Audience publique tenue le vendredi 9 juin 2006, à 10 heures, au Palais de la Paix, sous la présidence de Mme Higgins, président

Document Number
135-20060609-ORA-01-00-BI
Document Type
Incidental Proceedings
Number (Press Release, Order, etc)
2006/48
Date of the Document
Bilingual Document File
Bilingual Content

CR 2006/48

Cour internationale International Court
de Justice of Justice

LAAYE THAEGUE

ANNÉE 2006

Audience publique

tenue le vendredi 9 juin 2006, à 10 heures, au Palais de la Paix,

sous la présidence de Mme Higgins, président,

en l’affaire relative à des Usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay

(Argentine c. Uruguay)

________________

COMPTE RENDU
________________

YEAR 2006

Public sitting

held on Friday 9 June 2006, at 10 a.m., at the Peace Palace,

President Higgins presiding,

in the case concerning Pulp Mills on the River Uruguay
(Argentina v. Uruguay)

____________________

VERBATIM RECORD

____________________ - 2 -

Présents : Mme Higgins,président
Al-Kh.vsce-prh,ident

RanMjev.
Koroma
Parra-Aranguren
Buergenthal

Owada
Simma
Abraham
Keith

Sepúlveda
Bennouna
Skjoteiskov,
BeTroáesz.

juiesesa, ad hoc

Cgoefferr,

⎯⎯⎯⎯⎯⎯ - 3 -

Present: Presideitgins
Vice-PresiKntasawneh

RanjevJaudges
Koroma
Parra-Aranguren
Buergenthal

Owada
Simma
Abraham
Keith

Sepúlveda
Bennouna
Skotnikov
Judges ad hoc TorresBernárdez

Vinuesa

CoRuvrisrar

⎯⎯⎯⎯⎯⎯ - 4 -

Le Gouvernement de la République argentine est représenté par :

S. Exc. Mme Susana Ruiz Cerutti, ambassadeur, conseiller juridique du ministère des relations
extérieures, du commerce international et du culte,

comme agent;

S. Exc. M. Horacio A. Basabe, ambassadeur, dir ecteur général de l’Institut du service extérieur de
la nation, ancien conseiller juridique du ministère des relations extérieures, du commerce
international et du culte, membre de la Cour permanente d’arbitrage,

S. Exc. M. Santos Goñi Marenco, ambassadeur de la République argentine auprès du Royaume des
Pays-Bas,

comme coagents;

M. Alain Pellet, professeur de droit international public à l’Université de Paris X-Nanterre, membre

de la Commission du droit international des Nations Unies,

M. Philippe Sands, Q.C., professeur de droit international, University College, Londres,

M. Marcelo Kohen, professeur de droit interna tional à l’Institut universitaire de hautes études
internationales, Genève,

Mme Laurence Boisson de Chazournes, professeur de droit international à la faculté de droit,

Genève,

comme conseils et avocats;

S. Exc. M. Raúl Estrada Oyuela, ambassade ur, représentant spécial pour les affaires
environnementales internationalesau ministère des affaires étrangères, du commerce international
et du culte,

comme conseil et expert;

S. Exc. M. Julio Barboza, ambassadeur, professeur de droit international public à l’Université de

Buenos Aires, ancien membre de la Commis sion du droit international des Nations Unies,

Mme Silvina González Napolitano, professeur de droit international public à l’Université de
Buenos Aires,

Mme Claudia Mónica Mizawak, procureurde la province argentine d’Entre Rios,

Mme Romina Picolotti, présidentedu Centre des droits de l’homme et l’environnement (CEDHA),

M. Daniel A. Sabsay, président de la Fundación Argentina para los Recursos de la
Naturaleza(FARN),

M. Juan Carlos Vega, avocat spécialisé dans laprotection internationale des droits de l’homme,

comme conseils et experts juridiques; - 5 -

The Government of the Argentine Republic is represented by:

H.E. Ms Susana Ruiz Cerutti, Ambassador, Legal Counsel for the Ministry of Foreign Affairs,
International Trade and Religious Worship,

as Agent;

H.E. Mr. Horacio A. Basabe, Ambassador, Director of the Argentine Institute for Foreign Service,
former Legal Counsel to the Ministry of Fore ign Affairs, International Trade and Religious
Worship, Member of the Permanent Court of Arbitration,

H.E. Mr. Santos Goñi Marenco, Ambassador of the Argentine Republic to the Kingdom of the
Netherlands,

as Co-Agents;

Mr. Alain Pellet, Professor of Public International Law, University of Paris X-Nanterre, Member of

the United Nations International Law Commission,

Mr. Philippe Sands, Q.C., Professor of International Law, University College, London,

Mr. Marcelo Kohen, Professor of International Law, Graduate Institute of International Studies,
Geneva,

Ms Laurence Boisson de Chazournes, Professor of International Law, Faculty of Law, University

of Geneva,

as Counsel and Advocates;

H.EM. r. Raúl Estrada Oyuela, Ambassador, Special Representative for International
Environmental Affairs, Ministry of Foreign Affairs, International Trade and Religious Worship,

as Counsel and Expert;

H.E. Mr. Julio Barboza, Ambassador, Professor of Public International Law, University of
Buenos Aires, former Member of the United Nations International Law Commission,

Ms Silvina González Napolitano, Professor of P ublic International Law, University of
Buenos Aires,

Ms Claudia Mónica Mizawak, Public Prosecutor, Entre Rios Province,

Ms Romina Picolotti, President of the Centre for Human and Environmental Rights (CEDHA),

Mr. Daniel A. Sabsay, President, Fundación Argentina para los Recursos de la
Naturaleza (FARN),

Mr. Juan Carlos Vega, international human rights lawyer,

as Legal Advisers and Experts; - 6 -

M. Elias Matta, ingénieur, directeur du centre de technologie de la cellulose, Univerisdad Nacional
del Litoral (UNL),

M. Lucio Janiot, chef du département de chimie du service d’hydrographie de la marine,

M. Alberto Espinach Ross, chercheur à l’Institut argentin pour la recherche et le développement de

la pêche (INIDEP),

comme conseils et experts scientifiques;

M. Ariel W. González, conseill er d’ambassade, bureau du conse iller juridique du ministère des
affaires étrangères, du commerce international et du culte,

Mme Mariana Alvarez Rodríguez, secrétaire d’ambassade, bureau du représentant spécial pour les

affaires environnementales inte rnationales au minist ère des affaires étrangères, du commerce
international et du culte,

Mme Florencia Colombo, direction de la presse au ministère des affaires étrangères, du commerce
international et du culte,

M. Daniel Müller, chercheur, Centre de droit international de Nanterre (CEDIN),

Mme Ursula Zitnik,

comme délégués.

Le Gouvernement de la République orientale de l’Uruguay est représenté par :

S. Exc. M. Héctor Gros Espiell, ambassadeur de la République orientale de l’Uruguay auprès de la

République française,

S. Exc. M. Carlos Gianelli, ambassadeur de la République orientale de l’Uruguay auprès des
Etats-Unis d’Amérique,

comme agents;

M. Alan E. Boyle, professeur de droit international, directeur du Centre écossais pour le droit
international, Université d’Edinburgh,

M. Luigi Condorelli, professeur à la faculté de droit de l’Université de Florence,

M. Paul S. Reichler, avocat, cabinet Foley Hoag LLP, Washington D.C., membre du barreau de la
Cour suprême des Etats-Unis d’Amérique, membre du barreau du district de Columbia,

comme avocats;

S. Exc. M. Carlos Mora Medero, ambassadeur de la République orientale de l’Uruguay auprès du
Royaume des Pays-Bas,

M. Gonzalo Fernández, secrétaire de la présidence de la République orientale de l’Uruguay,

S. Exc. M. José Luis Cancela, secrétaire général du ministère des relations extérieures,

M. Alberto Pérez Pérez, professeur à l’Université de la République de l’Uruguay, Montevideo, - 7 -

Mr. Elias Matta, Engineer, Director of the Centre for Cellulose Technology, Universidad Nacional
del Litoral (UNL),

Mr. Lucio Janiot, Director of the Chemistry Department, Naval Hydrographic Service,

Mr. Alberto Espinach Ross, Researcher, National Fisheries Research and Development

Institute (INIDEP),

as Scientific Advisers and Experts;

Mr. Ariel González, Embassy Counsellor, Legal Adviser’s Office, Ministry of Foreign Affairs,
International Trade and Religious Worship,

Ms Mariana Alvarez Rodríguez, Embassy Secret ary, Office of the Special Representative for

International Environmental Affairs, Ministry of Foreign Affairs, International Trade and
Religious Worship,

Ms Florencia Colombo, Press Directorate, Ministry of Foreign Affairs, International Trade and
Religious Worship,

Mr. Daniel Müller, Researcher, Centre de droit international de Nanterre (CEDIN),

Ms Ursula Zitnik,

Dselegates;

The Government of the Eastern Republic of Uruguay is represented by:

H.E. Mr.Héctor Gros Espiell, Ambassador of the Eastern Republic of Uruguay to the French

Republic,

H.E. Mr. Carlos Gianelli, Ambassador of the E astern Republic of Uruguay to the United States of
America,

as Agents;

Mr. Alan E. Boyle, Professor of International Law and Director of the Scottish Centre for
International Law, University of Edinburgh,

Mr. Luigi Condorelli, Professor at the Faculty of Law, University of Florence, Florence,

Mr. Paul S. Reichler, Attorney at Law, Foley Ho ag LLP, Washington D.C., Member of the Bar of
the United States Supreme Court, Member of the Bar of the District of Columbia,

as Advocates;

H.E. Mr. Carlos Mora Medero, Ambassador of the Eastern Republic of Uruguay to the Kingdom of
the Netherlands,

Mr. Gonzalo Fernández, Secretary to the Presidency of the Eastern Republic of Uruguay,

H.E. Mr. José Luis Cancela, Secretary-General, Ministry of Foreign Affairs,

Mr. Alberto Pérez Pérez, Professor, University of the Republic of Uruguay, Montevideo, - 8 -

M. Edison González Lapeyre, professeur à l’ Université de la Ré publique de l’Uruguay,
Montevideo,

M. Roberto Puceiro Ripoli, professeur à l’Université de la République de l’Uruguay, Montevideo,

M. Gustavo Alvarez, ministre conseiller, directeur de la direction des affaires multilatérales,

ministère des relations extérieures,

M. Marcelo Cousillas, conseiller juridique à la direction nationale de l’environnement, ministère du
logement, de l’aménagement du territoire et de l’environnement,

Mme Nienke Grossman, avocat, cabinet Foley Ho ag LLP, Washington D.C., membre du barreau
du district de Columbia, membre du barreau de la Virginie,

M. Adam Kahn, avocat, cabinet Foley Hoag LLP, Boston, Massachusetts, membre du barreau du
Massachusetts,

M. Lawrence H. Martin, avocat, cabinet Foley Hoag LLP, Washington D.C., membre du barreau de
la Cour suprême des Etats-Unis d’Amérique, membre du barreau du Massachusetts, membre du
barreau du district de Columbia,

M. Paolo Palchetti, professeur associé à la faculté de droit, Université de Macerata,

Mme Paola Gaeta, professeur à la faculté de sciences politiques, Université de Florence,

M. Sebastian Lopez Escarcena, doctorant, Université d’Edinburgh,

comme conseillers;

M. Martin Ponce de Leon, ingénieur,sous-sécretaire d’Etatau ministère de l’industrie, de l’énergie et
des mines,

Mme Alicia Torres, ingénieur, directrice nationalede l’environnement au ministère du logement, de

l’aménagement du territoireet de l’environnement,

M. Eugenio Lorenzo, ingénieur, conseiller technique de la division de l’évaluation des impacts sur

l’environnement, ministère du logement, de l’am énagement du territoire et de l’environnement,

M. Adriaan van Heiningen, professeur, titulaire de la chaire J. Larcom Ober au département
d’ingénierie chimique à l’Université du Maine, Orono, Maine,

comme experts. - 9 -

Mr. Edison Gonzalez Lapeyre, Professor, University of the Republic of Uruguay, Montevideo,

Mr. Roberto Puceiro Ripoli, Professor, University of the Republic of Uruguay, Montevideo,

Mr. Gustavo Alvarez, Minister Counsellor, Director, Multilateral Relations Directorate, Ministry of
Foreign Affairs,

Mr. Marcelo Cousillas, Legal Counsel, National Di rectorate for the Environment, Ministry of
Housing, Territorial Planning and Environment,

Ms Nienke Grossman, Attorney at Law, Foley Hoag LLP, Washington D.C., Member of the Bar of
the District of Columbia, Member of the Virginia Bar,

Mr. Adam Kahn, Attorney at Law, Foley Ho ag LLP, Boston, Massachusetts, Member of the

Massachusetts Bar,

Mr. Lawrence H. Martin, Attorney at Law, Foley Hoag LLP, Washington D.C., Member of the Bar

of the United States Supreme Court, Member of the Massachusetts Bar, Member of the Bar of
the District of Columbia,

Mr. Paolo Palchetti, Associate Professor, Faculty of Law, University of Macerata,

Ms Paola Gaeta, Professor, Faculty of Political Sciences, University of Florence,

Mr. Sebastian Lopez Escarcena, Graduate Researcher, University of Edinburgh,

Asdvisers;

Mr. Martin Ponce de Leon, Engineer, Under-Secretary of State at the Ministry of Industry, Energy

and Mines,

Ms Alicia Torres, Engineer, National Director , Environmental Impact Assessment Division,
Ministry of Housing, Territorial Planning and Environment,

Mr. Eugenio Lorenzo, Engineer, Technical Consu ltant for the Environmental Impact Assessment
Division, Ministry of Housing, Territorial Planning and Environment,

Mr. Adriaan van Heiningen, Professor, J. Larc om Ober Chair, Department of Chemical
Engineering, University of Maine, Orono, Maine,

Esxperts. - 10 -

The PRESIDENT: Please be seated. The sitting is now open and the Court meets this

morning to hear the second round of oral observations on the request for the indication of

provisional measures in the case concerning Pulp Mills on the River Uruguay (Argentina v.

Uruguay). This morning we shall hear the representa tives of Argentina to whom I shall therefore

give the floor. Ambassador, shall I pass straight away to ProfessorSands? Yes. So, I give the

floor to Professor Sands.

Mr. SANDS:

1. The obligations under the Statute

1. Madam President, Members of the Court, this morning Argentina responds to the

arguments made yesterday afternoon by Uruguay. O bviously in the time available we cannot deal

with every point that was raised and our silence on any matter should not be taken as acceptance of

them. I am going to begin by addressing a number of matters of substantive environmental concern

and then turn to Uruguay’s obligations under the Statute; Professor Kohen will then respond to

Uruguay’s claims as to events between 2002 and 2 005; Ambassador Raúl Estrada will explain the

difficulties Argentina faced within the GTAN; ProfessorPellet will explain why the conditions

concerning the grant of provisional measures are, in our submission, amply fulfilled; and the

Agent will make some concluding remarks.

2. I will make eight points. My first three points respond to some of the various ill-founded

assertions made by Uruguay that seek to challenge Argentina’s environmental concerns.

3. I listened attentively to ProfessorBoyle. With his characteristic warm and reassuring

tone, rosy claims about the benign nature of these projects, one could almost forget that the Court is

dealing with issues raised by the largest industria l project Uruguay has ever known, that is to be

located in a pristine environment on the banks of a shared natural resource that is subject to a

special and far-reaching agreement that creates a join t régime of strict environmental protection.

On the basis of yesterday’s hearing you could be forgiven for not having right at the forefront of

your minds the fact that these projects’ environmen tal assessments were so poorly prepared and so

inadequate that they have had to be revised on numerous occasions, and they have still not been - 11 -

completed, more than four years after the project was conceived. If these projects are so harmless,

and if it is the case that Uruguay has indeed so diligently carried out its environmental protection

commitments, how can it be that the projects remain stuck at the International Finance Corporation

and that at least one potential financier ⎯ the Dutch banking group ING ⎯ has recently decided to

1
bail out of the Botnia project .

My4. first point concerns Professor Boyle’s claim that “potential impacts on the river and on

2
Argentina have been fully considered by DINAMA” . This is simply not true. ENCE and Botnia

approached the International Finance Cor poration beginning in 2002. In June 2005 ⎯ after

Uruguay had approved both projects a nd allowed construction to commence ⎯ the IFC decided

that “further study was required of the cumulativ e social and environmental impacts of the pulp

mills projects, beyond those attributable to each plant’s operation” 3. The IFC appointed two

independent experts to prepare a Cumulative Impact Study (CIS). This study was completed in

December 2005, but Uruguay seemed reluctant to men tion it yesterday and, in this regard, mention

must also be made of the report of the IFC’s independent compliance advisory ombudsman. Her

final report, in February 2006, confirmed the tr ansboundary impacts, including on water and water

quality and highlighted that many issues remained to be addressed. I commend you, in particular,

to read that report. The CIS study was then subj ect to a further review by an independent group

appointed by the IFC. The result, of course, wa s the famous Hatfield re port which emerged just

4
less than two months ago . It made numerous recommendations indicating that there remain still

today many outstanding, serious issues. We express here no view on the adequacy of the Hatfield

report. But many of its far-reaching criticisms cannot be reconciled with the rosy account you were

given yesterday. The report found, for example:

⎯ that the CIS and the developers’ environmenta l impact assessment documents did not define

the project designs in sufficient detail to determine that the pulp plants would use best available

techniques;

1See http://www.commondreams.org/news2006/0413-02.htm .

2CR 2006/47, p. 24, para. 23 (Boyle).

3Cumulative Impact Study, December 2005, p. 5, http://www.ifc.org/ifcext/lac.nsf/Content/Uruguay_Pulp_
Mills_CIS (Request, Ann. XXIII).

4Hatfield Consultants, Cumulative Impact Study, Uruguay Pulp Mills, April 2006 (Request, Ann. XXIII). - 12 -

⎯ that numerous techniques for further reducing e ffluent discharges had come into common use

since 1999 and should be considered for the Uruguayan mills;

⎯ that there was no complete listing of discharges to the natural environment in the vicinity of the

plants;

⎯ that there had not been an independent revi ew of the estimates of pollutant discharges

presented by the company;

⎯ that the reference, as I said yesterday, to discharges of dioxins and furans had been handled in a

cavalier manner; and

⎯ that the CIS had not provided a clear understandi ng of the site selection process employed by

Orion and CMB.

Against this background the claim that DINAMA had “fully considered” the “potential impacts on

the river and on Argentina” is simply untenable. Equally absurd is the claim that the environmental

impact assessments submitted by the companies Botnia and ENCE were, as Professor Boyle put it,

5
“extensive and detailed” . One example amongst many suffices: the environmental impact

assessment for the CMB plant devoted just four paragraphs to the subject of fish fauna and fisheries

resources. It turns out that they were just lifted from the introductory part of a short book on the

fish of the River Uruguay that had been published previously by CARU, of all institutions, for the

general public. The “cut and paste” job was so ca reless that the list it presented omitted an entire

order of species ⎯ Gymnotiformes, third in the number of species after two others. Unreliable is

the word that springs to mind. Dodgy is another word.

My 5. second point concerns ProfessorBoyle’s claim that the projects will “operate to the

6
highest international standards” . The conclusions of the Hatfield report that I have just mentioned

are, I think, sufficient to contradict that somewh at ambitious assertion. But the proposition can be

tested by reference to the important issue of dioxins and furans on which Uruguay displayed

somewhat nervous disposition yesterday. It has go od reason. The discharge authorizations for the

7
ENCE plant limits, for example, limit discharges of dioxins and furans to 200 mg TEQ per annum .

5
CR 2006/47, p. 23, para. 21 (Boyle).
6CR 2006/47, p. 26, para. 28 (Boyle).

7Exp. 2002/1/02/832. - 13 -

200mg. Yet discharges from Canadian plants producing the same annual production as ENCE

averages just 16.4 mg TEQ per year . So, perhaps this afternoon ProfessorBoyle might explain

how it can be that emission limits from the ENCE plant have had to be set at more than 12 times

the average emission limits for Canada, and how that can be squared with his “highest international

standards” claim? Perhaps he could also explain why such high emission limits are needed for a

hazardous substance listed in AnnexC of th e 2001POPS Convention if, as he puts it, “the

9
technology in use in these mills eliminates these chemicals” ? And perhaps he could explain,

against the background of the Hatfield report’s findi ng that the treatment of dioxins and furans has

been handled in a rather “cavalier manner”, the b asis upon which he felt able to tell this Court

10
yesterday that these chemicals are “simply not an issue” . Unsubstantiated, bold and erroneous are

the assertions such as those made yesterday and they only serve to underscore Argentina’s valid

concerns. They have not been laid to rest, we regret, in these proceedings.

My 6. third point concerns Professor Boyle’s claims w ith regard to the site locations of the

projects. You have now seen the maps and you have seen some photographs. You will also have

noted the location in a pristine area directly oppos ite a major Argentine tourist site. You will now

be aware how very close all of this is to Argentina. The sites, we were told yesterday, “are

11
environmentally an excellent choice” . This is what the Court was told yesterday. No authorities

whatsoever were provided for this claim. Site lo cation is the heart of the problem that has arisen

between Argentina and Uruguay. Argentina has no a priori objection to Uruguay’s development of

projects such as these. What Argentina objects to is the reckless way in which Uruguay has

proceeded to take its decisions, the failure to a ddress all of the environmental concerns in a timely

manner, and in particular the failure to explain why these sites were chosen , rather than sites that

were located in less environmentally and economically sensitive areas and not so proximate to each

other. Uruguay’s approach and practice is not cons istent with the joint régime for which it claims

such unbridled enthusiasm. The Hatfield report was clear that Uruguay had not provided a

8
See generally V.Uloth and R.van Heek, Dioxin and Furan Emission Factors for Combustion Operations in
paper Mills, 5 November 2002, prepared for environment Canada, available at:
www.cites.ca/pdb/npri/2002/guidance/Emission_Factor_Report_for_Combusti…
9
CR 2006/47, p. 28, para. 37 (Boyle).
1Ibid.

1Ibid., p. 18, para. 3. - 14 -

satisfactory explanation as to the site selection process that had been employed by Orion and CMB.

In a single paragraph ⎯ paragraph3 of his draft statement ⎯ Professor Boyle made no less than

three significant errors of fact. He said that there are “no ecologically sensitive areas nearby”.

That is just wrong. The Esteros de Farrapos site located just 7 km from Botnia is protected as site

No. 1433 on the List of Wetlands of Internati onal Importance under the 1971 Ramsar Convention

to which Argentina and Uruguay are party, and which is incorporated into the obligations by virtue

of Article41 of the 1975Statute 12. He also said that at this point the river was a substantial

navigable river and that it was “deep”. That too is wrong. There is a navigation channel, but it has

to be maintained by dredging operations, and outsi de that channel the river is at places less than

13
1 m deep . And he claimed that flow would quickly di sperse the effluent discharges. That too, I

regret, is wrong. Water velocity can be as slow as 0.6 m per second. And I am told that is pretty

slow. That has a profound effect on the abilit y of the receiving waters to disperse the liquid

effluents which Professor Boyle confirmed will occur.

7. The Court will appreciate perhaps why it is that Argentina has reached the view that

Uruguay is less than fully committed to properly addressing Argentina’s environmental concerns.

The points that were made yesterday did not reassure Argentina that Uruguay is serious about its

obligations to protect the waters of the Rive r Uruguay. Nor do they support the claim that

Argentina’s substantive environmental concerns ar e without foundation–– the twist or thrust of

yesterday’s argument. The fact remains that these projects pose significant environmental risks and

are still being studied. It is wrong for Uruguay to prejudge the outcome of those studies. Yet that

is Uruguay’s consistent approach, and it is what we heard again yesterday.

8. I turn now to the second part of my presen tation which concerns the 1975 Statute and the

obligations which arise under it. It is clear that it lies at the heart of this case. It imposes

obligations the meaning of which obviously divide the Parties. My fourth point this morning

concerns the applicability of the 1975Statute. Does it apply to these projects or not? You will

recall our references yesterday morning to the highly revealing statement by former Uruguayan

Foreign Minister Opertti to the Uruguayan Senate in November 2003, that Articles7 and8 of the

12
See: http://www.ramsar.org/wn/w.n.uruguay_farrapos.htm.
1Atlas Cartografico del Rio Uruguay, Cartas 705 y 801, 2002. - 15 -

1975 Statute were an affront to Uruguay’s soverei gnty and did not apply. Uruguay has not denied

that statement, and of course it cannot. Nor has Uruguay denied that this statement explained the

basis for its approach to the Statute fro m 2002 onwards. Now it seems that Uruguay has

abandoned that approach. Yesterday it accepted that the Statute was in principle applicable to these

projects. Professor Boyle stated that Uruguay “has met its obligations under Article 41” . You do4

not meet obligations that you do not have. We we lcome that concession, which brings the Parties

into agreement. Any other approach is unarguable. If these projects were not caught by the Statute

then it is difficult to think of many, if any, that would be. The Statute applies.

9. Which brings me logically onto a fifth point, and this concerns Uruguay’s change of

argument concerning the relevance of Article7, wh ich we think may have been put for the first

time yesterday. The argument it now puts is that since the environmental assessments

demonstrated that there would be no adver se environmental effects the threshold requiring

notification under Article7 was not met and so no notification was required. And I labour the

point that the environmental assessment process is still under way. The argument was put so subtly

by ProfessorBoyle that it would be easy to miss. It is at paragraph25 of his statement. On this

approach no other obligations under Chapter II of the Statute are engaged. The point, we think, is

easily responded to, particularly since ProfessorCondor elli returned to it at paragraphs7 and8 of

his statement. You will see from that that Uruguay has in effect taken it upon itself to rewrite the

1975 Statute. The actual words of Article 7 are replaced in Professor Condorelli’s formulation. He

replaces the word “affecter”–– which is actually in Article7–– with the words “peut causer une

préjudice sensible à l’autre partie”. If the Parti es had wanted to use his words they would have

done so. They decided to apply a standard with a lower threshold, recognizing the particular

sensitivities of the River Uruguay.

10. On any reasonable approach these projects are “liable to affect... the quality of [the

river’s] waters”: that is the standard in Article 7. There will be discharges into the water, directly

and also indirectly through the atmosphere. ProfessorBoyle said so himself: “the flow will

15
quickly disperse the plants’ low effluent discharges” . There will be risks of accidents.

14
CR 2006/47, p. 29, para. 38 (Boyle).
1Ibid., p. 18, para. 3. - 16 -

International instruments recognize that projects su ch as these are listed as inherently risky. The

outstanding issue is whether or not these effects, amongst others, are acce ptable or not. Uruguay

says they are acceptable, but we say the 1975Stat ute does not allow it to impose that view on

Argentina. Argentina says it cannot form a definitive view as the information provided by Uruguay

remains inadequate, and until Uruguay provides the information ⎯ or perhaps at some point this

Court orders it to do so ⎯ it is not willing to allow these discharges into the river. This Court does

not have to decide, at least now. The point is si mply that there are sufficient potential effects to

bring the projects within Article7. That seems almost unarguable to oppose. That the IFC has

gone to such extraordinary lengths to assess these projects and then subject them to reassessment,

not once but twice, should lay to rest any doubts. All Argentina has to show at this stage of the

proceedings is that it is reasonably arguable that the projects are caught by Article7 so that the

ChapterII obligations and Argentina’s rights are e ngaged. And this standard, we say, is plainly

met. The scheme established by Chapter II of the Statute is applicable.

M11y. sixth point this morning concerns the scope of the 1975 Statute’s application.

Uruguay adopted a surprisingly formalistic and we say overly narrow view of what the Statute

governs. It says that the Statute deals only with pollu tion of the river, and therefore that is all that
16
falls within the scope of your jurisdiction . The argument seems intended to exclude issues that

may cause difficulty to Uruguay, such as the econom ic and social consequences of the plants ⎯ to

which Professor Kohen directed you yesterday ⎯ including, in particular, tourism, which are real

and already occurring. Another reason why, we say, suspension is justified right now. Their

argument on the scope of the 1975Statute is not , I say with the greatest respect, immediately

compelling. Let me give an example. There is tourism on the Argentine side because of its

location by the river. You could not have beaches without the river. Pollution of bathing areas and

fear of pollution of rivers obviously cause tourism to decline. The link between clean water and

tourism is very well established. In 1997 an in ternational conference of Environment Ministers

adopted the Berlin Declaration on Biological Diversity and Sustainable Tourism 17, and there have

been numerous international resolutions ever since which make that point. You can test the point

16
CR 2006/47, p. 27, para. 34 (Boyle); CR 2006/47, p. 34, paras. 7 and 8 (Condorelli).
1http://www.gdrc.org/uem/eco-tour/berlin.html. - 17 -

another way. Article42 of the Statute establish es the principle of liability for damage caused by

pollution. On established international princi ples liability would obviously encompass economic

activities, including tourism, that might be directly affected by pollution of the river: the practice,

for example, of the International Oil Pollution Compensation Fund makes that abundantly clear.

But I do not need to labour this point. The projects are subject to the Statute and you have prima

facie jurisdiction over all the rights I and my colleagues referred you to yesterday ⎯ both

procedural and substantive. Professor Pellet will address this in more detail later this morning.

M1y2. seventh point concerns the scheme established by Articles7 to13 of the Statute.

Yesterday Uruguay was notably silent about these pr ovisions, except for Article 7 to which I have

already made reference. But they did say one thi ng that was of interest. Professor Boyle said that

Uruguay “has given a ‘reasonable place’ to the interests of Argentina” 1. He was of course using,

as he made clear, the terminology of the Lac Lanoux arbitration, which I had also referred to

yesterday morning, and that I think indicates the place from which Uruguay is coming in terms of

its thinking. But as I explained yesterday morning, the treaties that were in issue in that case were

very different from the 1975 Statute. Argentina’ s rights under the 1975 Statute are more specific

and they are more far-reaching than those in issue in Lac Lanoux or, indeed, in general

international law. And Article9 establishes a “ no construction” obligation. Uruguay was silent

about that. ProfessorCondorelli said that the Statut e did not create a right of veto where a party

19
has acted in good faith in fulfilling its procedur al obligations under Chapter II of the Statute . Let

us leave aside the fact that Uruguay has proceeded on the basis that the Chapter II obligations are

not even engaged at all because the projects are so environmentally benign, or that Uruguay

authorized the projects before notifying them under ChapterII. To take their terminology, does

Article9 create a right of veto, or to use our terminology does it create a “no construction”

obligation? Mr. Reichler said it does not, and that our argument was new and that it contradicted

the Parties’ prior interpretations.

13. With great respect he is mistaken. The la nguage of Chapter II is clear. You can read it

for yourselves and of course form your own views, as I am sure you will. But it is difficult to see

18
CR 2006/47, p.25, para. 27 (Boyle).
1CR 2006/47, p. 41, para. 21 (Condorelli). - 18 -

how Article 9 and Chapter II might be read differen tly from the interpretation that we have given.

Perhaps Uruguay will provide an explanation this af ternoon. But in the limited time available to

me yesterday afternoon ⎯ yesterday evening when we left ⎯ I did do my best to try to explore this

issue further. After we left the Court, I asked some of my Argentine colleagues whether they knew

of anything that had been written, any commentari es, on the proper interpretation of ChapterII.

They identified one book immediately. I asked them to obtain a copy. The relevant extracts were

duly obtained from Buenos Aires. And, seeing the name of the author when the papers were put in

front of me, I was a little surprised, as it was a gen tleman who had come up to me after yesterday’s

hearing to introduce himself as one of the negotiators of the Statute and, in the spirit of generosity

that characterizes many Uruguayans I have come to know, to present his compliments. He gave me

his card. I had not seen Dr. Lapeyre’s chapter be fore writing up yesterday’s presentation. But it is

very striking that his approach and mine appear to be almost identical. Although he does not

actually use the word “veto” ⎯ and it is not a word that I used either ⎯ that is in effect the system

he describes. As he writes it, the Commission giv es “a valid decision only with the agreement of

the two delegations”, so that “this binational entity can only act if the representation of the country

that promotes the realization of the works coin cides in its decision with the one from the other

riparian”20. That reference on agreement of the two dele gations sounds to me pretty similar to the

veto right that Mr. Reichler said did not exist. The obvious requirements of Chapter II may indeed

explain why Uruguay has bent over backwards to find a way around the requirements of Chapter II:

first, they say it does not apply at all, but if th ey are wrong on that, then they say the threshold set

by Article 7 is not met, and then if they are wrong on that, they say the Parties entered into some

sort of agreement ⎯ which no one has actually seen, that has never been written down and is not to

be found in any of your Annexes, to which Pr ofessor Kohen will respond in greater detail later ––

that somehow sets aside the whole of Chapter II of the Statute. “Anything but the Statute” could be

Uruguay’s motto. And it seems to explain why Uruguay took a decision to avoid sending the

matter to CARU. It may also explain why Dr. Lapeyre’s book which is directly on point was not

mentioned by any of Uruguay’s counsel yesterday. I look forward to hearing from Mr.Reichler

20
Edison Gonzalez Lapeyre, Los Limites de la Republica Oriental del Uruguay, 1986, p. 293. - 19 -

this afternoon with any commentary or practice he can marshal to support his claim. He may

however want to have a look at the entirety of the text of Article27 of the Statute to which he

referred partially yesterday. In the part that he did not read out, it makes clear that the use of the

waters for industrial purposes is indeed subject to the Chapter II requirement.

14. Which brings me to my eighth point. It concerns th e relationship between the

1975Statute and other applicable rules of interna tional law. It does appear that there is now

agreement between the Parties. As Professor Boyle put it, Article41 “has the effect of

incorporating standards set by the 2001 [POPS] Convention” 2. As the Parties move forward in

seeking to resolve this dispute, with the assistan ce of the Court in exercising its functions under

Article 12 and 60 ⎯ we hope ⎯ the ability to draw upon other c onventions and standards brought

in by Article 41 can only be helpful to the Parties. And they are grateful for this concession, which

seems to be in contradiction with other Urugua yan arguments. The concession means that there

can be no disagreement as to the application of treaty obligations such as the precautionary

principle, or the fact that many trea ties and other international instruments ⎯ including the EU

standards to which Uruguay seems to have rather formed attachment ⎯ recognize plants such as

these as being inherently dangerous.

15. Those are my points on the Statute. I will summarize on the obligations it imposes, and

the rights it creates. The projects that are the subj ect of this dispute are subject to the Statute’s

requirements. The projects are of a nature and scale that do engage the Article7 notification

obligation and the consequential requirements of Articles8 to 13. The scheme established by

ChapterII is far-reaching and goes beyond obligati ons under other international agreements or

general international law. Uruguay has provi ded no response to our submissions on the “no

construction” obligation set out in Article 9. Uruguay has not challenged our submissions as to the

special and important role that this Court has in the scheme set up in ChapterII. It is common

ground that the Statute creates procedural and subs tantive rights, including by reference to other

international agreements. Uruguay has not establish ed that any of the rights that I identified

yesterday as pertaining to Argentina did not exist in the Statute or could not be invoked in this case.

21
CR 2006/47, p. 28, para. 37 (Boyle). - 20 -

Uruguay’s arguments were, with great respect, thin on law and focused on fact.

ProfessorCondorelli’s claim that Uruguay has prima facie met its obligations under the
22
1975 Statute is, he would respectively say, still to get off the ground. By the time it does ⎯ if

indeed it does ⎯ we will not be in a position to reply. It should be clear, however, that the rights

that Argentina has invoked are very real, and that they are entitled to protection by this Court,

which has a special place in the Statute’s scheme. And that suspension is the best way to preserve

those rights.

16. Before concluding I wonder if I might be permitted to deal very briefly ⎯ en passant ⎯

with one aspect of Uruguay’s argument, on which we were not, to be honest, intending to respond.

Uruguay’s argument and a number of its counsel ma de a great deal of Uruguay’s apparently

astonishing environmental record, ranking it th ird in the Premiership League table of

environmental performance. The source was a table prepared by Yale University and Columbia

University’s Earth Institute. You were provided with the 2005 folder. Now in your folder you will

find the 2006 version. You will see that Uruguay does not feature at all. It does not make it into

the top 133 States around the world. Apparently this is not an accidental omission. How could it

have fallen so far that it has falle n out altogether? The answer is that the criteria have changed,

following criticism of the 2005 index’s methodology. The new version gives added weight to said

issues including issues of biodiversity. We understand that the reason for the fall may be

Uruguay’s forestation activities which are, incidentally, directly related to these projects. League

tables are inevitably dangerous things and we don’t make the point strongly. But perhaps

somewhere in this unimportant tale lies a nugget which might cause Uruguay to pause momentarily

for reflection on its approach to its factual claims, and perhaps also to the wisdom of the path that it

has adopted thus far in promoting these projects.

17. Madam President, Members of the Court, I thank you for your kind attention and now

invite you to ask Professor Marcelo Kohen to the bar.

The PRESIDENT: Thank you Professor Sands. I know call Professor Kohen.

22
CR 2006/47, p. 43, para. 28 (Condorelli). - 21 -

M. KOHEN :

II. La réalité des procédures suivies par les Parties

Madame le président, Messieurs les juges,

1. Dans ses exposés du premier tour, l’Uruguay a présenté une vision assez déformée des

faits. Je me propose dans cet exposé de les rétab lir tels qu’ils se sont véritablement déroulés au

sein de la CARU, ainsi que d’examiner ce que l’Uruguay a qualifié avec grande pompe comme

«l’accord bilatéral du 2 mars 2004 conclu par les ministres des affaires étrangères des deux pays».

2. Cela s’avère nécessaire dans la phase d’ indications de mesures c onservatoires, parce que

l’Uruguay prétend qu’il se serait acquitté prima facie de ses obligations découlant du statut et que

les droits argentins invoqués dans cette instan ce seraient inexistants. Ma tâche sera de vous

démontrer que c’est précisément le contraire qui s’est passé.

A. L’Uruguay n’a jamais permis à la CARU de remplir sa fonction qui découle de l’article 7

3. Concernant CMB, mon ami Luigi Condorel li a affirmé hier, citant l’affidavit de

23
MmePetrocelli, président de la délégation uruguayenne à la CARU , que «le projet a été

formellement porté à l’attention de la CARU …le 8 juillet 2002, lorsque les représentants de

24
l’usine ont fourni à la CARU les informations y relatives» . Deux remarques s’imposent :

a) Tout ce que l’on trouve comme preuve de cette affirmation c’est une lettre de CMB

du 24 août 2004 adressée au président de la CA RU qui dit que «comme vous vous souviendrez,

en juillet2002 nous avons visité votre siège da ns le but d’informer la commission que vous

25
présidez sur le projet d’installation d’une usine de cellulose en M’Bopicuá» . Curieuse

manière de «porter formellement à l’atten tion de la CARU» un projet en suivant les

prescriptions de l’article 7 du statut !

b) Laissons Mme Petrocelli (dans son exposé au Sénat uruguayen) répondre à MmePetrocelli

(dans son affidavit présenté par l’Uruguay vendre di dernier devant votre Cour): face à une

question de M. Lapaz sur le point de savoir si les usines ont préalablement demandé une

23Documents présentés par l’Uruguay le 2 juin 2006, vol. II, pièce 2, CARU.
24
CR 2006/47, p. 38, par. 16 (Condorelli).
25Documents présentés par l’Uruguay le 2 juin 2006, vol. II, pièce 2, CARU, annexe I. - 22 -

permission à la CARU, Mme Petrocelli affirme cl airement que, conformément à l’article7 du

statut «c’est l’Etat qui doit soulever la question». «C’est la partie ⎯ diplomatiquement

parlant ⎯ qui doit se présenter et dire qu’un tel ouvrage ⎯privé ou public ⎯ va se faire, et

26
l’annoncer à l’avance («con tiempo»)» .

4. Les choses donc sont claires: il n’y a pas eu de présentation «formelle» du tout. Il y a

plutôt une reconnaissance que l’Uruguay n’a pas re specté la première étape prévue l’article7 du

statut.

5. Luigi Condorelli mentionne que la CARU a demandé et reçu des informations

supplémentaires «importantes et détaillées concernant l’usine» 2. La réalité c’est que, ayant pris

informellement connaissance du projet CMB, la CARU a sollicité de l’information auprès du

ministère uruguayen du logement, de l’aménag ement du territoire et de l’environnement

(MVOTMA) le 17 octobre 2002 et qu’elle n’a pas reçu de réponse. La CARU a réitéré sa demande

le 21avril2003. Le 14 mai 2003, tout ce que la DINAMA a transmis à la CARU c’était

l’information qui était disponible sur son site Inte rnet. Ce que je viens de mentionner découle des

notes que le président de la CARU, M. Be lvisi (Uruguay), a adressées à son ministre 28.

Le 15 août 2003, le président de la CARU écrit enco re à son ministre pour lui signaler le besoin de

davantage d’information 2. Voilà pour ce qui est des «informations importantes et détaillées».

6. Luigi Condorelli cite ensuite une réunion publique à Fray Bentos dans laquelle l’Uruguay

aurait «divulgué officiellement l’information». Ce rtains délégués de la CARU étaient présents et

ont ensuite informé la CARU. Ceci n’est toujours pas ce que l’article 7 du statut exige.

7. Le professeur Condorelli affirme ensuite que «[l]e 10 octobre 2003, la CARU a approuvé

son plan pour le contrôle et l’étude de la c onstruction de l’usine». Aucune référence n’y est

mentionnée. Ceci est normal puisque la CARU n’ a jamais approuvé une chose pareille. L’acte de

cette réunion de la CARU affirme très clairement que «une fois que l’on disposera du matériel, que

nous attendons le plus rapidement possible de la DINAMA, les réunions techniques pertinentes

26
Exposé de Mme Petrocelli, poésidente de la délégation uruguayenne à la CARU (documentation présentée par
l’Argentine le 2 juin 2006, document n).
27CR 2006/47, p. 38, par. 16 (Condorelli)

28Notes SET-10413-UR du 17 octobre 2002, SET-10617-UR du 21 avril 2003 et note SET-10706-UR
du 15 août 2003 (documents présentés par l’Argentine le 6 juin 2006, documents n 5-7).

29Note SET-10706-UR du 15 août 2003 (document n 7). - 23 -

auront lieu afin de faire les analyses et évaluations correspondantes du projet, conformément à la

procédure prévue à l’article 7» . Clairement, on n’est toujours pas devant ce qu’exige l’article 7.

8. Luigi Condorelli affirme ensuite que «[l]e même jour, l’Uruguay a donné son autorisation

environnementale préalable pour l’usine et l’a notifiée au président de la délégation argentine à la

CARU…». Je constate plusieurs erreurs dans cette affirmation: primo, l’autorisation

environnementale préalable a été octroyée à CMB le9octobre2003 et non le 10. Ceci n’est pas

une simple «coquille». L’autorisation a été émise juste un jour avant la réunion de la CARU!

Secundo, il n’y a eu aucune notification au pr ésident de la délégation argentine. Tertio, non

seulement il n’y a eu aucune notification, ni à la CARU, ni à l’Argentine, mais ce fut mon pays qui

a dû convoquer une séance extraordinaire de la CARU une semaine plus tard, le 17 octobre2003,

pour discuter de cette grave question. Que dit le pr ésident de la CARU, qui était le président de la

délégation argentine à l’époque ? Qu’il a été su rpris quand il a appris par l’ambassade argentine à

Montevideo que le ministère uruguayen de l’envi ronnement avait autorisé l’établissement de CMB

sans saisir la CARU, en contradiction avec l’article 7 du statut. Et le président de la CARU de citer

explicitement l’article12, celui qui fonde votre compétence, «dans l’h ypothèse des divergences

d’opinions» et de dire clairement encore : «la ré solution du ministère de l’environnement aurait dû

31
être édictée après l’application du mécanisme prévu» .

9. Et que réplique à tout cela le président de la délégation uruguayenne ? Je cite: «en tant

que délégation nous ne sommes pas en état d’avancer ni de formuler d’autre genre de réflexion,

puisque nous n’avons pas tous les éléments, même pas ceux que nous pourrions transmettre comme

32
des antécédents au sein de la commission» . Le président de la délégation uruguayenne ajoute

qu’il ne connaît pas la résolution du ministère, que sa délégation croit que la résolution se réfère

seulement à un projet et que, je cite «[c]e projet n’est pas arrivé ici [la CARU]» 33. Il n’y a vraiment

rien à ajouter pour démontrer que l’Uruguay n’a p as respecté les prescriptions de l’article7 du

statut.

30
Documents présentés par l’Uruguay le 2 juin 2006, vol. II, pièce 2, CARU, annexe 4.
31
CAoU, Acta 11/03 extraordinaire du 17 octobre 2003 ( documents présentés par l’Argentine le 2juin2006,
document n 2).
32Ibid.

33Ibid. - 24 -

10. Dans ses exposés d’hier, l’Uruguay s’est essayé au même exercice périlleux pour

expliquer qu’il avait respecté ses obligations à l’égard du projet Orion. On nous raconte alors que

des représentants de la compagnie Botnia ont rencon tré la CARU et ont fourni de l’information,

que des membres de la CARU ont voyagé en Finl ande et en Espagne pour visiter des usines de

Botnia et d’ENCE, que la CARU «a organisé une réunion» avec les représentants de Botnia

le 19 octobre 2004 34. Tout ce que cela démontre c’est qu’il y a eu des contacts entre les

compagnies et la CARU. Rien de plus. On n’en est qu’aux préliminaires.

11. On est en réalité très loin du déclenchemen t même de l’article 7 du statut. Et même à ce

stade, qu’est-ce que la délégation argentine cont inue d’affirmer? «La délégation argentine a

35
souligné l’importance du mécani sme de consultation établi par le statut du fleuve Uruguay.»

Quelque chose qu’elle répétera encore et encore tout au long de cette histoire.

12. La réalité est claire. Luigi Condorelli l’a admis : «les autorisations relatives au début de

construction des usines ont été données par les autorités uruguayennes sans le consentement

36
préalable de l’Argentine» . Soyons pourtant plus précis : les autorisations ont été données par les

autorités uruguayennes sans saisir la CARU et sans suivre la procédure prévue au chapitreII,

comme Philippe Sands l’a expliqué.

13. Face à cette situation, il ne reste à l’Uruguay comme tactique que d’essayer de montrer

que les efforts argentins pour le faire revenir au respect du statut, dans l’esprit des rapports

fraternels entre les deux pays, constituerai ent une sorte d’acceptation des manquements

uruguayens. Nous démontrerons que cette interprétation des fa its est aussi erronée que la

précédente.

B. Le soi-disant «accord bilatéral du 2 mars 2004»

14. Nos amis de l’autre côté de la barre ont beaucoup insisté sur un prétendu «accord formel

37
bilatéral du 2 mars 2004» . Il s’agit ni plus ni moins que d’une consultation tenue à Buenos Aires

par les ministres Bielsa et Opertti, dans laquelle une fois de plus l’Argentine a manifesté sa bonne

34CR 2006/47, p. 39, par. 18 (Condorelli).
35
Documents présentés par l’Uruguay le 2 juin 2006, vol. II, pièce 2, CARU, annexe 10.
36CR 2006/47, p. 41, par. 21 (Condorelli).

37CR 2006/47, p. 39, par. 17 (Condorelli); CR 2006/47, p. 55, par. 42 (Reichler). - 25 -

volonté pour régler le différend sur la base du resp ect du statut de 1975. L’arrangement consistait

en ce que l’Uruguay transmettait l’ensemble de l’ information sur CMB à l’Argentine à travers la

CARU, et que celle-ci commencerait un projet de m onitoring de la qualité des eaux dans la région

38
envisagée pour la construction des usines .

15. De manière extravagante, l’Uruguay prét end que les ministres «ont conclu un accord

selon lequel l’usine pourra être construite comme prévu et l’Uruguay devra fournir à l’Argentine

les renseignements relatifs à sa c onstruction et à son fonctionnement» 39. L’Uruguay n’a présenté

40
aucun texte de ce prétendu «a ccord bilatéral du 2 mars 2004» . Mme Petrocelli, président de la

délégation uruguayenne, à la CARU reconnaît dans sa déclaration au Sénat uruguayen que, même

si «on en parle», elle n’a jamais vu ce «protocole» 41.

16. La réalité, Madame le président, c’est qu’ à aucun moment l’Argen tine n’a consenti à la

construction des deux usines. L’argument urugua yen défie d’ailleurs toute logique. Comment

pourrait-elle le faire avant de recevoir l’information requise et promise par l’Uruguay ?

17. L’Uruguay a persisté dans ses promesses, d’un côté, et dans ses actions concrètes de

violer le statut, de l’autre. Il n’a pas fourni l’information promise, mais a continué avec sa

politique du «fait accompli», octroyant de nouvelles autorisations de construction sans passer par le

mécanisme du statut.

18. Le comportement ultérieur de l’Argen tine offre également un démenti à la prétention

uruguayenne d’un supposé consentement à la construction des usines en dehors du régime du

statut. Pourquoi, si l’Argentine avait donné ce consen tement, a-t-elle continué à insister auprès de

l’Uruguay sur le respect de l’article 7 ?

C. La poursuite des travaux au sein de la CARU en 2004 et 2005

19. Nos contradicteurs croient trouver une au torisation à la construction de CMB dans la

réunion extraordinaire de la CARU du 15 mai 2004. Ri en ne permet d’étayer cette affirmation. La

38
Discours du ministre des affaires étrangères de l’Argentine, l’ambassadeur Jorge Taiana, devant la commission
des affaires étrangères de la Chambre des députés, 12 février 2006 (requête, annexe III, p. 7-8).
39CR 2006/47, p. 39, par. 17 (Condorelli).

40Ibid., p. 39, 41-42, par. 17, 21, 24 (Condorelli).

41Exposé de Mme Petrocelli, présiden t de la délégation uruguayenne à la CARU (documentation présentée par
l’Argentine le 2 juin 2006, document n, p. 4 du texte original en espagnol). - 26 -

réunion fut convoquée par l’Argentine, après avoir transmis elle-même à la CARU l’information

42
sur CMB reçue de l’Uruguay le 27 octobre 2003 . Dans sa lettre, le président de la délégation

argentine demande que l’information soit envoyée à la sous-commission de la qualité des eaux afin

d’évaluer dans quelle mesure les ouvrages projetés et leur mise en service peuvent affecter la

qualité des eaux du fleuve Uruguay. Ceci, «sans préjudice des considérations formulées en relation

avec l’article7 du statut du fleuve Uruguay par la délégation argentine da ns la réunion plénière

extraordinaire du 17 octobre 2003» 43.

20. Lors de cette réunion extraordinaire du 15 mai 2004 de la CARU, le président de la

délégation argentine a expliqué le sens de la c onvocation par son pays d’une séance extraordinaire,

«afin de demander que cet organe assume de mani ère urgente les responsabilités qui découlent du

statut en matière environnementale» et a cru nécess aire de rappeler la «grave préoccupation de [sa]

44
délégation à ce sujet [l’installation de CMB]» . Les positions argentines sont claires et elles n’ont

pas varié. Transmission de l’information nécessaire par l’Uruguay, discussion au sein de la CARU,

article7 du statut du fleuve Uruguay. On est toujours très loin d’une quelconque décision

favorable à la construction de CMB.

e
M21. Reichler prête de manière impropre à l’un des délégués argentins à la CARU,

M. Garin, l’affirmation selon laquelle l’usin e CMB ne produirait un dommage irréparable 4. Il n’a

pas mentionné que M.Garin affirme que cela découle «des différents rapports techniques» et que

quelques lignes plus tard il adhère aux exigences formulées par la province argentine d’Entre Rios

46
de davantage d’études . Comme nous le savons, l’information demeure insuffisante encore

aujourd’hui.

22. Nos amis uruguayens essaient de transformer le plan de monitoring de la qualité des eaux

dans la région envisagée pour la construction des us ines en une sorte d’autorisation de construire

les usines CMB et Orion. Rien de plus éloigné de la réalité. Etudier la qualité des eaux dans la

région dans laquelle l’une des parties envisage de construire des ouvrages ne signifie nullement

42Acte de la CARU n 1/04 du 15 mai 2004 (documents présentés par l’Argentine le 2 juin 2006, document n 4).

43Acte de la CARU n 1/04 du 15 mai 2004 (documents présentés par l’Argentine le 2 juin 2006, document n 4).

44Acte de la CARU n 1/04 du 15 mai 2004 (documents présentés par l’Argentine le 2 juin 2006, document n 4).
45
CR 2006/47, p. 54-55, par. 40 (Reichler).
46 o o
Acte de la CARU n 1/04 du 15 mai 2004 (documents présentés par l’Argentine le 2 juin 2006, document n 4). - 27 -

accepter automatiquement que l’ouvrage sera constr uit. Le contraire serait un raisonnement assez

curieux.

23. Fin 2004, l’Uruguay s’apprêtait à suivre la même politique du «fait accompli» avec le

projet Orion. Dans une lettre du secrétaire tec hnique en charge de la CARU à la DINAMA, la

CARU communique avoir pris connaissance des démarc hes de Botnia en vue de l’obtention d’une

47
autorisation de construction et demande de l’information . La suite de l’histoire est connue. A

nouveau, l’Uruguay n’a pas respecté le statut, octroyant l’autorisation de construire Orion le

14 février 2005.

24. Le 5 mai 2005, le jour même où les deux Etats décident de la création du GTAN, le

ministre des affaires étrangères argentin reme t à son nouvel homologue uruguayen une note dans

laquelle on parle de l’installation projetée de deux usines de cellulose dans la région de

Fray Bentos ⎯je souligne: «installation projetée» ; on est loin de l’acceptation d’un quelconque

«fait accompli», comme le prétend l’Uruguay. Le ministre argentin demande concrètement trois

choses :

a) que l’on envisage la relocalisation des usines;

b) que l’on élargisse l’information fournie; et

c) que l’on accepte le maintien du statu quo (medida de no innovar) durant cent quatre-vingt jours

afin de produire des études d’impact cumulé sur l’environnement 48.

25. Un jour plus tard, au sein de la CARU, le président de la délégation argentine réitère que

le mécanisme de consultation préalable (art. 7 et suiv.) prévu par le statut n’a pas été respecté, ni

pour CMB, ni pour Orion. Si la situation se poursu it, il affirme que l’Argentine se réserve le droit

49
de déclencher les procédures prévues par le statut pour le règlement des différends . Et quelle est

la réponse du président de la dé légation uruguayenne? Je cite: «Que les faits ont été comme

M.l’ambassadeur García Moritán, président de la délégation argentine, les a relatés.» Voilà une

47 o
Note SET-11037-UR (documents présentés par l’Argentine le 6 juin 2006, document n 10).
48
Note remise le 5 mai 2005 par le ministre des affaires étrangères de l’Ar gentine, M. Rafael Bielsa, au ministre
des affaires étrangères de l’Uruguay, M.Reinaldo Gargan o (documents présentés par l’Argentine le 2 juin 2006,
document n o5 et traduction remise le 6 juin 2003, document n .)

49 CARU, acte 05.05 du 6 mai 2005 (documents présentés par l’Argentine le 6 juin 2006, document n 16) - 28 -

autre reconnaissance claire par l’Uruguay qu’il n’a pas suivi le mécanisme du chapitreII du

statut .

26. Face à l’aggravation du différend, l’Argentine a sans cesse continué de réclamer au sein

de la CARU le respect des prescriptions du statut. Elle l’a fait par des notes diplomatiques ou dans

des réunions de la commission 51.

27. Ce récit des comportements des parties au sein de la CARU montre, d’une part, que

l’Uruguay est loin, très loin, d’avoir respecté les prescriptions du statut, et d’autre part, que le

comportement argentin a été constant ⎯ insistant même ⎯ dans la défense de ses droits

conventionnels relatifs aux ouvrages de l’envergure de ceux construits par l’Uruguay sur la rive

gauche du fleuve.

D. La déformation uruguayenne du sens d’autres documents argentins

28. Face à ses manquements évidents du statut , l’Uruguay semble une nouvelle fois essayer

de trouver son salut dans des déclarations argen tines liées aux efforts de mon pays pour parvenir à

un règlement négocié. M e Reichler va jusqu’à faire attribuer au président argentin l’affirmation

selon laquelle les usines ne présentent pas de risques d’un dommage irréparable au fleuve

52
Uruguay . Rien encore ne permet de soutenir une telle affirmation.

29. Les extraits du rapport 2004 du chef du ca binet argentin au Sénat, cités par nos

contradicteurs, n’apportent rien de nouveau non plus . La partie relative au ministère des affaires

étrangères se borne à répéter le contenu de l’arrangement conve nu entre les ministres Bielsa et

Opertti en mars2004. Celle du ministère de la san té et de l’environnement n’a été transcrite que

partiellement et partialement par l’Uruguay. L’ extrait se réfère exclusivement à l’information

reçue, et formule des considérations et des propositi ons en vue de la protection de la santé et de

53
l’environnement, y compris sur le type de technologie que l’on devrait employer . Quoi qu’il en

50Ibid.

51Cf. notes OCARU 107/2005 du 17 juin 2005, 109/2005 du 12 juillet 2005 et 129/2005 du 10 novembre 2005
(documents présentés par l’Argentine le 6 juin 2006, document n12-13 et 15); CARU, acte 09.05 du 14octobre2005
(requête, annexe XIV)

52CR 2006/47,p. 54, par. 39 (Reichler).

53Uruguay, dossier des juges, document n 9. - 29 -

soit, un tel document ne modifie pas la position cl aire et constante adoptée par l’Argentine devant

les instances compétentes, dans la relation bilatérale et au sein de la CARU.

30. De même, le Mémoire annuel sur l’état de la nation 2004 de la présidence argentine se

borne à constater qu’un accord bilatéral est in tervenu en 2004, «mettant fin au différend pour

l’installation d’une plante de cellulose en Fray Bentos» 54. Encore une fois, il s’agit de

l’arrangement Bielsa-Opertti, que j’ai déjà anal ysé, par lequel l’Uruguay s’engageait à fournir

l’information nécessaire à travers la CARU, et que celle-ci commencerait un monitoring des eaux

dans la région. On sait que l’Uruguay ne l’a pas respecté. Pour cette raison, malheureusement, le

différend n’a pas été réglé. Par ailleurs, le Mémoire annuel se réfère également à la «possible

55
installation des usines de cellulose» . «Possible», ce n’est pas une terminologie apte à indiquer

une quelconque acceptation. En effet, il s’agit tout simplement d’une éventualité. Il fallait suivre

la procédure du statut et déterminer si oui ou n on les usines pouvaient être construites. Cela n’a

pas été fait. Et ce n’est pas l’Argentine le respon sable de cet échec. Les événements qui ont suivi

mars2004 montrent toujours l’Argentine invoquant le respect des dispositions du statut à l’égard

des deux usines.

Madame le président, Messieurs les juges,

31. Les efforts uruguayens pour trouver des consentements argentins implicites à la

construction des usines dissimulent mal la convic tion intime de nos éminents contradicteurs que

l’Uruguay n’a pas respecté le statut de 1975. Ces efforts sont vains.

32. Mme le président, après ce rétablissement de la réalité des faits, il ne reste pas grande

chose du respect prima facie par l’Uruguay de ses obligations du statut de 1975. Quant au fumus

boni iuris argentin, que mon collègue et ami Luigi Condor elli trouvait plutôt fumeux, je dirai qu’il

ressort plutôt confirmé ⎯ et bien confirmé ⎯ de l’examen des faits présentés de part et d’autre.

Je vous remercie, Madame le président, et vous prie de donner la parole à M. l’ambassadeur

Raúl Estrada Oyuela.

54 o
Uruguay, dossier des juges, document n 10.
55Ibid. - 30 -

The PRESIDENT: Thank you, Professor Kohen. I now give the floor to Ambassador

Estrada Oyuela.

Mr. ESTRADA OYUELA: Madam President, Members of the Court, I am speaking as

counsel for Argentina, although I happen to have been the head of the de legation of Argentina to

the binational Technical Group. I will address that process as well as the status of the

environmental impact analysis presently under way in the International Finance Corporation.

PresidentTabaréVazquez paid his first St ate visit to Argentina in early May2005 and

agreed with President Kirchner to create a bina tional technical group, known as GTAN, as a forum

for direct negotiation on the controversy related to the interpretation and implementation of the

RiverUruguay Statute. Establishment of the GTAN was formalized through a joint communiqué

of both Foreign Ministries. Venue and date for the first meeting held in Montevideo on 3 August

2005 were agreed personally by Ministers Gargano and Bielsa.

In that first meeting both delegations exchanged viewpoints about the RiverUruguay

ecosystem, and agreed in the purpose of “preservi ng the environment in the referred ecosystem at

56
the highest contemporary standard” .

GTAN held 12 meetings in the next six months . It was unable to reach a common report.

The main difficulty was the inability on the Urug uayan part to provide the information that

Argentina was requesting. In the affidavit prod uced by the head of the delegation of Uruguay

(Pulp Mills on the River Uruguay , Observations of Uruguay, Vol. 2, Exhibit 3), he recognizes that

information requested by Argentina was not availa ble, and was asked to the proponents “which

were responding based on the degree of advancement of their respective projects”. That

explanation was not, and is not t oday, convincing, since consultant engineering companies provide

57
that information to their clients befo re they need to decide on the project , and by that time

construction was under way, as well as the procurement of parts and components 58.

The GTAN meetings began with Argentina asking for the analysis done by Uruguay on the

location approved for the plants and the proximity among them. The answer was, and still is, that

5GTAN, First Meeting, Joint Communiqué, Montevideo, 3 August 2005.
57
Know-how wire, Jaakko Poyry Magazine, January 2006.
5ANDRITZ, press release, 18 May 2005. - 31 -

the matter was decided by the previous administra tion and it was not subject to consideration or

explanation of any kind. Similarly, there was no explanation on the criteria for the approval of the

technology adopted by both proponents.

GTAN was a forum for direct negotiations, not a substitute for CARU. On the contrary

while GTAN was working, CARU incorporat ed the new delegation of Uruguay and in

September 2005, the question related with the authorization granted by the Government of Uruguay

for the construction of a port to be used by Ori on was the cause of a new point in the controversy.

Notably, the port was unilaterally authorized in an area where both the Orion environmental impact

study and DINAMA ( Pulp Mills on the River Uruguay , Observations of Uruguay, Vol.1,

Exhibit 1, Ann. DINAMA 10 ), had pointed out concerns about fish populations.

After 180 days negotiating, it became clear that the exercise was useless and the Government

of Uruguay was consolidating a “fait accompli”. Argentina never obtained information on the

design criteria. Some but not all data was pr ovided on the mass balance, on the consumption of

chemical products, delignification and bleaching. No information was given on liquid and gas

effluents treatment, construction chronogram, contingency plans, environmental management plan,

a start-up process and solid waste disposal, inter alia. In addition, the delegation of Uruguay

refused considering suspension of the construction works.

These matters were and are of serious concern because the authorization granted by the

Government of Uruguay allows the installation of ve ry large pulp plants in a grossly inadequate

location from both socio-economic and environmen tal standpoints. Orion and M’Bopicua would

be the largest complex in a boundary river in the w hole world. None of the mills owned by Botnia

in Finland equals the one already under construction in Uruguay. Orion is projected to produce one

million tons per year. Botnia’s biggest pulp mill in Finland in 2005 produced 50percent of that

quantity. The total Botnia production in Finland in 2005 was only twice the expected volume of

the Orion project.

The Uruguayan environmental authority, DINAMA, has pointed out lack of information,

59
contradictions, and unsatisfactory answers in the Botnia Environment Impact Study . Simply

59
DINAMA, 11 February 2005, p. 19. - 32 -

stating that best available techniques, BATs, w ill be used, does not answer the questions on the

serious and irreparable damage. The proponent s and the Government of Uruguay permanently

refer to the European Union BAT . References to BAT were published in 2001 with information

obtained in 1999 and 2000. BAT references are no t univocal; they offer a range of possibilities

and selection of the right option has to be done in accordance with the circ umstances of the local

environment. There is no indicati on of the existence of such analys is in this case. In the seven

years that have elapsed since the BATs were firs t compiled, research and development in the pulp

production area have achieved progress.

One main concern of the Argentinian dele gation during the GTAN negotiations were the

high levels of toxic substances authorized in liq uid effluents, measured by their capacity to

consume oxygen dissolved in water. Those high le vels were presented as annual mean levels, and

that implies that daily or monthly levels could be up to three times higher. The River Uruguay has

more than 150 fish species, and at least two of them endangered, according to the International

Union for Conservation of Nature. Downstream from Fray Bentos, fish population density is

exceptionally high, between 25 kg and 175 kg per hect are. Densities are higher during spring and

summer when large schools of migratory fish fro m the Paraná River, mainly sábalo and boga,

gather at the feeding grounds below the projected pulp sites.

Another concern of the Government of Arge ntina was and is the environmental impact

studies presented by both proponents. Those studi es report that gas emissions will include NOx,

SO 2 , particulate matter (PM) and odorous total reduc ed sulphur (total reduced sulphur) However,

they omit volatile organic compounds (VOC) which have been recognized in the DINAMA report.

Information on this matter again is insufficient and mathematical modelling on the gas dispersion is

inadequate because it does not take into consider ation recommendations made by the Environment

Protection Agency of the United States to use that model. These emissions are related also to the

dioxins and furans described earlier by Professor Sands.

The GTAN process was developed in parallel with the examination of the proposals at the

International Finance Corporation. In July 2005, the Argentine Government stated to the

International Finance Corporation its concern for the possible financing of Orion and M’Bopicua,

60
European Commission, Integrated Pollution Prevention and Control (IPPC), “Best Available Techniques”. - 33 -

lacking adequate environmental impact assessments . Later, different steps were taken on that

evaluation which have not yet been concluded. First the IFC commissioned a Cumulative Impact

Study, CIS, on the two projects. A draft report was published in December 2005 and after

comments presented by the Argentine Government and stakeholders, the IFC hired a consultant

firm, Hatfield, to evaluate those comments. Th e Hatfield report was produced at the end of

March 2006 ⎯ a report which requires additional information, mainly about the same topics that

Argentina was asking [about] in the GTAN, incl uding the need to analyse the decisions on

localization of the plants. The response to those questions is expected to be available in three

months. Meanwhile, there is no IFC definitive op inion on the environmental impact of those

projects.

Madam President, I thank you and the Members of the Court for your kind attention and ask

you to invite Professor Pellet to the Bar.

The PRESIDENT: Thank you, Your Excellency. I call Professor Pellet.

M. PELLET :

III.L ES MESURES CONSERVATOIRES

1. Thank you very much. Madame le président, Messieurs les juges, il m’incombe de revenir

sur les conditions mises par votre Statut, et plus encore par votre jurisprudence, au prononcé de

mesures conservatoires, conditions dont nos co ntradicteurs, et singulièrement le professeur

LuigiCondorelli et M.Reichler, ont contesté avec véhémence qu’elles soient remplies dans notre

affaire.

2. J’avais, hier matin, cru pouvoir, benoîtement, tenir pour acquis qu’elles sont au nombre de

trois : compétence prima facie, risque de dommage irréparable aux droits en litige et urgence 61.

Avec une très grande science latinisante, mon ami, Lu igiCondorelli, que je suis toujours heureux

de retrouver, même de l’autre côté de la barre, les a énoncées diffé remment: nous sommes

d’accord sur la compétence prima facie (sans doute parce que c’est du latin!) mais, selon lui, les

deux autres conditions seraient :

61
CR 2006/46, p. 32, par. 2. - 34 -

⎯ le fumus boni juris; et

⎯ le periculum in mora.

3. Va pour la langue de Cicéron, si on la pr éfère à celle de Baudelaire et Georges Scelle,

même si ce n’est pas l’une des langues o fficielles de la Cour. Je m’incline: roma locuta, causa

finita. Trois points donc :

1) curia prima facie jurisdictionem habet;

2) fumus boni juris;

3) periculumque in mora sunt.

I. La compétence prima facie de la Cour

4. Nous sommes d’accord sur ce point: la Cour doit avoir compétence, au moins prima

facie. Et nous sommes même d’accord sur le fait qu’elle l’a en l’espèce, sur le fondement de

l’article60 du statut de1975 6. Mais, après l’avoir concédé, mon contradicteur fait machine

arrière; s’agissant en effet de certaines prétentions de l’Argentine, «le défaut de compétence de la

Cour [serait] manifeste» 63 car, c’est toujours mon contradicteur qui parle, «tout différend relatif à

des prétentions ne se fondant pas sur le statut échappe à la sphère d’application de la clause

compromissoire» 64 ⎯ nous n’avons pas de problème avec cela.

5. Là s’arrêtent, malheureusement, nos poi nts d’accord. Car le professeur Condorelli nous

fait dire beaucoup moins que nous ne disons en ce qui concer ne les obligations violées par

l’Uruguay : selon lui, l’Argentine ne se plaindrait que de la violation de l’article 7 du statut. Elle

s’en plaint, assurément ⎯et, avec elle, de toute la procédure prévue au chapitreII ⎯ mes

collègues et amis Marcelo Kohen et Philippe Sands y sont revenus. Mais , comme l’a expliqué ce

dernier, ce n’est pas la fin de la question : la construction des usines litigieuses viole aussi d’autres

obligations, substantielles, du statut ⎯ et cela est très apparent dans la requête elle-même ⎯ alors

même que, conformément aux dispos itions de l’article38 du Règlemen t de la Cour, la requête ne

doit indiquer qu’«autant que possible les moyens de droit sur lesquels le demandeur entend fonder

la compétence de la Cour» et ne contient qu’un «exposé succinct des … moyens sur lesquels cette

62CR 2006/47, p. 33, par. 4-5 (Condorelli).
63
Ibid., p. 33, par. 5.
64Ibid., p. 34, par. 6. - 35 -

demande repose» (cf. Cameroun septentrional (Cameroun c. Royaume-Uni) , exceptions

préliminaires, arrêt, C.I.J. Recueil 1963, p.28; Actions armées frontalières et transfrontalières

(Nicaragua c. Honduras), compétence et recevabilité, arrêt, C.I.J.Recueil1988 , p. 92, par.52 ou

Frontière terrestre et maritime en tre le Cameroun et le Nigéria , exceptions préliminaires ,

C.I.J. Recueil 1998, par.98-101; Mandat d’arrêt du 11avril 2000 , mesures conservatoires,

C.I.J. Recueil 2000, p.199, par.63; Demande en interprétation de l’arrêt du 11juin1998 en

l’affaire de la Frontière terrestre et maritime entr e le Cameroun et le Nigéria (Cameroun

c.Nigéria), exceptions préliminaires (Nigéria c. Cameroun) , arrêt, C.I.J. Recueil 1999, p.38,

par. 15).

6. Or il suffit de se référer à la sectionV de la requête argentin e du 4mai2006, sur la

«Décision demandée» pour constater que la Cour est priée

«de dire et juger…que l’Uruguay a manqué» ⎯et manqué d’une manière
générale ⎯ «aux obligations lui incombant en vertu du Statut de 1975 et des autres
règles de droit international auxquelles ce Statut renvoie, y compris mais pas

exclusivement :

a) l’obligation de prendre toute mesure nécessaire à l’utilisation rationnelle et
optimale du fleuve Uruguay».

Quant à la sectionIV, sur «Les moyens de droit invoqués par l’Argentine», elle inclut non

seulement les violations des obligations de procé dure prévues par le chapitre II du statut de 1975,

mais aussi l’ensemble des atteintes à l’environnement, «l’obligation de ne pas frustrer l’utilisation

du fleuve à des fins licites» et les «autres oblig ations découlant du droit international général,

conventionnel et coutumier, tant procédurales que de fond , nécessaires à l’application du statut

65
de 1975» .

7. L’Uruguay ne s’y est d’ailleurs pas trompé puisqu’un autre de ses conseils, M. Reichler, a

prétendu, au contraire, avoir été surpris d’appr endre lors des plaidoiries orales, que l’Argentine

invoquait aussi des droits procéduraux 66. A vrai dire, MM. Condorelli et Reichler, ⎯ qui devraient

peut-être «accorder leurs violons», ont tous de ux en partie raison: l’Argentine reproche à

l’Uruguay d’avoir violé et la procédure envisagée au chapitreII du statutde1975 et les droits

substantiels que les deux Etats se reconnaissent mutuellement et qui sont «nécessaires à l’utilisation

65
Requête; les italiques sont de nous.
66
CR 2006/47, p. 45, par. 10. - 36 -

rationnelle et optimale du fleuve Urugua y, dans le strict respect des droits et obligations découlant

des traités et autres engagements internationaux en vigueur à l’égard de l’une ou l’autre des

67
parties» ⎯ et à fortiori de l’une et de l’autre.

8. Ces droits, je l’ai indiqué hier 68, découlent outre de l’article premier et des articles 7 à 13

(qui concernent la procédure que l’Uruguay aurait dû suivre impérativement en l’espèce) :

⎯ de l’article 27 (sur l’utilisation des eaux du fleuve à des fins notamment industrielles);

⎯ des articles 35 à 37 (sur la gestion du sol et des forêts, l’équilibre écologique ⎯ du fleuve et de

ses «zones d’influence», et la conservation et la préservation des ressources biologiques); et

⎯ des articles 40 à 43 (sur la pollution).

En outre, non seulement l’articlepremier, mais aussi l’article 41 a) font obligation aux parties de

«protéger et…préserver le milieu aquatique …conformément aux accords internationaux

applicables».

9. Nous sommes loin, Madame le président, de la seule invocation d’une violation de

l’article 7 du statut de 1975. Et il est tout à fait évident que les préjudices transfrontaliers, dont il

69
est fait état dans la demande en indication de mesures conservatoires , mais aussi dans la requête

elle-même 70qui, je l’ai dit, ne se borne pas à l’invocation de dommages causés directement à

l’environnement mais invoque aussi la responsabilité internationale de l’Uruguay pour l’ensemble

de ses violations du statut de1975 ⎯et cette responsabilité, nous venons de le voir, ne se limite

nullement à protéger les parties contre les domma ges «découlant de l’altération de la qualité des

eaux du fleuve», comme le prétend le professeur C ondorelli, mais protège le s parties contre les

nuisances de toute nature résultant de l’utilisa tion du fleuve, y compris celles qui sont la

conséquence de la construction d’ouvrages susceptib les de «causer un préjudice sensible à l’autre

partie» soit au fleuve lui-même, soit à ses zones d’influence.

10. Nous savons gré à notre contradicteur d’avoir concédé que, bien entendu, l’Uruguay

demeurait responsable des violations du droit international qu’il a commises indépendamment du

67Article premier du statut de 1975.
68
CR 2006/46, p. 60, par. 12.
69Demande en indication de mesures conservatoires, par. 6; voir CR 2006/47, p. 35-36, par. 11 (Condorelli).

70Voir le paragraphe 24 f). - 37 -

statut , ceci ne saurait constituer un moyen (trop) commode pour échapper à ses obligations en

vertu du statut dont la Cour de céans a pleinement compétence pour connaître et pour connaître

dans leur intégralité. La haute juridi ction est donc non seulement compétente prima facie, mais,

comme je l’ai montré hier, elle est compétente «tout court» pour se prononcer sur l’ensemble des

demandes figurant dans la requête de la République argentine et également, sur les mesures

conservatoires que l’Argentine a prié la Cour de bien vouloir indiquer ⎯ mesures qui, seules, sont

susceptibles de «sauvegarder les droits de chacune des parties en attendant [la] décision» de la

Cour (Compétence en matière de pêcheries (Royaume-U ni c. Islande), mesures conservatoires,

ordonnance du 17 août 1972, C.I.J. Recueil 1972, p. 16, par. 21, et p. 34, par. 22; Essais nucléaires

(Nouvelle-Zélande c F.rance), mesures cons ervatoires, ordonnance du 2j2 uin973,

C.I.J. Recueil 1973, p. 103, par. 20, et p. 139, par. 21; Plateau continental de la mer Egée (Grèce c.

Turquie), mesures conservatoires, ordonnance du 11septembre1976, C.I.J. Recueil 1976, p.9,

par. 25; Personnel diplomatique et consulaire des Etats- Unis à Téhéran (Etats-Unis d’Amérique c.

Iran), mesures conservatoires, ordonnance du 15décembre1979, C.I.J. Recueil 1979, p.19,

par. 36; Différend frontalier (Burkina Faso/Répub lique du Mali), mesures conservatoires,

ordonnance du 10janvier1986, C.I.J. Recueil 1979, p. 8, par.13; Application de la convention

pour la prévention et la répression du crime de génocide, mesures conservatoires, ordonnance du

8 avril 1993, C.I.J. Recueil 1993, p. 19, par. 34; Frontière terrestre et maritime entre le Cameroun

et le Nigéria (Cameroun c. Nigéria), m esures conservatoires, ordonnance du 15mars1996,

C.I.J. Recueil 1996, p.21-22, par.35; Convention de Vienne sur les relations consulaires

(Paraguay c. Etats-Unis d’Amérique), mesu res conservatoires, ordonnance du 9 avril 1998,

C.I.J. Recueil 1998 , p. 257, par. 35; LaGrand (Allemagne c. Etats-Unis d’Amérique), mesures

conservatoires, ordonnance du 13 mars 1999, C.I.J. Recueil 1999, p.15, par. 22; Mandat d’arrêt

du 11avril2000 (République démocratique du Congo c. Belgique), mesures conservatoires,

ordonnance du 8 décembre 2000, C.I.J. Recueil 2000, p. 201, par. 69 ou Avena et autres

ressortissants mexicains (Mexique c. Etats-Unis d’Amérique), mesures conservatoires, ordonnance

du 5 février 2003, C.I.J. Recueil 2003, p. 89, par. 49).

71
CR 2006/47, p. 36-37, par. 12-13. - 38 -

II.L E FUMUS BONI JURIS

11. J’en viens maintenant, Madame le président, au fumus boni juris ⎯c’est-à-dire (et je

suis reconnaissant à Luigi Condorelli de nous a voir donné la traduction !) à la prétention de

l’Uruguay selon laquelle «la Cour ne peut acco rder des mesures provisoires pour préserver des

droits au cas où les prétendus droits invoqués r ésulteraient… à première vue [d’]un fondement

72
juridique insuffisant» . Je serai bref sur ce point ⎯ pour deux raisons :

⎯ d’une part, toute la démonstration de mon aima ble contradicteur vise exclusivement à établir

que «l’Uruguay s’est acquitté de bonne foi des obligations que lui imposent les articles 7 et

73 74
suivants du statut» , ce que nous avions réfuté d’avance lors du premier tour de plaidoiries et

le professeur Kohen et l’ambassadeur Estrada vi ennent à nouveau de m ontrer à quel point le

tableau idyllique que dresse l’Uruguay de son propre comportement est trompeur;

⎯ d’autre part, j’ai moi-même hier montré que, même en se fondant sur le test particulièrement

exigeant qu’elle a mis en Œuvre dans l’affaire des Plates-formes pétrolières, au stade non pas

des mesures conservatoires, mais de l’ examen des exceptions préliminaires ( arrêt,

C.I.J. Recueil 1998, par. 16), où là on ne parle plus de compétence prima facie mais de

compétence tout court, la Cour ne pouvait que constater que les violations alléguées entrent

75
bien «dans les prévisions» du statut de 1975 sur lequel la compétence de la Cour est fondée ;

et Philippe Sands y est de nouveau revenu tout à l’heure.

12. Ceci étant, à ma connaissance, cette cond ition à l’indication de mesures conservatoires

n’a jamais été énoncée par la Cour, du moins sous la forme très cartésienne que lui a donnée

LuigiCondorelli. Mais j’admettrais volontiers que l’idée sous-jacente (qui rejoint celle de

compétence prima facie ) relève du simple bon sens ⎯et le bon sens n’est pas forcément

incompatible avec le droit… ⎯j’admets donc que, si les demand es articulées dans la requête de

l’Argentine apparaissaient d’emblée, comme futiles et totalement inconsistantes, la Cour pourrait,

en effet, écarter par voie de conséquence sa demande en indication de mesures conservatoires. Et

c’est, au fond, ce qu’a dit haute juridiction dans l’affaire du Grand-Belt lorsque, pour écarter une

72CR 2006/47, p. 32, par. 2.
73
Ibid., p. 32, par. 15.
74
CR 2006/46, p. 30, par. 8, p. 32, par. 15, p. 35, par. 19 (Sands), p. 40-41, par. 8 (Kohen).
75Ibid., p. 56-57, par. 5-8. - 39 -

prétention du Danemark selon laquelle «le bien-fondé de la thèse finlandaise n’est pas même établi

prima facie » ( Passage par le Grand-Belt (Finlande c.Danemark), mesures conservatoires,

ordonnance du 29 juillet 1991, C.I.J.Recueil1991 , p. 17, par. 21), la Cour a répliqué, assez

sèchement d’ailleurs, que le différend qui opposait les Parties avait trait à la nature et à l’étendue

d’un droit appartenant indiscutablement à la Fi nlande, «un tel droit… est susceptible d’être

sauvegardé par l’indication de mesures conservatoires en vertu de l’article 41 du Statut si la Cour

estime que les circonstances l’exigent» ( ibid., par. 22. Voir aussi, Licéité de l’emploi de la force

(Yougoslavie c. Belgique), mesures conservatoires, or donnance duju 2in999,

C.I.J. Recueil 1999, p. 138, par. 40-41; voir aussi les autres ordonnances du même jour).

13. Il me semble d’ailleurs, Madame et Messieurs les juges, que vous pourrez vous montrer

tout aussi catégoriques dans la présente espèce : les droits dont l’Argentine recherche la protection

par les mesures conservatoires qu’elle a prié la C our de bien vouloir indiquer lui appartiennent à

l’évidence en vertu du statut (d’ailleurs, s’agissan t de ceux fondés sur les articles 7 et suivants

⎯ seuls discutés à cet égard par le professeur Condorelli ⎯ lui-même ne conteste pas qu’il en soit

ainsi). Au surplus, il n’est pas série ux de prétendre qu’«il apparaît déjà prima facie que l’Uruguay

s’est acquitté de ses obligations internationales te lles que prévues par le statut et par les accords

76
bilatéraux postérieurs relatifs à son application» . Je ne vais pas répéter maintenant ce qu’ont fort

bien dit, avant moi, l’ambassadeur Estrada et le professeur Kohen: il en ressort, avec la clarté de

l’évidence, que tel n’est tout simplement pas le cas.

14. Pour me résumer à ce stade, Madame le président :

1) lacompétence prima facie de la Cour ne fait aucun doute;

2) elle s’étend à l’ensemble des droits que la République argentine tient du statut de 1975;

3) ces droits comprennent ⎯ mais ne sont pas limités à ⎯ ceux que lui reconnaissent les articles 7

et suivants, c’est-à-dire le droit d’être dûment consultée sur la base d’une information complète,

concernant notamment tout préjudice susceptible d’être causé au fleuve Uruguay et à ses zones

d’influence par les usines litigieuses, et ceci avant le début de la construction; et

76
CR 2006/47, p. 43, par. 28 (Condorelli). - 40 -

4) bien que la Cour n’ait pas, à ce stade, à se prononcer sur le fond du litige, il existe, pour le

moins, des doutes sérieux sur le respect par la Partie uruguayenne des obligations lui

incombant.

III. LE PERICULUM IN MORA

15. Reste à savoir, Madame le président, s’il y a «péril en la demeure» (periculum in mora).

C’est-à-dire, plus simplement peut-être, si des mesures d’urgence doivent être indiquées par la

Cour pour éviter que les droits que l’Argentine tient du statut de 19 75 subissent un préjudice

irréparable. Ce sont, en effet, ces deux noti ons (l’urgence d’une part, le préjudice irréparable

d’autre part) que semblent recouvrir la troisième condition énoncée par Luigi Condorelli ⎯ et dont

a principalement parlé M. Reichler. J’en traiterai brièvement et séparément sans répéter ce que j’ai

dit hier ⎯ que l’Argentine maintient bien sûr intégralement.

A. L’urgence

16. Notre adversaire se place successivement sur deux terrains : il examine d’abord les effets

de la construction des usines 77, puis ceux de leur mise en service .78

17. Sur le premier point, M. Reichler se borne à affirmer d’une part que la requête n’invoque

pas expressément les dommages que causent cette ⎯ ou plutôt ⎯ ces constructions; d’autre part

que, de toute manière, elle n’a entraîné aucune atteinte à la qualité de l’eau.

18. Point n’est besoin de trop s’attarder :

1) il est normal que la requête ne se soit pas att achée aux effets néfastes de la construction des

usines puisque l’objet de la demande en indication de mesures conservatoires formulée le même

jour est précisément d’obtenir la suspension de cel les-ci; et qu’au demeurant, j’y reviendrai, les

usines seront construites lorsque vous rendrez votre arrêt sur la base de la requête;

2) l’Argentine ne prétend en effet pas que la seule construction porte atteinte à la qualité de l’eau

elle-même; mais ces projets, qui sont, sans aucun doute, «suffisamment importants pour affecter

la navigation» peut-être, «le régime du fleuve et la qualité de ses eaux» sûrement, peuvent

«causer un préjudice sensible» à l’Argentine;

77
CR 2006/47, p. 45-46, par. 12-13.
78Ibid., p. 46-53, par. 15-34. - 41 -

79
3) comme Marcelo Kohen l’a montré hier , la seule construction des usines cause d’ores et déjà à

l’Argentine un tel préjudice (dont le texte de l’article 7 ne dit nullement qu’il ne concerne que la

qualité des eaux du fleuve mais qui doit, au cont raire, être apprécié eu égard à l’ensemble des

80
dispositions du statut de 1975 que j’ai mentionnées tout à l’heure );

81
4) il est assez curieux de prétendre que, «[h]ere again, the Great Belt case is instructive» ou, s’il

l’est, c’est a contrario : dans l’ordonnance de 1991, la Cour admet que des préjudices

économiques dus à la menace pesant sur les droits du demandeur sont susceptibles de justifier

l’indication de mesures conservatoires mais que , dans cette espèce, ces préjudices n’étaient pas

établis; ils le sont au contraire dans notre affaire 82;

5) et enfin, il est tout aussi curieux de consid érer que votre ordonnance en indication de mesures

conservatoires n’améliorera pas la situation dont la rive argentine du fleuve est aujourd’hui

victime 83; de deux choses l’une en effet: ou bien votre arrêt au fond donnera raison à

l’Argentine et, dans ce cas, les usines en litige ne seront pas construites (en tout cas pas dans

leur configuration actuelle) ou elles seront détruites; ou bien, ce que nous ne pensons pas, dans

l’exercice des fonctions que l’article 12 du statut de 1975 confie à la Cour, celle-ci rejettera la

requête mais après avoir constaté que les craintes de l’Etat requérant n’étaient pas fondées ⎯ et

elle aurait abouti à cette conclusion à la suite d’une évaluation approfondie fondée sur une

information complète; dès lors, quelle que soit l’issue finale, tous apaisements seront donnés à

la population locale et aux investisseurs et, grâce à l’ordonnance de la Cour en indication de

mesures conservatoires, le tourisme et les activités économiques pourront reprendre dès

maintenant beaucoup plus sereinement.

19. Pour ce qui est de la mise en service des usines, M. Reichler, avance deux propositions :

⎯ d’une part, celle-ci ne serait pas imminente 84;

79
CR 2006/46, p. 39-48; voir aussi, p. 64, par. 20 (Pellet).
80
Supra, par. 8.
81
CR 2006/47, p. 52, par. 31 (Reichler).
82Voir 2006/46, p. 44, par. 20 (Kohen).

83Cf. CR 2006/47, p. 52, par. 32 (Reichler).
84
CR 2006/47, p. 46-48, par. 15-17. - 42 -

⎯ d’autre part, un simple risque de dommages, fû t-il sérieux, serait exclusif de la notion même

d’urgence .85

20. M.Reichler a une conception singulièrement restreinte de l’«imminence». Confirmant

ce que j’avais indiqué hier matin 8, il admet que les usines seront mises en service respectivement

87
en août 2007 pour Orion et en juin 2008 pour CMB . C’est évidemment «imminent» ⎯ en tout

cas à l’aune du temps judiciaire : quoi qu’il arrive, même si et les Parties et la Cour font preuve de

toute la diligence requise, on ne voit guère comment , compte tenu notamment de l’encombrement

relatif du rôle de la haute juridiction, une déci sion sur le fond pourrait intervenir avant août 2007.

Dès lors, il est clair et indiscutable que, contrairement à ce qu’affirme imperturbablement mon

88
contradicteur , le précédent du Grand-Belt n’est de nouveau, pas transposable, sinon a contrario, à

la présente espèce :

⎯ dans cette affaire du Grand-Belt, la Cour a d’abord constaté (ce que M.Reichler ignore

superbement) que le Danemark avait donné «des assurances…selon lesquelles aucune

obstruction matérielle» portant atteinte aux droits revendiqués par la Finlande ne se produirait

avant la date à laquelle «la procédure sur le f ond» dans cette affaire devait «normalement être

menée à son terme»; et c’est parce que la Cour a été «d’avis qu’il n’a[vait] pas été établi que

les travaux de constructi on porter[aie]nt atteinte pendente lite au droit revendiqué» ( Passage

par le Grand-Belt (Finlande cD . anema rk), mesures conservatoires, ordonnance du

29 juillet 1991, C.I.J. Recueil 1991, p.18, par. 27), qu’elle refuse d’indiquer les mesures

indiquées tout en mettant en garde les deux Parti es au sujet des risques encourus par elles (par

l’une ou par l’autre) selon le sens de sa décision future (ibid., p. 19-20, par. 30-34);

⎯ au contraire, dans notre affaire, le préjudi ce allégué se produira, inévitablement, avant le

prononcé de l’arrêt au fond: il tient, je l’ai dit, à la construction e lle-même mais, de toute

manière, la mise en service des usines interviendra bien avant l’arrêt de la Cour.

85Ibid., p. 48-53, par. 18-33.
86
CR 2006/46, p. 69, par. 29.
87CR 2006/47, p. 46, par. 15.

88Ibid., p. 50-51, par. 25-28. - 43 -

21. Madame le président, par un procédé qu’il m’excusera de trouver discutable, M. Reichler

fait grand cas de la plaidoirie que j’avais prononc ée au nom de la République française en 2003

dans l’affaire relative à Certaines procédures pénales . Sans me lancer dans des considérations

philosophiques sur le métier de conseil, je me bornerai à deux remarques :

⎯ en premier lieu, il est certainement exact que la Cour a dit, à plusieurs reprises, que «la simple

possibilité d’une … atteinte à des droits en litige … ne suffit pas à justifier l’exercice du

pouvoir exceptionnel d’indiquer des mesures conservatoires que la Cour tient de l’article 41 du

Statut» ( Plateau continental de la mer Egée, mesures conservatoires, ordonnance du

11 septembre 1976, C.I.J. Recueil 1976,p. 11, par. 32; voir Interhandel, mesures

conservatoires, ordonnance du 24 octobre 1957, C.I.J. Recueil 1957, p. 112 ou Passage par le

Grand-Belt (Finlande c.Danemark) , mesures conservatoires, or donnance du 29 juillet 1991 ,

C.I.J. Recueil 1991, p. 18, par. 27); mais;

90
⎯ en second lieu, la Cour, comme je l’ai rappelé hier , s’est aussi fréquemment interrogée sur la

question de savoir si, dans une affaire donnée, il existait un risque sérieux de préjudice

irréparable (voir la jurisprudence citée, ibid.) et, dans l’affaire relative à Certaines procédures

pénales engagées en France (République du Congo c.France) , vous avez constaté que le

Congo n’avait «pas démontré qu’il est probable, voire seulement possi ble» que les mesures

dont se plaignaient cet Etat «causent un préj udice quelconque aux droits» dont il se prévalait

(Certaines procédures pénales engagées en France (République du Congo c. France), mesures

conservatoires, ordonnance du 17 juin 2003, C.I.J. Recueil 2003, p. 111, par. 38), et vous avez

91
en outre, comme l’agent de la France vous y invitait , constaté qu’il n’existait «aucun risque

[le mot y est bien, à nouveau] de préjudice irré parable justifiant l’indication d’urgence de

mesures conservatoires» (ibid., p. 110, par. 35).

22. Qu’en déduire, Madame le président ? Que la Cour se contredit ⎯ et moi avec elle ? Ou

plutôt que M.Reichler a une vision peut-être un peu trop…simple ⎯ pour dire les choses

poliment ⎯ des choses ? J’ai la faiblesse de penser que tel est le cas et que la haute juridiction se

89CR 2006/47, p. 48, par. 18.
90
CR 2006/46, p. 64, par. 21.
91Cf. CR 2006/47, p. 58, par. 48 (Reichler). - 44 -

montre, pour sa part, plus soucieuse de coller davant age à la réalité: elle écarte les éventualités

invoquées par les Parties lorsqu’elles ne sont pa s plausibles ou crédibles; elle les prend en

considération lorsque le risque allégué est sérieux. Quant à l’argument que mon contradicteur croit

pouvoir trouver dans votre arrêt dans l’affaire Gabčíkovo-Nagymaros , il oublie, là encore, de

donner une précision d’importance : si la Cour a pa rlé d’«imminence», c’était dans le cadre d’une

discussion relative à l’état de nécessité ( Projet Gabčíkovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie), arrêt,

C.I.J. Recueil 1997, par. 49 et suiv.) qui constitue une cau se excluant l’illicéité dont les conditions

93
d’invocation sont particulièrement strictes . Le contexte de la présente affaire est différent : dans

le cadre de la procédure incidente que c onstitue une demande en indication de mesures

conservatoires, il faut ⎯ mais il suffit ⎯ que le risque soit sérieux, pr obable, en tout cas possible.

Il l’est ici, à n’en pas douter.

B. Le risque d’un dommage irréparable aux droits de l’Argentine

23. Contrairement à ce que soutient l’Uruguay, votre intervention, Madame et Messieurs de

la Cour, est urgente car le péril est imminent. Et il menace, irrémédiablement, les droits que

l’Argentine cherche à protéger en vous soumettant sa requête ⎯ c’est la dernière condition pour

que vous fassiez droit à sa demande en indication de mesures conservatoires.

24. Je ne reviendrai pas sur les faits de la cause, que mes collègues Philippe Sands,

94
Marcelo Kohen et Raúl Estrada ont, de nouveau , passé en revue tout à l’heure, établissant ainsi la

gravité des menaces que le comportement de l’Ur uguay fait planer sur les droits que l’Argentine

tient du statut, aussi bien en ce qui concerne la procédure imposée par les articles 7 et suivants de

cet instrument que pour ce qui est des obligations matérielles que cette procédure a pour objet de

faire respecter (car, les deux catégories de dro its que nous vous demandons de protéger sont

évidemment liées). Qu’il me suffise de rappeler que :

92CR 2006/47, p. 48-49, par. 20-22.

93Cf. le paragraphe 2 du commentaire de l’article 25 du proj et de la CDI sur la responsabilité de l’Etat pour fait
internationalement illicite, Nations UniesDocuments officiels de l’Assemblé e générale, cinquante-sixième session ,
supplément n 10, doc. A/56/10, p. 208-209.

94Voir aussi CR 2006/46, p. 40, par. 5, p. 43, par. 17 (Kohen), p. 62-67, par. 17-24 (Pellet). - 45 -

⎯ à ce jour, ni l’Argentine, ni la Cour, ne dispo sent d’aucune information complète au sujet ni de

la localisation choisie pour l’implantation des us ines, et des deux usines, ni des impacts sur

l’environnement de la technologie retenue;

⎯ qu’il y a tout lieu de penser que l’impact cumulé des deux énormes usines qui sont construites à

marche forcée (et des ports qui les accompa gnent) sera particulièrement désastreux pour le

fleuve et ses zones d’influence aux points de vue tant écologique qu’économique et social;

⎯ que les discussions relatives à l’étude d’impact cumulé des deux projets au sein du groupe de la

Banque mondiale montrent bien qu’il y a en core de nombreux problèmes importants à

résoudre; et

⎯ que, en particulier, nous ignorons toujours comment les opérateurs envisagent de neutraliser les

effets toxiques des fameuses dioxines et furanes et autres effluents qu’émettront les usines.

25. Madame le président, la comparaison que M. Reichler a cru devoir faire avec des essais

95
nucléaires dans l’atmosphère n’est pas de mise. Le statut de1975 ne protège pas seulement les

parties contre des dommages catastrophiques, mais contre tout «préjudice sensible» que les

96
ouvrages construits par l’une des par ties risquent de causer à l’autre et si votre Cour, Madame et

Messieurs les juges, n’a, jusqu’à présent, pas eu l’occasion d’indiquer des mesures conservatoires

dans un cas comparable, d’autres instances l’ont eue, et en particulier, le Tribunal international du

droit de la mer.

26. Ainsi, dans l’affaire du Thon à nageoire bleue, le Tribunal a considéré

«qu’il existe une incertitude scientifique en ce qui concerne les mesures à prendre

pour la conservation du thon à nageoire bleue et que les parties sont divisées sur le
point de savoir si les mesures de conservation prises jusqu’ici ont conduit à une
amélioration de l’état du stock du thon à nageoire bleue;

c’est la constatation, et le Tribunal conclut en disant

que, bien qu’il ne saurait évaluer de mani ère concluante les éléments de preuve

scientifiques qui lui ont été soumis, le Tribunal estime que des mesures conservatoires
devraient être prises d’urgence afin de préser ver les droits des parties et d’éviter une
détérioration plus grande de l’état du stock du thon à nageoire bleue» . 97

27. Dans l’affaire relative aux Travaux de poldérisation, le même Tribunal a considéré qu’

95CR 2006/47, p. 53, par. 35.
96
Voir l’article 7.
97Ordonnance du 27 août 1999, par. 79-80. - 46 -

«étant donné l’incidence possible des travaux de poldérisation sur le milieu marin, la
circonspection et la prudence commandent à la Malaisie et à Singapour de mettre en

place des mécanismes en vue d’un échange d’informations et de l’évaluation des
risques ou effets que pourraient entraîner l es travaux de poldérisation, et de trouver
des moyens d’y faire face dans les zones affectées;

et Tribunal a

enjoint à Singapour de ne pas mener ses travaux de poldérisation d’une manière qui

pourrait porter un préjudice irréparable a ux droits de la Malaisie ou causer des
dommages graves au milieu marin, en tenant compte en particulier des rapports du
groupe d’experts indépendants» . 98

28. Dans ces affaires, le Tribunal de Hambour g s’est montré conscient de ses responsabilités

en matière de protection de l’environnement ⎯sur la base de fondements conventionnels

infiniment moins clairs que ne l’est le statut de1975. La République argentine ne doute pas que

vous le serez aussi, Madame et Messieurs les jug es, dans l’affaire présente, la première dans

laquelle l’occasion vous est donnée de tirer les conséquences de votre dictum dans l’affaire du

Projet Gabčíkovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie) :

«La Cour ne perd pas de vue que, da ns le domaine de la protection de
l’environnement, la vigilance et la pr évention s’imposent en raison du caractère

souvent irréversible des dommages causés à l’environnement et des limites inhérentes
au mécanisme même de réparation de ce type de dommages.

Au cours des âges, l’homme n’a cessé d’intervenir dans la nature pour des

raisons économiques et autres. Dans le p assé, il l’a souvent fait sans tenir compte des
effets sur l’environnement. Grâce aux nouvelles perspectives qu’offre la science et à
une conscience croissante des risques que la poursuite de ces interventions à un

rythme inconsidéré et soutenu représenterait pour l’humanité ⎯qu’il s’agisse des
générations actuelles ou futures ⎯, de nouvelles normes et exigences ont été mises au
point, qui ont été énoncées dans un grand nombre d’instruments au cours des deux

dernières décennies…» ( Projet Gab číkovo-Nagymaros (Hongrie/Slovaquie), arrêt,
C.I.J. Recueil 1997, par. 140.)

Le statut de 1975 constitue un exemple tout à fait remarquable, pionnier, presque visionnaire, de

ces instruments qui ont été conçus pour la g estion d’un développement durable, c’est sur son

fondement que vous pouvez et, croyons-nous, que vous devez indiquer les mesures conservatoires

demandées par la République argentine. Ces mesures sont le seul moyen de maintenir l’intégrité de

cet instrument et, à vrai dire, de son existence elle-même.

Ceci, Madame le président, conclut ma plaidoi rie de ce matin. Je vous remercie Madame et

Messieurs de la Cour, de l’attention que vous m’avez prêtée et je vous prie, Madame le président,

98
Ordonnance du 8 octobre 2003, par. 99 et 106 (2). - 47 -

de bien vouloir appeler à cette barre Mme l’ ambassadeur Ruiz Cerutti, pour quelques brèves

observations finales.

The PRESIDENT: Thank you, Professor Pellet. I now invite the Agent of Argentina,

Ambassador Ruiz Cerutti to address us.

Mme CERUTTI : Madame le président, Membres de la Cour,

1. Il est tout à fait naturel et logique que, aucours d’une affaire devant cette Cour, chaque

partie présente argumentation et documents à l’a ppui de sa position. L’application du principe de

bonne foi exige, quand même, d’éviter de chercher à détourner l’attention du tribunal du cŒur

véritable de l’affaire.

2. Le présent différend ne concerne pas les mérites de la politique environnementale de

l’Uruguay ni sa souveraineté ou son droit au développement économique, éléments que l’Argentine

n’a jamais mis en question. Le présent différe nd trouve sa source dans un aspect beaucoup plus

simple et concret : la violation continue par l’Urugua y d’un traité international, le statut du fleuve

Uruguay, qui protège une ressource transfrontalière. Cette violation porte atteinte à un droit de

l’Argentine qui doit être protégé de façon urgente.

3. Ce matin, nos conseils ont clarifié la vraie nature de cette affaire et ont mis de la lumière

sur chaque effort de la Partie uruguayenne p our entretenir la confusion à cet égard. Le

professeur Sands a rappelé les obligations juridiques, procédurales et de substance, que l’Uruguay a

violé en autorisant la construction de deux usines de pâte à papier, avec ses installations connexes,

sur le fleuve Uruguay.

4. Son message ne saurait être plus clair : on ne peut pas concevoir les dispositions du statut

comme des compartiments étanches, en dissociant, par exemple, ses articles 1, 7 à 12, 13, 27 et 41.

On ne peut pas non plus réduire le statut à un simp le mécanisme de contrôle de la qualité des eaux.

On ne peut pas non plus choisir arbitrairement qua nd les dispositions du statut seront appliquées.

Tout ça serait rendre un piètre hommage aux père s fondateurs, uruguayens et argentins, d’un

instrument international pionnier dans la prot ection environnementale intégrale d’une ressource

partagée. Si l’Uruguay était toujours tellement convaincu de que ni CMB ni Orion ne causeraient

un préjudice à l’Argentine, pourquoi n’a-t-il pas, purement et simplement, suivi le mécanisme - 48 -

d’information et consultation préalables prévu au statut ? On ne le sait pas, mais on peut trouver un

indice dans la réponse que la présidente de la délégation uruguayenne à la CARU a donnée à une

question similaire posée par le président de la commission environnementale du Sénat uruguayen

en septembre 2005, la réponse était : «Les ouvrages ne se seraient pas construits.»

5. Pour sa part, le professeur Marcelo Kohen a donné une explication détaillée et réaliste des

efforts réitérés de l’Argentine, à tous les nivea ux, pour que l’Uruguay se conforme aux obligations

du statut de1975. Une chose doit être d’emblée claire: l’Argentine n’ a jamais occulté ledit

«accord» de mars2004. Dans ma propre interv ention d’ouverture, hier, et même dans les

chronologies incluses dans vos dossiers nous avons mentionné ce fait. Ce que nous n’acceptons

pas est l’interprétation erronée que l’Uruguay prétend en donner.

6. Comme le ministre argentin des affaires étrangères l’a expliqué devant la Chambre des

99
députés et le Sénat argentins, en février2006 , il n’y a pas eu un accord écrit mais un effort

conjoint des deux ministres des affaires étrangères pour essayer de trouver une solution à un

différend créé par l’autorisation un ilatérale octroyée par l’Uruguay à CMB. L’élément clé de cet

effort fut la promesse du ministre uruguayen, Didier Opertti, de donner à la CARU toute

l’information nécessaire pour mettre en Œuvre le mécanisme d’information et de consultation

préalables prévu au statut. Sur la base de cette promesse, les deux parties sont revenues à la CARU

et elles ont travaillé sur un plan de contrôle d’établissements cellulosiqu es qui pourraient être

construits sur le fleuve Uruguay. A ce moment-l à, simplement on n’avait pas d’information pour

comprendre l’impact environnemental de CMB. En plus, Orion n’existait pas. Les déclarations

complaisantes détaillées hier par un des conseils de l’Uruguay doivent être considérées dans ce

contexte.

7. Si l’Argentine avait accepté la constr uction des usines, comme le prétend l’Uruguay,

comment comprendre qu’un an après le prétendu « accord de2004», le prési dent de la délégation

argentine à la CARU demandait formellement à la commission que l’Uruguay respecte le

mécanisme de consultation et d’information pr éalables pour CMB et Orion, et répétait cette

99
Requête introductive d’instance, annexe III. - 49 -

demande cinq mois plus tard 100? Si, en mars 2004, l’Argentine avait été d’accord sur la quantité et

qualité de l’information disponible sur les projets, comment comprendre la création, un an plus tard

d’un groupe technique qui, comme l’ambassadeur Es trada Oyuela l’a très bien expliqué, a échoué

précisément à cause du refus de l’Uruguay de donn er l’information demandée par l’Argentine?

Comment comprendre le rapport Hatfield, qui si gnale l’absence d’info rmation sur des aspects

divers et importants des projets, notamment leur localisation ? Si l’Uruguay pense que l’Argentine

a donné déjà son accord aux projets, pourquoi s on président a-t-il accepté à Santiago du Chili, en

mars2006, de demander un «geste» aux deux firmes et de suspendre la construction des projets,

pour permettre un règlement du différend, propos que vous pouvez consulter dans vos dossiers ?

8. Ne nous laissons pas, encore une fois, d’être confondus par la cataracte des déclarations et

interprétations unilatérales et ex post que nous a présentées la Partie uruguayenne. Si les autorités

argentines peuvent être considérés responsables d’un choix, c’est d’avoir fait confiance, les yeux

fermés, aux promesses des autorités d’un pays av ec lequel, je le répète, nous sommes unis par une

histoire commune.

Madame le président, Membres de la Cour,

9. Face aux mots, la réalité des faits. En moins d’un an et demi, deux usines d’une des

industries les plus polluantes qui soient sont en trai n d’être construites, l’une à côté de l’autre, sur

une ressource qui fait partie inté grante de la vie de toute une communauté, Gualeguaychú et ses

environs. Ces projets ont surgi en violation d’un tr aité international. Ces usines, de très grande

envergure, l’une à côté de l’autre, j’insiste, et à la location unilatéralement choisie, modifieront

profondément cette ressource, le fleuve Uruguay, comme on le connaît aujourd’hui. Il faut agir

vite. Comme le professeurPellet l’a démontré , les conditions pour l’indication des mesures

conservatoires sont amplement satisfaites dans le présent cas: la Cour est compétente et il est

urgent que des mesures soient prises, pour em pêcher qu’un dommage irréparable soit causé aux

droits de l’Argentine en vertu du statut de 1975.

10. Sur la base de toutes les considérations précédentes, je réitère la demande de mesures

conservatoires présentée par l’Argentine le 4mai dern ier. Au nom de l’équipe que j’ai l’honneur

100Procès-verbaux CARU05.05 et06.05 du 6mai et 15août 2005. Annexes16 et17 de la note remise le

6 juin 2006. - 50 -

de présider, je vous remercie, Madame le préside nt et Messieurs les Membres de la Cour, pour

l’attention que vous nous avez accordée pendant ces deux jours. Merci beaucoup.

The PRESIDENT: Thank you, Your Excellency. That ends the second round of oral

observations of Argentina. The Court will meet again at 4.30 this afternoon to hear the second

round of oral observations of Uruguay.

The Court now rises.

The Court rose at 12 noon.

___________

Document Long Title

Audience publique tenue le vendredi 9 juin 2006, à 10 heures, au Palais de la Paix, sous la présidence de Mme Higgins, président

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