importance from my

viewpoint is that it does not "preclude the Parties from benefiting from
any subsequent developments in the pertinent rirles of international law"
(para. 77).The adjudicatory function of the Court must necessarily be
confined to the case before it. No tribunal could take notice of future
events, contingencies or situations that may arise consequent on the
holding or withh~lding of negotiations or otherwise even by way of a

further exercise of jurisdiction. Thus, a possibility or even a probability
of changes in law or situations in the future could not prevent the Court
from rendering Judgment today.

Judges FORSTER, BENGZON, JIMÉNEZ DE ARÉCHAGA, NAGENDRA SINGH
and RUDAappend a joint separate opinion to the Judgment of the Court;
Judges DE CASTR Ond Sir Humphrey WALDOC append separate opinions
to the Judgment of the Court.

Judges GROS, PETRÉN and ONYEAMaA ppend dissenting opinions to the
Judgment of the Court.

(InitialledM.L.
(Initialled)S.A.

45ries s'étendà des domaines comme l'application de mesures de conserva-
tion, l'exercice de droits préférentielset le respect de droits historiques,
étantdonnéque, dans chacun de ces domaines, la mise en Œuvrepeut faire
intervenir un élémentde compétence. Mêmele mot ((élargissement )qui
figure, aux côtésdes mots ((de la juridiction sur les pêcher»,sdans la

clause compromissoïre de l'accord de 1961, ne saurait être interprété
restrictivement de manière à viser simplement l'élargissement d'une zone
géographique ou le report d'une limite, car un tel élargissementou report
serait privé de toute signification en l'absence d'un élémentjuridictionnel
lui donnant, en quelque sorte, son contenu juridique. II n'est donc pas

sans intérêt e souligner que le préambule de la Proclamation Truman de
1945 concernant les .pêcheriescôtières des Etats-Unis fait mention d'une
base ((juridictionnelle)) pour l'application de mesures de conservation
dans les eaux adjacentes, étant donné que de telles mesures doivent être
appliquées comme tout autre règlement dans une zone particulière. C'est
là un argument de plus à l'appui de la coilclusion de la Cour selon laquelle

elle a compétence pour traiter des aspects dri différend qui ont trait à la
conservation et aux droits préférentiels,car l'expression ((l'élargissement
de la juridiction sur les pêcheries))que l'on trouve dans l'accord de 1961
doit êtreréputée engloberlesdits aspects.

Un autre aspect de l'arrêt quirevêtde l'importance à mes yeux est qu'il
((ne peut ... empêcherles Parties de tirer avantage de toute évolution
ultérieuredes règlespertinentes du droit international ))(par. 77). La Cour
ne peut connaître que de l'affaire dont elle est saisie; elle ne saurait en

aucun cas tenir compte d'une situation hypothétiquequi pourrait résulter,
plus tard, de la conduite de négociations ou du refus de négocier, ou de
tout autre événement, ycompris même un nouvel acte juridictionnel.
Aussi, la possibilitéou mêmela probabilité de modifications du droit ou
des situations dans l'avenir ne saurait empêcher un tribunal de rendre
actuellement sa décision.

MM. FORSTERB , ENGZONJ,IMÉNEZ DE ARÉCHAGAN , AGENDRA SINGH
et RUDA,juges, joignent à l'arrêtl'exposéde leur opinion individuelle
collective;M. DE CASTRO et sir Humphrey WALDOCKj,uges, joignent à

l'arrêtles exposésde leur opinion individuelle.

MM. GROS, PETRÉN et ONYEAMA j,ges, joignent à l'arrêtles exposés
de leur opinion dissidente.
(Paraphé) M.L.

(Paraphé) S.A.

45

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Fond

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Arrêt du 25 juillet 1974

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